Joaquin Phoenix

M Le magazine du Monde no 129. Supplément au Monde no 21504 du samedi 8 mars 2014.
Ne peut être vendu séparément. Disponible en France métropolitaine, Belgique et Luxembourg.
o
8 mars 2014
acteur hanté
Joaquin Phoenix
14 octobre 2013, Paris
Clément Chabernaud photographié par Jamie Hawkesworth
Boutique en ligne : defursac.fr
ToileTPaPer pour M le magazine du Monde
Carte blanche à
Fondé en 2010 par l’artiste Maurizio Cattelan et le photographe Pierpaolo Ferrari, le magazine TOILETPAPER s’amuse
de l’overdose d’images et détourne les codes de la mode, du cinéma, de la publicité. Troublant et captivant.
8 mars 2014
-3
Edito.
Au
programme.
4-
Jean-Baptiste Talbourdet / M Le magazine du Monde
Parler du destin d’un acteur ou d’une actrice, c’est voir défiler
des images au grain usé et entendre la voix un peu désuète d’un présentateur qui
relate le cours d’une vie forcément tourmentée… C’est se projeter dans un vieux
numéro de « Etoiles et toiles » ou de « Destins », les émissions des années 1980 présentées par Frédéric Mitterrand. Quelque chose aux antipodes de cette ère où les stars sont
des people avant d’être des acteurs, avec tout ce que cela comporte de vide et de vulgarité. L’Américain Joaquin Phoenix, lui, est de ceux qui ont un destin. Acteur fétiche de
James Gray (The Yards, Two Lovers, The Immigrant), interprète de l’empereur Commode
dans Gladiator ou du chanteur Johnny Cash dans Walk the Line, il vit ici et maintenant.
Mais son incandescence et son existence accidentée l’inscrivent dans la lignée de ces
acteurs fragiles, maudits, immenses qui font l’histoire du cinéma. Une histoire que
le journaliste Samuel Blumenfeld connaît par cœur. Il sait aussi de quelle somme
d’obsessions et de névroses est nourri chaque rôle, chaque acteur. Chez ceux qu’il interviewe, il cherche toujours les ressorts intimes, les résonances, les correspondances
entre la vie et l’écran. Il fut, si on ose écrire, servi. L’entretien avec Joaquin Phoenix
pour M Le magazine du Monde fut retardé par la mort par overdose, début février,
de son ami Philip Seymour Hoffman, dix ans après celle de son frère River dans les
mêmes circonstances. Enfant, Joaquin a vécu dans une secte avec sa famille, entouré
de frères et sœurs aux prénoms aussi évocateurs que River, Rain, Liberty et Summer.
Entre 6 et 16 ans, il a voulu qu’on l’appelle Leaf, feuille… Quelque chose de fragile
qui ne se déchire, pourtant, que par une intervention extérieure.
Ce numéro consacre aussi un portrait à l’incroyable Omotola, star de Nollywood,
la Mecque du cinéma africain. Femme d’affaires avisée, actrice sexy, activiste charismatique, elle a le verbe haut, les courbes opulentes et un parcours qui ferait un bon scénario de mélo. Obligée de gagner sa vie très tôt, elle roule aujourd’hui dans une voiture
dont la plaque d’immatriculation porte son surnom, «Omosexy». Prochaine étape:
conquérir Hollywood. Et écrire un nouveau chapitre de son destin…
Marie-Pierre Lannelongue
8 mars 2014
8 mars 2014
25
46
Le buzz du net.
On n’est jamais si bien selfie…
j’y étais… entre les pommes,
les poires et les scoubidous.
p. 26
La photo.
Eclats d’Ukraine.
p. 28
Les questions subsidiaires.
p. 30
juste un mot.
Par Didier Pourquery.
LA SEMAINE
p. 15
L’ambition d’un Lieutenant.
Jérôme Lavrilleux, fidèle bras
droit de Jean-François Copé
et pièce maîtresse de l’UMP,
sortirait volontiers de l’ombre.
p. 18
iL faLLait oser.
Et 1, et 2, et 3 belles bourdes.
p. 20
qui est vraiment…
Patrick Drahi ?
p. 22
municipaLes.
La Garde républicaine vote à l’extrême.
LE MAGAZINE
p. 31
Les démons de phoenix.
A 40 ans, Joaquin Phoenix ne
supporte toujours pas de se voir à
l’écran. Pourtant auréolé de succès,
l’acteur américain n’aime pas son jeu,
flou, imprécis. Alors Phoenix travaille,
cherche à maîtriser sa peur de
l’imperfection. Et n’exclut pas
d’arrêter de faire l’acteur.
iLs font ça comme ça !
La sérigraphie de
couverture a été
réaLisée par Kate gibb
d’après une photo ­
graphie starcase .
6
p. 23
Chine Le prince rouge,
atout de “House of Cards”.
p. 24
Royaume-uni Zincs zéro degré.
p. 25
marc beaugé rhabiLLe…
BHL.
Retrouvez “M Le magazine du Monde”
tous les vendredis dans “C à vous”,
présenté par Anne-Sophie Lapix.
Une émission diffusée du lundi
au vendredi en direct à 19 heures.
Ellen DeGeneres/AP. Corentin Fohlen/Divergence pour M Le magazine du Monde
p. 14
Jeff Brown pour M Le magazine du Monde. Maia Flore/Agence Vu pour M Le magazine du Monde
42
8 mars 2014
p. 38
Le coupabLe idéaL.
Mis en examen dans l’affaire
du meurtre de Chevaline, Eric
Devouassoux a été innocenté. Mais il
garde la blessure laissée par sa garde
à vue : une vie brisée par le harcèlement médiatique et la calomnie.
p. 42
vendeur de pLumes.
Il est l’agent des plus grands
écrivains, de Philip Roth à Salman
Rushdie, en passant par Borges.
Andrew Wylie, 66 ans, s’impose
auprès des maisons d’édition
américaines pour négocier à prix
fort les à-valoir de ses clients.
Son surnom : « le Chacal ».
p. 46
omotoLa, pétroLeuse
du nigeria.
On la surnomme l’Angelina Jolie
africaine : comme l’Américaine,
c’est une actrice adulée, au glamour
revendiqué, qui met sa notoriété au
service de causes auxquelles elle croit.
p. 50
La banLieue, terre du miLieu.
En 2008, ils y ont cru. Des citoyens
rassemblés sur des listes autonomes
avaient mis en difficulté certaines
mairies de gauche de banlieue parisienne. Six ans plus tard, pour les
élections municipales, ces mêmes
listes s’allient à l’UDI pour tenter
de faire bouger les lignes.
54
le portfolio
p. 54
génération no(s) futur(s)
A partir d’un questionnaire
sociologique, auquel ont répondu
210 000 jeunes pour définir la « Génération quoi ? », la jeune photographe
Maia Flore a créé des clichés poétiques, élaborés comme des tableaux.
-7
80, bd Auguste-Blanqui,
75707 Paris Cedex 13
Tél. : 01-57-28-20-00/25-61
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70
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de la publication : Louis Dreyfus
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M Le MAGAziNe Du MoNDe
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Guillemette Faure, JP Géné, JeanMichel Normand, Didier Pourquery
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Assistante : Françoise Dutech
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(adjointe editing), Anne Hazard
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(adjoint editing), Béatrice Boisserie,
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avec Valérie Lépine-Henarejos, Agnès
Rastouil et elodie Ratsimbazafy
Correction : Michèle Barillot,
Ninon Rosell et Claire Labati,
avec Agnès Asselinne et Claire Diot
Photogravure : Fadi Fayed,
Philippe Laure
Le styLe
p. 63
La techno se porte bien.
Grâce à des composants miniaturisés,
vêtements, bijoux ou lunettes
transmettent des informations aux
smartphones. Ou comment allier
l’utile au style.
p. 65
Le goût des autres.
Le nude perd pied.
p. 66
L’icône. Mister Bean, sot british.
p. 67
Fétiche. Casque d’or.
p. 68
Variations. Retour de flamme.
p. 69
La paLette. Pigments layette.
p. 70
un peu de tenues…
Le pictural.
p. 74
3 questions à
Sarah Frioux-Salgas.
p. 75
ceci n’est pas…
Une paire de lunettes.
p. 76
être et à Voir.
Par Vahram Muratyan.
p. 77
en Vitrine…
Nendo et BoConcept en Fusion.
p. 78
d’où ça sort ?
Les égéries quinqua.
p. 79
Ma Vie en iMages.
Noé Duchaufour Lawrance.
p. 80
gastronoMie.
Café, thé et plus si affinités.
p. 82
La chronique de JP Géné
p. 83
Le resto.
p. 84
Le Voyage.
Le Grenade de Gérard Cortanze.
M sur iPAD
ET sur lE
WEB.
“M Le magazine du Monde”
se décline sur tous les supports.
L’application pour iPad vous
propose une expérience de
lecture et de visionnage
nouvelle. “M” vous est ainsi
accessible à tout moment et
dans toutes les situations. Sur
le site (lemonde.fr/m), vous
retrouverez aussi une approche
différente de l’actualité et les
dernières tendances dans un
espace qui fera toute sa place
aux images.
Les dix choix de La rédaction
Cinéma, BD, danse, théâtre, musique…
p. 96
Les jeux
p. 98
Le toteM
Le lézard de Michel Vuillermoz.
8-
DiFFuSioN eT PRoMoTioN
Directeur délégué marketing
et commercial : Michel Sfeir
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La cuLture
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par la Société éditrice du Monde
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Dépôt légal à parution. iSSN 03952037 Commission paritaire
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86
Dans ce numéro, un encart « Relance
abonnement » sur l’ensemble de la
vente au numéro ; un encart
« L’eco-Play Bac » destiné
aux abonnés France
métropolitaine ; un encart
« Hermès » broché entre
les pp. 50 et 51.
8 mars 2014
Christophe Rihet pour M Le magazine du Monde. Elena Chernyshova
8 mars 2014
Contributeurs.
Samuel Blumenfeld est
journaliste à M Le magazine
du Monde, spécialisé dans
le cinéma. Il dresse cette
semaine le portrait de l’acteur
américain Joaquin Phoenix,
éternel insatisfait (p. 31). Un
entretien qui dut être décalé,
« car Joaquin Phoenix a
littéralement perdu sa voix en
apprenant la mort de Philip
Seymour Hoffman le 2 février.
Il lui fallut plus de quinze jours
pour pouvoir parler à nouveau.
Il m’accorda alors plus de
temps que n’importe quel
acteur de son rang ».
Kate GiBB, illustratrice
britannique, a réalisé des sérigraphies à partir de photos de
Joaquin Phoenix et de ceux
qui ont compté pour lui (p.31).
Passée par l’école d’art
Saint Martins de Londres,
elle réalise des couvertures
d’albums de musique, travaille
avec de nombreuses marques
(Levis, Adidas, etc.) et
plusieurs magazines.
arthur frayer, 31 ans,
est journaliste indépendant.
Ses sujets de prédilection : les
banlieues et la prison – il est
l’auteur de Dans la peau d’un
maton (Fayard, 2011). Il s’est
intéressé cette semaine aux
listes de citoyens qui pourraient réaliser de jolis scores
aux municipales dans les banlieues (p. 51). « Il faudrait que
les politiques comprennent
la méfiance qu’ils suscitent
aujourd’hui. Ces listes renouvellent le débat d’idées et
bousculent la gauche dans
des territoires censés lui
être acquis. »
10
joSyane SaviGneau est
journaliste au Monde depuis
1977. Elle a été notamment
responsable du Mensuel du
Monde jusqu’en 2013. Elle
signe le portrait d’Andrew
Wylie, agent littéraire incontournable aux Etats-Unis
(p. 42). « Quand on s’intéresse
à Philip Roth et qu’on a souhaité le rencontrer à maintes
reprises, on a forcément été
en contact avec Andrew
Wylie, son agent depuis 1989.
Il n’en fallait pas plus pour
avoir envie de comprendre qui
se cache derrière le surnom
que lui a valu son agressivité
en affaires, “le Chacal”, et
comment cet Américain
s’est constitué le plus beau
catalogue de la profession.»
Le photographe jeff
Brown est originaire
d’Antelope, en Californie, et
vit à New York depuis 2004.
Après avoir suivi des études à
la Parsons School of Design,
conduit des camions pour
une entreprise de BTP et
travaillé comme garçon de
café, il collabore au New York
Times Magazine, à Fast Company et à Wired Magazine. Il a
réalisé les portraits en noir et
blanc, d’Andrew Wylie, businessman des lettres (p. 42).
DR. Thingsandpeople.com. Arthur Frayer. Nathalie Mohadjer. DR. Jeff Brown
Ils ont participé
à ce numéro.
nathalie mohadjer,
originaire d’Allemagne,
est photographe. Elle a
suivi les candidats des listes
citoyennes d’Ile-de-France
qui ont choisi l’alliance
avec les centristes (p.51).
Diplômée du Bauhaus, elle
a posé ses valises à Paris il y
a sept ans. Puis a beaucoup
voyagé, notamment en
Europe de l’Est, pour ses
projets. Elle poursuit un
travail documentaire poétique dont on peut voir
un exemple dans l’ouvrage
récemment paru Zwei Bier
für Haiti (Kehrer).
Le courrier.
Les M de
la semaine.
Sophie et Richard Jacobs
«Jeu de jambes dans
les remparts d’El Jadida,
au Maroc.» Sophie et Richard Jacobs
8 mars 2014
- 11
Le courrier.
« Fin février, à Saint-Pétersbourg.
Des lettres “néonisées” accrochées
à un mur illuminent une petite rue.
Un strip bar, ou un bar à hôtesses ?
Je m’approche. Non, un théâtre. »
Thomas Erber
Les M de
la semaine.
Pour nous écrire ou envoyer vos photographies de M (sans oublier
de télécharger l’autorisation de publication sur www.lemonde.fr/m) :
M Le magazine du Monde, courrier des lecteurs, 80, bd Auguste-Blanqui,
75707 Paris Cedex 13, ou par mail : [email protected]
12 -
8 mars 2014
Nicolas Dubreuil. Thomas Erber
«Un matin pluvieux, à Paris,
un M se reflète à l’entrée
du métro Vavin.» Nicolas Dubreuil
J’y étais…
entre les pommes,
les poires et
les scoubidous.
Par Guillemette Faure
Holt z à l a g u it a re , ou le
ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, en train de chanter Les ChampsElysées de Joe Dassin. Au Salon de l’agriculture,
after hours, seules les vaches semblent avoir gardé
leur quant-à-soi. Après la fermeture, ça sent l’alcool dès les couloirs de la station Porte-de-Versailles. Le grand public est parti. On sort les
bouteilles sur quelques stands. Mais que fait
M. Spanghero au petit cocktail du stand de McDonald’s ? Visite de courtoisie, son fils est éleveur.
Le représentant du syndicat du sucre tient sur une
petite fiche la liste de tous les ministres et élus
qu’il a croisés : « Pendant des années, la gauche ne venait plus parce qu’elle n’était plus au pouvoir. Maintenant elle revient, mais la droite continue à répondre
présent. » Le clou de la soirée, c’est le ring bovin.
La piste qui servait de podium au défilé des taureaux du concours général dans la journée a été
nettoyée. De très, très longues tables y ont été installées, en hommage à la vie à la campagne, ou plus
exactement en hommage à la vie à la campagne
telle qu’on se l’imagine à Paris. La table partagée
rappelle les circuits courts, les endroits où on
cueille ses fraises, les ateliers épluchage des haricots avec le seau en zinc au milieu pour mettre les
déchets – à l’époque où les haricots avaient des fils
–, les tabliers dont on rassemble les coins pour y
mettre les pommes qu’on a ramassées sous l’arbre
– parce que jadis les pommiers étaient de vrais
arbres, qui ne faisaient pas 80 cm de haut. Bref,
une ambiance entre la fête des voisins, Le Pain
quotidien et Amélie Poulain.
Sur la table des officiels, la nappe est rouge à
carreaux blancs. Xavier Beulin, le président de la
FNSEA, et Stéphane Le Foll lèvent leur verre
pour la photo. Valérie Fourneyron, Guillaume Garot, Pascal Canfin. Les ministres qui se sont déplacés sont ceux que l’on ne reconnaît pas à la télévision. Soudain, à la table derrière nous, un monsieur
un peu plus âgé qui n’est plus habitué à s’asseoir
sur des bancs sans dossier tombe d’un coup, paf, le
14
dos dans la poussière. Chacun fait semblant de
croire que le banc n’était pas stable pendant qu’il
époussette sa veste.
La grande tablée, c’est l’open space de la bouffe.
Tout autour du ring, on fait cuire la viande. Ou plutôt des viandes, celles des filières qui ont accepté de
se retrouver sous la bannière « Viandes de France ».
« C’est un petit animal plus facile à manipuler », explique l’éleveuse de lapins dans le micro de Gérard
Holtz, pour justifier que 40 % des élevages soient
tenus par des femmes. Les odeurs de viande grillée
arrivent au ras du mufle des
vaches dans les box voisins.
à côté, un homme en tablier
blanc fait griller des mor-
danse. L’orchestre joue Des pommes, des poires, des
scoubidous et seuls les exploitants de scoubidous ne
sont pas représentés par leur fédération. Le ministre
attaque un rock avec une fonctionnaire du ministère quand, difficile de dire la faute à qui, voilà l’employée par terre, jambes par-dessus tête, dans la
poussière du ring. Un exposant en charolaises
guette le ministre pour lui dire ce qu’il pense de la
taxe sur l’irrigation en Vendée. Mais le ministre
danse. « Vous savez, me dit-il, ils ne sont pas tous ici les
représentants de la France agricole.»
C’est quand l’orchestre attaque
« Les raiBoney M que Stéphane Le Foll rejoint les
sons affectives, j’accepte, dit-il
à propos de ceux que cela employés du ministère sur le mini dance
gênerait d’en déguster. Mais
floor improvisé. Depuis que le ministre
bon, un agneau, c’est mignon
aussi. » A Bordeaux, ses fume, tout le monde fume. Depuis que le
ventes de cheval ont augministre danse, tout le monde danse.
menté de 17 % l’an dernier.
Parmi les nouveaux clients,
« ceux qui se disent que s’ils en
ont mangé dans les lasagnes, ils pourraient aussi en manger directement histoire de savoir quel goût ça a. »
Pendant qu’on bavarde, Cyril Lacroix, président
des éleveurs de chevaux des Vosges, à la cravate
décorée d’une énorme tête de cheval, met le cap,
l’assiette pleine, sur la table des officiels. Ce jeune
homme jovial leur en fera manger, comptez sur lui.
Invitée modèle, Natacha Polony trouve normal de
s’en servir un morceau après le fromage. Cyril
Lacroix rayonne. Cap sur Stéphane Le Foll.
Quelques minutes plus tard, c’est lui qui porte la
cravate à tête de cheval, à côté du badge Lapin de
France. « Il est beau gars », dit une femme. « Il doit
avoir 48 ou 52 ans. »
C’est quand l’orchestre attaque du Boney M que
Stéphane Le Foll rejoint les employés du ministère
sur le mini-dance floor improvisé sur la piste en
sciure. Depuis que le ministre fume, tout le monde
fume. Depuis que le ministre danse, tout le monde
ceaux de cheval.
Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde
J
e ne sais pas quel est le spectacle le plus étonnant. Gérard
La Semaine
/ Il fallait oser / Face à face / Le roman-photo /
Le buzz du Net / Ils font ça comme ça ! /
/ Les questions subsidiaires / J’y étais /
L’ambition
d’un lieutenant.
Albert Facelly/French-politics.com
Depuis dix ans, il a su se rendre indispensable
à Jean-François Copé comme à Nicolas
Sarkozy. Face aux accusations qui pèsent
aujourd’hui sur le député-maire de Meaux,
Jérôme Lavrilleux est, plus que jamais, en
première ligne. Portrait d’un homme discret,
qui aspire désormais à sa part de lumière.
Par Vanessa Schneider
Le 3 mars 2014,
Jérôme
Lavrilleux
escorte JeanFrançois Copé
lors de la conférence de presse
donnée pour
répondre aux
accusations de
surfacturation
portées par
l’hebdomadaire
Le Point.
8 mars 2014
- 15
La semaine.
En 2012, Jérôme
Lavrilleux a joué
un rôle clé dans
la campagne de
Nicolas Sarkozy.
Il a su rester
proche de
l’ancien chef
de l’Etat. Ici avec
Nadine Morano
et Brice Hortefeux, membres
de l’association
Les Amis de
Nicolas Sarkozy,
le 29 janvier
2014.
S’il assume pour l’instant son rôle de bras droit de Jean-François
Copé, Jérôme Lavrilleux sera tête de liste aux européennes en juin
face à Marine Le Pen, dans la criconscription nord-ouest.
Le destin de Jérôme LavriLLeux prend un nouveau tour en 2011.
queLques pas, sur Le côté, mais
Jamais bien Loin. Comme à
chaque moment important,
Jérôme Lavrilleux, le directeur de cabinet de JeanFrançois Copé, promène ce
lundi 3 mars sa grande taille,
sa mise impeccable et son
regard acéré dans la salle de presse de l’UMP bondée pour
l’occasion. Ce jour-là, son patron passe solennellement
à la contre-attaque après les accusations du Point sur sa
gestion aventureuse des finances du parti. Cette conférence de presse, le bras droit du président de l’UMP l’a préparée dans le moindre détail, pesant chaque mot, étudiant
chaque argumentaire, calibrant chaque phrase. Une
semaine qu’il ne quitte plus Copé pour une guerre qui est
aussi la sienne. Car cette histoire de surfacturation supposée à une entreprise dirigée par des proches le concerne
de très près. C’est lui qui a organisé tous les meetings de
campagne de Nicolas Sarkozy, ces fameuses réunions
publiques aujourd’hui dans le viseur parce que jugées trop
coûteuses. A la fin de l’allocution du maire de Meaux, il
rejoint, sourire en coin, les journalistes pour faire le service
après-vente et se vante déjà d’un succès de la prestation
du député de Seine-et-Marne.
Jérôme Lavrilleux, 44 ans, travaille depuis dix ans avec
Jean-François Copé. Originaire de Saint-Quentin dans
l’Aisne, issu d’un milieu modeste – son père était garagiste –, il a coutume de se présenter comme un « p’tit gars »
dans ce monde de la politique où les énarques et les diplômés des grandes écoles tiennent le haut du pavé. Titulaire
d’un simple BTS de commerce international, il est pourtant
un pur produit de la politique, le prototype de l’apparatchik
biberonné à la vie de parti. Jeune militant RPR, il fait ses
premiers pas auprès du sénateur Pierre André, à l’époque
maire de Saint-Quentin, et se lie alors à Xavier Bertrand,
16 -
Copé a décidé de se mettre au service de Nicolas Sarkozy,
candidat à sa réélection. Son directeur de cabinet devient
la cheville ouvrière de la campagne de 2012, organise
les meetings, compose les salles, orchestre la claque. Loin
de se cantonner à un rôle technique, il pénètre le premier
cercle des conseillers du président aux côtés de Pierre
Giacometti, de Franck Louvrier ou de Patrick Buisson dont
il a l’oreille. Nicolas Sarkozy apprécie son efficacité et
sa discrétion. Après la défaite, il lui remettra en personne
les insignes de l’ordre national du Mérite. Une consécration.
Mais la bataille continue, cette fois, elle oppose JeanFrançois Copé à François Fillon pour la présidence de
l’UMP. Le grand public découvre alors Jérôme Lavrilleux
lors d’une séquence télévisée surréaliste où il accuse le
camp Fillon de bourrage d’urnes et de tricherie. Pour ce
dernier, il devient l’homme à abattre. Craint, il est accusé
d’être l’exécuteur des basses œuvres, un « tueur à sang
froid », voire le « mauvais génie » de Jean-François Copé.
Il n’en a cure. Car Jérôme Lavrilleux ne se contente plus
d’être l’homme de l’ombre. Il veut sa propre carrière. En
2002, il s’est fait élire conseiller général de l’Aisne. En juin
prochain, il sera tête de liste aux européennes dans la circonscription du nord-ouest face à Marine Le Pen. Les fillonistes auront pourtant tout tenté pour lui barrer la route,
Bernard Accoyer, député de Haute-Savoie, menaçant
même de quitter le parti avec 50 députés s’il était investi.
L’armistice entre François Fillon et Jean-François Copé lui
a permis de passer outre les oukases. Aujourd’hui, Jérôme
Lavrilleux occupe donc une position incontournable dans la
galaxie UMP. Il a gardé sa ligne directe avec Nicolas Sarkozy
qu’il a régulièrement au téléphone et sert de lien entre lui et
Jean-François Copé. De là à penser qu’il trahira son patron
pour se mettre au service de l’ancien chef de l’Etat s’il se
décidait à revenir en 2017, il n’y a qu’un pas que ses adversaires franchissent allègrement.
8 mars 2014
Christophe Morin/IP3. Witt/Sipa
A
jusqu’à être son témoin de mariage. Les deux hommes se
déchirent ensuite, au point de ne plus s’adresser la parole,
une rupture dont ni l’un ni l’autre ne veulent parler
aujourd’hui. Il se rapproche ensuite de Jean-François Copé,
à la mairie de Meaux, dont il devient peu à peu l’homme
à tout faire, le fidèle lieutenant, l’organisateur, le facilitateur,
le conseiller politique. Son efficacité, sa force de travail
(il aime à répéter qu’il travaille seize heures par jour),
son intelligence politique et sa fine connaissance des élus
et de la carte électorale en font une pièce maîtresse de
celui qui aspire à être candidat à la présidentielle.
L E VOYAG E I N D I V I D U E L P E R S O N N A L I S É
À Naoshima,
une amoureuse des
perspectives visite l’ile
avec une architecte
Licence IM075100084 / © R.GUILLOU
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La semaine.
Il fallait oser
“L’UMP est déterminée à mettre Et 1, et 2,
et 3 belles
à disposition l’intégralité de
bourdes.
sa comptabilité, l’intégralité
Le décodeur
Jean-François Copé, déclaration à la presse, le 3 mars
Mis en cause par l’hebdomadaire Le Point pour ses liens étroits
avec plusieurs dirigeants, actuels et
passés, de la société de communication
Bygmalion, soupçonnée d’avoir surfacturé l’organisation de meetings, JeanFrançois copé veut rendre les coups.
d’où la convocation de la presse pour
une conférence « solennelle », au cours
de laquelle le patron de l’uMP a promis
de faire toute la transparence sur les
dépenses du parti… à certaines conditions. Notamment l’adoption d’une loi
obligeant tous les partis à faire de
même, ainsi que certains journalistes.
une proposition étonnante, venant
d’un élu qui n’a jamais été à la pointe en
matière de transparence. en attendant,
M. copé promet de garder les fameux
documents « sous scellés ».
La vérification. Ambitieuse promesse que
celle de M. copé, sur le papier du moins.
car, en réalité, la transparence promise
par l’uMP est en très grande partie déjà
en place. chaque parti a en effet l’obligation, pour bénéficier de subventions
publiques, de faire valider ses recettes
et dépenses par un commissaire aux
comptes, qui peut les refuser ou émettre
des réserves. depuis 1990, la commission nationale des comptes de camL’affirmation.
18 -
pagne et des financements
politiques (cNccFP) centralise
et publie, chaque année, les
comptes des partis, qui paraissent également au Journal officiel. Les pièces comptables des
partis eux-mêmes ne sont pas
consultables en temps normal.
Leur publication poserait sans
doute des questions juridiques
en l’absence d’une loi. Néanmoins, M. copé oublie un détail :
l’enquête du Point s’intéresse
essentiellement aux factures
émises durant la campagne présidentielle de 2012. or, s’agissant des
comptes de campagne, la cNccFP, qui
les valide, dispose bien de l’intégralité
des pièces, qui sont consultables sur
simple demande. ce que Le Monde
a d’ailleurs pu faire pour constater
le coût des meetings de Nicolas Sarkozy.
La concLusion. Les propositions révolutionnaires de M. copé sont donc en
grande partie déjà en place. Mais on
peut s’interroger : si M. copé est épris
de transparence, pourquoi ne fournit-il
pas directement aux journalistes
les factures correspondant à Bygmalion,
ou même une simple évaluation de
la part de cette société dans les soustraitants de l’uMP, plutôt que d’en
renvoyer la publication à une éventuelle
loi imposant aux autres partis de faire
de même ? Sans doute parce que le fond
du dossier n’est pas dans les factures,
mais dans les relations de proximité
soutenue entre M. copé et certains
cadres de Bygmalion, et dans les potentiels conflits d’intérêts qui en résultent.
