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Notes du mont Royal
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BIBLIOTHEQUE
FRANÇOISE,
ou
HISTOIRE
•
D
E
L
A
LITTERATURE FRANÇOISE,
Dans laquelle on montre Futilité que l'on peut
retirer des Livres pubKés en François depuis
l'origine de l'Imprimerie, pour la connoinan! ce des Belles Lettres, del'Hiftoire, des Sciences & des Arts;
r
Et où Von rapporte les Jugemens des critiquesfur,
les principaux ouvrages en chaque genre.
écrits dans la même Langue.
Pat M. l'Abbé G O U J E T , Chanoine de
S. Jacques de l'Hôpital.
TOME
A PARIS,
ONZIE'ME.
RUE S.
JACQUES,
ÇPIERRE-JEAN MARIETTE ,
aux
Chez •£?- Colonnes .d'Hercules.
J H U > ï O L Y T E - L o u i s GUERIN , à
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Saint Thomas d'Aquin.
M. DCC. X L V I L
Avec Approbation & Privilège du Reji
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Harvard Univer j i
French Dept. Ubrary,
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MAY 121959
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PRE' FAC E.
V
O I C I la continuation de l'hiftoire des Poètes François, corn*
mencée dans les deux Volumes précédens. Jepaffe en revue dans ceuxci tous les Poètes qui ont vécu depuis le règne de Louis XII. à l'exception de Jean Marot qui a Heurt
fous ce Prince, jufques fous le regn©
de Henri I I I . Je parle de près d e
cent de ces Ecrivains, plus verfifîcateurs que Poètes. Je rapporte c©
que j'ai pu découvrir des circonftances de leur vie, & j e donne une court©
notice de leurs ouvrages, lorfqu'il
m'a paru que ces derniers méritoiene
quelque chofe de plus qu'une fîmple
citation _, toujours trop féche , de
qui n'auroit pu qu'ennuier. Tout
ce qui concerne leurs pérfonnes, je
àij
iv
PREFACE.
l'ai tiré de leurs propres écrits, Se
des Auteurs contemporains qui ont
eu oçcafion d'en parler. Cette attention que j'ai eue, & dont toutHiftorien doit, ce femble, fe faire un devoir, de recourir aux fources, autant
qu'on peut les connoître, m'a donné lieu de remarquer fouvent le peu'
d'exactitude de nos deux anciens Bibliothécaires , la Croix-du-Maine <&?
du Verdier. Quoique bien plus VON
fins du tems où vivoient ceux dont
ils avoient entrepris de faire mention,
un grand nombre de ces Poètes paroît leur avoir été inconnu, & fouvent ils manquent de fidélité dans le
détail des ouvrages Se de l'hiftoire
de ceux dont ils ont inferit les noms
dans leurs Catalogues.
Je ne me flaterai point trop, lorf,
que j'avouerai que ce n'eft guéres
que par cette fidélité & cette exacfi_
tude que l'hiftoire que je donne peut
ftrè recpmmandable. Trop éloignée'
P R F FA C E.
y
encore des beaux jours de notre Poëfie, la plus grande partie de ceux
dont je fuis obligé de rappeller les
noms, avoitdepuis longtems éprouvé le fort que l'Auteur anonyme du
Dialogue fur les Orateurs prédifoit
autrefois aux Ecrivains de cette efpéce, lorfqu'il difoit, que peu de
perfonnes connohTent les bons Poètes, & que l'on ne connoît jamais les
médiocres : médiocres Poëtas nemo noit, bonosyauci.
v
Tous ces Poètes cependant fepromettoient l'immortalité; tous comp^
toient que leurs noms pafferoient
avec honneur jufqu'à la poftérité la
plus reculée. Ennïvrés des louanges
dont on fe hâtoit de les combler ;
comptant trop fur les minces talens
qui pouvoient les diftinguer de leurs
contemporains ; pleins de ces idées
flateufes dont fe repaiffoient les an.
ciens Poètes qui ont fait l'honneur
d'Athènes & de Rome, & dont ils
àiij
*/
F R E' FA C E.
mettoientles ouvrages en pièces dans
leurs écrits ; fuivant leurs traces de
loin, & manquant prefque toujours
de leur génie, ils ofoient afpirer à la
même gloire : vaine imagination ! Ils
fe plaçoient fur le Parnaffe , mais
c'étoit fans l'aveu desMufes; & malgré les éloges qu'ils mendioient, ou
que des amis trop complaifans, ou
d'un goût dépravé, leur donnoient;
malgré les louanges que le célèbre
M. de Thou a prodiguées dans fon
Hiftoire à un grand nombre d'entre
eux, prefque tous ont vu s'éteindre,
même pendant leur vie , le foible
éclat dont ils avoieht brillé.
Exceptez de ma lifte les deux Marot, Jean & Clément, Mellin de
Saint Gelais, Joachim du Bellay,
dont la réputation a, pour ainfi dire »
forcé les tems, & peut-être cinq ou
fix autres dont on eftime encore quelques pièces ou quelques lambeaux,
les noms de tous les autres font en-
T
t R& FA C Ë.
vij
fevelis dans les ténèbres. On a oublié juiqu'à Ronfard, lui qui a formé tant de difciples 6c fait tant de
mauvais imitateurs. Cet Ecrivain fi,R,f- R ^ a fur la poef. t.
fameux autrefois, dont toute la vie»«p<»»8fut un triomphe, qui fut aimé de fon
Roi, chéri de la Cour, admiré de
tous les Savans, comblé des éloges
les plus pompeux, dont rOraifon funèbre fut prononcée par le célèbre
du Perron, à ce fervice magnifique
où l'affluence du peuple empêcha
des Cardinaux & des Princes de trouVer place ; ce Poète qui ne fe faifoit
aucune peine de s'entendre nommer
& de fe dire lui-même le Prince des
Poètes, & le plus cher favori des
Mufes, n'eft plus lu depuis longtems»
ni préfque nommé qu'avec mépris.
Le tems a diffipé fes honneurs plutôt
que fa cendre. L'ignorance, la faveur & d'aveugles caprices ont adjugé à lui & à plufieurs autres des
couronnes qui fefont flétries prefque
âiiij
viij
PRE
FACE.
dans les mains mêmes de ceux qui les
en décoroient, & qui ne les ornent
plus que dans leurs portraits.
Four lire maintenant leurs écrits,
il ne faudrait pas moins qu'un engagement pareil à celui que j'ai contracté', & une égale obligation à y
fatisfaire. Ce n'eft pas par goût que
l'on s'arrête fi longtems à converfer
avec des Ecrivains dont on ne peut
ordinairement loiier que les efforts
qu'ils ont faits pour mettre en honneur notre langue & notre poêfie,
& qui ont Ci fouvent manqué le but
qu'ils fe propofoient d'atteindre. On
ne peut que s'ennuier avec ces froids
& infipides verfîficateurs qui femblent s'être fait un mérite du galimatias le plus ridicule, des meta»
phores les plus outrées, des hyperboles les plus faftueufes, des allégories les plus bizarres, des expref.
fions les moins convenables aux fujets qu'ils vouloient traiter.
F R £• FA C F.'
ix
Ceux même dont la réputation fe
foutient encore', ne font nullement é.
xemts des taches qui enlaidiffent leurs
c
onfreres. Sans compter qu'ils ne
participent que trop fôuvent à leurs
"éfauts de langage & de verfification,
& qu'ils violent, comme eux, les règles de l'Art dont ils faifoient profeflion ; les uns par des vers licentieux
ont rendu la poëfie méprifable ; les
autres par des vers fatyriques l'ont
rendue odieufe ; & prefque tous l'ont
avilie par une profuffon d'encens
qui devoir fatiguer jufqu'à ceux qu'ils
encenfoient, & qui ne nous paroît
. aujourd'hui qu'une fade adulation,
Marot même, malgré I'effime qu'on,
ne peut lui réfuter, s'endort fouvent
dans les matières qui fembloient le
plus devoir échauffer forr génie % 8c
fa plume d'ailleurs libertine, & quelquefois impie, eft d'autant plus dangereufe que fes traits font plus agréables,
â-v
x
P R f FA C E.
Je ne m'arrêterai pas à prouver la
vérité «Se la jufteffe de cette décifion :
elle ne paroîtra trop févére qu'à ceux
qui ignorent en meme-tems, & ce
qui conftitue la beauté, l'excellence, «Se ce qu'on appelle l'ame de la
Poëfîe, «Se les règles auftéres, mais
toujours équitables, de la morale
Chrétienne : ils n'en trouveront que
trop de preuves dans ces deux nouveaux Volumes, s'ils fe donnent la
Peine de les lire.
Je n'y offre cependant rien qui
puiffe bleffer les oreilles les plus religieufes : le contraire ne conviendroit ni à mon état, ni à ma manière .
de penier. J'ai tâché pareillement
d'éviter tout ce qui pourroh caufer
de l'ennui à un lecteur délicat. Mais
je prie en même tems ceux qui ont
raifon de n'aimer en poéfie que ce
qu'on peut appeller le vrai beau,
de faire attention que je ne leur parle
que d'i-crivains où ce vrai beau ne
PREFACE.
xj
fe rencontre que rarement ; que je
ne fuis qu'Hiftorien, & qu'en cette
qualité je ne puis créer ni les chofes,
ni les faits. On m'a demandé une
hiftoire fuivie de nos Poètes ; je la
donne avec toute l'exactitude que
j'ai pu y apporter. Je tire de l'oubli
quantité de noms qui y étoient enfevelis ; mais en leur donnant, en quelque forte, une vie nouvelle, je ne
leur attache point une gloire qu'ils
n'ont jamais pu mériter; je les apprétie ce qu'ils valent. Les commencemens d'un Art font toujours
fort imparfaits, fes progrès font lents,
ce n'eft qu'après beaucoup de réflexions & de tems qu'il arrive à fa
perfection. Mais les partifans de la
Littérature auffi bien que ceux qui
aiment les Arts & les Sciences, ne
croient pas qu'il foit indigne de leu r
curiofité de chercher à connoitre le
berceau où chaque Art Se chaque
Science ont pris naiftance, Se de les
âvj
xij
PREFACE.
fuivré dans leurs difFérens âges. Cette
r
echerche qui peut contribuer à la
connonTance de l'efprit humain, fait
en même tems partie de l'iùftoire,
& n'eft pas fans agrémens.
Plùfieurs perfonnes qui tiennent
un rang diltingué dans les Lettres,
fe font plaint fouvent de ce qu'on
fupprimoit l'hiftoire de notre poëfie
& de nos Poètes, que Guillaume
Colletet avoit entreprife & continuée, dit-on, jufqu'àfontems. C'eft
pour fuppléer au défaut de cet ouvrage que ces mêmes perfonnes
m'ont engagé à entreprendre celuici. C'eft une obfervation que je crois
avoir déjà faite. Je ne la réitère que
pour aller au-devant du reproche
qu'on pourroit me faire, de m'être
donné la peine de lire tant d'écrits
oubliés, & dont je ne puis confeilk r la lecFure, lors même que je parois plus attentif à en rappeller le
iwivenir^ Sil'oneûtpubJaerjEMoire
PREFACE.
xuj
de Colleter, j'aurais été, fans doute
difpenfé de donner la mienne : on
ne fe livre pas avec plaiflr à ce qu'on
ne peut exécuter qu'avec autant de
dégoût que de fatigue. J'ai pris pour
moi les épines; heureux fi je ne préfente aux autres que les fleurs. Jl
n'y a guéres de Poètes où je n'en aie
rencontré quelques-unes; je me fuis
attaché à les cueillir. C'eft le premier dédommagement que j'ai trouvé dans ce nombre prodigieux de
Volumes qu'il m'a fallu dévorer.
J'en ai faifi un fécond, ce font les
Anecdotes concernant l'Hiftoire Civile & Littéraire, quiyfontéparfes,
& que j'ai réunies dans chaque article.
XIV
ADDITIONS
E T
CORRECTIONS
A faire aux Tomes IX. & X. de
la Bibliothèque Françoife.
A
UX pages 501. & 302. du T o me VIII. & dans le Catalogue
qui termine le même Volume, j'ai fait
mention de quelques écrits qui concernent plus la poëfie Provençale & les
anciens Troubadours , que notre poëfie & nos Poètes. Dans le Catalogue ,
je cite l'Apologie des anciens Hifloriens
& des Troubadours ou Poètes Provençau
en avouant que je ne connoifibis que
le titre de cet ouvrage. Cet aveu a'engagé M. l'Abbé Saas à nrenvoyer une
analyfe de cet écrit, dont j'ai fait ufage
page 57. & fuiv. des additions qui commencent mon neuvième Volume. M,
l'Abbé Saas donne cette apologie à M.
de Ruffi ; je l'ai répété fur forr autorité : il s'en, trompé, & je me fuis égaré
après lui. Mais je lui fçai en quelque
ibrte bon gré de cette méprife , puifi-
ET CORRECTIONS
xor
qu'elle m'a valu d'utiles édairdffèmens
que M. Chaix, célèbre Avocat à A i x ,
a bien vovlu m'envoyer.
M. Chaix obferve d'abord qu'avant de faire mention de l'Apologie ,
j'aurais dû cker au moins les Dijfertations de Pierre Jofepb ( c'eft-à-dire , de
M. de Hakze ) fur divers points de l'hifioire de Provence, Anvers (Aix) 1704.»
in-16. de 149. pages, puinrue cerf, à
ces DiftèrtatioRs que 1''Apologie fert de
réponfe. Quant à ce dernier écrit, M.
Chaix obferve en fécond lieu qu'il n'eft
o n t , & qu'il ne peut être de M. de
uffi. On fçait an contraire , m'écritil , & l'on a encore des gens de lettres
à Aix qui ne l'ont pas oublié, que
Pierre Galaup de Cbafteuil eft l'Auteur
de cette Apologie. De tous ceux qui
avoientpris la défenië du Difcours fur
les Arcs de Triomphe, M. de Chafteuil étohrle plusintérefleà cette Apologie , les Dinertations dsM.de Haitze tombant prefque toutes fur lui , &
pour les raifons, & pour les injures,
La fuite des écrits mêmes que je cite
page 4 6 6 , du-TomeVIILen doit convaincre.
M. Galaup de Charteuil donna au
mois d'Août 1701. fon Difcours fur Us
S
xv'j
A D D I T I O N S
Arcs de Triomphe drefles à Aix à l'arrivée
des MM. les Ducs de Bourgogne & de
Berri : ce Difcours rouloit fur les points
de l'Hiftoire de Provence, qui avoienc
été repréfentés. M. de Haitze, fous le
nom de Sextius le Salien , écrivit le premier Janvier 1702. fa Lettre critique
de ce Difcours, qu'il adrefla à M. de
RufH, fils de l'Hiftorien de Marfeille,
qu'il défigna fous le nom d'Euxenus le
Marfeillois. Il contredit dans cette lettre tous les points d'hiftoire, repréfentés dans les Arcs de Triomphe par M»
Galaup, & expliqués dans fon Difcours, & ne ménagea nullement l'Auteur. Tel fut alors le frgnal, non-feulement d'unedifpute littéraire, mais d'une vraie querelle perfonnelle r puifque
les contendans en vinrent dans la fuite
jufqu'à fe traiter réciproquement d'infenfés. M. de Remerville de Saine
Quentin fut même apoftrophé dans la
lettre de M. de Haitze, par rapport à
un Sonnet qu'il avoit fait au fujet de
Raifnond Berenger IL & que M. Galaup avoit rapporté dans fonDifcours*
aufli prit-il la défenfe de' ce dernier
dans fes Réflexions fur la lettre de M. de
Haiti.e, qu'il publia la mêrne annéeJ702..
ET CORRECTIONS
xvi)
Ces réflexions furent dans ce même
tems adoptées & foutenuès, comme
M. de Haitze nous l'apprend lui-même
dans fesDiflèrtations, par l'Auteur des
Eflàis de Littérature pour la connoifiànce des livres, & par M. l'Abbé Tallemant , alors Doyen de l'Académie
Françoife.
De tels adverfaires ne découragèrent
point M. de Haitze. Il donna en 1704.
fes Dijfertations fur divers points de l aifoire de Provence , dahs lefquelles il
rappella , foutint, & étendit tout ce
qu'il avoit avancé dans Ta Lettre critique du Difcours de M. Galaup : c'en
étoit affez , s'il s'en fût tenu là, & s'il
ne fe fût pas répandu en invectives
grofliéres contre tous fes antagoniftes ,
& particulièrement contre M. Galaup.
Ce fut dans cettemême année 1704.
que parut l'apologie des anciens fJifior'tens & des Troubadours ou Poètes Provençaux , fervant de réponfe aux Dijfertations de Pierre Jofeph fur divers points
de rbifioire de Provence. Le flyle nerveux, mordant & ironique, qui y règne , eff. bien différent de celui de M.
de RufE, qui étoit fec & décharné. Ce
n'eu; pas tout : quand on ne fçauroit
pas même que M. Galaup de Chafteuil
xviij
ADDITIONS
eft l'Auteur de cet écrit, on ne pourroit
l'attribuer à M. de Ruffi, fans aller
contre la vraifemblance. Ce dernier
étoit de tout tems lié d'amitié & en relation littéraire avec M. de Haitze. Celui-ci , dix-fept ans auparavant, lui
avoit adreffé toutes fes lettres, contenant la relation des fêtes célébrées avec
éclat à Aix en 1687. à l'occafion de la
convalefcence de Louis XIV. Il lui
avoit encore adrefle celle qu'il avoit
écrite contre le Difcours de M. Galaup. On voit même par l'Apologie ,
qu'apparemment loin de garder la neutralité dans ce combat littéraire,il s'étoic
déclaré pour M. de Haitze, puifqu'îl
y eft fortement injurié dans un Virelay ,
inféré dans le troifiéme Dialogue, où
il eft défigné par la lettre initiale de
fon nom.
D'ailleurs M. de Haitze dans fes
Difiertations nomme tous fes adverfaires : il y parle avec aigreur de MM.
Galaup & de Saint Quentin, de l'Auteur des Efîais de Littérature, & de
l'Abbé Tallemant : auroit-il omis de
fe récrier contre M. de Ruffi, fur l'amitié duquel il avoit toujours compté,
& qui, à fes yeux, auroit dû être plus
criminel que les autres s'il eût feulement
ET CORRECTIONS,
xix
«u part à l'Apologie ? Obfervons encore que M. de RufTi n'étoit pas Poète, & qu'on trouve dans l'Apologie des
vers fàtyriques contre M. de Haitze ,
qu'on ne peut attribuer qu'àM. Galaup,
ou à M . de Saint Quentin , qui s'exerfoient afiez fouvent à la poëfie.
Enfin en 1708. M. de Haitze donna au Public YEfprit du Cérémonial d'Aix
dans la célébration de la Fête-Dieu. Quoique la conteilation, dont on vient de
donner le détail, parutaflbupie ; quoique ce nouvel écrit n'y eût aucun rapport , M. de Haitze ne laiflà pas dans
la préface de défier de nouveau ks adveriaires, & de s'applaudir du triomphe qu'il prétendoit avoir remporté fur
eux : mais il n'y nomme pas M. de
RufTi, il ne le défigne même pas ; modération qu'il n'eût point obfèrvée s'il
eût pu feulement foupçonner qu'il eût
écrit l'Apologie. Telle efl l'hiftoire de
cette conteilation, & telles font en même terris les preuves qui montrent que
M. Galaup, & non M. de Ruffi, eit
l'Auteur de l'Apologie.
Aux mêmes Additions qui font audevant du Tome IX. page 6c. je dis
d'après M. Dunod, qu'Olivier de la
Marche étoit Franc-Comtois, parce
xx
A D D I T I O N S
qu'il naquit au Château de Joux, qui
eft en Franche-Comté. Mais feu M. le
Préfident Bouhier m'a fait obferver que
le lieu de la naiflance de ce Poète &
Hiftorien ne lui avoit point ôté fa véritable patrie, qui étoit le Duché de
Bourgogne. Sa Terre de la Marche,
dont il portoit le nom, eft fituée dans
le Bailliage de Châlons ; & fon père ,
Philippe de la Marche, étoit Baillif
du Châlonnois, d'où étoit cette famille qui eft éteinte aujourd'hui.
Page 179. du Tome IX. je rapporte
ce que dit du Verdier dans fa Bibliothèque , qu'il pofledoit un manufcrit
contenant une pièce de Pierre Neflbn ,
intitulée, l'Hommage fait à Nofire-Dame.
On a la même pièce manulcrite dans
la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne , qui s'eft confervée en partie dans
la Cour de Bruxelles, & qui a été fauvée de l'incendie du Palais, arrivé le
4.. Février 1731. La pièce en queftion
eft intitulée dans ce manufcrit le Teftament de Maître Pierre de Neffon : elle eft
de deux cens quatre-vingt douze vers.
Voici les derniers, où l'on trouve'îe
nom de l'Auteur :
Et quant nous feront treipalTës ,
Donnez-nous. Madame Maxie ,
ET CORRECTIONS,
xxj
• l a très-perpétuelle vie
Laquelle ottroit par Ta puilTance
La très-haulte divine eilènce,
Seul Dieu régnant en Trinité,
A ceubc qui diront ceft dite.
Priant qu'à Vient it Ntffin
, Fafle de fes péchés le pardon ,
Lequel premièrement ce dit
Ordonna & mift par eferipr.
Ces vers nous prouvent aufli que Martin
Franc & les autres qui ont parlé de ce
Poète, dévoient le nommer Pierre de
Nejfon , & non pas Amplement Pierre
Nejfon.
Dans le même Volume, page 345-.
& fuiv. article de Pierre Michault. 1 °.
La çonclufion du poème de la Danfe
des Aveugles, rapportée page 3 59. eu
ainfi dans le manuferit de la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne à Bruxelles.
Pierre ne peu* humeur debalaie rendrai :
Hc dure tefte attaindre a bien haut ftyle,
Tour ce fubmets le fens qu'on peut cy prendre
A tous lifans, à qui plaira l'entendre,
Par eflever entendement habile,
Les priant tous que par voye docile
Il leur plaife corrigierbas & hault
Leur efeolier Se difriple }4ichntt
XXi)
ADDITIOK*
2.0. L'argument que du Verdier cite^
& qu'il met au commencement de l'édition de Lyon ne paroît pas être de
l'Auteur : il ne fe trouve pas du moins
dans le manufcrit. 3 0 . Selon le même
manufcrit, il faut changer ici quelques
endroits des vers, que j'ai rapportés d'après l'imprimé dont je me mis fervi :
page 363. vers antépénultième de la.
premièreftrophe:
Je fais voler trompettes & clievaulx,
///ex,
, ,
Trompettesotheraubt,
Ibid. vers troifiéme de la féconde ftrophe : eftaindre , liiez, eftramdre.
Ibid. La troifiéme ftrophe commence d'une manière plus intelligible dans
le manufcrit :
Fat les doulx trajets de mes beauh dars trenchants
Je bleflè a cop les Bcrgieres des champs,
r.tlesfimcuersdesgentesPaltrnirclles,
Tant que par n*ov elles ouvrent leitrs chants.
Page 365. vers deux & trois, lifet. :
S'il eft par moy de mes biens printnré,
Et par mon veuil mis en ma bonne {race.
Enfin le manufcrit nous apprend que
Michault avoir," intitulé fon poëme la.
E T C O R R E C T I O N S , xxiif
JDdnJe aux Aveugles, non la Danfe des
Aveugles : voici en effet ce qu'il Ce fait
dire par Entendement quelques vêts
avant la conclufion.
Or as-tu cognoiuancc clerc
De ce que tant dcYirè as :
Four c e , tout ce petit mytiere
Après ton réveil eferipras,
Et ton livre intituleras
Far les veues, raifons & rieugles
Cy-devant : U Dtmft mut jtvcnflts.
Michault a compofé, outre le Doftritud de Court & la Danfe aux Aveugles ,
un autre poëme qui a pour titre : Complainte de très-baulte & vertueufe Dame,
Madame Tfabel de Bourbon, Comiejfe de
Charroleis. Ce poème eft auffi manufcrit dans la Bibliothèque dont j'ai fait
mention. Il eft divifé en deux parties :
la première contient vingt-fept ftrophes de dix vers chacune, & commence ainil :
Manklite rnort mordant le gendre humain,
Patron d'ocreur, miroir d'exploit vilain,
Ennernie des oeuvres de nature,
Comme cigare, de rnal ant^uTeux plain.
Fondant en pleurs de tarigueurme plain ,
Preft de rnorir en grant mdaventurc,
Prufcjue tondait a rnU en rorrirure
xiv
ADDITIONS
Pour nous mener de fertile naftute
Au parc de deuil où rien ne croift de ben,
L'excellent corps d'Yïabel de Bourbon.
La pénultième ftrophe défigne le liett
où cette Princeflè eft inhumée.
Trop long ferait fon obfeque à deferire
D'un fin drap d'or bordé de velours noir
Etroit couvert Ton corps i dire voir
lequel.pour eftre abandonné es vers ,
Fut mis en terre à faint Micbiel d'Anvers.
La féconde partie eft intitulée, Suite :
mais c'eft plutôt une féconde Complainte fur un autre plan, & plus touchante
que la première : elle eft de lbixantequatreftrophesde huit vers. D'abord.
l'Auteur feint de fe trouver en pays
éloigné où il demande des nouvelles de
France :
Lors me dit-on que Mort par fa rudeflè,
Et par fon dart tant fier & inhumain ,
Avoit mis jus la très-noble Content
De Cbarrolois vertueuft Princeflè
Après quelques lamentations, il dit :
Pour tel peruer , dur, pédant & grevable
Changier en raieubt ou effacer de tout .
En unvergict plaidant & délectable
Qui à-tel fait eftoit moult convenable ;
Entray de fait, & m'alfis à ung bout,
Enfuite
Ï T CoRKECTIONI.
tt
Enfuite deux Dames fe préfentent derantlui:
Vertu fut Tune, & l'autre étroit la Mort ,
Chafcune en print félon Ton exigence,
Ayant enfemble aucun aigre difcord
,_:
Qui s'efmouvoic d'ung exceuif effort
Auquel ne peut, ne ne vaut réfifteace.
Si parlèrent en grande expérience
Plus proprement que je n'oys piéça
Femmes parler, & Vertu corrunença.
La Vertu le répand en invectives contre la Mort de ce qu'elle diminué & octit fes fuppots, fur tous Tfabeau de Bour-
bon, de laquelle elle fait l'éloge. La
Mort fe défend en alléguant lapuiflànce qu'elle a fur toute la nature. Leur
Dialogue, quoiqu'aflèzlong, n'ennuie
point. Voici ce qui nous fait connoître que Michault eil l'Auteur de cet
écrit. C'eii la Mort qui parle :
Vous avez fçu jà de moy fortune toute
'
En ung Traictié par ccft acteur dicté ,
Comme je fuis jivtmfti > & n'y voy goure,
Et tous vivant à ma Dtmct fe boute,
_ Sam efchapper par vertu ne pité, &c.
Lorfque la Mort a fini de parler, Vertu termine le Dialogue, & dit :
Va-t'en doncques. Je mets fin i mon plaid ;
TmeXI.
ê
_.
26
A D M T I O K S
Car ton parler n'eft que toute difcordc ;
Ton excrcite à nully ne complaît ;
Pour ce m'en tait , & an furplus me plaît
Que devant tous haultement je recorde
La complainte tant plaine de concorde
Que fit morant la bonne Bourbonnoife
Qui tant eftoit fous mon elle courtoife.
Vertu après avoir rapporté les fentimens
chrétiens de la Princeflê pendant fa
maladie, fes dernières difpofitions, &
fes dernières paroles, elle fait en peu
de vers le récit de la mort, après quoi
elle adreflè la parole aux vivans dans
cette ftrophe qui ne roule que fur des
jeux de mots, félon le goût.decetemslà:
Ôr eft-clle du fiêcle trefpaflee ;
Tous vous vivans par ce pas raflerez :
Avifcr-vous, car dure eft la paflec
Pour ce que point n'y a de rapaiTée :
Me ne fçavez comme trefpaflerez ;
lit toutesibis quand en ce pas feret,
Heureux ferez d'avoir advis fi bon
Comme ravoir- Yfitbeau de Bourbon.
L e Poëte conclut ainfi fa Complainte :
Après ces dits tout fin efvanoy ;
Jeme trouvay tout feul en ce vergier:
Mais j'appetçeux par ce que lors j'oy
Que Mort avoit d e l à Dame joy,
ET CORRECTION»,
ary
. Et luy a fait fes doulx ans abrégier.
Prions a Dieu qu'il luy plaife Iongiçr,
Aprez pardon, i'ame d'elle en fa gloire ,
Et de tous ceulx qui font en purgatoire.
Je fuis redevable de ces remarques
& de ces additions fur le Poète Michauk & fur Pierre de NelTon, à M.
Douxfils, de Bruxelles, qui fe difpoie.
à donner une nouvelle édition de la
Danfe aux Aveugles, & de quelques
autres anciennes poëfies qu'il a tirées
des manuferits confervés dans la Bibliothèque des anciens Ducs de Bourgogne , dont je vous ai parlé. M. Douxfils dont le nom s'écrivoit originairement Dujfj, mais qu'un de fes ayeux
forti d'Ecoûe il y a deux cens ans, jugea à propos de francifer, eft le même
M. Lambreckj dont j'ai parlé dans le
Tome I. de cette Bibliothèque ( p. 7 1 .
de la première édition & yy. de la féconde, j Lambert, qui eft Ion nom de
baptême, fe dit en Flamand Lambrecht,
& quand c'eft un nom de famille, on
écrit Lambrecks. Ce fut pour fe mieux
déguifer qu'il fuivit cette dernière ortographc dans les deux lettres critiques
dont j'ai fait mention aux endroits cités : il m'a permis depuis de dévoiler
cette énigme, ainfi que je viens de le
faire.
ë ij
$$
A D D I T I O N S
Le même m'a écrit qu'il avoit va
dans la Bibliothèque citée, quelques
éditions de plufieurs Poètes anciens
dont j'ai parlé, mais qui ne font pas
les mêmes éditions que celles dont j'ai
fait ufage. Telles font i. X Abu je en Ceurt.
Sous ce titre dans l'édition confervée à
Bruxelles efl; la Marque du Libraire ,
c'eft-à-direuneM. &uneH. entrelacées
d'un nœud d'amour, fans autre indication de lieu, ni de date, z, Les Lunettes
des Princes de Mefchinot, édition de
Jacques Arnollet fans date. Quant au poème intitulée l'An des fept Dames, dont
je n'ai rapporté que le titre à la page
JIZ 3. du Tome X. M. Douxfils me marque que dans l'exemplaire qu'il a v u , il
a trouvé la date exprimée, quoiqu'énigmatiquement,dans ces vers qui fuivent immédiatement ledit poème :
Trois & C. V. X. efcrit-on ,
Crois le bien, fy aras nombre bon ,
Tous mots retournés promptement
Vous fares l'An incontinent.
On trouve en effet dans ces vers l'an mil
cinq cens treize. Lelieudel'impreflion
eft pareillement indiqué à la fin du
dernier feuillet verfo , par une gravure en bois repréfentaot un Château,
Êf C O R R E C T i o t » s .
açr
au haut duquel eft Un Aigle, deux
Bannières aux Armes de Bourgogne ,
& deux autres avec chacune une main.
Ce Château, cet Aigle & ces deux
mains font les pièces avec lefquelles on
blafonne les Armoiries delà ville d'Anvers.
Dans le'Tome X. article de Jean le'
Maire , je parle des deux Epîtres de
ce Poëte, intitulées Epiftres de l'Amant
verd, & j'avance fur cetitredel'^ww»»
verd , quelques conjectures que la lecture des poëfies de Jean le Maire m'avoit fait naître, & que M. l'Abbé Sallier avoit données avant moi dans le
Mémoire que je cite au même article.
Un anonyme, homme d'efprit sûrement , mais qui n'a voulu fe faire connoître que par la Voie d'un de fesamis ,
n'a pas approuvé mes conjectures. Il
n'a vu dans MAmand verd qui parle
dans les deux Epîtres, qu'un fimple
Perroquet, qui avoit été aimé de Marguerite d'Autriche, & dont cette Princeffe vouloir bien regretter la perte.
J'ai relu depuis ces deux Epîtres , &
je crois en effet que le fentiment de
l'ingénieux anonyme eft bien fondé.
Le prétendu Amant verd fe fait connoîtte lui-même pour un Oifeau, &
ëiij
jo
A D D I T I O N S
pour un Oifeau de l'efpéce dont il s'agit :
Or pluft aux Dieux que mon corps aflez beau
Fuit transformé pour cefte heure en Courbeau,
Et mon collier vermeil & purpurin
Fuit aufli brun qu'un More ou Barbarin.
Il nous apprend enfuite qu'il a oublié
fon langage naturel, qu'A qualifie r*mage, pour apprendre toutes les langues de l'Europe, & fe rendre digne
par-là de plaire à l'augufte Princefle
qui l'aimoit, & qui étoit verfée dans
toutes ces langues. Il fe fait connoître
encore par le genre de fa mort, puisqu'il nous dit qu'il finit fes jours dans
. la gueule d'un Chien domeftique. L e
Poète avoit fi bien pour but de ne nous
parler que d'un Perroquet, qu'à la fin.
de fa première Epître, il rappelle à fon
lecteur la mémoire du Perroquet de
Corinne, célébré par Ovide, & celle
du Perroquet chanté par le Poète Stace. La naiflànce de l'Amand verd ert
Ethiopie
Natif eftoit d'Ethiopie la haulte,
eft une nouvelle preuve qu'il n'eft que»
ftion que d'un Perroquet. C'eft encore
pour la même raifon que dans lafecon-
ET C O R R E C T I O N S .
31
de Epître le Poëte introduit fon ornant
verd converfant dans les Charnps Elyiees avec un Papeguaj , qui eft un vrai
Perroquet , mais d'une éfpéce plus
groflè que les autres. Je pourrais confirmer le fentiment que j'erabra'flè aujourd'hui par beaucoup rPautres preuves tirées des mêmes Epîtres, mais le
fujet n'en vaut pas la peine. Je n'y ai
infifté, que parce que l'anonyme a regardé mes conjectures comme deshonorantes pour le Poëte, & encore plus
pour la Priflceflè à qui il avoit adrefie
jès deux Epîtres ; & je conviens en effet
qu'il y aurait eu plus que de la hardieffe dans le Maire de tenir le langage
qu'il tient dans lès deux Ephres, fi
lui-même eût été l'Amant qui en eft le
héros. Je finis en obfervant que le titre
d'Judiciaire que le Maire prend dans
lés ouvrages, eft le même que celui
d'Hiftoriagraphe.
Dans le même Volume, page 3 ° 5 •
je dis que Blaife d'Auriol parle d'un
Canonifte nommé Richard, & j'ajoute
que 7V ne fiai qui il eft. Ceft Rkardus
Sanglas vieux tfloflateur du Droit Canon, dont parle Pancirole de claris Lc~
gum interpretibus, page 4.1 ^.
é iiij
TABLE
DES NOMS DES AUTEURS ,
dont il eil parlé dans cet Ouvrage»
D A u , ( Anatole ) t. ri. f. 370»
Allant, ( Jean ) 1.12. p. 1iy.
A
Àllard, ( Guy, ) t. 12. p. 80.
d'Amboife, ( François ) ». 12. p. 316"»
Angely, (N- ) t. 11. p. 197.
i'Anglois, Sieur de Bel-Etat, (Pierre) fi.
ii.p. 69.
d'Apclion , ( Germain ) t. n..p. 286".
Ardillon^ ( Antoine ) t. 11. p. 281.
Aubert, (Guillaume) t. 11. p. 407. f. it»
p. 123. 137.138.
d'Aurigny, ( Gilles ) t. 11. p. 182.
des Autelz ( Guillaume ) t. n . p. 119. 124»
xjx. &Juk>. 135. IJX. Nota : c'eftle même que Guillaume Teshault : ce qu'on a
oublié de dire dans le corps de l'ouvragexTAuthon, ( Jean ) t. 11. p. 184.
Aymery, ou Emery, ( Germain ) t. 11p. 313.
B
B.
(Adrien) t.ix. p. 117. 118»
122. 13p. 140. 154. 155. 167. 167»
AILLET,
Baïuze, ( Etienne ) t. 11. p. 107.
de Balzac, (Jean-Louis Guez ) M up. 2*0»
*4jV
•••••<
tiOMS DES AUTEURS.
ûVBarrouib, ( Chriflophe ) tome 12. page
94-
de Baïf, ( Jean-Antoine ) t.n.p.
407.1.12.
p. iy. 244.
Bayle, ( Pierre )t. 11. p. 48. 49. t. 11. p.
de Beauchamps, ( Pierre-François Godait )
t. 11.p. J37. 342. t. îx. p. 278.
du Bellay, ( Joachim) t. n . p . 407. t. 12. •
p. 16. 17. 3p. 184.118. 413.
Belleau, (Remy)t. 11. p. zj. 205.
Benac, ( Jean ) t. 11. p. 43p.
Berthaud, ( j'en» ) f. 12. p. 244.
Befly, {Jean) 1.12.p. 117. 210.
Bigot, C Guillaume) t. u . p . 433. 434:
Binet, ( Claude) t. 12. p. 3. 4. 67.68. i(e.
191. 1P3. & fuiv. xop. Û: fuiv, 220. 234.
243. 244. 304.
Binet, {Pierre) t. 12.p. 244.
Binet, (Jean) t. 12.p. 233.234. 2«r.
Boiceau, Sîeurde IaBorderie, (Jean) f.12. p. y 4, yy, yô". 6b. «1. & fuiv. 6p.
• de la Boiciere, ( 'A7. L. R.)t.\ 2. p. 67.
Boileau Delpreaux, ( Nicolas )t. u . p . y i . y2.1.12.. p. ipp. 228.
le Blond, (Jfaro ) t. 11. p.idd. •
Blondel, ( Pierre-Marin ) t. ix.p. 6p.
Bonnefons, ( Jean ) t. 12. p. 303. 406.
deBoteon, {Jean) t. ix.f.91'.
Bouchet, ( Jean ) 1.11.p. 91.438. t. 12.p.'•
Bouchet, ( Guillaume ) t.ix. p.tf. <S. 6p,JBoudier, ( Jean) t. iii p.36t.
Bougard, ( Jean) t. n.p. 6p.
Bougoing, {Simon)t.
n.p.'ioàf
Bourbon, (Kieolas)"r. n;p.404I'
dé Bourges,-( Clémence ) t. i2.p.82.
Brând>\ Sébafiien) 1.1 i.Tp. zjp. -&ffùw,'-
NOMS DES AUTEURS.
te Brantôme, ( Pierre de Bourdeille ) tome IJ.pûge 4°6de Brie, ( Germain ) t.n. -p. 398.
Briflbn, ( Barnabe) t. 12. y.2y6\
Brodeau,( Fitsor ) t. n . y . 438. t. iz. p*
10.7t.
Brodeau, ( Jean) 1.11.p.441.
de la Bruyère, ( Jean) t. 11. p. j8.
Bry, ( Cilles > M i . y . 301.
Bûcher, ( Germain-Colin ) f. n . y. $>*•.
Bunel, ( Pierre ) t. 12. y. 173. 274.
G
C
> de Caries, ( Lancelot ) t. 11. y. 80..
rfeCaftaigne, (.Jean) t. 11. y. zy.
7
^AILLET^CA . )r. 11. y. 144.
Gatherinot, (Nicolas ) 1.11. y. 39p.
Ghandelier, (Rewe')f. 11.y. 135".
h Chandelier ,, ( Jean-Eaptifte ) t. 11. y..
344Chandon, ( Gratien ) t. ia» y. 115*.
Ghapuys, ( Claude ) t. 11. y. 80.
Chartier, ( Alain )t. 11. y. 417.
Chauflbn,. f Maurice ) r. 11. y. 4 3 ?.
Chevalier, ( François ) t.. 11. y. 192.
Chopin, ( Rewe j r. ia. y. aye».
Gjreftien, (Florent)t. ia> y. 167. 236". <*/•
/ttiv. 240. & fuiv. 167..xo?.
de Claveyfon, ( Exupere ) t. 11. y. 439.
Génie,,( je«» ) t.12.y. 144.
Golet, ( Claude ) t.u.p.iéç. 166. t. iz.p. 2 y..
Colin, (Jacques )t. 11.y. 437;
Colletet* ( Cuillattme ) t. 11. yy. r. 12.,
y. iay. 1*7. &fuiv. i j i . uô*.. 227;- 244..
267.. 27e». 297.4di.
de Colo.nia,.( Dominique) t. ri. y. 44a,.
443- 4y4-t- "-y- 7<S- 77- »»• 3«WCoras,,( Jean y t*.i.r.j>. 131^
NOMS DES AUTEURS.
Coftau, (Pierre) tome 12. P4PBH5.
de Courtin de Cille ( Jacques ) tome 12. page
300,
Cngnon, ( Pierre ) t. 11. p. 439. & fitiv.
Critton, (George) t. 12. p. 208. 244.
de là Croix-du-Maine, ( François Gradé*,
Sieur) M I . p . 101. 111. 132. Ué.
191. 147. X J I . 329. 337. 338. 34«.
Î.51*- 357- 37<>- 4i J. 441. 444- 448.
45I. t. 12.p. 14. 22. 3p. J2. 77. ,89.
IX6~. 122. 152. 234. 26l. 29 . 342.
159- 377'378- 197-4^6.417.
D
191.
Î4».
4fo.
I06.
347.
D.
(Pierre) 1.11. p. 399.
Derùfot, ( Nicolas) t. îi.p. 406.407.
AMéS,
t. I2.p. 2Ç.pO.
Defarpens, ( Michel.) t. n . f. 344.
Defmarcts, ( /ean ) *. 11. p. 11.
Defportes, (Philippe) p. 12. p.29p.
Dolet, ( Etienne ) S. 11. p. 191.436.439.
444. s. 12. p. 88.89.
Dorât, ( Jean) t. 11.p. 40*. 407.4. 12.92j. 167.144. 2*7. 290. 377,
Je Duchat, ( Jacob) t. 11.p. 90.93..
Durant, ( N.)t. 12.p. 244.
Durant, ( Jacques ) 1.12. p- 303.-
E.
E Eùerure. ;(Jioi'ert) t. i l . p. 144.
TIEUME ( HisnW ) t. 12. p. 89.90. p i . .
r
F.-
. • • •
*8Ri,ouIeFevte,,(;iîsT»e>it )
FJàFevre,(Jean)*.
}97i*p.-2pQ~
un.pi-
•S-vjj
NOMS DES AUTEURS
Fevtet, ( Charles ) tome 12. page 267;
Fontaine.) ( Charles ) r. u . p.-5*2, 3pp. 43Si4t*. 4JP- t. 12p. iif.
de Fontenelle) ( Bernard ) t.- M» p. 227..
228Forcadel, ( Etienne ) t. 12. p. ^ojv
•
le Fort de la Morifliete, ( Claude) t.ia.pFrançois I. Roi de France, t. n ; p. 41e.
Frétard „( ïridn» ) t . n . p.301.
G.
G
231.
Galland, ( Pierre) t. 11;p. 400..
ALLAUD,
( Jea») f.iz.p. 20p. 244^-
Garafle, < François) t. i i . p. 355.
, Gamier ,.( ftoiwrt ) f.. 12.p. 244. 304..
Gamietj.f Claude ) t. 12. p. 210. 244.
Gaudin,.(Alexis) t. 11.p. 133.
le Gendre, ( Louis ) r. 11. p. 274..
Gérard, (Pierre ) t.. 1 J. p. 3po.
Gervais, (. Pierre ) t.-11. p. 260. 27* fuivi
. 2pp. 3 00;
Girard, C iV. )r; 12-. p.4od..
de Gohorris, ou Gorris, (Jean) t. l a . p 164»
Gordon de Perrel./fti'e.z.Lenglet du FreiV
noy.
Goflelin, (Guillaume) t. 12. p. 303. 307».
Gouhi,.(Nicolas) t. 12. p. 244.
Grangier, ( François) t. 12. p. 377..
Granet,. (> François ) t.-i %vp. 247.
Grenet,.( le Chevalier) t..11.p. 43p.
Grevin,.(/acf«eïXr..ii..p..43*. r.. I2..pe230..237.Grofnet ou.Grognet>{ Pierre) t. ri. p. 24$
34p. 3p8.
«Srtiget »( Claude ) tziz..p..2/».
ÏTOMS DES AUTEURS.
dit Gué, ( Jean ) tome 1i. fage \i6.& ftshji
"Guéret, ( Gabriel )t. 11. p. i*j. . 86.
d« Guernier, ( Nicolas ) t. 1i» p. 11 *.
de /A Guefle, C Charles ) t. 1x. p. 244.
Guichenon, ( Samuel) t - n . p. $70. î7«i-
374-J7f
H..
( François > M '.p. i « . 178.
406.426.
Harbet, ( Nicolas) t. 12. p. 267.
deHarlay, (Achilles) t. u..f>.x<6.
de la Haye, ( Jean )t. 11. p. 409.
Héroard, ( Jea» ) 1.12. p. 244.
Heroët de la Maifon-neuve, (Antoine)
t. n . p . 80. 4j8.
de l'Hôpital, ( Michel ) t. 1 >. p. 42J.
Hotman, ( Antoine) t. 12. p. 144.
Huet».( PierrerDamel ). t. ix.p. JOJ.
H
ABERT,
t.
J
ACOF, ('LOHfi) f. 12.p. J2U. JJ2.
Jamyn, ( Amadis ) t. 12. p. 244. 2pp.
de la Jeflee, ( Jean ) 1.12. p. 2pp.
JodeÛe,-( Etienne) f.11. p. ; o . , t. t.. 12.p;?.2J. X6r.
J o l y , ( Claude ) M 1 . p. 167. •
le Jouvre , ( iVrVole, ou Nicolas ) t. 11. p.
Junius-, ou du Jon, ( Florent ) 1.11. p. 20j.
L..
de T A B O R I E , < François Arnatùt)t.sr,.
JL. ' p. ipj. ipx.EarcKer v ( F, ).t.. ii.-p-. i j j .
de EaunaY».( Pierre Êoaifiuau. ),t.-i2. p.102,.
NOMS DES AUTEURS.
Lenglet du Frefnoy, ( Nicolas) tome n *
pages 34. & fuiv. 3p. 50. $6. 61. & fuiv*
pj.r. 12. >. 341- 34<>de Leuc, ( Jean ) t. 11 .p. 3 90*
le Lieur, ( Pierre) t. 11.p. $0.
Liron, ( Dom Jean ) t.*, 12. p. 254.
Loyfel, ( Antoine ) t.11. p. ntf. t. ia. p ,
244. 2j6.
Loyfel, ( Chriflophe )t. 12. p. 207-.
de Luer, ( Pierre ) t. iz.p. 244.
M.
M
Aci ,(René) t. ir.p.jpo. jpï.
Macrkt, ( Saimon ) t. n . p. 450. fv
12. p. 191.
Maffeï, ( Scipion ) t. it.p. 147.
deMagnyvfOteler ) *.-11.jp. 4*7.*. i i . p .
3.4. 10. n . 14.
Maiffonnier, ( R. ) 1.11. p. 6j.
de Malherbe , ( François )t. 12. p. 14p.
Mangot, ( Jean ) 1.12. p. aj/<î.
de Marcaifus, ( Pierre ) t. 1*. p. 210.
Marchant, ( Profper ) t. ra. p. 91.
de Marillac, ( Pierre) t. n . p . 439.
Marot, ( Clément) t. n . p . 3.4.-30. 4x8"..
434-4ÎT- 443- 4fa- *• n - P- 4<îi.
Martin, ( Pierre ) r. 11. p. 390.
Manon -, f Papire y t. 11. p. 424. t. 12. p 223. 2 2 9 .
de Maumont, ( /eaw ) r. 12. p. iz.
Méliffe, ( Paul ) r. V2. p. 244.
Mellin de Saint Gelais, t. 11. p. 48. 8040 ;. 438; t. 12. p. 10. 2f. 73.
Renard,( Claude ) 1.12. p. 244.
de Meun, {Jean y t. ri. p. 27.
Michault, ( ^eathBernard) t.- » . p. 230*Mizicre, ( François ), r-i i-p-tf it.
NOMS DES AUTEURS.
4<Molière, (Jean-Baptifie Poquelio) »tme 12. page i8y.
Molinet, ( jean ) t. 11. p. 8y.
ûwMonin, ( Edouard) t. 12.p. 373.
de la Monnoye,. Bernard ), t. n . p . 424. t12. p. iy6. î p j -
ie Montagne, ( Michel) t. 12. p. 135». &
fuiv. 141. & fuiv.
de Mont-Dieu, ( B. ) t. iz. p. 234* &fuh.
Morel, (Jean) t. 11. p. ijy.
Morel, ( Frédéric) t. 12. p. 244.
Morin, ( G«y ) 1.11. p. p8. pp.
Morifot, ( Claude-Barthelemi) t. iz.p.soS.
Mornac, ( Antoine ) t. 11. p. 424.
de la Mothe, ( Charles ) t. 12. p. 171. ôV
Motin, (Pierre) t . i i . p . JJ j ,
du Moulin, ( Charles ) 1.11. p. 424.
«*« Moulin, (Pierrey t. iz. p. 267.
<fu Moulin, ( Antoine ) 1.11. p. 70. 8p.
Muret, ( Marc-Antoine ) t. iz. p. i j . 67.
201.209. z i 1..
de Myerre', (iV. y. t. n . p . 327. 328.
N..
N de Naviéres, ( Etienne ) 1.11. p. zjv
Nérault, ( Simon) t. u . p. 316.317.
AUD*, (Gabriel) t. iz.p. 174. 377.
Nicéron, ( Jean) t. n.p. 225.232. t. 12..
p. 43.77. 117. 157.260. 264..27J' 278*
3*9- Î4Î- Î77O.
f r~\ KLÉANS , ( Lo«« ) t. 12. p. 244V
W Orry, (Jean.) t. n.p. 134-
NOMS- DES AUTEURS.
P.
P
APILLON , ( Philibert ) t.it.p..
117. 322.jxp. ggi.
Paradin, ( Guillaume) t. 12. p-77-.
dePardeillan,(Je«»)r. 12. p. 3 0 . 3 1 . y o .
Parfait, ( TV. ) t. 11.p. n7.iaz.400.t.
n.
p. 37. 160. K l . 148. 169. 278. 280. 283.
29c».
Parrhafius, C Janus ) t. 11. p. 91.
Pafchal, ( Charles ) t. 11, 9. 26c.
de Pafchal, ( Pierre) t. 12. p. g. go. goV
49-7*0. 237.
- Fafqiuer, ( Etienne ) 1.11. p. 447;*-. '*• p43. rg. K9.170.172. 18t. 201. 21C. 119.
144. 2çd. &fuiv.
Paflerat, ( Jean) t. 12. p. 244. 199.
du Pavillon, ( Antoine Couillard, Seigneur )
r. 11. p. 103.
Peletier, ( Jacques01. 1 i.p. 80. r. 12.p. 78.
79. 90.124. 132. 217.
Pérard, ( Antoine)t. 11. p. 133;
du Perrier, ( Aymar ) t. 11 p. 3 K.
«1» Perron, ( Jacques Davy ) r. 12. p. i8y.202. 207. 21 j . 2 y 1 «294.
Petit, ( Nicolas) 1.11 ;p. 291. 294.
Picart, ( Marc-Antoine)1.12. p. 393.Piganiol de la Force,( Jean-Aymar ) 1.12. p.z6y.
Pithou, ( Pierre ),t. 12. p. 201. 244. iy«V
Poictevin, ( Jean ) t. 11. p. 4$1. t. 12. p.
9fde Pontôax, (.Claude) t. 12. p.317.
de /« Porte, (Ambroife& Maurice) t. 12;p. 27.40.43.
/r Prévoit, ( Thomas ) t. n . p. 344. Prévoit ,t<Augufiin ) t. 12. p. -207,"-
NOMS DES AUTEURS,,
Prevofteau, ( Jacques ) t. ix. p. xj4»
Privey, ( Maurice) t. n.p. 116.
du Puy, ' Charles ) t. n.v. 419.
de Fayrtùflon, ( Jacquet ) t. 11. p. 418.
de Puyteflbn, ( Jacques) t. 11. p. 344.
R
ABFX , ( 5««» )•*. IX. p. XJ7.
deRacan, {Honorât de Beuil, Mat-,
quis) r. ia. p. 24c.
Rapin, ( Nicolas )t. 1 x. p. 244.
Rapin » ( Rr»é ) f. 1 x. p. x 1 «. xx8.
Régnier, ( Mathur'm ) t. ix.p. xpj. 294.
Régnier Deûnarais, ( François-Séraphin ) f.
ix.p.94*
Richard, ( Jean ) t. ix. p. 167.
Richelet, ( Nicolas ) t. îx. p. 109. x 10.14e*
Richer, {Chriftophe)t. 11. p. 92.
Rivière, ( Pierre)t. n.p.299.
Roboam, ( /e<n») 1.11. p. 439.
du Rochay, ( A icHei ) 1.11. p. ijy.
de id Roche, ( Jean-Baptifle-Louis ) t. ix. p.
2c>8. & Juiv. 17j. &fuiv.
de la Roche-Chandieu, ( Antoine ) f. 11. p.
134.
Rogier, ou Roger ( Pierre ) r. 11. p. 3 , 7 .
338.
de Ronfard, ( Pierre ) t.. n.p. 406V*. n . p .
2 3 . 67. > y<. ic>6.170. 2 9 3 . X94. X99.
de Rouffec r ( Jean-Marin ) t. 11. p. 3 KRoulliard, ( Sébaftien , t. ix.p. 271.
Je Roy, ditRegius (Louie) r. 11. p. i4î«
'
AGON, (FrdttfoiV) f.iij^p. 80. 8 j . 3x4»
Î4.J-J4*
N O M S DES AUTEURS.
de Saint-Marc, ( Charles-Hugues I c F c v r e )
t. i i . p.248.
de Sainte-Marthe, r Charles) t. 11. i p i .
400.40t.
de Sainte-Marthe, C Scévole ) r, ra- p . 406.
430. 440. 441. M l . i>. f 3. 122. I23. 139.
141. t o i . 244. as 6. 261. 310.
de Sainte-Maure de Montaufier, ( Léon )
t. 11. p. 4 j 1.433.439.
Salel, (Hugues) t. s t. p. 80. 438.
Sallier, ( Claude) 1.11.p.n.
13. 3*.
Salmon Macrin. Voyez Macrin.
Sanadon, ( Noël-Etienne ) t. 12.p. 39.135/.
Saulnier, ( Guillaume) t. 11.p. 1 r*.
Sauvai, ( Henri ) r. 11.p.214. i r f .
Scaliger, (/o/èph) 1. 12.p. 202. 2it5.-j02.
303.
SéVe,(Maurice) t. 11. p . 80. 438.43p. r.
" • p . 74.
SéVe, ( / e e n , Claudine & Sybille ) r. 11. p .
4n.4Jide Seymour, ( ^fjme, Marguerite & Jeanne )
t. 11. p. 407.
S i m o n , ( Henri ) r. 11. p. 174.
Sorel, (Charles) 1.12. p . 187. 222. 227.
297.
d e / a Soriniere, ( N. du Verdier ) t. 11. p .
Spencer, ( Edmond) t. 12.p. 127.
T
ABOUROT des"Accords , ( Etienne ) t.
11.p. 401. r. i2. p. i p i . 36p.
Taeliacarné, ( Benoît) 1.11.p. 404.
Tahureau, ( Pierre ) t. 12. p. 3*2.
de Taillemont ( Claude ) 1.11. p. 443.
Taifand, ( Pierre ) t. i s . p . ,27k'
«
NOMS DES AUTEURS.
de la Taiflbnniere , ( Guillaume ) t. 12. p.
nr.
Tamot, ( Gabriel )t. n . p. 114.
Tartaret, {François) t. 12. p. n e .
Teshault. ( G. ) c'eft-à-dire, Giullaïune
des Autelz. Voyez des Autelz.
Teffier, ( Antoine ) t. 12. f. 210.
Theocrenus. Voyez Tagliacanaé.
Thévet, ( André) 1.11. p. 418. ». 11. f.
3*9- 37°Thibault, (Florent) t. 11.p. 144.
Thory, ( Geoffroy) t. s s. t. jpo.
de Thou, ( Jacques-Augufle ) 1.11. p. 400".
t. 1 2 . p . 1 2 3 . 1 3 0 . 1 6 2 . 2 0 1 . 202. 244. 2 6 1 .
24;, 266.
deThyard, (Pontus)t.
12. p. 244. 324.
Ui-
Titon du Tillet, ( Evrard) t. 12.p. 169*
Tolet, ( Pierre ) t. 11. p. 439.
Toutain, ( Charles ) 1.12.p. 67.
d« Tronchay, ( Georges ) t. 12. p. 2pp.
d« Tronchet, ( Bonaventure ) ». 11. p. 13J/.
1.12.p. 115.
de TrouffiLh, ( N. ) 1.12.p. 2pp.
de Troyes, ( Frère 7eo» ) t. 1 i. p. 264.
Turnebe, ( Adrien) t. 12.p. 202.
V.
de T 7 ABRES , ( Aymar ) 1.1 i.p. 42p.
V Valere André', t. 12.p. 334. 335.
Valens, ou Vaillant,( Germain ) t. 12. p.
244.
Vander-Linden, ( Jean-Antonides ) 1.1 i.p.
362. 363.
Vatable, {François) t n.p.48.
Vauquelin de la Freûiaye , ( /eew ) ton»*
NOMS DES AUTEURS,
ri.pages $7. 67. 170.
de Véga, ( Jean ) t. 11 p. 136".
du Verdier, ( Claude ) *. i%. p. 3*6.
du Verdier de Vauprivas, ( Antoine )t.r 1.
p. 132.1*7. 183. 191. 192. 329. 337. 339.
341- 547- H8. 357- 362- Î7S- 3P°- 4 * 1 *
444.450,434. 4j6. t. 12.p. jz. 6i.6z. 76.
pj. 81. 82. 88. 92. 94. 96. 106. 109.
116. 152. 184. 234. 299. 322. 328. 333,
342. 360.3<Î3. 3*4.373.414.4i<î- 417»
de Villeneufve, ( Antoine ) r. 11. p. 439.
deVilliers, ( Philippe) t.- n . p. 13c.
<fr Vintemille, (Jacques) 1.12. p. n « i
AMARIEL. Cherchez Roche - Chandieu.
Tm du Catalogue*
CATALOGUE
DES P O E T E S F R A N Ç O I S ,
dont il eft parlé dans le Tome XI,
T
E A N Marot, page i.
Clément Marot, ». 37.
François Sagon & la Huéterie, p. 86',
Michel Marot,p. 103.
Jean le Blond, p. 106.
Charles Fontaine, p. 112.
Antoine Héroet, dit la Maifon-neufve,p. 14.1.
x
La Borderie,p. 148.
Paul Artgier, p. 153.
Papillon, p. 15*4.
De Borderie,p. 156".
Gilles d'Aurigny, dit le Pamphiïe>
p. 163*.
.Claude Collet, p. 178.
Gratien du Pont,p. 184.
Etienne Dolet,p. 103.
Des Coles, p. 204.
Jean Martin, p. 207.
Le Livre des Vifions fantafHques, p,
210.
Pierre Gringore, p. 212.
Jean Bouchet,p. 242,
Pierre Gervaife, p. 329.
Pierre Rivière, p. 3 32.
Pierre Blanchet, p. 33 e.
Germain Emery, ou Aymery ,p. 338.
Jean Parmentier, p. 338.
Jean-Mary, ou Jean Marin de Rouffec,p: 343.
Claude Cottereau, p. 34e.
François Thibault, p. 347.
Germain-Colin Bûcher, p. 348.
Nicolas Petit,p. 350.
Jacques le Lieur, p. 3 52.
Jean Brèche,p. 353.
Jacques Godard,p. 35"6".
Jean d'Authon, p. 356".
Jean Divry,p. 362.
Antoine du Saix,.p. 369.
Jacques Colin, p. 398.
Marguerite de Valois, Reine de Navarre, p. 404.
Antoine du Moulin, p. 422.
Etienne Forcadel, p. 423.
Charles de>Sainte.Marthe,p. 430.
Victor Brodeau, p. 440.
Maurice Sève, ou Scéve, p. 442.
Pierre Loyac, p. 4J2.
Claude de Taillemont, p. 45 3.
Jean de la Maifon-neufve ,p. 4J6".
Mellinde Saint Gelais, p. 456.
TOME
XII.
Salel, page i.
, Olivier de Magny, p. 14.
H
Jacques Tahureau, p. 40.
VGVES
Jean de la Pérufe, p. J2.
Pierre-Marin Blondel,p. 58.
Pernette du Guillet, p. 69.
Louife Labé,p. 76.
Bonaventure des Periers, p. 88.
Berenger de la Tour, p. c-y.
Laurent de la Graviere, p. 104.
Barthelemi Tagault, p. io5.
Etienne Thevenet, p. 10p.
Martin Spifame, p. 11 r.
Philibert Bugnyon, p. 113.
Joachim du Bellay, p. 117.
Etienne de la Boëtie, p. 13p.
Jacques Bereau, p. 147.
Jacques Grevin, p. 1 y 2.
Etienne Jodelle, p. 157.
Pierre de Ronfard, p. ip2^
Claude Binet, p. 24p.
Florent Chreftien, p. 2y8.
L'Auteur anonyme du Conte du
Roffignol, p. 25i.
Guy du Faur de Pibrac,p. 253.
Antoine Favre,p. 27y.
Pierre Matthieu, p. a8o.
Charles Toutaïn,p. 287.
Rémi Belleau, p. api.
Jacques de Courtinde Cine,p. 301.
Jacques Peletier, p. 307.
Claude Turrin, p. 314.
Claude de Pontoux,p. 322.
Adrien du Hecquet, p. 333.
Alexandre Sylvain,p. 338.
Guillaume des Autelz ,p. 343.
Marc-Claude de Buttet, p. 3 j 3.
Claude Mermet, p. 3 jo.
Philibert Bretin, p. 3 64. .
Flaminio deBirague,p. 370.
Edouard du Monin, p. 373.
Jean le Mafle, p. 3 80.
Pierre d'Origny, p. 3 p 2.
Guy de la Garde ,p. 3P7.
Pierre Boton, p. 402.
JeanRuyr,p. 406.
Pierre de Javercy,p. 410.
Anonyme, Auteur du Recueil de tout
foulas & plaifir, & Paragon de pdcfie, p. 412.
Jean des Planches ^ . 4 1 3 .
Jérôme d'Avoft, p. 414.
BIBLIOTHEQUE
BIBLIOTHEQUE
FRANÇOISE,
5
o u
HISTOIRE DE LA LITTERATURE
FRANÇOISE,
SUITE DE LA HULTIE'ME PARTIE,
POETES
JEAN
FRANÇOIS.
MAROT.
E AN Marot naquit à Afttthieu, Village près de Caert
en Norma«die,non en 14-57.
comme on le lit dans plusieurs Ecrivains, mais en 1463. Il reçut une éducation aflez négligée -^ on
ne lui fit pas même apprendre la langue Latine. Mais beaucoup de génie
& une application confiante fuppléerent au défaut des Maîtres, & de l"infTom XL,
A ,
s.
1
truclion qu'il auroit pu en recevoir. Un
penchant naturel pour la Poëfie , &
peut-être l'envie de fe retirer de l'indigence & de l'obfcurité , lui rendoient
. les belles Lettres néceflaires. Il étudia
dans ces vues l'Hiftoire & la Fable. Il
lut les Poètes François qui l'avoient
précédé, & il fit fes délices du Roman
de la Rofe, que l'on regardoit alors comme une lecture prefque néceffaire, &
qui eft très-négligée depuis longtems.
A ces études, Jean Marot joignoit
des mœurs qui auroient fuffi feules
pour le rendre eftimable. Ces belles qualités le firent connoître de M i chelle de Saubonne, qui étoit alors fille d'honneur d'Anne, Ducheffe de Bretagne, depuis femme de Louis X I I .
Anne aimoit les Lettres & les beaux
Arts, recevoit volontiers ceux qui les
cultivoient, & les encourageoit par fes
bienfaits. Marot avoit befoin d'un appui fi honorable en même tems & fi
utile. Michelle de Saubonne le lui procura.. Elle l'introduifit chez la Princeffe, qui le goûta, le déclara fon Poète>
& le donna depuis à Louis X I I . pour
l'accompagner dans fon expédition de
Gènes & de Venife. Pour répondre à
ce double honneur, Jean Marot fe qua-
JEAN MA-
*0T«
BIBLIOTHèQUE
F R A N ç O I S E . .
J
lifia, le Poète de.la très-magnanime Reine'
de France, Anne de Bretagne, & il écri- JKAN lYLtd
vit en vers les deux voyages dans leC- Ror *
quels il eut l'avantage de fiiivre Louis
XII. Il vécut jufques fous le règne de
François L Dans l'examen qui a été
fait des Etats de la Maifon de ce Prince qui font à la Chambre des Comptes
de Paris, Jean Marot s'y trouve employé aux années 15.2.2. & 1523. en
qualité, non de Valet de Chambre ordinaire , mais de Valet de Garde-Robe ;
& il n'eft plus fur les Etats de l'an 1 5 24»
ce qui fait conjecturer qu'il mourut
dans le cours de l'année 1523. Ravoit
alors 60 ans. Son fils Clément Marot
parle ainlî de lui dans l'Epîcre qu'il
adreffa à François I. pour demander à
ce Prince de fuccéder à la place de,
fon père.
Et me forment quant Tafinattendait,"
Qu'il me difoit, en me tenant la datte :
Filz, puuque Dieu t'a faict la trace d'ettQ
Vray héritier de mon peu de fçavsir,
Quierten le bien qu'on m'en ha fait avait}.
Ta connais comme ufet en efi décent :
C'eftun (çavoir tant par te irraoceot»
Qu'on n'en fçauroit & créature nuyrc.
Far preWerncBS le peuple on peut feauvre.
AÇ
SS^SaBS
JEAN M A *"*•
BIBLIOTHèQUE
-far marchander, tromper on le peut bien,'
Par plaidetie on peut menger fon bien ,
Par médecine on le peut bien tuer;
-Mais ton bel art ne peut tels coups ruer-;
•Ains en fçauras meilleur ouvraige tiftre,
Tu en pourras dircer Layou Epiftre,
. Et puis la faire à tes antys tenir,
••Pour en l'amour d'iceulx t'entretenir.
• Tu en pourras traduire les volumes
Jadis elcripts par les divines plumes
De vieulz Latins , dont tant eft mention,'
•Après m peulx de ton invention
Faire quelque œuvre à getter en lumière,
Dedans lequel en la feuille première,
Doibs invoquer Je nom du Tout-puiflant.
Puis defcriras le bruyt refplerrdtnant
De quelque Roy ou Prince, dont le nom
-Rendra ton ceuvre immortel de renom.
Jean Marot avoit fuivi le premier-ces
avis. D avoit montré par fon exemple
qu'il ne regardoit pas la poëfie comme
un art qui dût fervir au libertinage ou
à la fatyre : du moins fe trouve-.t'il peu
de traits qui fententl'un ou l'autre dans
. ee qui nous refte de lui. Les deux voyages de Gênés & de Venife, qu'il a décrits , méritent l'eftime d'un lecteur fenfé. Outre l'exactitude hiftorique , on-y
voit 4« 4'inveritjon & de L'ordre. Les
F R A N Ç O I s e.
5
defcriptions y font juftes & naturelles.
Le Poète Hiftorien peint bien, & fçait *EAN **"
choifir ce qu'il doit peindre. On doit
auffi lui tenir compte du foin qu'il a eu
d'éviter les pointes & les jeux cîe mots.
On feroit beaucoup mieux aujourd'hui,
mais ces deux ouvrages font bons pour
le fiécle où ils ont été compofés. La
defcriprion du voyage de Gènes efl
moins étendue que celle du voyage de
Venife ; l'Auteur avoit moins de faits
à détailler, moins de circonftances à
rapporter.
Mars fâché de voir la paix darisPEu- Mém. tîtt.
rope , penfoit à l'en bannir , lorfque *• *M"fcf'
Bellone vint lui confeiller de jetter les
yeux fur l'Italie pour y allumer le feu
de la guerre : ce confeil plaît à Mars, il
le fuit, & choifit pour le féconder,
Fiers Genevois de leurs conditions,
' Sans foy, fans loy plus qu'autres nations.
La difeorde ayant chaffé la paix de cette Ville, le Peuple fe révolte contre les
Nobles , en pille plufieurs , en tuë
quelques-uns :
Par quoy conclud toute la gemillefrè
S'en plaindre au Roy comme au chef de noblcfiè.
Lie Roi entend leurs plaintes ; il les traiA iij
6
-
BIBLIOTHèQUE
; te de fous, de mutins & de lâches ; ceJEAN MA-pendant il leur promet défaire connoî*0T«
tre aux habitans
De la Cité, que dix fois à cent ans
N'eurent Seigneur, qui euft force & puiflànce
Four les pugnir, comme ung feul Roy de Fiance.
Mars s'applàudillant de ce premier
fuccès, fait entrer dans fes defleins Neptune & Eole, donne ordre à Vulcaih
de forger des armes, engage;les Furies
à fortir des Enfers pour fe répandre
partout, &aflèmbleles Centaures. Gènes inftruite des defleins que Mars avoit
inlpirés à la France, aftemble Noblejfe ,
JMarchandife & Peuple, & les harangue
for l'état malheuretix où leur défunion
les réduifoit. Dans la première partie de
de fon difeours elle maltraite fort JVoHejfe, qu'elle aceufe d'ufurpation , de
bafleflè & d'impofture. Dans la féconde, elle exhorte tous fes habitans à fe
bien défendre, & lés raflùre par tous
les endroits qui peuvent leur infpirer
du courage. Cette harangue fait impreffion fur les Génois, & dans la première chaleur de leur zèle, ils promettent
de fe bien défendre. Mais leur défenfe
eft fans règle, & fe change bientôt en
tyrannie ; ils courent comme des fu-»
F R A N ç O I S E .
?
infultent toutes les maifons où :
ils voient peintes des fleurs-de-lys, vont JEAN MAau nombre de vingt-cinq mille attaquer R 0 T '
leCtftelat, y tuent dix-huit François
qui en compofoient la garni fon , arrachent le cœur à ces miférables, & le
mangent.
Après cette cruelle expédition, ces
furieux portant au bout de leurs lances
les chemifes enfanglantées de ceux qu'ils
venoient de traiter fi inhumainement,fe
tranfportent dans la place de S. François occupée par des troupes du Roi.
Mais celles-ci fe défendent fi vaillamment , que Louis X I I . eut le tems de
venir & de les délivrer. Le Poète décrit avec exactitude la marche de ce
Prince, qui vint jufqu'à Aft fans s'arrêter , les honneurs qu'il reçut dans les
Villes d'Italie où il paflà : il nomme les
Seigneurs qui fe joignirent à l u i , &
n'oublie point d'exalter le courage des
François , qui dès les premières attaques, fe rendirent maîtres de plufieurs
fortereffes qu'on regardoit comme des
remparts incapables d'être forcés.
Les François s'étoient emparés du
Bajlillon, & cela avec tant de promptitude, que Marot d i t , qu'il n'auroit
pu en croire le tiers, s'il ne l'avoit pas .
Aiiij
S
BIBLIOTHèQUE
vu. Un nommé Paul de Nove, TetnjEANMA-turier de profeflion, que les Génois
KOTi
avoient choifi pour leur Duc, leur promit de reprendre ce fort ; il le tenta, &
échoua. Défefpéré de ce mauvais fuccès, il s'embarqua, fut arrêté, eut la
tête tranchée, & vérifia ce que le Poète avoit dit de lui,
qu'auprès de tes chaudières
Il eut acquis plus d'honneur & prouffie.
Jean Marot décrit enfuite comment
les Génois vinrent implorer la clémence de Louis XII. la bonté avec laquelle ce Prince les reçut, la loi qu'ils s'impofèrent eux-mêmes de demeurer vêtus de noir jufqu'à ce que le Roi leur
eût pardonné; l'entrée triomphante du
victorieux dans Gènes, & les ordres
qu'il y donna. Louis XII. fait prêter enfuite ferment de fidélité aux vaincus
qui fe préfentent devant lui défarmés :
il en exige les hommages qui lui étoient
dûs; il leur donne de nouvelles loix, &
leur fait jurer de les obferver, après
quoi il pan pour fon Duché de Milan,
où l'on célèbre diverfes fêtes à fon honneur, que le Poëte ne manque point de
décrire. Oeil par-là que finit la première panie de fon poème, *Sc le vojtgt
4e Gènes.
FRANçOISE.'
9
fe Les pièces qui fuivent, quoique fous t
le même titre, n'ont qu'un rapport in-JEAN MAdirecl: avec ce voyage. C'eft d'abord* 01 * •
une efpéce d'invective en profe fur la
diflimulation, la honte & la douleur de
la Ville de Gènes. Cette invective eir,
fuivie de trois Complaintes entremêlées
de quelques Rondeaux qui ne font mis
laque pour fervir de paufe. Dans la
première Complainte Gènes fait un détail de ce qui s'eft paffé entr'elle & le
Roi, comment elle fut la corde au coul,
le glaive fous la gorge,implorer la clémen- .
ce de ce Prince, le pardon qu'il lui accorda, la punition qu'il fit des plus mutins qui furent pendus ; ccanment il fit
brûler les loix qu'elle avoit, & lui en
donna d'autres, pour la rendre fujette
de fouveraine qu'elle étoit. Gènes finit
en fe plaignant de Venife, du Pape &
de l'Empereur, qui l'avoient abandonnée. Elle convient que le Pape arma
par mer pour la fecourir ; mais elle prétend que cet armement n'étoitque/À»»fte couleur, que les foldatsn'étoientque
des Ruffiens de Rome,
Qui pour fouyr couraient ranime chats maigres.
Dans la féconde Complainte Gènes reproche à lès habitans leur lâcheté, eux
Av
ro
BlBIIOTHEQUE
: qui avoient promis que fi le Roi de
JEAN MA- France
ROT.
Paffoir les Monts, fans aucune doubtance,
Ils le pcendroient malgré tous fes gendarmes ;
Mais près au feu couards tiennent gros termes.
La troifiéme Complainte eft fur la mort
de ce Teinturier Paul de Nove, qui
avoit été la victime de fatémérité&de
fa préfomption. A la fin la Ville gémic
de fe voir sujette, Se dit :
O Roy Louis, quel bruyt, honneur & gloire
Te fera faict en chronicque & hiftoire,
Humble avoir faict moy Gènes la fuperbe.
Mais elle fe confole par l'efpéranceque
quelque trahifon lui rendra fa liberté.
Le Poëte ne la laiflè pas longtems
dans cette douce efpérance ; il larepréfente un moment après comme déjèfpérée, fe jettant fur un lit, » que raige
» & douleur trop foigneufement lui'
3> avoient accoutré dedans une cham» bre ténébreufe & obfcure, tendue de
» tapis noirs femés de larmes blanches:
33 auprès de cette couche y avoit une
33 chaife, dedans laquelle étoit aflis ung
ssviel homme chenu ayant le regard
3> épouvantable à merveille. 33 C'eil le
défefpoir que le Poëte peint ici de tôt*».
F R A N ç O I S E .
•I î
tes fes couleurs. Mais une Dame de tant',
belle & gracieufe façon, appellee Raifon, JEAN MAle chafla., & vint parler à kellepovre & R0T#
quafi défefpérée Gènes. Jean Marot fait
parler Raifon en vers, & lui fait dite
enti^autres que le fondement le plus folidedela confolation de Gènes, c'eft
d'appartenir à la France. Gènes airrii
confolée par Raifon, quitta fon manteau
de deuil, & fut « revenue d'un man-<c
teau de fatin, portant couleur de bleu, <c
femé de fleurs-de-lys ; & lorfqu'elle «
l'euft veftu, commença à dire de bon- <c
che, & , comme on croit de cueur,«
foubz ce manteau je veuil vivre & se
mourir. » Elle récite enfuite un Rondeau où elle fe félicite elle-même de
l'heureufe fituation où elle fe trouve.
Jean Marot préfenta cette defcription du voyage de Louis XII. à la Reine Anne de Bretagne, fous le nom de
Jean Defmarets, qui paroît avoir été fon
véritable nom.C'eft ceque femble prouver le Difcours préliminaire qui étoic
à la tête de l'exemplaire de cette defcription préfenté à la Reine , confervé
dans la Bibliothèque du Roi, ce que
M. l'Abbé Sallier a fait imprimer dans
le treizième tomed.es Mémoires de l'A- p. «ot;
<adémie des belles Lettres. Dans ce
A vj
12
BlBIIOTHEQTJE
Difcours l'Auteur, après avoir parlé
JEAN MA- fort modeftement defonouvrage, &du
*°T«
zèle que tout bon fujet doit avoir pour
l'honneur & la gloire defonSouverain,
ajoute: 55Parquoy, Madame, délirant
» par toutes voyes chercher moyen
as d'accomplir chofe qui vousfoitagréa3>ble, toutesfois indigne & incapable
33 de ce faire ; je Jehan Defmarets voftre
33 povre efcripvain, ferviteurtrès-hum3> ble des voftres très-humbles & très33 obéiflans ferviteurs, vous préfente ce
35 mien petit ouvrage, à vous & non
35 aultre voue & defdie : vous fuppliant
3> tant & fi très-humblement comme
35 faire le puis, que à gré plaife à l'hu35 manité de voftre grâce, ainfi que avez
3» de l'heure de vos premières intelli- 35 gences jufques à ce jour continuelle35 ment fait, le recepvoir. 55
Ce qui prouve encore que Jean Defmarets eft le même que Jean Marot,
c/eft que dans un autre Difcours que
celui-ci fît à la même Reine en lui offrant des vers qu'il avoit compofés fur
fa convalefcence en 1512. il dit : 55 Plai35 le vous fçavoir que je Jehan Defma35 refit, alias Marot de tous facteurs le
35 moindre difciple & loingtain imitat e u r des meilleurs Rhétoriciens....
•'
F R A N ç O I S s.
13
ay mis & employé la force & totalle « •
vigueur de ma très-rude & imbécille « JEAN MAcapacitéàconftruire, édiffier&com-« R0T*
pofer ung œuvre delà reflburce & qua-«
n nouvelle inftauration de voftrefan- «
té. &c. » Ce difcours tiré d'un manufcnt de la Bibliothèque du R o i , fe lit
dans le même tome des Mémoires der- *oj.
l'Académie, que je viens de citer. D'où
M. l'Abbé Sallier conclut, ce femble ,
avec raifon, que le nom de Jean Defmarets étoit le vrai nom de ce Poète ,
& que celui de Jean Marot étoit, ou
bien un nom de guerre qu'il avoit pris,
ou un fobriquet qu'on lui avoit donné.
Ce fut en 1 507 que Louis XII. fournit les Génois. L'année fuivante 1508.
il adhéra au Traité de Cambrai contre
les Vénitiens, & partit peu de tems
après à la tête d'une armée aflêz confidérable , pour leur faire la guerre.
Jean Marot accompagna encore le Roi
dans ce voyage de Fenife, dont il a fait
pareillement la defcription. Voici une
idée de ce fécond poëme, qui ell, comme le premier,mêlé de profe& de vers.
Mars ayant fait, fous le vouloir des
Dieux, triompher Louis X I I . , alla
remercier ces mêmes Dieux des faveurs
qu'ils lui avaient faites. Pendant que
14
BIBLIOTHèQUE
- toute la Cour célefte applaudit à ces
JEAN MA-actions de grâces, & témoigne par des
R0T
'
concerts la joie qu'elle a des victoires
de Louis XII, la Paix, accompagnée de
la Vérité, de la Juftice & de la Miféricorde, fe préfente & demande audience. Elle fait un difcours, dans lequel
après avoir expofé tous les troubles &
tous les malheurs inféparables de la
guerre ; elle fupplie qu'on lui permette
de defcendre fur la terre, oùelleeft défi rée par le Roi de France. Elle obtient
ce qu'elle demande, quitte le ciel, defcend fur la terre que Mars abandonne,
& veut d'abord s'arrêter à Venife ; mais
elle y voit tant de monftres d'Enfer,
Trdhifon, Injuflice, Rapine, Ufure, Av*~
rice,
Avec lcfquels recongnus Clercs & Laiz
Qui d'aultruy bien batiiToicnt leurs Palais ,
Que n'étant point accoutumée à une
femblable fociété,
Laiua Venife, en France s'en alla.
Elle fut charmée de voir toutes les vertus régner dans ce Royaume, tous les
biens y fleurir j & la tranquillité dominer dans toutes les conditions, jufques
aux laboureurs qu'on voyoit dans leurs
maifons :
F R A N ç O I S E .
Iç
Sans eraînte ou peur, plusfiersque gentilz homme :
„,
,
.„ .
„
, ..
Plus les pilloicnt Cordeliers, Moynes , Carmes,
Qu'Avanturiers, francs Archiers, ny Gendarmes.
-
„
JEAN MA*
_
A cet afpeci", la Joie s'empare de la
Paix qui fait l'éloge du R o i , & defcend
•
Dedans Cambray, où elle fût traictee"
De Pape, Roys, Empereur, Dura, Marquis,
Si noblement, & de metz fi exquis,
Qu'il n'eit poffible en tels actes mieulx faire,
L a Paix leur raconta comment étant
envoyée par les Dieux pour le bon heur
des humains, elle avoit trouvé, en parcourant la Chrétienté, que la Vérité Sx.
hjuftice lui gardoient place en tous
lieux , excepté à Venife , d'où cinq
monftres l'avoient bannie. Sondifcours
anime les aflîftans, ils concluent de s'unir pour chaiîèr les monftres qui l'avoient maltraitée, & la Paix s'envole en
l'air
. . . . . en attendant que Juftice
Panny le monde ayt mis droit & police.
Le Poèteinterrompt ici fon récit pour
exhorter tous les Princes Chrétiens, ou
du moins le Pape, l'Empereur, le Roi
«Je France & le Roi d'Efpagne à agir ,
T
Ifj
BlBLIOTHEQlTE
e=sss5? chacun de fon côté,pour réduire les V é JEAN MA-nitiens à leur première condition \ &
RoT
*
dans un Rondeau qui fuit cette exhortation , il exhorte les Vénitiens à p r é venir les maux dont ils font menacés,ert
faifant d'eux-mêmes, ce qu'on les obligeroit de faire par force.
Dans la pièce fuivante, qui eft de
près de 300 vers, Jean Marot reprenant fon récit, remonte }ufqu'à l'établifiement de la République de Venife, en fait l'hiftoire, dit beaucoup de
mal de cette République, parle en peu
de mots du Traité de Cambrai, décric
les préparatifs de l'expédition de Louis
XII. contre Venife , & le départ de ce
Prince & de fon armée. Ce qu'il dit
des fentimens du peuple lorfqu'il vit
fon Roi partir , eft fort bien touché :
éell le cœur qui parle dans ce récit :
Le Roy (cachant par vraye expérience,
Qu'en fait de guerre il n'eft que diligence.
Part de Lyon , devers Grenoble tire.
Le peuple Ion regrettant (on abfcnce ,
Larmes aux yeux difoient en révérence :
Noftre bon R o y , Dieu te veuille conduire.
L'un le regrette, l'autre plaint & foupire :
L'autre mauldit qui le conseil lui dorme,
Difànt airvfi : l'on ne dolbt la perfonne
'
F R A N ç O I S E .
\J
De noftre Prince ainfi mettre au hazard.
L'autre reipond : ta raifon n'eft pat bonne,
J E A N M A-
Car des brebis que Paftour abandonne,
ROT.
Souvent le loup en dévore a l'cfcart.
Bourgeois, Marchands & peuples méchaniqun
Sont tous perplot en leurs bancs & bouticquct :
Prefhes en pleurs convertiflent leurs cirants.
Mais leurs douleurs font fleurs aromaticqucs ,
A u prix de veoir pauvres paysans rufticques
Tordre leurs moins , cryans parmi les champs,
Difans ainli : prenons gktives tranchans,
Prenons harnoys, prenons cotte de maille,
Et le fuivons en quelque lieu qu'il aille,
JC'eft noftre Roy , noftre père 8c appuy :
Carmieulx nous vault foit d'eftoc 8c de taille
Le deftertdaot, morir en la bataille ,
Que de languir en doleur aptes luy.
Louis XII. étant à Grenoble, envoie Montjoje fon premier Roi-d'armes
vers les Vénitiens. En paflânt par Crémone , Montjoye inftruit les Gouverneurs de fa commiflîon, & après avoir
entendu leur réponfe, il s'embarque,
arrive à Venife, monte au Palais, fait
fa fommation, & déclare la guerre au
cas qu'on ne fatisfafle point à fes demandes. Le Doge répond au nom de
la République en des termes aufli refpedueux pour le Roi qu'ofîènfans pour
ï$
BIBLIOTHèQUE
1
le Pape, qui étoit alors Jules II. mais
JEAN MA- cette réponfe ne décidant rien ,
ROT.
Mowtjoyt part, & fans dilation
Abandonna palais & tabernacle ,
Ne demanda faire collation ,
Crairnant trouver pour fa résection
Quelque morceau d'efprouveur de triade.
Le Roi partit de Grenoble au mois
d'Avril 1509. au milieu des pleurs de
la Reine & de toute la Cour qui l'avoient fuivi jufques-là.
Anne Royne des Daines la plus noble,
Ne peult parler pour fa dure deftreiTe ;
Sembloit Dido quant Eneas délaiiTé,
Ou Ipfîphile abandonnant Safon.
Toute fa Cour mêle fes larmes aux fiennes, & le Poète s'arrête longtems fur
ce fujet : mais Louis XII.
Portant en face une faindte Iyeflè,
part, & arrive le premier de Mai à
Milan où la joie de le revoir, tranfporte tous les habitans.
Pendant fa marche, M. de Chaumont, Grand-Maître , avoit pris Trévi fur les Vénitiens qui ne tardèrent pas
à reprendre cette Place.
Bartheleini furnonvmé d'AIviane,
F R A N ç O I S E .
19
Eftoit leur chef, homme très-vertueux ,
— — —
Et l'autre eftoit le Conte Pètillane,
JEAN MA-
Vaillant de loing, hardy comme une cane,
KO T .
Mais en paincture horrible & valeureux :
Venir on le peult aux gcftcs fumptueux
Qu'en fa inaifon il a dépaincts et fuira ;
Beflemble aux Grecs de gloire ambitieux,
Dont les efcritz vallent mieulx que les faicrz.
Le Roi n'ayantpû empêcher la reprife de Trevi, paJle la rivière d'Ade avec
fon armée comblée de vingt mille
hommes, va chercher celle des Vénitiens qui en avoient trente-huit mille,
ce leur préfente bataille à une portée de
fuiil de levii'sretranclwmens.EyAlviane
vouloir l'accepter, Pètillane s'y oppofa, efpérant que le Roi viendroit les
attaquer dans leur camp. Mais ce Prince fçachant qu'ils y étoient bien fortifiés , voulut les attirer dehors, & cependant envoya fommer les habitans de
Bivolte de fe rendre,
On qu'à fac feront m i s , leur ville mis en cendre.
La refponfe fuit telle , que riens ne le craignoient,
Car à trois mille d'eulx Vénitiens étoient,
Qui leur avoient promis , en peine de mourir ,
Qu'en bataille rangée les viendroient fecoirrir.
Sur cette réponfe, le Roi abandonna la
2.0
BlBIIOTHEQTJE
v ,• ... Ville à ceux qui voudroientl'attaquer ,
JEAN MA-en difant,
ROT.
Saulvez l'honneur desDames, jeunes enfans gardez,
Et des rebellant ratftes ainfi que l'entendez.
La Ville fut donc attaquée, prife, pillée & brûlée, fans qu'elle eût reçu a u cun fecours des Vénitiens.
Le Lundi quatorzième Mai les deux
armées en vinrent aux mains dans la
plaine de VelU. Le combat fut long &
opiniâtre, la victoire fut bien difput e e , mais le Roi demeura vainqueur.
L'armée des Vénitiens fut entièrement
défaite, de perdit toute fon artillerie &
tout fon bagage. Il y eut un grand
nombre de prifonniers , & l'on fit mille fagots des piques qu'on ramaffa fur
le champ de bataille. Cette victoire fut
d'autant plus glorieufepour LouisXII.
qu'il la remporta fans aucun fecours
étranger.
En Aignadel fur le champ de Vella,
Loys douziefme occift & débella
Sans le fecours d'Empereur, Roy ou Pape,'
Vénitiens, leur donnant telle eftrape
Que feize mil & plus moururent là,
Dalvim tint, Titilla* reculla ,
Auflî l'on dit en la gloire qu'il a ,
Que fon cheval n'eufi pas la goûte grappe
En Aignadel , &c.
F R A N ç O I S E .
21
D'Alviane qui étoit du nombre des
-^
prifonniers, fut traité avec honneur, JEAN MA&fecouruavec foin par les ordres du i e T #
Roi, quoiqu'il eût ofé quelques jours
auparavant écrire .à-ce Prince
Que de grands chaînes d'or Iyéle rueneroit
Jufques dedans Venitè.
