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Journées Parisiennes
de Pédiatrie 2009
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Journées Parisiennes
de Pédiatrie 2009
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Journées Parisiennes de Pédiatrie - Livre des JPP 09
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JOURNÉES PARISIENNES DE PÉDIATRIE
Comité d’organisation :
Y. AUJARD, A. BENSMAN, P. BOUGNÈRES, A. BOURRILLON,
B. CHABROL, G. CHÉRON, D. DEVICTOR, A. FISCHER, J. GAUDELUS,
D. GENDREL, P. LABRUNE, F. LECLERC, G. LENOIR,
G. LEVERGER, M. TARDIEU
Journées Parisiennes
de Pédiatrie 2009
(10 & 11 octobre 2009)
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SOMMAIRE
CONFÉRENCE SCIENTIFIQUE
Les avancées de la génétique : quels bénéfices pour les enfants ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 11
A. MUNNICH
TABLE RONDE I
Biothérapies dans les pathologies inflammatoires de l'enfant
(Cytokines et anticorps monoclonaux)
(Organisateur : M. TARDIEU)
Actualités sur les biothérapies chez l’enfant dans les maladies cutanées
et à expression cutanée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 19
M. RYBOJAD
Atteintes inflammatoires neurologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 21
M. TARDIEU, K. DEIVA
Biothérapies en rhumatologie pédiatrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 27
P. QUARTIER
Biothérapies dans les maladies inflammatoires de l'intestin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 33
J.-P. HUGOT
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Sommaire
Sommaire
TABLE RONDE II
Vaccination contre le Méningocoque C
J. GAUDELUS, L. DE PONTUAL, E. GRIMPREL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 115
Mucoviscidose et recherche clinique
(Organisateur : G. LENOIR)
Prise en charge actuelle de la phénylcétonurie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 123
F. FEILLET, C. BONNEMAINS
Organisation et résultats des recherches récentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 41
G. LENOIR
MISES AU POINT
Nouvelles thérapies dans la mucoviscidose en 2009 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 45
I. SERMET, A.EDELMAN, M. LE BOURGEOIS, G. LENOIR
Lésions du cervelet chez le prématuré : incidence et conséquences fonctionnelles . . . p 131
V. BIRAN, A.-M. BODIOU, M. ELMALEH, J.-F. OURY, O. BAUD
Effets et mode d’action des macrolides dans les dilatations des bronches . . . . . . . . . . . . p 51
H. CORVOL, A. TAMALET, A. CLEMENT
Mieux comprendre la dysplasie bronchopulmonaire pour mieux la prévenir . . . . . . . . p 139
C. DELACOURT, A. HADCHOUEL, P.-H. JARREAU
Comment mieux traiter les atteintes pulmonaires ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 57
G. BELLON, P. REIX
Prise en charge nutritionnelle néonatale des enfants porteurs de laparoschisis . . . . . . p 147
E. WALTER-NICOLET, F. KIEFFER, S. SARNACKI, D. MITANCHEZ
Transplantation pulmonaire au XXIe siècle : « nouvelles technologies d’évaluation des greffons,
nouvelles approches » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 63
R. SOUILAMAS
Réponses de douleur chez le nouveau-né : sont-elles différentes chez le garçon et la fille ?. p 155
R. CARBAJAL, C. BATARD, J.-B. ARMENGAUD, C. N'GUYEN BOURGAIN
MISES AU POINT
TABLE RONDE III
Bronchiolites
(Organisateurs : P. LABRUNE, D. DEVICTOR)
Thérapie génique des adrénoleucodystrophie liée à l’X . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 161
N. CARTIER, S. HACEIN-BEY-ABINA, P. BOUGNERES, C. VON KALLE,
A. FISCHER, M. CAVAZZANA-CALVO, P. AUBOURG
Épidémiologie et virus en cause . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 69
F. FREYMUTH
Grossesse et épilepsie : effets neurodéveloppementaux des antiépileptiques . . . . . . . . . p 169
B. CHABROL, M. MILH
Efficacité de la kinésithérapie respiratoire avec augmentation du flux expiratoire
dans la prise en charge de la première bronchiolite aiguë du nourrisson hospitalisé :
essai multicentrique randomisé et contrôlé en double insu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 77
V. GAJDOS
Petite taille et maladies osseusesconstitutionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 173
A. LINGLART, C. PIQUARD, V. MERZOUG, P. BOUGNÈRES
La Ventilation Non Invasive (VNI) dans les formes graves de bronchiolites . . . . . . . . . p 85
S. ESSOURI
Traitements actuels et futurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 91
R. EPAUD
MISES AU POINT
Régulation du poids et obésité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 101
P. TOUNIAN
Infections invasives à streptocoque A chez l’enfant : manifestations cliniques et caractérisation moléculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 107
S. HENRIET, F. KAGUELIDOU, M. LORROT, P. BIDET, A. BOURRILLON,
E. BINGEN, A. FAYE
Génétique et cardiopathies congénitales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 177
F. BAJOLLE, D. BONNET
La maladie de Wilson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 187
D. DEBRAY
MISES AU POINT
Peut-on ralentir l’évolution d’une insuffisance rénale de l’enfant ? . . . . . . . . . . . . . . . . p 199
A. BENSMAN, T. ULINSKI
Le récepteur minéralocorticoïde, un acteur majeur de l’homéostasie hydrosodée du nouveau-né . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 207
L. MARTINERIE, M. LOMBÈS, P. BOILEAU
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Sommaire
Prise en charge ambulatoire des infections urinaires de l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 217
A. GERVAIX, L. LACROIX
Formation préalable et qualité des prises en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 223
G. CHERON, B. COJOCARU, G. PATTEAU, S. FAESCH
MISES AU POINT
L’infection par le VIH de l’enfant, 25 ans plus tard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 231
S. BLANCHE
Les thrombopénies génétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 237
G. LEVERGER, A. PETIT, J. LANDMAN-PARKER, R. FAVIER
Bêtabloquants et hémangiome infantile nécessitant un traitement systématique : une révolution thérapeutique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 247
O. ENJOLRAS, V. SOUPRE, M.-P. VAZQUEZ, A. PICARD
Fièvre du nourrisson et de l’enfant : enquête sur les pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 255
N. MOURDI, M. CHALUMEAU, E. FOURNIER-CHARRIÈRE, G. PONS
MISES AU POINT
EVENDOL, une échelle comportementale pour repérer et évaluer toute douleur avant
7 ans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 265
E. FOURNIER-CHARRIÈRE, B. TOURNIAIRE, P. CIMERMAN, F. LASSAUGE,
C. RICARD, P. TURQUIN, R. CARBAJAL
Maladie de Crohn de l'enfant : origine et traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 277
F. RUEMMELE
Prévalence des maladies chroniques en réanimation : l'augmentation a-t-elle un impact sur
les besoins de soins ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 285
R. CREMER, A. BINOCHE, A. BOTTE, F. LECLERC
Pourquoi la culture du patient donne sens à la prise en charge ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 293
C. MANNONI
CONFÉRENCE SCIENTIFIQUE
LES AVANCÉES DE LA GÉNÉTIQUE :
QUELS BÉNÉFICES POUR LES ENFANTS ?
par
A. MUNNICH
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LES AVANCÉES DE LA GÉNÉTIQUE :
QUELS BÉNÉFICES POUR LES ENFANTS ?
par
A. MUNNICH
Quels bénéfices pour les patients ? Si vous posez la question à la sortie d’une classe de terminale ou d’un cours de faculté, la réponse qui vous sera faite est assurée : « la thérapie
génique et le clonage »… Fascinés – non sans raison – par ces perspectives futuristes, nos
contemporains tendent à ignorer tout à la fois l’essor des thérapeutiques conventionnelles
aujourd’hui disponibles et l’impact de la prise en charge symptomatique sur la qualité et l’espérance de vie des personnes atteintes de maladies génétiques.
Ce n’est pas de l’ingratitude. C’est un problème d’information dans un contexte médiatique simplificateur où les rêves l’emportent sur la réalité et le sensationnel sur le concret.
Alors, tentons de rendre à César ce qui lui appartient et de faire loyalement l’inventaire de
ce qui est d’ores et déjà du domaine du possible. A la lumière de quelques exemples, demandons-nous si le remplacement d’un gène – dont l’identification est si nécessaire à la compréhension d’une maladie – est véritablement la panacée universelle pour le traitement des
maladies génétiques…
Rendre à César ce qui lui appartient, c’est déjà se souvenir qu’on n’a pas attendu l’ère de
la génétique moléculaire pour traiter des maladies génétiques. On n’a pas attendu le clonage
du gène de phénylalanine hydroxylase pour traiter la phénylcétonurie par un régime hypoprotidique. Je dirais même que l’impact de la génétique sur le traitement de cette maladie est
nul… Et pourtant, depuis les années 70, plus de 20 millions de Français ont été testés à la naissance – sans le savoir – et 7000 d’entre eux, dépistés et traités tôt, ont échappé à une arriération mentale certaine, sont aujourd’hui des adultes bien portants et des parents à leur tour.
Idem pour bien d’autres maladies génétiques du métabolisme où la soustraction diététique
d’un substrat toxique (comme l’acide phytanique dans la maladie de Refsum) ou l’adjonction
d’un produit a transformé l’existence des enfants (le régime riche en glucose dans les glycogénoses ou les anomalies de l’oxydation des acides gras, par exemple). Du reste, le traitement
diététique des maladies métaboliques n’a pas dit son dernier mot, comme l’illustre l’exemple
du déficit de glycosylation des protéines CDG1B. Ici, la compréhension du mécanisme de la
maladie (l’absence d’isomérisation du fructose en manose) est synonyme de guérison pour le
patient : la supplémentation diététique en manose lui sauve la vie. Il en va de même des rares
mais non exceptionnelles formes vitamino-dépendantes des maladies métaboliques comme le
déficit des carboxylases sensibles à la biotine, l’homocystinurie sensible à la pyridoxine, les aciduries organiques sensibles à la cobalamine, les pseudo Friedreich répondant aux tocophérols
ou les myopathies lipidiques et cardiomyopathies sensibles à la carnitine. Là encore, il ne se
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LES AVANCÉES DE LA GÉNÉTIQUE : QUELS BÉNÉFICES POUR LES ENFANTS ?
passe pas d’années sans que l’élucidation du mécanisme d’une maladie métabolique ne suggère
une riposte thérapeutique. A preuve, les rares mais spectaculaires formes de maladies mitochondriales curables par les quinones et les retards mentaux et syndromes autistiques résultant d’un déficit de synthèse de la créatine et curables par l’administration orale de créatine.
On voit bien que le véritable défi d’aujourd’hui n’est pas de traiter tant de maladies métaboliques si différentes par un régime ou l’adjonction de co-facteurs, mais plutôt d’identifier
parmi tous ces enfants celles et ceux qu’on peut soigner… Pour ceux-là la vie va changer…
Rendre à César ce qui lui appartient c’est aussi se souvenir que ce n’est pas notre génération mais bien celle de nos Maîtres qui, la première, a traité les néphropathies héréditaires
par la transplantation rénale (syndrome d’Alport, néphronophtise et polykystose), les atrésies biliaires par transplantation hépatique, les cardiopathies congénitales par la transplantation cardiaque et les déficits immunitaires par les greffes de moelle. Souvenons-nous des
orthopédistes et des réanimateurs qui, les premiers, ont eu l’audace d’opérer le rachis des
enfants myopathes. Souvenons-nous des pionniers de la chirurgie viscérale qui ont guéri la
maladie de Hirschsprung, les hernies diaphragmatiques, les malformations gastro-œsophagiennes.
Mais notre génération n’est pas de reste : comment se lasser d’admirer les résultats fascinants de l’électrostimulation du globus pallidum dans les dystonies de torsion par mutation
du gène DYT1, les chorées d’Huntington et tant d’autres dystonies. Ces neurochirurgiens –
fort peu familiers de la génétique moléculaire – ont sans aucun doute fait bien davantage
pour ces enfants que toute la communauté des généticiens réunis.
Rendre à César ce qui lui appartient, c’est enfin se souvenir que l’industrie pharmaceutique a su transformer nos connaissances en des protéines et des enzymes médicaments sûrs
et efficaces : l’insuline, l’hormone de croissance pour le traitement des nanismes héréditaires,
le facteur VIII pour celui de l’hémophilie et l’enzymothérapie des maladies lysosomales
(maladies de Gaucher, Hurler, Fabry, Pompe).
Loin de moi de penser que les thérapies géniques et cellulaires n’auront pas un jour, dans
l’avenir, leur place dans l’arsenal des thérapeutiques. Mais, pour le patient comme pour le
médecin confrontés à la réalité de la maladie génétique aujourd’hui, il faut trouver des
astuces pour tenir, pour durer : il faut ruser.
Ruser, c’est par exemple obtenir la réexpression d’un gène d’hémoglobine fœtale (HbF)
par l’hydroxyurée lorsque le gène exprimé après la naissance (HbA) est muté : voilà que les
enfants thalassémiques et drépanocytaires se passent de transfusion…
Ruser, c’est savoir chélater un toxique au moyen d’une drogue comme la cystéamine pour le
traitement de la cystinose. Ruser, c’est savoir verrouiller une voie métabolique lorsqu’elle aboutit
à l’accumulation d’une substance toxique : le verrouillage du catabolisme de la tyrosine par le
NTBC transforme l’effroyable tyrosinémie type 1 en une tyrosinémie de type 2 pratiquement
bénigne : 90 % des enfants sont guéris. Tout récemment encore, un médicament, la Rapamycine,
s’est révélé potentiellement actif pour le traitement de la sclérose tubéreuse de Bourneville car il
remplacerait l’effet inhibiteur des protéines tubérine et hamartine dans la voie mTOR, dont l’activation est responsable de la maladie : un essai clinique prometteur est en cours.
Ruser, c’est découvrir un peu par hasard que la colchicine transforme – on ne sait pourquoi ni comment – le pronostic de la fièvre méditerranéenne familiale.
Ruser, c’est savoir tirer partie d’une activité enzymatique résiduelle en la stimulant ou
encore savoir inhiber une fonction normale si cette dernière majore les conséquences d’une
mutation. Ainsi, les bisphosphonates, en inhibant l’activité ostéoclastique, limitent la
résorption osseuse et réduisent les conséquences des mutations du collagène du type 1 dans
l’ostéogenèse imparfaite : la mutation est toujours là mais les fractures multiples et les douleurs osseuses sont considérablement réduites.
Ruser enfin, c’est savoir protéger une fonction menacée au moyen d’un médicament,
comme les quinones à courte chaîne protègent les centres fer-soufre de la chaîne respiratoire
contre le stress oxydatif causé par l’absence de frataxine dans les mitochondries : la myocardiopathie est jugulée par l’idébénone chez 85 % des enfants porteurs d’une ataxie de
Friedreich…
On le voit bien, on n’a pas attendu l’identification des gènes et de leurs mutations pour
traiter les maladies génétiques. Nos patients ne souffrent pas de leurs mutations mais des
conséquences fonctionnelles de celles-ci. Alors, ne nous trompons pas d’ennemi : à l’heure
présente, la compréhension du mécanisme d’une maladie génétique se révèle – preuves à
l’appui (cf plus haut) – tactiquement plus utile pour circonvenir le problème du remplacement du gène muté, techniquement si complexe. La compréhension du mécanisme exact des
maladies : voilà l’information dont nous avons réellement besoin pour imaginer des trucs,
des astuces qui changeront la vie des gens.
Si elle nous paraît aujourd’hui inutile, l’identification précise des mutations pourrait
bien devenir dans l’avenir de première importance pour la mise au point de stratégies thérapeutiques moléculaires « à la carte ». Mais les découvertes ne se commandent pas et elles
viennent à leur heure. Aussi, gardons-nous du dogmatisme et de la pensée unique.
Autorisons-nous à rêver, à laisser libre cours aux idées les plus fantaisistes : elles pourraient
se révéler prometteuses… Le traitement des maladies génétiques est une affaire trop sérieuse
pour qu’il en soit fait une question de mode. Alors, de grâce, ne mettons pas tous nos œufs
dans le même panier…
A. Munnich
Département de Génétique, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres
75743 Paris Cedex 15
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TABLE RONDE I
BIOTHÉRAPIES DANS LES PATHOLOGIES
INFLAMMATOIRES DE L'ENFANT
(CYTOKINES ET ANTICORPS MONOCLONAUX)
(Organisateur : M. TARDIEU)
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ACTUALITÉS SUR LES BIOTHÉRAPIES CHEZ L’ENFANT
DANS LES MALADIES CUTANÉES
ET À EXPRESSION CUTANÉE
par
M. RYBOJAD
Chez l’adulte, l’utilisation des biothérapies ciblées est en plein essor. A l’exception du psoriasis, aucune étude randomisée n’a été validée chez l’enfant. Si les premiers résultats obtenus
chez l’enfant dans des situations d’impasse thérapeutique, apparaissent prometteurs, notre
esprit critique doit rester en alerte afin de ne pas initier sans prudence extrême de tels traitements. Les risques chez l’enfant sont mal connus à court terme (infections graves mettant en
jeu le pronostic vital), et à long terme (émergence de proliférations lymphoides ou néoplasiques, développement de LEMP).
Une vigilance extrême s’impose à nous, l’enfant n’étant pas un petit adulte. Inversement,
certaines de ces voies thérapeutiques offrent sans aucun doute des alternatives à nos traitements immunosuppresseurs classiques et dans certaines circonstances le bénéfice/risque peut
être en faveur de l’utilisation des biothérapies.
Seul le psoriasis a fait l’objet d’une étude randomisée avec l’etanercet (anticorps anti-TNFα.
Cette étude d’excellente qualité effectuée chez l’enfant va être à l’origine d’une obtention d’AMM.
Ce traitement sera réservé prochainement à un sous-groupe de malades présentant un psoriasis
sévère cutané, résistant à tout traitement classique (Soriatane, methotrexate, PUVA-thérapie).
En ce qui concerne les autres pathologies dermatologiques pouvant bénéficier de tels traitements, elles sont trop rares pour permettre de telles études. C’est le cas du pemphigus et de
l’épidermolyse bulleuse acquise qui, chez l’adulte, voient leur prise en charge se transformer,
grâce à l’utilisation du Rituximab (anti-CD20).
Enfin les maladies de système à expression cutanée posent un problème bien différent. Le
risque vital ou fonctionnel est parfois majeur, pouvant faire pencher la balance bénéfice/risque,
en cas d’impasse thérapeutique, vers l’utilisation de ces biothérapies (maladie de Kawasaki, dermatomyosite juvénile sévère, lupus érythémateux à expression systémique gravissime).
Enfin le décryptage et la meilleure connaissance du pronostic des syndromes autoinflammatoires de l’enfant progressent grâce aux travaux prospectifs de cohortes émanant
de groupes internationaux. Les progrès issus de l’immunologie et de la biologie moléculaire
offrent de nouvelles perspectives thérapeutiques et sont à l’origine de véritables révolutions
thérapeutiques. L’anakinra, anticorps anti-récepteur à l’IIL1 apporte une nouvelle
approche thérapeutique de ces maladies rares et offre un voie de réflexion sur son utilisation dans certaines situations où l’atteinte cutanée est prédominante (maladie de Still, dermatoses neutrophiliques, vascularites urticariennes).
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M. RYBOJAD
Cette vision prudente de l’utilisation des biothérapies chez l’enfant ne doit pas nous rendre « timorés ». Les études prospectives randomisées et l’étude soigneuse du rapport bénéfice/risque peuvent nous permettre de faire de réels progrès dans la prise en charge des maladies dysimmunitaires. Certaines biothérapies ont peut-être un réel avenir dans la pathologie
de l’enfant et pourront peut-être se substituer aux traitements classiques. L’utilisation précoce de certaines de ces molécules est même peut être souhaitable.
Ce n’est que pas à pas, et en restant toujours vigilant, que les progrès actuels des biothérapies se transformeront en véritables révolutions thérapeutiques.
M. Rybojad-Hôpital Saint-Louis- Paris
[email protected]
ATTEINTES INFLAMMATOIRES
NEUROLOGIQUES
par
RÉFÉRENCES
1. Paller AS, Siegfried EC, Langley RG, et al. Etanercept treatment for children and adolescent with plaque psoriasis. N Engl J Med. 2008. 17; 358:241-51
2. Burns JC, Mason WH, Hauger SB, al. Infliximab treatment for refractory Kawasaki syndrome. J Pediatr
2006;146:662-7.
3. Scalzi LV, Hashkes PJ. Nonclassic neurologic features in cryopyrin-associated periodic syndromes. Pediatr
Neurol. 2007; 36:338-41.
4. M, Roth J. New insights in systemic juvenile idiopathic arthritis from pathophysiology to treatment.
Rheumatology 2007 30.
5. El-Hallak M, Binstadt BA, Leichtner AM, et al, Ne. Clinical effects and safety of rituximab for treatment of
refractory pediatric autoimmune diseases. J Pediatr. 2007; 150:376-82.
6. Giulino LB, Bussel JB, Neufeld EJ; Pediatric and Platelet Immunology Committees of the TMH Clinical Trial
Network. Treatment with rituximab in benign and malignant hematologic disorders in children. J Pediatr.
2007;150:338-44,
7. "Hinze CH, Grom AA. B cell depletion: on the rise. J Pediatr. 2007 ;150:335-7
8. Cooper MA et al. Rituximab for the treatment of juvenile dermatomyositis: a report of four patients. Arthritis
and Rheum. 2007; 56: 3107-11.
M. TARDIEU, K. DEIVA
Les maladies inflammatoires du système nerveux forment un groupe vaste de maladies
acquises nécessitant des traitements lourds. Ceux-ci apportent, dans la majorité des cas, une
guérison malgré l’aspect dramatique initial. Les plus fréquentes sont la sclérose en plaques,
les encéphalomyélites aiguës disséminées et les différentes formes d’encéphalites, le syndrome de Guillain-Barré, la myasthénie et la dermatomyosite. D’autres maladies beaucoup
plus rares s’y ajoutent dont plusieurs atteintes neurologiques para-néoplasiques (en particulier le syndrome opsoclonus-myoclonus) ou au cours de déficits immunitaires (syndromes
d’activation du macrophage). Le traitement de ces affections a longtemps reposé sur la seule
utilisation des corticoïdes et des immunoglobulines. Les premiers progrès sont venus dans
les années 1980-1990 de l’utilisation plus large des plasmaphérèses et des traitements pharmacologiques immunosuppresseurs (cyclophosphamide (Endoxan®), azathioprine
(Imurel®), cyclosporine (Neoral®) pour ne citer que les principales molécules de ces annéeslà). Plus récemment, d’autres molécules pharmacologiques (Mycophenolate mofetil (Cellcept®), Tacrolimus (Prograf®)) se sont ajoutées mais c’est l’arrivée des biothérapies qui a
apporté le changement le plus profond. Leur utilisation commence à se codifier bien que ce
processus n’en soit qu’à son début. De plus, les principaux essais thérapeutiques n’ont été
faits que dans des populations de patients adultes avec extrapolation à l’âge pédiatrique, une
démarche classique mais dont on sait les insuffisances.
LE TRAITEMENT DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES DE L’ENFANT
L’évolution générale de la sclérose en plaques de l’enfant et le traitement des poussées
La sclérose en plaques est une atteinte inflammatoire récidivante du système nerveux
central. Elle peut débuter dès les premières années de vie et augmente en fréquence après 10
ans et surtout durant l’adolescence : dans la très large cohorte française, 14 % des scléroses
en plaques débutent avant 6 ans et 30 % avant 10 ans. Le premier épisode, en particulier chez
l’enfant jeune, peut prendre l’aspect d’une encéphalite de la substance blanche (encéphalomyélite aiguë disséminée, souvent désignée de son acronyme anglais « ADEM » pour «
Acute disseminated encephalomyelitis »). A l’inverse, toutes les encéphalomyélites aiguës
disséminées de l’enfant ne sont pas des débuts de sclérose en plaques : notre étude a montré
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que leur taux de récidive et donc d’entrée dans la SEP était de l’ordre de 20 %. Plusieurs critères cliniques et radiologiques permettent de le prévoir [1].
La plupart des SEP de l’enfant évolue par poussées résolutives (« SEP rémittente », correspondant à la phase très inflammatoire de la maladie) et très peu (9 % dans notre cohorte
dont le suivi moyen est supérieur à 5 ans) deviennent secondairement progressives (correspondant à la phase des lésions axonales, beaucoup plus grave). La gravité de l’évolution est
assez variable d’un sujet à l’autre et plusieurs facteurs (sexe féminin, absence d’une altération
de la conscience lors de la première poussée, présence de certains critères IRM, intervalle de
moins de un an entre la première et la deuxième poussée, survenue d’une évolution progressive) permettent de prévoir que l’évolution sera plus grave [2].
Le traitement des poussées de sclérose en plaques (et des premières poussées démyélinisantes, y compris les encéphalomyélites aiguës disséminées) utilise désormais des injections
intraveineuses de méthylprednisolone (30 mg/kg sans dépasser 1g, données 3 jours de suite
avec éventuellement un relais per os à 1mg/kg de prednisone pendant 12 jours). Ce traitement raccourcit probablement la durée de la poussée et son évolution immédiate mais ne
réduit pas le nombre de poussées ultérieures ou leur intervalle et donc le risque évolutif au
long cours [2].
respectivement 51, 39 et 24 enfants (de moins de 16 ou de moins de 18 ans suivant les
études) traités à 24, 25 et 40 mois de maladie pour 20, 33 et 44 mois en moyenne. Les pourcentages d’arrêt des injections d’IFN durant la période d’étude sont entre 10 et 58 %. Les
trois articles comparent la fréquence des attaques dans les périodes avant et après traitement
montrant une tendance à la réduction de l’ordre de 50 %. Cependant ces études observationnelles ne sont pas suffisantes puisque l’histoire naturelle de la maladie comporte une
réduction relative du nombre de poussées avec le temps après les deux premières années : la
simple comparaison « avant-après » est source de biais d’interprétation. Dans une étude
plus récente contrôlant le temps entre le début de la maladie et l’initiation du traitement
interféron, nous avons démontré qu’un traitement précoce (dans les 3 mois de la 2ème poussée permettant le diagnostic de SEP) permettait de réduire significativement le nombre de
poussées survenant dans les deux ans ultérieurs [3].
En pratique, la tendance, dans de nombreux pays, est d’utiliser l’interféron β chez l’enfant dès la deuxième poussée en particulier si des critères de gravité évolutive sont rassemblés. Le choix d’interféron est fonction du désir de la famille et de l’âge de l’enfant (choix
d’une intra-musculaire hebdomadaire ou de sous-cutanées plus fréquentes). La dose initiale
est réduite chez l’enfant jeune (un tiers puis la moitié de la dose adulte). La persistance de
poussées sous traitement induit une montée des doses parfois un changement d’interféron β
(une production d’anticorps neutralisants est possible) ou encore l’utilisation d’autres biothérapies.
Les traitements immunomodulateurs dans la sclérose en plaques de l’enfant
Depuis plus de 25 ans maintenant il est établi que des traitements immunosuppresseurs
peuvent modifier l’évolution au long cours de la SEP. Les premiers essais, chez des patients
adultes, avaient utilisé la cyclophosphamide puis les plasmaphérèses avec des bénéfices modestes
sur l’évolutivité de la maladie. Les premières biothérapies (interféron β et glacitamer acetate
(copaxone®)) de la SEP de l’adulte ont été utilisées à partir du début des années 1990 [3] et le
nombre de molécules disponibles a beaucoup augmenté durant ces 5 dernières années.
L’interféron β dans le traitement de la SEP
L’interféron béta est le traitement immunomodulateur initial de la SEP le plus fréquemment utilisé. De très nombreux essais cliniques de grande envergure, faits chez des
patients adultes, ont établi que ce traitement réduit le nombre des poussées cliniques d’environ 30 % ainsi que le nombre de lésions radiologiques (ces deux critères évalués après 2 ans
ou 5 ans d’évolution sous traitement) et probablement, mais de façon moins nette, l’évolution du score de handicap. Il agit par réduction de la composante inflammatoire de la pathologie en inhibant la prolifération des leucocytes, en modifiant la sécrétion des cytokines antiinflammatoires et en limitant la pénétration des lymphocytes T dans le parenchyme cérébral
(entre autre par son rôle anti-métalloprotéinase). De ce fait, il n’est actif qu’en début de
maladie lorsque la composante inflammatoire est importante. Il n’a aucune action sur les
lésions axonales qui se développent dans la deuxième partie de l’évolution.
Trois interferons β sont sur le marché : Avonex (IFNβ1a, utilisé par voie intra musculaire une fois par semaine), Rebif (IFNβ1a, utilisé par voie sous-cutanée, 3 fois par semaine)
et Betaferon (IFNβ1b, utilisé par voie sous-cutanée tous les 2 jours). Formellement les trois
formes disponibles d’interféron ‚ n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché avant 12 à
16 ans selon les formes. Cependant, l’interféron β est de plus en plus utilisé en pédiatrie,
d’autant plus qu’à ce stade initial, la composante inflammatoire est importante. Seules cinq
études ont été publiées [2]. Toutes s’accordent sur la bonne tolérance du traitement. Les
principaux inconvénients sont la survenue d’une fièvre dans les 12 h de l’injection et parfois
d’une fatigue ainsi que des rougeurs aux points d’injection. Le bénéfice du traitement pour
réduire les poussées ultérieures est plus difficile à établir. Les trois premières études décrivent
Le glacitamer acétate (Copaxone®)
Le glacitamer acétate ne rentre pas directement dans le sujet de cette table ronde bien
qu’il soit une biothérapie. Il s’agit d’une sorte de leurre de la réponse immune qui prend la
place de la myéline normalement attaquée. Il est utilisé par voie sous-cutanée. Son utilisation
chez l’enfant est relativement faible au moins en France. Son efficacité est, d’après les essais
thérapeutiques chez l’adulte, proche de celle des interférons β.
Le natalizumab (Tysabri®)
Cet anticorps monoclonal est dirigé contre une protéine d’adhésion des lymphocytes
circulants (la molécule VLA-4) et empêche ainsi leur pénétration dans le système nerveux
central. Son efficacité a été démontrée dans plusieurs essais thérapeutiques chez l’adulte : il
est désormais indiqué lorsque les poussées surviennent fréquemment sous interféron. Il est
efficace sur la progression du handicap, sur le nombre de poussées cliniques ultérieures et sur
le nombre de lésions radiologiques. Cependant, plusieurs effets indésirables graves ont fait
initialement craindre le retrait de la molécule en particulier la survenue de cas de leucoencéphalite multifocale progressive, une forme d’encéphalite très grave ne survenant que chez les
sujets immunodéprimés. L’importance du bénéfice et la relative rareté de ces complications
ont fait reprendre son utilisation après un moratoire.
L’utilisation du natalizumab chez l’enfant est encore rare mais plusieurs observations ont été
publiées avec une bonne tolérance dans ces cas et une apparente efficacité.
L’alemtuzumab (CAMPATH®), le rituximab (Mabthera®) et le daclizumab (Zenapx®)
L’alemtuzumab est un anticorps monoclonal anti T qui paraît avoir une bonne efficacité
sur le nombre de poussées mais ses effets secondaires (thyroïdites et purpura thrombopénique en particulier) sont importants.
Le rituximab est un anticorps monoclonal anti-lymphocytes B (anti-CD20). Il est actuellement très largement utilisé dans les maladies auto-immunes de l’enfant. Sa principale utilisation dans le cadre nosologique décrit ici est en traitement de la neuromyélite optique (ou
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maladie de Devic), une forme particulière, mais rare, de SEP associant des lésions de myélite
étendues à des signes de névrites optiques. Le mécanisme physiopathologique immunologique de la neuromyélite optique est probablement un peu différent de celui de la SEP en particulier par une plus forte implication des lymphocytes B (et une production d’anticorps antiaquaporine [4]). De ce fait, l’utilisation du rituximab s’est imposée comme le traitement initial de cette affection. Au-delà de cette indication bien établie, deux articles récents semblent
démontrer l’efficacité du rituximab en traitement de la SEP de l’adulte [5, 6].
Le daclizumab est un des derniers en cours d’essai en pathologie adulte. Il se fixe sur une
molécule d’activation et de prolifération (le CD25) exprimée sur certains lymphocytes.
Chez les patients traités, deux études ont montré une réduction significative des poussées et
des lésions IRM [7]. Il peut avoir un effet synergique avec l’interféron β, en cas de résistance
à celui-ci. Ce traitement est bien toléré en dehors de cas de dermatites.
CONCLUSION
LES AUTRES MALADIES INFLAMMATOIRES
TRAITÉES PAR BIOTHÉRAPIES
En dehors de la sclérose en plaques, les myasthénies auto-immunes, la dermatomyosite,
les polyradiculonévrites chroniques mais également certaines formes très rares de syndromes
para-néoplasiques ou de déficits immunitaires peuvent bénéficier de traitements par anticorps monoclonaux. Les principes de traitement de toutes ces maladies ont suivi la même
évolution : jusqu’il y a peu, seuls les corticoïdes étaient utilisés, souvent associés, après un
échec initial à des immunoglobulines données malgré l’absence de preuve d’efficacité (en
dehors du cas des polyradiculonévrites chroniques où son efficacité a été démontrée). La fréquence de la résistance de ces maladies au traitement initial pousse actuellement à une utilisation d’emblée de traitement plus agressif associant des corticoïdes à un immunosuppresseur, que ce soit une molécule pharmaceutique ou un anticorps monoclonal.
Chacune des maladies considérées est rare et il n’est pas dans le but de ce chapitre de les
passer en revue. Le rituximab est particulièrement utilisé dans ce cadre et seuls trois exemples seront donnés :
- Traitement de la dermatomyosite de l’enfant. Un vaste essai européen (essai Printo) est
en cours et compare l’utilisation de corticoïdes seuls ou associés à de la ciclosporine ou à du
méthotréxate. Les résultats ne sont pas encore disponibles. Le rituximab est considéré
comme le traitement utile après l’échec des médicaments précédents et plusieurs cas cliniques d’efficacité ont été rapportés.
- Traitement de la myasthénie auto-immune : il s’agit d’une maladie médiée par des anticorps anti-récepteurs de l’acéthylcholine. Le traitement habituel utilise des anticholinestérasiques mais en cas de résistance, le rituximab apporte une excellente alternative aux corticoïdes.
- Le syndrome opso-clonus-myoclonus. Ce syndrome survient chez des enfants de moins
de deux ans et est le plus souvent lié à un neuroblastome. Un large protocole européen
débute. Il utilise initialement des corticoïdes mais associe rapidement, en cas de résistance,
de la cyclophosphamide. En cas de résistance ultérieure, le rituximab est une alternative
importante dont l’efficacité semble cependant n’être observée que chez un sous-groupe de
patients ayant un nombre important de lymphocytes B dans le LCR [8].
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Les nouvelles biothérapies apportent des options thérapeutiques nouvelles dans des
affections d’une très grande gravité où les corticoïdes sont insuffisants. Nous ne sommes
qu’à l’orée de cette révolution. Beaucoup est à faire pour que des essais thérapeutiques pédiatriques soient réalisés selon les directives européennes.
M. Tardieu, K. Deiva
Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Bicêtre, centre de référence des maladies
inflammatoires du cerveau et service de neurologie pédiatrique. Adresse postale: Service de neurologie pédiatrique, hôpital Bicêtre, 94275 Le Kremlin Bicêtre Cedex, France.
E-mail : marc. [email protected]
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opsoclonus-myoclonus syndrome. Pediatrics 2005; 115:e115-9.
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BIOTHÉRAPIES EN RHUMATOLOGIE
PÉDIATRIQUE
par
P. QUARTIER
INTRODUCTION
La rhumatologie pédiatrique regroupe un ensemble très varié de maladies et de syndromes à expression articulaire, osseuse, musculaire et/ou systémique. Au sein de cet ensemble, nous nous intéressons ici aux pathologies inflammatoires qui ont bénéficié de l’apport
de biothérapies d’introduction récente, ciblant une cytokine ou une voie de signalisation cellulaire. Les avancées thérapeutiques de ces dernières années ont été obtenues de pair avec
une meilleure compréhension de la physiopathologie de ces affections qui peuvent être
regroupées en trois principaux ensembles : les arthrites juvéniles idiopathiques, les maladies
et syndromes auto-inflammatoires et les vascularites, maladies auto-immunes et autres maladies systémiques de l’enfant.
ARTHRITES JUVÉNILES IDIOPATHIQUES ET BIOTHÉRAPIES
L’appellation « Arthrites Juvéniles Idiopathiques » (AJI) a été proposée lors d’une réunion internationale de rhumatologues pédiatres experts à Durban en 1998 pour les arthrites
sans étiologie reconnue qui débutent avant l’âge de 16 ans et persistent au minimum
6 semaines [1]. Cette appellation se substitue à celles plus anciennes d’Arthrite Chronique
Juvénile (ACJ) et d’Arthrite Rhumatoïde Juvénile (ARJ) qui couvraient pour une large part
les mêmes affections. La classification la plus récente des différentes formes d’AJI est également celle proposée à Durban en 1998 (Tableau 1). Le fait que cette classification repose
essentiellement sur des caractéristiques cliniques et sur la présence ou l’absence d’un nombre limité de marqueurs biologiques témoigne de notre connaissance encore fragmentaire de
la physiopathologie de ces affections.
Biothérapies dans les AJI avec atteinte polyarticulaire
Les formes les plus fréquentes d’AJI sont les oligoarthrites (moins de 4 articulations
atteintes au cours des 6 premiers mois de la maladie) et les polyarthrites sans facteur rhumatoïde. Ces AJI débutent souvent chez de jeunes enfants, plus souvent des petites filles. Les deux
tiers de ces enfants ont une maladie accessible à des traitements classiques de type anti-inflam-
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matoires non stéroïdiens, infiltrations articulaires de corticostéroïdes, méthotrexate hebdomadaire dans certains cas et au besoin prise en charge fonctionnelle (kinésithérapie, balnéothérapie, ergothérapie, …) et orthopédique. Parmi le tiers restant, le pronostic fonctionnel était très
réservé avant l’introduction des biothérapies du fait d’une atteinte articulaire destructrice, diffuse (oligoarthrites étendues, polyarthrites) ou touchant des articulations fonctionnellement
importantes (hanche, rachis cervical, arrière-pied, …) ne répondant pas bien aux traitements
usuels, ou bien du fait d’une uvéite associée évoluant à bas bruit chez 30 % de ces enfants, bilatérale dans 80 % des cas et pouvant conduire certains enfants à la cécité.
L’introduction d’antagonistes du Tumor Necrosis Factor (TNF) alpha en rhumatologie
pédiatrique au cours des douze dernières années aux Etats-Unis et des dix dernières années
en France a profondément révolutionné la prise en charge et le pronostic de ces patients et
des quelques enfants atteints d’AJI polyarticulaire avec facteur rhumatoïde ou polyarthrites
rhumatoïdes à début pédiatrique. Le premier à avoir obtenu l’autorisation de mise sur le
marché (AMM) dans l’AJI est l’étanercept (Enbrel®). Ce récepteur soluble chimérique du
TNF alpha a démontré son efficacité dans cette indication [2]. Les données concernant l’anticorps (AC) monoclonal anti-TNF alpha infliximab (Rémicade®) sont à l’heure actuelle
plus limitées dans l’AJI et ce traitement n’aura probablement pas l’AMM dans cette indication du fait de problèmes dans le design et la conduite d’un essai de phase 3 ne permettant
pas de répondre positivement à l’objectif principal de cet essai [3]. L’adalimumab, AC
monoclonal anti-TNF alpha entièrement humanisé devrait obtenir sous peu l’AMM dans
l’AJI au terme d’un essai thérapeutique démontrant son efficacité contre placebo et la supériorité de l’association adalimumab-méthotrexate sur une monothérapie par méthotrexate [4].
Des données préliminaires encourageantes de traitement anti-TNF alpha de l’AJI associé au psoriasis avec atteinte polyarticulaire et de l’AJI associée aux enthésites (dont les spondylarthropathies de l’enfant) sont à l’origine d’un projet d’essai multicentrique international dans ces indications avec l’etanercept.
Par ailleurs, une molécule, qui interfère avec le second signal entre la cellule présentatrice
de l’antigène et le lymphocyte T, le CTLA-4Ig (abatacept, Orentia®), a également démontré
son efficacité dans l’AJI avec atteinte polyarticulaire dans une étude chez près de 200
patients dont 30 % étaient en échec d’une biothérapie (essentiellement l’étanercept) [5]. La
tolérance à court et moyen terme semble bonne et ce traitement devrait également avoir sous
peu l’AMM dans l’AJI avec atteinte polyarticulaire.
En ce qui concerne l’AC anti-CD20 rituximab, qui assure une déplétion lymphocytaire
B prolongée en ciblant un antigène de la membrane des lymphocytes B, il n’a pas d’indication
reconnue dans l’AJI mais est un des traitements de choix de la polyarthrite rhumatoïde de
l’adulte et peut donc être discuté dans les polyarthrites rhumatoïdes à début juvénile. L’AC
anti-récepteur de l’IL-6 (anti-IL-6R) tocilizumab est, quant à lui, un médicament potentiellement intéressant non seulement dans la forme systémique dont nous parlerons plus bas
mais aussi dans des formes réfractaires de polyarthrites avec ou sans facteur rhumatoïde.
rale prolongée [8]. Bien que certains traitements classiques comme le méthotrexate soient
utilisés dans l’espoir d’atténuer le nombre de poussées inflammatoires, leur efficacité dans
ces uvéites est souvent nulle ou insuffisante. Récemment, des travaux préliminaires ont suggéré une efficacité des AC monoclonaux anti-TNF alpha comme l’infliximab (Remicade®)
et l’adalimumab (Humira®) [9] et un essai thérapeutique multicentrique français doit débuter fin 2009 avec cette dernière molécule.
Forme systémique d’AJI (ou maladie de Still de l’enfant)
La forme systémique d’AJI est caractérisée par l’association à l’arthrite (ou uniquement au
début à des arthralgies) d’une fièvre caractéristique avec des pics hyperthermiques survenant
souvent à la même heure une à deux fois par jour et suivis d’un retour à la température à 37° C
ou moins (souvent < 36° C), avec dans de nombreux cas une éruption maculeuse ou plus rarement urticarienne en général fugace, parfois des adénopathies et une hépatosplénomégalie,
des symptômes témoignant d’une atteinte séreuse (notamment une péricardite) et plus rarement une atteinte viscérale (myocardite essentiellement). L’évolution peut être monocyclique chez une minorité de patients mais elle est polycyclique à rechutes ou avec maladie
active en permanence chez la plupart. Le meilleur facteur prédictif d’évolution non-monocyclique donc péjorative est, selon les travaux d’une grande équipe canadienne, l’existence d’une
corticodépendance à 6 mois voire même à 3 mois du début de la maladie [10]. Le pronostic
vital peut être engagé du fait du non contrôle de la maladie ou de la toxicité des traitements,
avec des décès d’infection, d’amylose secondaire, de défaillance cardiaque ou d’un emballement du système immunitaire avec activation macrophagique. Surtout, les formes sévères
sont associées à un risque majeur de handicap dû aux atteintes articulaires et à la toxicité des
corticostéroïdes chez l’enfant. La capacité de prévenir ces complications par le recours adapté
et précoce à des traitements ciblés récemment évalués dans cette indication est une question
essentielle.
Dans la forme systémique d’AJI, les antagonistes du TNF alpha semblent moins
constamment efficaces que dans les autres formes d’AJI [11-12]. Les approches les plus prometteuses sont les antagonistes de l’interleukine (IL)-1 et de l’IL-6. L’anakinra (kineret®), un
antagoniste soluble recombinant du récepteur à l’IL-1, a démontré son efficacité chez des
patients traités de manière pilote [13-15] puis très récemment dans un essai contre placebo
multicentrique français que nous avons mené avec l’INSERM (étude ANAJIS). Des essais
sont en cours avec d’autres anti-IL-1 de demi-vie plus longue (rilonacept et canakinumab).
Le tocilizumab (Actemra®), AC monoclonal se fixant de façon compétitive avec l’IL-6 sur
son récepteur, a démontré une efficacité rapide et spectaculaire chez des enfants présentant
des formes systémiques d’AJI sévères et souvent réfractaires aux autres traitements dans un
essai japonais [16]. Quelques effets indésirables sévères justifient cependant un suivi très
attentif de la tolérance de ce traitement dans cette indication. Un essai de phase 3 international est en cours dans l’AJI.
Uvéites associées aux AJI
MALADIES AUTO-INFLAMMATOIRES ET BIOTHÉRAPIES
Comme indiqué précédemment, 30 % des enfants atteints d’AJI avec oligoarthrite ou
polyarthrite sans facteur rhumatoïde développent une uvéite antérieure d’évolution chronique, insidieuse, le plus souvent bilatérale [6]. Le risque est accru dans les formes avec présence d’anticorps anti-nucléaires [7]. Le risque de cécité chez les enfants atteints est approximativement de 10 % du fait des complications de l’inflammation oculaire, et des complications peuvent également émailler la prescription d’une corticothérapie locale et parfois géné-
Le concept de maladies auto-inflammatoires, initialement utilisé pour des fièvres périodiques héréditaires (dont la fièvre méditerranéenne familiale), tend à s’étendre à tout un
ensemble de maladies et syndromes, d’origine génétiques déterminées dans une douzaine de
cas, qui comprennent pour certains des entités aussi différentes que la forme systémique
d’AJI, les sarcoïdoses et autres granulomatoses infantiles et les ostéomyélites multifocales.
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Certaines de ces maladies, en particulier celles avec une composante génétique connue,
exposent à un risque d’amylose secondaire que pourrait prévenir le contrôle précoce et prolongé de l’inflammation systémique.
Un grand nombre de ces affections est caractérisé par une dérégulation de l’activation de
l’IL-1, avec des réponses thérapeutiques rapides à un antagoniste de l’IL-1 et des rémissions
complètes prolongées dans des fièvres méditerranéennes familiales en poussée (ou un effet
préventif du traitement anti-IL-1 dans de rares formes en échec du traitement préventif par
colchicine), des syndromes périodiques avec mutations du récepteur du TNF alpha
(TRAPS), l’urticaire familial au froid, le syndrome de Muckle-Wells, le syndrome
Chronique Inflammatoire Neurologique Cutané et Articulaire (CINCA), certains syndromes hyper-Immunoglobulines D liés à des mutations du gène de la mévalonate kinase et
des péricardites récidivantes idiopathiques [17-19].
P. Quartier
Centre de référence national maladies rares « Arthrites Juvéniles », Unité d’ImmunologieHématologie et Rhumatologie pédiatriques, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres,
75 743 Paris cedex 15, Tél : 01 44 49 48 28, Fax : 01 44 49 50 70, E-mail : [email protected]
VASCULARITÉS, MALADIES AUTO-IMMUNES
ET AUTRES MALADIES SYSTÉMIQUES DE L’ENFANT
Dans la plupart de ces maladies, les indications d’utilisation des biothérapies sont les
mêmes en pédiatrie et en médecine d’adulte. Elles sont résumées dans le Tableau 2.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
L’utilisation des biothérapies chez l’enfant est récente, elle porte sur des effectifs de patients
relativement restreints et avec une durée de suivi relativement courte. Elle ne peut se concevoir
que dans des situations où aucune alternative thérapeutique satisfaisante n’existe avec des traitements d’utilisation plus ancienne. Les principales biothérapies évoquées dans ce texte, leurs
modalités d’utilisation et les indications établies ou à l’étude actuellement sont résumées dans le
Tableau 2. Idéalement, la prescription initiale d’une biothérapie en pédiatrie devrait se faire systématiquement en lien avec un centre de référence ou de compétence pour la spécialité. Même
dans ce cadre, le recours à des essais contrôlés est souhaitable afin de disposer de tous les éléments
permettant d’estimer, au moins sur le court-moyen terme, les bénéfices mais également les risques
liés à l’utilisation de ces traitements. Par ailleurs, le suivi à long terme des enfants exposés à des
biothérapies doit être encouragé dans le cadre de registres nationaux ou internationaux. Cela est
d’autant plus important que ces patients, notamment en rhumatologie pédiatrique, sont souvent
exposés de manière successive ou simultanée à plusieurs biothérapies et autres immunosuppresseurs.
Les risques théoriques associés à l’utilisation des biothérapies sont avant tout infectieux et
justifient chez l’enfant comme chez l’adulte une analyse attentive des facteurs de risque associés,
du statut vis-à-vis du risque tuberculeux (intradermo-réaction ou quantiféron à discuter avant
traitement), une mise à jour des vaccinations (prenant en compte la contre-indication des vaccins vivants atténués sous traitement). Exceptionnelles chez l’enfant, des atteintes dysimmunitaires (exceptionnelles atteintes démyélinisantes ou psoriasiques chez des adultes et des enfants
traités par anti-TNF alpha), allergiques et surtout hémato-oncologiques ont été rapportées.
Ainsi, un registre allemand et autrichien des patients traités par anti-TNF alpha a permis récemment de montrer la bonne efficacité sur le long terme de ces traitements dans les AJI avec
atteinte polyarticulaire, de suggérer une efficacité supérieure de l’association méthotrexate-étanercept à la monothérapie par étanercept au prix cependant d’un risque infectieux peut-être
accru, mais également de signaler la survenue de 3 néoplasies parmi un peu moins de 1000
patients dont certains avaient également reçus d’autres immunosuppresseurs [20].
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P. QUARTIER
TABLEAU 1. DIFFERENTES FORMES D'ARTHRITE JUVENILE IDIOPATHIQUE ET BIOTHERAPIES
Type d'AJI
Fréquence (%)
Biothérapies privilégiées
Autres biothérapies
pouvant être discutées
Systémique
10 % (4-17 %)
anti-IL-1, anti-IL-6R
anti-TNF*
Polyarticulaire FR+
2%
anti-TNF*, CTLA-4Ig, anti-CD20
anti-IL6-R ?
Polyarticulaire FR-
8-15 %
anti-TNF*, CTLA-4Ig
anti-IL6-R ?
Oligoarticulaire
35-60 %
anti-TNF*, CTLA-4Ig
anti-IL6-R ?
Psoriasique
4%
anti-TNF, CTLA-4Ig
avec enthésite
4-8 %
anti-TNF
non groupable
8-20 %
discussion au cas par cas
par
J.-P. HUGOT, J.-P. CÉZARD, J. VIALA
Anti-IL-1, antagonistes de l'interleukine-1(anakinra, rilonacept, canakinumab)
Anti-IL-6R, AC anti-récepteur de l'interleukine-6 (tocilizumab)
Anti-TNF, antagoniste du Tumor Necrosis Factor alpha (etanercept, adalimumab)
CTLA-4Ig (abatacept)
Anti-CD20, AC monoclonal anti-CD20 (rituximab, …)
*autorisation de mise sur le marché uniquement pour l'étanercept chez l'enfant > 4 ans et l'adalimumab chez l'enfant > 13 ans avec
atteinte polyarticulaire ; en cas d'uvéite active, privilégier cependant un AC monoclonal anti-TNF alpha (adalimumab ou infliximab)
TABLEAU 2. BIOTHERAPIES EN RHUMATOLOGIE PEDIATRIQUE : MODALITES D'UTILISATION
ET PRINCIPALES INDICATIONS RECONNUES OU A L'ETUDE.
BIOTHÉRAPIE
DOSE
INDICATIONS POSSIBLES REMARQUES
R soluble du TNF :
- Etanercept
0,4 mg/kg x 2 ou
0,8 mg/kg x1/sem SC
AJI avec polyarthrite
± autres AJI
AMM enfant > 4 ans
(parfois utilisé < 4 ans)
AC anti-TNF :
- Adalimumab
- Infliximab
20 à 40 mg/2sem SC
6 mg/kg IV J1, J15*
AJI avec polyarthrite
Uvéites sévères
Granulomatoses
AMM enfant > 13 ans
pour l'adalimumab dans
l'AJI avec polyarthrite
Anti-IL-1
- Anakinra
- autres
1 à 2 mg/kg voir plus en
SC quotidiennes
à l'étude
AJI systémique
cryopyrinopathies
divers sd auto-inflammatoires
AMM attendue dans les
cryopyrinopathies et
études en cours dans l'AJI
systémiques
Anti-IL-6R :
- tocilizumab
8 mg/kg /2 sem IV
AJI systémique
AJI polyarticulaires
ATU nominatives
CTLA-4Ig (abatacept)
10 mg/kg J1, J15, J29
puis /4 sem IV
AJI polyarticulaires
AJI psoriasiques
ATU nominatives
375 à 750 mg/m2 /
1 à 2 sem x 2 à 4 IV
à l'étude
Certaines atteintes du LED,
vascularites
PR pédiatriques
± dermatomyosites
Anti-lympho B :
- rituximab (AC antiCD20)
- autres, anti-CD22
BIOTHÉRAPIES DANS LES MALADIES
INFLAMMATOIRES DE L'INTESTIN
séries pédiatriques : LED
avec atteinte rénale, cytopénies auto-immunes, …
R, récepteur ; AJI, arthrites juvéniles idiopathiques ; SC, sous-cutané ; IV, intraveineux ; AMM, autorisation de mise sur le marché (avec
pour ces biothérapies prescription sur ordonnance de médicaments d'exception à 4 volets) ; ATU, autorisation temporaire d'utilisation (dans l'attente d'une AMM) ; AC, anticorps monoclonaux ; LED, lupus érythémateux disséminé ; PR, polyarthrite rhumatoïde.
L'espacement des perfusions d'infliximab dans ces indications est souhaitable mais souvent difficile, avec souvent des rechutes lors de l'espacement des perfusions toutes les 4, 6 ou 8 semaines.
Les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) comportent principalement la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH). La prévalence estimée des MICI est d'environ 2/1 000 habitants dans les pays développés et un peu moins de
10 % des cas surviennent avant l'âge de 16 ans. Ces maladies invalidantes durent toute la vie
et sont jusqu'à ce jour incurables pour la MC ou au prix d'une colectomie totale pour la
RCH. Les traitements médicaux sont donc uniquement suspensifs. Parmi l'arsenal des traitements classiques, on peut citer la chirurgie, l'assistance nutritionnelle, les antibiotiques, les
5 amino-salicylés, les corticostéroïdes et les immunosuppresseurs (azathioprine, 6 mercaptopurine et methotrexate).
L'apparition des anti-TNFα (dont le chef de file est l'infliximab (IFX)) parmi les options
thérapeutiques possibles chez l'enfant date de quelques années seulement. L'IFX s'est révélé
très vite spectaculairement efficace dans certaines situations antérieurement difficiles à traiter. De plus, en peu d'années, l'utilisation des biothérapies a été l'occasion de remettre en
question plusieurs dogmes concernant le traitement des MICI. Ainsi, les objectifs du traitement, la stratégie thérapeutique d'utilisation de l'arsenal thérapeutique, la prise en compte
des effets adverses graves ou survenant à long terme ou la définition de facteurs pronostiques
sont devenus des sujets de débat, d'inquiétude et de recherche dans la communauté des gastroentérologues pédiatres et adultes.
LE TRAITEMENT « CLASSIQUE »
Le traitement des MICI est complexe et doit prendre en compte de nombreux facteurs
cliniques dont le site et l'extension des lésions, l'activité et l'évolutivité de la maladie, les complications locales et la présence de signes extradigestifs, la réponse aux traitements antérieurs,
la croissance staturo-pondérale et le développement pubertaire et enfin les souhaits exprimés
du malade [1]. L'objectif thérapeutique actuel le plus consensuel est d'obtenir une rémission
durable des poussées sans exposition aux corticostéroïdes.
Les corticoïdes systémiques ou topiques sont des traitements dont l'efficacité est démontrée depuis des décennies sur les poussées inflammatoires de la maladie mais ils n'ont pas de
rôle dans le maintien de la rémission et leurs effets secondaires, en particulier sur la croissance, limitent leur usage répété ou prolongé. Par ailleurs, un grand nombre de patients sont
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BIOTHÉRAPIES DANS LES MALADIES INFLAMMATOIRES DE L'INTESTIN
corticodépendant ou corticorésistant d'emblée ou secondairement. Pour toutes ces raisons,
l'assistance nutritionnelle est souvent préférée par les pédiatres. Elle a démontré une efficacité comparable aux corticoïdes dans l'induction des rémissions chez l'enfant. Cette efficacité de la nutrition particulière à l'enfant semble plus reliée au caractère récent de la maladie
plutôt qu'à une classe d'âge spécifique. L'assistance nutritionnelle, bien qu'efficace et peu
toxique, pose cependant elle aussi des problèmes d'échec thérapeutique, de difficultés de
sevrage après l'induction de la rémission et de compliance au traitement. Elle est aussi classiquement moins efficace dans la RCH que dans la MC.
Les immunosuppresseurs comprenant l'azathioprine (AZA) et son métabolite, la 6 mercaptopurine (6MP), ont été progressivement de plus en plus utilisés pour traiter les MICI
corticorésistantes, corticodépendantes, rechutant fréquemment (i.e. plus d'une fois par an)
ou les formes cliniques sévères. Le méthotrexate (MTX) a aussi montré son efficacité dans
la MC, y compris chez l'enfant [2] et de nouvelles évaluations sont en cours dans la RCH.
D'après les études disponibles, on estime que les taux de rechute à 1 an et 2 ans sous placebo
sont respectivement de 30 % à 60 % et 40 à 70 % pour la MC. Les immunosuppresseurs sont
donc devenus avec le temps la pierre angulaire du traitement des MICI d'évolutivité
moyenne ou élevée. L'efficacité des immunosuppresseurs est cependant limitée par un taux
élevé d'effets secondaires, une réponse retardée de 3 mois ou plus pour l'AZA et le 6MP et
un taux d'échec d'environ 20 %.
Avant les anti-TNF et malgré cet arsenal thérapeutique, un grand nombre de patients restaient donc difficiles à traiter. On peut noter en particulier les formes périnéales de la maladie, volontiers rebelles aux traitements médicaux ; les colites aiguës sévères dont le traitement
classique repose sur la ciclosporine et le traitement des surinfections virales à CMV ; les
formes avec échec ou intolérance aux immunosuppresseurs. L'apparition des biothérapies a
permis de répondre à la demande de ces patients difficiles dans un nombre de cas important.
L'étude pédiatrique REACH de Hyams et al. portait sur 112 malades actifs de plus de
6 ans [6]. Dans les deux bras de l'étude les enfants étaient traités par infliximab (5 mg/kg)
au long cours pendant 1 an après une cure d'induction de 5 mg/kg aux semaines 0, 2 et 6.
Les deux bras se distinguaient seulement par le rythme des perfusions au cours de l'année :
toutes les 8 semaines versus toutes les 12 semaines. Il a été observé un taux de rémission à
10 semaines de 88 % après la cure d'induction. Parmi les patients répondeurs, le taux de
rémission était de 56 % à un an avec des perfusions de 5 mg/kg toutes les 8 semaines (versus
23 % avec un schéma de perfusions toutes les 12 semaines) montrant la supériorité du
schéma thérapeutique toutes les 8 semaines. Parmi les 24 patients sous corticoïdes lors de
l'induction, répondeurs à 10 semaines et traités dans le bras le plus actif (i.e. toutes les
8 semaines), on note cependant que seulement 11/24 sont en rémission sans corticoïdes à 1
an. L'efficacité s'associait à une meilleure qualité de vie et une reprise de la croissance staturale. L'IFX a aussi montré son efficacité sur l'accrétion osseuse chez l'enfant. Le taux d'effets
secondaires graves et de réactions lors de la perfusion étaient respectivement de 15 % et 17 %
dans les deux bras.
En pratique, l'IFX peut donc être proposé comme traitement d'induction et de maintenance de la rémission. Les perfusions sont à la dose de 5 mg/kg avec une induction aux
semaines 0, 2 et 6 puis toutes les 8 semaines en cas de réponse. En cas d'échec primitif ou
secondaire des perfusions à double dose ou plus rapprochées peuvent être proposées. Le
schéma thérapeutique de perfusions systématiques toutes les 8 semaines s'est le plus souvent
imposé versus des perfusions à la demande. L'adjonction d'AZA ou de 6MP systématiquement au traitement par IFX est aussi devenu la règle, en principe pour réduire la survenue
d'anticorps anti-IFX (HACA). La récente étude SONIC montre la supériorité de cette stratégie par rapport à une monothérapie par IFX ou AZA seuls [7]. A l'inverse, la stratégie
MTX et IFX n'a pas été validée. Finalement, le même schéma thérapeutique a été validé ultérieurement pour les RCH d'intensité moyenne à sévère [8].
Du fait de l'humanisation incomplète (95 %) des anticorps, une forte proportion de
patients développe avec le temps des anticorps anti IFX (HACA) qui sont source de réactions lors des perfusions et de perte de réponse au traitement. On estime que 10 % des
malades arrêtent le traitement chaque année du fait de cette complication [9]. Cette complication a justifié des stratégies complexes de perfusions systématiques, d'utilisation des
immunosuppresseurs associés ou de prémédication par des stéroïdes avant les perfusions.
Ceci a aussi justifié en grande partie le développement de nouveaux anti-TNF entièrement humanisés tels que l'adalimumab (Humira®) ou le certolizumab pegol (Cimzia®). Ces
deux anti-TNF ont montré leur efficacité dans la MC de l'adulte [10-14]. Ils s'utilisent par
voie sous-cutanée. Ils n'ont pas encore obtenu d'AMM chez l'enfant mais une étude est en
cours actuellement pour cette tranche d'âge pour l'adalimumab. Il n'existe pas d'étude comparant les différents anti-TNF entre eux. Il semble toutefois que les effets secondaires sont
en partie partagés par cette classe de molécule et que le taux de réinduction d'une rémission
par l'adalimumab après échec de l'IFX est inférieur au taux de rémission induit chez des
patients naïfs d'anti-TNF [15]. A l'inverse, l'étanercet qui est un anti-TNF circulant n'a pas
montré son efficacité dans la MC [16] alors qu'il est efficace en rhumatologie. Il a été proposé que l'absence d'induction de l'apoptose des cellules inflammatoires par l'étanercet
explique la différence d'efficacité entre anti-TNFs.
Les indications des anti-TNFs actuellement admises par les sociétés savantes et les autorités du médicament sont les maladies sévères et/ou avec échec des autres modalités thérapeutiques. Les anti-TNF sont donc des médicaments de 3e intention, intervenant en cas
d'échec ou de contre-indications aux immunosuppresseurs. Ils sont aussi indiqués dans les
colites graves et les maladies périnéales invalidantes. La durée du traitement est mal codifiée
LES ANTI-TNF
L'infliximab (Humira®) a été le premier anti-TNF disponible et il reste le seul ayant une
autorisation de mise sur le marché pour l'enfant. C'est un anticorps neutralisant chimérique
homme/souris de type IgG1, dirigé contre le TNF· humain. Son efficacité serait liée à l'induction de l'apoptose des cellules inflammatoires. C'est en effet un puissant anti-inflammatoire utilisé dans de nombreuses maladies immunes ou auto-immunes dont les rhumatismes
inflammatoires ou le psoriasis par exemple.
Son efficacité et sa tolérance dans les poussées moyennes à sévères de MC de l'adulte
ont été initialement validées par l'étude de Targan et al. [3] avec un taux de rémission de
33 % à 4 semaines après une seule injection d'IFX (versus 4 % pour le bras placebo). Ces
données ont été largement validées par la suite chez l'adulte puis l'enfant. Son efficacité au
long cours pour prévenir les rechutes de MC a été démontrée par l'étude ACCENT1 [4].
Cette étude portant sur 573 patients est d'un design complexe. Les principales conclusions
étaient les suivantes : les schémas de perfusion de 5 mg/kg ou 10 mg/kg toutes les 8
semaines étaient d'efficacité comparable entre eux mais supérieur à la perfusion de placebo
en terme de rémission sans corticoïdes à 1 an (respectivement 24 %, 32 % et 9 %). Les taux
de réponse et rémission à 1 an dans les mêmes bras (5 mg/kg; 10 mg/kg et placebo) étaient
respectivement de 43 % et 28 % ; 53 % et 38 % et 17 % et 14 %. Par ailleurs, le traitement
par IFX s'est révélé efficace sur les formes périnéales fistulisantes de la maladie [5]. L'IFX a
aussi montré son efficacité en terme de qualité de vie, de diminution du nombre d'hospitalisations et de cicatrisation muqueuse.
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BIOTHÉRAPIES DANS LES MALADIES INFLAMMATOIRES DE L'INTESTIN
mais on estime habituellement que le traitement doit être institué pour au moins 1 an.
L'arrêt du traitement peut être envisagé en cas de rémission prolongée sur des critères cliniques, biologiques et endoscopiques.
Des infections bactériennes sévères voire mortelles ont été rapportées sous IFX en particulier avec les mycobactéries ainsi qu'avec des Legionella ou Listeria. Des infections fongiques et virales ont aussi été rapportées. Il est ainsi nécessaire de rechercher systématiquement des stigmates de tuberculose avant la mise en route d'un traitement par anti-TNF. Des
recommandations ont été émises en cas de suspicion de tuberculose active ou latente
(http://www.infectiologie.com/site/medias/enquetes/RATIO-juin05.pdf). Dans le même
registre, des recommandations vaccinales pour les patients atteints de MICI sont en cours
de rédaction.
Le risque de lymphome est un sujet d'inquiétude en particulier dans la communauté
pédiatrique depuis que des lymphomes T hépatospléniques ont été rapportés sous traitement par IFX et AZA [17]. Il s'agit de maladies exceptionnelles (200 cas rapportés en 2007),
survenant essentiellement chez l'enfant ou l'adulte jeune et associées aux immunosuppresseurs dans 1/3 des cas. Ces maladies se traduisent par une hépatosplénomégalie et une altération de l'état général avec une atteinte fréquente des lignées sanguines. Il n'existe que rarement des adénopathies. La maladie est le plus souvent mortelle. Ainsi, même si aujourd'hui
la maladie est très rare (16 lymphomes de ce type ont été rapportés sous IFX alors qu'on
estime à plus d'une dizaine de milliers le nombre d'enfants traités), la gravité est telle qu'elle
a amené à reconsidérer la prescription systématique de l'AZA avec l'IFX. Il faut noter que
peu de données sont disponibles sur les anti-TNF utilisés seuls. Le risque de lymphome
« classique » associé ou non à l'EBV ne semble pas augmenté par les anti-TNFs.
patients du bras step-up recevant de plus en plus d'immunosuppresseurs et d'anti-TNF. A
un an, il n'existe plus de différence entre les deux bras en terme de rémission sans corticoïde
ou de recours à la chirurgie. Ainsi, la légitimité de la stratégie top-down a été nettement
remise en question. La récente description des effets secondaires graves liés aux associations
médicamenteuses et le coût important induit par la stratégie top-down ont aussi renforcé le
camp des partisans du step-up.
Encore plus récemment, l'étude SONIC a comparé l'efficacité de l'AZA seul, de l'IFX
seul ou de l'association AZA et IFX [7]. Cette étude portait sur des patients récemment
diagnostiqués et ayant une indication « classique » aux immunosuppresseurs. Il s'agissait
donc de patients mal contrôlés par les corticoïdes. A six mois, l'association AZA+IFX était
meilleure que l'IFX seul, lui même supérieur à l'AZA seul. Cette supériorité était visible en
terme de rémission clinique et endoscopique. Il semble donc bien y avoir un avantage, au
moins au début de la maladie, à traiter fort d'emblée les patients non contrôlés par les corticoïdes.
Les études rapportées plus haut indiquent finalement qu'il serait souhaitable de mieux
classer les malades pour traiter plus fort d'emblée ceux qui ont un risque statistique élevé de
maladie évolutive. Ce concept de traitement à la carte n'est pas facile à valider dans l'absolu
car on sait que les MICI évoluent volontiers par périodes d'activité intense ou au contraire
faible sur plusieurs années, chez un même patient. La maladie devrait donc être classée différemment tout au long de la vie. Malgré cette limite, on peut tenter de prédire la sévérité de
la maladie, au moins à un moment donné, en fonction de critères cliniques (étendue ou localisation des lésions), génétiques, biologiques, thérapeutiques (réponse aux traitements), etc...
La validation de tels facteurs pronostiques est devenue un sujet de recherche moderne dans
les MICI. En tant que pédiatres, on peut noter que l'âge jeune (moins de 40 ans) est souvent
un critère de gravité reconnu. On peut donc considérer pratiquement tout cas pédiatrique
comme potentiellement sévère. En écho, des études épidémiologiques récentes ont confirmé
en effet que les MICI pédiatriques ont une évolutivité en moyenne plus élevée que les MICI
de l'adulte. Finalement, beaucoup de formes pédiatriques peuvent être considérées comme
compliquées du fait du retard de croissance induit par la maladie et/ou le traitement.
L'objectif à atteindre a lui aussi été remis en question par certains auteurs qui considèrent
que la rémission endoscopique (mucosal healing) est l'objectif souhaité plutôt que la rémission clinique. Il a en effet été démontré qu'en cas de rémission endoscopique, le risque de
rechute dans les mois suivants était moindre qu'en cas de persistance de lésions endoscopiques. Cette observation paraît être une lapalissade mais le débat est bel et bien ouvert car il
nourrit d'autres questions. La première est de savoir si la cicatrisation muqueuse, considérée
souvent comme plus « en profondeur », ne pourrait pas prévenir la fibrose et donc les complications transmurales de la MC. La seconde est de savoir si il faut privilégier des traitements
ayant montré qu'ils étaient capables au moins temporairement d'entraîner une cicatrisation
muqueuse tels que l'assistance nutritionnelle ou les anti-TNF au détriment des corticoïdes
par exemple. Finalement, cette question ramène par la petite porte la question de la stratégie
top-down : taper fort pour mieux traiter. Le débat reste donc ouvert ! À y regarder de plus
près, il risque même de se prolonger car pourquoi ne pas considérer la rémission non plus
endoscopique mais histologique voire moléculaire de la maladie ? Sachant que tout les traitements médicaux connus ne sont que suspensifs, ces idéaux sont-ils réalistes et à quels prix ?
Finalement, une autre question, encore plus difficile à appréhender est celle de la stratégie au très long cours. Les MICI pédiatriques sont des maladies de toute une vie. La gestion
des traitements sur plusieurs décennies est mal documentée. On peut ainsi s'interroger sur le
bien-fondé de tirer toutes ses cartouches d'un coup (stratégie top-down), au risque de ne plus
disposer plus tard de traitement efficace. Le risque lié à l'exposition aux médicaments sur
VERS DE NOUVELLES STRATÉGIES DE TRAITEMENTS
La stratégie de traitement actuellement recommandée est une stratégie ascendante (stepup) avec incrémentation des traitements « à la demande » en fonction de la réponse thérapeutique et de l'évolutivité de la maladie. Ainsi, il est proposé de traiter les poussées de faible gravité par antibiotiques et/ou 5ASA ; de traiter les poussées moyennes ou sévères par
corticoïdes ou assistance nutritionnelle ; de réserver les immunosuppresseurs aux maladies
sévères, très évolutives ou corticodépendantes et finalement de n'utiliser les anti-TNF
qu'après échec de cette escalade thérapeutique. Cette approche a été remise en question par
des pédiatres (Markowitz et al.) [18]. Ainsi, une stratégie agressive d'emblée (top-down),
associant immunosuppresseurs et corticoïdes dès la première poussée, s'est révélée entraîner
une rémission sans corticoïde à 1 an chez plus de 90 % des enfants contre environ 50 % des
enfants suivant une stratégie step-up.
Cette première étude publiée en 2000 a fait couler beaucoup d'encre. Les partisans de la
stratégie top-down mentionnent que les enfants traités à fortes doses expérimentent moins
de poussées et ont donc une meilleure qualité de vie. Les partisans de la stratégie step-up
avancent au contraire que près de 50 % des enfants sont surtraités avec un risque notable de
complications iatrogènes sans bénéfice individuel prouvé et avec un coût plus élevé. La discussion sur ce rapport bénéfice/risque reste toujours d'actualité même si les arguments ont
progressé dans les deux camps.
Récemment, la stratégie top-down associant IFX et AZA chez tous les patients a été
comparée à la stratégie step-up recommandée [19]. L'induction d'une rémission sans corticoïdes est bien sûr plus rapide dans le bras top-down où les stéroïdes ne sont utilisés qu'en
dernier recours. Par contre, avec le temps, la différence entre les deux bras s'atténue, les
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BIOTHÉRAPIES DANS LES MALADIES INFLAMMATOIRES DE L'INTESTIN
quelques mois ou années peut être acceptable en cas de maladie sévère mais pas sur des décennies. Ainsi, le risque de lymphomes à EBV induits par l'AZA est annuellement faible mais il
devient nettement appréciable pour un traitement de plus de 10 ou 20 ans. Enfin, il n'est pas
prouvé que les choix faits aujourd'hui n'induisent pas des complications tardives. Des études
ayant pour objectif de suivre les malades sur 10 ou 20 ans sont ainsi en cours de montage.
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LE FUTUR DES BIOTHÉRAPIES DANS LES MIC
Des voies de signalisation pro-inflammatoires autres que le TNF sont candidates au
développement de biothérapies. Le natalizumab (Antegren®) est une IgG4 dirigée contre les
a4 intégrines. Il bloque donc l'arrivée des leucocytes dans les foyers inflammatoires. Ce médicament a montré une efficacité limitée dans la MC. Surtout, il a été associé à l'apparition de
leucoencéphalopathies progressives multifocales dont le risque a été estimé à 1/1000
patients traités. Ce médicament n'est donc pas autorisé en Europe et il n'est utilisé que selon
des modalités très restrictives aux États-Unis. Des anticorps anti a4b7 ou anti Madcam ont
aussi été proposés.
Il a été montré en 2007 qu'un variant rare du récepteur à l'interleukine 23 (IL23R) était
protecteur vis-à-vis des MICI et de la MC en particulier. Cette observation a conduit à penser que la voie de signalisation de l'IL23 est une voie physiopathologique clé pouvant
conduire au développement de nouveaux traitements. Des anticorps dirigés contre la fraction p40 de l'IL12/IL23 sont à l'étude avec des résultats encourageants.
Finalement, de multiples autres voies de signalisation sont le sujet de recherche incluant
des anticorps dirigés contre les molécules CD4, CD3, CD40, CD20, interleukine 17, récepteur de l'interleukine 6, récepteur de l'interleukine 2, interféron γ, etc. L'engineering des
anticorps est aussi en évolution : de nouvelles molécules telles que les anticorps « simple
domaine », ne possédant pas la chaîne légère des immunoglobulines, sont à l'étude. La délivrance intestinale locale à l'aide de lactobacilles recombinants de certaines biothérapies telles
que l'interleukine 10 a aussi été proposée. La recherche sur les biothérapies est donc particulièrement active et on en arrive parfois à s'interroger sur la part laissée au développement
de molécules chimiques traditionnelles pourtant moins coûteuses.
J.-P. Hugot, J.-P. Cézard, J. Viala
Service de gastroentérologie et nutrition, Hopital Robert Debré. Adresse pour la correspondance:
Jean-Pierre Hugot, Service de gastroentérologie et nutrition, Hopital Robert Debré, 75019 Paris.
Tel : 01 40 03 57 12, Fax : 01 40 03 57 66, [email protected]
RÉFÉRENCES
1. Travis SP, Stange EF, Lémann M, Oresland T, Chowers Y, Forbes A, D'Haens G, Kitis G, Cortot A, Prantera
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ACCENT I randomised trial. Lancet. 2002 May 4;359(9317):1541-9.
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TABLE RONDE II
MUCOVISCIDOSE ET RECHERCHE CLINIQUE
(Organisateur : G. LENOIR)
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RECHERCHE CLINIQUE ET MUCOVISCIDOSE
par
G. LENOIR
Sans recherche, il n’y a pas de progrès contre les maladies. Chercheurs fondamentaux et
cliniciens sur le terrain sont obligatoirement complémentaires ; dès lors il faut qu’ils se parlent ! P. Royer a donné aux cliniciens que nous sommes ce souci permanent : faire en sorte
que le dialogue s’instaure. Nous avons toujours trouvé ce regard neuf et stimulant des chercheurs sur les questions posées en clinique. C’est au clinicien de maintenir le contact en
posant ses propres questions ; à lui d’entrer dans les unités INSERM et de participer aux réunions. C’est aussi à lui d’accepter la méthodologie rigoureuse des scientifiques dans son travail comme celui de la conduite des essais thérapeutiques par exemple ou de la pratique
d’une exploration fonctionnelle qui sera utile au patient pour son suivi comme pour vérifier
un effet médicamenteux mis en évidence en laboratoire, sur des cellules, des modèles animaux ou dans les premières phases des essais chez l’homme.
La mucoviscidose, depuis la découverte du gène et de la mutation principale en 1989, a
certainement bénéficié de ce dialogue chercheurs-médecins et ce n’est sûrement pas fini.
Nous avons désiré dans cette table ronde montrer les avancées déjà appliquées aux patients :
pour un traitement de fond (avec l’exposé d’Isabelle Sermet) ou dans les améliorations quotidiennes des soins symptomatiques comme le traitement de l’atteinte pulmonaire
(G. Bellon), l’action des antibiotiques (H. Corvol) ou l’amélioration des techniques de
conservation d’un greffon pulmonaire pour multiplier les chances de transplanter au bon
moment tous les patients en insuffisance respiratoire terminale (R. Souilamas).
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NOUVELLES THÉRAPIES
DANS LA MUCOVISCIDOSE EN 2009
par
I. SERMET-GAUDELUS, A. EDELMAN, M. LE BOURGEOIS, G. LENOIR
La mucoviscidose est la plus fréquente des pathologies autosomiques récessives létales dans
la population caucasienne. Elle est due à des mutations du gène Cystic Fibrosis Transmembrane
Conductance Regulator (CFTR), qui code pour la protéine CFTR située à la membrane apicale
des épithéliums. Cette protéine est la principale voie de sécrétion des chlorures. Elle intervient
aussi dans la modulation d’autres voies de transport ionique, notamment en inhibant la réabsorption du sodium via le canal ENaC. Son absence, ou dysfonction, est associée à une déshydratation des sécrétions muqueuses, une altération de la clairance mucociliaire, une inflammation excessive et une colonisation bactérienne chronique (particulièrement par Pseudomonas
aeruginosa) des sécrétions bronchiques [1]. La survie des patients s’est considérablement améliorée, passant d’une médiane de 20 ans dans les années 80 à plus de 40 ans actuellement. Ceci
est dû à une meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie et à des avancées thérapeutiques majeures. Ces dernières années, les progrès ont été centrés sur les agents mucomodulateurs, la recherche de voies alternatives de la sécrétion ionique, la thérapie protéique, et
la mise au point de nouvelles stratégies anti-infectieuses. De nouvelles molécules sont en cours
de développement et pourraient améliorer considérablement la survie dans un avenir proche.
Ceci illustre à quel point la mucoviscidose est l’exemple type de maladie où les avancées en
recherche fondamentale conduisent à des applications thérapeutiques directes pour le patient.
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Agents muco-modulateurs
La normalisation de la composition du mucus favorise l’amélioration de la clairance mucociliaire et limite la progression de la maladie pulmonaire de la mucoviscidose. La mise sur le marché de la dornase alfa, Pulmozyme®, une DNase recombinante humaine, a été un progrès majeur
dans la prise en charge des patients. Elle permet d’hydrolyser l’ADN issu des bactéries et des
polynucléaires présents en quantité massive dans les sécrétions et, ainsi, de diminuer la viscosité
du mucus [2]. Différents essais thérapeutiques ont montré la diminution des impactions
mucoïdes, facilitation de la kinésithérapie respiratoire [3], une diminution de l’inflammation
des sécrétions bronchiques [4].
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I. SERMET-GAUDELUS, A. EDELMAN, M. LE BOURGEOIS, G. LENOIR
NOUVELLES THÉRAPIES DANS LA MUCOVISCIDOSE EN 2009
Le sérum salé hypertonique améliore l’osmolarité du mucus, et, dans un essai au long cours, a
montré une amélioration significative de la fonction pulmonaire et une diminution des exacerbations bronchiques mais son inhalation est mal tolérée souvent associée à des bronchospasmes [5].
Un autre agent osmotique, le Mannitol, Bonchitol®, développé par Pharmaxis, pourrait
permettre de réaliser un progrès thérapeutique majeur car sa formulation, sous forme de
microsphères creuses, peut pénétrer plus facilement dans les petites voies aériennes que les
drogues simplement nébulisées [6]. Ceci est une donnée importante car c’est au niveau de
cette localisation, très riche en CFTR, que se constitue le « primum movens » de la maladie. Les études de phase II ont montré une amélioration significative de 7,5 % de la fonction
respiratoire en 3 mois de traitement. Des études de phase III versus placebo sont en cours.
Les nouveaux bronchodilatateurs, comme le bromide de tiotropium, Spiriva®
(Boehringer) pourraient être des adjuvants intéressants [7].
Thérapie protéique
Thérapeutiques anti-infectieuses
La mise au point de thérapeutiques efficaces sur P.aeruginosa est fondamentale pour prévenir l’infection chronique, cause principale d’aggravation des lésions pulmonaires. Des thérapeutiques inhalées sont en cours d’études de phase 3 en vue d’une mise sur le marché prochaine ; que ce soit l’Aztreonam, développé par Gilead, ou les formulations sous forme de
poudre sèche de Tobramycine (Novartis) ou de Colimycine (Forest) [8].
TRAITEMENT CORRECTEUR
47
La thérapie protéique s’attaque directement à l’anomalie moléculaire elle-même. Selon
les mutations, l’anomalie génétique se traduit par l’absence de protéine produite (mutations
stop ou non sens), la dégradation de la protéine produite (mutation F508del), ou un dysfonctionnement de la protéine produite (G551D). Ceci a conduit au développement des
3 stratégies thérapeutiques suivantes.
Codons stop prématurés et induction d’une trans-lecture des mutations
Des études in vitro ont démontré que les aminosides, et notamment la gentamycine,
permettent de masquer les codons stop et donc favorisent la translecture des mutations liées
à des codons stop ce qui aboutit à la synthèse d’une protéine fonctionnelle [13]. Un essai clinique à l’aide de gentamycine intraveineuse a démontré que l'administration systémique de
gentamycine à des patients porteurs de mutations liées à des codons stop permettait en effet
la restauration d’une sécrétion de Cl- et un bénéfice clinique respiratoire en dehors de tout
effet antibiotique [14], confirmant ainsi indirectement in vivo le potentiel de trans-lecture
par cet aminoglycoside de certaines mutations stop de CFTR. Compte tenu de la néphrotoxicité et ototoxicité des aminosides, ce traitement n’est pas envisageable au long cours.
PTC124 est une molécule orale, bien tolérée à court terme, permettant cet effet moléculaire. Des essais de phase II ont démontré la normalisation de la sécrétion de Cl- chez un
nombre significatif de malades, tant adultes que pédiatriques, au bout de 15 jours de traitement [15]. Cet effet cellulaire semble avoir un effet bénéfique respiratoire sur la toux et la
fonction respiratoire chez des adultes au bout de 3 mois de traitement. Un essai de phase III
versus placebo va débuter prochainement afin de documenter un effet clinique bénéfique.
Voies alternatives de sécrétion ionique
Les recherches de cette voie thérapeutique sont centrées sur la mise au point de molécules modulant l’activité d’autres transporteurs ioniques de la membrane apicale.
Certaines molécules majorent le transport de Chlorure (Cl -).
Le Denufosol (Inspire Pharmaceuticals) active les voies de sécrétion de Cl- purine
dépendante, en stimulant le récepteur purinergique P2Y2 [9]. Les premières études de
phase III (TIGER-1) montrent une amélioration significative de la fonction respiratoire
après 24 semaines de traitement par rapport au groupe placebo et la poursuite de cette efficacité sur 48 semaines de traitement après la levée de l’aveugle lorsque tous les patients ont
bénéficié du traitement. Une deuxième étude (TIGER-2), versus placebo, pendant
48 semaines est en cours pour confirmer cet effet bénéfique.
Moli 1901, Duramycin® (Lantibio), est un peptide polycyclique qui active les voies de
sécrétion de Cl- calcium dépendante [10]. Les études de phase II ont fait la preuve de son
efficacité sur la fonction respiratoire dès 4 semaines de traitement.
Une autre voie de recherche vise à diminuer l’absorption excessive de sodium (Na+) des épithélias des voies respiratoires malades. Un modèle animal récemment développé a en effet
mis en lumière le rôle délétère majeur de l’excès de réabsorption de Na+ via le canal ENaC,
dans la genèse de la maladie [11]. Ces animaux transgéniques développent une maladie pulmonaire en tout point identique à celle des patients, alors que le modèle murin de mucoviscidose proprement dit, n’exprimant pas CFTR, n’a pas de maladie pulmonaire. Ceci a
démontré la potentialité des molécules inhibant la voie de réabsorption du Na+.
L’Amiloride en est le prototype mais n’a qu’une efficacité transitoire. P-680, développé par
Parion Sciences-Gilead, semble être plus prometteur et est actuellement en phase I [12].
Dégradation excessive de la protéine CFTR et inhibition de la voie du protéasome
De nombreuses mutations conduisent à un défaut de repliement de la protéine CFTR
et ciblent la protéine CFTR pour dégradation par la voie du protéasome. Cependant, des
études fondamentales ont montré que si une petite fraction de cette protéine anormale, à
peine 10 %, arrive à sa localisation finale à la membrane apicale épithéliale, elle est fonctionnelle et que ceci suffit pour normaliser le transport de fluides trans-épithélial. L’inhibiteur
de l’␣-1,2 glucosidase, Miglustat, Zavesca® (Actelion), inhibe une des principales voies de
dégradation du protéasome, et a déjà eu une AMM dans ce cadre, pour la maladie de
Gaucher. Des études in vitro ont montré que cette molécule permet l’adressage à la membrane de CFTR et restaure un transport de Cl- [16-18]. Une étude de phase II est en cours
en Belgique afin de documenter la normalisation du transport du chlorure sur la muqueuse
nasale.
