Notes du mont Royal www.notesdumontroyal.com 쐰 Ceci est une œuvre tombée dans le domaine public, et hébergée sur « Notes du mont Royal » dans le cadre d’un exposé gratuit sur la littérature. SOURCE DES IMAGES Google Livres BIBLIOTHEQUE FRANÇOISE, ou HISTOIRE • D E L A LITTERATURE FRANÇOISE, Dans laquelle on montre Futilité que l'on peut retirer des Livres pubKés en François depuis l'origine de l'Imprimerie, pour la connoinan! ce des Belles Lettres, del'Hiftoire, des Sciences & des Arts; r Et où Von rapporte les Jugemens des critiquesfur, les principaux ouvrages en chaque genre. écrits dans la même Langue. Pat M. l'Abbé G O U J E T , Chanoine de S. Jacques de l'Hôpital. TOME A PARIS, ONZIE'ME. RUE S. JACQUES, ÇPIERRE-JEAN MARIETTE , aux Chez •£?- Colonnes .d'Hercules. J H U > ï O L Y T E - L o u i s GUERIN , à C Saint Thomas d'Aquin. M. DCC. X L V I L Avec Approbation & Privilège du Reji *— * rv Harvard Univer j i French Dept. Ubrary, yzwjiAy C'C £W ,Kt\ ^ HARVAREY |UNIVERSITY| jinOM^Y MAY 121959 tWsldju V o 6 ft a o 0 " 6 0 a a a i j " * 1 ut 'S' * f PRE' FAC E. V O I C I la continuation de l'hiftoire des Poètes François, corn* mencée dans les deux Volumes précédens. Jepaffe en revue dans ceuxci tous les Poètes qui ont vécu depuis le règne de Louis XII. à l'exception de Jean Marot qui a Heurt fous ce Prince, jufques fous le regn© de Henri I I I . Je parle de près d e cent de ces Ecrivains, plus verfifîcateurs que Poètes. Je rapporte c© que j'ai pu découvrir des circonftances de leur vie, & j e donne une court© notice de leurs ouvrages, lorfqu'il m'a paru que ces derniers méritoiene quelque chofe de plus qu'une fîmple citation _, toujours trop féche , de qui n'auroit pu qu'ennuier. Tout ce qui concerne leurs pérfonnes, je àij iv PREFACE. l'ai tiré de leurs propres écrits, Se des Auteurs contemporains qui ont eu oçcafion d'en parler. Cette attention que j'ai eue, & dont toutHiftorien doit, ce femble, fe faire un devoir, de recourir aux fources, autant qu'on peut les connoître, m'a donné lieu de remarquer fouvent le peu' d'exactitude de nos deux anciens Bibliothécaires , la Croix-du-Maine <&? du Verdier. Quoique bien plus VON fins du tems où vivoient ceux dont ils avoient entrepris de faire mention, un grand nombre de ces Poètes paroît leur avoir été inconnu, & fouvent ils manquent de fidélité dans le détail des ouvrages Se de l'hiftoire de ceux dont ils ont inferit les noms dans leurs Catalogues. Je ne me flaterai point trop, lorf, que j'avouerai que ce n'eft guéres que par cette fidélité & cette exacfi_ tude que l'hiftoire que je donne peut ftrè recpmmandable. Trop éloignée' P R F FA C E. y encore des beaux jours de notre Poëfie, la plus grande partie de ceux dont je fuis obligé de rappeller les noms, avoitdepuis longtems éprouvé le fort que l'Auteur anonyme du Dialogue fur les Orateurs prédifoit autrefois aux Ecrivains de cette efpéce, lorfqu'il difoit, que peu de perfonnes connohTent les bons Poètes, & que l'on ne connoît jamais les médiocres : médiocres Poëtas nemo noit, bonosyauci. v Tous ces Poètes cependant fepromettoient l'immortalité; tous comp^ toient que leurs noms pafferoient avec honneur jufqu'à la poftérité la plus reculée. Ennïvrés des louanges dont on fe hâtoit de les combler ; comptant trop fur les minces talens qui pouvoient les diftinguer de leurs contemporains ; pleins de ces idées flateufes dont fe repaiffoient les an. ciens Poètes qui ont fait l'honneur d'Athènes & de Rome, & dont ils àiij */ F R E' FA C E. mettoientles ouvrages en pièces dans leurs écrits ; fuivant leurs traces de loin, & manquant prefque toujours de leur génie, ils ofoient afpirer à la même gloire : vaine imagination ! Ils fe plaçoient fur le Parnaffe , mais c'étoit fans l'aveu desMufes; & malgré les éloges qu'ils mendioient, ou que des amis trop complaifans, ou d'un goût dépravé, leur donnoient; malgré les louanges que le célèbre M. de Thou a prodiguées dans fon Hiftoire à un grand nombre d'entre eux, prefque tous ont vu s'éteindre, même pendant leur vie , le foible éclat dont ils avoieht brillé. Exceptez de ma lifte les deux Marot, Jean & Clément, Mellin de Saint Gelais, Joachim du Bellay, dont la réputation a, pour ainfi dire » forcé les tems, & peut-être cinq ou fix autres dont on eftime encore quelques pièces ou quelques lambeaux, les noms de tous les autres font en- T t R& FA C Ë. vij fevelis dans les ténèbres. On a oublié juiqu'à Ronfard, lui qui a formé tant de difciples 6c fait tant de mauvais imitateurs. Cet Ecrivain fi,R,f- R ^ a fur la poef. t. fameux autrefois, dont toute la vie»«p<»»8fut un triomphe, qui fut aimé de fon Roi, chéri de la Cour, admiré de tous les Savans, comblé des éloges les plus pompeux, dont rOraifon funèbre fut prononcée par le célèbre du Perron, à ce fervice magnifique où l'affluence du peuple empêcha des Cardinaux & des Princes de trouVer place ; ce Poète qui ne fe faifoit aucune peine de s'entendre nommer & de fe dire lui-même le Prince des Poètes, & le plus cher favori des Mufes, n'eft plus lu depuis longtems» ni préfque nommé qu'avec mépris. Le tems a diffipé fes honneurs plutôt que fa cendre. L'ignorance, la faveur & d'aveugles caprices ont adjugé à lui & à plufieurs autres des couronnes qui fefont flétries prefque âiiij viij PRE FACE. dans les mains mêmes de ceux qui les en décoroient, & qui ne les ornent plus que dans leurs portraits. Four lire maintenant leurs écrits, il ne faudrait pas moins qu'un engagement pareil à celui que j'ai contracté', & une égale obligation à y fatisfaire. Ce n'eft pas par goût que l'on s'arrête fi longtems à converfer avec des Ecrivains dont on ne peut ordinairement loiier que les efforts qu'ils ont faits pour mettre en honneur notre langue & notre poêfie, & qui ont Ci fouvent manqué le but qu'ils fe propofoient d'atteindre. On ne peut que s'ennuier avec ces froids & infipides verfîficateurs qui femblent s'être fait un mérite du galimatias le plus ridicule, des meta» phores les plus outrées, des hyperboles les plus faftueufes, des allégories les plus bizarres, des expref. fions les moins convenables aux fujets qu'ils vouloient traiter. F R £• FA C F.' ix Ceux même dont la réputation fe foutient encore', ne font nullement é. xemts des taches qui enlaidiffent leurs c onfreres. Sans compter qu'ils ne participent que trop fôuvent à leurs "éfauts de langage & de verfification, & qu'ils violent, comme eux, les règles de l'Art dont ils faifoient profeflion ; les uns par des vers licentieux ont rendu la poëfie méprifable ; les autres par des vers fatyriques l'ont rendue odieufe ; & prefque tous l'ont avilie par une profuffon d'encens qui devoir fatiguer jufqu'à ceux qu'ils encenfoient, & qui ne nous paroît . aujourd'hui qu'une fade adulation, Marot même, malgré I'effime qu'on, ne peut lui réfuter, s'endort fouvent dans les matières qui fembloient le plus devoir échauffer forr génie % 8c fa plume d'ailleurs libertine, & quelquefois impie, eft d'autant plus dangereufe que fes traits font plus agréables, â-v x P R f FA C E. Je ne m'arrêterai pas à prouver la vérité «Se la jufteffe de cette décifion : elle ne paroîtra trop févére qu'à ceux qui ignorent en meme-tems, & ce qui conftitue la beauté, l'excellence, «Se ce qu'on appelle l'ame de la Poëfîe, «Se les règles auftéres, mais toujours équitables, de la morale Chrétienne : ils n'en trouveront que trop de preuves dans ces deux nouveaux Volumes, s'ils fe donnent la Peine de les lire. Je n'y offre cependant rien qui puiffe bleffer les oreilles les plus religieufes : le contraire ne conviendroit ni à mon état, ni à ma manière . de penier. J'ai tâché pareillement d'éviter tout ce qui pourroh caufer de l'ennui à un lecteur délicat. Mais je prie en même tems ceux qui ont raifon de n'aimer en poéfie que ce qu'on peut appeller le vrai beau, de faire attention que je ne leur parle que d'i-crivains où ce vrai beau ne PREFACE. xj fe rencontre que rarement ; que je ne fuis qu'Hiftorien, & qu'en cette qualité je ne puis créer ni les chofes, ni les faits. On m'a demandé une hiftoire fuivie de nos Poètes ; je la donne avec toute l'exactitude que j'ai pu y apporter. Je tire de l'oubli quantité de noms qui y étoient enfevelis ; mais en leur donnant, en quelque forte, une vie nouvelle, je ne leur attache point une gloire qu'ils n'ont jamais pu mériter; je les apprétie ce qu'ils valent. Les commencemens d'un Art font toujours fort imparfaits, fes progrès font lents, ce n'eft qu'après beaucoup de réflexions & de tems qu'il arrive à fa perfection. Mais les partifans de la Littérature auffi bien que ceux qui aiment les Arts & les Sciences, ne croient pas qu'il foit indigne de leu r curiofité de chercher à connoitre le berceau où chaque Art Se chaque Science ont pris naiftance, Se de les âvj xij PREFACE. fuivré dans leurs difFérens âges. Cette r echerche qui peut contribuer à la connonTance de l'efprit humain, fait en même tems partie de l'iùftoire, & n'eft pas fans agrémens. Plùfieurs perfonnes qui tiennent un rang diltingué dans les Lettres, fe font plaint fouvent de ce qu'on fupprimoit l'hiftoire de notre poëfie & de nos Poètes, que Guillaume Colletet avoit entreprife & continuée, dit-on, jufqu'àfontems. C'eft pour fuppléer au défaut de cet ouvrage que ces mêmes perfonnes m'ont engagé à entreprendre celuici. C'eft une obfervation que je crois avoir déjà faite. Je ne la réitère que pour aller au-devant du reproche qu'on pourroit me faire, de m'être donné la peine de lire tant d'écrits oubliés, & dont je ne puis confeilk r la lecFure, lors même que je parois plus attentif à en rappeller le iwivenir^ Sil'oneûtpubJaerjEMoire PREFACE. xuj de Colleter, j'aurais été, fans doute difpenfé de donner la mienne : on ne fe livre pas avec plaiflr à ce qu'on ne peut exécuter qu'avec autant de dégoût que de fatigue. J'ai pris pour moi les épines; heureux fi je ne préfente aux autres que les fleurs. Jl n'y a guéres de Poètes où je n'en aie rencontré quelques-unes; je me fuis attaché à les cueillir. C'eft le premier dédommagement que j'ai trouvé dans ce nombre prodigieux de Volumes qu'il m'a fallu dévorer. J'en ai faifi un fécond, ce font les Anecdotes concernant l'Hiftoire Civile & Littéraire, quiyfontéparfes, & que j'ai réunies dans chaque article. XIV ADDITIONS E T CORRECTIONS A faire aux Tomes IX. & X. de la Bibliothèque Françoife. A UX pages 501. & 302. du T o me VIII. & dans le Catalogue qui termine le même Volume, j'ai fait mention de quelques écrits qui concernent plus la poëfie Provençale & les anciens Troubadours , que notre poëfie & nos Poètes. Dans le Catalogue , je cite l'Apologie des anciens Hifloriens & des Troubadours ou Poètes Provençau en avouant que je ne connoifibis que le titre de cet ouvrage. Cet aveu a'engagé M. l'Abbé Saas à nrenvoyer une analyfe de cet écrit, dont j'ai fait ufage page 57. & fuiv. des additions qui commencent mon neuvième Volume. M, l'Abbé Saas donne cette apologie à M. de Ruffi ; je l'ai répété fur forr autorité : il s'en, trompé, & je me fuis égaré après lui. Mais je lui fçai en quelque ibrte bon gré de cette méprife , puifi- ET CORRECTIONS xor qu'elle m'a valu d'utiles édairdffèmens que M. Chaix, célèbre Avocat à A i x , a bien vovlu m'envoyer. M. Chaix obferve d'abord qu'avant de faire mention de l'Apologie , j'aurais dû cker au moins les Dijfertations de Pierre Jofepb ( c'eft-à-dire , de M. de Hakze ) fur divers points de l'hifioire de Provence, Anvers (Aix) 1704.» in-16. de 149. pages, puinrue cerf, à ces DiftèrtatioRs que 1''Apologie fert de réponfe. Quant à ce dernier écrit, M. Chaix obferve en fécond lieu qu'il n'eft o n t , & qu'il ne peut être de M. de uffi. On fçait an contraire , m'écritil , & l'on a encore des gens de lettres à Aix qui ne l'ont pas oublié, que Pierre Galaup de Cbafteuil eft l'Auteur de cette Apologie. De tous ceux qui avoientpris la défenië du Difcours fur les Arcs de Triomphe, M. de Chafteuil étohrle plusintérefleà cette Apologie , les Dinertations dsM.de Haitze tombant prefque toutes fur lui , & pour les raifons, & pour les injures, La fuite des écrits mêmes que je cite page 4 6 6 , du-TomeVIILen doit convaincre. M. Galaup de Charteuil donna au mois d'Août 1701. fon Difcours fur Us S xv'j A D D I T I O N S Arcs de Triomphe drefles à Aix à l'arrivée des MM. les Ducs de Bourgogne & de Berri : ce Difcours rouloit fur les points de l'Hiftoire de Provence, qui avoienc été repréfentés. M. de Haitze, fous le nom de Sextius le Salien , écrivit le premier Janvier 1702. fa Lettre critique de ce Difcours, qu'il adrefla à M. de RufH, fils de l'Hiftorien de Marfeille, qu'il défigna fous le nom d'Euxenus le Marfeillois. Il contredit dans cette lettre tous les points d'hiftoire, repréfentés dans les Arcs de Triomphe par M» Galaup, & expliqués dans fon Difcours, & ne ménagea nullement l'Auteur. Tel fut alors le frgnal, non-feulement d'unedifpute littéraire, mais d'une vraie querelle perfonnelle r puifque les contendans en vinrent dans la fuite jufqu'à fe traiter réciproquement d'infenfés. M. de Remerville de Saine Quentin fut même apoftrophé dans la lettre de M. de Haitze, par rapport à un Sonnet qu'il avoit fait au fujet de Raifnond Berenger IL & que M. Galaup avoit rapporté dans fonDifcours* aufli prit-il la défenfe de' ce dernier dans fes Réflexions fur la lettre de M. de Haiti.e, qu'il publia la mêrne annéeJ702.. ET CORRECTIONS xvi) Ces réflexions furent dans ce même tems adoptées & foutenuès, comme M. de Haitze nous l'apprend lui-même dans fesDiflèrtations, par l'Auteur des Eflàis de Littérature pour la connoifiànce des livres, & par M. l'Abbé Tallemant , alors Doyen de l'Académie Françoife. De tels adverfaires ne découragèrent point M. de Haitze. Il donna en 1704. fes Dijfertations fur divers points de l aifoire de Provence , dahs lefquelles il rappella , foutint, & étendit tout ce qu'il avoit avancé dans Ta Lettre critique du Difcours de M. Galaup : c'en étoit affez , s'il s'en fût tenu là, & s'il ne fe fût pas répandu en invectives grofliéres contre tous fes antagoniftes , & particulièrement contre M. Galaup. Ce fut dans cettemême année 1704. que parut l'apologie des anciens fJifior'tens & des Troubadours ou Poètes Provençaux , fervant de réponfe aux Dijfertations de Pierre Jofeph fur divers points de rbifioire de Provence. Le flyle nerveux, mordant & ironique, qui y règne , eff. bien différent de celui de M. de RufE, qui étoit fec & décharné. Ce n'eu; pas tout : quand on ne fçauroit pas même que M. Galaup de Chafteuil xviij ADDITIONS eft l'Auteur de cet écrit, on ne pourroit l'attribuer à M. de Ruffi, fans aller contre la vraifemblance. Ce dernier étoit de tout tems lié d'amitié & en relation littéraire avec M. de Haitze. Celui-ci , dix-fept ans auparavant, lui avoit adreffé toutes fes lettres, contenant la relation des fêtes célébrées avec éclat à Aix en 1687. à l'occafion de la convalefcence de Louis XIV. Il lui avoit encore adrefle celle qu'il avoit écrite contre le Difcours de M. Galaup. On voit même par l'Apologie , qu'apparemment loin de garder la neutralité dans ce combat littéraire,il s'étoic déclaré pour M. de Haitze, puifqu'îl y eft fortement injurié dans un Virelay , inféré dans le troifiéme Dialogue, où il eft défigné par la lettre initiale de fon nom. D'ailleurs M. de Haitze dans fes Difiertations nomme tous fes adverfaires : il y parle avec aigreur de MM. Galaup & de Saint Quentin, de l'Auteur des Efîais de Littérature, & de l'Abbé Tallemant : auroit-il omis de fe récrier contre M. de Ruffi, fur l'amitié duquel il avoit toujours compté, & qui, à fes yeux, auroit dû être plus criminel que les autres s'il eût feulement ET CORRECTIONS, xix «u part à l'Apologie ? Obfervons encore que M. de RufTi n'étoit pas Poète, & qu'on trouve dans l'Apologie des vers fàtyriques contre M. de Haitze , qu'on ne peut attribuer qu'àM. Galaup, ou à M . de Saint Quentin , qui s'exerfoient afiez fouvent à la poëfie. Enfin en 1708. M. de Haitze donna au Public YEfprit du Cérémonial d'Aix dans la célébration de la Fête-Dieu. Quoique la conteilation, dont on vient de donner le détail, parutaflbupie ; quoique ce nouvel écrit n'y eût aucun rapport , M. de Haitze ne laiflà pas dans la préface de défier de nouveau ks adveriaires, & de s'applaudir du triomphe qu'il prétendoit avoir remporté fur eux : mais il n'y nomme pas M. de RufTi, il ne le défigne même pas ; modération qu'il n'eût point obfèrvée s'il eût pu feulement foupçonner qu'il eût écrit l'Apologie. Telle efl l'hiftoire de cette conteilation, & telles font en même terris les preuves qui montrent que M. Galaup, & non M. de Ruffi, eit l'Auteur de l'Apologie. Aux mêmes Additions qui font audevant du Tome IX. page 6c. je dis d'après M. Dunod, qu'Olivier de la Marche étoit Franc-Comtois, parce xx A D D I T I O N S qu'il naquit au Château de Joux, qui eft en Franche-Comté. Mais feu M. le Préfident Bouhier m'a fait obferver que le lieu de la naiflance de ce Poète & Hiftorien ne lui avoit point ôté fa véritable patrie, qui étoit le Duché de Bourgogne. Sa Terre de la Marche, dont il portoit le nom, eft fituée dans le Bailliage de Châlons ; & fon père , Philippe de la Marche, étoit Baillif du Châlonnois, d'où étoit cette famille qui eft éteinte aujourd'hui. Page 179. du Tome IX. je rapporte ce que dit du Verdier dans fa Bibliothèque , qu'il pofledoit un manufcrit contenant une pièce de Pierre Neflbn , intitulée, l'Hommage fait à Nofire-Dame. On a la même pièce manulcrite dans la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne , qui s'eft confervée en partie dans la Cour de Bruxelles, & qui a été fauvée de l'incendie du Palais, arrivé le 4.. Février 1731. La pièce en queftion eft intitulée dans ce manufcrit le Teftament de Maître Pierre de Neffon : elle eft de deux cens quatre-vingt douze vers. Voici les derniers, où l'on trouve'îe nom de l'Auteur : Et quant nous feront treipalTës , Donnez-nous. Madame Maxie , ET CORRECTIONS, xxj • l a très-perpétuelle vie Laquelle ottroit par Ta puilTance La très-haulte divine eilènce, Seul Dieu régnant en Trinité, A ceubc qui diront ceft dite. Priant qu'à Vient it Ntffin , Fafle de fes péchés le pardon , Lequel premièrement ce dit Ordonna & mift par eferipr. Ces vers nous prouvent aufli que Martin Franc & les autres qui ont parlé de ce Poète, dévoient le nommer Pierre de Nejfon , & non pas Amplement Pierre Nejfon. Dans le même Volume, page 345-. & fuiv. article de Pierre Michault. 1 °. La çonclufion du poème de la Danfe des Aveugles, rapportée page 3 59. eu ainfi dans le manuferit de la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne à Bruxelles. Pierre ne peu* humeur debalaie rendrai : Hc dure tefte attaindre a bien haut ftyle, Tour ce fubmets le fens qu'on peut cy prendre A tous lifans, à qui plaira l'entendre, Par eflever entendement habile, Les priant tous que par voye docile Il leur plaife corrigierbas & hault Leur efeolier Se difriple }4ichntt XXi) ADDITIOK* 2.0. L'argument que du Verdier cite^ & qu'il met au commencement de l'édition de Lyon ne paroît pas être de l'Auteur : il ne fe trouve pas du moins dans le manufcrit. 3 0 . Selon le même manufcrit, il faut changer ici quelques endroits des vers, que j'ai rapportés d'après l'imprimé dont je me mis fervi : page 363. vers antépénultième de la. premièreftrophe: Je fais voler trompettes & clievaulx, ///ex, , , Trompettesotheraubt, Ibid. vers troifiéme de la féconde ftrophe : eftaindre , liiez, eftramdre. Ibid. La troifiéme ftrophe commence d'une manière plus intelligible dans le manufcrit : Fat les doulx trajets de mes beauh dars trenchants Je bleflè a cop les Bcrgieres des champs, r.tlesfimcuersdesgentesPaltrnirclles, Tant que par n*ov elles ouvrent leitrs chants. Page 365. vers deux & trois, lifet. : S'il eft par moy de mes biens printnré, Et par mon veuil mis en ma bonne {race. Enfin le manufcrit nous apprend que Michault avoir," intitulé fon poëme la. E T C O R R E C T I O N S , xxiif JDdnJe aux Aveugles, non la Danfe des Aveugles : voici en effet ce qu'il Ce fait dire par Entendement quelques vêts avant la conclufion. Or as-tu cognoiuancc clerc De ce que tant dcYirè as : Four c e , tout ce petit mytiere Après ton réveil eferipras, Et ton livre intituleras Far les veues, raifons & rieugles Cy-devant : U Dtmft mut jtvcnflts. Michault a compofé, outre le Doftritud de Court & la Danfe aux Aveugles , un autre poëme qui a pour titre : Complainte de très-baulte & vertueufe Dame, Madame Tfabel de Bourbon, Comiejfe de Charroleis. Ce poème eft auffi manufcrit dans la Bibliothèque dont j'ai fait mention. Il eft divifé en deux parties : la première contient vingt-fept ftrophes de dix vers chacune, & commence ainil : Manklite rnort mordant le gendre humain, Patron d'ocreur, miroir d'exploit vilain, Ennernie des oeuvres de nature, Comme cigare, de rnal ant^uTeux plain. Fondant en pleurs de tarigueurme plain , Preft de rnorir en grant mdaventurc, Prufcjue tondait a rnU en rorrirure xiv ADDITIONS Pour nous mener de fertile naftute Au parc de deuil où rien ne croift de ben, L'excellent corps d'Yïabel de Bourbon. La pénultième ftrophe défigne le liett où cette Princeflè eft inhumée. Trop long ferait fon obfeque à deferire D'un fin drap d'or bordé de velours noir Etroit couvert Ton corps i dire voir lequel.pour eftre abandonné es vers , Fut mis en terre à faint Micbiel d'Anvers. La féconde partie eft intitulée, Suite : mais c'eft plutôt une féconde Complainte fur un autre plan, & plus touchante que la première : elle eft de lbixantequatreftrophesde huit vers. D'abord. l'Auteur feint de fe trouver en pays éloigné où il demande des nouvelles de France : Lors me dit-on que Mort par fa rudeflè, Et par fon dart tant fier & inhumain , Avoit mis jus la très-noble Content De Cbarrolois vertueuft Princeflè Après quelques lamentations, il dit : Pour tel peruer , dur, pédant & grevable Changier en raieubt ou effacer de tout . En unvergict plaidant & délectable Qui à-tel fait eftoit moult convenable ; Entray de fait, & m'alfis à ung bout, Enfuite Ï T CoRKECTIONI. tt Enfuite deux Dames fe préfentent derantlui: Vertu fut Tune, & l'autre étroit la Mort , Chafcune en print félon Ton exigence, Ayant enfemble aucun aigre difcord ,_: Qui s'efmouvoic d'ung exceuif effort Auquel ne peut, ne ne vaut réfifteace. Si parlèrent en grande expérience Plus proprement que je n'oys piéça Femmes parler, & Vertu corrunença. La Vertu le répand en invectives contre la Mort de ce qu'elle diminué & octit fes fuppots, fur tous Tfabeau de Bour- bon, de laquelle elle fait l'éloge. La Mort fe défend en alléguant lapuiflànce qu'elle a fur toute la nature. Leur Dialogue, quoiqu'aflèzlong, n'ennuie point. Voici ce qui nous fait connoître que Michault eil l'Auteur de cet écrit. C'eii la Mort qui parle : Vous avez fçu jà de moy fortune toute ' En ung Traictié par ccft acteur dicté , Comme je fuis jivtmfti > & n'y voy goure, Et tous vivant à ma Dtmct fe boute, _ Sam efchapper par vertu ne pité, &c. Lorfque la Mort a fini de parler, Vertu termine le Dialogue, & dit : Va-t'en doncques. Je mets fin i mon plaid ; TmeXI. ê _. 26 A D M T I O K S Car ton parler n'eft que toute difcordc ; Ton excrcite à nully ne complaît ; Pour ce m'en tait , & an furplus me plaît Que devant tous haultement je recorde La complainte tant plaine de concorde Que fit morant la bonne Bourbonnoife Qui tant eftoit fous mon elle courtoife. Vertu après avoir rapporté les fentimens chrétiens de la Princeflê pendant fa maladie, fes dernières difpofitions, & fes dernières paroles, elle fait en peu de vers le récit de la mort, après quoi elle adreflè la parole aux vivans dans cette ftrophe qui ne roule que fur des jeux de mots, félon le goût.decetemslà: Ôr eft-clle du fiêcle trefpaflee ; Tous vous vivans par ce pas raflerez : Avifcr-vous, car dure eft la paflec Pour ce que point n'y a de rapaiTée : Me ne fçavez comme trefpaflerez ; lit toutesibis quand en ce pas feret, Heureux ferez d'avoir advis fi bon Comme ravoir- Yfitbeau de Bourbon. L e Poëte conclut ainfi fa Complainte : Après ces dits tout fin efvanoy ; Jeme trouvay tout feul en ce vergier: Mais j'appetçeux par ce que lors j'oy Que Mort avoit d e l à Dame joy, ET CORRECTION», ary . Et luy a fait fes doulx ans abrégier. Prions a Dieu qu'il luy plaife Iongiçr, Aprez pardon, i'ame d'elle en fa gloire , Et de tous ceulx qui font en purgatoire. Je fuis redevable de ces remarques & de ces additions fur le Poète Michauk & fur Pierre de NelTon, à M. Douxfils, de Bruxelles, qui fe difpoie. à donner une nouvelle édition de la Danfe aux Aveugles, & de quelques autres anciennes poëfies qu'il a tirées des manuferits confervés dans la Bibliothèque des anciens Ducs de Bourgogne , dont je vous ai parlé. M. Douxfils dont le nom s'écrivoit originairement Dujfj, mais qu'un de fes ayeux forti d'Ecoûe il y a deux cens ans, jugea à propos de francifer, eft le même M. Lambreckj dont j'ai parlé dans le Tome I. de cette Bibliothèque ( p. 7 1 . de la première édition & yy. de la féconde, j Lambert, qui eft Ion nom de baptême, fe dit en Flamand Lambrecht, & quand c'eft un nom de famille, on écrit Lambrecks. Ce fut pour fe mieux déguifer qu'il fuivit cette dernière ortographc dans les deux lettres critiques dont j'ai fait mention aux endroits cités : il m'a permis depuis de dévoiler cette énigme, ainfi que je viens de le faire. ë ij $$ A D D I T I O N S Le même m'a écrit qu'il avoit va dans la Bibliothèque citée, quelques éditions de plufieurs Poètes anciens dont j'ai parlé, mais qui ne font pas les mêmes éditions que celles dont j'ai fait ufage. Telles font i. X Abu je en Ceurt. Sous ce titre dans l'édition confervée à Bruxelles efl; la Marque du Libraire , c'eft-à-direuneM. &uneH. entrelacées d'un nœud d'amour, fans autre indication de lieu, ni de date, z, Les Lunettes des Princes de Mefchinot, édition de Jacques Arnollet fans date. Quant au poème intitulée l'An des fept Dames, dont je n'ai rapporté que le titre à la page JIZ 3. du Tome X. M. Douxfils me marque que dans l'exemplaire qu'il a v u , il a trouvé la date exprimée, quoiqu'énigmatiquement,dans ces vers qui fuivent immédiatement ledit poème : Trois & C. V. X. efcrit-on , Crois le bien, fy aras nombre bon , Tous mots retournés promptement Vous fares l'An incontinent. On trouve en effet dans ces vers l'an mil cinq cens treize. Lelieudel'impreflion eft pareillement indiqué à la fin du dernier feuillet verfo , par une gravure en bois repréfentaot un Château, Êf C O R R E C T i o t » s . açr au haut duquel eft Un Aigle, deux Bannières aux Armes de Bourgogne , & deux autres avec chacune une main. Ce Château, cet Aigle & ces deux mains font les pièces avec lefquelles on blafonne les Armoiries delà ville d'Anvers. Dans le'Tome X. article de Jean le' Maire , je parle des deux Epîtres de ce Poëte, intitulées Epiftres de l'Amant verd, & j'avance fur cetitredel'^ww»» verd , quelques conjectures que la lecture des poëfies de Jean le Maire m'avoit fait naître, & que M. l'Abbé Sallier avoit données avant moi dans le Mémoire que je cite au même article. Un anonyme, homme d'efprit sûrement , mais qui n'a voulu fe faire connoître que par la Voie d'un de fesamis , n'a pas approuvé mes conjectures. Il n'a vu dans MAmand verd qui parle dans les deux Epîtres, qu'un fimple Perroquet, qui avoit été aimé de Marguerite d'Autriche, & dont cette Princeffe vouloir bien regretter la perte. J'ai relu depuis ces deux Epîtres , & je crois en effet que le fentiment de l'ingénieux anonyme eft bien fondé. Le prétendu Amant verd fe fait connoîtte lui-même pour un Oifeau, & ëiij jo A D D I T I O N S pour un Oifeau de l'efpéce dont il s'agit : Or pluft aux Dieux que mon corps aflez beau Fuit transformé pour cefte heure en Courbeau, Et mon collier vermeil & purpurin Fuit aufli brun qu'un More ou Barbarin. Il nous apprend enfuite qu'il a oublié fon langage naturel, qu'A qualifie r*mage, pour apprendre toutes les langues de l'Europe, & fe rendre digne par-là de plaire à l'augufte Princefle qui l'aimoit, & qui étoit verfée dans toutes ces langues. Il fe fait connoître encore par le genre de fa mort, puisqu'il nous dit qu'il finit fes jours dans . la gueule d'un Chien domeftique. L e Poète avoit fi bien pour but de ne nous parler que d'un Perroquet, qu'à la fin. de fa première Epître, il rappelle à fon lecteur la mémoire du Perroquet de Corinne, célébré par Ovide, & celle du Perroquet chanté par le Poète Stace. La naiflànce de l'Amand verd ert Ethiopie Natif eftoit d'Ethiopie la haulte, eft une nouvelle preuve qu'il n'eft que» ftion que d'un Perroquet. C'eft encore pour la même raifon que dans lafecon- ET C O R R E C T I O N S . 31 de Epître le Poëte introduit fon ornant verd converfant dans les Charnps Elyiees avec un Papeguaj , qui eft un vrai Perroquet , mais d'une éfpéce plus groflè que les autres. Je pourrais confirmer le fentiment que j'erabra'flè aujourd'hui par beaucoup rPautres preuves tirées des mêmes Epîtres, mais le fujet n'en vaut pas la peine. Je n'y ai infifté, que parce que l'anonyme a regardé mes conjectures comme deshonorantes pour le Poëte, & encore plus pour la Priflceflè à qui il avoit adrefie jès deux Epîtres ; & je conviens en effet qu'il y aurait eu plus que de la hardieffe dans le Maire de tenir le langage qu'il tient dans lès deux Ephres, fi lui-même eût été l'Amant qui en eft le héros. Je finis en obfervant que le titre d'Judiciaire que le Maire prend dans lés ouvrages, eft le même que celui d'Hiftoriagraphe. Dans le même Volume, page 3 ° 5 • je dis que Blaife d'Auriol parle d'un Canonifte nommé Richard, & j'ajoute que 7V ne fiai qui il eft. Ceft Rkardus Sanglas vieux tfloflateur du Droit Canon, dont parle Pancirole de claris Lc~ gum interpretibus, page 4.1 ^. é iiij TABLE DES NOMS DES AUTEURS , dont il eil parlé dans cet Ouvrage» D A u , ( Anatole ) t. ri. f. 370» Allant, ( Jean ) 1.12. p. 1iy. A Àllard, ( Guy, ) t. 12. p. 80. d'Amboife, ( François ) ». 12. p. 316"» Angely, (N- ) t. 11. p. 197. i'Anglois, Sieur de Bel-Etat, (Pierre) fi. ii.p. 69. d'Apclion , ( Germain ) t. n..p. 286". Ardillon^ ( Antoine ) t. 11. p. 281. Aubert, (Guillaume) t. 11. p. 407. f. it» p. 123. 137.138. d'Aurigny, ( Gilles ) t. 11. p. 182. des Autelz ( Guillaume ) t. n . p. 119. 124» xjx. &Juk>. 135. IJX. Nota : c'eftle même que Guillaume Teshault : ce qu'on a oublié de dire dans le corps de l'ouvragexTAuthon, ( Jean ) t. 11. p. 184. Aymery, ou Emery, ( Germain ) t. 11p. 313. B B. (Adrien) t.ix. p. 117. 118» 122. 13p. 140. 154. 155. 167. 167» AILLET, Baïuze, ( Etienne ) t. 11. p. 107. de Balzac, (Jean-Louis Guez ) M up. 2*0» *4jV •••••< tiOMS DES AUTEURS. ûVBarrouib, ( Chriflophe ) tome 12. page 94- de Baïf, ( Jean-Antoine ) t.n.p. 407.1.12. p. iy. 244. Bayle, ( Pierre )t. 11. p. 48. 49. t. 11. p. de Beauchamps, ( Pierre-François Godait ) t. 11.p. J37. 342. t. îx. p. 278. du Bellay, ( Joachim) t. n . p . 407. t. 12. • p. 16. 17. 3p. 184.118. 413. Belleau, (Remy)t. 11. p. zj. 205. Benac, ( Jean ) t. 11. p. 43p. Berthaud, ( j'en» ) f. 12. p. 244. Befly, {Jean) 1.12.p. 117. 210. Bigot, C Guillaume) t. u . p . 433. 434: Binet, ( Claude) t. 12. p. 3. 4. 67.68. i(e. 191. 1P3. & fuiv. xop. Û: fuiv, 220. 234. 243. 244. 304. Binet, {Pierre) t. 12.p. 244. Binet, (Jean) t. 12.p. 233.234. 2«r. Boiceau, Sîeurde IaBorderie, (Jean) f.12. p. y 4, yy, yô". 6b. «1. & fuiv. 6p. • de la Boiciere, ( 'A7. L. R.)t.\ 2. p. 67. Boileau Delpreaux, ( Nicolas )t. u . p . y i . y2.1.12.. p. ipp. 228. le Blond, (Jfaro ) t. 11. p.idd. • Blondel, ( Pierre-Marin ) t. ix.p. 6p. Bonnefons, ( Jean ) t. 12. p. 303. 406. deBoteon, {Jean) t. ix.f.91'. Bouchet, ( Jean ) 1.11.p. 91.438. t. 12.p.'• Bouchet, ( Guillaume ) t.ix. p.tf. <S. 6p,JBoudier, ( Jean) t. iii p.36t. Bougard, ( Jean) t. n.p. 6p. Bougoing, {Simon)t. n.p.'ioàf Bourbon, (Kieolas)"r. n;p.404I' dé Bourges,-( Clémence ) t. i2.p.82. Brând>\ Sébafiien) 1.1 i.Tp. zjp. -&ffùw,'- NOMS DES AUTEURS. te Brantôme, ( Pierre de Bourdeille ) tome IJ.pûge 4°6de Brie, ( Germain ) t.n. -p. 398. Briflbn, ( Barnabe) t. 12. y.2y6\ Brodeau,( Fitsor ) t. n . y . 438. t. iz. p* 10.7t. Brodeau, ( Jean) 1.11.p.441. de la Bruyère, ( Jean) t. 11. p. j8. Bry, ( Cilles > M i . y . 301. Bûcher, ( Germain-Colin ) f. n . y. $>*•. Bunel, ( Pierre ) t. 12. y. 173. 274. G C > de Caries, ( Lancelot ) t. 11. y. 80.. rfeCaftaigne, (.Jean) t. 11. y. zy. 7 ^AILLET^CA . )r. 11. y. 144. Gatherinot, (Nicolas ) 1.11. y. 39p. Ghandelier, (Rewe')f. 11.y. 135". h Chandelier ,, ( Jean-Eaptifte ) t. 11. y.. 344Chandon, ( Gratien ) t. ia» y. 115*. Ghapuys, ( Claude ) t. 11. y. 80. Chartier, ( Alain )t. 11. y. 417. Chauflbn,. f Maurice ) r. 11. y. 4 3 ?. Chevalier, ( François ) t.. 11. y. 192. Chopin, ( Rewe j r. ia. y. aye». Gjreftien, (Florent)t. ia> y. 167. 236". <*/• /ttiv. 240. & fuiv. 167..xo?. de Claveyfon, ( Exupere ) t. 11. y. 439. Génie,,( je«» ) t.12.y. 144. Golet, ( Claude ) t.u.p.iéç. 166. t. iz.p. 2 y.. Colin, (Jacques )t. 11.y. 437; Colletet* ( Cuillattme ) t. 11. yy. r. 12., y. iay. 1*7. &fuiv. i j i . uô*.. 227;- 244.. 267.. 27e». 297.4di. de Colo.nia,.( Dominique) t. ri. y. 44a,. 443- 4y4-t- "-y- 7<S- 77- »»• 3«WCoras,,( Jean y t*.i.r.j>. 131^ NOMS DES AUTEURS. Coftau, (Pierre) tome 12. P4PBH5. de Courtin de Cille ( Jacques ) tome 12. page 300, Cngnon, ( Pierre ) t. 11. p. 439. & fitiv. Critton, (George) t. 12. p. 208. 244. de là Croix-du-Maine, ( François Gradé*, Sieur) M I . p . 101. 111. 132. Ué. 191. 147. X J I . 329. 337. 338. 34«. Î.51*- 357- 37<>- 4i J. 441. 444- 448. 45I. t. 12.p. 14. 22. 3p. J2. 77. ,89. IX6~. 122. 152. 234. 26l. 29 . 342. 159- 377'378- 197-4^6.417. D 191. Î4». 4fo. I06. 347. D. (Pierre) 1.11. p. 399. Derùfot, ( Nicolas) t. îi.p. 406.407. AMéS, t. I2.p. 2Ç.pO. Defarpens, ( Michel.) t. n . f. 344. Defmarcts, ( /ean ) *. 11. p. 11. Defportes, (Philippe) p. 12. p.29p. Dolet, ( Etienne ) S. 11. p. 191.436.439. 444. s. 12. p. 88.89. Dorât, ( Jean) t. 11.p. 40*. 407.4. 12.92j. 167.144. 2*7. 290. 377, Je Duchat, ( Jacob) t. 11.p. 90.93.. Durant, ( N.)t. 12.p. 244. Durant, ( Jacques ) 1.12. p- 303.- E. E Eùerure. ;(Jioi'ert) t. i l . p. 144. TIEUME ( HisnW ) t. 12. p. 89.90. p i . . r F.- . • • • *8Ri,ouIeFevte,,(;iîsT»e>it ) FJàFevre,(Jean)*. }97i*p.-2pQ~ un.pi- •S-vjj NOMS DES AUTEURS Fevtet, ( Charles ) tome 12. page 267; Fontaine.) ( Charles ) r. u . p.-5*2, 3pp. 43Si4t*. 4JP- t. 12p. iif. de Fontenelle) ( Bernard ) t.- M» p. 227.. 228Forcadel, ( Etienne ) t. 12. p. ^ojv • le Fort de la Morifliete, ( Claude) t.ia.pFrançois I. Roi de France, t. n ; p. 41e. Frétard „( ïridn» ) t . n . p.301. G. G 231. Galland, ( Pierre) t. 11;p. 400.. ALLAUD, ( Jea») f.iz.p. 20p. 244^- Garafle, < François) t. i i . p. 355. , Gamier ,.( ftoiwrt ) f.. 12.p. 244. 304.. Gamietj.f Claude ) t. 12. p. 210. 244. Gaudin,.(Alexis) t. 11.p. 133. le Gendre, ( Louis ) r. 11. p. 274.. Gérard, (Pierre ) t.. 1 J. p. 3po. Gervais, (. Pierre ) t.-11. p. 260. 27* fuivi . 2pp. 3 00; Girard, C iV. )r; 12-. p.4od.. de Gohorris, ou Gorris, (Jean) t. l a . p 164» Gordon de Perrel./fti'e.z.Lenglet du FreiV noy. Goflelin, (Guillaume) t. 12. p. 303. 307». Gouhi,.(Nicolas) t. 12. p. 244. Grangier, ( François) t. 12. p. 377.. Granet,. (> François ) t.-i %vp. 247. Grenet,.( le Chevalier) t..11.p. 43p. Grevin,.(/acf«eïXr..ii..p..43*. r.. I2..pe230..237.Grofnet ou.Grognet>{ Pierre) t. ri. p. 24$ 34p. 3p8. «Srtiget »( Claude ) tziz..p..2/». ÏTOMS DES AUTEURS. dit Gué, ( Jean ) tome 1i. fage \i6.& ftshji "Guéret, ( Gabriel )t. 11. p. i*j. . 86. d« Guernier, ( Nicolas ) t. 1i» p. 11 *. de /A Guefle, C Charles ) t. 1x. p. 244. Guichenon, ( Samuel) t - n . p. $70. î7«i- 374-J7f H.. ( François > M '.p. i « . 178. 406.426. Harbet, ( Nicolas) t. 12. p. 267. deHarlay, (Achilles) t. u..f>.x<6. de la Haye, ( Jean )t. 11. p. 409. Héroard, ( Jea» ) 1.12. p. 244. Heroët de la Maifon-neuve, (Antoine) t. n . p . 80. 4j8. de l'Hôpital, ( Michel ) t. 1 >. p. 42J. Hotman, ( Antoine) t. 12. p. 144. Huet».( PierrerDamel ). t. ix.p. JOJ. H ABERT, t. J ACOF, ('LOHfi) f. 12.p. J2U. JJ2. Jamyn, ( Amadis ) t. 12. p. 244. 2pp. de la Jeflee, ( Jean ) 1.12. p. 2pp. JodeÛe,-( Etienne) f.11. p. ; o . , t. t.. 12.p;?.2J. X6r. J o l y , ( Claude ) M 1 . p. 167. • le Jouvre , ( iVrVole, ou Nicolas ) t. 11. p. Junius-, ou du Jon, ( Florent ) 1.11. p. 20j. L.. de T A B O R I E , < François Arnatùt)t.sr,. JL. ' p. ipj. ipx.EarcKer v ( F, ).t.. ii.-p-. i j j . de EaunaY».( Pierre Êoaifiuau. ),t.-i2. p.102,. NOMS DES AUTEURS. Lenglet du Frefnoy, ( Nicolas) tome n * pages 34. & fuiv. 3p. 50. $6. 61. & fuiv* pj.r. 12. >. 341- 34<>de Leuc, ( Jean ) t. 11 .p. 3 90* le Lieur, ( Pierre) t. 11.p. $0. Liron, ( Dom Jean ) t.*, 12. p. 254. Loyfel, ( Antoine ) t.11. p. ntf. t. ia. p , 244. 2j6. Loyfel, ( Chriflophe )t. 12. p. 207-. de Luer, ( Pierre ) t. iz.p. 244. M. M Aci ,(René) t. ir.p.jpo. jpï. Macrkt, ( Saimon ) t. n . p. 450. fv 12. p. 191. Maffeï, ( Scipion ) t. it.p. 147. deMagnyvfOteler ) *.-11.jp. 4*7.*. i i . p . 3.4. 10. n . 14. Maiffonnier, ( R. ) 1.11. p. 6j. de Malherbe , ( François )t. 12. p. 14p. Mangot, ( Jean ) 1.12. p. aj/<î. de Marcaifus, ( Pierre ) t. 1*. p. 210. Marchant, ( Profper ) t. ra. p. 91. de Marillac, ( Pierre) t. n . p . 439. Marot, ( Clément) t. n . p . 3.4.-30. 4x8".. 434-4ÎT- 443- 4fa- *• n - P- 4<îi. Martin, ( Pierre ) r. 11. p. 390. Manon -, f Papire y t. 11. p. 424. t. 12. p 223. 2 2 9 . de Maumont, ( /eaw ) r. 12. p. iz. Méliffe, ( Paul ) r. V2. p. 244. Mellin de Saint Gelais, t. 11. p. 48. 8040 ;. 438; t. 12. p. 10. 2f. 73. Renard,( Claude ) 1.12. p. 244. de Meun, {Jean y t. ri. p. 27. Michault, ( ^eathBernard) t.- » . p. 230*Mizicre, ( François ), r-i i-p-tf it. NOMS DES AUTEURS. 4<Molière, (Jean-Baptifie Poquelio) »tme 12. page i8y. Molinet, ( jean ) t. 11. p. 8y. ûwMonin, ( Edouard) t. 12.p. 373. de la Monnoye,. Bernard ), t. n . p . 424. t12. p. iy6. î p j - ie Montagne, ( Michel) t. 12. p. 135». & fuiv. 141. & fuiv. de Mont-Dieu, ( B. ) t. iz. p. 234* &fuh. Morel, (Jean) t. 11. p. ijy. Morel, ( Frédéric) t. 12. p. 244. Morin, ( G«y ) 1.11. p. p8. pp. Morifot, ( Claude-Barthelemi) t. iz.p.soS. Mornac, ( Antoine ) t. 11. p. 424. de la Mothe, ( Charles ) t. 12. p. 171. ôV Motin, (Pierre) t . i i . p . JJ j , du Moulin, ( Charles ) 1.11. p. 424. «*« Moulin, (Pierrey t. iz. p. 267. <fu Moulin, ( Antoine ) 1.11. p. 70. 8p. Muret, ( Marc-Antoine ) t. iz. p. i j . 67. 201.209. z i 1.. de Myerre', (iV. y. t. n . p . 327. 328. N.. N de Naviéres, ( Etienne ) 1.11. p. zjv Nérault, ( Simon) t. u . p. 316.317. AUD*, (Gabriel) t. iz.p. 174. 377. Nicéron, ( Jean) t. n.p. 225.232. t. 12.. p. 43.77. 117. 157.260. 264..27J' 278* 3*9- Î4Î- Î77O. f r~\ KLÉANS , ( Lo«« ) t. 12. p. 244V W Orry, (Jean.) t. n.p. 134- NOMS- DES AUTEURS. P. P APILLON , ( Philibert ) t.it.p.. 117. 322.jxp. ggi. Paradin, ( Guillaume) t. 12. p-77-. dePardeillan,(Je«»)r. 12. p. 3 0 . 3 1 . y o . Parfait, ( TV. ) t. 11.p. n7.iaz.400.t. n. p. 37. 160. K l . 148. 169. 278. 280. 283. 29c». Parrhafius, C Janus ) t. 11. p. 91. Pafchal, ( Charles ) t. 11, 9. 26c. de Pafchal, ( Pierre) t. 12. p. g. go. goV 49-7*0. 237. - Fafqiuer, ( Etienne ) 1.11. p. 447;*-. '*• p43. rg. K9.170.172. 18t. 201. 21C. 119. 144. 2çd. &fuiv. Paflerat, ( Jean) t. 12. p. 244. 199. du Pavillon, ( Antoine Couillard, Seigneur ) r. 11. p. 103. Peletier, ( Jacques01. 1 i.p. 80. r. 12.p. 78. 79. 90.124. 132. 217. Pérard, ( Antoine)t. 11. p. 133; du Perrier, ( Aymar ) t. 11 p. 3 K. «1» Perron, ( Jacques Davy ) r. 12. p. i8y.202. 207. 21 j . 2 y 1 «294. Petit, ( Nicolas) 1.11 ;p. 291. 294. Picart, ( Marc-Antoine)1.12. p. 393.Piganiol de la Force,( Jean-Aymar ) 1.12. p.z6y. Pithou, ( Pierre ),t. 12. p. 201. 244. iy«V Poictevin, ( Jean ) t. 11. p. 4$1. t. 12. p. 9fde Pontôax, (.Claude) t. 12. p.317. de /« Porte, (Ambroife& Maurice) t. 12;p. 27.40.43. /r Prévoit, ( Thomas ) t. n . p. 344. Prévoit ,t<Augufiin ) t. 12. p. -207,"- NOMS DES AUTEURS,, Prevofteau, ( Jacques ) t. ix. p. xj4» Privey, ( Maurice) t. n.p. 116. du Puy, ' Charles ) t. n.v. 419. de Fayrtùflon, ( Jacquet ) t. 11. p. 418. de Puyteflbn, ( Jacques) t. 11. p. 344. R ABFX , ( 5««» )•*. IX. p. XJ7. deRacan, {Honorât de Beuil, Mat-, quis) r. ia. p. 24c. Rapin, ( Nicolas )t. 1 x. p. 244. Rapin » ( Rr»é ) f. 1 x. p. x 1 «. xx8. Régnier, ( Mathur'm ) t. ix.p. xpj. 294. Régnier Deûnarais, ( François-Séraphin ) f. ix.p.94* Richard, ( Jean ) t. ix. p. 167. Richelet, ( Nicolas ) t. îx. p. 109. x 10.14e* Richer, {Chriftophe)t. 11. p. 92. Rivière, ( Pierre)t. n.p.299. Roboam, ( /e<n») 1.11. p. 439. du Rochay, ( A icHei ) 1.11. p. ijy. de id Roche, ( Jean-Baptifle-Louis ) t. ix. p. 2c>8. & Juiv. 17j. &fuiv. de la Roche-Chandieu, ( Antoine ) f. 11. p. 134. Rogier, ou Roger ( Pierre ) r. 11. p. 3 , 7 . 338. de Ronfard, ( Pierre ) t.. n.p. 406V*. n . p . 2 3 . 67. > y<. ic>6.170. 2 9 3 . X94. X99. de Rouffec r ( Jean-Marin ) t. 11. p. 3 KRoulliard, ( Sébaftien , t. ix.p. 271. Je Roy, ditRegius (Louie) r. 11. p. i4î« ' AGON, (FrdttfoiV) f.iij^p. 80. 8 j . 3x4» Î4.J-J4* N O M S DES AUTEURS. de Saint-Marc, ( Charles-Hugues I c F c v r e ) t. i i . p.248. de Sainte-Marthe, r Charles) t. 11. i p i . 400.40t. de Sainte-Marthe, C Scévole ) r, ra- p . 406. 430. 440. 441. M l . i>. f 3. 122. I23. 139. 141. t o i . 244. as 6. 261. 310. de Sainte-Maure de Montaufier, ( Léon ) t. 11. p. 4 j 1.433.439. Salel, (Hugues) t. s t. p. 80. 438. Sallier, ( Claude) 1.11.p.n. 13. 3*. Salmon Macrin. Voyez Macrin. Sanadon, ( Noël-Etienne ) t. 12.p. 39.135/. Saulnier, ( Guillaume) t. 11.p. 1 r*. Sauvai, ( Henri ) r. 11.p.214. i r f . Scaliger, (/o/èph) 1. 12.p. 202. 2it5.-j02. 303. SéVe,(Maurice) t. 11. p . 80. 438.43p. r. " • p . 74. SéVe, ( / e e n , Claudine & Sybille ) r. 11. p . 4n.4Jide Seymour, ( ^fjme, Marguerite & Jeanne ) t. 11. p. 407. S i m o n , ( Henri ) r. 11. p. 174. Sorel, (Charles) 1.12. p . 187. 222. 227. 297. d e / a Soriniere, ( N. du Verdier ) t. 11. p . Spencer, ( Edmond) t. 12.p. 127. T ABOUROT des"Accords , ( Etienne ) t. 11.p. 401. r. i2. p. i p i . 36p. Taeliacarné, ( Benoît) 1.11.p. 404. Tahureau, ( Pierre ) t. 12. p. 3*2. de Taillemont ( Claude ) 1.11. p. 443. Taifand, ( Pierre ) t. i s . p . ,27k' « NOMS DES AUTEURS. de la Taiflbnniere , ( Guillaume ) t. 12. p. nr. Tamot, ( Gabriel )t. n . p. 114. Tartaret, {François) t. 12. p. n e . Teshault. ( G. ) c'eft-à-dire, Giullaïune des Autelz. Voyez des Autelz. Teffier, ( Antoine ) t. 12. f. 210. Theocrenus. Voyez Tagliacanaé. Thévet, ( André) 1.11. p. 418. ». 11. f. 3*9- 37°Thibault, (Florent) t. 11.p. 144. Thory, ( Geoffroy) t. s s. t. jpo. de Thou, ( Jacques-Augufle ) 1.11. p. 400". t. 1 2 . p . 1 2 3 . 1 3 0 . 1 6 2 . 2 0 1 . 202. 244. 2 6 1 . 24;, 266. deThyard, (Pontus)t. 12. p. 244. 324. Ui- Titon du Tillet, ( Evrard) t. 12.p. 169* Tolet, ( Pierre ) t. 11. p. 439. Toutain, ( Charles ) 1.12.p. 67. d« Tronchay, ( Georges ) t. 12. p. 2pp. d« Tronchet, ( Bonaventure ) ». 11. p. 13J/. 1.12.p. 115. de TrouffiLh, ( N. ) 1.12.p. 2pp. de Troyes, ( Frère 7eo» ) t. 1 i. p. 264. Turnebe, ( Adrien) t. 12.p. 202. V. de T 7 ABRES , ( Aymar ) 1.1 i.p. 42p. V Valere André', t. 12.p. 334. 335. Valens, ou Vaillant,( Germain ) t. 12. p. 244. Vander-Linden, ( Jean-Antonides ) 1.1 i.p. 362. 363. Vatable, {François) t n.p.48. Vauquelin de la Freûiaye , ( /eew ) ton»* NOMS DES AUTEURS, ri.pages $7. 67. 170. de Véga, ( Jean ) t. 11 p. 136". du Verdier, ( Claude ) *. i%. p. 3*6. du Verdier de Vauprivas, ( Antoine )t.r 1. p. 132.1*7. 183. 191. 192. 329. 337. 339. 341- 547- H8. 357- 362- Î7S- 3P°- 4 * 1 * 444.450,434. 4j6. t. 12.p. jz. 6i.6z. 76. pj. 81. 82. 88. 92. 94. 96. 106. 109. 116. 152. 184. 234. 299. 322. 328. 333, 342. 360.3<Î3. 3*4.373.414.4i<î- 417» de Villeneufve, ( Antoine ) r. 11. p. 439. deVilliers, ( Philippe) t.- n . p. 13c. <fr Vintemille, (Jacques) 1.12. p. n « i AMARIEL. Cherchez Roche - Chandieu. Tm du Catalogue* CATALOGUE DES P O E T E S F R A N Ç O I S , dont il eft parlé dans le Tome XI, T E A N Marot, page i. Clément Marot, ». 37. François Sagon & la Huéterie, p. 86', Michel Marot,p. 103. Jean le Blond, p. 106. Charles Fontaine, p. 112. Antoine Héroet, dit la Maifon-neufve,p. 14.1. x La Borderie,p. 148. Paul Artgier, p. 153. Papillon, p. 15*4. De Borderie,p. 156". Gilles d'Aurigny, dit le Pamphiïe> p. 163*. .Claude Collet, p. 178. Gratien du Pont,p. 184. Etienne Dolet,p. 103. Des Coles, p. 204. Jean Martin, p. 207. Le Livre des Vifions fantafHques, p, 210. Pierre Gringore, p. 212. Jean Bouchet,p. 242, Pierre Gervaife, p. 329. Pierre Rivière, p. 3 32. Pierre Blanchet, p. 33 e. Germain Emery, ou Aymery ,p. 338. Jean Parmentier, p. 338. Jean-Mary, ou Jean Marin de Rouffec,p: 343. Claude Cottereau, p. 34e. François Thibault, p. 347. Germain-Colin Bûcher, p. 348. Nicolas Petit,p. 350. Jacques le Lieur, p. 3 52. Jean Brèche,p. 353. Jacques Godard,p. 35"6". Jean d'Authon, p. 356". Jean Divry,p. 362. Antoine du Saix,.p. 369. Jacques Colin, p. 398. Marguerite de Valois, Reine de Navarre, p. 404. Antoine du Moulin, p. 422. Etienne Forcadel, p. 423. Charles de>Sainte.Marthe,p. 430. Victor Brodeau, p. 440. Maurice Sève, ou Scéve, p. 442. Pierre Loyac, p. 4J2. Claude de Taillemont, p. 45 3. Jean de la Maifon-neufve ,p. 4J6". Mellinde Saint Gelais, p. 456. TOME XII. Salel, page i. , Olivier de Magny, p. 14. H Jacques Tahureau, p. 40. VGVES Jean de la Pérufe, p. J2. Pierre-Marin Blondel,p. 58. Pernette du Guillet, p. 69. Louife Labé,p. 76. Bonaventure des Periers, p. 88. Berenger de la Tour, p. c-y. Laurent de la Graviere, p. 104. Barthelemi Tagault, p. io5. Etienne Thevenet, p. 10p. Martin Spifame, p. 11 r. Philibert Bugnyon, p. 113. Joachim du Bellay, p. 117. Etienne de la Boëtie, p. 13p. Jacques Bereau, p. 147. Jacques Grevin, p. 1 y 2. Etienne Jodelle, p. 157. Pierre de Ronfard, p. ip2^ Claude Binet, p. 24p. Florent Chreftien, p. 2y8. L'Auteur anonyme du Conte du Roffignol, p. 25i. Guy du Faur de Pibrac,p. 253. Antoine Favre,p. 27y. Pierre Matthieu, p. a8o. Charles Toutaïn,p. 287. Rémi Belleau, p. api. Jacques de Courtinde Cine,p. 301. Jacques Peletier, p. 307. Claude Turrin, p. 314. Claude de Pontoux,p. 322. Adrien du Hecquet, p. 333. Alexandre Sylvain,p. 338. Guillaume des Autelz ,p. 343. Marc-Claude de Buttet, p. 3 j 3. Claude Mermet, p. 3 jo. Philibert Bretin, p. 3 64. . Flaminio deBirague,p. 370. Edouard du Monin, p. 373. Jean le Mafle, p. 3 80. Pierre d'Origny, p. 3 p 2. Guy de la Garde ,p. 3P7. Pierre Boton, p. 402. JeanRuyr,p. 406. Pierre de Javercy,p. 410. Anonyme, Auteur du Recueil de tout foulas & plaifir, & Paragon de pdcfie, p. 412. Jean des Planches ^ . 4 1 3 . Jérôme d'Avoft, p. 414. BIBLIOTHEQUE BIBLIOTHEQUE FRANÇOISE, 5 o u HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANÇOISE, SUITE DE LA HULTIE'ME PARTIE, POETES JEAN FRANÇOIS. MAROT. E AN Marot naquit à Afttthieu, Village près de Caert en Norma«die,non en 14-57. comme on le lit dans plusieurs Ecrivains, mais en 1463. Il reçut une éducation aflez négligée -^ on ne lui fit pas même apprendre la langue Latine. Mais beaucoup de génie & une application confiante fuppléerent au défaut des Maîtres, & de l"infTom XL, A , s. 1 truclion qu'il auroit pu en recevoir. Un penchant naturel pour la Poëfie , & peut-être l'envie de fe retirer de l'indigence & de l'obfcurité , lui rendoient . les belles Lettres néceflaires. Il étudia dans ces vues l'Hiftoire & la Fable. Il lut les Poètes François qui l'avoient précédé, & il fit fes délices du Roman de la Rofe, que l'on regardoit alors comme une lecture prefque néceffaire, & qui eft très-négligée depuis longtems. A ces études, Jean Marot joignoit des mœurs qui auroient fuffi feules pour le rendre eftimable. Ces belles qualités le firent connoître de M i chelle de Saubonne, qui étoit alors fille d'honneur d'Anne, Ducheffe de Bretagne, depuis femme de Louis X I I . Anne aimoit les Lettres & les beaux Arts, recevoit volontiers ceux qui les cultivoient, & les encourageoit par fes bienfaits. Marot avoit befoin d'un appui fi honorable en même tems & fi utile. Michelle de Saubonne le lui procura.. Elle l'introduifit chez la Princeffe, qui le goûta, le déclara fon Poète> & le donna depuis à Louis X I I . pour l'accompagner dans fon expédition de Gènes & de Venife. Pour répondre à ce double honneur, Jean Marot fe qua- JEAN MA- *0T« BIBLIOTHèQUE F R A N ç O I S E . . J lifia, le Poète de.la très-magnanime Reine' de France, Anne de Bretagne, & il écri- JKAN lYLtd vit en vers les deux voyages dans leC- Ror * quels il eut l'avantage de fiiivre Louis XII. Il vécut jufques fous le règne de François L Dans l'examen qui a été fait des Etats de la Maifon de ce Prince qui font à la Chambre des Comptes de Paris, Jean Marot s'y trouve employé aux années 15.2.2. & 1523. en qualité, non de Valet de Chambre ordinaire , mais de Valet de Garde-Robe ; & il n'eft plus fur les Etats de l'an 1 5 24» ce qui fait conjecturer qu'il mourut dans le cours de l'année 1523. Ravoit alors 60 ans. Son fils Clément Marot parle ainlî de lui dans l'Epîcre qu'il adreffa à François I. pour demander à ce Prince de fuccéder à la place de, fon père. Et me forment quant Tafinattendait," Qu'il me difoit, en me tenant la datte : Filz, puuque Dieu t'a faict la trace d'ettQ Vray héritier de mon peu de fçavsir, Quierten le bien qu'on m'en ha fait avait}. Ta connais comme ufet en efi décent : C'eftun (çavoir tant par te irraoceot» Qu'on n'en fçauroit & créature nuyrc. Far preWerncBS le peuple on peut feauvre. AÇ SS^SaBS JEAN M A *"*• BIBLIOTHèQUE -far marchander, tromper on le peut bien,' Par plaidetie on peut menger fon bien , Par médecine on le peut bien tuer; -Mais ton bel art ne peut tels coups ruer-; •Ains en fçauras meilleur ouvraige tiftre, Tu en pourras dircer Layou Epiftre, . Et puis la faire à tes antys tenir, ••Pour en l'amour d'iceulx t'entretenir. • Tu en pourras traduire les volumes Jadis elcripts par les divines plumes De vieulz Latins , dont tant eft mention,' •Après m peulx de ton invention Faire quelque œuvre à getter en lumière, Dedans lequel en la feuille première, Doibs invoquer Je nom du Tout-puiflant. Puis defcriras le bruyt refplerrdtnant De quelque Roy ou Prince, dont le nom -Rendra ton ceuvre immortel de renom. Jean Marot avoit fuivi le premier-ces avis. D avoit montré par fon exemple qu'il ne regardoit pas la poëfie comme un art qui dût fervir au libertinage ou à la fatyre : du moins fe trouve-.t'il peu de traits qui fententl'un ou l'autre dans . ee qui nous refte de lui. Les deux voyages de Gênés & de Venife, qu'il a décrits , méritent l'eftime d'un lecteur fenfé. Outre l'exactitude hiftorique , on-y voit 4« 4'inveritjon & de L'ordre. Les F R A N Ç O I s e. 5 defcriptions y font juftes & naturelles. Le Poète Hiftorien peint bien, & fçait *EAN **" choifir ce qu'il doit peindre. On doit auffi lui tenir compte du foin qu'il a eu d'éviter les pointes & les jeux cîe mots. On feroit beaucoup mieux aujourd'hui, mais ces deux ouvrages font bons pour le fiécle où ils ont été compofés. La defcriprion du voyage de Gènes efl moins étendue que celle du voyage de Venife ; l'Auteur avoit moins de faits à détailler, moins de circonftances à rapporter. Mars fâché de voir la paix darisPEu- Mém. tîtt. rope , penfoit à l'en bannir , lorfque *• *M"fcf' Bellone vint lui confeiller de jetter les yeux fur l'Italie pour y allumer le feu de la guerre : ce confeil plaît à Mars, il le fuit, & choifit pour le féconder, Fiers Genevois de leurs conditions, ' Sans foy, fans loy plus qu'autres nations. La difeorde ayant chaffé la paix de cette Ville, le Peuple fe révolte contre les Nobles , en pille plufieurs , en tuë quelques-uns : Par quoy conclud toute la gemillefrè S'en plaindre au Roy comme au chef de noblcfiè. Lie Roi entend leurs plaintes ; il les traiA iij 6 - BIBLIOTHèQUE ; te de fous, de mutins & de lâches ; ceJEAN MA-pendant il leur promet défaire connoî*0T« tre aux habitans De la Cité, que dix fois à cent ans N'eurent Seigneur, qui euft force & puiflànce Four les pugnir, comme ung feul Roy de Fiance. Mars s'applàudillant de ce premier fuccès, fait entrer dans fes defleins Neptune & Eole, donne ordre à Vulcaih de forger des armes, engage;les Furies à fortir des Enfers pour fe répandre partout, &aflèmbleles Centaures. Gènes inftruite des defleins que Mars avoit inlpirés à la France, aftemble Noblejfe , JMarchandife & Peuple, & les harangue for l'état malheuretix où leur défunion les réduifoit. Dans la première partie de de fon difeours elle maltraite fort JVoHejfe, qu'elle aceufe d'ufurpation , de bafleflè & d'impofture. Dans la féconde, elle exhorte tous fes habitans à fe bien défendre, & lés raflùre par tous les endroits qui peuvent leur infpirer du courage. Cette harangue fait impreffion fur les Génois, & dans la première chaleur de leur zèle, ils promettent de fe bien défendre. Mais leur défenfe eft fans règle, & fe change bientôt en tyrannie ; ils courent comme des fu-» F R A N ç O I S E . ? infultent toutes les maifons où : ils voient peintes des fleurs-de-lys, vont JEAN MAau nombre de vingt-cinq mille attaquer R 0 T ' leCtftelat, y tuent dix-huit François qui en compofoient la garni fon , arrachent le cœur à ces miférables, & le mangent. Après cette cruelle expédition, ces furieux portant au bout de leurs lances les chemifes enfanglantées de ceux qu'ils venoient de traiter fi inhumainement,fe tranfportent dans la place de S. François occupée par des troupes du Roi. Mais celles-ci fe défendent fi vaillamment , que Louis X I I . eut le tems de venir & de les délivrer. Le Poète décrit avec exactitude la marche de ce Prince, qui vint jufqu'à Aft fans s'arrêter , les honneurs qu'il reçut dans les Villes d'Italie où il paflà : il nomme les Seigneurs qui fe joignirent à l u i , & n'oublie point d'exalter le courage des François , qui dès les premières attaques, fe rendirent maîtres de plufieurs fortereffes qu'on regardoit comme des remparts incapables d'être forcés. Les François s'étoient emparés du Bajlillon, & cela avec tant de promptitude, que Marot d i t , qu'il n'auroit pu en croire le tiers, s'il ne l'avoit pas . Aiiij S BIBLIOTHèQUE vu. Un nommé Paul de Nove, TetnjEANMA-turier de profeflion, que les Génois KOTi avoient choifi pour leur Duc, leur promit de reprendre ce fort ; il le tenta, & échoua. Défefpéré de ce mauvais fuccès, il s'embarqua, fut arrêté, eut la tête tranchée, & vérifia ce que le Poète avoit dit de lui, qu'auprès de tes chaudières Il eut acquis plus d'honneur & prouffie. Jean Marot décrit enfuite comment les Génois vinrent implorer la clémence de Louis XII. la bonté avec laquelle ce Prince les reçut, la loi qu'ils s'impofèrent eux-mêmes de demeurer vêtus de noir jufqu'à ce que le Roi leur eût pardonné; l'entrée triomphante du victorieux dans Gènes, & les ordres qu'il y donna. Louis XII. fait prêter enfuite ferment de fidélité aux vaincus qui fe préfentent devant lui défarmés : il en exige les hommages qui lui étoient dûs; il leur donne de nouvelles loix, & leur fait jurer de les obferver, après quoi il pan pour fon Duché de Milan, où l'on célèbre diverfes fêtes à fon honneur, que le Poëte ne manque point de décrire. Oeil par-là que finit la première panie de fon poème, *Sc le vojtgt 4e Gènes. FRANçOISE.' 9 fe Les pièces qui fuivent, quoique fous t le même titre, n'ont qu'un rapport in-JEAN MAdirecl: avec ce voyage. C'eft d'abord* 01 * • une efpéce d'invective en profe fur la diflimulation, la honte & la douleur de la Ville de Gènes. Cette invective eir, fuivie de trois Complaintes entremêlées de quelques Rondeaux qui ne font mis laque pour fervir de paufe. Dans la première Complainte Gènes fait un détail de ce qui s'eft paffé entr'elle & le Roi, comment elle fut la corde au coul, le glaive fous la gorge,implorer la clémen- . ce de ce Prince, le pardon qu'il lui accorda, la punition qu'il fit des plus mutins qui furent pendus ; ccanment il fit brûler les loix qu'elle avoit, & lui en donna d'autres, pour la rendre fujette de fouveraine qu'elle étoit. Gènes finit en fe plaignant de Venife, du Pape & de l'Empereur, qui l'avoient abandonnée. Elle convient que le Pape arma par mer pour la fecourir ; mais elle prétend que cet armement n'étoitque/À»»fte couleur, que les foldatsn'étoientque des Ruffiens de Rome, Qui pour fouyr couraient ranime chats maigres. Dans la féconde Complainte Gènes reproche à lès habitans leur lâcheté, eux Av ro BlBIIOTHEQUE : qui avoient promis que fi le Roi de JEAN MA- France ROT. Paffoir les Monts, fans aucune doubtance, Ils le pcendroient malgré tous fes gendarmes ; Mais près au feu couards tiennent gros termes. La troifiéme Complainte eft fur la mort de ce Teinturier Paul de Nove, qui avoit été la victime de fatémérité&de fa préfomption. A la fin la Ville gémic de fe voir sujette, Se dit : O Roy Louis, quel bruyt, honneur & gloire Te fera faict en chronicque & hiftoire, Humble avoir faict moy Gènes la fuperbe. Mais elle fe confole par l'efpéranceque quelque trahifon lui rendra fa liberté. Le Poëte ne la laiflè pas longtems dans cette douce efpérance ; il larepréfente un moment après comme déjèfpérée, fe jettant fur un lit, » que raige » & douleur trop foigneufement lui' 3> avoient accoutré dedans une cham» bre ténébreufe & obfcure, tendue de » tapis noirs femés de larmes blanches: 33 auprès de cette couche y avoit une 33 chaife, dedans laquelle étoit aflis ung ssviel homme chenu ayant le regard 3> épouvantable à merveille. 33 C'eil le défefpoir que le Poëte peint ici de tôt*». F R A N ç O I S E . •I î tes fes couleurs. Mais une Dame de tant', belle & gracieufe façon, appellee Raifon, JEAN MAle chafla., & vint parler à kellepovre & R0T# quafi défefpérée Gènes. Jean Marot fait parler Raifon en vers, & lui fait dite enti^autres que le fondement le plus folidedela confolation de Gènes, c'eft d'appartenir à la France. Gènes airrii confolée par Raifon, quitta fon manteau de deuil, & fut « revenue d'un man-<c teau de fatin, portant couleur de bleu, <c femé de fleurs-de-lys ; & lorfqu'elle « l'euft veftu, commença à dire de bon- <c che, & , comme on croit de cueur,« foubz ce manteau je veuil vivre & se mourir. » Elle récite enfuite un Rondeau où elle fe félicite elle-même de l'heureufe fituation où elle fe trouve. Jean Marot préfenta cette defcription du voyage de Louis XII. à la Reine Anne de Bretagne, fous le nom de Jean Defmarets, qui paroît avoir été fon véritable nom.C'eft ceque femble prouver le Difcours préliminaire qui étoic à la tête de l'exemplaire de cette defcription préfenté à la Reine , confervé dans la Bibliothèque du Roi, ce que M. l'Abbé Sallier a fait imprimer dans le treizième tomed.es Mémoires de l'A- p. «ot; <adémie des belles Lettres. Dans ce A vj 12 BlBIIOTHEQTJE Difcours l'Auteur, après avoir parlé JEAN MA- fort modeftement defonouvrage, &du *°T« zèle que tout bon fujet doit avoir pour l'honneur & la gloire defonSouverain, ajoute: 55Parquoy, Madame, délirant » par toutes voyes chercher moyen as d'accomplir chofe qui vousfoitagréa3>ble, toutesfois indigne & incapable 33 de ce faire ; je Jehan Defmarets voftre 33 povre efcripvain, ferviteurtrès-hum3> ble des voftres très-humbles & très33 obéiflans ferviteurs, vous préfente ce 35 mien petit ouvrage, à vous & non 35 aultre voue & defdie : vous fuppliant 3> tant & fi très-humblement comme 35 faire le puis, que à gré plaife à l'hu35 manité de voftre grâce, ainfi que avez 3» de l'heure de vos premières intelli- 35 gences jufques à ce jour continuelle35 ment fait, le recepvoir. 55 Ce qui prouve encore que Jean Defmarets eft le même que Jean Marot, c/eft que dans un autre Difcours que celui-ci fît à la même Reine en lui offrant des vers qu'il avoit compofés fur fa convalefcence en 1512. il dit : 55 Plai35 le vous fçavoir que je Jehan Defma35 refit, alias Marot de tous facteurs le 35 moindre difciple & loingtain imitat e u r des meilleurs Rhétoriciens.... •' F R A N ç O I S s. 13 ay mis & employé la force & totalle « • vigueur de ma très-rude & imbécille « JEAN MAcapacitéàconftruire, édiffier&com-« R0T* pofer ung œuvre delà reflburce & qua-« n nouvelle inftauration de voftrefan- « té. &c. » Ce difcours tiré d'un manufcnt de la Bibliothèque du R o i , fe lit dans le même tome des Mémoires der- *oj. l'Académie, que je viens de citer. D'où M. l'Abbé Sallier conclut, ce femble , avec raifon, que le nom de Jean Defmarets étoit le vrai nom de ce Poète , & que celui de Jean Marot étoit, ou bien un nom de guerre qu'il avoit pris, ou un fobriquet qu'on lui avoit donné. Ce fut en 1 507 que Louis XII. fournit les Génois. L'année fuivante 1508. il adhéra au Traité de Cambrai contre les Vénitiens, & partit peu de tems après à la tête d'une armée aflêz confidérable , pour leur faire la guerre. Jean Marot accompagna encore le Roi dans ce voyage de Fenife, dont il a fait pareillement la defcription. Voici une idée de ce fécond poëme, qui ell, comme le premier,mêlé de profe& de vers. Mars ayant fait, fous le vouloir des Dieux, triompher Louis X I I . , alla remercier ces mêmes Dieux des faveurs qu'ils lui avaient faites. Pendant que 14 BIBLIOTHèQUE - toute la Cour célefte applaudit à ces JEAN MA-actions de grâces, & témoigne par des R0T ' concerts la joie qu'elle a des victoires de Louis XII, la Paix, accompagnée de la Vérité, de la Juftice & de la Miféricorde, fe préfente & demande audience. Elle fait un difcours, dans lequel après avoir expofé tous les troubles & tous les malheurs inféparables de la guerre ; elle fupplie qu'on lui permette de defcendre fur la terre, oùelleeft défi rée par le Roi de France. Elle obtient ce qu'elle demande, quitte le ciel, defcend fur la terre que Mars abandonne, & veut d'abord s'arrêter à Venife ; mais elle y voit tant de monftres d'Enfer, Trdhifon, Injuflice, Rapine, Ufure, Av*~ rice, Avec lcfquels recongnus Clercs & Laiz Qui d'aultruy bien batiiToicnt leurs Palais , Que n'étant point accoutumée à une femblable fociété, Laiua Venife, en France s'en alla. Elle fut charmée de voir toutes les vertus régner dans ce Royaume, tous les biens y fleurir j & la tranquillité dominer dans toutes les conditions, jufques aux laboureurs qu'on voyoit dans leurs maifons : F R A N ç O I S E . Iç Sans eraînte ou peur, plusfiersque gentilz homme : „, , .„ . „ , .. Plus les pilloicnt Cordeliers, Moynes , Carmes, Qu'Avanturiers, francs Archiers, ny Gendarmes. - „ JEAN MA* _ A cet afpeci", la Joie s'empare de la Paix qui fait l'éloge du R o i , & defcend • Dedans Cambray, où elle fût traictee" De Pape, Roys, Empereur, Dura, Marquis, Si noblement, & de metz fi exquis, Qu'il n'eit poffible en tels actes mieulx faire, L a Paix leur raconta comment étant envoyée par les Dieux pour le bon heur des humains, elle avoit trouvé, en parcourant la Chrétienté, que la Vérité Sx. hjuftice lui gardoient place en tous lieux , excepté à Venife , d'où cinq monftres l'avoient bannie. Sondifcours anime les aflîftans, ils concluent de s'unir pour chaiîèr les monftres qui l'avoient maltraitée, & la Paix s'envole en l'air . . . . . en attendant que Juftice Panny le monde ayt mis droit & police. Le Poèteinterrompt ici fon récit pour exhorter tous les Princes Chrétiens, ou du moins le Pape, l'Empereur, le Roi «Je France & le Roi d'Efpagne à agir , T Ifj BlBLIOTHEQlTE e=sss5? chacun de fon côté,pour réduire les V é JEAN MA-nitiens à leur première condition \ & RoT * dans un Rondeau qui fuit cette exhortation , il exhorte les Vénitiens à p r é venir les maux dont ils font menacés,ert faifant d'eux-mêmes, ce qu'on les obligeroit de faire par force. Dans la pièce fuivante, qui eft de près de 300 vers, Jean Marot reprenant fon récit, remonte }ufqu'à l'établifiement de la République de Venife, en fait l'hiftoire, dit beaucoup de mal de cette République, parle en peu de mots du Traité de Cambrai, décric les préparatifs de l'expédition de Louis XII. contre Venife , & le départ de ce Prince & de fon armée. Ce qu'il dit des fentimens du peuple lorfqu'il vit fon Roi partir , eft fort bien touché : éell le cœur qui parle dans ce récit : Le Roy (cachant par vraye expérience, Qu'en fait de guerre il n'eft que diligence. Part de Lyon , devers Grenoble tire. Le peuple Ion regrettant (on abfcnce , Larmes aux yeux difoient en révérence : Noftre bon R o y , Dieu te veuille conduire. L'un le regrette, l'autre plaint & foupire : L'autre mauldit qui le conseil lui dorme, Difànt airvfi : l'on ne dolbt la perfonne ' F R A N ç O I S E . \J De noftre Prince ainfi mettre au hazard. L'autre reipond : ta raifon n'eft pat bonne, J E A N M A- Car des brebis que Paftour abandonne, ROT. Souvent le loup en dévore a l'cfcart. Bourgeois, Marchands & peuples méchaniqun Sont tous perplot en leurs bancs & bouticquct : Prefhes en pleurs convertiflent leurs cirants. Mais leurs douleurs font fleurs aromaticqucs , A u prix de veoir pauvres paysans rufticques Tordre leurs moins , cryans parmi les champs, Difans ainli : prenons gktives tranchans, Prenons harnoys, prenons cotte de maille, Et le fuivons en quelque lieu qu'il aille, JC'eft noftre Roy , noftre père 8c appuy : Carmieulx nous vault foit d'eftoc 8c de taille Le deftertdaot, morir en la bataille , Que de languir en doleur aptes luy. Louis XII. étant à Grenoble, envoie Montjoje fon premier Roi-d'armes vers les Vénitiens. En paflânt par Crémone , Montjoye inftruit les Gouverneurs de fa commiflîon, & après avoir entendu leur réponfe, il s'embarque, arrive à Venife, monte au Palais, fait fa fommation, & déclare la guerre au cas qu'on ne fatisfafle point à fes demandes. Le Doge répond au nom de la République en des termes aufli refpedueux pour le Roi qu'ofîènfans pour ï$ BIBLIOTHèQUE 1 le Pape, qui étoit alors Jules II. mais JEAN MA- cette réponfe ne décidant rien , ROT. Mowtjoyt part, & fans dilation Abandonna palais & tabernacle , Ne demanda faire collation , Crairnant trouver pour fa résection Quelque morceau d'efprouveur de triade. Le Roi partit de Grenoble au mois d'Avril 1509. au milieu des pleurs de la Reine & de toute la Cour qui l'avoient fuivi jufques-là. Anne Royne des Daines la plus noble, Ne peult parler pour fa dure deftreiTe ; Sembloit Dido quant Eneas délaiiTé, Ou Ipfîphile abandonnant Safon. Toute fa Cour mêle fes larmes aux fiennes, & le Poète s'arrête longtems fur ce fujet : mais Louis XII. Portant en face une faindte Iyeflè, part, & arrive le premier de Mai à Milan où la joie de le revoir, tranfporte tous les habitans. Pendant fa marche, M. de Chaumont, Grand-Maître , avoit pris Trévi fur les Vénitiens qui ne tardèrent pas à reprendre cette Place. Bartheleini furnonvmé d'AIviane, F R A N ç O I S E . 19 Eftoit leur chef, homme très-vertueux , — — — Et l'autre eftoit le Conte Pètillane, JEAN MA- Vaillant de loing, hardy comme une cane, KO T . Mais en paincture horrible & valeureux : Venir on le peult aux gcftcs fumptueux Qu'en fa inaifon il a dépaincts et fuira ; Beflemble aux Grecs de gloire ambitieux, Dont les efcritz vallent mieulx que les faicrz. Le Roi n'ayantpû empêcher la reprife de Trevi, paJle la rivière d'Ade avec fon armée comblée de vingt mille hommes, va chercher celle des Vénitiens qui en avoient trente-huit mille, ce leur préfente bataille à une portée de fuiil de levii'sretranclwmens.EyAlviane vouloir l'accepter, Pètillane s'y oppofa, efpérant que le Roi viendroit les attaquer dans leur camp. Mais ce Prince fçachant qu'ils y étoient bien fortifiés , voulut les attirer dehors, & cependant envoya fommer les habitans de Bivolte de fe rendre, On qu'à fac feront m i s , leur ville mis en cendre. La refponfe fuit telle , que riens ne le craignoient, Car à trois mille d'eulx Vénitiens étoient, Qui leur avoient promis , en peine de mourir , Qu'en bataille rangée les viendroient fecoirrir. Sur cette réponfe, le Roi abandonna la 2.0 BlBIIOTHEQTJE v ,• ... Ville à ceux qui voudroientl'attaquer , JEAN MA-en difant, ROT. Saulvez l'honneur desDames, jeunes enfans gardez, Et des rebellant ratftes ainfi que l'entendez. La Ville fut donc attaquée, prife, pillée & brûlée, fans qu'elle eût reçu a u cun fecours des Vénitiens. Le Lundi quatorzième Mai les deux armées en vinrent aux mains dans la plaine de VelU. Le combat fut long & opiniâtre, la victoire fut bien difput e e , mais le Roi demeura vainqueur. L'armée des Vénitiens fut entièrement défaite, de perdit toute fon artillerie & tout fon bagage. Il y eut un grand nombre de prifonniers , & l'on fit mille fagots des piques qu'on ramaffa fur le champ de bataille. Cette victoire fut d'autant plus glorieufepour LouisXII. qu'il la remporta fans aucun fecours étranger. En Aignadel fur le champ de Vella, Loys douziefme occift & débella Sans le fecours d'Empereur, Roy ou Pape,' Vénitiens, leur donnant telle eftrape Que feize mil & plus moururent là, Dalvim tint, Titilla* reculla , Auflî l'on dit en la gloire qu'il a , Que fon cheval n'eufi pas la goûte grappe En Aignadel , &c. F R A N ç O I S E . 21 D'Alviane qui étoit du nombre des -^ prifonniers, fut traité avec honneur, JEAN MA&fecouruavec foin par les ordres du i e T # Roi, quoiqu'il eût ofé quelques jours auparavant écrire .