Cette Victoire fit tant d'honneur à
Louis XII. qu'on le regardoit partout,
Coin s'il -rutt le fléau de Juflice dirine.
Quand la nouvelle en fut venue en
France, la Reine , la Cour & tout le peuple en témoignèrent beaucoup de
joie. Le Poète décrit au long tous les
effets qu'elle produifit.
Le 16. Mai l'armée du Roi marcha
fous les ordres à Carvas,, Cçtte Villerefiiia.de fe rendre ; elle y fut contrainte,
t5c cependant Louis fit grâce avrx habitans, à l'exception de .cinq ou fix
Milanpis qu'il y trouva armés contre
lui. La reddition de cette Place fut fuivie de celle de plufieurs autres , & enfin de tout le Bergam^ue. LesCrémo
nois
Apportent clefs, du Roy prennent les armes ^
• i u y ptomettant.d'être loyaux & fernes.,
^
JEAN M A -
ROT.
BIBLIOTHèQUE
En louant Dieu félon leurs dits & termes ;
D'avoir tel Prince.
Brefce imita l'exemple de Crémone,
en déteftant le gouvernement de Venife. Le foldatétoitprelque fâché de tant
de docilité ; il auroit voulu avoir la
liberté de piller impunément ; mais le
Roi loin de le permettre, alla jufqu'à
courir lui-même dans un Village charger ceux qui le pilloient. Pefquaire
moins docile que Brefce & Crémone ,
fut la viclime de fon opiniâtreté : le
Roi l'avoit fait fommer de fe rendre ,
mais les habitans n'avoient répondu
qu'en
Montrant leur cul par-deflus la muraille ,
Proférant mots fi vilains & pervers,
Qu'il n'eft Autbeut qui les couchait par vent.'
Leur infolence fut rigoureufement punie. Après la prife du château, la garnifon fut pendue, & tout le relie fut
maflâcré. Peu après le Roi fit fon entrée dans Crémone ; c'étok le vingttroiiiéme de Juin : il y fut reçu avec
magnificence & de grands applaudiffemens. De-là il pana à Pifquiton & à
Crefine , d'où il retourna à Milan , où
on lui fit encore une entrée qui avoit
Pair d'un, triomphe. On avoit fait for
F R A N ç O I S E .
ij
un char élever un trône que foutenoient —M™*—'
la Force, la Prudence & la Renom- JEAN MAmée. Le Roi fouffrit avec peine les R0T*
louanges qui lui furent données en cette œcafion, du moins félon le récit de
Marot, qui ajoute :
Lors tout honteux leur a dit, Bexuht Seigneurs
Au Roy du Ciel en font dûs les honneurs,
Non pas a roey, le moindre des niineurs.
Le Poète rend encore le même témoignage à la modeftie du R o i , lorfque
ce Prince marcha fous le dais qui lui
avoit été préparé.
Quatre Bourgeois renommés en vertus ,
Foille ont pond d'or, riche & fomptueux
Oeflus le Roi : lors le très-vertueux ,
Comrne ung Céfar en gefte fe monftroit,
Regard plaifant, maintien chevaleureux ,
Fort afleuré, mais ung petit honteux
Des haults honneurs que chafcuii luy raUbit.
Le Roi relia vingt-fix jours à Milan ;
&quoique chaque jour fûtmarquépar
uelque nouvelle fête, il ne laiffa pas
e s'appliquer à mettre ordre à tout ,
particulièrement à ce qui concernoit
la juftice ,
Q
Faifant congnoifire
Que tans iceile on voit droit à ièoeitre ,
24\
BIBLIOTHèQUE
Vertus décheoir , mal pulluler & croiltre,'
J E A N M A - E t oulsre-plusfleftrirmaint royal fceptre
ROT.
Très-fleuriflant.
Il donna ordre qu'on bâtît une Cirapelle à Aignadei en mémoire de la bataille de Vella, partit le 26 Juillet, au
grand contentement des François qui
commençoient à s'ennuyer en Italie ,
& fe rendit dans le mois d'Août à fa
Cour au milieu des acclamations pu- briques. Il étoit tombé malade fur la
route, ee qui l'avoir obligé de demeurer treize jours à Biégras. Jean Marot
finit fa relation par un Rondeau qui
contient une récapitulation de toutes
les viétoires du Roi.
Les deux poèmes dont je viens de
parler furent imprimés pour la première fois à Paris le 22. jour de Janvier
Voy« leca- 15 32. pour Pierre Roufet dit le Faulçuogue à Lacheur, par Maître Geofroy Tory de
Bourges, Imprimeur du Roi. Je parlerai ailleurs des autres éditions. Le titre de celle-ci eft : Jan Marot , fur les
deux heureux voyages de Çenes fjr Ven
viclorieufement mis afin parie très-Chr
fiien Boy Loys doutéefinede ce nom, pè
du peuple,& véritablement efcriptpar ice
Jan Marot, alors Poète & Efcrivain de
i4 très-magnanime Royne Anne, Puche
sut
FRANçOIS».
iç
«V Sretaigne, & depuis Valet de Chant-',
kre du très-Chrejliett Roy François premier JE AN M**
du nom.
ROT.
Le plaifir que caufalaledturede ces
deux voyages fit rechercher avec foin
ks autres œuvres de l'Auteur. On n'ignproit pas qu'il avoit compofé beaucoup d'autres poëfies ; mais on fçavoit
auffi qu'indifférent fur fes productions,
il en avoit peu confervé. On en trouva enfin quelques-unes qu'il avoit recueillies lui-même , & on les publia en
1536. C'eft un petit volume in-i 6. de
cinquante-fix feuillets non chiffrés, imprimé fans nom de lieu, orné de quelques gravures en bois, &c qui contient
Rondeaulx, Epiftres, vers efpars & chantt.
Royaulx. La pièce la plus confidérable
de ce recueil eft le Doctrinal des Princeffes & nobles Dames , fait! & déduift
enxxi 111 Rondeaulx, deft-à-dire, que
le Poëte entreprend d'enfeigner à celles
qu'il veut inftruire, ce qu'elles doivent
être & ce qu'elles doivent faire pour
s'attirer l'eftime & le refpect de tout le
monde. Ainfi le fujet du premier Rondeau eft l'honnêteté; celui du fécond eft
la prudence ; la libéralité fait la matière
du troifiéme, Dans les autres, le Poëte veut que l'on ne promette rien, ou
Tome XL
B
i6
BlBIlOTHÈQTJB
J'
i que l'on tienne exactement ce qu'on 3
JEAN MA- promis ; que l'on faflè cas d'un vérita*0T*
ble ami ; qu'on,ne croie pas trop légèrement ; que l'on eftime les gens de lettres ; que l'on foit fobre dans fes paroles , aufli-bien que dans l'ufage des
chofes humaines ; que l'on fuie l'oifiveté & l'avarice ; que l'on reconnoiflè
que le bien vient de Dieu ; que l'on
donne bon exemple ; que l'on n'attende pas les approches de la mort pour
faire le bien ; que l'on chériflè la paix,
l'honneur, la patience, la chafteté ;
que l'on prie Dieu en eforit & en vérité. Une noble Dame doit rechercher
les gens lettrés, & voici les raifons que
le Poète en apporte :
En fa rnaifon doibt la Princefle avoir
Gens bien lettres. Car ainiî qu'on peut veoir
Que l'arbre & fruiet le verger embellift,
1,'boTrime fcavant là demeure errnoMift
tu h doctrine yffanr de ion (çavoir.
Tout bon confeil elle en peut recepvoir.
Mais d'un gros fol, certes a. dire voir
Autant vauMroit qu'il dormift fus ung lit
En fa maifon.
Préférer fàak fcience i tout avoir :
LA ration eft : que l'or ne peult pourveoir
Ou féru lnirnain fon vouloir accomplir! ;
FRANçOISE.
ij
tmxSe donc de grant honneur s'emplift >
Qui d'attirer gens diferetz fàict debvoir
En fa maifon,
J E A N M«V»
ROT.
On a fouvent dit que la vertu & la
beauté ont prefque toujours été deux
ennemies irréconciliables : Jean Maroc
veut qu'une noble Dame ne les fépare
jamais.
Qui a ces deux chafteté Se bcaulté ,
Vanter fe peult qu'en toute loyaullé
Toute aultre Daine elle funnonte & pane ;
Veu que bcaulté oneques jour ne fut laue
De faire guerre à Dame chafteté.
Mais quant etuemble elles font unité ,
C'eft don divin joinct i l'humanité,
Qui tend la Dame accomplie de grâce ,
Qui a ces deux.
Mieulx vault laideur gardant honnefieté .
Que bcaulté folle en chaflant netteté.
Toy donc qui as gent corps Si. belle face .
Prens chafteté , tu feras l'oultrepalTe :
Car Meung nous dit que peu en a efté
Qui a ces deux.
Je vous ai rapporté ailleurs ce que Jean.
de Meun a dit fur cela dans le Roman
de la Rofe.
Jean Marot règle jufqu'au mùm'iern
que doivent avoir les nobles Dames g
Bij
i8
BIBLIOTHEQUE
-
& la manière de s'habiller. Ces vingtJEAN MA- quatre Rondeaux font fuivis de deux
»0T«
Eptftres des Dames de Paris, l'une au
Roi François L eftattt delà les Monts ,
& ayant défait! Us Suif es ; l'autre aux
Çourtifans de France eftans pour lors en
Italie. Dans la première, les Dames
pendant l'abfence du Roi & dans l'efpérance de fon retour fe repréfentent
Ainfi que l'ame eftant en Purgatoire
Preut peine en gre", toujours efpérant gloire.
Quand vous panâtes les Alpes pour aller en Italie, ajoutent-elles,.
. . . . . . alors jeux & efbatz,
Robes de prix & joyaulx inifmes à bas i
Pour prendre noir la dolente couleur .
Guidon d'ennuy, te mortelle douleur.
Que te dirons ? tors que procédions
Vng chafeun jour faire nous ne cédions ,
Les ungs piedz nudz, & les autres en langes ;
Faire des vceufz fi dirers & eftranget ,
Que n'en croyras à peine la moyrié ,
Non pas le*quart, fi ce n'eft par pitié.
L'une fift reu qu'à tousjours jeufrteroit
jmfques à tant que novelles auroit
'De ton retour , & l'autre fans faintife
Promift à Dieu que deflbubz fa chernife
Sur le corps nud elle porteroit crante
£ a chaîne d ' o r . , . . . . . .
<
F R A N ç O I S E .
Que diray plus ? L'autre à Dieu a faite reufz
De non peigner fes blonds & longs chevoulx,
jufques à ce qu'en France elle te voye ,
Ou qu'au retour tu te mettes en voye.
20
;
JEAN MAROT.
La joie qu'elles eurent quand elles apprirent que le Roi avoit battu fes en-nemis, n'eft pas décrite avec moins de
vivacité.
L'Epitre des Dames adreiîée aux
Courtifans qui étoient en Italie, a pareillement pour but de les exhorter à
revenir. Elle efï compofée de huit vers
de dix fyllabes, fuivis alternativement
de douze vers de quatre fyllabes, & de
quatre vers de huit. Les Dames de Paris y font un parallèle d'elles avec les
Dames d'Italie,- & ce parallèle n'eft
qu'au défavantage des dernières. Cette
Êpître eft trop libre , & le Poète y a
oublié la décence qu'il obierve prefque
partout ailleurs. Elle a été écrite, comme la précédente, en 151 5.
Cette année l'Empereur Maximi•lien , Ferdinand, Roi d'Efpagne , le
Pape Léon X. les Suiffes , & Sforce ,
Duc de Milan , s'étant ligués contre
François I. ce Prince palTa en Italie ,
oix malgré les difficultés des chemins &
la mauvaife foi des SùilTes , il battit &
ôc défit fes ennemis : plus de dix mille
Biij
JO
BlBLIOtHEQUE
g——"—'* Suiflès relièrent fur le champ de batailJEAN MA- l e . j e a n Marot avoit deflèin de célébrer
*0T*
cette victoire ; il le commença même
dans une Epître à la Reine Claude ;
mais il mourut fans avoir achevé cette
pièce, dont il ne nous a laifle qu'environ 150 vers : elle eft intitulée , Commencement d'une Epifire de Jehan Marot
à la Rojne Claude, en laquelle Epifire
( fi mort luj eufi donné le loifir ) il avoit
délibéré de defirire entièrement la défaille
des Suijfes au Camp Saincle Brigide. Ce
qui nous refte de cette pièce eft terminé par ce Sixain de Clément Marot.
Icy l'Autheur fon Epiftre laifla ,
Et de dicter pourtant ne fe lailà ;
Mais en chemin la mort le vint furprendre.
En luy difant : ton efprit par deçà
De travailler foirante ans ne ceffa :
Temps eft qu'ailleurs repos il voyfe prendre.
D'où il faut conclure que Jean Marot
n'étant mort qu'en 15.23. ou il avoit*
attendu trop longtems à célébrer la défaite des Suiflès arrivée en 1 51 5. ou il
avoit négligé pendant plufieurs années
de finir fon Epître.
Il n'avoit pas cependant confacré cet
intervale à l'oifiveté. Avant 15 20, té-
F R A N ç O I S E .
31
moin des murmures que l'on faifoit à — —
l'occafion des impôts que François I. JEAN MAavoit exigés pour fubvenir aux frais de R0T*
la guerre , & de quelques écrits féditieux que l'on avoit répandus dans le
public à cette occafion, il entreprit de
juftifier la conduite du Roi dans un
petit poème où il introduit la France
qui fait l'apologie de ce Prince 5c la
cenfure de fes ennemis, en s'adreflànt
aux trois Etats du Royaume. Ceux-ci,
c'eft-à-dire, Nobleffe, EgtifeSc Labour,
parlent enfuite l'un après l'autre, &
concluent tous en faveur du Roi. Cette pièce eft fort bien raifonnée ; & elle
étoit très-propre à faire voir que les fujets de François I. étoient tous dans
l'obligation de continuer à lui fournir
les fubfides dont il avoit befoin. Ce
petit poème eft fuivi de trois pièces ,
fur la Conception immaculée de la Sainte
Vierge, fur la Paffion de J. C. ôc fur fa
Mort, & de cinquante Rondeaux. C'eft
par ceux-ci que finit le recueil des oeuvres de Jean Marot.
L a plupart de ces Rondeaux fe lifent encore avec plaifir : ils font fur divers fujets, mais principalement fur
l'amour. Il y en a où règne une aimable naïveté, comme dans celui qu'il
B iiij
3z
BIBLIOTHèQUE
adrefla au Roi pour demander un che>JEAN MA- val. C'ell le trente-troifiéme Rondeau.
KOT.
Vous pouvez le lire dans le recueil de
fes poëfies.
Vous me difpenferez aufli de vous
donner des exemples de fes Rondeaux
amoureux, quoiqu'il y en ait de fort
bien tournés. On prétend que Marot
ne les faifoit que pour s'égayer, & qu'il
n'a chanté que des Iris en l'air. Il y a
quelques-uns de ces Rondeaux qui font
donnés comme des réponfes de plur
iieurs Dames qu'il avoit célébrées ;
mais on ne doute pas qu'il ne foit luimême l'Auteur de ces réponfes. On ne
peut l'excufer d'avoir employé dans un
de ces Rondeaux le mot & l'idée de Trinité en un fujet tout-à-fait profane. Ce
n'étoit point en lui impiété ; il donne
trop fouvent ailleurs des marques de fa
religion : mais c'étoit un défaut d'attention qu'on ne peut que condamner.
Dans toutes les éditions des œuvres
de ce Poëte, qui ont précédé celle de
1731. on a omis une pièce qui eft certainement de lui, & dont on avoit une
édition ancienne faite à Paris in-16.
Le titre de cette pièce eft la vray-difant
Avocate des Dames. On voit par les derniers vers que ce poème fut infpixé au
F R A N ç O I S E .
33
Poète par le defir de plaire à fa pro• •
tectrice, Anne de Bretagne, Reine J EAN M*-de France. Je ne fçai fi l'envie d'ap- R0T*
plaudir au Panégyrifte de la Reine fit
que ce poème fut trouvé beau : on ne
le lit pas aujourd'hui avec plaifir ; & fi
la réputation de Jean Marot n'eût point
eu d'autre fondement , j'ai peine à
croire que fon nom fût venu jufqu'à
nous avec quelque diitinction. Mais
on a pu admirer alors, tantôt la facilité avec laquelle il change de mefures
de vers, tantôt la variété qu'il a mife
dans cette pièce, en panant d'un Rondeau à un chant Royal en l'honneur de
la fainte Vierge, & de-là à une Ballade pour retourner à un .Rondeau : tantôt l'érudition qui fait l'unique beauté
de quelques endroits, & qui paroîtroit
aujourd'hui afiez commune , & même
un peu déplacée ; tantôt enfin la dévotion que le Poète y a répandue, fans
trop examiner fi elle convenoit à la
place où il l'a fait paroître. On trouve
d'ailleurs dans cet écrit plus de bafies
expreflions que dans la plupart des autres productions de notre Poète- En urt
mot je doute que les Dames de notre
fiécle y louaflènt aujourd'hui autre choie que la bonne intention de l'Auteur. T
Bv
34
BIBLIOTHèQUE
• & la naïveté qu'il a quelquefois r e n JEAN MA- contrée aflêz heureufement.
R0T
»
M . l'Abbé Lenglet dans la dernière
édition qu'il a donnée en 1731. des
poèfies de Jean, de Clément & de M i chel M a r o t , a joint cette pièce aux autres poèfies de J e a n , en la faifant i m primer en partie fur l'ancienne édition
Gothique , qui étoit fort r a r e , & en
partie fur un manufcrit qu'il prétend
original. Et ayant trouvé dans le m ê me manufcrit vingt-cinq Rondeaux &
quatre Ballades, qui lui ont paru dans
le même goût & du même flile que les
autres poèfies de Jean M a r o t , il a jugé
auffi à propos d'en augmenter fon édition. Ces Rondeaux font prefque tous
attribués dans le manufcrit à plufieurs
Dames ; mais l'Editeur croit que ce fut
Marot qui les compofa fous leur nom.
Des quatre Ballades, trois ont l'amour
pour objet, de même que les vingt-un
premiers Rondeaux; la quatrième Ballade eft fur la fête de l'Afiomption de
la fainte Vierge.
Si M . l'Abbé L e n g l e t , ou quelque
autre fait réimprimer les œuvres de notre P o è t e , il ne manquera pas , fans
d o u t e , d'y ajouter les vers qu'il fit fur
la maladie d'Anne de Bretagne, fem-
FRANçOISE.
35;
me de Louis XII. qui allarma laFian- • ••
1
ce en 151a. & caufa les plus vives in- J*Awim»
quiétudes au Roi. M. l'Abbé Sallier R0T* nous apprend , comme je l'ai obfervé
plus haut, que ces vers font confervés
manufcrits à la Bibliothèque du Roi ;
& voici l'idée que nous en donne ce
favant Académicien. «Cet écrit de«
Jean Marot eft, dit-il, de la même «
forme à peu près que celui que Jean «
le Maire compofa fur le même fujet. *
LaNobleffe, l'Eglife & le Peuple*
préfentent à Dieu leurs vœux pour la «
fanté d'Anne de Bretagne. La Cha- «
rite, la Foi, l'Efpérances'intéreffent*
pour la même chofe ; & les puiftàns «
motifs que ces perfonnages allèguent *
dans leurs prières, font tirés de la «
piété d'Anne de Bretagne, de fon «
amour pour fes fujets, de fon incli- « l
nation bienfaifante, & des autres ver- «
tus que l'on admiroit en fa perfonne. •*
Quand on a lu ces diverfes poè'fies
de Jean Marot, dont je viens de vous
rendre compte, il eft aifé de voir que
ce Poète avoit plus de jugement que
d'étude, plus d'étude que d'imagination & de ce beau feu qui fait Us Poètes , plus cependant de cette heureufe
chaleur que de nobleflè & d'agrément,
Bvj
$6
BIBLIOTHEQUE
'tk plus de ces dernières qualités que
& de correction dans fa
manière de verfifier. Les deux Voyages
de Gènes & de Venife font, à mon avis,
& félon lefentimentdes meilleurs Critiques , ce qu'il a fait de plus beau. Je
vous l'ai déjà dit, à l'exactitude hiftorique il joint de l'invention & de l'ordre : Ses defcriptions font juftes, &
n'ont communément rien d'affecté ; il
peint bien , & fçait ce qu'il faut peindre : il s'exprime fouvent avec beaucoup de force , mais fouvent auflî il le
néglige trop , & le tour de fa phrafe
en. devient obfcur. Affez fouvent l'on
trouve des vers où l'arrangement des
mots détruit abfolument la céfure ; les
exemples de ce défaut font fréquens.
Trop fouvent auffi il fe contente à l'égard de la rime, que les trois dernières lettres de deux mots fereffemblent,
quoique le fon foit très-différent ; ainfi
il fait rimer Hercules avec Achtles, genre avec guerre. Les Hiatus abondent
dans fes vers. Il n'eft pas rare non plus
d'y trouver des hémiftiches qui enjambent, d'autres quifiniffentpar un * féminin : en un mot il aencegenreprefque tous les défauts de nos anciens
Poètes. Il fait de même un trop fré-
JEAN MA- d'exactitude
8,0T
*
F R A N ç O I S E .
37
quent ufage des proverbes, & il en
' A
emploie quelquefois de très-bas en des JEAN MAfujets graves & relevés. Mais une cho- ROT *
fe où il femble avoir excellé, c'eft dans
le choix des différens vers qu'il emploie
félon les fujets qu'il traite, & dans l'ordre fimple & naturel où il fçait placer
toutes fes matières. La plupart de fes
Rondeaux font bons, & il y en a quelques-uns de très-bons.
CLEMENT
MAROT.
Jean Marot retiré à Cahûrs, s'y étoit
marié étant déjà dans un âge avancé.
Il n'eut qu'un fils de fon mariage. Ce
fut le célèbre Clément Marot. Il naquit
en 1495. & fut amené à Paris à l'âge
de dix ans. Son père eut foin de cultiver les talens qu'il lui reconnut pour la
ppëfie, & ne négligea point de lui faire apprendre la langue Latine. Mais
il fit fes premières études avec peu de .
fuccès, & Clément en rejette la faute
fur fes maîtres. En effet, dit-il dans
fon Epître quarante-troifiéme,
En effet c'eftoyent de grands belles
Que les Régens du temps jadis ;
Jamais je n'entre en Paradis
S'ils ne m'ont perdu ma jeuneffe.
38
-
BIBLIOTHèQUE
Il y avoit cependant alors des Prcv
CLéMENT fefTeurs très-habiles, & qui ont formé
MAROT. d'ill u ft re s difciples , & je ferois tenté
de croire que Marot a trop légèrement
accufé fes maîtres de ce dont il étoit
feul coupable. Né avec le talent de la
poè'fie , & un penchant trop violent &
trop facilement écouté pour la paflion
de l'amour, étoit-il furprenant que l'étude fût peu capable de l'attacher ?
Son père qui ne pouvoit lui laiflêr
d'autre tien que l'éducation, crut qu'il
travaillerait, utilement pour la fortune
de ce fils unique en le mettant chez un
Praticien. On vit donc l'élevé de Clio
amsdansun Bureau de chicane. Cet
état ne tarda pas à lui déplaire, & l'on
tâcha en vain de le lui faire goûter. On
ne fait jamais bien ce que l'on fait malgré foi. Clément entraîné par le démon
de la poè'fie & par l'amour du plaifir ,
préféra l'un & l'autre à l'étude des
loix ; & il fallut enfin y renoncer.
Il entra en qualité de Page chez Nicolas de Neufville, Chevalier, Seigneur
de Villeroy, chez qui il demeura peu.
Dès 1513. il pana, en qualité de Valetde-Chambre au fervice dé Marguerite
de Valois, Ducheflè d'Alençon & de
Berri, qui époufa depuis en fécondes
F R A N ç O I S E .
39
aôces Henri d'Albret, Roi de Navar- : • " s
re. Deflors la fituation du jeune Poète CLéMENT
devint charmante, & il ne tint qu'à lui MAROT.
qu'elle fût utile. La qualité de Domef- £ " ' J ^ f ? ;
tique d'une grande Princeflè,6c la beau-p. Mî. &r.
té de fes vers le faifoient confidérer de
tout ce qu'il y avoit de perfonnes distinguées à la Cour. La politeflè de fes
manières & l'enjouement de fa conversation ne contribuoient pas moins à le
faire aimer & rechercher. Il devoir être
à la Cour de France ce que Voiture y
a été depuis. Mais il mit lui-même plus
d'un obftacle à fa fortune par le dérèglement de fa conduite, & par fon penchant trop marqué pour la nouvelle
Religion. Peut-être fit-il encore d'autres folies.
Si l'on en croit le dernier Editeur de
fes poëfies, Clément ofa porter fes vues
ambitieufes jufques fur lafameufe Diane de Poitiers, depuis Ducheflè de Valentinois, & même fur Marguerite de
Valois fœur de fon R o i , & fa paflîon
fut écoutée. Mais quelques conjectures que cet Editeur entaflè les unes fur
les autres, quelque tournure qu'il leur
donne pour faire croire que ce font autant de vérités fondées fur les poëfies
mêmes de Marot, je n'y vois rien qu'u-
4°
BIBLIOTHEQUE
« = = = s ne pure fiction à peu près femblable a
CLéMENT celles qui ont été employées par les
MAROT. Ecrivains Romanefques des Amours
de Catulle, de Tibulle , d'Horace &
de Properce. Malgré cette affection prétendue de Marguerite de Valois pour
fon Domeftique, Marot trouva tant
de difficultés pour être couché fur. l ' E tat de la maifon de cette Princeffe, qu'il
s'en plaint dans fa Ballade huitième :
c'étoh aimer bien gratuitement.
Cet attachement réciproque , quelque réel qu'on le fuppofe de part &
d'autre, n'empêcha pas le Poète de fuivre François I. à Reims & à Ardres en
15.20. & le Duc d'Alençon au camp
d'Attigny où ce Prince avoit en 15 21.
le commadement de l'armée de France. La même année il fe trouva à l'armée du Hainault que François I. commandoit en perfonne , & on le voit en
1 525. à la funefte bataille de Pavie ,
où il fubit le même fort que le refte de
l'armée de France ; il y fut bleue au
bras, & refta prifonnier comme beaucoup d'autres. Dès qu'il eut été mis en
liberté, il fe hâta de l'écrire à une peribnne qu'il ne nomme point, & à qui
il fit part de fon avanture & de fes fenrimens.
F R A N ç O I S E .
41
De plus grandes infortunes l'atten-?=
"
doient en France. Libertin d'efprit & CLéMENT
de cœur , il violoit fans fcrupule les MAROT.
loix de l'Eglife comme les règles de la
morale. On fe fcandalifa de fa conduite ; il fut dénoncé au Docteur Bouchard , que François I. avoit établi pour
écouter les plaintes qu'on avoit à faire
contre ceux qui fuivoient ou qui paroiflbient fuivre les erreurs de Luther
qui ne fe répandoient que trop alors
dans le Royaume. En conféquence il
fut arrêté en 1525, conduit au Châtelet, interrogé, trouvé coupable, quoiqu'il eût protefté de fon innocence dans
une Epître qu'il adrefla au Docteur
Bouchard fix jours après fon emprifonnement, & dans laquelle il dit entr'autres.
. . . . point ne fuis Luthdrifte ,
Ne Zuinglien, & moins Anabaptifte . . . .
Je luis celui qui ait tait maint efcrit ,
Dont un ieul vêts on n'en fçauroit extraite
Qui à la loi Divine foit contraire *. . . .
Bref celui fuis qui croit, honore & ptife
La faincte , vraye & catholique Eglife.
Autre doctrine en nvoy ne veux bouter :
Ma Ioy eft bonne, & fi ne faut douter ,
Qu'à mon pouvoir ne la prife & exauie....
4.2
BIBLIOTHèQUE
— — —
Que quiers-tu donc, o Docteur catholique ?
CtEMENT
Q u e quiers-<u donc? as-tu aucune picque
JVlAROT.
Encontre moy : ou fi tu prens faveur
A me trifter deflbus autruy faveur ?
l e crois que non; mais quelque faut entendre
T'a fàict fur moy telle rigueur ettendre.
Cette juftincation n'ayant fervi de
rien, Marot écrivit à Lyonjamet cette
Epître ingénieufe, dans laquelle, fous
le fymbole du Rat qui délivre le L y o n ,
dont il raconte agréablement la fable,
il engagea cet officieux ami de venir
folliciter fa liberté. Hréclama aulTi l'autorité de la DuchelTe d'Alençon, dont
il étoit Domeflique, le nom même du
R o i , & des personnes les plus diftinguées de la Cour : tout fut inutile, &
la feule grâce qu'on lui accorda, fut
de le transférer en 15 26. dans les priions de Chartres, moins défagréables
& plus faines que celles de Paris. Il y
eut auffi plus de liberté, & il y fut viiîté par tout ce qu'il y avoit de plus
coniidérablê dans la Ville. Ce fut dans
cette prifon qu'il compofa fon Enfer ,
où il fait une defcription poétique du
Châtelet, & des abus des gens de Juftice, & qu'il re.vit le Roman de la Rofe, qu'il s'avifa de corriger en y fubiii-
F R A N ç O I S E .
4.3
tuant des phrafes connues à la place de
1
celles qui avoient vieilli. C'efl ainfi CLéMENT
qu'il charmoit l'ennui de faprifondont MAROT.
il fut délivré lorfque François I. revint
dans fes Etats le premier Mai delà même année 15 26. comme il le marque
dans ce Rondeau par lequel il. fit part
de fa liberté à fes amis.
En liberté maintenant me pourmaine ,
Riais en prifon pourtant je fus cloué :
Voilà comment fortune me demaine.
C'eft bien, & mal : Dieu foit du tout loué.
Les envieux ont dit que de Noué
N'en fottirois : que la mort les enunaine ;
Maulgré leurs dens le neu cft dcfnoué :
En liberté maintenant me pourmaine.
Pourtant il j'ay tafché la Court Rorrunaine,
Entre mefchans ne fus onc alloué :
De bien faniez j'ai hanté le dornmaine .Mais en prifon pourtant je fus cloué . . . .
J'cuz à Paris prifon fort inhumaine ;
A Chartres fuz doulcerrtfSx» encloué :
Maintenant vois où mon plaifîr me niaine ;
C'eft bien , & mal : Dieu foit de tout loué.
Au fort, Amis , c'eft à vous bien joué ,
Quand voftre main hors du pet me ramainc :
Efcrit, & faict d'un cœur bien enjoué ,
Le premier jour de la verte femaine
En liberté.
44
CLéMENT
BIBLIOTHèQUE
V
Les réflexions qu'il avoit eu le lorfir
jg r a j r e ^ j pa p r if on} l'avoient engagé à donner dans fon Enfer des avis judicieux qu'il fuivit fort mal dans la pratique. En 1530. ayant oie arracher des
mains des Archers un homme qu'on
menoit en prifon, il y fut mis lui-même,
& il eut befoin de l'autorité du Roi pour
en fortir. Cet ernprifonnernent deMarot efl du mois d'Octobre 15 zj.Quinze
jours après il en donna avis au Roi dont
il implora la protection par l'Epître
fuivante.
Roi des François plein de toutes bonte's *
Quinze jours a ( je les ai bien comptez )
Et dès demain feront juftement feize,
Que je fus fait confrère au Diocefe
De faint Marry, en I'Eglife faint Pris.
Je vous dirai comment je fus furpris,
Et me déplaît qu'il faut que je le die.
Trois grands pendârrls vinrent à l'étourdie
En ce Palais, me dire en defarroi,
Nous vous faifons prifonnier par le Roi.
Incontinent, qui fut bien étonné,
Ce fut Marot, plus que s'il eut tonné :
Puis m'ont fait voir un parchemin écrit,
Où n'y avoit feul mot de Jeuis-Chrift.
FRANÇOISE.
4,5
Vous fouvient-il me dirent-ils alors ,
Que vous étiez l'autre Jour là dehors,
CLéMENT
«-w »
MAROT.
s.
_. •
•/•
Qu on recourut un certain plafonnier
Entre nos mains ? Et moi de le nier ;
Car foyez sûr que C j'eufle dit oui,
Le plus fourd d'eux fans peine m'eut oiii :
Et d'autre part j'eufle publiquement
Eue menteur :car pourquey Se comment
Aurois-je pu un autre recourir,
Quand je n'ai feu moi-même fecourir T
Four faire court, je ne pus tant prefeher,
Que ces pendards me vouluûent lâcher.
Sur mes deux bras ils ont leur main pofe'e,
Et m'ont mené ainii qu'une efpoufée ;
Non pas ainfî, mais plus rpide un petit.
Et toutesfois j'ai plus grand appétit
De pardonner à leur folle fureur,
Qu'à celle-là de mon beau Procureur;
Que maie mort les deux jambes lui cane.
II a de moi bien bien pris une Beçcafle ,
TJne perdrix, 8c un Levraut auffi ;
Et cependant je fuis encore ici.
Encor je crois, fi j'en eavoiois plus,
Qu'il le prendroit, car ils ont tant de glus
Au bout des doits, ces faifeurs de pipée,
Que toute chofe oii touchent, eft grippée.
fvlais pour yenix au point de mafbrtic,
——»
46
BlBEIOTHEQUE
Si doucement j'aiflattéma partie,
CLéMENT Quenous avons bien accordé enfemble,.
M A ROT.
Et je n'ai plus affaire, ce mefemble,
Sinon à vous, la partie eft bien forte ;
Mais le grand point où je me réconforte,
Vous n'entendez procèsnon plusquemoi:
Ne plaidons point, ce n'eft que tout émoi.
Si vous fuppli, Sire, mander par lettre,
Qu'en liberté vos gens me veuillent mettre;
Et fi j'en fors, j'efpere qu'à grand peine
M'y reverront, fi l'on ne m'y rameine.
François I. fut fi charmé de cette Epître, qu'il écrivit lui même à la Cour
des Aydes pour faire accorder la liberté au prifonnier. La lettre de ce Prince eft du premier Novembre de la même année : elle eft rapportée par Ménage dans l'Anti-Baillet, ( part. z. chap.
11 z. p. .23 5. édit. in-4 0 . j
Cette nouvelle difgrace de Clément
Marot ne fut encore rien en compâraifon de la tempête que fes fentimens fur
la Religion excitèrent contre lui. La
Juftice laifit fes papiers & fes livres. Il
fe fauva à la hâte en Béarn l'an 1535.
& enfuite à Ferrare auprès de la Ducheflè, Madame Renée de France.
Quoique cette Princefie l'honorât de.
F R A N ç O I S E .
47
fa protection , il ne'fut pas longtems à "
fa Cciur fans être agité par de tendres CLéMENT
& inquiets retours fur fa patrie. Le M A R O T «
Duc d'ailleurs attaché au Pape & dévoué à l'Empereur, regardoit de mauvais œil les François, & en particulier les Religionnaires qui cherchoienc
un azile dans fes Etats. Marot le fentit, & fe retira en 1 5 3 6. à Venife. Ce
fut de-là qu'il obtint ion rappel en France , & enfuite à la Cour, par le moyen
d'une abjuration folemnelle qu'il fit à
Lyon entre les mains du Cardinal de
Tournon.
A ces orages fuccéda un intervalle
de paix dont il paroît qu'il fut en partie redevable à la prudence que la fréquentation des Italiens, & encore plus
fes difgraces paffees , lui avoient infpirée. C'eiî ce qu'il infinuë dans fon Epître au Dauphin François, écrite dans
le tems qu'il étoit réfugié à Ferrare, &
où il dit entr'autres :
Mais fi le Roy vouloic
Me retirer , ainfi comme il fouloit,
Je ne di pas qu'en gré je ne le prime :
Car un Variai eft nibjeét à fon Prince.
Il le fêroft fi fçavoit bien comment
' Depuis un peu je parle fobremcnt :
4.8
» — — —
CLEMENT
MAROT.
BIBLIOTHèQUE
Car fcs Lombards avec qui je chemine ,
M'ont fort appris à faire bonne mine :
A un mot feul de Dieu me devifec ,
A parler peu , & i poltronnifer ;
Deilùs un mot une heure je m'arrefte ;
S'on parle à moy , je refpons de la tefte.
< .
La publication de fes premiers Pfeaumes troubla cette tranquillité. Quoiqu'il ne fût ni dévot, ni propre à écrire fiir des matières de piété, le célèbre
Vatable ne laiflà. pas de l'exhorter à
mettre les Pfeaumes en vers François.
Il Vouloit, fans doute, fanctifier la
Mufe de notre Poëte , & fon intention
étok bonne. Mais Marot, le profane
Marot, ne connoiflbit guéres fes forces, lorfqu'il voulut s'effayer fur un fujet
fi fublime. Son efprit aifé , naturel,
pouvoir badiner agréablement, railler
finement , ajouter à fon ftile naïf
des, agrément jnimkables; mais cette
naïveté devient plate, cet enjouement
paroît fade, quand on l'applique fur
un fonds auflï riche, auffi relevé, aulîi
magnifique que les. Pfeaumes. Ce fut
en 1536. qu'il publia la traduction
de trente de ,ces faims Cantiques, dans
laquelle il avoit été. aidé par le même
Vatable & par Mellin de Saint Celais.
Bayle
F R A s ç o i s s:
Jf$
ÏJayle n'a pas manqué de faire connoî- !
tre dans fon Dictionnaire quelle vogue 9 L E M E N *
ces rieaumes eurent a la Cour des
qu'ils y parurent. François I. les chantoit avec plaifir. Il n'y avoit ni Seigneur , ni Dame qui n'eût un de ces
Pfeaumes qu'elle aftectionnoit par préférence , & qu'elle accommodoit de fon
mieux aux airs de Vaudevilles, qui
étoient alors à la mode. On en mettoit
fur tous Jes tons , ce qui rendoit fouvent ces Cantiques fort ridicules par
les airs burlefques que l'on y appliquoit.
Marot n'étoit pas refponfable de cet
abus ; & s'il n'y avoit eu que ce défaut
à reprendre , il y auroit e u , fans doute, de l'injuftice à fe foulever contre fa
traduction. Mais les perfonnes fenfées
s'apperçurent qu'il avoit chanté fur le
même ton les Pfeaumes de David de lés
merveilles d'Alix; & ce qui étoit beaucoup plus grave, la Faculté de Théologie deJParis crut y trouver des erreurs,
& elle en fit la cenfure. Elle alla plus .
loin , elle fit fur le même fujet des remontrances & des plaintes au Roi.
François I. qui aimoit Marot, & qui
goûtoit fa verfion dont il defiroit même
de voir la continuation, ne fe prefla
pas de répondre aux remontrances de
Tome XL
C
5<5
BlBlïOTHEQtJÉ
: la Faculté ; ce qui donna lieu à Maroc
CLéMENT d'envoyer ces vers à Sa Majefté.
AIAEOT.
fufque voulez que je pounuive, o Sire ,
L'œuvre Royal du Pfcautier commencé ;
Et que tout cœur aimant Dieu le délire,
D'i befongner nie tient pour difpenfé.
S'en fente donc qui voudra oSènfé ,
Car ceux à qui un tel bien ne peut plaire,
Doivent penfer, li jà ne l'ont penfé ,
Qu'en vous plaifant, me plaid de leur defplaire.'
Ces vers font du premier jour d'Août
154.3. Ils n'arrêtèrent pas les pour fuites de la Faculté de Théologie ; elle
réitéra fes plaintes & fes remontrances, & enfin elle défendit la vente de
la traduction de notre Poète. Marot
craignant que cette affaire n'allât plus
loin , quitta la France, & fe retira à
Genève où il fit encore la traduction
de vingt autres Pfeaumes. C'étoit en
ï 54.3. La vie fcandaleufe qu'il mena
dans cette Ville, l'ayant obligé d'en
fortir vers lafinde la même année, il
paflà en Piémont, & fixa fa demeure à
Turin où ilfitde nouveaux vers & de
nouvelles amours. Il y mourut l'année
suivante 1544. laiftant pour fils unique
Michel Marot, dont je vous parlerai
dans la fuite. Jodelle lui fit cette épi*;
FRAWçOïSB;
51
capne dans le goût de ion fiécle.
CLEMEMSJ
Quercy, la Cour , le Piémont, l'UniTers ,
•Me fit, me tînt, m'enterra, me connut ;
Quercy mon los, la Cour tout mon rems eut,
Piémont mes os, & l'Univers mes vers.
MalOT
M. l'Abbé Lenglet éditeur & commentateur des poëfies derClément Marot, dit de ce dernier, que la France '
n'avôit eu avant lui aucun Poète qui
l'égalât dans le genre de poëfie qu'il
avoit choifi ; & cet éloge tombe principalement fur fes Epîtres, fes Ballades , fes Rondeaux , les Epigrammes :
car pour fes traductions, & même fes
Elégies, il convient qu'il faut les compter pour peu de chofe , du moins par
rapport à fes autres ouvrages. Surquoi
il ajoute : Quel heureux naturel pour
la plaifanterie, quel élégant badinage,
quelle charmante naïveté, quelle délicatefie depenfées, quelle fécondité d'imagination , quelle facilité, quel feu,
quelle nobleffe, quelle douceur, quelle correction ! M. Defpréaux avoit donné avant lui cet avis aux élevés du Par- .
nalTe.
Imitons de Marot l'ciéfint badinaje,
Et taillons le butleTaue aiBplaiuns du Pont-neuf.
Cij
Art. poèt,
**• *t
52
*•'
BlÉIIOTHEQTJT?
•-
Et ailleurs voulant faire connoître pïtis
O-EMENT particulièrement les fervices que M a MA*«T. r o t a rendus à notre langue & à notre
poëfiç , il ayoit dit ;
Villon fçut le premier dans ces Cèdes groSîert
•Débrouiller l'art confus de nos vieux Romanciers.
Marot bientôt après fit fleurir les Ballades ,
Tourna des Triolets, rima des Mafcarades,
A des refrains réglés aflèrvir les Rondeaux ,
Et montra pour rimer des chemins tout nouveaux.
Ces éloges demandent quelques réflexions & quelques explications. Et en
premier lieu, on a fouvent abufé, &
Pon n'abufe que trop encore de cet avis
de M. Defpréaux,
Imitons de Marot l'élégant badinage.
lettre de M. Ce ne font pas proprement les expref«îianfie" *î°ns deMarot que M. Defpréaux nous
Merc.de juin recommande d'imiter, c'eft ce beau
,74<
*"
naturel, c'eft cette fineflè de penfées
qui hait le fard, & qui abhorre ces
idées faunes qu'on ne nous préfente
. fouvent que pour nous éblouif fous les
paroles les plus magnifiques. Il n'y a
point de ftile qui permette dans l'expreflîon cette grofîiereté qui produit la
. corruption du langage, & qui flétrie
FRANCO I s
fi*
53
tout ce qu'elle touche. Qu'on fè ren- '
ferme dans la penfée de M. Defpréaux, CLéMENT
le mot dont il s'eft fervi, répand Un *lAR0T»
grand jour fur le confeil qu'il donne'
aux Poètes, Cette épithéte d'élégant
jointe à badinage, dit plus qu'il n'en
faut pour des efprits fufceptibles des
impreflîons du vrai beau. On ne dit pas
qu'il faille exclure du ftile Marotique ,
toute expreflion purement Marotique;
mais il faudroit en ufer comme la Fontaine , Koufféau & quelques autres,
& que ce fût uniquement dans certains
ouvrages confacrés à ce genre. Il efc
ridicule de n'employer le plus fouvent
ce ftile, que pour avoir drok de fe
laifTer aller à des négligences qu'on veut
faire paner pour affectées, peut-être
même pour des gerrtilleffes, & éluder
impunément des règles trop gênantes
pour des génies fuperficiels ou peu
fcrupuleux. On fait plus cependant :
on invente des tours & des mots dont
on s'imagine pouvoir fauver la barbarie , en difant : cela eft du ftile Marotique. Mais le lecteur qui a du goût,
voit que tout l'ouvrage jure avec luimême , qu'il eft bas & burlefque , &
qu'on abufe d'un nom juftement respecté , pour entafler des fotifes.
C iij
54
BIBLIOTHèQUE
îf—i—:
J'ajoute , après d'excellens C r i t i CLEMENT qoes, que ceux-là fe trompent encore
MAROT. davantage, qui confondent le burlefTrtir™0 o'fte c l u e ^ e Scarron , par exemple, le feul
>746J
qu'on puifle citer en ce genre, avec le
ilile de Marot. Ce dernier badine
agréablement ; Scarron & fes imitateurs bouflbnnent, poliçonnent même,
fi l'on peut hazarder ce terme. L e premier répand un fel qui réjouit l'efprit,
les autres ont des faillies qui font rire
quelquefois, mais qui ennuient à la
longue, & qui font pitié le plus fouvent. Le récit de Marot eft naïf & décent , celui du Virgile travefti n'eft
tout au plus que facétieux, prefque
toujours Û eft guindé , impoli & groffier. En un mot il ne faut pas confondre les grâces du Marotique avec les
fantaifies du burlefque, ni la bonne
plaifanterie d'une Mufe aifée avec le*
propos ridicules d'un Poëte bizarre.
En fécond lieu, il n'eft pas vrai que
Marot
A des refrains réglés auerrît les Rondeaux.
On en faifoit avant lui d'auflî bons &
d'aufli réguliers que lesfiens. Les Rondeaux de Jean Marot valent bien ceux
de fon fils Clément.. Quant aux Son-
F R A 8f Ç O I S ÊV
Çy
mets, Marot & Saint Gelais en ont fait
nf
en même tems, & l'un & l'autre ont CCEMENT
été juftement loués pour ce genre de MAROT»
poèfie. On a dit que Saint Gelais à fon
retour d'Italie, avoit apporté le Sonnet
en France , on pouvoit ajouter qu'il y
avoit aufli apporté le Madrigal. Maroc
a contribué avec lui & avec Joachirrt
du Bellay à l'introduction du Sonnet r
mais nullement à celle du Madrigal ,
dont il ne paroît pas par les poëfies
qu'il ait même connu le nom. Les Bal*
lades font auffi plus anciennes que Marot , & je vous en ai rapporté de Charles , Duc d'Orléans, qui font fupérieures à plufieurs même des meilleures de notre Poète, .
Un genre de poëfie FrançoHé dont
il paroît qu'on ne doit l'introduction
qu'à Marot, ce font les Eglogues, Col- Noms» »,
letet dans fon difcours du poème Bucolique , dit expreffément « que Clé- «
'ment Marot, après avoir traduit en «
vers François la première des Eglo- <«
gués de Virgile, prit goût à ce gen- <«
re d'écrire ; qu'il en compofa encore ce
deux autres de fon invention ; l'une «
fur la mort de la Reine Louife, Me- «
re du Roi François I. & l'autre qu'il ce
«idrefla au même Prince fous les noms se
C iiij
56"
BIBLIOTHèQUE
»»••»•—— 35 ruftiques de pan & de Robin ; qu'âïtt*
CLéMENT „ fi l'on peut dire qu'il eft le premier
MAROT. 3> denos Poètes François qui ait fait
» des EgJogûes de fon invention. »
deviens en trofiéme lieu à la correction des vers de Marot, tant loués par
fon dernier Editeur. J'ai relevé le d é faut d'obferver les coupes féminines dans
l'article de Jean Marot, & ce défaut
lui étoit commun avec les Poètes qui
l'avoient précédé. Clément y tomba
comme eux, dans fon Eglogue de Vir«
gile, témoin ce vers :
Accompagnées d'Agneaux ou Brebiettes,
où il fait accompagnées de quatre fyllabes, quoiqu'il foit de cinq. Mais les
leçons de Jean le Mahe de Belges le corrigèrent pour toujours de cette forte de
fautes. L'exactitude & la richeflè des
rimes diftinguerent aufli fa verfification , & la firent eftimer. Ce n'eft pas
que fes prédéceflèurs ne lui en enflent
donné l'exemple. Comme ils faifoient
confifter l'eflentiel de notre ppëfiedans
la rime, ils pouflbient l'attention pour
elle jufqu'à eftropier les mots en fa faveur. Il eft inutile d'en rapporter des
exemples, j'en ai cité plus d'un dans la
compte que j'ai rendu jufqu'à préfenf
F R A N ç O I S E .
57
des ouvrages de nos anciens Poètes.
...L
Pour Marot, il a fçu ménager à la fois CLéMENT
la langue & refpecter la rime & la rai- MAROT.
fon. Mais il efl tombé avec les autres
Poètes de fon fiécle dans deux ou trois
légers défauts.
Le premier eft de finir un vers dans"
un fens qui ne fe termine qu'au milieu
du vers fuivant ; comme,
Ce néanmoins ma pcniee aflôuvie
De ce ne fut.
Le fécond eft la rencontre des voyelles en deux mots difterens d'un même
vers,
Si ,ru es povre, Antoine , tu es bien.
Le troifiéme eft de ne pas faire manger par le mot fuivant IV muet qui eft
précédé d'une voyelle •
,
Ou mener *n falutaire.
L e quatrième eft d'abréger les mots
pour trouver la mefure du vers ; par
exemple, dans grande, telle,. quelle r il
retranche la dernière fyllabe, quand il
a befoin que ces mots foient monofyllabes.
Mais ces défauts qui n'étoient point
^lors regardés comme tels, font bien
Cv
58
BIBLIOTHèQUE
rachetés par les véritables beautés d e ufi
CLéMENT poëfie , & par la correction de fon l t i MAROT. ie 33 Marot, dit M. de la Bruyère ,
shap!d«'o«"" P a r *° n t o u r & P a r *° n ftàe femble
Sjjd'efftit. » avoir écrit depuis Ronfard. 11 n'y a
35 guéres entre le premier & nous q u e
3> la différence de quelques mots. 3> J'ajoute que Marot connut la phrafe Françoife avant qu'elle fut trouvée, ou q u e
c'eft lui qui la trouva. Quelques vieux
mots de moins , on le croirait prefque
du fiécle de Louis le Grand.
Falloit-il qu'un homme qui pouvoic
avoir tant d'efprit, fans qu'il en coûtât rien aux mœurs,l'ait fouvent acheté aux dépens de ces mêmes mœurs ï
Marot excelloit dans les vers amoureux , & furtout dans les Ballades,
dans les Epures, dans les Rondeaux f
dans les Epigrammes, dans les Complimens galans, tels que fes Etrennes,
dans cette fatyre douce & innocente
qui ne tombe que fur des fujets imaginaires ou inconnus. Ce ne fut pas affez
pour fon ambition poétique. Il voulut
*
auiîi briller par l'obfcénité qu'il devoit
abandonner à ces génies infortunés ,
quin'ont pour fe dutinguer que cette
criminelle reffource. Voilà ce que c'eft
que d'être Poète. Le hazard fait naître
F R A N C O r s B.
50'
«ne penfée obfcéne , le tour s'offre ^ = = '
comme de lui-même, il ne faut plus CLéMENT
que les rimes, on les cherche & on les MAECT.
trouve , l'Epigramme eft faite ; & à la
honte de l'humanité, on ne peut fe résoudre à en priver le Public. Dieu nous
garde d'être Poètes à ce prix-là.
Une partie des poëfies de Marot fut
imprimée leparément, à mefure que
les vers fe répandoient dans le Public
par les copies qu'en laifloient prendre
ceux à qui il les adreflbit, ou par celles
qu'il donnoit lui-même à fes amis. Le
defir du gain engagea enfuite quelques
Imprimeurs à réunir tout ce qu'ils en
purent recueillir,. & il en parut ainfi
plufieurs éditions- toutes défectueufes
&incomplettes. On joignit même dans
ces recueils plufieurs pièces d'Auteurs
fort connus, comme fi Marot eût voulu fe faire honneur de leurs productions , & l'on y en inféra d'autres qui
étoient abfolument indignes de fa plume. Il s'en plaint dans une Epître en?
profe adreffée à Etienne Dolet, & datée dix dernier jour de Juillet de l'an
*538« Le tort ^dit-il, que m'ont fait «
ceux qui pat cy-devant ont imprimé «a
• mesceuvies^.eft fi grand & fi outra-«
G vj;
tîo
BIBLIOTHèQUE
a=- JJ geux , qu'il a touché mon honneur- J
CLéMENT » & mis en danger ma perfonne : car
WAROT. M p a r a v a r e convoitife de vendre plus
» cher, & plutôt, ce qui fe vendok
-» aflèz ,• ont adjoufté à icelles miennes
a> œuvres plufieurs autres qui ne me
a» font rien , dont les unes font froide» ment & de mauvaife grâce cornpo33 fées, mettant fur moi l'ignorance
33 d'autrui, & les autres toutes pleines
33 de fcandale & de fédition
Enco33 res ne leur a fouffi de faire tort à moi
33 feul, mais à plufieurs excellens Poë33 tes de mon temps, defquels les beaux
33 ouvrages les Libraires ont joints
ssavecques les miens , me faifant ,
33 maugré m o i , ufurpateur de l'hon33 neur d'autri. 3>
Entre les pièces qu'on lui attribuoit,
& qu'il défavouë comme indignes de
l u i , il nonvme : la Complainte de la Bauoche >• Y Alphabet du temps préfent i YEpitaphedu Conte de Sales >• & plufieurs autres lourderies, ajoute-t'il, qu\n a méfiées
en mes livres. Marot n'ayant pu, comme il le dit encore, favoir ($ fouffrir
tout enfemble ces fupercheries, il revit
iès écrits déjà imprimés, rejetta ceux
qui ne lui appartenoient point, ajouta ceux qu'il ne crut pas indignes de
F R A N ç O I S E .
©*I
rîrhprefîion, & envoya le tout à Do- '
ses
Jet qui en publia le recueil à Lyon en CLEMENI
J 538. même. C'eft la première édi-MAR-OT»
tion complette des œuvres de Marot,
c'eft-à-dire, de ce qu'il avoit compofé
jufques-là, & de ce qu'il avoit cru devoir préfenter au Public.
Vous me difpenferez de faire ici l'é- ^ o y n '*c*numération des autres éditions, foit
de celles qui ont précédé l'édition de
Dolet, foit de celles qui l'ont fuivi ; ce
détail ne pourroit que vous ennuyer.
Je ne vous demande grâce que pour
deux de ces éditions, dont je ne puis
me difpenfer de vous entretenir ; celle
de Niort, & celle de M. l'Abbé Lenglet duFrefnoy. L'édition faite à Niort
en Poitou en 1596. chez Thomas Portau , in-16. eft rare & fort recherchée.
C'eft la plus ample & la mieux dirigée
de toutes les anciennes éditions de Clément Marot. Elle a été revûë par François Miziere, Poitevin, Docteur en
Médecine. Les pièces y font rangées
dans un ordre convenable ; on y a rétabli tous les argumens qui manquoient
dans plufieurs des éditions précédentes , & l'on en a mis à quelques pièces
qui n'en avoient point eu encore. EnJui l'on y trouve plufieurs poëlîes de
6±
BrBiroTHEQTTK*
Marot qui étoient jufques-là demeurée*
CLéMENT manufcrites, ou qui étoient inférées
MAROT. dans quelques recueils prefque inconnus.
Cette édition a fervi de bafe à celle
qui a paru à la Haye en 17 31. in-4.0^
& in-12. dédiée à feu M. le Comte
Hoym , Miniftre d'Etat de Sa Majefté
Polonoife , & fon Ambaffadeur à la
Cour de France, non par une Epître dédicatoire confacrée , félon l'ufage, à faire l'éloge du Miniftre à qui elle eft adreffée , mais par une efpéce de
préface où l'éditeur tâche de crayonner
le portrait de Jean & de Clément Marot.
Il n'y avoît point eu encore d'édition plus complette & plus finguliére
des œuvres du dernier. Ce qu'elle a de
plus que les autres, fans en excepter
même celle de Niort, confifte en dédicaces & en préfaces faites par Marot
lui-même, ou par d'autres : en privilèges pour l'impreffion de fes poëfïes : en
plus de cent cinquante Opufcules, Epîtres, Elégies , Sonnets, Rondeaux P
Epigrammes qu'il a compofés, ou qu'on
lui attribue t en un grand nombre de
pièces faites en fon honneur , ou-à fou
irnitation P & entr'autres les trenœ-cmqv
'
•
FRANÇOISE.
6*3
Blafons du corps féminin : & en vingt- • •
cinq Epîtres & Réponfes fatyriques , CLEMEKT
fruits de la querelle: de Marot avec
* OT '
Sagon & la Huéterie ,, les Bavius & les
Mœvius de leur fiécle. Ces dernières
pièces font toutes dans le goût du bon
vieux tems, où lès gens de lettres mêmes encore ruftiques & fimples, fi on
les compare aveg nos modernes , n'avoient pas inventé le grand art de fedire poliment les plus grandes injures.
Ces additions ne font pas les feuls
accompagnemens de cette édition ;
vous y trouverez de plus une lifte des
pièces particulières à cette collection,,
un catalogue des-éditions, au moins
principales, qui ont fervi à faire celleci , une vie de Marot, tirée de l'édition de fes œuvres faites en îydo. à la
Haye, une chronologie des œuvres du.
même Poète, une lifte alphabétique
des vieux mots qui s'y trouvent avec
leur explication , une préface enfin,
& des notes de toute efpéce. Le Chevalier Gordon de Perce! ( c'efé le nom
& le titre que prend cet Editeur ) a
foin d'avertir que fa révijio» des œuvres
de Clément Marot: eft le fruit d'une retraite involontaire qu'il A rendue agréable par cet amufement, 8c, l'on ne s'err
64,
•'
J3~I B E I O T H E Q U E
apperçoit que trop, furtoutdansfapré=
CLFMEHT face & dans fes notes# - Ce n'ed pas
AXCW. q u » o n y yQJg regner cet efprit chagrin
& audére que l'on contracte communément dans la retraite, & encore plus
dans une retraite forcée : c'ed tout le
contraire. La préfacced un entretien
qu'on a voulu former fur le modèle des
entretiens d'Aride & d'Eugène. Ceux
dont je vous parle, font moins utiles ;
mais peut-être y a-t'il plus de naturel.
Trois amis y converfent entr'eux, Eugène , Arifiipe & Métutndre ; ils fe contredifent quelquefois, & il le faut bien
dans une converfation aufli longue &
aufli variée que celle-ci. Je fuis fâché
qu'ils ne fe trouvent d'accord que lorsqu'ils rapportent quelques anecdotes
plus que galantes, quelques traits de
fàtyre contre la morale la mieux établie , & qu'ils foient tous trois de même
fentiment pour approuver ce quel'honnêteté des mœurs condamnera toujours
dans Marot, & pour enchérir même
fur ce qui s'y trouve de plus blâmable.
Je conviendrai avec la même franchife
qu'il y a dans cette préface des réflexions judicieufes, des anecdotes fur la
vie de Marot qui ne peuvent venir que
dkuvEcrivain qui s'ed familiarifé avec-:
F R A N ç O I S E .
6$
les œuvres de ce Poète & avec l'hiftoi»
re du tems où celui-ci yivoit, & que CLEMFN»
l'on y juge fainement du goût & du ca- MA*0T«
ractére de fes poëfies.
A l'égard des notes , l'Editeur nous
prévient, « qu'il y en a d'hiftoriques «
tirées des événçmens du tems ; de cri- «
tiques, quelques-unes de fatyriques; «
& que pour ne pas laitier languir un'«
lecteur , il y a joint quelquefois des «
remarques joyeufes. « On en lit en effet & en grand nombre , de toutes ces
efpéces. Les remarques hiftoriques
font prefque toujours utiles ; les critiques ont aufli leur avantage : les fatyriques dévoient être bannies : pour ce
qui eft de celles que l'Auteur fe contente d'appeller joyeufes , en vérité il feroit bien à plaindre fi, comme il l'ajoute , elles avoient fervi à le délaflér.
Je dois penfer de lui plus favorablement.
Son édition eft, comme je vous l'ai
dit, en trois volumes in-q.°. ou en fix
volumes in-12. Le premier contient
les Opufcules de Marot, & fes vingt-fept
Elégies. Les opufcules font un recueil
de diverfes pièces, dont quelques-unes
font de la première jeunefle de l'Auteur . & d'autres ont été compofées
66
.•
BlBIIOTHEQtTE
dans un âge mûr. Comme elles font
CLéMENT toutes fur differens fujets, on n'a pu
MAROT, donner à leur réunion qu'un titre général. Vous y voyez entremêlés le Temple de Cupido, ladefcriptionde ce Temple , & un dialogue de deux amoureux , avec les deux Eglogues que je
vous ai citées ci-deffus, Y Enfer du Poète , un Sermon du bon Pafieur & du mauvais , imité du dixième chapitre de S.
Jean, le Riche en pauvreté, joyeux en
ajfliftion, & content en fouffrance, la Complainte d'un Pafioureau Chrétien, & quelques autres pièces auffi difparates, comme eft celle qui eft intitulée Balladin ,
& dans laquelle l'Auteur qui n'avoit
nullement étudié nos dogmes, tenta
de faire cependant l'apologie de la prétendue Réforme de Luther. C'eft auffj
l'objet principal du Sermon du bon Pafteur & du mauvais, où le Poète affecte
un zélé qu'il démentoit dans la pratique.
Le meilleur de ces opufcules eft,'
félon m o i , le petit poème intitulé,
l'Enfer de Clément Marot. Je vous ai
déjà dit que c'étoit une defcription du
Châtelet où il avoit été enfermé , &
une invective contre les gens de juftice. Il y a beaucoup de vérité dans ce
F R A N ç O I S E
6J
qu'il dit de ceux à qui le foin de rendre •
la jufiice étoit confié.
CLéMENT
M A ROT.
Là les plus grands les plus petits détruifent :
Là les petits peu ou point aux grands nuifent s
Là trouve l'on façon de prolonger
Ce qui fe doit ou fe peut abréger :
Là fans argent povreté n'a raifon :
Là fe deftruit mainte bonne maiibn, tu.
Il n'efl pas moins véridique, lorfqu'il
dit que c'efl le défaut de charité qui
eft la fource la plus ordinaire des procès. Maroc fuppofant dans la même
pièce que le grand Minas
. . . qui juge, ou condamne, ou deffend ,
Ou taire faict, quand la tête lui fend,
l'interroge fur fbn nom, fa patrie, fon
âge , fa profefîion ; il répond :
Sçache de vray, puifque demandé l'as,
Que mon droit nom je He te veux point taire : .
Si t'advertis qu'il eft à toi contraire,
CUmme eau liquide au plus fee élément ;
Car tu es rude, & mon nom eft Clément :
Et pour monftrer qu'à grand tort on me triite.
Clément n'eft point le nom de Luthérifte......
Quant au furnom, aufli vray qu'Evangile ,
II tire à cil du Poëte Vergile ,
Jadis chery de Mécénas à Romme :
6$
SSSSëSëê:
CLéMENT
MAROT*
BIBLIOTHèQUE
Maro s'appelle, & Marot je me nomme :
Marot je fuis, & Marone fuis pas,
JJ n > en fût o n c depuis le tien trefpas
Entrns après, quant au point de mon eftre ,
Que sers midi les hauts Dieux m'ont fait naiftre,
Où le Soleil non trop exceflif eft :
Parquoy la terre avec honneur s'y veffc
De mille fruits, de mainte fleur & plante :
Bacchus aulfi fa bonne vigne y plante
Par art fubtil fur montagnes pierréufes ,
Rendant liqueursfortes& favoureufes....,.,,
•
Au lieu que je déclaire
LefleuveLot couve Ton eau peu claire ,
Qui maints rochers traverfe & environne ,
Pour s'aller joindre au droit fil de Garonne,
A bref parler , c'eft Cahors en Quercy ,
Que je laiflày pour venir querre icy
Mille malheurs, aufquels ma deftinée
lvTavoit fubmis. Car une matinée,
N'ayant dix ans, en France fus mené :
Là où depuis me fuis tant pourmené ,
Que j'oubliay ma langue maternelle ,
Et grouement apprins la parternelfe
Langue Françoife, es grands Cours eftimée,
Laquelle enfin quelque peu s'eft limée,
Suyvant le Roy François premier du nom,
Dont le fçavoir excède le renom,
C'eft le feul bien que j'ay acquis en France
Depuis vingt ans en labeur Se fuiurrance.
'
G'étoit en 1526. que Marot parfois
F R A N ç O I S E .
09
aînfi. Dans les vingt-lëpt Elégies qui
fuiventcesopufcules, lePoëtenechan- CLéMENT
te prefque que fes amours, vraies ou MAROT.
imaginaires : ces Elégies ont toutes été
compofées depuis 1523. jufqu'en 1528.
Il y en a une fur la mort funefie de
Jacques de Baune , Seigneur de Semblançay, Surintendant des Finances
fous Charles V I I I , Louis XII & François I , qui fut arrêté en 15 22. fous
prétexte de péculat, & condamné comme tel à être pendu, ce qui fut exécu->
té le 12. Août 1527.
Le fécond volume des œuvres de
Marot contient fes Epîtres, fes Ballades , fes Chants divers, fes Chanfons
& fes Rondeaux. Il y a foixante-quatre Epîtres. La première mérite peu
de confidération : le fond en eff tiré du
Roman de la belle Maguelonne & Pierre de Provence. Le Poète étoit jeune
lorfqu'il fit la féconde pour Marguerite, Ducheflè d'Alençon , & depuis
Reine de Navarre , au fervice de laquelle il entra fur la fin de l'an 1518.
La Prineeflè aimoit la poëfie, & s'amufoit à verfifier : ce fut peut-être ce
qui engagea. François I. à lui donner
Marot pouf Valet de Chambre, Il fut
jpréfenté à la Prineeflè par le Seigneu*
7<y
BIBLIOTHèQUE
=
= = = = = de Pothon, & Marot ne voulant pas paCLEMENT r o î t r e devant elle les mains vuides , lui
offrit cette pièce , dont le tour ell ingénieux , & l'invention agréable. Elle
finit par ces vers :
En me prenant, Princeflê vénérable.
Dire pourrai que la nef oportune
Aura tiré de la Mer infortune ,
Maugré les vents , jmqu'en rifle d'honneut)
Le Pèlerin exempté de bonheur :
Et fi aurai par un ardant defir
Cueur & raifon de prendre tout plaiflr
A efveiller mes efperits indignes
De vous fervir , pour faire œuvres condignes i
Tels qu'il plaira à vous, très-haute Dame ,
Les commandes, & c
.
Marot tint parole : plufieurs des Epîtres & autres poëfîes qu'il compola de»
puis, il les fit ou par l'ordre de Marguerite , ou à la louange de cette Princelle. Il lui écrivit en particulier les
Epîtres troifiémecc quatrième, l'une
du camp d'Attigni, .& l'autre du Hainaut où l'armée du Roi étoit en i <yzi.
Je vous ai parlé des Epîtres adreflees
au Docteur Boucher & à Lyon Jamet :
c'eir. la dixième & l'onzième. Il étoit à
JBourdeauxen 1530. lorfqu'il y pré*
F R A N ç O I S !
JT
fenta la quatorzième à la Reine Eléonore d'Autriche, féconde femme de CLEMENW
François I. qui ramenoit d'Efpagne M A R O T *
les deux enfàns du Roi que l'on y avoit
envoyés en otage. Il adreflâ la quinzième à Antoine, Duc de Lorraine ,
en lui offrant fa verfion du premier livre des Métamorphofes d'Ovide. Dans
la feiziéme il parle ainfï d'un petit recueil de fes œuvres qu'il avoit réunies
à la prière d'Anne de Montmorenci.
Ceft un amas de chofes efpanduè's,
Qui j quant a m o y , eftoient fi bien perdues »
Que mon efprit n'eut onc à les ouvrer
Si grand labeur , comme à les recouvrer :
Mais comme ardant à faire vottre v e u i l ,
J'ay tant cherché qu'en ay fait un recueil,
\
Et un jardin garny de fleurs diverfes ,
De couleur jaune, & de rouges Se pertes.
Vray eft qu'il eft fans arbre , ne grand fruict.
Ce néantrnoins je ne vous l'ay confiruict
Des pires rieurs, que de moy font forties.
Il eft bien vray qu'il y a des orties :
Mais ce ne font que celles qui picquerent
Les Mufequins, qui de moy fe mocquerent.
Il veut parler là de fon Epître treizié*
me qu'il avoit écrite l'année précédente i j, .20, aux Dames cjui n'étoient pasf
Jl
BîBIIOTHEQTjK
t contentes des excufes contenues daha
l'Epître douzième.
J' a i rapporté ci-deffus l'Epître vingtfixiéme que le Poète écrivit au Roi
pour le folliciter à le faire fortir de prifbn , & le fuccès heureux qu'eut cette
Epître. Dans la vingt-feptiéme qui eiî
de 15.29. Marot demande une autre
grâce, c'étoit d'être mis fur l'Etat de
la Maifon du Roi : mais il la demande
à Jean Cardinal de Lorraine , qui a
pafle pour l'homme le plus généreux
de fon tems, & qui aimoit d'ailleurs
la poëiïe & les Poètes. Auïfi Marot ne
fonde-t'il que fur le même titre , & fa
requête & l'efpérance qu'il a de la voir
écoutée favorablement. On voit encore mieux jufqu'où il étoit capable de
porter l'élégant badinage dans la vingthuitième Epître où il le plaint au Roi
d'avoir été dérobé , & lui demande de
l'argent pour le dédommager.
CLéMENT
MAROT.
On dît bien vrai, la mauvaife fortune
bte vient jamais, qu'elle n'en apporte une,'
Ou deux , ou trois avecques elle, Sire,
yoftre coeur noble en fçauroit bien que dire :
Et moi' chétif, qui ne fuis Roy, rie rien ,
L'ai efprquvé. Et vous compterai bien,
$i TOUS voulez, comment vint la befongnc.
J'avoii
F R A I? Ç O î S B.
7J
•Pavois un jour un vallet de Gafcongne ;
<>)urmand, yvrogne & affiné rrtenteur,
Fipeur, larron, /tireur, blafphémateur ,
Sentant la hart de xent pas à la ronde ;
Au demeurant le meilleur fils du monde.
Ce vénérable Hillot fût averti
De quelque argent que m'aviez départi.,
Et que ma bourfé avoit grone apoftume*
Il fe leva plutoû que dexoufhrme.,
Et me va prendre .en. tapinois icelle.,
Et vous la met très-bien .fous ion aiffidle «
Argent & tout (cela fe doit entendre)
Et ne croi point que ce fût pour la rendre J
Car onc depuis n'en ai oui parler.
Bref le vilain ne s'en voulut jUler
Pour fi petit : mais ,encoreil me happe
Saye & bonnet, ebaufles,.pourpoint & cappe}
De mes babits.cn effet il pilla
Tous les plus beaux, & puis sien habilla
Si jufternent, qu'à le voit ainfi eftre,
Vour l'eufliez pris en plein jour pour fon ma!ue>
finalement de ma chambre il s'en va
Droit à rentable, ou deux chevaux trouva J
Laide le pire, & fur le meilleur monte.
Pique & s'enfuit. BOUT abréger le conte.
Soyez certain qu'au fertir dudit lieu,
Woublia.rien, tors à me dire adieu,
Ainfi s'en va chatouilleux de la gorge
Ledit valet, monté comme un faint George jj
fit vous laifia Monsieur .dorrrtir fop (aoui,
TomeJCl
"
*Q
CxEMENat
AIAAOI»
7$-
Rnrts ô ï H t Q V £
Qui au réveil n'eut fçu trouver un iroul.
C L é M E N T C e Monfieur-là^, Sire, c'eftoit moi-même j
M A R O T . - Qui fans mentir fus au matin bien blême,
Quand je rne vis iàns honnête vefture ,
Et fort fâche" de me voir fans monture.
Mais pour l'argent que vous m'aviez donné".
Je ne fus point de ie perdre étonne; ;
Car voftre argent très-débonnaire Prince ,
Sans point de faute efKujet à la pince......
Mais néantmotns ce que je vous en mande,
ETeft pour vous faire ou requefteou demande;
Je ne veux point tant de gensreflembler,
.Qui ntont foucy autre que d'affèmbler.
rTant qu'ils vivront, ils demanderont eux ;
Mais je commence à devenir honteux,
Et ne veux plus à vos dons m'arrefters,
Je ne dis pas, fi voulez rien prefter ,
Que ne le prenne s'il d'eft point de prefteur jf
S'il veut- prefter, qui ne rafle un debteur,
Et fçavez-vous, Sire, comment je paye?
JsTuVfné le fçait, fi premier ne l'eflàye.
Vous me debvrez, fi je puis du retour;
Et vops ftray encore*, un bon tour,
A celle^fin qu'ii-n'y àyt faute'nulle;
Je vous fetay une belle cédille,
A vous payer ( iàns ufure il s'entend } Quand on verra tout le monde content ;
Ou fi voulez, i payer selon,
Quand vaûic. gloire &- renom, ceflera, &ç.
Jamais argent lie for demandé avetf
FRANçOISE*;
75'
tant d'efprît, & je crois que, du cara- :
âere dont et oit, François I. jamais ar- CLEMEK:*.
gent ne fut donné avec plus de joie. MAXOT«
Marot écrivit à cette occa'fîon à un de
les amis. •'.:-•••
Puifque le Roy a Jefir de me faire
En mon bcfoin quelque gracieux prêt,
J'en fuis content ; car j'en ai bien affaire,
Et de ligner ne fut oncques fi prêt :
Pourquoi vous pri' fçaroir de combien c'eft
Qu'il veut cédule, afin qu'il te contente :
Je la ferai tant sûre, fi Dieu plait,
Qu'il n'y perdra que l'argent 8c l'attente.
De les quatre Epîtres AuCoq-b-tane t
on n'eftime^cqùe lt?» deux premières 0
Sfl'oajnerett'oitUè^tlcnême dans les
•feux, aiitres le &énie de nbtre Poète.
Ces Epîtresi font" d'un goût fingulier 0
«emplies de réflexiobs fatyriques, de
nouvelles de de' plaifanteries i le tout
Êiis ordre & fans fuite ; de c'eft t dk©n, ce qui en fait le mérite- Mais ces
ingénieufes bagatelles, dévoient plu*
coûter de foins qu'elles ne valoient. On
croit que Marot a été l'inventeur de ce
genre d'écrire; il.pouvoir fepaftêr do
cette efpéee d'Eoneeun,.
Pendant foa exil àFerrareeniyjy;
& 1 année fui van te. Maroc écrivit auifi
DiJ
rji
BlBIIOTHEQÛE
'• ghoient celles de la plupart des ho^nCLEMENT mes. Le règne de Louis XII eft plein
MAEOT. d'époques brillantes pour ces Enfans
fans fottcy. Ce Prince favorifa & honora fouvent de fa préfence les pièces
qu'ils repréfènterent. La réputation
qu'eut cette fociété, & le lien particulier qui attachoit Marot à ceux qui la
formoient, l'engagea à compofer pour
eux fa première Ballade , oh il peint
au naturel cette troupe, fa conduite
& fes jeux* Il eut deux ans après , en
ï 514. la complaifance d'écrire au nouveau Roi François I. en faveur des
1
Clercs de la Bazoche, qui repréfentoient auffi des farces & Jotties, mais
que le Parlement venoit de leur interdire. Marot qui étoit alors du nombre des Clercs du Palais, étoit interreffé
à foutenir fes confrères, & l'Epître qu'il
adreffa en leur nom à François I. eut
le fuccès qu'il en efpéroit.
Je ne vous dirai rien des autres Ballades, de fes Chants divers, ni de fes
Chanjons. Parmi fes ibixante-djx Rondeaux , il y en a de fort jolis , '& fur
difTérens fujets, & en particulier fur
l'amoUr ; car le Poëte ne pouvoir fe
laffer de chanter cette paffion. Voici
celui qu'il adçeffe à un créancier.
' F R A K Ç O I S B.
'
Un bien petit de prés me venez prendre
Pour vous payer : & fi devez entendre
je)
n
tuLEMENr
MA*.OT.
Que je n'euz onc Anglois de voftre taille i
Car à tous coups vous criez , baille, baille,
Et n'ai dequoy contre vous me défendre.
Sur moy ne faut telle rigueur eftendre»
Car de pdcunc un peu ma bourfc cft rendre :
Et toutesfbis j'en a y , vaille qui vaille,
Un bien petit.
Mais à vous voir ( ou Ton me puifie pendre )
Il femhie advis qu'on ne vous veuitle rendre
Ce qu'on vous doit : beau Sire, ne vous chaille ,
Quand je ferai plus garny de cliquaille,
Vous en aurez : mais il vous faut attendre
Un bien petit.
Le troifiéme volume des oeuvres de
Marot renferme fes Epigrammes, au
nombre de près de trois cens, fes Etrennes, fes Epitaphes, fes Complaintes, &
les Blafons du corps féminin f qui ne font
point de notre Poëte, & dont il me
femble qu'on auroit pu s'exemter de
groflir le recueil de fes œuvres. Ces
Blafons, c'eft-à-dire , ces defcriptions
fouvent plus fatyriques, & quelquefois
plus obfcénes que poétiques, viennent
de divers Auteurs. Le Blafon des cheveulx coupés, & celui de l'oeil, font d«
Diiij
$0
BrBLI©TftEQtfE
Mellin de Saint Gelais : Maurice Sccr—
CLéMENT va a fait ceux du,fourcil, d\xfiont &. d e
MAROT. la gorge : Antoine Heroet s'eit amule à
crayonner aufli l'œil : Jacques Peletier
a fait le Blafon & le contre-Blafon du cœur :
les Blafons de la main & du ventre font
l'ouvrage de Claude Chapuys : Pierre
le Lieur a blafonné la cuife : Lancelot
Caries, legenoil, le pied, l'efprit, l'honneur , ce qu'on appelle Grâce : Hugues
Salel , l'anneau & l'efpingle : les Auteurs
des autres Blafons ne font point nommés, Sagon a fait aufli celui du pied ;
mais fa pièce n'elf, point dans ce r e cueil.
Je reviens à Marot : fes Epigrarnme*
font peut-êtreceUesdefespoëfiesqu'on
lit le plus , non-feulement à caufe de
leur brièveté, mais aufli parce que la
plupart ont beaucoup de naturel, é*ç
qu'elles ont le fel que l'on exige de ce
genre de poè'fie. Un lecteur chatte eft
obligé d'en paflèr un grand nombre où
le Poète a porté la licence jufqu'à l'obfcénité. Les Eftrennet font de petites
pièces adreflees à des Dames, & qui
ont prefque toutes le même nombre
& la même mefure de vers. Un feul
exemple fuffira pour vous faire connoître le caraclére & la forme de ces pié-
• '.
F R A » ÇOI S'RV
îl
tes qui ne dévoient pas beaucoup coû-!
ter à leur Auteur : je choifis l'étrenne M!_ M E N T
dix-huitiéme. Le Poète l'envoie à Anne de Piffeleu, Ducheflè d'Etampes ,
à qui il dit :
Sans préjudice à perfonne >
Je vous'donne
La pomme d'or de beauté*
Et de ferme loyauté
La couronne.
Les Epitaphes-nefcnt;point ce quel'on entend ordinairement par ce mot ?
Maroc ne s'y amufe point à louer les»
morts ; il n'y çonfacre point fa mufe à
faire paner leur mémoire avec honneurà la poftérité. Ce font des pièces fatyriques ou badines ;..& les perfonnagesr
qui en font l'objet,, font prefque tous
imaginaires. Jean de Sevré , Joueur
de farces,, qui eft le fujet de la neuvième Epitaphe,, pouvoir être un perfonnage réel. Notre Poète a- renfermé
fous le titre général, de. Cimetière lespièces qui méritent proprement le ti-tre d'Epitaphes. Elles regardent toutes,
des perfonnages réels , & font à leur
louange. Tels font les Epitaphes deQurifipghe Longueil,. mort en 15 zz:
D r
la
B-IBIIïOT'H'EJçû'E
'd'André dé Vouft,, Médecin du Erac.
CLéMENT d'Aleriçon ; de Catherine Budé ; de la'
MARgT
' Kéine Claude; de Jean Cotereau ,"
Chevalier, Seigneur de Mafntenon ;
de Guillaume Crétin, Poète François;
de François, Dauphin de France, qui
mourut en 1536. & de plufieurs autres.
Les Complaintesfontune autre efpéce d'Epitaphes plus étendues que celles
dont je viens de parler r. .elles contiennent l'éloge de ceux qui en font l'obj e t , & des regrets fur leur perte. Dans
la première qui eft fur la mort de Jean
de Malleville , Parifien , Secrétaire de
Marguerite de France, foeur de François I , tué par les Turcs à Baruth ,
ville de Sourie, Marotadrefle lès plaintes à la Terre, à la Mer, à Nature , à
la Mort & à Fortune. La troifiéme
Complainte eft intitulée, Déploratton
de Meflire Florimmd Robertet, Secrétaire d'Etat fous François I. C'eft la plus'
longue des Complaintes de Marot : elle eft imitée d'une Epitaphe du R o i
Charles V I I , faite par Simon Gréban.
J'y trouve beaucoup de fiction & beaucoup d'ennui. La quatrième C o m plainte fur la mort de Louife de Savoie, mère de François I , morte le/
F S. A N Ç O I S K.
?^
22 Septembre 15 31. eft en forme d'Edogue. On dit que cette pièce attira ^ LEME * i *
de fon tems a. l'Auteur l'éloge des Sa- JvlAR0T *
vans : on ne la lit pas aujourd'hui avec
plaifir : Thenot & Colin qui y parlent 'r
babillent beaucoup fans prefque rien
dire qui intéreflè. Je laine la cinquième Complainte fur la mort de Guillaume Preudhomme, Général des Finances , & l'Oraifon moitié pieufe, moitié
profane devant le Crucifix, pour vous
dire un mot du tome quatrième des
œuvres de notre Poète.
Ce volume réunit toutes les traductions faites par Maroc, de la première
Eclogue de Virgile, des deux premiers
livres des Métamorphofes d'Ovide, de
l'hiftoire de Léandre & Héro , du jugement de Minos/jw la préférence d'Alexandre le Grand, Annibal de Cartbage,
& Scipion l'Africain, tiré des Dialogues
des morts de Lucien , des virions de
Pétrarque , des trifiesvers de-Philippe
Beroalde, fur le jour du VendrediSaint, du Colloque d'Erafme, intitulé
de l'Abbé ce de la femme favante ; enfin de cinquante des Pfeaumes de David. Je vous ai parlé de toutes ces traductions , à l'exception de celles dujugement de Minos &.ctu (Colloque d'EDvj
:
$4
BlBIIOTHEQtTE
ra(me, dont je pourrai vous entretenir
CLéMENT fans u n e a u t r e OCcafioru Dans l'Epître
" a u Roi qui précède la traduction des
Pfeaumes , Marot y fait cet éloge de
«es divins Cantiques.
Icy font doncq les louanges efcrittw
- Du Roy des Rois , du Dieu des exercises.
Icy. David le grand Prophète Hébrieu,
Nous chante & dit quel eft ce puiuânt Dieu ,
Qui de Berger en grand Roy Périgée,
Et fa -houlette en feeptre lui changea.
Vous y orrez de Dieu la pure loy
Plus clair fonner qu'argent definalloy ;
Et y verrez quels maux Se biens adviennentr
A tous ceux-I-à qui la rompent & tiennent,
Icy fa voix fur les réprouvés tonne r
Et aux eilcus toute ailùrance donne ,
Efiant anx uns aufii doux 8c traitante
Qu'aux autres eft terrible 8c redoutable.
Icy oit-on l'cfprit de Dieu qui prie
Dedans David, alors que David p r i e . . . . ;
Chrift y verrez par David figuré,
Et ce qu'il a pour nos maux e n d u r é . . . . .
Quibicn y fit,. i congnoiftre il apprend
Soy , 8c celuy qui tout voit 8c comprend ;
Et y orra: fur la harpe chanter .
Que d'eftre rien, rien ne fe peut vanter,
Et qu'il eft tout en fes fiits
Quand cû de l'art ans Mufes réfervé ;
F R A w ç o r s BV
Homère Grec ne l'a mieux obfervé :
Defcripiions y font propre«-& belles :
D-'aftections, il n'en eft point de telle*,- &e.
85
^—•—^
Cl-EMENU
AlAROf.
Ce volume fink par le recueil des diverfes préfaces qu'on lit au devant des
éditions différentes des œuvres dé Clé*
ment Marot.
. Les poëfies de Jean Marot, dont je
vous ai rendu compte, occupent prefque tout le cinquième volume. Ces
poëfies-font fuivies de celles de Michel
Marot, dont je vous parlerai • de diverfes poëfies attribuées fans fondement
à Clément, tirées des. éditions de Sonnemere & de quelques autres ; d'un Dittier préfenté à Monseigneur de Najfau t
nu retour de Francer par Clément Marot,
mais que l'on croit plutôt être de Jean
Molmet ; enfin de la Déploration fur la
mort de Clément Marot fouverain Poète
François, pièce anonyme imprimée e»
1544Lefixiémeôcdernier volume contient les pièces refpedtives de Sagon,
de Huet ou la Huéterie & de Clément
Marot. Les fentimens de celui-ci fur
la religion, fa conduite peu réglée ,
peut êtreauffi l'envie & la jaloufie qui
ne manquent guéres d'attaquer les Ecri-
8fJ
BlBIIOTHEQUE
•» • vains d'un mérite fupérieur, lui avôient
CLéMENT fait des ennemis. François Sagon & la
MAROT. Lj uet erie prirent la plume, & l'attaquèrent avec plus de vivacité que d'efprit & de folidité. La Hùéterie, Poète Normand, ne nous eft connu que
par cette difpute : il paroît qu'il avoit
Voulu profiter de la retraite de Marot
à Ferrare pour demander à François
I. fa place de Valet de Chambre, qui
lui fut refufée, .& que eefut ce mauvais fuccès qui l'irrita, & l'engagea de
fe joindre à Sagon fon ami.
FRANÇOIS
SAGON.
François de Sagon eu moins ignoré»
I l é t o i t n é à Rouen, _, Se embraflà de
bonne heure l'Etat Ecdéfiaftique. Il fe
fit furnomrrier l'Indigent de Sapience,
titre qui n'étoit certainement pas fort
honorable. Il fe qualifie Curé de Beauvais dans une Epître en vers qu'il adreffa à Jean Bouchét, Se qui eft la cent
neuvième des Epîtres familières de celui-ci. Dans fes écrits contre Marot, il
ne prend point d'autre qualité que celle de Secrétaire de M. Félix de Brie ,
Abbé de Saint Evroul j Ordre de Saint
Benoît , en iNcarruindie ; Se grand
F R A N C O I S E. ' .
87
Doyen de Saint Julien du Mans. C'é•toit un Poète fort médiocre. Il com- FRANçOI»
mença à verfifier vers l'an 1532. & a SAOON.
continué jufqu'à la fin du règne de
Henri IL Sa devife étoit Vêla de quoy •
peut-être parce qu'il éroyoit que les
écrits contre Màrot étoient de quoy mortifier ce Poète, & lui ôtér même fa réputation. Sagon ne commença à attaquer ce Poète , que lorfque celui-ci,
forcé de s'abfenter de France, s'étoit
retiré à Ferrare.
On a vu que de ce lieu d'exil, Marot écrivit au Roi, aux Dames de France , & à d'autres perfonnes, tant pour
fe juftifier que pour demander fon rappel. Ces EpîtreS-déplurent à Sagort ;
H entreprit d'yfépondre, & envoya fes
réponfes -aux mêmes perfonnes à qui
Marot avoit écrit. Dans ces Epîtres
anti-Marotiques, Sagon accufe fon adverfaire d'hypocrifie, de mauvaife foi,
d'irréligion, de, médifance ; de calomnie même. Il y joue également le perfonnage de Moralifte, de. Controverfifte, de Cenfeur & de Satyrique. L'emportement le fait fouvent extravaguer,
& il gâte jufqu'aux vérités qu'il prêche
par l'aigreur avec laquelle il les débite,
& les injures groifiéres qu'il y mêlé; Il
88
BIBIIOTHE^TTF:
*
ne craint pas même de vouloir, enlever
FRANçOIS à Marot jufqu'à fon génie poétique. II
%>A«ON.
donna ce compofé de Prologues,, d ' E pîtres, de Rondeaux,.de Dizains , de
chants Royaux , fous le titre de Coup
d'ejfai r & le finit par une réponfe qu'A
donne fous le nom d'un des amisdefon
Imprimeur ,, qu'il feint avoir été acculé d'avoir montré fon mécontentement
de s'être chargé de lUmprellion de ce
recueil.
Marot ayant reçu un exemplaire de
ces fatyres, y répondit fur le mêmet o n , mais avec plus de fineflè, d'agrément & de légèreté de flile, fous le
nom de FrippelippesfonSecrétaire, ou
fon Valet. Le prétendu Valet attribué
à jaloufieles fatyres faites,contre fort
Maître, & fait valoir l'eftime que le»
bons Ecrivains de ce ternsdà avoientpour lui.
