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SOCIÈTÉ femmes
« La femme est l’avenir de
l’homme » disait Aragon.
Mais en aura-t-elle le choix ?
2013 n’aura pas été de tout
repos pour les femmes. Alors
que certaines se battent pour
garder leurs droits, d’autres
se pavanent à moitié nues
dans des clips vidéo. Entre
les partisantes d’un retour
en arrière et celles qui ne
voient leur succès que dans
l’hypersexualisation, le monde
féminin semble se désagréger
doucement, mais sûrement.
Fort heureusement, tout n‘est
peut-être pas perdu ! La
femme s’impose désormais à
la tête d’entreprises cotées en
bourse et (même) en politique.
Deux poids, deux mesures qui
placent 2014 sous le signe des
mises au point.
Par Camille Baud, Vianne De Jalras,
Morgane Ruiz et Janik Semedo
Miley Cyrus
lors d’un
concert à
Vancouver
Hillary
Clinton le 23
octobre 2012
à Austin,
Texas
Déchue, porn
ou patronne,
quel visage aura
la femme de 2014 ?
pouvant justifier l’avortement, ce que la loi post-franquiste
de 1985 autorisait.
Pourtant cet exemple de « retour en arrière » n’est pas un
cas isolé. En Espagne, cette loi anti-avortement, illustre la
crise identitaire du Parti populaire de Mariano Rajoy. Mais
dans d’autres pays, le recul des droits des femmes dans la
société n’est pas dû qu’aux décisions politiques et masculines. En Turquie par exemple, cela relève de la volonté
d’une minorité féminine. En octobre dernier, quatre
femmes députés de l’AKP, parti conservateur musulman
de l’actuel premier ministre Tayep Recip Erdogan, se sont
présentées voilées à l’assemblée nationale. En 1999, une
députée avait été expulsée de l’hémicycle pour la même
raison. Le pays fait face à un recul inattendu. Il y a 91 ans,
Atatürk, fondait la République de Turquie et imposait un
pays laïc où tout signe religieux ostentatoire était interdit
dans la sphère publique. Un fait surprenant pour beaucoup d’Européens qui ont longtemps assimilé la Turquie
Sois femme et tais toi
à un pays très conservateur.
Pourtant, les femmes turques, ont le droit de vote depuis
emain, les femmes devront-elles 1930. Les Françaises, elles, n’ont ce droit que depuis 1944,
faire face à des sociétés moins soit 14 ans plus tard. « L’islamisme et l’islam le plus dur propermissives ? Voici une question gressent depuis vingt ans, presque partout dans le monde
qui nous ramène bien des années en et notamment en Turquie », précise Christophe Barbier,
arrière, mais qu’il faut désormais se poser. À la surprise directeur de la rédaction de l’Express. « Fort heureusegénérale, y compris celle des
ment, il ne s’agit pas là d’un
Espagnols, le gouvernement de
phénomène irréversible mais
Mariano Rajoy tente depuis le 20
il faudra plus d’une généradécembre de supprimer le texte
tion pour que cela s’inverse à
de loi autorisant l’IVG jusqu’à
nouveau ».
14 semaines de grossesse. Si ce
La France n’est pas première
projet passe, l’Espagne sera l’un
de la classe quant au droit des
des pays européens le plus sévère
femmes. Aujourd’hui, notre
en la matière. Une initiative qui
pays ne semble pas voulaisse sans voix, politiques et
loir donner le bon exemple.
associations féministes euroEn mars dernier, le Sénat
péennes qui se disent « choquées
a adopté le projet de loi de
que l’on puisse priver la femme
Manuel Valls réformant les
d’un tel droit ». Désormais, en
scrutins locaux. Le texte est
accord avec le texte, une femme
cependant amputé de sa prinenceinte pourra avorter en invocipale disposition, la création
quant « un dommage psycholod’un binôme homme-femme
gique ou un viol». Se met alors
pour les élections cantonales.
en place un parcours du comIl ne reste plus qu’à espérer
battant. Plusieurs rendez-vous
que le nouveau gouverneobligatoires avec deux médecins,
ment pense à appuyer le proun psychologue et une assistante
jet et ainsi amener la France
sociale, ce qui au total, prend plus
vers un sans-faute question
d’un mois si ce n’est plus, avant
égalité Homme/Femme.
d’avoir le feu vert. Une nébuleuse
« A long terme, la femme
administrative qui rappelle l’obsde demain devrait avoir des
curantisme franquiste et signe
droits plus complets et surtout
Le 14 avril dernier plus de 200 lycéennes
un terrible retour en arrière de nigériannes ont été enlevées par le groupe
plus solides ! », ajoute Chrisplus de 30 ans. La malformation islamistes Boko Haram. Depuis le mouvement
tophe Barbier. Une vision
du fœtus n’est même plus un cas #bringbackourgirls est mondial.
utopique ?
d
Crédit Photo : Sami Soussi Cc By-Nc 2.0, Stephen Brashear Pour Associated Press Et Epa/Shawn Thew AP/Sunday Alamba
Un slogan lors d’une
manifestation pro-IVG à Paris
SOCIÈTÉ femmes
왘왘왘
Le Trendsetter 5
4 Le Trendsetter
SOCIÈTÉ femmes
En attendant, deux modèles s’affrontent : celui des retours
en arrière et celui de l’hyper-sexualisation. Importé des
Etats-Unis, ce phénomène côtoie les jeunes générations et
inquiète femmes et hommes. Néo-féminisme hérité de la
diva de la pop Madonna ou commercialisation de l’image
de la femme soumise à l’industrie musicale ?
m
La femme libérée
est-elle une salope ?
iley Cyrus, Rihanna ou encore
Lady Gaga utilisent l’hypersexualisation comme arme commerciale. Tenues sexy et
poses lascives, elles sont devenues les maîtresses de la provocation. Derrière leurs images sulfureuses, quel message
veulent-elles envoyer? Sont-elles des femmes objets, victimes de l’industrie musicale et de la sur-médiatisation ou
maîtrisent-elles leur image ? Selon Jean Blairon, il s’agirait «d’un désir d’émancipation et d’affirmation». Porter des
culottes en latex ou des porte-jarretelles est un moyen de
clamer haut et fort que l’on est maître de son corps. Ce phénomène s›inscrit « dans la lignée du complexe sexe-culturepub », affirme l’écrivain. L’image de ces stars de la provoc’
est devenue tellement indissociable de leur musique et de
leurs ventes d’albums qu’il est difficile de croire qu’elles
No women no drive ? En Arabie Saoudite, les
femmes n'ont pas le droit de conduire. En signe
de protestation, certaines n'ont pas hésité à
enfreindre la loi en se filmant au volant.
Le 13 septembre dernier,
Nina Davuluri est élue Miss America.
Après son couronnement, un flot de
commentaires racistes a envahi les
réseaux sociaux.
And the Superwoman of the year is...
Au printemps,
Angelina Jolie annonçait
avoir subi une double
mastectomie. Les raisons ?
Une anomalie génétique
qui l’exposait à un risque
très élevé de cancer. Un
choix courageux pour le
sex-symbol d'Hollywood !
Son acharnement lui a valu le
respect de la classe politique.
Que ce
Beyonce, Jennifer Garner ou encore
soit pour
Condoleezza Rice se sont engagées
promouvoir
pour la campagne Ban Bossy. Le but ?
le mariage
Bannir le terme «bossy» qui se traduit
homosexuel
par autoritaire. Une expression péjorative
ou pour se
utilisée pour définir une femme qui a
défendre
du pouvoir. «Dire à une fille qu’elle est
face aux
“bossy” l'empêche de se voir comme une
attaques
leader et influence la manière dont les
racistes, Christiane Taubira
autres la traitent.» Bien dit Queen B !
aura marqué l’année politique.
vrai choix, notamment vers l’ambition ».
Mais là où tout devient possible, c’est en politique. Angela
Merkel, Alenka Bratusek, Dilma Roussef, Michelle Bachelet,… Toutes ces femmes gouvernent des nations. « Des
personnalités comme Aminata Touré, première ministre du
Who run the world ? Girls !
