IHESI n°40 Janvier 2014-2.indd

BULLETIN DE LIAISON DE L’ASSOCIATION NATIONALE
DES AUDITEURS DE L’I.N.H.E.S.J.
(Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice) - N°40 - Janvier 2014
« La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique »
Pascal - Les Pensées
SOMMAIRE
Christian FREMAUX
A
Abordons la revisite de ce 2 semestre 2013, par des considérations générales, peut-être, hétéroclites, mais qui ont un lien entre elles, et qui
n’engagent que moi.
ème
Il faut rappeler préalablement l’hommage national rendu au commandant HELIE
DE SAINT MARC [LE FIGARO du 27 Août 2013].
Certains trouveront peut-être déplacé de commencer cet éditorial en citant un officier
résistant, déporté en Allemagne près de Buchenwald, « putschiste » en Algérie,
emprisonné et réhabilité. Le Président SARKOZY lui a remis la croix de Grand
Officier de la Légion d’Honneur, l’honneur dont HELIE DE SAINT MARC était
l’incarnation. Il avait donné une unité à sa vie : « il n’y a pas d’actes isolés. Tout se
tient ». Il eut un destin exceptionnel. La République l’a reconnu.
Le Président de la République a lancé Jeudi 7 Novembre 2013, les cérémonies
du centenaire de la 1ère guerre mondiale. Il l’a expliqué ainsi : « Le temps de la
mémoire arrive à un moment où la France s’interroge, sur elle-même, sur sa place,
sur son avenir, avec l’appréhension qui s’empare de toute grande Nation confrontée
à un changement du monde », et l’a explicité avec l’actualité, à juste titre : « La
grande guerre a encore beaucoup à apprendre à la France d’aujourd’hui : la force
d’une Nation quand elle est rassemblée, la capacité de la République à préserver
la démocratie, y compris dans la tourmente. La nécessité de mobiliser les énergies,
au-delà des intérêts particuliers… l’intransigeance face aux haines, face au racisme ».
Le Chef de l’Etat a raison : on ne peut construire une maison solide, sans fondations
matérielles et intellectuelles qui renvoient à un passé, à des valeurs, à des
sacrifices, à une identité : le passé conditionne l’avenir, car en sachant qui nous
sommes et d’où nous venons, nous pouvons être, rassembler, intégrer du sang neuf,
ouvrir notre culture et nos habitudes, et ainsi progresser, tout en restant ce que nous
sommes, ce que le monde extérieur nous envie, sans être exemplaire en tout.
Comme le dit, sans fard, l’historien Stéphane AUDOUIN-ROUZEAU : « 14-18
n’est plus la guerre des vieux cons » [LE FIGARO 8 Novembre 2013, p. 14].
J’ajoute qu’aucune guerre où les Français se sont sacrifiés, ne l’est non plus,
même si d’aucuns critiquent tel ou tel aspect dit colonial ou qui ne serait pas à
notre gloire, et prônent la suppression dans l’histoire de quelques épisodes qu’ils
n’aiment pas. L’histoire de France est un bloc, comme le disait CLEMENCEAU
à propos de la révolution…
L’EDITORIAL DU PRESIDENT
L’article d’André STIFFEL :
« Stupéfiants, que se passe-t-il ? »
L’article de Patrick BRUNOT :
« Les sources religieuses de l’enfermement »
L’article de Franck PAVERO :
« Cyberdéfense : de Stuxnet aux armes de demain »
Dîner-débat du 19 Juin 2013,
avec Monsieur J.J. URVOAS,
Président de la commission des lois. Compte-rendu de Nicole GUIMEZANES
L’Article de Julia FULCHIGNONI :
« La gestion de la sécurité à l’hôpital est devenue une priorité »
L’Article de Paul DREZET :
« pour ne pas oublier Frédéric PASSY »
L’Article de Thomas HERMAND :
« Regard critique sur la justice
de proximité… »
Promotions, décorations,
événements
Le secrétariat
Le Bulletin d’adhésion
L’Ours du bulletin La dictature de l’émotion,
ou la loi contre les semtiments
Il y a eu une nuit d’émeutes – à Trappes – en raison du contrôle
par la police d’une femme intégralement voilée. On croyait le
débat quasiment réglé, et la laïcité renforcée, depuis la mise
en œuvre en Avril 2011, de la loi interdisant le port du voile
intégral dans l’espace public. Tel n’est, malheureusement, pas
le cas. La raison avec la neutralité des croyances au contact des
autres, ont encore du mal à s’imposer, face aux revendications
individuelles communautaires…
L’affaire de la jeune Kosovar Léonarda, expulsée à la suite de
sa famille, a pris une tournure étonnante.
Entendre, pratiquement en direct, aux micros affamés de tous
les médias, une jeune fille à qui on a fait croire qu’elle était
victime d’une injustice inouïe, et était devenue une star, voire
un symbole, discuter quasiment en direct avec le Président de
la République qui incarne l’Etat, l’autorité, la loi, lui dire non
ce n’est pas assez, fut plutôt hallucinant. Sans compter le 1er
secrétaire du parti du Président, en rajouter, en contredisant
ledit Président.
De l’éclisse à l’éclipse
A Brétigny, début Juillet 2013, à la suite de l’accident ferroviaire qui a fait 6 morts et des blessés, on a appris le mot
« éclisse » pièce métallique fixée par des boulons, dont la
défaillance serait à l’origine du drame. On plaint les victimes.
Mais on plaint aussi les sauveteurs, policiers, gendarmes,
médecins, pompiers, qui ont du affronter des remarques
acerbes, avec un début d’émeute, et des « caillassages », outre
des vols au préjudice de passagers.
Si l’on y ajoutent les mouvements des lycées de l’UNL,
encadrés par leurs grands frères étudiants, assurant… le service
d’ordre, on a pu croire qu’un événement extrêmement grave,
menaçant l’avenir des uns et des autres, était survenu !
Même une catastrophe n’arrête pas les délinquants. Le savoirvivre ensemble a besoin d’être régénéré, appris aux ignares
égoïstes. Nous avions déjà eu sur le tarmac de Roissy, une
lamelle de fer, ou d’autre nature, qui avait entraîné le crash du
Concorde. La justice a du fixer les responsabilités. Il en sera de
même pour la SNCF, et les conséquences de l’accident pour les
voyageurs et leurs proches.
Loin de moi de balayer d’un revers de plume le cas humain,
d’une famille à qui l’on a offert le retour vers son pays, qui
ne lui convient pas, et le désespoir d’une enfant qui n’est pas
responsable de ses parents. Mais pourquoi des lois et des
décisions de justice, si celles-ci ne sont pas exécutées, de…
manière générale d’ailleurs ? Celui qui respecte la loi, qui
essaie de s’en sortir en travaillant, en payant impôts et taxes,
en cherchant un logement, en se sacrifiant pour que ses
enfants aient un avenir, le tout sans frauder, tricher ou profiter
des aides diverses, s’interroge et se demande à quoi servent
l’autorité, le respect des principes, l’Etat qui doit garantir la
liberté, la sécurité, l’ordre…
Après ce tour de France, 100e édition et le triomphe accéléré
de Christopher Froome, flashé dans la montagne aussi vite,
voire plus vite que Lance Amstrong, les sénateurs qui roulent
lentement, ont remis leur rapport sur le dopage…. dans le tour
1998 ! Presque tous les coureurs, nos idoles, devenus des stars,
y compris du commentaire, étaient dopés à l’EPO. On ne saura
donc jamais quel est le coureur pédalant à l’eau claire, avec ses
petites jambes, étant le seul sportif propre digne de remporter
le tour. Mais le spectateur s’attarde-t-il à la morale, à la santé,
à l’égalité des chances. Ne veut-il pas des surhommes, des
champions dans lesquels il se reflète, et le show ne doit-il pas
continuer, quels que soient les accrocs, les morts, les drogués,
de ceux qui ensuite descendent aux enfers.
L’application de la loi ne peut être à géométrie variable. La
loi doit s’appliquer en toute circonstance. Puisque le conseil
constitutionnel n’a pas admis la clause de conscience pour les
maires qui doivent marier tous les couples qui le demandent ;
puisque lors des manifestations contre le mariage gay, on a
appliqué la loi durement, un manifestant ayant été condamné à 2
mois fermes, qu’il a accompli quelques semaines de détention
avant, en appel, d’être condamné à une amende ; puisque…,
chacun peut citer un cas concret.
L’éclipse est le fait de ne plus voir ou ne plus vouloir voir ou
savoir…
Il n’est pas normal, ni admissible que pour une affaire donnée,
quels que soient les bons sentiments, la conscience efface la
loi, et l’émotion balaie tous les principes de droit. C’est la
porte ouverte à n’importe quoi. Il y a des milliers de jugements
qui ne sont pas exécutés, et le projet de réforme pénale de
Madame TAUBIRA est ressenti, à tort ou à raison, comme
favorable aux délinquants. Le citoyen de base, victime ou
non de divers délits, ne supporte pas l’inégalité face à la loi et
considère que les droits sont excessifs face aux devoirs, dont
on parle peu, dans beaucoup de domaines.
Le Shut down
On a eu quand même un peu peur, et on a appris dans le même
temps, un nouveau concept : le SHUTDOWN, c’est-à-dire
l’incapacité pour les USA de trouver un accord entre les
démocrates et les républicains, sur la dette et le budget, pouvant
entraîner un défaut de paiement du 1er pays capitalistique du
monde.
La loi santé était au cœur de la bataille financière, et les services
« non essentiels » de l’administration américaine ont été fermés
le 2 octobre. L’Etat était en panne, le bipartisme était grippé [LE
MONDE du 11 0ctobre 2013, p. 18 – débats), et le fédéralisme
en crise.
L’affaire LEONARDA a mis en lumière la fracture entre ceux
qui privilégient l’émotion, pour les autres bien sûr, et qui
considèrent que la loi doit s’adapter à leur conscience ; et ceux
qui – parfois à contre-cœur, mais par raison et responsabilité
collective – estiment que la loi doit être appliquée, avec
discernement certes, et souplesse, mais dans sa rigueur. Il
n’appartient à personne, même pas au Chef de l’Etat, de décider
– sauf circonstances exceptionnelles avérées – de renoncer à un
jugement ou à une décision légalement prise.
Les banques françaises détiennent 197,76 milliards de dollars
de la dette américaine de plus de 16.700 milliards. Après un
suspense épuisant, un compromis a été trouvé [LE FIGARO
du 17 Octobre 2013, p. 6].
Attendons la prochaine crise qui aura des prolongements partout
dans le monde, y compris en France. Bis repetita.
C’est M. François MITTERRAND qui avait évoqué la force
injuste de la loi ; le principe de la désobéissance civique a
beaucoup été utilisé, surtout par des militants écologistes, et
les tribunaux ont sanctionné, avec mesure.
Et le casino reste ouvert pendant les fêtes. Abandonnons le
« sordide » matérialisme – pourtant revendiqué et souhaité par
beaucoup, pour partir dans la jungle des sentiments.
-2-
sur l’immigration
(pour réfléchir dans labonne humeur)
L’ordre, à savoir le respect de la loi, des décisions de justice,
n’est pas un gros mot ou l’application de principes aveugles,
comme parfois on représente la justice, le glaive à la main,
avec les yeux bandés.
Les incidents humains, notamment, liés à l’immigration clandestine se multiplient. C’est un sujet délicat où l’émotion
l’emporte sur le droit ; ou les règles légales sont contournées
par des citoyens de bonne foi, qui ne supportent pas que la 5ème
puissance mondiale, la France, ne puisse régulariser tous les
arrivants, les faire bénéficier du minimum social et de santé, et
que la société se déchire sur ce sujet.
L’ordre public n’est pas contradictoire avec les libertés individuelles. Il les protège.
L’affaire LEONARDA, et d’autres précédemment, a mis en
lumière l’opposition entre ce que veut la majorité silencieuse,
ceux qui ne se révoltent jamais, qui subissent, qui se conforment aux règles, et ceux – une minorité agissante et bruyante –
qui privilégient leurs désirs et avis (qu’ils pensent être le bien)
et adaptent ce qui existe, à leurs opinions, croyances, ou désirs,
ou exigent que la règle obéisse à leur conscience très orientée.
Pour mettre un peu de gaité, si c’est possible, dans un domaine
sensible, je vous conseille de lire le livre de M. Romain
PUERTOLAS – Editions Le Dilettante 2013, avec son titre
improbable :
L’autorité est une valeur fondamentale, tant dans la famille,
que dans la société. Elle s’appuie sur des valeurs objectives,
discutées, votées.
« L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans
une armoire IKEA ». Vous y découvrirez un indien, fakir de
son état, arrivé par Roissy dans un magasin IKEA de la région
parisienne, pour acheter un lit à clous, qui se retrouve voyager
contre son gré, plutôt balloté dans une caisse, dans une soute
d’avion en passager clandestin, en Grande-Bretagne, en Espagne,
à Rome, en Lybie, pour atterrir à Paris, avec des clandestins de
toute nationalité ; qui découvre la misère morale, économique,
culturelle de ces voyageurs et les combats qu’ils mènent pour
connaître la lumière, c’est-à-dire ce qu’ils croient être l’eldorado de certains pays, dont le nôtre… L’auteur est actuellement
lieutenant de police. A mon avis, il est perdu pour cette carrière.
L’Etat doit incarner l’autorité, et l’on doit se réjouir que le
Ministre de l’Intérieur, même s’il est critiqué, soit actuellement
le responsable politique le plus apprécié des français.
Il est possible de concilier loi, morale, conscience, émotion.
La loi est l’expression de la volonté générale, votée par les
parlementaires qui ont reçu mandat des électeurs. Elle incarne
l’éthique, l’intérêt collectif, les droits et les devoirs de tous.
La conscience est par nature individuelle, et l’émotion est une
réaction personnelle à une situation donnée, qui nous touche,
alors que pour un autre, il n’y a rien à voir.
Ce récit hilarant pousse à réfléchir : et si le clandestin était notre
frère, à qui on ne peut tout offrir gratuitement, mais qui mérite
au moins notre respect, pour s’être lancé dans une aventure que
nous, bien nés, au bon endroit, n’imaginons même pas, avec la
peur au ventre, et le risque de mourir à chaque moment !
Une société a besoin de règles fermes, de principes qui ne
varient pas avec le vent, ou l’intérêt politique partisan.
Tout le monde sait que les juges ont pour principe fondamental,
l’individualisation des cas. Nous devons leur faire confiance,
même s’ils ne sont pas à l’abri, comme tout professionnel de…
leur propre conscience et valeurs. La loi ne peut être liberticide.
Seul un état de droit - que le monde entier, ou presque, cherche
à construire – protège des abus, de l’arbitraire, de l’application
mécanique de règles.
La conscience, l’autorité, et la loi
La conscience – sauf cynisme avéré ou petit calcul à but orienté
de quelle que nature qu’il soit – ne se commande pas. Elle
est spontanée, réactive, sans mesurer les conséquences, mais
naturellement relative : ce qui est juste pour l’un, ne l’est pas
pour l’autre.
Le Chef de l’Etat pourrait, à l’occasion, - même si je ne me
permets pas, naturellement, de lui dicter sa conduite – rappeler
mieux que moi, ces règles de vie, élémentaires, et rassurer
l’immense majorité des citoyens, indignés par des comportements inadmissibles : à défaut, il perdra toute autorité, vertu
nécessaire au pouvoir et à tous ceux qui exercent une parcelle
de responsabilité (parents notamment).
La conscience doit conduire à la réflexion, à la tolérance, et à
la modération. Le principe de précaution ne la perturbe pas.
L’autorité, qui ne doit pas être confondue avec l’autoritarisme
ou la volonté d’imposer ce que l’on croit être la vérité, existe en
soi, ou s’acquière par l’expérience ou la nécessité. On ne peut
faire plaisir à tout le monde, et si la synthèse est un mode de
gouvernement, parmi d’autres comme la méthode de l’ancien
Ministre Henri QUEUILLE qui ne prenait pas de décision
et attendait que les choses s’arrangent d’elles-mêmes, savoir
trancher après avoir mesuré le pour et le contre, est l’apanage
des grands leaders, et de ce qu’il est convenu d’appeler un
chef, dans tous les domaines, y compris, et surtout peut-être,
à commencer dans la famille avec l’éducation des jeunes qui
ont besoin de repères clairs, de lignes rouges bien tracées, et
de perspectives concrètes de la réalité. Ce qui n’exclut pas
l’amour.
[Lire : « AFFAIRE LEONARDA = requiem pour l’autorité »
- LE FIGARO du 21/10/2013] par Jean-François MATTEI,
philosophe, qui rappelle la sentence d’Albert Camus dans le
PREMIER HOMME : « A 40 ans, il reconnait qu’il a besoin de
quelqu’un qui lui montre la voie et lui donne blâme ou louange :
un père. L’autorité et non le pouvoir ».
Une maladresse, même avérée, qui n’est ni une faute de
procédure, ni une irrégularité, ne justifie pas un désordre, ni
une injustice, aurait ajouté TALLEYRAND.
L’intervention du Chef de l’Etat qui n’est pas le comptable des
émotions, mais le garant des institutions, donc de l’application
de la loi, et du respect des décisions judiciaires, n’a pas incarné
l’autorité, et le jugement de SALOMON qu’il a tenté, s’est
soldé par un non franc et massif, insolent, discourtois.
Autorité et conscience sont compatibles. On peut décider de
respecter la règle, ce qui n’est que normal, sans pour autant
renier sa conscience. C’est ce que le conseil constitutionnel a
jugé à propos du mariage entre 2 personnes du même genre,
par les maires.
[Lire LE FIGARO du 17 Décembre 2013 qui titre : « Immigration clandestine : la France sous pression : 31 filières
d’envergure internationale ont été démantelées en 2013. Syriens
et Lybiens sont les plus nombreux à être poussés vers la France
par des organisations qui empochent des gains colossaux » p. 2 et 3]
« L’autorité n’est peut-être que de faire de ses buts, un
idéal pour les autres » disait Bernard GRASSET dans ses
« Remarques sur l’action ».
-3-
La société ne peut faire l’économie d’un débat de fond, si
possible dépassionné, où personne ne détenant la vérité et la
formule magique pour éradiquer le crime et la délinquance,
nous devons trouver des solutions pour nous protéger de toutes
les violences – quelles qu’en soient les raisons ; rassurer le
citoyen et permettre à la victime de faire son « deuil » - selon une
formulation « tendance » qui n’a pas une grande signification –
et/ou obtenir réparations ; et punir le coupable et responsable,
dans des conditions dignes, et humanistes.
Victor Hugo a écrit sur le contenu de la conscience : « J’ai
souvent pensé qu’il avait fait de sa poche sa conscience, ou de
sa conscience sa poche. C’était large ».
La loi reflète l’éthique, l’autorité, et le pouvoir. Elle a été
élaborée après discussions démocratiques, en tous les cas dans
notre pays, même si chacun reste convaincu d’avoir raison.
L’autorité n’est pas la force, ni du racisme (comme les lycéens
le braillaient dans les manifestations), ni du fascisme, terme
employé honteusement, sans même peut-être savoir, de quoi il
s’agit en réalité.
Autrement dit, il faut résoudre la quadrature du cercle.
Madame TAUBIRA rappelle que chaque homme étant « lâché »,
il est pleinement responsable de ses actes. « C’est précisément
parce que nous sommes libres que nous avons à répondre des
actes que nous commettons, sans pouvoir nous défausser de
nos responsabilités sur quiconque ».
Décider, est par nature, difficile.
La Cour Nationale du droit d’asile (CNDA) – où siègent
à Montreuil (93) des auditeurs de l’INHESJ – rend 3700
jugements par an [LE FIGARO du 21/10/2013. Débats p. 16].
Présidée par Madame Martine DENIS-LINTON, on y trouve
des magistrats blanchis sous le harnais, d’expériences diverses
comme Préfet, diplomates, et un ancien TPG et par exemple
M. ANICET LE PORS, ancien ministre.
M. GROS indique que les délinquants pour des faits graves ne
sont pas réductibles à ce qu’ils ont fait, et « qu’il est dangereux
d’enfermer les coupables dans l’acte qu’ils ont commis… ».
Mme TAUBIRA décrit les conférences de consensus comme
« un pari de civilité et d’intelligence », et affirme que la récidive
n’est pas une fatalité. D’où une innovation avec la contrainte
pénale, peine pouvant se purger en milieu ouvert, sous diverses
formes :
Leur rôle, délicat, est de séparer le vrai du faux. La procédure
est sérieuse, les enquêtes fouillées, et les décisions motivées.
Elles doivent donc être respectées, et exécutées.
Le devoir est ainsi de respecter la loi, d’exercer l’autorité, et
quand la conscience le dicte, et si c’est possible, faire en sorte
que les effets de la règle n’entraînent pas des conséquences
irréparables, tout en montrant à ceux qui sont légalistes, paient
taxes et impôts, participent à la société, qu’ils ont raison, et que
leur comportement doit être approuvé.
bracelet électronique ; interdictions de fréquenter des lieux ou
des personnes ; obligation d’effectuer certains travaux pour
réparer les dommages ; soins divers…. Il s’agit d’accentuer
l’individualisation de la peine, avec l’abandon de sanctions
automatiques.
On ne soude pas un peuple, par une exception, fut-elle généreuse.
C’est le respect des devoirs qui mesure et conforte l’ensemble,
sans mauvaise conscience ou regret.
Pour F. GROS, « le vrai courage politique serait de parvenir à
briser l’équation : punir = incarcérer ». Il réfléchit sur le sens
de la peine, à la position qui consiste à passer par la souffrance
pour produire le bien de l’individu. Selon lui, « ce qui est blessé
dans le crime ou le délit, c’est…. la loi elle-même. La peine
sert donc à restaurer symboliquement la loi… ». Sans oublier,
bien sûr, la réparation de la victime….
Un grand scientifique a résumé l’énigme à résoudre :
« Dans la confusion, trouver la simplicité. Dans la discorde,
trouver l’harmonie. Au milieu des difficultés, trouver l’opportunité ».