Je ne voy point qu'un' Saint Gelais,
Une Heroé't, ung Rabelais ,
UnjBrodeaai, ungSeve, «ng Cbappuy;
Voyfèntefcrivant contre iuy.Ne Papiltoit pas ne te poinét, Ne Thenot ne le teane point :
Mais bien ung cas de jeunes veaux ; Vng tas'de Rymaffiers nouveaux
Qiû ctrycteut eflevet Icut nom,
F R A N ç O I S E ;
jHaurxant les hommes de renom ,
Et leur femble qu'en ce faifant,
Vu la Ville on ira difant,
Pinïqu'à Maroc ceulz-ci s'attachent,
Il n'cft poffible qu'ils n'en fâchent;
0*9
— — — •
FRANçOIS
SAGON.
Il fait eniuitele caractère de la perfonne «5c des écrits de Sagon & de la Huéterie, à qui il n'épargne point les traits
les plus fatyriques. L'un ou l'autre, «5c
peut-être tous les deux enfemble,les lui
rendirent dans la grande Généalogie de
Fripelippes, compofée par un jeune Poète
champêtre, avec une Epiftre, adrejfant le
tout à François Sagon, pièces groiîiérement burlefques, «5c qui ne pouvoient
que déshonorer leurs Auteurs. L'Epître ne porte que le nom de la Huéterie, «Se fa date eft de 15 37. Je ne fai»
pas plus de cas du Refcript À Sagon &
m jeune Poète champefire, faileur de ta
Généalogie de Fripelippes : ôtez-en les injures «Se les baffes expreilions, il n'y
reliera rien. On ne dit pas fi ce Refcript
eft de Marot ; je n'y reconnois ni fon
génie, ni la facilité de fa verfification.
11 finit par ce Rondeau où Marot
crayonne en deux traits le jeune Poëte
champêtre.
Qu'on mairie aux champs ce coquardeau,
jo
— — »
FRANçOIS
SAGON»
BIBLIOTHèQUE
Lequel gafte, quand il compoie ,
Raifon, mefure, & texte, & glofe;
Soit en Balade, ou en Rondeau.
Il n'a cervelle , ne cerveau;
C'eft pourquoi fi hault crier oie ,
- Qu'on maine aux champs ce coquardeau.
S'il veult rien faire de nouveau,
Qu'il œuvre hardiment en profe ,
( J'entends s'il y fçait quelque chofe }
Car en ryme ce n'elt qu'un vean
Qu'on maine aux champs.
Cette Epigramme enflamma la bile de
Sagon, & dans fa fureur il enfanta une
longue pièce, qu'il mit Ibus le nom de
Matthieu de Boutigni, Paige de Maijire
Prançejs de Sagon, Secrétaire de l'Abbé
de Saint Ebvroult, & qu'il intitula le
Rabais du Cacauct de Fripelippes & de
Marot, dit Rat pelle. Mais aflurément
Sagon n'a pas eu l'adreflede Marot, de
faire d'un fimple Valet un Poëte ingénieux, & Marot en jugea fort fainement dans la réponfe qu'il y fit, Si
qu'elle ne méritoit pas.
Je pafle fous filence la Remontrance i
Sagon, à la Huéterie, & au Poète champêtre , ( c'eft-à-dire, au mêmeHuet ou
la Huéterie, qui avoit pris ce titre)
par Maijire Daluce Locet ; X'Epiftre a Sagon & à la Huéterie ; lès Trêves de. Sa-
F R A N ç O I S E ,
9,1
*MI & de Marot ; l'Apologie de F Abbé te
'des Canards ; la Réponfe à l'Abbé des Co- FRANçOII
tards de Rouen; VEpifire contre Sagon&$K<i0**
*ks fiens, faicle par ung amy de Clément
[Marot ; autre Epiftre à Marot par Francojs de Sagon pour luy monfirer que Frifelippes avoit fait fotte comparaifon des
quatre raifons dudit Sagon a quatre oy-
Jons ; l'Apologie de ces quatre raifons,
par le même, & divers huitains, Trio;Iets, Dizains, Rondeaux, qui comme
autant de pièces d'un même procès ,
/tpntiennent' beaucoup de dits & de
'iiaitredits qui n'étoient propres qu'à
aigrir les efprits , & à continuer une
*l$Épïfte-qui dans le fond faifoit peu
«ÎWMïneur aux parties.
I''Sagan rartout & la Huéterie auroient
•dufe;repentir d'être entrés en lice Çt tét
Étuffic\témènt, & d'avoir attaqué les
:prjemiersun Ecrivain qui ne penfoit
jJôint à eux : les coups qu'ils avoient
voulu lui porter, avoient été repoufies
fi vigoureufement, qu'ils auroient dû
au moins rentrer promptement dans le
filence. Que gagnerent-ils à continuer
.défaire les braves ? Ils fouleverent contre eux tous les amis de Marot, & chacune l'envi l'un de l'autre, s'emprefia
dedeur lancer quelque traits. h'Apolo-
OZ
BlBlIOTHEQUE
: gifle anonyme de Afaiftre Nicole GfofeFRANçOIS/^ , Bonaventure Defperiers, Charles
SAGON. Fontaine, Chriftophe Richer, Jânus
Parrhafius, & plufietirs autres, dont
les vers François & Latins furent réirnis dans un recueil intitulé, les difcifies & amjs de Afarof contre Sagon, la
Huéterie o leurs adhérente, prirent^ la
défenfe de leur maître, & ce fut toujours aux dépens de Tes adverfaires. Sagon réclama en vain l'amitié dé Germain Colin Bûcher : celui-ci loin de
vouloir lui fervir de fécond, l'abandonna , Se. fe rangea du parti de Maroc.
Sagon s'en plaignit à Jean Boucher ,
qu'il tâcha pareillement d'engager dans
Hplt. de s*- fa querelle, comme on le voit par l'Eneûvîénie'des P K r e ftu'u l l " écrivit à cette occafion,
Epît.fimii.Mais Boucher, ne fe laîfia point féduire,
i« Bouchée. n j D a r 1e$ m a r q U e s fe confiance que
Sagon lui donnoit, ni par les éloges
qu'il lui prodigue dans fon Epître, ni
par le portrait affreux qu'il lui fait de
Marot. Il fe contenta dans fa réponfe
de blâmer Germain Colin d'avoir renoncé à l'amitié de Sagon , Se il refufa
d'époufer la querelle de celui-ci contre
Marot. Si tous les acteurs de cette difputeeuffent été aufli fages, que de pièces ou mauvaifes,. ou inutiles ils evmènt
épargné au Public !
T R 1 K € 0 I S E.~
$5"
L e prétendu Chevalier Gordon de
celle ne les a pas toutes recueillies. FRANçOIS
a omis entr'autres, VEpifire à Marot SAGON,
fatre la comparaifon que Fripelippes
! lipit faite des quatre raifous apportées
.par Sagon avec quatre ojfons ; l'Âpolofjrie de ces quatre raifons par le même
Sagon , & le Banquet d'honneur fur la
tpjuxfaiëe entre Clément Marot, Franfgyt Sagon, Fripelippes , Huéterie, &
autres de leurs ligues. Cette dernière pièce eft «ne fiction aflèz ingénieufe , &
qui paroît être une fuite de la pièce
qui a pour titre , de Marot & Sagon les
Trêves données jufques à la fleur desfebves, par l'autorité de l'Abbé des Couards.
Cette Trêve eft en effet rappellée au
commencement du Banquet d'honneur.
L'Auteur feint qu'en fe promenant
un matin ôç. rêvant à cette Trêve ordonnée , niais non obferyée, Honneur
qui fe promenoit auffi, rencontra Hermes ou Mercure quiallok. à Paris, Honneur lui demande des nouvelles, àv
quoi Hermès répond ;
Honneur, dit-il, «ruiâ n'eft que de deux venu»,
Lefqucls on diét en un commun jargon,
Hueterie ou Huet Se Sagon,
.Qui chafeun jour mefdifent de Marot ^
encontre luy crient le grant Juvot,
J4?
BlBIÎOTHEQtTB
, Par leurs paiges luy livrent maint aflaulc ;
FRANçOIS M a i s a Marot "* , o u t c e l a
SAGON. Honneur s'informe
/
n e cnault
-
du fujet de leur
difpute, prend la réfolution de les accorder s'il eft poiîible ; & pour parvenir à cette conciliation , il confent de
leur faire préparer un feilin, & engage
Hermès à les y convoquer de fa parc
L'invitation faite , tous fe hâtent d'arriver au lieu indiqué. Cet oit le ParnalTe. Marot y monte fans aucvJn effort, Fripelippes fon valet le fuit fans
peine, de même que Charles Fontaine & l'Abbé des Conards. Sagon &
ion valet, la Huéterie & quelques autres ,'fe traînent comme ils peuvent,
s'accrochent à tout ce qu'ils rencontrent , -& arrivent enfin très-fatigués.
Honneur qui s'étoit lafie de les attendre, s'étoit mis à table ayant auprès
de lui Marot & Fripelipfes, & un peu
plus loin Fontaine & l'Abbé des Conards. Les autres étant enfin arrivés,
prennent aufli les placés qui leur font
indiquées. Autour de la table étoient
BeavrpMler , Tme^ Lojmltt, 6î»wW»fie, VAtlUncti.
Qui du Banquet fçavoient tous l'ordonnance.
O n fert i & le Poète fait là deferipuOB
î 7 R A N Ç O I S E,
9J
©u l'énumération de tous les mets. Au
' "*
deflèrt vient la Mufique ; & quand le FRANçOIS
repas efl fini 3 Honneur, fans permet- SAGON.
tre qu'on fe levé de table, dit :
Poètes Françoyj j'ai voulu vous mander,
Mon point qu'il foit en moy vous commander.
Pour enquérir dont provient celte hayne t
Qui entre vous a prins ion origine ;
Qui d'elle font les premiers inventeurs.
De pais délivriez eltre bons amateurs,
Vivre en amour comme frères, oc £iz
De Minerve, difant de diicord fy ,
Et vous tenir d'Apoilo le begnin
Vrays zélateurs, déchailànt tout venin.
A ce difcours, Marot prenant le pre-'
mier la parole, répond :
Honneur de hault paraige^
Vous fçavez bien, c'eft un commun Iangaige
Qui n'eftbefte fi petite en ce monde,
Quoiqu'erf elle nulle rai fonabunde,
S'on lui faict mal el fêta réfiftence ,'
Et ne prendra là picque en pacience i
Dont par plus forte & meilleure raifon
( Combien qu'à moy n'y ait comparaifba
A ung brutal ) je n'ay peu fbubftenir
les injures de Sagon , ne tenir
Que mon. valet luy fcift une refponee
Dont le picqua plus fort que d'une ronctV
9e"
BlBXIOTHEQTJÏ
, — — — » En mon abfcnce il feift fon ct*f ftfl*y i
FRANçOIS Peru"anI Ve PIus e n France, Dien l e ^W»
SAGON,
Venir ne deuilè, & que de prime face
tl obtiendroit mon lieu royal & place :
Mais , Dieu mercy , après toute fouflrance
Suis retourné au bon pays de France,
t)e mon premier eftat récompensé
D'un plus doubc Roy qui fut onc ofrencé.
Il parle enfuite des écrits que Sagon nf
contre lui, de ceux que la Huéterie
compoia fous le titre fuppofé de Poète
champêtre, de la pièce intitulée le Ratais du caquet de Afarotf de la généalogie de Fripelippes, de l'Apologie que
l'Abbé des Conards fit en fa faveur
contre ces écrits. Comme ce difeours
étoit écouté avec attention, Sagon craignant quelque cataitrophe, au lieu de,
fe défendre, s'humilia.
>
Hélas, xcfpond Sagon, mes rrays amye
Je recongnois les fàultes qu'ay commis:
reniant avoir bruit & renom d'eferire ,
Contre l'honneur de Marot, pour vray dire j
En mes efcriptz ay mis plus décent mot
Four faiçe rlre > ^¥~l corrtrne ung marmot
Qui contrefait tout cela qu'il voit fairej,
Ou pour le moins tafche i le contrefaire.
Il en rejette en partie la faute fur Huée
a^*
T R A W Ç O I s«;
97
«qui le ibllicitok à faire ces écrits, qui !
l'aidoit aies compofer, & qui fit lui- FRANçOIS
même la généalogie de Fripelippes, S*80*»
puis il ajouter
Ceftuy HUM s'eft dit Poète diampeftte ,
Quoiqu'il iuft digne de mener paiftrei
C'eitoit celluy ( la vérité" vous dy )
•Qui me rendoii tant fol & eftourdy
A rimailler, & 1 crier haroc
Sur les amys difciplcs de Maroc
Il qualifie Huet ou la Huéterie de Prt*
ionotaire, fait valoir la réftftance qu'il
oppoiôitàfes follicitations pour l'engager à écrire contre Marot, & conclud par demander pardon. Honneur,
voyant que Sagon -fétoit humilié, pria
Marot de lui accorder la paix. & le pardon qu'il demandoit : Marot y confentit ; on en dreiTa les articles, & Tacts
en fut lu à haute voix. Sagon accepta
les conditions qui kii furent propofées^
promit de les remplir avec exactitude ^
après quoi Honneur rendit l'ordonnance fuivante.
«se Veu & confidéré que de vivre eh «é
bonne paix, après parties par nous «
eiiies , enfemble les conditions pro-<e
pofées par noftre bien aymé Clément «
Marot. Nous ,àlarequéûede Sagon, «ç
Tome XI.
£
pf,
Bl3X,I0THEQU"*
»
tenons
pour
ratifiée la paix accordée
JK
(FRANçAIS » entse Marot, Sagon & autres cy pré-*
5>Mîfl»« » fens. Or pour mieulx le did accord
» tenir & entretenir, voulons&ordon» nons que les dicts defiiis nommés
a beuront enfcmble devant partir de ce
» lieu, leurs, enjoignons cy après eiïre
9J bons amys, & vivre fans aucun con9)tredit, fous les peines contenues es
95 dictes conditions cy-devant décla95 rées ; plus fur peine d'élire privé de
>> la Court de céans j fans nul efpoir de
95, jamais obtenir grâce de y rentrer , &
«.élire, privé de tout honneur à fon
»grant, déshonneur. Outre > noiîre
» vouloir eft'que le did accord^ avec
ii l.efdktes conditions, fort. eiiregiflré
39 aux annales dés Jpoètcs ;Franoois r
jsaffin quecy â£rès' puift ejflxé exerrt95 pie à nos-podérieurs. Donné en no*> Are Palais ce jourd'y après difnèr ,
s»-fceUéd^noffreigran£ fcêi, &ngné, ;
9rs Honneur en tout,. » rr , ; i i : r i «
.' r Sftgon eft beaucoupplus connu par
cette difpute que par les poëfies: qu'il a
iâtte>sfur;d'atotresfujets. Dansëelles dont
Matoù eii l'objet, jl parie ^quelquefois
denoble hommeOuy Mbrin t Seigneur
4e Loudon , avec qui il étoic lié- d'amitié. Il perdit ëet ami à laffin de Juillet,
F R A M ç o i s B.
99
le premier d'Août 1536. Morin :
.
Payant été tué à l'armée devant Turin , FRANCO»
dans un âge peu avancé. Sagon ne^A*»»*.
fîcontenta pas de le regretter, il fit
imprimer en 1 5 37. à Paris une traduction que Morin avoit faite du traité
d'Erafine, de la préparation à la mort,
&il y joignit un Difcours en vers François de la vie & mort accidentelle du
Traducteur, avec fon Epitaphe. Le
difcours a environ mille vers: il eftprefque tout hiftorique, oc. il peut fuffire à
ceux qui feroient curieux de connoître
la famille, la vie & les actions de Guy
Morin. Du refte il n'y a nulle invention dans ce poëme, 6c la verfificatioa
en eft platte & fouvent défectueufe.
Les mêmes défauts régnent dans le
Chant de faix de France ( faite entre le
Roi de France François I, & CharlesQuint Roi d'Efpagne ) chanté par les
trois Etats, laNobleflè, le Clergé &
le Tiers-état , & imprimé en 1538.
dans le J/4/00 du pied publié en 15 37.
avec les autres Blafons anatomiqurs du
corps féminin s dans fon Recueil d'Eftrennés pour l'an 1539. imprimé la même
année; dans fa pièce intitulée, le Triomphe de Grâce & prérogative d'innocence
fur la conception & trefpas de la Vierge
Eij
I.
K>O
BIBLIOTHèQUE
efleue Mère de Dieu ; & dans les autres4
FRANçOIS poëfies.'
WAG«N.
.L'année même de la mort de Mar o t , Sagori fit imprimer deux ouvrages en vers, l'un eft Y Apologie en défen*
Je du Roj très-Cbreftien François I. du
nom, fondée fur texte d'Evangile, contre,
fes ennemis & calomniateurs, imprimée
en i 544. l'autre qui eft de la même
année, a pour titre : la Complainte des
trois Gentilshommes Françoys, occis. &
morts, au voyage de Çarrignan : bataille &
journée de Cerisalles. Ces trois Gentilshommes font le Seigneur d'Acjer, grand
Ecuyer de France, qui fe complaint de
la mort de fon fils, tué à la journée de
Cérifolles ; M. de Chemens, neveu de
François Errault, Chevalier,Seigneur
de Chemans qui fut deftitué de la dignité de Garde des Sceaux en 1 544. &
le Seigneur de Barbezieux, Gilbert de
la Rochefoucaud , Seigneur de Barbelieux, grand Sénéchal de- Guyenne,
Ce Seigneur ne fut pas tué à la journée
de Cérifolles ; mais il mourut à L y o n ,
à ion retour en France. Auffi s'en plaintil avec . beaucoup d'amertume. Ces
Complaintes font entremêlées de quel*
eues autres pièces qui ont du rapport
au même fùjet. Par exemple, après la
- •'
. F R A N ç O I S E .
Iô'I
Complainte fur la mort de M. deChe"mens, Sagôn pleure la même mort dans FRANçOIS
un dizain, & confole Mademoifelle de S A O O N #
Loudon, confine dû défunt, dans une '
Epître morale qu'il lui envoie , & fes
autres parens par d'autres vers qu'il
leuradreflè. La Complainte fur la mort
de M. de Barbefieux eft pareillement
fuivie d'un Rondeau du moyen de bien
mourir, d'une autre Complainte où la
veuve de M. de Barbefieux exprime fes •
regrets, de plufieurs quatrains fur la
mort, de quelques huitains , dizains
& Rondeaux fur le même fujet, & d'un
Colloque long & ennuieux entre Sien du
monde & Tout le monde, où il eïlencore
queftion de la mort en général, & de
celle de M. de Barbefieux en particulier. Et comme tout ce recueil dévoie
être confacré aux chants funèbres, Sagôn le finit par diverfes pièces fur la
mort de Claude de Brie de Serrant,
qui fut enlevé peu de tems après fa
naiflànce.
Le Poète étoit attaché à cette famille de Brie de Serrant, Maifbn ancienne dans l'Anjou , que quelques-uns
font remonter jufqu'à Anfelme de Brie ,
mentionné par Guillaume de Tyr entre les Chevaliers qui fuivirent FoulE iij
ÏOZ
BlBIIOTITEQUE
q u e , Comte d'Anjou , lorfqu'il alla a
FRANçOIS Jérufalem époufer Melliflènde, fille d e
SAOON. Baudouin I I , Roi de Jérufalem ; mais
dont le plus ancien qui nous foit c o n nu, eft Jean de Brie, mari de Jeanne de Dreux, fille de Robert I I I d u
n o m , de la Maifon Royale de Dreux.
Sagon a compofé l'Epitaphe de ce Jean
de Brie , & prelque toutes les autres
Epitaphes concernant la même Mai. fon, pofées en la Chapelle du Château
de Serrant en Anjou, à quelques lieues
d'Angers, & qui font rapportées par
t. Î07. * f. M. Ménage dans fes Remarques fur la
vie de Guillaume Ménage. Ces Epitaphes font en vers François.
François Sagon vivoit encore en
15 59. puifque l'on a de lui une pièce
fur la paix qui fut conclue cette année,
& qu'il a intitulée : la Réjouiffance du
Traiclé de paix en France , publiée. l'an
1559. La Croix-du-Maine, dans fa
Bibliothèque Françoife, dit qu'il confervoit du même un manufcrit formant
u n Recueil moral d'aucuns chants Royaux,
Ballades & Rondeaux, présentes à Rouen,
à Dieppe & à Coin.
FRANçOISE.
MICHEL
105
MAROT.
Michel Marot,. fils unique de Clément Marot, ne prit aucune part à la
querelle de fon père avec Sagon , la
Huéterie & leurs partifàns. Du moins
n'en voit-on aucune trace dans le peu
qui nous relie des poèfiesdécernaprefque inconnu d'un père très-illuftre. Je
dis prefque inconnu, puifque nous
ignorons quelle étoit fa mère , où il
naquit, ce qu'il a fait pendant fa vie,
& en quel tems, à quel âge & en quel
lieu il eft mort. Tout ce que l'on fçait,
eft qu'il a été Page de Marguerite de
France, qu'il a fait quelque féjour à
Ferrare, & que le petit nombre de fes
poëfies a été imprimé d'abord avec les
Contredits à Noftrtdamus compofes par
Antoine Couiîlard, Seigneur du Pavillon près Lorris en Gâtinois. C'eft à
ce dernier que Michel Marot envoya
une Epître qu'il avoit, dit-il, trouvée
parmi les papiers de fon père, dont il
le croyoit Auteur, mais que l'on prétend venir d'une autre main. Voici ce
que Michel écrivit à fon ami, en lui
envoyant ladite Epître, pour qui elle
avoit été faite.
E iiij
T©4
Ut,-nrJr
MAROT.
BlÉtlOTHKQjUE
A mon retour du pays de Ferrure,
* a r ChamDery l e rdiernin r'adreflant,
J'ay trouvé certes une choie biea rare
Au cabinet de mon père Clément :
. Car révoltant tes efcripts pour te» lire ,
Trop me nuiioient' 8c n'appaifoient mon ire »
Si n'eulie ' veti Epiftre de fa veine ,
Qui s'adrefibit à fon amy Antoine ,
• Dont rnieulx que moy entendras le dcffcîn t
- Telle eft la lettre efcripte de fa main.
Michel reçut en revanche beaucoup
d'éloge* du fieur du Pavillon , qui fe
féiicitoit de le voir prendre, comme
fon père, le chemin du Parnafîe. Mais
les talens du fils pour la poëfie n'égaloient pas ceux du père, & Michel en
convient dans l'Ode qu'il adreflà k lu
fieur des Princejfts, Royne de France;
Ma Princeflè»
Ma Maiitrefie,
Je luis le fils de Clément,
Qui fans nue,
Par ma Mufe
Salue là Royne humblement.
Je n'ay grâce,
Ne l'audace
ÎTelIe que mon père avoit;
F R A N ç O I S E .
105
Ny la veine
Souveraine
Dont fi bien chanter fouloit.
—^——
MICHEL
MAROT,
En quoi il lui reflèmbloit davantage ,
c'étoit par ion peu de fortune, fi l'on
doit prendre à la lettre ce qu'il ajoute
dans la même Ode :
La fortune
M'importune
Far plus de cent mille maux.
Si toy, Dame,
Que je clame ,
Ne mets fin à mes travaulx.
Tant je foufifre
Dans le gouffre
D'une extrême extrémité >
Que puis dire
Mon martyre
La mer de Calamité.
Àufli prenoit-il pour devife, ces mots,
Trifte & penfif.
Cette Ode eft la plus longue de toutes les pièces de Michel Marot ; les autres, au nombre de quatre, ne font que
des dizains. On a réimprimé ces poëfies à la fuite de celles de Jean Maroc
Ëv
4
iofS
BIBLIOTHèQUE
dans l'édition de Paris 1722. & dans
celle de Hollande 17 31.
JEAN
LE
BLOND.
Honneur auroit dû inviter à fon banquet , avec Sagon & la Hueterie , le
HevLtJem le Blond , Seigneur de Branville , né à Evreux en Normandie. Il
fut aufli un desadverfaires de Clément
Marot contre qui il écrivit deux Epîtres pendant la retraite de ce Poëte à
Ferrare, pour empêcher, autant qu'il
étroit en lui, François I. de fe rendre
aux follicitations que Marot faifoit pour
fon retour. La première de ces deux
Epîtres qui eft au nom du Générul
Cbambor, n'eil qu'une invective. La féconde Epître efl: fur le même ton. Dictée par l'emportement & le faux zélé,
plus que par un amour éclairé de la
vérité, elle commence par cette apoflrophé :
Tu renies mal pur toa fard curial,
Ton Aille doulx & an Mercurial
Vouloir fléchir d'ung cas irtfupportable
Le tres-chreftien Roy François, ferme et ftable,
Pilier de fby, de juftice amateur ,
Fleuron de paix, de bonté zélateur,
Qui rnaiatiendra toujours en fcs délita
FRAKCôIJ'é.
l a belle rofe
e avecque le* blanc*
olanct lit* ,. ' *
La fleur des fleurs, la marguerite efleue,
La nette perle en rien jamais pollué;,
La faintte foy efpoufe Jefus-Chriû ,
- Veuillent ou non le* fuppôtl o?Antechri»P, «je.
1
Ï07
•
J E AN L E
BL'ôND.
Jugez du refte de l'a pièce par cet
échantillon. Maroc fappeflé' en FrUrrce, méprifa, fans doute, de nouvel
adverfaire , puifque nous ne vOyoris
point qu'ilfotoit' mis en' peine de lui
répondre. Ce filence', qui tenoit du
mépris, dCrtr mortifier le Bîond qui pav
roît avoir eu une opinion avantagemie
de fon mérite, comme on le voit par
ces deux Epîtres & par les autres poteries qu'uyfôi^rt, & qu'il publia en
15 3 6. à Paris, Il intitula fon redueii1,
le frlnterhpàefbnrtdki' efpérant, oufont
compriru ftufvedrs pétrit œuvres fentot Se
fleurs , fruiâ & verdure', aétt a'compofet
eu fon jeune augefort réxriattfL. If pouvoir ajouter., & prdd'uïtr dans toute leur
verdeur j carfi:ces poëfiesfont1ïè fruit
de fa jeuneffe , fl'nedevort' par etttbre
être dans un âge mûr lorfqù'n' les publia en 1536. , puifqu'on y lit une
pièce fur lMncerrdie.de Chambray iUr1la rivière d*Iton, au Bïocéié d'Evfeux,
qui ariva le 3b' Juillet 15 34,. JéaU lé
Blond aimoit la chafle:, comme on lé
E vj
=
Iû8
BlBMOTHEQtT E
voit par la pièce de fon recueil, intîJEAN IE t v u e e le Temple de Dyane, &.plaifir 'de
«LçND. ^ cbafe, où il loue beaucoup cet exercice.
La defcription du Temple de Diane m'a paru extravagante. Le Poète, y
fait entrer tout ce qui compofe nos
Eglifes Collégiales ; des Chanoines ,
des Chapelains, des Chantres y des
cloches & des orgues r un bénitier , de
l'encens, des autels, des lieux contemplatifs : & quoique tous ces perfonnages , & ces êtres inanimés foient allégoriques , il me femble qu'il ne pouvoir pas faire un choix qui fût moins
propre à un temple où. tout eit profane. Quel ridicule d'ailleurs que les
Chantresfignifientles .chiens de chafie
qui aboyent; les cloches & l'orgue, les
Ions de la trompette, du cors & des oifeaux ; l'encens, l'odeur des bêtes fauves , & ainfi du refte J
Si cette bizarre defcription fait peu
d'honneur au goût de Jean le Blond,l'i?pttre duptvrtfoudroyé envoyée au Dieu d'a
mours, en fait encore moins à fes mœurs,
puifqu'il y fait l'aveu qu'il avoit éprouvé tout ce qui eft l'apanagefiordinaire
d'une vie déréglée, & qu'il avoit longtems gémi fous le poids de cette maladie
F R A N Ç 0 I Sï.
IOC)
que l'on ne devroit connoîtrequeparla
'
oefcfiption qu'en font les Médecins. Il R*'EAN L *
faut croke que cette maladie, donc
l'Auteur décrit tous les- accidens, le
rendit plus rage. Au moins,. à l'exception de quelques Epîtres un peu paffionnées , ne trouve-t'on rien dans Ces
ppè'fies qui n'annonce un homme que
le péril avoit rendu circonlpect. Il y a
même plufieurs pièces qui ne refpkent
que la piété, comme celles où il loué
la fainte Vierge & faint Jean-Baptiile
fon patron, & celle qui a pour titre ,
TlainUe fur le trefpas de très-dévote &
très-chafie Dame Jehanne Dsrneiuville
enfin vivant Abbejfe de faint Sauveur
d'Evreux.
On peut loiier encore par le même
endroit fes Epîtres à Guillaume Saulnier , Poète François & Latin, avec
qui il paroît avok eu des liaifons trèsétroites ; à M. dej'ainville, Mufiçien •
à Guillaume des Ormeaux, Poète que
la Croix-du-Maine& du Verdier n'ont
point connu ; fon Epître à Jean Chreftien, envoyée aux chants Elyfées par le
vent Zéphyre, dans laquelle il déplore
la mort de cet ami qui avoit été tué
dans quelque émeute des Religionaires. On lit encore.avec plainr poux les
TIC»
BIBLIOTHèQUE
'••
fentimens fa Plainte fur le trefpas de
JEAN LE Maiftre Benoift de la Nie, Docleur en
BLOND,
théologie, Pénitentier d'Evreux. Ce D o cteur étpit un Controveîfifte, dont on,
a" plufieurs ouvrages fur la ' Religion,
contre les Cal vinifies : au moins à e n
juger par ce que dit Jean le Blond, qui
ajoute qu'il pofledoit bien rHéhreu 9
lé Grec & le Latin. Dans une autre
Epître , il Fait l'éloge de "Jean- Bafet 9
qu'il qualifie Fadeur & Chantre, c'eftà-dire, Poète & Muficien ; mais qui
n'efl point connu d'ailleurs. Il y a quelque chofe de naïf dans PEpître par laquelle il demande à fon Drapier une
continuation de crédit, lui promettant
de ne point-fe conduire à fon égard ,
comme Pathelin avoit agi envers celui
à qui il devoit :
i
Je congnoy bien que j'ay prou mis
De ce que vousavoys promys
Payer , très-endurant Drapiez ,
Et fuys encore en blanc papier
Couché tout plat voftre debteur :
Vous elles fort beau créditeur,
Chafcun vous prife en cette aâayret
Je penfoys pluftoft fatisfaire ,
Mais on m'a faulfement deccu.
Par ma foy, vous euflïez reçeu ,
FRANçOISE.
En péché ou eftat de grâce.
. Pathelin à tout fon oaye grade
Souloit ufer de tromperye ,
Se gaudifiant de draperye ,
Mais je n'en vouluz onc ufer.
Trop bien je me veuil excéder,
Quant je n'ay pas argent a main.
Puys ung homme doux & humain
Comme vous, j'ay l'expérience ,
S'arme fouvent de patience :
Aufli c'eft fort belle vertu :
: Je ne fùflè pas revenu ,
Si ne Feu/iiez eue envers rnoy.
Vbicy venir le rnoys de May ,
Il vient layne de quoy on (happe ;
Je me rendray plus fier qu'on Pape
Si- j'ay relafche jufques là.
Onc à Mercyer qui eftalla ,
O r n'y fçeuft perdre que l'attendre.
Le cuyr de ma bourie eft 6. tendre
Que argent n'y- fçayt grarnment durer.
S'il vous plaift de moy endurer ,
Tous ferez tins homme de bien :
Noltre Seigneur endura bien ,
Combien qu'il fuft de tout Autheur :
Monirrez-vous l'on imitateur,
Son vray difciple ou fen Apoftre.
puys il eft à la Patinoftre
Qu'il fault aux debteurs pardonner.:
Je ne vous pry pas de donner ;
Mail pardonnez-moy jufque au terrur»
rir
— — —
JEAN LK
BLOND»
•
SBSSSSSi
JEAN I E
PiONo.
IIX
BlBLIOTHEqUB
t)e ce jolys moys ou je tendz.
Ces poëfies de le Blond font dédiée*
j e perrieres, Seigneur deXiïambray, apparemment Nicolas, Baron
d'Âunai, qui avoit époufé au mois de
Janvier 1530. Bonav'enturç de Prttïielé. Après la dédicace qui eft en profe,
on trouve, 1. une Epître en vers de
Nicolas du Guernier à Jean, Baron
d'Annebaut. 2. Un Rondeau de Jean
le Blond à très-éloquent & expert- Hiftorien Artus de Louvignj, Seigneur de U
Afartiniere, & Maifire-d'Hoftel de M.
le Baron de Ferrieres. 3. Une Epître,
en vers, de Guillaume Saulnier à Jean
k Blond. La devife de ce dernier eft,
efpérant mieux : je n'ai pas trpuvé la date de fa mort : la Croix-du-Maine,
q u i , outre fes poëfies, lui attribue
quelques ouvrages en profé , n'en ci-;
te aucun pcRérieur à l'année 1553.
a u Baron
CHARLES
FONTAINE.
Charles Fontaine n'imita point le
Blond dans l'oppofition que ce Poëte
eut pour Clément Marot. Difciple de
ce dernier , il devint au contraire
fon ami & fon apologifte. Marot fa
iaifoit gloire de l'avoir pour défen-
E R A ÎT ç es J s B:''
M 3'
..^
fetfr, & il avoit raîïbn. Quoique Fon- •• •
•*
taine lui fût inférieur du côté des T^HTAIM.'
talens poétiques, on ne, laiffe pas de
fentir dans fa verfificatiorl un air aifé,
un tour ingénieux*, & une certaine finefiè dans- la> raillerie , qui montrent
que l'exemple & les leçon? de fon maître ne lui avo.ient point été inutiles.
Ce Poète étoit Parifien, né la première année du règne de François I. Il nous
mftruit de ces deux circonfUnces dans
fes poëfies^
- Dieu gard Paris le chef de France,
Qui eft le Heu de ma nailTan.ce......
Pieu gard ma maifon paternelle,
• Au beau milieu de l'Ifle belle,
Maifon aâtfè vis-à-vis"
De Noftre-Dame 8c du Parvis,-"
Qui a la bellefleurde France
Pour fon enfeigne 8c de'montrance.
, Rutfliai» de*'
*™*™ • f*
E t dans fon Epître en profe à Charles
Duc d'Orléans f fils de François I , il
dit que dans fa première jeuneffe il avoit
lu plufieurs de fes poëfies au Duc d'Orléans r 4 Paris lieu de [a naijfance. Voilà
le premier fait prouvé. Le fécond ne
l'eft pas moins clairement dans une EpU E .
gramme où le Poëte s'exprime ainfi :••••.
Tome Xlk,
*
itj/,
i 14
•u.
CHARLIîS
FOSTAME.
ÉlMIofHÉQUÉ
AU beau,
milieu de la grand Ville'
gç a u m iii e u d'une Me
Entre le Nord 8c l'Occident,
Devant le grand Temple évident...*;
Fontaine a pris fa fouree 8c çourfé
Quand le Roy père très-prudent
AufleuveStyx aïloit fendant,
Sans ruiiïèaux malles de fa fouree.
Sans per y
Et ailleurs il dit , qu'il naquit le r 3!
de Juillet. D'où je conjecture qu'il vint?
au monde le 13 de Juillet 1515. puifqti'il naquit l'année même de la mort
de Louis XII , nommé le Père du peuple*, & que ce Prince mourut le premier de Janvier de l'an 151 j . lailîànt la*.
couronné à François I , corrime le Poète l'ajoute tout de fuite.
Puis le Roy Franc, quitintla bcKirie
Ouverte aux Mules 8c aux Arts,
Leva fon beau grand chef, 8c pour ce
Sefitparoifire en toute part.
Fontaine n'êtoit point d'une famille
rioble ; Ion père exerçoit le corraastee ,
& s'y diitinguoit par fa probité, fon
âlîîduité au travail, & ee qui eft beaucoup plus rare , par ion amour pour
F R I H ' ç O I S ï .
115
les lettres qu'il cultivoit dans fes mo- ' "" "'"*
mens de loifir, & qui le mit en état CHARLES
d'être le premier précepteur de fes en- l r o N T A I N *
fans. C'efl le portrait que Fontaine
nous en fait dans fon poème intitulé U
Contr-amye de Court, où parlant de luimême , fous le nom de l'Amour , il
dit :
En premier lieufillefuis de Marchand,
Lequel n'eftoit ufurier, ne mefehant :
Qu'il foit ainfi, on lui portoit ce nom,
Loyal Marchand ; tel efloitfon renom.
Dès fon jeune âge avoit feience acquife,
Qu'il eflimoit plus que fa marchandife.
Toujours hantoit les lettres & lettrez,
* Non les grands gens richement accouftrez;
Difant ainfi : ces mollement vefiuz
Souvent d'autant s'éloignent de vertuz...
Homme il eftoit de petite parolle,
Fors quand de nous il tenoit fon efcolle ;
J'entends de moy & d'une mienne feeur
Dont il eftoit enfeigneur Se drefleur.
II nous apprend dans un autre ouvrage qu'il étudia dans l'Univerfité de Paris fous le célèbre Pierre Danés , depuis Evêque de Lavaur, & que ce
grand homme avoit confervé dé l'ami-
i i 6*
BIBLIOTHèQUE
~ tié pour lui, ce qui fait dire à Fontaine
CHARLES dans une Ode qu'il lui envoya :
FONTAINE
Mais pourquoy fcrois-je confus
Près de ta docte humanité,
Puifque ton difciple je fus
En la grande UniverfiteV
Au lieu de VUniverfité de Parts , il falloir peut-être dire, le Collège Royal fondé à Paris par François I. Danés y fût
Profefleur en langue Grecque, & on
ne lit point qu'il ait enfeigné ailleurs.
Voilà tout ce que Fontaine nous dit
de fa première éducation. Son penchant
pour la poëfie fe déclara de bonne heur e , & devint en lui une paflion fi violente , qu'il lui facrifia tout, fa vie &
fa fortune. Jean du G u é , l'un de ks
Oncles, Avocat au Parlement de Paris , & dont Loyfel fait mention dans
fa lifte des Avocats qui fuivoient le
barreau avec diftinction «115 24., voulut en vain le détourner de faire facour
aux Mufes, & l'engager à s'appliquer
à l'étude du Droit, en lui offrant pour
cela de l'aider de fes lumières & de fes
livres ; fes tentatives, fes avis, fes follicitations, tout fut inutile. Fontaine
ne répondit à ion oncle, que par une
F R A N ç O I S E .
I 17
Epure en vers dans laquelle il déclare
' " "1
fon aflêction pour la poëfie, juftifie CHARLES
celle-ci des reproches qu'on lui a faits FONTAINE
dans tous les teins , vante les honneurs
que les Poètes ont reçus chez les anciens & les modernes, Se la générofitç
avec laquelle ils o n t , comme lui, renoncé à tout ce que le monde nomme .
fortune, pour ne fuivre que leur attrait. Il apporte en particulier l'exemple d'Ovide fur lequel il infifte beaucoup. Il auroit pu en choifir un plus
convenable. Il finit par demander à fon
oncle , non fes livres de Droit, mais
les poëfies que cet oncle lui-même avoit
çompofées dans fa jeunefle.
Jean du Gué prit occafion de cette
demande pour repréfenter encore à fon
neveu que l'exercicede la poëfie, quand
or».e» fan-fitprincipale oceppation, ne .
conduifo.it pas communément à un établiflèment folide ; qu'il détournoit même de l'application que l'on doit aux
devoirs les plus efientiels, & qu'il étoit
ordinaire de nuire à fes propres affaires
en voulant faire trop affiduement fa
coiir aux Mufes. Surquoi il cite à fon
neveu fon propre exemple :
• Je le /çay-bien, car j'ay-palTé par-là ;
. jCroy s celuy gui «Hnrae toy parla,
. .!
i"i 8
BIBLIOTHèQUE
En ma jeuneffè avec maint autre affaire
CHARLES
Compofay jeux pour honneur & gain faire.
F O N T A I N E J'ay pour rfbat fait Epiftre autrefois ,
Virlaix , Rondeaux, Ballades : toutefois
Le tout pefé, l'iflue eft peine traire ,
. Et de* fon train s'effranger & diftraire :
Tant qu'à la tin par trop les vers aymer,
Me fuis trouvé peu me faire eftimer.
Il en conclud que la poëfie ne doit être
prife que comme un amufement ; car ,
ajoute-t'il,
. . . . Mieux vaut gain que de philofopher
A gens qui ont leur ménage à conduire.
Ces avis étoient bons, Fontaine avoic
trop d'efprit pour ne pas en convenir ;
mais fon amour pour la poëfie étoit
auffi trop dominant pour lui laiflèr la
liberté de les fuivre : il lui auroit fallu
fe faire une violence qui lui auroit beaucoup coûté, & qu'il n'étoit pas réfolude le faire. Il remercia fon oncle de fes:
avis ; & prenant le terme de philofopher
dans un autre fens que celui que Jean.
du Gué lui avoit donné, il fe mit endevoir de lui prouver que le Poète &•
le vrai Philofophe peuvent fe trou-;
ver dans la même perfonne; ce qui
lui donne lieu de faire de nouveau
• F R A N ç O I S E .
U«.
l'apologie de la poèfie, & d'en tirer
•
cette conféquence, que le genre d'oc- CHARLES
cupation qu'il avoit choifi , étoit pré- FONTAIN*
(érable à celui que fon oncle avoit embrafle -, que tout périt avec le corps ,
mais; que la gloire des Poètes elî irn^.
mortelle. Malgré ces beaux fentimens,
plus dateurs dans la ipéculation que
dans la pratique, Fontainenelailîàpas
de convenir dans la fuite , en écrivant
à fon ami Teshault', difciple du Jurifconfulte Coras, qu'il auroit agi plus
làgement s'il eut préféré les conleils de
lbn oncle à fa propre inclination.
Si je. ppuvois jeune encor devenir
Je voudrais bien le train des loix tenir :
Bien qu'il ne foit aVecques fa pratique
Autant plaifant comme l'art poétique
Au jeune efprit gaillard je gracieux
Des libres arts quêtant champ lpacieux :
Mai; en haultefle il eft plus honorable,
Plus, ndceflàire, auûî plus profitable.
| ' Et plût à Dieu que'mon oncle euflê cru,
torique moy jeune .ayant l'efprit trop cru,.
Fis grand refus de la feience fuivre
Qui en honneurs & en biens le rit vivre;
En quoy m'qffroit, pour me mettre à bon port,
Ses livrés tous, avec tout fon fupport.
Mais c'en eft f a i t , jette-en eft le de" ;
Le fort par art en ckxir,' entre arnandd t •
x i o
•
B I B L I O T H è Q U E
Nul remède autre y a, tant foit-on fàge ,' '
CHARLES
FONTAINE
T obftant l'âge, avec le mariage.
O n reconnoît là les réflexions d'un
âge mûr, mais elles venoient trop tard ,
& c'eft l'ordinaire. Jeune, Fontaine
n'avoit fuivi que fes inclinations, & ce
tems fi précieux de la jeuneflè il l'avoit
pané à faire des vers, & à rechercher
la bienveillance des Grands, qui paroît lui avoir été fort inutile. Il s'étoit
lait connoître de' François I , il lui
avoit préfenté quelques pièces ; je ne
doute pas que ce Princefiamîdes beaux
Arts, & de ceux qui les cultivoient,
n'eût accepté ce préfent avec bonté ;
mais des louanges ftérilesn'enrichiflent
point. Le Poëte flaté, mais peu ou
point récompenfé, fe tourna du côté
de Renée de France, fille de Louis
X I I , qui, çn i 528. avoit époufé Hercule, Duc de Ferrare. Il entreprit,
pour lui faire fa cour, le voyage d'Italie : arrivé à Ferrare , il en avertit la
Princelfe par une Epitre qu'il lui envoya. Il ne nous dit pas quel fuccès
eurent fes démarches ; mais il s'exprime
aflêz clairement en d'autres endroits de
iès poèfies, pour nous perfuaderqu'il ne
reçut tout au plus que quelques gratifications paJJàgéies, qui le mirent feulement
F R A N ç O I S E .
ïAï
iement en état de faire quelque féjour i
honorable à Turin, à Venife, à Mi- CHARLES
lan, à Crémone, & dans d'autres E- FONTAJN§
tats de l'Italie. Il parle de ce voyage
dans plufieurs de tes Epigrammes &
dans, quelques-unes de fes Elégies.
Ce fut pendant ces courfes , plus
agréables qu'utiles, qu'il perdit Catherine Fontaine, cette fceur avec qui il
avoit été élevé, qu'il aimoit, dont il
recevoit mille tendres retours, & dont
il ne parle jamais qu'avec éloge. Senfible à cette perte, & fenfible jufqu'à
l'excès, il l'envifagea comme l'affliction la plus grande qu'il pût recevoir.
Il confacra fa douleur dans une Elégie,
où l'on fent que le cœur parle encore
plus que l'efprit :
tas ! elle eft morte, elle eft en terre mife
Celle que Dieu, voire feule, a permife
Vivre avec moy ,. après tout frcre & fceur ,
Et après père & mère. Or eft-il feur-:
las ! elle eft mette, & en terre boutée,....
Or fay-je bien que quand je chanterois
Mieux qu'Orpheus. ne la retirerois
De la puiflancç & charge de Mercure,
Qui, en ce cas, de m'exauuer n'a cure
»
Pourquoi m'es-tu tant contraire, o fortune ?
Quand après tout tu m'en as fait perdre une ,
Tome XL
F
j^»..—~
Cri ARLES
FoblTAINE
\ZZ
BlBEIOTHEQTJS
Une de corps qui valoir dix de cœur.
Perdue l'ay fuivant un belliqueux ;
Loing de Paris, voire bien loing j'eftois ,
Entre les monts la mort je ne doutois :
Et toy ma iceur qu'en la plaine laiflbye ,
Dedans Paris trouvas de more la vove.
Fontaine , helas ! depuis que tu fus né,
Ores es-tu bien au monde fortuné.
Mais fi j'ay veu quelque temps li profpere
Cjue frère eflois , ores ne fuis plus frère :
Car j'ay perdu le refte de mes fœurs, &c.
Je ne fçai qui étoit ce belliqueux que
Fontaine fuivit en Italie. Il y a lieu de
croire qu'il ne l'accompagnoit que comme Poète ,.& qu'il ne partageoic pas
avec lui leahazards de la guerre ; car
outre qu'on n'a jamais foupçonné les
Mufes d'être fort braves, Fontaine dit
expreflement dans un autre endroit :
Jules fut à Mars adonné,
Et moy bien peu, ou du tout non.
Le Poète en paffant par Lyon, y avoic
fait connoiffance avec une Demoifelle
qu'il nomme feulement Marguerite,
pour qui il fe fentit une forte inclination. Son voyage n'ayant point rallenti
l'ardeur de Ion amour, il retourna à
Lyon en i 54.0. & y époufa celle qu'il
aimoit. Mais ayant perdu cet objet de
FRANçOISE.
ïIJ
ta tendreflè , après en avoir eu deux
fils , il fe remaria au mois de Février CHARLES
I 544» à une autre Demoifelle du Bourg FONTAINE;
ou Village de Chaponot dans le Lyonnois. C'elt cette féconde femme qu'il
célèbre en cent endroits de fes poëfies
fous le nom de Fiera, & dont il parle
toujours plus en amant qu'en mari.
L'an mil cinq cens quarante-quatre
.
.
.
.
.
Ruîflèiat As
FOAL p. n\
Au court mois, qui or long fera
Et fa rigueur delauTera ,
Fut, pour en bonne amour s'eibattre,
Lié Fontaine avec Flora :
Car tropflétriffantdemoura
Sa Marguerite amour première...».
Il renonça pour cette féconde femme*
fes parens & à fa patrie, & confentit u,id.o.e*\
de s'établir à Lyon. Mais les douceurs
de cette féconde alliance ne tardèrent
pas à être troublées par un procès qui
fut fufcité à Fontaine par les parens de
fa première femme. Quelle fociété que
la chicane pour un ami des Mufes ! Le
Poète en gémit, veilla cependant à fes
intérêts , obtint quelque fentence qui
lui fut favorable. Mais il y eut appel,
& il fe trouva obligé de venir plaider
à-Paris en i $47. C'ell ce qu'il mande 044, p, »„$
Fij
I.24.
"•'
BIBIIOTHEQUE*
à G. Teshaut, Poëte François, qui lut
CHARLES avoit écrit de Valence en Dauphiné.
FONTAINE
Fontaine apprit à fesdépens que l'on
ne fort pas fi facilement d'un procès.
Son affaire fouffrit tant de difficultés ,
foit en elle-même, foit par les chicanes
qui lui furent faites, qu'il fe plaint
dans une petite pièce à fa Flora , que
depuis plus de fix mois il fouffroit éloigné d'elle. Il tâchoit de fe confoler en
compofant quantité de petites pièces ,
aufquelles il donne le nom d'Epigrammes, qu'il adreffoit à fes Juges, & à
tous ceux qu'il intéreffoit dans fon affaire , ou qu'il jugeoit à propos d'en entretenir. Car de quoi parleroit un plaideur , finon de procès ? Les Epigrammes mêmes qu'il envoyoit à Lyon, n'avoient guéres d'autre objet. On en trouve à Mefîieurs de Gouy & de l'Eftoille,
Préfidens au Parlement de Paris ; à
Meffieurs Jean Brinon , Euftace de la
Porte, Tiraqueau , du Lyon , Seneton , d'Efpelîès, de Viole, Vaillant ,
tous Confeillers au même Parlement ;
à.M. de Marmaigne, Maître des R e quêtes ; à M. d'Yvor, Secrétaire du
R o i , & à plufieurs Magiflrats & Avocats de Lyon.
Fontaine gagna-t'il fon procès ? re*
F R A N ç O I S E .
ii5
tourna-t'il à Lyon ? Que devint-il depuis ? Il ne nous en a pas inftruit ; & CHARLES
je n'ai trouvé aucun monument qui ait FONTAINE
pu me l'apprendre. Il faut cependant
qu'il ait vécu encore plufieurs années ,
puifqu'il nous parle de cinq de fes enfans , & que quelques-unes de fes poëfies font adrelïees à deux de fes petitsfils.
J'ai tiré prefque tout ce que je viens
de rapporter du recueil le plus confidérable de fes poëfies, que pour faire allufion à fon nom, û a intitulé les Ruiffeaux de Fontaine. C'eft un recueil d'Épîtres , d'Elégies, de Chants divers ,
d'Epigrammes, d'Odes & d'Etrennes
pour l'année 1555. à quoi l'Auteur a
joint une verfiori du premier livre du
poëme d'Ovide, intitulé, du Remède
d'amour, vingt-huit Enigmes imités du
Latin du prétendu Sympofius, c'eft-àdire, de Laitance, & diverfes pièces ,
tant de lui que de fes amis ; réunies fous
le titre de Pajfe-temps des amis. Ce recueil eft adrefle à Jean Brinon , Seigneur de Villaines , Confeiller du Roi
au Parlement de Paris, à qui l'Auteur
trop prévenu en faveur de fes vers t
dit :
Tu vois icy, par plus noble culture,
Fiij
Trac»
BIBLIOTHèQUE
De mon efprit lesfleurs& fruits divers-.
CHARLES Q U , dureront contre la faifon dure,
FONTAINE
,
,„, .
Avec honneur portes par IUnxvers.
Il ufe encore plus librement ailleurs d u
privilège que les Poètes croient avoir
Bmfleauxdede fe loiïer eux-mêmes, lorfqu'il s'ex- x
prime a m n :
. . . . Ceux que mon vers veut eflire
Pour leur vertu ou leur fçavoir,
, Immortalife's par ma lyre,
Leur nom haut voler pouront voir.
Je n'aypas petite puiflance,
Ny d'ApoIlo peu de faveur ;
Je fens en moy dès ma naiflance
Une poétique ferveur.
Ferveur qui me donne des aefles
Pour voler partout l'Univers:
Aefles qui feront immortelles
Comme immortels feront mes vers.
Auffi d'eflre né je me vante
Au pi,ed du Parnaffe François,
. Là ou ma Fontaine coulante
Ne meurt, bien que mortel je fois.
Là j'ay veu dès ma grand jeunefle
Phcebus avecques les neuf fœurs,
Par une fatale carène
Me repaiflre de leurs douceurs.
F R A S ç O ï S E .
127
Cette idée qu'il s'étoit formée de (on '
mérite, lui donna la hardieflê de s'ou- CHARLES'
vrir un accès auprès du trône. Trois*° N T A , N B
fois il fe préfenta à François I qui avoit
âflèz de bonté pour l'écouter. Dans la
feule Epître adreffée à ce Prince, qui
nous refte de lui, il ne manque pas de
louer Sa Majefté de fon amour pour les
gens de lettres, & en particulier pour
t
les Poètes. Outre qu'il ne pouvoir rien
dire que de vrai fur ce fujet, il écok
perfonnellement intérefle à faire cet
éloge, dans lequel l'établiflêment du
Collège Royal n'eft point oublié.
Avec la même Epître, Fontaine adreffa au Roi la traduction qu'il avoit faite
de quelque livre dont il ne donne point
le titre, & dont il ne défigne le fujet
que par ces vers :
J'ay donc efleu ce livret c y , pourtant
Que de famé l'Auteur y va traitant,
Et qu'il vaut mieux eftre fain que malade,..,.
Vous y verrez comme on doit s'occuper
Pour toute oyfive occarkxt couper ,
Ou en l'amour de victoire par guerre,
Ou à chacer , ou cultiver la terre ;
Qui font trois points de nobleifë tenaru,
Qui font trois points à vous appartenans.
Je crois que cette traduction étoit en
F iiij
Ïi8
BlBIIOTHEQUR
ivers, &que l'Auteur de l'orignal vi*CHARLES voit encore. C'eft au moins ce que j e
FONTAINE c o n j e éture de ces autres vers :
Sî voftre efprit
Vient à penfer qui auroit peu induire
Ma Mufe baffe à ce livre traduire
Plutoft que nul des autres de l'Auteur
Dont le renom croit en toute liaulteur, &c.
Fontaine exalte dans la même Epître
fon penchant pour la poëfie, & fait
l'apologie de celle-ci ; mais il convient
que les Mufes ne l'enrichiflbient pas ,
& il infinuë à François I qu'il feroit
néceflàire de faire aflez de bien aux
amateurs des lettres pour les mettre en
état de n'être point inquiets fur les befoins de la vie. Cette morale eft trèsfamiliére aux Poëtes, mais elle n'eft
pas toujours aufli-bien goûtée qu'ils le
fouhaiteroient. Voici comment Fontaine exprime la fienne.
Que fi au moins enfin la récomperue
Correfpondoit au labeur & defpenfe,
Mille cfprits bons pour un apparoiftroient
En voftre France, & tous les jours croiftroiem. .
Mais povreté qui les garde de croiftre.
Pareillement les garde d*apparoîftre ;
Car povreté avec ton obicur voile
:F R A N Ç Ô î S S,
I.2Q
Obfcurcitoit la plus luyfante eftoille
Quant on eft jeune, en grand cibattcment,
CHARLES
Four pajTe-temps & pour contentement,
FONTAINS
C'eft un plaint de fonner la Mufette :
Mais puis après, quand l'Age & la difette
. Surprennent toft le Poète eftonnd,
Alors s'en va ion chant mal entonné ».
Diminuant, tout petit à petit,
Car de fonner il pert tout appétit :
Alors il hait fa Mufette & fa Mufej
" 'tSi elle s'oftre » il la jette & refufe.
C'eft en conféquencede ces vérités qirer
Fontainefélicite dans une autre Epître
Nicolas le Joitvre foa confrère en poëfie, d'avoir trouvé accès auprès de Catherine d'Amboife , Dame de Ligniéres, célèbre par fa générofité enversles Savans & les Poètes. Dans Une autfe Epître, Fontaine fe peint ainfi luimême , & la lecture que j'ai faite de
fes poëfies, me perfuade qu'il n'a point
chargé fes couleursJe fuis amy, & moqueur ne fuis point, '
Ny controUeut tains,.quand il vient à point,',
A mes amys je dy ouvertement,
Quand on m'en «uiert, tel eft mon fentiment,.,,ray veu pays deçà delà les Monts ,gte quoy fouvent. les gens nous eftimons r
Fay » gracéà Dieu, avec quelque, feience'
Fv
•'
IJQ
BïBLIOTHEQlTB*
Conjoint l!ufage & longue expérience..,.^.
CHARL Es
FoNTAIN*
Avant juger je ly., je voy, j'dcoute ;
L'expérience cioej cens efcus me coûte.
Nouveau ne fuis : m dois eftre affleuré
Que je tus fait, & desja tout leurré.
J'aime la Mufe avecques modefiie,
Et la perfonne à douceur convertie ;
Et n'ayme pas les gens qui tant fe vantent
fat leurs propos, ni vers qui tant s'efvamenb.
Neuf ans entiers & plus je me dis teu ;
Puis peu de gens de mes œuvre» ont eu :
Mais toutesfbis f ay regret bien fouvent
De m'eftre mis encor ii-toft au vent :
Car ne quie.s voir mon nom tant exalté r
. J'en lailTé*faiie a la pofiérité.
Fontaine fit couler de les Ruïffetux
non-feulement des Epîtres, mais des
Elégies, quelques Odes & un grand
nombre d'Epigrammes. La feule de
ces Elégies qui mérite quelque attention eft celle que lui arracha la douleur
dont il fut pénétré lorfqu'il apprit la
mort de fa foeur Catherine Fontaine :
vous avez plus haut une partie de les
regrets. IJ pleura de même, & avec
autant de tendreflè , la mort de quelques-uns de lès enfàns. Il tailla aux autres le foin de verfer des larmesfin*la
mort des Grands du fiécle. Son adieu
à la Ville de Lyon, lorfqu'il vint à
F R A N ç O I S E .
131
Paris pour fbn procès , efr. encore une e==—====
erpéce d'Elégie. A l'égard de fes Epi- CHARLES
grammes , dont je vous ai déjà dit un F°NTAJN»
m o t , elles^ ne peuvent prefque fervir
aujourd'hui qu'à faire connoître les
noms de ceux à qui il les envoyoit. J'ai
fait ufage des faits qu'il y rapporte ,
& furtout de ceux qui le concernent
perfonnellement.
Comme il ne falloit pour ces petites
pièces ni beaucoup de tems, ni une
grande dépenfe d'efprit, Fontaine en
fit un fi grand nombre qu'elles occupent plus de la moitié du recueil dont
je vous rend compte. S'il étoit en liai—
fon avec tous les Ecrivains dont il y
fait mention, on peut dire qu'il connoiflbit prefque tous ceux qui vivoient
de fon tems. On y lit les noms du c é lèbre Pafquier, de Duaren , de M. le
Coigneux, Avocat au Parlernent d e
Paris, qu'il appelle fon coufin ; des
Médecins Sylvius, Femel r Geofrôy
Granger & Guillaume Plantius ; des
Poètes Fournier, Jean Garnier , Mel—
fin de Saint Gelais , Maurice Sceve r
Ronfard , Joachim du Bellay , Etienne Jodelle, Guillaume dès Autels,.
Ponthus de Thyart, Olivier de Mag n y , Etienne Forcadel, Jacques Pe—
F Y\,
r.3 2
BIBLIOTHèQUE
Bssssssst letier , Rémi Belleau, & beaucoup
CHARLES d'autres ; Jean Vafis , dit Jean de P a FgNTAiNBru;) Peintre du R o i ; Pierre Saliat,
traducteur célèbre alors, &c. Les vingtnuit Enigmes traduites du prétendu
Sympofius ne fervent qu'à groffir ce
volume. Je vous ai parlé ailleurs de la
ïïbîîot. Fr. traduction du premier livre du remède
*• ?• p. 45ti'amour, par Ovide, ck des autres tra>L%u "'ductions que Fontaine à faites du. m ê me Poëte, des Sentences d'Aufone, &
des Mimes de Publias Sy rusA l'égard du Pajfe-temps des amis r
c'efr., comme Fontaine l'ajoute, un
Livre contenant Epifires & Epigrammes
en vers François,. qu'ils ont envoyés les:
uns aux autres ; le tout compofé par cet"
tains Auteurs modernes y & nouvellement
recueilli' par Charles Fontaine, Parifien r
Auteur d'une partie. Les pièces les plus
confidérables de ce recueil, font d?abord une Epître de G.. Teshault, Poëte François , dont il n'eft rien dit dans la
Croix-du-MainenidansduVerdier .Cette Epître précédée d'un huitain ce d'un?
quatrain du même, efï écrite à Fontaine , &. datée de Valence en Dauphiné,
©ù Teshault étudioit fous le Jurifconfulte Coras. Teshaut ne s'y montre pas
jurectionné a l'étude qui l'occupoit^dc
FRANçOISE.
IJJ
il dit fans équivoque qu'il aurok voulu
•
CHARLEJ
N'avoir jamais ouy parler de Droit.
FoNTAINR
Auflî entrelaijfoit-il volontiers > comme
il l'ajoute y
, les cautelles & ruiës
Du vieil Accurfe,
pour fe livrer à la poëfie, dont il fait
l'éloge & l'apologie. Il convient cependant qu'on peut allier avec ellela fcience & l'exercice du Droit ; témoin, ditil , Jean du Gué oncle de Fontaine ,
dont il fe rappelloit l'exemple pour
Ranimer à l'étude de la Juriforudence..
Il s'étend dans la même Epitre fur la
Contre-amye, poème de Fontaine , queje vous ferai connoître dans un mbrnent x ÔVil y inféré cet éloge de Colas t
tors, s'il te plaift, en deux mots luy dira»
Le bruit qu'acquiert rtoftre Docteur Coras,
Qui fans propos inutile fc frivole
Efiàce icy le grand nom de Eartole.
Desja il fait venir les Tranfmontains
S'humilier, & n'eftre tant hautains.
Desja on voit tomber l'outrecuidance
D'Italiens, fe. venans rendre en France.
Certes Budé l'avoit ja commence :
Iï4
CH*RLES
r ONTAINS
BlBlTOTHËqUE
Autres Savans l'avoieiit bien avancer
Dencques Coras maintenant donnera
La fin à tout, Coras couronnera.
Fontaine répondit à cette lettre ; &
l'on trouve auflî fa réponfe fuivie de
plufieurs Epîtres réciproques du même Fontaine, deJean Orrj Se de Gabriel Tamot, Avocats au Mans, Ces
deux Avocats s'amufoient auflî à la
pqè'fie , & leurs noms le lifent dans la
Bibliothèque de la Croix du Maine,
Orrj avoit cultivé prefque toutes les
sciences dans fa jeuneflè, mais il s'étoit viî obligé d'y renoncer pour l'étude du Droit. Il ne s'agit prefque dans
tes Epîtres à Fontaine & dans les réponiès de celui-ci, que des embarras
& des avantages du mariage ; c*eft-àdire, du Pour & Contre. Tamot avoit
fait fa cour aux Mufes, jufques dans
fa vieilleflè; & il convient de deux
choies; l'une, que fes derniers vers n'étoient point eftimés ; l'autre, qu'il ne
s'étoit point enrichi fur le Panudle t
Aflez fouvent je rime, fans raifon,
Mais pour rimer n'eft riche ma mairon.
Rime & Raifon font très-bonnes crifcnible £
Bienheureux eft qui des biens en alTemble.
Ce n'eft pas moi ; car je comtois très-bien ,,
Et loBgtems a , que je n'y acquiersrien,y
FRAWCOISK.
Et m'cft kefoin fçavoir autre meftier.
Je ne fuis point un Mainte jtltin Chtriitr,
Vn Mtfchinot , un Mtttt,. ua ttejjn ,
Dcfquehv on vit le poétique fon.
IJJ
CHARLES
FoNÏAIKX
Après ces Epures, & quelques autres dont j'ai fait ufage dans la vie d e
Fontaine, on retrouve encore des EpL
grarrunes que Fontaine envoyoit à fes
amis, ou qu'il recevoit d'eux. C'étoit
un commerce poétique. Les aûociésétoient F . Larcher , Nicole le 1 ouvre r
qui derneuroit à Bourges , Michel dit
Rochay , Antoine Pétard, René Chandelier , Jean Morel,, Alexis Gandin , G.
Teshault „ Philippe de Vitiiers,. & Bc—
Baventure du- Tronches La dernière
pièce de ce recueil eil une Eglvgue Marine où font introduits deux Nautoniers ,
Hugue Salet & Fontaine : c'eil un Dialogue fort inftpide où Salel & Fontaine sencenfenr mutuellement..
J'ai vu- quelques autres Epigrammesde Fontaine à la fuite d'une Ode duméras de l'antiquité & excellence de la Ville
de Lyon, imprimée en i 5 5,7. Les Epigrammes n'apprennent rien. L'Ode eil
en vers de huit fyllabes, dont les rimes
font entremêlées & partagées en ftrophes de quatre vers. Le Poète y remontc
fufqu'à la fondation de L y o n , dont il
Î3t>
BlBlIOTHEQtTB
. *T
fait auteur un certain Lugdus , p»forr-»
n a e aDU eux
FONTAINE S f
^ >' dont Fontaine auroit
été bien embarrafle à prouver Fexiftence. Il n'en; pas meilleur critique d a n s
ce qu'il dit des difterens Maîtres qu'il
prétend que Lyon a eus, & des divers
états par leiquels il fuppofè que cette
Ville a pane. Peut-être efl-il plus exact
dans ce qu'il ajoute fur la fituation d e
Lyon , fon terroir , fes principales
Eglifes, fes anciens monumens. Voici
le portrait qu'il fait des Lyonnois»
Au refte, c'eft bien une gent
Laborieufè 8c fort active,
Et qui ne jette pas l'argent ;
Ains experte à fa lucrative.
Le peuple n'y eiï gue'res fot :
S'il tient un peu de l'avarice,
Je m'en rapporte, 8c n'en dy mot»
Ams leur voudrais faire fervice.
Lyon fait ouvrages divers,
Ouvrages premier Italiques
Prenant origine des vers,
Maintenant ouvrages. Galliques, 8cc.
La même année 1557. Fontaine fît:
encore imprimer à Lyon un petit re>-
F R A N ç O I S E .
137
eueil d'Odes, d'Enigmes, d'Epigram•
mes, adrejfés pour étreines au Roy, à la CHARLES
Reine, à Madame Marguerite, & au- F o N T A l N »
très Princes & Princefes de France. Le
privilège accordé pour l'impreflîon eil
du premier Octobre 1555. Le Poète
fe vante dès le commencement de ce
recueil, que fon nom vivra toujours :
Le blond Phoebos m'a bien ofé promettre,
De rehauflèr mon beau nom par fon métré ;
Et que tandis qu'au haut ciel il luira ,
Fontaine en France , & hors France on lira.
'Cette promeflè étoit bien flateufe ; mais
malheureufement le Poète feul en étoit
garant. Ce ne font point sûrement fes
Odes qui pouvoient immortalifer fon
nom. De quinze que l'on trouve ici,
il n'y en a pas une qu'on life avec plaifir. Ses Epigrammes ou les petites pièces qu'il a décorées de ce titre , ne valent guéres mieux, & fans quelques faits
dont l'Auteur nous y a confervé la mémoire,ce ne feroit pas la peine de les lire.
On lui a cependant l'obligation d'avoir
contribué à polir notre langue, autant
que cela étoit poffible alors. Il l'aimoit,
exil avoit abandonné pour elle les Mufes Latines, comme il le dit en écrivant &*-
tf
v"r
1^9
*
BlBIIOTHEQUE
' à Joachim du Bellay , Konfard, J o CHARLES délie, Baïf& Olivier de Magny; Il
iroNTAiNE donne encore dans le même recueil u n e
marque de fon affection pour les L y onnois, par une Ode morale & inftructive qu'il leur adreffe.
Plus Fontaine avançok en âge, plus
il tournoit fes écrits du côté de la M o rale , comme on le voit par les pièces
qu'il a données à la fuite de fa traduction en vers des Sentences du Poète jiufine fur les dits des fept Sages. Il avoir
obtenu dès 1555. un privilège pour
Pimpreffion de ce nouveau recueil ;
mais il n'a dû le publier qu'en 1558.
puifque l'Epître dédicatoire à M. le
Duc d'Angoulême eil du premier de
Mai de ladite année. Tout ce que je
vous dirai de ce recueil, c'eft qu'il contient quatorze Odes en vers de différente mefure, toutes fort pieufes , &
dont quelques-unes faifoient déjà partie des Rutjfeaux de Fontaine ; une prière à Dieu pour demander la guérifon
de Flora, c'eft-à-dire, de fa femme ;
les dix Commandemens de Dieu , &
les prières avant & après le repas , en
fe levant & en fe couchant. Ces dernières pièces font adreffées à M. le Duc
d'Anjou, -quatrième fils du Roi.
F R A N ç O I S E .
139
Dans l'Epître dédicaroire à M. le '
s
Duc d'Angoulême, troifiéme fils du CHARLES
Roi, Fontaine fait mention de quel- F o N T * t N 1
ques autres de fes ouvrages, comme
de fa traduction des Mimes de Publius
Syrus , & du Promptuaire des Médailles , qui a, dit-il, été présenté au Roy nofire Sire vofire trcs-illuftre père. Ce dernier ouvrage étoit encore une traduction faite du Latin, Fontaine en parle
ainfi en écrivant à Bonaventure du
Tronchet :
Après le livre des Médalles
Et autres qu'en profe dreflay,
Faffent les re'efles fatales
Tout leur effort & leur eflay
Sur mon feul corps, comme je fçay
Qu'elles le feront quelquefois ;
Malgré leur effort toutefois
Vivra ma Mufe profaïque ,
Fuis Apollo donne fa voix
Qu'aufft fera ma poétique.
En 158.8. Benoît Rigaud imrnïma
à Lyon un petit recueil de poëfies du
même Auteur , intitulé, le Jardin d'amour avec la Fontaine d'amour. C'étoit
la trcùfiéme édition de ce recueil, qui
140
•
BIBLIOTHèQUE
contient plufienrs Elégies imitées d ' O CHARLES vide, d'autres Elégies de l'invention de
FONTAINE Fontaine, des Epîtres & des Epigrammes. Toutes ces poëfies étoient de la
première jeuneflê de l'Auteur ; mais
s'il eft vrai qu'il vécut encore, comme
on le fait entendre, quoiqu'un peu
obfcurément, dans l'avis au lecteur ,
il devoit être alors dans un âge avancé. Et fi Fontaine a procuré lui-même
l'édition de ces poëfies, il n'eft point
excufable d'avoir remis au jour dans fa
vieilleflè tant de fadaifes amoureufes &
tant d'obfcénités, qu'on n'auroit pu
même lui pardonner dans fa première
jeuneflê. C'eft dans ce recueil que j'ai
lu l'Epître en profe au Duc d'Orléans,
que je vous ai citée : cette Epître n'eu
point datée ; mais je la crois de beaucoup antérieure à l'année 1588.
Au nombre des écrits fur lefquels
le Poète fondoit le plus fa réputation,
il mettoit ceux qu'il avoit faits contre
Sagon & Huet en faveur de Marot, &
fon poëme intitulé, ta Contrt-amje. Celui-ci étoit un de fes premiers ouvrages , puifqu'il dit dans l'avis au lecteur,
qui eft au-devant de fa traduction du
premier livre du Remède d'amour,
. » à bonne intention & pour pudiques
F R A N ç O I S E .
141
mœurs j'ay longtems a compoféle pe- « —
tit Traité de la Contr'amie de Court. » CHARLES
Mais pour bien comprendre le but de FONTAINI
Fontaine dans cet écrit, il faut remonter plus haut, & vous parler des traités fur le même fujet, qui lui donnèrent lieu de compofer le fien.
ANTOINE
HEROET.
Antoine Heroet, dit la May fort neuf
ve, Parifien, depuis Evoque de Digne,
parent de M. le Chancelier Olivier ,
commença la difpute. Ce Prélat imbu
des principes de Platon dont il avoit
étudié les ouvrages , voulut traiter de
l'amour en Philofophe. N'étant pas
encore élevé à la dignité Epifcopale ,
mais déjà engagé dans l'Etat Eccléfiaftique, il compofa la parfaite Amje,
poëme divifé en trois livres, en vers de
dix fyllabes, dans lequel il fe mit peu
en peine d'obferver l'alternative des rimes màfculines & féminines.
L'Auteur prend pour héroïne une
femme qui babille longuement fur l'amour dont elle fe dit éprife, mais amour
fi philofophique qu'il ne paroit qu'une
paffion en idée. Elle n'a fait choix ,
dit-elle, que d'un ami. Ses feules ver,-
t\x
BIBLIOTHèQUE
t u s , non la beauté, ni les autres q n a ANTOINE lités extérieures , ni rien d'humain ,
HEROET. l'ont déterminée dans ce choix. Elle
n'a confulté
Qu'une amytié qui eft trop mieux adulé
Que fus beauté , fondement non durable :
Au (fi l'a-t'ellc aimé d'un amour perleverant :
Plus il vieillit, plus je le trouve aimable.
Après cet aveu, elle déclare ainll le
fujet qu'elle entreprend de traiter :
t-trftSi»» iCdmonr fera mon livre
Intitulé; pour lequel accomplir
Il n'eft befoin de fables le remplir :
D'inventions poétiques je n'ufe ,
En invoquant ou Erato la Mufe ,
Ou A polio. PlucoA invoqueray
Le mien arny, & le fouhaiteray
Auteur, lecteur, de tefmoing de mes faits l
Lefquels fans lui je tiens tous imparfaits.
Je Pay aimé, je l'ayme & l'aymeray, &c.
"iJAtnye explique dans le premier chant
les caractères de fon amour. C'eft une
affection pure, accordée à un objet qui
la mérite, qui de deux cœurs n'en forme qu'un , qui a mêmes volontés, mêmes defirs , mêmes inclinations. C'eft
F R A N ç O I S E
145
un amour métaphyfique, qui n'eft que •• •
.
dans l'efprit , qui ne tient rien des ANTOINE
fens, qui ne les affecte point, qui n e ^ E R 0 K r *
caufeni trouble irrégulier, ni agitation
inquiétante ; ce qui fait dire à la parfaite Amye
je me vante
Que lî divin fut fon commencement,
Entretenu je l'ay divinement.
Dans le fécond livre , l'Amye s'entretient de ce qu'elle fera fi elle vient
à perdre fon ami. Mais cette idée n'occupe pas longtems fon efprit. Pourquoi yfixeroit-ellefon attention f Non,
il vaut mieux rejetter cette penfée, ne
pas s'imaginer que cette perte eft pofiible. Si cependant elle arrive, ajoutet'elle un moment après , que fera-t'elle ? Se livrera-t'elle à l'affliction? Non
encore : & pourquoi ? C'eft qu'elle efpere qu'elle ne furvivra point. Si le '
contraire arrive, fa douleur ne fera
qu'intérieure, elle ne murmurera point
contre la Providence , elle n'accufera
point Dieu de dureté, fa foumiffion
fera prompte & fans réferve, en attendant qu'elle foit réunie à l'objet de fon
affection. Elle montre dans le troifiéme & dernier chant que le véritable
144
BfBLlOTHEQtTB
: amour n'efl jamais fans récompenfè.
ANTOINE
S'il n'y a point de myflére dans ce
HEROET. poèrne, comme je n'y en ai point apperçu, il me paroît que YAmj tant célébré ,efl la vertu , de VAmje la perfbnne qui aime la vertu. L'Auteur narre
avec beaucoup de naïveté, & fa verfification efl fort douce. Peut-être trouvera-t'on trop de Métaphyfique dans
ce-poëme. Le premier chant commence ainfi:
J'ay veu Amour pourtraict en divers lieux •
L'un le peina vieil, cruel & furieux ;
L'aulcre , plus doulx, enfant, aveugle, nud j
Chafcun le tient pour tel qu'il l'a congneu
Par fes blenfaicrz, ou par fa fbrfaicture.
Pour mieulx au vray diffinir fa nature,
Fauldroit tous cueurs veoir clercs & émondez ;
Et les avoir premièrement fondez ,
Devant qu'en faire un jugement créable :
Car il n'eft point d'affection femblable ,
Veu que chafcun fe forge en fon cerveau
Ung Dieu d'amours, pour Juy propre & nouveau J
Et qu'il y a ( fi le dfreeft permis )
D'aymer autant de fortes, que d'aïuys.
* .
Je me tairay de les diverfités ,
De fa puiffance , if. de fes Déi'tez :
Il ne me chault, fi Venus fut fa mère ;
S'il fut feu! fils, ou s'il avoit une feexe: .
h
F R A N ç O I S ï ;
.145
l e f arleray du mien tant feulement ,
Laiflànt exemple en-ce vray monument ,
A qui ne fyait bien aymer, de m'eiuulvre , &c.
ANTOIHI:
HEROETn
Dans le troifiéme chant, parlant des
effets de fon amour, toujours oppofés
à l'amour de paffion t elle dit :
Amour n'eft pat enchanteur il divers,
• Que les yeux noirs failè devenir verds,
Qu'un brun obfcur en blancheur clére tourne i
Ou qu'un trait gros du vifage dcftourne.
Mais s'il (e trouve alîis en coeur gentil,
Si pénétrant eft fon feu & fubtil,
Qu'il rend le corps de femme tranfparent*1
Et iè préfente au vifage apparent
Je ne fçai quoi, qu'on ne peut exprimer ,
Qui fe fait plus que les beautés aymer,
Antoine Heroet ne s'en tint pas à
ce poème. La matière qu'il y avoit
traitée, lui plaifoit ; il voulut la continuer en traduifant librement, auflî
en vers de dix fyllables, YAndrogine de,
Platon, Se une autre invention extraite àa.
même : De riaymer point fans eftre aimé.
Louis le R o y , dit Regius, a fait réimprimer ces deux pièces dans fon Commentaire François fur le Sympofe de I laton, à Paris, 1559. ' n "4 , °- Héroec
adreffa la traduction de YAndrogyne k
François I. par une Epîtreen vers, qui
Tome X/V
G
1^6
BIBLIOTHèQUE
• ' • . •. contient entr'autres un bel éloge dé ce
ANTOINE Prince. Voici ce qu'il y dit de l'amour
HERQET. J U R 0 J p Q U r igj [ e t t r e s .
Sous voftre nom, fous voftrc bon exemple,,
On peut ramer ce Royaume ttès-ample
Oe n'eftre moins en lettres fleùriflant
Qu'on l'ha congneu par guerre très-puiflànt.
Sur ce propos ma langue ne peut taire
•Ce que vous doit noftre langue vulgaire,
Laquelle avez en tels termes réduicte,
Que par elle eft la plus grand part traduitte
De ce qu'on lit de toute difeipline
En langue Grecque, Hébraïque & Latine,,
Et ha acquis telle perfection,
Que l'en dira, fans adulation,
De voftrc'langue, ainfi que l'on difoit
Du temps que Tulle au Sénat devifbit :
Rome brufloit de féditions villes,
Céfar vainequoit en batailles civiles,
Les bons fuyaient : Se toutcsfbis j'entends
Quiconque fait mémoire de tels temps., •
Que fiécle heureux chafeun Aucteur le nomme,,
Tant ha valu la faconde d'ung homme.
"Si l'on prend à la lettre le commencement de cette Epître, Héroet n'étoit
pas d'une naiflance diftinguée , puifqu'ildit:
i
Ce me fera grande préfomptîbtt
yeu le bas' lieu de. ma condition
t
F R A N ç O I S E.
147
'Sire, troubler la divine nature
De vos efpritz par indocte efcripture.
,
AuTniut
Dans une autre pièce intitulée, Corn- HEROBT.
plainte d'une Dame furprinfe nouvellement
a"amour, Héroet fait parler une fernrne
qui s'interroge eUe-même fur les mouvemens qu'elle éprouve, qui en cherche la caufe, & qui paroît étonnée de
les fentir. Cette pièce eil tournée avec
délicateûe ; la matière le demandoit.
Les rêveries où jette l'Amour y font
bien peintes. Mais convenoit-il à H é roet de manier ce pinceau ?
Enfin comme il vouloir de l'amour
dans tout, il a joint à ces pièces ou purement philofophiques, ou toutes profanes , une Epitre amoureufe par Jefus~
Cbrijl. Il y a de la piété dans cette Êpître ; <3c c'eft le feul endroit par où ou
peut en faire quelque éloge. Sur la fin,
le Poète nomrne les diyerfes efpéces de
poëfies ufitées alors :
Finalement je rends comme prefcrit,
Aux Mutes l'art de coucher par efcrit
les beaux traitez de profe meuirce ,
Et les façons derithmerandouréc,
Oit j'ay trouvé If tris-peu de tecours
Que plus ne veulx en avoir de recours.
I'our ce Châtiions , Ballades, Ttiolexz,
Meniez , Rondcssjx, Scrvantz Se. VireWtx ;
Gij
14.5!
«»*"——~*
ANTOINE
XIëR-GET»
L A
*
BIBLIOTHèQUE*
Sonnetz, Scrambotz, Barzelottes, Chapitres.;
Lyriques vers, Chants Royaux & Epiities,
OU-confoler mes maux) jadis fouloye
Quand ferviteur des Dames m'appelloye;
Puifque de vous je n'ay que repentance,
Allez ailleurs quérir voftre accointante.
3 0 R T> E R I E.
A l'Ame fphrituelle d'Héroet , le
Seigneur de la Borderie oppofa YAmje
te Court. Il y a un peu plus de fiction
dans ce fécond poëme , & moins de
Métaphyfique que dans le premier. La
parfaite Amye paroît toute fpirituelle ;
YAtnye de-Court répond davantage au
titre qu'elle prend. Elle ne veut fe lier
à perfonne,, mais le faire aniiede tout
le monde, ou du moins amufer tous
ceux qui fe préfenteroient pour lui faire la cour, feignant de les aimer tous,
& n'en aimant aucun en effet. Elle regarde , & veut qu'on; regarde avec elle
l'Amour tant chanté par les Poëtes 4
comme une chimère :
Je m'esbabis de tant de fols efprits
.Se cotnplaignans d'amour ettre furpris ,
De tant de voix piteufes & dolentes
Qui plainte font des peines violentes
Qu'un Dieu d'aymer (comme ilt difent ) leur caufc.
F R
AllÇO-ISlf,
Ï~dy0
Je ne fçaurois bien entendre 1» caufe
—
De cette peine, enaoret moins favoir
liai B O R -
Quel eft en eux de ce Dieu le pouvoir ;
DER1E.
Quel eft ion arc qui fait fi grandes brefcbes ,
Ki de quel bois peuvent eftrc Tes flèches.
Je ne l'ai point, ne' pour archer cOngneu ,
Ne pour enfant qui foit aveugle & nud :
Et de fentir ne fus oncques fujette,
S'il brufleen flamme , ou s'il brufle en fagette.
Je crois le tout n'eftre que poè'fie,
Ou , pour mieux dire, humaine frénéfie,
Qui la nature enchante fons couleur
De Dette de frivole valeur, &c.
Continuant à le vanter, elle décrit
comment elle avoit remporté une multitude de victoires fur l'amour. Dès fa
jeunefïè, elle vouloit plaire ; c'eft un
aveu que la fmcéritéiui arrache; Elle
en fait un autre, c'eft que pour plaire,
elle s'ajuftoit ; que beaucoup de jeunes
gens recherchoient fa compagnie, &
qu'elle prenoit plaifir à voir leurs afli-duités, & les marques de refpect &
d'attention qu'ils lui donnoient. Mais
elle allure qu'elle n'en étoit pas moins
fevere fur tout le refèe. Son cœur ; qui
le croira? étoit auflî infenfible que fi
elle n'en avoit point eu. Elle avoue cependant que par elle-même elle auroit
pu fuccomber ; mais que pour éviter
Giij
—
|
^
Î50
===!==:
B l B l IOTMEQtJE
les pièges qui lui étoient tendus , elle
LA BOR- a v o j t i 0 gé fon cœur dans la tour de
DLRIE.
Fermeté , gouvernée par Honneur, gardée par Crainte & Innocence f & défendue par Cbafteté, Foy, Tempérance &
pure Honnefteté. Son cœur étoit là en
effet en bonne compagnie. Sa précaution néanmoins alloit encore plus loin.
De crainte de furprife , elle avoit un
efpion qui l'avertuToit de tout ; c'étoit
Hijfimulation ; & pour remparts, Sens
rajfts, Prudence y Entendement, Mémoire , Soin, Efprit, &c. Par le moyen de
cette cohorte, tout, dit-elle, lui étoit
notoire. Malgré mille beaux fentimens
crue l'Amie de Court étale avec complaifance, elle convient qu'elle recevoit des préfens des Grands qui recherchoient fa. compagnie:mais n'en foyez
point allarmé pour fa vertu : toujours
chargée d'en faire l'apologie, elle a
foin de fe juflifier & d'éloigner même
jufqu'à l'ombre du foupçon. Le mal
efl que fes défenfes manquent fouvent
de folidité ; & c'efl un défaut dans
l'Auteur de ce poème de n'avoir pas
fçu obferver la vraifemblance.
Ce que l'Arnye de Court dit auffi de
la diffimulation & de L'ufage qu'elle en
faifoit, fait, félon moi, peu d'honneur
F R A N ç O I S E .
151
a fa droiture & à fa probité. Enfin avec
toute fa philofophie, elle tombe en un LA BORendroit dans une efpéce de Quiétifine DERIE>
pratique , qu'on ne peut trop déteiler.
Je n'aime pas davantage le long examen qu'elle fait fur la queflion qui lui
efl propofée, quelle parti elle prendre it fi elle vouloit en prendre un ; fi
elle s'uniroit à un homme riche, mais
fot, ou à un homme d'efprit, mais dénué des avantages de la fortune. Après
beaucoup de babil, elle décide pour
le premier, par des raifons qui ne perfuadent point.
Il paroît que cette pièce fit du bruit :
on la regarda comme une fatyre contre l'amour, on en fut blefie, & Charles Fontaine fe chargea de faire l'apologie de cette paflion. C'eft le fujet de x
fa Contre- amye de Court ; poème cependant plus moral que profane, plus philosophique que paflionné , ou qui n'eft
prefque, pour mieux dire, que l'apologie de l'amour honnête & légitime :
ce qui lui avoit fait dire en écrivant à Ruirrcauxde
Catherine Morelet, fille de M. de la Fom -1- «•
Marcheferriére.
Belle tu peux voir hardiment
Mon livret de la Contramye,
Car elle loue honneftement .
G iiij
I52
BlBIIOTHEÇUS
La bonne amour, blaûnant l'Amy'e
- LA BOSVI Trop enchante'e & endormie
» EBI £._
^ u x honneurs & biens de ce monde, 8cc.
Mais Fontaine en faifant dans ce
poème l'apologie de l'amour, confond
souvent celui-ci, tantôt avec l'amitié ,
tantôt avec l'eftime , ou la bienveillance , quelquefois avec le refpedt. Une
de fes preuves de l'ancienneté de l'amour, c'eil l'ordre que Dieu a mis
dans le monde, où tous les élémens &
tout ce qui exiiïe concourt, dit-il, au
bien commun , & s'entr-aide mutuellement. Il ne finit point fur cette preuT e , & dit fur cela bien des chofes ou
peu folides, ou qui n'avoient aucun
tefoin d'être prouvées. Il feint que c'eil
l'Amour lui-même qui s'apparut à lui
pour l'engager à prendre fa défenfe, &
il en fait une defcription poétique.
Teshault exalte trop ce poème, lorfifcid. qu'il dit dans une Epître qu'il envoya
à l'Auteur, & dont je vous ai déjà
parlé :
tors commençay à lire ta Cntr'amit
Des ennemis d'amour forte ennemie,
OU le François Maroc n'eut mis tel ordre,
Ni le Latin Maro n'eut feu rien mordre.
Certes quand bien je voy ta veine roide ,
i
^
FRANçOISE.
Je neuve trop Vjtmyt it Ctnrt froide,
Et m'rfbay que ccft honnefte amant,
Hon de raifon, forclus de jugement,
Ofa monter Ta vaine & Cotte rime,
' Qui a befoing encore de longue lime, &e.
PAUL
153
L A BORDERIE»
ANGÎER.
Paul Angier, de Carentan en Normandie , loin de penfer comme Tes^hault, prit la défenfedel'-rï"»»-* de Court
contre la Contre-amye. Son apologie, en
vers de dix fyllabes, eft intitulée : l'Evpérience de M. Paul Angier, Carentenois,
contenant une briefve défence en laperfonne de (bonnette Amant de Court contre la
Çontr'amje. Ce Poète, que l'on qualifie
dans une Epigramme, le dernier des
Novices rimeurs, eft encore un préfomptueux, qui fe vante d'avoir été dix-huit,
ans inacceflible aux traits de l'amour ,
«5c de ne les avoir éprouvés que lorfqu'iÏTa voulu, & feulement pour celle qu'il épôufa, .& pour laquelle il ne
fentit jamais que l'amour le plus honnête & le plus retenu. Sa pièce eft froide , fans légèreté, fans délicatefle : au
lieu de raifons, il a fouvent recour^
aux injures, & lance contre Fontaine
des, traits que celui-cine méritoit points
Gv
154
BlBIIOTHEQUE
, '
H Angier, dans une Epigramme qui fuit
PAUL AN-fbn petit poème, fe dit l'humble difciple
«sisK.
j e Marot, de Saint Gelais, d'Héroet,
deSalel, dé Borderie, de Rabelais,
de Sève , de Chapuy, & autres Pietés.