Fonction défectueuse d’une protéine localisée à la membrane et potentiation de sa perméabilité
Certaines mutations sont associées à un défaut de fonction de la protéine. Un énorme
projet a été lancé aux USA pour examiner de manière systématique des molécules, dites correctrices, pouvant potentialiser l’activité de telles protéines. Une molécule issue de cette stratégie, Vertex-770, augmente la fréquence d’ouverture du canal CFTR, et à ce titre, corrige la
fonction des protéines à perméabilité défectueuse [19]. C’est le cas pour la mutation G551D,
la mutation majoritaire dans la population celte. Un essai de phase II, versus placebo, chez des
patients porteurs de cette mutation, a montré la restauration de sécrétion du Cl- tant au
niveau de l’épithélium nasal que sudoral et surtout un bénéfice significatif à 1 mois sur le
VEMS. Un essai de phase III sera prochainement débuté afin de confirmer cet effet.
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I. SERMET-GAUDELUS, A. EDELMAN, M. LE BOURGEOIS, G. LENOIR
NOUVELLES THÉRAPIES DANS LA MUCOVISCIDOSE EN 2009
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22. Temple LKF, McLeod RS, Gallinger S, Wright JG. Defining disease in the genomics era. Science 2001;293:807-10.
Il est probable que ces nouvelles molécules vont avoir un impact important sur la prise
en charge des patients. A court terme, l’utilisation du bronchitol, possiblement en association avec Pulmozyme, pourrait permettre d’améliorer le drainage bronchique et de ralentir
l’évolution de la maladie respiratoire.
Les modulateurs des voies de sécrétions ioniques sont d’authentiques thérapeutiques
« modificatrices » qui pourraient permettre de court-circuiter les anomalies physiopathologiques. Ils pourraient être employés en association.
Les thérapies protéiques agissent sur l’origine moléculaire de la maladie. Cette voie thérapeutique ouvre pour la première fois des perspectives passionnantes et très encourageantes à
l’heure où les politiques nationales de dépistage néonatal mises en place par de nombreux
pays permettent une prise en charge très précoce de la maladie. Il faut néanmoins rester très
prudent sur leur utilisation au long cours car ces drogues perturbent la machinerie cellulaire
et pourraient avoir des conséquences encore non envisagées.
D’autres cibles thérapeutiques encore en développement sont très prometteuses. Ainsi
Vertex Pharmaceuticals développe actuellement une autre molécule qui serait active sur
F508del in vitro. Les Toll-like récepteurs (TLR), première ligne de défense de l’immunité
innée, semblent un des acteurs majeurs de la réponse inflammatoire excessive dans la mucoviscidose. Les inhibiteurs des TLRs, naturels ou synthétiques, offrent à ce titre une cible
intéressante [20]. Les thérapies cellulaires par cellules souches pourraient être également une
perspective thérapeutique novatrice, visant au remodelage pulmonaire et à la modulation de
la réponse anti-inflammatoire et anti-infectieuse [21].
Le champ des nouvelles thérapeutiques dans la mucoviscidose est très vaste et au début
de son développement. Il est probable que tous les patients ne pourront pas bénéficier au
même titre de toutes ces avancées compte tenu de leurs caractéristiques génétiques, épigénétiques et environnementales propres. A ce titre, les protéines interagissant avec CFTR et
modulant sa fonction, sont également des cibles potentielles [22]. L’avenir, plus lointain, est
à la mise au point, d’une carte d’identité génétique ou protéique pour chaque patient destinée à cibler les traitements les plus efficaces [28].
I. Sermet-Gaudelus*, A. Edelman, M. Le Bourgeois, G. Lenoir
*U INSERM 845, CRCM Hôpital Necker, 149 rue de Sèvres. 75743 Paris Cedex 15 ;
01 44 49 48 87 ; Fax : 01 44 38 17 50 ; [email protected]
RÉFÉRENCES
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EFFETS DES MACROLIDES DANS LES DILATATIONS DES
BRONCHES DE L’ENFANT
par
H. CORVOL, A. TAMALET, A. CLEMENT
INTRODUCTION
Les macrolides sont des antibiotiques d’origine naturelle qui, en plus de leur action antibactérienne, exercent une action immunomodulatrice [1]. Au niveau pulmonaire, cette
action fait intervenir plusieurs mécanismes encore mal connus ; comme la diminution de
production de mucus et d’accumulation de neutrophiles qui s’accompagnent d’une diminution de production de cytokines pro-inflammatoires, principalement l’interleukine 8 (IL-8),
et de molécules d’adhésion [2].
Dans les maladies respiratoires chroniques, l’efficacité des macrolides a d’abord été évaluée
dans l’asthme corticodépendant, avec des résultats variables selon les études [3-5]. Par la suite,
l’amélioration clinique spectaculaire d’un patient atteint de panbronchiolite diffuse traitée par
érythromycine a permis de rediscuter l’intérêt des macrolides dans le traitement d’autres maladies inflammatoires respiratoires. La panbronchiolite diffuse est une inflammation chronique
des bronchioles respiratoires d'étiologie inconnue, prévalente en Orient. L'infiltration des
bronchioles respiratoires par une infiltration cellulaire lymphoplasmocytaire s'étend dans l'interstitium péribronchique. Cette inflammation chronique s’accompagne très souvent d’une
colonisation bactérienne des voies respiratoires, notamment à Pseudomonas aeruginosa
(P. aeruginosa). Non traitée, son pronostic est très sombre avec détérioration rapide de la fonction respiratoire, développement d’importantes dilatations des bronches et décès par insuffisance respiratoire. Le traitement par macrolides au long cours a permis d’améliorer la survie ;
la survie à 5 ans passant de 25 à 92 % [6-9]. L’amélioration clinique étant indépendante de la
colonisation bactérienne des voies respiratoires et persistante à des doses inférieures aux
concentrations minimales inhibitrices (CMI), les effets bénéfiques des macrolides ont été rapportés à leur action immunomodulatrice plutôt qu’antibactérienne [8].
Alors que le rôle bénéfique des macrolides au long cours dans le traitement de la panbronchiolite diffuse est maintenant bien établi, il n’existe pas encore d’évidence dans le traitement des dilatations des bronches. Le but de cette revue est d’examiner les articles de la littérature ayant étudié les effets d’un traitement prolongé par macrolides dans le traitement
des dilatations des bronches secondaires ou non à la mucoviscidose, en ciblant plus particulièrement les études ayant inclus des enfants.
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H. CORVOL, A. TAMALET, A. CLEMENT
EFFETS DES MACROLIDES DANS LES DILATATIONS DES BRONCHES DE L’ENFANT
MACROLIDES ET MUCOVISCIDOSE
MACROLIDES ET DILATATIONS DE BRONCHES
NON LIÉES À LA MUCOVISCIDOSE
L’atteinte respiratoire de la mucoviscidose partageant certaines similitudes avec la panbronchiolite diffuse, en particulier la colonisation des voies aériennes par le P. aeruginosa,
l’intérêt des macrolides dans le traitement de la mucoviscidose a été évalué dans plusieurs
études [6]. Ces études, dont 4 essais randomisés en double aveugle contre placebo, ont
toutes montré des effets bénéfiques d’un traitement par macrolides chez des adultes et des
enfants atteints de mucoviscidose (Tableau 1). Saiman et al. en 2003 ont conduit la plus
large étude des effets de l’azithromycine (Zythromax®) dans la mucoviscidose [10]. Ils ont
inclus 185 patients âgés de plus de 6 ans, colonisés chroniques à P. aeruginosa et ayant un
volume expiré maximal en une seconde (VEMS) supérieur à 30 % des valeurs attendues [10].
Selon la randomisation, les patients prenaient soit de l’azithromycine (250 mg ou 500 mg
selon leur poids inférieur ou supérieur à 40 kg) soit le placebo 3 fois par semaine pendant
24 semaines. Ils ont observé une amélioration significative (4,4 %) du VEMS dans le groupe
traité par azithromycine, contre un déclin de 1,8 % dans le groupe sous placebo (p = 0,001).
Un retour aux valeurs initiales de VEMS était observé après 4 semaines d’arrêt de traitement. De même, les patients sous azithromycine avaient une meilleure prise pondérale et
une diminution significative du nombre d’exacerbations respiratoires. La diminution du
nombre d’exacerbations était observée même chez les patients n’ayant pas d’amélioration
significative du VEMS [11]. Enfin, une tendance à la diminution du nombre de jours d’hospitalisations (39 %) et de cures antibiotiques intraveineuses (47 %) a pu être observée, sans
atteindre la significativité statistique. Les effets secondaires les plus fréquemment rencontrés
dans le groupe traité incluaient nausées (17 % de plus), diarrhée (15 %) et sibilances (13 %).
L’amélioration de la fonction respiratoire des patients atteints de mucoviscidose sous
azithromycine a pu également être montrée dans d’autres études ayant inclus au moins
grand nombre de patients (12-15). En 2004, une revue Cochrane avait ainsi conclu que les
macrolides avaient un effet modeste mais significatif sur la fonction respiratoire dans la
mucoviscidose [16]. Cependant, une étude française multicentrique coordonnée par notre
équipe a montré récemment que le bénéfice initial obtenu après la mise sous azithromycine
pouvait ne pas être maintenu sur le long terme [17]. 82 patients ont été inclus dans cette
étude, dont 40 dans le groupe traité et 42 dans le groupe placebo. 19 patients seulement sur
les 82 étaient colonisés chronique à P. aeruginosa. Alors qu’une amélioration du VEMS était
observée au début de l’essai dans le groupe traité, il n’y avait plus de différence entre les
2 groupes au-delà de 10 mois. Cependant, le traitement restait bénéfique, associé à une diminution du nombre d’exacerbations respiratoires et du nombre de cures antibiotiques, indépendamment de la colonisation à P. aeruginosa. Tramper-Stranders et al. ont rétrospectivement analysé les VEMS de 100 patients après 1, 2 et 3 ans d’azithromycine [18]. Tout
comme Clement et al., ils ont observé que l’amélioration initiale du VEMS n’était pas maintenue lors d’un traitement au long cours. Ils rapportent également une augmentation très
importante du nombre de souches de Staphylococcus aureus résistants aux macrolides :
jusqu’à 83 % après 1 an de traitement, 97 % après 2 ans et 100 % après 3 ans.
Ces différentes études permettent de confirmer l’efficacité des macrolides, et en particulier de
l’azithromycine, sur la diminution du nombre d’exacerbations et du nombre de cures antibiotiques, ainsi que sur l’amélioration de l’état nutritionnel des patients. Cependant, l’amélioration
à moyen ou long terme de la fonction respiratoire pourrait ne pas être maintenue lors de traitements au long cours. Des études analysant ces différents paramètres ainsi que la résistance des
germes de la flore respiratoire des patients atteints de mucoviscidose seraient ainsi nécessaires.
53
Les effets des macrolides dans les dilatations des bronches non associées à la mucoviscidose ont
été étudiés dans seulement 5 études avec de petits effectifs de patients, maximum 39 (Tableau 2).
Parmi celles-ci, seules 2 ont inclus des enfants. Koh et al. ont étudié les effets de la roxithromycine
(Rulid®) contre placebo pendant 12 semaines chez 25 enfants (13 dans le groupe traité et 12 dans le
groupe placebo) ayant des bronchectasies associées à une hyperréactivité bronchique (définie par un
test de provocation à la méthacholine entraînant une chute du VEMS de plus de 20 %) [19]. Chez
ces 25 enfants, les étiologies des dilatations des bronches étaient : 6 post-infectieuses, 6 dyskinésies
ciliaires primitives et 13 dites idiopathiques. Malgré l’absence de modification du VEMS, ils ont pu
mettre en évidence une diminution significative de la réponse à la méthacholine dans le groupe
traité ainsi qu’une amélioration de l’aspect des expectorations. Récemment, Yalcin et al. ont étudié
les effets de 3 mois de traitement par clarithromycine (versus placebo) chez 34 enfants ayant des
dilatations des bronches d’étiologies non précisées. Ils ont montré une amélioration non pas du
VEMS mais du débit expiratoire maximum 25-75 (DEM25-75) associée à une diminution du
volume des expectorations [20]. Dans les liquides de lavages bronchoalvéolaires (LBA), seule une
diminution significative de l’IL-8, cytokine pro-inflammatoire majeure, a pu être observée, sans
modification des autres paramètres inflammatoires (IL-10 et tumor necrosis factor alpha (TNF-α))
ni de la microbiologie.
Chez des adultes ayant des dilatations des bronches d’étiologie dite idiopathique, Tsang et al. ont
montré une amélioration du VEMS et une diminution du volume des expectorations sous érythromycine poursuivie pendant 3 semaines [21]. Dans les expectorations, le traitement n’a pas modifié la
flore microbiologique ni les paramètres inflammatoires (IL-8, TNF-α, IL-1α et leucotriène B4). Deux
études ont analysé les effets de l’azithromycine chez des adultes avec bronchectasies [22,23]. Cymbala
et al. ont observé une diminution du volume des expectorations et du nombre d’exacerbations respiratoires. Les effets secondaires les plus fréquemment rapportés étaient digestifs (diarrhée) [22]. Une
étude prospective a également été conduite chez 39 patients ayant des dilatations des bronches
d’étiologies variées : 15 dites idiopathiques, 13 post-infectieuses, 5 dyskinésies ciliaires primitives, 5
déficits immunitaires communs variables et 1 syndrome de Young [23]. Les patients inclus avaient
tous, avant la mise sous azithromycine, de fréquentes exacerbations respiratoires (> 4 en 1 an). Les
auteurs ont pu montrer une diminution significative du nombre d’exacerbations, de cures antibiotiques intraveineuses et du volume des expectorations associée à une amélioration des symptômes
(toux, fatigue, tolérance à l’effort, dyspnée). Cependant, ils ont également décrit des effets secondaires attribuables à l’azithromycine ayant entraîné l’arrêt prématuré du traitement chez 6 patients
: perturbation du bilan hépatique (n = 2), diarrhée (n = 2), rash (n = 1) et acouphènes (n = 1).
Les études sur les effets des macrolides dans les dilatations des bronches non liées à la mucoviscidose sont peu nombreuses, avec des cohortes de petite taille, et des durées de traitement et de
suivi limitées. Cependant, les résultats des études que nous avons revus permettent de supposer
que les macrolides diminuent le volume des expectorations et le nombre des exacerbations. Ces
résultats devront être confirmés par des études plus larges et prolongées.
Pour conclure, les macrolides semblent avoir des effets bénéfiques dans le traitement des dilatations des bronches liées ou non à la mucoviscidose, en particulier chez l’enfant. Des études
incluant de plus larges cohortes pédiatriques sur des durées prolongées et incluant un relevé
exhaustif des effets secondaires, notamment des résistances bactériennes, s’avèrent nécessaires
afin d’établir des recommandations de traitement.
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H. CORVOL, A. TAMALET, A. CLEMENT
EFFETS DES MACROLIDES DANS LES DILATATIONS DES BRONCHES DE L’ENFANT
H. Corvol, A. Tamalet, A. Clement
Service de Pneumologie Pédiatrique. Centre de référence des maladies respiratoires rares. Unité
Inserm UMR-S938. AP-HP, Hôpital Armand Trousseau, Université Pierre et Marie CurieParis6, Paris, France. Contact : [email protected]
TABLEAU 1 : MACROLIDES ET MUCOVISCIDOSE
RÉFÉRENCES
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55
Référence
Protocole d’étude
Bénéfices
Effets secondaires
Tramper-Standers
2007 [18]
Rétrospective 100 enfants
azithromycine 3 ans
VEMS à 1 an
mais à 2 et 3 ans
Staphylococcus aureus
résistants aux macrolides
Clement
2006 [17]
Randomisée,
double aveugle 82 enfants
azithromycine 12 mois
VEMS inchangé,
nombre de cures
d’antibiotiques oraux
-
Hansen
2005 [13]
Observation 45 adultes
azithromycine 12 mois
VEMS, poids
Pseudomonas aeruginosa
mucoïde
-
Southern
2004 [16]
Méta-analyse 296 adultes
azithromycine < 6 mois
VEMS
-
Saiman
2003 [10]
Randomisée, double aveugle
185 adultes
azithromycine 2 ans
VEMS, poids
nombre d’exacerbations
Nausées, diarrhées,
sibilances
Equi
2002 [12]
Randomisée, double aveugle
41 enfants
azithromycine 2 x 6 mois
VEMS, nombre de cures
d’antibiotiques oraux
-
Abréviation : VEMS : volume expiré maximal en une seconde.
TABLEAU 2 : MACROLIDES ET DILATATIONS DE BRONCHES
NON LIEES A LA MUCOVISCIDOSE
Auteur
Protocole d’étude
Bénéfices
Effets secondaires
Yalcin
2006 [20]
Randomisée, double aveugle
34 enfants clarithromycine
3 mois
VEMS inchangé
volume des expectorations
-
Cymbala
2005 [22]
Randomisée, Randomisée,
double avaeugle 11 adultes
azithromycine 6 mois
nombre d’exacerbations
volume des expectorations
Diarrhée
Davies
2004 [23]
Prospective 39 adultes
azithromycine 10 mois
nombre d’exacerbations
nombre de cures
antibiotiques intraveineuses
symptômes
Perturbations du bilan
hépatique, diarrhées,
rash, acouphènes
Tsang
1999 [21]
Randomisée, double aveugle
21 adultes érythromycine
2 mois
VEMS
volume des expectorations
Rash
Kho
1997 [19]
Randomisée, double aveugle
25 enfants roxithromycine
3 mois
réponse à la métacholine
VEMS inchangé
-
Abréviation : VEMS : volume expiré maximal en une seconde.
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MUCOVISCIDOSE ET RECHERCHE CLINIQUE :
COMMENT MIEUX TRAITER
LES ATTEINTES PULMONAIRES ?
par
G. BELLON, P. REIX
Au fil des ans l'ajustement de la prise en charge respiratoire, nutritionnelle et digestive,
bien qu’uniquement symptomatique, a largement amélioré le pronostic de la mucoviscidose ; mais les contraintes sont souvent lourdes et la morbidité et la surmortalité restent
importantes.
Les traitements à visée bronchopulmonaire ciblent les différents points d’amplification
du cercle vicieux qui aboutit à la destruction progressive du tractus respiratoire. En l’absence
de protéine CFTR fonctionnelle les sécrétions bronchiques desséchées sont épaisses et visqueuses, difficilement évacuées. Leur stagnation favorise l’infection bactérienne et l’inflammation qui amplifie la sécrétion d’un mucus déshydraté d’autant plus visqueux que particulièrement riche en acide désoxyribonucléique issu des polynucléaires neutrophiles et en filaments d’actine… (Toutefois la spécificité de l’infection avec l’implantation précoce de
Staphylococcus aureus puis de Pseudomonas aeruginosa ou d’autres germes opportunistes et la
démesure de la réaction inflammatoire ne peuvent s’expliquer par les seules perturbations de
la clairance mucociliaire).
La stase relève du drainage, par kinésithérapie ou toute autre méthode, et des « fluidifiants » (sans oublier l’importance majeure d’un apport hydrique et sodé suffisant).
L’infection microbienne nécessite une antibiothérapie adaptée aux germes, au patient et à la
maladie. La réaction inflammatoire requiert des médicaments spécifiques. Le traitement de
l’insuffisance respiratoire repose sur l’oxygénothérapie, la ventilation non invasive, la transplantation [19].
Dans l'attente des traitements étiologiques, qui remplaceront le gène déficient (thérapie
génique) ou pallieront ses effets délétères directs (approche pharmacologique), des progrès
sont encore possible en affinant les traitements symptomatiques débutés au plus tôt après le
dépistage néonatal, mieux organisés depuis l’identification des centres de ressources et de
compétence en 2001… Parallèlement l’identification des gènes modificateurs pourrait leur
donner des orientations nouvelles [3].
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G. BELLON, P. REIX
MUCOVISCIDOSE ET RECHERCHE CLINIQUE...
AMÉLIORATION DES TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES
modalités d’utilisation acceptables. Ces points sont certainement au moins aussi importants
que l’éducation thérapeutique formalisée, largement promue avant que l’expérience ou les
évaluations ne l’aient véritablement validée.
Kinésithérapie et drainage bronchique
Bien qu’il n’y ait pas de preuve définitive, tout le monde reconnaît la place déterminante
du drainage des sécrétions bronchiques dans la prise en charge des patients [4]. (Ici comme
ailleurs il est difficile d’envisager des essais randomisés en double aveugle quand la pratique
a précédé la démonstration scientifique, quand l’évolution historique des cohortes et l’expérience de la grande majorité lui concèdent une importance majeure.)
Parmi les moyens, la kinésithérapie est, dans l’absolu au moins, l’option la plus efficace
mais aussi la plus contraignante. Elle est efficace quand elle est régulière, plus préventive que
curative, ce qui implique la volonté soutenue du(des) kinésithérapeute(s) pour appliquer
sans relâche à un rythme optimal la technique la mieux adaptée au patient et à son état. (On
préfère actuellement le drainage autogène aux percussions, aux vibrations et au drainage postural). La précocité de l’atteinte pulmonaire incite à introduire le drainage bronchique très
tôt, dès le diagnostic, chez le petit nourrisson. Force est de reconnaître que l’idéal se heurte
régulièrement aux circonstances et parfois à l’investissement des professionnels. La question
se pose alors d’une alternative plutôt que de se retrancher derrière ce qui n’est qu’un alibi. Le
spécialiste n’est forcément pas toujours disponible aussi souvent que peut le nécessiter l’état
clinique. S’il l’était, l’omniprésence envahissante ne pourrait qu’aboutir à la lassitude, au
conflit, au refus de la coopération nécessaire à l’efficacité. L’intervention alternée de plusieurs kinésithérapeutes ne règle pas tous les problèmes.
La formation des parents puis du patient a pour objectif l’autonomie, la flexibilité qui au
moins en théorie permet la meilleure adaptation aux besoins. Mais la technique peut être en
défaut. Ou bien le conflit entre l’enfant et ses parents – soignants, s’il explose volontiers à l’adolescence, peut débuter très tôt, chez le nourrisson. Ses conséquences, tant sur le plan affectif que
somatique dépassent alors celles rencontrées avec le professionnel. Lorsque l’autonomie est
complète la lassitude est d’un autre ordre. C’est là que les alternatives, techniques instrumentales (pression positive expiratoire oscillante ou non, compressions thoraciques à haute fréquence), et surtout la pratique régulière d’une activité sportive trouvent toute leur place. De
nombreux pays ne disposent pas de kinésithérapeutes libéraux ; l’évolution de leurs cohortes
de patients suggère fortement qu’une bonne organisation familiale et personnelle est préférable au retranchement derrière l’intervention d’un professionnel lorsque celle-là est aléatoire.
Il n’y a certainement pas de stratégie universellement et définitivement optimale tant au
niveau des techniques que des rythmes et des durées d’application. L’amélioration du drainage bronchique passe in fine par la recherche constante du meilleur compromis entre l’idéal
absolu incompatible avec une vie acceptable et des alternatives à adapter au cours du temps.
Médicaments
L’efficacité d’un médicament dépend de l’activité biologique de la molécule, de son accès
au site pathologique et du respect de la prescription par le patient. Dans les pathologies chroniques, en particulier, la réalité ne reproduit pas toujours les essais thérapeutiques et la médecine basée sur les preuves (qui déclare telle molécule efficace dans le cadre singulier d’un
essai) se trouve rapidement en échec lorsque le médicament est mal toléré du fait de son
goût, de ses effets secondaires, locaux ou généraux et des difficultés de sa prise qu’elles soient
liées au temps de préparation, à la voie, aux horaires ou à la durée de l’administration.
Le bénéfice des nouvelles molécules des traitements symptomatiques (antibiotiques,
anti-inflammatoires, « fluidifiants »…) ne sera décisif que si la tolérance est bonne et les
Antibiotiques
Des antibiotiques actifs per os sur P. aeruginosa, bien plus maniables que ceux qui, nécessitant une perfusion, permettraient de mieux adapter l’antibiothérapie aux besoins en termes
de délais ou de fréquence, d’acceptation et de qualité de vie. (L’antibiothérapie ajustée, lors de
chaque exacerbation aussi minime soit-elle, est largement consensuelle). Dans ce domaine, de
nouvelles molécules seraient indiscutablement source de progrès. En leur temps les quinolones en ont été un exemple. Elles atteignent malheureusement rapidement leurs limites.
Les antibiotiques inhalés sont probablement actifs dans la pratique (qui a entériné la colimycine). Ils le sont assurément dans les essais thérapeutiques (cela a été démontré pour la
tobramycine). Mais au quotidien les résultats sont habituellement inférieurs aux prévisions,
tant les contraintes pratiques (répétition dans la journée, temps de préparation et durée de
l’administration) empêchent l’exécution idéale par de nombreux patients. Des appareils plus
performants, plus commodes à désinfecter, des dispositifs à usage unique supprimant le nettoyage sont autant de pistes pour faciliter la réalisation et par là l’observance et l’efficacité
(Couple Nebcinal® – nébuliseur à tamis Aeroneb®, laboratoire EremPharma, essai de non
infériorité en cours). La galénique ouvre d’autres possibilités. L’inclusion de l’amikacine
dans une préparation de liposomes à nébuliser pourrait d’une part améliorer les performances de l’antibiotique en augmentant sa concentration locale et sa pénétration à travers
le biofilm, et d’autre part favoriser l’observance, l’allongement de la demi-vie in situ permettant de réduire la fréquence des aérosols (un par jour ou moins ; Arikace®, laboratoires
Transave, essai de phase II en cours). L’inhalation d’un antibiotique en poudre, de par sa
facilité relative, peut être répétée plus volontiers que la nébulisation (colimycine poudre –
Colobreathe®, laboratoires Forest, essai de phase III en cours ; tobramycine poudre pour
inhalation [5] – TIP®, laboratoires Novartis, essai de phase III en cours).
Les « fluidifiants » des sécrétions bronchiques
La problématique est voisine pour les « fluidifiants ». Après la Dnase recombinante qui
agit sur les sécrétions très inflammatoires ou déjà infectées, les recherches se situent en amont,
au plus près des mécanismes physiopathologiques. L’augmentation de l’osmolarité des sécrétions bronchiques provoque le transfert d’eau que ne peut assurer la protéine CFTR déficiente. Efficaces, les aérosols de sérum salé hypertonique posent des problèmes de tolérance
(souvent irritants) et d’observance (problématique générale des aérosols). Néanmoins on
peut espérer par une utilisation précoce, chez le nourrisson, ralentir la progression de la maladie [6,7]. Plus tard, l’utilisation de poudres pour inhalation pourrait faciliter l’utilisation et
l’observance. C’est le cas de poudre sèche de mannitol (Bronchitol®). Dans un essai préliminaire (étude croisée contrôlée en double aveugle versus placebo 2 fois 15 jours séparées par
2 semaines sans traitement chez 39 patients présentant une atteinte respiratoire modérée)
l’action immédiate sur le drainage des sécrétions est affirmée par l’amélioration du VEMS
(plus 7 % versus plus 0,3 %, p < 0,001) et du DEM 25-75 (plus 15,5 % versus plus 0,2 %, p <
0,02) [8]. Un essai de phase III est en cours (laboratoires Pharmaxis).
Anti-inflammatoires
Dans le domaine des anti-inflammatoires, les effets positifs des corticoïdes et des antiinflammatoires non stéroïdiens sont confrontés à des effets secondaires qui limitent leurs
indications de long cours. L’azithromycine à doses subinhibitrices est globalement efficace
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G. BELLON, P. REIX
MUCOVISCIDOSE ET RECHERCHE CLINIQUE...
et bien tolérée, mais ses bénéfices restent modérés. Par contre, les corticoïdes inhalés, le
méthotrexate, le montelukast, la pentoxifylline… n’ont pas démontré d’effet significatif sur
l’évolution de la maladie [9]. D’autres molécules font l’objet de recherches précliniques ou
d’essais très préliminaires, par exemple la pioglitazone (antidiabétique qui diminue la résistance à l’insuline dont l’activité anti-inflammatoire par ses interactions avec TGFβ1 ;
University of Southern California), la simvastatine (Akron Children's Hospital, Ohio),
acide docosahexaénoïque ou DHA (plusieurs études pilotes, aux Etats-Unis et en France).
résultats d’un essai de phase II conduit chez 25 patients en Belgique devraient être bientôt disponibles.
Dans le même ordre d’idée, VX-809 (Vertex Pharmaceuticals), médicament oral, est
conçu pour augmenter la quantité de protéine CFTR F508del au pôle apical des cellules épithéliales des voies aériennes. Un essai de phase II a débuté en mars 2009.
Vaccins
Les vaccins obligatoires s’imposent naturellement à tous. La vaccination antigrippale
annuelle est largement conseillée [10]. Les tentatives d’immunisation contre P. aeruginosa
ont jusqu’ici échoué. La production d’anticorps monoclonaux humains dirigés contre
P. aeruginosa, plutôt qu’utilisés directement dans un but prophylactique ou curatif pourrait
permettre l’identification de cibles antigéniques spécifiques pour de futurs vaccins plus efficaces (collaboration personnelle en cours).
LES TRAITEMENTS À VISÉE ÉTIOLOGIQUE
Ce sont eux qui à terme devraient modifier profondément le cours évolutif de la maladie.
Approche pharmacologique
Elle recherche des molécules capables d’augmenter le nombre de protéines CFTR mutées
au niveau des membranes cellulaires – correcteurs – et d’en améliorer le fonctionnement –
potentialisateurs – (ces molécules ciblent une ou plusieurs mutations spécifiques) ou bien de
pallier l’absence de protéine CFTR fonctionnelle (indépendamment des mutations) [11].
Intervention pré-traductionnelle
Elle intéresse les mutations stop, de type G542X, qui représentent 5 % des mutations en
France, mais plus de 20 % dans les populations juives ou maghrébines. Certains aminosides
comme la gentamycine, et surtout la molécule PTC 124 (qui est active per os) permettent en
court-circuitant les mutations stop la lecture complète de l’ARN messager. Dans un essai de
phase II PTC 124 a amélioré de façon significative les différences de potentiel nasal et le
VEMS des patients traités [12]. D’autres essais sont en cours. Ce sujet est développé par
Isabelle Sermet-Gaudelus [13].
Intervention post-traductionnelle (après la synthèse de la protéine)
Les « correcteurs »
Plusieurs molécules (phénylbutyrate, curcumin, VX809, miglustat) sont capables in
vitro d’empêcher la dégradation de la protéine mutée au niveau du protéasome (F508del).
Celle-là se trouve alors capable de gagner la membrane cellulaire et d’y exercer une action
que l’on peut espérer suffisante pour normaliser ou au moins améliorer le phénotype des
patients.
Le miglustat, médicament utilisé dans la maladie de Gaucher, commercialisé sous le nom de
Zaveska® par le laboratoire Actelion, est un inhibiteur de l’alpha 1-2 glucosidase. En prévenant
l’interaction CFTR-F508del – calnexine il évite la destruction de la protéine F508del et permet
son adressage à la membrane. La démonstration en a été apportée par l’équipe de Frédéric Becq,
aussi bien in vitro sur des cellules en culture qu’in vivo chez des souris transgéniques [14]. Les
Les « potentialisateurs »
Les potentialisateurs ont pour objectif l’amélioration de l’activité de la protéine anormale résiduelle normalement présente au niveau de la membrane apicale (mutations de
classe III, type G551D) ou parvenue à la membrane sous l’effet d’un médicament correcteur
(mutations de classe II, type F508del).
VX770, médicament que l’on peut administrer per os, en modifiant la configuration de
la protéine CFTR G551D – présente à la membrane, mais non fonctionnelle – rend accessible à l’AMP cyclique les sites de phosphorylation des domaines régulateurs. Ainsi il augmente l’activité du canal chlorure AMP cyclique dépendant des cellules G551D aussi bien in
vitro que chez des patients au cours d’études précliniques (amélioration des différences de
potentiel nasal et du test sudoral jusqu’à les « normaliser » chez certains). Les premiers
résultats suggèrent une augmentation du VEMS. Un essai de phase II est en cours.
Des investigations sont en cours pour tester l’association correcteur (VX-809) –potentialisateur (VX-770) sur l’activité de CFTR delF508. Les premiers résultats sur cultures cellulaires montrent que le correcteur induit une activité CFTR d’un peu moins de 20 % de celle
de la protéine sauvage et que l’ajout du potentialisateur porte cette activité à plus de 35 %.
Pallier l’absence de CFTR fonctionnelle
Le denufosol est un analogue stable de l’ATP et de l’UTP capable de stimuler le récepteur P2Y2 qui lui-même active un canal chlorure calcium dépendant (non CFTR) et inhibe
le canal sodium eNac. Les essais de phase II (inhalation) montrent une amélioration du drainage des sécrétions et de la fonction respiratoire ; une phase III est en cours.
Moli 1901 (Lancovutide) est un polypeptide polycyclique de 19 acides aminés produit de
fermentation par Streptomyces cinnamoneous (duramycine) développé par AOP Orphan
Pharmaceuticals AG. Il interagit avec les phospholipides de la membrane cytoplasmique et
des organelles intracytoplasmiques pour activer un canal chlorure non CFTR en augmentant
la concentration intracellulaire du calcium. La démonstration de l’augmentation de la perméabilité aux chlorures des cellules de l’épithélium respiratoire in vitro, de l’augmentation du
volume du liquide de surface épithéliale chez le chien, de l’augmentation de la sécrétion des
chlorures par l’épithélium nasal de sujets sains et de patients atteints de mucoviscidose sont
déjà anciennes. Les données cliniques préliminaires (étude de phase II monocentrique randomisée en double aveugle versus placebo ; nébulisations 5 jours consécutifs de doses croissantes chez
24 patients) montrent une bonne tolérance et une amélioration significative du VEMS [15].
Un essai de phase II se termine, une phase III devrait rapidement débuter.
Thérapie génique
Sa médiatisation (excessive) a soulevé des espoirs démesurés dans les années qui ont suivi
la découverte du gène CFTR. Une quinzaine d’essais cliniques utilisant des vecteurs viraux
(adénovirus, ou virus associé à l’adénovirus) ou des vecteurs inertes (liposomes) en ont
démontré la bonne tolérance tant pour le patient que pour l’environnement.
Les résultats décriés par les mêmes médias ont conduit à une désaffection aussi exagérée
que l’avaient été les attentes initiales. Les leçons tirées sont globalement positives. Il est pos-
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G. BELLON, P. REIX
sible d’introduire dans le noyau des cellules épithéliales d’un patient une copie de la partie
codante du gène CFTR sauvage. Ce gène est capable de s’exprimer (production d’un ARN
messager et d’une protéine CFTR sauvage) qui gagne la membrane du pôle apical des cellules. Cette protéine est fonctionnelle, restaurant une certaine activité canal chlorure AMP
cyclique dépendante (mesure des différences de potentiel).
Il est vrai par contre que les résultats sont insuffisants (nombre de cellules transfectées,
niveau et durée de l’expression) pour espérer un résultat clinique. Un travail sur les vecteurs
et sur les plasmides n’exclut pas un avenir thérapeutique à cette approche. D’ailleurs, après des
essais in vitro et in vivo chez l’animal montrant une amélioration significative par rapport aux
préparations de première génération, le UK Cystic Fibrosis Gene Therapy Consortium a
entamé un large essai contrôlé en double aveugle versus placebo utilisant un vecteur inerte
(lipide cationique) et un nouveau plasmide (suppression de CG dinucléotides responsables
d’une réaction inflammatoire chez les patients dans une étude clinique antérieure) [16].
TRANSPLANTATION PULMONAIRE AU XXIe SIÈCLE :
« NOUVELLES TECHNOLOGIES D’ÉVALUATION
DES GREFFONS, NOUVELLES APPROCHES »
par
R. SOUILAMAS
CONCLUSION
Encore très insuffisants, les traitements symptomatiques ont largement amélioré le pronostic de la maladie au cours des 30 dernières années. La perspective de thérapeutiques nouvelles touchant les mécanismes mêmes de la maladie (approche pharmacologique, thérapie
génique…) justifie leur application rigoureuse, voire intensifiée, pour que le plus grand nombre de patients puisse bénéficier des mesures nouvelles le moment venu.
G. Bellon, P. Reix
Hospices Civils de Lyon. Université Claude Bernard – Lyon 1 (Faculté Lyon Sud). Centre de
Référence de la Mucoviscidose. Hôpital Femme – Mère – Enfant, 52, boulevard Pinel. 69500
Bron. [email protected]
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La greffe d’organes est aujourd’hui le traitement ultime pour prolonger la vie ou la rendre possible et autonome. Cette thérapeutique a fait apparaître une notion ancestrale mais
redéployée autrement : « La mort de l’autre ». En effet, la greffe implique la disponibilité
d’organes. Ces organes doivent provenir d’un autre être humain qui n’en a plus besoin, c’està-dire qui est décédé ou qui va l’être. Néanmoins ces (ses) organes doivent rester vivants pour
qu’ils puissent « servir » à l’autre être, sans laquelle, la mort risque d’être imminente.
La définition familière de la mort était alors l’arrêt irréversible du cœur. Quand la greffe
d’organes a fait son apparition dans nos sociétés, la mort se voyait redéfinir autrement en raison de la préservation des organes en vue de leur explantation. La notion de mort cérébrale
est alors apparue [1].
« Le donneur en mort cérébrale ou encéphalique » va devenir le partenaire idéal de celui
que nous appelons le « receveur ».
Ce partenaire idéal va permettre de sauver durant des décennies des receveurs, de les rendre autonomes « dans leur nouvelle vie ».
Le poumon s'avéra l'organe le plus résistant aux tentatives de transplantation : il fallut
que des chercheurs acharnés expérimentent pendant plus de dix ans sur des milliers d'animaux : rats, porcs, moutons, singes et nos amis les chiens pour qu'enfin un premier essai soit
tenté sur l'homme en 1963 [2].
Depuis la transplantation pulmonaire est devenue le traitement de choix de l’insuffisance respiratoire terminale en l’absence de contre-indication. Plusieurs centaines de greffes
pulmonaires sont réalisées dans le monde chaque année.
En proposant la transplantation à de plus en plus de patients, on augmente d'autant la
demande, or l'offre est chroniquement insuffisante.
En raison de cette pénurie, de nouveaux types de donneurs sont apparus.
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R. SOUILAMAS
TRANSPLANTATION PULMONAIRE AU XXIe SIÈCLE
Ce donneur a été nommé « vivant » [3] puis « marginal » (greffon dont les critères
d’acceptation ont été revus à la baisse) [4], et enfin depuis peu de temps, « donneur à cœur
arrêté ou non battant ». Ce donneur est classé en 4 catégories par la classification de
Maastricht [5].
vité semi-programmée ou programmée. Cela permettra de diminuer les refus logistiques, de
mutualiser les moyens de prélèvements en personnel, et de diminuer les coûts liés à cette procédure.
Ce donneur à cœur arrêté remet au goût du jour la définition ancestrale de la mort par
arrêt du cœur. Cette mort n’est pas en soi problématique, elle est perçue comme telle en raison des prélèvements d’organes qui y font suite. De nombreux débats publiques préalables
ont eu lieu dans les pays où cette procédure a été développée. A partir de 2001, plusieurs
transplantations pulmonaires à partir de donneur à cœur arrêté ont été réalisées [6, 7].
Par ailleurs, pour augmenter le taux d’acceptation des greffons proposés (greffons marginaux), une nouvelle procédure de reconditionnement et d’évaluation exvivo a été imaginée. Une équipe suédoise a reporté plusieurs expériences réalisées en 2 phases, l’une préclinique et l’autre clinique. Il s’agit d’un reconditionnement de greffons initialement récusés
(critères gazométriques au-dessous du seuil des 250 mm/Hg sous FiO2 1), puis récupérés
grâce à cette technique exvivo qui consiste à perfuser et à ventiler le greffon dans un caisson
prévu à cet effet avec une circulation extra-corporelle et un respirateur. La PaO2 est à nouveau évaluée dans les mêmes conditions et si le résultat est au-dessus du seuil (250 mm/Hg),
le greffon est alors retenu pour une implantation. D’autres critères sont aussi évalués (compliance du parenchyme, …) [8].
En France, un décret ministériel de 2005 autorise les prélèvements sur donneur à cœur
arrêté exclusivement pour « le rein et le foie ». Le poumon n’a pas été inclus dans cette procédure. Aucune justification n’a été réellement évoquée en dehors du principe de précaution. En effet, un petit nombre de transplantations pulmonaires avec donneur à cœur arrêté
était rapporté dans la littérature à l’époque.
Or de 2002 à 2008, plus de 100 greffes avec donneur à cœur arrêté ont été rapportées
avec des résultats satisfaisants par plusieurs équipes internationales. A titre de comparaison,
ce chiffre représente 25 % du nombre de greffes pulmonaires réalisées dans la même période
pour la mucoviscidose en France. Aucune mesure n’est actuellement envisagée par les
tutelles pour autoriser les prélèvements pulmonaires sur donneur à cœur arrêté, en dépit
d’une mortalité sur liste d’attente de patients encore significative, due principalement au
manque de greffons.
Quant à la procédure de l’ex vivo reconditionnement, une phase d’expérimentation sur
poumon humain a démarré à HEGP. Cette phase « expérimentale » ne servira pas à valider
scientifiquement cette technique, mais uniquement sa faisabilité en France. En effet, plusieurs travaux scientifiques sur l’animal, puis sur le poumon humain, et enfin sur son application clinique ont été rapportés. Je n’ai cité que 2 références (sur son application clinique)
pour respecter les règles éditoriales bibliographiques [9].
L’ex vivo reconditionnement-évaluation est une technique d’avenir qui est utilisée, non
seulement pour les greffons marginaux, mais aussi pour les greffons issus de donneur à cœur
arrêté pour une évaluation objective de leurs paramètres afin de ne retenir que ceux qui sont
compatibles avec une greffe. L’équipe espagnole qui a réalisée, à elle seule, 52 greffes pulmonaires avec donneur à cœur arrêté, envisage de reconditionner et d’évaluer les greffons avant
leur implantation selon cette même technique, pour améliorer leurs résultats. Par ailleurs,
cette technique permettra à moyen terme d’envisager la greffe pulmonaire comme une acti-
Un deuxième protocole ex vivo est en cours de validation à l’aide d’une machine mobile
de perfusion, ventilation et évaluation des greffons marginaux.
Il s’agit du même principe que celui de l’ex vivo reconditionnement décrit plus haut avec
une évolution fondamentale en termes de mobilité, de technologie, et de reproductibilité. A
terme, cette technologie permettrait de développer un laboratoire spécifique de reconditionnement et de distribution des greffons pulmonaires en France.
Des moyens technologiques scientifiquement validés ont été mis à la disposition des
équipes de transplantation pour augmenter le nombre de greffes pulmonaires et diminuer le
taux de mortalité sur liste d’attente. Il s’agit maintenant de la volonté de la communauté
médicale et des tutelles de les mettre en œuvre dans la pratique courante et d’en évaluer leurs
résultats, comme pour toute pratique médicale innovante.
R. Souilamas
Hôpital européen Georges Pompidou. Coordonnateur des greffes pulmonaires pour la mucoviscidose à l’AP-HP – Paris
RÉFÉRENCES
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décembre 2007 : Donneur à Coeur arrêté en transplantation pulmonaire « Enjeux et perspectives ».
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R. SOUILAMAS
PREPARATION GREFFON PULMONAIRE SUR DONNEUR A CŒUR ARRETE
TABLE RONDE III
BRONCHIOLITES
(Organisateurs : P. LABRUNE, D. DEVICTOR)
TECHNIQUE DE L’EX VIVO RECONDITIONNEMENT-EVALUATION
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EPIDÉMIOLOGIE ET VIRUS EN CAUSE
par
F. FREYMUTH, A. VABRET, J. DINA, D. CUVILLON-NIMAL,
A. VAUDECRANE, J. BROUARD
INTRODUCTION
Les bronchiolites sont une pathologie courante de l’hiver, dans les pays à climat tempéré.
On sait depuis longtemps que de nombreux virus peuvent en être la cause, en particulier le
virus respiratoire syncytial (VRS), les virus parainfluenza (notamment le virus parainfluenza 3), mais aussi les rhinovirus, les virus influenza, et à un degré moindre les adénovirus [1]. De plus, grâce au progrès des outils de détection virale, le rôle de virus anciens ou
émergents dans l’étiologie des bronchiolites a été clairement montré : celui des rhinovirus [2], du métapneumovirus humain (HMPV) découvert en 2001 [3], et des coronavirus
humains 229E, OC43, et des coronavirus NL63 et HKU1, découverts respectivement en
2004 et 2005 [4].
La connaissance de la fréquence de ces infections virales, les caractéristiques saisonnières
des épidémies de viroses respiratoires ont pu être établies à partir de résultats virologiques
obtenus chez des enfants consultants aux urgences ou hospitalisés dans les services de pédiatrie du CHU de Caen et de l’hôpital de Flers.
Les recherches virales ont été effectuées sur des secrétions nasales par différentes techniques : immunofluorescence, cultures sur cellules HuH7 et MRC5, méthodes PCR [5]. Les
infections virales doubles ou l’association à une infection bactérienne ne sont pas étudiées.
Aucun prélèvement sanguin n’est effectué pour une recherche d’anticorps antivirus.
SAISONNALITÉ ET FRÉQUENCE
DES INFECTIONS VIRALES RESPIRATOIRES
Les infections virales respiratoires sont traditionnellement hivernales. Entre 2000 et
2006, les 5356 virus respiratoires détectés au CHU de Caen sont, pour 71 % d’entre eux, isolés de novembre à février (Figure 1). Mais on en détecte aussi 475 en septembre et octobre,
et 1074 en mars et avril, périodes où en clinique on observe souvent de petites épidémies. Les
virus dominants sont, dans l’ordre, le virus respiratoire syncytial : 1819 (33,9 %), les virus
influenza : 1770 (33 %), et les rhinovirus : 1118 (20,8 %).
L’épidémie à VRS est centrée sur la fin de l’automne et le début de l’hiver : entre 2000
et 2006, 48,2 % des souches détectées en novembre et décembre, et 44,5 % en janvier et
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F. FREYMUTH, A. VABRET, J. DINA, D. CUVILLON-NIMAL, A. VAUDECRANE, J. BROUARD
EPIDÉMIOLOGIE ET VIRUS EN CAUSE
février (Figure 1). L’augmentation régulière du nombre de cas de bronchiolites à VRS
depuis une vingtaine d’années se confirme. Sur les cinq derniers hivers, de 2003 à 2008, le
nombre moyen de VRS détectés par épidémie est de 312 (extrêmes 257-401), soit 20 % de
plus que les 261 VRS détectés en moyenne par épidémies (extrêmes 219-298) au cours des
quatre hivers précédents, de 1999 à 2003.
L’épidémie de grippe s’étend à la même période, mais est plus centrée sur l’hiver : 25 %
des virus influenza A et B sont isolés en novembre et décembre, 49 % en janvier et février, et
26 % en mars et avril. Sur les 8 dernières épidémies, 1988 cas de grippes ont été identifiés. Ils
se répartissent entre des infections à virus influenza A, le plus souvent majoritaires :
1525 (76,7 %), et des infections à virus influenza B, moins fréquentes : 463 (23,2 %), sauf
l’hiver 2005-2006, et parfois décalées de quelques semaines dans le temps (Figure 2). Le
nombre moyen de grippes détectées chaque hiver est de 248,5, avec des variations de 175 à
406 cas (x 2,3) d’une année à l’autre. La variation est plus nette si l’on considère les infections à virus influenza A (moyenne : 190,6 cas), qui fluctuent entre 67 et 405 cas (x 6), et les
infections à virus influenza B (moyenne : 57,8 cas), avec des écarts plus importants allant de
aucun cas à 144 cas.
Les autres infections virales respiratoires, à rhinovirus, virus parainfluenza, adénovirus,
ont moins d’incidence saisonnière. Entre 2000 et 2006, les 1118 infections à rhinovirus
occupent la troisième position en fréquence (20,8 %), devant les 368 infections à virus
parainfluenza (6,8 %) et les 281 infections à adénovirus (5,2 %). Les infections à rhinovirus
varient peu en nombre entre septembre et avril (Figure 1), mais elles représentent 54,6 % des
virus identifiés en septembre et octobre, et 38,5 % en mars et avril. Sur une même saison elles
peuvent évoluer en pics successifs, correspondant à la circulation de sérotypes
distincts (Figure 3). Les infections à virus parainfluenza apparaissent plus nombreuses en
septembre-octobre et novembre-décembre, où elles représentent 39,4 % et 33,1 % des
souches, qu’entre les mois de janvier et avril (Figure 1). Les infections respiratoires à adénovirus de l’espèce C : Ad1, Ad2, Ad5 et Ad6 sont assez stables d’une année à l’autre (sauf en
2008). Par contre celles dues aux sérotypes de l’espèce B1 : Ad3 et Ad7, sont très variables,
parfois rares, comme en 2002, 2005 et 2008, parfois épidémiques, en 2007.
Parmi les virus émergents, seuls le hMPV et les coronavirus respiratoires ont été étudiés.
Les infections à hMPV évoluent sous forme d’épidémies, qui coïncident exactement avec
celles dues au VRS (Figure 4). Leur importance semble inversement proportionnelle à celle
des épidémies à VRS. Le nombre d’infections à hMPV par épidémie est en moyenne six fois
plus petit : 114 hMPV identifiés au cours des deux derniers hivers, de 2006 à 2008, contre
698 VRS. L’épidémiologie des infections respiratoires liées aux quatre coronavirus
humains : 229E, OC43, NL63 et HKU1 est déduite de plusieurs études rétrospectives [4].
Ces infections s’observent à la jonction de l’hiver et du printemps et représentent environ
10 % des cas pour lesquels aucun virus respiratoire classique n’est détecté.
plus souvent chez le nourrisson après 6 mois (42,9 %) et dans la petite enfance : 32,3 % entre
2 et 5 ans. La répartition dans les tranches d’âge des 114 infections à hMPV et des 468 infections à rhinovirus se ressemble. Elles atteignent surtout le nourrisson, avec une fréquence
comparable de 74 % pour les hMPV et 72,1 % pour les rhinovirus, et sans différence de prévalence, avant 6 mois et entre 6 mois et 2 ans. L’âge des enfants infectés par les coronavirus
respiratoires est du même ordre : 63 % sont des nourrissons [4].
Le VRS est l’agent le plus fréquemment détecté en pathologie respiratoire chez l’enfant
hospitalisé. Y a-t-il une modification de l’âge des enfants infectés par ce virus ? Celui-ci a été
comparé dans les épidémies de deux paires d’hivers : années 1999 à 2001 et 2006 à 2008. La
comparaison a été effectuée sur différentes tranches d’âge : 293 nourrissons de moins de
2 mois, 253 nourrissons de 3 à 6 mois, 186 de 7 à 12 mois, 127 de 13 à 24 mois, et
114 enfants de 25 mois à 5 ans. Entre les deux périodes, il n’y a pas de différence significative dans la fréquence des atteintes par le VRS, pour les tranches d’âge de 0 à 2 mois et de 3
à 6 mois. Par contre, les nourrissons de 7 à 24 mois semblent significativement plus souvent
infectés par le VRS (p < 0,001) en 2006 à 2008 par rapport aux années 2000-2001.
PATHOLOGIE HOSPITALIÈRE ET COMMUNAUTAIRE
La pathologie virale respiratoire a surtout été analysée à partir des données hospitalières.
Elle se traduit essentiellement par des bronchiolites et des syndromes grippaux, et parfois par
des laryngites, des otites, des bronchites, des pneumonies, des déclenchements de crises
d’asthme, des poussées de mucoviscidose. Pour autant cette distribution est-elle représentative des infections virales respiratoires vues en pathologie communautaire ? Une étude réalisée au CHU de Caen et à l’hôpital de Flers entre novembre 2003 et mars 2004, donne une
idée des viroses respiratoires communautaires qui conduisent les parents à amener leurs
enfants consulter aux urgences pédiatriques [6]. L’atteinte des voies aériennes supérieures
est faible (16,9 %) chez les 449 enfants arrivés aux urgences, par comparaison à celle des voies
aériennes inférieures, qui se traduit dans 66,3 % des cas par une bronchiolite (Tableau 1)
L’étude distingue les enfants admis à l’hôpital (263 sujets, âge médian 4 mois) et les enfants
non admis (186 sujets, âge médian 7 mois) ; leurs atteintes respiratoires différent avec
notamment avec une atteinte des voies respiratoires basses dans respectivement 93,2 % et
61,8 % des cas. Leur étiologie virale ne diffère significativement que pour le VRS (respectivement 60 % et 36,6 %) et les virus influenza (respectivement 7,6 % et 15,1 %). Une autre
étude compare 85 cas de bronchiolites du nourrisson observées en ville entre novembre
2005 et janvier 2006 à celles vues à l’hôpital pendant la même période. En pathologie ambulatoire le VRS est majoritaire (39 %) devant les infections à rhinovirus (18 %), à coronavirus
(8 %), à virus parainfluenza (3,5 %) et à HMPV (2,5 %) ; à l’hôpital, l’étiologie des bronchiolites hospitalisées est dominée par le VRS (82 %) devant les rhinovirus (4 %).
ÂGE DES ENFANTS INFECTÉS PAR UN VIRUS RESPIRATOIRE
ÉVOLUTION DES BRONCHIOLITES ET DES VIRUS
L’âge des enfants infectés par un virus respiratoire n’a pu être analysé que sur les deux dernières années, de septembre 2006 à mai 2007 et de septembre 2007 à mai 2008. Les 250 infections à virus influenza A et B se répartissent presque à parties égales entre toutes les tranches
d’âge : 0 à 6 mois, 6 à 24 mois, 2 à 5 ans, 5 à 10 ans, 10 à 20 ans (Figure 5). Les 695 infections
à VRS s’observent pour 53,7 % d’entre elles avant 6 mois, et 33,2 % entre 6 mois et 2 ans. Les
107 infections à virus parainfluenza prédominent aussi chez le nourrisson (85,1 %), et 29,9 %
d’entre elles surviennent avant l’âge de 6 mois. Les 196 infections à adénovirus s’observent
Dans l’hémisphère nord, l’automne débute à l’équinoxe du 23 septembre, l’hiver au solstice
du 21 décembre, et le printemps au solstice du 22 juin. Il n’y a pas de changements concernant
les épidémies à VRS et virus influenza depuis les observations que nous avions faites dans les
années 1980 [1]. L’épidémie à VRS est centrée sur la fin de l’automne et l’hiver, et l’épidémie de
grippe est plus franchement hivernale. Observe-t-on une augmentation ou une diminution des
bronchiolites vues à l’hôpital ? L’augmentation régulière du nombre de cas de bronchiolites à
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EPIDÉMIOLOGIE ET VIRUS EN CAUSE
VRS depuis une vingtaine d’années est vérifiée dans cette étude. Elle a été observée dans tous les
pays développés. Entre les hivers 1992-1993 et 1996-1997, le réseau ERBUS de l’APHP notait
une augmentation de 119 % des consultations hospitalières pour bronchiolite et de 69 % pour
leur hospitalisation [8]. A Caen, la comparaison de 4 hivers successifs à 10 années d’intervalle
(1983-84-85-86 et 1993-94-95-96) montre une augmentation de 220 % du nombre des bronchiolites hospitalisées, de 159 % du nombre des bronchiolites à VRS, et de seulement 68 % du
nombre total d’hospitalisations en pédiatrie [9]. On sait que la fréquence de la contamination
des nourrissons par le VRS n’a pas changé aujourd’hui par rapport à ce qu’elle était autrefois :
plus de 90 % des nourrissons ont été infectés à l’âge de deux ans. Ce qui donc s’est accru, c’est le
nombre d’infections à VRS nécessitant une hospitalisation, donc la gravité des bronchiolites.
Parmi les facteurs possiblement incriminés, on souligne les rôles de la susceptibilité génétique
des individus, de la pollution atmosphérique, et des génotypes de VRS [10].
L’épidémiologie des infections à virus parainfluenza et adénovirus a peu changé au fil des
années. Comme le montre une étude récente, les infections à virus parainfluenza 3 sont les
plus fréquentes (52 %) devant les infections à virus parainfluenza 1 (26 %) et 2 (12 %) ; elles
s’observent au printemps, et également en automne les années sans infections à virus parainfluenza 1, elles-mêmes survenant tous les 2 ans [11].
Les séroytypes d’adénovirus responsables d’infections respiratoires appartiennent aux
espèces C (Ad 1, 2, 5, 6), B (Ad 3, 7, 14), et très rarement E (Ad 4). Le nombre d’infections
à Ad C, virus endémique, varie peu d’une année sur l’autre. Par contre, comme le montre
cette enquête, il existe une épidémie à Ad 3 et Ad7 en 2007. Des variants d’Ad 7, 3 et 14 sont
associés à des pneumopathies sévères, avec infection disséminée, atteinte multi-viscérale, et
évolution fatale [12,13].
Peut-on considérer que les virus émergents sont associés à de nouvelles pathologies respiratoires ? Autrefois considérés comme les agents de rhumes, on sait aujourd’hui que les
rhinovirus provoquent des bronchites, des bronchiolites, des déclenchements de crises
d’asthme, voire des pneumonies [2]. Un nouveau génotype de rhinovirus (type C) vient
d’être isolé dans des formes particulièrement sévères d’infections respiratoires [14]. Par ailleurs, les virus émergents tels que le hMPV, les coronavirus NL63 et HKU1, le bocavirus, le
polyomavirus Ki ne semblent pas responsables de tableaux cliniques nouveaux, différents de
ceux observés dans la pathologie virale traditionnelle. Chez les enfants hospitalisés, les infections à hMPV donnent significativement (p < 0,001) moins d’atteintes des voies aériennes
inférieures que les infections à VRS (56,5 % vs 84,9 %), significativement moins de bronchiolites (37 % vs 64,4 %), et lorsqu’elles existent, elles sont moins sévères : signes de détresse
respiratoire à l’admission (30,4 % vs 60,3 %) et nécessité d’une oxygénothérapie (15,2 % vs
31,5 %) [15]. Les atteintes respiratoires à coronavirus sont dans l’ensemble moins sévères
que celles dues au VRS. Encore plus que pour le hMPV, elles donnent significativement
moins d’atteintes des voies aériennes inférieures que les infections à VRS (30 % vs 84,9 %),
moins de bronchiolites (13,3 % vs 64,4 %), et elles sont moins sévères : signes de détresse respiratoire (21,1 % vs 60,3 %) et nécessité d’une oxygénothérapie (11,1 % vs 31,5 %) [4].
F. Freymuth ([email protected])1, A. Vabret1, J. Dina1, D. Cuvillon-Nimal2,
A. Vaudecrane3, J. Brouard2
1
Laboratoire de Virologie Humaine et Moléculaire, CHU Caen ; 2 Service de Pédiatrie, CHU Caen ;
3
Service de Néonatologie, CHU Caen
CONCLUSION
Bien qu’elle ait conservé ses caractéristiques épidémiologiques traditionnelles : atteinte
prioritaire des enfants, saisonnalité... la pathologie respiratoire courante vue à l’hôpital s’est
modifiée avec l’augmentation des cas de bronchiolites hospitalisées, l’apparition de nouveaux virus et l’impact des infections à rhinovirus. C’est un élément important que les médecins et les autorités sanitaires doivent prendre en considération…
RÉFÉRENCES
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FIGURE 4 : Infections à VRS et hMPV. CHU Caen
FIGURE 1 : Distribution saisonnière des virus respiratoires. CHU de Caen.
FIGURE 2 : Epidémies à virus influenza. CHU Caen
FIGURE 5 : Âge des enfants infectés par un virus respiratoire. CHU de Caen
Légendes des figures
FIGURE 1. Virus respiratoires identifiés de septembre 2000 à avril 2006 chez les enfants hospitalisés de 2000 à 2006. En ordonnées, nombre de virus cumulés sur une période de 2 mois : septembre et octobre, novembre et décembre, janvier et février, mars et
avril.
FIGURE 2. Epidémies d’infections à virus influenza A et B chez les patients hospitalisés entre 2000 et 2008. En ordonnées, nombre d’échantillons respiratoires positifs ; en rouge : virus influenza A, en bleu : virus influenza B.
FIGURE 3. Infections à rhinovirus chez les enfants hospitalisés. En ordonnées : pourcentage des virus isolés chaque mois entre le 1
septembre et le 30 mai, de 1999 à 2004.
FIGURE 4. Comparaison des épidémies à RSV et hMPV entre 2002 et 2008. Nombre total d’infections détectées du 1 novembre
au 30 mars pendant les hivers 2002-2003, 2004-2005, 2006-2007 et 2007-2008 : pour l’hMPV : 60, 53, 47, 74 et pour le VRS : 191,
310, 388, 282.
FIGURE 5. Age des enfants infectés par les virus influenza A et B, VRS, hMPV, parainfluenza virus 1,2,3, adénovirus et rhinovirus,
et hospitalisés de septembre 2006 à mai 2007, et de septembre 2007 à mai 2008. En ordonnées, pourcentage de chaque virus par
tranches d’age : 0 à 6 mois, 6 mois à 2 ans, 2 à 5 ans, 5 à 10 ans, 10 à 20 ans.
TABLEAU 1. Epidémiologie virale comparative entre nourrissons consultant aux urgences pédiatriques pour infection respiratoire [6]. VRS : virus respiratoire syncytial ; HRV : rhinovirus humain, AdV :adénovirus ; VPI :virus parainfluenza ; EV :entérovirus ; HMPV : métapneumovirus humain ; HcoV : coronavirus humain
FIGURE 3. Infections à rhinovirus. CHU Caen
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TABLEAU 1. EPIDEMIOLOGIE VIRALE COMPARATIVE ENTRE NOURRISSONS CONSULTANT
AUX URGENCES PEDIATRIQUES POUR INFECTION RESPIRATOIRE. CHU DE CAEN
HOSPITALISÉ
AMBULATOIRE
TOTAL
Population
263
186
449
Age moyen (mois)
5,3
9,3
7,3
Voies aériennes supérieures
6,8
31,2
16,9
Atteinte respiratoire (%)
Laryngite
0,4
3,8
1,8
Exacerbation asthme
4,9
5,4
5,1
Bronchiolite
79,8
47,3
66,3
Bronchite
4,9
10,7
7,3
Pneumopathie
3,2
1,6
2,6
EFFICACITÉ DE LA KINÉSITHÉRAPIE RESPIRATOIRE
AVEC AUGMENTATION DU FLUX EXPIRATOIRE
DANS LA PRISE EN CHARGE
DE LA PREMIÈRE BRONCHIOLITE AIGUË
DU NOURRISSON HOSPITALISÉ :
ESSAI MULTICENTRIQUE RANDOMISÉ
ET CONTRÔLÉ EN DOUBLE INSU
par
Secrétions nasales
Recherche négative (%)
8
9,2
8,5
Virus/prélèvements positifs
317/242
202/169
519/411
VRS
60,0
36,6
43,6
HRV
34,6
39,2
31,8
Virus Influenza
7,6
15,1
8,8
AdV
1,9
3,8
2,3
VPI
0,3
4,3
3,2
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Epidémiologie (%)
EV
0,3
2,7
2,1
hMPV
6,5
3,6
4,4
HcoV
4,2
3,8
3,4
La conférence de consensus sur la prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson
qui s’est tenue en 2000 recommandait la pratique de la kinésithérapie respiratoire utilisant la
technique de l’augmentation du flux expiratoire (AFE) comme traitement systématique [1].
Aucune étude clinique n’ayant évalué de manière rigoureuse cette technique, cette recommandation reposait sur un avis d’expert (grade C selon les critères de la haute autorité de santé)
et était assortie d’une recommandation de l’évaluation de son efficacité. C’est dans ce cadre
qu’a été mise en place une étude multicentrique randomisée et contrôlée en double insu.
L’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire
avec AFE dans la prise en charge des nourrissons hospitalisés pour une première bronchiolite
aiguë.
PATIENTS ET MÉTHODES
L’étude a été menée dans sept hôpitaux parisiens pendant les saisons d’épidémies de
bronchiolite aiguë entre le 1er octobre 2004 et le 1er janvier 2008.
Critères d’inclusion et de non inclusion
Les enfants étaient incluables s’ils étaient hospitalisés pour une première bronchiolite
aiguë et avaient au moins un des signes suivants : aspect toxique, épisode de cyanose ou d’apnée, polypnée supérieure à 60/min, saturation transcutanée en oxygène inférieure à 95 %,
difficultés alimentaires (définies par des prises alimentaires inférieures aux 2/3 des prises
habituelles). N’étaient pas incluables les enfants qui présentaient une des caractéristiques
suivantes : nécessité à l’admission d’une prise en charge en réanimation, antécédents de pré-
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EFFICACITÉ DE LA KINÉSITHÉRAPIE RESPIRATOIRE...
maturité (< 34 semaines d’aménorrhée), pathologie cardiaque ou pulmonaire sous-jacente,
contre-indication à la réalisation de kinésithérapie respiratoire (maladie osseuse constitutionnelle, saturnisme, corticothérapie prolongée).
chaque bras d’étude. Les caractéristiques des enfants ont été comparées par le test exact de
Fischer pour les variables qualitatives et par le test de rang de Wilcoxon pour les variables quantitatives. Les délais de guérison ont été estimés par la méthode de Kaplan Meier et ont été comparés par le test du log-rank. Les Hazard Ratio de l’effet de l’AFE et leurs intervalles de confiance
à 95 % ont été estimés en considérant des sous-groupes définis pour des variables supposées pronostiques : âge (< 2 mois, ≥ 2 mois), existence ou non d’une histoire personnelle d’eczéma ou
familiale d’atopie (définie par l’existence d’antécédents d’asthme ou d’eczéma chez les parents
ou les frères et sœurs de l’enfant), présence ou non d’une hypoxémie (saturation transcutanée à
l’inclusion < 95 %) et présence ou non du virus respiratoire syncitial (VRS) dans le prélèvement
des secrétions naso-pharyngées réalisé à l’inclusion. L’ensemble de ces sous-groupes, à l’exclusion
de l’âge, ont été spécifiés a posteriori dans le cadre d’une analyse post hoc. Enfin, nous avons mené
une analyse multivariée utilisant le modèle de cox, en tenant compte d’un éventuel effet centre.
Randomisation, traitement à l’étude et autres traitements
Après un examen clinique et l’obtention du consentement éclairé des parents, l’enfant
était randomisé dans le bras « kinésithérapie respiratoire » ou dans le bras contrôle. Dans
le bras « kinésithérapie respiratoire », le kinésithérapeute réalisait 3 séances quotidiennes
de kinésithérapie respiratoire avec AFE ; dans le bras « contrôle » le kinésithérapeute réalisait 3 aspirations nasales par jour (AN). Ni les parents, ni les soignants, (à l’exception des
kinésithérapeutes) ni les médecins ne savaient quel était le traitement reçu par l’enfant.
Dans l’hypothèse d’un effet différent de l’AFE en fonction de l’âge, la randomisation
était stratifiée sur l’âge (un groupe d’enfants âgés de moins de deux mois et un groupe d’enfants âgés de deux mois ou plus).
La technique d’AFE était standardisée et réalisée selon les recommandations proposées pour
cette technique dans la conférence de consensus sur la kinésithérapie respiratoire [2] : il s’agit
d’un mouvement thoraco-abdominal synchrone créé par les mains du kinésithérapeute sur le
temps expiratoire. Ce geste met en compression le thorax et l’abdomen pour créer un flux expiratoire passif. Le geste débute dés le début de l’expiration et peut aller si besoin jusqu’à la fin de
l’échappement expiratoire. Il est modulable pour son efficacité (amplitude et vitesse), sans toutefois dépasser le seuil de tolérance de la structure bronchiolaire (risque de produire un collapsus bronchio-alvéolaire). L’AFE était suivie du déclenchement d’une toux dite provoquée (TP),
produite dans un premier temps par le repérage de la trachée au dessus de la fourchette sternale
(consistant à mettre en jeu l’étirement des parois laryngées) et si cette manœuvre n’avait pas suffi
à déclencher la toux, par une pression digitale verticale de l’index ou du pouce sur la trachée.
Afin d’assurer une homogénéité maximale des autres traitements, des recommandations
avaient été rédigées pour définir les indications de nutrition entérale ou parentérale et d’oxygénothérapie. Conformément à la conférence de consensus, les autres traitements n’étaient pas
recommandés mais l’investigateur était libre de ses prescriptions. Tous les traitements reçus par
les enfants étaient consignés. Les enfants étaient évalués au moins toutes les huit heures selon un
score clinique associant la fréquence respiratoire, la saturation transcutanée en oxygène et les
signes de lutte respiratoire. Le score utilisé a fait l’objet d’une étude préalable qui a montré sa
bonne reproductibilité inter-observateur [3]. Les enfants étaient considérés comme guéris si, de
manière stable sur 8 heures, ils étaient autonomes sur le plan alimentaire, normoxique, eupnéique (FR < 60/min) et avaient un score de lutte < 2.
Critères de jugement
Le critère de jugement principal était le délai de guérison (tel que défini plus haut). Les
critères de jugement secondaires étaient le taux d’admission en réanimation et de ventilation
assistée (invasive ou non) et le taux de recours aux antibiotiques. Les parents étaient rappelés 30 jours après la sortie pour enregistrer les récidives et les hospitalisations secondaires.
Analyses statistiques
Pour mettre en évidence une différence du délai de guérison de 20 % entre les deux bras avec
une puissance de 80 % et un risque de première espèce de 5 %, il fallait inclure 228 enfants dans
RÉSULTATS
496 enfants ont été inclus (246 dans le bras « AFE » et 250 dans le bras « contrôle »).
Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes en ce qui concerne les données démographiques ou la présentation clinique initiale (Tableau I).
TABLEAU I : CARACTERISTIQUES DEMOGRAPHIQUES
ET PRESENTATION CLINIQUE DES ENFANTS A L’INCLUSION
AN*
N = 250
AFE*
N = 246
P
3,14 (3,00)
3,02 (2,58)
0,98
141/109
134/112
0,72
39,14
[38,07-40,14]
39,21
[38,0-40,39]
0,98
Tabagisme chez les parents – n (%)†
69 (29,0 %)
65 (26,9 %)
0,61
Antécédent chez les parents et frères et sœurs d’asthme
ou d’eczéma – n (%)
100 (40,7 %)
97 (39,8 %)
0,85
Garde en collectivité – n (%)
37 (15,0 %)
29 (12,0 %)
0,35
Durée des symptômes au moment de la randomisation
en heures – Moyenne (SD)†
4,03 (4,26)
3,66 (2,50)
0,79
Difficultés alimentaires – n (%)†
222 (89,2 %)
207 (84,8 %)
0,18
SpO2<95% à l’inclusion – n (%)
110 (44,0 %)
106 (42,4 %)
1,00
Atélectasie à l’inclusion
31 (12,9 %)
18 (7,6 %)
0,07
139 (56,0 %)
87 (34,7 %)
23 (9,3 %)
134 (55,8 %)
82 (34,2 %)
24 (10,0 %)
0,97
VRS + – n (%)
152 (76,4 %)
137 (73,3 %)
0,48
Température (°C) – Moyenne (SD)
37,24 (0,68)
37,26 (0,58)
0,34
Age moyen (SD) (mois)
Sexe – M/F
Age gestationnel – Médiane
[IIQ**]
O2 et d’une perfusion à l’inclusion– n (%)
Pas d’oxygène
Oxygène seulement
Oxygène perfusion intraveineuse
*AFE : Kinésithérapie avec augmentation du flux expiratoire. AN : aspiration nasale (bras contrôle)
† les données ont été obtenues par l’interrogatoire des parents
** Intervalle Interquartile
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EFFICACITÉ DE LA KINÉSITHÉRAPIE RESPIRATOIRE...
Le délai de guérison médian [intervalle interquartile] n’était pas significativement différent
entre les deux groupes (p = 0,25, Figure I). Ce délai était de 2,02 [1,15 – 3,81] jours pour les
enfants ayant eu l’AFE et de 2,31 [1,27 – 4,00] jours pour les enfants du bras contrôle. Il y
avait un effet centre significatif (p < 0,001) illustrant le fait que le délai de guérison des
enfants n’était pas le même dans tous les centres participant à cette étude.
TABLEAU II. DELAI DE GUERISON DANS DIFFERENTS SOUS-GROUPES
EN FONCTION DE FACTEURS PRONOSTIQUES ET HAZARD RATIO
DU DELAI DE GUERISON (INTERVALLE DE CONFIANCE A 95%)
AN
N = 250
Délai de guérison (jours)
Age
< 2 mois (n=238)
≥ 2 mois (n=258)
AFE
N = 246
HR (95 CI)
Médiane [Interquartile]
2,64 [1,29 – 4,60]
2,00 [1,08 – 3,55]
2,45 [1,33 – 4,25]
1,99 [1,00 – 3,08]
1,12 [0,86 – 1,44]
1,08 [0.84 – 1,39]
1,92 [0,99 – 3,62]
2,42 [1,38 – 4,33]
2,29 [1,06 – 3,99]
2,01 [1,23 – 3,43]
0,86 [0,65 – 1,14]
1,29 [1,02 – 1,62]
VRS
Positif (n= 289)
Négatif (n= 97)
2,35 [1,29 – 4,33]
2,33 [1,00 – 3,49]
2,32 [1,22 – 4,05]
1,93 [0,89 – 2,38]
1,04 [0,82 – 1,32]
1,44 [0,94 – 2,22]
Hypoxie à l’inclusion
Oui (n=216)
Non (n=273)
2,73 [1,65 – 4,31]
1,89 [1,00 – 3,95]
2,37 [1,56 – 4,40]
1,95 [0,94 – 3,31]
0,99 [0,75 – 1,31]
1,22 [0,96 – 1,56]
Atopie chez les parents ou dans la
fratrie ou eczéma chez l’enfant†
oui (n = 293)
non (n=197)
FIGURE I : courbes de survie indiquant pour chaque groupe le pourcentage d’enfants non guéris
en fonction du temps
Les analyses en sous-groupe n’ont pas montré de différence entre le groupe AFE et le
groupe contrôle selon l’âge des enfants, la présence d’un VRS dans les secrétions nasopharyngées et l’hypoxie. En revanche, chez les enfants qui n’avaient pas d’eczéma et sans histoire
familiale (parents, fratrie) d’asthme ou d’eczéma, l’AFE semble plus efficace que l’AN avec
un temps médian de guérison de 2,01 [1,23 – 3,43] jours pour les enfants du groupe AFE et
de 2,42 [1,38 – 4,33] jours dans le bras contrôle. L’interaction entre l’effet du traitement à
l’étude et le risque d’atopie ainsi défini était significative (p = 0,03) suggérant une différence
d’effet de l’AFE selon que l’enfant est ou non atopique.
FIGURE II : Hazard Ratio et intervalles de confiance à 95% pour le délai de guérison
comparant le groupe ayant de l’AFE au groupe ayant des aspirations nasales (bras contrôle)
en fonction de facteurs pronostiques
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V. GAJDOS, S. KATSAHIAN, N. BEYDON, S. BAILLEUX, S. CHEVRET, P. LABRUNE
EFFICACITÉ DE LA KINÉSITHÉRAPIE RESPIRATOIRE...
L’analyse multivariée (prenant en compte l’interaction de l’effet du traitement
avec la présence ou non d’un eczéma chez l’enfant et d’antécédents d’atopie dans la
famille nucléaire) a mis en évidence un effet significatif de l’AFE sur le délai de guérison (Hasard Ratio (HR) = 1,49, p = 0,004) chez les enfants sans histoire familiale
d’asthme ou d’eczéma, et sans antécédent personnel d’eczéma. Cet effet n’était pas
retrouvé chez les enfants ayant des antécédents d’eczéma ayant une histoire familiale
d’atopie (HR = 0,91, p = 0,58). Il y avait un lien significatif entre le délai de guérison
et l’âge de l’enfant (HR = 1,08, p < 0,001), les antécédents familiaux et/ou personnels de
La kinésithérapie respiratoire avec AFE est recommandée en France par la conférence de
consensus sur la prise en charge de la bronchiolite aiguë du nourrisson qui s’est tenue en
2000 [1]. L’AFE est supposée augmenter l’élimination des secrétions et ainsi, de diminuer la
composante obstructive en cause dans la symptomatologie bronchiolaire. Des études évaluant l’efficacité de l’AFE chez les enfants ayant une bronchiolite aiguë du nourrisson ont
déjà été menées et aucune n’a permis de conclure à l’efficacité de ce traitement. Toutefois,
ces études ne permettaient pas de répondre à la question de l’efficacité de l’AFE dans la
mesure où elles évaluaient des techniques différentes [4-7]. Malgré l’absence de validation de
son efficacité, l’AFE est largement utilisée dans les pays francophones [8] alors qu’elle n’est
pas recommandée dans les recommandations internationales [9, 10].
La différence d’effet de l’AFE chez les enfants ayant des facteurs de risques d’atopie
pourrait s’expliquer par le fait qu’il existe en fait deux phénotypes différents chez les enfants
atteints de bronchiolite aiguë [11] : un dans lequel l’atteinte respiratoire est entièrement liée
à l’agression infectieuse à l’origine d’une obstruction liée à un œdème de la paroi bronchiolaire et à une augmentation des secrétions et un deuxième présent chez les enfants ayant un
terrain atopique sous-jacent et chez lesquels l’obstruction résulte de l’association de l’inflammation et du bronchospasme. Dans la mesure où nous ne disposons pour cette étude
d’aucune évaluation de la fonction respiratoire des enfants inclus, nous ne pouvons pas identifier clairement les enfants présentant une hyperréactivité bronchique ; toutefois, l’existence d’antécédents familiaux d’atopie permet, bien que cette évaluation soit imprécise, d’estimer le risque que l’enfant soit lui-même atopique. Il parait logique que l’AFE soit plus efficace chez les enfants pour lesquels l’obstruction bronchiolaire n’est pas, ou moins, liée à l’hyperréactivité bronchique. Toutefois, de nouvelles études sont nécessaires pour confirmer
une éventuelle efficacité dans la bronchiolite aiguë du nourrisson non atopique.
Les résultats de cette étude ne sont pas extrapolables à l’ensemble des nourrissons atteints de
bronchiolite aiguë ; il est notamment impossible de transposer ces données aux nourrissons
dont la prise en charge est uniquement ambulatoire. De nouvelles études devront être
menées pour répondre à cette question.
En conclusion, cette étude n’a pas permis de mettre en évidence une efficacité de la kinésithérapie respiratoire chez les nourrissons hospitalisés pour bronchiolite aiguë. De nouvelles études sont nécessaires pour mieux évaluer l’efficacité de ce traitement chez les enfants
qui n’ont pas un terrain atopique ainsi que chez les nourrissons non hospitalisés.
manifestations d’atopie (HR = 1,40, p = 0,03), la présence d’une atélectasie à l’admission
(HR = 0,70, p = 0,05) et la présence du VRS dans les secrétions nasopharyngées (HR = 0,78,
p = 0,04). L’effet centre restait significatif dans l’analyse multivariée (p = 0,024).
17 (3,5 %) enfants ont nécessité une admission en réanimation dont 7 (1,4 %) ont eu
une ventilation artificielle. Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes
pour les taux d’admission en réanimation (p = 0,62) ou de recours à la ventilation artificielle
(p = 0,28). 69 (28,5 %) enfants du groupe contrôle et 67 (28,6 %) du groupe AFE ont reçu
des antibiotiques (p = 1,00). 26 (5,2 %) enfants on été à nouveau hospitalisés dans le mois
qui a suivi la sortie sans différence entre les deux groupes (p = 0,68).
TABLEAU III : CRITÈRES SECONDAIRES
AN
N = 250
AFE
N = 246
p
Admission en réanimation – n (%)
10 (4,1 %)
7 (2,9 %)
0,62
Ventilation artificielle– n (%)
2 (0,8 %)
5 (2,0 %)
0,28
Surinfection
46 (18,7 %)
40 (16,8 %)
0,63
Prescription d’antibiotiques
69 (28,5 %)
67 (28,6 %)
1,00
Récidive*
53 (29,1 %)
53 (31,0 %)
0,73
Nouvelle hospitalisation *
12 (6,5 %)
14 (8,1 %)
0,68
*les données ont été obtenues par un entretien téléphonique avec les parents realisé 30 jours après leur sortie. 356
réponses (71,7 %). Les pourcentages sont calculés sur la population ayant répondu à l’appel téléphonique (n= 356)
DISCUSSION
Cette étude est, à notre connaissance, la première étude randomisée et contrôlée évaluant l’efficacité de l’AFE dans la bronchiolite aiguë du nourrisson hospitalisé. Elle n’a pas
permis de mettre en évidence de réduction significative du délai de guérison chez les enfants
traités par AFE par rapport à ceux recevant de simples aspirations nasales. Cette étude a en
revanche, dans une analyse post hoc en sous-groupe, mis en évidence une différence d’effet de
l’AFE entre les nourrissons ayant des facteurs de risque d’atopie (chez lesquels il n’y pas d’efficacité) et ceux qui n’en avaient pas (chez lesquels le délai de guérison est significativement
plus court dans le groupe recevant de la kinésithérapie respiratoire) suggérant un possible
effet du traitement dans cette population. Cette analyse en sous groupe n’ayant pas été planifiée avant la réalisation de l’étude, il n’est pas possible de s’en satisfaire pour conclure définitivement à l’efficacité de ce traitement chez les enfants présentant des facteurs de risque
d’atopie mais il s’agit d’une piste de réflexion pour des études à venir.
V. Gajdos, S. Katsahian, N. Beydon, S. Bailleux, S. Chevret, P. Labrune
Correspondance : V. Gajdos. Service de Pédiatrie, Hôpital Antoine Béclère, 157 rue de la porte
de Trivaux, 92141 Clamart cedex. [email protected]
CENTRES PARTICIPANTS
Ont participé à cette étude les services de pédiatrie des hôpitaux Antoine Béclère (V. Gajdos,
S. Bailleux), Robert Debré (N. Beydon, D. Lopes), Necker – Enfants Malades (V. Abadie, A.
Benfradj), Jean Verdier (L. De Pontual, N. Josse), Kremlin Bicêtre (S. Larrar, A. Geoffroy),
Armand Trousseau (R. Epaud, X. Courties) et Ambroise Paré (B. Chevallier, I. Langlois - Wils).
Le suivi de l’étude a été assuré par Anne Doutres et Aminata Traoré et la validation des données par Alix Mollet – Boudjemline.
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V. GAJDOS, S. KATSAHIAN, N. BEYDON, S. BAILLEUX, S. CHEVRET, P. LABRUNE
REMERCIEMENTS
Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique
national (PHRC) et a reçu le soutien de l’association des réseaux bronchiolite (ARB).
Les auteurs remercient tous les enfants qui ont participé à cette étude ainsi que leurs
parents et l’ensemble des kinésithérapeutes, infirmières et médecins qui ont contribué à l’inclusion et au suivi des enfants ainsi que les attachés de recherche clinique qui ont assuré le
monitorage de l’étude.
RÉFÉRENCES
1. Conférence de consensus sur la prise en charge de la bronchiolite du nourrisson. Paris, France, 21 Septembre
2000. Arch Pediatr2001 Jan;8 Suppl 1:1s-196s.
2. Recommandations : Conférence de consensus sur la kinésithérapie respiratoire. Lyon 2 et 3 décembre 1994.
Kinésithér Scient 1995;344:45-54.
3. Gajdos V, Beydon N, Bommenel L, Pellegrino B, de Pontual L, Bailleux S, et al. Inter-Observer Agreement
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Pediatr Pulmonol 2009;sous presse.
4. Bohe L, Ferrero ME, Cuestas E, Polliotto L, Genoff M. [Indications of conventional chest physiotherapy in
acute bronchiolitis]. Medicina (B Aires) 2004;64(3):198-200.
5. Nicholas KJ, Dhouieb MO, Marshall TG, Edmunds AT, Grant MB. An evaluation of chest physiotherapy in
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Dis Child 1985 Nov;60(11):1078-9.
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2001 Jan;8 Suppl 1:128S-31S.
9. SIGN. Bronchiolitis in Children : a National Clinical Guideline. 2006.
10. Subcommittee on Diagnosis and Management of Bronchiolitis. Diagnosis and Management of Bronchiolitis.
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11. Reynolds EO, Cook CD. The Treatment of Bronchiolitis. J Pediatr1963 Dec;63:1205-7
LA VENTILATION NON INVASIVE (VNI) DANS LES FORMES
GRAVES DE BRONCHIOLITES
par
S. ESSOURI, L. CHEVRET, P. DURAND, D. DEVICTOR
La bronchiolite est une infection respiratoire essentiellement virale, survenant par épidémies hivernales et touchant avec prédilection le nourrisson. Cette pathologie est responsable d’un recrutement majeur des services de réanimation pédiatrique en phase épidémique.
L’agent responsable est le plus souvent le virus respiratoire syncytial (VRS) en cause dans
60 à 90 % des cas selon les études.
En France, les systèmes de surveillance de la bronchiolite reposent sur trois systèmes
complémentaires :
- l’Institut de veille sanitaire (InVS) à partir des urgences de 30 hôpitaux (19 en Ile de
France et 11 dans les autres régions),
- Les Groupes Régionaux d’Observation de la Grippe (GROG) : recueil du VRS par
les laboratoires, les médecins libéraux,
- Le système de surveillance de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (réseau hospitalier ERBUS couvrant les urgences pédiatriques d’Ile de France).
Cette surveillance montre que chaque année, 30 % des nourrissons sont atteints par la
bronchiolite, avec un taux variant selon les régions de 14 à 38 % [1]. Les plus forts taux sont
observés dans les régions à plus forte densité de population. La plupart des nourrissons sont
vus et pris en charge en ville, mais 4,8 à 6,7 % des enfants sont adressés en secteur hospitalier. Cela se traduit par un afflux de consultation et d’hospitalisation que les pédiatres
connaissent bien. Les dernières données épidémiologiques estiment que 19,5 % des enfants
âgés de moins de trois mois sont atteints. L’hospitalisation concerne essentiellement les
nourrissons les plus jeunes (70 % des nourrissons hospitalisés sont âgés de moins de 3 mois).
Trois pourcent des enfants hospitalisés vont développer une forme sévère nécessitant une
prise en charge en USIP. Les facteurs de risque de développer des formes graves sont : un âge
inférieur à 3 mois, un antécédent de prématurité, une pathologie pulmonaire sous-jacente
ou une cardiopathie associée et une immunodépression acquise ou constitutionnelle [2, 3].
