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concernée
EDITORIAL
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DERNIÈRES ENTRÉES
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Dr Jean-Mane Thiébaud
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p.l
A LA UNE
Le Journal des Francs-Tireurs
et Partisans français_
Jacqueline Faure
Dons et acquisitions récentes.
Jacqueline Faure
p. 41
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FORUM
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p.2
BIOGRAPHIE
Histoire d'un bagnard:
Anthelme Collet.
Pierre Pommarède
~ -:--_-..,.--c
p.3
.
.::
p. 42
et courrier des lecteurs.
SONOTHÈQUE
Création d'une partithèque_
Entretien réalisé avec
Laurent Delbecq.
p. 43
Sylvain Roux
DOSSIER GENEALOG.IE
GÉNÉALOGIE, DÉMOGRAPHIE
HISTORIQUE ET GÉNÉTIQUE
DE POPULA TION
Jean-Noël Biraben
p. 13
GÉNÉALOGIE ET GÉNÉTIQUE
MÉDICALE
Stéphane Richard
p. 16
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•
_______
GÉNÉALOGIE ET
FAIENCIERS DE BERGERAC
AU XVIIIe S/ECLE
du
1" jui11ct
1901
p. 19
ASSOCIATION
L'A.R.A.H., histoire et archéologie
dans un canton du Bergeracois.
Philippe Jayle
p. 10
EXPOSITIONS
ANIMATIONS
BIBLIOTHÊQUE
Bibliographie généalogique. .
François Bordes
p.
LE DISCOURS
DE LA MÉTHODE
Cartographie de la Dordogne.
François Bordes
p.
Un texte ancien
et sa transcription.
Raymonde Sarlat
1<Ç~I ~~~~~EUR
"----
39
45
PALÉOGRAPHIE
p.12
A voir.
p. 26
Claude Lacombe
NOBLESSE ET GÉNÉA.L.OGIE
EN PÉRIGORD .
Joëlle Chevé
p.20
LOI
p. 45
Martine Duhamel
GÉNÉALOGISTES PÉRIGOURDINS
Patrick Esclafor de .la Rode
p. 30
INÉDIT
InstitutiO.n . du. Cale.ndrier
Républicain
le 24 octobre 1792
Martine Duhamel
LA PROFESSION
DE GÉNÉALOGISTE
Interview de Mona Siegel.
p. 50
p. 48
édit
- é:11
c> .r- 1
IEDAtTElJR.,~N.·.êHEF
Bernafd···REVIR1ÊGO
COMITÉ.DELE~TURÊ
FtançoisBORDES, Joëlle. CHEVÉ,
Michel COMBET, Patrick ESCLAFER de
la RODE,jacqùelineFAURE, Bernard
FOURNIOUX, Dominîque GRANDCOIN, Claude LACOMBE, Bernard
REVIRIEGO.
REDACTION
Jean-Noël BIRABEN, François BORDES,
Joëlle CHEVÉ, Martine DUHAMEL,
Patrick ESCLAFER de .la RODE,
Jacqueline FAURE, Philippe JAYLE,
Claude LACOMBE, Pierre POMMARÈDE, Stéphane RICHARD, Sylvain
ROUX, Raymonde SARLAT.
TRAVAUX PHOTOGRAPHIQUES
Renée HASSE et Denis BORDAS (atelier
photographique des Archives départementales)
MAQUETTE, MISE EN PAGE
Thierry BOISVERT
etrImprimerieFANLAC
PHOTOGRAVURE
Image,Sarlat
IMPRESSION
Imprimerie Fanlac
ZAC Pareau Avenue Winston-Churchill
.24660 Coulounieix-Chamiers
Véritable phénomène de société, la généalogie
s'est, au fil des années, hissée au rang de science historique à part entière.
Débordant des recherches d'intér&t purement personnel et familial, les quelque 70 000 généalogistes amateurs qui fréquentent assidûment les dépôts
d'archives se sont lancés dans le dépouillement systématique des registres
paroissiaux et d'état civil, des minutes notariées, etc., pour offrir à leurs contemporains et aux générations suivantes des banques de données qui serviront de base aux chercheurs, aux démographes, aux sociologues, aux médecins et àtous les passionnés d'histoire disposant désormais d'un maillage microévénementielle plus serré possible, en contact direct avec la vie quotidienne
des Français des siècles passés.
Ayant acquis de solides notions de paléographie,
d'onomastique, de sigillographie, d'héraldique et d'histoire loco-régionale grâce
à l'action permanente de formation menée par les associations qui les regroupent, les généalogistes sont devenus des lecteurs estimés des archivistes, avec
lesquels ils collaborent à la sauvegarde de documents constituant notre patrimoine. ils contribuent aussi à des publications, comme en témoigne le numéro
spécial de « Mémoire de la Dordogne" consacré à la généalogie abordée sous les
angles les plus divers afin d'ouvrir des champs d'investigations toujours plus
vastes, permettant d'appréhender la richesse des archives et, à travers cellesci, de l'homme et de son milieu, montrant ainsi que généalogie et histoire
sont des sciences humanistes intrinsèquement liées.
ABONNEMENtS
Deux numéros par.an: 70 F
(à partir du N° 5)
Prix .à .l'unité : 35 F
Bulletin d'abonnement à l'intérieur de la
revue.
Diffusé par D.C.P~. 9013
ISSN 1241-2228
DépÔt légal à parution
Le contenu pes articles n'engage
que la responsabilité cie leurs auteurs.
Dr Jean-Marie THIEBA UD
Président de la Fédération
Française de Généalogie
A LA UNE
Ce journal des Francs-Tireurs et Partisans français puis des Forces françaises de l'Intérieur a commencé à paraÎtre en juillet 1944.
Hebdomadaire imprimé à Bordeaux, c'est le premier journal de la
presse cc libre " dans une période encore suspecte.
ÉDITION SPÉCIALE
su~.prément cu n'
Organe des Francs-Tireurs et Partisans Fronçais
_
Le Hum
••
ÉDiTION DE LA DORDOGNE _
..../
La 24 AOût 1944
lib~:! C~;~àlele d:r:~~ref ~aY:e ef!! ~~i~:I;t ..: ~~r~;~rred:t g~:uf;!~iS~~:
j~urnée d'hier.
5
gens de to~t~s aspirations politi~
Paris a ete libéré par les Forces 1 ques ou rellgl,e uses .
.
Françaises de l'Intérieur. Le PeuI~ France d Abord )) - ce titre
pie Parisien a libéré sa vÎlle de qUI. est tout. un pro~ram:·ne
.au~
l'oppression allemande. Après qua. i torlse "?tre JO(J~~al a ad.le~ser a!a
tre jours de combat, les Boches ont; population parisienne ~I eprou\'ee
dû quitter la grande ville au rayon. ~n salut fraternel tres chaleu·
nement univeresl. La France re~: 1 eux.
trouve son cœur. La ville d'où sontt Nos vaillal1ts Francs-Tireurs Par~
partis· tant d'idêes gênereuses et d.e t!Sa!1:; Fran~4:.isJ qui} üans notre
mouvements de libtrté n'est plUS! )!~i:',ionJ r,;ù~·!JelÎt (le !1omt;reux Pa~
souillée par :a canaille nazie. Lai r:sie~15 Llï:l~V, .. ,:(; :f!l!!' ville par la
Il
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la ~J~lI~~i~:\(~U n~lt~~~~'I'a~~I;'I~~[ !~Ub~~~
hitlél'ienne rl(,s ~'ou:ps qui chaque
jour,l'acculent il la défaitt>.
La libéraùon de dizatlle et de dizalllll ùe département~ français par
1er; propres F.F.I., la libération de
llotr(' (~apitale PAlUS p~l" Je peuplr
l,l'
~~:,/~'~I:.:~::, l~~~~~re (~uPl~~;d:U~~ti~~
FI'll11Ce y ont, leur place. Elles ont,
:lU ('ours de C(1«; dUH'S dernières aD.-
Ilée6 de 1ufte montré
qu'eHee
étaient rIes cOlllbatl alltf's. { 'omme
letlJ'fi !'OœU1"6 d'Espagne, de l'U.R:
:-\.K dl' L'.\ )lgJr.tCl"re elJes v(~nlent
la pin ('t' (le notr(' payti par la par- ilt'livl'lllt;mt p.artÎ('ipé au ('ombat.
1ic-ipa1 ion dfec:tuét> il lu. gtlûrl'e.
La victoire est ('11 mal'che ! Aeti_
La Fl·ance se libèrf'. Aux glo- \'olls-lit.
.rÎensf'!; .actions de., F.T.P.F. et rle
L<-t 1!'rallt:'e pl'bentl"!lu c0mbat"
s~ra pl'ésente à }.a victoire.
:rO~~C:I::~!~~e d~al~:u~~en~~~e! ~~; ~:~~~~:;Cl~:L ~i!~~~~~l~~a~~e~~s I~:;~ ;l~~S all~~~((~~r ~.'i~~l~;I~~td~en~~I~f;'
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allx formations {'ombatla:ntes, 100
pèl'{'S de familJc's lIombreusefi. doi,'pnL s'enrôlet' dl' suite dans ,les Mi_
l tees Patl'iotiqucs. Les Femmes de
à l'origine de la ~Iorieu!le Révolu-I camarades de combat pour leur ma- noLl'e gl'and .:\IARSEILLE. Hiel· la
1::============
mu, à NONTRON
tion Française. Le Paris des sans- I gnifique exploit. Les gars de chez radio nous ;ll~nonçait la libél'ation 1·
oulottes, le Pari~ de la prise de la 1 Fi:enault, de chez Citroën, tous les de Grenoble, capitale Ju Dauphiné,
Bastille, celui du Champ de Mars, 1 ouvriers, les employés, les fonc- bul'ceau de la. Révolution Français~
celui de 1848, celui de la Grande tionnaires, les commerçants, tous Chaque jour le boche est chassé de
Commune de 1871, celui de 1934 et les patriotes qui, à Paris. ont pris notre territoire, chaque jour le terde 1936 Se retrtluve, fidèle à son I les armes sont les frères de ceux 1 ritoire
lib?rf. (10 notre patI'ie
traditionnel passé de lutte pOur la 1 qui, depuis si longtemps, combat-I ti'agrnntlt!,
Dans t'Ju1es les \'il!,,~, ùanf' tous
Liberté.
tent daJ1s notre département j nos!
,\ ux 1pl Plll Js:-aLlll" dt'fil;j t'~; "Il- IC5 villages de noll'l' J )/~partement,
La ville a' eté prise par 50.000 citadins et nos pavsal1~ du Péri-I hieR pal' 1~'6 bo('ht ... l'II li'al"Tlce, les périgourdin-s {HU )Ilanifesté leur
homme::> des F.F.I., soutenus par gord. Gavroche est le frare de Jac- s\'ljouh'llt jonl' ~ar j.our, lH'llr~ ~ar joie a J'annonce de la libération du
l'ensemble de la po;miation. A pa-I quou le Croquant.
hf>lll'C', cl'lil'''' qlll lm o!'ulll IIlfhgef~s notre capitale, de notre PARIS,
par les F.F.I. ,
ris comme dans l'ensemble du pays, 1 Paris n'est pas ::.eulement aux 1 SUl' ton~ le:.. rl'(lJlt~ (le :!llI'I't·e.
chacun a fait son devoir et l'unionl Parisiens, il est à la France el1-'
L'offl'11""'l' d(~c!l'l1,dlt~t' à l'Est
Partout dans les vi!l1ages" ù, l'an_
est à ,~ base Ju. ::uccès. Le Peuplel tière. Il est à tous ceux ,!ui, dans par l'Al'1uél.l Hougc t:olltinue ho pro- nonce de cette gra.nde nouvelle, lee
de ,.pa~ls. a toujours s~ f!1!mtrer le ~onde, cherche~t la Llb~r~é! la grr's);û\'. Déj!:i Grollatz,' Yassi sont drapeaux français et alliés ont :é~
qu Il etait capable de s unir Im·s- Justice, le Progres, la Civilisa- libért'eR, d'autrC's ville.. sont encer- al'borés.
que la lib~rté ét~it :tI.enapée. Déjà, tion.
clée~. En Italie les troupes angloA ~ontron, cetts libération a. é-~
en 1934, Il avait fait echec aux
amp.l'i'('aine!l conti'nuent leur avanproje~s des hitlérien~ français, et ,ie
VIVE PARIS!
cC'. Let> pays vassaux se désagrègent accueillie par une grands Manifest.ation
Patriotique. Malgré l'or3ge
1936 a 1939, ton umon dans la lut~
VIVE LA FRANCE!
ùu bloc hitlérien. Aujourd.hui c'est
et la pluie battante, la population
la Roumanie qui demande l'Armis- entièœ, répOilldant il. l'appel lanœ.
tice. La force du peupJ.e soviétique pal' le Comité loca.l do Libération,
et de 'Sa gloriE'usc Armée Rouge, s'était II.1assée à 4 heures sur J.81
soutient des peuples .opprimés de place de la l\i.airie. Précédée par 181
tous- ·les pays d'Europe, amène [es Garde Nationale, le cortège se rend
peuples de ces pays àcxiger deleul'S au :\iollument aux Morts.
â~uv~~~~~:,
o~'~~~Ses~e fe~:i~ Des repré'sentants du Comité L0.• d'autres peuples 6e joindront à la cal de Libération, des C.F.L. et dee
F.T.P.F., prononcèrent ensuite.dee
Roumanie,
Nous devousle' dire, c'est l'exem- allocutions rendant hommage a.UI
Périgueux et Bergerac sont li .. ne !'ont pa!'. égoistC'ti, kl. joie de leur
peuple parisien et exaltèrent J.a. vople
de
la
·France
qui
s'e,st
Jevée
bres! Les derniers cambate de la pl"o]?re libération ne les rend pas
Dordogne furent meurtriers. :Bèau_ indlÎfp.renl.,; il ('1' qui ~t' pa,se6 ail- d'un 6.eul bloc pour se libérer, qui lonté . de lutte d. tout le peupl~
françflls.
retentit dans Ill' monde.
coup des nôtres ont trouvé la. mort lClll".
dans le combat. La liste de 'l10fi
Aprf.~ une 'f'ibrimte Marseill.J.aü;.e;
T,a France -qui, jamais, n'a, .cesséI)n !-(·nt l,al'lOul 1(' d?:,ir de pa,rti.
martyrs s'est allongée de nouveaux ~'!J'el" ph16 activement il. la victoire Je combat, cOllt,Înu à être, h~ fla.m- p.ntonnée pal' lI's enfallts des écolOil
noms.
rapide et définitive SUl" le boche beau de la Libert~ et est iL l'av~nt et repl'i~e en chœur par to'lltl !Lii
Dans nos villes et nos vina.ges on criminel. On sent ]a volOOlté d& ne garde de tous les peuples ôpprimés. population NO'lltra.Illlais6 la l'4Jqli...
En ·avamt patriotes França.is~ en f~tation se poursuivit jusqUt'aJl
s'.p.a.bitue à la -liberté depujs ]ong~ pas laissir bl'iser l'union, gage de
temPe perdue et tÜ chèrement re- victoire aussi bien que de recons- avant Périgourdins! La lutte doit SoIr.
se poursuivre j~u'au bout et sana
"""'luise. Partout :0 dxa.pe.an <tr:i- truction rapidp. ùe notre pays.
Nontron, !pOUr un j01ll', • .v~'b i1'6'"
f~~lees'e. Toue 'nous de~ons y par· trou~é sa. physionnomie de. 14
-colore flotte aux fenê~res, sur lefi.
tlclper. Les hommes vafiidea an juillet d'autrœ-ol.&. Mais a'U.&fli, eUe
éctifÎCI'IJ l'ublk•• iller en a pav~
.'enrolant dan& les F.T.P,F., h.Juo a montré'par SI3 :5pon~~, fWt yo..
(Voir ta suite en 3- page)
iipOlltauémeut .à l'annonce de la
les F.F.I .. ceux trop âgée ou moa- \onté d. oontiJD.n,e. la &u1>ta lia",
;i>ri&e de Pari.. Les P~rigourdJn.
pable. phy.aquement de !lO j!J!i"dxe l'uni.n Ve1'6 la. victoire.
24 AOUT 1944
PERIGUEUX
et BERGERAC libres 1
Jalons
chronologiques.
19.08.1944 : libération
de Périgueux.
21.08.1944: libération
de Bergerac.
25.08.1944: libération
du département.
i:
Jacqueline Faure
2
f--------
BIOGRAPHIE
Mareuil avait déjà son forçat, Mary Cliquet qui fut maire, notaire et
bagnard dont Alberte Sadouillet-Perrin a conté l'aventure 1. L'histoire
du Nontronnais cc s'enrichit» d'un deuxième bagnard: Anthelme Collet.
Un hôte pieux, riche et généreux
1 - S.douillet-Perrin
(Alberte). Notaire,
maire et forçat.
Le Bugue, éd. 01
Contou, 1981.
Jeanne Reclus, veuve Martin, tenait
auberge à La Rochebeaucourt, non loin de la
collégiale Saint-Théodore. Un petit bourg de
trois cent quinze habitants frileusement replié
pour échapper aux brouillards de la Nizonne.
Une étape quasi obligatoire pour les voyageurs
et les marchands en route vers Angoulême.
Le 15 mai 1819, très exactement - elle
avait la cinquantaine, mais gardait bonne
mémoire -, l'aubergiste vit arriver un « individu d'apparence riche» qui prit pension au prix
de six francs par jour. Cet « individu» au front
large et au cou épais, était un beau parleur. Il
exhiba un passeport au nom d'Anthelme Gallot, originaire de la commune de Luthézieux,
dans l'Ain, et affirma qu'il venait de prendre
les eaux àDax. Il se disait riche et propriétaire
de grands biens. Il s'intéressait aussi au sort de
la veuve: elle ne tiendrait plus auberge et il
paierait les études de son fils. Jeanne Martin
fut éblouie, fit partager son admiration par son
gendre Pierre Lassort, et continua àporter la
nourriture à ce nommé Gallot qui venait de
s'installer chez une autre veuve, Mme Lasfond
Janet, une hôtesse qui ne tarda pas, àson tour,
d'être séduite par la faconde du nouvel arrivant, lequel désirait pour rétablir sa santé (il
était somnambule) demeurer dans ce site « convenant à son état de valétudinaire ». Sans
méfiance, au reçu d'un billet d'une valeur de
six mille francs, elle lui vendit une partie de
ses terres et de ses vignes et lui assura la jouissance d'une de ses maisons.
A la fin du mois de juillet, arriva également à l'auberge de la veuve Martin un chef
de bataillon àla retraite, Jean-Marie Fournier,
la quarantaine, portant beau, décoré de la
Légion d'Honneur, aimant raconter ses campagnes. « Bien que son physique ne l'eut point
prévenu en sa faveur », il se lia d'amitié avec
Gallot dont il admirait la générosité « et la sollicitude envers les pauvres ». Un Gallot qui lui
proposait d'être régisseur des biens considérables qu'il possédait du côté de Lyon, l'engageait
au salaire annuel de mille francs, l'incitait à
entreprendre le commerce de ses vins et à fonder une famille. Le militaire'ne cacha pas son
enthousiasme. Gallot et lui partiront le vingt
octobre.
Enthousiaste aussi, le secrétaire de mairie qui exerçait les fonctions d'instituteur, Marc
Bérion, sensible « à la vie exemplaire»
d'Anthelme Gallot, lequel avait conduit àson
école le fils de la veuve Martin et celui d'un
métayer du comte de Béarn, en payant le premier mois de scolarité.
•
Portrait de
Collet, par Garnier,
publié dans l'ouvrage de Ginisty.
(Références en fin
d'article).
Photo AD. 24.
Le curé fut, au début, plus réticent.
Pierre-Alcide Fournol venait d'être nommé
desservant. Mais comment ne pas admirer « la
grande piété» de son nouveau paroissien, être
sensible àl'étalage de ses richesses (mille cinq
3
cents francs de rente), remercier pour les habits
d'enfants de chœur qu'offrait Anthelme, et surtout accueillir les confidences de ce généreux
donateur qui avait envie d'être prêtre?
Ainsi se déroulaient les jours aux bords
de la Nizonne, jusqu'à l"automne, plus précisément le 17 septembre 1819. Gallot avait
annoncé son départ pour Périgueux où il devait
toucher une grosse somme - 30 000 F - chez
le trésorier payeur général de la Dordogne. li
ne reviendra au pays que quatre mois après,
quatre longs mois durant lesquels le commandant, l'aubergiste, le curé, l'hôtesse, l'instituteur et bien d'autres firent leurs comptes.
L'escroc devait 6 000 F à Mme Lasfond, 700 F
à la veuve Martin, 385 F à son gendre, 700 F
au commandant Fournier (toutes ses économies), les frais de scolarité à l'instituteur, dix
bouteilles de vin de Bordeaux au marchand
Pierre Hérier, secrétaire de mairie à Mareuil.
Quant au curé Fournol il avait bien réellement
prêté douze louis d'or (240 F) à Gallot « pour
ses frais de voyage et d'habillement ». Près de
neuf mille francs, au total, qui étaient partis
sur la route de Périgueux avec la jument
(impayée) du régisseur du comte!
main, pour se saisir le suspect et l'amener à la
mairie de Mareuil. Le premier magistrat,
Alexandre Dereix, l'interroge longuement.
Avec aisance, Gallot raconte que n'ayant pas
trouvé à Périgueux la somme promise, il était
parti vers son pays, avait vendu ses titres pour
la somme de 290 000 francs, que dix voitures
garnies de mobilier allaient arriver à La Rochebeaucourt, accompagnées de son beau-frère, le
père de l'enfant qui lui servait de domestique.
Anthelme ajouta que son passeport avait été
volé, avec des habits, dans la diligence, entre
Brioude et Clermont. Perplexe, le maire le consigne « provisoirement» à domicile et sous la
garde de Jean Durand-Faureilleres, greffier de
la Justice de Paix de Mareuil et écrit au maire
de Luthézieux. Gallot exprima alors, par
crainte d'être' emprisonné, son désir de trouver une personne qui voulut bien « répondre
de lui» et offrit aux greffiers, aux notables, des
bijoux qu'il prétendait « de grands prix»: tabatière en vermeil et pierres précieuses de couleur jaune, serties dans des bagues d'or. Une
transaction qui était bien tentante: plus tard,
on retrouvera ces bijoux - au demeurant
faux - dans le coffret de l'épouse du greffier.
Un retour très attendu
Une enquête
bien difficile
Près de quatre mois s'étaient écoulés
lorsqu'une nouvelle incroyable se répandit
dans les ruelles de La Rochebeaucourt: Gallot était revenu en Périgord. Le lendemain de
l'Epiphanie (7 janvier 1820), le marchand
Hérier l'avait reconnu et interpellé à Châteaul'Evêque. Gallot avait affirmé, tout tranquillement, qu'il venait de son pays, qu'il avait
vendu pour le prix de 190 000 francs sa propriété de Passin, près de Luthézieux, qu'il était
en route vers La Rochebeaucourt suivi d'une
dizaine de voitures transportant « ses meubles
et ses objets précieux» et surtout qu'il dédommagerait tous ses creanCIers.
Il arriva à La Rochebeaucourt, le 10 janvier 1820, accompagné d'un enfant qu'il prétendait être son neveu. Tous l'attendaient de
pied ferme. Fournier « lui parla en militaire et
lui asséna des vérités assez dures ». Le curé soupirait. Le maire exigea de viser son passeport.
Gallot assura l'avoir perdu et rassura la veuve
Martin: elle sera remboursée dès l'arrivée de
ses équipages. Soupçonneux et prudent, le
maire ordonna de le garder à vue à l'auberge le temps d'avertir le maire et le juge de Paix
de Mareuil.
Le brigadier Bouiz, de la gendarmerie
royale de Mareuil arrive, à cheval, le lende•
4
1
•
A
maire perplexe, juge de paix rusé!
Léonard Rastouil, la cinquantaine bien sonnée,
était, par devoir, à l'affût des rumeurs du canton. Il connaissait les dettes de Gallot. Il avait
lu, dans «L'Indépendant» du 21 décembre
1819, les escroqueries commises au Mans par
un certain Gallat. De Gallat, à Gallot, la similitude était curieuse. De plus, un certain Raymond Giboin, dit Lafleur, ancien concierge de
la prison d'Angoulême, affirmait avoir incarcéré un sieur Collet dont le signalement ressemblait étrangement à celui de Gallot. Lequel
Collet en avait profité pour l'escroquer en lui
remettant une bague ornée d'une pierre jaune.
Rastouil décida de l'interroger.
Les cinq longues pages de l'interrogatoire
du 19 janvier 1820, apportaient des révélations
nouvelles: Anthelme Gallot avoua que, dans
son pays, on l'appelait Collet, qu'il était un
ancien sous-inspecteur aux Revues, en station
à Vannes, ancien capitaine au 47e d'Infanterie,
qu'il possédait des biens (domaines et maisons
de maître à Passin) vendus récemment pour la
somme de 290 000 francs. li précisa qu'il était
revenu de l'Ain par la voiture appelée « Célé·
rilaire », qu'il coucha à Château-l'Evêque, puis
à l'auberge de La Forge du Plessac. Il revenait
à La Rochebeaucourt pour rembourser ses dettes et y attendait un convoi de dix voitures de
mobilier.