Samuel Laurent et Jonathan Parienté
Retrouvez les auteurs du « Décodeur » sur
decodeurs.blog.lemonde.fr, un blog réalisé par
le service politique du Monde, avec la collaboration
des internautes, et à partir du lundi 10 mars,
sur www.lemonde.fr/lesdecodeurs
En matière de communication, on
pourrait parler de but contre son
camp, voire de « but casquette »,
c’est-à-dire assez ridicule. La semaine
dernière, adidas a dû retirer de la
vente deux tee-shirts d’un parfait bon
goût, conçus dans la perspective
de la coupe du monde qui se tiendra
au Brésil du 12 juin au 13 juillet. sur
le premier, le cœur qui accompagne le
slogan « I love Brazil » suggérait les
fesses inversées d’une femme en string.
sur l’autre, une « girl from Ipanema » en
maillot de bain tenant un ballon était
accompagnée de la formule « Looking
to score », qui signifie « cherche
à marquer » mais aussi « cherche à
conclure ». Pour sa défense, la marque
a risqué un troisième trait d’humour,
celui-là involontaire : il s’agissait d’une
série limitée destinée aux Etats-unis,
ça n’était donc pas grave, a-t-elle
expliqué. cette promotion du mondial
2014 associant subtilité et nonconformisme a provoqué des réactions
peu amènes, de Porto alegre à rio,
où l’on a carrément accusé adidas
de « lier le Brésil au tourisme sexuel ».
même la présidente Dilma rousseff y
est allée de son tweet. L’équipementier
allemand n’avait visiblement pas saisi
que son imagerie basse de plafond
constitue – pour reprendre une expression très en vue dans le foot – un évident manque de respect à l’égard
d’un pays qui ne veut plus être réduit
à un imaginaire à deux balles. Et qui
entretient avec les organisateurs du
mondial des rapports, disons, complexes… on se demande maintenant
ce que la firme aux trois bandes prépare pour l’Euro 2016, qui se déroulera
en france. une allusion salace à notre
réputation de chauds lapins, une blagounette sur notre fainéantise légendaire ? car la capacité du business
sportif à magnifier les clichés nationaux les plus éculés est inépuisable.
En hommage au baron de coubertin,
qui, en son temps, paya lui aussi son
écot aux préjugés sexistes, on dira que
l’important, dans le sport, c’est aussi
de ne pas raconter n’importe quoi.
8 mars 2014
Cecilia Garroni Parisi pour M Le magazine du Monde. Stephane Mahe/Reuters
des pièces comptables, des
factures et autres justificatifs.”
Par Jean-Michel Normand
La semaine.
Qui est vraiment
Patrick Drahi ?
Le patron de Numericable est sur les rangs
pour racheter SFR. Discrètement, l’homme
a bâti un groupe international qui bouscule
Orange, Bouygues et Free.
L’ingénieur brillant
Bête à concours,
il est reçu à l’Ecole
polytechnique,
à Centrale et aux
Mines. Il choisit l’X,
promotion 1983, puis
rentre au... marketing
chez Philips avant de
tenter l’aventure
du câble dans
les années 1980.
A 51 ans, ce multimillionnaire vit entre
Tel-Aviv, Genève
et Paris.
Le risque-tout
des affaires
Sous la bannière
d’Altice, sa holding
luxembourgeoise,
il rachète des
réseaux câblés ou
des opérateurs de
téléphonie au Kenya,
au Portugal, au
Benelux. Il vient de
dépenser 1,1 milliard
d’euros pour acquérir la filiale d’Orange
en République dominicaine.
20 -
Le patron-star
en Israël
En mettant la main
sur l’opérateur Hot
en 2009, il devient
une star des affaires
en Israël. Deux tiers
des habitants du
pays sont ses clients
depuis que Hot, à
l’origine détenteur
d’une licence mobile,
est devenu aussi
producteur de
contenus avec
25 chaînes de télévision.
Le trublion
de la téléphonie
Il veut désormais
racheter l’opérateur
SFR, numéro 2
français, au groupe
Vivendi et influer
sur la concentration
du secteur des
télécoms en France.
Pas si simple... Free,
Bouygues et Orange
sont désormais sur
les rangs tandis que
l’Etat, attentif aux
éventuelles destructions d’emplois, a
encore du mal à se
faire une opinion sur
ce nouvel entrant.
Laurent Telo
Aude de Cazenove/REA
L’inconnu du câble
« Je préfère avancer
et grandir dans
l’ombre. » En rachetant la quasi-totalité
des câblo-opérateurs français, dont
Noos, pour fonder
Numericable, Patrick
Drahi a constitué un
empire. Son introduction en Bourse,
le 8 novembre 2013,
a donné lieu à une
levée de fonds de
700 millions d’euros,
l’une des plus importantes de ces dernières années.
8 mars 2014
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© 2014 Office of the Governor, Economic Development and Tourism.
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la semaine.
trois quarts d’origine étrangère et je
ne les vois pas voter FN, estime
Baptiste, un jeune cadre croisé
devant le bureau de tabac. Ce serait
jouer contre leur camp. A mon avis,
ça vient plutôt d’en face. »
« en face » s’élèvent les six tours de
A
Municipales
La Garde
républicaine
vote à l’extrême.
Alors que le score du FN dans
la capitale reste bas, le bureau n 46
du 13e arrondissement fait exception.
Explication : c’est là que votent les
militaires de la Garde républicaine, qui
vivent dans la caserne toute proche.
u 84 boulevard Kellermann, dans le
l’école maternelle que toisent les projecteurs du stade
charléty héberge le bureau de vote
no 46. le 22 avril 2012, celui-ci s’est distingué en devenant le burau le plus favorable à Marine le
pen de toute la capitale. plus de 18 % des voix, quand les
parisiens dans leur ensemble n’apportaient en moyenne
que 6,2 % de leurs suffrages à la candidate du Front national. loin des quartiers populaires du nord-est parisien où le
chômage culmine plusieurs points au-dessus de la
moyenne nationale, ce bureau de vote compte environ
1 700 inscrits domiciliés de part et d’autre du large boulevard Kellermann. un quartier sans histoires, en lisière du
périphérique. « Il y a des points chauds dans le 13e, mais
ils sont tous situés à deux kilomètres au minimum. Même
la “cité rouge” du boulevard ne fait jamais parler d’elle »,
confie un fonctionnaire de police. la « cité rouge » est
un ensemble de résidences en briques rouges de six étages
largement composées de logements sociaux, peuplées
d’une clientèle métissée parmi laquelle une population
d’origine asiatique ou nord-africaine. « Mes voisins sont aux
22 -
13e arrondissement de Paris,
Vincent Nguyen/Riva Press
Marie-Amélie Dutheil
de La Rochère,
tête de liste FN dans
le 13e arrondissement
parisien, avec Wallerand de Saint-Just (à
sa gauche), le candidat
FN à la Mairie de Paris.
la Plus grande caserne Parisienne de
la Garde républicaine où vivent plus
d’un millier de personnes, dont plus
d’une moitié d’électeurs potentiels.
« Cette caserne, c’est un peu Fort
Knox, témoigne Jérôme coumet,
le maire (ps) sortant du 13e. Le
commandant m’invite parfois
à une sorte d’assemblée générale
de locataires mais, autrement, ils
ne reçoivent pas l’information municipale. » les campagnes électorales
s’arrêtent aux portes de la caserne
dont les occupants sont tous
soumis au devoir de réserve.
« De toute façon, ce serait improo
ductif d’aller distribuer des tracts
là-bas, explique Didier Béoutis,
élu (uMp) au conseil de quartier.
Quand on voit arriver au bureau
n° 46 un jeune homme en jogging
suivi de sa femme et de ses enfants,
on se dit : “Tiens, ça, c’est un vote
de garde républicain” ». selon lui,
cette population de militaires
est « très attachée aux valeurs traditionnelles ».
De son côté, Marie-amélie Dutheil de la Rochère, 32 ans,
diplômée de l’ecole normale supérieure, éditrice,
candidate Fn dans le 13e pour sa première campagne
électorale, constate que son discours « a souvent bonne
réception chez les policiers et les militaires ». « Ce qui leur
plaît chez nous, c’est que nous dénonçons le laxisme de
la justice », poursuit la tête de liste du Fn, qui évoque
« une vraie peur du déclassement ». selon une étude du
cevipof, le centre de recherches politiques de sciences po,
publiée en janvier 2012, 37 % des militaires avaient l’intention de voter pour Marine le pen au premier tour de la présidentielle. soit autant que les enseignants pour François
Hollande. ainsi s’expliquerait donc le vote atypique du
bureau de vote no 46 du 13e arrondissement. Julien Marival
8 mars 2014
ils font ça
comme ça!
chine
sino-américain, parle mal le chinois. Dans la vraie vie, un
Chinois de son rang serait plus discret », juge Tingting,
une ancienne journaliste de 31 ans qui a vécu aux EtatsUnis et se passionne pour les séries américaines à contenu
politique. Attribuer un rôle central à un tel personnage
dans la deuxième saison de « House of Cards » était
« inattendu », a reconnu lors de la conférence de presse
de lancement de la série en Chine le patron du géant
Internet Sohu, Charles Zhang.
Le moins que l’on puisse dire est que le
public a adhéré. La première saison fut suivie
par 25 millions de personnes, à la plus
grande satisfaction des Américains, dont les
séries n’ont longtemps été disponibles en
Chine que sous forme de DVD pirates.
M. Zhang a également assuré qu’aucun des
nouveaux épisodes n’avait été vu à l’avance
par les régulateurs chinois, et que ceux-ci
n’avaient pas « réagi » depuis leur mise en
ligne. C’est le privilège – peut-être temporaire – de ce nouveau mode de diffusion,
en streaming, moins surveillé que la télévision ou le cinéma. « House of Cards » a aussi
bénéficié d’une publicité inattendue : la série
est, dit-on, très appréciée du dirigeant Wang Qishan, en
charge de la lutte anti-corruption au sein du comité permanent du parti (le collectif suprême). Or celle-ci a pris
une telle ampleur qu’elle est en train d’ébranler les fondations morales somme toute fragiles de l’Etat-parti.
Peut-être Wang Qishan et ses collègues ont-ils finalement renoncé volontairement à toute censure : « House
of Cards » et sa caricature de la démocratie américaine
ne vont-elles pas dans le sens de la propagande
chinoise ? Elles véhiculent également l’idée que la corruption n’a pas de frontières. Brice Pedroletti
Le prince rouge, atout
de “House of Cards”.
L
qui raconte
l’irrésistible ascension du congressman Frank
Underwood, interprété par Kevin Spacey, prêt
à tout pour assouvir ses ambitions derrière
une respectabilité de façade, fascine les
Chinois. Et ce avant même que la saison 2 (diffusée en
Chine dès le 14 février en streaming sur le portail Sohu, en
même temps que sa sortie par Netflix aux Etats-Unis) ne
fasse entrer en scène un personnage chinois, Xander
Feng. Avec son CV de prince rouge – son grand-père était
un compagnon d’armes de Mao –, le flamboyant milliardaire à la vie sexuelle peu conventionnelle a ses entrées au
comité permanent du parti et semble agir par calcul personnel autant que par instinct nationaliste. Amateur de
whiskies rares à 40 000 dollars la bouteille, Mister Feng
est rompu aux turpitudes de la vie politique chinoise.
« Tous ceux qui en Chine se trouvent à ce niveau paient
ce qu’il faut, à qui il faut », entend-on dans l’un des premiers épisodes. Car c’est toute la relation sino-américaine
qui s’est invitée dans les coulisses du Capitole pour la
saison 2. Les cyberattaques, la faiblesse du yuan face au
dollar, les bons du Trésor américain que la Chine détient
en abondance sont autant d’occasions pour Frank
Underwood d’accroître son influence sur le locataire
de la Maison Blanche et ses chances de lui succéder.
en république populaire, certains s’étonnent que la série
ne soit pas censurée. D’autres se sont amusés à voir dans
Xander Feng l’un de ces « fils de » dont les frasques font
jaser. Pour les plus avisés des spectateurs chinois, les
scénaristes de la saison 2 ont poussé un peu loin la
caricature. « Ils ont rassemblé tous les éléments entendus
sur les nouveaux riches chinois pour les refondre en un
seul personnage : cela fait cliché, en plus l’acteur est
a série américaine « House of cards »,
Nathaniel E. Bell for Netflix
La série, qui dresse un tableau peu flatteur de la vie
politique américaine, passionne les chinois. L’intrigue
de la saison 2, qui met en scène un milliardaire chinois
corrompu, ne devrait pas infléchir le phénomène.
Xander Feng (Terry
Chen) et Frank Under­
wood (Kevin Spacey)
dans la saison 2 de
« House of Cards ».
23
la semaine.
ils font ça
comme ça!
Au Redemption, ouvert
il y a six mois
à Londres,
on boit des
« mocktails »
sans alcool.
ressemble à s’y méprendre à un café. Comment nommer
autrement un endroit qui sert à manger et à boire, et qui
propose d’excellents brownies, le tout dans une agréable
musique d’ambiance ? La seule différence est sans doute
que l’endroit ferme à 22 heures, donc relativement tard
(pour un café), que les lumières sont tamisées, et qu’une
boule disco est suspendue au plafond. « Il s’agit simplement de casser l’idée qu’il faut boire pour passer une
bonne soirée, se défend Richard Harris. On n’a rien contre
l’alcool mais, avec ce bar, on offre une alternative. »
Simple café ou vrai bar sans alcool, qu’un tel concept
puisse exister en dit long sur le changement de culture qui
est en train de s’opérer au Royaume-Uni. D’autres bars sans
alcool ont d’ailleurs ouvert à Liverpool et à Nottingham,
et deux vont ouvrir à Brighton et Newcastle, villes réputées
pour leur vie nocturne agitée. Car l’image glamour de
l’alcool est très progressivement en train de s’évaporer.
« partout les soirs de week-end, les centres-villes se remplis-
s’indigne Richard Harris.
Notre relation à l’alcool n’est pas la même qu’en France :
on ne mange pas quand on boit, et on boit trop d’un coup. »
Si les statistiques montrent que les
Français boivent plus que les Britanniques, avec en moyenne 12 litres d’alcool par an et par personne, contre
10,2 litres outre-Manche (chiffres de
2010), la consommation hexagonale
est plus régulière et la cuite du
samedi soir moins systématique.
Le récent engouement pour le
« Dry january » – le « janvier à jeun» –
en Grande-Bretagne prouve que les
mentalités sont peut-être en train
de changer : après les excès des fêtes
de fin d’année, de plus en plus de
Britanniques passent en effet le
mois de janvier sans boire une goutte d’alcool. Alcohol
Concern, la principale association de lutte contre l’alcoolisme, a soutenu le mouvement cette année. Le gouvernement britannique a par ailleurs annoncé, le 4 février,
l’interdiction de vendre de l’alcool à perte, une façon de
mettre fin aux superpromotions sur les canettes de bière
dans les supermarchés. Un prix plancher est désormais
fixé selon la dose d’alcool : 49 centimes pour une bière
à 4 % d’alcool, et 10,77 € pour une bouteille de vodka de
70 centilitres. Simple lendemain de gueule de bois, ou
véritable virage culturel ? Il faudra probablement encore
quelques années avant que les mentalités changent.
Il suffit d’écouter Richard Harris, l’homme du bar sans
alcool. Ce père de deux adolescents redoute-t-il de les
voir se saouler? « Parfois, ça fait du bien de se laisser
aller complètement. » A suivre… Eric Albert
sent de gens complètement ivres,
royaume-uni
Zincs zéro degré.
A
u premier abord, l’idée semble séduisante.
Le premier « bar sans alcool » de Londres
a ouvert ses portes il y a six mois à
Golborne Road, dans un quartier défavorisé de l’ouest de la capitale britannique.
Au bien nommé Redemption, on sert des « mocktails » – jeu
de mot construit sur mock, «faux» –, des cocktails à base
de jus de fruits. Voilà qui va à contre-courant des clichés :
les Britanniques boivent moins. Depuis 2004, la consommation d’alcool par personne recule, et elle est même revenue au niveau du milieu des années 1990. Pourtant, en
arrivant devant les néons de l’établissement, le doute s’immisce. Bien sûr, le décor est agréable : des tables en bois de
bric et de broc, un scooter étonnant à la selle extralongue
comme décoration, un petit comptoir derrière lequel
Richard Harris, le tenancier, prépare les mocktails…
D’agréables odeurs de cuisine végétalienne caribéenne
montent aux narines. Seulement voilà : le « bar sans alcool »
24 -
8 mars 2014
www.redemptionbar.com
un premier bar sans alcool à Londres, des prix
plancher pour les canettes de bière, une opération
“Janvier à jeun” très suivie… une minirévolution semble
opérer au pays des pubs et du “binge drinking”.
Marc Beaugé
rhabille… BHL.
Ellen DeGeneres/AP
P
UiSqU’iL nE REChiGnE JAMAiS
à quitter Saint-Germaindes-Prés pour sauter dans
son jet, débouler au milieu
d’un champ de bataille
et agiter sa mèche devant les chars
et les caméras du monde entier, c’est
sans surprise que nous vîmes récemment
débarquer, place Maïdan à Kiev, l’illustre
philosophe Bernard-Henri Lévy. Naturellement, celui-ci arborait alors le costume
de superhéros qu’il ne quitte que pour
écrire, nu, en ses humbles demeures de
la rive gauche ou de Saint-Paul-de-Vence,
allongé, sans doute, sur des draps de
soie pendant qu’Arielle se demande si
sa taille est encore la plus fine de Paris.
Comme autrefois à Sarajevo ou Benghazi,
BHL portait à Kiev un costume noir à
revers cranté, taillé chez Charvet, illustre
maison de la place Vendôme. Sous celuici, l’usuelle chemise virginale à col Danton
dévoilait un pan de torse, et rappelait que
cet homme-là craint aussi peu le froid
que le ridicule. Mais l’essentiel sembla,
une fois n’est pas coutume, ailleurs. Sur
les cendres ukrainiennes, BHL révéla en
effet l’autre secret de sa silhouette hors
du commun : le pantalon taille haute.
UnE OBSERvATiOn PRéCiSE DES CLiChéS montre
que BHL arbore son pantalon de costume à un niveau particulièrement élevé,
au-dessus du nombril, à une hauteur que
ne renierait pas Jacques Chirac. Comme
l’ex-président de la République, le philosophe cabotin a choisi de comprimer
son ventre derrière l’étoffe pour mieux
le dissimuler, preuve qu’il ne reculera
jamais devant rien pour paraître. Car en
position assise, ce type de pantalon
étrangle le ventre, créant ainsi un véritable inconfort chez celui qui le porte.
Mais, pour BHL, l’option recouvre bien
des avantages. Ainsi, le philosophe est à
l’abri de dévoiler le fameux « sourire du
plombier » à chaque fois qu’il ramasse un
éclat de mortier ou tend la main à un
simple mortel aux abois. De plus, il s’offre,
avec ce pantalon taille haute, la possibilité
d’un énième coup médiatique retentissant. Il est en effet écrit que, le jour où
son pantalon sera remonté assez haut
Illustration Peter Arkle pour M Le magazine du Monde
pour recouvrir sa chemise ouverte particulièrement bas, l’émoi médiatique sera
colossal. Il y a même fort à parier que
Paris Match consacre sa couverture à
l’événement, avec ce titre : « Mais où est
passé le nombril du monde ? »
En optant de façon tranchée pour un type
de pantalon bien spécifique, BernardHenri Levy prend position dans un débat
de générations, aux allures de querelle des
anciens et des modernes, les premiers
préférant généralement la taille haute,
les seconds la taille basse. A tous ceux qui
lui reprochent de ne pas avoir d’œuvre
ou de pensée, BHL pourra ainsi opposer
une réponse cinglante. Au péril de son
intégrité, lui, le philosophe taille haute, a
pris une position tranchée dans un débat
de civilisation majeur. Même Sartre n’avait
pas osé s’aventurer sur ce terrain-là.
Le buzz
du Net
On n’est
jamais si
bien selfie…
L
a 86e cérémonie
des Oscars, le 2 mars
à Los Angeles, a vu
germer un nouveau
record planétaire. En
quelques heures, un selfie
posté sur Twitter par Ellen
DeGeneres, la maîtresse
de cérémonie, a été partagé
plus de 2,5 millions de fois
sur le réseau social. Du
jamais-vu depuis le message
de réélection de Barack
Obama en novembre 2012,
« four more years » (« quatre
ans de plus »), retweeté
– seulement – 810 000 fois.
Sur le cliché, immortalisé à
bout de bras par l’acteur
américain Bradley Cooper,
figurent les visages souriants
de Julia Roberts, Meryl
Streep, Angelina Jolie, Brad
Pitt ou encore Kevin Spacey.
« La meilleure photo jamais
prise », s’enthousiasme Ellen
DeGeneres sur son compte
Twitter. Une photo surtout
réalisée avec un smartphone
de la marque Samsung, l’un
des sponsors de l’événement
récompensant chaque année
les meilleures productions
mondiales du cinéma. Autant
dire qu’il s’agit d’un coup
marketing très réussi pour
le groupe sud-coréen qui
a dépensé depuis 2009 pas
moins de 17 millions d’euros
pour s’afficher lors de cette
soirée. Franck Berteau
25
La semaine.
La photo
Eclats d’Ukraine. Cette Ukrainienne observe une
porte endommagée de l’Assemblée régionale à
Donetsk, dans l’est de l’Ukraine. Le lundi 3 mars, des
militants pro-Russes ont envahi les locaux du bâtiment
officiel et ont hissé le drapeau du pays voisin
sur le toit d’un Parlement qu’ils estiment illégitime.
Ils exigent un référendum sur le rattachement
de la région à la Russie ou sur une plus grande
autonomie vis-à-vis de Kiev. Laurent Telo
Planète
obèse.
Les Américains pourraient
bien perdre leur titre
de champions du monde
de l’obésité. Plusieurs
études montrent que
le surpoids, en particulier
chez les jeunes, gagne
du terrain en Chine et
dans le sud de l’Europe.
26 -
Etats-Unis
à la diète
Aux Etats-Unis, l’obésité a baissé de 43 %
ces huit dernières
années chez les enfants
de 2 à 5 ans, selon une
enquête parue le
25 février dans le Journal of the American
Medical Association
(Jama). Par ailleurs,
le taux d’obésité dans
les différents groupes
de population s’est
globalement stabilisé.
Europe
adipeuse
L’Europe est en train
de faire de l’obésité
« une nouvelle norme »,
s’inquiète un rapport
du 24 février de l’Organisation mondiale
de la santé. Jusqu’à
27 % des adolescents
de 13 ans et 33 % des
enfants de 11 ans y sont
en surpoids. La situation est critique en
Grèce, au Portugal, en
Irlande et en Espagne.
Chine bien
en chair
Selon l’Overseas Development Institute,
le taux de surcharge
pondérale a doublé en
Chine depuis 1980. Les
Chinois mangent plus
de viande, de sucre et
d’aliments gras tout en
adoptant un mode de
vie sédentaire. Les soldats chinois seraient
même à l’étroit dans
des tanks conçus il y a
trois décennies. J.-M. N.
A partir de 2015, les Boy
Scouts of America (BSA)
ne pourront plus compter
sur l’aide financière de la
compagnie Walt Disney.
L’entreprise américaine,
leader mondial du divertissement, n’accepte plus les
positions homophobes de
l’organisation de jeunesse.
Si, depuis le mois de janvier,
les BSA ont levé l’interdiction pour les jeunes gays
de rejoindre leurs rangs,
les adultes homosexuels
en sont toujours bannis.
La maison mère de Mickey
Mouse, qui avait pris
l’habitude de subventionner
quelques troupes
en échange de travaux
bénévoles, juge cette
mesure contraire à sa politique de lutte contre la discrimination liée à
l’orientation sexuelle.
De l’autre côté, les organisations religieuses n’ont
pas apprécié l’ouverture
des scouts américains aux
jeunes homos. L’Eglise mormone, l’un des principaux
partenaires financiers des
BSA, a ainsi décidé de geler
la moitié de ses souscriptions. Franck Berteau
8 mars 2014
Reuters. MCT/Zuma/REA. Xinhua/Zuma/REA. François Perri/REA. Jonathan Ernst/Reuters
Mickey trouve
les scouts trop
homophobes.
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La semaine.
Les questions
subsidiaires
Doit-on espérer un
miracle à l’église
des animaux ?
L’église Sainte-Rita
Exilé à Londres depuis 2010, année
de son transfert du club de Lorient
vers celui d’Arsenal, le défenseur
français Laurent Koscielny n’en a
pas pour autant oublié ses racines. Le
natif de Tulle, en Corrèze, a participé
au sauvetage d’une entreprise locale :
la fabrique d’accordéons Maugein,
la plus vieille de France, fondée
en 1919. Avec d’autres investisseurs,
notamment Frédéric Gervoson, PDG
des compotes Andros, le footballeur
a injecté 600 000 € dans le capital
de l’usine, menacée de fermeture.
Un soutien financier qui devrait permettre aux vingt salariés de conserver leur emploi. Franck Berteau
Benjamin Girette/IP3 Press/MAXPPP. Derrick Ceyrac/AFP
(Paris 15e) a la particularité
de bénir les bêtes. Chaque année, une centaine de chiens,
furets, zèbres, dromadaires, lamas… reçoivent une
bénédiction. Sauf que l’édifice doit être démoli pour laisser
place à des logements sociaux. Les fidèles se mobilisent
pour tenter de trouver les 3,3 millions d’euros nécessaires
à son rachat. Laurent Telo
Accordéon
et ballon
rond s’accordent-ils ?
28 -
8 mars 2014
Y a-t-il un
âge limite
pour
donner
un coup
de rein ?
Capture écran du site du projet Liberté de Lars Ramberg. Vladislav Galgonek/AFP
Considérant qu’elle
n’avait pas besoin
de ses deux reins
« pour rester à la
maison à tricoter
et à regarder la
télé », une
Anglaise âgée de
85 ans est devenue la donneuse
la plus âgée du
pays, a annoncé
l’hôpital de Preston (Lancashire),
dans le nord de
l’Angleterre.
Après lui avoir
fait subir des
tests, les médecins ont conclu
que la femme,
qui a requis l’anonymat, était apte
à céder l’un de
ses reins.
Chanterat-on “La
Marseillaise” sur
le trône ?
Trois toilettes
publiques importées de
Paris, peintes en bleu, blanc,
rouge et surmontées de la
devise « Liberté, Egalité, Fraternité » vont être installées à Oslo
pour le 200e anniversaire
de la Constitution norvégienne,
inspirée des textes français et
américain. Les usagers de ces
Sanisette pourront y entendre
des discours de personnalités
historiques (dont Charles de
Gaulle), ainsi que l’hymne national des trois pays. L. T.
C’est
encore loin
l’Amérique ?
Une carte, diffusée le 28 février sur la
chaîne américaine d’information continue
MSNBC, a ressuscité la Tchécoslovaquie,
présentée comme délimitant la frontière
ouest de l’Ukraine. Or cet ancien satellite
de Moscou a disparu le 31 décembre 1992,
remplacé par la République tchèque
et la Slovaquie (photo). Un journaliste de
la chaîne avait déjà situé le Kenya
« sur la côte nord de l’Afrique ». J.-M. N.
Jean-Michel
Normand
29
Juste un mot
Addict.
D
ans la série des extensions abusives de sens,
aujourd’hui, l’addiction,
s’il vous plaît ! D’abord,
les « shopping addicts » : ces jeunes femmes
(surtout des femmes, désolé, ce n’est pas du
sexisme) qui font chauffer la carte de crédit à
tout bout de champ pour des achats compulsifs. Ensuite, il y a les « sex addicts », dépendants au sexe, aux sites porno (surtout des
hommes, désolé, ce n’est pas du sexisme) ou
aux rencontres de hasard ; aussi nommés
sexooliques. Pas drôle. Après, nous avons, en
vrac, les addicts au poker, les addicts aux jeux
en ligne, addicts au tchat, addicts à Facebook.
Et, pour finir, les addicts… au chocolat. Oui au
chocolat. Il existe d’ailleurs des tas de sites, de
forums, de coachs, de gens qui peuvent vous
aider à vous défaire de votre dépendance à la
tablette tentatrice, au Rocher vicieux et au
carré infernal.
Arrivé à ce stade dans la liste, un doute nous
étreint, forcément. N’est-ce pas un peu exagéré
de mettre toutes ces dépendances dans le
même sac, de parler d’addiction et d’addicts
pour tous ces problèmes ? Passons sur le fait
qu’il s’agit d’un terme anglais, lui-même venant du latin addictus (adonné à, assujetti).