Sénégal, ont permis des avancés incroyables en terme d’égal n’y a aucun doute : le monde de demain lité », assure Michèle Vianès. Pourtant elle nuance : « il y a
sera plus complexe que jamais pour les de plus ne plus de femmes à des postes à très hautes responfemmes. Leur destin semble, par de nombreux sabilités, mais elles n’ont pas toujours l’objectif d’améliorer les
aspects incertains. Pourtant à travers le monde, choses ». À l’opposé, la présidente de Regards de Femmes prédes individus se lèvent. Dans tous les domaines, ils se cise qu’il ne faut pas lutter contre les inégalités par des clichés.
dressent pour montrer aux sceptiques, aux oubliées et aux « Il y a des hommes très féministes », reprend-t-elle, « comme
découragées que l’évolution est possible.
le président Philippin, Benigno Aquino III, qui s’est beaucoup
Le 12 juillet dernier, Malala
exprimé à l’ONU Femme
Yousoufzai, 16 ans, preet a vraiment montré son
nait la parole à la tribune
engagement ».
de l’ONU. La plus jeune
Les mots de Barack
nominée pour un prix de
Obama prononcés lors
Nobel de la paix a reçu une
de son discours sur l’état
standing ovation de plude l’union le 28 jansieurs minutes. Et pour
vier 2014, résonnent
cause : Malala est une resencore : « Aujourd’hui, les
capée des talibans pakistafemmes représentent envinais. Dans son pays, depuis
ron la moitié de la mainl’âge de 13 ans, elle élève
d’œuvre mais elles gagnent
la voix et ouvre la voie.
toujours 77 cents quand les
Son combat est pourtant
hommes gagnent un dolsimple. Que les filles, au
lar. C’est mal, et en 2014,
même titre que les garc’est embarrassant ». La
çons, puissent avoir accès
parité homme-femme est
à l’éducation. « Les extrédevenue une priorité pour
mistes ont peur des livres
de nombreux pays. En
et des stylos », expliquaitFrance, une application
elle, « le pouvoir de l’édumobile à l’initiative de la
cation les effraie. » Elle, n’a
ministre des droits des
femmes, Najat Vallaudpas peur. Malgré une tentative d’assassinat à la sortie
Belkacem, a été lancée il y
de son école, l’enjeu est trop
a quelques semaines. Elle
grand. « Le développement
permet aux femmes d’évane peut passer que par les
luer leurs compétences
femmes », assure Michèle
et de se coacher pour ne
Vianès, présidente de
plus avoir peur de se coml’ONG Regards de Femmes
parer aux hommes et de
qui luttent pour promouvouloir le même salaire.
voir la parité politique et
Enfin, le 3 janvier 2014,
professionnelle en France
par décret du président
et dans le Monde. Malala Le 14 avril dernier plus de 200 lycéennes nigériannes ont
François Hollande, le
sait qu’elle n’est pas seule. été enlevées par le groupe islamistes Boko Haram. Depuis le Haut Conseil à l’égalité
Depuis plusieurs années, mouvement #bringbackourgirls est mondial. AP/Sunday Alamba
entre les femmes et les
des femmes se démarquent
hommes a été créé. Faidans des domaines qui leur étaient jusque-là inaccessibles. sant de la parité une priorité et un enjeu.
Dans le milieu des affaires, par exemple, où Mary Barra Beaucoup d’éléments sont en jeu. Et tous définiront la femme
a été nommée, en janvier dernier, à la tête du plus grand de demain, ces droits et ses choix. Si certains protagonistes
constructeur automobile des Etats-Unis, General Motors. craignent un retour en arrière irréversible pour l’avenir
Car il en faut désormais plus pour arrêter les femmes. « L’évo- du « deuxième sexe », l’optimisme semble de mise. Alors,
lution est lente et difficile », commente Julia Mouzon, prési- déchue, porn ou patronne, quel modèle dominera 2014 ? 왎
dente de Femmes et Pouvoir, « mais nous pouvons inspirer 1/ Auteur du livre « Hyper-sexualisation des enfants»
les femmes dans leur carrière. Afin qu’elles puissent faire un 2/ Titre d’une chanson de Beyonce
i
souhaitent uniquement incarner la femme libre et forte.
Ces artistes du trash ne sont que des produits dans un
monde de commercialisation. Leur but est de se « démarquer des autres, d’où cette surenchère de transgression » souligne Jean Blairon. Pour pouvoir survivre dans cet univers
où la concurrence fait rage, ces femmes se livrent à la «prostitution occasionnelle», de la vient le phénomène de la PopPorn. Qui sera la plus «hot», la plus aguicheuse? Tout tourne
autour de cette question. En attendant certains chanteurs
surfent sur la vague et n’hésitent pas à s’adresser aux femmes
en des termes plus que douteux. Robin Thincke dans Blurred line chante « tu es un animal, bébé c’est dans ta nature,
laisse-moi te libérer ». Ou encore Juicy J et Justin Bieber, qui
répètent dans leur musique Lolly « elle aime ma sucette, elle
veut embrasser le bout ». Une chanson qui masque à peine
le vrai sens du morceau : la fellation.
Sexualité, nudité et démesure : Miley Cyrus, Rihanna et bien
d’autres encore sont des objets de désirs. Les jeunes filles les
admirent et voient en elles une certaine désobéissance, qui
les attire. Un comportement qui à la fois dégrade l’image de
la femme, mais en même temps, peut être vu comme une
Crédits Photos: Neshan H. Naltchayan, Amira-Bs, The Hollywood Reporter, Serge Pouzet/Sipa, Abaca, Saul Loeb, Afp Ap/Sunday Alamba
왘왘왘
envie d’émancipation. Nous vivons « dans une société où
nous sommes forcés, à quelque niveau que ce soit, à quelque
échelon que ce soit, de se prostituer d’une manière ou d’une
autre » déclare Jean Blairon. Une maladroite tentative de
s’affirmer en tant que femme.
Le Trendsetter 7
6 Le Trendsetter
MODE influences
ashion Week Haute
Couture Printemps-été 2014.
« Il n’y a pas de mode si
elle ne descend pas dans la
rue ». Coco Chanel ne croyait
pas si bien dire. La mode
n’appartient pas seulement
aux créateurs, mais surtout
à ceux qui la portent. En
2014, les accessoires les plus
Instagramés sont les must
have et madame (presque) tout
le monde dicte les «do»
et les «don’t» du savoir
s’habiller. La mode
serait-elle devenue
une démocratie ?
Photo: Gianni Pucci
Par Mitia Bernetel, Chloë Fage et
Manon Garrigues
Dior et Chanel, les deux garants
historiques du chic français,
présentent des sneakers sur leurs
podiums. Cet OVNI, quoiqu’étonnant,
a bien suivi les règles de l’art. Brodée
de milliers de sequins chez Raf
Simons ou toute de dentelle vêtue
pour Karl Lagarfeld, la basket couture
est une parfaite réinterprétation de son
homologue urbain. Mais si les influences
s’entrechoquent, c’est la temporalité qui
étonne. En effet, les sneakers sont arrivées
aux pieds des it girls bien avant d’être
estampillées double C. Le photographe Pier
Guido Grassano se souvient : « Les filles à
baskets ont commencé à attirer les photographes
en marge de la Fashion Week de février 2013 ».
Aussi, un an plus tard, les modèles sportswear ont
grimpé jusqu’au panthéon de la mode : la Haute
Couture. Cette surprenante conquête témoigne
d’une tendance plus profonde. Les podiums ne sont
plus les principaux trend setters.
La révolution est en marche,
sneakers aux pieds !
Plusieurs phénomènes sont en cause : la
mondialisation des tendances avec les
communautés sur le web ainsi que la disparition
des saisons dans l’industrie du vêtement. Le
réchauffement climatique rentre en jeu, certes, mais
les objectifs commerciaux aussi. Car les collections
doivent se vendre de Dubaï à Stockholm. Ces
facteurs transforment le schéma d’influence de
la mode traditionnellement vertical. « Avant, les
prescripteurs venaient de la Haute Couture et les
tendances descendaient des podiums, maintenant
c’est plutôt horizontal. Ce sont les blogs, les
nouvelles icônes, les marques internationales qui
sont vecteurs de tendances » explique Jean-Philippe
Evrard, directeur du bureau de tendance Martine
Leherpeur. C’est presque comme si les Françaises
avaient coupé leurs jupes dans les années 60 avant
même que la créatrice Mary Quant n’invente
sa version mini. Ces « vrais gens » deviennent
leaders d’opinion et acquièrent une aura jusqu’alors
propre à Anna Wintour. Le créateur autodidacte
Simon Porte Jacquemus est devenu la coqueluche
des modeuses à coup de happenings et de défilés
décalés. Il incarne la mode populaire et accessible.