à-ce Prince Que de grands chaînes d'or Iyéle rueneroit Jufques dedans Venitè. Cette Victoire fit tant d'honneur à Louis XII. qu'on le regardoit partout, Coin s'il -rutt le fléau de Juflice dirine. Quand la nouvelle en fut venue en France, la Reine , la Cour & tout le peuple en témoignèrent beaucoup de joie. Le Poète décrit au long tous les effets qu'elle produifit. Le 16. Mai l'armée du Roi marcha fous les ordres à Carvas,, Cçtte Villerefiiia.de fe rendre ; elle y fut contrainte, t5c cependant Louis fit grâce avrx habitans, à l'exception de .cinq ou fix Milanpis qu'il y trouva armés contre lui. La reddition de cette Place fut fuivie de celle de plufieurs autres , & enfin de tout le Bergam^ue. LesCrémo nois Apportent clefs, du Roy prennent les armes ^ • i u y ptomettant.d'être loyaux & fernes., ^ JEAN M A - ROT. BIBLIOTHèQUE En louant Dieu félon leurs dits & termes ; D'avoir tel Prince. Brefce imita l'exemple de Crémone, en déteftant le gouvernement de Venife. Le foldatétoitprelque fâché de tant de docilité ; il auroit voulu avoir la liberté de piller impunément ; mais le Roi loin de le permettre, alla jufqu'à courir lui-même dans un Village charger ceux qui le pilloient. Pefquaire moins docile que Brefce & Crémone , fut la viclime de fon opiniâtreté : le Roi l'avoit fait fommer de fe rendre , mais les habitans n'avoient répondu qu'en Montrant leur cul par-deflus la muraille , Proférant mots fi vilains & pervers, Qu'il n'eft Autbeut qui les couchait par vent.' Leur infolence fut rigoureufement punie. Après la prife du château, la garnifon fut pendue, & tout le relie fut maflâcré. Peu après le Roi fit fon entrée dans Crémone ; c'étok le vingttroiiiéme de Juin : il y fut reçu avec magnificence & de grands applaudiffemens. De-là il pana à Pifquiton & à Crefine , d'où il retourna à Milan , où on lui fit encore une entrée qui avoit Pair d'un, triomphe. On avoit fait for F R A N ç O I S E . ij un char élever un trône que foutenoient —M™*—' la Force, la Prudence & la Renom- JEAN MAmée. Le Roi fouffrit avec peine les R0T* louanges qui lui furent données en cette œcafion, du moins félon le récit de Marot, qui ajoute : Lors tout honteux leur a dit, Bexuht Seigneurs Au Roy du Ciel en font dûs les honneurs, Non pas a roey, le moindre des niineurs. Le Poète rend encore le même témoignage à la modeftie du R o i , lorfque ce Prince marcha fous le dais qui lui avoit été préparé. Quatre Bourgeois renommés en vertus , Foille ont pond d'or, riche & fomptueux Oeflus le Roi : lors le très-vertueux , Comrne ung Céfar en gefte fe monftroit, Regard plaifant, maintien chevaleureux , Fort afleuré, mais ung petit honteux Des haults honneurs que chafcuii luy raUbit. Le Roi relia vingt-fix jours à Milan ; &quoique chaque jour fûtmarquépar uelque nouvelle fête, il ne laiffa pas e s'appliquer à mettre ordre à tout , particulièrement à ce qui concernoit la juftice , Q Faifant congnoifire Que tans iceile on voit droit à ièoeitre , 24\ BIBLIOTHèQUE Vertus décheoir , mal pulluler & croiltre,' J E A N M A - E t oulsre-plusfleftrirmaint royal fceptre ROT. Très-fleuriflant. Il donna ordre qu'on bâtît une Cirapelle à Aignadei en mémoire de la bataille de Vella, partit le 26 Juillet, au grand contentement des François qui commençoient à s'ennuyer en Italie , & fe rendit dans le mois d'Août à fa Cour au milieu des acclamations pu- briques. Il étoit tombé malade fur la route, ee qui l'avoir obligé de demeurer treize jours à Biégras. Jean Marot finit fa relation par un Rondeau qui contient une récapitulation de toutes les viétoires du Roi. Les deux poèmes dont je viens de parler furent imprimés pour la première fois à Paris le 22. jour de Janvier Voy« leca- 15 32. pour Pierre Roufet dit le Faulçuogue à Lacheur, par Maître Geofroy Tory de Bourges, Imprimeur du Roi. Je parlerai ailleurs des autres éditions. Le titre de celle-ci eft : Jan Marot , fur les deux heureux voyages de Çenes fjr Ven viclorieufement mis afin parie très-Chr fiien Boy Loys doutéefinede ce nom, pè du peuple,& véritablement efcriptpar ice Jan Marot, alors Poète & Efcrivain de i4 très-magnanime Royne Anne, Puche sut FRANçOIS». iç «V Sretaigne, & depuis Valet de Chant-', kre du très-Chrejliett Roy François premier JE AN M** du nom. ROT. Le plaifir que caufalaledturede ces deux voyages fit rechercher avec foin ks autres œuvres de l'Auteur. On n'ignproit pas qu'il avoit compofé beaucoup d'autres poëfies ; mais on fçavoit auffi qu'indifférent fur fes productions, il en avoit peu confervé. On en trouva enfin quelques-unes qu'il avoit recueillies lui-même , & on les publia en 1536. C'eft un petit volume in-i 6. de cinquante-fix feuillets non chiffrés, imprimé fans nom de lieu, orné de quelques gravures en bois, &c qui contient Rondeaulx, Epiftres, vers efpars & chantt. Royaulx. La pièce la plus confidérable de ce recueil eft le Doctrinal des Princeffes & nobles Dames , fait! & déduift enxxi 111 Rondeaulx, deft-à-dire, que le Poëte entreprend d'enfeigner à celles qu'il veut inftruire, ce qu'elles doivent être & ce qu'elles doivent faire pour s'attirer l'eftime & le refpect de tout le monde. Ainfi le fujet du premier Rondeau eft l'honnêteté; celui du fécond eft la prudence ; la libéralité fait la matière du troifiéme, Dans les autres, le Poëte veut que l'on ne promette rien, ou Tome XL B i6 BlBIlOTHÈQTJB J' i que l'on tienne exactement ce qu'on 3 JEAN MA- promis ; que l'on faflè cas d'un vérita*0T* ble ami ; qu'on,ne croie pas trop légèrement ; que l'on eftime les gens de lettres ; que l'on foit fobre dans fes paroles , aufli-bien que dans l'ufage des chofes humaines ; que l'on fuie l'oifiveté & l'avarice ; que l'on reconnoiflè que le bien vient de Dieu ; que l'on donne bon exemple ; que l'on n'attende pas les approches de la mort pour faire le bien ; que l'on chériflè la paix, l'honneur, la patience, la chafteté ; que l'on prie Dieu en eforit & en vérité. Une noble Dame doit rechercher les gens lettrés, & voici les raifons que le Poète en apporte : En fa rnaifon doibt la Princefle avoir Gens bien lettres. Car ainiî qu'on peut veoir Que l'arbre & fruiet le verger embellift, 1,'boTrime fcavant là demeure errnoMift tu h doctrine yffanr de ion (çavoir. Tout bon confeil elle en peut recepvoir. Mais d'un gros fol, certes a. dire voir Autant vauMroit qu'il dormift fus ung lit En fa maifon. Préférer fàak fcience i tout avoir : LA ration eft : que l'or ne peult pourveoir Ou féru lnirnain fon vouloir accomplir! ; FRANçOISE. ij tmxSe donc de grant honneur s'emplift > Qui d'attirer gens diferetz fàict debvoir En fa maifon, J E A N M«V» ROT. On a fouvent dit que la vertu & la beauté ont prefque toujours été deux ennemies irréconciliables : Jean Maroc veut qu'une noble Dame ne les fépare jamais. Qui a ces deux chafteté Se bcaulté , Vanter fe peult qu'en toute loyaullé Toute aultre Daine elle funnonte & pane ; Veu que bcaulté oneques jour ne fut laue De faire guerre à Dame chafteté. Mais quant etuemble elles font unité , C'eft don divin joinct i l'humanité, Qui tend la Dame accomplie de grâce , Qui a ces deux. Mieulx vault laideur gardant honnefieté . Que bcaulté folle en chaflant netteté. Toy donc qui as gent corps Si. belle face . Prens chafteté , tu feras l'oultrepalTe : Car Meung nous dit que peu en a efté Qui a ces deux. Je vous ai rapporté ailleurs ce que Jean. de Meun a dit fur cela dans le Roman de la Rofe. Jean Marot règle jufqu'au mùm'iern que doivent avoir les nobles Dames g Bij i8 BIBLIOTHEQUE - & la manière de s'habiller. Ces vingtJEAN MA- quatre Rondeaux font fuivis de deux »0T« Eptftres des Dames de Paris, l'une au Roi François L eftattt delà les Monts , & ayant défait! Us Suif es ; l'autre aux Çourtifans de France eftans pour lors en Italie. Dans la première, les Dames pendant l'abfence du Roi & dans l'efpérance de fon retour fe repréfentent Ainfi que l'ame eftant en Purgatoire Preut peine en gre", toujours efpérant gloire. Quand vous panâtes les Alpes pour aller en Italie, ajoutent-elles,. . . . . . . alors jeux & efbatz, Robes de prix & joyaulx inifmes à bas i Pour prendre noir la dolente couleur . Guidon d'ennuy, te mortelle douleur. Que te dirons ? tors que procédions Vng chafeun jour faire nous ne cédions , Les ungs piedz nudz, & les autres en langes ; Faire des vceufz fi dirers & eftranget , Que n'en croyras à peine la moyrié , Non pas le*quart, fi ce n'eft par pitié. L'une fift reu qu'à tousjours jeufrteroit jmfques à tant que novelles auroit 'De ton retour , & l'autre fans faintife Promift à Dieu que deflbubz fa chernife Sur le corps nud elle porteroit crante £ a chaîne d ' o r . , . . . . . . < F R A N ç O I S E . Que diray plus ? L'autre à Dieu a faite reufz De non peigner fes blonds & longs chevoulx, jufques à ce qu'en France elle te voye , Ou qu'au retour tu te mettes en voye. 20 ; JEAN MAROT. La joie qu'elles eurent quand elles apprirent que le Roi avoit battu fes en-nemis, n'eft pas décrite avec moins de vivacité. L'Epitre des Dames adreiîée aux Courtifans qui étoient en Italie, a pareillement pour but de les exhorter à revenir. Elle efï compofée de huit vers de dix fyllabes, fuivis alternativement de douze vers de quatre fyllabes, & de quatre vers de huit. Les Dames de Paris y font un parallèle d'elles avec les Dames d'Italie,- & ce parallèle n'eft qu'au défavantage des dernières. Cette Êpître eft trop libre , & le Poète y a oublié la décence qu'il obierve prefque partout ailleurs. Elle a été écrite, comme la précédente, en 151 5. Cette année l'Empereur Maximi•lien , Ferdinand, Roi d'Efpagne , le Pape Léon X. les Suiffes , & Sforce , Duc de Milan , s'étant ligués contre François I. ce Prince palTa en Italie , oix malgré les difficultés des chemins & la mauvaife foi des SùilTes , il battit & ôc défit fes ennemis : plus de dix mille Biij JO BlBLIOtHEQUE g——"—'* Suiflès relièrent fur le champ de batailJEAN MA- l e . j e a n Marot avoit deflèin de célébrer *0T* cette victoire ; il le commença même dans une Epître à la Reine Claude ; mais il mourut fans avoir achevé cette pièce, dont il ne nous a laifle qu'environ 150 vers : elle eft intitulée , Commencement d'une Epifire de Jehan Marot à la Rojne Claude, en laquelle Epifire ( fi mort luj eufi donné le loifir ) il avoit délibéré de defirire entièrement la défaille des Suijfes au Camp Saincle Brigide. Ce qui nous refte de cette pièce eft terminé par ce Sixain de Clément Marot. Icy l'Autheur fon Epiftre laifla , Et de dicter pourtant ne fe lailà ; Mais en chemin la mort le vint furprendre. En luy difant : ton efprit par deçà De travailler foirante ans ne ceffa : Temps eft qu'ailleurs repos il voyfe prendre. D'où il faut conclure que Jean Marot n'étant mort qu'en 15.23. ou il avoit* attendu trop longtems à célébrer la défaite des Suiflès arrivée en 1 51 5. ou il avoit négligé pendant plufieurs années de finir fon Epître. Il n'avoit pas cependant confacré cet intervale à l'oifiveté. Avant 15 20, té- F R A N ç O I S E . 31 moin des murmures que l'on faifoit à — — l'occafion des impôts que François I. JEAN MAavoit exigés pour fubvenir aux frais de R0T* la guerre , & de quelques écrits féditieux que l'on avoit répandus dans le public à cette occafion, il entreprit de juftifier la conduite du Roi dans un petit poème où il introduit la France qui fait l'apologie de ce Prince 5c la cenfure de fes ennemis, en s'adreflànt aux trois Etats du Royaume. Ceux-ci, c'eft-à-dire, Nobleffe, EgtifeSc Labour, parlent enfuite l'un après l'autre, & concluent tous en faveur du Roi. Cette pièce eft fort bien raifonnée ; & elle étoit très-propre à faire voir que les fujets de François I. étoient tous dans l'obligation de continuer à lui fournir les fubfides dont il avoit befoin. Ce petit poème eft fuivi de trois pièces , fur la Conception immaculée de la Sainte Vierge, fur la Paffion de J. C. ôc fur fa Mort, & de cinquante Rondeaux. C'eft par ceux-ci que finit le recueil des oeuvres de Jean Marot. L a plupart de ces Rondeaux fe lifent encore avec plaifir : ils font fur divers fujets, mais principalement fur l'amour. Il y en a où règne une aimable naïveté, comme dans celui qu'il B iiij 3z BIBLIOTHèQUE adrefla au Roi pour demander un che>JEAN MA- val. C'ell le trente-troifiéme Rondeau. KOT. Vous pouvez le lire dans le recueil de fes poëfies. Vous me difpenferez aufli de vous donner des exemples de fes Rondeaux amoureux, quoiqu'il y en ait de fort bien tournés. On prétend que Marot ne les faifoit que pour s'égayer, & qu'il n'a chanté que des Iris en l'air. Il y a quelques-uns de ces Rondeaux qui font donnés comme des réponfes de plur iieurs Dames qu'il avoit célébrées ; mais on ne doute pas qu'il ne foit luimême l'Auteur de ces réponfes. On ne peut l'excufer d'avoir employé dans un de ces Rondeaux le mot & l'idée de Trinité en un fujet tout-à-fait profane. Ce n'étoit point en lui impiété ; il donne trop fouvent ailleurs des marques de fa religion : mais c'étoit un défaut d'attention qu'on ne peut que condamner. Dans toutes les éditions des œuvres de ce Poëte, qui ont précédé celle de 1731. on a omis une pièce qui eft certainement de lui, & dont on avoit une édition ancienne faite à Paris in-16. Le titre de cette pièce eft la vray-difant Avocate des Dames. On voit par les derniers vers que ce poème fut infpixé au F R A N ç O I S E . 33 Poète par le defir de plaire à fa pro• • tectrice, Anne de Bretagne, Reine J EAN M*-de France. Je ne fçai fi l'envie d'ap- R0T* plaudir au Panégyrifte de la Reine fit que ce poème fut trouvé beau : on ne le lit pas aujourd'hui avec plaifir ; & fi la réputation de Jean Marot n'eût point eu d'autre fondement , j'ai peine à croire que fon nom fût venu jufqu'à nous avec quelque diitinction. Mais on a pu admirer alors, tantôt la facilité avec laquelle il change de mefures de vers, tantôt la variété qu'il a mife dans cette pièce, en panant d'un Rondeau à un chant Royal en l'honneur de la fainte Vierge, & de-là à une Ballade pour retourner à un .Rondeau : tantôt l'érudition qui fait l'unique beauté de quelques endroits, & qui paroîtroit aujourd'hui afiez commune , & même un peu déplacée ; tantôt enfin la dévotion que le Poète y a répandue, fans trop examiner fi elle convenoit à la place où il l'a fait paroître. On trouve d'ailleurs dans cet écrit plus de bafies expreflions que dans la plupart des autres productions de notre Poète- En urt mot je doute que les Dames de notre fiécle y louaflènt aujourd'hui autre choie que la bonne intention de l'Auteur. T Bv 34 BIBLIOTHèQUE • & la naïveté qu'il a quelquefois r e n JEAN MA- contrée aflêz heureufement. R0T » M . l'Abbé Lenglet dans la dernière édition qu'il a donnée en 1731. des poèfies de Jean, de Clément & de M i chel M a r o t , a joint cette pièce aux autres poèfies de J e a n , en la faifant i m primer en partie fur l'ancienne édition Gothique , qui étoit fort r a r e , & en partie fur un manufcrit qu'il prétend original. Et ayant trouvé dans le m ê me manufcrit vingt-cinq Rondeaux & quatre Ballades, qui lui ont paru dans le même goût & du même flile que les autres poèfies de Jean M a r o t , il a jugé auffi à propos d'en augmenter fon édition. Ces Rondeaux font prefque tous attribués dans le manufcrit à plufieurs Dames ; mais l'Editeur croit que ce fut Marot qui les compofa fous leur nom. Des quatre Ballades, trois ont l'amour pour objet, de même que les vingt-un premiers Rondeaux; la quatrième Ballade eft fur la fête de l'Afiomption de la fainte Vierge. Si M . l'Abbé L e n g l e t , ou quelque autre fait réimprimer les œuvres de notre P o è t e , il ne manquera pas , fans d o u t e , d'y ajouter les vers qu'il fit fur la maladie d'Anne de Bretagne, fem- FRANçOISE. 35; me de Louis XII. qui allarma laFian- • •• 1 ce en 151a. & caufa les plus vives in- J*Awim» quiétudes au Roi. M. l'Abbé Sallier R0T* nous apprend , comme je l'ai obfervé plus haut, que ces vers font confervés manufcrits à la Bibliothèque du Roi ; & voici l'idée que nous en donne ce favant Académicien. «Cet écrit de« Jean Marot eft, dit-il, de la même « forme à peu près que celui que Jean « le Maire compofa fur le même fujet. * LaNobleffe, l'Eglife & le Peuple* préfentent à Dieu leurs vœux pour la « fanté d'Anne de Bretagne. La Cha- « rite, la Foi, l'Efpérances'intéreffent* pour la même chofe ; & les puiftàns « motifs que ces perfonnages allèguent * dans leurs prières, font tirés de la « piété d'Anne de Bretagne, de fon « amour pour fes fujets, de fon incli- « l nation bienfaifante, & des autres ver- « tus que l'on admiroit en fa perfonne. •* Quand on a lu ces diverfes poè'fies de Jean Marot, dont je viens de vous rendre compte, il eft aifé de voir que ce Poète avoit plus de jugement que d'étude, plus d'étude que d'imagination & de ce beau feu qui fait Us Poètes , plus cependant de cette heureufe chaleur que de nobleflè & d'agrément, Bvj $6 BIBLIOTHEQUE 'tk plus de ces dernières qualités que & de correction dans fa manière de verfifier. Les deux Voyages de Gènes & de Venife font, à mon avis, & félon lefentimentdes meilleurs Critiques , ce qu'il a fait de plus beau. Je vous l'ai déjà dit, à l'exactitude hiftorique il joint de l'invention & de l'ordre : Ses defcriptions font juftes, & n'ont communément rien d'affecté ; il peint bien , & fçait ce qu'il faut peindre : il s'exprime fouvent avec beaucoup de force , mais fouvent auflî il le néglige trop , & le tour de fa phrafe en. devient obfcur. Affez fouvent l'on trouve des vers où l'arrangement des mots détruit abfolument la céfure ; les exemples de ce défaut font fréquens. Trop fouvent auffi il fe contente à l'égard de la rime, que les trois dernières lettres de deux mots fereffemblent, quoique le fon foit très-différent ; ainfi il fait rimer Hercules avec Achtles, genre avec guerre. Les Hiatus abondent dans fes vers. Il n'eft pas rare non plus d'y trouver des hémiftiches qui enjambent, d'autres quifiniffentpar un * féminin : en un mot il aencegenreprefque tous les défauts de nos anciens Poètes. Il fait de même un trop fré- JEAN MA- d'exactitude 8,0T * F R A N ç O I S E . 37 quent ufage des proverbes, & il en ' A emploie quelquefois de très-bas en des JEAN MAfujets graves & relevés. Mais une cho- ROT * fe où il femble avoir excellé, c'eft dans le choix des différens vers qu'il emploie félon les fujets qu'il traite, & dans l'ordre fimple & naturel où il fçait placer toutes fes matières. La plupart de fes Rondeaux font bons, & il y en a quelques-uns de très-bons. CLEMENT MAROT. Jean Marot retiré à Cahûrs, s'y étoit marié étant déjà dans un âge avancé. Il n'eut qu'un fils de fon mariage. Ce fut le célèbre Clément Marot. Il naquit en 1495. & fut amené à Paris à l'âge de dix ans. Son père eut foin de cultiver les talens qu'il lui reconnut pour la ppëfie, & ne négligea point de lui faire apprendre la langue Latine. Mais il fit fes premières études avec peu de . fuccès, & Clément en rejette la faute fur fes maîtres. En effet, dit-il dans fon Epître quarante-troifiéme, En effet c'eftoyent de grands belles Que les Régens du temps jadis ; Jamais je n'entre en Paradis S'ils ne m'ont perdu ma jeuneffe. 38 - BIBLIOTHèQUE Il y avoit cependant alors des Prcv CLéMENT fefTeurs très-habiles, & qui ont formé MAROT. d'ill u ft re s difciples , & je ferois tenté de croire que Marot a trop légèrement accufé fes maîtres de ce dont il étoit feul coupable. Né avec le talent de la poè'fie , & un penchant trop violent & trop facilement écouté pour la paflion de l'amour, étoit-il furprenant que l'étude fût peu capable de l'attacher ? Son père qui ne pouvoit lui laiflêr d'autre tien que l'éducation, crut qu'il travaillerait, utilement pour la fortune de ce fils unique en le mettant chez un Praticien. On vit donc l'élevé de Clio amsdansun Bureau de chicane. Cet état ne tarda pas à lui déplaire, & l'on tâcha en vain de le lui faire goûter. On ne fait jamais bien ce que l'on fait malgré foi. Clément entraîné par le démon de la poè'fie & par l'amour du plaifir , préféra l'un & l'autre à l'étude des loix ; & il fallut enfin y renoncer. Il entra en qualité de Page chez Nicolas de Neufville, Chevalier, Seigneur de Villeroy, chez qui il demeura peu. Dès 1513. il pana, en qualité de Valetde-Chambre au fervice dé Marguerite de Valois, Ducheflè d'Alençon & de Berri, qui époufa depuis en fécondes F R A N ç O I S E . 39 aôces Henri d'Albret, Roi de Navar- : • " s re. Deflors la fituation du jeune Poète CLéMENT devint charmante, & il ne tint qu'à lui MAROT. qu'elle fût utile. La qualité de Domef- £ " ' J ^ f ? ; tique d'une grande Princeflè,6c la beau-p. Mî. &r. té de fes vers le faifoient confidérer de tout ce qu'il y avoit de perfonnes distinguées à la Cour. La politeflè de fes manières & l'enjouement de fa conversation ne contribuoient pas moins à le faire aimer & rechercher. Il devoir être à la Cour de France ce que Voiture y a été depuis. Mais il mit lui-même plus d'un obftacle à fa fortune par le dérèglement de fa conduite, & par fon penchant trop marqué pour la nouvelle Religion. Peut-être fit-il encore d'autres folies. Si l'on en croit le dernier Editeur de fes poëfies, Clément ofa porter fes vues ambitieufes jufques fur lafameufe Diane de Poitiers, depuis Ducheflè de Valentinois, & même fur Marguerite de Valois fœur de fon R o i , & fa paflîon fut écoutée. Mais quelques conjectures que cet Editeur entaflè les unes fur les autres, quelque tournure qu'il leur donne pour faire croire que ce font autant de vérités fondées fur les poëfies mêmes de Marot, je n'y vois rien qu'u- 4° BIBLIOTHEQUE « = = = s ne pure fiction à peu près femblable a CLéMENT celles qui ont été employées par les MAROT. Ecrivains Romanefques des Amours de Catulle, de Tibulle , d'Horace & de Properce. Malgré cette affection prétendue de Marguerite de Valois pour fon Domeftique, Marot trouva tant de difficultés pour être couché fur. l ' E tat de la maifon de cette Princeffe, qu'il s'en plaint dans fa Ballade huitième : c'étoh aimer bien gratuitement. Cet attachement réciproque , quelque réel qu'on le fuppofe de part & d'autre, n'empêcha pas le Poète de fuivre François I. à Reims & à Ardres en 15.20. & le Duc d'Alençon au camp d'Attigny où ce Prince avoit en 15 21. le commadement de l'armée de France. La même année il fe trouva à l'armée du Hainault que François I. commandoit en perfonne , & on le voit en 1 525. à la funefte bataille de Pavie , où il fubit le même fort que le refte de l'armée de France ; il y fut bleue au bras, & refta prifonnier comme beaucoup d'autres. Dès qu'il eut été mis en liberté, il fe hâta de l'écrire à une peribnne qu'il ne nomme point, & à qui il fit part de fon avanture & de fes fenrimens. F R A N ç O I S E . 41 De plus grandes infortunes l'atten-?= " doient en France. Libertin d'efprit & CLéMENT de cœur , il violoit fans fcrupule les MAROT. loix de l'Eglife comme les règles de la morale. On fe fcandalifa de fa conduite ; il fut dénoncé au Docteur Bouchard , que François I. avoit établi pour écouter les plaintes qu'on avoit à faire contre ceux qui fuivoient ou qui paroiflbient fuivre les erreurs de Luther qui ne fe répandoient que trop alors dans le Royaume. En conféquence il fut arrêté en 1525, conduit au Châtelet, interrogé, trouvé coupable, quoiqu'il eût protefté de fon innocence dans une Epître qu'il adrefla au Docteur Bouchard fix jours après fon emprifonnement, & dans laquelle il dit entr'autres. . . . . point ne fuis Luthdrifte , Ne Zuinglien, & moins Anabaptifte . . . . Je luis celui qui ait tait maint efcrit , Dont un ieul vêts on n'en fçauroit extraite Qui à la loi Divine foit contraire *. . . . Bref celui fuis qui croit, honore & ptife La faincte , vraye & catholique Eglife. Autre doctrine en nvoy ne veux bouter : Ma Ioy eft bonne, & fi ne faut douter , Qu'à mon pouvoir ne la prife & exauie.... 4.2 BIBLIOTHèQUE — — — Que quiers-tu donc, o Docteur catholique ? CtEMENT Q u e quiers-<u donc? as-tu aucune picque JVlAROT. Encontre moy : ou fi tu prens faveur A me trifter deflbus autruy faveur ? l e crois que non; mais quelque faut entendre T'a fàict fur moy telle rigueur ettendre. Cette juftincation n'ayant fervi de rien, Marot écrivit à Lyonjamet cette Epître ingénieufe, dans laquelle, fous le fymbole du Rat qui délivre le L y o n , dont il raconte agréablement la fable, il engagea cet officieux ami de venir folliciter fa liberté. Hréclama aulTi l'autorité de la DuchelTe d'Alençon, dont il étoit Domeflique, le nom même du R o i , & des personnes les plus diftinguées de la Cour : tout fut inutile, & la feule grâce qu'on lui accorda, fut de le transférer en 15 26. dans les priions de Chartres, moins défagréables & plus faines que celles de Paris. Il y eut auffi plus de liberté, & il y fut viiîté par tout ce qu'il y avoit de plus coniidérablê dans la Ville. Ce fut dans cette prifon qu'il compofa fon Enfer , où il fait une defcription poétique du Châtelet, & des abus des gens de Juftice, & qu'il re.vit le Roman de la Rofe, qu'il s'avifa de corriger en y fubiii- F R A N ç O I S E . 4.3 tuant des phrafes connues à la place de 1 celles qui avoient vieilli. C'efl ainfi CLéMENT qu'il charmoit l'ennui de faprifondont MAROT. il fut délivré lorfque François I. revint dans fes Etats le premier Mai delà même année 15 26. comme il le marque dans ce Rondeau par lequel il. fit part de fa liberté à fes amis. En liberté maintenant me pourmaine , Riais en prifon pourtant je fus cloué : Voilà comment fortune me demaine. C'eft bien, & mal : Dieu foit du tout loué. Les envieux ont dit que de Noué N'en fottirois : que la mort les enunaine ; Maulgré leurs dens le neu cft dcfnoué : En liberté maintenant me pourmaine. Pourtant il j'ay tafché la Court Rorrunaine, Entre mefchans ne fus onc alloué : De bien faniez j'ai hanté le dornmaine .Mais en prifon pourtant je fus cloué . . . . J'cuz à Paris prifon fort inhumaine ; A Chartres fuz doulcerrtfSx» encloué : Maintenant vois où mon plaifîr me niaine ; C'eft bien , & mal : Dieu foit de tout loué. Au fort, Amis , c'eft à vous bien joué , Quand voftre main hors du pet me ramainc : Efcrit, & faict d'un cœur bien enjoué , Le premier jour de la verte femaine En liberté. 44 CLéMENT BIBLIOTHèQUE V Les réflexions qu'il avoit eu le lorfir jg r a j r e ^ j pa p r if on} l'avoient engagé à donner dans fon Enfer des avis judicieux qu'il fuivit fort mal dans la pratique. En 1530. ayant oie arracher des mains des Archers un homme qu'on menoit en prifon, il y fut mis lui-même, & il eut befoin de l'autorité du Roi pour en fortir. Cet ernprifonnernent deMarot efl du mois d'Octobre 15 zj.Quinze jours après il en donna avis au Roi dont il implora la protection par l'Epître fuivante. Roi des François plein de toutes bonte's * Quinze jours a ( je les ai bien comptez ) Et dès demain feront juftement feize, Que je fus fait confrère au Diocefe De faint Marry, en I'Eglife faint Pris. Je vous dirai comment je fus furpris, Et me déplaît qu'il faut que je le die. Trois grands pendârrls vinrent à l'étourdie En ce Palais, me dire en defarroi, Nous vous faifons prifonnier par le Roi. Incontinent, qui fut bien étonné, Ce fut Marot, plus que s'il eut tonné : Puis m'ont fait voir un parchemin écrit, Où n'y avoit feul mot de Jeuis-Chrift. FRANÇOISE. 4,5 Vous fouvient-il me dirent-ils alors , Que vous étiez l'autre Jour là dehors, CLéMENT «-w » MAROT. s. _. • •/• Qu on recourut un certain plafonnier Entre nos mains ? Et moi de le nier ; Car foyez sûr que C j'eufle dit oui, Le plus fourd d'eux fans peine m'eut oiii : Et d'autre part j'eufle publiquement Eue menteur :car pourquey Se comment Aurois-je pu un autre recourir, Quand je n'ai feu moi-même fecourir T Four faire court, je ne pus tant prefeher, Que ces pendards me vouluûent lâcher. Sur mes deux bras ils ont leur main pofe'e, Et m'ont mené ainii qu'une efpoufée ; Non pas ainfî, mais plus rpide un petit. Et toutesfois j'ai plus grand appétit De pardonner à leur folle fureur, Qu'à celle-là de mon beau Procureur; Que maie mort les deux jambes lui cane. II a de moi bien bien pris une Beçcafle , TJne perdrix, 8c un Levraut auffi ; Et cependant je fuis encore ici. Encor je crois, fi j'en eavoiois plus, Qu'il le prendroit, car ils ont tant de glus Au bout des doits, ces faifeurs de pipée, Que toute chofe oii touchent, eft grippée. fvlais pour yenix au point de mafbrtic, ——» 46 BlBEIOTHEQUE Si doucement j'aiflattéma partie, CLéMENT Quenous avons bien accordé enfemble,. M A ROT. Et je n'ai plus affaire, ce mefemble, Sinon à vous, la partie eft bien forte ; Mais le grand point où je me réconforte, Vous n'entendez procèsnon plusquemoi: Ne plaidons point, ce n'eft que tout émoi. Si vous fuppli, Sire, mander par lettre, Qu'en liberté vos gens me veuillent mettre; Et fi j'en fors, j'efpere qu'à grand peine M'y reverront, fi l'on ne m'y rameine. François I. fut fi charmé de cette Epître, qu'il écrivit lui même à la Cour des Aydes pour faire accorder la liberté au prifonnier. La lettre de ce Prince eft du premier Novembre de la même année : elle eft rapportée par Ménage dans l'Anti-Baillet, ( part. z. chap. 11 z. p. .23 5. édit. in-4 0 . j Cette nouvelle difgrace de Clément Marot ne fut encore rien en compâraifon de la tempête que fes fentimens fur la Religion excitèrent contre lui. La Juftice laifit fes papiers & fes livres. Il fe fauva à la hâte en Béarn l'an 1535. & enfuite à Ferrare auprès de la Ducheflè, Madame Renée de France. Quoique cette Princefie l'honorât de. F R A N ç O I S E . 47 fa protection , il ne'fut pas longtems à " fa Cciur fans être agité par de tendres CLéMENT & inquiets retours fur fa patrie. Le M A R O T « Duc d'ailleurs attaché au Pape & dévoué à l'Empereur, regardoit de mauvais œil les François, & en particulier les Religionnaires qui cherchoienc un azile dans fes Etats. Marot le fentit, & fe retira en 1 5 3 6. à Venife. Ce fut de-là qu'il obtint ion rappel en France , & enfuite à la Cour, par le moyen d'une abjuration folemnelle qu'il fit à Lyon entre les mains du Cardinal de Tournon. A ces orages fuccéda un intervalle de paix dont il paroît qu'il fut en partie redevable à la prudence que la fréquentation des Italiens, & encore plus fes difgraces paffees , lui avoient infpirée. C'eiî ce qu'il infinuë dans fon Epître au Dauphin François, écrite dans le tems qu'il étoit réfugié à Ferrare, & où il dit entr'autres : Mais fi le Roy vouloic Me retirer , ainfi comme il fouloit, Je ne di pas qu'en gré je ne le prime : Car un Variai eft nibjeét à fon Prince. Il le fêroft fi fçavoit bien comment ' Depuis un peu je parle fobremcnt : 4.8 » — — — CLEMENT MAROT. BIBLIOTHèQUE Car fcs Lombards avec qui je chemine , M'ont fort appris à faire bonne mine : A un mot feul de Dieu me devifec , A parler peu , & i poltronnifer ; Deilùs un mot une heure je m'arrefte ; S'on parle à moy , je refpons de la tefte. < . La publication de fes premiers Pfeaumes troubla cette tranquillité. Quoiqu'il ne fût ni dévot, ni propre à écrire fiir des matières de piété, le célèbre Vatable ne laiflà. pas de l'exhorter à mettre les Pfeaumes en vers François. Il Vouloit, fans doute, fanctifier la Mufe de notre Poëte , & fon intention étok bonne. Mais Marot, le profane Marot, ne connoiflbit guéres fes forces, lorfqu'il voulut s'effayer fur un fujet fi fublime. Son efprit aifé , naturel, pouvoir badiner agréablement, railler finement , ajouter à fon ftile naïf des, agrément jnimkables; mais cette naïveté devient plate, cet enjouement paroît fade, quand on l'applique fur un fonds auflï riche, auffi relevé, aulîi magnifique que les. Pfeaumes. Ce fut en 1536. qu'il publia la traduction de trente de ,ces faims Cantiques, dans laquelle il avoit été. aidé par le même Vatable & par Mellin de Saint Celais. Bayle F R A s ç o i s s: Jf$ ÏJayle n'a pas manqué de faire connoî- ! tre dans fon Dictionnaire quelle vogue 9 L E M E N * ces rieaumes eurent a la Cour des qu'ils y parurent. François I. les chantoit avec plaifir. Il n'y avoit ni Seigneur , ni Dame qui n'eût un de ces Pfeaumes qu'elle aftectionnoit par préférence , & qu'elle accommodoit de fon mieux aux airs de Vaudevilles, qui étoient alors à la mode. On en mettoit fur tous Jes tons , ce qui rendoit fouvent ces Cantiques fort ridicules par les airs burlefques que l'on y appliquoit. Marot n'étoit pas refponfable de cet abus ; & s'il n'y avoit eu que ce défaut à reprendre , il y auroit e u , fans doute, de l'injuftice à fe foulever contre fa traduction. Mais les perfonnes fenfées s'apperçurent qu'il avoit chanté fur le même ton les Pfeaumes de David de lés merveilles d'Alix; & ce qui étoit beaucoup plus grave, la Faculté de Théologie deJParis crut y trouver des erreurs, & elle en fit la cenfure. Elle alla plus . loin , elle fit fur le même fujet des remontrances & des plaintes au Roi. François I. qui aimoit Marot, & qui goûtoit fa verfion dont il defiroit même de voir la continuation, ne fe prefla pas de répondre aux remontrances de Tome XL C 5<5 BlBlïOTHEQtJÉ : la Faculté ; ce qui donna lieu à Maroc CLéMENT d'envoyer ces vers à Sa Majefté. AIAEOT. fufque voulez que je pounuive, o Sire , L'œuvre Royal du Pfcautier commencé ; Et que tout cœur aimant Dieu le délire, D'i befongner nie tient pour difpenfé. S'en fente donc qui voudra oSènfé , Car ceux à qui un tel bien ne peut plaire, Doivent penfer, li jà ne l'ont penfé , Qu'en vous plaifant, me plaid de leur defplaire.' Ces vers font du premier jour d'Août 154.3. Ils n'arrêtèrent pas les pour fuites de la Faculté de Théologie ; elle réitéra fes plaintes & fes remontrances, & enfin elle défendit la vente de la traduction de notre Poète. Marot craignant que cette affaire n'allât plus loin , quitta la France, & fe retira à Genève où il fit encore la traduction de vingt autres Pfeaumes. C'étoit en ï 54.3. La vie fcandaleufe qu'il mena dans cette Ville, l'ayant obligé d'en fortir vers lafinde la même année, il paflà en Piémont, & fixa fa demeure à Turin où ilfitde nouveaux vers & de nouvelles amours. Il y mourut l'année suivante 1544. laiftant pour fils unique Michel Marot, dont je vous parlerai dans la fuite. Jodelle lui fit cette épi*; FRAWçOïSB; 51 capne dans le goût de ion fiécle. CLEMEMSJ Quercy, la Cour , le Piémont, l'UniTers , •Me fit, me tînt, m'enterra, me connut ; Quercy mon los, la Cour tout mon rems eut, Piémont mes os, & l'Univers mes vers. MalOT M. l'Abbé Lenglet éditeur & commentateur des poëfies derClément Marot, dit de ce dernier, que la France ' n'avôit eu avant lui aucun Poète qui l'égalât dans le genre de poëfie qu'il avoit choifi ; & cet éloge tombe principalement fur fes Epîtres, fes Ballades , fes Rondeaux , les Epigrammes : car pour fes traductions, & même fes Elégies, il convient qu'il faut les compter pour peu de chofe , du moins par rapport à fes autres ouvrages. Surquoi il ajoute : Quel heureux naturel pour la plaifanterie, quel élégant badinage, quelle charmante naïveté, quelle délicatefie depenfées, quelle fécondité d'imagination , quelle facilité, quel feu, quelle nobleffe, quelle douceur, quelle correction ! M. Defpréaux avoit donné avant lui cet avis aux élevés du Par- . nalTe. Imitons de Marot l'ciéfint badinaje, Et taillons le butleTaue aiBplaiuns du Pont-neuf. Cij Art. poèt, **• *t 52 *•' BlÉIIOTHEQTJT? •- Et ailleurs voulant faire connoître pïtis O-EMENT particulièrement les fervices que M a MA*«T. r o t a rendus à notre langue & à notre poëfiç , il ayoit dit ; Villon fçut le premier dans ces Cèdes groSîert •Débrouiller l'art confus de nos vieux Romanciers. Marot bientôt après fit fleurir les Ballades , Tourna des Triolets, rima des Mafcarades, A des refrains réglés aflèrvir les Rondeaux , Et montra pour rimer des chemins tout nouveaux. Ces éloges demandent quelques réflexions & quelques explications. Et en premier lieu, on a fouvent abufé, & Pon n'abufe que trop encore de cet avis de M. Defpréaux, Imitons de Marot l'élégant badinage. lettre de M. Ce ne font pas proprement les expref«îianfie" *î°ns deMarot que M. Defpréaux nous Merc.de juin recommande d'imiter, c'eft ce beau ,74< *" naturel, c'eft cette fineflè de penfées qui hait le fard, & qui abhorre ces idées faunes qu'on ne nous préfente . fouvent que pour nous éblouif fous les paroles les plus magnifiques. Il n'y a point de ftile qui permette dans l'expreflîon cette grofîiereté qui produit la . corruption du langage, & qui flétrie FRANCO I s fi* 53 tout ce qu'elle touche. Qu'on fè ren- ' ferme dans la penfée de M. Defpréaux, CLéMENT le mot dont il s'eft fervi, répand Un *lAR0T» grand jour fur le confeil qu'il donne' aux Poètes, Cette épithéte d'élégant jointe à badinage, dit plus qu'il n'en faut pour des efprits fufceptibles des impreflîons du vrai beau. On ne dit pas qu'il faille exclure du ftile Marotique , toute expreflion purement Marotique; mais il faudroit en ufer comme la Fontaine , Koufféau & quelques autres, & que ce fût uniquement dans certains ouvrages confacrés à ce genre. Il efc ridicule de n'employer le plus fouvent ce ftile, que pour avoir drok de fe laifTer aller à des négligences qu'on veut faire paner pour affectées, peut-être même pour des gerrtilleffes, & éluder impunément des règles trop gênantes pour des génies fuperficiels ou peu fcrupuleux. On fait plus cependant : on invente des tours & des mots dont on s'imagine pouvoir fauver la barbarie , en difant : cela eft du ftile Marotique. Mais le lecteur qui a du goût, voit que tout l'ouvrage jure avec luimême , qu'il eft bas & burlefque , & qu'on abufe d'un nom juftement respecté , pour entafler des fotifes. C iij 54 BIBLIOTHèQUE îf—i—: J'ajoute , après d'excellens C r i t i CLEMENT qoes, que ceux-là fe trompent encore MAROT. davantage, qui confondent le burlefTrtir™0 o'fte c l u e ^ e Scarron , par exemple, le feul >746J qu'on puifle citer en ce genre, avec le ilile de Marot. Ce dernier badine agréablement ; Scarron & fes imitateurs bouflbnnent, poliçonnent même, fi l'on peut hazarder ce terme. L e premier répand un fel qui réjouit l'efprit, les autres ont des faillies qui font rire quelquefois, mais qui ennuient à la longue, & qui font pitié le plus fouvent. Le récit de Marot eft naïf & décent , celui du Virgile travefti n'eft tout au plus que facétieux, prefque toujours Û eft guindé , impoli & groffier. En un mot il ne faut pas confondre les grâces du Marotique avec les fantaifies du burlefque, ni la bonne plaifanterie d'une Mufe aifée avec le* propos ridicules d'un Poëte bizarre. En fécond lieu, il n'eft pas vrai que Marot A des refrains réglés auerrît les Rondeaux. On en faifoit avant lui d'auflî bons & d'aufli réguliers que lesfiens. Les Rondeaux de Jean Marot valent bien ceux de fon fils Clément.. Quant aux Son- F R A 8f Ç O I S ÊV Çy mets, Marot & Saint Gelais en ont fait nf en même tems, & l'un & l'autre ont CCEMENT été juftement loués pour ce genre de MAROT» poèfie. On a dit que Saint Gelais à fon retour d'Italie, avoit apporté le Sonnet en France , on pouvoit ajouter qu'il y avoit aufli apporté le Madrigal. Maroc a contribué avec lui & avec Joachirrt du Bellay à l'introduction du Sonnet r mais nullement à celle du Madrigal , dont il ne paroît pas par les poëfies qu'il ait même connu le nom. Les Bal* lades font auffi plus anciennes que Marot , & je vous en ai rapporté de Charles , Duc d'Orléans, qui font fupérieures à plufieurs même des meilleures de notre Poète, . Un genre de poëfie FrançoHé dont il paroît qu'on ne doit l'introduction qu'à Marot, ce font les Eglogues, Col- Noms» », letet dans fon difcours du poème Bucolique , dit expreffément « que Clé- « 'ment Marot, après avoir traduit en « vers François la première des Eglo- <« gués de Virgile, prit goût à ce gen- <« re d'écrire ; qu'il en compofa encore ce deux autres de fon invention ; l'une « fur la mort de la Reine Louife, Me- « re du Roi François I. & l'autre qu'il ce «idrefla au même Prince fous les noms se C iiij 56" BIBLIOTHèQUE »»••»•—— 35 ruftiques de pan & de Robin ; qu'âïtt* CLéMENT „ fi l'on peut dire qu'il eft le premier MAROT. 3> denos Poètes François qui ait fait » des EgJogûes de fon invention. » deviens en trofiéme lieu à la correction des vers de Marot, tant loués par fon dernier Editeur. J'ai relevé le d é faut d'obferver les coupes féminines dans l'article de Jean Marot, & ce défaut lui étoit commun avec les Poètes qui l'avoient précédé. Clément y tomba comme eux, dans fon Eglogue de Vir« gile, témoin ce vers : Accompagnées d'Agneaux ou Brebiettes, où il fait accompagnées de quatre fyllabes, quoiqu'il foit de cinq. Mais les leçons de Jean le Mahe de Belges le corrigèrent pour toujours de cette forte de fautes. L'exactitude & la richeflè des rimes diftinguerent aufli fa verfification , & la firent eftimer. Ce n'eft pas que fes prédéceflèurs ne lui en enflent donné l'exemple. Comme ils faifoient confifter l'eflentiel de notre ppëfiedans la rime, ils pouflbient l'attention pour elle jufqu'à eftropier les mots en fa faveur. Il eft inutile d'en rapporter des exemples, j'en ai cité plus d'un dans la compte que j'ai rendu jufqu'à préfenf F R A N ç O I S E . 57 des ouvrages de nos anciens Poètes. ...L Pour Marot, il a fçu ménager à la fois CLéMENT la langue & refpecter la rime & la rai- MAROT. fon. Mais il efl tombé avec les autres Poètes de fon fiécle dans deux ou trois légers défauts. Le premier eft de finir un vers dans" un fens qui ne fe termine qu'au milieu du vers fuivant ; comme, Ce néanmoins ma pcniee aflôuvie De ce ne fut. Le fécond eft la rencontre des voyelles en deux mots difterens d'un même vers, Si ,ru es povre, Antoine , tu es bien. Le troifiéme eft de ne pas faire manger par le mot fuivant IV muet qui eft précédé d'une voyelle • , Ou mener *n falutaire. L e quatrième eft d'abréger les mots pour trouver la mefure du vers ; par exemple, dans grande, telle,. quelle r il retranche la dernière fyllabe, quand il a befoin que ces mots foient monofyllabes. Mais ces défauts qui n'étoient point ^lors regardés comme tels, font bien Cv 58 BIBLIOTHèQUE rachetés par les véritables beautés d e ufi CLéMENT poëfie , & par la correction de fon l t i MAROT. ie 33 Marot, dit M. de la Bruyère , shap!d«'o«"" P a r *° n t o u r & P a r *° n ftàe femble Sjjd'efftit. » avoir écrit depuis Ronfard. 11 n'y a 35 guéres entre le premier & nous q u e 3> la différence de quelques mots. 3> J'ajoute que Marot connut la phrafe Françoife avant qu'elle fut trouvée, ou q u e c'eft lui qui la trouva. Quelques vieux mots de moins , on le croirait prefque du fiécle de Louis le Grand. Falloit-il qu'un homme qui pouvoic avoir tant d'efprit, fans qu'il en coûtât rien aux mœurs,l'ait fouvent acheté aux dépens de ces mêmes mœurs ï Marot excelloit dans les vers amoureux , & furtout dans les Ballades, dans les Epures, dans les Rondeaux f dans les Epigrammes, dans les Complimens galans, tels que fes Etrennes, dans cette fatyre douce & innocente qui ne tombe que fur des fujets imaginaires ou inconnus. Ce ne fut pas affez pour fon ambition poétique. Il voulut * auiîi briller par l'obfcénité qu'il devoit abandonner à ces génies infortunés , quin'ont pour fe dutinguer que cette criminelle reffource. Voilà ce que c'eft que d'être Poète. Le hazard fait naître F R A N C O r s B. 50' «ne penfée obfcéne , le tour s'offre ^ = = ' comme de lui-même, il ne faut plus CLéMENT que les rimes, on les cherche & on les MAECT. trouve , l'Epigramme eft faite ; & à la honte de l'humanité, on ne peut fe résoudre à en priver le Public. Dieu nous garde d'être Poètes à ce prix-là. Une partie des poëfies de Marot fut imprimée leparément, à mefure que les vers fe répandoient dans le Public par les copies qu'en laifloient prendre ceux à qui il les adreflbit, ou par celles qu'il donnoit lui-même à fes amis. Le defir du gain engagea enfuite quelques Imprimeurs à réunir tout ce qu'ils en purent recueillir,. & il en parut ainfi plufieurs éditions- toutes défectueufes &incomplettes. On joignit même dans ces recueils plufieurs pièces d'Auteurs fort connus, comme fi Marot eût voulu fe faire honneur de leurs productions , & l'on y en inféra d'autres qui étoient abfolument indignes de fa plume. Il s'en plaint dans une Epître en? profe adreffée à Etienne Dolet, & datée dix dernier jour de Juillet de l'an *538« Le tort ^dit-il, que m'ont fait « ceux qui pat cy-devant ont imprimé «a • mesceuvies^.eft fi grand & fi outra-« G vj; tîo BIBLIOTHèQUE a=- JJ geux , qu'il a touché mon honneur- J CLéMENT » & mis en danger ma perfonne : car WAROT. M p a r a v a r e convoitife de vendre plus » cher, & plutôt, ce qui fe vendok -» aflèz ,• ont adjoufté à icelles miennes a> œuvres plufieurs autres qui ne me a» font rien , dont les unes font froide» ment & de mauvaife grâce cornpo33 fées, mettant fur moi l'ignorance 33 d'autrui, & les autres toutes pleines 33 de fcandale & de fédition Enco33 res ne leur a fouffi de faire tort à moi 33 feul, mais à plufieurs excellens Poë33 tes de mon temps, defquels les beaux 33 ouvrages les Libraires ont joints ssavecques les miens , me faifant , 33 maugré m o i , ufurpateur de l'hon33 neur d'autri. 3> Entre les pièces qu'on lui attribuoit, & qu'il défavouë comme indignes de l u i , il nonvme : la Complainte de la Bauoche >• Y Alphabet du temps préfent i YEpitaphedu Conte de Sales >• & plufieurs autres lourderies, ajoute-t'il, qu\n a méfiées en mes livres. Marot n'ayant pu, comme il le dit encore, favoir ($ fouffrir tout enfemble ces fupercheries, il revit iès écrits déjà imprimés, rejetta ceux qui ne lui appartenoient point, ajouta ceux qu'il ne crut pas indignes de F R A N ç O I S E . ©*I rîrhprefîion, & envoya le tout à Do- ' ses Jet qui en publia le recueil à Lyon en CLEMENI J 538. même. C'eft la première édi-MAR-OT» tion complette des œuvres de Marot, c'eft-à-dire, de ce qu'il avoit compofé jufques-là, & de ce qu'il avoit cru devoir préfenter au Public. Vous me difpenferez de faire ici l'é- ^ o y n '*c*numération des autres éditions, foit de celles qui ont précédé l'édition de Dolet, foit de celles qui l'ont fuivi ; ce détail ne pourroit que vous ennuyer. Je ne vous demande grâce que pour deux de ces éditions, dont je ne puis me difpenfer de vous entretenir ; celle de Niort, & celle de M. l'Abbé Lenglet duFrefnoy. L'édition faite à Niort en Poitou en 1596. chez Thomas Portau , in-16. eft rare & fort recherchée. C'eft la plus ample & la mieux dirigée de toutes les anciennes éditions de Clément Marot. Elle a été revûë par François Miziere, Poitevin, Docteur en Médecine. Les pièces y font rangées dans un ordre convenable ; on y a rétabli tous les argumens qui manquoient dans plufieurs des éditions précédentes , & l'on en a mis à quelques pièces qui n'en avoient point eu encore. EnJui l'on y trouve plufieurs poëlîes de 6± BrBiroTHEQTTK* Marot qui étoient jufques-là demeurée* CLéMENT manufcrites, ou qui étoient inférées MAROT. dans quelques recueils prefque inconnus. Cette édition a fervi de bafe à celle qui a paru à la Haye en 17 31. in-4.0^ & in-12. dédiée à feu M. le Comte Hoym , Miniftre d'Etat de Sa Majefté Polonoife , & fon Ambaffadeur à la Cour de France, non par une Epître dédicatoire confacrée , félon l'ufage, à faire l'éloge du Miniftre à qui elle eft adreffée , mais par une efpéce de préface où l'éditeur tâche de crayonner le portrait de Jean & de Clément Marot. Il n'y avoît point eu encore d'édition plus complette & plus finguliére des œuvres du dernier. Ce qu'elle a de plus que les autres, fans en excepter même celle de Niort, confifte en dédicaces & en préfaces faites par Marot lui-même, ou par d'autres : en privilèges pour l'impreffion de fes poëfïes : en plus de cent cinquante Opufcules, Epîtres, Elégies , Sonnets, Rondeaux P Epigrammes qu'il a compofés, ou qu'on lui attribue t en un grand nombre de pièces faites en fon honneur , ou-à fou irnitation P & entr'autres les trenœ-cmqv ' • FRANÇOISE. 6*3 Blafons du corps féminin : & en vingt- • • cinq Epîtres & Réponfes fatyriques , CLEMEKT fruits de la querelle: de Marot avec * OT ' Sagon & la Huéterie ,, les Bavius & les Mœvius de leur fiécle. Ces dernières pièces font toutes dans le goût du bon vieux tems, où lès gens de lettres mêmes encore ruftiques & fimples, fi on les compare aveg nos modernes , n'avoient pas inventé le grand art de fedire poliment les plus grandes injures. Ces additions ne font pas les feuls accompagnemens de cette édition ; vous y trouverez de plus une lifte des pièces particulières à cette collection,, un catalogue des-éditions, au moins principales, qui ont fervi à faire celleci , une vie de Marot, tirée de l'édition de fes œuvres faites en îydo. à la Haye, une chronologie des œuvres du. même Poète, une lifte alphabétique des vieux mots qui s'y trouvent avec leur explication , une préface enfin, & des notes de toute efpéce. Le Chevalier Gordon de Perce! ( c'efé le nom & le titre que prend cet Editeur ) a foin d'avertir que fa révijio» des œuvres de Clément Marot: eft le fruit d'une retraite involontaire qu'il A rendue agréable par cet amufement, 8c, l'on ne s'err 64, •' J3~I B E I O T H E Q U E apperçoit que trop, furtoutdansfapré= CLFMEHT face & dans fes notes# - Ce n'ed pas AXCW. q u » o n y yQJg regner cet efprit chagrin & audére que l'on contracte communément dans la retraite, & encore plus dans une retraite forcée : c'ed tout le contraire. La préfacced un entretien qu'on a voulu former fur le modèle des entretiens d'Aride & d'Eugène. Ceux dont je vous parle, font moins utiles ; mais peut-être y a-t'il plus de naturel. Trois amis y converfent entr'eux, Eugène , Arifiipe & Métutndre ; ils fe contredifent quelquefois, & il le faut bien dans une converfation aufli longue & aufli variée que celle-ci. Je fuis fâché qu'ils ne fe trouvent d'accord que lorsqu'ils rapportent quelques anecdotes plus que galantes, quelques traits de fàtyre contre la morale la mieux établie , & qu'ils foient tous trois de même fentiment pour approuver ce quel'honnêteté des mœurs condamnera toujours dans Marot, & pour enchérir même fur ce qui s'y trouve de plus blâmable. Je conviendrai avec la même franchife qu'il y a dans cette préface des réflexions judicieufes, des anecdotes fur la vie de Marot qui ne peuvent venir que dkuvEcrivain qui s'ed familiarifé avec-: F R A N ç O I S E . 6$ les œuvres de ce Poète & avec l'hiftoi» re du tems où celui-ci yivoit, & que CLEMFN» l'on y juge fainement du goût & du ca- MA*0T« ractére de fes poëfies. A l'égard des notes , l'Editeur nous prévient, « qu'il y en a d'hiftoriques « tirées des événçmens du tems ; de cri- « tiques, quelques-unes de fatyriques; « & que pour ne pas laitier languir un'« lecteur , il y a joint quelquefois des « remarques joyeufes. « On en lit en effet & en grand nombre , de toutes ces efpéces. Les remarques hiftoriques font prefque toujours utiles ; les critiques ont aufli leur avantage : les fatyriques dévoient être bannies : pour ce qui eft de celles que l'Auteur fe contente d'appeller joyeufes , en vérité il feroit bien à plaindre fi, comme il l'ajoute , elles avoient fervi à le délaflér. Je dois penfer de lui plus favorablement. Son édition eft, comme je vous l'ai dit, en trois volumes in-q.°. ou en fix volumes in-12. Le premier contient les Opufcules de Marot, & fes vingt-fept Elégies. Les opufcules font un recueil de diverfes pièces, dont quelques-unes font de la première jeunefle de l'Auteur . & d'autres ont été compofées 66 .• BlBIIOTHEQtTE dans un âge mûr. Comme elles font CLéMENT toutes fur differens fujets, on n'a pu MAROT, donner à leur réunion qu'un titre général. Vous y voyez entremêlés le Temple de Cupido, ladefcriptionde ce Temple , & un dialogue de deux amoureux , avec les deux Eglogues que je vous ai citées ci-deffus, Y Enfer du Poète , un Sermon du bon Pafieur & du mauvais , imité du dixième chapitre de S. Jean, le Riche en pauvreté, joyeux en ajfliftion, & content en fouffrance, la Complainte d'un Pafioureau Chrétien, & quelques autres pièces auffi difparates, comme eft celle qui eft intitulée Balladin , & dans laquelle l'Auteur qui n'avoit nullement étudié nos dogmes, tenta de faire cependant l'apologie de la prétendue Réforme de Luther. C'eft auffj l'objet principal du Sermon du bon Pafteur & du mauvais, où le Poète affecte un zélé qu'il démentoit dans la pratique. Le meilleur de ces opufcules eft,' félon m o i , le petit poème intitulé, l'Enfer de Clément Marot. Je vous ai déjà dit que c'étoit une defcription du Châtelet où il avoit été enfermé , & une invective contre les gens de juftice. Il y a beaucoup de vérité dans ce F R A N ç O I S E 6J qu'il dit de ceux à qui le foin de rendre • la jufiice étoit confié. CLéMENT M A ROT. Là les plus grands les plus petits détruifent : Là les petits peu ou point aux grands nuifent s Là trouve l'on façon de prolonger Ce qui fe doit ou fe peut abréger : Là fans argent povreté n'a raifon : Là fe deftruit mainte bonne maiibn, tu. Il n'efl pas moins véridique, lorfqu'il dit que c'efl le défaut de charité qui eft la fource la plus ordinaire des procès. Maroc fuppofant dans la même pièce que le grand Minas . . . qui juge, ou condamne, ou deffend , Ou taire faict, quand la tête lui fend, l'interroge fur fbn nom, fa patrie, fon âge , fa profefîion ; il répond : Sçache de vray, puifque demandé l'as, Que mon droit nom je He te veux point taire : . Si t'advertis qu'il eft à toi contraire, CUmme eau liquide au plus fee élément ; Car tu es rude, & mon nom eft Clément : Et pour monftrer qu'à grand tort on me triite. Clément n'eft point le nom de Luthérifte...... Quant au furnom, aufli vray qu'Evangile , II tire à cil du Poëte Vergile , Jadis chery de Mécénas à Romme : 6$ SSSSëSëê: CLéMENT MAROT* BIBLIOTHèQUE Maro s'appelle, & Marot je me nomme : Marot je fuis, & Marone fuis pas, JJ n > en fût o n c depuis le tien trefpas Entrns après, quant au point de mon eftre , Que sers midi les hauts Dieux m'ont fait naiftre, Où le Soleil non trop exceflif eft : Parquoy la terre avec honneur s'y veffc De mille fruits, de mainte fleur & plante : Bacchus aulfi fa bonne vigne y plante Par art fubtil fur montagnes pierréufes , Rendant liqueursfortes& favoureufes....,.,, • Au lieu que je déclaire LefleuveLot couve Ton eau peu claire , Qui maints rochers traverfe & environne , Pour s'aller joindre au droit fil de Garonne, A bref parler , c'eft Cahors en Quercy , Que je laiflày pour venir querre icy Mille malheurs, aufquels ma deftinée lvTavoit fubmis. Car une matinée, N'ayant dix ans, en France fus mené : Là où depuis me fuis tant pourmené , Que j'oubliay ma langue maternelle , Et grouement apprins la parternelfe Langue Françoife, es grands Cours eftimée, Laquelle enfin quelque peu s'eft limée, Suyvant le Roy François premier du nom, Dont le fçavoir excède le renom, C'eft le feul bien que j'ay acquis en France Depuis vingt ans en labeur Se fuiurrance. ' G'étoit en 1526. que Marot parfois F R A N ç O I S E . 09 aînfi. Dans les vingt-lëpt Elégies qui fuiventcesopufcules, lePoëtenechan- CLéMENT te prefque que fes amours, vraies ou MAROT. imaginaires : ces Elégies ont toutes été compofées depuis 1523. jufqu'en 1528. Il y en a une fur la mort funefie de Jacques de Baune , Seigneur de Semblançay, Surintendant des Finances fous Charles V I I I , Louis XII & François I , qui fut arrêté en 15 22. fous prétexte de péculat, & condamné comme tel à être pendu, ce qui fut exécu-> té le 12. Août 1527. Le fécond volume des œuvres de Marot contient fes Epîtres, fes Ballades , fes Chants divers, fes Chanfons & fes Rondeaux. Il y a foixante-quatre Epîtres. La première mérite peu de confidération : le fond en eff tiré du Roman de la belle Maguelonne & Pierre de Provence. Le Poète étoit jeune lorfqu'il fit la féconde pour Marguerite, Ducheflè d'Alençon , & depuis Reine de Navarre , au fervice de laquelle il entra fur la fin de l'an 1518. La Prineeflè aimoit la poëfie, & s'amufoit à verfifier : ce fut peut-être ce qui engagea. François I. à lui donner Marot pouf Valet de Chambre, Il fut jpréfenté à la Prineeflè par le Seigneu* 7<y BIBLIOTHèQUE = = = = = = de Pothon, & Marot ne voulant pas paCLEMENT r o î t r e devant elle les mains vuides , lui offrit cette pièce , dont le tour ell ingénieux , & l'invention agréable. Elle finit par ces vers : En me prenant, Princeflê vénérable. Dire pourrai que la nef oportune Aura tiré de la Mer infortune , Maugré les vents , jmqu'en rifle d'honneut) Le Pèlerin exempté de bonheur : Et fi aurai par un ardant defir Cueur & raifon de prendre tout plaiflr A efveiller mes efperits indignes De vous fervir , pour faire œuvres condignes i Tels qu'il plaira à vous, très-haute Dame , Les commandes, & c . Marot tint parole : plufieurs des Epîtres & autres poëfîes qu'il compola de» puis, il les fit ou par l'ordre de Marguerite , ou à la louange de cette Princelle. Il lui écrivit en particulier les Epîtres troifiémecc quatrième, l'une du camp d'Attigni, .& l'autre du Hainaut où l'armée du Roi étoit en i <yzi. Je vous ai parlé des Epîtres adreflees au Docteur Boucher & à Lyon Jamet : c'eir. la dixième & l'onzième. Il étoit à JBourdeauxen 1530. lorfqu'il y pré* F R A N ç O I S ! JT fenta la quatorzième à la Reine Eléonore d'Autriche, féconde femme de CLEMENW François I. qui ramenoit d'Efpagne M A R O T * les deux enfàns du Roi que l'on y avoit envoyés en otage. Il adreflâ la quinzième à Antoine, Duc de Lorraine , en lui offrant fa verfion du premier livre des Métamorphofes d'Ovide. Dans la feiziéme il parle ainfï d'un petit recueil de fes œuvres qu'il avoit réunies à la prière d'Anne de Montmorenci. Ceft un amas de chofes efpanduè's, Qui j quant a m o y , eftoient fi bien perdues » Que mon efprit n'eut onc à les ouvrer Si grand labeur , comme à les recouvrer : Mais comme ardant à faire vottre v e u i l , J'ay tant cherché qu'en ay fait un recueil, \ Et un jardin garny de fleurs diverfes , De couleur jaune, & de rouges Se pertes. Vray eft qu'il eft fans arbre , ne grand fruict. Ce néantrnoins je ne vous l'ay confiruict Des pires rieurs, que de moy font forties. Il eft bien vray qu'il y a des orties : Mais ce ne font que celles qui picquerent Les Mufequins, qui de moy fe mocquerent. Il veut parler là de fon Epître treizié* me qu'il avoit écrite l'année précédente i j, .20, aux Dames cjui n'étoient pasf Jl BîBIIOTHEQTjK t contentes des excufes contenues daha l'Epître douzième. J' a i rapporté ci-deffus l'Epître vingtfixiéme que le Poète écrivit au Roi pour le folliciter à le faire fortir de prifbn , & le fuccès heureux qu'eut cette Epître. Dans la vingt-feptiéme qui eiî de 15.29. Marot demande une autre grâce, c'étoit d'être mis fur l'Etat de la Maifon du Roi : mais il la demande à Jean Cardinal de Lorraine , qui a pafle pour l'homme le plus généreux de fon tems, & qui aimoit d'ailleurs la poëiïe & les Poètes. Auïfi Marot ne fonde-t'il que fur le même titre , & fa requête & l'efpérance qu'il a de la voir écoutée favorablement. On voit encore mieux jufqu'où il étoit capable de porter l'élégant badinage dans la vingthuitième Epître où il le plaint au Roi d'avoir été dérobé , & lui demande de l'argent pour le dédommager. CLéMENT MAROT. On dît bien vrai, la mauvaife fortune bte vient jamais, qu'elle n'en apporte une,' Ou deux , ou trois avecques elle, Sire, yoftre coeur noble en fçauroit bien que dire : Et moi' chétif, qui ne fuis Roy, rie rien , L'ai efprquvé. Et vous compterai bien, $i TOUS voulez, comment vint la befongnc. J'avoii F R A I? Ç O î S B. 7J •Pavois un jour un vallet de Gafcongne ; <>)urmand, yvrogne & affiné rrtenteur, Fipeur, larron, /tireur, blafphémateur , Sentant la hart de xent pas à la ronde ; Au demeurant le meilleur fils du monde. Ce vénérable Hillot fût averti De quelque argent que m'aviez départi., Et que ma bourfé avoit grone apoftume* Il fe leva plutoû que dexoufhrme., Et me va prendre .en. tapinois icelle., Et vous la met très-bien .fous ion aiffidle « Argent & tout (cela fe doit entendre) Et ne croi point que ce fût pour la rendre J Car onc depuis n'en ai oui parler. Bref le vilain ne s'en voulut jUler Pour fi petit : mais ,encoreil me happe Saye & bonnet, ebaufles,.pourpoint & cappe} De mes babits.cn effet il pilla Tous les plus beaux, & puis sien habilla Si jufternent, qu'à le voit ainfi eftre, Vour l'eufliez pris en plein jour pour fon ma!ue> finalement de ma chambre il s'en va Droit à rentable, ou deux chevaux trouva J Laide le pire, & fur le meilleur monte. Pique & s'enfuit. BOUT abréger le conte. Soyez certain qu'au fertir dudit lieu, Woublia.rien, tors à me dire adieu, Ainfi s'en va chatouilleux de la gorge Ledit valet, monté comme un faint George jj fit vous laifia Monsieur .dorrrtir fop (aoui, TomeJCl " *Q CxEMENat AIAAOI» 7$- Rnrts ô ï H t Q V £ Qui au réveil n'eut fçu trouver un iroul. C L é M E N T C e Monfieur-là^, Sire, c'eftoit moi-même j M A R O T . - Qui fans mentir fus au matin bien blême, Quand je rne vis iàns honnête vefture , Et fort fâche" de me voir fans monture. Mais pour l'argent que vous m'aviez donné". Je ne fus point de ie perdre étonne; ; Car voftre argent très-débonnaire Prince , Sans point de faute efKujet à la pince...... Mais néantmotns ce que je vous en mande, ETeft pour vous faire ou requefteou demande; Je ne veux point tant de gensreflembler, .Qui ntont foucy autre que d'affèmbler. rTant qu'ils vivront, ils demanderont eux ; Mais je commence à devenir honteux, Et ne veux plus à vos dons m'arrefters, Je ne dis pas, fi voulez rien prefter , Que ne le prenne s'il d'eft point de prefteur jf S'il veut- prefter, qui ne rafle un debteur, Et fçavez-vous, Sire, comment je paye? JsTuVfné le fçait, fi premier ne l'eflàye. Vous me debvrez, fi je puis du retour; Et vops ftray encore*, un bon tour, A celle^fin qu'ii-n'y àyt faute'nulle; Je vous fetay une belle cédille, A vous payer ( iàns ufure il s'entend } Quand on verra tout le monde content ; Ou fi voulez, i payer selon, Quand vaûic. gloire &- renom, ceflera, &ç. Jamais argent lie for demandé avetf FRANçOISE*; 75' tant d'efprît, & je crois que, du cara- : âere dont et oit, François I. jamais ar- CLEMEK:*. gent ne fut donné avec plus de joie. MAXOT« Marot écrivit à cette occa'fîon à un de les amis. •'.:-••• Puifque le Roy a Jefir de me faire En mon bcfoin quelque gracieux prêt, J'en fuis content ; car j'en ai bien affaire, Et de ligner ne fut oncques fi prêt : Pourquoi vous pri' fçaroir de combien c'eft Qu'il veut cédule, afin qu'il te contente : Je la ferai tant sûre, fi Dieu plait, Qu'il n'y perdra que l'argent 8c l'attente. De les quatre Epîtres AuCoq-b-tane t on n'eftime^cqùe lt?» deux premières 0 Sfl'oajnerett'oitUè^tlcnême dans les •feux, aiitres le &énie de nbtre Poète. Ces Epîtresi font" d'un goût fingulier 0 «emplies de réflexiobs fatyriques, de nouvelles de de' plaifanteries i le tout Êiis ordre & fans fuite ; de c'eft t dk©n, ce qui en fait le mérite- Mais ces ingénieufes bagatelles, dévoient plu* coûter de foins qu'elles ne valoient. On croit que Marot a été l'inventeur de ce genre d'écrire; il.pouvoir fepaftêr do cette efpéee d'Eoneeun,. Pendant foa exil àFerrareeniyjy; & 1 année fui van te. Maroc écrivit auifi DiJ rji BlBIIOTHEQÛE '• ghoient celles de la plupart des ho^nCLEMENT mes. Le règne de Louis XII eft plein MAEOT. d'époques brillantes pour ces Enfans fans fottcy. Ce Prince favorifa & honora fouvent de fa préfence les pièces qu'ils repréfènterent. La réputation qu'eut cette fociété, & le lien particulier qui attachoit Marot à ceux qui la formoient, l'engagea à compofer pour eux fa première Ballade , oh il peint au naturel cette troupe, fa conduite & fes jeux* Il eut deux ans après , en ï 514. la complaifance d'écrire au nouveau Roi François I. en faveur des 1 Clercs de la Bazoche, qui repréfentoient auffi des farces & Jotties, mais que le Parlement venoit de leur interdire. Marot qui étoit alors du nombre des Clercs du Palais, étoit interreffé à foutenir fes confrères, & l'Epître qu'il adreffa en leur nom à François I. eut le fuccès qu'il en efpéroit. Je ne vous dirai rien des autres Ballades, de fes Chants divers, ni de fes Chanjons. Parmi fes ibixante-djx Rondeaux , il y en a de fort jolis , '& fur difTérens fujets, & en particulier fur l'amoUr ; car le Poëte ne pouvoir fe laffer de chanter cette paffion. Voici celui qu'il adçeffe à un créancier. ' F R A K Ç O I S B. ' Un bien petit de prés me venez prendre Pour vous payer : & fi devez entendre je) n tuLEMENr MA*.OT. Que je n'euz onc Anglois de voftre taille i Car à tous coups vous criez , baille, baille, Et n'ai dequoy contre vous me défendre. Sur moy ne faut telle rigueur eftendre» Car de pdcunc un peu ma bourfc cft rendre : Et toutesfbis j'en a y , vaille qui vaille, Un bien petit. Mais à vous voir ( ou Ton me puifie pendre ) Il femhie advis qu'on ne vous veuitle rendre Ce qu'on vous doit : beau Sire, ne vous chaille , Quand je ferai plus garny de cliquaille, Vous en aurez : mais il vous faut attendre Un bien petit. Le troifiéme volume des oeuvres de Marot renferme fes Epigrammes, au nombre de près de trois cens, fes Etrennes, fes Epitaphes, fes Complaintes, & les Blafons du corps féminin f qui ne font point de notre Poëte, & dont il me femble qu'on auroit pu s'exemter de groflir le recueil de fes œuvres. Ces Blafons, c'eft-à-dire , ces defcriptions fouvent plus fatyriques, & quelquefois plus obfcénes que poétiques, viennent de divers Auteurs. Le Blafon des cheveulx coupés, & celui de l'oeil, font d« Diiij $0 BrBLI©TftEQtfE Mellin de Saint Gelais : Maurice Sccr— CLéMENT va a fait ceux du,fourcil, d\xfiont &. d e MAROT. la gorge : Antoine Heroet s'eit amule à crayonner aufli l'œil : Jacques Peletier a fait le Blafon & le contre-Blafon du cœur : les Blafons de la main & du ventre font l'ouvrage de Claude Chapuys : Pierre le Lieur a blafonné la cuife : Lancelot Caries, legenoil, le pied, l'efprit, l'honneur , ce qu'on appelle Grâce : Hugues Salel , l'anneau & l'efpingle : les Auteurs des autres Blafons ne font point nommés, Sagon a fait aufli celui du pied ; mais fa pièce n'elf, point dans ce r e cueil. Je reviens à Marot : fes Epigrarnme* font peut-êtreceUesdefespoëfiesqu'on lit le plus , non-feulement à caufe de leur brièveté, mais aufli parce que la plupart ont beaucoup de naturel, é*ç qu'elles ont le fel que l'on exige de ce genre de poè'fie. Un lecteur chatte eft obligé d'en paflèr un grand nombre où le Poète a porté la licence jufqu'à l'obfcénité. Les Eftrennet font de petites pièces adreflees à des Dames, & qui ont prefque toutes le même nombre & la même mefure de vers. Un feul exemple fuffira pour vous faire connoître le caraclére & la forme de ces pié- • '. F R A » ÇOI S'RV îl tes qui ne dévoient pas beaucoup coû-! ter à leur Auteur : je choifis l'étrenne M!_ M E N T dix-huitiéme. Le Poète l'envoie à Anne de Piffeleu, Ducheflè d'Etampes , à qui il dit : Sans préjudice à perfonne > Je vous'donne La pomme d'or de beauté* Et de ferme loyauté La couronne. Les Epitaphes-nefcnt;point ce quel'on entend ordinairement par ce mot ? Maroc ne s'y amufe point à louer les» morts ; il n'y çonfacre point fa mufe à faire paner leur mémoire avec honneurà la poftérité. Ce font des pièces fatyriques ou badines ;..& les perfonnagesr qui en font l'objet,, font prefque tous imaginaires. Jean de Sevré , Joueur de farces,, qui eft le fujet de la neuvième Epitaphe,, pouvoir être un perfonnage réel. Notre Poète a- renfermé fous le titre général, de. Cimetière lespièces qui méritent proprement le ti-tre d'Epitaphes. Elles regardent toutes, des perfonnages réels , & font à leur louange. Tels font les Epitaphes deQurifipghe Longueil,. mort en 15 zz: D r la B-IBIIïOT'H'EJçû'E 'd'André dé Vouft,, Médecin du Erac. CLéMENT d'Aleriçon ; de Catherine Budé ; de la' MARgT ' Kéine Claude; de Jean Cotereau ," Chevalier, Seigneur de Mafntenon ; de Guillaume Crétin, Poète François; de François, Dauphin de France, qui mourut en 1536. & de plufieurs autres. Les Complaintesfontune autre efpéce d'Epitaphes plus étendues que celles dont je viens de parler r. .elles contiennent l'éloge de ceux qui en font l'obj e t , & des regrets fur leur perte. Dans la première qui eft fur la mort de Jean de Malleville , Parifien , Secrétaire de Marguerite de France, foeur de François I , tué par les Turcs à Baruth , ville de Sourie, Marotadrefle lès plaintes à la Terre, à la Mer, à Nature , à la Mort & à Fortune. La troifiéme Complainte eft intitulée, Déploratton de Meflire Florimmd Robertet, Secrétaire d'Etat fous François I. C'eft la plus' longue des Complaintes de Marot : elle eft imitée d'une Epitaphe du R o i Charles V I I , faite par Simon Gréban. J'y trouve beaucoup de fiction & beaucoup d'ennui. La quatrième C o m plainte fur la mort de Louife de Savoie, mère de François I , morte le/ F S. A N Ç O I S K. ?^ 22 Septembre 15 31. eft en forme d'Edogue. On dit que cette pièce attira ^ LEME * i * de fon tems a. l'Auteur l'éloge des Sa- JvlAR0T * vans : on ne la lit pas aujourd'hui avec plaifir : Thenot & Colin qui y parlent 'r babillent beaucoup fans prefque rien dire qui intéreflè. Je laine la cinquième Complainte fur la mort de Guillaume Preudhomme, Général des Finances , & l'Oraifon moitié pieufe, moitié profane devant le Crucifix, pour vous dire un mot du tome quatrième des œuvres de notre Poète. Ce volume réunit toutes les traductions faites par Maroc, de la première Eclogue de Virgile, des deux premiers livres des Métamorphofes d'Ovide, de l'hiftoire de Léandre & Héro , du jugement de Minos/jw la préférence d'Alexandre le Grand, Annibal de Cartbage, & Scipion l'Africain, tiré des Dialogues des morts de Lucien , des virions de Pétrarque , des trifiesvers de-Philippe Beroalde, fur le jour du VendrediSaint, du Colloque d'Erafme, intitulé de l'Abbé ce de la femme favante ; enfin de cinquante des Pfeaumes de David. Je vous ai parlé de toutes ces traductions , à l'exception de celles dujugement de Minos &.ctu (Colloque d'EDvj : $4 BlBIIOTHEQtTE ra(me, dont je pourrai vous entretenir CLéMENT fans u n e a u t r e OCcafioru Dans l'Epître " a u Roi qui précède la traduction des Pfeaumes , Marot y fait cet éloge de «es divins Cantiques. Icy font doncq les louanges efcrittw - Du Roy des Rois , du Dieu des exercises. Icy. David le grand Prophète Hébrieu, Nous chante & dit quel eft ce puiuânt Dieu , Qui de Berger en grand Roy Périgée, Et fa -houlette en feeptre lui changea. Vous y orrez de Dieu la pure loy Plus clair fonner qu'argent definalloy ; Et y verrez quels maux Se biens adviennentr A tous ceux-I-à qui la rompent & tiennent, Icy fa voix fur les réprouvés tonne r Et aux eilcus toute ailùrance donne , Efiant anx uns aufii doux 8c traitante Qu'aux autres eft terrible 8c redoutable. Icy oit-on l'cfprit de Dieu qui prie Dedans David, alors que David p r i e . . . . ; Chrift y verrez par David figuré, Et ce qu'il a pour nos maux e n d u r é . . . . . Quibicn y fit,. i congnoiftre il apprend Soy , 8c celuy qui tout voit 8c comprend ; Et y orra: fur la harpe chanter . Que d'eftre rien, rien ne fe peut vanter, Et qu'il eft tout en fes fiits Quand cû de l'art ans Mufes réfervé ; F R A w ç o r s BV Homère Grec ne l'a mieux obfervé : Defcripiions y font propre«-& belles : D-'aftections, il n'en eft point de telle*,- &e. 85 ^—•—^ Cl-EMENU AlAROf. Ce volume fink par le recueil des diverfes préfaces qu'on lit au devant des éditions différentes des œuvres dé Clé* ment Marot. . Les poëfies de Jean Marot, dont je vous ai rendu compte, occupent prefque tout le cinquième volume. Ces poëfies-font fuivies de celles de Michel Marot, dont je vous parlerai • de diverfes poëfies attribuées fans fondement à Clément, tirées des. éditions de Sonnemere & de quelques autres ; d'un Dittier préfenté à Monseigneur de Najfau t nu retour de Francer par Clément Marot, mais que l'on croit plutôt être de Jean Molmet ; enfin de la Déploration fur la mort de Clément Marot fouverain Poète François, pièce anonyme imprimée e» 1544Lefixiémeôcdernier volume contient les pièces refpedtives de Sagon, de Huet ou la Huéterie & de Clément Marot. Les fentimens de celui-ci fur la religion, fa conduite peu réglée , peut êtreauffi l'envie & la jaloufie qui ne manquent guéres d'attaquer les Ecri- 8fJ BlBIIOTHEQUE •» • vains d'un mérite fupérieur, lui avôient CLéMENT fait des ennemis. François Sagon & la MAROT. Lj uet erie prirent la plume, & l'attaquèrent avec plus de vivacité que d'efprit & de folidité. La Hùéterie, Poète Normand, ne nous eft connu que par cette difpute : il paroît qu'il avoit Voulu profiter de la retraite de Marot à Ferrare pour demander à François I. fa place de Valet de Chambre, qui lui fut refufée, .& que eefut ce mauvais fuccès qui l'irrita, & l'engagea de fe joindre à Sagon fon ami. FRANÇOIS SAGON. François de Sagon eu moins ignoré» I l é t o i t n é à Rouen, _, Se embraflà de bonne heure l'Etat Ecdéfiaftique. Il fe fit furnomrrier l'Indigent de Sapience, titre qui n'étoit certainement pas fort honorable. Il fe qualifie Curé de Beauvais dans une Epître en vers qu'il adreffa à Jean Bouchét, Se qui eft la cent neuvième des Epîtres familières de celui-ci. Dans fes écrits contre Marot, il ne prend point d'autre qualité que celle de Secrétaire de M. Félix de Brie , Abbé de Saint Evroul j Ordre de Saint Benoît , en iNcarruindie ; Se grand F R A N C O I S E. ' . 87 Doyen de Saint Julien du Mans. C'é•toit un Poète fort médiocre. Il com- FRANçOI» mença à verfifier vers l'an 1532. & a SAOON. continué jufqu'à la fin du règne de Henri IL Sa devife étoit Vêla de quoy • peut-être parce qu'il éroyoit que les écrits contre Màrot étoient de quoy mortifier ce Poète, & lui ôtér même fa réputation. Sagon ne commença à attaquer ce Poète , que lorfque celui-ci, forcé de s'abfenter de France, s'étoit retiré à Ferrare. On a vu que de ce lieu d'exil, Marot écrivit au Roi, aux Dames de France , & à d'autres perfonnes, tant pour fe juftifier que pour demander fon rappel. Ces EpîtreS-déplurent à Sagort ; H entreprit d'yfépondre, & envoya fes réponfes -aux mêmes perfonnes à qui Marot avoit écrit. Dans ces Epîtres anti-Marotiques, Sagon accufe fon adverfaire d'hypocrifie, de mauvaife foi, d'irréligion, de, médifance ; de calomnie même. Il y joue également le perfonnage de Moralifte, de. Controverfifte, de Cenfeur & de Satyrique. L'emportement le fait fouvent extravaguer, & il gâte jufqu'aux vérités qu'il prêche par l'aigreur avec laquelle il les débite, & les injures groifiéres qu'il y mêlé; Il 88 BIBIIOTHE^TTF: * ne craint pas même de vouloir, enlever FRANçOIS à Marot jufqu'à fon génie poétique. II %>A«ON. donna ce compofé de Prologues,, d ' E pîtres, de Rondeaux,.de Dizains , de chants Royaux , fous le titre de Coup d'ejfai r & le finit par une réponfe qu'A donne fous le nom d'un des amisdefon Imprimeur ,, qu'il feint avoir été acculé d'avoir montré fon mécontentement de s'être chargé de lUmprellion de ce recueil. Marot ayant reçu un exemplaire de ces fatyres, y répondit fur le mêmet o n , mais avec plus de fineflè, d'agrément & de légèreté de flile, fous le nom de FrippelippesfonSecrétaire, ou fon Valet. Le prétendu Valet attribué à jaloufieles fatyres faites,contre fort Maître, & fait valoir l'eftime que le» bons Ecrivains de ce ternsdà avoientpour lui. Je ne voy point qu'un' Saint Gelais, Une Heroé't, ung Rabelais , UnjBrodeaai, ungSeve, «ng Cbappuy; Voyfèntefcrivant contre iuy.Ne Papiltoit pas ne te poinét, Ne Thenot ne le teane point : Mais bien ung cas de jeunes veaux ; Vng tas'de Rymaffiers nouveaux Qiû ctrycteut eflevet Icut nom, F R A N ç O I S E ; jHaurxant les hommes de renom , Et leur femble qu'en ce faifant, Vu la Ville on ira difant, Pinïqu'à Maroc ceulz-ci s'attachent, Il n'cft poffible qu'ils n'en fâchent; 0*9 — — — • FRANçOIS SAGON. Il fait eniuitele caractère de la perfonne «5c des écrits de Sagon & de la Huéterie, à qui il n'épargne point les traits les plus fatyriques. L'un ou l'autre, «5c peut-être tous les deux enfemble,les lui rendirent dans la grande Généalogie de Fripelippes, compofée par un jeune Poète champêtre, avec une Epiftre, adrejfant le tout à François Sagon, pièces groiîiérement burlefques, «5c qui ne pouvoient que déshonorer leurs Auteurs. L'Epître ne porte que le nom de la Huéterie, «Se fa date eft de 15 37. Je ne fai» pas plus de cas du Refcript À Sagon & m jeune Poète champefire, faileur de ta Généalogie de Fripelippes : ôtez-en les injures «Se les baffes expreilions, il n'y reliera rien. On ne dit pas fi ce Refcript eft de Marot ; je n'y reconnois ni fon génie, ni la facilité de fa verfification. 