Les motifs d’hospitalisation en USIP sont les détresses respiratoires dans 70 % des cas et les
apnées dans 23 % des cas. Le seul traitement, jusqu’au début des années 2000, était l’intubation trachéale et la ventilation mécanique. La mortalité certes faible mais non nulle évaluée
à 0,5 à 3,5 % selon les études [2, 4, 5], était essentiellement en rapport avec les complications
infectieuses liées à la ventilation mécanique. La physiopathologie de la bronchiolite fait
intervenir une action directe du virus sur les voies aériennes avec une obstruction à la fois
endoluminale (œdème alvéolaire) et murale, les caractéristiques anatomiques de ces très
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LA VENTILATION NON INVASIVE (VNI) DANS LES FORMES GRAVES DE BRONCHIOLITES
jeunes enfants les prédisposent au collapsus alvéolaire, expliquant la fragilité particulière de
cette population et la nécessité d’un support ventilatoire.
L’expérience de la VNI dans la bronchiolite, et plus précisément de la pression positive
continue (PPC), n’est pas récente car 2 études rapportent un succès de la PPC en 1981 et
1993 avec une diminution significative de la fréquence respiratoire et une amélioration des
échanges gazeux [6, 7]. Depuis 1993, la littérature se limite à une étude épidémiologique
danoise qui rapporte une diminution du nombre de patients ventilés de façon invasive et une
proportion non négligeable d’enfants bénéficiant de la PPC [8]. Ainsi, sur 459 nourrissons
atteints de bronchiolite, 130 enfants ont bénéficié d’une PPC et seulement 6 patients furent
intubés. La VNI a pu être plus largement utilisée par les équipes grâce au développement, au
début des années 2000, d’une interface adaptée à ces jeunes patients : la canule bi-nasale.
Il est intéressant de voir le changement de pratique dans la prise en charge de cette pathologie saisonnière très fréquente. Ainsi, au cours des années 1990, le support ventilatoire disponible pour prendre en charge ces patients était la ventilation invasive. Chevret et al ont rapporté l’évolution de 135 nourrissons ventilés entre 1994 et 1998, ces enfants étaient ventilés
en moyenne 6 jours, séjournaient en réanimation en moyenne 9 jours, il rapporte une morbidité de 16 % et 4 décès soit 2,9 % de mortalité [2]. Au début des années 2000, Larrar et al ont
rapporté leur expérience sur 53 bronchiolites sévères exclusivement ventilées en PPC entre
2003 et 2005 [9]. L’évolution clinique est différente avec une durée de ventilation moyenne
de 3 jours, une durée moyenne de séjour en réanimation de 6 jours et une mortalité nulle avec
seulement 25 % d’échec de la PPC définie comme la nécessité de l’intubation trachéale.
Plusieurs auteurs ont publiés récemment les expériences cliniques de quelques services de réanimation pédiatrique qui sont regroupées dans le Tableau 1. Ces travaux mettent tous en évidence une efficacité de la PPC sur l’amélioration des efforts respiratoires (diminution de la
fréquence respiratoire) et des échanges gazeux (diminution de la capnie) [9-12]. Par ailleurs,
le succès de cette technique est élevé, compris entre 67 et 83 % dans ces premiers travaux.
Dans le service de réanimation pédiatrique de Bicêtre, l’utilisation de la PPC a débutée
en 2003. Comme la plupart des services, nous avons observé une amélioration significative
des échanges gazeux et des signes cliniques de détresse respiratoire sous PPC [9-10]. Son utilisation a totalement modifié la prise en charge des bronchiolites sévères. Comme le montre
la figure 1, ainsi l’évolution du nombre d’enfants ventilés de manière invasive et non invasive s’est inversée au cours des 4 dernières années. La stabilité du nombre d’enfants n’ayant
pas recours à un support ventilatoire, nous fait penser que la PPC non invasive n’est pas instaurée chez des enfants n’ayant pas besoin d’un support ventilatoire mais réellement comme
une alternative à la ventilation invasive dans cette pathologie. Comme le montre la Figure 1,
le taux d’échec de la PPC était initialement de 25 % et a diminué progressivement pour passer en deçà de 10 % depuis 2 ans. L’utilisation de la PPC non invasive est associée à une diminution significative de la durée du support ventilatoire (3 jours versus 6 jours) et à une diminution significative de la durée de séjour en réanimation (6 jours versus 9 jours) [2]. Ces
données sont certes intéressantes mais ne fournissent pas d’éléments de preuves suffisants
pour affirmer une réelle efficacité de la PPC dans la bronchiolite.
réelle de la VNI et plus précisément de la PPC. Un apport physiologique pourrait pallier en
partie aux limites méthodologiques et éthiques spécifiques à la pédiatrie et certaines équipes
se sont attelées à faire valider cette indication grâce à l’aide de la physiologie.
Le travail respiratoire peut être mesuré par l’intermédiaire de l’enregistrement des pressions œsophagiennes, reflet des pressions pleurales, et le calcul de la valeur des produits pression-temps œsophagien (PTPoeso). L’enregistrement simultané des pressions œsophagiennes
et gastriques permet le calcul des pressions trans-diaphragmatiques et donc la mesure du travail du diaphragme (PTPdia), muscle respiratoire principal. Ainsi, Cambonie et al ont montré chez 12 enfants hospitalisés pour bronchiolite qu’ils présentent tous des efforts respiratoires et des valeurs élevées de PTPoeso en ventilation spontanée comme le montre la Figure 2
et il observe une réduction d’environ 50 % des efforts respiratoires de ces patients en PPC
avec de façon concomitante une amélioration du score de détresse respiratoire clinique [13].
De même, une évaluation prospective sur 10 nourrissons hospitalisés pour bronchiolite à
Bicêtre et ayant un support ventilatoire par PPC retrouve également des PTPoeso et PTPdia
élevés chez tous les enfants et qui sont diminués d’environ 55 % par la PPC.
En conclusion, le support ventilatoire de première intention dans les bronchiolites
sévères du nourrisson est maintenant la PPC non invasive. Les études physiologiques et cliniques doivent être poursuivies ainsi que la formation des différentes équipes soignantes
pour que cette indication de la VNI soit reconnue par les conférences de consensus à venir.
La VNI tous âges et indications confondus a fait l’objet d’une nouvelle conférence de
consensus en novembre 2006. Concernant la bronchiolite sévère on ne peut que déplorer
l’actuelle absence d’indication validée. En effet, dans le cadre « intérêt non établi de façon
certaine, il faut probablement faire (G2+), » on trouve les formes apnéisantes de la bronchiolite. En revanche, la bronchiolite aiguë du nourrisson hors forme apnéisante se retrouve
dans le cadre « sans cotation possible ». A la lumière des expériences cliniques des différentes équipes, il devient indispensable de valider la bronchiolite aiguë comme indication
FIGURE 1 : Augmentation de la fréquence d’utilisation de la VNI
dans la prise en charge des bronchiolites en réanimation de 2003 à 2008.
Légende : Le nombre de patients intubés par épidémie est représenté en rouge. Le nombre de
patients mis en PPC par épidémie est représenté en bleu et il augmente d’années en années. Le
taux d’échec de la PPC, défini par la nécessité d’une intubation pendant le séjour en réanimation est précisé en noir dans la partie supérieure de la figure. En vert, nombre de patients admis
en réanimation mais ne nécessitant aucun support ventilatoire.
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S. ESSOURI, L. CHEVRET, P. DURAND, D. DEVICTOR
LA VENTILATION NON INVASIVE (VNI) DANS LES FORMES GRAVES DE BRONCHIOLITES
6. Beasley JM, Jones SE. Continuous positive airway pressure in bronchiolitis. Br Med J (Clin Res Ed). 1981 Dec
5;283(6305):1506-8.
7. Soong WJ, Hwang B, Tang RB. Continuous positive airway pressure by nasal prongs in bronchiolitis. Pediatr
Pulmonol. 1993 Sep;16(3):163-6.
8. Kristensen K, Dahm T, Frederiksen PS, Ibsen J, Iyore E, Jensen AM, et al. Epidemiology of respiratory syncytial virus infection requiring hospitalization in East Denmark. Pediatr Infect Dis J. 1998 Nov;17(11):9961000.
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airway pressure ventilation in infants with severe acute bronchiolitis]. Arch Pediatr. 2006 Nov;13(11):1397403.
10. Campion A, Huvenne H, Leteurtre S, Noizet O, Binoche A, Diependaele JF, et al. [Non-invasive ventilation
in infants with severe infection presumably due to respiratory syncytial virus: feasibility and failure criteria].
Arch Pediatr. 2006 Nov;13(11):1404-9.
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pressure decreases respiratory muscles overload in young infants with severe acute viral bronchiolitis. Intensive
care medicine. 2008 Oct;34(10):1865-72.
FIGURE 2 : Augmentation des efforts respiratoires des patients en ventilation spontanée
et nette amélioration grâce à la PPC. Cambonie et al ICM 2008.
Légende : Enregistrement des pressions œsophagiennes et gastriques chez un enfant en ventilation
spontanée (panel de gauche) et en PPC (panel de droite). On observe une réduction importante du
swing de Pes et du swing de Pgas traduisant la diminution des efforts respiratoires lors de la PPC.
TABLEAU 1 : Expériences cliniques de l’utilisation de la PPC
pour la prise en charge des bronchiolites sévères
Patients (n=)
Niveau de PPC
(cm H2O)
delta PCO2
(mm/Hg)
Durée de ventilation
(jours)
Succès
Campion, 2006
69
4-6
10
2
83 %
Larrar, 2006
53
6
11,7
2,7
75 %
Thia, 2008
16
5-6
9,5
-
-
Javouhey, 2008
15
5-10
-
2,2
67 %
Auteurs
89
S. Essouri, L. Chevret, P. Durand, D. Devictor
Service de Réanimation pédiatrique, CHU Kremlin Bicêtre, 78, rue du Général Leclerc,
94270 Le Kremlin Bicêtre, Tél : 01.45.21.32.05, Courriel : [email protected]
RÉFÉRENCES
1. Grimprel E. [Epidemiology of infant bronchiolitis in France]. Arch Pediatr. 2001 Jan;8 Suppl 1:83S-92S.
2. Chevret L, Mbieleu B, Essouri S, Durand P, Chevret S, Devictor D. [Bronchiolitis treated with mechanical ventilation: prognosis factors and outcome in a series of 135 children]. Arch Pediatr. 2005 Apr;12(4):385-90.
3. Wang EE, Law BJ, Stephens D. Pediatric Investigators Collaborative Network on Infections in Canada (PICNIC) prospective study of risk factors and outcomes in patients hospitalized with respiratory syncytial viral
lower respiratory tract infection. J Pediatr. 1995 Feb;126(2):212-9.
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BRONCHIOLITE : TRAITEMENTS ACTUELS ET FUTURS
par
R. EPAUD, N. GUILLEMOT, S. BLANCHON
La bronchiolite aiguë du nourrisson est une infection virale épidémique qui atteint
30 % des enfants de moins de 2 ans avec un pic entre le 4e et le 6e mois de vie, soit
460 000 nourrissons chaque année en France. La grande majorité des bronchiolites aiguës
est due au virus respiratoire syncitial (VRS), mais d’autres virus respiratoires peuvent également se présenter avec le même tableau. En l’absence de traitements spécifiques dont l’efficacité est reproductible et scientifiquement prouvée, la prise en charge clinique de ces
nourrissons parfois sévèrement atteints est restreinte au traitement symptomatique de soutien incluant un apport suffisant en liquide, énergie et oxygène. Cette revue a donc comme
objectif de faire le point sur les différentes thérapeutiques (kinésithérapie mise à part) proposées dans la prise en charge des bronchiolites aiguës et de proposer un modèle de prise en
charge au domicile et à l’hôpital.
ÉTAT DES LIEUX
Bien que la majorité des nourrissons soient traités en ambulatoire, la bronchiolite aiguë
est toujours l’une des causes d’hospitalisation la plus fréquente pendant les mois d’hiver
entraînant une saturation des capacités d’hospitalisation d’enfants chaque hiver [1]. Le coût
moyen d’un traitement hospitalier (5 600 ± 3 300 euros pour une durée moyenne d’hospitalisation de 7,6 ± 4,3 jours) était estimé 30 fois supérieur à celui d’une prise en charge
ambulatoire (194 ± 95 euros) en ne considérant que les coûts directs, selon une étude de
Sannier et al. [2]. L’analyse des différentes pratiques cliniques de prise en charge en aigü de
la bronchiolite fait apparaître de grande variations d’un pays à l’autre mais également au sein
d’un même pays avec des médicaments d’efficacité variable voire néfaste. En France, la
conférence de consensus organisé en septembre 2000 concernant la prise en charge d’un premier épisode de bronchiolite semble avoir eu que peu d’impact sur l’évolution des pratiques
comme en témoigne une étude menée dans le nord de la France 3 ans après [3]. Ce problème
n’est cependant pas spécifique à la France et le constat d’une surconsommation médicale,
notamment en ce qui concerne l’antibiothérapie est fait dans plusieurs pays européens ou
d’Amérique du Nord [4]. Pour autant, la mise en place de mesures nationales d’information
et d’uniformisation de la prise en charge a permis dans certains cas de faire évoluer les habitudes thérapeutiques [4] et pousse à poursuivre les efforts dans cette voie.
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R. EPAUD, N. GUILLEMOT, S. BLANCHON
BRONCHIOLITE : TRAITEMENTS ACTUELS ET FUTURS
LES MOYENS THÉRAPEUTIQUES
tout chez l’enfant de moins de 3 mois une désaturation entraînant des hospitalisations parfois
non justifiées. Les nébulisations d’épinéphrine sont utilisées fréquemment en Amérique du
Nord dans la prise en charge aux urgences. Une méta-analyse a montré que, comparé à un placebo, l’épinéphrine permettait une amélioration à court terme des scores cliniques sans modifier le taux d’hospitalisation. Il n’y a donc pas d’indication à l’utilisation de l’épinéphrine chez
les patients hospitalisés et son utilisation aux urgences pourrait conduire à une amélioration
temporaire entraînant une décision de retour à domicile chez des enfants se dégradant secondairement. Ni les théophyllines par voie orale, ni les anticholinergiques sous forme de solution
à nébuliser n’ont fait la preuve de leur efficacité. Tous ces médicaments n’ont donc pas leur
place en première intention dans la stratégie de prise en charge de la première bronchiolite. Par
contre, chez les nourrissons avec une hyperréactivité bronchique préexistante (bronchiolites
récidivantes, DBP, asthme bronchique) un essai avec un ß-mimétique inhalé se justifie, l’utilisation ultérieure dépendant de la réponse clinique (diminution de la fréquence respiratoire et
du tirage, amélioration de la saturation en O2).
Traitement généraux
Désobstruction nasale
La respiration du nourrisson étant à prédominance nasale le maintien de la liberté des
voies aériennes supérieures est essentiel. En présence de secrétions nasales importantes, la
respiration peut être améliorée par une bonne toilette nasale (aspiration des secrétions,
lavages avec NaCl 0,9 %). L'utilisation des instillations nasales (narine par narine, le nourrisson en décubitus dorsal, la tête tournée sur le côté) avec du sérum physiologique doit être
la méthode la plus efficace. Elle peut être difficile et parfois traumatisante (saignements
nasaux) chez les enfants plus grands. L’aspiration peut être complétée au domicile à l’aide
d’un mouche-bébé. Il n'y a aucune donnée permettant de recommander l'instillation d'un
produit autre que le sérum physiologique.
Hydratation, nutrition
La bronchiolite s’accompagne de difficultés d’alimentation et de distension gastrique.
Des mesures simples comme le proclive dorsal à 30°, la désobstruction nasopharyngée avant
l’alimentation, le fractionnement des repas, voire éventuellement l’épaississement des biberons sont utiles mais il n’y a pas lieu de prescrire de traitement anti-reflux. Pour les formes
habituelles de bronchiolite légère et modérée, les apports hydriques correspondent aux
besoins de base du nourrisson en prenant en compte la fièvre et la polypnée qui augmentent
les pertes insensibles. Les apports hydriques recommandés sont de 100 à 110 ml/kg/j pour
le nourrisson de moins de 6 mois, et de 80 ml/kg/j au-delà. Des signes de lutte importants,
un épuisement ou des difficultés alimentaires peuvent conduire à une alimentation entérale
par sonde nasogastrique, voire parentérale. Lors de l’administration de liquides par voie
intraveineuse, les électrolytes devraient être contrôlés régulièrement. Il est conseillé, surtout
dans les formes sévères, de ne pas administrer de liquides dépassant les besoins d’entretien
normaux après correction d’éventuels déficits et de réduire plutôt la quantité de liquides
administrés durant les premières 24 heures à 60 – 70 % des besoins d’entretien. Ceci, en raison du risque de syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH).
Environnement
Il est démontré que l’inhalation passive de tabac est un facteur aggravant pouvant
conduire à l’hospitalisation. Il faut veiller à une aération correcte de la chambre de l’enfant
et maintenir une température n’excédant pas 19 °C.
Traitement médicamenteux
Bronchodilatateurs
Les bronchodilatateurs sont très largement utilisés en Europe et en Amérique du Nord.
Les produits disponibles sont l’épinéphrine, la théophylline, les anticholinergiques de synthèse
et les bêta-2 mimétiques. Une revue Cochrane [5] de 8 essais randomisés incluant des bronchiolites légères à modérées (394 enfants au total) a montré que le traitement par des bêta-2
mimétiques était associé avec une amélioration significative des scores cliniques. Cependant
certaines de ces études incluaient des asthmes du nourrisson ce qui pouvait représenter un
biais. De plus l’amélioration des scores cliniques n’était pas jugée cliniquement significative et
aucune amélioration n’était observée en ce qui concerne l’oxygénation des patients et le recours
à l’hospitalisation. De plus, les bêta-2 mimétiques en nébulisation peuvent entraîner et ce sur-
Corticoïdes
Bien que l’inflammation des muqueuses soit un élément important de la bronchiolite
aiguë et, à l'inverse de ce qui a été démontré dans l'asthme, la revue de la littérature suggère,
pour la plupart des études, l'inefficacité des corticoïdes par voie systémique. Une revue systématique de 13 essais (1198 patients) n’a montré aucun effet clinique bénéfique de l’utilisation des corticoïdes par voie systémique. Une étude en double aveugle portant sur l’utilisation de la dexaméthasone chez des enfants présentant une bronchiolite sévère à VRS
nécessitant une ventilation mécanique n’a mis en évidence aucun bénéfice. L'utilisation de
la corticothérapie inhalée en phase aiguë d'une bronchiolite n'a pas d'influence sur l'évolution immédiate et son utilisation au décours d’une première bronchiolite n’a démontré
aucune efficacité pour réduire le nombre de récidives [7, 8].
Antiviraux
La ribavirine est un antiviral à large spectre qui a été largement utilisée mais peu évaluée
chez le nourrisson présentant une bronchiolite aiguë. Si son action a été démontrée in vitro
chez l’animal, son efficacité est à l'heure actuelle sérieusement mise en doute chez l’homme.
La difficulté pratique de son emploi (appareillage spécifique de nébulisation, durée d'administration, contrainte pour le personnel soignant exposé) et son coût élevé sont incompatibles avec sa délivrance en routine et en ambulatoire.
Antibiothérapie
Malgré plusieurs essais randomisés montrant l’absence de bénéfice des antibiotiques dans
la bronchiolite [9], ceux-ci continuent à être prescrits notamment en raison de la fièvre, du
jeune âge, de la peur d’une infection bactérienne mais également de l’absence de traitement
reconnu. Plusieurs études rétrospectives ont montré un taux faible d’infections bactériennes
sévères associées à la bronchiolite (0 à 3,7 %), ces infections étant le plus souvent des infections des voies urinaires que des infections méningées ou des bactériémies [10]. L'indication
d'une antibiothérapie se discute devant un ou plusieurs des signes suivants faisant craindre
une surinfection bactérienne ou chez un enfant présentant une fragilité particulière :
- fièvre = 38,5 °C pendant plus de 48 heures ;
- otite moyenne aiguë. Une inflammation des tympans (sans modifications des reliefs) ainsi
qu’une pharyngite sont très fréquemment retrouvées dans ce contexte et ne doivent pas
conduire à la prescription d’antibiotiques ;
- pathologie pulmonaire ou cardiaque sous-jacente ;
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BRONCHIOLITE : TRAITEMENTS ACTUELS ET FUTURS
- foyer pulmonaire radiologiquement documenté. Des images radiographiques évoquant
une infiltration ou condensation sont fréquentes lors d’infections à VRS et correspondent
souvent à des atélectasies; elles ne signifient pas à priori une surinfection bactérienne ;
- élévation de la C Reactive Protein (CRP) et/ou des polynucléaires neutrophiles.
Si un antibiotique doit être utilisé, on s’orientera vers un antibiotique efficace sur les trois
germes les plus fréquemment rencontrés (Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, Moraxella catarrhalis).
Traitement prophylactique
Antitussifs, mucolytiques et mucorégulateurs
La toux de la bronchiolite, permettant l'évacuation des sécrétions bronchiques, doit être
respectée. Il n'y a donc pas d'indication des antitussifs dans cette pathologie. En l'absence
d'étude convaincante il n'y a pas d'indication de prescription des mucolytiques et des mucorégulateurs per os. Les fluidifiants bronchiques ne doivent pas être utilisés en nébulisations
car ils sont inutiles et peuvent induire un bronchospasme.
Oxygénothérapie et ventilation
Oxygénothérapie
Bien que des désaturations brèves parfois < à 89 % puissent se produire, un enfant sain
a habituellement une saturation supérieure à 95 % en air ambiant [11]. Dans la bronchiolite, l’œdème des voies aériennes et les lésions des cellules épithéliales alvéolaires conduisent
à la survenue de troubles de ventilation - perfusion responsables d’une hypoxie. L’oxymétrie
de pouls est d’utilisation facile mais présente certains inconvénients. En effet, la forme sigmoïdale de la courbe de dissociation de pouls fait que lorsque la saturation est > à 90 %, de
fortes augmentations de PO2 n’entrainent que de faibles augmentations de SPO2. A l’inverse, lorsque que la saturation est < à 90 % une faible diminution de la PO2 peut entrainer
des chutes importantes de la saturation. En France, la conférence de consensus recommandait en 2000 la mise en place d’une oxygénothérapie pour une saturation < à 94 % le jour et
92 % pendant le sommeil [12] et, plus récemment, en 2006, les recommandations NordAméricaines suggéraient de mettre en place une oxygénothérapie lorsque la saturation est
< à 90 % de façon persistante chez un enfant en bonne santé [13]. Ces différences montrent
bien qu’il est difficile de choisir une valeur seuil de SPO2. Cependant, les caractéristiques de
la courbe de dissociation et le résultat de plusieurs études ayant choisi la valeur de 90 %
comme seuil font penser qu’il y a peu d’intérêt à augmenter la PO2 chez un enfant par ailleurs en bonne santé qui présente une saturation > à 90 %.
Ventilation
La ventilation invasive de nourrissons atteints de bronchiolite n’est pas toujours facile en
raison des bronchospasmes, de l’encombrement bronchique et de l’association de zones
emphysémateuses et atélectasiques et est responsable d’une partie de la morbidité ou de la
mortalité observée [14]. En dépit de pratiques très diverses, l’utilisation de la ventilation non
invasive (VNI) a fortement augmenté ces dernières années. La VNI permet une décharge des
muscles respiratoires (diaphragme et muscles inspiratoires), entraîne une diminution des
résistances des voies aériennes (fortement majorées avec une sonde d’intubation endotrachéale) et facilite la levée de troubles de ventilation en assurant une meilleure ventilation [15]. Ce type de ventilation apparaît donc comme une alternative intéressante notamment dans les formes alvéolaires du petit nourrisson qui sont habituellement les plus sévères.
95
Le paluvizumab (SYNAGIS ®) est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le
virus respiratoire syncitial et qui est administré en injections intra musculaires à partir de
novembre et pendant l’épidémie hivernale à la dose de 15mg/kg. Les indications sont très
limitées et concernent les enfants à risque de bronchiolite grave.
La désinfection des mains avec une solution hydro-alcoolique ou un savon antiseptique est
extrêmement efficace pour limiter la diffusion du virus.
Traitements Futurs
L’intérêt des agents antiviraux dans ce type d’infection aiguë et transitoire est problématique. Pour être effective, il faut, en effet, qu’ils soient administrés précocement idéalement dans les 2 premiers jours de la maladie. Hors, l’enfant est généralement amené en
consultation beaucoup plus tard, au pic de sévérité de la maladie qui est, lui-même, contemporain d’une décroissance du portage viral [16]. Malgré ces considérations, plusieurs traitements antiviraux sont en développement. Une voie qui semble prometteuse est basée sur
l’utilisation de Si RNA dirigé contre la partie NS1, P,N ou L du gène du virus respiratoire
syncitial (VRS) qui a montré une certaine efficacité sur des modèles animaux [17, 18].
La mise en place de vaccins notamment dirigés contre le VRS se fait attendre. Les vaccins
vivants atténués ont l’avantage de déclencher une réponse immune locale et de pouvoir être
délivrés localement sans injection. Cependant ces vaccins ont pour l’instant une tendance à
modifier leur pathogénicité avec une toxicité importante chez l’enfant. L’utilisation de virus
génétiquement modifiés (délétion de NS1 pour le VRS) semble une voie prometteuse.
La mise en place de nouveaux bronchodilatateurs ciblant le système NANC et plus précisément la substance P qui semble fortement impliquée dans la symptomatologie spastique de
la bronchiolite [19] pourrait être intéressante.
Enfin des études sont conduites utilisant les antileucotriènes pour diminuer l’hyperréactivité bronchique observée après l’épisode infectieux [20].
PRISE EN CHARGE
À domicile
La prise en charge à domicile est, en l’absence de complication, essentiellement symptomatique. Une fois admis le fait qu'aucun traitement « spécifique » n'est utile, des antibiotiques aux antiviraux, en passant par les corticoïdes et autres bronchodilatateurs, le médecin
traitant apparaît quelque peu démuni face à des parents anxieux et en demande d’une prise
en charge rapide. Le médecin est ici surtout un « éducateur » explicitant les quelques
conseils indispensables qui reposent pour la plupart sur le bon sens et l'expérience : se laver
les mains à l'eau et au savon avant de s'occuper du bébé, ne pas fumer en sa présence, maintenir une bonne hydratation et une bonne nutrition (en désobstruant avant l'alimentation,
fractionnant les repas, voire épaississant les biberons, mais sans traitement anti-reflux). Le
maintien en proclive dorsal à 30° dans une chambre pas trop chauffée avec une aération et
des désobstructions nasales (mouche-bébé et sérum physiologique) en cas d’encombrement
nasale doivent être conseillés.
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BRONCHIOLITE : TRAITEMENTS ACTUELS ET FUTURS
Critères d’hospitalisation
TABLEAU 2 : CRITERES D’HOSPITALISATION
La décision d’hospitaliser ou non un nourrisson dépend de la gravité de la bronchiolite
(Tableaux 1 et 2). Plusieurs facteurs vont être décisifs : une détresse respiratoire débutante,
une saturation en oxygène insuffisante, une intolérance alimentaire, une asthénie souvent
révélée par une diminution de l’alimentation ou la survenue d’une apnée sont des signes
d’alerte. La présence d’une pathologie sous jacente (dysplasie broncho-pulmonaire, malformation cardiaque congénitale, drépanocytose) ou des mauvaises conditions sociales doivent
être prises en compte.
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• Bronchiolite avec degré de gravité moyen ou sévère
• Intolérance alimentaire, déshydratation
• Apnée, aspect toxique
• Maladie sous jacente (cardiopathie, dysplasie bronchopulmonaire)
• Age < à 6 semaines
• Prématurité (< 34 SA)
À l’hôpital
• Situation sociale difficile, domicile éloigné
Les recommandations thérapeutiques mettent l’accent, comme dans le domaine ambulatoire, sur l’abstention de mesures inutiles. L’accent est mis sur le maintien d’une bonne
hydratation et d’apports énergétiques suffisants dans un contexte de dépenses importantes.
L’administration orale de liquides peut être poursuivie mais doit être relayée par une nutrition entérale voire parentérale en cas d’épuisement ou d’intolérance alimentaire. Lors de
l’administration de liquides par voie intraveineuse, les électrolytes devraient être contrôlés
initialement puis régulièrement en raison du risque de syndrome de sécrétion inappropriée
d’hormone antidiurétique (SIADH). En cas de bronchospasme important, les bronchodilatateurs pourront être essayés mais leur efficacité doit être systématiquement contrôlée. Une
oxygénothérapie sera mise en place pour maintenir une saturation > à 94 % le jour et 92 %
pendant le sommeil mais des saturations plus basses pourront être tolérées si l’examen clinique est par ailleurs rassurant. Une surveillance régulière par oxymétrie de pouls (saturomètre) doit y être associée avec des tentatives régulières de sevrage. Un petit pourcentage de
nourrissons nécessite temporairement un support respiratoire (ventilation non invasive ou
intubation), à cause d’une fatigue progressive, d’une insuffisance respiratoire ou d’apnées. La
décision de ventiler un nourrisson, donc de le transférer aux soins intensifs, dépend en premier lieu de son état clinique global et non pas de valeurs gazométriques isolées (pH, PaO2
ou PaCO2). La sortie de l’hôpital d’un nourrisson avec une bronchiolite aiguë se base sur
son état clinique : en principe l’enfant rentre à la maison dès qu’il est en mesure de boire la
quantité journalière nécessaire et de s’alimenter et qu’il est sevré depuis au moins 12 heures
d’un apport supplémentaire en O2. Une information aux parents que la toux et les symptômes d’un refroidissement persisteront pendant 1 à 2 semaines est utile.
TABLEAU 1 : DEGRE DE GRAVITE D’UNE BRONCHIOLITE AIGUË
LÉGER
MOYEN
SÉVÈRE
< 40/min
40-70/ min
> 70/ min
SaO2 (air ambiant)
> 92 %
88-92 %
< 88 %
Tirage
Absent
+
++
Alimentation
normale
difficile
impossible
Fréquence respiratoire
R. Epaud, N. Guillemot, S. Blanchon
Pneumologie pédiatrique, AP-HP, Hôpital Armand Trousseau, Paris, 75571 ; Inserm, UMRS U938, Paris, 75000; Université Pierre et Marie Curie-Paris 6, Paris, 75571. Adresse pour
correspondance :
Dr Ralph EPAUD, Pneumologie pédiatrique - Inserm UMR-S938, Hôpital Armand Trousseau,
26 av du Dr. Netter, 75571 Paris cedex 12 F, Tel : (33) 1 44 73 66 68, Fax : (33) 1 44 73 67
18, Courriel : [email protected]
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MISES AU POINT
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RÉGULATION DU POIDS ET OBÉSITÉ
par
P. TOUNIAN
Le poids et la taille des enfants croissent de manière régulière selon des courbes préétablies alors que leurs ingesta et leur activité physique varient sensiblement d'un jour à l'autre.
Le poids d'un adulte varie également dans des limites très étroites, alors que de toute évidence ses apports et dépenses énergétiques sont variables.
Chaque individu possède donc un système de régulation du poids qui lui permet de se
maintenir à une valeur de référence qui lui est propre. L’objectif de cet article est de faire le
point sur les mécanismes actuellement connus qui régissent la régulation du poids, puis, à
partir de ces données, de mieux comprendre la physiopathologie de l'obésité et les raisons des
difficultés thérapeutiques dont elle est à l'origine.
RÉGULATION DU POIDS
Poids de référence et pondérostat
Chaque individu sain a une valeur pondérale de référence qui lui est spécifique. Chez
l'enfant, il s'agit d'une courbe de croissance pondérale qui suit fidèlement le même couloir
en dehors de toutes circonstances pathologiques. Chez l'adulte, il s'agit d'un poids de référence qui reste le même sur une période de plusieurs mois à années, mais qui peut varier au
cours de la vie sous l'influence du vieillissement.
Des facteurs génétiques déterminent de toute évidence le poids de référence d'un individu [1]. Les études réalisées sur les jumeaux mono- et dizygotes le confirment. Dès 1990,
une équipe nord-américaine a montré une excellente concordance à l'âge adulte entre les
indices poids/taille2 des jumeaux monozygotes, qu'ils aient été élevés séparément, donc dans
un environnement différent (70 %), ou ensemble, dans le même environnement (74 %),
alors que celle-ci était beaucoup moins bonne chez les jumeaux dizygotes (respectivement
15 % et 33 %) [2]. Récemment, une équipe britannique a confirmé ces données en évaluant
à 77 % la part des facteurs génétiques dans la détermination de l'indice poids/taille2 grâce à
l'étude de 5092 paires de jumeaux mono- et dizygotes nées au Royaume-Uni entre 1994 et
1996 et âgées de 8 à 11 ans [3].
Ces mécanismes qui permettent de maintenir une croissance staturo-pondérale régulière
chez l'enfant et un poids constant chez l'adulte sont définis par le terme pondérostat. Il s'agit
de l'ensemble des processus métaboliques d'adaptation qui régulent les fluctuations de la
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P. TOUNIAN
RÉGULATION DU POIDS ET OBÉSITÉ
balance énergétique dans le but de maintenir le poids d'un individu à une valeur de référence. Le rôle du pondérostat est donc d'assurer un ajustement précis des ingesta au niveau
des dépenses énergétiques en corrigeant les écarts, en plus ou en moins, que produisent les
circonstances extérieures. Ainsi, un surcroît de dépenses énergétiques (activité physique
accrue, adaptation au froid, accélération de la croissance) tend à être compensé par une augmentation des ingesta, et un excès ou une réduction des apports énergétiques par une augmentation ou une diminution des dépenses. De ces deux mécanismes de régulation du poids,
le contrôle de la prise alimentaire est plus efficient que celui des dépenses énergétiques, probablement en raison d'une plus grande amplitude de variation possible.
Les expériences de suralimentation ou de restriction volontaires réalisées chez des sujets
sains permettent d’étayer ces affirmations. Une suralimentation forcée entraîne une prise de
poids tant que l’excès alimentaire persiste, mais dès que le sujet reprend une alimentation ad
libitum il retrouve en quelques jours à semaines son poids initial [4,5]. Ces travaux mettent
en évidence une augmentation de la dépense énergétique et une inhibition de la faim qui
expliquent le retour à un poids normal. Morgan Spurlock dans son film "Supersize me" a bien
involontairement confirmé l’existence de ces mécanismes de régulation du poids. Cet américain, pour dénoncer le prétendu danger des fast-foods, s'est forcé à manger 6000 kcal/j pendant 30 jours. Ce fut pour lui une véritable torture de s’opposer en permanence à son pondérostat. Il a d’ailleurs fait part de sa souffrance de manger sans faim, avec de surcroît de fréquents vomissements. Cette performance s’est accompagnée d’une prise de 13 kg. Son film
achevé et sa fortune garantie, il a repris une vie normale et mangé à sa faim. Il signale clairement une inhibition de son appétit jusqu’à ce qu’il retrouve spontanément son poids initial
en quelques semaines. Il démontrait ainsi que même les fast-foods ne peuvent pas altérer un
pondérostat sain.
Il est important de savoir que ces phénomènes de régulation requièrent parfois plusieurs
semaines pour assurer un retour au poids initial [6]. Ainsi, tous les travaux expérimentaux
effectués sur un court laps de temps sont susceptibles d’aboutir à des conclusions erronées.
C’est le cas de la grande majorité des études ayant montré que l’augmentation des portions
alimentaires ou de la densité énergétique des repas entraînaient un accroissement des
ingesta [7]. Il n’y a effectivement aucune raison que de telles modifications diététiques ne
soient pas prises en compte par le pondérostat, il suffit juste de poursuivre l’évaluation des
ingesta suffisamment longtemps pour s’en rendre compte.
L’ajustement des ingesta d’un repas au suivant que permet cette régulation à court terme
de la prise alimentaire est imprécis et incomplet. Par exemple, l’absence de petit-déjeuner
entraîne bien une augmentation des ingesta au déjeuner mais pas aux repas suivants, ainsi la
dette énergétique n’est pas totalement recouverte en fin de journée [6]. Les processus qui
régissent les sensations de faim et de rassasiement sont donc insuffisants pour réguler le poids.
Les signaux d’adiposité
Le système de régulation du poids suppose qu'il existe des médiateurs périphériques susceptibles de renseigner le système nerveux central sur l'état des réserves énergétiques pour,
qu'à son tour, il puisse coordonner les réponses métaboliques adaptées au maintien de la
balance énergétique. Ces médiateurs sont appelés signaux d’adiposité. La leptine et la ghréline en sont les deux principaux.
La leptine est une protéine synthétisée par les adipocytes dont la fixation sur un récepteur hypothalamique spécifique induit une inhibition de la prise alimentaire [12]. Une restriction calorique [13] ou une suralimentation [14] entraînent rapidement, respectivement,
une baisse et une élévation des concentrations plasmatiques de leptine alors que la masse
grasse et le poids n'ont pas encore significativement varié. De telles modifications ont bien
sûr une action sur l'appétit, mais également sur le niveau de dépense énergétique qui est
adapté en conséquence [12]. Tout se passe donc comme si la moindre modification des
réserves adipeuses était rapidement signalée aux centres nerveux effecteurs afin qu'ils puissent apporter une réponse adaptée.
La ghréline, petit peptide essentiellement produit par l'estomac, est la seule hormone
orexigène actuellement connue. Elle agit également au niveau de l'hypothalamus en activant
les neurones producteurs du neuropeptide Y et d'Agouti Related Peptide qui sont des neuromédiateurs stimulant l'appétit [10]. Comme nous l’avons vu précédemment, son rôle
principal est de déclencher la prise alimentaire à distance d'un repas. Mais elle régule également l'appétit à long terme puisque la restriction calorique et la suralimentation provoquent, respectivement, une augmentation et une diminution des concentrations plasmatiques de ghréline visant à corriger le déséquilibre énergétique en agissant sur l'appétit, mais
aussi probablement sur la dépense énergétique [10].
L’insuline et l’amyline jouent également un rôle similaire à celui de la leptine, en agissant
donc comme des inhibiteurs de l’appétit. Ainsi, leurs taux plasmatiques augmentent en cas
d’inflation des réserves énergétiques [15].
Mécanismes régissant la régulation du poids
Déclenchement des sensations de faim et de rassasiement
Les sensations de faim (déclenchement de la prise alimentaire) et de rassasiement (arrêt de
la prise alimentaire) sont régies par des mécanismes différents.
Une inflexion glycémique transitoire d’environ 10 % du niveau basal précède systématiquement de quelques minutes la sensation de faim. Cette chute de glycémie est perçue par des neurones gluco-sensibles qui utilisent le glucose non comme un substrat énergétique, mais comme un
signal modifiant l'activité neuronale [8]. Intervient également la libération de neuropeptides orexigènes (neuropeptide Y, d'Agouti Related Peptide, melanin-concentrating hormone) [9]. Enfin,
l’élévation du taux plasmatique de ghréline sécrétée par l’estomac joue un rôle important [10].
L’arrivée des aliments dans l’estomac et leur passage dans le grêle déclenchent les signaux de
rassasiement qui sont transmis au cerveau par voie nerveuse et hormonale. Ces signaux font intervenir la distension gastrique, la sécrétion de peptides entérodigestifs (surtout la cholescystokinine,
mais également le Peptide YY, le Glucagon-like peptide-1, l’oxyntomoduline et
l’Apolipoproteine A-IV) et l’augmentation de l’insulinémie [11].
APPLICATION À LA COMPRÉHENSION
DE LA PHYSIOPATHOLOGIE DE L'OBÉSITÉ
Constitution de l’obésité en deux phases
Tant chez l'adulte que chez l'enfant, on constate que l'obésité évolue en deux phases. La
phase dynamique, répondant à la constitution de la surcharge pondérale, suivie de la phase
statique qui correspond à un nouvel état d’équilibre pondéral.
La phase dynamique de l'obésité est caractérisée par une balance énergétique positive
(ingesta supérieurs aux dépenses énergétiques) qui se traduit par une prise de poids plus
importante que celle normalement entraînée par la croissance staturale. Cette phase se
manifeste par un décrochage vers le haut de la courbe de l'indice poids/taille2 (IMC) par rapport aux normes. Cette prise de poids entraîne une augmentation de la dépense énergétique
de repos [16], car la masse cellulaire active s'accroît, et de celle liée à l'activité physique, car
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RÉGULATION DU POIDS ET OBÉSITÉ
la masse à déplacer devient plus importante. Donc, au fur et à mesure de la prise de poids, la
dépense énergétique totale augmente jusqu'à s'équilibrer avec les apports énergétiques auxquels elle était initialement inférieure. La phase statique de l'obésité correspond à ce nouvel
équilibre atteint entre les apports et les dépenses énergétiques à un niveau plus élevé qu'auparavant. Elle se traduit par une progression de l'IMC parallèle aux courbes standard mais à
un niveau plus élevé.
nue [17]. Comme la dépense énergétique totale se résume principalement à la dépense énergétique de repos et à celle liée à l'activité physique, cela signifie qu'un enfant obèse en cours
d'amaigrissement est progressivement contraint d’accroître de plus en plus son activité physique ou de diminuer davantage encore ses apports énergétiques s'il veut continuer à perdre
du poids. Après une efficacité initiale souvent satisfaisante, il est classique que les obèses se
plaignent que leur poids stagne alors qu'ils continuent à appliquer fidèlement les mesures
thérapeutiques préconisées. La diminution adaptative de la dépense énergétique pourrait
être une explication à ce phénomène. C'est également ce processus compensatoire qui permet d'apporter un argument aux enfants obèses se plaignant de ne pas maigrir alors qu'ils
mangent autant, voire moins, que leurs congénères non obèses du même âge.
Régulation du poids chez l’obèse
Une fois atteinte, la phase statique apparaît comme étant difficilement réversible. En effet,
la restriction calorique d'un sujet obèse entraîne rapidement une stimulation de l'appétit [15] et
une diminution de la dépense énergétique de repos [4, 17] visant à s'opposer à la perte de poids.
Là encore, ce sont la leptine [18] et la ghréline [19] qui jouent probablement les rôles principaux
de médiateurs puisque leurs concentrations plasmatiques diminuent et augmentent respectivement rapidement dès le début de la restriction calorique, c'est-à-dire avant que la perte de poids
ne devienne significative. Le pondérostat des obèses cherche donc à conserver le poids et les
réserves énergétiques à un niveau élevé comme s’il s’agissait du poids de référence de l’individu.
L’obésité ne provient donc pas d’un défaut des systèmes de régulation du poids. Cette
régulation existe mais elle vise un niveau d’équilibre de la balance énergétique plus élevé. Ce
sont des déterminants génétiques qui concernent les peptides intervenant dans la régulation
de la prise alimentaire qui sont de toute évidence à l’origine de la prise de poids excessive des
obèses [20]. Reste à savoir si cette prédisposition génétique incite les obèses à manger davantage jusqu’à ce que la phase statique soit atteinte ou si elle n’induit qu’un simple effet permissif au cours des repas. Cela signifie que le système de régulation du poids d’un enfant
n’ayant pas cette susceptibilité constitutionnelle, s’opposera en permanence à une prise pondérale excessive. En d’autres termes, un enfant n’ayant pas de prédisposition génétique n’a
aucun risque de devenir obèse, quelle que soit son alimentation et quel que soit le niveau de
son activité physique. Seuls les enfants génétiquement prédisposés peuvent devenir obèses.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Aujourd’hui, la volonté des enfants obèses à se plier de manière continue et permanente
à des mesures thérapeutiques contraignantes demeurent le seul moyen efficace pour lutter
contre leur surcharge pondérale. S’ils y parviennent parfois pendant une courte période, la
plupart succombe à plus ou moins courte échéance à l’action de leur pondérostat qui restaure leur poids initial. Le plus difficile pour les obèses n’est donc pas de maigrir, mais de
maintenir leur réduction pondérale, c’est-à-dire résister à leur pondérostat.
Une des principales perspectives thérapeutiques serait donc de mettre au point des molécules qui pourraient s’opposer à l’action du pondérostat. Lorsqu’une telle découverte aura vu
le jour, l’obésité sera probablement vaincue.
P. Tounian : Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques, Hôpital Armand-Trousseau, 26
avenue du Dr Arnold Netter, 75012 Paris. Mail : [email protected]
RÉFÉRENCES
APPLICATION À LA COMPRÉHENSION DES DIFFICULTÉS THÉRAPEUTIQUES AU COURS DE L'OBÉSITÉ
Le traitement de l'obésité repose sur une négativation du bilan énergétique. Cela revient
en pratique à réduire les ingesta et accroître le seul poste de dépense énergétique modulable
qu'est l'activité physique afin que les premiers deviennent inférieurs à la seconde. Bien que
ces mesures thérapeutiques apparaissent comme assez simples à suivre, leurs résultats à long
terme sont médiocres. Les phénomènes de régulation du poids des obèses en sont probablement la principale explication.
En premier lieu, nous avons vu que la restriction calorique entraînait chez l'obèse une stimulation de l'appétit par le biais, notamment, d'une inhibition de la sécrétion de leptine et
d'une stimulation de la sécrétion de ghréline. Un obèse ne peut donc pas négativer son bilan
énergétique sans avoir faim et doit donc en permanence lutter contre cette sensation pour
réduire son excès pondéral. La difficulté d'un tel contrôle, surtout pendant une durée prolongée, peut expliquer les nombreux échappements qui peuvent survenir, rapidement sanctionnés par une reprise pondérale.
D'autre part, nous avons vu que la réduction des ingesta s'accompagnait d'une diminution adaptative de la dépense énergétique de repos [4, 17] visant à rééquilibrer la balance
énergétique. Ainsi, plus un enfant obèse maigrit, plus sa dépense énergétique de repos dimi-
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INFECTIONS INVASIVES À STREPTOCOQUE A
CHEZ L’ENFANT :
MANIFESTATIONS CLINIQUES
ET CARACTÉRISATION MOLÉCULAIRE
par
S. HENRIET, F. KAGUELIDOU, M. LORROT, P. BIDET,
A. BOURRILLON, E. BINGEN, A. FAYE
INTRODUCTION
Le streptocoque du groupe A (SGA) ou Streptococcus pyogenes est un pathogène strictement humain, susceptible d’entraîner une large variété d’infections, allant d’affections
bénignes comme les angines ou l’impétigo, à des pathologies extrêmement sévères comme les
fasciites nécrosantes et les syndromes de choc toxique. Les manifestations cliniques des infections à SGA ont évolué au cours du temps. Depuis le milieu des années 80, les infections invasives graves à SGA, tel que le syndrome de choc toxique streptococcique (SCTS) et les fasciites
nécrosantes (FN), ont ré-émergé [1]. Une telle évolution peut être liée aux changements de la
distribution, et/ou à l'apparition de types particuliers de gènes de la protéine M (génotypes
emm) qui est un des principaux facteurs de virulence du SGA. Néanmoins, d’autres facteurs
associés à des gènes de virulence particuliers, comme les gènes du “streptococcus invasive locus”
(gen silC), du “Streptococcal Inhibitor of the Complement” (SIC), du Streptococcal superantigen (ssa), smeZ, et les superantigènes “Streptococcal pyrogenic exotoxins” (SPE) type A et
type C, peuvent aussi avoir un rôle important dans cette évolution [1].
Cependant peu de données récentes sont disponibles chez les enfants sur l’évolution des
infections à SGA et leur caractérisation moléculaire [2, 3]. Les données disponibles font le
plus souvent partie de grandes études observationnelles sans aucune analyse séparée de la
population pédiatrique. Nous avons donc étudié les caractéristiques cliniques et moléculaires des infections invasives à SGA chez l’enfant dans un centre hospitalier universitaire
parisien sur une période récente de sept ans.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Population de l’étude
Tous les enfants admis à l'hôpital Robert Debré, Paris, France, pour une infection invasive à
SGA entre le 1er octobre 2000 et le 30 novembre 2007 ont été inclus dans une étude rétrospective.
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INFECTIONS INVASIVES À STREPTOCOQUE A
L'infection invasive à SGA a été définie par l'isolement du SGA dans des hémocultures
ou des prélèvements obtenus à partir d'autres sites normalement stériles. Les données épidémiologiques, cliniques et biologiques ont été recueillies à partir des dossiers médicaux.
Quatre groupes d'infections invasives à SGA ont été définis sur la base des signes cliniques
et/ou du site de l'infection : (I) Infections ostéo-articulaires (IOA), (II) Infections des tissus
mous(inclus les FN), (III) Infections pulmonaires et (IV) SCTS.
troubles hémodynamiques. Aucune différence significative dans les résultats des examens
biologiques initiaux n'a été retrouvée entre les quatre groupes, excepté pour le groupe des
SCTS (Tableau 1). Les concentrations de CRP avait une tendance à être inférieures dans le
groupe des IOA par rapport aux trois autres groupes (p = 0,06).
Évaluation bactériologique et moléculaire des isolats de SGA
Au moins un facteur de risque d'infection invasive à SGA a été trouvé dans deux-tiers
des cas (n = 19, 68 %). Trois enfants ont eu deux facteurs de risque. Les patients avec une
IOA (groupe I) avaient moins de facteurs de risque que ceux des autres groupes, mais cette
différence n'était pas significative. Les enfants sans facteurs de risque étaient plus jeunes
que ceux avec au moins un facteur de risque (âge médian 1,4 ans [0,6 - 5,6] contre 4,6 ans
[0,9 – 17,2], respectivement, p = 0,03).
Le génotype emm et d'autres facteurs de virulence (speA, speB, speC, smeZ-1, ssa, sic et silC)
ont été évalués pour chaque isolat. Toutes les souches ont été cultivées sur gélose d'agar et sang
et stockées à -80°C jusqu'à la caractérisation moléculaire. L'ADN a été extrait au moyen d’un
kit commercial d'extraction d'ADN (Chelex, InstaGene Matrix 1, Bio-Rad, France), selon les
spécifications du fabricant. Le séquençage du type emm a été effectué, comme décrit par Beall
et coll. [4]. Une PCR multiplex pour les gènes des toxines (speA, speB, speC, ssa et smeZ-1) a
été réalisée, à l'aide des amorces décrites par Schmitz et coll. [5], ainsi que des amorces SIC_up
(GAGACCACCATATGGAGAAG) et SIC_lo (ATCCATCAAAGCCATTCCAC)
pour la détection du gène inhibiteur streptococcique de la lyse médiée par le complément (sic).
Le gène de silC a été détecté comme précédemment décrit [6].
Analyses statistiques
Les résultats sont présentés en nombres absolus (pourcentages) pour les variables de type
catégories et en médiane (extrêmes) pour les variables continues. Les comparaisons des
caractéristiques entre les groupes ont été effectuées à l’aide du test du chi2 ou du test exact
de Fisher pour des variables de type catégories et du test de Wilcoxon ou de Kruskal-Wallis
pour les variables continues. Les valeurs de p < 0,05 ont été considérées comme statistiquement significatives. Tous les calculs statistiques ont été effectués avec la version 9.1 du logiciel SAS (SAS Inc., Cary, OR).
RÉSULTATS
Caractéristiques démographiques des enfants ayant une infection invasive à SGA
Trente-six enfants de moins de 18 ans ont été admis pour une infection invasive à SGA
entre 2000 et 2007 à l’Hôpital Robert Debré, Paris. Les observations médicales étaient
indisponibles ou incomplètes pour huit enfants. Nous avons donc inclus dans l’étude 28
enfants avec une infection invasive à SGA. L'âge médian des enfants au moment du diagnostic était de 2,9 ans [0,6 – 17,2] et le sex ratio était de 1.
Site de l'infection
La plupart des 28 enfants (n = 15, 53 %) ont eu une IOA (groupe I), sept (25 %) ont eu
une infection des tissus mous (groupe II), trois (11 %) ont eu une infection pleurale et/ou
pulmonaire (groupe III) et trois (11 %) ont développé un SCTS (groupe IV) (Tableau 1).
Les enfants ayant eu une infection des tissus mous étaient plus âgés que les enfants ayant présenté une IOA, une infection pulmonaire ou un SCTS, mais cette différence n'était pas
significative (p = 0,55). Aucune des IOA ou infection des tissus mous n'a été associée à des
Facteurs de risque d’infection invasive à SGA
Traitement et évolution des enfants
avec une infection invasive à SGA (Tableau 1)
Dans la plupart des cas, le traitement initial empirique a comporté une céphalosporine
de troisième génération par voie intraveineuse ou une Beta-lactamine (pénicilline) associée à la fosfomycine, à la vancomycine ou à un aminoglycoside. Le traitement antibiotique a été adapté secondairement à la sensibilité du SGA. Le taux de mortalité global était
de 3,6 % (1 patient dans le groupe de SCTS). Des séquelles liées à l'infection invasive à
SGA ont été documentées chez quatre patients (cicatrice extensive à la suite d’une infection des tissus mous chez 2 patients, limitation articulaire chez un patient et cécité monoculaire à la suite d’une infection de l’œil chez le quatrième enfant). Aucune complication
non suppurative n’a été observée.
Diagnostic microbiologique et caractéristiques moléculaires
des infections invasives à SGA
Diagnostic microbiologique de SGA
La plupart des isolats (n = 17, 61 %) ont été obtenus à partir des hémocultures. Les
autres isolats ont été obtenus à partir du liquide pleural (n = 2, 7 %), du liquide de ponction
articulaire ou de biopsies osseuses (n = 3, 11 %) ou à partir d'autres prélèvements chirurgicaux (adénophlegmon, œil et tissus mous, n = 6, 21 %).
Dans le groupe des IOA, 12 des 15 isolats (80 %) ont été obtenus à partir des hémocultures. Des prélèvements de liquide articulaire ou des biopsies osseuses ont été effectués chez
seulement 7 de ces 12 enfants. Parmi ces sept enfants, trois ont eu des prélèvements de
liquide articulaire ou biopsies osseuses positives à SGA en culture.
Distribution des génotypes emm
Nous avons identifié 13 types différents de protéine M, codés par des allèles de différents
gènes emm (Tableau 2). Le type emm-1 était le plus fréquent dans les cas d'IOA (7 des 10
cas). Nous n’avons observé aucune différence significative dans la distribution des types
emm en fonction des sites d’infection ou de variation de la distribution au cours de la
période de sept ans d'étude. La distribution du type emm n’était pas corrélée à la présence ou
à l'absence des facteurs de risque.
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INFECTIONS INVASIVES À STREPTOCOQUE A
Caractérisation et distribution des facteurs de virulence de SGA (Tableau 2)
L'isolat prédominant de SGA était du type emm 1 exprimant les facteurs de virulence
speA, speB, smeZ-1 ainsi que le gène sic de virulence (n = 7/28). Toutes les infections associées à cet isolat étaient ostéo-articulaires. Aucune autre restriction d'un gène de virulence à
un groupe particulier de manifestations cliniques n’a été retrouvée.
ment associé aux arthrites infectieuses à SGA [12].
Comme dans d'autres études, et en raison de nombre limité d'isolats, nous n’avons pas
pu établir une corrélation entre les facteurs de virulence évalués et les sites de localisation des
infections invasives à SGA [13]. Cependant, le profil moléculaire prédominant des isolats de
SGA responsables des infections ostéo-articulaires était de type emm 1 exprimant les gènes
de virulence speA, speB, smeZ-1 et sic sans gène SpeC, ssa ou silC ; ce profil particulier concernait presque la moitié des isolats de ce groupe (n = 7/15).
En conclusion, dans cette étude pédiatrique, la présentation clinique prédominante des
infections invasives à SGA est l’infection ostéo-articulaire, confirmant le spectre large et évolutif des infections invasives à SGA. Les enfants sans facteur de risque pour une infection
invasive à SGA ont tendance à être plus jeune et à avoir une infection ostéo-articulaire. Ces
résultats suggèrent que l'immunité de l’hôte joue probablement un rôle dans la pathogénie
des infections invasives à SGA. De plus grandes études évaluant les facteurs de virulence du
SGA mais aussi l’immunité non spécifique de l’hôte pourraient être utiles.
DISCUSSION
Nous avons observé dans notre étude une fréquence élevée d’infections osteo-articulaires
qui représentaient plus de 50 % des infections invasives à SGA. Le SGA est un agent pathogène connu des ostéo-arthrites, et serait responsable de 10 à 58 % des infections ostéo-articulaires à germes identifiés [7]. Des études ont rapporté une atteinte ostéo-articulaire dans les
infections invasives à SGA dans un petit nombre de cas chez l’enfant (3 à 7 %), mais les manifestations prédominantes des infections invasives sont plutôt des cellulites, des fasciites nécrosantes et des bactériémies sans foyers de localisation [3, 8]. Seule une étude pédiatrique a montré une incidence élevée des infections ostéo-articulaires chez 8/24 patients (33 %) [2]. Par ailleurs, bien que cela ne soit pas discuté par les auteurs, l'étude épidémiologique européenne «
Strep-EURO » a mis en évidence des manifestations ostéo-articulaires chez 3 à 16 % des
patients, avec une fréquence plus élevée d’arthrite septique (~ 40 %) chez les enfants de moins
de neuf ans [8].
Les raisons de la prévalence élevée des infections ostéo-articulaires dans notre étude sont peu
claires. Nos données sont plus récentes que celles rapportées dans d'autres études et pourraient,
donc, refléter des modifications du spectre clinique de l'infection invasive à SGA chez l’enfant.
Les enfants sans facteur de risque d’infection à SGA étaient plus jeunes que ceux ayant des
facteurs de risque. Ils étaient également plus touchés par les IOA (différence non significative).
Étant donné les faibles effectifs de notre étude, une analyse multivariée n’a pas été possible,
cependant ces résultats suggèrent que le jeune âge lui-même pourrait être un facteur de risque
d’infection invasive et en particulier d’IOA à SGA. Ceci confirme les résultats d’une étude
antérieure où l’âge inférieur à 2 ans était un facteur de risque de bactériémie à SGA. Toutefois
aucune information sur des facteurs de risque associés n’était fournie dans cette étude [9]. La
susceptibilité particulière des enfants en bas âge à l'infection invasive à SGA suggère que l'immunité de l’hôte peut jouer un rôle dans la physiopathologie des infections invasives à SGA.
Dans les IOA, le SGA a été isolé principalement dans les hémocultures (n = 12/15), avec
seulement 4/7 isolats de SGA obtenus à partir du liquide articulaire ou de prélèvements
osseux. Ceci montre l'importance de l’hémoculture pour le diagnostic des infections ostéoarticulaire à SGA. Ainsi, ces infections peuvent être sous-estimées chez les patients sans
hémoculture positive. Ceci suggère que les procédures de prélèvements ostéo-articulaires
doivent être optimisées afin d'améliorer le diagnostic. Une approche moléculaire pour la
détection du SGA dans les échantillons ostéo-articulaires pourrait avoir également un intérêt afin d’améliorer le diagnostic bactériologique des IOA à SGA.
Dans cette étude, nous avons décrit la distribution des types emm et d'autres facteurs de
virulence pour les isolats d’infections invasives à SGA. Les quatre types emm (1, 3, 4 et 12)
le plus souvent isolés chez nos patients sont également les plus répandus aux Etats-Unis et
en Europe [10, 11]. Ces types emm - en particulier les types 1 et 3 - ont été également impliqués dans la pathogénie des infections invasives à SGA [12].
Nous avons constaté que l’emm de type -1 était prédominant dans le groupe des infections
ostéo-articulaires (70 %, n = 7/15), mais cette prédominance n’était pas statistiquement significative par rapport aux autres groupes d’infection. Cette prédominance d’emm-1 dans le
groupe des IOA diffère des résultats d'une autre étude dans lesquels l’emm 12 était principale-
S. Henriet1, F. Kaguelidou2, M. Lorrot1, P. Bidet3, A. Bourrillon1, E. Bingen3, A. Faye1
1
Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Pôle de Pédiatrie Aiguë et Médecine Interne,
Hôpital Robert Debré, Paris, France ; Université Paris Diderot, UFR de médecine, 10 av de
Verdun, 75010 Paris, France
2
Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Unité d’Épidémiologie Clinique, Hôpital Robert
Debré, Paris, Franc e; Université Paris Diderot, UFR de médecine, 10 av de Verdun, 75010
Paris, France ; INSERM CIE 5
3
Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Laboratoire de Microbiologie et Laboratoire associé au Centre National de Référence du Streptocoque A, Hôpital Robert Debré, Paris, France ;
EA 3105 Université Paris Diderot, UFR de médecine, 10 av de Verdun, 75010 Paris, France
Correspondance : Prof. Albert Faye, Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Robert Debré,
48 Bd Sérurier 75019, Paris, France, Tel: 33140035361 - Fax 33140034745,
E-mail: [email protected]
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TABLEAU 2. DISTRIBUTION DES FACTEURS DE VIRULENCE DES 28 ISOLATS DE SGA EN
FONCTION DES TYPE EMM ET DES SITES D’INFECTION
EMM
TYPE
1
NUMBER OF
ISOLATES
10
DIAGNOSTIC
GROUP
Group I (n= 7 )
VIRULENCE FACTOR GENE (+/-)
speA
speB
speC
smeZ-1
ssa
sic
silC
+
+
-
+
-
+/-*
-
+
+
-
-
+
-
-
+
+
+
+
-
+
Group II (n=1)
Group III (n=2)
3
3
TABLEAU 1. PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES,
CLINIQUES ET BIOLOGIQUES DES PATIENTS
AYANT UNE INFECTION INVASIVE À SGA EN FONCTION DES SITES D’INFECTION
CHARACTERISTICS
GROUP I
GROUP II
OSTEOARTICULAR SOFT TISSUE
INFECTION
INFECTION
N (%) or median [range]
Demographics
N (overall %)
Age
Sex (M/F)
Clinical features
Risk factors
N (% within group)
- NSAID use
- Varicella infection
- Cutaneous wound
- Minor trauma
Previous antibiotic
Hemodynamic instability
15 (53)
2,8 [0,6-17,2]
7/8
7 (25)
4,6 [0,9-12,5]
5/2
GROUP III
PULMONARY
INFECTION
3 (11)
1,2 [0,9-5,3]
1/2
5 (71)
2
1
5
3
0
0
2 (67)
0
1
2
1
1
1
3 (100)
2
0
3
2
1
3
12,1 [5,9-22,9]
7,9 [3,9-11,6]
76 [13-299]
5,6 [4,5-7,2]
19,2 [12,5-28,8]
15 [9,3-23]
116 [21-316]
8,9 [5,6-9,8]
16,2 [8,9-20,8]
11,3 [8-12.5]
268 [91-349]
10,6 [8,8-12,4]
7,2 [5-12,8]
3,9 [3,7-4]
291*
5,6 [4,2-7]
15
7
3
2
44 [7 - 91]
13,5 [0- 66]
46 [44 - 47]
62,5 [33 - 92]
11 [5 - 61]
6,5 [3 - 20]
19 [12 - 31]
55 [18 - 92]
9
1
5
0
2
0
2
0
15
5,5 [2 - 24]
7
4 [1 - 6]
3
14 [12 - 20]
3
7,5 [7 - 8]
Duration of ICU stay
0
0
13 [1 - 16]
2 [1 - 15]
(days)
Hospitalization (days)
Sequelae
Death
8 [4 - 44]
12 [1,6-75,6]
1
0
8 [2 - 39]
1,5 [0,1-22,4]
2
0
27 [13 - 35]
4,5 [3,8-7,3]
0
0
12 [1 - 56]
2,1 [0-3,5]
1
1 (on arrival)
Group I (n=1)
Group IV(n=1)
11
1
Group II (n=1)
-
+
+
-
-
-
-
12
4
Group I (n=2)
-
+
+/-**
-
+/-#
-
-
3 (11)
1,5 [0,9-14,3]
1/2
Surgery
Immunoglobulin
Outcome
N
Duration of fever (days)
* Data available for only 1 patient
2
GROUP IV
SCTS
Initial laboratory findings
WBC count (x103/mm3)
PMN count (x103/mm3)
CRP (mg/l)
Fibrinogen (g/l)
Treatment
N
Duration of antibiotic
treatment (days)
Duration of IV antibiotics
(days)
Group IV(n=1)
4
9 (60)
2
4
8
3
1
0
Group I (n=1)
Group III (n=1)
Group II (n=1)
Group IV(n=1)
58
1
Group I (n=1)
-
+
-
-
-
-
+
75
1
Group I (n=1)
-
+
-
-
-
-
-
81
1
Group I (n=1)
-
+
-
-
-
-
-
85
1
Group II (n=1)
-
+
-
-
-
-
-
89
1
Group I (n=1)
-
+
+
-
-
-
-
92
1
Group II (n=1)
+
+
-
+
-
-
-
102
1
Group I (n=1)
-
+
-
-
-
-
+
122
1
Group I (n=1)
+
Overall number
(%)
-
+
-
-
-
-
14
28
6
13
6
9
5
(50)
(100)
(21)
(46)
(21)
(32)
(18)
Group I: Osteoarticular infections, Group II: Soft tissue infections, Group III: Pulmonary infections, Group IV: SCTS
*positive: n=9/10 , **positive: n= 2/4, #positive: n=1/4
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VACCINATION CONTRE LE MÉNINGOCOQUE C
par
J. GAUDELUS, L. DE PONTUAL, E. GRIMPREL
En octobre 2002, le Comité Technique des Vaccinations (CTV) a considéré qu’il n’y
avait pas lieu de recommander en France la vaccination généralisée par le vaccin conjugué
contre le méningocoque C pour plusieurs raisons :
- une incidence de 0,4 pour 100 000 des infections invasives à méningocoque du groupe C
(IIM C) considérée comme faible
- une incertitude sur un éventuel déplacement des sérogroupes sous l’effet de la vaccination
- une variabilité des taux d’incidence des IIM C d’une région ou d’un département à l’autre.
Les recommandations de vaccination ont été limitées aux groupes à risques suivants [1] :
- enfants souffrant de déficit en fraction terminale du complément en properdine ou ayant
une asplénie anatomique ou fonctionnelle
- sujets contacts d’un cas d’IIM C
- sujets vivant dans les zones délimitées où l’incidence du méningocoque du sérogroupe C
est particulièrement élevée.
Compte tenu de l’évolution des données épidémiologiques et de l’analyse des campagnes
de vaccination que les autorités sanitaires ont été amenées à mettre en œuvre autour de cas
groupés, la question d’introduire ce vaccin dans le calendrier vaccinal s’est régulièrement posée.
Certains pays d’Europe et le Québec ont opté pour une vaccination de leur population
suivant des schémas différents d’un pays à l’autre. Les résultats obtenus permettent de
nourrir la réflexion.
Enfin, la modélisation des différentes stratégies vaccinales, l’évaluation de leur
impact épidémiologique et de leur rapport coût/efficacité permettent d’établir de nouvelles recommandations.
ÉPIDÉMIOLOGIE DES IIM C EN FRANCE [2]
La surveillance des IIM repose sur la déclaration obligatoire (DO) à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS). Les signalements sont transmis quotidiennement à l’institut de veille sanitaire (InVS). Le centre national de référence des méningocoques (CNR) reçoit les souches de méningocoques pour confirmation du sérogroupe,
antibiogramme et typage.
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J. GAUDELUS, L. DE PONTUAL, E. GRIMPREL
VACCINATION CONTRE LE MÉNINGOCOQUE C
Les IIM sont dues dans plus de 99 % des cas aux souches des sérogroupes A, B, C, Y et
W135 et sur les 22 dernières années, le sérogroupe B est resté le plus fréquent, en moyenne
63 % parmi les sérogroupes connus (Figure 1).
son génotype. Dans ce contexte, les souches appartenant au complexe clonal ST-11 sont
les plus pathogènes et les plus virulentes.
Le sérotype C : 2a est le sérotype le plus fréquemment identifié à partir des cas d’IIM C
en France et ces souches appartiennent le plus souvent au complexe clonal pathogène ST-11.
Elles ont été à l’origine du pic de 2002. Depuis quelques années, on observe en France l’implantation d’un phénotype/génotype particulier (C : 2a : P 1.7,1 / complexe clonal ST-11)
qui a comme principales caractéristiques une mortalité élevée, un décalage dans les tranches
d’âge les plus élevées et une implication fréquente dans les cas groupés. La proportion de
souches de sérotypes C : 2a : P 1.7,1 parmi les souches invasives du sérogroupe C est passée de
1,1 % avant 2005 à 24 % en 2008 (données du CNR des méningocoques). Si cette nouvelle
souche s’expandait de façon importante, elle pourrait remplacer le phénotype/génotype
majoritaire actuel C : 2q : P 1,5.2 / ST-11, et être responsable d’une augmentation d’incidence et de sévérité des IIM C dans le futur.
Enfin, le risque théorique d’expansion de variants antigéniques du méningocoque (changement de sérogroupe capsulaire C vers le sérogroupe B par commutation de la capsule) sous
la pression de sélection immunologique introduite par une vaccination massive contre le
méningocoque C impose une surveillance attentive.
Actuellement, il n’existe pas de preuve de l’apparition de ce type de variant dans les
pays qui ont mis en place une vaccination à large échelle comme en Angleterre ou au Pays
de Galle [4]. Cependant, une expansion limitée de souches B : 2a du complexe clonal ST11 a été observée en Espagne [5]. Au total, ces données ne sont pas en faveur d’une sélection et d’une expansion des souches issues de la commutation du sérogroupe C vers d’autres sérogroupes après introduction du vaccin conjugué contre le méningocoque C.
Enfin, l’émergence de phénotypes particuliers de capsule conférant une résistance à
l’activité bactéricide des anticorps vaccinaux par une mutation au niveau du gène
SiaD [6] bien que ce phénomène semble actuellement très limité en France, est une
autre source de préoccupation.
Figure 1 : Cas d’infections invasives à méningocoque
de sérogroupes B, C, W135 et Y en France, 1985-2006.
Les souches de groupe C ne représentent que 25 à 30 % des IIM. Le nombre moyen
annuel de cas notifiés par la DO au cours des cinq dernières années (2003-2008) est de 175.
Dans l’observatoire des méningites bactériennes de l’enfant en France, de 2001 à 2007, sur
1 344 méningites à méningocoque enregistrées, le sérogroupe B est le plus fréquent (59,1 %),
suivi du sérogroupe C (28,9 %).
D’importantes fluctuations cycliques sont observées concernant la fréquence des souches
invasives C. Il existe un pic d’incidence en 1992 puis un second en 2002, année au cours de
laquelle le taux d’incidence atteint 0,5 pour 100 000. Le sérogroupe C représentait respectivement dans ces années 42 % et 38 % des souches invasives identifiées au CNR des méningocoques.
Entre 2002 et 2005, le nombre et le pourcentage des souches d’IMM C ont progressivement diminué puis se sont stabilisés pour diminuer légèrement en 2008. L’incidence des
IIM C corrigée pour la sous-notification a été stable entre 2005 et 2007, et était de 0,28
pour 100 000 en moyenne selon les données de la DO.
Aujourd’hui, du fait de l’impact des stratégies de prévention promues dans de nombreux
pays, la France a désormais un des taux d’incidence les plus élevés en Europe.
L’incidence varie également suivant les tranches d’âge. Sur la période 2003-2007, elle était maximale avant un an (2,07 p. 100 000), élevée entre 1 et 4 ans (1,12 p. 100 000) et entre 15 et 19 ans
(0,86 p. 100 000).
La létalité globale des cas d’IIM C sur les données 2003-2007 (période pendant laquelle
la définition des IIM C intègre les purpuras fulminans) est de 15,4 % soit environ 30 décès
par an. Il passe de 10 % chez les enfants entre 5 et 14 ans, à 23,3 % chez les sujets de 50 ans
et plus. Dans l’observatoire des méningites bactériennes de l’enfant, la létalité est de 9,9 %
pour les méningites à méningocoque C (versus 5,5 % pour le groupe B) [3].
Émergence de nouveaux phénotypes parmi les souches de sérogroupe C
Les souches de méningocoque de sérogroupe C présentent une diversité phénotypique. La pathogenèse et la virulence d’une souche de méningocoque semblent être liées à
LES VACCINS MÉNINGOCOCCIQUES
CONJUGUÉS DE SÉROGROUPE C
Trois vaccins sont disponibles. Comme tous les vaccins conjugués, ils sont immunogènes dès l’âge de 2 mois, ils induisent une mémoire immunitaire et sont efficaces sur le
portage pharyngé des souches.
Le Ménigitec (Wyeth) et le Menjugate/Menjugate kit (Novartis) contiennent chacun
10 μg d’oligoside de Neisseria meningitidis (souche C11) de sérogroupe C conjugué à la protéine CRM197 de Corynebacterium diphteriae.
Le Neisvac (Baxter) contient 10 μg de Polyoside (de-0-acétylé) de Neisseria meningitidis (souche C11) de sérogroupe C conjugué à l’anatoxine tétanique.
Le schéma vaccinal est identique pour ces trois vaccins et comporte :
- chez le nourrisson entre 2 et 12 mois : deux doses de 0,5 ml chacune administrée avec un
intervalle d’au moins 2 mois et une dose de rappel dans la deuxième année de vie, en respectant un délai d’au moins 6 mois entre la seconde dose et le rappel.
- chez l’enfant âgé de plus de un an, l’adolescent et l’adulte : une dose unique de 0,5 ml.
Il faut insister sur le fait que chez les enfants vaccinés avant 12 mois, un rappel est indispensable dans la deuxième année.
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J. GAUDELUS, L. DE PONTUAL, E. GRIMPREL
VACCINATION CONTRE LE MÉNINGOCOQUE C
Les données d’immunogénicité de ces trois vaccins ont été comparées chez le nourrisson [7] et montrent un certain avantage pour le vaccin conjugué à l’anatoxine tétanique en
terme de taux d’anticorps obtenus après la primo-vaccination à deux doses et de persistance
des anticorps avant l’âge du rappel et après administration d’une dose de vaccin polysaccharidique à dose réduite. Cependant, cette différence d’immunogénicité ne permet pas de préjuger d’une plus grande efficacité de ce vaccin quant à la protection sur le plan clinique.
Aucun signal de pharmacovigilance n’a été identifié depuis plus de neuf années d’utilisation de ces vaccins dans le monde. L’analyse des données disponibles de suivi de pharmacovigilance par l’Afssaps confirme la bonne tolérance de ces vaccins avec un taux de notification estimé de 6,2/100 000 doses et de 2,1 cas graves pour 100 000 doses. Les réactions
indésirables majoritairement rapportées sont bénignes et transitoires. Il s’agit avant tout de
réactions locales : rougeur, douleur, œdème (50 % des sujets vaccinés), d’irritabilité (80 %
des nourrissons), de fièvre > 38 °C (9 % des nourrissons mais dans le cadre d’une administration concomitante d’autres vaccins), de céphalées et de myalgies chez moins de 10 % des
adolescents et adultes vaccinés. Le taux de réactions anaphylactiques estimé est comparable
à celui mentionné dans la littérature (< 1/10 000).
une efficacité protectrice vaccinale supérieure : 90 % (IC 95 % : 77-96). Pendant cette période
de suivi, 53 échecs vaccinaux ont été comptabilisés dont 21 chez des sujets vaccinés avant 1
an. Il y a 4 décès parmi ces 53 cas. Le nombre de cas d’IIM C est resté faible dans cette cohorte
de sujets vaccinés avant un an, probablement du fait d’une importante immunité de groupe.
EXPÉRIENCE DES PAYS AYANT MIS EN PLACE
UNE STRATÉGIE DE VACCINATION UNIVERSELLE
CONTRE LES IIM C EN UTILISANT LES VACCINS CONJUGUÉS C
Expérience de l’Espagne [9]
Une première campagne de vaccination généralisée de l’enfant entre 2 et 19 ans avec une dose
de vaccin polysaccharidique avait été effectuée en 1997 mais n’avait obtenu qu’un effet transitoire
sur l’incidence des IIM C du fait de la faible durée de protection de ce type de vaccin.
Une seconde campagne a été mise en place en 2000 avec les vaccins méningococciques
C conjugués disponibles selon un schéma à 3 doses (2, 4, 6 mois) avant un an et avec un rattrapage à une dose jusqu’à 6 ans ou 19 ans selon les régions. Avec une couverture vaccinale
globale comprise entre 90 et 95 % entre 2001 et 2003, une réduction de 85 % des IIM C a
été observée chez les enfants de moins de 10 ans faisant chuter le nombre de cas annuels
d’IIM C dans la population cible de 268 à 42 et le nombre de décès de 33 à 3. Pendant les 3
années de surveillance, l’incidence des IIM C a baissé de façon importante par rapport à la
période pré-vaccinale (successivement 1,46, 1,26 et 1,08 pour 100 000 vs 7,04 pour
100 000). Ici encore, l’efficacité au-delà de la première année de surveillance montre une
diminution notable de la protection qui chute à 78 % (IC 95 % = 3,1 – 95) chez les sujets
vaccinés avant un an, alors qu’elle se maintient à 94,3 % chez ceux qui ont été vaccinés dans
le cadre du rattrapage entre 7 mois et 5 ans (IC 95 % = 71,2 – 98,8).
Plusieurs pays européens, ainsi que certaines provinces du Canada (dont le Québec) ont mis en
place une stratégie de vaccination universelle contre les IIM C en utilisant des vaccins conjugués C.
Les résultats obtenus sont comparables malgré l’existence de différences portant sur les schémas vaccinaux, les cibles considérées et les modalités de mise en œuvre de campagne de rattrapage.
Les données publiées à ce jour concernent le Royaume-Uni, l’Espagne, le Québec et les Pays-Bas.
Ces données montrent une réduction significative et importante de l’incidence des IIM C (supérieur à 90 %) témoignant d’un effet direct mais également indirect de la vaccination au-delà des
populations cibles par un effet d’immunité de groupe dès la première année de surveillance.
Le Québec a débuté en 2001 une campagne de vaccination de masse chez le nourrisson de
2 mois à 1 an avec un schéma à 3 doses (2, 3, 4 mois) et un rattrapage à une dose jusqu’à 21 ans.
Avec une couverture vaccinale immédiate de 81 % la première année, l’efficacité vaccinale a été
estimée à 96,8 % (IC 95 % = 75 – 99,9) l’année suivante (2002) faisant chuter le nombre
annuel de cas de 58 à 27 et l’incidence globale de 7,84 à 3,63 pour 100 000 (p = 0,001).
Expérience du Royaume-Uni [8]
Expérience de la Hollande [12]
La campagne de vaccination généralisée a débuté en 1999 selon un calendrier à 3 doses
(2, 3 et 4 mois) chez le nourrisson, un rattrapage à une dose entre 1 et 18 ans, et 2 doses entre
5 et 11 mois. Un taux de couverture vaccinale élevé a été obtenu assez rapidement (> 90 %
chez le nourrisson avant un an et environ 85 % pour le rattrapage entre 2 et 18 ans).
Une réduction globale des IIM C a été rapidement observée et estimée à 81 % entre les
périodes post- et pré-vaccinales immédiates (2000-2001 vs 1998-1999). Un effet de protection indirecte (immunité de groupe) a été observé chez les sujets non vaccinés, effet attribué
principalement à la réduction du portage du méningocoque C. Le suivi épidémiologique à
moyen terme (quatre ans) de la population a permis de montrer que la protection diminuait
significativement avec le temps, mais de façon variable selon l’âge de la vaccination et le calendrier choisi. Chez les nourrissons vaccinés avec 3 doses avant 5 mois, l’efficacité au-delà d’un
an après vaccination diminue fortement et cette baisse de protection s’accompagne d’une
importante chute des taux d’anticorps en-deçà du niveau admis de protection. Une réduction
moindre a été observée chez les nourrissons ayant reçu 2 doses entre 5 et 11 mois et une dose
entre 1 et 2 ans. Globalement, l’efficacité vaccinale est estimée à 83 % chez les sujets vaccinés
après 5 mois dans le cadre du rattrapage. Enfin, les enfants vaccinés adolescents conservent
La Hollande a fait le choix de proposer en 2002 une vaccination universelle avec un
schéma à une seule dose à 14 mois accompagné d’un rattrapage jusqu’à 18 ans.
La couverture obtenue a atteint 94 %, et une réduction immédiate et progressive du nombre
d’IIM C a été observée, passant d’une moyenne de 200 cas par an pendant les années 2000
à 2002 à 42 puis 17 en 2003 et 2004, soit une réduction de 79 % et 91 % respectivement.
La réduction la plus importante (99 %) a été mesurée dans les groupes concernés par la
vaccination (1 à 18 ans).
Avec ce schéma, un effet de protection collective a été observé comme en témoigne la diminution du nombre des cas avant un an et après 18 ans (réduction en 2004 du nombre de cas
d’IIM C de 83 % avant un an et de 89 % après 18 ans.
Expérience du Québec [10, 11]
Au total
Les résultats des expériences ayant mis en place une stratégie de vaccination universelle
contre les IIM C sont comparables malgré l’existence de différences au niveau des schémas vac-
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J. GAUDELUS, L. DE PONTUAL, E. GRIMPREL
VACCINATION CONTRE LE MÉNINGOCOQUE C
cinaux, des cibles considérées et des modalités de mise en œuvre des campagnes de rattrapage.
L’étude des échecs vaccinaux montre que la persistance d’un taux d’anticorps élevé est
indispensable pour faire face au risque d’infection invasive. Le nombre de cas d’échecs est
globalement faible, en grande partie du fait de l’existence d’une immunité de groupe. Une
incertitude persiste sur la durée de protection à plus long terme induite par les vaccins
méningococciques conjugués C et la nécessité de rappels tardifs. Une étude récente de séroprévalence des anticorps anti-méningocoque C effectuée 5 ans après le début de la campagne
de vaccination au Royaume-Uni montre une différence selon l’âge de la vaccination. Les
sujets vaccinés en rattrapage entre 5 et 18 ans ont 5 ans après la vaccination des taux protecteurs dans plus de 70 % des cas par opposition à ceux vaccinés avant 5 ans (40 %) [13].
A ce jour, seule la Suisse recommande un rappel à l’adolescence des sujets vaccinés dans la
première enfance mais dans le cadre d’une stratégie de vaccination mise en place sans rattrapage.
temps au fur et à mesure que l’immunité de groupe s’installe
- l’adjonction d’un rappel à 12 ans permet d’atteindre à long terme une incidence annuelle
inférieure à 40 cas
- les stratégies vaccinales à une seule dose ciblant les grands nourrissons présentent un rapport coût/efficacité plus acceptable
- si le taux de couverture du rattrapage reste inférieur à 50 %, son élargissement à la classe
d’âge 20-24 ans apparaît comme une option coût/efficacité.
LES RECOMMANDATIONS FRANÇAISES
Une modélisation des différentes stratégies vaccinales visant à évaluer l’impact épidémiologique et le rapport coût/efficacité de la vaccination contre les IIM C a été effectuée
[14] permettant de comparer une recommandation vaccinale limitée aux groupes à risque et
celle d’une vaccination généralisée des enfants contre le méningocoque de sérogroupe C. Le
modèle utilisé permet de prendre en compte l’immunité de groupe, en s’appuyant sur les
données issues de l’expérience anglaise.
Les stratégies évaluées ont été :
- une vaccination du petit nourrisson à 3 doses selon un schéma 3, 5, 12 ou 18 mois (CV à 65 %)
- une vaccination du grand nourrisson à 12 ou 18 mois avec une seule dose (CV à 80 %) avec
prise en compte de la possibilité pour certains enfants d’être vaccinés dans la première année
de vie selon le schéma à 3 doses (CV entre 0 et 30 %)
- un rattrapage pour les classes d’âge supérieur jusqu’à 19 ans ou 24 ans révolus (CV à 30 %,
50 % ou 80 %).
Chaque stratégie a été évaluée avec prise en compte de deux paramètres supplémentaires : la durée du rattrapage (sur une ou cinq années) et l’addition d’une dose de rappel à
12 ans pour les enfants vaccinés avant l’âge de 2 ans (CV = 80 % des sujets primo-vaccinés).
Les données économiques prises en compte ont été les coûts directs liés à la vaccination
et ceux liés à la prise en charge de la maladie et de ses séquelles.
Les principaux résultats de cette étude montrent, sous les hypothèses retenues, que :
- la stratégie de vaccination du grand nourrisson (12 à 18 mois, CV à 80 %) et rattrapage
jusqu’à 19 ans révolus (CV à 50 %) et rappel à 12 ans permet de réduire l’incidence des IIM
C de plus de 50 %, 70 % et 80 % à des horizons respectifs de 10, 20 et 40 ans, en prenant en
compte l’immunité de groupe
- l’impact épidémiologique des stratégies vaccinales ciblant le petit nourrisson est très proche
- à court terme, l’immunité de groupe obtenue essentiellement par la mise en œuvre du rattrapage dans les cinq premières années permet de faire passer, au bout de ces cinq années, le
taux de réduction de l’incidence d’environ 30 % à environ 55 %
- à long terme, l’immunité de groupe permet de doubler le nombre de cas évités par rapport
à celui des cas évités chez les seuls sujets protégés par la vaccination
- le nombre de cas non évités chez les enfants de moins de un an par la vaccination des grands
nourrissons est de l’ordre de 3 cas par an à court terme et cet écart diminue au cours du
Ces différents éléments ont abouti aux recommandations suivantes :
Vaccination systématique des nourrissons entre 12 et 18 mois avec une seule dose de vaccin
méningococcique C conjugué.
Durant la période initiale de mise en place de cette stratégie, et en attendant son
impact optimal par la création d’une immunité de groupe, le CTV recommande l’extension de cette vaccination systématique jusqu’à l’âge de 25 ans révolus selon le même
schéma vaccinal à une dose.
Cette stratégie et la nécessité éventuelle d’un rappel à l’adolescence seront évaluées au
plus tard dans cinq ans en fonction des données de surveillance en France et dans les autres
pays ayant introduit cette vaccination [15].
CONCLUSION
Après une période de recommandations de vaccination contre les IIM C concernant les
groupes à risque, la stratégie vaccinale est désormais de vacciner par une dose tous les nourrissons entre 12 et 18 mois, et d’effectuer un rattrapage dans les cinq années à venir, selon le
même schéma vaccinal, chez tous les sujets jusqu’à 25 ans révolus.
Cette stratégie ne donnera lieu à une réduction effective des cas à court terme qu’à la condition d’obtenir une couverture vaccinale élevée (80 %) chez les nourrissons de 12 à 18 mois
et dans la population ciblée pour le rattrapage d’au moins 50 %. Si on veut obtenir rapidement une immunité de groupe, ces couvertures vaccinales doivent être obtenues rapidement
comme l’ont montré les différents pays qui ont utilisé ces stratégies.