La sociologue Joëlle Menrath, dans une note
de son groupe de recherche Discours et Pratiques du 27 février, remarque : « La terminologie
psychopathologique de l’addiction est aujourd’hui
dans toutes les bouches : dans une enquête récente, nos
30
interviewés se disent volontiers “addicts” (à leur des nouvelles des boys bands chaque semaine,
téléphone mobile, à Facebook, à Twitter, aux séries passa à autre chose. « Fan de » s’est arrêtée en
télé…) et des études quantitatives mesurent désor- 2011 sur W9 : le mot fan a tenu de Sylvie Vartan
mais combien de Français se déclarent “dépen- jusqu’à Beyoncé. Pas mal.
dants”. Face à la fortune de ce terme, il est impor- Fan a une sorte de fraîcheur que l’on ne
tant de rappeler que l’invocation de cette pathologie trouve pas dans « addict ». Addict traduit bien
pour qualifier le besoin que les individus ressentent la période actuelle, faite de nerds ou de geeks
à l’égard de certains outils et services numériques est scotchés à leurs écrans, de fashion victims (vicun abus de langage. » Toute sa note – très sé- times !) « accros » à la mode et de binge drinrieuse – démontre clairement ce point que kers, jeunes apprentis alcooliques qui se dénous sentons confusément, nous autres simples truisent méthodiquement dès le jeudi soir
avant d’aller en boîte.
mortels écouteurs de mots.
Prenons les séries Par exemPle. L’addict d’une
Les temps sont-ils drogués ? Là où, il y a
série pratique désormais le binge watching quelques années, on entendait une chanteuse à
quand il s’enfile trois ou quatre saisons d’une voix beugler « je t’ai dans la peau », aujourd’hui
série (culte, forcément culte) sur Netflix ou en on chante « addict de toi » (Mademoiselle Lynn),
streaming dans une seule nuit et qu’il explique « je suis accro » (Kim) ou « tu es ma came » (Carla
le lendemain à ses collègues qui lui trouvent Bruni). Comme diraient les addicts à ce genre
une petite mine : « Ch’suis complètement accro à d’images : non mais j’hallucine!
GoT. » Pour ceux qui se
poseraient la question :
c’est de Game Of Thrones
que parle l’addict, encore
sous le choc de l’épiLes temps sont-ils drogués? Là où,
sode 9 de la saison 3. Addict certes, accro sans il y a quelques années, on entendait une
doute, mais est-il pour
chanteuse à voix beugler ‘je t’ai dans la
autant un drogué ?
Avant on disait fan – et peau’, aujourd’hui on chante ‘addict de
même « fana » dans les
toi’, ‘je suis accro’ ou ‘tu es ma came’.
années 1930. Ce petit mot
vient du français « fanatique », pour dire qu’on
aime vraiment beaucoup
une musique ou une émission. Ou une star (une
« idole »). Par exemple: « Je suis fan de Johnny »,
disait la jeune fille qui en 1961 collectionnait ses
45-tours et les billets de ses concerts au Golf
Drouot. « Je suis fan de Thierry la Fronde », disait
le garçon qui en 1964 piquait chez Félix Potin
les figurines du feuilleton (on ne disait pas série)
en cadeau dans les paquets de café. Récemment
encore, la jolie Séverine Ferrer animait l’émission « Fan de » sur M6 qui, après avoir donné
Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde
Par Didier Pourquery
Le Magazine
/ Portrait / Analyse /
Reportage / Enquête / Portfolio /
D’après une photo de Rue des Archives/BCA
Les démons
de Phoenix.
A bientôt 40 ans, l’Américain Joaquin
Phoenix enchaîne les films à succès
et les rôles marquants, comme celui
qu’il incarne dans “Her”, de Spike Jonze.
Une jolie carrière qui laisse l’acteur
perplexe, lui qui se trouve toujours
mauvais à l’écran. S’il a déjà songé à tout
arrêter, Phoenix l’insatisfait se “soigne”
en échappant à son image le temps des
tournages. Par Samuel Blumenfeld/
Sérigraphies Kate Gibb
8 mars 2014
- 31
I
le magazine.
l y a encore six mois Joaquin Phoenix n’avait
Sur un écran
s’entend. Il était bien sûr apparu au comédien que son alter ego au cinéma intéressait
bon nombre de spectateurs. Dont il ne fait
pas partie. Mais il tenait à rester éloigné de
ce double encombrant, le laisser vivre, voire
l’ignorer, dans une sorte de cohabitation
pacifique. Cette mise en quarantaine a
fonctionné pendant près de trente-neuf ans.
Rester dans ce flou permettait à l’acteur de
maintenir un équilibre intime et fragile.
Jusqu’à ce que Spike Jonze, le réalisateur
de Dans la peau de John Malkovich (1999) et
de Max et les maximonstres (2009) insiste
pour que son acteur découvre la copie de
travail de leur nouveau film, Her (qui sortira
en France le 19 mars). Cela n’aurait tenu qu’à lui, Joaquin
Phoenix aurait détourné discrètement les yeux pendant la
projection, regardé ses chaussures d’ordinaire privées de lacets, mis sa tête en arrière et placé ses mains dans ses cheveux, qu’il porte en ce moment exceptionnellement longs.
Mais la demande de son réalisateur était ferme. «Non négociable ». Le metteur en scène apparaissait à ce point déterminé qu’il était prêt à prendre la tête de sa vedette entre
chacune de ses mains, pour la diriger vers le rectangle blanc
illuminé par le projecteur. Joaquin Phoenix n’a guère apprécié le spectacle. « Fuck it! Fuck it! », a-t-il répété pour désigner le désastre. «Fait chier! », dans sa traduction française,
se révèle la devise du personnage de détective qu’il incarne
dans Vice caché, le prochain film de Paul Thomas Anderson,
adapté du roman de Thomas Pynchon. « Le juron me trotte
dans la tête depuis», explique l’acteur. Et sert de mot-clé pour
désigner ce qui ne va pas dans sa vie. Sa présence dans Her
est comme une tache sombre sur un plan immaculé. Il reconnaît, à raison, que le film est très bon. Mais lui, non. Trop
d’imprécisions dans son jeu. Un flou endémique dans l’approche de son personnage… Un problème récurrent que
l’acteur diagnostique depuis son premier rôle significatif au
cinéma dans Prête à tout (1995) de Gus Van Sant. Il n’est jamais parvenu à corriger cette absence de rigueur dans ses
films ultérieurs : Gladiator (2000) de Ridley Scott ; Walk the
Line (2005) de James Mangold; ses quatre opus sous la direction de James Gray, The Yards (2000), La nuit nous appartient
(2007), Two Lovers (2008), The Immigrant (2012) et The Master
(2012) de Paul Thomas Anderson. «Je souhaiterais tant refaire
ces films, il y a tellement d’endroits où j’ai merdé, où je sais que
la prochaine fois, j’aurai vraiment la possibilité de m’améliorer.» Plus jeune, il passait d’un film à l’autre, espérant effacer
le souvenir désastreux du précédent pour enfin obtenir une
prestation décente. C’était le mirage de l’enfance. Adulte, il
a compris que la vie n’offre jamais de seconde chance.
Jamais vu Joaquin Phoenix.
l’idée de tout arrêter lui traverse régulièrement l’esPrit. Il en
a même fait un film, I’m Still Here (2010), réalisé par son beaufrère, le comédien Casey Affleck. Le principe était celui d’un
faux documentaire où un Joaquin Phoenix hirsute, un bonnet
sur la tête, lunettes de soleil, barbe fournie, lesté d’une
brioche informe, sale comme un pou, défoncé, annonçait sa
retraite pour se concentrer sur une nouvelle carrière de musicien hip-hop. Une blague, mal comprise par la communauté
hollywoodienne dont il voulait tester les limites. « J’avais
envie d’exprimer une réalité simple. Lorsque vous êtes sportif, on
32 -
s’attend à ce que vous preniez votre retraite, et on le comprend
d’autant mieux si vous le faites au sommet de votre gloire. Ce n’est
pas acceptable pour un comédien. Ce qui en dit long sur le système
où nous évoluons et notre valeur marchande. Je voulais aussi
lâcher plusieurs ballons d’essai. Que se passe-t-il si, comme dans
le film, je déclare que le métier de comédien ressemble à celui d’un
pantin à qui l’on demande de s’habiller de telle manière, de s’asseoir où on lui ordonne et de répéter ce qu’on lui demande? En
fait, pas grand-chose. Je suis resté, seul, avec mes démons.»
A bientôt 40 ans, Joaquin Phoenix en a conclu qu’il passait
d’un écueil à un autre, pour ajouter à chaque fois une nouvelle page à sa
catastrophe intime. Il a du
mal à comp r e n d r e
qu’une partie
du public ne
prenne pas la
mesure du désastre que
constitue sa
carrière. «Je ne
saisis pas ce qui
se passe dans la
tête des spectateurs. Il me faut
pourtant saluer
ce désaccord
entre eux et moi,
car s’ils me
trouvaient
mauvais, je
n’aurais plus
de travail. »
Spike Jonze a
écrit le scénario de Her avec
Joaquin Phoenix en tête,
dans le rôle
d’un cadre
d’entreprise
vivant à Los
Angeles dans
un futur
proche, et tombant amoureux
de la voix féminine d’un
programme informatique ultramoderne, en l’occurrence celle
de Scarlett Johansson. Une voix capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. Le réalisateur s’est rendu
spécialement à Los Angeles, dans la maison de l’acteur située
sur Mulholland Drive, pour lui remettre en main propre le
scénario. L’initiative a figé le comédien. Il n’en a pas dormi
de la nuit, pour répondre positivement à l’aube. Il était tombé
amoureux du scénario, un assentiment comparable au coup
de foudre de son personnage pour la voix synthétique. Une
décision qui ne relève pas chez le comédien d’un acte raisonné. Joaquin Phoenix ne réfléchit pas. « Lorsque je me mets
à penser, tout s’effondre. C’est l’effet inverse, j’envisage le désastre. Pas celui du film. Mais moi à l’intérieur de ce même •••
“Lorsque
je me mets
à penser, tout
s’effondre.
Et j’envisage
le désastre.
Pas celui du
film. Mais moi
à l’intérieur de
ce même film.
Un effondrement intime.”
Sérigraphies Kate Gibb pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014
33
D’après une photo de Prod DB/Twentieth Century Fox/DR
le magazine.
••• film. Un effondrement intime. » Quand il accepte un
rôle, c’est avec le désir de prolonger une expérience, en
refusant toute rationalisation, toute analyse. « Lorsque je
m’engage avec une fille, c’est pour mieux la connaître. Je ne
saurais vous dire si c’est quelqu’un de bien. Mais elle me plaît,
et je veux passer un moment de ma vie avec elle. C’est similaire
avec un scénario. » Sur un plateau, son malaise existentiel
devient corporel. Le temps du tournage, son corps
tremble. Il découvre des terreurs d’enfant que même, plus
jeune, il ignorait. Sujet à des nausées, l’acteur transpire
exagérément, au point que ses habits, trempés, réclament
de la part des accessoiristes une intendance serrée. « La
phrase: “j’ai trouvé la clé du rôle” me fait sourire. Moi, je ne
trouve rien, et je fais dans mon froc. »
L
’acteur habite tout en haut des collines
L’endroit lui plaît tant il trace
une frontière visuelle entre la ville et le désert, l’activité débordante d’une mégalopole
et le vide apparent de la San Fernando Valley. Il vivait là gamin, dans ce qu’il appelle « la cuvette la
plus profonde de la planète», où ses parents avaient élu domicile. Ils avaient fait de ce lieu improbable une rampe de
lancement pour leurs cinq enfants, qui se rendaient, à bord
d’une camionnette, dans les bureaux de Warner, Columbia,
MGM, Paramount et Fox pour participer à des castings.
Joaquin Phoenix est le troisième d’une famille de
cinq frères et sœurs. Son enfance ne ressemblait à aucune
autre. « Si c’était à refaire, je ne l’échangerais pas. » Ses parents étaient membres de la secte Les Enfants de Dieu,
dont la mission consistait à transmettre la parole divine
dans les communautés hippies. Sa famille, qui portait alors
le nom de Bottom, avait quitté la Californie pour une mission d’évangélisation au Venezuela, avant de rompre brutalement les liens avec sa communauté à la suite de plusieurs affaires de prostitution de mineurs impliquant le
fondateur de la secte. « Nous sommes restés en Amérique du
Sud, dans une chambre accolée à une maison. Mes parents
prenaient soin de la propriétaire, alors à la retraite, qui nous
offrait une chambre en échange. Vous n’avez pas idée de notre
niveau de pauvreté. C’était au point où nous avons volé de la
nourriture dans la cuisine de la propriétaire. » Le souvenir
reste vivant et pénible. Il y avait la peur de se faire prendre.
De voir arriver la police. Plus pénible encore, la honte de
décevoir la personne lui procurant le gîte.
Les parents ont plié armes et bagages pour retourner en
Californie. C’était un nouveau départ. Nécessitant un acte
symbolique fort. La famille Bottom (en français le « fond »
ou «le derrière») s’est rebaptisée Phoenix, faisant de son
nom un programme où, après la chute, elle s’efforcerait de
côtoyer les étoiles. Joaquin Phoenix ne se souvient plus de
l’objet de sa première audition. « Je serais incapable de vous
dire si l’on m’a pris ou non. » Mais il se souvient de son âge,
8 ans, et de la sensation au moment de lire son texte. Une
poussée d’adrénaline sans équivalent.Avec la compréhension, innée, que jouer la comédie touchait à l’authenticité.
Il n’avait jamais connu d’émotion aussi forte. A cette période, son frère aîné plus vieux de quatre ans, River, voyait
déjà sa carrière prendre son envol. Elle se terminera brutalement, en 1993, après une overdose. L’ombre tutélaire de
ce grand frère n’a jamais perturbé Joaquin Phoenix. Il avait
compris que le talent de son aîné, au-delà de sa beauté hors
34 -
d’hollywood.
du commun, résidait dans cette dimension tragique qu’il
avait offerte à ses meilleurs rôles, Stand by me de Rob Reiner, A bout de course, de Sidney Lumet, My own Private
Idaho, de Gus Van Sant. « Je ne sais pas si ces rôles étaient
tragiques car écrits ainsi, ou le devenaient car mon frère leur
apportait son ADN. » Joaquin se regardait autrement, plus
sombre, moins séduisant, pas aussi engageant. « Nous
avions évoqué ces différences ensemble, et nous nous disions
qu’il serait formidable de poursuivre cette discussion sur notre
métier quand nous aurions dépassé la cinquantaine. Seulement, voilà, River est mort. » Autant son frère bénéficiait de
facilités, autant Joaquin Phoenix devait travailler son intensité. Etre acteur devenait une mission à laquelle il fallait
apporter tout
le soin nécessaire. Il se souvient avoir atteint la cote
d’alerte quand
il incarnait le
chanteur de
country Johnny Cash, dans
Walk the Line
de James Mangold. Pour une
séquence dans
laquelle son
personnage,
abandonné par
sa femme, en
proie à l’alcoolisme, dépendant de ses
médicaments,
détruisait son
vestiaire,
James Mangold avait demandé à l’acteur qu’il
détruise sa guitare, prenne
une pilule, une
rasade de bière
et pose ses
fesses sur un
tabouret. Sans
plus de dégâts.
La scène étant
tournée dans
une école primaire de Memphis, il fallait respecter le mobilier. Joaquin
Phoenix s’est emparé de la guitare, pour la réduire en
miettes. Il s’est occupé ensuite de l’évier, l’arrachant du
mur, provoquant une inondation. Puis il s’est rassis, a pris
ses pilules et terminé sa bière. Il n’y avait plus d’autre prise
à faire, le décor ayant été fracassé… Il fallut des mois à
l’acteur pour se remettre de ce rôle, dont un passage aux
Alcooliques anonymes. « J’ai compris qu’en continuant ainsi
j’allais crever. Je devais trouver un moyen de me dissocier de
mes personnages, de prendre ce métier moins au sérieux, au
risque de sombrer. » Aujourd’hui, il n’applique plus les •••
Il se souvient
de la sensation
lors de sa
première audition, à 8 ans.
Une poussée
d’adrénaline
sans équivalent. Avec la
compréhension,
innée, que
jouer la comédie touchait à
l’authenticité.
Sérigraphies Kate Gibb pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014
D’après une photo de Nancy R. Schiff/Archive Photos/Getty
L’ombre de River,
le grand frère acteur
ultradoué, mort d’une
overdose à 23 ans,
continue de planer
sur Joaquin Phoenix.
“Je ne sais pas si ses
rôles étaient tragiques
car écrits ainsi, ou le
devenaient car mon frère
leur apportait son ADN.”
35
D’après une photo de Larry Busacca/Getty Images/AFP
Dans The Master,
Joaquin Phoenix
incarnait un vétéran
tombé sous la coupe
d’un leader sectaire,
joué par Philip Seymour
Hoffman. Un tournage
difficile, pendant lequel
un lien fusionnel s’est
installé entre les deux
acteurs. A la mort
d’Hoffman, le 2 février
dernier, Phoenix a été
profondément marqué.
36
Le magazine.
••• méthodes de l’Actor’s Studio, ni l’identification absolue
à un rôle. Mais sur le plateau de Her, il a demandé à ce
qu’on l’appelle uniquement par le nom de son personnage,
Théodore Twombley. Il procède toujours ainsi. Cesser de
s’appeler Joaquin Phoenix le temps d’un tournage comporte un avantage de taille. Plus de passe-droits, de fauxsemblants, ni de courbettes. « J’ai négocié mon absence de
statut pour mon plus grand soulagement.» Oublier qui il est.
A un moment précis de sa carrière, cette exigence est passée par la soumission. Sur le plateau de The Master, de Paul
Thomas Anderson, Joaquin Phoenix avait exigé, et obtenu,
le statut de
paillasson humain. Dans
cette histoire, il
incarne un vétéran de la seconde guerre
mondiale tombant sous la
coupe d’un
leader religieux. Celui-ci,
interprété par
Philip Seym o u r H o ff man, était modelé sur le
fondateur de
l’Eglise de
scientologie.
D’emblée,
s’installa entre
les deux acteurs une relation de dépend a n c e ,
affective et sadique, où le
corps massif de
Philip Seymour Hoffman
s’imposait de
facto au corps
frêle de son
partenaire. Le
lien fusionnel a
dépassé le
simple cadre
du tournage.
Quand il apprit le décès accidentel d’Hoffman, le 2 février
chez lui, à Manhattan, d’une overdose, Phoenix a disparu,
pris le premier avion pour la Côte est, et entamé une longue période de deuil. Sur le plateau de The Master, l’acteur
avait demandé à ce qu’on l’appelle « Bubbles », du nom
du singe de Michael Jackson. Ce n’était ni un geste de
bonne humeur ni une marque d’humour. Mais la constatation lucide que ce à quoi consentait son personnage – se
flageller dans une cellule par exemple – était proche du
comportement animal. « J’avais regardé des vidéos de daims
ou d’ours échoués dans un environnement urbain. La police
Alors que
Phoenix devait
embrasser
Nicole Kidman,
il constata
l’effet baroque
provoqué
par la petite
déformation
de sa lèvre.
Un mélange
d’attirance et
de répulsion.
8 mars 2014 – Sérigraphies Kate Gibb pour M Le magazine du Monde
leur administrait des tranquillisants. Leur cerveau semblait se
mettre en veille. Ils se cognaient dans les murs. La patte gauche
avançait mais celle de droite partait dans la direction opposée.
Ils étaient gouvernés par la peur et le chaos. » Dans les moments de plus intense soumission à son maître, il avait
poussé la métaphore animalière jusqu’à jouer un chien
sauvage, avec des poils hérissés, décharné, affamé, dégoulinant de bave. Pendant ce tournage, il reconnaît avoir touché à quelque chose de viscéral et d’authentique. « Il faut
l’admettre, je crois que j’étais bon. »
D
ans Her, Joaquin Phoenix a insisté Pour que
son Personnage Porte une moustache. En
général, quand il suggère des idées, discute un point de scénario, il se trompe.
« Combien de fois ai-je relu mes
notes – j’écris en permanence sur un plateau – pour constater
qu’il s’agissait d’un tissu d’âneries ? Cela ne vaut rien, c’est
inepte, stupide. J’ai comme ça des suggestions imbéciles sur des
accents. Et, si l’on m’écoute, c’est foutu. » Sur la question de
la moustache, en revanche, l’acteur a eu raison. L’objectif:
masquer, une fois n’est pas coutume, sa marque distinctive.
Ce philtrum, trait d’union entre son nez et sa bouche, qui
présente chez lui une forme disharmonique, un ersatz de
bec-de-lièvre qu’il a eu, plus jeune, tant de mal à gérer. Il
se souvient encore du visage interloqué de Nicole Kidman
quand il a dû s’approcher d’elle dans Prête à tout. Lui, adolescent manipulé par une femme mariée décidée à se débarrasser de son mari, tenait l’actrice par la taille et devait
l’embrasser. Il constata l’effet baroque provoqué par son
signe particulier. Un mélange d’attirance et de répulsion.
Phoenix comprit alors la réaction complexe, ambivalente,
sexuelle, qu’il produisait auprès de ses partenaires.
C’est dans La nuit nous appartient, de James Gray, que
l’acteur a eu la certitude d’être un objet de désir. La scène
d’ouverture le plaçait collé à Eva Mendes, la main entre ses
jambes, remontant toujours plus haut sur ses cuisses. Il se
souvient de la sensation enthousiasmante de se trouver
collé à cette comédienne à l’érotisme insolent. « On ne
m’avait jamais regardé ainsi devant une caméra.» Puis s’est
imposée une autre évidence. A la plastique idéale de sa
partenaire, il opposait son visage accidenté. Et cette
marque juste au-dessus de sa lèvre qui, à partir de ce jour,
possédera le même pouvoir de séduction que le nez de
Cléopâtre. Dans Her, pour incarner une histoire d’amour
différente, Joaquin Phoenix a donc voulu dissimuler cette
particularité par une moustache. Pourquoi montrer ce que
son interlocutrice ne pourra jamais distinguer ? «J’ai aussi
demandé à ce que l’équipe soit réduite à chaque fois que mon
personnage et la voix avaient une conversation intime. On ne
fait pas autrement quand des comédiens se mettent nus devant
la caméra.» Il en convient, ce n’est guère évident de faire
l’amour à une voix. Si quelqu’un devait y arriver, c’était lui.
«J’ai passé ma vie à parler tout seul.»
Il n’y a pas un jour sans que Joaquin Phoenix se demande
si le film qu’il vient de finir n’est pas le dernier. En attendant, ce qu’il aime, c’est passer du temps avec ses amis, sa
petite amie, aller voir des comédies au cinéma. Mais très
souvent, il fait ce qu’il assure faire le mieux : arpenter les
couloirs de sa maison en parlant tout seul.
- 37
Le coupable
idéal.
Pendant quatre jours, il a été le principal suspect dans l’affaire
de la tuerie de Chevaline, qui a coûté la vie à quatre personnes
en septembre 2012. Aujourd’hui, Eric Devouassoux est libéré.
Mais détruit après avoir dû affronter le harcèlement médiatique,
la calomnie, le licenciement brutal. Une vie brisée en 96 heures.
Par Stéphanie Marteau/Photos David Wagnières
Interpellé le 18 février,
Eric Devouassoux a
été libéré le 22. Jugé
non coupable dans
le quadruple meurtre,
il est mis en examen
pour trafic d’armes.
38
C
le magazine.
e vendredi après-midi 28 février, c’est
la deuxième fois qu’il retourne au café
de la Place depuis sa sortie de garde
à vue, une semaine plus tôt. A peine
Eric Devouassoux passe-t-il la tête
dans le troquet de Menthon-SaintBernard, son QG depuis des années, que les cris de joie fusent, que
les bras se serrent autour de ses
épaules encore voûtées. L’ex-agent
de sécurité de 48 ans, soupçonné
dans le cadre de l’enquête sur le
quadruple meurtre de Chevaline le
5 septembre 2012, décompense
après une épreuve qui l’a « brisé ».
Les enquêteurs, qui ont trouvé
chez lui une quarantaine d’armes à feu, l’ont mis en examen, avec l’un
de ses amis, pour trafic d’armes. Mais ils savent désormais que ce n’est
pas lui qui a vidé deux chargeurs sur l’ingénieur anglais d’origine
irakienne Saad Al-Hilli, 50 ans, sa femme Iqbal, 47 ans, sa belle-mère
Suhaila et sur le cycliste Sylvain Mollier, 45 ans, retrouvé étendu à
côté de la voiture des touristes. Les médias, qui avaient déferlé sur le
village et pris d’assaut son pavillon quatre jours durant, sont repartis
depuis que le coupable présumé, vilipendé par l’opinion locale pendant ses quatre-vingt-seize heures de garde à vue à Chambéry, n’est
plus jugé coupable de rien.
Depuis une semaine, Eric Devouassoux et sa famille ramassent, seuls,
les cendres de leur vie partie en fumée. Son employeur suisse n’a pas
attendu la fin de sa garde à vue pour licencier le père de trois enfants, qui
ne sait pas comment il va rembourser ses 1 000 euros de crédit immobilier le mois prochain. Pas plus qu’il ne sait comment apaiser sa famille,
toujours en état de choc… Mais ce vendredi glacial, ses copains sont tous
là, un demi à la main, pour lui dire combien il a « raison de revenir » au
café. « Eric a tout perdu, il faut qu’il se reconstruise », lance un paysagiste.
Bonnet de laine enfoncé sur la tête, amaigri, l’intéressé sourit faiblement,
le regard gris délavé. Eric Devouassoux est épuisé. Il ne quitte pas sa
doudoune bleue, même à l’intérieur. Il cherche la chaleur de ceux qui
n’ont jamais cru qu’il pourrait être le tueur malgré sa ressemblance frappante avec le portrait-robot. Ils sont accoudés au zinc, posent des questions naïves, souvent maladroites. A chaque poignée de main, accompagnée d’un mécanique « Ça va ? », l’ex-suspect no 1 ne peut que hausser
les épaules en pinçant les lèvres. « Ils ne peuvent pas comprendre, les
excuse-t-il. Les discussions de comptoir, ça me semble loin. »
« Je vous préviens, lui avait dit son avocat marc dufour en
sortant de chez
le juge, dehors ça se passe mal. Les médias s’acharnent. Il faut vous attendre
à des choses pas très gentilles de la part des gens de Menthon. Il faudra être
fort. » En recouvrant la liberté, samedi 22 février, Devouassoux va en
effet découvrir consterné que, alors qu’il répondait aux enquêteurs, les
habitants de Menthon-Saint-Bernard, eux, répondaient aux journalistes… « Il y en avait partout, explique Maxime, patron du Café de la
Place. C’était malsain. » Certains ont même pensé monnayer leur
« scoop ». Emmanuelle, l’épouse d’Eric Devouassoux, a dû acheter des
rideaux en catastrophe au Leclerc de Chambéry le jour de la perquisition, parce que son voisin, un sexagénaire en peignoir bordeaux, prenait
des photos du salon depuis sa chambre. Résultat : trois fenêtres, trois
imprimés différents, et faute de tringle, des morceaux de scotch pour
tenir l’un d’entre eux. Il y eut aussi Gérard, 81 ans, en veste polaire •••
8 mars 2014
- 39
le magazine.
Amateur d’armes
anciennes et
de souvenirs du
IIIe Reich, il tombe
dans la nasse des
enquêteurs, qui
cherchent à étayer
l’hypothèse du
crime raciste.
••• bleue, qui a dépeint face caméra Devouassoux en « gars belliqueux, taiseux, borné ». Bien que
l’affaire se soit dégonflée, et qu’il
vienne de remporter le tiercé dans
le désordre avec ses copains, le tapissier à la retraite persiste : « C’est
un sale type, voilà deux ans que je
l’évite, il me fait peur et m’avait menacé à plusieurs reprises. »
Après sa garde à vue, quand la police le ramène chez lui, dans son
lotissement du Clos des Revieux,
Eric Devouassoux prend sur lui
mais il est terrifié: « J’imaginais que
tout le village voulait ma peau. Je
voulais déménager dans le centre de
la France, où j’ai une maison de
campagne. » Et puis il a retrouvé
Emmanuelle, sa femme, dame de
service dans une école du village.