Léonard Rastouille questionna ensuite
sur un emprisonnement éventuel à Angoulême
et un probable séjour au Mans. Angoulême?
Gallot y avait séjourné en 1813, pour déficit
dans sa comptabilité de sous-inspecteur; il
n'avait pas remboursé le concierge de l'argent
qu'il lui avait prêté. Le Mans? Il Y séjourna
voici deux ans, pour gérer une propriété de la
valeur de 25 000 francs et se lia d'amitié avec
des personnes de la société (Madame de SaintVictor, les demoiselles de Saleix, Monsieur
d'Hauteville) et des ecclésiastiques de la ville :
le chanoine Pasquier et le curé de Saint-Julien.
Enfin, Gallot ajouta que son frère
Etienne avait été sous-préfet de Belley, et que
l'enfant qui l'accompagnait était le fils de sa
sœur Claudine, mariée avec René Audinot.
prêtre, l'abbé Lacroix - lui proposa, le 10
décembre dernier, de l'embaucher comme
domestique. Ils partirent ensemble pour Périgueux. Jamais son maître ne fut volé.
La confrontation fut décisive. Anthelme
Gallot avoua, en pleurant, que l'enfant avait
dit vrai, mais que l'article de « L'Indépendant »
avait quelque peu exagéré la vérité. Le greffier
posa sa plume, Rastouil se frotta les mains:
c'était une bonne prise qu'il fallait incessamment conduire à Nontron, devant le procureur
du roi. Quant au petit Audinot, « attendus les
égards dus à son âge, à sa position, à la sincérité
de sa déclaration », il demeurerait à Mareuil
jusqu'à la décision du tribunal. Il ne restait plus
qu'à établir le signalement de Collet: « Agé,
selon lui, de 35 ans, mesurant 1,66 m, cheveux
et sourcils châtain brun, front couvert, yeux
bruns, nez gros et épaté, lèvres épaisses, visage
plein, teint coloré, barbe châtain foncé. Individu
d'une forte complexion ». Les registres de police
de la sous-préfecture de Nontron indiquent que
« Anthelme Gallot, dit Gallet» fut incarcéré à
la prison de Nontron, le 23 janvier 1820, pour
vagabondage.
Un danton périgourdin
•
Jugement de
la Cour d'Assise du
Mans, accompagné d'un portrait.
Coll. P. Pommarède.
Photo A.D. 24.
Restait à interroger le jeune Audinot,
ce gamin de 15 ans que l'on était allé chercher
à La Rochebeaucourt. Nicolas Vallade, greffier
et adjoint au maire de Mareuil, nota que c'est
« avec ingénuité et versant des larmes» qu'Audinot donna une version bien différente: il était
né au Mans d'une famille pauvre et besogneuse.
Un certain M. Gallot - par l'entremise de la
tenancière du café « du Grand Salon» et d'un
Le procureur du roi du tribunal de
Nontron était Charles Fouillère : ce fut son
substitut, François-Marie Mazer·at, qui fut
chargé de l'affaire Gallot-Collet. Extrait des prisons de la sous-préfecture, le prévenu subit de
nouveaux interrogatoires durant trois semaines. Le temps pour Mazerat de consulter les
« feuilles ministérielles» et spécialement la 76e
feuille où le signalement de Gallot-Collet figurait sous les numéros 17 et 27 : c'était bien le
même personnage. La fiche prétendait qu'il
« ressemblait à Danton ». Jusqu'au jour où,
« avec la plus sublime vénération» le Danton
périgourdin se décida à écrire au procureur le
récit de sa vie. Trois longues pages d'affirmations surprenantes. Selon cette confession, le
prisonnier aurait vécu deux ans (1801-1803)
chez le curé de St-Vincent, à Châlon-sur-Saône,
et aurait été élève à l'école militaire de Fontainebleau d'où il sortit avec le na 600 - pour
rejoindre à Brescia le 101 e de Ligne. Blessé,
recueilli à l'Hôpital de Faugnia, il est recueilli
par un curé chez qui il séjourne deux ans. Entré
chez les missionnaires de Saint-Pierre à Cardinal, il reçoit les ordres mineurs et le sousdiaconat des mains de Mgr Dérosa, évêque de
Voliera. Un ministre du roi Joseph Bonaparte
le fait réintégrer dans l'armée comme lieutenant au 6e de Ligne. De Gaëte, il se rend à
5
Rome, rencontre l'abbé Faut (ou Foë), secrétaire du Cardinal Fesch, s'introduit chez lui et
lui dérobe des modèles de lettres de prêtrise et
de bulles pontificales. Parti vers Turin, GallotCollet aurait alors acheté deux voitures,
endossé une soutane, joué le rôle de prêtre et
d'évêque. Par la suite, il sera, suivant ses dires,
officier de santé, général-inspecteur, commissaire de guerre, supérieur des Frères des Ecoles Chrétiennes, et, en prime, chevalier de
Saint-Louis, de la Légion d'Honneur et du Lys.
Par la suite, il habita La Rochebeaucourt et
« malheureusement» Le Mans.
Il n'en fallait pas plus pour que Mazerat
maintint l'incarcération de Gallot, multipliât
ses messages en direction de l'Ain et de la Sarthe et poursuivît ses enquêtes à La Rochebeaucourt et à Mareuil.
Faux évêque
et pseudo-général
Du Mans, le procureur du roi réclamait l'inculpé. Le 8 février, Charles Fouillère
décida le départ vers la Sarthe « du nommé
Grenoble en 1813. Sa peine purgée, il s'est établi à Passin, dans l'Ain, où il a escroqué 600
louis, dont la moitié à un riche propriétaire
nommé Charpentier. Il a disparu en mai 1819
et on le retrouve à Toulouse, chez les Ignorantins, auxquels il soutire la somme de 6 000 F.
Le rapport arriva sur le bureau des juges
d'instruction du Mans, presqu'en même temps
qu'Anthelme Gallet, et rejoignit un épais
dossier - près de trois cents documents soigneusement classés et conservés dans les Archives de la Sarthe - où se côtoient les actes officiels et les allégations les plus surprenantes
d'Anthelme.
Il était établi que Collet était né à Belley
le la avril 1785. Engagé au 101 e d'Infanterie,
il fut blessé au siège de Gaëte, en juillet 1805,
et profita de son hospitalisation pour déserter.
A partir de ce moment-là, les registres militaires perdent sa trace. S'est-il, comme il l'affirme,
réfugié dans un couvent en Calabre, a-t-il reçu
les ordres mineurs et le sous-diaconat, a-t-il dilapidé les quêtes du monastère et escroqué pour
une forte somme - 20 000 francs - un crédule
banquier napolitain?
Gallot-Gallas, dont le véritable nom paraissait
être Collet, forçat arrêté pour escroquerie ». Il
signalait au lieutenant de gendarmerie de Non
tron, le chevalier Le Carlier de Veslud, que
l'inculpé était «fripon, très rusé et très adroit»
et que les gendarmes devaient, de brigade en
brigade, avertir leurs collègues. Message reçu.
Le Maréchal des Logis Petit fut chargé de cette
mission. Veslud lui écrivit, le 9 février, que « cet
individu très rusé, essaierait, par tous les moyens
physiques ou moraux de s'échapper ». Opinion
partagée par le sous-préfet de Nontron qui, le
la février, écrivait au préfet de la Dordogne
•
Collet,
en allumeur de
réverbères,
au
bagne de Rochefort, dessiné par le
forçat Clamens.
« qu'il était bien à craindre que Gal/ot ne soit
assez rusé pour s'échapper en route ». Ce qui faillit
arriver à Tours où Gallot avait pris le nom
"son
,evaslOn.
. Heud,un autre d'etenu et prepare
reusement, le concierge de la prison empêcha
sa fuite imminente.
Collet-Gallot partit donc de Nontron le
la février 1820. Une semaine après, arriva sur
le bureau du procureur du roi un rapport circonstancié de Faussey, son collègue au tribunal de Trévoux. Faussey signalait que l'homme
était un fameux escroc, qui s'appelait en réalité Anthelme Collet. Après avoir vécu deux
ans chez des Chartreux, il se fit passer pour
évêque, officia et procéda à une ordination.
Tantôt chirurgien-major, tantôt généralinspecteur, il a puisé dans toutes les caisses ...
Arrêté chez le préfet de Montpellier, il a été
condamné à cinq ans de galères par la cour de
6
Bibliothèque municipale de Rochefort.
Photo Je Laurent.
Sa prudence l'amène à Rome, sous le
nom de Comte de Tholozan. Il se lie avec le
secrétaire du cardinal Fesch, dérobe des lettres
de prêtrise et de nominations épiscopales, réapparaît en soutane violette, sous l'identité de
Dominique Pasqualini, évêque de Monfredonia et arrive à Nice. Ecoutons son récit:
« Je fus reçu avec toutes sortes d'égards, me
présentant à l'évêché comme parent de Napoléon.
Je fus au séminaire où j'haranguais les trente trois
séminaristes qui allaient être ordonnés prêtres.
L'Evêque de Nice, Monseigneur Colonna, me
demanda de les ordonner. Je refusai par scrupule,
il insista beaucoup et je me tranquilisai en réflé-
chissant que la fraude serait tôt ou tard découlouse et les nouvelles escroqueries au Mans
verte et qu'on ordonnerait de nouveau les prêcommises auprès d'un orfèvre, d'un boulanger
tres... Puis, ayant appris par cœur un sermon de
et d'un notable pour 200 000 francs. Il énuméra
Bourdaloue, je prêchai dans le diocèse et je parus
aussi les méfaits dont Collet s'était vantés au
extremement e'1oquent... ».
cours de l'instruction: «Il prit tous les masques,
A ce récit, l'inculpé en ajouta bientôt un
joua tous les rôles, changea de nom, porta pluautre. Il se fabrique une commission de généralsieurs décorations, se revêtit de toutes les digniinspecteur, quitte sa soutane pour un uniforme
tés civiles, militaires et religieuses ».
chamarré et s'appelle désormais le Comte de
Pourtant, M. Ginisty, en 1925, a sillonné
Borronio. A Valence, le faux général désigne ' la France, fouillé les archives, interrogé la
presse et les érudits locaux et n'a trouvé trace
vingt-deux officiers pour constituer son
ni du faux évêque ni du pseudo inspecteur
escorter,se fait remettre 20 000 francs pour les
général. « C'était un mythomane », conclut-il.
fonds secrets d'une pseudo «armée de CataloD'ailleurs Collet n'avait-il pas affirmé, durant
gne », et, de la même manière, puisse dans les
l'instruction« qu'il n'avait dit, quotidiennement
caisses publiques, 30 000 francs à Nimes,
qu'une vérité, lorsqu'il célébrait la Messe et réci200 000 francs à Marseille.
tait le Domine non sum dignus » ?
Voici, toujours suivant ses dires, Collet
à Montpellier, présidant une prise d'armes,
Jugement
reçu avec honneur par le Préfet Nogaret auquel
il a promis le Grand Cordon de la Légion
et condamnation
d'Honneur. C'est entre la poire et le fromage
Anthelme Collet comparut, le 11 sepqu'à la stupeur du Préfet et de ses hôtes, le chef
tembre 1820, devant la cour d'Assises du Mans.
d'escadron de gendarmerie Glane entre dans
L'affaire avait attiré une affluence extraordila salle à manger, interpelle le faux général et
naire.
L'avocat général, Gratien-Valère Girard,
lui met la main, si j'ose dire, au collet. Toute
se lança dans une série d'invectives, il traita
la ville jase et s' esclaffe, Nogaret veut prendre
Collet de « caméléon », «reptile », « Tartuffe ».
sa revanche, organise un autre cliner où, au desDans
une conclusion ampoulée, il s'écria: «Il
sert, il montrera l'escroc menottes aux
est temps qu'il entre dans le séjour du crime... La
poignets.
postérité gravera les noms et, les crimes
Seulement, voilà. Il y a des besoins presd'Anthelme Collet en caractères ineffaçables d'âge
sants et des gendarmes compréhensifs. Et des
en âge... Collet, ouvre ton cœur aux remords,
toilettes lointaines près des vestiaires où sont
appelle à ton secours la Religion, cette dernière
accrochés les habits des extra de la préfecture.
consolatrice du malheur et du crime... ». Girard
Collet, en habit de serveur, présente les nouréclama vingt ans de travaux forcés, l'imposigats et les petits fours, trouve une porte
tion du carcan et la marque de l'infâmie.
ouverte, s'enfuit dans les ruelles. Réfugié dans
Collet, d'une voix forte et sonore, «proune maison proche, il nargue, de sa fenêtre, le
pre à la déclamation, aux inflexions agréables
préfet faisant ses ablutions matinales.
comme celle d'un prédicateur », reconnaitra tous
La confession de l'escroc se termine.
les faits qui lui étaient reprochés. Il se déclara
Devenu médecin aide-major à Saumur, - il
coupable «d'un tissu de bassesses et de forfaits»
confiera qu'il n'était pas prodigue en médica« avant que le fer brûlant du carnifex ne le marments dont il ignorait la valeur thérapeuquât de l'empreinte des criminels ».
tique - il réapparait à Toulouse comme sousLe 12 septembre 1820, il est condamné
supérieur des Frères de la Doctrine Chrétienne.
,.
'
a vmgt ans de travaux f
rorces
et transf'ere, a, 1a
Le temps d'escroquer au frère Siré une somme
prison de la Visitation du Mans. Le 9 novemimportante avant de partir vers la Dordogne
bre suivant, la cour de cassation rejette son
et la Sarthe.
pourvoi. Le 24 novembre, le condamné fut
Voilà ce qu'il déclarera aux trois juges
conduit au Mans, place de la Halle, et attaché
d'instruction du Mans, dès le 23 avril, et qu'il
au carcan durant une heure; le bourreau lui
affirmera lors de son procès aux Assises. Le
applique ensuite un fer brûlant portant les letprocureur du Roi, Girard, en ses conclusions
tres T.F. (Travaux forcés).
du 11 juillet, rappela la réalité des escroqueries,
les cinq condamnations, le bagne, y ajouta la
Une vie de bagnard
condamnation de Collet - au tribunal de Toulouse (16.7.1819) - à dix ans d'emprisonneAnthelme Collet fut d'abord transféré
ment pour avoir escroqué les religieux de Touau bagne de Brest, le la juillet 1821. C'était
A
7
l'époque des mISSIOns religieuses et Paul
Ginisty a retrouvé les cantiques pieux chantés
par ses compagnons de boulet:
« Bénissons à jamais
Le Seigneur dans ses bienfaits...
Il a brisé ma chaîne
Comme un puissant vainqueur
Il me comble à toute heure... »
li est vraisemblable qu'il a songé, dès son
arrivée au bagne, à briser une autre chaîne et
repartir vers de nouveaux méfaits. Surnommé
« l'Evêque », il continuait à escroquer ses camarades d'infortune: on l'envoya au bagne de
Rochefort. li y arriva précédé d'une singulière
auréole. Ses récits avaient transpiré, des journalistes et des éditeurs s'arrachaient ses confidences. Le fondateur du « Figaro », Althoy, en
1827, le journaliste Appert en 1835, vinrent le
visiter. On connait au moins treize ouvrages
inspirés par lui. Le ton est donné par Raissac
« chefd'instruction» à Marennes qui préface ses
« Mémoires d'un condamné» (1836). « Quand on
s'est élevé du rang le plus obscur au point de jouer
alternativement les rôles distingués d'évêque et
de généra~ on a acquis nécessairement la célébrité.
Ce n'est pas une affaire que d'ordonner des prêtres et de nommer des officiers, de donner des
bénédictions à pleines mains et de distribuer à
profusion des décorations et des épaulettes. Tel est
cependant le personnage qui va conter sa vie au
public... ».
On comprend que la notoriété de Collet attira les autres bagnards et les artistes de
Rochefort pour lesquels il posa avec assurance.
L'administration le nomme, au bagne, allumeur de réverbères, ce qui était une position
enviable. Le temps passait. La libération approchait. Collet devenait de plus en plus fébrile.
Le 5 novembre 1840, il prend « un coup de
sang» et est transféré à l'hôpital du bagne. Un
hôpital rudimentaire où il contracte une pleurésie. Le 24 novembre 1840, Anthelme réclame
un prêtre et meurt. Il avait cinquante-cinq ans.
lait le procureur Girard? Est-ce tout? Non.
Aux Archives nationales, demeure un dossier,
le nO 1425 de la série F 7 - 9349. Un dossier
sur lequel se trouve cette mention « Anthelme
Collet, dangereux escroc ». Mais ce dernier
- communiqué à un certain M. Lecomte - est
vide. Comme dans un roman de Maurice
Leblanc. li y avait de l'Arsène Lupin, du Vautrin, du Vidocq et du Scapin sous le front proéminent de ce rusé et ce fripon.
•
Moulage
du crâne de Collet.
Bibliothèque
de
l'école de médecine
du Musée de la
marine de Rochefort.
Photo Je Laurent.
Le Mélo s'empara très vite des aventures du forçat. Dans les marchés, les foires,
comme au coin des ruelles, au Mans comme
en Périgord, on chantonna, sur l'air d' « Il pleut
bergère », une complainte que je viens de
retrouver:
« J'avais dans mon jeune âge
Le vice dans mon cœur
Et mon libertinage
Causa tout mon malheur!
Enhardi par le crime... »
Pierre POMMAREDE
Le crâne nO 19
C'était l'époque du docteur Gall et du
professeur Lombroso. La direction du bagne
décida d'effectuer le moulage de son visage et
de conserver son crâne. Je les ai retrouvés, sur
une étagère, au Musée de la Médecine de
Rochefort, portant le nO19.
Son dossier, le dessin du forçat Clamens
le représentant en allumeur de réverbères, son
portrait par Garnier, ce moulage et le crâne,
restent-ils les « souvenirs ineffaçables» dont par8
Sources
- Archives départementales de la Dordogne:
2 Z 3 et 2 Z 119.
- Archives départementales de la Sarthe: 1 U
816 et 1 U 773.
- GINISTY (Paul). Vie, Aventures et incarnations d'Anthelme Collet. Paris, Perrin, 1925.
-Jugement rendu par la Cour d'Assise du Mans
condamnant Anthelme Collet.
Imprimé, s;l;ni d; enrichi d'un portrait et d'une
complainte (archives particulières).
- Bibliothèque municipale de Rochefort,
manuscrit Clamens.
- Musée de la marine. Bibliothèque de l'école
de médecine. Rochefort.
Diverses biographies
- La vie de Collet. Mayenne, Leroux, 1820.
- La vie de Collet. Toulouse, 1826.
- Mémoires d'un condamné (autobiographie).
Paris, Bourdin, 1837.
- Vie de Collet. Niort, Robin, 1837.
-Mémoires d'un condamné. Marennes, Raissac,
1829.
- Mémoires de Collet. Bourg, Boltrier, 1839.
- Mémoires d'un condamné. Nelle, Moreau,
1840.
- Vie de Collet. Rochefort, 1840.
-Anthelme Collet, mort au bagne de Rochefort.
Avignon, Auffray, 1840.
- Vie du célèbre Collet. Paris, Lebailly, 1842.
-Vie et aventures d'Anthelme Collet. Paris, Desbleds, 1842.
- Vie de Collet, Saintes. Pathonet, 1857.
- Mémoires d'un condamné. Paris, Legrand et
Bergounoux, 1826.
- LEDRU (Chanoine A.) - Différents articles
dans la «Province du Maine» (1821 - avril
1822).
« Echo de la Sarthe» : 2 juillet 1821.
Anciens Musiciens de la Dordogne
1925 - 1955
PRODUCTION
Musée du vin
et de la batellerie
Ville de Bergerac
Sonothèque
des Archives
Départementales de la
Dordogne
ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE LA DORDOGNE
~..,:
()no;olŒa..'rlldcbf:tni<W
• Batellerie: le Musée de la batellerie de Bergerac et
la Sonothèque des Archives départementales ont coproduit un diaporama sur vidéo-cassette évoquant l'histoire
de la batellerie sur la rivière Dordogne. Cette vidéo est
empruntable sur demande.
•
Parfums de bal: photographies et histoire
des musiciens de bal des années 1925 à 1955. En vente
sur place (90 F).
9
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ASSOCIATION _ _ _ _ _
--t.
1
LZI
l"juillet
1
t - - .-
-
1901
L'A.R.A.H., histoire et archéologie dans un canton du Bergeracois.
En mars 1990, une dizaine de personnes se sont réunies à La Force, avec le désir de
ne plus laisser se dégrader davantage les vestiges du château des ducs, appartenant à la
famille de Caumont, et dont la décrépitude
s'aggravait chaque jour un peu plus. Il fallait
agir vite ... Ainsi prit naissance l'A.R.A.H.,
« Association de Recherches Archéologiques et
Historiques du Pays de La Force ».
Dans ses statuts, l'association fixa ses
limites territoriales à celle du canton de La
Force, tout en diversifiant ses actions pour la
sivement l'histoire du canton et, depuis, régulièrement, certaines personnes de l'association
fréquentent les archives départementales. Long
mais passionnant travail, parfois rendu difficile par la dispersion, hors de ce même département, de nombreux documents concernant
cette histoire.
La nécessité de publier les résultats de ces
recherches conduit, dès 1991, à la création d'un
bulletin semestriel d'une trentaine de pages.
Organe de liaison et d'information pour
l'ensemble des membres (le n O 7 est prévu au
•
Le château
de
La
Force
(façade
nord),
avant sa démolition en novembre
1793.
Coll. S.H.A.P.
Photo P. 8elaud.
« recherche, l'inventaire, l'étude et la sauvegarde
de son patrimoine archéologique et historique ».
Par la suite, son terrain d'investigation
s'étendit aux communes de Gardonne et de
Lamonzie St-Martin, de l'actuel canton de
Sigoulès, qu'un découpage administratif antérieur à la Révolution française avait rattaché
à la juridiction de La Force.
La première entreprise fut une recherche en archives afin d'y reconstituer progres10
mois de juin de cette année), il est ouvert à des
articles de fond concernant l'histoire et
l'archéologie, à des récits événementiels ou à
la quête d'une mémoire collective et populaire
qu'il est essentiel de recueillir et de transmettre avant qu'elle ne se perde.
Pour la première fois cette année,
l'A.R.A.H. se propose d'éditer un petit fascicule regroupant une sélection de plus de 70 cartes postales anciennes et rarissimes sur le bourg
de La Force à l'aube du XXe siècle. D'autres
tentatives SUIvront ...
De nombreux autres projets ont été
définis. Le plus ambitieux est le programme de
restauration des vestiges du château de La
Force dont le pavillon central, dit des« Recettes », inscrit aux Monuments historiques
depuis 1932, en reste l'unique témoin et
symbole.
L'association, conjointement avec la
municipalité, a multiplié les rencontres et les
contacts, tant avec la famille de Caumont,
qu'avec les Bâtiments de France, la Direction
Régionale des Affaires Culturelles et l'architecte en chef des Monuments historiques. Ces
fontaine, dite « de Belzunce », du nom de l'évêque de Marseille, né à La Force dans la seconde
moitié du XVIIe siècle. Elle est en fort mauvais état et mériterait d'être restaurée. Aussi,
en accord avec ses propriétaires, l'association
envisage d'organiser, au printemps prochain,
une journée de dégagement et de nettoyage ...
en attendant sa réhabilitation totale.
D eux fois par an, au printemps et en
automne, une journée promenade est organisée et propose à nos membres de partir à la
découverte de la richesse patrimoniale de la
Dordogne ou des départements limitrophes.
Ce sont là des moments de rencontre
empreints de convivialité et de bonne humeur,
ambiance que l'on retrouve par ailleurs lors de
nos assemblées, de nos conférences et des diver, . programmees
, en cours d" annee.
ses reumons
Depuis de nombreux mois, l'A.R.A.H.
entretient des liens privilégiés avec deux autres
associations aux buts équivalents avec qui elle
partage ses passions du patrimoine et de l'histoire. TI s'agit de 1'« Association Historique de
Ribagnac », créée pour la sauvegarde du château de Bridoire et de 1'« Association de la
Renaissance du Vieux Bruzac », pour la réhabilitation et l'animation culturelle de ses deux
châteaux.
•
Fragment
de statue trouvé au
Touron en 1932.
Photo Ph. Jayle.
nombreuses démarches ont été concrétisées, en
1993, par la pose d'une grille et d'un portail
de fer forgé afin d'interdire l'accès de ce pavillon et de le protéger des diverses dégradations
dont il était devenu l'objet.
L'A.R.A.H. souhaiterait faire de cet
endroit, une fois restauré, un lieu de mémoire
sur l'histoire de ce château et des Caumont,
et y accueillir des expositions, des conférences ... en faire un lieu de culture et d'échanges.
Un second projet d'envergure concerne
le « Touron », proche du bourg de La Force,
et répertorié sur le plan d'occupation des sols
comme un lieu gallo-romain. Nous souhaiterions y entreprendre des fouilles. Les démarches sont en cours.
A Saint-Pierre-d'Eyraud, il existe une
•
Sceau de cire
rouge aux armes
des Caumont La
Force. 1730.
Coll. part.
Pour toute information complémentaire ou pour adhérer à l'A.R.A.H.
(cotisation simple: 80 F - cotisation
couple: 120 F), adressez votre correspondance à:
- M. Philippe JAYLE, promenade des
Pradasques, 24130 La Force.
- Mme Françoise NICAUDIE, 45 avenue du commandant Pinson, 24130 La
Force.