11 finit par ce Rondeau où Marot crayonne en deux traits le jeune Poëte champêtre. Qu'on mairie aux champs ce coquardeau, jo — — » FRANçOIS SAGON» BIBLIOTHèQUE Lequel gafte, quand il compoie , Raifon, mefure, & texte, & glofe; Soit en Balade, ou en Rondeau. Il n'a cervelle , ne cerveau; C'eft pourquoi fi hault crier oie , - Qu'on maine aux champs ce coquardeau. S'il veult rien faire de nouveau, Qu'il œuvre hardiment en profe , ( J'entends s'il y fçait quelque chofe } Car en ryme ce n'elt qu'un vean Qu'on maine aux champs. Cette Epigramme enflamma la bile de Sagon, & dans fa fureur il enfanta une longue pièce, qu'il mit Ibus le nom de Matthieu de Boutigni, Paige de Maijire Prançejs de Sagon, Secrétaire de l'Abbé de Saint Ebvroult, & qu'il intitula le Rabais du Cacauct de Fripelippes & de Marot, dit Rat pelle. Mais aflurément Sagon n'a pas eu l'adreflede Marot, de faire d'un fimple Valet un Poëte ingénieux, & Marot en jugea fort fainement dans la réponfe qu'il y fit, Si qu'elle ne méritoit pas. Je pafle fous filence la Remontrance i Sagon, à la Huéterie, & au Poète champêtre , ( c'eft-à-dire, au mêmeHuet ou la Huéterie, qui avoit pris ce titre) par Maijire Daluce Locet ; X'Epiftre a Sagon & à la Huéterie ; lès Trêves de. Sa- F R A N ç O I S E , 9,1 *MI & de Marot ; l'Apologie de F Abbé te 'des Canards ; la Réponfe à l'Abbé des Co- FRANçOII tards de Rouen; VEpifire contre Sagon&$K<i0** *ks fiens, faicle par ung amy de Clément [Marot ; autre Epiftre à Marot par Francojs de Sagon pour luy monfirer que Frifelippes avoit fait fotte comparaifon des quatre raifons dudit Sagon a quatre oy- Jons ; l'Apologie de ces quatre raifons, par le même, & divers huitains, Trio;Iets, Dizains, Rondeaux, qui comme autant de pièces d'un même procès , /tpntiennent' beaucoup de dits & de 'iiaitredits qui n'étoient propres qu'à aigrir les efprits , & à continuer une *l$Épïfte-qui dans le fond faifoit peu «ÎWMïneur aux parties. I''Sagan rartout & la Huéterie auroient •dufe;repentir d'être entrés en lice Çt tét Étuffic\témènt, & d'avoir attaqué les :prjemiersun Ecrivain qui ne penfoit jJôint à eux : les coups qu'ils avoient voulu lui porter, avoient été repoufies fi vigoureufement, qu'ils auroient dû au moins rentrer promptement dans le filence. Que gagnerent-ils à continuer .défaire les braves ? Ils fouleverent contre eux tous les amis de Marot, & chacune l'envi l'un de l'autre, s'emprefia dedeur lancer quelque traits. h'Apolo- OZ BlBlIOTHEQUE : gifle anonyme de Afaiftre Nicole GfofeFRANçOIS/^ , Bonaventure Defperiers, Charles SAGON. Fontaine, Chriftophe Richer, Jânus Parrhafius, & plufietirs autres, dont les vers François & Latins furent réirnis dans un recueil intitulé, les difcifies & amjs de Afarof contre Sagon, la Huéterie o leurs adhérente, prirent^ la défenfe de leur maître, & ce fut toujours aux dépens de Tes adverfaires. Sagon réclama en vain l'amitié dé Germain Colin Bûcher : celui-ci loin de vouloir lui fervir de fécond, l'abandonna , Se. fe rangea du parti de Maroc. Sagon s'en plaignit à Jean Boucher , qu'il tâcha pareillement d'engager dans Hplt. de s*- fa querelle, comme on le voit par l'Eneûvîénie'des P K r e ftu'u l l " écrivit à cette occafion, Epît.fimii.Mais Boucher, ne fe laîfia point féduire, i« Bouchée. n j D a r 1e$ m a r q U e s fe confiance que Sagon lui donnoit, ni par les éloges qu'il lui prodigue dans fon Epître, ni par le portrait affreux qu'il lui fait de Marot. Il fe contenta dans fa réponfe de blâmer Germain Colin d'avoir renoncé à l'amitié de Sagon , Se il refufa d'époufer la querelle de celui-ci contre Marot. Si tous les acteurs de cette difputeeuffent été aufli fages, que de pièces ou mauvaifes,. ou inutiles ils evmènt épargné au Public ! T R 1 K € 0 I S E.~ $5" L e prétendu Chevalier Gordon de celle ne les a pas toutes recueillies. FRANçOIS a omis entr'autres, VEpifire à Marot SAGON, fatre la comparaifon que Fripelippes ! lipit faite des quatre raifous apportées .par Sagon avec quatre ojfons ; l'Âpolofjrie de ces quatre raifons par le même Sagon , & le Banquet d'honneur fur la tpjuxfaiëe entre Clément Marot, Franfgyt Sagon, Fripelippes , Huéterie, & autres de leurs ligues. Cette dernière pièce eft «ne fiction aflèz ingénieufe , & qui paroît être une fuite de la pièce qui a pour titre , de Marot & Sagon les Trêves données jufques à la fleur desfebves, par l'autorité de l'Abbé des Couards. Cette Trêve eft en effet rappellée au commencement du Banquet d'honneur. L'Auteur feint qu'en fe promenant un matin ôç. rêvant à cette Trêve ordonnée , niais non obferyée, Honneur qui fe promenoit auffi, rencontra Hermes ou Mercure quiallok. à Paris, Honneur lui demande des nouvelles, àv quoi Hermès répond ; Honneur, dit-il, «ruiâ n'eft que de deux venu», Lefqucls on diét en un commun jargon, Hueterie ou Huet Se Sagon, .Qui chafeun jour mefdifent de Marot ^ encontre luy crient le grant Juvot, J4? BlBIÎOTHEQtTB , Par leurs paiges luy livrent maint aflaulc ; FRANçOIS M a i s a Marot "* , o u t c e l a SAGON. Honneur s'informe / n e cnault - du fujet de leur difpute, prend la réfolution de les accorder s'il eft poiîible ; & pour parvenir à cette conciliation , il confent de leur faire préparer un feilin, & engage Hermès à les y convoquer de fa parc L'invitation faite , tous fe hâtent d'arriver au lieu indiqué. Cet oit le ParnalTe. Marot y monte fans aucvJn effort, Fripelippes fon valet le fuit fans peine, de même que Charles Fontaine & l'Abbé des Conards. Sagon & ion valet, la Huéterie & quelques autres ,'fe traînent comme ils peuvent, s'accrochent à tout ce qu'ils rencontrent , -& arrivent enfin très-fatigués. Honneur qui s'étoit lafie de les attendre, s'étoit mis à table ayant auprès de lui Marot & Fripelipfes, & un peu plus loin Fontaine & l'Abbé des Conards. Les autres étant enfin arrivés, prennent aufli les placés qui leur font indiquées. Autour de la table étoient BeavrpMler , Tme^ Lojmltt, 6î»wW»fie, VAtlUncti. Qui du Banquet fçavoient tous l'ordonnance. O n fert i & le Poète fait là deferipuOB î 7 R A N Ç O I S E, 9J ©u l'énumération de tous les mets. Au ' "* deflèrt vient la Mufique ; & quand le FRANçOIS repas efl fini 3 Honneur, fans permet- SAGON. tre qu'on fe levé de table, dit : Poètes Françoyj j'ai voulu vous mander, Mon point qu'il foit en moy vous commander. Pour enquérir dont provient celte hayne t Qui entre vous a prins ion origine ; Qui d'elle font les premiers inventeurs. De pais délivriez eltre bons amateurs, Vivre en amour comme frères, oc £iz De Minerve, difant de diicord fy , Et vous tenir d'Apoilo le begnin Vrays zélateurs, déchailànt tout venin. A ce difcours, Marot prenant le pre-' mier la parole, répond : Honneur de hault paraige^ Vous fçavez bien, c'eft un commun Iangaige Qui n'eftbefte fi petite en ce monde, Quoiqu'erf elle nulle rai fonabunde, S'on lui faict mal el fêta réfiftence ,' Et ne prendra là picque en pacience i Dont par plus forte & meilleure raifon ( Combien qu'à moy n'y ait comparaifba A ung brutal ) je n'ay peu fbubftenir les injures de Sagon , ne tenir Que mon. valet luy fcift une refponee Dont le picqua plus fort que d'une ronctV 9e" BlBXIOTHEQTJÏ , — — — » En mon abfcnce il feift fon ct*f ftfl*y i FRANçOIS Peru"anI Ve PIus e n France, Dien l e ^W» SAGON, Venir ne deuilè, & que de prime face tl obtiendroit mon lieu royal & place : Mais , Dieu mercy , après toute fouflrance Suis retourné au bon pays de France, t)e mon premier eftat récompensé D'un plus doubc Roy qui fut onc ofrencé. Il parle enfuite des écrits que Sagon nf contre lui, de ceux que la Huéterie compoia fous le titre fuppofé de Poète champêtre, de la pièce intitulée le Ratais du caquet de Afarotf de la généalogie de Fripelippes, de l'Apologie que l'Abbé des Conards fit en fa faveur contre ces écrits. Comme ce difeours étoit écouté avec attention, Sagon craignant quelque cataitrophe, au lieu de, fe défendre, s'humilia. > Hélas, xcfpond Sagon, mes rrays amye Je recongnois les fàultes qu'ay commis: reniant avoir bruit & renom d'eferire , Contre l'honneur de Marot, pour vray dire j En mes efcriptz ay mis plus décent mot Four faiçe rlre > ^¥~l corrtrne ung marmot Qui contrefait tout cela qu'il voit fairej, Ou pour le moins tafche i le contrefaire. Il en rejette en partie la faute fur Huée a^* T R A W Ç O I s«; 97 «qui le ibllicitok à faire ces écrits, qui ! l'aidoit aies compofer, & qui fit lui- FRANçOIS même la généalogie de Fripelippes, S*80*» puis il ajouter Ceftuy HUM s'eft dit Poète diampeftte , Quoiqu'il iuft digne de mener paiftrei C'eitoit celluy ( la vérité" vous dy ) •Qui me rendoii tant fol & eftourdy A rimailler, & 1 crier haroc Sur les amys difciplcs de Maroc Il qualifie Huet ou la Huéterie de Prt* ionotaire, fait valoir la réftftance qu'il oppoiôitàfes follicitations pour l'engager à écrire contre Marot, & conclud par demander pardon. Honneur, voyant que Sagon -fétoit humilié, pria Marot de lui accorder la paix. & le pardon qu'il demandoit : Marot y confentit ; on en dreiTa les articles, & Tacts en fut lu à haute voix. Sagon accepta les conditions qui kii furent propofées^ promit de les remplir avec exactitude ^ après quoi Honneur rendit l'ordonnance fuivante. «se Veu & confidéré que de vivre eh «é bonne paix, après parties par nous « eiiies , enfemble les conditions pro-<e pofées par noftre bien aymé Clément « Marot. Nous ,àlarequéûede Sagon, «ç Tome XI. £ pf, Bl3X,I0THEQU"* » tenons pour ratifiée la paix accordée JK (FRANçAIS » entse Marot, Sagon & autres cy pré-* 5>Mîfl»« » fens. Or pour mieulx le did accord » tenir & entretenir, voulons&ordon» nons que les dicts defiiis nommés a beuront enfcmble devant partir de ce » lieu, leurs, enjoignons cy après eiïre 9J bons amys, & vivre fans aucun con9)tredit, fous les peines contenues es 95 dictes conditions cy-devant décla95 rées ; plus fur peine d'élire privé de >> la Court de céans j fans nul efpoir de 95, jamais obtenir grâce de y rentrer , & «.élire, privé de tout honneur à fon »grant, déshonneur. Outre > noiîre » vouloir eft'que le did accord^ avec ii l.efdktes conditions, fort. eiiregiflré 39 aux annales dés Jpoètcs ;Franoois r jsaffin quecy â£rès' puift ejflxé exerrt95 pie à nos-podérieurs. Donné en no*> Are Palais ce jourd'y après difnèr , s»-fceUéd^noffreigran£ fcêi, &ngné, ; 9rs Honneur en tout,. » rr , ; i i : r i « .' r Sftgon eft beaucoupplus connu par cette difpute que par les poëfies: qu'il a iâtte>sfur;d'atotresfujets. Dansëelles dont Matoù eii l'objet, jl parie ^quelquefois denoble hommeOuy Mbrin t Seigneur 4e Loudon , avec qui il étoic lié- d'amitié. Il perdit ëet ami à laffin de Juillet, F R A M ç o i s B. 99 le premier d'Août 1536. Morin : . Payant été tué à l'armée devant Turin , FRANCO» dans un âge peu avancé. Sagon ne^A*»»*. fîcontenta pas de le regretter, il fit imprimer en 1 5 37. à Paris une traduction que Morin avoit faite du traité d'Erafine, de la préparation à la mort, &il y joignit un Difcours en vers François de la vie & mort accidentelle du Traducteur, avec fon Epitaphe. Le difcours a environ mille vers: il eftprefque tout hiftorique, oc. il peut fuffire à ceux qui feroient curieux de connoître la famille, la vie & les actions de Guy Morin. Du refte il n'y a nulle invention dans ce poëme, 6c la verfificatioa en eft platte & fouvent défectueufe. Les mêmes défauts régnent dans le Chant de faix de France ( faite entre le Roi de France François I, & CharlesQuint Roi d'Efpagne ) chanté par les trois Etats, laNobleflè, le Clergé & le Tiers-état , & imprimé en 1538. dans le J/4/00 du pied publié en 15 37. avec les autres Blafons anatomiqurs du corps féminin s dans fon Recueil d'Eftrennés pour l'an 1539. imprimé la même année; dans fa pièce intitulée, le Triomphe de Grâce & prérogative d'innocence fur la conception & trefpas de la Vierge Eij I. K>O BIBLIOTHèQUE efleue Mère de Dieu ; & dans les autres4 FRANçOIS poëfies.' WAG«N. .L'année même de la mort de Mar o t , Sagori fit imprimer deux ouvrages en vers, l'un eft Y Apologie en défen* Je du Roj très-Cbreftien François I. du nom, fondée fur texte d'Evangile, contre, fes ennemis & calomniateurs, imprimée en i 544. l'autre qui eft de la même année, a pour titre : la Complainte des trois Gentilshommes Françoys, occis. & morts, au voyage de Çarrignan : bataille & journée de Cerisalles. Ces trois Gentilshommes font le Seigneur d'Acjer, grand Ecuyer de France, qui fe complaint de la mort de fon fils, tué à la journée de Cérifolles ; M. de Chemens, neveu de François Errault, Chevalier,Seigneur de Chemans qui fut deftitué de la dignité de Garde des Sceaux en 1 544. & le Seigneur de Barbezieux, Gilbert de la Rochefoucaud , Seigneur de Barbelieux, grand Sénéchal de- Guyenne, Ce Seigneur ne fut pas tué à la journée de Cérifolles ; mais il mourut à L y o n , à ion retour en France. Auffi s'en plaintil avec . beaucoup d'amertume. Ces Complaintes font entremêlées de quel* eues autres pièces qui ont du rapport au même fùjet. Par exemple, après la - •' . F R A N ç O I S E . Iô'I Complainte fur la mort de M. deChe"mens, Sagôn pleure la même mort dans FRANçOIS un dizain, & confole Mademoifelle de S A O O N # Loudon, confine dû défunt, dans une ' Epître morale qu'il lui envoie , & fes autres parens par d'autres vers qu'il leuradreflè. La Complainte fur la mort de M. de Barbefieux eft pareillement fuivie d'un Rondeau du moyen de bien mourir, d'une autre Complainte où la veuve de M. de Barbefieux exprime fes • regrets, de plufieurs quatrains fur la mort, de quelques huitains , dizains & Rondeaux fur le même fujet, & d'un Colloque long & ennuieux entre Sien du monde & Tout le monde, où il eïlencore queftion de la mort en général, & de celle de M. de Barbefieux en particulier. Et comme tout ce recueil dévoie être confacré aux chants funèbres, Sagôn le finit par diverfes pièces fur la mort de Claude de Brie de Serrant, qui fut enlevé peu de tems après fa naiflànce. Le Poète étoit attaché à cette famille de Brie de Serrant, Maifbn ancienne dans l'Anjou , que quelques-uns font remonter jufqu'à Anfelme de Brie , mentionné par Guillaume de Tyr entre les Chevaliers qui fuivirent FoulE iij ÏOZ BlBIIOTITEQUE q u e , Comte d'Anjou , lorfqu'il alla a FRANçOIS Jérufalem époufer Melliflènde, fille d e SAOON. Baudouin I I , Roi de Jérufalem ; mais dont le plus ancien qui nous foit c o n nu, eft Jean de Brie, mari de Jeanne de Dreux, fille de Robert I I I d u n o m , de la Maifon Royale de Dreux. Sagon a compofé l'Epitaphe de ce Jean de Brie , & prelque toutes les autres Epitaphes concernant la même Mai. fon, pofées en la Chapelle du Château de Serrant en Anjou, à quelques lieues d'Angers, & qui font rapportées par t. Î07. * f. M. Ménage dans fes Remarques fur la vie de Guillaume Ménage. Ces Epitaphes font en vers François. François Sagon vivoit encore en 15 59. puifque l'on a de lui une pièce fur la paix qui fut conclue cette année, & qu'il a intitulée : la Réjouiffance du Traiclé de paix en France , publiée. l'an 1559. La Croix-du-Maine, dans fa Bibliothèque Françoife, dit qu'il confervoit du même un manufcrit formant u n Recueil moral d'aucuns chants Royaux, Ballades & Rondeaux, présentes à Rouen, à Dieppe & à Coin. FRANçOISE. MICHEL 105 MAROT. Michel Marot,. fils unique de Clément Marot, ne prit aucune part à la querelle de fon père avec Sagon , la Huéterie & leurs partifàns. Du moins n'en voit-on aucune trace dans le peu qui nous relie des poèfiesdécernaprefque inconnu d'un père très-illuftre. Je dis prefque inconnu, puifque nous ignorons quelle étoit fa mère , où il naquit, ce qu'il a fait pendant fa vie, & en quel tems, à quel âge & en quel lieu il eft mort. Tout ce que l'on fçait, eft qu'il a été Page de Marguerite de France, qu'il a fait quelque féjour à Ferrare, & que le petit nombre de fes poëfies a été imprimé d'abord avec les Contredits à Noftrtdamus compofes par Antoine Couiîlard, Seigneur du Pavillon près Lorris en Gâtinois. C'eft à ce dernier que Michel Marot envoya une Epître qu'il avoit, dit-il, trouvée parmi les papiers de fon père, dont il le croyoit Auteur, mais que l'on prétend venir d'une autre main. Voici ce que Michel écrivit à fon ami, en lui envoyant ladite Epître, pour qui elle avoit été faite. E iiij T©4 Ut,-nrJr MAROT. BlÉtlOTHKQjUE A mon retour du pays de Ferrure, * a r ChamDery l e rdiernin r'adreflant, J'ay trouvé certes une choie biea rare Au cabinet de mon père Clément : . Car révoltant tes efcripts pour te» lire , Trop me nuiioient' 8c n'appaifoient mon ire » Si n'eulie ' veti Epiftre de fa veine , Qui s'adrefibit à fon amy Antoine , • Dont rnieulx que moy entendras le dcffcîn t - Telle eft la lettre efcripte de fa main. Michel reçut en revanche beaucoup d'éloge* du fieur du Pavillon , qui fe féiicitoit de le voir prendre, comme fon père, le chemin du Parnafîe. Mais les talens du fils pour la poëfie n'égaloient pas ceux du père, & Michel en convient dans l'Ode qu'il adreflà k lu fieur des Princejfts, Royne de France; Ma Princeflè» Ma Maiitrefie, Je luis le fils de Clément, Qui fans nue, Par ma Mufe Salue là Royne humblement. Je n'ay grâce, Ne l'audace ÎTelIe que mon père avoit; F R A N ç O I S E . 105 Ny la veine Souveraine Dont fi bien chanter fouloit. —^—— MICHEL MAROT, En quoi il lui reflèmbloit davantage , c'étoit par ion peu de fortune, fi l'on doit prendre à la lettre ce qu'il ajoute dans la même Ode : La fortune M'importune Far plus de cent mille maux. Si toy, Dame, Que je clame , Ne mets fin à mes travaulx. Tant je foufifre Dans le gouffre D'une extrême extrémité > Que puis dire Mon martyre La mer de Calamité. Àufli prenoit-il pour devife, ces mots, Trifte & penfif. Cette Ode eft la plus longue de toutes les pièces de Michel Marot ; les autres, au nombre de quatre, ne font que des dizains. On a réimprimé ces poëfies à la fuite de celles de Jean Maroc Ëv 4 iofS BIBLIOTHèQUE dans l'édition de Paris 1722. & dans celle de Hollande 17 31. JEAN LE BLOND. Honneur auroit dû inviter à fon banquet , avec Sagon & la Hueterie , le HevLtJem le Blond , Seigneur de Branville , né à Evreux en Normandie. Il fut aufli un desadverfaires de Clément Marot contre qui il écrivit deux Epîtres pendant la retraite de ce Poëte à Ferrare, pour empêcher, autant qu'il étroit en lui, François I. de fe rendre aux follicitations que Marot faifoit pour fon retour. La première de ces deux Epîtres qui eft au nom du Générul Cbambor, n'eil qu'une invective. La féconde Epître efl: fur le même ton. Dictée par l'emportement & le faux zélé, plus que par un amour éclairé de la vérité, elle commence par cette apoflrophé : Tu renies mal pur toa fard curial, Ton Aille doulx & an Mercurial Vouloir fléchir d'ung cas irtfupportable Le tres-chreftien Roy François, ferme et ftable, Pilier de fby, de juftice amateur , Fleuron de paix, de bonté zélateur, Qui rnaiatiendra toujours en fcs délita FRAKCôIJ'é. l a belle rofe e avecque le* blanc* olanct lit* ,. ' * La fleur des fleurs, la marguerite efleue, La nette perle en rien jamais pollué;, La faintte foy efpoufe Jefus-Chriû , - Veuillent ou non le* fuppôtl o?Antechri»P, «je. 1 Ï07 • J E AN L E BL'ôND. Jugez du refte de l'a pièce par cet échantillon. Maroc fappeflé' en FrUrrce, méprifa, fans doute, de nouvel adverfaire , puifque nous ne vOyoris point qu'ilfotoit' mis en' peine de lui répondre. Ce filence', qui tenoit du mépris, dCrtr mortifier le Bîond qui pav roît avoir eu une opinion avantagemie de fon mérite, comme on le voit par ces deux Epîtres & par les autres poteries qu'uyfôi^rt, & qu'il publia en 15 3 6. à Paris, Il intitula fon redueii1, le frlnterhpàefbnrtdki' efpérant, oufont compriru ftufvedrs pétrit œuvres fentot Se fleurs , fruiâ & verdure', aétt a'compofet eu fon jeune augefort réxriattfL. If pouvoir ajouter., & prdd'uïtr dans toute leur verdeur j carfi:ces poëfiesfont1ïè fruit de fa jeuneffe , fl'nedevort' par etttbre être dans un âge mûr lorfqù'n' les publia en 1536. , puifqu'on y lit une pièce fur lMncerrdie.de Chambray iUr1la rivière d*Iton, au Bïocéié d'Evfeux, qui ariva le 3b' Juillet 15 34,. JéaU lé Blond aimoit la chafle:, comme on lé E vj = Iû8 BlBMOTHEQtT E voit par la pièce de fon recueil, intîJEAN IE t v u e e le Temple de Dyane, &.plaifir 'de «LçND. ^ cbafe, où il loue beaucoup cet exercice. La defcription du Temple de Diane m'a paru extravagante. Le Poète, y fait entrer tout ce qui compofe nos Eglifes Collégiales ; des Chanoines , des Chapelains, des Chantres y des cloches & des orgues r un bénitier , de l'encens, des autels, des lieux contemplatifs : & quoique tous ces perfonnages , & ces êtres inanimés foient allégoriques , il me femble qu'il ne pouvoir pas faire un choix qui fût moins propre à un temple où. tout eit profane. Quel ridicule d'ailleurs que les Chantresfignifientles .chiens de chafie qui aboyent; les cloches & l'orgue, les Ions de la trompette, du cors & des oifeaux ; l'encens, l'odeur des bêtes fauves , & ainfi du refte J Si cette bizarre defcription fait peu d'honneur au goût de Jean le Blond,l'i?pttre duptvrtfoudroyé envoyée au Dieu d'a mours, en fait encore moins à fes mœurs, puifqu'il y fait l'aveu qu'il avoit éprouvé tout ce qui eft l'apanagefiordinaire d'une vie déréglée, & qu'il avoit longtems gémi fous le poids de cette maladie F R A N Ç 0 I Sï. IOC) que l'on ne devroit connoîtrequeparla ' oefcfiption qu'en font les Médecins. Il R*'EAN L * faut croke que cette maladie, donc l'Auteur décrit tous les- accidens, le rendit plus rage. Au moins,. à l'exception de quelques Epîtres un peu paffionnées , ne trouve-t'on rien dans Ces ppè'fies qui n'annonce un homme que le péril avoit rendu circonlpect. Il y a même plufieurs pièces qui ne refpkent que la piété, comme celles où il loué la fainte Vierge & faint Jean-Baptiile fon patron, & celle qui a pour titre , TlainUe fur le trefpas de très-dévote & très-chafie Dame Jehanne Dsrneiuville enfin vivant Abbejfe de faint Sauveur d'Evreux. On peut loiier encore par le même endroit fes Epîtres à Guillaume Saulnier , Poète François & Latin, avec qui il paroît avok eu des liaifons trèsétroites ; à M. dej'ainville, Mufiçien • à Guillaume des Ormeaux, Poète que la Croix-du-Maine& du Verdier n'ont point connu ; fon Epître à Jean Chreftien, envoyée aux chants Elyfées par le vent Zéphyre, dans laquelle il déplore la mort de cet ami qui avoit été tué dans quelque émeute des Religionaires. On lit encore.avec plainr poux les TIC» BIBLIOTHèQUE '•• fentimens fa Plainte fur le trefpas de JEAN LE Maiftre Benoift de la Nie, Docleur en BLOND, théologie, Pénitentier d'Evreux. Ce D o cteur étpit un Controveîfifte, dont on, a" plufieurs ouvrages fur la ' Religion, contre les Cal vinifies : au moins à e n juger par ce que dit Jean le Blond, qui ajoute qu'il pofledoit bien rHéhreu 9 lé Grec & le Latin. Dans une autre Epître , il Fait l'éloge de "Jean- Bafet 9 qu'il qualifie Fadeur & Chantre, c'eftà-dire, Poète & Muficien ; mais qui n'efl point connu d'ailleurs. Il y a quelque chofe de naïf dans PEpître par laquelle il demande à fon Drapier une continuation de crédit, lui promettant de ne point-fe conduire à fon égard , comme Pathelin avoit agi envers celui à qui il devoit : i Je congnoy bien que j'ay prou mis De ce que vousavoys promys Payer , très-endurant Drapiez , Et fuys encore en blanc papier Couché tout plat voftre debteur : Vous elles fort beau créditeur, Chafcun vous prife en cette aâayret Je penfoys pluftoft fatisfaire , Mais on m'a faulfement deccu. Par ma foy, vous euflïez reçeu , FRANçOISE. En péché ou eftat de grâce. . Pathelin à tout fon oaye grade Souloit ufer de tromperye , Se gaudifiant de draperye , Mais je n'en vouluz onc ufer. Trop bien je me veuil excéder, Quant je n'ay pas argent a main. Puys ung homme doux & humain Comme vous, j'ay l'expérience , S'arme fouvent de patience : Aufli c'eft fort belle vertu : : Je ne fùflè pas revenu , Si ne Feu/iiez eue envers rnoy. Vbicy venir le rnoys de May , Il vient layne de quoy on (happe ; Je me rendray plus fier qu'on Pape Si- j'ay relafche jufques là. Onc à Mercyer qui eftalla , O r n'y fçeuft perdre que l'attendre. Le cuyr de ma bourie eft 6. tendre Que argent n'y- fçayt grarnment durer. S'il vous plaift de moy endurer , Tous ferez tins homme de bien : Noltre Seigneur endura bien , Combien qu'il fuft de tout Autheur : Monirrez-vous l'on imitateur, Son vray difciple ou fen Apoftre. puys il eft à la Patinoftre Qu'il fault aux debteurs pardonner.: Je ne vous pry pas de donner ; Mail pardonnez-moy jufque au terrur» rir — — — JEAN LK BLOND» • SBSSSSSi JEAN I E PiONo. IIX BlBLIOTHEqUB t)e ce jolys moys ou je tendz. Ces poëfies de le Blond font dédiée* j e perrieres, Seigneur deXiïambray, apparemment Nicolas, Baron d'Âunai, qui avoit époufé au mois de Janvier 1530. Bonav'enturç de Prttïielé. Après la dédicace qui eft en profe, on trouve, 1. une Epître en vers de Nicolas du Guernier à Jean, Baron d'Annebaut. 2. Un Rondeau de Jean le Blond à très-éloquent & expert- Hiftorien Artus de Louvignj, Seigneur de U Afartiniere, & Maifire-d'Hoftel de M. le Baron de Ferrieres. 3. Une Epître, en vers, de Guillaume Saulnier à Jean k Blond. La devife de ce dernier eft, efpérant mieux : je n'ai pas trpuvé la date de fa mort : la Croix-du-Maine, q u i , outre fes poëfies, lui attribue quelques ouvrages en profé , n'en ci-; te aucun pcRérieur à l'année 1553. a u Baron CHARLES FONTAINE. Charles Fontaine n'imita point le Blond dans l'oppofition que ce Poëte eut pour Clément Marot. Difciple de ce dernier , il devint au contraire fon ami & fon apologifte. Marot fa iaifoit gloire de l'avoir pour défen- E R A ÎT ç es J s B:'' M 3' ..^ fetfr, & il avoit raîïbn. Quoique Fon- •• • •* taine lui fût inférieur du côté des T^HTAIM.' talens poétiques, on ne, laiffe pas de fentir dans fa verfificatiorl un air aifé, un tour ingénieux*, & une certaine finefiè dans- la> raillerie , qui montrent que l'exemple & les leçon? de fon maître ne lui avo.ient point été inutiles. Ce Poète étoit Parifien, né la première année du règne de François I. Il nous mftruit de ces deux circonfUnces dans fes poëfies^ - Dieu gard Paris le chef de France, Qui eft le Heu de ma nailTan.ce...... Pieu gard ma maifon paternelle, • Au beau milieu de l'Ifle belle, Maifon aâtfè vis-à-vis" De Noftre-Dame 8c du Parvis,-" Qui a la bellefleurde France Pour fon enfeigne 8c de'montrance. , Rutfliai» de*' *™*™ • f* E t dans fon Epître en profe à Charles Duc d'Orléans f fils de François I , il dit que dans fa première jeuneffe il avoit lu plufieurs de fes poëfies au Duc d'Orléans r 4 Paris lieu de [a naijfance. Voilà le premier fait prouvé. Le fécond ne l'eft pas moins clairement dans une EpU E . gramme où le Poëte s'exprime ainfi :••••. Tome Xlk, * itj/, i 14 •u. CHARLIîS FOSTAME. ÉlMIofHÉQUÉ AU beau, milieu de la grand Ville' gç a u m iii e u d'une Me Entre le Nord 8c l'Occident, Devant le grand Temple évident...*; Fontaine a pris fa fouree 8c çourfé Quand le Roy père très-prudent AufleuveStyx aïloit fendant, Sans ruiiïèaux malles de fa fouree. Sans per y Et ailleurs il dit , qu'il naquit le r 3! de Juillet. D'où je conjecture qu'il vint? au monde le 13 de Juillet 1515. puifqti'il naquit l'année même de la mort de Louis XII , nommé le Père du peuple*, & que ce Prince mourut le premier de Janvier de l'an 151 j . lailîànt la*. couronné à François I , corrime le Poète l'ajoute tout de fuite. Puis le Roy Franc, quitintla bcKirie Ouverte aux Mules 8c aux Arts, Leva fon beau grand chef, 8c pour ce Sefitparoifire en toute part. Fontaine n'êtoit point d'une famille rioble ; Ion père exerçoit le corraastee , & s'y diitinguoit par fa probité, fon âlîîduité au travail, & ee qui eft beaucoup plus rare , par ion amour pour F R I H ' ç O I S ï . 115 les lettres qu'il cultivoit dans fes mo- ' "" "'"* mens de loifir, & qui le mit en état CHARLES d'être le premier précepteur de fes en- l r o N T A I N * fans. C'efl le portrait que Fontaine nous en fait dans fon poème intitulé U Contr-amye de Court, où parlant de luimême , fous le nom de l'Amour , il dit : En premier lieufillefuis de Marchand, Lequel n'eftoit ufurier, ne mefehant : Qu'il foit ainfi, on lui portoit ce nom, Loyal Marchand ; tel efloitfon renom. Dès fon jeune âge avoit feience acquife, Qu'il eflimoit plus que fa marchandife. Toujours hantoit les lettres & lettrez, * Non les grands gens richement accouftrez; Difant ainfi : ces mollement vefiuz Souvent d'autant s'éloignent de vertuz... Homme il eftoit de petite parolle, Fors quand de nous il tenoit fon efcolle ; J'entends de moy & d'une mienne feeur Dont il eftoit enfeigneur Se drefleur. II nous apprend dans un autre ouvrage qu'il étudia dans l'Univerfité de Paris fous le célèbre Pierre Danés , depuis Evêque de Lavaur, & que ce grand homme avoit confervé dé l'ami- i i 6* BIBLIOTHèQUE ~ tié pour lui, ce qui fait dire à Fontaine CHARLES dans une Ode qu'il lui envoya : FONTAINE Mais pourquoy fcrois-je confus Près de ta docte humanité, Puifque ton difciple je fus En la grande UniverfiteV Au lieu de VUniverfité de Parts , il falloir peut-être dire, le Collège Royal fondé à Paris par François I. Danés y fût Profefleur en langue Grecque, & on ne lit point qu'il ait enfeigné ailleurs. Voilà tout ce que Fontaine nous dit de fa première éducation. Son penchant pour la poëfie fe déclara de bonne heur e , & devint en lui une paflion fi violente , qu'il lui facrifia tout, fa vie & fa fortune. Jean du G u é , l'un de ks Oncles, Avocat au Parlement de Paris , & dont Loyfel fait mention dans fa lifte des Avocats qui fuivoient le barreau avec diftinction «115 24., voulut en vain le détourner de faire facour aux Mufes, & l'engager à s'appliquer à l'étude du Droit, en lui offrant pour cela de l'aider de fes lumières & de fes livres ; fes tentatives, fes avis, fes follicitations, tout fut inutile. Fontaine ne répondit à ion oncle, que par une F R A N ç O I S E . I 17 Epure en vers dans laquelle il déclare ' " "1 fon aflêction pour la poëfie, juftifie CHARLES celle-ci des reproches qu'on lui a faits FONTAINE dans tous les teins , vante les honneurs que les Poètes ont reçus chez les anciens & les modernes, Se la générofitç avec laquelle ils o n t , comme lui, renoncé à tout ce que le monde nomme . fortune, pour ne fuivre que leur attrait. Il apporte en particulier l'exemple d'Ovide fur lequel il infifte beaucoup. Il auroit pu en choifir un plus convenable. Il finit par demander à fon oncle , non fes livres de Droit, mais les poëfies que cet oncle lui-même avoit çompofées dans fa jeunefle. Jean du Gué prit occafion de cette demande pour repréfenter encore à fon neveu que l'exercicede la poëfie, quand or».e» fan-fitprincipale oceppation, ne . conduifo.it pas communément à un établiflèment folide ; qu'il détournoit même de l'application que l'on doit aux devoirs les plus efientiels, & qu'il étoit ordinaire de nuire à fes propres affaires en voulant faire trop affiduement fa coiir aux Mufes. Surquoi il cite à fon neveu fon propre exemple : • Je le /çay-bien, car j'ay-palTé par-là ; . jCroy s celuy gui «Hnrae toy parla, . .! i"i 8 BIBLIOTHèQUE En ma jeuneffè avec maint autre affaire CHARLES Compofay jeux pour honneur & gain faire. F O N T A I N E J'ay pour rfbat fait Epiftre autrefois , Virlaix , Rondeaux, Ballades : toutefois Le tout pefé, l'iflue eft peine traire , . Et de* fon train s'effranger & diftraire : Tant qu'à la tin par trop les vers aymer, Me fuis trouvé peu me faire eftimer. Il en conclud que la poëfie ne doit être prife que comme un amufement ; car , ajoute-t'il, . . . . Mieux vaut gain que de philofopher A gens qui ont leur ménage à conduire. Ces avis étoient bons, Fontaine avoic trop d'efprit pour ne pas en convenir ; mais fon amour pour la poëfie étoit auffi trop dominant pour lui laiflèr la liberté de les fuivre : il lui auroit fallu fe faire une violence qui lui auroit beaucoup coûté, & qu'il n'étoit pas réfolude le faire. Il remercia fon oncle de fes: avis ; & prenant le terme de philofopher dans un autre fens que celui que Jean. du Gué lui avoit donné, il fe mit endevoir de lui prouver que le Poète &• le vrai Philofophe peuvent fe trou-; ver dans la même perfonne; ce qui lui donne lieu de faire de nouveau • F R A N ç O I S E . U«. l'apologie de la poèfie, & d'en tirer • cette conféquence, que le genre d'oc- CHARLES cupation qu'il avoit choifi , étoit pré- FONTAIN* (érable à celui que fon oncle avoit embrafle -, que tout périt avec le corps , mais; que la gloire des Poètes elî irn^. mortelle. Malgré ces beaux fentimens, plus dateurs dans la ipéculation que dans la pratique, Fontainenelailîàpas de convenir dans la fuite , en écrivant à fon ami Teshault', difciple du Jurifconfulte Coras, qu'il auroit agi plus làgement s'il eut préféré les conleils de lbn oncle à fa propre inclination. Si je. ppuvois jeune encor devenir Je voudrais bien le train des loix tenir : Bien qu'il ne foit aVecques fa pratique Autant plaifant comme l'art poétique Au jeune efprit gaillard je gracieux Des libres arts quêtant champ lpacieux : Mai; en haultefle il eft plus honorable, Plus, ndceflàire, auûî plus profitable. | ' Et plût à Dieu que'mon oncle euflê cru, torique moy jeune .ayant l'efprit trop cru,. Fis grand refus de la feience fuivre Qui en honneurs & en biens le rit vivre; En quoy m'qffroit, pour me mettre à bon port, Ses livrés tous, avec tout fon fupport. Mais c'en eft f a i t , jette-en eft le de" ; Le fort par art en ckxir,' entre arnandd t • x i o • B I B L I O T H è Q U E Nul remède autre y a, tant foit-on fàge ,' ' CHARLES FONTAINE T obftant l'âge, avec le mariage. O n reconnoît là les réflexions d'un âge mûr, mais elles venoient trop tard , & c'eft l'ordinaire. Jeune, Fontaine n'avoit fuivi que fes inclinations, & ce tems fi précieux de la jeuneflè il l'avoit pané à faire des vers, & à rechercher la bienveillance des Grands, qui paroît lui avoir été fort inutile. Il s'étoit lait connoître de' François I , il lui avoit préfenté quelques pièces ; je ne doute pas que ce Princefiamîdes beaux Arts, & de ceux qui les cultivoient, n'eût accepté ce préfent avec bonté ; mais des louanges ftérilesn'enrichiflent point. Le Poëte flaté, mais peu ou point récompenfé, fe tourna du côté de Renée de France, fille de Louis X I I , qui, çn i 528. avoit époufé Hercule, Duc de Ferrare. Il entreprit, pour lui faire fa cour, le voyage d'Italie : arrivé à Ferrare , il en avertit la Princelfe par une Epitre qu'il lui envoya. Il ne nous dit pas quel fuccès eurent fes démarches ; mais il s'exprime aflêz clairement en d'autres endroits de iès poèfies, pour nous perfuaderqu'il ne reçut tout au plus que quelques gratifications paJJàgéies, qui le mirent feulement F R A N ç O I S E . ïAï iement en état de faire quelque féjour i honorable à Turin, à Venife, à Mi- CHARLES lan, à Crémone, & dans d'autres E- FONTAJN§ tats de l'Italie. Il parle de ce voyage dans plufieurs de tes Epigrammes & dans, quelques-unes de fes Elégies. Ce fut pendant ces courfes , plus agréables qu'utiles, qu'il perdit Catherine Fontaine, cette fceur avec qui il avoit été élevé, qu'il aimoit, dont il recevoit mille tendres retours, & dont il ne parle jamais qu'avec éloge. Senfible à cette perte, & fenfible jufqu'à l'excès, il l'envifagea comme l'affliction la plus grande qu'il pût recevoir. Il confacra fa douleur dans une Elégie, où l'on fent que le cœur parle encore plus que l'efprit : tas ! elle eft morte, elle eft en terre mife Celle que Dieu, voire feule, a permife Vivre avec moy ,. après tout frcre & fceur , Et après père & mère. Or eft-il feur-: las ! elle eft mette, & en terre boutée,.... Or fay-je bien que quand je chanterois Mieux qu'Orpheus. ne la retirerois De la puiflancç & charge de Mercure, Qui, en ce cas, de m'exauuer n'a cure » Pourquoi m'es-tu tant contraire, o fortune ? Quand après tout tu m'en as fait perdre une , Tome XL F j^»..—~ Cri ARLES FoblTAINE \ZZ BlBEIOTHEQTJS Une de corps qui valoir dix de cœur. Perdue l'ay fuivant un belliqueux ; Loing de Paris, voire bien loing j'eftois , Entre les monts la mort je ne doutois : Et toy ma iceur qu'en la plaine laiflbye , Dedans Paris trouvas de more la vove. Fontaine , helas ! depuis que tu fus né, Ores es-tu bien au monde fortuné. Mais fi j'ay veu quelque temps li profpere Cjue frère eflois , ores ne fuis plus frère : Car j'ay perdu le refte de mes fœurs, &c. Je ne fçai qui étoit ce belliqueux que Fontaine fuivit en Italie. Il y a lieu de croire qu'il ne l'accompagnoit que comme Poète ,.& qu'il ne partageoic pas avec lui leahazards de la guerre ; car outre qu'on n'a jamais foupçonné les Mufes d'être fort braves, Fontaine dit expreflement dans un autre endroit : Jules fut à Mars adonné, Et moy bien peu, ou du tout non. Le Poète en paffant par Lyon, y avoic fait connoiffance avec une Demoifelle qu'il nomme feulement Marguerite, pour qui il fe fentit une forte inclination. Son voyage n'ayant point rallenti l'ardeur de Ion amour, il retourna à Lyon en i 54.0. & y époufa celle qu'il aimoit. Mais ayant perdu cet objet de FRANçOISE. ïIJ ta tendreflè , après en avoir eu deux fils , il fe remaria au mois de Février CHARLES I 544» à une autre Demoifelle du Bourg FONTAINE; ou Village de Chaponot dans le Lyonnois. C'elt cette féconde femme qu'il célèbre en cent endroits de fes poëfies fous le nom de Fiera, & dont il parle toujours plus en amant qu'en mari. L'an mil cinq cens quarante-quatre . . . . . Ruîflèiat As FOAL p. n\ Au court mois, qui or long fera Et fa rigueur delauTera , Fut, pour en bonne amour s'eibattre, Lié Fontaine avec Flora : Car tropflétriffantdemoura Sa Marguerite amour première...». Il renonça pour cette féconde femme* fes parens & à fa patrie, & confentit u,id.o.e*\ de s'établir à Lyon. Mais les douceurs de cette féconde alliance ne tardèrent pas à être troublées par un procès qui fut fufcité à Fontaine par les parens de fa première femme. Quelle fociété que la chicane pour un ami des Mufes ! Le Poète en gémit, veilla cependant à fes intérêts , obtint quelque fentence qui lui fut favorable. Mais il y eut appel, & il fe trouva obligé de venir plaider à-Paris en i $47. C'ell ce qu'il mande 044, p, »„$ Fij I.24. "•' BIBIIOTHEQUE* à G. Teshaut, Poëte François, qui lut CHARLES avoit écrit de Valence en Dauphiné. FONTAINE Fontaine apprit à fesdépens que l'on ne fort pas fi facilement d'un procès. Son affaire fouffrit tant de difficultés , foit en elle-même, foit par les chicanes qui lui furent faites, qu'il fe plaint dans une petite pièce à fa Flora , que depuis plus de fix mois il fouffroit éloigné d'elle. Il tâchoit de fe confoler en compofant quantité de petites pièces , aufquelles il donne le nom d'Epigrammes, qu'il adreffoit à fes Juges, & à tous ceux qu'il intéreffoit dans fon affaire , ou qu'il jugeoit à propos d'en entretenir. Car de quoi parleroit un plaideur , finon de procès ? Les Epigrammes mêmes qu'il envoyoit à Lyon, n'avoient guéres d'autre objet. On en trouve à Mefîieurs de Gouy & de l'Eftoille, Préfidens au Parlement de Paris ; à Meffieurs Jean Brinon , Euftace de la Porte, Tiraqueau , du Lyon , Seneton , d'Efpelîès, de Viole, Vaillant , tous Confeillers au même Parlement ; à.M. de Marmaigne, Maître des R e quêtes ; à M. d'Yvor, Secrétaire du R o i , & à plufieurs Magiflrats & Avocats de Lyon. Fontaine gagna-t'il fon procès ? re* F R A N ç O I S E . ii5 tourna-t'il à Lyon ? Que devint-il depuis ? Il ne nous en a pas inftruit ; & CHARLES je n'ai trouvé aucun monument qui ait FONTAINE pu me l'apprendre. Il faut cependant qu'il ait vécu encore plufieurs années , puifqu'il nous parle de cinq de fes enfans , & que quelques-unes de fes poëfies font adrelïees à deux de fes petitsfils. J'ai tiré prefque tout ce que je viens de rapporter du recueil le plus confidérable de fes poëfies, que pour faire allufion à fon nom, û a intitulé les Ruiffeaux de Fontaine. C'eft un recueil d'Épîtres , d'Elégies, de Chants divers , d'Epigrammes, d'Odes & d'Etrennes pour l'année 1555. à quoi l'Auteur a joint une verfiori du premier livre du poëme d'Ovide, intitulé, du Remède d'amour, vingt-huit Enigmes imités du Latin du prétendu Sympofius, c'eft-àdire, de Laitance, & diverfes pièces , tant de lui que de fes amis ; réunies fous le titre de Pajfe-temps des amis. Ce recueil eft adrefle à Jean Brinon , Seigneur de Villaines , Confeiller du Roi au Parlement de Paris, à qui l'Auteur trop prévenu en faveur de fes vers t dit : Tu vois icy, par plus noble culture, Fiij Trac» BIBLIOTHèQUE De mon efprit lesfleurs& fruits divers-. CHARLES Q U , dureront contre la faifon dure, FONTAINE , ,„, . Avec honneur portes par IUnxvers. Il ufe encore plus librement ailleurs d u privilège que les Poètes croient avoir Bmfleauxdede fe loiïer eux-mêmes, lorfqu'il s'ex- x prime a m n : . . . . Ceux que mon vers veut eflire Pour leur vertu ou leur fçavoir, , Immortalife's par ma lyre, Leur nom haut voler pouront voir. Je n'aypas petite puiflance, Ny d'ApoIlo peu de faveur ; Je fens en moy dès ma naiflance Une poétique ferveur. Ferveur qui me donne des aefles Pour voler partout l'Univers: Aefles qui feront immortelles Comme immortels feront mes vers. Auffi d'eflre né je me vante Au pi,ed du Parnaffe François, . Là ou ma Fontaine coulante Ne meurt, bien que mortel je fois. Là j'ay veu dès ma grand jeunefle Phcebus avecques les neuf fœurs, Par une fatale carène Me repaiflre de leurs douceurs. F R A S ç O ï S E . 127 Cette idée qu'il s'étoit formée de (on ' mérite, lui donna la hardieflê de s'ou- CHARLES' vrir un accès auprès du trône. Trois*° N T A , N B fois il fe préfenta à François I qui avoit âflèz de bonté pour l'écouter. Dans la feule Epître adreffée à ce Prince, qui nous refte de lui, il ne manque pas de louer Sa Majefté de fon amour pour les gens de lettres, & en particulier pour t les Poètes. Outre qu'il ne pouvoir rien dire que de vrai fur ce fujet, il écok perfonnellement intérefle à faire cet éloge, dans lequel l'établiflêment du Collège Royal n'eft point oublié. Avec la même Epître, Fontaine adreffa au Roi la traduction qu'il avoit faite de quelque livre dont il ne donne point le titre, & dont il ne défigne le fujet que par ces vers : J'ay donc efleu ce livret c y , pourtant Que de famé l'Auteur y va traitant, Et qu'il vaut mieux eftre fain que malade,..,. Vous y verrez comme on doit s'occuper Pour toute oyfive occarkxt couper , Ou en l'amour de victoire par guerre, Ou à chacer , ou cultiver la terre ; Qui font trois points de nobleifë tenaru, Qui font trois points à vous appartenans. Je crois que cette traduction étoit en F iiij Ïi8 BlBIIOTHEQUR ivers, &que l'Auteur de l'orignal vi*CHARLES voit encore. C'eft au moins ce que j e FONTAINE c o n j e éture de ces autres vers : Sî voftre efprit Vient à penfer qui auroit peu induire Ma Mufe baffe à ce livre traduire Plutoft que nul des autres de l'Auteur Dont le renom croit en toute liaulteur, &c. Fontaine exalte dans la même Epître fon penchant pour la poëfie, & fait l'apologie de celle-ci ; mais il convient que les Mufes ne l'enrichiflbient pas , & il infinuë à François I qu'il feroit néceflàire de faire aflez de bien aux amateurs des lettres pour les mettre en état de n'être point inquiets fur les befoins de la vie. Cette morale eft trèsfamiliére aux Poëtes, mais elle n'eft pas toujours aufli-bien goûtée qu'ils le fouhaiteroient. Voici comment Fontaine exprime la fienne. Que fi au moins enfin la récomperue Correfpondoit au labeur & defpenfe, Mille cfprits bons pour un apparoiftroient En voftre France, & tous les jours croiftroiem. . Mais povreté qui les garde de croiftre. Pareillement les garde d*apparoîftre ; Car povreté avec ton obicur voile :F R A N Ç Ô î S S, I.2Q Obfcurcitoit la plus luyfante eftoille Quant on eft jeune, en grand cibattcment, CHARLES Four pajTe-temps & pour contentement, FONTAINS C'eft un plaint de fonner la Mufette : Mais puis après, quand l'Age & la difette . Surprennent toft le Poète eftonnd, Alors s'en va ion chant mal entonné ». Diminuant, tout petit à petit, Car de fonner il pert tout appétit : Alors il hait fa Mufette & fa Mufej " 'tSi elle s'oftre » il la jette & refufe. C'eft en conféquencede ces vérités qirer Fontainefélicite dans une autre Epître Nicolas le Joitvre foa confrère en poëfie, d'avoir trouvé accès auprès de Catherine d'Amboife , Dame de Ligniéres, célèbre par fa générofité enversles Savans & les Poètes. Dans Une autfe Epître, Fontaine fe peint ainfi luimême , & la lecture que j'ai faite de fes poëfies, me perfuade qu'il n'a point chargé fes couleursJe fuis amy, & moqueur ne fuis point, ' Ny controUeut tains,.quand il vient à point,', A mes amys je dy ouvertement, Quand on m'en «uiert, tel eft mon fentiment,.,,ray veu pays deçà delà les Monts ,gte quoy fouvent. les gens nous eftimons r Fay » gracéà Dieu, avec quelque, feience' Fv •' IJQ BïBLIOTHEQlTB* Conjoint l!ufage & longue expérience..,.^. CHARL Es FoNTAIN* Avant juger je ly., je voy, j'dcoute ; L'expérience cioej cens efcus me coûte. Nouveau ne fuis : m dois eftre affleuré Que je tus fait, & desja tout leurré. J'aime la Mufe avecques modefiie, Et la perfonne à douceur convertie ; Et n'ayme pas les gens qui tant fe vantent fat leurs propos, ni vers qui tant s'efvamenb. Neuf ans entiers & plus je me dis teu ; Puis peu de gens de mes œuvre» ont eu : Mais toutesfbis f ay regret bien fouvent De m'eftre mis encor ii-toft au vent : Car ne quie.s voir mon nom tant exalté r . J'en lailTé*faiie a la pofiérité. Fontaine fit couler de les Ruïffetux non-feulement des Epîtres, mais des Elégies, quelques Odes & un grand nombre d'Epigrammes. La feule de ces Elégies qui mérite quelque attention eft celle que lui arracha la douleur dont il fut pénétré lorfqu'il apprit la mort de fa foeur Catherine Fontaine : vous avez plus haut une partie de les regrets. IJ pleura de même, & avec autant de tendreflè , la mort de quelques-uns de lès enfàns. Il tailla aux autres le foin de verfer des larmesfin*la mort des Grands du fiécle. Son adieu à la Ville de Lyon, lorfqu'il vint à F R A N ç O I S E . 131 Paris pour fbn procès , efr. encore une e==—==== erpéce d'Elégie. A l'égard de fes Epi- CHARLES grammes , dont je vous ai déjà dit un F°NTAJN» m o t , elles^ ne peuvent prefque fervir aujourd'hui qu'à faire connoître les noms de ceux à qui il les envoyoit. J'ai fait ufage des faits qu'il y rapporte , & furtout de ceux qui le concernent perfonnellement. Comme il ne falloit pour ces petites pièces ni beaucoup de tems, ni une grande dépenfe d'efprit, Fontaine en fit un fi grand nombre qu'elles occupent plus de la moitié du recueil dont je vous rend compte. S'il étoit en liai— fon avec tous les Ecrivains dont il y fait mention, on peut dire qu'il connoiflbit prefque tous ceux qui vivoient de fon tems. On y lit les noms du c é lèbre Pafquier, de Duaren , de M. le Coigneux, Avocat au Parlernent d e Paris, qu'il appelle fon coufin ; des Médecins Sylvius, Femel r Geofrôy Granger & Guillaume Plantius ; des Poètes Fournier, Jean Garnier , Mel— fin de Saint Gelais , Maurice Sceve r Ronfard , Joachim du Bellay , Etienne Jodelle, Guillaume dès Autels,. Ponthus de Thyart, Olivier de Mag n y , Etienne Forcadel, Jacques Pe— F Y\, r.3 2 BIBLIOTHèQUE Bssssssst letier , Rémi Belleau, & beaucoup CHARLES d'autres ; Jean Vafis , dit Jean de P a FgNTAiNBru;) Peintre du R o i ; Pierre Saliat, traducteur célèbre alors, &c. Les vingtnuit Enigmes traduites du prétendu Sympofius ne fervent qu'à groffir ce volume. Je vous ai parlé ailleurs de la ïïbîîot. Fr. traduction du premier livre du remède *• ?• p. 45ti'amour, par Ovide, ck des autres tra>L%u "'ductions que Fontaine à faites du. m ê me Poëte, des Sentences d'Aufone, & des Mimes de Publias Sy rusA l'égard du Pajfe-temps des amis r c'efr., comme Fontaine l'ajoute, un Livre contenant Epifires & Epigrammes en vers François,. qu'ils ont envoyés les: uns aux autres ; le tout compofé par cet" tains Auteurs modernes y & nouvellement recueilli' par Charles Fontaine, Parifien r Auteur d'une partie. Les pièces les plus confidérables de ce recueil, font d?abord une Epître de G.. Teshault, Poëte François , dont il n'eft rien dit dans la Croix-du-MainenidansduVerdier .Cette Epître précédée d'un huitain ce d'un? quatrain du même, efï écrite à Fontaine , &. datée de Valence en Dauphiné, ©ù Teshault étudioit fous le Jurifconfulte Coras. Teshaut ne s'y montre pas jurectionné a l'étude qui l'occupoit^dc FRANçOISE. IJJ il dit fans équivoque qu'il aurok voulu • CHARLEJ N'avoir jamais ouy parler de Droit. FoNTAINR Auflî entrelaijfoit-il volontiers > comme il l'ajoute y , les cautelles & ruiës Du vieil Accurfe, pour fe livrer à la poëfie, dont il fait l'éloge & l'apologie. Il convient cependant qu'on peut allier avec ellela fcience & l'exercice du Droit ; témoin, ditil , Jean du Gué oncle de Fontaine , dont il fe rappelloit l'exemple pour Ranimer à l'étude de la Juriforudence.. Il s'étend dans la même Epitre fur la Contre-amye, poème de Fontaine , queje vous ferai connoître dans un mbrnent x ÔVil y inféré cet éloge de Colas t tors, s'il te plaift, en deux mots luy dira» Le bruit qu'acquiert rtoftre Docteur Coras, Qui fans propos inutile fc frivole Efiàce icy le grand nom de Eartole. Desja il fait venir les Tranfmontains S'humilier, & n'eftre tant hautains. Desja on voit tomber l'outrecuidance D'Italiens, fe. venans rendre en France. Certes Budé l'avoit ja commence : Iï4 CH*RLES r ONTAINS BlBlTOTHËqUE Autres Savans l'avoieiit bien avancer Dencques Coras maintenant donnera La fin à tout, Coras couronnera. Fontaine répondit à cette lettre ; & l'on trouve auflî fa réponfe fuivie de plufieurs Epîtres réciproques du même Fontaine, deJean Orrj Se de Gabriel Tamot, Avocats au Mans, Ces deux Avocats s'amufoient auflî à la pqè'fie , & leurs noms le lifent dans la Bibliothèque de la Croix du Maine, Orrj avoit cultivé prefque toutes les sciences dans fa jeuneflè, mais il s'étoit viî obligé d'y renoncer pour l'étude du Droit. Il ne s'agit prefque dans tes Epîtres à Fontaine & dans les réponiès de celui-ci, que des embarras & des avantages du mariage ; c*eft-àdire, du Pour & Contre. Tamot avoit fait fa cour aux Mufes, jufques dans fa vieilleflè; & il convient de deux choies; l'une, que fes derniers vers n'étoient point eftimés ; l'autre, qu'il ne s'étoit point enrichi fur le Panudle t Aflez fouvent je rime, fans raifon, Mais pour rimer n'eft riche ma mairon. Rime & Raifon font très-bonnes crifcnible £ Bienheureux eft qui des biens en alTemble. Ce n'eft pas moi ; car je comtois très-bien ,, Et loBgtems a , que je n'y acquiersrien,y FRAWCOISK. Et m'cft kefoin fçavoir autre meftier. Je ne fuis point un Mainte jtltin Chtriitr, Vn Mtfchinot , un Mtttt,. ua ttejjn , Dcfquehv on vit le poétique fon. IJJ CHARLES FoNÏAIKX Après ces Epures, & quelques autres dont j'ai fait ufage dans la vie d e Fontaine, on retrouve encore des EpL grarrunes que Fontaine envoyoit à fes amis, ou qu'il recevoit d'eux. C'étoit un commerce poétique. Les aûociésétoient F . Larcher , Nicole le 1 ouvre r qui derneuroit à Bourges , Michel dit Rochay , Antoine Pétard, René Chandelier , Jean Morel,, Alexis Gandin , G. Teshault „ Philippe de Vitiiers,. & Bc— Baventure du- Tronches La dernière pièce de ce recueil eil une Eglvgue Marine où font introduits deux Nautoniers , Hugue Salet & Fontaine : c'eil un Dialogue fort inftpide où Salel & Fontaine sencenfenr mutuellement.. J'ai vu- quelques autres Epigrammesde Fontaine à la fuite d'une Ode duméras de l'antiquité & excellence de la Ville de Lyon, imprimée en i 5 5,7. Les Epigrammes n'apprennent rien. L'Ode eil en vers de huit fyllabes, dont les rimes font entremêlées & partagées en ftrophes de quatre vers. Le Poète y remontc fufqu'à la fondation de L y o n , dont il Î3t> BlBlIOTHEQtTB . *T fait auteur un certain Lugdus , p»forr-» n a e aDU eux FONTAINE S f ^ >' dont Fontaine auroit été bien embarrafle à prouver Fexiftence. Il n'en; pas meilleur critique d a n s ce qu'il dit des difterens Maîtres qu'il prétend que Lyon a eus, & des divers états par leiquels il fuppofè que cette Ville a pane. Peut-être efl-il plus exact dans ce qu'il ajoute fur la fituation d e Lyon , fon terroir , fes principales Eglifes, fes anciens monumens. Voici le portrait qu'il fait des Lyonnois» Au refte, c'eft bien une gent Laborieufè 8c fort active, Et qui ne jette pas l'argent ; Ains experte à fa lucrative. Le peuple n'y eiï gue'res fot : S'il tient un peu de l'avarice, Je m'en rapporte, 8c n'en dy mot» Ams leur voudrais faire fervice. Lyon fait ouvrages divers, Ouvrages premier Italiques Prenant origine des vers, Maintenant ouvrages. Galliques, 8cc. La même année 1557. Fontaine fît: encore imprimer à Lyon un petit re>- F R A N ç O I S E . 137 eueil d'Odes, d'Enigmes, d'Epigram• mes, adrejfés pour étreines au Roy, à la CHARLES Reine, à Madame Marguerite, & au- F o N T A l N » très Princes & Princefes de France. Le privilège accordé pour l'impreflîon eil du premier Octobre 1555. Le Poète fe vante dès le commencement de ce recueil, que fon nom vivra toujours : Le blond Phoebos m'a bien ofé promettre, De rehauflèr mon beau nom par fon métré ; Et que tandis qu'au haut ciel il luira , Fontaine en France , & hors France on lira. 'Cette promeflè étoit bien flateufe ; mais malheureufement le Poète feul en étoit garant. Ce ne font point sûrement fes Odes qui pouvoient immortalifer fon nom. De quinze que l'on trouve ici, il n'y en a pas une qu'on life avec plaifir. Ses Epigrammes ou les petites pièces qu'il a décorées de ce titre , ne valent guéres mieux, & fans quelques faits dont l'Auteur nous y a confervé la mémoire,ce ne feroit pas la peine de les lire. On lui a cependant l'obligation d'avoir contribué à polir notre langue, autant que cela étoit poffible alors. Il l'aimoit, exil avoit abandonné pour elle les Mufes Latines, comme il le dit en écrivant &*- tf v"r 1^9 * BlBIIOTHEQUE ' à Joachim du Bellay , Konfard, J o CHARLES délie, Baïf& Olivier de Magny; Il iroNTAiNE donne encore dans le même recueil u n e marque de fon affection pour les L y onnois, par une Ode morale & inftructive qu'il leur adreffe. Plus Fontaine avançok en âge, plus il tournoit fes écrits du côté de la M o rale , comme on le voit par les pièces qu'il a données à la fuite de fa traduction en vers des Sentences du Poète jiufine fur les dits des fept Sages. Il avoir obtenu dès 1555. un privilège pour Pimpreffion de ce nouveau recueil ; mais il n'a dû le publier qu'en 1558. puifque l'Epître dédicatoire à M. le Duc d'Angoulême eil du premier de Mai de ladite année. Tout ce que je vous dirai de ce recueil, c'eft qu'il contient quatorze Odes en vers de différente mefure, toutes fort pieufes , & dont quelques-unes faifoient déjà partie des Rutjfeaux de Fontaine ; une prière à Dieu pour demander la guérifon de Flora, c'eft-à-dire, de fa femme ; les dix Commandemens de Dieu , & les prières avant & après le repas , en fe levant & en fe couchant. Ces dernières pièces font adreffées à M. le Duc d'Anjou, -quatrième fils du Roi. F R A N ç O I S E . 139 Dans l'Epître dédicaroire à M. le ' s Duc d'Angoulême, troifiéme fils du CHARLES Roi, Fontaine fait mention de quel- F o N T * t N 1 ques autres de fes ouvrages, comme de fa traduction des Mimes de Publius Syrus , & du Promptuaire des Médailles , qui a, dit-il, été présenté au Roy nofire Sire vofire trcs-illuftre père. Ce dernier ouvrage étoit encore une traduction faite du Latin, Fontaine en parle ainfi en écrivant à Bonaventure du Tronchet : Après le livre des Médalles Et autres qu'en profe dreflay, Faffent les re'efles fatales Tout leur effort & leur eflay Sur mon feul corps, comme je fçay Qu'elles le feront quelquefois ; Malgré leur effort toutefois Vivra ma Mufe profaïque , Fuis Apollo donne fa voix Qu'aufft fera ma poétique. En 158.8. Benoît Rigaud imrnïma à Lyon un petit recueil de poëfies du même Auteur , intitulé, le Jardin d'amour avec la Fontaine d'amour. C'étoit la trcùfiéme édition de ce recueil, qui 140 • BIBLIOTHèQUE contient plufienrs Elégies imitées d ' O CHARLES vide, d'autres Elégies de l'invention de FONTAINE Fontaine, des Epîtres & des Epigrammes. Toutes ces poëfies étoient de la première jeuneflê de l'Auteur ; mais s'il eft vrai qu'il vécut encore, comme on le fait entendre, quoiqu'un peu obfcurément, dans l'avis au lecteur , il devoit être alors dans un âge avancé. Et fi Fontaine a procuré lui-même l'édition de ces poëfies, il n'eft point excufable d'avoir remis au jour dans fa vieilleflè tant de fadaifes amoureufes & tant d'obfcénités, qu'on n'auroit pu même lui pardonner dans fa première jeuneflê. C'eft dans ce recueil que j'ai lu l'Epître en profe au Duc d'Orléans, que je vous ai citée : cette Epître n'eu point datée ; mais je la crois de beaucoup antérieure à l'année 1588. Au nombre des écrits fur lefquels le Poète fondoit le plus fa réputation, il mettoit ceux qu'il avoit faits contre Sagon & Huet en faveur de Marot, & fon poëme intitulé, ta Contrt-amje. Celui-ci étoit un de fes premiers ouvrages , puifqu'il dit dans l'avis au lecteur, qui eft au-devant de fa traduction du premier livre du Remède d'amour, . » à bonne intention & pour pudiques F R A N ç O I S E . 141 mœurs j'ay longtems a compoféle pe- « — tit Traité de la Contr'amie de Court. » CHARLES Mais pour bien comprendre le but de FONTAINI Fontaine dans cet écrit, il faut remonter plus haut, & vous parler des traités fur le même fujet, qui lui donnèrent lieu de compofer le fien. ANTOINE HEROET. Antoine Heroet, dit la May fort neuf ve, Parifien, depuis Evoque de Digne, parent de M. le Chancelier Olivier , commença la difpute. Ce Prélat imbu des principes de Platon dont il avoit étudié les ouvrages , voulut traiter de l'amour en Philofophe. N'étant pas encore élevé à la dignité Epifcopale , mais déjà engagé dans l'Etat Eccléfiaftique, il compofa la parfaite Amje, poëme divifé en trois livres, en vers de dix fyllabes, dans lequel il fe mit peu en peine d'obferver l'alternative des rimes màfculines & féminines. L'Auteur prend pour héroïne une femme qui babille longuement fur l'amour dont elle fe dit éprife, mais amour fi philofophique qu'il ne paroit qu'une paffion en idée. Elle n'a fait choix , dit-elle, que d'un ami. Ses feules ver,- t\x BIBLIOTHèQUE t u s , non la beauté, ni les autres q n a ANTOINE lités extérieures , ni rien d'humain , HEROET. l'ont déterminée dans ce choix. Elle n'a confulté Qu'une amytié qui eft trop mieux adulé Que fus beauté , fondement non durable : Au (fi l'a-t'ellc aimé d'un amour perleverant : Plus il vieillit, plus je le trouve aimable. Après cet aveu, elle déclare ainll le fujet qu'elle entreprend de traiter : t-trftSi»» iCdmonr fera mon livre Intitulé; pour lequel accomplir Il n'eft befoin de fables le remplir : D'inventions poétiques je n'ufe , En invoquant ou Erato la Mufe , Ou A polio. PlucoA invoqueray Le mien arny, & le fouhaiteray Auteur, lecteur, de tefmoing de mes faits l Lefquels fans lui je tiens tous imparfaits. Je Pay aimé, je l'ayme & l'aymeray, &c. "iJAtnye explique dans le premier chant les caractères de fon amour. C'eft une affection pure, accordée à un objet qui la mérite, qui de deux cœurs n'en forme qu'un , qui a mêmes volontés, mêmes defirs , mêmes inclinations. C'eft F R A N ç O I S E 145 un amour métaphyfique, qui n'eft que •• • . dans l'efprit , qui ne tient rien des ANTOINE fens, qui ne les affecte point, qui n e ^ E R 0 K r * caufeni trouble irrégulier, ni agitation inquiétante ; ce qui fait dire à la parfaite Amye je me vante Que lî divin fut fon commencement, Entretenu je l'ay divinement. Dans le fécond livre , l'Amye s'entretient de ce qu'elle fera fi elle vient à perdre fon ami. Mais cette idée n'occupe pas longtems fon efprit. Pourquoi yfixeroit-ellefon attention f Non, il vaut mieux rejetter cette penfée, ne pas s'imaginer que cette perte eft pofiible. Si cependant elle arrive, ajoutet'elle un moment après , que fera-t'elle ? Se livrera-t'elle à l'affliction? Non encore : & pourquoi ? C'eft qu'elle efpere qu'elle ne furvivra point. Si le ' contraire arrive, fa douleur ne fera qu'intérieure, elle ne murmurera point contre la Providence , elle n'accufera point Dieu de dureté, fa foumiffion fera prompte & fans réferve, en attendant qu'elle foit réunie à l'objet de fon affection. Elle montre dans le troifiéme & dernier chant que le véritable 144 BfBLlOTHEQtTB : amour n'efl jamais fans récompenfè. ANTOINE S'il n'y a point de myflére dans ce HEROET. poèrne, comme je n'y en ai point apperçu, il me paroît que YAmj tant célébré ,efl la vertu , de VAmje la perfbnne qui aime la vertu. L'Auteur narre avec beaucoup de naïveté, & fa verfification efl fort douce. Peut-être trouvera-t'on trop de Métaphyfique dans ce-poëme. Le premier chant commence ainfi: J'ay veu Amour pourtraict en divers lieux • L'un le peina vieil, cruel & furieux ; L'aulcre , plus doulx, enfant, aveugle, nud j Chafcun le tient pour tel qu'il l'a congneu Par fes blenfaicrz, ou par fa fbrfaicture. Pour mieulx au vray diffinir fa nature, Fauldroit tous cueurs veoir clercs & émondez ; Et les avoir premièrement fondez , Devant qu'en faire un jugement créable : Car il n'eft point d'affection femblable , Veu que chafcun fe forge en fon cerveau Ung Dieu d'amours, pour Juy propre & nouveau J Et qu'il y a ( fi le dfreeft permis ) D'aymer autant de fortes, que d'aïuys. * . Je me tairay de les diverfités , De fa puiffance , if. de fes Déi'tez : Il ne me chault, fi Venus fut fa mère ; S'il fut feu! fils, ou s'il avoit une feexe: . h F R A N ç O I S ï ; .145 l e f arleray du mien tant feulement , Laiflànt exemple en-ce vray monument , A qui ne fyait bien aymer, de m'eiuulvre , &c. ANTOIHI: HEROETn Dans le troifiéme chant, parlant des effets de fon amour, toujours oppofés à l'amour de paffion t elle dit : Amour n'eft pat enchanteur il divers, • Que les yeux noirs failè devenir verds, Qu'un brun obfcur en blancheur clére tourne i Ou qu'un trait gros du vifage dcftourne. Mais s'il (e trouve alîis en coeur gentil, Si pénétrant eft fon feu & fubtil, Qu'il rend le corps de femme tranfparent*1 Et iè préfente au vifage apparent Je ne fçai quoi, qu'on ne peut exprimer , Qui fe fait plus que les beautés aymer, Antoine Heroet ne s'en tint pas à ce poème. La matière qu'il y avoit traitée, lui plaifoit ; il voulut la continuer en traduifant librement, auflî en vers de dix fyllables, YAndrogine de, Platon, Se une autre invention extraite àa. même : De riaymer point fans eftre aimé. Louis le R o y , dit Regius, a fait réimprimer ces deux pièces dans fon Commentaire François fur le Sympofe de I laton, à Paris, 1559. ' n "4 , °- Héroec adreffa la traduction de YAndrogyne k François I. par une Epîtreen vers, qui Tome X/V G 1^6 BIBLIOTHèQUE • ' • . •. contient entr'autres un bel éloge dé ce ANTOINE Prince. Voici ce qu'il y dit de l'amour HERQET. J U R 0 J p Q U r igj [ e t t r e s . Sous voftre nom, fous voftrc bon exemple,, On peut ramer ce Royaume ttès-ample Oe n'eftre moins en lettres fleùriflant Qu'on l'ha congneu par guerre très-puiflànt. Sur ce propos ma langue ne peut taire •Ce que vous doit noftre langue vulgaire, Laquelle avez en tels termes réduicte, Que par elle eft la plus grand part traduitte De ce qu'on lit de toute difeipline En langue Grecque, Hébraïque & Latine,, Et ha acquis telle perfection, Que l'en dira, fans adulation, De voftrc'langue, ainfi que l'on difoit Du temps que Tulle au Sénat devifbit : Rome brufloit de féditions villes, Céfar vainequoit en batailles civiles, Les bons fuyaient : Se toutcsfbis j'entends Quiconque fait mémoire de tels temps., • Que fiécle heureux chafeun Aucteur le nomme,, Tant ha valu la faconde d'ung homme. "Si l'on prend à la lettre le commencement de cette Epître, Héroet n'étoit pas d'une naiflance diftinguée , puifqu'ildit: i Ce me fera grande préfomptîbtt yeu le bas' lieu de. ma condition t F R A N ç O I S E. 147 'Sire, troubler la divine nature De vos efpritz par indocte efcripture. , AuTniut Dans une autre pièce intitulée, Corn- HEROBT. plainte d'une Dame furprinfe nouvellement a"amour, Héroet fait parler une fernrne qui s'interroge eUe-même fur les mouvemens qu'elle éprouve, qui en cherche la caufe, & qui paroît étonnée de les fentir. Cette pièce eil tournée avec délicateûe ; la matière le demandoit. Les rêveries où jette l'Amour y font bien peintes. Mais convenoit-il à H é roet de manier ce pinceau ? Enfin comme il vouloir de l'amour dans tout, il a joint à ces pièces ou purement philofophiques, ou toutes profanes , une Epitre amoureufe par Jefus~ Cbrijl. Il y a de la piété dans cette Êpître ; <3c c'eft le feul endroit par où ou peut en faire quelque éloge. Sur la fin, le Poète nomrne les diyerfes efpéces de poëfies ufitées alors : Finalement je rends comme prefcrit, Aux Mutes l'art de coucher par efcrit les beaux traitez de profe meuirce , Et les façons derithmerandouréc, Oit j'ay trouvé If tris-peu de tecours Que plus ne veulx en avoir de recours. I'our ce Châtiions , Ballades, Ttiolexz, Meniez , Rondcssjx, Scrvantz Se. VireWtx ; Gij 14.5! «»*"——~* ANTOINE XIëR-GET» L A * BIBLIOTHèQUE* Sonnetz, Scrambotz, Barzelottes, Chapitres.; Lyriques vers, Chants Royaux & Epiities, OU-confoler mes maux) jadis fouloye Quand ferviteur des Dames m'appelloye; Puifque de vous je n'ay que repentance, Allez ailleurs quérir voftre accointante. 3 0 R T> E R I E. A l'Ame fphrituelle d'Héroet , le Seigneur de la Borderie oppofa YAmje te Court. Il y a un peu plus de fiction dans ce fécond poëme , & moins de Métaphyfique que dans le premier. La parfaite Amye paroît toute fpirituelle ; YAtnye de-Court répond davantage au titre qu'elle prend. Elle ne veut fe lier à perfonne,, mais le faire aniiede tout le monde, ou du moins amufer tous ceux qui fe préfenteroient pour lui faire la cour, feignant de les aimer tous, & n'en aimant aucun en effet. Elle regarde , & veut qu'on; regarde avec elle l'Amour tant chanté par les Poëtes 4 comme une chimère : Je m'esbabis de tant de fols efprits .Se cotnplaignans d'amour ettre furpris , De tant de voix piteufes & dolentes Qui plainte font des peines violentes Qu'un Dieu d'aymer (comme ilt difent ) leur caufc. F R AllÇO-ISlf, Ï~dy0 Je ne fçaurois bien entendre 1» caufe — De cette peine, enaoret moins favoir liai B O R - Quel eft en eux de ce Dieu le pouvoir ; DER1E. Quel eft ion arc qui fait fi grandes brefcbes , Ki de quel bois peuvent eftrc Tes flèches. Je ne l'ai point, ne' pour archer cOngneu , Ne pour enfant qui foit aveugle & nud : Et de fentir ne fus oncques fujette, S'il brufleen flamme , ou s'il brufle en fagette. Je crois le tout n'eftre que poè'fie, Ou , pour mieux dire, humaine frénéfie, Qui la nature enchante fons couleur De Dette de frivole valeur, &c. Continuant à le vanter, elle décrit comment elle avoit remporté une multitude de victoires fur l'amour. Dès fa jeunefïè, elle vouloit plaire ; c'eft un aveu que la fmcéritéiui arrache; Elle en fait un autre, c'eft que pour plaire, elle s'ajuftoit ; que beaucoup de jeunes gens recherchoient fa compagnie, & qu'elle prenoit plaifir à voir leurs afli-duités, & les marques de refpect & d'attention qu'ils lui donnoient. Mais elle allure qu'elle n'en étoit pas moins fevere fur tout le refèe. Son cœur ; qui le croira? étoit auflî infenfible que fi elle n'en avoit point eu. Elle avoue cependant que par elle-même elle auroit pu fuccomber ; mais que pour éviter Giij — | ^ Î50 ===!==: B l B l IOTMEQtJE les pièges qui lui étoient tendus , elle LA BOR- a v o j t i 0 gé fon cœur dans la tour de DLRIE. Fermeté , gouvernée par Honneur, gardée par Crainte & Innocence f & défendue par Cbafteté, Foy, Tempérance & pure Honnefteté. Son cœur étoit là en effet en bonne compagnie. Sa précaution néanmoins alloit encore plus loin. De crainte de furprife , elle avoit un efpion qui l'avertuToit de tout ; c'étoit Hijfimulation ; & pour remparts, Sens rajfts, Prudence y Entendement, Mémoire , Soin, Efprit, &c. Par le moyen de cette cohorte, tout, dit-elle, lui étoit notoire. Malgré mille beaux fentimens crue l'Amie de Court étale avec complaifance, elle convient qu'elle recevoit des préfens des Grands qui recherchoient fa. compagnie:mais n'en foyez point allarmé pour fa vertu : toujours chargée d'en faire l'apologie, elle a foin de fe juflifier & d'éloigner même jufqu'à l'ombre du foupçon. Le mal efl que fes défenfes manquent fouvent de folidité ; & c'efl un défaut dans l'Auteur de ce poème de n'avoir pas fçu obferver la vraifemblance. Ce que l'Arnye de Court dit auffi de la diffimulation & de L'ufage qu'elle en faifoit, fait, félon moi, peu d'honneur F R A N ç O I S E . 151 a fa droiture & à fa probité. Enfin avec toute fa philofophie, elle tombe en un LA BORendroit dans une efpéce de Quiétifine DERIE> pratique , qu'on ne peut trop déteiler. Je n'aime pas davantage le long examen qu'elle fait fur la queflion qui lui efl propofée, quelle parti elle prendre it fi elle vouloit en prendre un ; fi elle s'uniroit à un homme riche, mais fot, ou à un homme d'efprit, mais dénué des avantages de la fortune. Après beaucoup de babil, elle décide pour le premier, par des raifons qui ne perfuadent point. Il paroît que cette pièce fit du bruit : on la regarda comme une fatyre contre l'amour, on en fut blefie, & Charles Fontaine fe chargea de faire l'apologie de cette paflion. C'eft le fujet de x fa Contre- amye de Court ; poème cependant plus moral que profane, plus philosophique que paflionné , ou qui n'eft prefque, pour mieux dire, que l'apologie de l'amour honnête & légitime : ce qui lui avoit fait dire en écrivant à Ruirrcauxde Catherine Morelet, fille de M. de la Fom -1- «• Marcheferriére. Belle tu peux voir hardiment Mon livret de la Contramye, Car elle loue honneftement . G iiij I52 BlBIIOTHEÇUS La bonne amour, blaûnant l'Amy'e - LA BOSVI Trop enchante'e & endormie » EBI £._ ^ u x honneurs & biens de ce monde, 8cc. Mais Fontaine en faifant dans ce poème l'apologie de l'amour, confond souvent celui-ci, tantôt avec l'amitié , tantôt avec l'eftime , ou la bienveillance , quelquefois avec le refpedt. Une de fes preuves de l'ancienneté de l'amour, c'eil l'ordre que Dieu a mis dans le monde, où tous les élémens & tout ce qui exiiïe concourt, dit-il, au bien commun , & s'entr-aide mutuellement. Il ne finit point fur cette preuT e , & dit fur cela bien des chofes ou peu folides, ou qui n'avoient aucun tefoin d'être prouvées. Il feint que c'eil l'Amour lui-même qui s'apparut à lui pour l'engager à prendre fa défenfe, & il en fait une defcription poétique. Teshault exalte trop ce poème, lorfifcid. qu'il dit dans une Epître qu'il envoya à l'Auteur, & dont je vous ai déjà parlé : tors commençay à lire ta Cntr'amit Des ennemis d'amour forte ennemie, OU le François Maroc n'eut mis tel ordre, Ni le Latin Maro n'eut feu rien mordre. Certes quand bien je voy ta veine roide , i ^ FRANçOISE. Je neuve trop Vjtmyt it Ctnrt froide, Et m'rfbay que ccft honnefte amant, Hon de raifon, forclus de jugement, Ofa monter Ta vaine & Cotte rime, ' Qui a befoing encore de longue lime, &e. PAUL 153 L A BORDERIE» ANGÎER. Paul Angier, de Carentan en Normandie , loin de penfer comme Tes^hault, prit la défenfedel'-rï"»»-* de Court contre la Contre-amye. Son apologie, en vers de dix fyllabes, eft intitulée : l'Evpérience de M. Paul Angier, Carentenois, contenant une briefve défence en laperfonne de (bonnette Amant de Court contre la Çontr'amje. Ce Poète, que l'on qualifie dans une Epigramme, le dernier des Novices rimeurs, eft encore un préfomptueux, qui fe vante d'avoir été dix-huit, ans inacceflible aux traits de l'amour , «5c de ne les avoir éprouvés que lorfqu'iÏTa voulu, & feulement pour celle qu'il épôufa, .