Il ne défile pas sur de vrais podiums et choisit ses
mannequins dans la rue. Il n’a pas de formation
de couturier non plus. Et pourtant, le Who’s Next,
Photo : Morgane Ruiz
LA
MODE À
CONTRE
SNES
salon référence des tendances, a repris ses codes
pour son édition du printemps. L’industrie de la
mode prend (enfin) en compte la vox populi.
Pas de doute, l’e-shop infini que représente Internet
y est aussi pour quelque chose. Nous prenons
enfin en main la destinée de nos dressings en
créant notre propre univers, en hiérarchisant nous
même nos inspirations via les réseaux sociaux. Le
facteur partage et les communautés Internet nous
rapprochent des acteurs de la mode. Et cela nous
donne de plus en plus envie de les toucher du doigt.
Les magazines l’ont bien compris d’ailleurs. Dans
la presse féminine, le nombre de visuels de street
Caroline Brasch à la sortie du défilé Chloé Automne-Hiver 2014
styles concurrence fortement les séries mode.
« Leur importance s’est accrue et ils reflètent une
diversification des influences stylistiques facilitées par
les réseaux sociaux sur Internet » constate Frédéric
Godart, sociologue de la mode. Les blogueurs
ont également contribué à ce rapprochement et
leurs admirateurs le leur rendent bien. La star des
blogueuses Garance Doré a même été récompensée 왘왘왘
Le Trendsetter 9
8 Le Trendsetter
MODE influences
le sociologue Frédéric Godart. Les marques
exploitent désormais le filon du streetwear et créent
de plus en plus de collections inspirées des styles
urbains. « C’est un phénomène très «post-moderne»
d’individualisation massive, rendu possible par la
technologie, la production de masse et une plus
grande tolérance vestimentaire. La production à bas
coût et la croissance des classes moyennes rendent
la mode plus accessible » poursuit-il. Le phénomène
se professionnalise si bien qu’un nouveau métier
pointe le bout de son nez : dénicheur de talents...
modesques. Ce capteur de tendances dégaine son
appareil photo pour immortaliser un look, une
attitude. Des clichés commandés par les marques
pour créer des collections populaires et accessibles,
adaptées à une clientèle qui fabrique elle-même son
style. Le repérage de look est devenu un métier à part
entière. Un phénomène illustré par la stratégie d’Asos.
com, leader anglais de la vente en ligne, et ses scouts,
“toujours prêts” à shooter des styles pointus. Leur
mission ? Repérer dans la rue ou à la sortie des défilés
des personnes à l’allure originale et maîtrisée qui
deviendront l’inspiration principale des collections
vendues sur le e-shop référence. Un job 2.0 qui rentre
dans le processus d’ horizontalisation des tendances.
It Parade
Ces pièces mises en avant par les marques sont imaginées
pour devenir des must have. Peu chers et au style marquant,
ces it produits s’arrachent dans le monde entier.
Le pull Kenzo
Le sweat fait rugir de plaisir
toute une communauté.
Avec plus de 33 000 posts
sur le hastag #Kenzotiger,
il est à présent l’étendard
de la maison et un véritable
succès populaire.
La coque Moschino
Pour son premier défilé
pour Moschino, Jérémy
Scott imagine une collection
Macdonald’s. Pour asseoir
son buzz, il rend disponible
immédiatement une coque
d’iPhone cornet de frite. La
Fashion Week n’a jamais connu
une telle explosion de calories !
Photo : Morgane Ruiz
It girls, mannequins, blogueurs :
les trend setters nouvelle génération
Karlie Kloss à la sortie du défilé Balmain Automne-Hiver 2014
왘왘왘 par le prestigieux CFDA Fashion Award. Ces
nouvelles stars du web, élues par les votes du public,
bouleverseraient l’échiquier fashion. Sauf que
l’identification est une mécanique fondamentale de
la mode et ne date pas d’hier.
Le phénomène des street styles ou
quand la mode vient de la rue
Les internautes sont de plus en plus nombreux
à s’inspirer des looks de rue. Scott Schuman,
photographe et auteur du blog référence The
Sartorialist, a propulsé les street styles sur le
devant de la scène. La Parisienne au coin de sa rue
La mode populaire inspire également les marques
de luxe qui s’intéressent de plus en plus aux « vrais
gens ». Des personnes au style unique qui incarnent
les nouveaux prescripteurs de tendances. Aussi, des
photographes de mode shootent les looks dans la rue,
à la sortie des défilés ou du métro, et les envoient aux
marques. Le trottoir se transforme en podium, les
personnes lambda en muses modesques. Pier Guido
Grassano, photographe pour les Vogue et Glamour
italiens, doit répondre aux besoins des marques.
« La demande des magazines est grandissante. En ce
moment, ils veulent du cuir, du denim et des imprimés.
Des tendances que l’on voit sur les mannequins, les It
girls de notre époque ». Les superstars Cara Delevingne et Karlie Kloss génèrent des modes de manière
presque instantanée. Ming Xi et Caroline Brasch,
moins connues mais tout autant stylées, sont également trend setteuses. Elles sont admirées pour leur
créativité, leur capacité à expérimenter la
mode. Les blogueuses
comme Susie Lau ou
Chiara Ferragni ne sont
pas en reste. Elles ont
autant de fans que les tops. Les raisons d’une telle
popularité ? Des looks soignés et une mise en scène
digne d’un shooting de Vogue. Elles peuvent dire
merci à leur photographe !
En quelques années, la rue est devenue le nouveau
terrain de jeu des photographes et des marques désireuses de capter l’air du temps, de ressentir les besoins
d’une époque de plus en plus créative et connectée.
« Les street styles datent des années 60 et leur influence s’est
accrue au fur et à mesure de l’évolution technologique. »
devient un modèle pour les lectrices du monde
entier en mal de style. Et le hipster californien,
entre autres, inspire les adeptes du look bobo
décontracté. Mais ce n’est pas un phénomène
nouveau. « Les street styles datent des années 60
et leur influence s’est accrue au fur et à mesure de
l’évolution technologique. L’influence de ces looks
urbains a explosé avec le numérique » explique
Ce n’est donc pas seulement une histoire de tendances inspirées par la rue. Floriane Pelletier, en
charge du pôle média du groupe Dagobert, parle
d’une véritable « nouvelle stratégie marketing ». Les
marques se plient désormais aux nombreuses habitudes liées aux réseaux sociaux, elles adaptent leurs
contenus pour les rendre plus attractifs auprès des
internautes. « Photos et vidéos à l’appui, le produit
est exposé de manière plus « quali » » affirme la spécialiste. Rien de tel pour mettre en avant un produit
phare ou booster les ventes. C’est dans cette dynamique que se développent depuis quelques années
déjà différentes plateformes comme Pinterest. Le
réseau aux 70 millions d’abonnés constitue une
véritable banque d’images, classées par catégories
(mode, graphisme, beauté…) que l’on collecte selon
ses envies. Un mur d’inspirations 2.0 en somme !
Et une aubaine pour les marques en quête d’interactions avec leurs clientèles. Les réseaux sociaux de ce
type ont bien flairé le filon. Pour générer du profit,
ils monétisent la visibilité des marques. S’ajoutent à
cela les sites qui facilitent l’achat en ligne, les shoppings personnalisés ou encore les newsletters qui
ciblent mieux que jamais les consommatrices. Le
rapprochement de la mode avec ses clientes n’est
définitivement pas à sens unique, il profite aussi
grandement aux enseignes.
Le blog : panneau publicitaire idéal ?
La banane
Jacquemus
Non content d’être la
nouvelle succès story mode,
Jacquemus se marketise. Le
jeune créateur signe un petit
sac tout rond, tout rose en
association avec Lancôme,
une it banane en puissance…
La Stan Smith
Adidas soigne ses
classiques. La tennis
best seller Stan Smith
lancée en 1960 a fait son
grand come-back cette
année. La marque avait
stratégiquement arrêté
sa production en 2012
pour créer le manque,
pari réussi !
Le web, meeting point
entre marques et modeuses
Mais comment parler de ces street tendances sans
mentionner la superpuissance des réseaux sociaux.
Eh oui, pourquoi ce sweat Kenzo nous fait-il de
l’œil ? Tout simplement parce qu’il a été bombardé
sur la Toile en l’espace de quelques mois dès sa sortie. Retweetée, taguée, commentée, cette pièce a été
omniprésente sur les réseaux sociaux au point de
créer différentes communautés fans du produit. Et
qui dit communautés dit potentiels acheteurs.