J. Gaudelus1, L. De Pontual1, E. Grimprel2
service de pédiatrie, chu jean verdier, 93140 bondy, université paris XIII2
2
service de pédiatrie, chu armand trousseau, 75012 paris, université paris VI
1
RÉFÉRENCES
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PRISE EN CHARGE ACTUELLE
DE LA PHENYLCETONURIE
par
F. FEILLET, C. BONNEMAINS
INTRODUCTION
La phénylcétonurie (PCU) est une affection génétique de transmission autosomique récessive liée à un déficit en phénylalanine hydroxylase (PAH) entraînant une accumulation de phénylalanine (PHE) dans le plasma et dans le cerveau. Non traitée, cette pathologie entraîne principalement une atteinte neurologique avec épilepsie et retard mental sévère associée à une atteinte
cutanée et phanérienne. Dépistée précocement, cette maladie est traitable et permet un devenir
normal. Le diagnostic de PCU est réalisé grâce au dépistage néonatal systématique de cette maladie qui existe en France depuis 1972. Il reste difficile pour les patients non dépistés qui peuvent
avoir une présentation clinique très variable. Ce diagnostic est basé sur le dosage de la PHE plasmatique. Un déficit du métabolisme de la tétrahydrobioptérine (le cofacteur de la PAH) doit être
systématiquement éliminé avant d’affirmer le déficit en PAH. Le devenir dépend de la précocité
du diagnostic et de la compliance au traitement [1]. Le traitement de la PCU a été exclusivement
diététique depuis 40 ans ; un certain nombre de patients peuvent maintenant bénéficier d’un traitement médicamenteux par tétrahydrobioptérine (BH4) [2]. D’autres approches thérapeutiques
sont actuellement en développement ou non disponibles en France (Acides aminés neutres
[LNAA] Phénylalanine Ammonia lyase [PAL] ou thérapie génique).
LES DIFFÉRENTES FORMES DE DÉFICIT EN PAH
La prise en charge des patients dépend de la gravité de la PCU. Cette prise en charge qui
est assez lourde, doit être justifiée par le bénéfice qu’en retirent les patients et leurs familles.
On distingue 3 formes de la maladie :
a) L’hyperphénylalaninémie modérée (pas de traitement spécifique)
Les taux de PHE, < 600 μmol/l ou 10 mg/dl, ne nécessitent qu’une surveillance car ces
patients ont un devenir normal sans traitement [3]. La limite de l’hyperphénylalaninémie
prête à discussion, car si l’on ne traite pas les patients dont le taux est inférieur à 10 mg/dl en
France [4] et en Allemagne [5], le taux où les patients sont traités est de 6 mg/dl en Italie par
exemple.
b) La phénylcétonurie (nécessite une prise en charge thérapeutique)
1. La phénylcétonurie classique (Taux de PHE > 1200 μmol/l ou 20 mg/dl).
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PRISE EN CHARGE ACTUELLE DE LA PHENYLCETONURIE
2. La PCU atypique (600 μmol/l < Taux de PHE < 1200 μmol/l
[10mg/dl < x < 20 mg/dl])
c) La PCU maligne, qui n’est pas due à un déficit en PAH mais à un déficit en tétrahydrobioptrérine (BH4).
Maintenir les taux de PHE au niveau des recommandations
LA PRISE EN CHARGE
La prise en charge actuelle de la PCU doit être faite dans un centre spécialisé, car elle
comporte de multiples facettes. Celle-ci devra bien sûr être nutritionnelle car cela représente
l’essentiel du traitement quel qu’il soit [6]. Mais il faudra également surveiller la croissance,
l’état osseux, le devenir neuropsychologique, et la qualité de vie à l’âge adulte.
LA PRISE EN CHARGE NUTRITIONNELLE
Le traitement de la PCU repose sur la maîtrise des taux plasmatiques en PHE.
L’introduction d’un régime pauvre en PHE en 1953 par Horst Bickel a révolutionné
l’histoire naturelle de cette maladie. La PHE étant un AA essentiel, uniquement apporté
par l’alimentation, la maîtrise des apports alimentaires de la PHE a permis de normaliser
les taux plasmatiques et de révolutionner le pronostic neurologique de ces patients.
La prise en charge diététique repose donc sur un régime spécial qui est basé sur plusieurs
éléments :
- Les apports en PHE (apportée par des aliments naturels), nécessaires à la croissance et
à l’homéostasie protéique de l’organisme, sont appelés tolérance en PHE. Elle est différente pour chaque individu en fonction de la sévérité de la PCU : 200 – 250 mg de PHE
par jour pour les PCU typiques, alors que les patients les moins sévères peuvent prendre
1 g de PHE en gardant des taux de PHE dans les limites acceptables. Cette tolérance
dépend du génotype [7].
- Les apports en AA sont complétés par une mixture d’acides aminés car la limitation des
apports en PHE ne permet pas de couvrir les besoins en protéines et en particulier dans
les autres acides aminés essentiels. Ces mixtures sont actuellement nombreuses et sont
adaptées aux différents âges tant dans leurs compositions (présence de lipides, d’acides
gras essentiels…) que dans leurs présentations (formes en poudre, liquides prêts à l’emploi, comprimés).
- Les apports énergétiques sont liés aux aliments apportant les protéines naturelles et aux
substituts d’AA. Ces apports sont souvent insuffisants, et il est nécessaire de compléter
ces apports grâce à des produits hypoprotidiques (contenu en protéines inférieur à 10 %
du contenu en protéine d’un produit similaire de l’alimentation courante). Il y a actuellement de nombreux produits de ce type : pâtes, riz, couscous, gâteaux, lait, biscuits…
- Les micronutriments sont amenés par les aliments naturels, mais également par les
substituts d’AA car l’absence de protéines naturelles d’origine animale génère un risque
de carence en de multiples vitamines et minéraux (cobalamine, fer, sélénium…)
125
Les recommandations françaises ont été publiées en 2005 [4]. Un contrôle métabolique
strict (2 < PHE < 5mg/dl) doit être obtenu pendant l’enfance jusqu’à 10 ans (rentrée à
l’école secondaire). Une étude anglaise a bien montré que le devenir cognitif des enfants était
corrélé à l’âge de relâchement du régime pendant l’enfance [8]. Cette corrélation s’amenuise
après l’âge de 9 ans.
Il peut y avoir un relâchement du régime après l’âge de 10 ans. Le QI des enfants traités tôt
(jusqu’à 10 ans) ont ensuite un QI stable jusqu’à l’âge adulte.
En pratique, les recommandations sont de proposer aux enfants de plus de dix ans et à leurs
parents un relâchement du régime, s’ils le souhaitent, en maintenant les seuils suivants :
- < 15 mg/dl (900 Ìmol/L) jusqu’à 15 ans pour tous
- < 15 mg/dl (900 Ìmol/L) jusqu’à 18 ans pour les formes typiques pour qui l’arrêt du
substitut aboutirait à une carence protéino-calcique
- < 20 mg/dl (1200 Ìmol/L) de 15 ans à 18 ans, pour les formes atypiques qui n’élèvent pas
leur taux de phénylalanine au-delà de 20 mg, une fois le régime relâché et le substitut arrêté.
Assurer une croissance normale chez l’enfant
La surveillance régulière de la croissance doit être réalisée pendant toute l’adolescence.
Une attention particulière sera portée sur la croissance staturale qui pourra être altérée en
cas de restriction protéique trop importante, mais il faudra également faire attention à la survenue d’un surpoids voire d’une obésité. Certains travaux montrent chez les patients PCU
une déconnexion entre le BMI et la prise énergétique et les neuropeptides impliqués dans la
satiété comme la ghréline [9].
Assurer un état nutritionnel optimal (macro et micronutriments)
Un bilan nutritionnel complet devra être réalisé chez tous les patients.
La prise de substituts d’acides aminés assure un apport de micronutriments qui correspond
en général aux apports recommandés journaliers, néanmoins, certains patients peuvent présenter des déficits en zinc ou en sélénium.
Les patients ne prenant pas ou peu de substituts sont à risque de déficits plus importants
(Cobalamine) :
- patients HPM prenant un régime végétarien
- patients contrôlant leurs taux de Phe sous BH4 + régime végétarien
- patients ne prenant pas leurs substituts.
Enfin une attention particulière devra être portée au statut osseux et phosphocalcique [10], ainsi qu’au statut en vitamines liposolubles pour les patients qui prennent des
substituts ne contenant pas ou peu de lipides.
LA TETRAHYDROPBIOPTERINE (BH4)
L’ORGANISATION DU RÉGIME
Le régime doit être établi par une équipe spécialisée (médecin + diététicien spécialisés) dans
la prise en charge des patients PCU. Les objectifs du régime sont de :
Le BH4 augmente l’oxydation de la PHE en augmentant l’activité de la PAH chez un
petit pourcentage de patients qui ont des mutations de la PAH générant une activité résiduelle [11]. L’efficacité de ce traitement dans la prise en charge de la PCU a été montrée par
une étude en double aveugle versus placebo [12]. Un patient est dit sensible au BH4 quand
le taux de PHE plasmatique baisse d’au moins 30 % après une dose unique de 20 mg/kg de
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PRISE EN CHARGE ACTUELLE DE LA PHENYLCETONURIE
BH4 [13]. Le test peut se faire à tout âge, en période néonatale au moment du dépistage [14], ou chez les patients plus âgés.
Une fois la sensibilité au BH4 établie, il faudra déterminer la dose efficace pour obtenir
le niveau de PHE souhaité en fonction de l’âge (5 – 10 ou 20 mg/kg/j). Il y a une relative
corrélation entre le génotype et la sensibilité au BH4.
Le traitement par BH4 doit être indiqué lorsqu’il peut se substituer au régime diététique, en particulier quand il permet de ne plus prendre de substituts d’acides aminés. Il faut
faire attention alors au bilan nutritionnel de ces patients, car l’équilibre métabolique peut
être obtenu avec le BH4 au prix d’un régime de type végétarien. Ces patients sont alors à
risque de carence nutritionnelle en micronutriments (vitamine B12, zinc, sélénium…). Un
bilan nutritionnel comprenant l’analyse des principaux micronutriments devra être réalisé
une fois par an chez tous ces patients. Une supplémentation en micronutriments devenant
indiquée en cas de déficit avéré.
Ce traitement, maintenant prescrit depuis plusieurs années chez certains patients, a une
efficacité persistante et très peu d’effets secondaires.
Ce médicament doit être pris une à deux fois par jour en fonction de la réponse individuelle au test de charge [15].
CONCLUSION
LES TRAITEMENTS À VENIR
Les acides aminés neutres
Les acides aminés neutres (AAN) sont composés de 7 acides aminés : la tyrosine, la leucine,
l’isoleucine, la valine, le tryptophane, la méthionine et l’histidine. Ces acides aminés possèdent
un transporteur commun avec la PHE. Ils sont donc en compétition au niveau de ce transporteur pour le passage intestinal et le passage au niveau de la barrière hémato-encéphalique.
L’administration d’AAN permet donc de diminuer la quantité de PHE absorbée au niveau
digestif et également d’inhiber le transport intracérébral de PHE [16].
Ce traitement n’a pas fait la preuve de son efficacité à long terme et ne peut être actuellement proposé en remplacement du traitement diététique ou par BH4 pour les patients qui sont
répondeurs à ce traitement. Ces produits ne sont pas disponibles en France pour l’instant.
La Phénylalanine ammonia lyase (PAL)
Ce traitement consisterait à administrer une enzyme par voie sous-cutanée, la phénylalanine
ammonia lyase, qui catalyse la conversion de PHE en acide trans-cinnamique et en ammonium [17]. Ces produits ne sont pas toxiques et sont éliminés dans les urines. Ce traitement est
encore du domaine de la recherche. Son intérêt majeur réside dans le fait que le régime pourrait
être normalisé au prix d’une injection sous-cutanée par semaine. Par contre les effets à long
terme de ce type de traitement ne sont pas connus.
La thérapie génique
De multiples travaux sont réalisés depuis des années sur cette modalité thérapeutique. Ces
travaux sont tous sur des modèles animaux [18,19] et permettent une normalisation prolongée
des taux de PHE chez les animaux traités. Les essais thérapeutiques chez l’homme ne sont pas
prévus avant plusieurs années.
127
Après plus de 40 ans de prise en charge nutritionnelle, la prise en charge de la phénylcétonurie s’est modifiée avec l’apparition de nouveaux traitements (BH4, acides aminés neutres) et la perspective de traitements révolutionnaires (PAL, thérapie génique). Néanmoins,
quelle que soit la façon que l’on prendra pour faire baisser la phénylalanine plasmatique, un
suivi complet et en particulier nutritionnel restera indispensable.
F. Feillet, C. Bonnemains
Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme de Nancy. Service de Médecine
Infantile I, Hôpital d'Enfants, CHU Brabois, rue du morvan, 54500, Vandoeuvre les Nancy,
France. E-mail: [email protected], Telephone: +33 3 83 15 47 96, Fax: + 33 3 83 15 45 29.
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LÉSIONS DU CERVELET CHEZ LE PRÉMATURÉ :
INCIDENCE ET CONSÉQUENCES FONCTIONNELLES
par
V. BIRAN, A.-M. BODIOU, M. ELMALEH, J.-F. OURY, O. BAUD
INTRODUCTION
Les progrès de l’obstétrique et de la néonatologie ont permis une augmentation de la survie
des grands prématurés. Les taux de séquelles neurologiques restent cependant stables et l’amélioration du pronostic neurologique de cette population constitue l’un des défis de la néonatologie. Vingt pour cent de ces enfants présentent des séquelles motrices, modérées à sévères. Les
troubles des apprentissages et du comportement à l’âge scolaire concernent 25 à 50 % des
enfants nés prématurément [1-2]. Le risque de handicap diminue avec l’augmentation de l’âge
gestationnel. Les lésions classiquement décrites chez le prématuré à l’origine de ces séquelles sont
les hémorragies intra et périventriculaires ainsi que les lésions de leucomalacie périventriculaire.
Le rôle du cervelet est décrit dans l’apparition de difficultés motrices, de la « paralysie cérébrale » notamment [3-4], du langage et de la mémoire. Son implication dans les acquisitions
cognitives et les fonctions de communication et socialisation a été récemment mise en évidence [5].
Le cervelet des grands prématurés semble particulièrement vulnérable dans les premières
semaines de vie, du fait des particularités de son développement. Si la morphogenèse globale
est complète avant le 6e mois de la vie intra-utérine, sa croissance volumétrique et son histogenèse se poursuivent au-delà de la naissance. La vitesse de croissance volumétrique du cervelet est maximum à partir du 5e mois in utero, et reste importante jusqu’à 18 mois [6]. Le
cervelet a aussi la spécificité de comporter deux zones germinatives transitoires dans lesquelles les cellules vont se multiplier activement au cours de la vie fœtale (zone ventriculaire
et couches des grains externes). Les migrations cellulaires s’y poursuivent après la naissance
pendant les premiers mois de vie : les cellules de la couche granuleuse externe migrent vers la
profondeur et vont former la couche des grains internes.
L’incidence des lésions cérébelleuses diagnostiquées en postnatal, estimée à 15% dans la
population des enfants d’âge gestationnel < 28 SA, de très petit poids de naissance
(PN < 750g), augmente, en raison de l’amélioration de la survie des grands prématurés et
des progrès de l’imagerie. La fosse postérieure est mieux explorée par l’IRM ou l’échographie
transmastoidienne que par l’examen réalisé par la fontanelle antérieure. Les lésions du cervelet constituent donc une séquelle fréquente mais encore peu connue de la grande prématurité. En France, aucune étude n’a évalué l’incidence et les facteurs de risque des atteintes
cérébelleuses chez les nouveau-nés prématurés. Nous avons réalisé une étude observation-
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LÉSIONS DU CERVELET CHEZ LE PRÉMATURÉ
nelle rétrospective unicentrique dont l’objectif était d’étudier les caractéristiques obstétricales, néonatales, radiologiques (sus- et sous-tentorielles) et le devenir des grands prématurés présentant des lésions cérébelleuses sur l’IRM réalisée à terme, afin de déterminer des facteurs de risque et des éléments pronostiques pour le devenir à moyen terme. Les nouveaunés ayant des anomalies tumorales (bénignes ou malignes), malformatives, acquises non
tumorales (d’origine métabolique, post traumatique) du cervelet sont exclus de cette étude.
L’évaluation neurodéveloppementale des enfants en consultation entre 11 et 20 mois
d’âge réel, par un pédiatre et une psychologue. Les données recueillies lors de cet examen ont
été : âge corrigé, poids (grammes /DS), taille (cm/DS), périmètre crânien (cm/DS).
Un score respiratoire, moteur, cognitif, visuel, auditif, psychosocial et d’alimentation était
établi par le pédiatre. Les enfants ont été évalués par la psychologue à l’aide du test de
Brunet-Lezine révisé. Ont alors été définis pour chaque enfant un quotient et un âge de
développement global, postural, de coordination, de langage et de sociabilité ainsi que
l’existence de troubles de l’alimentation ou du sommeil et le suivi par un psychologue ou
un psychomotricien.
Au sein de cette cohorte de grands prématurés ont été isolés les enfants dont l’IRM montrait des lésions cérébelleuses. Un appariement sur le terme à deux cas contrôle issus de la
même cohorte a ensuite été effectué pour chaque enfant porteur de lésions du cervelet.
POPULATION ET MÉTHODE
Nous avons mené une étude rétrospective, incluant les enfants d’âge gestationnel inférieur à 30 SA nés entre mars 2004 et juillet 2007 hospitalisés en période néonatale dans le service de Réanimation et Pédiatrie Néonatales de l’hôpital Robert Debré à Paris et ayant bénéficié au terme théorique d’une IRM, en collaboration avec le centre de diagnostic prénatal du
service de Gynécologie-Obstétrique (Pr JF Oury) et le service de Radiologie (Pr G Sebag).
Recueil des informations :
Une fiche standardisée a été établie pour chaque enfant, comportant :
Des paramètres anténataux : origine ethnique, profession de la mère, hypertension artérielle, chorioamniotite, menace d’accouchement prématuré, mode d’accouchement, hématome rétroplacentaire, métrorragies durant la grossesse, type de prématurité, lieu de naissance, corticothérapie anténatale ;
Des paramètres postnataux immédiats : âge gestationnel, poids de naissance, périmètre
crânien à la naissance, sexe, retard de croissance intra-utérin, score d’Apgar à 1 et 5 minutes,
anoxie périnatale ;
L’évolution néonatale : détresse respiratoire transitoire, maladie des membranes hyalines
; oxygénodépendance à J28 et/ou 36 SA, entérocolite ulcéro-nécrosante, sepsis, convulsions,
poids de sortie, périmètre crânien à la sortie.
Les thérapeutiques utilisées : durée de ventilation non invasive et invasive, instillation de
surfactant, corticothérapie générale à visée pulmonaire, doxapram, hormones thyroïdiennes,
hémisuccinate d’hydrocortisone dans les 24 premières heures de vie, traitement inotrope
avant la 24e heure de vie, traitement du canal artériel (médical / chirurgical), diphémanil
méthylsulfate (prantal), traitement anti-reflux comprenant oméprazole ;
Les valeurs biologiques : PaCO2 minimale, survenue d’hypoglycémie (< 2mmol/l), d’hyponatrémie (< 130 mmol/l) ou hypernatrémie (> 145 mmol/l), d’hypocalcémie
(< 1,8 mmol/l), thrombopénie inférieure à 50000 plaquettes/mm3, nombre de transfusions ;
Les examens paracliniques : EEG, échographie transfontanellaire, fond d’œil, oto-émissions acoustiques provoquées, IRM (1.5T Tesla ) réalisée à terme avec étude de la diffusion.
Ont été mesurés le diamètre fronto-orbitaire (normes (N) : 98-110 mm), les diamètres bipariétal osseux (N : 80-93 mm) et cérébral (N : 77-89 mm), la longueur du corps calleux (N :
38-50 mm), les diamètres atriaux (N : 4-9mm), le diamètre transverse du cervelet (N : 4352 mm), la hauteur vermienne, le diamètre antéro-postérieur du vermis ( N : 12-19 mm), la
surface vermienne (N : 276-375 mm2).
Ont été calculés à partir des séquences de diffusion, des coefficients apparents de diffusion
(ADC), reflétant le degré de restriction de la diffusion de l’eau libre, au niveau des centres
semi ovales, des carrefours ventriculaires, une augmentation de l’ADC traduisant une
atteinte de la substance blanche.
Les lésions supratentorielles ont également été recensées.
Parallèlement a été réalisée pour 8 enfants une analyse spectroscopique.
Analyse statistique
Des tests, comparant les cas aux témoins, ont été réalisés sur certaines variables.
Pour les variables qualitatives, un modèle logistique conditionnel a été utilisé pour réaliser
les tests. Un modèle mixte avec effet aléatoire sur la paire a été réalisé pour les variables quantitatives avec une distribution gaussienne, sinon un test de Friedman a été utilisé. Le test utilisé est indiqué en note de chaque tableau.
Le devenir moteur et cognitif (Quotient de développement : QD) a été modélisé par un
modèle logistique conditionnel. L’évènement est l’atteinte du développement selon la
dimension étudiée (global, postural, coordination, langage, sociabilité) caractérisé par un
QD ≤ 85. La variable de groupe (cas versus témoin) et la variable évaluée sont incluses dans
le modèle, l’appariement est pris en compte. Les résultats sont donnés en Rapport de Côte
avec un IC à 95 % et la significativité associé au test de Wald.
L’analyse a été réalisée sous SAS 9.1.
RÉSULTATS
Parmi les cent quarante-huit nouveau-nés de moins de 30 SA inclus dans la cohorte, quatorze enfants (9 %) présentent des lésions acquises du cervelet détectées en IRM. Quatre
d’entre eux n’ont pas été évalués par le score de Brunet-Lezine et ont été exclus de l’étude.
Des anomalies de myélinisation du cervelet sont mises en évidence chez sept enfants
(myélinisation incomplète : 3, myélinisation absente : 4). Trois enfants présentent des
lésions ischémo-hémorragiques du cervelet. Pour neuf enfants sur dix sont associées des anomalies supratentorielles (hémorragies intra et périventriculaires, leucomalacies périventriculaires, hémorragies sous-épendymaires, retard de myélinisation).
L’âge médian des enfants présentant des anomalies cérébelleuses est de 27 SA ± 1,3 [2629]. Huit nouveau-nés sont de sexe masculin, 2 de sexe féminin. Les poids de naissance des
enfants porteurs de lésions cérébelleuses et des témoins sont comparables (respectivement
957g ± 216 et 1029g ± 247 ; p = 0,34). Les caractéristiques anténatales des enfants sont
représentées dans le Tableau 1. Il n’est pas mis en évidence de différence significative dans
l’administration anténatale de corticoïdes entre les 2 groupes (p = 0,67), ni en postnatal sur
la fréquence des troubles métaboliques (hypoglycémie < 2 mmol/L, hyponatrémie < 130
mmol/L, hypernatrémie > 145 mmol/L). En revanche, leur durée de ventilation est significativement plus longue : 19,5 j vs 16,5 j (p = 0,03). Cette différence porte sur la durée de
ventilation non invasive (15,5 j vs 10,5 j, p = 0,04), alors que les durées de ventilation invasive sont comparables (4,5 vs 2,5 j, p = 0,41).
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LÉSIONS DU CERVELET CHEZ LE PRÉMATURÉ
Il n’y a pas de différence concernant le taux de dysplasie bronchopulmonaire entre les
deux populations. Les complications métaboliques et hémodynamiques sont résumées dans
le Tableau 2.
Le suivi neurologique immédiat a révélé des pointes positives rolandiques (PPR) à l’EEG
chez un enfant du groupe témoin et un enfant du groupe atteint. Sur l’IRM conventionnelle, il n’y a pas de différence significative du nombre d’enfants ayant un diamètre transversal normal du cervelet (7/10 vs 13/20). Sur l’IRM de diffusion, l’étude n’a pas trouvé de
différence significative pour la mesure des ADC des centres semi ovales (153 vs 142,
p = 0,32) ni des carrefours ventriculaires (176 vs 177). Les paramètres de spectroscopie étudiés sont aussi comparables entre les deux groupes.
A 2 ans, les QD globaux, posturaux, de coordination et de langage ne sont pas significativement différents entre les deux groupes dans cette population (Tableau 3).
Les enfants prématurés porteurs de lésions cérébelleuses hémorragiques semblent présenter plus d’anomalies du développement moteur et cognitif (trouble de la communication
et du comportement) que les enfants indemnes, indépendamment de la présence de lésions
supratentorielles [10-11]. Les résultats de notre étude montrent des QD langage et sociabilité plus bas dans le groupe des enfants atteints de lésions cérébelleuses, sans différence significative. Limperopoulos et coll. [12] ont également retrouvé des troubles du langage chez
42 % des enfants avec hémorragie cérébelleuse versus 0 % dans le groupe contrôle ; des troubles autistiques chez 34 % versus 0 % par une évaluation neurodéveloppementale à l’âge
moyen de 32,1 mois ± 11,1.
Le développement neuromoteur à 2 ans des grands prématurés présentant une altération
de la croissance cérébelleuse est également, selon Messerschmidt et al [3, 13], moins favorable que celui des enfants témoins, sans lésions cérébelleuses ; 66 % versus 5 % dans une population de prématurés nés avant 32 SA présentent une infirmité motrice cérébrale mais aussi
des difficultés cognitives. Cette différence se retrouve à long terme : dans une population
d’adolescents nés avant 33 SA, il existe une corrélation entre volume réduit du cervelet et
performances cognitives moindres évaluées par les tests de WISC et K-ABC [5].
Le mécanisme des lésions cérébelleuses est mal expliqué, probablement multifactoriel,
incluant des facteurs de risque anténatals et circulatoires en rapport avec la naissance prématurée [14-15]. Dans une étude ayant inclus 35 cas d’hémorragies du cervelet chez des
nouveau-nés prématurés, la réalisation d’une césarienne en urgence pour anomalies du
rythme cardiaque fœtal, une acidose pendant plus de 5 jours et la persistance du canal artériel représentent des facteurs de risque indépendants de lésions cérébrales [7].
DISCUSSION
La base de l’analyse morphologique du cervelet en clinique est désormais l’IRM ; les progrès
de l’imagerie cérébrale ont permis d’améliorer la connaissance et l’évaluation du développement
cérébelleux chez les nouveau-nés prématurés. Les résultats de cette étude montrent que les lésions
acquises du cervelet en période périnatale sont retrouvées chez 9,4 % des prématurés de moins de
30 SA. Dans la littérature, l’incidence des lésions cérébelleuses, estimée à 15 % en période postnatale (7-8) dans la population des enfants de très petit poids de naissance, augmente, en raison
de l’amélioration de la survie des grands prématurés et des progrès de l’imagerie.
Les lésions du cervelet sont associées à des séquelles neuro-motrices, dans notre étude,
90 % des lésions du cervelet sont associées à des lésions supratentorielles. La prématurité
constitue, même en l’absence de lésions cérébelleuses focales, un facteur de risque de mauvaise
croissance du cervelet. Ainsi, les études volumétriques par l’IRM trouvent des volumes cérébelleux moindres chez les prématurés que chez les enfants nés à terme, à l’âge du terme corrigé [6] ; le volume moyen du cervelet est de 26,0 ml chez des prématurés indemnes de lésions
cérébrales, 19,7 ml chez des prématurés avec lésions cérébrales associées et 27,9 ml chez des
nouveau-nés à terme (p < 0,001). La réduction de croissance du volume cérébelleux chez les
nouveau-nés prématurés est significativement associée à l’âge gestationnel, au poids de naissance, à la croissance postnatale (poids et périmètre crânien), à la sévérité de la pathologie respiratoire (durée de ventilation) et hémodynamique (persistance du canal artériel), et à la présence de lésions cérébrales associées [6-7]. Cette différence de volume cérébelleux est également retrouvée à l’adolescence [5]. Les mécanismes exacts des lésions du cervelet chez le prématuré sont incertains. Une hémorragie du cervelet pourrait résulter d’un saignement au
niveau de la zone germinative de la couche granulaire externe ou du 4e ventricule. Un autre
mécanisme serait une lésion vaso-occlusive dans le territoire de l’artère cérébelleuse inferieure,
responsable d’une lésion extensive au niveau des hémisphères cérébelleux [7].
Limperopoulos et coll. ont aussi démontré un lien entre lésions télencéphaliques et réduction du volume hémisphérique cérébelleux contralatéral [9] sur les IRM de prématurés à l’âge
du terme corrigé. Les prématurés indemnes de lésions cérébelleuses mais présentant une
lésion hémorragique périventriculaire, ont une réduction du volume hémisphérique cérébelleux contralatéral et inversement, une lésion cérébelleuse primitive est associée à une réduction du volume cérébral contralatéral. La réduction significative des volumes du cervelet et du
cerveau dans ces deux cas est probablement expliquée par des interactions trophiques neurosynaptiques. Dans notre étude, les valeurs d’ADC au niveau du centre semi-ovale sont augmentées dans le groupe d’enfants avec lésions cérébelleuses, mais sans différence significative.
CONCLUSION
Le cervelet du nouveau-né connaît actuellement un intérêt particulier lié à plusieurs facteurs : l’apport anatomique de l’IRM permettant la détection de malformations subtiles, les
possibilités de détection des malformations en imagerie prénatale, l’implication probable du
cervelet dans les fonctions motrices et cognitives.
La naissance d’un grand prématuré, a fortiori avec des lésions cérébelleuses nécessite une
analyse attentive de l’IRM du cervelet au voisinage du terme, en parallèle avec celle du cortex
et des régions périventriculaires. Les résultats de cette étude confirment une incidence élevée,
9,4 %, de lésions cérébelleuses chez le prématuré et la nécessité d’un suivi prospectif de tous les
nouveau-nés prématurés en prenant en compte des lésions cérébelleuses anté et néonatales.
V. Biran1,4*, A.-M. Bodiou1, M. Elmaleh2, J.-F. Oury3, O. Baud1,4
Service de Réanimation et Pédiatrie Néonatales, Pr Y Aujard, Assistance Publique-Hôpitaux
de Paris, Hôpital Robert Debré 48, bd Sérurier 75019 Paris
2
Service de Radiologie, Pr Sebag, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Robert
Debré 48, bd Sérurier 75019 Paris
3
Service de Gynécologie-Obstétrique, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Robert
Debré 48, bd Sérurier 75019 Paris
4
Equipe AVENIR, Inserm U676
tel: 01 40 03 24 56
fax: 01 40 03 24 70
*Auteur correspondant : [email protected]
1
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LÉSIONS DU CERVELET CHEZ LE PRÉMATURÉ
REMERCIEMENTS
Dr E. Zana, Dr A. Gaudin, Dr L. Maury, Dr C. Farnoux, Pr Y. Aujard (Service de
Réanimation et Pédiatrie Néonatales, Hôpital Robert Debré) ; Pr C. Alberti et E. Lucas
(CIC, Hôpital Robert Debré) ; Dr C. Delanoë (Service des Explorations fonctionnelles,
Hôpital Robert Debré) ; Dr M. Alison, Pr G. Sebag (Service de Radiologie, Hôpital Robert
Debré) ; L. Roger (psychologue, Hôpital Robert Debré).
TABLEAU 1 : CARACTÉRISTIQUES ANTÉNATALES DES ENFANTS
ATTEINTS DE LÉSIONS CÉRÉBELLEUSES ET DES TÉMOINS
CAS N = 10
TÉMOINS N = 20
P
Grossesse Multiple
0 (0 %)
5 (25 %)
NS
Chorioamniotite
2 (20 %)
2 (10 %)
NS
Corticothérapie anténatale :
RÉFÉRENCES
1. Larroque B, Bréart G, Kaminski M, et coll ; Epipage study group : Survival of very preterm infants: Epipage, a
population based cohort study. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed.2004; 89, F139-44
2. Larroque B, Ancel PY, Marret S, et coll ; EPIPAGE Study group : Neurodevelopmental disabilities and special
care of 5-year-old children born before 33 weeks of gestation (the EPIPAGE study): a longitudinal cohort
study. Lancet 2008 ; 371, 8133. Messerschmidt A, Fuiko R, Prayer D, et coll. Disrupted cerebellar development in preterm infants is associated
with impaired neurodevelopmental outcome. Eur J Pediatr. 2008 ; 10:1141-7
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survivor with cerebral palsy. J Child Neurol. 2005; 20:60-4
5. Allin M, Matsumoto H, Santhouse AM, et coll. Cognitive and motor function and the size of the cerebellum
in adolescents born very pre-term. Brain. 2001; 1:60-6
6. Limperopoulos C, Soul JS, Gauvreau K, et coll. Late gestation cerebellar growth is rapid and impeded by premature birth. Pediatrics. 2005 ; 115: 688-95
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8. Bodensteiner JB, Johnsen SD.Cerebellar injury in the extremely premature infant: newly recognized but relatively common outcome. J Child Neurol. 2005; 20: 139-42
9. Limperopoulos C, Soul JS, Haidar H, et coll. Impaired trophic interactions between the cerebellum and the
cerebrum among preterm infants. Pediatrics. 2005 ; 116 : 844-50
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to the high prevalence of long-term cognitive, learning, and behavioral disability in survivors? Pediatrics.
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13. Messerschmidt A, Prayer D, Brugger PC,et coll. Preterm birth and disruptive cerebellar development: assessment of perinatal risk factors. Eur J Paediatr Neurol. 2008 ; 6: 455-60
14. Shah DK, Anderson PJ, Carlin JB, et coll. Reduction in cerebellar volumes in preterm infants: relationship
to white matter injury and neurodevelopment at two years of age. Pediatr Res. 2006 ; 60 :97-102. Epub
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15. Srinivasan L, Allsop J, Counsell SJ, et coll. Smaller cerebellar volumes in very preterm infants at term-equivalent age are associated with the presence of supratentorial lesions. Am J Neuroradiol. 2006 ; 27 :573-9
NS
Non
4 (40 %)
2 (10 %)
NS
Incomplète
5 (50 %)
17 (85 %)
NS
Complète
1 (10 %)
1 (5 %)
NS
RPDE
2 (20 %)
6 (30 %)
NS
IMF
1 (10 %)
0 (0 %)
NS
24,6 (± 2,1)
25,6 (± 2,0)
NS
« Inborn »
6 (60 %)
15 (75 %)
NS
SFA
2 (20 %)
3 (15 %)
NS
RCIU
2 (20 %)
4 (20 %)
NS
Césarienne élective
3 (30 %)
7 (35 %)
NS
Césarienne pendant travail
3 (30 %)
3 (15 %)
NS
Accouchement voie basse
4 (40 %)
10 (50 %)
NS
PC naissance (cm)
Abréviations : IMF (infection materno-fœtale) RCIU (retard de croissance intra-utérin), PC (périmètre crânien), RPDE (rupture
prématurée des membranes), SFA (souffrance fœtale aigüe), NS (non significatif).
TABLEAU 2. COMPLICATIONS MÉTABOLIQUES ET HÉMODYNAMIQUES,
INFECTIEUSES ET INFLAMMATOIRES DES ENFANTS ATTEINTS
DE LÉSIONS CÉRÉBELLEUSES ET DES TÉMOINS
CAS N = 10
TÉMOIN N = 20
P
Hypoglycémie
3 (30 %)
2 (11 %)
p = 0,66
Hypo ou Hypernatrémie
5 (50 %)
3 (17 %)
p = 0,37
Traitement médical
4 (40 %)
6 (30 %)
NS
Cure chirurgicale de CA
1 (10 %)
1 (5 %)
NS
Traitement inotrope
0
2 (11 %)
NS
Expansion volémique
0
2 (11 %)
NS
2 (20 %)
3 (16 %)
NS
Anomalies métaboliques :
Troubles Hémodynamiques :
Hydrocortisone
Complications infectieuses /inflammatoires :
ECUN
0
0
NS
Sepsis
5 (50 %)
6 (30 %)
NS
Abréviations : CA (canal artériel), ECUN (entérocolite ulcéronécrosante), NS (non significatif).
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TABLEAU 3. QUOTIENT DE DÉVELOPPEMENT GLOBAUX, POSTURAUX,
DE COORDINATION, DE LANGAGE ET DE SOCIABILITÉ DES ENFANTS
ATTEINTS DE LÉSIONS CÉRÉBELLEUSES ET DES TÉMOINS
Cas n = 10
Témoins n = 20
p
QD Global
83,6 (± 12,8)
87,1 (± 13,2)
p = 0,49
<70
2 (20 %)
2 (10 %)
[70 – 85]
2 (20 %)
6 (30 %)
>85
6 (60 %)
12 (60 %)
QD Postural
103 (96 – 107)
100 (82 – 112)
<70
1 (10 %)
2 (10 %)
[70 – 85]
1 (10 %)
4 (20 %)
>85
8 (80 %)
14 (70 %)
81,9 (14,1)
84,8 (11,6)
<70
2 (20 %)
2 (10 %)
[70 – 85]
4 (40 %)
8 (40 %)
>85
4 (40 %)
10 (50 %)
QD Langage
77,7 (± 17,4)
82,2 (± 17,3)
<70
3 (30 %)
7 (35 %)
[70 – 85]
5 (50 %)
5 (25 %)
QD Coordination
>85
2 (20 %)
8 (40 %)
81,8 (± 15,7)
90,7 (± 16,0)
<70
3 (30 %)
2 (10 %)
[70 – 85]
3 (30 %)
4 (20 %)
>85
4 (40 %)
14 (70 %)
QD Sociabilité
MIEUX COMPRENDRE LA DYSPLASIE
BRONCHOPULMONAIRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR
p = 0,68
par
C. DELACOURT, A. HADCHOUEL, P.-H. JARREAU
p = 0,55
DÉFINITION
p = 0,51
p = 0,16
La dysplasie bronchopulmonaire (DBP) est la principale séquelle respiratoire des grands
prématurés et se caractérise par la nécessité d’une supplémentation prolongée en oxygène. La
définition de cette pathologie a fait l’objet d’adaptations successives. Les principales modifications ont été justifiées par le fait que les anomalies radiologiques n’apportent pas d’argument pronostic supplémentaire à la seule supplémentation en oxygène et que l’évaluation au
terme corrigé de 36 semaines d’aménorrhée (SA) s’avère mieux corrélée au devenir respiratoire à moyen et long terme que celle à 28 jours [1]. La définition de la DBP la plus récente
propose un gradient de sévérité, qui est significativement corrélé au devenir respiratoire et
neurologique du prématuré (Tableau 1) [1, 2]. Le principal inconvénient de cette définition
est une probable variation des critères de supplémentation en oxygène selon les centres de
néonatologie. Une évaluation standardisée des besoins en oxygène a été proposée et validée
à 36 SA, diminuant l’hétérogénéité des taux déclarés de DBP selon les centres [3].
EPIDÉMIOLOGIE
En France, la grande prématurité (terme inférieur ou égal à 32 SA) représente en 2003 environ 1,3 % du total des naissances, soit plus de 10000 enfants par an. La très grande prématurité
(terme inférieur à 28 SA) représente 0,4 % des naissances. Les taux moyens de DBP varient d’un
pays à l’autre, de 10,5 à 22 % [4, 5]. Cette variation peut être liée à une application hétérogène
de la définition, mais aussi à des protocoles de prise en charge différents. Le taux moyen en Ile
de France est de 13,8 % [5]. Le taux de DBP est fortement influencé par le degré de prématurité, la fréquence de cette pathologie étant d’autant plus élevée que la prématurité est grande [4].
Si l’on peut espérer une diminution des taux de DBP par l’amélioration des soins apportés aux grands prématurés, il faut toutefois constater que la fréquence de cette pathologie ne
diminue plus depuis plusieurs années, voire même augmente [4, 6]. Par ailleurs, les évaluations comparatives entre centres suggèrent que les différences de prise en charge chez les
grands prématurés ne sont plus l’élément déterminant de la survenue d’une DBP [7]. Des
facteurs de risque génétiques pourraient expliquer cette persistance d’un taux incompressible de DBP malgré l’amélioration constante des soins (voir plus bas) [8, 9].
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C. DELACOURT, A. HADCHOUEL, P.-H. JARREAU
MIEUX COMPRENDRE LA DYSPLASIE BRONCHOPULMONAIRE...
DESCRIPTION LÉSIONNELLE
Matrice extra-cellulaire et DBP
La période d’alvéolisation est caractérisée par la construction de nouvelles parois interalvéolaires, nommées septas secondaires, qui subdivisent les saccules initiales, ainsi que par
l’amincissement des parois existantes. Le contrôle du renouvellement matriciel harmonieux,
nécessaire à ces phénomènes, est exercé par deux grands groupes de molécules : les facteurs
régulant l’élastogenèse et la famille des métalloprotéinases. Un dépôt d’élastine est un préalable à l’irruption des septas secondaires. La qualité de l’élastogenèse est dépendante de plusieurs étapes clés : migration vers les espaces pulmonaires distaux des myofibroblastes, responsables de la synthèse d’élastine ; contrôle de la synthèse d’élastine par les myofibroblastes,
une fois migrés ; agencement des fibres d’élastine avec les fibres de collagène. Les principaux
facteurs impliqués dans ces différentes étapes sont le PDGF-A, le facteur de transcription
Hoxa5, l’acide rétinoique, le FGF-18 et la lysyl-oxydase [11]. Les nombreux modèles animaux
d’arrêt de l’alvéolisation sont caractérisés par des anomalies de l’élastogenèse, quel que soit le
mode d’agression pulmonaire. La DBP est également caractérisée par des anomalies importantes du tissu élastique pulmonaire, notamment des fibres dystrophiques et mal disposées [11, 12]. Une réponse pro-fibrosante peut aussi être observée, avec accumulation excessive de myofibroblastes et synthèse exagérée d’élastine, à des localisations non appropriées,
directement corrélée à la durée de la ventilation et de l’oxygénothérapie [13]. Le réseau de collagène joue également un rôle majeur dans la mise en place du poumon distal [14]. La qualité
de ce réseau est contrôlée par les métalloprotéinases (MMPs), responsables de l’intense activité protéolytique mesurée dans le poumon néonatal [11]. Deux protéases de cette famille
jouent un rôle particulièrement crucial dans le développement pulmonaire : la MMP-2 et la
MMP-14. Chez le prématuré humain, une faible activité MMP-2 a été associée à un plus
grand risque d’évolution vers la DBP [15, 16]. Plus récemment, le rôle de la MMP-16 a été
démontré à la fois dans l’activation de la MMP-2 et dans le développement pulmonaire [17].
D’autres systèmes que les MMPs participent au contrôle du renouvellement matriciel et
influencent le développement alvéolaire. C’est en particulier le cas du TGFβ‚, dont la concentration extracellulaire et l’activité des différentes isoformes sont essentielles au développement alvéolaire normal. L’administration d’anticorps neutralisant le TGFβ‚ prévient les troubles de l’alvéolisation chez la souris nouveau-né soumise à l’hyperoxie [18].
La DBP est une pathologie très dépendante des facteurs environnementaux, et apparaît
comme la séquelle finale d’agressions multiples, ante ou postnatales, sur un poumon immature.
Les supports thérapeutiques nécessaires à la survie de l’enfant prématuré, oxygénothérapie et
ventilation mécanique, constituent – paradoxalement – les principaux facteurs d’agression du
grand prématuré. L’amélioration de la prise en charge des grands prématurés a permis une diminution majeure des agressions subies et également la survie de prématurés de plus en plus immatures, amenant parallèlement une modification des lésions observées. Ceci est à l’origine des
concepts de DBP « ancienne » et de DPB « nouvelle », cette dernière correspondant aux
formes moins sévères observées notamment depuis l’utilisation large du surfactant exogène. Il
existe néanmoins de nombreux points communs entre ces deux formes, faisant de la DBP,
ancienne ou nouvelle, avant tout une pathologie du développement pulmonaire distal, potentiellement aggravée par une réponse inadaptée aux agressions extérieures (voir plus bas).
Les quelques études autopsiques disponibles permettent d’identifier les points communs à
l’ensemble des enfants atteints de DBP sévère, qu’ils aient reçu ou non du surfactant exogène
ou bénéficié d’une corticothérapie anténatale (Tableau 2). Depuis l’utilisation généralisée du
surfactant et le meilleur contrôle de tous les facteurs d’agression respiratoire, les lésions des
voies aériennes sont absentes ou minimes. De même, les lésions de fibrose extensive ne sont
plus observées. Par contre, les aspects d’arrêt du développement alvéolaire, nettement présents
dès les premières descriptions histologiques, représentent maintenant la lésion quasi-exclusive.
Cette hypoalvéolisation est caractérisée par des alvéoles en nombre réduit et anormalement
larges, une diminution de la surface alvéolaire, des espaces interalvéolaires épais contenant des
vaisseaux diminués en nombre et d’aspect dystrophique. Ces descriptions permettent de
décrire la DBP comme la principale pathologie humaine du développement alvéolaire.
PHYSIOPATHOLOGIE
Les différents éléments cités dans les paragraphes précédents font apparaître au moins trois
éléments interagissant entre eux pour déterminer le développement d’une DBP : l’immaturité
pulmonaire, les facteurs d’environnement, et les facteurs de l’hôte. Si les facteurs d’environnement
sont de mieux en mieux contrôlés, ils ne sont jamais totalement absents, et les modèles animaux
montrent que des agressions minimes sont capables d’inhiber la multiplication alvéolaire [10].
Naissance prématurée et développement pulmonaire
La multiplication alvéolaire est un phénomène essentiellement postnatal. En cas de naissance
prématurée, le développement pulmonaire est encore à un stade très immature, appelé sacculaire,
le rendant particulièrement vulnérable aux différentes agressions [11]. Cette immaturité est une
condition nécessaire pour la survenue d’une DBP, mais non suffisante, seule une minorité
de grands prématurés évoluant vers une DBP. La connaissance des mécanismes contrôlant le
développement pulmonaire distal est une étape essentielle à la compréhension physiopathologique
de la DBP, et à l’émergence de nouvelles voies thérapeutiques. Cette connaissance a beaucoup
progressé ces dernières années, bien qu’une vision intégrée des différents mécanismes identifiés
manque encore. Surtout, plusieurs travaux chez l’animal témoignent du potentiel thérapeutique apporté par ces nouvelles connaissances, avec la prévention expérimentale d’anomalies
de l’alvéolisation par l’inhibition ou la surexpression de facteurs clés du développement.
Maturation microvasculaire et DBP
Le développement du poumon distal s’accompagne d’une extension importante du lit
capillaire et d’une maturation de ce lit capillaire, avec fusion du double réseau capillaire initial en un réseau unique [11]. Le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) joue un rôle
essentiel dans le contrôle de l’angiogenèse au cours du développement pulmonaire distal.
Son inhibition entraîne non seulement une diminution de la densité vasculaire mais également une diminution du nombre d’alvéoles et un élargissement des espaces aériens, témoignant des interactions étroites entre angiogenèse et multiplication alvéolaire. Au cours de la
DBP, l’expression du VEGF est diminuée, et la densité capillaire est réduite [19].
Expérimentalement, l’administration thérapeutique de VEGF prévient les anomalies du
développement alvéolaire chez le rat nouveau-né exposé à l’hyperoxie [20].
Capacités de réparation pulmonaire après agression
Si les facteurs d’agression sont susceptibles d’altérer par eux-mêmes le développement
pulmonaire normal, les lésions observées peuvent être facilitées par des capacités de défense
et de réparation pulmonaires très immatures chez le prématuré. Un facteur très important
de la réparation pulmonaire est le FGF-7, qui est également impliqué dans la maturation des
pneumocytes II et la synthèse de surfactant. Il a été montré chez le prématuré que des
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concentrations élevées de FGF-7 étaient associées à un meilleur pronostic respiratoire [21].
Chez l’animal nouveau-né, l’apport exogène de FGF-7 diminue les lésions aiguës et la
réponse inflammatoire liées à l’agression, mais ne prévient pas les troubles de l’alvéolisation [22]. Il semble donc bien que ce soient les interactions directes entre environnement et
mécanismes du développement qui constituent le mécanisme princeps de la DBP.
Facteurs liés à l’hôte
Facteurs d’environnement
Des facteurs d’environnement multiples sont susceptibles d’influencer le risque d’évolution vers une DBP, à âge gestationnel identique.
Certains de ces facteurs sont constamment reconnus comme capables d’augmenter le
risque d’évolution vers une DBP [16] :
- la durée d’exposition postnatale à l’oxygène
- la durée de ventilation mécanique
- la persistance d’un canal artériel ouvert
- la survenue d’un sepsis postnatal
- la nécessité de remplissages vasculaires répétés
L’administration précoce de surfactant exogène a par contre un effet protecteur
démontré [16].
L’effet délétère des facteurs cités est probablement en grande partie médié par le développement d’une réponse inflammatoire au niveau des voies aériennes ou du poumon distal.
L’efficacité clinique démontrée des corticoïdes administrés après la naissance, témoigne à
l’évidence qu’une intervention thérapeutique sur l’inflammation des voies aériennes reste
une voie de recherche opportune, les corticoïdes eux-mêmes exposant à des conséquences
cérébrales graves, entravant leur utilisation routinière [16].
La DBP est associée à une réponse inflammatoire des voies aériennes [23].
Expérimentalement, l’induction d’une réponse inflammatoire pulmonaire chez l’animal
nouveau-né est associée à des troubles du développement alvéolaire [24]. La surexpression
de gènes pro-inflammatoires, comme TGF‚ ou IL-1, pendant la période sacculaire induit
une hypoplasie alvéolaire [25]. Ces médiateurs peuvent avoir directement ou indirectement
des effets délétères sur les tissus pulmonaires, induisant la sécrétion de protéases et de radicaux superoxides, entraînant l’augmentation de la perméabilité des capillaires alvéolaires, le
dépôt de fibrine, la diminution de la vascularisation, le remodelage de la matrice extracellulaire avec épaissement des septa et fibrose.
Actuellement, le stimulus inflammatoire prédominant chez les prématurés est probablement anténatal et correspond à l’exposition in utero de ces enfants à une chorioamniotite
(inflammation du placenta et des membranes fœtales). Toutefois, l’impact d’une chorioamniotite sur le risque de DBP reste ambigu. Initialement retenue comme facteur augmentant
le risque de DBP, son rôle pathogénique a été récemment remis en cause [26]. Les modèles
animaux induisant une inflammation anténatale massive sont associés à des anomalies vasculaires et alvéolaires chez l’animal nouveau-né, superposables à celles observées dans la
DBP [27]. Toutefois, et paradoxalement, l’inflammation anténatale, même modérée, est
également capable d’induire une accélération de la maturation pulmonaire [28]. Les effets
de l’inflammation anténatale, bénéfiques ou délétères, pourraient en fait dépendre des interactions avec les agressions immédiatement postnatales [28], ce qui expliquerait au moins en
partie les différences observées dans les études épidémiologiques.
143
L’absence de diminution de l’incidence de la DBP malgré l’amélioration des soins est
potentiellement liée à la présence de facteurs d’hôte incontournables. Le sexe masculin a été
associé à un risque majoré de DBP [1]. La qualité de la croissance in utero joue aussi un rôle
important, les enfants hypotrophes ayant un risque majoré de DBP [16 , 29].
Plus récemment, des facteurs de susceptibilité génétiques ont été fortement suggérés par
la comparaison des concordances pour la DBP au sein de paires de jumeaux monozygotes et
de paires dizygotes. Après ajustement pour les variables de confusion, l’héritabilité pour la
DBP, qui intègre les facteurs génétiques et d’éventuels facteurs environnementaux non pris
en compte dans l’analyse, a ainsi été estimée de 53 % à 82 % [8, 9]. De nombreux gènes candidats pourraient être impliqués dans le risque de DBP, car intervenant dans la régulation
du développement alvéolaire, la réponse inflammatoire, les défenses anti-oxydantes, les processus de réparation cellulaire après agression, ou encore les défenses anti-infectieuses. Les
études disponibles sont peu nombreuses et souvent limitées à un nombre réduit de patients.
Une association a été proposée avec des polymorphismes des gènes de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, de la glutathion-S-transférase, de la protéine A du surfactant, de la
protéine B du surfactant, du TNF-alpha et du VEGF [16, 30]. Parmi les gènes impliqués
dans le développement du poumon distal, seul des polymorphismes du gène MMP16 ont été
associés à la DBP [17]. Ces polymorphismes ont également été associés à l’expression de
MMP16 dans le poumon et au degré d’activation de MMP2 dans les voies aériennes [17].
Il apparaît donc certain que des facteurs génétiques influencent fortement le devenir respiratoire du prématuré. Le développement du poumon distal chez l’enfant prématuré serait
ainsi dépendant d’interactions complexes entre l’environnement au sens large (in ou ex
utero) et des gènes de susceptibilité, capables de moduler l’adaptation de l’enfant en développement à des conditions pathologiques. L’identification de ces facteurs est un défi important des prochaines années.
C. Delacourt1,2, A. Hadchouel2, P. Jarreau3
Service de Pneumologie Pédiatrique, Hôpital des Enfants Malades, Paris
2
Institut Mondor de Recherche Biomédicale, INSERM U955, Créteil
3
Service de Réanimation Néonatale, Port-Royal, Paris
1
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TABLEAU 2. LESIONS HISTOLOGIQUES DECRITES CHEZ LE NOURRISSON
AVEC DBP ET MODIFICATIONS LESIONNELLE INDUITES
PAR L’AMELIORATION DES SOINS [16]
TABLEAU 1. DEFINITION DE LA DYSPLASIE BRONCHOPULMONAIRE [2]
AGE GESTATIONNEL
Période d’évaluation finale
< 32 SA
≥ 32 SA
Terme corrigé de 36 SA
56 j d’âge postnatal
(ou retour au domicile, < 36 SA)
(ou retour au domicile, si < 56 j)
Supplémentation en O2 pendant 28 j
associée aux besoins suivants à l’évaluation finale :
DBP légère
air ambiant
DBP modérée
Supplémentation O2 nécessaire, avec FiO2 < 30 %
DBP sévère
Supplémentation O2 nécessaire, avec FiO2 ≥ 30 %
et/ou ventilation en pression positive
Aspect macroscopique
145
Lésions décrites chez les enfants
avec DBP dans la période
pré-surfactant
Lésions décrites chez les enfants
avec DBP dans la période
post-surfactant
Petit volume pulmonaire
Pas de mesure de volume disponible
Alternances arélectasie/hyperinflation
Grosses voies aériennes
Augmentation des glandes
sous-muqueuses
Altérations épithéliales minimes
Epaississement du muscle lisse
Métaplasie épithéliale
Infiltrats de cellules inflammatoires
Petites voies aériennes
Métaplasies épithéliales
Aspect normal
Infiltrats de cellules inflammatoires
Epaississement du muscle lisse
Diminution inconstante du diamètre bronchique
Alvéoles
Alvéoles plus larges
et moins nombreuses
Alvéoles plus larges
et moins nombreuses
Diminution de la surface alvéolaire
Parois inter-alvéolaires épaisses
Parois inter-alvéolaires épaisses
Lésions inconstantes
et minimes de fibrose interstitielle
Lésions constantes de fibrose interstitielle
Epithelium cuboïdal indifférencié
Vascularisation
Lésions hypertensives
Capillaires rares et dystrophiques
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PRISE EN CHARGE NUTRITIONNELLE NÉONATALE
DES ENFANTS PORTEURS DE LAPAROSCHISIS
par
E. WALTER-NICOLET, F. KIEFFER, S. SARNACKI, D. MITANCHEZ
Le laparoschisis est une malformation congénitale liée à un défaut de fermeture de la
paroi abdominale, le plus souvent latéro-ombilical droit, associé à une éviscération d’une
partie des organes abdominaux. Les organes préférentiellement herniés sont l’intestin grêle,
le côlon, l’estomac, plus rarement la vessie, les ovaires ou les testicules. Cette malformation
dont l’étiologie est inconnue est le plus souvent isolée. On observe depuis les vingt dernières
années une augmentation de l’incidence qui atteint 4,6/10000 dans certaines régions du
monde [1, 2]. Le jeune âge maternel est un des facteurs de risque. Le diagnostic est de plus
en plus souvent réalisé dès l’échographie du 1er trimestre. La prise en charge médicale débute
dès la période fœtale. A la naissance, le traitement repose sur la chirurgie en urgence puis sur
la prise en charge nutritionnelle. En effet, le développement ectopique des anses intestinales
dans le liquide amniotique entraîne une altération des fonctions digestives, ce qui influence
considérablement la prise en charge médicale néonatale.
CONSÉQUENCES FŒTALES DU LAPAROSCHISIS
Croissance et bien-être fœtal
Le développement des anses intestinales dans le liquide amniotique entraîne des pertes
hydriques et protéiques [3]. Différents travaux ont montré qu’il existe une altération de l’absorption du glucose et des acides aminés chez le fœtus par inhibition des gènes impliqués
dans l’absorption entérocytaire de ces nutriments [4].
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est fréquent (30 à 40 %) ainsi que l’oligoamnios (10 à 40 %) [5].
Les anomalies du rythme cardiaque fœtal (RCF) sont fréquentes au cours du troisième
trimestre de la grossesse (10 %) et peuvent conduire à une extraction fœtale précoce [5].
L’altération du RCF est le reflet d’une détresse fœtale qui peut être en rapport avec des phénomènes douloureux [6].
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Lésions des anses intestinales
L’intervention chirurgicale a lieu rapidement. Le plus souvent, les anses sont réintégrées en
un temps après élargissement du collet. En cas de surpression liée à l’étroitesse de la cavité
abdominale, la réintégration est réalisée en un temps par la mise en place d’une plaque en
gore-tex ou progressivement après la réalisation d’un silo autour des anses (technique de
Shuster). La surveillance post-opératoire est réalisée en réanimation et nécessite le maintien
d’une antalgie pendant les heures qui suivent l’intervention. Les signes d’hyperpression
abdominale sont particulièrement recherchés, notamment sur l’altération de la fonction respiratoire, les troubles hémodynamiques et éventuellement la mesure de la pression intra-gastrique. Le plus souvent, la prise en charge chirurgicale par une équipe expérimentée limite ce
type de complications post-opératoires et la durée de la réanimation est de quelques jours.
Deux types de mécanismes sont impliqués dans l’altération du tube digestif : des phénomènes chimiques et des phénomènes mécaniques.
Le contact des anses intestinales avec le liquide amniotique induit une réaction inflammatoire à la surface des anses en raison des substances présentes dans le liquide amniotique
comme les dérivés urinaires et digestifs. Cette réaction conduit à la constitution d’une péritonite aseptique avec la présence d’un œdème, d’un dépôt de fibrine et d’un infiltrat cellulaire. Il en résulte dans les formes sévères une coalescence des anses qui sont engluées dans la
fibrine et forment une « galette » dans laquelle elles ne sont plus individualisables.
Des phénomènes de constriction se produisent au niveau du défect pariétal qui est de
petite taille (entre 2 et 5 cm). Les anses digestives subissent un phénomène d’occlusion ou
de sub-occlusion au niveau du collet, à l’origine de dilatations digestives, de vomissements et
d’émission du méconium in utero. Ce phénomène est associé à des mécanismes d’ischémie,
soit par striction de l’artère mésentérique soit par gêne au retour veineux. Ces mécanismes
sont probablement à l’origine des atrésies digestives rencontrées dans 10 % des cas, des sténoses, des perforations voire de la nécrose du grêle. Cette dernière complication, rare, est
particulièrement redoutable et grève sérieusement le pronostic des patients.
Conséquences fonctionnelles : les troubles de la motricité
Les nouveau-nés porteurs de laparoschisis présentent des troubles du transit à type d’hypomobilité intestinale qui impactent beaucoup sur la prise en charge néonatale. Il est possible que la périviscérite joue un rôle dans ces troubles fonctionnels.
Des études sur des modèles animaux ont apporté quelques éléments de réponse sur la
physiopathologie des troubles de la motricité intestinale. Dans un modèle de laparoschisis
chez le lapin, une altération de la maturation neuronale intestinale a été montrée [7]. Chez
le rat, un retard de maturation des cellules musculaires lisses de la paroi intestinale a été
observé, ainsi qu’un retard de maturation des cellules de Cajal qui jouent un rôle de « pacemaker » de l’activité musculaire lisse dans le tube digestif [8].
Chez l’humain, le développement du système neuromusculaire du tube digestif dans les
laparoschisis n’a pas été étudié de façon approfondie. Une étude réalisée sur des pièces chirurgicales après résection d’atrésie intestinale a montré une altération du développement du
système neuro-entérique en aval de l’atrésie [9]. Le retard de maturation observé pourrait être
secondaire à l’interruption du péristaltisme ou à l’interruption du processus de signalisation
rostro-caudal au cours du développement du tube digestif. Par analogie, on peut considérer
que les anses intestinales en aval du collet pourraient subir le même type d’altération.
PRISE EN CHARGE NÉONATALE
La prise en charge néonatale comporte deux étapes : le traitement chirurgical avec la
période péri-opératoire puis la prise en charge nutritionnelle.
Prise en charge chirurgicale
Le nouveau-né est pris en charge dès la salle de naissance, placé dans un sac à grêle et perfusé avec du glucosé à 10 % et du calcium selon les apports habituels, ainsi qu’avec du sérum
physiologique (base de 20 ml/kg) dont le débit est adapté à l’état hémodynamique.
Prise en charge nutritionnelle
Après la réparation chirurgicale, les anomalies de la motricité intestinale sont quasi
constantes et impliquent le maintien d’une nutrition parentérale prolongée. La qualité de la
nutrition parentérale est importante en raison de sa durée et du retard de croissance souvent
associé au laparoschisis. Elle est prescrite selon les principes habituels en néonatologie, en
respectant les recommandations notamment pour les apports protidiques (4g/kg/j pour un
nouveau-né prématuré ou avec un RCIU ; 3g/kg/j pour un nouveau-né à terme
eutrophe) [10]. Les apports caloriques sont habituellement compris entre 120 et
160 cal/kg/j selon la situation nutritionnelle du nouveau-né et la cinétique de croissance
postnatale.
Habituellement, l’alimentation entérale est débutée après la disparition de l’iléus postopératoire qui est souvent prolongé dans le laparoschisis. Cependant, le retard à l’instauration
de la nutrition entérale a des effets délétères sur la croissance et le développement intestinal.
La nutrition trophique : du prématuré au laparoschisis
En période néonatale et particulièrement chez le prématuré, il a été montré que l’absence
d’alimentation entérale entraîne un retard à la maturation intestinale et au développement de
l’activité enzymatique ainsi qu’une atrophie villositaire [11, 12]. Le concept de nutrition trophique (NT), c'est-à-dire l’administration de petits volumes de lait pendant au moins 5 jours, a
été développé par les néonatologistes chez les nouveau-nés prématurés afin d’améliorer la tolérance de la nutrition entérale et de diminuer les complications liées à la nutrition parentérale [13]. Ce type de nutrition améliore la croissance de la muqueuse intestinale et la maturation de la fonction musculaire intestinale, stimule la sécrétion des hormones et des peptides
entériques et a un effet bénéfique sur la flore intestinale [13]. L’aliment de choix pour la NT est
le lait de mère frais. Il contient en effet des facteurs de croissance comme l’insuline, l’EGF (epidermal growth factor) et d’autres peptides ayant un effet trophique direct sur la muqueuse
digestive [14]. Il contient par ailleurs des immunoglobulines et des cytokines qui ont probablement un effet protecteur vis-à-vis de la translocation bactérienne [15].
Plusieurs études chez le prématuré ont montré que la NT améliore la prise pondérale, la
tolérance de l’alimentation entérale, diminue le risque de sepsis et la durée de la nutrition parentérale, ainsi que la durée d’hospitalisation [16, 17]. Elle améliore aussi la motricité digestive [18].
Le principe de la NT semblait donc intéressant pour la prise en charge nutritionnelle des
nouveau-nés porteurs de laparoschisis. Nous avons élaboré un protocole d’alimentation entérale
basé sur ce principe, mais aussi sur une augmentation très progressive des volumes de nutrition
entérale et sur la stimulation du transit par des lavements quotidiens. La NT débutée précocement après la chirurgie de même que la stimulation du transit devaient permettre une amélioration de la motricité digestive. L’augmentation progressive des volumes de lait telle qu’elle est
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pratiquée chez le nouveau-né prématuré devait permettre une meilleure adaptation du tube
digestif à l’alimentation entérale et d’éviter des épisodes de distension aiguë par l’administration
trop précoce de volumes importants.
mentation complète était significativement différent entre les deux groupes. Tous les
patients du GNT étaient totalement alimentés à 60 jours. En revanche, environ un tiers des
patients du GC avaient encore une nutrition parentérale à cet âge (p = 0,004).
Deux enfants du GNT ont présenté quatre épisodes d’infection secondaire, et 17 enfants du
GC ont présenté 22 épisodes infectieux (p = 0,016).
Il n’y a eu aucune complication chirurgicale dans le GNT. En revanche, dans le GC, un
enfant a eu une entérocolite à 32 jours de vie, compliquée d’un grêle court. Six autres enfants
ont eu une complication chirurgicale : perforation digestive (2), sténose intestinale secondaire (2), sténose du pylore (1) et volvulus sur bride (1).
Il y avait une tendance à une sortie plus précoce dans le GNT (Tableau 2). Tous les enfants
de ce groupe étaient sortis de l’hôpital à 90 jours de vie, alors qu’à cette date 24 % des enfants
du GT étaient encore hospitalisés.
L’analyse univariée des facteurs pouvant influencer la durée de la nutrition parentérale est
présentée dans le Tableau 3. Seule la sévérité de la périviscérite et l’utilisation du protocole
de nutrition étaient significativement associées. L’analyse multivariée incluant le poids de
naissance (poids < 2000 g ou poids < 10ème p), la gravité de la périviscérite et l’utilisation ou
non du protocole de nutrition a montré que seule l’utilisation du protocole influençait la
durée de nutrition parentérale (p = 0,038) [19].
Protocole d’alimentation entérale des nouveau-nés porteurs de laparoschisis
La NT était débutée dès 5 jours post-fermeture de la paroi abdominale, en situation de
stabilité hémodynamique et respiratoire. L’examen de l’abdomen devait être normal (souple, non douloureux, peu météorisé) et le volume quotidien des résidus gastriques inférieur
à 30 ml/kg. En revanche, l’aspect des résidus n’était pas pris en considération. En cas de mise
en place d’un silo, la NT était débutée après fermeture de la paroi abdominale (avec ou sans
patch). Un millilitre de lait de mère frais ou de lait de lactarium était administré en bolus
chaque heure dans la sonde gastrique pendant 5 jours. En cas d’augmentation des résidus
gastriques de plus de 20 %, de vomissements, de douleur ou de distension abdominale, la
nutrition trophique était interrompue jusqu’à résolution.
Après 5 jours de NT, l’apport de lait de mère ou de lait de lactarium était poursuivi en
nutrition entérale continue avec une augmentation quotidienne de 12 ml/kg/jour jusqu’à
ration complète. L’augmentation était poursuivie en fonction de la tolérance, c'est-à-dire de
l’état clinique de l’abdomen et du volume quotidien des résidus qui devait être inférieur au
tiers de la ration quotidienne. Lorsque la ration entérale représentait 50 % de la ration calorique, la nutrition entérale était discontinue. Lorsque la ration entérale était supérieure à
120 ml/kg/j, le lait de mère était enrichi si besoin à la dextrine maltose (2 à 3 %) et au liprocil (0,5 à 1 %) pour atteindre la ration calorique adéquate. A ration complète, en l’absence
de lait de mère, une formule hydrolysée était progressivement introduite.
La stimulation du transit par des lavements évacuateurs (sérum physiologique et vaseline)
réalisés deux fois par jour était débutée au 3ème jour postopératoire et maintenue jusqu’à ration
alimentaire complète. Elle était ensuite pratiquée en fonction de la fréquence des selles.
Nous avons évalué l’impact de ce protocole en comparant une série de patients recueillis en prospectif sur 18 mois (novembre 2004 - avril 2006) à un groupe contrôle de patients
porteurs de laparoschisis pris en charge dans les cinq années précédant cette période (janvier
2000-octobre 2004). La prise en charge chirurgicale et en réanimation était la même durant
les deux périodes. En revanche, dans le groupe contrôle, l’alimentation entérale était débutée après résolution de l’iléus postopératoire. L’augmentation quotidienne de la ration et la
réalisation de lavements évacuateurs étaient laissées au jugement du médecin en charge du
patient. Si besoin, lorsque la nutrition entérale était exclusive, le lait de femme était remplacé
par une formule hydrolysée.
Evaluation de l’impact du protocole de nutrition entérale des nouveau-nés avec laparo
schisis sur le devenir néonatal
Vingt-deux patients ont été inclus dans le groupe NT (GNT) et 51 dans le groupe contrôle
(GC). Leurs caractéristiques prénatales et néonatales sont présentées dans le Tableau 1. Cinq
enfants sont décédés dans le GC : trois décès précoces dont 2 cas de nécrose totale du grêle et un
RCIU sévère avec lésions neurologiques, deux décès tardifs à la fin du deuxième mois dont une
infection respiratoire avec lésions neurologiques et une perforation iléale. Aucun enfant n’est
décédé dans le GNT. Les données postopératoires des 22 enfants du GNT et des 46 survivants
du GC sont présentées dans le Tableau 2. Les principales différences entre les deux groupes
étaient l’âge au début de l’alimentation entérale et l’incidence des infections secondaires.
L’âge médian à l’alimentation entérale complète était de un mois pour les deux groupes.
Quand la période postnatale était stratifiée en trois périodes en fonction des percentiles
(< 31 jours [< 50ème p], 31 à 60 jours [50-75ème p] et > 60 jours [>75ème p]), le délai à l’ali-
DISCUSSION
Cette étude était la première à analyser spécifiquement l’effet d’une NT précoce et d’une
augmentation progressive de l’alimentation entérale chez les nouveau-nés porteurs de laparoschisis. Elle a permis de montrer qu’une telle prise en charge nutritionnelle était le seul facteur
qui influençait la durée de la nutrition parentérale. Comme cela a été montré chez le nouveauné prématuré, nous avons montré que la NT et l’augmentation progressive de la nutrition
entérale étaient associées à une diminution de la nutrition entérale et de l’incidence des infections secondaires et à une tendance à la diminution de la durée de l’hospitalisation [16, 17, 19].
Le type de protocole proposé ne permettait pas une randomisation des patients ni une comparaison simultanée des deux prises en charge en raison de l’influence de ce protocole sur les
pratiques médicales.
Une différence significative entre les deux groupes était retrouvée pour l’âge gestationnel,
le poids de naissance, la sévérité de la périviscérite et le délai de la chirurgie. Plus d’enfants du
groupe contrôle avaient un poids de naissance < 2000 g, bien que cette différence n’était pas
significative (Tableau 1). Une étude récente a montré qu’un poids de naissance < 2000 g était
un facteur prédictif de morbidité et du devenir des nouveau-nés avec laparoschisis [20]. Nous
n’avons pas confirmé ces résultats puisqu’un poids < 2000 g et un RCIU n’influençaient pas la
durée de la nutrition parentérale pendant les deux périodes.
La diminution de l’incidence des infections secondaires était probablement en rapport
avec la diminution de la durée de la nutrition parentérale, limitant le risque d’infection à staphylocoque à coagulase négative. Les épisodes de translocation digestive devaient aussi être
diminués par l’effet bénéfique de la NT sur la barrière intestinale et la flore digestive.
L’augmentation progressive de l’alimentation entérale limitait les épisodes de distension digestive qui contribuent à la prolifération bactérienne et à la rupture de la barrière intestinale [21].
Les complications chirurgicales étaient plus fréquentes dans le GC. Nous ne pouvons
affirmer que le protocole réduit ce type de complications en raison de leur faible fréquence.
En revanche, nous pouvons affirmer que la NT précoce n’est pas un facteur de risque d’entérocolite dans cette population.
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PRISE EN CHARGE NUTRITIONNELLE NÉONATALE...
Dans les deux groupes de patients, 45 à 50 % des enfants étaient totalement alimentés
avant 31 jours (Tableau 2). Cela signifie que quel que soit le type de prise en charge nutritionnelle, certains patients ont une évolution favorable. Le protocole proposé ici est donc particulièrement intéressant pour les nouveau-nés les plus fragiles. Cela montre que lorsque la
situation clinique est favorable et la tolérance digestive particulièrement bonne, l’augmentation de l’alimentation pourrait être plus rapide, de l’ordre de 24 à 30 ml/kg/j. Ceci permettrait de diminuer encore la durée d’hospitalisation de certains enfants. Par ailleurs, nous avons
arbitrairement choisi de débuter la NT à 5 jours postopératoire. Ce délai pourrait être raccourci dans les situations les plus favorables. Différentes combinaisons pour les protocoles
d’alimentation basées sur les principes proposés ici pourraient être évaluées comme cela a été
proposé chez le nouveau-né prématuré [22]. Un tel protocole pourrait aussi être appliqué à
d’autres malformations intestinales, notamment les atrésies digestives au regard des données
de la physiopathologie [9].
9. Khen N, Jaubert F, Sauvat F, Fourcade L, Jan D, Martinovic J, et al. Fetal intestinal obstruction induces alteration
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CONCLUSION
L’intérêt du protocole nutritionnel présenté ici, en dehors des effets bénéfiques sur le
devenir néonatal des patients, est de proposer une prise en charge homogène et bien codifiée
pour les patients porteurs de laparoschisis, indépendamment des intervenants médicaux. Ce
protocole a été diffusé au niveau national par l’intermédiaire d’un Protocole Hospitalier de
Recherche Clinique (PHRC) évaluant l’intérêt des amnio-échanges dans cette malformation (PHRC national, « Etude randomisée comparant l’amnio-échange à l’absence d’amnio-échange pour la prise en charge des fœtus atteints de laparoschisis », investigateur principal Pr D Luton). L’évaluation de nouvelles pratiques ou de nouveaux traitements ne peut
être objective que si les autres paramètres de la prise en charge sont uniformes entre les différents centres. Ce type d’évaluation ne peut se faire que par des études multicentriques en
raison de la rareté de cette malformation. Cela souligne bien l’impact de la mise en place de
stratégies thérapeutiques comme celle que nous avons établie.
E. Walter-Nicolet, F. Kieffer, S. Sarnacki, D. Mitanchez,
Service de Néonatologie, Hôpital d’enfants Armand Trousseau, 26 avenue du docteur Arnold Netter
75012 Paris, France, Tel : 33 (0)1 44 73 61 91 Fax : 33 (0)1 44 73 68 92,
e-mail : [email protected]
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TABLEAU 1: DONNEES PRENATALES ET NEONATALES (MEDIANE [EXTREMES]. N ( %)).
Groupe contrôle
Groupe NT
p
n = 51
n = 22
Age maternel (année)
24 [16-36]
26 [18-36]
0,22
Primipare
40 (78,4 %)
18 (81,8 %)
0,74
Primigeste
28 (54,9 %)
12 (54,5 %)
0,98
2 [0-8]
3 [0-6]
0,28
29,5 [25,7-36,7]
30,2 [27,3-33]
0,43
Amnio-échange (n)
Age gestationnel
au 1er amnio-échange (SA)
Corticothérapie anténatale
42 (84 %)
20 (90,9 %)
0,50
Cures anténatales de corticoïdes (n)
2 [0-3]
2 [0-2]
0,28
Age gestationnel de naissance (SA)
35 [30,5-37,7]
35,6 [31-37,7]
0,03
2200 [1000-3630]
2465 [1370-3490]
0,05
Poids de naissance < 2000 g
20 (39,2 %)
4 (18,2 %)
0,08
Poids de naissance < 10ème p
19 (37,3 %)
2 (9,1 %)
0,01
Sexe (masculin)
25 (49 %)
12 (54,5 %)
0,66
Apgar à 5 min
10 [5-10]
10 [7-10]
0,58
Périviscérite: aucune
24 (48 %)
7 (31,8 %)
0,035
modérée
16 (32 %)
14 (63,6 %)
sévère
10 (20 %)
1 (4,5 %)
3 [1-7]
2,8 [2-4]
0,007
5 (9,8 %)
0
0,13
Poids de naissance (g)
Délai de la chirurgie (h)
Décès
NT : nutrition trophique
SA : semaine d’aménorrhée
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E. WALTER-NICOLET, F. KIEFFER, S. SARNACKI, D. MITANCHEZ
TABLEAU 2: ÉVOLUTION POSTOPERATOIRE (MEDIANE [EXTREME]. N ( %)).
Groupe contrôle
(n = 46)
Groupe NT
(n = 22)
p
72 [12-624]
84 [36-768]
0,20
6 [1-72]
4 [1-18]
0,08
11,5 [4-76]
5 [5-34]
0,0005
32 [13-1000]
31 [19-55]
0,50
RÉPONSES DE DOULEUR CHEZ LE NOUVEAU-NÉ :
SONT-ELLES DIFFÉRENTES CHEZ LE GARÇON ET LA FILLE ?
< 31 jours
21 (45,7 %)
11 (50 %)
0,004
par
31 à 60 jours
11 (23,9 %)
11 (50 %)
> 60 jours
14 (30,4 %)
0
Infection secondaire
17 (40 %)
2 (9 %)
0,016
54,5 [24-361]
40 [30-90]
0,08
Extubation (heures)
1ère selle spontanée (jours)
Début de nutrition entérale (jours)
Age à la nutrition entérale totale (jours)
Nutrition entérale totale
Sortie de l’hôpital (jours)
R. CARBAJAL, C. BATARD, J-B. ARMENGAUD,
C. N'GUYEN BOURGAIN
NT : nutrition trophique
TABLEAU 3: FACTEURS ASSOCIES A LA DUREE
DE LA NUTRITION PARENTERALE (ANALYSE UNIVARIEE)
Age gestationnel au 1er amnio-échange (SA)
Amnio-échange (n)
Nutrition parentérale
< 2 mois (n = 54)
Nutrition parentérale
≥ 2 mois (n = 14)
p
30 [25,7-36,7]
30 [26-35]
0,82
3 [0-8]
2,5 [0-5]
0,87
46 (86,8 %)
12 (85,7 %)
1
Cures anténatales de corticoïdes (n)
2 [0-3]
2 [0-3]
0,57
Age gestationnel de naissance (SA)
35,5 [31-37,7]
35,3 [30,5-37]
0,39
2400 [1370-3490]
2000 [1295-2900]
0,08
Corticothérapie anténatale
Poids de naissance (g)
Poids de naissance < 2000 g
14 (25,9 %)
7 (50 %)
0,11
Poids de naissance <10ème p
13 (24,1 %)
6 (42,9 %)
0,19
Sexe (masculin)
26 (48,1 %)
10 (71,4 %)
0,12
Périviscérite : aucune
26 (48,1 %)
4 (30,8 %)
0,049
23 (42,6 %)
4 (30,8 %)
modérée
5 (9,3 %)
5 (38,5 %)
Délai de la chirurgie (h)
sévère
3 [1-7]
3 [1-6]
0,59
Protocole de nutrition
22 (40,7 %)
0
0,003
SA : semaine d’aménorrhée
La douleur est une expérience personnelle et complexe qui est modulée par une myriade
de facteurs internes et externes à l’individu. Durant les 3 dernières décennies, il y a eu un
grand intérêt pour comprendre les facteurs responsables des différences individuelles de la
douleur chez l’adulte. Plus récemment, un intérêt a été porté au rôle du sexe et du genre
comme facteurs pouvant intervenir dans la détermination de l’expérience personnelle de la
douleur. En réalité, après une période intense de poursuite de l’égalité de sexes sur tous les
domaines, une discussion plus constructive a fait irruption sur les différences importantes
pouvant exister entre les hommes et les femmes. Des données récentes indiquent que les
hommes et les femmes diffèrent de manière importante sur le fonctionnement de leurs
mécanismes nociceptifs, leurs réponses aux traitements analgésiques et leurs expériences de
douleur dans la maladie. Les données montrent également que les suppositions tentant d’expliquer les différences entre les hommes et les femmes de manière simpliste en indiquant
qu’elles sont la conséquence purement de différences biologiques ou purement des différences psychologiques ne sont pas correctes. Chez l’adulte, il a été montré que les différences
sont le résultat d’une interaction complexe des facteurs biologiques, psychologiques et socioculturels. L’importance et la complexité de ce sujet ont conduit l’International Association
for the Study of Pain (IASP) à créer un groupe d’intérêt sur le sexe, le genre et la douleur.
Les différences entre les hommes et les femmes sur la douleur ont été étudiées quasi exclusivement chez les adultes ainsi que chez les animaux. Il n’existe pratiquement pas de données
sur ces différences chez le nouveau-né humain. Le présent article décrit d’abord les données les
plus marquantes issues de la littérature adulte humaine et animale puis les données des deux
études sur les différences de réponses de douleur chez le nouveau-né humain garçon et fille.
IMPORTANCE, MÉCANISMES ET PERTINENCE
DES DIFFÉRENCES CHEZ L'ADULTE
D'une manière générale, les données montrent clairement que dans toutes les espèces les
réponses à la douleur sont différentes entre les mâles et les femelles. Ces différences sont
complexes, variables et leur mécanisme exact n'a pas encore été élucidé. L'étude des différences selon le sexe ou le genre doit considérer, entre autres, trois grands domaines : la mag-
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RÉPONSES DE DOULEUR CHEZ LE NOUVEAU-NÉ...
nitude des différences, les mécanismes qui sous-tendent les différences et la pertinence clinique de ces différences.
La magnitude et le sens des différences selon le sexe ou genre dépendent du type de douleur étudié (expérimental, clinique, chronique), de la population étudiée (contexte clinique
individuel ou à l'échelle d'une population) et des questions empiriques posées dans le travail
de recherche. Par conséquent, il n'est pas possible de tirer une conclusion générale s'appliquant à tous les contextes sur la magnitude et le sens des différences de réponses de douleur
liées au sexe ou genre. En fait, la recherche s'oriente vers la catégorisation de ces différences
en fonction de différents contextes et populations.
En ce qui concerne les mécanismes responsables de différences liées au sexe ou genre,
Fillingim a proposé plusieurs explications basées sur les résultats des études de douleurs cliniques et douleurs provoquées expérimentalement [1]. Ces explications sont souvent classées en psychosociales et neurophysiologiques. On compte parmi les premières les attentes
sociales du rôle lié au sexe (féminité, masculinité), des facteurs cognitifs ou affectifs (anxiété,
mécanismes pour faire-face), et un apprentissage social. Parmi les seconds, on compte les
hormones sexuelles, les facteurs génétiques, les circuits endogènes d'inhibition de la douleur.
Bien que cette distinction soit commode, elle est artificielle car les facteurs psychosociaux
agissent inévitablement par le biais d'un mécanisme neurophysiologique et les mécanismes
neurophysiologiques modifient aussi les facteurs psychosociaux. Il se dégage de différentes
études que l'approche biopsychosociale est la plus pertinente. Les études futures devraient
tenter de déterminer le rôle de chacun de ces facteurs dans les mécanismes des différences de
douleur liées au sexe ou genre dans différents contextes.
Quant à la pertinence clinique des différences de douleur liées au sexe ou genre, les
études montrent que pour un certain nombre des situations cliniques les différences sont
importantes et que leur intégration dans la prise en charge des patients pourrait être utile.
Par exemple, certaines études montrent que les femmes sont plus enclines au développement
de certaines douleurs et d'autres montrent que certains analgésiques semblent plus efficaces
chez les femmes que chez les hommes.
Stevens et al ont étudié les réponses de nouveau-nés prématurés lors de ponctions au
talon et évalué si la gravité de la maladie et l'état d'éveil avaient un effet sur les réponses de
douleur [6]. Ils ont trouvé que ces deux variables contextuelles avaient une influence sur les
réponses de douleur chez ces enfants. En revanche, ils ont trouvé que le sexe n'avait pas d'interaction avec les réponses de douleur.
Guinsburg et al ont étudié de façon spécifique les différences de réponse à la douleur
entre le nouveau-né garçon et fille [7]. Ils ont étudié chez 65 nouveau-nés nés entre 28 et 41
semaines d'aménorrhée (SA) les réponses de douleur induites par une ponction au talon. Les
enfants furent divisés en 6 groupes selon leur sexe et terme de naissance : garçons et filles
dans trois groupes de < 34 SA, 34-37 SA et ≥ 38 SA. Les auteurs ont évalué les réponses de
douleur avec deux échelles : le codage facial néonatal (NFCS) et l'échelle NIPS. La première
évalue l'apparition de 8 mimiques liées à la douleur et la seconde échelle est basée sur l'expression faciale, les pleurs, le rythme respiratoire, la position des bras, la position des membres inférieurs et l'état d'éveil. Les réponses de douleur ont été observées à 6 moments : au
repos, lors de la prise du pied et échauffement de celui-ci, lors de la ponction au talon, puis
1, 3 et 5 minutes après la ponction. Lors de l'analyse de résultats avec l'échelle NFCS, ils ont
trouvé que les filles avaient une expression faciale de douleur plus intense que les garçons lors
de la ponction au talon et 1 minute après cette ponction. Il n'existait pas de différence pour
les autres temps d'observation. De la même façon, la comparaison globale de garçons et filles
tout âge et temps d'observation confondus n'a pas montré de différence. En revanche, l'évaluation des réponses de douleur avec l'échelle NIPS n'a pas montré de différence entre les
garçons et les filles. Ces résultats contradictoires soulignent la difficulté de l'évaluation de la
douleur chez le nouveau-né. Il doit être noté tout de même que plusieurs études ont montré
que les mimiques faciales constituent le signe le plus fiable de douleur chez le nouveau-né.
L'utilisation des échelles multidimensionnelles bien qu'intéressante sur le plan théorique car
pouvant donner une vision plus globale de la douleur se heurte au problème de l'inclusion
dans le score global des items qui sont moins spécifiques de la douleur que les signes faciaux.
L'auteur de cet article pense que le fait d'attribuer un poids égal à ces items pourrait conduire
à une perte de sensibilité et de spécificité de l'échelle. Cette hypothèse est appuyée par une
récente étude qui montre que les réponses corticales à la douleur ont une excellente corrélation avec les items de mimiques faciales de l'échelle multidimensionnelle PIPP alors que le
score global de cette échelle qui inclut par ailleurs, l'état d'éveil, le terme de naissance, et des
modifications de la fréquence cardiaque et saturation d'oxygène montre une moins bonne
corrélation avec les réponses corticales [8]. D'un point de vue développemental, les
mimiques faciales constituent un des moyens les plus efficaces de communication entre le
nouveau-né et son entourage.