Le débat est lancé, mais l’actualité demeure. Le titre du FIGARO
du 10/12/13 p. 8, est éloquent : « Justice des mineurs : le duo
TAUBIRA-VALLS à l’épreuve. La chancellerie veut refondre
l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante. L’intérieur
veut être en phase avec la réalité ».
Albert EINSTEIN
La justice pénale, les délinquants, les mineurs,
les sanctions, les victimes de la société
N’était-ce pas Max WEBER voire Kant qui évoquait le principe
de conviction, moral, les bons sentiments, le sens du BIEN, et le
principe de réalité, de responsabilité, qui impose d’être concret
dans ses décisions pour aboutir au même résultat : le BIEN.
Dans le n° 75, de Décembre 2013/Janvier 2014, du Magazine
PHILOSOPHIE, on peut lire le dialogue entre Madame
TAUBIRA, Ministre de la Justice, et M. Frédéric GROS, professeur de philosophie à PARIS-EST CRETEIL, et chargé de cours
à Sciences-Po Paris.
Les centres éducatifs fermés, créés il y a 10 ans, correspondent à
un besoin exprimé par les magistrats, comme alternative crédible
à l’incarcération.
La réforme qui sera présentée par la Garde des Sceaux après
les élections municipales, parle de la prison, de la punition
pour quoi faire, et a déjà déclenché la polémique, avec une
innovation : la contrainte pénale. Les policiers, gendarmes et
gardiens de prison s’inquiètent. Madame TAUBIRA a élaboré
un projet de loi de prévention de la récidive, après une conférence dite de consensus, et de réforme des peines.
Mme TAUBIRA semble sceptique sur l’efficacité des CEF qui
coûtent de surcroît, très cher.
M. Jean-Marie DELARUE, contrôleur général des lieux
de privation de libertés formule un constat très mitigé. La
chancellerie réfléchit, et fera des propositions dans un certain
délai…
Alexandre LACROIX a titré son article : « Epris de justice »,
et pose les questions suivantes :
Pendant ce temps-là, « ils traquent les condamnés en fuite »
[LE FIGARO du 8 Novembre 2013, p. 13].
« Qu’est-ce que la prison aujourd’hui ? Pourquoi est-elle devenue
le seul horizon pénal, elle qui est censée neutraliser, châtier et
réformer le condamné ? Et comment serait-il possible de faire
bouger ces représentations pour fonder autrement, et mieux, ce
pouvoir terrible et pourtant incontournable qu’est le pouvoir
de punir ? »
Christophe CORNEVIN rappelle que la brigade de l’exécution des décisions de justice, dirigée par M. Guy PARENT,
est forte de 70 spécialistes et a déjà « récupéré » près de 1000
personnes, déjà condamnées.
-4-
Il y aurait de 60.000 à 80.000 peines prononcées par les Tribunaux qui ne sont pas appliquées, avec des multirécidivistes qui
déambulent librement. La BEDJ est unique en France.
Le débat sur une salle de shoot expérimentale dans Paris, est
violent. Madrid a fait cependant marche arrière, après usage
[J.M. LECLERC – LE FIGARO].
Elle mène un pur travail de police judiciaire. Elle récupère aussi
les montants des jours-amendes, et va chercher des témoins
qui espèrent échapper à leur audition, par des juridictions de
jugement, dont les Cours d’Assises. Le logo de la BEDJ est
une étoile d’US MARSHALL traversée par un glaive, et sa
maxime : « DURA LEX, SED LEX »
Les Pays-Bas, la Suisse, ont révisé leur position.
Christophe SOULLEZ, directeur de l’O.N.D.R.P. a expliqué
« pourquoi il est indispensable de maintenir l’interdit, compte
tenu des effets néfastes de cette drogue » [LE FIGARO –
5/12/13, p. 9]. Il ajoute, à juste titre : « Les parents qui veulent
protéger leurs enfants, doivent se sentir soutenus ». Mais
Christophe SOULLEZ reste ouvert : En tout état de cause, la
réforme de la loi de 1970, ne peut se faire de façon idéologique ».
Gérard de VILLIERS et SAS,
avec le prince MALKO LINGE ne sont plus :
mais l’espionnage économique persiste
Ajoutons que toute réforme en matière de santé, sécurité,
justice, ou autre domaine crucial doit dépasser les clivages,
pour être pragmatique. Le consensus s’impose, et il faut bouger
les choses avec précaution, d’une main tremblante.
Les cyber-attaques ont doublé depuis 2010 [LE FIGARO du
27 Septembre 2013 – Jean-Marc LECLERC].
Le Général d’armée Marc WATIN-AUGOUARD a expliqué
aux auditeurs les menaces exponentielles et la nécessité de la
CYBER-SECURITE.
M. Manuel VALLS, sur ce sujet, semble ne pas être d’accord,
avec sa collègue de la Justice.
Les dernières statistiques de l’ONDRP sont claires : « En
2012, 1427 atteintes aux systèmes de traitement automatisé des
données (STAD) ont été enregistrées par les services de police
et unités de la gendarmerie nationale ».
NELSON – MADIBA – MANDELA,
le symbole de la réconciliation entre
les blancs et les noirs n’est plus :
il était passé de l’ombre
(du combat terroriste et du bagne) à la
Il y a eu 336 attaques qui ont été recensées comme ayant causé
un préjudice.
Des entreprises sensibles, et même des ministères régaliens
ont été visés.
lumière (la présidence de l’Afrique du Sud)
La cybercriminalité est en pleine expansion, qu’elle concerne
ordinateurs, tablettes ou téléphones.
En visitant l’Afrique du Sud, peu avant la coupe du monde de
football de 2010, où nos atypiques et très bien payés joueurs
de l’équipe de France s’étaient surtout distingués en ne
descendant pas du car, les auditeurs de l’ANA INHESJ avaient
trouvé un pays dynamique, fier de lui-même, et uni, sans
cacher des difficultés très grandes. Nous avions visité Soweto,
le commissariat de police du quartier, et nous avions mesuré
combien Nelson MANDELA avait transformé les esprits,
motivé les communautés, et donné l’espoir, même si, en étant
réalistes, on comprenait que rien n’était vraiment réglé.
Selon notre ami Christophe SOULLEZ « les profits criminels
réalisés sont importants, et le risque pénal encouru, relativement
faible ».
Selon notre ami Alain BAUER, criminologue (Editions du
CNRS : « dernières nouvelles du crime »), les entreprises
françaises sont mal protégées. Il explique : « ECHELON,
CARNIVORE, PRISM sont des outils de plus en plus
intrusifs… Seules les entreprises mondialisées sont à peu près
armées, souvent après avoir connu de sérieux déboires. Mais
le maillage des PMI demeure particulièrement vulnérable ».
Avec le décès de Nelson MANDELA, c’est un concert de
louanges, le monde entier lui a rendu hommage. Est-ce exagéré ? Sauf quelques sectaires pour qui la couleur de la peau
guide les avis et conditionne la qualité de l’autre, et quelques
grincheux pathologiques (le leader du front de gauche a déploré
l’hypocrisie de ceux qui rendaient hommage à un homme devenu
« aseptisé »), le monde entier est en deuil.
Il fait le rappel des moyens utilisés : chevaux de troie ; hackers
(y compris contre les Etats) ; programmes malveillants…. Le
lieutenant-colonel Eric FREYSSINET, est chef de la division
de lutte contre la cybercriminalité à la DGGN, et dénonce les
pirates qui mutualisent les tâches et les recettes….
Cannabis : la tentation de la dépénalisation
Nelson MANDELA avait choisi son destin, et il l’a assumé
jusqu’au bout, en devenant une icône, mais sans délivrer de
message péremptoire, et sans désigner de successeur, avec un
dogme.
[LE FIGARO du 5/12/13, p. 9]
Comme la tentation de VENISE titille ceux qui désespèrent
de la vie politique en général, et après avoir combattu sur tous
les fronts, aspirent au « luxe », au calme et à la volupté, la
tentation de régulariser légalement le cannabis, est récurrente.
Il avait payé le prix de son succès : Avocat d’abord, détenu
ensuite à Robben Island, un bagne, pendant 27 ans, jusqu’à
ce que le Président DE KLERK lui tende la main et le hisse
au pouvoir selon le plan de règlement global de la question de
l’Afrique Australe décidé par Washington.
Après qu’un tribunal a relaxé un consommateur qui avait trouvé
dans l’herbe la seule thérapeutique possible pour soigner ses
douleurs, l’idée d’adoucir la loi pénale, ressurgit. Madame la
Garde des Sceaux a indiqué que « la prudence en la matière
confinait à la lâcheté ».
Un Etat des U.S.A. vient de le décider, et les consommateurs
s’y précipitent !
On peut cependant réfléchir et ne pas partager ipso facto, les
idées dites progressistes, et croire que toute drogue est néfaste,
sans être un odieux réactionnaire.
Nelson MANDELA, avec l’ANC, multiplièrent les actions
de guerre, et c’est, peut-être, parce qu’il comprit que la
violence ne mène à rien, qu’il choisit finalement de créer un
Etat multiracial décentralisé.
MANDELA a posé le principe que tous les hommes – et
femmes – d’Afrique du Sud naissaient libres et égaux en droit,
avec les mêmes devoirs.
-5-
Soyons conscients, cependant, que le travail, et la pacification
doivent être poursuivis.
Il abolit l’apartheid – que nombre de pays occidentaux soutinrent sous des formes diverses – seul régime légal ouvertement
discriminatoire, et raciste, créé après la 2ème guerre mondiale,
sans même tenir compte des leçons de celle-ci.
Il créa une Nation, avec des citoyens ou service d’une collectivité, sans injustice institutionnalisée.
Idée et principe qui peuvent paraître élémentaires, pour nous,
les héritiers de 1789, qui avons cependant pris notre temps
pour parvenir à une démocratie apaisée – et en ce moment
très énervée – avec les alternances, une tolérance sur certains
aspects parfois remise en cause, des débats sur la sécurité, la
délinquance, la justice, les choix de société, l’économie…
très vifs, qui prouvent que l’harmonie, le respect de l’autre, la
solidarité sont des sujets récurrents, et que SISYPHE a encore
du travail !
Nelson MANDELA, avant d’être un politique, un chef d’Etat,
un exemple, a d’abord été tout simplement un être humain,
avec ses défauts et ses qualités. Mais c’est parce qu’il a su
dépasser sa propre personne, aller au-delà de ses convictions,
qu’il a réussi à atteindre presque l’universel, en incarnant des
valeurs, en leur diversité. C’est ce que l’on demande à ceux
qui nous dirigent : de donner un sens au gouvernement des
hommes, réfléchir à l’avenir, et dire où nous allons, sans oublier qui nous sommes, et d’où nous venons.
Nelson MANDELA a transformé ce qui était – peut-être – une
utopie, en réalité.
Certes, tout n’est pas idyllique dans la Nation arc-en-ciel. La
délinquance explose, et la corruption est endémique ; il y a
une misère sociale, et l’économie n’est pas très performante.
Avec la constitution de 1996, Nelson MANDELA a cependant
laissé un cadre juridique et institutionnel, qui permettra, peutêtre aux héritiers, en y mettant le temps et de l’acharnement, de
préserver les acquis, et de faire progresser le pays.
En attendant, Nelson MANDELA nous laisse la leçon que tout
est possible pour les hommes de bonne volonté, qui n’ont pas
une idéologie figée et la certitude qu’ils détiennent la vérité et
incarnent le camp du bien.
Il faut établir des ponts, prendre le meilleur de chaque camp, et
bâtir une société nouvelle.
L’homme de paix n’est ni sans convictions, ni sans énergie ou
autorité. Il a fait la synthèse de ses expériences, de ses réussites et échecs, et il est dans l’action, dans l’engagement, dans
l’ouverture.
On doit changer de cap, quand il le faut, et s’adapter à la nécessité, si les circonstances l’exigent.
Souhaitons aussi que tout le continent africain – avec qui nous
avons un passé commun, des liens réciproques de reconnaissance et d’amitié – retrouve la paix, se prenne en main, écrive
son histoire, et trouve des voies pacifiques, et pérennes, en se
réconciliant entre soi.
Il a fallu une force de caractère peu commune pour aller vers
le pardon.
De son vrai prénom ROLIHLAHA (« celui qui crée des problèmes »), Madiba est devenu celui qui trouve la solution, et
crée la fraternité humaine. ECCE HOMO.
Il a fallu, en urgence, déclencher l’opération SANGARIS
en Centrafrique, pays aux multiples frontières, qui peut
déstabiliser la région.
SANGARIS fait référence au papillon africain cymothoe
sangaris, car l’intervention doit rester courte.
Il s’agit, là, de mettre fin aux massacres, d’éviter un désastre
humanitaire ; d’essayer de rétablir la paix, et de fournir des
moyens à un processus démocratique.
Une nouvelle fois, nos soldats sont au front, se font tuer. Ils
meurent pour la France. Espérons que les factions ennemies
Centrafricaines, ne se réconcilieront pas au détriment de nos
soldats !
J’ai commencé mon éditorial, volontairement, en rendant
hommage à un grand soldat, qui a été contesté pour ses choix,
mais qui n’a jamais failli, et qui a fait passer son devoir, avant
ses intérêts.
Notre armée, malgré les coupes budgétaires et les restrictions
de personnel, est performante, efficace, et respecte des valeurs
et des principes, tout en étant profondément républicaine.
Nos forces de l’ordre, de façon générale, honorent notre démocratie, et il faut s’en souvenir. Certains vont jusqu’à se sacrifier
pour que nous vivions en paix, et que nous nous « agitions »,
en nous faisant peur, à travers des débats internes parfois surréalistes. Que 2014 nous permette de retrouver notre sangfroid pour se consacrer à l’essentiel, et à lutter contre le mal.
Le terrorisme, encore et toujours
On a eu à peine le temps de se réjouir de la libération de
4 otages du Mali, et de l’évasion, par lui-même d’un autre,
que déjà un prêtre était enlevé, puis finalement libéré à la fin
de l’année, et que les autres otages détenus continuaient leur
captivité. S’y est ajouté le double assassinat des journalistes de
RFI à KIDAL, par AQMI, le 2 Novembre.
On est admiratif et content pour ceux qui sont revenus dont
le père GEORGES. On est attristé, et forcément inquiet, pour
ceux qui ne sont pas rentrés à la maison. Continuons donc le
combat contre ceux qui sont dans l’obscurantisme et prêchent le
fanatisme, et qui par la terreur, croient convaincre le monde, en
manipulant les corps et les esprits, sans souci de la personne, et
de la dignité de ceux qui n’y peuvent rien, et étaient là au
mauvais moment, et au mauvais endroit. Le terrorisme a changé
de nature (cf. Alain BAUER qui l’explique très bien), a conservé
aussi ses « théories » initiales, mais il continue à être un danger
permanent qui peut déstabiliser des Etats, les faire disparaître
(cf. la corne de l’Afrique), et jeter des troubles sérieux dans les
démocraties les plus anciennes, à travers le terreau du populisme, du repli sur les communautés, du sentiment d’inégalités
et de racisme, ou de la croyance qu’il y a de plus égaux que
d’autres, et que des pays pillent les richesses des autres, au
service d’une finance sans foi ni loi, et de sociétés matérielles.
Il est absolument nécessaire, y compris en France, ce cher et
vieux pays comme disait le général de Gaulle, de s’appuyer sur
les valeurs, l’éthique nationale, et la morale individuelle, pour
revenir à un monde aussi spirituel – ce qui ne veux pas dire
sacré au sens religieux du terme – où notre triptyque de liberté,
égalité, fraternité ne soit pas un slogan creux, mais le pilier de
nos relations sociales et républicaines.
Après l’opération SERVAL au Mali,
l’opération SANGARIS
est lancée en Centrafrique
Les troupes françaises envoyées au Mali pour y combattre le
terrorisme, et rétablir la démocratie, ont réussi leur mission.
On peut s’en réjouir, même si tout n’est pas terminé et que le
nouveau pouvoir local, issu des urnes, va devoir assumer ses
responsabilités.
Pour adhérer à un choix, pour suivre un chemin, il faut être
convaincu que tout ne se vaut pas ; qu’il y a des objectifs à
atteindre, et que c’est l’intérêt de tous.
-6-
La lutte acharnée contre le terrorisme est l’un des moyens
d’accéder au but.
M. SQUARCINI ajoute : « il manque une vraie loi-cadre sur
l’activité de renseignement…. ».
Hugues MOUTOUH, ancien conseiller spécial de M. Claude
GUEANT, Ministre de l’Intérieur, a écrit : « 168 heures chrono.
La traque de Mohamed MERAH » – Plon 2013. Il décrit, heure
par heure, l’intervention des forces de l’ordre et la détermination
froide du terroriste.
Il faut lire JEFFREY ROSEN, professeur de droit à l’Université GEORGE-WASHINGTON, et ses explications sur
« PRISM, un défi pour le droit » [LE MONDE du 29 Octobre
2013, p. 18].
Il explique que seuls le congrès et les Tribunaux Américains
pourraient contraindre le Président OBAMA à changer de
politique. Et que toutes les procédures juridiques contestant le
système d’espionnage en tant que violation de la constitution
américaine (4e amendement rédigé au XVIIème siècle) ont,
jusqu’à présent, buté sur des considérations de droit. Les propositions consistant à plus protéger le citoyen américain, ont échoué.
Quant au NON-CITOYEN Américain, tout reste possible.
Le rôle d’Amaury de HAUTECLOCQUE, chef du RAID, qui
a désormais choisi, le service privé dans une grande entreprise,
est saisissant. Ce fut une opération de police hors-norme.
Il y a des zones d’ombre, soutiennent certains. Mais dans
l’action, qui peut prétendre être parfait, et ne pas s’adapter à
l’ennemi ?
L’avenir, voire la justice, rétablira la vérité…
M. ROSEN n’a pas tort. LE MONDE du 18/12/2013, p. 4 et LE
FIGARO du 18/12/2013, p. 6, signalent un juge américain [qui]
qualifie de « quasi orwellienne » la surveillance de la N.S.A.
Le YEMEN reste une terre d’accueil pour Al Qaïda [LE
FIGARO 8 Août 2013, p. 5 – Pierre PRIER]. Il est le maillon
faible qui hante le monde arabe. Chassés militairement
d’Arabie Saoudite, les terroristes de la nébuleuse djihadiste se
sont repliés au YEMEN, où ils ont annoncé en 2009 leur fusion
avec la branche locale pour former Al Qaida dans la péninsule
arabique (AQPA).
Le juge fédéral Richard LEON du tribunal civil de Washington
est arrivé à la conclusion que le programme de surveillance
des échanges téléphoniques par la N.S.A. est probablement
inconstitutionnel. C’est la première décision en la matière.
L’Etat fédéral a indiqué qu’il allait interjeter appel pour produire
des preuves et justifier de la nécessité de protéger la sécurité
nationale. Le juge a indiqué que l’Etat fédéral avait été dans
l’incapacité de citer un seul exemple d’attentat imminent qui
aurait été déjoué grâce à la masse de données recueillies par les
services d’écoutes américains.
A SANAA on s’inquiète, et on prend des précautions.
Au Kenya, les islamistes Somaliens ont semé la terreur à
Nairobi en prenant en otage 68 personnes, et en faisant des
morts [LE FIGARO du 23 Septembre 2013, p. 8]. Les forces
spéciales Israéliennes sont intervenues.
En Syrie, il y aurait des centaines, voire 2000 djihadistes
européens, qui sont recrutés à travers l’Espagne notamment. Les
autorités britanniques s’inquiètent d’un risque terroriste accru,
après leur retour. Chef de l’anti-terrorisme à Scotland Yard,
Richard WALTON s’exclame : « le public ne se rend pas
compte de la gravité du problème. La Syrie change les règles
du jeu. On voit tous les jours, des garçons de 16 ou 17 ans
partir se battre ».
Il a considéré que la collecte de METADONNEES par l’agence
à travers les téléphones de particuliers constituait une atteinte à
la vie privée, et empiète sur le 4e amendement de la constitution.
La justice (américaine) s’oppose donc à la sécurité (américaine). Dossier à suivre ?
En France, on veut concilier libertés individuelles et sécurité.
Dans le pays des droits de l’homme, libertés et sécurité nationale
ne doivent pas s’opposer.
Le Ministère de l’Intérieur Allemand a mis en place une centrale d’appels sur la radicalisation de jeunes, qui inquiètent parents, amis, voisins…
La loi de programmation militaire a été adoptée le 11 Décembre, mais l’article sur les interceptions numériques fait
controverse. On cherche une solution fiable.
La menace persiste, partout. Ainsi, a-t-on appris qu’il y avait
une cellule islamique « Cannes-Torcy », avec de jeunes français convertis à un islam « modéré » [LE FIGARO du 7 Juillet
2013, p. 8].
Après deux arrêts de la Cour de Cassation, suivis d’une circulaire
de la Chancellerie, une loi sur la GEOLOCALISATION a été
déposée en urgence. Faudra-t-il un juge (du siège ?) pour valider
cette technique. Le débat est ouvert…
Ils ont été mis en examen. Le terrorisme germe, aussi, sur notre
territoire.
Sur la réalité des chiffres de la délinquance
Pendant ce temps, nous polémiquons.
Le bulletin mensuel de l’O.N.D.R.P.,
d’Octobre 2013 :
criminalité et délinquance organisées
Les grandes écoutes
Après les révélations sur l’espionnage mené en France par
l’Agence de Sécurité Nationale Américaine (NSA), il y a eu
un vent de fronde. L’Ambassadeur des USA a été convoqué
au Quai d’Orsay, et les protestations ont fusé. A juste titre
d’ailleurs.
Aucun auditeur ne peut ignorer le travail exceptionnel de
l’ONDRP, désormais présidé par M. STEFAN LOLLIVIER,
inspecteur général de l’INSEE, et Président du Conseil d’orientation. La méthode utilisée est très importante, et M. LOLLIVIER, la rappelle dans les termes suivants : « Quand un média
évoque les « vrais chiffres de la délinquance » au sujet des faits
constatés par la police et la gendarmerie, il commet un abus de
langage susceptible d’induire ses lecteurs en erreur.