« On s’est serrés, sans se parler. On a
pleuré », confie la blonde quadragénaire. Ensuite, il est allé prendre
une douche, lui qui n’avait pas pu
se laver pendant quatre jours. Les
textos se sont succédé et les amis
ont débarqué : « T’as dû en chier »,
ont-ils répété, avant d’accabler les
médias, accusés de l’avoir condamné trop vite. Les gendarmes ont
placé en garde à vue quelques
proches d’Eric Devouassoux, dans
le cadre de l’enquête sur le trafic
d’armes (essentiellement des
armes de chasse et de collection,
pas toutes neutralisées ni déclarées). Quand la rumeur de ces nouvelles arrestations s’est répandue,
beaucoup de gars du village ont
vérifié qu’ils n’avaient pas adressé de SMS compromettant à Devouassoux le jour de la tuerie… Peu après son retour chez lui, son père l’a
appelé, des sanglots dans la voix: « Tu te rends compte, ils sont allés voir
la grand-mère à la maison de retraite ! » Le soir même, son fils cadet,
13 ans, est rentré de chez ses grands-parents : « Il m’a demandé comment
ça allait, les larmes aux yeux. Etrangement, il n’est pas resté longtemps avec
moi. Pour l’instant, on n’a pas vraiment parlé », raconte le père, démuni.
L’ado n’est pas allé à l’école pendant une bonne semaine. Mais depuis
sa chambre, il a su que dans le bus du club de ski dont il est membre,
alors que l’animatrice s’enquérait de son absence, l’un des gosses a lancé : « Il risque pas de venir, son père a buté quatre mecs ! »
Ces « blagues » d’adolescents tranchent singulièrement avec l’ambiance
qui règne désormais dans les coquettes rues commerçantes de MenthonSaint-Bernard. La bourgeoise bourgade des abords du lac d’Annecy,
égayée par son épicerie fine, son Palace 4-étoiles et son salon de thé, n’a
pas franchement l’habitude des faits divers et a aujourd’hui du mal à se
regarder dans la glace… C’est que nombre d’habitants ont collaboré à
l’enquête qui visait Eric Devouassoux. L’ex-policier municipal, qui a officié de 1989 à 2012, sait qu’il n’a jamais été très populaire – « c’est le métier
qui veut ça ». Pourtant, il n’arrive pas à se départir du malaise qui l’étreint
depuis son retour chez lui. Devouassoux a été dénoncé par quelqu’un du
village, une semaine après la diffusion du portrait-robot du meurtrier de
Chevaline, en novembre 2012. Mais il ne sait pas par qui…
Cette même personne a contacté une chaîne de télévision. Et elle a
obligeamment fourni aux enquêteurs un catalogue d’une dizaine de
40 -
pages, trouvé dans le tiroir de son
bureau, à la mairie, où figuraient
les photos de ses armes anciennes, ainsi qu’une casquette
aux couleurs des tankistes SS,
parmi d’autres souvenirs du
IIIe Reich. Une « révélation » qui
l’a fait tomber dans la nasse, à
l’heure où les enquêteurs cherchaient, entre autres pistes, à
étayer l’hypothèse d’un crime raciste… Les analyses balistiques
avaient établi que l’arme du
crime était un pistolet automatique Luger P 06, utilisé par l’armée suisse au début du xxe siècle.
Dès l’automne 2012, l’étau s’est res-
autour du collectionneur
d’armes anciennes, passionné par
l’histoire des première et seconde
guerres mondiales. D’autant qu’au
même moment, son employeur, le
maire de la commune, Antoine de
Menthon, contactait les gendarmes après la diffusion du portrait-robot : « Je suis quand même
troublé, il y a une forte ressemblance… », aurait alors lâché
l’édile, selon une source proche
du dossier. Finalement, le policier
municipal a été contraint à la démission et radié de la fonction publique territoriale en juin 2013
pour avoir détourné des bons d’essence destinés aux véhicules de la
municipalité. « J’ai tout remboursé,
plaide-t-il aujourd’hui, et aucune
plainte n’a été déposée. » Pourtant,
interrogés sur l’emploi du temps
d’Eric Devouassoux le 5 septembre 2012, les services municipaux l’ont
à nouveau « plombé » en assurant aux enquêteurs que ce dernier était
en congé, « comme tous les mercredis ». Or le jour de repos de l’ex-gardechampêtre était le jeudi, ainsi que l’enquête l’a démontré. « Et le maire
le savait, puisqu’on se voyait tous les mercredis en réunion ! », s’emporte
l’ex-employé de la commune. Aujourd’hui, Eric Devouassoux pense
que beaucoup, à la mairie, l’ont trahi, que « des élus (l’)ont donné. Le
Français est un collabo dans l’âme », lâche-t-il, amer.
Dans ce Clochemerle huppé, où les 4×4 stationnent non loin des voiliers,
les langues s’étaient donc déliées bien avant la garde à vue et l’arrivée
des caméras. Les témoignages recueillis ces derniers mois par les gendarmes auprès des 2 000 habitants décrivent « quelqu’un qui n’aime pas
les étrangers, qui a eu des gestes violents envers des touristes », « un type qui
partait en vrille depuis quelques années, et qui s’était aigri depuis qu’il avait
quitté son poste à la mairie ». Ou encore une personnalité irascible, qui
venait récupérer des pièces détachées à la déchetterie, terrorisant le responsable. « Au village, deux tiers des gens ont dû être ravis de ce qui lui arrivait », estime un magistrat. Au fond, il n’y avait pas grand-chose à dire
sur l’ancien policier municipal, admettent ceux qui se sont épanchés,
mais ça n’a pas empêché les uns et les autres de lâcher par bribes ce qui,
mis bout à bout, a fini par étoffer le portrait du coupable idéal : « Tout le
monde se sent un peu mal, maintenant, reconnaît une habitante, une trentenaire qui requiert l’anonymat. On n’avait rien de vraiment méchant à
dire, mais on est en hiver, on n’avait pas de quoi parler, et on se disait que si
ça faisait tant de battage, c’est qu’il y avait forcément quelque chose. »
serré
Photos David Wagnières pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014
Devant les caméras, certains habitants de Menthon-Saint-Bernard,
en Haute-Savoie, n’ont pas hésité à « enfoncer » Eric Devouassoux,
décrivant, comme Gérard (à gauche), « un gars belliqueux,
taiseux et borné ». Une fois sorti, l’ancien policier municipal
(en haut, chez lui) imaginait « que tout le village voulait sa peau ».
41
Andrew Wylie dans
son bureau new-yorkais,
en décembre 2013.
42 -
8 mars 2014
l
le magazine.
ou Reed, Andy WARhol, BoRges, nABokov, PhiliP Roth,
ces illustres personnages ont en
commun un homme, un nom. Andrew Wylie, dit
« le Chacal ». Inconnu du grand public, mais célèbre dans le monde des arts et des lettres, cet
Américain de 66 ans officie depuis une trentaine
d’années en qualité d’agent, défendant avec une
férocité affichée les intérêts de ses clients, morts ou
vivants. Une figure quasi romanesque, toujours sur la brèche, sur les bons
coups comme les mauvais, et dont le nom émerge régulièrement dans
l’actualité culturelle. A la mort de Lou Reed, le 27 octobre 2013, il a été
immédiatement désigné pour gérer sa succession. Il y a quelques mois, en
France, il a soustrait l’œuvre d’Italo Calvino (1923-1985) à son éditeur de
toujours, Seuil, pour la transférer chez Gallimard, passant au pilon tous les
exemplaires du Seuil, jugés mal traduits. Dans un entretien récent au magazine Vanity Fair, la fille de l’écrivain rendait hommage à l’action deWylie:
en négociant avec Gallimard une nouvelle traduction de l’auteur à succès
italien, Wylie a défendu les finances autant que l’œuvre de Calvino. Un
miniscandale dans le monde de l’édition.
Cet homme au physique d’acteur de cinéma et au carnet d’adresses monumental exerce un métier banal dans les pays anglo-saxons : agent littéraire,
c’est-à-dire intermédiaire entre les auteurs et les éditeurs. Tandis qu’en
France cette profession est presque inexistante, les éditeurs favorisant les
relations directes avec les écrivains, le système pratiqué – entre autres – par
Wylie se généralise partout ailleurs. Etendant de fait son pouvoir exponentiel. La règle est simple: l’agent essaie de faire publier ses clients chez les
meilleurs éditeurs, aux conditions financières les plus confortables, et prélève au passage ses honoraires, de 15 à 20 %. En principe, les à-valoir perçus
sAlmAn Rushdie…
par un auteur avant publication sont proportionnels à ses ventes passées et
à celles espérées. Et c’est là que Wylie joue les perturbateurs, avec un culot
et un sens du panache indéniables. Il estime que les écrivains doivent être
rétribués selon leur valeur et non sur les chiffres des ventes. Et, sur le sujet,
l’homme est intraitable. « Grâce à lui, assure Philip Roth, au lieu d’être payé
comme un vendeur de grand magasin, je suis payé comme un chirurgien prestigieux. Un bon professionnel. En outre, Wylie est un homme cultivé. » C’est là
l’autre de ses principaux atouts : Andrew Wylie sait lire. Ce qui fait de lui
plus qu’un simple intermédiaire, mais le place au cœur de la création et de
la diffusion de la littérature dans le monde.
Comment « le ChACAl » A-t-il Bâti sA RéPutAtion? S’il parle volontiers affaires,
assez fier de ses succès, il est peu disert sur lui-même, sur la manière
dont il a surgi, brutalement, dans ce cercle prestigieux des grands agents
littéraires, qui se seraient bien passés de la séduction intellectuelle et
financière qu’il exerce sur de plus en plus d’écrivains. Rien ne prédisposait ce fils de bonne famille de Nouvelle-Angleterre à devenir un
redoutable homme d’affaires. Etudiant, il s’ennuyait à Harvard, mais sait
encore par cœur des passages de Finnegans Wake de Joyce. Son père était
éditeur chez Houghton Mifflin et si le jeune Andrew, lecteur boulimique, appréciait sa bibliothèque, il n’avait aucune envie, en abordant
les années 1970, de se ranger. Il vivait à New York, plutôt fauché. « Oui,
je glandais », concède-t-il aujourd’hui. Très lié à Lou Reed, il passait des
nuits blanches dans le fameux night-club Max’s Kansas City, fréquentait
la bande d’Andy Warhol. Défonce, alcool, petits trafics… Mais il faut
bien un jour décider si on va se perdre ou changer de vie. Ce jour est
venu en 1980. Finis les cheveux longs et les blousons de cuir. « J’ai
d’abord voulu être éditeur, se souvient Wylie. Je me suis présenté dans •••
Vendeur
de plumes.
Dans le milieu littéraire américain, on l’appelle
“le Chacal”. Andrew Wylie, l’agent des plus
grands auteurs – Philip Roth, Salman Rushdie,
Jorge Luis Borges – a imposé sa griffe aux maisons
d’édition : des conditions financières (très)
confortables pour l’écrivain et de généreux
honoraires pour son agent. Un businessman éclairé,
qui a aussi et surtout le goût des belles-lettres.
Par Josyane Savigneau/Photos Jeff Brown
43
le magazine.
••• plusieurs maisons. A chaque fois on me demandait quels best-sellers du moment j’avais lus.
Quand je répondais: aucun, on me regardait d’un
œil soupçonneux. Que venais-je faire là ? Je n’étais
pas taillé pour ce métier. En effet. Si je devais lire
et m’occuper de livres pour moi sans intérêt, autant aller à Wall Street faire de l’argent. Avant de
me décider pour la finance, je me suis demandé si
je pouvais gagner ma vie en lisant les livres que
j’aimais, en rencontrant les auteurs que j’admirais. J’ai décidé d’ouvrir une agence littéraire. »
T
“Il faut
contraindre
les éditeurs
à payer
cher les
écrivains,
ce qui
les incitera
à mieux
défendre
leurs œuvres,
et donc
à mieux
les vendre.”
out a commencé dans un petit
bureau, avec les 10 000 dollars
donnés par sa mère, puis dans
son appartement, pour ne pas
cumuler deux loyers. Quand un
enfant est né, il a dû déménager. « J’ai loué une
pièce dans l’immeuble actuel de l’agence. Maintenant nous avons un étage et demi. » Et il est passé
de douze à quelque neuf cents écrivains représentés. Mais le succès ne fut pas immédiat. En
1986,Wylie a dû se lier à une grande agence londonienne,Aitken and Stone. « Je leur ai emprunté
100000 dollars, ma mère s’est portée caution. Au
début, je n’avais même pas de quoi payer des enveloppes. J’ai tout remboursé en dix-huit mois. En
1996, on a envisagé une alliance 50-50. Mais finalement, j’ai repris ma liberté. » D’où vient cette
réussite, lente au départ, fulgurante ensuite ?
« D’un constat très simple, mais qu’il fallait parvenir à imposer, avec une certaine agressivité, aux
éditeurs : les bons écrivains sont sous-payés, alors
que les auteurs de best-sellers gagnent très bien leur
vie. Il faut donc contraindre les éditeurs à payer
cher les écrivains, ce qui les incitera à mieux défendre
leurs œuvres, et donc à mieux les vendre. »
En parallèle, une certitude : les maisons d’édition ne savent pas promouvoir leurs auteurs à l’étranger. « Moi, je veux que
chaque écrivain que je représente soit, dans chaque pays où il est traduit, publié
chez le meilleur éditeur. En France: Gallimard. Sans doute la plus belle maison au monde. » De cette volonté d’Andrew Wylie, et de sa dureté, Teresa
Cremisi, actuelle puissante directrice générale de Madrigall – la structure
créée après le rachat de Flammarion par Gallimard –, peut témoigner. Elle
entretient depuis longtemps des relations amicales avec lui, mais « tout
avait très mal commencé ». Quand, à la fin des années 1980, Wylie a fait
sortir Salman Rushdie du giron de Cremisi, alors éditrice en Italie chez
Garzanti, pour le faire éditer par le géant Mondadori. Sans lui permettre
la moindre négociation…
Quand les écrivains sont, selon lui, chez de bons éditeurs, ils doivent y
rester mais à de meilleures conditions. Ainsi, dans Hothouse, une enquête
sur Farrar Straus & Giroux, la maison d’édition américaine (parue en 2013
chez Simon and Schuster), l’auteur, Boris Kachka, évoque dans un chapitre
intitulé « La journée du “Chacal” » le terrible bras de fer qui opposa la
maison d’édition à Wylie, agent de deux auteurs maison, Susan Sontag et
Philip Roth. Un épisode édifiant quant aux pratiques du « Chacal » et à
son rapport décomplexé à l’argent. A l’époque, Roger Straus donnait à
Roth 150000 dollars par livre, et possédait les droits mondiaux. Wylie en
a exigé 900000, rien que pour les Etats-Unis. L’éditeur, qui ne répugnait
pas à être grossier, a envoyé Wylie « se faire foutre », en concluant : « Ce type
est une merde. » « Roger s’est très mal comporté, se souvient Philip Roth. Il
a donné un entretien au New York Times en affirmant qu’Andrew et moi
étions cupides. » Maintenant que Philip Roth n’écrit plus, il adore parler et,
quand il raconte comment Wylie est devenu son agent, c’est comme s’il
44
écrivait, en direct, une petite nouvelle. L’écrivain
américain n’avait jamais été représenté et refusait de l’être. Mais lors d’un pot de départ chez
son éditeur Farrar Straus, « Andrew était là et je
me suis senti courtisé comme une jeune fille. J’ai eu
envie de fuir ». Après plusieurs rendez-vous, Roth
a succombé au redoutable charme de Wylie et
l’affaire fut conclue. « C’est la meilleure décision
de toute ma vie. » Un choix déterminant que ne
regrette pas non plus Salman Rushdie. « Andrew
est devenu mon agent en 1987, alors qu’il était encore un jeune homme qui avait faim. Parmi les
choses que j’aime en lui, il y a le souci de ne pas entretenir des relations complices avec les éditeurs. Et
bien sûr, grâce à lui, je gagne plus d’argent [Wylie
avait obtenu une avance de 850000 dollars pour
Les Versets sataniques]. Aujourd’hui, je ne me sens
plus vraiment comme son client, c’est un ami. Un
frère. » Le Prix Nobel de littérature V. S. Naipaul
évoque également une relation d’amitié et de
confiance avec Wylie. Tout comme l’Anglais
Martin Amis, qui a quitté en 1995 son agent Patricia Kavanagh pour une avance record de
500000 livres et qui salue aujourd’hui le travail
réalisé par Wylie pour ses traductions et pour son
père, le romancier Kingsley Amis (1922-1995).
« On disait que l’œuvre de mon père n’intéressait
plus personne. Andrew a prouvé le contraire. »
Redoutable homme d’affaiRes, Wylie est aussi un
sincère ami des lettres qui sait parler aux auteurs.
Christine Angot, l’une des rares Françaises à son
catalogue, voit en lui « la personne en qui on peut
avoir confiance immédiatement, et qui fait comprendre à un écrivain que son travail est d’écrire,
que c’est la chose la plus importante de toutes, et que
lui s’occupe du reste ». Mais le plus beau compliment vient peut-être, paradoxalement, de l’éditeur Roger Straus, dans le grand portrait que lui a
consacré The New Yorker en 2002 : « Je vais vous dire la vérité sur Wylie. C’est
un emmerdeur, il a tous les défauts, mais il est très brillant, c’est vraiment le plus
intelligent de tous les agents. Il sait lire. Il a bon goût. » En France,Wylie assure
aux auteurs qu’il courtise un rayonnement international. « Wylie promet
d’ouvrir les portes de l’Amérique, donc du monde, mais l’Amérique est fermée »,
objecteAntoine Gallimard,PDG du groupe du même nom. « Faux, répond
Wylie. Si la littérature française est mal représentée à l’étranger, c’est parce que
les éditeurs français essaient de limiter la présence des agents. J’insiste, seuls les
agents peuvent vendre les livres dans de nombreux pays. » « Pression » est sans
doute le mot qui revient le plus souvent chez les éditeurs au sujet de Wylie.
Que ce soit en France, avec Olivier Cohen – les Editions de l’Olivier publient Raymond Carver –,en Allemagne, avec Michael Krüger, des éditions
Carl Hanser. Si Bernard Comment, qui dirige « Fiction & Cie » au Seuil, a
publié Lou Reed « pour presque rien », il admet que c’est une exception.
« Puisqu’il aime tant les livres, pourquoi Wylie ne prend-il pas le risque d’être
éditeur? », poursuit Antoine Gallimard. Il a essayé, voilà deux ans, de devenir éditeur numérique.Immédiatement les grandes maisons,dont Random
House, ont menacé de ne plus faire d’affaires avec lui. Il a reculé.Alors ont
surgi des rumeurs de vente de son agence, qu’il dément : « J’ai envisagé de
me lier à une agence d’acteurs et j’ai renoncé. »
Aujourd’hui, il reste seul maître à bord, avec ses deux bureaux, à New
York et à Londres, et espère afficher prochainement mille écrivains à son
palmarès. A 66 ans, Andrew Wylie est un homme confiant. En lui-même
et en l’avenir. « Le livre imprimé représente en Amérique 70 % des ventes
de livres et ça va durer. Les lecteurs sérieux lisent sur papier et vont continuer.
Je ne suis pas inquiet pour l’avenir du livre. »
A 66 ans, Andrew
Wylie espère bientôt
afficher mille écrivains
à son palmarès.
8 mars 2014 – Photos Jeff Brown pour M Le magazine du Monde
- 45
46
Omotola,
pétroleuse
du Nigeria.
le magazine.
Elle figure parmi les 100 personnes les plus influentes du monde
en 2013 selon le magazine “Time”… L’actrice Omotola Jalade-Ekeinde
est la reine de Nollywood, l’industrie du cinéma nigériane. Superstar
en son pays, ambassadrice glamour de causes humanitaires,
cette Angelina Jolie africaine aimerait désormais conquérir l’Occident.
Par Julien Blanc-Gras/Photos Corentin Fohlen
Q
uand le magazine américain
« Time » l’a désignée comme
l’une des 100 personnes les
plus influentes du monde
en 2013, elle s’est déclarée
« heureuse, mais pas surprise » de figurer sur cette
liste, où elle côtoie le pape
et Beyoncé. Omotola Jalade-Ekeinde n’a aucun doute sur
son statut de superstar. Il faut dire qu’elle est la première
personnalité africaine à atteindre le million de fans sur Facebook. Et que l’émission de télé-réalité relatant son quotidien, Omotola : the Real Me, diffusée dans 52 pays, se
targue de réunir plus de 50 millions de spectateurs.
A 36 ans, Omotola Jalade-Ekeinde n’est pas seulement l’actrice phare de Nollywood, ce cinéma nigérian dont les productions low-cost sont parties à la conquête du monde.Chanteuse, entrepreneuse, philanthrope et mère de famille, celle
qu’on appelle simplement Omotola, ou Omosexy, incarne
un modèle de réussite individuelle de l’Afrique contemporaine. « Elle sert d’exemple à beaucoup de femmes. Tout le
monde la connaît, c’est un phénomène », confirme Serge
Noukoué,l’organisateur du festival NollywoodWeek à Paris.
Voici donc le cas singulier d’une femme idolâtrée en Afrique,
reconnue outre-Atlantique, mais quasiment inconnue en
France. Il était temps de faire les présentations.
C’est en jean et baskets, sans maquillage, qu’Omotola sort
de son 4×4 aux vitres teintées. Nous sommes à deux heures
de Lagos, la frénétique capitale économique du Nigeria,
dans un coin reculé où elle doit tourner une scène pour une
série télé dont elle est la tête d’affiche. Drôle d’endroit pour
une rencontre : c’est un parc d’attractions qu’elle est en train
de faire construire. Le chantier est à peine entamé. Au
centre de ce futur « aquatic jungle park » trônent deux
avions qu’on a dû faire venir de Lagos par une route fatiguée, provoquant le chaos dans une circulation automobile
qui n’a pas besoin de ça. « C’était toute une histoire »,
s’amuse la star au début de l’interview, qui se tient donc à
l’intérieur d’un jet privé égaré en pleine brousse.
8 mars 2014
Enjouée et volubile, Omotola parle fort et ponctue ses
phrases d’éclats de rire tonitruants. Elle dégage l’énergie, à
la fois solaire et épuisante, de ceux qui tracent des parcours
hors du commun. Venue du mannequinat, elle fait ses débuts à l’écran en 1995, à 17 ans. « C’était tabou pour une jeune
fille de jouer dans des films. On était considérées comme des
prostituées. A l’époque, notre cinéma n’existait pas encore vraiment. » Depuis, Omotola a tourné dans plus de 300 longsmétrages et Nollywood est devenu la deuxième industrie
cinématographique mondiale (en nombre de productions,
jusqu’à 2500 par an) derrière l’Inde, mais devant les EtatsUnis. Des films qui, pour la plupart, sont tournés à la va-vite
pour quelques milliers de dollars et sortent directement en
DVD. Aujourd’hui, Nollywood n’inonde plus seulement
le marché africain, mais aussi les Caraïbes et les diasporas
africaines anglophones, principalement aux Etats-Unis, au
Canada et en Angleterre. Omotola, elle, est devenue l’incontournable emblème de ce cinéma. Pourquoi elle et pas
une autre ? « Le public me connaît depuis très longtemps »,
répond l’intéressée. « Il a grandi avec moi et peut s’identifier
car je suis actrice mais aussi mère de quatre enfants. C’est très
rare en Afrique dans le milieu du cinéma. »
OmOTOla n’hésiTe pas à meTTre en scène son bonheur familial
avec une touche de glamour. Son époux, Matthew Ekeinde,
est pilote de ligne. Elle aime rappeler qu’ils se sont (re)mariés en 2001, lors d’une cérémonie en plein vol. Ce
même mari, propriétaire de l’avion dans lequel nous nous
trouvons, intervient quand notre photographe souhaite
faire poser l’actrice sur l’aile : « Surtout pas ! Elle est trop
grosse, c’est dangereux ! » Il semble plus inquiet pour son
avion que pour son épouse. Omotola ne s’offusque pas une
seconde. Ses formes généreuses font partie de son personnage et participent de son sex-appeal. « Elle représente
quelque chose physiquement », estime Serge Noukoué. « Ses
rondeurs plaisent car au Nigeria on assimile la femme forte
à la femme puissante, celle qui réussit et qui domine. »
D’ailleurs, l’actrice passe outre les instructions de son mari
et monte avec ses talons hauts sur l’aile de l’avion •••
- 47
Le magazine.
Omotola, ou
Omosexy, comme
on la surnomme,
a plus de 300 films
à son actif. Elle
dispose d’une émission de télé-réalité
sur mesure, a déjà
commis quelques
morceaux de R’n’B
et prête son image
à une marque de
cosmétiques.
Elle prépare enfin
l’inauguration d’un
parc d’attractions
à deux heures de
Lagos.
••• rendue glissante par la pluie. Il en faut plus pour l’arrêter. L’histoire d’Omotola contient aussi la part de tragique
indispensable à l’édification des contes de fées. Issue d’une
famille plutôt aisée de cinq enfants, son enfance est tranquille jusqu’au drame fondateur de la mort du père.
« J’avais 12 ans. Il a eu un accident de voiture, parce que les
routes étaient mauvaises. J’ai été en colère pendant très longtemps. Ça a façonné ma vie. Mon père nous nourrissait et,
du jour au lendemain, on a dû subvenir à nos besoins. Adolescente, j’ai commencé à travailler dans le divertissement
pour aider ma mère à nourrir la famille. Si je n’avais pas
perdu mon père, je ne serais pas actrice. »
Cette colère motive également ses multiples engagements philanthropiques et militants. Ambassadrice des
Nations unies pour le Programme alimentaire mondial
depuis 2005, elle fait aussi campagne pour Amnesty International dans son action de lutte contre la mortalité maternelle en Sierra Leone. En 2012, toujours avec Amnesty
International, elle interpelle le gouvernement nigérian et
la compagnie Shell pour leur demander de « payer et nettoyer » la pollution causée par l’extraction pétrolière dans
le delta du Niger. Environnement, droits des femmes, injustice sociale : elle embrasse les causes tous azimuts.
C’est que la tâche ne manque pas au Nigeria. Le pays le
plus peuplé d’Afrique (174 millions d’habitants), s’il est
en plein boom économique, reste miné par la corruption
et les inégalités, sans même parler de la guérilla du groupe
djihadiste Boko Haram qui ensanglante le nord du territoire. « Les riches deviennent plus riches et les pauvres plus
pauvres. Parce que l’argent circule seulement dans le cercle
des élites corrompues de notre pays. On n’a pas besoin de
continuer à souffrir comme ça, on est un pays riche. » Dopé
au pétrole qui représente l’essentiel de ses revenus, le
Nigeria connaît un taux de croissance de 7 % et fait figure
d’eldorado des affaires en Afrique de l’Ouest. A Lagos, les
48 -
nouveaux riches étalent leur opulence, roulent en Porsche
et s’offrent des virées shopping à Dubaï. A deux pas des
bidonvilles se dressent des panneaux publicitaires géants
pour du champagne de luxe. Cette caste de nantis constitue le sujet de The Island, série télé parmi les plus abouties d’Afrique. Une sorte de Dallas local, où s’entremêlent amours, complots et trahisons dans la jet-set
pétrolière. Omotola y joue une matriarche : « La série
montre la vanité, la frime, la corruption et la folie de ce
monde autour d’Ikoyi et Victoria Island [les quartiers cossus de Lagos, ndlr]. Moi, je suis une rebelle. Je peux me
payer tout ça, mais je ne veux pas. Je possède une maison
là-bas, je n’y habite pas. Je ne veux pas être parmi les riches.
Tous les endroits devraient être assez bons pour y vivre. »
Notons qu’il lui arrive toutefois de céder au bling-bling
qu’elle dénonce, avec son penchant prononcé pour les
voitures de luxe, dont l’une arbore une plaque d’immatriculation « Omosexy ». « En Afrique, ce n’est pas facile
d’avoir du succès sans corrompre et sans voler. Quand les
gens voient notre lutte, ils sont encouragés. Ils savent qu’il est
possible de faire carrière, d’avoir une famille et de se battre
pour des causes justes. » Pas frileuse, elle tweete régulièrement pour dénoncer l’immunité des puissants et les entorses aux droits de l’homme dans la jeune et imparfaite
démocratie nigériane. Pourrait-elle, forte de sa popularité,
se lancer en politique? Ça ne la tente pas. « Je refuse toute
allégeance. En dépit des sollicitations, je ne soutiens aucun
politicien. » En 2010, elle crée sa propre fondation, l’Omotola Youth Empowerment Programme, qui défend la veuve
et l’orphelin, littéralement. Quand elle l’évoque, son ton
devient quasiment messianique : « Je mène une croisade.
Mon cœur bat pour les gens, je suis restée du côté des masses.
Je veux unir les jeunes, leur montrer qu’il y a de l’espoir, que
leurs voix peuvent être entendues. Il y aura une lumière au
bout du tunnel. » Avec autant de foi dans le discours, on
Photos Corentin Fohlen/Divergence pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014
“Récemment, je suis
allée faire
du shopping
à Londres.