PAPILLON.
On a réuni ces opufculesfur l'Amour;
dans un recueil imprimé à Lyon en
1547. avec le nouvel Amour, inventépar
le Seigneur Papillon t Se le Dijcours dit
voyage de Conjlantinople, envoyé dudit lieu
a une Damojfelle de France, par le Seigneur de Borderie , Normand, Sieur
dudit lieu.
Le nouvel Amour eft une fiction ingénieufe & bien racontée. L'Amour
fe trouvant avec Venus fa mère, Se en
la compagnie de quelques autres Dieux
& Déeflès, fe plaint de ce que malgré
les conquêtes, il eft toujours regardé
comme un enfant & un aveugle. Pour
montrer qu'il voit bien clair, & qu'il
fçait agir en homme raifbnnablé, il
raconte qu'en parcourant le monde, il
s*eft rencontré dans la Cour d'un Roi
dont les grâces, la fagefle & les belles
manières lui plurent tant, qu'il voulut
luimfpirer delà tendrefie, mais une
F R A N ç O I S f.
155"
tendreflê légitime, qui pût fatisfairele :
Prince fans le troubler'; qu'en ayant PAPIIAON
trouvé l'occafion dans un bal où il le
vit., il le faifit, & perça du même trait
le cœur du Prince & celui d'une Demoifelle très-vertueufe ; que l'aflèction
mutuelle qui en réfulta, fe termina à
un mariage dans lequel les deux époux
vivent fi contens, que depuis ce moment, fatisfait de fon ouvrage, il avoit
pris la réfolution de ne plus faire que
de pareilles unions. L'Amour ajoute,
que pour fe conduire toujours avec cette fagefle, il vouloit agir feul, & fans
le confeil de fa mère : d'où il prend oçcafion de décrire les artifices de celleci , fes rufes, fes tromperies, fes réductions. Venus impatiente de ce discours , l'interrompt,ferépand en plaintes , repréfente à fon fils le tort qu'il
fera à fon empire, s'il prétend agir
fans elle ; fur quoi.elle entre dans
un détail trop circonflancié & beaucoup trop libre. Elle menacé à fort tour
fon fils rebelle d'oppofer fa puiflànçe
à la fienné, de s'étudier à le contredir
r e , & de renverfer tout ce qu'il pré.tendroit établir fans fon aveu. Le Ciel
•& la Terre tremblent aux menaces de
Venus. Jupiter afîèmble les Dieux,
G vj
Ïf6
BlBIIOTHEQTJE
w ''
harangue l'Amour , & le réconcilie
JPAPILIOM avec fa mère. Mais le Dieu approuve
l'union que l'Amour avoit cimentée
entre le Roi & la Prmceflè qu'il avoir
époufée, de fak l'éloge de l'un & de
l'autre.
B 0 R D E R I E.
Le dîfcours du voyage de Conftantinoplepar le Seigneur de Borderie,
eft aufïï en vers de dix fyllabes, fans
l'alternative des rimes mafeulines & féminines. Il eft curieux & bien tourné.
L'Auteur Tadrene à une Demoifelle
qu'il recherchoit en mariage , lorfqu'il
fut obligé de partir : il fe plaint à elle
de fon éloignement, & l'entretient de
ce qu'il a vu dans fescourfes. Le but &...
le tems de ce voyage ne font pas diftinctement marqués, & je n'y ai trouvé aucune date. Mais fai réparé ce défaut par la lecture de la relation mamûcrite du voyage de Bertrand d'Ornefan , Baron de Saint Blancart, Maître-d'Hôtel du Roi, Général de fes
armées navales, écrite par Jean de Véga, & dont l'original a appartenu à
feu M. Foucault. Comme cette relation nous apprend que le Baron s'exa.-
F Jt A H ç o i*s c.
157
bawpia le 15 d'Août 15 37. pour aller :
au fecours de l'Ifle de Rhodes, & qu'il BOROKIUB
y eft dit, qu'il rencontra près du Golfe de Patras les deux Galères qui portaient tes Primes de Aielfe & Dm de
Somme, que le Seigneur de Borderie
accompagnoit, il eft clair que le voyage du dernier doit être de la même année 1 5 37. C'étôit François I.quiavoit
ordonne ces deux embarquemens. Le
difcours de Borderie commence ainiî :
laiflânt ta France à nulle autre féconde ,
l a plus fertile & fameuic au monde,
laiflânt le Roy mon Seigneur te mon Prince ,
Pour Ton fervice eneftrange Province,
Perdant de veue & Meilleurs fes enfâns,
Et de fa Court les honneurs triomphans
,
Eay d'une part vouloir de fatisfàire
A mon devoir, fc fervice au Roy faire ,
Pour luy donner certaine congnoinânee
Que mon vouloir furmonte ma puiûânce.
Notre voyageur a foin de nous avertir
qu'il étok jeune alors, tSc qu'il n'avoit
pas encore beaucoup d'expérience. Il
s'embarqua à Marfeille au mois d'Octobre , accompagnant,, comme je l'ai
obfervé , te Prince de Adelphe, apparemment André Doria qui eut cette
Principauté, & le Dm de Somme, fans
Tç6
B l BIT OTITE QUE
; doute quelque Seigneur de la Mailbn dé
BOEDERIE San-Severino, qui avoir le Duché de
Somma. Borderie décrit exactement tous
les lieux qu'il côtoya, ou ceux qu'il vifita en parlant, & quelquefois il mêle
la fable avec l'hiftoire de ces lieux. En
parlant de Corfou, il dit qu'ils y arrivèrent huit ou dix jours après que les
Turcs avoient tenté inutilement de s'en
v. Sagrédo, emparer. Or ce liège de Corfou eft de
I.».an.i,37.i,an I J 5 7 H apprit là
. . . . . . Que les Turquekjues voiles
Se rctiroiem droit à Conftantinople ,
Qui nous donna un grand contentement
D'eftre certains du prompt département
Que Turcs faifoient hors la terre Cbreftienne :
Car nous citions ( quelque chofe qu'on tienne )
Là envoyés pour un effet femblable ,
A tous Chreftiem utile & profitable.
Continuant leur route, ils rencontrèrent l'armée navale des Turcs, dont le
Poète fait la defcription. Il dit que le
falut fut donné & rendu de part &
d'autre, & qu'après avoir pafle huit ou
dix jours cnfemble, ils réfolurent de
retourner en France.
Pour mettre de la variété dans fa
relation, le Poète expolè ce qu'il eut à
fouffrir durant fon voyage , & fe plains
FRANçOISE»
ïCO
de la fortune qu'il avoit toujours e u , :
dit-il, pour ennemie :
BORDEMECar dès le temps dé ma jeuneflc tendit r
Elle fouloit à nie nuyr prétendre ;
Et i oir plutoft à fcj-finj arriver,
Avoir hraiTé met jeûner anyariver
Du ferme efpoir que moy faible avoit mit
Aux eflevét mient parent & amyt v
Faifant leur vie en guerre terminée ,
Et mon attente avec eux ruinée.
Mais ces maux n'étoient rien en com>
paraifbn de la douleur qu'il reflèntoit
de fe voir éloigné de celle qu'il aknoit :
c*eft le langage ordinaire des amans. Il
parle aufli d'un de fes oarens qu'il perdit devant le Camp (leCap) Sainte Maure y en combattant fous André Doria
contre le Gouverneur dé Rhodes pour
les Turcs, qu'il nomme Courly. La
mort de ce parent l'affligea d'autant
plus, qu'il étok fort accrédkéà la Cour,
•ce que fes longs fervices lui donnoieht
de la confédération.
Borderie continuant fà relation -,
parle d'une tempête cm'efluia la flote
qu'il accompagnok, & il la décrit aflez
poétiquement. Voici comment il exprime les vœux que la frayeur i\i faire
aux Matelots en cette occafion.
r6*o
loRDERiB
BrBEiOTHEQr/S
Tous Mariniers commencent à crier
Miféricorde, & à genoux prier,
L'un fainte Barbe, & l'autre faim Antoine:
L'autre Jait voeu de s'aller rendre Moine
Incontinent qu'il aura repris terre.
L'un fon falut recornmande à faim Pierre :
L'autre-promet de donner a faim Cyre
Sa pefameur & quantité de cire.
Tous en effet fàifoient riches les Saints ,
Mais qu'à bon port puflènt arriver fairuv
*
Si l'on pend à la lettre ce que l'Auteur ajoute , il paroît que cette tempête fut très-violente, & qu'elle en*
gloutit beaucoup de monde :
A donc la mort ayant mis à l'écart
Le feul vaiflèau du Baron Saint Blanquart
Chef de l'armée , où fefrois embarqué,
Qu'elle toujours avoir bien remarquer,
Se va penfer rbettre eftre tour à point,
Qu'elle pouvoir parvenir à fon point.
C e Vaiflèau fut donc aufli en danger :
& comme Borderie y étoit, il fait des
réflexions fort touchantes ,. en regrettant de n'être pas mort avec ceux qui
périrent à Pavie fous les yeux de François I. ou de n'avoir pas été du nombre de ceux qui furent défaits par les
Flamands ou les Piémontois ; parce;
F R A N ç O I S B .
161
que, félon lui, leur mort avoit été ho•
norable , & que l'hiftoire parleroit BORBERV*
d'eux avec eftime. Puis s'adreflant aux
Dieux, il demande pourquoi Junon
les pourfuit encore ; car ici il fait defcendre les François des Troyens, &
emploie vingt vers à raconter cette fable. Il s-'adreflè aufli à Venus, & il
feint poétiquement que ce fut l'Amour
qui le délivra du naufrage. Il y a du
tour & de l'invention en cet endroit,
comme en plufieurs autres de ce Diftottrs. Si la tempête épargna le Vaifleau
fur lequel il étoit monté , elle en fubmergea beaucoup d'autres :
. . . . . .
Adonc Mort à l'emblée,
Four décharger fon creve-cceur hideux ,.
Vous mit à fonds Galères vingt & deux.
Peu s'en fallut que celle où Barheroufle
Fut embarqué, n'endurât la fecouliê.
Nous doncques tous qui fuîmes prelque pris,
Parlé le mal, reprifmes nos efprits.
Au port du Jm chafcun le raflembla ,
Fors deux vaiiféaux que le tems nous embla :
Defquelz n'avons nouvelles, ny avis,
S'ils font uvuvez, s'ils font ou morts ou vifs.
Après ces complaintes , Borderie
reprenant le perfonnage d'Hiftorien ,
16*2
BiraroTHEQue
continue à décrire là route, les lieux
BORBBRIE d e i a Grèce qu'il apperçut, Sparte, &
beaucoup d'autres, dont il rapporte
quelques traits hiftoriques. Le vent
leur ayant manqué près du Cap de Olonne r à trente mille d'Athènes, il en
prend occalion de parler des peines
qu'ont les Forçats, & il en fait ceparalelle avec les tiennes, qu'il trouve plus
dures :
Or penfe > A m y e , icy la grand miferc
De ces forfatz condamnez en galère.
Mais quant & quant veuilles penfer autïï ,.
Que plus grand eft mon mal que leur foucy :
D'autant que plus eft fort & véhément
De l'efperit, que du corps le tourment.
Chacun d'eux eft nommé ferf Se forfaire :
Serf non forfé je fuis , mais volontaire,
„
La liberté d'iceux n'eft atténue
Que pour un temps ; la mienne pour la vie.
Ils font punis pour leur grand dénierite ;
Je n'ay fait grande oflènfe , ni petite ,
Dont peine doive eftre à moy récompenfe,
Si trop aymer vous n'appeliez oftênfe.
lisent au moins quelque foulagement
D'avoir plufieurs égaux en leur tourment :
Kul n'eft égal à moy d'amitié forte,
Perfonne aufli mon mal ne reconforte.
Les vents légers fouvent les favorifcnt
-t
F R A N ç O I S E .
163
tes vents à moy n'aydent, & fi me nuyfent ;
Car avec eu» & leur légèreté
N'a rien commun ma fiable fermeté.
Les povres gensfontpar ferve rigueur
Liez au pied , & je le fuis au curur,
Qui eft du corps trop plus noble partie.
Leur prifon n'eft autrement amortie
Que par reflet de mort ou de pitié :
Quand à ce point, nous partons par moytié ;
Et avec eux h'ay point de conférence
Purs qu'à ce but d'une même efpérance , &c.
Nos voyageurs prirent des vivres à
Négrepont, & en mirent dans trois
Galères ; & quoique la fourniture fût
confidérable, Borderie dit que c'étoit
peu,
Pour tant de gens d'une armée fi grande ,
Où fàult nourrir fix mille que nous foinmes,
Compris Fotfatz, Mariniers, Gemllzhommes. -
Ils arrivèrent peu à près dans l'Ifle de
Chio, où ils iejournerent. Borderie
marque qu'il y demeura moins que les
autres, & que ce fut de là qu'il partit
pour fe rendre à Conftantinople. C'étoit en Hiver, & le tems étoit fâcheux 1
mais il étoit prefle d'exécuter les ordres
qui lui avoient été donnés , & fur lefquels il ne s'explique point. Il fit le
chemin par terre, revêtu d'un habit à
BORDERIE
\Ç>\
BIBLIOTHèQUE
• la Turque, accompagné d'unTrucheBORDERIE ment & d'un Turc. Il dit que dans la
route, bien des gens témoignoient leur
furprife du voyage qu'il eutreprenort y
mais, ajoute-t'il,
Mon Truchement en leur Turquefque voix'
Leur comptoit lors dont je viens, où je vois,
Et les raiforts que m'ont meu d'entreprendre
Si long voyage en jeuneflê fi tendre.
De Smyrne, où il coucha la première
nuit, il paflà par Ephéfe, près de l'ancienne Troye. Muitapha,. fils aîné da
Sultan Solyman fécond, lui fit donner
un fauf-conduit pour le garantir de toute infulte ; & après avoir cheminé à
cheval pendant quatorze jours dans
l'Aile mineure, il arriva enfin à Conftantinople, dont il fait une longue dèfcription : c'en, par-là que finit fon discours. Quant à l'Auteur, je ne fçai
rien de plus que ce qu'il dit de lui-même dans fon voyage. Comme on allure qu'il étoic Normand, il ne faut pas
le confondre avec Jean Boiceau, Sieur
de la Borderie,. à qui la Pérufe a adrefle
une de fes Odes, & qufil qualifie exprelTément dé Poitevin. Mais le Poète
voyageur eft-il le même que l'Auteur
de l'Amye de Court,. dont je vous ai
-FrR A-N-Ç-O I S Ë.
165
parlé ci-deffus , c!eft,ce que je n'ai pu
découvrir".
"i
GILLES
D'AUAI-
€ IL LES LPAUEIGUr,
.dit LE PAMPHILE.
Hv'jJ*
PHILE.
Claude Colet., Champenois,dont Dizain de
je vous parlerai bien-tôt, fait l'éloge ^ ^ - i t
des quatre, poèmes dont je viensde vous teur d'A..jaour.
entretenir, la parfaite Amye , A'Amyé*
de Court, la Contr'amye, & le nouvel
Amour ; mais il leur préfère le Tuteur
a"Amour de.Gilles .a'Aufigny dit le
Pamphile» Ce Poëte, que du Verdier
qualifie Avocat au Parlement de Paris, .était, de Beauvais & Licentié es
•Loix.t félon la .table alphabétique du
Somnium viridarii imprimé,à Paris l'an
15.-16. inr4.°. Lçs ouvrages que j'ai vus
de lui., <ne -.m'apprennent aucune circonftance de fa .vie. Ifvivoit encore en
15$. y. puifqïfil a fait l'Epitaphe d'Antoine de Hallwin, Seigneur de Piennes, qui fut tué cette année au fiége de
Térouenne ; mais il n'a pas dû pafiër la
même année 1,5 j 3. puifquedans l'édition de fes poëfies qui parut à lafinde
ladite année , il eft.dit qu'elle eft augmentée des pièces qui s'étoient trouvées dans,fes papiers après,fa mort , &
i66
BIBLIOTHèQUE
-
que d'ailleurs on y lit plufieurs EpîtaGILLES p}j es q U e çes jyjjjj i u j dreflèrent, tant
«NYUR'"diten F r a n Ç°i s qu'en Latin. Celle qui fut
LE PAM- compofée par Claude Colet, nous apJ>HILE.
prend que d'Aurigny fut enlevé à la
fleur de fon âge.
François Habert dit aufli dans fon
Epître fur l'immortalité des Piétés François :
De d'Aurigni fut donné jugement ,
Qu'il avoit jà heureux commencement ,
•
0
Avec efpoir de futur avantage,
Lorfque la mort le ravit avant âge.
D'Aurigny avoit allié l'étude de la
Religion avec celle du Droit, & l'exercice de la poëfie Françoife. On cite
de lui des ouvrages dans tous ces genres , comme vous pouvez le voir dans
la Bibliothèque de la Croix-du-Maine,
qui a cependant oublié l'extrait que
d'Aurigny fit de l'Inftirution du Prince
Cbrefiien ccœpoiee par Erafme, qu'il
publia en i 54.3. à la fuite de l'abrégé
de la République de François Patrice,
natif de Sienne, Evêque deGaïette,
encore oublié par la Croix-du-Maine,
<Sc qui fut traduit & imprimé en 1 546.
avec la même République, par Jean
le Blond, Seigneur de Branville. C'eft
F R A N ç O I S E .
I 67
ce même extrait que Claude Joly a tra- =;
duit de nouveau, & publié en 1665. GILLES
fous le titre de Codicile d'or. Du Ver- D'AUMdier n'a connu des ouvrages de d'Anri- **YpAM_
rl
g n y , quefes poëfies, dont la pièce PHILE.
la plus confidérable eft celle qui efl
intitulée le Tuteur d'amour.
C'en, un poème fort étendu en vers
de dix fyllabes , que le Poète adreflè à
M . de Maupas, Abbé de faint Jean de
Laon , à qui il paroît avoir eu beaucoup d'obligation , & qu'il appelle en
plusieurs endroits fin Maître. Voici la
fiction & Panalyfe de ce poème.
L'Auteur commençant à entrer dans
l'âge oùlespasnonsfefontfentir, abandonna l'étude qui l'avoit occupé jufcju'alors, fit des liaifons, s'introduisit
dans les compagnies, prit part aux
conversations qui y font ordinaires, &
-dans la vue de s'avancer, devint complaisant & tâcha de fe faire eftimer &
rechercher. Il ne tarda pas à entendre
parler de l'amour ; les entretiens fur ce
fujet ne font pas rares dans le monde.
iyAurîgny écouta avec fatisfaction le
.bien, cornmelernal que l'on en dit.
Mais voyant que Pon atcribuoit à l'amour plus d'avantures difgracieufes que
l'on n'en contoit de bierifaits,il perilài
l6%
B-IBLIOT.fflEÇTV.El
. . . . Combien grande ferait
GILLES
.»
. , . , . , . „
,
L utilité qui 1 amour dompterait.
LE PAM- Cette viâore n'étoit pas facile, il ea
convenoit, & ne laifla pas de la tenter.
Pour vaincre l'amour, le parti le plus
fage & le plus afluré, c'eft de le fuir.
Notre jeune homme en prit u n tout
oppofé, ce fut d'aller chercher Cupidon dans la Cour de quelque Grand,
ïHILE.
.- Veu qu'il eft tel qu'il ne veult jamais iuyvre
Que gens qui ont accouftumé de vivic
En trop oyflre et tranche liberté.
L e lieu s'offrit comme de lui-même:
d'Aurigny fréquentoit la maifon de
l'Abbé de feint Jean de L a o n , qui recevoir chez lui nombreufe compagnie;
&. quoiqu'on n'eût pas dû s'attendre
.que le Poète allât chercher l'amour à
la fuite d'un Prélat, ce fut là cependant
qu'il le trouva.
L'Amour qui ne le doutoit point de
Jbn deffein , rit en le voyant, &feflatoit déjà d'en faire la conquête; mais
dans le moment qu'il fe difpofe à lancer ccmtre lui quelques-uns de fes traits,
le jeune homme ,fe jette fur l u i , le ferj e étroitement, le déferme., & le force de le fuivre;; non fans s'être fait
réciproquement
FRANçOISE.'
169
réciproquement les reproches les plus i
vifs.
GlLLÏ»
Fier'de fa proie, il l'emmene com- D ' A u R i- .
me en triomphe , & s'étonne lui-mê-®*Yp'A <**
me de fa vi&oire. L'Amour captif a P H U £ t
recours aux prières , aux larmes, aux
promeffes : tour à tour il flate, il menace , il carène, il fupplie fon vainqueur. Le voyant inflexible , il a recoursaux imprécations, & appelle tous
les Dieux à fon aide. Notre conquérant craint que fes prières ne foient
exaucées, & pour prévenir le courroux
de Jupiter & de Venus, il prend la réfolution d'écrire à ces Divinités, de les
informer de ce qu'il vient de faire , &
-des motifs qui l'y avoient porté.
Comme il délibéroit fur les moyens
de faire tenir cette lettre, Mercure s'étant préfenté, il lui fait le récit de tout
ce qui venoit d'arriver, & voici comment il s'excufe ;
J'ay tant hanté gens a'efprît & d'honneur ;
-Gens vertueux, gens fçavans Se. de cueur :
J'ay tant hanté gens où feience abonde,
<Jue fai congneu que c'était que du mcssdei:
Le congnoiflaru voulu fcavpir la tanlte
A mon avis, la plus grande & plus haulte.
Jvtais j'ay congneu qu'Amour l'enfant perdu,
Tome XL
H
170
BlBIIOTHÉQUfi
Duquel le bruit cft partout efpandu ,
Non-feulement tous autres maulx excède,
Mais c'eft de luy dont tout le mal procède.
BNY , dit
Four aux périls & tous dangers rourveoir ,
LE P A M - De le chercher ay fait tout mon devoir.
r-HlLEt
L'ayant trouvé, j'ay bien voulu fonger
D'en prendre foing , &t le bien corriger :
J'ay bien ofé fon vray Tuteur me dire ,
Four corriger fa fureur & fon ire, &c.
f — »
GILLES
D'AURI-
Mercure l'approuve, confent de fe
charger de fa lettre, lui fait voir quelques livres, tels que le grand eftat des
Dieux ( c'eft peut-être la Généalogie des
Dieux, que d'Aurigny fit imprimer en
154.5. ) & un autre traitant du Débat
des Déejfes
Et d'aucuns Dieux , pour avoir leurs adreffés
Aux plus haults lieux, & de leurs aventures ,
Bien imprimé avecques les figures.
Je ne fçai ce que c'eft que cet ouvrage
dont Gilles d'Aurigny dit qu'il prit
copie dans le delTein de le publier.
Mercure retourné aux Cieux, préfente à Jupiter la lettre du Tuteur d'A'
mour, & demande une réponfe. Le cas
parodiant nouveau, Jupiter craint de
le décider feul. Il aflèmble les Dieux,
& le-leur propofe. Venus apprenant
l'injure faite à l'on fils, entre en fureur,
FftANÇdfSîfc.
f?f
& veut lùr le champ defcendre du Cie\rs=B=s*
pour punir l'Auteur d'un attentat fi GILLEE
énorme. Jupiter l'arrête , veut qu'el- GNYURI jj*
"le écoute les avis des autres Divinités ; LE PAM»
chacun parle, convient dés; forfaits de J'HUE» '
l'Amour , raconte les tours qu'il lui a
joués :
•
. tors Jupiter de fon (iceptre d'yvoire
Frappa trois coups, qui ligne eftoit notoire
Qu'il le falloit en iilence efcquter :
Puis s'efcria : Plus ne pourra monter
Enfant Amour, aux Régions céleûes,
Parce que trop les Souverains naoleftes.,.,.,»
Plus ne pourra de fon arc defçocjier
Sur les haults lieux, ne les deux approcher J
Non que privé foit de Divinité,
Mais plus n'aura aux Dieux affinité.}
Il ordonne enfuite à Mercure ,de fe
charger de fa conduite, conjointement
avec celui qui avoit fçu le dompter ,
de ne le perdre pas un inftant dé vue ;
de lui ôter fon carquois- &fes Treéhés'^
&de les apporter au Ciel pour y être
mis en dépôt.-'
! «.•'•-•. JMuni de ces ordre*'' Mercure re^
vient- trouver le Tutenr $Am»kr y ltrf
notifie fa cdrnmiflion \ & tous dèu*
étaèt^èntrés' clans te Heubip fArnoi»
utSircatitif ; Hsduî ôtëritfeVeuesy foè
Hij
ifl
BlBlIOTHEQTJE
te. " - carquois & fes flèches, fans Ce lainef
i GILLES attendrir par fes larmes & fes fupplicaB
™ " , . tions, ni intimider par fes menaces
LS PAM- alors impuiflantes. Ils continuèrent penI-HILJE.
dant trois ans à veiller fur lui. .Mais
pendant ce tems-là Venus cherchoit les
moyens de fe venger & de brifer les
fers de fon fils. N'ayant pu attirer dans
fon parti les Divinités du C i e l , elle
prend l a réfolution de foulever celles
de l'Enfer. Elle aborde dans le Royaume fombre de Pluton, le gagne par fes
carrefles, en un moment la confpiration éclate ; Jupiter en eft enrayé ; il
craint un nouvel afïàut, & defcend
avec les autres Dieux en terre pour arrêter les fureurs de Pluton,
LaiHant aux deux la Dédie Fortune
Tint-feulement, As le vieillart Saturne.
Venus inftrùite que le Ciel n'eft gar*
dé que par ces deux Divinités trop impuifliunie^ppur lui réfifter, remonte
a^Cielj, s'empare des dépouilles arrachées a fon fils , prend la,(figure d'un
Chaflêur, âc fe.tranlpQrte dans le bois
#pifin.<iuU^
eft -gardé.
^Ûn Cerf ayant étéle fruit çle/a chaflê,
fHe#PpTqÇ9e;«Qh^ea^ qùércut-I^qbjffidc^ffçprrmla^^^^^
T R Atf".ÇO I S E ,
17)'
vre l'entrée fans la connoître, & en- „ " ee^e?
voyant peu-après aux deUx Tuteurs un GILLES
fommeil profond, elle rend à fon fils VRIVf .
fes aîles , fon carquois- & fes flèches, LÉ p' AM .
& l'emmené avec elle. Nos deux gar- PHIXY.
diensfurpris à leur réveil de ne plus
voir ni le prétendu Ghaflèur , ni l'Amour , reconnoiffent,. mais trop tard ,.
leur faute. Le défefpoir fuccede à la
joie. Mercure auffi timide quefosaffocié, prend la fuite, & laiffe le Tuteur
feul, & fans défenfe contre le courroux de Venus & de l'Amour.
Pour en éviter les effets, Notre £x~
tuteur, erre de côté & d'autre, le félicitant à chaque piège qu'il croit avoir
évité. Mais fa joie ne fut pas longue ; il voit une jeune perfonne, fes
attraits le charment, il veut fuir, l'Amour faifît ce moment, lartce dans
fon cœur un trait qui l'enflamme, St
de la même main il en darde un autre
dans le cœur de la jeune perfonne qui
le rend froid & infenfible pour d'Aurigny. On devine aifément les fuites de ce
tour malin de l'Amour. L'Amant foupire, pleure, fedéfefpere, prie, tente
toute forte de voies pour gagner une
affection qui lui efl refufée. On conJènt à s'éloigner, & la paffion n'en de-H iij
174
BlBLIÔTHEQtri?
~ vientque plus forte .fans pouvoir par, GILLES v e n j r à pofîeder. ce qu'elle defire. C'ell
rNYURI"dit P a r ~* a ( l u e n m t ce poème, dont je ne
LF PAM- y ° u s 4°nne qu'une légère idée.
ï BILE.
Henri Simon , ami de d'Aurigny,
en a allez bien donné l'analyfe dans ce
peu de vers, qui font imprimés au
commencement.
L'Enfant Amour, tant inhumain fuit-il,
N'avoif onc eu du Tuteur congnoiflance :
Et le Tuteur plus jeune que fuhtil
- A eu vouloir de régir fon enfance. .
Ce qu'il a faier eft de telle prudence ,
Qu'il tint Amour longuement fouffreteuxj
Mefme fon dardflambant& dangereux >
- Sans eftre veu fut longtemps inutile :
Mais en la fin il fut fi furieux
Que du Tueur il en fit un pupille.
D'Aurigny par la conclufion de fbn
poëme , nous prépare à fes autres poèjfies. Vaincu par l'amour, preiquetout
ce qu'il fit depuis, ne refpira plus que
cette paflion. Ses Epîtres, fi l'on en excepte quelques-unes à l'Abbé de Saint
Jean de Laon, fes Elégies, fes Epigrammes ne contiennent que des fentimens tendres & palfionnés. S'il forme
des projets , c'en, pour l'Amour ; s'il
.s'afflige, s'il fe réjouit, c'ell l'amour
F R A N ç O I S E .
175;
qui caufe fa joie ou fa trifteflè ; s'il in* '."
voque quelque Divinité, c'efl l'Amour ; t GILLES
s'il prête fa plume à fes amis ou à les UM"",..
amies , c'efl pour les faire parler d'à- LE p' AM .
mour ; ou plutôt c'efl de fa paffion qu'il PHILB,
parle fous les noms qu'il lui plaît d'emprunter. Il ne quitte ce langage que
dans fes Epitaphes , genre de pièces
qui n'efl propre pour l'ordinaire qu'à
rappeller aux vivans la mémoire de
ceux que la mort a moifîbnnés. D'Aurigny célèbre dans les fiennes Antoine
de Halluin, Chevalier, Seigneur de
Piennes ,
Bon Chevalier, courageux aux allarmes,
Et gouverneur de cinquante hommes d'armes ,
Qui pour fervir au noble Roy de France.
Abandonna terres , biens & chevance ;
Mieulx eftimant l'amytié d'un tel Prince ,
Que dix Chaiteaux, ou quelque grand Province.
Cet Antoine de Halluin , ou plutôt
Hallwin , fut rué à l'âge de quarante
ans en 15 5 3. en foutenant l'alTaut donné à la Ville deTérouenne par l'armée
Impériale. Il avoit époufé Louife, Dame de Crevecceur, veuve de Guillaume Gouffier, Seigneur de Bonnivet,
Amiral de France ; & le Poëte dit qu'il
en laifla plufieurs enfans , dont il fait
l'éloge en peu de mots.
*"'
A
T T *' ' *
H J113
1j6
BrBUOTH-EQUK
Les autres Epitaphes font celles die
GILLES Clément Marot, mort en 1544. de
oKyURI"dit Meffire Antoine de F a ï , Chevalier,
LE PAM- Seigneur de Marfontaine, de M. de
r-Biiz, Foifly , Capitaine de Ligny en Barrois , qui fut tué d'un coup de canon à
Saint Dizier, d'Euftace de Bymont,
Chevalier, Seigneur de la Lande , de
M. Griveau , Avocat au Parlement,
& de Gabrielle Chamelier- fa femme ;
de Marie Aubin , femme de M. de la
Rable en Touraine - & enfin de François de Montholon , Garde des Sceaux
de France, de Roger de Montholoa
fon fils, & de Françoife de Montholon
fa fille. Franceiji a été oubliée dans la
Généalogie de Montholon , rapportée
dans le Dictionnaire hiftorique. Pour
Roger., on dit dans la même Généalogie , qu'il mourut dans Venfance. D'Aurigny dit au contraire ;
La mort royant Roger de Montholon
Avoir paffé fon aage d'innocence ,
Délibéra fon mortel aiguillon
Tremper en l'eau du lac de peftilence, Sec,
c'eft que ce jeune homme mourut d>
ne maladie contagieufe. Voici l'Epitaphe du Garde des Sceaux , fon père r
Cy gift François qui aux François, prefta
F R A N f O t S E.'
I77
6 e Ton fçavoir tant qu'ils en purent prendre.
— — —
Cy gift François qui vivant acquefla
GlLLES
Plus de renom que Paris, n'Alexandre ,
*> A u X I -
Non pas touchant Amour lafcif & tendre.
GNY
QUI au Troyen rît terminer les jours :
BHIXJI
Mon pour fçavoir les Martiaux - deftours ,
Mon pour lutter, ou combattre à outrance r
Mais pour donner à tous François fecours Par jugement 8c Ioyalle fentence.
Les autres poëfies de d'Aurigny que)*
nous offre le même recueil, font quelques petites- pièces que l'Auteur nomme Ëftremes, plufieurs Chants Royauxv
& Oraifons, dont plufieurs font fut>
des fujets pieux, une Complainte à lar
mort pour un Gentilhomme affligé d'avoir perdu fa femme, le Blaftmou def*
cription de l'ongle, lé Cantique Mx^
gnificat f tradutt aflèz littéralement ,,
quelques Ballades, Rondeaux & Di-zains , & plufieurs Epigramtoes tra-duites de Martial. Dans, deux dé ces*
pièces, l'Auteur parle .de deux mala-i
aies dangereufes dont-'A-fut attaqué >.
& qui manquèrent de lé- conduire a*'
tombeau ; & dans l'une de ces- deux
pièces, il demande à fon Mtkre , c'ell-a-dire, à l'Abbé de Saint Jean de Laony,
quelque fecqurs d'argent, &yf>arle deideux efpéces .de jeux -que je ne cqnpqi%i
point;Hv
T>'
178
G ILLES
B'AURI«JNV , dit
XE r*MtUILB.
BlBIIOTMEQUB
Premz le cas qu'à l'Ourche ou la Remette
^
A cz
f
Dix
LJJ
Par
Perul1 contre quelque homme hoanclle
efeus d'or, fouz cfpoir toutesfbis
regairner de luy quelque autre fois.
ce moyen pour bien petite perte
Sera de bref ma famé recouverte
D'Aurigny a traduit en vers trente
Pfeaumes de David, imprimés à Rouen
par Jean Mallard, fans date, & a compote deux autres poèmes, l'un intitulé , Contemplation fur la mort de JefusChrift, par laquelle eft monftrée la différence qui eft entre Adam Célefte & Adam
Terrejire, &c. à Paris, 1546. L'autre
qui a pour titre la Pointure de Cupidon,
jar VInnocent efgaré, à Poitiers, 1 545.
« CLAUDE
COLLET.
Claude Collet, amitSc Panégyrifte
«Je Gilles d*Aurigny, étoit de Rumilly
en Champagne. Il avoir fréquenté la
Cotlr de France ; il paroît même qu'il
f avoir eu quelque emploi; mais on
ignore quel étoit cet office. François
Haberty qui lui adreflê une de tes Epigrammes, ne lui donne pas d'autre qualité que celle de Maître-d'Hôtel de Madame la Marqutfe de Nèfle. Il vivoit en-
F R A N Ç O I S t.
ïft)
core en 1553. puifqu'il a furvécu à
•
d'Aurigny , dont il a compofé l'Epi- CLAUDE.
taphe. Il a traduit del'Efpagnolleneu- CoLI-s*viéme livre de YAmadys des Gaules, &
de l'Italien , i'Hiftoire Palladlenne traitant des gefies & faits d'armes & d'a±
mours de Palladion, fils du Roy Milanor
d'Angleterre, ce qui prouve qu'il entendoit ces deux langues. C'eft tout ce que
j'ai pu apprendre de fa vie. Les poëfies
qui nous reftent de lui font en petit
nombre. Le recueil que j'en ai vu con*
tient l'Oraifon de Mars aux Dames de
la Court, la Réponfe des Dames à Marst
& quelques pièces diverfes. J'en connois deux éditions : la première eft de
1544. fans aucune marque du lieu de
l'impreflion & fans nom de Libraire î
la féconde eft de Paris, chez Chrétien
Wechel, en 1 548. in-8° Cette féconde édition eft plus complette & plus
ample que la première. \JOraifen de
Mars, pièce fort longue, n'eft précédée dans l'édition de 1544. que de ce"
ilmple avis au lecteur :
Veulx-tu fçavoit , ô lecteur amiable,
Du cruel Mars l'origine & povoir ?
Ly ce livret que trouveras louable,- ,11 t'en fera-la congnoiflance avoir.
Tu y pourras par boruteaaiibn veoir
H y}:
-
l8o
,
C LAUDE
ksOLLET»
BlBIIOTHEQTTE
Que bien fouvent guerre eft jufte & propice
A corriger des humains la malice
. •
Qui maintenant eft fi grande en tous lieux,".
S.
Que réternel pour monftrer fa ruftice,
Mous la tranfmet ; mais c\Jl t$ut ftnr It mitnx..
Ces dernières paroles étoientia deviie
de l'Auteurs
Dans l'édition de 1548. l'Oraifon de
•Mars eft adrelTée par une Epître err
profe, à noble homme Charles de Haultcottrt, Ecuyer, Seigneur de Richeville :
elle eft datée de Paris le 16 Septembre
1544. Ainfi on devrait la lire aufl?
dans la première édition. Collet y die
que M. de Haultcourt à-Ion retour de
fâint Dizier, vifita Ion cabinet, où il
trouva parmi les papiers cette Oraifon du
Dieu Mars, avec le commencemenc
de la réponfe qu'il avoit ébauchée de»
puis longtems fous le nom des Dames ,
avec intention d'y écrire partie des calamu
tés, pertes & ennujs, qu'elles & tout le
peuple Françoys ont enduréjufqu'à préfent,
à l'occafion des odieufes & cruelles guer-
res. Que la crainte d'être blâmé ou de
fe faire des ennemis,.. l'a voit engagé à
ne pas laiflèr voir le jour à ces écrits ,
mais que tontes réflexions faites, il
croyoit qu'il pouvait fe mettre au-deffus de cette frayeur»
F R A N çO" r s E.
lit
L'Oraifon de Mars & la Réponfe !
font en vers héroïques. La première. CLAUDE
efl une apologie de Mars, dont le Poe- Cow-rr.
te fait une Divinité. -Il y entre dans le
détail des différentes profelfions e m brafîees par les hommes, montre qu'il'
y a dans toutes un bon & un rnauvaisr
côté, & décrit enfuite les fatigues &
les inconvéniens de la guerre. Mais1
comme c'efl Mars qui parle toujours
dans cette harangue, on s'attend bien'
qu'il le fait un titre d'honneur de t o u tes fes actions Se de leurs fuites. L'Auteur tient un langagetouteontrairedans'
la Réponfe des Dames de la Court au Die»
Mars : cette Divinité y efl aceufée déroute forte de maux, & la paix efl exaltée à fes dépens. C'efl dans- PEpître en»
profèqui précède cette pièce, que Collet dit qu'il avoit été autrefois à la Cour.
Le difcoursdeMarsefl fuivi, dans l'édition de 1544. d'une Elégie, qui efl
placée dans un autre rang dans l'éditionde 1 548., Cette Elégie efl adreffée a»
peuple François; & c'efl Mars qui y parle
encore, 61 qui tâche de perfuader, que
s'il domine en France, c'efl pour le bien/
du Royaume. Je ne crois pas que l'on enfût bien convaincu. Dans; l'édition de
• /
1548..la Réponfe des.Dameseftterxni-
1%2
-
BlBlIOTHEQUE
née par huit vers de Gilles dr'Aurigny^
CLAUDE a j a louange de cette pièce, & fuivie
de l'amoureux de vertu, fur la Refponfe
des Dames à Mars, aux Dames fugitives pour les guerres : c'efl un compliment
que Collet fait aux Dames : il eft en
vers de dix fyllabes.
Les autres pièces du même Auteur
contenues dans ce recueil, font des
Epigrammes, précédées d'une Epître
en profe à M. de Maupas, Abbé de S.
Jean de Z,<*<>»,datée de Paris le 22 Février
I 54,8. Epiftre du Coq-à-tAjne, à Gilles
d'Aurigny, dit le Pamphile j Lettres àfes
amys s Elégie du bien de la guerre, au peuple Françojs j Complainte de Mbmus avec
réprébenfwn contre Pafquil, à M. Jacques
de Launaj, Médecin, traduction ; & quelques Epitaphes. Collet nous apprend
dans fon Epître à M. de Maupas, qu'il
avoit fait un plus grand nombre de poëfïes , mais qu?on lui avoit dérobé fes
manufcrits, & qu'il n'a pu envoyer à
fon ami que ce dont il s'étoit allez bien
reflouvenu pour l'écrire de nouveau
fans travail : la perte n'étoit pas grande , à en juger par ce qui nous relie.
Les Epigrammes n'apprennent rien ;
quelques unes font traduites de l'Italien. Je n'ai trouvé que la fuivante qui
'FRANçOISE.
IVJ
put mériter d'être rapportée. Elle fut
faite à l'occafion de la repréfentation CL*u»f
de l'Enfer peinte dans le cloître des ohl,MT*
Cordeliers de Troyes : Collet l'adrelîe
à noble homme Jeen de Afarifj, en ces
termes :
Aux Cordeliers , un Paintre d'excellence
Paingnoic Enfer, à le vcoir, bien horrible.
Dedans lequel il meift en évidence
Papes, Roys, Ducz foufirans peine terrible l
De tous Eftats il y meift le poflible.
Quelqu'un voyant cela, luy fèift demande
Pourquoi c'eftoit qu'en celle peine grande ,
I n ce palud & horrible manoir,
Un Cordelier , un Moine blanc ou noir
N'y eftoit paioit : lors le Painctre refpond ,
11 y en a , mais on ne les peuk venir,
Pour ce qu'ils lont cachez au plut profond.
ÎJEpître du Coq-i-tAfne, contient
des nouvelles fans ordre & fans fuite ,
«5c c'eft la raifon du titre que porte cette pièce. Il y règne un génie fatyrique, qui porte à croire que le Poète
aimoit ce genre d'écrire, & que s'il le
plaint plufieurs fois qu'il avoit des ennemis , il pouvoir bien fe les être attirés par fa trop grande liberté.
Dans la lettre à fes amis, Collet décrit comment il fut volé, pendant qu'il'
l84
•'
BIBLIOTHEQUE
'
" dormoit, la veille de la Commémoration
CLAUDE des Morts. Parmi les Epitaphes, il y
COLLET. e n a u n e ^ ^ p o n r r e r e Q deRumilly ,
dont on ne nousapprendpoint les qualités.
G R ATI
EN- D'-W P ONT.
Ces deux Poètes, d'Aurigny& Collbt, font beaucoup plus modérés dans
ce qu'ils difent des femmes, que l'Auteur des Controverses des fexes mafculin
& féminin, qui a ramaffé dans fon livre tout le mal que les Ecrivains facrés & profanes ont jamais dit des femmes, toutes les h iftoires vraies ou fauffes qui ont été débitées fur leur comptes par les Hiftoriens, les Romanciers,
les Poètes & les Auteurs les plus fatyriques.
Gratiauovr Gratien du Pont, Auteur de ces Controverfes,, convient qu'il
n'a rien inventé, & il cite à la fin de
fon livre tous ceux qu'il a mis à. contribution pour faire le fien. On trouve,
dans cette lifte l'ancien & le nouveau
Teftament, plufieurs Pères de l'Eglife^
quelques Théologiens fcholaftiques„.
grand nombre de Jurifconfultesdes anciens Satyriques Latins , beaucoup de
F R A N ç O I S E.
185
Moraliftes, des Poètes & des Hiftoriens Grecs ; & parmi les Ecrivains ou GRVTIFN
les livres François , Bouchet dans iès DU * oNT *
jEpitaphes des Rois, Martin Franc en
fon Champion des Dames, les Auteurs
du Roman de la Rofe , Marheolus ,
Alain Charrier, les Secrets & Loix de
tariage r le Trop têt marié, les abus du
nonde de Gringore , le débat de l'homne & de la femme , les fept Sages de
lome, les quinze joyes de mariage ,
es cent nouvelles de Maiflre Jehan Bocaffe, traduites en notre langue, la malir
ce des femmes , Merlin, Chicheface &
Céleftine.
Celui qui s'eft donné la peine de
compiler tant de fottifes , s'eft fait peu
connoître lui-même. C'étoit un Touloufain , que du Verdier qualifie
Ecuyer, Seigneur de Drufac, Lieutenant Lay général en la Sénéchaujfée de
'• Touloufe. Si Bon doit s'en rapporter à
ce que Dupont dit lui-même, fes Controverses font le premier, & peut-être
l'unique écrit qu'il ait compofé :
La première eft, des raisons que vous livre
Que jamais plus je n'ay corupofé livre.
Ilav.oit peu voyagé, étoit prefquetom
Jours refté dans fa province, & avoir
peu étudié :
i86"
(JRATIEN
BU PONT.
BIBLIOTHèQUE
Homme de lettre, ny d'eftude ne fuys ;
i_e naturel tant feulement j'enfuytz .
M a t c r n e l r uij f & n o n fpécuiaûf.
Et fi de France je ne fuis point natif;
De France ditz , c'eft de langue Françoyfe,
De Tours, Paris, d'Orléans , ny d-'Amboife :
En Languedoc me fuis tousjours tenu;
Bien peu j'ay veur & ce mal retenu..,.,.
Ces aveux s'accordent mal avec toutes
les citations dont il a chargé Ion ouvrage , puifque les Auteurs dont il a
employé les autorités, ayant écrit en
diverfes langues, on en devroit conclure qu'il les entendoit, à moins qu'on
ne dife que ces autorités lui avoient été
toutes fournies en François.
Je ne comprends point pourquoi il
dit qu'il acheva fon ouvrage
. . . L'an mil cinq cens trente & fixiefme.
Du mois de May le jour vingt & cinquiefme.
puifque nous en trouvons une édition
faite à Touloufe dès l'an 1534. in-folio.
Deux motifs l'avoient porté à écrire:
le premier, de donner aux jeunes gens
qui défirent apprendre,
De compofcr, & Réthoricque entendre,
des modèles ou exemples de toute forte de rimes, ou de toute efpéce de
vers : le fécond, de dévoiler le carac-
-FRANçOISE.
187
tére des mauvaifes femmes, leurs tours,
.
leur génie, les pièges qu'elles tendent, GRATIEH
& le fecretde leur conduite. Car il pro- DU P o N , r
tefte qu'il ne prétend point attaquer
les femmes qui fe conduifent avec fageffe, qu'il fçait diftinguer celles qui
fe rendent eftimables par leur régularité , de celles qui fe deshonorent par
leurs vices, & qu'il a toujours été plein
de refpeél pour les premières.
Pour remplir fon premier but, il a
entaffë dans fon livre quantité de Ballades, de Lays, de Rondeaux, de Virelais , de Chanfons , de Chants
Royaux ; & l'on y trouve de ces rimes
de toute efpéce, dont nos vieux Arts
poétiques traitent fi au long ; la Batelée, la Fraternifée , la Rétrograde,
l'Enchaifnée, la Brifée, l'Equivoque ,
la Senée, la Couronnée, l'Emperiere,
& plufieurs autres qu'on regarde aujourd'hui avec raifon, commes des abus
& des excès de l'efprit humain.
Si tant de puérilités jointes à la barbarie du ftile de l'Auteur, dégoûtent
de la ledlure de fon ouvrage, combien
devient-il infupportable par les excès
de fa fatyre, & par les portraits indécens qu'il y a fait entrer. La fiction
qu'il emploie , & qu'il fuit dans les
ï88
B l B LIOTHEQUTT
-SSSS55SS trois livres qui partagent fon ouvrage»
' GRATIKN n'a rien d'ingénieux. Il s'affied dans un
BU P«VNT. bois, il rêve, Sexe mafculink préfente à lut, fe plaint de Sexe féminin ; le
premier lefollîcite de prendrefa défense , il héfite quelque tems » il fe rend
en fuite; les déclamations commencent
& ne finiffent qu'avec la fin de l'ouvrage. Il y en a de toutes les efpéces, de
théologiques, de morales, de burlefques, de philofophiques, d'extravagantes ; & toute l'excufe que donne
l'Auteur, c'eft que ce n'eft pas lui qui
a fait les femmes telles qu'il les peint :
Ce n'eft pas moy qui nature leur donne ,
Selon les armes, faul que je les blafonne.
Quoiqu'il protefteplufieursfois qu'il
n'a aucun intérêt à les décrier, fon dépit le décelé en quelques endroits ; H
avoue qu'il avoit aimé avec paffion,
que fon amour avoit été mal récompenfé, & -il mêle les plaintes particulières
avec celles qu'il fait contre le fexe en
général. Dans le premier livre, il dégrade les ferrunes jufqu'à douter qu'elles ayent été créées, cornme l'homme,
à l'image de Dieu. Il examine dans le
fécond fi l'on doit fe marier ; ce qu'il
»e eonfeille pas ; & au cas qu'on fois
F R A N ç O I S E .
189
-jcfolu d'entrer dans cet engagement,
—•
i l examine fi on doit le contracter avec GRATIKN
u n e jeune femme, ou avec une vieille, DU PONT.
avec une laide ou avec une qui foie
belle ; s'il en faut prendre une qui foit
grade ou maigre , blanche ou noire ,
d e belle taille, ou de petite ftature ,
ckc. Il trouve dans tout cela des inconvéniens , d'où il conclud qu'un
homme fage fait beaucoup mieux de
ne fe point marier. Le troifiéme livre eft
confacré à l'hiftoire de toutes les femmes dont il n'eft pas avantageufement
parlé dans les Auteurs facrés & profanes , dans l'Hiftoire , dans la Fable &
dans les Poètes ; & parmi ces méchantes femmes, il n'oublie pas la prétendue Papefie Jeanne, dont il raconte
férieufement l'hiftoire fabuleufe.
Il paroît que l'Auteur mit quelque
intervalle entre la compofition de fort
premier livre & celle du fécond , qu'il
eut même quelque peine à fe réfoudre
dé continuer le fujet qu'il avoit entrepris.
de traiter, & qu'on lui avoit caufé quelque chagrin à l'occafion de fon entreprife. Du moins s'arrête-t'il longtéms
à décrire au commencement de fon feçondlivre la guerre, que les femmes &
^ur^pàttifafisiui fuÊùtexent ; mais ce
too
•
BIBLIOTHèQUE
n'eft peut-être encore là qu'une fiction,
GRATIEN imaginée pour fe donner le droit de
BU PONT, fuppofer les femmes très-vindicatives ,
& de rapporter fur cela plufieurs hiftoriettes, dont quelques-unes ne font riea
moins que décentes.
Comme ce prolixe & ennuyeux ouvrage eft donné en forme de plaidoyer
fait pour défendre la caufe du Sexe mafculin contre le Sexe féminin, l'Auteur le
finit par les pièces du procès , c'eft-àdire, par une Requête du Sexe mafculin à Dame Raifort contre le Sexe féminin , fuivie d'un Procès-verbal, en profe, des plaidoyers de vérité pour le Sexe
mafculin , de forte opinion pour la défenfe du Sexe féminin, de la Réplique de vérité t de la Duplique de forte
opinion , & enfin de l'Arrêt prononcé
par Dame Raifon. Cet Arrêt eft autant
pour la défenfe de l'Auteur qu'en faveur du Sexe mafculin en général; autant pour obvier aux infultes que Du<
pont avoit lieu d'appréhender , que
pour confirmer le jugement qu'il avoit
prononcé contre les femmes. Par le même écrit , Dame Raifon prend l'Auteur fous fa protection , lui permet de
fe défendre s'il eft attaqué, & interdit
a tous ceux qui voudrolent répondre %
F R A N ç O I S E .
191
fon livre, la faculté de le faire autre•
ment qu'en François & en vers.
GRATIEN
L a Croix-du-Maine qui nomme l'Au- Du PONT.
teur de ces poëfies Gabriel du Pont,
Sieur de Drufac, au lieu de Gratien du
P o n t , Seigneur de Drufac, & qui le
qualifie de îurifconfulte, dit qu'Etienne
Dolet a fort eferit contre lui dans fes Epi-
grammes Latins : il a voulu parler de fix
Odes Latines en vers ïambes, fort
courtes & très mauvaifes, qu'on lit page
1 2 2 & fuivantes du recueil des poëfies
Latines de Dolet, imprimé à Lyon en
1538. in-^.". Charles de Sainte-Marthe , page 94. de fes poëfies, donne
auffi un Rondeau contre le même détraiteur du Sexe féminin.
D u Verdier dans fa Bibliothèque p.
3 9 5 , nous apprend que l'on a fait cont r e les Controverfes de Gratien du Pont,
Seigneur de Drufac, un anti-Drufac, ou
Livret contre Drufac, faiSt d Phonneur .
des femmes nobles, bonnes & bonnefies,
par manière de Dialogue, ayant pour interlocuteurs Eupbrates & Gymmifus, im-
primé à Touloufe, par Jacques Colomiez , en 15 64. Je n'ai point vu ce livre. Du Verdier en nomme l'Auteur
François la Borie de Valois, D odeur es
protêts, natif de Cahors. Ceft sûrement
101
'.
BlBIIOTHEQUE"
François Arnault, Seigneur de LâboGRATIEN rie, Docteur en Droit Canon, Cha* V NT* noine des deux Eglifes de Périgueux
où il étoit n é , Doyen de Carenac,
Prieur de L u r c y , grand Archidiacre
de faint André de Bourdeaux, & Chancelier de l'Univerfité de ladite Ville,
mort en 1607. dans un âge très-avancé. C'était un bon Gentilhomme , fort
favant pour fon tems, Auteur des Antiquités de Périgord citées par le Père le
Long dans fa Bibliothèque des Hiftoriens de France , & d'une traduction
d'un Traité des Anges & Démons ,
compoféen Latin par Jean Maldonat.
Cataiog. de Je trouve auflî citées d'autres Controjarré,p.445.verfesfosSexes mafiulin & féminin, pat
François Chevallier , imprimées en
1536. in-i 6u Mais j'ignore le but & la
méthode de cet ouvrage. La Croixdu-Maine & du Verdier ne parlent
.point de cet Auteur, & je ne le connois que par la citation de fon livre ,'
& par un Rondeau qu'il afait à laloiianes des Controverfes de Gratien du
ont, .qu'on lit à la .tête de ce dernier
ouvrage, .& dans le titre duquel Rondeau François Chevallier eft dit natif
de Bordeanlx, & qualifié Collegié du
Collège de Foix à Tbalofe.
ETIENNE
f
FRANçOISE.
ETIENNE
195
BOLET.
Je ne fçai fi le defir de venger le fesse maltraité par Gratien du Pont, auroit été le motif principal qui auroit
porté Etienne Dolet à publier les fix
petites Odes dont je viens de vous dire
un mot. Irrité contre les Touloufains,
l'envie de maltraiter un de leurs compatriotes , étoit plus que fuffifant pour
armer fa fatyre. Quoi qu'il en foit, il
ne brilla pas par ces Odes, & je ne
vous en dirois rien de plus ici, s'il n'avoit pas auffi afpiré à tenir fon rang fur
le Parnafie François.
Cet Ecrivain qui avoit du génie, &
encore plus d'érudition, étoit né à Orléans vers l'an 1509. d'une fort bonne
famille. Quelques-uns ont prétendu
qu'il étoit fils naturel de François L
C'eft une fable que nous croyons fans
fondement, & qui ne peut s'accorder
avec l'âge de François I. né en 14.94.
A l'âge de douze ans, il vint à Paris ,
s'y appliqua avec beaucoup d'ardeur à
l'étude des belles lettres, & fit fa Rhétorique fous Nicolas Bérauld. Le defir
de fe perfectionner dans l'éloquence ,
k fit paner à Padouë, où il féjourna.
TomXI.
I
194
BlnlIOTHEQtJE
trois ans. Il y eut pour maître Simon
ETIEKNE de Villeneuve, mort en 1530. & à
POEET. l'honneur duquel il a compofé plufieurs
pièces en vers Latins. Privé de cet ami,
il voulut retourner en France ; mais
Jean de Langeac , Ambafladeur de
France à Venife, l'engagea à fe rendre
auprès de lui, & le fit fon Secrétaire.
Pendant un an que Dolet demeura en
cette Ville, il y profita des leçons de
Baptifte Egnatio , qui expliquoit Lucrèce & les offices de Cicéron. Il y devint auffi amoureux d'une Vénitienne,
qu'il nomme Hélène, pour laquelle il
foupirabeaucoup, qu'il pleura enfuite,
& à qui il confacra une Epitaphe toute
profane. Revenu en France, avec Jean
de Langeac , il continua d'étudier Cicéron , ion auteur favori ; & il commença à recueillir les matériaux qui
fervirent depuis à compofer fes deux
immenfes volumes de Commentaires
fur la langue Latine, ouvrage qui lui a
fait beaucoup d'honneur, & qui eir, encore eilimé de ceux qui le connoifiént
Ses amis lui ayant confeillé d'étudier
le Droit, dans l'efpérance qu'il pourf oit s'avancer plus aifément par cette
voie, il alla à Touloufé où cette étude
«Seuriilbit. Cette Ville fut le premier
.• i i
•FlAÏÇO-IÎÏ.
TOÇ
théâtre de fes infortunes. Il y trouva i
des Ecoliers de prefque toutes, les na- ETIEWM»
tionsde l'Europe. Ceux du même pays Dotât,
avoientr leurs auemblées à part,& leur Orateur. Dolet fut choifi par les François '
pour remplir ce porte, & il en prit p o t
feflion par un difcours où fa témérité
éclata. Cornme le Parlement avoit défendu toutes fociétés particulières par
des raifons de police, Dolet s'éleva contre cette défenfe, & invectiva contre les
Touloufains. Pierre Pinache, Orateur
de la nation Gafconne, lui répliqua fur
le même ton , & juftifia l'Arrêt du Parlement. Dolet oppofa à cette réplique
un nouveau difcours plus téméraire que
le premier. L'Orateur fut arrêté en
çonféquence, mis en prifon , & banni
de Touloufe un mois après : c'étoit en
1533. La protection du Préfident BertrancU , qu'Hugues Salel lui avoit pro'
curée , lui fut inutile. Il fe vit obligé
de quitter Touloufe , & de fe retirer à
Lyon , où , pour fe venger, il publia fes difcours contre les Touloufains,
& plufieurs versTatyriques fur le m ê me fujet. Son féjour à Lyon ne fut alors
que paflàger. Il étoit à Paris au mois
d'Octobre 1534- Il y publia de nouveaux ouvrages, retourna à Lyon est,
Ii|
196*
BTBITOTHE<2""E
======= 15 3 cT- y tua fur la fin de la même anETIENNE n ée un homme qui, fi on doit l'en croi0WEI
* re , l'avok voulu affaffiner, s'enfuit
pour éviter les pourfuites que l'on faifoit contre lui, prit la route d'Auvergne , vint enfuite à Orléans, & de-là à
Paris où il fe préfenta à François I. qui
lui accorda fa grâce , & la liberté de
retourner à Lyon.
Dolet profita de cette permiffion,
établit une Imprimerie dans.cette Ville , s'y maria , & eHt en 1539. un fils
nommé Claude, dont il a célébré la
naiffance par un poëme Latin. Ses liaifons avec les hérétiques, fon penchant
pour leurs opinions , fon génie fatyrique , & quelques autres raifons dont
en ne nous a pas confervé la mémoire,
hii occafionnerent de nouvelles affaires.
On lit feulement dans fon fécond Enfer , ouvrage en vers François dont je
vous parlerai bientôt, qu'il fut mis en
prifon deux fois à Lyon , & une fois à
Paris, avant l'emprifonnernent qui le
eonduifit au dernier fupplice. Parlant
de fa détention à la Conciergerie de
Paris, il dit feulement qu'il y fut chargé de je ne fcai quelle rêverie, qu'il ne
fpécifie point, qu'on le retint quinze
mois dans les fers, & qu'il ne fut délf»
F R A y ç o i s t.
197
Vtê que par le crédit de Pierre duChâ- ••• • '!'•'•»*
tel, alors Evêque de Tulles. M. Balu- ETIEWNE
ze s'efl trompé dans fes notes fur la vie 0LET *
de du Châtel par Galland, en rappor- ad GMIM»C\
tant cette circonftance à l'emprifonne- P- »57ment de Touloufe,
Au commencement de Janvier 15 44.
Dolet fut encore arrêté à Lyon. Mais
lq troifiéme jour de fa prifon ayant fait
corrfentir le Geôlier de le conduire chez
lui pendant la n u i t , pour y confommer une affaire qui exigeoit, difoit-il,
abfolument fa préfence, il trouva le
moyen de fe fauver. Il fe réfugia alors
dans le Piémont ; & ce fut de là qu'il
écrivit les neuf Epîtres qui compofent
fon fécond Enfer. C'en; proprement le
feul ouvrage qui l'ait fait mettre au
nombre des Poètes François ; car il faut
prefque compter pour rien fon brefDif*
cours de la République Françoife, dejirant
la lecture des livres de la fainte Ecriture , lui être loiftble en langue vulgaire f
petit écrit f qui eft auffi en vers François , imprimé à Lyon en 154.4. in-8°.Se qui fut cenfuré par la Faculté de v. d'ArgenThéologie de Paris.
j * . ; «'£
Ceux qui ont parlé du fécond Enfer m, err,rn«s,l'ont mal connu , lorfqu'ils ont dit que ^ ' ^ ,7i "
^'Auteur ne lui avoit donné ce titre que
Iiij
I98
BlBlIOTHEQUE
1 par rapport à fon fécond emprilonmrETIENNE ment à Lyon. Dolet dans l'Epître en
DOEET. p ro fe par laquelle il adrelTe fon fécond
Enfer à fes amis, dit lui-même qu'il
avoit compofé un premier Enfer fur fon
emprifonnement à la Conciergerie de
P a r i s , qu'il étoit prêt de le publier ,
lorfqu'il fut arrêté à Lyon au commencement de 1544. & qu'il ne manqueroit pas de le donner , dès qu'il auroit
recouvré fa liberté. Vous verrez dans
eu qu'on ne lui en donna pas le loifir.
-.'Epure à fes amis efl ainn datée : Eftr'n en ce monde, ce premier jour de Mai
fan de la Rédemption humaine 1 544.
Cette Epître efl fuivie, comme je
TOUS l'ai dit, de neuf autres, toutes
écrices en vers François. La première
efl adreffée au Roi François I. la fécondera M. le Duc d'Orléans, fils du
Roi ; la troifiéme, à M. le Cardinal de
Lorraine ; la quatrième, à la Ducheffe d'Eftampes ; la cinquième, a la fouveraine & vénérable Court du Parlement
de Paris ; la fixiéme , aux Chefs de la
juftice de Lyon, tant en l'ordinaire qu'en
la Sénéchaujfée j la feptiéme, à la Reine de Navarre, la feule Minerve de
France > la huitième, au Cardinal de
Xournon ; 6c la dernière, à fes propres
E
F R A N ç O I S t.
1*99
r
amis. Ces lettres difent toutes à peu
près la même chofe. Dolet vouloit ETIENNE
prouver que c'étoit fans caufe qu'il avoit DOLET.
été arrêté, que c'étoit fur un faux expofé qu'on avoit furpris un ordre pouf
le faifir de fa perfonne : ce qui l'oblige
de raconter le même fait à tous ceux à
qui il vouloit faire connoître fon innocence , ou qu'il vouloit intéreffer en fafaveur. Ses ennemis, écrit-il à François I. n'étant pas contens
De l'avoir tourmenté quinze raoys ,
Se font remis à leurs premiers abboyS
J>bur le remettre en fa peine première, ftc.
Et qu'ont-ils fait pour y réuiîïr ? ils onf
irriaginé de former deux ballots de livres , l'un rempli de ceux qu'il avoit
imprimés, l'autre qui ne contenoit que
des livres venus de Genève, hérétiques
ou fufpects d'héréfie. Ils ont marqué
ces deux ballots de fon nom, & les ont
envoyé de Lyon à Paris où ils ont eu
foin de les faire faifir, & en conféquence ils ont furpris du Parlement
de Paris un ordre pour le faire emprifonner, comme ayant des liaifons
criminelles, & faifant commerce de livres dangereux & prohibés par les
loix. Dolet protefte dans fes neuf EpîI iiij
.zoo
ETIENNE
DJLET.
BIBLIOTHèQUE
1
très , qu'il n'a aucune part ni directe ,
ni indirecte à l'envoi de ces deux ballots ; il défie lès ennemis de prouver le
contraire, & montre aflèz bien la groffiéreté de leur artifice.
Je leur demande icy en demandant,
Pour me défendre en mon droiâ défendant r
Eufle ay-je bien efté fi eftourdy ,
Si les fardeaulx qu'or en droit je te dy ,
Teullë envoyés à Paris ce grand lieu,
Que n'cuiTè içeu trop mieuut joiier mon jeu ,
Que de marquer au-defïuj mon furnona
En groflè lettre ? A mon advis, que non ;
Trop fin je fuys , et trop fin on me tient
Pour mon nom mettre en cela qui contient
Quelque reproche, &c.
Il prouve fort bien qu'un homme à qui
il refteroit encore une once de hnfens ,
ne comrnettroit pas une pareille imprudence ; que d'ailleurs la prifon n'étoit pas un lieu aflèz agréable pour s'y
plaire, & qu'il y avoit déjà trop fouffertpours'expoferày retourner. Quant
à ce que l'un des deux ballots ne contenoit que des livres imprimés chez
lui, il répond :
N'ay-je oneques mys en vente
Des livres tels qu'à ce coup feulement *
Cela cft faulx, Car j'ay pubUcqucment
F R A N ç O I S E .
.201
Depuis fix ans fait train de Librairie >
Mettant dehors de mon Imprimerie
ETIENNK
Livres nouveaulx , livres vielz & anticqucs :
JJOLET»
Et pour les vendre ay fuivy les traficques
D'ung vray Marchant, en vendant à chafcun ;
Tant que fouvent ne m'en demeuray ung.
Faifant cela, chafcun s'en eft fourny,
Et moy j'en fuis demeuré defgamy.
En conféquence Dolet demanda à
François I. qu'il voulût bien faire dé-,
fenfe au Parlement de Paris de l'inquiéter plus longtems, & le fupplia
d'évoquer fon affaire à fon Confeil, &
de lui accorder la liberté de retourner
chez lui. Il ne dimmule pas qu'il ayoit:
déjà été accufé d'erreur dans la foi r
mais il conjure Sa Majefté d'oublier le
pafle y fç foumettant pour, la fuke à:
toute la rigueur des loix, fi l'on peut.
le trouver coupable. Il envoya une copie de cette lettre au Duc d'Orléans ^
avec l'Epître qu'il lui adreiTa pour l'in>
téreflèr dans fa caufe. Celle qu'il écrivit au Parlement de Paris eft la plus
longue de toutes. Non-feulement D o let y répète ce qu'il avoit. mandé au
R o i , au Duc d'Orléans , à la Reine
de Navarre, & à d'autres r il y fait
encore plus au long.fon apologie : car
paûant en revûë tous les yices, il de.—
iv
1
JLOî
BIBLIOTHèQUE
: rnande férieufement fi l'on peut lui en?
ETIENNE reprocher aucun de ceux qui font fouDCXET. m js à la juftice des hommes. Il y vante aufli plus qu'ailleurs fes travaux littéraires, & l'honneur qu'il prétend que
la France en retiroit ; & ajoute qu'il ne
demande point d'autre récompenfe,,
que la liberté de les continuer.
Dans l'Epître au Cardinal de Tourn o n , il rappelle à ce Prélat que fèpt
ans auparavant il avoir eu la bonté dé
préfenter au Roi à Moulins fës deux
volumes des Commentaires fur la langue Latine , & de parler avantageufement de l'ouvrage & de l'Auteur. D e puis ce tems-là le Cardinal n'avoit pluspour lui la même bienveillance r & il
accufe de ce refroîdifiement ceux qui
l'avoient defiervi auprès dé lui par des
«ufcours qu'il traite de calomnieux. Il
eu prend occafion de faire cette profeffion de foi :
Ma refponfe efi, pour vous te dire air vray r
Que j*ay vefcu jufque icy, & vivray
Comme Chrefliert, Catholique & fidclle.....
Fauteur ne fais d'héréfie ou d'erreur ;
livres maulvais j'ay en haine & horreur y
Et ne vouldrois ou vendre ou imprimer
V T $ icid feuillet peut la ldy déprimer
F R A N ç O I S E .
Antique & bonne ; ou pour n'eltcc inventeur
De fens pervers , & contre Dieu menteur.
abj*
ETIENNE
Dolet efpéroit un fuccès fi heureux D°1E-r»
de fes Epîtres, que dans la dernière
qu'il adrefle à fes amis, il leur parte
comme s'il eût eu les affurances les plus
pofitives de fa liberté. Il eft vrai qu'il
revint à Lyon , & qu'il y fit imprimer
fon fécond Enfer, qu'il envoya au Roi
avec une traduction Françoife de deux
Dialogues qu'il attribuoit à Platon.
Mais ce voyage fut fecret. On ne fçait
plus rien de lui jufqu'à fon dernier emprifonnement à Paris, dont on ignore
même la date. Son procès lui fut fait,
& en conféquence il fut condamné au
feu comme hérétique, ou plutôt comme
Athée : la fentence fut exécutée dans la
place Maubert le troifiéme jour d'Août
154.6. jour de l'invention des Reliques
de faint Etienne. Florent Junius rap- 0à tiomt
orte dans une de fes lettres, datée de cette lettre
arisle 23 Août 1 54*6. qu'avant le £•£.£'**"
fupplice , Dolet fit une courte prière T»«/«i-«»pour fe recommander à Dieu & airx d t^*; 0 _
Saints, qu'il invoqua la fainte Vierge vet», p. 7».
en peu de mots, avertit enfuitelei affiftansde lire fes livres avec beaucoup de'
circonfpeélion , & protefta qu'ils con-»
tenoient bien des chofes qu'il n'avoit ja>mais entendues.
Lvjf
f
Ï04
BlBllOTHEQUr?
DES
COLES.
Si Dolet eût pu voir, avant l'impreiv
lion de fon ouvrage, l'Ettfer de Cupidi
par le Seigneur des Coles, je ne doute
point qu'il n'eût mis cet écrit à côté de
celui de Gratien du Pont : l'un & l'autre parlent également mal des femmes.
Mais ce petit poème ne parut pour la
première fois qu'en 1555. C'eft encore
une fiction.
L'Auteur inflruit, & par fa propre
expérience, à ce qu'il paroît, de l'empire ou de la tyrannie de Cupido, fe
met en tête de chercher où réfide fort
Enfer, c'efl:-à-dire,le lieu où il a en réferve tous les feux dont il embrafetanr
de cœurs. Le voilà donc errant par le
monde, & il nous décrit fa courfe par
terre & par mer. Ayant trouvé enfin
le lieu qu'il cherchoit,
Là bii jadis tût puiffance donnée
Au grant Atlas d'adreuer l'Univers
En mainte eftoille élégant & divers ,
Hs^adrelîèà Tiréfias, Juge de l'Enfer
de Cupido ^qui l'inftruit de tout ce qu'il
délire de fçavoir, le conduit d'abord
dans les Fauxbturgs de cet Enfer, où ré*
FRANçOISE*.
205
îîdoient Regret, Noife, Chaos, Soucy ,
»
Gémijfement, Fauxfemblant, Maladie, DESCO-T
Crainte, Vieillefe, Mépris, Difcorde , L E S "
& enfin la Mort,
Ayant en main & cruelle fagett»
Que fans égard, deçà & delà getce.
,
Des Fauxbourgs il eft introduit dan?
l'Enfer même , qui femblable à celui
de Pluton ,. eft gardé par un Chien r
nommé Refus. Ce lieu étoit partagé ersdix demeures, que notre Pèlerin parcourt avec beaucoup d'attention , &
qu'il ne décrit pas avec moins d'exactitude. Déloyauté habitoit la première
demeure -T Simonie , la féconde y Bigamie, la troifiéme. Les autres étoient occupées pas Cruauté ,Jufiice y Vieilujfe ; éc
une autre par Religion, c'eft-à-dire, par
ceux qui étant engagés par leur état à vivre chafternent, s'étoient^rangésfousles
étendants de Venus & defonfils;, enfin
par Déj'elation,, Audace féminine &. Fauxrapport. H nonimelesHéiosle plus-célébres, & les femmes les plus connues
dans l'Hiftoire éc dans la Fable, qui
gémiffoient dans chacune d e ces demeures ,;.& rapporte pourquoi chacun
étoit dans un tel ou tel lieu. 11 y vitauffi
les Mini fus de cet Enfer x. Néméfis U
206
BIBLIOTHEQUE
'•' •• .1 févere & fa compaigne Thémis. On lui
DES Co-montra pareillement les trois Furies ,
*BS«
Devis, Jalouftetk Regard
. la pire du troupeau
Palliant fout l'ombrage de fa peau
Un venin lent, qui occit en riant
Par un attrait décoché d'oeil friant.-
/
'
Il rencontra encore dans fa route FauU
te d'argent, Mauvaife grâce , Mécontentement , octrois fleuves, le Fleuve ardent,
le Lac d'amertume, & le Fleuve de défefpoir. Ces courlês faites, il entre dans
le Temple de l'Amour ; mais n'ayant
pas envie d'y faire un long féjour, &
moins encore de devenir un de les habitans, après tout ce qu'il venoit devoir , & qui lui avok fait une vive impreflion , il en fort, & finit ainfi for*
poëme.
Ce petit ouvrage eft fuivi d'une Epi-'tre d'un de nouvel relevé du mal d'amours
afin amy. Le Seigneur des Coles s'y
plaint de fes infortunes amoureurês ,
& s'il n'y a pas encore de fiction dans
cette Epître , il faudra croire que dès
qu'il eut fenti les aiguillons de cette
paffion , il employa , pour les amort i r , le remède de la fuite. Il quitta le
lieu de fa naiflànee, qui étoit aufli ce-;
F K A N ç O I J ï ,
2.07
lui du commencement de fon amour , '
il parcourut la Flandre , l'Allemagne, ^ES C«
vint à Lyon , paflâ en Italie , féjour- LES ''
na à Venife , & fe retira enfuite à C a vaillon,
Cité affifc an remuant de Provence,
Où quelaae tems faitant ma réfidence,
Changeant un peu de façons & de plr
Penfois avoir ce mal mis en oubly, &c.
1
Mais c'étoidà que l'Amour l'attendoit t
il y fut épris d'une jeune beauté qui
n'eut pour lui que des rigueurs. Il tenta envain delà gagner; elle fut inflexible ; il gémit, il pleura, il écrivit des
lettres pleines de tendreflè ; elle fut infenfible. Il eut alors recours à fon premier remède ; il quitta Cavaillon &
celle qui l'y attachoit, &l%éloignement
le guérit pour toujours de fa paflion.
JEAN-
MARTIN.
Cupidon eft.traité avec encore plus
d'ignominie dans un poëme du même
tems, imprimé en 1543 , & intitulé r
non lé vol du Papillon de Cupide , comme on.le lit dans la Bibliothèque des
Auteurs de Bourgogne > mais le Papillon de Cupido, inventé & composé par
2o8
..
BIBLIOTHèQUE
Mai (Ire Jehan Martin, Seigneur de Chef*
p ( j'ai lu ailleurs de Cboifeul ) Dtsjeneis. On ne nous apprend rien de la
vie de ce Poëte, dans la Bibliothèque
que je viens de citer, finon qu'il a fait
en Latin un Traité de l'ulàge de l'Aftrolabe, &c. imprimé à Paris en i 5 54.
Ce Poëte n'étoit nullement fcrupuleux. Son poëme eft une fiction qu'il
corrompt par l'excès de fa fatyre & par
les obfcénités qu'il débite fans aucun
voile. Amoureux, & comme tel fatiguant le ciel par fes foupirs, fes gémiflèmens & fes plaintes, Cupidôn le
changea en Papillon. Que faire fous
cette Métamorphofe ? Imiter cet infecte qui fe tranfporte partout, entre
dans les lieux les plus fecrets, & voltige fur tout ce qui fe préfente à fa vûë.
Le notre ne perd rien de fes premières inclinations, & ne fait ufage de
fon changement de forme que pour
fe contenter avec plus de facilité. Il
volé à Paris, & s'y arrête d?abord à
contempler
JEAN
JUARTIN.
•
, . ; . . " . . . belle Univerfité'
Pleine de Clercs Se d'hommes bien favane;'
En Soruonne Docteurs très-apparens'
Qui difputoient d'éloquence proftindep - - ;
F R A N ç O I S E .
rour divertir les Leuthers Je ce monde.
.209
—
On le voit enfuite aux audiences du JEAN
Palais, il fe repofe dans la Grand'Cham- MARTIN.
bre fur les fleurs-de-lys, fe moque un
peu des Plaideurs & des Avocats, convient cependant que les Juges rendoient
pour l'ordinaire des fentences équitables , & en prend occafion de louer le
Roi François I. fous le règne duquel
l'Auteur écrivoit. Tranfporté un moment après fur une des tours de l'Eglife
Notre-Dame, il eft tout étonné des cris
diflerens qu'il entend dans les rues, & il
s'amufe à rapporter ces cris dans les mêmes termes dont fe fervent ces petits
Marchands qui annoncent au peuple
les denrées qu'ils ont à vendre. Las de
voler çà & là dans Paris, & de fixer fes
regards fur quantité d'aélions qu'il eft
également indécent de voir & de rapporter , il entre dans une Abbaye de
Moines où il ne voit rien de plus édifiant. Prenant enfuite fon vol jufqu'en Italie, il s'arrête à Rome, y voltige de Palais en Palais, raconte toutes les anecdotes fcandaleufes dont il /
fe dit le témoin ; eft pris d'amour pour
une nièce du Pape Paul I I I , fe gliffe
dans la daterie, cenfure avec aigreur
tout ce qui s'y fait, & exagère les abus
no
Bi BiraTHEqtrE
qu'il prétend, s'y paner. Il porte après
JEAN cela le même œil également curieux cSc
MARTIN. m a i i n a Padouë, à Florence, à V e n i fe & ailleurs. Voilà bien des courfes
pour un Papillon. L'expérience le r e n d
politique, ou du moins il croit l'être ;
il difcourt de la guerre contre le T u r c
& contre l'Empereur. Enfin il revient
en France, s'y endort je ne fçai où -r
Se par une bizarrerie encore plus finguliére, il invoque Jefus-Chrift & la
fainte Vierge, leur demande de lui
rendre fa première forme, & obtient
ce qu'il délire.
i
LE LIVRE
DES
fantafiiques.
VISIONS
Il n'y a guéres moins d'extravagance dans les Viftons fantaftiques d'un anonyme, imprimées à Paris en 154.2. Cet
Imaginatif voit en même tems, oufeint
de voir un Dragon, Phcebus, les neuf
Mufes, un Roffignol, parle des fureurs
de l'un , de la beauté de l'autre, fait
l'apologie de la Mufique ; & à quoi tout
cela tend-t'il ? à nous dire que le Dragon , c'efl le Diable , que fes fureurs
font les tentations, que Jefus-Chriff.
eft figuré par Phcebus y que les neuf
F R A N ç O I S E .
2ir
Moles font les prières qui montent au •
Ciel, que le Roflignol eft l'Evangile , Vlsr<™s
que la Mufique en eft la prédication , Q U E S r S T I "
&c. Qui s'attendroit à de pareilles explications ? Ces vifions font fuivies de
petites pièces, nommées Epigrammes
félon l'ufage des Poètes de ce tems-là. IL
y en a fur M. d'Orléans dernierfilsdu Roi
François I. à M. le Comte de Saint Paul,
à Jean-Jacques de Mefînes, Lieutenant Civil de Paris , à M . l'Evêque &
\ Comte de Noyon, apparemment Charles de Hangeft de Genlis, mort en
1528. ou Jean de Hangeft fon neveu
& fon fucceflèur, à Nicolas Pfialnte
( Pfeaume , Abbé de Saint Paul en
Lorraine, depuis Evêque de Verdun )
à Madame de Touteville, Comtefle de
Saint Paul ; une à la louange de Clément Marot, &c. Ces Epigrammes
n'apprennent rien. Plufieurs font adreffées à desDemoifelles, & quelques-unes
"font fort peu chaires. Dans d'autres ,
le Poète fe plaint de fes maladies, parle de fon indigence, demande d'être
fecouru. Je ne vous rapporterai que .
celle où il s'exprime aùtfi à Poccafion
de fes créanciers :
C'eft grand plaifir truand te créancier preftc j
Quant eft de rendre il n'y a nul plaifir :
212
BIBLIOTHEQUE
Car d'un Brevet on me vient faire feffe f
VlsiOWS
VANTASTIQUES,
r> is u n
"
Setgftu nu vient an corps fàifir ,
Dont bien tbuvent contraint fuis de choifir
Chemin pliis long pour éviter l'tfmorche :
Quand il eft nuit, je ne veux peint de torche ;
Que maudit foit le premier regardant f,
Il m'eft advis que tout vif on m'efeorche
Quand on me va mes debtes demandant.
Cette difpofition n'eft que trop ordinaire dans ceux qui doivent.
G R I N G 0 R E.
Pierre Gringore avoit connu- plufieurs des Poètes dont je viens de vous
parler, & avoit mérité leur eftime &
leur amitié. Nous ignorons le lieu de
fa naiffance. Ceux qui le font Lorrain,
n'en ont point dfautre preuve que fa
qualité d'Hérault d'armes du Duc de
Lorraine. Tout ce qu'il d i t , eft que
fa famille a été attachée à la Maifon
. de Ferrieres ; qu'il étoit lui-même fu_ jet & ferviteur d'un des Seigneurs de
cette Maifon ; qu'en adreffant fon livre
intitulé , les folles entrefrlfes, à noble
& puijfant Seigneur Sire Pierre de Ferrieres , Chevalier, Seigneur, Baron dudix
lieu de Ferrieres & de Thury, & Seigjieur de Dangu, c'eft en même tems
F K A S ç o r S E.
21 3
ttn acte de reconnoiflànce & un liom•
mage qu'il fait à ce Seigneur, comme GRIN«OM
étant [on homme.
Se-on demande pourquoy c'eft que luy livres
Refpondre puis que mes prédéceflïurs
De fa Maifon ont été ferviteurs ,
Lefqucls je veuil entuyvre fe je puis;
Car ion fubgect & fon ferviteur fuis ;
Non fuftfant de fervir fa nobleffe
Son homme fuis qui de tout mon povoir
t e veuil favir Si faire mon debvoir.
Dans le Prologue du même ouvra-*
ge , il dit,
Je n'ay degré en quelque Faculté.
Gringore étoit jeune lorfqu'il parloit
ainfi, puifqu'il vivoit encore trentequatre ou trente-cinq ans après. Il n'étoit point encore Hérault d'armes du
Duc de Lorraine , qualité qui lui fit
prendre le furnom de Vuudémont, dont
il ne fe décore point dans fes premiers
ouvrages. On voit par ceux-ci, qu'il
avoit parcouru une partie de la France ,
qu'il avoit fait plus d'un féjour à Paris,
& qu'il étoit connu de Louis X I I , par
l'ordre duquel il avoit compofé fa pièce intitulée : le Jeu du Prince des Sots
& Mère Sotte, joué AUX Huiles de Pi*
•
214.
-
BlBLtOTHEÇTJE
ris , le Mardi gras de l'an i 5 11- D ett
GK-INSORE du moins certain que cette Moralité &
farce fut repréfentée par un commandement exprès de Louis X I I , durant le
cours des diftërens de ce Prince avec
le Pape Jules II & la République de
Venife ; que Grîngore y joua le perfonnage de Mère fotte , dont il prend
aufli le nom dans quelques-uns des ouvrages qu'il cornpofa depuisDans les antiquités de Paris par Sauvai, tome 3. il elt qualifié Compofitcur,
Hiftorùn & Fadeur du Myftere fait au
Châtelet de Paris à l'entrée de M. le
Légat en 1 502. du Mjfiere fait au même lieu & la même année à l'entrée de
l'Archiduc ; de celui qui fut fait furla
forte du même Châtelet, à Ventrée de
Madame la Reine en 1503. d'un autre
fait à l'entrée de la Reine à Paris le J
Janvier 1514- au-devant du portail du
Châtelet de Paris ; d'un cinquième fait
â la porte de Paris pour la décoration
de l'entrée du Roi le 15 Février de la
même année 1514- enfin d'un fixiéme
fait en 1 517. le jour de l'entrée de la
Reine dans la même Ville. Pour tous
ces Myfteres Gringore étoitalîbciéavec
Jean Marchand, Maître-Juré Charpentier , lequel probablement ne h
F R A N ç O I S E .
21$
cnargeoit que des détails qui conve.t
noient à fon métier. Sauvai rapporte GRINGORS
d'après les comptes & ordinaires de la
Prévoté de Paris , ce qu'on a donné
pour lefdits Myftéres à ces deux aflbciés Gringore & Marchand. C'efl un
détail qui vous ennuieroit ici.
Gringore vivoit sûrement encore en
1544. & il devoit être avancé en âge,
puifqu'il étoit Auteur dès 1500. Je ne
trouve point qu'il ait rien fait imprimer depuis cette année 1544. Mais j'ignore en quelle année & en quel lieu
il eft mort. Il faudra dire qu'il eft mort
à Paris , s'il eft vrai qu'il ait été inhumé dans l'Eglife de Notre-Dame de
cette Ville _, comme on le conjecture ,
mais fans en apporter aucun témoignage, dans le tome fécond de Phiftoire du
Théâtre François, page 250. Le genre de fes ouvrages qui font prefque tous
moraux, lui avoit fait prendre ces mots
poux devife : Tout par raifon j raifon par~
tout ; partout raifon. Il étoit affez bon
Poète pour fon tems, & fon ftyle a plus
de netteté que la plupart de fes contemporains qui fe mêloient d'écrire en
vers.
L e premier écrit qu'il paroiflè avoir
publié, eft , comme je l'ai d i t , de l'a»
21$
BlBXIOTHEQUE
?• 1500. C'eft une allégorie intitulée, le
G&INGORB Cafteau d'amours. J'en ai vu pluueurs
éditions, toutes anciennes & en caractères Gothiques. Dans celle de Paris,
chez Simon Vofire, on voit à la fin par
acroftiche le nom de l'Imprimeur ( Philippe) Pigouchet, celui du Libraire,
Simon Vojlre , & celui d •* l'Auteur,
Gringore. Ce petit ouvrage efl en forme de Dialogue. Il n'y a que deux interlocuteurs. L'un revenait du Château d'amours, l'autre y alloit. Le premier avoit la triftefie peinte fur le vifage , il étoit rêveur & mélancolique ;
une expérience une peu tardive, &
achetée trop chèrement, lui avoit appris les maux d'amours. Le fécond , encore novice, fe repaiffant l'efprit des
idées les plus flateufes, couroit avec
légèreté vers le Château qu'il n'envifa"•
geoit que comme un lieu de délices.
Ils fe rencontrent fur la route , & s'entretiennent de ce qui occupe leur efprit. Le premier fait du Château à'**
tnours une defcription fort propre à en
éloigner tout homme qui écoute plus
la raifon que la paflion. Le fécond le
prend pour un Mifantrope, ennemi de
tout plaifir, ou du moins pour un
homme qui n'a pas feu tirer avantage
de
T R Àrfçjôï' S i
Itf
decequelafort.uneluiorTroit.il fe croit
plus fage ou plus habile, & laiiTant là GRINCOIT]
Ton compagnon, il double le pas , fe
livre aux tranfports de la joie la plus
vive, arrive au Château, y eil bien
accueilli, & y trouve à la fin la perte
de fon repos, & enfuite la mort. Gringore donne dans cet ouvrage d'excellens avis contre la paflion de l'amour ,
ce toute fa morale eil de pratique. 1$
indique ainfi le fujet de fon livre. Remémorant les faits des amoureux
Et la Triomphe des gens chevaleureux
Qui pour aimeront eu mainte adventure.
Et mefmement que les hardis, les preux
Ont enduré plulîenrs maux douloureux
En récréant leur fragile nature :
D'un petit livre fais aukune ouverture,
Montrant que Amour eft caute & déceptive,
Adonnes foys de vertu nutritive.
Fols amoureux venez a mon efeollc ,
Si apprendrez peine pértétratiye
Que pluCeurs ont en fuivant l'Amour folle.'
Gringorê ne s'arrête pas à combattre la feule paffipn de l'amour dans fee
folles entreprises qu'il publia en 1505.
il attaque les vices de tous les états 6c
de toutes les conditions, en repréfen$ant les fauflès entreprifes des Piince%
w
Tome XI,
&
21 8
BtBllOTIIÊQU-E"
des Guerriers, des Magiftrats, des gens"
t^t.NGoTEd'Eglife, &c. Il porte quelquefois la
iàtyre trop loin ., <Sc il ne convenoit ni
à fa qualité de Laïc, ni à fa profeffion,
d'invectiver auffi fortement qu'il le fait
contre les Pafteurs & les Miniftres de
I'Eglife, qui font plus que les autres
l'objet de fa mordante cenfure. Loin
d'en faire aucune excufe, il femble
s'applaudir Lui-même de fa hardieflc
dans fon Epître dédjcatoire à Pierre de
derrières, qui efl auffi en vers. Dans
F Adverttffement aux Prinees, il parle des
droits du Roi de France fur le Royaume de Naples, & delà conquêtequ'ea
fit Louis XII fous le règne duquel il
compofa cet ouvrage :
Ainfi doneques à bornie inrencion
Le Roy Loys que Dieu veuille garder*
A entreprins de vouloir porTéder
Le Royanlme qui luy apparrenoh ;
Car par ration, le droit titre en renoît.