M. Manuel VALLS a déclaré : « Si un pays ami, un pays allié,
espionne la France ou espionne d’autres pays européens, c’est
tout à fait inacceptable ».
Le Ministre a parfaitement raison, mais M. le Préfet Bernard
SQUARCINI a publié : [Renseignement français : nouveaux
enjeux – Edition ELLIPSES – 2013]. Il explique qu’il est effaré par « une naïveté déconcertante » : « Les services savent
pertinemment que tous les pays, même s’ils coopèrent sur la
lutte anti-terroriste, se surveillent entre alliés …. »
On ne peut pas établir un palmarès de niveau de délinquance en
fonction des plaintes enregistrées sauf, par exemple, à vouloir
présenter les territoires où l’accueil des victimes se déroule dans
de bonnes conditions comme ceux où la délinquance est la plus
-7-
fréquente… concernant les atteintes visant les personnes ou
leurs biens, les chiffres les mieux à même de répondre à la
demande légitime de la fréquence des phénomènes de délinquance ne sont pas ceux de la victimation, c’est-à-dire qui sont
obtenus à partir des enquêtes du même nom… »
Thibaut COLLIN, philosophe, propose de « dire, enfin, la vérité »
[LE FIGARO du 10 Décembre 2013, p. 14]. Il plaide pour un
Etat subsidiaire qui, au lieu d’entraver, libère les initiatives. Il
constate que l’Etat est impuissant, car omniprésent.
Il écrit : « Entre un Etat-providence qui se dirige droit vers le
mur de la dette, et un nostalgique Etat-régalien, se trouve l’Etat
subsidiaire, c’est-à-dire un Etat qui met tout son savoir et son
pouvoir au service de l’actualisation des ressources latentes de
la société : un état éveilleur, facilitateur, et non un Etat-matrone,
qui castre toute liberté d’initiative ».
Chacun pourra ainsi apprécier la rigueur des chiffres et se faire
une idée personnelle de la réalité de la délinquance [cf. rapport
du 12 Juillet 2013 – http//www.interieur.gouv.fr (publications/
rapports de l’IGA)]
L’ONDRP s’est aussi attaqué à un sujet délicat : « Délinquance :
une étude révèle la part des étrangers » [LE FIGARO 28 Juin
2013, p. 2].
Selon le directeur de recherche à Sciences-Po-Ceri, le retour à
la confiance passe par un dialogue entre les pouvoirs publics et
les citoyens, qui ne sont pas que des administrés.
Selon Christophe SOULLEZ, directeur de l’ONDRP, il ne peut
y avoir de sujet tabou. Il ne s’agit pas de statistique ethnique.
L’ONDRP est « tout à fait légitime à exposer les données par
nationalité. Dans les pays Anglo-Saxons, en revanche, depuis
de nombreuses années, les ethnies ou la couleur de peau sont
des catégories considérées comme pertinentes. Ce n’est pas le
cas en France ».
Madame Marie-Josée FORESTIER, PDG de SOCIO-VISIONSOFREMCA, constate que la société est « empêchée », c’està-dire ne peut prendre ni risques, ni vraies initiatives, et assure
que la jeunesse veut et demande de l’autorité, à l’inverse de
ses prédécesseurs [LE FIGARO – 10 Décembre 2013, p. 14].
Le pouvoir politique et les médias sont confondus, avec une
société divisée.
LE MONDE du 18/12/2013, p. 10, a titré : « La part des étrangers mis en cause pour vol a fortement augmenté depuis 2008 ».
On est entré dans la société de défiance [RAN HALEVI –
directeur de recherche au CNRS – LE FIGARO du 5/12/2013,
p. 16].
M. Laurent BORREDON a rédigé son article à partir des
chiffres publiés par l’ONDRP. Les mis en cause sont issus de
Roumanie et de la péninsule balkanique, d’Afrique du Nord,
des ressortissants de l’ex-URSS. La délinquance est liée
« aux voleurs dans la loi », une organisation ultra-hiérarchisée
spécialisée dans les vols et les cambriolages, par des hommes
majeurs. La part des femmes mineures, ou majeures, a aussi
augmenté.
Il faut donc revenir, ou créer ce que M. Alain PEYREFITTE,
Ministre du Général de Gaulle, appelait la société de confiance.
L’Etat ne peut pas tout et les problèmes à résoudre dépendent
de tous, chacun au niveau où il se situe, avec ses moyens,
ses ambitions, les devoirs qu’il doit assumer, c’est-à-dire la
limitation de ses exigences et de sa satisfaction personnelle.
Les printemps Arabes ont également apporté des populations
délinquantes.
Le moi est insupportable, et l’égo inacceptable. Ils doivent être
substitués par le nous et l’intérêt collectif. La colère – parfois
artificielle et non justifiée – ne sert à rien. Il faut proposer des
solutions consensuelles, avec un peu d’audace, une volonté
farouche, en étant pragmatique.
LE FIGARO du 18/12/2013, p. 11 – J.L. LECLERC, reprenant
aussi le rapport de l’ONDRP, a titré : « un quart des vols en
France sont commis par des étrangers ». Le travail a été réalisé
sur la base des données du STIC, fichier d’antécédents judiciaires.
Comme l’écrit Eric ZEMMOUR [LE FIGARO MAGAZINE
du 13 Décembre 2013, à propos d’EADS qui a annoncé des
milliers de suppression d’emplois] : « L’Etat c’est bon pour
prendre des risques quand personne n’y croit : ou pour jouer
aux pompiers quand le feu menace de tout emporter, comme
en 2008. Mais quand tout va bien, on voit surtout ses défauts,
les côtés minables des politiciens, leurs obsessions de l’emploi.
Leurs élections ».
Plus d’Etat moins d’Etat, selon la conjoncture
Comme on demande plus ou moins de policiers ou de gendarmes,
selon l’actualité, une justice plus répressive ou plus « humaine
» (comme si les deux termes étaient antinomiques !), le rôle de
l’Etat qui ne peut pas tout – selon la formule d’un ancien 1er
Ministre – est régulièrement à l’ordre du jour. Le périmètre des
interventions de l’Etat varie, et ses moyens régaliens d’action
sont tributaires des caisses plus ou moins remplies, pour ne pas
écrire vides, et des priorités à satisfaire. Il va bien falloir qu’un
jour nous prenions une décision qui s’applique, dans la durée.
A force de naviguer au gré du vent et des obstacles, on va finir
par s’échouer sur un banc de sable, où le long de la côte, comme
le COSTA CONCORDIA, dont le capitaine voulait éblouir les
passagers, et les badauds !
M. ZEMMOUR exagère sur certains aspects, mais il n’a pas
tort sur tout.
Luc FERRY [LE FIGARO du 21 Novembre 2013, p. 19] avait
averti : « Etat faible, passions fortes : danger] en écrivant :
« A quoi sert en effet l’Etat ? Pas seulement à conduire une
politique, en principe orientée vers l’intérêt général, mais aussi,
et peut-être même avant tout, à offrir un lieu où le corps social
se représente son avenir et prend pour ainsi dire conscience de
lui-même. Il est un peu, pour la nation, l’équivalent du cerveau
pour un corps humain, la conscience de soi…
Avocat, Maître Michel GUENAIRE vient de publier « Le
retour des Etats » [Grasset 2013]. Il est un des hérauts (avec
cette orthographe) du libéralisme, ce qui ne l’empêche pas de
réfléchir sur l’importance des Etats qui ont sauvé le système
bancaire en 2008, et qui essaient de créer de la croissance, si
celle-ci se décrète, ce qui est une autre histoire.
A défaut… « c’est la tentation de la désobéissance civile qui
s’instaure : des manifestants qui cassent sans vergogne les
biens publics, des citoyens qui fuient l’impôt (ce qui fait penser
à Michel AUDIARD : « le jour est proche où nous n’aurons
plus que l’impôt sur les os ») ; des maires qui ne veulent plus
appliquer la loi, comme si les décisions du pouvoir législatif
pouvaient désormais se choisir à la carte… ».
Michel GUENAIRE pense qu’à la place des idéologies qui
nous ont conduit là où nous sommes, se crée un nouvel ordre
international respectant les cultures, les nations, avec la nécessité
d’une Europe plus rationalisée et efficace, avec des dirigeants
exemplaires. On doit l’espérer, voire rêver. Et s’il avait raison ?
-8-
« Réformer, c’est révolutionnaire »
(Revue des deux mondes Octobre-Novembre
2013, p. 5 – Editorial de Michel CREPU)
Tout projet, annoncé, de réforme, prête à rire, personne n’y
croit, mais le combat immédiatement, parfois d’ailleurs à juste
titre, et pourtant il faut le faire, il faut bousculer les habitudes,
les rentes de situation, le conservatisme qui n’est pas toujours
du côté que l’on pense.
La rentrée a été pédestre, car on a vu de très nombreuses
personnes arpenter le bitume. Je ne parle pas du projet de loi
consistant à vouloir pénaliser les clients des prostitué(e)s, ou
plutôt, pour les respecter, les travailleurs du sexe (sans genre
puisque le masculin le dispute au féminin, parait-il). Je ne
prends pas à la légère ce problème lié à la dignité, qui se veut
combattre l’esclavagisme moderne, la violence sous toutes ses
formes (sans jeu de mots mal venus), et l’exploitation des corps.
La crise économique et financière, devenue sociale, est aussi,
et peut-être d’abord, morale.
Les élites sont suspectes, et les corps intermédiaires soupçonnés de défendre d’abord, leurs propres intérêts, sont devenus
presque illégitimes.
Le populisme qui dénonce l’arrogance de l’argent, les riches,
ou ceux qui ont un pouvoir quelconque, prospère et progresse,
et met en danger la démocratie. L’ère des blogs permet d’écrire
et de raconter n’importe quoi. La communication sauvage,
incontrôlée, par n’importe qui, crée le buzz, donc la désinformation.
En revanche, je ne sais pas si le législateur est compétent en
la matière pour réglementer le plus vieux métier du monde,
dire ce qui est le bien ou le mal dans ce domaine délicat, ou
d’autres (rappelons-nous les manifestations anti-mariage gay),
tel que l’usage de la fessée qu’il faut abolir, ou non. On a les
débats que l’on mérite, et la société que l’on se construit. En
regardant par le petit bout de la lorgnette, nos lointains successeurs diront si nous avons été sérieux ou non, et si nous avons
bâti une société de libertés, mais surtout d’efficacité économique et sociale avec un niveau de vie maximum, pour tous,
dans une croissance durable !
L’opinion publique, celle que Me MORO-GIAFFERI, le célèbre Avocat, voulait exclure du prétoire, a envahi la sphère
publique, et bouscule les valeurs traditionnelles, au point d’en
faire douter…
La question est alors : quelles solutions proposer, qui soient
raisonnables, et admises, voire indispensables si l’on veut
résoudre les problèmes ? Et qui doit avoir le pouvoir légal, et
légitime, pour être cru et suivi ?
Reprenons le chemin. Il y a eu depuis le début de Septembre
2013, des mouvements sociaux divers qui, pour des raisons
multiples, impôts, taxes, augmentations…. ont protesté dans la
rue. Les bonnets rouges ont été les plus visibles, mais d’autres,
moins haut en couleurs, ont été aussi violents et convaincus.
On a distribué à certains, surtout des bonnets d’ânes.
Justice et Sécurité participent à réguler l’exercice du pouvoir par
ceux qui ont été élus, démocratiquement, qui cherchent – même
parfois à tâtons et maladroitement – à améliorer l’Homme et
la société, et à qui nous devons faire confiance, soit en les
soutenant, soit en proposant des solutions alternatives
crédibles, et acceptables par tous, puisque comprises. Faire le
contraire du prédécesseur, dire que c’était une mauvaise idée
parce qu’elle n’émane pas de son propre camp, est une hérésie,
même pas un « crime » intellectuel, mais une vraie faute.
Michel CREPU écrit :
« Dans l’un de ses innombrables chapitres de « LA ROUE
ROUGE », SOLJENIT-SYNE examine à la loupe les moments
de bascule qui furent aux origines de la révolution bolchévique.
Le point commun à ces moments épars dans l’histoire tient
toujours à cette préférence soudaine donnée à l’impatience de
la révolte contre la patience de la réforme ».
Personne ne détient la vérité – celle-ci existerait-elle – et c’est
par le pragmatisme, - et non l’idéologie -, par le rassemblement,
- et non la flatterie de communautés ou de groupes d’intérêts –
et le renforcement des valeurs traditionnelles, liées à la Nation,
l’effort, le mérite, - et non la référence à des fausses idoles qui
sont modernes, mais creuses – que peut-être, nous progresserons.
Et Michel CREPU affirme : « Le raisonnable ennuie, l’irresponsable séduit ».
Alors même que l’on commémore le centenaire de la 1ère
guerre mondiale ; que les combattants, les derniers vrais, ont
encore la mémoire de la 2ème guerre mondiale, des camps
d’extermination, de la terreur ; que devant nos monuments aux
morts de nos villages, les anciens-combattants d’Algérie, en
particulier, se souviennent avec douleur, on s’aperçoit qu’une
partie du monde flambe, que la France doit s’engager au Mali
et en Centre-Afrique ; que le terrorisme n’est pas éradiqué, et
que les violences de toute nature sont d’actualité. L’Europe
est calme, mais à ses frontières – il y en a encore – à quelques
heures d’avion, les combats continuent et portent leur cortège
de misère.
La Justice a une fonction vitale dans notre société de conflits,
où beaucoup pensent qu’ils ne sont responsables de rien, que
c’est la faute des autres et de la société, avec ses tentations et
inégalités, et qu’ainsi, la Justice doit trouver, et punir, les vrais
coupables qui ne sont pas….. l’auteur de l’infraction ! [sic].
La Justice doit tout résoudre : la délinquance ; la séparation
des couples ; les conflits entre l’employeur et le salarié ; les
différends du monde des affaires ; les citoyens face à l’administration ; les consommateurs par nature en état de faiblesse,
même s’ils achètent n’importe quoi avec du crédit facile…
Nous nous battons contre nous-mêmes pour tenter de faire
repartir la croissance ; nous devons surmonter nos droits
acquis, nos avantages, petits comme grands ; faire l’effort de
ne pas demander toujours plus, et être solidaire. C’est notre
combat quotidien, que nous pouvons – que nous devons –
gagner, si l’on accepte, individuellement quelques sacrifices
même financiers, et même si on les croit injustes, pour que
l’ensemble en profite.
La Justice est responsable de ceux qui s’évadent ; ces récidivistes libérés conformément aux textes votés par nos excellents
parlementaires ; de la lenteur des tribunaux…
Elle doit lutter contre le crime, la corruption, la fraude en
général ; réglementer internet, les blogs… ; arbitrer les conflits
de personne, les mœurs, les réputations… Combattre le
racisme, et décider quand rien n’est prévu. Vaste programme !
-9-
Nos 9000 magistrats au plus, sans moyens matériels réels, sans
vraie aide d’assistants, avec peu de greffiers, font ce qu’ils
peuvent, au-delà des décisions controversées qu’ils peuvent
prendre, mais c’est un autre sujet, et l’on ne commente pas la
motivation d’un jugement, ou arrêt.
Chacun comprend bien que sans arbitre, un match ne peut être
joué, et qu’il faut des professionnels pour faire respecter la
règle du jeu, et l’interpréter parfois à chaud. On a vu récemment sur des terrains de foot, des amateurs, jeunes ou moins
jeunes, négliger le ballon pour courir après l’arbitre, voire se
battre entre joueurs, ou avec le public.
La sécurité est un domaine d’activités fondamental, et, pour
reprendre un terme générique, c’est la première des libertés. On
voit bien que lorsqu’un pays est à feu et à sang, ou simplement
désorganisé, pas gouverné, ou de manière erratique, que l’ensemble coule, l’économie périclite, et les citoyens souffrent,
en étant perdus.
La sécurité ce n’est pas seulement des moyens matériels –
même s’il est préférable de rouler avec des véhicules neufs ou
récents, plutôt qu’avec des épaves poussives - ; de l’informatique
de pointe et des moyens de recherche moderne et légaux (je
pense aux débats sur la géolocalisation) ; du personnel formé
et soutenu…
C’est aussi un cadre légal qui n’est pas polémique (je pense
à l’emploi des armes, la légitime défense, la protection, les
moyens d’enquête), avec le soutien affiché, et volontaire des
pouvoirs publics…
Nous sommes très forts pour faire des constats, pas ceux des
huissiers, mais des faits avérés, passés et qui posent problème.
Nous sommes moins brillants pour proposer des solutions
applicables dans un relatif consensus, dénuées d’idéologies
dépassées et qui ont meurtri le siècle précédent, et qui peuvent
être consensuelles.
Le français semble ne plus croire au progrès qui était consubstantiel à la République, qui permettait de penser que les
lendemains chanteraient, après avoir consenti des sacrifices.
La société n’a pas trouvé un sens à faire partager collectivement,
tant les égoïsmes fleurissent, les privilèges (même petits)
persistent, et que le mal ou le bien se décrètent.
L’engagement citoyen personnel se délite – on n’a pas le temps ou
on a d’autres priorités – et les corps intermédiaires sont débordés
par la base, en bonnets de couleur et aux flèches acérées.
Le pays est devenu administratif, technocratique, avec une
communication où l’égo a plus d’importance que l’information.
On doit pourtant tendre à plus d’humain, à renouer les contacts,
à recréer du lien. Il ne faudrait pas que Georges ORWELL,
dans son roman (1984), ait raison et que l’on se débatte dans
une société purement technologique, où les réseaux sociaux,
internet, et l’iphone soient les seuls contacts, sous l’œil de BIG
BROTHER.
A quoi la France doit-elle ressembler dans 10 ans ? {LE
MONDE 27 Novembre 2013 – décryptages] : qui est capable
de le décrire vraiment !
Le 19 Août, le Président de la République a lancé son projet
« 2025 ». On a un peu ricané, car le présent pèse et a besoin
d’être pris à bras-le-corps, mais il est indispensable de réfléchir
à l’avenir, et de fixer divers objectifs.
MARTIN HIRSCH, ancien Ministre et ancien Président de
l’agence du service civique, devenu Président de l’assistance
publique H.P., propose l’éthique et l’intégration contre l’intégrisme, ce qui oblige à ne pas laisser prospérer une vision
déformée de la laïcité, et de ne tolérer aucune interprétation
littérale de la religion qui pourrait la placer au-dessus des lois.
M. Marc-Olivier PADIS, directeur de la rédaction de la revue
« ESPRIT », s’interroge pour savoir comment produire un sentiment collectif, avec un projet commun. Il conclut : « l’action
publique doit donc chercher à favoriser des synergies positives
entre civilité locale, mobilisation des acteurs (pas seulement
publics), et perspectives d’emploi. La mobilité ascendante part
du local, mais n’enferme pas dans le territoire… ».
Pour Mme Virginie MARTIN, professeure-chercheuse à la
KEDGE BUSINESS SCHOOL, présidente de THINK-TANK
DIFFERENT, il faut construire une République plus souple,
d’où la nécessité de repenser le modèle Républicain, qui forge
l’idée d’une France unique, indivisible, homogène, fixe… bref
« réifiée » : « Cette République à la française ne correspondrait
plus à des individus devenus complexes et hybrides ».
Il est donc urgent de faire en sorte que la République ne se
crispe pas et qu’elle s’assouplisse…
Max GALLO [LE FIGARO du 8 Août 2013, p. 14], rappelle
que « dans les moments les plus difficiles de son histoire, la
France a toujours pu échapper à l’abime, et a réussi à forger
un nouveau maillon de l’identité nationale. Alors, la nation, au
lieu de mourir, se déploie. BOUVINE conduit à VALMY et à
la MARNE, pour le meilleur… ».
Du 21 au 29 Novembre 2013, s’est tenu à STRASBOURG, le
forum mondial de la démocratie [LE MONDE – 27/11/2013 :
la citoyenneté à l’ère numérique]. On y a discuté du rôle des
réseaux sociaux, des médias en ligne, des blogs et consultations
libres des données qui redonneraient du pouvoir aux citoyens
face aux pouvoirs en place. On est dans la démocratie participative dite 2.0
La question est posée par Didier POURQUERRY : « suffit-il
de créer des communautés virtuelles pour créer des destins
communs ? ».
Il cite l’ouvrage de Pierre CALAME : « Sauvons la démocratie
– Editions Charles Léopold MAYER – 2012] dans lequel il
soulève le fossé qui s’est créé entre « démocratie formelle,
démocratie occupationnelle et démocratie substantielle (soit
le rituel électoral ; la démocratie participative ; et l’essentiel,
c’est-à-dire la capacité de penser une communauté de valeurs
et de destin].
On est dans une crise de gouvernance [Jean-Christophe
PETITFILS – LA COHORTE – Revue de la légion d’honneur
– Août 2013 – p. 20]
Il écrit : « c’est une réforme intellectuelle et morale qu’il faut
accomplir », au-delà des nécessités économiques et sociales.
La France est bloquée et engoncée dans ses contradictions.
Désormais, chacun considère que c’est à l’autre d’accomplir
les efforts. La tendance actuelle est marquée par un repli catégoriel et identitaire, par une crispation sur les acquis sociaux,
par la remise en cause des valeurs familiales ».
J.C. PETITFILS, historien, propose de se fonder sur notre
histoire nationale, pour trouver des solutions.
- 10 -
Et pour terminer, rions un peu
Jonas JONASSON, qui avait déjà commis l’inénarrable livre
intitulé : « le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire »,
a récidivé en écrivant : « l’analphabète qui savait compter » Editions Presses de la cité – 2013.
Il s’agit d’une jeune noire, vivant en Afrique du Sud, qui,
après avoir été écrasée par un véhicule conduit par un blanc,
est condamnée….. comme fautive à entrer au service de l’écrabouilleur. Celui-ci devient le responsable de la construction
de la bombe atomique Sud-Africaine, et sa victime découvre
qu’elle a un don pour le calcul, très supérieur à la moyenne.