Les blogueuses, reines de la com´ sur Internet, sont
encore et toujours en première ligne. Avec leur
audience, elles regroupent à elles seules des milliers
d’internautes et donc différents groupes d’acheteurs.
Punky B, le blog de Betty ou la Revue de Kenza sont
autant de mines d’or pour les enseignes en quête
d’une clientèle fidèle. « Le compte Instagram du blog
de Betty compte 550 300 followers, soit quasiment
le même nombre que celui de Versace, c’est bien une
influence non négligeable ! » commente Floriane Pelletier, spécialiste médias.
Le Graal pour les grandes maisons ? Imaginer des
collaborations avec ces modeuses dont les séries
limitées partent en quelques clics. Un comble
lorsque l’on sait qu’il y a encore quelques années le
milieu de la mode se targuait d’un certain snobisme.
Les co-créations témoignent d’une évolution stratégique du marketing.
Les blogueuses sont un maillon clé de cette machine
bien rodée qu’elles manient à merveille. Mais pour
combien de temps encore les réseaux sociaux et les
plateformes continueront à influencer la mode et
ses ressorts économiques ? Le sociologue Frédéric Godart a son idée sur le sujet : « Probablement
encore pour quelques années, mais les évolutions technologiques rapides de ces derniers temps laissent présager des changements massifs. Les Google Glass, par
exemple, risquent de remanier certaines de ces techniques marketing. »
Mais une chose est sûre, les marques n’ont jamais
été aussi puissantes qu’aujourd’hui. 왎
Le Trendsetter 11
10 Le Trendsetter
BEAUTÉ insolites
SOIS BIO ET
TEINS-TOI
Miroir, miroir, comment être la plus belle ? De la peau
aux cheveux, l’insolite tire son épingle du jeu. Entre
colorations acidulées, crèmes à base de sperme ou placenta
et lifting sanguinolent, la beauté n’en fait qu’à sa tête.
Par Marie Blanchet, Clémence Guillossou, Alix Lerebours et Marine Simon.
L
es tendances sont pensées et prévues deux
ans avant leur sortie
sur le marché. Ce sont
les bureaux de style qui
proposent aux industriels l’étude de différents univers», explique Olivier Echaudemaison, creative director de Guerlain. De
l’automobile à l’électroménager en passant
par les cosmétiques, des phénomènes ressortent. Ils sont analysés par les groupes
comme Nelly Rodi ou encore Peclers qui
suggèrent des mouvances esthétiques, parfois insolites. Si certaines se démocratisent
et deviennent de véritables phénomènes
de société, d’autres au contraire sont furtives, voire marginales. De l’utilisation
de cellules humaines au hair painting,
l’année 2013 a vu émerger des pratiques
étonnantes. Décryptage de ces beauty
tendances.
LA BIOLOGIE AU SERVICE DE
LA COSMÉTOLOGIE
L’univers de la cosmétique ouvre le champ
des possibles. Elle se sert désormais de cellules humaines comme matériau de base
à l’élaboration de produits et de pratiques
esthétiques. Si certaines de ces utilisations
sont déjà répandues, d’autres débarquent
tout juste sur le marché. Alors que Kim
Kardashian a fait émerger la nouvelle lubie
du lifting de vampire, les crèmes à base de
spermidine ou de placenta semblent, elles
aussi, envahir le paysage cosméto.
BELLE À SANG POUR SANG
A l’heure où les séries comme Vampire Diaries, The Gates ou encore Being
Human attirent les mordus de sang, les
vampires se tournent vers les pratiques
esthétiques en espérant attirer le plus
grand nombre d’adeptes. Si l’usage du
sang dans la lutte contre le vieillissement
cutané n’est pas inconnu du monde médi-
cal, le terme « Vampire Lift » fait, quant à
lui, l’objet d’une nouvelle tendance beauté
depuis l’été 2013. Adoptée par Kim Kardashian ou encore Bar Refaeli, la technique
consiste à se réinjecter son propre sang,
prélevé au niveau du bras sous forme de
plasma riche en plaquettes (PRP), dans
le visage. Objectifs visés : le renouvellement des cellules, la stimulation de production de fibres collagènes mais aussi la
réduction de cicatrices dues à l’acné. Nouvelle lubie ou révolution esthétique ? Le
"Vampire Lift" convaincra t-il le grand
public? "Ce n’est que de l’autotransfusion",
indique Joël Rivière, directeur de la polyclinique d’Equeurdreville-Hainneville
dans la Manche. "Cette pratique est déjà
bien répandue mais sa visée anti-âge est
novatrice. Elle est intéressante puisque l’augmentation de l’hémoglobine, après injection,
multiplie les globules rouges et apporte ainsi
une bonne oxygénation des tissus. D’où l’effet « coup de jeune ». Toutefois, l’intérêt est
très limité puisque les bienfaits ne durent
pas au-delà de quelques jours."
왘왘왘
Le Trendsetteur 13
12 Le Trendsetteur
BEAUTÉ insolites
왘왘왘
DU SPERME DANS
NOS CRÈMES
Si certaines tendances insolites attirent
les consommatrices, d’autres interpellent.
D’après les travaux de 2009 de Tobias Eisenberg et Frank Madeo, deux chercheurs
suisses à l’université de Gaz et plus récemment ceux de Jacques Philippe Moulinoux
publiés fin 2013, la spermidine, une molécule présente dans le sperme, pourrait être
l’anti-âge le plus répandu dans les années à
venir. Alors que les deux universitaires ont
prouvé son efficacité dans le renouvellement cellulaire, le scientifique a démontré
son pouvoir inhibiteur sur la prolifération
de cellules cancéreuses. Si l’idée d’enduire
son visage de fluide biologique pour contrer
les effets du temps semble peu ragoutante,
il faut savoir que la spermidine est pourtant déjà présente dans certains de nos cosmétiques. La gamme Skins Science, une
Prête à tout
pour être belle ?
Au Japon, deux nouvelles tendances cosmétiques font fureur : le soin à la bave d’escargot ou
au venin de serpent. Utilisé comme anti-ride, le venin
de serpent est sollicité pour ses vertus anesthésiantes.
Quant à la bave d’escargot, son usage serait tout aussi
efficace, mais son application beaucoup moins facile.
Pour bénéficier de ces bienfaits, il convient de disposer
lesdits mollusques vivants sur son visage. En rampant,
leur bave se dépose sur la peau et fait disparaître cellules mortes et autres brûlures. Un geste beauté aux
étonnantes facultés hydratantes et tonifiantes.
Mais si à la simple énonciation de ces produits
vos poils (colorés) se sont hérissés, pas de
panique. Ces produits de beauté ne
sont disponibles qu’au Japon.
marque du groupe L’Oréal, a été la première sur le marché à faire entrer la spermidine dans sa composition. De nombreuses
marques ont ensuite pris le même chemin
et depuis peu, le salon esthétique Graceful Services de New-York propose même
à ses clientes des soins du visage à base de
ce composant. Une pratique qui devrait
être saluée par Tobias Eisenberg et Frank
Madeo pour qui la molécule est en quelque
sorte « le Graal sacré contre le processus de
vieillissement des cellules. »
PLACENTA MANIA
La folie biologique ne semble pas s’arrêter
là. Le placenta, depuis longtemps ingéré
par certaines femmes après l’accouchement
pour profiter des vitamines et nutriments
qu’il contient, se retrouve désormais dans
nos salles de bain. S’il est à la fois assainissant
et hydratant, c’est aussi un reconstituant tissulaire très puissant puisqu’il est, entre autre,
composé d’acide hyaluronique. "Les industries pharmaceutiques achètent directement
le placenta aux maternités", commente Joël
Rivière, directeur général de la polyclinique
d’Equerdreville-Hainneville. "C’est un composant efficace mais pas révolutionnaire." Selon
un sondage MyVoucherCodes.co.uk, 45%
des Britanniques de plus de 30 ans inquiètes
des effets du temps, seraient prêtes pour un
test. Un acte qu’ont déjà franchi Victoria Beckham, Jennifer Lopez ou Tom Cruise. Tandis
que pullulent les soins au placenta dans les
salons d’esthétiques, les gammes grand public
se démocratisent elles aussi. La marque Plazan a même créé une gamme entière de produits à partir de cette nouvelle trouvaille. Et
si le corps humain était devenu la première
source d’approvisionnement de produits cosméto ? Une question qui laisse Olivier Echaudemaison, creative director de Guerlain,
quelque peu dubitatif : « Puisque nous obtenons les mêmes résultats avec du synthétique,
je ne vois pas pourquoi nous devrions avoir
recours à l’utilisation de cellules humaines. »
COMME UN HAIR
DE CANDY CRUSH
Mais qu’en est-il de nos cheveux ? Depuis
quelques années, notre chevelure et même
nos poils pubiens sont les premières victimes
de nos artistes capillaires. Les tendances s’affolent allant du hair make up aux colorations phosphorescentes sur les podiums. De
quoi satisfaire les imaginations les plus
folles. Les jeux de couleurs ou de
textures traduisent une volonté
d’extravagance et d’émancipation. Une chose est sûre : les
désirs et les envies évoluent
"Il n’y a pas que la chanson
Happy de Pharell Williams
qui réflète la quête du bonheur", confirme PeclersParis, bureau de tendance.