Notre équipe a réalisé une méta-analyse des scores de douleur observés chez les nouveaunés garçons et filles à partir des données issues de deux études [9, 10] qui avaient évalué les
effets analgésiques des solutions sucrées et de la succion des tétines lors des ponctions veineuses. Dans une première méta-analyse concernant les scores de douleur des nouveau-nés
qui avaient reçu du placebo, nous avons observé que les scores de douleur des filles étaient,
en moyenne, 1,4 points supérieurs à ceux des garçons lorsque la douleur était cotée avec
l'échelle DAN qui évalue la douleur sur une échelle de 0 à 10 où 0 représente l'absence de
douleur et 10 la douleur maximale. Dans une deuxième méta-analyse sur les scores de douleur des nouveau-nés qui avaient reçu une solution sucrée et une tétine, les scores de douleur
des filles étaient, en moyenne, 0,98 points supérieurs à ceux des garçons sur l'échelle DAN.
Une partie des résultats de Guinsburg et al [7] et ceux de notre meta-analyse suggèrent
fortement que les réponses de douleur chez les nouveau-nés filles sont plus marquées que
celle des garçons. Ces résultats sont en accord avec ceux décrits dans la littérature adulte
DIFFÉRENCES DANS L'EXPRESSION DE LA DOULEUR
CHEZ LE GARÇON ET LA FILLE NOUVEAU-NÉS
L'étude des différences dans l'expression de la douleur à la période néonatale est importante car les comportements observés n'ont pas encore subi les influences psychosociales ou
l'action de certains apprentissages [2]. On pourrait déduire que si des différences existent à
cette période de la vie elles sont dues à des différences biologiques dans la perception, la
modulation ou l'intégration des signaux nociceptifs. Les données sur ce sujet sont, cependant, encore rares car le sexe n'est qu'exceptionnellement étudié comme un facteur indépendant actif dans les études sur la douleur chez le nouveau-né. Dans l'immense majorité des
études, le sexe de l'enfant est considéré comme une variable démographique et non comme
un facteur ayant un rôle dans les réponses à la douleur [3]. La supposition que le sexe n'est
qu'une variable démographique et non une variable indépendante conduit inéluctablement
au fait que la plupart des études manquent de puissance pour montrer une différence dans
les réponses de douleur liées au sexe [3].
Certaines études se sont intéressées aux différences sensorielles entre les nouveau-nés
garçons et filles. Ainsi, Bell et Costal [4] et Lipsitt et Levy [5] ont trouvé des réponses comportementales plus importantes chez les nouveau-nés filles que chez les nouveau-nés garçons
lors des stimulations tactiles.
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R. CARBAJAL, C. BATARD, J-B. ARMENGAUD, C. N'GUYEN BOURGAIN
indiquant que les processus d'intégration et d'expression de la douleur sont différents selon
le sexe. Étant donné que les réponses des nouveau-nés ont été observées durant les tout premiers jours de vie, il est difficile de dire que les différences entre les sexes correspondent à des
apprentissages ou à des influences socioculturelles. Il est donc probable que les seuils de douleur et la tolérance à la douleur soient biologiquement plus basses chez les filles. D'autres
études chez les nouveau-nés et les jeunes enfants sont certainement nécessaires pour mieux
comprendre ces différences et connaître également quelle serait la conséquence clinique des
différences dans les réponses à la douleur observées chez les garçons et les filles.
R. Carbajal, C. Batard, J.-B. Armengaud, C. N'Guyen Bourgain
Service des urgences pédiatriques. Hôpital d'enfants Armand Trousseau. 26, av du Dr Netter
75012 Paris.
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MISES AU POINT
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THÉRAPIE GÉNIQUE
DE L’ADRÉNOLEUCODYSTROPHIE LIÉE À L’X
par
N. CARTIER, S. HACEIN-BEY-ABINA,
P. BOUGNÈRES, C. VON KALLE, A. FISCHER,
M. CAVAZZANA-CALVO, P. AUBOURG
LA MALADIE
L’adrénoleucodystrophie liée à l’X (ALD), la plus fréquente des leucodystrophies et des
maladies péroxysomales, se caractérise suivant le phénotype clinique par une démyélinisation
progressive cérébrale ou une atteinte axonale de la moelle épinière, très souvent associée à une
insuffisance surrénale (maladie d’Addison) [1, 2]. L’ALD comporte sur le plan biochimique une
accumulation d’acides gras à très longue chaîne (AGTLC) dans le plasma, les fibroblastes et les
tissus qui est la conséquence d’un déficit de leur dégradation (ß-oxydation) dans les péroxysomes. Le gène ALD (ABCD 1) code pour une protéine trans-membranaire péroxysomale qui
a la structure d’un hémi-transporteur de la famille des transporteurs ABC (ATP-Binding
Cassette). La protéine ALD forme un homodimer dans la membrane des péroxysomes et permet d’y importer les dérivés CoA d’AGTLC où ils sont ensuite dégradés. Il n’existe aucune corrélation entre le phénotype clinique, la mutation du gène ABCD1 ou l’accumulation d’AGTLC
dans le plasma ou les fibroblastes. La fréquence des mutation de novo du gène ABCD1 est environ à 8 % et il est donc fréquent à partir du diagnostic d’un cas index d’identifier d’autres garçons ou hommes atteints d’une des formes phénotypiques de la maladie dans la même famille.
LES FORMES CÉRÉBRALES DÉMYÉLINISANTES
Elles touchent le plus souvent entre 5 et 12 ans (40 % des formes cliniques d’ALD) des
garçons mais aussi des hommes adultes entre 20 et 40 ans. Les formes cérébrales démyélinisantes d’ALD évoluent en 3 phases [1, 2] :
- une phase latente sans signe neurologique et souvent même cognitif avec l’apparition de
lésions de démyélinisation visibles à l’IRM cérébrale qui évoluent lentement pendant
12-18 mois ;
- une deuxième phase où apparaissent des signes neurologiques évidents qui sont contemporains d’une progression rapide et importante des lésions de démyélinisation ;
- une phase terminale avec des séquelles motrices sensorielles et cognitives majeures (état grabataire) conduisant souvent au décès.
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Les déficits cognitifs et les signes neurologiques dépendent de la localisation des lésions
de démyélinisation. Celles-ci débutent soit dans le splénium du corps calleux avec extension
dans la substance blanche pariéto-occipitale ; soit dans le genou du corps calleux avec extension dans la substance blanche frontale ; soit au niveau des voies pyramidales (tronc cérébral,
capsules internes) de manière uni- ou bilatérale avec extension ensuite dans la substance
blanche frontale. La progression des lésions se fait typiquement d’arrière en avant dans les
formes pariéto-occipitales, et d’avant en arrière dans les formes frontales.
ADRÉNOMYELONEUROPATHIE (AMN)
L’AMN (60 % des formes cliniques d’ALD) se caractérise par l’apparition d’une paraparésie spastique progressive associée à des troubles de l’équilibre (par atteinte des cordons
postérieurs de la moelle) et des troubles urinaires, parfois associés à des signes cliniques de
neuropathie périphérique (démyélinisante, axonale ou les deux) [1, 2]. Les premiers symptômes apparaissent entre l’âge de 20 et 50 ans, avec un pic entre 20 et 30 ans chez les
hommes. Au moins 60 % des femmes conductrices hétérozygotes présentent également des
signes d’AMN qui apparaissent le plus souvent après l’âge de 40 ans. L’AMN est avant tout
la conséquence d’une atteinte axonale au niveau de la moelle épinière sans démyélinisation.
Si les filles ou les femmes ne développent jamais d’atteinte cérébrale démyélinisante, ce n’est
pas le cas des hommes. Environ 35 % d’entre eux, après avoir d’abord présenté des signes
d’AMN, développent dans un second temps une atteinte cérébrale démyélinisante dont les
signes cliniques et l’évolution sont identiques aux formes cérébrales d’ALD des garçons. Ce
risque d’atteinte cérébrale chez les hommes est majeur entre 20 et 30 ans. Il diminue considérablement après l’âge de 45 ans.
INSUFFISANCE SURRÉNALE (Maladie d’Addison)
Celle-ci peut être la première manifestation de la maladie et rester le seul symptôme pendant plusieurs années ou décennies jusqu’à l’apparition d’une atteinte cérébrale ou d’une
AMN. Environ 70 % des garçons ou hommes atteints d’ALD finissent par développer à un
moment de leur vie une insuffisance surrénale qui touche d’abord la fonction glucocorticoïde puis la fonction minéralocorticoïde. L’insuffisance surrénale est exceptionnelle chez
les filles ou les femmes conductrices d’ALD.
GREFFE ALLOGÉNIQUE DE MOELLE OSSEUSE
(TRANSPLANTATION DE CELLULES
SOUCHES HÉMATOPOÏÉTIQUES)
La transplantation de cellules souches hématopoïétiques est le seul traitement qui permet, lorsqu’elle est effectuée tout au début d’une atteinte cérébrale démyélinisante, dans une
fenêtre thérapeutique relativement étroite, de stabiliser voire de faire régresser les lésions
cérébrales de démyélinisation, que ce soit chez le garçon ou l’adulte [3, 4, 5].
Comme pour d’autres maladies cérébrales (maladie de Hurler, leucodystrophie métachromatique, leucodystrophie de Krabbe), l’efficacité de la greffe de moelle allogénique dans
l’ALD repose sur le remplacement progressif d’une population de cellules gliales appelée
microglie par des précurseurs hématopoïétiques myélo-monocytiques de la moelle osseuse.
THÉRAPIE GÉNIQUE DE L’ADRÉNOLEUCODYSTROPHIE LIÉE À L’X
163
Ces cellules traversent la barrière hémato-cérébrale et se différencient ensuite en cellules
microgliales (équivalent de macrophages cérébraux) [6].
Dans la maladie de Hurler, la leucodystrophie métachromatique et la maladie de Krabbe
qui sont des maladies lysosomales, le remplacement de la microglie du patient par une microglie normale dérivée des cellules de moelle osseuse d’un donneur permet une correction des
autres cellules gliales et des neurones. Les enzymes lysosomales peuvent en effet être secrétées et recaptées à distance par d’autres cellules, notamment par la voie du récepteur mannose-6-phosphate. Ce n’est pas le cas dans l’ALD puisque la protéine ALD est une protéine
trans-membranaire localisée dans la membrane des péroxysomes qui ne peut être secrétée.
Dans l’ALD, la greffe de moelle osseuse est totalement inefficace et peut même aggraver
la maladie une fois que des signes neurologiques évidents sont apparus. En pratique, ce traitement ne peut être proposé qu’à des patients :
- chez lesquels la maladie s’est d’abord révélée par une insuffisance surrénale et dont le
suivi régulier par une IRM cérébrale faite tous les 6 mois a permis de dépister une atteinte
démyélinisante débutante ;
- dépistés à un stade asymptomatique au décours du conseil génétique d’une famille faisant suite au diagnostic d’un cas index, et pour lesquels une IRM cérébrale faite tous les 6
mois a permis de dépister une atteinte démyélinisante débutante ;
- chez les hommes atteints d’AMN par un suivi régulier de leur IRM cérébrale un fois par an ;
- chez des enfants âgés de plus de 10 ans chez lesquels des troubles cognitifs conduisent
à des difficultés scolaires vite remarquées et amenant à un diagnostic relativement précoce.
La greffe allogénique de moelle osseuse n’est possible que si un donneur ou un sang de cordon HLA compatible est trouvé. La procédure reste associée à une lourde mortalité : 15 à
20 % chez l’enfant, 40 à 50 % chez l’adulte.
L’AUTOGREFFE DE CELLULES SOUCHES HÉMATOPOÏÉTIQUES
GÉNÉTIQUEMENT CORRIGÉE EX VIVO :
UNE ALTERNATIVE À LA GREFFE
ALLOGÉNIQUE DE MOELLE OSSEUSE
Durant les cinq dernières années, et ce grâce à des registres de plus en plus riches de donneurs non apparentés de moelle osseuse ou de sang de cordon, il est devenu de plus en plus
fréquemment possible de proposer une greffe allogénique de moelle osseuse à des patients
atteints d’ALD. C’est le cas en particulier de plusieurs pays européens, dont la France, des
USA, de l’Australie et du Japon. Ce n’est cependant pas le cas de tous les pays européens et
encore moins des pays d’Amérique du Sud, du Maghreb, d’Afrique et d’Extrême-Orient.
Les progrès médicaux en matière de greffe allogénique de moelle osseuse avec un donneur non apparenté ou un sang de cordon ont été considérables ces 10 dernières années.
Mais les risques d’échec (absence de prise de greffe) ou de complications (maladie grave du
greffon contre l’hôte, délai de la reconstitution hématopoïétique) restent importants. La stabilisation de l’atteinte cérébrale démyélinisante n’est observée dans les meilleurs des cas après
une greffe non compliquée que 12 à 18 mois après la procédure. Toute complication de
greffe peut potentiellement retarder cette stabilisation, même si in fine le problème hématologique est résolu.
Les risques de l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques sont beaucoup moins
importants, le patient étant son propre donneur. L’existence de vecteurs de thérapie génique
permettant de transférer des gènes thérapeutiques dans les cellules a permis cette approche
dans l’ALD dès 1993, une fois le gène ABCD1 cloné. La première approche a consisté à uti-
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liser un vecteur gamma-rétroviral (γRV) murin pour transférer le gène ALD dans les fibroblastes [7] puis les cellules CD34+ de patients ALD. Les cellules CD34+ peuvent être isolées
à partir de cellules de moelle osseuse ou par cytaphérèse après stimulation par du G-CSF qui
permet de faire sortir des cellules souches hématopoïétiques et les progéniteurs hématopoïétiques de la moelle osseuse vers la circulation. Cette population de cellules CD34+ contient
des cellules souches hématopoïétiques et est maintenant fréquemment utilisée pour faire des
auto- ou des allogreffes de cellules de moelle osseuse chez l’enfant comme chez l’adulte. Les
premiers résultats, bien qu’encourageants, n’ont pas conduit à envisager un essai clinique
pour les raisons suivantes : en effet, au contraire de certains déficits immunitaires (déficit en
adénosine desaminase ; déficit immunitaire combiné lié à l’X, DICS-X), il n’existe pas dans
l’ALD d’avantage sélectif des cellules normales ou génétiquement corrigées. En d’autres
termes, la correction d’un nombre limité de cellules souches hématopoïétiques avec un vecteur γRV ne laissait pas envisager une amplification du nombre des cellules corrigées avec le
temps par avantage sélectif. Il a fallu attendre le développement d’un vecteur lentiviral dérivé
du virus VIH-1 pour envisager une approche réellement possible de thérapie génique dans
l’ALD. Ce vecteur, comme le virus VIH 1 natif, a en effet la capacité d’infecter des cellules
qui ne se divisent pas comme les neurones ou les cellules souches hématopoïétiques [8, 9].
Ce vecteur lentiviral contient et exprime encore les gènes qui lui permettent d’infecter les
cellules qui ne se divisent pas, de pénétrer dans leur noyau et d’insérer dans les chromosomes
un gène thérapeutique ; ce vecteur lentiviral est par contre délété de tous les gènes (VIF,
VPR, VPU, NEF, ENV, TAT) qui pourraient conduire à sa réplication autonome.
Les étapes pré-cliniques de validation de cette approche d’autogreffe de cellules CD34+
génétiquement corrigées ex vivo avec un vecteur lentiviral ont consisté à démontrer :
- que dans un protocole de transduction applicable en clinique, on pouvait corriger un
nombre significatif (40 à 50 %) de cellules CD 34+ de patients ALD [10] ;
- par différents tests de différenciation in vitro que l’on avait effectivement corrigé des
cellules souches hématopoïétiques de patients ALD [10] ;
- que dans un modèle de souris immuno-déficiente, la xénogreffe de cellules CD34+ de
patients ALD corrigées avec un vecteur lentiviral permettait non seulement de reconstituer
chez ces souris un système hématopoïétique humain où la protéine ALD était bien exprimée
dans les monocytes et les macrophages, mais également dans les cellules microgliales cérébrales dérivées des mêmes précurseurs myélo-monocytiques [10, 11].
La souris ALD obtenue par inactivation du gène ALD présente un phénotype clinique
qui ressemble à l’AMN mais ne développe pas de démyélinisation cérébrale [12]. Il n’a donc
pas été possible de tester l’efficacité clinique de cette approche de thérapie génique chez la
souris ALD.
Il a fallu résoudre ensuite tout un ensemble de problèmes avant d’obtenir une autorisation d’essai clinique de l’AFSSAPS :
- le premier, et non le moindre, de pouvoir produire un vecteur lentiviral ALD de grade
clinique mais également avec un titre suffisant pour une utilisation clinique. Par titre, on
entend le nombre de particules virales infectieuses par ml dont dépend l’efficacité de la correction des cellules CD34+ ;
- de résoudre les aspects sécuritaires liés à l’utilisation d’un vecteur lentiviral dérivé du
virus VIH 1. Ceci a nécessité le développement et la validation de tests spécifiques pouvant
démontrer l’absence de réplication spontanée du vecteur lentiviral dans les cellules CD34+
transduites de patients ALD ;
- d’évaluer au mieux in vitro et in vivo les risques liés à l’insertion génomique du vecteur
(« mutagenèse par insertion »). Les vecteurs lentiviraux, comme les γRV, s’intègrent dans
le génome avec donc la possibilité, comme cela s’est passé pour certains patients atteints de
THÉRAPIE GÉNIQUE DE L’ADRÉNOLEUCODYSTROPHIE LIÉE À L’X
165
DICS-X, et traités en France et en Angleterre avec un vecteur γRV, de développer une leucémie [13, 14]. Cette complication est la conséquence de phénomènes complexes et intriqués : a) le statut biologique des cellules souches hématopoïétiques transduites qui peuvent,
suivant la pathologie que l’on veut traiter, être soumises à un phénomène de pression sélective et donc d’expansion clonale ; b) la conception même du vecteur, et en particulier l’existence d’un élément appelé Long–Terminal-Repeat (LTR). Cet élément permet l’intrégration génomique du gène thérapeutique mais dans la conception initale du vecteur γRV utilisé pour les essais DICS-X, ce LTR contrôlait aussi l’expression du gène thérapeutique. Cet
élément LTR a un effet promoteur puissant sur le gène thérapeutique, mais il comporte
aussi le risque de pouvoir activer aussi des gènes qui se trouvent à côté du site d’insertion où
se trouve le vecteur et son gène thérapeutique, et donc possiblement d’activer des protooncogènes [15, 16]. Pour le vecteur lentiviral utilisé dans l’essai de thérapie génique ALD, ce
LTR a été modifié de telle sorte qu’après intégration il devienne inactif (vecteur lentiviral
SIN pour « self inactivating »), l’expression du gène ALD étant sous le contrôle d’un promoteur interne. Cette conception de vecteur réduit considérablement le risque de mutagenèse par insertion mais il ne l’élimine pas complètement. L’insertion d’un vecteur rétroviral,
même SIN, dans le génome peut suffire à modifier l’expression de gènes environnants, et s’il
s’agit de gènes impliqués dans la prolifération cellulaire, induire un certain degré d’expansion clonale des cellules transduites. Cet effet dit de dominance « clonale » peut spontanément se stabiliser sans nécessairement aboutir au développement d’une leucémie ;
- le dernier point important a été de mettre au point les conditions de transduction des cellules CD34+ de patients ALD en situation clinique, et de les optimiser afin d’obtenir le
pourcentage le plus élevé possible de correction.
C’est donc après avoir rempli tous ces pré-requis qu’une autorisation d’essai a été accordée
par l’AFSSAPS. Cet essai prévoit d’inclure dans un premier temps 5 patients ALD, âgés de
5 à 15 ans, présentant une démyélinisation cérébrale progressive, candidats à la greffe allogénique de moelle osseuse mais sans donneur.
DES PREMIERS RÉSULTATS TRÈS ENCOURAGEANTS
Trois patients ont été jusqu’ici traités par thérapie génique, mais nous ne donnons dans
ce texte les résultats que pour deux d’entre eux pour lesquels nous avons un suivi suffisant
tant en termes d’efficacité que d’absence d’effets secondaires.
Les deux patients étaient âgés de 7 ans ½ et 7 ans et présentaient, pour l’un une forme frontale, et l’autre une forme pariéto-occipitale cérébrale d’ALD. Dans les deux cas, ces patients
avaient été identifiés par un dépistage systématique, un frère plus âgé étant décédé d’une forme
cérébrale d’ALD, au-delà de toute ressource thérapeutique au moment du diagnostic.
Les cellules CD34+ ont été prélevées par cytaphérèse après stimulation par G-CSF. Il a
été prélevé un supplément de cellules CD34+ à partir d’un prélèvement de moelle osseuse
qui a été congelé sans transduction. Ce prélèvement de réserve a été fait par sécurité au cas
où la réinjection de cellules CD34+ transduites n’aurait pas permis, après un conditionnement, une reconstitution hématopoïétique rapide. Les cellules CD34+ prélevées par cytaphérèse ont été transduites ex vivo avec le vecteur lentiviral ALD puis congelées afin de réaliser sur un aliquot de 5 % un certain nombre de tests sécuritaires, notamment afin de vérifier l’absence de réplication du vecteur lentiviral. Un conditionnement myélo-ablatif classique a été réalisé par busulfan et cylophosphamine et les cellules CD34+ transduites ont été
réinjectées. L’autogreffe s’est déroulée sans aucune complication, les deux patients sortant
d’aplasie à J15. La reconstitution hématopoïétique et immunitaire complète a été rapide.
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Tous les tests de suivi visant à mettre en évidence l’émergence d’un vecteur lentiviral
compétent pour la réplication (et donc en quelque sorte une infection par virus du
SIDA) sont restés négatifs.
Résultats sur le plan biologique
Chez les 2 patients, la mutation du gène ALD entraînait une absence complète de protéine ALD détectable dans les fibroblastes ou leucocytes du sang périphérique. Des études
d’immuno-marquage avec un anticorps spécifique dirigé contre la protéine ALD humaine
ont donc permis d’étudier sur le long terme quelles cellules et quels pourcentages de ces cellules exprimaient la protéine ALD codée par le vecteur lentiviral.
Le premier patient a été réinjecté avec 50 % de cellules CD34+ exprimant la protéine
ALD et le second 36 %. Un mois après autogreffe, on retrouvait dans le sang périphérique
de ces deux patients 23-25 % de lymphocytes et de monocytes exprimant la protéine ALD.
Ce pourcentage a diminué 4-6 mois après autogreffe, puis s’est stabilisé entre 10 et 15 %,
24 à 30 mois après autogreffe. Le nombre de copies intégrées du vecteur lentiviral dans les
lymphocytes /monocytes est toujours resté bien corrélé avec le pourcentage de cellules exprimant l’ALD avec des chiffres entre 0,14 et 0,20 copie de vecteur lentiviral intégré par cellule,
24 à 30 mois après autogreffe.
Nous nous sommes évidemment attachés à regarder l’expression de la protéine ALD
dans les différentes sous-populations de leucocytes du sang périphérique : les monocytes (qui
ont la même origine myélo-monocytique que les cellules microgliales cérébrales), les polynucléaires (qui ont également une origine myéloïde), les lymphocytes T et les lymphocytes
B. Après une diminution les 4-6 premiers mois après autogreffe, entre 9 et 13 % des monocytes, polynucléaires, lymphocytes T et B du premier patient traité expriment la protéine
ALD 30 mois après autogreffe. Pour le deuxième patient, l’évolution est tout à fait identique
avec des chiffres entre 10 et 14 %, 24 mois après autogreffe. Les polynucléaires ayant une
demi-vie de 2-3 jours et les monocytes de 3-4 jours, l’expression à long terme de la protéine
ALD dans les monocytes et les polynucléaires suggère fortement que l’on a corrigé des cellules souches hématopoïétiques ou du moins des progéniteurs hématopoïétiques très précoces capable d’auto-renouvellement et de différenciation en cellules myéloïdes et lymphoïdes. La mise en évidence pour chaque patient de sites d’intégration identique du vecteur
lentiviral à la fois dans des cellules d’origine myéloïde et lymphoïde suggère aussi fortement
que des cellules souches hématopoïétiques ont bien été corrigées.
Un point important était de vérifier que l’intégration du vecteur lentiviral ALD dans le
génome des cellules souches hématopoïétiques ne modifiait pas leur devenir clonal. En effet
même si l’utilisation d’un vecteur lentiviral SIN diminue ce risque, il s’intègre dans le
génome et par ce seul fait peut modifier l’homéostasie des gènes exprimés dans les cellules
souches hématopoïétiques et conduire à une dominance clonale. Cela n’a pas été le cas
jusqu’ici, l’étude des sites d’intégration du vecteur lentiviral ayant montré une polyclonalité
persistante 24 mois après auto-greffe chez les 2 patients traités.
THÉRAPIE GÉNIQUE DE L’ADRÉNOLEUCODYSTROPHIE LIÉE À L’X
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12 premiers mois suivant l’autogreffe puis stabilisées jusqu’au dernier suivi à 30 mois. Ses
fonctions cognitives verbales sont restées normales. Par contre, ses fonctions cognitives exécutives et de raisonnement sont un peu moins bonnes en raison de l’atteinte frontale démyélinisante plus importante qu’avant thérapie génique.
Le deuxième patient n’a développé après thérapie génique aucun signe neurologique en
dehors de l’apparition d’une quadranopsie inférieure bilatérale qui a été constatée 14 mois
après autogreffe et qui est restée stable depuis. Les fonctions cognitives de ce patient restent
strictement normales 24 mois après thérapie génique. La survenue de l’arrêt puis de la stabilisation des lésions cérébrales démyélinisantes après thérapie génique est totalement identique à ce qui est observé après allogreffe classique de moelle osseuse sans complication.
Ces effets cliniques bénéfiques se sont accompagnés d’une correction de l’accumulation des
AGTLC aussi bien dans les lymphocytes/monocytes du sang périphérique que dans le
plasma de l’ordre de 40 %. Après greffe allogénique classique avec un chimérisme à 100 %, il
est habituel d’observer une diminution de 55 % des AGTLC plasmatiques. Cette diminution reflète avant tout un effet de correction métabolique au niveau hépatique où les macrophages (cellules de Küpfer) du patient sont remplacés par des macrophages dérivés de la
moelle osseuse du donneur. La sur-correction métabolique observée après thérapie génique
est probablement la conséquence d’une surexpression du gène ALD, le promoteur du vecteur lentiviral étant plus puissant (4 à 5 fois) que le promoteur naturel du gène ALD endogène. Bien que l’on n’ait pas corrigé 100 % des cellules souches hématopoïétiques, il est probable que l’effet clinique bénéfique observé chez ces deux patients traités par thérapie
génique soit en partie dû à cette surexpression du gène ALD.
CONCLUSION
Sur le plan clinique
Le bénéfice clinique observé après thérapie génique est identique à celui observé après
une greffe allogénique de moelle osseuse non compliquée avec reconstitution hématopoïétique rapide. C’est la première fois qu’une maladie grave du cerveau est traitée avec succès
par thérapie génique.
Le deuxième point important est la démonstration qu’un vecteur lentiviral est bien
capable de pouvoir infecter/transduire des cellules qui ne se divisent pas, et en particulier des
cellules souches hématopoïétiques, permettant ainsi d’y faire exprimer un gène thérapeutique à long terme. Même si des progrès sont nécessaires afin d’améliorer l’efficacité de la
correction des cellules souches hématopoïétiques, ces résultats justifient d’étendre cet essai
thérapeutique à un plus grand nombre d’enfants atteints d’ALD, mais aussi à des adultes
présentant une forme cérébrale d’ALD pour lesquels le risque de mortalité d’une greffe allogénique est très élevé. Ces résultats ouvrent aussi la voie à de nombreux autres essais thérapeutiques pour des maladies où l’autogreffe de cellules CD34+ génétiquement corrigées ex
vivo pourrait être une alternative à la greffe allogénique classique. Enfin, même s’il faut rester très prudent et qu’un suivi d’un plus grand nombre de patients à long terme sera nécessaire pour confirmer cela, il n’a pas été observé jusqu’ici d’effet délétère dû à l’insertion du
vecteur lentiviral dans les cellules souches hématopoïétiques des patients ALD traités.
L’évolution et l’efficacité de cette approche de thérapie génique ont été identiques à ce
que l’on observe après une greffe allogénique de moelle osseuse classique. Le premier patient
a développé une hémiparésie 7 mois après autogreffe qui a complètement disparu 12 à 14
mois après thérapie génique. Trente mois après autogreffe, son examen neurologique est
normal. Comme attendu, ses lésions démyélinisantes cérébrales se sont étendues pendant les
N. Cartier1, S. Hacein-Bey-Abina2, P. Bougnères1, C. Von Kalle3, A. Fischer4, M. CavazzanaCalvo2,4, P. Aubourg1*.
1
Service d’Endocrinologie et Neurologie Pédiatrique, Hôpital Saint-Vincent de Paul, Paris
2
Département de Biothérapies, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
3
National Center for Tumor Diseases, Heidelberg, Allemagne
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M. CAVAZZANA-CALVO, P. AUBOURG
4
Service d’Immunologie et Hématologie Pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
* Service d’Endocrinologie et Neurologie Pédiatrique, Hôpital Saint-Vincent de Paul, 82 avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris. [email protected]
RÉFÉRENCES
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16. Montini E et al. J Clin Invest 2009; 119:964.
GROSSESSE ET ÉPILEPSIE :
EFFETS NEURODÉVELOPPEMENTAUX DES ANTIÉPILEPTIQUES
par
B. CHABROL, M. MILH
INTRODUCTION
Depuis plusieurs années, les effets tératogènes des antiépileptiques (AE) ont été bien documentés, le premier cas de malformation associé à un anticonvulsivant a été rapporté en 1968
chez un nouveau-né exposé in utero à la prise de phénytoine par sa mère [12]. Puis ont été décrits
différents syndromes malformatifs liés à la prise de Valproate (VPA), de Carbamazépine
(CBZ)….. Ces effets tératogènes sont bien connus des neurologues, des obstétriciens et dépistés
in utero pouvant même déboucher sur une indication d’interruption médicale de grossesse en
fonction de leur type et de leur retentissement (spina bifida, anencéphalie…).
Il n’en est pas de même des effets neurodeveloppementaux. Si quelques publications déjà
anciennes mettaient l’accent sur ce type d’effets délétères [14], ce n’est que tout récemment
que des études portant sur de nombreux enfants et prolongées dans le temps ont permis de
mieux identifier des troubles des apprentissages, du comportement, voire un réel retard
mental, tous ces troubles retentissant sur l’insertion scolaire et donc sur la vie sociale future
de ces enfants [3, 6, 11].
MÉCANISMES PATHOGÉNIQUES
Effets développementaux des AE sur le cerveau fœtal
L’effet des anticonvulsivants varie au cours du temps : pendant le premier trimestre de la
grossesse des troubles sévères du développement cérébral fœtal peuvent survenir lors de prise
d’AE par la mère. Lorsque l’exposition est plus tardive, il apparaît des troubles neurodéveloppementaux secondaires aux effets sur la prolifération et la migration cellulaire [6]. Les AE pourraient ainsi agir sur plusieurs étapes développementales du cerveau fœtal (prolifération, migration, croissance cellulaire, différenciation cellulaire, mort cellulaire et apoptose) entraînant des
malformations sévères type anomalie de fermeture du tube neural, malformations cérébrales
mais également des anomalies de migration en particulier au niveau des régions hippocampiques. Un travail récent [8] chez l’animal a mis en évidence que l’augmentation extracellulaire
de la concentration en GABA secondaire à la prise d’AE maternel (vigabatrin et valproate)
induit au niveau du cerveau fœtal des anomalies de la migration à type de dysplasies corticales et
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B. CHABROL, M. MILH
GROSSESSE ET ÉPILEPSIE : EFFETS NEURODÉVELOPPEMENTAUX DES ANTIÉPILEPTIQUES
de l’hippocampe. Cette même équipe en 2008 rapporte une anomalie de migration avec une
désorganisation des couches corticales secondaire à l’utilisation de la lamotrigine chez le rat [9].
connaître car elle semble corrélée à l’existence de troubles cognitifs qui ne pourront être évalués de façon précise que plus tardivement. Elle semble donc représenter un réel élément
pronostique [7].
Impact de l’épilepsie maternelle sur le développement fœtal
Il serait beaucoup moins délétère que ce qui est couramment répandu, seules les crises
généralisées prolongées en induisant une acidose fœtale auraient un effet sur le fœtus.
Holmes et coll, en 2001 [5] ne retrouvent pas d’augmentation de l’incidence des malformations chez les enfants des femmes épileptiques non traitées durant la grossesse (n = 98) par
rapport à celle de la population générale. D’autre part, les crises partielles et non convulsives
(type absence) n’entraînent pas de modifications métaboliques et circulatoires fœtales [1].
Enfin, des tableaux cliniques identiques ont été observés chez des enfants exposés aux
mêmes AE, mais pour d’autres indications maternelles (dépression, douleurs, migraines) [5].
LES MALFORMATIONS OBSERVÉES
Elles sont variées et ont fait l’objet de très nombreuses publications. La plupart de ces malformations se détectent avec les techniques d’échographie actuelles et sont recherchées avec
soin. La dysmorphie faciale retrouvée est assez caractéristique, elle est souvent peu évidente à la
naissance et devient particulièrement nette au fil du temps.
Une méta-analyse très récente a mis en évidence un risque malformatif calculé à 7,08 %
contre 2,28 % dans la population générale [10]. L’incidence de malformations est plus élevée
en cas de polythérapie (16,7 %). L’antiépileptique qui entraîne le plus haut taux de malformations est le valproate (10,73 % en monothérapie). Les anomalies les plus fréquemment observées sont des malformations cardiaques à type de defect ventriculaire principalement. Le risque
d’une anomalie de fermeture du tube neural est 14,7 fois plus élevé que dans la population
générale, cette anomalie étant principalement observée avec le valproate. Les anomalies faciales
(fentes), des oreilles et du cou sont 7,8 fois plus fréquentes que dans la population générale.
Il a été également rapporté des problèmes ophtalmologiques à type de myopie ou strabisme [4], des anomalies génito-urinaires ou des défauts de la paroi abdominale, une agénésie du rayon radial. Des anomalies mineures ont été rapportées à type de chevauchements des
orteils, une hyperlaxité ligamentaire, et une possibilité d’arachnodactylie.
Une dysmorphie faciale évocatrice a été décrite associant une suture métopique marquée
voire même une trigonocéphalie, un nez court avec des narines antéversées et une large ensellure nasale, une petite bouche avec une lèvre supérieure fine et une lèvre inférieure éversée.
Les sourcils sont arqués et déficients dans leur partie interne. Des hypoplasies unguéales sont
également rapportées. Cette dysmorphie est particulièrement notée chez les enfants dont les
mères ont pris du valproate. Des agénésies du corps calleux ou du septum pellucidum ont été
rapportées de manière sporadique. Avec la carbamazépine (CBZ), un retard de croissance
intra-utérin est noté de manière plus fréquente qu’avec les autres AE [15].
L’ensemble de ces anomalies est actuellement regroupé sous le terme de « fœtopathie
aux anticonvulsivants ». Celle-ci comprend des malformations majeures (chez environ 6 à
9 % des sujets exposés) : fentes labiales et palatines, anomalies cardiaques (3 à 9 % des enfants
exposés, tout traitement confondu), anomalies de fermeture du tube neural (1 à 2 % des
fœtus exposés au VPA et 0,5 à 1 % de ceux exposés à la CBZ) et anomalies génito-urinaires
(hypospadias, ectopie). Elle comprend aussi des anomalies mineures (chez 30 % de ces
enfants) à type de dysmorphie (hypertélorisme, épicanthus, long philtrum, ensellure nasale
marquée), d’anomalies des extrémités (doigts et ongles). Cette dysmorphie est importante à
DÉVELOPPEMENT NEUROCOGNITIF
DES ENFANTS EXPOSÉS IN UTERO AUX AE
Dès 1976, Shapiro a mis en évidence un risque accru de déficit intellectuel chez les
enfants nés de mères épileptiques traitées pendant la grossesse [14]. Depuis de nombreuses
études ont souligné la possibilité de survenue de troubles cognitifs en dehors de toute malformation cérébrale dépistable en échographie anténatale. Ces troubles peuvent être totalement isolés ou associés à un tableau dit de malformations mineures (hypoplasie de la face, en
particulier). Les troubles rapportés sont variés : retard de langage, retard global de développement, troubles du comportement, troubles des apprentissages, troubles de la mémorisation [3]. Moore et coll, dans une étude portant sur 57 enfants, rapportaient des troubles du
comportement pour 81 % d’entre eux (décrits comme « trait autistique » pour 60 % et
« autiste » pour 4 % ) et des troubles de concentration associée à une hyperactivité chez
39 % [13]. De plus, 77 % avaient des difficultés d’apprentissage (et parmi eux, les trois quart
étant scolarisés dans une école spécialisée), 81 % un retard de langage, 60 % un retard de la
motricité globale et 42 % un retard de la motricité fine. Le valpraote, la phénytoine, les polythérapies sont le plus souvent incriminés dans l’apparition de déficit cognitif. L’une des critiques faites à ces publications portait sur le fait qu’il s’agissait pour la plupart d’études
rétrospectives avec un manque de recul et de suivi au long terme. Meador et coll, dans un travail très récent, ont effectué un suivi prospectif de 309 enfants nés entre 1999 et 2004 dont
les mères avaient pris des AE pendant la grossesse, effectué dans le cadre du registre NEAD
(« Neurodevelopmental Effects of Antiepileptics Drugs ») en Grande Bretagne [11]. Ces
auteurs ont évalué les fonctions cognitives de tous ces enfants à l’âge de 3 ans et concluent à
une diminution du QI chez tous, mais cette diminution est particulièrement nette chez les
enfants dont les mères avaient pris du valproate pendant la grossesse.
CONCLUSION
Au total l’emploi d’anticonvulsivants pendant la grossesse entraîne un risque indéniable
et non négligeable de survenue de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant. Leur fréquence exacte n’est pas encore connue et nécessite l’emploi de registres nationaux et internationaux. Une grossesse chez une femme épileptique traitée devrait être préparée au même
titre que chez une femme porteuse d’autre maladie chronique, comme un diabète ou une phénylcétonurie maternelle. Or, seulement 40 % des femmes épileptiques en âge de procréer sont
informées de la nécessité de planifier cette grossesse et du risque de tératogénicité des AE [2].
Un questionnement permanent doit être de règle chez une femme épileptique traitée et
en âge de procréer. Ce type de médicament est-il vraiment indispensable, quel est le type
d’épilepsie que présente cette femme ? Le dogme qui sévit encore de nos jours, « il est plus
risqué pour un enfant que sa mère épileptique fasse une crise pendant sa grossesse que de
prendre un anticonvulsivant » mériterait d’être revu avec soin et au cas par cas.
B. Chabrol , M. Milh
Service de Neurologie Pédiatrique, Hôpital d’Enfants, CHU Timone, 13385 Marseille Cedex 5
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B. CHABROL, M. MILH
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PETITE TAILLE ET MALADIES
OSSEUSES CONSTITUTIONNELLES
par
A. LINGLART, C. PIQUARD, V. MERZOUG, P. BOUGNÈRES
Le retard de croissance est aujourd’hui le motif le plus fréquent de consultation en endocrinologie pédiatrique. Il motive toujours la réalisation d’un bilan destiné à rechercher la
cause du déficit statural. On peut estimer qu’une pathologie indiscutable à l’origine de ces
retards staturaux est identifiée chez à peine 10 % des patients: déficit complet en hormone
de croissance, syndrome de Turner, syndrome de Noonan ou de Russell-Silver, syndromes
divers, corticothérapie, pathologie digestive, etc.
Parmi les enfants qui n’ont aucune pathologie médicale évolutive, environ 30 % sont nés
petits pour leur âge gestationnel ; s’il se rattrape chez de nombreux enfants, ce retard de
croissance anténatal est considéré chez les autres comme un facteur prédictif important
d’une petite taille de l’enfance et de l’âge adulte.
Chez un petit nombre (5 à 10 %) d’enfants trop petits, des déformations osseuses majeures
permettent de faire facilement le diagnostic d’une maladie osseuse constitutionnelle (MOC)
sévère et évidente (déformation de Madelung dans la dyschondrostéose, rachitisme, pycnodysostose, disproportion tronc membres et hyperlordose de l’hypochondroplasie, etc…).
En fait, la grande majorité des enfants qui consultent sont qualifiés de « petite taille idopathique ». Depuis 15 ans, nous avons analysé de façon systématique ce groupe d’enfants
(transmission familiale, cinétique de croissance, proportions, radiographies) et nous proposons qu’environ 2/3 de ces enfants ont une MOC à minima.
COMMENT DIAGNOSTIQUER UNE PETITE TAILLE DUE À UNE MOC ?
L’étude de la famille par la reconstitution de l’arbre généalogique remontant jusqu’aux
grands-parents et aux frères et sœurs des parents fournit des éléments précieux. En effet, la
transmission dominante d’une petite taille, une différence importante de taille des deux
parents ou des frères et sœurs (un parent grand, un parent petit) suggèrent qu’un gène à l’origine de la petite taille se transmet au sein de cette famille.
La taille de naissance n’est pas forcément diminuée. Par exemple, la taille de naissance
moyenne des patients atteints de dyschondrostéose est de -1 déviation standard par rapport
à la moyenne (DS) ([1], et notre expérience), celle des patients atteints d’hypochondroplasie de -1DS (notre expérience).
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A. LINGLART, C. PIQUARD, V. MERZOUG, P. BOUGNÈRES
PETITE TAILLE ET MALADIES OSSEUSES CONSTITUTIONNELLES
Trois éléments de la courbe de croissance sont évocateurs de ce diagnostic : 1) un ralentissement progressif de la croissance qui peut se voir dès l’âge de 2-3 ans, 2) une croissance régulière 2 ou 3 DS en dessous de la taille moyenne et enfin 3) une absence d’accélération de la
croissance à la puberté (croissance pubertaire ≤ 10 cm pour les filles ou 15 cm pour les garçons). Ce dernier élément doit être recherché en reconstituant les courbes de croissance des
parents (du parent de petite taille surtout) et des frères et sœurs.
L’examen attentif des enfants fournit également des éléments de diagnostic : macrocranie
relative, disproportion tronc-membre, envergure diminuée (inférieure à la taille), brachymétacarpie, cubitus valgus, aspect trapu. En dehors des MOCs sévères, ces signes sont souvent peu visibles avant l’âge de 8-9 ans. L’examen des parents ou des frères et sœurs est alors
souvent contributif : identification d’une déformation de Madelung, mains courtes, etc…
Ce sont les radiographies du squelette qui confirment l’impression clinique de MOC. Il est
inutile et irradiant de radiographier l’ensemble du squelette. Il est possible de faire le diagnostic de la plupart des MOCs avec les radiographies suivantes :
- la main gauche: elle permet de déterminer la maturation osseuse (âge osseux), la morphologie de l’épiphyse radiale et de la styloïde cubitale, de mesurer l’angle carpien, et d’identifier
une brachymétacarpie ;
- l’avant bras gauche de face : il permet également d’apprécier la morphologie de l’épiphyse
radiale, l’articulation radio-cubitale et d’apprécier la courbure radiale ;
- le rachis lombaire de face : il permet de mesurer la distance interpédiculaire. La distance de
L4 ou L5 doit être supérieure à celle de L5. Une absence d’élargissement (aussi appelée canal
lombaire étroit) est évocatrice d’hypochondroplasie, de syndrome de Turner, de dyschondrostéose ou de pseudohypoparathyroidie. Lorsque ces diagnostics ont été éliminés, il
constitue un élément essentiel pour le diagnostic de petite taille secondaire à une MOC à
minima. Chez les enfants très jeunes, ce signe peut être absent et nécessite de répéter les
radiographies quelques années plus tard ;
- le rachis lombaire de profil : il permet également d’évaluer la largeur du canal lombaire,
mais l’appréciation est plus difficile. Cette radiographie permet surtout d’apprécier la forme
des vertèbres : aplaties, plus hautes que larges ;
- le bassin de face permet d’apprécier la longueur des cols fémoraux, l’inclinaison des toits de
cotyle, l’aspect des ailes iliaques.
COMMENT FAIRE GRANDIR UN ENFANT AVEC UNE MOC ?
FAIRE UN PRONOSTIC DE TAILLE
La question principale du pronostic de taille finale est au cœur de la consultation pour petite
taille. Les éléments suivants aident à pronostiquer la taille quelle que soit l’origine du retard
de croissance : taille de naissance, âge des premières règles des femmes de la famille (mère,
sœurs), vitesse de croissance au cours des deux années précédentes et maturation osseuse (en
fin de croissance uniquement). Lorsqu’une MOC à minima est suspectée, il faut tenir
compte de l’absence d’accélération de la croissance à la puberté. Deux types de pronostic se
révèlent toujours faux dans cette situation et conduisent bien souvent à des surestimations
optimistes : le calcul de la taille cible génétique et les prédictions basées sur l’âge osseux. En
effet, la maturation osseuse n’est absolument pas reliée à la vitesse de croissance lorsqu’il y a
une pathologie du squelette.
175
L’exemple le plus connu de MOC dont la taille est améliorée par l’hormone de croissance
est le syndrome de Turner (ST). Il est maintenant admis qu’une grande partie du retard statural de ces jeunes filles est due à l’haploinsuffisance du gène SHOX situé sur le chromosome X. D’ailleurs, environ 10 % des ST présentent une déformation de Madelung, presque
toutes ont une absence d’élargissement de l’espace interpédiculaire, une brachymétacarpie,
et une absence de croissance pubertaire. Chez ces jeunes filles le traitement par hormone de
croissance permet de gagner en moyenne 8 cm (142 à 150 cm en France) [2]. L’efficacité du
traitement dépend de la dose d’hormone de croissance [3]. Le ST constitue l’AMM pour
laquelle la dose d’hormone de croissance utilisée est la plus forte : 66 Ìg/kg/jour.
Récemment, il a été démontré que la croissance des enfants atteints de dyschondrostéose
(mutation ou délétion du gène SHOX) était améliorée par un traitement par hormone de
croissance [4]. Dans notre expérience, le traitement permet de gagner 0,9 DS de taille après
un an, et 1,3 DS après deux ans.
L’efficacité de l’hormone de croissance a été peu et mal étudiée dans l’hypochondroplasie ;
toutes les études rapportées portent sur un très petit nombre d’enfants, et utilisent des doses
faibles. L’expérience du traitement de ces enfants montre la nécessité d’utiliser des doses élevées d’hormone de croissance, et la difficulté de stimuler la synthèse du facteur de croissance
IGF1 chez ces enfants. Dans notre centre, le gain de taille est d’environ 1,2 DS en 2 ans, et
les taux sériques d’IGF1 ne sont jamais supérieurs à la valeur moyenne pour l’âge.
Dans tous les cas de MOC, un support de la croissance pubertaire par de l’hormone de croissance semble souhaitable.
L’utilisation pendant 12-18 mois d’un traitement freinateur de la puberté au tout début de
celle-ci est fréquente dans notre série de patients : elle permet de prolonger la période de
croissance de 2-3 ans (la maturation osseuse ne reprend pas immédiatement). Elle n’a de
valeur thérapeutique que si elle est associée à un traitement par l’hormone de croissance
dont la posologie est alors réajustée.
CONCLUSION
Pour les MOCs sévères, de type dysplasie métaphysaire, pycnodysostose, pseudohypoparathyroidie, la rareté des patients rend impossible une évaluation rigoureuse du traitement par
hormone de croissance. En revanche, il est primordial de rapporter l’expérience clinique de
ce traitement chez ces patients pour démontrer que l’hormone de croissance peut améliorer
la croissance des MOCs, même lorsqu’elles sont sévères.
Dans tous les cas, il est indispensable de surveiller l’évolution des taux d’IGF1 car, comme
démontré dans le cas du syndrome de Turner, la réussite de ce traitement dans ce type de
pathologie passe par l’utilisation de fortes doses d’hormone de croissance. Certaines équipes,
comme la nôtre, ajustent la posologie du traitement aux taux d’IGF1, l’objectif étant d’obtenir des taux d’IGF1 aux alentours de +1 DS pour l’âge.
Pour les MOCs à minima, sans caractérisation génétique définie, l’identification de signes
cliniques et/ou radiologiques est primordiale pour établir un pronostic de taille et envisager
une thérapeutique. Contrairement à ce qui était précédemment rapporté lorsqu’on utilisait
de faibles doses d’hormone de croissance sans ajustement personnalisé sur la concentration
circulante d’IGF1, ce traitement est efficace pour améliorer la croissance des enfants atteints
de MOC.
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Agnes Linglart1,2, Catherine Piquard1, Valérie Merzoug3 et Pierre Bougnères1
1
Endocrinologie pédiatrique, Hôpital St-Vincent de Paul, Université Paris Descartes, Paris
Centre de référence des maladies rares du métabolisme du calcium et du phosphore
3
Radiologie pédiatrique, Hôpital St-Vincent de Paul, Université Paris Descartes, Paris
2
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GÉNÉTIQUE ET CARDIOPATHIES
CONGÉNITALES
par
F. BAJOLLE, D. BONNET
INTRODUCTION
Les cardiopathies congénitales humaines représentent environ 1 % des naissances. En
France, cela correspond à 5000 nouveaux cas par an. Bien que les cardiopathies congénitales
soient le plus souvent isolées, leur caractère familial ou syndromique conduit fréquemment
à une demande de conseil génétique. Il s’avère que 15 % de ces patients ont une anomalie
génétique associée (soit 750 cas par an). Une analyse cytogénétique à la recherche d’une anomalie de nombre ou de structure des chromosomes est donc indiquée pour la plupart des
cardiopathies dont le diagnostic est fait en anténatal. La grande exception à souligner est la
transposition simple des gros vaisseaux (TGV) qui n’est jamais associée à une anomalie de
nombre des chromosomes (Tableau 1). L’hétérogénéité génétique fait que l’approche moléculaire est encore compliquée pour une anomalie donnée. Ainsi, le conseil génétique reste
difficile. En postnatal, la dysmorphologie permettra d’orienter l’enquête génétique. La description détaillée du phénotype cardiaque sera indispensable. En effet, il existe, le plus souvent, des cardiopathies spécifiques aux différents syndromes (Tableau 2).
La compréhension de l’embryologie du cœur est donc indispensable à une bonne prise
en charge de ces enfants. Elle permet de faire un diagnostic cardiologique complet et oriente
le diagnostic génétique en ciblant les examens complémentaires.
BASES EMBRYOLOGIQUES
Les grandes avancées faites, ces dernières années, dans la compréhension des bases moléculaires et génétiques du développement cardiaque ont changé notre vision des cardiopathies
congénitales humaines. L’identification de gènes de malformations cardiaques a conduit à
une nouvelle approche clinique chez les enfants atteints de cardiopathies et leurs familles. Ces
progrès ont été faits grâce aux techniques de biologie moléculaire mais aussi via l’analyse des
modèles murins de cardiopathies, spontanés ou induits par l’inactivation de gènes.
Le développement du cœur des vertébrés peut être considéré comme l’addition de différents procédés complexes permettant la transformation d’une structure simple, le tube
cardiaque, en une structure complexe, le cœur définitif. L’émergence des cellules cardiaques
différenciées est précoce, et leur organisation pour former le tube cardiaque primitif consti-
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F. BAJOLLE, D. BONNET
GÉNÉTIQUE ET CARDIOPATHIES CONGÉNITALES
tue une des premières étapes d’organogenèse chez les vertébrés. La compréhension des différentes étapes de la morphogenèse du cœur et leur régulation est primordiale pour bien
appréhender les cardiopathies congénitales humaines. La tétralogie de Fallot en est un
excellent exemple. Récemment, plusieurs équipes ont montré qu’il existait une seconde
source de précurseurs cardiaques, nécessaire au développement du cœur des vertébrés [1].
Cette population de cellules, localisée dans le mésoderme pharyngé, contribue à la formation des pôles artériel et veineux du cœur, ainsi qu’au ventricule droit. Le territoire formé
par ces précurseurs cardiaques est appelé second champ cardiaque. On sait aujourd’hui que
le croissant cardiaque fournit les précurseurs des oreillettes et du ventricule gauche et que
le second champ cardiaque fournit ceux des oreillettes, du ventricule droit et de la région
conotroncale ou pôle artériel. Cette nouvelle donnée morphogénétique issue de la
recherche fondamentale bouleverse notre vue classique du développement cardiaque
humain et des cardiopathies congénitales. Elle vient enrichir les classifications segmentaire
et mécanistique. La première est indispensable à l’analyse échographique des malformations mais réductrice pour l’approche embryologique et moléculaire. La seconde, décrite
par Clark, permet de regrouper des malformations anatomiquement différentes et morphogénétiquement liées mais elle a des limites quant à la description de certaines malformations [2]. Ainsi grâce aux nouveaux concepts de développement, la description des phénotypes cardiaques devrait être meilleure et permettre l’identification de nouveaux gènes
impliqués dans le développement cardiaque. Une classification mécanistique et génétique
pourrait voir le jour dans les années à venir. En effet, l’hétérogénéité génétique des cardiopathies est liée à leur hétérogénéité mécanistique.
CARDIOPATHIES CONGÉNITALES HUMAINES
TABLEAU 1 : ANOMALIES CHROMOSOMIQUES
ET CARDIOPATHIES FŒTALES
Anomalie chromosomique
associée ( %)
Type d’anomalies
chromosomiques
T4F
6-20 %
T21,T18,T13
APSO
20-35 %
del 22q11.2
IAA
25-50 %
del 22q11.2
TAC
40 %
del 22q11.2
AVP
35 %
del 22q11.2
CAV
50 %
T21,T18,T13, del 8p
CIV
10-20 %
T21,T18
Cardiopathies obstructives
du cœur gauche
10 %
Monosomie X, T18,
del11, del 7q23
Cardiopathies
Cardiopathies
conotroncales
Ventricule unique et atrésie tricuspide
8%
T18
Malpositions vasculaires
5-20 %
T13, T18
TGV
0%
APSI
0%
(APSI) atrésie pulmonaire à septum intact, (APSO) atrésie pulmonaire à septum ouvert, (AVP) agénésie des valves pulmonaires,
(CAV) canal atrioventriculaire, (CIV) communication interventriculaire, (IAA) interruption de l’arche aortique, (TAC) tronc
artériel commun, (T4F) tétralogie de Fallot, (TGV) transposition des gros vaisseaux,
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Tronc artériel commun, tétralogie de Fallot, atrésie pulmonaire à septum ouvert,
agénésie des valves pulmonaires, interruption de l’arche aortique,
communication interventriculaire par malalignement
Il s’agit des cardiopathies conotroncales typiquement associées, pour une proportion élevée d’entre elles, au syndrome de Digeorge. Historiquement, elles ont été mises en rapport
avec des défauts de migration des cellules de la crête neurale [3]. Cependant, le développement de la région conotroncale fait intervenir d’autres types cellulaires, tels que l’endocarde
et le myocarde sous-jacent. Plusieurs évènements morphogénétiques simultanés et reliés surviennent : transformation épithélio-mésenchymateuse de l’endocarde pour former les coussins endocardiques, colonisation de la matrice extra-cellulaire par les cellules de la crête neurale pour septer la région conotroncale et enfin, rotation du myocarde à la base des gros vaisseaux pour assurer la concordance ventriculo-artérielle normale [4]. Ces différentes étapes
sont sous le contrôle de gènes régulant les interactions entre le myocarde dérivant du second
champ cardiaque, les cellules de la crête neurale dérivant du tube neural et l’endocarde, mais
elles sont aussi dépendantes de signaux d’asymétrie droite-gauche, de prolifération ou de
programme de mort cellulaire. La tétralogie de Fallot (T4F) résulte de la bascule antérodroite (ou malalignement) du septum conal responsable de la sténose pulmonaire, de l’aorte
à cheval sur la communication interventriculaire et de l’hypertrophie ventriculaire droite
(compensatrice de l’obstacle pulmonaire). On pourrait donc décrire cette malformation
comme la « monologie de Fallot » dont l’évènement morphogénétique princeps serait la
création de l’obstacle pulmonaire par la bascule antérieure du septum conal. L’atrésie pulmonaire à septum ouvert (APSO), aussi appelée tétralogie de Fallot avec atrésie pulmonaire,
résulte d’une bascule antérieure extrême du septum conal, entraînant une obstruction de
l'infundibulum pulmonaire, aboutissant à une atrésie totale de la valve pulmonaire. Des travaux récents chez le poulet ont suggéré qu’un défaut de participation du second champ cardiaque, fournissant les précurseurs du pôle artériel, soit à l’origine des T4F ou des APSO [5].
Ainsi, la bascule antérieure du septum conal, évidente dans ces malformations, pourrait être
secondaire à un défaut de participation de cellules myocardiques à destinée pulmonaire.
L’interruption de l’arche aortique (IAA) est secondaire à un malalignement postérieur du
septum conal. Cette position postérieure entraîne un rétrécissement de la voie d’éjection du
ventricule gauche. L’obstruction sévère est associée à une diminution de la croissance, une
hypoplasie aortique et une IAA. Cette malformation est décrite comme « le miroir de la
T4F». Ainsi, on peut imaginer qu’il s’agit d’un défaut de participation de la composante
myocardique aortique et expliquer l’embryologie de cette malformation sur les mêmes bases
que celles de la T4F et de l’APSO. Aujourd’hui, le gène candidat proposé pour les cardiopathies associées à la délétion du bras long du chromosome 22 ou syndrome de DiGeorge est
TBX1 [6]. L’IAA de type B (entre la carotide primitive gauche et la sous-clavière gauche)
reste la cardiopathie la plus fréquente du syndrome de DiGeorge. En effet, 90 % des patients
ayant cette malformation ont une délétion 22q11.2. Une seule équipe a rapporté des mutations ponctuelles de TBX1 chez des patients ayant une cardiopathie conotroncale (T4F,
APSO, IAA) associée à un syndrome vélo-cardio-facial ou un phénotype de DiGeorge sans
délétion du chromosome 22 [7]. Les patients ayant une association CHARGE ont également fréquemment des cardiopathies conotroncales. Le gène CHD7 a récemment été identifié comme un gène majeur impliqué dans ce syndrome, avec une corrélation positive entre
la présence de la mutation et celle d’une cardiopathie congénitale [8]. Enfin, des mutations
de JAGGED1, NKX2.5 et FOG2 ont été identifiées chez des patients ayant des cardiopa-
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thies conotroncales [9, 10]. Ainsi, l’hétérogénéité génétique des cardiopathies conotroncales
est sous-tendue, non seulement par la multiplicité des gènes impliqués dans le développement de cette région, mais aussi par leurs rôles distincts dans la régulation des migrations cellulaires. La complexité de l’anatomie de la vascularisation pulmonaire des APSO, en fonction de leur association avec la délétion du chromosome 22q11.2 ou de mutations dans
JAGGED1, témoigne de l’intrication de la génétique dans l’embryologie moléculaire des cardiopathies [11, 12]. Plusieurs gènes candidats d’IAA ont été identifiés dans les modèles animaux. En général, il existe un chevauchement des phénotypes dans ces modèles, entre l’IAA
et le TAC. Par exemple, certains embryons déficients pour Semaphorine3C ont des IAA
alors que d’autres ont un TAC [9].
Les mutants RARs et leurs corécepteurs RXRα ont des défauts de la maturation ventriculaire
dus à une accélération de la différenciation des cardiomyocytes. L’analyse détaillée des différentes souris déficientes pour RXRα, associée à des délétions de différents gènes RAR, a permis d’identifier leur rôle dans la septation des ventricules et de la voie efférente.
L’hétérogénéité génétique des défauts d’alignement des gros vaisseaux est probablement due
à l’hétérogénéité phénotypique des MV rendant leur nosographie complexe.
En effet, il est difficile de se prononcer sur la position normale ou anormale des gros vaisseaux, aux stades précoces. Ceci pourrait participer à une mauvaise interprétation des phénotypes cardiaques et risquer de proposer des gènes candidats par excès. Enfin, la fréquence
des MV est probablement en rapport avec le nombre important de tissus impliqués dans
l’alignement normal des gros vaisseaux.
Malpositions vasculaires ou ventricule droit à double issue
Transposition des gros vaisseaux
Nous définissons les malpositions vasculaires (MV) comme des malformations ayant des
valves sigmoïdes aortique et/ou pulmonaire en relation anormale avec les valves atrioventriculaires. Le seul gène connu chez l’homme est CFC1 [13]. Un grand nombre de mutations
chez la souris est responsable de MV. En effet, les mutants Cited2, Cryptic, Ece1, Endra,
Pdgfra, Pitx2, Tgfβ2, type IIB activin receptor, Pax3 et les mutants des récepteurs de l’acide
rétinoïque (RARα, RARβ et RARγ) présentent tous des MV [9]. Les récepteurs de l’acide
rétinoïque ont été impliqués dans beaucoup d’aspects du développement cardiaque incluant
la maturation ventriculaire et la septation cardiaque.
TABLEAU 2 : ANOMALIES GENETIQUES
AFFECTANT LE PHENOTYPE CARDIAQUE
Clinique
Phénotypes cardiaques
Génétique
Syndrome de Di George
Del 22q1/11, TBX1
Syndrome LEOPARD
CCT, anomalies des arcs
SP, CMH, CIA, CIV,
PCA, CAV, T4F
SP, CMH, TDC
Syndrome de Turner
COG
Monosomie X
CIA, CIV, TDC
TBX5
Syndrome de Noonan
Syndrome de Holt Oram
Syndrome de Williams et Beuren
Syndrome de Mowat Wilson
Syndrome de Smith Magenis
Syndrome de Kabuki
Syndrome CHARGE
Sténose supravalvulaire aortique,
SP, Sténose des branches
pulmonaires, CIA, CIV
PCA, SP+CIV, SA+SP, CIA,
APGA, T4F
CIV, CIA, anomalies VAV, SA,
SP, T4F, RVPA
COG, CIA, CIV
CCT, CAV, CIA, CIV, PCA,
COG, anomalies des arcs
PTPN11
PTPN11
Del 7q1.123
ZFHX1B
La transposition des gros vaisseaux (TGV) résulte d’une discordance ventriculo-artérielle
avec une continuité fibreuse entre l’artère pulmonaire et la valve mitrale. Les trois gènes connus
pour la TGV chez l’homme sont ZIC3, CFC1 et PROSIT240 [13-15]. Cette cardiopathie,
longtemps considérée comme typiquement sporadique et « accidentelle » sur le plan génétique, peut, elle aussi, être familiale et dominante. La souris mutée dans le gène Perlecan (Hspg2
knock-out) est le modèle animal génétique le plus proche de la TGV simple, bien que les
patients avec une mutation de HSPG2 n’aient pas de cardiopathies [16]. Les souris ayant des
mutations dans Dvl2, Endra, Raldh2, Neuropilin-1, type IIB activin receptor et Pitx2 ont toutes
des défauts incluant des TGV, suggérant un rôle des cellules de la crête neurale mais aussi de
l’asymétrie droite-gauche dans cette pathologie [4, 9]. Aucune mutation de PITX2 n’a été
identifiée chez les patients avec TGV [17]. La TGV affecte la région conotroncale mais n’appartient pas au groupe des cardiopathies conotroncales, strico sensu. En effet, les modèles
murins et l’identification de mutations humaines de gènes de latéralité, cités ci-dessus, démontrent qu’elle peut résulter d’un défaut segmentaire de latéralité droite-gauche. On explique
ainsi pourquoi cette malformation n’est pas associée à la microdélétion 22q11.2, elle-même fréquemment associée aux autres cardiopathies intéressant la région conotroncale. L’analyse des
mutants Pitx2c montre que la perturbation de l’asymétrie droite-gauche peut générer des phénotypes tels que la TGV, le tronc artériel commun ou le ventricule droit à double issue, renforçant l’idée que ces malformations peuvent procéder de différents mécanismes embryologiques : non seulement un défaut de septation de la région conotroncale en rapport avec une
anomalie de migration des cellules de la crête neurale, mais aussi un défaut de rotation et d’alignement des gros vaisseaux avec les ventricules [4]. Ces constatations conduisent au concept
« d’une cardiopathie-plusieurs mécanismes-plusieurs gènes ». Il explique l’hétérogénéité génétique de certaines cardiopathies par l’hétérogénéité des mécanismes.
Communication interauriculaire
CHD7
(AP) atrésie pulmonaire, (APGA) artère pulmonaire gauche aberrante, (APSI) atrésie pulmonaire à septum intact, (APSO) atrésie
pulmonaire à septum ouvert, (AVP) agénésie des valves pulmonaires, (CAV) canal atrioventriculaire, (CCT) cardiopathies conotroncales, (CIA) communication interauriculaire, (CIV) communication interventriculaire, (CoA) coarctation de l’aorte, (CMH)
cardiomyopathie hypertrophique, (COG) cardiopathies obstructives du cœur gauche, (IA) insuffisance aortique, (IAA) interruption de l’arche aortique, (IM) insuffisance mitrale, (MV) malposition vasculaire, (OU) oreillette unique, (PCA) persistance du
canal artériel, (RVPA) Retour veineux pulmonaire anormal, (SA) sténose aortique, (SP) sténose pulmonaire, (TAC) tronc artériel
commun, (T4F) tétralogie de Fallot, (TDC) trouble de conduction, (TGV) transposition des gros vaisseaux, (VAV) valves auriculo-ventriculaires, (VU) ventricule unique.
Remarque : Les cardiopathies conotroncales regroupent : T4F, APSO, AVP, IAA, TAC,
CIV par malalignement et MV.
La communication interauricualire (CIA) correspond à un défaut de développement du
septum interauriculaire, dont la formation dépend de plusieurs évènements morphogénétiques régulés de manière spatiale et temporelle. Actuellement, quatre gènes de CIA, isolée
ou syndromique, sont connus chez l’homme. TBX5 dans le syndrome cardiosquelettique de
Holt-Oram, NKX2.5, GATA4 et MYH6 [9, 18, 19].
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GÉNÉTIQUE ET CARDIOPATHIES CONGÉNITALES
Communication interventriculaire
Cardiopathies obstructives gauches
(Bicuspidie aortique, sténose aortique, coarctation aortique,
rétrécissement mitral, hypoplasie du cœur gauche)
Les différents composants du septum interventriculaire suggèrent une variété de mécanismes moléculaires aboutissant à la formation d’une communication interventriculaire
(CIV). Ils sont encore mal connus, en particulier ceux régulant les mouvements morphogénétiques et la fusion entre les différentes structures du septum interventriculaire. Seule l’analyse anatomique rigoureuse d’une CIV (localisation et rapport avec les structures adjacentes)
peut permettre d’identifier les mécanismes responsables de la malformation. La déhiscence
peut siéger à différents endroits du septum interventriculaire. Les trois septa (inferius ou
musculaire venant de l’apex, intermedium ou d’admission venant des valves atrioventriculaires, conal venant du conotroncus) se rejoignent au niveau d’une zone non musculaire, le
septum périmembraneux. Des mutations dans NKX2.5, TBX5 et GATA4 ont été identifiées chez des patients ayant des CIV isolées ou syndromiques [9, 19]. Cette liste exclut les
gènes isolés pour les CIV infundibulaires (apparentées aux cardiopathies conotroncales) ou
les CIV d’admission (appartenant au groupe des canaux atrioventriculaires), qui seront
détaillées plus loin. Là encore, les modèles murins fournissent des informations complémentaires sur la morphogenèse du septum interventriculaire. De plus, l’analyse du rôle des
gènes invalidés chez la souris démontre l’hétérogénéité des mécanismes à l’origine des CIV.
En effet, les défauts des mutants du récepteur de l’acide rétinoïque, RXRα, sont secondaires
à des défauts épicardiques ; ceux des mutants Nf1 sont liés au rôle de la neurofibromine dans
les coussins endocardiques ; et ceux des mutants Pax3 sont dus au rôle de ce facteur dans la
migration des cellules de la crête neurale [9].
Canal atrioventriculaire
Les canaux atrioventriculaires (CAV) sont, eux aussi, d’une très grande diversité anatomique. Chez l’homme, ils sont associés à des anomalies chromosomiques (trisomie 21, 18 et
13) ou à des syndromes génétiques connus pour lesquels des gènes ont été identifiés (Ellis
van Creveld, Noonan, Smith-Lemli-Opitz, CHARGE). L’échographie anténatale d’expert,
à la recherche de signes extracardiaques, permet de suspecter ces différents syndromes avec
une très bonne sensibilité. Le diagnostic moléculaire fœtal ne sera justifié que si la cardiopathie est d'une particulière gravité ou si elle s'intègre dans un syndrome polymalformatif autorisant la réalisation d'une interruption thérapeutique de grossesse. Des mutations faux sens
du gène CRELD1, codant une molécule d’adhésion cellulaire, ont été identifiées dans des
formes familiales isolées ou à transmission dominante [20]. L’hétérogénéité génétique des
CAV a permis l’analyse des relations phénotype-génotype. En effet, les phénotypes différentiels des CAV, en fonction du caryotype ou de leur anatomie donnant une orientation syndromique rapide, confirme qu’une cardiopathie peut résulter de la perturbation de plusieurs
gènes. Les formes anatomiques plutôt favorables des CAV des enfants avec une trisomie 21,
et les formes défavorables des CAV des enfants sans anomalie chromosomique, confirment
l’existence d’une relation phénotype-génotype. L’équivalent murin de la trisomie 21 est la
trisomie 16. Ces souris ont des formes de CAV différentes de celles retrouvées chez
l’homme, mais l’analyse des trisomies 16 partielles murines permet progressivement de préciser la région cardiaque critique du chromosome 21 humain. Différents modèles murins
monogéniques sont disponibles tels que Fog2 (Friend of Gata2), Chf1/hey2, RXRα et Bmp4
[9]. Les phénotypes cardiaques de ces souris couvrent le spectre connu des CAV chez
l’homme. Cependant, la complexité du développement de la jonction et des valves atrioventriculaires fait que les correspondances « homme-souris » restent difficile à établir.
183
La principale anomalie génétique associée aux cardiopathies obstructives du cœur
gauche (COG) est la monosomie X ou syndrome de Turner. Ces patientes ont une cardiopathie dans environ 30 % des cas, dont une grande majorité sont des coarctations de
l’aorte [21]. Cependant aucun lien entre la monosomie X et ce type de cardiopathie n’a été
fait à ce jour. D’autres anomalies chromosomiques ont été décrites telles que des trisomies
ou des délétions partielles du chromosome 18, la délétion terminale du chromosome 11q
(Syndrome de Jacobsen), le syndrome de Kabuki et le syndrome de Williams et Beuren
(délétion 7q23), où la perte du gène de l’élastine codant une protéine de la média vasculaire
explique la sténose supra-valvulaire aortique [21]. Enfin, des mutations ponctuelles dans le
gène NKX2.5 ont également été identifiées chez des patients non apparentés, ayant une
coarctation de l’aorte ou des hypoplasies du cœur gauche [22]. L’hypothèse génétique est
donc séduisante, mais ce sont probablement des interactions entre des phénomènes génétiques et épigénétiques qui expliquent le développement de ce groupe de cardiopathies. En
effet, sur le plan hémodynamique, on peut décrire les COG comme un groupe hétérogène
d’anomalies anatomiques, avec un spectre de gravité allant de la bicuspidie aortique à l’hypoplasie du ventricule gauche, en passant par la sténose et la coarctation aortique. Ce spectre illustre parfaitement la notion de continuum phénotypique. Il est admis que le développement des cavités cardiaques, et des vaisseaux qui en sortent, est lié au débit sanguin fœtal
qui les traverse. Ainsi une réduction du débit dans le cœur gauche peut conduire à une hypoplasie du cœur gauche ou à une coarctation. L’idée que ces cardiopathies appartiennent à un
même groupe embryologique a été montrée sur plusieurs arguments : récurrence de gravité
différente familiale, évolutivité prénatale des COG et enfin très récemment, identification
de mutations du gène NOTCH1 dans deux familles. L’une avait un enfant avec une hypoplasie du cœur gauche et l’autre, un enfant avec une sténose valvulaire aortique [21]. De plus,
il a été montré que les calcifications prématurées des valves aortiques bicuspides sont dues,
en partie, à une haploinsuffisance de NOTCH1. HEY1 et 2, cibles directes de NOTCH1,
sont impliqués dans la valvulogenèse et la vasculogenèse. Des expériences menées chez la
souris et le poisson zèbre suggèrent leur rôle dans la genèse des COG [23].
Sténose pulmonaire
La sténose pulmonaire (SP) est fréquente dans le syndrome de Noonan. Des mutations
faux-sens du gène PTPN11 sont présentes dans environ 50 % des cas. Ce syndrome fait partie d’un spectre comprenant les syndromes LEOPARD, cardiofaciocutané (CFC) et de
Costello. Actuellement, seuls les syndromes de Noonan et LEOPARD sont associés à des
mutations de PTPN11 [23]. Une analyse génotype-phénotype révèle que, de façon significative, les SP sont plus fréquentes chez les patients ayant un syndrome de Noonan avec
mutation PTPN11 que chez les patients non mutés [24]. Ce gène code une protéine, SHP2, impliquée dans la valvulogenèse des valves semi-lunaires. L’intérêt de l’échographie cardiaque spécialisée est de définir précisément la forme anatomique de la sténose pulmonaire,
étape indispensable pour l’identification du syndrome associé. En effet, une dysplasie valvulaire pulmonaire est un marqueur anatomique spécifique du syndrome de Noonan, jamais
observée chez les patients non syndromiques présentant une sténose valvulaire pulmonaire.
Cependant, la recherche anténatale de la mutation PTPN11 du syndrome de Noonan n’est
pas justifiée avant la naissance.
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F. BAJOLLE, D. BONNET
GÉNÉTIQUE ET CARDIOPATHIES CONGÉNITALES
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
L’expertise échographique d’un patient ayant une cardiopathie congénitale est un préalable indispensable avant la réalisation d’une étude cytogénétique pré ou postnatale. La description du phénotype cardiaque doit être d’une grande précision anatomique pour permettre un conseil génétique aussi précis que possible. Les signes extracardiaques permettent
de poser fréquemment un diagnostic syndromique comme dans le syndrome de Di George.
Le diagnostic échographique ne dispense pas encore de l’étude cytogénétique, pour que soit
proposée une interruption médicale de grossesse. L’exception principale à l’étude cytogénétique est indiscutablement la découverte anténatale d’une TGV. La récente identification
du second champ cardiaque chez la souris et le poulet, ainsi que les travaux en cours sur les
gènes régulant sa participation dans la formation du cœur, nous permet de proposer des
données moléculaires supplémentaires sur les cardiopathies congénitales et devrait nous permettre, prochainement, de proposer de nouveaux gènes candidats. Enfin, en raison du risque
connu de récurrence de cardiopathie congénitale, il faut proposer, de façon systématique, un
conseil génétique et un suivi échographique anténatal d’expert aux familles ayant un enfant
avec une cardiopathie congénitale (Tableau 3).
TABLEAU 3 : DIAGNOSTIC ANTENATAL
DE CARDIOPATHIES CONGENITALES
Les règles d’or
1. Diagnostic anténatal de cardiopathie = Enquête cyto-génétique
2. Cardiopathie congénitale = 15 % d’anomalie génétique associée
3. Indication d’un caryotype standard, à la recherche d’une anomalie de nombre ou de structure chromosomique devant toute cardiopathie, exceptée la transposition simple des gros vaisseaux, après confirmation du
phénotype par un expert (diagnostic différentiel de malposition vasculaire).
4. Indication d’une recherche de microdélétion 22q11.2 en présence de toute malformation conotroncale
(interruption de l’arche aortique (IAA), tronc artériel commun (TAC), tétralogie de Fallot (T4F), atrésie pulmonaire à septum ouvert (APSO), agénésie des valves pulmonaires (AVP), communication interventriculaire
(CIV) avec malalignement du septum conal ou malposition vasculaire (MV).
5. Aucune indication de recherche d’anomalie génique sans réalisation préalable d’une échographie d’expert
recherchant des signes extra-cardiaques associés.
6. Aucune indication de diagnostic génétique pré-implantatoire.
7. Risque de récurrence = Echographie au 4ème mois pour toute grossesse ultérieure
F. Bajolle, D. Bonnet
Centre de Référence « Malformations Cardiaques Congénitales Complexes », Service de
Cardiologie Pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP, 149 rue de Sèvres 75015
Paris, France.
Tel : +33-1-44-49-43-47; Fax : +33-1-44-49-43-40 ([email protected])
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LA MALADIE DE WILSON
par
D. DEBRAY
La maladie de Wilson (MW), affection autosomique récessive, est liée à une mutation
du gène ATP7B codant pour l’ATPase7B, à l’origine d’un défaut d’élimination du cuivre
dans la bile et d’une accumulation tissulaire de cuivre essentiellement dans le foie, le cerveau
et l’œil, responsable des principales manifestations cliniques de la maladie. Elle peut être traitée efficacement si le diagnostic est réalisé précocement.
PHYSIOPATHOLOGIE
Métabolisme normal du cuivre
Le cuivre intervient dans divers systèmes métaboliques parmi lesquels la fonction mitochondriale, la biosynthèse de neurotransmetteurs, la protection contre le stress oxydatif, et
le métabolisme du fer. Environ 50 % du cuivre alimentaire (2 à 5 mg par jour) est absorbé
au niveau intestinal. Le cuivre est exporté des entérocytes vers le sang par le transporteur
ATP7A (dont le défaut de fonction, à l’origine de la maladie de Menkès, entraîne une
carence sévère en cuivre) [1]. La majorité du cuivre est ensuite délivrée au foie, où la protéine ATP7B régule son excrétion vers la bile ou le sang (Figure 1). Dans l’hépatocyte, le
cuivre est pris en charge par une molécule chaperonne, la protéine Atox1, partenaire cytosolique spécifique de l’ATP7B. L’ATP7B, localisée dans le Golgi, assure le passage transmembranaire du cation qui est incorporé à l’apocéruloplasmine et forme la céruloplasmine
fonctionnelle (ou holocéruloplasmine) qui chargée de 6 atomes de cuivre, est ensuite excrétée dans le sang. Chez le sujet normal, 90 % de la céruloplasmine plasmatique circulent sous
forme d’ holocéruloplasmine. Lorsque les concentrations de cuivre intracellulaire augmentent, la protéine ATP7B migre du Golgi vers le compartiment cytoplasmique permettant
ainsi l’excrétion du cuivre dans la bile [1].
Métabolisme du cuivre dans la maladie de Wilson
Le déficit fonctionnel en ATP7B entraîne une surcharge en cuivre, le cuivre hépatique
ne pouvant être excrété hors de l’hépatocyte vers la bile (Figure 1). Ce cuivre excédentaire
s’accumule dans le foie, sous forme liée à la métallothionéine (protéine de stockage), et sous
forme libre. Il n’est plus incorporé dans l’apocéruloplasmine ce qui entraîne une diminution
de la concentration de l’holocéruloplasmine sérique. La surcharge en cuivre hépatique, inap-
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D. DEBRAY
LA MALADIE DE WILSON
parente au début, se poursuit insidieusement jusqu’à l’apparition des premiers symptômes
cliniques. Jusqu’à présent, on expliquait les lésions de la maladie de Wilson par l’effet directement toxique du cuivre pour la cellule, et en particulier pour la mitochondrie à l’origine de
dommages oxydatifs [2]. L’hypothèse d’une apoptose cellulaire excessive via l’inhibition
d’une protéine anti-apoptotique XIAP par le cuivre a été récemment soulevée [3].
Anneau de Kayser-Fleischer
L’anneau de Kayser-Fleischer (KF) est un anneau de coloration « dorée » situé à la périphérie de la cornée, lié aux dépôts de cuivre. Il n’entraîne aucun retentissement sur la vision.
Parfois visible à l'œil nu, il est le plus souvent mis en évidence à l’examen de l’œil à la lampe
à fente par un ophtalmologiste expérimenté. Il a une grande valeur diagnostique lorsqu’il est
présent (même s’il n’est pas pathognomonique), témoin d’une surcharge importante en cuivre. Il est noté chez plus de 90 % des adultes présentant des manifestations neurologiques.
En revanche, il est plus inconstamment noté chez les patients ne présentant que des manifestations hépatiques de la maladie (40 à 60 % des cas) [6]. Chez l’enfant, l’anneau de KF est
en général absent lorsque l’atteinte hépatique est modérée (augmentation isolée des transaminases) ; en revanche, il est quasiment toujours retrouvé dans les formes graves révélées
par une insuffisance hépatique aiguë ou une cirrhose du foie décompensée permettant un
diagnostic rapide avant les résultats du bilan cuprique. Dans notre expérience portant sur
7 enfants âgés de 9 à 15 ans atteints de MW révélée par une insuffisance hépatique aiguë,
l’anneau de KF était retrouvé dans tous les cas, alors que le dosage de la céruloplasmine et de
la cuprémie était normal chez 3 d’entre eux [7]. Le dosage du cuivre urinaire n’avait pu être
réalisé chez 3 enfants en raison d’une anurie. L’anneau de KF dans ce contexte a donc une
grande valeur diagnostique, et une sensibilité plus importante que l’exploration biologique
du métabolisme du cuivre.
ÉPIDÉMIOLOGIE
La MW est une maladie rare, dont l’incidence reste imprécise de 1/30 000 à 1/100 000.
On estime qu’elle touche moins de 1500 personnes en France. Un centre national de référence (CNR) pour la maladie de Wilson a été labellisé en 2005 dont l’une des missions a été
de créer un registre national qui devrait permettre de mieux préciser l’incidence et le mode
de révélation de la maladie. Actuellement, les données de ce registre, portant sur
282 patients (140 femmes, 142 hommes), appartenant à 225 familles différentes, montrent
que les circonstances de découverte de la MW étaient une atteinte hépatique chez 38 % des
patients (âge moyen de 14 ans), une atteinte neurologique chez 43 % (âge moyen de 22 ans)
alors que le diagnostic de MW était réalisé lors d’une enquête familiale chez 53 patients
(19 %) asymptomatiques (âgés de 1 à 40 ans) [4].
DIAGNOSTIC DE LA MALADIE DE WILSON
Un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) a été rédigé par des experts et
l’autorité de santé (HAS) en 2008 [5]. Des recommandations ont été également publiées par
l’American Association for the Study of Liver Disease (AASLD) [6].
Principales manifestations cliniques chez l’enfant
L’atteinte hépatique est constante. Elle est asymptomatique le plus souvent chez le jeune
enfant, découverte lors d’un examen biologique (augmentation isolée des transaminases).
Les formes symptomatiques sont reconnues chez l’enfant de plus de 5 ans, le plus souvent
après l’âge de 10 ans. Le diagnostic de la MW doit être évoqué devant une hépatite aiguë parfois compliquée d’insuffisance hépatique aiguë, une hépatite fulminante, une hépatite chronique, ou une cirrhose compensée ou décompensée (avec syndrome oedémato-ascitique).
Les manifestations neurologiques (tremblement intentionnel et d’attitude ; dysarthrie,
syndrome dystonique ; syndrome extrapyramidal ; anomalies de l’oculomotricité, stéréotypies
gestuelles ou verbales) sont exceptionnelles chez l’enfant. Elles sont en revanche présentes chez
40 à 50 % des adultes atteints de la MW. La maladie peut également comporter de nombreuses
autres manifestations, rares chez l’enfant : hématologiques (anémie hémolytique à Coombs
négatif), rénales (lithiase, tubulopathies), ostéo-articulaires (ostéomalacie, ostéoporose, arthropathie), cardiaques (cardiomyopathie, troubles du rythme), endocriniennes (troubles de la glycorégulation, dysménorrhée), et psychiatriques (dépression, maladie bipolaire).
Diagnostic de la maladie de Wilson
Le diagnostic doit être rapidement confirmé car l’instauration précoce du traitement
permet la guérison. Il est évoqué sur un faisceau d’arguments : cliniques, biologiques, radiologiques voire histologiques.
Exploration biologique du métabolisme du cuivre (ou bilan cuprique)
Le bilan cuprique doit comprendre le dosage de la céruloplasmine, de la cuprémie et de
la cuprurie des 24 heures (Tableau 1). Aucun test ne permet à lui seul de confirmer ou d’infirmer le diagnostic.
Le dosage de la céruloplasmine sérique est le plus souvent réalisé par méthode immunologique, et mesure l’apo et l’holocéruloplasmine. La méthode enzymatique déterminant l’activité oxydative cuivre-dépendante de la céruloplasmine n’est pas réalisée en routine. Chez
le patient atteint de MW, la céruloplasmine sérique est habituellement basse (inférieure à
100 mg/l pour une normale entre 200 et 400 mg/l) du fait d’une diminution de l’holocéruloplasmine (HoloCp) circulante. Mais environ 10 % des patients atteints de MW ont une
concentration de céruloplasmine normale, peut être en rapport avec une augmentation de
l’apocéruloplasmine sérique [5]. Une céruloplasminémie normale n’élimine donc pas le
diagnostic, en particulier au cours des atteintes hépatiques sévères où la céruloplasminémie
peut être normale presqu’une fois sur deux [7,8]. La céruloplasmine (comme la cuprémie)
est physiologiquement abaissée chez le nouveau-né, puis augmente progressivement jusqu’à
des valeurs normales vers 2 ou 3 ans [9]. Une concentration basse de céruloplasmine s’observe également chez 20 % des sujets sains hétérozygotes pour le gène Wilson, dans la maladie de Menkes, dans l’acéruloplasminémie, dans les carences en cuivre ou dans des affections
hépatiques très sévères non wilsoniennes. A l’inverse, la concentration augmente en cas de
syndrome inflammatoire, lors de la grossesse et des traitements oestrogéniques.
La cuprémie totale mesure le cuivre sérique non lié (ou libre) et le cuivre lié à la céruloplasmine (90 % environ). Bien que la MW soit liée à une surcharge en cuivre, la cuprémie
totale est donc en général diminuée, en rapport avec la diminution de l’holocéruloplasmine.
Cependant, en cas d’atteinte hépatique sévère ou d’hémolyse, la cuprémie totale peut être
augmentée, liée à une libération importante de cuivre par le foie ou les globules rouges.