Philippe JA YLE
Président de l'A.R.A.H
11
EXPOSITIONS / ANIMA TIONS_~
AVOIR
.
J:)u· ·183rClût.•lJiU .. 16·. septembre
Ffi~t6iresd~~~ebPi~seri~: .
«.Thè$~synth~~~thèse» ••
. Sylvif!\Veber~ artiste pemtrecarton~
nier lis~iet~présente unuyptiquecgmposé
de trois tapisseries de basse-lice. D'une longueurtotale de 6,44 mètres sur 4,16 mètres
de hauf,sa réalisation a demandé trois ans
de travail. Tous les éléments de travail constitutifs de l'œuvre seront exposés: dessins
preparatOires, cartons, peIntures, maquettes
de·$ylvie Weber et· Philippe .I>em~llier)
rutlsi que des photos de Bernard Dupuy.
Une convention passée èIltrel'artiste
. et les Archives départementales aboutira au
dépôt auxArcruves.des.cartons de tapisserie,·véritable mémoire et archives du proces. sus de création.
l
,,'"
"P
•
réhistolivres "
Face àl'accroissement de la demande de
livres sur la préhistoire, la Bibliothèque départementale de prêt de la Dordogne et le Service archéologique du département ont
conçu une exposition itinérante. Celle-ci met
à la disposition du visiteur des livres, des panneaux chronologiques, des moulages de fossiles, des éléments mobiles dont l'inter-activité
permet au visiteur d'apprendre, sous une forme
ludiql;le, à mieux situer sa lecture dans l'espace
•
Vue sur
l'exposition des
éditions Fanlac.
Décembre 93
Janvier 94.
Photo A.D. 24.
12
.
. .• >Du7au30j~in
•.... '~J)esciné~as"·~\L~ ...~rô~iyes
acc~eille~i, .~ll:.av~t1'rewi~re.~n 49wtame,
Iesœuytes .dl1.photogtapheJéar1~Itti~oplJe
Garci<\.Sousleti~re(~:oescinémas
», l'artis~e
propose un « inventairesllbjeqtif » dessaUes
de cinéma, encore en acti~ité ou non,. COns·
truites avant la fin des années cinquante dans
les petites villes des départements de la Dor~
dogne,Gironde et Lot·et~Garonne.Sansten~
tation passéiste ni idéalisation d'une époque
révolue, .une série de diptyques présente,. sui.
vant des critères de sélection rigoureux, une
partie de ce patrimoine architectural sin~..
lier. Réalisé à la demande de. l'A.R.P.A.
(Association et Recherches Photographiques
en Aquitaine), ce.·travrul a été soutenu par
le Conseil Régional.d'Aquitaine et le Conseil Général des départements. concernés.
et le temps. Les Archives départementales ont
accueilli la présentation de ce module d'exposition et de lecture durant le mois de mai.
L'exposition retraçant les cinquante
ans d'histoire des Editions Fanlac a connu
un grand succès: 900 visiteurs sont ainsi
venus découvrir ou retrouver un homme et
une œuvre.
,
,
GENEALOGIE
Généalogie, démographie historique et génétique de population.
Jusque vers 1960, la généalogie, la démographIe historique et la génétique de population étaient trois disciplines ayant en commun
d'étudier le passé des hommes, certes, mais sous
des aspects si différents qu'il semblait peu vraisemblable de les faire collaborer.
A l'origine, la généalogie était le lien
A
entre personnes appartenant a, un meme
c1an
et se réclamant d'un ancêtre commun. Plus
à ceux qui les demandaient. C'est une période
faible pour la généalogie
nobiliaire française
,
. ,. qui
ne commence a retrouver un certam seneux
qu'au tournant du XXe siècle. Quant aux
autres citoyens, ils ne conservent guère que la
généalogie successorale, toujours stricte, mais
très .limitée.
Paradoxalement, c'est dans les années
1960, au moment où la contestation du
tard, au Moyen âge et jusqu'à la Révolution,
elle a constitué une preuve justificative: pour
les nobles, de la légitimité de leurs titres, de
leurs droits et de leurs privilèges; pour quelques roturiers, de leurs droits éventuels à héritage ou à succéder dans certaines charges ou
emplois. Après la Révolution, la noblesse,
même sans privilèges, a continué pour le titre,
le blason et aussi l'histoire familiale à pratiquer
la généalogie. Mais cette généalogie se discrédite et trouvait toujours des ancêtres glorieux
mariage, pilier de la constitution des familles,
se fait de plus en plus virulente, que naît un
grand mouvement de généalogie populaire et
que la recherche très sérieuse, cette fois, des
racines ancestrales se répand largement dans
toutes les couches de la société.
•
Carte de
répartition et de
fréquence de la
mutation
delta
F 508 induisant la
mucoviscidose.
A
Ique
les
C ' est aUSSI a, 1a meme
epoque
scientifiques, qui, jusque-là, regardaient la
généalogie comme un amusement frivole, commencent à la considérer comme la source pos13
sible d'une documentation extrêmement intéressante pour deux nouvelles disciplines: la
démographie historique et la génétique de
population.
Déjà, peu après la publication, en 1889,
par Francis Galton de« Natural inheritance »
dans lequel il tente de traiter par la statistique
l'héritage génétique, quelques auteurs germaniques comme Lorenz ou le baron von Dungern attirent l'attention sur les relations étroites entre génétique et généalogie.
Vers 1950, une nouvelle branche de la
génétique, la génétique de population, qui étudie le stock génique des populations et son évolution, prend un essor considérable. Cette
science, d'abord purement spéculative comme
jadis l'astronomie, voit grandir ses possibilités
d'application au fil des découvertes. Dès 1953,
c'est la double hélice 1 ; en 1954, le H.L.A. 2
et, en 1964, le test de typage 3 du gène
H.L.A., grand porteur de l'hérédité de beaucoup de prédispositions morbides; en 1974, les
rétrovirus dont certains pourront, en 1989, servir de clefs pour introduire des gènes dans le
génome; en 1986, les premiers essais officiels
de thérapie génique chez les animaux ; en 1990,
les premiers essais chez l'homme de transferts
de gènes et, en 1992, enfin, les premières tentatives de thérapie génique chez l'homme.
Dès la fin des années 1960, des génétiClens commencent a s mteresser aux registres
paroissiaux pour remonter les généalogies des
porteurs de certains gènes le plus loin possible. Ils s'aperçoivent alors que des personnes
très éloignées, et qui s'ignorent totalement,
souffrent d'une maladie héréditaire identique
parce qu'ils descendent d'un ancêtre commun
qui vivait au XVIIe, voire au XVIe siècle ou
même encore plus anciennement 4.
•
1 - Double hélice:
structure de la molécule d'A.D.N.
2 - H.L.A. (Human
Leucocyte Antigen):
antigène poné par les
globules blancs et
autres cellules qui permet de caractériser des
groupes d'individus.
3 - Test de typage de
H.L.A. : test qui permet de reconnaître
différents gènes (allèles) qui codent pour le
système H.L.A.
4 - Lire, dans le même
dossier, l'article de
M. Stéphane Richard
sur la maladie de Von
Hippel-Lindau.
14
,
'"
1
•
Ainsi, en 1989, des généticiens identifient quatre mutations produisant une protéine
défectueuse facteur d'une maladie héréditaire
appelée mucoviscidose, puis calculent la fréquence des porteurs de cette maladie par région
et se demandent pourquoi ils sont plus nombreux en Bretagne. Un généticien de population, André Chaventré, dresse alors l'arbre
généalogique des familles comptant au moins
un patient, et s'aperçoit que plus de quarante
d'entre eux descendent d'un même couple qui
vivait à Cléder, petite paroisse du NordFinistère au XVe siècle. L'effet fondateur de ce
couple, allié àun consanguinité élevée dans la
région jusqu'au XIXe siècle, permet, avec la
présence de deux autres couples fondateurs
moins importants à Plogastel-Saint-Germain et
à Bannalec, au sud de la Bretagne, d'expliquer
la fréquence de ce gène mutant dans la population rurale bretonne 5.
Si la mucoviscidose reste une maladie
grave, que la médecine sait soulager sans pouvoir la guérir, bien qu'on envisage son traitement par thérapie génique d'ici dix ou quinze
ans, d'autres maladies, comme le glaucome
héréditaire, relativement fréquent dans la
région Nord, qui se déclare vers l'âge de 9 ans,
et rend les enfants pratiquement aveugles, peut
être l'objet d'un traitement préventif. Le travail consiste alors à dresser la généalogie de
patients venus consulter, à trouver de quel
ancêtre ils tiennent cette affection, puis à
rechercher tous les cousins collatéraux de cette
branche et à informer les familles ayant de jeunes enfants des risques encourus et de l'existence de traitements préventifs.
D'ailleurs, tout à fait indépendamment
de ces applications médicales, l'hérédité, on le
sait depuis toujours, se retrouve dans la ressemblance des corps, des traits du visage, même
ceux du caractère, et jusque dans les attitudes:
la façon de croiser les mains, avec le pouce gauche sur ou sous le droit, ou de croiser les bras,
etc.
En fait, ce grand développement généalogique de la génétique de population est une
conséquence du succès de la démographie historique. En 1954, un généalogiste qui avait
dressé la généalogie de la bourgeoisie genevoise
du XVIe au XXesiècles a demandé à un démographe, Louis Henry, si une analyse démographique de cette population était possible 6.
Après avoir soumis ces généalogies à des tests
statistiques qui lui permettent de s'assurer de
leur complétude et de leur cohérence, Louis
Henry élabore une nouvelle méthodologie qui
permet, en l'absence des statistiques habituelles de l'état civil et des recensements, d'obtenir des données quantitatives et numériques sur
la nuptialité, la fécondité, la mortalité et autres
caractéristiques démographiques de cette population ancienne. Cette méthode est fondée
essentiellement sur la reconstitution des familles et procède par analyse longitudinale de
générations ou de promotions de mariage, etc.,
c'est-à-dire sur des généalogies.
Séduit par ce matériel généalogique,
Louis Henry a voulu savoir si les registres
paroissiaux étaient aussi bien tenus en France
qu'à Genève. Avec l'aide d'un historien,
Etienne Gautier, qui. effectue sur fiches le
dépouillement du registre paroissial, il étudie
alors, avec les mêmes méthodes et en les déve-
5 - C. Feree, H. Guil-
lermit, A. Chaventre :
Les mutations du gène
de la mucoviscidose
dans la population Bre·
tonne. Revue Pathologie Biologie, juin
1991, p. 577-580.
6 - Louis Henry:
Anciennes familles
genevoises, étude démo·
graphique XVI'·XX'
siècles. INED, éd.
Cahier de travaux et
documents, nO 26
Paris, 1956, 234 p.
loppant, la population d'un village du Perche,
Crulai, de 1604 à 1800 7 • Il met au point une
fiche de reconstitution de famille facilitant les
calculs démographiques et édite, avec Michel
Fleury, un manuel de dépouillement des registres paroissiaux 8.
•
Exemple de
fiche de dépouillement et d'exploitation des données
démographiques.
7 - Etienne Gautier et
Louis Henry: La
population de Crulai,
paroisse normande:
étude
historique.
INED, éd. Cahier de
travaux et documents,
nO 33, Paris, 1958.
8 . Michel Fleury et
Louis Henry: Des
registres paroissiaux à
l'histoire de la popula·
tion. Manuel de
dépouillement
et
d'exploitation de l'état·
civil ancien. INED,
éd. Paris, 1956.
Michel Fleury et
Louis Henry: Nou·
veau manuel de
dépouillement
et
l'exploitation de l'état·
civil ancien. INED,
Paris, 1965.
Convaincu que les registres paroissiaux
sont « une richesse en friche », et rompu aux
méthodes probabilistes de la statistique, il passe
sans attendre à la dimension nationale. Dès
1958, il lance une enquête par sondage au
hasard, avec un tirage au 1Il00 e des communes, tirage stratifié en villages, petites villes,
moyennes villes et grandes villes, qui doit donner le mouvement de la population en France
depuis 1670 par dépouillement anonyme. Il
joint à cette enquête un second sondage, au
1Il000 e celui-là, de 39 villages dépouillés en
nominatif, avec reconstitution des familles, qui
permettra d'obtenir des caractéristiques démographiques dont la variance est faible et l'évolution lente parce que moins sensible à la conjoncture comme l'âge au mariage, la fécondité
par âge ou par durée de mariage, etc.
Cette entreprise gigantesque a été en
général sur le moment assez mal reçue des historiens, alors très ignorants de la valeur des tirages aléatoires. Ce n'est que peu à peu, devant
les résultats probants, que les critiques et les
réticences tombent, les adhésions se manifestent et que les mémoires de thèse ou autres,
consacrés à des monographies de villages ou de
villes se multiplient.
Il faut 17 ans à Henry et son équipe pour
•arriver au bout des relevés anonymes des registres des 387 villages et des 36 villes de l'échantillon. La publication de la première partie
1740-1829 est faite dans un numéro spécial de
la revue Population, en 1975. Puis, les 39 villages dépouillés en nominatif, avec reconstitution des familles, font l'objet d'une publication
préliminaire dans quatre articles, malheureusement séparés dans des revues différentes. En
1980, un récapitulatif bibliographique montre
que plus de 500 mémoires de démographie historique utilisant la méthode du manuel de
Louis Henry ont été présentés par des étudiants en histoire dans les diverses facultés de
France. Le succès est considérable jusque chez
les généticiens.
Ill' est aussi auprès des généalogistes, professionnels ou amateurs, pour qui le manuel
de dépouillement est non seulement un guide
précieux mais aussi une initiation à la démographie historique. Celle-ci leur permet de
comparer le comportement de leurs ancêtres
aux normes réelles du milieu dans lequel ils
vivaient; elle permet de mieux les suivre,
mieux les comprendre.
L'enquête dirigée par Louis Henry est en
voie d'achèvement. Elle est accompagnée,
depuis 1980, d'une seconde enquête qui étudie,
avec plus de difficultés, les registres des XVIe
et XVIIe siècles pour remonter encore plus
haut dans le passé. Plusieurs généalogistes y ont
apporté leur contribution; certains y participent encore, tant la généalogie est utile à ce
domaine également.
Parti de la généalogie, la démographie
historique lui reste attachée et la génétique de
population les suit, toutes les' trois sont à la
recherche du « Saint-Graal» informatique
commun: un logiciel effectuant automatiquement une reconstitution fiable des familles.
Jean-Noël BlRABEN
Institut National
d'Etudes Démographiques
Bibliographie
- Joseph VALYNSEELE (sous la direction
de) : La généalogie, histoire et pratique. Larousse
éd., Collection Références - Histoire, ParisCanada, 1991, 326 p.
15
GÉNÉALOGIE
Généalogie et génétique médicale: l'exemple de la maladie de von
Hippel-Lindau.
Au cours de la dernière décennie, la
génétique a connu un essor prodigieux grâce
à la véritable révolution technologique apportée par les outils de la biologie moléculaire.
L'identification progressive des gènes impliqués dans les quelques 3 000 maladies génétiques connues ouvre, en effet, de larges perspectives dans la compréhension, le diagnostic
et la prise en charge des sujets atteints. Ces
avancées capitales suscitent beaucoup d'espoirs
mais aussi quelques inquiétudes dont les médias
se font régulièrement l'écho. Ainsi, l'apparition prochaine d'une médecine prédictive (diagnostic présymptomatique, diagnostic prénatal) et les possibilités de thérapie génique déjà
envisagées, posent-elles des questions majeures,
notamment éthiques, qui dépassent de très loin
le cadre restreint de ce court article.
Ancêtres
commUnS
pour étudier et comprendre le mode de transmission d'une affection héréditaire (liée au sexe
ou autosomique, dominante ou récessive) ;
- pour préciser la variation de l'expression
clinique d'un sujet à l'autre (<< hétérogénéité
phénotypique ») et incriminer ou exclure
l'existence de facteurs supplémentaires génétiques ou non, par exemple liés à l'environnement;
- pour localiser le gène d'une maladie, par
l'étude de l'association entre des « mârqueurs »
chromosomiques et la transmission d'un trait
pathologique.
Les enquêtes génétiques soigneuses permettent enfin, en pratique quotidienne, de
dépister et de traiter des sujets asymptomatiques avant qu'ils ne révèlent l'affection dramatiquement, et de rattacher souvent des malades apparemment isolés (cas « sporadiques ») à
des familles déjà connues.
Sur la cc piste» de
la maladie
de von Hippel-Lindau
•
Figure 1. Principe des études de généalogie ascendante.
Intérêt médical
des études de généalogie
Les techniques extrêmement sophistiquées et coûteuses de la génétique moléculaire
ne peuvent s'avérer profitables qu'en complément des travaux de génétique formelle. Etape
irremplaçable du travail du généticien, celle-ci
repose sur des études généalogiques rigoureuses qui permettent de résoudre de manière élégante bien des problèmes fondamentaux.
L'analyse de grandes familles, et donc la reconstitution de larges généalogies, est en effet capitale à plus d'un titre :
16
La maladie de von Hippel-Lindau est
caractérisée par le développement de tumeurs
variées affectant le système nerveux central
(cervelet, moëlle épinière), les yeux (rétine), les
reins, les glandes surrénales et le pancréas.
L'affection touche les deux sexes et chaque
enfant atteint a un risque de 50 % d'hériter du
gène pathologique (<< transmission autosomique dominante »). L'affection touche environ
une personne sur 40 000, ce qui laisse supposer l'existence de près de 1 500 malades en
France, bien que seuls 400 malades et 85 familles aient pour l'instant été recensés. La diversité des organes atteints et la grande variabilité du mode de révélation expliquent que
l'affection soit très déroutante et encore souvent méconnue. Le début de la maladie se situe
entre 15 et 30 ans et la plupart des lésions sont
• Familles
• Cas "sporadiques"
Vailly sur
Sauldre
o
C•
.
, -Tt
1
Périgueux
.,...
«.
•,
•
•
•
••
.0 •
o.
•
Bergerac
, Figure 2. Origine des malades atteints par la maladie de von Hippel-Lindau
•
Figure 2. Origine des malades atteints par la maladie de von Hippel-Lindau.
accessibles à un traitement curatif si celui-ci est
appliqué précocement.
Depuis 1990, un groupe national pluridisciplinaire s'efforce, avec le soutien de l'Association Française contre les myopathies (<< Téléthon »), de faire mieux connaître cette affection rare, de recenser les familles de malades
et de dépister les porteurs du gène déficient
(situé sur le chromosome 3), avant l'apparition
de lésions irréversibles. Pour chaque patient,
la première étape des enquêtes généalogiques
consiste en une étude ascendante, à la recherche d'un ancêtre commun à d'autres familles
(figure 1). Au-delà du secret médical qui
demeure absolu, il est évidemment interdit de
communiquer les coordonnées d'état civil de
personnes apparentées en dehors des ascendants directs, sauf si les deux parties en expriment le souhait et leur accord par écrit.
Une première «cartographie» de la
maladie a pu être réalisée, qui révèle l'existence
de quelques foyers importants de la maladie
(figure 2). Le principal « berceau» de l'affection en France a ainsi été localisé dans la région
de Sancerre (Cher) d'où est originaire la famille
« 8 », reconstituée à partir de 5 « pedigrees»
distincts (26 malades connus) (figure 3). Les études en cours tendent à accroître la taille de cette
famille déjà exceptionnelle: premiers sujets nés
avant 1700, 220 personnes directement rattachées, 9 générations, 380 autres individus vrai-
semblablement apparentés. Plusieurs malades
asymptomatiques ont ainsi pu être dépistés et
traités avec succès au cours des deux dernières
années, en particulier dans les branches « C »
et «J ».
En Dordogne, nous avons, plus récemment, localisé l'origine de deux autres famil•
Atteint
/
Décédé
l'
Proposant
!Couple fondateur!
•
Figure 3. Reconstitution de la famille "8", originaire du Sancerrois (26
malades connus)
(seules les 7 dernières générations sont représentées: les conjoints ne sont pas indiqués à partir de la génération III)
17
les de malades (figure 2). La plus importante
(famille « 1 ») (11 malades connus) est originaire des environs de Périgueux; la seconde
provient de la région de Bergerac. La famille
« 1 » illustre de manière exemplaire les problèmes médicaux que l'on peut rencontrer: en raison d'un éclatement familial, les sujets nO 427
et nO 295, frère et sœur tous deux malades,
ignorent en effet leur existence réciproque et
, '1ongtemps conSl'd'eres, comme « sporaont ete
diques », alors que leur mère, ainsi qu'une tante
et une cousine (nO 403 et nO 406), étaient déjà
décédées de la maladie (figure 4). Des études
de généalogie sur le terrain sont maintenant
requises pour agrandir la taille de ces deux
familles périgourdines, trouver un éventuel
ancêtre commun et peut-être y rattacher les 2
cas
, .« sporadiques» également originaires de la
reglOn.
ont déjà permis de réaliser des progrès substantiels dans la connaissance et la prise en
charge de la maladie de von Hippel-Lindau. Le
grand nombre de malades recensés, la reconstitution systématique des familles et la localisation des principaux « berceaux» permettent
d'affiner progressivement les données épidémiologiques et les caractéristiques cliniques de
cette affection rare. Grâce à la coopération très
étroite avec les familles de malades, un diagnostic présymptomatique sera très prochainement
disponible, permettant, à l'intérieur d'une
famille donnée, de dépister précocement les
sujets porteurs du gène, de les surveiller médicalement et de traiter efficacement les différentes lésions dès leur apparition.
Stéphane RICHARD
Laboratoire de Neurohistologie EPHE
Hôpital de la Salpêtrière - Paris
Perspectives
Les études de génétique formelle, dont
quelques exemples viennent d'être présentés,
9l"...
, ' JI
427
Etude
généalogique
j
1 Couple fondateur 1
, v.
•
Figure 4. Début de reconstitution de la famille "1", originaire de la Dordogne.
(Le couple fondateur est né au milieu du XIX- siècle. Pour des raisons de confidentialité, les dates exactes ne sont pas indiquées).
Pour en savoir plus
- S. RICHARD, S. OLSCHWANG, D. CHAUVEAU, F. RES CHE, Là maladie de von HippelLindau, Médecine-Sciences, 1994, à paraître.
18
,
INEDIT _ _
La Révolution Française voulut rompre avec les anciennes traditions
et c'est ainsi que le Calendrier Républicain fut institué le 24 octobre
1792.
Fabre d'Eglantine donna aux douze
mois des noms poétiques et évocateurs, tels que
Vendémiaire, mois des vendanges, Frimaire,
•
Registre
d'état civil de Terrasson.
17 brumaire an 3.
AD. 24, 5 E 541/10.
Photo A.D. 24.
mois des frimas ou Fructidor, mois des fruits,
etc.
Parallèlement, les législateurs révolutionnaires introduisirent une grande liberté dans
le choix des prénoms donnés aux enfants.
Ainsi, les actes de naissance des communes de
Terrasson et de Périgueux de l'an 2 et de l'an
3 (1793 à 95) révèlent des prénoms si insolites
et inimaginables que je ne résiste pas au plaisir
de vous les livrer.
Huit catégories de prénoms peuvent être
discernées dont il est très utile de souligner le
sexe, par la lettre M pour masculin et F pour
féminin, car rien ne peut laisser supposer qu'un
bébé prénommé « dindon» soit une une fille,
ou qu'un autre prénommé « brebis» soit un
garçon!
Légumes
pois (M) - haricot (F) - melon - fenouil (F) - piment (M) - radis (F) - asperge (F) choufleur (M) - patate ou pomme de terre (F)
Fruits
prune (F) - marron (M) - coing (M)
Outils ou divers
rate au (M) - faux (M) - chariot (F) - faucille (F) - moulin (M) - pioche (M) - pelle (M) sarcloir (M) - fléau (M)
Animaux
,
coq (M) - carpe (F) - pigeon (F) - brebis (M) -loutre (M) - truite (F) - dindon (F) - grillon
(M) - lapin (F) - veau (M)
Plantes/Fleurs
mandragore (F) - bouton d'or (F) -fromental (M) - valériance (F) - seigle (F) - avoine (F) véronique (F) - romarin (F) - girofle (M) - menthe (F) - armoise (F) - millet (F) églantine (F) - réglisse (F) - safran (M) - jonquille (F) - primevère (F) - rose (F) - romarin
(F) - pivoine (M) - sauge (F) - mélisse (M) - blé (M) - ajonc (M) - chicorée (M)
Arbres
hêtre (M) - peuplier (M) - aulne (F) - charme (F) - platane (M) - sapin (M)
Noms de mois
prairial (M) - quatorze-juillet (M)
Métaux/Minéraux/Productions
fer (F) - fumier (M) - salpêtre (F) - argile (F) - grès (M) - cuivre (F) - soufre (M) -houille (F)
. Martine DUHAMEL
Généalogiste
19
GÉNÉALOGIE
Noblesse et généalogie en Périgord.
Le Périgord, terre de noblesse
Le Périgord peut apparaître comme un
terrain d'observation privilégié de l'évolution
de la généalogie, depuis les débuts de l'âge
moderne (XVIe siècle) jusqu'à nos jours, pour
plusieurs raisons.