Notre chevelure aussi. Les
visages et les corps s’animent.
On se fait du bien avec de la couleur, de la lumière et de la chaleur.
Cela sonne le retour d’un ton épicurien. » Un engouement capillaire, traduit
par les créations de Charlie Le Mindu et les
colorations Bleach.
UN POIL COLORÉ
La peinture pour cheveux, alias hair painting, est la tendance capillaire du moment.
Elle consiste à colorer notre crinière avec
les pigments les plus flashies possibles. A
base de craie non toxique, la pâte colorante, que l’on peut réaliser soi-même, permet de teindre notre chevelure de façon
éphémère selon nos goûts. L’innovation se
trouve dans la multitude de coloris proposés : du noir corbeau à l’orange mécanique en passant par la couleur phare de
cette saison : le rose. Et pour plus d’extravagance, on peut utiliser des pochoirs,
que l’on peut faire soi-même. Jean-Marie
Contreras, coloriste, nous en parle : "La
tendance ce sont les effets marqués dans
la coiffure. C’est en fait un graphisme sur
cheveux. On met plusieurs teintes sur une
même mèche." Une mode originale mais
qui se veut éphémère pour le professionnel : "C’est plus un "délire". Cela ne durera
qu’un été je pense. Elle touche une cible en
particulier ,une saison, un univers. Elle veut
revendiquer une identité et casser les codes
d’une société très codifiée."
FLASHDANCE STYLE
Peur du noir ? La solution : les colorations phosphorescentes. Apparues sur
le catwalk lors de la fashion week de
janvier dernier, cette trouvaille
est-elle en passe de devenir le
futur accessoire à la mode ?
Vampire lift :
Bleu, jaune, ou encore rose
Docteur Véronique Gassia, dermatologue, 23 allées
fluos, autant de nuances
Charles de Fitte 31 300 Toulouse.
qui illuminent sa vie
Centre Morpholife, médecine régénérative, esthétique et anti-âge,
et surtout ses nuits.
15 rue du Colonel Driant, 75 001 Paris.
Le créateur déjanté
Docteur Nguyen, clinique Saint-Roch, 99 avenue Saint-Roch, 83 000 Toulon.
de cette innovation
n’est autre que CharProduits à base de spermidine :
lie Le Mindu, coifUniquement disponible sur le site internet du groupe L’Oréal : Crème Bioforskning,
feur haute couture.
Skinscience, 126 €, www.skinscience.com
Destiné à l’origine
aux "freaks" comme
Produits à base de placenta :
il les appelle, le
Les cosmétiques estampillés crèmes à base de placenta sont souvent d’une
"créaffeur"
espère
composition douteuse. Le placenta humain est présent dans de nombreux produits
une commercialipuisque les industries pharmaceutiques rachètent directement les cellules aux
sation rapide de son
maternités et l’utilisent ensuite dans la composition de leurs gammes adaptées.
produit : "Je suis très
Hair Pochoir :
fier de mon œuvre. J’essaie de la faire signer par
Kit pour cheveux avec pochoirs, 10,53 €, www.Asos.fr.
L’Oréal. Il y a un marché
Kit de 12 craies colorantes pour cheveux, 3,34 €,
potentiel qui peut aller bien
www.Amazon.fr
au-delà du monde de la nuit."
Laques colorées, 2,99€,
Une nouvelle invention, nécessiwww.Colourxtreme.co.uk
tant d’être adaptée au grand public
selon le spécialiste du cheveu Jean-Marie
Contreras, "la Haute Couture pousse à l’extrême une création pour passer un message.
Mais dans les salons, elle est réinterprétée de manière créative et plus sobre. On
ne fera pas des teintures uniformes, mais
juste localisées."
Autant d’artifices qui promettent un été
haut en couleurs. 왎
Où les
trouver ?
Le Trendsetteur 15
14 Le Trendsetteur
CULTURE musique
Hit
Daft Punk,
Pharrell Williams,
Stromae...
machines ?
( L a
v i e
Get Lucky, Happy,
Papaoutai… Quelle
est la recette pour que
ces titres cartonnent
autant ? Y-a-t-il une
formule magique
pour faire un tube ?
Nous avons tenté de
percer le mystère.
Par Céline Coelho, Anna Outy
et Emlyn Tisba
e s t
p o p
! )
S
i je savais comment
on faisait, dès demain
j’ouvrirais une maison
de disques », la réponse
du musicologue Olivier
Julien est cocasse, mais évidente. Faire un tube n’est
pas une science exacte. Mais alors, quels sont les
bons ingrédients pour obtenir l’équation parfaite ?
Génération chaises musicales
Le monde dans lequel nous vivons peut-il expliquer
comment une chanson se hisse au rang de tube ?
D’abord, il faut rappeler qu’un tube, c’est un énorme
succès commercial avant tout. « En anglais, on parle
de « hit », ce qui veut dire frapper. Il faut frapper fort
avec une mélodie qui rentre dans la tête, que chacun peut fredonner très facilement et avec un texte
Daft Punk
Si depuis 1993 le duo Thomas Bangalter
et Guy-Manuel de Homem-Christo
n’a sorti que 4 albums, son succès est
désormais planétaire !
simple », voilà la règle d’or à respecter pour avoir du
succès selon Nicolas Jorand, compositeur indépendant et membre du groupe Anima. Mais revenons 40
ans plus tôt. Si dans les années 70, on vivait, s’habillait
et écoutait de la musique disco, genre prédominant à
cette époque, quel est le courant majeur aujourd’hui ?
Les grands artistes de cette période florissante tels que
Ray Charles, Stevie Wonder ou encore James Brown
véhiculaient des messages à travers leurs créations. Ils
fédéraient et ont permis de faire évoluer les mœurs
et donc la société. Alors, quels messages avons-nous
à faire passer dans notre société actuelle ? Mondialisation, globalisation, crise économique, chômage ;
voilà les mots qui résonnent sans arrêt autour de nous.
Alors, Olivier Julien, musicologue à L’Université ParisSorbonne (Paris IV), se réfère à Jacques Attali pour
expliquer comment le contexte influence la création
musicale : « la musique est la bande audible des vibrations et des signes qui font la société ».
La musique reflète ce que nous sommes
C’est dans cette même idée que Nicolas Jorand
explique que, « la musique, c’est un peu comme la
loterie de nos jours ». On vit dans une génération
d’artistes « kleenex » : on existe un temps sur le
marché musical jusqu’à ce que quelqu’un d’autre
vienne prendre notre place ». Mais alors, pour tenter
de percer le marché musical, y-a-t-il une stratégie ?
왘왘왘
Le Trendsetter 17
16 Le Trendsetter
CULTURE musique
TOP 5 des tubes qui ont
enflammé la France en 2013
왘왘왘
CULTURE musique
Quand le marketing écrit la partition
Il fut un temps où l’écoute de la musique s’accompagnait
de rituels bien précis. Aller chez le disquaire, passer des
heures à fouiller les bacs dans l’espoir de dénicher la
perle rare pour enfin tomber sur le vinyle qui deviendra une pièce de collection. Mais, avec la démocratisation du CD et l’explosion des formats digitaux, la
musique est devenue un réel produit de consommation. « La musique aujourd’hui est un prétexte, ce n’est
plus qu’un marché. » explique Nicolas Jorand. C’est
au début des années 80 que le CD, disque compact,
voit le jour et rend le vinyle complètement obsolète.
D’après Olivier Julien, musicologue, « on considère qu’il
y a une nouvelle ère qui s’est ouverte dans les années 80
avec l’explosion de MTV qui a permis une vente énorme
de disques ». C’est à ce même moment qu’apparaît la
notion de bien de consommation.