En revanche, la cuprémie libre est toujours augmentée (N < 150 (mcg/l) [6]. La concentration de cuivre non lié à la céruloplasmine (Non-Cp-Cu) peut être estimée par la formule
suivante : Non-Cp-Cu (mcg/l) = Cu sérique total (mcg/l) – 3 x holocéruloplasminémie
(mg/l). Toutefois ce calcul rend souvent un chiffre négatif en raison du manque d’exactitude
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du dosage de l’holocéruloplasmine [10]. Le dosage spécifique du cuivre libre, non lié à la
céruloplasmine, sera bientôt disponible. La technique de dosage a été développée au laboratoire de biochimie de l’hôpital Lariboisière (APHP, Paris). Le cuivre lié à la céruloplasmine
et lié à l’albumine est séparé du cuivre libre par ultrafiltration. L’application d’un chélateur
avant l’ultrafiltration permet de recueillir le cuivre (lié aux protéines) aisément échangeable.
L’établissement de normes chez les sujets sains et atteints de MW est en cours.
L’excrétion urinaire de cuivre est le reflet du cuivre libre circulant. Une cuprurie supérieure à 100 mcg par 24 heures ou 1,6 micromoles par 24 heures est très en faveur d’une MW.
Mais la cuprurie avant traitement est souvent inférieure à 100 mcg ou normale chez l’enfant.
De plus, l’excrétion urinaire du cuivre peut être augmentée chez les hétérozygotes sains pour
le gène Wilson. Le test de provocation à la D-pénicillamine peut alors être proposé [11].
tique. L’immunomarquage du cuivre par la rhodamine peut être une aide au diagnostic.
En pratique, dans les formes sévères révélées par une cirrhose décompensée (en général
avec IHA), le diagnostic est le plus souvent confirmé rapidement par la mise en évidence de
l’anneau de KF et par le bilan cuprique permettant de débuter le traitement avant le résultat de l’étude génétique. La biopsie hépatique est alors inutile. Dans les formes peu sévères
(cytolyse isolée, les plus fréquentes chez l’enfant de moins de 10 ans), on peut attendre le
résultat de l’étude génétique avant d’envisager une biopsie hépatique si nécessaire. P. Ferenci
[14] a proposé un score d’aide au diagnostic (Tableau 2).
Imagerie cérébrale
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est toujours anormale chez les patients ayant
des symptômes neurologiques. Elle révèle des hypersignaux en FLAIR des noyaux lenticulaires, du mésencéphale et des noyaux dentelés du cervelet. Ces anomalies sont également présentes chez presque 20 % des adultes asymptomatiques [13]. La fréquence de ces anomalies
n’a pas été évaluée chez l’enfant, chez qui les symptômes neurologiques sont exceptionnels.
Modalités
Diagnostic de certitude
Etude génétique
Aucun test ne permet à lui seul de confirmer le diagnostic de MW en dehors des études
génétiques. Le gène Wilson, localisé sur le chromosome 13, dans la région 13q14.3.-q21.1
s’étend sur 78 826 paires de bases et comprend 21 exons. Plus de 400 mutations du gène
dont la majorité est de type faux-sens, et 100 polymorphismes du gène ont été publiés. Les
hétérozygotes composites avec une mutation différente sur chaque allèle prédominent, ce
qui rend l’analyse génétique longue et difficile. Dans la population européenne et nord-américaine, 2 mutations His1069!Gln et Gly1267!Arg rendent compte de 38 % des mutations
observées dans la maladie de Wilson [10]. Les données du registre national de la MW montrent que la recherche de mutations a permis de confirmer le diagnostic de maladie de
Wilson dans au moins 65 % des cas (2 mutations causales retrouvées). Une seule mutation
était trouvée dans 18 % des cas, et aucune mutation n’était retrouvée dans 16 % des cas) [4].
En France, 3 laboratoires de génétique sont spécialisés dans l’étude du gène Wilson (Hôpital
Lariboisière, APHP, Paris ; Hôpital de Bicêtre, APHP, Le Kremlin-Bicêtre ; et Hôpital
Edouard Herriot, Hospices de Lyon). Le séquençage de l’intégralité de la séquence codante
et des jonctions intron-exon du gène, réalisé actuellement dans ces laboratoires, devrait augmenter nettement les chances de retrouver les 2 mutations du gène.
L’enquête génétique familiale est indispensable. Si les mutations sont connues chez le
probant, celles-ci sont recherchées dans la fratrie et chez les parents. Sans indication sur la
mutation causale, l’étude des haplotypes permet de faire très rapidement le diagnostic.
Dosage pondéral de cuivre hépatique
Le dosage pondéral de cuivre intrahépatique est indiqué lorsque l’examen ophtalmologique, le bilan cuprique et les tests génétiques ne permettent pas d’affirmer le diagnostic. Le
seuil de positivité est au-delà de 250 mcg par gramme de tissu sec. Mais, là aussi, du fait de l’hétérogénéité de la distribution du cuivre dans le foie, un taux normal n’exclut pas le diagnostic
[12]. De plus, un taux élevé de cuivre hépatique ne permet pas à lui seul d’affirmer le diagnostic, puisque observé également dans des affections hépatiques, telles les cholestases chroniques, qui modifient l’excrétion biliaire du cuivre. Aussi, le résultat du dosage de cuivre intrahépatique doit être interprété en fonction du contexte et des données de l’histologie hépa-
TRAITEMENT
Un régime pauvre en cuivre est recommandé. Les traitements disponibles sont :
1) les chélateurs du cuivre (la D-pénicillanine, Trolovol® et le Triéthylènetétramine
(TETA), Trientine®) qui augmentent l’excrétion urinaire du cuivre libre sérique. Le TETA
chélate également le cuivre, le zinc et le fer dans l’intestin.
2) les sels de zinc (Wilzin®) qui inhibent l’absorption intestinale du cuivre alimentaire.
L’AASLD recommande de débuter le traitement chez les patients symptomatiques par
un chélateur du cuivre [6], et de réserver les sels de Zinc aux formes asymptomatiques.
Aucune étude prospective n’a comparé ces traitements entre eux. Lorsque les tests hépatiques sont normaux, le traitement chélateur peut être remplacé par des sels de zinc du fait
de leur meilleure tolérance.
Dans les formes sévères avec insuffisance hépatocellulaire et encéphalopathie hépatique,
le seul traitement est la transplantation du foie en urgence [16].
Surveillance du traitement
Le suivi biologique des patients doit être régulier, très rapproché à l’instauration du traitement et maintenu à vie au moins tous les 6 à 12 mois. Le rythme du suivi dépend de la sévérité de la présentation clinique et du traitement choisi. Les objectifs sont triples : juger de
l’efficacité du traitement, s’assurer de la tolérance du traitement et enfin, s’assurer de l’observance du traitement.
Juger de l’efficacité du traitement
La normalisation des tests hépatiques (transaminases, temps de Quick) est en général
lente et est observée souvent qu’après 6 mois de traitement.
Quel que soit le choix thérapeutique, l’objectif du traitement est de normaliser le taux de
cuivre libre sérique, dont la technique de dosage sera bientôt disponible. Avec les traitements
chélateurs du cuivre, l’excrétion urinaire de cuivre est souvent très élevée (> 650 mcg/24 heures)
en début de traitement et tant que persiste une surcharge tissulaire en cuivre. Une fois que les
tests hépatiques se sont normalisés, la cuprurie est à maintenir entre 200 et 500 mcg/24
heures [6]. Une cuprurie faible inférieure à 200 mcg/24 heures doit faire évoquer soit une
carence importante en cuivre liée à un surdosage médicamenteux et un régime diététique trop
restreint en cuivre (en faveur, l’existence d’une anémie sidéropénique, cuivre libre sérique
bas), soit surtout une mauvaise observance du traitement (cuivre libre sérique élevé).
Dans le cas du traitement par les sels de zinc, l’objectif est de maintenir la cuprurie inférieure à 75 mcg/24 heures. La zincurie cible est d’environ 2 mg/24 heures.
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La surveillance à long terme doit inclure le dépistage d’un hépatocarcinome ou cholangiocarcinome. L’étude de Walshe et al. attire particulièrement l’attention sur la fréquence
des néoplasies dans cette population : 4,2 %, 5,3 % et 15 % des patients atteints de MW suivis depuis respectivement 10 à 19 ans, 20 à 29 ans et 30 à 39 ans [17].
CONCLUSION
S’assurer de la tolérance du traitement
A l’instauration du traitement, il existe un risque d’aggravation de l’atteinte hépatique et
surtout de l’atteinte neurologique de cause mal comprise. Celui-ci s’observe avec les 3 traitements, plus fréquemment avec la D-pénicillamine (13,8 %) qu’avec le TETA (8 %) ou les
sels de zinc (4,3 %) [15]. Dans de rares cas, cette aggravation n’est pas réversible, la maladie
continuant à évoluer sous traitement. L’instauration très progressive du traitement permettrait de prévenir ce risque d’aggravation. Les recommandations actuelles sont de débuter la
D-pénicillamine à doses progressivement croissantes : 150 à 300 mg/jour, à augmenter de
150 à 300 mg par paliers de 4 à 7 jours jusqu’à 900 - 1 500 mg/jour en deux à quatre prises
[5,6]. En traitement d’entretien, la dose peut être diminuée à 750 - 900 mg/jour en 2 ou 3
prises. Pour le TETA, la progression des doses est similaire jusqu’à 1 500 mg/j chez l’adulte
et 750 à 900 mg/j chez l’enfant en deux à trois prises. Pour les sels de Zinc, des paliers hebdomadaires de 25 mg sont réalisés pour atteindre 25 mg 2 fois par jour chez l’enfant de
moins de 6 ans, 25 mg 3 fois par jour entre 6 et 16 ans pour un poids inférieur à 57 kg. Chez
l’enfant d’un poids supérieur à 57 kg ou de plus de 16 ans comme chez l’adulte, la dose initiale est de 50 mg par jour, à augmenter une fois par semaine jusqu’à 50 mg 3 fois par jour si
le poids est supérieur à 57 kg ou après 16 ans.
La D-pénicillamine expose à un risque plus important d’événements indésirables que le
TETA et les sels de zinc, qu’il est important de dépister [6]. Les complications précoces liées à
la D- pénicillamine sont dominées par des réactions d’hypersensibilité (rash cutané, hyperéosinophilie) 1 à 3 semaines après le début du traitement ou lors de la reprise du traitement interrompu par le patient, des troubles hématologiques (leucopénie, thrombopénie), l’apparition
d’une protéinurie qui impose l’arrêt du traitement et le relais par le TETA. La numération formule sanguine, et la protéinurie doivent ainsi être surveillées une fois par semaine avant chaque
augmentation de la posologie. Les complications à moyen et long terme sont dominées par la
néphrotoxicité (protéinurie, urée, créatininémie tous les 6 mois), des complications immunologiques (Syndrome lupique) et la toxicité dermatologique (élastopathies cutanées) (Figure 2).
Le TETA peut être responsable de troubles digestifs, nausées et vomissements (gastrite),
et d’une anémie sidéroblastique. L’association du TETA et d’une supplémentation en fer est
contre-indiquée car elle forme un complexe semble-t-il toxique [6].
Les évènements indésirables liés aux sels de zinc sont également rares. Il s’agit avant tout
de troubles digestifs (gastrite) ou de réactions biologiques pancréatiques.
S’assurer de l’observance du traitement
L’arrêt du traitement expose à un risque vital. Les risques encourus sont la survenue
d’une insuffisance hépatocellulaire aiguë (dans un délai de 1 à 12 mois) parfois irréversible
malgré la reprise du traitement, et l’apparition ou l’aggravation irréversible d’une atteinte
neurologique. L’apparition ou la réapparition d’un anneau de KF à l’examen à la lampe à
fente confirme la non observance du traitement.
Sur le plan biologique, la mauvaise observance du traitement doit être évoquée devant la
récidive ou l’apparition d’une cytolyse hépatique, une faible excrétion urinaire du cuivre
(inférieure à 200 mcg /24 heures). L’augmentation du dosage de cuivre libre sérique (bientôt disponible) permettra de confirmer la non observance du traitement.
193
La MW est une affection rare, dont l’incidence n’est pas clairement connue. La connaissance des différentes présentations cliniques est essentielle pour une prise en charge thérapeutique précoce. La recherche de mutations du gène Wilson permet le diagnostic dans la
majorité des cas. Le suivi clinique et biologique doit être poursuivi à vie (tous les 6 mois) afin
de dépister notamment une mauvaise observance du traitement. L’enregistrement des données de tout patient atteint de la MW dans le registre national est indispensable pour mieux
préciser l’incidence, reconnaître de nouvelles mutations du gène, apprécier l’efficacité des
divers traitements, et envisager des études cliniques et des essais thérapeutiques (contact :
[email protected]).
D. Debray
Service d’hépatologie pédiatrique, Centre National de Référence pour la Maladie de Wilson,
APHP, Hôpital de Bicêtre, F-94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex, France.
E-mail : [email protected]
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TABLEAU 1. INTERPRETATION DES RESULTATS DU BILAN CUPRIQUE
Valeurs normales
(n’éliminent pas le diagnostic
de MW)
MW
quasi certaine
MW possible
(mais compatible
avec hétérozygotes sains)
200 - 400 mg/l
< 100 mg/l
100-200 mg/l
800 à 1400 mcg/l
< 600 mcg/l
> 600 mcg/l
(12 à 22 mcM/l)
(< 10 mcM/l)
(> 10 mcM/l)
< 50 mcg
> 100 mcg ***
50 -100 mcg
(< 0,8 mcM)
(>1,6 mcM)
(0,8-1,6 mcM)
< 200 mcg
> 1600 mcg
200-1600 mcg
(<3 mcM)
(>25 mcM)
(3-25 mcM)
Cuivre hépatique
< 56 mcg
> 250 mcg
< 250 mcg
(par gramme de tissu sec)
(0,9 mcM)
(> 4 mM)
(< 4 mcM)
Céruloplasminémie
Cuprémie totale
Cuprurie / 24heures
Test à la D-pénicillamine
FIGURE 1 : Transport du cuivre dans l’hépatocyte normal et lors de la maladie de Wilson.
Abréviations : mcg : microgramme ; mcM : micromoles.
Symptômes
Anneau de Kayser-Fleischer
Anémie hémolytique (Coombs négatif)
Céruloplasminémie
Cuprurie/24heures
Etude génétique
Cuivre hépatique
Histologie du foie
Score Total
Valeurs
Score
Sévères (IHA, cirrhose)
2
Modérés (hépatomégalie)
1
Absent
0
Présent
2
Absent
0
Présente
1
Absente
0
N (> 200 mg/l)
0
100 – 200 mg/l
1
< 100 mg/l
2
N
0
1–2N
1
>2N
2
N mais > 5N après D-pénicillamine
2
2 mutations causales
2
1 mutation causale
1
Absence de mutations
0
Normal
-1
< 5N
1
> 5N
2
Rhodamine +
1
Rhodamine -
0
Maladie de Wilson confirmée
≥4
Maladie de Wilson possible
2 -3
Maladie de Wilson exclue
1
© Dominique Debray
TABLEAU 2 : SCORE D’AIDE AU DIAGNOSTIC PROPOSE PAR P. FERENCI [14].
FIGURE 2 : Elastome perforant serpigineux. Effet indésirable du traitement par la D-pénicillamine.
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LE RÉCEPTEUR MINÉRALOCORTICOÏDE, UN ACTEUR MAJEUR... p 207
L. MARTINERIE, M. LOMBÈS, P. BOILEAU
© Laëtitia MARTINERIE
MISES AU POINT
FIGURE 3 : Immunodétection des protéines MR et AQP2 dans des reins de fœtus humains.
A-B: Immunodétection de la protéine MR. La protéine est détectée au niveau des noyaux des cellules tubulaires distales du rein à
19 SA, mais plus à 40 SA. C-D: Immunodétection de la protéine AQP2 à tous les stades de développement, localisée à la membrane
apicale des cellules tubulaires distales du rein. Objectif x 20. SA : semaines d’aménorrhées.
BÉTABLOQUANTS ET HÉMANGIOME INFANTILE... p247
O. ENJOLRAS, V. SOUPRE, M.-P. VAZQUEZ, A. PICARD
1a
2b
2c
© Service du Pr M.-P. Vazquez, Hôpital Armand Trousseau PARIS 12e
2a
1b
1. hémangiome infantile non répondeur au traitement corticostéroïde (aspect cushingoïde lié à 3 mois de corticothérapie) (a) ; même
enfant après seulement 11 jours de propranolol (b).
2. hémangiome infantile en pleine phase de prolifération : début de traitement par propranolol (a) ; même enfant après 1 mois de
traitement (b) ; même enfant à l’arrêt d’un traitement qui aura duré 5 mois (c).
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PEUT-ON RALENTIR L’ÉVOLUTION
D’UNE INSUFFISANCE RÉNALE DE L’ENFANT ?
par
A. BENSMAN, T. ULINSKI
Un enfant naît avec 2 millions de néphrons, 1 million de néphrons dans chaque rein.
L’insuffisance rénale correspond à une diminution significative du nombre de néphrons.
C’est lorsque le nombre de néphrons est inférieur à 600 000 à 700 000 que peuvent apparaître des problèmes néphrologiques.
LES CAUSES DE L’INSUFFISANCE RÉNALE CHEZ L’ENFANT
Elles peuvent se résumer en 5 grands chapitres :
- les néphropathies glomérulaires primitives (25 %)
- les maladies générales conduisant à une atteinte rénale (10 %) : purpura rhumatoïde, lupus,
syndrome hémolytique et urémique, etc.
- les néphropathies d’origine génétiques (25 %) : néphronophtise, cystinose, syndrome d’Alport
- les anomalies congénitales du rein et des voies urinaires (35 %).
Il y a donc 2 principaux mécanismes d’insuffisance rénale chez l’enfant :
1/ une diminution significative du nombre de néphrons par hypoplasie ou dysplasie rénale
existant dès la naissance. L’insuffisance rénale va se développer par la destruction des glomérules restants, conséquence de la seule réduction néphronique
2/ une maladie évolutive acquise ou congénitale. L’enfant naît avec un nombre sensiblement
normal de néphrons qui vont être progressivement détruits.
Un 5ème chapitre connu depuis peu doit être mentionné. Plusieurs études récentes montrent qu’un petit poids de naissance, secondaire le plus souvent à un retard de croissance
intra-utérin ou à une prématurité est un facteur de risque d’hypertension artérielle et d’insuffisance rénale chez l’adulte. Il existe dans ces circonstances une réduction néphronique,
une augmentation du volume des glomérules restants et le risque de développement de
lésions de glomérulosclérose segmentaire et focale [1].
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A. BENSMAN, T. ULINSKI
PEUT-ON RALENTIR L’ÉVOLUTION D’UNE INSUFFISANCE RÉNALE DE L’ENFANT ?
CONSÉQUENCES DE LA RÉDUCTION NÉPHRONIQUE
Le tabac
Dans un premier temps les glomérules vont s’hypertrophier. Lorsque la réduction
néphronique est trop importante, l’augmentation de la pression intracapillaire, l’augmentation du flux plasmatique dans les capillaires glomérulaires ainsi que d’autres phénomènes
complexes aboutissent à des lésions de hyalinose segmentaire et focale puis à la destruction
progressive des glomérules restants. Plus le nombre de glomérules détruits augmente, plus le
phénomène décrit s’accélère conduisant à un cercle vicieux qui peut aboutir à l’insuffisance
rénale terminale (Figure n°1). Dans le développement de l’insuffisance rénale chronique, 4 types de lésions histologiques vont être observés [2] : glomérulosclérose, infiltration
leucocytaire du tissu interstitiel, atrophie tubulaire, fibrose tubulo-interstitielle et raréfaction
des capillaires péritubulaires. Ce dernier phénomène peut entraîner une hypoxie chronique.
Certaines lésions de fibrose tubulo-interstitielle peuvent être provoquées par cette hypoxie.
Ainsi l’hypoxie chronique est maintenant considérée comme un mécanisme de progression
de l’insuffisance rénale chronique [3].
Ses effets pathogènes sur les vaisseaux et son rôle hypertensif le font contre-indiquer formellement chez le pré-adolescent et l’adolescent ayant toute néphropathie.
Cette notion importante doit être acquise par l’enfant dès son jeune âge.
L’anémie
Nous avons vu que l’hypoxie peut accélérer la fibrose tubulo-interstitielle et l’évolution
de l’insuffisance rénale. L’anémie va être un facteur aggravant les autres mécanismes de l’hypoxie que nous avons vu préalablement.
La correction de l’anémie par la prescription d’érythropoiétine peut ralentir ce mécanisme. Ainsi on peut considérer que l’érythropoiétine en diminuant l’hypoxie tissulaire
ralentit la fibrose interstitielle et a un effet rénoprotecteur [11].
Le syndrome inflammatoire
LES FACTEURS QUI ACCÉLÈRENT LA DESTRUCTION DES GLOMÉRULES
RESTANTS ET SUR LESQUELS LE MÉDECIN DOIT AGIR
Un des progrès récents de la néphrologie a été de mettre en évidence des facteurs qui
accélèrent la réduction néphronique (Figure n° 2). Dans la mesure où le médecin peut agir
sur ces facteurs, il est en mesure de ralentir l’évolution de certaines insuffisances rénales.
Un syndrome inflammatoire chronique a chez l’adulte un effet délétère sur le système cardiovasculaire. Il est en partie secondaire à une augmentation du stress oxydatif qui est la
conséquence de l’insuffisance rénale. Il est responsable de la libération de molécules proinflammatoires et profibrotiques [9]. Une des origines d’un syndrome inflammatoire persistant est la mauvaise hygiène bucco-dentaire. La surveillance régulière de la bouche par un chirurgien-dentiste est indispensable pour les conseils d’hygiène, le traitement de toutes les caries
et la suppression très régulière des plaques dentaires sources d’infection gingivale chroniques.
L’hypertension artérielle
Les anomalies du métabolisme phosphocalcique
L’hypertension artérielle accélère l’insuffisance rénale et plusieurs études chez l’adulte
ont bien démontré qu’un bon contrôle de la pression artérielle en ralentit la progression.
La surveillance très régulière de la pression artérielle et son bon contrôle sont des éléments
très importants [4,5].
L’augmentation de la pression intracapillaire peut être la conséquence de la réduction
néphronique. Elle peut être aussi la conséquence de l’hypertension artérielle elle-même. Elle
va entraîner une hypertrophie des cellules mésangiales, des modifications de la membrane
basale glomérulaire et aboutir à la glomérulosclérose [6].
Les facteurs nutritionnels
L’obésité, des apports excessifs en protides sont des facteurs à corriger avec l’aide d’une
diététicienne et d’une psychologue si nécessaire. Plusieurs études expérimentales ont montré que l’hypercholestérolémie accélère la progression de l’insuffisance rénale [7]. Un régime
riche en graisse favorise une infiltration macrophagique qui conduit à des lésions de glomérulosclérose [8]. Une dyslipidémie peut entraîner des lésions endothéliales des capillaires
glomérulaires mais également des cellules mésangiales et des podocytes [9].
L’intérêt des statines a été démontré chez l’adulte. Il existe beaucoup moins de travaux en
pédiatrie. Son effet dans le ralentissement de l’insuffisance rénale n’est pas dû uniquement à
son effet hypolipémiant. Ils ont également des effets anti-inflammatoires, ils réduisent le
stress oxydatif et ils améliorent la fonction endothéliale [10].
Les anomalies phosphocalciques sont délétères pour le système cardiovasculaire donc
pour le rein en augmentant la rigidité et les calcifications artérielles.
L’hyperparathyroïdie en favorisant l’entrée de calcium dans les cellules peut également
accélérer l’insuffisance rénale. Un bon contrôle de l’équilibre phosphocalcique et de la
PTH est donc nécessaire.
Les uropathies malformatives et les pyélonéphrites aiguës
Les malformations du rein et des voies urinaires sont une cause importante d’insuffisance rénale de l’enfant lorsque celui-ci naît avec des reins hypoplasiques ou dysplasiques.
L’existence d’un obstacle sur la voie excrétrice, les pyélonéphrites aiguës récidivantes favorisées par une uropathie obstructive ou un reflux vésico-urétéral massif peuvent créer des cicatrices rénales nouvelles et augmenter la réduction néphronique.
La bonne prise en charge de ces uropathies, la prévention et le traitement rapide des
pyélonéphrites aiguës auront un rôle important dans la stabilisation d’une insuffisance
rénale déjà installée.
La protéinurie
Il existe 2 mécanismes possibles dans l’apparition d’une protéinurie : le passage excessif
des protéines plasmatiques à travers la paroi des capillaires glomérulaires et un trouble de la
réabsorption tubulaire proximale.
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La protéinurie, notamment glomérulaire n’a pas seulement une valeur sémiologique.
Les protéines qui atteignent le tubule proximal en quantité extraphysiologique vont être réabsorbées en partie par les cellules épithéliales du tubule proximal. Ces cellules vont de ce fait
perdre leur intégrité avec apparition d’anomalies histologiques et libération de cytokines proinflammatoires. Au niveau de l’interstitium rénal vont apparaître des lésions inflammatoires
puis des lésions de fibrose. La protéinurie en entraînant des lésions de fibrose tubulo-interstitielle est par elle-même un facteur de néphrotoxicité et d’aggravation de l’insuffisance rénale.
On sait que les inhibiteurs des enzymes de conversion (IEC) et les antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) peuvent diminuer d’une manière significative la
protéinurie. Ils sont maintenant prescrits même en absence d’hypertension et ils sont en
mesure d’améliorer le pronostic rénal.
L’effet rénoprotecteur des IEC et des ARA II n’est probablement pas dû uniquement à leur
action antiprotéinurique, cependant des études chez l’adulte ont bien montré que la réduction de la protéinurie était bien corrélée avec l’effet rénoprotecteur.
Ces différents éléments rendent indispensable la recherche de protéinurie chez tout
sujet à risque d’atteinte rénale [15].
Une étude européenne a étudié un groupe de 200 enfants ayant une insuffisance rénale
chronique. Elle a bien démontré que la protéinurie (de même que l’hypertension artérielle) jouait un rôle important dans la baisse de la filtration glomérulaire dans les
néphropathies de l’enfant [12].
Certaines équipes de médecine d’adulte n’hésitent pas à prescrire des doses très importantes d’ARAII afin de réduire au maximum la protéinurie [13]. En cas de réponse partielle
à un traitement IEC/ARAII, une étude récente faite chez des adultes diabétiques montre
que la prescription d’un antagoniste de l’endothéline A (Avosentan) en association avec un
traitement standard IEC/ARAII diminue d’une manière significative l’albuminurie [14].
PEUT-ON RALENTIR L’ÉVOLUTION D’UNE INSUFFISANCE RÉNALE DE L’ENFANT ?
203
3/ absence de protéinurie et microalbuminurie faible : c'est-à-dire un rapport :
microalbuminurie mg/l
<3
créatininurie mmol/l
4/ pression artérielle normale.
1ère possibilité : tous les éléments étudiés sont normaux. Dans ce cas, cet enfant doit être
considéré comme normal, il peut faire tous les sports et mener une vie normale. Le bon pronostic d’un rein unique est étayé par plusieurs études de la littérature [17].
L’étude de Baudouin [18] est intéressante. Elle s’intéresse à un groupe de 111 patients qui
ont eu une néphrectomie unilatérale à l’âge pédiatrique avec un rein controlatéral normal.
Les sujets étaient âgés de 18 à 56 ans. Les paramètres suivants étaient étudiés : clairance à
l’insuline et à la créatinine, pression artérielle, flux plasmatique rénal et protéinurie.
Chez les hommes âgés de moins de 30 ans et chez les femmes de tout âge, la filtration glomérulaire et le flux sanguin rénal étaient parfaitement stables et correspondaient à 75 % des
valeurs chez un sujet normal ayant 2 reins normaux. Il n’y avait dans cette population pas
plus d’hypertension artérielle ni de protéinurie. Ces résultats étaient valables quel qu’était
l’âge de la néphrectomie.
La filtration glomérulaire était stable pendant les 50 ans suivant la néphrectomie. Au-delà
de cette période, on assiste à une baisse de la filtration glomérulaire de 1,5 ml/mmn/1m732
chaque année et l’augmentation de la protéinurie de 34 mg/jour chaque année.
Le bon pronostic d’un rein unique décrit par Baudouin avait été évoqué par
Robitaille [19]. 27 adultes qui avaient eu une néphrectomie à un âge moyen de 2,1 ans
(1 mois - 12 ans) étaient étudiés 20 ans plus tard. Leur clairance de la créatinine correspondait au ¾ de celle des sujets contrôlés normaux. Ils n’avaient ni hypertension artérielle ni
protéinurie.
Les facteurs iatrogènes
Ils doivent être connus et évités car ils peuvent aggraver rapidement une insuffisance
rénale déjà existante : les antibiotiques néphrotoxiques doivent être maniés avec précaution
et leur taux résiduel contrôlé régulièrement. Les dangers de certains produits de contraste
pour l’imagerie et notamment l’IRM doivent être connus. Il faut éviter l’utilisation des antiinflammatoires non stéroïdiens [16].
CONDUITE À TENIR EN PRÉSENCE D’UN REIN UNIQUE
C'EST-À-DIRE UNE RÉDUCTION NÉPHRONIQUE DE 50 %
Il s’agit d’une situation relativement fréquente à laquelle tout médecin traitant peut être
confronté.
Il faut dans un premier temps s‘assurer que le rein unique est normal :
1/ échographie rénale normale : cavités excrétrices fines, échogénicité normale du parenchyme rénal. Ce rein normal est le plus souvent en hypertrophie compensatrice
2/ fonction rénale normale : créatinine sanguine normale, filtration glomérulaire normale
en utilisant la formule de Schwartz :
0,45 x Hauteur (cm)
Créatinine sanguine (mg/100ml)
En cas de rein unique, des mesures hygiéno-diététiques simples et de bon sens peuvent
être conseillées : bien que non validées par des études cliniques
- éviter un régime trop riche en sel ou en protides mais en gardant un régime alimentaire
normal
- surveiller tous les 2 à 3 ans la pression artérielle, et la microalbuminurie
- éviter dans la mesure du possible les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et
préférer le paracétamol en cas de fièvre surtout si l’enfant est légèrement déshydraté par diarrhée ou vomissements.
2ème possibilité : le bilan pratiqué n’est pas strictement normal. Il faut dans ce cas craindre une réduction néphronique supérieure à 50 %. Une consultation en néphrologie pédiatrique est conseillée.
CONCLUSION
Nous disposons maintenant de plusieurs moyens efficaces pour ralentir l’évolution de
l’insuffisance rénale chez l’enfant. Ceci justifie sa détection la plus précoce possible et sa prise
en charge conjointe avec un service de néphrologie pédiatrique.
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A. BENSMAN, T. ULINSKI
Facteurs favorisants
Maladie évolutive
Réduction néphronique
Destructions des néphrons
supplémentaires
Insuffisance rénale
FIGURE 1 : Mécanismes d’aggravation d’une insuffisance rénale
Facteurs favorisants
. obésité
. H.T.A.
. protéinurie
. tabac
. dyslipidémie
. pyélonéphrites aiguës
. uropathies obstructives et RVU de haut grade
. anémie et hypoxie
. apports protidiques excessifs
. désordres phospho-calciques
. syndrome inflammatoire
. les causes iatrogènes
FIGURE 2 : Facteurs favorisant l’aggravation d’une insuffisance rénale
A.Bensman, T. Ulinski
Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital d’Enfants A. Trousseau, 75012 PARIS
RÉFÉRENCES
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PEUT-ON RALENTIR L’ÉVOLUTION D’UNE INSUFFISANCE RÉNALE DE L’ENFANT ?
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LE RÉCEPTEUR MINÉRALOCORTICOÏDE,
UN ACTEUR MAJEUR DE L’HOMÉOSTASIE HYDROSODÉE
DU NOUVEAU-NÉ
par
L. MARTINERIE, M. LOMBÈS, P. BOILEAU
INTRODUCTION
L’homéostasie hydro-électrolytique est extrêmement bien contrôlée par le rein chez
les mammifères. Cependant, la période périnatale chez l’homme est marquée par une
capacité réduite du rein à assurer ses fonctions normales de concentration des urines et de
maintien de l’équilibre de la balance hydrosodée. Une des difficultés rencontrées en néonatologie concerne la perte importante de sodium associée à une dilution élevée des urines
chez les enfants prématurés. Cette immaturité fonctionnelle tubulaire rénale engendre
chez les nouveau-nés à terme et les prématurés, des difficultés d’adaptation face à certaines
pathologies intercurrentes (déshydratation, infection…), qui accentuent cette déperdition
d’eau et de sel [1].
L’aldostérone, hormone stéroïdienne, est synthétisée par la zone glomérulée de la glande
corticosurrénalienne, sous l’influence de la rénine, via l’angiotensine II. La rénine est ellemême sécrétée par l’appareil juxta-glomérulaire du rein, en réponse à des variations hydroélectrolytiques. L’action rénale de l’aldostérone s’effectue principalement au niveau du tube
contourné distal, par l’intermédiaire de sa liaison à son récepteur, le récepteur aux minéralocorticoïdes (MR, Mineralocorticoid Receptor), et permet la réabsorption du sodium et
l’excrétion urinaire du potassium, assurant ainsi un maintien de la natrémie et de la volémie.
Des taux élevés d’aldostérone et d’activité rénine plasmatiques ont été rapportés durant
la première année de vie [2] et plusieurs cas de pseudohypoaldostéronisme transitoire ont
été décrits chez des nourrissons nés à terme âgés de moins de trois mois. Ces derniers présentaient, lors d’un épisode d’infection urinaire haute, une déshydratation, une hyponatrémie, une hyperkaliémie et une hypernatriurèse, qui contrastaient avec des taux élevés d’aldostérone et d’activité rénine plasmatiques. Ces différentes observations évoquent un état
de résistance rénale partielle et transitoire à l’aldostérone en période néonatale, phénomène
qui n’a jamais été clairement documenté. En effet, la réalisation d’investigations cliniques en
période néonatale se heurte à de nombreux problèmes éthiques et pratiques, notamment
pour le recueil de prélèvements sanguins ou urinaires. Actuellement, on dispose de peu de
données fiables concernant les taux plasmatiques d’aldostérone ou de rénine à la naissance.
Nous avons donc mené une étude clinique prospective chez des nouveau-nés à terme, dans
le but de documenter cette hypothétique résistance néonatale à l’aldostérone.
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L. MARTINERIE, M. LOMBÈS, P. BOILEAU
LE RÉCEPTEUR MINÉRALOCORTICOÏDE, UN ACTEUR MAJEUR...
Par ailleurs, compte tenu de l’effet rénal de l’aldostérone, par l’intermédiaire de son
récepteur, nous avons également émis l’hypothèse que cette insensibilité hormonale pourrait
être liée soit à une apparition tardive du MR, soit à des variations de son expression au cours
du développement rénal.
MR et métabolisme hydro-sodé
RÉCEPTEUR MINÉRALOCORTICOÏDE
Mécanisme d’action du MR dans le rein
Le MR, facteur de transcription hormono-dépendant, appartient à la superfamille des
récepteurs nucléaires et à la sous-famille des récepteurs stéroïdiens. Au niveau de la cellule du
tube contourné distal, cellule cible principale de l’aldostérone, le MR, en l’absence d’hormone,
est intra-cytoplasmique, lié à des protéines chaperonnes (Hsp (heat shock protein) 70, Hsp 90
et immunophilines). Ces protéines sont libérées lors de la liaison du MR à son ligand : l’aldostérone. Le MR est alors transféré dans le noyau, où il se fixe aux éléments de réponse spécifiques
de l’ADN, recrute des coactivateurs et induit la transcription de gènes cibles [3]. Parmi ceuxci, la sous-unité α du canal épithélial à sodium (ENaC) et la pompe Na-K-ATPase de la membrane basolatérale, assurent la réabsorption de sodium du compartiment urinaire vers le milieu
intérieur. Dans la mesure où l’affinité du cortisol pour le MR est la même que celle de l’aldostérone et que les concentrations circulantes de glucocorticoïdes sont au moins 100 fois plus
importantes que celle de l’aldostérone, la 11βhydroxystéroïde déshydrogénase de type 2
(11βHSD2), enzyme catalysant la transformation du cortisol en cortisone (composé inactif,
incapable de se lier au MR) confère à la cellule tubulaire rénale, une spécificité d’action de l’aldostérone sur son récepteur. Deux autres protéines ont un rôle majeur dans le maintien de la
balance hydrominérale au niveau de cette cellule. Il s’agit du récepteur de l’arginine-vasopressine (V2R), localisé sur la membrane basolatérale, qui après fixation de la vasopressine, induit,
par une cascade de signalisation, l’exocytose à la membrane apicale de granules contenant les
canaux aquaporiques, composés de protéines AQP2 (aquaporine 2). Ces canaux permettent la
réabsorption passive de l’eau. La synthèse de l’aquaporine 2 et sa régulation post-transcriptionnelle sont également sous la dépendance du MR [4]. Enfin, le récepteur aux glucocorticoïdes (GR) entretient des liens étroits avec la voie de signalisation minéralocorticoïde, en partageant ligands, partenaires moléculaires et éléments de réponse sur l’ADN avec le MR [3].
Le gène du MR chez l’homme, situé sur le chromosome 4, s’étend sur 450 kb et comporte 10
exons dont deux exons 1, 1α et 1β, qui sont transcrits alternativement mais non traduits [3].
Gène, ARNm et protéine
L’existence de ces deux isoformes, hMRα et hMRβ [5], régulées par deux promoteurs
alternatifs P1 et P2 [3], a été largement démontrée dans les tissus cibles de l’aldostérone chez
l’homme. Ces isoformes sont traduites en une même protéine, le MR, de 984 acides aminés
et 107 kDa, qui comporte les 3 domaines classiques des récepteurs nucléaires : le domaine N
terminal (NTD) codé par l’exon 2, qui comporte 2 domaines d’activation transcriptionnelle
ligand-indépendants AF1a et AF1b, le domaine central de liaison à l’ADN (DBD) formé de
deux doigts de zinc, codés respectivement par les exons 3 et 4, extrêmement bien conservé
au sein de la superfamille des récepteurs nucléaires et le domaine de liaison à l’hormone
(LBD) en C-terminal, codé par les 5 derniers exons (exons 5 à 9), contenant le domaine de
transactivation AF2 ligand-dépendant. Chez la souris, le gène du MR est proche de celui de
l’homme, mais il existe au moins trois exons 1 non traduits, à l’origine de trois transcrits
alternatifs, mMRα, mMRβ et mMRγ (résultats non publiés).
209
Des publications récentes apportent des arguments déterminants sur l’importance du
MR dans la régulation du métabolisme hydrosodé renforçant ainsi notre hypothèse initiale.
Ainsi, des mutations hétérozygotes inactivatrices du gène MR responsables d’un tableau clinique de pseudohypoaldostéronisme avec perte sodée chez les nouveau-nés ont été identifiées [6]. La plupart des adultes deviennent asymptomatiques, suggérant un mécanisme physiopathologique d’haploinsuffisance particulièrement critique à la naissance. D’autre part,
les souris invalidées pour le gène MR meurent rapidement de déshydratation par perte
hydrosodée, vers le 10ème jour postnatal [7]. Ces deux études confortent la notion qu’une
absence de MR n’entraverait pas le développement fœtal, mais que celui-ci serait primordial
dans les premiers jours d’adaptation à la vie extra-utérine.
OBJECTIFS ET MÉTHODES
Nous avons choisi dans un premier temps de documenter la résistance néonatale du tubule
rénal à l’aldostérone, par une étude clinique prospective, menée chez des nouveau-nés à terme,
et de comparer ces résultats avec les données obtenues simultanément chez leurs mères.
Parallèlement, nous avons exploré les mécanismes moléculaires sous-jacents pouvant
rendre compte de cette résistance. Nous avons émis l’hypothèse que cette résistance pourrait
être liée à des variations d’expression du récepteur minéralocorticoïde au cours du développement rénal avec, notamment, une absence ou une faible expression de celui-ci au moment
de la naissance. L’ontogenèse rénale du MR au cours du développement du fœtus et du nouveau-né chez la souris et chez l’homme, a donc été étudiée par deux approches complémentaires : quantification des ARNm par qPCR (Polymerase Chain Reaction) quantitative en
temps réel, et qualitativement par immunohistochimie et semi-quantitative par Western
blot afin de détecter la protéine MR, et d’en préciser sa localisation au niveau du néphron.
RÉSULTATS OBTENUS
Étude clinique
Notre étude clinique, prospective, a été menée en collaboration avec les services de néonatologie et de gynécologie obstétrique de l’hôpital Antoine Béclère. Quarante-huit couples
de nouveau-nés sains, nés à terme, et leurs mères ont été inclus. Les mères étaient indemnes
de toute pathologie antérieure ou durant la grossesse. La grossesse était monochoriale,
monoamniotique, non compliquée, les échographies anténatales normales, et l’accouchement eutocique à terme. Les nouveau-nés, eutrophes, n’avaient pas présenté de signes de
souffrance fœtale. Les taux plasmatiques d’aldostérone et de rénine et les ionogrammes sanguins ont été mesurés au sang du cordon juste après l’accouchement et dans le sang maternel, au moment du bilan pré-anesthésie péridurale, le jour de l’accouchement. La perte urinaire de sel et la concentration urinaire d’aldostérone ont également été évaluées chez 28 de
ces nouveau-nés par recueil urinaire sur compresse placée dans la couche, durant les premières 24 heures de vie. Les analyses biochimiques et hormonales ont été réalisées aux laboratoires de biochimie et d’hormonologie de l’hôpital Bicêtre.
Nous avons trouvé des concentrations plasmatiques d’aldostérone et de rénine au sang
de cordon, significativement plus élevées que les valeurs maternelles (respectivement
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L. MARTINERIE, M. LOMBÈS, P. BOILEAU
LE RÉCEPTEUR MINÉRALOCORTICOÏDE, UN ACTEUR MAJEUR...
817 ± 73 vs 575 ± 55 pg/ml et 79 ± 10 vs 15 ± 2 pg/ml, P < 0,001) avec une corrélation
positive significative entre les deux paramètres (P < 0,001) (Figure 1A et 1B).
Paradoxalement, l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone chez les nouveaunés était accompagnée d’une hyponatrémie (132,6 ± 0,7 mmol/l) et d’une hyperkaliémie
(5,7 ± 0,3 mmol/l) (Figure 1C) avec perte urinaire relative de sodium (rapports Nau+/Ku+ =
2,0 ± 0,4 ; Nau/creatu = 19,6 ± 8,3), confirmant la résistance partielle à l’aldostérone en
période néonatale. Par ailleurs, la mise en évidence d’une corrélation inverse significative
entre la perte urinaire de sodium (reflétée par le rapport Nau/Ku) et la concentration des
urines [creatu] (r = -0,61, P < 0,001) est venue confirmer l’existence d’une immaturité rénale
tubulaire à la naissance.
Nous avons également établi pour la première fois les valeurs d’aldostérone urinaire chez
le nouveau-né à terme (moyenne 106 ± 10 pg/μg de créatinine) et montré qu’elles étaient
corrélées à la kaliémie (des concentrations plasmatiques faibles de potassium ne sont
atteintes qu’en présence d’une forte aldostéronurie), contrairement à l’aldostéronémie, suggérant que la concentration d’aldostérone urinaire est le meilleur index d’évaluation de la
sensibilité minéralocorticoïde. Cette étude a par ailleurs permis de démontrer la faisabilité
du dosage d’aldostérone urinaire après recueil urinaire sur une compresse mise dans la
couche du nouveau-né, technique de recueil non invasive.
Par contre, l’absence de corrélation, chez le nouveau-né, entre les taux d’aldostéronurie et le
rapport Nau/Ku (reflet indirect de l’action rénale de l’aldostérone), témoigne d’une insensibilité partielle du tubule rénal à l’aldostérone en période néonatale.
Nous avons ainsi pu démontrer l’existence d’une résistance rénale néonatale physiologique
à l’aldostérone [8]. Ce travail se poursuit actuellement par un Programme Hospitalier de
Recherche Clinique (PHRC national 2009), le protocole PREMALDO qui vise à caractériser la sensibilité à l’aldostérone en fonction de l’âge gestationnel à la naissance et au cours
du développement post-natal, et à valider la mesure non invasive du dosage de l’aldostérone
urinaire, comme témoin du degré de résistance à l’aldostérone.
sager du MR et d’étudier par immunohistochimie et western blot la protéine MR.
Par technique de PCR quantitative en temps réel, les transcrits du MR ont été quantifiés à
chacun des différents stades développementaux. Les résultats montrent une apparition du
MR à partir du 16ème jour de gestation, un accroissement de son expression jusqu’au 18ème jour
de gestation, puis une diminution significative au moment de la naissance pour ensuite
réaugmenter progressivement jusqu’à J15 (Figure 2).
C’est la première étude quantitative de l’expression rénale du MR. L’expression de l’isoforme MRα est strictement superposable à celle du MR dans le rein de souris alors que l’isoforme MRβ n'est pas ou très peu exprimée. Il nous semblait intéressant d’étudier en parallèle l’expression des ARNm de αENaC (gène cible du MR) et de la 11βHSD2 (enzyme clé
de la spécificité minéralocorticoïde). Les profils d’expression de ces deux gènes sont apparus
en étroite corrélation avec le profil d’expression du MR, suggérant qu’au cours de la maturation rénale, le récepteur et certains effecteurs majeurs de la voie de signalisation minéralocorticoïde apparaissent de manière synchrone. Ces données suggèrent aussi que le récepteur
serait transcriptionnellement actif durant cette période. L’étude de l’expression des ARN
messagers du GR, de V2R et de l’aquaporine 2, a révélé qu’il existait des profils d’expressions
géniques différents au cours du développement rénal avec une relative stabilité du niveau
d’expression du GR à partir du 16ème jour de gestation et une expression plus linéaire pour
V2R et AQP2 sans diminution significative le jour de la naissance.
La quantification relative de l’expression des gènes, bien qu’extrêmement sensible ne
donne pas d’information sur la localisation précise du MR au sein de la structure anatomique complexe du rein. Les études immunohistochimiques apparaissaient donc comme
une étape complémentaire indispensable pour affiner nos résultats. Après une mise au point
de conditions expérimentales optimales d’immunodétection (Anticorps monoclonal antiMR, 6G1, généreusement fourni par le Dr Gomez-Sanchez [9] mais également avec un nouvel anticorps polyclonal 39N élaboré au laboratoire) nous avons pu obtenir des résultats sur
l‘expression rénale de la protéine MR corroborant les données de PCR quantitative, avec
une mise en évidence d’un marquage nucléaire spécifique dans les tubules distaux du rein de
souris à partir du 16ème jour de gestation.
Nous avons également étudié l’expression des protéines AQP2 et GR dont les marquages
spécifiques (au pôle apical des cellules tubulaires distales pour AQP2 et de localisation
nucléocytoplasmique pour le GR) sont également retrouvés à partir du 16ème jour de gestation dans le rein de souris.
Ontogenèse rénale du MR
Nous nous sommes ensuite intéressés aux mécanismes moléculaires pouvant rendre
compte de cette résistance. Les principaux effets rénaux de l’aldostérone étant relayés par sa
liaison au récepteur minéralocorticoïde, nous avons émis l’hypothèse que cette insensibilité
hormonale pouvait être liée à une faible expression rénale du MR à la naissance. Nous avons
donc choisi d’étudier l’ontogenèse rénale de ce récepteur au cours du développement rénal
chez la souris, pour sa facilité d’obtention de prélèvements et de manipulations expérimentales, et chez l’homme pour son intérêt physiopathologique évident.
Nous avons également analysé l’expression des différentes isoformes du MR, ainsi que celle
d’autres facteurs intervenant dans la voie minéralocorticoïde (11βHSD2 et αENaC), ou
témoignant de la maturation tubulaire rénale (V2R, AQP2). Enfin nous avons comparé l’expression du MR à celle du récepteur glucocorticoïde, ces deux récepteurs étant étroitement
liés. Cette étude, à la fois qualitative et quantitative, s’est attachée à préciser le niveau d’expression rénale des ARNm par la méthode de PCR quantitative en temps réel et la localisation le long du néphron des protéines correspondantes, par des techniques immunohistochimiques et de western blot à différents stades de développement rénal.
Chez la souris
Nous avons prélevé des reins de souris à différents stades fœtaux (15, 16, 18 et 20 jours
de gestation) et néonataux (J0, J2, J4-6, J8 et J15) afin d’analyser l’expression de l’ARN mes-
Chez l’homme
Nous souhaitions aborder l’étude de l’expression du MR en période périnatale chez
l’homme, qui se heurte à la rareté et la difficulté d’obtention des échantillons. La mise en
place de plusieurs collaborations avec différents services de fœtopathologie et d’anatomopathologie de la région parisienne (Antoine Béclère, Clamart ; Robert Debré, Paris ; CHIC,
Créteil ; Necker, Paris) nous a permis d’avoir accès à une collection précieuse de reins fœtaux
congelés pour quantification des ARNm et de lames et blocs de reins inclus en paraffine, de
fœtus, de nouveau-nés et d’enfants à différents stades du développement pour analyse
immunohistochimique.
Dix-neuf échantillons de reins fœtaux congelés, de 14 à 40 semaines d’aménorrhée (SA), ont
été ainsi collectés. L’analyse par PCR quantitative de l’expression des ARNm du MR a montré
un profil d’expression proche de celui observé chez la souris. En effet, l’évolution des ARNm du
MR est également diphasique, avec un pic d’expression autour de la 19ème semaine d’aménorrhée,
puis une diminution avant la naissance. Les profils d’expression des différentes isoformes du MR
(hMRα et hMRβ) sont superposables à celui du MR. Comme chez la souris, une étroite corréla-
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tion entre les différents acteurs de la voie minéralocorticoïde (11βHSD2, MR et αENaC) est
retrouvée. La quantification de l’expression des ARNm du GR, de V2R et de AQP2, montrent
des profils d’expression différents par rapport aux gènes précédents, avec une évolution plus stable des ARNm du GR au cours du développement rénal fœtal, et un pic d’expression plus tardif
pour V2R et AQP2, suggérant un processus de maturation spécifique à la voie minéralocorticoïde, indépendant de la maturation rénale globale ou de la cellule tubulaire distale.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Les études qualitatives d’expression protéique ont pu être réalisées sur une collection de
39 échantillons de rein inclus en paraffine, comprenant 14 fœtus (10 à 40 SA), 14 nouveaunés (de 1 à 11 mois) et 11 enfants (de 1 à 11 ans). L’intégrité des différents échantillons a
tout d’abord été vérifiée par coloration à l’hématoxyline-éosine-safran (HES), qui colore les
différentes structures cellulaire et tissulaire. Cela nous a également permis de décrire les différents stades de développement du rein. De manière attendue, la formation des glomérules
et des néphrons, tout comme la mise en place architecturale du rein se déroule de la 5ème à la
36ème semaine d’aménorrhée. Nous avons cependant remarqué que les podocytes de nombreux glomeruli, au fort grossissement, conservaient un aspect immature, cubique à 40 SA,
et n’atteignaient une forme plate mature qu’environ un an après la naissance. Ceci suggère
une maturation fonctionnelle retardée de certains segments néphroniques, qui ne s’achève
que durant la période post-natale.
Nous avons complété la vérification de l’intégrité des tissus par l’utilisation de deux anticorps reconnaissant des marqueurs spécifiques des cellules tubulaires (cytokeratine 19) et
des cellules mésenchymateuses (vimentine). L’immunodétection de ces deux marqueurs
signe l’absence d’altération tissulaire secondaire à des phénomènes d’autolyse ou de fixation
prolongée dans le formol d’un échantillon.
Les résultats obtenus par immunohistochimie, réalisée à l’aide du même anticorps
spécifique anti-MR utilisé chez la souris, montrent une expression transitoire de la protéine MR entre la 15ème et la 24ème semaine d’aménorrhée (Figure 3A), au niveau des
noyaux des cellules tubulaires distales. Au delà de 24 SA, nous avons noté la disparition
de cette expression à tous les autres stades fœtaux et néonataux (Figure 3B) pour réapparaître environ 11 mois après la naissance. L’intensité de l’immunomarquage et le nombre de cellules tubulaires distales immunomarquées augmente par la suite avec le développement rénal postnatal.
L’expression du GR est plus précoce que celle du MR, présente dès 10 SA, et plus ubiquitaire (cellules tubulaires, mésenchymateuses et endothéliales).
Comme le MR, la protéine AQP2 est détectée à partir de la 15ème SA, localisée à la membrane des cellules épithéliales tubulaires distales, prédominant au pôle apical. Par contre,
à la différence de la protéine MR, l’aquaporine 2 est retrouvée à tous les stades développementaux fœtaux, néonataux et postnataux (Figure 3C et 3D).
L’expression du MR chez l’homme est donc variable au cours du développement
rénal, extrêmement faible à la naissance, le MR réapparaît progressivement au cours de la
vie extra-utérine. Cette évolution cyclique et retardée du MR, démontrée à la fois chez la
souris et chez l’homme, semble donc être préservée à travers les espèces. De plus, ce phénomène apparait spécifique à la voie minéralocorticoïde avec des profils d’expression
similaires pour la 11βHSD2 et αENaC, et pourrait rendre compte de la résistance partielle et transitoire à l’aldostérone en période néonatale [10].
213
Nous avons démontré d’une part qu’il existait une insensibilité rénale néonatale à l’aldostérone et d’autre part, qu’elle s’accompagnait d’une faible expression du récepteur minéralocorticoïde à la naissance.
Ces résultats originaux ouvrent sur de nombreuses questions. Quel est le rôle de cette résistance physiologique ? La parfaite intégrité du système rénine-angiotensine-aldostérone avec
une réponse adaptée de la glande surrénalienne, contraste avec l’inaptitude du rein à contrôler de manière appropriée la réabsorption de l’eau et du sel durant cette période critique
entourant la naissance. L’hyperaldostéronisme est-il la conséquence de l’immaturité tubulaire rénale, dans laquelle la perte excessive de sodium provoque une hyperactivation du système rénine-angiotensine-aldostérone ? A l’inverse, l’absence de réponse rénale à l’aldostérone serait-elle un mécanisme de protection vis à vis des taux élevés d’aldostérone, qui
seraient, par ailleurs, utiles ou nécessaires au fonctionnement d’autres organes ? Ces taux élevés d’aldostérone pourraient avoir un rôle fonctionnel dans d’autres tissus cibles, tel que le
tissu endothélial [11] ou les cellules musculaires lisses des vaisseaux, dans lesquelles des
réponses vasoconstrictrices rapides par effets non génomiques de l’aldostérone ont été
décrites [12]. Comment ces mécanismes régulateurs sont mis en jeu chez le nouveau-né prématuré ? Est-ce que, comme on peut le supposer, l’insensibilité à l’aldostérone y est accrue,
rendant la supplémentation sodée indispensable pour le maintien de la volémie et pour la
survie de ces enfants ? L’intérêt d’une meilleure compréhension du contrôle de l’équilibre
hydrominéral dans cette population apparaît donc essentiel.
Par ailleurs, la mise en évidence d’une répression significative de l’expression du MR le jour
de la naissance est intrigante, d’autant qu’elle apparaît conservée chez différentes espèces animales. Quels en sont les facteurs déclenchants et les mécanismes impliqués ? Quels sont les
déterminants qui concourent à une réamplification de son expression dans la période postnatale ? Les mécanismes moléculaires qui contrôlent l’expression du MR sont complexes et
interviennent probablement à de multiples niveaux transcriptionnels et post-transcriptionnels. Ils font notamment intervenir les deux promoteurs alternatifs tissus spécifiques, P1 et P2,
mais d’autres facteurs sont vraisemblablement aussi impliqués. Les modifications hormonales
majeures associées à la fin de la grossesse, présentes au cours du travail ou de l’accouchement,
pourraient aussi participer à la répression de l’expression du MR. L’expression post-natale du
MR, dans l’espèce humaine au moins, semble suivre le processus de maturation rénale, qui
s’achève environ un an après la naissance, période qui coïncide avec la réapparition à des
niveaux détectables du MR. Les facteurs intervenants dans la maturation et le développement
rénal pourraient donc également être responsables de ces variations d’expression du MR.
Les mécanismes régulant l’expression rénale du MR jouent donc un rôle fonctionnel prépondérant dans la maturation rénale et par conséquent dans le contrôle de l’homéostasie
hydrosodée chez le nouveau-né. Ils sont aussi probablement opérationnels chez l’adulte,
intervenants possiblement dans certaines pathologies rénales mais aussi au niveau d’autres
organes (cœur, cerveau...). Des études récentes ont confirmé l’implication majeure du MR en
physiopathologie rénale. Ainsi, il existe une corrélation étroite entre le niveau d’expression
rénale du MR et la protéinurie chez l’homme [13]. De plus, l’inhibition du MR par interférence RNA chez l’animal, améliore la fonction rénale, diminue la protéinurie et l’hypertension [14]. L’action de l’aldostérone/MR intervient aussi dans la protection neuronale [15].
Enfin, l’utilisation d’antagonistes du MR comme la spironolactone [16] ou l’éplerénone [17]
a prouvé son efficacité dans la préservation de la fonction cardiaque. Toutes ces données soulignent l’importance de mieux comprendre les mécanismes régulateurs de l’expression du MR
et ouvrent d’intéressantes perspectives physiopathologiques et thérapeutiques.
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REMERCIEMENTS
Service de fœtopathologie de l’hôpital Robert Debré, Pr Delezoïde
Services d’anatomopathologie de l’hôpital Antoine Béclère, Pr Prevot ; du CHIC, Dr Sinico
et de l’hôpital Necker Enfants Malades, Pr Jaubert.
Équipes médicales et paramédicales des services d’obstétrique et de pédiatrie et réanimation
néonatale de l’hôpital Antoine Béclère.
L. Martinerie1, M. Lombès1, P. Boileau2
1- Unité INSERM 693, Faculté de Médecine Paris-Sud, 94276 Le Kremlin Bicêtre.
2- Université Paris-Sud11, Service de Pédiatrie et Réanimation Néonatales, Hôpital
Antoine Béclère, 92140 Clamart.
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Eplerenone, a selective aldosterone blocker, in patients with left ventricular dysfunction after myocardial
infarction. N Engl J Med 348:1309-1321
FIGURE 1 : Comparaison entre les concentrations plasmatiques au sang de cordon de 48 nouveau-nés à terme
et chez les mères, d’aldostérone (A), de rénine (B) et de potassium (C).
*<P<0,05, **P<0,01, ***P<0,001.
FIGURE 2 : Evolution des ARN messagers du MR au cours du développement rénal chez la souris.
E : jour de gestation. J0 : jour de la naissance. J : jour post natal. J0 représente notre référence pour les analyses statistiques:
*<P<0,05, **P<0,01, ***P<0,001. Les résultats, obtenus par PCR quantitative en temps réel, sont exprimés en quantités relatives
normalisées par l’ARN du 18S (attomoles/fentomoles de 18S).
FIGURE 3 : Immunodétection des protéines MR et AQP2 dans des reins de fœtus humains. Cf p 196
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PRISE EN CHARGE AMBULATOIRE
DES INFECTIONS URINAIRES DE L’ENFANT
par
L. LACROIX, A. GERVAIX
INTRODUCTION
Le tractus urinaire est une source fréquente d’infections chez les nourrissons, les jeunes
enfants et les enfants. En effet, la prévalence des infections urinaires chez les enfants âgés de
2 mois à 2 ans, consultant aux urgences pour un état fébrile sans foyer, est d’environ 5 %. A
l’âge de 6 ans, 7 % des filles et 2 % des garçons auront souffert d’une infection des voies urinaires [1]. Si ces infections s’étendent au parenchyme rénal, elles peuvent entraîner une
diminution de la fonction de cet organe ainsi qu’une hypertension artérielle.
Le diagnostic précis et l’initiation rapide d’un traitement antibiotique adéquat visent
donc à éviter les complications à long terme, tout en réduisant la morbidité liée à l’infection
aiguë. Au cours de ces dernières années, la prise en charge thérapeutique a beaucoup évolué.
Il y a 10 ans encore, les enfants souffrant d’une infection urinaire fébrile suspecte de pyélonéphrite aiguë, étaient hospitalisés, traités durant deux semaines par antibiothérapie intraveineuse et plusieurs examens invasifs étaient systématiquement ordonnés à la recherche de
malformations sous-jacentes [2]. Actuellement, la majorité de ces patients est traitée ambulatoirement par antibiothérapie orale et, grâce à une recherche soutenue dans ce domaine, la
prise en charge des jeunes enfants avec une infection urinaire fébrile s’est passablement simplifiée et peut être dirigée depuis un centre d’urgence ou un cabinet pédiatrique. Malgré la
simplification des procédures, il convient cependant de ne pas banaliser ces infections
potentiellement graves afin de les traiter et de les investiguer correctement.
DIAGNOSTIC
La clinique revêt une importance considérable puisqu’elle permet de dépister rapidement les enfants suspects d’une infection urinaire. Par la suite, la pose d’un diagnostic précis
est cruciale afin d’adapter le traitement et l’évaluation des enfants qui sont à risque d’une
atteinte rénale mais également pour prévenir des traitements et des investigations qui ne
sont pas nécessaires, coûteuses, potentiellement dangereuses et sans apport bénéfique pour
le patient. Dans ce but, il convient de distinguer les infections urinaires basses (cystites) des
infections urinaires hautes (pyélonéphrites) puisque seules ces dernières sont à l’origine de
cicatrices rénales responsables de séquelles à long terme.
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L. LACROIX, A. GERVAIX
PRISE EN CHARGE AMBULATOIRE DES INFECTIONS URINAIRES DE L’ENFANT
Signes cliniques et biologiques
sensible, ou des nitrites, très spécifiques d’une infection urinaire, est positif, la probabilité
d’une infection urinaire est renforcée. Dans le cas ou ces deux marqueurs sont négatifs, il
faut rechercher une autre cause à la fièvre.
Les résultats de la bandelette urinaire ou l’analyse microscopique des urines ne doivent
pas cependant remplacer la culture d’urine dont la positivité seule permet de poser avec certitude le diagnostic d’infection urinaire.
Sur une urine prélevée en milieu de miction, la limite classique de positivité est de
105 germes/ml. Chez les nourrissons et les jeunes enfants, dont la vidange vésicale est plus
fréquente, on peut toutefois observer une infection urinaire en présence de seulement
104 germes/ml. Sur une urine prélevée par cathétérisme urétral, la limite de positivité est de
104 germes/ml. Lors d’un prélèvement par ponction vésicale, la présence d’un germe
indique une infection quelle que soit la quantité. Normalement, la présence de deux différents germes témoigne d’une contamination. Chez l’enfant de moins d’une année, il est
néanmoins possible de mettre en évidence une infection urinaire à deux germes. Dans ce cas,
l’association d’Escherichia coli et d’Enterococcus faecalis est fréquemment rencontrée.
Les infections urinaires se manifestent généralement par une pollakiurie, des brûlures
mictionnelles et une algurie. Alors qu’une cystite ne cause habituellement pas de signes généraux tels qu’état fébrile et vomissements, une pyélonéphrite se manifeste par des loges
rénales douloureuses et un état fébrile, surtout chez l’enfant de plus de 2 ans. Chez le nourrisson et le jeune enfant les signes cliniques sont plus frustres et un simple état fébrile sans
foyer, une irritabilité, des douleurs abdominales, des vomissements ou une mauvaise prise
alimentaire doivent faire suspecter ce diagnostic en absence d’une autre étiologie. En conséquence, la recherche systématique d’une infection urinaire est donc fortement recommandée chez tout enfant de moins de 2 ans consultant pour état fébrile sans foyer. Cet indice de
suspicion élevé favorise la diminution du délai de traitement, et de ce fait le risque de cicatrice rénale à long terme [3].
La distinction clinique entre infection urinaire basse et haute n’est ainsi pas toujours
aisée chez l’enfant en bas âge mais plusieurs études ont montré que lors d’une infection urinaire fébrile environ 60 % des jeunes enfants ont en réalité une pyélonéphrite et 40 % une
cystite [4,5]. Dans cette distinction du niveau d’infection, le praticien peut être aidé par des
marqueurs sériques d’inflammation disponibles en cabinet. Des études ont notamment
montré que le risque d’atteinte rénale était significativement corrélé avec le taux de procalcitonine sérique et si ce dernier était supérieur à 0.5 ng/ml, le risque d’avoir une pyélonéphrite était de l’ordre de 90 % [6,7].
Lors de suspicion d’une infection urinaire basée sur des signes cliniques, l’étape suivante
est la collection d’un spécimen d’urine.
Prélèvement d’urine et culture
Le diagnostic certain de cette infection requiert un prélèvement d’urine, une analyse
directe et in fine une culture de cet échantillon d’urine. Il existe différentes méthodes de collecte des urines. Si l’académie américaine de pédiatrie recommande encore un prélèvement
par une technique stérile comme la ponction vésicale (PV) sus-pubienne ou le cathétérisme
transuréthral (CU) chez l’enfant âgés de moins de 2 ans [2], les dernières recommandations
anglaises favorisent en première intention des méthodes non-invasives comme la prise d’urine
au jet, sur des cotons stériles ou au sachet ce qui facilitent grandement la prise en charge au
cabinet [8]. Cependant, l’examen direct et la mise en culture d’un tel échantillon comporte
un taux non négligeable de faux-positifs (faible spécificité), surtout chez l’enfant de moins
d’une année. Si toutefois elle est utilisée, il est recommandé de ne pas laisser le sachet en place
longtemps et de mettre l’urine en culture immédiatement après la miction. Une culture
d’urine prélevée au sachet négative écarte néanmoins le diagnostic d’infection urinaire, pour
autant que l’enfant ne soit pas sous antibiothérapie au préalable ou que l’agent antiseptique
appliqué sur la peau et les muqueuses pour la désinfection n’ait pas stérilisé l’échantillon.
Il convient néanmoins de souligner que dans des situations particulières avec des symptômes frustres où la probabilité clinique d’infection urinaire reste faible un prélèvement par
PV ou CU doit être favorisé afin de diminuer au maximum le risque d’un résultat faussement positif à l’examen direct et à la culture.
L’examen direct des urines oriente sur la probabilité d’une infection urinaire. L’examen
microscopique à la recherche directe de bactéries qui ne pouvait être réalisé que dans des
laboratoires possédant une expertise certaine a été progressivement remplacé par l’utilisation
rapide, possible en cabinet, de bandelettes permettant la détection d’une leucocyturie et
indirectement des bactéries par la présence de nitrites. Si le test de la leukocyte estérase, très
Examens radiologiques
Lors d’un premier épisode d’infection urinaire fébrile, une échographie des voies urinaires
(US) est souvent réalisée afin de dépister les malformations obstructives du tractus urinaire.
Les signes radiologiques à rechercher sont : l’hydronéphrose, la dilatation des uretères distaux,
l’hypertrophie de la paroi vésicale, et la présence d’urétérocèles. Dans certains cas, des signes
échographiques de pyélonéphrite peuvent être mis en évidence. Cet examen ne permet cependant pas de diagnostiquer une pyélonéphrite aiguë ni un reflux vésico-urétéral. Son utilité en
période aiguë est donc discutée dans la littérature. En effet, l’échographie rénale ne détecte
que peu d’anomalies majeures modifiant la prise en charge initiale [8]. Certains auteurs suggèrent donc de la réserver aux enfants n’ayant pas bénéficié d’un dépistage échographique prénatal, à ceux dont la réponse au traitement antibiotique est insuffisante après 48 heures, et à
ceux présentant des épisodes récurrents ou compliqués d’infections urinaires [9,10].
La scintigraphie rénale au DMSA est l’examen de choix permettant la mise en évidence
des lésions du parenchyme rénal. Elle ne permet pas néanmoins de distinguer les lésions
récentes d’anciennes cicatrices rénales chez un enfant qui a déjà souffert d’épisodes de pyélonéphrite. La plupart des centres ne recommandent donc plus cet examen en phase aiguë
d’infection mais le réservent dans des cas particuliers d’infections récidivantes ou atypiques
à distance de l’épisode (4-6 mois).
La cysto-urétérographie mictionnelle (CUM) permet de dépister un reflux vésico-urétéral ou une éventuelle pathologie obstructive, comme la présence de valves urétrales chez le
petit garçon. Un reflux vésico-urétéral est présent chez environ 40 % des enfants de moins
d’un an ayant présenté un épisode d’infection urinaire [8]. Le développement de cicatrices
rénales est lié à la sévérité du reflux (gradé de 1 à 5). Cet examen était auparavant réalisé chez
tous les enfants après un premier épisode d’infection urinaire fébrile ou non, exception faite
des fillettes de plus de 3 ans présentant des signes clairs de cystite. Alors qu’il s’agit d’une procédure invasive non dénuée de risques (irradiation, infection urinaire iatrogène), le résultat
de cette procédure est normal dans 60 à 80 % des cas. Actuellement, chez l’enfant de moins
de 3 ans, une cysto-urétérographie mictionnelle (CUM) est toujours réalisée 2 à 8 semaines
après la phase aiguë, afin de détecter un éventuel reflux vésico-urétéral. Pour l’enfant plus âgé
la CUM est considérée seulement en cas d’anomalie anatomique visible à l’échographie
(dilatation pyélo-calicielle, asymétrie de taille des 2 reins, uretère visible etc.) ou s’il s’agit de
cystites à répétition ou de récidive de pyélonéphrite aiguë [9].
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L. LACROIX, A. GERVAIX
PRISE EN CHARGE AMBULATOIRE DES INFECTIONS URINAIRES DE L’ENFANT
De façon intéressante, la procalcitonine (PCT) est également un marqueur de la sévérité
des lésions rénales chez les enfants souffrant de pyélonéphrite aiguë [6] et récemment
démontré comme un facteur prédictif de reflux vésico-urétéral sévère [10]. Une PCT basse
permettrait donc de sélectionner les enfants à faible risque de reflux vésico-urétéral, et d’éviter ainsi une CUM inutile, tout en réduisant le coût de la prise en charge [10].
grand, le co-trimoxazole (triméthoprime et sulfaméthoxazole), le triméthoprime seul, ou la
nitrofurantoïne sont administrés. Si la CUM ne révèle pas de reflux vésico-urétéral majeur
ce traitement sera arrêté.
CONCLUSION
TRAITEMENT
Un traitement antibiotique précocement initié est recommandé pour tout épisode aigu
d’infection urinaire fébrile. Cependant, les modalités de traitement ont beaucoup varié au
cours de ces 10 dernières années.
En effet, alors que les livres de références et les articles de revue pédiatriques préconisaient l’initiation d’un traitement intraveineux pour tous les cas d’infection urinaire fébrile
chez l’enfant [2], l’étude publiée en 1999 par Hoberman et al. [4] a démontré l’effet comparable d’un traitement antibiotique oral seul par cefixime de 14 jours par rapport à une
antibiothérapie intraveineuse par cefotaxime durant les 3 premiers jours, suivie par un traitement oral de cefixime pour les 11 derniers jours de traitement. La morbidité à court terme
(défervescence et stérilisation de l’urine à 24 heures) et la morbidité à long terme (en termes
d’incidence de réinfection et de cicatrices rénales) étaient identiques dans les 2 groupes.
Plusieurs études ont par la suite confirmé ces faits [5,11].
Chez l’enfant de moins de 6 mois, qu’il s’agisse d’une infection urinaire fébrile ou afébrile, le traitement sera toujours débuté par voie intraveineuse, pour un minimum de 3 jours.
Chez l’enfant de moins de 2 mois, un traitement d’amoxicilline associé à un aminoside sera
initialement instauré, puis adapté en fonction de l’antibiogramme. Chez l’enfant de plus de
2 mois, l’antibiotique initial de choix est la ceftriaxone.
Chez l’enfant de plus de 6 mois, un traitement oral d’une durée de 10 à 14 jours est d’emblée possible en absence d’altération de l’état général, d’intolérance orale ou de mauvaise
adhérence au traitement. En cas de pyélonéphrite, l’antibiotique choisi sera alors une céphalosporine orale de 3ème génération ou l’amoxicilline/acide clavulanique, choix basé sur le taux
et le profil de résistance locaux de E. coli aux différentes classes d’antibiotiques. En cas de
simple cystite, le choix se fera entre le co-trimoxazole, l’amoxicilline/acide clavulanique, une
céphalosporine orale de 2ème ou de 3ème génération, pour une durée de 3 à 5 jours [9].
Prophylaxie antibiotique
L’association entre le nombre récurrent d’épisodes de pyélonéphrites et le développement de cicatrices rénales suit une courbe exponentielle [12]. Par ailleurs, même si une pyélonéphrite peut survenir chez un enfant sans reflux vésico-urétéral, la présence de ce dernier représente un facteur prédisposant pour la taille des lésions rénales [13]. Dès lors une
prophylaxie antibiotique est-elle toujours recommandée pour prévenir la survenue d’autres
épisodes d’infection urinaire ? Cette attitude est actuellement remise en question, en l’absence d’évidence claire dans la littérature attestant l’efficacité de l’antibioprophylaxie. A
l’inverse, trois études ont récemment démontré qu’un traitement antibactérien prophylactique ne réduisait pas l’incidence d’infections urinaires subséquentes chez les enfants présentant des reflux de bas degré (<III) [14,15,16]. Une prophylaxie antibiotique reste
encore parfois prescrite pour tout enfant de moins de 3 ans ayant subi un premier épisode
de pyélonéphrite, dans l’attente de la CUM. Chez le nouveau-né (28 jours de vie ou
moins), le triméthoprime ou l’amoxicilline sont communément utilisés. Chez l’enfant plus
La prise en charge des infections urinaires chez l’enfant a beaucoup évolué au cours de
ces 10 dernières années, passant d’une hospitalisation avec traitement intraveineux à l’administration d’une antibiothérapie orale, tout en conservant une excellente sécurité pour le
patient. L’échographie en urgence et la CUM à distance de l’épisode aigu sont encore réalisées quoique discutées dans la littérature et souvent réservées aux enfants de moins de 6 mois
et ceux qui présentent des infections récidivantes. Finalement, la prophylaxie antibiotique
ne semble pas en mesure de prévenir la survenue de nouvelles infections. Ces nouvelles
recommandations facilitent une prise en charge ambulatoire des infections urinaires fébriles
de l’enfant.
Alors que dans la décade précédente la recherche s’est focalisée sur la mise en évidence
du reflux vésico-urétéral comme facteur de risque de la pyélonéphrite et sur la simplification
des traitements, les études actuelles doivent encore se centrer sur les moyens de distinguer
précisément et rapidement entre une infection urinaire haute et basse afin d’éviter à ceux qui
ne présentent qu’une cystite des investigations lourdes et un traitement antibiotique long.
L. Lacroix, A. Gervaix
Adresse de correspondance : Dr Lacroix Laurence, Service d’Accueil et d’Urgences Pédiatriques,
Hôpital des Enfants, Hôpitaux Universitaires de Genève, Rue Willy Donzé 6, CH- 1211
Genève 14, Suisse. Adresse e-mail : laurence.lacroix @hcuge.ch
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FORMATION PRÉALABLE ET QUALITÉ
DES PRISES EN CHARGE
par
G. CHÉRON, B. COJOCARU, G. PATTEAU, S. FAESCH
La formation des professionnels de santé nécessite l’acquisition d’un savoir, l’apprentissage et la maîtrise d’un savoir-faire puis de l’application de ces deux aspects en situation
réelle, lors de la prise en charge d’un enfant. L’enseignement est essentiellement tourné vers
le premier aspect. La maîtrise du savoir-faire est l’objet de moins d’attention au cours de la
formation initiale. L’enquête faite auprès de 139 responsables d’enseignement de pédiatrie
révélait que plus du quart des étudiants ne savait pas réaliser en fin de cursus la moitié des
gestes définis comme essentiels [1]. La prise en charge d’un nourrisson de 3 mois et d’une
intoxication alcoolique d’un adolescent de 16 ans, tous deux en détresse respiratoire, s’avérait inadéquate : les tentatives d’intubation étaient infructueuses dans 44 % des cas, une
sonde nasogastrique était placée seulement dans 44 % des cas, la protection des voies
aériennes pendant l’intubation était réalisée moins de deux fois sur trois et la position de la
sonde était vérifiée par la mesure de la capnographie à peine une fois sur trois [2].
L’apprentissage des manœuvres de réanimation est difficile en raison de la rareté des situations d’urgence vitale rencontrées et prises en charge au cours de la formation des pédiatres.
Le quotidien montre que confrontées à un arrêt cardiaque, les équipes médicales et soignantes sont peu performantes. Les équipes qui travaillent aux urgences étaient celles qui
avaient le moins souvent conduit la réanimation d’un arrêt cardiaque [3].
L’évaluation d’un enseignement doit être envisagée sous quatre aspects. Le niveau de satisfaction des étudiants, leur apprentissage (savoir et savoir faire), les modifications de leur
comportement et l’intégration au quotidien de leur nouveau savoir, les résultats enfin de ces
modifications de leurs pratiques. Nous ne reviendrons pas sur la satisfaction des étudiants.
L’APPRENTISSAGE
Les programmes d’enseignement basés sur l’apprentissage à partir de cas simulés utilisant
des mannequins se sont développés. Ils portent sur les urgences vitales qu’il s’agisse de la réanimation néonatale, des polytraumatismes, des insuffisances respiratoires ou circulatoires ou
de l’arrêt cardiaque. Ils offrent l’occasion de se confronter à des situations inhabituelles,
complexes, de travailler en équipe, avant de les rencontrer dans son exercice [4].
Hunt et al. ont montré l’amélioration des performances des équipes, six mois après une
formation spécifique à la prise en charge des polytraumatisés dans une étude regroupant 18
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FORMATION PRÉALABLE ET QUALITÉ DES PRISES EN CHARGE
sites d’accueil des urgences [5]. Les programmes de formation à la réanimation néonatale
donnent des résultats similaires. L’apprentissage est excellent et les réponses immédiatement
après l’enseignement sont plus souvent correctes (37,6 ± 3,1 % vs 94,1 ± 2,2 % ; p < 0,001).
Toutefois, la rétention d’informations décline avec le temps et les réponses ne sont correctes
six mois plus tard que pour 62,7 ± 2,2 % des items (p < 0,001) tout en restant plus fréquentes qu’avant la formation. Plus intéressant, le contrôle au sixième mois met en évidence
que la perte de savoir-faire est plus marquée pour les compressions thoraciques et les médicaments que pour la ventilation, invitant à réfléchir sur la pédagogie de l’enseignement des
différentes étapes de la réanimation néonatale [6]. Ces évaluations reposent sur des grilles
d’items validés, choisis pour leur importance au cours des étapes de la réanimation [7,8].
avait une erreur de diagnostic et donc de prise en charge [10]. L’introduction d’une équipe
spécialisée au John Hopkins Hospital a réduit de 73 % les arrêts respiratoires nécessitant une
intubation sans diminuer le nombre total d’arrêts cardiaques toutes causes confondues [11].
Une démarche similaire au Duke Children’s Hospital a permis une réduction significative
des arrêts cardiaques dans les services d’hospitalisation (-65 %), des décès (-56 %), de la durée
de séjour en réanimation après un arrêt cardiaque (-80 %) [12]. Dans tous les cas, les résultats tiennent à la précocité de la reconnaissance d’une détresse et ces programmes nécessitent
parallèlement une formation de l’ensemble des personnels. La qualité des soins aux urgences
s’est avérée similaire au sein d’un centre pédiatrique universitaire que l’enfant soit pris en
charge par un pédiatre ou un généraliste. Par contre la qualité de soins délivrés par des généralistes était significativement moindre dans trois centres non universitaires, notamment
pour les enfants les plus jeunes. Les auteurs avançaient comme explication aux bonnes prestations des médecins généralistes exerçant dans l’hôpital universitaire le fait qu’ils avaient
reçu la même formation que les pédiatres, partageaient et appliquaient les mêmes protocoles,
dans un environnement pédiatrique [13]. Au début des années 90, au Royaume-Uni, la survie à court terme après arrêt cardiaque était de 17 % chez l’adulte et de 21 % lorsqu’un
rythme défibrillable était en cause. Dix ans plus tard, 50 000 professionnels de santé avaient
été formés à la réanimation et la survie après un trouble du rythme ventriculaire était de
43 %. Certes il y a de nombreux facteurs intriqués dans l’amélioration de ce taux de survie
mais tout le monde s’accordait à penser que les formations mises en place avaient joué leur
rôle [14]. Plus récemment l’organisation d’une équipe de réanimation mobile au Royal
Children’s hospital de Melbourne s’est accompagnée d’une diminution de la fréquence des
arrêts cardiaques et des décès. Il est difficile d’attribuer ces résultats à la seule équipe mobile
dans la mesure où sa mise en place a été accompagnée d’une formation des personnels médicaux et non médicaux à la reconnaissance des signes de détresse [15]. L’introduction d’un
programme de formation des paramédicaux dans 15 villes d’Ontario s’est accompagnée
d’une diminution significative des décès, d’une amélioration du pourcentage de survivants
sans trouble neurologique parmi 4218 patients âgés de plus de 16 ans vs 3920 patients, tous
pris en charge en dehors de l’hôpital [16].
Pour les polytraumatisés, la mise en place d’une formation spécifique (Advanced
Trauma Life Support) est tout aussi difficile à évaluer. Aux Pays-Bas, la mortalité au cours
de la première heure de prise en charge était significativement réduite [17] alors qu’une
méta-analyse ne prenant pas en compte cette étude néerlandaise, ne trouvait pas de travaux
publiés méthodologiquement recevables pour conclure [19].
Pour les sepsis sévères, la prise en charge protocolisée dès les urgences, avant l’admission
en réanimation, comparée à la prise en charge classique, améliorait la survie (mortalité
30,5 % vs 46,5 % ; p = 0,009) et au cours des trois premiers jours, le score de gravité
(APACHE II) était moindre (p < 0,001), la saturation veineuse en oxygène et le pH plus élevés, les lactates moins élevés (p < 0,02) [19, 20]. Chez 91 enfants en choc septique étudiés
rétrospectivement, la mortalité était de 4 % lorsque les troubles hémodynamiques étaient
corrigés (en moyenne à la 75ème min). Toute heure supplémentaire passée en choc hémodynamique doublait la mortalité. Lorsque les enfants étaient pris en charge selon les recommandations de l’American College of Critical Care Medicine et de l’Advanced Pediatric
Life Support, la mortalité était moindre (8 % vs 38 %) [21].
L’apprentissage tient aussi à l’expérience. Celle-ci résulte du hasard des situations rencontrées. Il s’agit d’un apprentissage passif. Les problèmes peu fréquents ont alors peu de
chance d’être maîtrisés, d’autant que le niveau de compétence des membres d’une équipe est
hétérogène du fait des modifications dans le temps de sa composition. L’enseignement sur
des cas simulés et des mannequins reproduit des situations cliniques réalistes permettant à
LES MODIFICATIONS DES PRATIQUES
Paradoxalement il y a très peu de travaux s’intéressant aux modifications des pratiques
au décours de ce type d’apprentissage. Nous avons conduit une enquête multicentrique à
partir des observations de diarrhées aiguës virales prises en charge dans des sites d’accueil
d’urgences pédiatriques de l’AP-HP au cours de l’hiver 2007-2008. Nous nous sommes intéressés à l’évaluation de l’état d’hydratation des enfants et à la reconnaissance des signes de
détresse notamment hémodynamique. Au cours de ce semestre d’hiver les DES de pédiatrie
de la région Ile de France en seconde et troisième année d’internat avaient suivi et validé le
module de réanimation pédiatrique de l’European Resuscitation Council tandis que les DES
de première et quatrième année n’en avaient pas encore bénéficié. Les deux groupes ont été
comparés pour les renseignements cliniques portés dans les observations et le caractère
adapté de leurs prescriptions au regard de l’état hémodynamique des enfants. Cinq observations par médecin ont été analysées, trois enfants réhydratés PO et deux par voie IV.
Quarante huit DES ont été évalués dont 26 avaient suivi le module de formation à la réanimation. La grille d’évaluation comportait 14 items cliniques, un item d’adéquation entre
état clinique et prescription et un item d’objectif thérapeutique. L’analyse a été faite par
deux lecteurs ignorants du statut de formation des DES. Le groupe formé à la réanimation
avait des observations significativement plus complètes, et prescrivait la réhydratation plus
souvent avec un objectif thérapeutique énoncé.
Pour les diarrhées aiguës, un programme d’enseignement sur l’hypovolémie et sa correction a conduit à des prises en charge plus rapides et au respect des recommandations internationales quant au choix du soluté de perfusion [9].
LES RÉSULTATS DES MODIFICATIONS DES PRATIQUES
L’évaluation de ces formations en terme de qualité des soins délivrés est difficile. Ce travail d’analyse des performances des équipes formées est nécessaire pour identifier les points
à améliorer.
Au cours de 34 cas simulés de détresse vitale pris en charge par une équipe spécialisée, le
contrôle des voies aériennes demandait 1,3 min, l’administration d’oxygène 2 min, l’arrivée
auprès de l’enfant du premier médecin 3 min, l’évaluation de l’état circulatoire 4 min et la
présence de toute l’équipe 6 min. Les compressions thoraciques débutaient 1,5 min après la
découverte de l’enfant. Il s’écoulait 3 min avant que la voie intra osseuse soit posée, 4,3 min
avant le premier choc électrique (lorsque ces gestes étaient nécessaires). Les écarts de pratique par rapport aux recommandations étaient fréquents et dans 41 % de ces scénarios, il y
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FORMATION PRÉALABLE ET QUALITÉ DES PRISES EN CHARGE
une équipe de partager un même savoir et de gagner en confiance. Le niveau de complexité
des cas cliniques peut être aisément modulé en fonction de l’expérience des participants et
ce type d’enseignement peut être délivré à des étudiants à tout instant de leur parcours professionnel [22]. Le maintien des compétences acquises demande des sessions régulières.
L’amélioration de la qualité des prises en charge n’est pas aisément mesurable et il ne peut
éthiquement s’agir que d’études « avant – après » méthodologiquement fragiles. Ce type
d’enseignement doit être développé pour améliorer le travail en équipe et évaluer au-delà des
savoirs, le savoir-faire [23].