Tout d'abord, si l'équation généalogie =
noblesse est générale en France, elle l'est plus
encore dans une province dont la noblesse se
voit pléthorique, aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Les calculs démographiques que nous avons pu
faire corrigent cette illusion, mais ne lui enlèvent pas sa !orce de représentation pour les
contemporams.
maintenues 1 de 1666-67 et, parmi eux, 25 %
remontent au delà de 1453 2 • Le chiffre de
80 % d'anoblis récents pour la noblesse du Bordelais, qualifiée par M. Figeac de « noblesse
évanouie » 3 permet de mesurer la vigueur
exceptionnelle de vieux lignages chevaleresques
comme les d'Abzac, les Vassal, les Talleyrand,
etc.
Une noblesse qui, par ailleurs, a été dotée
au fil du temps et à travers des schémas littéraires et politiques qui ont la vie dure (pour
ne citer que Molière, Balzac, Rostand, Eugène
le Roy ou, plus contemporain, R. Merle) d'une
personnalité, d'une identité, proches de la caricature, mais cependant révélateurs du malaise
de ces nobles gascons. Querelleurs, indépendants, ils semblent trouver difficilement leurs
marques dans un royaume de France profondément engagé dans la construction de l'absolutisme royal. Leurs relations avec la monarchie sont ambiguës, non pas tant avec le principe monarchique qu'avec la personne même
du souverain, relation dont les nostalgies féodales et le rêve mythique d'un âge d'or de la
noblesse sont des composantes essentielles.
Le terreau périgordin semble donc en
tous points favorable au développement d'une
généalogie conquérante.
Les preuves du sang
•
Arbre
généalogique des
Foucauld de Lardimalie, très ancienne
famille. s.d.
A.O.
24, 2 E
1822/2-1. Photo AD.
24.
20
En second lieu, c'est une noblesse incontestablement plus ancienne qu'ailleurs, à
l'exception peut-être de la Bretagne. Plus de
50 % des membres de la noblesse du Périgord,
en 1789, peut fournir des preuves au-delà des
Tusqu'à la fin du XVIe siècle, la possession cf"une généalogie bien argumentée et solidement établie peut s'avérer utile, mais la production de titres n'est indispensable que dans
le domaine fiscal ou successoral. De plus, dans
une province ravagée par la guerre de CentAns et les guerres de religion, les incendies succèdent aux pillages et aux destructions. Bien
des familles en mal de preuves ne manquent
pas de faire valoir cet argument pour expliquer
le chaînon manquant dans leur ascendance.
La référence à urt ancêtre prestigieux
confère une illustration éclatante, la qualité des
1 - Lors des grandes
recherches d'usurpation de noblesse de
1661 à 1721, les intendants rendent des
jugements de maintenue tenant lieu cl' actes
recognitifs de noblesse.
2 - G. du Mas de Paysac, «L'état de la
noblesse du Périgord en
1789 », Actes du colloque Noblesse et Révolution, Le Bugue, 01
Contou, 1989.
3 - M_ Figeac, La
noblesse bordelaise à la
fin de l'Ancien Régime,
T.E.R., Université de
Bordeaux Ill, 1982.
alliances favorise l'ascension sociale, mais la
réputation et les relations d'homme à homme,
avec le souverain ou à l'intérieur d'une clientèle, sont les facteurs concrets de la réussite.
Si les Caumont-la-Force se targuent de descendre d'Hercule ou les Bourdeille d'un paladin
de Charlemagne, ce qui apparaît le plus clairement dans ces premières généalogies périgordines, c'est la volonté de bien marquer, d'une
part, la participation aux croisades et, d'autre
part, le ralliement précoce au roi de France
pendant la guerre de Cent-Ans. Le rôle majeur
des nobles féodaux dans la défense de l'Eglise
contre les Infidèles et dans la construction du
royaume de France fonde ainsi leur légitimité
et leur utilité sociale.
Au XVIe siècle, les blessures de guerres
sont encore les plus belles preuves de noblesse.
Blaise de Montluc ne disait-il pas que le gentilhomme se reconnaît lorsqu'il est nu? Ou
encore Brantôme saluant les paysans et artisans
engagés dans l'infanterie comme « capitaines
et égaux aux gentilhommes ». Alors qu'on peut
encore s'anoblir en achetant une terre noble,
les parchemins n'ont qu'une valeur relative et
la lama, la réputation, confirmée par la preuve
testimoniale de quatre gentilshommes, affirmant avoir toujours connu tel ou tel lignage
vivant noblement depuis trois générations au
moins, suffit en général pour prouver ses
ongmes.
La généalogie apparaît déjà, non pas tant
comme un moyen de justification d'une prééminence sociale - non remise en cause à cette
,
,
epoque
et que l
e sang'
genereusement
verse, sur
les champs de bataille démontre chaque jour-,
mais comme l'affirmation d'une indéfectible
alliance entre le souverain chrétien et sa
noblesse, garante et soutien de son trône.
De Capet à Navarre
Cette théorie d'un pacte originel est
bien illustrée par le fameux échange d'Hugues
Capet et d'Adalbert, Comte de Périgord:
« Qui t'a fait comte? », « Qui t'a fait roi? ».
Mais elle prend une résonnance nouvelle avec
la conquête du trône de France par Henri de
Navarre à la fin du XVIe siècle. Le Périgord
est au cœur de l'entreprise, et le prétendant
puise largement dans un réseau puissant de fidélités et de solidarités dont il représente le sommet. Combien de familles, par la suite, exhiberont fièrement une lettre d'Henri de
Navarre sollicitant personnellement leur soutien? Combien de châtelains du Périgord
entretiendront pieusement la chambre qu'il
occupa une nuit? C'est à la faveur de ce compagnonnage guerrier avec le futur souverain,
rappelant les temps légendaires des campagnes
carolingiennes, que semblent se nouer des liens
privilégiés entre les nobles du Périgord et le
futur Henri IV.
Cependant, assuré par son trône, celuici renvoie dans leurs provinces ses anciens compagnons d'armes, tandis que se mettent en
place les rouages d'une monarchie centralisée
et que la personne du souverain se fait plus
lointaine. Les amis les plus chers restent auprès
de lui: Caumont-La-Force ou Biron. Mais la
trahison de ce dernier et son exécution, si fortement ressenties dans toute la province, cristallisent les regrets et les frustations d'une gentilhommerie qui se sent bien mal payée de ses
sacrifices. Et si ces rancœurs latentes, souvent
inconscientes, ne se fixent pas sur Henri IV,
ses successeurs paieront à sa place le prix de
cet amour déçu. Pendant la période prérévolutionnaire et tout le XIXe siècle, la référence, le modèle du parfait souverain, c'est toujours Henri IV.
•
Lettre
d'Henri IV écrite à
Jean du Lau des
Ecuyers. 1578.
A.D. 24, 2 E
1841/17-4.
A.D.24.
Photo
Prouver: une affaire d'état
L'on sait que la multiplication des anoblissements par lettres royales, les achats d'offices anoblissants et les nombreuses usurpations
suscitèrent, chez la noblesse ancienne, le souci
de préserver ses privilèges mais aussi son identité. Cette dernière se fondait sur le culte de
l'honneur, de la bravoure guerrière, de l'idée
de race et de la transmission par le sang de la
qualité nobiliaire. Ces revendications s'expri21
ment avec force aux Etats de 1614, et sont
d'autant mieux entendues de la monarchie que
celle-ci désire limiter le nombre de privilégiés
pour des raisons fiscales évidentes. Elle y voit
également la possibilité, par le système des
amendes et des jugements de maintenues ou de
confirmation, de faire rentrer de l'argent dans
les caisses.
die 4, illustré par les ducs de Saint-Simon ou
de Noailles.
En Périgord, le marquis d'Allemans est
l'un des relais majeurs de ce courant politique.
Nous en ignorons l'ampleur et le nombre de
familles périgourdines qui y ont participé,
mais, en revanche, les thèmes en sont bien connus. Si le marquis d'Allemans peut se permettre d'écrire à d'Hozier: «Je puis bien souffrir
qu'on ne parle point de ma maison, elle parle
assez haut d'elle-même », il n'en formule pas
moins ce qui constitue le corps de la doctrine
aristocratique, dite libérale, de ce début du
XVIIIe siècle. L'affirmation de l'égalité de la
noblesse et d'un simple droit de préséance des
ducs et pairs, le rejet de la noblesse de robe,
l'exigence de preuves par quartiers sur le
modèle allemand, l'affirmation du rôle politique de la noblesse, sont les principaux aspects
de cette réaction. Plus exclusive encore, la
théorie de Boulainvilliers, attribuant la qualité
nobiliaire aux seuls descendants des Francs
conquérants de la Gaule, sous-tend nombre de
généalogies périgordines de cette époque.
Prouver pour obtenir
•
Preuves de
noblesse des de La
Filolie déposées à
l'Intendance de
Limoges, 21 mai
1669.
A.D.
24,
2
E
1004/4-10. Photo
A.D.24.
22
Les « Grandes Recherches », ordonnées
par Colbert, constituent cependant un choc
majeur pour la noblesse, en 1666-67. Une branche des Talleyrand fut même sommée de fournir ses preuves. Le mouvement s'essouffle, au
début du XVIIIe siècle, mais moins en
Guyenne, où les nobles suscitent toujours la
méfiance du pouvoir. En 1758, le duc de
Mouchy proteste contre «la folie tourmentante de la cour des Aides» dans sa province.
L'embrigadement des nobles à la cour,
sous le règne de Louis XIV, aggrave le système
des preuves en soumettant la noblesse à des exigences administratives de plus en plus rigoureuses : prouver devient désormais une affaire
d'Etat dans tous les sens du terme.
Prouver pour se maintenir était l'enjeu
des « Grandes Recherches ». Prouver pour se
définir, face à l'envahissement du second ordre
par la noblesse de robe et face à la main-mise
grandissante du pouvoir royal, c'est tout le sens
de la réaction aristocratique formulée par un
Périgourdin, Fénelon, précepteur du duc de
Bourgogne. Ses idées se concrétisent, au début
de la Régence, avec le système de la polysyno-
Au XVIIIe siècle, les attaques des
philosophes remettent en cause, non seulement
la prééminence sociale de la noblesse au nom
de l'égalité naturelle de tous les hommes, mais
son utilité même. Mais, pour la majorité des
familles nobles, la nécessité de faire ses preuves est tout d'abord « alimentaire»: il faut
prouver pour obtenir, c'est-à-dire faire la
preuve de trois degrés de noblesse pour placer
ses enfants pages à la cour, dans les écoles militaires, à l'Ordre de Malte ou dans la maison
d'éducation de jeunes filles de Saint-Cyr.
Autant d'exigences que les familles périgordines peu fortunées, et elles sont nombreuses,
mais dotées d'une ancienneté incontestable,
peuvent remplir.
Les honneurs de la cour, la conquête des
grades supérieurs dans l'ar.mée ou dans le clergé
sont autant d'occasions pour les familles
anciennes d'occuper le terrain. Plus d'une quarantaine de familles périgordines sont présentées à la cour (sur environ 900 pour la France),
mais les frais que représente cette cérémonie
interdisent à certaines d'y figurer, tels les Vassal pourtant d'origine chevaleresque. Dans la
course aux évêchés, le Périgord est en première
ligne. il est vrai que la fortune est ici moins
déterminante que dans l'armée, et que la naissance joue pleinement son rôle pour ne citer
que Christophe de Beaumont, archevêque de
4 - Système de gouvernement composé de
plusieurs conseils qui
se substitue au régime
des ministres à la mort
de Louis XIV en 1715.
Le Régent supprime
les conseils en 1718.
Paris, les Talleyrand, archevêque de Reims ou
évêque d'Autun, les Jumilhac ou Du Lau,
archevêques d'Arles, etc.
Les généalogies du naufrage
La Révolution vient bouleverser ce
savant système de castification du second
ordre, réduisant à l'inexistence juridique les
familles restées en France, jetant les autres sur
les routes d'Europe et brûlant dans un
immense autodafé les titres fondateurs d'une
féodalité honnie. Les réflexes de survie sont de
nature diverse. Il y a ce qu'on pourrait appeler les « généalogies du naufrage ». L'exemple
le plus représentatif est celui du comte Clermont de Touchebœuf, qui rédige, en 1794,
alors qu'il est émigré en Irlande, un ouvrage
de plus de 250 pages, écrit de mémoire et destiné à faciliter à ses enfants « le rétablissement
de leurs affaires, la recherche des titres pour
leurs droits et leur rang» dans des temps futurs
qu'il espère favorables au rétablissement de la
noblesse 5.
Mais c'est plus tard, dans le calme civique revenu, que l'ancienne noblesse, cherchant
à comprendre ce qui appara~t à certains comme
une punition divine, à d'autres comme une
injustice ou comme le début d'une ère nouvelle, tente de reconstituer le miroir brisé de
son identité perdue et d'assurer l'avenir en
l'ancrant dans le passé retrouvé, reconstitué ou
réinventé. Le vicomte de Vormeuil, alias du
Lau, les comtes de Saint-Aulaire ou de Gironde
sacrifient ainsi à l'autocélébration familiale 6.
Une
5 -
Archives privées.
6 -
Vte de Vormeuil,
Confulences d'un lieutenant général à son
fils,
1852.
Paris,
Cte de SaintAulaire, Portraits de
famille
1750-1810,
Périgueux, 1879.
Cte de Gironde,
Souvenirs de famille,
Paris, 1894.
Brelot,
7 - Cr.
La
noblesse réinventée:
Nobles de Franche·
Comté de 1814 à 1870,
Paris, Les Belles Lettres, 1992.
8 - A. Matagrin, La
noblesse du Périgord en
1789, Périgueux, Boucharie, 1857.
cc
noblesse réinventée»
gord, l'ancienne et la nouvelle qui ont la même
origine fondée sur les mêmes nécessités sociales et politiques ». La volonté de réconciliation
sociale est évidente et on la trouve plus encore
chez A. de Froidefond de Boulazac, auteur de
l'Armorial de la noblesse du Périgord en 1858 :
« l'ancienne et la nouvelle noblesse ne font
qu'une seule et même famille ayant également
droit aux hommages et à la reconnaissance du
pays ».
La volonté de définir une noblesse fondée sur l'authenticité des titres est affirmée:
« Le but principal de l'Armorial n'est pas d'établir les titres mais bien la noblesse (... ) à une
époque où les usurpations scandaleuses tendent
à la destruction de la noblesse» ! En effet, si
la noblesse du XIXe siècle a intériorisé un certain nombre de valeurs dites bourgeoises (le travail salarié, l'épargne ou le bonheur familial),
elle continue de secréter une culture d'ordre,
padaquelle elle se distingue fondamentalement
des autres groupes sociaux. C'est là l'une des
conclusions majeures de la thèse récente d'I.e.
Brelot qui remet en cause la théorie de la fusion
des élites élaborée par les historiens des années
60.
7
Par ailleurs le rétablissement de la
noblesse, en 1808, et les deux monarchies censitaires qui suivent l'Empire, en redonnant ses
titres anciens à la noblesse, réactualisent le travail généalogique pur. L'abbé Lespine, érudit
infatigable dans la lignée des chanoines de
Chancelade, soutient nombre de familles du
Périgord dans leur quête du passé et accrédite
le sérieux de leurs recherches par sa position
de professeur à l'Ecole des Chartes et de Bibliothécaire du roi. Mais la décadence de la généalogie française ne cesse de s'aggraver du fait des
pratiques vénales de certains généalogistes, tels
de Courcelles, Saint-Allais et quelques autres.
Le Second Empire favorise, en Périgord
comme ailleurs, la parution d'ouvrages généraux dont les préfaces sont riches d'enseignement sur les motivations de leurs auteurs. Certains sont modérés comme, en 1857, l'ouvrage
d'A. Matagrin 8 dédié « à la noblesse du Péri-
On trouve également, en 1858, dans la.
Portrait
bibliothèque du marquis de Saint-Astier, des ~:nt~~~~~~siro~~
ouvrages beaucoup plus virulents, tel celui de décapité en 1602.
Barbot de La Trésorière: Les Annales Histori- portraits.
A.D. 24, 8 Fi, 153
Photo A.D.
ques des anciennes provinces de l'Aunis, Sain-
24.
23
tonge, Périgord, etc. ou Considérations sur la
noblesse et son essence. Le ton est donné.
L'auteur appelle à une recomposition générale
de l'ordre fondée sur le critère du génie. Le
mythe germanique et l'antisémitisme s'affichent ici sans équivoque. Si de telles théories
peuvent apparaître comme des élucubrations
archaïques, il faut toutefois se souvenir du contexte de l'époque, de la haine diffuse à l'égard
du monde de la finance. L'affaire Dreyfus, quarante ans plus tard, ou les théories raciales de
Gobineau en sont les aboutissements.
•
Approbation,
par d'Hozier, des
annoiries de Gabriel
de Géris, suite à
son
anoblissement. 1712.
A.D. 24, 2 E 816.
Photo A.D. 24.
De tels excès ont eu, sans doute, peu de
crédit en Périgord où la noblesse, en majorité
légitimiste, souvent retirée sur ses terres, se
livre aux joies de « l'ethnographie du soi» et
façonne au gré de sa mémoire un modèle nouveau fondé sur les qualités morales et religieuses de ses membres, sur l'amour de la patrie
et la piété finale. C'est ici l'éducation qui
s'affirme comme le vecteur essentiel pour la
transmission des valeurs.
De la méfiance
à la reconnaissance
La fondation de la Société Historique
et Archéologique du Périgord (S.H.A.P.), en
1874, unit dans une même passion aristocrates, prêtres, professions libérales, fonctionnaires, etc. A la faveur d'une exigence scientifique commune, l'accord aurait pu se faire. Mais
la Troisième République naissante n'a pas
encore digéré les bouleversements révolutionnaires, et la mise en place d'un projet éducatif, historique et culturel basé sur les valeurs
républicaines interdit tout rapprochement
entre l'histoire nationale de Lavisse et la généalogie trop marquée par son exclusivisme social.
En 1874, la noblesse représente 25 % des effectifs de la S.H.A.P., mais détient les 5 postes de
vice-président. Si la généalogie n'est pas inscrite
formellement au nombre de ses travaux,
E. Massoubre dans la séance inaugurale
24
déclare: « Nos explorations en contribuant à
l'illustration des familles concourront à l'éclat
de la patrie périgourdine ».
Mais, dans un contexte laïc et égalitaire,
renforcé par la victoire des républicains, en
1893, qui marque la fin du bonapartisme en
Dordogne, toute tentative, même érudite, qui
pourrait relancer la polémique sociale est suspecte. En 1908, alors que la noblesse représente
plus d'un tiers des effectifs de la SHAP, un
règlement intérieur est adopté dont l'art. 4 précise qu'« aucune généalogie de famille ne sera
admise, ce genre de travail étant d'un intérêt
trop restreint ».
Le comte de Saint-Saud, membre de la
S.H.A.P. pendant 75 ans et appartenant à cette
nouvelle génération de généalogistes qui ont
codifié de façon méthodique les traités de
généalogie, se plaint amèrement de cette situation. En guide de vengeance posthume, il lègue
l'ensemble de ses archives au département de
la Gironde.
Notons, en conclusion, que cette génération des Saint-Saud, Paul Huet, de Roton,
Dujarric-Descombes, Durieux, de Gérard, etc.,
n'a pas été remplacée. C'est, semble-t-il, par le
vecteur de l'Université, que se referme en Périgord le purgatoire de la généalogie. Plusieurs
thèses ont déjà vu le jour sur les nobles citoyens
de Périgueux 9 ou les notables du XIXe siècle 10, qui font appel aux techniques généalogiques. Mais la recherche en Périgord n'en est
qu'à ses prémices. Seuls deux ou trois mémoires de maîtrise ont vu le jour sur des familles
de l'ancienne noblesse 11, et plus de cinq cents
familles . attendent ainsi encore leur
hist;rÎûgfaphe !
Joëlle CHEVÉ
9 - G. du Mas de Paysac, Les «Nobles-
Citoyens» de Périgueux au XVIII' siècle:
mobilité et aspirations
d'une
bourgeoisie
d'ancien régime, thèse
de doctorat, Paris,
1989.
10 - R. Gibson, Les
notables et l'Eglise dans
le diocèse de Périgueux,
1821-1905, thèse de 3'
cycle, Lyon, 1979, 2
vol.
11 - J. Chevé, Une
famille noble en Périgord à l'époque
moderne: les Du Lau,
T_E.R., Bordeaux,
1988,2 vol.
J.F. Bussière, Les
Chevalier de Cablan,
T.E.R., Bordeaux,
1990.
GÉNÉALOGIE
La profession de généalogiste.
Les généalogistes professionnels se
répartissent en deux catégories bien distinctes :
-les successoraux, connus depuis longtemps
des archivistes et du grand public, et qui constituent de gros cabinets aux ramifications nationales et internationales. Délégués par les notaires, lors de successions vacantes, ils sont chargés de retrouver tous les héritiers vivants du
défunt jusqu'au 6e degré.
-les (autres) généalogistes, dont certains se
qualifient de «familiaux », constituent une
nouvelle catégorie professionnelle. C'est exclusivement de celle-ci dont nous parlerons ici.
Qui sont-ils?
On
1 - 74, rue des SaintPères. 75007 Paris.
2 - Association
d'entraide de la
Noblesse Française.
3, rue Richepanse.
75008 Paris.
recense actuellement une cinquantaine de généalogistes à travers toute la France
qui exercent cette profession libérale au sein
de leur cabinet privé.
La plupart d'entre eux sont issus du
milieu universitaire (études d'histoire ou de
droit). Quelques-uns, passionnés par leurs propres recherches et donc, formés « sur le tas »,
n'ont pas hésité non plus à s'installer à leur
compte, au bout de quelques années de pratique. Ce métier indépendant créant un isolement total, certains généalogistes ont ressenti,
voilà déjà plusieurs années, le besoin de se
regrouper au sein d'un syndicat professionnel,
afin d'obtenir un soutien de collègues confrontés à des problèmes identiques et d'être mieux
connus et reconnus du public.
La « Chambre Syndicale des Généalogistes Héraldistes de France» 1, pour ne citer
qu'elle, doit ainsi, au travers de son code de
déontologie, être garante d'une éthique, d'un
sérieux et d'une compétence, et certaines conditions sont obligatoires pour y être admis en
tant que membre.
Que font-ils?
Ces généalogistes, historiens des familles qui les délèguent, mettent tout en œuvre
pour restituer la vie quotidienne des hommes
et des femmes des XVIe au XXe siècle. Leur
tâche est vaste, mais ils disposent de sources
innombrables, richesses de toutes nos archives
de France, qu'ils exploitent au mieux. Les
divers fonds et séries spécifiques à chacun des
dépôts d'archives n'ayant plus de secret pour
eux, ils peuvent alors dresser d'une façon rigoureuse et technique, des généalogies ascendantes (agnatiques et collatérales) et descendantes.
lis sont habilités à prouver des filiations en vue
d'un droit ou d'une inscription à l'A.N.F. 2,
/ 1·Iser toutes sortes d' etu/
par exemp1e, et ,
a rea
des ou de publications historiques, documentaires ou biographiques.
•
Un cabinet
de généalogiste ...
Ex-libris du comte
de Saint-Saud.
Coll. Patrick Esclafer
de la Rode. Photo
A.D.24.
Certains se spécialisent dans la transcription des textes anciens (paléographie). D'autres
proposent des dessins de blasons ou des arbres
calligraphiés. D'autres encore peuvent établir
l'histoire d'une maison, en recherchant notamment ses propriétaires successifs.
Leurs travaux donnent lieu à des compterendus détaillés de recherches consignés dans
des dossiers remis aux clients avec toutes les
preuves et pièces justificatives.
Ces généalogistes sont rémunérés en
honoraires. Ils établissent des devis préalables
qu'ils soumettent aux clients pour une recherche longue; ils travaillent à l'heure, pour des
recherches ponctuelles.
Martine DUHAMEL
Généalogiste, trésorière de la Chambre Syndicale
des Généalogistes Héraldistes de France.
25
GÉNÉALOGIE
Généalogie et histoire avec les faIenciers de Bergerac au XVIIIe siècle
et leur descendance.
Alors qu'aujourd'hui la recherche
généalogique conna~t un réel essor, la constitution d'un arbre généalogique n'est pas un
aboutissement mais la base de nouvelles recherches. C'est dans cet esprit que nous avons commencé nos recherches sur les faïenciers de Bergerac au XVIIIe siècle.
Les buts d'une recherche
L'étude d'un centre faïencier doit
aujourd'hui être multiforme et exploiter toutes les pistes afin d'être la plus complète possible. Elle tente de reconstituer le catalogue des
pièces produites par chacun des ateliers de ce
centre, et de retrouver les hommes à l'origine
de cette production. C'est ce que nous avons
choisi de faire pour le centre faïencier de Bergerac durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle dans le cadre d'un Diplôme de l'Ecole des
Hautes-Etudes en Sciences Sociales 1. Cette
étude des faïenceries et des productions de Jean
Babut, de Charles Banes-Calley, de Tite Bonnet ou de Jean Perchain réalise, selon AnneMarie Cocula-Vaillières dans la préface de cet
•
Signatures
de
faïenciers
d'après les minutes notariales.
(Cliché AD. 24).
26
ouvrage, « l'union harmonieuse entre l'histoire
économique et sociale et l'histoire d'un art quo·
tidien qui sont la trame de l'existence des Bergeracois du XVIIIe siècle ».