Mais voilà, le CD s’est rapidement fait détrôner par le
téléchargement sur internet.
Le disque a perdu de son attrait
Le caractère si particulier de la musique a, quant à lui,
disparu. D’après le jeune compositeur, « nous sommes
dans l’ère de la superficialité. Un tube qui marche c’est
une intro extrêmement courte, un refrain qui arrive au
bout de 45 secondes maximum. Aujourd’hui dans notre
société de consommation, on ne va pas s’attarder sur
quelqu’un. Soit ça nous plaît, soit on zappe et on passe
à autre chose. Tout est établit pour accrocher les gens,
pour les hypnotiser. Nous sommes dans la consommation pure et dure. » L’industrie musicale a donc évolué,
en même temps que nos modes de consommation des
produits culturels. « On zappe plus. Les supports techniques sont pratiquement faits pour ça : la molette de
l’ipod, les playlists. Finalement on écoute de la musique
par liste » selon Peter Szendy, philosophe et musicologue à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense.
A cela s’ajoute l’importance de la vidéo, nécessaire à
l’identité d’un artiste. Car maintenant, tout le marketing autour d’un groupe ou d’un leader, semble avoir
bien plus de poids que la musique elle-même. Le clip,
la mise en scène, sont autant de facteurs qui apportent
un crédit nécessaire à son image. « L’écoute musicale est
devenue indissociable d’un accompagnement vidéo. »,
conclu le musicologue.
A qui le tour ?
Mais il y a aussi les tubes que l’on n’a pas vu venir. La
recette n’est donc pas toujours exacte. Les ingrédients
« NOUS SOMMES DANS L’ÈRE DE LA SUPERFICIALITE. UN
TUB
BE QUI MARCHE C’E
EST UNE INTRO COURTE, UN REFRAIN
QUI ARRIVE AU BOUT DE 45 SECONDES MAXIMUM.»
Nicolas Jorand, Compositeur indépendant et membre du groupe Anima
Stromae
Le 2 avril dernier, le chanteur s’est
lancé dans la mode avec une ligne de
vêtements signé “Mosaert”, l’anagramme
de son nom. Inspiré de son look décalé, la
collection est disponible chez Colette.
Pharrell Williams
Entre son clip de 24 heures réalisé par We
are from L.A et son célèbre Buffalo Hat signé
Vivienne Westwood, vendu 32 000 euros aux
enchères, l’artiste rend tout le monde Happy.
qui agrémentent une musique, dans le but d’en faire
un carton, peuvent se révéler inattendus. Si l’on évoque
les trois titres les plus vendus en 2012, rien n’avait
présagé un tel succès. Trois inconnus ont débarqué
sur les ondes et sur nos Ipod, sans que l’on s’en rende
compte. Il n’y a aucun point commun entre Gotye
(«Somebody that I used to know»), Carly Rae Jepsen
(«Call me maybe») et le coréen Psy («Gangnam Style»).
D’après Olivier Julien, si l’on essaie d’interpréter ces
phénomènes sur le plan de l’évolution du monde,
« pour la première fois sur le marché international,
aucune de ces musiques n’a été produite aux EtatsUnis ou au Royaume-Uni. » Depuis quelques temps, le
marché mondial de la musique subit un basculement.
Replongeons-nous à la fin des années 90. Quand la
French Touch a éclaté, avec Daft Punk par exemple,
la musique électronique était encore marginale. Alors,
est-ce le hasard, la chance, ou un ingrédient secret
qui explique aujourd’hui son succès populaire ? Le
musicologue considère même le genre, à l’époque
où il s’est révélé, comme « un marché confidentiel ».
L’avènement de l’électronique n’était
en rien prédestiné
La French Touch a su séduire le public anglo-saxon,
un véritable exploit, quand on sait que les artistes
français ne percent pratiquement jamais à l’étranger.
Finalement, nous décidons de l’ascension d’une
musique. Rien ne présage réellement si le public va
adhérer ou non à un titre. L’opportunité peut se créer,
avec succès ou infortune. Entre nos mains, nous avons
la destinée d’une chanson, reste à savoir si le hasard
la hissera en haut des charts. Pour Peter Szendy, « si
la chance se dessine, si une musique quelle qu’elle soit
peut se connecter métonymiquement avec une époque,
une tendance peut voir le jour. » Des mouvements
ont émergé alors que l’on ne l’avait pas prévu. Les
tubes s’associent naturellement avec un événement,
une émotion ou un contexte mais il n’y a pas de
science exacte et encore moins de recette miracle. 왎
Le Trendsetter 19
18 Le Trendsetter
CONSO planète
CONSO planète
Poubelle la vie!
Un nouveau destin pour nos objets
Consommer moins?
consommer mieux?
Pourquoi pas les deux.
Recycler est une
pratique de plus
en plus exploitée,
pour ne pas dire une
tendance de fond bien
ancrée. Focus sur trois
initiatives qui ont de
l’avenir : le Relais,
l’Upcycling, et les
Ateliers du Bocage.
Par Géraldine Richard,
Mélodie Raymond & Mathilde Fabbro
Illustrations : Ioana Seidita
D
’après une étude du Crédoc, le volume de
consommation par personne est aujourd’hui
trois fois supérieur à celui de 1960. Mais les
Français prennent petit à petit la mesure du
phénomène : l’observatoire ObSoCo indique
qu’en 2012, 55% d’entre eux souhaitaient optimiser
leur consommation. Cette résolution s’explique par des
facteurs à la fois économiques et écologiques. La baisse
du pouvoir d’achat et la précarité obligent à se tourner
vers de nouvelles façons de consommer. Parallèlement,
une conscience citoyenne « verte » a émergée. Tout
commence donc par la nécessité de donner une
seconde vie aux objets du quotidien.
Sortir les vêtements de la poubelle
Fondée en 1984 par Pierre Duponchel, le Relais donne
une seconde vie aux vêtements. Avec 15 968 conteneurs, soit la moitié des points de collecte existants en
France, elle est la première des 200 entités hexagonales.
« Au début des années 80, j’étais ingénieur et bénévole chez Emmaüs. Conscient des enjeux de société,
j’ai décidé de quitter mon travail pour lancer le Relais,
avec pour objectif la création d’emplois », confie Pierre
Duponchel. 30 ans plus tard, plus de 2 200 postes ont
été créé, dont 60% en CDI. Le tri, entièrement effectué en France via 14 centres, est au cœur de l’action du
Relais puisque c’est l’activité qui embauche le plus. Mais
son projet va bien au-delà d’une simple considération
économique, en visant l’emploi il s’est inscrit sans le
vouloir dans une démarche écologique avant-gardiste.
Une filière au fort potentiel de
développement
« 700 000 tonnes de vêtements sont collectables chaque
année en France, et pourtant nous n’en collectons « que »
160 000 ! », explique le président. En grande partie parce
que les gens ont du mal à se séparer de leurs vêtements,
auxquels ils accordent souvent une valeur sentimentale. Et lorsqu’ils décident de vider leurs armoires, le
premier réflexe est de se diriger vers la poubelle. L’utilisation des conteneurs de tri est un geste encore mal
répandu au sein de la population. Pour le fondateur de
l’association, l’évolution de la filière passe donc par le
développement de nouveaux points de collectes, mais
aussi par l’éducation des citoyens.
Il est aidé en cela par écoTLC, un organisme privé qui
œuvre à l’amélioration de cette filière. Né il y a 6 ans.
écoTLC détermine les besoins financiers des collecteurs, puis recueille une contribution annuelle auprès
de ceux qui mettent sur le marché français du textile,
du linge de maison, et des chaussures. Lauriane Tiard,
en charge de la communication chez écoTLC indique
qu’avec 5000 adhérents (95% des metteurs en marché),
la taxe rapporte jusqu’à 14 millions d’euros par an.
La valorisation du textile au Relais
Seulement 50% des vêtements collectés sont revendus
en l’état. Une partie dans les boutiques « Ding Fring »
qui répondent à un objectif social simple : s’habiller
correctement et pas cher. L’autre partie est destinée aux
trois antennes Relais africaines, où le marché de la friperie est très répandu. Les marges réalisées servent à
développer des initiatives dans les rizières et le tourisme (Madagascar), l’apiculture (Burkina Faso), et la
왘왘왘
Le Trendsetter 21
20 Le Trendsetter
CONSO planète
왘왘왘 culture maraichère (Sénégal). Les 50% restants sont
recyclés dans le cadre de la production de chiffons
d’essuyage, ou de matières premières.