Ils ont dû
fermer
le magasin
à cause
de la foule.”
n’est pas surpris de l’entendre dire qu’elle « tient sa force
de Jésus-Christ ». Presque une évidence dans ce pays à la
religiosité exaltée, partagé entre l’islam au nord et la ferveur évangélique au sud, où se multiplient comme des
petits pains les pasteurs entrepreneurs et les méga-églises
pouvant accueillir des dizaines de milliers de fidèles.
L’alliance de la célébrité, du glamour et de la conscience
sociale a valu à Omotola Jalade-Ekeinde d’être surnommée « l’Angelina Jolie africaine ». Comme la femme de
Brad Pitt, elle choisit des prénoms incongrus pour ses enfants (l’aînée se nomme Princess et le petit dernier M.J.).
Comme Jolie, Omotola est l’actrice la plus célèbre de sa
génération, sans forcément être la plus talentueuse. « Même
si elle est excellente dans certains rôles, je ne pense pas qu’elle
soit la meilleure comédienne à Nollywood », estime Serge
Noukoué. « Elle est le produit d’un système qui a besoin de
stars et elle a su le manier à son avantage. Elle cultive son
image de ménagère sexy et de femme d’affaires, ses actions sociales renforçant son aura. Son branding est très efficace. »
E
n effet, la « marque » OmOtOla se décline à
tOut-va. Elle vient de conclure un contrat
de représentation avec une marque de cosmétiques ghanéenne. Son nouveau single,
une ballade R’n’B oubliable, est sorti en
janvier. La prochaine saison de son show télé, inspiré de
celui des Kardashian, sera diffusée au second semestre
(un photographe et un journaliste de M devraient y apparaître…). Enfin, elle a investi dans le parc d’attractions où
se déroule l’interview. D’ici à quelques années, il devrait
abriter « un hôtel 5-étoiles et un village du cinéma avec des
studios ». Si le projet se concrétise, ce sera un nouveau pas
en avant pour Nollywood, produit d’exportation redorant
le blason culturel du Nigeria et suscitant une certaine
fierté nationale. « Notre cinéma a fait ce qu’aucune autre
industrie n’a fait dans ce pays. Beaucoup d’Africains regardent le Nigeria comme un modèle. » La mutation actuelle
du secteur devrait accentuer le phénomène. Si la plupart
des films restent désastreux sur le plan technique, une
poignée de jeunes réalisateurs nigérians constituent un
« new Nollywood » qui se distingue par sa volonté de
faire du cinéma de qualité, et qui en a désormais les
moyens. Des films comme Phone Swap de Kunle Afolayan ou Ijé de Chineze Anyaene (avec Omotola) ont raflé
quelques récompenses dans les festivals internationaux.
La faiblesse de la distribution des films nigérians en salles
est désormais compensée par la télévision (comme Nollywood TV en France, accessible par les bouquets africains des opérateurs) et surtout par les plateformes de
streaming. IrokoTV, le « Netflix africain », permet aujourd’hui aux productions nigérianes d’être diffusées
dans le monde. « On est regardés et connus partout », s’enflamme Omotola. « J’ai plein de fans en Inde. Récemment,
je suis allée faire du shopping à Londres, ils ont dû fermer le
magasin à cause de la foule. Et la plupart des gens n’étaient
pas africains, c’était des Blancs », précise-t-elle.
Nollywood pourrait-il un jour intéresser Hollywood ?
Tête de pont du cinéma nigérian, Omotola a mis un pied
aux Etats-Unis en 2013, avec une apparition dans la série Hit the Floor sur VH1. Le rôle n’est certes pas encore
au niveau de son rêve, tourner avec Leonardo DiCaprio.
Mais sait-on jamais ? Lors du dîner du magazine Time
réunissant les « 100 personnes les plus influentes du
monde », elle a pris le numéro de son voisin de table, un
certain Steven Spielberg. « Il n’avait pas vraiment entendu parler de Nollywood », avoue Omotola. « Je lui ai
expliqué. Maintenant il sait. »
Fest val Nollywood Week, du 5 au 8 juin 2014
au cinéma L’Arlequin à Paris 6e. www.nollywoodweek.com
49
A Bobigny (en haut
et à droite), en SeineSaint-Denis, d’anciens
membres de la liste
indépendante LIBR,
dont Rachid Chatri
(lunettes), se sont
associés à Stéphane
De Paoli, candidat UDI
à la mairie.
A Grigny, dans
l’Essonne, le Parti des
Grignois de Kouider
Oukbi (ci-dessus)
est soutenu par
Vincent Delahaye,
sénateur-maire de
Massy et patron
de l’UDI en Essonne.
50
L
Le magazine.
térans de LIBR, le troisième fait partie de l’an- – Oui mais ton truc, là, c’est bien la droite, non ?
cienne équipe municipale PCF. Des visages J’y comprends plus rien. »
connus à Bobigny, que l’UDI s’est empressée Les militants Rachid Chatri et Youssef Zaoui
d’imprimer en quadrichromie sur ses prospec- disent comprendre la confusion. « Mais avoir
tus de campagne. Rachid Chatri a longuement une étiquette politique reconnue, ça rassure la
réfléchi avant de faire alliance avec le parti de plupart des gens, dit Rachid Chatri. Ce qu’on apcentre droit, pas franchement connu pour son porte en échange, c’est la connaissance du terrain
implantation dans les banlieues. « La gauche que les partis traditionnels ont perdue depuis
nous a toujours pris pour acquis, explique-t-il. longtemps. » « C’est plutôt nous, les associatifs,
On est beaucoup à avoir une expérience dans ses qui encadrons l’UDI que l’inverse, même s’ils
c’est pour les municipales.
– Je ne peux pas voter, je ne suis pas française. » rangs et on s’est rendu compte que nous, les asso- dirigent la liste : dessus, les deux tiers des gens sont
Silence de réflexion de l’homme au bonnet.
ciatifs des quartiers, on leur servait de caution des indépendants. Si on se retire, il n’y a plus
« Tu es européenne au moins ? Si t’es européenne, populaire. »Il ajoute : « Sauf que la gauche nous personne », ajoute Youssef Zaoui. Pour autant,
a habitués à la démocratie participative, même si tous les clivages idéologiques entre ces listes
tu peux voter !
ça ne l’a été que dans les mots. Aujourd’hui on « populaires » et l’UDI ne sont pas gommés.
– Non.
– Aahh… C’est pas grave, madame, ça vien- commence à agir de notre côté et ça leur revient Comme sur le droit de vote des étrangers aux
dra », se console l’homme qui remet son tract dans la figure. » A deux reprises, en 2012 et élections locales, par exemple. « Je suis clairesur le haut de la pile.
2013, lui et son association La Balle au centre ment pour, mais je sais que le maire de Massy est
Il fait un froid de canard ce dimanche matin sur se sont présentés à l’hôtel de ville avec une contre », observe Dawari Horsfall. Vincent Dele marché Edouard-Vaillant à Bobigny. Le ciel trentaine d’habitants pour faire entendre leurs lahaye a en effet voté contre la proposition de loi
est blanc. Presque douloureux pour les yeux. demandes sur l’emploi et le logement. « La lors de l’étude du texte au Sénat en 2011: « On
Les allées grouillent de monde: Noirs, Arabes, maire communiste nous a envoyé la police à la a 80 nationalités à Massy et personne n’est jamais venu me voir pour se plaindre de ne pas
Indiens, Blancs en foule compacte se déplacent place ! », raconte-t-il.
à pas minuscules entre les étals de légumes et A Massy (Essonne), Dawari Horsfall a lui aussi pouvoir voter. Je pense qu’il n’y a pas vraiment
de produits ménagers.A chaque coin de marché, fusionné sa liste indépendante, « Massy plus de demande », juge l’édile. A Bobigny, Djafar
Hamoum montre du
des militants tendent
doigt les immeubles
des prospectus violets
de l’autre côté de
aux passants. Beaul’avenue Edouardcoup sont jetés sur le
Vaillant, des tours
sol, quelques mètres
rondes qui pointent
plus loin, dans la boue
vers le ciel et ressemdes fanes de radis et
blent à des craies de
de carottes. Les districouleur qu’on aurait
buteurs de tracts viofait tenir en équilibre.
lets défendent la liste
« Je me bats depuis des
Rendez-nous Bobigny
années contre les expulemmenée par un ensions locatives dans les
carté UDI (Union des
Dans plusieurs villes d’Ile-de-France, des listes
immeubles. Il n’était
démocrates et indécitoyennes s’associent aux centristes de
pas question de revenir
pendants), Stéphane
là-dessus. On s’est mis
De Paoli, concurrent
l’UDI pour les municipales. Une union contre
d’accord pour limiter
sérieux de la maire
nature ? Pas forcément. Déçus par la gauche,
l’endettement en amont
communiste sortante,
et intervenir quand les
Catherine Peyge.
au pouvoir dans leurs villes depuis longtemps,
familles ont 2 000 € de
C’est à cette liste que
les habitants des quartiers populaires
loyers impayés, et pas
se sont unis les an20 000, quand ça deciens membres de la
veulent bousculer l’échiquier politique local.
vient difficile de déliste issue des quarPar Arthur Frayer/
fendre leur cas. On va
tiers populaires LIBR
voir ce que ça donne. »
(liste indépendante
Photos Nathalie Mohadjer
Autre sujet de disbalbynienne de rascorde: la police munisemblement), qui
cipale, qui ne fait pas
avait réalisé 4 % aux
municipales de 2008. Parmi les dizaines de listes juste », avec celle de Vincent Delahaye, le non plus l’unanimité au sein des listes indépensimilaires nées dans les banlieues en 2008, maire UDI sortant. Il avait obtenu 9,1 % en dantes. Ainsi, à Sainte-Geneviève-des-Bois, Yasquelques-unes se sont aujourd’hui rapprochées 2008. « Les socialistes se disent que les Blacks, les sine Lamaoui, qui avait recueilli 8,2% des voix
des centristes, représentés au niveau national Arabes, les gars de quartier sont avec eux. Sur les aux cantonales de 2011 avec sa liste du Parti des
par Jean-Louis Borloo. Une alliance à première questions nationales peut-être, mais à l’échelle lo- Génovéfains, ne voit aucune objection à la prévue détonante : depuis le début des années cale on s’en fout, c’est le concret qui compte, pas les sence d’une police municipale et de la vidéosur1980, les militants associatifs des quartiers po- logos des partis. » Sauf que l’étiquette centre veillance. « Ce sont les habitants des quartiers
droit peut gêner certains électeurs. « Je vais pas populaires qui sont les premières victimes de la
pulaires se sont plutôt associés à la gauche.
Plantés au début de la rue de Vienne, à proxi- me mettre à voter pour la droite, quand même ! », délinquance. » A Bobigny, Rachid Chatri a très
longtemps été opposé à l’idée des caméras et des
mité d’un vendeur de fruits, Rachid Chatri, lance un passant du marché de Bobigny.
Youssef Zaoui et Djafar Hamoum patientent « Mais c’est moi, Djamel, qui suis dessus, tu me uniformes dans les rues, une proposition portée
par la liste UDI. « Pas de Robocop chez moi », •••
dans le froid. Les deux premiers sont des vé- connais, est-ce que je suis de droite, moi ?
’homme
guette
à
l’angle du marchand
de chaussettes, anorak fermé jusqu’au
menton, bonnet en
lisière des yeux, des
prospectus plein les
mains.
« Prends un papier,
La banlieue,
terre du milieu.
8 mars 2014 – Photos Nathalie Mohadjer pour M Le magazine du Monde
- 51
Le magazine.
••• disait celui qui a cofondé un collectif contre
cette initiative. Puis il a changé d’avis après avoir
fait un tour à Drancy, la ville voisine, tenue par
Jean-Christophe Lagarde, responsable UDI et
rare élu de droite à bien connaître les banlieues.
« Les policiers de Drancy font de la proximité, de
la présence de terrain. Ils viennent si un type fait
trop de bruit avec son scooter. Ça me va. Ce que je
ne veux surtout pas, c’est des cow-boys. Je serai
jamais d’accord pour les cow-boys. »
coup plus intéressée. En 2008, à la surprise gé- A Massy, Dawari Horsfall raconte que c’est le
nérale, la liste autonome du PDG constituée en maire Delahaye qui l’a approché il y a huit mois.
à peine deux mois avait remporté 27 % des suf- Alors avec son équipe, ils ont « comparé [leurs]
frages, provoquant un second tour. Seules propositions de 2008 aux réalisations du maire.
1 000 voix la séparaient de la liste communiste, Les trois quarts ont été faits et il était prêt à intéautant dire rien au regard des 6 000abstention- grer des balayeurs, des jeunes de cité, des gens pas
nistes de la commune. Si la liste du PDG conti- du tout politisés sur sa liste. On a accepté ». Rénue à se dire indépendante, elle n’a pas boudé sultat, huit postes réservés sur les 43 de la liste.
le soutien apporté par le centriste Vincent De- Ces alliances marquent une nouvelle étape
lahaye, sénateur-maire de Massy et patron de dans la jeune histoire des listes autonomes de
l’UDI en Essonne. Celui-ci lui a publiquement banlieue. Pour les régionales de 2010, elles
donné sa bénédiction, au grand dam de Daniel avaient décidé de se réunir au sein d’Emere soir de février, à Grigny (EsMourgeon, investi officiellement par le parti de gence, un mouvement de « citoyens entrés en
sonne), les onze étages du nu- Jean-Louis Borloo en novembre 2013, qui a dé- résistance contre les partis traditionnels ». Les
méro 9 de la rue des Sablons noncé dans la presse locale des « magouilles scores prometteurs des municipales de 2008 ne
résonnent d’un drôle de tohu- politiciennes ». « On accepte tous les soutiens, s’étant pas confirmés aux régionales de 2010 ni
bohu. Six hommes portant des d’où qu’ils viennent, justifie Kouider Oukbi, tête aux législatives de 2012, la question du rapprosweats bleus estampillés « PDG » (Parti des de liste du PDG. Si l’UDI veut nous soutenir, chement avec les grands partis a donc fini par se
tant mieux, on ne va pas leur dire non. Malek poser en vue des municipales de 2014. Ethique
Grignois) frappent aux portes.
« Bonjour madame, il y a des gens qui votent Boutih aussi nous a dit qu’il était avec nous. » de conviction contre éthique de responsabilité :
dans l’appartement ? Vous êtes contente des De son côté, Vincent Delahaye estime que du Max Weber dans les cités. « Avec les autres
« c’est bien de soutenir des jeunes comme eux. membres d’Emergence, on se retrouvait dans un
charges que vous payez ?
– 1 600 € tous les trimestres, comment pourrais-je C’est une voie d’avenir pour intéresser les gens café du quartier des Halles à Paris et on débattait
issus de la diversité à la politique, même si nous de la question. On s’est engueulé pendant des
être contente?»
Omar, un des hommes en bleu, explique que, ne sommes pas d ’accord sur tout ». Egalement heures », raconte en souriant Rachid Chatri.
pour changer tout ça,
Deux chemins se
il faut voter pour le
sont alors dessinés :
Parti des Grignois, le
les réfractaires à
23 mars prochain.
toute alliance sont
« Pour faire partir le
restés au sein
maire et les commud’Emergence, les
nistes qui sont là deautres ont créé un
puis 1925 », argunouveau collectif,
mente-t-il. La dame
Citoyen 2014 (dont
donne son numéro
fait partie « Massy
de portable pour
plus juste »), présent
qu’on l’appelle le
aujourd’hui dans une
jour du vote, parce
quarantaine de villes.
« On a pris des voies
que c’est le genre de
différentes sur les stratruc qu’elle oublie
tégies locales, mais on
tout le temps. Le
se rejoint sur les luttes
quartier de Grigny-2,
à l’échelle nationale »,
dont font partie les
pondère Dawari
Sablons, est l’une
Horsfall. Ces listes
des plus grandes coautonomes risquentpropriétés d’Euelles d’être absorrope ; les charges y
bées par les gros parsont astronomiques
tis ? « On ne se fera
et le sujet enflamme
Rachid Chatri, ancien de la liste LIBR à Bobigny
pas avoir une seconde
les conversations.
fois, veut croire RaQuelques étages
chid Chatri à Bobiplus bas, une femme
gny. On a vu ce que le
enceinte d’origine
un bon ticket d’entrée pour l’UDI dans les ci- PS a fait dans les années 1980 avec la Marche pour
martiniquaise ouvre sa porte.
« C’est pour les élections…
tés? « Non, assure Vincent Delahaye. Il n’y a eu l’égalité et SOS Racisme. Ils ne pourront pas nous
– Ah non ! J’en ai rien à faire, moi, de tes aucune concertation à l’échelle nationale. Lorsque la faire à l’envers comme avec Mitterrand. On a
élections ! Qu’est-ce que ça va changer ? »
des rapprochements se sont faits, c’est au cas par gagné en expérience et on est majoritaires dans pluLe militant change son angle d’attaque:
cas. » Rachid Chatri (à Bobigny) confirme : sieurs de ces listes. » Yassine Lamaoui, à Sainte« Votre appartement est-il propre ?
« Chacun [du côté des indépendants] a fait ses Geneviève-des-Bois, abonde: « On sait mainte– Tu te moques de moi ? Y a plein de cafards et de alliances dans son coin. C’est à la fin qu’on s’est nant que si on doit monter aux responsabilités avec
punaises de lit ! T’as vu ma peau ? »
rendu compte qu’on avait tous trouvé un accord un parti traditionnel, il faut le faire à plusieurs
Elle montre son bras tout cloqué de petites pi- avec les centristes. Mais il ne faut pas trop s’en pour être sûr de ne pas être récupérés comme Malek
qûres. « Nous, on propose de faire nettoyer les étonner. Dans la plupart de nos villes de ban- Boutih, Rama Yade ou Rachida Dati. Et il faut
immeubles. Regardez, c’est écrit dans nos tracts. » lieue, la gauche est au pouvoir. On a fait alliance qu’on exige d’autres postes que la culture ou la jeuElle va y réfléchir, dit-elle, tout d’un coup beau- avec ce qu’il y avait en face. »
nesse pour montrer qu’on sait faire autre chose. »
C
“On a vu ce que
le PS a fait dans
les années 1980 avec
la Marche pour l’égalité
et SOS Racisme. Ils ne
pourront pas nous la
faire à l’envers comme
avec Mitterrand.”
52 -
Photos Nathalie Mohadjer pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014
A Bobigny (ci-dessus
et ci-contre), Rachid
Chatri (lunettes)
l’assure : « Chacun a
fait ses alliances dans
son coin. C’est à la fin
qu’on s’est rendu
compte qu’on avait
tous trouvé un accord
avec les centristes. »
Kouider Oukbi de
Grigny (ci-dessous
au milieu) justifie :
« On accepte tous
les soutiens d’où qu’ils
viennent. Si l’UDI veut
nous soutenir, on ne
va pas leur dire non. »
A quoi ressemble
la génération Y ? Lancée
en octobre 2013, une
grande enquête
sociologique a invité les
18-34 ans à parler d’eux.
Résultat : trois documentaires et une étude
inédite, mise en images
pour “M” par Maia Flore.
Du haut de ses 25 ans,
la photographe exprime
avec poésie les doutes
d’une jeunesse à la fois
désabusée et optimiste.
Par Pascale Krémer/Photos Maia Flore
Veste, Gauchere. Top, Cos
Génération
no(s) futur(s).
54
L’avenir
Seuls 25 % des 18-34 ans ont la conviction que leur vie
sera meilleure que celle de leurs parents, 45 % pensent
qu’elle sera pire. Ils sont 43 % à imaginer que leurs enfants
auront une existence encore moins bonne que la leur.
8 mars 2014
- 55
L’indépendance
Que signifie «devenir adulte» pour cette génération ?
36 % des jeunes interrogés estiment qu’il est important
de prendre le temps de « se trouver ». Pour 30 %, il s’agit
plutôt de « se placer », donc de s’intégrer le plus vite possible
sur le marché du travail. « S’installer » n’est en revanche
une priorité que pour 7 % des répondants.
Maia
Flore, 25 ans, a d’abord
« senti peser un poids »
sur ses épaules. C’est à
cette toute jeune photographe de l’agence Vu
que M Le magazine du Monde a demandé de
saisir en images sa propre génération. Des clichés qui devaient faire écho à l’enquête « Génération quoi ? », lancée en octobre 2013 par
France Télévisions, une société de production
audiovisuelle (Yami 2) et un concepteur de sites
Web (Upian), avec l’ambition d’amener les 1834 ans à dresser eux-mêmes le portrait de leur
génération. Ravis, semble-t-il, d’avoir enfin leur
mot à dire, pas moins de 210000 jeunes ont rempli en ligne un long questionnaire conçu par
deux sociologues de la jeunesse, qui portait
aussi bien sur leur vie que sur leurs valeurs.
L’exploitation de ce trésor inédit de 21 millions
de réponses, qui vient d’être réalisée (Le Monde
du 26 février), fait apparaître une génération
foncièrement pessimiste quant à son destin collectif, qui se qualifie plus spontanément de
56
sans les trahir ?
« génération sacrifiée » ou « perdue » que de
« génération Y ». Pas écoutés, pas considérés: les
nombreux répondants ont exprimé leur exaspération de piétiner au seuil d’une société vieillissante. Leur envie de départ, très loin, et aussi de
révolte. Ils sont 61 % à s’être déclarés prêts à participer à un mouvement de type Mai-68. La politique n’est plus un espoir, ils n’y croient plus. Ils
vivront, pensent-ils, moins bien que leurs parents, ne s’estiment reconnus à leur juste valeur
ni à l’école ni dans le travail. Ils aiment leur famille, qui les aide et partage leurs angoisses, mais
en veulent à cette génération aînée de ne pas
leur faire de place.
lande, en Californie) a déposé son fardeau en
concevant des images libres d’interprétation.
Chacune d’entre elles peut se lire avec des lunettes optimistes ou pessimistes, expliquet-elle, « de la même manière qu’il était possible de
répondre oui ou non au questionnaire ». Le bandeau sur les yeux au moment de l’accès au travail, malgré l’énergie déployée pour gravir les
marches. Oui, mais des marches ont tout de
même été gravies ! La longue robe offre un
cocon protecteur, comme un logement… mais
le tissu est fin, fragile, il peut s’envoler. Les
livres sur le dos, autant de savoirs accumulés. Ou
de traditions culturelles dont on ne peut se défaire? Les liens tissés, fils, laines, extrémités de
le « poids » de maia Flore… Englober, dans
chaussettes, entre amoureux, parents, amis, souquelques photos, une génération tout entière, dent les énergies. Tout en bridant les libertés…
rendre compte visuellement de sa diversité, de A chacun de projeter ce qu’il souhaite dans ces
ses difficultés comme de ses ambivalences – photos poétiques élaborées comme des taprès des deux tiers de ces 18-34 ans, qui se des- bleaux – la photographe commence d’ailleurs
sinent eux-mêmes un avenir collectif si sombre, par dessiner avant les prises de vue. Paisible au
se disent plutôt ou très optimistes quant à leur premier coup d’œil, mais dérangeante à y regardevenir personnel. La photographe globe-trot- der de plus près: la jeunesse dépeinte par Maia
teuse (elle a déjà travaillé en Suède, en Fin- Flore s’approche peut-être de la réalité.
Veste, Marina Rinaldi
C
omment parler des siens
Chemise et derbys, COS. Pantalon, Viktor & Rolf. Gants, Agnelle
Le portfolio.
Le travail
Fainéants, les jeunes ? Au contraire, ils mettent en avant
la valeur travail. D’autant qu’ils peinent à accéder au monde
de l’emploi : un quart d’entre eux est au chômage. 81 %
des répondants à l’enquête disent que le travail est important
dans leur vie. 62 % s’estiment épanouis dans leur emploi,
mais cette proportion tombe à 43 % chez les intérimaires.
8 mars 2014 – Photos Maia Flore/Agence VU pour M Le magazine du Monde
- 57
Les diplômes
Chemise, COS. Veste, Uniqlo
S’ils jouent le jeu de la compétition et des études, les
18-25 ans ne font pas confiance au système scolaire français.
61 % estiment qu’il ne récompense pas le mérite. Le même
pourcentage pense qu’il ne donne pas sa chance à tous.
Une fois le diplôme obtenu, nombreux sont ceux qui doutent
de son utilité : 60 % des répondants ne se croient pas payés
à la hauteur de leur qualification.
58
Le portfolio.
Le mariage (pour tous)
Robes, Courrèges. Chaussettes, DD
S’ils sont une minorité à imaginer pouvoir trouver le bonheur
sans fonder une famille – 34 % –, les jeunes ne sont pas attachés aux valeurs traditionnelles : 36 % estiment que le divorce
est « un mal moderne », 64 % qu’il est « parfois nécessaire ».
Quant aux relations homosexuelles, elles sont largement
acceptées : 80 % des sondés ne sont pas choqués de voir
un couple gay s’embrasser dans la rue.
8 mars 2014 – Photos Maia Flore/Agence VU pour M Le magazine du Monde
- 59
La famille
Jupe, Guy Laroche. Sandales, Christian Louboutin
Plus que jamais, la famille est la valeur refuge des jeunes.
27 % décrivent leurs relations avec leurs parents comme
« idéales », 53 % comme « cool », 10 % seulement comme
« bof » ou « hypertendues ». 91 % disent que leurs parents
les soutiennent dans leurs choix. 63 % les pensent angoissés
par l’avenir de leurs enfants.
60 -
Photos Maia Flore/Agence VU pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014
Veste et pantalon, Paule Ka. Chemise, Peuterey. Costume short, COS
Le portfolio.
La solidarité
Si 50 % des jeunes interrogés estiment ne pouvoir compter
que sur eux-mêmes, ils pensent pourtant à 77 % que, dans
la vie, on ne peut pas s’en sortir sans solidarité. Ils sont par
ailleurs prêts à s’engager: 81 % sont favorables à l’instauration
d’un service civil obligatoire alternatif à l’armée.
61
Le Style
/ Mode / Beauté / Design / Auto /
/ High-tech / Voyage / Gastronomie / Culture /
Britta Pedersen/DPA/Abaca
La techno
se porte bien
Un bracelet qui prévient en cas de
coup de soleil, un body qui mesure
la température du bébé, un tee-shirt
de yoga qui vibre à chaque faux
mouvement… Vêtements et accessoires connectés se développent.
Et misent sur le style autant que sur
la technologie. Par Marie Godfrain
8 mars 2014
Une robe incrustée
de LED signée
Angela Date et
présentée lors
du dernier salon
CES (Consumer
Electronics Show)
de Las Vegas.
- 63
Le body Mimo, ci-dessus,
mesure grâce à un capteur
le rythme respiratoire,
la température, le niveau
d’activité du bébé, et transfère les informations sur
le smartphone des parents.
Grâce à la miniaturisation
des composants, les bijoux
connectés se développent.
Le bracelet June, ci-contre,
mesure le taux d’UV absorbés par le corps, tandis que
le Tactilu peut transmettre
des caresses à distance.
A
vant même de prendre Sa douche,
le premier geste de François Garcia, après
sa course quotidienne, est de vérifier sur
son téléphone portable ses performances
du jour… Grâce à des capteurs placés
dans un bracelet, ce fan de running peut quantifier la progression de ses performances de mois en mois, le nombre
de calories brûlées, se mesurer à ses amis et se comparer
à une cohorte d’hommes de la même tranche d’âge… Voilà
vingt ans que les futurologues promettent l’avènement du
vêtement connecté. « L’hybridation corps-machine est un
vieux fantasme que la technologie rend chaque jour plus
tangible », explique Emma Fric, directrice de recherche et
prospective à l’agence de tendance Peclers Paris. Lors du
récent Mobile World Congress de Barcelone, qui fait figure
de baromètre sur le marché du high-tech mobile, les objets
connectés étaient partout, notamment sur les stands
des ténors du secteur (Samsung, Sony…). Reliés à un smartphone, ces bracelets, turbulettes pour bébé, broches,
bagues ou souliers permettent principalement d’accéder
à une information ou de la transmettre sans même avoir à
sortir son combiné et à trouver la bonne application.
Depuis le début des années 2000 et la révolution du mobile,
les smartphones ont concentré de plus en plus de fonctions :
Web, e-mail, GPS, appareil photo, agenda, réseaux sociaux…
Malgré les efforts des industriels pour leur conférer plus
d’ergonomie, un utilisateur déverrouille son combiné en
moyenne 110 fois par jour, selon une étude effectuée par
l’application Locket. Un geste qui demeure mal accepté
socialement, que ce soit dans un dîner ou une réunion. Le
vêtement connecté permet, lui, d’afficher ailleurs certaines
informations et, donc, de les consulter plus discrètement ou
de les collecter par des capteurs (des composants électroniques sensibles à la vitesse, à la température, aux battements du cœur…) dont la taille de plus en plus réduite
64 -
permet de les dissimuler dans des habits et des bijoux.