La généalogie des familles de ces faïenciers s'est tout de suite révélée comme l'un des
outils indispensables de cette recherche, la
richesse de l'information pouvant être des plus
variables d'une famille à!' autre. Ainsi, si nous
avons reconstitué, à partir des fonds d'archives départementaux, sept générations de la
famille Babut et huit de la famille Bonnet, nous
avons en revanche peu appris sur les familles
Banes-Calley ou Perchain.
Les étapes d'une recherche
Les sources exploitées pour reconstituer la généalogie, mais aussi la vie des familles des faïenciers bergeracois et de leur descendance, ont été multiples.
On trouve, en tout premier lieu, les
registres paroissiaux (pour les familles catholiques, les protestants baptisés « sous condition»
ou pour les professions de foi lors des abjurations), ainsi que les registres protestants. Leur
dépouillement aux Archives départementales
ou communales permet de reconstituer la
trame de ces généalogies.
Pour aborder la vie, le cadre de vie, mais
aussi le travail et les conditions de travail des
faïenciers bergeracois, les archives notariales,
d'une très grande richesse, se sont révélées
indispensables. L'analyse des contrats de mariages, des achats fonciers ou immobiliers, des partages ou des échanges, des contrats de location,
des obligations ou des quittances, des contrats
d'apprentissage, des donations, des testaments,
ainsi que des inventaires après décès permet
une étude approfondie de la vie au XVIIIe siècle à Bergerac. Mais la masse des documents
àconsulter est énorme car il n'existe pas toujours des répertoires d'actes des études notariales. De plus, certaines archives notariales
perdues ne peuvent être reconstituées que par
les registres de contrôle des actes. La patience
et l'opiniâtreté sont à la base de ce type de
recherche. Ainsi avons-nous dû consulter près
de 25 000 actes provenant d'une douzaine
1 - LACOMBE C,
Faïenciers etjàïences de
Bergerac au XVIIi' siècle, DipléJme de
l'E.H.E.5.5., 2 vol.
multigraphiés, 1987.
LACOMBE C,
Faïences etjàïenciers de
Bergerac au XVI.1/'
siècle. Périgueux,
Vesuna, 1989.
LACOMBE c.,
Faïences de Bergerac au
XVIIi' siècle, l'Estampille, nO 222, 1989,
p.20-27.
LACOMBE C,
Bergerac, des foïenciers
oubliés. Le Journal du
Périgord, nO 11, 1991,
p.2-14.
d'études notariales pour retrouver quelques 250
actes concernant directement les faïenciers bergeracOls. et 1eur entourage ......
'"
Les archives judiciaires sont très précieuses. On y découvre les procès, les litiges ou les
contestatIons evoques devant 1es senechaussees,
les procès-verbaux, états de lieux ou constats
consécutifs à des accidents ou à des catastrophes naturelles. On peut en extraire des détails
permettant de décrire aussi bien les lieux et les
gens que les relations qui les unissent ou les
déchirent. Ainsi le dépouillement des dépositions des témoins interrogés permet de reconstituer avec une multitude de détails de véritables « tranches de vie» au jour le jour, parfois
même d'heure en heure. Il est même possible
parfois de restituer les dialogues entre les protagonistes ou les témoins interrogés lors de
l'enquête 2. Les documents comptables, en
général non conservés par leurs auteurs, mais
saisis comme pièce àconviction dans une procédure, dévoilent tout un pan de l'activité commerciale d'une de ces faïenceries 3.
Le fonds de l'Intendance à Bordeaux
recèle, quant à lui, de nombreux dossiers
d'enquêtes consécutifs à des plaintes ou des
réclamations transmises par les subdélégués 4.
Pour peu que l'activité des familles étudiées ait des liens ou des incidences avec la vie
de la cité, pour mieux comprendre l'importance de cette .activité, ou pour retrouver, par
exemple, les nominations de bourgeois, la consultation des registres de délibérations de la
Jurade de Bergerac est indispensable.
La reconstitution de la carrière militaire
de Jean III Bonnet dans les armées de Napoléon n'a pu se faire que par la consultation de
son dossier aux archives du Service historique
de l'Armée de terre, à Vincennes.
Pour localiser les faïenceries dans la ville
et connaître l'importance des propriétés des
faïenciers, la consultation du cadastre de la ville
est une nécessité. Par chance, des plans-terriers
de la seigneurie de Bergerac ont été dressés
entre 1773 et 1783. Des arpentements auxquels
ont été annexés des plans figuratifs ont aussi
été réalisés dans le cadre de l'échange, entre le
Roi et le sieur de La Force, marquis de Caumont, du domaine de Bergerac contre 84
arpents -de bois en forêt de Senonches, en
1772... Leur consultation ne peut cependant se
faire qu'aux Archives nationales 5.
•
2 - LACOMBE C,
Du «crime de séduc·
tion » ou récit de l'enlèvement de Jeanne Gontier à Marsac en 1780.
Les Cahiers du Cercle
d'Histoire et de
Généalogie du Périgord, n02, 1993,
p.23-30.
3 - LACOMBE C,
L'eau et la forêt: l'acti·
vité d'une faïencerie à
Bergerac (Périgord).
L'eau et la forêt. Actes
du colloque du
Groupe d'Histoire des
Forêts Françaises,
Bordeaux,
1989,
p.52-62.
LACOMBE C, Le
cahier de compte de
livraison de bois de
Jean Babut, faïencier à
Bergerac (1767-1775).
Analyse et commentaires. Documents
d'Archéologie
et
d'Histoire périgourdines, (A.D.R.A.H.P.),
tome
7,
1992,
p.85-104.
4 - LABADIE E.,
Notes et documents sur
quelques faïenceries du
Périgord au XVIII' siè·
cle (Bergerac, Thiviers,
Le Bugue, Le Fleix).
Bull. de la Soc. Hist.
et Arch. du Périgord,
tome 36, 1909,
p. 423-466 et 493-513.
1
1
1
1
1
Des résultats imprévisibles
5 - Archives nationales. N IV Dordogne 1.
Cartes du domaine de
Bergerac.
Nous ne reviendrons pas ici sur les
résultats prévisibles de telles recherches évo-
quées ci-dessus mais nous retiendrons quelques
aboutissements inattendus, parfois curieux, à
l'occasion énigmatiques.
Ainsi, une convergence inattendue de
recherche généalogique d'un rivage à l'autre de
l'Atlantique nous a permis, d'entrer en contact avec William Eugène Bonnet, de Media,
(Pennsylvannie), vice-président à la retraite de
la Sun Oil Co., dixième société pétrolière américaine: il venait de retrouver, grâce au Centre généalogique mormon de Salt-Lake-City,
son ancêtre bergeracois, le faïencier Tite Bonnet, dont l'un des petits-fils, ChristopheEugène-Napoléon, émigré aux Etats-Unis, était
à l'origine de la « branche américaine» 6.
•
Faïencerie
Bonnet_ Soupière
polychrome à l'œillet aux pétales
arrondis et à la
rose avec myosotis. Une grenade
constitue la prise
du
couvercle.
Faïence de petit
feu.
Coll. part. (Cliché
C. Lacombe).
Grâce ànos recherches respectives, William E. Bonnet découvrait sa famille française
mais aussi tout un ensemble des productions
de celle-ci. De notre côté, nous retrouvions du
jour au lendemain, cette « branche américaine» des Bonnet (n'oubliez-pas, alors, de prononcer le « t »). Des visages apparaissaient sous
des noms: Anne Bougenel, belle-fille de Tite
Bonnet, portraiturée au tout début du XIXe siècle; son fils, Christophe-Eugène-Napoléon
Bonnet, petit-fils du faïencier, photographié
vers 1860. Les informations fournies par William E. Bonnet nous firent aussi regarder d'un
œil neuf le billet de 10 dollars américain. Il
représente en effet le « New D.S. Treasury
Building» construit en face de la Maison Blanche à Washington entre 1847 et 1869 sur des
plans de Christophe-Eugène-Napoléon
Bonnet...
Les traditions familiales rapportées par
les descendants font la part belle aux actions
héroïques ou àla grande fortune des ancêtres
et rejoignent la légende.
Ainsi l'on disait dans la famille de W.E.
Bonnet qu'elle « avait possédé dans le passé une
grosse chaîne en or et le sceau du maire de Gênes
qui auraient été pris comme trésor de guerre lors
des campagnes napoléonniennes. Mais cette chaîne
6 - LACOMBE C,
avec la coll. de W.E.
Bonnet. 1773-1927.
De Bergerac à Philadelphie ou de la descendance de Tite Bonnet,
faïencier. Bergerac et
le Bergeracois. Actes
du congrès de Bergerac de la Fédération
Historique du SudOuest, Bordeaux, La
Nef, 1992, p. 487-508.
27
L'inattendu ou l'imprévisible peut survenir àl'occasion de recherches aux Archives
départementales ou de rencontres avec les descendants des faïenciers, marchands experts en
faïences ou collectionneurs. Des amitiés se sont
nouees, par del'a l' ocean, par del'a 1es generations. Deux de ces moments demeurent
inoubliables:
- une longue conversation téléphonique
provoquée par Radio France Périgord avec
W. E. Bonnet durant laquelle, avec beaucoup
d'émotion, nous avons pu nous entretenir.
-la rencontre, au lendemain de la publication de notre ouvrage, avec l'un de ces collectionneurs, un Amateur avec un A majuscule,
qui collectionnait les faïences de Bergerac
depuis une quarantaine d'années et dont les critères d'identification se révélèrent en parfaite
concordance avec nos recherches.
1
•
«Etat du
mobilier et marchandises
( ...)
depandant de la
fabrique de fayancerie, situé au Petit
Port " ...
AD. Dordogne 3 E
8093. Notaire Moy·
nier à Bergerac. 24
brumaire an 7 (14
nov. 1798). (Cliché
A.D 24).
7 . LACOMBE c.,
Sur une tentative d'ins·
tallation d'une poterie
de grès à Bergerac au
début du XIX' siècle.
Bull. de la Soc. Hist.
et Arch. du Périgord,
tome 110, 1983,
p.203·209.
28
et ce sceau auraient dû être vendus à la fin du
XIXe siècle lors d'une crise financière familiale >1.
Du côté des descendants français de Tite
Bonnet, on évoque encore aujourd'hui un
neveu du faïencier, Claude Bonnet, qui tenta
d'installer une poterie de grès àBergerac entre
1800 et 1804 7• Mort en fait à Bergerac en
1807, on dit qu'il aurait quitté le Périgord pour
aller se fixer à Madagascar où il serait devenu
tout simplement roi des Malgaches l!... niaissait une fortune considérable, cent millions,
que ses héritiers n'ont jamais pu recueillir,
faute de pièces suffisantes pour établir leurs
droits, et pour cause ... L'article suivant, inséré
à la demande du préfet dans les journaux de
Périgueux, en mars 1834, ne met nullement fin
aux espoirs de tous les Bonnet de France et de
Navarre: « Depuis une douzaine d'années, un
grand nombre de personnes se sont successivement
adressées au département des Affaires Etrangères
pour obtenir des renseignements sur une succession qui aurait été laissée par le sieur Bonnet,
décédé àMadagascar, et dont la valeur avait été,
dit-on, déposée soit à la Banque de Londres, soit
à celle de la Compagnie des Indes Orientales.
Toutes les recherches qui ont été faites, soit en
Angleterre soit dans l'Inde, n'ayant pu faire
découvrir aucune trace du sieur Bonnet, soit des
sommes qui auraient été versées par lui ou pour
le compte de ses héritiers, on porte ce résultat à
la connaissance de qui de droit, pour répondre
aux nombreuses réclamations auxquelles a donné
lieu cette succession depuis tant d'années >1 •••
1
1
1
•
ChristopheEugène-Napoléon
Bonnet, l'architecte de Washington (vers 1860).
Une quête qui se poursuit
La recherche sur les faïences de
Bergerac n'est pas terminée pour nous.
Le catalogue des productions n'est encore
que très partiel. Vous pouvez apporter
votre contribution à ce travail. Si vous
pensez .posséder des informations ou
détenir une nouvelle faïence attribuable
àBergerac permettant de compléter le dit
catalogue, contactez-nous: Claude
Lacombe, le Bourg, 24590 Archignac.
Claude LACOMBE
•
Fac-simile. Page enluminée extraite d'un épistolier du XIIe siècle. 10 F
•
Fac-similé. Extrait du livre Mémorial de la ville de Périgueux.
Année 1649. 10 F
A8CHIVES DEPARTEMENTALES de la DORDOGNE
Richesses
du
Patrimoine
écrit
•
Richesses du patrimoine écrit. 26 reproductions de documents
provenant des Archives de la Dordogne. 60 F.
•
Cartes postales. 2 F chacune.
Tous ces documents sont en vente sur place.
29
GÉNÉALOGIE
Généalogistes périgourdins.
La généalogie est maintenant très largement pratiquée en Périgord. Mais est-ce la
conséquence de cet engouement général, ou la
continuation d'une tradition dans une province
où l'histoire semble partout présente?
A défaut d'une réponse directe, quelques
observations, recueillies au hasard de 35 années
de recherches en archives, peuvent ne pas être
totalement inintéressantes. Leur caractère fragmentaire, et donc nécessairement incomplet,
doit être souligné: un travail d'ensemble reste
à faire, qui corrigerait, peut-être sensiblement,
les impressions que laisse une première approche; qu'on ne s'étonne pas des imprécisions,
voire des inexactitudes qui seront sans doute
relevées dans ces simples notes.
des privilèges de Périgueux, et qu'une publication exaltant quelque peu les familles qui en
bénéficiaient aurait pû donner un autre éclat
àces revendications au juridisme formaliste et
théorique. Assez peu nombreuses sont les
familles périgourdines qui firent insérer - en
payant - leur généalogie dans «l'Armorial
Général de la France» de d'Hozier, dont la
publication commença en 1738. Celles qui le
firent s'en tinrent généralement à des filiations
squelettiques ou succintes, établissant surtout
leur noblesse; seuls, peut-être, les Chapt de
Rastignac y publièrent une véritable étude dont
un copieux tirage à part fut établi 1.
•
Les prémices
Au XVIIe siècle, nous n'avons pas en
Périgord de la Thaumassière ou d'Hubert
comme en Berry et en Orléanais: donc, pas
de recueil, imprimé ou manuscrit, recensant,
ou se proposant de recenser, les généalogies des
familles marquantes de la province, que ce soit
àtitre principal ou simplement en annexe d'un
travail historique. Quant à nos chroniqueurs
- Dupuy, Tarde, Chevalier de Cablanc - ils
ne sont que de peu d'utilité en cette matière.
Aucune des grandes familles du Périgord n'a
fait appel à des spécialistes comme Duchesne,
Le Laboureur, Paillot, Justel ou Baluze, pour
élever un monument àsa gloire, en relatant ses
origines, ses services, ses alliances et ses parentés. Et, de son côté, le consulat de Périgueux
ne paraît pas avoir fait tenir de livre d'or généalogique des « nobles citoyens» de la ville.
Au XVIIIe siècle, toujours aucun travail d'ensemble, même superficiel: Périgueux
et le Périgord n'ont pas eu un Vigier de La Pile,
comme Angoulême et l'Angoumois; constat
négatif, d'autant plus surprenant que cette
période est marquée par la défense très forte
30
Pierre Lespine.
AD. 24, 8 Fi.
Portraits 85. Photo
AD. 24.
« L'Histoire Généalogique de la Maison
de Beaumont », de l'abbé Brisard, demande
une place à part. Tirés en 1779, sur les presses
mêmes du Cabinet du Roi, à100 exemplaires,
véritables monuments de typographie et de
gravure, ces deux forts volumes infolio passent
pour une des plus belles généalogies éditées. Ce
grand travail, réalisé àla demande de Mgr.
Christophe de Beaumont, archevêque de Paris,
1 - Citée dans la Bibliographie générale du
Périgord., de Roumejoux et Bosredon, t. 2,
p. 11 ; citation reprise
dans la Bibliographie
généalogique (. ..) de la
France, de G. Saffroy,
nO 38392, avec des
erreurs; en réalité,
texte modifié de
l'Armorial Général,
ce que ni l'un ni
l'autre n'ont remarqué (bibliothèque de
l'auteur).
traite naturellement largement de la branche
périgourdine et des familles alliées, notamment
des Beynac; mais cette commande, honnêtement réalisée, n'illustre pas l'érudition
périgourdine 2. Il en est de même pour la
« Généalogie historique de la Maison de La
Roche-Aymon », parue en 1776, par l'abbé
Destrées 3. Les branches périgourdines, pourtant alors largement représentées, y sont traitées de façon légère et succinte, malgré les
démarches de l'auteur auxquelles les intéressés
ne répondaient guère 4. Ce qui montre le peu
de cas qu'on faisait, dans cette famille et dans
notre province, d'une publication pourtant
glorifiante.
Prêtre du diocèse de Limoges, l'abbé
Joseph Nadaud (1712-1775) exerça longtemps
dans la paroisse périgourdine de Teyjat. Aussi,
cet infatigable chercheur inclut-il nombre de
familles périgourdines dans son « Nobiliaire du
diocèse et de la généralité de Limoges », compilation qu'il laissa manuscrite, sans avoir eu
même l'intention de l'éditer. Malheureusement, c'est un recueil mutilé, avec de nombreuses pages arrachées, que l'abbé Lecler, reprenant le travail interrompu de l'abbé Roi de
Pierrefitte, publia en 1882 S. Les notes, plus
que piquantes, dont l'auteur avait émaillé les
registres de Teyjat 6 et qui témoignent de son
•
Anatole
de Roumejoux.
A.D. 24, 2 J 1283.
Photo AD. 24.
2 - Description précise
dans G. SaHroy, op.
cit., n035945 (bibliothèque de l'auteur).
3 - Cf.
nO 48801.
Saffroy,
4 - Papiers des La
Roche-Aymon du
Cluzeau (archives de
l'auteur).
5 - Nobiliaire du dio·
cèse et de la généralité
de Limoges, par l'abbé
Joseph Nadaud, curé
de Teyjat, publié par
l'abbé A. Leclerc,
Limoges, 1882, 4 vol.
précédés d'une copieuse bio-bibliographie
sur l'abbé Nadaud.
6 - Registres Paroissiaux de Teyjat, aux
A.D.24., 5 E 542/3.
esprit critique, notamment à l'égard des titulatures des « nobles citoyens de Périgueux »,
expliquent ces « coupures », en grande partie
intentionnelles, mais les font regretter plus
encore.
Un autre ecclésiastique, mais du diocèse
de Cahors, Guillaume Solacroup de Lavaissière (1732-1811) avait, quant à lui, prévu de
publier un « Nobiliaire de Haute-Guyenne »,
dont le tome 1 devait paraître en 1787, mais
qui ne vit pas le jour. De ce grand travail, pour
lequel l' auteur avait parcouru le Quercy et le
Périgord, dépouillant, dans notre province
notamment, les archives des Lostanges SaintAlvère, il ne subsiste, à la Bibliothèque
municipale de Cahors, que le brouillon du
tome II qui contient ainsi beaucoup de notes
sur le Périgord 7. Il attend toujours un
éditeur!
Ces quelques exemples laissent penser
qu'il n'existait en Périgord, au milieu du XVllIe
siècle, qu'un intérêt très relatif et purement
individuel pour la généalogie: les listes des
« maintenus» et des «condamnés », lors de la
grande recherche de 1666, circulaient bien sous
le manteau, fielleusement annotées de mentions: de bruit commun est qu'il n'est pas
noble» ou « il descend d'un notaire» 8 ; mais ce
ne sont là que malicieux libelles.
L'histoire du Périgord, rêvée par
Lagrange-Chancel et dont l'idée fut reprise par
les chanoines de Chancelade, aurait-elle comblé cette lacune? Il est difficile de le dire: les
documents que les doctes religieux réunissaient
contenaient évidemment nombre d'informations généalogiques mais leur mise en œuvre
.
A
A
1a forme d' un
n,
auraIt
peut-etre
pas revetu
recueil de ce type. Obligeants envers les représentants des grandes familles, ils leur fournissaient, certes, de précieuses n.otes sur leurs
patronymes, mais cette obligeance n'était-elle
pas intéressée, alors qu'il n'existait aucun dépôt
public librement accessible et que la consultation des chartriers de la province était à la discrétion de leurs détenteurs?
Périgourdin fervent, le ministre Henri
Bertin (1719-1792), à qui l'on doit la création
du « cabinet des Chartes », s'intéressa très particulièrement à l'histoire de sa province. Il
encouragea toutes les recherches en ce sens,
soutint fortement - non sans scepticisme -la
ville de Périgueux dans ses prétentions nobiliaires et féodales. Il réunit ainsi une masse de
copies de titres, mais, en dehors de sa propre
production nobiliaire, qui l'occupa fort, son
intérêt personnel ne paraît pas avoir été spécifiquement généalogique : les recueils que publia
son collaborateur Moreau, pour la ville de Périgueux, et dont il avait suivi, page par page, l'élaboration, en sont dépourvus. Cet homme
d'Etat, que l'on connaît au travers de l'étude,
savante certes, mais confuse et vieillie, de
G. Bussière 9, attend un nouveau biographe:
peut-être nous révèlera-t-il en lui un des instigateurs directs de la recherche généalogique !
Appartenant à une illustre famille des
confins du Périgord et du Limousin, le mar-
7 - Cf. Philippe Deladerrière: « Le manuscrit Lavaissière à
Cahors", in Bulletin
Centre Généalogique
du
Sud-Ouest
(C.G.S.O.), nO 26,
1992, p. 11.
8 - Cf. St-Saud: Essais
généalogiques périgourdins, Paris, 1934,
p. 361. L'auteur cite
trois exemplaires de
«listes officieuses»
qui circulaient. Ils
durent être très nombreux, car nous en
avons recueillis deux
autres.
9 - Henri Bertin et sa
famille, la production
nobiliaire du ministre,
ses ancêtres (. ..J..., par
G. Bussière, Périgueux, 1906-1908.
31
quis Emmanuel François de Lambertie
(1729-1814), qui demeurait dans sa terre de
Saint-Martin-Lars, en Poitou, se consacra, après
une carrière militaire, à réunir les matériaux
d'une histoire de sa Maison. Mais, très vite, ses
recherches prirent une autre ampleur et c'est
une véritable collection généalogique sur le
Périgord, le Limousin et l'Angoumois qu'il
réunit. Recherchant, ou faisant rechercher,
dans tous les châteaux et abbayes de la contrée,
les titres d'intérêt filiatif, il en faisait prendre
des copies fidèles ou, encore, les achetait quand
ils n'intéressaient pas leurs détenteurs. Sa documentation, constamment enrichie, soutenue
par une grande érudition personnelle, embrassait tous les noms de ces provinces. Hélas, ce
magnifique Cabinet fut détruit en 1793 lors du
pillage du château de St-Martin-Lars 10. Ainsi
disparut le fruit de plus de 20 ans de recherches opiniâtres. Pour se faire une idée de sa
richesse, il faut surtout feuilleter les grands
recueils manuscrits de Dom Villevieille et de
Dom Caffiaux 11, qui conservent nombre
d'extraits en provenant, car M. de Lambertie
était généreux du fruit de son labeur.
•
Jules
de VerneilhPuyraseau.
A.D. 24, 2 J 1283.
Photo A.D. 24.
10 - Cf. Généalogie de
la Maison de Lambertie,
par
l'abbé
A_ Leclerc, Limoges,
1895, pp. 166 à 170.
11 - Trésor généalogique de Dom Ville·
vieille, Bibliothèque
nationale,
mss
fr
31884-31976, 93 vol.
Trésor généalogique de
Dom Caffiaux, Bn.
mss fr 33049-33088, 40
vol. L'intérêt de ce
dernier manuscrit
pour nos provinces
n'avait pas encore été
souligné.
12 - Cf. Jean Maubourguet « Une seigneurie périgourdine
1789 », in B.S.H.A.P.,
1939 et 1940.
32
A ce même type de gentilhomme, généalogiste et érudit, - ils étaient d'ailleurs en relations suivies, malgré l'écart de génération -,
appartenait le comte de ClermontTouche bœuf. Jean-Alexandre-EmmanuelMarie de Touchebœuf, comte de Clermont
(1760-1843), était déjà, lorsqu'il émigra en 1791,
admirablement au fait de tout ce qui concernait de près ou de loin sa propre famille. Il a
rédigé, de son exil irlandais, en 1794, à l'aide
de ses seuls souvenirs, un vaste recueil
« Mémoire et affaires de famille ... » publié, très
partiellement malheureusement, en 19391940 12 • Il y montre, outre une mémoire
impressionnante, une connaissance aiguë de
l'ancien Périgord. Sous l'Empire et la Restau-
ration, il meuble sa vie campagnarde, entre ses
châteaux de Besse et de Monsec, par des travaux sérieux et solides sur les familles du sud
du Périgord. Il avait vu bien des titres perdus
pendant la Révolution et en gardait une exacte
et précise souvenance. Il permit, aussi, d'en sauver certains; surtout, il fournit· bon nombre
de généalogies à l'abbé de Lespine qui cite ses
travaux avec confiance et considération.
Pierre Lespine
Il n'est pas un chercheur périgourdin
qui ne connaisse le nom de Pierre Lespine
(1757-1831). Pourtant sa biographie reste à
ecnre, qUI presenteraIt un pUIssant mteret.