& pour laquelle il ne fentit jamais que l'amour le plus honnête & le plus retenu. Sa pièce eft froide , fans légèreté, fans délicatefle : au lieu de raifons, il a fouvent recour^ aux injures, & lance contre Fontaine des, traits que celui-cine méritoit points Gv 154 BlBIIOTHEQUE , ' H Angier, dans une Epigramme qui fuit PAUL AN-fbn petit poème, fe dit l'humble difciple «sisK. j e Marot, de Saint Gelais, d'Héroet, deSalel, dé Borderie, de Rabelais, de Sève , de Chapuy, & autres Pietés. PAPILLON. On a réuni ces opufculesfur l'Amour; dans un recueil imprimé à Lyon en 1547. avec le nouvel Amour, inventépar le Seigneur Papillon t Se le Dijcours dit voyage de Conjlantinople, envoyé dudit lieu a une Damojfelle de France, par le Seigneur de Borderie , Normand, Sieur dudit lieu. Le nouvel Amour eft une fiction ingénieufe & bien racontée. L'Amour fe trouvant avec Venus fa mère, Se en la compagnie de quelques autres Dieux & Déeflès, fe plaint de ce que malgré les conquêtes, il eft toujours regardé comme un enfant & un aveugle. Pour montrer qu'il voit bien clair, & qu'il fçait agir en homme raifbnnablé, il raconte qu'en parcourant le monde, il s*eft rencontré dans la Cour d'un Roi dont les grâces, la fagefle & les belles manières lui plurent tant, qu'il voulut luimfpirer delà tendrefie, mais une F R A N ç O I S f. 155" tendreflê légitime, qui pût fatisfairele : Prince fans le troubler'; qu'en ayant PAPIIAON trouvé l'occafion dans un bal où il le vit., il le faifit, & perça du même trait le cœur du Prince & celui d'une Demoifelle très-vertueufe ; que l'aflèction mutuelle qui en réfulta, fe termina à un mariage dans lequel les deux époux vivent fi contens, que depuis ce moment, fatisfait de fon ouvrage, il avoit pris la réfolution de ne plus faire que de pareilles unions. L'Amour ajoute, que pour fe conduire toujours avec cette fagefle, il vouloit agir feul, & fans le confeil de fa mère : d'où il prend oçcafion de décrire les artifices de celleci , fes rufes, fes tromperies, fes réductions. Venus impatiente de ce discours , l'interrompt,ferépand en plaintes , repréfente à fon fils le tort qu'il fera à fon empire, s'il prétend agir fans elle ; fur quoi.elle entre dans un détail trop circonflancié & beaucoup trop libre. Elle menacé à fort tour fon fils rebelle d'oppofer fa puiflànçe à la fienné, de s'étudier à le contredir r e , & de renverfer tout ce qu'il pré.tendroit établir fans fon aveu. Le Ciel •& la Terre tremblent aux menaces de Venus. Jupiter afîèmble les Dieux, G vj Ïf6 BlBIIOTHEQTJE w '' harangue l'Amour , & le réconcilie JPAPILIOM avec fa mère. Mais le Dieu approuve l'union que l'Amour avoit cimentée entre le Roi & la Prmceflè qu'il avoir époufée, de fak l'éloge de l'un & de l'autre. B 0 R D E R I E. Le dîfcours du voyage de Conftantinoplepar le Seigneur de Borderie, eft aufïï en vers de dix fyllabes, fans l'alternative des rimes mafeulines & féminines. Il eft curieux & bien tourné. L'Auteur Tadrene à une Demoifelle qu'il recherchoit en mariage , lorfqu'il fut obligé de partir : il fe plaint à elle de fon éloignement, & l'entretient de ce qu'il a vu dans fescourfes. Le but &... le tems de ce voyage ne font pas diftinctement marqués, & je n'y ai trouvé aucune date. Mais fai réparé ce défaut par la lecture de la relation mamûcrite du voyage de Bertrand d'Ornefan , Baron de Saint Blancart, Maître-d'Hôtel du Roi, Général de fes armées navales, écrite par Jean de Véga, & dont l'original a appartenu à feu M. Foucault. Comme cette relation nous apprend que le Baron s'exa.- F Jt A H ç o i*s c. 157 bawpia le 15 d'Août 15 37. pour aller : au fecours de l'Ifle de Rhodes, & qu'il BOROKIUB y eft dit, qu'il rencontra près du Golfe de Patras les deux Galères qui portaient tes Primes de Aielfe & Dm de Somme, que le Seigneur de Borderie accompagnoit, il eft clair que le voyage du dernier doit être de la même année 1 5 37. C'étôit François I.quiavoit ordonne ces deux embarquemens. Le difcours de Borderie commence ainiî : laiflânt ta France à nulle autre féconde , l a plus fertile & fameuic au monde, laiflânt le Roy mon Seigneur te mon Prince , Pour Ton fervice eneftrange Province, Perdant de veue & Meilleurs fes enfâns, Et de fa Court les honneurs triomphans , Eay d'une part vouloir de fatisfàire A mon devoir, fc fervice au Roy faire , Pour luy donner certaine congnoinânee Que mon vouloir furmonte ma puiûânce. Notre voyageur a foin de nous avertir qu'il étok jeune alors, tSc qu'il n'avoit pas encore beaucoup d'expérience. Il s'embarqua à Marfeille au mois d'Octobre , accompagnant,, comme je l'ai obfervé , te Prince de Adelphe, apparemment André Doria qui eut cette Principauté, & le Dm de Somme, fans Tç6 B l BIT OTITE QUE ; doute quelque Seigneur de la Mailbn dé BOEDERIE San-Severino, qui avoir le Duché de Somma. Borderie décrit exactement tous les lieux qu'il côtoya, ou ceux qu'il vifita en parlant, & quelquefois il mêle la fable avec l'hiftoire de ces lieux. En parlant de Corfou, il dit qu'ils y arrivèrent huit ou dix jours après que les Turcs avoient tenté inutilement de s'en v. Sagrédo, emparer. Or ce liège de Corfou eft de I.».an.i,37.i,an I J 5 7 H apprit là . . . . . . Que les Turquekjues voiles Se rctiroiem droit à Conftantinople , Qui nous donna un grand contentement D'eftre certains du prompt département Que Turcs faifoient hors la terre Cbreftienne : Car nous citions ( quelque chofe qu'on tienne ) Là envoyés pour un effet femblable , A tous Chreftiem utile & profitable. Continuant leur route, ils rencontrèrent l'armée navale des Turcs, dont le Poète fait la defcription. Il dit que le falut fut donné & rendu de part & d'autre, & qu'après avoir pafle huit ou dix jours cnfemble, ils réfolurent de retourner en France. Pour mettre de la variété dans fa relation, le Poète expolè ce qu'il eut à fouffrir durant fon voyage , & fe plains FRANçOISE» ïCO de la fortune qu'il avoit toujours e u , : dit-il, pour ennemie : BORDEMECar dès le temps dé ma jeuneflc tendit r Elle fouloit à nie nuyr prétendre ; Et i oir plutoft à fcj-finj arriver, Avoir hraiTé met jeûner anyariver Du ferme efpoir que moy faible avoit mit Aux eflevét mient parent & amyt v Faifant leur vie en guerre terminée , Et mon attente avec eux ruinée. Mais ces maux n'étoient rien en com> paraifbn de la douleur qu'il reflèntoit de fe voir éloigné de celle qu'il aknoit : c*eft le langage ordinaire des amans. Il parle aufli d'un de fes oarens qu'il perdit devant le Camp (leCap) Sainte Maure y en combattant fous André Doria contre le Gouverneur dé Rhodes pour les Turcs, qu'il nomme Courly. La mort de ce parent l'affligea d'autant plus, qu'il étok fort accrédkéà la Cour, •ce que fes longs fervices lui donnoieht de la confédération. Borderie continuant fà relation -, parle d'une tempête cm'efluia la flote qu'il accompagnok, & il la décrit aflez poétiquement. Voici comment il exprime les vœux que la frayeur i\i faire aux Matelots en cette occafion. r6*o loRDERiB BrBEiOTHEQr/S Tous Mariniers commencent à crier Miféricorde, & à genoux prier, L'un fainte Barbe, & l'autre faim Antoine: L'autre Jait voeu de s'aller rendre Moine Incontinent qu'il aura repris terre. L'un fon falut recornmande à faim Pierre : L'autre-promet de donner a faim Cyre Sa pefameur & quantité de cire. Tous en effet fàifoient riches les Saints , Mais qu'à bon port puflènt arriver fairuv * Si l'on pend à la lettre ce que l'Auteur ajoute , il paroît que cette tempête fut très-violente, & qu'elle en* gloutit beaucoup de monde : A donc la mort ayant mis à l'écart Le feul vaiflèau du Baron Saint Blanquart Chef de l'armée , où fefrois embarqué, Qu'elle toujours avoir bien remarquer, Se va penfer rbettre eftre tour à point, Qu'elle pouvoir parvenir à fon point. C e Vaiflèau fut donc aufli en danger : & comme Borderie y étoit, il fait des réflexions fort touchantes ,. en regrettant de n'être pas mort avec ceux qui périrent à Pavie fous les yeux de François I. ou de n'avoir pas été du nombre de ceux qui furent défaits par les Flamands ou les Piémontois ; parce; F R A N ç O I S B . 161 que, félon lui, leur mort avoit été ho• norable , & que l'hiftoire parleroit BORBERV* d'eux avec eftime. Puis s'adreflant aux Dieux, il demande pourquoi Junon les pourfuit encore ; car ici il fait defcendre les François des Troyens, & emploie vingt vers à raconter cette fable. Il s-'adreflè aufli à Venus, & il feint poétiquement que ce fut l'Amour qui le délivra du naufrage. Il y a du tour & de l'invention en cet endroit, comme en plufieurs autres de ce Diftottrs. Si la tempête épargna le Vaifleau fur lequel il étoit monté , elle en fubmergea beaucoup d'autres : . . . . . . Adonc Mort à l'emblée, Four décharger fon creve-cceur hideux ,. Vous mit à fonds Galères vingt & deux. Peu s'en fallut que celle où Barheroufle Fut embarqué, n'endurât la fecouliê. Nous doncques tous qui fuîmes prelque pris, Parlé le mal, reprifmes nos efprits. Au port du Jm chafcun le raflembla , Fors deux vaiiféaux que le tems nous embla : Defquelz n'avons nouvelles, ny avis, S'ils font uvuvez, s'ils font ou morts ou vifs. Après ces complaintes , Borderie reprenant le perfonnage d'Hiftorien , 16*2 BiraroTHEQue continue à décrire là route, les lieux BORBBRIE d e i a Grèce qu'il apperçut, Sparte, & beaucoup d'autres, dont il rapporte quelques traits hiftoriques. Le vent leur ayant manqué près du Cap de Olonne r à trente mille d'Athènes, il en prend occalion de parler des peines qu'ont les Forçats, & il en fait ceparalelle avec les tiennes, qu'il trouve plus dures : Or penfe > A m y e , icy la grand miferc De ces forfatz condamnez en galère. Mais quant & quant veuilles penfer autïï ,. Que plus grand eft mon mal que leur foucy : D'autant que plus eft fort & véhément De l'efperit, que du corps le tourment. Chacun d'eux eft nommé ferf Se forfaire : Serf non forfé je fuis , mais volontaire, „ La liberté d'iceux n'eft atténue Que pour un temps ; la mienne pour la vie. Ils font punis pour leur grand dénierite ; Je n'ay fait grande oflènfe , ni petite , Dont peine doive eftre à moy récompenfe, Si trop aymer vous n'appeliez oftênfe. lisent au moins quelque foulagement D'avoir plufieurs égaux en leur tourment : Kul n'eft égal à moy d'amitié forte, Perfonne aufli mon mal ne reconforte. Les vents légers fouvent les favorifcnt -t F R A N ç O I S E . 163 tes vents à moy n'aydent, & fi me nuyfent ; Car avec eu» & leur légèreté N'a rien commun ma fiable fermeté. Les povres gensfontpar ferve rigueur Liez au pied , & je le fuis au curur, Qui eft du corps trop plus noble partie. Leur prifon n'eft autrement amortie Que par reflet de mort ou de pitié : Quand à ce point, nous partons par moytié ; Et avec eux h'ay point de conférence Purs qu'à ce but d'une même efpérance , &c. Nos voyageurs prirent des vivres à Négrepont, & en mirent dans trois Galères ; & quoique la fourniture fût confidérable, Borderie dit que c'étoit peu, Pour tant de gens d'une armée fi grande , Où fàult nourrir fix mille que nous foinmes, Compris Fotfatz, Mariniers, Gemllzhommes. - Ils arrivèrent peu à près dans l'Ifle de Chio, où ils iejournerent. Borderie marque qu'il y demeura moins que les autres, & que ce fut de là qu'il partit pour fe rendre à Conftantinople. C'étoit en Hiver, & le tems étoit fâcheux 1 mais il étoit prefle d'exécuter les ordres qui lui avoient été donnés , & fur lefquels il ne s'explique point. Il fit le chemin par terre, revêtu d'un habit à BORDERIE \Ç>\ BIBLIOTHèQUE • la Turque, accompagné d'unTrucheBORDERIE ment & d'un Turc. Il dit que dans la route, bien des gens témoignoient leur furprife du voyage qu'il eutreprenort y mais, ajoute-t'il, Mon Truchement en leur Turquefque voix' Leur comptoit lors dont je viens, où je vois, Et les raiforts que m'ont meu d'entreprendre Si long voyage en jeuneflê fi tendre. De Smyrne, où il coucha la première nuit, il paflà par Ephéfe, près de l'ancienne Troye. Muitapha,. fils aîné da Sultan Solyman fécond, lui fit donner un fauf-conduit pour le garantir de toute infulte ; & après avoir cheminé à cheval pendant quatorze jours dans l'Aile mineure, il arriva enfin à Conftantinople, dont il fait une longue dèfcription : c'en, par-là que finit fon discours. Quant à l'Auteur, je ne fçai rien de plus que ce qu'il dit de lui-même dans fon voyage. Comme on allure qu'il étoic Normand, il ne faut pas le confondre avec Jean Boiceau, Sieur de la Borderie,. à qui la Pérufe a adrefle une de fes Odes, & qufil qualifie exprelTément dé Poitevin. Mais le Poète voyageur eft-il le même que l'Auteur de l'Amye de Court,. dont je vous ai -FrR A-N-Ç-O I S Ë. 165 parlé ci-deffus , c!eft,ce que je n'ai pu découvrir". "i GILLES D'AUAI- € IL LES LPAUEIGUr, .dit LE PAMPHILE. Hv'jJ* PHILE. Claude Colet., Champenois,dont Dizain de je vous parlerai bien-tôt, fait l'éloge ^ ^ - i t des quatre, poèmes dont je viensde vous teur d'A..jaour. entretenir, la parfaite Amye , A'Amyé* de Court, la Contr'amye, & le nouvel Amour ; mais il leur préfère le Tuteur a"Amour de.Gilles .a'Aufigny dit le Pamphile» Ce Poëte, que du Verdier qualifie Avocat au Parlement de Paris, .était, de Beauvais & Licentié es •Loix.t félon la .table alphabétique du Somnium viridarii imprimé,à Paris l'an 15.-16. inr4.°. Lçs ouvrages que j'ai vus de lui., <ne -.m'apprennent aucune circonftance de fa .vie. Ifvivoit encore en 15$. y. puifqïfil a fait l'Epitaphe d'Antoine de Hallwin, Seigneur de Piennes, qui fut tué cette année au fiége de Térouenne ; mais il n'a pas dû pafiër la même année 1,5 j 3. puifquedans l'édition de fes poëfies qui parut à lafinde ladite année , il eft.dit qu'elle eft augmentée des pièces qui s'étoient trouvées dans,fes papiers après,fa mort , & i66 BIBLIOTHèQUE - que d'ailleurs on y lit plufieurs EpîtaGILLES p}j es q U e çes jyjjjj i u j dreflèrent, tant «NYUR'"diten F r a n Ç°i s qu'en Latin. Celle qui fut LE PAM- compofée par Claude Colet, nous apJ>HILE. prend que d'Aurigny fut enlevé à la fleur de fon âge. François Habert dit aufli dans fon Epître fur l'immortalité des Piétés François : De d'Aurigni fut donné jugement , Qu'il avoit jà heureux commencement , • 0 Avec efpoir de futur avantage, Lorfque la mort le ravit avant âge. D'Aurigny avoit allié l'étude de la Religion avec celle du Droit, & l'exercice de la poëfie Françoife. On cite de lui des ouvrages dans tous ces genres , comme vous pouvez le voir dans la Bibliothèque de la Croix-du-Maine, qui a cependant oublié l'extrait que d'Aurigny fit de l'Inftirution du Prince Cbrefiien ccœpoiee par Erafme, qu'il publia en i 54.3. à la fuite de l'abrégé de la République de François Patrice, natif de Sienne, Evêque deGaïette, encore oublié par la Croix-du-Maine, <Sc qui fut traduit & imprimé en 1 546. avec la même République, par Jean le Blond, Seigneur de Branville. C'eft F R A N ç O I S E . I 67 ce même extrait que Claude Joly a tra- =; duit de nouveau, & publié en 1665. GILLES fous le titre de Codicile d'or. Du Ver- D'AUMdier n'a connu des ouvrages de d'Anri- **YpAM_ rl g n y , quefes poëfies, dont la pièce PHILE. la plus confidérable eft celle qui efl intitulée le Tuteur d'amour. C'en, un poème fort étendu en vers de dix fyllabes , que le Poète adreflè à M . de Maupas, Abbé de faint Jean de Laon , à qui il paroît avoir eu beaucoup d'obligation , & qu'il appelle en plusieurs endroits fin Maître. Voici la fiction & Panalyfe de ce poème. L'Auteur commençant à entrer dans l'âge oùlespasnonsfefontfentir, abandonna l'étude qui l'avoit occupé jufcju'alors, fit des liaifons, s'introduisit dans les compagnies, prit part aux conversations qui y font ordinaires, & -dans la vue de s'avancer, devint complaisant & tâcha de fe faire eftimer & rechercher. Il ne tarda pas à entendre parler de l'amour ; les entretiens fur ce fujet ne font pas rares dans le monde. iyAurîgny écouta avec fatisfaction le .bien, cornmelernal que l'on en dit. Mais voyant que Pon atcribuoit à l'amour plus d'avantures difgracieufes que l'on n'en contoit de bierifaits,il perilài l6% B-IBLIOT.fflEÇTV.El . . . . Combien grande ferait GILLES .» . , . , . , . „ , L utilité qui 1 amour dompterait. LE PAM- Cette viâore n'étoit pas facile, il ea convenoit, & ne laifla pas de la tenter. Pour vaincre l'amour, le parti le plus fage & le plus afluré, c'eft de le fuir. Notre jeune homme en prit u n tout oppofé, ce fut d'aller chercher Cupidon dans la Cour de quelque Grand, ïHILE. .- Veu qu'il eft tel qu'il ne veult jamais iuyvre Que gens qui ont accouftumé de vivic En trop oyflre et tranche liberté. L e lieu s'offrit comme de lui-même: d'Aurigny fréquentoit la maifon de l'Abbé de feint Jean de L a o n , qui recevoir chez lui nombreufe compagnie; &. quoiqu'on n'eût pas dû s'attendre .que le Poète allât chercher l'amour à la fuite d'un Prélat, ce fut là cependant qu'il le trouva. L'Amour qui ne le doutoit point de Jbn deffein , rit en le voyant, &feflatoit déjà d'en faire la conquête; mais dans le moment qu'il fe difpofe à lancer ccmtre lui quelques-uns de fes traits, le jeune homme ,fe jette fur l u i , le ferj e étroitement, le déferme., & le force de le fuivre;; non fans s'être fait réciproquement FRANçOISE.' 169 réciproquement les reproches les plus i vifs. GlLLÏ» Fier'de fa proie, il l'emmene com- D ' A u R i- . me en triomphe , & s'étonne lui-mê-®*Yp'A <** me de fa vi&oire. L'Amour captif a P H U £ t recours aux prières , aux larmes, aux promeffes : tour à tour il flate, il menace , il carène, il fupplie fon vainqueur. Le voyant inflexible , il a recoursaux imprécations, & appelle tous les Dieux à fon aide. Notre conquérant craint que fes prières ne foient exaucées, & pour prévenir le courroux de Jupiter & de Venus, il prend la réfolution d'écrire à ces Divinités, de les informer de ce qu'il vient de faire , & -des motifs qui l'y avoient porté. Comme il délibéroit fur les moyens de faire tenir cette lettre, Mercure s'étant préfenté, il lui fait le récit de tout ce qui venoit d'arriver, & voici comment il s'excufe ; J'ay tant hanté gens a'efprît & d'honneur ; -Gens vertueux, gens fçavans Se. de cueur : J'ay tant hanté gens où feience abonde, <Jue fai congneu que c'était que du mcssdei: Le congnoiflaru voulu fcavpir la tanlte A mon avis, la plus grande & plus haulte. Jvtais j'ay congneu qu'Amour l'enfant perdu, Tome XL H 170 BlBIIOTHÉQUfi Duquel le bruit cft partout efpandu , Non-feulement tous autres maulx excède, Mais c'eft de luy dont tout le mal procède. BNY , dit Four aux périls & tous dangers rourveoir , LE P A M - De le chercher ay fait tout mon devoir. r-HlLEt L'ayant trouvé, j'ay bien voulu fonger D'en prendre foing , &t le bien corriger : J'ay bien ofé fon vray Tuteur me dire , Four corriger fa fureur & fon ire, &c. f — » GILLES D'AURI- Mercure l'approuve, confent de fe charger de fa lettre, lui fait voir quelques livres, tels que le grand eftat des Dieux ( c'eft peut-être la Généalogie des Dieux, que d'Aurigny fit imprimer en 154.5. ) & un autre traitant du Débat des Déejfes Et d'aucuns Dieux , pour avoir leurs adreffés Aux plus haults lieux, & de leurs aventures , Bien imprimé avecques les figures. Je ne fçai ce que c'eft que cet ouvrage dont Gilles d'Aurigny dit qu'il prit copie dans le delTein de le publier. Mercure retourné aux Cieux, préfente à Jupiter la lettre du Tuteur d'A' mour, & demande une réponfe. Le cas parodiant nouveau, Jupiter craint de le décider feul. Il aflèmble les Dieux, & le-leur propofe. Venus apprenant l'injure faite à l'on fils, entre en fureur, FftANÇdfSîfc. f?f & veut lùr le champ defcendre du Cie\rs=B=s* pour punir l'Auteur d'un attentat fi GILLEE énorme. Jupiter l'arrête , veut qu'el- GNYURI jj* "le écoute les avis des autres Divinités ; LE PAM» chacun parle, convient dés; forfaits de J'HUE» ' l'Amour , raconte les tours qu'il lui a joués : • . tors Jupiter de fon (iceptre d'yvoire Frappa trois coups, qui ligne eftoit notoire Qu'il le falloit en iilence efcquter : Puis s'efcria : Plus ne pourra monter Enfant Amour, aux Régions céleûes, Parce que trop les Souverains naoleftes.,.,.,» Plus ne pourra de fon arc defçocjier Sur les haults lieux, ne les deux approcher J Non que privé foit de Divinité, Mais plus n'aura aux Dieux affinité.} Il ordonne enfuite à Mercure ,de fe charger de fa conduite, conjointement avec celui qui avoit fçu le dompter , de ne le perdre pas un inftant dé vue ; de lui ôter fon carquois- &fes Treéhés'^ &de les apporter au Ciel pour y être mis en dépôt.-' ! «.•'•-•. JMuni de ces ordre*'' Mercure re^ vient- trouver le Tutenr $Am»kr y ltrf notifie fa cdrnmiflion \ & tous dèu* étaèt^èntrés' clans te Heubip fArnoi» utSircatitif ; Hsduî ôtëritfeVeuesy foè Hij ifl BlBlIOTHEQTJE te. " - carquois & fes flèches, fans Ce lainef i GILLES attendrir par fes larmes & fes fupplicaB ™ " , . tions, ni intimider par fes menaces LS PAM- alors impuiflantes. Ils continuèrent penI-HILJE. dant trois ans à veiller fur lui. .Mais pendant ce tems-là Venus cherchoit les moyens de fe venger & de brifer les fers de fon fils. N'ayant pu attirer dans fon parti les Divinités du C i e l , elle prend l a réfolution de foulever celles de l'Enfer. Elle aborde dans le Royaume fombre de Pluton, le gagne par fes carrefles, en un moment la confpiration éclate ; Jupiter en eft enrayé ; il craint un nouvel afïàut, & defcend avec les autres Dieux en terre pour arrêter les fureurs de Pluton, LaiHant aux deux la Dédie Fortune Tint-feulement, As le vieillart Saturne. Venus inftrùite que le Ciel n'eft gar* dé que par ces deux Divinités trop impuifliunie^ppur lui réfifter, remonte a^Cielj, s'empare des dépouilles arrachées a fon fils , prend la,(figure d'un Chaflêur, âc fe.tranlpQrte dans le bois #pifin.<iuU^ eft -gardé. ^Ûn Cerf ayant étéle fruit çle/a chaflê, fHe#PpTqÇ9e;«Qh^ea^ qùércut-I^qbjffidc^ffçprrmla^^^^^ T R Atf".ÇO I S E , 17)' vre l'entrée fans la connoître, & en- „ " ee^e? voyant peu-après aux deUx Tuteurs un GILLES fommeil profond, elle rend à fon fils VRIVf . fes aîles , fon carquois- & fes flèches, LÉ p' AM . & l'emmené avec elle. Nos deux gar- PHIXY. diensfurpris à leur réveil de ne plus voir ni le prétendu Ghaflèur , ni l'Amour , reconnoiffent,. mais trop tard ,. leur faute. Le défefpoir fuccede à la joie. Mercure auffi timide quefosaffocié, prend la fuite, & laiffe le Tuteur feul, & fans défenfe contre le courroux de Venus & de l'Amour. Pour en éviter les effets, Notre £x~ tuteur, erre de côté & d'autre, le félicitant à chaque piège qu'il croit avoir évité. Mais fa joie ne fut pas longue ; il voit une jeune perfonne, fes attraits le charment, il veut fuir, l'Amour faifît ce moment, lartce dans fon cœur un trait qui l'enflamme, St de la même main il en darde un autre dans le cœur de la jeune perfonne qui le rend froid & infenfible pour d'Aurigny. On devine aifément les fuites de ce tour malin de l'Amour. L'Amant foupire, pleure, fedéfefpere, prie, tente toute forte de voies pour gagner une affection qui lui efl refufée. On conJènt à s'éloigner, & la paffion n'en de-H iij 174 BlBLIÔTHEQtri? ~ vientque plus forte .fans pouvoir par, GILLES v e n j r à pofîeder. ce qu'elle defire. C'ell rNYURI"dit P a r ~* a ( l u e n m t ce poème, dont je ne LF PAM- y ° u s 4°nne qu'une légère idée. ï BILE. Henri Simon , ami de d'Aurigny, en a allez bien donné l'analyfe dans ce peu de vers, qui font imprimés au commencement. L'Enfant Amour, tant inhumain fuit-il, N'avoif onc eu du Tuteur congnoiflance : Et le Tuteur plus jeune que fuhtil - A eu vouloir de régir fon enfance. . Ce qu'il a faier eft de telle prudence , Qu'il tint Amour longuement fouffreteuxj Mefme fon dardflambant& dangereux > - Sans eftre veu fut longtemps inutile : Mais en la fin il fut fi furieux Que du Tueur il en fit un pupille. D'Aurigny par la conclufion de fbn poëme , nous prépare à fes autres poèjfies. Vaincu par l'amour, preiquetout ce qu'il fit depuis, ne refpira plus que cette paflion. Ses Epîtres, fi l'on en excepte quelques-unes à l'Abbé de Saint Jean de Laon, fes Elégies, fes Epigrammes ne contiennent que des fentimens tendres & palfionnés. S'il forme des projets , c'en, pour l'Amour ; s'il .s'afflige, s'il fe réjouit, c'ell l'amour F R A N ç O I S E . 175; qui caufe fa joie ou fa trifteflè ; s'il in* '." voque quelque Divinité, c'efl l'Amour ; t GILLES s'il prête fa plume à fes amis ou à les UM"",.. amies , c'efl pour les faire parler d'à- LE p' AM . mour ; ou plutôt c'efl de fa paffion qu'il PHILB, parle fous les noms qu'il lui plaît d'emprunter. Il ne quitte ce langage que dans fes Epitaphes , genre de pièces qui n'efl propre pour l'ordinaire qu'à rappeller aux vivans la mémoire de ceux que la mort a moifîbnnés. D'Aurigny célèbre dans les fiennes Antoine de Halluin, Chevalier, Seigneur de Piennes , Bon Chevalier, courageux aux allarmes, Et gouverneur de cinquante hommes d'armes , Qui pour fervir au noble Roy de France. Abandonna terres , biens & chevance ; Mieulx eftimant l'amytié d'un tel Prince , Que dix Chaiteaux, ou quelque grand Province. Cet Antoine de Halluin , ou plutôt Hallwin , fut rué à l'âge de quarante ans en 15 5 3. en foutenant l'alTaut donné à la Ville deTérouenne par l'armée Impériale. Il avoit époufé Louife, Dame de Crevecceur, veuve de Guillaume Gouffier, Seigneur de Bonnivet, Amiral de France ; & le Poëte dit qu'il en laifla plufieurs enfans , dont il fait l'éloge en peu de mots. *"' A T T *' ' * H J113 1j6 BrBUOTH-EQUK Les autres Epitaphes font celles die GILLES Clément Marot, mort en 1544. de oKyURI"dit Meffire Antoine de F a ï , Chevalier, LE PAM- Seigneur de Marfontaine, de M. de r-Biiz, Foifly , Capitaine de Ligny en Barrois , qui fut tué d'un coup de canon à Saint Dizier, d'Euftace de Bymont, Chevalier, Seigneur de la Lande , de M. Griveau , Avocat au Parlement, & de Gabrielle Chamelier- fa femme ; de Marie Aubin , femme de M. de la Rable en Touraine - & enfin de François de Montholon , Garde des Sceaux de France, de Roger de Montholoa fon fils, & de Françoife de Montholon fa fille. Franceiji a été oubliée dans la Généalogie de Montholon , rapportée dans le Dictionnaire hiftorique. Pour Roger., on dit dans la même Généalogie , qu'il mourut dans Venfance. D'Aurigny dit au contraire ; La mort royant Roger de Montholon Avoir paffé fon aage d'innocence , Délibéra fon mortel aiguillon Tremper en l'eau du lac de peftilence, Sec, c'eft que ce jeune homme mourut d> ne maladie contagieufe. Voici l'Epitaphe du Garde des Sceaux , fon père r Cy gift François qui aux François, prefta F R A N f O t S E.' I77 6 e Ton fçavoir tant qu'ils en purent prendre. — — — Cy gift François qui vivant acquefla GlLLES Plus de renom que Paris, n'Alexandre , *> A u X I - Non pas touchant Amour lafcif & tendre. GNY QUI au Troyen rît terminer les jours : BHIXJI Mon pour fçavoir les Martiaux - deftours , Mon pour lutter, ou combattre à outrance r Mais pour donner à tous François fecours Par jugement 8c Ioyalle fentence. Les autres poëfies de d'Aurigny que)* nous offre le même recueil, font quelques petites- pièces que l'Auteur nomme Ëftremes, plufieurs Chants Royauxv & Oraifons, dont plufieurs font fut> des fujets pieux, une Complainte à lar mort pour un Gentilhomme affligé d'avoir perdu fa femme, le Blaftmou def* cription de l'ongle, lé Cantique Mx^ gnificat f tradutt aflèz littéralement ,, quelques Ballades, Rondeaux & Di-zains , & plufieurs Epigramtoes tra-duites de Martial. Dans, deux dé ces* pièces, l'Auteur parle .de deux mala-i aies dangereufes dont-'A-fut attaqué >. & qui manquèrent de lé- conduire a*' tombeau ; & dans l'une de ces- deux pièces, il demande à fon Mtkre , c'ell-a-dire, à l'Abbé de Saint Jean de Laony, quelque fecqurs d'argent, &yf>arle deideux efpéces .de jeux -que je ne cqnpqi%i point;Hv T>' 178 G ILLES B'AURI«JNV , dit XE r*MtUILB. BlBIIOTMEQUB Premz le cas qu'à l'Ourche ou la Remette ^ A cz f Dix LJJ Par Perul1 contre quelque homme hoanclle efeus d'or, fouz cfpoir toutesfbis regairner de luy quelque autre fois. ce moyen pour bien petite perte Sera de bref ma famé recouverte D'Aurigny a traduit en vers trente Pfeaumes de David, imprimés à Rouen par Jean Mallard, fans date, & a compote deux autres poèmes, l'un intitulé , Contemplation fur la mort de JefusChrift, par laquelle eft monftrée la différence qui eft entre Adam Célefte & Adam Terrejire, &c. à Paris, 1546. L'autre qui a pour titre la Pointure de Cupidon, jar VInnocent efgaré, à Poitiers, 1 545. « CLAUDE COLLET. Claude Collet, amitSc Panégyrifte «Je Gilles d*Aurigny, étoit de Rumilly en Champagne. Il avoir fréquenté la Cotlr de France ; il paroît même qu'il f avoir eu quelque emploi; mais on ignore quel étoit cet office. François Haberty qui lui adreflê une de tes Epigrammes, ne lui donne pas d'autre qualité que celle de Maître-d'Hôtel de Madame la Marqutfe de Nèfle. Il vivoit en- F R A N Ç O I S t. ïft) core en 1553. puifqu'il a furvécu à • d'Aurigny , dont il a compofé l'Epi- CLAUDE. taphe. Il a traduit del'Efpagnolleneu- CoLI-s*viéme livre de YAmadys des Gaules, & de l'Italien , i'Hiftoire Palladlenne traitant des gefies & faits d'armes & d'a± mours de Palladion, fils du Roy Milanor d'Angleterre, ce qui prouve qu'il entendoit ces deux langues. C'eft tout ce que j'ai pu apprendre de fa vie. Les poëfies qui nous reftent de lui font en petit nombre. Le recueil que j'en ai vu con* tient l'Oraifon de Mars aux Dames de la Court, la Réponfe des Dames à Marst & quelques pièces diverfes. J'en connois deux éditions : la première eft de 1544. fans aucune marque du lieu de l'impreflion & fans nom de Libraire î la féconde eft de Paris, chez Chrétien Wechel, en 1 548. in-8° Cette féconde édition eft plus complette & plus ample que la première. \JOraifen de Mars, pièce fort longue, n'eft précédée dans l'édition de 1544. que de ce" ilmple avis au lecteur : Veulx-tu fçavoit , ô lecteur amiable, Du cruel Mars l'origine & povoir ? Ly ce livret que trouveras louable,- ,11 t'en fera-la congnoiflance avoir. Tu y pourras par boruteaaiibn veoir H y}: - l8o , C LAUDE ksOLLET» BlBIIOTHEQTTE Que bien fouvent guerre eft jufte & propice A corriger des humains la malice . • Qui maintenant eft fi grande en tous lieux,". S. Que réternel pour monftrer fa ruftice, Mous la tranfmet ; mais c\Jl t$ut ftnr It mitnx.. Ces dernières paroles étoientia deviie de l'Auteurs Dans l'édition de 1548. l'Oraifon de •Mars eft adrelTée par une Epître err profe, à noble homme Charles de Haultcottrt, Ecuyer, Seigneur de Richeville : elle eft datée de Paris le 16 Septembre 1544. Ainfi on devrait la lire aufl? dans la première édition. Collet y die que M. de Haultcourt à-Ion retour de fâint Dizier, vifita Ion cabinet, où il trouva parmi les papiers cette Oraifon du Dieu Mars, avec le commencemenc de la réponfe qu'il avoit ébauchée de» puis longtems fous le nom des Dames , avec intention d'y écrire partie des calamu tés, pertes & ennujs, qu'elles & tout le peuple Françoys ont enduréjufqu'à préfent, à l'occafion des odieufes & cruelles guer- res. Que la crainte d'être blâmé ou de fe faire des ennemis,.. l'a voit engagé à ne pas laiflèr voir le jour à ces écrits , mais que tontes réflexions faites, il croyoit qu'il pouvait fe mettre au-deffus de cette frayeur» F R A N çO" r s E. lit L'Oraifon de Mars & la Réponfe ! font en vers héroïques. La première. CLAUDE efl une apologie de Mars, dont le Poe- Cow-rr. te fait une Divinité. -Il y entre dans le détail des différentes profelfions e m brafîees par les hommes, montre qu'il' y a dans toutes un bon & un rnauvaisr côté, & décrit enfuite les fatigues & les inconvéniens de la guerre. Mais1 comme c'efl Mars qui parle toujours dans cette harangue, on s'attend bien' qu'il le fait un titre d'honneur de t o u tes fes actions Se de leurs fuites. L'Auteur tient un langagetouteontrairedans' la Réponfe des Dames de la Court au Die» Mars : cette Divinité y efl aceufée déroute forte de maux, & la paix efl exaltée à fes dépens. C'efl dans- PEpître en» profèqui précède cette pièce, que Collet dit qu'il avoit été autrefois à la Cour. Le difcoursdeMarsefl fuivi, dans l'édition de 1544. d'une Elégie, qui efl placée dans un autre rang dans l'éditionde 1 548., Cette Elégie efl adreffée a» peuple François; & c'efl Mars qui y parle encore, 61 qui tâche de perfuader, que s'il domine en France, c'efl pour le bien/ du Royaume. Je ne crois pas que l'on enfût bien convaincu. Dans; l'édition de • / 1548..la Réponfe des.Dameseftterxni- 1%2 - BlBlIOTHEQUE née par huit vers de Gilles dr'Aurigny^ CLAUDE a j a louange de cette pièce, & fuivie de l'amoureux de vertu, fur la Refponfe des Dames à Mars, aux Dames fugitives pour les guerres : c'efl un compliment que Collet fait aux Dames : il eft en vers de dix fyllabes. Les autres pièces du même Auteur contenues dans ce recueil, font des Epigrammes, précédées d'une Epître en profe à M. de Maupas, Abbé de S. Jean de Z,<*<>»,datée de Paris le 22 Février I 54,8. Epiftre du Coq-à-tAjne, à Gilles d'Aurigny, dit le Pamphile j Lettres àfes amys s Elégie du bien de la guerre, au peuple Françojs j Complainte de Mbmus avec réprébenfwn contre Pafquil, à M. Jacques de Launaj, Médecin, traduction ; & quelques Epitaphes. Collet nous apprend dans fon Epître à M. de Maupas, qu'il avoit fait un plus grand nombre de poëfïes , mais qu?on lui avoit dérobé fes manufcrits, & qu'il n'a pu envoyer à fon ami que ce dont il s'étoit allez bien reflouvenu pour l'écrire de nouveau fans travail : la perte n'étoit pas grande , à en juger par ce qui nous relie. Les Epigrammes n'apprennent rien ; quelques unes font traduites de l'Italien. Je n'ai trouvé que la fuivante qui 'FRANçOISE. IVJ put mériter d'être rapportée. Elle fut faite à l'occafion de la repréfentation CL*u»f de l'Enfer peinte dans le cloître des ohl,MT* Cordeliers de Troyes : Collet l'adrelîe à noble homme Jeen de Afarifj, en ces termes : Aux Cordeliers , un Paintre d'excellence Paingnoic Enfer, à le vcoir, bien horrible. Dedans lequel il meift en évidence Papes, Roys, Ducz foufirans peine terrible l De tous Eftats il y meift le poflible. Quelqu'un voyant cela, luy fèift demande Pourquoi c'eftoit qu'en celle peine grande , I n ce palud & horrible manoir, Un Cordelier , un Moine blanc ou noir N'y eftoit paioit : lors le Painctre refpond , 11 y en a , mais on ne les peuk venir, Pour ce qu'ils lont cachez au plut profond. ÎJEpître du Coq-i-tAfne, contient des nouvelles fans ordre & fans fuite , «5c c'eft la raifon du titre que porte cette pièce. Il y règne un génie fatyrique, qui porte à croire que le Poète aimoit ce genre d'écrire, & que s'il le plaint plufieurs fois qu'il avoit des ennemis , il pouvoir bien fe les être attirés par fa trop grande liberté. Dans la lettre à fes amis, Collet décrit comment il fut volé, pendant qu'il' l84 •' BIBLIOTHEQUE ' " dormoit, la veille de la Commémoration CLAUDE des Morts. Parmi les Epitaphes, il y COLLET. e n a u n e ^ ^ p o n r r e r e Q deRumilly , dont on ne nousapprendpoint les qualités. G R ATI EN- D'-W P ONT. Ces deux Poètes, d'Aurigny& Collbt, font beaucoup plus modérés dans ce qu'ils difent des femmes, que l'Auteur des Controverses des fexes mafculin & féminin, qui a ramaffé dans fon livre tout le mal que les Ecrivains facrés & profanes ont jamais dit des femmes, toutes les h iftoires vraies ou fauffes qui ont été débitées fur leur comptes par les Hiftoriens, les Romanciers, les Poètes & les Auteurs les plus fatyriques. Gratiauovr Gratien du Pont, Auteur de ces Controverfes,, convient qu'il n'a rien inventé, & il cite à la fin de fon livre tous ceux qu'il a mis à. contribution pour faire le fien. On trouve, dans cette lifte l'ancien & le nouveau Teftament, plufieurs Pères de l'Eglife^ quelques Théologiens fcholaftiques„. grand nombre de Jurifconfultesdes anciens Satyriques Latins , beaucoup de F R A N ç O I S E. 185 Moraliftes, des Poètes & des Hiftoriens Grecs ; & parmi les Ecrivains ou GRVTIFN les livres François , Bouchet dans iès DU * oNT * jEpitaphes des Rois, Martin Franc en fon Champion des Dames, les Auteurs du Roman de la Rofe , Marheolus , Alain Charrier, les Secrets & Loix de tariage r le Trop têt marié, les abus du nonde de Gringore , le débat de l'homne & de la femme , les fept Sages de lome, les quinze joyes de mariage , es cent nouvelles de Maiflre Jehan Bocaffe, traduites en notre langue, la malir ce des femmes , Merlin, Chicheface & Céleftine. Celui qui s'eft donné la peine de compiler tant de fottifes , s'eft fait peu connoître lui-même. C'étoit un Touloufain , que du Verdier qualifie Ecuyer, Seigneur de Drufac, Lieutenant Lay général en la Sénéchaujfée de '• Touloufe. Si Bon doit s'en rapporter à ce que Dupont dit lui-même, fes Controverses font le premier, & peut-être l'unique écrit qu'il ait compofé : La première eft, des raisons que vous livre Que jamais plus je n'ay corupofé livre. Ilav.oit peu voyagé, étoit prefquetom Jours refté dans fa province, & avoir peu étudié : i86" (JRATIEN BU PONT. BIBLIOTHèQUE Homme de lettre, ny d'eftude ne fuys ; i_e naturel tant feulement j'enfuytz . M a t c r n e l r uij f & n o n fpécuiaûf. Et fi de France je ne fuis point natif; De France ditz , c'eft de langue Françoyfe, De Tours, Paris, d'Orléans , ny d-'Amboife : En Languedoc me fuis tousjours tenu; Bien peu j'ay veur & ce mal retenu..,.,. Ces aveux s'accordent mal avec toutes les citations dont il a chargé Ion ouvrage , puifque les Auteurs dont il a employé les autorités, ayant écrit en diverfes langues, on en devroit conclure qu'il les entendoit, à moins qu'on ne dife que ces autorités lui avoient été toutes fournies en François. Je ne comprends point pourquoi il dit qu'il acheva fon ouvrage . . . L'an mil cinq cens trente & fixiefme. Du mois de May le jour vingt & cinquiefme. puifque nous en trouvons une édition faite à Touloufe dès l'an 1534. in-folio. Deux motifs l'avoient porté à écrire: le premier, de donner aux jeunes gens qui défirent apprendre, De compofcr, & Réthoricque entendre, des modèles ou exemples de toute forte de rimes, ou de toute efpéce de vers : le fécond, de dévoiler le carac- -FRANçOISE. 187 tére des mauvaifes femmes, leurs tours, . leur génie, les pièges qu'elles tendent, GRATIEH & le fecretde leur conduite. Car il pro- DU P o N , r tefte qu'il ne prétend point attaquer les femmes qui fe conduifent avec fageffe, qu'il fçait diftinguer celles qui fe rendent eftimables par leur régularité , de celles qui fe deshonorent par leurs vices, & qu'il a toujours été plein de refpeél pour les premières. Pour remplir fon premier but, il a entaffë dans fon livre quantité de Ballades, de Lays, de Rondeaux, de Virelais , de Chanfons , de Chants Royaux ; & l'on y trouve de ces rimes de toute efpéce, dont nos vieux Arts poétiques traitent fi au long ; la Batelée, la Fraternifée , la Rétrograde, l'Enchaifnée, la Brifée, l'Equivoque , la Senée, la Couronnée, l'Emperiere, & plufieurs autres qu'on regarde aujourd'hui avec raifon, commes des abus & des excès de l'efprit humain. Si tant de puérilités jointes à la barbarie du ftile de l'Auteur, dégoûtent de la ledlure de fon ouvrage, combien devient-il infupportable par les excès de fa fatyre, & par les portraits indécens qu'il y a fait entrer. La fiction qu'il emploie , & qu'il fuit dans les ï88 B l B LIOTHEQUTT -SSSS55SS trois livres qui partagent fon ouvrage» ' GRATIKN n'a rien d'ingénieux. Il s'affied dans un BU P«VNT. bois, il rêve, Sexe mafculink préfente à lut, fe plaint de Sexe féminin ; le premier lefollîcite de prendrefa défense , il héfite quelque tems » il fe rend en fuite; les déclamations commencent & ne finiffent qu'avec la fin de l'ouvrage. Il y en a de toutes les efpéces, de théologiques, de morales, de burlefques, de philofophiques, d'extravagantes ; & toute l'excufe que donne l'Auteur, c'eft que ce n'eft pas lui qui a fait les femmes telles qu'il les peint : Ce n'eft pas moy qui nature leur donne , Selon les armes, faul que je les blafonne. Quoiqu'il protefteplufieursfois qu'il n'a aucun intérêt à les décrier, fon dépit le décelé en quelques endroits ; H avoue qu'il avoit aimé avec paffion, que fon amour avoit été mal récompenfé, & -il mêle les plaintes particulières avec celles qu'il fait contre le fexe en général. Dans le premier livre, il dégrade les ferrunes jufqu'à douter qu'elles ayent été créées, cornme l'homme, à l'image de Dieu. Il examine dans le fécond fi l'on doit fe marier ; ce qu'il »e eonfeille pas ; & au cas qu'on fois F R A N ç O I S E . 189 -jcfolu d'entrer dans cet engagement, —• i l examine fi on doit le contracter avec GRATIKN u n e jeune femme, ou avec une vieille, DU PONT. avec une laide ou avec une qui foie belle ; s'il en faut prendre une qui foit grade ou maigre , blanche ou noire , d e belle taille, ou de petite ftature , ckc. Il trouve dans tout cela des inconvéniens , d'où il conclud qu'un homme fage fait beaucoup mieux de ne fe point marier. Le troifiéme livre eft confacré à l'hiftoire de toutes les femmes dont il n'eft pas avantageufement parlé dans les Auteurs facrés & profanes , dans l'Hiftoire , dans la Fable & dans les Poètes ; & parmi ces méchantes femmes, il n'oublie pas la prétendue Papefie Jeanne, dont il raconte férieufement l'hiftoire fabuleufe. Il paroît que l'Auteur mit quelque intervalle entre la compofition de fort premier livre & celle du fécond , qu'il eut même quelque peine à fe réfoudre dé continuer le fujet qu'il avoit entrepris. de traiter, & qu'on lui avoit caufé quelque chagrin à l'occafion de fon entreprife. Du moins s'arrête-t'il longtéms à décrire au commencement de fon feçondlivre la guerre, que les femmes & ^ur^pàttifafisiui fuÊùtexent ; mais ce too • BIBLIOTHèQUE n'eft peut-être encore là qu'une fiction, GRATIEN imaginée pour fe donner le droit de BU PONT, fuppofer les femmes très-vindicatives , & de rapporter fur cela plufieurs hiftoriettes, dont quelques-unes ne font riea moins que décentes. Comme ce prolixe & ennuyeux ouvrage eft donné en forme de plaidoyer fait pour défendre la caufe du Sexe mafculin contre le Sexe féminin, l'Auteur le finit par les pièces du procès , c'eft-àdire, par une Requête du Sexe mafculin à Dame Raifort contre le Sexe féminin , fuivie d'un Procès-verbal, en profe, des plaidoyers de vérité pour le Sexe mafculin , de forte opinion pour la défenfe du Sexe féminin, de la Réplique de vérité t de la Duplique de forte opinion , & enfin de l'Arrêt prononcé par Dame Raifon. Cet Arrêt eft autant pour la défenfe de l'Auteur qu'en faveur du Sexe mafculin en général; autant pour obvier aux infultes que Du< pont avoit lieu d'appréhender , que pour confirmer le jugement qu'il avoit prononcé contre les femmes. Par le même écrit , Dame Raifon prend l'Auteur fous fa protection , lui permet de fe défendre s'il eft attaqué, & interdit a tous ceux qui voudrolent répondre % F R A N ç O I S E . 191 fon livre, la faculté de le faire autre• ment qu'en François & en vers. GRATIEN L a Croix-du-Maine qui nomme l'Au- Du PONT. teur de ces poëfies Gabriel du Pont, Sieur de Drufac, au lieu de Gratien du P o n t , Seigneur de Drufac, & qui le qualifie de îurifconfulte, dit qu'Etienne Dolet a fort eferit contre lui dans fes Epi- grammes Latins : il a voulu parler de fix Odes Latines en vers ïambes, fort courtes & très mauvaifes, qu'on lit page 1 2 2 & fuivantes du recueil des poëfies Latines de Dolet, imprimé à Lyon en 1538. in-^.". Charles de Sainte-Marthe , page 94. de fes poëfies, donne auffi un Rondeau contre le même détraiteur du Sexe féminin. D u Verdier dans fa Bibliothèque p. 3 9 5 , nous apprend que l'on a fait cont r e les Controverfes de Gratien du Pont, Seigneur de Drufac, un anti-Drufac, ou Livret contre Drufac, faiSt d Phonneur . des femmes nobles, bonnes & bonnefies, par manière de Dialogue, ayant pour interlocuteurs Eupbrates & Gymmifus, im- primé à Touloufe, par Jacques Colomiez , en 15 64. Je n'ai point vu ce livre. Du Verdier en nomme l'Auteur François la Borie de Valois, D odeur es protêts, natif de Cahors. Ceft sûrement 101 '. BlBIIOTHEQUE" François Arnault, Seigneur de LâboGRATIEN rie, Docteur en Droit Canon, Cha* V NT* noine des deux Eglifes de Périgueux où il étoit n é , Doyen de Carenac, Prieur de L u r c y , grand Archidiacre de faint André de Bourdeaux, & Chancelier de l'Univerfité de ladite Ville, mort en 1607. dans un âge très-avancé. C'était un bon Gentilhomme , fort favant pour fon tems, Auteur des Antiquités de Périgord citées par le Père le Long dans fa Bibliothèque des Hiftoriens de France , & d'une traduction d'un Traité des Anges & Démons , compoféen Latin par Jean Maldonat. Cataiog. de Je trouve auflî citées d'autres Controjarré,p.445.verfesfosSexes mafiulin & féminin, pat François Chevallier , imprimées en 1536. in-i 6u Mais j'ignore le but & la méthode de cet ouvrage. La Croixdu-Maine & du Verdier ne parlent .point de cet Auteur, & je ne le connois que par la citation de fon livre ,' & par un Rondeau qu'il afait à laloiianes des Controverfes de Gratien du ont, .qu'on lit à la .tête de ce dernier ouvrage, .& dans le titre duquel Rondeau François Chevallier eft dit natif de Bordeanlx, & qualifié Collegié du Collège de Foix à Tbalofe. ETIENNE f FRANçOISE. ETIENNE 195 BOLET. Je ne fçai fi le defir de venger le fesse maltraité par Gratien du Pont, auroit été le motif principal qui auroit porté Etienne Dolet à publier les fix petites Odes dont je viens de vous dire un mot. Irrité contre les Touloufains, l'envie de maltraiter un de leurs compatriotes , étoit plus que fuffifant pour armer fa fatyre. Quoi qu'il en foit, il ne brilla pas par ces Odes, & je ne vous en dirois rien de plus ici, s'il n'avoit pas auffi afpiré à tenir fon rang fur le Parnafie François. Cet Ecrivain qui avoit du génie, & encore plus d'érudition, étoit né à Orléans vers l'an 1509. d'une fort bonne famille. Quelques-uns ont prétendu qu'il étoit fils naturel de François L C'eft une fable que nous croyons fans fondement, & qui ne peut s'accorder avec l'âge de François I. né en 14.94. A l'âge de douze ans, il vint à Paris , s'y appliqua avec beaucoup d'ardeur à l'étude des belles lettres, & fit fa Rhétorique fous Nicolas Bérauld. Le defir de fe perfectionner dans l'éloquence , k fit paner à Padouë, où il féjourna. TomXI. I 194 BlnlIOTHEQtJE trois ans. Il y eut pour maître Simon ETIEKNE de Villeneuve, mort en 1530. & à POEET. l'honneur duquel il a compofé plufieurs pièces en vers Latins. Privé de cet ami, il voulut retourner en France ; mais Jean de Langeac , Ambafladeur de France à Venife, l'engagea à fe rendre auprès de lui, & le fit fon Secrétaire. Pendant un an que Dolet demeura en cette Ville, il y profita des leçons de Baptifte Egnatio , qui expliquoit Lucrèce & les offices de Cicéron. Il y devint auffi amoureux d'une Vénitienne, qu'il nomme Hélène, pour laquelle il foupirabeaucoup, qu'il pleura enfuite, & à qui il confacra une Epitaphe toute profane. Revenu en France, avec Jean de Langeac , il continua d'étudier Cicéron , ion auteur favori ; & il commença à recueillir les matériaux qui fervirent depuis à compofer fes deux immenfes volumes de Commentaires fur la langue Latine, ouvrage qui lui a fait beaucoup d'honneur, & qui eir, encore eilimé de ceux qui le connoifiént Ses amis lui ayant confeillé d'étudier le Droit, dans l'efpérance qu'il pourf oit s'avancer plus aifément par cette voie, il alla à Touloufé où cette étude «Seuriilbit. Cette Ville fut le premier .• i i •FlAÏÇO-IÎÏ. TOÇ théâtre de fes infortunes. Il y trouva i des Ecoliers de prefque toutes, les na- ETIEWM» tionsde l'Europe. Ceux du même pays Dotât, avoientr leurs auemblées à part,& leur Orateur. Dolet fut choifi par les François ' pour remplir ce porte, & il en prit p o t feflion par un difcours où fa témérité éclata. Cornme le Parlement avoit défendu toutes fociétés particulières par des raifons de police, Dolet s'éleva contre cette défenfe, & invectiva contre les Touloufains. Pierre Pinache, Orateur de la nation Gafconne, lui répliqua fur le même ton , & juftifia l'Arrêt du Parlement. Dolet oppofa à cette réplique un nouveau difcours plus téméraire que le premier. L'Orateur fut arrêté en çonféquence, mis en prifon , & banni de Touloufe un mois après : c'étoit en 1533. La protection du Préfident BertrancU , qu'Hugues Salel lui avoit pro' curée , lui fut inutile. Il fe vit obligé de quitter Touloufe , & de fe retirer à Lyon , où , pour fe venger, il publia fes difcours contre les Touloufains, & plufieurs versTatyriques fur le m ê me fujet. Son féjour à Lyon ne fut alors que paflàger. Il étoit à Paris au mois d'Octobre 1534- Il y publia de nouveaux ouvrages, retourna à Lyon est, Ii| 196* BTBITOTHE<2""E ======= 15 3 cT- y tua fur la fin de la même anETIENNE n ée un homme qui, fi on doit l'en croi0WEI * re , l'avok voulu affaffiner, s'enfuit pour éviter les pourfuites que l'on faifoit contre lui, prit la route d'Auvergne , vint enfuite à Orléans, & de-là à Paris où il fe préfenta à François I. qui lui accorda fa grâce , & la liberté de retourner à Lyon. Dolet profita de cette permiffion, établit une Imprimerie dans.cette Ville , s'y maria , & eHt en 1539. un fils nommé Claude, dont il a célébré la naiffance par un poëme Latin. Ses liaifons avec les hérétiques, fon penchant pour leurs opinions , fon génie fatyrique , & quelques autres raifons dont en ne nous a pas confervé la mémoire, hii occafionnerent de nouvelles affaires. On lit feulement dans fon fécond Enfer , ouvrage en vers François dont je vous parlerai bientôt, qu'il fut mis en prifon deux fois à Lyon , & une fois à Paris, avant l'emprifonnernent qui le eonduifit au dernier fupplice. Parlant de fa détention à la Conciergerie de Paris, il dit feulement qu'il y fut chargé de je ne fcai quelle rêverie, qu'il ne fpécifie point, qu'on le retint quinze mois dans les fers, & qu'il ne fut délf» F R A y ç o i s t. 197 Vtê que par le crédit de Pierre duChâ- ••• • '!'•'•»* tel, alors Evêque de Tulles. M. Balu- ETIEWNE ze s'efl trompé dans fes notes fur la vie 0LET * de du Châtel par Galland, en rappor- ad GMIM»C\ tant cette circonftance à l'emprifonne- P- »57ment de Touloufe, Au commencement de Janvier 15 44. Dolet fut encore arrêté à Lyon. Mais lq troifiéme jour de fa prifon ayant fait corrfentir le Geôlier de le conduire chez lui pendant la n u i t , pour y confommer une affaire qui exigeoit, difoit-il, abfolument fa préfence, il trouva le moyen de fe fauver. Il fe réfugia alors dans le Piémont ; & ce fut de là qu'il écrivit les neuf Epîtres qui compofent fon fécond Enfer. C'en; proprement le feul ouvrage qui l'ait fait mettre au nombre des Poètes François ; car il faut prefque compter pour rien fon brefDif* cours de la République Françoife, dejirant la lecture des livres de la fainte Ecriture , lui être loiftble en langue vulgaire f petit écrit f qui eft auffi en vers François , imprimé à Lyon en 154.4. in-8°.Se qui fut cenfuré par la Faculté de v. d'ArgenThéologie de Paris. j * . ; «'£ Ceux qui ont parlé du fécond Enfer m, err,rn«s,l'ont mal connu , lorfqu'ils ont dit que ^ ' ^ ,7i " ^'Auteur ne lui avoit donné ce titre que Iiij I98 BlBlIOTHEQUE 1 par rapport à fon fécond emprilonmrETIENNE ment à Lyon. Dolet dans l'Epître en DOEET. p ro fe par laquelle il adrelTe fon fécond Enfer à fes amis, dit lui-même qu'il avoit compofé un premier Enfer fur fon emprifonnement à la Conciergerie de P a r i s , qu'il étoit prêt de le publier , lorfqu'il fut arrêté à Lyon au commencement de 1544. & qu'il ne manqueroit pas de le donner , dès qu'il auroit recouvré fa liberté. Vous verrez dans eu qu'on ne lui en donna pas le loifir. -.'Epure à fes amis efl ainn datée : Eftr'n en ce monde, ce premier jour de Mai fan de la Rédemption humaine 1 544. Cette Epître efl fuivie, comme je TOUS l'ai dit, de neuf autres, toutes écrices en vers François. La première efl adreffée au Roi François I. la fécondera M. le Duc d'Orléans, fils du Roi ; la troifiéme, à M. le Cardinal de Lorraine ; la quatrième, à la Ducheffe d'Eftampes ; la cinquième, a la fouveraine & vénérable Court du Parlement de Paris ; la fixiéme , aux Chefs de la juftice de Lyon, tant en l'ordinaire qu'en la Sénéchaujfée j la feptiéme, à la Reine de Navarre, la feule Minerve de France > la huitième, au Cardinal de Xournon ; 6c la dernière, à fes propres E F R A N ç O I S t. 1*99 r amis. Ces lettres difent toutes à peu près la même chofe. Dolet vouloit ETIENNE prouver que c'étoit fans caufe qu'il avoit DOLET. été arrêté, que c'étoit fur un faux expofé qu'on avoit furpris un ordre pouf le faifir de fa perfonne : ce qui l'oblige de raconter le même fait à tous ceux à qui il vouloit faire connoître fon innocence , ou qu'il vouloit intéreffer en fafaveur. Ses ennemis, écrit-il à François I. n'étant pas contens De l'avoir tourmenté quinze raoys , Se font remis à leurs premiers abboyS J>bur le remettre en fa peine première, ftc. Et qu'ont-ils fait pour y réuiîïr ? ils onf irriaginé de former deux ballots de livres , l'un rempli de ceux qu'il avoit imprimés, l'autre qui ne contenoit que des livres venus de Genève, hérétiques ou fufpects d'héréfie. Ils ont marqué ces deux ballots de fon nom, & les ont envoyé de Lyon à Paris où ils ont eu foin de les faire faifir, & en conféquence ils ont furpris du Parlement de Paris un ordre pour le faire emprifonner, comme ayant des liaifons criminelles, & faifant commerce de livres dangereux & prohibés par les loix. Dolet protefte dans fes neuf EpîI iiij .zoo ETIENNE DJLET. BIBLIOTHèQUE 1 très , qu'il n'a aucune part ni directe , ni indirecte à l'envoi de ces deux ballots ; il défie lès ennemis de prouver le contraire, & montre aflèz bien la groffiéreté de leur artifice. Je leur demande icy en demandant, Pour me défendre en mon droiâ défendant r Eufle ay-je bien efté fi eftourdy , Si les fardeaulx qu'or en droit je te dy , Teullë envoyés à Paris ce grand lieu, Que n'cuiTè içeu trop mieuut joiier mon jeu , Que de marquer au-defïuj mon furnona En groflè lettre ? A mon advis, que non ; Trop fin je fuys , et trop fin on me tient Pour mon nom mettre en cela qui contient Quelque reproche, &c. Il prouve fort bien qu'un homme à qui il refteroit encore une once de hnfens , ne comrnettroit pas une pareille imprudence ; que d'ailleurs la prifon n'étoit pas un lieu aflèz agréable pour s'y plaire, & qu'il y avoit déjà trop fouffertpours'expoferày retourner. Quant à ce que l'un des deux ballots ne contenoit que des livres imprimés chez lui, il répond : N'ay-je oneques mys en vente Des livres tels qu'à ce coup feulement * Cela cft faulx, Car j'ay pubUcqucment F R A N ç O I S E . .201 Depuis fix ans fait train de Librairie > Mettant dehors de mon Imprimerie ETIENNK Livres nouveaulx , livres vielz & anticqucs : JJOLET» Et pour les vendre ay fuivy les traficques D'ung vray Marchant, en vendant à chafcun ; Tant que fouvent ne m'en demeuray ung. Faifant cela, chafcun s'en eft fourny, Et moy j'en fuis demeuré defgamy. En conféquence Dolet demanda à François I. qu'il voulût bien faire dé-, fenfe au Parlement de Paris de l'inquiéter plus longtems, & le fupplia d'évoquer fon affaire à fon Confeil, & de lui accorder la liberté de retourner chez lui. Il ne dimmule pas qu'il ayoit: déjà été accufé d'erreur dans la foi r mais il conjure Sa Majefté d'oublier le pafle y fç foumettant pour, la fuke à: toute la rigueur des loix, fi l'on peut. le trouver coupable. Il envoya une copie de cette lettre au Duc d'Orléans ^ avec l'Epître qu'il lui adreiTa pour l'in> téreflèr dans fa caufe. Celle qu'il écrivit au Parlement de Paris eft la plus longue de toutes. Non-feulement D o let y répète ce qu'il avoit. mandé au R o i , au Duc d'Orléans , à la Reine de Navarre, & à d'autres r il y fait encore plus au long.fon apologie : car paûant en revûë tous les yices, il de.— iv 1 JLOî BIBLIOTHèQUE : rnande férieufement fi l'on peut lui en? ETIENNE reprocher aucun de ceux qui font fouDCXET. m js à la juftice des hommes. Il y vante aufli plus qu'ailleurs fes travaux littéraires, & l'honneur qu'il prétend que la France en retiroit ; & ajoute qu'il ne demande point d'autre récompenfe,, que la liberté de les continuer. Dans l'Epître au Cardinal de Tourn o n , il rappelle à ce Prélat que fèpt ans auparavant il avoir eu la bonté dé préfenter au Roi à Moulins fës deux volumes des Commentaires fur la langue Latine , & de parler avantageufement de l'ouvrage & de l'Auteur. D e puis ce tems-là le Cardinal n'avoit pluspour lui la même bienveillance r & il accufe de ce refroîdifiement ceux qui l'avoient defiervi auprès dé lui par des «ufcours qu'il traite de calomnieux. Il eu prend occafion de faire cette profeffion de foi : Ma refponfe efi, pour vous te dire air vray r Que j*ay vefcu jufque icy, & vivray Comme Chrefliert, Catholique & fidclle..... Fauteur ne fais d'héréfie ou d'erreur ; livres maulvais j'ay en haine & horreur y Et ne vouldrois ou vendre ou imprimer V T $ icid feuillet peut la ldy déprimer F R A N ç O I S E . Antique & bonne ; ou pour n'eltcc inventeur De fens pervers , & contre Dieu menteur. abj* ETIENNE Dolet efpéroit un fuccès fi heureux D°1E-r» de fes Epîtres, que dans la dernière qu'il adrefle à fes amis, il leur parte comme s'il eût eu les affurances les plus pofitives de fa liberté. Il eft vrai qu'il revint à Lyon , & qu'il y fit imprimer fon fécond Enfer, qu'il envoya au Roi avec une traduction Françoife de deux Dialogues qu'il attribuoit à Platon. Mais ce voyage fut fecret. On ne fçait plus rien de lui jufqu'à fon dernier emprifonnement à Paris, dont on ignore même la date. Son procès lui fut fait, & en conféquence il fut condamné au feu comme hérétique, ou plutôt comme Athée : la fentence fut exécutée dans la place Maubert le troifiéme jour d'Août 154.6. jour de l'invention des Reliques de faint Etienne. Florent Junius rap- 0à tiomt orte dans une de fes lettres, datée de cette lettre arisle 23 Août 1 54*6. qu'avant le £•£.£'**" fupplice , Dolet fit une courte prière T»«/«i-«»pour fe recommander à Dieu & airx d t^*; 0 _ Saints, qu'il invoqua la fainte Vierge vet», p. 7». en peu de mots, avertit enfuitelei affiftansde lire fes livres avec beaucoup de' circonfpeélion , & protefta qu'ils con-» tenoient bien des chofes qu'il n'avoit ja>mais entendues. Lvjf f Ï04 BlBllOTHEQUr? DES COLES. Si Dolet eût pu voir, avant l'impreiv lion de fon ouvrage, l'Ettfer de Cupidi par le Seigneur des Coles, je ne doute point qu'il n'eût mis cet écrit à côté de celui de Gratien du Pont : l'un & l'autre parlent également mal des femmes. Mais ce petit poème ne parut pour la première fois qu'en 1555. C'eft encore une fiction. L'Auteur inflruit, & par fa propre expérience, à ce qu'il paroît, de l'empire ou de la tyrannie de Cupido, fe met en tête de chercher où réfide fort Enfer, c'efl:-à-dire,le lieu où il a en réferve tous les feux dont il embrafetanr de cœurs. Le voilà donc errant par le monde, & il nous décrit fa courfe par terre & par mer. Ayant trouvé enfin le lieu qu'il cherchoit, Là bii jadis tût puiffance donnée Au grant Atlas d'adreuer l'Univers En mainte eftoille élégant & divers , Hs^adrelîèà Tiréfias, Juge de l'Enfer de Cupido ^qui l'inftruit de tout ce qu'il délire de fçavoir, le conduit d'abord dans les Fauxbturgs de cet Enfer, où ré* FRANçOISE*. 205 îîdoient Regret, Noife, Chaos, Soucy , » Gémijfement, Fauxfemblant, Maladie, DESCO-T Crainte, Vieillefe, Mépris, Difcorde , L E S " & enfin la Mort, Ayant en main & cruelle fagett» Que fans égard, deçà & delà getce. , Des Fauxbourgs il eft introduit dan? l'Enfer même , qui femblable à celui de Pluton ,. eft gardé par un Chien r nommé Refus. Ce lieu étoit partagé ersdix demeures, que notre Pèlerin parcourt avec beaucoup d'attention , & qu'il ne décrit pas avec moins d'exactitude. Déloyauté habitoit la première demeure -T Simonie , la féconde y Bigamie, la troifiéme. Les autres étoient occupées pas Cruauté ,Jufiice y Vieilujfe ; éc une autre par Religion, c'eft-à-dire, par ceux qui étant engagés par leur état à vivre chafternent, s'étoient^rangésfousles étendants de Venus & defonfils;, enfin par Déj'elation,, Audace féminine &. Fauxrapport. H nonimelesHéiosle plus-célébres, & les femmes les plus connues dans l'Hiftoire éc dans la Fable, qui gémiffoient dans chacune d e ces demeures ,;.& rapporte pourquoi chacun étoit dans un tel ou tel lieu. 11 y vitauffi les Mini fus de cet Enfer x. Néméfis U 206 BIBLIOTHEQUE '•' •• .1 févere & fa compaigne Thémis. On lui DES Co-montra pareillement les trois Furies , *BS« Devis, Jalouftetk Regard . la pire du troupeau Palliant fout l'ombrage de fa peau Un venin lent, qui occit en riant Par un attrait décoché d'oeil friant.- / ' Il rencontra encore dans fa route FauU te d'argent, Mauvaife grâce , Mécontentement , octrois fleuves, le Fleuve ardent, le Lac d'amertume, & le Fleuve de défefpoir. Ces courlês faites, il entre dans le Temple de l'Amour ; mais n'ayant pas envie d'y faire un long féjour, & moins encore de devenir un de les habitans, après tout ce qu'il venoit devoir , & qui lui avok fait une vive impreflion , il en fort, & finit ainfi for* poëme. Ce petit ouvrage eft fuivi d'une Epi-'tre d'un de nouvel relevé du mal d'amours afin amy. Le Seigneur des Coles s'y plaint de fes infortunes amoureurês , & s'il n'y a pas encore de fiction dans cette Epître , il faudra croire que dès qu'il eut fenti les aiguillons de cette paffion , il employa , pour les amort i r , le remède de la fuite. Il quitta le lieu de fa naiflànee, qui étoit aufli ce-; F K A N ç O I J ï , 2.07 lui du commencement de fon amour , ' il parcourut la Flandre , l'Allemagne, ^ES C« vint à Lyon , paflâ en Italie , féjour- LES '' na à Venife , & fe retira enfuite à C a vaillon, Cité affifc an remuant de Provence, Où quelaae tems faitant ma réfidence, Changeant un peu de façons & de plr Penfois avoir ce mal mis en oubly, &c. 1 Mais c'étoidà que l'Amour l'attendoit t il y fut épris d'une jeune beauté qui n'eut pour lui que des rigueurs. Il tenta envain delà gagner; elle fut inflexible ; il gémit, il pleura, il écrivit des lettres pleines de tendreflè ; elle fut infenfible. Il eut alors recours à fon premier remède ; il quitta Cavaillon & celle qui l'y attachoit, &l%éloignement le guérit pour toujours de fa paflion. JEAN- MARTIN. Cupidon eft.traité avec encore plus d'ignominie dans un poëme du même tems, imprimé en 1543 , & intitulé r non lé vol du Papillon de Cupide , comme on.le lit dans la Bibliothèque des Auteurs de Bourgogne > mais le Papillon de Cupido, inventé & composé par 2o8 .. BIBLIOTHèQUE Mai (Ire Jehan Martin, Seigneur de Chef* p ( j'ai lu ailleurs de Cboifeul ) Dtsjeneis. On ne nous apprend rien de la vie de ce Poëte, dans la Bibliothèque que je viens de citer, finon qu'il a fait en Latin un Traité de l'ulàge de l'Aftrolabe, &c. imprimé à Paris en i 5 54. Ce Poëte n'étoit nullement fcrupuleux. Son poëme eft une fiction qu'il corrompt par l'excès de fa fatyre & par les obfcénités qu'il débite fans aucun voile. Amoureux, & comme tel fatiguant le ciel par fes foupirs, fes gémiflèmens & fes plaintes, Cupidôn le changea en Papillon. Que faire fous cette Métamorphofe ? Imiter cet infecte qui fe tranfporte partout, entre dans les lieux les plus fecrets, & voltige fur tout ce qui fe préfente à fa vûë. Le notre ne perd rien de fes premières inclinations, & ne fait ufage de fon changement de forme que pour fe contenter avec plus de facilité. Il volé à Paris, & s'y arrête d?abord à contempler JEAN JUARTIN. • , . ; . . " . . . belle Univerfité' Pleine de Clercs Se d'hommes bien favane;' En Soruonne Docteurs très-apparens' Qui difputoient d'éloquence proftindep - - ; F R A N ç O I S E . rour divertir les Leuthers Je ce monde. .209 — On le voit enfuite aux audiences du JEAN Palais, il fe repofe dans la Grand'Cham- MARTIN. bre fur les fleurs-de-lys, fe moque un peu des Plaideurs & des Avocats, convient cependant que les Juges rendoient pour l'ordinaire des fentences équitables , & en prend occafion de louer le Roi François I. fous le règne duquel l'Auteur écrivoit. Tranfporté un moment après fur une des tours de l'Eglife Notre-Dame, il eft tout étonné des cris diflerens qu'il entend dans les rues, & il s'amufe à rapporter ces cris dans les mêmes termes dont fe fervent ces petits Marchands qui annoncent au peuple les denrées qu'ils ont à vendre. Las de voler çà & là dans Paris, & de fixer fes regards fur quantité d'aélions qu'il eft également indécent de voir & de rapporter , il entre dans une Abbaye de Moines où il ne voit rien de plus édifiant. Prenant enfuite fon vol jufqu'en Italie, il s'arrête à Rome, y voltige de Palais en Palais, raconte toutes les anecdotes fcandaleufes dont il / fe dit le témoin ; eft pris d'amour pour une nièce du Pape Paul I I I , fe gliffe dans la daterie, cenfure avec aigreur tout ce qui s'y fait, & exagère les abus no Bi BiraTHEqtrE qu'il prétend, s'y paner. Il porte après JEAN cela le même œil également curieux cSc MARTIN. m a i i n a Padouë, à Florence, à V e n i fe & ailleurs. Voilà bien des courfes pour un Papillon. L'expérience le r e n d politique, ou du moins il croit l'être ; il difcourt de la guerre contre le T u r c & contre l'Empereur. Enfin il revient en France, s'y endort je ne fçai où -r Se par une bizarrerie encore plus finguliére, il invoque Jefus-Chrift & la fainte Vierge, leur demande de lui rendre fa première forme, & obtient ce qu'il délire. i LE LIVRE DES fantafiiques. VISIONS Il n'y a guéres moins d'extravagance dans les Viftons fantaftiques d'un anonyme, imprimées à Paris en 154.2. Cet Imaginatif voit en même tems, oufeint de voir un Dragon, Phcebus, les neuf Mufes, un Roffignol, parle des fureurs de l'un , de la beauté de l'autre, fait l'apologie de la Mufique ; & à quoi tout cela tend-t'il ? à nous dire que le Dragon , c'efl le Diable , que fes fureurs font les tentations, que Jefus-Chriff. eft figuré par Phcebus y que les neuf F R A N ç O I S E . 2ir Moles font les prières qui montent au • Ciel, que le Roflignol eft l'Evangile , Vlsr<™s que la Mufique en eft la prédication , Q U E S r S T I " &c. Qui s'attendroit à de pareilles explications ? Ces vifions font fuivies de petites pièces, nommées Epigrammes félon l'ufage des Poètes de ce tems-là. IL y en a fur M. d'Orléans dernierfilsdu Roi François I. à M. le Comte de Saint Paul, à Jean-Jacques de Mefînes, Lieutenant Civil de Paris , à M . l'Evêque & \ Comte de Noyon, apparemment Charles de Hangeft de Genlis, mort en 1528. ou Jean de Hangeft fon neveu & fon fucceflèur, à Nicolas Pfialnte ( Pfeaume , Abbé de Saint Paul en Lorraine, depuis Evêque de Verdun ) à Madame de Touteville, Comtefle de Saint Paul ; une à la louange de Clément Marot, &c. Ces Epigrammes n'apprennent rien. Plufieurs font adreffées à desDemoifelles, & quelques-unes "font fort peu chaires. Dans d'autres , le Poète fe plaint de fes maladies, parle de fon indigence, demande d'être fecouru. Je ne vous rapporterai que . celle où il s'exprime aùtfi à Poccafion de fes créanciers : C'eft grand plaifir truand te créancier preftc j Quant eft de rendre il n'y a nul plaifir : 212 BIBLIOTHEQUE Car d'un Brevet on me vient faire feffe f VlsiOWS VANTASTIQUES, r> is u n " Setgftu nu vient an corps fàifir , Dont bien tbuvent contraint fuis de choifir Chemin pliis long pour éviter l'tfmorche : Quand il eft nuit, je ne veux peint de torche ; Que maudit foit le premier regardant f, Il m'eft advis que tout vif on m'efeorche Quand on me va mes debtes demandant. Cette difpofition n'eft que trop ordinaire dans ceux qui doivent. G R I N G 0 R E. Pierre Gringore avoit connu- plufieurs des Poètes dont je viens de vous parler, & avoit mérité leur eftime & leur amitié. Nous ignorons le lieu de fa naiffance. Ceux qui le font Lorrain, n'en ont point dfautre preuve que fa qualité d'Hérault d'armes du Duc de Lorraine. Tout ce qu'il d i t , eft que fa famille a été attachée à la Maifon . de Ferrieres ; qu'il étoit lui-même fu_ jet & ferviteur d'un des Seigneurs de cette Maifon ; qu'en adreffant fon livre intitulé , les folles entrefrlfes, à noble & puijfant Seigneur Sire Pierre de Ferrieres , Chevalier, Seigneur, Baron dudix lieu de Ferrieres & de Thury, & Seigjieur de Dangu, c'eft en même tems F K A S ç o r S E. 21 3 ttn acte de reconnoiflànce & un liom• mage qu'il fait à ce Seigneur, comme GRIN«OM étant [on homme. Se-on demande pourquoy c'eft que luy livres Refpondre puis que mes prédéceflïurs De fa Maifon ont été ferviteurs , Lefqucls je veuil entuyvre fe je puis; Car ion fubgect & fon ferviteur fuis ; Non fuftfant de fervir fa nobleffe Son homme fuis qui de tout mon povoir t e veuil favir Si faire mon debvoir. Dans le Prologue du même ouvra-* ge , il dit, Je n'ay degré en quelque Faculté. Gringore étoit jeune lorfqu'il parloit ainfi, puifqu'il vivoit encore trentequatre ou trente-cinq ans après. Il n'étoit point encore Hérault d'armes du Duc de Lorraine , qualité qui lui fit prendre le furnom de Vuudémont, dont il ne fe décore point dans fes premiers ouvrages. On voit par ceux-ci, qu'il avoit parcouru une partie de la France , qu'il avoit fait plus d'un féjour à Paris, & qu'il étoit connu de Louis X I I , par l'ordre duquel il avoit compofé fa pièce intitulée : le Jeu du Prince des Sots & Mère Sotte, joué AUX Huiles de Pi* • 214. - BlBLtOTHEÇTJE ris , le Mardi gras de l'an i 5 11- D ett GK-INSORE du moins certain que cette Moralité & farce fut repréfentée par un commandement exprès de Louis X I I , durant le cours des diftërens de ce Prince avec le Pape Jules II & la République de Venife ; que Grîngore y joua le perfonnage de Mère fotte , dont il prend aufli le nom dans quelques-uns des ouvrages qu'il cornpofa depuisDans les antiquités de Paris par Sauvai, tome 3. il elt qualifié Compofitcur, Hiftorùn & Fadeur du Myftere fait au Châtelet de Paris à l'entrée de M. le Légat en 1 502. du Mjfiere fait au même lieu & la même année à l'entrée de l'Archiduc ; de celui qui fut fait furla forte du même Châtelet, à Ventrée de Madame la Reine en 1503. d'un autre fait à l'entrée de la Reine à Paris le J Janvier 1514- au-devant du portail du Châtelet de Paris ; d'un cinquième fait â la porte de Paris pour la décoration de l'entrée du Roi le 15 Février de la même année 1514- enfin d'un fixiéme fait en 1 517. le jour de l'entrée de la Reine dans la même Ville. Pour tous ces Myfteres Gringore étoitalîbciéavec Jean Marchand, Maître-Juré Charpentier , lequel probablement ne h F R A N ç O I S E . 21$ cnargeoit que des détails qui conve.t noient à fon métier. Sauvai rapporte GRINGORS d'après les comptes & ordinaires de la Prévoté de Paris , ce qu'on a donné pour lefdits Myftéres à ces deux aflbciés Gringore & Marchand. C'efl un détail qui vous ennuieroit ici. Gringore vivoit sûrement encore en 1544. & il devoit être avancé en âge, puifqu'il étoit Auteur dès 1500. Je ne trouve point qu'il ait rien fait imprimer depuis cette année 1544. Mais j'ignore en quelle année & en quel lieu il eft mort. Il faudra dire qu'il eft mort à Paris , s'il eft vrai qu'il ait été inhumé dans l'Eglife de Notre-Dame de cette Ville _, comme on le conjecture , mais fans en apporter aucun témoignage, dans le tome fécond de Phiftoire du Théâtre François, page 250. Le genre de fes ouvrages qui font prefque tous moraux, lui avoit fait prendre ces mots poux devife : Tout par raifon j raifon par~ tout ; partout raifon. Il étoit affez bon Poète pour fon tems, & fon ftyle a plus de netteté que la plupart de fes contemporains qui fe mêloient d'écrire en vers. L e premier écrit qu'il paroiflè avoir publié, eft , comme je l'ai d i t , de l'a» 21$ BlBXIOTHEQUE ?