L a première édition de ce livre , farte
éh i 5 0 5 . à Paris in-8°. ne jx/rte que
l e fifnple titre de folles entrefrïfes ; mais
•dans celle de 15,10. on lit vies folles enireprifes qui traitent de pliifteurs tbofesmtaies. Encré ces deux éditions, il s'en fit
«Jne qui fut achevée À Pétris Fm mil titr
F R A N ç O I S E .
srç
ifrur & Jepi ,levi jour de Janvier, c'eûi
à - d i r e , 1508. avant Pâques. Le nom GRINGOM;
de l'Auteur n'eft que dans les lettres
initiales des huit derniers vers qui terminent fon écrit, & qui fervent en mê»
m e tems d'exhortation à le lire.
Grands & petits ce livre en gré prenez :
Rangés ces mots à voftre entendement ,
Joyeulfement les faultes reprenez :
Notez que j'ay compofé iîmplement ;
Grâces en rends à Dieu dévotement
Où. j'ay recours en compofant tout œuvre,
Remémorant que fans lui nullement
Entendement chofes otTufques n'euvre.
Gringore ne fe fait pas connoître au»,
trement dans plulieurs autres de fes ouvrages. C'efl ce qu'il obferve en particulier dans celui qu'il a intitulé, les
Abus du monde, & qui a précédé d'une
année les folles entreprîtes, comme on
le voit par le privilège qui efl du 10
d'Octobre 1 504- C'efl encore une defcriptionék unecerjfore des vices detous
les états. L'Auteur commence par louer
la Pragmatique dont il fait l'hiftoire en
peu de mots, l i e n décrit les avantag e s , & gémit des atteintes qu'on lui
tdonnoit. Il en prend occafîon de s'éleyex contre les vices des gens d'Eglifes ,
Kii
220
i-
BlBLIOTftEQUB
commençant par les Prélats, & finifQRINGORE fant par les Marguilliers & par les membres de Confrairies. Il n'épargne pas
davantage les femmes, & dans tout ce
qu'il dit du mariage , il parle en Ecrivain peu mefiiré. Il paffe de même en
revûë la Nobleflë, l'Artifan , le Marchand, -le Médecin, & fait en fuite une
longue fortie contre ceux qu'il nomme
Bigots & Bigottes, c'eft-à-dire, contre ceux &.celles qui n'ont qu'unefauffe piété. Il fait en deux endroits l'éloge de Louis X I I , & c'eft toujours aux
dépens des Vénitiens, qu'il ne manque
jamais de maltraiter toutes les fois qu'il
en parle. Get ouvrage eft allez varié,
l'Auteur s'y fervant tantôt de la fiction,
tantôt du Dialogue, tel que celui de
i'Eglife, de la Nobleflë, du Labour &
du Praticien, ou de l'hpmme de Juftie e , dans lequel Dialogue chacun fait
la defcription & reloge de fes occupations. Pour éviter encore plus l'uniformité , Gringore féme de tems en tems
des Rondeaux dans fon ouvrage. Ses
vers font pour l'ordinaire de quatre
pieds ou de cinq. Ceft Entendement qui
lui a ordonné d'écrire, c'eft le même
qui lui cornmande de finir pour cette
^bis ces moralités, & qui lui dit de
FRANçOISE".
221
préferitcr fon livre à Jacques de Toute•
ville ( d'Eftouteville ) Prévôt de Paris. GRINGOK»
Il efl faifon de laiflèr ces propos,
Tout corps humain eft fubjet a repos ;
Suffire toy pour cette heure prefente :
Prends ton livre, biemoft & le préfente
A Sire Jacques nommé de Touteville,
Seigneur de Beyne, d'Ivry & de Blainvillc,
Preux Chevalier, vivant en bon arroy
Com Confeiller & Chambellan du Roy,
Qui régente par fon ancVorité
Dedans Paris la noble Prevofté ,
Comme Juge Royal & ordinaire;
A fon Seigneur le servant doit complaire.
Ce Jacques d'Eftouteville fut Prévôt
de Paris en 1479. après la mort de fon
père. Je conjecture que Gringore présenta cet ouvrage à Louis XII. Du
moins voit-on à la tête l'Auteur à genoux qui offre fon livre à un Roi qui
eft aftis & couvert.
Je rie fçai pas fi Entendement lui ordonna de reprendre la plume, il eft sûr
au moins qu'il ne laifla pas longtems
oifive la facilité qu'il avoit à écrire.
Les démêlés de Louis XII avec les Vénitiens lui firent enfanter coup fur coup
plufieurs écrits fort ignorés aujourd'hui ; mais qu'il paroît qu'on lilbit
K iij
2.12.
:
IVlBIIOTHEQUS
'• alors avec une forte d'avidité. Tel efÇ
GJUN«ORE celui qui a pour titre : Entreprinfe de
Venife,. avecque les Cités , Chafieaux. >
Forterejfes & Places que ufurpent les Vénitiens, des Roy s y Princes & Seigneurs
threftiens. Ce petit écrit eft de 1509,
Il concerne la Ligue de Cambrai, conclue contre les Vénitiens entre le Pape
Jules I I , l'Empereur Maximilien ,
Louis X I I , & Ferdinand Roi d'Efpagne. Tel eft Yefpoir de Paix daté du 8
Février \,\o.fait
à l'honneur du trisChrétien Louis XII de ce nom, Roi de
France. Tel encore , la Chaffe du Cerf
des Cerfs, que l'Auteur compofa pendant l'Automne de la même année, à
Ejiiolles près de Corheil. C'eft une allégorie alfez froide fur les différends des
Princes avec le Pape, qu'il appelle le
Cerf des Cerfs, par une allufion fort peu
naturelle à la qualité de Servus fervorum Dei prife par les Evêques de Rome;
Telle eft enfin la Moralité de l'Homme
ohftiné, jointe à la Sottie & à la farce intitulées , le Jeu du Prince des fots &
Mère fotte, joiié aux Halles de Paris le
Mardi gras l'an 1511. autre pièce purement allégorique, qui contient l'hiftoire des démêlés du Pape Jules II Si
du Roi Louis X I I , par l'ordre exprès
F R A N ç O I S E .
225
duquel elle fut repréfentée. J'en parle- M
"•*
rai dans l'article des écrits Dramati- GIUN-OUR*
ques.
Gringore abandonnant enfin ces
écrits de commande,. ou que les rirconfiances du tems lui failoient produire, revint à ceux qui femblent avoir
été plus de fon goût, aux écrits moraux. Pour fe dédommager en quelque
forte de l'efpéce d'interruption qu'il
avoit mife'à ces compofitions, il donna de fuite les cent nouveaux Proverbes
dorés & moraux, en fiances de fept vers
chacune, ; les Dits & autorités des fages Philosophes ; les Fantaiftes de Mère
fine, contenant plupeurs belles hijloiret
moi aitfées ; les Menus propos >. les Feintifis du monde qui règne ; les notables Enfiignenuns, Jiages & Proverbes ; une"
Parapbrafi & dévote exposition fur les
très-précieux & notables Pfeaumesdu Royal
Prophète David, non fans caufi dits pi*
nitentiels, où tout eiltraduit en vers,
jufqu'aux Litanies des Saints ôc aux
Oraifons ; enfin les Heures de Nôtres
Dante.
Les Dits&
autorités des f âges Philo-
fophes font, comme ce titre l'infirme
allez clairement, un recueil de Sentenc e s , chacune communément exprimée
" "
K iiij
2.2X)
BlBtïOTWEQUK
••——e* en quatre vers, & attribuée à quelque
Cl&iNcou Sage, Philofophe, ou autre : car Gringore nomme fans diftincft ion O v i d e ,
Virgile, Tobie, A ri (lote, Salomon ,
Boëce, Juvenal, &c Je ne rapporterai que ce quatrain ou ce dit que l'Auteur donne à un Sage nommé Marquez,,
que je ne connois point :
Qui bien fe mire, bien fe voit ;
Qui bien fe voit, bien fe congnoit ;
Qui bien fe congnoit, peu fe prife ;
Qui peu fe prife, fage eft.
Les Fantaiftes de Mère fine, dont le
privilège eft du 17 Octobre 1 516. font
un mélange de profe & de vers. L'Auteur y raconte en profe diverfes hiftoires, ou de fon ivention , ou qu'il tire
" d'ailleurs ; il en donne enfuite le fens
moral, aufti en profe, oc y ajoute des
réflexions en vers. Le titre de Fantaifies de Mère fine convient fort peu à
cet ouvrage ; fes moralités , quoique
triviales, font bonnes.
Les Menus propos imprimés à la fin
de 1 <y22. eft le premier ouvrage où
Gringorefe foit qualifié Hérault d'armes
de illujire, très-haut, trèspuijfant, Printe Anthoine par la grâce de Dieu, Duc,
F R A N Ç O T S E .
22J
deCalabre, Lorraine & Bar, Comte de Pro- —
vence & p'audémont, ôcc. Le titre de Me- GRINCCRB
nus propos ne fignifie autre chofe que R é flexions diverlès fur différens fujets. En
effet après des réflexions fur la vie de la
Cour & des Courtifans, on en trouve
d'allégoriques fur la chaflfe du Cerf, fur
celle du Sanglier, fur l'amour, & tout cela entremêlé de la Paraphrafe du Pfeaume 14.3 , que l'Auteur feint lui avoir
été demandée par David lui-même, &
de celles des Pfeaumes 127, 8 3 & 1 o 8 ;
des Hymnes Veù.la Régis, & Gloria ,
laus & honor ck de la Profe de Pâques,
P'iftimœ Pafcbali laudes. La pièce la plus
longue, compofée elle-même de quantité de petites pièces, comme de R é flexions , d'Allégories, de Rondeaux „
a pour titre Propos amoureux. Rien d*
plus plat, félon moi, ck de plus mal
imaginé, que toutes les allégories d«
l'Auteur fur ce fujet. Les derniers Pro*
pos font fur la guerre ck la paix ; & le
tout finit par le Teftament de Lucifer;
qui marie fes filles, c'eft-à-dire, tousles vices, dont Gringore fait le caractère en peu de mots. Il fuppofe avoir
entendu faire ce Teftament à Lucifer 9
dans un fonge qu'il avoit e u , dit-il, »
Nanci au moisd'Octobre 1 5 21. Il feinr
Kv
226
BIBLIOTHèQUE
g..." '..." dans cette pièce que Lucifer attaque
GRINGORE d'une maladie dangereufe, & abandonné des Médecins, fonge à pourvoir
fes filles avant de mourir ; & voici de
quelle manière il en difpofe. Il veut que
-Préfomption foit mariée aux jeunes
gens ; Curiofité aux femmes ; Adulation aux gens de Cour ; Opiniâtreté
aux ignorans ; Ufure aux Agens &
Banquiers ; Rapine aux gens de robe ;
Catégorie aux Moines; Simonie aux
gens d'Eglife, & ainfi des autres. Il
n'y a que fa fille Luxure qu'il n'établit
p a s , parce qu'il eft sûr y dit-il, qu'elle, ne demeurera point, & que d'ailleurs il entend qu'elle foit commune à
tous les états. Le Père Nicéron dans
le peu qu'il dit de Gringore au tome
trente-quatrième de ks Mémoires , a
copié tout ce Teitament ; il me femble
que cette pièce n'en valoit pas la peine.
Comme Gringore fe doutoit bien ,
qu'en parlant aufii mal qu'il le fait de la
Cour & de ceux qui la fréquentoient,
on lui demanderoit pourquoi il y avoit
pris une charge, il fe fait lui-même
l'objection, & il y répond :
Mes familiers & mes loyaulx amis
Me ont demandé pourquoy me y fuis mis ,
Veu que ruilly ne me y voulioit contraindre ;
FRANçOISE.
xij
je leur lefponds que je me y fuis tranfmis
Afin de Tenir,gen» en h Court comrrxis
Qui fçaivent bien diuunnler & feindre, etc.
GrUrTeVrâ
Je ne crois pas que le Poète fiât con-i
tent lui-même de cette réponfe ; au»!
voit-on par les vers fiiivans, qu'il ne
s'en; fait l'objection rapportée que pour
fe procurer Poccafion aeflawerkCou*
dans laquelle il vivoit :
Je n'ay defir tefte Court •defyrtteTï
>
Car je rn'ey voy allez favorifer
Et bien rraicter par grâce liberalle v
Cinq fils de Roy enfcmMe devifer
>
Je Y voy feuvent, & pour aiiftorifer
Palais Royaulx,. une Prinoefle afiaWe,
Seur du preux Duc de Bourbon ConneftaMe
Du ttcs-Cbreftien & puifiant Roy Françoys. •
Cette Princeflè étoit Renée de Bour* '
bon , Drcheffe de Lorraïne: CrihgOf
re finit le portrait de la Gour, patCeV
vers : ,<.
' . ' ' ' ' '' ;
Quand j'eus parfait'ce livret à cueur jeun, :
Le mettre au net je le feis par quelqu'un
' Qui voulentiers en print travail & peine ;
Alors Loys Evêque de Verdun ,
Eftoit en lieu plaifatit & opportun
Dedans Nancy , avec fon frère A'othoinè ,
Duc et Seigneur de Calabre fit Lorraine
Dont lui» iïèrault a gaiges & prenions ;
K vj
2i%
BIBLIOTHèQUE
Au bon Prélat petit préïenc en feis.
GAIN«ORX
A U commencement des Menus propos des Amoureux qui ne ont la grâce
joyr de leurs Dames ,figurésfur les hommes , beftes & ojfeaulx félon leur nature
& complexion ,1e Poète fait l'éloge de la
Duchefle de Lorraine Renée de Bourbon , à qui, ajoute-t'il,
A qui je doy révérence & honneur
Centime hérauit de mon uxiverain Setgneur
Son bon efpoux le preux Due de Lorraine ;
Qui fert bon- maiftre ne perd jamai* la peine.
C'eft toujours ainfî par une fentence ,
ou maxime proverbiale que Gringore
fini la plus grande partie de les pièces,
«5c ibuvent chaque ftrophe ou fiance.
Les Feintifes du monde qui règne font
un autre recueil de Dits moraux & de
proverbes en fiances de huit vers :
Gringore y repréfente encore les abus
qui régnent dans le monde, les différens caractères qu'on y voit, l'attention des hommes à fe tromper mutuellement. Après tant d'écrits moraux,
Gringore pouvoit fe difpenfer de compofer lès notables Enfeignemens, Adages
& Proverbes , où il ne fait* prelque que
le répéter. Cependant cet ouvrage,
comme les précédens, a eu plufieurs
F R A X X O- * îî t"
C J R S X R » ; «.R s p . ! yr< x.u
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que L txs><u k ru Jep.1. ^ .. f eee .-. • *, ARINGOM
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IV-RexIv CVi.'.iUX'. UU .pt.HU.eX UX V 5.
tu uee< rueu, 1.x p u U ' A ' U A ' ' \ .R
x'utuxnouvun.Tt v i Jatv J e 1A u v s S
lA'ou-sbu
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teu» m.'e.e JUS ^ .v i x u w u r u - ; »
e u e . Il r . , K \ : eu nnu e<k»ux [ x,
tau îenju r s usi.eP.e r u e
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kettu .* p :.Vt pe-jx.t \ i . u u e u ' t u i'tutp t e fauch e k il enxore met: s Aee<. . e; •
se liste , Ai /\7x de A xW t \>. u , «
eus aV îVU A ».w , e\ » t p a v . v tv er
t'umuc xJitsen , p u r " o s e u - * ep-e
ïïx>ï- x* e b \ ; \ . A p . r 1 R u e' e e . A
Pus h An • ier i u lk \> et s e q . b i p
u t x sexes ce. e le r* R» . se ee »e ^<. P
ux-vek*e Au x-SRitu "X.\ u p u b x - " u
govo, e ^ e p i v que A b u u * e ; P eu
e>,e; a i. v . -. e
u -ixï*rh<.-eiucierei l - - — --u t
îie r . u t usai PipeaU-Au» >..%.vUiU u., ••
B IB i rOf HÉQU E
! té de la lecture de ce petit écrit.
GRJNGORB
Les Heures de Nvftre-Dame tranfiaé
tées par le même de Latin en Français ;
& mifes en rjme, additionnées de plufieurs
chants Rojaulx figurés & moraiifés, &c.
étant un livre d'ufage, ont été beaucoup plus répandues que les autres
écrits de Gringore, qui fit celui-ci, par
le commandement de Renée de Bourbon,
TJucheJfe de Lorraine. Dès le i o Octo-
bre 15.25. il avoit obtenu pour l'impreffion de ces Heures un privilège pour
trois ans ; & il paroît qu'il en fit ufage
deflors. Mais ayant depuis traduit de
Latin en François & mis en vers plupeurs belles Oraifons& Rondeaux contem-
platifs, il demanda, & obtint le 1 5 Novembre 15 2.7. un nouveau privilège
pour faire réimprimer ce livre avec F addition, l'adjontlion,& incorporément des dûtes nouvelles Oraifons ; & il s'en eirfak de-
puis plufieurs éditions. J'en ai vu trois,
l'une fans date ; la fecondeen 1 54.1. cela
deniére en 1 544. in-8°. comme les autres, à Paris en l'Hoftel a" Albret, avec tes
xv Oraifons defainte Brigitte. Toutes ces
éditions ont des gravures en bois. Dans
fEpître dédicatoireJ'Âviteur donne des
marques de fa reeonnohTance envers la
Ducheflê de Lorf airié, ai de fa crainte
F R A N ç O I S E .
231
Teligieufe de Méfier en rien l'intégrité
' - v:
delà foi : voici comment il s'exprime. G RING OR»
Oyfiveté la mère des malices
Rend Tes fetvants fubjets à plufieurs vices....,
Parquoy très-noble excellente PrincelTé ,
Très-veitueufe & prudente Dueheflè ,
Plaine d'honneur & de vouloir très-bon,
PideUe en coeur-, Renée de Bourbon ,
Qui prens ptaifir à lire mainte hiicoire ,
Je, ton fervant, nommé Pierre Gringoire
Dict Vauldémont, Hérault d'armes, as prinj
Plaiiir d'efcrire ung livre de hault pris :
Intitulé, les Heures Noftrc-Dame ,
Qui font en ryme & Françoys : or , nia Dame,
En ce fàifant, fier totallement
Ne me ay voulu à mon entendement ;
Mais ay monftré les différens paflaiges
A doctes Clerc* , prudens , lettrés Sç litiges ,
Mieulx entendaot le fpirituel fens
Que je ne fais. Et fi dire confens
. Que n'ay ftiiri totalement la lettre,
Craignant le fens fpirituel obmettre y
Suivant toujours la boime opinion
Des gens lettrés, à leur diferétion.
;;
Vous aurez remarqué, en liiant ces
•; vers,' que le Poète s'y nomme Gringoi;reôc non Gringçre ic'eft un changement,
-qu'il avoit fait à'fon nom pour en ren-dre la prononciation plus douce. On,
;;,ne trouve ce changement que dans fes
derniers écrits.
23 2
BIBLIOTHèQUE?
"
Le Père Nicéron lui ôte le Cbateat
GRINGORB de Labour, pour en faire préfent à Octavien de Saint Gelais, fans en apporter aucune raifon. H eft évident que ce
poëme eft de Gringore, puifqu'il fe
nomme lui-même dans les lettres initiales du huitain qui termine l'ouvrage :
Grâce rend au hault Créateur
Régnant en triumphe haultaine >
Invocant le povre pécheur
Nourry en la gloire mondaine,
Gardien de nature humaine,
Omnipotent > plain de noblefle,
RefplandùTant au haut domaine >
Eftandant fur nous fa largefle.
Le Cbafteau de Labour eft un poème
allégorique dans le goût du tems auquel vivoit l'Auteur. Gringore que je
foupçonnerois avoir voulu fe peindre
lui-même, introduit un hornrne qui
venoit d'époufer une jeune femme. Aux
plaifirs allez ordinaires dans les premiers jours de cet engagement, fuccedent bientôt le fouci, la trifteffè, l'embarras , le befoin , la nécefîité & leurs
-fuites. L'Auteur perfonnifie tous ces
ennemis du repos & de la tranquillité,
&feint que pendant une n u i t , ôc du-
F R A N ç O I S E
£3 3
tant un de ces fonges qui femblent faits <
pour troubler l'efprit , chacun vient le GRINGOR»
tourmenter tour à tour. Ces hôtes fâcheux dont la préfenceeft toujours fort
importune , & dont on a raifon de
craindre les approches, font fécondés
par Defconfort & Defefpérance. Comment réfifter à tant de bétes féroces
quinefe faififfent de leur proie que
pour la dévorer ? Notre nouveau Marié fent l'extrémité du péril où il eft réduit : il réfifte quelque tems , il s'afibiblit bientôt, il eft prêt à rendre les armes ; & fa perte étoit certaine fans Raifon qui a pitié de fon état, qui vole à
fon fecours, lui reproche fa lâcheté ,
& ranime fon courage. Tout ce qu'elle
lui dit eft vraiment digne de la raifon.
Elle lui montre entr'autres comment
l'humilité triomphe de l'orgueil, comment la charité furmonte l'envie ; la
patience, la colère ; la diligence, la pareflè; la largeffe, l'avarice ; comment
la fobriété fe rend maîtreffe de la gourmandife, cornment la ehafteté vainc
la luxure. Entendement fe joint à Raifon t lui donne les mêmes avis, & entreprend pareillement de l'éclairer, de
le confiner & de le fortifier. Tromperie
les entend & en eft irritée. Elle, craint
234
B l BIIOTHEQU'E'
d'être défaite, & pour faire tomber5
GRINGORE plus sûrement le nouveau marié dans
dans fes pièges, elle affecte le langage
même delafagefle, cherche à le féduire
& à lui faire prendre les ténèbres pour
la lumière. Mais elle ne peut s'empêcher de faire l'éloge de la raifon , même en déclamant contre elle :
»
'
Raifon de bien peu fe contente
Sans appeter grande nobleffe,
De befongner eft diligente,
Et amafle peu de richefle ;
Mais moy je mets gens en hautefte •
Par mon art fubtil 8c prudent-, 8cc.
Si Tromperie ne gagne pas entièrement
la confiance, elle réuflit du moins à ié
faire écouter paifiblement, à jetter des
nuages dans l'efprit, à faire naître des
doutes fur la folidité des avis de Raifon
& d'Entendement. La première en eft
informée, revient, rend le calme à l'efprit de MAtleur, & lui parle avec tant
de fageflè, que perfuadé de tout ce
qu'elle lui dit, il fe jette entre fes bras,
lui jurant de la fuivre partout. Raifon
lelaiffedans ces bonnes réiolutions,
& de crainte de quelque foibleflê nouvelle , elle revient un moment après,
F R A N ç O I S E .
.235;
accompagnée de bon Cœur, de bonne Vo-"—-rsa
fowé, Se de Talent de bien faire. TOUSGRINGORI
•>
lui ordonnent de fe lever & de le fuivre ; il obéît. Ces guides le conduifént
par le chemin de Diligence au Cbafteau
de Labour, c'eit-à-dire, à la demeure
du Travail :
Ce lieu fe nomme par droicture
L'excellent Chafleau de Labour ,
Là où fans quelque forfaicture
Faut veiller de nuyt 8c de jour.
Soin, Se Cure fa fernme, portiers de ce
Château, lui en refufent d'abord l'entrée ; mais le voyant accompagné de
bon Cœur, de bonne Volonté & de Talent
de bien faire,' ils lui ouvrent la porte.
Pendant qu'on l'introduit, Soin lui fait
la defcription des engagemens qu'il va
contracter s'il veut demeurer dans ce
lieu, Si s'attacher à Travail Si à Peine,
Maître & Maîtreffe du Château. Quelque effraïans que paroiffent fes difcours,
Yéditeur promet défaire ponctuellement
tout ce qui lui fera ordonné. Sur cette
prameffe, il eft conduit au lieu des travaux ; Si pour commencer à donner
des preuves de fa fidélité, il fe met auffi-tôt à partager le travail avec les
f$6
BIBLIOTHèQUE
!• , '. — Ouvriers. L o r s , ajoute-t'il,
GRINCC-RS
.
_, „ ,, .
Lors vis venir la Chaltcllaine
Qui alloit tout partout trotant,
Laquelle eftoit appellée paine y
Ses fubgets alloit vifitant r
Les mains, le front avoit fuant,
Et n'artcfoit en quelque place,
Non plus que fait ung pourfuy vaut
Quand il va quérir quelque grâce.
Puis en coriet, puis en chemife ;
Brief elle n'avoit point de repos,
Et n'avoit pour toute remife
Quafi que la peau & les os. "
Apperçant fon nouvel hôte, elle demande qui il eir., pourquoi il eft là,
ce qu'il vient faire ; & contente de fes
réponfes, elle confent qu'il demeure;
mais en lui rappellant les conditions
aufquelles il peur relier. L'Acteur les
accepte, réitère fes promenés, & continue fon ouvrage. 11 fat'isfait fi bien à
tout, qu'il reçoit des- éloges de fa diligence & de fon attention. Il trouve
dans un travail aflidu la paix & le contentement que l'oifiveté & le plaifir
ne lui avoient pu procurer. Trouvant
agréable la nourriture fimple qu'on lui
F R A N ç O I S E .
I*J
d o n n e , il fe félicite de fon nouvel état ;
•;
•& lorfque l'heure du repos eft arrivée , GRINôOJU»
on lui permet de fe retirer , en lui recommandant de revenir de grand matin. Il va retrouver alors fa femme qu'il
avoir laiflée endormie, lui conte tout
ce qui lui eft arrivé , & lui fait part
de la fatisfaction qu'il trouve dans le
nouveau genre de vie qu'il a embraffé.
Cette femme moins capable de réflexion , fe moque de lui, veut le détourner d'un état qui lui paroît fi pénible ,
& dont le feul récit l'effraie. Mais plus
raifonnable qu'elle, il la laiflè parler ,
& méprife fes reproches : fur quoi il
dit:
Qui prend garde à femme, il eft for :
Un homme ne doit prendre garde
A chofe que die une femme ;
D'elle-même fe mocque & larde ;
Sa langue fans fin quelqu'un blafme î
Il n'eft pas en paix de fon ame
Qui cujde femme faire taire ;
C'eft ung publicque fecrétaire .'
Qui eft donc de femme charge
Ne prengne garde à rien quel face,
Il n'en peut eftre déchargé
Far battre, reproche ou menace, ôtc,
;
*
23 8
BIBLIOTHèQUE
Il fuivit cet avis, prit fon repos , &
CRINGORE dès quatre heures du matin , il retourna à l'on ouvrage. C'eft par où finit cet
écrit, que je regardé comme une des
meilleures productions de Gringore. Jl
eft inuructif, & l'allégorie y eft bien
fuivie.
L'inftruétîon eft encore le but principal d'un autre ouvrage fatyrique &
moral, qui eft anonyme, mais qui
pane conftamment pour être du même
.Gringore. Cet ouvrage eft intitulé : les
Contredits du Prince des fotx., autrement
du Songe-creux. L'Auteur y expofe ce
qu'il y a d'avantageux & de déiavantageux dans chaque condition. Cefl un
Avocat qui plaide pour & contre. Il
fe revêt de deux perfonnages différens;
l'un montre le beau côté de chaque
état, l'autre en fait voir le laid en n'envifageant que les inconvéniens & les
abus. Tous deux chargent leurs peintures. Mais celui qui étale les défàgrémens de chaque condition , me paroît
outrer davantage. C'eft un Philofophe
mécontent de tout, & qui n'ouvre la
bouche que pour exhaler fa mauvâife
humeur. L'Artifan& le Marchand,
le Roturier & le Noble, l'homme de
guerre & le Courtifàn, celui qui fui
'FRANçOISE.
23$
îe mariage & celui qui eil engagé dans
'•—•
les liens, le Payfan & le Bourgeois, GRiNeo**
tous font paffés en revôë, loiiés & critiqués , vantés & méprifés tour à tour.
L'Auteur fait entendre que fon but eft
de mettre un jeune homme à portée de
choifir un état, en lui faifant obferver
tout ce que chacun a de bon & de mauvais. C'eft ce qu'il infinuë dès le titre
de fon livre après lequel on lit ces vers;
Pour éviter les abus de ce monde,
De Songe creux lifez les contredits ;
Et retenez deiîbubs penfée munde
Ceulx de prefent & ceulx du temps jadis :
En ce faifant par notables édicts, .
Pourrez débattre & le frt & untr* ,
Et fouftenir allégant maints bons dits,
Ce que par eulx en voye rencontra.
Pour moi je crois que cet ouvrage eft
plus propre à rendre indécis qu'à déterminer à un choix tel qu'il lbit, & à faire
lin Mifantrope plutôt qu'un Philofophe
raifonnable. Ce n'eft pas que l'Auteur
ne diTe beaucoup de vérités , mais on
voit qu'il fe plaît davantage à trouver
du mal partout, & même à le groffir.
Jl ne finit point dans ce qu'il dit contre le mariage, & il • eft aifé de vpir
qu'il -étoit Xw-taërne fort mécontenc
2 te»
BIBLIOTHèQUE
: d'avoir pris ce parti. Il ne comprend!
GRiNGORBpas comment un homme fage peut
acheter une femme par un gros 'douaire ; & il ajoute , qu'autrefois il acheta
la fienne fort peu, mais qu'il ne l'acheta que trop encore :
Treize deniers l'ai achetée,
X. ais par ma f u i , c'eft trop vendu :
-Qui pour le prie me l'a baillée,
Que par ion cou fuit-il pendu.
Il y a auffi un chapitre entier contre les
Médecins. Au refte quelque foin qu'ait
Songe-creux de s'éloigner des opinions
communément reçues, il s'en rapproche quelquefois, comme lorfqu'interrogé s'il faut préférer la feience aux richefles, il réfout la queftion par l'hiftoriette fuivante.
Sur ce jadis une femme de nom
Si répondit aûêz notablement,
Quand on s'enquit de fon intention ,
Si fon enfant ferait riche ou favant.
Elle reprit : le fçavoir eft moult gent :
Mais qui riche eft, c'eft choie encor plus forte î
Car onc ne vis qu'un riche plein d'argent
Fus attendant un fage homme à la porte.
Ort voit tousjours les gens fages requerra
Les riches gens, & non pas au contraire.
. %u- quoy, mon fils, fans de ce plus enquerre ,
Riche
F R A N ç O I S t;
y
Riche fera, fi riche le pua faire.
i^r
^^^——»
Tout n'eft pas en vers dans cet ou- GRINGOBJ»
Vrage ; il y a quelquefois de longues
moralités ou de longues fatyres en profe. J'ai vu deux éditions de ces-Contre*
dits : celle qui eft in-i 8. me paroît la
plus ancienne ; mais elle eft fans date :
la féconde eft in-i 2. & a été faite à Paris en 1530. par Nicolas Couteau.
Gringore doit être l'Auteur de l\e*fitre de Cloriende à Rheginus, puifque
l'Auteur, qui ne fe nomme point, die
dans un Rondeau qui précède cette
Epître :
ljt~ Stngt-creux qui tous plaifans mots livre ;
A vous, Monfieur, il préfente ce livre.
Cette pièce eft fort peu de chofe , ai
ne mérite pas que je m'y arrête.
Enfin c'eft peut-être au même Ecrivain qu'il faut attribuer un recueil de
deux cens cinquante Rondeaux, qui
parut de fon tems , & dans lequel on
trpuve fon génie & fon goût de vèrfification. La plus grande partie de ces
Rondeaux confifte en proteftations d'a.mour, répétées en cent façons différent e s , & toujours d'une manière anez
.platte. Les cent trois derniers contiennent plusieurs menus propos que deux vraje
Jomt, XL
L
*4*
BIBLIOTHèQUE
amans ont eu n'a gueres enfemble depuis
"G&utGORS U commencement de leur amour jufquà la
mort de la Dame. Cette mort détermine l'un d'eux à embralîer la vie folitair e , & c'efl par cette réfolution qu'il finit en ces termes :
'
Puifqu'elle eft morte, à mourir veuil entendre «
Et le mien corps à pèche' frefle & tendre
Je veulz offrir a faire pénitence,
La regrettant en grande repentence,
Et à préfcnt Hermite m'en voys rendre.
Des biens que j'ay a ce les veulx defpendre
Pour quelque lieu bien fort auftere prendre
Où nuiâ & jour d'elle auray fouvenance
Puifqu'elle eft morte.
Ung Hermitage en voulant mort attendre
- Faire y feray, ou à Dieu fans mefprcndre
Tousjours priray que par la remembrante
D e fa mort dure, prendre il daigne allégeance
A la detriincte, & d'Enfer la deffêndre,
Puifqu'elle eft rnorre.
JEAN
B 0 V C H E T.
Jean Bouchet , contemporain da
(3ringore, a été le plus fécond verfifiEdït. de Poi- cateur de ion tems. Il naquit à Poitiers
tiers, in. foi. i e 30 Janvier 1476. Il dit dans fes An»«44 p- * »• gales d'Aquitaine, ouvrage aflèz ellimé,
FRANçOISE.'
.24$
Vannée 1475. le pénultième jour de Janvier , j"1entra] au monde par nativité natu- JEAN Boug
relie & légitime. Mais il fuit le calcul CHET,
qui étoit alors ufité dans fon pays, ou,
l'année ne commençoit que le a 5 Mars.
Il étoit fils de Pierre Bouchet, Procureur de la même Ville, qu'il perdit le
4 Juin 1480. ayant été empoifonné
chez un Procureur de fes voifins & de
tes amis chez qui il étoit allé fouper.
Voici ce que fon fils dit de cet accident
dans l'Epitaphe fuivante qu'il fit pour
fon père, & qui efl imprimée dans fon Edit. de ro\*
recueil d'Epitaphes qu'on lit à la fuite tiers » *"-'?{•
de les Généalogies des Rois de France : \£'
Cy gift le corps deilbubz ces durs carticrs
D'un Procureur- du Palais de Poictiers ,
Très- diligent, loyal, fciemificque,
Bon Orateur, ayant grofle pratique,
Qui rut nommé Maiftre Piètre Bouchet : '
Par fa doulceur Angevyne accrochet
Grâce de tous ; mais par grant infortune
Print le poifon qu'une femme importune ,
Lubricque auffi ( telle en eftoit la voix )
Avoit muflee en la gouflè d'un poix
Pour fon efpoux, qui rendit mort & blefme
Le dict Bouchet, dedans le jour quatriefme,
En Juin de l'an quatre cens quatre-vingts
Avecques mil , qui fut tant peu de vins.
De fept enfaas qu'il eut en mariage,
Lij
244
JEAN BOUCIïET.»
BlBiroTHEQTJE
N'en Jaiflè qulun , ayant de quatre ans l'ange j
Et luy des ans trente-trois, plaint de tous.
Priez à Dieu qu'à fon ajne ibit douer.
J3ouchet refté fils unique fous la tu-»
telle d'une mère fage & qui l'affectionnoit, fut élevé avec foin , & appliqué
de bonne heure à l'étude. Il avoit du
goût pour les lettres, de la facilité pouf
apprendre ; fes progrès furent prompts
«Se heureux. 11 paroît qu'il tenta d'abord de fe faire connoitre à la Cour,
& qu'il y follicita quelque emploi honorable & lucratif. On lit dans fes Annales d'Aquitaine ( page 319.) qu'au
mois d'Avril 14.9 6. n'ayant guéres que
vingt ans, il accompagna à Lyon quelques citoyens de Poitiers, qui y alloient trouver le Roi Charles VIII. Il
eft vrai qu'il ne fait pas connoitre le
motif de ce voyage; mais dan s fon Epître en proie à Florimond de Robertet,
Chevalier, Baron Daluye, Conseiller dit
Roy , Thréforier de France , & Secrétaire de fes Finances, qui eft à la tête du
Panégyric du Chevalier fans reproche ,
Bouchet dit que peu de tems avant la
mort de Charles V I I I , arrivée à Amboife le 7 Avril 1498. il avoit préfenté à ce Prince quelques légieres fantaifus
ritbniées, & qu'en,faveur de ces produc-
F a A K ç ô i s E.
2.4,$
tions de fon ignorante jeunefe, & k fon
- "•
importune & prière, le Roi ordonna à JEANBOU-;
M. Robertet de l'employer ; ce que CHET#
fortune, ajoute-t'il , ne voulut, k mon
grant regret & perte. Il y a lieu de croire qu'une des pièces qu'il avoit préfentées à Charles V I I I , étoit la Complainte des Etats fur le voyage & guerre de
Naples, imprimée depuis à la fuite de
VAmoureux tranftfans efpoir.
Bouchet voyant fes projets avortés,
fe tourna du côté de la Pratique, &
embraffalaprofeffiondefon père. Mais
quoique les occupations d'un Procureur
paroiflènt aflëz peu compatibles avec
celles d'un homme de lettres^ il ne laiffa;
pas de continuer à cultiver lesfciences,
& de trouver affez de loifir pour compofer ce grand nombre d'ouvrages qui font
fortis de fa plume. Les malheurs de fa:
patrie favoriferent fon penchant pour
l'étude. La pefte ayant affligé fept ou
huit fois la Ville de Poitiers, Bouchet
s'étoit retiré chaque fois à la campagne,
où éloigné des affaires & du commerce du monde, il ne converfoit qu'avec
fes livres , & employoit tout fon tems
à la lecture & à la compofition. C'efè
ce qu'il nous apprend lui-même danslar
préface de fes Epîtres»
L iij
a^6
BIBLIOTHèQUE
» La fréquentation dit-il, que j'ay
JEAN BOU- » eue par naturelle inclination avec les
CHET.
^ Mufes e n m o n adolefcence, & le la/miii^ci du » D e u r °i ue J' av P r l n s fans peine , mais
Traverfeut.à 3 ,avecplaifir, à lire & entendre plui jV^rtn-fol. » fleurs livres des fciences humaines &
aide plus hault fçavoir, m'ont perfuaai dé & indu ici à efcrire, dicler & cornai pofer plufieurs livres & traiclés mo:» raulx, hiftoriaux & civils jufques au
» nombre de vingt-fept, où je me fuys
ai occupé en fept ou huit mortalités
ai peftiféres, la dernière defquelles fut
» en l'an 1532., qui m'avoient exilé
ai de la Ville de Poicliers, & contraint
ai de me retirer , pour feureté de ma
»perfonne, aux champs, en petite
ai demeure efloignée de gens, toutes» fois plaifante de bois, fontaines ,
ai prez & verdoyants ombrages, où je
ai vivois en folitude, féparé pour ce
ai tems des cures palatines & compaiaagnées accouftumées. 31 Dans fa réponfe à une Epître de Maiflre Pierre
Gervaife, au folio 25 de fes E pitres familières , il nomme ce lieu, la. Fillette
au Bourg de Chaùvigné. Bouchet fçavoit
d'ailleurs fe ménager à la Ville même
des momens dont il profitoit pour faire
fa cour aux Mufes, & il ne fe délaiToit
F R A N ç O I S E ,
247
du travail que par un autre travail.
' "1 "
La Croix-du-Maine n'avoit point JEAN Bouvu ces Epîtres , lorfqu'il s'eft avifé de C H E T r
le qualifier Avocat de Poitiers ; il n'étoit que Procureur, 5c jamais il n'a pris
d'autre qualité. Ce Bibliothécaire s'eft
encore trompé en le furnommant \'Ef~ '
clave fortune ; il n'y a eu que Michel
d'Amboife qui ait été connu fous cette
dénomination. Bouchera eu feulement
lefurnom de Truverfeur des voies périlleufes, qu'il a pris au commencement
de fes Regnards traverfans, & qui luieft
demeuré depuis. Sa devife étoit H*
bien touché. On ne fçait au refte prefque
aucune particularité de fa vie.
Il fe maria, 6c eut plufieurs enfans.
Il dit dans fa quatre vingt-quinzième
Epître familière, qu'il en avoir huit v
entr'autres, trois filles qui étoient mariées. Il parle ailleurs d'une autre de
fes filles, qui fe fit Religieufe à Sainte
Croix de Poitiers, & d'un de fes fils
nommé Gabriel, à qui il adrefle fa
cinquante-unième Epître familière; ce
jeune homme étoit alors au Collège.
L e dernier ouvrage de Jean Bouchet
eft de 1550. & il avoit alors foixante-quatorze ans. Il avoit été en relation avec plufieurs Savans fes contem- j
L iiij
iijj
Bi^noTHïQr/3
! poraîns qui l'eftimoient & faifoienreas?
jEANBou*de fes ouvrages : c'eft ce qui a fait d i r e
CHET,
^ Pierre Grognet dans fa notice d e s
Poètes du même fiécle :
Jean Bouchet eft homme lavant ,'
Point n'en voy qui aille devant.
*
Le premier de fes écrits eft VAmottfeux tranfi fans efpoir. Cet ouvrage eft
de l'an 1500. quoiqu'il n'ait paru qu'en
a 507. C'eft un recueil de plufieurs pièces dont quelques-uns font de la première jeunefle de l'Auteur. On y trouve ces
legieres fantaiftes rithmées, que Bouchet
préfenta à Charles VIII. entr'autres la
Complainte des Etats fur le vojaige &
guerre de Naples, & nn y a joint la Chronicque dufeu Roi Charles VIII, de ce nomy
qui contient ce qui s'eft pafle depuis
la mort de ce Prince jufqu'au couronnement de Louis XII. &une Complainte fur la mort du même Charles VIII.
Bouchet dans la foixante-uniéme de
fes Epures familières, de l'an 1 5 3 0 . !
François Thibault, parle ainfi de tAmoureux tranfi, & du plaifir qu'il trou>
voit dans l'étude :
Autre plaifir n'ai guère prins au monde
Depuis trente ans, & ne fçais choie immonde
Avoir écrit, fors en l'an mil cinq cens
F R A N ç O I S E .
Que loi imour avoir furpris mes fens ,
Qui contraignit ma folle main cfcrire
L'Amant tranil, voulant amour décrire :
. Dont ( à non tort ) me repentis foudain
Par un livret raifant d'amour dédain.
249
»t———
JEAN B O U CHETt
•Ce Livret efl celui des Angeles & remèdes d'amour du Traverfeur en fon adclefcence. Ce que Bouchet dit de ces premiers effais de fa veine , dans fon Èpître en profe à Louis, Seigneur d'Elîif.
fac, mérite d'être rapporté, ce Au dé-ce
partir, dit-il, de mon imberbe & fol- ce
le jeuneflè, appelle d'aulcuns au fe- ce
cours de leurs amoureufes entrepri- «
fes, les voyant d'amour improbe fur- ce
montés & vaincus , & es deftroits de ce
defefpérée rage ; l'un d'iceulx tranfi ce
fans efpoir, l'autre éloigné fans caufecc
& aceufé de follement aymer ; &l'au- ce
tre prelTé d'amour non voulue : feis à ce
chafeun d'eux , à leurs prières & re- ce
quelles, un Lay d'amours, & auffi à ce
une jeune Damoifelle féduite par un c«
defloyal cœur. Et depuis pour les def-cctourner de fi violentes & conciables ce
affections , commençay faire un re- ce
mede contre leur amoureux mal, & ce
pour tous aultres de celle furieufe , ce
impatiente & perilleufe maladie tou- ce
chés & bleffés, par doulces inveclives «
LT
2.50
BIBLIOTHèQUE
» & remonftrances attractives & vériJEAN BOU- „ tables. Certain temps après ( en
CHET.
» i çoi. ) avant qu'avoir prins fin &
» conclufion en ces petits labeurs , ne
» es Regnars traverjms & Loups ravifans
(que l'Auteur femble compter ailleurs pour le premier de fes écrits)
» aulc-uns Imprimeurs de Paris, où lors
xftifois demourance, plus défireulx du
» rembourfement de leurs bourfes que
» de leur honneur ne du mien , avoient
» trouvé moyen de retirer partie de
»mes compofitions petites , & les
» avoient incorrectement imprimées,
s> & à icelle baillé nom & tiltre à leur
» plaifir, dont depuis y eut procès en
» la Cour de Parlement, diffini à la
:»confufion d'aulcuns defdits Impri» meurs. Ce qui m'avoit empêché de
» faire préfent du vray original , à
» ceulx aufquels mon petit efprit avoit
» les chofes deftinées. Et combien que
» ce me fuft en ce temps injure, ce
» m'a efté depuis plaifir. Car ignorant
» lors la vraye obfervance de doulce &
» confonante rythme Françoyfe, avois
x fuivi ceux les termes defquels m'ax voient efté plus plaifans que l'obferx vance des reigles des bons & vrays
» Orateurs vulgaires, où plufieurs font
•F * A w ç o r S E ;
x^i
«ncore abufés. Je ne fynalymphois « • i ^
lors les quadratures de la rythme de « JEANBOUdix & onze pieds, comme ont tou- ce CHAT*
jours fait Georges, Clopinel^ Ca- <c
*ltel, Jean le Maire, & aultres irré^cc
préhenfibles Orateurs Belgique?, qui «c
eft néceflairement requis. Et en ryth-.cc
me plate , qu'on appelle Léonine , «
rfordonnois ne entrelaflbis lesmafcu- c«
lins & féminins vers, comme a com- «:
munément fait M. Octavian de Saint <«
Gelais, Evêque d'Angoulefine, en fes ce
Epîtres d'Ovide & jEnéïde de Virgi-.cc
le par lui de Latin en Françoys tra- ce
duites ; defquels j'ay curieufement ce
fuivi la phrafe, en ce que mon rude ce
engin en a pu comprendre ; & aufli «
de la facilité dû langage des opufcules <«
cSclugubrations de M. Mefihinot, lorf- ce
qu'il vivoit, Efcuyer & Maiftre-d'Hoftel ce
du Duc François de Bretaigne. Appre- ce
nant de chafeun d'eux ce que trou- ce
vois bon, fans offènfer la rigueur des ce
. '.
reigles ; puys ay mis en ordre tel. que ce
je defirois, mon remède d'ajmer , le- «c'
quel je vous envoyé, &c. » Ce livre
contient donc également l'Amant tranfi'
& le Remède d'amour. La Croix-duMaine en cite une édition de 15 ô i » '
C'eft, fans.doute , celle dorit Bouchée "
Lvj
2<2
BlBllOTHEQUB
fe plaint. Il feint dans fès Angoijfet
JEANBOU- •que
CHJST.
Envellopé des amoureux abus
En la fureur de fa jeuneflë folle
i
Qui plufieurs gens, perd, confomme & aflblle ,
Vu premier poil de la barbe couvert,
p'adolefceace eftant au defcourert,
îl alla fe promener de grand matin, &
qu'étant arrivé près d'un bocage agréa»
b l e , il entendit les complaintes
D'ung pauvre amant, palle , maygre & tranfy ,
RempJy d'angoiiTe & d'amoureux foulcy ,
«Se qu'il mit par écrit ce qu'il entendit.
Il recueillit de même les plaintes des
autres amans qui furvinrent. Ainfi ce
recueil contient plufieurs Elégies, ou
les complaintes de Y Amoureux tranfi
fans efpoir; de l'Enfant bannj qui aime
far honneur j de Y Amant fecret qui plus
qu'il ne veult, ajme ; Se de la Dame fe
aompleignant de fon ieflojal amy. Ces
quatre Elégies font entremêlées de récits & de réflexions, & de quelques
Ballades & Rondeaux que l'Auteur
met dans la bouche des amans qu'il
fait parler. Il fuppofe enfuite que lorfque ceux-ci eurent fini de fe plaindre ,
Pallas, ou la Raifon furvint, les inf-
F R A N ç O I S E .
'
.25$
truifit de la nature & du caractère de •
fol amour ,.des dangers où il expofe ceux J £ AN ^°v*
qui fe livrent à lui, des maux qu'il leur CHET#
fait fouffrir ; des avantages de la chaft e t é , des moyens de remédier à la paflion de l'amour, & enfin de la beauté
de l'Amour divin. Un des remèdes que
Fallas donne contre l'amour , c'eft de
s'interdire toute lecture qui pourroit
entretenir cette paffion : fur quoi elle
dit :
Ne lifez plus Térence es Comédies,
Ne l'art d'aymer d'Ovide le Poète :
De Callimach laiilëz les Elégies ,
Semblablement les Carmes de Philete.
^Que voftre efprit nullement le délecte
De lire Ovide en les doulces Fpiftres,
Ne Tibullus ; laitTez Troya feulette.
Ils furent tous en Part d'aymer Magiftres.
Et aufli peu lirez de Charretier
Tues Laiz d'amour, ne Romant de la Roze:
De Fiorimond vous n'avez grant meitier ,
Ne des Romans qu'à plailir on compofe.
Lifez Traiâez dont la matière expofe
Dictiez mouvans à vivre chafteinent,
Et aymer Dieu de coeur fur toute chofe,
Et le prochain en Dieu femblablement.
Bouchet fut fidèle à fuivre ces maxiorges dans tous les ouvrages qu'il donna
554
BlBlIOTHEQUB
'
'•• depuis ; il y ramené prefque tout à fa'
J E A N a ° u - morale. C'eft en particulier l'unique
but qu'il s'eft propofé dans fes Regnxrds
traverfans les périlleufes voies des folles
fiances du monde , dont on a deux anciennes éditions Gothiques, in folio. J e
ne fçai pourquoi l'Auteur, dans une de
Ep pan. i. fes Epitres , compte cet ouvrage pour
r*'11'
la première defesproductions ; on vient
de voir le contraire ; & il eft certain
par ce qu'il dit lui-même au commen-'
cernent de cet écrit allégorique, qu'il ne
peut être le premier fruit de fa plume ,
puilqu'il avoit environ ving-huit ans
lorfqu'il leproduifit, & qu'il étoit Auteur, même avant fa vingtième année.
Voici en effet de quelle manière il commence fes Regnards traverfans :
Jeune fuis, & n'ay pas des ans trente,
Non vingt & huit ; toutesfois je me vante
D'avoir plus veu que je ne dy , ne compte.
L e commencement de ce livre eft en
profe & en vers ; mais dans la fuite
Boucher parle rarement en profe. C'eft
un amas de moralités que l'on trouve
partout, & que l'Auteur s'eft plû à rimer. La plus grande partie de fes vers
commence par j'ai veu. Mais il ne faut
pas s'attendre qu'il va rapporter une
F R A N ç O I S E .
25c
longue fuite de faits. Son livre n'eft -=
prefque qu'une prolixe lamentation fur JEAN BOU»
les péchés publics, & par conféquent CHET«
une defcription des mœurs de fon tems,
qui étoient fort dépravées, fi cette defcription eft fidelle. Dans le petit nombre de faits qu'il rapporte, & dont il
paroît ne fe dire le témoin, que parce
qu'ils s'étoient panes depuis qu'il étoit
au monde, il dit qu'il avoit vu les Turcs
Lever des fiéges en ung an plus de tîx :
Qu'il n'y avoit pas trois ans qu'il avoit
vu en l'air des croix
Gouttes de fang rendant vifiblement.
Il déclare enfuite que fon but en compofant ce livre, a été de repréfenter les
vices qui corrompent tous les états,
lbus l'emblème de Renards qui ravagent les champs par où ils panent, défaire connoître les effets de ces vices ,
& de détourner de ceux-ci en infpirant
de l'horreur pour eux. Mais il ne fe
renferme pas dans des defcriptions générales , il attaque chaque condition
en particulier, & montre que chacune
eft coupable du vice qu'il combat. Ces
peintures m'ont paru trop animées :
feouchet eft moins un maître qui ne
v
2<y6
BrBtlOTHEÇUE'
cherche qu'à inftruire, qu'un cenfeur
jEAN.Bou-de mauvaife humeur qui blâme tout
«HET.
indiftinéiement, & qui ne voit partout
que des crimes & des partifans du crime. Son livre eft rempli de perfonnalités, plus propres, félon moi, à bleffer
qu'à éclairer. A l'en croire, il n'y avoit
aucune partie faine dans les corps les
plus nombreux, comme ceux des Religieux mendians, des Moines de Saint
Benoît & de Saint Auguftin ; ni parmi
les femmes, aucunes qui fût fage &
Vertueufe. Il appuie fes réflexions par
des exemples qu'il tire indifféremment
de l'Hiftoîre fainte, de l'Hiftoire profane & de la Mythologie. Enfin, pour
ne rien omettre, il entre dans le détail
de tous les arts libéraux, & de l'abus
que l'on en fait, ou que l'on en peut
faire. Sur les Poètes, il dit entr'autrès :
L'ung ryme à tort 8c à travers ,
L'autre ne befongne qu'en profe ;
L'autre fait des Dictés par vers,
Ou raille en beaux termes couverts »
Tant que c'eft une belle chofe.
L'ung fçait le Rommant de la Rofe,
L'autre allègue Mathéolus ;
Ou parle du vent Eolus,
F R A N ç O I S E .
357
D'aucunes Nymphes ou Dryades,
•••• 1 »
Pour faire fauvaiges ballades ;
JEAN BOWEt aucunement ne congnoift
CHEV.
De terme qu'il parle que c'eft >
Et fi cuyde dire très-bien :
Mais cefle Orature fi plaift
A gens qui n'y entendent rien.
Cet ouvrage ne fut point imprimé fous
le nom de Jean Bouchet, mais fous celui de Sebaftien Brand, & voici la raifon que Bouchet nous en donne dans
l'Epître xi de la féconde partie de fes
JEpîtres morales-, où après avoir dit
aux Imprimeurs & Libraires , à qui
cette Epître eft adreflee, qu'il écrivoit
.depuis plus de trente ans, il ajoute :
Depuis ce tems vous avez imprimés
Douze Traités cy-aprés exprimés ,
- Faits & tifius par ma Ample Minerve
' En m'cibattant ; quinze encore en refcrve
Pour imprimer quand je verray le temps}
Tout à l'honneur divin où toujours tends ,
Et au falut & proftit de mon proche :
Je le fupply n'y acquérir reproche.
. Le premier fut les Regn»ris trtvcrfims ,
L'an mil cinq cens , qu'avois vingt & cinq ans.
Où feu Virsrd pour ma Ample jeuBefle
- Changea le nom , ce fut à luy fineflè,
.L'intitulant au nom de Moniteur Brtnd
'
i<)%
BIBLIOTHèQUE
Un Alemanc en tout fçavoir très-grand,
J E AV B o u *HET«
Qui ne fçeut oncq parler langue Françoue,
Dont je me teû, fans pour ce prendre n o i f o ,
Fors que marri je fus dont ce Vérard
Y ad jouira des chofes d'un aultre art,
Et qu'il laifla très-grant part de ma profe ,
Qui m'eft injure ; & à ce je m'oppofe
Au Chaftellet, ou il me paciffia
Pour un préfent lequel me defdia.
Voici l'éclairciflèment de ces vers. Parmi les poëfies Latines de Sébaftien
Brand, imprimées à Strafbourg l'an
14.98. i n - 4 ° . il y a une Elégie de cent
vers adreflee à Maximilien , Roi des
Romains, fous le titre de AlopeViomacbia, de fpeftacuto confUftuqtte Vulpium,
Comme cette pièce eut beaucoup de
cours, Vérard crut que fon édition des
Regnards traversant de Bouchet feroit
d'un meilleur débit, s'il la faifoit paroître fous le nom de Brand. Ce que
ce procédé peu régulier occaflonna,
eu. expliqué dans les vers que je viens
de rapporter. Ce qui paroîtra affèz fingulier, c'en, que Vérard qui vouloit
faire croire que Brand étoit l'Auteur
de cet ouvrage, y a néanmois laiflë à
la fin du treizième chapitre un endroit
qui décelé le véritable Auteur. Cet endroit ell intitulé : Exhortation où par la
F R A N ç O I S E .
559
premières lettres des lignes trouverez, le
nom de P A Heur de ce préfent livre & le JEANBOUlieu de fa nativité. Or ces lettres raflèm- CHET«
blées font Jehan Boucbet natif de Pot'
tiers.
Bouchet avoit d'abord terminé fon
livre à ce treizième chapitre; mais il y
fit depuis de longues additions fur la
vanité des fciences, fur les vices, &
fur les différens états de la vie ; & y
ajouta une exhortation à un mourant,
qui égale prefque en longueur le relie
de l'ouvrage.
Cet écrit fut fuivi de beaucoup d'autres ; & voici l'ordre que l'Auteur leur
donne dans l'Epître que j'ai déjà citée :
Secondement feis Vkifitirt à Cletaire
Roy des Françoys , & fans me vouloir taire
Feis par après la Défloration
De jointe Egltfe , & par affection
Feis quartement le Cbappelet des Princes
Tait pat Rondeaux, aulcuns bons, aultres minces,
Et par après le Cantenne dictay
Où mains bons mots à Jeuis-Chrift dict ay
Et à fes Saints , puis feis plusieurs Ballades ,
Et maints Rendetnx , non pour les gens malades
Du mal d'aymer, mais pour les gens devou
Prenans plaifir à lire divins motz
Une euvre après fut par moy confomme'e
lai Temple dit de benne renemtnief
200
ÈrBirorHEQUE
•
J E A N BOU-
Le Lakyrintke feis de Fortune après
Où les labeurs du monde on veoit bien près*
CHET.
L'ouvrage après que je feis le plus proche
Le Chevalier tut nommé fans reproche.
Dix ans avant j'avois encommencé
Vng aultre livre où me fuis avancé
Efcrire au vray mainte hiftoire certaine
Dont le tiltre eft, Annales d'Ajnitaine ,Que mis à tin l'an prochain précédent
Lt Cirvalier , qui luy tut fnccédant.
Après je mis, voire fous maints paraphe»
Des Rojs Francojs au long les Epltaphes,
Qu'à Monfeigneur le Daulphin prefentay.
A Bonnivet ; encore à préfent ay
Aultre Traitté pour luy qui eft en lame j
Finablcmerit des Triomphes de VAmt
Fuc faite préfent à la Reine en parlant
Près de l'oiiticrs, laquelle allois traffant.
L'Epître où Bouchet parle ainfi r e(t
du mois de Mai 1534. Pierre Gervais,
jijfejfeur de l'Ojjicial de Poitiers dans une
autre Epître adreiTée à notre Auteur,
& qui eft la vingt-deuxième entre les
Epîtres familières de celui-ci, change
'un peu l'ordre des compofitions de fon
a m i , 6c en ajoute quelques-unes don:
Bouchet ne fait point mention dans
l'Epître citée, Gervais après avoir dit
que Ion ami avoic acquis
F R A s ç o i s K.
iSr
:
'.
par fon efprir, honneur
A compoferlivres de grant labeur,
il ajoute :
Et tout premier les Rernsrds traverfans j
OU ne verras que chofes de bon Cens :
Secondement, Se pour l'euvre féconde
VUiftoire feit de fainte Fadetonde ;
Et le tiers tut Je Remède d'amours,
Ou l'on peut veoir plufieurs amoureux tours ,Avec le quart, ainfi que je contemple ,
Intitulé, de vrai honneur le Temple ,
Où font coinprins les gens bien renommés
Par leurs vertus, en ce livre nommés ;
Puis il a fait, j'entends fon euvtequinte.
Des fortunés la fente eu labyrinte ,
Et ung Epiftre h tous les Jufticiers,
Cens de praticque & Royaux Officiers.
Après a fait de feience haultaine
La vraye bifloire Annalle d'Acuuitaiue ;
Subféquemment un Ahritl des Rois
De ceftuy Royaulme, & leurs mors & defroys ;
Et le dernier, qui de mon cueur s'approche,Eft appelle Chevalier fans reproche.
D'aultres Dictés, Chanfons & Bergeries^
Xoralités il feit fans flatteries,
Bons Trioletz , Ballades & Rondeaux ,
En vers couppés & carmes tout nouveau»:
Et de prêtent, fon occupation
• Et paire-temps, eft pour la PaffioB
STSSSSOl
JEAN BOW
CJtET,
2.6 2.
^ » ^ ^ f i
JEANBOUCHET.
BIBLIOTHèQUE
Ou vray Saulveur prôpaller par myttere,
Car t r e s - p i e n "r*'1 conduire tel affaire;
C'eft en la Ville & Cité de Poitiers,
Où maintes gens iront très volontiers.
Cette lettre doit être de i 5 3 2. Du
moins la réponfe qu'y fit Bouchet fut
écrite durant la pefte qui affligea cette
année la ville de Poitiers :
Efcript un jour fâcheux te rechigné,
En la Villette, ou Bourg de Chauvigné,
Où feis jadis rime de mainte taille ,
Lorfque fuyois d'Atropos la bataille.
Je reprens les ouvrages dont il eft fait
mention dans les vers que je viens de
citer.
LHiftoire & Chronique de Clôtaire I.
Roi de France, & de fainte Radegonde
fon époufc , fondatrice du Monafere de
Sainte Croix de Poitiers, a été imprimée à Poitiers en 1557. in-4, 0 . Cet
ouvrage n'eft pas aufiî eftimé que les
Annales d'Aquitaine , quoique plus
rare, &fingulier dans ce qu'il contient.
L.'Epiftre dejuftice à Vinftruclion & honneur des Miniftres d'icelle ; le Chappelet
des Princes, & la Déploration de TÊglife excitant les Princes à paix , après
avoir paru féparément, furent revus &
corrigés par l'Auteur, qui les réunit
F R A N ç O I S E .
-26*3
&les publia en 1526. avec diverfes'
Ballades morales. Le but de l'Epître eft JEAN Boude faire l'apologie de la profeflîon de CHET«
Procureur, & de donner des avis à
ceux qui l'exercent, comme Bouchet
le dit dans l'Epître préliminaire qu'il
adrefle à Germain dymerj. Mais l'Auteur qui ignoroit la précifion, ne fe
borne pas à ces deux points ; il parle
encore de la diverfité des Loix divines
& humaines, de celles qui ont été fuivies dans les différens âges du mond e , des Loix Civiles & Eccléfiaftiques, des différentes fortes de Juges qui
©nt> été établis dans le Judaïfme , dans
le Paganifme, & depuis l'établiffement
de la Religion Chrétienne, des devoirs
des Rois comme Juges de leurs peu-'
-pies. Après quoi il paffe des Juges fupérieurs aux Juges fubalternes, fans
oublier ni les Sergens, ni les Exécuteurs de la haute Juftice. Cette lettre
eft de 15 24.. & l'Auteur l'a fait réimprimer avec fes autres Epîtres morales :
elle eft la cinquième du fécond livre.
Comme dans cette Efiftre de Juftice il
parle autant en Théologien qu'en Jurifconfulte, autant en Moralifte qu'en
Politique, il eut l'attention de la faire
examiner par un Théologien qu'il loué
264
BIBLIOTHèQUE
=5 beaucoup , & qui étoit Religieux de
JE*N BOU- l'Ordre de faint François. C'eft , fans
CHET.
doute, (xexejean de Trojes, de l'Ordre
des Frères Mineurs, dont on lit une
Epître Latine en profe au-devant de
l'édition de 1 5 26.
Le Chapelet des Princes efè un recueil
de cinquante Rondeaux & de cinq
Ballades, adreffé à Charles de la Tremaille, comme on le voit par les lettres
capitales des deux premiers dixains du
Probéme en Ballade. Les Rondeaux contiennent des inftructions pour les Princes,; & après chaque dixième Rondeau,
eft une Ballade. La première eft fur
les peines inféparables du commandement ou de la fouveraineté. Les quatre autres font fur les quatre vertus qu'on
appelle Cardinales. Ces pièces font fuivies d'environ trente Chants Royaux
& Ballades,. qui renferment encore
Bien des moralités. Dans une de ces
Ballades, Bouchet répond ainfi à ceux
qui lui reprochoient apparemment de
ne point fréquenter la Cour :
Quand je oy parler d'un Prince & de fa Court »
Et qu'on me d i t , fréquentez-y, beau Sire :
Lors je refpons, mon argent eft trop court
Je y defpertdrois fans caufe miel & cire j
_ Et qui de Court ralkhement defjrc,
F « A » Ç O I S E.
465
ÏJ n'eft que ung foui, & fort-ce Parceval :
Car on fe veoit fouvent ( dont j'ay grant ire )
Très-bien monté , puis foudain (ans cheval.
Adverty fuis que tout bien y a court,
Et que d'argent on y treuve à fuffire ;
Mais je fçay bien que diffiue & décourt
Comme' argent vif fur pierre de Porphire.
Argent ne craint (on maiitre defcoufire ;
Mais s'esjouyft aller par mont & val,
En le rendant pour en deul le confire ,
Très-bien monté, mais foudain fans cheval, & c
-
— ^ — « .
J E A N Boita
C8ET.
-t
Dans la dernière pièce, l'Auteur introduit l'Eglifè qui fe plaint de l'héréfiede Luther, de ceux qui s'adonnent
aux maléfices & à l'Aftrologie ; des vices des Eccléfiaftiques, & en particulier de la fimonie;du mauvais ufage
des biens de l'Eglifè ; du peu d'attention des Supérieurs à ne faire choix que
de bons fujets pour les élever aux faints
Ordres & aux dignités Eccléfiaftiques.
Après ces reproches mêlés d'inftructions qu'on ne s'attend point de voir
fortir de la plume d'un Procureur, l'Eglifè s'adrelte elle-même à chacun des
Ordres qui compofent l'Etat Eccléfiaftique, même au Pape, pour les exciter tous à réformer les abus dont elle
fe plaint, & à être eux-mêmes des mo»
Tme XI.
M
i.66
BïBiroTflÉQTjt
dtles que l'on puiflè imiter. Elle comJF *M Bou- parc les premiers tems de l'Eglife à ceCIIET.
lui qui fait l'objet de fes gémiflèmens,
& l'on n'a pas de peine à comprendre
que le paralelle n'eu pas avantageux au
dernier. Ellefe plaint de la guerre,
fait l'éloge de la paix, & exhorte les
Princes à fe réunir pour concourir à la
réformation des mœurs & à la deftruction des abus. Elle leur reproche d'avoir laine enlever Pille de Rhodes par
les Turcs, de voir tranquillement ces
Infidèles maîtres des lieux faints, &
les preflè de s'armer contr'eux. Enfin
Bouchet loue le Concile de Balle & la
Pragmatique, & fe fâche très-férieulëment de ce que les réglemens qui en
font émanés, fe trouvent prefque abandonnés. Toutes ces pièces, à l'exception de l'Epiftre de Juftice font réimprimées à la fuite des Généalogies & Epitaphes des Rois de France, à Poitiers
1545. in-folio.
Les Cantiques de la fainte & dévttt
orne y amostreufe & époufe de notre Stigneur Jefus-Cbrijl , font une nouvelle
preuve de la piété de l'Auteur. Bouchet parle de ces Cantiques dans là
quatre-vingt-quinzième de fes Epîtres
familières, à Louife de Bourbon, Ab-
F X A. W Ç O I S E.
iéy
béflè de Sainte Croix de Poitiers, &
' •
dit qu'il les a traduits ou imités d'un JEAN Bovouvrage Latin, qu'il ne nomme point; CHET.
M'a femblé bon de TOUS taire prêtent
D'un mien Traicté plus dévot que plaifant,
Ou j'ay deduyt par forme de prières
De ceft Amour divin plufieurs manières,
Suyvant un livre en Latin bien tiilii,
Et fort dévot, dont mon euvre eft yflu, fcc.
Après ces Cantiques, Bouchet met
dans la lifte de fes écrits le Temple de
bonne renommée, & repos des hommes &.
femmes illuflres, trouvé par le Traverfeur
des voies périlleufes, en plorant le très-regretté décès dufeu Prince de Thalemont,
unique fils du Chevalier (3 Prince jans
reproche. Cet ouvrage a été imprimé
dès i 516. C'eft un panégyrique en
vers de Charles de la Trémoille, Prince de Tallemont, fils unique de Louis
de la Trémoille, Vicomte deThouars,
&c. Charles s'étant trouvé à la journée de fainte Brigitte, c'eft-à-dire , à
la bataille de Marignan à une lieue de
Milan, qui fe donna le 16 de Septembre , ou félon Mézerai, le 13 d'Octobre 1515. y fut dangereufement bielle,
& étant mort de fes bleffures à l'âge de
trente ans,fon corps fut porté à Thouars
Mij
269
BïBIIOTHHQUB
.
au mois de Mars fuivant. Bouchet étoie
JEA^BOU- connu de ee jeune Seigneur qui feplai*
CHET.
pQjt ^ ij r e pes p0ëfies ; il en avoit même
reçu quelques bienfaits, & il avpit lieu
d'en attendre de plus confidérables. L a
douleur & la reconnoiflance l'engagèrent donc à écrire ce petit Traiclé, par
lequel, dit-il, je entends principalement
efirire les nobles meurs f? conditions dudiclfeu Prince de Tbalemont, la louable
forme de fin décès ; & fubféc'utivement en
ensuivant mon propos, remémorer & raconter les faitz, & gefies daulcunes vertueufes perfinnes, hommes & femmes de
totts efiais, qui vivent & vivront par bonne renommée...... afin de inciter les lecleurs
à vtrtut,.
Dans ce panégyrique, Bouchet après
avoir décrit la bataille de Marignan ,
plus en Hiftorien qu'en Poëte, fait
unç longue lamentation fur la mort de
Charles de la Trémoille, & prenant
ce-jeune Seigneur dès fon enfance jufqu'au temsdefamort, il raconte toutes
les belles actions qui l'avoient diftingué.
Les faits guerriers de Charles font connus : mais Bouchet le loue auffi fur fes
poëfies.
tth
l*V
par patte-temps Rondeaux faifoit,
Et conipofoit
F R À tf Ç O I S
fi.
Sourent, quand le temps luy- difoit,
Virelays Se métré héroïque ;
Son propos fi Mes conduifoit,
Ou giflait
Son poinct» que le fens reduyfoit
Ou vouloit, moral ou myftique.
Il aimoit auflï la Mufique ,
Et bien fouvent s'y déduyfoit :
C'étoit ung efprit Angélique,
Non ruftique ;
Bref tout bon loz en luy gifoit.
jjfjo
J E A N BOWCHET.
Le Poëte entrant enfuite dans une efpéce d'entoufiafme, mais ou il perd
bientôt haleine, ajoute :
Sors du tombeau, noble Orateur Pétrarque
Qui des Tufcains Orateur fuz Monarque»
Et ce Seigneur en tes Triumphes mecrz ;
S'il cuit efté du temps que fut Plutarque ,
Collaudé fuft tant ou plus que ung Tétrarque.
Bouchet prend une voie différente pour
loiier fon héros; il a recours à la fiction.
, Sous prétexte de chercher le corps du
jeune Prince, il demande s'il ne feroic
pas avec Jupiter, avec Mars, avec Venus , &c. & panant ainfi en revûë toutes les Divinités de la fable, il conclue
. chaque fois qu'il n'eft pas avec elles ,
parce que ces Divinités ont eu ou des M iij
,27°
BlBIIOTHEQXJE
••
défauts dont il étoit exemt, ou des oc-' EANEou "cupations qui ne lui conviendroient
pas. Cibelele voyant las de chercher,
le reprend de ce qu'il a pu s'imaginer
que le jeune héros pouvoit occuper u n e
place dans l'Enfer poétique , lui dit
que cet Enfer, tel que les Poètes l e repréfentent, n'eft qu'une fiction inventée pour inftruire les mortels, & elle
lui en donne l'explication, qu'elle conclut par lui montrer la place où eft celui qu'il cherche :
Il eft aftis au terrouer d'honneur
OH les vertus tiennent leur réïidence >
Environné du fleuve de boneur,
Fort eiloigné du Chafteau de douleur ,
Deûus un roch de moralle évidence.
Cibele lui ayant montré la route qu'il
doit prendre pour arriver jufqu'en ce
lieu , il fe met en chemin ; plufieurs
fentiers l'embarraffent ; prudent Avis
s'offre d'être ion conducteur, & le mené dans le champ des Vertus, où il lui
fait voir les demeures de Religion & de
Dévotion, de Foy publicque, de Difcipline militaire , de Prouejfe, de Force ,
de Juftice, de Tempérance, de Libéralité,
de Clémence, des Arts & des Sciences ;
Si enfin celle des Dames illttftres. Pru~
r F R à N ç cr r S £
s^r
-•'Aerit Avis fait arrêter notre voyageur à = = = a
chacune de ces demeures pour lui enJEANrBoufaire la defcription , & louer ceux qui C H E 1 /
.y habitent, tant les anciens que les modernes ; les Grecs, les Latins, les François, ceux que la fable célèbre, & ceux
dont Phiftoire fait mention. Ces éloges
font fouvent accompagnés de paralelles où l'Auteur met en oppofition les
mœurs de fon tems avec celles des âges
précédens. Par exemple, après avoir
parlé de ia difcipline militaire des anciens Romains, &du luxe qui en étoit
banni, il ajoute :
PluJieurs qui n'ont trois cens litres de rente
Portent draps d'or en robbe, voire en mente ,
Et ont Laquais , Barbier , 8t doubles Pages,
Où tout s'en v a , tant revenu que gages :
Puis ces bragars , quant ils en font au bout,
Et que contraincts ils font de vendre tout,
Mauldiffent R o y , fon fervice & Maifon,
Difans tout haut qu'on ne leur fait raifon ,
E t que tout l'or & l'argent du Royaulme
Sont foubz la plume, & non deflbubz le heaulme.
Peu après parlant du maniement des
finances chez les Romains, il invective' contre les Financiers de fon tems.
Mais ce qu'il leur reproche, s'elt dit
dans tous les tems. PalTant enfuite à
M iiij
Fol. xxx.
'pjx
BIBLIOTHèQUE
-
'' eeux qui fe font diflingués par leur
JEAN Bou-amour pour la juftice, il dit q u ' o n lui
CUIT.
jCt v o j r i e s tombeaux de plufieurs Juges
célèbres dont il ne fe rappelloit pas les
noms :
» Fors d'un vieillard nommé Jean Vacquerie ,
Que vingt ans a je vy fans menterie ,
Ou Parlement de Paris prélïder ,
Es les procès juftcment décider
C'eftoit ung Juge en faict, diét & faconde
Très-fuffifant pour gouverner ung monde.
Il n'eftoit point cnrial, ni fringueur ,
Et fi ne ufoit de trop grande rigueur.
Par crainte , amour, ne defir de pécune ,
Ne par faveur ne comrnift faulte aulcune.
Idieuht euft amé quitter au Roy l'office,
Que par fa coulpe on feift ung maléfice.
Prudent Avis ayant fait féjourner
l'Auteur plus longtems qu'ailleurs dans
la demeure des Arts & des Sciences,
Bouchet s'arrête aufli davantage à en
faire la defcription. Il y vit les Poètes,
les Orateurs, les Philofophes Grecs &
Latins, & il nomme les plus connus.
Mais nos François furent ceux qui fixèrent principalement fon attention. Oh
fent que c'eft avec plaifir qu'il parle'de
Jean de Meun , d'Alain Chartier, de
Milet, de George Ç h a M a i n , de Ca-
FRANçOISE.
£75
lrel, des deux Grébans, de Mefchinot,
-t
& de plufieurs autres. La poëfie dans JEAN Botv
laquelle ces Ecrivains fe font exercés, CHET«
lui donne lieu de faire l'apologie de cet
art contre ceux qui le méprifoient, &
de prendre en particulier la défenfe de
ceux qui compqfoient en François. Il
nomme auffi ceux à qui on attribue
l'invention des Arts & des Sciences,
& il fait honneur à Pierre Scboiffer de
l'invention de l'Imprimerie :
• Après je vyfoubzune giollè pierre
Ung Alemarr lequel fur nommé Titrrt T
- Qui le premier trouva l'impreffion,
Et à Magonce en fut l'invention.
Quand Bouchet eut vifité la dernière
demeura , celle des Dames illuftres , H
entra dans le Temple de bonne renommée ,
dont il fait pareillement la defcription.
Il y affilia aux obleques du Prince de
Tallemont, & entendit l'oraifon funèbre que l'on y prononça. Il ne manque
pas de la rapporter., de même que les
Epitaphes qui furent faites pour fon héros, par là Religion & par chacune
des vertus quipréfidoient aux demeures qu'il avoit vifitées.
, Les larmes que Bouchet avoir réijauduës fur la, mort du Prince de Tai~
Mr
274
B l B IIOTHEQTJE
=lemont, dévoient être eiîuyées , lorfJEANBOU-qu'il lui en fallut verfèr de nouvelles fc
CHAT.
environ dix ans après, fur la perte du
père de ce jeune Prince, Louis de la
Trimouille qui fut tué à la fatale journée de Pavie en 15 25. Attaché à cette
Maifon par eftime & par reconnoiflanc e , Bouchet ne manqua pas de témoigner l'une & l'autre, en écrivant l'hiftoire de celui qu'il regrettoit. Elle eft
intitulée r U Fanégyric du Chevalier font
reproche. C'en un ouvrage en proie,
mêlé de vers. L'impreuion en fut achevée à Poitiers le 28 Mars 15 27^ Ce
n'étoit pas avoir employé trop de tems
pour compofer & rendre public un écrit
de près de deux cens feuillets in-a".
ju?. Air 1rs „ Dans cette hiftoire , dit M. l'Abbé
au't ». iiefon » le Gendre, Bouchet ne flate que fbn
!"*• Ae Vr-x> héros ; & quand par occafion il par' 3 3 le des Rois & des Reines, il ne dé» guife point ce qu'il en fçait. L a defx cription qu'il fait de la bataille de S.
x Aubin ( fol. 5 6 & fuiv. j que gagna
93 Louis de la Trimouille> eft la plus
» belle que j?aie lûë. Dans Wiiâoire de
s>ce héros, eft contenue en. abrégé cel» le de Charles V I I I , de Louis XII „
s> & une partie de celle de François L »
M. l'Abbé le. Gendre ajoute t que £***
F R A N e o r SE.
s.y<sy
(het eft un homme entendu, & qui s'ex1
frime en bons termes. Il eft certain que JEAN Btvj
cet Auteur avoit été à portée de con- CHET«
noître par lui-même une grande partie
des actions de Louis de la Trimouille,
par les relations qu'il avoit avec ceux
de la Maifon de ce Seigneur, & parce
que lui-même fut attaché quinze ans à
fon fer vice, fans doute en qualité de
Procureur : c'eft ce qu'il fait entendre
dans fonEpîtrepréliminaire, où il dit r
Mais le îurplus contient auvray la vie
Du di£t Loys ; quiconque en ayt envie
De ce fçavoir, je tus par luy pourveu
Et'par fes gens , lefquels Vont a l'œuil veu ;
Audi je l'ay fetvy par quinze années,
Maulgré d'aulcuns les envies damnées.
Il faut pourtant convenir que la partie hiftorique de cet ouvrage eft prefque
noyée dans quantité de fidions, de digrefïïons, ck de poëfies qui font, pour la
plupart, étrangères au fujetprincipal.
Bouchet l'avoue lui-même.
Après avoir rapporté la généalogie
de la Maifon de la Trimouille, qu'il
fait remonter jufqu?au règne de Louis
V I I I , . il entre dans le détail de la naiffànce , de la première éducation, &
des actions les plus remarquables de la>
Mvjj
•
2?6
BIBLIOTHèQUE
t
vie de lbn héros. Mais comme le but
JEAN BOU- de l'Auteur étoit de rendrefon ouvrage
CHET.
inftruétif, principalement aux jeunes
Seigneurs, il entremêle fes récits de
beaucoup de réflexions morales & de
traits de l'Hiftoire ancienne ôc moderne. C'eft en particulier l'objet des fictions & des poëfies qu'il a répandues
dans ton livre. Les poëfies font toutes
fous des noms différens, comme ft elles
euflènt été écrites & envoyées par ceux
dont elles portent les noms. Ainfi Louis
de la Trimouille n'ell pas plutôt à la
Cour de Louis X I , que lbn oncle, M.
de Craon, lui envoie une Epttre contevent cent préceptes moraux, pour honneftement vivre entre ceulx du monde. L e jeu-
ne Seigneur conçoit plus de paflïon qu'il
ne devoit pour une jeune Dame dont
le mari l'avoir reçu chez lui ; dès ce
moment toute la maifon: devient Poète. C'eft en vers que Louis exprime fes
fentimens tendres, mais refpectueux ;
paflionnés quoique revêtus de- l'apparence & du langage de la vertu ; condamnant lfobjet: de fa paflïon , parce
qu'il n'eft pas légitime , & faifant connoître qu'elle eft violente, parce qu'il
l'écoute , même en la corfoarnnant.
C'eft en vers que la Dame répond , pour
F R A N Ç O I SE.
ZJJ
témoigner fa reconnoiflance , & faire = = s = s
ientir néanmoins que la paffion deJ E A N ^ 0 U "
Louis delà Tfimouille doit être facri- CHET*
fiée au devpir. C'efl aufli en vers que
le mari écrit au jeune Seigneur pour
l'inflruire en paroiflant le flater , & en
feignant d'entrer dans fes vues. Mais
Bouchet porte la' fiction trop loin en
fuppofant que le mari confeille à fa femme , malgré toutes les répugnances de
celle-ci, de donner elle-même la lettre qu'il a écrite, & de feindre qu'elle
confent aux defirsde fon amant, pourvu qu'elle lui, promette de s'en tenir à
la feinte. Bien des maris auroiènt, je
crois, raifon de ne pas tant hazarder.
La rufe réunit, parce que le but de
l'Auteur étoit qu'elle réufsît, & qu'il
étoit le maître de fa fiction.
On veut faire époufer à Louis de la
Trimouille, Gabriellè de Bourbon ,
de la Maifon de Montpenfier , & dèslors nouvelles lettres en vers de part &
d'autre. Louis , Duc d'Orléans , depuis Roi fous le nom de Louis X I I ,
s'étant révolté, le Seigneur de la T r i mouille lui écrit en vers pour le ramener à fon devoir ; le Duc d'Orléans lui
répond de même pour faire valoir fes
fujets de plaintes. & de mécontente-
r?%
BlB iroTHEQUE
i...' ' '• ment, & M. de la Trimouille les réfuJEAN BOU- te au ffi en vers. Le Duc devenu Roi,
CBET.
veut faire cafier fon mariage avec Jeanne de France, qu'il avoitépouféemalgré lui, Jeanne y confient, &c'eft en vers
qu'elle donne ce confentement qu'elle
envoie au ,Roi, Mais Boucher a violé
les convenances dans cette pièce : Jeanne n'auroit pas appuyée fon confentement des raifons indécentes & peu vraifemblablesdont elle l'étaie, fi elle l'eut
pris pour fon Secrétaire.
L.çs autres poëfies répandues dans
Fouvrage dont je vous entretiens, font:
Epirre du Seigneur Loys Sfbrce au Seigneur de la Trémoille, contenant le faulx
tiltre que les Sfirces prétendent en la Duché de Milan, & la Réponfe de M. de
la Trimouille , contenant le bon droit que
le Roy Louis XII a en laditte Duché à
caufe de fon ayeule Madame Valent'm :
Epitaphe de Jean de la Trimouille,
Cardinal, Archevêque d'Aufch , &
Evêque de Poitiers, mort à la fleur de'
fon âge en 1507. à Milan : Epitre cottfolatoire , au nom de Bouchée, à Gabriellede Bourbon, femme du Seigneur
de la Trimouille,. fur la mort de leur
fils unique Charles de la Trimouille y
avec l'Epitaphe de celui-ci.,. & une au-
F R A N" Ç ï> I S E,
279
tre pour Gabrielle de Bourbon , qui
•
mourut de chagrin de la mort de fon JEAN Boafils : Epitre de Louis de la Trimouille CHET.
à la Duchefle de Valentinois,. qu'il
époufa après la mort de Gabrielle de
Bourbon : Epître de bannefie anour de la
Dame de UTrémoillc à Monseigneur fou
époux, au mois de Janvier 1 5 24. M. de
la Trimouille étoit alors Lieutenant
Général pour le Roi à Milan. C'eft la
dernière lettre écrite au nom de ce Seigneur,, qui fut t u é , comme je l'ai d i t ,
à la bataille de Pavie. Bouchet s'arrêre à décrire ce qui fe paffa en cette journée, & fak fake pour le défunt des
Epitaphes au nom de la France, de
ia Bourgogne dont M-de la Trimouille étoit Gouverneur,. de la Bretagne
& de l'Aquitaine dont il étoit Amiral >
du Poitou où il avoit plufieurs terres
Seigneuriales,, de la Touraine où étoit
fituée fa Seigneurie de l'ifle Bouchart >
de la Sologne où il avoit celle de SullyCes Epitaphes font fuivies d?une autre
eu Louis de la Trimouille parle luimême, & rappelle en abrégé tous les
faits qui font racontés plus au long:
dans l'ouvrage dont il s'agitBouchet, dans l'avis au lecteur qu'on
£k aurdevantde fes Egîtres morales de
a8«
BlBIIOTHÏQtfE*
- • .• •— l'édition de 1545. fe plaint de ce que
JEAN Bou-^5 ] m p r 'nieurs ont féparé fes Epîtret
CHET.
rimées, de la profe du Chevalier fans re-
proche, c'eft-à-dire, de l'ouvrage dont
je viens de vous parler. Cette féparatien
fut faite en 1536. qu'on imprima en
effet un recueil de toutes les pièces en
vers qui font répandues dans l'hiftoire
de Louis de la Trimouille. J'ai vu ce
recueil, dont le titre eft, les élégantes
Epiftres extraiftes du Panégjric du Chevalier fans reproche Menfeigneur Lojs de
la Trémoille, compofées par le Traverfeur
des vojes périlleufes, Àiaiftre Jean Bonchet, Procureur en la Court de Poitiers ;
auxquelles Jont comprins plufieurs chofes advenues au temps dudiil la Trémoille ,
avecque les Epitapbes des pays & lieux
dont il eftoit Seigneur & Gouverneur.
Dans PEpître dédicatpire en profe
adreffée à Florimont Robertet, Chevalier, Baron d'AHuye, &c, qu'on lit au
devant du Chevalier fans reproche, Bou-
chet craint qu'on ne l'accufe de flater i e , comme on l'a fait, dit-il, au fujet de fon Labirinthe defortune. Ainfi ce
dernier ouvrage avoit précédé Phiftoire
de Louis de la Trimouille. En effet Enguilbert de Marnef, libraire-Juré dol'U-
viverfttéde Paris, avoit obtenu un privi»
FRANçOIS!!.
281
légepour l'impreffion de ce livre dès le 6
"t
Novembre 15 22.6c l'ouvrage avoit été JEAN Bot*
examiné & approuvé par Antoine Ar- CHET •
dillon , Abbé Régulier de Fontainele-Comte, comme on le voit par la
lettre Latine de cet Abbé à Jean Bouc h e t , & par la réponfe Françoife de
celui-ci, qui eft du premier Novembre 1 522. Ces deux lettres font au commencement du Labirinthe , qui ne Fut
cependant imprimé que le 2.6 Mars
1 5 24.. à Poitiers, par Jacques Bouc h e t , in-4. 0 .
Ce livre, dédié à Madame Marguer i t e , fceur de François I , Duchefle de
Berri & d'Alençon , eft divifé en deux
parties annoncées dans le titre même :
l'une eft le Labirinthe defortune; l'autre,
le Séjour des trois nobles Dames. Le but
de l'une & de l'autre eft de donner à toutes perfonnes efiant en adverftté & tribulation quelque bon efpoyr & confort ,• avec
une briefve infiruclion pour avoir connoyffance defoy, & pajfer les périlleufes voyes
de ce defpiteux monde. Cet ouvrage fut
fait à l'accafiorr de la mort à'Artur de
Gouffier, Chevalier de l'Ordre, Comte
d'Eftampes , Seigneur de Boiffy , 6c
grand-Maître de France, pour confoler fa veuve Hélène de Genly. Artur de
2Ù3.
BIBLIOTHèQUE
,t
~ Gouffier mourut d'une colique à MonoJEANBou-pellier, au mois de Mai 1519. âgé
CHET.
d'environ quarante-cinq ans. Bouchet fait au long fon éloge , & prend
occafion de fa mort pour parler de la
vicimtude des chofes humaines. Mais,
félon fon ufage ordinaire, pour traiter
cette vérité fi commune, il a recours
à la fiction.