D'une famille d'ancienne bourgeoisie, il publie,
en 1777, la généalogie des siens: travail sérieux
et de valeur, première généalogie bourgeoise
imprimée en Périgord. Les qualités de concision et de clarté qui distingueront ses travaux
s'y remarquent déjà 13. Ordonné prêtre en
1781, il est d'abord vicaire à Montpeyroux puis
à Montagnac-la-Crempse; en 1788, il est élu
chanoine par le chapitre de Saint-Front: sa
réputation d'érudition avait suppléé à sa jeunesse et à l'effacement de sa carrière sacerdotale. Les archives privées de la province lui sont
déjà ouvertes, lorsque le comte d'Hautefort de
Vaudre se l'attache dans le but d'un travail sur
sa Maison. Il émigre, en 1792, et rejoint son
protecteur qu'il accompagne pendant tout son
exil de dix ans, non sans accumuler notes et
copies, lettres et mémoires, sur son cher Périgord. Rentré en 1802, il est, en 1805, appelé
à la direction des Archives de la Dordogne;
en 1807, il est attaché aux Archives de l'Empire
et devient ensuite garde-manuscrit de la Bibliothèque royale et professeur à l'Ecole des Chartes. Il put ainsi faire acquérir les manuscrits que
l'ancien chanceladais Prunis voulait vendre.
Ces derniers formèrent le noyau de ce qui
devait devenir, grâce à sa libéralité, notre célèbre « Collection Périgord» à la Bibliothèque
nationale 14. En effet, il légua ses manuscrits,
ses notes, sa correspondance; cet ensemble
atteint ainsi 183 volumes: les tomes 1 à 22 forment le fonds Leydet-Prunis, et les suivants le
fonds Lespine. Les généalogies et les matériaux
généalogiques, d'une qualité irréprochable, en
constituent l'essentiel. Si ce vrai savant n'a rien
publié, on sait que les généalogies périgourdines parues dans les recueils de Courcelles,
Saint-Allais et Lainé 15 sont de lui: ce sont de
vrais monuments d'érudition et d'exactitude,
sans emphase ni flatterie.
Pierre Lespine occupe une place à part :
l'
•
1
•
•
•
'"
13 - Aux A.D.24., AA
1333. Publiée à nouveau par Louis Grillon, in Bulletin du
Cercle d 'Histoire et de
Généalogie du Périgord, 1993, pp. 34 à
39.
14 - Cf. Inventaire
sommaire de la Collection Périgord à la
Bibliothèque nationale,
par Philippe de Bosredon;
Périgueux,
1890; cf. aussi Lauer.
Collections manuscrites
sur l'histoire des provinces de France.
Inventaire.
T. 2
(Périgord-Vexin).
Paris, Leroux, 1911.
Rappelons que les
Archives départementales de la Dordogne
possèdent le microfilm complet de cette
série.
15 - Histoire Généalo·
gique et Héraldique des
pairs de France... par le
chev. de Courcelle,
Paris 1822-33. A noter
que cette série, particulièrement précieuse
pour le Périgord, est
consultable dans les
usuels de la Bibliothèque Municipale de
Périgueux.
Nobiliaire universel de
France... par M. de
Saint-Allais, 21 vol.,
1814-1843, et 18721877.
Archives Historiques et
Généalogiques de la
Noblesse de France par
Lainé 1828-1850, 11
vol.
Ces recueils sont généralement l'objet de
critiques plus ou
moins fondées. Mais
les généalogies de
familles périgourdines, directement tirées
des travaux de Lespine, échappent, elles,
à tout reproche.
excellent généalogiste mais aussi grand historien, il est un homme clé à une époque charnière. Bourgeois, familier jusqu'à l'intimité de
la noblesse, homme d'Ancien régime, en quelque sorte, il voit s'effacer et disparaître tout
ce à quoi il est attaché. Exécuteur testamentaire, d'une société finissante, de la noblesse
périgourdine en particulier, il est aussi un grand
commis de l'Etat, assurant véritablement la
naissance d'un service public, donnant une
éthique à la conservation du patrimoine écrit
et en facilitant plus largement l'accès. Ce personnage, exceptionnel jusque dans son effacement, mérite de tenter un biographe. li honore,
en tout cas, profondément le Périgord que peu
ont servi mieux ou autant que lui 16. A sa
mort, personne en Périgord ne songea à réunir ses généalogies déjà publiées sans nom
d'auteur et qui auraient formé un recueil précieux pour les chercheurs; celles restées manuscrites -le plus grand nombre - le sont toujours dans les volumes de la Collection Périgord; mais beaucoup de papiers précieux, restés à Vallereuil chez les siens, ont péri sans
qu'on ait agi pour les sauver.
Force est de constater, en effet, que, si
les publications archéologiques et historiques
se multipliaient dans le département, la place
occupée par la généalogie était infime. Taillefer et Mourcin, pourtant fidèles correspondants
de Lespine, ne suivirent pas ses traces. Ni
Gourgue, ni Audierne, ni Dessalles ne marquèrent un intérêt réel pour de telles études. Aussi,
au milieu du XIXe siècle, ne trouvons-nous
guère, en dehors de travaux de particuliers sur
leurs familles, que quelques individualités assez
isolées.
Adolphe de Larmandie (1800-1879)
était, depuis son plus jeune ~ge, un fervent des
choses du passé. Il recueillait et transcrivait
fidèlement les documents qu'il rencontrait,
annotait les généalogies imprimées, accumulait
les détails topographiques et descriptifs. Il
publia peu, mais donna à ses correspondants
avec une libéralité inépuisable; ainsi copiaitil, et recopiait-il, de volumineux cahiers. A la
Bibliothèque de Périgueux et aux Archives
municipales de Bergerac, on peut aujourd'hui
consulter de ces curieux registres, certains truffés de documents originaux, singulier mélange
de compilation, d'érudition et de naïveté, remplis de redits et de digressions 17.
A. DujarricDescombes: Pierre
Lespine 1757·1813, in
B.S.H.A.P., 1910.
16
-
17 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1880.
donne, a proprement par1er, aucune genea10l,
1
1
gie familiale. Ses goûts le poussaient plus vers
l'héraldique pure. Cet homme délicat et effacé
craignait surtout de déplaire en n'épousant pas
les prétentions des uns et des autres; ses écrits,
d'une grande sobriété et d'une minutieuse précision, montrent cependant combien était
grande sa science des familles du Périgord 18.
A la marquise de Cumont (1834-1904),
née Marie-Thérèse de Damas, les généalogistes sont redevables de précieux travaux, dont
des « Recherches sur la Noblesse du Périgord»
parues en 1890, et une généalogie de la « Maison d'Hautefort ». Mais on doit surtout à cette
grande dame, dont le comte de Saint-Saud salua
la mémoire 19, le sauvetage du magnifique
chartrier d'Hautefort, qu'elle transporta dans
sa résidence poitevine. Aujourd'hui déposé aux
archives d'Angers, il est, une des sources incontournables pour l'histoire de la province et des
familles, grandes ou modestes qui gravitaient
aux alentours de ces seigneurs.
Hélie, marquis de Bourdeille (18231896) avait conçu de son côté, et un peu en solitaire, le projet d'un « Armorial du Périgord»
sur lequel il travailla dans les années 1880 ; il
adressa ainsi des questionnaires imprimés aux
familles concernées 20; mais cette tentative,
peu connue, n'aboutit pas, et personne n'eut
accès à la documentation, impqrtante dit-on,
qui avait été réunie et dont le sort actuel est
Ignore.
•
1
•
Louis-Charles
Grellet-Balguerie.
Coll. Esc/afer de /a
Rode. PhotoA.O. 24.
18 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1894.
19 - Nécrologie par
Saint-Saud,
in
B.S.H.A.P., 1903,
tirage à part 1904.
20 - Lettre et questionnaire imprimé (archives familiales de
l'auteur). La nécrologie du marquis de
Bourdeille,
in
B.S.H.A.P. 1896, ne
fait aucunement allusion à cette entreprise.
Farnier la cite, in
Autour de l'Abbaye de
Ligueux, T. II, p. 271.
21 - «L'abbé Théo-
Alfred de Froidefond de Boulazac
(1814-1893) est largement connu gr~ce à son
«Armorial de la Noblesse du Périgord »,
publié en 1858 et réédité en 1891 sous une autre
forme bien plus développée. Cependant, il n'a
Sur l'abbé Théodore Mallet (1809-1877)
et ses « généalogies », il faut consulter l'étude
de M. Louis Grillon 21. Quel singulier recueil,
mélange de souvenirs et de recherches que le
dore Mallet et ses
généalogies" par L.
Grillon, B.S.H.A.P.,
1957. Le manuscrit est
conservé aux archives
de l'Evêché de Périgueux.
33
travail de ce curé de Mensignac! Trop volumineux, peut-être, pour être publié, il le mériterait pourtant: innombrables, en effet, sont
les renseignements qu'on y trouve; et de plus,
il est très révélateur de l'esprit d'un « curieux »,
soucieux de conserver des souvenirs de famille
et la mémoire de personnages de la bourgeoisie et de la paysannerie.
« J'ai décidé de consacrer la fin de ma vie
à tirer de l'oubli mes ascendants... Inscrire les
noms dans un livre vaut mieux même que de les
graver sur la pierre... » écrivait Alfred de Lafaye
de Ponteyraud (1829-1891). Si des malheurs et
des revers empêchèrent ce gentilhomme doubleaud de mener ces projets à leur terme, les
notes qu'il a laissées, conservées dans le fonds
Saint-Saud, témoignent du sérieux de ses
recherches, dans les minutes des notaires et les
archives de mairies, et de ses solides connaissances sur l'histoire des fiefs comme des familles nobles et bourgeoises entre Isle et
Dronne 22.
•
Le comte
de Saint-Saud.
Coll. Esc/afer de /a
Rode. Photo AD. 24.
22 - Nécrologie par
Saint-Saud, in ({ Revue
de Saintonge et
d' Aunis", 1891.
23 - Aimable commu-
nication de M.
Gontran du Mas de
Paysac.
34
Les travaux de Mathieu du Mas de Paysac (1821-1885) sont restés, pour l'essentiel,
manuscrits; sa « Généalogie de la Maison de
Vaucocour» fait presque exception et on
regrette qu'un « Recueil de notes généalogiques
sur les familles du Périgord» soit encore
inédit 23.
Il faut bien parler d'O'Gilvy ! L'auteur
du « Nobiliaire de Guienne », paru par fascicules à partir de 1856, était bien périgourdin.
On _sait encore très peu sur lui. Né à
Beaumont-du-Périgord, dans une famille
modeste, il s'appelait Bouyer. Comme bien
d'autres à l'époque, il songea à faire de l'argent
en exploitant la manie nobiliaire, mais il s'y
prit un peu vivement, à la hussarde. Il n'hésitait pas à faire chanter ses correspondants, les
menaçant de publier ce qu'il croyait avoir
trouvé sur leurs origines ou sur des personnages peu flatteurs dans leurs parentés 24. De
fâcheuses disparitions dans les archives de la
Gironde attirèrent un peu trop l'attention sur
lui. Il quitta vite la région, commença à publier,
à Bruxelles, un « Nobiliaire d'Austrasie », en
1861, et à Londres, en 1864, un « Nobiliaire
de Normandie », laissant tous ces ouvrages inachevés. On ignore même ce que devint par la
suite cet aventurier de la généalogie. Notre
« Nobiliaire de Guienne et de Gascogne» fut
repris et continué par Jules de Bourousse de
Laforre. C'est une œuvre inégale, à consulter
avec précaution, simple compilation de travaux
manuscrits antérieurs, ou édition de notes
envoyées par les intéressés qui en payaient
l'insertion. Le Périgord n'y est d'ailleurs que
,
tres moyennement represente.
La tardive fondation de la Société Historique et Archéologique du Périgord
(S.H.A.P.) en 1874, alors que la plupart des
sociétés savantes provinciales ou départementales avaient déjà trente ou quarante ans d'âge,
aurait pû marquer un renouveau des études
généalogiques. Il n'en fut rien, car elles furent
dès l'origine pratiquement proscrites. Pourtant,
nombre de ses premiers membres avaient de
vastes connaissances en ces domaines, comme
Henri Ribault de Laugardière ou Anatole de
Roumejoux et Henri de Montégut, ou s'y intéressaient, comme Jules de Verneilh-Puyraseau.
Ils furent, les uns et les autres, contraints
d'adopter des formules narratives, masquant
toujours fâcheusement la rigueur qui doit
entourer l'énoncé des filiations. Aussi leurs travaux, sérieux et importants, sont-ils quelquefois difficiles à manier et à vérifier pour le
généalogiste.
Louis-Charles Grellet-Balguerie (18211896), actif membre correspondant de cette
société, est à la fois trop oublié et trop important pour qu'on ne s'arrête un instant. Bordelais, il avait de nombreuses amitiés, très éclectiques, en Périgord. La découverte de la
« Chronique de Guitres », dans le fonds
Gaignières de la Bibliothèque nationale,
l'amena à se pencher sur les origines des
comtes de Périgord, mais ses travaux furent
accueillis avec un scepticisme proche du
dédain. La société des Archives historiques de
la Gironde refusa la publication de cette chronique considérée alors comme apocryphe, et
la Société Historique et Archéologique du Péri/
/
24 - Correspondance
du « Comte O'Gilvy "
avec le marquis de
Campagne (archives
de l'auteur).
gord ne lui fit pas meilleur accueil. Certes,
enthousiaste jusqu'à l'exaltation, brouillon et
confus, passant d'un sujet à un autre, il avait
un comportement d'un romantisme échevelé.
Sympathique et lassant, il faisait sourire, et on
ne discernait guère l'érudition profonde, sage,
exceptionnelle, derrière l'excentricité du
poète! 25 ans après sa mort, et sans connaître
vraiment ses travaux, le médiéviste J. Depoin,
dans ses «Etudes préparatoires à l'étude des
familles palatines », devait justifier pleinement
les certitudes de Grellet 25. L'authenticité de la
« Chronique de Guitres» n'est plus contestée
et les généalogies qu'en tirait Grellet-Balguerie
s'en trouvent justifiées, comme les origines de
Ribérac, Mussidan, Saint-Astier, éclairées. Mais
c'est un grand tort que d'avoir raison trop tôt,
et nul ne se souviendrait de lui s'il n'avait, fait
unique, modifié la chronologie des rois de
France: on lui doit la découverte d'un souverain jusqu'alors inconnu: Clovis, fils de Dagobert II d'Australie, roi de 672 à 678 ! Ce périgourdin d'adoption et de prédilection découvrit aussi les archives du château de Génis, en
voie de perdition, et les fit sauver. Après un
séjour de plusieurs années en Angleterre, où
il avait accumulé une foule de notes sur des
familles périgourdines, il venait de regagner la
France lorsqu'il mourut au Havre; on ne sait,
hélas, ce que sont devenus ses papiers, sans
doute irrémédiablement perdus 26.
vée : ils n'ont pas vieilli, et on consulte toujours avec le même profit ses sigillographies du
Périgord, de l'Angoumois, de l'ancienne
Auvergne, du Bas-Limousin et de la HauteVienne. Conseiller d'Etat, administrateur de
grandes compagnies, il sut concilier les obligations de ses hautes fonctions avec celles de la
recherche la plus minutieuse 27. li avait trouvé
un émule en la personne de Louis Carvès
(1856-1889), mort de son ardeur exagérée pour
le travail, non sans avoir réuni par des dépouillements considérables d'archives privées une
grande quantité de matériaux généalogiques sur
le Sarladais, en particulier sur la Maison de
Beynac 28.
Bien qu'agenaise, la chanoinesse
comtesse de Raymond doit être citée ici. Marie
de Raymond (1825-1886) a travaillé aussi, en
effet, sur le Périgord. On lui doit la mise au
jour des «Faits d'armes» de Geoffroi de
Vivans et les généalogies de cette famille et de
ses alliés. Ses dossiers généalogiques remarquables, sa belle collection de documents, sa très
riche bibliothèque sont l'ornement des archives du Lot et Garonne, auxquels elle les a
légués. Consulté jadis par le comte de SaintSaud, qui fut très marqué par ces travaux, le
« fonds de Raymond» pourrait l'être encore
de nos jours dans bien des recherches sur le sud
du Périgord 29.
.
Ivan de Valbrune (1837-1914), un temps
•
Eugène
Le Roy dans son
cadre de travail.
A.D. 24, 8 Fi Portraits
- 83. Photo AD. 24.
27 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1906.
28 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1881.
25 - J. Depoin, Etudes
préparatoires à l'Histoire des familles palatines deuxième fascicule: Aimon, châtelain de Dordogne.
Contribution à l'étude
du Roman des Fils
Aymon. Texte annoté
et commenté de la
"Chronique de Guitres», Paris, 1921.
26 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1896;
E. Féret "Statistique
de la Gironde (... ),
biographie », 1889.
Les immenses travaux sigillographiques
de Philippe de Bosredon (1827-1906) méritent
une mention particulière, tant ils renferment
de renseignements généalogiques et héraldiques, mIS en œuvre avec une maltnse eprou•
/1..
,
archiviste-adjoint de la Dordogne, curieux de
tout, s'intéressait aussi fortement aux généalogies : ses publications de vulgarisation témoignent de connaissances sérieuses, et ses papiers,
légués aux Archives départementales, peuvent
29 - Catalogue des tra·
vaux personnels, dos·
siers généalogiques,
autographes, pièces
diverses et bibliothèque
de Madame la Comtesse de Raymond,
légués en majeure partie aux archives départementales du Lot et
Garonne, où ils forment le fonds de Raymond par G. Tholin,
1889. Ce répertoire
détaillé de 2339 articles est précédé d'une
biographie par Tamizey de Larroque.
35
légués aux Archives départementales, peuvent
être quelquefois d'un appréciable secours 30.
Le comte de Saint-Saud
Le comte de Saint-Saud (1853-1951),
déjà cité, occupe quant à lui une place unique:
on ne saurait en quelques lignes résumer une
vie aussi longue et aussi bien remplie, ni une
œuvre aussi dense. Issu d'une famille
d'ancienne noblesse, Aymar d'Arlot de SaintSaud se destina d'abord à la magistrature. Un
poste à Lourdes éveilla en lui une vocation de
pyrénéiste. Son mariage avec Marguerite de
Rochechouart l'apparenta avec la famille de la
•
Robert de
Roton et ses proches. Photographiés en reflet
dans un miroir,
dont il a lui-même
sculpté l'encadrement.
Coll. Esc/afer de la
Rode. PhotoAD. 24.
36
Rochejacquelin, et c'est en préparant une édition critique des mémoires de la célèbre marquise qu'une recherche pour identifier un périgourdin nommé dans ce livre, l'amena à la
généalogie. C'était en 1888, et c'est donc pendant 65 ans, car il travailla jusqu'à ses derniers
mois, que M. de Saint-Saud chercha sur les
familles et l'histoire du Périgord! Sa bibliographie est impressionnante et ses publications
tiennent à elles seules tout un rayon de bibliothèque. Qui n'a consulté ses « Généalogies périgourdines »? Ouvrages sérieux, rigoureux,
honnêtes s'il en est, quoique demandant encore
des rectifications et des compléments. Mais
plus impressionnant que l' œuvre imprimée, si
dense qu'elle soit, est le « fonds Saint-Saud»
qu'il légua aux archives de la Gironde où il
forme, sous 851 cotes, la sous-série 9 j... Les
132 premiers dossiers conservent ses papiers,
travaux, correspondances, classés soit en
fichiers soit par cahiers de thème et d'origine;
le répertoire publié ne donne qu'une faible idée
de la richesse de leur contenu. il faut parcourir bien des liasses pour se rendre compte de
la densité des informations recueillies: peu de
noms ou de lieux du Périgord qui ne s'y trouvent mentionnés! Ce sont ensuite, entre
autres, les 636 titres de sa bibliothèque, riche
épave d'un ensemble immense, dont d'autres
éléments sont conservés par la S.H.A.P. ou
dans les collections privées 31.
Saint-Saud, par son infatigable activité,
était devenu en Périgord le chef de file d'une
pléiade de généalogistes dont le rôle ne doit pas
être oublié.
On peut citer, tout d'abord, venu bien
avant lui, son ami le vicomte Gaston de
Gérard du Barri (1851-1920). On connait surtout l'édition qu'il a donnée des «Chroniques» de Tarde, jusqu'alors manuscrites, et
qu'il publia en 1887, enrichie de nombreuses
notes qui doublent l'intérêt. Ses principaux travaux demeurènt aujourd'hui encore inédits et
inaccessibles. Ce sont, notamment: « La réformation de la Noblesse en Périgord, en
1666-1667», donnant la filiation des familles
maintenues lors de la grande recherche,
« L'ordre de la noblesse du Périgord aux Etats
provinciaux de 1789 », des « généalogies périgourdines », principalement sarladaises, dont
certaines existent en copies dans le fonds SaintSaud et enfin une infinité de notes et de documents originaux sur le Périgord en général, et
Sarlat •
en particulier.
li nous a été. donné
de
•
1\,
pOUVOIr entreVOIr ces manuscnts, prets a
l'impression: édités, ces volumes seraient précieux à beaucoup de chercheurs et rendraient
à leur auteur la place qui lui revient dans les
bons historiens du Périgord, dont la confidentialité de ses travaux l'a. privé jusqu'ici 32.
Paul Huet (184il924) est de la même
trempe. Sa collaboration active aux travaux de
Saint-Saud est connue. On lui doit également
des monographies familiales d'un réel mérite,
mais c'est dans l'étude des familles du Moyen
âge qu'il excellait; on ne sait ce que sont devenus ses dossiers, et il n'est possible de se faire
une idée de l'importance de ses travaux qu'à
travers l' œuvre maîtresse de son «élève»,
le chanoine Geoffroi Tenant de La Tour:
30 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1914; le
« fonds de Valbrune »,
composé de 183 liasses
est classé aux A.D.24
sous la cote 2E 1803.
31 . Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1951,
avec bibliographie très
partielle. La Bibliogra·
phie généalogique de
G. Saffroy ne réperto·
rie pas, elle non plus,
toutes les œuvres de
Saint-Saud, en particulier en ce qui concerne
certains tirages à part.
Le «Fonds SaintSaud» est répertorié
dans « Archives Dépar·
tementales de la
Gironde. Dons et
Acquisitions. Réper·
toire de la série]. Fonds
principaux ». Bordeaux, 1955.
32 . Nécrologie, in
B.S.H.A.P.
1920.
Aimable communication de Mlle Isabelle
de Gérard du Barri.
33 - Nécrologie, in
B.S.RA.P.
1924.
Geoffroi Tenant de
La Tour: L 'homme et
la terre de Charlemagne à Saint-Louis; essai
sur les origines et les
caractères d'une féodalité, Desclée 1943 ; sur
P. Huet et ses travaux,
pp. 25,28, 317.
34 - leurs nécrologies,
in B.S.H.A.P. passim.
35 - Aimable communication de M. Gontran du Mas de
Paysac.
36 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1939.
37 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1896.
38' - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1906.
39 - Cf. Guérin, Des
hommes et des activités
autour d'un demisiècle.
Bordeaux,
B.E.B.,
1957,
pp. 511-512.
40 - Bio-bibliographie
dans son Dictionnaire
historique et géographique de la Haute·
Vienne, Limoges,
1926 (publication
posthume).
41 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1915.
« L'homme et la terre de Charlemagne à SaintLouis », où la formation de la féodalité en
Limousin et en Périgord est étudiée de la plus
saisissante façon 33.
Il faut citer aussi Albéric Gros de Béler
(1843-1906), Fernand de Bellusière
(1844-1905), Ludovic de Thomasson de SaintPierre (1840-1903), archiviste-adjoint de la
Dordogne parmi les collaborateurs les plus
zélés d'Aymar de Saint-Saud 34.
S'ils se sont souvent contentés de se livrer
à des dépouillements et d'en remettre les fiches
à leur ami, leurs compétences et connaissances, fort vastes, ne doivent pas être oubliées.
'" appartenant a'ce"
De son cote,
meme groupe
d'amis, Eymeric du Mas de Paysac (1853-1925)
continua dans le sillage de son père des travaux
importants, particulièrement sur des familles
sarladaises. Ils n'ont pas encore été publiés,
mais les manuscrits sont conservés par ses
descendants 35.
Xavier de Monteil (1861-1939) consacrait les loisirs que lui laissait son existence retirée de gentilhomme campagnard à dresser les
généalogies des familles de sa parenté et de son
cher Ribéracois. Ses manuscrits, habilement
illustrés de dessins et de photographies, car il
excellait dans ces deux arts, auraient été détruits
ou dispersés à sa mort, ainsi que ses belles archives. Ses rares publications ne donnent qu'une
idée trop restreinte de son savoir 36. Dans son
sillage, le commandant Ernest Amadieu
(1863-1935) se consacra à la recherche et au sauvetage des «vieux papiers ». Les archives lui
doivent beaucoup, et il était la providence de
ses correspondants généalogistes!
Edmond Boisserie de Masmontet
(1872-1945?) n'avait pas vingt ans quand il
rejoignit Saint-Saud; il était déjà fort au courant de tout ce qui concernait les familles bergeracoises, et il ne tarda pas à publier, sous le
pseudonyme de «Jean de Nastringues ». Il
donna aussi des monographies de qualité, mais
il se tourna vite vers la vulgarisation. Ses séries
de cartes postales illustrées de dessins et de blasons sur « Les châteaux de Guienne » ou « Les
châteaux de France », avec des textes historiques, sont connues des amateurs. Ses dossiers,
conservés avec ceux de Saint-Saud, auquel il les
avait légués, montrent tout à la fois la curiosité méthodique de son esprit et la banalité
' l es.