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L’INFECTION PAR LE VIH DE L’ENFANT,
25 ANS PLUS TARD
par
S. BLANCHE
Les premières descriptions d’enfants infectés par le Virus de l’Immuno-deficience
Humaine (VIH) datent d’il y a un peu plus de 25 ans. Après la phase d’observation impuissante de la progression dramatique de l’épidémie, les antiretroviraux ont permis brutalement
une double révolution inespérée : celle d’abord du contrôle de la transmission de la mère à
l’enfant à partir de 1994 puis celle du contrôle de l’infection chez les enfants déjà atteints à
partir de 1996. Le défi majeur est d’organiser le transfert de connaissance et de moyens vers
les pays de forte endémie où vit l’immense majorité des femmes et des enfants concernés.
D’immenses progrès ont été fait récemment puisqu’on estime que près de deux millions de
personnes sont désormais traitées par antiretroviraux dans les pays à faibles ressources mais
le chemin sera encore très long avant une couverture à la fois quantitative et qualitative optimale de l‘infection à l’échelle planétaire.
TRANSMISSION MÈRE-ENFANT
La transmission du VIH de la mère à l’enfant est le mode d’infection quasi exclusif de
l’enfant. Le risque de contamination horizontale, mal évalué, n’a pas totalement disparu
dans les pays du Sud : il peut s’agir de transfusions sanguines insuffisamment sécurisées ou
d’utilisation de matériel à usage médical ou traditionnel mal stérilisé. Le viol présente aussi
un risque réel pour l’enfant. L’épidémiologie pédiatrique est donc parallèle à celle de l’adulte,
mais l’efficacité de la prévention de la transmission mère-enfant – quasi-totale au Nord
depuis quelques années, encore très imparfaite au Sud – accentue le dramatique fossé NordSud. L’OMS estimait fin 2007 qu’environ deux millions d’enfants étaient infectés par le
VIH avec 420 000 nouvelles infections dans l’année et 290 000 décès. La proportion de
femmes enceintes séropositives pour le VIH est de l’ordre de 3 à 8 % en Afrique de l’ouest
et centrale, contre 15 à 30 % en Afrique australe.
En l’absence de toute prophylaxie, environ 15 à 20 % des mères transmettent le VIH-1 à
l’enfant en pré ou péri-partum auquel il faut rajouter un risque additionnel de 10 à 15 % par
l’allaitement. La physiopathologie de la transmission n’est pas univoque. Une contamination in utero est possible mais minoritaire. Elle est favorisée par l’existence d’une chorioamniotite mais aussi par une réplication virale maternelle très élevée telle qu’on peut l’observer
en situation de primo-infection ou à un stade avancé de la maladie. Pour la majorité des
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enfants toutefois la contamination intervient en per-partum, probablement à l’occasion de
micro-transfusion materno-fœtale fréquente durant le travail. Là encore, le niveau de réplication virale maternelle est le facteur de risque essentiel de contamination de l’enfant bien
qu’il n’y ait pas de seuil en-dessous duquel la transmission n’interviendrait pas. Les conditions d’accouchement, essentiellement la durée d’ouverture de l’œuf, peuvent favoriser le
risque de transmission. Le rôle potentiellement infectant du passage de la filière génitale est
probablement modeste : la pratique d’une césarienne ne diminue le risque de transmission
que si elle est pratiquée avant le début du travail. Enfin, la prématurité est fortement associée à l’infection de l’enfant sans qu’il soit possible d’affirmer que c’est la prématurité et ses
cofacteurs qui induisent l’infection ou l’inverse. Depuis une dizaine d’années, la prophylaxie
de la transmission par antirétroviraux s’est révélée remarquablement efficace puisque le
risque de transmission dans des conditions optimales de prise en charge d’une mère et de son
enfant est désormais quasi-nul. Les risques liés aux conditions obstétricales disparaissent
d’ailleurs sous traitement antirétroviral optimal. La première étape de cette prophylaxie est
le dépistage de l’infection par le VIH suffisamment tôt durant la grossesse. Celui-ci est désormais bien mis en place dans les pays du Nord, mais reste un obstacle majeur dans les pays
du Sud, tant dans l’organisation matérielle (proposition puis réalisation du test, récupération du résultat, délivrance du résultat, connexion avec la décision thérapeutique) que dans
l’acceptabilité de la femme. Le risque de stigmatisation et ses conséquences personnelles,
familiales, sociales sont encore très forts dans de nombreuses régions du monde. Le principe
général de la prévention de la transmission durant la grossesse repose désormais sur l’administration d’une association triple d’antirétroviraux débutée en général au début du troisième trimestre de grossesse et maintenue jusqu’à l’accouchement de façon à obtenir durant
cette période critique pour la transmission à l’enfant une réplication virale maternelle indétectable. Si la mère est déjà traitée ou doit être traitée dès le début de la grossesse, le traitement maternel est maintenu ou initié sans délai en tenant compte des rares contre-indications médicamenteuses identifiées à ce jour. Des programmes alternatifs ont été développés
pour être proposés, faute de mieux lorsque ce traitement de référence n’est pas disponible ou
impossible à mettre en place dans des pays ou régions où l’accès aux soins est limité. Ces programmes « simplifiés » dans leur durée et l’intensité de l’inhibition de la réplication virale
maternelle s’avèrent tout de même remarquablement efficaces. Ainsi les recommandations
de l’OMS éditées en 2006 basées sur une monothérapie de zidovudine associée en per-partum à une dose unique de névirapine permettent d’obtenir un taux de transmission (hors
allaitement) de l’ordre de 3 à 4 % contre plus de 20 % (hors allaitement) en l’absence de traitement. Une dose unique de névirapine seule est même capable de diminuer de moitié ce
risque et reste encore largement utilisée. Cette solution la plus simple ne devrait toutefois
être réservée que lorsqu’il s’avère réellement impossible de faire plus. Outre leur efficacité
médiocre, les régimes courts basés sur l’utilisation de la névirapine monodose induisent un
risque de sélection de mutants important sur le virus maternel. Une co-médication antirétrovirale par bithérapie (zidovudine-lamivudine ou plus récemment ténofovir-emtricitabine) poursuivie quelques jours après le travail réduit ce risque d’acquisition de résistance et
a été incluse dans les recommandations de l’OMS. Le risque de transmission à l’enfant est le
même pour les différents sous-types du virus HIV-1 (groupe A, B, C ou souche recombinante CRF) mais un doute existe sur un sur-risque lié au virus du groupe D. Le profil d’acquisition des mutations de résistances à la névirapine est légèrement différent selon les soustypes. La transmission du HIV-2, éloignée phylogénétiquement du HIV-1 et dont le potentiel réplicatif chez l’homme est bien moindre que celui du HIV-1 se transmet beaucoup plus
rarement à l’enfant. Même en l’absence de traitement, le taux de transmission est de l’ordre
de 1 à 2 % et concerne essentiellement des femmes en primo infection durant la grossesse ou
à un stade avancé de la maladie. Il n’y a pas de consensus sur la prophylaxie optimale. Une
approche agressive se justifie certainement dans les deux situations pré-citées comme associées à un risque de transmission. Dans le cas contraire, une monothérapie de zidovudine
semble être suffisante. Il faut rappeler l’inefficacité des molécules de type inhibiteur non
nucléosidique sur le HIV-2.
L’actualisation régulière des ces recommandations, basée sur une recherche clinique dynamique
incite à les consulter régulièrement, les principales étant librement accessibles sur internet [2].
SUIVI INITIAL DU NOUVEAU-NÉ
Même si la plupart des enfants ne sont pas infectés par le VIH, une prise en charge soigneuse est nécessaire pour optimiser la prophylaxie et diminuer encore le risque d’infection.
En outre, l’enfant et sa mère sont souvent dans une situation de vulnérabilité sociale, psychologique et administrative pouvant requérir une aide spécifique. Tous les soins de puériculture
usuels peuvent être réalisés normalement. L’intérêt d’un bain antiseptique par une solution
virucide n’est pas établi. Le cas échéant, il doit être réalisé très délicatement compte-tenu du
rôle potentiellement délétère que représenteraient des effractions cutanées ou muqueuses en
présence du virus sur la peau et les muqueuses (y compris gastriques). La poursuite du traitement prophylactique doit être si possible anticipée dès la fin de la grossesse car son choix
dépend en partie de ce que la mère a reçu. Dans le cas d’un traitement maternel jugé optimal,
le traitement est poursuivi sous forme de zidovudine seule. Les recommandations des pays du
Nord le maintiennent durant quatre à six semaines mais il est proposé durant une semaine
dans les pays où le traitement complet ne peut être administré. Le renforcement de ce traitement s’impose à chaque fois que le traitement maternel est jugé insuffisant : traitement court
ou mal pris avec charge virale (lorsque celle-ci est disponible) détectable avant l’accouchement. Cette intensification n’est pas codifiée. Elle se fait souvent sous forme d’une trithérapie dans les centres du Nord ou de façon, là encore, simplifiée sous forme de zidovudine
durant quatre semaines associée à une dose unique de névirapine lorsqu’il n’est pas possible
de faire autrement. Comme pour la mère, l’usage de la névirapine en dose unique est associé
à un risque élevé d’acquisition de mutations de résistances à cette molécule si la prophylaxie a
échoué. Le choix ultérieur du traitement doit en tenir compte dans la mesure du possible [2].
De façon générale, la tolérance des antirétroviraux pour le fœtus et le nouveau-né est plutôt
bonne. Aucune tératogenèse n’a pu être formellement démontrée pour l’espèce humaine.
L’efavirenz induit des anomalies du tube neural chez les primates et son utilisation dans la
période embryonnaire humaine est contre-indiquée sauf lorsqu’il n’est pas possible de faire
autrement. Le risque de prématurité lié aux antiprotéases reste encore controversé. La génotoxicité potentielle des analogues nucléosidiques – en premier lieu la zidovudine dont l’interaction avec l’ADN nucléaire et mitochondrial est bien établie - mérite une attention particulière.
La toxicité principale de cette molécule est une anémie réversible, mais une inhibition durable
des autres lignées hématopoïétiques est observée dans de nombreuses cohortes. Un risque rare
d’encéphalopathie avec dysfonction mitochondriale persistante a été observé [3]. La tolérance
fœtale des autres molécules de la même classe reste encore largement méconnue [4].
PROCÉDURE DIAGNOSTIQUE SPÉCIFIQUE À L’ENFANT
Le passage transplacentaire des anticorps maternels de type IgG oblige à recourir au test
d’isolement de virus de type PCR pour le diagnostic précoce de l’infection. Selon les écoles,
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il peut s’agir de la PCR ARN ou ADN dont la sensibilité et la spécificité diagnostique à cet
âge de la vie sont équivalentes [5]. Cette recherche débute idéalement dès la naissance, mais
le nombre d’enfants infectés identifiés en période périnatale est limité puisque l’essentiel des
cas de contamination a lieu juste au moment de l’accouchement. Il faut attendre quelques
semaines de réplication virale avant que celle-ci puisse être détectée dans les méthodes
usuelles et la recherche de virus est en général répétée à 1 mois et 3 mois, voire même à 6 mois
dans certains centres. Une sérologie négative à 18 mois complète souvent la démarche même
si certains jugent possible d’interrompre le suivi à 6 mois sur une PCR négative. Dans les
situations d’accès limité aux soins, la première PCR est souvent effectuée à six semaines de
vie dans une recherche de compromis coût/sensibilité. En cas d’allaitement, le risque d’infection reste toujours possible et un test diagnostique (soit PCR avant 18 mois, soit sérologie après 18 mois) doit être effectué au moins 4 à 6 semaines après le sevrage pour être interprétable. Tout résultat de PCR positif doit être contrôlé sans délai avant d’affirmer l’infection de l’enfant. La symptomatologie de l’enfant peut aussi aider à la procédure diagnostique. La présence d’adénopathie axillaire, de splénomégalie, de muguet buccal sont très évocateurs de l’infection dans les premiers mois de vie, mais bien sûr très peu spécifiques. Une
toux persistante, des infections répétées ORL, cutanées, digestives, un état de dénutrition,
un état d’hypertonie ou d’hypotonie neurologique témoignent d’une maladie déjà avancée.
En l’absence d’accès aux tests diagnostiques par PCR, un diagnostic clinique présomptif
peut suffire à mettre en place un traitement antirétroviral dans l’attente d’une confirmation
formelle ultérieure. Le calendrier vaccinal peut être effectué normalement et le programme
élargi de vaccinations (PEV) de chaque pays est maintenu. Le seul vaccin qui pose problème
est le BCG dont la persistance dans l’organisme est susceptible d’engendrer ultérieurement
une diffusion du micro-organisme vaccinal. Il reste contre-indiqué chez l’enfant infecté dans
les pays du Nord. Des recommandations récentes de l’OMS préconisent aussi cette abstention dans les pays du Sud où la prise en charge de l’enfant infecté se met en place grâce à un
diagnostic précoce. Les autres vaccins vivants (MMR, fièvre jaune) ne posent pas le même
problème de persistance et peuvent être faits normalement sauf si l’enfant est dans une phase
avancée de l’infection à VIH. Une prévention de l’infection précoce à pneumocystis jiroveci
est proposée à partir d’un mois et jusqu’à 12-18 mois à tout enfant exposé au VIH dans l’attente d’une confirmation du diagnostic de non infection. Elle est basée sur le triméthoprime
sulfaméthoxazole (30mg/kg de sulfaméthoxazole). Ce traitement systématique est désormais abandonné au Nord où la procédure diagnostique resserrée permet de repérer les
enfants infectés sans délai. Seul ceux-ci en bénéficient alors.
durant l’allaitement, soit par traitement de l’enfant selon le principe de « prophylaxie postexposition » durant toute la durée de l’allaitement. Les premiers résultats de ces deux stratégies sont extrêmement encourageants laissant penser que le risque de transmission postnatal par l’allaitement pourrait être dans un futur proche bien maîtrisé. La faisabilité et la
tolérance à l’enfant de ce traitement prophylactique postnatal – qu’il soit directement
donné à l’enfant ou ingéré via le lait maternel- devront toutefois être précisément évaluées.
LE RISQUE DE TRANSMISSION PAR L’ALLAITEMENT
La prophylaxie du risque liée à l’allaitement est l’une des questions centrales, aujourd’hui
fortement débattues [6]. Dans les pays du Nord, l’allaitement artificiel est la règle, mais le
risque nutritionnel infectieux associé à ce type d’alimentation pose un problème majeur
dans les pays du Sud. Selon les recommandations de l’OMS, la proposition d’un tel allaitement artificiel ne doit être faite que là où ce type d’alimentation peut être raisonnablement
proposé à la fois en terme de coût, de faisabilité dans la durée, d’acceptabilité et de sécurité
infectieuse et nutritionnelle. Dans tous les autres cas, l’allaitement maternel est encouragé.
Plusieurs approches de « sécurisation » de l’allaitement maternel sont en cours. La première
est de tenter de rendre l’allaitement « exclusif » puisqu’il est bien démontré qu’une alimentation mixte augmente le risque de contamination de l’enfant. L’autre approche repose,
là encore, sur l’efficacité des antirétroviraux, soit par traitement antirétroviral maternel
TRAITEMENT DE L’ENFANT INFECTÉ
La prophylaxie des infections opportunistes ou bactériennes a joué initialement un grand
rôle dans la réduction de la mortalité de l’enfant infecté. Ainsi, l’efficacité préventive antibactérienne de l’administration systématique de TMP SMX, déjà évoquée dès l’âge d’un mois
de façon préemptive, est bien démontrée à tout âge et permet une réduction significative de
la mortalité. Elle reste recommandée pour tous les enfants infectés vivant dans les pays où l’accès aux soins est limité. Au Nord, sa prescription est plus circonstanciée, soit devant la répétition d’infections bactériennes malgré un taux de CD4 apparemment correct soit plus classiquement devant une lymphopénie CD4. Ce sont, bien sûr, les antirétroviraux qui ont totalement modifié le devenir de l’enfant infecté par le VIH, quand ils sont disponibles. La réduction de la morbidité, de la mortalité observée dans toutes les cohortes des pays du Nord est
majeure et place désormais l’enfant infecté en situation de maladie chronique, stable, compatible avec un développement harmonieux. Le risque de SIDA est désormais pratiquement
contrôlé au moins à moyen terme avec un recul de 10 ans des multithérapies antirétrovirales.
On cherche désormais à évaluer le pronostic de qualité de vie à très long terme en tenant
compte des effets potentiellement délétères du virus et/ou des traitements sur différents
organes, notamment le système endothélial vasculaire et le système nerveux central. Les principes généraux du traitement antirétroviral chez l’enfant sont les mêmes que chez l’adulte,
notamment dans la recherche d’une réplication virale durablement indétectable, seule
garante d’une efficacité à long terme et de l’absence de sélection de mutation de résistance.
Chez l’enfant âgé de plus d’un an, les indications de traitement reposent sur le niveau de
CD4. Avant un an, la plupart des recommandations proposent un traitement systématique
compte tenu de la difficulté de prédiction d’une forme précoce et sévère sans qu’il soit
aujourd’hui possible de déterminer combien de temps ce traitement systématique devra être
maintenu. Le choix des molécules, les seuils de début de traitement évoluent rapidement et
les guidelines édités par l’OMS ainsi que par les autorités de santé de nombreux pays doivent
être régulièrement consultés. Les premiers résultats observés dans les pays du Sud sont très
encourageants, montrant des réductions profondes de la mortalité, sous réserve qu’ils ne
soient pas débutés à un stade trop avancé de la maladie. La principale question posée pour le
futur est la faisabilité à très large échelle, de façon décentralisée et sur le long terme de ces programmes dans les pays pauvres compte tenu du nombre considérable d’enfants à traiter [7].
Stéphane Blanche
Unité d immunologie – Hématologie pédiatrique
Hôpital Necker enfants Malades, Paris et EA 3620 Faculté René Descartes Paris V
Email : [email protected]
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S. BLANCHE
RÉFÉRENCES
1. Watts DH. Management of human immunodeficiency virus infection in pregnancy. N Engl J Med. 2002 Jun
13;346(24):1879-91
2. Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH. Recommandations du groupe d expert. Rapport
2008. www.sante.gouv.fr
3. Blanche S, Tardieu M, Rustin P, Slama A, Barret B, Firtion G, Ciraru-Vigneron N, Lacroix C, Rouzioux C,
Mandelbrot L, Desguerre I, Rötig A, Mayaux MJ, Delfraissy JF. Persistent mitochondrial dysfunction and perinatal exposure to antiretroviral nucleoside analogues. Lancet. 1999 Sep 25;354(9184):1084-9
4. Thorne C, Newell ML. Safety of agents used to prevent mother-to-child transmission of HIV: is there any cause
for concern?Drug Saf. 2007;30(3):203-13
5. Fiscus SA, Cheng B, Crowe SM, Demeter L, Jennings C, Miller V, Respess R, Stevens W; Forum for
Collaborative HIV Research Alternative Viral Load Assay Working Group. HIV-1 viral load assays for resourcelimited settings. PLoS Med. 2006 Oct;3(10):e417
6. Gray GE, Saloojee H. Breast-feeding, antiretroviral prophylaxis, and HIV. N Engl J Med. 2008 Jul
10;359(2):189-91
7. http://www.who.int/hiv/paediatric/Paeds_programming_framework2008.pdf
LES THROMBOPÉNIES GÉNÉTIQUES
par
G. LEVERGER, A. PETIT, J. LANDMAN-PARKER, R. FAVIER
La découverte d’une thrombopénie isolée, sans anémie ni leucopénie, et sans syndrome
tumoral, évoque le plus souvent chez l’enfant le diagnostic de Purpura Thrombopénique
Idiopathique (ou Immunologique) ou PTI. Dans certains cas cependant il faut savoir évoquer d’autres diagnostics tels qu’une hypoplasie médullaire idiopathique ou constitutionnelle (anémie de Fanconi, dyskératose congénitale), une myélodysplasie ou une thrombopénie d’origine génétique.
De même, devant certaines thrombopénies prolongées dans le temps, il faut savoir remettre
en question le diagnostic, souvent posé, de PTI chronique et évoquer l’hypothèse d’une
thrombopénie constitutionnelle.
En France, il existe un centre de référence des pathologies plaquettaires regroupant
6 CHU, labellisé par le Ministère de la Santé et de la Solidarité en 2005 dans le cadre du Plan
Maladies Rares, qui a pour objectifs la mise en place d’une filière de soins visant à améliorer
la prise en charge des patients atteints de thrombopénies constitutionnelles ou de thrombopathies, le développement de nouveaux outils diagnostiques performants et les travaux de
recherche dans le domaine de ces maladies [1].
Les principaux éléments qui doivent évoquer, chez l’enfant, la possibilité d’une thrombopénie constitutionnelle sont les suivants :
- des antécédents familiaux de thrombopénie et/ou de manifestations hémorragiques ;
- des anomalies cliniques associées, morphologiques ou fonctionnelles (syndrome dysmorphique, fente vélopalatine, eczéma, anomalies osseuses, malformations, troubles auditifs,
ophtalmologiques, rénaux,…) ;
- des anomalies de la morphologie (inclusions intraplaquettaires, couleur des plaquettes…)
ou de la taille des plaquettes (macrocytaires ou microcytaires), visibles sur le frottis sanguin
ou la présence d’inclusions intraleucocytaires (pseudo-corps de Döhle) ;
- un syndrome hémorragique plus sévère que ne le laisserait prévoir le nombre de plaquettes
(en cas de thrombopathie associée) ;
- l’absence de modification ou une remontée insuffisante du nombre de plaquettes après
traitement, par gammaglobulines ou corticoïdes, dans l’hypothèse d’un PTI.
Sur le plan hématologique, la découverte d’une thrombopénie nécessite de regarder la
morphologie plaquettaire sur le frottis sanguin et de vérifier les autres paramètres de l’hémogramme : volume plaquettaire (en sachant que le résultat de l’automate est une
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LES THROMBOPÉNIES GÉNÉTIQUES
moyenne), leucocytose, aspect des polynucléaires neutrophiles, et formule sanguine, taux
d’hémoglobine, volume globulaire moyen, absence de schizocytes et de cellules anormales ;
un myélogramme doit être systématiquement discuté.
nie s’accompagne dans certains cas d’un syndrome malformatif, le syndrome de Jacobsen
associant un retard de croissance staturo-pondéral et un retard mental en général modéré,
un syndrome dysmorphique de la face (trigonocéphalie, hypertélorisme, épicanthus, strabisme, cataracte, élargissement de l’ensellure nasale, nez court, bouche « en carpe », rétrognathie, anomalie palatine et dentaire, implantation basse des oreilles) et des extrémités
(doigts courts, clinodactylie, syndactylie). Peuvent également s’associer des malformations
cardiaques, des anomalies génito-urinaires, voire des anomalies du système nerveux central [6]. La thrombopénie Paris-Trousseau est peu symptomatique et peut se corriger au
moins partiellement avec le temps. Il n’y a pas de thrombopathie associée car le contingent
plaquettaire anormal est minoritaire. La délétion du bras long du chromosome 11 en 11q23
est d’importance variable, non corrélée au phénotype.
Toute thrombopénie « atypique » ou prolongée nécessite un bilan simple comportant :
- une numération plaquettaire des parents ;
- une recherche d’auto anticorps sériques ou fixés à la surface des plaquettes (MAIPA), surtout si la thrombopénie est modérée ;
- un dosage du facteur Willebrand antigène et du co-facteur de la ristocétine dans l’hypothèse d’une maladie de Willebrand de type 2B ;
- un myélogramme.
Ce bilan peut être complété en fonction du contexte clinique et hématologique, par :
- une étude des fonctions plaquettaires à la recherche d’une thrombopathie associée ;
- une étude de la durée de vie et du lieu de destruction des plaquettes marquées à l’indium
en autotransfusion, utile en cas de doute sur l’origine centrale ou périphérique de la thrombopénie ;
- l’étude biochimique des glycoprotéines de membrane plaquettaire, ou de constituants
intracytoplasmiques (protéine WASP) ou granulaires (fibrinogène, facteur Willebrand) ;
- une étude sur sang total en cytométrie de flux permettant de rechercher un déficit du complexe glycoprotéique GPIb/IX/V ou un défaut d’expression de la P sélectine ou de la granulophysine, témoin d’un défaut granulaire. Cette technique d’analyse est intéressante en cas
de thrombopénie profonde ne permettant pas de réaliser les études fonctionnelles ;
- un caryotype, avec technique d’hybridation in situ fluorescence (FISH), voire une analyse
par CGH array ;
- un dosage de la thrombopoïétine, utile en cas d’amégacaryocytose ;
- une étude des plaquettes et des mégacaryocytes en microscopie électronique, d’indications
très spécifiques, et pratiquée dans quelques centres spécialisés ;
- et surtout, une analyse moléculaire génétique en fonction des orientations cliniques et
hématologiques avec étude des gènes WAS, MYH9, c-Mpl, AML-1, GATA1…
Il n’existe pas de classification satisfaisante des thrombopénies génétiques ou constitutionnelles. On peut proposer une classification en fonction de la taille des plaquettes
(Tableau 1), une classification en fonction de l’anomalie génétique lorsque celle-ci est
connue (Tableau 2) [2, 3] ou une classification en fonction de l’existence ou non de signes
extrahématologiques. Ces signes associés peuvent être au premier plan. Ils peuvent aussi passer inaperçus au premier examen, telle qu’une dysmorphie faciale modérée. Ils doivent être
systématiquement recherchés lorsque les caractéristiques morphologiques des plaquettes
sont évocatrices de tel ou tel diagnostic.
THROMBOPÉNIE ET SYNDROME DYSMORPHIQUE
La thrombopénie Paris-Trousseau
décrite en 1995 associe un trouble de la production plaquettaire avec dysmégacaryopoïèse, une thrombopénie modérée (30 à 80 G/L) avec des plaquettes de grande taille dont
certaines possèdent une granulation géante correspondant à la fusion des granules alpha
intra-plaquettaires, et une délétion du chromosome 11 en 11q23 [4, 5]. Cette thrombopé-
Le syndrome de DiGeorge ou syndrome cardio-vélo-facial, ou CATCH 22
est relativement fréquent (1/4 000 naissances). Son expression phénotypique est variable y compris au sein d’une même famille. Dans sa forme classique, il associe une dysmorphie
faciale caractéristique (petit nez rond, microstomie, fente palatine, implantation basse des
oreilles mal ourlées, micrognathie) des malformations cardiaques et des vaisseaux, une hypoplasie ou une aplasie thymique et des glandes parathyroïdes responsables d’un déficit de l’immunité cellulaire et d’une hypocalcémie [7]. La thrombopénie est modérée, en règle supérieure à 100 G/L, macrocytaire, asymptomatique, due à un défaut de la glycoprotéine Ib‚. Ce
syndrome est secondaire à une délétion du bras long du chromosome 22 qui peut intéresser
le gène de la glycoprotéine. Cette délétion survient de novo ou est transmise sur un mode
autosomique dominant. Le spectre de ce syndrome est large avec un grand nombre d’anomalies décrites en association avec cette microdélétion. Dans certains cas, chez ces patients,
la thrombopénie est d’origine immunologique [8].
La pseudo-obstruction intestinale chronique idiopathique
avec thrombopénie modérée (40 à 150 G/L) et plaquettes géantes, asymptomatique et dysmorphie faciale est exceptionnelle. Le gène responsable a été localisé en
Xq28 dans une famille [9].
THROMBOPÉNIE ET MALFORMATIONS OSSEUSES
La thrombopénie avec aplasie radiale ou syndrome TAR [10]
Il s’agit d’une maladie autosomale récessive rare caractérisée par une thrombopénie avec
hypomégacaryocytose, aplasie radiale bilatérale et présence des pouces. La thrombopénie est
généralement présente à la naissance ou en période néonatale. D’autres anomalies squelettiques peuvent être associées ainsi que des anomalies cardiaques. La thrombopénie est le plus
souvent sévère, inférieure à 50 G/L. Elle peut s’accompagner d’une hyperleucocytose. Un syndrome hémorragique est souvent présent à la naissance et durant la première année de vie avec
un risque d’hémorragie cérébrale. La thrombopénie s’améliore spontanément le plus souvent
après l’âge d’un an. L’anomalie génétique en cause n’a pas été encore clairement identifiée [2,
11]. Il pourrait s’agir d’une anomalie de la cellule stromale mésenchymateuse [12].
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G. LEVERGER, A. PETIT, J. LANDMAN-PARKER, R. FAVIER
LES THROMBOPÉNIES GÉNÉTIQUES
Le syndrome oculo-oto-radial ou syndrome d’IVIC,
souvent associé. Le déficit immunitaire qui touche les fonctions lymphocytaires T et B se
manifeste dans les premières années de vie par des infections bactériennes sévères ou à répétition. Chez ces patients, la thrombopénie est primitivement en rapport avec un mécanisme
central dû à une anomalie de la protéine WASP, codée par le gène WAS, et dont le rôle est
important dans la polymérisation des filaments d’actine des cellules hématopoïétiques et qui
intervient dans la mégacaryopoïèse, en particulier la formation des proplaquettes [19]. La
thrombopénie est très souvent aggravée par un mécanisme périphérique d’origine autoimmune pouvant conduire à un volume plaquettaire moyen dans les limites de la normale
par la coexistence de plaquettes de petite taille, propres au syndrome de Wiskott Aldrich et
à des plaquettes de grande taille, habituelles dans les thrombopénies immunologiques.
de transmission dominante en rapport avec une mutation du locus SALL4 est rare. Son
expression phénotypique est variable et associe des anomalies des membres supérieurs
(hypoplasie de l’avant-bras, hypoplasie des pouces, du premier métacarpien), une surdité,
une atteinte des muscles oculomoteurs externes et une thrombopénie modérée (40 à 120 G/L)
présente dans plus de la moitié des cas [13, 14].
Amégacaryocytose et synostose radiocubitale
Cette association a été décrite en 2001 dans deux familles non apparentées, non consanguines [15]. Les sujets atteints ont une limitation de la pronosupination en rapport avec une
synostose radiocubitale supérieure associée de façon inconstante à une clinodactylie, une
syndactylie, une hypoplasie des hanches et des troubles auditifs. Une thrombopénie importante peut être associée (10 à 30 G/L). Dans les cas les plus sévères, le myélogramme révèle
une amégacaryocytose isolée évoluant vers une aplasie médullaire pouvant justifier une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.
THROMBOPÉNIES CONSTITUTIONNELLES SANS ANOMALIE
EXTRAHÉMATOLOGIQUE NI THROMBOPATHIE
Thrombopénie microcytaire liée à l’X
L’anomalie génétique est identique à celle du syndrome de Wiskott-Aldrich et concerne
le gène WAS, mais la thrombopénie est isolée sans eczéma, ni déficit immunitaire [18].
THROMBOPÉNIE, ATTEINTE SENSORIELLE ET RÉNALE :
SYNDROME MYH9 [16, 17]
Le groupe des thrombopénies constitutionnelles avec macroplaquettes associées à des inclusions leucocytaires ou pseudo-corps de Döhle comprend les syndromes de May-Hegglin, de
Fechtner, d’Epstein, de Sebastian, et le syndrome « Alport-like » avec macrothrombocytopénie. Leur mode de transmission est autosomique dominant et ces syndromes ont été récemment
regroupés dans une même entité clinique en raison de la mise en évidence de mutations localisées au niveau d’un même gène : le gène MYH9 (pour Myosine Heavy Chain 9). L’anomalie est
un déficit génétique de la chaîne lourde de la myosine, non musculaire, protéine essentielle pour
assurer, en association avec l’actine, les fonctions contractiles et sécrétoires de la plaquette.
Les signes hémorragiques sont inconstants, habituellement modérés, surtout provoqués lors
de traumatismes ou d’interventions chirurgicales. Dans certains cas les hémorragies sont
plus sévères. L’association thrombopénie-plaquettes géantes (5 à 40 % des plaquettes) est
présente dès la naissance. En outre, des inclusions basophiles sont souvent présentes dans le
cytoplasme de la lignée granuleuse. Elles sont décrites sous le nom pseudo-corps de Döhle.
Elles peuvent passer inaperçues.
La thrombopénie est isolée dans les syndromes de May-Hegglin et de Sebastian, associée
dans les autres syndromes à une atteinte rénale (protéinurie et hématurie microscopique pouvant évoluer vers une insuffisance rénale) et une surdité de perception. Une cataracte bilatérale est parfois présente. Les atteintes rénales et oculaires, ainsi que la surdité, peuvent apparaître précocement durant l’enfance, ou plus tard à l’âge adulte, justifiant la surveillance au
long cours de ces patients.
L’amégacaryocytose congénitale
Il s’agit d’une maladie rare, se révélant le plus souvent dans la première année de vie et
pouvant évoluer vers l’aplasie médullaire. Les patients ont des taux élevés de thrombopoïétine plasmatique. In vitro les cellules médullaires CD34+ ne peuvent pas se différencier en
mégacaryocytes. Ce défaut de différenciation est en rapport avec une anomalie du gène
c-Mpl codant pour le récepteur de la thrombopoïétine. Plusieurs types de mutation ont été
décrits. Les patients sont le plus souvent double hétérozygotes pour des mutations ou des
délétions différentes ou homozygotes pour une mutation en cas de consanguinité [20].
Thrombopénie familiale autosomique dominante, liée au chromosome 10
La thrombopénie est isolée entre 20 et 110 G/L avec un volume plaquettaire normal. Les
manifestations hémorragiques sont modérées ou absentes. Les plaquettes sont morphologiquement normales et les mégacaryocytes sont présents en nombre normal, avec des signes de
dysmégacaryopoïèse. In vitro, on observe un blocage de la différenciation mégacaryocytaire.
Le gène responsable est localisé sur le chromosome 10 [21, 22].
Syndromes de May-Hegglin et de Sebastian
Ils font partie du syndrome MYH9 avec thrombopénie macrocytaire (cf. infra).
Macrothrombopénie méditerranéenne
THROMBOPÉNIE MICROCYTAIRE, ECZÉMA, DÉFICIT IMMUNITAIRE :
SYNDROME DE WISKOTT-ALDRICH [18, 19]
Lié à l’X, le syndrome de Wistkott-Aldrich ne concerne que les garçons et se manifeste
souvent par un syndrome hémorragique dès les premières semaines de vie. Un eczéma est
Il s’agit d’une thrombopénie familiale autosomique dominante, modérée, peu ou pas
symptomatique, en rapport avec une mutation hétérozygote du gène de la glycoprotéine
Ibα [23]. Une partie de ces thrombopénies pourraient être des formes hétérozygotes du syndrome de Bernard-Soulier.
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G. LEVERGER, A. PETIT, J. LANDMAN-PARKER, R. FAVIER
LES THROMBOPÉNIES GÉNÉTIQUES
Thrombopénie macrocytaire liée à l’X avec dysérythropoïèse et GATA-1
Syndrome des plaquettes grises [30]
Le gène GATA-1, situé sur le chromosome X, joue un rôle important dans l’hématopoïèse,
en particulier dans la différenciation du précurseur commun érythro-mégacaryocytaire. Les
mutations de ce gène, codant pour un facteur de transcription, sont responsables d’anomalies
hématologiques dont la thrombopénie macrocytaire liée à l’X, avec dysérythropoïèse (XLT)
ainsi que la thrombopénie macrocytaire liée à l’X avec syndrome thalassémique (XLTT) [24].
En fonction de la mutation du gène GATA, la thrombopénie est plus ou moins sévère et
l’anémie peut être présente ou absente. Les signes hémorragiques peuvent se manifester dès
la petite enfance, en particulier après un traumatisme ou une intervention chirurgicale.
Certains cas d’anémie in utero avec thrombopénie ont été rapportés [25].
La thrombopénie macrocytaire liée à l’X avec syndrome thalassémique s’accompagne d’un
déséquilibre de production des chaînes alpha et béta, mimant une ß-thalassémie modérée,
responsable d’une anémie hémolytique. Il existe un déficit intraplaquettaire en alpha-granules pouvant conduire à un aspect de « plaquettes grises ». Les femmes peuvent avoir des
symptômes modérés. Les similitudes cliniques entre ce syndrome et le syndrome des plaquettes grises conduisent certains à penser qu’il pourrait s’agir d’une même maladie [26].
Le syndrome des plaquettes grises associe une anisocytose plaquettaire avec des plaquettes de grande taille, grises, une absence de granules et une diminution de leur contenu
(facteur Willebrand, facteur 4 plaquettaire, fibrinogène,…). Le syndrome hémorragique est
variable selon les patients, souvent modéré, de même que l’agrégation au collagène des plaquettes in vitro peut être normale chez certains patients et nulle chez d’autres. Une myélofibrose modérée est possible.
Pseudo Willebrand plaquettaire [2]
L’anomalie réside au niveau de la zone de fixation du facteur Willebrand sur la sous
unité GP1bα par anomalie de la glycoprotéine. Cela se traduit par une augmentation de la
liaison du facteur Willebrand plasmatique à son récepteur plaquettaire, d’où la diminution
du taux de facteur Willebrand circulant et la symptomatologie hémorragique par défaut
d’adhésion de plaquettes au sous endothélium. Le DDAVP, ou Minirin est contre-indiqué
car il induit la sécrétion du facteur Willebrand intracellulaire, majorant ainsi la thrombopénie. Le traitement consiste en des transfusions de plaquettes. Le syndrome plaquettaire de
Montréal, avec plaquettes géantes, peut être rapproché du pseudo-Willebrand.
THROMBOPÉNIES CONSTITUTIONNELLES SANS ANOMALIE
EXTRAHÉMATOLOGIQUE, AVEC THROMBOPATHIE ASSOCIÉE
Thrombopénie familiale et prédisposition aux leucémies [27,28]
Cette association, décrite en 1985, est transmise sur un mode autosomique dominant
avec une prédisposition aux leucémies aiguës myéloblastiques pour 1/3 d’entre eux environ.
La sémiologie hémorragique est variable d’un patient à l’autre. La thrombopénie est le plus
souvent modérée (30 à 150 G/L) avec des plaquettes d’aspect normal, mais elle est associée
à une thrombopathie aspirine-like ou évocatrice d’un pool vide delta, caractérisée par un
défaut d’agrégation plaquettaire en présence d’acide arachidonique, de collagène, d’épinéphrine. Sur le plan génétique, il existe une mutation ou délétion du gène AML1, encore
appelé RUNX1 ou CBFA2 sur le chromosome 21.
Les thrombopénies constitutionnelles sont des maladies plus ou moins rares, trop souvent méconnues. Leur diagnostic doit être évoqué devant un faisceau d’arguments cliniques
et hématologiques. Il peut rester difficile du fait des cas sporadiques et des limites actuelles
de nos explorations. Les études moléculaires génétiques sont un outil diagnostic important.
Le diagnostic étiologique est important car il permet une prise en charge adaptée pour les
enfants et leur famille.
TABLEAU 1 - THOMBOPENIES CONSTITUTIONNELLES
CLASSIFICATION EN FONCTION DE LA TAILLE DES PLAQUETTES
Microcytaire
Syndrome plaquettaire Québec
L’anomalie plaquettaire Québec est rare. La transmission est autosomique dominante.
La thrombopénie est inconstante. Dans les plaquettes, il existe une dégradation induite des
protéines des α-granules. L’agrégation plaquettaire à l’adrénaline est anormale et une fibrinolyse est associée [29].
Thrombopénie liée à l’X
Thrombopénie avec absence de radius (TAR)
Syndrome oculo-oto-radial ou IVIC syndrome
Amégacaryocytose avec synostose radio cubitale
Normocytaire
Amégacaryocytose congénitale
Thrombopénie familiale liée au chromosome 10
Thrombopénie familiale et prédisposition LAM
Thrombopénie Québec
Syndrome de Bernard-Soulier
Ce syndrome est la conséquence d’un déficit ou d’une anomalie qualitative d’un des éléments du complexe GPIb-IX-V. Il associe une thrombopénie avec plaquettes géantes, et un
défaut d’adhésion au sous-endothélium par le biais du facteur Willebrand dont cette GP est le
récepteur plaquettaire. Les patients présentent un syndrome hémorragique grave du fait de
l’anomalie à la fois fonctionnelle et quantitative des plaquettes. On peut contrôler le syndrome
hémorragique par transfusion plaquettaire ou utilisation de facteur VII recombinant activé.
Les patients transfusés peuvent développer des isoanticorps dirigés contre les GP absentes [2].
Syndrome de Wiskott-Aldrich
Thrombopénie Paris-Trousseau
Syndrome de DiGeorge ou Syndrome de délétion 22q11.2
Syndrome MYH9
Macrocytaire
Thrombopénie méditerranéenne
Thrombopénie liée à l’X avec dysérythropoïèse
Syndrome de Bernard Soulier
Pseudo Willebrand plaquettaire
Syndrome des plaquettes grises
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G. LEVERGER, A. PETIT, J. LANDMAN-PARKER, R. FAVIER
LES THROMBOPÉNIES GÉNÉTIQUES
TABLEAU 2 - THROMBOPENIES CONSTITUTIONNELLES
CLASSIFICATION EN FONCTION DE L’ANOMALIE GENETIQUE
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GENE
ANORMAL
LOCALISATION
CHROMOSOMIQUE
TRANSMISSION
Syndrome de Wiskott-Alrich
WAS
Xp11.23-p11.22
Liée à l’X
Thrombopénie liée à l’XLT
WAS
Xp11.23-p11.22
Liée à l’X
?
1q21.1
Récessive
Syndrome Oculo-oto-radial
ou IVIC Syndrome
SALL4
20q13
Dominante
Amégacaryocytose
avec synostose radio cubitale
HOXA 11
7p15-14
Dominante
c-MPL
1p34
Récessive
Thrombopénie familiale
liée au chromosome 10
FLJI4813
10p11-12
Dominante
Thrombopénie familiale
et prédisposition LAM
RUNX1
(= AML1=CBFA2)
21q22-12
Dominante
Fli-1
11q23-q24
Dominant
Syndrome de DiGeorge
GP1b‚
22q11
Dominant
Syndromes MYH9
MYH9
22q12-13
Dominante
Thrombopénie méditerranéenne
GPIb·
17p13
Dominante
GATA1
Xp11.23
Liée à l’X
Syndrome
de Bernard Soulier
GPIb·
GPIb‚
GPIX
17p13
22q11
3q21
Récessif
Syndrome pseudo
Willebrand plaquettaire
GPIb·
17p13
Dominante
?
?
Récessive
SYNDROME
Thrombopénie
avec absence de radius (TAR)
Amégacaryocytose congénitale
Thrombopénie Paris-Trousseau
Thrombopénie liée à l’X
avec dysérythropoïèse (XLT)
ou syndrome thalassémique
(XLTT)
Syndrome des plaquettes grises
G. Leverger, A. Petit, J. Landman-Parker, R. Favier
Service d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique, Centre de Référence des Pathologies
Plaquettaires (CRPP), Hôpital Armand Trousseau, 26 avenue du Docteur Arnold Netter,
75012 PARIS. E-mail : [email protected]
RÉFÉRENCES
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platelet production. Curr Opin Pediatr. 2004;16:15-22
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BÉTABLOQUANTS ET HÉMANGIOME INFANTILE
NÉCESSITANT UN TRAITEMENT SYSTÉMIQUE :
UNE RÉVOLUTION THÉRAPEUTIQUE ?
par
O. ENJOLRAS, V. SOUPRE, M.-P. VAZQUEZ, A. PICARD
INTRODUCTION
L’hémangiome infantile (HI) est la plus fréquente des tumeurs vasculaires bénignes de
l’enfant (Tableau 1) [1, 2]. Affectant exclusivement les tranches d’âge pédiatriques, les HI
concernent 8 à 10 % des enfants. Les facteurs de risque connus sont la grande prématurité,
un petit poids de naissance (moins de 1 500g), les « blessures » du placenta tels que décollement, biopsie de trophoblaste ou pré-éclampsie, des facteurs comme un âge maternel élevé,
un traitement de fertilité et une grossesse multiple, et le fait d’être une fille. Plus l’hémangiome est grave, compliqué, ou associé à des anomalies structurales telles les anomalies cérébrales, vasculaires, oculaires, sternales observées dans le syndrome associé malformatif
PHACES, et plus le ratio filles/garçons s’élève, passant de 3/1 à 9/1 [2].
L’HI a un cycle évolutif en trois temps. Il apparaît peu après la naissance, ou est précédé
d’une lésion congénitale annonciatrice trompeuse, qui évoque soit une tache blanche d’hamartome anémique, soit une macule rouge simulant une malformation capillaire. Il subit
son expansion en quelques semaines ou mois : cette phase de prolifération aboutit à une
tumeur qui peut être dermique superficielle, ou plus profondément développée dans la peau.
Elle sera d’un rouge vif si elle atteint le derme papillaire (forme tubéreuse), et en masse bleutée si elle est hypodermique et sous-cutanée. Bien souvent elle est mixte, masse rouge au centre, avec un débord infiltré bleuté. Suit une lente régression étalée sur des années (phase d’involution). Le stade final est marqué par des séquelles proportionnelles à l’atteinte cutanée et
au volume, parfois non négligeables, à la fois cutanées, morphologiques, et fonctionnelles, en
région faciale notamment [1, 2].
En grande majorité, les HI sont de petite taille, et implantés en zones masquées par les vêtements. Dans la mesure où il s’agit de tumeurs spontanément régressives, on conçoit aisément
l’abstention thérapeutique recommandée dans une majorité de cas. Il est cependant des circonstances où un traitement médical s’avère indispensable : HI au développement important en
surface et/ou volume, localisations faciales, surtout si elles comportent un risque fonctionnel
(par exemple, HI palpébraux et orbitaires péri-oculaires à risque visuel), HI ulcérés de façon torpide et douloureuse quel qu’en soit le siège, HI ulcérés en zones centrofaciales juxta-orificielles,
toujours très destructeurs, HI de siège viscéral (Tableau 3). Ce traitement est destiné à bloquer
la croissance tumorale, à limiter les complications, et à accélérer la résorption de la lésion.
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O. ENJOLRAS, V. SOUPRE, M.-P. VAZQUEZ, A. PICARD
BÉTABLOQUANTS ET HÉMANGIOME INFANTILE...
L’HI a fait l’objet depuis 20 ans d’une active recherche biologique qui a décrypté les divers
facteurs et cellules impliqués dans la prolifération et la régression de cette tumeur [3, 4]. L’HI est
un modèle de remodelage tissulaire à partir de cellules souches pluripotentes. L’origine de la cellule endothéliale qui y subit une expansion clonale est discutée depuis la mise en évidence en
2000 d’un immunophénotype commun avec les cellules endothéliales placentaires (GLUT-1,
Lewis Y Ag, Merosine, FCÁRII) [5]. La positivité du transporteur du glucose GLUT-1 est d’ailleurs devenue un élément incontournable du diagnostic histopathologique des HI dès qu’il y a
un doute sur l’histologie standard. Les recherches ont abouti en 2008 à la création du premier
modèle animal (Tableau 2) [6]. Celui-ci constitue une remarquable avancée car il devrait permettre notamment l’évaluation de l’efficacité et du mode d’action des traitements médicaux de
l’HI.
Durant des dizaines d’années le traitement des formes graves d’HI n’a guère évolué.
Lorsqu’un traitement médical s’avérait nécessaire il comportait en premier lieu une corticothérapie, en règle orale intense et prolongée, rarement par voie veineuse, et en second lieu, en
cas d’échec, une mono ou polychimiothérapie. En 2007, la découverte fortuite de l’efficacité
d’un bêtabloquant, le propranolol [7], puis la confirmation de cette efficacité et d’une tolérance a priori bien meilleure que celle des traitements classiques, a révolutionné l’approche
thérapeutique des HI. Il a été rapporté que 15 % des HI environ reçoivent un traitement
médical, qu’il s’agisse de formes viscérales (Tableau 3) ou superficielles graves [8, 9].
tumeurs (bFGF et VEGF) et l’accélération de l’apoptose tumorale.
La vincristine a été introduite ultérieurement, toujours pour des formes graves corticorésistantes, et par analogie avec son efficacité au cours du syndrome de KasabachMerritt [15]. Elle est active sur les formes superficielles et viscérales [16]. Les effets indésirables sont surtout à type de douleurs abdominales, l’iléus paralytique étant rare. On observe
des modifications transitoires des réflexes ostéotendineux, une fatigue, parfois une neutropénie, et si un cathéter central s’avère nécessaire pour les injections il y a les divers risques
inhérents à sa présence : infections, fuite, migration. La vincristine, antimitotique se liant à
la tubuline cellulaire, provoquerait l’apoptose de l’HI.
De façon plus ponctuelle ont été utilisés le cyclophosphamide [17] et la bléomycine
(celle-ci en injection intralésionnelle).
TRAITEMENT MÉDICAL DES HI À RISQUES OU DÉJÀ COMPLIQUÉS
La corticothérapie orale est donnée en phase de prolifération, depuis les années 1960. Les
médicaments utilisés (prednisone, prednisolone, bétamethasone), ainsi que les modalités thérapeutiques (posologie, durée de la phase d’attaque, durée et méthodologie de la diminution des
doses) varient d’une équipe à une autre. Très peu de pays ont accordé une AMM (Autorisation
de Mise sur le Marché) à des corticostéroïdes dans l’indication hémangiome infantile. Le bénéfice est diversement apprécié dans des publications rétrospectives inhomogènes quant aux
modalités du traitement et aux critères d’efficacité retenus. Aux doses et durées prescrites pour
être efficaces en cas d’HI graves les effets indésirables sont inévitables [10, 11]. Effets à court
terme : irritabilité, insomnie, reflux gastro-œsophagien accru, aspect cushingoïde, hypertension
artérielle, cardiomyopathie hypertrophique, immunosuppression secondaire avec infections
(quelques cas de pneumocystose pulmonaire ayant été rapportés on a pu suggérer d’associer systématiquement du triméthoprime-sulfaméthoxazole à la corticothérapie [12]). Effets à moyen
terme : ostéoporose, insuffisance surrénale, qui dure de quelques semaines à quelques mois après
la fin de la corticothérapie et doit être compensé par de l’hydrocortisone ; retard statural, en
général récupéré en 6 à 24 mois. L’action antiangiogène des corticoïdes dans l’HI ciblerait les cellules souches multipotentes présentes au sein des hémangiomes (communication J. Bischoff,
Journée pédiatrique de la Société Française de Dermatologie, séance du 14 janvier 2009).
Les interférons alfa 2a et 2b (IFN α 2a et 2b) ont été introduits au début des
années 1990 [13], avec une efficacité indiscutable (on a pu dire dans 90 % des cas). Les effets
secondaires classiques et contrôlables sont observés : modifications des paramètres biologiques (hématologiques, hépatiques, et même thyroïdiens) et syndrome « grippal ». La survenue de paraplégie spastique, qui ne se verrait que dans le contexte de tumeurs vasculaires
infantiles ainsi traitées (HI essentiellement) et chez des nourrissons traités avant l’âge de 1
an, a conduit à limiter son utilisation aux formes très graves, voire à risque létal, en échec de
la corticothérapie systémique [14]. L’activité de l’IFN α 2a et 2b passerait par la régulation
de la production des facteurs d’angiogénèse vasculaire impliqués dans la croissance de ces
TRAITEMENT DE L’HI PAR LE BÊTABLOQUANT PROPRANOLOL
Son efficacité a été découverte fortuitement après son introduction dans le traitement
d’un nourrisson souffrant de cardiomyopathie hypertrophique dans un contexte d’HI sous
corticothérapie systémique [7]. Le traitement peut débuter dès la période néonatale pour
certains HI très évolutifs, mais le plus souvent il est instauré entre 2 à 5 mois, période de
pleine expansion tumorale.
La première précaution consiste à éliminer les contre-indications permanentes : bloc
auriculoventriculaire (le bilan pré–thérapeutique comporte outre l’examen clinique, ECG,
et échographie cardiaque), bronchiolites répétées, asthme infantile, antécédent de traitement de la mère par bêtabloquant durant la grossesse ce qui favorise les hypoglycémies du
nouveau-né, prématurité ; le traitement est stoppé temporairement en situation de jeûne à
cause du risque accru d’hypoglycémie (acte chirurgical, gastro-entérite, vomissements…).
La posologie est peu à peu ajustée à la prise de poids de l’enfant qui est importante dans les
premiers mois de vie, période de prolifération majeure de l’HI. La dose efficace semble se situer
en règle entre 2 et 3 mg/kg/jour, rarement plus, donnés en 2 ou 3 prises régulièrement espacées
dans la journée (Figures 1 et 2). Exceptionnellement plus. Le résultat est extrêmement rapide
notamment en cas de forme très infiltrée dont on voit la masse « fondre » en quelques jours
[7, 18] (Figures 1a, b). Pour les zones rouges tubéreuses de surface les résultats peuvent être
rapides ou au contraire lents (Figures 2a, b, c). Des paliers dans l’efficacité sont souvent observés
amenant à de petites adaptations de dose. Le traitement doit couvrir toute la phase potentielle
de prolifération de l’HI et se termine en général vers l’âge de 1 an. Quelques enfants connaissent
un rebond de croissance tardif de leur HI à l’arrêt du bêtabloquant, et cela se produit habituellement en quelques jours ; la reprise du propranolol s’avère à nouveau efficace. Aux doses utilisées dans l’HI les effets secondaires possibles (hypoglycémie, bradycardie avec hypotension en
début de traitement) amènent exceptionnellement à stopper le traitement. Sont également
signalés des cauchemars, et le déclenchement d’asthme amenant à arrêter le médicament.
BÊTABLOQUANTS ET HÉMANGIOME INFANTILE :
LES POINTS EN SUSPENS
Notre expérience porte sur un seul bêtabloquant le propranolol (avlocardyl®), qui se fixe sur
des récepteurs bêta 2 dont la présence a été démontrée au sein des cellules endothéliales de l’HI
(communication Dr Christine Léauté-Labreze, 17ème International Workshop on Vascular
Anomalies, Harvard Medical School, Boston Juin 2008). Certains essais préliminaires ont eu
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lieu avec l’acébutolol (sectral®) (communication Dr Michèle Bigorre, 17ème International
Workshop on Vascular Anomalies, Harvard Medical School, Boston Juin 2008) qui se fixerait
sur des récepteurs bêta 1. L’efficacité du propranolol pourrait passer par une réduction des facteurs d’angiogénèse VEGF et bFGF via le contrôle du HIF-1 activé, d’où un effet pro-apoptose ; on évoque aussi un effet sur les cellules souches endothéliales progénitrices de l’HI.
Bien des points restent à préciser dans la réalisation des traitements par le propranolol.
Quel est le dosage de démarrage le plus approprié (1 ou 2 mg/kg/ jour) ? Varie-t-il selon les
enfants ? Faut-il opter pour une augmentation progressive des doses à l’introduction du propranolol, ce qui pourrait permettre un ajustement individualisé. Nous avons l’expérience de
deux cas d’hémangiome sténosants des voies aériennes supérieures où le propranolol s’est
avéré salvateur [20]. Pour les formes les plus problématiques, et pour certaines formes viscérales, l’adjonction en début de traitement d’une corticothérapie générale est-elle indispensable ? Comment stopper le traitement ? La tendance est de stopper du jour au lendemain
comme cela se fait habituellement en cardiologie : mais pour éviter les rebonds de croissance
tumorale, observés dans quelques cas à l’arrêt du traitement, ne vaudrait-il pas mieux faire
une régression des doses comme cela est d’usage avec la corticothérapie orale ?
La bonne tolérance du propranolol, telle qu’elle est connue de longue date en cardiologie
pédiatrique, sera-t-elle la même dans le domaine des HI ? Certains s’en inquiètent [19].
Certes le propranolol est utilisé depuis 35 ans en cardiologie pédiatrique avec un bon profil
de sécurité. Mais, dans la mesure où le mode d’action du propranolol dans cette indication est
encore hypothétique [20], cette question sur la sécurité est licite car l’HI est une tumeur vasculaire qui a réservé des surprises iatrogènes : ainsi les paraplégies spastiques survenues sous
interféron alfa 2a et 2b n’ont été observées que dans le domaine tumoral vasculaire infantile
(HI singulièrement), et non en pathologie hématologique ou hépatique [14]. Une étude multicentrique européenne et nord américaine, coordonnée par les laboratoires Pierre Fabre et le
CHU de Bordeaux (service du Pr Alain Taïeb), démarrera fin 2009, en vue d’une extension
d’AMM et de la mise au point d’une forme pédiatrique de propranolol destinée au nourrisson : elle devrait nous apporter des informations supplémentaires sur la conduite de ces traitements [21]. Si cette bonne tolérance se confirme il sera licite d’étendre le champ des prescriptions à des lésions de taille modeste mais qui laissent des traces cutanées difficiles à restaurer, comme par exemple le petit HI globuleux de milieu de joue, de lèvre, de front, etc.
Quoi qu’il en soit, dans un domaine thérapeutique médical qui stagnait, l’arrivée des
bêtabloquants semble à ce jour une véritable révolution thérapeutique tant en efficacité
qu’en tolérance.
4. Picard A, Boscolo E, Khan ZA, Bartch TC, Mulliken JB, Vazquez MP, Bischoff J. IGF-2 and FLT-1/VEGFR1 mRNA levels reveal distinctions and similarities between congenital and common infantile hemangioma.
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O. Enjolras1, V. Soupre1, M.-P. Vazquez1,2, A. Picard1,2
1
Unité des Angiomes, Service de chirurgie Maxillo-Faciale et Chirurgie Plastique , AP-HP, Hôpital
d’Enfants Armand_Trousseau, 26, Avenue du Docteur Arnold Netter, F-Paris 75012 (France).
2
Université Pierre et Marie Curie-Paris6, UFR de Médecine Pierre et Marie Curie, Paris, F-75005
Auteur correspondant : Odile Enjolras, Tel : 01 44 73 69 34,
e-mail : [email protected]
RÉFÉRENCES
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Cambridge University Press, New York 2007, pp : 21-77..
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2009, pp 244-66.
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TABLEAU 3 : LOCALISATIONS VISCERALES D’HEMANGIOMES, D’APRES (2)
Figures et Tableaux (Cf p 196)
TABLEAU 1 : CLASSIFICATION DES « ANGIOMES »
EN TUMEURS VASCULAIRES ET MALFORMATIONS VASCULAIRES
(CLASSIFICATION DE L’ISSVA)
*Autres= angiome en touffes, hémangioendothéliome kaposiforme, syndrome de Kasabach-Merritt, hémangioendothéliome à
Siège
viscéral
Symptomatologie
Palpébral
et orbitaire
inconnue
50 % à 80 % de
complications
visuelles rapportées en cas d’atteinte péri-oculaire
Astigmatisme par IRM
compression de
cornée et sclérotique ; strabisme ;
amblyopie liée à
occlusion de l’axe
visuel et au trouble
de réfraction non
corrigé
Rééducation
orthoptique, outre
le traitement
médical ou chirurgical de l’HI
Voies
aériennes
1,4 %
variable
Dyspnée, tirage,
Endoscopie
difficultés de
tétées, détresse respiratoire
Traitement médical, laser-destruction ou chirurgie
Foie
(3 types :
solitaire,
multiple,
diffus)
0,1 %
Variable : de bénin
à létal (défaillance
cardiaque et défaillance hépatique
fulminante dans
forme diffuse)
-Hépatomégalie,
cytolyse hépatique,
thrombopénie
modérée et troubles de la coagulation
-Défaillance cardiaque
-Association à des
hémangiomes
miliaires cutanés
(dizaines à centaines) et autres
HI viscéraux
-Hypothyroïdie
acquise liée à sécrétion par la tumeur
d’une enzyme
inactivante
- Echographie et
IRM abdominale
± scanner
- Parfois
artériographie
- Echo cœur
- Bilan thyroïde
Selon les cas :
- traitement médical,
- embolisation thérapeutique,
- chirurgie,
- transplantation
hépatique (forme
diffuse)
Intestinal
Inconnue
(rare)
Variable
- Hémorragies
intestinales
- Crises douloureuses abdominales
- Lésions asymptomatiques (découvertes lors d’endoscopie systématique)
Endoscopies
digestives à
adapter selon
symptômes
Traitement médical ou chirurgical
Autres :
pancréas,
rate, rein,
cœur,
méninges,
cerveau
Inconnue
(très rare)
Fonction du siège
et la taille
Selon siège
IRM et/ou
angio-scanner
Traitement médical le plus souvent
ANOMALIES VASCULAIRES
TUMEURS VASCULAIRES
Hémangiome
infantile
AUTRES*
Méthodes de
diagnostic
Fréquence Gravité
Prise en charge
MALFORMATIONS VASCULAIRES
Capillaire
Veineuse
Lymphatique
Artério-veineuse
cellules fusiformes, hémangiopericytome, etc.
TABLEAU 2 : MISE AU POINT EN 2008 DU PREMIER MODELE
ANIMAL D’HEMANGIOME INFANTILE [5]
- Dissection d’une biopsie d’hémangiome infantile
- Isolement de cellules, grâce au marqueur de cellules souches CD 133 (population clonale)
et implantation des cellules isolées chez un souriceau immunodéficient nouveau-né
- Développement d’une tumeur vasculaire de type hémangiome infantile, faite de cellules endothéliales humaines, GLUT-1 et mérosine positives, comme celles de l’hémangiome de départ
- Après 2 mois, la tumeur régresse spontanément et elle laisse un tissu riche en cellules
adipeuses humaines, exactement comme cela peut se produire dans des HI à involution
fibro-adipeuse
Cf Figure 1a, 1b, 2a, 2b et 2c p 196
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FIÈVRE DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT :
ENQUÊTE TRANSVERSALE NATIONALE
SUR LES CONNAISSANCES ET LES PRATIQUES
par
N. MOURDI, E. FOURNIER CHARRIÈRE, G. PONS, M. CHALUMEAU
CONTEXTE
La fièvre chez l’enfant est un symptôme très fréquent [1], généralement bénin [2] en rapport avec une infection virale spontanément résolutive rapidement. Sa principale conséquence est l’inconfort qui ne représente aucun danger pour l’enfant [2]. Pourtant, ce symptôme contribue à saturer les structures de soins pédiatriques ambulatoires [3, 4, 5]. En effet,
une angoisse parentale liée aux rares causes graves (infections bactériennes sévères) dont la
fièvre peut être le premier symptôme et les complications spécifiques de celle-ci (convulsions), entretiennent une phobie de ce symptôme [2] et une pression sur les médecins [6]. A
cette anxiété s’ajoute les alertes concernant les risques de surinfections bactériennes lors de
l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens en cas de varicelle [7] et les risques
liés au mésusage du paracétamol (atteintes hépatiques en cas de surdosage) [8]. Dans ce
contexte, la prescription d’un traitement antipyrétique efficace, bien toléré et facilement
compréhensible et applicable par les parents peut s’avérer difficile.
Pour améliorer la prise en charge symptomatique de la fièvre chez l’enfant, l’Afssaps a
mis en ligne sur son site internet en janvier 2005 des recommandations pour les professionnels de santé [9], ainsi qu’un document « questions–réponses » pour le grand public [10]
(Tableau 1), où sont notamment précisées les mesures physiques et la stratégie médicamenteuse à mettre en œuvre.
Combler les écarts qui existent entre les recommandations médicales ou grand public et
les pratiques des professionnels de santé et des usagers pourrait permettre d’améliorer la qualité des soins délivrés aux enfants. La première étape nécessaire pour combler cet écart est de
le mesurer et d’en comprendre les causes. Les études disponibles sur les connaissances et les
pratiques des parents et des professionnels face à la fièvre chez l’enfant montrent d’une part
que la «phobie» de la fièvre persiste [2, 11], que les connaissances parentales sont approximatives [2,11,12,13], et leurs pratiques peu fondées sur les recommandations (usage du bain
[12,13], alternance paracétamol / anti-inflammatoires non stéroïdiens) [2,11,13,14,15], et
d’autre part que les professionnels eux-mêmes surestiment les risques associés à la fièvre et
recommandent un recours au traitement médicamenteux trop rapidement ainsi qu’une
alternance médicamenteuse [6,16,17]. Cependant, ces études ne permettent pas de conclure
sur l’état actuel des connaissances et des pratiques des parents et des professionnels en
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France parce qu’elles sont antérieures à la publication et à la diffusion des nouvelles recommandations de l’Afssaps [12,13,15], ou biaisées par un recrutement monocentrique
[11,13,15] ou hospitalier [13,15] ou par un recueil rétrospectif des données [11,12,13].
C’est pourquoi il nous a paru pertinent de conduire une étude prospective, transversale,
nationale sur les connaissances et les pratiques des parents, médecins et pharmaciens en
France face à la fièvre du nourrisson et de l’enfant, et de les comparer aux recommandations
de l’Afssaps.
nelle et niveau d’études), l’enfant (âge, sexe, poids et rang) et les médecins et pharmaciens
(âge, sexe). Le questionnaire portait également sur les connaissances des accompagnants en
matière de fièvre (seuil de la fièvre et seuil d’administration d’un antipyrétique) et sur leur
démarche thérapeutique pour l’épisode en cours (méthode de mesure de la température,
traitements non médicamenteux et médicamenteux mis en œuvre). Les médecins étaient
interrogés sur leur démarche thérapeutique (diagnostic, prescription éventuelle d’un antipyrétique et mesures physiques conseillées). Il était demandé aux pharmaciens s’ils avaient
prodigué des conseils et conseillé un antipyrétique. L’analyse des réponses a porté sur la fréquence et les déterminants éventuels du respect des recommandations de l’Afssaps
(Tableau 1) par des méthodes uni- et multi-variées prenant en compte la non indépendance
des grappes de patients recrutés par les médecins et les pharmaciens.
TABLEAU 1 : DÉFINITION DU RESPECT DES RECOMMANDATIONS DE L’AFSSAPS
Mesure de la fièvre : l'un ou l'autre des moyens suivants
Thermomètre électronique par voie rectale
Thermomètre électronique par voie sub-linguale
Thermomètre électronique par voie axillaire
Thermomètre auriculaire à infrarouge
Seuil de définition de la fièvre identique à celui de l'Afssaps = 38°C
Seuil de traitement médicamenteux identique à celui de l'Afssaps = 38°5C
RÉSULTATS
Le taux de participation moyen a été de 14 % : 755 médecins généralistes, 372 pédiatres
libéraux et 404 pharmaciens ont inclus au moins un patient. La moitié des pharmaciens et
62 % des médecins étaient implantés en milieu urbain. Au total, 7619 questionnaires ont été
recueillis, parmi lesquels 6598 vérifiaient les critères d’inclusion : 4869 enfants (74 %) vus
en consultation et 1729 (26 %) vus lors d’un conseil en pharmacie.
Traitement non médicamenteux : ensemble des 3 mesures physiques suivantes
Caractéristiques des accompagnants et des enfants
Découvrir l’enfant sans excès
+
Hydrater l’enfant
+
Ne pas trop chauffer la chambre
Traitement médicamenteux
Tenir compte des contre-indications et des effets indésirables1
+
Monothérapie (un seul antipyrétique)
+
respect des doses1
respect du délai entre les prises (généralement 4 prises par jour)
L’accompagnant était l’un des parents dans 96 % des cas, principalement la mère (74 %),
que ce soit au cabinet médical ou en officine. Le niveau d’étude (études supérieures 35 %,
aucun diplôme 9 %) ainsi que la catégorie socioprofessionnelle (cadres 24 %, ouvriers 11 %)
des accompagnants participants ne variaient pas sensiblement en fonction de l’interlocuteur
(médecin généraliste, pédiatre ou pharmacien). Les patients étaient âgés de 3,7 ans en
moyenne (espace interquartile : 19 mois – 5 ans), ceux ayant vu un pédiatre étant significativement plus jeunes (2,5 ans en moyenne), 55 % étaient des garçons.
Connaissance et pratiques des parents
1. Ce point n’a pu être évalué dans l’étude.
MÉTHODES
Nous avons réalisé une étude observationnelle, nationale, prospective d’octobre 2007 à
juin 2008. Un panel de 4163 médecins généralistes à « forte activité pédiatrique » (identifiés dans la base informatique commerciale ICOMED-CEGEDIM) et l’ensemble des
2262 pédiatres libéraux exerçant en France ont été sollicités pour participer. Les 4946 pharmaciens exerçant à proximité des médecins ayant donné leur accord de participation, ont
ensuite été contactés. Les médecins et pharmaciens participants devaient inclure chacun
5 patients consécutifs âgés de 1 mois à 12 ans, amenés par leurs parents (ou la personne élevant l’enfant au sein du foyer) lors d’une première consultation médicale ou demande de
conseil en officine pour une fièvre de moins de 48h.
Les parents devaient remplir un questionnaire ouvert et fermé sur leur attitude pour
l’épisode fébrile en cours et plus généralement sur leur connaissance sur la fièvre chez l’enfant. Les parents, médecins et pharmaciens étaient interrogés sur leurs pratiques en matière
de prise en charge médicamenteuse de la fièvre de l’enfant. Des données notamment sociodémographiques étaient recueillies sur l’adulte accompagnant (catégorie socioprofession-
La mesure de la température a été réalisée conformément aux recommandations de
l’Afssaps dans 88 % des cas (intervalle de confiance à 95 % : [87-89]) : prise de température
rectale (64 %), auriculaire (18 %), axillaire (6 %), ou buccale (2 %) (Tableau 2). Le respect
de cette recommandation était plus fréquent lorsque l’accompagnant avait un niveau
d’études supérieures plutôt qu’aucun diplôme (91 vs 79 %, p < 0,001) ou était cadre plutôt
qu’ouvrier (91 vs 83 %, p < 0,001). Les accompagnants définissaient le seuil de la fièvre à
38°C, comme dans les recommandations de l’Afssaps, dans 61 % des cas.
Un traitement non médicamenteux (mesures physiques) pour faire baisser la fièvre avait été
débuté avant le premier contact avec le professionnel de santé dans 93 % des cas, et comprenait dans 97 % des cas l’une des trois mesures recommandées par l’Afssaps : « donner à
boire » (75 %), « découvrir l’enfant » (60 %) et « baisser le chauffage» (18 %). Dix pour
cent des accompagnants avaient utilisé l’ensemble des trois mesures concomitamment
comme recommandé. Un parent sur 5 (22 %) donnait un bain à son enfant pour faire baisser
la fièvre.
Le seuil de 38°5C recommandé par l’Afssaps pour débuter un traitement médicamenteux
était cité dans 44 % des cas, un seuil inférieur étant cité dans 53 % des cas. Pour l’épisode en
cours, 91 % des accompagnants avaient administré à l’enfant un médicament pour faire bais-
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FIÈVRE DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT...
ser la fièvre avant la visite chez le médecin ou le conseil en pharmacie. Les accompagnants
diplômés du supérieur et les cadres étaient plus nombreux à le faire (95 % des plus diplômés vs
84 % des non diplômés, p < 0,001 ; et 96 % des cadres vs 88 % des ouvriers, p < 0,001).
Conformément à ces recommandations, 74 % des accompagnants ayant administré un antipyrétique n’ont donné qu’un seul médicament, mais ils étaient plus nombreux parmi ceux qui
avaient consulté un médecin (77 % contre 64 % en officine, p < 0,001). Les principaux médicaments administrés étaient le paracétamol (83 %), suivi de l’ibuprofène (13 %) et l’acide acétylsalicylique (1 %). Pour le paracétamol, le nombre de prises quotidiennes était inférieur aux
recommandations de l’Afssaps (4 à 6 prises recommandées par jour) dans 81 % des cas, pour
l’ibuprofène (3-4 prises par jour) dans 56 % des cas. Ces proportions ne variaient pas significativement en fonction de l’interlocuteur (médecin généraliste, pédiatre ou pharmacien) ou de
l’âge du patient (p > 0,05). Le traitement médicamenteux dans son ensemble était conforme
aux recommandations de l’Afssaps (un seul antipyrétique en 3 à 6 prises) dans 12 % des cas.
Conseils et prescriptions des professionnels
TABLEAU 2 : RESPECT DES RECOMMANDATIONS DE L’AFSSAPS
PAR LES ACCOMPAGNANTS EN FONCTION
DE LA PROFESSION DE L’INTERLOCUTEUR CONSULTÉ
Médecins
généralistes
(n=3258)
(n=1611)
(n=1729)
(n=6598)
3258 (100 %)
1611 (100 %)
1729 (100 %)
6598 (100 %)
Thermomètre électronique voie rectale
1800 (55 %)
1192 (74 %)
1213 (70 %)
4205 (64 %)
Thermomètre électronique voie orale
91 (3 %)
n (%)
Mesure de la fièvre
Pédiatres
Pharmaciens
Total
10 (1 %)
30 (2 %)
131 (2%)
Thermomètre électronique voie axillaire 234 (7 %)
116 (7 %)
57 (3 %)
407 (6 %)
Thermomètre auriculaire infrarouge
673 (21 %)
220 (14 %)
320 (19 %)
1213 (18 %)
Une des modalités ci-dessus*
2776 (85 %)
1483 (92 %)
1567 (91 %)
5826 (88 %)
Autres non conformes
755 (23 %)
259 (16 %)
427 (25 %)
1441 (22 %)
3254 (100 %)
1609 (100 %)
1729 (100 %)
6592 (100 %)
<38°C
1309 (40 %)
549 (34 %)
692 (40 %)
2550 (39 %)
38°C*
1945 (60 %)
1059 (66 %)
1037 (60 %)
4041 (61 %)
>38°C
0 (0 %)
1 (0 %)
0 (0 %)
(0 %)
2223 (68 %)
1197 (74 %)
1284 (74 %)
4704 (71 %)
<38°5C
1185 (53 %)
611 (51 %)
685 (53 %)
2481 (53 %)
38°5C*
969 (44 %)
548 (46 %)
554 (43 %)
2071 (44 %)
>38°5C
69 (3 %)
38 (3 %)
45 (4 %)
152 (3 %)
3003 (92 %)
1523 (95 %)
1622 (94 %)
6148 (93 %)
Découvrir l’enfant sans excès
1723 (57 %)
1108 (73 %)
864 (53 %)
3695 (60 %)
Hydrater l’enfant
2150 (72 %)
1213 (80 %)
1258 (78 %)
4621 (75 %)
Ne pas surchauffer la chambre
545 (18 %)
325 (21 %)
267 (16 %)
1137 (18 %)
Ensemble des mesures ci-dessus*
312 (10 %)
94 (6 %)
163 (10 %)
569 (9 %)
Au moins une des mesures ci-dessus
2976 (99 %)
1386 (91 %)
1588 (98 %)
5950 (97 %)
Donner un bain frais à l’enfant**
630 (21 %)
359 (24 %)
362 (22 %)
1351 (22 %)
2962 (91 %)
1542 (96 %)
1532 (89 %)
6036 (91 %)
Monothérapie
2335 (79 %)
1129 (73 %)
980 (64 %)
4444 (74 %)
Monothérapie en 3 à 6 prises*
337 (11 %)
252 (16 %)
160 (10 %)
749 (12 %)
Seuil de définition de la fièvre
Seuil de traitement médicamenteux
Mesures physiques
Traitement médicamenteux
*conforme aux recommandations de l’AFSSAPS
** déconseillé par l’AFSSAPS
259
Le médecin conseillait des mesures physiques dans 63 % des cas, en particulier celles préconisées par l’Afssaps : découvrir l’enfant (60 %), l’hydrater (66 %), baisser le chauffage (90 %).
Les 3 mesures concomitantes recommandées par l’Afssaps étaient conseillées aux parents dans
seulement 5 % des cas, mais au moins l’une d’elles était conseillée dans 84 % des cas. Le bain était
conseillé par les pédiatres dans 11 % des cas, et par les médecins généralistes dans 18% des cas.
Le médecin prescrivait au moins un médicament dans 96 % des cas, dont 93 % en monothérapie : paracétamol (90 %), ibuprofène (15 %), ou acide acétylsalicylique (1 %). Parmi les
accompagnants ayant demandé conseil à un pharmacien, 51 % avaient déjà consulté un médecin et obtenu la prescription d’un antipyrétique pour l’enfant. Le pharmacien conseillait un
médicament dans 52 % des cas, dont 91 % en monothérapie (paracétamol dans 83 % des cas,
ibuprofène dans 15 % des cas). Les mesures physiques conseillées étaient les mêmes que celles
des médecins et les pharmaciens conseillaient les 3 mesures recommandées par l’Afssaps dans 4
% des cas, au moins l’une de ces mesures, 4 fois sur 5 (80%) et le bain dans un cas sur 3 (32 %).
L’intégralité des recommandations de l’Afssaps concernant le traitement médicamenteux mis en œuvre (un seul antipyrétique en 3 à 6 prises) était respectée par les médecins
généralistes dans 85 % des cas, par les pédiatres dans 86 % des cas et par les pharmaciens
dans 78 % des cas. Le respect des recommandations ne variait pas significativement
(p > 0,05) en fonction de l’âge du patient.
DISCUSSION
Cette étude sur la prise en charge de la fièvre de l’enfant et du nourrisson a essayé de prendre en compte, pour les éviter, les limites méthodologiques des études publiées sur le sujet. Son
caractère national et prospectif ainsi que l’inclusion des patients vus «en ville» a permis de limiter les biais de sélection. La taille de l’échantillon (près de 6 600) a permis par ailleurs une précision importante des estimations et une puissance des comparaisons entre groupes. De plus, cette
étude est, à notre connaissance, la seule qui se soit intéressée en même temps aux pratiques des
médecins et des pharmaciens.
Parmi les connaissances et les pratiques qui présentent un haut niveau (>75 %) de concordance avec les recommandations de l’Afssaps, on trouve le respect du mode de mesure de la fièvre (88 %). Parmi celles qui présentent un niveau moyen (50 à 75 %), figurent la connaissance
du seuil de définition de la fièvre (61 %) et le choix d’une monothérapie en première intention (74 %). Parmi les recommandations avec un faible niveau (<50 %), on trouve la connaissance du seuil du traitement médicamenteux (44 %), la conformité du traitement par mesures
physiques (9 %) et celle du traitement médicamenteux (12 %). La non-conformité du traitement médicamenteux est lié au nombre insuffisant de prises journalières ce qui pourrait expliquer le paradoxe entre l’échec ressenti par les parents de la monothérapie et les résultats des essais
sur les monothérapies de paracétamol ou d’ibuprofène. L’âge de l’enfant n’influait pas significativement sur le respect des recommandations.
Nos résultats concernant les connaissances et pratiques des parents sont proches de ceux retrouvés dans la littérature pour la proportion de parents qui connait le seuil de la fièvre [11,12,13]
ou les mesures physiques utilisées [11,12,13,14,15] en dehors du bain qui est beaucoup moins
privilégié dans notre étude (21 % vs 60 à 75 %) [11,12,13].
Notre étude permet par ailleurs de confirmer l’évolution de certaines tendances dans les pratiques relevées dans d’autres études. L’aspirine est délaissée [11,12,13,14,15] au profit du paracétamol et de l’ibuprofène.
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FIÈVRE DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT...
Limites de l’étude
Rochereau, 75014 Paris ; e-mail : [email protected]
Financement de l’étude et conflits d’intérêt potentiels : travail financé par Sanofi Aventis. Les coauteurs ont reçu des honoraires (EFC, GP) ou des financements de recherche (MC) de ce laboratoire.
Notre étude est exposée à des biais. Des biais de sélection sont probables compte tenu de
la stratégie de sélection des médecins généralistes à partir d’une base de données commerciale
de prescriptions (ICOMED-CEGEDIM). Cette base n’inclut pas tous les médecins généralistes en France, et le choix, au sein de cette base, de ceux à forte activité pédiatrique a très probablement entraîné un biais vis-à-vis des pratiques dans la fièvre de l’enfant. De plus, aucune
comparaison concernant les investigateurs contactés participants (15 %) et non participants
(85 %) n’a été possible. Par ailleurs, les mères interrogées de catégorie socioprofessionnelle
«cadres» sont surreprésentées dans notre échantillon, 23 %, à comparer aux 9 % de mères
cadres dans l’enquête nationale périnatale de 2003 (Inserm-Drees). Des redressements sont
en cours afin de corriger cette distorsion. Malgré ces biais probables, la distribution des
réponses données par les parents vus par les médecins généralistes, les pédiatres et les pharmaciens, diffère assez peu (Tableau 2). Par exemple, pour une variable comme le seuil de température qui nécessite de débuter un traitement médicamenteux, les différences entre les
groupes sont certes statistiquement significatives compte tenu de la puissance de l’étude mais
le sont très peu cliniquement (respectivement 44 % vs 46 % vs 43 % pour le seuil de 38°5C
par exemple). Une telle stabilité des résultats malgré des méthodes d’échantillonnage indépendantes est très rassurante sur leur robustesse. Enfin, seules les personnes capables de comprendre les questions étaient interrogées, ce qui exclut des populations généralement moins
bien informées et donc moins susceptibles de maîtriser les pratiques recommandées.
CONCLUSION
Notre étude a permis de confirmer que la conformité des pratiques des parents et des professionnels avec les recommandations de l’Afssaps pour la prise en charge symptomatique
des fièvres du nourrisson et de l’enfant était variable. Si le mode de prise de température, le
seuil de définition de la fièvre, le type de mesures physiques à utiliser sont dans leur grande
majorité conformes, notre étude a permis d’identifier un certain nombre de cibles pour combler les écarts qui existent entre les recommandations et les pratiques, que ce soit des parents
et/ou des professionnels : améliorer le recours à l’ensemble des mesures physiques non médicamenteuses pour faire baisser la fièvre (et non pas une seule), retarder le recours au traitement médicamenteux à 38°5C mais optimiser celui-ci en insistant notamment sur le nombre de prises adéquates (3 à 6), déconseiller le recours à la bithérapie. Cependant ces résultats sont à relativiser compte tenu du peu de temps de recul entre la publication des recommandations et la mise en œuvre de l’enquête (2 à 3 ans). Par ailleurs, d’éventuelles campagnes d’information devront aussi prendre en compte un autre résultat de cette étude : les
écarts de pratiques observés en fonction du niveau socio-économique et des diplômes des
accompagnants. D’autres exemples, dans le domaine périnatal notamment [19], montrent
qu’un tel écart n’est pas une fatalité si des actions d’informations sont bien conduites.
N. Mourdi1, E. Fournier Charrière2, G. Pons3,4,5, M. Chalumeau1,4,6
1
261
N. MOURDI, E. FOURNIER CHARRIÈRE, G. PONS, M. CHALUMEAU
Inserm U953, Recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des
enfants ; 2Unité Douleur, Hôpital Bicêtre, AP-HP ; 3Pharmacologie Clinique, GH CochinSaint-Vincent-de-Paul, AP-HP ; 4Université Paris Descartes et Réseau RIPPS ; 5Inserm
U663 ; 6Pédiatrie Générale, Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, AP-HP ; Paris et Bicêtre, France.
Correspondance : Dr M Chalumeau, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74 avenue Denfert-
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MISES AU POINT
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L’ÉCHELLE EVENDOL,
UNE ÉCHELLE COMPORTEMENTALE DE DOULEUR
POUR L’ENFANT DE MOINS DE 7 ANS
AUX URGENCES PÉDIATRIQUES
par
E. FOURNIER-CHARRIÈRE
Soulager la douleur est un impératif pour des soins de qualité aux urgences pédiatriques. Malheureusement les publications les plus récentes font encore état d’une insuffisance de soulagement des enfants vus en urgence [1-7]. Pourtant le traitement rapide de la
douleur est une des attentes essentielles des enfants et des parents aux urgences et est l’objectif des soignants [8-10].
L’évaluation de l’intensité de la douleur est donc nécessaire pour décider de l’administration d’un antalgique et pour choisir l’antalgique adapté. Une des difficultés est la nécessaire
rapidité de l’évaluation de la douleur, chez un enfant anxieux voire paniqué, par une infirmière souvent très occupée, et alors que beaucoup d’autres paramètres que la douleur nécessitent l’attention des soignants dans un service d’urgences. Cette évaluation repose sur l’analyse du comportement, par des soignants qui se basent souvent -à tort- sur le niveau sonore
des plaintes, et qui sont d’expérience, d’expertise et d’empathie variables. Le recours à un outil
de mesure fiable et validé est donc indispensable, car évaluation et analgésie vont de pair [1].
SITUATION DU PROBLÈME
L’auto-évaluation de la douleur est la règle d’or dès qu’elle est possible, dès l’âge de 4 ou
5 ans [11-14], mais l’expérience montre qu’elle est peu fiable aux urgences avant 7 ou 8 ans.
L’évaluation de la douleur chez le jeune enfant repose donc sur l’analyse du comportement
de douleur : il est nécessaire d’écouter et d’observer attentivement l’enfant et ses parents
pour recueillir des éléments diagnostiques précis, puis d’utiliser une échelle de douleur comportementale validée pour l’âge et la situation.
Depuis une vingtaine d’années, de très nombreuses échelles d’évaluation ont été validées, pour le nouveau-né (PIPP, NFCS), pour le nourrisson ou le petit enfant, pour la douleur aiguë post-opératoire (CHEOPS, OPS, FLACC, POCIS, CHIPPS, TPPPS, AmielTison en France, et PPMP pour les parents), ou pour une douleur prolongée (DEGR et
EDIN en France), ou pour la douleur aiguë d’un soin (FLACC, CHEOPS, DAN en
France), et pour la douleur en réanimation (COMFORT) [11-14]. Ces scores se réfèrent
aux pleurs, à l’agitation et la grimace pour ceux qui évaluent la douleur aiguë, à l’immobi-
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E. FOURNIER-CHARRIÈRE
L’ÉCHELLE EVENDOL, UNE ÉCHELLE COMPORTEMENTALE DE DOULEUR...
lité et aux positions antalgiques pour ceux qui évaluent la douleur prolongée, et certains
utilisent des variables physiologiques.
Aucune de ces échelles n’est adaptée à la situation des urgences pédiatriques : aucun
score comportemental n’a été ni élaboré ni validé ni recommandé par l’ANAES pour cette
situation [14]. La nécessité d’être rapide implique un seul outil, la même échelle, pour tout
âge et pour toute douleur, pour toute situation. Jusqu’à 2003, ce score comportemental simple adapté à la situation des urgences pédiatriques manquait aux soignants [15-17].
De quoi les soignants (infirmières et médecins) ont-ils besoin aux urgences pédiatriques ?
D’un score pour sortir de la subjectivité, définir des seuils de traitement, obtenir l’adhésion de
tous, suivre l’évolution après administration d’antalgiques ; d’un outil simple, facile à comprendre et à partager, vite lu et facile à remplir, en particulier dans le temps d’IAO1.