Il réalifq le Labirinthede la fortune,
en donne la deicription , & montre ï
celui qu'il conduit dans ce Labirinthe
tous les changemens qui font arrivés
depuis prefque l'origine du monde-',
entr'autres les révolutions des grands
Empires. Bonheur 8c Malheur qu'il trouve dans le Labirinthe, s'entretiennent
enfernble fur ce fujet, chacun contant,
l'un la fortune , l'autre l'infortune des
Hébreux , des Afliriens, des Médes,
des Perfes , des Grecs , des Romains,
des Goths, & enfin des Anglois, des
François & des Vénitiens. Doélrine véritable vient terminer ce long & ennuieux dialogue, pour reprocher à l'/î>
eïeur fon afliduité à cultiver les fciences
humaines, & lui apprendre que la feule fcience véritable eft de s'étudier foimême pour fe bien connoître. Elle ne
reprend cependant que l'abus desfcien-
F X A N Ç O I S Et
ZÎ J
ces ; elle loue même celles-ci, & con-==-—=—
Vient qu'elles font utiles, & qu'on peut JEAN Bouen faire un bon ufage. Malgré cet aveu, CHET. ,
humaine Discipline paroît pour défendre
fa propre caufe. Cette difputè, ou ce
dialogue eft en vingt-fix Rondeaux,
q u i , en vérité, ne méritent guéres d'être lus. L'Acteur qui avoir dormi pendant cette conteftation , qui ne s'étoit
paflTée qu'en fonge , s'étant réveillé ,
demande raifon à véritable Doârine de
tout ce qu'elle a avancé contre humaine Difcipline. Elle y confent, & l'entretient alors des plus hautes vérités,
de l'eflènce de Dieu & de fa puiflance,
des caufes fécondes, de la prédeftination , de la providence, &c. \JAâeur
fait quelques objections, véritable Doctrine les réfout, & lui parle de la vraie
béatitude & du chemin qu'on doit tenir pour y arriver ; ce qui conduit Bouchée à la féconde partie de fon ouvrage,
qui eil le Séjour des trois nobles Dames ,
lefquellesfont la Foi', ï'Efpérance & la
Charité. En traitant de ces Vertus ,
l'Auteur a foin de parler des vices qui
y font oppofés, & cenfure avec fa liberté ordinaire les mœurs de fon tems.
Dans une longue Epître en profe
qu'on lit à la fin de ce livre , 6j qui eft
z%4{
BIBLIOTHèQUE
ladieffêei Jacques Prevtft , Docleur en
3EAnBov-Théologie, Régent en l'Univerfité de Poi««ET.
tiers, Bouchet dit qu'il a compole cet
ouvrage à la campagne où la pelle l'avoit obligé de fe retirer, & qu'il n'y
avance rien qui ne foit fondé fur l'Ecriture, fur les Pères, les Philofophes,
les Orateurs, &c. & en effet les marges font chargées de citations. A la fin
de la même Epître il dit politivement
qu'il étoit né à Poitiers. Cette Epître efl
fuivie d'une autre en vers à Jean d'Authon, Abbé d'Angle , Chroniqueur du feu
Roi Louis XII. Elle ell fur l'inllabilité
du monde, & pour prier. Jean d'Authon de corriger exactement fon ouvrage, qu'il lui avoit envoyé avant de le
publier. Suit la réponfe de l'Abbé d'Angle , aufli en vers : ce n'ell qu'un éloge
de Bouchet & de fon livre. L a difpute entre Bonheur & Malheur, qui fait
partie de celui-ci, a été imprimée féparément fous ce titre : le Conflit de l'heur
& malheur, par dialogue. Cette édition
s'eft faite à Paris chez Denys Janot.
Les Triomphes de la noble & amoureufe Dame ; & l'art de bonneftement aimer , font encore un ouvrage moral,
où Bouchet s'exprime plus fouvent en
profe qu'en vers. C'eft une allégorie
FRANçOISE.
A8J,
dcl'ératdel'ame depuis qu'elle eïl unie ;
au corps jufqu'à ce qu'elle en foit fépa- JEAN BOU*
ree ; & en même tems une expofition « I E T .
détaillée des inflructions que lui donnent les vertus ; des combats que lui
livrent la chair, le démon & les vices,
de la lâcheté qui la porte à fuccomber
quelquefois fous leurs efforts, & de*
victoires que la Grâce lui fait remporter fur ces ennemis. L'ouvrage eft divifé en trois parties, & adreffé à Madame Eléonor , de l'Impériale Maijon
d'Autriche, Royne de France,fille de Roi,
faur d'Empereur, & Royne douairière de
Portugal. Dans une Epître aux lecteurs,
Bouchet dit qu'il étoït alors dans la cinquante-quatrième année de fon âge ;
qu'ainfi tout ce qu'on va lire dans fes
Triumphes, n'eft que le fruit de fes lectures & de fon expérience ; mais que
comme il auroit pu fe tromper en traitant des matières fi fublimes , il avoit
fait revoir fon ouvrage par un DoUeur en
Théologie de l'Ordre defaint François. Il
ajoute qu'il a compofé ce livre pour fiatisfaire au temps qu'il a peut-être follement
confiumé a eficrire Ballades, Rondeau*,
Epifires, Eglogues, Satyres, Elégies, Déflorations , Narrations, Regrets , Complaintes » # autres Opufcules qu'il craint.
±%6
BlBlïOTHEQUE
n'eftre plus curieux que nécefaires ; côntJEANBOU-S**>» que, continuë-t'il, ma principale inCHET.
tention ajt tousjours été par fictions, pdéfies
& hifioires, tendre à la louange des vet'
tus & à l'opprobre des vices, ainft qu'on
peut veoir en les lifant. U n autre motif
y
qui le porta à écrire fes Triumphes, étoit
d'empêcher les femmes de lire les traductions de la Bible faites par les Hérétiques , & les autres ouvrages compofés par eux ; & fuppléer par fon livre
a ceux dont la lecture devoit leur être
interdite. Enforte qu'il regarde le fien
comme un Manuel de doctrine, finon
fuffifant, du moins très-propre pour
diriger les mœurs au bien.
Je ne doute point que cet ouvrage
n'ait pu être en effet utile en Ion tems,
malgré fa prolixité, & tout le verbiage
que j'y trouve ; j'y ai lu des règles trèsfolides, des principes fort judicieux &
d'excellentes réflexions. L'Auteur s'y
montre en même tems Philofophe, CaFoi. m. &fuifte, Théologien. Mais il s'égare aufli
quelquefois, ou donne dans des* opinions ridicules. Par exemple, lorfque
dans la première partie, il veut enfeigner à l'ame la manière de bien gouverner le corps, il fait de chacune des
parties du corps une defcription anato
F K A ST Ç'O I 5 B.
£%f
ïïiïque , qui n'eft rien moins qu'exac•!
t e , & quelquefois indécente. Les pie- JEAN BOU*
ces en vers que l'Auteur a femées dans C HET.
cet ouvrage, font l'Epître dédicatoire Fo1, "T1U
qui eft: adreflée à la Reine Eléonor,
des Exclamations de l'ame contre ceux
qui violent telle ou telle vertu; des
Epitrès de l'Ame à Jefus-Chrift, avec des
_
Réponfes de Jefus-Chrift, des Oraifons,
ckc. Ces poëfies ont été extraites du livre , & imprimées féparément à Paris
en 1536. in-8°.
Dans la première de ces pièces en
v e r s , l'Auteur, fous le nom de la Dame amoureufe de bonne fie amour, déplore
ainfi lui-même (es propres pallions :
Jeune je fiiz, & comme jeune ay faiôi ;
Et en entrant en mon aage parfait ,
Helas je vy les dangiers de jeuneue ,
Alors congneu mon citât imparfaict
De cinquante ans que j'ay vefeu au monde
Et ung peu plus ,'cn choie tant immonde,
Plus des cinq parts je y ay mis & perdu.-
T o u t le refte eft fur le même ton , fort
humble & très-dévot.
Cet ouvrage fut imprimé à Poitiers
dès 1 5 3 o. il eft de cent foixante-fix feuillets. J'en ai vu quatre autres éditions. La
première in-folio à Paris, pour Arri-
aSa*
BiBiroTHEQtri
;
broife Girault, le zi. Juin 1536'. la
J EâN ^ 0U *féconde, la même année,. aulfi à Paris , in-folie, par Guillaume de Bolîôzel ; la troifiéme dans la même Ville,
le 6 Octobre 1 5 37. in-8°. & la dernière, encore à Paris, par Etienne
Groulleau, en 1555. in-8°. Celle-ci
eft précédée d'une analyfe des trois parties de ce livre, fous le titre d'Epilogue.
Dans l'édition de Boflôzel, après l'Epître dédicatoire à la Reine Eléonore,
on trouve une autre Epître , aulfi en
vers, à Mejfire Loys Rouf art, Chevalier ,' Seigneur de la Fojfonniere & de
Noire-terie, Maifire de M. le D/tuphi»
premier enfant de France. Dans les Epitapbes qui font à la fuite des Généalogies
Edition de des Rojs de France, Bouchet donne l'Eladuèt Te. pRaphe de ce Chevalier, où on lit qu'il
eft mort l'an 1 544. âgé de foixanteN
quinze ans. L'Epître qu'il lui adreflê
eft curieufe.
Bouchet y remercie d'abord Louis
Rouflàrt des lumières qu'il lui avoir
données fur la poè'fie, & nous apprend
que ce fut ce Chevalier qui le fit venir
à Paris
Recogitant nuyt 4c jour l'excellence
De celle amour, que par fc-cgoivolance
,
Avez'
F R A N ç O I S E .
289
" A r a à moy , très-hardi CheTatier,
« ^ — . —
N o n d'aujourd'huy feulement, ne d'hier,
J E A N B O J*J
Mais il y a des années Lunaires
CHET.
N. Neuf •. ingt au juft, & quinze de Solaires,
-Quand il vous pleuft à Paris me appeller,
Et des fecrctz aulcuns me reveller
D u tant uobic an de doulce Rhetoricque
Dont vous avez le fçavoir & praticque $
Par le moyen de quoy je, corrigeay
Le Chaprelet des I'rinces que erigeay
A la rigueur de toute quadrature ,
Et du rentrer & clore en l'ouverture ;
E n tous mes vers de Epiftres Léonyns
Je entremeiiay depuis de féminins
Et mafeulins deux a deux, dont la taille
Reforme fort, s'il advient qu'on n'y faille.
Nous apprenons de la même Epître,
que Rouffart avoit déjà pafle vingt-deux
fois les Monts, tant pour caufe de guerre , que pour diverfes affaires dont il
avoit été chargé :
Premièrement fuftes à la bataille
Qui fut en mer, qu'on nomme la Racaille,
Puis à Navarre & à d'Aft la Comté,
OU huyt Tournoys filles, tout bien compté ;
Que fans lui, & fans ce qu'il imagina,
Milan n'auroit pas été conquis, AleTome XL
N
i^o
BriptUOTtfeqtr e
i,..iL-jmit xandrie n'auréit pas été prife , Louis
Sforce n'aurait pas été fait priibnnier :
Que dès fa jetmefte il avok accottipagné le Rc4 , avec qui il éttoït au voyage de Gènes •; qu'il s'eft trouvé à la
guerre contre les Vértitietis , à 4a joutnée de fauwe Brigitte ou 'batanl'e de
Marignan^&c.
JEAN BouCHET.
Car quarante.ans y a que vous avez
Toujours i'crvy la-couronne de France.
Bouchet ajoute/que lorfque le Pauphin, fils de François I. &Je Duc d'Orléans , frère du Dauphin , furent envoyés en otage en Efpagne lors de la
délivrance de François 1. Rouflàrt fut
fait Maître-d'FIôtel de ces Princes f dc
qu'il féjourna ayec eux en EtpagneTefpace d'environ 'quatre ans & fix mois ;
qu'il y fut deux ans prhonnier, pendant lequel tems il cornpofa deux Traités , l'un fur l* Blafon & les firmes;
l'autre >
Com*ie'on!fedôit es fnairbns des grandsTTinces
Entretenir par règnes fc provinces.
Bouchet defire que ces deux Traité
foient imprimés, Sc-i&fesxmc au fien,
ildic:
F R A K ç O I S é .
ZCi I
SI mon livret mérite cPeftre veu ,
Et que voyez qu'il fait d"eftre leu digne ,
Je vous (upply car rcquefte bénigne
En faire ung jour à la Royne préiènt,
Tel que verrez, fans que foyes préfent,
Hon en cfpoir d'en avoir récompenre
De bien mondain, a cela peu je penfe ;
Ce m'eft aflêz que Dieu en foit loiié, etc.
J E AN BOI/CHET. •
Dans l'édition de Girault 1536. on lit
à la fin des vers Elégiaques Latins de
Nicolas Petit ( Parvi ) de Bellozane, ad
Jacobum Vallam Cadomenfem vtrum juris
utriufque confulttjfimum. Ces vers font à
la louange dulivre-de B<»uchet, & il y
eft dit que c'efi le dixième, de fes ouvrages.
J'ignore fi le Chevalier Rouflart présenta à la Reine iesTriumpves de la noble & amoureufe Dame, mais Roiichet
nous apprend que fon ami eut l'honneur de donner au JAoi .un autre de fes
ouvrages , intitulé, le Jugement poëtic
dé l'honneur fémenin, & fejour des itluftres, claires ie> hvnneftes Dames. Voici
ce qu'il en dit dans ta quatre-vingt-feïziérne Epître familière.
Pais deioy an, le Chevalier Rodr&rt
Nij
y^——^
J F AN EauCliET,
Jtl)Z
BlBlIOTHEQUE
A fàiét préfent au Roy de mon rude art,
*-'eft ' e Balais où font les claires Dames,
Dont par efcript j'ay mis les Epigraiiunes,
Tout à l'honneur du fexe féminin,
Des détracteurs guériffant le venin.
Lequel livret contient la renommée
D'une qui fut pour fes meurs bien nommée
Mère du Roy, dont la gloire & le nom
Vivront toujours par éternel renom.
Cette Epître eft adreflee à Madame
de AFonjlreuil-Bonin , Gouvernante des
Dames de France , plies du Roy , & ce
que Bouchet y ajoute parlant du même livre,
Je vouldrois bien avoir eu la licence
De l'imprimer, pour fa magnificence ,
eft une preuve que cette lettre fut écrite avant l'an 1536., puifque le Jugement po'étic fut imprimé cette année in8°. à Poitiers. Il eft dédié à Anne de
Laval, femme de François de la Trimouille, lequel étoit fils de Charles de
la Trimouille, Vicomte de Thouars,
Prince de Tallemont, &c. Dans l'Apologie de F Auteur, qui eft en p r o f e , &
qui commence ce livre, Bouchée dit
qu'il y avoit déjà longtems qu'il avoit fait
préfent de fon écrit au Roi ; ainfi c'é-.
.FRANÇOISE.
icj
_
toit avant l'imprerhon. Il pfotefte dans
cette Apologie, qu'il n'a bas deffein JEANJBOU'J
T*
Si
j
r
-
. , • CHKT*
de préférer rhonneur des femmes a celui
des hommes, mais toute affection ceffant,
garder a chafcun fon ordre, & monftrer
que le fexefémenin eft à honneurer en fort
ordre & qualité comme le mafculin. Cependant toute la fuite de cette Apologie , qui eft fort longue, n'eft qu'un"
panégyrique des femmes, une énumération de celles que l'Hiftoire & la Fable ont célébrées , & une Apologie du
mariage.
La féconde partie de ce livre, qui
eft toute en vers, commence par une
Epître au Roi François I. à qui Boucher offre le détail des vertus de Louife de Savoie, mère de ce Prince, Dùcheffe d'Anjou & d'Angoulême, &c.
qui étoit morte à l'âge d'environ cinquante-huit ans. Le Poète fait prononcer ce Panégiric par Mercure qui Je tranfporte au champ de Vérité par devant les
Juges de bon ou mauvais renom. Après la
defcription du champ de Vérité, Mercure ayant commencé l'éloge de Louife
de Savoie, envoie chercher trois Nymphes pour appuyer par des preuves ce
qu'il vient de dire. Ces trois Nymphes
font Nature, Fortune & Grâce. La preN iij
•
594
r
BIBLIOTHèQUE
miére parle des qualités corporelles de
JEANBOU- Louife, la féconde étale fes richenes >
CHET.
i a troifiéme fait l'éloge de fes vertus.
Quelques Juges contredifent , mais
très-modeftement, & Mines prononce
fon jugement, qui eiî favorable à la
Princeiîè. Dès que cet Arrêt a été prononcé y Bouchet feint qu'on le conduit
zaféjour des claires Dames t & cette féconde fiction n'eft que pour avoir droit
d'entaffer une multitude d'Epigranarnes
qu'il avoit faites, ou qu'il compofa exprès à la louange d'un grand nombre
ae femnaes mentionnées da
ou dans la Fable, en commençant par
Eve. Il finit cette énumération par une
invective contre ceux qui blejfent l'bortnevt
des Dames, & par quelques pièces rimées fur l'honneur en général. Dans la
dernière de ces pièces , c'eft l'Honneur
qui parle elle-nrême , & qui fait l'éloge de Louife de- Savoie : tout cela cft
fort plat.
Bouchet avoit donné depuis quelques années fes Généalogies anciennes Si
modernes des Rojs de France , avec leurs
Fpitapbes. J'en ai vu trois éditions : la
première, pour laquelle l'Auteur avok
obtenu un privilège le 54. Avril 1 558.
fut achevée le 57 Novembre 1 5 3 1. la
FRANçOISE'.
aoj
féconde eft de 15 3<Q\ & la liroifiérae de ir •
1545 i Le privilège , daté de Formai- JUANBW-nebleaule 3 Janvier 1543. permet à
Bouchet défaire itnp/inm ce préfent livre , intitulé hj Gfnédegkt., Effigies &
Epitapjb.es des Jicfs, de Fronce, &• autres
livres par lus otmpofis, tant- ce*» qui ont
été cidevant imprimés , fis ouitrès par lut
de nouveau diètes & accomplis. Cà que
ces trois éditions w t de commun, c '«u
que Çouchet y recherche l'origine des
François, en rejnor^antjuiqji'à la guerre de Troye ; qu?il traité des Rois François en Germanie, & qu'il conduit Tes
Généalogies depuis Pharamond jufqu'à
Louis XH inclufivernenti. Chaque Généalogie commence par un Abrégé en
proie, d» la vie du Roi dont if y eft
queftioH , & l'Auteur répète à peu près
les mêmes choies en vers, ce qu'il appelle Epitapbe,-parce que dans ces vers
jl fait parler le Roi défunt, & qu'il
marque les années de fon règne & la
date de fa mort. On lit dans ces trois
éditions une longue Epître dédicatoir e , où l'Auteur fait l'éloge des François ; elle eft adreflée à trisbault&- trèsillufire Prim M- François I. enfant &
Dauphin de France. Voici en quoi ces
mêmes éditions différent entr'elles.
N iiij
2o6"
.
BIBLIOTHèQUE
Dans celle de i 5 31. on trouve au
JEAN BOU- commencement une Epître de l'AuCHET
*
teur, en proie, à Anthoyne Dupré ( c'en
Duprat ( Cardinal, Archevêque, de Sens,
Chancelier de France. Bouchet n'y donne fon livre que pour ung art de AAémoire, contenant, non au long, mais en fontmaire , l'hiftoire & généalogie de chafcu
Roy de France, avec leurs effigies faides
félon la mutation des temps, la qualité de
leurs perfonner, Ç$ quantité de leurs ans
Enfuite eft une Epître en vers , au trèsprudent (3 bardy Chevalier orné de loquen
ce Latine , Mejfire Marc, Vicomte delà
Mothe au Groing, Seigneur de la Meriniere. Bouchet y expofe fon fujet, la
difficulté qu'il a trouvée à le traiter,
furtout pour ce qui regarde l'origine
des François j & prie le Vicomte de revoir & de protéger fon livre. Cette Epître eft auflï dans l'édition de 15 3 6. J'ai
lu dans celle de 15 31. quelques vers
Elégiaques Latins de Nicolas Parvi (ou
Petit ) le même à qui Bouchet adreflè
fa vingt-unième Epître familière, où.il
le qualifie Régent de Paris, & lors étudiant a Poitiers ; & de plus une longue
pièce du même, auffi en vers Latins,
fous ce titre : Carmen herotcum de loua
bus Gallia, ad D. Petrum A mboniW>
FRANçOISE.
297
Conftliarium Regium, utriufque jtiris con- — • . ~fttltiffimum. Dans l'édition de 1545. on JEANBoune lit que l'Epître à M. Duprat, celle CHETv
à François I , & un court avertiflement
où Bouchet dit : « Je, quiavoiscorn- ««
mencé efcripre en vers & profe cer- ««
tains opufcules, fuyvans la phrafe«
d'aulcuns anciens Orateurs Françoys, «
" qui ont efeript plufieurs traictés fi *c
très-bons en matière que rien de plus, œ
toutesfois en ftile ung peu barbare , «e
durant les règnes de Charles VIII & ceLouis X I I , derniers Rois de France, «e
j'ay reveu, corrigé & amendé, félon te
les modernes Orateurs, aulcUns de ce
mes opufcules, & iceUlx remis en «*
leur ordre au plus près qu'il m'a eftéce
poflible du ftyle que les Orateurs de «
ce temps gardent & obfervent ; lef- cequels j'ay faicï imprimer, & aultres ce
que je n'avoys mis en lumières, en te
cinq tomes , dont ceftuy eft-le troi- ce
fiéme. » Il demande à la fin qu'on ex~
eufe fes fautes fur fon âge [eptuagénaire& fa profeflion de Procureur.
Outre les Généalogies des Rois de,
France, ce volume contient plufieurs ;
ouvrages déjà imprimés,. & dont j'àï!
parlé ;, comrne'ie Chappelletdes Princes',;
les: Ae ndemx& Ballades morales j la Dé--
2<)$
BIBLIOTHèQUE
— • - - ploration de l'Eglife ; les Angoyjfes <TA*J E A N B O U - ^ J ^ c e u x qui font renfermés dans lecH£T
*
même volume, &dont je ne vous a i
rien dit, font : Dizains fur les apophtegmes des fept Sages de Crece & de leurs
meurs & vie ; Quatrains ou Cinquains
donnant mémoire d'auleuns faitz, mémorables; c'elr, très-peu de chofe ; Patrons félon l'ordre de l'A B C pour les filles qui
veulent apprendre à efcripre: ce font des
Quatrains moraux pour-Pmftraction
des filles , dont chacun coinmence par
une lettre de L'Alphabet, depuis la première jufqu'à la dernière ;. Epitapbesde
plufieurs Princes & autres perfomtes parttculitres. CeUes^cî commencent par
une Complainte fur la mort de François
de Valois,filsaîné de François I. mort
à Tournon le i a Août 1536. âgé cPan• virondix-neu/ans, &ffo^
autre Complainte fur la mort de. Fram,
cois de la Trimouille, & qui contient
L'éloge de cette Maifon, Ce François
de la Trimouilie étoit mort Le 6 deJanvier en fan Château de Thouars ,,
Payant pas encore trente-fix ans.
Les Epitapbes,, dont placeurs iè 1£foient déjà en- différent endroits de
écrits de L'Auteur, rnérkent de l'attenf
uon à cauledes faits qui y font ceinte-
F R A N ç O I S E ,
.299
nus. Dans celle de Julien Tertireau , en
•
fon vivant Licentié en Théologie, & Mai- J EAN B o u "
flre-Régent en PVniverfité de Poitiers,CHET*
au Collège de Pujgareau, Bouchet dit
qu'il avoir, été difciple de ce Régent ;
& qu'à fa mort,
II citait lors Principal du Collège
De Puigarreau, oh il tenoit fon ilege ;
Et quelque temps fon difciple je faz.
Dans l'Epitaphe de Maître Pierre Rivière, né à Poitiers, Avocat qui mourut jeune, Bouchet nous apprend ce
qui fuit :
Icy deflbuDz ces pierres & quartier?;
Gift le corps mort d'un 'entant de PotcUçrs',
Qu'on apppelloit Maiftre Pierre Riyîere,
Qui luy vivant fejft chofe finguliere ,
C'eft qu'il traduilt de Latin ep François
La Nef de? fouir , «et commnet ftvtii.
L'an qu'il mourut il ftift meilleure diolè.
Ce fuft ung livre en vers, audî en proie',.
Intitulé du virtnx. U ettOtil,
• Qui entre gens fçavans eut bon accueil »
' Car il eftoit en ung très-orné iryie ,•
-Combien qu'if fut fabrjl Je driteile,
Pieere Gexvaife r q u e j'ai déjà nommé*
Nv-ji
3oo
BIBLIOTHèQUE-
= parle aufli de ce Pierre Rivière dans
JEAN Pou-îbn Epître à Boucher, où il introduit
CHET.
Rhétorique qui lui fait cette demande ::
Congnoit-tu point Màiftre Pierre Rivière,
Ton compaignon , qui fçeut l'art & manière:
De bien rimer, & tant bien tranflata
La Nef des folz , puis, en rime dicta.
Ung euvre gent peur fon efprit efbattre:
Qu bien au long parla de vertuz quatre..
Le dernier ouvrage de Boucheteff
intitulé : Triomphes Hu.tres-chreftien, trisr
puiffant, C? inviclijjime Roi de France, François I. de ce nom, contenant la
différence des Nobles. Le privilège efl du-
7 Mars 154.7. & on lit àlafin du livre,,
qu!il a été imprime a Poitiers par Jean (y
EnguHbert de Marne/',, frères, &. ache-
vé le- 17 d'Août 1549. On trouve le
même ouvrage fous ce titre : le Parc de-,
Nobleffe » description de très- puiffant &
très-magnanime Prince des Gaules, &
gefles. Lot/orme de vivre de ceux du bontempsqu'on rummoit l'âge doré, à Poi-
tiers , par Jean &. Pierre de Mamef,.
infolio „ 1-57.2.. C'eft la même édition
que la précédente,:page pour page,.&.
cen'eû pas fans raifon qu'on foupçonBscraeletitre dcla.date ont. été. ieiuV
F R A N ç O I S E .
3or
changés; Cet artificeeftaflêzufité pour
•'.
tenter la vente d'un livre qui n'a point JEAN BOU-.
eu de débit. Celui de Bouchet eft en CHET«effet très-ennuyeux. Le titre femble annoncer la vie de François I. ou du moins
un récit circonftancié des actions les
plus remarquables de ce Prince ; & à
peine ce fujet, digne de la plume d'un
Ecrivain François , efl-il feulement
effleuré. Ce n'eft qu'un amas dé longues moralités & de Hélions poétiques,.
où l'Auteur fe répète beaucoup.
L'ouvrage eft dédié à Henri III. fucceffeur de François I. & divifé en deux:
parties; Dans la première, outre les
Geftes de François I. dont Bouchet ne
dit pourtant prefque rien , il eft parlé
de l'exellence de Nobleffe mondaine, de la
différence des Nobles & de la beauté de
leur féjour. Dans la féconde partie, il
. eft queftion de la. mort de François L.
après le récit de laquelle , Vanité mondaine fait fa déclaration ,f c'eft-à-dire,.
qu'elle fe condamne,, & qu'elle exalte
la perfecJion de. la Nobleffe Evangélique
ou fpirituelle. L'ouvrage commence parune Epîtreen vers à Trijian Frétard!.*
Ecuyer, Seigneur de Saulves,. homme de
grandes lettres & amateur d'icelles, fuir
vie.de la réponfe de Triftan,. auffi. ent
302
BIBLIOTHèQUE
vers. Voici ce que Bouchet dit de liiiJEAN Bot-même dans cette Epitre.
CHET.
Après avoir en mon adolefcence
Eu bien fouvent des Mufes la préfcnce ,
Seigneur Frétard, es jours trilles Se beaux ,.
Et compofé Ballades Se Rondeaux,
Dizains d'amours , Epiftres , Elégies,
Des accident Se chofes mal régies
En l'art d'ayiner , voyant mes folz efetits
Dont devant Dieu pourrais Sue repris ;
Comme j'entrais es jours & ans viriles,
Trouvant mes vers fans fruit, & tous
ftérilcs,
Je bruflay tout : puis foudain je me mis ,
Four contenter mes Seigneurs Se amis ,
Efcrire en proie & vers chofes moralles ,
Semblablement chofes hiftorialles ,
Dont il y a volumes vingt & fix,
Grands & petits , reveuz par gens ra'cis,
Hiftoriens, Orateurs & Poètes,
Pour le danger du garral des Çhoetes :
Les aucuns font dé mon invention ,.
Les autre; font dé ma traduction.
Finablcment approchant dé vieilleflê ,.
J'ay veti que'c'en: dé" l'eftat de'NOblefle,
E t que plulieurs ( ne fçay par " quel arrûy )
Se vont difans aûtîî nobles' qù'uhg Roy
Sut quoy prenant de mes Mufes congé,.
Après- avoir fur ce longtemps longé ,
E t qu'eu-trouvé'd« Nobles dé fir fortes»,.
De mesdprits jlouvry toute» les portée. "
F R A N ç O I S E .
four déclarer quel différence on fait
Entre les fix , & qui eft plus pariait
JEAN Bou-
Semblablement que c'eft que de Noble eftre,
CHET.
Tant que chacun fe puiffë au vray congneiftre :
Ce que j'ay fait, les Geftes eferivant
D'ung Roy qui fût fur tous les Roys (avant..
Au feuillet 9,3 de ce même livre, la
VieilleiTe fait reflbuvenir l'Auteur qu'il
a foixante-douze ans paflés.
L'ouvrage de Bouchet le plus curieux & le plus utile, eft le recueil de*
fes Epitrei, dont le privilège eft daté
de Fontainebleau le 3 Janvier 154.3& qui fut imprimé à Poitiers en 1545.
in folio. Ce recueil eft partagé en deuxlivres ; & le premier qui contient les
Epijlres mordes, eft en deux parties ,.
dont l'une renferme quatorze Êpîtres,,
& l'autre onze. Bouchet, dans ces Epîtres morales, inftruit tous les états r
depuis la Couronne jufqu'à la Houlette , depuis celui qui eft aflis fur le trône juiqu'au dernier des Artifans ; &
depuis le Pape jufqu'aux Clercsdu rang.
le plus inférieur. Chaque Epître eft en
foi une efpéce de traité complet fur les;
devoirs & les obligations de l'état & de*
te condition dont il s'y agit..
Les quatorze Epîtres de la première*
partie regardent les. Miniftres de l'E-
504
"
'
BIBLIOTHèQUE
glife, les Religieux ,, les Prédicateurs,.
JEAN BOU- les Religieufes, l'Ordre de faint Jean de
CHKT.
Jérufalem, l'état de viduité, celui du
mariage, les pères & mères, les enfans , lesfillesnubiles, les domeftiques,
les maîtres &maîtreflès, les écoliers en
énéral, & ceux de l'Univerfité de
oitiers en particulier. Enfin la quatorzième Epître eft fur la vieillerTe , &
contre ceux qui la méprifent. Les onze
Epîrres de la féconde partie font adreffées aux Rois & aux Princes, à leurs
Officiers, & fur les miféres & dangers
de la Cour, aux Nobles, aux Militaires , aux Gens de juftice, Juges, Avocats, Procureurs, &c. aux fujets des
Princes, à ceux qui reçoivent & lèvent
les impôts, aux Aftrologues, Médecins, Chirurgiens, Apotiquaires, aux
Marchands, aux Ârtifans, aux Imprimeurs & Libraires. Celle qui eft adret
fée aux Gens de juftice, avoit déjà paru , comme je vous l'ai fait obferver ;
Bouchet dans Tes Epîtres familières, en
rapporte une ( c'eft la trente-huitième)
qu'il feint lui avoir été écrite en réponfe par lesHuijfiers& Sergens Royaux de
Paris, qui le remercient de Tes inftroccions, mais en lui repréfentant qu'il»
rr-auroit pas dû. leur aflbcier le Boar--r
f
F R A N ç O I S E .
305
reau : cette réponfe commence ainîi : r ' ' • • • .1
.
Après avoir ton euvre veu & leo
T e réputona publiquement efleu
^JEANBOU«-HFT
D e par Mercure en office de Maiftre,
Qui dit tout hault qu'au trofne te fault mettre
Des Orateurs en langage François,
Qui par bon bruit ( régnant le Roy Françoys
Loys autFi fon beau-pere & anccftre
Qui prorpéra en couronne & en fceptre )
Ont mérité porter ( hors pefans faix )
Le verd laurier , veu que tes haultains faictz
Sont rédigés en renommés volumes.
L e fécond livre des Epîtres de Bouchet
contient, comme je l'ai dit, fes Epîtres familières : elles font au nombre
de cent vingt-fept, parmi lefquelles il
y en a vingt qui font adreflèes à l'Auteur par fes amis. Il y en a quelquesunes qu'on auroit pu ranger entre les
Epîtres morales, comme la dixième ,
l'onzième & quelques autres ; en général Bouchet moralife dans toutes-, mais
il eft aufli Hiftorien, & il nous apprend
des anecdotes curieufes & utiles. Voici
ce qui m'y a paru de plus remarquable.
Dans l'Epitre au Clergé, Bouchet
femble nous faire entendre qu'il avoit
été tonfuré ; car s'excufant de la hardieffe qu'il prend d'inftruire & de cen- Foi. vit.,
verfo
furer le Clergé , il dit :
'
%o6
J E A N B OOUUCHET.
BistrotHéque
Le doys-je écrire attendu le Canon
ç ^ , e J é f e n a , ., f c m b i e K ) i e QU,. „,„,.
Mais je fuis Clerc tctaltré, qui m'hardis
En charité d'en faire Tragédie r
Veur que chaTcundu peuple a imewat
En tout cecy, Ttut le mal t«i qu'il eft.
Il parle de prefque toutes les fciences
dans l'Epître treizième aux Ecoliers de
l'Univerfité de Poitiers. Il y approuve
la poëfie en général i niais il marne- la
Tragédie, la Comédie & la Satyre} les
deux premières, comme fomentant les
pallions ; la troifiéme, lors feulement
qu'elle attaque les perfonnes, ou- qu'elle efl indécente. Il ajoute que la Satyre
portok deforitents en France-le nom
de iSVnV.
En Franc* elle a de fûtie le noni,
Farce que ibtz des gens de grand renom
Et des petits jouent les grands fbllies
Sur efchaftauz en parolles polies,
Qui eft permis par les Frinees & Roys
A celle fin qu'ils fçachent les dcrroys
De leur confeil qu'on ne leur aufc dire ,
Defquelz ils font advertiz par fatyre.
Le Roy Loys douziefmc defiroit
Qu'on les jouait à Paris, & difoir
Que par tels jetu il fçavoit maintes raultes
Qu'on luy celoit par furprinfes trop caultes.
F R A N ç O I S E .
307
Bouchet dit la même ehofe dans Ces '
Annales d'Aquitaine, & a foin d'aver- JKANBOUtir qu'il étoit préfentlorfqne Louis XII CHET«
tint ce langage à M. de la Trimouille.
Il ajoute qu'il défendit feulement qu'on p. 340. «Mit.
parlât de la Reine fa femme; car jei,l*Mveux, dit-il, que l'honneur fait gardé aux
Dames.
Dans l'Epître quatorzième le Poète
dit qu'il avoit ignoré le monde jufqu'à
l'âge de dix-fept ans.
Lorfque j'avois dix & fept am au plus,
Et me tenoU aucunes fois reclus Pour quelque chofe apprendre Se vcoir des Mufes,
Non congnolûânt de ce monde les rufes,
Le monde odore, & après je le Cens ,
Et le tentant tout fubit je coniens
De le fuivyr, &c.
Il ajoute que depuis il avoit vécu trente-neuf ans avec le monde, fans pouvoir le connoître. Cette Epître eft de
l'an 15 3 2 , & fut écrite en Automne
pendant que la rjefteaifligeoit Poitiers.
Dans l'Epître aux Sujets, qui eft de la
même année, il parle de l'Amiral de
Graville, du Seigneur de Bouchage ,
de Chriftophe de Rochechouart, Sénéchal de Touloufe, & d'André de
Vivonne, Sénéchal de Poitou , com-
308
BIBLIOTHèQUE
m
._» me de perfonnes avec qui il avoit eu
jEAKBou-des liaifons, furtout les deux derniers,
CHET.
qUi étoient morts, & dont il fait l'éloge. Il dit la même chofe de Louis de
la Trimouille, & de Jean Maignen ,
Seigneur des Aleut,, qu'il appelle fort
ancien ami :
Et quant à vous je dirais volontiers ,
Seigneur Maignen , que puis vingt ans entiers
Vous eftes mis aux fcierfces divines ,
Reflafié d'humaines difciplincs.
Jean Maignen avoit alors plus de foixante-fept ans. Il avoït été Procureur,
& dans la fuite il avoit quitté fa profeffion pour vivre dans la retraite, & s'appliquer à l'étude. Mais il afliftoit encore les pauvres de fes confeils , & accommodoit gratuitement les différends.
Bouchet & lui étoient amis depuis
trente-fept ans. Le premier parle ainfi
de lui-même dans cette Epître.
Il cft tout vray que peu je me foulcye
Des biens mondains , encores moins m'y fie ;
Et toutesfois je né laific avoir foing
Pour me pourvoir de ce qui m'eft bcfoing ;
Et fi je n'cuft mon cas mis en bon ordre,
Fufle à préfent en ung pauvre déTordre :
Car mes parens ( combien qu'ils foient yfluz
De riches gens ,. & de bon nom tiflus ,. )
F R A N ç O I S E .
309
Ne m'ont lailTé que leur bon bruyt & famé,
Que j'aime mieux que l'argent qui affame.
Avec ce foing j'ay bien prins le loifir ,
Lorfque povois mondains eibas choifir ,
Comme jouer , aller aux champs m'eibattre ,
Pe compofer de Traitiez vingt & quatre ,
Oîi j'ay du temps employé jour & nuiâ
Lorfque povois donner au corps déduycr,
Sans rien jaiffer , au moins que peu de chofe,
De la praticque où pour vivre m'expofe,
Prenant une heure au jour puis quarante ans
Ûu environ, pour ces labeurs plaifans.
JEAN BOUCUET.
II répète les mêmes chofes plus au long
dans fa Réponfe à une Epître de Pierre Gervaife, c'eft-à-dire, dans fa vingttroifiéme Epître familière, & dans la
cent quatrième.
L a féconde partie des Epîtres morales commence par l'Epître fur les devoirs des Rois & des autres Souverains.
Elle eft adrelTée à Louis XII, & il paroît que ce fut par fon ordre que Bouehet l'écrivit ; car après avoir dit que
la fageflè du Prince n'avoit pas befoin
de ces inftrûctions, il ajoute :
Ce non outrant pour à voitre vouloir,
Roy magnifie, par mon fens fatisfàire,
Je me fuis mis à cette Epiilre faire ,
Ç>ii j'ay defeript maints précepte que j'ay quis
310
an»——m
JEANBOUCHET,
BJSIJOTHEQUE
A tous Ifls Roys peur bien régner requis,'
V
** m o v ooâesdevant vofbre Abbé d'Angle ,
Lequel vous fnyt fouvent en voftre l'angle
Pour mettre as way par efeript vos hauhz faicrz ,
Qu'il içait bien faite, Ifc nebjy eft grant faix.
Cet Abbé d'Angle eft Jean d'Authon,
Hiftoriende Louis XH.
Bouchet parle de cette même lettre
dans celle qu'il adrefiê à îa Noblefle,& il y confirme que c'étoit par l'ordre
de Louis XII qu'il l'avoit compofée.
Plus longuement des vertuz eferirois ,
Mais , Mefièigneurs, trop je vous caaayrois ,
Et vous rémecrz à regarder l'EpiAre
Que le feu Roy Lo-ys me manda tiftre
Un an d'avant l'on regretté décès,
Que commençois avoir à luy accès,
Amli la lettre dont il s'agit eif.de i 514.
ou même de 1513 - La onzième eâ
adreflee aux Libraires de aux aemprimeurs : l'Auteur y parle au long de
iês ouvrages .4 je ne répéterai point ce
qu'il en d i t , ayant déjà fait ufage de
cette Epître.
Les Epitres familières contiennent un
plus grand nombre de faits que lee- Epîtres morales. La <pTermere eft écrite
au nom de Henri V I I , -Roi d'Aïfgleterre ; & Bovxcbac fuppoiê que ee Pri»>
F R A N c o x s oe.~
51 f
«e l'a envoyée des Champs Elyfées à r\
fon fils Henri VIII. La date eft duJïANBoujour de faint Matthieu 151a. Henri CHET.
VII voulant engager fon fils à vivre en
paix avec la France, remontre à ce
Prince qu'il ne doit point fe fier à fa
propre nation , qui a été fouvent rebelle à fes Rois ; ce qu'il prouve par
divers exemples. Il lui dit que l'Angleterre n'a rien à prétendre en France ; ce qui lui idonne lieu de parler des
Ducs de Normandie, & des Traités
faits entre la France & l'Angleterre. Il
ajoute, & H en donne les preuves, que
celfe-ci doit beaucoup à la pretniére.
Henri VU parle fort mal du Pape Jules I I , & répond à toutes les objections des Anglois.
L'Epître quatorzième eft fur la mort
de Louis XII & fur fes vertus. C'efl
Marie Reine douairière de France,
féconde femme de Louis X I I , qui y
parle, & qui s'adreiîè à fon frère Henri V I I I , Roi d'Angleterre. Cette Epîtreeft de 15 14.. elle contient atiffi l'éloge des François. Bemchetqui l*a in-p. 341- «Mit.
férée auffidass
ksjktmlttd'aquitaine,^IS44>
d i t qu'il la eorftr>ofa à te requête du
Prince de Tatiemoflt, fasde M. delà
Tritncuille. Dans i'Epfere fe-feptie*
ara
BIBLIOTHèQUE
— me écrite à un nommé Bertrand LanJEAN B O U - ^ J , f Bouchet dit qu'il a montré tous
CUET.
£ ej Qyyjages a Bertrand,
Fors le mien Teftament
Q u i , moy vivant, divulgué ne fera j
De tous mes faire la clolture fera.
Je ne connois point ce Teltament ; &
il y a lieu de croire qu'il n'a point été
imprimé.
Dans l'Epître vingt-troifiéme en réjnfe à une autre de Pierre Gervaife,
ouchet fait l'éloge de la poëfie , lorfqu'on en fait un bon ufage ; & il en
montre l'excellence. Il aimoit tellement
cet art que dans fa trentième Epître
familière, il dit :
S
Si la pitié de mon petit mefnage
Ne retenoit mon cueut & mon courage
Pour employer à praticquer mon fent,
Si très-amy des Mufes je me fens
, Que je vouldrois toujours eftre avec elles
Et leurs amys.
La vingt-fixiéme Epître eit au nom
de la VicomtelTe de Thouars ; on la lifoit déjà dans le Chevalier fans reproche.
La vingt-feptiéme eft écrite à M. le
Prince d'Orange, prifonnier de guerre a»
Château de Luûgnen, an mois de Mai
i5a,.
F» i-irfoisï;
315
15:2 5. qui auparavant avait eté.prifonnier " •••
<en lag^ofe tour de Bourges. Bouchet fé- JEàNBOU»
licite ce Prince fur fon changement de CHET prifon j & lui fait efpérer que la paix
lui fera recouvrer dans peu une pleine
liberté.
Les éloges que Bouchet avoit donnés dans fes ouvrages à Meilleurs de la
Trimoùille & à plufieurs autres, & la
liberté avec laquelle il avoit repris les
vices de fon tems, ayant engagé G7CT- E.P-4*> ,p*rmain Emery, ou Aymery, Licencié es familiers de
Laix, & Avocat à Poitiers, à lui écri- Bouchet'
re pour l'exhorter à ne parler mal de
;rfonne, fans être néanmoins flateur,
ouchet lui répond dans fa quaranteunième Erjître,
ë
Quant au-ptemier, vray eft que-puis douze ans
En regrettant les trefpas defplaifans
D'aucuns Seigneurs, j*ay f à i â pêtis ouvrages
A leur bormeur, donc par lubricz langages
Les envieuix pkitoft mal elcoucans
Que le bien dire , ont efté mal contant ;
Semblableinent de certairres EpifVret
D û n'ay iailTd des gens tes meurt & tiltres.
Mais de cela, cher Seigneur, ne me chault ;
Jefçay commeeulx s'il y a du deftâult :
. . . .
J'aime trop mieux fupporter la reprife
D e trop louer., que la mauvaife guife .. •
D e detmcter ; car par trop grant louarrge
Tome XL
O
jr4
BtnxrôTHiQUE
Nul eft blécé, foit privéxw ettraiige.
JK AN Bou-H ajoute plus bas :
CHET.
Et fi d'aucuns j'ay dit aucune choie
De k>z trop grand., que vice on ne m'irnpofe.
C'cft par amour venant d'affection,
Non pour dater, ne à l'intention
D'en recouvrer prouifit. Par tel eftude
Rien n'y gaignay ; mais j'ay leur nuujniwde
Veue fouvent, fréquenté leurs majfoqs,
Congneu leurs meurs, oui fouvent leurs raifon»
Qui m'ont femblé cftre de teU mérites.
Que je les ay par aies livres efçriptes.
Si j'ay failly , qu'on n'en foit irrité,
Car j'ay penfé dire l a vérité ;
Et qui mieulx eft, par tous ces opufculet
Qui font tiûuz en termes vemacules ,
J'ay plus fuivi fens & propos moral
Que je n'ay pas le faiâ Mftoryal.
Il répond enfuite au repixxbetfcdétraction , & montre qu'il n'a voulu qu'inftruire -, ce qu'il prouve en détaillant
fes ouvrages à peu prèsdans l'ordreque
j'ai fuivi pour en parler. Il en conclut
qu'en examinant fans prévention tous
fes écries,
On verra
Que Jehan BGuehet par détracta: n'erra,
Et qu'il a prins labeur & quelque peine
A iiluflçr' Poiéhers & Aquitaine»
F R A H ç O I ï K .
ipré
E t fur ce que quelques-uns croyoierit
•
lui faire injure en l'appellant un Rimeur, JEAN Bouil fait encore l'apologie de la poëfie, & CHET.
montre de nouveau que fes ouvrages .
n'ont rien pris fur les devoirs & les obligations de là profefïïon,
L a réputation qu'il s'étoit acquife par
ces mêmes endroits qui le faifoient
blâmer par d'autres, ayant engagé le
Roi de la Batoche de Bourdeaux à le folliciter decompofèr quelque pièce pour
être repréfentée, ou , comme il le dit
dans là réponfe,
A déclairer par grave Tragédie ,
Rude Satyre, ou ràinâe Comédie,
Le bica.de> bons & le nul des pervers ,'
Il s'excufedans cette même Réponfè,
ou Epître quarante-deuxième, par ces
trois raubns:
' Car en telz faictz rie mis onc mon efttude ,
Et ne fçaurois ung bon jeu compofer
Tel qu'il le fault fur chaufTaux expofer
En telle Court, Se d'avant telz Coniules
Que ceulx , lefquelz par rappors incrédules,'
De hault louer, méritent élire diflz
Dieux de fçavoir, exempts de tous mefditx.
L a féconde raifon eft la nécelîîté de
vaquer à fa profelîion, & la trôifiéme
Oij
•
JJtr
-- ••
J I A N BOU-
QUET.
BlBIIOTHB^TJ*
eft la crainte de charger fa confcience
De
nienterie °" d'adulation.
Pans l'Epître quarante-feptiéme à Jeta
Marin de Rouffec, Auteur d'une vie de
faint André , Apôtre, Bouchet parle
de cette vie , & donne des règles pour
écrire l'hiftoire. L'Epître cinquanteunième eft à fon fils Gabriel Bouchet,
qui étoit au Collège. Il l'avertit de ce
qu'il doit faire pour acquérir Jcience, &
comment il Ce doit gouverner. J e pafle à
l'Epître foixante-quatorziéme. L'Auteur y parle de l'illuftre Maifon d'Illiers, .& il a bien choifi la perfonne
qu'il vouloit en entretenir ; c'eft Antoinette d'Illiers, Baronne de Clervaux, Dame de Bauffay, &c. Comme
Simon Nérauit, Dominicain, Docteur
en Théologie, avoit adrefféà cette Baronne un livre intitulé, le Flagice de
pefte, imprimé à Poitiers en 15 jo, in8°. Bouchet ne manque pas cette occafion pour parler de la pefte, du livre
de Nérauit èc de la perfonne de l'Auteur. Il dit du livre :
,- C'eft ung Traité que chafcun devrait lire,
Voire fouvent pour fuyr de Dieu l'ire ,
Car il contient briefve érudition.
- Four éviter la petieçutjon
FRANçOISE.
317
. Que nous fouirions pour' nos griefves orTenfcs,
Et les moyens de nos juftes défences.
Et de l'Auteur:
*————>
JEANBO'U"CHEt
\
C'eft en fçavoir une Aigle voilant hault ,
Très-grand Prefcheur, frère Symon Nérault ,
Un preneur joyau , une relique
De l'Ordre faint, Monfieur faint Dominique.
Cette Epître de Bouchât eft de l'an
1530.
Là foixante-quinziéme eft de l'année fuivante 15 31. C'eft une Epître
badine envoyée au nom des Dames de
Paris à MM. de la Cour ,PréJidens, Conseillers , avocats, Procureur du Roy, &
autres avocats & Procureurs de ladite
Cour, tenans les grands jours à Poitiers
au mois de Septembre de ladite année 1531.
Nos Dames Parifiennes s'y expriment
avec bien de la franchife, lorfqu'elles
difent :
Nous ne fcavons quel pays eft Poictiert,
Tant il eft loin de nous & nos carriers ,
Fors qu'on nous dit que bien grande eft la Ville ,
Mal populée, & en plrifieurs pars vile,
Et que te peuple eft lourd en fon parler,
Et toutesfois bening au long aller.
Cette Epître eft fuivie de la Réponle
tdes Dames de Poitiers qui mandent à
Oiii
3I8
BlBIIOTHEQTJE
=r celles de Paris, qu'elles ne tarderont
JEAN Bou-pas à revoir leurs maris qui étoient altuET,
Us aux grands jours t excepté trois que
la mort avoit enlevés à Poitiers. L'Epître foixante-dix-neuviéme à Gui de
Bordeilles, Religieux de l'Ordre de faint
. François, fur la mort d'André de Vivonne , Sénéchal de Poitou , arrivée
le dernier jour de Juillet 15 3 2. à l'âge
de quatre-vingt ans, avoit déjà été imprimée féparément in-8°. fans date &
fans nom de lieu. Mais elle eft sûrement de 1532. Les derniers vers indiquent le lieu & le jour où elle fut compofée :
\
Efcript en deul, portant viz trifte & blefme ,
Au lieu Denville, en ceftuy jour dutiefme
Du moys cTA'ouft , que voile le Moucher ,
Par le ventre humble Orateur Jehan Bouchet.
M. de Vivonne étoit Seigneur Denville & de la Châteigneraye. Il fut inhumé dans ce dernier lieu. L'Epître de
Bouchet contient un abrégé de la vie, &
l'Epitaphe de ce Seigneur qui avoit
fervi fous Louis X I , Charles V I I I ,
Louis XII & François I , & qui avoit
été quarante-trois ans Sénéchal du
Poitou.
En 1534. on joua à Poitiers les My-
r
Ï K A K C O M 1
319
itères de l'Incarnation, de la Nativité, — —
de la Réfurreaion & de l'Afcenfion J E A N Bav~
de Jefus-Chrift, & la MiffionduSaint- CHÏT "
Efprit. Bouchet écrivit à cette occafion
fa quatre-vingt-dixiérne Epître familière , dans laquelle il motalife fut ce
iujet, & où il dit 1 "
J'ay vu joûcr ces Myftéres ttoïs tbys ,
Donc fuys content, vcu mes ans ; toatesfoys
Deficc fort, allant mes Patenoftres,
De veoit jouer les Actes des Apoftres , &c.
Bouchet dit clairement qu'il avoit été
d'un grand fecours aux Acteurs qui
avoient repréfehté dans ces pièces ; &il
eft plus que probable qu'il avoit eu part
à la compofition des pièces mêmes ,
puifque dans l'Epître quatre-vingt-onzième qui lui eft adrelTée par les habitans d'Iflbudun en Berri , qui vouloient
auflî faire repréfenter chez eux Le Myftére de la Paflion , on fait confeiller
par le Comte de Dunois de s'adreflèr à
Bouchet, de qui le Comte fait cet
éloge:
C'eft un Seigneur de» fçavaas tmfeigneur,
Des plus experts la lime tige & régie ,
Lequel a bien monftré ces jours rafles
Aux Poictevins qu'il en fçavoit aflês,
Les a'idans eu la, nit&rse action.,
O iiij
520
BlBIIOTrtEQWB
— ^ ^ »
Voire iî bien, que de fon ancre taincrc-
J E AN B o u CHET.
La
ï * " ' Manche en eft , & non estante-,
Mais en- reluyft à jamais le renom ;
Or il pouvez batailler fous fon nom ,
Et que pour voua il travaille & fe peine ,
Honneur vousfoytfans travail & fans peine.
o
En conféquence les hahitans d'DioU'dun eurent recours à Bouchet, & l'invitèrent à fe rendre chez eux. Bouchet
s'en excufe dans la lettre fuivante r où
il ne laiflè pas d'ajouter ;
Ce non obftant mes papiers vous envoie
Par ce porteur lequel s'eft mis en voie.
Du moule ay prins ce que fay bon trouvé ,.
Et ce qui eft par l'Eglifc approuvé ;
Car U y a an moule aulcuns paflages
Qui n'ont paffé par l'efcole des fages J
Dont par confeil j'ay fait rdeiflion,
Et en ces lieux mis quelque addition ,
Vous fupploirez les defiaulx d'eferipture
Lorfque d'iceulx on fera la lecture :
Monsieur Billon de voftrè Epiftre Auctcuc
En ffaura bien eftre réparateur.
Il donne enfuite ces avis :
Je vous fupply que tous vos perfonnages
Vous alfignez a gens félon leurs aages,
Et que n'uiéz tant d'habits empruntez,
( FulTent-iJs d'or ) qu'ils ne foient adjuftez
Conunpdéinent aux gens ièton leurs loolles j
F R A N ç O I S E .
JAI
& n'eft pas beau que les Docteurs d'efcollef,
Kantiens,. & les gens de confeil
Ayent veftement à Pilate pareil,
Ne à Hérode ; Se fàult que de vos fùiicte»
Ayez Peflày, ne fuuent ores painctes ,
Et que mettez les herberges au jeu
Diftinctenient, & chaftune en fon lieu',
Tant que congnoiftre on puifle ceulx qui jouent,
Les regardans ce bon ordre fort louent.
mmm^Ê^mm^
J E AN BouCHET»
Bouchet écrivit lés Epîtres quatrevingt-quinze, quatre-vingt-feize & cent
cinq, pour folliciterLouifede Bourbon,
Abbefle de Sainte-Croix de Poitiers ,
de recevoir une de fes filles qui vouloit
fe faire Religieufe. Cette fille fe nommoit Marie : elle étoit déjà dans ce
Monaltére, où elle avoit été reçue à la
demande du. Roi. qui en avoit été fupplié par M. de Villâridry , Secrétaire
des Commandemens de Sa Majefté..
Dansl'Epître quatre-vingt-quinze y
Boucher dit qu'il avoit huit enfans ; de-"
dans la quatre-vingt-dix-feptieme, i t
dit qu'il avoit deûein de publier ibni
Remède £amours,,
SànbUbletnens d'Epiftresurr grand tasJtnqucs à cent ,.dont j'adrefle aux eftataUne grant part ; les arutres-familières-'
A-gens-divas, & dé towes-rflanieres..
0 W
3.2.2
BIBLIOTHEQUE
Mais tes erreurs crains de l'imprelTron
-
J E A W B o u - Q u i a u x Auteurs font mainte opprerBon ,
ÇHET.
Faliifians des lirres la droieture ,
Le ftyle & l'art, qui eft grant forraiéuire.
La lettre centième eft du mois d'Août
1536. Bouchet fait y fçavoir à l'Abbéde Fontaine4e-Comte, qu'il eft, malade à Saint Maixent, & qu'il y a reçu:
lavifite de Mellin de- Saint Gelais,
dont il fait l'élogeLes habitans d e l à ville de Bourges
lui ayant demandé la même grâce que
ceux d'Iflbudun, Bouchet s'excufe dans
la lettre cent unième, de ce qu'il ne
peut fe rendre à leurs defirs. Cette Epître eft écrite a. Jean Chupponeau, Doileur
miTheologie, de ZOrdre des Augufiins à
Bourges.
Dans l'Epître cent cinquième à Louife de Bourbon, Abbeflè de Fontevxault, il parle ainfi de quelques ouvrages qu'il avoir compofés , mais quarte me font point connus :
J'ay entreprins humblement en fonpieue
D'un douta Latin faire traduction
En gros Francoys, de la narration
D'aulcunz honneurs deuz à la Mère & Vierge
Dec Anges Darne,. & du FilzDieu concierge-.,.
Ces troisliurets que j'ay puis peu traduitz A vojtciaiii yenu, Madame, font sundtaitsy.
F R A N ç O I S E .
323
Il avoit parié dans l'Epître précédente, 1—mi — J
des Triumpbes de l'Ame, dont on avoit J E A N B O U blâmé, dit-il, quelque Chapitre, par- CHET*
ce qu'il traitoit de la prédeftination ,
quoique Bouchét allure que tout ce
qu'il enfeignoit fur ce myftére étoit
conforme à la doctrine de faint Paul ,
& que l'ouvrage où il parloir, de cette
matière, avoit été approuvé par unfavant Religieux de l'Ordre de faim François, le Doyen en Théologie, èk un Docteur de Paris. Je ne fçai fi ces Triumpbes
de {Ame feroient diiterens des Difcours
& Epîtres en vers, extraits des Triumpbes de la noble & amoureufe Dame, &
de {art de honnêtement aymer, qui ont
été imprimés féparément en' 1535. à
Paris, fous le titré d'Exclamations, Epî*
très & Orai forts de la noble Dame amoureufe, dite {Ame incorporée.
Vous trouverez dans l'Epître cent
fépt fon fentiment fur la vérification x
W l'exprimé en ces termes :
l e trouve beau mettre deux fémenins
<* F.rt riine platté ,'• avec deux mafcuiins ;
• Serhblablement «ruand on les éntrelaflè-En vers ctoifés, où Grita» Se foface»• Auffi quand voy fur voyelle rimer
• Ssais;lé vraf fon des lettres fapprimer,.
"v
• - Nomqrj*cct^
0 «î
524
•——•»
J E A N BOUCH£T,
,
BlBlIOTKEQUtr
Mais tierce ou quarte, Se la fyllabe entière-»,
NOU$
voyons bien que cemot-cy, fenvmt,
On n'efeript pas comme ce mot, comment ;;
L'un eft en a,/ l'autre en t : mais ftitnct
Convient très-bien avec exfMenée ;
J'entends qui veut toutes-reigUrs, garder
De rimerie, & y bien regarder.
Voire doit-on fans que les vers on griefveAvoir égard à la longue. & la bricfVe ,
Qu'on congnoiftra par le parler commun
Sur la voyelle,, oit rat perde chafeun.
En bon- François ce moc-cy , odverttffe,
Eft long fur /•, Se brief ce mot, notice ; .
Et toutefois tous les jours vous voyez
Queles plus grans font fur ce fourvoyez, Sec.
Cette lettre doit être dit commencement de Septembre 15 37..puiiquedans
la iuivante, qui eii du 16 du même
mois, Bouchet dit que celui à qui il
répond ( Baptifte le Chandelier, Conseiller du Boy en fa Cour de .Parlement, d
IVormandie ) lui avoit écrit depuis environ huit joursFrançois deSâgon, Curé de Beauvaisr
Tun des adverfaires de Clément Marot,.
ayant écrit à. Boucher l'Epître cent
neuf, pour fe. plaindre & de. Marot &
de Gntitetiu, Colin qui. avoir renoncé à.
ion. amitié pour. & ranger du. côté dm
F R A M Ç O 1 S E.
Jif
même- Clément Marot, Bouchet refu
=2"
la de prendre aucun parti dans cette JBANBOU»
querelle t
c*si~
Quant eft de moy, j'en quitte là partie :Je liiis amy.de tous en charité.
J'entends de ceulx qui fuyvent vérité.
JJ me defpIaiiVvous veoir vous trois en picquei. iChafcun de vous pat art & par nature
Mérite loz de fa propre efcritureDiverfement; mais on dire & on fàicry
De tous humains il n'y a rien parfaict..
Bouchet avoit raiTon de dire, qu'il n'étoit proprement ami que de ceux qur
fuivent Vérité; fon zélé contre les hérétiques étoit vif; il démafque fans menagementleurs vices & leur hipocryfie
dans les Epîtres familières- cent treize& cent quatorze.. Pour Clément M a rot il le contente prefque dele plaindre ^
cornme on le voit parcesversdefacent:
quatorzième Epitte :.
Mais Jas-.l Marot pour ctûdér bault voiler>,
Et les fecreta d'Evangile accoller,
Et répugner aux préceptes d'Egide -, S'eft par fa fâulte en trés-grant peine miiè ; :
Il me defplaift le veoir ipfortuné,.
Parce, quîil eft. un vray Roçte née.
IDansieftinênies.Epîtres Bouchet parle
$l6
BlBirOTHfcQUE
plufieurs fois de fes Annales d'AquitaiJEANBOU- ne dans lesquelles il a inféré diverfés
««CET.
pièces en vers : ce n'eft pas ici le lieu
de m'étendre fur cet ouvrage hiftorique qui a fait honneur à fon Auteur ;
je me contenterai de vous citer ce qu'il
en dit lui-même dans fon Epkre cent
quinze, à Magdelene dé Bourbon,
Abbeflé du Monaftere dé Sainte Croix
à Poitiers r
7
'
A celle eaufe- un flyre vous éirroye
Fat le congé de.la Court mis en voye ,
Où vous verrez qui lut le fondateur
De vofire parc , & premier bienfaictéur ;
Qui ont elle' de Poictiers les Évefques,
Et d'aulcuns Saints les légendes; avecques
L'extraction des Comtes de Poitou;
Et gui fonda Fôntevrault en Anjou ;
Quels Roys & Ducs turent en Aquitaine ,
' Et des François l'origine certaine;
' Ees droitz patens que les enfans du Roy
©nt à Milan; le mal & le defroy
Qu'autrefois ont les Anglois* fait en France }
Et comme on a fait céfler telle outrance;'
Et aultres faidfx dignes d'élire notez,
Et bien an vray fdo» les an»- cernez;
llefîéurTillart, Secrétaire à Koiienv
avoit excité notre Auteur à envoyer
q^dknie chant Royal au Puy/dês Car-*
F R A N ç O I S E .
3 zj
mes de cette Ville. Bouchet s'en exii
cufe dans fon Epître douzième ; mais JEAVBCW*.
pour adoucir fon refus, il chante dans CHET*
la même Epître les louanges delà fain- •
te Vierge. Il parle avec éloge dejofeph
Bouchet l'un de fes fils, dans l'Epître
cent vingt-cinq a Jacques Godait, Curé
& Chanoine de la Chaftre en Berrj, grand
Orateur, Se dit que ce fils réufliflbit déjà dans la poè'fie :
Le mien Jtfipi qui commence à rimer ,
A fàict d'un Chien enrimetans lymer,
(Lequel douze an», ouplusgarde j'ayoye )
Quelques regrets qu'à préfem je t'eciTOye ,
Ou il a faitVquelque description
Des Chiens loyaubt donc on fuSt mention.
Le Poète dans l'Epître cent vingtfêptiéme & dernière,, nous parle des
additions faites à fes Annales d'Aquitaine, & il s'en plaint, & d'un ouvrage hiftorique du Seigneur de Mjerré^Gentilhomme de bon fçavoir, & bien
expérimenté au faiit des guerres, démontant à Boulogne fur Mer. G'èft à lui que
cette Epître eft adrelTée. Mais il faut
que vous ayez encore la patience d'entendre comment; Bouchet s'exprimer
lui-même fur ces deux faits.
^ ..Et au partir vous sue feiftes promelrc-
JiS
BrBLIO-THEQtrBT
Qu'un voyage faict par voftre noblefie
JEANBOU» E n Languedoc, me viendriez reveoir
CKETV
pour me monftrer, & me faire fçavoir
Ce qu'aviez mis par efcript des guerres
FàicVes en France, & aulrres proches terresDe l'afTaillant comme de PaiTailly,
Où vous n'avez aucunement faiily ;.
Car treze mbys pafTèz vous retovurrafrcs ,.
Et un cayer de papier me donnaftes ,.
Auquel avez par etcript rédigé,.
Et par ans, moys, jours & lt'euz colligé*
Ce qu'on a faict-es- guerres de- Savoye,
Et de Piedmont-, Provence, et par la voie'
De Picardie, Artoys, Boufongne, Hénault,.
Et Perpignan, et tout ce pays hauit,
Depuis l'an mil cinq cens, avecqne trente
Jufqu'à preTent ; mil cinq cens & quarante
Avecques trois; voire d'un art fi gent,.
Tant élégant, coppietot, émergent r
•Que je n'ày-ven cronique plus courtoife,
Nt mieulx tifiuë en la langue Françoife.
Je n'ai pu découvrirai cette Chronique^
du fieur de Myerréa été imprimée :Bouchet ajoute qu'il devoit s'en- fervir
utilement
En elcrivant. le» gefres de ce -temps ,,
Qu'ung étonrdy, glorieux & hatUfaircr;
C e û efforcé en- mon nom de- le faire ;
Et pour ctridermon honneur fupprimer',,
A bien aufé le tout faire imprimer-,.
F R A N ç O I S E.
3 29
Et l'adjoufter fans crainte en mes Annalles,
Qui chofes font r non point hiitorialles ,
Mais petitz cas qu'homme de ton efprit
Ne daigneroit rédiger par efcriptj &c.
— — —
JEANBOOCHET.
Je vous ai fait obferver que Bouchet
avoit inféré parmi fès Epîtres familières , plufieurs de celles qui lui avoient
été écrites par fes amis ; & comme celles-ci font auffi en vers, je dois compter leurs Auteurs au nombre des Poètes contemporains de Bouchet. C'eft
un fervice que ce dernier a rendu à
l'hifloire littéraire , en nous faifant
connoître ces Ecrivains,. dont quelques-uns feroient peut-être abfolument
ignorés fans lui, puifqu'il y en a plufieurs dont il n'efl fait aucune mention
dans nos deux anciens Bibliothécaires
la Croix-du-Maine & du Verdier.
PIERRE
GERVAISE.
Tel eft Pierre Gervaife, Afefeur de
rofficialde Poitiers, Auteur de l'Epître
vingt-deuxième, qu'on lit dans les Epîtres familières de Bouchet. Cette Epître eft une fiction poétique, imaginéepour donner des louanges à Boucher,,
q u e Pierre Gervaife avoit connu dès fa
j^uneflè, & dont il paroît avoir été-
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F R A N C oijE.
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* o n jeune âge, il s'occupoit desmoyens • = — s
d e plaire a ceux qu'il connoiflbir, ou P « * «
_ d o n t il vouloir acquérir l'eftirne ou laGEiivAK»
- protection ; qu'il aimoir alors le bel art
d e l a Rhétorique, & que lbn indifte- x e n c e pour lui étoit d'autant plus inex- cuiable, qu'il lui étoit redevable de ton
avancement. Pour l'arracher à cet en:
_- gourdiflement qu'elle lui reproche, el'- l e l e renvoie à Boucher , « / , dit-elle ,
^ dans la même Ville, & lui fait l'énumération des ouvrages qui avoient acquis
a celui-ci un nom illultre.
Pierre Gervaife pouvant objecter que
- Boucher étoit un féculier, maître de
choifir fon genre d'étude ; que pour lui
- H avoit embrafle l'Etat Eccléfiaftique ,
Et que ce n'efl l'état cTbocome crEglUe
D e compofcr métrés,
:
La Rhétorique prévient cette objeo
: tion , & répond ;
S-ftlNÏ. f^.ï l s - ï î v *
330
BIBLIOTHèQUE
-'•• ' -
compagnon d'études. Gervaife fuppoté
PIERRE qu'étant près de la riviéfe de Vienne
GERVAISE e n T o u i . a i n e f l'efprit occupé des ouvrages de fon ami, lefommeillefurpric
fur une agréable prairie, & qu'il eut le
fonge fuivant. Une nacelle de bois de
Cyprès, tapiffée de draps d'or & de
foie, s'offre à fon efprit étonné de cette
nouveauté. Cette petite barque étoit
conduite par un jeune homme qui avoit
les yeux fixés fur une femme d'une
grande beauté, & qui avoit autour
d'elle une multitude de pef fonnes qui
montraient un air content & joyeux, &
Qui comuofoient Ballades , Virehriz ,
Carmes, Blafbns, joyeux Dictez & Lais ,
Rondeaux, Chanfons par fi grant mélodie
Qu'tntour eux l'air rendoit grant armonïc
La jeune femme, ou la Rhétorique
fous cette forme, étant arrivée près du
bord, appelle Gervaife par fon nom,
& lui parle fi durement qu'il en eft extrêmement furpris 5
Car ne penfois en rien avoir forfait},
Ne contre aukun, d i â , penfé, ne memiict.
Entre les reproches qu'elle lui fait, elle le taxe de pareffe, ou du moins d'indifférence , lui repréfentant que dan»
F R A N ç O I S E .
531
{on jeune âge, il s'occupoit desmoyeris ï'. à
de plaire à ceux qu'il connoiflbit, ou PIERRE
dont il vouloit acquérir l'eftime ou la GERVAIS»
protection ; qu'il aimoit alors le bel art
de la Rhétorique , & que lbn indifférence pour lui étoit d'autant plus inexcufable, qu'il lui étoit redevable de fon
avancement. Pour l'arracher à cet engourdiflèment qu'elle lui reproche, elle le renvoie à Boucher , vé, dit-elle ,
dans la même Ville, & lui fait l'énumération des ouvrages qui avoient acquis
à celui-ci un nom illuftre.
Pierre Gervaife pouvant objecter que
Bouchet étoit un féculier, maître de
choifir fon genre d'étude ; que pour lui
il avoit embrafle l'Etat Eccléfiaftique ,
Et que ce n'eft l'état d'homme d'Eglife
De compofer métrés,
L a Rhétorique prévient cette objection~t& répond ;
. . . ,. . . . Qu'il eft leu te. permis
A toutes gens pour acquérir amys ,
De compofer par métrés ou' par proies ,
Et eronicquer au vray nouvelles choies,
Interpréter les dits Se mots obfcurs
En bon langaige , afin que les gens durs
ja'efprit, en. foient au vray mieuhc entendons,. été.
33*
BIBLIOTHèQUE
Et afin de joindre les exemples au*
PIERRE raifons , elle lui fait remarquer que la
.GERYAISE nacelle étoit pleine de Pafteurs & de
Prélats
Qui en leur temps ont chaicun à leur guife
Sien compote' en bonne Rhetoricque ,
Sans délaiflet la vraie Theoricque.
Elle nornme entPautres Gerfon , Chancelier de l'Univerfité de Paris ; Jean
Michel , Evêque d'Angers , qu'elle
fait, fans aucun fondement, Auteur
du Myftére de la Pajfion j Octavien de
Saint Gelais, Evêque d'Angoulême j
Jean d'Authon, Abbé d'Angle ,
Qui du feu Roy Loys fut Croniqueur ,
Maiftre Pierre Rivière, & Pierre Blanche:. Gervaife ne réplique point, fe réveille , & envoie à Bouchet la defcription de fon fonge.
PIERRE
RIVIERE.
Je ne connois Pierre Rivière que par
ce qu'en difent Dame Rhétorique & Jean
Bouchet j &"corrune ce font peut-être
les feuls qui en fafiènt mention , il eft
bon de rapporter leurs paroles. La Rhétorique parlant à Pierre Gervaife, dit:
FRANçOISE
333
tongnoîs-tu point Maiftre terre Rivière
Ï^^^^S
PlERRS
Ton compaignon, qui fçeut l'art & manière
De bien rimer , fit tant bien tranilata
Lt nef des fils ; puis en rime dicta
Une euvre gent pour fon efprit etbattre,
Ou bien au long parla de vertuz quatre.
n
Bouchet parlant du même dans fon
Epître rejponftve à Gervaife, l'appelle
le tant bon Rivière
Qui de rimer fearoit Tare & manière.
Mais il nous le fait encore mieux connoître dans l'Epitaphe qu'il a compolee à fa loiiange, & dont je vous ai déjà rapporté plus haut quelques vers : la
voici toute entière.
Ici deffoubs ces pierres fie quartiers
SSift le corps mort d'un enfant de roitiett
Qu'on appelloit Maiftre P«rr« Rivière,
Qui luy vivant fèit chofe singulière,
C'eft qu'il tra.luift de Latin en François
X * Nef eletfeh, que commencé j'avois.
l'an qu'il mourut, il fèit meilleure chofe î
Ce fuxung livre en vers, autfi en proie.
Intitulé, des vertuz le recueil,
. Qui entre gens feavans eut bon accueil}
Car il étroit en ung très-orné ftyle,
Combien qu'il fut fubtil fit difficile : '
Tut s'ii eftoit bon vulgaire orateur >
Epitaph. de
Bcùchet, Ep.
49. fcuill 984,
3 54
PlEKRK
B.IYIS&E.
BlBIIOTHEQUB
Encore» fut meilleur interpréteur
t>ts Droitz civile : fa principale eftude
F.ftoil de» Loix par grand follicitude.
En fon jeune aage il fut fort ftudieux ,
A Dieu dévot, aux gens trés-gratieulx.
Humble & courtois, & de bonne nature,
Prifé de tous par fa littérature.
Et fur le point qu'il s'attendoit florir
Comme Advocat, il va jeune mourir;
Lorsqu'il devoir avoir époufe & prendre ,
La mort le vint fupplanter & furprendre :
Ce fut au père & mère grand ennuy ,
Veu qu'ils n'avaient fils ne fille que hiy,....
Ce fut l'an mil quatre-vingt quatre seau
Et dix-neuf.
• '
Tom. 10. p. Je vous ai parlé ci-devant de la Nef
ipi.fcfiiiv.desfols & de la traduction qui en fut
faite en vers dans les dernières années
du quinzième fiécle. Comme le traducteur ne s'elt point nommé, & que
je n'avois point lu alors les ouvrages de
Jean Bouchet, j'ignorois qui étoit ce
traducteur. C'efl donc Pierre Piviert :
car quoique Bouchet ne dife point que
la verfion de celui-ci ait été imprimée,
il y a lieu de croire que c'efl lui quieft
Auteur de celle que nous avons , &
dont je vous ai rendu compte. Cette
traduction fut achevée en effet au mois
de Décembre 1^07, & l'Auteur; dit
F R A ÎJ Ç O Î J f i .
1JÇ
qu'il çfcoit jeune,; deux circonftances . ' ', <.i
qufconviennent parfaitement avec ce PIERRBque Bouchet rapporte de Pierre R J - * U V I M E .
viere.
PIERRE
BLANCHET,
Pierre Blanchet ne nous eft connu
non plus que par ce qu'en difent Gervaife & Bouchet. 11 naquit à Poitiers
vers l'an 1459. fuivit le Palais dans fa
jeuneflè, & compofa des Rondeaux,
des Satyres & des Farces. Mais ayant
atteint l'âge de quarante ans, il renonça à ces occupations trop peu férieuies ,
embrafla l'Etat Ecçléfiaflique., & fut
ordonné Prêtre. Il mourut à Poitiers
l'an 1519. âgé de foixante ans au moins.
Pierre Gervaife dans l'Epître que j!ai
déjà citée, introduit la Rhétorique qui
lui parle en ces termes de Pierre Blanchet.
Regarde auflî- Maittre Pierre Blanchet
Qui içeut tant bien jouer de mon bûcher ,
Et compofer faryres proteteeufes,
Farces auflî oui. n'eireient ennuyeufes.
Jean Bouchet ert dit davantage, dans
l'Epitaphe de Blanchet, & les circonRances qu'eIksjwn&Hiiens, demandent
3jt5
BIBLIOTHèQUE
: que je vous la rapporte : la voici.
PIERRE
Cy
^.ft
deflbubz œ
lapines a , ^
Le corps de feu Maiftre Pierre Manchet,
En ("on vivant Poëte fatyricque,
Hardy fans lettre, & fort joyeulx comique,
Luy jeune citant il fnivit le Palais ,
OU compofoit fouvent Rondeaux & Laiz ,
Faifoit jouer fur ètnatTaulx Bazoche,
Et y joiioït par grand art fans reproche *
En reprenant par fes farytics' jeux
Vices "publics 8e abus oultrageux ;
Et tellement que gens notes de vices
Le craignoient plus que les gens de Ittfticej
Ne que Prefcheurs & Concionateurs ,
Qui n'eftoient pas fi grands déclamateurt.
Et néannrwîns parceqn'H sot aflabie ,
' A tous eftok fit préfence agréable
Or quand il eut quarante ans, un pen phts.
Tous ces etbats & jeux de luy forclus ,
H lût taie Ftettie, Se en cet eftat digne
( Duquel louvent fe répmoit indigne )
Il demeura vingt ans, très-bien difanc
Heures 8c Mené, & paifible giûmt,
Et néantntoins par paûe-temps boruteâc)
Luy qui n'ettoit barbare, ne agreûe,
Il compofoit .bien louvent vers huytains ,
Noëls , Dictez, de bonnes choies plains.
Et pour la fin, ion ordonnance ultime
-Et Tettament fcit en plaiûune rime,
OU plufieur» legs a tous fes amys tels
Plus
FRANÇOISE.
337
Mus à plaifîf qu'à fingulicr profite.
Nous fùfmes trois que Tes exécuteurs nomme
Lefquelz chargea de faire dire cri fomme
1
^—«.—«
PIERRE
BLANCUES
Après fa mort, des Méfies bien trois cens ,
Et les payer de noitre bourfe , fans
Rien de fes biens, lefquelz laifiëroit, prendre *
Comme afièuré qu'à ce vouldrions tendre.
Après mourut, fans regret voluntiers ,
L'an mil cinq cens dix-neuf, à Poictiert
Dont fut natif. Priez donc Dieu pour l'ame
Du bon Blanchet, qui fut digne qu'on l'ame,
M. de Beauchamps dit dans fes Re- T. I. éd. iaj,
cherches fur les Théâtres de France, 8°- P-lbSque ce Pierre Blanchet pourroit bien
être l'Auteur de la célèbre farce • de
Pathelin. Mais ce n'eft qu'une conjecture dont il n'apporte aucune preuve.
MM. Parfait dans leur Hiftoire du
Théâtre François gardent fur Blanchet
& fes ouvrages le même filence qu'ont
gardé avant lui la Croix-du-Maine &
du Verdier.
Bouchet dans fa réponfe à l'Epitre '
de Pierre Gervaife, compte entre fes
compagnons d'étude, Pierre Rogier ,
& ajoute, parlant de lui, de Rivière
& de quelques autres :
Nous prenions veftemens de Paltours,
Et jouyons en très-joyeulx atours
Tome XL
P
338
BlBLIOTHEQtfE
1
Pour paffe-temps, Satyres, Bergeries,
Et faifions tout plain de mommeries ;
BtANCHET j' en tends es jours que l'efcolle ceflbit,
Et que chafcun fes eibas pourchafloit.
PJ ERRE
La Croix-du-Maine parie de ce Pierre
Rogier ou Roger , & le qualifie Ecujer,
natif de Poiitou, Sieur de Migné, Confeiller du Roy, & Magifirat à Poictiers.
Il ajoute qu'il vivoit encore en 15 84.
Mais il ne le fait Auteur d'aucun ouvrage en vers.
GERMAIN
EMERT.
On connoît encore moins Germain
Emery ou Aymery, Licentié es Loix, &
Avocat à Poitiers, quia écrit à Bouchot la quarantième Epîtrequi fe trouve parmi les Epîtres familières du dernier. C'efl peut-être la feule pièce de
vers qui foit imprimée de cet Auteur,
ami de Bouchet dès l'enfance.
JEAN
PARMENTIER
Jean Parmentier, Auteur de la quarante-quatrième Epître, eft beaucoup
moins ignoré. Bouchet dans l'Epître
quarante-troifiéme le dit
F R A N ç O I S E .
. . Poëte altilocuient,
Hiflorien , Orateur excellent.
33J
MENTIEX]
C e qu'il y a de vrai, c'eft que Jean
Parmentier né à Dieppe en 1494.,
quoiqu'engagé dans le commerce, &
ayant exercé toute fa vie la profeffion
de Marchand, ne laifia pas de fe livrer
aux belles lettres, autant que fes occupations purent lui en laifler le loifir.
« Quoiqu'il n'eût pas beaucoup han- «e
té les écoles, dit Pierre Crignon,cc
Editeur ce que nous avons de lui, fi ««
toutesfois eftoit il congnoiflant en plu- «c
iîeurs fciences que le grant précepteur ce
& maiftre d'Efcole par don àe grâce in- <*
fufe luy avoit eflargi. » Cette grâce infufe le rendit, félon fes Panégyriftes ,
non-feulement capable de compofer
quantité de poëfies , telles que Chants
Royaux, Ballades, Rondeaux, bonnes &
excellentes Moralités & Farces, mais
encore de traduire en François la conjuration de Catilina écrite en Latin par
Salufte. Selon Crignon & du Verdier,
il étoit de plus ce bon Cofmographe ce
•& Géographe ; & par luy ont été «
compofez plufieurs Mappss-mondes «
englobes & en plat, & maintes Cartes cemarines , fur lefquelles plufieurs ont t c
uavigéfeuxement. »
P ij
340
BIBLIOTHèQUE
= e =
Le defir de connoître & de voir par
JEAN PAR-lui-même d'autres pays que le fien, lui
WIK
T I E R . £ t entreprendre en i 520. la conduite
de deux .vaifleaux , que Jean Ango
Grenetier, Vis-Comte de Dieppe, avoit
équippés à fes dépens. Jean Parmentier n'avoit alors que trente-cinq ans,
& Raoul fon frère qui voulut l'accompagner dans ce voyage, n'en avoit que
trente. Après une navigation aflèz fâcheufe, ils arrivèrent enfin à rifle de
Sumatra, en la mer des Indes , où ils
débarquèrent avec tout l'équipage. Les
chaleurs du pays, jointes aux fatigues
du voyage, cauferent à Jean une fièvre fi violente, qu'il en mourut au
bout de huit jours, laiffant veuve une
jeune femme qu'il n'avoit époufée que
depuis environ un an de demi. Son frère Raoul, attaqué du même mal, ne lui
furvécut que de quinze jours. Crigrion,
compagnon de leur voyage & témoin
de leur trille fin, a fait fur leur mort
une Complainte où il exprime ainfi les
regrets que leur départ avoit excités.
H me fouvient comme à la départie
Chacun prenoit congé de fa partie ,
Et que je vey la Nymphe Parmentier
Qui fen efpoux aimoit de cueur entier ,
Faire ung adieu fi méfié de regtez,
F R A N ç O I S E .
341
Que ce voyant ung cueur plus dur que grez
Se feuft fendu, ou fondu comme cire.
"•
JEANPAU.-
Enfuite après avoir décrit les grâces M E * m E t t extérieures de la femme de Parmentier, il la fait parler ainfi :
Mon efpoux 8c amy
Je n'ay elle, fors qu'un an 8c demy
Avecques luy , qui me femble trop brief :
O dur départ, tant tu me feras grief !
Tous les plailirs que j'ay prins jours 8c nuicts
Sont convertis en douleurs & ennuiera
N'avons nous pas des biens à fuftifance
Pour vivre enfemble en joye 8c en plaifance ?
Crignon déplore la mort des deux frères dans la fuite de fa Complainte, où
il fait parler ainfi la Mufe Polymnie à
la femme de l'aîné.
' Du corps de Jm tiens toy tout informé
Qu'il eft déjà en Palme transformé.
Le corps de çt>ul, qui jeeté fut en mer
Eft transformé en un léger Dauphin:
•
• . . . . . . • . . . . . •
Et celle mer où il fait demoutée
Du nom des deux doibt eftre décorée :
Se plus François vient en celle frontière ,
Il nommera celle mer Parmcnticre,
Piij
y
342
BIBLIOTHèQUE
Et en fera mémoire à tout jamais, Sec.
J TAN PAR-
Il ne nous refle des ouvrages Dramatiques de Jean Parmentier , que fa
Moralité très-élégante à dix perfonnages,
à l'honneur de f* Ajfomption de la Vierge
Marie, imprimée à Paris en i 53 i inHift. t ».p. 4°- En attendant que je vous rende
acs. & t. j. COmpte ailleurs de cette pièce , vous
pouvez voir ce qu'en difent MM. Parfait dans leur Hiftoire du Théâtre FranR h r
i" é ut'inlÇ°rs> & M. de Beauchamps dans fes
»".*t. 1.
Recherches fur l'Hiftoire du même
Théâtre. Du Verdier cite du même
Parmentier un Traiéïé enferme d'exhortation contenant les merveilles de Dieu &
la dignité de l'homme, compofé en rime ;
un Chant Royal par manière de Paraphra
fe fur l'Oraifon Dominicale ; & plusieurs
autres Chants Royaux faicls fouis termes
Agronomiques, Géographiques & Maritimes , à l'honneur de la très-heureufe Vier
Marie Mère de Dieu. A l'égard de Raoul
frère de Jean, nous ne connoiflbns de
lui aucun ouvrage; mais le témoignage
de Pierre Crignon fuffit pour lui donner
place parmi les Poètes, puifqu'en parlant des deux frères, il dit qu'ils étoient
MENTIER.
. . . . . deux des plus clercs
Tour compofer Ballades , Chants royaux »
•Moralités, Comédies, Rondeaux »
F R A N ç O I S E .
343
Aftrolabcs, Sphères & Mappemonde,
Caries auflî pour conaoiftre le monde.
JEAN
MARY.
Quoique nous n'ayons plus l'Epître
en vers de Jean Marin de Rouffec y a laquelle Jean Bouchet répondit par Sx
quarante-feptiéme Epître familière ,
nous ne pouvons douter que cet Ecrivain ne fût Poète à la manière de fon
tems. 1 °. Parce que Bouchet, dans la
même Epître quarante-feptiéme , le
décore des titres d'Orateur tant difert &
facré, & plus bas, de Poète facré. 20.
Parce que l'Epître quatre-vingtième
en vers, adreflee au même Bouchet,
elf de ce Jean Marin de Rouffec. Il étoit
d'Angoulême, Licentié es Droits &
Advocat de Rouffec, & fon vrai nom
étoit Jehan Mary. Dans l'Epître quatre-vingtième que je viens de citer, &
qui eft contre les Détraiteurs, après avoir
fouhaité de tenir feulement un coin
avec honneur dans quelques-uns des
ouvrages de Bouchet, il ajoute :
Je t'envoye ung procès
Tout fait en rime, en matière d'excès,
Lequel j'ay mis , non pour gagner pécune ,
En mon vulgaire, où je prie à ta plume
P iiij
544
B l B X I O T H E Q VB
Palier deflus , & l'euvre corriger,
Qu'à cette fin, t'ay voulu diriger....
Le dit procès le termina jadis
Dedans la court du trés-bault Paradis,
Tout le narré j'ay prins dedans Bartolle ,
Par ce convient que luy feul on m o l l e ;
Combien que j'aye efté fi fort aftreint,
Que mon eiprit recullant j'ay contraint
De tranfiater ceftuy petit ouvrage
De bon Latin en maternel langage.
Quel eft cet écrit? Eft-il imprimé?
c'eft ce que je n'ai pu découvrir. Bouchet en faifojt cas, cornme on le voit
par fa réponfe, où il dit :
Et au furplus ton Trilogue j'ay leu
Faicf. par bon art, de bon termes pourveu,
Ou la rigueur tu as gaidé de rime ,
Et prins matière ailèz haulte & fublimc ;
Et fi l'ouvrage eft fuccinct & petit,
Mieulx on y prend bon goût & appétit.
Je ne vous dirai rien de Jacques de
Puytefon, Chanoine de Ménigoufte, de
Maiftre Thomas le Prevoft de Rouen,
de Maiftre Baptifte le Chandelier, Con»
feiller du Roy en [a Court de Parlement
de Normandie, de Michel Defarpens, ou
des Arpens, ni de Florent Thibault, qui
tous ont écrit en vers à Jean Bouchet;
leurs Epîtres ne nous apprennent rien
F R A N ç O I S E .
345
de ce qui les concerne, & je n'en ai —
—
rien trouvé ailleurs. Maiftre François de ^ EAN ^*"
Sagon, Curé de Beauvais, Auteur de
l'Epître cent neuvième au même Bouchet, vous efb déjà connu par (es différends avec Clément IVlarot, & je ne
pourrois que répéter ce que je vous en
ai dit. Mais je ne dois pas paffer fous
filence Claude Cothereau, François Thibault , Germain Colin Bûcher, Nicolas Petit , Jacques le Lieur, Jean Brèche ,Jac~
que s Godard & Jean d Authon. Il faut du
moins vous inftruire du peu que j'ai découvert fur ces huit Poètes, qui tous,
ou prefque tous ont pareillement écrit
en vers à Jean Bouchet leur contemporaindc leur ami.
CLAUDE
COTTE RE AU.
Claude Cothereau, ou plutôt Cot- BîM. Franc.
tereau, vous eft déjà connu par fa tra-^'• P- ,11duétion des douze livres de Columelle, '7>
dont le dixième eft traduit en vers François, & par la Pandore de Jean Olivier
dont il communiqua le manufcrit à
Etienne Dolet, qui le publia. Cottereau étoit de Tours , à ce qu'il paroît :
il fit une partie de fes études à Poitiers,
tSc fe lia dès ce tems-là avec Bouchet
PY
34<>
BIBLIOTHèQUE
qui dans une de fes Epîtres lui rappelle
CLAUDE cette ancienne liaifon. ^u'il vous fouCOITE- vienne, dit-il, de l'ancienne connoiffance
i—
B.EAU.