D’où une série de quiproquos, voyages, rencontres avec des
services secrets… L’humanité va être menacée de destruction,
alors que la bombe voyage dans un camion de pommes de
terre, et qu’un illuminé a décidé d’occire le Roi de Suède, et
d’instaurer la République.
Mieux vaut en rire franchement. Usez de ce livre, sans modération ! et la sécurité de l’Afrique du Sud ne sera pas en péril.
Après l’analphabète et les chiffres et les lettres, il y a eu des
érudits à l’émission de la 5, « LA GRANDE LIBRAIRIE » du
17/10/2013. Jean D’ORMESSON qui était opposé à Hubert
REEVES, a déclaré : « Je ne c rois pas en la vérité qui n’existe
pas, car elle est différente tous les jours. Je ne crois pas en la
justice qui ne peut exister en tant que telle. Mais je crois en
l’espérance. Si nous ne recherchons pas tous les jours, la vérité
et la justice, nous ne sommes pas dignes d’être un homme ».
Homme bien sûr, selon le grand séducteur académicien, qui
veut dire aussi femme, dans le respect de la parité, cela va de
soi.
On ne peut rien conclure du rappel de ces faits, et des considérations générales que je relie, sauf une certitude : on n’a pas le
droit de baisser les bras, de renoncer, de laisser le champ libre
à ceux qui n’attendent que cela, avec leurs certitudes, leurs
exclusions, leurs prétendues vérités, d’ailleurs fluctuantes.
Le doute et les états d’âme ne sont pas synonymes de faiblesse.
Ils permettent la réflexion, et la prise de décision, mesurée.
Les attaques de bijoutiers, ou d’autres victimes, réveillent le
sentiment de légitime défense, ou la création qui est un besoin,
mais est parfois désordonnée, des voisins vigilants qui deviennent « parfois excessifs », ou « inquiétants ».
Du bon, on aboutit souvent au mauvais ; il faut donc rester
humble face à la réalité et à la nature humaine.
Sécurité et Justice ne peuvent fonctionner qu’en harmonie,
sauf à être inefficaces, dans le cadre d’institutions fortes, avec
l’autorité – ouverte et compréhensive – qui s’impose. Mais,
naturellement en associant à la raison, ce besoin d’humanité,
de dialogue entre les êtres, de compréhension de l’autre avec
ses défauts et qualités, et des circonstances, le tout que l’on
appelle fraternité. La société mécanisée, informatisée, googleisée, où l’on parle à travers les écrans, les SMS, les tweets et les
courriels, nous rend service, mais nous éloigne de nos proches.
On a besoin de reconnaissance, de chaleur, de solidarité, de
regard bienveillant. Il faut trouver l’équilibre entre l’ordre et
la raison, et le cœur, le respect et la compassion pour créer
une société plus unie, plus exemplaire. Tâche difficile, mais
exaltante.
A tous les auditeurs et auditrices, je souhaite une bonne année
2014, tant personnelle que professionnelle, avec l’amitié et le
soutien réciproque qui ne se divisent pas.
Christian FREMAUX
Président de l’ANA-INHESJ
- 11 -
En matière de stupéfiants, l’actualité abonde d’exemples.
Le débat sur la dépénalisation du cannabis a été relancé, après celui sur les salles de shoot.
Notre ami André STIFFEL, ancien contrôleur des finances et conservateur des hypothèques,
assiste régulièrement aux conférences organisées par Xavier RAUFER
dans le cadre de l’Université PANTHEON-ASSAS.
Les articles d’André sont très appréciés.
Il m’avait adressé l’article ci-dessous, début Avril, pour l’AUDITEUR n° 39 de juillet 2013.
Le rédacteur en chef a, involontairement bien sûr, oublié de le publier.
Qu’André me pardonne.
Son article est, malheureusement, toujours d’actualité.
C. FREMAUX, rédacteur en chef, coupable
STUPEFIANTS, QUE SE PASSE-IL ?
C’était le thème abordé le 26 mars 2013 par le département
de recherches sur les Menaces Criminelles Contemporaines
(MCC) de l’Université PANTHEON-ASSAS par Michel
GANDILHON, chargé d’études à l’Observatoire français
des drogues et de la toxicomanie (OFDT)
Xavier RAUFER ouvre la conférence en soulignant qu’il lui
parait gravissime qu’aujourd’hui, dans une société censée
disposer facilement de tous les accès possibles à l’information, pourtant, sur certains sujets, on puisse continuer à
constater un véritable AVEUGLEMENT.
Il apparait en effet, depuis quelques années, une très nette
baisse de consommation chez les plus jeunes (16-24 ans) là
où, il y a un demi-siècle, le phénomène avait commencé de
façon massive, c’est-à-dire au Royaume-Uni, pour s’étendre
ensuite d’abord au nord de l’Europe et enfin gagner tout le
continent.
Les opiacés
De retour d’Europol, il relève que cette “pathologie” foncièrement médiatique s’exerce dans deux domaines bien
précis, le terrorisme et la drogue.
Concernant le terrorisme, tous les chiffres relevés montrent
que celui-ci tend à disparaitre de l’Union Européenne depuis
3/4 ans. Seules la Grande Bretagne et la France continuent
d’avoir, sur des micros territoires, l’Irlande et la Corse, des
attentats. Le phénomène est devenu à un tel point marginal
qu’une seule “nuit bleue” fait grimper la statistique européenne, donc 27 pays (28 en juillet avec la Croatie) de 50
%!
Pour l’autre domaine “la consommation de stupéfiants” ou
l’on note également des médias singulièrement “muets”,
Xavier Raufer cède la parole à l’invité Michel GANDILHON, qui collecte tous les chiffres depuis 13 ans à l’OFDT,
en liaison avec l’INSEE, et ce par groupes de populations.
Le
Le cannabis
cannabis
Tous les relevés conjoints (bureau national des statistiques
britanniques, Office européen des drogues et de la toxicomanie, Europol) montrent de sidérants chiffres sur la baisse de
l’usage des drogues dans ce pays. Et en 2012, pour la première fois, ce tassement touche également les 16 à 59 ans.
Après les pics de consommation atteints en 2007, dans une
Europe devenue deuxième marché mondial avec 33 milliards de dollars, talonnant les Etats Unis, (selon l’ONU,
230 millions de consommateurs dans le monde) les chutes
globales relevées en 2012 sont spectaculaires. Qu’on en
juge : cannabis “17 % , cocaïne” 30 %, (- 40 % entre 2008
et 2011 en GB et “25 % en Espagne entre 2007 et 2009)
héroïne” 50 % , notamment pour les 16/24 ans, où la statistique devient imperceptible. Cela explique aussi, en partie,
la chute de moitié des prix au gramme ces dernières années
En France, avec 13,4 millions d’individus qui ont “expérimenté” et 3,8 millions de consommateurs/année, on note
un fléchissement significatif de 18 % chez les jeunes de 17
ans, depuis 2008, ce qui s’avère très important car c’est statistiquement considéré comme l’âge “clé” du début d’expérimentation du cannabis. La tendance relevée est la même
- 12 -
pour l’ecstasy, dite drogue “récréative” (concerts techno)
puisque la baisse est de 25 % entre 2005 et 2010 chez les
plus de 25 ans.
La
La cocaïne
cocaïne
Quelles conséquences attendre de ces bouleversements
dans la consommation ?
La géopolitique du cannabis en Europe s’en trouve évidemment affectée, puisque l’on note une émergence, chez le
consommateur moyen, d’une culture “en placard” et plus
récemment l’apparition de “cannabis social clubs”, lesquels
privilégient la bonne qualité tout en évitant le contact avec
les dealers. On estime qu’en France, environ 100.000 personnes se livrent à la culture du cannabis, pour plus de 30
tonnes...) D’ores et déjà, l’herbe a pris le dessus sur la résine de cannabis notamment produite au Maroc, (ou plus de
800.000 personnes en vivent) et, en 2011, pour la première
fois, le nombre de saisies d’herbe a été plus important que
celui de résine. Cette situation entraine aussi l’arrivée de
nouveaux produits de synthèse (NPS) substances synthétiques qui imitent les effets des différentes drogues comme
par exemple le “Khat”, pâte à mâcher, venant notamment
de Somalie. Ainsi, en France, entre 2008 et 2012, 60 nouvelles substances ont été recensées en cannabinoïdes, et il
faut compter environ 150.000 personnes “soignées” à la
méthadone ou au subutex, tandis qu’au Royaume-Uni, la
méphédrone a rattrapé l’ecstasy chez les 16/24 ans..
Pour LE CRIME ORGANISE, le choc est énorme, la résine
de cannabis étant à l’origine de près d’un milliard de chiffre
d’affaire pour les 140.000 malfrats, dont 15.000 grossistes et
semi-grossistes. On note donc une concurrence accrue, avec
plus de violences dans les règlements de compte (cf. Møarseille) et une déstabilisation de certains quartiers qui, jusqu’à
présent, vivaient très bien de cette économie parallèle.
Dès lors se pose, pour le milieu, la nécessité d’envisager
des replis stratégiques vers d’autres activités criminelles
tout aussi rentables, comme par exemple les contrefaçons
de médicaments ou de pièces automobiles et la cybercriminalité (piratages en ligne, notamment dans le secteur des
paris sportifs -200 milliards de dollars-).
En conclusion, avec ce constat du rétrécissement du marché
de la drogue en Europe, à l’origine d’un déplacement dans
une violence accrue vers de nouvelles activités, quelles
conséquences pour la France...? Telle est la question que se
pose le criminologue et, comme le remarque avec un certain
humour Xavier RAUFER, les narcos-traficants n’entreront
pas au Carmel... il nous faut donc, pour l’heure, ne surtout
pas chercher à nier ces réalités nouvelles afin de pouvoir
mieux préparer la guerre de demain.
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André STIFFEL (6ème promotion)
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- 13 -
Les sources religieuses de l'enfermement
Saint Pierre avait été emprisonné par
Hérode1 et l’on peut trouver d’autres
exemples de prison au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne, mais il
s’agissait généralement d’isolements volontaires de pécheurs repentis.
Si l’on écarte le cas des prisonniers de
guerre ou des prisonniers politiques, c’est
la Révolution Française qui a créé la prison comme peine principale, en tant que
privation de liberté, telle qu’elle existe de
nos jours. Jusqu’alors il ne pouvait exister
de privation de liberté qu’à titre préventif,
en attendant d’être jugé. Ce n’est que sous
l’influence de l’idéologie des Droits de
l’Homme que la peine est devenue instrument de correction, de réformation et de
réinsertion des condamnés.
« La prison doit servir à relever les
hommes et non à les punir », préconisait
l’adage romain. L’enfermement ne constitue en aucun cas un châtiment et ne peut
se concevoir que comme une détention
préventive à l’instar du droit canonique
qui envisage un emprisonnement pénal
auquel les officialités et les tribunaux de
l’inquisition avaient recours. Le Moine
Mabillon, dans ses réflexions sur les prisons des ordres religieux (1724), est un
modèle d’incitation à la rédemption grâce
à la volonté de rééducation du détenu.
Sous l’Ancien Régime les peines corporelles atteignaient une cruauté extrême :
la roue, la potence, la tête tranchée, les
galères à temps ou à perpétuité, le bannissement, le poing ou la langue coupées,
le fouet, le pilori, le carcan, les pèlerinages expiatoires, les vœux de cire, les
messes. Certaines vies de saints présentent des religieux subissant toute une série de tortures, y compris l’incarcération,
avant d’être martyrisés.
Malgré tout, à partir du XIIIème siècle, les
tribunaux civils et religieux prononcent
des peines de prison, mais dans des conditions très différentes, bien que la plupart
des juristes considèrent la prison comme
une peine corporelle. Pour éviter la barbarie, la privation de liberté paraissait
comme la solution la moins mauvaise.
Par Me Patrick BRUNOT, Avocat,
3ème promotion IHESI
« A tout pêcheur miséricorde ». Le droit
de l’Eglise reconnait le droit au pardon
avec pour conséquence l’allégement,
voire la suppression de la sanction. La
peine n’est plus alors considérée comme
un châtiment mais, en quelque sorte,
comme une modalité de réinsertion
même si elle prend la forme d’un enfermement de courte ou de longue durée.
Certes, les enfermements abusifs ont
commencé dès le début de l’histoire de
la prison : les Mérovingiens ne furent pas
les seuls à découvrir l’intérêt de l’enfermement monastique. Cette pratique déplorable peut faire penser, de nos jours,
à l’instrumentalisation de la Justice par
certains politiques qui s’arrogent le droit
de la contrôler ou bien même aux tentatives d’utilisation d’Interpol par quelques
gouvernements pour neutraliser des opposants politiques.
s’inspirant de l’évangile
et de Saint-Paul,
le droit canon vise
à transformer le délinquant
en un homme nouveau.
Paul de Tarse n’hésitait pas à préconiser
l’exclusion pour ceux qui scandalisaient
leurs frères.
Dès le IVème siècle, sous le règne de
Constantin, l’Eglise a considéré la prison comme destinée à la détention
des hommes et non pas à leur punition
même si nous avons plusieurs exemples
d’usages déviants ou abusifs de la prison
à Rome. L’origine de l’idée même de
détention revêt néanmoins un caractère
religieux. C’est ainsi que, sous le pontificat de Boniface VIII, l’enfermement
fut qualifié de punition et de modalité
légitime d’un « système légal universel »
Dans un souci d’humaniser les peines et
de sauver les âmes, l’influence chrétienne,
autrement dit le droit canon, préconise
l’application des principes de charité, de
compassion et d’amendement2 pour les
délinquants lorsque la justice séculière
vise avant tout à préserver l’ordre public.
De fait, et jusqu’à nos jours3 , la prison
sert à enfermer les malades mentaux, aux
côtés des établissements psychiatriques.
- 14 -
dans le cadre d’une procédure juridique.
Sous l’influence du droit canonique, le
principe de l’expiation est introduit dans
les lois criminelles et l’Eglise s’évertue
dès le début à mettre en application ce
principe. Le pape Clément XI organisa
un véritable système pénitentiaire dans
les prisons Saint –Michel de Rome.
L’historien François Guizot fait un premier constat : « Il est dans les institutions
de l’Eglise, un fait auquel on a accordé
peu d’attention, c’est son système pénitentiaire, curieux à étudier aujourd’hui,
comme étant presque complètement
d’accord avec les idées de la philosophie
moderne, dans les principes et les applications du droit pénal »4.
Le pape Clément XI défendit ardemment
la pratique de l’isolement – ainsi que le
principe de la séparation des détenus–
pour le perfectionnement des âmes. Pour
les canonistes, la dimension pénitentielle
de la peine de prison est soutenue dans le
libellé même des sentences qui affirment
la vertu médicinale de la sanction5. Les
officialités recourent à l’enfermement
non seulement pour protéger la société
en empêchant la récidive, mais surtout
pour amener le délinquant-pêcheur à se
repentir, établissant par là une relation
entre la prison et le purgatoire.
1
Actes des Apôtres, XII-1-10.
2
ichel Foucault , Surveiller et punir – naissance
M
de la prison, Paris Gallimard 1975, 318 pages
3
« Vivre en un mot la vie de prisonnier avec les
vagabonds, les mendiants, les voleurs et les assassins, avec les épileptiques, les syphilitiques,
les tuberculeux, les teigneux, galeux, pouilleux,
les alcooliques, les idiots, les infirmes, malingres
et dégénérés de toute espèce », N. Petit ,agent de
surveillance des prisons : Griefs et revendications, Beaume –Les-Dames, 1909, 9 pages.
4
I n L’histoire de la civilisation en Europe,
Bruxelles, Ed. Lacrosse 1838, 387 pages.
5
Cf. Décrétal de Bonifcace VIII.
Né dans les premiers monastères occidentaux6, l’enfermement s’est maintenu
jusqu’à nos jours en se plaçant au cœur
des politiques pénales séculières sans
doute pour répondre aux impératifs nouveaux d’ordre public résultant de l’urbanisation, de la centralisation politique et
du développement du commerce.
La clôture monastique est apparue, à
l’évidence, comme une méthode radicale
pour libérer l’individu des tentations et
lui offrir un espace de liberté intérieure
salvatrice. La solitude dans laquelle est
plongé le Frère a pour objectif non seulement de l’inciter à la pénitence, mais
également à protéger la communauté de
la contagion et du scandale. L’Eglise a su
communiquer aux institutions carcérales
les principes de sa doctrine humaniste tout
en faisant bénéficier la société dans son
ensemble des avantages de l’isolement.
Le monastère apparaît dès lors comme le
lieu par excellence où le délinquant peut
trouver le chemin de la perfection7.
Dès le départ, l’isolement et la religion
chrétienne ont fait bon ménage : il faut se
détacher des contingences du monde pour
organiser des communautés susceptibles
de rayonner, de régénérer et de sanctifier.
L’enfermement se révèle une méthode
pour s’adapter au monde envers ceux qui
s’y sont montrés incapables.
Avec la charité hospitalière l’Eglise a
initié la technique de l’isolement salutaire, donnant ainsi naissance à l’origine
du concept carcéral qui permet à la fois
l’isolement et la surveillance. La monarchie n’a pas hésité à faire appel aux
hôpitaux et aux couvents pour purifier
la société. Les hôpitaux généraux et les
dépôts de mendicité, tenus la plupart du
temps par des communautés religieuses,
accueillent marginaux, vagabonds, mendiants, prostituées, aliénés et vénériens.
Les « usines-couvents » recevaient les
jeunes filles et les « providences » éduquaient les enfants. En ce qui concerne
les « maisons de force », les deux tiers
étaient tenus par les religieux avant 1789.
Les fonctions de surveillantes d’asile se
trouvaient pratiquement toujours remplies par des religieuses.
Tous ces établissements « para-médicaux »
visaient à une mise en conformité de l’ordre
social, mais ne pouvaient assurer les soins
nécessaires par manque de moyens.
L’isolement de l’aliéné dans un monastère était le préalable à sa guérison ; la
psychiatrie naissante a entretenu des
liens très étroits avec les congrégations
religieuses qui l’ont en quelque sorte
créée. En outre, les médecins des prisons
ont su tirer profit des techniques de la
confession pratiquées par les aumôniers8.
Cependant, le modèle de l’institution
close n’est pas la prison, mais le pensionnat religieux, le séminaire où l’école
apostolique où les personnalités se forgent à l’abri du vice, de l’oisiveté, des
dispersions, des scandales, de la contagion extérieure, de façon à mieux comprendre le délinquant et, sans doute, le
transformer.
En définitive, l’isolement ou l’enfermement prépare le jeune à l’apostolat et permet au délinquant de revenir dans le droit
chemin. Dans le même esprit, Emile
Durkheim, au XIXème siècle, voyait dans
l’internat « le moyen naturel de réaliser
intégralement la notion chrétienne de
l’éducation »9, de même que l’Eglise
considérait que l’enfermement prédisposait le moine à la prière et le détenu à
l’expiation, établissant par là une analogie parfaite entre le cloître et la prison10.
Appliquant l’ancienne vision pénitentielle remontant à Saint Paul, le pécheur
fait pénitence et nourrit sa contrition en
supportant la douleur, l’angoisse, la tristesse, la frugalité…
L’enfermement exclut temporairement
le pénitent pour mieux permettre sa réintégration. La durée de la réclusion est
conditionnée par l’intensité de la contrition manifestée par le coupable.
Sous l’Ancien Régime, évêques et abbés
étaient impliqués dans l’exécution des
sentences11 et dans la vie des prisons
d’autant que, depuis le XIIème siècle, les
ordres religieux prévoyaient systématiquement la construction de prisons dans
les monastères. Mais, pas plus que le monastère, la prison n’était destinée à devenir le sépulcre des prisonniers. Le moine
Mabillon exprimait clairement cette volonté : » Nous voulons que les détenus
puissent lire des livres pieux et travailler,
que l’on puisse leur administrer tout le
nécessaire à la vie du corps et de l’âme ».
Il faut les exhorter à la patience, à la pénitence et également à la fortification de
leur âme »12.
A l’image d’une communauté monastique, composée d’individus coupables
par nature mais réhabilités par l’observance d’une règle de vie, les pensionnaires des prisons parviennent, par leurs
efforts de contrition, dans le silence de
leur conscience à une expiation devant
aboutir à une certaine perfection de leur
être. Les peines perpétuelles prononcées
par les officialités demeuraient rares. Le
registre de Cambrai, par exemple, en enregistre seulement quatre cas de 1423 à
1475 13.
6
e principe de l’enfermement cellulaire fut reconnu par le Concile d’Aix-La-Chapelle en 817, pour perL
mettre aux pénitents de s’amender.
7
f. Jacques Le Goff, Naissance du purgatoire, Paris Gallimard, 1991, traité annonçant les indulgences et la
C
proportionnalité des peines.
8
ervé Guillemain, Les directions de la conscience : histoire sociale et culturelle des maladies psychiques et
H
des pratiques thérapeutiques en France (1830-1839), Paris XII , nov. 2004
9
Emile Durkheim, L’évolution pédagogique en France, Paris ,PUF, 1969, p. 139
10
Cf. Le cloître et la prison (VIème –XVIIIème ) sous la direction d’Isabelle Heullant-Donat, Publications de
la Sorbonne, 2011.
11
’abbé de Conques avait des droits de justice depuis la fin du Xème siècle, comme l’indique le Cartulaire
L
de l’abbaye de Conques en Rouergue, Ed. Auguste Desjardins, Paris, 1879. (Cf. le tympan de Saint Foix
de Conques)
12
f. Mabillon, Réflexions sur les prisons des ordres religieux, 1694, rééd. D-O Hurel, Paris 2007 p.990C
1001 et Francis Ducreux- L’univers carcéral à Tulle sous la Terreur in Cahiers d’archéologie et d’histoire
du Berry N° 99-100 déc.1989.
13
’école positiviste des médecins scientistes italiens, Lombroso et Garofalo ( qui niaient la responsabilité
L
morale de l’homme , tenant ses actes déterminés biologiquement ou socialement), ne connut guère d’échos
en France.
- 15 -
Le code pénal de 1791
fait de l’enfermement
la peine cardinale.