Le bracelet June, de Netatmo, mesure par exemple le taux
d’ensoleillement quotidien et avertit la personne qui le porte
lorsqu’elle dépasse la dose d’UV conseillée. Quant aux
fameuses lunettes Google Glass, qui seront commercialisées
dans le cours de l’année, elles affichent, dans un coin de leur
verre, e-mails, plans et renseignements. Et
permettent ainsi de garder les mains libres.
Ces dernières années, grâce à une production
importante de smartphones, le prix des composants miniaturisés (processeurs, capteurs de
vitesse, de position, de température…) a fondu.
Conjuguée à l’essor du financement participatif de projets grâce à des appels lancés sur
Internet, qui permet de cibler les utilisateurs
de ces nouveaux produits, assoiffés d’un
monde toujours plus connecté, cette chute
du coût des composants autorise des acteurs
microscopiques à lancer des projets d’envergure quasiment sans capital. Mais la maturité de la « tech-àporter » correspond aussi à l’explosion des réseaux sociaux
qui favorisent le partage d’expériences. « Il fallait réunir certaines conditions pour que la “technologie qui se porte”
explose, estime-t-on chez Nike. Ludique, simple d’utilisation et
esthétique. Ce sont les trois clés du succès d’un vêtement
connecté, comme notre bracelet FuelBand. »
Sur ce marché qui exploSe, acteurS et produitS vont Se multiplier.
Néanmoins, conquérir le cœur du grand public ne sera pas
chose aisée. Pour cela, géants comme nouveaux venus vont
devoir intégrer les codes d’un secteur qu’ils ont toujours
ignoré: la mode. A la peine sur le secteur mobile, le géant
Intel a mis en place au début de l’année une plateforme commune avec la marque américaine de mode Opening Ceremony, les magasins Barneys et l’association de professionnels
Council of Fashion Designers of America (conseil des créateurs de mode américains). Ensemble, ils veulent inventer le
style de demain, qui intégrera la dernière génération de puce
miniaturisée. Selon Stéphane Nègre, président d’Intel France,
l’entreprise négocie en ce moment en Europe avec des
grands noms du luxe « pour développer la même synergie de
ce côté de l’Atlantique ». Il lui faudra alors se confronter au
consortium Smart Sensing, composé d’entreprises françaises
du tissu et de l’électronique, qui développe des vêtements où
les capteurs sont intégrés aux fibres.
« Autrefois, on acceptait que la technologie soit laide. Sa
fonction seule nous suffisait. Aujourd’hui, elle doit être désirable, à plus forte raison quand il s’agit d’un vêtement ou d’un
accessoire, renchérit Emma Fric. Les valeurs de customisation et de sur-mesure du luxe contaminent le secteur. »
Mais pour se faire une place au soleil, la tech-à-porter doit
aussi démontrer son utilité. Destinés aux adeptes du yoga et
de la méthode Pilates mais aussi du golf, les vêtements de
sport Move, d’Electricfoxy, disposent de capteurs à différents points stratégiques du corps pour repérer précisément
la position de chaque membre. Des vibreurs intégrés dans le
tissu permettent de détecter les zones où les mouvements
doivent être améliorés. Le bracelet Tactilu pousse, lui, le
concept encore plus loin. Equipé de capteurs, il transfère
les caresses d’un être cher à distance et fait ressentir la
présence de l’autre. Plus qu’une histoire de style, c’est en se
faisant passeur d’émotions que la tech-à-porter saura se
rendre incontournable.
8 mars 2014
Mimo. Tactilu. Netatmo
le style.
Le goût des autres
Le nude perd pied. Par Carine Bizet
L
a mode s’est amourachée
du beige. Depuis cinq
saisons environ, les
collections égrènent
les dégradés de chair, peau et
autres « nude » avec la précision d’un nuancier de fond
de teint. Les accessoires n’ont
pas échappé à cette vague du
« déshabillé » et les souliers
couleur « épiderme » se sont
multipliés. Mais l’escarpin nu
est un faux ami, une fourberie
vestimentaire. D’abord parce
qu’il ne supporte rien : ni chaussettes ni collants. Il se porte
« à cru ». Et tant pis si une
vague de froid polaire s’est
invitée en ville, laissant derrière
elle des températures peu
clémentes jusqu’aux portes du
printemps. Les adeptes de ces
stilettos restent cependant
nombreuses. Pourquoi ? Parce
qu’elles jurent qu’ils ont des
vertus de trompe-l’œil, qu’ils
se fondent avec la jambe pour
en étirer sa ligne. A condition
d’avoir du temps et de la
patience. Il faut d’abord trouver
un escarpin d’une couleur qui
approche le plus possible de
celle de la jambe. Un vrai travail
de coloriste, qui oblige à des
déshabillages périlleux et fondamentalement injustifiés dans
les boutiques de chaussures.
Vient ensuite la phase « finition » : il s’agit d’optimiser le
raccord couleur grâce à un
autobronzant ou un fond de
teint de corps. Là encore, l’opération s’avère critique : sortir un
escarpin de son sac pour comparer son cuir aux nuanciers de
maquillage fait rarement rire les
vendeuses des parfumeries,
intoxiquées aux brumes de fragrances et autres soins odoriférants. Grâce aux excès de zèle,
l’autobronzant classique a tendance à virer à l’orange semiphosphorescent. Une fois que
l’on a les jambes teintes de
cette nuance peu discrète, ne
reste qu’à s’acheter des escarpins couleur corail. Ou à porter
un pantalon pendant plusieurs
semaines. En moyenne, après
environ deux semaines de
recherche en colorimétrie très
ciblée quoique superficielle,
le but est atteint. Ou à peu
près. Reste à régler quelques
menus détails : assortir son
teint à ses jambes, histoire de
ne pas être la femme bicolore
de service dans une soirée.
Regardez bien autour de vous,
c’est statistique : il y a au moins
une victime de cette asymétrie
de peau malheureuse qui fait
tache (bicolore) dans la foule.
Même après ce parcours de
combattante du style, le subterfuge demeure malheureusement un peu gros. Car il y a une
surface qui résiste encore et
toujours à l’invasion du beige :
les semelles de l’escarpin, qui
trahiront toujours la vraie
nature du soulier. En matière
d’illusion optique, rien ne
vaut le noir pour faire une
belle jambe. Sans angoisse
colorimétrique.
le Théorème
Acne Studios. Liberty. Acne Studios
Acne Studios et Liberty se content fleurette.
Quand un suédois pointu rencontre une londonienne preppy, ce ne peut être que de bon augure.
Dans cet esprit, Acne Studios et Liberty of London se sont unis pour créer une collection particulière, apposant sur les pièces parfaitement coupées de la marque de prêt-à-porter née à Stockholm
les tissus de la fameuse boutique d’héritage britannique (imprimé cachemire, tissu animalier et
impression japonisante) datant du xixe siècle. A l’arrivée, un vestiaire complet allant de l’emblématique blouson de cuir à une paire de slippers. Un mariage mixte élégant. Lisa Vignoli
3 000 € le blouson Mape, 2 500 € la salopette. En vente depuis le 14 février chez Liberty à Londres et chez Acne Studios à Paris,
3, rue Froissart, dès le 5 mars prochain.
Illustration Johanna Goodman pour M Le magazine du Monde
65
Les compensées.
Mister Bean, sot british.
Mister Bean est la preuve vivante qu’on peut avoir une jolie tenue et ne pas savoir
se tenir. le personnage loufoque créé par rowan Atkinson peut s’agiter et grimacer
à tout-va sans desserrer le nœud de sa cravate ni froisser sa chemise. son style
classique obéit à la tradition britannique du gentleman-farmer reposant sur quelques
fondamentaux que Bean maîtrise. seul lui manque le flegme. Ca. R. Stylisme F. K.
Le bLazer.
En laine et
angora,
Ermenegildo
Zegna, 833 €.
www.farfetch.fr
Le pantaLon.
En laine et mohair, PS
by Paul Smith, 265 €.
www.paulsmith.co.uk
La cravate.
En soie
brodée de
pois, Charvet, 165 €.
Sur Mrporter.
com
vu sur le net
L’architecture, un jeu d’enfant.
l’architecte laurence Calafat a voulu rendre sa spécialité plus
ludique en lançant la collection Cinq Points. les coffrets Archiblocks
(disponibles en trois typologies : City, Factory et House, 59 €)
contiennent d’élégants blocs en tilleul à assembler pour créer ses
propres bâtiments. Quant aux versions du jeu des 7 familles (17 €)
et du Memory (25 €), elles permettent de s’amuser en améliorant
sa connaissance des figures de l’architecture contemporaine. M. Go.
Jeux Cinq Points, de 17 € à 59 €. Frais de port à partir de 3,50 €. www.cinqpoints.com
66
À l’origine
Les chaussures
compensées
sont portées
en Grèce
antique par
les acteurs et
actrices de tragédie (photo).
Une hiérarchie
s’établit aussitôt : plus la
chaussure est
haute, plus le
rôle est important. Du xve au xviie siècle, les femmes de
la haute société les portent pour illustrer
leur rang social et se protéger de la boue.
Au fur et à mesure que les villes s’urbanisent, les compensées ne sont plus nécessaires. Dans les années 1930, le chausseur
italien Salvatore Ferragamo leur apporte
une touche nouvelle avec des matériaux
comme le liège et le bois. Mais le vrai
retour s’opère dans les années 1970,
grâce aux réinterprétations d’Yves Saint
Laurent et à la popularité du pantalon
pattes d’éléphant : avec des compensées,
il ne traîne pas par terre. Associées à la
culture disco, elles disparaissent au début
des années 1980.
À l’arrivée
Depuis
quelques
saisons, les
compensées
tentent un
retour sans
vraiment
s’imposer.
Elles représentent encore
un défi pour bon nombre de femmes,
la démarche n’étant pas vraiment facilitée
si haut perchée. Mais celles qui surmontent la difficulté ne laissent pas indifférent. Une paire de talons estivale Christian
Louboutin (photo) ou Charlotte Olympia,
pleine de couleurs et d’humour, se
remarque. Si on veut laisser de côté le
style pop et bariolé, on peut regarder
chez Givenchy, où les compensées sont
vues comme l’équivalent des bottes de
combat masculines : imposantes et résistantes. L’élégance en plus ? J. N.
Patrick Riviere/Getty Images. Ermenegildo Zegna. Charvet. Paul Smith. Mary Evans/Rue des Archives. Christian Louboutin. Cinq points
l’icône
Le style.
fétiche
Casque d’or.
Après avoir forgé son succès avec des casques
au look tapageur et au son saturé de basses,
Beats by Dr. Dre a opéré un virage à 180°.
Décision emblématique de ce retour à plus de
sobriété – à la fois dans le style et la qualité
audio –, la marque californienne a confié l’habillage d’une édition limitée du Studio, son dernier modèle de casque haut de gamme, à
Alexander Wang. A tout juste 30 ans, ce natif de
San francisco qui a un temps évolué dans
l’ombre de Marc Jacobs est lui aussi un touche-àtout talentueux, directeur artistique, entre autres,
de Balenciaga. Son casque noir et or affiche une
finition soignée. et le son, même s’il n’est pas
encore à la hauteur des ténors du secteur, est
chaud et précis, sans basses excessives. M. Go.
Casque studio by alexander Wang. disponible en exClusivité
Chez Colette, 449 €.
8 mars 2014 - photo bastien lattanzio pour M le magazine du Monde. stylisme Fiona Khalifa
- 67
VARIATIONS
Retour de flamme.
Nation phare du design scandinave, le Danemark excelle dans
les accessoires de décoration
simples, attachés à l’humilité
de la vie domestique, comme
le démontrent ces quatre bougeoirs. Une typologie souvent
délaissée par les grands noms
du design. Proposés par de
jeunes éditeurs emblématiques
d’une scène locale en perpétuelle ébullition, ils imposent
leur douce présence dans les
intérieurs contemporains. M. Go.
En haut, dE gauchE à droitE, bougEoir En
hévéa, boconcEpt, 19 €. www.boconcEpt.com
bougEoir Folk En zinc, normann copEnhagEn, 20 €. www.FlEux.com
bougEoir En bois, blossom, chEz homE
autour du mondE, 44 €. www.applicata.dk
bougEoir En bois, string FErm living, 100 €.
www.FlEux.com
68 -
photo bastien lattanzio pour m le magazine du monde. stylisme Fiona khalifa – 8 mars 2014
Le style.
LA PALETTE
Pigments
layette.
Déjà utilisées par de nombreux créateurs de
mode cet hiver, les teintes pastel inspirent à présent les marques de maquillage. Une déclinaison
de couleurs directement issue de l’univers de
la décoration scandinave, qui mélange depuis
quelques saisons les lavandes, les rose dragée
et les bleus les plus pâles avec du bois brut.
Cependant, si ces pigments apaisants évoquent
la douceur du ciel et les listes de naissance,
ils sont très difficiles à appliquer sur les paupières. On se contentera d’une touche discrète
dans le coin interne de l’œil, ou bien juste
de vernis sur les ongles. Le moindre surdosage
pourrait être interprété comme une envie
refoulée de participer au casting d’une émission
de télé-réalité. L. B.-C.
Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde. Fernando Javier Urquijo/StudioMilou Architecture
So Laque Glossy Ciel Mon Vernis, Bourjois, 9,99 €, www.bourjois.fr
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événementiel
Le « Carreau »,
nouveau Temple de la mode
C’est dans ses halles fraîchement restaurées qu’a eu lieu le dernier
défilé parisien Saint laurent Paris. les silhouettes d’Hedi Slimane
ont foulé un plateau en parquet blond de près de 1 800 mètres
carrés, sous l’architecture gris métallique des trois nefs qui laissent
entrer une lumière zénithale. De ce lieu historique en plein quartier
du marais parisien, son directeur général Jean-luc Baillet compte
faire un espace croisant mode et arts, « assez haut de gamme,
pour ne pas dire assez chic, pour ne pas dire assez luxe ». le lieu
tirera 65 à 70 % de son chiffre d’affaires de sa location pour diverses manifestations.
Salons d’art contemporain, événements du Fooding ou concerts de talents émergents se
succéderont au « Carreau ». Une année de fouilles archéologiques et trois ans de travaux
auront également permis de relancer un lieu de vie : le sous-sol accueille un gymnase
pour les habitants du quartier. Arts martiaux, taï-chi et gym suédoise y ont leurs espaces
réservés, dojo et tatami inclus. L. V.
Le Carreau du Temple, 2, rue Eugène-Spuller, Paris 3e. Du 26 au 30 mars, Salon du dessin contemporain.
Du 4 au 6 avril, Salon du luxe durable. Week-end d’ouverture du 25 au 27 avril. www.carreaudutemple.eu
69
Le style.
un peu de tenues…
Le pictural.
Imprimés géométriques façon Klimt, coups de pinceau nerveux…
Des volumes mis en couleur pour une garde-robe arty.
Par Marine Chaumien/Photos Christophe Rihet
70
page de gauche,
Robe en cRêpe
de soie, joncs en
plexi, et boots
en laine et cuiR,
Chanel.
au centRe, pull
en coton technique et soie,
Maje. jupe
en coton lamé
et collieR en
caoutchouc,
Kenzo. joncs
en aRgent, MarC
DeloChe. petit
sac 2 jouRs
en cuiR de veau
multicoloRe
à effet géométRique 3d, FenDi.
ci-contRe, top
en satin de laine,
jupe en viscose
côtelée, manchette en métal
et émail, Céline.
8 mars 2014
- 71
72
Le style.
page de gauche,
Veste en soie,
AmericAn
VintAge. Robe
chemise en coton
et soie, PAul
Smith. sautoiR
en métal, h & m.
chaîne aVec
pendentif magic
ball en aRgent
plaqué oR,
OrigAmi
jewellery chez
BOticcA.fr.
manchette en
métal et émail,
céline. sandales
compensées
en cuiR, minelli.
au centRe,
manteau en
fouRRuRe de
lapin tRicoté,
zAdig & VOltAire.
tee-shiRt en
coton, SAtu
mAArAnen et
le feStiVAl
de hyèreS POur
Petit BAteAu.
Jupe en soie,
gérArd dArel.
Jonc en VeRmeil,
emmAnuelle
zySmAn. bRacelet en oR blanc
et coRne, mAiyet.
ceintuRe en cuiR,
mAiSOn BOinet.
sac Z.54 en cuiR
gRainé, zAPA.
sandales
compensées
en cuiR VeRni,
flAmingOS.
ci-contRe,
manteau en
laine, PrAdA.
chemise et pantalon en popeline
de coton, PAule
KA. sandales
compensées en
cuiR, minelli.
mannequin :
lika @ silent
coiffuRe :
hélène bidaRd
maquillage :
tRacey gRay
mann
assistante
styliste : ana li
mRaoVitch
pRoduction :
White dot
8 mars 2014
- 73
Le style.
Responsable des archives du Musée du quai Branly et commissaire de l’exposition « L’Atlantique noir », l’historienne s’est penchée sur le destin de Nancy Cunard (1896-1965). Cet écrivain à
l’engagement hors du commun a publié en 1934 Negro Anthology, véritable monument de 850 pages sur l’histoire des Noirs.
Femme d’une grande beauté, muse, amie ou maîtresse des grands
hommes de son temps, elle est morte seule, presque dans la rue.
Qui était Nancy Cunard?
Une femme libre. Une icône de mode
certes – elle fut un symbole de la mode
garçonne, Poiret, Schiaparelli, Coco
Chanel l’ont habillée. Mais celle qui reste
pour beaucoup « la maîtresse d’Aragon » était avant tout une grande intellectuelle, passeuse de textes – elle a
traduit des extraits de Nadja, publié
Beckett et ezra Pound, etc.
Quelle photo la caractérise
le mieux?
il y a bien sûr l’emblématique photographie de Man ray, mais elle ne révèle
qu’une facette de sa personnalité. Pour
moi, c’est celle où elle se trouve avec
son compagnon Henry Crowder en
train d’imprimer un ouvrage dans sa
boutique-imprimerie parisienne du 15,
rue guénégaud (ci-contre). elle racontait souvent que c’est grâce à Henry
Horlogerie
Entrez dans la ronde.
Cartier est le spécialiste des montres dites « de forme ». On entend
par là toutes les formes sauf le cercle. Ses nouveautés sont généralement carrées, rectangulaires, coussin, tonneau, voire inclassables. Mais
quand la marque se livre à cet exercice, elle s’impose une obligation de
classicisme dans lequel elle distille ses codes : chiffres romains, aiguilles
pomme, cadran à motif concentrique… La Ronde Louis Cartier, l’une
des lignes les moins connues de la maison parisienne, vient de s’enrichir
d’une nouvelle taille de 40 mm, faite d’or rose, parfaitement mixte.
Les femmes la choisiront pour sa grande taille et son aspect feutré.
Les hommes apprécieront son aspect classique, son diamètre très
raisonnable et son mouvement. Ce dernier est à remontage automatique, entièrement pensé et fabriqué par Cartier. D. C.
Ronde Louis Cartier. Boîtier en or rose de 40 mm de diamètre, fond en verre saphir transparent,
mouvement à remontage automatique avec date, calibre 1904-PS MC. Prix sur demande.
Tél. : 01-42-18-43-83.
74
Crowder qu’elle s’est lancée dans cette
aventure éditoriale, et c’est à lui qu’elle
dédia Negro Anthology.
Pourquoi cette exposition?
il y avait deux enjeux : parler à la fois du
parcours d’une femme sur lequel on projette beaucoup de stéréotypes, et aborder l’histoire intellectuelle et politique
des Noirs dans les années 1930. Nancy
Cunard était une femme engagée :
contre le racisme, la ségrégation raciale,
le colonialisme et le fascisme. D’ailleurs,
la publication à londres de son anthologie lui valut les compliments des militants afro-américains qui comptaient à
l’époque en Amérique. J’espère aussi
que l’exposition sensibilisera un éditeur
afin que cette anthologie soit enfin
publiée en français. Propos recueillis
par Emilie Grangeray
« L’Atlantique noir », de Nancy Cunard, Musée du quai
Branly, 37, quai Branly, Paris 7e. Tél. : 01-56-61-70-00.
Jusqu’au 18 mai. www.quaibranly.fr
Cartier. Cyril Zannettacci/Musée du quai Branly. Les héritiers de Nancy Cunard
Connue surtout comme
la maîtresse d’Aragon,
Nancy Cunard (ci-dessous)
était un écrivain engagé
contre le racisme.
Son destin est retracé
au Musée du quai Branly.
3 questions à
Sarah FriouxSalgaS.
CeCi n’est pas...
une paire de lunettes.
Surréalisme et illusion d’optique ne cessent d’inspirer la mode. Il y a eu la légendaire collaboration
entre Elsa Schiaparelli et Salvador Dalí, plus récemment les minaudières livres d’Olympia Le-Tan ou les
accessoires trompe-l’œil de Maison Martin Margiela.
La créatrice anglaise Charlotte Olympia s’est
déjà illustrée avec ses ballerines « chaton », ses
pochettes « cadran téléphonique rétro » ou encore
ses escarpins « demoiselle en détresse » montés
sur des talons en forme de donjon médiéval.
Dernière pièce émanant de son studio déjanté : ce
sac mégalo façon lunettes glamour tout droit sorties d’un film hollywoodien des années 1950. J. N.
Charlotte Olympia
Sac Charlotte Olympia en cuir verni et PVC, 685 €. Existe en rouge, noir,
doré ou rose. Disponible au Bon Marché, au Printemps Haussmann et
chez Colette. www.charlotteolympia.com
8 mars 2014
- 75
Le style.
être et à voir
Mark.
Illustration Vahram Muratyan pour M Le magazine du Monde
Par Vahram Muratyan
Mark Zuckerberg, homme de réseaux.
76 -
8 mars 2014
EN VITRINE…
La sculpture oiseau
Nendo et
BoConcept
en Fusion
T
rès proches dans leur conception
épurée et fonctionnelle de l’objet,
les designs scandinaves et japonais
se rencontrent grâce à la collaboration
du studio Nendo et de l’éditeur de mobilier
danois BoConcept. Oki Sato, à la tête de Nendo,
explique comment cette collection Fusion
opère la synthèse entre ces deux écoles.
1.
« J’ai toujours aimé l’idée de cacher des petits objets sous
des chapeaux, je voulais aussi introduire un objet en bois
dans la collection… Mon imagination a relié les deux pour
produire cet oiseau au fondement concave fabriqué
en chêne. J’étais embarrassé de le proposer à BoConcept
car il était très personnel et pas vraiment utile mais ils l’ont
immédiatement adopté. »
49 €.
Propos recueillis par Marie Godefrain
2.
Le fauteuil
L’assiette
« Nous avons souhaité intégrer des éléments
graphiques, je me suis donc tourné vers
l’origami que j’ai dessiné déplié sur des
petites assiettes. Un motif dont on ne connaît
pas la signification. La réponse se trouve
dans les tasses à café au fond desquelles on
découvre le dessin des animaux pliés. »
3.
Set de 6 assiettes, 49 €.
« L’objectif était de dessiner un fauteuil enveloppant, confortable, large mais suffisament bas
pour qu’il n’ait pas une apparence trop massive.
Proposé dans des centaines de tissus et cuirs,
il devait se marier avec différentes finitions et
se fondre dans divers environnements. Pour
toutes ces raisons, ce fauteuil est sans doute
la pièce la plus complexe de la collection. »
1 472,70 €.
TÊTE CHERCHEUSE
BoConcept x3. Eric Chevallier x2
Les aménagements millimétrés
d’Eric Chevallier
Après les boutiques Carven, le décorateur Eric Chevallier applique son style à la
conception d’intérieurs et de mobilier. Chacun de ses projets est une immersion
dans un univers dessiné au cordeau. Cette vision d’une ambiance au service
de ses clients, Eric Chevallier l’a développée chez Colette, le concept-store où
il a démarré en 1999. En 2008, la direction lui confie l’image du magasin. Ces
années dans les rayons ainsi qu’un sens aigu de l’observation l’aident à imaginer
un espace où la circulation est réglée avec minutie. «Je visite toujours les lieux
que je vais aménager afin de proposer un scénario pertinent mais aussi ajusté
au millimètre», explique-t-il. Rien d’étonnant donc à ce qu’il collabore avec des
maisons qui cultivent la même obsession, comme Domeau & Pérès. Les selliers
ont réalisé ses bancs Saint-Sulpice et son canapé au mètre, «un rond sur
un rectangle». Cette collaboration va donner naissance à de nouvelles pièces:
«J’aime montrer que le mobilier peut fonctionner par saison et par envie.» M. Go
77
D’Où ÇA SORT ?
Les égéries quinqua.
Longtemps absentes des spots
de pub et ignorées par l’industrie
cosmétique, les femmes de plus de
50 ans sont aujourd’hui une cible
marketing. Leur atout : pouvoir
d’achat et puissance démographique.
D
ans dix ans, un Français sur deux aura
50 ans. En 2050, deux milliards de
personnes dans le monde auront plus
de 55 ans. Cette partie de la population
est une véritable manne, qu’aucune marque
ne peut se permettre d’ignorer », observe
Stéphane Gouin, maître de conférences en
marketing à Agrocampus Ouest, à Rennes. Dans l’univers
de la beauté, si le lancement des produits anti-âge visant
les quinquas s’est accéléré ces dix dernières années, les
marques sont longtemps restées pudiques quant à la
manière de s’adresser à ce segment de la population.
Jusqu’à présent exclues des publicités cosmétiques, les
femmes de 50 ans colonisent progressivement le territoire
du soin. A l’instar de Sharon Stone, ancienne égérie de Dior,
Andie MacDowell ou Inès de La Fressange pour L’Oréal
Paris, des femmes nées avant 1964 ont commencé à
remplacer les mannequins de 18 ans métamorphosés en
trentenaires. « Les quinquas étaient invisibles dans les publicités, ou tellement retouchées qu’elles ne se retrouvaient pas
dans ces images, explique Lana Glazman, vice-présidente
marketing du groupe Estée Lauder en Europe et au
Moyen-Orient. Désormais, elles sont en mesure d’exiger des
marques un changement. » D’où l’apparition de rides ostensibles dans le spot télévisé de la dernière crème Clarins.
« On nous questionne beaucoup sur ce choix, répond Hugh
78
D’autant qu’ils n’ont plus rien De la
présentée dans les années 1990. « Désormais, à 50 ans, les couples se refont
et le besoin de séduire est beaucoup plus grand qu’auparavant », ajoute Stéphane Gouin. Ainsi les marques de beauté
sont contraintes de modifier leur discours. « Si l’on compare
l’espérance de vie en 1850 avec les prévisions de 2050, on
s’aperçoit qu’on a gagné trente-quatre ans, remarque Lana
Glazman. De plus, les femmes de 50 ans prennent mieux
soin d’elles et paraissent donc plus jeunes que les générations précédentes. Elles ne supportent plus que les marques
s’adressent à elles comme si leur âge était une maladie. Elles
ont horreur de l’injonction contradictoire qui consiste à dire :
vous êtes bien comme vous êtes, mais soyez plus jeunes. »
Le terme « anti-âge » disparaît peu à peu des étiquettes
cosmétiques au profit de l’anglicisme « lift » (chez Chanel,
Crème de la Mer ou L’Oréal Paris) ou du mot « rénovateur »
(chez Darphin), ou encore de la « haute exigence » chez
Clarins. « Dans les années qui viennent, les quinquas vont
être surexposées, prévoit Stéphane Gouin. Les marques
vont avoir un positionnement de plus en plus tourné vers
cette génération. » A suivre… Lili Barbery-Coulon
caricature Des papy-boomeurs
Crème de jour Haute Exigence Multi-Intensive, Clarins, 97,50 € les 50 ml,
www.clarins.fr Sérum Divin Remodelant Stimulskin Plus, Darphin, 195 € les 30 ml,
www.darphin.fr Crème Le Lift, Chanel, 107 € les 50 ml, www.chanel.com
Sérum Lifting Contour, Crème de la Mer, 265 € les 30 ml, www.cremedelamer.fr
Gamme Revitalift Laser X 3, L’Oréal Paris, 18,50 € les 50 ml, www.loreal-paris.fr
Sébastien Muylaert/Wostok Press. Patrick Aventurier/Sipa. FayesVision/wenn.com/Sipa. Darphin. Clarins
Inès de La Fressange (en haut) pour L’Oréal,
Tilda Swinton (ci-dessus) pour Chanel, Sharon Stone
(à droite) pour Dior… Les marques n’hésitent plus
à faire appel à des icônes quinqua pour vanter
leurs produits anti-âge. Un terme d’ailleurs banni
des packagings. Clarins préfère parler de « haute
exigence », Darphin de sérum « remodelant ».