• 1500. C'eft une allégorie intitulée, le G&INGORB Cafteau d'amours. J'en ai vu pluueurs éditions, toutes anciennes & en caractères Gothiques. Dans celle de Paris, chez Simon Vofire, on voit à la fin par acroftiche le nom de l'Imprimeur ( Philippe) Pigouchet, celui du Libraire, Simon Vojlre , & celui d •* l'Auteur, Gringore. Ce petit ouvrage efl en forme de Dialogue. Il n'y a que deux interlocuteurs. L'un revenait du Château d'amours, l'autre y alloit. Le premier avoit la triftefie peinte fur le vifage , il étoit rêveur & mélancolique ; une expérience une peu tardive, & achetée trop chèrement, lui avoit appris les maux d'amours. Le fécond , encore novice, fe repaiffant l'efprit des idées les plus flateufes, couroit avec légèreté vers le Château qu'il n'envifa"• geoit que comme un lieu de délices. Ils fe rencontrent fur la route , & s'entretiennent de ce qui occupe leur efprit. Le premier fait du Château à'** tnours une defcription fort propre à en éloigner tout homme qui écoute plus la raifon que la paflion. Le fécond le prend pour un Mifantrope, ennemi de tout plaifir, ou du moins pour un homme qui n'a pas feu tirer avantage de T R Àrfçjôï' S i Itf decequelafort.uneluiorTroit.il fe croit plus fage ou plus habile, & laiiTant là GRINCOIT] Ton compagnon, il double le pas , fe livre aux tranfports de la joie la plus vive, arrive au Château, y eil bien accueilli, & y trouve à la fin la perte de fon repos, & enfuite la mort. Gringore donne dans cet ouvrage d'excellens avis contre la paflion de l'amour , ce toute fa morale eil de pratique. 1$ indique ainfi le fujet de fon livre. Remémorant les faits des amoureux Et la Triomphe des gens chevaleureux Qui pour aimeront eu mainte adventure. Et mefmement que les hardis, les preux Ont enduré plulîenrs maux douloureux En récréant leur fragile nature : D'un petit livre fais aukune ouverture, Montrant que Amour eft caute & déceptive, Adonnes foys de vertu nutritive. Fols amoureux venez a mon efeollc , Si apprendrez peine pértétratiye Que pluCeurs ont en fuivant l'Amour folle.' Gringorê ne s'arrête pas à combattre la feule paffipn de l'amour dans fee folles entreprises qu'il publia en 1505. il attaque les vices de tous les états 6c de toutes les conditions, en repréfen$ant les fauflès entreprifes des Piince% w Tome XI, & 21 8 BtBllOTIIÊQU-E" des Guerriers, des Magiftrats, des gens" t^t.NGoTEd'Eglife, &c. Il porte quelquefois la iàtyre trop loin ., <Sc il ne convenoit ni à fa qualité de Laïc, ni à fa profeffion, d'invectiver auffi fortement qu'il le fait contre les Pafteurs & les Miniftres de I'Eglife, qui font plus que les autres l'objet de fa mordante cenfure. Loin d'en faire aucune excufe, il femble s'applaudir Lui-même de fa hardieflc dans fon Epître dédjcatoire à Pierre de derrières, qui efl auffi en vers. Dans F Adverttffement aux Prinees, il parle des droits du Roi de France fur le Royaume de Naples, & delà conquêtequ'ea fit Louis XII fous le règne duquel il compofa cet ouvrage : Ainfi doneques à bornie inrencion Le Roy Loys que Dieu veuille garder* A entreprins de vouloir porTéder Le Royanlme qui luy apparrenoh ; Car par ration, le droit titre en renoît. L a première édition de ce livre , farte éh i 5 0 5 . à Paris in-8°. ne jx/rte que l e fifnple titre de folles entrefrïfes ; mais •dans celle de 15,10. on lit vies folles enireprifes qui traitent de pliifteurs tbofesmtaies. Encré ces deux éditions, il s'en fit «Jne qui fut achevée À Pétris Fm mil titr F R A N ç O I S E . srç ifrur & Jepi ,levi jour de Janvier, c'eûi à - d i r e , 1508. avant Pâques. Le nom GRINGOM; de l'Auteur n'eft que dans les lettres initiales des huit derniers vers qui terminent fon écrit, & qui fervent en mê» m e tems d'exhortation à le lire. Grands & petits ce livre en gré prenez : Rangés ces mots à voftre entendement , Joyeulfement les faultes reprenez : Notez que j'ay compofé iîmplement ; Grâces en rends à Dieu dévotement Où. j'ay recours en compofant tout œuvre, Remémorant que fans lui nullement Entendement chofes otTufques n'euvre. Gringore ne fe fait pas connoître au», trement dans plulieurs autres de fes ouvrages. C'efl ce qu'il obferve en particulier dans celui qu'il a intitulé, les Abus du monde, & qui a précédé d'une année les folles entreprîtes, comme on le voit par le privilège qui efl du 10 d'Octobre 1 504- C'efl encore une defcriptionék unecerjfore des vices detous les états. L'Auteur commence par louer la Pragmatique dont il fait l'hiftoire en peu de mots, l i e n décrit les avantag e s , & gémit des atteintes qu'on lui tdonnoit. Il en prend occafîon de s'éleyex contre les vices des gens d'Eglifes , Kii 220 i- BlBLIOTftEQUB commençant par les Prélats, & finifQRINGORE fant par les Marguilliers & par les membres de Confrairies. Il n'épargne pas davantage les femmes, & dans tout ce qu'il dit du mariage , il parle en Ecrivain peu mefiiré. Il paffe de même en revûë la Nobleflë, l'Artifan , le Marchand, -le Médecin, & fait en fuite une longue fortie contre ceux qu'il nomme Bigots & Bigottes, c'eft-à-dire, contre ceux &.celles qui n'ont qu'unefauffe piété. Il fait en deux endroits l'éloge de Louis X I I , & c'eft toujours aux dépens des Vénitiens, qu'il ne manque jamais de maltraiter toutes les fois qu'il en parle. Get ouvrage eft allez varié, l'Auteur s'y fervant tantôt de la fiction, tantôt du Dialogue, tel que celui de i'Eglife, de la Nobleflë, du Labour & du Praticien, ou de l'hpmme de Juftie e , dans lequel Dialogue chacun fait la defcription & reloge de fes occupations. Pour éviter encore plus l'uniformité , Gringore féme de tems en tems des Rondeaux dans fon ouvrage. Ses vers font pour l'ordinaire de quatre pieds ou de cinq. Ceft Entendement qui lui a ordonné d'écrire, c'eft le même qui lui cornmande de finir pour cette ^bis ces moralités, & qui lui dit de FRANçOISE". 221 préferitcr fon livre à Jacques de Toute• ville ( d'Eftouteville ) Prévôt de Paris. GRINGOK» Il efl faifon de laiflèr ces propos, Tout corps humain eft fubjet a repos ; Suffire toy pour cette heure prefente : Prends ton livre, biemoft & le préfente A Sire Jacques nommé de Touteville, Seigneur de Beyne, d'Ivry & de Blainvillc, Preux Chevalier, vivant en bon arroy Com Confeiller & Chambellan du Roy, Qui régente par fon ancVorité Dedans Paris la noble Prevofté , Comme Juge Royal & ordinaire; A fon Seigneur le servant doit complaire. Ce Jacques d'Eftouteville fut Prévôt de Paris en 1479. après la mort de fon père. Je conjecture que Gringore présenta cet ouvrage à Louis XII. Du moins voit-on à la tête l'Auteur à genoux qui offre fon livre à un Roi qui eft aftis & couvert. Je rie fçai pas fi Entendement lui ordonna de reprendre la plume, il eft sûr au moins qu'il ne laifla pas longtems oifive la facilité qu'il avoit à écrire. Les démêlés de Louis XII avec les Vénitiens lui firent enfanter coup fur coup plufieurs écrits fort ignorés aujourd'hui ; mais qu'il paroît qu'on lilbit K iij 2.12. : IVlBIIOTHEQUS '• alors avec une forte d'avidité. Tel efÇ GJUN«ORE celui qui a pour titre : Entreprinfe de Venife,. avecque les Cités , Chafieaux. > Forterejfes & Places que ufurpent les Vénitiens, des Roy s y Princes & Seigneurs threftiens. Ce petit écrit eft de 1509, Il concerne la Ligue de Cambrai, conclue contre les Vénitiens entre le Pape Jules I I , l'Empereur Maximilien , Louis X I I , & Ferdinand Roi d'Efpagne. Tel eft Yefpoir de Paix daté du 8 Février \,\o.fait à l'honneur du trisChrétien Louis XII de ce nom, Roi de France. Tel encore , la Chaffe du Cerf des Cerfs, que l'Auteur compofa pendant l'Automne de la même année, à Ejiiolles près de Corheil. C'eft une allégorie alfez froide fur les différends des Princes avec le Pape, qu'il appelle le Cerf des Cerfs, par une allufion fort peu naturelle à la qualité de Servus fervorum Dei prife par les Evêques de Rome; Telle eft enfin la Moralité de l'Homme ohftiné, jointe à la Sottie & à la farce intitulées , le Jeu du Prince des fots & Mère fotte, joiié aux Halles de Paris le Mardi gras l'an 1511. autre pièce purement allégorique, qui contient l'hiftoire des démêlés du Pape Jules II Si du Roi Louis X I I , par l'ordre exprès F R A N ç O I S E . 225 duquel elle fut repréfentée. J'en parle- M "•* rai dans l'article des écrits Dramati- GIUN-OUR* ques. Gringore abandonnant enfin ces écrits de commande,. ou que les rirconfiances du tems lui failoient produire, revint à ceux qui femblent avoir été plus de fon goût, aux écrits moraux. Pour fe dédommager en quelque forte de l'efpéce d'interruption qu'il avoit mife'à ces compofitions, il donna de fuite les cent nouveaux Proverbes dorés & moraux, en fiances de fept vers chacune, ; les Dits & autorités des fages Philosophes ; les Fantaiftes de Mère fine, contenant plupeurs belles hijloiret moi aitfées ; les Menus propos >. les Feintifis du monde qui règne ; les notables Enfiignenuns, Jiages & Proverbes ; une" Parapbrafi & dévote exposition fur les très-précieux & notables Pfeaumesdu Royal Prophète David, non fans caufi dits pi* nitentiels, où tout eiltraduit en vers, jufqu'aux Litanies des Saints ôc aux Oraifons ; enfin les Heures de Nôtres Dante. Les Dits& autorités des f âges Philo- fophes font, comme ce titre l'infirme allez clairement, un recueil de Sentenc e s , chacune communément exprimée " " K iiij 2.2X) BlBtïOTWEQUK ••——e* en quatre vers, & attribuée à quelque Cl&iNcou Sage, Philofophe, ou autre : car Gringore nomme fans diftincft ion O v i d e , Virgile, Tobie, A ri (lote, Salomon , Boëce, Juvenal, &c Je ne rapporterai que ce quatrain ou ce dit que l'Auteur donne à un Sage nommé Marquez,, que je ne connois point : Qui bien fe mire, bien fe voit ; Qui bien fe voit, bien fe congnoit ; Qui bien fe congnoit, peu fe prife ; Qui peu fe prife, fage eft. Les Fantaiftes de Mère fine, dont le privilège eft du 17 Octobre 1 516. font un mélange de profe & de vers. L'Auteur y raconte en profe diverfes hiftoires, ou de fon ivention , ou qu'il tire " d'ailleurs ; il en donne enfuite le fens moral, aufti en profe, oc y ajoute des réflexions en vers. Le titre de Fantaifies de Mère fine convient fort peu à cet ouvrage ; fes moralités , quoique triviales, font bonnes. Les Menus propos imprimés à la fin de 1 <y22. eft le premier ouvrage où Gringorefe foit qualifié Hérault d'armes de illujire, très-haut, trèspuijfant, Printe Anthoine par la grâce de Dieu, Duc, F R A N Ç O T S E . 22J deCalabre, Lorraine & Bar, Comte de Pro- — vence & p'audémont, ôcc. Le titre de Me- GRINCCRB nus propos ne fignifie autre chofe que R é flexions diverlès fur différens fujets. En effet après des réflexions fur la vie de la Cour & des Courtifans, on en trouve d'allégoriques fur la chaflfe du Cerf, fur celle du Sanglier, fur l'amour, & tout cela entremêlé de la Paraphrafe du Pfeaume 14.3 , que l'Auteur feint lui avoir été demandée par David lui-même, & de celles des Pfeaumes 127, 8 3 & 1 o 8 ; des Hymnes Veù.la Régis, & Gloria , laus & honor ck de la Profe de Pâques, P'iftimœ Pafcbali laudes. La pièce la plus longue, compofée elle-même de quantité de petites pièces, comme de R é flexions , d'Allégories, de Rondeaux „ a pour titre Propos amoureux. Rien d* plus plat, félon moi, ck de plus mal imaginé, que toutes les allégories d« l'Auteur fur ce fujet. Les derniers Pro* pos font fur la guerre ck la paix ; & le tout finit par le Teftament de Lucifer; qui marie fes filles, c'eft-à-dire, tousles vices, dont Gringore fait le caractère en peu de mots. Il fuppofe avoir entendu faire ce Teftament à Lucifer 9 dans un fonge qu'il avoit e u , dit-il, » Nanci au moisd'Octobre 1 5 21. Il feinr Kv 226 BIBLIOTHèQUE g..." '..." dans cette pièce que Lucifer attaque GRINGORE d'une maladie dangereufe, & abandonné des Médecins, fonge à pourvoir fes filles avant de mourir ; & voici de quelle manière il en difpofe. Il veut que -Préfomption foit mariée aux jeunes gens ; Curiofité aux femmes ; Adulation aux gens de Cour ; Opiniâtreté aux ignorans ; Ufure aux Agens & Banquiers ; Rapine aux gens de robe ; Catégorie aux Moines; Simonie aux gens d'Eglife, & ainfi des autres. Il n'y a que fa fille Luxure qu'il n'établit p a s , parce qu'il eft sûr y dit-il, qu'elle, ne demeurera point, & que d'ailleurs il entend qu'elle foit commune à tous les états. Le Père Nicéron dans le peu qu'il dit de Gringore au tome trente-quatrième de ks Mémoires , a copié tout ce Teitament ; il me femble que cette pièce n'en valoit pas la peine. Comme Gringore fe doutoit bien , qu'en parlant aufii mal qu'il le fait de la Cour & de ceux qui la fréquentoient, on lui demanderoit pourquoi il y avoit pris une charge, il fe fait lui-même l'objection, & il y répond : Mes familiers & mes loyaulx amis Me ont demandé pourquoy me y fuis mis , Veu que ruilly ne me y voulioit contraindre ; FRANçOISE. xij je leur lefponds que je me y fuis tranfmis Afin de Tenir,gen» en h Court comrrxis Qui fçaivent bien diuunnler & feindre, etc. GrUrTeVrâ Je ne crois pas que le Poète fiât con-i tent lui-même de cette réponfe ; au»! voit-on par les vers fiiivans, qu'il ne s'en; fait l'objection rapportée que pour fe procurer Poccafion aeflawerkCou* dans laquelle il vivoit : Je n'ay defir tefte Court •defyrtteTï > Car je rn'ey voy allez favorifer Et bien rraicter par grâce liberalle v Cinq fils de Roy enfcmMe devifer > Je Y voy feuvent, & pour aiiftorifer Palais Royaulx,. une Prinoefle afiaWe, Seur du preux Duc de Bourbon ConneftaMe Du ttcs-Cbreftien & puifiant Roy Françoys. • Cette Princeflè étoit Renée de Bour* ' bon , Drcheffe de Lorraïne: CrihgOf re finit le portrait de la Gour, patCeV vers : ,<. ' . ' ' ' ' '' ; Quand j'eus parfait'ce livret à cueur jeun, : Le mettre au net je le feis par quelqu'un ' Qui voulentiers en print travail & peine ; Alors Loys Evêque de Verdun , Eftoit en lieu plaifatit & opportun Dedans Nancy , avec fon frère A'othoinè , Duc et Seigneur de Calabre fit Lorraine Dont lui» iïèrault a gaiges & prenions ; K vj 2i% BIBLIOTHèQUE Au bon Prélat petit préïenc en feis. GAIN«ORX A U commencement des Menus propos des Amoureux qui ne ont la grâce joyr de leurs Dames ,figurésfur les hommes , beftes & ojfeaulx félon leur nature & complexion ,1e Poète fait l'éloge de la Duchefle de Lorraine Renée de Bourbon , à qui, ajoute-t'il, A qui je doy révérence & honneur Centime hérauit de mon uxiverain Setgneur Son bon efpoux le preux Due de Lorraine ; Qui fert bon- maiftre ne perd jamai* la peine. C'eft toujours ainfî par une fentence , ou maxime proverbiale que Gringore fini la plus grande partie de les pièces, «5c ibuvent chaque ftrophe ou fiance. Les Feintifes du monde qui règne font un autre recueil de Dits moraux & de proverbes en fiances de huit vers : Gringore y repréfente encore les abus qui régnent dans le monde, les différens caractères qu'on y voit, l'attention des hommes à fe tromper mutuellement. Après tant d'écrits moraux, Gringore pouvoit fe difpenfer de compofer lès notables Enfeignemens, Adages & Proverbes , où il ne fait* prelque que le répéter. Cependant cet ouvrage, comme les précédens, a eu plufieurs F R A X X O- * îî t" C J R S X R » ; «.R s p . ! yr< x.u v <-.< que L txs><u k ru Jep.1. ^ .. f eee .-. • *, ARINGOM v<, qiUA epvxeee "eu!"' ms * ^ \ e ua>e! c |\is îïUUIOU >\i, ,A v;.v ueu. su ibPîOoi^vt eu n v n enter» ks>: es lu vè''r.é, A, q u o o v«te?c < R è lu u u PU l u eluque A ; , dvieee \ è u- A IV-RexIv CVi.'.iUX'. UU .pt.HU.eX UX V 5. tu uee< rueu, 1.x p u U ' A ' U A ' ' \ .R x'utuxnouvun.Tt v i Jatv J e 1A u v s S lA'ou-sbu . - è> .v>oi.ù,' . "' . teu» m.'e.e JUS ^ .v i x u w u r u - ; » e u e . Il r . , K \ : eu nnu e<k»ux [ x, tau îenju r s usi.eP.e r u e .vue» 'ce lk* \ v i e l v u o e v . e u * xe. s... v , > |.'.v«t <;{ \ ,- u , p > . e ..ek «" L <...'. . u.u.u.e f ;:c »... ..< r ; ?e*?j< »> J.stxv- ; C\ le Ma - •» e • s« i • kettu .* p :.Vt pe-jx.t \ i . u u e u ' t u i'tutp t e fauch e k il enxore met: s Aee<. . e; • se liste , Ai /\7x de A xW t \>. u , « eus aV îVU A ».w , e\ » t p a v . v tv er t'umuc xJitsen , p u r " o s e u - * ep-e ïïx>ï- x* e b \ ; \ . A p . r 1 R u e' e e . A Pus h An • ier i u lk \> et s e q . b i p u t x sexes ce. e le r* R» . se ee »e ^<. P ux-vek*e Au x-SRitu "X.\ u p u b x - " u govo, e ^ e p i v que A b u u * e ; P eu e>,e; a i. v . -. e u -ixï*rh<.-eiucierei l - - — --u t îie r . u t usai PipeaU-Au» >..%.vUiU u., •• B IB i rOf HÉQU E ! té de la lecture de ce petit écrit. GRJNGORB Les Heures de Nvftre-Dame tranfiaé tées par le même de Latin en Français ; & mifes en rjme, additionnées de plufieurs chants Rojaulx figurés & moraiifés, &c. étant un livre d'ufage, ont été beaucoup plus répandues que les autres écrits de Gringore, qui fit celui-ci, par le commandement de Renée de Bourbon, TJucheJfe de Lorraine. Dès le i o Octo- bre 15.25. il avoit obtenu pour l'impreffion de ces Heures un privilège pour trois ans ; & il paroît qu'il en fit ufage deflors. Mais ayant depuis traduit de Latin en François & mis en vers plupeurs belles Oraifons& Rondeaux contem- platifs, il demanda, & obtint le 1 5 Novembre 15 2.7. un nouveau privilège pour faire réimprimer ce livre avec F addition, l'adjontlion,& incorporément des dûtes nouvelles Oraifons ; & il s'en eirfak de- puis plufieurs éditions. J'en ai vu trois, l'une fans date ; la fecondeen 1 54.1. cela deniére en 1 544. in-8°. comme les autres, à Paris en l'Hoftel a" Albret, avec tes xv Oraifons defainte Brigitte. Toutes ces éditions ont des gravures en bois. Dans fEpître dédicatoireJ'Âviteur donne des marques de fa reeonnohTance envers la Ducheflê de Lorf airié, ai de fa crainte F R A N ç O I S E . 231 Teligieufe de Méfier en rien l'intégrité ' - v: delà foi : voici comment il s'exprime. G RING OR» Oyfiveté la mère des malices Rend Tes fetvants fubjets à plufieurs vices...., Parquoy très-noble excellente PrincelTé , Très-veitueufe & prudente Dueheflè , Plaine d'honneur & de vouloir très-bon, PideUe en coeur-, Renée de Bourbon , Qui prens ptaifir à lire mainte hiicoire , Je, ton fervant, nommé Pierre Gringoire Dict Vauldémont, Hérault d'armes, as prinj Plaiiir d'efcrire ung livre de hault pris : Intitulé, les Heures Noftrc-Dame , Qui font en ryme & Françoys : or , nia Dame, En ce fàifant, fier totallement Ne me ay voulu à mon entendement ; Mais ay monftré les différens paflaiges A doctes Clerc* , prudens , lettrés Sç litiges , Mieulx entendaot le fpirituel fens Que je ne fais. Et fi dire confens . Que n'ay ftiiri totalement la lettre, Craignant le fens fpirituel obmettre y Suivant toujours la boime opinion Des gens lettrés, à leur diferétion. ;; Vous aurez remarqué, en liiant ces •; vers,' que le Poète s'y nomme Gringoi;reôc non Gringçre ic'eft un changement, -qu'il avoit fait à'fon nom pour en ren-dre la prononciation plus douce. On, ;;,ne trouve ce changement que dans fes derniers écrits. 23 2 BIBLIOTHèQUE? " Le Père Nicéron lui ôte le Cbateat GRINGORB de Labour, pour en faire préfent à Octavien de Saint Gelais, fans en apporter aucune raifon. H eft évident que ce poëme eft de Gringore, puifqu'il fe nomme lui-même dans les lettres initiales du huitain qui termine l'ouvrage : Grâce rend au hault Créateur Régnant en triumphe haultaine > Invocant le povre pécheur Nourry en la gloire mondaine, Gardien de nature humaine, Omnipotent > plain de noblefle, RefplandùTant au haut domaine > Eftandant fur nous fa largefle. Le Cbafteau de Labour eft un poème allégorique dans le goût du tems auquel vivoit l'Auteur. Gringore que je foupçonnerois avoir voulu fe peindre lui-même, introduit un hornrne qui venoit d'époufer une jeune femme. Aux plaifirs allez ordinaires dans les premiers jours de cet engagement, fuccedent bientôt le fouci, la trifteffè, l'embarras , le befoin , la nécefîité & leurs -fuites. L'Auteur perfonnifie tous ces ennemis du repos & de la tranquillité, &feint que pendant une n u i t , ôc du- F R A N ç O I S E £3 3 tant un de ces fonges qui femblent faits < pour troubler l'efprit , chacun vient le GRINGOR» tourmenter tour à tour. Ces hôtes fâcheux dont la préfenceeft toujours fort importune , & dont on a raifon de craindre les approches, font fécondés par Defconfort & Defefpérance. Comment réfifter à tant de bétes féroces quinefe faififfent de leur proie que pour la dévorer ? Notre nouveau Marié fent l'extrémité du péril où il eft réduit : il réfifte quelque tems , il s'afibiblit bientôt, il eft prêt à rendre les armes ; & fa perte étoit certaine fans Raifon qui a pitié de fon état, qui vole à fon fecours, lui reproche fa lâcheté , & ranime fon courage. Tout ce qu'elle lui dit eft vraiment digne de la raifon. Elle lui montre entr'autres comment l'humilité triomphe de l'orgueil, comment la charité furmonte l'envie ; la patience, la colère ; la diligence, la pareflè; la largeffe, l'avarice ; comment la fobriété fe rend maîtreffe de la gourmandife, cornment la ehafteté vainc la luxure. Entendement fe joint à Raifon t lui donne les mêmes avis, & entreprend pareillement de l'éclairer, de le confiner & de le fortifier. Tromperie les entend & en eft irritée. Elle, craint 234 B l BIIOTHEQU'E' d'être défaite, & pour faire tomber5 GRINGORE plus sûrement le nouveau marié dans dans fes pièges, elle affecte le langage même delafagefle, cherche à le féduire & à lui faire prendre les ténèbres pour la lumière. Mais elle ne peut s'empêcher de faire l'éloge de la raifon , même en déclamant contre elle : » ' Raifon de bien peu fe contente Sans appeter grande nobleffe, De befongner eft diligente, Et amafle peu de richefle ; Mais moy je mets gens en hautefte • Par mon art fubtil 8c prudent-, 8cc. Si Tromperie ne gagne pas entièrement la confiance, elle réuflit du moins à ié faire écouter paifiblement, à jetter des nuages dans l'efprit, à faire naître des doutes fur la folidité des avis de Raifon & d'Entendement. La première en eft informée, revient, rend le calme à l'efprit de MAtleur, & lui parle avec tant de fageflè, que perfuadé de tout ce qu'elle lui dit, il fe jette entre fes bras, lui jurant de la fuivre partout. Raifon lelaiffedans ces bonnes réiolutions, & de crainte de quelque foibleflê nouvelle , elle revient un moment après, F R A N ç O I S E . .235; accompagnée de bon Cœur, de bonne Vo-"—-rsa fowé, Se de Talent de bien faire. TOUSGRINGORI •> lui ordonnent de fe lever & de le fuivre ; il obéît. Ces guides le conduifént par le chemin de Diligence au Cbafteau de Labour, c'eit-à-dire, à la demeure du Travail : Ce lieu fe nomme par droicture L'excellent Chafleau de Labour , Là où fans quelque forfaicture Faut veiller de nuyt 8c de jour. Soin, Se Cure fa fernme, portiers de ce Château, lui en refufent d'abord l'entrée ; mais le voyant accompagné de bon Cœur, de bonne Volonté & de Talent de bien faire,' ils lui ouvrent la porte. Pendant qu'on l'introduit, Soin lui fait la defcription des engagemens qu'il va contracter s'il veut demeurer dans ce lieu, Si s'attacher à Travail Si à Peine, Maître & Maîtreffe du Château. Quelque effraïans que paroiffent fes difcours, Yéditeur promet défaire ponctuellement tout ce qui lui fera ordonné. Sur cette prameffe, il eft conduit au lieu des travaux ; Si pour commencer à donner des preuves de fa fidélité, il fe met auffi-tôt à partager le travail avec les f$6 BIBLIOTHèQUE !• , '. — Ouvriers. L o r s , ajoute-t'il, GRINCC-RS . _, „ ,, . Lors vis venir la Chaltcllaine Qui alloit tout partout trotant, Laquelle eftoit appellée paine y Ses fubgets alloit vifitant r Les mains, le front avoit fuant, Et n'artcfoit en quelque place, Non plus que fait ung pourfuy vaut Quand il va quérir quelque grâce. Puis en coriet, puis en chemife ; Brief elle n'avoit point de repos, Et n'avoit pour toute remife Quafi que la peau & les os. " Apperçant fon nouvel hôte, elle demande qui il eir., pourquoi il eft là, ce qu'il vient faire ; & contente de fes réponfes, elle confent qu'il demeure; mais en lui rappellant les conditions aufquelles il peur relier. L'Acteur les accepte, réitère fes promenés, & continue fon ouvrage. 11 fat'isfait fi bien à tout, qu'il reçoit des- éloges de fa diligence & de fon attention. Il trouve dans un travail aflidu la paix & le contentement que l'oifiveté & le plaifir ne lui avoient pu procurer. Trouvant agréable la nourriture fimple qu'on lui F R A N ç O I S E . I*J d o n n e , il fe félicite de fon nouvel état ; •; •& lorfque l'heure du repos eft arrivée , GRINôOJU» on lui permet de fe retirer , en lui recommandant de revenir de grand matin. Il va retrouver alors fa femme qu'il avoir laiflée endormie, lui conte tout ce qui lui eft arrivé , & lui fait part de la fatisfaction qu'il trouve dans le nouveau genre de vie qu'il a embraffé. Cette femme moins capable de réflexion , fe moque de lui, veut le détourner d'un état qui lui paroît fi pénible , & dont le feul récit l'effraie. Mais plus raifonnable qu'elle, il la laiflè parler , & méprife fes reproches : fur quoi il dit: Qui prend garde à femme, il eft for : Un homme ne doit prendre garde A chofe que die une femme ; D'elle-même fe mocque & larde ; Sa langue fans fin quelqu'un blafme î Il n'eft pas en paix de fon ame Qui cujde femme faire taire ; C'eft ung publicque fecrétaire .' Qui eft donc de femme charge Ne prengne garde à rien quel face, Il n'en peut eftre déchargé Far battre, reproche ou menace, ôtc, ; * 23 8 BIBLIOTHèQUE Il fuivit cet avis, prit fon repos , & CRINGORE dès quatre heures du matin , il retourna à l'on ouvrage. C'eft par où finit cet écrit, que je regardé comme une des meilleures productions de Gringore. Jl eft inuructif, & l'allégorie y eft bien fuivie. L'inftruétîon eft encore le but principal d'un autre ouvrage fatyrique & moral, qui eft anonyme, mais qui pane conftamment pour être du même .Gringore. Cet ouvrage eft intitulé : les Contredits du Prince des fotx., autrement du Songe-creux. L'Auteur y expofe ce qu'il y a d'avantageux & de déiavantageux dans chaque condition. Cefl un Avocat qui plaide pour & contre. Il fe revêt de deux perfonnages différens; l'un montre le beau côté de chaque état, l'autre en fait voir le laid en n'envifageant que les inconvéniens & les abus. Tous deux chargent leurs peintures. Mais celui qui étale les défàgrémens de chaque condition , me paroît outrer davantage. C'eft un Philofophe mécontent de tout, & qui n'ouvre la bouche que pour exhaler fa mauvâife humeur. L'Artifan& le Marchand, le Roturier & le Noble, l'homme de guerre & le Courtifàn, celui qui fui 'FRANçOISE. 23$ îe mariage & celui qui eil engagé dans '•—• les liens, le Payfan & le Bourgeois, GRiNeo** tous font paffés en revôë, loiiés & critiqués , vantés & méprifés tour à tour. L'Auteur fait entendre que fon but eft de mettre un jeune homme à portée de choifir un état, en lui faifant obferver tout ce que chacun a de bon & de mauvais. C'eft ce qu'il infinuë dès le titre de fon livre après lequel on lit ces vers; Pour éviter les abus de ce monde, De Songe creux lifez les contredits ; Et retenez deiîbubs penfée munde Ceulx de prefent & ceulx du temps jadis : En ce faifant par notables édicts, . Pourrez débattre & le frt & untr* , Et fouftenir allégant maints bons dits, Ce que par eulx en voye rencontra. Pour moi je crois que cet ouvrage eft plus propre à rendre indécis qu'à déterminer à un choix tel qu'il lbit, & à faire lin Mifantrope plutôt qu'un Philofophe raifonnable. Ce n'eft pas que l'Auteur ne diTe beaucoup de vérités , mais on voit qu'il fe plaît davantage à trouver du mal partout, & même à le groffir. Jl ne finit point dans ce qu'il dit contre le mariage, & il • eft aifé de vpir qu'il -étoit Xw-taërne fort mécontenc 2 te» BIBLIOTHèQUE : d'avoir pris ce parti. Il ne comprend! GRiNGORBpas comment un homme fage peut acheter une femme par un gros 'douaire ; & il ajoute , qu'autrefois il acheta la fienne fort peu, mais qu'il ne l'acheta que trop encore : Treize deniers l'ai achetée, X. ais par ma f u i , c'eft trop vendu : -Qui pour le prie me l'a baillée, Que par ion cou fuit-il pendu. Il y a auffi un chapitre entier contre les Médecins. Au refte quelque foin qu'ait Songe-creux de s'éloigner des opinions communément reçues, il s'en rapproche quelquefois, comme lorfqu'interrogé s'il faut préférer la feience aux richefles, il réfout la queftion par l'hiftoriette fuivante. Sur ce jadis une femme de nom Si répondit aûêz notablement, Quand on s'enquit de fon intention , Si fon enfant ferait riche ou favant. Elle reprit : le fçavoir eft moult gent : Mais qui riche eft, c'eft choie encor plus forte î Car onc ne vis qu'un riche plein d'argent Fus attendant un fage homme à la porte. Ort voit tousjours les gens fages requerra Les riches gens, & non pas au contraire. . %u- quoy, mon fils, fans de ce plus enquerre , Riche F R A N ç O I S t; y Riche fera, fi riche le pua faire. i^r ^^^——» Tout n'eft pas en vers dans cet ou- GRINGOBJ» Vrage ; il y a quelquefois de longues moralités ou de longues fatyres en profe. J'ai vu deux éditions de ces-Contre* dits : celle qui eft in-i 8. me paroît la plus ancienne ; mais elle eft fans date : la féconde eft in-i 2. & a été faite à Paris en 1530. par Nicolas Couteau. Gringore doit être l'Auteur de l\e*fitre de Cloriende à Rheginus, puifque l'Auteur, qui ne fe nomme point, die dans un Rondeau qui précède cette Epître : ljt~ Stngt-creux qui tous plaifans mots livre ; A vous, Monfieur, il préfente ce livre. Cette pièce eft fort peu de chofe , ai ne mérite pas que je m'y arrête. Enfin c'eft peut-être au même Ecrivain qu'il faut attribuer un recueil de deux cens cinquante Rondeaux, qui parut de fon tems , & dans lequel on trpuve fon génie & fon goût de vèrfification. La plus grande partie de ces Rondeaux confifte en proteftations d'a.mour, répétées en cent façons différent e s , & toujours d'une manière anez .platte. Les cent trois derniers contiennent plusieurs menus propos que deux vraje Jomt, XL L *4* BIBLIOTHèQUE amans ont eu n'a gueres enfemble depuis "G&utGORS U commencement de leur amour jufquà la mort de la Dame. Cette mort détermine l'un d'eux à embralîer la vie folitair e , & c'efl par cette réfolution qu'il finit en ces termes : ' Puifqu'elle eft morte, à mourir veuil entendre « Et le mien corps à pèche' frefle & tendre Je veulz offrir a faire pénitence, La regrettant en grande repentence, Et à préfcnt Hermite m'en voys rendre. Des biens que j'ay a ce les veulx defpendre Pour quelque lieu bien fort auftere prendre Où nuiâ & jour d'elle auray fouvenance Puifqu'elle eft morte. Ung Hermitage en voulant mort attendre - Faire y feray, ou à Dieu fans mefprcndre Tousjours priray que par la remembrante D e fa mort dure, prendre il daigne allégeance A la detriincte, & d'Enfer la deffêndre, Puifqu'elle eft rnorre. JEAN B 0 V C H E T. Jean Bouchet , contemporain da (3ringore, a été le plus fécond verfifiEdït. de Poi- cateur de ion tems. Il naquit à Poitiers tiers, in. foi. i e 30 Janvier 1476. Il dit dans fes An»«44 p- * »• gales d'Aquitaine, ouvrage aflèz ellimé, FRANçOISE.' .24$ Vannée 1475. le pénultième jour de Janvier , j"1entra] au monde par nativité natu- JEAN Boug relie & légitime. Mais il fuit le calcul CHET, qui étoit alors ufité dans fon pays, ou, l'année ne commençoit que le a 5 Mars. Il étoit fils de Pierre Bouchet, Procureur de la même Ville, qu'il perdit le 4 Juin 1480. ayant été empoifonné chez un Procureur de fes voifins & de tes amis chez qui il étoit allé fouper. Voici ce que fon fils dit de cet accident dans l'Epitaphe fuivante qu'il fit pour fon père, & qui efl imprimée dans fon Edit. de ro\* recueil d'Epitaphes qu'on lit à la fuite tiers » *"-'?{• de les Généalogies des Rois de France : \£' Cy gift le corps deilbubz ces durs carticrs D'un Procureur- du Palais de Poictiers , Très- diligent, loyal, fciemificque, Bon Orateur, ayant grofle pratique, Qui rut nommé Maiftre Piètre Bouchet : ' Par fa doulceur Angevyne accrochet Grâce de tous ; mais par grant infortune Print le poifon qu'une femme importune , Lubricque auffi ( telle en eftoit la voix ) Avoit muflee en la gouflè d'un poix Pour fon efpoux, qui rendit mort & blefme Le dict Bouchet, dedans le jour quatriefme, En Juin de l'an quatre cens quatre-vingts Avecques mil , qui fut tant peu de vins. De fept enfaas qu'il eut en mariage, Lij 244 JEAN BOUCIïET.» BlBiroTHEQTJE N'en Jaiflè qulun , ayant de quatre ans l'ange j Et luy des ans trente-trois, plaint de tous. Priez à Dieu qu'à fon ajne ibit douer. J3ouchet refté fils unique fous la tu-» telle d'une mère fage & qui l'affectionnoit, fut élevé avec foin , & appliqué de bonne heure à l'étude. Il avoit du goût pour les lettres, de la facilité pouf apprendre ; fes progrès furent prompts «Se heureux. 11 paroît qu'il tenta d'abord de fe faire connoitre à la Cour, & qu'il y follicita quelque emploi honorable & lucratif. On lit dans fes Annales d'Aquitaine ( page 319.) qu'au mois d'Avril 14.9 6. n'ayant guéres que vingt ans, il accompagna à Lyon quelques citoyens de Poitiers, qui y alloient trouver le Roi Charles VIII. Il eft vrai qu'il ne fait pas connoitre le motif de ce voyage; mais dan s fon Epître en proie à Florimond de Robertet, Chevalier, Baron Daluye, Conseiller dit Roy , Thréforier de France , & Secrétaire de fes Finances, qui eft à la tête du Panégyric du Chevalier fans reproche , Bouchet dit que peu de tems avant la mort de Charles V I I I , arrivée à Amboife le 7 Avril 1498. il avoit préfenté à ce Prince quelques légieres fantaifus ritbniées, & qu'en,faveur de ces produc- F a A K ç ô i s E. 2.4,$ tions de fon ignorante jeunefe, & k fon - "• importune & prière, le Roi ordonna à JEANBOU-; M. Robertet de l'employer ; ce que CHET# fortune, ajoute-t'il , ne voulut, k mon grant regret & perte. Il y a lieu de croire qu'une des pièces qu'il avoit préfentées à Charles V I I I , étoit la Complainte des Etats fur le voyage & guerre de Naples, imprimée depuis à la fuite de VAmoureux tranftfans efpoir. Bouchet voyant fes projets avortés, fe tourna du côté de la Pratique, & embraffalaprofeffiondefon père. Mais quoique les occupations d'un Procureur paroiflènt aflëz peu compatibles avec celles d'un homme de lettres^ il ne laiffa; pas de continuer à cultiver lesfciences, & de trouver affez de loifir pour compofer ce grand nombre d'ouvrages qui font fortis de fa plume. Les malheurs de fa: patrie favoriferent fon penchant pour l'étude. La pefte ayant affligé fept ou huit fois la Ville de Poitiers, Bouchet s'étoit retiré chaque fois à la campagne, où éloigné des affaires & du commerce du monde, il ne converfoit qu'avec fes livres , & employoit tout fon tems à la lecture & à la compofition. C'efè ce qu'il nous apprend lui-même danslar préface de fes Epîtres» L iij a^6 BIBLIOTHèQUE » La fréquentation dit-il, que j'ay JEAN BOU- » eue par naturelle inclination avec les CHET. ^ Mufes e n m o n adolefcence, & le la/miii^ci du » D e u r °i ue J' av P r l n s fans peine , mais Traverfeut.à 3 ,avecplaifir, à lire & entendre plui jV^rtn-fol. » fleurs livres des fciences humaines & aide plus hault fçavoir, m'ont perfuaai dé & indu ici à efcrire, dicler & cornai pofer plufieurs livres & traiclés mo:» raulx, hiftoriaux & civils jufques au » nombre de vingt-fept, où je me fuys ai occupé en fept ou huit mortalités ai peftiféres, la dernière defquelles fut » en l'an 1532., qui m'avoient exilé ai de la Ville de Poicliers, & contraint ai de me retirer , pour feureté de ma »perfonne, aux champs, en petite ai demeure efloignée de gens, toutes» fois plaifante de bois, fontaines , ai prez & verdoyants ombrages, où je ai vivois en folitude, féparé pour ce ai tems des cures palatines & compaiaagnées accouftumées. 31 Dans fa réponfe à une Epître de Maiflre Pierre Gervaife, au folio 25 de fes E pitres familières , il nomme ce lieu, la. Fillette au Bourg de Chaùvigné. Bouchet fçavoit d'ailleurs fe ménager à la Ville même des momens dont il profitoit pour faire fa cour aux Mufes, & il ne fe délaiToit F R A N ç O I S E , 247 du travail que par un autre travail. ' "1 " La Croix-du-Maine n'avoit point JEAN Bouvu ces Epîtres , lorfqu'il s'eft avifé de C H E T r le qualifier Avocat de Poitiers ; il n'étoit que Procureur, 5c jamais il n'a pris d'autre qualité. Ce Bibliothécaire s'eft encore trompé en le furnommant \'Ef~ ' clave fortune ; il n'y a eu que Michel d'Amboife qui ait été connu fous cette dénomination. Bouchera eu feulement lefurnom de Truverfeur des voies périlleufes, qu'il a pris au commencement de fes Regnards traverfans, & qui luieft demeuré depuis. Sa devife étoit H* bien touché. On ne fçait au refte prefque aucune particularité de fa vie. Il fe maria, 6c eut plufieurs enfans. Il dit dans fa quatre vingt-quinzième Epître familière, qu'il en avoir huit v entr'autres, trois filles qui étoient mariées. Il parle ailleurs d'une autre de fes filles, qui fe fit Religieufe à Sainte Croix de Poitiers, & d'un de fes fils nommé Gabriel, à qui il adrefle fa cinquante-unième Epître familière; ce jeune homme étoit alors au Collège. L e dernier ouvrage de Jean Bouchet eft de 1550. & il avoit alors foixante-quatorze ans. Il avoit été en relation avec plufieurs Savans fes contem- j L iiij iijj Bi^noTHïQr/3 ! poraîns qui l'eftimoient & faifoienreas? jEANBou*de fes ouvrages : c'eft ce qui a fait d i r e CHET, ^ Pierre Grognet dans fa notice d e s Poètes du même fiécle : Jean Bouchet eft homme lavant ,' Point n'en voy qui aille devant. * Le premier de fes écrits eft VAmottfeux tranfi fans efpoir. Cet ouvrage eft de l'an 1500. quoiqu'il n'ait paru qu'en a 507. C'eft un recueil de plufieurs pièces dont quelques-uns font de la première jeunefle de l'Auteur. On y trouve ces legieres fantaiftes rithmées, que Bouchet préfenta à Charles VIII. entr'autres la Complainte des Etats fur le vojaige & guerre de Naples, & nn y a joint la Chronicque dufeu Roi Charles VIII, de ce nomy qui contient ce qui s'eft pafle depuis la mort de ce Prince jufqu'au couronnement de Louis XII. &une Complainte fur la mort du même Charles VIII. Bouchet dans la foixante-uniéme de fes Epures familières, de l'an 1 5 3 0 . ! François Thibault, parle ainfi de tAmoureux tranfi, & du plaifir qu'il trou> voit dans l'étude : Autre plaifir n'ai guère prins au monde Depuis trente ans, & ne fçais choie immonde Avoir écrit, fors en l'an mil cinq cens F R A N ç O I S E . Que loi imour avoir furpris mes fens , Qui contraignit ma folle main cfcrire L'Amant tranil, voulant amour décrire : . Dont ( à non tort ) me repentis foudain Par un livret raifant d'amour dédain. 249 »t——— JEAN B O U CHETt •Ce Livret efl celui des Angeles & remèdes d'amour du Traverfeur en fon adclefcence. Ce que Bouchet dit de ces premiers effais de fa veine , dans fon Èpître en profe à Louis, Seigneur d'Elîif. fac, mérite d'être rapporté, ce Au dé-ce partir, dit-il, de mon imberbe & fol- ce le jeuneflè, appelle d'aulcuns au fe- ce cours de leurs amoureufes entrepri- « fes, les voyant d'amour improbe fur- ce montés & vaincus , & es deftroits de ce defefpérée rage ; l'un d'iceulx tranfi ce fans efpoir, l'autre éloigné fans caufecc & aceufé de follement aymer ; &l'au- ce tre prelTé d'amour non voulue : feis à ce chafeun d'eux , à leurs prières & re- ce quelles, un Lay d'amours, & auffi à ce une jeune Damoifelle féduite par un c« defloyal cœur. Et depuis pour les def-cctourner de fi violentes & conciables ce affections , commençay faire un re- ce mede contre leur amoureux mal, & ce pour tous aultres de celle furieufe , ce impatiente & perilleufe maladie tou- ce chés & bleffés, par doulces inveclives « LT 2.50 BIBLIOTHèQUE » & remonftrances attractives & vériJEAN BOU- „ tables. Certain temps après ( en CHET. » i çoi. ) avant qu'avoir prins fin & » conclufion en ces petits labeurs , ne » es Regnars traverjms & Loups ravifans (que l'Auteur femble compter ailleurs pour le premier de fes écrits) » aulc-uns Imprimeurs de Paris, où lors xftifois demourance, plus défireulx du » rembourfement de leurs bourfes que » de leur honneur ne du mien , avoient » trouvé moyen de retirer partie de »mes compofitions petites , & les » avoient incorrectement imprimées, s> & à icelle baillé nom & tiltre à leur » plaifir, dont depuis y eut procès en » la Cour de Parlement, diffini à la :»confufion d'aulcuns defdits Impri» meurs. Ce qui m'avoit empêché de » faire préfent du vray original , à » ceulx aufquels mon petit efprit avoit » les chofes deftinées. Et combien que » ce me fuft en ce temps injure, ce » m'a efté depuis plaifir. Car ignorant » lors la vraye obfervance de doulce & » confonante rythme Françoyfe, avois x fuivi ceux les termes defquels m'ax voient efté plus plaifans que l'obferx vance des reigles des bons & vrays » Orateurs vulgaires, où plufieurs font •F * A w ç o r S E ; x^i «ncore abufés. Je ne fynalymphois « • i ^ lors les quadratures de la rythme de « JEANBOUdix & onze pieds, comme ont tou- ce CHAT* jours fait Georges, Clopinel^ Ca- <c *ltel, Jean le Maire, & aultres irré^cc préhenfibles Orateurs Belgique?, qui «c eft néceflairement requis. Et en ryth-.cc me plate , qu'on appelle Léonine , « rfordonnois ne entrelaflbis lesmafcu- c« lins & féminins vers, comme a com- «: munément fait M. Octavian de Saint <« Gelais, Evêque d'Angoulefine, en fes ce Epîtres d'Ovide & jEnéïde de Virgi-.cc le par lui de Latin en Françoys tra- ce duites ; defquels j'ay curieufement ce fuivi la phrafe, en ce que mon rude ce engin en a pu comprendre ; & aufli « de la facilité dû langage des opufcules <« cSclugubrations de M. Mefihinot, lorf- ce qu'il vivoit, Efcuyer & Maiftre-d'Hoftel ce du Duc François de Bretaigne. Appre- ce nant de chafeun d'eux ce que trou- ce vois bon, fans offènfer la rigueur des ce . '. reigles ; puys ay mis en ordre tel. que ce je defirois, mon remède d'ajmer , le- «c' quel je vous envoyé, &c. » Ce livre contient donc également l'Amant tranfi' & le Remède d'amour. La Croix-duMaine en cite une édition de 15 ô i » ' C'eft, fans.doute , celle dorit Bouchée " Lvj 2<2 BlBllOTHEQUB fe plaint. Il feint dans fès Angoijfet JEANBOU- •que CHJST. Envellopé des amoureux abus En la fureur de fa jeuneflë folle i Qui plufieurs gens, perd, confomme & aflblle , Vu premier poil de la barbe couvert, p'adolefceace eftant au defcourert, îl alla fe promener de grand matin, & qu'étant arrivé près d'un bocage agréa» b l e , il entendit les complaintes D'ung pauvre amant, palle , maygre & tranfy , RempJy d'angoiiTe & d'amoureux foulcy , «Se qu'il mit par écrit ce qu'il entendit. Il recueillit de même les plaintes des autres amans qui furvinrent. Ainfi ce recueil contient plufieurs Elégies, ou les complaintes de Y Amoureux tranfi fans efpoir; de l'Enfant bannj qui aime far honneur j de Y Amant fecret qui plus qu'il ne veult, ajme ; Se de la Dame fe aompleignant de fon ieflojal amy. Ces quatre Elégies font entremêlées de récits & de réflexions, & de quelques Ballades & Rondeaux que l'Auteur met dans la bouche des amans qu'il fait parler. Il fuppofe enfuite que lorfque ceux-ci eurent fini de fe plaindre , Pallas, ou la Raifon furvint, les inf- F R A N ç O I S E . ' .25$ truifit de la nature & du caractère de • fol amour ,.des dangers où il expofe ceux J £ AN ^°v* qui fe livrent à lui, des maux qu'il leur CHET# fait fouffrir ; des avantages de la chaft e t é , des moyens de remédier à la paflion de l'amour, & enfin de la beauté de l'Amour divin. Un des remèdes que Fallas donne contre l'amour , c'eft de s'interdire toute lecture qui pourroit entretenir cette paffion : fur quoi elle dit : Ne lifez plus Térence es Comédies, Ne l'art d'aymer d'Ovide le Poète : De Callimach laiilëz les Elégies , Semblablement les Carmes de Philete. ^Que voftre efprit nullement le délecte De lire Ovide en les doulces Fpiftres, Ne Tibullus ; laitTez Troya feulette. Ils furent tous en Part d'aymer Magiftres. Et aufli peu lirez de Charretier Tues Laiz d'amour, ne Romant de la Roze: De Fiorimond vous n'avez grant meitier , Ne des Romans qu'à plailir on compofe. Lifez Traiâez dont la matière expofe Dictiez mouvans à vivre chafteinent, Et aymer Dieu de coeur fur toute chofe, Et le prochain en Dieu femblablement. Bouchet fut fidèle à fuivre ces maxiorges dans tous les ouvrages qu'il donna 554 BlBlIOTHEQUB ' '•• depuis ; il y ramené prefque tout à fa' J E A N a ° u - morale. C'eft en particulier l'unique but qu'il s'eft propofé dans fes Regnxrds traverfans les périlleufes voies des folles fiances du monde , dont on a deux anciennes éditions Gothiques, in folio. J e ne fçai pourquoi l'Auteur, dans une de Ep pan. i. fes Epitres , compte cet ouvrage pour r*'11' la première defesproductions ; on vient de voir le contraire ; & il eft certain par ce qu'il dit lui-même au commen-' cernent de cet écrit allégorique, qu'il ne peut être le premier fruit de fa plume , puilqu'il avoit environ ving-huit ans lorfqu'il leproduifit, & qu'il étoit Auteur, même avant fa vingtième année. Voici en effet de quelle manière il commence fes Regnards traverfans : Jeune fuis, & n'ay pas des ans trente, Non vingt & huit ; toutesfois je me vante D'avoir plus veu que je ne dy , ne compte. L e commencement de ce livre eft en profe & en vers ; mais dans la fuite Boucher parle rarement en profe. C'eft un amas de moralités que l'on trouve partout, & que l'Auteur s'eft plû à rimer. La plus grande partie de fes vers commence par j'ai veu. Mais il ne faut pas s'attendre qu'il va rapporter une F R A N ç O I S E . 25c longue fuite de faits. Son livre n'eft -= prefque qu'une prolixe lamentation fur JEAN BOU» les péchés publics, & par conféquent CHET« une defcription des mœurs de fon tems, qui étoient fort dépravées, fi cette defcription eft fidelle. Dans le petit nombre de faits qu'il rapporte, & dont il paroît ne fe dire le témoin, que parce qu'ils s'étoient panes depuis qu'il étoit au monde, il dit qu'il avoit vu les Turcs Lever des fiéges en ung an plus de tîx : Qu'il n'y avoit pas trois ans qu'il avoit vu en l'air des croix Gouttes de fang rendant vifiblement. Il déclare enfuite que fon but en compofant ce livre, a été de repréfenter les vices qui corrompent tous les états, lbus l'emblème de Renards qui ravagent les champs par où ils panent, défaire connoître les effets de ces vices , & de détourner de ceux-ci en infpirant de l'horreur pour eux. Mais il ne fe renferme pas dans des defcriptions générales , il attaque chaque condition en particulier, & montre que chacune eft coupable du vice qu'il combat. Ces peintures m'ont paru trop animées : feouchet eft moins un maître qui ne v 2<y6 BrBtlOTHEÇUE' cherche qu'à inftruire, qu'un cenfeur jEAN.Bou-de mauvaife humeur qui blâme tout «HET. indiftinéiement, & qui ne voit partout que des crimes & des partifans du crime. Son livre eft rempli de perfonnalités, plus propres, félon moi, à bleffer qu'à éclairer. A l'en croire, il n'y avoit aucune partie faine dans les corps les plus nombreux, comme ceux des Religieux mendians, des Moines de Saint Benoît & de Saint Auguftin ; ni parmi les femmes, aucunes qui fût fage & Vertueufe. Il appuie fes réflexions par des exemples qu'il tire indifféremment de l'Hiftoîre fainte, de l'Hiftoire profane & de la Mythologie. Enfin, pour ne rien omettre, il entre dans le détail de tous les arts libéraux, & de l'abus que l'on en fait, ou que l'on en peut faire. Sur les Poètes, il dit entr'autrès : L'ung ryme à tort 8c à travers , L'autre ne befongne qu'en profe ; L'autre fait des Dictés par vers, Ou raille en beaux termes couverts » Tant que c'eft une belle chofe. L'ung fçait le Rommant de la Rofe, L'autre allègue Mathéolus ; Ou parle du vent Eolus, F R A N ç O I S E . 357 D'aucunes Nymphes ou Dryades, •••• 1 » Pour faire fauvaiges ballades ; JEAN BOWEt aucunement ne congnoift CHEV. De terme qu'il parle que c'eft > Et fi cuyde dire très-bien : Mais cefle Orature fi plaift A gens qui n'y entendent rien. Cet ouvrage ne fut point imprimé fous le nom de Jean Bouchet, mais fous celui de Sebaftien Brand, & voici la raifon que Bouchet nous en donne dans l'Epître xi de la féconde partie de fes JEpîtres morales-, où après avoir dit aux Imprimeurs & Libraires , à qui cette Epître eft adreflee, qu'il écrivoit .depuis plus de trente ans, il ajoute : Depuis ce tems vous avez imprimés Douze Traités cy-aprés exprimés , - Faits & tifius par ma Ample Minerve ' En m'cibattant ; quinze encore en refcrve Pour imprimer quand je verray le temps} Tout à l'honneur divin où toujours tends , Et au falut & proftit de mon proche : Je le fupply n'y acquérir reproche. . Le premier fut les Regn»ris trtvcrfims , L'an mil cinq cens , qu'avois vingt & cinq ans. Où feu Virsrd pour ma Ample jeuBefle - Changea le nom , ce fut à luy fineflè, .L'intitulant au nom de Moniteur Brtnd ' i<)% BIBLIOTHèQUE Un Alemanc en tout fçavoir très-grand, J E AV B o u *HET« Qui ne fçeut oncq parler langue Françoue, Dont je me teû, fans pour ce prendre n o i f o , Fors que marri je fus dont ce Vérard Y ad jouira des chofes d'un aultre art, Et qu'il laifla très-grant part de ma profe , Qui m'eft injure ; & à ce je m'oppofe Au Chaftellet, ou il me paciffia Pour un préfent lequel me defdia. Voici l'éclairciflèment de ces vers. Parmi les poëfies Latines de Sébaftien Brand, imprimées à Strafbourg l'an 14.98. i n - 4 ° . il y a une Elégie de cent vers adreflee à Maximilien , Roi des Romains, fous le titre de AlopeViomacbia, de fpeftacuto confUftuqtte Vulpium, Comme cette pièce eut beaucoup de cours, Vérard crut que fon édition des Regnards traversant de Bouchet feroit d'un meilleur débit, s'il la faifoit paroître fous le nom de Brand. Ce que ce procédé peu régulier occaflonna, eu. expliqué dans les vers que je viens de rapporter. Ce qui paroîtra affèz fingulier, c'en, que Vérard qui vouloit faire croire que Brand étoit l'Auteur de cet ouvrage, y a néanmois laiflë à la fin du treizième chapitre un endroit qui décelé le véritable Auteur. Cet endroit ell intitulé : Exhortation où par la F R A N ç O I S E . 559 premières lettres des lignes trouverez, le nom de P A Heur de ce préfent livre & le JEANBOUlieu de fa nativité. Or ces lettres raflèm- CHET« blées font Jehan Boucbet natif de Pot' tiers. Bouchet avoit d'abord terminé fon livre à ce treizième chapitre; mais il y fit depuis de longues additions fur la vanité des fciences, fur les vices, & fur les différens états de la vie ; & y ajouta une exhortation à un mourant, qui égale prefque en longueur le relie de l'ouvrage. Cet écrit fut fuivi de beaucoup d'autres ; & voici l'ordre que l'Auteur leur donne dans l'Epître que j'ai déjà citée : Secondement feis Vkifitirt à Cletaire Roy des Françoys , & fans me vouloir taire Feis par après la Défloration De jointe Egltfe , & par affection Feis quartement le Cbappelet des Princes Tait pat Rondeaux, aulcuns bons, aultres minces, Et par après le Cantenne dictay Où mains bons mots à Jeuis-Chrift dict ay Et à fes Saints , puis feis plusieurs Ballades , Et maints Rendetnx , non pour les gens malades Du mal d'aymer, mais pour les gens devou Prenans plaifir à lire divins motz Une euvre après fut par moy confomme'e lai Temple dit de benne renemtnief 200 ÈrBirorHEQUE • J E A N BOU- Le Lakyrintke feis de Fortune après Où les labeurs du monde on veoit bien près* CHET. L'ouvrage après que je feis le plus proche Le Chevalier tut nommé fans reproche. Dix ans avant j'avois encommencé Vng aultre livre où me fuis avancé Efcrire au vray mainte hiftoire certaine Dont le tiltre eft, Annales d'Ajnitaine ,Que mis à tin l'an prochain précédent Lt Cirvalier , qui luy tut fnccédant. Après je mis, voire fous maints paraphe» Des Rojs Francojs au long les Epltaphes, Qu'à Monfeigneur le Daulphin prefentay. A Bonnivet ; encore à préfent ay Aultre Traitté pour luy qui eft en lame j Finablcmerit des Triomphes de VAmt Fuc faite préfent à la Reine en parlant Près de l'oiiticrs, laquelle allois traffant. L'Epître où Bouchet parle ainfi r e(t du mois de Mai 1534. Pierre Gervais, jijfejfeur de l'Ojjicial de Poitiers dans une autre Epître adreiTée à notre Auteur, & qui eft la vingt-deuxième entre les Epîtres familières de celui-ci, change 'un peu l'ordre des compofitions de fon a m i , 6c en ajoute quelques-unes don: Bouchet ne fait point mention dans l'Epître citée, Gervais après avoir dit que Ion ami avoic acquis F R A s ç o i s K. iSr : '. par fon efprir, honneur A compoferlivres de grant labeur, il ajoute : Et tout premier les Rernsrds traverfans j OU ne verras que chofes de bon Cens : Secondement, Se pour l'euvre féconde VUiftoire feit de fainte Fadetonde ; Et le tiers tut Je Remède d'amours, Ou l'on peut veoir plufieurs amoureux tours ,Avec le quart, ainfi que je contemple , Intitulé, de vrai honneur le Temple , Où font coinprins les gens bien renommés Par leurs vertus, en ce livre nommés ; Puis il a fait, j'entends fon euvtequinte. Des fortunés la fente eu labyrinte , Et ung Epiftre h tous les Jufticiers, Cens de praticque & Royaux Officiers. Après a fait de feience haultaine La vraye bifloire Annalle d'Acuuitaiue ; Subféquemment un Ahritl des Rois De ceftuy Royaulme, & leurs mors & defroys ; Et le dernier, qui de mon cueur s'approche,Eft appelle Chevalier fans reproche. D'aultres Dictés, Chanfons & Bergeries^ Xoralités il feit fans flatteries, Bons Trioletz , Ballades & Rondeaux , En vers couppés & carmes tout nouveau»: Et de prêtent, fon occupation • Et paire-temps, eft pour la PaffioB STSSSSOl JEAN BOW CJtET, 2.6 2. ^ » ^ ^ f i JEANBOUCHET. BIBLIOTHèQUE Ou vray Saulveur prôpaller par myttere, Car t r e s - p i e n "r*'1 conduire tel affaire; C'eft en la Ville & Cité de Poitiers, Où maintes gens iront très volontiers. Cette lettre doit être de i 5 3 2. Du moins la réponfe qu'y fit Bouchet fut écrite durant la pefte qui affligea cette année la ville de Poitiers : Efcript un jour fâcheux te rechigné, En la Villette, ou Bourg de Chauvigné, Où feis jadis rime de mainte taille , Lorfque fuyois d'Atropos la bataille. Je reprens les ouvrages dont il eft fait mention dans les vers que je viens de citer. LHiftoire & Chronique de Clôtaire I. Roi de France, & de fainte Radegonde fon époufc , fondatrice du Monafere de Sainte Croix de Poitiers, a été imprimée à Poitiers en 1557. in-4, 0 . Cet ouvrage n'eft pas aufiî eftimé que les Annales d'Aquitaine , quoique plus rare, &fingulier dans ce qu'il contient. L.'Epiftre dejuftice à Vinftruclion & honneur des Miniftres d'icelle ; le Chappelet des Princes, & la Déploration de TÊglife excitant les Princes à paix , après avoir paru féparément, furent revus & corrigés par l'Auteur, qui les réunit F R A N ç O I S E . -26*3 &les publia en 1526. avec diverfes' Ballades morales. Le but de l'Epître eft JEAN Boude faire l'apologie de la profeflîon de CHET« Procureur, & de donner des avis à ceux qui l'exercent, comme Bouchet le dit dans l'Epître préliminaire qu'il adrefle à Germain dymerj. Mais l'Auteur qui ignoroit la précifion, ne fe borne pas à ces deux points ; il parle encore de la diverfité des Loix divines & humaines, de celles qui ont été fuivies dans les différens âges du mond e , des Loix Civiles & Eccléfiaftiques, des différentes fortes de Juges qui ©nt> été établis dans le Judaïfme , dans le Paganifme, & depuis l'établiffement de la Religion Chrétienne, des devoirs des Rois comme Juges de leurs peu-' -pies. Après quoi il paffe des Juges fupérieurs aux Juges fubalternes, fans oublier ni les Sergens, ni les Exécuteurs de la haute Juftice. Cette lettre eft de 15 24.. & l'Auteur l'a fait réimprimer avec fes autres Epîtres morales : elle eft la cinquième du fécond livre. Comme dans cette Efiftre de Juftice il parle autant en Théologien qu'en Jurifconfulte, autant en Moralifte qu'en Politique, il eut l'attention de la faire examiner par un Théologien qu'il loué 264 BIBLIOTHèQUE =5 beaucoup , & qui étoit Religieux de JE*N BOU- l'Ordre de faint François. C'eft , fans CHET. doute, (xexejean de Trojes, de l'Ordre des Frères Mineurs, dont on lit une Epître Latine en profe au-devant de l'édition de 1 5 26. Le Chapelet des Princes efè un recueil de cinquante Rondeaux & de cinq Ballades, adreffé à Charles de la Tremaille, comme on le voit par les lettres capitales des deux premiers dixains du Probéme en Ballade. Les Rondeaux contiennent des inftructions pour les Princes,; & après chaque dixième Rondeau, eft une Ballade. La première eft fur les peines inféparables du commandement ou de la fouveraineté. Les quatre autres font fur les quatre vertus qu'on appelle Cardinales. Ces pièces font fuivies d'environ trente Chants Royaux & Ballades,. qui renferment encore Bien des moralités. Dans une de ces Ballades, Bouchet répond ainfi à ceux qui lui reprochoient apparemment de ne point fréquenter la Cour : Quand je oy parler d'un Prince & de fa Court » Et qu'on me d i t , fréquentez-y, beau Sire : Lors je refpons, mon argent eft trop court Je y defpertdrois fans caufe miel & cire j _ Et qui de Court ralkhement defjrc, F « A » Ç O I S E. 465 ÏJ n'eft que ung foui, & fort-ce Parceval : Car on fe veoit fouvent ( dont j'ay grant ire ) Très-bien monté , puis foudain (ans cheval. Adverty fuis que tout bien y a court, Et que d'argent on y treuve à fuffire ; Mais je fçay bien que diffiue & décourt Comme' argent vif fur pierre de Porphire. Argent ne craint (on maiitre defcoufire ; Mais s'esjouyft aller par mont & val, En le rendant pour en deul le confire , Très-bien monté, mais foudain fans cheval, & c - — ^ — « . J E A N Boita C8ET. -t Dans la dernière pièce, l'Auteur introduit l'Eglifè qui fe plaint de l'héréfiede Luther, de ceux qui s'adonnent aux maléfices & à l'Aftrologie ; des vices des Eccléfiaftiques, & en particulier de la fimonie;du mauvais ufage des biens de l'Eglifè ; du peu d'attention des Supérieurs à ne faire choix que de bons fujets pour les élever aux faints Ordres & aux dignités Eccléfiaftiques. Après ces reproches mêlés d'inftructions qu'on ne s'attend point de voir fortir de la plume d'un Procureur, l'Eglifè s'adrelte elle-même à chacun des Ordres qui compofent l'Etat Eccléfiaftique, même au Pape, pour les exciter tous à réformer les abus dont elle fe plaint, & à être eux-mêmes des mo» Tme XI. M i.66 BïBiroTflÉQTjt dtles que l'on puiflè imiter. Elle comJF *M Bou- parc les premiers tems de l'Eglife à ceCIIET. lui qui fait l'objet de fes gémiflèmens, & l'on n'a pas de peine à comprendre que le paralelle n'eu pas avantageux au dernier. Ellefe plaint de la guerre, fait l'éloge de la paix, & exhorte les Princes à fe réunir pour concourir à la réformation des mœurs & à la deftruction des abus. Elle leur reproche d'avoir laine enlever Pille de Rhodes par les Turcs, de voir tranquillement ces Infidèles maîtres des lieux faints, & les preflè de s'armer contr'eux. Enfin Bouchet loue le Concile de Balle & la Pragmatique, & fe fâche très-férieulëment de ce que les réglemens qui en font émanés, fe trouvent prefque abandonnés. Toutes ces pièces, à l'exception de l'Epiftre de Juftice font réimprimées à la fuite des Généalogies & Epitaphes des Rois de France, à Poitiers 1545. in-folio. Les Cantiques de la fainte & dévttt orne y amostreufe & époufe de notre Stigneur Jefus-Cbrijl , font une nouvelle preuve de la piété de l'Auteur. Bouchet parle de ces Cantiques dans là quatre-vingt-quinzième de fes Epîtres familières, à Louife de Bourbon, Ab- F X A. W Ç O I S E. iéy béflè de Sainte Croix de Poitiers, & ' • dit qu'il les a traduits ou imités d'un JEAN Bovouvrage Latin, qu'il ne nomme point; CHET. M'a femblé bon de TOUS taire prêtent D'un mien Traicté plus dévot que plaifant, Ou j'ay deduyt par forme de prières De ceft Amour divin plufieurs manières, Suyvant un livre en Latin bien tiilii, Et fort dévot, dont mon euvre eft yflu, fcc. Après ces Cantiques, Bouchet met dans la lifte de fes écrits le Temple de bonne renommée, & repos des hommes &. femmes illuflres, trouvé par le Traverfeur des voies périlleufes, en plorant le très-regretté décès dufeu Prince de Thalemont, unique fils du Chevalier (3 Prince jans reproche. Cet ouvrage a été imprimé dès i 516. C'eft un panégyrique en vers de Charles de la Trémoille, Prince de Tallemont, fils unique de Louis de la Trémoille, Vicomte deThouars, &c. Charles s'étant trouvé à la journée de fainte Brigitte, c'eft-à-dire , à la bataille de Marignan à une lieue de Milan, qui fe donna le 16 de Septembre , ou félon Mézerai, le 13 d'Octobre 1515. y fut dangereufement bielle, & étant mort de fes bleffures à l'âge de trente ans,fon corps fut porté à Thouars Mij 269 BïBIIOTHHQUB . au mois de Mars fuivant. Bouchet étoie JEA^BOU- connu de ee jeune Seigneur qui feplai* CHET. pQjt ^ ij r e pes p0ëfies ; il en avoit même reçu quelques bienfaits, & il avpit lieu d'en attendre de plus confidérables. L a douleur & la reconnoiflance l'engagèrent donc à écrire ce petit Traiclé, par lequel, dit-il, je entends principalement efirire les nobles meurs f? conditions dudiclfeu Prince de Tbalemont, la louable forme de fin décès ; & fubféc'utivement en ensuivant mon propos, remémorer & raconter les faitz, & gefies daulcunes vertueufes perfinnes, hommes & femmes de totts efiais, qui vivent & vivront par bonne renommée...... afin de inciter les lecleurs à vtrtut,. Dans ce panégyrique, Bouchet après avoir décrit la bataille de Marignan , plus en Hiftorien qu'en Poëte, fait unç longue lamentation fur la mort de Charles de la Trémoille, & prenant ce-jeune Seigneur dès fon enfance jufqu'au temsdefamort, il raconte toutes les belles actions qui l'avoient diftingué. Les faits guerriers de Charles font connus : mais Bouchet le loue auffi fur fes poëfies. tth l*V par patte-temps Rondeaux faifoit, Et conipofoit F R À tf Ç O I S fi. Sourent, quand le temps luy- difoit, Virelays Se métré héroïque ; Son propos fi Mes conduifoit, Ou giflait Son poinct» que le fens reduyfoit Ou vouloit, moral ou myftique. Il aimoit auflï la Mufique , Et bien fouvent s'y déduyfoit : C'étoit ung efprit Angélique, Non ruftique ; Bref tout bon loz en luy gifoit. jjfjo J E A N BOWCHET. Le Poëte entrant enfuite dans une efpéce d'entoufiafme, mais ou il perd bientôt haleine, ajoute : Sors du tombeau, noble Orateur Pétrarque Qui des Tufcains Orateur fuz Monarque» Et ce Seigneur en tes Triumphes mecrz ; S'il cuit efté du temps que fut Plutarque , Collaudé fuft tant ou plus que ung Tétrarque. Bouchet prend une voie différente pour loiier fon héros; il a recours à la fiction. , Sous prétexte de chercher le corps du jeune Prince, il demande s'il ne feroic pas avec Jupiter, avec Mars, avec Venus , &c. & panant ainfi en revûë toutes les Divinités de la fable, il conclue . chaque fois qu'il n'eft pas avec elles , parce que ces Divinités ont eu ou des M iij ,27° BlBIIOTHEQXJE •• défauts dont il étoit exemt, ou des oc-' EANEou "cupations qui ne lui conviendroient pas. Cibelele voyant las de chercher, le reprend de ce qu'il a pu s'imaginer que le jeune héros pouvoit occuper u n e place dans l'Enfer poétique , lui dit que cet Enfer, tel que les Poètes l e repréfentent, n'eft qu'une fiction inventée pour inftruire les mortels, & elle lui en donne l'explication, qu'elle conclut par lui montrer la place où eft celui qu'il cherche : Il eft aftis au terrouer d'honneur OH les vertus tiennent leur réïidence > Environné du fleuve de boneur, Fort eiloigné du Chafteau de douleur , Deûus un roch de moralle évidence. Cibele lui ayant montré la route qu'il doit prendre pour arriver jufqu'en ce lieu , il fe met en chemin ; plufieurs fentiers l'embarraffent ; prudent Avis s'offre d'être ion conducteur, & le mené dans le champ des Vertus, où il lui fait voir les demeures de Religion & de Dévotion, de Foy publicque, de Difcipline militaire , de Prouejfe, de Force , de Juftice, de Tempérance, de Libéralité, de Clémence, des Arts & des Sciences ; Si enfin celle des Dames illttftres. Pru~ r F R à N ç cr r S £ s^r -•'Aerit Avis fait arrêter notre voyageur à = = = a chacune de ces demeures pour lui enJEANrBoufaire la defcription , & louer ceux qui C H E 1 / .y habitent, tant les anciens que les modernes ; les Grecs, les Latins, les François, ceux que la fable célèbre, & ceux dont Phiftoire fait mention. Ces éloges font fouvent accompagnés de paralelles où l'Auteur met en oppofition les mœurs de fon tems avec celles des âges précédens. Par exemple, après avoir parlé de ia difcipline militaire des anciens Romains, &du luxe qui en étoit banni, il ajoute : PluJieurs qui n'ont trois cens litres de rente Portent draps d'or en robbe, voire en mente , Et ont Laquais , Barbier , 8t doubles Pages, Où tout s'en v a , tant revenu que gages : Puis ces bragars , quant ils en font au bout, Et que contraincts ils font de vendre tout, Mauldiffent R o y , fon fervice & Maifon, Difans tout haut qu'on ne leur fait raifon , E t que tout l'or & l'argent du Royaulme Sont foubz la plume, & non deflbubz le heaulme. Peu après parlant du maniement des finances chez les Romains, il invective' contre les Financiers de fon tems. Mais ce qu'il leur reproche, s'elt dit dans tous les tems. PalTant enfuite à M iiij Fol. xxx. 'pjx BIBLIOTHèQUE - '' eeux qui fe font diflingués par leur JEAN Bou-amour pour la juftice, il dit q u ' o n lui CUIT. jCt v o j r i e s tombeaux de plufieurs Juges célèbres dont il ne fe rappelloit pas les noms : » Fors d'un vieillard nommé Jean Vacquerie , Que vingt ans a je vy fans menterie , Ou Parlement de Paris prélïder , Es les procès juftcment décider C'eftoit ung Juge en faict, diét & faconde Très-fuffifant pour gouverner ung monde. Il n'eftoit point cnrial, ni fringueur , Et fi ne ufoit de trop grande rigueur. Par crainte , amour, ne defir de pécune , Ne par faveur ne comrnift faulte aulcune. Idieuht euft amé quitter au Roy l'office, Que par fa coulpe on feift ung maléfice. Prudent Avis ayant fait féjourner l'Auteur plus longtems qu'ailleurs dans la demeure des Arts & des Sciences, Bouchet s'arrête aufli davantage à en faire la defcription. Il y vit les Poètes, les Orateurs, les Philofophes Grecs & Latins, & il nomme les plus connus. Mais nos François furent ceux qui fixèrent principalement fon attention. Oh fent que c'eft avec plaifir qu'il parle'de Jean de Meun , d'Alain Chartier, de Milet, de George Ç h a M a i n , de Ca- FRANçOISE. £75 lrel, des deux Grébans, de Mefchinot, -t & de plufieurs autres. La poëfie dans JEAN Botv laquelle ces Ecrivains fe font exercés, CHET« lui donne lieu de faire l'apologie de cet art contre ceux qui le méprifoient, & de prendre en particulier la défenfe de ceux qui compqfoient en François. Il nomme auffi ceux à qui on attribue l'invention des Arts & des Sciences, & il fait honneur à Pierre Scboiffer de l'invention de l'Imprimerie : • Après je vyfoubzune giollè pierre Ung Alemarr lequel fur nommé Titrrt T - Qui le premier trouva l'impreffion, Et à Magonce en fut l'invention. Quand Bouchet eut vifité la dernière demeura , celle des Dames illuftres , H entra dans le Temple de bonne renommée , dont il fait pareillement la defcription. Il y affilia aux obleques du Prince de Tallemont, & entendit l'oraifon funèbre que l'on y prononça. Il ne manque pas de la rapporter., de même que les Epitaphes qui furent faites pour fon héros, par là Religion & par chacune des vertus quipréfidoient aux demeures qu'il avoit vifitées. , Les larmes que Bouchet avoir réijauduës fur la, mort du Prince de Tai~ Mr 274 B l B IIOTHEQTJE =lemont, dévoient être eiîuyées , lorfJEANBOU-qu'il lui en fallut verfèr de nouvelles fc CHAT. environ dix ans après, fur la perte du père de ce jeune Prince, Louis de la Trimouille qui fut tué à la fatale journée de Pavie en 15 25. Attaché à cette Maifon par eftime & par reconnoiflanc e , Bouchet ne manqua pas de témoigner l'une & l'autre, en écrivant l'hiftoire de celui qu'il regrettoit. Elle eft intitulée r U Fanégyric du Chevalier font reproche. C'en un ouvrage en proie, mêlé de vers. L'impreuion en fut achevée à Poitiers le 28 Mars 15 27^ Ce n'étoit pas avoir employé trop de tems pour compofer & rendre public un écrit de près de deux cens feuillets in-a". ju?. Air 1rs „ Dans cette hiftoire , dit M. l'Abbé au't ». iiefon » le Gendre, Bouchet ne flate que fbn !"*• Ae Vr-x> héros ; & quand par occafion il par' 3 3 le des Rois & des Reines, il ne dé» guife point ce qu'il en fçait. L a defx cription qu'il fait de la bataille de S. x Aubin ( fol. 5 6 & fuiv. j que gagna 93 Louis de la Trimouille> eft la plus » belle que j?aie lûë. Dans Wiiâoire de s>ce héros, eft contenue en. abrégé cel» le de Charles V I I I , de Louis XII „ s> & une partie de celle de François L » M. l'Abbé le. Gendre ajoute t que £*** F R A N e o r SE. s.y<sy (het eft un homme entendu, & qui s'ex1 frime en bons termes. Il eft certain que JEAN Btvj cet Auteur avoit été à portée de con- CHET« noître par lui-même une grande partie des actions de Louis de la Trimouille, par les relations qu'il avoit avec ceux de la Maifon de ce Seigneur, & parce que lui-même fut attaché quinze ans à fon fer vice, fans doute en qualité de Procureur : c'eft ce qu'il fait entendre dans fonEpîtrepréliminaire, où il dit r Mais le îurplus contient auvray la vie Du di£t Loys ; quiconque en ayt envie De ce fçavoir, je tus par luy pourveu Et'par fes gens , lefquels Vont a l'œuil veu ; Audi je l'ay fetvy par quinze années, Maulgré d'aulcuns les envies damnées. Il faut pourtant convenir que la partie hiftorique de cet ouvrage eft prefque noyée dans quantité de fidions, de digrefïïons, ck de poëfies qui font, pour la plupart, étrangères au fujetprincipal. Bouchet l'avoue lui-même. Après avoir rapporté la généalogie de la Maifon de la Trimouille, qu'il fait remonter jufqu?au règne de Louis V I I I , . il entre dans le détail de la naiffànce , de la première éducation, & des actions les plus remarquables de la> Mvjj • 2?6 BIBLIOTHèQUE t vie de lbn héros. Mais comme le but JEAN BOU- de l'Auteur étoit de rendrefon ouvrage CHET. inftruétif, principalement aux jeunes Seigneurs, il entremêle fes récits de beaucoup de réflexions morales & de traits de l'Hiftoire ancienne ôc moderne. C'eft en particulier l'objet des fictions & des poëfies qu'il a répandues dans ton livre. Les poëfies font toutes fous des noms différens, comme ft elles euflènt été écrites & envoyées par ceux dont elles portent les noms. Ainfi Louis de la Trimouille n'ell pas plutôt à la Cour de Louis X I , que lbn oncle, M. de Craon, lui envoie une Epttre contevent cent préceptes moraux, pour honneftement vivre entre ceulx du monde. L e jeu- ne Seigneur conçoit plus de paflïon qu'il ne devoit pour une jeune Dame dont le mari l'avoir reçu chez lui ; dès ce moment toute la maifon: devient Poète. C'eft en vers que Louis exprime fes fentimens tendres, mais refpectueux ; paflionnés quoique revêtus de- l'apparence & du langage de la vertu ; condamnant lfobjet: de fa paflïon , parce qu'il n'eft pas légitime , & faifant connoître qu'elle eft violente, parce qu'il l'écoute , même en la corfoarnnant. C'eft en vers que la Dame répond , pour F R A N Ç O I SE. ZJJ témoigner fa reconnoiflance , & faire = = s = s ientir néanmoins que la paffion deJ E A N ^ 0 U " Louis delà Tfimouille doit être facri- CHET* fiée au devpir. C'efl aufli en vers que le mari écrit au jeune Seigneur pour l'inflruire en paroiflant le flater , & en feignant d'entrer dans fes vues. Mais Bouchet porte la' fiction trop loin en fuppofant que le mari confeille à fa femme , malgré toutes les répugnances de celle-ci, de donner elle-même la lettre qu'il a écrite, & de feindre qu'elle confent aux defirsde fon amant, pourvu qu'elle lui, promette de s'en tenir à la feinte. Bien des maris auroiènt, je crois, raifon de ne pas tant hazarder. La rufe réunit, parce que le but de l'Auteur étoit qu'elle réufsît, & qu'il étoit le maître de fa fiction. On veut faire époufer à Louis de la Trimouille, Gabriellè de Bourbon , de la Maifon de Montpenfier , & dèslors nouvelles lettres en vers de part & d'autre. Louis , Duc d'Orléans , depuis Roi fous le nom de Louis X I I , s'étant révolté, le Seigneur de la T r i mouille lui écrit en vers pour le ramener à fon devoir ; le Duc d'Orléans lui répond de même pour faire valoir fes fujets de plaintes. & de mécontente- r?% BlB iroTHEQUE i...' ' '• ment, & M. de la Trimouille les réfuJEAN BOU- te au ffi en vers. Le Duc devenu Roi, CBET. veut faire cafier fon mariage avec Jeanne de France, qu'il avoitépouféemalgré lui, Jeanne y confient, &c'eft en vers qu'elle donne ce confentement qu'elle envoie au ,Roi, Mais Boucher a violé les convenances dans cette pièce : Jeanne n'auroit pas appuyée fon confentement des raifons indécentes & peu vraifemblablesdont elle l'étaie, fi elle l'eut pris pour fon Secrétaire. L.