Du fait de l’abolition des châtiments
corporels, sous l’influence du droit
canonique qui ne différencie pas la
faute de la pénitence, les officialités ont
contaminé sans doute les juges laïcs au
point que le législateur du code pénal
de 1791 fit de l’enfermement la principale manière de punir et d’humilier les
délinquants. Nées au XVIIIème siècle, les
prisons pénales se sont développées au
XIXème siècle. Durant toute cette période,
l’inspiration chrétienne demeure prégnante dans la mesure où il convient de
mettre à profit la détention pour tenter le
redressement moral des condamnés .
Peu à peu, la détention s’accompagne de
travaux agricoles forcés, éventuellement
dans les « marais pestilentiels » de Guyane
pour permettre « d’améliorer la terre
par l’homme et l’homme par la terre »,
selon l’expression attribué par la suite à
l’Empereur.
Il s’agissait de reprendre en quelque
sorte l’idée du devoir chrétien de la
sanctification par le travail, seul moyen
d’échapper au vice suprême de l’oisiveté
puisque le travail « nourrit et punit ».
Devenus biens nationaux, les abbayes,
pour la plupart, sont transformées en prison à la fin du XVIIIème siècle. Les pouvoirs publics ont volontiers substitué la
prison aux murs du cloître pensant par
là contribuer à atténuer l’austérité rigoureuse de l’incarcération en rendant
comparable, par leur univers, la prison
moderne et l’enfermement monastique14.
Bien que l’essentiel de la gestion des
centres monastiques restât aux mains des
religieux15, les responsables de l’administration pénitentiaire, férus d’anticléricalisme, n’acceptaient pas facilement
leur dessaisissement au profit des éta-
blissements privés. Les congrégations «
de l’un et de l’autre sexe », organisées
en communautés spécialisées et adaptées
aux situations, continuaient à gérer de
nombreuses unités de détention, principalement pour les femmes et les mineurs.
Dès 325, le Concile de Nicée institua les
procuratores pauperum, prêtres et laïcs,
pour aider les prisonniers. Plusieurs
siècles plus tard, au cours de l’Ancien
Régime, de nombreuses initiatives religieuses virent le jour, à l’image de celle
de Saint Vincent de Paul. A la suite de la
suppression du régime des galères, vers
1750, le système des bagnes, comme celui des prisons. On y institua le service
cultuel déjà existant mais ce dernier ne
fut officiellement reconnu et organisé
qu’à partir de 1819, avec la création de
l’aumônerie générale des établissements
pénitentiaires.
La Restauration demanda aux aumôniers
de recourir à leur influence religieuse
pour participer à la moralisation des détenus. A partir de 1836, la surveillance
des ateliers est confiée à des religieuses.
Les aumôniers deviennent des employés
de prisons, où ils logent, se consacrant
intégralement à la moralisation des détenus. Plus tard, dans l’esprit de la loi du 9
décembre 1905(article 2), le code de procédure pénale précisera que le rôle des
aumôniers reste »strictement spirituel et
moral », c’est-à-dire celui de fonctionnaires nommés par le ministère de la Justice, chargés d’assurer, par leur présence,
la liberté de conscience des détenus16.
1. Fondée en 1833, la Conférence de
Saint Vincent de Paul assura le service
de la visite des prisons. Après leur interdiction sous le Second Empire, pour des
raisons de sécurité, la branche spécialisée de la Conférence de Saint Vincent de
Paul réapparut, en 1932, sous le nom d’
« Œuvre de la visite des détenus dans les
prisons » (ODVP) qui diligente encore
de nos jours aux côtés des dominicaines
de Béthanie17 dévouées aux détenues. Le
gouvernement confia, en 1843, aux sœurs
de Marie-Joseph et de la Miséricorde,
la gestion partielle des grandes prisons
centrales de femmes. L’application des
lois sur la laïcité fit partir les religieuses
mais elles ont été maintenues, jusqu’en
2013, aux côtés notamment des petites
sœurs de Jésus du Père de Foucauld et
du Secours Catholique, dans une douzaine d’établissements pénitentiaires où
elles accueillaient, soignaient, formaient,
enseignaient ou éduquaient. Il faut également mentionner les diverses associations chrétiennes qui travaillent « hors
les murs » au service des détenus dans
des associations devenues non confessionnelles mais fondées par des chrétiens
( Auxilia, le courrier de Bovet etc…).
Cette idée du travail carcéral continua
son chemin : le prisonnier devait réparer le mal fait à la société toute entière
et non pas seulement à ses victimes. Cet
idéal a par la suite dévié sous l’influence
de conceptions philosophiques opposés,
notamment la Charte interdisant le travail forcé, la non-imposition du travail
aux prisonniers politiques et l’évolution
du droit du travail avec l’interdiction du
contrat de travail en milieu carcéral et la
notion de SMIC carcéral.
Les sources restent
les mêmes
mais les écueils aussi.
Si, au XVIIIème siècle, l’Eglise était favorable à l’enfermement, c’était, à l’évidence, dans un souci d’humaniser les
supplices et de supprimer les châtiments
corporels. C’est la même volonté d’humanisation qui a fait aujourd’hui contester le système pénitentiaire et réclamer
des sanctions dans un souci du respect
de la personne humaine et du droit des
victimes.
14
Cf. Michel Foucault, op.Cit.
15
f. Marie-Claude Dinet – Lecompte, La vitalité des congrégations caritatives à la veille de la Révolution,
C
in . Religieux et religieuses pendant la Révolution (1770- 1820), Actes du colloque de la Faculté Théologique de Lyon, 1992, Lyon, 1995, pp. 167-191.
16
f. Religion et enfermement (XVII-XXème siècles),, sous la direction de B. Delpal et O. Faure, Presses
C
Universitaires de Rennes, 1989.
17
Fondée en 1864 par le Père Lataste à la maison de force pour femmes à Cadillac, Gironde.
- 16 -
Plus récemment, et particulièrement depuis 1981, la Commission sociale de
l’Episcopat déplore que la prison déshumanise les détenus et les rende plus vulnérables en fin de peine, tout en préconisant des sanctions plus adaptées pour les
petits et moyens délits : la réinsertion des
détenus et la réparation des dommages
causés aux victimes ne devraient-elles
pas prendre le pas sur le châtiment ?
C’est une évidence que, depuis l’instauration du système carcéral,18 tous les
juristes déplorent ces carences. Déjà, au
XVIIIème siècle, la criminologue Beccaria écrivait que » la prison était l’école
de la perversité ». Deux siècles plus
tard, Alain Peyrefitte, Garde des Sceaux,
qualifiait la prison d’ « école de la délinquance, sinon d’université du crime ».
Monsieur Robert Badinter, ministre de la
Justice, n’hésitait pas à qualifier la prison
de « séminaire du crime ».
Si aujourd’hui une large majorité des
peines ne débouche pas sur la prison, cette
dernière reste tout de même la référence
centrale de la pénologie .Bien que ,pour
la majorité des magistrats, la détention
présente de nombreuses vertus, la progression de la défense internationale des
Droits de l’Homme fait que l’enfermement n’est pas compatible avec de nombreux droits fondamentaux défendus par
plusieurs conventions internationales, notamment promues par le Conseil de l’Europe et l’ONU ou bien, dans le cadre de
traités spécifiques ,relatifs à la torture, aux
personnes handicapées et aux LGBT.
Certains pays scandinaves disposent
de lieux de détention tellement confortables, que des indigents en viennent à
commettre des méfaits dans pour passer
l’hiver au chaud. En Allemagne, plusieurs justiciables préfèrent passer un
séjour en détention plutôt que de régler
leurs contraventions. De fait, si la prison coûte cher à la société19, qu’elle ne
revêt plus son caractère dissuasif lié à la
rigueur de son régime, parfois inhumain,
et qu’elle est l’école de la récidive pour
environ 60 % des cas20, n’est-il pas venu
le moment de reconsidérer le fonctionnement du système ?
La découverte du système pénal suédois,
par exemple, ne peut laisser l’analyste
perplexe : les centres fermés ont pratiquement tous disparu au profit de centres
ouverts, bien moins coûteux et plus satisfaisants dans la mesure où l’on n’y
constate pratiquement pas d’évasions
et que le taux de récidive est inférieur à
30%. Sans doute un tel modèle n’est-il
pas intégralement transposable pour une
série de raisons inhérentes aux deux sociétés concernées mais devrait-il, pour le
moins, inciter à des réformes en profondeur, notamment quant aux fonctions de
« surveillants de prisons », dont le contenu pourrait être élargi par une meilleure
connaissance de la personnalité des détenus.
Par ailleurs, la détention provisoire est
loin d’être pratiquée de façon satisfaisante dès lors que nombreux sont les
emprisonnés libérés par la suite sans être
condamnés à une peine de prison ferme,
sans parler de ceux qui bénéficient d’une
mesure de non-lieu.
Le Syndicat de la Magistrature n’hésite
pas à évoquer le rêve du philosophe Michel Foucault, c’est-à-dire la mise hors la
loi de l’enfermement. Il est vrai qu’avec
67 000 détenus au 1er janvier 2013 contre
52 000 en 2000, le trop -plein impose des
solutions impératives, ne serait-ce qu’au
regard des conséquences financières et
matérielles. Déjà la loi de 2009 évitait
l’incarcération à tout condamné à moins
de deux ans. Récemment la progression
des moyens de contrainte pénale, autrement dit les peines effectuées en dehors
d’un établissement pénitentiaire, se sont
développées, mais nombreux sont les
magistrats à faire remarquer que ces méthodes ne répondent plus pleinement à la
double mission de la peine : la punition et
la réinsertion.
Des responsables politiques se sont
maintenant donné pour objectif de mettre
le système pénitentiaire français en
conformité avec les normes européennes
en faisant, en quelque sorte, de la prison
la sanction ultime plutôt que la sanction
unique. La diversification des sanctions
et les aménagements de peine vont dans
ce sens et s’efforcent de lutter contre la
progression de la récidive.
Nombreux sont les spécialistes du monde
carcéral21 qui militent pour ce qu’ils
appellent la « nouvelle probation »22 ou
la « contrainte pénale communautaire »
vers une « école de la citoyenneté » ou une
« école de la réinsertion et de la dignité retrouvée ».
Les brochures éditées régulièrement par
le Ministère de la Justice23 énoncent toujours les quatre dimensions de la peine :
18
« protéger la société, punir le condamné,
en milieu ouvert ou fermé, et favoriser son amendement en permettant son
éventuelle réinsertion ». Même si les
syndicats de personnels insistent pour
expliquer que « l’incarcération n’a pas
pour mission de permettre une rédemption mais à protéger la société contre les
personnes qui pourraient lui nuire »24, la
tendance de la politique pénale actuelle
évolue résolument vers une « contractualisation des peines ».
On assiste à une sorte de dérive de la Justice publique égalitaire vers une Justice
privatisée, négociée et fragmentaire25. Le
professeur Yves Jeanclos décèle une « logique horizontale » dans cette nouvelle
contractualisation des peines destinée de
plus en plus à » guérir pour réinsérer plutôt qu’à punir pour exclure ».
Ces conceptions rejoignent à l’évidence
les ambitions originelles du christianisme
pour la prison, mais l’écueil financier
reste de taille dans le système français
tel qu’il existe actuellement surtout à une
époque où toutes les dépenses publiques,
y compris militaires, sont considérablement réduites.
Suffirait-il d’ « ouvrir une école pour fermer une prison », comme le préconisait
Victor Hugo ou bien faudrait-il reconnaitre un rôle plus grand au facteur religieux dans la société actuelle, comme
les Russes le font notamment, pour se
diriger vers des solutions consensuelles
et durables26 ?
Les prisons ont sans doute beaucoup à
nous expliquer sur l’état des sociétés
dans lesquelles elles sont, mais n’est-ce
pas dans les sociétés qu’il convient de
déceler toutes les sources de la délinquance pour y remédier avec tous les
moyens, plutôt humains que financiers et
matériels, afin de résoudre un fléau aussi
coûteux que préoccupant ?
PATRICK BRUNOT
Docteur d’Etat en Droit
Avocat à la Cour
Conseiller du commerce extérieur
f. Jacques - Guy Petit, Ces peines obscures, la prison pénale en France, 1780-1875, Fayard 1990.
C
3700 Euros par mois et par détenu en 2010. Le nombre des détenus est de 67.839 pour 57.000 places environ au
début mai 2013. 6.000 places supplémentaires sont prévues pour les prochaines années.
20
Selon une étude publiée en 2011 par deux chercheurs de l’Administration Pénitentiaire portant sur 8500 condamnés entre juin et décembre 2002, dont le parcours judiciaire a été observé sur les cinq années suivantes. De plus,
la récidive des libérés conditionnels est bien moins importante que celle des libérés en fin de peine, sans parler
des bénéficiaires de non-lieu .
21
Cf. Pierre-Victor Tournier, La prison, une nécessité pour la République, Buchet Chastel, 2013, 257 p.
Cf . J. Pueyo, Des hommes et des murs, Ed. Cherche-Midi, 2013, 220 p.
22
Cf. Jean-Jacques Urvoas, Président de la Commission des Lois à l’Assemblée Nationale, 2013, www.urvoas.org
23
L’administration Pénitentiaire : une administration républicaine :brochure éditée par le ministère de la Justice et
distribuée à tous les prisonniers.
24
Cf. www.sps-penitentiaire.fr
25
Cf. Yves Jeanclos, La justice pénale en France, dimension historique et européenne, Paris , Dalloz,2011, 223 p.
26
Cf. Conseil de l’Europe, Rapport sur les prisons par le Commissaire aux Droits de l’Homme, Nov. 2008, sur les
« conditions inacceptables de la détention » ainsi que le rapport du Contrôleur Général des lieux de privation de
libertés sur la Surpopulation des prisons, Fev. 2013.
19
- 17 -
Publié avec l’aimable autorisation de la Chaire de CyberDéfense des Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan
(Publication ©DSI HS N°32 Octobre 2013)
Par Franck PAVERO
Officier Télécoms Défense et Guerre Electronique,
Membre de la Chaire de CyberDéfense des Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan,
Directeur Général de la Division CyberSécurité et Lutte contre la Cybercriminalité du groupe Cristal Concept.
Membre du C.A de l’ANA-INHESJ
Publié avec l’aimable autorisation de la Chaire de CyberDéfense des Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan
(Publication ©DSI HS N°32 Octobre 2013)
Il est aujourd’hui admis que le virus
Stuxnet a constitué une des premières
armes cyber à vocation offensive identifiée comme telle dans le monde. Le
terme « offensif » se justifie parce que
l’objectif technique assigné à ce nouveau type de virus a été de détruire
physiquement et irrémédiablement
des équipements industriels et certains
de leurs composants. Nous n’étions
plus dans le dommage du vol virtuel,
ni dans celui de l’altération ou de la
suppression de données immatérielles
numériques, mais bien dans la destruction physique de matériel et de
matière, par action directe sur des processus de fabrication industrielle.
Sur le plan stratégique, Stuxnet avait
comme objectif le ralentissement, voire
l’arrêt, du programme nucléaire iranien
par la destruction des centrifugeuses dédiées à l’enrichissement de l’uranium.
Plus précisément, ce sont les équipements des centrales de Bushehr et Natanz
qui ont été les cibles privilégiées.
Les
Les caractéristiques
caractéristiques
fondamentales
fondamentales des
des
armes
armes cyber
cyber offensives
offensives
Franck PAVERO
Officier Télécoms Défense
et Guerre Electronique,
Membre de la Chaire de CyberDéfense
des Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan,
Directeur Général de la Division
de Lutte contre la Cybercriminalité
du groupe Cristal Concept.
« Stuxnet a été conçu
pour sélectionner
très précisément ses cibles.
Il vérifiait, préalablement
à toute activation,
s’il se situait sur une machine
dont l’identification était
reconnue sans ambiguïté ».
Les premières caractéristiques de ce type
de virus reposent sur l’ampleur de son développement, la sophistication fonctionnelle, ainsi que la dimension des moyens
opérationnels mis en œuvre pour son activation. Ces caractéristiques n’ont rien
de commun avec la panoplie habituelle
de virus qui déferle via le réseau internet
depuis déjà de nombreuses années.
Intéressons-nous aux différences fondamentales entre les virus « classiques »
et ce que l’on peut aujourd’hui appeler
les Cyber armes offensives du type de
Stuxnet :
- 18 -
L’identification précise de la cible
Un virus classique cherche à se diffuser
et à s’activer en masse, sur le maximum
de cibles, sans sélectivité, ni discrimination particulière. C’est une fois intégré que le logiciel malveillant classique
agira ou n’agira pas, selon la compatibilité de la cible aux pré-requis techniques.
Si cette compatibilité est avérée, il agira
sans autre discernement de type « Ami /
Ennemi ».
Stuxnet, lui, a été conçu pour sélectionner très précisément ses cibles. Il vérifiait
préalablement à toute activation s’il se situait sur une machine dont l’identification
était reconnue sans ambiguïté. La cible
ne pouvait être qu’une station de type «
SCADA Siemens Wincc (eng) PCS7 »,
associée aux composants industriels spécifiquement attendus par le virus.
Si les centrifugeuses ne correspondaient
pas à celles ciblées, ce dernier restait totalement inerte et inoffensif.
La destruction active
Jusqu’à lors, les virus classiques détruisaient principalement les systèmes qu’ils
infectaient, ainsi que les données hébergées par ces systèmes. Avec Stuxnet, une
fois la cible clairement identifiée et infectée, le virus engageait une action de destruction des éléments industriels connectés au système informatique. Il modifiait
de façon malveillante la cinématique
d’ouvertures/fermetures des valves de
pression des centrifugeuses et engendrait donc une action destructrice pour
les composants hardware et le processus
de fabrication. La chaîne de production
de l’uranium enrichi devenait ainsi totalement inopérante. Le virus connaissait
parfaitement les caractéristiques fonctionnelles et techniques des différents
composants. Le code était conçu par ses
auteurs pour agir en trompant le système
de pilotage des processus industriels de
la station SCADA cible. Il modifiait le
comportement de ce système, de façon
à le rendre totalement incompatible avec
les spécifications techniques supportées
par les matériels1.
• Le virus dispose d’une capacité d’évolutivité importante, grâce à des systèmes
de communication qui utilisent plusieurs
protocoles différents, dont un de type «
peer-to-peer »5 pour effectuer des mises à
jour distantes et croisées du virus.
La sophistication fonctionnelle
« La perte du secret autour
de cette arme est donc très
probablement liée à un
malencontreux «bug »
méthodologique de la part
d’une partie des créateurs
de l’attaque elle-même ».
Pour continuer dans les différences fondamentales, il faut s’attacher aux
fonctionnalités hors normes présentes au
cœur même du virus Stuxnet :
• Son architecture fonctionnelle et technique est modulaire, évolutive et communicante, de façon à pouvoir s’adapter
sur le long terme aux futures évolutions
des cibles et de leurs composants industriels.
• Le code développé dispose d’une
puissance fonctionnelle sans commune
mesure avec ce que nous avons connu
auparavant. Dans la dernière version
identifiée, on peut citer notamment
l’utilisation de sept « exploits »2 de vulnérabilités des systèmes, dont six de
type « zero day » 3, l’utilisation de sept
techniques différentes de réplication et
de contamination, le dialogue avec plusieurs serveurs de commande à distance,
la possibilité d’une désactivation sur
ordre, d’une désinstallation, d’une réinstallation, ou encore la fonctionnalité de
leurre du système de supervision de la
production industrielle. 4
• Il existe un historique important d’évolution des versions de ce virus. En effet,
pas moins de sept versions différentes
sont identifiées entre le 03 novembre
2005 (0.500) et le 24 juin 2012 (Version
1.X) 6.
• La dernière version intègre même une
nouvelle commande avec une date d’arrêt d’infection programmée.
La volonté de discrétion
et la furtivité
Les caractéristiques techniques et fonctionnelles de Stuxnet montrent également la volonté initiale de ses auteurs de
le rendre discret et furtif. Par exemple,
l’utilisation de vrais-faux certificats de
constructeurs permet aux systèmes de sécurité internes des stations contaminées
de penser que certains des modules du virus actif sont fiables puisque garantis par
un constructeur de référence. Ces modules continuent donc de fonctionner de
façon invisible. L’application de supervision des processus industriels des stations
SCADA infectées est leurrée par Stuxnet
qui lui fait croire que tout est fonctionnel
et nominal, ce qui est faux, mais permet
de ne pas alerter les utilisateurs et de ne
pas leur révéler la présence du virus.
L’action de destruction physique est donc
exécutée de façon totalement masquée.
Une des versions de Stuxnet dispose
même d’un algorithme de masquage de
ses fichiers embarqués sur une clé USB
contaminée, de façon à pouvoir continuer
à se propager furtivement. Les systèmes
d’inactivation du virus sur les cibles non
cohérentes avec celles attendues, ainsi
que les commandes distantes de désactivation et de désinstallation, sont encore
autant d’éléments concordants démontrant cette volonté systématique de discrétion et de furtivité.
Ces caractéristiques s’opposent à celles
habituellement associées à un virus classique qui affiche, la plupart du temps
immédiatement et ostensiblement, son
action et les dégâts qui en découlent.
C’est d’ailleurs une probable perte de
contrôle de ce processus de furtivité qui
a permis de révéler au monde l’existence de Stuxnet et de ce nouveau type
d’armes.
Le New York Times a indiqué au cours
d’une de ses enquêtes, avoir obtenu l’information selon laquelle des intervenants
israéliens auraient désactivé certains
garde-fous du virus, lui permettant ainsi
de s’inoculer sur des systèmes moins ciblés qu’à l’origine, probablement à des
fins d’ac-célération du processus d’infection et de destruction.
Cet acte a eu comme conséquence de permettre au virus de « sortir » du système
de ciblage initial et de se répliquer rapidement sur internet. La perte du secret
autour de cette arme est donc très probablement liée à un malencontreux « bug
» méthodologique de la part d’une partie
des créateurs de l’attaque elle-même.
L’Ingénierie sociale
pour repousser
les limites de la technologie
C’est probablement l’aspect le plus spectaculaire du processus de mise en œuvre
de ce genre de cyberattaque.