Wilson, directeur de l’image du
groupe Clarins. Il s’inscrit pourtant
dans les valeurs de sincérité de
notre marque qui n’a jamais promis
de miracle. Au fond, l’étonnement
vient surtout de la comparaison
avec les autres enseignes, qui ont
pris l’habitude d’effacer les signes de
vieillesse. » Mais pourquoi s’intéresser autant à cette tranche d’âge ?
« Aujourd’hui, les quinquas jouissent
d’un pouvoir d’achat bien supérieur
à celui des trentenaires, précise
Stéphane Gouin. Les deux tiers sont
propriétaires de la maison qu’ils
ont fini de rembourser. Leurs enfants
travaillent et ne sont plus à leur
charge. Ils constituent les premiers
acheteurs de véhicules, de voyages
de luxe et de cosmétiques. »
Le style.
1 - « Sur cette photo, qui date de 1968,
on voit mon père (assis) et ses sculptures.
Il a lâché ses études à Polytechnique pour
s’adonner à son art, au cœur de l’Aveyron.
Ce paysage, c’est le point de départ de mon
travail sur les volumes. »
1
2 - « J’ai 4 ans, à Paris. Sur cette photo,
je rêve, le nez collé à une vitrine. Je suis
longtemps resté plongé dans mon monde.
Aujourd’hui encore, je veux conserver cette
part d’imaginaire et d’émerveillement. »
2
MA VIE EN IMAGES
NOÉ DUCHAUFOUR
LAWRANCE.
Le designer français s’est illustré aussi bien chez Baccarat,
pour qui il a signé le candélabre Rémanence, que chez Paco
Rabanne, dont il a dessiné le flacon One Million en 2009.
Ancien élève de l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Ensaama) et de l’Ecole nationale
supérieure des arts décoratifs (Ensad), Noé Duchaufour
Lawrance s’est de nouveau fait remarquer fin janvier en
signant la scénographie de certains espaces du salon Maison
et Objet, dont la mise en scène poétique faisait la part belle
aux jeux de lumière. Il évoque ici des moments importants de
son parcours. Propos recueillis par Catherine Maliszewski
3 - « Mon père est mort quand j’avais
un an et demi. Mon beau-père m’a adopté
quand j’avais 18 ans : c’est de lui que
je tiens le nom de Lawrance. C’est un
personnage formidable, doté d’un flegme
et d’un humour typiquement anglais.
Récemment, il s’est mis à réaliser ces carnets de voyage que je trouve très réussis. »
3
4 - « Créé en 1996, le bureau Manta est
mon premier vrai meuble : il fut édité en
bois par Ceccotti Collezioni. Jusque-là,
mon diplôme des Arts décoratifs me portait
à réaliser des sculptures. Le Manta représente un tournant dans ma carrière. »
5 - « Jusqu’à mes 18 ans, j’ai grandi dans
les paysages bretons de l’île de Térénez d’où
l’on aperçoit d’autres îles, qui semblent
fusionner avec l’océan. Cette horizontalité
et ces couleurs fondues, grisées, marquent
aujourd’hui encore mon travail. »
www.noeduchaufourlawrance.com
6 - « Mes deux filles et mon garçon, qui
sont issus de trois mariages différents,
s’entendent à merveille: le mouvement peut
avoir du bon ! Quand je travaille autour
d’enjeux créatifs ou financiers irrationnels,
la famille me rattache à la simplicité. »
4
7 - « Depuis que je suis installé à Paris,
la mer me manque. Alors j’ai recréé dans
mon bureau une ligne d’horizon en prenant des photos de la mer dans la baie de
Somme, où je possède une résidence secondaire, à 100 mètres de la plage. J’espère
pouvoir bientôt y passer plus de temps. »
7
Noé Duchaufour Lawrance
5
6
8 mars 2014
- 79
gastronomie
Café, thé et
plus si affinités.
Sur le modèle des sommeliers,
des experts en thé et café proposent
de découvrir des variétés rares et
des méthodes de dégustation
subtiles. Les buveurs d’arabica
ou de darjeeling sont appelés
à exiger l’excellence.
D
epuis peu, une nouvelle génération
d’amateurs de thé et de café
investit Paris, avec l’intention
d’éduquer les palais habitués
aux expressos amers avalés au
comptoir et aux sachets de poussière de thé
noir baignant dans un pot en inox. rayon arabica, l’arrivée des baristas, ces « sommeliers du
80
café », est récente. « Le mouvement s’est développé aux Etats-Unis, explique antoine nétien,
cofondateur du café parisien Coutume Café.
Quelques amateurs ont associé leur intérêt pour
les petits producteurs, le commerce équitable,
leur soif de bons produits, avec un service à
l’italienne. » Déjà présente en australie, puis à
Londres, cette tendance arrive à Paris en 2005
avec l’ouverture de La Caféothèque, un lieu où
l’on découvre des cafés du monde entier, torréfiés et préparés dans les règles de l’art. « Bien
sûr, la chaîne Starbucks comme les capsules
Nespresso ont beaucoup aidé à éveiller l’intérêt
pour cette boisson. Cependant, nous ne vendons
pas les mêmes produits et nos clients sont très
surpris lorsqu’ils goûtent nos variétés pour la
première fois », poursuit antoine nétien. Depuis
2011, le rythme des ouvertures d’adresses – branchées – comme télescope, Café Lomi, ten Belles
Nico Alary. Karl Hab. Betjeman & Barton. André Morin. Robin Delestrade
Venue des
Etats-Unis ou
de l’Australie, la
mode est aux
cafés du monde
entier que l’on
prend le temps
de déguster,
comme ici
à l’Holybelly.
Le style.
Grande variété de
saveurs chez Betjeman & Barton ou
Jugetsudo, institution du thé japonais
(en haut).
Les puristes de
Coutume Café proposent torréfaction
et dégustation de
cafés (ci-contre).
et The Broken Arm s’est accéléré. Et Coutume
Café, qui forme des baristas et distribue ses
propres spécialités dans tout Paris, ouvrira
bientôt au Japon et aux Etats-Unis, à Boston.
DU CôTé DES THéS, LE SUCCèS est le même avec
un nouvel intérêt pour le matcha mousseux,
le darjeeling vintage ou le pu’er boisé. « Le thé
bénéficie d’une réputation bienfaisante et s’inscrit
dans le prolongement du courant bio et des préoccupations de santé actuelles », analyse Constance
Braud, qui sélectionne des variétés rares pour
sa marque, Les Thés de Constance, et qui vient
de créer les thés vendus dans le nouveau salon de
thé parisien Guerlain. Si des maisons célèbres
comme Mariage Frères, Le Palais des Thés
ou Dammann ont ouvert la voie, la très ludique
marque Kusmi Tea a aussi participé à ce phénomène avec ses emballages colorés et ses messages attractifs axés sur le bien-être, diffusés
8 mars 2014
CARNET D’ADRESSES
POUR LES AMATEURS
D’ARABICA
Kitsuné
Un troquet épuré ouvert par
la marque de mode francojaponaise. On y boit un café
brésilien torréfié à Londres,
en regardant le jardin
du Palais-Royal. Pour les
bobos assumés. 51, galerie
Montpensier, Paris 1er.
www.kitsune.fr
Holybelly
Encore des Australiens à la
conquête de Paris. Ouvert
mi-octobre 2013, ce repaire
à hipsters soigne autant
ses cafés que les plats
qui les accompagnent.
19, rue Lucien-Sampaix,
Paris 10e. holybel.ly
Coutume Café
Torréfacteurs militants, les
deux fondateurs de ce café
de puristes ont la passion
communicative. Avec un
brunch délicieux à la carte.
47, rue de Babylone, Paris 7e.
www.coutumecafe.com
Fondation Café
A deux pas de la librairie
0fr., ce café, qui a ouvert
en novembre 2013, a pour
objectif d’éduquer les palais
et met en avant chaque jour
une variété différente.
16, rue Dupetit-Thouars,
Paris 3e. www.facebook.
com/fondationcafe
aussi bien dans ses boutiques écrin que dans
la grande distribution. « On remarque que certains
clients commencent par des thés parfumés, puis se
tournent vers des produits bruts à mesure que leur
palais se forme », note Agnès Defontaine, directrice du marchand de thé Betjeman & Barton.
Quant au temps d’infusion ou au choix de la tasse,
ils virent au cérémonial chez ces nouveaux
experts. « Comme avec un vin qu’on met en carafe,
le thé n’a pas la même saveur selon l’eau choisie ou
la finesse de la porcelaine », assure Constance
Braud. Des détails qui ont leur importance et qui
passionnent les aficionados. Car, thé ou café,
l’idée n’est plus de boire mais de faire l’expérience
du bon goût à chaque instant. Lili Barbery-Coulon
POUR LES AMATEURS
DE THé
L’essence du thé
Trois cents variétés signées
George Cannon à découvrir
dans ce salon, qui propose
aussi des pâtisseries au
thé vert Sadaharu Aoki et,
au sous-sol, des massages.
12, rue Notre-Damedes-Champs, Paris 6e.
www.georgecannon.fr
Jugetsudo
C’est l’institution du thé
japonais à Paris. On y trouve
des sencha, des matcha, des
thés grillés, mais aussi de
nombreux accessoires utiles
à la préparation du thé.
95, rue de Seine, Paris 6e.
www.jugetsudo.fr
Betjeman & Barton
Ce bar à thé offre la possibilité de tester n’importe
quelle saveur de la « bibliothé-que ». 24, boulevard des
Filles-du-Calvaire, Paris 11e.
www.betjemanandbarton.
com
Salon de thé Guerlain
Inspirés des parfums
mythiques de la maison, ces
thés exclusifs peuvent être
achetés ou consommés
sur place dans le restaurant
dont le chef est Guy Martin.
68, avenue des ChampsElysées, Paris 8e.
www.le68guymartin.com
The Tea Caddy
Plutôt confidentiel, ce salon
de thé typiquement anglais
sert du thé bio dans de la
porcelaine fine avec des
pâtisseries. 14, rue SaintJulien-le-Pauvre, Paris 5e.
www.the-tea-caddy.com
- 81
Le style.
U SALON DE L’AGRI-
à la Porte
de Versailles, le
hall 3 est mon
préféré. Celui qui sent la vache.
La bouse et la paille dans Paris
pour la présentation des collections bovines printemps-été.
Parfum d’étable bien présent, fins
arômes de litière fraîche, senteurs
de cuir avec des notes poilues, le
cheptel s’apprécie comme un
grand cru. Elles sont venues de
toutes les provinces, arrachées à
leurs prés pour la parade. Le
museau brillant, les fesses propres
et la robe peignée comme pour la
communion du gamin. Voici la jersiaise et la montbéliarde, la bleue
du Nord et la parthenaise, la rouge
des prés et la rouge flamande, la
mirandaise et la nantaise, la vosgienne et la normande, stoïques
dans leurs box de salon. Races de
terroir, subsistant grâce à des éleveurs qui défendent le patrimoine
et la diversité génétique, face à
l’emprise des prim’holstein (lait),
charolaises et autres limousines
(viande).
Comme le périphérique voisin, le
hall 3 bouchonne sur le coup de
18 h 30, lorsque les mamelles de
toutes les régions font la queue
pour une expérience inoubliable :
la traite du soir en milieu urbain,
82 -
CULTURE
sous les applaudissements du public. A pas lents, la voie ouverte par
un commis soucieux du bien-être
animal, tenue à la bride par un
autre, la bretonne pie noir ou
l’abondance défilent sur des allées
de moquette verte, éclaboussant
d’une bouse les mocassins du passant, avant de se faire tirer le pis à
la machine. Elles ignorent les
larges enseignes qui illuminent le
fond du hall 3 : Charal et McDo.
Les poids lourds de la barbaque
sont embusqués au coin du ring
bovin où sont jugées les plus belles
bêtes. Des marques qui affirment
faire durable et traçable pour le
bien du consommateur et de la planète. Elles feront bientôt français.
C’est l’événement du jour : le retour de la viande française avec
logo et tutti quanti. Quatre filières
interprofessionnelles (Uniporc,
APVF, Interbev, Clipp) viennent
en effet de signer un accord pour
promouvoir sous un même label
les viandes issues d’animaux nés,
élevés, abattus et transformés en
France. Sept productions animales
(volailles, ovins viande, lapins de
chair, bovins viande, porcs, chevaux et veaux) se sont lancées dans
cette démarche de filières et la signature « Viandes de France »
(VDF) sera déclinée en sept logos
distinguant chacune d’elles. Pour
le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, « Viandes de
France » offre « une double garantie » : la certitude de l’origine des
produits, et une garantie sanitaire,
environnementale, de respect du
bien-être animal et de la protection
sociale des salariés. Ce label, qui
n’en est pas vraiment un et
s’ajoute à beaucoup d’autres –
Les vegan (végétariens militants)
n’y étaient pas conviés. Début février ils avaient organisé place de la
Bastille un « banquet troublant »,
avec de vraies têtes de veau,
d’agneau ou de porc pour dénoncer
le meurtre des animaux. Devant le
hall 3, ils ont renoncé au « banquet » – les éleveurs auraient pu se
fâcher –, se contentant de brandir
CE N’EST PAS PARCE QUE C’EST FAIT EN
têtes de bétail et pancartes proclaFRANCE que c’est obligatoirement
mant : « Aujourd’hui les caresses, demain
bon : les poulets de batterie aux os l’abattoir ». A noter un débat pasen caoutchouc, les cochonneries sionnant au sein du mouvement à
porcines qui déversent leur lisier et propos de l’utilisation d’animaux
les lapins bourrés d’antibiotiques morts dans ces happenings. Comsont aussi de nationalité française. ment peut-on être vegan et congeler
La lecture du cahier des charges une tête ? Comment peut-on être
pour les bovins viande confirme vegan, ouvrir la porte d’un congélaqu’il s’agit avant tout de contraintes teur et y placer une partie d’un être
techniques pour l’identification, le assassiné ? Que sont devenues ces
AOC, label rouge, AB –, constitue
avant tout un geste commercial
pour redonner confiance aux
consommateurs sérieusement
échaudés par l’affaire des lasagnes
au cheval. Le lire comme une garantie de qualité – ce qu’ont laissé
entendre les ministres Le Foll,
Garot et Hamon lors de sa présentation – paraît cependant exagéré.
Les poids lourds de la barbaque sont
embusqués au coin du ring bovin où sont
jugées les plus belles bêtes. Des marques
qui affirment faire durable et traçable pour
le bien du consommateur et de la planète.
Elles feront bientôt français.
transport, l’abattage, la découpe, la
traçabilité, le commerce et la distribution. Le mode d’élevage et l’alimentation du bétail ne sont pas
concernés. L’opération a été saluée
au Salon par une Grande Tablée, un
banquet réunissant tous les acteurs
sous la présidence de Stéphane Le
Foll sur le ring bovin du hall 3.
têtes ? Ont-elles été enterrées dignement ou bien simplement jetées à la poubelle ?, s’interrogent
certains amis des bêtes qui voient
dans cette théâtralisation une insulte fondamentale à la dignité animale. Graves questions, à méditer
au moment du pot-au-feu.
[email protected]
8 mars 2014
Cecilia Garroni Parisi pour M le magazine du Monde.
A
JP Géné
Label et
les bêtes.
Le resto.
Un studio divin.
la seconde fois de ma vie que je vais manger au métro Botzaris ! la première,
c’était à la Verrière, le bistrot d’eric Fréchon avant son retour au Bristol, et cette
fois, à Ô divin, une cantine minimaliste de 18 couverts au nom et au décor prometteur : les bouteilles sont pendues en devanture. Phénomène rare, Ô divin est
l’excroissance d’un célèbre studio d’enregistrement fréquenté jadis par serge gainsbourg, david Bowie ou joe cocker. le studio Plus 30 est devenu studio talk over,
propriété de redha Zaïm, qui a installé son frère naoufel au rez-de-chaussée. ce fin
dégustateur de vins nature, avec mathieu moity au piano, propose une cuisine
proche des produits, aux associations originales, qui gagnerait cependant à plus
de clarté. chinchard (mi-cuit), courge, tarama, fenouil, joue de bœuf au vin rouge,
endive, coco, tamarin et clémentine, chocolat, yuzu ; pour 20 €, le déjeuner est une
affaire dans ces quartiers déserts. jolie carte des vins nature, service amical et
souriant, le lundi soir Ô divin propose son fameux couscous au porcelet et tous les
derniers mardis du mois un dîner-dégustation de grands vins. Plats à emporter
également disponibles. Autant de raisons d’aller au métro Botzaris. JPG
Ô Divin, 35, rue des Annelets, Paris 19e. Tél. : 01-40-40-79-41. Fermé dimanche, samedi midi et lundi midi. www.odivin.fr
banc
d’essai
L’anjou
blanc sec.
coquilles saint-jacques,
sole, saumon ou même
veau ou poularde ?
l’anjou blanc, issu
principalement du
chenin, avec ses parfums
tendres, étirés et
caressants, s’impose.
Par Laure Gasparotto
Domaine De BaBLuT,
cuvée orDovicien
2010
Le tonique
Un blanc élevé
sous bois,
qui a gagné à
être gardé :
ce 2010 est
désormais
bien fondu.
Il fallait cela
pour dompter
sa tension
et son énergie
(bio).
Tél. : 02-41-91-22-59.
10,90 €.
Domaine PaTrick
BauDouin, cuvée
eFFusion 2012
Le câlin
Un vin fin,
riche, plein de
saveurs, aux
notes épicées,
mais aussi
citronnées,
bien équilibrées.
Ensemble
élégant, pur
et long.
Tél. : 02-41-74-95-03.
14,50 €.
châTeau De Bois
Brinçon, cuvée
Terre De grès 2012
Le précis
Il y a une verticalité évidente
qui se dégage
de ce blanc
minéral, quasi
salin. Un
travail d’artisan autant que
d’architecte,
qui en fait un
vin splendide
(bio).
Domaine Du cLos
De L’éLu, cuvée
BasTingage 2012
Le caressant
Un anjou
séduisant,
voire séducteur, parce
qu’il dévoile
une certaine
jeunesse. On
aime son côté
spontané
et fougueux.
Domaine FL,
cuvée Le Tour D’FL
2011
Le taillé
On est proche
de la réalité,
des sols. Et,
c’est drôlement simple et
parfaitement
bon (bio).
Tél. : 02-72-73-59-85.
5,25 €.
Tél. : 02-41-78-39-97.
14,50 €.
Tél. : 02-41-57-19-62.
10 €.
Les coordonnées
Elodie Petit. DR x5.
de la série Un peu de tenues... Le pictural, p. 70.
AmericAn VintAge : www.am-vintage.com
céline : 01-56-89-07-91
chAnel : 0800 255 005
emmAnuelle ZysmAn : www.emmanuellezysman.fr
Fendi : 01 49 52 84 52
FlAmingos : http://flamingos.fr
gérArd dArel : 01 45 48 54 80
h & m : www.hm.com
KenZo : 01-40-39-72-03
mAison Boinet : www.maison-boinet.fr
mAiyet : http://maiyet.com
mAje : 01-42-36-26-26
mArc deloche : 01-49-27-03-79
minelli : 0810-007-191
origAmi jeWellery : 01-42-71-77-52.
PAul smith : 01-53-63-13-19
PAule KA : 01-42-97-57-06
Petit BAteAu : 0820-200-203
PrAdA : 01-53-23-99-40
ZAdig & VoltAire : 01-42-21-88-88
ZAPA : 01-42-86-63-99
Pages réalisées par Caroline Rousseau
et Fiona Khalifa (stylisme). Avec Carine
Bizet, Lili Barbery-Coulon, David
Chokron, Laure Gasparotto, JP Géné,
Marie Godfrain, Emilie Grangeray,
Catherine Maliszewski, Vahram Muratyan, Julien Neuville et Lisa Vignoli.
83
Le style.
EspagnE
Le Grenade
de Gérard
de Cortanze.
Que fait donc ce descendant d’aristocrates italiens du côté de grenade ? « J’aime ces villes où
l’on sent l’empreinte de l’histoire », dit-il. C’est sans
doute pour cela que, après avoir publié Le Goût
de Grenade (Mercure de France, 2011), il revient
du côté de cette ville avec son nouveau roman,
L’An prochain à Grenade (albin Michel) : « J’ai
beaucoup travaillé sur l’Italie de ma famille – Fra
Diavolo, du côté napolitain de ma mère, Roero
di Cortanze, aristocrate italien, du côté de mon
père – mais l’hispanité est ma
troisième patrie. » Il la retrouve
avec bonheur dans ce roman
couvrant plusieurs siècles d’histoire, qui est aussi une méditation sur la naissance du mal, sur
la persistance de la haine. Propos
recueillis par Josyane Savigneau
Surplomber la ville
depuis l’Alhambra Palace
«Chacun a son Grenade. On peut partir à la recherche de
Federico García Lorca, verser une larme sur la fin du
dernier Abencérage en compagnie de Chateaubriand, relire
Le Fou d’Elsa à la fraîcheur du patio de la Acequìa,
mourir de nostalgie avec Washington Irving, choisir les
volutes baroques du Sancta Sanctorum… Mon Grenade
est celui que j’observe, une soirée d’été, de la terrasse de
l’Alhambra Palace Hôtel, chef-d’œuvre rococo surplombant
la ville, un verre de pedro ximénez dulce à la main.»
Remonter à l’aube le
labyrinthe du Realejo
84 -
Witi de Tera/Opale/Editions Albin-Michel
«L’ancien quartier juif, rebaptisé
Realejo par les rois catholiques, est un
labyrinthe de rues et de ruelles. Y voisinent, pêle-mêle, des manufactures de
guitares et des artisans de marqueterie,
des bars à tapas et des ateliers de tenues
flamencas. Mon conseil : s’y promener
quand le jour commence à se lever, et
remonter de la partie basse à la partie
haute de la ville vers l’Alhambra.
Odeurs subtiles, chaleur à venir, brise
légère. On se croirait transporté plusieurs
siècles en arrière : bonheur absolu.»
Photos Pablo Castilla Heredia pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014
Festoyer en paix
à La Mimbre
« Sur la carte de visite de ce restaurant
en plein air, on précise: “Bosques de
la Alhambra”. A quelques mètres des
hautes murailles, sous les frondaisons
vert sombre, on dîne dans la paix et
la volupté : salade de morue à l’orange,
boquerones (anchois) frits, gaspacho,
jamón ibérico aux fèves, avec, en
prime, un gros chat surnommé hombre
rubio, l’homme blond. Je pense à un
poème de Juda Halévi, poète juif andalou qui, chassé par les Almoravides en
1140, part pour la Judée: “Comment
goûter tous ces mets et comment
les aimer, quand je suis dans les
liens où m’enchaîne le More?” »
CARNET PRATIQUE
1/Quartier de Realejo
Autour de la Cuesta del Realejo.
2/L’Alhambra Palace Hôtel
Plaza Arquitecto
Garcia de Paredes
www.h-alhambrapalace.es
3/Restaurant La Mimbre
Paseo del Generalife
Tél. : (00-34) 958-22-22-76
www.restaurantelamimbre.es
4/Alhama de Granada
prendre la C 340 direction
Armilla ou l’A 92 par Santa Fe.
5/Museo Sefardi
placeta Berrocal, 5.
Tél. : (00-34) 958-22-05-78
Entendre des voix à
Alhama de Granada
« Située à une quarantaine de
kilomètres de Grenade, cette localité,
construite sur un site escarpé, est d’une
beauté à couper le souffle. C’est aussi
la ville des vestiges : romains, arabes,
chrétiens, et celle des pósitos, ou greniers
à grains, toujours construits à des
endroits stratégiques. Très peu sont
encore debout. Celui de la plaza de Los
Presos a une histoire qui m’est particulièrement chère : il fut au xiiie siècle une
synagogue. Une impression étrange s’en
dégage. Comme si des voix anciennes
vous parlaient au creux de l’oreille.»
Comprendre l’influence juive
au Museo Sefardi
«Il a fallu attendre mai 2013 pour qu’une initiative privée
rappelle enfin la présence juive à Grenade. Dans une maison grenadine typique, la vie, les personnages, les traditions du peuple
juif sont minutieusement recréés. Une bibliothèque permet d’approfondir ses connaissances sur le sujet. Des lectures de poèmes et
des spectacles musicaux y sont régulièrement organisés. On peut y
écouter les voix de Salomon Ibn Gabirol, de Moïse Ibn Ezra,
et sans doute de Halim Al-Labbana, poète prodige de 14 ans et
personnage de L’An prochain à Grenade.»
85
1.
Focus
Bergman,
maître
à filmer
Studiocanal
Sept longs-métrages du cinéaste
suédois sortent en salles et en DVD.
L’occasion de revenir sur la puissance et la modernité des œuvres
du maître, mort en 2007, avec l’un
de ses disciples, le réalisateur Olivier
Assayas. Par Thomas Sotinel
86
Avec Persona
(1966), Ingmar
Bergman réinvente
son cinéma. Ici,
les deux actrices
phares du film,
Bibi Andersson
et Liv Ullmann.
8 mars 2014
- 87
C
omme de « à La recherche du
de la Tétralogie de Wagner ou des
galeries mésopotamiennes
du Louvre, on se dit qu’on
trouvera un jour le temps
de se plonger dans l’œuvre
de Bergman. Et voici que sortent en salles, en
DVD et Blu-ray, sept des films d’Ingmar Bergman
(1918-2007). Si ce n’est déjà fait, c’est maintenant
qu’il faut aller voir les chefs-d’œuvre du maître
suédois. Sept longs-métrages donc, un échantillon hétérogène qui va de l’une des rares comédies de Bergman, Sourires d’une nuit d’été (1955),
à sa seule collaboration avec son homonyme,
Ingrid, Sonate d’automne (1978) – duo cruel et
douloureux entre mère et fille, Ingrid Bergman
donc, et Liv Ullmann, qui fut la muse du réalisateur. Entre les deux, trois films de la période dite
« classique », celle qui a imposé à la planète
cinéma la statue du commandeur Bergman,
inventeur d’images gravées depuis dans l’imaginaire collectif : le vieux professeur des Fraises
sauvages qui contemple son enfance, le chevalier
du Septième Sceau qui joue aux échecs avec
la mort – deux films sortis en 1957. Une période
dont a aussi jailli La Source (1960), légende
médiévale située au tournant du paganisme et
du christianisme, film honni par la critique, quasiment renié par son réalisateur. Et enfin, deux des
œuvres avec lesquelles Bergman a réinventé son
cinéma : Persona (1966), dont
la modernité est encore saisissante, et Scènes de la vie conjugale (1973), minisérie télévisée
faite film, soap opera mué en
chef-d’œuvre.
Admirateur constant du maître,
Olivier Assayas a longuement
rencontré Ingmar Bergman en
1990. Jeune cinéaste (il avait
alors deux films à son actif),
ancien journaliste aux Cahiers
du cinéma, il a tiré un livre de
ces deux après-midi d’entretiens, Conversation avec
Bergman (cosigné avec Stig
Björkman). L’auteur de L’Heure
d’été était allé voir, la veille
de notre rencontre, la version
théâtrale de Scènes de la vie
ingmar Bergman
(ci-dessus, en
1948) sait, selon
olivier assayas,
faire durer les gros
plans et « capter
les mouvements
infimes du
visage ». Comme
dans Sonate
d’automne (1978),
dans lequel liv
ullmann et ingrid
Bergman incarnent
un duo cruel
mère-fille.
88 -
temps perdu »,
conjugale que proposait la troupe belge Tg Stan,
et il présentera, le 25 mars, Monika à l’Institut
Lumière de Lyon, à l’occasion d’une rétrospective
du cinéaste. Il s’est fait notre guide vers les sommets bergmaniens. Le cinéaste, qui met la dernière main à son prochain film, Clouds of Sils
Maria, avec Juliette Binoche, rappelle quelques
principes de compréhension de l’art de Bergman.
L’exploration des visages d’abord : « Faire durer
les gros plans pendant des séquences entières,
pour capter les mouvements infimes du visage,
qui seraient imperceptibles au théâtre. » On y
pense en voyant Sonate d’automne. Le visage
d’Ingrid Bergman, filmé avec une attention
cruelle, raconte chaque année passée et l’atteinte
du temps, de la maladie, avec une précision de
géomètre et une admiration de poète. Tout
comme celui de Liv Ullmann, enlaidi, banalisé
pour mieux révéler sa douleur.
Au sujet de Bergman, Olivier Assayas revient
sans cesse sur cette double nature de l’artiste :
homme de théâtre et de cinéma. On connaît
la grandeur du metteur en scène, du directeur
de théâtre. Et il suffit de voir ses films pour
comprendre que ce scénariste-là fut aussi l’un
des plus grands dramaturges de son temps.