L es revers d' une eX1S.
d,etudes trop genera
tence, devenue très tôt besogneuse, expliquent
sans doute que l'enthousiasme et les capacités
du chercheur se soient ainsi dilués.
Co-auteur, avec son ami Boisserie, et
sous la houlette de Saint-Saud, de la « Généa1
1
logie de Bideran », René de Manthé
(1873-1896) fut trop tôt emporté par la mort
pour avoir pu donner la mesure de qualités qui
s'annonçaient exceptionnelles. Il est dommage
qu'il n'ait eu le temps de publier son travail
sur la Maison d'Estissac, grand famille périgourdine, bien peu connue malgré le rôle de
premier plan de la plupart de ses membres 37.
Si Maurice Campagne (1849-1906) était
plus agenais que périgourdin, plusieurs travaux
d'importance, notamment sur les Madaillan et
les Bacalan, le rattachent au groupe des amis
de Saint-Saud 38. De même; Pierre Meller
(1862-1913), spécialiste des familles du bordelais, travailla t-il souvent sur le Périgord, très
présent dans ses nombreuses publications 39.
En Limousin, le chanoine André Lecler
(1834-1920) traita souvent de familles et de personnages périgourdins dans ses innombrables
livres 40. Mais, dans cette province, c'est
l'extraordinaire Jean-Baptiste Champeval
(1847-1915) qu'on ne peut oublier, tant ses travaux débordent sur le Périgord; original
dépouilleur d'archives, annotateur impitoyable, il a laissé des volumes confus de forme,
mais inépuisables de fond: nul ne connaissait
mieux que lui la géographie féodale du Quercy,
du Périgord et du Limousin, et il n'est guère
de patronymes sur lesquels il n'y ait à glaner
dans ses recueils 41.
Nouvelles orientations
S'attendrait-on à trouver parmi les
généalogistes, même loin de ces cénacles,
Eugène Le Roy (1846-1907)? Pourtant, «Le
dernier ami des croquants» se livra longtemps
à des recherches historiques et généalogiques
qui furent même parmi ses premières productions. Ainsi, en 1889., il publie ses « Recherches
sur l'origine et la valeur des particules des noms
dans l'ancien comté de Montignac en Périgord », avec de piquantes observations sur un
sujet bien connu. En 1904, c'est «Inventaire
sommaire des papiers et généalogie de la famille
Bouret, de Gaulejac près Montignac », travail
•
L'abbé
Eugène Farnier à
sa table de travail_
ça". Esc/afer de /a
Rode. Photo AD. 24.
37
d'une plus grande ampleur et d'une réelle
rigueur où il suit une souche paysanne depuis
le XVIe siècle; quant à sa « Note sur la famille
et la descendance naturelle de François, premier marquis de Hautefort », terminée en
1885, elle ne parut qu'en 1932 : c'est une approche nouvelle d'un sujet alors brûlant, la condition des bâtards, et Le Roy s'y révèle
excellent.
A l'autre extrémité de l'échiquier politique, c'est à un « militant» tout aussi engagé,
qu'est due une étude monumentale. Sous le
titre de « Les Ursulines de Périgueux », Eugène
Roux (1845-1925) publia, à partir de 1905, non
pas la pieuse chronique d'une communauté
religieuse, mais une véritable étude sociologique sur tout ce qui l'entourait. Et c'est ainsi
que nous avons une série de biographies et de
généalogies très fouillées sur les familles de
Périgueux ou des alentours. Ce travail essentiel, et très peu connu, est enfoui par petits lots
de pages, dans les Bulletins de la S.H.A.P., car
le tirage à part, doté d'additions et de tables,
ne fut que peu diffusé. Rien n'a été édité,
jusqu'à ce jour, de plus dense. L'auteur s'y
montre un analyste de premier plan, connaissant d'une façon étonnante tout le Périgueux
urbain et suburbain des XVIe et XVIIe. Que
n'a-t-il pu donner des tableaux et développer
les filiations qu'il cite et reprend de notes en
notes. Le polémiste, successivement directeur
des divers titres de la presse conservatrice en
Dordogne durant 40 ans, savait aussi faire partager ses connaissances que chacun admirait.
Saluons Ferdinand Villepelet (18391923), incontournable secrétaire général de la
S.H.A.P. et archiviste départemental, providence des généalogistes grâce aux « Inventaires sommaires» qu'il a réalisés et dont une
partie a été imprimée, sans oublier Albert
Dujarric Descombes (1848-1926) et Joseph
Durieux (1873-1950) dont les travaux reflètent
une science profonde sur les familles du Périgord. Les généalogies familiales que dressèrent
ces derniers, pour qui a pu en consulter les
manuscrits, sont précises et exactes. De même,
le Dr Emile Dusolier (1873-1963), historien du
Ribéracois, se livra à de grandes recherches:
ses dossiers, conservés aux Archives départementales ou à la Bibliothèque de Ribérac révèlent l'ampleur de ses travaux. La monographie
consacrée à sa famille, d'ancienne bourgeoisie,
est un modèle du genre, la forme valant le fond.
Devenu périgourdin par mariage puis
par résidence, le comte Robert de Roton
(1885-1950), bibliophile, héraldiste et généalogiste d'audience nationale, ne négligea pas pour
38
autant sa province d'adoption. Mais sa mort
prématurée nous a privés d'un travail d'ensemble sur la noblesse périgourdine, dont il réunissait les matériaux avec patience: ses fiches
et ses notes donnent une idée de sa rigueur 42
Plus « grand public» sont les travaux de
l'abbé Eugène Farnier (1872-1949). Son
ouvrage intitulé « Autour de l'abbaye de
Ligueux» a éveillé sans doute bien des vocations de chercheurs. il demeure une excellente
introduction à l'histoire locale, en donnant, de
façon accessible et simple, des notions justes,
même si elles sont quelquefois sommaires, sur
les lieux et les familles d'un vaste secteur. Le
généalogiste tire aussi profit de ces petits volumes sur Bussière-Badil et Piégut-Pluviers, ainsi
que de son « Histoire de l'Isle », parue en 1946.
Avec ce prêtre modeste se termine cette
évocation bien incomplète de nos anciens
généalogistes. Parler des plus contemporains
n'entre pas dans ce propos, même si le souvenir de beaucoup de ceux plus récemment disparus demeure cher à l'auteur de ces lignes.
Aussi imparfait que soit ce tour d'horizon, il nous aura permis de souligner les deux
« temps forts» de la généalogie en Périgord:
l'époque de Lespine et celle de Saint-Saud. L'un
et l'autre ont exercé en leur temps une sorte
de magistère moral que personne ne contestait.
Mais pour eux et autour d'eux, la généalogie
demeure l'étude des élites.
Retenons seulement que nous sommes
très loin de la pratique contemporaine de la
généalogie qui connaît un développement
considérable.
"al·
A
Le gene
oglste actue1se retrouvera surement davantage dans les travaux d'Eugène Le
Roy, Eugène Roux et Eugène Farnier, qui semblent illustrer l'idée qu'exprimait dès 1777
Dom Caffiaux : « L'ouvrage généalogique le plus
intéressant pour la Nation Française, serait sans
doute une généalogie complète et universelle de
tous les habitants de la France, anciens et modernes, d'après les titres et monuments épars dans
les différentes provinces. L'exécution d'un projet
si vaste n'a rien d'impossible» 43
Patrick ESCLAFER de la RODE
Président du Cercle d'Histoire
et de Généalogie du Périgord
42 - Nécrologie, in
B.S.H.A.P., 1951;
fiches et fichiers (collection de l'auteur).
43 - Trésor généalogique ou extrait des titres
anciens qui concernent
les maisons et familles
connues en 1400 ou
auparavant (. ..). Paris,
1777; discours préliminaire.
,
t - - - -_ _ _ _
BIBLIOTHEQUE - -
Débutant ou chercheur confirmé, le généalogiste puisera utilement
dans la bibliographie sélective et critique que nous vous proposons
aujourd'hui.
Archives départementales de la SeineMaritime:
Voyage au pays des aïeux -Histoire et sources de
la généalogie - Catalogue par Myriam Drouhard, Rouen, A.D. Seine-Maritime, 1992. 189 p. - [A.D. 24, US 74 ].
Ce catalogue d'exposition présente un
intérêt beaucoup plus général que son cadre ne
pourrait le laisser supposer. Chaque grand
thème (généalogie d'hier, généalogie
d'aujourd'hui, histoire de la généalogie, sources de la généalogie) fait l'objet de commentaires et d'explications simples et de qualité,
agrémentés de bonnes notes bibliographiques.
La dernière partie (p. 143-176), par le biais
d'une généalogie fictive, constitue une excellente approche méthodologique d'une recherche généalogique simple 1.
BEAUCARNOT Gean-Louis) :
ABC de la généalogie, Alleur, Marabout, 1992.
[Coll. Guides Marabout nO 140].
Auteur de nombreux ouvrages sur la
généalogie et ses à-côtés, Jean-Louis Beaucarnot nous offre ici un petit guide pratique et
économique, permettant au généalogiste amateur de se retrouver dans le dédale de recherches parfois complexes. Extrêmement pragmatique, ce livre renferme de précieux conseils et
fournit de nombreuses réponses aux multiples
problèmes qui ne peuvent manquer de se poser
à tout moment d'une enquête familiale.
1 - La même méthode
a été développée par
Martine Duhamel
dans ses deux articles
parus dans Mémoire de
la Dordogne nO 2,
p. 37-39 et nO 3,
p.25-27.
BERNARD (Gildas) :
Les familles protestantes en France. XVIe siècle
- 1792. Guide des recherches biographiques et
généalogiques, Paris, Archives Nationales, 1987.
- 699 p. - [A.D. 24, US 117].
Ce guide complète utilement le manuel
général précédent, en particulier pour notre
région où l'on connait le rôle et l'histoire de
la communauté protestante. Après avoir
analysé, dans une riche introduction, les difficultés des recherches sur les familles réformées,
en raison notamment des aléas historiques
qu'elles ont subis en trois siècles, Gildas Bernard ~nalyse, département par département,
l'ensemble des sources conservées soit sur
place, soit dans d'autres lieux de recherche. On
notera bien sûr avec intérêt le chapitre sur la
Dordogne (p. 174-180).
BERNARD (Gildas) :
Les familles juives en France - XVIe siècle -1815
- Guide des recherches biographiques et généalogiques, Paris, Archives Nationales, 1990 - 281
p. [A.D. 24, US 118].
Dernier ouvrage de la trilogie sur l'histoire des familles de Gildas Bernard, ce guide
des sources s'attache d'abord à cerner l'histoire
des communautés par grande région d'implantation. On peut noter en particulier le chapitre sur le Sud-Ouest (p. 38-49), complété d'une
abondante bibliographie. L'auteur, comme
dans son œuvre précédente, passe ensuite au
crible, pour chaque département, l'ensemble
des sources répertoriées (très maigre pour la
Dordogne, qui ne comptait qu'un juif en 1808
et une famille entre 1840 et 1866 (p. 108-109).
BERNARD (Gildas) :
Guide des recherches sur l'histoire des familles,
Paris, Archives Nationales, 1981. - 335 p. [A.D. 24, US 116 ].
Véritable bible du généalogiste, cet
ouvrage se doit de figurer dans toutes les bonnes bibliothèques de chercheurs amateurs ou
professionnels. Réalisé par un professionnel des
Archives, il constitue l'outil de travail indispensable pour tout défrichement dans leur jungle. Deux grandes parties divisent cette source :
la première étudie en détail tous les types de
documents pouvant se révéler utiles à la recherche (registres paroissiaux, fonds notariaux,
enregistrement et hypothèques, recensements,
39
etc. ), la seconde traitant des différents lieux
où ils sont conservés. Malgré l'absence d'un
index qui aurait été d'une utilité certaine, ce
guide constitue l'instrument de recherche de
référence lorsque l'on passe la porte d'un Centre d'Archives.
DURYE (Pierre)
La généalogie, Paris, Presses Universitaires de
France, 1961 (1 re éd.), 1988 (8 eéd.) [ Coll. Que
sais·je, nO 917 ].
Objet de nombreuses rééditions et mises
à jour, le texte de Pierre Durye reste un des
ouvrages généraux incontournables. Fidèle à
la devise de la collection qui le publie, il fait
le point objectif de ce qu'il faut connaître pour
se lancer dans des recherches généalogiques.
Dans une approche très classique, il présente
l'histoire de cette science, son utilité (et en particulier la diversité des thèmes qu'elle permet
d'aborder), les buts et les méthodes de sa pratique et enfin les sources qui permettent de la
mettre en œuvre.
XIe Congrès de la Fédération française de
généalogie, Bordeaux (9 • 12 mai 1991) :
Actes et conférences, s.l. n.d. - 204 p. - [A.D.
24, B 984 ].
Parmi les nombreuses communications
de ce riche congrès, on peut signaler les contributions originales concernant la génétique
et la psychologie, qui confèrent une dimension
supplémentaire àla généalogie traditionnelle,
la table ronde sur les logiciels de généalogie en
langue française et enfin les conférences sur le
domaine aquitain. Nous nous permettrons
d'extraire de ce dernier ensemble de qualité
celle de Jean Valette: « Généalogies et biographies des protestants de la vallée de la Dordogne aux XVIIe-XVIIIe siècles» (p. 85-89), véritable guide des sources de l'histoire de cette
communauté dans les archives françaises.
FLEURY (M.) et HENRY (1.) :
Nouveau manuel de dépouillement et d'exploitation de l'état-civil ancien, Paris, Edition de
l'Institut National d'Etudes démographiques,
1965. - 182 p. - [A.D. 24, US 51 ].
Ce livre constitue l'un des ouvrages de
base pour un dépouillement efficace et systématique des registres d'état-civil anciens
(paroissiaux) ou modernes. Son but essentiel
était d'harmoniser les techniques de traitement
des informations qu'on y trouve, en vue de réaliser des études de démographie historique de
qualité, notamment pour la période préstatistique. Bien qu'ancien, et n'intégrant donc
40
pas tous les apports de l'informatique (rapidité,
traitement de masse, tris croisés, etc.) ce
manuel reste d'une utilité certaine.
GRANDEAU (Yann) :
A la recherche de vos ancêtres - Guide du généalogiste amateur, Paris, Stock, 1974. - 348 p. [A.D. 24, C 1259].
Guide pratique des recherches généalogiques, ce manuel peut offrir un bon secours
aux débutants, ou aux amateurs confrontés à
des problèmes de base lors de leurs enquêtes
familiales.
JOUNIAUX (Léo):
Généalogie - Pratique - Méthode - Recherche,
Paris, Arthaud, 1991. - 416 p. - [A.D. 24,
C 1260).
Publiée par l'un des spécialistes de la
généalogie, cette œuvre très bien présentée
constitue actuellement le meilleur manuel pour
qui veut débuter comme pour celui qui veut
développer et élargir une recherche familiale.
On y trouve aussi bien un chapitre sur des unités de mesure anciennes, qu'un autre sur les
calendriers ou sur les cartes et plans. La partie
concernant les sources se révèle elle aussi extrêmement utile et documentée (notamment dans
ses références bibliographiques). L'un des intérêts supplémentaires, et non des moindres, de
cet ouvrage, est de présenter, en annexe, une
liste à jour des adresses utiles pour tout chercheur, ainsi qu'une originale, et indispensable,
table détaillée du cadre de classement des archives. Enfin, ce livre expose avec clarté tous les
thèmes de recherche qui permettent aux généalogies de dépasser la simple (et limitée) histoire
personnelle et familiale pour s'attacher àl'histoire sociale, démographique ou même de la
sante.
1
VALYNSEELE Ooseph) (sous la direction de) :
La généalogie, histoire et pratique, Paris,
Larousse, 1991. [Coll. Références Larousse
« Histoire» ).
Doté d'une excellente bibliographie et
d'utiles tableaux et schémas, ce guide collectif, très clair et relativement exhaustif, se présente comme l'un des meilleurs dans sa catégorie. Abordant des thèmes traditionnels
(méthodes et sources par exemple) comme des
problèmes de fond (rapports entre la généalogie et la médecine ou la démographie, ou la
. a'l'eco1)'
genea1ogle
e , c est un l'Ivre de re'ference
qui mérite de figurer dans toute bonne bibliothèque généalogique. .
1
1
1
1
François BORDES
,
1-------
,
DERNIERES ENTREES
•
Visite
de Félix Faure à
Bergerac. 1895.
Photo Astrue. Fi.
Etat d'accroissement des collections des
Archives départementales:
1) DONS:
- Carnet de nourrice, sevreuse, gardeuse, protection des enfants du premier âge (s.d.) [Don
anonyme ]. J 2132.
- Bref du pape Pie VI pour une affaire de consanguinité entre Nicolas Segonzac et Marguerite Laurière (1776). [Don de M. Labruhe ].
J2139.
- Prospectus publicitaires (1987) [Don de
M. Bitard]. J 2142.
- Papiers de familles, Borie, Duclaud-Lalande,
Labadie, Larivière de la commune de Châtres
(1824-1967). [Don de M. Larivière ].
J 2143/1-4.
- Programme du concert de charité donné au
théâtre de Ribérac (1909). [Dons des Archives de la Gironde]. J 2144.
- Livre de comptes de la ferme-école de Saltgourde (1848-50). [Don de M. Elias]. J2148.
- Affiche du Ministère de la Guerre pour le
recensement des bâts et véhicules (1933). Fi.
- Affiches électorales pour les délégués cantonaux (1946). Fi.
- Affiche en français et polonais demandant le
ralliement des polonais de France à l'Armée
française (s.d.). Fi.
- 43 plaques photographiques de la Dordogne
et de Paris (Guerre de 1914-18). [Don de Mme
Labatut ]. Fi.
- 3 plans de la salle à manger de l'hôpital de
Périgueux (1956). [Don de M. Grillon]. Fi.
- 7 cartes postales de la Dordogne et 44 gravures militaires (Empire, Seconde République,
Second Empire). [Don de Mme Chevalier].
2 Fi.
-1 photo de classe, école de Châtres (vers 1920).
[Don de M. Larivière ]. Fi.
- 48 cartes postales de la Dordogne. [ Don des
Archives départementales de la HauteVienne]. 2 Fi.
- 11 cartes postales de Périgueux .et de la guerre
de 1914. [Don de M. Reviriego]. Fi.
- 182 cartes postales de Périgueux et du Périgord. [Don de M. Boisvert ]. 2 Fi.
2) ACHATS:
- Actes de baptêmes et mariages protestants du
Bergeracois (1665-1765). J 2135.
- Lettre des protestants de Ste-Foy, Le Fleix,
Montravel au sujet de leurs persécutions (s.d.).
- Correspondance entre les pasteurs Alard et
Becays de Bergerac et Ste-Foy-la-Grande au
sujet d'un colloque (1775-76). J 2137.
- Etat des protestants de La Roche-Chalais (an
XIII). J 2138.
- Fonds du Cheyron du Pavillon. (en cours de
classement) 47 J.
-Fonds du Château de la Gaubertie. (en cours
de classement) 48 J.
- Cahiers journaliers de l'instituteur de l'école
de garçons de Beauronne (1911-1933).
J2147/1-4.
- Cahiers de devoirs de vacances et d'entraÎnement à l'écriture (s.d.). J 2152.
- Cahiers de comptes d'épiciers, livraisons
(1926-1939). J 2151.
- Nomination de M. Theulier de Thiviers, président de l'Assemblée du canton: décret impérial sur parchemin (an XIII). J 2153.
41
- Livres de comptes de clients (commerce de
produits pharmaceutiques, vins, sabots ...),
région de Thenon (1878-83). J 2154.
- Le livre de la Tribu: cahier contenant les statuts d'une société donnant des enseignements
sur la morale et le civisme aux couples et aux
enfants (Limeyrat 1907). J 2155.
- Inauguration de l'aérodrome de PérigueuxBassillac, menu, invitations, programme
(30 mai 1937). J 2156.
- Livre de comptes de maison de M. Beyssière
(région du Sarladais) (1875-83). J 2158.
- Papiers scolaires: élèves du lycée, de l'école
du Centre de Périgueux (1859-1939). J 2160.
- Dossier pour la révocation du maire de
Clermont-de-Beauregard: M.le Comte du
Pavillon, pour refus d'afficher l'arrêt de la
Cour de Cassation annulant le jugement de
condamnation d'Albert Dreyfus. Nombreuses
lettres de soutien au maire. Inventaire des
archives de la commune (1899-1925). J 2161.
- 4 photographies d'Astruc, photographe à Bergerac représentant les fêtes données à Bergerac lors de la visite de Félix Faure (1895). Fi.
- Revues d'architecture «Le moniteur des
architectes» (1880, 1881, 1886), «Monographies de bâtiments modernes» (1900), «La
construction moderne» (1958), «l'Architecture française» (1954). Fi.
- Extrait du recueil des cartes et plans établi
pour la navigation des rivières en Guyenne
(1696). Fi.
3) DOCUMENTATION 1 :
- Relevé des mariages de la paroisse de Nadaillac (1670-1752). [ Don de l'Institut D.O.L.E. ].
Doc. Arch. 12.
- Analyse de l'état-civil de Lamonzie-SaintMartin (1792-1890). [Don de M. Martin].
Doc. Arch. 13.
- Acte notarié passé à Condat (XVIe siècle).
Doc. Arch. 14.
-Rôles des sommes dues àGaillard Galland sur
les ventes des domaines de Périgord et Limousin (1603). [Archives des Pyrénées-Atlantiques,
B 1921 ]. Doc. Arch. 15.
- Manuscrit français de la Bibliothèque nationale nO 22422. Doc. Arch. 16.
- Généalogie de la famille Charon. [Don de
M. de Maillard]. Doc. Arch. 17.
- Manuscrits de Jules Ballet: biographie de
Edmond Placide du Chassaing de Fontbressin
(1818-73). [ Archives de la Guadeloupe, soussérie 2 J 12]. Doc. Arch. 18.
- Relevé sommaire des registres paroissiaux
d'Annesse: famille Labruhe. Doc. Arch. 19.
- Famille d'Hautefort: branche de Marqueyssac. Dossier de documentation. Doc. Arch. 20.
- Détail de l'état-civil protestant de Bergerac
(1653-1792). rDon de M. Ménard ]. Doc. Arch.
21.
-Inventaire des pièces contenues dans un registre concernant les protestants de Montcaret
(1624-1780). [Don de M. Vircoulon]. Doc.
Arch. 22.
Jacqueline FAURE
FORUM ______________~
Cette rubrique vous concerne. Utilisez la pour exprimer vos idées, réactions, suggestions. Outil de communication, elle doit être un intermédiaire supplémentaire entre les lecteurs et les Archives, un moyen
d'échange et de recherche à votre service.
• Je recherche le texte de la légende du
dragon de la tour de Vésone.
• Je cherche àen savoir plus sur la fonction de Périgueux sur le chemin de Compostelle qui part de Tournai en Belgique et traverse le département actuel des Landes.
42
• Je souhaite compléter ma collection
iconographique d'asiniens en ce qui concerne
la période historique pour les robes rouge,
rousse ou rosée du type andalusa-cordoba,
métis hémione-anesse ...
Ecrire à Monsieur Jean-Pierre ANNERON 19, rue des Belles Filles, 91580 Etrechy.
1 - Série nouvelle
constituée par les dons
de documents sous
forme de photocopies.
SONOTHÈQUE
En 1986, le premier travail de la Sonothèque, axé sur l'histoire de l'édition musicale en Ribéracois 1, a favorisé la création d'une partithèque
qui s'enrichit régulièrement de nouveaux dons.
Paroles et musique
1 - Impressions de quadrilles. T. BOISVERT
et S. ROUX. Archives départementales
de la Dordogne.
ADAM 24 - 1987.
2 - AD 24, 27
182.
J1à
3 - AD 24, 28
147.
J1à
4 - AD 24, 29 J 1 à 73.
5 - AD 24, 30 J 1 à 5.
Dans cette région du Périgord, entre
1870 et 1930, cinq maisons d'édition musicale
spécialisées dans la musique de bal (quadrille,
valse, polka, mazurka, scott.ish ... ) se livraient
une concurrence sans merCI.
A cette époque, le Ribéracois faisait partie des principaux centres d'édition musicale
français puisqu'on dénombrait deux cent vingt
six éditeurs à Paris, huit à Marseille, sept à
Lyon et six àNice. Ribérac rivalisait donc avec
ces grandes villes et ce, grâce à la réussite commerciale d'un homme qui avait compris toutes les astuces du métier d'éditeur de musique:
Elie Dupeyrat.
Musicien de bal à ses débuts, il apprend
les premiers rudiments de l'édition musicale
vers 1865 avec M. Verde au, installé à SaintAntoine près de Saint-André-de-Cubzac en
Gironde. Il crée sa maison en 1873 et, quelques
années plus tard, son commerce rayonne sur
la France entière, les colonies et certains pays
limitrophes comme la Belgique ou
l'Allemagne.