Si les moyens de développement technique de Stuxnet étaient importants et à
la pointe de la technologie de l’époque,
ceux qui ont concerné l’accompagnement humain et l’ingénierie sociale
l’étaient tout autant. Prenons quelques
exemples concrets.
La cible de Stuxnet :
un système a priori déconnecté d’internet, mais contaminé par le PC d’un technicien.
- 19 -
Tout d’abord et selon plusieurs enquêtes
internationales, dont celle réalisée par D.
E Sanger pour le New-York Times, une
première phase d’espionnage humain aurait permis d’identifier le type précis des
équipements installés sur les sites iraniens
et de confirmer que les centrifugeuses
concernées étaient les mêmes que celles
Un F16I Sufa israéliens. En 2007, des appareils de ce type ont effectué un raid en Syrie, « hackant » les radars syriens, de conception russe : lorsque le
signal radar touchait les avions israéliens, l’écho retour renvoyé par ceux-ci transportait un virus permettant d’affecter le logiciel et d’effacer les plots
représentant les appareils sur les écrans syriens. Une capacité dont disposent également les américains.
récupérées en 2003 par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA)
au gouvernement libyen et à Kadhafi, dans
le cadre de son désarmement nucléaire.
C’est donc ainsi que les agents de renseignement ont pu facilement récupérer
et étudier toutes les spécifications fonctionnelles et techniques nécessaires à la
conception de Stuxnet.
« Il est évident que toutes
ces techniques, faisant appel
à un moment ou un autre
à l’ingénierie sociale,
sont hors normes.
Malgré le niveau tecnologique
exceptionnel de ce type d’arme,
on s’aperçoit que sans
l’intevention humaine préalable,
le processus d’attaque
serait resté bloqué… ».
Ensuite, l’inoculation du virus se voulait
contrôlée par ses commanditaires. Pour
cela, le site ISS Source révèle qu’elle aurait été effectuée directement dans l’usine
de Natanz, par le biais d’un agent double
iranien qui a introduit directement une
barrette mémoire de maintenance contenant le virus. Initialement, cette méthode
permettait d’infecter directement et rapidement les bonnes cibles, sans nécessiter de passer par une propagation plus
aléatoire depuis l’extérieur et sans prendre
le risque de multiplier le virus dans des
zones externes à l’attaque.
Enfin, le virus embarque des vrais-faux
certificats « dérobés » à des constructeurs
tels que Jmicron ou Realtek7, de façon à
ne pas déclencher les systèmes d’alerte
des stations.
Il est évident que toutes ces techniques,
faisant appel à un moment ou un autre
à l’ingénierie sociale, sont hors normes.
Malgré le niveau technologique exceptionnel de ce type d’arme, on s’aperçoit
que sans l’intervention humaine préalable, le processus d’attaque serait resté
bloqué…
Les commanditaires ?
Toutes ces particularités et ces caractéristiques fonctionnelles renforcent l’idée
selon laquelle la mise en œuvre de tels
virus dépasse largement la capacité des
hackers traditionnels du monde de l’informatique. Seules des équipes disposant
de moyens étatiques ont la possibilité
d’associer aussi finement des composants technologiques de ce niveau avec
des actions d’ingénierie sociale aussi percutantes et efficaces. Il est par exemple
nécessaire de disposer d’un laboratoire
hautement spécialisé pour élaborer, tester et mettre au point les mécanismes de
destruction physique des centrifugeuses
récupérées par l’AIEA.
Sans jamais avoir été démontrés ni
confirmés à ce jour, les soupçons se sont
- 20 -
rapidement portés sur l’état hébreux et
les Etats-Unis, à travers des organismes
comme la célèbre unité 8200 de l’armée
israélienne et les services américains tels
que la NSA et le «United States Cyber
Command», qui disposaient déjà de tous
les moyens indispensables que nous venons de décrire.
Réalité de
l’efficacité stratégique ?
La question de l’efficacité stratégique de
ce type d’arme se pose réellement.
En effet, avec le recul, il convient de
noter que les effets destructeurs restent
toutefois assez éphémères au regard des
moyens déployés et de la complexité
mise en œuvre, et cela même si ces effets
engendrent pour l’adversaire des préjudices matériels, financiers, ainsi que des
pertes de temps considérables.
Pour certains analystes du monde de la
sécurité, Stuxnet n’aura finalement eu
d’autres effets que d’assurer définitivement la future capacité nucléaire à l’Iran
par leur montée en compétence forte et
rapide, issue de leur réactivité aux attaques subies.
L’Iran s’est maintenant doté, non seulement d’une puissante force de résistance
aux attaques cyber provenant de l’étranger, mais également d’une force offensive
de tout premier ordre à l’échelle mondiale,
en analysant et en capitalisant les méthodes, les outils et les moyens déployés
à son encontre.
« La question de l’éfficacité
stratégique de ce type
d’arme se pose réellement.
En effet, avec le recul,
il convient de noter que les
effets destructeurs restent
toutefois assez éphémères
au regard des moyens déployés
et de la complexité
mise en œuvre,
et cela même si ces effets
engendrent pour l’adversaire
des préjudices matériels,
financiers, ainsi que des
pertes de temps
considérables ».
Depuis Stuxnet ?
De nombreuses attaques utilisant des
composants similaires à ceux de Stuxnet
ont vu le jour depuis. Outre le célèbre
FLAME dont certains composants sont
même plus anciens que ceux de Stuxnet,
on peut citer DUQU, STAR, GAUSS,
etc… Tous répondent aux mêmes
concepts et la plate-forme de développement « TILDED », qui englobe aujourd’hui tous les modules ayant contribué à la réalisation de ces cyber armes,
semble être devenue une véritable plateforme de référence pour le développement de la CyberGuerre moderne.
Le futur proche et les
tendances en matière d’armes
cyber offensives
Aujourd’hui, les attaques par cyber
armes peuvent détruire des composants
et des processus industriels, non seulement dans le domaine militaire, mais
également dans le quotidien des populations civiles et des nations. Les cas
cités précédemment démontrent qu’il
est par exemple tout à fait envisageable
d’attaquer un processus de contrôle informatique de la température d’un four
d’une usine d’inciné-ration. Si, comme
Stuxnet, un virus était inoculé dans le
capteur physique de contrôle et laissait
croire à une température faussement
basse dans le four, ce dernier pourrait devenir une véritable bombe à l’insu de son
exploitant. C’est exactement le même
concept que celui de Stuxnet, appliqué à
l’industrie civile.
Deux constats sont à faire dans l’évolution technologique de notre temps :
Tout d’abord, la quasi-totalité des systèmes informatiques modernes disposent
d’une connexion avec le réseau Internet,
qu’elle soit directe (filaire, Wifi, Bluetooth,…) ou indirecte
●
(rebond sur des équipements d’infrastructure ou de réseau), et qu’elle soit
permanente ou occasionnelle. Tout système moderne, civil ou militaire, intègre
au moins un composant électronique ou
informatique capable de communiquer
à un moment ou un autre avec d’autres
systèmes connectés, aussi bien pour des
opérations de maintenance, de diagnostic, d’évolution, d’assistance constructeur, que pour un échange de données,
ou encore un dialogue avec un système
De nombreuses nations se sont aujourd’hui dotées d’unités spécialisées pour la coordination, et
le commandement des opérations de CyberDéfense, comprenant aussi bien l’aspect défensif que
celui purement offensif et militaire. Ici, l’US CyberCommand.
- 21 -
externe. Cette connexion peut également
être rendue possible par l’intermédiaire
de périphériques amovibles temporaires
ou de modules de communications spécifiques additionnels.
Ensuite, tout système d’arme ou tout
système industriel civil est constitué par
une intégration de nombreux modules
fournissant des fonctionnalités de plus en
plus complexes et donc de plus en plus
coûteuses à développer, à faire évoluer et
à maintenir en condition. Il est donc très
courant que l’industriel en charge de la
mise en œuvre réutilise des composants
logiciels ou hardware déjà conçus et
existants pour d’autres systèmes à fonctionnalités équivalentes. Cet aspect est
souvent guidé à la fois par les contraintes
de coût, ainsi que par les contraintes de
délais. Développer très rapidement et
pour le moins cher possible impose souvent cette réutilisation maximale, avec
toutes les conséquences induites.
●
L’interopérabilité et la réutilisation de
composants similaires parfois même à
l’insu de ses utilisateurs, sont donc aujourd’hui des faits établis au sein des
systèmes d’armes et des systèmes industriels civils. Connaître les fonctionnalités, les points forts et les vulnérabilités
des composants de l’un des domaines, signifie donc de plus en plus les connaître
également pour les composants de l’autre
domaine. Avoir les connaissances pour
s’attaquer à un domaine permet donc
maintenant souvent d’avoir les compétences pour s’attaquer à l’autre domaine.
« La connectivité et la
convergence technologique
extrêmes auxquelles nous
assistons aujourd’hui,
offrent donc de nouveaux
champs d’investigation pour
les concepteurs des
nouvelles cyber-armes.
Maîtriser ce nouveau type
de risque passera
inéluctablement par la
capacité des donneurs
d’ordres, des industriels et
des utilisateurs finaux, civils
et militaires, à intégrer
celui-ci tout au long du cycle
de vie des projets, de la
conception à la
maintenance des systèmes
industrialisés et exploités ».
Un nouveau type de risque apparait progressivement : Celui de la convergence
technologique extrême et de ses implications en termes de vulnérabilité cyber «
croisée » !
Sur le plan offensif, il faut s’attendre
demain à deux principaux types d’évolutions, qui peuvent d’ailleurs correspondre à deux étapes successives de la
maturité des armes cyber :
• L’attaque « en aval » des systèmes
d’armes et des systèmes industriels, de
par la connexion au réseau indispensable. Nous sommes ici en aval du cycle
de vie industriel, en phase de production.
Ce type de risque est lié à la capacité
technique offensive des hackers pour la
recherche, la détection et l’exploitation à
distance des vulnérabilités, directement
sur le système existant et opérationnel.
Cette capacité offensive augmente tous
les jours et se mondialise de plus en plus,
du fait de la normalisation et de la vulgarisation des technologies qui répondent de plus en plus aux caractéristiques
de convergence vue précédemment.
Une démonstration a déjà été réalisée à
l’occasion du 2010 IEEE Symposium
on Security and Privacy8. Un virus a été
injecté dans la centrale de multiplexage
d’un véhicule, alors que ce dernier était
raccordé à un ordinateur pour une maintenance. Le virus a exploité une faille
de sécurité industrielle et a permis de
prendre le contrôle de la motricité du véhicule à l’insu des commandes normales
d’accélération et de freinage, alors que la
boite automatique du véhicule était toujours sur la position PARK !
• L’attaque « en amont », de par l’injection volontaire de « portes » d’accès ou
de failles technologiques directement au
sein des composants électroniques et informatiques des systèmes, au moment de
leur industrialisation (phases de conception et de fabrication). Ce type de risque
résulte de l’action préméditée des attaquants, en vue de permettre à de futurs
hackers d’attaquer le système ultérieurement, dans sa phase d’exploitation. Dans
ce cas, la vulnérabilité fait donc partie
des caractéristiques intrinsèques des
composants fabriqués industriellement
et reste exploitable par les « initiés »
pendant tout leur cycle de vie. Elle pourra
rester « dormante » jusqu’au moment où
un ordre reçu l’activera. Cette approche
est beaucoup plus complexe à mettre en
œuvre, puisqu’elle nécessite des actions
préalables à la fabrication qui peuvent
se réaliser avec ou sans le consentement
des éditeurs et constructeurs. Ce point est
aujour-d’hui une de leur préoccupation
sécuritaire majeure.
La connectivité et la convergence technologique extrêmes auxquelles nous assistons aujourd’hui, offrent donc de nouveaux champs d’inves-tigation pour les
concepteurs des nouvelles cyber-armes.
Maîtriser ce nouveau type de risque passera inéluctablement par la capacité des
donneurs d’ordres, des industriels et des
utilisateurs finaux, civils et militaires, à
intégrer celui-ci tout au long du cycle
de vie des projets, de la conception à la
maintenance des systèmes industrialisés
et exploités.
Si l’enjeu parait simple à première vue,
la mise en œuvre des contre-mesures indispensables semble, aujourd’hui encore,
infiniment plus complexe et abstraite. ■
NOTES
Symantec Security Response « Stuxnet
0.5 : Disrupting Uranium Processing at
Natanz » – 26/02/2013.
1
Un « exploit » est un élément de programme permettant à un individu ou un
logiciel malveillant d’exploiter une faille
de sécurité informatique dans un système
d’exploitation ou dans un logiciel.
2
Un « exploit zero day » est un exploit
qui utilise une faille jusqu’ici méconnue
du public et donc non identifiée par les
systèmes anti-virus ou anti-malware. Il
peut donc être utilisé par les développeurs
de virus sans crainte d’être détecté.
3
et 6 : Symantec Security Response
« Stuxnet 0.5 : how it evolued » –
28/02/2013. « Stuxnet 0.5 : the missing
Link », by G. McDonald, L. O Merchu,
S. Doherty, E. Chien – 26/02/2013.
4
Les systèmes « peer-to-peer » permettent
à plusieurs ordinateurs de communiquer
via un réseau, de partager des fichiers,
mais également des flux multimédia. Les
ordinateurs interconnectés selon ce mode
peuvent servir à la fois de serveur et/ou de
client destinataire.
5
Exemple d’une centrale de multiplexage de véhicule qui a été « hackée » par un virus exploitant
une vulnérabilité des bus de communication et permettant la prise de contrôle de la motricité et de
la vitesse du véhicule, alors que sa boite automatique est sur la position PARK ! La DGA française
étudie très attentivement ce genre de vulnérabilités qui pourraient être transposées dans les ordinateurs des véhicules militaires.
- 22 -
Alexander Gostev and Igor Soumenkov
– Kaspersky - « Stuxnet/Duqu : The evolution of drivers » – SecureList – 28/12/2011.
7
http://www.autosec.org/pubs/cars-oakland
2010.pdf
8
avec M. Jean-Jacques URVOAS,
Député du Finistère,
Président de la Commission des Lois
Compte-rendu par Nicole GUIMEZANES,
Vice-Présidente de l’ANA, 8ème promotion 1997
Près de 40 auditeurs se sont réunis, à l’initiative de Guillaume
FONOUNI-FARDE, de la Session Régionale Jeunes de Lille,
à l’école militaire, pour écouter une personnalité très active
en matière de sécurité et de renseignement, Monsieur JeanJacques URVOAS.
Notre Président, Christian FREMAUX, l’a présenté ainsi :
« Nous accueillons ce soir M. URVOAS qui est député du
Finistère, et surtout Président de la prestigieuse commission des
lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la République de l’Assemblée Nationale.
Ses compétences juridiques devaient le conduire à cette
présidence, puisqu’il est titulaire d’un doctorat de Sciences
Politiques, et qu’il est maître de conférences en droit public à
l’Université de Bretagne Occidentale.
M. URVOAS a été élu député le 17 Juin 2007, et il est intervenu
sur des textes portant création du contrôleur général des lieux
de privation de liberté, sur la rétention de sûreté, les contrats
de partenariat, ainsi que la révision constitutionnelle de 2008.
M. URVOAS a été très critique sur la loi sur les violences en
bande. « La loi antibandes, pire que la loi anticasseurs de 1970 »
a-t-il écrit sur son blog, et en 2009, il a été élu « Monsieur
sécurité » du parti socialiste.
A l’issue de son premier mandat, il a écrit un livre étonnant,
au titre qui laisse perplexe : « Manuel de survie à l’Assemblée
Nationale – l’art de la guérilla parlementaire», pour faire
découvrir au lecteur, le vrai visage du droit parlementaire.
Bien sûr, on le sait, les péripéties, invectives, gesticulations,
claquage de pupitres, ne sont réservées qu’aux journées du
mardi et mercredi, lorsque les caméras sont là : le spectateurcitoyen, assiste parfois médusé, aux débats parlementaires qui
ensuite se concrétisent dans la loi, et modifient leur vie !
En 2009, M. URVOAS a écrit : « 11 propositions choc pour
rétablir la sécurité ». S’il fallait rétablir la sécurité, c’est…
qu’elle n’existait pas en 2009 ? et le Ministre de l’Intérieur, à
l’époque, devenu Président de la République, a du apprécier
« modérément » ces propositions.
L’actualité récente ou plus ancienne (je pense au dossier
MERAH) a relevé quelques dysfonctionnements réels ou
supposés, et a fait l’objet de débats dans les milieux intéressés.
Pour résumer – fidèlement, je l’espère – le travail de MM.
URVOAS et VERCHERE, on peut dire que vous voulez
« normaliser » des services essentiels à la République, c’està-dire rationaliser l’emploi, y compris sur l’ensemble du
territoire pour capter tous les signaux ; sécuriser les personnels
et leur donner les moyens d’être efficaces, et aussi, établir un
contrôle parlementaire…
M. URVOAS préconise sur le Point.fr, la publication partielle
de la stratégie nationale du renseignement, la création d’une
inspection du renseignement donc la création d’une autorité
administrative du renseignement, ce qui permettra de sortir – si
c’est le cas ? – de l’alternative actuelle entre l’illégalité et le
contrôle par les juges….
Au passage – et je le dis pour nos amis auditeurs professionnels
de la sécurité privée et de l’intelligence économique –
M. URVOAS rappelle que le renseignement est un monopole
d’Etat, et avec l’adoption de sa proposition de loi, « cela
restreindrait considérablement l’éventail des moyens déployés
par ces officines qui aujourd’hui ne sont pas suffisamment
encadrées [sic] ».
L’actualité récente nous a révélé quelques faits sur lesquels on
peut s’interroger :
l
l
l
M. URVOAS a affirmé :
…il faut donc une modification des règles du jeu, le bouleversement de certaines habitudes pour provoquer un choc
salutaire… Le problème de la délinquance ne peut être appréhendé sous l’angle unique de la sanction ».
Dont acte, mais il me semble que personne n’avait dit le
contraire ?
Enfin, M. URVOAS s’est beaucoup intéressé aux services
de RENSEIGNEMENT. Le rapport qu’il a rédigé – avec son
collègue Patrice VERCHERE (de l’UMP) en Avril 2013 a fait
le « buzz », car l’image du renseignement est connotée, relève
parfois du fantasme à l’instar du cinéma, alors que l’INFORMATION, la captation des signaux faibles de préférence, est
essentielle à la sécurité, et à ses succès.
- 23 -
’administration du Président OBAMA qui surveille ses
L
citoyens ;
e programme PRISM – de surveillance électronique dirigé
L
par l’Agence Nationale de Sécurité, qui permet d’accéder
aux données d’étranger, notamment européens (l’Union
Européenne discute sur un projet de protection des données) ;
nfin, l’affaire Edward SNOWDEN, ancien employé de la
E
CIA qui veut faire diverses révélations….
l
appelons-nous le programme ECHELON en 2000, ce qui
R
n’a pu prévenir les attentas du 11 Septembre 2001.
La DGSE n’est d’ailleurs pas en reste : elle examine chaque
jour le flux du trafic internet entre la France et l’étranger, sans
vrai cadre légal, sauf erreur…
M. URVOAS a étudié le cadre juridique du renseignement dans
son rapport. Il est donc la personnalité idoine pour en parler.
Le Ministre de l’Intérieur, lundi 17 Juin, a fait part de ses
propositions à la suite du rapport de M. URVOAS.
- Pour favoriser les moyens il faut donner une priorité au cadre
juridique. Les outils existent mais ils sont illégaux et l’Etat ne
s’en sert pas.
■
■
l
l
C’est pour toutes ces raisons, que nous sommes honorés de
votre présence ce soir, M. URVOAS, dans ce cadre de l’école
militaire que vous connaissez, mais avec un public dont l’intérêt
majeur est la SECURITE INTERIEURE.
Je vous laisse la parole ».
l
Monsieur URVOAS s’exprime alors ainsi :
« Mon propos sera centré sur le renseignement
l
Depuis 1958 c’est la première fois que l’Assemblée Nationale
se penche sur cette question. C’est l’affaire Mérah qui a suscité
l’intérêt porté à la question du renseignement. Une commission
composée de deux députés PS et UMP que j’ai l’honneur
de présider a porté un regard clinique du béotien sur cette
question. Il y a eu de nombreuses auditions mais aucun PV des
interventions n’a été réalisé afin de garantir une expression plus
libre des intervenants.
Le rapport souligne trois points :
Le premier est un constat de faiblesse de nos services de
renseignement. C’est l’absence de cadre juridique. Il n’y a pas
de loi sur ce point mais uniquement des décrets. La DGSE
existe depuis 1980 sans aucune base juridique législative. Cette
fragilité pourrait nous valoir une condamnation par la Cour
européenne des droits de l’homme, ce qui a déjà été le cas pour
la Roumanie.
Le deuxième point concerne les moyens qui sont très comptés.
Les écoutes sont contingentées : 1840 cibles, peu importe le
nombre de téléphone de la cible. Il n’est pas facile de disposer
des moyens de réquisition nécessaires. Il y a eu sur ce point
deux grandes lois l’une en 1991 et l’autre en 2006. Le ministre
de l’intérieur, Manuel Vals souhaite réunifier les systèmes créés
par ces deux textes.
l
I l faut de argent, une « anonymation » des intervenants, et
des outils ;
Il faut encadrer leur action et exercer un contrôle sur celle-ci :
ela peut se faire en créant une Inspection des services
C
responsable ou en prenant dans les corps qui existent ;
I l faut instituer un contrôle politique parlementaire. Un premier
pas a été fait dans ce sens avec la création par N. Sarkozy de
la Délégation parlementaire du Renseignement. Le problème
est qu’elle n’a pas de moyen, pas de pouvoir d’action, ni de
capacité de déplacement.
a vocation de la Délégation parlementaire du RenseigneL
ment (DPR) est de s’assurer que les services ne sont pas dévoyés
I l faut un contrôle des responsables, un contrôle hiérarchique,
un contrôle de la légalité et un contrôle de la population
I l faut également s’assurer que les moyens de collecte de
l’information sont proportionnés.