Que nous eufmes deux ans entiers ,
Vous efludiant à Toictiers.
S'étant retiré à T O U R , & ayant embrafië l'Etat Eccléfiaftique, il fut employé dans le miniftére. Bouchet qui
lui adreflè lbn Epître cinquante-fixiéme , le qualifie Archiprêtre de Tours >
«Se le loue ainfi fur fon progrès dans les
sciences :
Voyant ton art de compoler tout grave „
Ton ftyle doux, coppieux & dave ,
Et ton içavoir d'Hébiieu , Grec &t Latin
r
Vulgaire auffi.
Plus bas il ajoute : je te remercie de ce
qu'il t'a plu
. . . . . m'envoyer de ta rime
De divers ftyle, approchant des propos.
Par toy rimez, en auffi bon difpos
Qu'on fçauroit veoir , & auffi bonne taille»
Sans que la main après toy mettre y taille.
Cottereau ayant quitté Tours, vint
à Paris. Il étoit dans cette Ville lorfque Bouchet lui adrefla fon Epître quatre-Yingt-deuxiéme. LaCroix.^n-Axai
F R A N ç O I S E .
347
n e & du Verdier lui donnent la qualité
de Chanoine de Paris, fans défigner dans CLAUDE
quelle Eglife il pofledoit ce bénéfice. C o T T ^
Cottereau levé ce doute , en fe quali- R E A U '
fiant dans l'Epître cent vingt-troifiéme
parmi les Epîtres familières de Bouc h e t , Chanoine prébende en C Eglife de
Paris. Il étoit alors dans un âge avanc é , puifqu'il figne ainfi cette E p î t r e ,
Par cil qui n'eft nouveau
Voftre amy , niais vieil Coiereau,
Il vivoit encore en 15 5 6. Je ne connois
point d'autres ouvrages de lui que ceux
dont je vous ai parlé.
AMSMMC
F R' EMPOIS
THIBAULT.
François Thibault, Licentié h Droits
& Avocat à Poitiers, dans fon Epître
à Bouchet, marque qu'il lui envoie u n
Traité de fa compofition, en profe éc
en vers, & le prie de le corriger ; mais
il ne dit pas quel en étoit l'objet. B o u chet dans fa réponfe nous apprend que
cet ouvrage étoit intitulé, le Débat de
l'efprit amoureux : & v o k i comment i l
en parle :
Entre autres toy quiftyleas dour. & brief
Comme SaUufie, auquel n'y a rien grief,
Fvj
348
FRANçOIS
TH*"BAULT
BIBLIOTHèQUE
Trèsfloriflantcomme du fécond Pline ,
Et coppieux fuivant la difcipline
De Cicero , abondant, fec & tria
Ce qu'a Fronto l'Orateur on afcript,
Comme j'ay veu par le tien opufcule
Lequel eft fàict en langue vetnacule ,
Dit le Débat de VE'jrit amoureux,
Ou l'on te veoit en termes plantureux
Bon inventeur, & qui très-bien difpofes
L'invention, l'efcrit & la compofes.
>
La Croix-du- Maine & du Verdier ne
parlent ni de l'Auteur , ni de fon ouvrage.
GERMAIN
COLIN
BUCHER.
Le premier a connu Ger*mÈkC
iColin ,
fil dit natif d'Angers, Poetè^trancois
Poeh**Tr,
qu'il
du tems de Marot, & il le diftingue de
Germain Colin Bûcher, grand Orateur &
Secrétaire de Meffire Philippe ( de milliers ) de l'IJle-Adam , grand Maiftre de
Malthe. Mais la Croix-du-Maine le
trompe dans cette diftinction. 11 n'oit
ici queftion que d'un feul & même Poète-: Bûcher étoit le nom de fa famille ;
Germain & Colin étoient les noms de Baptême. Le même Bibliothécaire n'a
connu aucun de fesouvrages, puifqu'il
n'en cite point. Nous avons du moins
F R A N ç O I S E .
34.9
deux Epîtres de lui en vers adreflees à —
Bouchet : c'en, la foixante-quatriéme GERMAIN
& la foixante-fixiéme des Epîtres fami-g LIN>
liéres du dernier. L'une & l'autre font
l'éloge de celui à qui elles font écrites.
Dans la féconde , Bûcher parle beaucoup des entreprifes des Turcs contre
les Chevaliers de faint Jean de Jérufalem. Il ajoute qu'il étoit Angevin.
Tu me verras à tes v.entz réfléchir
En Angevin débonnaire & fans v i c e ,
Ne fçachant point iîmuler, ne gauchir.
Je fuis d'Anjou de gente claire & franche
Qui n'a taché que d'honneur s'enrichir ,
Dont m'a fallu appuyer d'autre branche
l'our fouftenir ma vie en ce bas monde,
Qui fur lés bords d'amaritude panche
Il ligne à la fin ;
Ton ferviteur Germain Colin Bûcher.
Jean Bouchet répondant à ces deux
lettres, loue beaucoup à fon tout Germain Bûcher , mais il ne nous inft.ru it
d'aucun de fes ouvrages. Je vous ai dit
ci-deflus que ce Poète avoit d'abord été
lié d'une étroite amitié avec Sagon un
des adverfaires de Marot, & que celuici l'attira enfuite dans fon parti, ce
dont Sagon fe plaignit avec aigreur à
350
B l B l I O T HEQUK
Bouchet qui ne voulue point entrer
dans cette querelle , quoiqu'il blâmât
Bûcher d'avoir rompu avec Sagon.
NICOLAS
PETIT.
Nicolas Petit, autre ami de Jean
Bouchet, étoit Poète Latin & François , & Licentié es Droits. Il étoit originaire de Normandie, mais il vint
jeune à Paris où il fit fes études. Voulant enfuite s'appliquer à la feience du
Droit, il alla à Poitiers oh il prit le degré de Licentié , & fut fait Recteur.
Il fe fit beaucoup d'honneur dans cette
Ville par fes talens, & s'y acquit un
grand nombre d'amis par fa politeflê &
fa bonne conduite. La pelle ayant affligé la Ville de Poitiers en 15 3 2, il fe
retira au Bourg de Perfac , où il mourut au mois d'Octobre de la même année , après quatre jours de maladie,
n'étant âgé que de trente-cinq ans,
C'efi Bouchet qui nous apprend ces
faits dans fon Epître à M. l'Abbé de
Fontaine-le-Comte, où il dit que les
Poitevins doivent pleurer la mort de
Petit,
Parce quvit a Tes pays foubfiemir
Tant, de Poitou, que tous ceulï. d'Aquitaine,
F R A N ç O I S E ,
351
Jaçoit qu'il feuft de Normandie iiîu,
Et à Paris ourdi, faict & tiifu
Quant au fçavoir de l'humaine fcience ,
Et à Poitiers quant aux Lois & Licence,
Ee nom portoit de Niâtes Petit T
Qui tousjours eut aux lettres appétit ;
Petit de nom , mais grand de renommée
Par ion eftnde en labeur confommée.
^SSSSÏSÏ
NICOLAS
PETIT,
^
Une des Mufes. à qui Bouchet prête fort
langage dans la même Epître, ajoute
beaucoup à cet éloge, lorfqu'eile dit,
parlant à Bouchet même :
. . . . Nous avons un Poëte perdu ,
. Et Orateur, qui tousjours a tendu
. De conferver l'honneur de nous , les Mufes r
Non en cornetz , flajolz, ne cornemufes,
Mais en beaux fâitz & compétitions >
Dont il eft bruyt par toutes nations ,
Et a rendu par pluueurs beaulx diiticques
Tous tes écrits en maints lieux magnifiques.
Oeil" que Nicolas Petit a orné en effet
prefque tous les écrits de Bouchet de
vers Latins, 6: quelquefois de pièces
aflèz longues, où il loue & l'Auteur &
lès ouvrages, La Mufe continue ;
XI eftoit docr, doux, célèbre 8c facond ,
Sacré, divin ,. en beaulx termes fécond,
Pranant & hardy, altiioqueat^lepide,
_
35^
BIBLIOTHèQUE
— s — —
Noble d'engin, à efcrire intrépide ; . NICOLAS Mieulx efcrivoit cent foit qu'il ne pacloit,
rETIT.
• £ t n e monftroit le hault pris qu'il valoi-.
Mais tant y a qu'entre tous les Cronicques ,
Epigrammeurs , Liricques , Satiricques ,
Semblablement entre Tragédiens,
Elégiacs & les Hiftoriens
Grecs & Latins nous l'avons voulu mettre
Au rang d'honneur, comme parfaict en métré.
Il avoit plus , car en civilité ,
Et Droiét Canon citoit habilité
Tant Se il bien , qu'après fa longue émule
De la Licence avoit eu l'altitude , &c.
Malgré tous ces éloges, je ne crois pas
que l'on doive regretter la perte des
poëfies Françoifes de Nicolas Petit.
JACQUES
LE
LIEUR.
Celles de Jacques le Lieur ont eu le
même fort, & fans doute qu'on s'en
confolera fans peine. La Croix-duMaine qui le nomme mal le Lièvre, ne
, lui donne qu'un Chant Royal a l'honneur
de la Vierge : Bouchet dans fa quatrevingt-dix-huitième Epître familière,
qui eft adreflee à cet Orateur de Rouen,
parle de trois Chants Royaux, que le •
Lieur lui avoit envoyés, & dont il le
FRANçOISE.
353
remercie. Le Lieur répondit à Bou- ' ' ' _ " '
chet à qui il rend louanges pour loiian- JACQUES
ges. Sa réponfe eft la quatre-vingt-dix- LE EIEUR»
neuvième Epîtréfamilière de Bouchet.
Celui-ci dans fon Epître cent treizièm e écrite au même, ajoute à ce qu'il
avoit déjà dit :
. , . . . Quand j'ay veu de tes vers la coppie
Non procédans de garruleufe pic ,
Mais d'Orateur & Poète parfàict,
Semblablement ce que Marot a f a i i t ,
Audi Macault du Roy le Secrétaire ,
J*ay propofé dorelaavant me taire , &c.
On ne pouvoit affurément faire plus
d'honneur à le Lieur, que de le comparer à Marot : mais le parallèle étoitil jufte ? Les louanges des Poètes font
toujours fufpecles , parce qu'elles fe
contiennent rarement dans les bornes
du vrai.
JEAN
BRECHE.
v Bouchet n'excede-t'il pas encore,
lorfque parlant de Maiftre Jean Brèche,
Avocat à Tours, qui lui avoit envoyé
en vers une Epître qui fait la cent dixneuviéme des Epîtres familières de notre Procureur Poitevin , il dit :
354
JEAN BUE.
CH£.
BIBLIOTHèQUE
Que veulx-je dire ? Orateur tres-facond ,
?
En tous fçavoirs abondant 2c fécond,
Sinon après avoir vcu ton Epittte ,
Et les Traictez aufquelz as donné tiltres
Dt l* deCtrine ér 1*
ctnditita
D'nn nette T rince , & la traduction
De ce qu'en dit Plutarque en ung lien livre
Par toy traduit, de tous deflaulx délivre
J'ay retiré plume, papier & encre
Comme esbahy , èScc,
L'ouvrage de Brèche dont Bouchée
parle ici, a pour titre : le Manuel Royal
ou opufcules de la doctrine & condition du
Prince, partie en profe, partie en tinte-%
avec le Commentaire de Plutarque de la
doctrine du Prince : ensemble les quatrevingt Préceptes (Tlfocrate, du régime &
gouvernement du Prince, le tout impri-
mé à Tours en 154.1. in-4 0 . Boucher
voulant faire connoître davantage la
matière contenue dans ces opufcules,
& l'utilité qu'on pouvoit en retirer,
ajoute :
Et pour parler après de la matière
En foy très-grand, eft parfaite &c entière ,
Digne d'un? R o y , Monarque ou Empereur ,
Qui ces Traîtres pourroient lire par heur ;
Car apprendront voyant ton eferipture,
Quelle des corps fera leur nourriture ,
FRANçOISE.
355
ï t de l'efprit, pour en honneur régner ,
Et les deffaulx d'une terre e.xpugner ;
JEANBRE-
E t quant aux biens, comme on les doit delpendre ,
CHE.
E t des bienfaits à chafcun loyer rendre ;
Prouvant le tout par efcriptes raifons,
Par ditz moraux & par comparaifons ,
Qu'on ne fçauroit aucunement defbattre ,
Ne deibattant, par le contraire abbattre ;
Er perde & croy que le Roy Salomon,
Ne Socrates , ne le divin Platon ,
Ne aulnes grans Philofophes novaulx
N'en ont efcript précepts plus doctrinaulx,
Mieulx procérlans de Dieu par grâce infuie
Que du confeil de ta privée Mufe,
Qui en tous arts t'a fi très-bien infirmer
Qu'en toute France & ailleurs en eft bruyt.
Jean Brèche vouloit dédier cet ouvrage à la fœur de François I. & Boucher le lui confeille. Il eft encore Auteur de l'bonnefie exercice du Prince, dont
on n'a que le premier livre en vers
François, imprimé en 1544.. & qui devoir: être fuivi de deux autres, qu'il n'a
peut-être pas achevés. A l'égard de fa
traduction du livre de Laétance de
l ouvrage de Dieu, eu de la formation de
f homme ; de celle des Aphorifmes d'Hippocrate , de fon Promptuaire des Loix
municipales, & de fon abrégé des trois
55cî
BIBLIOTHèQUE
premiers livres de Galien, de la compofition des Aiédicamens, ce n'eft point ici
le lieu d'en parler.
JACQUES
GODARD.
Je finis cette énumératiôn des Poètes amis de Jean Bouchet, & dont celui-ci fait mention, par Jacques Godard
Se Jean d'Authon. Le premier étoit Curé
& Chanoine de la Chaftre en Berry. Bouchet ne nous a pas confervé la lettre
qu'il en avoit reçue. Tout ce qu'il nous
dit dans fa rëponfe, c'efl qu'elle étoit
fort courte. Ce Chanoine a écrit en
vers François un Dialogue férieux &
moral de Narcis ou Narcijfus, & d'Echo,
imprimé à Poitiers l'an 1559. un petit
Traitté aufli en vers François, contenant
la déploration de toutes les prifes de Rome
depuis fa fondation par Romulusjufqu'ala
dernière prife par les Efpagnols, à Paris,
1528. in-8 °. Se une Epître Latine &
Françoife, envoyée à Maifire Jean des
Eoffez., Lieutenant du Bailly en Berrj ,
&c.
JEAN
D'AUTHON.
La reconnoifiance jointe à l'amitié,
a engagé Jean Bouchet à s'étendre un
F R A N ç O I S E .
557
peu davantage fur Jean d'Authon. C'eft
d e lui, comme il le dit, qu'il avoit ap- JEAN
pris l'art de Rhétorique & de Poéfie. Ce- U'AUTHO*
pendant Bouchet a négligé d'entrer
dans le détail de la vie de fon ami, &
il n'a prefque écrit que pour lotier fa
perfonne &fes ouvrages. La Croix-duMaine & du Verdier, qui ont tort de
le nommer Danthon, en difent encore
moins. Tout ce que j'ai pu recueillir
d'hiftorique concernant ce Poète &
Hiflorien, c'eft qu'il étoit de Poitiers,
de famille, noble, qu'il embrafla dans
fa jeunefie la règle de faint Auguftin ;
qu'ayant été connu du Roi Louis X I I ,
ce Prince le nomma fon Croniqueur,
c'eft-à-dire, fon Hiftoriographe, qu'il
le chargea d'écrire Phiftoire de fon règne , qu'il lui donna l'Abbaye d'Angle en Poitou, & qu'il mourut au mois
de Janvier 1527. âgé d'un peu plus de
foixante ans. Ces faits & quelques au, très fe trouvant dans fon Epitaphe com- Ep.«-o. f«ù6}
pofée par Bouchet, je crois qu'il ne wfera pas inutile de la rapporter, quoiqu'un peu longue : elle eft conçue en
ces termes.
Cy deflbubz gift en ce bien eftroit angle
Vn bon Seigneur aultresiois Abbé d'Angle,
Religieux ; «'eft ftere Jelian d'Authon ,
35^
—«^——.
JEAN
i> A u i H O N
BlBlrOTHEQUr?
Noble de fang , qui vcfquift , ce dict-on ;
Bar foixante & plus , en bon eftime ;
Grant Orateur tant en profe qu'en rithine,.
Il ordonnoit comme en profe fes vers
Sans rien contiaindre à l'endroit ou envers t
Il eltoit grave .en fon métré & facille ;
Brief, onc ne vy jamais de plus grand ftyle.
I'lufieurs Traictez en rime compofa,
OU le lien fens & fçavoir expofa
Du Roy Loys de ce nom le douziefme,
Tant qu'il porta le royal Diadefme ,
Fuft Cronicqueur, & en profe a efeript
Ses nobles faietz , où monftra fon efprit.
En rime a fait trois Fpiitres moult belles
Des trois Eftats contenans les querelles.
Et ce bon Roy voyant que Moyne eftoit,
Et que très-bien eftre Abbé méritoit,
Le feit pourveoir de cette prelature ,
En attendant plus féconde avanture ;
Car il cuit eu chofe de plus hault priz ,
Si fiére mort n'euit ce bon Roy iurpris.
Dix ans avant que mourut ce bon père ,
Auftere vie il tint en Monaftere ,
En mefprifant par merveilleux defdaing
Les gens du monde & tout honneur mondai*.
Il ne dormoit en mol lier, fous courtines ;
Tousjours eltoit le premier à Matines :
Il fe rendoit II tris-humble & abject,
Qu'il ne feuabloit eftxe A b b é , mais fuhject»
F R A N ç O I S E .
350.
Et tellement qu'on ne l'euft peu congnoiftre
Entre les Cens Religieux en Cloiftre,
—«^—M
JEAN
Par luy eftoient grans boubans reboutez ,
° "uTHOl|
Combien qu'il fuit noble des deux couliez ;
Il ne vouloit ne chafle, ne vénerie ,
Riches habitz, ne pompeufe efcurie ;
En folitude il vivoit tout feulet,
Se contentant d'un Prebftre & d'un Varlet :
Il ne vouloit compaignée pompeufe;
De confcience eftoit fort timoreufe.
Puis en Janvier mil cinq cens ic vingt-lept
Il trefpallà, difant maint beau verfet,
Le corps duquel repofe fous la lame :
Priez à Dieu que pardon face à l'ame.
Cette Epitaphe, imprimée dans le recueil des pièces du même genre compofées par Bouchet, fait ailleurs partie
de l'Epître cinquante-feptiémé du même , où il fait encore cet éloge de Jean
d'Authon :
Il eftoit brief, reflïmblant à Sallufte »
Sec, floriuant, aucunes fois adulte,
Fort abondant, comme Pline fécond ,
Et coppieux comme Tulle, Se facond;
Il eftoit grave en parolle , & facille,
Et Saint Gelaiz & luy n'avoient qu'un ftyle :
Et n'en defplaife aux Françoys Orateurs
Qui font de profe & vers compofitcurs ,
One n'en congneu de plus doulce élégance.,
3cîo
BIBLIOTHèQUE
Mieulx efcripvant fans cache d'arrogance.
JEAN
t> AUTHON
Métamorphofe autrefois a traduit
sucrinûemen, f & l'ouvrage conduit
Si doulcernent, qu'on dirait que les Nymphes »
Les femi-Uieux, Mufes Se Paranymphes
Sont entre humains ainfî comme vifz rems ,
Et que les Dieux des Gentils font vivant.
De dix vertus il a fait les Eallades
En fi hault ftyle Se beau , que les malades
Se guériraient en icelles lifant ;
Tant eft l'Auteur attable Se bien difant.
Enfin dans une autre Epître, Bouchet
après avoir loiié encore l'hifloire de
Louis XII. par Jean d'Authon , ajoute , en lui adrefîant la parole :
Ung mot diray des Ballades , Rondeaux ,
Epiftres, Lais, Se aultres faits fi beaux
Par toy tiflus en doulce confonnance ,
Qu'ils ont fi haulte Se doulce refonnance (
Qu'il ne fut onc langage plus friant.,
Si très-aifé , car il eft attrayant,
Et fi Huant, que tes métrés font profe ,
Et n'y a mot fur lequel faille g lofe.
De ces divers ouvrages de Jean d'Authon loués par Bouchet, laiflant là
l'hifloire de Louis XII, qui n'efl pas
a&uellement de mon fujet, je n'ai vu
que les fuivans. i. Deux Epîtres en
vers »
F R A N ç O I S E ,
36*1
Vers., dont l'une eft dans le Panegyric
—
du Chevalierfans reproche, de Jean Bou- JEAN
c h e t , édition in-4 0 . Gothique-, l'autreD'AUTHON
à la fin du Labyrinthe de fortune par le
même Bouchet. Dans la première,
Jean d'Authon loue Ion ami, Se parle
avec éloge de lès ouvrages, & en particulier de fes Annales d'Aquitaine : là
féconde n'a rien d'intéreflânt. 2. Les
Epiftres envoyées au Roy très-chreflien de
là les Monts par les Eftats de France r
avec certaines Ballades & Ronde•aulx, fur
le faicl de la guerre de Venife, compofees :
in-4 0 . à Lyon , l'an 1509. Il y a trois
Épîtres. La première eft celle de l'i?glife : la féconde, celle de Noblejfe : &
la troifiéme, celle de Labeur. C'eft-àd i r e , que le Clergé, la Nobleffe & le
Tiers-Etat parlent, chacun à fon tour,
- dans ces trois Epîtres, & tous pour
loiier Louis XII. & célébrer fes conquêtes. Ces lettres font fuivies de trois
Ballades, l'une avant la bataille, l'autre
après la bataille, & la dernière fur les
fuites de la guerre. Les deux Rondeaux
qui viennent après , ont le même objet. Je n'ai rien vu dans toutes ces pièces qui réponde aux éloges que Bouchet a jugé à propos d'en faire. Le prologue de l'Auteur eft auffi en vers.
Tme XL
Q
362
BIBLIOTHèQUE
3. L'exil de Gènes Ufuperbe ,faiftf>arfteJEAN
re Jean d'Authon , Hiftoriographe du Roy,
»ACTHON in.^o^ a v e c u n e gravure qui repréfente
la fédition excitée parles Bourgeois de
Gènes contre la Nobleffe en 1506.
Cette fédition devint par degrés une
révolte contre Louis XII. Le Koi partit en conféquence de Grenoble le 3
Avril 1507. arriva devant Gènes, força la Ville de fe rendre à difcrétion, &
y fit fon entrée le 28 d'Avril. C'eft le
lu jet de la pièce de Jean d'Authon, qui
n'eft guéres cependant qu'une invective contre la Ville de Gènes. Dans quelques exemplaires cette pièce eft précédée d'une Epiftre en vers aux Rommains.
C'eft une fatyre très-emportée contre
les Romains, à qui l'Auteur reproche
les plus grands vices. Cette Epître eft
fans nom d'Auteur ; & je la crois plutôt de Jean Divry que de d'Authon.
JEAN
D I V R 7.
Ce Jean Divry, que du Verdier nomme Diverj, & qui rendoit fon nom en
Latin par celui de Diurius, comme on
le lit dans Vander Linden, étoit d'Hiencourt au Diocéfe de Beauvais. C'eft du
moins ce que je Bs dans du Verdier,
F R A N ç O I S E .
36T 3
«fui ajoute , qu'il exerça la Médecine
dans la ville de Manthe. Divry nous JEAN
dic feulement qu'il étoit du Beauvaifis, VRY'
n é de parens pauvres, & qu'il a fait un
allez long féjour à Paris :
Pas n'eft raifort que pour les médifan*
Jt: laifle à dire de Paris les haulz biens ,
OU fuis nourry puis environ dix ans ,
Sans que j'amende de mes parens en riens :
Beanvoijtm je fuis, & me foubltiens
Qui n'ay ne cens, ne revenu , ne rente ;
Au jour le jour je vis & m'entretiens,
En efcoutant que fortune me augmente.
La pièce où il rapporte ces vers elt
du vingtième jour de AUi 1 508. ainfi il
devoit être venu à Paris en 14.98. ou
l'année fuivante. Il y étudioit en Médecine dans la Faculté de cette Ville,
«5c il avoit pris dès-lors le degré de Bachelier , puifqu'il en prend le titre au
commencement de la même pièce.
Vander Linden ne cite qu'un ouvrage
de lui concernant fa profeffion, & il n'en
met la première édition qu'en 1536.
Cet ouvrage eftécrit en Latin, & a été
réimprimé à Strafbourg en i 542. J'ignore fi l'Auteur vivoit encore en cette
année. A l'égard de fes ouvrages François a du, Verdier n'en cite qu'un, intjQij
' .•
DI-
3 64.
BrBiioTjffEQUE
tuléDialogue de Salomon & de Marcol~
P 1 - phus, avec les Diils des fept Saiges, &'
autres Philojophes de Grèce, imprimé à
Paris, par Guillaume Euftace en 1509.
J'en ai vu plufieurs autres : tels font les
Triumphes de France, tranflates de Latin
en François fclon le texte de Curre JMamertin, imprimés à Paris par Jean Barbier pour Guillaume Euftace, le vingtième jour de Mai 1508. In-4. 0 . Curre
Mamertin eft Charles de Curres, natif
de Mamcrs au Maine. G'étoit un Poète Latin qui vivoit fous le règne de
Louis XII. Il adreflà fon ouvrage, par
une Epître en profe, à Béraud Stuart,
Seigneur d'Aubigny. Diyry a traduit
cette Epître en profe, & à la fin il ligne , Jehan Divrj, petit efcollier & difciple de tous Orateurs & bons Rhétoriciens. Le poème eft plus paraphrafé
que traduit en vers François. Il eft divifé en douze chapitres, dont je me
contenterai de vous indiquer les fujets.
Le premier contient l'éloge de Louis
XII. L'Epître au Seigneur d'Aubigny,
forme le fécond , & la traduction de
cette Epître fait le troifiéme. Le quatrième eft à la louange du même Bérault Stuart, qui avoit acccompagné
le Roi Charles VIII à la conquête d'I-
= =
JEAN
VKV.
F a A N.ç O I S E .
36"5
talie , & qui mourut au mois de Juin
i 508. Ces quatre premiers Chapitres JEAN "DIfont une efpéce de hors d'œuvre; & ce VRY*
n'eft proprement qu'au cinquième que
le poème commence. L'Auteur après y
avoir invoqué la Déejfe Calliope, parle
dans les Chapitres fuivans de {ajournée
des François en Italie, contre Ferdin a n d , Roi d'Arragon , de l'entrée des
François dans Bologne , Florence ,
Rome , & autres Villes d'Italie, de la
prife de Capouë , de la reddition de
Naples qui fe fournit à Louis X I I , &
de l'entrée de ce Prince dans cette Ville. Tout cela efl fort fuperficiel, & a
plus l'air d'un Journal fec & décharné
que d'un poème, quoique l'Auteur
perdant haleine dès le neuvième Chapitre , y demande de nouveau le fe>
cours de Calliope,
Ce poème efl fuivi d'une Ballade Se
de deux Rondeaux. La Ballade n'eft
prefque qu'une Complainte de Divry
fur ce qu'il fe voyoit toujours, fi on
l'en croit, abandonné par la fortune.
Il dit entr'autres :
Dame Fortune tous les jours me tourmente
Dcfloubz fa tente ; grâce à Dieu toutes foys ;
Puifqu'il luy plaift que povrete' je fente
Krès moy rttéfentc , murmurer n'en voulrlroys
Qiij
9*56
BlBLIOTHEQTJ E
Faulcc d'argent de moy point ne ié abfenre ,
Mais permanente me tient fort aux aboys ;
Si n'ay de quoy, jà pourtant ne lamente ;
Fleuve , froid , vente, vis tomme un loup aux bois ;
Aulcune tbys fuis faoul, puis des jours trois
Pain, vin, chair, pois, nefourreen rna belace ,
Faulte d'audace me tient en fes deftroits :
Son chien de chois ne perd jamais fa trace.
Après quelques autres plaintes , toujours entremêlées de l'éloge de la patience , il dit au Roi :
Prince , Seigneur très-Chreftien des Rois ,
Par vos arrois dcmnez-rnoy quelque place
Oh je pourchafle quelque muet tme fois ;
Son chien de chois ne perd jamais fa trace.
Divry étoit fi perfuadé que de la manière dont il ayoit traduit le poème de
Charles de Curres, il en avoit fait fon
propre ouvrage, qu'il le regarde comme un bien qui lui appartenoit ; c'elt
ce qu'il fait entendre à lafinde fon poème fur l'origine & les conquêtes des
François, depuis lepartement de Francien
fils d'Heclor de Troyes jufiqua préfenty
c'eft-à-dire, jufqu'en 1508. Il dit en
effet pour faire connoître le fujet de ce
dernier poème & celui du premier ;
Conféqucmment recueillis les hiftoircs >
Oit les triumphes, prouefies & victoires.
F R A N ç O I S E .
3 67
Des pmiz François font mifes par efeript,
Que j'ay nommé par vraye demonftrance ,
Sans fourvoyer, les Trinmphes de France,
A la louange du très-Creftien Roy
loys douziefme, qui en fi noble arroy
Tient fes fubjeéts , qu'il n'y a loups famis
Qui de luy fe ofent déclarer ennemis.
Le poëme fur l'origine & les conquêtes des François commence par le
récit d'un fonge extrêmement long &
ennuyeux. Divry y fuppofe que s'étant
endormi, la plupart des Héros de l'antiquité s'étoient préfentés à lui , &
qu'ils lui avoient raconté les actions
' qui les avoient le plus diftingué. Il eir.
fort fobre dans l'éloge qu'il fait de ces
actions ; & s'il convient qu'elles méritoient d'être célébrées, il prétend auffi
qu'il n'y avoit rien vu que l'on pût comparer avec celles des François. Pour le
prouver il entreprit de décrire cellesci ; mais il s'en acquitte fi mal, que les
Héros qu'il chante lui auroient, fansdoute , confefllé de fe taire, s'il les eût
confultés. Un panégyrique auffi fade
& auffi plat que celui-ci, étoit plus
propre à les deshonorer qu'à relever
leur gloire.
Je connois encore deux autres pièces
Qiiij
•i
—
JEAN DlYR.Y.
\
3<58
BlBIIOTHEQUE
: de Jean Divry ; l'une a pour titre , les
JEAN DI-Faits & geftes de très-révérend Fere en
VEY.
DieuMonfteurle Légat, tranflatez. ( fort
Jibrement ) de Latin en Franceys par
Maijlre Jehan Divry, Bachelier en Médecine , félon le. texte de Faufte Andrelin.
Ce Légat étoit George d'Amboife,
Archevêque de Rouen. Andrelin l'ayoit loué en vers Latins, Divry imite
ce panégyrique en vers François. On
y trouve un grand détail de ce que le
Prélat avoit fait pour l'ornement de la
Ville de Roiien, & dans fon Château
de Gaillon. Divry lui a adreffé fa traduction ou paraphrafe, dont j'ai vu
deux éditions différentes, l'une & l'au- '
tre avec le texte Latin. La féconde
pièce de Jean Divry eft encore une efpéce de traduction de l'Epitaphe hiftorique de Guy de Rochefort, Chancelier de France, compofée en vers Latins par le même Faufte Andrelin. Guy
de Rochefort, Chevalier, Seigneur de
Pleuvant.créé Chancelier de France par
le Roi Charles VIII. en 1497. mourut de la pierre au mois de Janvier 1S07.
Enfin fi l'Epître aux Romains qui eft
imprimée dans quelques exemplaires,
avec l'Exil de Genès lafuperbe, par fiere Jean d'Authon, eft de Jean Divry,
F R A N ç O I S E .
369
cette pièce n'augmentera pas la gloire '
d e c e roëte. C'eftune fatyre en très-JEAN DImauvais vers, mais extrêmement em- VRY*
portée, & qui n'apprend rien. Je n'y
ai trouvé que cette penfée un peu digne de remarque, & que Divry auroit
dû s'appliquer à lui-même :
Qui n'a de loz que celui qu'il s'en donne ,
C'eft peu de choie, s'il ne commeâ les œuvre»
Qui certifient que fa vie eft très-bonne.
ANTOINE
DU
SA1X.
Antoine du Saix, en Latin Antonitis
Saxanus, Chanoine Régulier de Saine
Antoine, & Commandeur de Bourg
c j BreiTe, a fuivi dans la pratique cette maxime de Jean Divry. Ses mœurs
iétoient pures, fa conduite étoit réglée ;
& dans fes poëfics il ne s'eft propofé
que d'inftruire & d'édifier. Ce n'eft que
par-là qu'elles peuvent être de quelque
confidération. Pierre Grofnet, qui vivoit de fon tems, ne l'avoit pas, fans
cloute, connu perfonnellement, puif*
qu'l le nomme Antoine d'Ufés :
Nous avons Anthoine d'Ufés,
Lequel parla bien des excès ,
UEperonfitde dijciplmc
Où l'on peut voir bonne doctrine.
370
."
BIBLIOTHèQUE
Du Saix naquit à Bourg en Brefle,
ANTOINE d'une famille illuftre de ce pays, lequel
BU SAIX. £ t o | t a j o r s fourrus à la domination des
Ducs de Savoie. Il vint au monde vers
l'an 1505. puifqu'on lit à la fin de fon
Éperon de discipline imprimé en 1532.
Part. 3. pag. qu'il avoit alors vingt-fept ans. Guiî-**c henon qui rapporte fa généalogie dans
fon Hiftoire de Brefle & de Bugey , le
qualifie Docteur es Droits & en Théologie , Commandeur de Saint Antoine &
Abbé de Chefery, Ambaffadeur du Duc de
Savoye en France, & la Croix du Maine ajoute à ces qualités, celles de Précepteur & Aumônier de Charles, Duc
de Savoie, & à!Orateur Latin & François.
Antoine du Saix nous apprend dans
Une Requête préfentée au Roi François I. au nom de fon père , en la ville
de Lyon , l'an 1535. qu'il étoit fils de
Claude du Saix, Seigneur de Rivoyre,
ancien Chevalier, Se que fes ancêtres
avoient fervi la France avec honneur,
de même que fes frères , Jean du Saix,
Seigneur de Reflins en Beaujolois,
qui mourut à la bataille de Pavie ; &
Pierre du Saix „ Seigneur de PierreFitte, décédé au Royaume de Naples
- où il avoit accompagné le Prince de
Vaudérriont :
F R A N ç O I S E .
371
Claude du Saix ancien Chevalier
Voftte fubjeft très-humble & férviable,
'
Non pas contrainct, ains de cueur amyable ,
Comme eft ung fils au père obéyffant
Très-humblement & fans reproche expofe ,
Comme ainfi foit que fes prédéceflèurs
Jufqn'à la mort Ont efté poilefleurs
D'entier vouloir au fervice de France,
Quand mefmement elle eftoit en fouffrance
Par Tallebot, qui plufieurs griefs luy fei ,
Que la Pucelle affaillit Se defeit.
Là Jehan du Saix , du fuppliant grand pete ,
' Au lift dThonncur print fon dernier repaire ,
Du mcfme train le dict Claude fuyvit ,
Et pourfuyvant le Roy Charles fetvit :
Puis bellement déclinant en vieillefiè ,
Voyant queforceen peu de temps vieil Iaifiè ,
. Et ne fe peut en guerre efvertuer ,
A bien voulu les liens fubftituer
A cette caufe au lieu du fuppliant
Deux de fes fils fuyvirent leurs brizées ,
Tant que tous deux eurent teftes brifées,
Dont le premier Refit» eftoit nommé ,
Lequel mourut avec ce renommé
Et tant loué Seigneur de la Palice,
Oii d'avant temps mort monftra fa malice ï
Mais heureux meurt qui fon Prince deffend.
Claude dit qu.tr ce Jean du Saix , Seigneur de Relions , étoit fon fils aîné ;
Q.vj
ANTOINE
DU
SAIX.
372
BIBLIOTHèQUE
•
& qu'il avoit porté les armes dès l'âge
AXTIONE de feize ans, fous le Seigneur de Saint
t u SAIX.
JndrL
Quant au fécond qu'on nommoit Pierrefîcte ,
continue Claude du Saix ,
Moins que (on frère à Naples ne fut quitte ;
Car en fuyvant Monfieur de Vaudemont ,
De griefve mort il furpafla le mont.
Claude protefie au Roi qu'il ne regrette pas la mort de fes deux fils, puisqu'ils ont vécu avec honneur , & que
c'eft à fon fervice qu'ils ont trouvé fi
promptement le terme de leur vie ; que
d'ailleurs il lui en reftoit un troifiéme,
qui ayant pris un parti différent, pouvoit le contrôler de la mort de fes deux
frères, & cependant fervir l'Etat en fa
manière. Claude dit de ce troifiéme
fils:
C'eft l'ung des miens que Monfieur feit nourrir
Premièrement qu'il allait en Efpagne ,
Lequel n'entendt de fon corps faire efpargne
A vous fervir, ne de rien s'ennuyer,
S'il a ceft heur de fçavoir aggrécr
A vos plaisirs.
Mais toutes ces offres aboutifîènt à demander au Roi une penûon :
F R A N ç O I S E .
373
Je vous requiers que pour la récompenfe
Des deux premiers que vous ay référé,
En voftre Eftat le tiers foit inféré,
Ou de Moniieur, ou bien, Sire, en vos bendes.
Que il il a l'une de ces prébendes,
Certainement le tronc & le fion
Redoubleront leur bonne affection , &c.
.
DU
SAIX
Son fils Antoine n'a pu fe plaindre
de n'avoir pas été favorablement traité , puifque, comme je l'ai dit, outre
la Commanderie de Bourg en Brelle ,
il fut fait Abbé de Chefery , & que le
Duc de Savoie l'honora de la qualité
de fon Ambaiîàdeur en France. Il y a
lieu de croire qu'il mourut en 1579puifque Guichenon dans la lifte qu'il a Hiftoire rfc
faite des Commandeurs de Saint An-Brcfle> P"6,
toine de Bourg, lui donne cette même*'
année pour fuccefieur inuriédiat Jean
de Gion. Les Armes de la famille du
Saix font d'argent tout plein > avec cette
devife, Utcumque fort tulerit, ou, comm e Antoine la met dans fes ouvrages f
Jguoi qu'il advienne. Mais Antoine pour
délignér fon état, écartela fon écu , ex,
au premier quartier mit un Tan, qui
eft la marque diftinclive de l'Ordre de
Saint Antoine.
Guichenon qui en fait encore men- p> 'i^ttr '*
374
'
BlBlIOTHEQUE
tion dans le Chapitre vingt-un des
ANTOINE Hommes illuftres de Brefie, dit » que
»u SAIX. X c e p u t u n h o m m e favant, Poète Latin
s» & François fort excellent félon fon
a» tems; & que les ouvrages qu'il a laines,
«témoignent fon érudition. » Voici
ceux qu'il cite. i ° . » La touche naïve,
» ou la man iére de dîfcerner l'ami d'avec
» le flatteur, traduction de Plutarque,
» dédiée au Roi François I. imprimée
« à Lyon , chez Arnoullet. z°. L'E« peron de difcipline en vers François,
3> dédié à Charles, Duc de Savoye ; où
" » il traite de l'éducation des Princes.
33 3°. Petits fatras d'un apprentif furpi nommé l'Efperonnier de difcipline,
pp qui eft un recueil de diverfes penfées '
pp & Epigrammes en Latin ôcenFran« çois, imprimé à Lyon , chez Arp> noullet en 15 3 8. 4, 0 . Autre recueil
PP de poëfies, avec plufleurs pièces du
33 même Auteur fur la magnifique Egli«fe de Brou, intitulé le Blafon de
pp Brou, PP Guichenon ne connoifloit
point un cinquième ouvrage, intitulé:
» Traicté fingulier, riche en fentences,
PP élégant en termes, & rjToffitablé à
« l i r e , de l'utilité qu'on peult tirer des
»ennemys, compofé en Grec par Plu» tarque , tranilaté en Latin par Eraf-
F R A N ç O I S E .
375
m e , & mis en language François par « :
noble homme frère Anthoine d u « ANTOINE
DU
Saix , Commandeur de Bourg. »
SAIX.
Du Verdier , qui n'a point connu Bibt. France
ce cinquième écrit, en ajoute trois autres : « Oraifon funèbre faicte& pro- <c
noncée aux obféques & enterrement «
de très-illuftre Princene Marguerite «
d'Autriche : l'Opiate de fobriété com- <*
polée en Carefrhe pour conferver au «:
Cioiflre la famé de Religion : & Mar- «c
quetis de pièces diverfes afièmblées «
par Antoine du Saix, contenant plu- «
fîeurs Epigrammes & Emblèmes, à «
Lyon , 1 559.»
Les deux Traités traduits de Plutarque fe trouvent réunis en un même
volume dans les trois édition* que j'en
ai vues ; la première in-q 0 . à Paris
chez Simon de Colines, en 1537. la
féconde la même année in-8 °. fans indication du lieu de l'impreffion ; & la
troifiémein-iA. fans date, & fans marque du lieu où cette édition a été faite. Je n'ai rien à vous dire de ces traductions, que vous ne ferez pas, fans
doute , tenté de lire, finon que dans
PEpître dédicatoire au Roi François L
Antoine du Saix cède la gloire d'écrire
mieux que lui à Saint Gelais,. René
376
BlBIIOTHÊQUE
•Macé, la Maifbn-Neufve ( c'eft-à-dïre,
A N
NE
Héroet did la Maifon-Neuve ) Baut u s™
zelles & Charles de L u c , que je ne
connois point, Macault, fécond traducteur , & Scéve, que du Saix appelle fon voifin ; apparemment parce
qu'il demeuroit à Lyon.
h'Efperon de difc'tpline eft le plus considérable de tous les ouvrages de du
Saix. On croit qu'il a été eompofé pour
Charles, Duc de Savoie, & c'eft la
familiarité avec laquelle l'Auteur parle
à ce Prince dans fa très-prolixe Epître
dédicatoire, qui a fait conjecturer qu'il
avoit été Précepteur de Charles. Ce
poème eft divifé en deux parties, &
Guichenon ne le fait pas fumiamment
connoître, en difant qu'il traite de l'éducation des Princes. C'eft une efpéce
d'Encyclopédie. Du Saix y effleure
toutes les fciences, tous les vices, toutes les vertus, & tout ce qui concerne
l'éducation de la jeuneflê, tant par rapport à l'efprit, que pour tout ce qui
appartient à l'extérieur.
Il commence par l'éloge des livres
en général, & par conféquent de la
lecture ; ce qui lui donne lieu de recommander celle du plus excellent des
livres, le nouveau Tellement. Il mon-
F R A N ç O I S E .
yjj
tre également le bon ufage qu'on doit
' ".
faire de fes lectures , & l'abus qu'on ANTOINE
peut en faire. Le Chrétien, l'homme DU S A I * #
lage & raifonnable y apprend ce qui
doit orner fon efprit, ce qui doit le re- "
gler & l'éclairer. Celui qui eit mal difpofé, ou qui a de mauvaifes intentions,
ne cherche dans fes leéf.ures que ce qui
eft capable de le corrompre, & pervertit celles qui par elles-mêmes ne dévoient que le diriger au bien. Tels font
les Hérétiques. C'eft l'exemple que le
"" Poète apporte, pour en prendre occafion de décrire les ravages que les derniers Hérétiques ont caufés , & le zélé
avec lequel le Duc Charles de Savoie
& plu fieurs autres Princes fe font élevés contre ces perturbateurs. Les Souverains ont combattu l'héréfie par les
a r m e s , les Théologiens l'ont attaquée
par le raifonnement, & en lui oppofant la révélation & la tradition. Ce
que du Saix dit fur les deux dernières,
eil fenfé ; mais il ne devoit pas mêler
les révélations & les traditions humaines , avec l'infpiration des livres facrés
& les révélations des Prophètes & des
hommes Apoltoliques , moins encore
apporter en preuves les divinations des
Aftrologues fur lefquelles il paroît un
378
BlBXIOTHEQU'E
i
peu trop compter. C'efi ce que vous" '
ANTOINE remarquerez , fi vous vous donnez la
»u SAIX. p e i n e de lire ce qu'il dit tout de fuite
des effets qu'il appelle naturels, fur la
perte, fur les maladies épidémiques,
fur les fignes & les préfages qu'il dit annoncer la corruption actuelle ou prochaine de l'air. Il ne prend pas feulement ici le perfonnage de l'Aftronome
& du Phyficien, il le revêt âuflî de celui de Médecin, & enfeigne fort férieufement tous les- remèdes qu'il
croyoit avoir trouvés pour guérir delà
pefte & de toute maladie contagieufë,
ou pour en prévenir les effets.
Dans le même Chapitre, il nomme
quelques livres qu'il n'eftimoit pas, &
dont il confeille d'interdire la lecture à
ceux que l'on veut former aux bonnes
mœurs :
•J'eftimerois que ignorants n'euflènt Ioy
Que d'imprimer le Compte Meleufine,
Ou Taille vent, le Maiftre de cuifine,
Le grand Albet quant au fecret des femmes,
Matheolus vray Advocat des Dames,
Ventes d'amours , la guerre des Grcnoilles,
Les Droitz nouvcaulx, le livre des Quenoilles,
Le Teftament Maiftre François Villon ,
Jehan de Paris, Godefioy de Billon ,
Artus le preux , ou Fietcbras le quin,
F R A N ç O I S E .
Tons les Vaillans, & Bertrand du Clecquin,
La Maguelonne & Pierre de Provence ,
Le Pérégrin pour fraifche fouvenance ,
Ou Scéleftine, ou le Periè-foreft ,
Roland, Maugis, Dardaine la fbreft,
Prifon d'amours, addition & glole ,
Finableir.ent le Roman de la Rofc :
Ce font traictez qu'on ne doibt eitimer, &c.
370
ANTOINE
DU SAJX.
• Après cette longue digrefïïon , s'éloignant un peu moins de Ion premier
objet, il parle des inventeurs des lettres,
des premiers Elémens ou de l'Alphabet , d'où il pafle tout de fuite à la
Théologie, qu'il ne tarde pas encore à
quitter pour inffruire de leurs devoirs
les Princes , les Prélats , & tous ceux
qui font chargés de la conduite des autres ou du commandement. Il dit fur
tous ces points beaucoup de vérités, &
il les dit avec une grande liberté. Il
diftingue fort bien les devoirs des Princes de ceux des Evêques ; maisilinfifte,
comme il le doit, fur le fecours mutuel que les uns & les autres doivent fe
prêter pour le gouvernement général
& particulier de l'Eglife. Ce qu'il dit
fur les élections aux Evêchés & aux
Abbayes , dont il ôte tout le droit aux
Princes, n'eft plus d'ufage aujourd'hui ,
380
BlBIIOÏHSQUE
:mrtout en France. Il demande dan»
ANNOINE les Evêques de grandes lumières join»u SAIX. tes aux plus éminentés vertus, ce qui
lui donne lieu de revenir encore fur la
fcience de la Théologie, qu'il veut que
l'on étudie de bonne heure dans l'Ecriture-Sainte & dans les ouvrages des
Pères de l'Eglife,
En délaiflànt difputations vaines
De Bocquincham , Occham & Capréole ;
Car l i fans grain n'eft que paille frivolle,
Dont vérité n'eft jamais defmêlée.
Et que vault mieux Eichard de Tour brtiflée,
Lefcot, Angeft , Majoris & Almain ,
Paule Venet, Tartarcl fon germain ,
Pierre Hefpaignol Si la Somme Antonîne ,
Ou l'Evangile & la faincte Doctrine ?
Du Saix ne méprifoit pas ces Théologiens fcholaftiques, mais il ne pou voit
fouffrir que l'on étudiât leurs écrits plus
que ceux des faints Docteurs de l'Eglife , comme il le dit après. Une autre chofe lui déplaifoit dans les Théologiens de l'Ecole, c'eir, que ceux qui
avoient pour eux trop de vénération ,
ne devenoient eux-mêmes que des difputeurs , & par conféqusnt de fort
mauvais Théologiens :
jCelluy ne Xuis qui vouldrois Uafonner
F R A N ç O I S s.
Par mes efcripts nul art, ny industrie :
Mais congnoiflànt la folle idolâtrie
De plulîeurs gens , qui font des Théologaftres
En leur Erg» refveurs opiniaftres
Aymants plus chier, ce que ne puis loiier,
IXyer le vray, que de déïavouer
Ung argument ou proportion
Des Auteurs dont j'ay raiet, relation :
Tant leur docteur vénèrent & adorent,
Et bien fouvent l'Evangile ils ignorent, &cv
jgr
.
ANTOINï
VIS S A I X .
II ajoute que ces mauvaises études faifoient auffi de fort mauvais Prédicateurs, qui montoient néanmoins en
chaire avec plus de hardiefie & de confiance , que ceux qui avoient étudié
longtems la Théologie dans les fources
les plus pures.
Te Poète donne enfuite des initructions folides fur l'étude du Droit Civil
& Canonique, & fur l'ufage qu'on en
doit faire, & il veut qu'un Théologien
ne fépare point cette étude, du moins
celle du Droit Canon , de l'étude de
l'Ecriture & des Pères, Il parle des
principaux Législateurs anciens & modernes , ce qui eir, fuivi d'une très-longue exhortation àfcience, dans laquelle il
montre les avantages de celle-ci, & les
«naux qui font la fuite de l'ignorance»
382
BlBlïOTHEÇTJfi
e e s s = Il s'élève avec force contre les père»
ANTOINE & les mères qui ne plaignent point la
w SAK. dépenfe pour fatisfaire leurs cupidités,
ou qui emploient beaucoup d'argent à
des bagatelles, pendant qu'ils négligent de donner à leurs enfans une éducation folide, & qu'ils femblent regretter le peu qu'ils accordent à ceux qu'ils
chargent de les élever & de les inftruire. Il entre fur cela dans des détails qui
ne font point certainement honneur à
ceux qui en font les objets, & où beaucoup de parens pourraient encore fe reconnoître aujourd'hui. Pour arrêter
ces abus, autant qu'il étoit en lui, en
piquant d'émulation ceux à qui il parloit, il pafle en revue quantité de Savans qui ont été honorés, recherchés,
Se élevés à de grands emplois à caufe
de leur mérite, & fait voir que la gloire d'un Etat eft quelesfciences y foient
bien cultivées, Se que ceux qui les cultivent , foient confidérés Se récompenfés. Il parle de quelques réglemens qui
avoient été faits fur ce fujet par nos Rois,
Se en particulier de la PragmatiqueSanction.
Charles feptiefme enfuyvant le propolt
De Charlemaigne, & quêtant des fuppofts
Pour eûajer la triwuphante efcplle
FRANçOISE.
Et" y Sonner multiplication,
De fon Clergié feit convocation ,
E t des l'rélats folennel coniiftoire , _
Qui par confeil de tout fon auditoire ,,
Inftitua Sanction Pragmaticque,
Oeuvre furtout très-bonne & autenctique
Pour ihftaurer & faire pulluler
La loy Chreftienne, & erreurs annuller
Par celle Sanction
Eftoit moyen que la littérature
Serait remife en honneur & nature.
3Ï3
— — ^ ^
ANTOINS
p u SAIX»
I l prouve que tant que ce règlement a
été en vigueur, les fciences ont fleuri,
le nombre des Savans s'eft augmenté ,
plufieurs abus ont été déracinés, &
que le contraire eft arrivé par l'abolition de la Pragmatique. Après ces réflexions il revient aux récompenfes accordées aux gens de lettres & à la protection que les Rois, les Princes & autres perfonnes distinguées ont crû être
obligés de leur accorder : & c'eft par-là
que finit la première partie de fon ouvrage.
La féconde eft toute entière fur l'éducation desenfans, & principalement
de la Noblefle. Il commence par examiner ce que c'eft que la Noblefle, &
fait voir qu'elle n'eu eftimabie qu'au-
384
BIBLIOTHèQUE
! tant qu'elle efl jointe à la vertu & auï
ANTOINE lumières ; fur quoi il cite le Traverfeia
BU SAIX. 4es voies périlleufes, c'efl-à-dire , Jean
Bouchet qui dans plufieurs de fes ouvrages a donné d'excellentes inftructions fur tous les états. Du Saix expofe
enfuite ce qu'il penfe du mariage, &
iarlë fort fenfément fur le choix de cele avec laquelle on doit s'unir , fur les
qualités qu'elle doit avoir, & fur les
devoirs réciproques du mari & de la
femme. Il veut que les mères nourriffent eux-mêmes leurs enfans , & il le
prouve par beaucoup de raifons phyfiques & morales. Il entre même fur cela dans un détail qui ne paroîtroit pas
convenable aujourd'hui à d'autres qu'à
des Médecins. Il confeille de ne point
nourrir les enfans trop délicatement,
de ne les point vêtir avec trop de fomptuofité, de ne leur point lailîèr boire
de vin , de ne leur permettre que des
jeux innocens, de ne les corriger qu'avec douceur, fans paflion, fans humeur, fans vivacité; d'examiner de
nonne heure leurs inclinations, pour
les diriger au bien ; de ne leur parler jamais que raifon, & de ne point permettre qu'on les amufe par tous ces
contes frivoles, ridicules ôc fouvent
infenfés
f
F s A H ç O I s S.
385
mlenfés qui ne font que trop ordinaires
i'
dans la bouche des Nourrices & des ANTOINE
Gouvernantes. Il veut que les pères & DU S A I * #
les mères foient les premiers précepteurs de leurs enfans, & qu'ils les inftruifent encore plus par le bon exemple que par les préceptes, fur quoi il
dit :
E n jeu , procès, en amours & partage,
Jà ne baillez à aultruy advantage,
L'on en prent prou, & plus que ne voulez,
Dont fans remède après vous en douiez.
Ne perdez pas que l'enfant foit fi jeune,
Qu'il ne prent faim, quand il veoit qu'on desjeune {
L'appétit vient quand on veoit engorger.
Le Marefchal ne peut fi bas forger ,
Que de fon bruyt enfin ne vous efveille, &».
Du Saix fixe à trois ans le commencement de l'éducation d'un enfant. II
prétend qu'à cet âge il eft fufceptible
d'inftruaion, & qu'il apprendra auffibien ce qui fera capable de cultiver fon
efprit & de former fon cœur , qu'une
infinité de puérilités dont on l'amufe
«5c qu'il retient. Il veut qu'on lui apprenne , dès qu'il peut articuler quelques fons, à bien prononcer, à ne
dire que ce qu'il ne fera pas obligé d'oublier , & à ne lui point faire regarder
Tome XL
R
386"
ANTOINE
SAIX.
»o
BIBLIOTHèQUE
comme des gentilieflès ce qu'il auroie
honte lui-même de dire dans un âge
p j u s a v a n c é # j e vouldrois bien fçdvoir,
dit le Poëte,
S'il eft befoing de deux langues avoir,
. L'une pour bien , & l'autre pour mal dire.
Il exhorte les parens à être plus loi—
gneux à faire infirme , que curieux à
laijfer rides leurs enfans. Quand ceuxci commencent à avoir l'efprit formé,
il ne veut pas qu'on les envoie à la Cour
des Princes, ni à la fuite des Prélats,
& il .en donne d'excellentes raifons,
tirées de la corruption prefque générale qui marche comme à la fuite des
Grands, des exemples pernicieux qu'on
y rencontre prefque à chaque p a s , des
•maximes corrompues qu'on y entend
débiter, des deflrs vains & ambitieuxque l'on a coutume d'y former. Le
Poëte parle peut-être de tous ces abus
avec trop de liberté : mais en ayant fait
lui-même l'expérience , il étoit plus à
portée qu'un autre de les connoîçre &
d'en parler félon la vérité. Il paflè enfuite à une autre queflion qui a été fouvent débattue depuis, fi l'on doit envoyer les enfans aux Ecoles publiques,
cm s'il eil plus avantageux de les faire
F R A N ç O I S E .
587
élever chez foi & par des Précepteurs
" s
particuliers. Il décide pour l'éducation ANTOINE
publique, & il apporte fur cela toutes D u
les raifons qu'on a coutume de donner
pour préférer l'éducation des Collèges
a l'éducation domeftique; l'émulation,
les connoiffances que l'on y fait, le
profit que l'on peut tirer de tout ce qui
le dit en commun , une étude plus
confiante, plus affiduë,. plus variée,
une vie plus dure, plus à. l'abri des fentirnens de molleffe & des fauflès com-»
plaifances des païens, & furtout des
mères. Mais le Poëte demande que l'on
n'envoie pas indifféremment les jeunes
gens dans tous les lieux d'exercices publics. Il faut choifir ceux où ces exercices font plus folides, où il y a p}u*
de lumière, plus de régie, plu? d'hom-,
mes habiles. Si l'on donne outre cela à
u n jeune homme un maître particulier
pour le diriger dans fes études, il faut
le choifir éclairé , vertueux, d'un âge
m û r , ami d'une honnête gaieté -, qui
n e foit ni trop complaifant, ni trop fevere , lui faire fentir qu'on l'eftime ,
qu'on le confidere, qu'on lui confie
ce que l'on a de plus cher, & lui faire
trouver dans fon état une aifance proportionnée à fon mérite particulier &;
388
•
BiBIIOÏHÈQtTB
aux fervices qu'il rend* Enfin il veut
ANTOINE que la Mufique fafie partie de l'éducaPU SAIX. t j o n d e s jeunes gens, qu'elle leur ferve
au moins d'arnufement & de récréation,
& il prouve fort bien qu'elle entroit autrefois dans leur éducation.
Vous voyez par l'idée que je viens
de vous" donner des deux parties de ce
poème, que l'Auteur avoit beaucoup
réfléchi fur la ; matière qu'il y traite.
Qu'il connoïfloit bien l'horrrme 6c fes
défauts , qu'il avoit férieufernent étudié la morale, & qtfil avoit au moins
une teinture de toutes les fciences. On
ftnt dans fohouvrage un Ecrivain éclair é , tage, judicieux, qui avoit reçu
mi-même une bonne éducation. Oeft
dommage que fon ftyle foit fi pefant,
& fouvent fi barbare. Illereconnoifloit
lui-même, puifqu'il dit, dès le titre
de fon livre, qu'il étoit lourdement forgé , & rudement limé. Les lumières de
Ta critique lui manquoient aufli, comme on le voit par plufieurs faits apocriphes qu'il rapporte : mais malgré ces
défauts, ceux qui les premiers ont écrit
fenfément fur l'éducation de la jeuneflè
ont pu profiter de fon poème, qui feroit encore Utile aujourd'hui, fi nous
n'avions pas un grand nombre de bons
• F R A N ç O I S ê»
589
ouvrages fur la même matière. Celui
'*
de du Sâix eft en caractères Gothiques, ANTOINE
mais fort lifibles. Les pages ne font D U # A I X *point numérotées , & chacune eft enfermée dans une bordure gravée en
bois. Ces bordures ont divers ornemens, ou font inférées les armoiries de
la Maifon de Savoie, celles de l'Auteur , des Devifes , des Trophées, &c.
Ce volume eft terminé par cinq pièces
du même Poëte, dont les deux premières méritent quelque attention.
Du Saix célèbre dans la première la
mémoire de quelques-uns de fes amis,
comme de Guillaume du Bellay , Seigneur de Langey, qui a été chargé de
plufieurs Ambaflades, de Jean du BelJay , qui a été Evêque de Paris & Cardinal , de l'Abbé de Saint Antoine, de
M . delà Villette, grand Bailli du pays
de Bugey que du Saix avoit fôuvent va
;
chez M. de Nemours ,
!•
Que fouvcnt veu j'ay
Depuis le temps qu'avions lois opportunes
De racouipter nos communes fortunes,
• Tirez à part, fequeftrés des clameurs,
Dans le logis de Moniieur de Nemours.
Antoine du Saix noirtmedans la même
pièce plufieurs Poètes, dont il fait l'éPviij
39©
f1.'
BIBLIOTHèQUE
loge, entr'autres René Macé, Pierre
ANTOINE Martin qu'il qualifie
» u SAIX.
a,
Appelles en trainérure,
Père d'Ovide en irrétrificature,
Simon Bougoing , qu'il nonrme Botirgoing, Pierre Gérard
-
; Source de Théologie ,
Ung Gérion de- feience à trois corps ,
Où Grec, Hébreux & Latin font accords
Si amplement, qu'il te feroit facile
De ptéiider au fuprême concile ;
Jean de Leuç, qui ne m'eft point connu , & Geoffroy Thory, dont je vous
ai parlé plus d'une fois. Du Saix dit
peu de chofe de chacun, excepté de René Macé, furnommé le petit Moine
Chroniqueur du Roi (3 fin Poète, qui vivoit fous François I. & que du Verdier
dit avoir été Religieux du Monaffére
de la Trinité à Vrmdôme. Comme c'eft
peut-être la feule occafion que j'aurai
de vous parler de cet Ecrivain , dont
nous ne connoiffons rien d'imprimé,
vous ne ferez pas fâché que je vous
rapporte ce que du Saix en dit.
Et me pourrait bien faire ingratitude
Mettre' en oubly le gland Renay Macé i
Çelluy.qui a tout le JcVamaffé
F R A N ç O I S E .
301
Que jamais homme en Europe & Ane
Peuifc mériter par haulte poefie.
Sfeïrîêre=îêêêî
ANTOINE
BU
Souventes fois en la Cour Jupiter
Procès fut meu jiifqiscs au defpiter,
Et tirer droiz du profond de Taumaire,
Sur le combat de Virgile & de Homère,
Auquel des deux pour tiltre glorieux
A ppertenoit le nom victorieux :
Mais au rapport de fon HuilTJer Mercure,
Comme vaincuz de combattre ils n'ont cure ,
Depuis que au monde en citime a régné
L'excellent nom du triomphant Renay.
Si quelque loy ou ffatut canonicque
Semble à aulcun non entendent inicque,
Venez a luy à confultation ,
Il en donrra l'interprétation ,
Quoyque d'erreur fentence en foit vieillie,
Rithme a efté longtemps enfèvelie,
Mais par Renay rare régnant renaift :
Car tel que luy vivant en terre n'eft.
Dont pour autant qu'il eu en l'art unicque ,
C'eft rdcrivain.de Royalle Cronicque
Du Lys François , que l'on eonfacre à Reins ;
Tant que Prieur il en eft de Beaurains.
C'eft dommage qu'il ne nous refte plus
rien de cet Ecrivain, qui puiflè juftifier la vérité d'un éloge fi magnifique.
On n'aura pas la même peine à
avouer les louanges que du Saix donne
R iiij
SAIX.
392
BlBIIOTHÏQTTfe
'dans la féconde pièce à Jacques de
ANTOINE Chabannes, Seigneur de la Palice, Ma*>J *-ix. r e ^ n a j j e F r a n c e f connu dans notre
hiftoire fous le nom de Chevalier fans
fer. Le Poète ne dit rien de trop lorfqu'entrant dans le détail des exploits
de ce brave Capitaine, il d i t , après
avoir parlé de la bataille de Fornouë ,
Tamoft après la magnagnime force
Du fcul fans per fencit Ludovic S force,
Lequel chaffé foudain euft fon recours
Vers l'Empereur, luy demandant lecours ;
Qui d'AUemans luy donna fi bonne a r r e ,
Que Ludovic vint affiéger Novarre.
Ouyant cecy, de France en pofte part
Le feul fans p e r , & alla cefte part
S i proinptement, qu'il fut à la journée ,
Dont Ludovic vit fa change tournée
Sri fi mal fort, que fon fecours repris
Ne luy vallut, car prifonnier fût pris
Par le moyen du plus hardy, que efpée
Oncques ceingnit
Ne fût-il pas, qui bleifé à la gorge
D'ung traiit mortel, voilant en oyfillon ,
Des Genevois monta au baftillon
Tout le premier , tant qu'il les meit en fuite ,
Et les defièlt, combien qu'il n'eut de fuite ,
Quand ces Lombards furent fi bien rouliez
Que quatre cenrz gens d'armes enrouliez
Six mille à pied
,
.
,
.
,
,
.
,
>
F R A N ç O I S Eï>
3513
Si nous parlons du voyage profpere
" t>e Veniciens, auquel eftoir Chaulntont,
• Vit-on jamais lances brifer en monf,
••' Etfbuïdcoyer Chevaliers à là liilè ,-' ;
- Comme faifoit ce fils Mars la Palice,
- ' A l'advam-garde où •fi: bien fe pofta ,.
- Que la victoire au Roy l'on rapportai:
L e Poète raconte de même tous les explqits de Jacques d?iCffiabarine à Na'a
çles^àPadouè', àKavenne,à Pavie,
tScjdans la Flandre. IL prétend que il
on eût fuivi fon confeil à la journée dé
Pavifry cVquefi tous les Officiers y
euflènt fait leur devoir avec autant de
•eéle que.lui y François >Ln'auroit pas
«yérdulsL bataille VSrfà liberté.'
;: Du SaiHiiuuè'er\coreifdn. héros fur la
jcience &tfon\ amour poiir les. lettres ,,
s&aprèstavcJr.comparé aux plus grands
Capitaines dont .l'Hiftoirètfacrée &
profanèfaTi;mentipny..il lui donne deqslusiafupériorit^.fuT eux dûiicôté dé
Férùddtion::: >3 .;.
.?.:_- i , . ,-i '. v De tourîàHs!aMtU'airie'!t^es»#tp!i
- Et mefmvrrlent for grand Kiftorieh:'
<
'." C'eftoit ung aultré EmpereurGordien,.."- Qui rellerticnt pfeUl plailir à l i .leurt yv
r Que (on thfeior-ett u>tes vouluf ttbttttPj . ' ..„:
: Dont il en e«-bi«'foliantoft. doué ddijely '. 1; <i
TkK
mmm
~^m£*
ANTOINE
'*
394*
B l B I lOTHBqirË
Qui pour ung Prince cft cbofe très-utille.
ANTOINE Jacques de Çhabanne fut tué à la jour»u OAIX. n ée de Pavie l'an 15 24... le jour de SMatthias, çornme;le Poète le dit à. la
fin de la rnêrne pièce-,félon notre maniére de corapter aujourd'hui;,- c'étojt
en 15 25. çGet éloge cil fuivid'une prière à Jefus-Chrifl; dans le Sacrement de
nos Autels ; d'une efpéce de profefîion
defoiettonze vers', & de l'Epitaphe
de PhilibertduSaix, Seigneur deÇourfant, oc Gouverneur de Breflb y mort
en j 531. .
' il . -.>
Un fécond recueil de ppëfies d'Antoine du Saix ,. eft celuiqui a pour ritrq, Petitz.i Fatras d'«»1 Jlpptcraif fur*
nommé l'Effrtmniér de'Difcijfhtvai j'en
ai vu trois éditions, dont'urie'à Ljron
,par Olivier Arnouilec, fe Satin de Février mil cccccxxxv 11 i.lcsdéirx autres
ne iônt point datées.
La plius! grande partie des pièces de
«e recueil' roule fur ctei iujets d e dévotion ou de morale. Elles peuvent bien
nous donner une haute idée, de la piété de l'Auteur., niais elles ne nous apprennent rien:.11 en compofà pluiieurs
pour rédi&eaejon de quelques Keligieuîes fcs parentes,-qui le eonfultoient fur
leur inteMeur. ,.«Sc qui lui demandoient
F R A N Ç O I s E.
395
des inftruètions, des règles de condui-?=
.1
te , ou des formules de prières. Dans ANTOINE
une de ces pièces intitulée, Alphabete DU ^AIX*
de Sœur Marguerite du Saix, Religieufe à Marcigny ; chaque lettre de l'Alphabet commence une ftrophe ou couplet.
A mon premier commencement
Dieu me dotnt bon avancement.
Bien eft armé de feure lame
Qui perd le corps pour Cmlver l'ame.
Communément un grand parleur
Ne fait pas cas de grand valeur.
E t ainfi du refte.
Dans une autre, parlant de l'emploi
d u tems, il s'exprime de cette manière
qui m'a paru finguliére :
Papes, Roys, Ducs, Nobles & Artifans
Ne virent pas plus de quatre-vingts ans ,
Dont h ntoytié il fàult premier rabattre
Au l i a , à table, & à fe aller eibattre :
Car eh dormant, & divers mets changeantz
Le plus du temps consument meichams geatxv
- Dorant huict ans tommes prefque en enfance:)
Et davantage en folle adolefcence :
Or à féze ans on ne fçait befongner
Cbofe qni vaille . . . . . . . .
Trois eu quatre as» s'en vont es srtjjadie;
'
3çj6>
BlBIIO.THEQtTÏ
Le refte en oeuvre on pourra «onfumer..
A N T O I N E M*"5 '* convient nos'mifes aflbmmer.
, BU SAIX» • Pour démonftrer ma raifon apparante r
De quatre-vingtz rabbattez-en quarante t
Car à dormir, manger &'au- féjour ,
Va la moytié de la nuit & du jour r
Puis féze & quatre , & comptez vingt en fomme r.
Par ce moyen , fi bien calculez , l'homme
N'a que le quart de fa vie à ouvrer r
Le temps perdu ne fe peult recouvrer.
On trouve dans ce recueil la Requête
que du Saix préfenta au nom de fon
père au Roi François L à Lyon l'an
15 3 5. & dont je vous ai parlé. O n y
lit auffi quelques Epitaphes, ou regrets
fur la mort de plufieurs perfonnes de
dî/linction ; paT exemple, fur la mort
du Maréchal Jacques de Chabannes ;
fur celle de M. le Préfident l e V i i î e ,
décédé à Cléry ; l'Epitaphe de Madam e de Traves, morte à Marfeille, celle de Claudine de Lefpinace y Dame
de Langeac t & quantité de huitains
ekdequatrain&moraux. Je ne vous r a p porterai que trois de ces petites pièces r.
la première fera l'Epitaphe de Claudine de Lefpinace :.élle eit conçue en ces
termes r.
Cy deflbubs gift Claude de Lefpinace'
A qui jadis Dieu donna, par fagraca
FRANçOISE.
3 $7 ^ ^ ^ ^
Quatorze enfants de Médire Rcgnault
Dict de Langhiac, dont les fept font en hault
r—"Tgî
ANTOINB
,
BU S A U >
tr
r- ,
-
,
Laflus au Ciel accompaignant la mère ,
Qui fe voyant poindre de «tort amairc,.
L'an mil cinq, cens ,. vingt & deuxième jour
Du mois d'Octobre , en Dieu preit ton fèjour.
La féconde pièce eft un quatrain que
du Saix adrelîè à M. Angeli qu'il appelle fon maître & fon bon ami :•
tivre à cefluy va me recommandée
Qui eft fubtil plus que Anaxi'mandér .
Qui fut premier inventeur de l'Orloge ,
En luy priant que dans fon cueur me loge.
Enfin la troifiéme pièce eft une Epigramme envoyée à un nommé MoUni
homme favmu,. que du Saix prie de recevoir fes ouvrages cxrmme une marque
de fon amitié, & d'en corriger les défauts. Je crois qu'il eft inutile de vous
la rapporterLa fin de ce recueil eft coniacré à
l'éloge de Benoît Fabri, ou le Févre r
Docteur es Loix, Lieutenant au pays de
JJreflè. Du Saix le loue en vers Latins
& en vers François. Je n'ai rien trouvé
dans ce panégyrique qui méritât quelque attention ; il eft extrêmement am*poullé & dénué de faits. Il fut confcpoféenijj^
398
BlBUOTHEQUB
JACQUES
COLIN.
Du Saix a pareillement adrefle une
pièce en vers Latins à Jacques Colin,
qui cultivoit comme lui les Mufes Latines & Françoifes. Mais il a négligé
tout ce qui pouvoit nous faire connoître fon ami : il fe contente de le qualifier Lecteur du Roi. Pierre Grognet,
dans fa notice des Poètes François qui
vivoient de fon tems, lui donne la même qualité.
Jacques Colin étoit d'Auxerre. Germain de Brie nous apprend cette circonflance, puifqu'il l'appelle fon compatriote , dans une lettre Latine écrite
a Jérôme Vida le a 3 Décembre 1 5 30.
Il ajoute que François I. l'aimoit tellement, qu'il vouloit l'avoir prelque toujours auprès de fa perfonne, qu'il fe
plaifoit dansfaconverfation, ôcfurtout
a s'entretenir avec lui des gens de lettres qui fe diftinguoient dans fon
Royaume. De Brie ne; lui donne pas
non plus d'autre qualité que celle de
lecteur du R o i , mais Colin prenoic
auffi- celle de Secrétaire de SaMajefté,
qualité qui étoit, comme on le c r o i t ,
attachée à la première. Pierre D a n é s ,
F R A N ç O I S E .
399
depuis Evêque de Lavaur , fait enten- • •
dre dans une lettre Latine qu'il écrivit JACQUES
1N
à Colin , qu'il étoit de plus chargé du
*
.détail du Collège Royal. Ce fut par
.cette raifon que Danés s'adreflà. à lui
.en 1535. pour obtenir la permiflion
d'interrompre les leçons qu'il faifoit
dans le même Collège , & de faire un
voyage en Italie où il avoir deffein de
vifiter les Savans qui y étoient en grand
nombre. Enfin Jacques.Colin étoit
pourvu de PAbbaye de faint Ambroife
de. Jdonrges, Ordre de faint Auguftin t
Congrégation de France, C'eft par cette raifon que Charles Fontaine & d'au;tres:Ppëtes durmême tems, nelenomj mena quelquefois que Motif eur de faint
jimbroisi On apprend de Catherinot ,
.enfanS/mcJuairedu Béni , que le titre
de cette Abbaye vient de faint A m broife Evêque de Cahors, qu'elle fut
bâtje
;
( 4a«s.un lieu appelle Brifac, &
^ue;ceRoutg-& l'Eglife prirent clans
la fuite Je nom de faint Ambroife*
.... Ççrrvrne Jacques Colin favoitprofiter du crédit qu'Ù avoit auprèsde François I, pour faire connoître à Sa Majesté ceux qui cultivoient avec quelque
, : piccès les lettres , -foit en France , fok
•clansles pays étrangers, & eu obterik
1
400
BlBIlGTHEQ-tfg
"
pour eux des emplois ou des gratifiLcav
JACQUES t i o n s ^ o n n e ^ott p a s ê t r e fu r p r j s q U e
les contemporains en ayent parlé avec
les plus grands éloges, & qu'ils Payent
vanté comme un homme de la plus
profonde érudition. C'eft entr'autre's
le témoignage que lui rend Charles de
Sainte-Marthe , lorfqu'il d i t , en s'adreflànt à lui-même,
Dofte Prélat, qui Doftcj conduirez ,
Et aux honneurs les faites parvenir , & c
i l t 4 6 ' édh" *^ a ' s P ' e r r e Galland, dans fa vie de du
uzc
' Châtel, grand Aumônier de France,
nous apprend une circonlîance qui obfcurcit un peu ces bonnes qualités de
l'Abbé de faint. Ambroife r c'èflfqtfil
rie favoit pas. toujours parler à propos.
Il lui arriva-, dît-il, de lâcher quelques
difeoursqui mirent de la diflènfion entre quelques Grands de la C o u r , &
qui lui attirèrent leur haine. Colih fut
la vicéime de fon imprudence; Ceux
qu'il avoit onériles, iuî' firent' perdre
prefque toute la faveur du Kôf; ôc comme du Châtel, qui paroiflbit depuis
Îeu à la Cour, étoit fort goûté de
'rançois I. ils le favoriferent, & agirent pour lui avec tant de zéley que
Colin fut déplace, & que du? Châtet
F K A K ç O I S E .
401
fut nommé au lieu de lui lecteur de Sa
»
Majefté. Ce qui nous refte des ouvra- JACQUES
ges de Jacques Colin ne nous donne COLIN.
pas non plus une haute idée de fa
fcience.
Je vous ai parlé ailleurs de quelques T. T. prdf.
endroits des Métamorphofes d'Ovide &LtY.'*/Wfcqu'il a traduits en vers François , & conde édit,
dont j'ai vu depuis une féconde édition pag'
faite en 1549. a Lyon , par Thibauld
Payen, in-i 6. dans un recueil intitulé :
le Livre de plujieurs pièces, c'efi-à-dire ,
faïcl & recueilly de divers Âutbeurs ,
tomme de Clément Marot & Autres. Ces
traductions font fuivies de trois autres
pièces du même Jacques Colin en vers
François.
La première , qui eft fort longue ,
eft une Epiftre a une Dame. C'eft une
plainte d'infidélité. Il paroît que Colin
avoiteu beaucoup de tendreffe pour
cette Dame, & que celle-ci après y
avoir répondu, l'avoit abandonné. L e
Poëte s'en plaint en homme paflionné,
& ajoute les reproches aux témoignages de fa douleur. Cette Epître juftifie
ce que le fieur des Accords dit des
mœurs de notre Abbé dans fes Bigaru- Ch. »i. fbr.
res , où il ne met pas certainement la££ué>d""so0£
chafteté au nombre de fes vertus. On
qox
BIBLIOTHèQUE
s—s=ss=5 voit par la même Epître que l'amour
JACQUES avoit fait enfanter à Colin beaucoup
COLIW.
^ v e r s . c a r j e c r o i s qu'on ne peut donner d'autre fens à ce qui fuit :
Il eft bien vray que tu l'as voulu dire
Pour en ce point, foubs un doulx efeondire ,
Honneftement de moy te dépefeher ,
Imaginant que te pourrait fafcher
• Au long aller, s'il te convenoit vivre
Avecqucs moy. Plufieurs en ont un livre
Fait pour toy feule, & duquel la teneur
Eut confacré ton renom à honneur.
Il s'explique encore plus clairement à
la fin , où après avoir dit,
Au Dieu d'amours je quitte & rens les a r m e s ,
Et ne retien de fon train que les larmes, e t c .
Il ajoute :
Finalement je rens comme prefeript
Aux Mufes l'art de coucher par eferit
Les beaux traitiez de profe mefurée,
Et les façons de rithme colorée ,
Ou j'ay trouvé fi très-peu de fecours ,
Que plus ne veulx en avoir de recours.
Pour ce Chanfons , Balades, Trioletz ,
Mottetz , Rondeaux, Servanrz et Virelaiz ,
Sonnetz , Strambotz, Barzelotes, Chapitres,
Lyriques vers, Chants Royaulx & Epittrcs ,
OU confoler mes maux jadis fouloie.
FRANçOISE.
403
Quand ferviteur des Dames m'appelloie ;
Puifque je n'ay de vous que repentance ,
Allez ailleurs quérir voftre accoimance , &.C.
Colin fit fagement de fupprimer toutes ces pièces, & il auroit encore mieux
fait de ne les avoir point compofées.
Celle qui fuit fon Epître à une Dame,
eft un Dialogue fort court de Cupidon
& de Venus , qui m'a paru aiTez bien
tourné pour que je puifie le rapporter.
Venus feifant à fon fils fa complaincte ,
I_uy d i t , Garfon, voy les maux que tu tais :
T a mère fuis, & fi fens ton attaincte :
E t qui plus m'eit infupportable fàiz ,
Contre Pallas n'exerce tes fbrfaicts.
Mère, d i t . i l , je vous dirai la caufe
Pourquoi jouer à Minerve je n'aufe :
Elle eft armée & de lance & d'efeu ,
Et fon regard fi grande paour me caufe,
Qu'en le voyant je fuis prefque vaincu.
Ccfte raifon, mon fils, n'eft fufruante,
Car Mars eft plus que Pallas furieux ,
Qui toutesfois ta force expérimente,
Tant que de luy tu es victorieux.
Meré, d i t . i l , le vaincre eft glorieux ,
Plus me ferait s'il faifoit réfiftence :
'
Mais de fon veuil, fans fe mettre en défenfe,
Sentant mes dards, promptement s'eft rendu t
Et vous, ma mère, airifi comme je r^rrfc ,
— — — »
JACQUES
CoXIN.
a\oé
BlBriOTHEQTJS
-
ne, compofa fon Oraifon funébrequfil
MARGUE- publia en Latin & en François. Scé* I T E *M *" V ( n e ^ e Sainte-Marthe a donné auifi
n
e
arrruceux
VARRE. " *° ^ ° ë P
&es JUuftres François qui fe font diftinguésdans les lettres ; & Ronfard, Dorât, Nicolas Denifot, Brantôme, & beaucoup d'autres l'ont célébrée dans leurs ouvrages,
Mift. 1. vi. Cette Princeflè , dit M. de T h o u ,
avoit un naturel des plus heureux , &
un génie des plus grands. Les Savans
eurent tant d'eftime pour elle , qu'ils
la nommèrent la dixième Mufe, & la
quatrième Grâce ; ou plutôt ils la révérèrent comme les neuf Mufes & les
trois Grâces enfemble : on lui confirma
ces titres glorieux par quantité d'infcriptions & de médailles ; & François
Habert qui avoit reflènci les effets de
fa protection, lui fait décerner par
Apollon & fur le Parnaflè même l'honneur de l'immortalité :
Entre ce rang on mit parfoh~mérite
Des Navarrois la'Royne Yarguçrïte,'
Royne, de qui le nom après la mort
Eft plus vivant, que le plus vil corps n'eft mort.
Royne, de qui lez fainctes fantaifies
feintes avons en doctes poè'fies
De fa façon , d'une vive énergie
' Repréfentant pure Théologie ;•
"_
F R A N ç O I S E .
4,07
Royae, de qui en ftyle grave & beau
^ _ ^ ^
Poètes bons ont ploré le tombeau ;
AÏARGUERoyse, qui n'eus en vivant fa féconde , Sec.
RITE R E I -
- Mais parmi ce concert de louanges N E D E N A ~
q u e tous les beaux efprits formèrent en
lbn honneur, rien ne releva d'avantage la gloire de cette illuftre Princeflê,
que les éloges qui lui furent donnés par
trois feeurs Angloifes, A n n e , Marguerite & Jeanne de Seymour, auflî
recommandables par l'éclat de leur
naiflànce, que par ladélicateflèdeleur
efprit, & leur érudition.
Ces trois illultres filles compoferent
à la gloire de la Reine de Navarre
un poème de cent difliques , tournés depuis en plufieurs fortes devers
par Jean Dorât, Jpachim du Bellay,
Jean-Antoine de Baïf, & Nicolas
Déni lot qui eurent en leur tems la réputation d'être les plus beaux génies
de France. On recueillit en 15 51. les
pièces faites fur la mort de Marguerite , écrites en diverfes langues par les
plus favans hommes de l'Europe. Je ne
rapporterai que celle-ci, où Guillaume Aubert fait parler ainfi la Reine
elle-même :
t
La couronne, l'honneur,
Les vertus, le bonheur,
408
Y——•
MAXGUERITE REINEDKNATAXES.
BlBIIOTHEQUB
Vive, m'ont décorée :
Morte > l'immortel nom ,
£ a ~t0;re i e r c n om,
"
. . .
Me rendent bien heuree.
Je ne vous parlerai point ici des contes qu'on lui attribue , faits à l'imitation de Bocace, & qui ont paru indignes de la fuite de la vie de cette Reine & de la majefté du trône, mais qui
étoient du goût d'un fiécle où la licence des mœurs étoit portée à l'excès. Ses
poëfies lui font plus d'honneur. Saverfification eft aflez bonne pour le tems
où elle vivoit. Elle a mis de l'efprit &
de l'invention dans la plupart de fes
pièces ; mais elle affectait fi fort les allégories , qu'elle les a femées avec profufion jufques dans deux Farces qui nous
relient de fa compofition. On prétend
qu'elle avoit fes raifons pour en agir
ainfi , & l'on a cherché du myftére dans
ces allégories ; peut-être y en a-t'il ;
mais je ne fçai fi le fruit qu'on en retireroit, au cas qu'on pût parvenir à le
dévoiler , feroit affez grand pour dédommager de la peine qu'il y auroit à
le chercher.
Ses œuvres poétiques, dont plufieurs
ont paruféparément, furent recueillies
&
F R A N ç O I S E
409
Se. publiées en 1547. par un de fes Va' «•
lets de chambre, nommé Jean de la MARGUEH a y e , qui mit à la tête une longue RITE I*EI"
Epître en vers, à la louange de Mar- y ^ ^ . , A"
guérite de Valois & de fes œuvres : il y
en a eu depuis plufieurs autres éditions :
toutes fous ce titre : les Marguerites de
la Marguerite des Princefes, très-illuftre
Royne de Navarre. Je me contenterai
prefque de vous faire l'enumération des
pièces contenues dans ce recueil, n'y
ayant rien trouvé qui foit bien digne
aujourd'hui de notre attention.
J'y trouve quatre Myftéres ou Comédies pieufes, toutes de l'an 1545. &
deux Farces, la Comédie de la Nativité
de Jefus-Chrifi, qui contient environ feize cens vers ; la Comédie de l'Adoration
des trois Jîoys a Jefus-Chrift ; celle des
Innocents, & celle du Défert, c'eft-à-dire, de la retraite de Jofeph& de Marie,
qui par l'ordre d'un Ange fe réfugièrent
avec Jefus enfant dans un- défert aride , pour fuir la perfécution d'Hérode.
IVlefTieurs Parfait ont donné une idée
fort fuccinte de ces quatre pièces ,
dans le tome troiftéme de leur Hiftoire
du Théâtre François. Les deux farces,
dont il eft dit un mot dans le même
volume, ont pour titre, l'une Comédie
Tome XI.
S
'
410"
BlBlIOTHEQUa
7 i
des deux Filles & des deux Mariées i
M ARGUE-l'autre, de trop, prou, pu, moins , titre
R\TE REi-auffj
bizarre que l'ouvrage, qui n'eil
NE DE NA ^q U > une allégorie depuis le commenceTARRE.
I
• r
Rt
c
ment jufqu'a la bn.
Beaucoup d'autres pièces de ce recueil font fur des fujets de piété : telles
font le Miroir de V Ame pécherejfe , efpéce de confeffion où l'Auteur reconnoît fa mifere fpirituelle, recourt à la
grâce du Rédempteur, s'humilie defes
fautes, en demande le pardon , & interrompt fouvent fes actes de confeffion
& d'humiliation par des prières affeciftueufes, & ce qu'on appelle des Oraifons jaculatoires: Dijcord efiant en l'homme par la contrariété de l'efprit & de la
chair , & paix par vie fpirituelle ; fuite
du premier poëme, où les contrariétés
qui fe trouvent dans l'homme pécheur
font affez bien dépeintes : Oraifon de
l'Ame f délie afin Seigneur Dieu, ou
plutôt invocation à la fainte Trinité ,
a la fainte Vierge, à tous les Saints,
qui contient quantité d'actes de recom
noiffance, de demandes, d'actions de
grâces, dec. Enfin Oraifon particulière
4-JefusChrifi. Marguerite de Valois fait
dans toutes ces pièces un grand ufage
de l'Ecriture-Sainte f dont il paroît
F R A N ç O I S E .
a\ir
que la lecture lui étoit familière.
^
Je met dans le même rang le Trient- MARGUEfhe de l'Agneau, poëme fore long où R I T E R E I "
l'Auteur chante les victoires de Jefus- NE DE NA "
Chrift fur le Monde & fur l'Enfer, & VA**E'
& fes triomphes particuliers fur notre
ame par fa grâce : la Complainte pour un
détenu prisonnier, qui paroît avoir été
faite lorfque François I. étoit retenu à
Madrid en Efpagne après la fatale
journée de Pavie, & les trente Chanfons fpirituelles qui font partie du même recueil. Dans ces dernières pièces
la Reine de Navarre emploie beaucoup
moins, que dans les autres l'autorité de
l'Ecriture. Ce font les propres penfées
qu'elle met en chant fur les airs qui étoient connus de fon tems, & qui me paroiflènt tous être des airs de Vaudevilles
que l'on chantoit également à la Cour
& à la Ville. Il y en a fur toutes fortes
d e mefures. Les deux premières font,
l'une fur la dernière maladie de François I. l'autre fur la mort de ce Prince , arrivée le dernier jour de Mars
i 547. Il y a beaucoup de fentimens ;
Se toute la tendreffe d'une feeur pour
fon frère y eft bien développée. La
Reine finit la féconde chanfon par demander à Dieu d'être bientôt reunie au
Sij
412
BlBIIOTHEQUE
=• Roi fon frère, & fes vœux ne tardèrent
MARCHE- pas à être accomplis, puifqu'eile ne lui
X1TE I E I
l " Uirvêquit pas trois ans. Voici comment
vARRE. die s'exprime fur l'efpéce d'abandonnement où il lui fembloitfe trouver après
la mort de François I.
Je n'ay plus ny père, ny mère,
,- Ny feeur, ny frère,
Sinon Dieu feul, auquel j'efpere >
Qui fus le Ciel Se Terre iropere
Lahault,dà bas,
Tout par compas
Je fuis amoureux, non en Ville,
Ny en Maifon, ny en Chaiteau ;
Ce n'eft ny de femme , ni de fille,
Mais du feul bon, paillant Se beau :
C'eftmon Sauveur,
Qui eft vainqueur
De péché, mal, peine Se douleur,
Et a ravi à foy mon cœur.