çs autres poëfies répandues dans Fouvrage dont je vous entretiens, font: Epirre du Seigneur Loys Sfbrce au Seigneur de la Trémoille, contenant le faulx tiltre que les Sfirces prétendent en la Duché de Milan, & la Réponfe de M. de la Trimouille , contenant le bon droit que le Roy Louis XII a en laditte Duché à caufe de fon ayeule Madame Valent'm : Epitaphe de Jean de la Trimouille, Cardinal, Archevêque d'Aufch , & Evêque de Poitiers, mort à la fleur de' fon âge en 1507. à Milan : Epitre cottfolatoire , au nom de Bouchée, à Gabriellede Bourbon, femme du Seigneur de la Trimouille,. fur la mort de leur fils unique Charles de la Trimouille y avec l'Epitaphe de celui-ci.,. & une au- F R A N" Ç ï> I S E, 279 tre pour Gabrielle de Bourbon , qui • mourut de chagrin de la mort de fon JEAN Boafils : Epitre de Louis de la Trimouille CHET. à la Duchefle de Valentinois,. qu'il époufa après la mort de Gabrielle de Bourbon : Epître de bannefie anour de la Dame de UTrémoillc à Monseigneur fou époux, au mois de Janvier 1 5 24. M. de la Trimouille étoit alors Lieutenant Général pour le Roi à Milan. C'eft la dernière lettre écrite au nom de ce Seigneur,, qui fut t u é , comme je l'ai d i t , à la bataille de Pavie. Bouchet s'arrêre à décrire ce qui fe paffa en cette journée, & fak fake pour le défunt des Epitaphes au nom de la France, de ia Bourgogne dont M-de la Trimouille étoit Gouverneur,. de la Bretagne & de l'Aquitaine dont il étoit Amiral > du Poitou où il avoit plufieurs terres Seigneuriales,, de la Touraine où étoit fituée fa Seigneurie de l'ifle Bouchart > de la Sologne où il avoit celle de SullyCes Epitaphes font fuivies d?une autre eu Louis de la Trimouille parle luimême, & rappelle en abrégé tous les faits qui font racontés plus au long: dans l'ouvrage dont il s'agitBouchet, dans l'avis au lecteur qu'on £k aurdevantde fes Egîtres morales de a8« BlBIIOTHÏQtfE* - • .• •— l'édition de 1545. fe plaint de ce que JEAN Bou-^5 ] m p r 'nieurs ont féparé fes Epîtret CHET. rimées, de la profe du Chevalier fans re- proche, c'eft-à-dire, de l'ouvrage dont je viens de vous parler. Cette féparatien fut faite en 1536. qu'on imprima en effet un recueil de toutes les pièces en vers qui font répandues dans l'hiftoire de Louis de la Trimouille. J'ai vu ce recueil, dont le titre eft, les élégantes Epiftres extraiftes du Panégjric du Chevalier fans reproche Menfeigneur Lojs de la Trémoille, compofées par le Traverfeur des vojes périlleufes, Àiaiftre Jean Bonchet, Procureur en la Court de Poitiers ; auxquelles Jont comprins plufieurs chofes advenues au temps dudiil la Trémoille , avecque les Epitapbes des pays & lieux dont il eftoit Seigneur & Gouverneur. Dans PEpître dédicatpire en profe adreffée à Florimont Robertet, Chevalier, Baron d'AHuye, &c, qu'on lit au devant du Chevalier fans reproche, Bou- chet craint qu'on ne l'accufe de flater i e , comme on l'a fait, dit-il, au fujet de fon Labirinthe defortune. Ainfi ce dernier ouvrage avoit précédé Phiftoire de Louis de la Trimouille. En effet Enguilbert de Marnef, libraire-Juré dol'U- viverfttéde Paris, avoit obtenu un privi» FRANçOIS!!. 281 légepour l'impreffion de ce livre dès le 6 "t Novembre 15 22.6c l'ouvrage avoit été JEAN Bot* examiné & approuvé par Antoine Ar- CHET • dillon , Abbé Régulier de Fontainele-Comte, comme on le voit par la lettre Latine de cet Abbé à Jean Bouc h e t , & par la réponfe Françoife de celui-ci, qui eft du premier Novembre 1 522. Ces deux lettres font au commencement du Labirinthe , qui ne Fut cependant imprimé que le 2.6 Mars 1 5 24.. à Poitiers, par Jacques Bouc h e t , in-4. 0 . Ce livre, dédié à Madame Marguer i t e , fceur de François I , Duchefle de Berri & d'Alençon , eft divifé en deux parties annoncées dans le titre même : l'une eft le Labirinthe defortune; l'autre, le Séjour des trois nobles Dames. Le but de l'une & de l'autre eft de donner à toutes perfonnes efiant en adverftté & tribulation quelque bon efpoyr & confort ,• avec une briefve infiruclion pour avoir connoyffance defoy, & pajfer les périlleufes voyes de ce defpiteux monde. Cet ouvrage fut fait à l'accafiorr de la mort à'Artur de Gouffier, Chevalier de l'Ordre, Comte d'Eftampes , Seigneur de Boiffy , 6c grand-Maître de France, pour confoler fa veuve Hélène de Genly. Artur de 2Ù3. BIBLIOTHèQUE ,t ~ Gouffier mourut d'une colique à MonoJEANBou-pellier, au mois de Mai 1519. âgé CHET. d'environ quarante-cinq ans. Bouchet fait au long fon éloge , & prend occafion de fa mort pour parler de la vicimtude des chofes humaines. Mais, félon fon ufage ordinaire, pour traiter cette vérité fi commune, il a recours à la fiction. Il réalifq le Labirinthede la fortune, en donne la deicription , & montre ï celui qu'il conduit dans ce Labirinthe tous les changemens qui font arrivés depuis prefque l'origine du monde-', entr'autres les révolutions des grands Empires. Bonheur 8c Malheur qu'il trouve dans le Labirinthe, s'entretiennent enfernble fur ce fujet, chacun contant, l'un la fortune , l'autre l'infortune des Hébreux , des Afliriens, des Médes, des Perfes , des Grecs , des Romains, des Goths, & enfin des Anglois, des François & des Vénitiens. Doélrine véritable vient terminer ce long & ennuieux dialogue, pour reprocher à l'/î> eïeur fon afliduité à cultiver les fciences humaines, & lui apprendre que la feule fcience véritable eft de s'étudier foimême pour fe bien connoître. Elle ne reprend cependant que l'abus desfcien- F X A N Ç O I S Et ZÎ J ces ; elle loue même celles-ci, & con-==-—=— Vient qu'elles font utiles, & qu'on peut JEAN Bouen faire un bon ufage. Malgré cet aveu, CHET. , humaine Discipline paroît pour défendre fa propre caufe. Cette difputè, ou ce dialogue eft en vingt-fix Rondeaux, q u i , en vérité, ne méritent guéres d'être lus. L'Acteur qui avoir dormi pendant cette conteftation , qui ne s'étoit paflTée qu'en fonge , s'étant réveillé , demande raifon à véritable Doârine de tout ce qu'elle a avancé contre humaine Difcipline. Elle y confent, & l'entretient alors des plus hautes vérités, de l'eflènce de Dieu & de fa puiflance, des caufes fécondes, de la prédeftination , de la providence, &c. \JAâeur fait quelques objections, véritable Doctrine les réfout, & lui parle de la vraie béatitude & du chemin qu'on doit tenir pour y arriver ; ce qui conduit Bouchée à la féconde partie de fon ouvrage, qui eil le Séjour des trois nobles Dames , lefquellesfont la Foi', ï'Efpérance & la Charité. En traitant de ces Vertus , l'Auteur a foin de parler des vices qui y font oppofés, & cenfure avec fa liberté ordinaire les mœurs de fon tems. Dans une longue Epître en profe qu'on lit à la fin de ce livre , 6j qui eft z%4{ BIBLIOTHèQUE ladieffêei Jacques Prevtft , Docleur en 3EAnBov-Théologie, Régent en l'Univerfité de Poi««ET. tiers, Bouchet dit qu'il a compole cet ouvrage à la campagne où la pelle l'avoit obligé de fe retirer, & qu'il n'y avance rien qui ne foit fondé fur l'Ecriture, fur les Pères, les Philofophes, les Orateurs, &c. & en effet les marges font chargées de citations. A la fin de la même Epître il dit politivement qu'il étoit né à Poitiers. Cette Epître efl fuivie d'une autre en vers à Jean d'Authon, Abbé d'Angle , Chroniqueur du feu Roi Louis XII. Elle ell fur l'inllabilité du monde, & pour prier. Jean d'Authon de corriger exactement fon ouvrage, qu'il lui avoit envoyé avant de le publier. Suit la réponfe de l'Abbé d'Angle , aufli en vers : ce n'ell qu'un éloge de Bouchet & de fon livre. L a difpute entre Bonheur & Malheur, qui fait partie de celui-ci, a été imprimée féparément fous ce titre : le Conflit de l'heur & malheur, par dialogue. Cette édition s'eft faite à Paris chez Denys Janot. Les Triomphes de la noble & amoureufe Dame ; & l'art de bonneftement aimer , font encore un ouvrage moral, où Bouchet s'exprime plus fouvent en profe qu'en vers. C'eft une allégorie FRANçOISE. A8J, dcl'ératdel'ame depuis qu'elle eïl unie ; au corps jufqu'à ce qu'elle en foit fépa- JEAN BOU* ree ; & en même tems une expofition « I E T . détaillée des inflructions que lui donnent les vertus ; des combats que lui livrent la chair, le démon & les vices, de la lâcheté qui la porte à fuccomber quelquefois fous leurs efforts, & de* victoires que la Grâce lui fait remporter fur ces ennemis. L'ouvrage eft divifé en trois parties, & adreffé à Madame Eléonor , de l'Impériale Maijon d'Autriche, Royne de France,fille de Roi, faur d'Empereur, & Royne douairière de Portugal. Dans une Epître aux lecteurs, Bouchet dit qu'il étoït alors dans la cinquante-quatrième année de fon âge ; qu'ainfi tout ce qu'on va lire dans fes Triumphes, n'eft que le fruit de fes lectures & de fon expérience ; mais que comme il auroit pu fe tromper en traitant des matières fi fublimes , il avoit fait revoir fon ouvrage par un DoUeur en Théologie de l'Ordre defaint François. Il ajoute qu'il a compofé ce livre pour fiatisfaire au temps qu'il a peut-être follement confiumé a eficrire Ballades, Rondeau*, Epifires, Eglogues, Satyres, Elégies, Déflorations , Narrations, Regrets , Complaintes » # autres Opufcules qu'il craint. ±%6 BlBlïOTHEQUE n'eftre plus curieux que nécefaires ; côntJEANBOU-S**>» que, continuë-t'il, ma principale inCHET. tention ajt tousjours été par fictions, pdéfies & hifioires, tendre à la louange des vet' tus & à l'opprobre des vices, ainft qu'on peut veoir en les lifant. U n autre motif y qui le porta à écrire fes Triumphes, étoit d'empêcher les femmes de lire les traductions de la Bible faites par les Hérétiques , & les autres ouvrages compofés par eux ; & fuppléer par fon livre a ceux dont la lecture devoit leur être interdite. Enforte qu'il regarde le fien comme un Manuel de doctrine, finon fuffifant, du moins très-propre pour diriger les mœurs au bien. Je ne doute point que cet ouvrage n'ait pu être en effet utile en Ion tems, malgré fa prolixité, & tout le verbiage que j'y trouve ; j'y ai lu des règles trèsfolides, des principes fort judicieux & d'excellentes réflexions. L'Auteur s'y montre en même tems Philofophe, CaFoi. m. &fuifte, Théologien. Mais il s'égare aufli quelquefois, ou donne dans des* opinions ridicules. Par exemple, lorfque dans la première partie, il veut enfeigner à l'ame la manière de bien gouverner le corps, il fait de chacune des parties du corps une defcription anato F K A ST Ç'O I 5 B. £%f ïïiïque , qui n'eft rien moins qu'exac•! t e , & quelquefois indécente. Les pie- JEAN BOU* ces en vers que l'Auteur a femées dans C HET. cet ouvrage, font l'Epître dédicatoire Fo1, "T1U qui eft: adreflée à la Reine Eléonor, des Exclamations de l'ame contre ceux qui violent telle ou telle vertu; des Epitrès de l'Ame à Jefus-Chrift, avec des _ Réponfes de Jefus-Chrift, des Oraifons, ckc. Ces poëfies ont été extraites du livre , & imprimées féparément à Paris en 1536. in-8°. Dans la première de ces pièces en v e r s , l'Auteur, fous le nom de la Dame amoureufe de bonne fie amour, déplore ainfi lui-même (es propres pallions : Jeune je fiiz, & comme jeune ay faiôi ; Et en entrant en mon aage parfait , Helas je vy les dangiers de jeuneue , Alors congneu mon citât imparfaict De cinquante ans que j'ay vefeu au monde Et ung peu plus ,'cn choie tant immonde, Plus des cinq parts je y ay mis & perdu.- T o u t le refte eft fur le même ton , fort humble & très-dévot. Cet ouvrage fut imprimé à Poitiers dès 1 5 3 o. il eft de cent foixante-fix feuillets. J'en ai vu quatre autres éditions. La première in-folio à Paris, pour Arri- aSa* BiBiroTHEQtri ; broife Girault, le zi. Juin 1536'. la J EâN ^ 0U *féconde, la même année,. aulfi à Paris , in-folie, par Guillaume de Bolîôzel ; la troifiéme dans la même Ville, le 6 Octobre 1 5 37. in-8°. & la dernière, encore à Paris, par Etienne Groulleau, en 1555. in-8°. Celle-ci eft précédée d'une analyfe des trois parties de ce livre, fous le titre d'Epilogue. Dans l'édition de Boflôzel, après l'Epître dédicatoire à la Reine Eléonore, on trouve une autre Epître , aulfi en vers, à Mejfire Loys Rouf art, Chevalier ,' Seigneur de la Fojfonniere & de Noire-terie, Maifire de M. le D/tuphi» premier enfant de France. Dans les Epitapbes qui font à la fuite des Généalogies Edition de des Rojs de France, Bouchet donne l'Eladuèt Te. pRaphe de ce Chevalier, où on lit qu'il eft mort l'an 1 544. âgé de foixanteN quinze ans. L'Epître qu'il lui adreflê eft curieufe. Bouchet y remercie d'abord Louis Rouflàrt des lumières qu'il lui avoir données fur la poè'fie, & nous apprend que ce fut ce Chevalier qui le fit venir à Paris Recogitant nuyt 4c jour l'excellence De celle amour, que par fc-cgoivolance , Avez' F R A N ç O I S E . 289 " A r a à moy , très-hardi CheTatier, « ^ — . — N o n d'aujourd'huy feulement, ne d'hier, J E A N B O J*J Mais il y a des années Lunaires CHET. N. Neuf •. ingt au juft, & quinze de Solaires, -Quand il vous pleuft à Paris me appeller, Et des fecrctz aulcuns me reveller D u tant uobic an de doulce Rhetoricque Dont vous avez le fçavoir & praticque $ Par le moyen de quoy je, corrigeay Le Chaprelet des I'rinces que erigeay A la rigueur de toute quadrature , Et du rentrer & clore en l'ouverture ; E n tous mes vers de Epiftres Léonyns Je entremeiiay depuis de féminins Et mafeulins deux a deux, dont la taille Reforme fort, s'il advient qu'on n'y faille. Nous apprenons de la même Epître, que Rouffart avoit déjà pafle vingt-deux fois les Monts, tant pour caufe de guerre , que pour diverfes affaires dont il avoit été chargé : Premièrement fuftes à la bataille Qui fut en mer, qu'on nomme la Racaille, Puis à Navarre & à d'Aft la Comté, OU huyt Tournoys filles, tout bien compté ; Que fans lui, & fans ce qu'il imagina, Milan n'auroit pas été conquis, AleTome XL N i^o BriptUOTtfeqtr e i,..iL-jmit xandrie n'auréit pas été prife , Louis Sforce n'aurait pas été fait priibnnier : Que dès fa jetmefte il avok accottipagné le Rc4 , avec qui il éttoït au voyage de Gènes •; qu'il s'eft trouvé à la guerre contre les Vértitietis , à 4a joutnée de fauwe Brigitte ou 'batanl'e de Marignan^&c. JEAN BouCHET. Car quarante.ans y a que vous avez Toujours i'crvy la-couronne de France. Bouchet ajoute/que lorfque le Pauphin, fils de François I. &Je Duc d'Orléans , frère du Dauphin , furent envoyés en otage en Efpagne lors de la délivrance de François 1. Rouflàrt fut fait Maître-d'FIôtel de ces Princes f dc qu'il féjourna ayec eux en EtpagneTefpace d'environ 'quatre ans & fix mois ; qu'il y fut deux ans prhonnier, pendant lequel tems il cornpofa deux Traités , l'un fur l* Blafon & les firmes; l'autre > Com*ie'on!fedôit es fnairbns des grandsTTinces Entretenir par règnes fc provinces. Bouchet defire que ces deux Traité foient imprimés, Sc-i&fesxmc au fien, ildic: F R A K ç O I S é . ZCi I SI mon livret mérite cPeftre veu , Et que voyez qu'il fait d"eftre leu digne , Je vous (upply car rcquefte bénigne En faire ung jour à la Royne préiènt, Tel que verrez, fans que foyes préfent, Hon en cfpoir d'en avoir récompenre De bien mondain, a cela peu je penfe ; Ce m'eft aflêz que Dieu en foit loiié, etc. J E AN BOI/CHET. • Dans l'édition de Girault 1536. on lit à la fin des vers Elégiaques Latins de Nicolas Petit ( Parvi ) de Bellozane, ad Jacobum Vallam Cadomenfem vtrum juris utriufque confulttjfimum. Ces vers font à la louange dulivre-de B<»uchet, & il y eft dit que c'efi le dixième, de fes ouvrages. J'ignore fi le Chevalier Rouflart présenta à la Reine iesTriumpves de la noble & amoureufe Dame, mais Roiichet nous apprend que fon ami eut l'honneur de donner au JAoi .un autre de fes ouvrages , intitulé, le Jugement poëtic dé l'honneur fémenin, & fejour des itluftres, claires ie> hvnneftes Dames. Voici ce qu'il en dit dans ta quatre-vingt-feïziérne Epître familière. Pais deioy an, le Chevalier Rodr&rt Nij y^——^ J F AN EauCliET, Jtl)Z BlBlIOTHEQUE A fàiét préfent au Roy de mon rude art, *-'eft ' e Balais où font les claires Dames, Dont par efcript j'ay mis les Epigraiiunes, Tout à l'honneur du fexe féminin, Des détracteurs guériffant le venin. Lequel livret contient la renommée D'une qui fut pour fes meurs bien nommée Mère du Roy, dont la gloire & le nom Vivront toujours par éternel renom. Cette Epître eft adreflee à Madame de AFonjlreuil-Bonin , Gouvernante des Dames de France , plies du Roy , & ce que Bouchet y ajoute parlant du même livre, Je vouldrois bien avoir eu la licence De l'imprimer, pour fa magnificence , eft une preuve que cette lettre fut écrite avant l'an 1536., puifque le Jugement po'étic fut imprimé cette année in8°. à Poitiers. Il eft dédié à Anne de Laval, femme de François de la Trimouille, lequel étoit fils de Charles de la Trimouille, Vicomte de Thouars, Prince de Tallemont, &c. Dans l'Apologie de F Auteur, qui eft en p r o f e , & qui commence ce livre, Bouchée dit qu'il y avoit déjà longtems qu'il avoit fait préfent de fon écrit au Roi ; ainfi c'é-. .FRANÇOISE. icj _ toit avant l'imprerhon. Il pfotefte dans cette Apologie, qu'il n'a bas deffein JEANJBOU'J T* Si j r - . , • CHKT* de préférer rhonneur des femmes a celui des hommes, mais toute affection ceffant, garder a chafcun fon ordre, & monftrer que le fexefémenin eft à honneurer en fort ordre & qualité comme le mafculin. Cependant toute la fuite de cette Apologie , qui eft fort longue, n'eft qu'un" panégyrique des femmes, une énumération de celles que l'Hiftoire & la Fable ont célébrées , & une Apologie du mariage. La féconde partie de ce livre, qui eft toute en vers, commence par une Epître au Roi François I. à qui Boucher offre le détail des vertus de Louife de Savoie, mère de ce Prince, Dùcheffe d'Anjou & d'Angoulême, &c. qui étoit morte à l'âge d'environ cinquante-huit ans. Le Poète fait prononcer ce Panégiric par Mercure qui Je tranfporte au champ de Vérité par devant les Juges de bon ou mauvais renom. Après la defcription du champ de Vérité, Mercure ayant commencé l'éloge de Louife de Savoie, envoie chercher trois Nymphes pour appuyer par des preuves ce qu'il vient de dire. Ces trois Nymphes font Nature, Fortune & Grâce. La preN iij • 594 r BIBLIOTHèQUE miére parle des qualités corporelles de JEANBOU- Louife, la féconde étale fes richenes > CHET. i a troifiéme fait l'éloge de fes vertus. Quelques Juges contredifent , mais très-modeftement, & Mines prononce fon jugement, qui eiî favorable à la Princeiîè. Dès que cet Arrêt a été prononcé y Bouchet feint qu'on le conduit zaféjour des claires Dames t & cette féconde fiction n'eft que pour avoir droit d'entaffer une multitude d'Epigranarnes qu'il avoit faites, ou qu'il compofa exprès à la louange d'un grand nombre ae femnaes mentionnées da ou dans la Fable, en commençant par Eve. Il finit cette énumération par une invective contre ceux qui blejfent l'bortnevt des Dames, & par quelques pièces rimées fur l'honneur en général. Dans la dernière de ces pièces , c'eft l'Honneur qui parle elle-nrême , & qui fait l'éloge de Louife de- Savoie : tout cela cft fort plat. Bouchet avoit donné depuis quelques années fes Généalogies anciennes Si modernes des Rojs de France , avec leurs Fpitapbes. J'en ai vu trois éditions : la première, pour laquelle l'Auteur avok obtenu un privilège le 54. Avril 1 558. fut achevée le 57 Novembre 1 5 3 1. la FRANçOISE'. aoj féconde eft de 15 3<Q\ & la liroifiérae de ir • 1545 i Le privilège , daté de Formai- JUANBW-nebleaule 3 Janvier 1543. permet à Bouchet défaire itnp/inm ce préfent livre , intitulé hj Gfnédegkt., Effigies & Epitapjb.es des Jicfs, de Fronce, &• autres livres par lus otmpofis, tant- ce*» qui ont été cidevant imprimés , fis ouitrès par lut de nouveau diètes & accomplis. Cà que ces trois éditions w t de commun, c '«u que Çouchet y recherche l'origine des François, en rejnor^antjuiqji'à la guerre de Troye ; qu?il traité des Rois François en Germanie, & qu'il conduit Tes Généalogies depuis Pharamond jufqu'à Louis XH inclufivernenti. Chaque Généalogie commence par un Abrégé en proie, d» la vie du Roi dont if y eft queftioH , & l'Auteur répète à peu près les mêmes choies en vers, ce qu'il appelle Epitapbe,-parce que dans ces vers jl fait parler le Roi défunt, & qu'il marque les années de fon règne & la date de fa mort. On lit dans ces trois éditions une longue Epître dédicatoir e , où l'Auteur fait l'éloge des François ; elle eft adreflée à trisbault&- trèsillufire Prim M- François I. enfant & Dauphin de France. Voici en quoi ces mêmes éditions différent entr'elles. N iiij 2o6" . BIBLIOTHèQUE Dans celle de i 5 31. on trouve au JEAN BOU- commencement une Epître de l'AuCHET * teur, en proie, à Anthoyne Dupré ( c'en Duprat ( Cardinal, Archevêque, de Sens, Chancelier de France. Bouchet n'y donne fon livre que pour ung art de AAémoire, contenant, non au long, mais en fontmaire , l'hiftoire & généalogie de chafcu Roy de France, avec leurs effigies faides félon la mutation des temps, la qualité de leurs perfonner, Ç$ quantité de leurs ans Enfuite eft une Epître en vers , au trèsprudent (3 bardy Chevalier orné de loquen ce Latine , Mejfire Marc, Vicomte delà Mothe au Groing, Seigneur de la Meriniere. Bouchet y expofe fon fujet, la difficulté qu'il a trouvée à le traiter, furtout pour ce qui regarde l'origine des François j & prie le Vicomte de revoir & de protéger fon livre. Cette Epître eft auflï dans l'édition de 15 3 6. J'ai lu dans celle de 15 31. quelques vers Elégiaques Latins de Nicolas Parvi (ou Petit ) le même à qui Bouchet adreflè fa vingt-unième Epître familière, où.il le qualifie Régent de Paris, & lors étudiant a Poitiers ; & de plus une longue pièce du même, auffi en vers Latins, fous ce titre : Carmen herotcum de loua bus Gallia, ad D. Petrum A mboniW> FRANçOISE. 297 Conftliarium Regium, utriufque jtiris con- — • . ~fttltiffimum. Dans l'édition de 1545. on JEANBoune lit que l'Epître à M. Duprat, celle CHETv à François I , & un court avertiflement où Bouchet dit : « Je, quiavoiscorn- «« mencé efcripre en vers & profe cer- «« tains opufcules, fuyvans la phrafe« d'aulcuns anciens Orateurs Françoys, « " qui ont efeript plufieurs traictés fi *c très-bons en matière que rien de plus, œ toutesfois en ftile ung peu barbare , «e durant les règnes de Charles VIII & ceLouis X I I , derniers Rois de France, «e j'ay reveu, corrigé & amendé, félon te les modernes Orateurs, aulcUns de ce mes opufcules, & iceUlx remis en «* leur ordre au plus près qu'il m'a eftéce poflible du ftyle que les Orateurs de « ce temps gardent & obfervent ; lef- cequels j'ay faicï imprimer, & aultres ce que je n'avoys mis en lumières, en te cinq tomes , dont ceftuy eft-le troi- ce fiéme. » Il demande à la fin qu'on ex~ eufe fes fautes fur fon âge [eptuagénaire& fa profeflion de Procureur. Outre les Généalogies des Rois de, France, ce volume contient plufieurs ; ouvrages déjà imprimés,. & dont j'àï! parlé ;, comrne'ie Chappelletdes Princes',; les: Ae ndemx& Ballades morales j la Dé-- 2<)$ BIBLIOTHèQUE — • - - ploration de l'Eglife ; les Angoyjfes <TA*J E A N B O U - ^ J ^ c e u x qui font renfermés dans lecH£T * même volume, &dont je ne vous a i rien dit, font : Dizains fur les apophtegmes des fept Sages de Crece & de leurs meurs & vie ; Quatrains ou Cinquains donnant mémoire d'auleuns faitz, mémorables; c'elr, très-peu de chofe ; Patrons félon l'ordre de l'A B C pour les filles qui veulent apprendre à efcripre: ce font des Quatrains moraux pour-Pmftraction des filles , dont chacun coinmence par une lettre de L'Alphabet, depuis la première jufqu'à la dernière ;. Epitapbesde plufieurs Princes & autres perfomtes parttculitres. CeUes^cî commencent par une Complainte fur la mort de François de Valois,filsaîné de François I. mort à Tournon le i a Août 1536. âgé cPan• virondix-neu/ans, &ffo^ autre Complainte fur la mort de. Fram, cois de la Trimouille, & qui contient L'éloge de cette Maifon, Ce François de la Trimouilie étoit mort Le 6 deJanvier en fan Château de Thouars ,, Payant pas encore trente-fix ans. Les Epitapbes,, dont placeurs iè 1£foient déjà en- différent endroits de écrits de L'Auteur, rnérkent de l'attenf uon à cauledes faits qui y font ceinte- F R A N ç O I S E , .299 nus. Dans celle de Julien Tertireau , en • fon vivant Licentié en Théologie, & Mai- J EAN B o u " flre-Régent en PVniverfité de Poitiers,CHET* au Collège de Pujgareau, Bouchet dit qu'il avoir, été difciple de ce Régent ; & qu'à fa mort, II citait lors Principal du Collège De Puigarreau, oh il tenoit fon ilege ; Et quelque temps fon difciple je faz. Dans l'Epitaphe de Maître Pierre Rivière, né à Poitiers, Avocat qui mourut jeune, Bouchet nous apprend ce qui fuit : Icy deflbuDz ces pierres & quartier?; Gift le corps mort d'un 'entant de PotcUçrs', Qu'on apppelloit Maiftre Pierre Riyîere, Qui luy vivant fejft chofe finguliere , C'eft qu'il traduilt de Latin ep François La Nef de? fouir , «et commnet ftvtii. L'an qu'il mourut il ftift meilleure diolè. Ce fuft ung livre en vers, audî en proie',. Intitulé du virtnx. U ettOtil, • Qui entre gens fçavans eut bon accueil » ' Car il eftoit en ung très-orné iryie ,• -Combien qu'if fut fabrjl Je driteile, Pieere Gexvaife r q u e j'ai déjà nommé* Nv-ji 3oo BIBLIOTHèQUE- = parle aufli de ce Pierre Rivière dans JEAN Pou-îbn Epître à Boucher, où il introduit CHET. Rhétorique qui lui fait cette demande :: Congnoit-tu point Màiftre Pierre Rivière, Ton compaignon , qui fçeut l'art & manière: De bien rimer, & tant bien tranflata La Nef des folz , puis, en rime dicta. Ung euvre gent peur fon efprit efbattre: Qu bien au long parla de vertuz quatre.. Le dernier ouvrage de Boucheteff intitulé : Triomphes Hu.tres-chreftien, trisr puiffant, C? inviclijjime Roi de France, François I. de ce nom, contenant la différence des Nobles. Le privilège efl du- 7 Mars 154.7. & on lit àlafin du livre,, qu!il a été imprime a Poitiers par Jean (y EnguHbert de Marne/',, frères, &. ache- vé le- 17 d'Août 1549. On trouve le même ouvrage fous ce titre : le Parc de-, Nobleffe » description de très- puiffant & très-magnanime Prince des Gaules, & gefles. Lot/orme de vivre de ceux du bontempsqu'on rummoit l'âge doré, à Poi- tiers , par Jean &. Pierre de Mamef,. infolio „ 1-57.2.. C'eft la même édition que la précédente,:page pour page,.&. cen'eû pas fans raifon qu'on foupçonBscraeletitre dcla.date ont. été. ieiuV F R A N ç O I S E . 3or changés; Cet artificeeftaflêzufité pour •'. tenter la vente d'un livre qui n'a point JEAN BOU-. eu de débit. Celui de Bouchet eft en CHET«effet très-ennuyeux. Le titre femble annoncer la vie de François I. ou du moins un récit circonftancié des actions les plus remarquables de ce Prince ; & à peine ce fujet, digne de la plume d'un Ecrivain François , efl-il feulement effleuré. Ce n'eft qu'un amas dé longues moralités & de Hélions poétiques,. où l'Auteur fe répète beaucoup. L'ouvrage eft dédié à Henri III. fucceffeur de François I. & divifé en deux: parties; Dans la première, outre les Geftes de François I. dont Bouchet ne dit pourtant prefque rien , il eft parlé de l'exellence de Nobleffe mondaine, de la différence des Nobles & de la beauté de leur féjour. Dans la féconde partie, il . eft queftion de la. mort de François L. après le récit de laquelle , Vanité mondaine fait fa déclaration ,f c'eft-à-dire,. qu'elle fe condamne,, & qu'elle exalte la perfecJion de. la Nobleffe Evangélique ou fpirituelle. L'ouvrage commence parune Epîtreen vers à Trijian Frétard!.* Ecuyer, Seigneur de Saulves,. homme de grandes lettres & amateur d'icelles, fuir vie.de la réponfe de Triftan,. auffi. ent 302 BIBLIOTHèQUE vers. Voici ce que Bouchet dit de liiiJEAN Bot-même dans cette Epitre. CHET. Après avoir en mon adolefcence Eu bien fouvent des Mufes la préfcnce , Seigneur Frétard, es jours trilles Se beaux ,. Et compofé Ballades Se Rondeaux, Dizains d'amours , Epiftres , Elégies, Des accident Se chofes mal régies En l'art d'ayiner , voyant mes folz efetits Dont devant Dieu pourrais Sue repris ; Comme j'entrais es jours & ans viriles, Trouvant mes vers fans fruit, & tous ftérilcs, Je bruflay tout : puis foudain je me mis , Four contenter mes Seigneurs Se amis , Efcrire en proie & vers chofes moralles , Semblablement chofes hiftorialles , Dont il y a volumes vingt & fix, Grands & petits , reveuz par gens ra'cis, Hiftoriens, Orateurs & Poètes, Pour le danger du garral des Çhoetes : Les aucuns font dé mon invention ,. Les autre; font dé ma traduction. Finablcment approchant dé vieilleflê ,. J'ay veti que'c'en: dé" l'eftat de'NOblefle, E t que plulieurs ( ne fçay par " quel arrûy ) Se vont difans aûtîî nobles' qù'uhg Roy Sut quoy prenant de mes Mufes congé,. Après- avoir fur ce longtemps longé , E t qu'eu-trouvé'd« Nobles dé fir fortes»,. De mesdprits jlouvry toute» les portée. " F R A N ç O I S E . four déclarer quel différence on fait Entre les fix , & qui eft plus pariait JEAN Bou- Semblablement que c'eft que de Noble eftre, CHET. Tant que chacun fe puiffë au vray congneiftre : Ce que j'ay fait, les Geftes eferivant D'ung Roy qui fût fur tous les Roys (avant.. Au feuillet 9,3 de ce même livre, la VieilleiTe fait reflbuvenir l'Auteur qu'il a foixante-douze ans paflés. L'ouvrage de Bouchet le plus curieux & le plus utile, eft le recueil de* fes Epitrei, dont le privilège eft daté de Fontainebleau le 3 Janvier 154.3& qui fut imprimé à Poitiers en 1545. in folio. Ce recueil eft partagé en deuxlivres ; & le premier qui contient les Epijlres mordes, eft en deux parties ,. dont l'une renferme quatorze Êpîtres,, & l'autre onze. Bouchet, dans ces Epîtres morales, inftruit tous les états r depuis la Couronne jufqu'à la Houlette , depuis celui qui eft aflis fur le trône juiqu'au dernier des Artifans ; & depuis le Pape jufqu'aux Clercsdu rang. le plus inférieur. Chaque Epître eft en foi une efpéce de traité complet fur les; devoirs & les obligations de l'état & de* te condition dont il s'y agit.. Les quatorze Epîtres de la première* partie regardent les. Miniftres de l'E- 504 " ' BIBLIOTHèQUE glife, les Religieux ,, les Prédicateurs,. JEAN BOU- les Religieufes, l'Ordre de faint Jean de CHKT. Jérufalem, l'état de viduité, celui du mariage, les pères & mères, les enfans , lesfillesnubiles, les domeftiques, les maîtres &maîtreflès, les écoliers en énéral, & ceux de l'Univerfité de oitiers en particulier. Enfin la quatorzième Epître eft fur la vieillerTe , & contre ceux qui la méprifent. Les onze Epîrres de la féconde partie font adreffées aux Rois & aux Princes, à leurs Officiers, & fur les miféres & dangers de la Cour, aux Nobles, aux Militaires , aux Gens de juftice, Juges, Avocats, Procureurs, &c. aux fujets des Princes, à ceux qui reçoivent & lèvent les impôts, aux Aftrologues, Médecins, Chirurgiens, Apotiquaires, aux Marchands, aux Ârtifans, aux Imprimeurs & Libraires. Celle qui eft adret fée aux Gens de juftice, avoit déjà paru , comme je vous l'ai fait obferver ; Bouchet dans Tes Epîtres familières, en rapporte une ( c'eft la trente-huitième) qu'il feint lui avoir été écrite en réponfe par lesHuijfiers& Sergens Royaux de Paris, qui le remercient de Tes inftroccions, mais en lui repréfentant qu'il» rr-auroit pas dû. leur aflbcier le Boar--r f F R A N ç O I S E . 305 reau : cette réponfe commence ainîi : r ' ' • • • .1 . Après avoir ton euvre veu & leo T e réputona publiquement efleu ^JEANBOU«-HFT D e par Mercure en office de Maiftre, Qui dit tout hault qu'au trofne te fault mettre Des Orateurs en langage François, Qui par bon bruit ( régnant le Roy Françoys Loys autFi fon beau-pere & anccftre Qui prorpéra en couronne & en fceptre ) Ont mérité porter ( hors pefans faix ) Le verd laurier , veu que tes haultains faictz Sont rédigés en renommés volumes. L e fécond livre des Epîtres de Bouchet contient, comme je l'ai dit, fes Epîtres familières : elles font au nombre de cent vingt-fept, parmi lefquelles il y en a vingt qui font adreflèes à l'Auteur par fes amis. Il y en a quelquesunes qu'on auroit pu ranger entre les Epîtres morales, comme la dixième , l'onzième & quelques autres ; en général Bouchet moralife dans toutes-, mais il eft aufli Hiftorien, & il nous apprend des anecdotes curieufes & utiles. Voici ce qui m'y a paru de plus remarquable. Dans l'Epitre au Clergé, Bouchet femble nous faire entendre qu'il avoit été tonfuré ; car s'excufant de la hardieffe qu'il prend d'inftruire & de cen- Foi. vit., verfo furer le Clergé , il dit : ' %o6 J E A N B OOUUCHET. BistrotHéque Le doys-je écrire attendu le Canon ç ^ , e J é f e n a , ., f c m b i e K ) i e QU,. „,„,. Mais je fuis Clerc tctaltré, qui m'hardis En charité d'en faire Tragédie r Veur que chaTcundu peuple a imewat En tout cecy, Ttut le mal t«i qu'il eft. Il parle de prefque toutes les fciences dans l'Epître treizième aux Ecoliers de l'Univerfité de Poitiers. Il y approuve la poëfie en général i niais il marne- la Tragédie, la Comédie & la Satyre} les deux premières, comme fomentant les pallions ; la troifiéme, lors feulement qu'elle attaque les perfonnes, ou- qu'elle efl indécente. Il ajoute que la Satyre portok deforitents en France-le nom de iSVnV. En Franc* elle a de fûtie le noni, Farce que ibtz des gens de grand renom Et des petits jouent les grands fbllies Sur efchaftauz en parolles polies, Qui eft permis par les Frinees & Roys A celle fin qu'ils fçachent les dcrroys De leur confeil qu'on ne leur aufc dire , Defquelz ils font advertiz par fatyre. Le Roy Loys douziefmc defiroit Qu'on les jouait à Paris, & difoir Que par tels jetu il fçavoit maintes raultes Qu'on luy celoit par furprinfes trop caultes. F R A N ç O I S E . 307 Bouchet dit la même ehofe dans Ces ' Annales d'Aquitaine, & a foin d'aver- JKANBOUtir qu'il étoit préfentlorfqne Louis XII CHET« tint ce langage à M. de la Trimouille. Il ajoute qu'il défendit feulement qu'on p. 340. «Mit. parlât de la Reine fa femme; car jei,l*Mveux, dit-il, que l'honneur fait gardé aux Dames. Dans l'Epître quatorzième le Poète dit qu'il avoit ignoré le monde jufqu'à l'âge de dix-fept ans. Lorfque j'avois dix & fept am au plus, Et me tenoU aucunes fois reclus Pour quelque chofe apprendre Se vcoir des Mufes, Non congnolûânt de ce monde les rufes, Le monde odore, & après je le Cens , Et le tentant tout fubit je coniens De le fuivyr, &c. Il ajoute que depuis il avoit vécu trente-neuf ans avec le monde, fans pouvoir le connoître. Cette Epître eft de l'an 15 3 2 , & fut écrite en Automne pendant que la rjefteaifligeoit Poitiers. Dans l'Epître aux Sujets, qui eft de la même année, il parle de l'Amiral de Graville, du Seigneur de Bouchage , de Chriftophe de Rochechouart, Sénéchal de Touloufe, & d'André de Vivonne, Sénéchal de Poitou , com- 308 BIBLIOTHèQUE m ._» me de perfonnes avec qui il avoit eu jEAKBou-des liaifons, furtout les deux derniers, CHET. qUi étoient morts, & dont il fait l'éloge. Il dit la même chofe de Louis de la Trimouille, & de Jean Maignen , Seigneur des Aleut,, qu'il appelle fort ancien ami : Et quant à vous je dirais volontiers , Seigneur Maignen , que puis vingt ans entiers Vous eftes mis aux fcierfces divines , Reflafié d'humaines difciplincs. Jean Maignen avoit alors plus de foixante-fept ans. Il avoït été Procureur, & dans la fuite il avoit quitté fa profeffion pour vivre dans la retraite, & s'appliquer à l'étude. Mais il afliftoit encore les pauvres de fes confeils , & accommodoit gratuitement les différends. Bouchet & lui étoient amis depuis trente-fept ans. Le premier parle ainfi de lui-même dans cette Epître. Il cft tout vray que peu je me foulcye Des biens mondains , encores moins m'y fie ; Et toutesfois je né laific avoir foing Pour me pourvoir de ce qui m'eft bcfoing ; Et fi je n'cuft mon cas mis en bon ordre, Fufle à préfent en ung pauvre déTordre : Car mes parens ( combien qu'ils foient yfluz De riches gens ,. & de bon nom tiflus ,. ) F R A N ç O I S E . 309 Ne m'ont lailTé que leur bon bruyt & famé, Que j'aime mieux que l'argent qui affame. Avec ce foing j'ay bien prins le loifir , Lorfque povois mondains eibas choifir , Comme jouer , aller aux champs m'eibattre , Pe compofer de Traitiez vingt & quatre , Oîi j'ay du temps employé jour & nuiâ Lorfque povois donner au corps déduycr, Sans rien jaiffer , au moins que peu de chofe, De la praticque où pour vivre m'expofe, Prenant une heure au jour puis quarante ans Ûu environ, pour ces labeurs plaifans. JEAN BOUCUET. II répète les mêmes chofes plus au long dans fa Réponfe à une Epître de Pierre Gervaife, c'eft-à-dire, dans fa vingttroifiéme Epître familière, & dans la cent quatrième. L a féconde partie des Epîtres morales commence par l'Epître fur les devoirs des Rois & des autres Souverains. Elle eft adrelTée à Louis XII, & il paroît que ce fut par fon ordre que Bouehet l'écrivit ; car après avoir dit que la fageflè du Prince n'avoit pas befoin de ces inftrûctions, il ajoute : Ce non outrant pour à voitre vouloir, Roy magnifie, par mon fens fatisfàire, Je me fuis mis à cette Epiilre faire , Ç>ii j'ay defeript maints précepte que j'ay quis 310 an»——m JEANBOUCHET, BJSIJOTHEQUE A tous Ifls Roys peur bien régner requis,' V ** m o v ooâesdevant vofbre Abbé d'Angle , Lequel vous fnyt fouvent en voftre l'angle Pour mettre as way par efeript vos hauhz faicrz , Qu'il içait bien faite, Ifc nebjy eft grant faix. Cet Abbé d'Angle eft Jean d'Authon, Hiftoriende Louis XH. Bouchet parle de cette même lettre dans celle qu'il adrefiê à îa Noblefle,& il y confirme que c'étoit par l'ordre de Louis XII qu'il l'avoit compofée. Plus longuement des vertuz eferirois , Mais , Mefièigneurs, trop je vous caaayrois , Et vous rémecrz à regarder l'EpiAre Que le feu Roy Lo-ys me manda tiftre Un an d'avant l'on regretté décès, Que commençois avoir à luy accès, Amli la lettre dont il s'agit eif.de i 514. ou même de 1513 - La onzième eâ adreflee aux Libraires de aux aemprimeurs : l'Auteur y parle au long de iês ouvrages .4 je ne répéterai point ce qu'il en d i t , ayant déjà fait ufage de cette Epître. Les Epitres familières contiennent un plus grand nombre de faits que lee- Epîtres morales. La <pTermere eft écrite au nom de Henri V I I , -Roi d'Aïfgleterre ; & Bovxcbac fuppoiê que ee Pri»> F R A N c o x s oe.~ 51 f «e l'a envoyée des Champs Elyfées à r\ fon fils Henri VIII. La date eft duJïANBoujour de faint Matthieu 151a. Henri CHET. VII voulant engager fon fils à vivre en paix avec la France, remontre à ce Prince qu'il ne doit point fe fier à fa propre nation , qui a été fouvent rebelle à fes Rois ; ce qu'il prouve par divers exemples. Il lui dit que l'Angleterre n'a rien à prétendre en France ; ce qui lui idonne lieu de parler des Ducs de Normandie, & des Traités faits entre la France & l'Angleterre. Il ajoute, & H en donne les preuves, que celfe-ci doit beaucoup à la pretniére. Henri VU parle fort mal du Pape Jules I I , & répond à toutes les objections des Anglois. L'Epître quatorzième eft fur la mort de Louis XII & fur fes vertus. C'efl Marie Reine douairière de France, féconde femme de Louis X I I , qui y parle, & qui s'adreiîè à fon frère Henri V I I I , Roi d'Angleterre. Cette Epîtreeft de 15 14.. elle contient atiffi l'éloge des François. Bemchetqui l*a in-p. 341- «Mit. férée auffidass ksjktmlttd'aquitaine,^IS44> d i t qu'il la eorftr>ofa à te requête du Prince de Tatiemoflt, fasde M. delà Tritncuille. Dans i'Epfere fe-feptie* ara BIBLIOTHèQUE — me écrite à un nommé Bertrand LanJEAN B O U - ^ J , f Bouchet dit qu'il a montré tous CUET. £ ej Qyyjages a Bertrand, Fors le mien Teftament Q u i , moy vivant, divulgué ne fera j De tous mes faire la clolture fera. Je ne connois point ce Teltament ; & il y a lieu de croire qu'il n'a point été imprimé. Dans l'Epître vingt-troifiéme en réjnfe à une autre de Pierre Gervaife, ouchet fait l'éloge de la poëfie , lorfqu'on en fait un bon ufage ; & il en montre l'excellence. Il aimoit tellement cet art que dans fa trentième Epître familière, il dit : S Si la pitié de mon petit mefnage Ne retenoit mon cueut & mon courage Pour employer à praticquer mon fent, Si très-amy des Mufes je me fens , Que je vouldrois toujours eftre avec elles Et leurs amys. La vingt-fixiéme Epître eit au nom de la VicomtelTe de Thouars ; on la lifoit déjà dans le Chevalier fans reproche. La vingt-feptiéme eft écrite à M. le Prince d'Orange, prifonnier de guerre a» Château de Luûgnen, an mois de Mai i5a,. F» i-irfoisï; 315 15:2 5. qui auparavant avait eté.prifonnier " ••• <en lag^ofe tour de Bourges. Bouchet fé- JEàNBOU» licite ce Prince fur fon changement de CHET prifon j & lui fait efpérer que la paix lui fera recouvrer dans peu une pleine liberté. Les éloges que Bouchet avoit donnés dans fes ouvrages à Meilleurs de la Trimoùille & à plufieurs autres, & la liberté avec laquelle il avoit repris les vices de fon tems, ayant engagé G7CT- E.P-4*> ,p*rmain Emery, ou Aymery, Licencié es familiers de Laix, & Avocat à Poitiers, à lui écri- Bouchet' re pour l'exhorter à ne parler mal de ;rfonne, fans être néanmoins flateur, ouchet lui répond dans fa quaranteunième Erjître, ë Quant au-ptemier, vray eft que-puis douze ans En regrettant les trefpas defplaifans D'aucuns Seigneurs, j*ay f à i â pêtis ouvrages A leur bormeur, donc par lubricz langages Les envieuix pkitoft mal elcoucans Que le bien dire , ont efté mal contant ; Semblableinent de certairres EpifVret D û n'ay iailTd des gens tes meurt & tiltres. Mais de cela, cher Seigneur, ne me chault ; Jefçay commeeulx s'il y a du deftâult : . . . . J'aime trop mieux fupporter la reprife D e trop louer., que la mauvaife guife .. • D e detmcter ; car par trop grant louarrge Tome XL O jr4 BtnxrôTHiQUE Nul eft blécé, foit privéxw ettraiige. JK AN Bou-H ajoute plus bas : CHET. Et fi d'aucuns j'ay dit aucune choie De k>z trop grand., que vice on ne m'irnpofe. C'cft par amour venant d'affection, Non pour dater, ne à l'intention D'en recouvrer prouifit. Par tel eftude Rien n'y gaignay ; mais j'ay leur nuujniwde Veue fouvent, fréquenté leurs majfoqs, Congneu leurs meurs, oui fouvent leurs raifon» Qui m'ont femblé cftre de teU mérites. Que je les ay par aies livres efçriptes. Si j'ay failly , qu'on n'en foit irrité, Car j'ay penfé dire l a vérité ; Et qui mieulx eft, par tous ces opufculet Qui font tiûuz en termes vemacules , J'ay plus fuivi fens & propos moral Que je n'ay pas le faiâ Mftoryal. Il répond enfuite au repixxbetfcdétraction , & montre qu'il n'a voulu qu'inftruire -, ce qu'il prouve en détaillant fes ouvrages à peu prèsdans l'ordreque j'ai fuivi pour en parler. Il en conclut qu'en examinant fans prévention tous fes écries, On verra Que Jehan BGuehet par détracta: n'erra, Et qu'il a prins labeur & quelque peine A iiluflçr' Poiéhers & Aquitaine» F R A H ç O I ï K . ipré E t fur ce que quelques-uns croyoierit • lui faire injure en l'appellant un Rimeur, JEAN Bouil fait encore l'apologie de la poëfie, & CHET. montre de nouveau que fes ouvrages . n'ont rien pris fur les devoirs & les obligations de là profefïïon, L a réputation qu'il s'étoit acquife par ces mêmes endroits qui le faifoient blâmer par d'autres, ayant engagé le Roi de la Batoche de Bourdeaux à le folliciter decompofèr quelque pièce pour être repréfentée, ou , comme il le dit dans là réponfe, A déclairer par grave Tragédie , Rude Satyre, ou ràinâe Comédie, Le bica.de> bons & le nul des pervers ,' Il s'excufedans cette même Réponfè, ou Epître quarante-deuxième, par ces trois raubns: ' Car en telz faictz rie mis onc mon efttude , Et ne fçaurois ung bon jeu compofer Tel qu'il le fault fur chaufTaux expofer En telle Court, Se d'avant telz Coniules Que ceulx , lefquelz par rappors incrédules,' De hault louer, méritent élire diflz Dieux de fçavoir, exempts de tous mefditx. L a féconde raifon eft la nécelîîté de vaquer à fa profelîion, & la trôifiéme Oij • JJtr -- •• J I A N BOU- QUET. BlBIIOTHB^TJ* eft la crainte de charger fa confcience De nienterie °" d'adulation. Pans l'Epître quarante-feptiéme à Jeta Marin de Rouffec, Auteur d'une vie de faint André , Apôtre, Bouchet parle de cette vie , & donne des règles pour écrire l'hiftoire. L'Epître cinquanteunième eft à fon fils Gabriel Bouchet, qui étoit au Collège. Il l'avertit de ce qu'il doit faire pour acquérir Jcience, & comment il Ce doit gouverner. J e pafle à l'Epître foixante-quatorziéme. L'Auteur y parle de l'illuftre Maifon d'Illiers, .& il a bien choifi la perfonne qu'il vouloit en entretenir ; c'eft Antoinette d'Illiers, Baronne de Clervaux, Dame de Bauffay, &c. Comme Simon Nérauit, Dominicain, Docteur en Théologie, avoit adrefféà cette Baronne un livre intitulé, le Flagice de pefte, imprimé à Poitiers en 15 jo, in8°. Bouchet ne manque pas cette occafion pour parler de la pefte, du livre de Nérauit èc de la perfonne de l'Auteur. Il dit du livre : ,- C'eft ung Traité que chafcun devrait lire, Voire fouvent pour fuyr de Dieu l'ire , Car il contient briefve érudition. - Four éviter la petieçutjon FRANçOISE. 317 . Que nous fouirions pour' nos griefves orTenfcs, Et les moyens de nos juftes défences. Et de l'Auteur: *————> JEANBO'U"CHEt \ C'eft en fçavoir une Aigle voilant hault , Très-grand Prefcheur, frère Symon Nérault , Un preneur joyau , une relique De l'Ordre faint, Monfieur faint Dominique. Cette Epître de Bouchât eft de l'an 1530. Là foixante-quinziéme eft de l'année fuivante 15 31. C'eft une Epître badine envoyée au nom des Dames de Paris à MM. de la Cour ,PréJidens, Conseillers , avocats, Procureur du Roy, & autres avocats & Procureurs de ladite Cour, tenans les grands jours à Poitiers au mois de Septembre de ladite année 1531. Nos Dames Parifiennes s'y expriment avec bien de la franchife, lorfqu'elles difent : Nous ne fcavons quel pays eft Poictiert, Tant il eft loin de nous & nos carriers , Fors qu'on nous dit que bien grande eft la Ville , Mal populée, & en plrifieurs pars vile, Et que te peuple eft lourd en fon parler, Et toutesfois bening au long aller. Cette Epître eft fuivie de la Réponle tdes Dames de Poitiers qui mandent à Oiii 3I8 BlBIIOTHEQTJE =r celles de Paris, qu'elles ne tarderont JEAN Bou-pas à revoir leurs maris qui étoient altuET, Us aux grands jours t excepté trois que la mort avoit enlevés à Poitiers. L'Epître foixante-dix-neuviéme à Gui de Bordeilles, Religieux de l'Ordre de faint . François, fur la mort d'André de Vivonne , Sénéchal de Poitou , arrivée le dernier jour de Juillet 15 3 2. à l'âge de quatre-vingt ans, avoit déjà été imprimée féparément in-8°. fans date & fans nom de lieu. Mais elle eft sûrement de 1532. Les derniers vers indiquent le lieu & le jour où elle fut compofée : \ Efcript en deul, portant viz trifte & blefme , Au lieu Denville, en ceftuy jour dutiefme Du moys cTA'ouft , que voile le Moucher , Par le ventre humble Orateur Jehan Bouchet. M. de Vivonne étoit Seigneur Denville & de la Châteigneraye. Il fut inhumé dans ce dernier lieu. L'Epître de Bouchet contient un abrégé de la vie, & l'Epitaphe de ce Seigneur qui avoit fervi fous Louis X I , Charles V I I I , Louis XII & François I , & qui avoit été quarante-trois ans Sénéchal du Poitou. En 1534. on joua à Poitiers les My- r Ï K A K C O M 1 319 itères de l'Incarnation, de la Nativité, — — de la Réfurreaion & de l'Afcenfion J E A N Bav~ de Jefus-Chrift, & la MiffionduSaint- CHÏT " Efprit. Bouchet écrivit à cette occafion fa quatre-vingt-dixiérne Epître familière , dans laquelle il motalife fut ce iujet, & où il dit 1 " J'ay vu joûcr ces Myftéres ttoïs tbys , Donc fuys content, vcu mes ans ; toatesfoys Deficc fort, allant mes Patenoftres, De veoit jouer les Actes des Apoftres , &c. Bouchet dit clairement qu'il avoit été d'un grand fecours aux Acteurs qui avoient repréfehté dans ces pièces ; &il eft plus que probable qu'il avoit eu part à la compofition des pièces mêmes , puifque dans l'Epître quatre-vingt-onzième qui lui eft adrelTée par les habitans d'Iflbudun en Berri , qui vouloient auflî faire repréfenter chez eux Le Myftére de la Paflion , on fait confeiller par le Comte de Dunois de s'adreflèr à Bouchet, de qui le Comte fait cet éloge: C'eft un Seigneur de» fçavaas tmfeigneur, Des plus experts la lime tige & régie , Lequel a bien monftré ces jours rafles Aux Poictevins qu'il en fçavoit aflês, Les a'idans eu la, nit&rse action., O iiij 520 BlBIIOTrtEQWB — ^ ^ » Voire iî bien, que de fon ancre taincrc- J E AN B o u CHET. La ï * " ' Manche en eft , & non estante-, Mais en- reluyft à jamais le renom ; Or il pouvez batailler fous fon nom , Et que pour voua il travaille & fe peine , Honneur vousfoytfans travail & fans peine. o En conféquence les hahitans d'DioU'dun eurent recours à Bouchet, & l'invitèrent à fe rendre chez eux. Bouchet s'en excufe dans la lettre fuivante r où il ne laiflè pas d'ajouter ; Ce non obftant mes papiers vous envoie Par ce porteur lequel s'eft mis en voie. Du moule ay prins ce que fay bon trouvé ,. Et ce qui eft par l'Eglifc approuvé ; Car U y a an moule aulcuns paflages Qui n'ont paffé par l'efcole des fages J Dont par confeil j'ay fait rdeiflion, Et en ces lieux mis quelque addition , Vous fupploirez les defiaulx d'eferipture Lorfque d'iceulx on fera la lecture : Monsieur Billon de voftrè Epiftre Auctcuc En ffaura bien eftre réparateur. Il donne enfuite ces avis : Je vous fupply que tous vos perfonnages Vous alfignez a gens félon leurs aages, Et que n'uiéz tant d'habits empruntez, ( FulTent-iJs d'or ) qu'ils ne foient adjuftez Conunpdéinent aux gens ièton leurs loolles j F R A N ç O I S E . JAI & n'eft pas beau que les Docteurs d'efcollef, Kantiens,. & les gens de confeil Ayent veftement à Pilate pareil, Ne à Hérode ; Se fàult que de vos fùiicte» Ayez Peflày, ne fuuent ores painctes , Et que mettez les herberges au jeu Diftinctenient, & chaftune en fon lieu', Tant que congnoiftre on puifle ceulx qui jouent, Les regardans ce bon ordre fort louent. mmm^Ê^mm^ J E AN BouCHET» Bouchet écrivit lés Epîtres quatrevingt-quinze, quatre-vingt-feize & cent cinq, pour folliciterLouifede Bourbon, Abbefle de Sainte-Croix de Poitiers , de recevoir une de fes filles qui vouloit fe faire Religieufe. Cette fille fe nommoit Marie : elle étoit déjà dans ce Monaltére, où elle avoit été reçue à la demande du. Roi. qui en avoit été fupplié par M. de Villâridry , Secrétaire des Commandemens de Sa Majefté.. Dansl'Epître quatre-vingt-quinze y Boucher dit qu'il avoit huit enfans ; de-" dans la quatre-vingt-dix-feptieme, i t dit qu'il avoit deûein de publier ibni Remède £amours,, SànbUbletnens d'Epiftresurr grand tasJtnqucs à cent ,.dont j'adrefle aux eftataUne grant part ; les arutres-familières-' A-gens-divas, & dé towes-rflanieres.. 0 W 3.2.2 BIBLIOTHEQUE Mais tes erreurs crains de l'imprelTron - J E A W B o u - Q u i a u x Auteurs font mainte opprerBon , ÇHET. Faliifians des lirres la droieture , Le ftyle & l'art, qui eft grant forraiéuire. La lettre centième eft du mois d'Août 1536. Bouchet fait y fçavoir à l'Abbéde Fontaine4e-Comte, qu'il eft, malade à Saint Maixent, & qu'il y a reçu: lavifite de Mellin de- Saint Gelais, dont il fait l'élogeLes habitans d e l à ville de Bourges lui ayant demandé la même grâce que ceux d'Iflbudun, Bouchet s'excufe dans la lettre cent unième, de ce qu'il ne peut fe rendre à leurs defirs. Cette Epître eft écrite a. Jean Chupponeau, Doileur miTheologie, de ZOrdre des Augufiins à Bourges. Dans l'Epître cent cinquième à Louife de Bourbon, Abbeflè de Fontevxault, il parle ainfi de quelques ouvrages qu'il avoir compofés , mais quarte me font point connus : J'ay entreprins humblement en fonpieue D'un douta Latin faire traduction En gros Francoys, de la narration D'aulcunz honneurs deuz à la Mère & Vierge Dec Anges Darne,. & du FilzDieu concierge-.,. Ces troisliurets que j'ay puis peu traduitz A vojtciaiii yenu, Madame, font sundtaitsy. F R A N ç O I S E . 323 Il avoit parié dans l'Epître précédente, 1—mi — J des Triumpbes de l'Ame, dont on avoit J E A N B O U blâmé, dit-il, quelque Chapitre, par- CHET* ce qu'il traitoit de la prédeftination , quoique Bouchét allure que tout ce qu'il enfeignoit fur ce myftére étoit conforme à la doctrine de faint Paul , & que l'ouvrage où il parloir, de cette matière, avoit été approuvé par unfavant Religieux de l'Ordre de faim François, le Doyen en Théologie, èk un Docteur de Paris. Je ne fçai fi ces Triumpbes de {Ame feroient diiterens des Difcours & Epîtres en vers, extraits des Triumpbes de la noble & amoureufe Dame, & de {art de honnêtement aymer, qui ont été imprimés féparément en' 1535. à Paris, fous le titré d'Exclamations, Epî* très & Orai forts de la noble Dame amoureufe, dite {Ame incorporée. Vous trouverez dans l'Epître cent fépt fon fentiment fur la vérification x W l'exprimé en ces termes : l e trouve beau mettre deux fémenins <* F.rt riine platté ,'• avec deux mafcuiins ; • Serhblablement «ruand on les éntrelaflè-En vers ctoifés, où Grita» Se foface»• Auffi quand voy fur voyelle rimer • Ssais;lé vraf fon des lettres fapprimer,. "v • - Nomqrj*cct^ 0 «î 524 •——•» J E A N BOUCH£T, , BlBlIOTKEQUtr Mais tierce ou quarte, Se la fyllabe entière-», NOU$ voyons bien que cemot-cy, fenvmt, On n'efeript pas comme ce mot, comment ;; L'un eft en a,/ l'autre en t : mais ftitnct Convient très-bien avec exfMenée ; J'entends qui veut toutes-reigUrs, garder De rimerie, & y bien regarder. Voire doit-on fans que les vers on griefveAvoir égard à la longue. & la bricfVe , Qu'on congnoiftra par le parler commun Sur la voyelle,, oit rat perde chafeun. En bon- François ce moc-cy , odverttffe, Eft long fur /•, Se brief ce mot, notice ; . Et toutefois tous les jours vous voyez Queles plus grans font fur ce fourvoyez, Sec. Cette lettre doit être dit commencement de Septembre 15 37..puiiquedans la iuivante, qui eii du 16 du même mois, Bouchet dit que celui à qui il répond ( Baptifte le Chandelier, Conseiller du Boy en fa Cour de .Parlement, d IVormandie ) lui avoit écrit depuis environ huit joursFrançois deSâgon, Curé de Beauvaisr Tun des adverfaires de Clément Marot,. ayant écrit à. Boucher l'Epître cent neuf, pour fe. plaindre & de. Marot & de Gntitetiu, Colin qui. avoir renoncé à. ion. amitié pour. & ranger du. côté dm F R A M Ç O 1 S E. Jif même- Clément Marot, Bouchet refu =2" la de prendre aucun parti dans cette JBANBOU» querelle t c*si~ Quant eft de moy, j'en quitte là partie :Je liiis amy.de tous en charité. J'entends de ceulx qui fuyvent vérité. JJ me defpIaiiVvous veoir vous trois en picquei. iChafcun de vous pat art & par nature Mérite loz de fa propre efcritureDiverfement; mais on dire & on fàicry De tous humains il n'y a rien parfaict.. Bouchet avoit raiTon de dire, qu'il n'étoit proprement ami que de ceux qur fuivent Vérité; fon zélé contre les hérétiques étoit vif; il démafque fans menagementleurs vices & leur hipocryfie dans les Epîtres familières- cent treize& cent quatorze.. Pour Clément M a rot il le contente prefque dele plaindre ^ cornme on le voit parcesversdefacent: quatorzième Epitte :. Mais Jas-.l Marot pour ctûdér bault voiler>, Et les fecreta d'Evangile accoller, Et répugner aux préceptes d'Egide -, S'eft par fa fâulte en trés-grant peine miiè ; : Il me defplaift le veoir ipfortuné,. Parce, quîil eft. un vray Roçte née. IDansieftinênies.Epîtres Bouchet parle $l6 BlBirOTHfcQUE plufieurs fois de fes Annales d'AquitaiJEANBOU- ne dans lesquelles il a inféré diverfés ««CET. pièces en vers : ce n'eft pas ici le lieu de m'étendre fur cet ouvrage hiftorique qui a fait honneur à fon Auteur ; je me contenterai de vous citer ce qu'il en dit lui-même dans fon Epkre cent quinze, à Magdelene dé Bourbon, Abbeflé du Monaftere dé Sainte Croix à Poitiers r 7 ' A celle eaufe- un flyre vous éirroye Fat le congé de.la Court mis en voye , Où vous verrez qui lut le fondateur De vofire parc , & premier bienfaictéur ; Qui ont elle' de Poictiers les Évefques, Et d'aulcuns Saints les légendes; avecques L'extraction des Comtes de Poitou; Et gui fonda Fôntevrault en Anjou ; Quels Roys & Ducs turent en Aquitaine , ' Et des François l'origine certaine; ' Ees droitz patens que les enfans du Roy ©nt à Milan; le mal & le defroy Qu'autrefois ont les Anglois* fait en France } Et comme on a fait céfler telle outrance;' Et aultres faidfx dignes d'élire notez, Et bien an vray fdo» les an»- cernez; llefîéurTillart, Secrétaire à Koiienv avoit excité notre Auteur à envoyer q^dknie chant Royal au Puy/dês Car-* F R A N ç O I S E . 3 zj mes de cette Ville. Bouchet s'en exii cufe dans fon Epître douzième ; mais JEAVBCW*. pour adoucir fon refus, il chante dans CHET* la même Epître les louanges delà fain- • te Vierge. Il parle avec éloge dejofeph Bouchet l'un de fes fils, dans l'Epître cent vingt-cinq a Jacques Godait, Curé & Chanoine de la Chaftre en Berrj, grand Orateur, Se dit que ce fils réufliflbit déjà dans la poè'fie : Le mien Jtfipi qui commence à rimer , A fàict d'un Chien enrimetans lymer, (Lequel douze an», ouplusgarde j'ayoye ) Quelques regrets qu'à préfem je t'eciTOye , Ou il a faitVquelque description Des Chiens loyaubt donc on fuSt mention. Le Poète dans l'Epître cent vingtfêptiéme & dernière,, nous parle des additions faites à fes Annales d'Aquitaine, & il s'en plaint, & d'un ouvrage hiftorique du Seigneur de Mjerré^Gentilhomme de bon fçavoir, & bien expérimenté au faiit des guerres, démontant à Boulogne fur Mer. G'èft à lui que cette Epître eft adrelTée. Mais il faut que vous ayez encore la patience d'entendre comment; Bouchet s'exprimer lui-même fur ces deux faits. ^ ..Et au partir vous sue feiftes promelrc- JiS BrBLIO-THEQtrBT Qu'un voyage faict par voftre noblefie JEANBOU» E n Languedoc, me viendriez reveoir CKETV pour me monftrer, & me faire fçavoir Ce qu'aviez mis par efcript des guerres FàicVes en France, & aulrres proches terresDe l'afTaillant comme de PaiTailly, Où vous n'avez aucunement faiily ;. Car treze mbys pafTèz vous retovurrafrcs ,. Et un cayer de papier me donnaftes ,. Auquel avez par etcript rédigé,. Et par ans, moys, jours & lt'euz colligé* Ce qu'on a faict-es- guerres de- Savoye, Et de Piedmont-, Provence, et par la voie' De Picardie, Artoys, Boufongne, Hénault,. Et Perpignan, et tout ce pays hauit, Depuis l'an mil cinq cens, avecqne trente Jufqu'à preTent ; mil cinq cens & quarante Avecques trois; voire d'un art fi gent,. Tant élégant, coppietot, émergent r •Que je n'ày-ven cronique plus courtoife, Nt mieulx tifiuë en la langue Françoife. Je n'ai pu découvrirai cette Chronique^ du fieur de Myerréa été imprimée :Bouchet ajoute qu'il devoit s'en- fervir utilement En elcrivant. le» gefres de ce -temps ,, Qu'ung étonrdy, glorieux & hatUfaircr; C e û efforcé en- mon nom de- le faire ; Et pour ctridermon honneur fupprimer',, A bien aufé le tout faire imprimer-,. F R A N ç O I S E. 3 29 Et l'adjoufter fans crainte en mes Annalles, Qui chofes font r non point hiitorialles , Mais petitz cas qu'homme de ton efprit Ne daigneroit rédiger par efcriptj &c. — — — JEANBOOCHET. Je vous ai fait obferver que Bouchet avoit inféré parmi fès Epîtres familières , plufieurs de celles qui lui avoient été écrites par fes amis ; & comme celles-ci font auffi en vers, je dois compter leurs Auteurs au nombre des Poètes contemporains de Bouchet. C'eft un fervice que ce dernier a rendu à l'hifloire littéraire , en nous faifant connoître ces Ecrivains,. dont quelques-uns feroient peut-être abfolument ignorés fans lui, puifqu'il y en a plufieurs dont il n'efl fait aucune mention dans nos deux anciens Bibliothécaires la Croix-du-Maine & du Verdier. PIERRE GERVAISE. Tel eft Pierre Gervaife, Afefeur de rofficialde Poitiers, Auteur de l'Epître vingt-deuxième, qu'on lit dans les Epîtres familières de Bouchet. Cette Epître eft une fiction poétique, imaginéepour donner des louanges à Boucher,, q u e Pierre Gervaife avoit connu dès fa j^uneflè, & dont il paroît avoir été- 3^ I f s 1 ^ ? ^ T ïî E<5 t? E 4. ' ^AA AJ.AAA ^ ASA^SîX? ^AAA^AAAAAA^A""' •.s' X ï «4Ï.. 4444 % * A A A A 44.-4 -44444 4- 4"4-4A -AA Ï 4 i ^ W W A ' 4s<4 44-A-4 4x44.44- v. A4. 4 \ A \ 4..4..S 4 4 AA^AA* A ^ A A ^ X ^ M " AAÀXV • A VX^A A A A A • > • A>AO V . A A ^ X ï Ï X 'X A A A A A A - A A A A > A A AAAAXAVAA^A A \ , \ A A A X AÀA "" .AXA.ÏAA.A .A AA yA A V \ . A ^ y A V A \ » A A A > A X X . A AAAAAVAAAA' A\AA AAAAAAA A-AVXAAA, A XAAXÀAVAX,. A A A 4A, X.Ày \ ^ A S . A A À ^ à ^ à A * X « A * s , X > \ À - A S V A A . S J A A ; J Î S : À * S A X^AA^ X AAsV-lgS A1 À\AA A A A > > A<•AAAAA, '^VÏ^SSX? » i yAÀAAAÀAXX . , . % * . AVA Vj1; \ \ V A i ^ A A S A ' S A V A À X y X A ; A A A 4 . AS X 4 A > X X A 4A 4S44 4 4 A A: V AA^X X A ^ * A -y . AAAA AXyyiAAAA. AS" A A S X A à V>,A ^'XAV-: AXVN\-'> AiSAAVA\.iAA,AA V . A \ A AV^VAX. AV " Ai XXVAAAAA, ÀV X.A,A\,AÀA^AX \ - A . -^ .VA XV-A"- A X S A » .A, AAVAV V Ï A \ - V - XAAAA •yÀ-AVA-A. ^ ÀSÀi^yAAÀAV-AA ^ À ^ A A N A A A V • * î-A î.AA AVAAXàV y-VX"^^'- X.AÀ\-V VX ^ \ \ ^ \ A44X444A444 A ^ à ' 4 » -ïXAS" S4S x^j4^ ^ A ^ m e s i ^ ï s t i .fe '44.444:444 4>444»44 &«ï- 44444^ ^ X ^ Ï S ^ ^ S ^ I & 4AOSA.AS A JASJM 4-44-S 4 4.-44 44444». 4 4jV 44-A -X.A-.!» -&V<:4.4s;. 44Ï »444A»-A»A 44.-44-A -44.4444. — A — » -4 %44 .-44-44 ^ - W - A W T O H 433-4.44AS Î4 4444444 44444-\ 44-44—4 4-4.44.-4- A4 A J.-- 4-4" 44—A3 .-AV-A 444** 44$ 4AA44AAA4444 44 44444 4-4 —» 4 4-A -4-4--4 4 -44-- 4- 4 4 - . A»- ——A».--1 J Ç À-K» 4-AA-4444— 4-44A—4-- ^ - - A 4.4-A-.44 A- 4-4 A 44-A- j A s ^ - A 4A4.-J -44. ^4S A X C 4444S544444544.4S-44. 4444444444-4 > À* A î A - Î S î U j |§ 44444S-S44S:. 4À.45444.4.44- 444444.4.? A X S S S % %4444S44444 4 t ^ ^ - t f i . 4-4f £j444S 4 444S & 4J444443 4AA4444:.44ÏS! ^-•JSSJSJS- 44-5-^4-4 ^44^—4 -p-gA- .4.-4.^.44^ 44> $.A>AA" 4.444 I l 4 4 4 4 4 à ^ ^ : | 4'>'444?43' À--.*. <"A~AAAÂA.AA XVA £ A ^ <^AA-N ^r^ssc\ sfssm 3 £ £ t w $$$N AA y y v . 4 ; " • " . f .AA v 4J444A44444 ^ ^ A ^ A î A X ^ v i î - é e | > s ? 4s>a <à - V ^4-44-4- *4- ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ 1 ; S ^ . F R A N C oijE. ,->i * o n jeune âge, il s'occupoit desmoyens • = — s d e plaire a ceux qu'il connoiflbir, ou P « * « _ d o n t il vouloir acquérir l'eftirne ou laGEiivAK» - protection ; qu'il aimoir alors le bel art d e l a Rhétorique, & que lbn indifte- x e n c e pour lui étoit d'autant plus inex- cuiable, qu'il lui étoit redevable de ton avancement. Pour l'arracher à cet en: _- gourdiflement qu'elle lui reproche, el'- l e l e renvoie à Boucher , « / , dit-elle , ^ dans la même Ville, & lui fait l'énumération des ouvrages qui avoient acquis a celui-ci un nom illultre. Pierre Gervaife pouvant objecter que - Boucher étoit un féculier, maître de choifir fon genre d'étude ; que pour lui - H avoit embrafle l'Etat Eccléfiaftique , Et que ce n'efl l'état cTbocome crEglUe D e compofcr métrés, : La Rhétorique prévient cette objeo : tion , & répond ; S-ftlNÏ. f^.ï l s - ï î v * 330 BIBLIOTHèQUE -'•• ' - compagnon d'études. Gervaife fuppoté PIERRE qu'étant près de la riviéfe de Vienne GERVAISE e n T o u i . a i n e f l'efprit occupé des ouvrages de fon ami, lefommeillefurpric fur une agréable prairie, & qu'il eut le fonge fuivant. Une nacelle de bois de Cyprès, tapiffée de draps d'or & de foie, s'offre à fon efprit étonné de cette nouveauté. Cette petite barque étoit conduite par un jeune homme qui avoit les yeux fixés fur une femme d'une grande beauté, & qui avoit autour d'elle une multitude de pef fonnes qui montraient un air content & joyeux, & Qui comuofoient Ballades , Virehriz , Carmes, Blafbns, joyeux Dictez & Lais , Rondeaux, Chanfons par fi grant mélodie Qu'tntour eux l'air rendoit grant armonïc La jeune femme, ou la Rhétorique fous cette forme, étant arrivée près du bord, appelle Gervaife par fon nom, & lui parle fi durement qu'il en eft extrêmement furpris 5 Car ne penfois en rien avoir forfait}, Ne contre aukun, d i â , penfé, ne memiict. Entre les reproches qu'elle lui fait, elle le taxe de pareffe, ou du moins d'indifférence , lui repréfentant que dan» F R A N ç O I S E . 531 {on jeune âge, il s'occupoit desmoyeris ï'. à de plaire à ceux qu'il connoiflbit, ou PIERRE dont il vouloit acquérir l'eftime ou la GERVAIS» protection ; qu'il aimoit alors le bel art de la Rhétorique , & que lbn indifférence pour lui étoit d'autant plus inexcufable, qu'il lui étoit redevable de fon avancement. Pour l'arracher à cet engourdiflèment qu'elle lui reproche, elle le renvoie à Boucher , vé, dit-elle , dans la même Ville, & lui fait l'énumération des ouvrages qui avoient acquis à celui-ci un nom illuftre. Pierre Gervaife pouvant objecter que Bouchet étoit un féculier, maître de choifir fon genre d'étude ; que pour lui il avoit embrafle l'Etat Eccléfiaftique , Et que ce n'eft l'état d'homme d'Eglife De compofer métrés, L a Rhétorique prévient cette objection~t& répond ; . . . ,. . . . Qu'il eft leu te. permis A toutes gens pour acquérir amys , De compofer par métrés ou' par proies , Et eronicquer au vray nouvelles choies, Interpréter les dits Se mots obfcurs En bon langaige , afin que les gens durs ja'efprit, en. foient au vray mieuhc entendons,. été. 33* BIBLIOTHèQUE Et afin de joindre les exemples au* PIERRE raifons , elle lui fait remarquer que la .GERYAISE nacelle étoit pleine de Pafteurs & de Prélats Qui en leur temps ont chaicun à leur guife Sien compote' en bonne Rhetoricque , Sans délaiflet la vraie Theoricque. Elle nornme entPautres Gerfon , Chancelier de l'Univerfité de Paris ; Jean Michel , Evêque d'Angers , qu'elle fait, fans aucun fondement, Auteur du Myftére de la Pajfion j Octavien de Saint Gelais, Evêque d'Angoulême j Jean d'Authon, Abbé d'Angle , Qui du feu Roy Loys fut Croniqueur , Maiftre Pierre Rivière, & Pierre Blanche:. Gervaife ne réplique point, fe réveille , & envoie à Bouchet la defcription de fon fonge. PIERRE RIVIERE. Je ne connois Pierre Rivière que par ce qu'en difent Dame Rhétorique & Jean Bouchet j &"corrune ce font peut-être les feuls qui en fafiènt mention , il eft bon de rapporter leurs paroles. La Rhétorique parlant à Pierre Gervaife, dit: FRANçOISE 333 tongnoîs-tu point Maiftre terre Rivière Ï^^^^S PlERRS Ton compaignon, qui fçeut l'art & manière De bien rimer , fit tant bien tranilata Lt nef des fils ; puis en rime dicta Une euvre gent pour fon efprit etbattre, Ou bien au long parla de vertuz quatre. n Bouchet parlant du même dans fon Epître rejponftve à Gervaife, l'appelle le tant bon Rivière Qui de rimer fearoit Tare & manière. Mais il nous le fait encore mieux connoître dans l'Epitaphe qu'il a compolee à fa loiiange, & dont je vous ai déjà rapporté plus haut quelques vers : la voici toute entière. Ici deffoubs ces pierres fie quartiers SSift le corps mort d'un enfant de roitiett Qu'on appelloit Maiftre P«rr« Rivière, Qui luy vivant fèit chofe singulière, C'eft qu'il tra.luift de Latin en François X * Nef eletfeh, que commencé j'avois. l'an qu'il mourut, il fèit meilleure chofe î Ce fuxung livre en vers, autfi en proie. Intitulé, des vertuz le recueil, . Qui entre gens feavans eut bon accueil} Car il étroit en ung très-orné ftyle, Combien qu'il fut fubtil fit difficile : ' Tut s'ii eftoit bon vulgaire orateur > Epitaph. de Bcùchet, Ep. 49. fcuill 984, 3 54 PlEKRK B.IYIS&E. BlBIIOTHEQUB Encore» fut meilleur interpréteur t>ts Droitz civile : fa principale eftude F.ftoil de» Loix par grand follicitude. En fon jeune aage il fut fort ftudieux , A Dieu dévot, aux gens trés-gratieulx. Humble & courtois, & de bonne nature, Prifé de tous par fa littérature. Et fur le point qu'il s'attendoit florir Comme Advocat, il va jeune mourir; Lorsqu'il devoir avoir époufe & prendre , La mort le vint fupplanter & furprendre : Ce fut au père & mère grand ennuy , Veu qu'ils n'avaient fils ne fille que hiy,.... Ce fut l'an mil quatre-vingt quatre seau Et dix-neuf. • ' Tom. 10. p. Je vous ai parlé ci-devant de la Nef ipi.fcfiiiv.desfols & de la traduction qui en fut faite en vers dans les dernières années du quinzième fiécle. Comme le traducteur ne s'elt point nommé, & que je n'avois point lu alors les ouvrages de Jean Bouchet, j'ignorois qui étoit ce traducteur. C'efl donc Pierre Piviert : car quoique Bouchet ne dife point que la verfion de celui-ci ait été imprimée, il y a lieu de croire que c'efl lui quieft Auteur de celle que nous avons , & dont je vous ai rendu compte. Cette traduction fut achevée en effet au mois de Décembre 1^07, & l'Auteur; dit F R A ÎJ Ç O Î J f i . 1JÇ qu'il çfcoit jeune,; deux circonftances . ' ', <.i qufconviennent parfaitement avec ce PIERRBque Bouchet rapporte de Pierre R J - * U V I M E . viere. PIERRE BLANCHET, Pierre Blanchet ne nous eft connu non plus que par ce qu'en difent Gervaife & Bouchet. 11 naquit à Poitiers vers l'an 1459. fuivit le Palais dans fa jeuneflè, & compofa des Rondeaux, des Satyres & des Farces. Mais ayant atteint l'âge de quarante ans, il renonça à ces occupations trop peu férieuies , embrafla l'Etat Ecçléfiaflique., & fut ordonné Prêtre. Il mourut à Poitiers l'an 1519. âgé de foixante ans au moins. Pierre Gervaife dans l'Epître que j!ai déjà citée, introduit la Rhétorique qui lui parle en ces termes de Pierre Blanchet. Regarde auflî- Maittre Pierre Blanchet Qui içeut tant bien jouer de mon bûcher , Et compofer faryres proteteeufes, Farces auflî oui. n'eireient ennuyeufes. Jean Bouchet ert dit davantage, dans l'Epitaphe de Blanchet, & les circonRances qu'eIksjwn&Hiiens, demandent 3jt5 BIBLIOTHèQUE : que je vous la rapporte : la voici. PIERRE Cy ^.ft deflbubz œ lapines a , ^ Le corps de feu Maiftre Pierre Manchet, En ("on vivant Poëte fatyricque, Hardy fans lettre, & fort joyeulx comique, Luy jeune citant il fnivit le Palais , OU compofoit fouvent Rondeaux & Laiz , Faifoit jouer fur ètnatTaulx Bazoche, Et y joiioït par grand art fans reproche * En reprenant par fes farytics' jeux Vices "publics 8e abus oultrageux ; Et tellement que gens notes de vices Le craignoient plus que les gens de Ittfticej Ne que Prefcheurs & Concionateurs , Qui n'eftoient pas fi grands déclamateurt. Et néannrwîns parceqn'H sot aflabie , ' A tous eftok fit préfence agréable Or quand il eut quarante ans, un pen phts. Tous ces etbats & jeux de luy forclus , H lût taie Ftettie, Se en cet eftat digne ( Duquel louvent fe répmoit indigne ) Il demeura vingt ans, très-bien difanc Heures 8c Mené, & paifible giûmt, Et néantntoins par paûe-temps boruteâc) Luy qui n'ettoit barbare, ne agreûe, Il compofoit .bien louvent vers huytains , Noëls , Dictez, de bonnes choies plains. Et pour la fin, ion ordonnance ultime -Et Tettament fcit en plaiûune rime, OU plufieur» legs a tous fes amys tels Plus FRANÇOISE. 337 Mus à plaifîf qu'à fingulicr profite. Nous fùfmes trois que Tes exécuteurs nomme Lefquelz chargea de faire dire cri fomme 1 ^—«.—« PIERRE BLANCUES Après fa mort, des Méfies bien trois cens , Et les payer de noitre bourfe , fans Rien de fes biens, lefquelz laifiëroit, prendre * Comme afièuré qu'à ce vouldrions tendre. Après mourut, fans regret voluntiers , L'an mil cinq cens dix-neuf, à Poictiert Dont fut natif. Priez donc Dieu pour l'ame Du bon Blanchet, qui fut digne qu'on l'ame, M. de Beauchamps dit dans fes Re- T. I. éd. iaj, cherches fur les Théâtres de France, 8°- P-lbSque ce Pierre Blanchet pourroit bien être l'Auteur de la célèbre farce • de Pathelin. Mais ce n'eft qu'une conjecture dont il n'apporte aucune preuve. MM. Parfait dans leur Hiftoire du Théâtre François gardent fur Blanchet & fes ouvrages le même filence qu'ont gardé avant lui la Croix-du-Maine & du Verdier. Bouchet dans fa réponfe à l'Epitre ' de Pierre Gervaife, compte entre fes compagnons d'étude, Pierre Rogier , & ajoute, parlant de lui, de Rivière & de quelques autres : Nous prenions veftemens de Paltours, Et jouyons en très-joyeulx atours Tome XL P 338 BlBLIOTHEQtfE 1 Pour paffe-temps, Satyres, Bergeries, Et faifions tout plain de mommeries ; BtANCHET j' en tends es jours que l'efcolle ceflbit, Et que chafcun fes eibas pourchafloit. PJ ERRE La Croix-du-Maine parie de ce Pierre Rogier ou Roger , & le qualifie Ecujer, natif de Poiitou, Sieur de Migné, Confeiller du Roy, & Magifirat à Poictiers. Il ajoute qu'il vivoit encore en 15 84. Mais il ne le fait Auteur d'aucun ouvrage en vers. GERMAIN EMERT. On connoît encore moins Germain Emery ou Aymery, Licentié es Loix, & Avocat à Poitiers, quia écrit à Bouchot la quarantième Epîtrequi fe trouve parmi les Epîtres familières du dernier. C'efl peut-être la feule pièce de vers qui foit imprimée de cet Auteur, ami de Bouchet dès l'enfance. JEAN PARMENTIER Jean Parmentier, Auteur de la quarante-quatrième Epître, eft beaucoup moins ignoré. Bouchet dans l'Epître quarante-troifiéme le dit F R A N ç O I S E . . . Poëte altilocuient, Hiflorien , Orateur excellent. 