De façon multicentrique, nous avons élaboré et validé EVENDOL, une échelle de douleur pour l’enfant de moins de sept ans aux urgences pédiatriques.
La construction d’une échelle d’évaluation de la douleur s’effectue en plusieurs étapes. La
première a pour but de concevoir les items, la deuxième étape vise à évaluer les qualités de
cette échelle sur un grand nombre de patients pour validation.
Le système de cotation
267
Il a été décidé en 4 niveaux (0-1-2-3) pour gagner en sensibilité. Chaque item doit être scoré
de 0 à 3, en se référant à deux critères : l’intensité du signe et la permanence du signe au cours
de la période d’observation :
- 0 = signe absent
- 1 = signe faible ou passager
- 2 = signe moyen ou présent environ la moitié du temps
- 3 = signe fort ou quasi permanent.
Les temps de cotation
La démarche clinique est proposée d’emblée sur l’échelle, en trois temps : évaluation à
l’arrivée, avant tout soin, si possible à distance de l’enfant, avant tout stimulus algogène ou
anxiogène (« au repos ») ; puis lors de l’examen ou la mobilisation de la zone douloureuse
(« à l’examen ou mobilisation ») ; enfin après traitement antalgique.
Cette échelle a été baptisée « EVENDOL » : EValuation ENfant DOuLeur.
ÉTAPE 1 : ÉLABORATION DE L’ÉCHELLE
Méthodologie
Le cahier des charges était d’élaborer un instrument de mesure valable pour toute douleur (aiguë ou prolongée), pour tout âge avant 7 ans, vite lu et facile à remplir . Un groupe
d’experts en douleur de l’enfant, médecins et infirmières, (de Bicêtre, Trousseau,
Montpellier, Besançon, et du Centre National de Ressource contre la Douleur) se sont réunis avec des médecins et des infirmières des quatre unités d’urgences pédiatriques de ces
hôpitaux et a travaillé sur le contenu des items, le type de cotation et le format de la grille.
Le choix des items
Pour choisir les items, infirmières et médecins des urgences ont été interviewés, et les
items des échelles déjà disponibles ont été analysés de manière exhaustive. L’objectif que
l’échelle permette d’évaluer la douleur dans toutes les situations a conduit à prendre la décision d’inclure des items de douleur aiguë (pleurs, agitation, grimace) et des items de douleur
prolongée (prostration, immobilité) ; les attitudes antalgiques, présentes dans les deux situations, ont été incluses ; l’intérêt diagnostique des critères de consolabilité et de perte des
capacités d’entrer en relation a paru majeur. Les items de variables physiologiques (FC, PA,
FR, teint) n’ont pas été retenus car jugés trop peu spécifiques. Le libellé de chaque item a été
discuté longuement et testé à de multiples reprises auprès des infirmières des urgences pour
le rendre simple et intelligible.
L’échelle adoptée comporte 5 items. Chaque item est décrit précisément par quelques mots,
de manière à éviter toute erreur d’interprétation (Tableau 1).
1
L’IAO (infirmière d’accueil et d’orientation), effectue, à l’arrivée de chaque patient, une première prise en charge qui consiste à
déterminer le degré de priorité d'une situation clinique et administrer les premiers soins.
ÉTAPE 2 : VALIDATION DE L’ÉCHELLE
Méthodologie de validation
Pour être validé, un score qui mesure une variable subjective doit avoir satisfait à un protocole ad hoc. Ce dernier vise à satisfaire les critères psychométriques traditionnels de validité (adéquation entre ce que l'outil est censé mesurer et ce qu'il mesure effectivement), de fidélité (stabilité du résultat au cours de mesures répétées), sa validité de contenu et sa structure dimensionnelle
(l’homogénéité des items qui varient ensemble) et de sensibilité (capacité de discrimination entre
deux sujets ou entre deux passations chez un même sujet à des temps différents) [15,18-19].
Protocole de validation
Après information et consentement des parents, l’infirmière, le parent et le chercheur évaluaient le niveau de fatigue (pas du tout, un peu, moyen, beaucoup), de peur, (pas du tout, un
peu, moyen, beaucoup), de faim (oui, non ou ne sait pas) et le besoin antalgique de l’enfant (oui
ou non). Un score d’ENS (échelle numérique simple entre 0 et 10) était attribué par chacun
des trois observateurs.
Puis, l’enfant était observé et l’échelle EVENDOL était remplie par l’infirmière et par le
chercheur aux deux temps pré-établis : à T1 à l’arrivée de l’enfant (en salle d’attente), et à
T1bis au moment de l’IAO, à la mobilisation de la zone douloureuse ou lors de l’examen clinique effectué par le médecin.
Si l’enfant recevait un antalgique, il était réévalué à T2 (au repos), et à T2 bis (au
mouvement) si la situation clinique exigeait un nouvel examen ou mobilisation de
l’endroit douloureux.
D’autres échelles ont été remplies (CHEOPS, TPPPS, FLACC, EDIN, et FPS-R pour les
enfants de plus de 4 ans) par le chercheur. Trente enfants ont été filmés afin d’établir la fiabilité et la reproductibilité de l’échelle.
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E. FOURNIER-CHARRIÈRE
L’ÉCHELLE EVENDOL, UNE ÉCHELLE COMPORTEMENTALE DE DOULEUR...
Population nécessaire
Structure, validité de contenu et consistance interne
Minimum 200 enfants.
Critères d’inclusion :
- enfants de la naissance à 7 ans consultant aux urgences
- avec le consentement des parents
Critères d’exclusion :
- les enfants en détresse vitale,
- les enfants atteint d’un handicap mental,
- les familles comprenant mal le français,
- les enfants arrivant sans les parents.
Déroulement de l’étude
Le recueil de données s’est déroulé de façon prospective, dans quatre hôpitaux, par un
chercheur (FR) et les infirmières des urgences.
Considérations éthiques
L’étude ne soulève pas de difficulté éthique, il s’agit d’une simple observation avec
recueil de données qui ne retarde pas le traitement.
Description de l’échantillon
291 enfants ont été inclus, leur âge va de la naissance à 7 ans moins un jour, (Figure 1) ;
il s’agit pour 41,1 % de filles et 58,9 % de garçons.
Les diagnostics étaient : 49 % de traumatologie (fracture, traumatismes sans fracture, brûlure, plaie…), 39 % de pathologies médicales a priori douloureuses (douleurs abdominales,
angine, otite, douleur de membre, céphalée, crise drépanocytaire, gastro-entérite, stomatite,
abcès…) et 16 % pathologies médicales non douloureuses (fièvre isolée, rhinite, éruption…).
Selon l’infirmière, 30 % des enfants étaient moyennement ou très anxieux, 32 % étaient
moyennement ou très fatigués, 14 % des nourrissons de moins de 1 an avaient faim. 75 %
des enfants n’avaient pas de fièvre, 14,6 % avaient une fièvre modérée, et 10,5 % avaient une
forte fièvre ( > 38°9 C).
Avant d’arriver aux urgences 22,37 % des enfants (66) avaient reçu un ou plusieurs antalgiques (73 % paracétamol, 26 % AINS).
Selon l’infirmière, 50,8 % des enfants avaient besoin d’un traitement antalgique (décision
prise avant de coter EVENDOL).
Aux urgences, 121 enfants (41,5 %) ont reçu un traitement contre la douleur : 34,9 %
un seul antalgique et 6,4 % deux antalgiques ou plus : 29 % ont reçu du paracétamol, 10 %
ont reçu de la nalbuphine, 6 % ont reçu de la codéine, 1,4 % ont reçu de la morphine.
Répartition des scores dans l’échantillon
Les scores EVENDOL donnés par l’infirmière et par le chercheur à T1 et T1bis varient
entre 0 et 15 (Figure 2). La douleur est représentée à tous les niveaux au sein de notre échantillon de population, depuis l’absence de douleur jusqu’à la douleur majeure.
269
La cohérence interne de chacun des items est très satisfaisante. Le coefficient de
Cronbach calculé à chacun des 4 temps est excellent : 0,79 à 0,93.
Tous les items ont été introduits dans un modèle d’analyse en composante principale : le
modèle comporte un facteur qui explique 60 à 76 % de la variance selon le temps étudié (T1,
T1bis, T2, et T2bis). Nous concluons que l’échelle est unidimensionnelle.
Fiabilité inter-juges
Nous avons comparé les scores EVENDOL donnés de façon indépendante par l’infirmière
et par le chercheur : aux quatre temps étudiés (T1, T1bis, T2, T2bis, 342 mesures au total), les
corrélations se situent entre 0,89 et 0,98 (p < 0,0001) ; le kappa pondéré varie de 0,7 à 0,9.
La concordance entre les cotations de différentes infirmières sur enregistrement vidéo a
été réalisée. Six infirmières dont une expert et une novice, un médecin expert et le chercheur
ont évalué sur vidéo 37 enfants filmés par le chercheur aux urgences. La corrélation entre ces
cotations, évaluée par le coefficient intra classe qui est > 0,91, est excellente.
Tous ces éléments sont en faveur d’une excellente concordance entre les juges, même de
niveaux de connaissance et d’expérience différents.
Validité de “construction”
Pour montrer que l’échelle évalue bien la douleur, que le score augmente ou baisse avec
le niveau de douleur et est indépendant d’autres variables comme la fatigue ou la peur, différents tests statistiques ont été pratiqués :
• Groupes contrastés : les enfants avec fractures (38 enfants) ont des scores élevés à la
mobilisation : médiane 12/15, alors que les enfants ayant une maladie a priori non douloureuse (34 enfants) ont des scores bas : score moyen au repos : 2,59, et 5,29 à la mobilisation.
• Effet des antalgiques sur le score : on observe une chute significative des scores après
antalgique (Tableau 2).
• Les scores EVENDOL comparés aux scores d’évaluation globale de 0 à 10 attribuées par
l’infirmière et/ou le chercheur sont bien corrélés (r 0,79 à 0,92 aux différents temps, p < 0.0001).
• Les scores EVENDOL sont comparés aux scores d’auto-évaluation donnés par les enfants
entre 4 et 8 ans (pour cette partie de l’étude, 30 enfants de 7 à 8 ans ont été inclus en plus)
- avec l’échelle de visages FPS-R : sur un total de 118 mesures, le coefficient de corrélation de Pearson est à 0,65 (p < 0,0001).
- avec l’échelle numérique simple pour les plus grands (6 à 8 ans) : sur 68 mesures, le coefficient de corrélation de Pearson est à 0,66 (p < 0,0001).
• Les scores EVENDOL sont comparés aux scores des autres échelles : EDIN, FLACC,
TPPPS, CHEOPS : les corrélations sont toutes supérieures à 0,7 (0,7 à 0,91 selon l’échelle).
Validité discriminante
Le score EVENDOL a été étudié en relation avec le degré de fièvre, le niveau d’anxiété,
de fatigue et de faim. Les corrélations (pour les trois premières variables) varient entre 0,12
et 0,34 pour ces différents facteurs ; pour la faim (test t de Student), les scores sont indépendants. Le score EVENDOL est donc indépendant de l’anxiété, de la fatigue, de la faim,
et de la fièvre, ceci est un excellent critère de validité discriminante.
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Validité d’apparence (facilité d’emploi)
Le système de cotation a l’intérêt d’inclure autant l’intensité de signes que sa permanence pendant la période d’observation. La durée minimale d’observation n’est pas imposée.
Les différents moments de cotation sont prédéfinis : à l’arrivée, au repos, au mouvement
et après antalgique. La démarche de soins est donc inscrite dans l’échelle et la ré-évaluation
après antalgique est systématiquement prévue. L’évaluation à la mobilisation n’est pas obligatoirement nécessaire si l’enfant a déjà très mal sans qu’on le touche ; par contre si le score
est faible au repos, la mobilisation même brève et délicate du foyer douloureux fait monter
brutalement le score, le seuil est dépassé et l’administration d’antalgique est nécessaire avant
tout autre soin et examen, par exemple avant la radiographie ; c’est tout l’intérêt de cette
démarche.
Le fait qu’EVENDOL soit validée pour tout âge de la naissance à 7 ans et pour toute situation, est un facteur de simplification accueilli avec soulagement par tous les équipes soignantes des
urgences : plus besoin de choisir l’échelle selon l’âge ou la situation, une seule doit être implantée
et utilisée. Le seuil de traitement a été fixé, cela simplifie aussi la décision de traitement.
Pour faciliter l’apprentissage, notre groupe a élaboré un DVD de formation, avec de
nombreuses explications et un panel de démonstrations de l’utilisation clinique sur enregistrement vidéo2. L’échelle a une présentation agréable (cf annexe) et est téléchargeable
(www.pediadol.org).
Toutes ces caractéristiques nous permettent de proposer l’utilisation d’EVENDOL non
seulement aux urgences où elle a été validée, mais également dans d’autres situations : médicales, post-opératoires, pré-hospitalières. Des collègues nous suggèrent également l’emploi
pour la douleur des soins, pour l’enfant avec handicap cognitif, pour l’enfant en oncologie…
De nouveaux travaux de validation sont en cours ou prévus.
La faisabilité de cette échelle a été testée. Plusieurs libellés et plusieurs présentations (verticale, horizontale) ont été proposés. Environ 30 infirmières interrogées ont sélectionné
finalement un format qu’elles trouvent très compréhensible et facile d’emploi. Puis un graphiste a travaillé pour rendre l’échelle plus attractive et claire (annexe 1).
Le seuil de traitement
Pour déterminer le seuil de traitement, nous avons conduit plusieurs démarches.
Nous avons étudié le lien entre le besoin d’antalgique attribué par l’infirmière ou par le chercheur et le score EVENDOL : la médiane du score est à 0 si la décision (prise avant de coter
EVENDOL) est « pas d’antalgique » ; la médiane du score est à 5 pour l’infirmière et 6
pour le chercheur si la décision est « antalgique ». Ces scores déduits de la pratique clinique
donnent une première indication.
Nous savons que le score EVENDOL/15 est étroitement corrélé au score ENS /10. Si le
score seuil pour l’administration d’antalgique universellement accepté est de 3/10, on peut
en déduire par simple calcul que le score EVENDOL correspondant est de 4,5/15. Nous
avons regardé quels étaient les scores EVENDOL des enfants qui avaient effectivement un
score ENS attribué par l’infirmière ou le chercheur entre 3 et 4, la médiane est à 3 pour
ENS 3 et à 4.5 pour ENS à 4.
Nous avons donc décidé de fixer le score seuil de traitement à 4/15.
DISCUSSION ET PERSPECTIVES
CONCLUSION
L’élaboration de l’échelle EVENDOL répondait à un besoin et à des exigences : simplicité, facilité de compréhension, facilité d’appropriation, validité pour toute douleur (aiguë
ou prolongée) et pour tout âge (de 0 à 7 ans).
Le choix et le libellé des items, longuement travaillé avec les soignants, a permis d’aboutir à une échelle qui répond pleinement à ces exigences. La douleur faible comme la douleur
intense est enregistrée, l’échelle avec le score de 0 à 15 a une bonne sensibilité, douleur aiguë
et douleur prolongée sont bien enregistrées.
Au cours de notre travail, la publication du score de l’hôpital Alder-Hey en Grande
Bretagne [20] nous a montré que notre préoccupation sur l’évaluation aux urgences était partagée. Ce score comporte des items voisins du score EVENDOL, mais nous parait avoir deux
caractéristiques gênantes : il mentionne la consolabilité uniquement dans l’item plaintes
(pleurs consolables ou non) et il comprend un item pâleur : ce dernier signe nous parait peu
fiable, car trop peu spécifique ; enfin les critères de validité sont de qualité moyenne. C’est
pourquoi nous avons poursuivi notre travail pour élaborer et valider EVENDOL.
Les critères de validité d’EVENDOL sont excellents, en particulier la fiabilité interjuges, les arguments de validité de construit et de validité discriminante ; ce dernier critère,
qui est rarement testé, est très intéressant ici, puisque EVENDOL permet de discriminer
entre peur et douleur et n’est pas ou peu sensible à d’autres évènements comme la fièvre, la
fatigue et la faim ; très peu d’études de validation ont montré cela pour d’autres échelles,
alors qu’il s’agit d’une interrogation constante dans les situations cliniques courantes.
EVENDOL, testée auprès d’un panel important d’infirmières différentes, est fiable et
facile d’utilisation par toutes les infirmières, même novices.
EVENDOL est un nouveau score à 5 items pour mesurer la douleur des jeunes enfants
aux urgences pédiatriques. Cette échelle a obtenu d’excellents critères de validité lors de
l’étude de validation sur un large échantillon d’enfants vus aux urgences : validité inter-juges
excellente, bonne discrimination entre les niveaux différents de douleur, indépendance vis à
vis de la fatigue, de l’anxiété ou de la faim de l’enfant.
EVENDOL mesure aussi bien la douleur aiguë que la douleur prolongée, la douleur chez
le bébé que chez le petit enfant, la douleur faible que la douleur intense. EVENDOL est
facile et rapide à utiliser et bien acceptée par les soignants. EVENDOL peut donc être utilisée chez les enfants de moins de 7 ans aux urgences, et pourra sans doute être utile dans d’autres contextes pédiatriques.
E. Fournier-Charrière
Unité de prise en charge de la Douleur et des soins palliatifs de l’adulte et de l’enfant, Hôpital
Bicêtre, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, 94275 Le Kremlin Bicêtre, France,
[email protected], et le groupe EVENDOL :
Florence Reiter, psychologue chercheur, Unité de prise en charge de la Douleur et des soins palliatifs de l’adulte et de l’enfant, Hôpital Bicêtre, AP-HP
Frédérique Lassauge, Unité Douleur, CHU St Jacques, Besançon ;
Christine Ricard, Unité Douleur Enfant, CHU Lapeyronie, Montpellier ;
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Barbara Tourniaire, Bénédicte Lombart, Unité Fonctionnelle d’analgésie Pédiatrique, Hôpital
Trousseau, AP-HP, Paris ;
Patricia Cimerman, Ricardo Carbajal, CNRD (centre national de ressources de lutte contre la
douleur), Hôpital Trousseau, Paris ;
Bruno Falissard, Service de santé publique évaluation et information médicale, hôpital Paul
Brousse, AP-HP et INSERM U 669 ;
Pascale Turquin, Service d’accueil des urgences pédiatriques, hôpital Bicêtre ;
Christelle Descot, Alexia Letierce, Unité de Recherche Clinique, Hôpital Bicêtre.
15. FOURNIER-CHARRIERE E, LASSAUGE F, RICARD CH. Evaluation de la douleur chez le jeune enfant :
du nouveau-né à l’âge préscolaire. In : Les évaluations complexes de la douleur, RICARD CH ed. Publication
SETD (french chapter of the IASP) Lyon 2002, p 9-40.
16. DOMMERGUES JP, FOURNIER-CHARRIERE E. Douleur et urgences chez l'enfant. Paris, Arnette
Blackwell, 1995. 237 p.
17. FOURNIER-CHARRIERE E., Analgésie aux urgences pédiatriques. Med Ther Pediatr 1999 ; 2: 381-94.
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G, MURAT I. La douleur chez l’enfant : échelles d’évaluation, traitements médicamenteux. Paris, SpringerVerlag, 1993 : 3-10.
20. STEWART B, LANCASTER G, LAWSON J, WILLIAMS K, DALY J. Validation of the Alder Hey Triage
Pain Score. Arch Dis Childhood 2004. 89:625-629
REMERCIEMENTS
Aux équipes soignantes, infirmières et médecins, des urgences pédiatriques des hôpitaux de
Lapeyronie, Saint Jacques, Bicêtre et Trousseau, sous la responsabilité à Bicêtre des Dr V.
Nouyrigat, Pr J.-P. Dommergues, Pr F. Gauthier, à Montpellier des Dr Benatia, Dr M.
Rodière, à Trousseau des Dr N. Parez, Pr E. Grimprel, Pr G. Filipe, Pr P. Helardot, à
Besançon des Dr M.-L. Dalphin, Pr A. Menget, Pr D. Aubert, Pr B. de Billy.
Nous remercions toutes les personnes qui ont accepté de participer. Nous remercions les
enfants et leurs parents.
Financement : Cette recherche a bénéficié d’une subvention de la Fondation CNP Assurances.
Conflits d’intérêts : le chercheur (FR) a été rémunéré pour enregistrer les cas et filmer les
enfants.
RÉFÉRENCES
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à 15 ans : texte des recommandations. Publication ANAES, Paris 2000, 20 p www.anaes.fr ; argumentaire.
Publication ANAES, Paris 2000, 332 p.
2
financement par la fondation CNP Assurances. Disponible auprès de l’association Sparadrap (www.sparadrap.org)
TABLEAU 1: LES ITEMS D’ EVENDOL
Expression vocale ou verbale
pleure et/ou crie et/ou gémit et/ou dit qu’il a mal
Mimique
a le front plissé, et/ou les sourcils froncés et/ou la bouche crispée
Mouvements
s’agite et/ou se raidit et/ou se crispe
Positions
a une attitude inhabituelle et/ou antalgique, et/ou se protège et/ou reste immobile
Relation avec l’environnement
peut être consolé et/ou s’intéresse aux jeux et/ou communique avec l’entourage
TABLEAU 2 : EFFET DE L’ANTALGIQUE SUR LE SCORE EVENDOL
Médianes
des scores EVENDOL
Nalbuphine
(n = 29)
Codeïne
(n = 18)
Paracétamol seul
(n = 63)
Score au repos avant
9
7
3
Score au repos après
3
0
0
Score à la mobilisation avant
13
11
7
Score à la mobilisation après
6
4
3
FIGURE 1 : Répartition des effectifs par classe d’âge : n=294
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FIGURE 2 : Répartition des scores EVENDOL de l’infirmière à T1 (arrivée « au repos ») et T1bis (arrivée à la mobilisation)
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ANNEXES
EVENDOL
EValuation ENfant DouLeur
Ce qu’il faut savoir
• Age d'utilisation : de la naissance à l’âge de 7 ans.
• Lieu d’utilisation : service d’urgences
• Type de douleur évalué : tout type de douleur (aiguë ou prolongée)
• But : évaluer la douleur à l’arrivée, en dehors de tout soin, afin de déterminer si l’enfant a besoin d’emblée d’un
antalgique.
• Score : de 0 à 15.
• Nombre d'items : 5 items comportementaux simples
- Expression vocale ou verbale
pleure et/ou crie et/ou gémit et/ou dit qu’il a mal
- Mimique
a le front plissé, et/ou les sourcils froncés et/ou la bouche crispée,
- Mouvements,
s’agite et/ou se raidit et/ou se crispe
- Positions,
a une attitude inhabituelle et/ou antalgique, et/ou se protège et/ou reste immobile
- Relation avec l’environnement
peut être consolé et/ou s’intéresse aux jeux et/ou communique avec l’entourage
• Cotation : pour chaque item, 4 cotations possibles, tenant compte à la fois de l’intensité et de la permanence du
signe pendant le temps d’observation
0 = signe absent ;
1 = signe faible ou passager;
2 = signe moyen ou environ la moitié du temps;
3 = signe fort ou quasi permanent
• Deux temps d’observation nécessaires :
- à l’arrivée de l’enfant, à « distance », en dehors de tout soin ou approche anxiogène, par exemple en salle
d’attente,
- lors de l’examen ou de la mobilisation de la zone présumée douloureuse
• Seuil de prescription : 4/15.
• Spécificité : mesure de la douleur aux urgences. Le choix des items permet d’observer une augmentation du score
avec l’intensité de la douleur qu’il s’agisse de douleur aiguë (pleurs, mimique, agitation, raideur, geste de protection,
inconsolabilité) ou de douleur prolongée avec atonie psychomotrice (raideurs, immobilité, refus de s’intéresser à
l’entourage).
• Les avantages de EVENDOL : c’est une échelle comportementale simple et rapide d’emploi, valable à tout âge
jusqu’à l’âge de l’autoévaluation, et pour tout type de douleur.
• Les inconvénients de EVENDOL : il est nécessaire d’évaluer à 2 temps pour décider de l’antalgique (sauf si l’enfant a une douleur majeure dès le premier temps d’observation)
• Validation de EVENDOL : excellents critères de validité lors de l’étude dans 4 centres d’urgences pédiatriques.
Excellente corrélation entre les différents cotateurs.
MALADIE DE CROHN DE L'ENFANT
ORIGINE ET TRAITEMENT
par
F. RUEMMELE
La maladie de Crohn (MC) est une maladie chronique de la muqueuse intestinale caractérisée par une inflammation transmurale de la paroi intestinale potentiellement intéressant
toutes les parties de l’axe digestif. Les formes pédiatriques de la MC représentent environ
15 % de l'ensemble des MC. Elles peuvent se révéler bien avant l'âge de 10 ans et plus exceptionnellement dans les 2 premières années de vie, mais la plupart des patients débutent leur
maladie entre 10 et 25 ans. Il existe un gradient Nord-Sud marqué : la MC est plus fréquente
dans les pays du Nord en milieu urbain et dans les zones où le niveau socio-économique est
relativement élevé [1,2]. En France, son incidence a été estimée à 2 cas par année pour
100 000 enfants de moins de 17 ans. Il y a plusieurs études récentes indiquant une nette augmentation de l’incidence de la maladie de Crohn, surtout chez l’enfant en dessous de 15 ans.
A ce jour, la cause précise et les facteurs déclenchants de la maladie de Crohn restent
inconnus. Mais, des nouvelles approches de recherche fondamentale ont permis d’identifier
les premiers mécanismes moléculaires et génétiques impliqués dans la pathogénie de la maladie de Crohn. Les données actuelles accréditent de plus en plus l’hypothèse de la MC
comme une conséquence d’une réaction inappropriée et exagérée du système immunitaire
de la muqueuse intestinale vis-à-vis d’antigènes d’origine microbienne de la flore intestinale.
Cette activation immunitaire anormale est en partie génétiquement déterminée. Des facteurs environnementaux – en grande partie non identifiés – semblent jouer un rôle important dans l’induction de la réaction inflammatoire au niveau intestinal. Par exemple, l’observation de l’émergence de MC chez des personnes appartenant à des populations ayant
une faible incidence de MITD qui migrent vers les pays développés suggère fortement l’impact de facteurs environnementaux. L’étude française EPIMAD a montré une association
significative entre certains facteurs liés à l’environnement ou au mode de vie et l’incidence
de la MC [3]: parmi eux, curieusement l’allaitement maternel n’a pas montré d’effet protecteur tandis que la consommation de l’eau du robinet le serait.
Le tabac est le facteur de risque le mieux établi. Il multiplierait par deux le risque de développer une MC [4]. Par ailleurs, la poursuite d’un tabagisme actif augmente le risque d’atteinte iléale, de fistules, de sténoses ainsi que le risque de récurrence après résection chirurgicale (risque multiplié par 4 chez les femmes fumeuses versus les non fumeuses).
Inversement, l’arrêt du tabac permet de diminuer l’incidence des poussées ainsi que les
besoins en corticoïdes et en immunosuppresseurs.
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MALADIE DE CROHN DE L'ENFANT ORIGINE ET TRAITEMENT
BASES GÉNÉTIQUES DE LA MC
MÉCANISMES D’INFLAMMATION DE LA MC
Depuis la découverte du premier gène de susceptibilité de la maladie de Crohn,
nod2/CARD15 en 2001, plus de trente différents gènes de susceptibilité ayant potentiellement un effet biologique ont été répertoriés à ce jour [5-7]. Ces avancées ont pu être réalisées grâce à des grands consortiums permettant l’analyse de plusieurs milliers de patients. Il
est de plus en plus clair que la maladie de Crohn est une maladie multigénique complexe.
C'est-à-dire, il y a une forte composante génétique, mais contrairement aux maladies monogéniques, il s’agit des plusieurs facteurs de susceptibilité, qui dans un contexte (environnemental) particulier contribuent au développement de la maladie. Nous pouvons aujourd’hui
distinguer trois catégories différentes de gènes de susceptibilité pour la maladie de Crohn :
des gènes qui codent 1) pour des molécules du système immunitaire inné, 2) pour des molécules impliquées dans la fonction de la barrière intestinale et 3) des molécules impliquées
dans la régulation des réponses inflammatoires adaptatives. Le gène nod2/CARD15 est à ce
jour le facteur génétique le plus étudié. Nod2/CARD15 est l’analogue du gène du facteur R
identifié chez les plantes et qui protège contre des infections. CARD15 fait partie d’une
famille de protides intracellulaires, la famille des NOD qui est impliquée dans la reconnaissance des structures bactériennes et joue ainsi un rôle clé dans le système immunitaire inné
[8]. Le séquençage de CARD15 chez les patients ayant une MC a permis d’identifier l’insertion d’une cytosine en position 3020 dans l’exon 11, il s’agit d’un codon–stop. De plus, 2
mutations « non-sens » ont été identifiées chez des patients ayant une MC et présentant
une mutation de CARD 15 [5,6]. La présence d’une mutation de CARD15 augmente le
risque relatif de développer une MC, d’un facteur 3. Avec deux mutations de CARD15, le
risque relatif est multiplié par trente-huit. Chez les patients hétérozygotes composites (avec
deux mutations différentes de CARD15), le risque de développer une MC est augmenté de
quarante-quatre fois. Deux autres facteurs génétiques se sont confirmés à travers plusieurs
études avec une puissance statistique très importante, les polymorphismes dans les gènes
codant pour la molécule ATG16L1 et le récepteur à IL-23 [7,9]. ATG16L1 (autophagyrelated 16-like 1 gene) est impliqué dans le processus d’autophagie cellulaire et le polymorphisme ATG16L1-T300A est fortement associé à la maladie de Crohn. Cette observation
ouvre une nouvelle piste dans la recherche de la physiopathologie de la MC. Contrairement
à ce polymorphisme d’ATG16L qui est associé à la MC, le polymorphisme IL23R
p.Arg381Gln est plutôt protecteur contre le développement de la MC, et on retrouve ce
polymorphisme moins souvent chez les patients par rapport aux cohortes témoins. L’impact
et la valeur des différents autres gènes (polymorphismes) dans le développement de la MC
est actuellement en cours de validation et nous sommes dans l’attente des retombées de ces
études génétiques.
Le système immunitaire de la muqueuse intestinale est exposé à une multitude d’antigènes d’origine alimentaire ou microbienne. En conséquence, la muqueuse intestinale a
développé différentes stratégies afin de prévenir et/ou contrôler une réaction inflammatoire liée à cette charge antigénique. En d’autres termes, le système immunitaire de la
muqueuse intestinale est physiologiquement dans un état d’activation réduit malgré cette
charge antigénique massive et permanente. Actuellement, les données concernant la
réponse inflammatoire au cours de la MC ont été acquises en partie à partir des modèles
animaux. La diversité des modèles animaux de MITD indique que différents mécanismes
moléculaires interfèrent dans le développement d’une réaction inflammatoire chronique.
La colite induite par l’administration de TNBS chez les souris SJL/J, qui entraîne une
inflammation transmurale avec formation de granulomes (comme chez les patients
atteints de maladie de Crohn), correspond à un profil d’inflammation de type Th1. Au
niveau de la muqueuse inflammatoire de ces souris, les taux de cytokines interleukine
(IL)-12, interféron (IFN)γ et TNFα sont très élevés. Des analyses chez les patients ayant
une MITD confirment cette dichotomie entre réactions immunitaires de type Th1 chez
les patients ayant une MC versus une réaction de type Th2 chez les patients atteints de
RCH [10]. Et l’observation de la formation de granulomes épithelioïdes et gigantocellulaires chez les patients MC est une réaction Th1 par excellence. Mais avec la découverte
de la voie immune Th17 (pour des lymphocytes T caractérisés par la production de la
cytokine IL-17), cette vision de l’inflammation chez les patients MC s’est montrée trop
simpliste. Nous savons aujourd’hui que l’axe IL-23/L-17 est primordial dans l’induction
d’une réponse inflammatoire au niveau intestinal dans la MC [11]. Chez la souris invalidée pour la cytokine IL-23, on observe une nette diminution de la réaction inflammatoire
dans un modèle animal de MICI (modèle de transfert induisant une colite), confirmant
l’importance de cette cytokine dans l’induction d’une réponse inflammatoire [12]. Chez
les patients, une nette augmentation de la réponse Th17 a été documentée, mais celle-ci
n’est pas constante (données personnelles). Un certain nombre de faisceaux d’arguments
converge à une nouvelle notion des fonctions de lymphocytes T avec une grande plasticité
permettant de moduler les réponses Th1, Th17, Th2 et T régulateur au cours du temps et
surtout en fonction des besoins et des facteurs environnementaux. Le polymorphisme du
récepteur IL-23 pourrait contribuer à une exagération des réponses IL-23/IL17 au niveau
de la muqueuse intestinale. Des données très récentes indiquent clairement que l’induction de cet axe est particulièrement importante en réponse aux motifs microbiens de
nature et bactérienne et fongique.
Plusieurs hypothèses ont été mises en avant pour expliquer cette suractivation immunitaire et réponse inflammatoire médiée par les lymphocytes T chez les patients atteints
d’une MC. Soit il s’agit d’une perte de tolérance vis-à-vis de la microflore intestinale, soit
il y a un changement dans la composition du microbiome chez les patients, soit les deux.
Nous savons aujourd’hui que la reconnaissance des motifs microbiens via les Toll-like
récepteurs et les molécules nod (notamment nod2/CARD15) est altérée ou défectueuse
chez les patients avec une mutation dans le gène nod2/CARD15. Par exemple, il existe un
défaut de recrutement initial de cellules inflammatoire chez les patients avec une mutation nod2/CARD15 en réponse d’une stimulation/agression microbienne. En parallèle,
plusieurs arguments ont mis en avant indiquant un défaut de la production des molécules
bactéricides (défensines) au niveau de la barrière intestinale, également secondaire à des
mutations ou polymorphismes des molécules du système immunitaire inné ou de l’autophagie observés chez les patients atteints de MC. Des anomalies (souvent mineures) peu-
L’identification de ces facteurs génétiques prédisposant au développement de la MC a
considérablement enrichi la recherche et surtout, elle a recentré cette recherche sur l’interaction
entre le microbiome intestinal et le système immunitaire intestinal, notamment le contrôle et le
fonctionnement des réponses immunitaires innées, des défenses antibactériennes incluant les
mécanismes d’autophagie. Les mécanismes moléculaires exacts, par lesquels une molécule mutée
ou altérée, comme nod2/CARD15 contribue à l’inflammation chronique de l’intestin, sont
l’objet d’une recherche extrêmement fructueuse et chez l’animal et chez l’homme.
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MALADIE DE CROHN DE L'ENFANT ORIGINE ET TRAITEMENT
vent se traduire soit par une charge bactérienne augmentée au niveau épithéliale soit dans
une modification de la composition de la flore intestinale causant secondairement une réaction inflammatoire adaptative exagérée voire pathologique.
Une autre piste nouvelle de recherche assez prometteuse vise à comprendre les mécanismes endogènes de retro-contrôle de l’inflammation via des cellules T régulateurs. Le système immunitaire associé à l’intestin (Gut Associated Lymphoïd Tissue, GALT) est capable de développer un certain nombre de stratégies pour prévenir un processus inflammatoire. L’une d’entre elles est connue sous le nom de « tolérance orale ». Les bases moléculaires de la tolérance orale reposent sur la déplétion clonale des cellules T effectrices ou sur
l’induction de cellules T suppressives ou régulateurs de type Th3 produisant des quantités
importantes de TGFβ. Une des questions importantes concernant les MITD est l’existence
ou non d’un défaut d’acquisition de tolérance orale. Actuellement, cette importante question n’a pas de réponse claire en raison de difficultés à mettre au point des modèles expérimentaux de même qu’aux manques de données fonctionnelles chez les patients atteints de
MITD. Cependant, une étude importante de Duchmann et al. [13] suggère une rupture de
la tolérance orale chez les patients atteints de MC. Les cellules T isolées de la muqueuse
intestinale ne réagissent ni par prolifération, ni par activation lorsqu’elles sont stimulées par
la flore intestinale d’un individu sain. Cependant, chez les patients atteints de MC, il existe
une activation significative des lymphocytes T de la lamina propria induite par leur propre
flore bactérienne [13]. Cette réaction inflammatoire peut être due à une activation pathologique des cellules T effectrices ou bien secondaire à un déficit des cellules T régulatrices.
L’analyse de colites expérimentales induites par le transfert de cellules CD45 RBhigh à des
souris SCID ou Rag-2 déficientes a montré que le co-transfert avec des cellules CD45 RBlow
permet de prévenir le développement d’une colite [14]. Les cellules T régulatrices qui diminuent ou bloquent l’activation des cellules T effectrices sont supposées protéger ces souris
SCID ou Rag-2 déficientes d’une colite. Cette hypothèse peut être confirmée par le fait que
le transfert isolé des cellules T régulatrices de type CD4-CD25+ au lieu de CD45 RBlow
assure le même effet préventif. La principale cytokine anti-inflammatoire dans ce modèle de
colite est le TGF-β. L’administration simultanée d’un anticorps neutralisant le TGF-β supprime totalement l’effet préventif des cellules CD4-CD25+ dans ce modèle de colite expérimentale. Cependant, le rôle précis du TGF-β en tant que cytokine régulatrice dans les
MITD doit être confirmé puisque les cellules T régulatrices CD25+ de souris déficientes en
TGF-β1 gardent une activité suppressive in vitro.
Une autre population cellulaire intéressante est celle des cellules régulatrices Tr1 marqués par la production de la cytokine IL-10, une cytokine avec des propriétés anti-inflammatoires importantes. Que l’IL-10 pourrait être impliqué dans le développement de la MC
est discuté depuis longtemps, car les souris KO pour l’IL-10 développent spontanément une
colite extrêmement sévère, mais seulement en condition non axénique [15]. Ceci indique
l’importance de cette population cellulaire et surtout de l’IL-10 de diminuer la réaction
inflammatoire provoquée normalement par le microbiome intestinal. Par ailleurs, l’administration exogène d’IL-10 protège complètement ces souris du développement d’une colite.
En revanche, une fois que l’inflammation de la muqueuse est établie, l’administration d’IL10 n’a pratiquement plus d’effet. La recherche sur le rôle et la régulation des cellules avec des
propriétés de régulateur d’inflammation est très difficile, car en dehors des facteurs de transcription FOXP3, nous manquons de marqueurs moléculaires précis pour ces cellules.
BASES MOLÉCULAIRES DU TRAITEMENT DE LA MC
281
Les approches thérapeutiques dans le traitement de la MC sont multiples et elles sont en
grande partie empiriques. Mais le développement de nouvelles pistes thérapeutiques sur les
dernières années, surtout des traitements biologiques sont les premiers fruits de connaissances récents sur les MICI.
Au cours d’une MC active, le traitement dépend de la sévérité de la poussée, de la localisation de la maladie et d’éventuelles réponses thérapeutiques antérieures. La MC peut être
classée modérée, sévère ou fulminante en fonction du score d’activité clinique (Pediatric
Crohn Disease Activity Index (PCDAI) ou du score d’Harway Bradshaw). L'objectif du
traitement est la mise en rémission et son maintien. Schématiquement, nous pouvons distinguer un traitement d’induction (un traitement d’attaque) d’un traitement d’entretien
permettant de maintenir une rémission durable. Le traitement de la MC de l'enfant est donc
modulé en fonction des poussées évolutives (chronologie et sévérité) et du retentissement
nutritionnel. Le diagnostic de MC impose d'informer les parents et l'enfant du caractère
chronique de l'affection et du haut risque de dépendance thérapeutique. Une prise en charge
psychologique doit être systématiquement envisagée, même si elle n’est pas toujours acceptée et par conséquent suivie.
Le traitement médical repose sur des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens
(acide 5-aminosalicylique, sulfasalazine), sur les corticoïdes et les immunosuppresseurs (azathioprine, 6-mercaptopurine, methotrexate). La meilleure compréhension de l’immunopathologie de la MC et l’introduction récente des anticorps anti-TNF ouvre de nouvelles voies
thérapeutiques, plus spécifiques. Enfin, le retentissement de la MC sur la croissance justifie,
en particulier en phase pubertaire et prépubertaire, une utilisation assez large des techniques
de nutrition thérapeutique.
Nous voulons nous limiter dans cette mise au point sur la MC à la revue des mécanismes
moléculaires aux traitements immunomodulateurs et biologiques.
Les immunosuppresseurs de type azathioprine, 6-mercaptopurine et méthotrexate ont
un rôle fondamental dans le maintien en rémission. Actuellement, plusieurs études montrent clairement l’efficacité de l’azathioprine (Imurel®) ou de la 6-mercaptopurine
(Purinetol®). Une méta-analyse récente montre que 67 % des patients traités par de l’azathioprine ou 6-MP sont maintenus en rémission comparés à 53 % qui reçoivent un placebo
[16]. L’étude pédiatrique de Markowitz confirme le rôle du 6-MP pour le maintien en
rémission [17]. Dans cette étude contrôlée contre placebo, 55 enfants avec une maladie de
Crohn active ont été traités soit par l’association prednisone-6-MP, soit prednisone-placebo. Le taux de rémission initial dans les deux groupes était similaire. Cependant, le groupe
recevant du 6-MP a nécessité moins de corticoïdes à 12 mois comparé à ceux qui recevaient
seulement de la prednisone. Par ailleurs, sur un suivi de 18 mois, seulement 9 % des patients
traités par 6-MP ont rechuté, comparé à 47 % dans le groupe contrôle. Le génotypage enzymatique et la surveillance des taux des métabolites de l’azathioprine ou du 6-MP a considérablement augmenté la sécurité de ce type de traitement.
Le méthotrexate est utilisé chez l’enfant et l’adolescent, en général en cas d’intolérance
ou d’échec du traitement par Imurel®ou 6-MP (Purinetol®). Notre étude multicentrique
indique pour le MTX administré en sous-cutané une efficacité autour de 50 % dans le maintien de rémission à long terme chez les patients atteints d’une MC sévère [18]. Ces données
sont confirmées par deux autres études pédiatriques récentes. Globalement, la tolérance de
MTX est satisfaisante avec un peu moins de 10 % d’effet secondaires.
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MALADIE DE CROHN DE L'ENFANT ORIGINE ET TRAITEMENT
A ce jour le mode d’action moléculaire des thiopurines et du MTX n’est que partiellement élucidé. Des données récentes indiquent que les thiopurines peuvent induire activement l’apoptose
des lymphocytes T activés via CD3/CD28 par compétition avec des molécules impliquées dans
la régulation d’apoptose. Ce mécanisme est très intéressant car la réaction inflammatoire au
niveau intestinal est marquée par une résistance à l’apoptose physiologique des lymphocytes T.
d’anti-TNF. Pour aller dans le sens de cette hypothèse, l’Etanercept qui n’a pas des effets
aussi importants dans la MC, est incapable de neutraliser le TNFα fixé à la membrane cellulaire et par conséquent, n’induit pas d’apoptose.
Une approche thérapeutique biologique, établie depuis maintenant environ 10 ans,
repose sur la découverte de l’implication et l’impact de la cytokine TNFα dans l’inflammation intestinale. Au début des années 90, le TNFα a été identifié comme un des effecteurs
majeurs de l’inflammation dans des modèles animaux de colite Crohn-like ou chez des
patients atteints de MC. Les cellules mononuclées isolées de la muqueuse intestinale de
patients atteints de MC produisent des larges quantités de TNFα. Ainsi, il était naturel de
développer des stratégies thérapeutiques pour neutraliser ou diminuer l’effet de concentrations tissulaires élevées de TNFα. A cet égard, le premier essai clinique contrôlé utilisant un
anticorps murin humanisé anti-TNFα (infliximab) a montré une capacité spectaculaire à
induire une rémission clinique chez des patients présentant une MC résistante [19]. Depuis,
les anticorps anti TNF (Remicade®, puis Humira ® ou Cimizia ®) ont été étudiés chez l’adulte
pour le maintien en rémission. L’étude ACCENT 1 a inclus 573 patients adultes ayant reçu
un traitement d’induction par trois injections d’Infliximab® [20]. Après traitement d’induction, les patients ont été séparés en trois groupes : placebo, Infliximab® toutes les huit
semaines à 5 mg/kg/jour, Infliximab® toutes les huit semaines à 10 mg/kg/jour. Le taux de
rémission à 30 semaines était de 21 % dans le groupe placebo et à respectivement 39 % et
45 % chez les patients traités par Infliximab® à 5 ou 10 mg/kg/jour. Cette stratégie thérapeutique a été récemment validée dans deux études indépendantes chez l’enfant avec des
résultats comparables. Globalement, la majorité d’études pédiatriques indique que les
enfants répondent extrêmement bien à un traitement anti-TNF, surtout parce que la maladie évolue depuis moins longtemps et la part inflammatoire est au premier plan (contrairement aux patients avec une évolution de la maladie depuis des longues années).
L’Infliximab® n’est pas le seul anticorps anti-TNF actuellement utilisé en clinique.
Récemment, un anticorps humanisé Humira® est devenu disponible. Humira® semble être
aussi efficace qu’Infliximab®. Son avantage réside dans une meilleure humanisation (5 % de
protéine de souris contre 25 % pour l’Infliximab®) le rendant ainsi moins immunogène. Des
nouveaux anticorps anti-TNF complètement humanisés sont actuellement en cours
d’étude. Les approches d’utiliser des molécules de fusion faite du récepteur au TNF (p55
(Onercept) ou p75 (Etanercept)) couplé au domaine Fc de l’immunoglobuline G1 ne semblent pas efficaces pour la MC, contrairement aux arthrites rhumatoïdes.
Une approche tout à fait différente des stratégies thérapeutiques classiques anti-TNFα
consiste en l’inhibition de la synthèse même du TNFα. Ainsi, la thalidomide est un agent
anti-TNF qui dégrade son ARN messager. De plus, la thalidomide bloque sélectivement la
biosynthèse de l’IL-12. En effet, actuellement deux essais pilotes non contrôlés ont démontré l’efficacité thérapeutique de la thalidomide. Cependant, l’utilisation clinique de la thalidomide reste limitée en raison de ses effets tératogènes bien connus.
La compréhension des mécanismes moléculaires des thérapeutiques anti-TNF s’est clarifiée. Compte tenu du fait que leur effet thérapeutique dure de l’ordre de 8 semaines, il est
peu probable que cet effet soit seulement lié à la neutralisation de l’effet biologique du TNF.
Des analyses ex vivo et in vitro ont permis d’identifier un effet pro-apoptotique de
l’ Infliximab® des lymphocytes T activés et des macrophages de la muqueuse intestinale. En
effet, l’élimination sélective de sous-populations de lymphocytes T et/ou de macrophages
pourrait logiquement expliquer l’effet prolongé de l’administration d’une dose unique
Des nouvelles cibles thérapeutiques pourraient être les voies d’induction de réponse
immunitaire ainsi que les cellules T effecteurs. Initialement visant la voie IL-12/IFNγ, des
anticorps anti-IL12 ont été introduits dans les modèles expérimentaux puis en ouvert chez
les patients avec une efficacité anti-inflammatoire nette [21]. Mais une discordance entre
l’efficacité de l’inhibition de la voie IL-12 et de l’IFNγ est apparue avec un effet négligeable
d’inhibition d’IFN. Sur la base des observations récentes, il est intéressant de réinterpréter
ces résultats : étant donné que la cytokine IL12 (dimère de p35/p40) partage la sous-unité
p40 avec la cytokine IL23 (dimère de p19/p40) l’hypothèse a émergé que l’effet thérapeutique anti-IL-12 (basé sur un anticorps anti-p40) consiste plutôt dans l’inhibition de la cytokine IL-23, confirmé par une approche ciblée contre IL-23 (en bloquant la sous-unité p19).
En effet, l’inhibition de l’activité biologique d’IL-12 par un anticorps neutralisant la sousunité p35 reste sans effet dans des modèles animaux. Un effet bénéfique a été également
observé chez les patients atteints de MC dans une étude ouverte utilisant des anticorps antip40, a priori attribuable à l’inhibition de l’action d’IL-23. Ces données ouvrent des nouvelles pistes thérapeutiques futures.
Une autre approche thérapeutique testée actuellement consiste dans la supplémentation
en IL-10. Les résultats initialement très encourageants chez les patients traités par IL-10 ne
se sont pas confirmés dans une étude clinique de phase 2. Néanmoins, l’effet de l’administration d’IL-10 sur la muqueuse colique reste extrêmement intéressant. A cet égard, Steidler
et al. [22] ont tout récemment démontré des taux extrêmement élevés d’IL-10 au niveau de
la muqueuse colique après administration de bactéries de type lactococcus génétiquement
modifiées pour produire de grandes quantités d’IL-10. Une autre façon d’augmenter la production d’IL-10 au niveau de la muqueuse intestinale inflammatoire a été tout récemment
proposée en utilisant des cellules T régulatrices génétiquement modifiées. Nous sommes
seulement au début d’une série d’approches thérapeutiques innovatrices.
CONCLUSION
L’étude des mécanismes moléculaires de l’inflammation dans les MITD a permis de
développer de nouvelles stratégies thérapeutiques. Mais à l’heure actuelle, cette approche
thérapeutique (traitement biologique) dirigée spécifiquement contre des cytokines ou des
molécules biologiques reste un traitement symptomatique. Les données génétiques impliquant actuellement CARD15 et la défense anti-microbienne ainsi que pas loin de 30
autres facteurs de susceptibilité ouvrent des voies de recherche essentielles dont on peut
attendre d’importantes retombées thérapeutiques. Un nouveau volet dans le traitement
de la MC est ouvert, nourrissant les grandes attentes des patients ainsi que des praticiens
prenant en charge des MICI.
F. Ruemmele
INSERM U793, Service de Gastroentérologie pédiatrique
Programme d’immunopathologie digestive, Centre de référence de maladies digestives rares
Hôpital Necker Enfants Malades, 149 Rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15, E-mail :
[email protected]
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F. RUEMMELE
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PRÉVALENCE DES MALADIES
CHRONIQUES EN RÉANIMATION :
L’AUGMENTATION A-T-ELLE UN IMPACT
SUR LES BESOINS DE SOINS ?
par
R. CREMER, A. BINOCHE, A. BOTTE, F. LECLERC
Le recrutement des services de pédiatrie a beaucoup changé ces quinze dernières années
en raison des progrès des techniques médicales qui ont entraîné une augmentation de la
durée de survie des enfants atteints de maladies chroniques et de la technicité des soins qui
leurs sont prodigués. Les enfants dont la prise en charge est rendue complexe en raison de
l’existence de handicaps et maladies chroniques représentent dans certains cas près de 50 %
des admissions dans les services de pédiatrie [1-3]. Cette évolution a également été constatée dans les services de réanimation pédiatrique [4-6], mais les besoins qu’elle génère n’ont
pas été quantifiés, et actuellement il en est peu tenu compte dans les attributions de personnel paramédical et médical [6]. L’étude de cette population se heurte à l’absence de définition consensuelle, et la recherche bibliographique est rendue difficile par l’absence d’entrée
correspondante dans le thesaurus Medical Sub Heading (MESH).
L’objectif de ce texte est de faire le point sur les définitions utilisables, de présenter les
éléments épidémiologiques disponibles sur l’évolution du recrutement des services de réanimation pédiatrique et d’examiner les conséquences prévisibles sur les besoins en soins.
DÉFINITIONS
Apparu dans le langage usuel au milieu des années 1950 [7], le terme de handicap a été
consacré en France par la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées de
1975 [8]. Paradoxalement, ce texte, qui est la base du système actuel de prise en charge du
handicap en France, ne comportait aucune définition du handicap, et laissait aux commissions d’attribution des prestations de compensation du handicap le soin de définir leurs critères. En 1980, l’Organisation Mondiale de la Santé a aidé à la clarification de la notion de
handicap en adoptant une classification internationale du handicap (CIH) [9]. La
démarche consistait en une conceptualisation de la relation entre les maladies (classées à
l’époque selon la 9ème classification internationale des maladies (CIM 9)), et leurs conséquences classées dans la CIH [10]. Dans ce modèle, les maladies (incluant les accidents, les
traumatismes moraux ou physiques et les malformations congénitales) sont à l’origine de la
chaîne. Les déficiences sont les pertes ou dysfonctionnements des diverses parties du corps
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ou du cerveau qui en résultent ; elles correspondent à la notion plus courante d’invalidité.
Les incapacités sont les difficultés à réaliser des actes élémentaires ; elles résultent en général
d’une ou plusieurs déficiences. Les désavantages désignent les difficultés que rencontre une
personne à remplir les rôles sociaux auxquels elle peut aspirer [10]. Un processus de révision de
la CIH a été engagé en 1995, tenant compte des approches sociologiques, anthropologiques, et
de l’avis des handicapés eux-mêmes. Il a aboutit en 2001 à une nouvelle classification intitulée
Classification internationale du fonctionnement, du handicap, et de la santé (CIF) [11], qui
est disponible sur le site Internet de l’OMS (http://www3.who.int/icf/icftemplate.cfm).
La lenteur et les difficultés du processus de révision de la CIH, sa relative opacité pour les
médecins non spécialisés font que la CIF n’est pas encore utilisée en routine. Ainsi, la CIH
de 1980 a été adoptée par la France en 1989 comme outil de référence pour les statistiques
sur le handicap [12] et est encore actuellement l’outil des organismes chargés de la compensation du handicap.
En amont du handicap, dans le champ purement médical, le gouvernement américain a
défini, en 1998, la notion d’enfants « avec des besoins de santé particuliers », afin d’étudier
la population des enfants atteints de maladie chronique et d’en améliorer la prise en charge
[13-17]. Ils étaient définis comme « les enfants qui ont, ou qui sont à risque d’avoir, une affection physique, neuro-développementale, comportementale, ou psychologique chronique, et qui ont
un besoin de recourir aux services de santé plus important que la population générale » [17].
Cette définition est utilisée par l’académie américaine de pédiatrie, pour évaluer cette population [14, 15] et étudier les filières de prise en charge qui lui sont offertes [1, 13, 18-21].
En 2000, Feudtner et al. ont proposé la notion de maladies chroniques complexes, afin de
pouvoir mener des études homogènes sur les certificats de décès. Ils les définissaient comme des
« maladies durant habituellement plus d’un an, atteignant soit plusieurs organes simultanément,
soit un seul organe d’une manière suffisamment grave pour nécessiter un suivi pédiatrique spécialisé
et des hospitalisations dans un centre de référence » [22].
tation des traitements (5 handicapés) et 24 échecs de réanimation (6 handicapés). La valeur
du POPC n’était pas corrélée au mode de décès [26].
Dans une étude par tirage au sort de malades hospitalisés dans six services de réanimation pédiatrique en 2001, l’Agence régionale d’hospitalisation de la région Rhône-Alpes a
examiné 361 dossiers sur les 2484 hospitalisations déclarées. Les malades atteints d’une
maladie considérée comme létale dans les cinq ans représentaient 32 % des hospitalisations
en réanimation pédiatrique [27]. La confrontation de plus en plus fréquente à la fin de vie
des enfants atteints de maladie chronique admis en réanimation lors d’une ultime décompensation est donc une réalité qui pose de difficiles questions éthiques et économiques [28].
ÉPIDÉMIOLOGIE DES MALADIES CHRONIQUES
ET DES HANDICAPS EN RÉANIMATION PÉDIATRIQUE
Les données disponibles proviennent de deux types d’étude : les études des modes de
décès et les études sur le recrutement des services de réanimation.
Études portant sur les modes de décès
Une enquête rétrospective américaine, réalisée à partir des certificats de décès de l’état de
Washington entre 1980 et 1997, évaluait à 24 % la proportion des décès d’enfants des suites
de maladies chroniques complexes [22]. Le lieu de décès était le domicile dans seulement
17,2 % des cas, et l’hôpital dans 60 % des cas [23]. La même équipe a réactualisé l’étude à partir des certificats de décès établis dans le même état de 1990 à 1996 pour des jeunes de moins
de 25 ans : la proportion de décès des suites de maladies chroniques complexes était de
24 % ; 55 % des enfants mourraient à l’hôpital et 19 % avaient été ventilés mécaniquement
pendant le séjour hospitalier pendant lequel se produisait le décès [24].
Dans une étude prospective de 4 mois, portant sur 712 séjours dans un service de réanimation pédiatrique français, 45 % des 695 enfants avaient une maladie chronique avant l’admission, et 19 % un handicap défini par un score Pediatric Overall Performance Category
(POPC [25]) supérieur ou égal à trois [26]. Il y avait 18 décès par mort cérébrale (dont
5 handicapés), 25 décès par décision de ne pas réanimer (9 handicapés), 25 décès après limi-
Études sur le recrutement des services de réanimation pédiatrique
Dans une étude prospective du recrutement de neuf services de réanimation pédiatrique
français, menée de décembre 1993 à avril 1994, Martinot et al. ont défini la notion de maladie chronique par l’association d’hospitalisations répétées et d’un suivi par un médecin spécialisé. Sur les 712 séjours retenus hors période néonatale, il existait une affection chronique
chez 238 patients [29]. Chez 13 enfants, cette affection pouvait être considérée comme
létale dans l’enfance. Trente enfants (6 %) avaient une hémopathie maligne ou un cancer. Il
existait une malformation cardiaque chez 46 enfants (9 %), neurologique chez 14 (3 %) et
un syndrome polymalformatif chez 28 (5 %).
En 1998, dans une étude prospective d’un an, étudiant toutes les admissions dans une
unité de réanimation pédiatrique américaine, Dosa et al. ont montré que les enfants ayant
des besoins de santé particuliers [17] représentaient 45 % des admissions non programmées [30]. Ces enfants avaient un risque relatif d’admission en réanimation de 3,3 [IC : 2,5
à 4,2] par rapport aux autres enfants. Parmi les 112 enfants ayant des besoins de santé particuliers hospitalisés en réanimation de manière non programmée, 26 (32 %) avaient des
soins de haute technicité à domicile (trachéotomie, ventilation mécanique, nutrition
parentérale ou entérale).
En 2004, Briassoulis et al. ont rapporté une proportion de 38 % d’enfants ayant une maladie chronique (dont 21 % avaient un handicap) dans une étude portant sur 1629 admissions
consécutives dans un service de réanimation pédiatrique grec de 1996 à 2001 [5]. Les
auteurs rapportaient une augmentation d’année en année de la proportion d’enfants atteints
de maladie héréditaire du métabolisme ou d’anomalie génétique, ce qu’ils ont confirmé dans
une seconde étude prospective de cinq ans [4]. Ils décrivaient également une augmentation
du rapport durée de ventilation mécanique / durée de séjour en réanimation au cours du
temps, parallèlement à l’augmentation de la proportion d’enfants atteints de maladie chronique [4, 5].
En 2004, Graham et al. ont publié une étude concernant 1820 admissions dans un service de réanimation pédiatrique américain entre septembre 2001 et octobre 2002 [31]. Les
enfants ayant une maladie neuro-développementale congénitale ou néonatale représentaient
23 % des admissions. Quatre vingt cinq pour cent d’entre eux recevaient des soins de haute
technicité avant l’admission : 42 % avaient une gastrostomie, 13 % avaient une trachéotomie, 12 % étaient ventilés mécaniquement.
En 2006, dans une étude concernant 528 admissions consécutives de juin 2002 à juillet
2004 dans un service de réanimation pédiatrique croate, Mestrovic et al. ont rapporté que
42 % des enfants avaient une maladie chronique, 24 % d’entre eux ayant un handicap [32].
Le motif d’admission le plus fréquent des enfants ayant une maladie chronique était une
décompensation respiratoire, et ce motif était significativement plus fréquent chez les
enfants ayant un handicap neuro-développemental que chez les autres handicapés. La durée
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de séjour en réanimation et la mortalité étaient plus élevées dans le groupe des enfants avec
un handicap neuro-développemental que chez les autres.
Une étude d’incidence, du Groupe Francophone de Réanimation et d’Urgence
Pédiatrique (GFRUP) et du Réseau Mère-Enfant de la Francophonie (RMEF) a été menée
en 2004, lors de deux journées de recueil [6]. Vingt trois unités de réanimation (8 pédiatriques, et 15 néonatales et pédiatriques) de quatre pays francophones (Belgique, Canada,
France, Suisse) ont participé. Deux cent quatre-vingt-neuf enfants d’un âge corrigé >28
jours étaient présents lors des deux jours d’enquête dans les 23 unités ; parmi eux 21 étaient
présents lors des deux jours. Cinquante-trois enfants hospitalisés en période post-opératoire
ont été exclus. Parmi les 215 malades médicaux, 42 étaient hospitalisés depuis la naissance
(19,5 %), et 173 (80,5 %) avaient été hospitalisés de novo. Parmi ces 173 malades hospitalisés de novo, 102 (60 %) étaient atteints d’une maladie chronique avant l’admission selon la
définition de Feudtner et al. [22]. Quarante-neuf enfants (22,8 %), tous atteints d’une maladie chronique, avaient un score POPC > 3 [25], ce qui correspondait à la définition du handicap dans cette étude. Ainsi, en considérant les 42 enfants hospitalisés depuis la naissance
comme ayant une maladie chronique en raison du fait qu’ils avaient tous plus d’un mois
d’âge corrigé, la proportion d’enfants atteints de maladie chronique s’élevait à 79 % des
enfants présents en réanimation pour une affection médicale.
de la déglutition et 7 % de la rééducation du langage et de la parole. En 2007, l’European
Academy of Rehabilitation Medicine a publié un « livre blanc sur la rééducation en Europe »
[34]. Il y est recommandé d’impliquer les équipes de rééducation dans la prise en charge des
malades le plus précocement possible, dès la phase aiguë, y compris en réanimation. Des recommandations précises quant à l’indication des différentes techniques de rééducation disponibles
permettraient de mesurer les carences de l’offre de soins dans les services de réanimation de
manière plus objective que la simple description de besoins ressentis par les équipes prenant en
charge les patients. A ce jour, des recommandations de ce type n’ont été formulées que par
l’American Speach-Langage-Hearing Association, et elles ne concernent que la réanimation
néonatale [35]. L’étude du GFRUP et du RMEF laisse supposer que les besoins identifiés en
période néonatale se prolongent bien au-delà de cette période [6].
Enfin, cette évolution du recrutement des services de réanimation pose le problème de
l’organisation et de la coordination des soins pour ces malades, en amont et en aval de l’hospitalisation en réanimation [33, 36]. Elle nécessite une plus grande implication des personnels de ces services dans la prise en charge de ces malades, que ce soit de manière ponctuelle
(par exemple, pour une décompensation aiguë ou pour une réanimation postopératoire rendue compliquée par la maladie chronique) [32], ou de manière plus suivie (gestion de la trachéotomie, de la ventilation mécanique au long cours) [37]. Dans la série d’enfants de Dosa
et al., un tiers des hospitalisations non programmées en réanimation des enfants ayant une
maladie chronique était attribuable à un évènement considéré comme évitable [30]. Ces évènements évitables étaient significativement moins fréquents dans le groupe des enfants recevant des soins de haute technicité (n = 7 ; 19 % des hospitalisations) que dans le groupe des
enfants n’en recevant pas (n = 29 ; 28 % des hospitalisations), ce qui était attribué par les
auteurs à un meilleur suivi des patients quand les réanimateurs étaient impliqués [30].
Certaines équipes ont développé des plans de soins adaptés (sur mesure) aux besoins des
familles dont les enfants sont dépendants d’une prise en charge complexe [37, 38]. La nécessité d’une ventilation mécanique à domicile est généralement considérée comme la situation
la plus stressante par les parents et les intervenants à domicile, et semble être la plus génératrice d’isolement social [37]. Il semble indispensable que les pédiatres réanimateurs participent à la conception et à la mise en œuvre de tels plans.
CONSÉQUENCES SUR L’ACTIVITÉ DES SERVICES
DE RÉANIMATION ET LES BESOINS EN SOINS
L’évolution du recrutement des services de réanimation pédiatrique a plusieurs types de
conséquence sur leur activité. La première conséquence est une complexité croissante des
décisions médicales concernant ces enfants en raison de la nécessité de faire la synthèse de
l’histoire médicale avec des intervenants multiples, et la confrontation de plus en plus fréquente à la fin de vie en réanimation lors d’une ultime décompensation [28]. Graham et al.,
dans une étude qualitative menée auprès de familles d’enfants ayant été hospitalisés en réanimation avec une maladie chronique, ont décrit les attentes des parents [33]. Ceux-ci rapportaient qu’ils se sentaient sous utilisés lors de l’évaluation de l’état de base de leur enfant
et que leur avis leur semblait insuffisamment pris en compte par les réanimateurs. Il leur
semblait également illogique d’être fréquemment exclus des soins pendant l’hospitalisation
en réanimation alors qu’ils les assuraient à domicile. Enfin, ils exprimaient le besoin d’une
meilleure communication tant entre les différents spécialistes impliqués, que vis-à-vis d’euxmêmes à l’occasion de synthèses régulières.
La deuxième conséquence est un besoin en soins paramédicaux (orthophonie, kinésithérapie motrice, psychomotricité, formation des parents aux techniques de soins par les infirmières), et en temps médical (coordination des différents spécialistes d’organe, élaboration
d’un projet de soins avec la famille, participation ou animation de réunions multidisciplinaires)
habituellement considérés comme ne relevant pas d’un service de réanimation. Dans l’étude du
GFRUP et du RMEF, si tous les services pouvaient recourir à un kinésithérapeute, seuls 48 %
des kinésithérapeutes étaient exclusivement dévolus à la réanimation [6]. Cinquante-sept pour
cent des services de réanimation n’avaient pas accès aux services d’un orthophoniste, 39 % à
ceux d’un éducateur de jeunes enfants ou à un psychomotricien, 17 % à ceux d’une assistante
sociale et 9 % à ceux d’un psychologue. Les soins de rééducation dispensés lors des deux jours
de recueil couvraient 79 % des soins qui auraient été idéalement prescrits par les réanimateurs
s’ils avaient disposé de tous les moyens souhaitables : 94 % de la kinésithérapie respiratoire,
63 % de la rééducation motrice, 40 % de la rééducation neurologique, 22 % de la rééducation
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
L’augmentation progressive de la proportion d’enfants atteints de maladie chronique ou
de handicap semble être une réalité dans les services de réanimation pédiatrique, même s’il
existe peu d’études l’ayant véritablement mesurée. Il en découle certainement une augmentation des besoins en soins de rééducation dans ces services, qu’il est difficile d’estimer en raison de l’absence de recommandations précises quant à leurs indications.
La formulation de recommandations précises par les sociétés savantes de médecine
physique et de réadaptation en collaboration avec les réanimateurs constituerait la première étape vers la prise en compte de ces besoins. La première difficulté de cette entreprise réside dans la diversité des métiers impliqués dans les soins de rééducation selon les
pays. Ainsi, le métier de psychomotricien est une particularité française qui ne trouve pas
son équivalent dans les pays anglo-saxons. En revanche, dans les pays anglo-saxons la kinésithérapie respiratoire est pratiquée par les « physiotherapists » qui ont des compétences
plus larges que les kinésithérapeutes français dans le domaine de la ventilation (réglage des
ventilateurs, par exemple), mais qui n’interviennent pas dans la rééducation sensitivomotrice. La deuxième difficulté réside dans la relative méconnaissance des techniques de
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R. CREMER, A. BINOCHE, A. BOTTE, F. LECLERC
PRÉVALENCE DES MALADIES CHRONIQUES EN RÉANIMATION...
rééducation disponibles en réanimation, les réanimateurs étant pourtant les plus à même
d’en prescrire l’emploi pour leurs patients.
La constitution d’un réseau supranational (site web) associant l’expertise technique des
médecins rééducateurs et la connaissance de terrain des médecins réanimateurs permettrait
probablement de contourner ces deux obstacles et d’obtenir une meilleure prise en charge de
ces patients en réanimation, y compris à la phase aiguë ou lors des décompensations ou événements intercurrents.
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Robin Cremer 1, Alexandra Binoche1, Astrid Botte1, Francis Leclerc1
1
Réanimation pédiatrique. Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille – Faculté de Médecine,
Université de Lille-Nord de France.
Correspondance : Robin CREMER. Réanimation pédiatrique. Hôpital Jeanne de Flandre
CHU de Lille 59037, Lille cedex Courriel : [email protected]
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POURQUOI LA CULTURE DU PATIENT
DONNE SENS À LA PRISE EN CHARGE ?
par
C. MANNONI
INTRODUCTION
Dans le cadre de la prise en charge des patients issus de la migration, il s’avère nécessaire
d’explorer les représentations de sens autour de la maladie mais aussi la place de l’enfant
malade dans son lignage. Permettre de faire émerger cette dimension ouvre des perspectives
de soins pour les professionnels. La mise en place du transfert par les éléments culturels, lors
des annonces diagnostiques ou des suivis, est un outil majeur dans la bonne démarche du
traitement pour les familles.
Je me propose de vous faire voyager dans les représentations au travers d’une étude
ethno-clinique qui nous permettra de réfléchir sur l’introduction de la dimension culturelle
dans le soin comme outil dans les décisions familiales, dans la relation médicale et paramédicale et dans la mise en place des protocoles de soins.
VIGNETTE CLINIQUE : DORMA L’ENFANT SORCIER QU’IL FAUT TUER
Conte africain, histoire de vie et de survie…
C’est dans la périphérie de Mbandaka, au nord-ouest de la République Démocratique du
Congo et près des rivières Ruki et Ikelemba qui se jettent dans le grand fleuve Congo, qu’une
petite fille naît. Son prénom, Dorma, a été choisi par la sœur de sa maman. Elle est reçue avec
joie dans cette famille de lignage matrilinéaire d’ethnie Bantoue. Dans sa famille chrétienne
catholique, l’oncle maternel est sollicité dans l’éducation et les prises de décisions concernant l’enfant. La parenté par la mère est soumise à des règles très strictes. C’est l’oncle maternel qui offrira ses biens à Dorma, plus tard.
Mme S, mère de Dorma, a reçu une dot par la famille de son époux à son mariage. Mr T,
père de Dorma, vient aussi d’un lignage matrilinéaire et le mariage matrifocal n’a posé aucun
problème. Les familles se sont mises d’accord autour de cette dot.
La petite famille débute sa vie avec beaucoup de soucis. Alors que Dorma commence à
s’épanouir, les différents clans familiaux s’accusent mutuellement de sorcellerie active. Dans
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C. MANNONI
POURQUOI LA CULTURE DU PATIENT DONNE SENS A LA PRISE EN CHARGE ?
les deux clans, il y a des morts dites « suspectes ». Mme S apprend rapidement que la mère
de son époux la soupçonne d’être une sorcière et de vouloir tuer son mari par un « travail
invisible ». Les membres matrilinéaires de Mme S se déplacent vers la famille de Mr T mais
aucun accord n’est trouvé. Mme S se défend de toute accusation et les sœurs de Mr T l’accusent de plus belle.
et tente d’écrire les recommandations et les gestes des femmes des rêves. Elles sont « légion »
dit-elle et le groupe s’élargit de nuit en nuit. Puis, une nuit vient le rêve de la révélation.
Elle est dans son lit et soudain, son ancêtre matrilinéaire vient la chercher pour « consulter pour elle ».
Alors que Dorma a 1 an, le couple se sépare et comme naturellement, en cas de divorce,
sa mère reprend son nom totémique. Dorma est confiée à son matrilignage et vit avec sa
maman, sans revendication aucune du côté des tantes patrilinéaires et du papa.
Mr T craint pour sa vie et décide de s’éloigner au plus vite. Il passe la mer et vient s’installer en France où il débute une nouvelle vie. Il rencontre une européenne avec qui il a
2 enfants qui viendront rencontrer leur sœur au Congo plusieurs fois. Puis il se sépare en
France de cette femme. Il rencontre alors une autre conjointe avec qui il a un nouveau bébé.
Dans les deux familles au Congo, les conflits sont toujours présents. Mr T suit cela de
loin et il lui est recommandé par ses sœurs de ne pas revenir sur le territoire congolais à cause
de la guerre des femmes aux forces invisibles. Dans le lignage paternel, les aveux tombent
autour des capacités de sorcellerie par les femmes du groupe. Les malédictions surgissent, les
objets se cachent et se découvrent devant les portes, les symptômes physiques apparaissent et
sont interprétés.
Dans ce contexte, les deux parents de Dorma ne se parlent presque plus. Mr T téléphone
de temps en temps à sa fille mais aucune communication autour d’elle n’est possible.
Plusieurs membres des familles respectives décèdent durant ces années et la « sorcellerie
d’attaque » est souvent évoquée.
Dorma grandit dans cette histoire. Elle a des difficultés scolaires. Elle est choyée par son
groupe matrilinéaire et commence à ressentir des phénomènes assimilés aux mondes invisibles de son groupe d’appartenance. Il est dit d’elle qu’elle a un « don » qui lui a été donné
à la naissance par son ancêtre maternelle (arrière grand-mère) décédée. Il faudra qu’elle soit
initiée afin de pouvoir le maîtriser et s’en servir. La famille du père accuse de nouveau la «
sorcellerie d’attaque » pratiquée sur Mr T. D’ailleurs, il est bien connu que lorsqu’une personne commence à perdre l’appétit, ne dort plus, maigrit et est réveillée dans son sommeil
par des cris et des personnes non-humaines, c’est qu’il est sujet à une attaque invisible et dangereuse ! C’est ce qui est arrivé à Mr T avant son exil. Les langues se délient et Mr T raconte
à sa fille ce qu’il a vécu lorsqu’elle est née. Dorma écoute et ne répond rien. Les tantes du
patrilignage demandent sans cesse à la voir. Elles n’habitent pas très loin de chez elle et
Dorma ne peut se dérober à son devoir transgénérationnel. La mère est inquiète mais ne
peut s’y opposer. Dorma vient d’avoir 10 ans et elle est très « forte ». D’ailleurs c’est dans
sa nature invisible. Elle est fille unique car sa maman ne s’est pas remariée et n’a pas conçu
d’autres enfants. Dans son groupe, elle est la seule de sa mère et donc « regardée » comme
une enfant spécifique. Dorma est toutefois une petite fille calme et plaisante. Elle n’a aucune
colère et respecte ses ainés comme il se doit. Malgré ses capacités d’ouverture sur l’invisible,
il est dit d’elle qu’elle a assez d’intelligence pour rester une petite fille que l’on éduque normalement. Sa famille n’en est que plus admirative et attend qu’elle décide de montrer son
don au moment propice. Dorma raconte souvent qu’elle rêve la nuit de grands rassemblements de femmes qu’elle ne connait pas et qui viennent la chercher pour effectuer des rituels.
Elle ne se sent pas effrayée mais se demande ce qu’elle peut faire de tout cela. Elle se réveille
Ancêtre : « tu vas être notre sujet d’attention aujourd’hui. Il faut que l’on te protège. Tu
dois te laisser faire. Ca va être dur mais tu ne dois pas avoir peur. Viens… »
Dorma se voit se lever de son lit, sortir par la porte de la maison. Sa mère dort près de là
mais ne se réveille pas. Elle avance dans la nuit et se retrouve dans un lieu entouré d’arbres,
elle s’arrête dans une prairie. Là, un grand nombre de femmes habillées de blanc chantent et
dansent. Un autel est dressé par terre au milieu. Dorma est invitée à l’approcher. Des mains
la touchent, elle sent une grande pression dans sa poitrine, elle tombe ! Puis des chants, des
paroles d’une autre langue, une langue qui n’est pas humaine. Dorma se sent de mieux en
mieux, elle entend tout mais ne bouge pas. Soudain elle se réveille… Dans son lit !
Elle tente de se souvenir ce qui lui a été révélé. Quelques brides… « tu vas tomber malade,
ça va être très grave, tu seras presque morte, mais ne crains rien, tu vas t’en sortir »
Puis : « tu vas voyager… loin très loin… et tu sauras pourquoi le Don ! »
Et encore : « n’oublie jamais ton nom et ton lignage… tu es plus forte que l’autre lignage
mais ton père ne sait rien… il est juste une poupée dans les mains de ses sœurs qui elles…
voient… ». Sous-entendu, elles voient dans l’invisible…
« Tu dois t’éloigner d’elles car tu es trop jeune pour les confondre… mettre de la distance
entre vous… sinon elles vont te « manger »… elles ont déjà commencé »
Zoom sur un hôpital de la région parisienne… histoire d’une consultation insolite :
Je suis dans un bureau avec un médecin de néphrologie, une collègue psychologue, une
stagiaire. Un père et sa fille sont là, assis, attendant que les choses soient « dites ». La position de leur corps me frappe. Les chaises sont espacées malgré ce bureau exigu. Les visages
sont tournés vers les interlocuteurs d’en face… aucune possibilité, pour le père et la fille, de
croiser leurs regards. L’adolescente est droite et majestueuse. Elle paraît plus âgée au regard
de ses 13 ans. Son visage est serein malgré sa maladie grave. Son père est comme un petit
enfant qui scrute le moindre mouvement pour se protéger des paroles. Il est inquiet, son
regard le trahit.
Médecin : « Merci de nous avoir permis de nous rencontrer avec Mme Mannoni aujourd’hui,
Mr T. Nous avons besoin de réfléchir ensemble sur les décisions à prendre pour Dorma »
Le père acquiesce mais semble troublé.
Après une brève présentation, l’anamnèse de la maladie de Dorma est revisitée par le
médecin.
Médecin : « Depuis le Congo, Dorma souffre de symptômes qui l’ont obligé à consulter à la
capitale. Il lui a été découvert un syndrome néphrotique à l’âge de 10 ans qui aurait guéri spon-
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tanément. Puis les problèmes rénaux sont réapparus deux ans plus tard et ont abouti au diagnostic d’une néphropathie avec insuffisance rénale terminale nécessitant des dialyses dans un premier
temps. Mr T a demandé que sa fille vienne se faire soigner en France. Aujourd’hui, Dorma est
dans un foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance, à sa demande. Nous sommes réunis comme je te l’avais
demandé (en s’adressant à moi) car il y a un problème que nous n’arrivons pas à résoudre.
La maladie de Dorma a évolué négativement et nous lui proposons une transplantation rénale.
Elle est d’accord et le papa aussi. Nous devons l’inscrire sur une liste et préparer cette intervention de manière médicale, administrative et légale. Pour cela, nous avons besoin que le papa
nous signe des formulaires. Il semble que Mr T soit pris dans un dilemme que je ne comprends
pas moi-même et que je pense, rattaché à une autre difficulté que celle de ne pas offrir ses chances
à sa fille… c’est ce que je ressens… »
Le médecin me regarde avec suspicion… l’Aide Sociale à l’Enfance, mandatée par le juge,
a permis au père de prendre les décisions en l’absence de la mère… c’était sans compter sur la
loi matrilinéaire stricte et déterminée !
Nous décidons de faire une K7 audio pour la mère. Le médecin expliquera l’enjeu de l’intervention, la psychologue dira que Dorma est d’accord pour se faire opérer et moi, je parlerai de la nécessité d’un accord du lignage matrilinéaire et ce, par écrit avec des formulaires
faxés et signés. Nous en restons là et je propose une consultation ethno-clinique à Dorma et
son papa… en deux temps.
Mr T baisse les yeux. La psychologue intervient pour me souligner que Dorma vivait
avec son père mais qu’elle a préféré partir à l’Aide Sociale à l’Enfance, pour, disait-elle, ne pas
mettre son père dans l’embarras. Ils se disputaient beaucoup.
C. Mannoni : « Alors, vous êtes originaires du Congo ? »
Mr T : « Congo-Kinshasa »
C. Mannoni : « Vous êtes Bantou ? »
Mr T : « Oui, de la région de Mbandaka »
C. Mannoni : « Mais dites-moi, je vois chez votre fille un comportement de grande …
Elle sourit et me regarde mais ne dit rien.
La K7 a été faite et la mère a répondu positivement et rapidement. C’est un oncle du matrilignage qui l’a d’abord écoutée puis a sélectionné les données et a expliqué à la maman en lui
demandant d’accepter l’intervention. La mère a remercié l’équipe chaleureusement d’avoir fait
« parcourir les informations au-dessus de la mer pour qu’elle puisse donner son accord ».
Dorma a été transplantée, a suivi scrupuleusement son traitement immuno-suppresseur,
son régime hypoprotidique malgré quelques difficultés post-transplantation comme une
tubulonéphrite sur le greffon, elle se remet bien de cette aventure.
Le suivi ethnopsychogique mis en place, a contribué à évoquer les problématiques familiales autour de la sorcellerie. Des séances ont eu lieu durant près de 2 ans ; très rapprochées
après l’intervention puis, de plus en plus espacées.
Le conte africain de la vie de Dorma m’a été rapporté dans cette clinique ethnopsychologique. Pourtant, pour permettre à Dorma d’être transplantée, nous n’avions besoin de trouver qu’un seul des nombreux sens autour de la représentation et ce, dans la sphère culturelle ;
il fallait évoquer la place de chacun dans ce système matrilinéaire et le rôle de la mère dont la
médecine devait tenir compte. Le fait d’avoir souligné la matrilinéarité a été fructueux dans la
consultation commune initiale et a su poser le transfert qui a ouvert sur la prise en charge.
… serait-elle d’une ethnie matrilinéaire comme beaucoup de familles là-bas ? »
Mr T s’empresse de me répondre que cette formulation est exacte, visiblement soulagé ; il dit :
« Madame, sa mère et moi on est séparé depuis longtemps et elle vit au Congo. Elle m’a
confié l’enfant à son arrivée en France en me demandant de la faire soigner… ce que j’ai fait.
Mais on a du mal à vivre ensemble, ma fille et moi ; on ne se connait pas et elle a toujours vécu
avec sa mère. Elle connaît ses frères et sœurs et le bébé que je viens d’avoir. Elle ne s’entend pas
avec ma compagne actuelle et lorsqu’elle a parlé à sa mère de cela elle a décidé de partir.
L’assistante sociale a fait le nécessaire et j’ai signé les papiers car sa mère me le demandait.
Aujourd’hui, je ne peux pas signer les papiers pour la transplantation. Sa mère est au courant et
elle doit le faire »
Il s’avère que les éléments de la culture, dans le cadre de la prise en charge médicale, sont
des outils qui permettent un levier transférentiel et thérapeutique. Ces éléments culturels se
proposent comme un lien possible à un moment précis de la maladie. Ils ne sont pas totalement représentatifs du patient mais deviennent son porte-parole dans les moments clés. Ils
permettent de poser un cadre intermédiaire d’interfaces entre les mondes et les pensées afin
d’aboutir à des solutions pour tous les protagonistes. Les éléments culturels doivent être évoqués et pour cela il est important de connaître à minima certaines représentations. Si tel n’est
pas le cas, il s’agit de mettre en place un partenariat de sens entre le patient, sa famille et
l’équipe. Il est nécessaire de poser de vraies questions sur la culture telle: « y a-t-il une contreindication qui viendrait de votre pensée et vie culturelle ? Expliquez-moi, car nous devons comprendre et trouver des solutions… »
Médecin : « La maman n’est pas d’accord pour la transplantation ? »
Dorma s’empresse de répondre : « Ma mère veut que je me fasse opérer car elle sait que
sinon je vais mourir »
C. Mannoni : « Alors, puisque tu es plus « forte » que ton père et qu’il n’a aucune autorité
en ce domaine sur toi… comment peut-on contacter au plus vite ta mère au Congo ? »
De plus, on peut proposer une écoute plus spécialisée, en expertise ethno-clinique comme
dans les séances de Dorma, afin de donner sens au soutien et à l’élaboration grâce aux outils culturels qui habitent le patient. Dorma a donc parlé de son Don durant cette prise en charge et m’a
dit vouloir protéger son père qu’elle sent faible et manipulé. Elle ne s’entend pas avec sa nouvelle
belle-mère mais, surtout, elle veut que son père n’ait pas d’histoires en Afrique avec son matrilignage ; c’est pour cette raison qu’elle est partie et a demandé une place en foyer. D’ailleurs, les éducateurs sont très surpris de cette jeune fille calme, réservée, adolescente qui aide les autres, les
écoute et résout certains conflits en prenant une place de médiatrice. Dorma dit avoir trouvé le
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C. MANNONI
sens des révélations des rêves en Afrique. Elle se sent « douée » pour apaiser les conflits.
Il a été demandé un bilan psychologique, pédagogique et du langage à 16 ans, en Service
de Pédopsychiatrie, afin d’aider à l’orientation professionnelle. Dorma veut devenir coiffeuse. Ce qui en est ressorti reste une grande capacité de contact, d’adaptation et de communication avec des difficultés scolaires anciennes et un niveau qui nécessite une orientation en études courtes professionnelles.
Humblement de Christine à Dorma :
« Si tu rêves encore voici quelques énigmes que je te demanderai de résoudre pour que je comprenne !!! »
Qui est cette jeune fille qui m’a amené un jour, dans le but d’un rendez-vous de consultation « où on parle de la culture et des histoires d’invisibles » sa copine du foyer, africaine
et musulmane, qui était en déroute !
Qui est cette jeune fille qui a mobilisé l’équipe de l’ASE pour qu’elle vienne me rencontrer et m’adresser cette adolescente officiellement « en déroute » !
Je te reconnais l’INITIEE… instruite sans intermédiaire, par l’Ancêtre qui t’habite, la
nuit dans la brousse africaine qui, depuis, tente de mettre du sens dans la vie de tes parents
et dans celles de tes amies et copines.
Je te reconnais l’INITIEE qui a vaincu la mort annoncée des tantes du patrilignage, de la
néphropathie et de la perte de ton environnement culturel à cause de ton suivi médical à vie.
Je te reconnais l’INITIEE qui a su mettre du lien entre les différents espaces culturels en
parlant de l’intérieur de ton lignage.
Je suis flattée, l’INITIEE, que tu m’ai choisie comme thérapeute !
C. Mannoni
Docteur en Psychologie et Ethnopsychologie, Hôpital Necker-Enfants Malades,
Cabinet : 24 rue René Coche 92170 Vanves
Mails : [email protected], [email protected]
RÉFÉRENCES
1. Mannoni C. Métis et Malade. Thèse.Lille : Septentrion presses universitaires; 2001
2. Thomas L.V. Leçon pour l’Occident. Nouvelle Revue d’Ethnopsychologie. 1988 ; 10 : 11-43
3. Mannoni C. Concepts culturels non occidentaux et soins pédiatriques. Arch Pédiatr 2001 ; 8 :793-4
4. Nathan T. L’influence qui guérit. Paris : Odile Jacob ;1994