Xay mis du tout eh oubliance t
Le monde, Se parens Se amis,
Biens Se honneur en abondance ;
, Je les tiens pour mes ennemis :
Fy de tels biens.
Dont les liens
Par Jefus-Chrill font mis à rieju,
F R A N Ç O t S E.
Afin que nous foyons des liens.
_
,
. . < , . ,
'^13
:
MARGUê-
Je parle, je ris & je chante,
KirE R F I _
Sans avoir nul foing, ny tourment }, N E D E N AAmisôc ennemis je hante,
, VARRE#
Trouvant partout contentement.
Carparlafpy
En tous je voy
Leur vie, qui eft, je le croy,
Tout en tout, mon Dieu & mon Roy #
&c.
Outre, ces Comédies , ces Farces , ,
ces Poëfies fpirituelles, Marguerite dé
Valois a fait quelques autres poëfies
fur d'autres fujets : comme l'Hiftoire des
Satyres & des Nymphes de Diane, ou leur
Métamorphofe en Saules ; cinq Epîtres, dont quatre à François I. & une
au Roi de Navarre ; de fort longues
Complaintes de quatre Dames & de quatre Gentilshommes ; la Coche j l'Ombre ;
mort & réfurreilion d'Amour ,• Réponfe à
une Chanfonfaite à une Dame ; les Adieu
des Dames de chez, la Reyne, allant en
Gafcongne, à ma Dame la Friucejfe de
Navarre ; & deux Enigmes.
La Croix-du-Maine dit que la Métamorphofe des Nymphes de Diane
en Saules, ei\ une traduction de. la
Siij
14
BlBIIOTttEQlTE
Îxiéme Eclogue de Sannazar,
ïntïtulée Sa'ices. 11 s'en: trompé tc'eft le
*,ITE jf^même fujet ; mais ce n'en eft point
RARRE.
la traduction. L'Eelogue de Sannazar
ell fort courte. La pièce de Marguerite
de Valois eft très longue, & à peine y
ieconnoît-on Quelques vers qui faffent
fcupçonner qu'elle eût lu le Poète Latin.
Le poërne de la Reine de Navarre
avoit paru dès 1547. in-8°. à Lyon ,
par Jean de Tournes fous ce titre : la
Fable du faux cujder, contenant VHifioite des Nymphes de Diane, tranfmuées en
Saules, faite par une notable Dame de la
Court y envoyée à Madame Marguerite,
fille unique du Roy de France. Et cèfl
feus le même titre qu'on a réimprimé
ce. poërne dans le Livre de plufieurs pièces , recueil publié à Lyon par Thibault
Pàyen en 1549. La fin de ce poëme
fait voir que Marguerite de Valois le
compofa à la prière de Marguerite de
France, Duchefiede Berri & de Savoie , Princefie de Piémont,. fille de
François I. & fœur de Henri II. née à
Saint Germain-en-Layele 5 Juin 152:.
C'eft ce qui fait dire à la Reine de Navarre :
A1AR«UE-
Voue donc, Madame -, en ren laquelle j'ufe.-
F R A N ç O I S té
Tant feulement de vraye obéUTance ,
Et qui feavez quelle eft mon impuiflance,
Devez porter le mal que je mérite,
Et Marguerite ezctife Marguerite.
41 j
! = Ï S S
MARIUERITE
^ EI "
VARRE.
Dans la première des cinq Epîtres ,
la Reine félicite fon frère furlanaiffance de fon troifiéme fils Charles, né le zz
Janvier 1 5 zz. & qui mourut le 9 de Septembre 1545. & elle le compare à
Abraham à qui Dieu, pour récompenfe de fa foi, avoit promis de multiplierfa poftérité comme les Etoiles du Ciel.
L a féconde Epître fut accompagnée
d'un Pfeautier que Marguerite de Valois envoya pour étrennes à François
I. ce qui lui donne lieu défaire un paralelle entre ce Prince & David, & à
tirer de la conduite du Roi d'Ifraè'l
des inftructions pour le Roi de France.
François I. répondit à cette Epître ,
ou y fit répondre, & envoya en même tems à fa feeur un tableau de fainte
Catherine, dont à fon tour il lui propofe l'exemple. La troifiéme lettre fut
écrite en 1544. après le fiége de Landrecy , où François premier combattant contre l'Empereur, parut à la tête de fes armées. Marguerite de Valois lui fait part des allarmes que cette
action lui avoit caufées, & que les
S iiij
416
BIBLIOTHèQUE
-
mauvaifes nouvelles qu'elle recevoît d u
M ARGUE- f,ége redoubloient chaque jour. Elle
NE DE NÀ- ren ^ ) u m c e a ^a valeur du Roi fon freVAERE.
r e , mais elle le prie de ne pas expofer
ainfî une tête fi chère à fon Royaume ;
& elle le félicite d'avoir forcé l'Empereur à fe retirer. Il y a beaucoup de
piété & de grands fentimens de religion dans la quatrième Epître, où Marguerite congratule le Roi fon frère de
ce qu'il avoit renoncé à fes pallions, à fes
amours illicites, & qu'il avoit reconnu
fes erreurs & fes vices. Elle lui fait voir
la différence de l'Amour divin d'avec
l'Amour profane, des effets de l'un &
de l'autre, & s'afflige de ne pouvoir
être témoin du changement qui paroiffoit dans les fentimens & dans la conduite de fon frère :
Helas pourquoy , parvenu à tel point,
Efles-vous loing, & je ne vous voy point *
Mon defir n'eft de fi fort vous chercher
Kour vous terrfer, enfeigner ou prefchcr :
En vous n'a mal dont vous deufiè reprendre ;
Ny en moy bien que je vous peuflè apprendre.
Mais c'cft pour plus à vertu inciter
Mon cceur trop froid, vous oyanc réciter
Quel eftl'amy que vous avez trouvé ,
Quel bien en luy vous avez- efprouvé, fre.
FRANçOISE:.
417
L a dernière Epître eft adreûee, com- '
me je l'ai déjà dit, à fon mari Henri MARGUEd'Albret, Roi de Navarre. Il étoit " E " K ^
malade ; la Reine étoit abfente ; elle VARR.K.
lui écrit pour leconfoler, lui donner au
moins par lettres des marques de fa
tendrefle & de fon affliction ; elle efpere que cette maladie ne fera pas dangereufe, & qu'elle le retrouvera à fon
retour en bonne tante.
Les Complaintes des quatre Dames
& des quatre Gentilshommes ne font
que des Complaintes amoureufes, qui
ne demandent pas que je m'y arrête.
Le poème intitulé la Coche, eft une imitation du Livre des quatre Dames d'Alain Charrier -t auffi Marguerite de Valois dit-elle qu'il lui auroit fallu, les talensdece Poète, pour bien raconter
fon hifloire :.
Penfay en moy que c'eftoit un (ùbjeft
Digne d'avoir, un Alain Charretier.
Sa narration eft néanmoins plus vive,,
lus élégante que celle de ce Poète.1 s agit de trois Dames- que la Reine
apperçut pendant qu-'elle s'entretenoit
avec un Payfan. Deux étoient- vêtues
de deuil, la troifiéme,. fans cet habilwentlugubre, n'en paroiflbit pas moins
Ï
Sv
41-8
• .
BlBIIOTHEQUE
affligée : elle prenoit autant de part àMARGUE- l'affliction de fes deux amies , que 11 le
RITE
^ "même malheur lui fût arrivé,. & elle
avou
VARRE.
" P^us °i u , e i l e s u n furcroit d'infortune. L'union des troisétoit telle, que
chacune fentoit également la peine ou
le plaifir qui arrivoit à l'une d'elles, &
fi invinciblement qu'aucune ne pouvoit
ni éloigner, ni même diminuer ce fentiment. Les deux premières venoient
d'éprouver l'infidélité de ceux qu'elles
aimoient ; ce qu'elles racontent fort au
long & avec toutes les expreffions delà
afuon & de la douleur la plus vive,
.a troifiéme avoit un ami fidèle, mais
pour fuivre fes compagnes, elle étoit
forcée de s'éloigner de lui, au rifque
de le* contraindre à mettre fon affection dans une autre.. Chacune plaide donc fa caufe devant la Reine, &
veut qu'on la regarde comme la plus
infortunée , & en même tems comme
la plus digne d'honneur & de louange..
Les plaidoyers font fi longs que la nuit:
furvenant avant qu'ils piment être achevés ,. elles montent toutes dans la. Ctcht'
de la Reine, qui veut entendre la fuite de cette hiftoire. Enfin elle leur conièille de prendre pour juge de leur différend François. L. dont die fait cet
éloge -.s
Î
F R A N ç O I S E .
419
Je n'en fçay qu'un qui, à la vérité,
Fuiflè juger qui plus a de douleur ,
Et plus d'honneur parfoufFrirmérité :
C'eft celui feul duquel la grand valeur
N'a fon pareil , & à tous eft exemple
Des grands vertus , par qui s'acquiert honneur.
C'eft luy qui peult triompher en fon temple ,
Ayant paffé par cefùy de vertu.
C'eft luy que Ciel, & Terre& Mer contemple....
C'eft luy lequel tout le divin lignage
Ces Dieux très-haults, ont jugé qu'il doit eftre
Monarque, ou plus , s'il fe peut davantage....,
C'eft luy qui a de tous la congnoiflance,
Et un fçavoir qui n'a point de pareil,
Et n'y a rien dont il ayt ignorance
En terre il eft comme au Ciel le Soleil ;
Hardy, vaillant, fage & preux enbataille,
Fort & paillant, qui ne peut avoir peur
Que Prince nul tant foit puiffànt, l'afTailIe.
Il eft bening, doux , humble en la grandeur,.
Fort & conftant, le plein de patience,
Soit en prifon , en trifteflè ou malheur.
Il a de Dieu la parfaite feience,
Que doit avoir un Roy tout plein dé foy ,
Bon jugement, & bonne confeience.
DefonDieu garde & l'honneur & la loy ;:
X fes fubjets duux , fuprxtrt'&juftice :
Bref, luy feul eft bien digne d'eue Roy.
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M ,i;tci : ••;:.R I T E R r tNE D E N A YARRE.
La-Damï qui avoit quitté fon' ami'
Sv-jj
420
1
BIBLIOTHèQUE
'" - pour fuivre les deux autres ,.confèat
MARGUE- de prendre le Roi pour juge , &
R T E I EI
» "toutes enfemble fupplient la Reine
\ ARRE. *" °"e m e t t r e par écrit leur hiftoire „ le fujet de leur difpute, & toutes les raifons
apportées de part & d'autre. Marguerite fe défend d'abord d'y confentir fur
fon âge de cinquante ans, fur la foibleffe de fon ftyle, fur la baflefle de fes exprefïïons : on la preiîê de nouveau, &
elle fe rend. Pendant ce débat, les deux
autres Dames, fans refufer le jugement
du Roi, trouvent qu'il feroit plus convenable d'envoyer l'écrit à Marguerite
de France,. Ducheife de Berri , parce
qu'elle eft femme & jeune, & qu'elle
ne brilloit pas moins par les talens de
fon efprit, que par fes. autres, qualités.
Marguerite trouve cette propofition
xaifonnable ; toutes l'acceptent ,.& l'écrit eft envoyé à la Duchefle de Berci :
il n'eft point dit quelle fentence elle
prononça.
Ce recueil finit par. la dëfcriptiondeÏOmkre qui fuit le corps, la Mort & Rifurtedion de H Amour, les Adieux des:
Dames, la Chmfon d'une Dame &U Riponfe de.Marguerite de Valois, & les.
Etvgmis^ Je crois qu'il fuffit de vous
indiquer ces pièces ;- je n'y airien trouvé
FRAN-çOISE.
421
quï mérite que j'entre dans un plus
.
grand détail.
MARGVXDu Verdier dit bue l'on a imprimé fé- R I T E **?**
'
r i
1
»«
•
NE DE NAr-
parement une Eclogue de Marguerite VARRE ,
de Valois en 15 5 2. à Pau, in-4, 0 . dont
les interlocuteurs font Securus, Berger,
uimxrijfme, Bergère, Agapi, autre Berger & Paraclefis.
Les dernières pièces de la Reine
Marguerite, dont je viens de parler r
l'Ombre, la Mort & Réfurreftion d'Amour,
Sec. fe trouvent aufli avec la Métamorphofe des- Nymphes de Diane, dans
l'édition in-8 ° . que je vous ai citée ^
& dans le Livre de plusieurs pièces*
On lit dans les mêmes éditions, oc
en particulierdans celle de 154.7. in-8 °.
d'autres poèïies qui ne font pas apparemment de Marguerite de Valois ,,
puifqu'elles ne font pas dans le recueil
de fes œuvres. Telles font la Conformité de l Amour au Navigage, ou paralelle des dangers & des effets de la Navigation avec ceuxde l'Amour: leRufiique
de Claudien , un Sonnet r le Blafondep
cheveux : une petite pièce intitulée les
JtZfchez., & quelques autres qui n'ont
que l'amour pour objet,, & dont l'énumération me paroît inutile..
<J.22
E l BXIOTHEQUjr
ANTOINE
DU
MOULIN.
On a donné dans le même recueil
une Eclogue de lavie foliuire, fans nom
d'Auteur, mais qui eft de Maurice Scev e , Lyonnois, dont je ne tarderai pas
à vous parler , & plufieurs pièces cc
chanfons amoureufes fous le titre de
Défloration de Venus fur la mort du bel
Adonis; on auroitpû ajouter que cette
collection avoit été faite par Antoine du
Moulin, Maconnois, Valet de Chambre de Marguerite de Valois, & qu'il
étoit lui-même Auteur de plufieurs de
ces chanfons. Celles qui font dans le
Livre de plufieurs pièces ont été extraites d'un recueil beaucoup plus ample
que du Moulin avoir publié en 154,8.
in-8'Va.Lyon fous le. même titre de
Défloration de Venus fur la mort du bel
Adonis. Toutes ces fadeurs amoureufes
ou inventées par l'Editeur, ou. extraites àuPalmerin ,d'Amadis ,.de Bocace ,.
de Bembe,,ôcde plufieurs autres, ont
pu avoir alors dés lecteurs : qui auroit
aujourd'hui la. patience d'en, occuper
fon loifir ?]
Je dirois lamente chofe du recueil
intitulé ,, lec Chant- des Sereines ,,dontÀ
F R A ICç O r's E.
424
Antoine du Moulin a auffi copié une -" "
partie,, & qui parut la même année ANTOINK
1 548. à L y o n , fi l'on ne trouvoit pas DU Moudans ce nouveau recueil quelques piè- L I N .
ces plus férieufes que ces Complaintes
& ces Chanfons amoureufes qu'on y a
multipliées pour l'ennui & le dégoût
des lecteurs.
E TIENNE
FO RCA D EL.
Ce nouveau recueil eft d'EtienneForcadel „ né à. Beziers,. Docteur en
Droit Civil & en Droit Canon*, lecteur ordinaire enTUniverfité de Tou. loufe; Ilétoit fils. d'Imbert Forcadel,,
qui mourut à l'âge de vingt-neuf ans •&.
quatre mois, &d'Ifabelle de Cabeftain,
& il a célébré la mémoire de l'un & del'autre dans fes poëfies de Sédition de
1579..Son père étoit homme d'efprit•„
& fon fils dit que ce fut luiiqui lui infpira du goût* & de l'amour pour les;
vers. Il s'appliqua cependant plus particulièrement au Droit , &fuivit la profeflion dé Jurifconfulte,. dans laquelleH n'excella pas,. quoiqu'on ait fait ledeshonneur au célèbre Cujas de lui préV
férer ce ridicule compofireur poùr-rem*gluv une- chaire dans.; l'Uniyerfité de;
424
B l BIIOTHEQU'E'
— Touloufe, ce qui a attiré beaucoup
ETIENNE d'injures à Forcadel de la part de PaFORCADEL j r e jy[affon Le fameux du Moulin qui
Monn^fMi» Wâme & loue quelquefois un peu trop
|igem. des légèrement, n'y fongeok pas lorfque
ul'r. " 'dans fon Extricatio Laojrintbiy il loue
l'élégance & lesagrémens d'un livre de
ce Poète Jurifconfulte, intitulé,. Necromuntia Jurifperiti. Mornac à la fin de
fes obfervations fur le quatrième livre
du Code, en a mieux jugé, & avant
lui l'Auteur anonime de ce dizain.
Quand Forcadel fon livre publia
Auquel il mil par titre Kigrmutnei r
Pâme Thémis contre l'Auteur cria ;
C'eft uw Sorcier, mai'ftreen noire fcience;
Tout doux, Thémis, j'entreprens fa défenee-,'..
Pour ce Docteur je demandé quartier :
Grand' tort avez dé vouloir châtier
V« Ecrivain qui n'a- grain dé malice ;
En aucun art onc il ne fût Sorcier ,
On le connaît r ce n'eft pas là fon vice.
Ses poëfîes nu lui donneront pas en ef>
fet un rang, plus diflingué fur- le Parnafle. C'étoit, je veux, le croire, lefruit defes heures perdues : c'eftlui-même
qui le dit : ne pouvoit-il pas les mieux
etTrployet l II dit à fon ami Sofigenes
qAiiL'a.voit engagé à mettre ces poëfies-
F R A N ç O I S E .
425
au jour , qu'il convient qu'elles font mal
>
limées , mais qu'il efpéroit que ces petits ETIENN»
labeurs feraient fris en plus dextre partie FORCADïI.
qu'il ne penfoit. Ne pourroit-on pas répondre que c'étoit, félon la devife qu'il
avoit adoptée, Efpoir fans efpoir? Ces
poëfies n'ont la plupart ni ftyle, ni fel :
fi le Chancelier de l'Hôpital a eu la
complaifance d'en faire l'éloge, c'étoit
pour le payer dans la même monnoie *•
qu'il en recevoit, Forcadel ayant fait
en toute occafion le panégyrique de ce
Chancelier.
Le recueil des poëfies de Forcadel
contient le Chant des trois Setaines filles
a" Acheloùt& Cailiepe ; Chant d'excellence divine, comprenant la chajne d'or du
très favant Poète Homère ; Chant comparant l'Amour à un Fleuve ; Chant trifie
de Médée abandonnée de fon aymé Jafon 5
autres chants amoureux , entremêlés
de deux autres, fur Jefus-Chrift & fa
Loi & fur l'unité d'un Dieu, & d'une
troifiéme pièce fur la naiflance de Jefus-Chrift que le Poëte appelle le nouveau Phœnix ; deux Elégies pour un amant;
des Epigrammes, des Complaintes >
des Epitaphes , le Blafon de la nuit ; le
fleur d'Heraclitus, & le riz. de Democritm Philofophes ; Dijfencion des quatre EU-
açiS
BIBLIOTHèQUE
•mens ; Epifire à fon amy Jean Breton]
ETIENNE Docteur; le Saifer de la Lune & du Paf* O R C * » S L teur Endjmion f fur la •montagne de Lotmus en Carje ; quelques traductions fort
courtes de Pétrarque & de Virgile ; &
enfin un Dialogue ruftiquc (3 amoreux
entre un Berger & une Bergère.
Ce recueil fut réimprimé en 1551.
augmenté de fix Epures, de quelques
endroits traduits de Lucien, d'Ovide,
de Lactance, & autres ; de plufieurs
Sonnets ; de quelques pièces intitulées,
la Fore fi de Dodone; la beauté de Clitie;
le Triomphe de la Déejfe Nomique, &
tentrée ficelle en la cïtéd'Hofte ; de plufieurs Elégies nouvelles ; des éloges de
la Mort-,de la Pomme, de la Croix ,
du Corbeau, &c. Tout cela eft fort peu
de chofe, & ne mérite pas cet éloge
qu'en fait François Habert dans fon
Epître à Mellin de Saint Gelais r fur
l'immortalité des Poètes François :
Dedans Beziers Eftienne Forcadel
Fut eftimé avoir los immortel,
Bien que n'ayons qu'un bien petit volume
De fa nayfve & éloquente plume ,.
Digne labeur , veu fes vers beaux & meurs r
D'eftre femé par divers Imprimeurs.
L'Auteur ne s'étant défigné que par
F R A N ç O I S E ;
4,27
ces deux premières lettres de fon nom
•
E . F. il s'eft nommé dans les lettres ini- ETIENNEtiales de cette Epigramme à Elian 1 FOR.CA.MI.
Fuy , Elian , l'oyfive négligence :
On voit allez les beaux Soleils elleints
Rayer leur chef de nceuve reluyfance,
• • Ce qui n'advient aux hommes d'aage atteints,.
Afleure-toy que les ans incertains
De jour & nuict font en voie gliilànte :
Et que lage eft qui reçoit à deux mains
L'occafion quand elle fe préfente.
Dans une autre Epigramme, 3 demande ce que c'eft que Loj, & il répond ;
toy n'eft rien qu'un commun Décret »
Advis humain , nieur & diferet,
Qui les crimes punit Se. tance ,
Faits d'efeient, ou d'ignorance ,,
Comment gage 4V. repos unique ,
Qui affûte la République,
Dans d'autres Epigrammes, il loue
Jean Lullier, Protonotaire, les trois
frères du Faur ,. Touloufains , M. de
Crufiôl,' en fon vivant Vtceroy en Languedoc, & quelques autres qui avoient
eu de fon tems quelque réputation ,
mais dont nous ignorons aujourd'hui
les actions. Jeneconnois pas plus le
VoMeur Jean Breton à qui Forcadel adret-
4.28
BIBLIOTHèQUE
fe une de fes Epîtres : on voit feulement '
E " E N V E par cette pièce que ce Docteur étoit
CADEL très-verfé dans la fcience du Droit Civil & Canonique. Les Epitaphes r autres efpéces d'éloges , célèbrent la mémoire de M. d'Acier qui mourut à la
journée de Cérizolles, de Madame du
Faur de Saint Jory, de M. de Crufiol,
de Jacques de Puymiflbn dont on a des
harangues & des plaidoyers, delaPréfidente du Faur, d'Alain Hulliet, Jurifconfulte excellent , de François de
Bourbon, Comte d'Enguien, de Marguerite de Nicolay, &c. Toutes ces
Epitaphes font fans date. Il y en a trois
pour François I. &. celle-ci pour Clément Marot :
Vois-tu, piflàm , le fepulcre paré
De Romarin , de Lyerre Se Violette ,
Frés le Laurier par Phoebus honoré ;
Lit gift Marot des neuf Mufes pleuré »
Plus que jadis le Florentin Poète.
Le Piedmont deult : la France le fouhaite !
L'un, qui le voit en fes bras demeuré :
L'antre a regret dé l'exil moins honnefte.
Sçais-tu qui eu , qui plus fe fantaifie
De fon trefpas ? c'eft mefme Poëfie ,
. Qui fond en pleurs fous la pareure noire.
Mufes cents , clfuyez vos beaux yeux ,
;
F R A M ÇO I S B.
. Voftre Marot eft tant vif lur les Cieux,
Comme icy bas, n'eft pas morte fa gloire.
429
,
ETIKMHK
Etienne Forcadel mourut en 1 573.FORCA»EI.
Il avoit obtenu l'année précédente un
privilège pour la réimpreflion de Ces
poëfies , qu'il avoit revues & augmentées. Mais ayant été attaqué, peu de
tems après, de la maladie qui le conduisit au tombeau, il recommanda à
l'on fils, L. P. Forcadel, d'exécuter ce
qu'il ne pouvoit faire lui-même, & de
dédier le recueil de fes poëfies au Prince Charles de Bourbon, fils de Louis
de Bourbon, Prince de Condé. Sa volonté fut fuivie. Ses Oeuvres poétiques
parurent de nouveau en 1 579. à Pa- '
ris, in- 8 °. L'Epître dédicatoire eft datée de la même Ville le 20 Décembre
J 5 7 8. Les augmentations qui font dans
cette dernière édition , chargent plus
ce recueil qu'ils ne l'enrichiflënt, ôç
rne difpenfent par-là de vous en faire
rénumération. Je vous dirai feulement t><u>( deFow
que dans fes Epigrammes il y fait un
ifj^i^
grand éloge d'Aymar de Vabres, Sécrétai- & 1 «8,
re du R o i , Poète François , qui ne
nous eft pas connu d'ailleurs. Il eft
étonnant que Forcadel, qui dans fes
poëfies prodigue fes éloges à un grand
nombre d'Ecrivains très-médiocres, ne
î
30
BlBtlOTHÏQTjrE
ife pas un mot de Pierre Forcadel
ETIENNE fon frère, qui étoit Profeûeur de MaFOCCAOBL thématiques au Collège Royal à Paris , & qui a eu en fon tems quelque
réputation.
CHARL, DE SAINTE
MARTHE.
Charles de Sainte Marthe qui compofa l'Oraifon funèbre de Marguerite
de Valois dont je viens de vous parler,
cultiva lui-même la poëfie Françoife,
& même la Latine avec quelque fuccès. 11 étoit d'une famille qui eft deve«urr. poa. n u e féconde en gens de lettres. Il nade charte de q U i t à Fontevrauld, l'an 1512. de Mathe ,%. f«! rie Marquer, fceur de Pierre Marquet,
7». 148. Seigneur de la Bédouere, & de Gaucher de Sainte Marthe, Sieur de la Rivière , Confeiller & Médecin ordinaire du Roi François I. fi eftimé de fon
tems, que Conrad de I ^ m m e a u , dans
•viedeScev. fon livre de l'Office de fAvocut , lenomdc s. M. mefeul ^tre nous & les étrangers erucle
de U Médecine, & un Autre Efculape.
Charles eut quatre frères, dont il étoit
le fécond. Louis fon aîné, Sieur de
Neuilly , Procureur du Roi au Siège
de Loudun , s'appliqua à la Jurifprudence. Salrnon Macrin en fait l'éloge
F R A N ç O I S E .
431
dans Ces poèfies Latines. Jacques, Sieur;
d e Chandoifeau, frère puîné de Char- CHARLES
l e s , pratiqua la Médecine, fut verféDE S * 1N "
dans la langue
Grecque dedans les M a - " L ***
v
. /
0
*
THE*.
thématiques; &, entr autres ouvrages,
compofa la vie de Budée qu'il avoit eu
l'avantage de connoître dès fon enfance.
Charles n'eut pas moins d'amour
pour l'étude, & y fitd'auffigrandsprorès. Nous apprenons d'une lettre de
„eon de Sainte Maure de Montaufier,
Chevalier de l'Ordre de faint Jean de
Jérufalem, écrite d'Hyeres en Provence le 20 Juin 1 540. que Charles demeura quelque tems à Poitiers , qu'il
emporta avec lui les regrets de cette
Ville lorfqu'il la quitta, qu'il alla depuis en maints lieux où fa réputation le
îuivit, qu'il foutint avec courage plufteurs adverfes fortunes es pays lointains >
qu'enfuite il fut reçu honorablement à
L y o n , où on le chargea d'enfeigner
dans le Collège de cette Ville les langues Hébraïque , Grecque , Lutine &
Francoife.
Le détail de fes voyages ne nous eft
pas plus connu que celui de fes malheurs dont il parle fouvent dans fes poè\>
i î e s , & qu'il attribue à fes envieux.
f
4Î*
BIBLIOTHèQUE
. Tout ce que nous favons, c'eft que la
CHARLES Reine Marguerite de Valois , fœur de
»E SAIN-François I. Antoine, RoideNavarre,
»*EB M A * - & la JDucheiïè de Vendôme Françoife
EI * de s d'Alençon , l'honorèrent de leur bienM. Se »ïecilveillance & de leur eftime particulière,
tée plus haut. £ l'employèrent en diverfes affaires importantes. La première de ces deux
PrincelTes le fit Maître des Requêtes
de fon Hôtel, & la féconde lui donna
la charge de Lieutenant Criminel d'Alençon. Ces deux Princefles étant mortes en 1550. il en témoigna publiquement fa douleur par deux Oraifons funèbres qu'il fit imprimer. Il leur furvécut peu, étant mort d'une hémorragie
en 1555. âgé feulement de quarantetrois ans. J'ignore s'il a été marié : on
voit feulement par fes poëfies qu'il aimoit une Demoifellè d'Arles en Provence , qu'il nomme Beringue, qu'il la
recherchoit en mariage, qu'il l'entretenoit fouvent tant de la pureté que de
la confiance de fon amour pour elle, &
qu'il lui prête les mêmes fentimens à
fon égard. Mais il ne nous dit pas fi fes
vœux furent remplis.
La poëfie qui ne doit fervirqued'amufement, fut une paffion dans Charles de Sainte Marthe; fes amis 6k fa famille
F R A N ç O I S E
439
mille lui en firent des reproches; il con• '
venoit quelquefois qu'ils avoient rai- CHARLES
fon ; mais fon penchant l'entraînoit, & °* MIRil faifoit peu d'efforts pour lui réfifîer. T H E ,.
C e qu'il y a de fingulier, c'eft que Guillaume Bigot, de Laval au Maine, Médecin & Philofophe, voulant le détacher de la poèfie pour le porter à fe livrer aux fciences, & furtout à l'étude
des langues, choifit les vers pour blâmer ce genre d'écrire, & engager fon
ami à l'abandonner. La plupart de fes
autres amis n'étoient pas plus conféquens dans leurs avis. Ils connoiflbient
fes talens ; tous l'exhortoient aies mettre à profit, & prefque tous s'empreffoient de lolier fes vers, &de lui écrire
dans le même genre. Etoit-ce le moyen
de le dégoûter de la poëfie? Auffi Sainte Marthe perfévéra-t'il, au moins jufqu'en 1 540. à cultiver les Mufes.
Ce fut cette année qu'il publia le recueil de fes poëfies à Lyon, où il demeuroit alors. Suivant le confeil de Léon de
Sainte Maure, il les adrefla à Madame laDucheffe d'Eftampes, qui protégeoit les gens de lettres, & de qui
l'Auteur reçut plufieurs bienfaits. Ces
oëfies font partagées en trois livres.
,e premier contient des Epigrammes,
Tome XI.
T
Î
414
BIBLIOTHèQUE
w, '»
—. c'eft-à-dire, de petites pièces fur diCHARLES vers fujets ; le fécond, des R o n d e a u x ,
,,E
?*IN~ des Ballades & des Chants Royaux ; le
THE. AR~ tT°ikéme t &es Epîtres & des Elégies.
Dans un grand nombre de ces pièces,
l'Auteur célèbre fa Beringue , c'eft-àdire, fa maîtrene: mais beaucoup d'autres font adreffées à la Reine de Navarre,à la DucheiTe d'Eftampes, à François
j I.&àplufieurs parens & amis de l'Auteur. 11 fe glorifie dans quelques-unes
d'être difciple de Marot, qu'il appelle
Jon père d'alliance. C'eft à lui qu'il recommande fes œuvres, qu'il convient être
fort inférieures à celles de fon ami : c'eft
lui qu'il follicite de les faire agréer à
Madame la Ducheffe d'Eftampes •, 6c
un faux bruit de la mort du même Marot s'étant répandu , Sainte Marthe fe
hât4 de lui envoyer cette Epigramme :
Il fut un bruit, 6 Marot, qu'eftois m o r t ,
Et ce faux bruit un menteur afleura.
L'un d'un côté fe plaignoit de la m o r t ,
• Faifant regret qui longuement dura.
L'autre par vers piteux la déplora,
Gettant foupirs de dur gémiffement.
Moy de grand deuil plorant amèrement,
'
Duquel eftoit ma triite ame faille ;
Las ! dys-je, mort eft noftre amy Clément,
.
Morte doncque eft Ftançoife Poeïié.
f R A K Ç O ' t J E.
4,35
Une autrefois Sainte Marthe ayant été
volé par fon domeftique, comme Ma- CHARLES
tôt l'avoit été par le fien, il adreflà en- D E ^J IN "
çore à fon ami l'Epigramme fuivante : ^HE.
Ton ferviteur le mien avoit appris,
Ou tous deux ont elté" à même efcholle.
J'y ay efté, comme toy, il bien pris ,
Qu'il ne m'eft pas demeuréune obolle.
Le tient eftoit de fàift & de parolle
Un vray Gafcon. Si le mien ne l'eftoit,
A tout le moins, bonne mine portoit,
D'eftre de meurs au tien tort allie?.
Gafcon ne tut, mais fon Gafcon fentoit :
Jouant un tour d'un Moyne refmé.
Màrot n'étoit pas le feul Poète , ce
moins encore le feul homme de lettres
avec qui Charles de Sainte Marthe entretenoit des liaifons. Il fuffifoit d'avoir
quelque talent pour acquérir fon eftime & fon amitié. C'eft ce que l'on voit
par les Epigrammes qu'il adreflè à P.
Tolet, Médecin du grand Hôpital de
L y o n , ami particulier de Dolet, à
Doletlui-même, à Charles delà Rueh.
l e , "à Jean Ferron , à Exupere de Claveyfon, Seigneur de Parnans, a Maurice Sceve, Lyonnois, à Jacques Colin , Abbé de faint Ambroife de Bourges, à Noble EdmondOdde, Seigneur
Tij
43e*
BiBiioTHEque
•
de Triors, parent , fans doute , de
CHARLES Claude Odde de Triors , traducteur
T ! SAIS- d e s Diftiques de Michel Vérin , à JacTHE.
" t l u e s Dalechamp, à Guillaume Bigot,
&. à plulieurs autres.
Son amitié pour Dolet étoit fi grande qu'il ne manque aucune occaiion de
le louer. Il croyoit que l'éloquence étoit
fi redevable à cet Ecrivain , que fans
lui elle n'eût peut-être pas régné en
France. C'eft ce que fignifient les vert
fuivans,
Démoftbene vivant, nui n'eut oneques fécond ,
Les Grecs eurent jadis éloquence entre mains.
Luy mort, au monde vint Cicéron le facond ,
Lequel avecqne foy la porta aux Romains.
Apres luy, elle fut tranfportée aux Germains ,
Où toujours demoura tant qu'Etablie a heu vie.
De là s'en retourna vifiter l'Italie ,
Et avoitprins manoir chez Eembe & Sadolet :
Mais depuis peu de temps leur a efté ravie,
Et tout droit amenée en France par Dolet.
Ailleurs il recommande aux François
de lire avec attention ce que le même
Ecrivain avoit fait en faveur de leur
langue, & il les excite à être reconnoif«uvr. de Cb. fàns de fes travaux pour elle. C'eft le
J 7 S &flîivf'fujet d'une de fes Epîtres, qu'il adreflè
aux François, & dans laquelle il fait
F R A N ç O I S E .
4.37
lui-même l'éloge de notre' langue , •
comme dans l'Epître à fon père, il CHARLES
avoit fait l'éloge de notre poëfie, erî fe DE ^ y N
juftihant du goût qu'il avoit pour elle. T ""IE#
L a plus importante de toutes les P a £ -,
pièces de Charles de Sainte M a r t h e ,
eft fon Elégie du Tempe de France, en
Vhonneur de Madame la Duchejfe d'Eftampes ; comme l'Auteur emploie une
partie de cette pièce à faire corîrîoître
les Poètes qui avoierit alors quelque réputation, & qu'il y donne leur" caractère , je me contenterai de vous rapporter ce qu'il dit fur ce fujet.
Le temps parte", plusieurs gentils efprits
Ont pris plaifir , par leurs «lo£tes efcripts
Commémorer le los trés-magnificque
Et le grand bruicr du Tempe Theflàlicque ;
Tout ainfi font, les Muies en ce lieu ,
Attires prés d'Apollon leur grand Dieu.
Callidpé la tant bien relouante ,
A à fa voix une voie confortante ;
C'eft fon Hsrtt, le Poëte favant,
Lequel premier met fa plume en avant :
Plume de mots & fentences fértille,
Plume à trouver, & à coucher fobtille.
Clio après a fon docte Colin,
ColinfonnantGrec, Frarfçoys & Latin ,
Et pénétrant de Térudite fonde,
T iij
438
BlBtrOTHEQUE
La creufe mer de fcience profonde.
Puis F.rato un StinCl Gelayt maintient,
Qui fa pattie avec les aultres tient,
Chantant des fons de fa fonante lyre,
Plaifants à tous , & utiles à lire.
Auprès duquel un Scevc s'eft aflîs,
Petit de corps, d'un grand efprit radis,
Qui l'efcoutant, malgré qu'il en ayt, lie
Aux graves fons de fa doulce Thalie
Avccqueseux, y a Melpomené
La Maifin nenfvt, efprit gentil, mené ,
Qui tellement de fa harpe refonne,
Que n'eft aulcun lequel ne s'en eftonne.
Terpficoré a près de foy
Brcietn,
Lequel tousjours invente chant nouveau ,
Et de fan chant il fait fi grand merveille
Qu'il n'y a cucur qUe fouhdain ne réveille.
Là Euterpé ne s'eft mife en ouhly,
Ains le troupeau a très-bien ennobly
Par un BoHcktt qui tant de beaulx dicts couche ,
Tous procédants de fa dorée bouche,.
Et là auprès Htreet le fubtil,
Avecques luy Fontaints le gentil,
Peux en leurs fons une perfonne unie,
C hantants auprès de l'haulte Polymnie.
Là Uranie a fon Sttel conduict,
Qui tous les jours fes factures produit,
Par jufte droict accommodé à elle.,..,.
F R A N ç O I S E .
Salel efcrit de telle dignité ,
Et fes efcrits (i faigement compaflè,
Qu'il n'eft aulcun qui en ce l'oulttepallè.
4.39
*———•-»•»
CHART.TS
DE
OAIN—
Le recueil de Sainte Marthe finit par THE.
ce qu'il appelle le Livre de fes amys,
parce qu'il y a raflèmblé diverfes pièces où l'es amis ont loué lui & fa Seringue. C'eft dans ce livre que l'on trouve I'Epître en profe de Léon de Sainte
Maure, dit de Montaufier, dont je
vous ai parlé, & I'Epître en vers de
Guillaume Bigot, dont j'ai pareillement fait mention. A l'exception de
ces deux Epîtres, le relie ne confille
qu'en Epigrammes d'Etienne Dolet,
de Maurice Sceve, de P. de Marillac,
d'Exupere de Claveyfon , Seigneur de
Parnans, qui traite Sainte Marthe de
frère , de P. Tolet , Médecin , de
Maurice Chauffon , de Jean Roboam,
de Jean Benac , d'À. de Villeneufve ,
de Charles du Puy , & du Chevalier
Grenet. Ce livre eft adreffé à M. d'Avanfon , Secrétaire du R o i , par une
Epître en profe, datée de Lyon le 1 5
d'Août 154,0.
Sainte Marthe promet dans cette
Epître de publier un autre ouvrage ,
dont il ne dit pas le fujet. C'étoit peutêtre fon Traité de la conjunctiqn des qu*T iiij
44-°
BIBLIOTHèQUE
^
ne langues, qu'il préparoit, cornrne il
CHARLES i e j ; t J a n s p a v j s a u Jeteur qui eft à la
DE SAIN n n
TE MAR- ^ e ^es poètes. Je ne crois pas que
THE.
ce Traité ait paru. Scévole de Sainte
Kiog. 1. m . Marthe, dans fes éloges, lui en donne
». îei.
u n a u tre de re fepulchrali, & des Commentaires fur les Pfeaumes de David.
J'ignore fi ces ouvrages ont été imprimés ; Scévole de Sainte Marthe ne le
dit point.
Je reviens à l'Elégie de la nouvelle
Tempe dont je vous ai rapporté une partie. Prefque tous les Poètes que Charles de Sainte Marthe y raflèmble auprès
des Mufes, vous font déjà connus. Je
vous ai parlé de Marot, de Jacques
Colin, de Bouchet, de Fontaine ,
d'Héroet. Il ne me refte plus qu'à vous
entretenir de Victor Brodeau, de Maurice Sceve, de la Maifon neufve, de
Mellin de Saint Gelais, & de Hugues
Salel, qui vous eft déjà connu en partie , comme traducteur d'Homère.
VICTOR
B RODE
AU.
Victor Brodeau étoit de Tours, d'une famille honorable, & qui a produit
plufieurs Savans. Il fut Valet de Chambre & Secrétaire de François I. & de
F R A » Ç © ï S «.
441
la Reine de Navarre fceur de ce Prin.
c e , Ducheflê d'Alençon. Il mourut au VICTOR
mois de Septembre 1540. Sa gloire BRODEAU*
principale eu d'avoir été père de Jean
Brodeau , célèbre Philologue , habile
dans les langues Hébraïque & Grecque , connu par ks varia Leftiones qui
ont été imprimées, l'ami de tous les
Savans de Ion tems;, & duquel on peut?
voir l'éloge parmi ceux que Scévole dé Éibg. 1 n.
Sainte Marthe a publiés. Victor a peu s't,-£„i,£'r
'écrit, ou du moins on n'a publié que «?«•«.•
très-peu de fes ouvrages; Si l'on en excepte quelques petitespiéces imprimées
parmi les poëfïes de quelques-uns de
fes contemporains, je ne eonnois: de
lui qu'un poëme intitulé, les louanges
de Jefus-Cbrift noftre Sauveur, qui parut
à Lyon en* r 540. & dont on a encore
quelques autres éditions. Ce poëme eiî
en vers.de dix fyllabesi,. & commence:
ainfi :
Verbe éternel dès lé commencement!
Mis en fecret dedans le penfemeneDe Dieu puiffànt, &c.
L a Croix-du-Maine cite du même uneMpiftre du* Pefcheur à Jefus-Chrift, imprimée k Lyonehez Etienne Dolet';;ifc
neditpas il elle:efl en profeouen ver*v
44^
B l B LIOT HEQlTE
nvrgemré , Cette Epître a été cenfurée par la F a trnr. 1.1 r . cuite de 1 néologie entre les années
*7s1541 & 1546.
MAURICE
SEVE.
Maurice Sève ou Sceve, plus connu
que Brodeau, étoit, dit-on , de l'ancienne Maifon des Marquis de Sceva.
Ccicn. hift. s a famille étoit venue du Piémont s'él<it. rie L y o n ,
...
,
T
. ,
,,
t. - p. 513 tabhr a .Lyon avec quantité d'autres
fcfciv. jllultres familles étrangères. Maurice
exerça à Lyon la profeflion d'Avocat,
& fut Confeiller-Echevin de cette Ville. Le Promptuaire des Médailles , qui
le place parmi les illuftres Lyonnois,
en parle comme d'un homme d'un rare
mérite, qui s'étoit diftingué par une
grande capacité , & qui avoit furtout
un talent fingulier à imaginer des Emblèmes, des Infcriptions, desDevilës,
des Defleins de Trophées & d'Arcs de
triomphe ; en un mot tout ce qui fait
l'ame des décorations publiques dans
les réceptions des Princes, & dans les
autres Fêtes de cette nature. Aufli eutil la meilleure part, pour tout ce qui
dépend de l'invention & de l'efprit, à
la magnifique réception qui fut faite à
Lyon au Roi Henri IL & à la Reine
F R A N ç O I S E .
445
Catherine de Médicis fa femme, lorf...
qu'ils y firent folemnellement leur pre- MAURICE
miére entrée en 1548. Maurice Sève en ^Eys\
fournit les deffeins , il fut chargé d'en
conduire l'exécution , & Claude de
Taillemontquiyeutpart, n'y travailla
que fous fa conduite. La relation de
cette Fête a été imprimée en 1549. in8°. à Lyon ; & le père de Colonia en
donne un abrégé dans le tome fécond
de fon Hiftoire littéraire de la même
T
•Ville.
:
Pendant le féjour que Clément Majrot fit à Lyon , & dont il fe félicite en
plufieurs endroits de fes poëfies ^ il
rechercha l'amitié de Maurice Sève,
&. mérita de l'obtenir. Elle ne lui fut
pas inutile. Marot trouva dans cet ami
généreux & éclairé , non^feulement
l'appui dont-il avoit befoin dans les affaires difgracieufes qu'il s'attiroit quelquefois , mais encore des avis & des
lumières pour perfectionner fes ouvrages. On voit dans fes poëfies dés-preuves bien marquées de l'intime comrfter. ce qu'il entretenoit avec Maurice Sève,.
Docile à fes avis, il ne rèfufa de les
fuivre que lorfque Maurice voulut l'engager à fe perfectionner dans la Mùfi- .
que. Marot s'en excufa par cette jolie
Tvj
444
BlBIIO.THEQtTE
Epïgramrne qu'il lui envoya r
MAURICE
SèVE.
v^o
,
,
..
_ .
En moyant chanter quelquefois,.
Tu te plains qufefire je ne daigneMuficien, 6c que ma voir
Mérite bien- que l'on m'enfeigne;.Voire, que la peine je preigne
D'apprendre Ut re mi fa fol la :
Que Diable veux-tu que j'apreigne V
Je ne bois que trop fans cela..
Maurice avoït lui-même beaucoup dégoût pour la Muiique : & pour mieux
clive-,, il en avoir pour tous les arts &
pour toutes les fciences, » C'étoit, dit
p> la Croïx-du-Maine, un homme fort
a> dédie & fort bon Poète François,
pagrand rechercheur de l'Antiquité,
P> doué d'un efprjt efmerveillable, de
p» grand jugement & finguliére inven» tion.» Du Verdier ajoute qufil et oit
fetit homme, en ftature, mais du tout grand
en ffavoir,- & vous venez de voir que
Sainte Marthe dit la même ehoib.Etienae DcAet n'en parle pas moins avantageufèment en plufieurs endroits de les
poefi.es Latines imprimées à Lyon en
15q8, in-4 0 . &en plufieurs endroits de
fcs Commentaires de lalangue Latine.
; Je courtois de Maurice Sève deux
F R A N ç O I S E .
444
Eclogues , l'une intitulée Arion, l'au- ..' . m
tre qui porte pour titre la Saulfaye. Voi- MAURICE
ci le fujet de la première. François ^SEVE»
Dauphin de France , fils de François
I . après s'être fort échauffé à Aifnay r
dans une partie de paume, fut empoisonné dans un verre d'eau fraîche, &
alla mourir à Tournorr le 12 Août
1 5 36. Ç'eft cette mort & fes circonftances qui font L'objet de cette premiéxe Eclogue , où l'on reeoiinoît. plus le
cœur François que le Poète. La Saulfaye , Eclogue de la vie folitaixe, eft un
Dialogue entre deux Bergers, Antire
& Pbilerme. L e dernier, rejette de celle qu'il ahnoit, fuit les lieux fréquentés , ne cherche que les bois & les endroits, les plus écartés y afin de s'y livrer
plus librement à fa douleur.. Antire f
qui le rencontre r l'arrête , l'interrogefur les eaufes de fa crifteffè, & de la folitude à laquelle il s'abandonne.. Pbiktme répond à tout, & entreprend de
justifier & fon affliction & fon nouveau
genre de vie. Tout fe pafie alors en
dits&en contreditsJVlais^ntir* voyant
qu'il ne pouvoir ramener fon ami à une
conduite plus raifonnable , le plaint &
fe retire. Cette Eclogue n'eft pas mal
yejnifiéei&
y trouve du ferrtiment*
44-6
BIBLIOTHèQUE
e
Elle a paru à Lyon en 1547. in-8 ° . &
MAUTUCE a été réimprimée dans la même Ville
SèVE.
e n j c . g # f o u s l e feul titre d'Eclogue de
la vie folitaire, dans le recueil intitulé,
Livre de plufieurs pièces, que je vous ai
déjà cité. Maurice Sève n'a pas mis fon
nom à cette Eclogue, mais il s'eir, délïgnépar cette maxime qu'il avoit adoptée, fouffrir, nonfouffrir.
L'efprit & le fentiment éclatent encore davantage dans fa Délie, objet! de
plus haute vertu, qui elr, un recueil de
quatre cens cinquante-huit Dizains,
accompagnés de cinquante Emblèmes,
le tout ayant l'amour pour objet. Mais
l'Auteur s'y répète trop fouvent, &
emploie d'ailleurs quantité d'expteffions baflès , forcées , quelquefois peu
intelligibles ; des figures peu naturelles,
des allufions & des métaphores que le
feul goût de fon tems pouvoit excufer.
Les paffions s'expriment bien différemment dans les Poètes qu'Athènes &
Rome ont eftimés, & dans ceux qui
ont traité les mêmes fujets fous le règne
de Louis XIV. & même fous le règne
préfent. Voici peut-être un des meilleurs Dizains de la Délie ; qu'on juge
Dii s> p. des autres par lui :
44 .delaDé-
lie.
r
' Amour perdit le» traiûs qu'il me tira , .
F R A N ç O I S E .
q.4.7
Et de douleur fe print fore à complaindte :
Venus en eut pitié, & foupira ,
Tant que par pleurs fon brandon feit eftaihdre ,
Dont aigrement furent contraincts fe plaindre :
Car l'Archer fut fans traicr, Cypris fans flamme.
Ne pleure plus, Venus ; triais bien enflamme
Ta torche en moy, mon cœur l'allumera :
Et toy , enfant, ceflè, va vers ma Dame ,
Qui de fes yeux tes flèches refera.
M AURICB
S E V E.
Il faudroit avoir bien de la patience
pour lire plus de quatre cens Dizains
de cette efpéce , prefque tous remplis
de ces fadeurs amoureufes.
Pafquier n'avoit que du mépris pour
cet ouvrage. « Maurice Sève, dit-il «
en fes Recherches , livre v 11. chap. «
v 1. fe mettant en butte, à l'imitation «
des Italiens, une maîtrelTe qu'il celé-«<
bra fous le nom de Délie, non en Son- «
nets ( car l'ufage n'en étoit pas encore «
introduit ) ains par Dizains conti- «
nuels, y laiffa un fens fi ténébreux ck «
obfcur , que le lifant je difois eftre «
très-content de ne l'entendre, puif- «
qu'il ne vouloir eftre entendu.... Du «
Bellay, au cinquante-neuvième Son- «
net de fon Olive, ne laiffe pas de l'ap- «
peller un Cygne nouveau, voulant «
dire que par un nouveau deffiein, il «
avoit banni l'ignorance de notre poë- «
44^
•
BIBLIOTHèQUE
» fie. Toutefois la vérité eft qu'il aftecMAURICE „ ta une obfcurité fans raifon , qui fut
VE
*
»caufe que Ion livre mourut avant
» lui. »
Les Blafons du front, du fourcil ce
de la gorge, imprimés avec les Blafons
anatomiques du corps féminin r compofés
par plufieurs Poètes, ne méritent pas
plus aujourd'hui notre attention , que
la traduction que le même Ecrivain
s'avifa de faire de la déplorable fin de
Flammette, écrite en Efpagnol , & que
la Croix-du-Mai'ne appelle une belle &
gentille invention de Jean de Flores.
Maurice Sève s'eft fait plus d'honneur par fon poème intitulé, \&Adicrocofme ou petit monde , en vers héroïques
ou Alexandrins, partagé en trois livres. Le fujet de ce poème eft important : c'eft l'homme. Il falloit être PhïIofophe pour bien traiter cette matière; &" l'Auteur montre qu'il l'ëtoir. La
•Théologie lui étoit auffi né'ceffaire, <Sc
, il fait voir qu'il l'avoit étudiée. On mahieroit mieux de nos jours un fujet fi
élevé, on feferoit mieux entendre, on
rendroit un tel poème plus clair, plus
utile : on y donneroit de l'homme des
idées plus précifes ou moins ernbarraffees.. Mais le Microcoûne de notre PoèV
FRANçOISE.
449
*e ne laine pas, quoique trop brute, '
d e plaire, au moins dans quelques-unes MAURICE
d e fes parties.
SèVE.
L'Auteur dans le premier livre ,
temonte jufqu'à, la création de l'Uni-,
•vers, & fuivant l'hiftoire du genre humain , il parle de la création de l'homm e & de la femme, de leur chute ,
de leur expulfion du Paradis terreftre,
& des maux corporels & fpirituels qui
furent la fuite de leur première prévarication. Dans le fécond livre , A dam enfeveli dans le fommeil, voit en
fonge tout ce qui doit arriver à fa poftérité, l'établiflement des Empires,
l'invention des arts & des fciences,
les guerres qui doivent défoler la terre , la corruption prefque univerfelle
où toute fa race doit tomber, fa réparation par l'Incarnation & la mort
du Fils de Dieu ; la deftruction de l'Idolâtrie , 6c le rétabliffement du vrai
culte qui eft dû au fouverain Etre. Ces
derniers objets confolent Adam ; il fe
réveille, conduit fa femme dans une
vafte prairie, lui rapporte tout ce qui
lui a été révélé, & l'entretient enfuite
du cours des Aftres, & de toutes les
parties de l'Aftronomie, del'Aftrologie
rnême fur laquelle l'Auteur paroît trop
4.50
BIBLIOTHèQUE
~
infifter, de la Chymie, & des autres
'MAURICE fciences fpéculatives ou pratiques. C'eft
VK
*
la matière du troihéme livre. Ce poème finit par ces trois vers qui marquent
le tems auquel il a été compofé :
Univerfelle paix appaifoit l'Univers
L'an que ce Microcofme en crois livres divers
Fut aind mal tracé de trois mille & trois vers.
Si l'Auteur veut parler de la paix qui
fut faite entre le Pape, l'Empereur &
le Roi François I. en 15 29. il faudra
dire qu'il a attendu longtems avant de
publier fon poëme, n'en connoiffant
point d'édition faite avant 156a. Je ne
vous rapporterai que fon début, qui ne
manque ni de force, ni d'une certaine
élévation.
Dieu qui trine en un fus, triple es, & trois feras ,
Et comme tes elleus nous éterniferas ,
De ton divin efprit enflamme mon courage,
t Pour défaire ton homme , & louer ton ouvrage ;
Ouvrage vrayement chef-d'œuvre de ta main ,
A ton image fait & divin & humain.
Premier en fon Rien clos fe celoit en fon tout,
Commencement de foy fans principe & fans bout,
Inconnu fors a foy connoiffant toute choie ,
Comme toute de foy , par foy , en foy enclofe , &c
La Croix-du-Main? & du Verdbr
- F s. A N ç o i s B;
451
donnent au même Poète la traduction ' • • . r.
de quelques Pfeaumes, imprimée avec MAURIC»
celle de Jean Poidevin. Maurice Sève S E V E * . V
vivoit encore en 1562. J'ignore quand
il mourut. Sa famille a produit plufieurs
autres Ecrivans; entr'autresJ^»Seve,
Prieur de Montrotier, & Claudine &
Sibylle Sève, fceurs, proches parentes
de Maurice & de Jean. Celui-ci publia
en 15 5 0. la Ruine & trejbuchement de
Mars Dieu des guerres aux Enfers, avec
une fupplication, en vers Alexandrins ,
aux Rois & Princes chrétiens, de faire
la faix entreux, & prendre les armes
contre les Infidèles, jointe à une exhortation au peuple Françoisfd''avoirfon recours
À Dieu, pour obtenir fa grâce & la paix.
.Cet ouvrage fut fuivi d'un livre de piét é , adrefle aux Dames Lyonnoifes. La
Croix du Maine fait mention de Claudine & de Sibylle Sève ; & dit qu'elles
Je diftinguoient par le talent de la poëfie Françoife, mais que leurs ouvrages
n'étoient point encore imprimés de fon
tems. Je ne crois point qu'ils l'aient
été depuis. On a lieu de penferqueces
deux filles font les mêmes que ces deux
fœurs Lyonnoifes à qui Marot, retenu
chez lui par quelque maladie , adreflà
les vers fuivans :
45*
PIERRE
LORAC.
BlBIIOTHEQUE
Puifque vers les fœurs Damoifelles
u n e m ' e f t poffible d'aller ;
Sus, Dizains, fus, courez vers elles ;
Au lieu de moi, vous faut parler :
Dictés leur, que me mettre à l'air
Je n'ofe, dont me poife fort ;
Et que pour faire mon effort
D'aller vifiter leurs perfonnes,
Je me fouhaite eftre auffi fort,
Qu'elles font 8c belles 8c bonnes.
PIERRE
L 0 T A C.
Claudine Sève ou Sceve a été auffi
célébrée par Pierre Loyac, Poète François & Latin, qui avoit inftruit dans
les lettres Jean de Sève, & peut-être
quelques autres de la même famille.
Loyac étoit auffi de Lyon ou du Lyonnois, comme je le conjecture de quelques endroits de fes poëfies. Du refte,
je n'ai rien pu apprendre de ce qui le
concerne. Je n'ai vu qu'un petit recueil
de fes vers, intitulé les Diaphores poëfies
de Pierre Loyac, imprimées depuis la
mort de Henri IV. fur laquelle on lit
quelques pièces dans ce recueil. Je ne
puis vous donner de date plus précité-,
F R A N ç O I S E .
453
n'ayant vu des poëfies de Loyac, qu'un :
feul exemplaire auquel manquoit le PIERRE
front ifpice. C'eft très-peu de chofe que LOYAC.
ce recueil. On y lit des Stances fur la
ISaiffance de Jefus-Chrift, fur le Sacrement de l'Euchariftie, fur laPaffion
, d u Sauveur, fur l'Affomption de la
Sainte Vierge, & contre l'Amour :
quelques Sonnets, trois ou quatre Odes
& Chanfons amoureufes, diverfes Anagrammes à la louange de la Reine Marguerite de Valois, du Comte d'Auvergne , de Guillaume de Sève, Sieur de
Saint Julien & Merrobert, & de Catherine de Catin fa femme, de JeanJacques de Sève, Confeiller à Lyon ,
de Claudine de Sève, & de plusieurs
autres perfonnes. Une de ces Anagrammes eft datée de 1606. Les autres poëfies confiftent en Quatrains, Epitaphes,
«Se autres petites pièces. On y lit deux
Epitaphes de M. de Sève, Abbé de
Manheu, qui mourut à Rome, & des
regrets fur la mort d'un beau Chat, avec
fon Epitaphe.
CLAUDE
r
DE
TAILLEMONT.
Claude de Taillemont, qui travailla avec Maurice (Seve à t Entrée du icoj
454
s
BIBLIOTHEQUE
Henri II. à Lyon, étoitauflï Lyonnois;
CLAUDE l'on trouve fon nom dans les faites conDE TAiL-f"uiaires delà ville de Lyon. L e père
IEMONI. deColonia, fans nommer aucun de fes
ouvrages, renvoie à du Verdier , qui
en cite deux : Difcours des Champs faix,
à l'honneur & exaltation des Dames, oeuvre vrajèment élégante & de gaillarde invention , en profe, imprimé à Lyon en
1553. in-8°. & la Tricarite , hombre de
plus rare triple beauté ; plus quelques chants
en faveur, de plufieurs Damoérulles , à
Lyon , par Jean Temporal, 1 5 5 6. in8°. J'ai vu ce recueil. Comme l'ortographe en eft très-bizarre, l'Auteur tâche de la juftifier dans fon Avertijfement,
qui devient par-là un petit Traité d'ortographe, telle que Taillemont concevoit celle-ci, & telle qu'il la fuit dans
la Tricarite. Il dit au même lieu, qu'/7
a fait quelques Elégiaques François mefuréspar pieds comme les Latins, afin de
montrer qu'on peut employer en notre
langue le même genre de vers, avec plus
de beauté & de richejfe que dans la langue Latine. Il ajoute qu'il pourroit
prouver fon fentiment par deutf raifons,
qu'il croyoit, fans doute, convaincantes , mais qu'il renvoie à un autre ouvrage, de même que fes règles fur II»
'FRANçOISE'.
455
Quantité qu'il falloit obferver dans ces '
j.
vers. Je ne connois aucun écrit de lui CLAUDE
fur ce fuiet, lequel n'étoit qu'un jeu DE T A I I < -
d.
r
c
>
1
•
A
LEMONT.
elprit enfante par le mauvais goût.
Sa Tricarite eft adreflee à la Princejfe
Jeanne, Reine de Navarre & Ducbefle
tle Vendojme, par une Epître en vers de
huit fyllabes, que le Poète qualifie de
Chant. Cette Epître eft fuivie de quelques Elégiacques en vers mefurés, adreffés à la même Princeflè. Comme ils font
fignés E. D. il eft à préfumer que ces
vers ne font point de Taillemont. La
Tricarite, qui contient plus de cinquante pages, eft un poème galant, femé
de quelques réflexions morales, le tout
d'un fort mauvais goût. L'Auteur s'y
fert tantôt.du vers de dix fyllabes, tantôt du vers Alexandrin. Les Chants qui
fuivent, & qui roulent aufli prefque
tous fur l'amour, ne valent pas mieux.
Ils font terminés par le Conte de l'Infante Genièvre , figle du Roi d'Ecojfe , pris
dufurieux ( c'eft-à-dire de MOrlando fur/c/èd'Ariofte) & fet Françoés. Ce Cont e , aufli mal verfifié qu'ortographié,
eft encore adreffé à la Reine de N a varre.
45 6
BlBlIOT.HEQTJE
JEAN DE LA'MAISON
NEUFVE.
Je m'arrêterai encore moins à Jet*
4e la Maifon neufve : je ne le connois
que par le peu qu'en dit du Verdier
dans fa Bibliothèque Françoife : il le
qualifie Berruyer, c'eft-à-dire, né dans
quelque Ville du Berri ; & il ajoute,
qu'il a écrit en rime, premièrement le
Colloque focial de paix, jujiice , miféritorde & vérité pour l'heureux accord des
très-augufies Rojs de France & 4'Efpoigne. Il s'agit apparemment du Traité
de Cateau-Cambrefis. Secondement,
XAdieu des neufMufes, aux Roys, Printes & Princejfcs de France, * leur département du feftin nuptial de François de
Valois, Roy Dauphin & Marie d'Ejfuart,
Royne d'Ecojfe. Cet adieu a été imprimé
en 15 5 8. Le Colloque le fut en 1550.
MELLIN
DE SAINT
GELAIS.
De tous les Poètes que Charles de
Sainte Marthe a célébrés, le plus connu , fans contredit, eft Mellin de Saint
Gelais. L'opinion commune eft qu'il
étoit fils naturel d'Octavien de Saint
Gelais, mort Evêque d'Angoulêrne.
Il naquit en cette Ville , & fut élevé
avec foin. Ayant embrafle l'Etat Ecdénaitique,
F R A N ç O I S E .
457
«léfiaftique, le Roi François I. lui don• •••
ma l'Abbaye de Notre-Dame de Re- MELIIN
-clus, Ordre de Cîteaux, au Diocéfe^ S*11**
-de Troyes, & le nomma Aumônier du ELAIi *
Dauphin , qui-fut depuis le Roi Henr i II. & lorfque ce Prince fut monté
fur le trône, Saint Gelais continua d'être fon Aumônier., & devint fon Bibliothécaire. Il vivoit encore le 21 Décembre 1557. comme il paroît page
2.0 de fes œuvres in-8°. à Lyon 1574.
ce qui fait voir que ceux qui le croient
mort en 15 54. fe trompent. Il mourut
en 15 58. & fut inhumé à Paris dans
l'Eglife de Saint Thomas, aujourd'hui
Saint Louis du Louvre. Il fut pleuré des Poètes de fon tems, & il nous
refte encore une partie des vers qu'ils firent à fon honneur. Olivier de Magny
finit ainfi une Ode qu'il compofa à cette
occafion , & dans laquelle il parle aux
. JMufes :
MeOin voôre plus grand honneur,
Mellin noftre plus grands gloire,
Mellin noûre commun bonheur,
Eft en bas fur la rive noyre.
De dire plus oultre fon nom,
Et fon fçavoir 8c fon mérite,
Et fe$ vertus 8c fon renom,
Terne XI.
V
458
BIBLIOTHèQUE
Ce feroit chofe trop redicteMELLIN Thevet prétendque Mellin âgé de vingt
DE SAINT a n s ^ étant allé en Italie dans ledeffein
GBLAIS. j g s , v a ppijq Uer a l'étude du D r o i t , ne
goûta point cette étude , & ne s'attacha qu'à laPoëfie & à l'Aftrologie judiciaire. C'eft peut-être un conte : il y
en a bien d'autres dans Thevet. -Lemême le fait Auteur d'un livre defeto,
qu'on ne connoît point, à moins que
•ce ne foit VJdvertiffement fur les jugemtnsd'jdftttldgie, à une ftudieufe Ditmifelle, que le Poète dit avoir compo
fé, & au devant duquel il-mit u n Son1 net de fa compôfition , qui-fe lit dans
-le recueildefes poëfies.;EtU'eïl peutêtre au même écrit-que Grevinfait allufion , lof fqu'if finit ainfi une pièce
oùilmecenparaleUelePoëte & l'Af' trotogue :
C'eft cela qui me fait penfet que maintenant
L'âme de Saint Gelais eft dans le Firmament,
Fuiique vivant il fut AftrolBgue 8c Poète.
Mellin de Saint Gelais avoit plus de
goût , de délicateflè & d'érudition
qu'Oclavien : il avoit auffi plus de fcience que- Qément Marot ; mais c'eft tout
l'avantage-qufil -a eu au-deliùs de ce
Poète. Si l'on endroit Charfe^Fontai-
F R A N ç O I S E .
459
fie dans fon Jjhintil Cehfeur, il étok
Mathématicien, Philofophe, Orateur, MFLLIN
Théologien, Jurifconfuke, Médecin" E SAINt "
=& Aftronome ; il étoit habile dans la GELAii «
Mufique vocale & inftrumentale , &
•on le regardoit comme l'un des hom«ries les plus doctes de la Cour de François I. Voilà bien des titres honorables.
Aujourd'hui nous ne le connoiuons
q u e comme Poète. Ce qu'il nous a
donné en d'autres genres , fe réduit à
l a traduction du Courtifan de Balthafàr Caftiglione, mis de l'Italien en François par Jacques Colia, revu, corrigé
-& publié par Saint Gelais ; aux voyages
^tvantureux du Capitaine Jean Alpbonfe ,
Saintongeois, dont il n'eft guéres que
l'éditeur ; & à la Tragédie de Sophonifbe, qu'il a traduite de l'Italien de
Jean-George Triffin : je vous ai parlé
ailleurs de cette traduction.
On aflure que Saint Gelaisternit l'éclat de fes bonnes qualités, parla jaloufie qui le dorninoit. Toujours favo-.
rablement écouté à la Cour de François I. & à celle de Henri H. il fouflroit,
dît-on , impatiemment ceux qui ,pouvoient partager avec lui l'eftime ;& la
loire qull croyoit mériter.. Il, parloit
e leurs ouvrages avec mépris, ou il
Vij
t
460
BIBLIOTHèQUE
,
. ne les loùoit qu'avec une réferve qui
MELLIN bleflbit également la jufticeck la vérité.
r>E SAINT Voilà du moins ce que prétendent pluGELAIS. fieurs Ecrivains ; mais fans en apporter de preuves. Tout ce qu'on reproche de mieux fondé à Mellin de Saint
Gelais, beit, qu'il aimoit à plaifanter ;
& que fes railleries fourent trop libres
& trop fortes, lui attirèrent beaucoup
d'ennemis. C'eft ce qui a fait dire a
Ronfard, dans untems où Saint Gelais
n'avoit pas encore recherché fon amitié , comme il fit depuis ;
Préferve moi d'irifamie,
De toute langue ennemie,
Et de tout efprit malin ;
Et fais que devant mon Prince ,
Defonnais plus ne me pince,
La tenaille de Md"1'
Mais peut-être aufli que Ronfard qui
ne manquoit point d'ambition , fuppofoit dans-Saint Gelais une malignité
quin'avoitrien de réel. Afpirant, comme lui, à la gloire d'être regardé comme le premier Poète de fon tems, l'efprit de rivalité ; ii corrunun entre des
perfonnes qui courent la même carrière , & furtout entre les Poètes, pouvoit
lui faire fuppofer dans la conduite &
F R A N ç O I S E .
46" I
dans les difcours de Mellin des défauts - . • ••••
qui n'y étoient pas réellement.
MELLIN
Guillaume Colletet attribue à Saint ^ LA A IS N r
Gelais l'honneur d'avoir introduit le _ , ^ ^
Sonnet François, & d'avoir fait paiîèr net', n. 6.
ce genre de poëfie d'Italie en France.
M . Baillet dit qu'il avok un-talent par- Jug- des s™
ticuliër pour l'Epigramme ; mais ce in-v^.'p.jVv
qu'il ajoute, que Lazare de Baïf avok
introduit en France l'ufage & le nom
de cette efpéce de poëfie , n'eft pas
exact. On faifoit des Epigrammes en
France avant Lazare de Baïf; mais on
les appelloit quatrains, fizains, huitains, dizains, &c. fuivant le nombre
de vers dont ces petites pièces étoient
compofées. Clément Marot, qui en
avok fait plufieurs , les intitula Epigrammes , & fut en cela le premier qui
mit en œuvre le mot qu'avoit introduit
Baïf. Car r ainfi que l'a fort • bien remarqué- M énagedans fon Anti-Baillet >
•
c'eft le nom de l'Epigramme feulement
que Lazare de Baïf introduifit dans lalangue , & non pas l'ufage.,
Les poëfies de Mellin de Saint Gelais
confident en Epîtres, Rondeaux, Ballades, Sonnets, Quatrains, Hukains,,
Epigrammes, Elégies., Chanfons, Epkaphes,, & autres petites pièces ; &
Viij
^êi
BjBriOTH-EQr/B
: en diverfes poëfies Latines. QuelquesMrcLiNunes de ces pièces font traduites oa
»E SAINT j m i t e ès de l'Anthologie ou recueil d'Epigrammes Grecques,d'Ovide,de Claudien, de Catulle, de Jean Second &
de quelques Poètes Italiens. Beaucoup
ne refpirent que l'amour, & plufieurs
contiennent des maximes & desexpreffîons très-éloignées de la fainteté de
fétat que l'Auteur avoir embrafle. On
dit que fes mœurs répondoient à fes
fentimens , & j'ai lu dans- plufieurs ouvrages que cette1 Diane à qui il adreflè
quelques-unes de fes- poëfies , Se qu'il
qualifie fa nièce, étoïc fa fille.
Ses plus-longues pièces font une Elégie d'Ovide paraphrafée, la défloration
du bel Adonis, imitée d'une Idylle de
Bion, & fa Genevrt imitée des i v. v. &
v i . Chants de l'Ariofle : je vous ai parlé de ces trois pièces; Parmi les autres,
•
il y en a fur plufieurs fêtes de Cour, &
for quelques fêtes particulières, Mafcarades > Ballets , Entrées de Rois &
de Reines, Mariages dePrinces & autres fujets femblables: beaucoup deDiitiques Sx. de Quatrains fur dès tableaux
de Saints & de Saintes, où le Poète fait
prefque toujours ailufion à l'amour profane en général, ou a celui qu'il difcât
F R A ïjr ç o ï s E.
4cTj
éprouver en particulier : par exemple, •
voulant parler de la Madelene, il dit f MELLIN
r>E S A I N T
Dieu fit grâce à la Magdclcne
Tour ce qu'elle ayma grandement J
• Et l'on me redouble ma peine.
Pour ce que j'ayme extrêmement. •
GELAIS.
C'eft ainfi que l'efprit libertin deTAuteur le portoit à abuferde tout. Ses petites pièces fur le Calendrier, celles
qu'il a faites pour diverfes Heures oit
livres'de Prières, font dans le même
goût : le prophane y eft toujours indécemment mêlé avec le facré. Tel eft ,
par exemple, ce Quatrain qu'ilfitpour
être infcnt fur le Pfeautier de Madame
de Nemours :
Si Dieu mettoit les dons en vous fc moy,
Qu'avoit l'Auteur de cette œuvre parfaite,
Pour voftre part feriez femme d'un Roy,
Et par fouhait j'en ferpis le Prophète.
Tel eft cet autreQuatrain fait pour un
petit Pfeautier de Maderaoifelle de Autbeville.
Plus divine œuvre en plus petit efpace
Trouver cnclole il feroit difficile ;
Encore* plus voir tant de bonne grâce
Et de beautd ailleurs, qu'en Autheville.
V iiij
I
464
BlBIIOTHEQtXE
Je vous épargne d'autres exemples où
M pi.I.IN l'indécence eft beaucoup plus marquée,
»E SAINT
Mellin de Saint Gelais célèbre de la
même manière les fêtes de quantité de
Saints dont l'Eglife fait l'office. L'élo^
ge du Saint & celui de l'Amour compofent toujours fes panégyriques. N'étoit-ce pas fe joiier de la Religion &
de la piété ? Ami de Clément Maroc,
il l'imitoit dans fes fentimens & dans
fa liberté de- parler des chofes & des
perfonnes lés plus refpecrables ; & quoique pourvu d'une Abbaye & d'une
place d'Aumônier du Roi , il laiflè
fbupçonner s'il avoit d'autre croyance
que celle de ion ami. Il fe feroit fait
plus d'honneur s'il eût borné fon amitié à faire part à Marot de fes propres
fucces ou de fes infortunes ; à l'entretenir de fes écrits, ou à le vanger des
traits injurieux de Sagon, comme il le
fait dans cette Ballade du Chat & du
Milan :
Je vy n'aguerre un des plus beaux combats
Qu'il eft poflïble, & vaut bien qu'on le fçache.
Un Milan vit un Chat dormant en bas,
Si tond fut luy, & du poil luy arraché :
Le Chat combat, & au Milan s'attache
Si vivement, & l'eftraint fi très-fort.
Que le Milan faifant tout fon effort
FRANçOISE.'
465
De s'en voler , fe tint pris à fa prime :
tors me fouvint d'un qui a faict le fort >Qui par fon mal i fafoibleflèapprinfe.
n
MELI.1N
SâIKT
GElAtS.
DE
Je laifle aux grands parler des grands débats ,
Je fens trop bien où mon fouiier me marche,
Et ne veux point que fous mon ftyle bas,
Il foit penfé que rien de grand* je cache.
Ce que fentens, n'eft finon qu'il me fâche,
Qu'en ce temps-cy où nous avons renfort
D'un vif efprit qui donne réconfort
Aux bonnes Arts, que le commun méprife,.
Un fot Bufard le îiiolefte à grand tort,
Qui par fon mal a fa foibleflè apprife.
Pour ce coup-cy fon nom n'efcriray pas ;•
Ce m'eft aflèz qu'on l'entende à fa tache p
Mais s'en avant il fait jamais un pas %
Qu'il ne s'eftonne alors fi on luy lâche
Infinis traits, dont le moindre & plus lâche,
t'iroit prouver jufques dedans fon fort,
De Lycambes taint au fang noir & ord :
Pourtant qu'il preigne advis fur l'entreprife
Du fol Milan volant pour Chat qui dore >
Qui par fon mal a fa foibleffé apprife.
ENVOY.
Un bien favant gueres ne poind, ne mord „
Et l'ignorant, s'il peut, nuit en furptife ,
Dont à la fin ceft ennuy le remord y
Qui par fon mal a fa foiblene apprife. •
Saint Gelais avoit raifon de ne point.
Yv
j£6
BlBtiOTHEQTJB
•
aimer les pièces de longue haleine ; H
MELLIN n»y j-éuflifloit point ; aufli eftime-t'oiï
m eux
GEIAISNT '
f"es Epigramme*, & ces autres
petites pièces qu'il nomme Folies, que
la plupart de fes autres poëfies. Quel
naturel, par exemple, quelle naïveté
dans les pièces fuivantes ? Un importun le fatiguoit à demander qu'ilfitfort
éloge ; il lui répond :
Tu te plaint, ami, grandement,
Qu'en met vert j'ai loué Clément,
Et que je n'ai rien dit de toi :
Comment veux-tu que je m'émule
A louer ni toi, ni ta Mule ;
Tu le fait cent foit mieux que mot.
Ceft que cet importun fe louoit toujours lui-même, & qu'il ètoit taché
- des éloges que Saint Gelais donnoit à
Qément Marot.
Notre Poëte s'étoit familiarifé avec
les contes de Bocace & de Pogge, ce
il en a imité quelques-uns en vers François : tel eft celui-ci.
Certain Vicaire , un jour de Fefte,
Chantoit un Agnm gringotté,
Tant qu'il pouvoitjà pleine telle,
Afin d'Annette eftre écouté..
Annette de l'autre côté,
Eicutoit,, attentive à. ion chant j-.
F R A N Ç O I SE.
46*7
Dont le Vicaire en s'approchant ,
Luy dit, pourquoy pleurez-vous , belle ?
Ah ! MefBre Jean , répond-t'clle ,
Je pleure un Afne qui m'eftrnorr:
Il avoit la voix, toute telle
Que vous , quand vous criez fi fort.
MELLIM
DE S'AIHT
GELAIS»
M . de la Monnoye a mis ce conte etv
vers Latins.
En voici un autre, dont Saint Gelais eil peut-être l'inventeur.
Un, Maiftre èi Arts, mal chauffe-, mal vêtu,..
Chez un Manant demandait à repaître,
Difant qu'on doit honorer la vertu,
Et les fept Arts dont il tut paffé Maître.
Comment, fepr Arts, repond l'homme champêtre ;.
Je n'en fçay nul hormis mon labourage ;
Mais je fuis fapul quand il me plaift de l'eltre ,
Et fi nourris ma femme & mon ménage.
Le conte du Charlatan contient un
vieux proverbe qui s'eft perpétué jufqu'à nous, «Se dont, félon l'occafion *.
on ne fait pas difficulté de faire quelquefois ufage dans la conversation.
Un Charlatan datait en plein marché,
Qu'il momreroit le Diable à tout le monde :
Si n'y en eut, tant ftt-il empêché,
Qui ne courût pour voir l'efprit immonde.
Lors une bourfe allez large & profonde
U leur déployé, fit leur dit ; gens de bien ,.
\Yvj
j
MELLIN
T3E S A I N T
OELAIS,
46*8
BlBIIOTHEÇiT/E
OuvrezTOIyeux, voyez, y a-t'il rien >
Non
> a * t uodqu'un des plus près regardans :
Et c'eft, dit-il, le Diable, oyez vous bien ,
Ouvrir ta bourré, & ne voir rien dedans,
La Satyre contenue dansTEpigramme
fuivante m'a paru aidez fine : il s'agit
d'un Aftrologue qui fe vantoit d'avoir
fait un mauvais ouvrage qu'un autre
s'attribuoit : Saint Geiais veuc le guérir de fa folie par cette EpigrarnmeMaiftre Jean Thibaut va jurant
Qu'il n'eft ni fol, ni efventé ,
Et encores moins ignorant,
Et qu'il a tout léul inventé
L'etcrit qu'un autre s'eft vanté
D'avoir raict du tourner des Cieux.
Mriftre Jean Thibaut faites' mieux ,
Donnez-luy le livre & l'eftofTe,
Et l'on tiendra voftre envieux
Pour un très-mauvais Philolophe.
Saint Gelais aimoit la bonne chère
autant que les femmes : il la loue en
divers endroits de fes poëfies, & fe fait
loire de fe voir affis aux meilleures taies ; & fuivant la maxime des Epicuriens , qu'il mettoit en pratique, il avoit
foin qu'un plaifir fuccédât à un autre
plaifir. De toutes les pièces où fon goût
pour la table elt marqué, je me con-
f
F R A N ç O I S E ,
^69
tenterai de rapporter l'Epigramme fuivante :
MELLIN
DE
Chatelus donne à déjeuner
A fix , pour moins d'un Carolus ;
Et Jaquelot donne à diner
A plus, pour moins que Chatelus.
Après tels repas diuolus
Chacun s'en va jrai & fallut :
Qui me perdra chez Chatelus ,
Ne me cherche chez Jaquelot.
SAINT
GELAIS.
"Notre Poëte moralife cependant quelquefois , & moralife de fort bon fens :
mais fes maximes font plus communément celles d'un Phîlofophe, que celles d'un Chrétien : telle eïl la fuivante :
Si pour fe plaindre, & pour larmes jetter,
On pouvoit rompre un malheur furvenu ,
Les pleurs devroient au poids d'or s'achetter ,
Comme fur tous remède cher tenu :
Mais puifqu'un mal ne peut n'eftre advenu,
Soit qu'en pleurions, ou rions jour & nuit,
De quoy nous fert fe plaindre & mener bruit,
Et nous donner nouveaux maux & alarmes :
Si n'eft ainli qu'un arbre porte fruict,
Ainfi douleur nous apporte des larmes.
Suivant cette maxime, Saint Gelais
s'affligeoit rarement, excepté peut-être
lorfque les objets de fon amour ne fe
,
470
BIBLIOTHèQUE
•
prêtoient pas à tous fes defirs. Encore
MELLIN paroît-il par fes poëfies qu'il étoit trop
» E SAINT peu attaché pour fe chagriner lorfqu'M
CELAIS. n > a v o u ; p ^ t o u t c e q u 'jl fouhaitoit.
Content de jouir du préient, il le faiibit des amufemens de tout , & avec
une morale auflî peu gênante qu'étoit
la tienne, il rencontroit rarement des
objets capables de le troubler. Il avoit
d'ailleurs peu ou point d'ambition. La
faveur du R o i , l'eitime des Courtifans, un petit nombre d'amis qu'il cultivoit, l'amour du plaifir, mais lans
contrainte, les amufemens de la poésie , peu d'étude férieufe & profonde :
c*eit tout ce qui le contentoit ; & c'en*
à peu près le portrait qu'il fait de luimême dans ces vers à ta Diane , fa nié« o u fa fille:
Je n'eus, Diane ,'onc à ma fontaine
De voir là' Grèce & parler en Afie',
Puis retourner comme àfSez d'antres
font,
Ma foif eftaindre au Nil large & profbnt ,
Encores moins de fuivre un Magalan
Outre le cours du Soleil & de' l'an,
Et me commettre à là merci de l'onde
'Pour commander à quelaue nouveau monde.
J'ay mieux aimé au. coin d'une maifon,
Du Ciei apprendre & l'ordre & la raifon,
Et navigeanr entre livres & cartes,
F R ANçOISï,
4.71
I n un clin d'reil voiler jufques aux Farthes ,
Q u e tournoyant la terre pas à pas,
AÎEI.ï.TW
Voir tout le monde '& ne l'entendre pas :
DE
J'ay mieux aymé , fans bouger de nos ports ,
VJELAIS.
Louer des preux les faits & les rapports,
•Qui par grandeur des peines fouftenues ,
Ont defcouvert des terres incongnues ,
Qu'en efra-etntant leurs travaux ec dangers ,
Me voir chargé de. threïors eftrangert.
J'ay eu & peu mon efprit agité
D'ambition'& curlofité,
Qu'on ne m'a veu ne guéres tracafler ,
Ny guéres entendre à rentes amarTer.
Parlant enfuite de la manière dont il a
été introduit auprès des Grands, & de
la conduite qu'il a tenue au milieu de
cette faveur, il ajoute :
Ceux qui en ont la fuprême puiflance,
M'ont veu près d'eux quaiî dès leur naiflance,
Mis de la main ( qui ne m'eft peu de gloire )
Du grand François d'éternelle mémoire.
Eufle-je feeu à degré afpirer
Qui de tels Rois ne fe peut efpérer ?
Meûne attendu que de leurs bornez grandes,
Ils ont fouvent prévenu mes demandes ;
Mais je me fuit d'un chemin contenté
Plain & non haut, & bien peu fréquenté ,
Laiflant monter aucuns qui de mon temps
A plus de biens fe trouvent moins contents,
' Toujours cherchants nouveau titre fc honneur, &•>
SAINT
tfl
BlBLIOTHEQtJE
•
Je connois trois éditions des poëfies
MELLIN de Mellin de Saint Gelais : les deuï
DE SAINT premières, qui font anciennes, ont
GELAIS. ^ é faites a Lyon, l'une en i 574. chez
de Harfi ; l'autre en 15 S 2. par Benoît
Rigaud. Gomme ces deux éditions
étoient devenues rares, on en a fait une
troifiémeà Paris en 1719. C'eftlaplus
ample ; mais il n'y a prefque aucun
ordre dans la diftribution des pièces.
Les augmentations qui s'y trouvent,
tant dans les poëfies Françoifes que
dans les Latines, ont été preique toutes tirées d'un manufcrit des poëfies de
Saint Gelais, forti de la Bibliothèque
. de Defportes, Abbé de Tiron , Poète
Tfançois lui-même.
Fia du onùéme Ytlum,
APP
ROB AT
ION.
de Monfeigneur le ChanTomes onzième & douzie'me
3 'Aicelierlu paf, lesordre
& feroit beaucoup d'honneur à nos Ecrivains François. De la KbUothéque du Roi,
le vingt-trois Janvier 1748.
SALUER.
PRIVILEGE
DU
ROI.
O U I S parla grâce de Dieu, Roi de"
France 8c de Navarre ; A nos amezL
& féaux Confeillers les Gens tenans nosCours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Con-feil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux :
leuts Lieutenant civils, & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra, S A L U T . Notre
bien amé P I E R R E - T E A M M A R I E T T E .
fils, Imprimeur 8c Libraire de Paris, ancien Adjoint de fa Communauté , Nous
ayant fait remontrer , qu'il fouhaiteroit
imprimer ou faire imprimer, 8c donner
au public un ouvrage qui a pour titre,
Bibliothèque Françotfe , s'il Nous plaifoit
lui accorder nos Lettres de Privilège furce néceffaires, offrant pour cet effet de le
faire imprimer en bon papier 8c en beaux
caractères, fuivant la feuille imprimée 8c
attachée pour modèle fous le contré-fceF
des Préfentes; A ces caufesi voulant fav©-n»lmeitt#aite* ledit Expo&nnNcjus lui•*
avons permis & permettons par ces Préfentes, d'imprimer ou faire imprimer ledit
ouvrage ci-deflus fpe'cifie', en un ou plufieurs volumes, conjointement ou féparement, oc autant de fois que bon lui femblera, & de la vendre, taire vendre Se
débiter par tout notre Royaume, pendant
le tems de douze années confécutives, à compter du jour de la date defdites Préfentes.
Faifons défenfes à toutes fortes de perfonnes de quelque qualité Se condition qu'elles foient, d'en introduire d'impreffibn
étrangère dans aucun lieu de notre obéïflance. Comme auffi à tous Libraires, Imprimeurs Se autres, d'imprimer, faire irrsprimer, vendre, faire vendre, débiter ni contrefaire ledit Ouvrage ci-deflus expofé, en
tout ni en partie, ni d'en faire aucuns
extraits, fous quelque prétexte que ce foit,
d'augmentation, correction, changement
de titre, ou autrement, fans la permiffiorr
exprefle Se par écrit dudit Expofant, ou
de ceux qui auront droit de lui, à peine
de confifeation des exemplaires contrefaits , de trois mille livres d'amende contre
ehacun-des contrevenans, dont un tiers àNous , un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris,
loutre tiers audit Expofant, Se de tous
dépens, dommages Se intérêts ; à la chârgeque ces Préfentes feront enregiftrées tout
au long fur le regiftre de la Communauté
des Imprimeurs 8c Libraires de Paris, dans
trois mois de là date d'icelle ; que l'impreffion» de cet ouvrage fera faite dans notre Royaume, Se non ailleurs; que l'Impétrant fe conformera en tout aux-Reglenoens de la Librairie * Se notamment à celui du dixième Avril mil fept cens vingt--
eiitq, & qu'avant que de rexpofer en v e n te , le manufcrit ou imprimé qui aura fervr
de copie à I'impreffion dudit Ouvrage, fera_
remis dans le même état où l'Approbation
y aura été donnée-, es mains de. notre
très-cher & féal Chevalier le fieur Daguek
feau, Chancelier de France , Commandeur de nos ordres, 8c qu'il en fera enfuite
remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre
Château du Louvre, Se. un dans celle de
notredit très-cher 8c féal Chevalier, le
fieur Dagueffeau, Chancelier de France,
Commandeur de nos Ordres, le tout à peine de nullité des préfentes. Du contenu
defquelles vous mandons Se enjoignons de
faire jouir ledit Expofant ou fes ayans eau—
fe , pleinement 8c paifiblement, fans fouf—
frir qu'il leur foit fait aucun trouble ou
empêchement. Voulons que la copie def—1
dites Préfentes, qui fera imprimée tout au.
long, au commencement ou à la fin dudit :
ouvrage, foit tenue pour dûëment lignifiée, .
& qu'aux copies collationnées par l'un de
nos amez 8c féaux Confeillers 8c Secrétaires, foi foit ajoutée comme à l'original.
Commandons au premier notre Huiffier ou
Sergent, de faire pour l'exécution d'icelIes, tous Actes requis 8c néceflaires, fans
demander autre permiffion, 8c nonobflant
Clameur de Haro, Charte Normande, 8c
Lettres à ce contraires : Car tel eft notre
plaifir. DONNE' à Verfailles le vingt-quatrième jour d'Avril, l'an de grâce mil fept
cens trente-neuf, 8c de notre Règne le
vingt-quatrième. Par le Roi en fon Confeil
S A I N SON.
Regifirérenfentble la cejfon, fur le Régi*
Jtre X de la Chambre Royale
des Libraires
& Imprimeurs de Paris, Na. n p . fol. ipp.
conformément aux anciens Reglemens confirmez, par celui du %2. Février 17x3. A Paris , ce deuxième Mai 173 p.
Signé, L A N G L O I S , Syndic.'
Je reconnois que Mordieur HyppoliteEoiiis Guerin a la moitié dans le ptéfentPrivilège. A Paris., ce z8. Avril 1739Signé, M A a 1 E T T J . -