Cette réussite fera des émules sur le plan
local et c'est ainsi que plusieurs maisons (dont
les Archives départementales détiennent une
partie des fonds) verront le jour: Chéry
Roy 2, d'abord àSaint-Martin-de-Ribérac puis
à Villetoureix (1884), Gabriel et Roger Clement 3, à Ribérac (1895), François Rougier 4,
d'abord à Villetoureix (1900), puis à Ribérac
(1913) et Léon Dupeyrat 5, fils a~né d'Elie
Dupeyrat, à Ribérac (1909).
Elie Dupeyrat servira de modèle àtous
ces éditeurs: ils seront tous musiciens de bal,
compositeurs, professeurs, imprimeurs, marcha~ds et réparateurs d'instruments de
mUSIque ...
Cette fabuleuse histoire, qui s'est terminée dans les années 1930, a laissé des traces dans
la mémoire collective et, lors de nos enquêtes,
nous avons enregistré des ouvriers, des compositeurs, des musiciens, des fils et petits-fils
d'éditeurs qui nous ont transmis avec nostalgie leurs souvenirs de cette saga.
C'est ainsi que nous avons rencontré la
famille d'Elie Dupeyrat avec laquelle nous
avons conclu le versement du fonds de partitions de cet éditeur, ce qui représente 2722 airs
à danser 6!
•
Elie Dupeyrat
en compagnie de
sa femme et de ses
enfants à Savignac
d'Allemans, vers
1900.
Coll. Sagot.
Photo A.D. 24.
Quelque temps après, deux autres
fonds sont venus compléter ces collections; il
s'agit de partitions données par les anciennes
harmonies de Belvès 7 et de Château-l'Evêque 8. On y trouve des pas redoublés, des
marches, des transcriptions d'ouvertures d'opéras ... , tout le répertoire qui fit la gloire des
orphéons lors de leurs prestations sur les kiosques. Deux fonds supplémentaires, provenant
des anciennes harmonies de Montignac et de
la Sainte-Cécile de Périgueux, restent à classer
et à inventorier. Lorsque ce travail sera achevé,
nous pensons que la partithèque atteindra les
5 000 pièces. Ces partitions, communicables au
6 - AD 24, 26
1563.
J1à
7 - AD 24, 25
127.
J1à
8 - AD 24, 35
194.
J1à
43
public, représentent une partie de notre patrimoine musical et, à ce titre, nous lançons un
appel aux sociétés de musique afin qu'elles ver-
sent ce genre de répertoire aux Archives
départementales.
Sylvain ROUX
Extrait d'un entretien réalisé avec Laurent Delbecq
(compositeur pour la maison d'édition Clément à Ribérac)
le 20 septembre 1988 à Mâcon (Saône-et-Loire)
Sylvain Roux: Vous avez commencé à quel âge à apprendre la musique?
Laurent Delbecq : J'étais obligé, il n'y avait pas à choisir, à quatre, cinq ans, par là...
S.R. : Sous l'impulsion de votre père?
L.D. : Ah! Sous la tutelle de mon père!
S.R. : Vous avez commencé par quoi, le solfège, un instrument de musique?
L.D. : Le so/fege obligatoire, d'ailleurs, c'est la base de tout;
sans solfège, on ne peut rien faire. Puis après, mon père
m'a acheté une clarinette à treize clés et ce qui m'a amené,
je devais avoir sep~ sept ans et demi par là, àjouer à l'église
avec l'orgue.
S.R. : Vous avez commencé à composer de la musique de
bal à quel âge?
S.R. : Et vous avez été aussi sociétaire de la SA CEM en
même temps que votre père et en même temps que Clément père et fils ?
L.D. : Mon père était bien avant à la SACEM.
S.R. : Quelles étaient vos relations avec Clément, vous
avez connu Gabriel...
L.D. : Non, je l'ai connu par correspondance mais j'ai surtout connu -le fils.
S.R. : Le système qui existait entre l'éditeur et le compositeur, comment ça fonctionnai~ c'est-à-dire vous envoyiez
des manuscrits, vous étiez payés ?
L.D. : Non, non, nous n'étions pas payés, bien contents
de trouver un éditeur qui veuille prendre vos œuvres.
S.R. : Votre père a travaillé sans droits d'auteur, il n'avait
aucun intérêt, c'est-à-dire il donnait son manuscrit et il
avait le bonheur d'être édité, c'est tout?
•
Orchestre
Laurent Delbecq.
Mâcon. Vers 1950.
Coll. Delbecq.
Photo A.D. 24.
L.D. : Oh! C'était vers quinze, seize ans par là...
S.R. : Alors, pourquoi le choix de la musique de bal, vous
avez fait des bals à l'époque?
L.D. : Pas à l'époque, mais un peu plus tard; j'avais un
orchestre à mon nom, mais un orchestre moderne, « jazz ".
S.R. : Parce qu'au début, vous avez composéaes scottishs,
des mazurkas, des quadrilles?
L.D. : C'est ça, c'est ça...
S.R. : Parce que votre père le faisait certainement, et puis
c'était encore la mode...
L.D. : A cette époque-là, les Editions Clément avaient surtout des répertoires qui contenaient environ une vingtaine
d'œuvres, je me rappelle d'un, je suis à peu près certain
qu'il s'appelait « répertoire nationale ». Il y avait un peu
de tout, valses, polkas, mazurkas et quadrilles.
44
L.D. : Oui, d'ailleurs, je crois que c'est lui qui est à l'origine de l'entrée à la SACEM de Gabriel Clément parce
que mon père étant de la SA CEM, il ne pouvait plus se
faire éditer sans droits d'auteur.
S.R. : Est-ce que vous connaissiez les autres éditeurs, estce que vous aviez entendu parler de Roy, de Dupeyra~ de
Rougier?
L.D.: Ah! Oui!
S.R. : Est-ce que vous avez vu des catalogues d'eux?
L.D. : Non, parce que je pense que ces gens-là savaient que
je travaillais pour Clément.
S.R.: Vous n'avez pas été sollicité par ces éditeurs?
L.D. : Non, parce que je ne pense pas qu'à cette époque-là,
les éditeurs sollicitaien~ c'est plutôt le compositeur qui sollicitait l'éditeur, ça n'a pas changé!
,
1--
LE DISCOURS DE LA METHODE
Cartographie de la Dordogne. (1 ere partie : les cartes anciennes).
Les cartes à grande échelle constituent
une des sources privilégiées à la recherche sur
l'histoire locale. Elles fournissent en particulier de nombreux renseignements sur la
toponymie, l'archéologie, l'agriculture et
l'industrie, et permettent, par une étude comparative, de mesurer l'évolution du paysage
dans le temps.
Les cartes
de Belleyme et
de Cassini
La
plus ancienne des cartes précises 1
concernant l'ensemble du Périgord est la
fameuse Carte de la Généralité de la Guyenne,
à laquelle est resté attaché le nom de l'ingénieur
géographe qui en assura, à partir de 1766, la
vérification et la coordination: Pierre de
Belleyme 2.
•
Pierre de
Belleyme. Extrait
de "Iconographie
des célébrités du
Périgord ",
par
Reymond. 1863.
Coll. Presbytère de
Chancelade. Photo
A.D.24.
à ce document une valeur inestimable: limites administratives, voies de communication
(terrestres ou fluviales), types de paysages et
de cultures, industries, habitat sont autant de
thèmes d'étude qu'il est possible d'aborder avec
confiance à partir de cette carte. Et il n'est pas
besoin de rappeler la remarquable précision de
la toponymie, que seule la grandeur de l'échelle
permettait.
C'est à partir des minutes de ces feuilles
que fut réalisée la partie aquitaine de la Carte
de France que dirigeait Cassini. Mais l'échelle
de cette dernière étant réduite de moitié (environ 1/86400), elle n'apporte aucun élément
nouveau et se révèle beaucoup moins précise
que celle de Belleyme.
Sa seule faiblesse, d' ailleurs reconnue par
son auteur, résidait dans sa conception même:
description géométrique d'un territoire, elle ne
représentait, selon les propres mots de Belleyme, qu'« une ébauche de topographie », et
il serait imprudent de s'y référer pour y rechercher une figuration précise du relief ou pour
entamer une quelconque étude morphologique
du Périgord. Ces insuffisances devinrent rapidement criantes, en particulier pour l'armée:
la connaissance la plus exacte possible du relief
lui était absolument nécessaire, et les feuilles
de Belleyme et de Cassini se révélaient, dans
ce domaine, totalement inadaptées aux exigences des militaires.
La carte
d'état-major
Levées sur le terrain entre 1761 et 1774
pour la partie périgourdine, vérifiées entre 1773
et 1789, les premières feuilles ne furent définitivement gravées qu'à la veille et au tout début
de la Révolution; un deuxième lot vit le jour
entre 1804 et 1813, et celle de Terrasson entre
1829 et 1834 [ADD, 1 Fi Dordogne 13 ].
L'échelle en fut fixée à 2 lignes pour 100
toises (environ 1/43200), rapport qui confère
L'idée d'une nouvelle représentation
de la France prit donc corps peu à peu, sous
l'Empire puis la Restauration, mais ne se réalisa de façon systématique, pour la Dordogne,
qu'entre 1839 et 1863. Levée à l'échelle de
1/40000, elle fut gravée à celle de 1/80000, avec
une détermination précise des courbes de
niveau. Dix feuilles la composent pour notre
département.
1 - Nous ne prenons
ici en compte que les
représentations carto-
graphiques
dont
l'échelle varie de
1/25000 à 1180000.
2 - Né le 17 mars 1747
à Beauregard (auj.
Beauregard-et-Bassac,
canton de Villamblard), mort le 29 aoilt
1819 à Paris.
45
N°
Nom de feuille
N°
Nom de feuille
163
171
Rochechouart
Jonzac NE/SE
Périgueux
Tulle NO/50
Libourne NE/SE
182
183
192
193
194
Bergerac
Brive NO/50
La Réole NE
Villeréal NO/NE/SE
Gourdon NO
172
173
181
Mais la rapidité des progrès dans la création ou l'aménagement des voies de communication amena les autorités locales, lorsqu'il
s'agit d'extraire de cette carte de France une
carte du département de la Dordogne, à engager des frais et du personnel pour une mise à
jour des premières gravures. Cela semblait
d'autant plus nécessaire que cet exemplaire, réalisé par report sur pierre des originaux sur cuivre, devait servir de fond de carte à la Carte
géologique de la Dordogne, à l'étude depuis déjà
30 ans. Ces travaux débouchèrent, en 1866, sur
une version définitive de la carte à 1/80000 en
6 feuilles : Département de la Dordogne. Extrait
de la carte topographique de la France levée par
les officiers d'état-major et gravée au Dépôt général de la Guerre. Vote du Conseil Général des
24 août 1864 et 23 août 1865, Paris, 1866, Impr.
Lemercier et Cie [ADD, 1 Fi Dordogne 25 ].
•
La région de
Cubjac, d'après la
carte de Belleyme.
La région de
•
Cubjac, d'après la
carte d'état-major.
46
Les cartes thématiques
ou spécifiques
Le dernier quart du siècle voit la multiplication de cartes s'appuyant sur cette carte
d'état-major, mais qui ne participent souvent
plus d'un vaste projet national. Spécifiques à
la Dordogne ou traitant d'un thème particulier, elles nous fournissent un témoignage intéressant sur l'équipement du département à
cette époque, tout en permettant une étude de
l'évolution toponymique en un siècle.
:~ 1874: Avant·projet d'un réseau de che-
mins de fer départementaux: atlas des feuilles de
la carte d'état-major au 1/800000, précédées
d'une carte du département au 240000, par Fargaudie [ADD, 1 Fi Dordogne 31].
:~ 1878 : Carte routière et hydrographique
en six feuilles dressée par le service vicinal sous
la direction de M Surrugue, agent-voyer en chef
d'après le type adopté par le Conseil Général en
sa séance du 26 août 1876. Publiée par le département en 1878 sous l'administration de
M Oustry, préfet (échelle: 1/80000); elle fut gravée par Erhard, à Paris [ADD, 1 Fi Dordogne 22 J.
'A d'Aetre compl'etee,
,
Cette carte a l,·mteret
sur les feuilles même, par de nombreux
tableaux statistiques. On trouve également
représentée, sur la feuille nO 2, une carte des
routes et des chemins de fer de la Dordogne
et des départements voisins, à 1/864000, et la
feuille n O 5 comprend un plan de Périgueux à
1/10000. Elle est uniquement topographique,
se contentant de mentionner la cote au-dessus
du niveau de la mer, et indique pour chaque
commune le nombre d'habitants qui la
constituent 3.
Cette nouvelle version de la carte départementale à 1/80000 fut réalisée en tenant
compte de toutes les modifications intervenues
en Dordogne depuis l'édition de 1866.
:~ 1880 : Carte routière et hydrographique
du département de la Dordogne. [ 1 Fi Dordogne 33 ].
Présentée sous forme d'atlas, cette carte
comprend, comme la précédente, un plan de
Périgueux à 1/10000, une carte des routes et
des chemins de fer de la Dordogne et des départements voisins à 1/864000, mais également
une carte routière et hydrographique du département à 1/480000. Le recueil comporte
ensuite les feuilles à 1/80000 de chaque canton, par ordre alphabétique.
Pour en savoir plus
- BERTHAUT (Colonel), La carte de France, 1750-1898, Paris, Service géographique de l'Armée, 1898.
- COLOMBE (Pierre), «Les signeaux télégraphiques optiques du Périgord », dans B.S.HA.P., t. 114,
1987, p. 127-129, + annexes:« 1: La carte du Périgord par de Belleyme (1781-1840) », ibid., p.130-134;
et «II : La carte dite « carte d'état-major» à1/80000. Les travaux en Périgord », ibid., p. 135-143.
- DAINVILLE (François de, S.J.), La carte de Guyenne par Belleyme, 1761-1840, Bordeaux, Delmas, 1957.
- VILLEPELET (Robert), «Le dossier du géographe de Belleyme aux Archives nationales », dans
B.S.HA.P., t. 37, 1910, p. 91 [cf. aussi DURIEUX G.), ibid., p.112-113 J.
François BORDES
3 - Une version colorée en a été réalisée
(couleurs différentes
suivant les cantons)
[ADD, 1 Fi Dordogne 27].
•
Détail du
tableau d'assemblage de la carte de
Guyenne dressé au
1/43200 par Belleyme. (Extrait de
La carte de la
Guyenne par Belleyme, par François de Dainville.
Delmas, Bordeaux,
1957).
A.D. 24, B 488.
Phato A.D. 24.
47
,
PALEOGRAPHIE _ _ _ _ _ _ __
2tc.-n. (}mk~
j;~ <éffi P'
aM
voy
• Dénombrement
de Losse.
Sans date.
AD. 24, 2 E 1828/14
- 34.
Quelques indications pour lire.
- Les majuscules très faciles à lire notamment C (lignes 1, 3, 7, 10), M (lignes 5, 8), J,
dépouillé au début de la ligne 2 (Jehan), puis pourvu d'une boucle supplémentaire dans le même
nom (lignes 5, 8).
- h à l'intérieur d'un mot plonge au-dessous de la ligne dans Jehan (ligne 2).
- p, j, q et y ont une partie descendante appuyée et bouclée qui parfois gêne la ligne suivante: ce sont ces pleins qui caractérisent ce texte.
-l's final est tantôt relevé: Hellies (ligne 8), souvent en deux parties, comme dans: des biens
(ligne 1).
- Les abréviations:
- abréviation usuelle du mot presens : pns
(ligne 11)
- les classiques: dudit (lignes 2 et 6).
~
audit (ligne 10).
.
Le trait plongeant déforme la fin du mot.
- Monsieur, mestre (ligne 5), mestre (ligne 8). La plume est relevée, le mot est fracturé, la
finale est en exposant.
La même technique est employée dans commissaire (ligne 7) et sénéchausée (ligne 9).
CVL
48
---~[~~[I---Dénombrement de Losse fourni au Roy
1 C'est le dénombrement des biens tenus et posédés par Messire
2 Jehan de Losse seignieur dudit lieu, Thonnac, Peyriniac
3 Banes, Gaubert en Périgord, Calenave, La Barthe en Quercy,
4 et Belpeuch en Languedoc, qu'il ballie et remet par devers
5 vous Monsieur mestre Jehan de Marqueyssac, escuyer, seignieur
6 dudit lieu et de Bruzac, juge maige présidant présidial
7 et lieutenant général en Périgord, commissaire pour le Roy
7bis sur le faict des hornages a luy deubs en ladite seneschausée
8 député, en présance de mestre Hellies de Jehan, procureur
9 du Royen icelle sénéchaucée du Périgord, en suivant la vollonté et
10 commandement du Roy et exploitz balliés audit sieur de Losse
11 le second des présens mois et an signé
?
sargent
12 royal.
- Les abréviations par contraction finale: le mot se termine par un trait relevé très appuyé:
.'
dénombrement (ligne 1), commandement (ligne 10).
Dans: lieutenant (ligne 7), la contraction est indiquée par une finale plongeante: lieut If
Le mot: procureur (ligne 8) est contracté par un signe abréviatif tracé sans quitter le support.
- L'orthographe:
seignieur pour seigneur (lignes 2 et 5)
balliés pour baillés (ligne 11).
deubs (ligne 7bis) : vient de debvoir.
RemaiqIJe,- Le nom du sergent royal qui comprend une abréviation est impossible à traduire:
On peut transcrire cha..., la fin comporte trop de risques d'erreurs.
e<e?
Raymonde SARLAT
49
PAROLE DE LECTEUR
------1
Interview de Mona Siegel.
François
. Bordes:,Mona Siegel,
, est-ce que vous
poumez vous presenter, presenter votre cursus universitaire?
Mona Siegel: Je suis en train de faire mes études pour un doctorat d'Histoire. J'ai commencé mes études universitaires au Colorado,
où j'ai étudié la langue et la littérature françalse ; Je croyaIs contmuer, mals ce qUI m mteressait, c'était le milieu culturel, pas vraiment
la littérature, la grammaire en tant que telles.
J'ai donc décidé de continuer mes études, mais
en histoire au lieu de la littérature et j'ai laissé
de côté l'histoire littéraire, pour l'histoire
sociale. J'avais commencé dans le pacifisme en
général. Ma maîtrise portait sur la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et aussi sur
le mouvement surréaliste et ses idées pacifistes, et j'ai trouvé que c'était intéressant. Mais
mon problème était que c'étaient des gens un
peu à côté de la société; ils avaient des idées
très intéressantes, mais ça restait marginal pour
l'époque et je voulais un sujet qui me laisse
entrer davantage dans la société française.
F.B. : Comment en êtes-vous arrivée à vous
intéresser à la Dordogne ?
M.S. : Je suis déjà venue en Dordogne en tant
que touriste, cela me plaisait beaucoup. Et à
la Bibliothèque de Wisconsin, aux Etats-Unis,
ils ont les répertoires des archives de la Dordogne et je savais déjà qu'il en existait un très
bien fait sur l'enseignement ici et c'est donc
pour cette raison que je suis venue il y a deux
ans. A ce moment-là, je suis venue ici et à Avignon mais il y avait beaucoup plus d'éléments
en Dordogne. Je ne pouvais presque rien voir
là-bas: c'est pas encore vraiment classé. Je crois
que ça reste dans les boîtes, dans les greniers
en fait, c'était trop difficile. Tandis qu'ici j'avais
trouvé tout ce qu'il me fallait et j'avais décidé
d'y retourner.
F.B. : Vous étudiez donc le pacifisme à travers
une profession qui a été un des vecteurs de ces
•
50
'.
•
•
•
•
,.
1
idées entre les deux guerres, celle d'instituteur..
Ecole
de Saint-Pancrace,
M.S. : Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que 1935.
Coll. Jamain. Photo
les historiens, les sociologues ont déjà beau- AD.
24.
coup écrit sur les instituteurs avant la première
guerre mondiale, le rôle des instituteurs sous
la Ille République: avec, par exemple, le
« Tour de France par deux enfants », on a très
bien étudié le rôle des instituteurs à cette
époque-là. Entre les deux guerres, on a déjà fait
des recherches sur le syndicat national, mais
c'était jusque-là, en fait, le côté syndicaliste de
la vie des instituteurs et c'est avec ces travaux
qu'on a pas mal écrit sur le pacifisme des instituteurs, parce que c'était le syndicat national,
à la fin des années 30, qui a fait une démarche
pour la paix, au moment de Munich. Sinon,
on a les écrits de Pétain en 39-40 disant que
c'est la faute des instituteurs si la France a
perdu la guerre, et je voulais savoir en fait
qu'est-ce qui est arrivé à ce moment-là, entre
les deux guerres, ou plutôt qu'est-ce qui se passait à l'école entre les instituteurs et les élèves,
loin de Paris, loin du Bureau du Syndicat, pour
voir s'il y avait vraiment eu un changement
d'idée en France en général.
F.B. : Et vous travaillez uniquement sur la
Dordogne ou sur d'autres départements?
M.S. :Je travaille sur la Dordogne et je compte
travailler sur la Somme aussi, parce que je voulais choisir un département au sud, bien éloigné de Paris, mais aussi prendre un département frontalier. J'avais essayé dans le département du Nord, mais là il ne restait pas de documents, et donc j'ai pris la Somme qui était à
moitié envahie et qui ne pouvait pas avoir le
même rapport avec l'Allemagne, avec les voisins, que la Dordogne par exemple. Mais je ne
suis pas allée encore dans la Somme.
F.B. : Au niveau méthodologique, vous avez
une démarche intéressante, puisque vous travaillez à la fois sur de l'écrit et sur de l'oral.
Donc, qu'est-ce que vous pouvez nous dire à
ce sujet? Quel est l'apport de l'écrit, qu'est-ce
que vous trouvez dans les archives, et d'un
" qu ,est-ce que vous attendez des
autre cote,
entretiens que nous menons avec vous sur le
projet des instituteurs entre les deux guerres?
•
Mona Siegel
et Madame Jamain,
institutrice à la
retraite.
Coll. Jamain. Photo
A.D.24.
M.S. : Déjà, ce qui est magnifique avec les
entretiens oraux, c'est qu'on peut poser les
questions. Suivant que je suis aux Archives ou
à la Bibliothèque, j'ai les sources devant moi
et j'ai des trous partout, des questions que je
veux poser, mais le papier ne me répond pas.
Par exemple, j'ai eu les manuels scolaires de
l'époque que j'ai regardés, les manuels d'histoire en particulier, mais c'est impossible de
savoir comment les instituteurs les ont utilisés. Est-ce qu'il fallait apprendre par cœur les
leçons, ou est-ce l'instituteur qui apprend les
leçons et, partant de là, parlait plutôt de l'histoire locale? Donc là, on essaie de poser les
questions: comment avez-vous choisi le
manuel, comment l'avez-vous utilisé dans la
classe? Donc c'est plutôt le côté un peu
humain qu'on trouve avec les entretiens oraux.
Par contre, en parlant aux instituteurs euxmêmes, il y a un problème de décalage entre
la mémoire et l'histoire. J'ai déjà rencontré des
gens, je le sais très bien, qui disaient des choses à l'époque dont ils ne se souviennent plus
maintenant et c'est un problème en tant
qu'historien ...
Sylvain Roux: Ou ils ont changé d'avis ...
M.S. : Oui, La mémoire, ce n'est pas du tout
la même chose que l'histoire en fait.
F.B. : Est-ce que l'enquête orale se pratique
beaucoup aux Etats-Unis dans le milieu
universitaire?
M.S. : Je crois qu'on est beaucoup plus méfiant
en France, dans les Universités, vis à vis des
sources orales qu'aux Etats-Unis où c'est plus
utilisé.
F.B. : Est-ce que vous avez déjà une vue de la
mentalité des instituteurs en Dordogne, entre
les deux guerres, avec les quelques entretiens
que vous avez déjà menés, avec les dossiers que
vous avez vus dans nos archives. Est-ce que
vous pouvez déjà analyser l'importance du rôle
des instituteurs dans la transmission de ces idées
pacifistes ?
M.S. : Oui, je commence à voir plus clair.
e' est-à-dire que ce qui est très intéressant dans
ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, c'est
que je crois qu'ils ont tous dit: « Oui, j'étais
pacifiste à l'époque ». Ils n'avaient pas de problème, en disant « Moi, en tant qu'individu,
j'avais des idées pacifistes. Peut-être que ce n'était
pas bien, mais à l'époque, il y avait des raisons ».
Ils ont tous dit aussi que ça n'entrait pas dans
la classe, que la politique c'était autre chose que
la pédagogie, et je suis en train de me demander maintenant si ce n'est pas une question plutôt de définition que l'on donne à la politique,
surtout chez les femmes avec qui j'ai parlé.
Elles ne pouvaient pas voter à l'époque; la
politique, c'était le domaine des hommes, et
ce qu'elles faisaient en classe, c'était autre
chose. Mais, pour moi, dire aux élèves que la
Société des Nations était quelque chose de
magnifique et qu'il fallait avoir confiance dans
la Société, c'était de la pédagogie politique, et
donc je crois que c'est un peu pour ça que je
ne reçois pas les réponses que j'attends. Mais
cela ne veut pas dire que la pédagogie n'avait
rien de politique en fait, et quand ils parlent
des fêtes du 11 novembre, par exemple, où
presque tous ont des souvenirs assez forts
d'avoir amené les élèves aux Monuments aux
Morts, des fois pour chanter la Marseillaise,
d'autres fois pour lire des poèmes pacifistes de
Victor Hugo ou d'autres, on voit bien que la
mémoire de la première guerre mondiale rentrait dans l'école.
51