En refusant la fatalité du chômage et de la misère, Pierre
Duponchel a bâti un projet tourné vers l’humain et la
planète. Pour apporter votre pierre à l’édifice, rendezvous sur www.lafibredutri.fr et découvrez les points
de collecte les plus proches de chez vous.
L’Upcycling : créativité astucieuse
Qu’on se rassure, l’upcycling, n’est pas encore un de ces
termes tarabiscotés. Il signifie « recycler vers le haut. »
Bon ok, dis comme ça, vous le trouvez encore bizarre.
Outre le mot, le phénomène s’est propagé sur toute la
planète. L’upcycling est une tendance qui consiste à
récupérer des matériaux ou des objets pour les rendre
aussi esthétiques que pratiques. Remettre à neuf ce
que l’on croyait archaïque: top. Mais le rendre beau:
tellement mieux.
Homemade pour soi…
Là où plus d’un d’entre nous se verrait jeter ou recycler des produits (la nuance est immense, on vous
l’accorde), d’autres préfèrent leur imaginer une autre
utilité et le tout en beauté. Contrairement au recyclage,
la transformation upcycling ne nécessite pas de processus chimique. L’amélioration du produit passe par
l’innovation de l’usage et par la dimension artistique.
Ainsi, nombreux sillonnent ce mouvement éco responsable. Dans le vaste atelier de Laurence Sourisseau,
le concept est innovant. Situé dans le 11ème arrondissement de Paris, l’Etablisienne regroupe savoir-faire,
créativité et praticité. Cet atelier dépôt-vente propose
un large éventail de possibilités, notamment rénover
ou fabriquer des meubles et des objets. L’endroit allie
la location d’un espace de bricolage et d’outils, à la formation d’apprentis : cours et stages à la carte. «Je travaille avec des designers, des tapissiers, des ébénistes et
bien d’autres professionnels.» raconte la créatrice. En
collaboration avec Marie Prenat, créatrice d’objets en
matériaux recyclés, «Les p’tits dej’ créatifs Talalilala»
s’inscrivent dans la démarche du Do it yourself élaboré. «On peut faire des vases avec des ampoules, ou
des coussins avec des pulls. Les gens sont de plus en plus
intéressés par ce qui est fait main» explique Laurence.
Si l’intérêt est vif, le réemploi contribue grandement
au développement durable.
…Ou pour les autres
Gaspiller : telle est la hantise de Véronic Durand. Fondatrice de la boutique Pirouette, au cœur de Nantes, la
jeune femme ouvre en 2013 sa jolie caverne d’Ali baba
écolo. Nait ainsi le premier espace français exclusivement dédié à l’upcycling. De la mode à la décoration
en passant par le petit mobilier, Véronic travaille avec
une cinquantaine de créateurs, dans leur majorité des
locaux. Des clients « entre 16 et 100 ans », Pirouette
séduit toutes les tranches sociales par son originalité.
Ses sélections ? «Il faut que le produit soit beau, utile
et qu’il interpelle. Je suis en éveil constant sur le réemploi. Je travaille avec des gens impliqués qui ont cette
fibre en eux.» Dons, déchèteries, consommation personnelle, vide greniers: tous les moyens sont bons
pour la récupération. Et l’artiste Cicia Hartmann l’a
bien compris. Celle qui attend parfois des années une
pièce manquante pour un projet plutôt que d’acheter,
crée à partir de déchets plastiques. « Je réalise des objets
décoratifs, des personnages, des fleurs. » Des jouets distribués à des enfants dans des pays en voie de développement. Un « mur végétal » réalisé avec plus de 20 000
bouchons, le recycl’art de Cicia étonne et passionne.
Les issues à la surconsommation sont florissantes, et
comme la plasticienne le dit si bien « on ne peut plus
dire que nous ne sommes pas informés quant aux bienfaits du recyclage ».
Faire du neuf avec du vieux
Que faire lorsque son téléphone décide de rendre l’âme ?
Ou si l’on décide juste qu’il est temps de le changer?
37%* des Français le stockent dans leur cimetière d’objets (généralement un tiroir oublié). Avouons-le : rare-
CONSO planète
ment utile. Le pire serait bien sûr qu’il finisse au fond
des océans. Heureusement, des centres de recyclage et
de remise en état de nos vieux mobiles ont vu le jour.
L’initiative la plus significative en termes de volume
comme de visée sociale s’appelle les Ateliers du Bocage.
Filière d’Emmaüs, ces ateliers existent depuis 1992.
Spécialistes du recyclage, l’opération téléphones portables débute en 2003. Une centaine d’employés trie
chaque jour des milliers d’appareils dans les locaux
des deux Sèvres. Et les possibilités de réemploi sont
vastes : « avec trois téléphones usagés, on peut en faire
deux en bon état » explique Jacques, un réparateur.
De cette manière, environ 45% des téléphones récoltés trouvent une seconde vie. Le reste est revendu à
des entreprises de recyclage.
Objectif emplois
En 2012, ils ont reçus 637 000 téléphones, une quantité faramineuse lorsqu’on sait que mille téléphones
représentent un emploi pour un mois. Sur une soixantaine d’employés, 12 sont en emplois d’insertion et 2
en emplois adaptés. Cette aspiration solidaire est la
deuxième facette d’une entreprise hors du commun. « Je me retrouve dans l’humanisme des Ateliers, ils m’ont
aidé et maintenant j’ai un peu l’impression d’aider les
autres», confie Laurent, employé sur le site. Depuis 10
ans les Ateliers ont créé plus de 100 CDI, dont la moitié après une insertion. Que deviennent les téléphones ?
Une partie est envoyée par les opérateurs qui les font
réparer aux Ateliers avant de les revendre d’occasion. La
SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) a ainsi
des contrats avec Orange, SFR, ou encore Bouygues.
Vous comprenez mieux quel sort est réservé à votre
vieux téléphone une fois renvoyé.
« Ce n’est pas la première fois que je rends mon téléphone
mais je ne m’étais jamais posé la question, c’est vrai »,
avoue Claude, interrogée dans une boutique Orange.
Les Ateliers organisent aussi leurs propres collectes.
Après réparation, ils revendent les mobiles à un tiers
du prix d’origine, en parfait état de marche et de nouveau garantis. De toutes les gammes, pour toutes les
bourses, ils sont proposés lors de braderies Emmaüs,
au profit de l’association, ou directement dans les boutiques solidaires des Ateliers. Dans ce cas le prix du
téléphone permet de faire tourner l’entreprise mais
aussi de soutenir des programmes solidaires. Comme
AdB Solidatech, qui fournit un équipement informatique à des associations sélectionnées, ou Clic Vert
en Afrique** qui a pour objectif de réduire la fracture numérique sur ce continent tout en préservant
l’environnement.
De A à Z, les Ateliers multiplient les bonnes initiatives, pour Laurent « cela prouve que succès et bonne
conscience ne sont pas incompatibles. » 왎
*Les chiffres cités sont extraits d’une enquête Credoc.
** ateliers-du-bocage.fr/fr/nosprogrammes/international
Le Trendsetter 23
22 Le Trendsetter
CUISINE tendances
CUISINE tendances
Quelle mouche t’a piqué ?
Dans la bouche de Triton
En 2014, le végétarisme est à l’honneur. Suite
aux dérapages rencontrés dans l’alimentation
industrielle et aux scandales des produits
chimiques, la méfiance ouvre la porte aux
valeurs sûres. Ainsi, les algues détiennent
une place fondamentale dans l’avenir de
notre alimentation. Consommées depuis la
nuit des temps par les pays asiatiques, elles
sont longtemps restées loin de nos traditions
européennes. Reconnues comme aliment
comestible en France dans les années 50, ce
n’est qu’aujourd’hui qu’elles commencent à se
démocratiser. Complètes dans leurs apports
nutritionnels variés (vitamines, protéines, oligoéléments, etc.) les algues sont une incroyable
source d’énergie. «En concentrant l’eau de mer qui
lessive la terre des fonds marins et en pratiquant
la photosynthèse du soleil, ces végétaux multiplient
les bénéfices »souligne Régine Quéva, auteure
de Magnésium, Algues et Santé publié chez
Grancher Depot en 2013 et formatrice culinaire.
Particulièrement riches en magnésium, elles
régulent plus de 300 métabolismes dans le corps.