33J MENTIEX] C e qu'il y a de vrai, c'eft que Jean Parmentier né à Dieppe en 1494., quoiqu'engagé dans le commerce, & ayant exercé toute fa vie la profeffion de Marchand, ne laifia pas de fe livrer aux belles lettres, autant que fes occupations purent lui en laifler le loifir. « Quoiqu'il n'eût pas beaucoup han- «e té les écoles, dit Pierre Crignon,cc Editeur ce que nous avons de lui, fi «« toutesfois eftoit il congnoiflant en plu- «c iîeurs fciences que le grant précepteur ce & maiftre d'Efcole par don àe grâce in- <* fufe luy avoit eflargi. » Cette grâce infufe le rendit, félon fes Panégyriftes , non-feulement capable de compofer quantité de poëfies , telles que Chants Royaux, Ballades, Rondeaux, bonnes & excellentes Moralités & Farces, mais encore de traduire en François la conjuration de Catilina écrite en Latin par Salufte. Selon Crignon & du Verdier, il étoit de plus ce bon Cofmographe ce •& Géographe ; & par luy ont été « compofez plufieurs Mappss-mondes « englobes & en plat, & maintes Cartes cemarines , fur lefquelles plufieurs ont t c uavigéfeuxement. » P ij 340 BIBLIOTHèQUE = e = Le defir de connoître & de voir par JEAN PAR-lui-même d'autres pays que le fien, lui WIK T I E R . £ t entreprendre en i 520. la conduite de deux .vaifleaux , que Jean Ango Grenetier, Vis-Comte de Dieppe, avoit équippés à fes dépens. Jean Parmentier n'avoit alors que trente-cinq ans, & Raoul fon frère qui voulut l'accompagner dans ce voyage, n'en avoit que trente. Après une navigation aflèz fâcheufe, ils arrivèrent enfin à rifle de Sumatra, en la mer des Indes , où ils débarquèrent avec tout l'équipage. Les chaleurs du pays, jointes aux fatigues du voyage, cauferent à Jean une fièvre fi violente, qu'il en mourut au bout de huit jours, laiffant veuve une jeune femme qu'il n'avoit époufée que depuis environ un an de demi. Son frère Raoul, attaqué du même mal, ne lui furvécut que de quinze jours. Crigrion, compagnon de leur voyage & témoin de leur trille fin, a fait fur leur mort une Complainte où il exprime ainfi les regrets que leur départ avoit excités. H me fouvient comme à la départie Chacun prenoit congé de fa partie , Et que je vey la Nymphe Parmentier Qui fen efpoux aimoit de cueur entier , Faire ung adieu fi méfié de regtez, F R A N ç O I S E . 341 Que ce voyant ung cueur plus dur que grez Se feuft fendu, ou fondu comme cire. "• JEANPAU.- Enfuite après avoir décrit les grâces M E * m E t t extérieures de la femme de Parmentier, il la fait parler ainfi : Mon efpoux 8c amy Je n'ay elle, fors qu'un an 8c demy Avecques luy , qui me femble trop brief : O dur départ, tant tu me feras grief ! Tous les plailirs que j'ay prins jours 8c nuicts Sont convertis en douleurs & ennuiera N'avons nous pas des biens à fuftifance Pour vivre enfemble en joye 8c en plaifance ? Crignon déplore la mort des deux frères dans la fuite de fa Complainte, où il fait parler ainfi la Mufe Polymnie à la femme de l'aîné. ' Du corps de Jm tiens toy tout informé Qu'il eft déjà en Palme transformé. Le corps de çt>ul, qui jeeté fut en mer Eft transformé en un léger Dauphin: • • . . . . . . • . . . . . • Et celle mer où il fait demoutée Du nom des deux doibt eftre décorée : Se plus François vient en celle frontière , Il nommera celle mer Parmcnticre, Piij y 342 BIBLIOTHèQUE Et en fera mémoire à tout jamais, Sec. J TAN PAR- Il ne nous refle des ouvrages Dramatiques de Jean Parmentier , que fa Moralité très-élégante à dix perfonnages, à l'honneur de f* Ajfomption de la Vierge Marie, imprimée à Paris en i 53 i inHift. t ».p. 4°- En attendant que je vous rende acs. & t. j. COmpte ailleurs de cette pièce , vous pouvez voir ce qu'en difent MM. Parfait dans leur Hiftoire du Théâtre FranR h r i" é ut'inlÇ°rs> & M. de Beauchamps dans fes »".*t. 1. Recherches fur l'Hiftoire du même Théâtre. Du Verdier cite du même Parmentier un Traiéïé enferme d'exhortation contenant les merveilles de Dieu & la dignité de l'homme, compofé en rime ; un Chant Royal par manière de Paraphra fe fur l'Oraifon Dominicale ; & plusieurs autres Chants Royaux faicls fouis termes Agronomiques, Géographiques & Maritimes , à l'honneur de la très-heureufe Vier Marie Mère de Dieu. A l'égard de Raoul frère de Jean, nous ne connoiflbns de lui aucun ouvrage; mais le témoignage de Pierre Crignon fuffit pour lui donner place parmi les Poètes, puifqu'en parlant des deux frères, il dit qu'ils étoient MENTIER. . . . . . deux des plus clercs Tour compofer Ballades , Chants royaux » •Moralités, Comédies, Rondeaux » F R A N ç O I S E . 343 Aftrolabcs, Sphères & Mappemonde, Caries auflî pour conaoiftre le monde. JEAN MARY. Quoique nous n'ayons plus l'Epître en vers de Jean Marin de Rouffec y a laquelle Jean Bouchet répondit par Sx quarante-feptiéme Epître familière , nous ne pouvons douter que cet Ecrivain ne fût Poète à la manière de fon tems. 1 °. Parce que Bouchet, dans la même Epître quarante-feptiéme , le décore des titres d'Orateur tant difert & facré, & plus bas, de Poète facré. 20. Parce que l'Epître quatre-vingtième en vers, adreflee au même Bouchet, elf de ce Jean Marin de Rouffec. Il étoit d'Angoulême, Licentié es Droits & Advocat de Rouffec, & fon vrai nom étoit Jehan Mary. Dans l'Epître quatre-vingtième que je viens de citer, & qui eft contre les Détraiteurs, après avoir fouhaité de tenir feulement un coin avec honneur dans quelques-uns des ouvrages de Bouchet, il ajoute : Je t'envoye ung procès Tout fait en rime, en matière d'excès, Lequel j'ay mis , non pour gagner pécune , En mon vulgaire, où je prie à ta plume P iiij 544 B l B X I O T H E Q VB Palier deflus , & l'euvre corriger, Qu'à cette fin, t'ay voulu diriger.... Le dit procès le termina jadis Dedans la court du trés-bault Paradis, Tout le narré j'ay prins dedans Bartolle , Par ce convient que luy feul on m o l l e ; Combien que j'aye efté fi fort aftreint, Que mon eiprit recullant j'ay contraint De tranfiater ceftuy petit ouvrage De bon Latin en maternel langage. Quel eft cet écrit? Eft-il imprimé? c'eft ce que je n'ai pu découvrir. Bouchet en faifojt cas, cornme on le voit par fa réponfe, où il dit : Et au furplus ton Trilogue j'ay leu Faicf. par bon art, de bon termes pourveu, Ou la rigueur tu as gaidé de rime , Et prins matière ailèz haulte & fublimc ; Et fi l'ouvrage eft fuccinct & petit, Mieulx on y prend bon goût & appétit. Je ne vous dirai rien de Jacques de Puytefon, Chanoine de Ménigoufte, de Maiftre Thomas le Prevoft de Rouen, de Maiftre Baptifte le Chandelier, Con» feiller du Roy en [a Court de Parlement de Normandie, de Michel Defarpens, ou des Arpens, ni de Florent Thibault, qui tous ont écrit en vers à Jean Bouchet; leurs Epîtres ne nous apprennent rien F R A N ç O I S E . 345 de ce qui les concerne, & je n'en ai — — rien trouvé ailleurs. Maiftre François de ^ EAN ^*" Sagon, Curé de Beauvais, Auteur de l'Epître cent neuvième au même Bouchet, vous efb déjà connu par (es différends avec Clément IVlarot, & je ne pourrois que répéter ce que je vous en ai dit. Mais je ne dois pas paffer fous filence Claude Cothereau, François Thibault , Germain Colin Bûcher, Nicolas Petit , Jacques le Lieur, Jean Brèche ,Jac~ que s Godard & Jean d Authon. Il faut du moins vous inftruire du peu que j'ai découvert fur ces huit Poètes, qui tous, ou prefque tous ont pareillement écrit en vers à Jean Bouchet leur contemporaindc leur ami. CLAUDE COTTE RE AU. Claude Cothereau, ou plutôt Cot- BîM. Franc. tereau, vous eft déjà connu par fa tra-^'• P- ,11duétion des douze livres de Columelle, '7> dont le dixième eft traduit en vers François, & par la Pandore de Jean Olivier dont il communiqua le manufcrit à Etienne Dolet, qui le publia. Cottereau étoit de Tours , à ce qu'il paroît : il fit une partie de fes études à Poitiers, tSc fe lia dès ce tems-là avec Bouchet PY 34<> BIBLIOTHèQUE qui dans une de fes Epîtres lui rappelle CLAUDE cette ancienne liaifon. ^u'il vous fouCOITE- vienne, dit-il, de l'ancienne connoiffance i— B.EAU. Que nous eufmes deux ans entiers , Vous efludiant à Toictiers. S'étant retiré à T O U R , & ayant embrafië l'Etat Eccléfiaftique, il fut employé dans le miniftére. Bouchet qui lui adreflè lbn Epître cinquante-fixiéme , le qualifie Archiprêtre de Tours > «Se le loue ainfi fur fon progrès dans les sciences : Voyant ton art de compoler tout grave „ Ton ftyle doux, coppieux & dave , Et ton içavoir d'Hébiieu , Grec &t Latin r Vulgaire auffi. Plus bas il ajoute : je te remercie de ce qu'il t'a plu . . . . . m'envoyer de ta rime De divers ftyle, approchant des propos. Par toy rimez, en auffi bon difpos Qu'on fçauroit veoir , & auffi bonne taille» Sans que la main après toy mettre y taille. Cottereau ayant quitté Tours, vint à Paris. Il étoit dans cette Ville lorfque Bouchet lui adrefla fon Epître quatre-Yingt-deuxiéme. LaCroix.^n-Axai F R A N ç O I S E . 347 n e & du Verdier lui donnent la qualité de Chanoine de Paris, fans défigner dans CLAUDE quelle Eglife il pofledoit ce bénéfice. C o T T ^ Cottereau levé ce doute , en fe quali- R E A U ' fiant dans l'Epître cent vingt-troifiéme parmi les Epîtres familières de Bouc h e t , Chanoine prébende en C Eglife de Paris. Il étoit alors dans un âge avanc é , puifqu'il figne ainfi cette E p î t r e , Par cil qui n'eft nouveau Voftre amy , niais vieil Coiereau, Il vivoit encore en 15 5 6. Je ne connois point d'autres ouvrages de lui que ceux dont je vous ai parlé. AMSMMC F R' EMPOIS THIBAULT. François Thibault, Licentié h Droits & Avocat à Poitiers, dans fon Epître à Bouchet, marque qu'il lui envoie u n Traité de fa compofition, en profe éc en vers, & le prie de le corriger ; mais il ne dit pas quel en étoit l'objet. B o u chet dans fa réponfe nous apprend que cet ouvrage étoit intitulé, le Débat de l'efprit amoureux : & v o k i comment i l en parle : Entre autres toy quiftyleas dour. & brief Comme SaUufie, auquel n'y a rien grief, Fvj 348 FRANçOIS TH*"BAULT BIBLIOTHèQUE Trèsfloriflantcomme du fécond Pline , Et coppieux fuivant la difcipline De Cicero , abondant, fec & tria Ce qu'a Fronto l'Orateur on afcript, Comme j'ay veu par le tien opufcule Lequel eft fàict en langue vetnacule , Dit le Débat de VE'jrit amoureux, Ou l'on te veoit en termes plantureux Bon inventeur, & qui très-bien difpofes L'invention, l'efcrit & la compofes. > La Croix-du- Maine & du Verdier ne parlent ni de l'Auteur , ni de fon ouvrage. GERMAIN COLIN BUCHER. Le premier a connu Ger*mÈkC iColin , fil dit natif d'Angers, Poetè^trancois Poeh**Tr, qu'il du tems de Marot, & il le diftingue de Germain Colin Bûcher, grand Orateur & Secrétaire de Meffire Philippe ( de milliers ) de l'IJle-Adam , grand Maiftre de Malthe. Mais la Croix-du-Maine le trompe dans cette diftinction. 11 n'oit ici queftion que d'un feul & même Poète-: Bûcher étoit le nom de fa famille ; Germain & Colin étoient les noms de Baptême. Le même Bibliothécaire n'a connu aucun de fesouvrages, puifqu'il n'en cite point. Nous avons du moins F R A N ç O I S E . 34.9 deux Epîtres de lui en vers adreflees à — Bouchet : c'en, la foixante-quatriéme GERMAIN & la foixante-fixiéme des Epîtres fami-g LIN> liéres du dernier. L'une & l'autre font l'éloge de celui à qui elles font écrites. Dans la féconde , Bûcher parle beaucoup des entreprifes des Turcs contre les Chevaliers de faint Jean de Jérufalem. Il ajoute qu'il étoit Angevin. Tu me verras à tes v.entz réfléchir En Angevin débonnaire & fans v i c e , Ne fçachant point iîmuler, ne gauchir. Je fuis d'Anjou de gente claire & franche Qui n'a taché que d'honneur s'enrichir , Dont m'a fallu appuyer d'autre branche l'our fouftenir ma vie en ce bas monde, Qui fur lés bords d'amaritude panche Il ligne à la fin ; Ton ferviteur Germain Colin Bûcher. Jean Bouchet répondant à ces deux lettres, loue beaucoup à fon tout Germain Bûcher , mais il ne nous inft.ru it d'aucun de fes ouvrages. Je vous ai dit ci-deflus que ce Poète avoit d'abord été lié d'une étroite amitié avec Sagon un des adverfaires de Marot, & que celuici l'attira enfuite dans fon parti, ce dont Sagon fe plaignit avec aigreur à 350 B l B l I O T HEQUK Bouchet qui ne voulue point entrer dans cette querelle , quoiqu'il blâmât Bûcher d'avoir rompu avec Sagon. NICOLAS PETIT. Nicolas Petit, autre ami de Jean Bouchet, étoit Poète Latin & François , & Licentié es Droits. Il étoit originaire de Normandie, mais il vint jeune à Paris où il fit fes études. Voulant enfuite s'appliquer à la feience du Droit, il alla à Poitiers oh il prit le degré de Licentié , & fut fait Recteur. Il fe fit beaucoup d'honneur dans cette Ville par fes talens, & s'y acquit un grand nombre d'amis par fa politeflê & fa bonne conduite. La pelle ayant affligé la Ville de Poitiers en 15 3 2, il fe retira au Bourg de Perfac , où il mourut au mois d'Octobre de la même année , après quatre jours de maladie, n'étant âgé que de trente-cinq ans, C'efi Bouchet qui nous apprend ces faits dans fon Epître à M. l'Abbé de Fontaine-le-Comte, où il dit que les Poitevins doivent pleurer la mort de Petit, Parce quvit a Tes pays foubfiemir Tant, de Poitou, que tous ceulï. d'Aquitaine, F R A N ç O I S E , 351 Jaçoit qu'il feuft de Normandie iiîu, Et à Paris ourdi, faict & tiifu Quant au fçavoir de l'humaine fcience , Et à Poitiers quant aux Lois & Licence, Ee nom portoit de Niâtes Petit T Qui tousjours eut aux lettres appétit ; Petit de nom , mais grand de renommée Par ion eftnde en labeur confommée. ^SSSSÏSÏ NICOLAS PETIT, ^ Une des Mufes. à qui Bouchet prête fort langage dans la même Epître, ajoute beaucoup à cet éloge, lorfqu'eile dit, parlant à Bouchet même : . . . . Nous avons un Poëte perdu , . Et Orateur, qui tousjours a tendu . De conferver l'honneur de nous , les Mufes r Non en cornetz , flajolz, ne cornemufes, Mais en beaux fâitz & compétitions > Dont il eft bruyt par toutes nations , Et a rendu par pluueurs beaulx diiticques Tous tes écrits en maints lieux magnifiques. Oeil" que Nicolas Petit a orné en effet prefque tous les écrits de Bouchet de vers Latins, 6: quelquefois de pièces aflèz longues, où il loue & l'Auteur & lès ouvrages, La Mufe continue ; XI eftoit docr, doux, célèbre 8c facond , Sacré, divin ,. en beaulx termes fécond, Pranant & hardy, altiioqueat^lepide, _ 35^ BIBLIOTHèQUE — s — — Noble d'engin, à efcrire intrépide ; . NICOLAS Mieulx efcrivoit cent foit qu'il ne pacloit, rETIT. • £ t n e monftroit le hault pris qu'il valoi-. Mais tant y a qu'entre tous les Cronicques , Epigrammeurs , Liricques , Satiricques , Semblablement entre Tragédiens, Elégiacs & les Hiftoriens Grecs & Latins nous l'avons voulu mettre Au rang d'honneur, comme parfaict en métré. Il avoit plus , car en civilité , Et Droiét Canon citoit habilité Tant Se il bien , qu'après fa longue émule De la Licence avoit eu l'altitude , &c. Malgré tous ces éloges, je ne crois pas que l'on doive regretter la perte des poëfies Françoifes de Nicolas Petit. JACQUES LE LIEUR. Celles de Jacques le Lieur ont eu le même fort, & fans doute qu'on s'en confolera fans peine. La Croix-duMaine qui le nomme mal le Lièvre, ne , lui donne qu'un Chant Royal a l'honneur de la Vierge : Bouchet dans fa quatrevingt-dix-huitième Epître familière, qui eft adreflee à cet Orateur de Rouen, parle de trois Chants Royaux, que le • Lieur lui avoit envoyés, & dont il le FRANçOISE. 353 remercie. Le Lieur répondit à Bou- ' ' ' _ " ' chet à qui il rend louanges pour loiian- JACQUES ges. Sa réponfe eft la quatre-vingt-dix- LE EIEUR» neuvième Epîtréfamilière de Bouchet. Celui-ci dans fon Epître cent treizièm e écrite au même, ajoute à ce qu'il avoit déjà dit : . , . . . Quand j'ay veu de tes vers la coppie Non procédans de garruleufe pic , Mais d'Orateur & Poète parfàict, Semblablement ce que Marot a f a i i t , Audi Macault du Roy le Secrétaire , J*ay propofé dorelaavant me taire , &c. On ne pouvoit affurément faire plus d'honneur à le Lieur, que de le comparer à Marot : mais le parallèle étoitil jufte ? Les louanges des Poètes font toujours fufpecles , parce qu'elles fe contiennent rarement dans les bornes du vrai. JEAN BRECHE. v Bouchet n'excede-t'il pas encore, lorfque parlant de Maiftre Jean Brèche, Avocat à Tours, qui lui avoit envoyé en vers une Epître qui fait la cent dixneuviéme des Epîtres familières de notre Procureur Poitevin , il dit : 354 JEAN BUE. CH£. BIBLIOTHèQUE Que veulx-je dire ? Orateur tres-facond , ? En tous fçavoirs abondant 2c fécond, Sinon après avoir vcu ton Epittte , Et les Traictez aufquelz as donné tiltres Dt l* deCtrine ér 1* ctnditita D'nn nette T rince , & la traduction De ce qu'en dit Plutarque en ung lien livre Par toy traduit, de tous deflaulx délivre J'ay retiré plume, papier & encre Comme esbahy , èScc, L'ouvrage de Brèche dont Bouchée parle ici, a pour titre : le Manuel Royal ou opufcules de la doctrine & condition du Prince, partie en profe, partie en tinte-% avec le Commentaire de Plutarque de la doctrine du Prince : ensemble les quatrevingt Préceptes (Tlfocrate, du régime & gouvernement du Prince, le tout impri- mé à Tours en 154.1. in-4 0 . Boucher voulant faire connoître davantage la matière contenue dans ces opufcules, & l'utilité qu'on pouvoit en retirer, ajoute : Et pour parler après de la matière En foy très-grand, eft parfaite &c entière , Digne d'un? R o y , Monarque ou Empereur , Qui ces Traîtres pourroient lire par heur ; Car apprendront voyant ton eferipture, Quelle des corps fera leur nourriture , FRANçOISE. 355 ï t de l'efprit, pour en honneur régner , Et les deffaulx d'une terre e.xpugner ; JEANBRE- E t quant aux biens, comme on les doit delpendre , CHE. E t des bienfaits à chafcun loyer rendre ; Prouvant le tout par efcriptes raifons, Par ditz moraux & par comparaifons , Qu'on ne fçauroit aucunement defbattre , Ne deibattant, par le contraire abbattre ; Er perde & croy que le Roy Salomon, Ne Socrates , ne le divin Platon , Ne aulnes grans Philofophes novaulx N'en ont efcript précepts plus doctrinaulx, Mieulx procérlans de Dieu par grâce infuie Que du confeil de ta privée Mufe, Qui en tous arts t'a fi très-bien infirmer Qu'en toute France & ailleurs en eft bruyt. Jean Brèche vouloit dédier cet ouvrage à la fœur de François I. & Boucher le lui confeille. Il eft encore Auteur de l'bonnefie exercice du Prince, dont on n'a que le premier livre en vers François, imprimé en 1544.. & qui devoir: être fuivi de deux autres, qu'il n'a peut-être pas achevés. A l'égard de fa traduction du livre de Laétance de l ouvrage de Dieu, eu de la formation de f homme ; de celle des Aphorifmes d'Hippocrate , de fon Promptuaire des Loix municipales, & de fon abrégé des trois 55cî BIBLIOTHèQUE premiers livres de Galien, de la compofition des Aiédicamens, ce n'eft point ici le lieu d'en parler. JACQUES GODARD. Je finis cette énumératiôn des Poètes amis de Jean Bouchet, & dont celui-ci fait mention, par Jacques Godard Se Jean d'Authon. Le premier étoit Curé & Chanoine de la Chaftre en Berry. Bouchet ne nous a pas confervé la lettre qu'il en avoit reçue. Tout ce qu'il nous dit dans fa rëponfe, c'efl qu'elle étoit fort courte. Ce Chanoine a écrit en vers François un Dialogue férieux & moral de Narcis ou Narcijfus, & d'Echo, imprimé à Poitiers l'an 1559. un petit Traitté aufli en vers François, contenant la déploration de toutes les prifes de Rome depuis fa fondation par Romulusjufqu'ala dernière prife par les Efpagnols, à Paris, 1528. in-8 °. Se une Epître Latine & Françoife, envoyée à Maifire Jean des Eoffez., Lieutenant du Bailly en Berrj , &c. JEAN D'AUTHON. La reconnoifiance jointe à l'amitié, a engagé Jean Bouchet à s'étendre un F R A N ç O I S E . 557 peu davantage fur Jean d'Authon. C'eft d e lui, comme il le dit, qu'il avoit ap- JEAN pris l'art de Rhétorique & de Poéfie. Ce- U'AUTHO* pendant Bouchet a négligé d'entrer dans le détail de la vie de fon ami, & il n'a prefque écrit que pour lotier fa perfonne &fes ouvrages. La Croix-duMaine & du Verdier, qui ont tort de le nommer Danthon, en difent encore moins. Tout ce que j'ai pu recueillir d'hiftorique concernant ce Poète & Hiflorien, c'eft qu'il étoit de Poitiers, de famille, noble, qu'il embrafla dans fa jeunefie la règle de faint Auguftin ; qu'ayant été connu du Roi Louis X I I , ce Prince le nomma fon Croniqueur, c'eft-à-dire, fon Hiftoriographe, qu'il le chargea d'écrire Phiftoire de fon règne , qu'il lui donna l'Abbaye d'Angle en Poitou, & qu'il mourut au mois de Janvier 1527. âgé d'un peu plus de foixante ans. Ces faits & quelques au, très fe trouvant dans fon Epitaphe com- Ep.«-o. f«ù6} pofée par Bouchet, je crois qu'il ne wfera pas inutile de la rapporter, quoiqu'un peu longue : elle eft conçue en ces termes. Cy deflbubz gift en ce bien eftroit angle Vn bon Seigneur aultresiois Abbé d'Angle, Religieux ; «'eft ftere Jelian d'Authon , 35^ —«^——. JEAN i> A u i H O N BlBlrOTHEQUr? Noble de fang , qui vcfquift , ce dict-on ; Bar foixante & plus , en bon eftime ; Grant Orateur tant en profe qu'en rithine,. Il ordonnoit comme en profe fes vers Sans rien contiaindre à l'endroit ou envers t Il eltoit grave .en fon métré & facille ; Brief, onc ne vy jamais de plus grand ftyle. I'lufieurs Traictez en rime compofa, OU le lien fens & fçavoir expofa Du Roy Loys de ce nom le douziefme, Tant qu'il porta le royal Diadefme , Fuft Cronicqueur, & en profe a efeript Ses nobles faietz , où monftra fon efprit. En rime a fait trois Fpiitres moult belles Des trois Eftats contenans les querelles. Et ce bon Roy voyant que Moyne eftoit, Et que très-bien eftre Abbé méritoit, Le feit pourveoir de cette prelature , En attendant plus féconde avanture ; Car il cuit eu chofe de plus hault priz , Si fiére mort n'euit ce bon Roy iurpris. Dix ans avant que mourut ce bon père , Auftere vie il tint en Monaftere , En mefprifant par merveilleux defdaing Les gens du monde & tout honneur mondai*. Il ne dormoit en mol lier, fous courtines ; Tousjours eltoit le premier à Matines : Il fe rendoit II tris-humble & abject, Qu'il ne feuabloit eftxe A b b é , mais fuhject» F R A N ç O I S E . 350. Et tellement qu'on ne l'euft peu congnoiftre Entre les Cens Religieux en Cloiftre, —«^—M JEAN Par luy eftoient grans boubans reboutez , ° "uTHOl| Combien qu'il fuit noble des deux couliez ; Il ne vouloit ne chafle, ne vénerie , Riches habitz, ne pompeufe efcurie ; En folitude il vivoit tout feulet, Se contentant d'un Prebftre & d'un Varlet : Il ne vouloit compaignée pompeufe; De confcience eftoit fort timoreufe. Puis en Janvier mil cinq cens ic vingt-lept Il trefpallà, difant maint beau verfet, Le corps duquel repofe fous la lame : Priez à Dieu que pardon face à l'ame. Cette Epitaphe, imprimée dans le recueil des pièces du même genre compofées par Bouchet, fait ailleurs partie de l'Epître cinquante-feptiémé du même , où il fait encore cet éloge de Jean d'Authon : Il eftoit brief, reflïmblant à Sallufte » Sec, floriuant, aucunes fois adulte, Fort abondant, comme Pline fécond , Et coppieux comme Tulle, Se facond; Il eftoit grave en parolle , & facille, Et Saint Gelaiz & luy n'avoient qu'un ftyle : Et n'en defplaife aux Françoys Orateurs Qui font de profe & vers compofitcurs , One n'en congneu de plus doulce élégance., 3cîo BIBLIOTHèQUE Mieulx efcripvant fans cache d'arrogance. JEAN t> AUTHON Métamorphofe autrefois a traduit sucrinûemen, f & l'ouvrage conduit Si doulcernent, qu'on dirait que les Nymphes » Les femi-Uieux, Mufes Se Paranymphes Sont entre humains ainfî comme vifz rems , Et que les Dieux des Gentils font vivant. De dix vertus il a fait les Eallades En fi hault ftyle Se beau , que les malades Se guériraient en icelles lifant ; Tant eft l'Auteur attable Se bien difant. Enfin dans une autre Epître, Bouchet après avoir loiié encore l'hifloire de Louis XII. par Jean d'Authon , ajoute , en lui adrefîant la parole : Ung mot diray des Ballades , Rondeaux , Epiftres, Lais, Se aultres faits fi beaux Par toy tiflus en doulce confonnance , Qu'ils ont fi haulte Se doulce refonnance ( Qu'il ne fut onc langage plus friant., Si très-aifé , car il eft attrayant, Et fi Huant, que tes métrés font profe , Et n'y a mot fur lequel faille g lofe. De ces divers ouvrages de Jean d'Authon loués par Bouchet, laiflant là l'hifloire de Louis XII, qui n'efl pas a&uellement de mon fujet, je n'ai vu que les fuivans. i. Deux Epîtres en vers » F R A N ç O I S E , 36*1 Vers., dont l'une eft dans le Panegyric — du Chevalierfans reproche, de Jean Bou- JEAN c h e t , édition in-4 0 . Gothique-, l'autreD'AUTHON à la fin du Labyrinthe de fortune par le même Bouchet. Dans la première, Jean d'Authon loue Ion ami, Se parle avec éloge de lès ouvrages, & en particulier de fes Annales d'Aquitaine : là féconde n'a rien d'intéreflânt. 2. Les Epiftres envoyées au Roy très-chreflien de là les Monts par les Eftats de France r avec certaines Ballades & Ronde•aulx, fur le faicl de la guerre de Venife, compofees : in-4 0 . à Lyon , l'an 1509. Il y a trois Épîtres. La première eft celle de l'i?glife : la féconde, celle de Noblejfe : & la troifiéme, celle de Labeur. C'eft-àd i r e , que le Clergé, la Nobleffe & le Tiers-Etat parlent, chacun à fon tour, - dans ces trois Epîtres, & tous pour loiier Louis XII. & célébrer fes conquêtes. Ces lettres font fuivies de trois Ballades, l'une avant la bataille, l'autre après la bataille, & la dernière fur les fuites de la guerre. Les deux Rondeaux qui viennent après , ont le même objet. Je n'ai rien vu dans toutes ces pièces qui réponde aux éloges que Bouchet a jugé à propos d'en faire. Le prologue de l'Auteur eft auffi en vers. Tme XL Q 362 BIBLIOTHèQUE 3. L'exil de Gènes Ufuperbe ,faiftf>arfteJEAN re Jean d'Authon , Hiftoriographe du Roy, »ACTHON in.^o^ a v e c u n e gravure qui repréfente la fédition excitée parles Bourgeois de Gènes contre la Nobleffe en 1506. Cette fédition devint par degrés une révolte contre Louis XII. Le Koi partit en conféquence de Grenoble le 3 Avril 1507. arriva devant Gènes, força la Ville de fe rendre à difcrétion, & y fit fon entrée le 28 d'Avril. C'eft le lu jet de la pièce de Jean d'Authon, qui n'eft guéres cependant qu'une invective contre la Ville de Gènes. Dans quelques exemplaires cette pièce eft précédée d'une Epiftre en vers aux Rommains. C'eft une fatyre très-emportée contre les Romains, à qui l'Auteur reproche les plus grands vices. Cette Epître eft fans nom d'Auteur ; & je la crois plutôt de Jean Divry que de d'Authon. JEAN D I V R 7. Ce Jean Divry, que du Verdier nomme Diverj, & qui rendoit fon nom en Latin par celui de Diurius, comme on le lit dans Vander Linden, étoit d'Hiencourt au Diocéfe de Beauvais. C'eft du moins ce que je Bs dans du Verdier, F R A N ç O I S E . 36T 3 «fui ajoute , qu'il exerça la Médecine dans la ville de Manthe. Divry nous JEAN dic feulement qu'il étoit du Beauvaifis, VRY' n é de parens pauvres, & qu'il a fait un allez long féjour à Paris : Pas n'eft raifort que pour les médifan* Jt: laifle à dire de Paris les haulz biens , OU fuis nourry puis environ dix ans , Sans que j'amende de mes parens en riens : Beanvoijtm je fuis, & me foubltiens Qui n'ay ne cens, ne revenu , ne rente ; Au jour le jour je vis & m'entretiens, En efcoutant que fortune me augmente. La pièce où il rapporte ces vers elt du vingtième jour de AUi 1 508. ainfi il devoit être venu à Paris en 14.98. ou l'année fuivante. Il y étudioit en Médecine dans la Faculté de cette Ville, «5c il avoit pris dès-lors le degré de Bachelier , puifqu'il en prend le titre au commencement de la même pièce. Vander Linden ne cite qu'un ouvrage de lui concernant fa profeffion, & il n'en met la première édition qu'en 1536. Cet ouvrage eftécrit en Latin, & a été réimprimé à Strafbourg en i 542. J'ignore fi l'Auteur vivoit encore en cette année. A l'égard de fes ouvrages François a du, Verdier n'en cite qu'un, intjQij ' .• DI- 3 64. BrBiioTjffEQUE tuléDialogue de Salomon & de Marcol~ P 1 - phus, avec les Diils des fept Saiges, &' autres Philojophes de Grèce, imprimé à Paris, par Guillaume Euftace en 1509. J'en ai vu plufieurs autres : tels font les Triumphes de France, tranflates de Latin en François fclon le texte de Curre JMamertin, imprimés à Paris par Jean Barbier pour Guillaume Euftace, le vingtième jour de Mai 1508. In-4. 0 . Curre Mamertin eft Charles de Curres, natif de Mamcrs au Maine. G'étoit un Poète Latin qui vivoit fous le règne de Louis XII. Il adreflà fon ouvrage, par une Epître en profe, à Béraud Stuart, Seigneur d'Aubigny. Diyry a traduit cette Epître en profe, & à la fin il ligne , Jehan Divrj, petit efcollier & difciple de tous Orateurs & bons Rhétoriciens. Le poème eft plus paraphrafé que traduit en vers François. Il eft divifé en douze chapitres, dont je me contenterai de vous indiquer les fujets. Le premier contient l'éloge de Louis XII. L'Epître au Seigneur d'Aubigny, forme le fécond , & la traduction de cette Epître fait le troifiéme. Le quatrième eft à la louange du même Bérault Stuart, qui avoit acccompagné le Roi Charles VIII à la conquête d'I- = = JEAN VKV. F a A N.ç O I S E . 36"5 talie , & qui mourut au mois de Juin i 508. Ces quatre premiers Chapitres JEAN "DIfont une efpéce de hors d'œuvre; & ce VRY* n'eft proprement qu'au cinquième que le poème commence. L'Auteur après y avoir invoqué la Déejfe Calliope, parle dans les Chapitres fuivans de {ajournée des François en Italie, contre Ferdin a n d , Roi d'Arragon , de l'entrée des François dans Bologne , Florence , Rome , & autres Villes d'Italie, de la prife de Capouë , de la reddition de Naples qui fe fournit à Louis X I I , & de l'entrée de ce Prince dans cette Ville. Tout cela efl fort fuperficiel, & a plus l'air d'un Journal fec & décharné que d'un poème, quoique l'Auteur perdant haleine dès le neuvième Chapitre , y demande de nouveau le fe> cours de Calliope, Ce poème efl fuivi d'une Ballade Se de deux Rondeaux. La Ballade n'eft prefque qu'une Complainte de Divry fur ce qu'il fe voyoit toujours, fi on l'en croit, abandonné par la fortune. Il dit entr'autres : Dame Fortune tous les jours me tourmente Dcfloubz fa tente ; grâce à Dieu toutes foys ; Puifqu'il luy plaift que povrete' je fente Krès moy rttéfentc , murmurer n'en voulrlroys Qiij 9*56 BlBLIOTHEQTJ E Faulcc d'argent de moy point ne ié abfenre , Mais permanente me tient fort aux aboys ; Si n'ay de quoy, jà pourtant ne lamente ; Fleuve , froid , vente, vis tomme un loup aux bois ; Aulcune tbys fuis faoul, puis des jours trois Pain, vin, chair, pois, nefourreen rna belace , Faulte d'audace me tient en fes deftroits : Son chien de chois ne perd jamais fa trace. Après quelques autres plaintes , toujours entremêlées de l'éloge de la patience , il dit au Roi : Prince , Seigneur très-Chreftien des Rois , Par vos arrois dcmnez-rnoy quelque place Oh je pourchafle quelque muet tme fois ; Son chien de chois ne perd jamais fa trace. Divry étoit fi perfuadé que de la manière dont il ayoit traduit le poème de Charles de Curres, il en avoit fait fon propre ouvrage, qu'il le regarde comme un bien qui lui appartenoit ; c'elt ce qu'il fait entendre à lafinde fon poème fur l'origine & les conquêtes des François, depuis lepartement de Francien fils d'Heclor de Troyes jufiqua préfenty c'eft-à-dire, jufqu'en 1508. Il dit en effet pour faire connoître le fujet de ce dernier poème & celui du premier ; Conféqucmment recueillis les hiftoircs > Oit les triumphes, prouefies & victoires. F R A N ç O I S E . 3 67 Des pmiz François font mifes par efeript, Que j'ay nommé par vraye demonftrance , Sans fourvoyer, les Trinmphes de France, A la louange du très-Creftien Roy loys douziefme, qui en fi noble arroy Tient fes fubjeéts , qu'il n'y a loups famis Qui de luy fe ofent déclarer ennemis. Le poëme fur l'origine & les conquêtes des François commence par le récit d'un fonge extrêmement long & ennuyeux. Divry y fuppofe que s'étant endormi, la plupart des Héros de l'antiquité s'étoient préfentés à lui , & qu'ils lui avoient raconté les actions ' qui les avoient le plus diftingué. Il eir. fort fobre dans l'éloge qu'il fait de ces actions ; & s'il convient qu'elles méritoient d'être célébrées, il prétend auffi qu'il n'y avoit rien vu que l'on pût comparer avec celles des François. Pour le prouver il entreprit de décrire cellesci ; mais il s'en acquitte fi mal, que les Héros qu'il chante lui auroient, fansdoute , confefllé de fe taire, s'il les eût confultés. Un panégyrique auffi fade & auffi plat que celui-ci, étoit plus propre à les deshonorer qu'à relever leur gloire. Je connois encore deux autres pièces Qiiij •i — JEAN DlYR.Y. \ 3<58 BlBIIOTHEQUE : de Jean Divry ; l'une a pour titre , les JEAN DI-Faits & geftes de très-révérend Fere en VEY. DieuMonfteurle Légat, tranflatez. ( fort Jibrement ) de Latin en Franceys par Maijlre Jehan Divry, Bachelier en Médecine , félon le. texte de Faufte Andrelin. Ce Légat étoit George d'Amboife, Archevêque de Rouen. Andrelin l'ayoit loué en vers Latins, Divry imite ce panégyrique en vers François. On y trouve un grand détail de ce que le Prélat avoit fait pour l'ornement de la Ville de Roiien, & dans fon Château de Gaillon. Divry lui a adreffé fa traduction ou paraphrafe, dont j'ai vu deux éditions différentes, l'une & l'au- ' tre avec le texte Latin. La féconde pièce de Jean Divry eft encore une efpéce de traduction de l'Epitaphe hiftorique de Guy de Rochefort, Chancelier de France, compofée en vers Latins par le même Faufte Andrelin. Guy de Rochefort, Chevalier, Seigneur de Pleuvant.créé Chancelier de France par le Roi Charles VIII. en 1497. mourut de la pierre au mois de Janvier 1S07. Enfin fi l'Epître aux Romains qui eft imprimée dans quelques exemplaires, avec l'Exil de Genès lafuperbe, par fiere Jean d'Authon, eft de Jean Divry, F R A N ç O I S E . 369 cette pièce n'augmentera pas la gloire ' d e c e roëte. C'eftune fatyre en très-JEAN DImauvais vers, mais extrêmement em- VRY* portée, & qui n'apprend rien. Je n'y ai trouvé que cette penfée un peu digne de remarque, & que Divry auroit dû s'appliquer à lui-même : Qui n'a de loz que celui qu'il s'en donne , C'eft peu de choie, s'il ne commeâ les œuvre» Qui certifient que fa vie eft très-bonne. ANTOINE DU SA1X. Antoine du Saix, en Latin Antonitis Saxanus, Chanoine Régulier de Saine Antoine, & Commandeur de Bourg c j BreiTe, a fuivi dans la pratique cette maxime de Jean Divry. Ses mœurs iétoient pures, fa conduite étoit réglée ; & dans fes poëfics il ne s'eft propofé que d'inftruire & d'édifier. Ce n'eft que par-là qu'elles peuvent être de quelque confidération. Pierre Grofnet, qui vivoit de fon tems, ne l'avoit pas, fans cloute, connu perfonnellement, puif* qu'l le nomme Antoine d'Ufés : Nous avons Anthoine d'Ufés, Lequel parla bien des excès , UEperonfitde dijciplmc Où l'on peut voir bonne doctrine. 370 ." BIBLIOTHèQUE Du Saix naquit à Bourg en Brefle, ANTOINE d'une famille illuftre de ce pays, lequel BU SAIX. £ t o | t a j o r s fourrus à la domination des Ducs de Savoie. Il vint au monde vers l'an 1505. puifqu'on lit à la fin de fon Éperon de discipline imprimé en 1532. Part. 3. pag. qu'il avoit alors vingt-fept ans. Guiî-**c henon qui rapporte fa généalogie dans fon Hiftoire de Brefle & de Bugey , le qualifie Docteur es Droits & en Théologie , Commandeur de Saint Antoine & Abbé de Chefery, Ambaffadeur du Duc de Savoye en France, & la Croix du Maine ajoute à ces qualités, celles de Précepteur & Aumônier de Charles, Duc de Savoie, & à!Orateur Latin & François. Antoine du Saix nous apprend dans Une Requête préfentée au Roi François I. au nom de fon père , en la ville de Lyon , l'an 1535. qu'il étoit fils de Claude du Saix, Seigneur de Rivoyre, ancien Chevalier, Se que fes ancêtres avoient fervi la France avec honneur, de même que fes frères , Jean du Saix, Seigneur de Reflins en Beaujolois, qui mourut à la bataille de Pavie ; & Pierre du Saix „ Seigneur de PierreFitte, décédé au Royaume de Naples - où il avoit accompagné le Prince de Vaudérriont : F R A N ç O I S E . 371 Claude du Saix ancien Chevalier Voftte fubjeft très-humble & férviable, ' Non pas contrainct, ains de cueur amyable , Comme eft ung fils au père obéyffant Très-humblement & fans reproche expofe , Comme ainfi foit que fes prédéceflèurs Jufqn'à la mort Ont efté poilefleurs D'entier vouloir au fervice de France, Quand mefmement elle eftoit en fouffrance Par Tallebot, qui plufieurs griefs luy fei , Que la Pucelle affaillit Se defeit. Là Jehan du Saix , du fuppliant grand pete , ' Au lift dThonncur print fon dernier repaire , Du mcfme train le dict Claude fuyvit , Et pourfuyvant le Roy Charles fetvit : Puis bellement déclinant en vieillefiè , Voyant queforceen peu de temps vieil Iaifiè , . Et ne fe peut en guerre efvertuer , A bien voulu les liens fubftituer A cette caufe au lieu du fuppliant Deux de fes fils fuyvirent leurs brizées , Tant que tous deux eurent teftes brifées, Dont le premier Refit» eftoit nommé , Lequel mourut avec ce renommé Et tant loué Seigneur de la Palice, Oii d'avant temps mort monftra fa malice ï Mais heureux meurt qui fon Prince deffend. Claude dit qu.tr ce Jean du Saix , Seigneur de Relions , étoit fon fils aîné ; Q.vj ANTOINE DU SAIX. 372 BIBLIOTHèQUE • & qu'il avoit porté les armes dès l'âge AXTIONE de feize ans, fous le Seigneur de Saint t u SAIX. JndrL Quant au fécond qu'on nommoit Pierrefîcte , continue Claude du Saix , Moins que (on frère à Naples ne fut quitte ; Car en fuyvant Monfieur de Vaudemont , De griefve mort il furpafla le mont. Claude protefie au Roi qu'il ne regrette pas la mort de fes deux fils, puisqu'ils ont vécu avec honneur , & que c'eft à fon fervice qu'ils ont trouvé fi promptement le terme de leur vie ; que d'ailleurs il lui en reftoit un troifiéme, qui ayant pris un parti différent, pouvoit le contrôler de la mort de fes deux frères, & cependant fervir l'Etat en fa manière. Claude dit de ce troifiéme fils: C'eft l'ung des miens que Monfieur feit nourrir Premièrement qu'il allait en Efpagne , Lequel n'entendt de fon corps faire efpargne A vous fervir, ne de rien s'ennuyer, S'il a ceft heur de fçavoir aggrécr A vos plaisirs. Mais toutes ces offres aboutifîènt à demander au Roi une penûon : F R A N ç O I S E . 373 Je vous requiers que pour la récompenfe Des deux premiers que vous ay référé, En voftre Eftat le tiers foit inféré, Ou de Moniieur, ou bien, Sire, en vos bendes. Que il il a l'une de ces prébendes, Certainement le tronc & le fion Redoubleront leur bonne affection , &c. . DU SAIX Son fils Antoine n'a pu fe plaindre de n'avoir pas été favorablement traité , puifque, comme je l'ai dit, outre la Commanderie de Bourg en Brelle , il fut fait Abbé de Chefery , & que le Duc de Savoie l'honora de la qualité de fon Ambaiîàdeur en France. Il y a lieu de croire qu'il mourut en 1579puifque Guichenon dans la lifte qu'il a Hiftoire rfc faite des Commandeurs de Saint An-Brcfle> P"6, toine de Bourg, lui donne cette même*' année pour fuccefieur inuriédiat Jean de Gion. Les Armes de la famille du Saix font d'argent tout plein > avec cette devife, Utcumque fort tulerit, ou, comm e Antoine la met dans fes ouvrages f Jguoi qu'il advienne. Mais Antoine pour délignér fon état, écartela fon écu , ex, au premier quartier mit un Tan, qui eft la marque diftinclive de l'Ordre de Saint Antoine. Guichenon qui en fait encore men- p> 'i^ttr '* 374 ' BlBlIOTHEQUE tion dans le Chapitre vingt-un des ANTOINE Hommes illuftres de Brefie, dit » que »u SAIX. X c e p u t u n h o m m e favant, Poète Latin s» & François fort excellent félon fon a» tems; & que les ouvrages qu'il a laines, «témoignent fon érudition. » Voici ceux qu'il cite. i ° . » La touche naïve, » ou la man iére de dîfcerner l'ami d'avec » le flatteur, traduction de Plutarque, » dédiée au Roi François I. imprimée « à Lyon , chez Arnoullet. z°. L'E« peron de difcipline en vers François, 3> dédié à Charles, Duc de Savoye ; où " » il traite de l'éducation des Princes. 33 3°. Petits fatras d'un apprentif furpi nommé l'Efperonnier de difcipline, pp qui eft un recueil de diverfes penfées ' pp & Epigrammes en Latin ôcenFran« çois, imprimé à Lyon , chez Arp> noullet en 15 3 8. 4, 0 . Autre recueil PP de poëfies, avec plufleurs pièces du 33 même Auteur fur la magnifique Egli«fe de Brou, intitulé le Blafon de pp Brou, PP Guichenon ne connoifloit point un cinquième ouvrage, intitulé: » Traicté fingulier, riche en fentences, PP élégant en termes, & rjToffitablé à « l i r e , de l'utilité qu'on peult tirer des »ennemys, compofé en Grec par Plu» tarque , tranilaté en Latin par Eraf- F R A N ç O I S E . 375 m e , & mis en language François par « : noble homme frère Anthoine d u « ANTOINE DU Saix , Commandeur de Bourg. » SAIX. Du Verdier , qui n'a point connu Bibt. France ce cinquième écrit, en ajoute trois autres : « Oraifon funèbre faicte& pro- <c noncée aux obféques & enterrement « de très-illuftre Princene Marguerite « d'Autriche : l'Opiate de fobriété com- <* polée en Carefrhe pour conferver au «: Cioiflre la famé de Religion : & Mar- «c quetis de pièces diverfes afièmblées « par Antoine du Saix, contenant plu- « fîeurs Epigrammes & Emblèmes, à « Lyon , 1 559.» Les deux Traités traduits de Plutarque fe trouvent réunis en un même volume dans les trois édition* que j'en ai vues ; la première in-q 0 . à Paris chez Simon de Colines, en 1537. la féconde la même année in-8 °. fans indication du lieu de l'impreffion ; & la troifiémein-iA. fans date, & fans marque du lieu où cette édition a été faite. Je n'ai rien à vous dire de ces traductions, que vous ne ferez pas, fans doute , tenté de lire, finon que dans PEpître dédicatoire au Roi François L Antoine du Saix cède la gloire d'écrire mieux que lui à Saint Gelais,. René 376 BlBIIOTHÊQUE •Macé, la Maifbn-Neufve ( c'eft-à-dïre, A N NE Héroet did la Maifon-Neuve ) Baut u s™ zelles & Charles de L u c , que je ne connois point, Macault, fécond traducteur , & Scéve, que du Saix appelle fon voifin ; apparemment parce qu'il demeuroit à Lyon. h'Efperon de difc'tpline eft le plus considérable de tous les ouvrages de du Saix. On croit qu'il a été eompofé pour Charles, Duc de Savoie, & c'eft la familiarité avec laquelle l'Auteur parle à ce Prince dans fa très-prolixe Epître dédicatoire, qui a fait conjecturer qu'il avoit été Précepteur de Charles. Ce poème eft divifé en deux parties, & Guichenon ne le fait pas fumiamment connoître, en difant qu'il traite de l'éducation des Princes. C'eft une efpéce d'Encyclopédie. Du Saix y effleure toutes les fciences, tous les vices, toutes les vertus, & tout ce qui concerne l'éducation de la jeuneflê, tant par rapport à l'efprit, que pour tout ce qui appartient à l'extérieur. Il commence par l'éloge des livres en général, & par conféquent de la lecture ; ce qui lui donne lieu de recommander celle du plus excellent des livres, le nouveau Tellement. Il mon- F R A N ç O I S E . yjj tre également le bon ufage qu'on doit ' ". faire de fes lectures , & l'abus qu'on ANTOINE peut en faire. Le Chrétien, l'homme DU S A I * # lage & raifonnable y apprend ce qui doit orner fon efprit, ce qui doit le re- " gler & l'éclairer. Celui qui eit mal difpofé, ou qui a de mauvaifes intentions, ne cherche dans fes leéf.ures que ce qui eft capable de le corrompre, & pervertit celles qui par elles-mêmes ne dévoient que le diriger au bien. Tels font les Hérétiques. C'eft l'exemple que le "" Poète apporte, pour en prendre occafion de décrire les ravages que les derniers Hérétiques ont caufés , & le zélé avec lequel le Duc Charles de Savoie & plu fieurs autres Princes fe font élevés contre ces perturbateurs. Les Souverains ont combattu l'héréfie par les a r m e s , les Théologiens l'ont attaquée par le raifonnement, & en lui oppofant la révélation & la tradition. Ce que du Saix dit fur les deux dernières, eil fenfé ; mais il ne devoit pas mêler les révélations & les traditions humaines , avec l'infpiration des livres facrés & les révélations des Prophètes & des hommes Apoltoliques , moins encore apporter en preuves les divinations des Aftrologues fur lefquelles il paroît un 378 BlBXIOTHEQU'E i peu trop compter. C'efi ce que vous" ' ANTOINE remarquerez , fi vous vous donnez la »u SAIX. p e i n e de lire ce qu'il dit tout de fuite des effets qu'il appelle naturels, fur la perte, fur les maladies épidémiques, fur les fignes & les préfages qu'il dit annoncer la corruption actuelle ou prochaine de l'air. Il ne prend pas feulement ici le perfonnage de l'Aftronome & du Phyficien, il le revêt âuflî de celui de Médecin, & enfeigne fort férieufement tous les- remèdes qu'il croyoit avoir trouvés pour guérir delà pefte & de toute maladie contagieufë, ou pour en prévenir les effets. Dans le même Chapitre, il nomme quelques livres qu'il n'eftimoit pas, & dont il confeille d'interdire la lecture à ceux que l'on veut former aux bonnes mœurs : •J'eftimerois que ignorants n'euflènt Ioy Que d'imprimer le Compte Meleufine, Ou Taille vent, le Maiftre de cuifine, Le grand Albet quant au fecret des femmes, Matheolus vray Advocat des Dames, Ventes d'amours , la guerre des Grcnoilles, Les Droitz nouvcaulx, le livre des Quenoilles, Le Teftament Maiftre François Villon , Jehan de Paris, Godefioy de Billon , Artus le preux , ou Fietcbras le quin, F R A N ç O I S E . Tons les Vaillans, & Bertrand du Clecquin, La Maguelonne & Pierre de Provence , Le Pérégrin pour fraifche fouvenance , Ou Scéleftine, ou le Periè-foreft , Roland, Maugis, Dardaine la fbreft, Prifon d'amours, addition & glole , Finableir.ent le Roman de la Rofc : Ce font traictez qu'on ne doibt eitimer, &c. 370 ANTOINE DU SAJX. • Après cette longue digrefïïon , s'éloignant un peu moins de Ion premier objet, il parle des inventeurs des lettres, des premiers Elémens ou de l'Alphabet , d'où il pafle tout de fuite à la Théologie, qu'il ne tarde pas encore à quitter pour inffruire de leurs devoirs les Princes , les Prélats , & tous ceux qui font chargés de la conduite des autres ou du commandement. Il dit fur tous ces points beaucoup de vérités, & il les dit avec une grande liberté. Il diftingue fort bien les devoirs des Princes de ceux des Evêques ; maisilinfifte, comme il le doit, fur le fecours mutuel que les uns & les autres doivent fe prêter pour le gouvernement général & particulier de l'Eglife. Ce qu'il dit fur les élections aux Evêchés & aux Abbayes , dont il ôte tout le droit aux Princes, n'eft plus d'ufage aujourd'hui , 380 BlBIIOÏHSQUE :mrtout en France. Il demande dan» ANNOINE les Evêques de grandes lumières join»u SAIX. tes aux plus éminentés vertus, ce qui lui donne lieu de revenir encore fur la fcience de la Théologie, qu'il veut que l'on étudie de bonne heure dans l'Ecriture-Sainte & dans les ouvrages des Pères de l'Eglife, En délaiflànt difputations vaines De Bocquincham , Occham & Capréole ; Car l i fans grain n'eft que paille frivolle, Dont vérité n'eft jamais defmêlée. Et que vault mieux Eichard de Tour brtiflée, Lefcot, Angeft , Majoris & Almain , Paule Venet, Tartarcl fon germain , Pierre Hefpaignol Si la Somme Antonîne , Ou l'Evangile & la faincte Doctrine ? Du Saix ne méprifoit pas ces Théologiens fcholaftiques, mais il ne pou voit fouffrir que l'on étudiât leurs écrits plus que ceux des faints Docteurs de l'Eglife , comme il le dit après. Une autre chofe lui déplaifoit dans les Théologiens de l'Ecole, c'eir, que ceux qui avoient pour eux trop de vénération , ne devenoient eux-mêmes que des difputeurs , & par conféqusnt de fort mauvais Théologiens : jCelluy ne Xuis qui vouldrois Uafonner F R A N ç O I S s. Par mes efcripts nul art, ny industrie : Mais congnoiflànt la folle idolâtrie De plulîeurs gens , qui font des Théologaftres En leur Erg» refveurs opiniaftres Aymants plus chier, ce que ne puis loiier, IXyer le vray, que de déïavouer Ung argument ou proportion Des Auteurs dont j'ay raiet, relation : Tant leur docteur vénèrent & adorent, Et bien fouvent l'Evangile ils ignorent, &cv jgr . ANTOINï VIS S A I X . II ajoute que ces mauvaises études faifoient auffi de fort mauvais Prédicateurs, qui montoient néanmoins en chaire avec plus de hardiefie & de confiance , que ceux qui avoient étudié longtems la Théologie dans les fources les plus pures. Te Poète donne enfuite des initructions folides fur l'étude du Droit Civil & Canonique, & fur l'ufage qu'on en doit faire, & il veut qu'un Théologien ne fépare point cette étude, du moins celle du Droit Canon , de l'étude de l'Ecriture & des Pères, Il parle des principaux Législateurs anciens & modernes , ce qui eir, fuivi d'une très-longue exhortation àfcience, dans laquelle il montre les avantages de celle-ci, & les «naux qui font la fuite de l'ignorance» 382 BlBlïOTHEÇTJfi e e s s = Il s'élève avec force contre les père» ANTOINE & les mères qui ne plaignent point la w SAK. dépenfe pour fatisfaire leurs cupidités, ou qui emploient beaucoup d'argent à des bagatelles, pendant qu'ils négligent de donner à leurs enfans une éducation folide, & qu'ils femblent regretter le peu qu'ils accordent à ceux qu'ils chargent de les élever & de les inftruire. Il entre fur cela dans des détails qui ne font point certainement honneur à ceux qui en font les objets, & où beaucoup de parens pourraient encore fe reconnoître aujourd'hui. Pour arrêter ces abus, autant qu'il étoit en lui, en piquant d'émulation ceux à qui il parloit, il pafle en revue quantité de Savans qui ont été honorés, recherchés, Se élevés à de grands emplois à caufe de leur mérite, & fait voir que la gloire d'un Etat eft quelesfciences y foient bien cultivées, Se que ceux qui les cultivent , foient confidérés Se récompenfés. Il parle de quelques réglemens qui avoient été faits fur ce fujet par nos Rois, Se en particulier de la PragmatiqueSanction. Charles feptiefme enfuyvant le propolt De Charlemaigne, & quêtant des fuppofts Pour eûajer la triwuphante efcplle FRANçOISE. Et" y Sonner multiplication, De fon Clergié feit convocation , E t des l'rélats folennel coniiftoire , _ Qui par confeil de tout fon auditoire ,, Inftitua Sanction Pragmaticque, Oeuvre furtout très-bonne & autenctique Pour ihftaurer & faire pulluler La loy Chreftienne, & erreurs annuller Par celle Sanction Eftoit moyen que la littérature Serait remife en honneur & nature. 3Ï3 — — ^ ^ ANTOINS p u SAIX» I l prouve que tant que ce règlement a été en vigueur, les fciences ont fleuri, le nombre des Savans s'eft augmenté , plufieurs abus ont été déracinés, & que le contraire eft arrivé par l'abolition de la Pragmatique. Après ces réflexions il revient aux récompenfes accordées aux gens de lettres & à la protection que les Rois, les Princes & autres perfonnes distinguées ont crû être obligés de leur accorder : & c'eft par-là que finit la première partie de fon ouvrage. La féconde eft toute entière fur l'éducation desenfans, & principalement de la Noblefle. Il commence par examiner ce que c'eft que la Noblefle, & fait voir qu'elle n'eu eftimabie qu'au- 384 BIBLIOTHèQUE ! tant qu'elle efl jointe à la vertu & auï ANTOINE lumières ; fur quoi il cite le Traverfeia BU SAIX. 4es voies périlleufes, c'efl-à-dire , Jean Bouchet qui dans plufieurs de fes ouvrages a donné d'excellentes inftructions fur tous les états. Du Saix expofe enfuite ce qu'il penfe du mariage, & iarlë fort fenfément fur le choix de cele avec laquelle on doit s'unir , fur les qualités qu'elle doit avoir, & fur les devoirs réciproques du mari & de la femme. Il veut que les mères nourriffent eux-mêmes leurs enfans , & il le prouve par beaucoup de raifons phyfiques & morales. Il entre même fur cela dans un détail qui ne paroîtroit pas convenable aujourd'hui à d'autres qu'à des Médecins. Il confeille de ne point nourrir les enfans trop délicatement, de ne les point vêtir avec trop de fomptuofité, de ne leur point lailîèr boire de vin , de ne leur permettre que des jeux innocens, de ne les corriger qu'avec douceur, fans paflion, fans humeur, fans vivacité; d'examiner de nonne heure leurs inclinations, pour les diriger au bien ; de ne leur parler jamais que raifon, & de ne point permettre qu'on les amufe par tous ces contes frivoles, ridicules ôc fouvent infenfés f F s A H ç O I s S. 385 mlenfés qui ne font que trop ordinaires i' dans la bouche des Nourrices & des ANTOINE Gouvernantes. Il veut que les pères & DU S A I * # les mères foient les premiers précepteurs de leurs enfans, & qu'ils les inftruifent encore plus par le bon exemple que par les préceptes, fur quoi il dit : E n jeu , procès, en amours & partage, Jà ne baillez à aultruy advantage, L'on en prent prou, & plus que ne voulez, Dont fans remède après vous en douiez. Ne perdez pas que l'enfant foit fi jeune, Qu'il ne prent faim, quand il veoit qu'on desjeune { L'appétit vient quand on veoit engorger. Le Marefchal ne peut fi bas forger , Que de fon bruyt enfin ne vous efveille, &». Du Saix fixe à trois ans le commencement de l'éducation d'un enfant. II prétend qu'à cet âge il eft fufceptible d'inftruaion, & qu'il apprendra auffibien ce qui fera capable de cultiver fon efprit & de former fon cœur , qu'une infinité de puérilités dont on l'amufe «5c qu'il retient. Il veut qu'on lui apprenne , dès qu'il peut articuler quelques fons, à bien prononcer, à ne dire que ce qu'il ne fera pas obligé d'oublier , & à ne lui point faire regarder Tome XL R 386" ANTOINE SAIX. »o BIBLIOTHèQUE comme des gentilieflès ce qu'il auroie honte lui-même de dire dans un âge p j u s a v a n c é # j e vouldrois bien fçdvoir, dit le Poëte, S'il eft befoing de deux langues avoir, . L'une pour bien , & l'autre pour mal dire. Il exhorte les parens à être plus loi— gneux à faire infirme , que curieux à laijfer rides leurs enfans. Quand ceuxci commencent à avoir l'efprit formé, il ne veut pas qu'on les envoie à la Cour des Princes, ni à la fuite des Prélats, & il .en donne d'excellentes raifons, tirées de la corruption prefque générale qui marche comme à la fuite des Grands, des exemples pernicieux qu'on y rencontre prefque à chaque p a s , des •maximes corrompues qu'on y entend débiter, des deflrs vains & ambitieuxque l'on a coutume d'y former. Le Poëte parle peut-être de tous ces abus avec trop de liberté : mais en ayant fait lui-même l'expérience , il étoit plus à portée qu'un autre de les connoîçre & d'en parler félon la vérité. Il paflè enfuite à une autre queflion qui a été fouvent débattue depuis, fi l'on doit envoyer les enfans aux Ecoles publiques, cm s'il eil plus avantageux de les faire F R A N ç O I S E . 587 élever chez foi & par des Précepteurs " s particuliers. Il décide pour l'éducation ANTOINE publique, & il apporte fur cela toutes D u les raifons qu'on a coutume de donner pour préférer l'éducation des Collèges a l'éducation domeftique; l'émulation, les connoiffances que l'on y fait, le profit que l'on peut tirer de tout ce qui le dit en commun , une étude plus confiante, plus affiduë,. plus variée, une vie plus dure, plus à. l'abri des fentirnens de molleffe & des fauflès com-» plaifances des païens, & furtout des mères. Mais le Poëte demande que l'on n'envoie pas indifféremment les jeunes gens dans tous les lieux d'exercices publics. Il faut choifir ceux où ces exercices font plus folides, où il y a p}u* de lumière, plus de régie, plu? d'hom-, mes habiles. Si l'on donne outre cela à u n jeune homme un maître particulier pour le diriger dans fes études, il faut le choifir éclairé , vertueux, d'un âge m û r , ami d'une honnête gaieté -, qui n e foit ni trop complaifant, ni trop fevere , lui faire fentir qu'on l'eftime , qu'on le confidere, qu'on lui confie ce que l'on a de plus cher, & lui faire trouver dans fon état une aifance proportionnée à fon mérite particulier &; 388 • BiBIIOÏHÈQtTB aux fervices qu'il rend* Enfin il veut ANTOINE que la Mufique fafie partie de l'éducaPU SAIX. t j o n d e s jeunes gens, qu'elle leur ferve au moins d'arnufement & de récréation, & il prouve fort bien qu'elle entroit autrefois dans leur éducation. Vous voyez par l'idée que je viens de vous" donner des deux parties de ce poème, que l'Auteur avoit beaucoup réfléchi fur la ; matière qu'il y traite. Qu'il connoïfloit bien l'horrrme 6c fes défauts , qu'il avoit férieufernent étudié la morale, & qtfil avoit au moins une teinture de toutes les fciences. On ftnt dans fohouvrage un Ecrivain éclair é , tage, judicieux, qui avoit reçu mi-même une bonne éducation. Oeft dommage que fon ftyle foit fi pefant, & fouvent fi barbare. Illereconnoifloit lui-même, puifqu'il dit, dès le titre de fon livre, qu'il étoit lourdement forgé , & rudement limé. Les lumières de Ta critique lui manquoient aufli, comme on le voit par plufieurs faits apocriphes qu'il rapporte : mais malgré ces défauts, ceux qui les premiers ont écrit fenfément fur l'éducation de la jeuneflè ont pu profiter de fon poème, qui feroit encore Utile aujourd'hui, fi nous n'avions pas un grand nombre de bons • F R A N ç O I S ê» 589 ouvrages fur la même matière. Celui '* de du Sâix eft en caractères Gothiques, ANTOINE mais fort lifibles. Les pages ne font D U # A I X *point numérotées , & chacune eft enfermée dans une bordure gravée en bois. Ces bordures ont divers ornemens, ou font inférées les armoiries de la Maifon de Savoie, celles de l'Auteur , des Devifes , des Trophées, &c. Ce volume eft terminé par cinq pièces du même Poëte, dont les deux premières méritent quelque attention. Du Saix célèbre dans la première la mémoire de quelques-uns de fes amis, comme de Guillaume du Bellay , Seigneur de Langey, qui a été chargé de plufieurs Ambaflades, de Jean du BelJay , qui a été Evêque de Paris & Cardinal , de l'Abbé de Saint Antoine, de M . delà Villette, grand Bailli du pays de Bugey que du Saix avoit fôuvent va ; chez M. de Nemours , !• Que fouvcnt veu j'ay Depuis le temps qu'avions lois opportunes De racouipter nos communes fortunes, • Tirez à part, fequeftrés des clameurs, Dans le logis de Moniieur de Nemours. Antoine du Saix noirtmedans la même pièce plufieurs Poètes, dont il fait l'éPviij 39© f1.' BIBLIOTHèQUE loge, entr'autres René Macé, Pierre ANTOINE Martin qu'il qualifie » u SAIX. a, Appelles en trainérure, Père d'Ovide en irrétrificature, Simon Bougoing , qu'il nonrme Botirgoing, Pierre Gérard - ; Source de Théologie , Ung Gérion de- feience à trois corps , Où Grec, Hébreux & Latin font accords Si amplement, qu'il te feroit facile De ptéiider au fuprême concile ; Jean de Leuç, qui ne m'eft point connu , & Geoffroy Thory, dont je vous ai parlé plus d'une fois. Du Saix dit peu de chofe de chacun, excepté de René Macé, furnommé le petit Moine Chroniqueur du Roi (3 fin Poète, qui vivoit fous François I. & que du Verdier dit avoir été Religieux du Monaffére de la Trinité à Vrmdôme. Comme c'eft peut-être la feule occafion que j'aurai de vous parler de cet Ecrivain , dont nous ne connoiffons rien d'imprimé, vous ne ferez pas fâché que je vous rapporte ce que du Saix en dit. Et me pourrait bien faire ingratitude Mettre' en oubly le gland Renay Macé i Çelluy.qui a tout le JcVamaffé F R A N ç O I S E . 301 Que jamais homme en Europe & Ane Peuifc mériter par haulte poefie. Sfeïrîêre=îêêêî ANTOINE BU Souventes fois en la Cour Jupiter Procès fut meu jiifqiscs au defpiter, Et tirer droiz du profond de Taumaire, Sur le combat de Virgile & de Homère, Auquel des deux pour tiltre glorieux A ppertenoit le nom victorieux : Mais au rapport de fon HuilTJer Mercure, Comme vaincuz de combattre ils n'ont cure , Depuis que au monde en citime a régné L'excellent nom du triomphant Renay. Si quelque loy ou ffatut canonicque Semble à aulcun non entendent inicque, Venez a luy à confultation , Il en donrra l'interprétation , Quoyque d'erreur fentence en foit vieillie, Rithme a efté longtemps enfèvelie, Mais par Renay rare régnant renaift : Car tel que luy vivant en terre n'eft. Dont pour autant qu'il eu en l'art unicque , C'eft rdcrivain.de Royalle Cronicque Du Lys François , que l'on eonfacre à Reins ; Tant que Prieur il en eft de Beaurains. C'eft dommage qu'il ne nous refte plus rien de cet Ecrivain, qui puiflè juftifier la vérité d'un éloge fi magnifique. On n'aura pas la même peine à avouer les louanges que du Saix donne R iiij SAIX. 392 BlBIIOTHÏQTTfe 'dans la féconde pièce à Jacques de ANTOINE Chabannes, Seigneur de la Palice, Ma*>J *-ix. r e ^ n a j j e F r a n c e f connu dans notre hiftoire fous le nom de Chevalier fans fer. Le Poète ne dit rien de trop lorfqu'entrant dans le détail des exploits de ce brave Capitaine, il d i t , après avoir parlé de la bataille de Fornouë , Tamoft après la magnagnime force Du fcul fans per fencit Ludovic S force, Lequel chaffé foudain euft fon recours Vers l'Empereur, luy demandant lecours ; Qui d'AUemans luy donna fi bonne a r r e , Que Ludovic vint affiéger Novarre. Ouyant cecy, de France en pofte part Le feul fans p e r , & alla cefte part S i proinptement, qu'il fut à la journée , Dont Ludovic vit fa change tournée Sri fi mal fort, que fon fecours repris Ne luy vallut, car prifonnier fût pris Par le moyen du plus hardy, que efpée Oncques ceingnit Ne fût-il pas, qui bleifé à la gorge D'ung traiit mortel, voilant en oyfillon , Des Genevois monta au baftillon Tout le premier , tant qu'il les meit en fuite , Et les defièlt, combien qu'il n'eut de fuite , Quand ces Lombards furent fi bien rouliez Que quatre cenrz gens d'armes enrouliez Six mille à pied , . , . , , . , > F R A N ç O I S Eï> 3513 Si nous parlons du voyage profpere " t>e Veniciens, auquel eftoir Chaulntont, • Vit-on jamais lances brifer en monf, ••' Etfbuïdcoyer Chevaliers à là liilè ,-' ; - Comme faifoit ce fils Mars la Palice, - ' A l'advam-garde où •fi: bien fe pofta ,. - Que la victoire au Roy l'on rapportai: L e Poète raconte de même tous les explqits de Jacques d?iCffiabarine à Na'a çles^àPadouè', àKavenne,à Pavie, tScjdans la Flandre. IL prétend que il on eût fuivi fon confeil à la journée dé Pavifry cVquefi tous les Officiers y euflènt fait leur devoir avec autant de •eéle que.lui y François >Ln'auroit pas «yérdulsL bataille VSrfà liberté.' ;: Du SaiHiiuuè'er\coreifdn. héros fur la jcience &tfon\ amour poiir les. lettres ,, s&aprèstavcJr.comparé aux plus grands Capitaines dont .l'Hiftoirètfacrée & profanèfaTi;mentipny..il lui donne deqslusiafupériorit^.fuT eux dûiicôté dé Férùddtion::: >3 .;. .?.:_- i , . ,-i '. v De tourîàHs!aMtU'airie'!t^es»#tp!i - Et mefmvrrlent for grand Kiftorieh:' < '." C'eftoit ung aultré EmpereurGordien,.."- Qui rellerticnt pfeUl plailir à l i .leurt yv r Que (on thfeior-ett u>tes vouluf ttbttttPj . ' ..„: : Dont il en e«-bi«'foliantoft. doué ddijely '. 1; <i TkK mmm ~^m£* ANTOINE '* 394* B l B I lOTHBqirË Qui pour ung Prince cft cbofe très-utille. ANTOINE Jacques de Çhabanne fut tué à la jour»u OAIX. n ée de Pavie l'an 15 24... le jour de SMatthias, çornme;le Poète le dit à. la fin de la rnêrne pièce-,félon notre maniére de corapter aujourd'hui;,- c'étojt en 15 25. çGet éloge cil fuivid'une prière à Jefus-Chrifl; dans le Sacrement de nos Autels ; d'une efpéce de profefîion defoiettonze vers', & de l'Epitaphe de PhilibertduSaix, Seigneur deÇourfant, oc Gouverneur de Breflb y mort en j 531. . ' il . -.> Un fécond recueil de ppëfies d'Antoine du Saix ,. eft celuiqui a pour ritrq, Petitz.i Fatras d'«»1 Jlpptcraif fur* nommé l'Effrtmniér de'Difcijfhtvai j'en ai vu trois éditions, dont'urie'à Ljron ,par Olivier Arnouilec, fe Satin de Février mil cccccxxxv 11 i.lcsdéirx autres ne iônt point datées. La plius! grande partie des pièces de «e recueil' roule fur ctei iujets d e dévotion ou de morale. Elles peuvent bien nous donner une haute idée, de la piété de l'Auteur., niais elles ne nous apprennent rien:.11 en compofà pluiieurs pour rédi&eaejon de quelques Keligieuîes fcs parentes,-qui le eonfultoient fur leur inteMeur. ,.«Sc qui lui demandoient F R A N Ç O I s E. 395 des inftruètions, des règles de condui-?= .1 te , ou des formules de prières. Dans ANTOINE une de ces pièces intitulée, Alphabete DU ^AIX* de Sœur Marguerite du Saix, Religieufe à Marcigny ; chaque lettre de l'Alphabet commence une ftrophe ou couplet. A mon premier commencement Dieu me dotnt bon avancement. Bien eft armé de feure lame Qui perd le corps pour Cmlver l'ame. Communément un grand parleur Ne fait pas cas de grand valeur. E t ainfi du refte. Dans une autre, parlant de l'emploi d u tems, il s'exprime de cette manière qui m'a paru finguliére : Papes, Roys, Ducs, Nobles & Artifans Ne virent pas plus de quatre-vingts ans , Dont h ntoytié il fàult premier rabattre Au l i a , à table, & à fe aller eibattre : Car eh dormant, & divers mets changeantz Le plus du temps consument meichams geatxv - Dorant huict ans tommes prefque en enfance:) Et davantage en folle adolefcence : Or à féze ans on ne fçait befongner Cbofe qni vaille . . . . . . . . Trois eu quatre as» s'en vont es srtjjadie; ' 3çj6> BlBIIO.THEQtTÏ Le refte en oeuvre on pourra «onfumer.. A N T O I N E M*"5 '* convient nos'mifes aflbmmer. , BU SAIX» • Pour démonftrer ma raifon apparante r De quatre-vingtz rabbattez-en quarante t Car à dormir, manger &'au- féjour , Va la moytié de la nuit & du jour r Puis féze & quatre , & comptez vingt en fomme r. Par ce moyen , fi bien calculez , l'homme N'a que le quart de fa vie à ouvrer r Le temps perdu ne fe peult recouvrer. On trouve dans ce recueil la Requête que du Saix préfenta au nom de fon père au Roi François L à Lyon l'an 15 3 5. & dont je vous ai parlé. O n y lit auffi quelques Epitaphes, ou regrets fur la mort de plufieurs perfonnes de dî/linction ; paT exemple, fur la mort du Maréchal Jacques de Chabannes ; fur celle de M. le Préfident l e V i i î e , décédé à Cléry ; l'Epitaphe de Madam e de Traves, morte à Marfeille, celle de Claudine de Lefpinace y Dame de Langeac t & quantité de huitains ekdequatrain&moraux. Je ne vous r a p porterai que trois de ces petites pièces r. la première fera l'Epitaphe de Claudine de Lefpinace :.élle eit conçue en ces termes r. Cy deflbubs gift Claude de Lefpinace' A qui jadis Dieu donna, par fagraca FRANçOISE. 3 $7 ^ ^ ^ ^ Quatorze enfants de Médire Rcgnault Dict de Langhiac, dont les fept font en hault r—"Tgî ANTOINB , BU S A U > tr r- , - , Laflus au Ciel accompaignant la mère , Qui fe voyant poindre de «tort amairc,. L'an mil cinq, cens ,. vingt & deuxième jour Du mois d'Octobre , en Dieu preit ton fèjour. La féconde pièce eft un quatrain que du Saix adrelîè à M. Angeli qu'il appelle fon maître & fon bon ami :• tivre à cefluy va me recommandée Qui eft fubtil plus que Anaxi'mandér . Qui fut premier inventeur de l'Orloge , En luy priant que dans fon cueur me loge. Enfin la troifiéme pièce eft une Epigramme envoyée à un nommé MoUni homme favmu,. que du Saix prie de recevoir fes ouvrages cxrmme une marque de fon amitié, & d'en corriger les défauts. Je crois qu'il eft inutile de vous la rapporterLa fin de ce recueil eft coniacré à l'éloge de Benoît Fabri, ou le Févre r Docteur es Loix, Lieutenant au pays de JJreflè. Du Saix le loue en vers Latins & en vers François. Je n'ai rien trouvé dans ce panégyrique qui méritât quelque attention ; il eft extrêmement am*poullé & dénué de faits. Il fut confcpoféenijj^ 398 BlBUOTHEQUB JACQUES COLIN. Du Saix a pareillement adrefle une pièce en vers Latins à Jacques Colin, qui cultivoit comme lui les Mufes Latines & Françoifes. Mais il a négligé tout ce qui pouvoit nous faire connoître fon ami : il fe contente de le qualifier Lecteur du Roi. Pierre Grognet, dans fa notice des Poètes François qui vivoient de fon tems, lui donne la même qualité. Jacques Colin étoit d'Auxerre. Germain de Brie nous apprend cette circonflance, puifqu'il l'appelle fon compatriote , dans une lettre Latine écrite a Jérôme Vida le a 3 Décembre 1 5 30. Il ajoute que François I. l'aimoit tellement, qu'il vouloit l'avoir prelque toujours auprès de fa perfonne, qu'il fe plaifoit dansfaconverfation, ôcfurtout a s'entretenir avec lui des gens de lettres qui fe diftinguoient dans fon Royaume. De Brie ne; lui donne pas non plus d'autre qualité que celle de lecteur du R o i , mais Colin prenoic auffi- celle de Secrétaire de SaMajefté, qualité qui étoit, comme on le c r o i t , attachée à la première. Pierre D a n é s , F R A N ç O I S E . 399 depuis Evêque de Lavaur , fait enten- • • dre dans une lettre Latine qu'il écrivit JACQUES 1N à Colin , qu'il étoit de plus chargé du * .détail du Collège Royal. Ce fut par .cette raifon que Danés s'adreflà. à lui .en 1535. pour obtenir la permiflion d'interrompre les leçons qu'il faifoit dans le même Collège , & de faire un voyage en Italie où il avoir deffein de vifiter les Savans qui y étoient en grand nombre. Enfin Jacques.Colin étoit pourvu de PAbbaye de faint Ambroife de. Jdonrges, Ordre de faint Auguftin t Congrégation de France, C'eft par cette raifon que Charles Fontaine & d'au;tres:Ppëtes durmême tems, nelenomj mena quelquefois que Motif eur de faint jimbroisi On apprend de Catherinot , .enfanS/mcJuairedu Béni , que le titre de cette Abbaye vient de faint A m broife Evêque de Cahors, qu'elle fut bâtje ; ( 4a«s.un lieu appelle Brifac, & ^ue;ceRoutg-& l'Eglife prirent clans la fuite Je nom de faint Ambroife* .... Ççrrvrne Jacques Colin favoitprofiter du crédit qu'Ù avoit auprèsde François I, pour faire connoître à Sa Majesté ceux qui cultivoient avec quelque , : piccès les lettres , -foit en France , fok •clansles pays étrangers, & eu obterik 1 400 BlBIlGTHEQ-tfg " pour eux des emplois ou des gratifiLcav JACQUES t i o n s ^ o n n e ^ott p a s ê t r e fu r p r j s q U e les contemporains en ayent parlé avec les plus grands éloges, & qu'ils Payent vanté comme un homme de la plus profonde érudition. C'eft entr'autre's le témoignage que lui rend Charles de Sainte-Marthe , lorfqu'il d i t , en s'adreflànt à lui-même, Dofte Prélat, qui Doftcj conduirez , Et aux honneurs les faites parvenir , & c i l t 4 6 ' édh" *^ a ' s P ' e r r e Galland, dans fa vie de du uzc ' Châtel, grand Aumônier de France, nous apprend une circonlîance qui obfcurcit un peu ces bonnes qualités de l'Abbé de faint. Ambroife r c'èflfqtfil rie favoit pas. toujours parler à propos. Il lui arriva-, dît-il, de lâcher quelques difeoursqui mirent de la diflènfion entre quelques Grands de la C o u r , & qui lui attirèrent leur haine. Colih fut la vicéime de fon imprudence; Ceux qu'il avoit onériles, iuî' firent' perdre prefque toute la faveur du Kôf; ôc comme du Châtel, qui paroiflbit depuis Îeu à la Cour, étoit fort goûté de 'rançois I. ils le favoriferent, & agirent pour lui avec tant de zéley que Colin fut déplace, & que du? Châtet F K A K ç O I S E . 401 fut nommé au lieu de lui lecteur de Sa » Majefté. Ce qui nous refte des ouvra- JACQUES ges de Jacques Colin ne nous donne COLIN. pas non plus une haute idée de fa fcience. Je vous ai parlé ailleurs de quelques T. T. prdf. endroits des Métamorphofes d'Ovide &LtY.'*/Wfcqu'il a traduits en vers François , & conde édit, dont j'ai vu depuis une féconde édition pag' faite en 1549. a Lyon , par Thibauld Payen, in-i 6. dans un recueil intitulé : le Livre de plujieurs pièces, c'efi-à-dire , faïcl & recueilly de divers Âutbeurs , tomme de Clément Marot & Autres. Ces traductions font fuivies de trois autres pièces du même Jacques Colin en vers François. La première , qui eft fort longue , eft une Epiftre a une Dame. C'eft une plainte d'infidélité. Il paroît que Colin avoiteu beaucoup de tendreffe pour cette Dame, & que celle-ci après y avoir répondu, l'avoit abandonné. L e Poëte s'en plaint en homme paflionné, & ajoute les reproches aux témoignages de fa douleur. Cette Epître juftifie ce que le fieur des Accords dit des mœurs de notre Abbé dans fes Bigaru- Ch. »i. fbr. res , où il ne met pas certainement la££ué>d""so0£ chafteté au nombre de fes vertus. On qox BIBLIOTHèQUE s—s=ss=5 voit par la même Epître que l'amour JACQUES avoit fait enfanter à Colin beaucoup COLIW. ^ v e r s . c a r j e c r o i s qu'on ne peut donner d'autre fens à ce qui fuit : Il eft bien vray que tu l'as voulu dire Pour en ce point, foubs un doulx efeondire , Honneftement de moy te dépefeher , Imaginant que te pourrait fafcher • Au long aller, s'il te convenoit vivre Avecqucs moy. Plufieurs en ont un livre Fait pour toy feule, & duquel la teneur Eut confacré ton renom à honneur. Il s'explique encore plus clairement à la fin , où après avoir dit, Au Dieu d'amours je quitte & rens les a r m e s , Et ne retien de fon train que les larmes, e t c . Il ajoute : Finalement je rens comme prefeript Aux Mufes l'art de coucher par eferit Les beaux traitiez de profe mefurée, Et les façons de rithme colorée , Ou j'ay trouvé fi très-peu de fecours , Que plus ne veulx en avoir de recours. Pour ce Chanfons , Balades, Trioletz , Mottetz , Rondeaux, Servanrz et Virelaiz , Sonnetz , Strambotz, Barzelotes, Chapitres, Lyriques vers, Chants Royaulx & Epittrcs , OU confoler mes maux jadis fouloie. FRANçOISE. 