La Commission nationale des interceptions de sécurité doit
être l’objet d’un contrôle de légalité, d’un contrôle politique et
hiérarchique.
L’idéal serait qu’elle soit composée de membres de la police
mais ce n’est pas indispensable. Sur les 55 millions de frais
spéciaux, la DCRI en a moins d’un million. C’est la DGSE qui
en absorbe la plus grande partie.
Le Renseignement est également pratiqué par les militaires.
Une Académie du renseignement a été créée par N. Sarkozy…
C’est dire si le monde du renseignement est en première ligne,
et que l’enjeu est très important ».
Puis, Monsieur URVOAS accepte de répondre à quelques
questions :
- M. Cristofini (EDF - IHEDN) : Est-ce que la réglementation
n’entrave pas la liberté des services ?
Le troisième point est relatif aux fichiers : ils sont peu nombreux
et ils ne sont pas interconnectés. Les fichiers sont anonymes,
isolés et parcellaires et sont fragiles sur le plan du droit.
R. - Les Services de renseignement étaient très circonspects
mais ils ont fini par recourir à des mécanismes souples. Les
Services souhaitent être encadrés car c’est la seule possibilité
d’obtenir des moyens. Au regard de la convention européenne
des droits de l’homme on ne peut pas imaginer des crédits aux
services et une absence de contrôle.
Les fichiers sont incomplets : les Services à qui la Nation
demande énormément avec une menace de plus en plus importante sont désabusés. Les moyens sont faibles. Ils prennent des
risques inutiles et sont mis en cause sur le plan pénal.
Nous devons imaginer des procédures qui facilitent le travail
des services. Par exemple des missions d’évaluation qui
permettrait d’étudier les exemples étrangers, de voir si le
contrôle est trop serré ou s’il est trop lâche.
Il y a une sorte de fragilisation intellectuelle des services dans
la mesure où les journaux diffusent des infos ou des livres sont
publiés et il n’y a pas d’action en justice pour des services qui
ne doivent pas être publics.
Q. – Me Brunot Patrick (avocat) : Est-ce qu’une fusion des
services est simple ou non ? Peut –il y avoir une coordination
des services ?
Le projet de loi sur le renseignement a plusieurs objectifs
R. - La DGSI comme la DGSE ne voudrait pas d’une telle
réforme. Ce n’est pas souhaitable.
- Légitimer l’existence des services, leur fixer des missions,
leur donner des outils réguliers leur permettant d’agir au
service d’une politique publique
Les Services unifiés connaissent des difficultés de coordination
entre service intérieur et extérieur. Cela conduit à des difficultés
de collaboration et on n’en tirerait aucun bénéfice majeur.
- 24 -
La lutte contre le terrorisme met en cause la capacité de l’Etat
d’assurer la sécurité : il y a 20 morts terroristes par an contre
3000 tués sur les routes.
L’affaire Mérah a posé le problème de la coopération internationale, de la coordination des thématiques et des moyens existant.
Pour la DCRI et la DGSE, le problème du paramètre des
hommes a beaucoup joué.
N. Sarkozy a voulu instaurer une culture de la coopération
et la disette budgétaire (sauf pour la DGSE) pousse à celleci. Un renforcement des prérogatives du Conseil national du
renseignement (CNR) est également souhaitable.
Q.- Un (Officier de gendarmerie) : ne serait-il pas préférable de
parler de la direction des services de sécurité intérieure au lieu
de la direction générale du renseignement intérieur ?
R. – Un décret non publié permet à la DGSE d’intervenir aussi
sur le territoire national. Il est nécessaire de faire évoluer le
secrétariat au Renseignement intérieur.
Q.- Comment est prise en compte la menace cyberterroriste,
demande un spécialiste ?
R. – Une Commission d’évaluation avec le Canada, l’ Allemagne et le Royaume-Uni définit les bonnes pratiques à prendre
un peu partout.
La France est le dernier pays à s’être dotée d’un suivi des renseignements.
Le modèle belge a inspiré des pays nordiques. Une acclimatation au droit latin est nécessaire avec un contrôle de légalité
et de proportionnalité. Il n’y a pas de bon modèle. Il n’y a que
des erreurs à éviter. Le bon exemple de la Belgique n’est pas
applicable au Royaume Uni où il n’existe pas de contrôle parlementaire des services de renseignement.
Q.- M. Paul Drezet, ancien Magistrat à la cour des comptes :
Il y a un manque de moyens. Que représentera le budget des
renseignements intérieurs par rapport au budget national si la
réforme réussit ?
Le Service de renseignement a un budget secret par définition.
Il emploie 13 000 personnes et on peut néanmoins l’estimer
entre deux et cinq milliards d’euros : La DGSE occupe environ
5000 personnes (international et technique), la DRM investit
plutôt dans le geo spatial, la DCRI comporte environ 430 personnes et a obtenu une rallonge de 50 millions d’euros pour son
budget. Il est possible de doter les services d’un financement
supplémentaire.
En matière de cyber sécurité, il y a un éparpillement des forces
françaises. C’est la criminalité organisée qui est la plus dangereuse pour l’Etat.
La Sécurité industrielle occupe des centaines de personnels. Il
faut mettre le poids sur la cybercriminalité.
En France 0,2% du chiffre d’affaire est utilisé pour se défendre
alors qu’au Royaume Uni c’est 3% ! Les entreprises ne peuvent
s’adresser, ici, qu’à des officines. Qu’y a –t-il dans le projet ?
Le premier ministre a été très clair sur l’intelligence économique, la stratégie se résume en trois mots : sécurité - veille
- influence. Il y a en France une méconnaissance totale de l’intelligence économique. Il faut prendre en compte l’intelligence
normative.
Notre conférencier ayant des obligations de nuit à l’Assemblée
Nationale, le dialogue se poursuivit avec son attaché parlementaire, très compétent dans ce domaine, en train de rédiger une
thèse sur ce sujet, et qui a captivé l’auditoire par ses réponses
et informations.
Le dialogue prend fin vers 23 heures, l’école militaire retrouvant le calme de ses murs et de ses secrets, républicains, bien
entendu. ■
- 25 -
La gestion de la sécurité à l’hôpital
est devenue une priorité.
Par Julia FULCHIGNONI
Session Régionale Jeunes - Avril 2013
Dimanche 18 Août à 5h50, après avoir poignardé à la
poitrine un jeune homme de 18 ans qui a depuis succombé
à ses blessures, trois individus se sont rendus à l’Hôpital de
la Conception de Marseille atin de se faire soigner. Etant
reçus par un infirmier en charge de l’accueil des patients,
ils l’ont alors agressé d’un coup de couteau dans l’avant
bras avant de prendre la fuite.
Ce qui pourrait apparaitre comme un fait divers n’est
malheureusement pas un cas isolé: les agressions verbales
et physiques connaissent une recrudescence aigue en
France cn milieu hospitalier. Le personnel médical, déjà
confronté à une pression eonstante due à la nature de leurs
professions, est de plus en plus exposé à ces phénomènes
violents et exprime un fort sentiment d’insécurité depuis
déjà plusieurs années. «On a peur de travailler aux
urgences… .je ne me sens pas en sécurité, je ne sens pas
mes collègues en sécurité » souligne l’infirmier agressé à
1 ‘hôpital de la Conception.
L’observatoire national des violences en milieu de santé
révèle Il 000 faits de violence en 2012 contre 5760 en 2011.
Proportionnellement, les secteurs les plus touchés sont la
psychiatrie (25%), suivie des urgences (14%). Concernant
la répartition géographique, la région lle-deFrance est la
plus marquée, concentrant 30% des déclarations.
L’hôpital en France représente une structure emblématique
du service public, entité ouverte par principe 24H/24,
7j17 et accessible à tous, elle semble aujourd’hui pâtir
de ces éléments fondateurs. A ce jour, l’hôpital et plus
précisément les services des urgences rassemblent des
populations hétérogènes pouvant présenter des difficultés
infiniment variées. Au sein de la salle d’attente des urgences,
une femme accompagnée de son enfant en bas âge ayant
subi une chute grave sera placée à proximité immédiate
d’individus ivres blessés à la suite d’une rixe. Par ailleurs,
de façon générale, lorsqu’une personne se rend aux
urgences, elle n’est pas dans un état « normal », l’entourage
anonyme associé à la douleur et au stress contribuent à
accroitre la pression subie par les patients. A cela, il est
nécessaire d’ajouter que l’attente pour la prise en charge par
un médecin est fréquemment longue et perçue par certains
patients comme un manque d’attention, de professionnalisme et d’organisation de la part du personnel ou encore
comme une injustice, l’ordre d’arrivée n’étant pas nécessairement le même que celui de passage.
D’un point de vue organisationnel, l’hôpital est aujourd’hui
entièrement ouvert sur l’extérieur et les patients accédant
notamment aux services d’urgences sont placés en salle
d’attente avant de passer un premier sas dans lequel
un infirmier évaluera la gravité des symptômes afin de
hiérarchiser l’ordre de passage de ces derniers. Suite à
cette première prise en charge, mis à part les cas les plus
complexes, les patients doivent à nouveau se rendre en
salle d’attente, et c’est alors que surviennent les différends
et agressions, aussi bien entre patients eux mêmes qu’envers le personnel médical. Pour répondre à cette situation
complexe, une des mesures premières consistait à mettre
en poste des agents de sécurité afin d’intervenir face à
ces événements. Cependant, n’ayant reçu, pour la plupart,
aucune formation spécialisée et adaptée, ce personnel
ne suffit clairement pas à assurer le niveau de sécurité
indispensable en ces lieux.
Désormais, certains hôpitaux en France sont équipés de
dispositifs de vidéoprotection mais le déploiement de
ceux-ci a souvent été étudié par les installateurs eux-mêmes
et non par des bureaux d’ingénierie spécialisés. Les
systèmes de contrôle d’accès ont également été installés
sans étude préalable entraînant, parfois, des conséquences
négatives sur l’ensemble du système de sécurité ainsi que
sur la fluidité des activités. En effet, dans la majorité des
hôpitaux français, aucun schéma directeur de sûreté n’a été
mis en place et cette absence d’étude préalable, réalisée par
des professionnels, contribue à la situation d’incohérence
que l’ont vit de nos jours.
- 26 -
à assurer la sécurité de tous. En effet, il apparaît urgent
de se consacrer à la gestion et réorganisation sécuritaire
de ce secteur particulier dans lequel se mélange souvent
une population en difficulté et un personnel sous pression.
Ce manque de moyens associé à un sentiment d’insécurité
croissant rend le personnel médical excédé et, de façon
majoritaire, favorable à une présence policière. Alors que
certains perçoivent cette présence comme une « solution
miracle », d’autres pressentent cette réponse comme
excessive et non adaptée au milieu médical. En effet, le
déploiement des forces de l’ordre au sein du milieu hospitalier aurait inévitablement pour conséquence d’entraîner
des effets négatifs et contraires, en majeure partie, à ceux
escomptés. Sans avoir une mission basée sur le dialogue et
l’accompagnement, les policiers auraient un rôle répressif et
non social, entraînant de ce fait une pression supplémentaire pour les patients en cas de différends. Par ailleurs, il
est essentiel de souligner ici que l’intervention policière
doit demeurer le « dernier maillon de la chaîne de sûreté » :
l’appel aux forces de l’ordre ne se faisant que lorsque
tous les moyens préventifs ont été mis en œuvre et se sont
révélés insuffisants. L’hôpital public n’a pas fait l’objet
d’audit de sûreté par des professionnels entraînant la mise
en place de personnels et technologies adaptées permettant d’atteindre le niveau de sûreté qu’il mérite. Il est
primordial de repenser l’organisation globale de la sécurité dans les hôpitaux préalablement au déploiement des
forces de l’ordre. Il est nécessaire d’ajouter à cela que la
présence policière risquerait de porter atteinte à la notion
de confidentialité occupant pourtant une place essentielle
en milieu hospitalier.
Tout d’abord, d’un point de vue humain, il semble que
les agents de sécurité en milieu hospitalier doivent être
accompagnés aussi bien en termes de présence que d’intervention par du personnel formé aux difficultés du milieu
médical1 afin de réduire radicalement les violences subies
et de rétablir un dialogue entre les patients et les professionnels de santé. Outre une présence humaine adaptée,
il est indispensable de réaménager les espaces afin que
l’accès des patients dans l’enceinte de l’hôpital ainsi que
la circulation des flux soit gérée de façon optimale. A cet
effet, il est impératif de segmenter l’arrivée des usagers
et de hiérarchiser les espaces d’attente en fonction des
profils et problématiques rencontrés. Enfin, il est indispensable d’accompagner ces actions par le déploiement
de technologies2 fiables et adaptées au milieu médical
dans le respect de ses besoins cruciaux et particuliers.
Au-delà du traitement des conséquences de ces phénomènes, il est nécessaire d’en traiter également les causes.
La réduction du temps d’attente aux urgences permettrait,
notamment, de diminuer considérablement la tension
permanente ressentie au sein de ce service. En effet, les
différends entre patients et/ou envers le corps médical
surviennent généralement en conséquence de cet élément.
Afin d’apporter une réponse rapide au personnel médical
en état de choc suite aux tragiques évènements du 18 août,
une réunion rassemblant l’Agence Régionale de Santé,
les chefs de services d’urgences, les élus locaux, ainsi que
le Préfet de Police, s’est tenue le 21 Août à la Préfecture
des Bouches-du-Rhône. La décision a alors été prise de
confier à la Police Nationale la réalisation d’un audit
des cinq établissements de l’Assistance Publique des
Hôpitaux de Marseille sous un délai de trois semaines.
Ce personnel de police se voit confier une mission quasi
impossible sans la formation et les moyens indispensables
à la réalisation d’un audit approfondi et de qualité. Les
forces de l’ordre sont d’ores et déjà en charge de missions
de prévention et d’enquête très lourdes, une baisse des
effectifs sur les missions propres de la Police Nationale
à une période durant laquelle les habitants de Marseille
ont un besoin grandissant de présence policière, paraît
donc à la fois inopportun et dangereux.
Sans atteindre une politique interne de répression, les
notions d’intervention, de gestion, de réaménagements
adaptés, et d’actions humaines bien encadrées par la
législation doivent être pensées et organisées de façon
- 27 -
En effet, les deux autres rapports ont été réalisés mais
n’ont présentement pas encore été soumis aux différentes
directions des sites. Les préconisations effectuées par
les forces de l’ordre concernent le développement de la
vidéoprotection (les hôpitaux Timone et Conception ne
sont pas équipés) ainsi que le déploiement de systèmes
de contrôle d’accès notamment sur les parkings des établissements afin de contrôler les flux de façon optimale.
Enfin, le réaménagement des espaces a été abordé de
façon générale.
Dès le début du mois de Septembre, lors d’un comité
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
(CHSCT) de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille
(AP-HM), la direction des hôpitaux de Marseille expose
aux représentants des salariés un plan destiné à répondre
aux problématiques de sûreté que connaissent les hôpitaux.
Si la sûreté au sein des hôpitaux n’est pas traitée comme
une priorité, il semble qu’il en va de même concernant la
sécurité incendie au sein des CHU. En effet, un rapport
datant du 3 octobre 2013 de la Cour des Comptes révèle
qu’un certain nombre d’établissements ne respecte pas
les normes de sécurité incendie malgré un investissement
évalué à 1,3 milliard d’euros pour les opérations de mise
aux normes exceptionnelles. La commission sécurité
incendie a en effet émis un avis défavorable pour 213
établissements soit 16% des bâtiments des CHU.
Si l’hôpital public accepte de faire appel à des professionnels
afin de réorganiser la gestion du public et de la sûreté au
sein de ses sites, nous parviendrons à atteindre le niveau
de sécurité que méritent nos dévoués personnels de santé
qui souffrent aujourd’hui d’un manque de sécurité inacceptable ainsi que d’un sentiment d’insécurité palpable.
Les professionnels formés et reconnus des bureaux
d’études ont comme mission la réalisation d’audit consistant à analyser la situation existante afin d’élaborer des
préconisations efficaces et adaptées aux spécificités de
chaque site.
Les « 30 mesures pour garantir la sécurité des personnels »
ont alors été présentées et prévoient la mise en place
des mesures suivantes : la fermeture nocturne des points
d’entrée à l’hôpital ainsi que de certains services prochainement équipés de systèmes permettant un appel
aux services de sécurité ainsi que le développement de la
vidéoprotection. Par ailleurs, certaines chambres avec
SAS seront créées. Enfin, la question de la présence
policière au sein des hôpitaux a également été développée.
Des patrouilles composées de policiers issus de la Police
Nationale et Municipale devraient assurer une présence
de jour comme de nuit au sein des établissements hospitaliers. A ce propos, Audrey Jolibois, secrétaire générale
adjointe FO affirme que cette présence est « indispensable
pour qu’il y ait un effet dissuasif ».
A propos de la mission d’audit confiée aux forces de
l’ordre à la fin du mois d’août, celle-ci n’a à ce jour, été
que partiellement réalisée. En effet, trois établissements
ont fait l’objet d’une étude, l’hôpital Nord ainsi que les
services d’Urgences des hôpitaux de la Timone et de la
Conception. Seul l’étude effectuée à l’hôpital Nord a été
remise à la Préfecture et à la direction de l’établissement.
Julia FULCHIGNONI
Consultante Sûreté/Sécurité
SECTRANS-CP Conseils
Session Régionale Jeunes
Saint-Cyr au Mont d’Or - 2013
1 On pourrait suggérer une équipe pluridisciplinaire de psychologues, médiateurs
2 Protection mécanique, dispositif anti intrusion, vidéoprotection
- 28 -
Pour ne pas oublier
Frédéric PASSY
Par Paul DREZET, ancien membre de la Cour des Comptes,
7ème promotion 1997
Il est des Hommes que beaucoup de nos concitoyens identifient parfaitement et dont ils savent, grosso modo, ce qu’ils ont
pu faire pour le bien de tous. Mais il y a d’autres personnalités
qui ont, souvent, apporté beaucoup plus à l’Humanité que les
premiers et qui sont demeurées inconnues et sont toujours, ou
presque, d’illustres modestes. Et pourtant ! Frédéric Passy
est, à coup sûr, l’un de ceux-ci.
Frédéric Passy, sur le plan économique, est un libéral éclairé, favorable au libre-échange,qui souhaite que le champ d’action de l’Etat soit modeste, mais que l’Etat fasse bien ce qu’il
a à faire. Dans sa pensée, l’objet de la science économique
ne doit pas être la richesse mais le travail, qui a, pour lui, une
dimension essentiellement morale. Il rédige un grand nombre
d’ouvrages sur l’économie, le travail, la démocratie et l’instruction. Il défend des idées d’avant-garde pour l’époque sur
le rôle des femmes dans la société et, avec Victor Hugo, réclame l’abolition de la peine de mort. L’ économie politique,
et l’approche qu’il en a, va conduire F. Passy au pacifisme.
Frédéric Passy a été, conjointement avec Henry Dunant (Fondateur du Comité international de la Croix Rouge), le premier
auquel fut décerné le Prix Nobel de la Paix en 1901. Rappelons
que selon le testament d’Alfred Nobel, le Prix « récompense
la personnalité ou la Communauté ayant le mieux contribué au
rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction
des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des
progrès pour la Paix ». Cela comprend la lutte pour la Paix, les
Droits de l’Homme, l’aide humanitaire, la Liberté.
En 1901, pour l’attribution du Premier Prix Nobel de la Paix,
Frédéric Passy était Fondateur et Président de la Société française pour l’arbitrage entre les Nations, qui allait devenir plus
tard la Société des Nations (SDN), puis l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Frédéric Passy :
un intellectuel complet, libéral et pacifiste.
F. Passy est issu d’une famille intellectuelle et bourgeoise. Il
naît en mai 1822 à Paris. De sa famille il hérite un sens très
marqué du service de la Nation. C’est surtout l’un de ses
oncles, Hippolyte, qui va exercer sur lui une influence déterminante. Après de solides études universitaires à la Faculté
de Droit, il publie, dès l’âge de 22 ans, un ouvrage qui est
un véritable pamphlet, sur la nécessité de développer l’enseignement des sciences et des langues modernes. Il devient
auditeur au Conseil d’Etat (qu’il doit abandonner suite à
la réforme de celui-ci). Il va alors se consacrer à l’étude de
l’économie politique, avec le soutien de son oncle et de l’un
de ses amis personnels, Edouard Laboulaye. E. Laboulaye,
un peu plus âgé que F. Passy, sera professeur au collège de
France en Histoire des législations comparées, député puis
sénateur. C’est lui qui propose aux autorités françaises d’offrir aux Etats Unis une statue de la Liberté, (qui sera réalisée
par Bartoldi). Mais pour E. Laboulaye, c’est un geste envers
l’Amérique du Nord, celle qui est anti-esclavagiste et qui
accueille des immigrants qui seront salués à leur arrivée à
New York par la statue. E. Laboulaye est le précurseur d’un
mouvement en faveur de la nouvelle Amérique (avec V. Cousin, A. de Tocqueville, etc). Il participe activement à la campagne de Lincoln, défendant les thèses anti-esclavage. Le message sous-jacent à ce soutien vise aussi la France où la période
arbitraire des débuts du Second Empire sont contraires à ses
idées, notamment celles relatives à la Liberté, dont la liberté
religieuse. Bien que catholique convaincu, il milite pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Il pense que « le monde est un réseau vivant et que pas une
maille de ce réseau ne peut être atteinte sans que l’ensemble
ne s’en ressente ». Pour lui, commerce et paix sont synonymes
: « là où la puissance matérielle grandit, il faut, sous peine de
ne fournir au mal des armes plus terribles et plus sûres, que la
puissance morale grandisse avec elle et davantage encore ».
Frédéric Passy : un homme d’action .