Une situation que résume ainsi Assayas :
« Il aurait été Prix Nobel de littérature s’il n’avait
pas fait de cinéma. » Chez lui « tout commence
par la parole, comme chez Guitry ou Tarantino »,
poursuit-il en un rapprochement inattendu.
La compLexité de ce prophète sombre, qui, se souvient
Assayas, était un interlocuteur drôle et chaleureux, ne s’arrête pas à cette dualité entre la scène
et l’écran. Cet homme nourri de la culture
du xixe siècle, qui revient sans cesse à un auteur
comme Strindberg, est devenu, au milieu
des années 1960, à partir de Persona, l’inventeur
de la forme moderne du cinéma qui « efface la
frontière entre la fiction et l’autobiographie ».
A moins de maîtriser chaque inflexion de la chronologie d’une œuvre redéfinie à chaque étape, il
vaut donc mieux voir les films d’Ingmar Bergman
comme ceux d’un cinéaste inconnu, dont l’univers
se dévoile pour la première fois. C’est une ruse
pour éviter de ne voir dans Le Septième Sceau
que les figures tant de fois parodiées, dans Les
Fraises sauvages une de ces chroniques biographiques d’inspiration freudienne qui se sont multipliées en un demi-siècle. Ce dernier film
« a donné naissance à un genre à part entière »,
regrette un peu Olivier Assayas. Pour rappeler
aussitôt que ce monument est aussi un chant
d’amour à un maître révéré, Victor Sjöstrom,
à qui Bergman avait confié le rôle du vieux
professeur. Victor Sjöstrom, le père fondateur
du cinéaste suédois, l’homme qui a le plus fait
pour rapprocher Bergman d’un art qui n’était pas
le sien et dont il est devenu le maître.
SourireS d’une nuit d’été, Le Septième Sceau, LeS FraiSeS SauvageS,
La Source, perSona, ScèneS de La vie conjugaLe, Sonate d’automne,
Sortie le 5 marS, en DVD et Blu-ray, StuDio Canal éDiteur.
à la Filmothèque Du quartier latin, à PariS : Six FilmS De Bergman
en ProjeCtion numérique, juSqu’au 18 marS. www.laFilmotheque.Fr
rétroSPeCtiVe Bergman à l’inStitut lumière De lyon, juSqu’au 8 aVril.
www.inStitut-lumiere.org
8 mars 2014
1948 Sjöbergs bilder. Studiocanal
La culture.
Au programme
Des installations > DANS L’OEIL DU
CYCLOPE avec Brüno, Gwen de Bonneval,
Cyril Pedrosa, Hervé Tanquerelle, Fabien Vehlmann
> CECI N’EST PAS UNE BANDE DESSINÉE avec
David B, Dash Shaw, Jason, Frederik Peeters, Jochen
Gerner, Ludovic Debeurme > LA FERME DES ANIMAUX
de Blexbolex et Loo Hui Phang
Des spectacles > LA FILLE de Barbara Carlotti et
Christophe Blain > LE MORAL DES MÉNAGES de Stéphanie
Cléau, Eric Reinhardt et Blutch, avec Mathieu Amalric
> HISTOIRE D’AMOUR de Régis Jauffret par le Teatrocinema…
+ Des conférences, un cinéLounge,
une librairie éphémère…
Accès par RER A à 20 min de Paris Nation (arrêt Noisiel) /
Tarifs des spectacles de 3€ à 10€
www.arteboutique.com
La culture.
Réédition
iDées
De génies
les Danse machines D’anne nguyen
Dans le petit studio de répétitions de la Ménagerie de verre, à Paris, les danseuses de hip-hop de la Compagnie par Terre ont troqué joggings et baskets
contre robes dos nu et talons aiguille. Quant aux hommes, ils arborent chemises,
gilets et pantalons droits. Le répétiteur Bouzid Aït-Atmane cale un morceau de
Brahms sur son ordinateur. « Il s’agit du quintette pour clarinette et cordes que
j’adore, précise la jeune breakeuse et chorégraphe Anne Nguyen. Cette musique
m’a donné l’idée d’une danse décalée, mécanique. » Par couples, les huit interprètes se plantent face à face et enchaînent des pas désarticulés. Les corps,
secoués de spasmes, explosent comme du pop-corn, expression d’une étrange
nervosité. Ils se touchent, se séparent. « Comme dans un duel, explique Anne
Nguyen. C’est une danse de couple, mais empêchée par l’utilisation de différents
styles hip-hop, comme le popping, qui travaille sur la contraction des muscles, et la
robotique, qui mime la gestuelle des robots. » La concentration exigée par cette
danse conflictuelle est compensée pendant la répétition par des éclats de rire.
Trois mois déjà qu’ils répètent ce nouveau style chorégraphique baptisé « looping pop » par Anne Nguyen. « J’étudie toujours la contrainte, confie la chorégraphe. J’ai eu envie d’imaginer une manière d’être ensemble un peu froide et
distante comme c’est souvent le cas aujourd’hui. Les interprètes sont programmés
comme des machines pour danser. » D’où le titre du spectacle inspiré du vocabulaire informatique : bal.exe. « C’est un bal des robots un peu désenchanté,
qui tente tout de même de renouer le contact avec l’autre. » Avis aux amateurs :
Anne Nguyen compte bien apprendre le looping pop au grand public. R. Bu
BaL.exe, d’anne nguyen, Les 20 et 21 maRs, CentRe ChoRégRaphique nationaL de Caen, Les 28 et 29 maRs, tRemBLay-enFRanCe, Les 1er et 2 avRiL, théâtRe 71, sCène nationaLe, maLakoFF. La touRnée suR : www.CompagniepaRteRRe.FR
90 -
LES CRéATEURS, de danieL BooRstin, tRaduit de L’angLais
(états-unis) paR BéatRiCe vieRne, RoBeRt LaFFont,
« Bouquins », 960 p., 28 €.
3.
photos Chiara santarelli pour m Le magazine du monde – 8 mars 2014
Robert Laffont
En coulisses
Et si les catastrophes
stimulaient les artistes,
comme la crainte du feu
amena Jenney à inventer
le gratte-ciel à Chicago?
Après avoir campé l’épopée des Découvreurs, paru
en 1990, Daniel Boorstin
(1914-2004), poursuivit
sa saga des grands aventuriers avec Les Créateurs,
ces « héros de l’imagination » tous arts confondus:
Cervantès et Bramante,
Isadora Duncan et Proust,
Picasso et Kafka, Eschyle
et Wagner… Dans cette
réédition (publié en 1992,
le livre est paru en français
en 1995), ni concurrence ni
hiérarchie, mais un hymne
à l’audace. Deuxième volet
d’un triptyque dont le dernier tome (The Seekers),
reste à traduire, ces Créateurs sont une formidable
invitation à célébrer le
génie, singulier et universel.
Un essai enthousiaste au
ton de roman-fleuve. P.-J. C.
3 questions à…
Clovis
CornillaC
Dans “La Contrebasse”, le comédien reprend
avec talent le rôle créé par Jacques Villeret
en 1991. Seul en scène, il livre une partition
poignante sur la solitude.
Bernard Richebé
L’interprétation de Jacques Villeret
était marquante. Comment avezvous travaillé ce rôle?
Au théâtre, le héros a toujours été le texte.
Quand il est beau, on ne se pose pas la question
des interprètes précédents, ce n’est pas une
compétition. Je ne me suis jamais mis la pression
par rapport à Jacques Villeret. Jacques était
un ami mais je ne l’ai pas vu dans cette pièce.
Il m’avait dit à l’époque à quel point ce texte
l’avait marqué. Mon sentiment aujourd’hui est
de partager quelque chose de très intime avec
lui. C’est comme si un pote m’avait dit : « J’ai fait
la face Nord du Mont-Blanc et c’était génial. »
Maintenant, je comprends de quoi il me parlait.
4.
Qu’est-ce qui vous a attiré
dans ce projet?
Le texte de Patrick Süskind – qui évoque la solitude, la frustration, le désir – a quelque chose
d’universel et de profondément humain. Certains
moments de cette pièce me bouleversent parce
qu’ils nous entraînent dans le recoin de nos âmes.
Vous n’avez jamais joué
seul en scène…
C’est une aventure un peu étrange, une expérience dangereuse mais finalement très agréable.
Et puis, je ne suis pas complètement seul, la
contrebasse est un personnage. Chaque soir, j’ai
le sentiment d’avoir vécu un moment de partage
très fort avec le public : finalement, c’est lui mon
partenaire. Propos recueillis par Sandrine Blanchard
La contrebasse, de PatRick SüSkind, miSe en Scène de danieL Benoin,
avec cLoviS coRniLLac. théâtRe de PaRiS, 15, Rue BLanche, PaRiS 9e.
téL. : 01-48-74-25-37. du maRdi au Samedi à 21 h, Le Samedi à 16 h.
JuSqu’au 3 mai, 30 € et 40 €.
91
La culture.
Ailleurs
Franck Scurti est de cette génération d’artistes français nés dans
les années 1960 qui s’impose
aujourd’hui. On le qualifie parfois
d’artiste néo-pop parce qu’il
détourne volontiers des objets
quotidiens et ne perd jamais
de vue la réalité économique
actuelle. Mais, à la différence de
nombre de ses contemporains,
il n’abuse pas des effets spectaculaires. Ses œuvres sont des
systèmes complexes où tout
compte, dans un processus de
création longuement réfléchi.
Les matériaux sont d’une extrême
variété, de la peau de serpent à
la feuille d’or ou au débris récupéré
dans la rue sur le chemin de l’atelier.
Les références artistiques ne sont
pas moins nombreuses et il en est
de même des sous-entendus politiques et des allusions scientifiques.
Au Mamco de Genève, il présente
ses travaux les plus récents qui se
placent sous les signes conjugués
– et savants – du mouvement
brownien et de la métamorphose
incessante (Robert Brown est un
botaniste anglais découvreur, au
XIXe siècle, du mouvement incessant
des particules de matière). Pour
autant, ces références graves sont
loin d’exclure l’ironie, la dérision,
la parodie même. Ph.D.
« FRANCK SCURTI, THE BROWN CONCEPT & NOUVELLES LUMIÈRES DE NULLE PART »,
MAMCO, 10, RUE DES VIEUX-GRENADIERS, GENÈVE (SUISSE).
TÉL. : (00/41)22-320-61-22. DU MARDI AU VENDREDI DE 12 H À 18 H, SAMEDI ET
DIMANCHE DE 11 H À 18 H. JUSQU’AU 18 MAI. ENTRÉE : 8 CHF (8,55 €). WWW.MAMCO.CH
92
Franck Scurti
récupère et
détourne des
matériaux
abandonnés
par d’autres.
Ici, Sans titre,
2014 (cannage,
polystyrène
et feuille d’or).
Franck Scurti, ADAGP, Paris 2014/photo Ilmari Kalkkinen Mamco, Genève
SCURTI
DÉTOURNE
GENÈVE
6.
Jeune pousse
Autumn Northcraft.Capture d’écran Web
ANGEL OLSEN,
TAILLÉE DANS LE FOLK
La trentaine d’artistes présentée du 18 mars au
4 avril, à l’occasion de la 17e édition du festival
itinérant Les femmes s’en mêlent, démontrent
une fois de plus la richesse protéiforme de la
scène féminine indépendante. A 27 ans, l’Américaine Angel Olsen peut incarner à elle seule
les fêlures les plus émouvantes du folk, les
colères électriques d’une rebelle grunge ou
la drôlerie (dé)complexée des héroïnes de
« Girls », l’irrésistible série de Lena Dunham.
Enfant de Saint-Louis, dans le Missouri, l’ado
a défoulé son hyperactivité dans un groupe
de ska-punk chrétien, avant de tracer une route
moins catho vers Chicago où la cité du blues ne
lui offrit d’abord que petits boulots et déceptions amoureuses. Une rencontre avec Will
Oldham, figure de la country-folk alternative
sous le nom de Bonnie Prince Billy, lui permit
ensuite de se révéler en choriste excentrique
avant de bricoler un premier album solo,
Half Way Home (2012), rempli de séduisantes
écorchures. Fidèle à l’esthétique lo-fi (de
low-fidelity, soit d’une rugosité à l’antithèse du
perfectionnisme hi-fi), Angel Olsen émerveille
dans un deuxième opus, Burn Your Fire
For No Witness, où sa voix peut prendre les
accents caverneux d’un Leonard Cohen, rudoyer
les garçons, rire d’elle-même ou aguicher
les anges. S.D.
BURN YOUR FIRE FOR NO WITNESS, D’ANGEL OLSEN, 1 CD JAGJAGUWAR/PIAS.
CONCERT LE 26 MARS, AU FESTIVAL LES FEMMES S’EN MÊLENT, AVEC EMILY
JANE WHITE ET ELENI MANDELL. DIVAN DU MONDE, 75, RUE DES MARTYRS,
PARIS 18e. TÉL. : 01-40-05-06-99. 19 H 30. DE 17 À 22 €. TOURNÉE EN FRANCE ET
EN EUROPE : ANGELOLSEN.COM
Vu sur le Net
SINUSOÏDES MUSICALES
Un océan avec des vagues multicolores, voilà à quoi
ressemble au premier abord la Music Timeline développée par Google. Cette frise chronologique interactive permet de naviguer dans les différents genres
musicaux des soixante dernières années. Grâce à un
système de data visualisation (représentation visuelle
des données), chaque style de musique – pop, rock,
jazz, country, metal, hip-hop, reggae, etc. – est figuré
par une courbe de couleur dont l’épaisseur varie en
fonction de sa popularité au fil du temps. En cliquant
sur l’une des courbes, on affiche les sous-catégories
d’un genre musical. Et un simple survol de la timeline
fait apparaître des pochettes d’albums d’artistes
représentatifs de chaque courant. On pourra regretter que les données utilisées proviennent uniquement du service Google Play Music
(écoute de musique en streaming), ainsi
certains genres musicaux, comme
la musique classique, n’y figurent pas.
7.
C. Mo
RESEARCH.GOOGLE.COM/BIGPICTURE/MUSIC
8 mars 2014
- 93
Parmi les jeunes
photographes
exposant au festival Circulation(s),
Helena Chernyshova (ci-contre,
Norislk), Marie
Hudelot et ses
masques (ci-dessous), et Marlous
van der Sloot et
ses images oniriques (en bas).
Chambre noire
cliquez
jeunesse
Elena Chernyshova. Marie Hudelot. Marlous van der Sloot
Pour sa quatrième édition, le festival
Circulation(s) et ses jeunes pousses de la photographie européenne s’installent au 104,
à Paris. Un lieu moins plaisant et plus difficile
à habiter que les jardins de Bagatelle, leur
ancien point de chute, mais on est au cœur
de la ville, dans le bruit et la vie. Ce qui sied
à ces images, qui vont du documentaire à
la photo plasticienne, du souvenir personnel
aux constructions sophistiquées. Dans cette
belle sélection, les images les plus intéressantes sont aussi les plus fantaisistes : les
masques de Marie Hudelot, qui mélangent
les registres et les lectures, les « pom-pom
grannies » d’Antony Todd, ou les corps et
objets mutants inventés par Marlous Van der
Sloot. Sans oublier les images impressionnantes d’Elena Chernyshova, collectées au bout
du monde : à Norilsk, ville minière de Sibérie,
marquée par le froid, la nuit et la pollution,
elle a fabriqué des photographies à la fois
monumentales et intimes. Cl. G.
CirCulatiOn(S), fEStival dE la jEunE PHOtOgraPHiE EurOPéEnnE,
juSqu’au 16 MarS, du Mardi au vEndrEdi dE 13 HEurES à 19 HEurES, lE
wEEk-End dE 12 HEurES à 19 HEurES, gratuit. CEntquatrE, 5, ruE Curial,
PariS 19e. tél. : 01-53-35-50-00. www.104.fr
94 -
8 mars 2014
La culture.
Bio express
Jean-Loïc
Portron
9.
Editions de l’Olivier. Béatrice Chauvin. Program 33
A vue d’œil
abus d’absurde
Une dame avec un gros nez, assise sur
une chaise, les mains posées l’une sur
l’autre. Des personnages secondaires
interchangeables qui viennent discuter
avec elle : une petite fille, un poulet,
un canard, un vieux monsieur, un singe
en costume, un escargot… et même
son double à elle, rigoureusement identique. Un trait réduit à sa plus grande
simplicité. Des dialogues, enfin, sur tout
et n’importe quoi et qui font mouche
par leur concision. Né à Buenos Aires
en 1939, mort à Paris du sida en 1987, le
dramaturge, romancier et dessinateur
argentin Copi a créé l’une des bandes
dessinées les plus minimalistes qui
soient, aux confins du non-sens et de la
psychanalyse. Sous le label Olivus, les
éditions Cornélius et L’Olivier inaugurent une anthologie des planches que
l’auteur a publiées dans des magazines
français (Le Nouvel Observateur, HaraKiri, Charlie Hebdo…) à partir du milieu
des années 1960. « Si vous m’aviez
connue autrefois! Deux rolls, une rivière
de diamants, Valentino à mes pieds… »,
rêve à voix haute la dame. « Et moi
alors, qui jouais au tennis avec le
pape! », surenchérit l’escargot. « Menteur! », conclut la dame en écrasant du
poing le gastéropode. F P.
Le documentariste français cosigne une
fascinante monographie de Braddock,
ville fantôme de la sidérurgie américaine.
A découvrir sur grand écran le 12 mars.
1979. « Passionné d’histoire,
j’ai fait, étudiant, la rencontre du
cinéaste et ethnologue Jean
Rouch à l’université de Nanterre. » A plusieurs, ils monteront
les Ateliers Varan, centre de formation à la réalisation documentaire, dans le 11e arrondissement
de Paris.
1992. Jean-Loïc Portron fait
ses classes chez Arte et tourne
pour la chaîne les séries de programmes culturels « Paysages »
et « Les foyers de création ».
« Je me suis formé à la télévision, Braddock America est
sûrement mon cinquantième
film, mais le premier à sortir au
cinéma. »
2011.
En surfant sur Google,
il tombe sur la ville de Braddock,
en Pennsylvanie. « Je découvre
ce lieu, pivot pour la guerre de
Sept Ans [une guerre entre
Anglais et Français, de 1756 à
1763]. C’est ensuite le berceau
de toute la sidérurgie américaine
pendant cent ans et un bastion
du syndicalisme. L’Amérique
s’est faite là. Jusqu’à la fermeture des usines, dans les années
1980. Depuis, les habitants sont
comme des naufragés. » Il va
alors s’installer sur place avec sa
coréalisatrice, l’Américaine
Gabriella Kessler. N’ayant pas le
droit de filmer dans les aciéries,
ils se tournent vers les habitants, une communauté qui s’organise et témoigne de la
mémoire de la ville.
2014. Le film, peinture de la
classe ouvrière dans cette
enclave sinistrée, bouleverse :
« En Bretagne, comme à
Pittsburgh, les spectateurs se
disent “Braddock, c’est nous”. »
Toujours en contact avec les
personnages de son film, il
assure que « si là-bas les caisses
de l’Etat sont vides, les laisséspour-compte de Braddock n’ont
pas fini de se battre ».
Propos recueillis
par Clémentine Gallot
braddock america, dE JEan-lOïC POrtrOn
Et GaBriElla KESSlEr. dOCuMEntairE.
En SallES lE 12 MarS. 1 H 41. BandE-annOnCE :
www.yOutuBE.COM/watCH?v=xKquyxH6lPq
Les fiLLes n’ont pas de banane, dE COPi, éditiOnS dE l’OliviEr,
COllECtiOn « OlivuS », 272 P., 21,50 €.
Pages réalisées par Emilie Grangeray, avec Sandrine Blanchard, Rosita Boisseau, Philippe-Jean Catinchi, Philippe Dagen,
Stéphane Davet, Clémentine Gallot, Claire Guillot, Cristina Marino, Frédéric Potet et Thomas Sotinel.
95
Les jeux.
Mots croisés
1
2
3
Sudoku
Grille No 129
Philippe Dupuis
No 129
très difficile
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
Compléter toute
la grille avec des
chiffres allant de 1
à 9. Chacun ne doit
être utilisé qu’une
seule fois par ligne,
par colonne et par
carré de neuf cases.
1
2
3
4
5
6
7
Solution
de la grille précédente
8
9
10
Bridge
No 129
Fédération française de bridge
11
12
13
14
15
Horizontalement 1 Toujours prêt pour un nouvel essai. 2 Au départ une révolution, aujourd’hui elle va dans tous les sens. Association du lion et des chevrons. 3 Long discours qui a
commencé avec le papa d’Œdipe. Dépassait en cours. 4 Epuiserez. Envoyé promener. 5 Ardente.A l’entrée d’Issoudun. Pas à l’aise dans les pompes. Points opposés. 6 En Bosnie-Herzégovine. Quelle quantité. 7 Démonstratif. Au centre du Péloponnèse. Possessif. 8 Salit tout ce
qu’il touche. Point de départ. 9 Fait le singe en Amérique du Sud. Faux si leurs fleurs sont
blanches. Sur place. 10 Devenir imbuvable. Complètement épuisé. D’un auxiliaire. 11 Protections. S’amusera si ce n’est pas avec l’amour. 12 Se nourrit dans la vase. Cri au cirque. Beau
travail. Assure la liaison. 13 Grande page d’histoire. Maintiennent en place. Entendrai comme
hier. 14 Négation. Hirondelle de mer. Patron en Manche. 15 Spasme musculaire. Est passé
des obus aux chevrons
Verticalement 1 Facilite la compréhension. 2 Parlé au Hunan. Livrée au public. 3 Insistent
dans leur demande. Prennent les choses en main. 4 Pique-assiette. Rouge et frétillant. Propos
enfantin. 5 Empruntiez des chemins détournés. Protège la cité romaine. Du bleu en campagne.
6 Queue de persil. Reste en dehors de toute confession. Personnel. 7 Le pouvoir entre les
mains des dames. Blesse. 8 Dispositions dans le bâtiment. Crient comme des perdrix. 9 Refusez la vérité. Apportera un peu de lustre. Risque de casser. 10 Oncle d’Amérique. Cap d’Amérique.Apporta son soutien. Gai participe. 11 Dévoilées pour être croquées. Se rendront. 12 Sur
l’Adour. N’admet pas les compromis. 13 Ferme la porte. Disciple de Paul. 14 Bien employées.
Une base de notre alimentation. 15 Permet aux moyens de coller aux objectifs.
Solution de la grille no 128
Horizontalement 1 Incompréhension. 2 Roulure. AM. Topo. 3 Rune. Opacité. En. 4 Ere. Nullité. Arc. 5 Tripotage.Tchao. 6 Rifle.Tunnel. Sn. 7 Etoile. Edison. 8 Curé. Nd.AG. Sumo. 9 IRM. Otés. Eté. Ir. 10 Seersucker.
ULM. 11 Si. Bois. Amati. 12 As. Aber. Scie. Is. 13 Bielle. Pianotât. 14 Leste. Crème. Ode. 15 Entourloupettes.
Verticalement 1 Irrétrécissable. 2 Nourriture. Sien. 3 Cunéiformes. Est. 4 Olé. Plie. Rialto. 5 Mu. Noël. Os.
Bleu. 6 Prout. Entubée. 7 Replat. Décor. Cl. 8 Algue. Ski. Pro. 9 Hacienda. Essieu. 10 Emit. Niger. Camp.
11 Têtes. Aînée. 12 Ste. Close. Méo. 13 Io. Ah. Nu. Ua. Tôt. 14 Opéras. Miltiade. 15 Non-conformistes.
96 -
8 mars 2014
0123
*Chaque volume de la collection est vendu au prix de 9,99 €, sauf le n° 1, offre de lancement au prix de 3,99 €. Offre réservée à la France
métropolitaine, dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels - Photo Thinkstock- agencejem.com
La plus belle perspective
sur 5 000 ans d’histoire
Une collection
présentée par
Jacques LE GOFF
L’œuvre historique
de référence
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Cette semaine, le volume 7 : LA GRÈCE CLASSIQUE
DÈS LE JEUDI 6 MARS CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
En partenariat avec
Le totem.
Le lézard
de Michel Vuillermoz.
“
En mai 2013, à la fin du tournage d’Aimer, boire et chanter, Alain Resnais a
offert un lézard en plastique à chacun
des acteurs. J’ai hérité du rouge. Il a accompagné
son cadeau d’un sourire coquin et d’une citation
d’Apollinaire : « Les lézards aiment les arts ». Tout
Alain est dans ce geste délicat, surprenant et
malicieux. Il nous disait pouvoir rester des heures
à regarder sur une terrasse un lézard se prélasser
au soleil, regrettant seulement qu’il ne puisse
parler : « Il aurait tant de choses à raconter… » Petit
lézard poète qui regarde le monde inlassablement
98 -
jusqu’au jour où… Jusqu’au jour où le grand cœur
du petit lézard s’arrête de battre. Même les lézards
poètes meurent un jour. Quelle absurdité ! Alain
avait la richesse imaginaire d’un enfant de 8 ans.
Sans doute petit garçon, a-t-il croisé Méliès vers
1930 dans son kiosque à la gare Montparnasse.
Je suis sûr qu’Alain lui a acheté quelques bonbons. Ils ont dû se regarder longtemps. Et Méliès
de murmurer à l’oreille d’Alain : « Vas-y petit lézard,
à toi de jouer ! » Au-delà de l’admiration pour
le magicien qu’il est, réinventant chaque fois le
cinéma, « son » cinéma, j’ai beaucoup de tendresse
pour Alain. Son élégance, sa grâce, sa curiosité
du monde et des autres m’ont très souvent saisi,
à m’en laisser immobile et sans voix, comme un
petit lézard. Maintenant, le petit lézard en plastique est sur le piano, chez moi. Chaque jour, ma
fille de 21 mois frappe les touches avec le lézard
rouge, joue avec. Il se met à vivre dans ses petites
mains. Chaque jour, je pense donc à Alain.
Et j’ose lui dire aujourd’hui : « Alain,
je vous aime ! Merci. »
Propos recueillis par Jérôme Badie
”
A voir
Le Songe d’une
nuit d’été,
de William
Shakespeare,
à la ComédieFrançaise
jusqu’au 15 juin.
Aimer, boire
et chanter, d’Alain
Resnais, en salles
le 26 mars.
Jérôme Badie
Il est le 515e sociétaire de la Comédie-Française
depuis le 1er janvier 2007. Plusieurs fois récompensé aux Molières, Michel Vuillermoz interprète
Thésée dans “Le Songe d’une nuit d’été” de
Shakespeare jusqu’à la fin de la saison. Egalement très présent au cinéma, il sera ce mois-ci
au côté de Sabine Azéma et d’Hippolyte Girardot à l’affiche du nouveau film d’Alain Resnais,
disparu la semaine dernière. Il lui rend hommage
à travers ce lézard, cadeau du « maître ».
8 mars 2014
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CLASSIQUE revisité
En 2014, OMEGA propose une
Speedmaster Mark II revisitée,
équipée d’un mouvement
automatique et d’une échelle
tachymétrique
visible
dans
l’obscurité la plus complète. Une
première dans l’emblématique
collection Speedmaster. La nouvelle
Speedmaster Mark II se différencie
du modèle de 1969 qui l’a inspirée
par la présence du calibre
Co-Axial 3330, mouvement à remontage automatique muni d’un
spiral en silicium Si14 et d’un mécanisme à roue à colonnes.
Commerciale
CLIN d’œil
BENEFIT lance le mascara They’re
Real, jet black, qui crée en un clin d’œil
un regard si intense et au-delà du réel !
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l’identité de l’apiculteur qui les a produits. Parfum délicat et onctuosité pour le Miel
des Charentes, notes florales et saveurs plus corsées pour le Miel de Provence. Une
texture crémeuse pour les deux ! Comment résister ! Les Miels de nos Régions sont
ouvertement engagés et soutiennent l’association « Les Compagnons du Miel » qui
défend les abeilles et la biodiversité.
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Ce yaourt gourmand et crémeux est agrémenté d’une
crème de citron douce et onctueuse aux notes pâtissières.
A déguster, lors d’une soirée pleine d’humour, devant
Good Morning England !
Prix de vente conseillé, pack de 2 pots de 150g : 1,35 €
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MONTURE aviator
Une
monture
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collection eyewear, MICHAEL
KORS peut retranscrire une
humeur ou accompagner une
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que vous vous sentiez glamour,
rétro ou sportif, Michael Kors
vous permet d’avoir une garde
robe complète de montures
adaptables à vos envies.
La marque a perfectionné ce look
aviator, d’inspiration vintage avec
des variétés ultra luxe et modernes
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