Il est scientifiquement prouvé qu’elles confortent
les défenses immunitaires. Contribuant à filtrer
40% de nos graisses alimentaires, les alginates
se placent comme régulateur majeur des cas de
surpoids.
Selon la formatrice «On est considérablement
en retard, mais ce qui est magnifique c’est qu’on a
tout à inventer». Au-delà des grands Chefs tels
que Roellinger ou Gagnière qui démocratisent
peu à peu les algues dans leurs assiettes, il
s’agit maintenant
d’apprivoiser les
En clair
palais par des stages
1 cuillère à café
culinaires. «Les algues,
d'algues en
le plancton ou l’agar
paillettes,
agar sont vraiment mis
=
à l’honneur cette année»,
6 bananes
appuie le jeune chef
+
Clément Guillemot au
2 plaquettes de
Salon Omnivore 2014.
chocolat.
Parmi les 800 variétés,
0 calorie en prime ! nombre de recettes
séduisent déjà les clients
locaux. Rillettes, tartares, salades chacun peut les
cuisiner à sa sauce. Aujourd’hui, selon l’enquête
Idealgue, 70% de la population française accepte
de manger des algues si on leur montre comment
les cuisiner. A l’image de Régine Quéva, devenez
«végétacool »!
A l’heure où l’on aspire à faire
corps avec les bienfaits de la
nature, il n’est plus exclu de
faire corps avec les insectes.
Et oui, ces petites bêtes
venues d’ailleurs pourraient
bien finir dans nos assiettes.
Dans une société qui voit
sa population croître, il est
inévitable de penser aux
ressources alimentaires futures.
Objectif : nourrir la planète
et ses hommes, et surtout, la
préserver. Face à la quantité de
gaz à effets de serre émise par
les bovins (18% des émissions
mondiales selon la FAO),
l’alternative entomophagie -soit
le fait de manger des insectes-,
10 à 100 fois moins néfaste avec
une empreinte carbone plus
intéressante, est essentielle.
Gayanhé Jovet, militante
chez les Jeunes Ecologistes et
Greenpeace, confirme que «vis-à
vis de la dégradation actuelle
de l’environnement, la société
doit diversifier ses sources
d’approvisionnement». D’autant
plus que ces petites bêtes,
moins dangereuses que les
grosses, sont aussi intéressantes
nutritivement. Les insectes
apportent quatre fois plus de
protéines que le bœuf, sans pour
autant être caloriques. Pauvres
en matières grasse et en
cholestérol, ils représentent une
solution non négligeable face
aux problèmes de malnutrition
ou d’obésité. Il s’agit désormais
de les faire accepter. Face à
la réticence de ce nouveau
mode de consommation, les
initiateurs du mouvement tels
que Romain Fessard, premier
à les avoirs commercialisés
en France en 2010, incitent à
bouleverser nos habitudes. Pour
cela, il propose de les cuisiner à
travers des plats traditionnels,
pour remplacer les lardons, le
bacon, ou encore les cacahuètes.
Selon lui, «le dégoût que l’on
peut en avoir se franchi à force
d’en parler et par le fait de les
voir se démocratiser dans les
médias et grandes surfaces».
Aujourd’hui, parmi les visiteurs
visiteur
présents sur l’évènement «So
Food», 90% étaient tentés de
goûter. Et vous ? Un petit ver
pour la route ?
L’assiette
Produits, culture, consommaon
nature
Les français sont géniaux. Surtout quand ils copient les
concepts étrangers ! En 2014, ce mélange de cultures
fait émerger de nouveaux projets culinaires pour
le meilleur... et pour le pire de nos papilles. Tour
d’horizon des neo food concepts du produit à
l’assiette, en passant par la recette.
Par Clémence Guillerm et Raphaëlle Pascal
24 Le Trendsetteur
Le Trendsetteur 25
CUISINE tendances
CUISINE tendances
L’INTERVIEW
LE GREEN
BUSINESS
En janvier
dernier, Emilia
Lombardo et
Fabien Borgel ont
ouvert leur bistrot
42 degrés qui
propose une carte
100 % « raw food »
et vegan.
Des cocktails à croquer
Depuis la création du
«cronut »l’année dernière
par le chef pâtissier
français Dominique
Ansel, la tendance est au
mélange des recettes pour
en créer une nouvelle. En
guest star cette année : les
cocktails solides.
C’est dans les années
1800 que la première
recette de cocktail à
croquer aurait vu le jour
en France. La «Gelée de
fleur d’oranger au vin rosé
de Champagne», créée par
le cuisinier de Napoléon
Bonaparte, était donc
précurseur de l’année
2014 ! Le cocktail solide a
le pouvoir de fasciner les
gens tout en étant très
facile à réaliser. Les plus
complexes sont conçus par
des grands barmen et font
encore plus d’effets qu’une
simple gelée aromatisée.
Certains relèvent ainsi de
la mixologie moléculaire
dont Thierry Hernandez,
le barman de l’Hôtel Plaza
Athénée, est l’un de ses
meilleurs représentants.
Il conseille d’ailleurs à qui
viendrait pour la première
fois de tester le Fashion
Ice, mix entre un sorbet
et un cocktail à base de
gelée.
Inventés par les français,
les cocktails solides ont
parcouru un long chemin.
Hervé This, le créateur
de la gastronomie
moléculaire mais aussi de
la mixologie moléculaire,
souligne : «Les cocktails
solides contribuent
au rayonnement de la
gastronomie moléculaire
française. De nombreux
pays s’y mettent et c’est
plaisant de voir que
notre pays est toujours
un exemple en terme de
gastronomie !».
왖 Choux d’enfer
Intersection de la rue
Jean Rey et du Quai
Branly - 75015 Paris
Adam’s
21 rue Danielle
Casanova 75001 Paris
Sweet food is coming !
Nutella Bar à Chicago
ou cupcakeries à New
York, le concept monoproduit fait fureur outreAtlantique. En France, le
phénomène arrive et un
nombre impressionnant
d’enseignes ont vu le
L’exemple le plus
probant est sans
nul doute la maison
Ladurée qui perdure
depuis de nombreuses
années avec ses
macarons.
Aujourd’hui, même
Un arrière goût
d’antan
Face au succès considérable de
la série “Game of Thrones”, le
retour de la cuisine médiévale en
2014 n’est pas étonnant. Outre
les livres édités sur le sujet, les
réseaux sociaux bourgeonnent
d’inspirations culinaires. Crème de marrons,
légumes…mais surtout viandes oubliées. Sortez vos
marmites, les lapins n’ont qu’à bien se tenir !
Qu’est-ce que
la raw food ?
De la cuisine crue
littéralement. Dans la
pratique, les aliments
sont cuits à 42°C
maximum. Ainsi, ils
gardent toutes leurs
propriétés bénéfiques
pour la santé et
restent savoureux.
jour avec pour seul mot
d’ordre : ne travailler
qu’un seul et unique
produit. Macarons,
éclairs, tropéziennes,
merveilleux, etc.
les grands chefs
pâtissiers s’y mettent.
Alain Ducasse et
Christophe Michalak
se sont associés pour
ouvrir Choux d’Enfer,
le premier kiosque
à choux. Les deux
chefs avaient envie de
chambouler le paysage
français de la pâtisserie.
En plus de rester monoproduit, ils ont lancé le
concept de la «sweet
food » savant mélange
de la «street food »et
de la haute pâtisserie
française. D’autres ont
suivi le mouvement,
à l’instar du Chef
Christophe Adam (déjà
investigateur de L’éclair
de génie, une pâtisserie
qui ne présente que
des éclairs) qui a ouvert
Adam’s, une boutique
de snacking sucré, mais
pas que.
Avec les boutiques
mono-produit, il est
aujourd’hui possible
de faire un tour du
monde de la pâtisserie,
rien qu’à Paris. La
preuve que la France
est toujours à l’affut
des nouveautés, et ce,
même en pâtisserie.
Pourquoi avoir
ouvert un
restaurant comme
42 degrés ?
Parce que nous
n’avons pas envie
d’être moralisateurs
sur le végétarisme.
Nous sommes
des crudivoristes
confirmés et nous
préférons montrer
aux omnivores que
cette alimentation est
toute aussi délicieuse
que le reste. La
plupart promettent
de revenir !
Avez-vous une
recette succès ?
Le burger et le
cheesecake sont
très demandés. C’est
assez drôle parce
que ce ne sont pas
vraiment des plats
que les végétariens
ont l’habitude de
manger. La preuve
que, bien travaillée,
la cuisine vegan peut
être tendance !
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