F. Passy est persuadé qu’il est possible de délivrer l’Homme
de ces maux artificiels-qui sont créés par l’Humanité, en particulier la guerre qui « dévore le plus pur de la substance de
l’Homme ».Il développe une conception nuancée du pacifisme
qu’il distingue de l’antipatriotisme et de l’antimilitarisme ,
mais aussi du fatalisme « prêché par des lâches, résignés à tout
pourvu que la sécurité du jour présent soit laissée ». Il n’est pas
un pacifiste bêlant, il n’exclut pas toute forme de guerre, mais
à condition de se battre pour la circonscrire aux seuls cas où
tous les autres moyens de règlement des tensions et conflits ont
été épuisés et que tout a été bien fait avant d’en arriver à cette
« ultime et cruelle extrémité ».
- 29 -
A partir de 1889, le mouvement pacifiste s’affirme : le congrès
international de la Paix qui se réunit, cette année-là, à Paris,
est une réussite et il y est décidé qu’il se réunira chaque année.
En 1889 aussi, sous l’impulsion de F. Passy et de R. Cremer,
est créée l’Union Interparlementaire pour la Paix (UIP) qui,
lors de sa réunion constitutive réunit plus de 100 parlementaires de 8 pays ; aujourd’hui, l’UIP comprend 139 pays et 5
membres associés.
Il juge que, malgré des avancées remarquables, les progrès sont
encore insuffisants. Il pense qu’une Justice internationale, dont
la première esquisse se concrétise à la Conférence internationale de La Haye, en 1899 et qui va être appelée « Conférence
internationale de la Paix » et créera la « Cour permanente
d’arbitrage de La Haye », s’impose également car, « une fois
l’organe créé, il créera, tôt ou tard, la fonction ».
Dans un contexte peu libéral (on est sous le second Empire !),
il arrive cependant à publier des articles, à participer à la Bibliothèque de la paix et, surtout, à fonder, le 21 mai 1867, la Ligue internationale et permanente de la Paix. Cette Ligue, dont
les positions modérées et son ouverture religieuse et politique
lui permet de tisser des liens avec d’autres mouvements européens, a pour objectif premier de trouver des moyens pratiques
de rendre la guerre rare et difficile en recourant à l’arbitrage.
Elle obtient un premier résultat, en 1867, au moment où éclate
une première crise entre la France et la Prusse. Grâce à l’arbitrage, en particulier de l’Angleterre (où existait un mouvement identique à la Ligue de F. Passy), la crise s’éloigne. Mais
le répit fut de courte durée : malgré tous les avertissement de F.
Passy et de sa Ligue, vite réduite au silence, la guerre éclate. Il
va alors s’efforcer de concilier, dit-il « ses devoirs de patriote
et d’Homme de Paix ».
Après la défaite, dans un climat de patriotisme revanchard, il
transforme la Ligue qui va devenir la Société Française des
Amis de la Paix en 1872, puis, rapidement, la Société Française pour l’arbitrage entre le les nations.
Sa renommée personnelle grandit et bien que son origine familiale fût orléaniste, il salue avec joie la République et est
élu député de la Seine en 1881, en revendiquant profondément
son attachement à la liberté de pensée. A l’Assemblée Nationale il intervient sur les questions économiques et financières
en se prononçant contre les mesures « qui mettent en danger
la liberté du commerce et qui détruisent l’harmonie entre les
nations ». Il combat aussi la politique coloniale menée par
Jules Ferry, qu’il estime ruineuse et meurtrière; il se prononce
contre l’esclavage et pour des mesures sociales en faveur des
travailleurs.
Son combat en faveur de l’arbitrage entre les nations rencontre
de vrais succès : vote à la Chambre des Communes (grâce à
son ami R. Cremer) d’une résolution en faveur de l’arbitrage
entre Etats-Unis et Royaume Uni, arbitrage réussi entre Argentine et Chili. Mais il y a aussi des échecs : conflit russo-japonais, guerre des Boers, etc.
La Justice internationale va progressivement se mettre en
place, malgré de fortes résistances. Ainsi, l’article 92 de la
Charte des Nations Unies, prévoit-il la création, en 1946, de
la Cour internationale de Justice (en remplacement de la Cour
permanente de justice internationale créée par la Société des
Nations). Par la suite, seront créés la Cour pénale internationale (CPI), le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), le Tribunal pénal international pour le Rwanda
(TPIR) et d’autres juridictions internationales spécialisées (par
exemple en droit maritime).
Lors de cette Conférence de la Haye de 1899, il y avait des
délégués du Comité International de la Croix Rouge, fondé par
H. Dunant. Cette présence est, d’une certaine façon, symbolique : la voie pacifiste doit tout faire pour éviter la guerre,
mais, en même temps, elle ne doit pas oublier que des guerres
peuvent survenir et qu’il faut, alors, prendre en charge les
conséquences tragiques pour les Hommes.
Frédéric Passy décédera le 12 juin 1912, soit 2 ans avant le
déclenchement de la première guerre mondiale. Auparavant,
il aura donc reçu, en 1901 le premier prix Nobel de la Paix en
compagnie d’Henri Dunant, de nationalité suisse, fondateur du
Comité international de la Croix Rouge.
Vrai pacifiste, à la fois visionnaire et réaliste, théoricien et praticien au service de ses idées et de la Liberté, grand humaniste
et homme de contacts et de convictions, toujours à l’écoute des
autres, constant dans ses engagements, avec une « modération
attestant son énergie » (selon le jury du Prix Nobel de la Paix),
auteur d’un très grand nombre d’ouvrages (sur l’économie
politique, sur la Liberté, sur le Travail, sur la Démocratie et
l’Instruction, sur la Famille, sur l’Histoire, etc), Frédéric Passy
mérite amplement qu’on ne l’oublie pas au moment où l’on va
commémorer le centenaire de la Grande Guerre…
« Il y a des hommes qui, dans tout homme voient un frère,
dans toute nation, un corps sacré de l’humanité » (F.Passy ; in
« Historique du mouvement de la Paix », 1904).
Sources : Actes du Colloque des 27 et 28 novembre 2001,
Assemblée Nationale, consacré au centenaire du Prix Nobel
de la Paix.
Internet
Cours d’Histoire du droit international, R. Pinto, Faculté de
droit de Paris
Paul DREZET
7ème promotion nationale de l’IHESI
Administrateur de l’ ANA INHESJ
- 30 -
Regard critique sur la justice de proximité :
Une justice proche
du citoyen et si loin de la sécurité
Par Thomas HERMAND
Session Régionale Jeunes – Nord - 2011
De mon expérience, j’ai tiré un avis que je soumets
à la sagacité des auditeurs, et des Magistrats, membres de l’ANA-INHESJ.
La proximité c’est un mot qui a
été et est à la mode. Après feue la
police de proximité, la loi d’orientation et de programmation pour la
justice du 9 septembre 2002 a créé
le juge de proximité et sa juridiction. Juridiction qui a été supprimée par la loi numéro 2011-1862
du 13 décembre 2011 ; cependant
nous avons conservé notre juge
de proximité, juge non professionnel qui, au pénal est en charge
des contraventions des quatre premières classes (article 521 du code
de procédure pénale), et au civil
règle les problèmes du quotidien.
Le juge de proximité a été maintenu puisque la loi numéro 2012-1441
du 24 décembre 2012, prolonge l’existence de ce magistrat non professionnel au sein des tribunaux français jusqu’au 1er Janvier 2015.
Juge non professionnel, avec un recrutement très éloigné des critères
du recrutement de la magistrature et notamment de ses trois concours
d’entrée à l’Ecole Nationale de la Magistrature, même si les juges de
proximité ont de grandes qualités, et connaissances.
Non professionnel, le juge de proximité est souvent décrié par les
praticiens du droit dans l’enceinte même du palais de justice. Nous
entendons, en effet, bien des professionnels du monde judiciaire dire
: “rien de tel que des professionnels” ; mais aussi de la part de la doctrine. Je ne citerais pour exemple, que quelques articles comme celui
de Monsieur André GIUDICELLI1 qui dit de l’administration de la
preuve devant le juge de proximité, qu’elle est “proche du justiciable,
loin du droit” ; ou encore de Monsieur DARSONVILLE dans son article “Amende forfaitaire : le doute profite-t-il encore au prévenu ?”2
qui expose aussi dans un autre article3 que le juge de proximité, par
exemple, n’a pas recherché l’existence de l’arrêté municipal imposant un stationnement payant. C’est aussi Monsieur E. ALLAIN qui
affirme que le juge de proximité ne peut faire l’économie des droits
de la défense4 .
Etant magistrat non professionnel, ne subissant qu’une très courte
formation à l’ENM (10 jours de formation à Bordeaux, 2 jours d’information à Paris et 5 jours par an de formation continue selon le décret numéro 2007-17 du 4 janvier 2007), il arrive que ces magistrats
fassent parfois des erreurs de droit mais surtout de procédure.
D’autres professionnels se trompent aussi, mais pour un magistrat, les
conséquences peuvent être graves.
J’ai eu la chance de pouvoir avoir une expérience professionnelle au
sein d’un tribunal d’instance, en conséquence j’ai pu découvrir le travail de juges de proximité. Je dis bien « découvrir », avec parfois
étonnement, lorsqu’un magistrat confond un jugement contradictoire
et un jugement par défaut, ou encore qui ne laisse pas la parole en
dernier à un prévenu ; ce sont là de véritables surprises !
1 RSC 2005.596 du 15/09/2005
2 Dalloz Actualité du 4 juin 2009
3 Dalloz Actualité du 14 avril 2009
4 Dalloz Actualité du 5 février 2006
Pour autant, ce qu’il y a de louable, c’est que cette juridiction de proximité porte bien son nom, elle est proche, mais proche de qui ? du citoyen, en premier lieu, dans le déroulement de sa « procédure allégée
» même, puisque pour les audiences, la justice est « déshabillée ». Le
juge qui n’a pas de costume d’audience a été équipé d’une médaille ...
Cela a-t-il pour conséquence inéluctable, que la justice est plus proche
? Le monde judiciaire ne l’accepterait pas. En effet, à y regarder de
plus près, les habits de la justice ont pour signification de grands principes du droit : neutralité, égalité de tous devant la loi, impartialité.
Alors, si on « déshabille » la justice que se passe t-il au regard de ces
principes cardinaux ? La justice est-elle véritablement pour autant plus
proche du citoyen ?
De plus, la justice de proximité est si proche du citoyen, qu’elle
semble dénaturer la protection des valeurs qu’établit la loi pour préserver le pacte social. En effet, cela est remarquable par le prononcé des
décisions, lorsqu’une contravention au code de la route de première
classe est réprimée plus sévèrement qu’une contravention contre les
personnes qui bénéficient de la procédure de police, car le parquet a
omis, par exemple, une circonstance aggravante ... Dans ce cas, OUI
la justice est proche du citoyen. Proche, puisque le juge de proximité
individualise tellement la peine, que la condamnation n’est pas seulement fonction de l’infraction, mais surtout des facultés financières du
condamné.
Cela a pour conséquence directe une déstabilisation du pacte social et
une déstabilisation des valeurs protégées par la société, ainsi qu’une
perte de confiance en la justice de proximité.
- Déstabilisation du pacte social : en effet, une justice qui ne se fait
pas en fonction de la gravité des actes et des faits commis par les délinquants, déstabilise le pacte social, puisqu’il n’y a plus d’échelle de
gravité et donc, cela provoque un accroissement de l’insécurité ou du
sentiment d’insécurité.
- Déstabilisation des valeurs protégées : puisqu’elles ne sont plus protégées en fonction de la gravité des actes mais de l’échelle sociale du
prévenu.
- Perte de confiance en la justice de proximité : une justice d’équité
qui ne respecte pas totalement le droit entraîne une perte de confiance
en la juridiction de proximité, qui peut se répercuter en une perte de
confiance généralisée au système judiciaire.
Le sentiment d’insécurité se mesurant plus eu égard aux infractions de
moindre gravité, puisqu’étant le quotidien de la population ! La proximité de la justice face au citoyen doit-elle se faire contre la sécurité
de ces citoyens ?
Supprimer la police de proximité5 et maintenir le juge de proximité,
montre combien la justice peut parfois se faire au détriment de la sécurité.
5 Suppression en 2003, voir notamment le discours de Monsieur N. Sarkozy du
3 février 2003 en déplacement à Toulouse s’adressant à la police nationale “vous
n’êtes pas des travailleurs sociaux.”
6 http://www.justice.gouv.fr/la-justice-du-21eme-siecle-12563/
- 31 -
Pourtant, la police et la justice peuvent se faire proches du citoyen, et
cela vers un accroissement de sécurité, cela est possible !
Si l’on regarde la juridiction de proximité civiliste, comme la pénaliste qui est compétente pour les infractions de moindre gravité, le
juge de proximité, en matière civile, est compétent pour les affaires
de moindre importance financière. En effet, sa compétence est limitée
au seuil de 4.000 euros, c’est l’article L231-1 du code de l’organisation judiciaire qui dispose “La juridiction de proximité connaît, en
matière civile, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, des actions personnelles ou mobilières jusqu’à la valeur de 4 000 euros. Elle
connaît des demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution
d’une obligation dont le montant n’excède pas 4 000 euros.”.
Cela a pour conséquence, directe que le juge de proximité à compétence civile, est véritablement proche du citoyen. C’est lui qui va
trancher les plus petits litiges entre particuliers, c’est par ailleurs ce
qu’affirme Monsieur Marc VERICEL “Concrètement, en matière civile, l’instauration des juridictions et des juges de proximité a surtout
permis la mise en place d’audiences de proximité. En conséquence, de
ce point de vue, le juge de proximité remplit l’objectif initial, présent
même dans son titre. Cependant comme au pénal, le juge de proximité
a tendance à rendre une justice en équité plus qu’en droit, conduisant
à une justice de proximité tranchée en fonction des intérêts de particuliers, de leur situation financière, plus qu’en fonction du droit. C’est
ce que le code de l’organisation judiciaire exprime à demi-mot dans
son article L231-5 où il dispose “Lorsque, en matière civile, le juge de
proximité se heurte à une difficulté juridique sérieuse portant sur l’application d’une règle de droit ou sur l’interprétation du contrat liant
les parties, il peut, à la demande d’une partie ou d’office, après avoir
recueilli l’avis, selon le cas, de l’autre ou des deux parties, renvoyer
l’affaire au tribunal d’instance qui statue en tant que juridiction de
proximité.” Dans ce cas le juge non professionnel est remplacé par un
magistrat professionnel : le juge d’instance. Le législateur avait donc
bien à l’esprit que le juge de proximité n’est pas un magistrat professionnel pouvant être confronté à une difficulté juridique sérieuse. S’il
statue donc en équité plus qu’en droit, il est un juge proche du citoyen
mais cela doit-il se faire au prix d’une justice dépourvue de droit ?
Sans aucun doute, la justice peut certainement être proche du citoyen
avec les magistrats professionnels ...
De surcroît, le seuil de compétence au civil du juge de proximité, est
étrangement le même que celui de l’appel. Le taux de dernier ressort
des juridictions du premier degré, étant de 4.000 euros, cela veut donc
dire que jusque cette somme les juridictions statuent en premier et dernier ressort : il n’y a donc la faculté de l’appel devant une juridiction
du second degré qu’à partir de cette somme.
Les justiciables ont donc droit à une justice qui leur est proche, mais
ils ne peuvent pas faire appel de la décision prise par le juge de proximité devant des magistrats professionnels, la seule possibilité qui leur
est offerte est donc de former un pourvoi en cassation devant les juges
du droit, les hauts magistrats de la Cour de Cassation, où ceux-ci vérifieront la conformité au droit, de la décision rendue.
Même si en matière civile, cela est moins flagrant, le juge de proximité s’il parait profitable à la justice civile, est certes un juge proche
du citoyen mais plus loin de la sécurité et plus loin du droit. Il s’agit
surtout d’un juge qui est compétent en matière de contentieux pénaux
et civils de moindre importance (d’où sa double fonction civiliste et
pénaliste), qui a permis, et permet sans doute encore de désengorger
les tribunaux ...
En l’état actuel des textes, le juge de proximité étant maintenu jusqu’au
1er janvier 2015, son sursis sera t-il prolongé ? Ou ce juge sera-t-il
supprimé avec la justice du XXIème siècle ? 6
- 32 -
Thomas HERMAND
Greffier des services judiciaires
Master II Droit Privé et Sciences Criminelles
Auditeur jeune (Session régionale Nord 2011)
Promotions, décorations, événements
l Jean-Marie
BURGUBURU, Avocat à la Cour,
ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de PARIS,
ancien Président de l’UIA (Union Internationale des Avocats),
a été élu le 6 Septembre 2013, Président du Conseil National des Barreaux.
1ère promotion 1990 de l’IHESI, M. Jean-Marie BURGUBURU
est Commandeur de la Légion d’Honneur depuis 2007.
l Jean-Jacques
LOUGEZ, 24ème session sécurité et justice,
a été nommé Chef d’Escadron de la Réserve Citoyenne de la Gendarmerie,
en Avril 2013.
l Jacques
BEHAR, 16ème promotion 2005, Avocat à la Cour,
maître de conférence à HEC entrepreneurs, membre du CA de l’ANA,
a été nommé Colonel de la Réserve Citoyenne de la Gendarmerie Nationale.
l Edmond AICHOUN,
22ème session nationale,
a été nommé Sous-Préfet de LOCHES.
l Sylvie
FEUCHER, promotion 2008, 19ème session nationale,
a été nommée Préfète du Val d’Oise pour l’égalité des chances
(J.O. du 6/8/2013).
l Yvan
CHAZALVIEL, 10ème promotion 1999,
a été nommé attaché douanier à BERLIN,
avec compétence sur l’Allemagne, la Pologne, les Pays Nordiques,
et la République Tchèque.
l Serge
BLISKO, 20ème promotion, Président de la MIVILUDES,
Docteur en médecine, ancien Député,
a été élevé au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur,
par décret du Président de la République, en date du 29/3/2013.
l Jean-Pierre
FONTAINE, 7ème session nationale de l’IHESI,
ancien chef de cabinet au Ministère de la Famille (1994),
ancien Président des auditeurs du CHEAM,
a été nommé au grade de Chef d’Escadron de la Réserve Citoyenne
de Gendarmerie, région AUVERGNE.
l Nathalie
FELINES, 20ème promotion, et déléguée générale de CIVIPOL,
a organisé la visite, pour une vingtaine d’auditeurs,
de l’exposition consacrée, à PARIS, aux 100 ans de la Police Judiciaire.
Ce fut un très grand succès.
- 33 -
L’Association a son siège aux coordonnées suivantes :
ECOLE MILITAIRE
CASE N° 39
1, place Joffre
75700 PARIS SP
Tél. : 01 76 64 89 17
Fax : 01 76 64 89 45
[email protected]
Notre secrétaire, est Madame Maud BARRAUD
Ses horaires sont les suivants :
Tous les jours, de 14h00 à 17h30
En cas d’absence de la secrétaire, vous pouvez appeler directement
(sans abuser naturellement) :
Le Président : Ch. FREMAUX, 51 Avenue Raymond Poincaré 75116 PARIS
Tél. : 01 53 70 06 06 – Fax : 01 53 70 06 07 – [email protected]
Et / ou
Le secrétaire général : M. Jean Michel Hallez
Tél. 01 53 59 52 55
[email protected]
- 34 -
ADHEREZ EN MASSE
Cher (e) ami (e),
La participation à nos différentes activités est réservée aux auditeurs de l’INHESJ.
Si tu n’es pas encore adhérent, nous t’invitons à adresser prochainement ton bulletin
d’inscription ci-joint au secrétariat de l’Association Nationale des Auditeurs de l’INHESJ,
Ecole Militaire, Case 39, 1 place Joffre - 75700 PARIS SP, accompagné d’un chèque
de 60 € à l’ordre de l’ANAINHESJ. Les cotisations sont payables SPONTANEMENT dès le
début de l’année, et au plus tard au 15 Mars de chaque année, sans qu’il y ait nécessairement
d’appel ou de relance de l’Association, ceci afin d’éviter des tâches matérielles d’envoi,
et le coût concernant les cotisations qui sont nos seules recettes. Vous pouvez photocopier
le bulletin qui est en fin de chaque numéro de l’AUDITEUR pour vous inscrire ou
réinscrire, en précisant vos éventuels changements de téléphone, fax, mail, adresse...
BULLETIN D’ADHESION (à découper)
ANNEE : 201...
Je soussigné (e) : ___________________________________________________________________________________________________________
Fonction : ____________________________________________________________________________________________________________________
Organisme : _________________________________________________________________________________________________________________
Adresse : _____________________________________________________________________________________________________________________
Désire que les informations sur les activités de l’Association
me soient envoyées à l’adresse ci-dessus : OUI  NON 
Autres coordonnées : ______________________________________________________________________________________________________
Téléphone bureau : ____________________________________ Téléphone privé : ____________________________________________
Téléphone portable : _ _________________________________ E-mail : ________________________________________________________
J’autorise l’Association à diffuser ces renseignements auprès de l’INHESJ : OUI  NON 
J’ai suivi la ..................ème session Nationale des Auditeurs de l’INHESJ ou une autre session
(régionale ou IERSE) et déclare adhérer à :
l’Association Nationale des Auditeurs de l’I.N.H.E.S.J.
Je verse la somme de 60 €, montant de la cotisation annuelle par chèque à l’ordre de ANA-INHESJ.
Date : __________________________________________________________________________________ Signature
ASSOCIATION NATIONALE DES AUDITEURS DE L’INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES
DE LA SÉCURITÉ ET DE LA JUSTICE
École Militaire - 1 place Joffre - Case 39 - 75700 PARIS SP 07
Téléphone : 01 76 64 89 00 / Fax : 01 76 64 89 45 - http://www.inhesj.fr
- 35 -
Bulletin de liaison de l’Association Nationale des Auditeurs de l’INHESJ,
Ecole Militaire
Case 39
1 place Joffre
75700 PARIS SP 07
Directeur de la publication : Christian FREMAUX
Rédacteur en chef : Christian FREMAUX
Membres de la rédaction :
- Jean-Michel HALLEZ
- Jacques COLLIARD
- Francis ZAMPONI
Imprimé sur les presses de l’imprimerie
de la Direction Opérationnelle des Services Techniques et Logistiques de la Préfecture de Police
N° 40 - Janvier 2014