403 Quand ferviteur des Dames m'appelloie ; Puifque je n'ay de vous que repentance , Allez ailleurs quérir voftre accoimance , &.C. Colin fit fagement de fupprimer toutes ces pièces, & il auroit encore mieux fait de ne les avoir point compofées. Celle qui fuit fon Epître à une Dame, eft un Dialogue fort court de Cupidon & de Venus , qui m'a paru aiTez bien tourné pour que je puifie le rapporter. Venus feifant à fon fils fa complaincte , I_uy d i t , Garfon, voy les maux que tu tais : T a mère fuis, & fi fens ton attaincte : E t qui plus m'eit infupportable fàiz , Contre Pallas n'exerce tes fbrfaicts. Mère, d i t . i l , je vous dirai la caufe Pourquoi jouer à Minerve je n'aufe : Elle eft armée & de lance & d'efeu , Et fon regard fi grande paour me caufe, Qu'en le voyant je fuis prefque vaincu. Ccfte raifon, mon fils, n'eft fufruante, Car Mars eft plus que Pallas furieux , Qui toutesfois ta force expérimente, Tant que de luy tu es victorieux. Meré, d i t . i l , le vaincre eft glorieux , Plus me ferait s'il faifoit réfiftence : ' Mais de fon veuil, fans fe mettre en défenfe, Sentant mes dards, promptement s'eft rendu t Et vous, ma mère, airifi comme je r^rrfc , — — — » JACQUES CoXIN. a\oé BlBriOTHEQTJS - ne, compofa fon Oraifon funébrequfil MARGUE- publia en Latin & en François. Scé* I T E *M *" V ( n e ^ e Sainte-Marthe a donné auifi n e arrruceux VARRE. " *° ^ ° ë P &es JUuftres François qui fe font diftinguésdans les lettres ; & Ronfard, Dorât, Nicolas Denifot, Brantôme, & beaucoup d'autres l'ont célébrée dans leurs ouvrages, Mift. 1. vi. Cette Princeflè , dit M. de T h o u , avoit un naturel des plus heureux , & un génie des plus grands. Les Savans eurent tant d'eftime pour elle , qu'ils la nommèrent la dixième Mufe, & la quatrième Grâce ; ou plutôt ils la révérèrent comme les neuf Mufes & les trois Grâces enfemble : on lui confirma ces titres glorieux par quantité d'infcriptions & de médailles ; & François Habert qui avoit reflènci les effets de fa protection, lui fait décerner par Apollon & fur le Parnaflè même l'honneur de l'immortalité : Entre ce rang on mit parfoh~mérite Des Navarrois la'Royne Yarguçrïte,' Royne, de qui le nom après la mort Eft plus vivant, que le plus vil corps n'eft mort. Royne, de qui lez fainctes fantaifies feintes avons en doctes poè'fies De fa façon , d'une vive énergie ' Repréfentant pure Théologie ;• "_ F R A N ç O I S E . 4,07 Royae, de qui en ftyle grave & beau ^ _ ^ ^ Poètes bons ont ploré le tombeau ; AÏARGUERoyse, qui n'eus en vivant fa féconde , Sec. RITE R E I - - Mais parmi ce concert de louanges N E D E N A ~ q u e tous les beaux efprits formèrent en lbn honneur, rien ne releva d'avantage la gloire de cette illuftre Princeflê, que les éloges qui lui furent donnés par trois feeurs Angloifes, A n n e , Marguerite & Jeanne de Seymour, auflî recommandables par l'éclat de leur naiflànce, que par ladélicateflèdeleur efprit, & leur érudition. Ces trois illultres filles compoferent à la gloire de la Reine de Navarre un poème de cent difliques , tournés depuis en plufieurs fortes devers par Jean Dorât, Jpachim du Bellay, Jean-Antoine de Baïf, & Nicolas Déni lot qui eurent en leur tems la réputation d'être les plus beaux génies de France. On recueillit en 15 51. les pièces faites fur la mort de Marguerite , écrites en diverfes langues par les plus favans hommes de l'Europe. Je ne rapporterai que celle-ci, où Guillaume Aubert fait parler ainfi la Reine elle-même : t La couronne, l'honneur, Les vertus, le bonheur, 408 Y——• MAXGUERITE REINEDKNATAXES. BlBIIOTHEQUB Vive, m'ont décorée : Morte > l'immortel nom , £ a ~t0;re i e r c n om, " . . . Me rendent bien heuree. Je ne vous parlerai point ici des contes qu'on lui attribue , faits à l'imitation de Bocace, & qui ont paru indignes de la fuite de la vie de cette Reine & de la majefté du trône, mais qui étoient du goût d'un fiécle où la licence des mœurs étoit portée à l'excès. Ses poëfies lui font plus d'honneur. Saverfification eft aflez bonne pour le tems où elle vivoit. Elle a mis de l'efprit & de l'invention dans la plupart de fes pièces ; mais elle affectait fi fort les allégories , qu'elle les a femées avec profufion jufques dans deux Farces qui nous relient de fa compofition. On prétend qu'elle avoit fes raifons pour en agir ainfi , & l'on a cherché du myftére dans ces allégories ; peut-être y en a-t'il ; mais je ne fçai fi le fruit qu'on en retireroit, au cas qu'on pût parvenir à le dévoiler , feroit affez grand pour dédommager de la peine qu'il y auroit à le chercher. Ses œuvres poétiques, dont plufieurs ont paruféparément, furent recueillies & F R A N ç O I S E 409 Se. publiées en 1547. par un de fes Va' «• lets de chambre, nommé Jean de la MARGUEH a y e , qui mit à la tête une longue RITE I*EI" Epître en vers, à la louange de Mar- y ^ ^ . , A" guérite de Valois & de fes œuvres : il y en a eu depuis plufieurs autres éditions : toutes fous ce titre : les Marguerites de la Marguerite des Princefes, très-illuftre Royne de Navarre. Je me contenterai prefque de vous faire l'enumération des pièces contenues dans ce recueil, n'y ayant rien trouvé qui foit bien digne aujourd'hui de notre attention. J'y trouve quatre Myftéres ou Comédies pieufes, toutes de l'an 1545. & deux Farces, la Comédie de la Nativité de Jefus-Chrifi, qui contient environ feize cens vers ; la Comédie de l'Adoration des trois Jîoys a Jefus-Chrift ; celle des Innocents, & celle du Défert, c'eft-à-dire, de la retraite de Jofeph& de Marie, qui par l'ordre d'un Ange fe réfugièrent avec Jefus enfant dans un- défert aride , pour fuir la perfécution d'Hérode. IVlefTieurs Parfait ont donné une idée fort fuccinte de ces quatre pièces , dans le tome troiftéme de leur Hiftoire du Théâtre François. Les deux farces, dont il eft dit un mot dans le même volume, ont pour titre, l'une Comédie Tome XI. S ' 410" BlBlIOTHEQUa 7 i des deux Filles & des deux Mariées i M ARGUE-l'autre, de trop, prou, pu, moins , titre R\TE REi-auffj bizarre que l'ouvrage, qui n'eil NE DE NA ^q U > une allégorie depuis le commenceTARRE. I • r Rt c ment jufqu'a la bn. Beaucoup d'autres pièces de ce recueil font fur des fujets de piété : telles font le Miroir de V Ame pécherejfe , efpéce de confeffion où l'Auteur reconnoît fa mifere fpirituelle, recourt à la grâce du Rédempteur, s'humilie defes fautes, en demande le pardon , & interrompt fouvent fes actes de confeffion & d'humiliation par des prières affeciftueufes, & ce qu'on appelle des Oraifons jaculatoires: Dijcord efiant en l'homme par la contrariété de l'efprit & de la chair , & paix par vie fpirituelle ; fuite du premier poëme, où les contrariétés qui fe trouvent dans l'homme pécheur font affez bien dépeintes : Oraifon de l'Ame f délie afin Seigneur Dieu, ou plutôt invocation à la fainte Trinité , a la fainte Vierge, à tous les Saints, qui contient quantité d'actes de recom noiffance, de demandes, d'actions de grâces, dec. Enfin Oraifon particulière 4-JefusChrifi. Marguerite de Valois fait dans toutes ces pièces un grand ufage de l'Ecriture-Sainte f dont il paroît F R A N ç O I S E . a\ir que la lecture lui étoit familière. ^ Je met dans le même rang le Trient- MARGUEfhe de l'Agneau, poëme fore long où R I T E R E I " l'Auteur chante les victoires de Jefus- NE DE NA " Chrift fur le Monde & fur l'Enfer, & VA**E' & fes triomphes particuliers fur notre ame par fa grâce : la Complainte pour un détenu prisonnier, qui paroît avoir été faite lorfque François I. étoit retenu à Madrid en Efpagne après la fatale journée de Pavie, & les trente Chanfons fpirituelles qui font partie du même recueil. Dans ces dernières pièces la Reine de Navarre emploie beaucoup moins, que dans les autres l'autorité de l'Ecriture. Ce font les propres penfées qu'elle met en chant fur les airs qui étoient connus de fon tems, & qui me paroiflènt tous être des airs de Vaudevilles que l'on chantoit également à la Cour & à la Ville. Il y en a fur toutes fortes d e mefures. Les deux premières font, l'une fur la dernière maladie de François I. l'autre fur la mort de ce Prince , arrivée le dernier jour de Mars i 547. Il y a beaucoup de fentimens ; Se toute la tendreffe d'une feeur pour fon frère y eft bien développée. La Reine finit la féconde chanfon par demander à Dieu d'être bientôt reunie au Sij 412 BlBIIOTHEQUE =• Roi fon frère, & fes vœux ne tardèrent MARCHE- pas à être accomplis, puifqu'eile ne lui X1TE I E I l " Uirvêquit pas trois ans. Voici comment vARRE. die s'exprime fur l'efpéce d'abandonnement où il lui fembloitfe trouver après la mort de François I. Je n'ay plus ny père, ny mère, ,- Ny feeur, ny frère, Sinon Dieu feul, auquel j'efpere > Qui fus le Ciel Se Terre iropere Lahault,dà bas, Tout par compas Je fuis amoureux, non en Ville, Ny en Maifon, ny en Chaiteau ; Ce n'eft ny de femme , ni de fille, Mais du feul bon, paillant Se beau : C'eftmon Sauveur, Qui eft vainqueur De péché, mal, peine Se douleur, Et a ravi à foy mon cœur. Xay mis du tout eh oubliance t Le monde, Se parens Se amis, Biens Se honneur en abondance ; , Je les tiens pour mes ennemis : Fy de tels biens. Dont les liens Par Jefus-Chrill font mis à rieju, F R A N Ç O t S E. Afin que nous foyons des liens. _ , . . < , . , '^13 : MARGUê- Je parle, je ris & je chante, KirE R F I _ Sans avoir nul foing, ny tourment }, N E D E N AAmisôc ennemis je hante, , VARRE# Trouvant partout contentement. Carparlafpy En tous je voy Leur vie, qui eft, je le croy, Tout en tout, mon Dieu & mon Roy # &c. Outre, ces Comédies , ces Farces , , ces Poëfies fpirituelles, Marguerite dé Valois a fait quelques autres poëfies fur d'autres fujets : comme l'Hiftoire des Satyres & des Nymphes de Diane, ou leur Métamorphofe en Saules ; cinq Epîtres, dont quatre à François I. & une au Roi de Navarre ; de fort longues Complaintes de quatre Dames & de quatre Gentilshommes ; la Coche j l'Ombre ; mort & réfurreilion d'Amour ,• Réponfe à une Chanfonfaite à une Dame ; les Adieu des Dames de chez, la Reyne, allant en Gafcongne, à ma Dame la Friucejfe de Navarre ; & deux Enigmes. La Croix-du-Maine dit que la Métamorphofe des Nymphes de Diane en Saules, ei\ une traduction de. la Siij 14 BlBIIOTttEQlTE Îxiéme Eclogue de Sannazar, ïntïtulée Sa'ices. 11 s'en: trompé tc'eft le *,ITE jf^même fujet ; mais ce n'en eft point RARRE. la traduction. L'Eelogue de Sannazar ell fort courte. La pièce de Marguerite de Valois eft très longue, & à peine y ieconnoît-on Quelques vers qui faffent fcupçonner qu'elle eût lu le Poète Latin. Le poërne de la Reine de Navarre avoit paru dès 1547. in-8°. à Lyon , par Jean de Tournes fous ce titre : la Fable du faux cujder, contenant VHifioite des Nymphes de Diane, tranfmuées en Saules, faite par une notable Dame de la Court y envoyée à Madame Marguerite, fille unique du Roy de France. Et cèfl feus le même titre qu'on a réimprimé ce. poërne dans le Livre de plufieurs pièces , recueil publié à Lyon par Thibault Pàyen en 1549. La fin de ce poëme fait voir que Marguerite de Valois le compofa à la prière de Marguerite de France, Duchefiede Berri & de Savoie , Princefie de Piémont,. fille de François I. & fœur de Henri II. née à Saint Germain-en-Layele 5 Juin 152:. C'eft ce qui fait dire à la Reine de Navarre : A1AR«UE- Voue donc, Madame -, en ren laquelle j'ufe.- F R A N ç O I S té Tant feulement de vraye obéUTance , Et qui feavez quelle eft mon impuiflance, Devez porter le mal que je mérite, Et Marguerite ezctife Marguerite. 41 j ! = Ï S S MARIUERITE ^ EI " VARRE. Dans la première des cinq Epîtres , la Reine félicite fon frère furlanaiffance de fon troifiéme fils Charles, né le zz Janvier 1 5 zz. & qui mourut le 9 de Septembre 1545. & elle le compare à Abraham à qui Dieu, pour récompenfe de fa foi, avoit promis de multiplierfa poftérité comme les Etoiles du Ciel. L a féconde Epître fut accompagnée d'un Pfeautier que Marguerite de Valois envoya pour étrennes à François I. ce qui lui donne lieu défaire un paralelle entre ce Prince & David, & à tirer de la conduite du Roi d'Ifraè'l des inftructions pour le Roi de France. François I. répondit à cette Epître , ou y fit répondre, & envoya en même tems à fa feeur un tableau de fainte Catherine, dont à fon tour il lui propofe l'exemple. La troifiéme lettre fut écrite en 1544. après le fiége de Landrecy , où François premier combattant contre l'Empereur, parut à la tête de fes armées. Marguerite de Valois lui fait part des allarmes que cette action lui avoit caufées, & que les S iiij 416 BIBLIOTHèQUE - mauvaifes nouvelles qu'elle recevoît d u M ARGUE- f,ége redoubloient chaque jour. Elle NE DE NÀ- ren ^ ) u m c e a ^a valeur du Roi fon freVAERE. r e , mais elle le prie de ne pas expofer ainfî une tête fi chère à fon Royaume ; & elle le félicite d'avoir forcé l'Empereur à fe retirer. Il y a beaucoup de piété & de grands fentimens de religion dans la quatrième Epître, où Marguerite congratule le Roi fon frère de ce qu'il avoit renoncé à fes pallions, à fes amours illicites, & qu'il avoit reconnu fes erreurs & fes vices. Elle lui fait voir la différence de l'Amour divin d'avec l'Amour profane, des effets de l'un & de l'autre, & s'afflige de ne pouvoir être témoin du changement qui paroiffoit dans les fentimens & dans la conduite de fon frère : Helas pourquoy , parvenu à tel point, Efles-vous loing, & je ne vous voy point * Mon defir n'eft de fi fort vous chercher Kour vous terrfer, enfeigner ou prefchcr : En vous n'a mal dont vous deufiè reprendre ; Ny en moy bien que je vous peuflè apprendre. Mais c'cft pour plus à vertu inciter Mon cceur trop froid, vous oyanc réciter Quel eftl'amy que vous avez trouvé , Quel bien en luy vous avez- efprouvé, fre. FRANçOISE:. 417 L a dernière Epître eft adreûee, com- ' me je l'ai déjà dit, à fon mari Henri MARGUEd'Albret, Roi de Navarre. Il étoit " E " K ^ malade ; la Reine étoit abfente ; elle VARR.K. lui écrit pour leconfoler, lui donner au moins par lettres des marques de fa tendrefle & de fon affliction ; elle efpere que cette maladie ne fera pas dangereufe, & qu'elle le retrouvera à fon retour en bonne tante. Les Complaintes des quatre Dames & des quatre Gentilshommes ne font que des Complaintes amoureufes, qui ne demandent pas que je m'y arrête. Le poème intitulé la Coche, eft une imitation du Livre des quatre Dames d'Alain Charrier -t auffi Marguerite de Valois dit-elle qu'il lui auroit fallu, les talensdece Poète, pour bien raconter fon hifloire :. Penfay en moy que c'eftoit un (ùbjeft Digne d'avoir, un Alain Charretier. Sa narration eft néanmoins plus vive,, lus élégante que celle de ce Poète.1 s agit de trois Dames- que la Reine apperçut pendant qu-'elle s'entretenoit avec un Payfan. Deux étoient- vêtues de deuil, la troifiéme,. fans cet habilwentlugubre, n'en paroiflbit pas moins Ï Sv 41-8 • . BlBIIOTHEQUE affligée : elle prenoit autant de part àMARGUE- l'affliction de fes deux amies , que 11 le RITE ^ "même malheur lui fût arrivé,. & elle avou VARRE. " P^us °i u , e i l e s u n furcroit d'infortune. L'union des troisétoit telle, que chacune fentoit également la peine ou le plaifir qui arrivoit à l'une d'elles, & fi invinciblement qu'aucune ne pouvoit ni éloigner, ni même diminuer ce fentiment. Les deux premières venoient d'éprouver l'infidélité de ceux qu'elles aimoient ; ce qu'elles racontent fort au long & avec toutes les expreffions delà afuon & de la douleur la plus vive, .a troifiéme avoit un ami fidèle, mais pour fuivre fes compagnes, elle étoit forcée de s'éloigner de lui, au rifque de le* contraindre à mettre fon affection dans une autre.. Chacune plaide donc fa caufe devant la Reine, & veut qu'on la regarde comme la plus infortunée , & en même tems comme la plus digne d'honneur & de louange.. Les plaidoyers font fi longs que la nuit: furvenant avant qu'ils piment être achevés ,. elles montent toutes dans la. Ctcht' de la Reine, qui veut entendre la fuite de cette hiftoire. Enfin elle leur conièille de prendre pour juge de leur différend François. L. dont die fait cet éloge -.s Î F R A N ç O I S E . 419 Je n'en fçay qu'un qui, à la vérité, Fuiflè juger qui plus a de douleur , Et plus d'honneur parfoufFrirmérité : C'eft celui feul duquel la grand valeur N'a fon pareil , & à tous eft exemple Des grands vertus , par qui s'acquiert honneur. C'eft luy qui peult triompher en fon temple , Ayant paffé par cefùy de vertu. C'eft luy que Ciel, & Terre& Mer contemple.... C'eft luy lequel tout le divin lignage Ces Dieux très-haults, ont jugé qu'il doit eftre Monarque, ou plus , s'il fe peut davantage...., C'eft luy qui a de tous la congnoiflance, Et un fçavoir qui n'a point de pareil, Et n'y a rien dont il ayt ignorance En terre il eft comme au Ciel le Soleil ; Hardy, vaillant, fage & preux enbataille, Fort & paillant, qui ne peut avoir peur Que Prince nul tant foit puiffànt, l'afTailIe. Il eft bening, doux , humble en la grandeur,. Fort & conftant, le plein de patience, Soit en prifon , en trifteflè ou malheur. Il a de Dieu la parfaite feience, Que doit avoir un Roy tout plein dé foy , Bon jugement, & bonne confeience. DefonDieu garde & l'honneur & la loy ;: X fes fubjets duux , fuprxtrt'&juftice : Bref, luy feul eft bien digne d'eue Roy. "~7 " " M ,i;tci : ••;:.R I T E R r tNE D E N A YARRE. La-Damï qui avoit quitté fon' ami' Sv-jj 420 1 BIBLIOTHèQUE '" - pour fuivre les deux autres ,.confèat MARGUE- de prendre le Roi pour juge , & R T E I EI » "toutes enfemble fupplient la Reine \ ARRE. *" °"e m e t t r e par écrit leur hiftoire „ le fujet de leur difpute, & toutes les raifons apportées de part & d'autre. Marguerite fe défend d'abord d'y confentir fur fon âge de cinquante ans, fur la foibleffe de fon ftyle, fur la baflefle de fes exprefïïons : on la preiîê de nouveau, & elle fe rend. Pendant ce débat, les deux autres Dames, fans refufer le jugement du Roi, trouvent qu'il feroit plus convenable d'envoyer l'écrit à Marguerite de France,. Ducheife de Berri , parce qu'elle eft femme & jeune, & qu'elle ne brilloit pas moins par les talens de fon efprit, que par fes. autres, qualités. Marguerite trouve cette propofition xaifonnable ; toutes l'acceptent ,.& l'écrit eft envoyé à la Duchefle de Berci : il n'eft point dit quelle fentence elle prononça. Ce recueil finit par. la dëfcriptiondeÏOmkre qui fuit le corps, la Mort & Rifurtedion de H Amour, les Adieux des: Dames, la Chmfon d'une Dame &U Riponfe de.Marguerite de Valois, & les. Etvgmis^ Je crois qu'il fuffit de vous indiquer ces pièces ;- je n'y airien trouvé FRAN-çOISE. 421 quï mérite que j'entre dans un plus . grand détail. MARGVXDu Verdier dit bue l'on a imprimé fé- R I T E **?** ' r i 1 »« • NE DE NAr- parement une Eclogue de Marguerite VARRE , de Valois en 15 5 2. à Pau, in-4, 0 . dont les interlocuteurs font Securus, Berger, uimxrijfme, Bergère, Agapi, autre Berger & Paraclefis. Les dernières pièces de la Reine Marguerite, dont je viens de parler r l'Ombre, la Mort & Réfurreftion d'Amour, Sec. fe trouvent aufli avec la Métamorphofe des- Nymphes de Diane, dans l'édition in-8 ° . que je vous ai citée ^ & dans le Livre de plusieurs pièces* On lit dans les mêmes éditions, oc en particulierdans celle de 154.7. in-8 °. d'autres poèïies qui ne font pas apparemment de Marguerite de Valois ,, puifqu'elles ne font pas dans le recueil de fes œuvres. Telles font la Conformité de l Amour au Navigage, ou paralelle des dangers & des effets de la Navigation avec ceuxde l'Amour: leRufiique de Claudien , un Sonnet r le Blafondep cheveux : une petite pièce intitulée les JtZfchez., & quelques autres qui n'ont que l'amour pour objet,, & dont l'énumération me paroît inutile.. <J.22 E l BXIOTHEQUjr ANTOINE DU MOULIN. On a donné dans le même recueil une Eclogue de lavie foliuire, fans nom d'Auteur, mais qui eft de Maurice Scev e , Lyonnois, dont je ne tarderai pas à vous parler , & plufieurs pièces cc chanfons amoureufes fous le titre de Défloration de Venus fur la mort du bel Adonis; on auroitpû ajouter que cette collection avoit été faite par Antoine du Moulin, Maconnois, Valet de Chambre de Marguerite de Valois, & qu'il étoit lui-même Auteur de plufieurs de ces chanfons. Celles qui font dans le Livre de plufieurs pièces ont été extraites d'un recueil beaucoup plus ample que du Moulin avoir publié en 154,8. in-8'Va.Lyon fous le. même titre de Défloration de Venus fur la mort du bel Adonis. Toutes ces fadeurs amoureufes ou inventées par l'Editeur, ou. extraites àuPalmerin ,d'Amadis ,.de Bocace ,. de Bembe,,ôcde plufieurs autres, ont pu avoir alors dés lecteurs : qui auroit aujourd'hui la. patience d'en, occuper fon loifir ?] Je dirois lamente chofe du recueil intitulé ,, lec Chant- des Sereines ,,dontÀ F R A ICç O r's E. 424 Antoine du Moulin a auffi copié une -" " partie,, & qui parut la même année ANTOINK 1 548. à L y o n , fi l'on ne trouvoit pas DU Moudans ce nouveau recueil quelques piè- L I N . ces plus férieufes que ces Complaintes & ces Chanfons amoureufes qu'on y a multipliées pour l'ennui & le dégoût des lecteurs. E TIENNE FO RCA D EL. Ce nouveau recueil eft d'EtienneForcadel „ né à. Beziers,. Docteur en Droit Civil & en Droit Canon*, lecteur ordinaire enTUniverfité de Tou. loufe; Ilétoit fils. d'Imbert Forcadel,, qui mourut à l'âge de vingt-neuf ans •&. quatre mois, &d'Ifabelle de Cabeftain, & il a célébré la mémoire de l'un & del'autre dans fes poëfies de Sédition de 1579..Son père étoit homme d'efprit•„ & fon fils dit que ce fut luiiqui lui infpira du goût* & de l'amour pour les; vers. Il s'appliqua cependant plus particulièrement au Droit , &fuivit la profeflion dé Jurifconfulte,. dans laquelleH n'excella pas,. quoiqu'on ait fait ledeshonneur au célèbre Cujas de lui préV férer ce ridicule compofireur poùr-rem*gluv une- chaire dans.; l'Uniyerfité de; 424 B l BIIOTHEQU'E' — Touloufe, ce qui a attiré beaucoup ETIENNE d'injures à Forcadel de la part de PaFORCADEL j r e jy[affon Le fameux du Moulin qui Monn^fMi» Wâme & loue quelquefois un peu trop |igem. des légèrement, n'y fongeok pas lorfque ul'r. " 'dans fon Extricatio Laojrintbiy il loue l'élégance & lesagrémens d'un livre de ce Poète Jurifconfulte, intitulé,. Necromuntia Jurifperiti. Mornac à la fin de fes obfervations fur le quatrième livre du Code, en a mieux jugé, & avant lui l'Auteur anonime de ce dizain. Quand Forcadel fon livre publia Auquel il mil par titre Kigrmutnei r Pâme Thémis contre l'Auteur cria ; C'eft uw Sorcier, mai'ftreen noire fcience; Tout doux, Thémis, j'entreprens fa défenee-,'.. Pour ce Docteur je demandé quartier : Grand' tort avez dé vouloir châtier V« Ecrivain qui n'a- grain dé malice ; En aucun art onc il ne fût Sorcier , On le connaît r ce n'eft pas là fon vice. Ses poëfîes nu lui donneront pas en ef> fet un rang, plus diflingué fur- le Parnafle. C'étoit, je veux, le croire, lefruit defes heures perdues : c'eftlui-même qui le dit : ne pouvoit-il pas les mieux etTrployet l II dit à fon ami Sofigenes qAiiL'a.voit engagé à mettre ces poëfies- F R A N ç O I S E . 425 au jour , qu'il convient qu'elles font mal > limées , mais qu'il efpéroit que ces petits ETIENN» labeurs feraient fris en plus dextre partie FORCADïI. qu'il ne penfoit. Ne pourroit-on pas répondre que c'étoit, félon la devife qu'il avoit adoptée, Efpoir fans efpoir? Ces poëfies n'ont la plupart ni ftyle, ni fel : fi le Chancelier de l'Hôpital a eu la complaifance d'en faire l'éloge, c'étoit pour le payer dans la même monnoie *• qu'il en recevoit, Forcadel ayant fait en toute occafion le panégyrique de ce Chancelier. Le recueil des poëfies de Forcadel contient le Chant des trois Setaines filles a" Acheloùt& Cailiepe ; Chant d'excellence divine, comprenant la chajne d'or du très favant Poète Homère ; Chant comparant l'Amour à un Fleuve ; Chant trifie de Médée abandonnée de fon aymé Jafon 5 autres chants amoureux , entremêlés de deux autres, fur Jefus-Chrift & fa Loi & fur l'unité d'un Dieu, & d'une troifiéme pièce fur la naiflance de Jefus-Chrift que le Poëte appelle le nouveau Phœnix ; deux Elégies pour un amant; des Epigrammes, des Complaintes > des Epitaphes , le Blafon de la nuit ; le fleur d'Heraclitus, & le riz. de Democritm Philofophes ; Dijfencion des quatre EU- açiS BIBLIOTHèQUE •mens ; Epifire à fon amy Jean Breton] ETIENNE Docteur; le Saifer de la Lune & du Paf* O R C * » S L teur Endjmion f fur la •montagne de Lotmus en Carje ; quelques traductions fort courtes de Pétrarque & de Virgile ; & enfin un Dialogue ruftiquc (3 amoreux entre un Berger & une Bergère. Ce recueil fut réimprimé en 1551. augmenté de fix Epures, de quelques endroits traduits de Lucien, d'Ovide, de Lactance, & autres ; de plufieurs Sonnets ; de quelques pièces intitulées, la Fore fi de Dodone; la beauté de Clitie; le Triomphe de la Déejfe Nomique, & tentrée ficelle en la cïtéd'Hofte ; de plufieurs Elégies nouvelles ; des éloges de la Mort-,de la Pomme, de la Croix , du Corbeau, &c. Tout cela eft fort peu de chofe, & ne mérite pas cet éloge qu'en fait François Habert dans fon Epître à Mellin de Saint Gelais r fur l'immortalité des Poètes François : Dedans Beziers Eftienne Forcadel Fut eftimé avoir los immortel, Bien que n'ayons qu'un bien petit volume De fa nayfve & éloquente plume ,. Digne labeur , veu fes vers beaux & meurs r D'eftre femé par divers Imprimeurs. L'Auteur ne s'étant défigné que par F R A N ç O I S E ; 4,27 ces deux premières lettres de fon nom • E . F. il s'eft nommé dans les lettres ini- ETIENNEtiales de cette Epigramme à Elian 1 FOR.CA.MI. Fuy , Elian , l'oyfive négligence : On voit allez les beaux Soleils elleints Rayer leur chef de nceuve reluyfance, • • Ce qui n'advient aux hommes d'aage atteints,. Afleure-toy que les ans incertains De jour & nuict font en voie gliilànte : Et que lage eft qui reçoit à deux mains L'occafion quand elle fe préfente. Dans une autre Epigramme, 3 demande ce que c'eft que Loj, & il répond ; toy n'eft rien qu'un commun Décret » Advis humain , nieur & diferet, Qui les crimes punit Se. tance , Faits d'efeient, ou d'ignorance ,, Comment gage 4V. repos unique , Qui affûte la République, Dans d'autres Epigrammes, il loue Jean Lullier, Protonotaire, les trois frères du Faur ,. Touloufains , M. de Crufiôl,' en fon vivant Vtceroy en Languedoc, & quelques autres qui avoient eu de fon tems quelque réputation , mais dont nous ignorons aujourd'hui les actions. Jeneconnois pas plus le VoMeur Jean Breton à qui Forcadel adret- 4.28 BIBLIOTHèQUE fe une de fes Epîtres : on voit feulement ' E " E N V E par cette pièce que ce Docteur étoit CADEL très-verfé dans la fcience du Droit Civil & Canonique. Les Epitaphes r autres efpéces d'éloges , célèbrent la mémoire de M. d'Acier qui mourut à la journée de Cérizolles, de Madame du Faur de Saint Jory, de M. de Crufiol, de Jacques de Puymiflbn dont on a des harangues & des plaidoyers, delaPréfidente du Faur, d'Alain Hulliet, Jurifconfulte excellent , de François de Bourbon, Comte d'Enguien, de Marguerite de Nicolay, &c. Toutes ces Epitaphes font fans date. Il y en a trois pour François I. &. celle-ci pour Clément Marot : Vois-tu, piflàm , le fepulcre paré De Romarin , de Lyerre Se Violette , Frés le Laurier par Phoebus honoré ; Lit gift Marot des neuf Mufes pleuré » Plus que jadis le Florentin Poète. Le Piedmont deult : la France le fouhaite ! L'un, qui le voit en fes bras demeuré : L'antre a regret dé l'exil moins honnefte. Sçais-tu qui eu , qui plus fe fantaifie De fon trefpas ? c'eft mefme Poëfie , . Qui fond en pleurs fous la pareure noire. Mufes cents , clfuyez vos beaux yeux , ; F R A M ÇO I S B. . Voftre Marot eft tant vif lur les Cieux, Comme icy bas, n'eft pas morte fa gloire. 429 , ETIKMHK Etienne Forcadel mourut en 1 573.FORCA»EI. Il avoit obtenu l'année précédente un privilège pour la réimpreflion de Ces poëfies , qu'il avoit revues & augmentées. Mais ayant été attaqué, peu de tems après, de la maladie qui le conduisit au tombeau, il recommanda à l'on fils, L. P. Forcadel, d'exécuter ce qu'il ne pouvoit faire lui-même, & de dédier le recueil de fes poëfies au Prince Charles de Bourbon, fils de Louis de Bourbon, Prince de Condé. Sa volonté fut fuivie. Ses Oeuvres poétiques parurent de nouveau en 1 579. à Pa- ' ris, in- 8 °. L'Epître dédicatoire eft datée de la même Ville le 20 Décembre J 5 7 8. Les augmentations qui font dans cette dernière édition , chargent plus ce recueil qu'ils ne l'enrichiflënt, ôç rne difpenfent par-là de vous en faire rénumération. Je vous dirai feulement t><u>( deFow que dans fes Epigrammes il y fait un ifj^i^ grand éloge d'Aymar de Vabres, Sécrétai- & 1 «8, re du R o i , Poète François , qui ne nous eft pas connu d'ailleurs. Il eft étonnant que Forcadel, qui dans fes poëfies prodigue fes éloges à un grand nombre d'Ecrivains très-médiocres, ne î 30 BlBtlOTHÏQTjrE ife pas un mot de Pierre Forcadel ETIENNE fon frère, qui étoit Profeûeur de MaFOCCAOBL thématiques au Collège Royal à Paris , & qui a eu en fon tems quelque réputation. CHARL, DE SAINTE MARTHE. Charles de Sainte Marthe qui compofa l'Oraifon funèbre de Marguerite de Valois dont je viens de vous parler, cultiva lui-même la poëfie Françoife, & même la Latine avec quelque fuccès. 11 étoit d'une famille qui eft deve«urr. poa. n u e féconde en gens de lettres. Il nade charte de q U i t à Fontevrauld, l'an 1512. de Mathe ,%. f«! rie Marquer, fceur de Pierre Marquet, 7». 148. Seigneur de la Bédouere, & de Gaucher de Sainte Marthe, Sieur de la Rivière , Confeiller & Médecin ordinaire du Roi François I. fi eftimé de fon tems, que Conrad de I ^ m m e a u , dans •viedeScev. fon livre de l'Office de fAvocut , lenomdc s. M. mefeul ^tre nous & les étrangers erucle de U Médecine, & un Autre Efculape. Charles eut quatre frères, dont il étoit le fécond. Louis fon aîné, Sieur de Neuilly , Procureur du Roi au Siège de Loudun , s'appliqua à la Jurifprudence. Salrnon Macrin en fait l'éloge F R A N ç O I S E . 431 dans Ces poèfies Latines. Jacques, Sieur; d e Chandoifeau, frère puîné de Char- CHARLES l e s , pratiqua la Médecine, fut verféDE S * 1N " dans la langue Grecque dedans les M a - " L *** v . / 0 * THE*. thématiques; &, entr autres ouvrages, compofa la vie de Budée qu'il avoit eu l'avantage de connoître dès fon enfance. Charles n'eut pas moins d'amour pour l'étude, & y fitd'auffigrandsprorès. Nous apprenons d'une lettre de „eon de Sainte Maure de Montaufier, Chevalier de l'Ordre de faint Jean de Jérufalem, écrite d'Hyeres en Provence le 20 Juin 1 540. que Charles demeura quelque tems à Poitiers , qu'il emporta avec lui les regrets de cette Ville lorfqu'il la quitta, qu'il alla depuis en maints lieux où fa réputation le îuivit, qu'il foutint avec courage plufteurs adverfes fortunes es pays lointains > qu'enfuite il fut reçu honorablement à L y o n , où on le chargea d'enfeigner dans le Collège de cette Ville les langues Hébraïque , Grecque , Lutine & Francoife. Le détail de fes voyages ne nous eft pas plus connu que celui de fes malheurs dont il parle fouvent dans fes poè\> i î e s , & qu'il attribue à fes envieux. f 4Î* BIBLIOTHèQUE . Tout ce que nous favons, c'eft que la CHARLES Reine Marguerite de Valois , fœur de »E SAIN-François I. Antoine, RoideNavarre, »*EB M A * - & la JDucheiïè de Vendôme Françoife EI * de s d'Alençon , l'honorèrent de leur bienM. Se »ïecilveillance & de leur eftime particulière, tée plus haut. £ l'employèrent en diverfes affaires importantes. La première de ces deux PrincelTes le fit Maître des Requêtes de fon Hôtel, & la féconde lui donna la charge de Lieutenant Criminel d'Alençon. Ces deux Princefles étant mortes en 1550. il en témoigna publiquement fa douleur par deux Oraifons funèbres qu'il fit imprimer. Il leur furvécut peu, étant mort d'une hémorragie en 1555. âgé feulement de quarantetrois ans. J'ignore s'il a été marié : on voit feulement par fes poëfies qu'il aimoit une Demoifellè d'Arles en Provence , qu'il nomme Beringue, qu'il la recherchoit en mariage, qu'il l'entretenoit fouvent tant de la pureté que de la confiance de fon amour pour elle, & qu'il lui prête les mêmes fentimens à fon égard. Mais il ne nous dit pas fi fes vœux furent remplis. La poëfie qui ne doit fervirqued'amufement, fut une paffion dans Charles de Sainte Marthe; fes amis 6k fa famille F R A N ç O I S E 439 mille lui en firent des reproches; il con• ' venoit quelquefois qu'ils avoient rai- CHARLES fon ; mais fon penchant l'entraînoit, & °* MIRil faifoit peu d'efforts pour lui réfifîer. T H E ,. C e qu'il y a de fingulier, c'eft que Guillaume Bigot, de Laval au Maine, Médecin & Philofophe, voulant le détacher de la poèfie pour le porter à fe livrer aux fciences, & furtout à l'étude des langues, choifit les vers pour blâmer ce genre d'écrire, & engager fon ami à l'abandonner. La plupart de fes autres amis n'étoient pas plus conféquens dans leurs avis. Ils connoiflbient fes talens ; tous l'exhortoient aies mettre à profit, & prefque tous s'empreffoient de lolier fes vers, &de lui écrire dans le même genre. Etoit-ce le moyen de le dégoûter de la poëfie? Auffi Sainte Marthe perfévéra-t'il, au moins jufqu'en 1 540. à cultiver les Mufes. Ce fut cette année qu'il publia le recueil de fes poëfies à Lyon, où il demeuroit alors. Suivant le confeil de Léon de Sainte Maure, il les adrefla à Madame laDucheffe d'Eftampes, qui protégeoit les gens de lettres, & de qui l'Auteur reçut plufieurs bienfaits. Ces oëfies font partagées en trois livres. ,e premier contient des Epigrammes, Tome XI. T Î 414 BIBLIOTHèQUE w, '» —. c'eft-à-dire, de petites pièces fur diCHARLES vers fujets ; le fécond, des R o n d e a u x , ,,E ?*IN~ des Ballades & des Chants Royaux ; le THE. AR~ tT°ikéme t &es Epîtres & des Elégies. Dans un grand nombre de ces pièces, l'Auteur célèbre fa Beringue , c'eft-àdire, fa maîtrene: mais beaucoup d'autres font adreffées à la Reine de Navarre,à la DucheiTe d'Eftampes, à François j I.&àplufieurs parens & amis de l'Auteur. 11 fe glorifie dans quelques-unes d'être difciple de Marot, qu'il appelle Jon père d'alliance. C'eft à lui qu'il recommande fes œuvres, qu'il convient être fort inférieures à celles de fon ami : c'eft lui qu'il follicite de les faire agréer à Madame la Ducheffe d'Eftampes •, 6c un faux bruit de la mort du même Marot s'étant répandu , Sainte Marthe fe hât4 de lui envoyer cette Epigramme : Il fut un bruit, 6 Marot, qu'eftois m o r t , Et ce faux bruit un menteur afleura. L'un d'un côté fe plaignoit de la m o r t , • Faifant regret qui longuement dura. L'autre par vers piteux la déplora, Gettant foupirs de dur gémiffement. Moy de grand deuil plorant amèrement, ' Duquel eftoit ma triite ame faille ; Las ! dys-je, mort eft noftre amy Clément, . Morte doncque eft Ftançoife Poeïié. f R A K Ç O ' t J E. 4,35 Une autrefois Sainte Marthe ayant été volé par fon domeftique, comme Ma- CHARLES tôt l'avoit été par le fien, il adreflà en- D E ^J IN " çore à fon ami l'Epigramme fuivante : ^HE. Ton ferviteur le mien avoit appris, Ou tous deux ont elté" à même efcholle. J'y ay efté, comme toy, il bien pris , Qu'il ne m'eft pas demeuréune obolle. Le tient eftoit de fàift & de parolle Un vray Gafcon. Si le mien ne l'eftoit, A tout le moins, bonne mine portoit, D'eftre de meurs au tien tort allie?. Gafcon ne tut, mais fon Gafcon fentoit : Jouant un tour d'un Moyne refmé. Màrot n'étoit pas le feul Poète , ce moins encore le feul homme de lettres avec qui Charles de Sainte Marthe entretenoit des liaifons. Il fuffifoit d'avoir quelque talent pour acquérir fon eftime & fon amitié. C'eft ce que l'on voit par les Epigrammes qu'il adreflè à P. Tolet, Médecin du grand Hôpital de L y o n , ami particulier de Dolet, à Doletlui-même, à Charles delà Rueh. l e , "à Jean Ferron , à Exupere de Claveyfon, Seigneur de Parnans, a Maurice Sceve, Lyonnois, à Jacques Colin , Abbé de faint Ambroife de Bourges, à Noble EdmondOdde, Seigneur Tij 43e* BiBiioTHEque • de Triors, parent , fans doute , de CHARLES Claude Odde de Triors , traducteur T ! SAIS- d e s Diftiques de Michel Vérin , à JacTHE. " t l u e s Dalechamp, à Guillaume Bigot, &. à plulieurs autres. Son amitié pour Dolet étoit fi grande qu'il ne manque aucune occaiion de le louer. Il croyoit que l'éloquence étoit fi redevable à cet Ecrivain , que fans lui elle n'eût peut-être pas régné en France. C'eft ce que fignifient les vert fuivans, Démoftbene vivant, nui n'eut oneques fécond , Les Grecs eurent jadis éloquence entre mains. Luy mort, au monde vint Cicéron le facond , Lequel avecqne foy la porta aux Romains. Apres luy, elle fut tranfportée aux Germains , Où toujours demoura tant qu'Etablie a heu vie. De là s'en retourna vifiter l'Italie , Et avoitprins manoir chez Eembe & Sadolet : Mais depuis peu de temps leur a efté ravie, Et tout droit amenée en France par Dolet. Ailleurs il recommande aux François de lire avec attention ce que le même Ecrivain avoit fait en faveur de leur langue, & il les excite à être reconnoif«uvr. de Cb. fàns de fes travaux pour elle. C'eft le J 7 S &flîivf'fujet d'une de fes Epîtres, qu'il adreflè aux François, & dans laquelle il fait F R A N ç O I S E . 4.37 lui-même l'éloge de notre' langue , • comme dans l'Epître à fon père, il CHARLES avoit fait l'éloge de notre poëfie, erî fe DE ^ y N juftihant du goût qu'il avoit pour elle. T ""IE# L a plus importante de toutes les P a £ -, pièces de Charles de Sainte M a r t h e , eft fon Elégie du Tempe de France, en Vhonneur de Madame la Duchejfe d'Eftampes ; comme l'Auteur emploie une partie de cette pièce à faire corîrîoître les Poètes qui avoierit alors quelque réputation, & qu'il y donne leur" caractère , je me contenterai de vous rapporter ce qu'il dit fur ce fujet. Le temps parte", plusieurs gentils efprits Ont pris plaifir , par leurs «lo£tes efcripts Commémorer le los trés-magnificque Et le grand bruicr du Tempe Theflàlicque ; Tout ainfi font, les Muies en ce lieu , Attires prés d'Apollon leur grand Dieu. Callidpé la tant bien relouante , A à fa voix une voie confortante ; C'eft fon Hsrtt, le Poëte favant, Lequel premier met fa plume en avant : Plume de mots & fentences fértille, Plume à trouver, & à coucher fobtille. Clio après a fon docte Colin, ColinfonnantGrec, Frarfçoys & Latin , Et pénétrant de Térudite fonde, T iij 438 BlBtrOTHEQUE La creufe mer de fcience profonde. Puis F.rato un StinCl Gelayt maintient, Qui fa pattie avec les aultres tient, Chantant des fons de fa fonante lyre, Plaifants à tous , & utiles à lire. Auprès duquel un Scevc s'eft aflîs, Petit de corps, d'un grand efprit radis, Qui l'efcoutant, malgré qu'il en ayt, lie Aux graves fons de fa doulce Thalie Avccqueseux, y a Melpomené La Maifin nenfvt, efprit gentil, mené , Qui tellement de fa harpe refonne, Que n'eft aulcun lequel ne s'en eftonne. Terpficoré a près de foy Brcietn, Lequel tousjours invente chant nouveau , Et de fan chant il fait fi grand merveille Qu'il n'y a cucur qUe fouhdain ne réveille. Là Euterpé ne s'eft mife en ouhly, Ains le troupeau a très-bien ennobly Par un BoHcktt qui tant de beaulx dicts couche , Tous procédants de fa dorée bouche,. Et là auprès Htreet le fubtil, Avecques luy Fontaints le gentil, Peux en leurs fons une perfonne unie, C hantants auprès de l'haulte Polymnie. Là Uranie a fon Sttel conduict, Qui tous les jours fes factures produit, Par jufte droict accommodé à elle.,..,. F R A N ç O I S E . Salel efcrit de telle dignité , Et fes efcrits (i faigement compaflè, Qu'il n'eft aulcun qui en ce l'oulttepallè. 4.39 *———•-»•» CHART.TS DE OAIN— Le recueil de Sainte Marthe finit par THE. ce qu'il appelle le Livre de fes amys, parce qu'il y a raflèmblé diverfes pièces où l'es amis ont loué lui & fa Seringue. C'eft dans ce livre que l'on trouve I'Epître en profe de Léon de Sainte Maure, dit de Montaufier, dont je vous ai parlé, & I'Epître en vers de Guillaume Bigot, dont j'ai pareillement fait mention. A l'exception de ces deux Epîtres, le relie ne confille qu'en Epigrammes d'Etienne Dolet, de Maurice Sceve, de P. de Marillac, d'Exupere de Claveyfon , Seigneur de Parnans, qui traite Sainte Marthe de frère , de P. Tolet , Médecin , de Maurice Chauffon , de Jean Roboam, de Jean Benac , d'À. de Villeneufve , de Charles du Puy , & du Chevalier Grenet. Ce livre eft adreffé à M. d'Avanfon , Secrétaire du R o i , par une Epître en profe, datée de Lyon le 1 5 d'Août 154,0. Sainte Marthe promet dans cette Epître de publier un autre ouvrage , dont il ne dit pas le fujet. C'étoit peutêtre fon Traité de la conjunctiqn des qu*T iiij 44-° BIBLIOTHèQUE ^ ne langues, qu'il préparoit, cornrne il CHARLES i e j ; t J a n s p a v j s a u Jeteur qui eft à la DE SAIN n n TE MAR- ^ e ^es poètes. Je ne crois pas que THE. ce Traité ait paru. Scévole de Sainte Kiog. 1. m . Marthe, dans fes éloges, lui en donne ». îei. u n a u tre de re fepulchrali, & des Commentaires fur les Pfeaumes de David. J'ignore fi ces ouvrages ont été imprimés ; Scévole de Sainte Marthe ne le dit point. Je reviens à l'Elégie de la nouvelle Tempe dont je vous ai rapporté une partie. Prefque tous les Poètes que Charles de Sainte Marthe y raflèmble auprès des Mufes, vous font déjà connus. Je vous ai parlé de Marot, de Jacques Colin, de Bouchet, de Fontaine , d'Héroet. Il ne me refte plus qu'à vous entretenir de Victor Brodeau, de Maurice Sceve, de la Maifon neufve, de Mellin de Saint Gelais, & de Hugues Salel, qui vous eft déjà connu en partie , comme traducteur d'Homère. VICTOR B RODE AU. Victor Brodeau étoit de Tours, d'une famille honorable, & qui a produit plufieurs Savans. Il fut Valet de Chambre & Secrétaire de François I. & de F R A » Ç © ï S «. 441 la Reine de Navarre fceur de ce Prin. c e , Ducheflê d'Alençon. Il mourut au VICTOR mois de Septembre 1540. Sa gloire BRODEAU* principale eu d'avoir été père de Jean Brodeau , célèbre Philologue , habile dans les langues Hébraïque & Grecque , connu par ks varia Leftiones qui ont été imprimées, l'ami de tous les Savans de Ion tems;, & duquel on peut? voir l'éloge parmi ceux que Scévole dé Éibg. 1 n. Sainte Marthe a publiés. Victor a peu s't,-£„i,£'r 'écrit, ou du moins on n'a publié que «?«•«.• très-peu de fes ouvrages; Si l'on en excepte quelques petitespiéces imprimées parmi les poëfïes de quelques-uns de fes contemporains, je ne eonnois: de lui qu'un poëme intitulé, les louanges de Jefus-Cbrift noftre Sauveur, qui parut à Lyon en* r 540. & dont on a encore quelques autres éditions. Ce poëme eiî en vers.de dix fyllabesi,. & commence: ainfi : Verbe éternel dès lé commencement! Mis en fecret dedans le penfemeneDe Dieu puiffànt, &c. L a Croix-du-Maine cite du même uneMpiftre du* Pefcheur à Jefus-Chrift, imprimée k Lyonehez Etienne Dolet';;ifc neditpas il elle:efl en profeouen ver*v 44^ B l B LIOT HEQlTE nvrgemré , Cette Epître a été cenfurée par la F a trnr. 1.1 r . cuite de 1 néologie entre les années *7s1541 & 1546. MAURICE SEVE. Maurice Sève ou Sceve, plus connu que Brodeau, étoit, dit-on , de l'ancienne Maifon des Marquis de Sceva. Ccicn. hift. s a famille étoit venue du Piémont s'él<it. rie L y o n , ... , T . , ,, t. - p. 513 tabhr a .Lyon avec quantité d'autres fcfciv. jllultres familles étrangères. Maurice exerça à Lyon la profeflion d'Avocat, & fut Confeiller-Echevin de cette Ville. Le Promptuaire des Médailles , qui le place parmi les illuftres Lyonnois, en parle comme d'un homme d'un rare mérite, qui s'étoit diftingué par une grande capacité , & qui avoit furtout un talent fingulier à imaginer des Emblèmes, des Infcriptions, desDevilës, des Defleins de Trophées & d'Arcs de triomphe ; en un mot tout ce qui fait l'ame des décorations publiques dans les réceptions des Princes, & dans les autres Fêtes de cette nature. Aufli eutil la meilleure part, pour tout ce qui dépend de l'invention & de l'efprit, à la magnifique réception qui fut faite à Lyon au Roi Henri IL & à la Reine F R A N ç O I S E . 445 Catherine de Médicis fa femme, lorf... qu'ils y firent folemnellement leur pre- MAURICE miére entrée en 1548. Maurice Sève en ^Eys\ fournit les deffeins , il fut chargé d'en conduire l'exécution , & Claude de Taillemontquiyeutpart, n'y travailla que fous fa conduite. La relation de cette Fête a été imprimée en 1549. in8°. à Lyon ; & le père de Colonia en donne un abrégé dans le tome fécond de fon Hiftoire littéraire de la même T •Ville. : Pendant le féjour que Clément Majrot fit à Lyon , & dont il fe félicite en plufieurs endroits de fes poëfies ^ il rechercha l'amitié de Maurice Sève, &. mérita de l'obtenir. Elle ne lui fut pas inutile. Marot trouva dans cet ami généreux & éclairé , non^feulement l'appui dont-il avoit befoin dans les affaires difgracieufes qu'il s'attiroit quelquefois , mais encore des avis & des lumières pour perfectionner fes ouvrages. On voit dans fes poëfies dés-preuves bien marquées de l'intime comrfter. ce qu'il entretenoit avec Maurice Sève,. Docile à fes avis, il ne rèfufa de les fuivre que lorfque Maurice voulut l'engager à fe perfectionner dans la Mùfi- . que. Marot s'en excufa par cette jolie Tvj 444 BlBIIO.THEQtTE Epïgramrne qu'il lui envoya r MAURICE SèVE. v^o , , .. _ . En moyant chanter quelquefois,. Tu te plains qufefire je ne daigneMuficien, 6c que ma voir Mérite bien- que l'on m'enfeigne;.Voire, que la peine je preigne D'apprendre Ut re mi fa fol la : Que Diable veux-tu que j'apreigne V Je ne bois que trop fans cela.. Maurice avoït lui-même beaucoup dégoût pour la Muiique : & pour mieux clive-,, il en avoir pour tous les arts & pour toutes les fciences, » C'étoit, dit p> la Croïx-du-Maine, un homme fort a> dédie & fort bon Poète François, pagrand rechercheur de l'Antiquité, P> doué d'un efprjt efmerveillable, de p» grand jugement & finguliére inven» tion.» Du Verdier ajoute qufil et oit fetit homme, en ftature, mais du tout grand en ffavoir,- & vous venez de voir que Sainte Marthe dit la même ehoib.Etienae DcAet n'en parle pas moins avantageufèment en plufieurs endroits de les poefi.es Latines imprimées à Lyon en 15q8, in-4 0 . &en plufieurs endroits de fcs Commentaires de lalangue Latine. ; Je courtois de Maurice Sève deux F R A N ç O I S E . 444 Eclogues , l'une intitulée Arion, l'au- ..' . m tre qui porte pour titre la Saulfaye. Voi- MAURICE ci le fujet de la première. François ^SEVE» Dauphin de France , fils de François I . après s'être fort échauffé à Aifnay r dans une partie de paume, fut empoisonné dans un verre d'eau fraîche, & alla mourir à Tournorr le 12 Août 1 5 36. Ç'eft cette mort & fes circonftances qui font L'objet de cette premiéxe Eclogue , où l'on reeoiinoît. plus le cœur François que le Poète. La Saulfaye , Eclogue de la vie folitaixe, eft un Dialogue entre deux Bergers, Antire & Pbilerme. L e dernier, rejette de celle qu'il ahnoit, fuit les lieux fréquentés , ne cherche que les bois & les endroits, les plus écartés y afin de s'y livrer plus librement à fa douleur.. Antire f qui le rencontre r l'arrête , l'interrogefur les eaufes de fa crifteffè, & de la folitude à laquelle il s'abandonne.. Pbiktme répond à tout, & entreprend de justifier & fon affliction & fon nouveau genre de vie. Tout fe pafie alors en dits&en contreditsJVlais^ntir* voyant qu'il ne pouvoir ramener fon ami à une conduite plus raifonnable , le plaint & fe retire. Cette Eclogue n'eft pas mal yejnifiéei& y trouve du ferrtiment* 44-6 BIBLIOTHèQUE e Elle a paru à Lyon en 1547. in-8 ° . & MAUTUCE a été réimprimée dans la même Ville SèVE. e n j c . g # f o u s l e feul titre d'Eclogue de la vie folitaire, dans le recueil intitulé, Livre de plufieurs pièces, que je vous ai déjà cité. Maurice Sève n'a pas mis fon nom à cette Eclogue, mais il s'eir, délïgnépar cette maxime qu'il avoit adoptée, fouffrir, nonfouffrir. L'efprit & le fentiment éclatent encore davantage dans fa Délie, objet! de plus haute vertu, qui elr, un recueil de quatre cens cinquante-huit Dizains, accompagnés de cinquante Emblèmes, le tout ayant l'amour pour objet. Mais l'Auteur s'y répète trop fouvent, & emploie d'ailleurs quantité d'expteffions baflès , forcées , quelquefois peu intelligibles ; des figures peu naturelles, des allufions & des métaphores que le feul goût de fon tems pouvoit excufer. Les paffions s'expriment bien différemment dans les Poètes qu'Athènes & Rome ont eftimés, & dans ceux qui ont traité les mêmes fujets fous le règne de Louis XIV. & même fous le règne préfent. Voici peut-être un des meilleurs Dizains de la Délie ; qu'on juge Dii s> p. des autres par lui : 44 .delaDé- lie. r ' Amour perdit le» traiûs qu'il me tira , . F R A N ç O I S E . q.4.7 Et de douleur fe print fore à complaindte : Venus en eut pitié, & foupira , Tant que par pleurs fon brandon feit eftaihdre , Dont aigrement furent contraincts fe plaindre : Car l'Archer fut fans traicr, Cypris fans flamme. Ne pleure plus, Venus ; triais bien enflamme Ta torche en moy, mon cœur l'allumera : Et toy , enfant, ceflè, va vers ma Dame , Qui de fes yeux tes flèches refera. M AURICB S E V E. Il faudroit avoir bien de la patience pour lire plus de quatre cens Dizains de cette efpéce , prefque tous remplis de ces fadeurs amoureufes. Pafquier n'avoit que du mépris pour cet ouvrage. « Maurice Sève, dit-il « en fes Recherches , livre v 11. chap. « v 1. fe mettant en butte, à l'imitation « des Italiens, une maîtrelTe qu'il celé-«< bra fous le nom de Délie, non en Son- « nets ( car l'ufage n'en étoit pas encore « introduit ) ains par Dizains conti- « nuels, y laiffa un fens fi ténébreux ck « obfcur , que le lifant je difois eftre « très-content de ne l'entendre, puif- « qu'il ne vouloir eftre entendu.... Du « Bellay, au cinquante-neuvième Son- « net de fon Olive, ne laiffe pas de l'ap- « peller un Cygne nouveau, voulant « dire que par un nouveau deffiein, il « avoit banni l'ignorance de notre poë- « 44^ • BIBLIOTHèQUE » fie. Toutefois la vérité eft qu'il aftecMAURICE „ ta une obfcurité fans raifon , qui fut VE * »caufe que Ion livre mourut avant » lui. » Les Blafons du front, du fourcil ce de la gorge, imprimés avec les Blafons anatomiques du corps féminin r compofés par plufieurs Poètes, ne méritent pas plus aujourd'hui notre attention , que la traduction que le même Ecrivain s'avifa de faire de la déplorable fin de Flammette, écrite en Efpagnol , & que la Croix-du-Mai'ne appelle une belle & gentille invention de Jean de Flores. Maurice Sève s'eft fait plus d'honneur par fon poème intitulé, \&Adicrocofme ou petit monde , en vers héroïques ou Alexandrins, partagé en trois livres. Le fujet de ce poème eft important : c'eft l'homme. Il falloit être PhïIofophe pour bien traiter cette matière; &" l'Auteur montre qu'il l'ëtoir. La •Théologie lui étoit auffi né'ceffaire, <Sc , il fait voir qu'il l'avoit étudiée. On mahieroit mieux de nos jours un fujet fi élevé, on feferoit mieux entendre, on rendroit un tel poème plus clair, plus utile : on y donneroit de l'homme des idées plus précifes ou moins ernbarraffees.. Mais le Microcoûne de notre PoèV FRANçOISE. 449 *e ne laine pas, quoique trop brute, ' d e plaire, au moins dans quelques-unes MAURICE d e fes parties. SèVE. L'Auteur dans le premier livre , temonte jufqu'à, la création de l'Uni-, •vers, & fuivant l'hiftoire du genre humain , il parle de la création de l'homm e & de la femme, de leur chute , de leur expulfion du Paradis terreftre, & des maux corporels & fpirituels qui furent la fuite de leur première prévarication. Dans le fécond livre , A dam enfeveli dans le fommeil, voit en fonge tout ce qui doit arriver à fa poftérité, l'établiflement des Empires, l'invention des arts & des fciences, les guerres qui doivent défoler la terre , la corruption prefque univerfelle où toute fa race doit tomber, fa réparation par l'Incarnation & la mort du Fils de Dieu ; la deftruction de l'Idolâtrie , 6c le rétabliffement du vrai culte qui eft dû au fouverain Etre. Ces derniers objets confolent Adam ; il fe réveille, conduit fa femme dans une vafte prairie, lui rapporte tout ce qui lui a été révélé, & l'entretient enfuite du cours des Aftres, & de toutes les parties de l'Aftronomie, del'Aftrologie rnême fur laquelle l'Auteur paroît trop 4.50 BIBLIOTHèQUE ~ infifter, de la Chymie, & des autres 'MAURICE fciences fpéculatives ou pratiques. C'eft VK * la matière du troihéme livre. Ce poème finit par ces trois vers qui marquent le tems auquel il a été compofé : Univerfelle paix appaifoit l'Univers L'an que ce Microcofme en crois livres divers Fut aind mal tracé de trois mille & trois vers. Si l'Auteur veut parler de la paix qui fut faite entre le Pape, l'Empereur & le Roi François I. en 15 29. il faudra dire qu'il a attendu longtems avant de publier fon poëme, n'en connoiffant point d'édition faite avant 156a. Je ne vous rapporterai que fon début, qui ne manque ni de force, ni d'une certaine élévation. Dieu qui trine en un fus, triple es, & trois feras , Et comme tes elleus nous éterniferas , De ton divin efprit enflamme mon courage, t Pour défaire ton homme , & louer ton ouvrage ; Ouvrage vrayement chef-d'œuvre de ta main , A ton image fait & divin & humain. Premier en fon Rien clos fe celoit en fon tout, Commencement de foy fans principe & fans bout, Inconnu fors a foy connoiffant toute choie , Comme toute de foy , par foy , en foy enclofe , &c La Croix-du-Main? & du Verdbr - F s. A N ç o i s B; 451 donnent au même Poète la traduction ' • • . r. de quelques Pfeaumes, imprimée avec MAURIC» celle de Jean Poidevin. Maurice Sève S E V E * . V vivoit encore en 1562. J'ignore quand il mourut. Sa famille a produit plufieurs autres Ecrivans; entr'autresJ^»Seve, Prieur de Montrotier, & Claudine & Sibylle Sève, fceurs, proches parentes de Maurice & de Jean. Celui-ci publia en 15 5 0. la Ruine & trejbuchement de Mars Dieu des guerres aux Enfers, avec une fupplication, en vers Alexandrins , aux Rois & Princes chrétiens, de faire la faix entreux, & prendre les armes contre les Infidèles, jointe à une exhortation au peuple Françoisfd''avoirfon recours À Dieu, pour obtenir fa grâce & la paix. .Cet ouvrage fut fuivi d'un livre de piét é , adrefle aux Dames Lyonnoifes. La Croix du Maine fait mention de Claudine & de Sibylle Sève ; & dit qu'elles Je diftinguoient par le talent de la poëfie Françoife, mais que leurs ouvrages n'étoient point encore imprimés de fon tems. Je ne crois point qu'ils l'aient été depuis. On a lieu de penferqueces deux filles font les mêmes que ces deux fœurs Lyonnoifes à qui Marot, retenu chez lui par quelque maladie , adreflà les vers fuivans : 45* PIERRE LORAC. BlBIIOTHEQUE Puifque vers les fœurs Damoifelles u n e m ' e f t poffible d'aller ; Sus, Dizains, fus, courez vers elles ; Au lieu de moi, vous faut parler : Dictés leur, que me mettre à l'air Je n'ofe, dont me poife fort ; Et que pour faire mon effort D'aller vifiter leurs perfonnes, Je me fouhaite eftre auffi fort, Qu'elles font 8c belles 8c bonnes. PIERRE L 0 T A C. Claudine Sève ou Sceve a été auffi célébrée par Pierre Loyac, Poète François & Latin, qui avoit inftruit dans les lettres Jean de Sève, & peut-être quelques autres de la même famille. Loyac étoit auffi de Lyon ou du Lyonnois, comme je le conjecture de quelques endroits de fes poëfies. Du refte, je n'ai rien pu apprendre de ce qui le concerne. Je n'ai vu qu'un petit recueil de fes vers, intitulé les Diaphores poëfies de Pierre Loyac, imprimées depuis la mort de Henri IV. fur laquelle on lit quelques pièces dans ce recueil. Je ne puis vous donner de date plus précité-, F R A N ç O I S E . 453 n'ayant vu des poëfies de Loyac, qu'un : feul exemplaire auquel manquoit le PIERRE front ifpice. C'eft très-peu de chofe que LOYAC. ce recueil. On y lit des Stances fur la ISaiffance de Jefus-Chrift, fur le Sacrement de l'Euchariftie, fur laPaffion , d u Sauveur, fur l'Affomption de la Sainte Vierge, & contre l'Amour : quelques Sonnets, trois ou quatre Odes & Chanfons amoureufes, diverfes Anagrammes à la louange de la Reine Marguerite de Valois, du Comte d'Auvergne , de Guillaume de Sève, Sieur de Saint Julien & Merrobert, & de Catherine de Catin fa femme, de JeanJacques de Sève, Confeiller à Lyon , de Claudine de Sève, & de plusieurs autres perfonnes. Une de ces Anagrammes eft datée de 1606. Les autres poëfies confiftent en Quatrains, Epitaphes, «Se autres petites pièces. On y lit deux Epitaphes de M. de Sève, Abbé de Manheu, qui mourut à Rome, & des regrets fur la mort d'un beau Chat, avec fon Epitaphe. CLAUDE r DE TAILLEMONT. Claude de Taillemont, qui travailla avec Maurice (Seve à t Entrée du icoj 454 s BIBLIOTHEQUE Henri II. à Lyon, étoitauflï Lyonnois; CLAUDE l'on trouve fon nom dans les faites conDE TAiL-f"uiaires delà ville de Lyon. L e père IEMONI. deColonia, fans nommer aucun de fes ouvrages, renvoie à du Verdier , qui en cite deux : Difcours des Champs faix, à l'honneur & exaltation des Dames, oeuvre vrajèment élégante & de gaillarde invention , en profe, imprimé à Lyon en 1553. in-8°. & la Tricarite , hombre de plus rare triple beauté ; plus quelques chants en faveur, de plufieurs Damoérulles , à Lyon , par Jean Temporal, 1 5 5 6. in8°. J'ai vu ce recueil. Comme l'ortographe en eft très-bizarre, l'Auteur tâche de la juftifier dans fon Avertijfement, qui devient par-là un petit Traité d'ortographe, telle que Taillemont concevoit celle-ci, & telle qu'il la fuit dans la Tricarite. Il dit au même lieu, qu'/7 a fait quelques Elégiaques François mefuréspar pieds comme les Latins, afin de montrer qu'on peut employer en notre langue le même genre de vers, avec plus de beauté & de richejfe que dans la langue Latine. Il ajoute qu'il pourroit prouver fon fentiment par deutf raifons, qu'il croyoit, fans doute, convaincantes , mais qu'il renvoie à un autre ouvrage, de même que fes règles fur II» 'FRANçOISE'. 455 Quantité qu'il falloit obferver dans ces ' j. vers. Je ne connois aucun écrit de lui CLAUDE fur ce fuiet, lequel n'étoit qu'un jeu DE T A I I < - d. r c > 1 • A LEMONT. elprit enfante par le mauvais goût. Sa Tricarite eft adreflee à la Princejfe Jeanne, Reine de Navarre & Ducbefle tle Vendojme, par une Epître en vers de huit fyllabes, que le Poète qualifie de Chant. Cette Epître eft fuivie de quelques Elégiacques en vers mefurés, adreffés à la même Princeflè. Comme ils font fignés E. D. il eft à préfumer que ces vers ne font point de Taillemont. La Tricarite, qui contient plus de cinquante pages, eft un poème galant, femé de quelques réflexions morales, le tout d'un fort mauvais goût. L'Auteur s'y fert tantôt.du vers de dix fyllabes, tantôt du vers Alexandrin. Les Chants qui fuivent, & qui roulent aufli prefque tous fur l'amour, ne valent pas mieux. Ils font terminés par le Conte de l'Infante Genièvre , figle du Roi d'Ecojfe , pris dufurieux ( c'eft-à-dire de MOrlando fur/c/èd'Ariofte) & fet Françoés. Ce Cont e , aufli mal verfifié qu'ortographié, eft encore adreffé à la Reine de N a varre. 45 6 BlBlIOT.HEQTJE JEAN DE LA'MAISON NEUFVE. Je m'arrêterai encore moins à Jet* 4e la Maifon neufve : je ne le connois que par le peu qu'en dit du Verdier dans fa Bibliothèque Françoife : il le qualifie Berruyer, c'eft-à-dire, né dans quelque Ville du Berri ; & il ajoute, qu'il a écrit en rime, premièrement le Colloque focial de paix, jujiice , miféritorde & vérité pour l'heureux accord des très-augufies Rojs de France & 4'Efpoigne. Il s'agit apparemment du Traité de Cateau-Cambrefis. Secondement, XAdieu des neufMufes, aux Roys, Printes & Princejfcs de France, * leur département du feftin nuptial de François de Valois, Roy Dauphin & Marie d'Ejfuart, Royne d'Ecojfe. Cet adieu a été imprimé en 15 5 8. Le Colloque le fut en 1550. MELLIN DE SAINT GELAIS. De tous les Poètes que Charles de Sainte Marthe a célébrés, le plus connu , fans contredit, eft Mellin de Saint Gelais. L'opinion commune eft qu'il étoit fils naturel d'Octavien de Saint Gelais, mort Evêque d'Angoulêrne. Il naquit en cette Ville , & fut élevé avec foin. Ayant embrafle l'Etat Ecdénaitique, F R A N ç O I S E . 457 «léfiaftique, le Roi François I. lui don• ••• ma l'Abbaye de Notre-Dame de Re- MELIIN -clus, Ordre de Cîteaux, au Diocéfe^ S*11** -de Troyes, & le nomma Aumônier du ELAIi * Dauphin , qui-fut depuis le Roi Henr i II. & lorfque ce Prince fut monté fur le trône, Saint Gelais continua d'être fon Aumônier., & devint fon Bibliothécaire. Il vivoit encore le 21 Décembre 1557. comme il paroît page 2.0 de fes œuvres in-8°. à Lyon 1574. ce qui fait voir que ceux qui le croient mort en 15 54. fe trompent. Il mourut en 15 58. & fut inhumé à Paris dans l'Eglife de Saint Thomas, aujourd'hui Saint Louis du Louvre. Il fut pleuré des Poètes de fon tems, & il nous refte encore une partie des vers qu'ils firent à fon honneur. Olivier de Magny finit ainfi une Ode qu'il compofa à cette occafion , & dans laquelle il parle aux . JMufes : MeOin voôre plus grand honneur, Mellin noftre plus grands gloire, Mellin noûre commun bonheur, Eft en bas fur la rive noyre. De dire plus oultre fon nom, Et fon fçavoir 8c fon mérite, Et fe$ vertus 8c fon renom, Terne XI. V 458 BIBLIOTHèQUE Ce feroit chofe trop redicteMELLIN Thevet prétendque Mellin âgé de vingt DE SAINT a n s ^ étant allé en Italie dans ledeffein GBLAIS. j g s , v a ppijq Uer a l'étude du D r o i t , ne goûta point cette étude , & ne s'attacha qu'à laPoëfie & à l'Aftrologie judiciaire. C'eft peut-être un conte : il y en a bien d'autres dans Thevet. -Lemême le fait Auteur d'un livre defeto, qu'on ne connoît point, à moins que •ce ne foit VJdvertiffement fur les jugemtnsd'jdftttldgie, à une ftudieufe Ditmifelle, que le Poète dit avoir compo fé, & au devant duquel il-mit u n Son1 net de fa compôfition , qui-fe lit dans -le recueildefes poëfies.;EtU'eïl peutêtre au même écrit-que Grevinfait allufion , lof fqu'if finit ainfi une pièce oùilmecenparaleUelePoëte & l'Af' trotogue : C'eft cela qui me fait penfet que maintenant L'âme de Saint Gelais eft dans le Firmament, Fuiique vivant il fut AftrolBgue 8c Poète. Mellin de Saint Gelais avoit plus de goût , de délicateflè & d'érudition qu'Oclavien : il avoit auffi plus de fcience que- Qément Marot ; mais c'eft tout l'avantage-qufil -a eu au-deliùs de ce Poète. Si l'on endroit Charfe^Fontai- F R A N ç O I S E . 459 fie dans fon Jjhintil Cehfeur, il étok Mathématicien, Philofophe, Orateur, MFLLIN Théologien, Jurifconfuke, Médecin" E SAINt " =& Aftronome ; il étoit habile dans la GELAii « Mufique vocale & inftrumentale , & •on le regardoit comme l'un des hom«ries les plus doctes de la Cour de François I. Voilà bien des titres honorables. Aujourd'hui nous ne le connoiuons q u e comme Poète. Ce qu'il nous a donné en d'autres genres , fe réduit à l a traduction du Courtifan de Balthafàr Caftiglione, mis de l'Italien en François par Jacques Colia, revu, corrigé -& publié par Saint Gelais ; aux voyages ^tvantureux du Capitaine Jean Alpbonfe , Saintongeois, dont il n'eft guéres que l'éditeur ; & à la Tragédie de Sophonifbe, qu'il a traduite de l'Italien de Jean-George Triffin : je vous ai parlé ailleurs de cette traduction. On aflure que Saint Gelaisternit l'éclat de fes bonnes qualités, parla jaloufie qui le dorninoit. Toujours favo-. rablement écouté à la Cour de François I. & à celle de Henri H. il fouflroit, dît-on , impatiemment ceux qui ,pouvoient partager avec lui l'eftime ;& la loire qull croyoit mériter.. Il, parloit e leurs ouvrages avec mépris, ou il Vij t 460 BIBLIOTHèQUE , . ne les loùoit qu'avec une réferve qui MELLIN bleflbit également la jufticeck la vérité. r>E SAINT Voilà du moins ce que prétendent pluGELAIS. fieurs Ecrivains ; mais fans en apporter de preuves. Tout ce qu'on reproche de mieux fondé à Mellin de Saint Gelais, beit, qu'il aimoit à plaifanter ; & que fes railleries fourent trop libres & trop fortes, lui attirèrent beaucoup d'ennemis. C'eft ce qui a fait dire a Ronfard, dans untems où Saint Gelais n'avoit pas encore recherché fon amitié , comme il fit depuis ; Préferve moi d'irifamie, De toute langue ennemie, Et de tout efprit malin ; Et fais que devant mon Prince , Defonnais plus ne me pince, La tenaille de Md"1' Mais peut-être aufli que Ronfard qui ne manquoit point d'ambition , fuppofoit dans-Saint Gelais une malignité quin'avoitrien de réel. Afpirant, comme lui, à la gloire d'être regardé comme le premier Poète de fon tems, l'efprit de rivalité ; ii corrunun entre des perfonnes qui courent la même carrière , & furtout entre les Poètes, pouvoit lui faire fuppofer dans la conduite & F R A N ç O I S E . 46" I dans les difcours de Mellin des défauts - . • •••• qui n'y étoient pas réellement. MELLIN Guillaume Colletet attribue à Saint ^ LA A IS N r Gelais l'honneur d'avoir introduit le _ , ^ ^ Sonnet François, & d'avoir fait paiîèr net', n. 6. ce genre de poëfie d'Italie en France. M . Baillet dit qu'il avok un-talent par- Jug- des s™ ticuliër pour l'Epigramme ; mais ce in-v^.'p.jVv qu'il ajoute, que Lazare de Baïf avok introduit en France l'ufage & le nom de cette efpéce de poëfie , n'eft pas exact. On faifoit des Epigrammes en France avant Lazare de Baïf; mais on les appelloit quatrains, fizains, huitains, dizains, &c. fuivant le nombre de vers dont ces petites pièces étoient compofées. Clément Marot, qui en avok fait plufieurs , les intitula Epigrammes , & fut en cela le premier qui mit en œuvre le mot qu'avoit introduit Baïf. Car r ainfi que l'a fort • bien remarqué- M énagedans fon Anti-Baillet > • c'eft le nom de l'Epigramme feulement que Lazare de Baïf introduifit dans lalangue , & non pas l'ufage., Les poëfies de Mellin de Saint Gelais confident en Epîtres, Rondeaux, Ballades, Sonnets, Quatrains, Hukains,, Epigrammes, Elégies., Chanfons, Epkaphes,, & autres petites pièces ; & Viij ^êi BjBriOTH-EQr/B : en diverfes poëfies Latines. QuelquesMrcLiNunes de ces pièces font traduites oa »E SAINT j m i t e ès de l'Anthologie ou recueil d'Epigrammes Grecques,d'Ovide,de Claudien, de Catulle, de Jean Second & de quelques Poètes Italiens. Beaucoup ne refpirent que l'amour, & plufieurs contiennent des maximes & desexpreffîons très-éloignées de la fainteté de fétat que l'Auteur avoir embrafle. On dit que fes mœurs répondoient à fes fentimens , & j'ai lu dans- plufieurs ouvrages que cette1 Diane à qui il adreflè quelques-unes de fes- poëfies , Se qu'il qualifie fa nièce, étoïc fa fille. Ses plus-longues pièces font une Elégie d'Ovide paraphrafée, la défloration du bel Adonis, imitée d'une Idylle de Bion, & fa Genevrt imitée des i v. v. & v i . Chants de l'Ariofle : je vous ai parlé de ces trois pièces; Parmi les autres, • il y en a fur plufieurs fêtes de Cour, & for quelques fêtes particulières, Mafcarades > Ballets , Entrées de Rois & de Reines, Mariages dePrinces & autres fujets femblables: beaucoup deDiitiques Sx. de Quatrains fur dès tableaux de Saints & de Saintes, où le Poète fait prefque toujours ailufion à l'amour profane en général, ou a celui qu'il difcât F R A ïjr ç o ï s E. 4cTj éprouver en particulier : par exemple, • voulant parler de la Madelene, il dit f MELLIN r>E S A I N T Dieu fit grâce à la Magdclcne Tour ce qu'elle ayma grandement J • Et l'on me redouble ma peine. Pour ce que j'ayme extrêmement. • GELAIS. C'eft ainfi que l'efprit libertin deTAuteur le portoit à abuferde tout. Ses petites pièces fur le Calendrier, celles qu'il a faites pour diverfes Heures oit livres'de Prières, font dans le même goût : le prophane y eft toujours indécemment mêlé avec le facré. Tel eft , par exemple, ce Quatrain qu'ilfitpour être infcnt fur le Pfeautier de Madame de Nemours : Si Dieu mettoit les dons en vous fc moy, Qu'avoit l'Auteur de cette œuvre parfaite, Pour voftre part feriez femme d'un Roy, Et par fouhait j'en ferpis le Prophète. Tel eft cet autreQuatrain fait pour un petit Pfeautier de Maderaoifelle de Autbeville. Plus divine œuvre en plus petit efpace Trouver cnclole il feroit difficile ; Encore* plus voir tant de bonne grâce Et de beautd ailleurs, qu'en Autheville. V iiij I 464 BlBIIOTHEQtXE Je vous épargne d'autres exemples où M pi.I.IN l'indécence eft beaucoup plus marquée, »E SAINT Mellin de Saint Gelais célèbre de la même manière les fêtes de quantité de Saints dont l'Eglife fait l'office. L'élo^ ge du Saint & celui de l'Amour compofent toujours fes panégyriques. N'étoit-ce pas fe joiier de la Religion & de la piété ? Ami de Clément Maroc, il l'imitoit dans fes fentimens & dans fa liberté de- parler des chofes & des perfonnes lés plus refpecrables ; & quoique pourvu d'une Abbaye & d'une place d'Aumônier du Roi , il laiflè fbupçonner s'il avoit d'autre croyance que celle de ion ami. Il fe feroit fait plus d'honneur s'il eût borné fon amitié à faire part à Marot de fes propres fucces ou de fes infortunes ; à l'entretenir de fes écrits, ou à le vanger des traits injurieux de Sagon, comme il le fait dans cette Ballade du Chat & du Milan : Je vy n'aguerre un des plus beaux combats Qu'il eft poflïble, & vaut bien qu'on le fçache. Un Milan vit un Chat dormant en bas, Si tond fut luy, & du poil luy arraché : Le Chat combat, & au Milan s'attache Si vivement, & l'eftraint fi très-fort. Que le Milan faifant tout fon effort FRANçOISE.' 465 De s'en voler , fe tint pris à fa prime : tors me fouvint d'un qui a faict le fort >Qui par fon mal i fafoibleflèapprinfe. n MELI.1N SâIKT GElAtS. DE Je laifle aux grands parler des grands débats , Je fens trop bien où mon fouiier me marche, Et ne veux point que fous mon ftyle bas, Il foit penfé que rien de grand* je cache. Ce que fentens, n'eft finon qu'il me fâche, Qu'en ce temps-cy où nous avons renfort D'un vif efprit qui donne réconfort Aux bonnes Arts, que le commun méprife,. Un fot Bufard le îiiolefte à grand tort, Qui par fon mal a fa foibleflè apprife. Pour ce coup-cy fon nom n'efcriray pas ;• Ce m'eft aflèz qu'on l'entende à fa tache p Mais s'en avant il fait jamais un pas % Qu'il ne s'eftonne alors fi on luy lâche Infinis traits, dont le moindre & plus lâche, t'iroit prouver jufques dedans fon fort, De Lycambes taint au fang noir & ord : Pourtant qu'il preigne advis fur l'entreprife Du fol Milan volant pour Chat qui dore > Qui par fon mal a fa foibleffé apprife. ENVOY. Un bien favant gueres ne poind, ne mord „ Et l'ignorant, s'il peut, nuit en furptife , Dont à la fin ceft ennuy le remord y Qui par fon mal a fa foiblene apprife. • Saint Gelais avoit raifon de ne point. Yv j£6 BlBtiOTHEQTJB • aimer les pièces de longue haleine ; H MELLIN n»y j-éuflifloit point ; aufli eftime-t'oiï m eux GEIAISNT ' f"es Epigramme*, & ces autres petites pièces qu'il nomme Folies, que la plupart de fes autres poëfies. Quel naturel, par exemple, quelle naïveté dans les pièces fuivantes ? Un importun le fatiguoit à demander qu'ilfitfort éloge ; il lui répond : Tu te plaint, ami, grandement, Qu'en met vert j'ai loué Clément, Et que je n'ai rien dit de toi : Comment veux-tu que je m'émule A louer ni toi, ni ta Mule ; Tu le fait cent foit mieux que mot. Ceft que cet importun fe louoit toujours lui-même, & qu'il ètoit taché - des éloges que Saint Gelais donnoit à Qément Marot. Notre Poëte s'étoit familiarifé avec les contes de Bocace & de Pogge, ce il en a imité quelques-uns en vers François : tel eft celui-ci. Certain Vicaire , un jour de Fefte, Chantoit un Agnm gringotté, Tant qu'il pouvoitjà pleine telle, Afin d'Annette eftre écouté.. Annette de l'autre côté, Eicutoit,, attentive à. ion chant j-. F R A N Ç O I SE. 46*7 Dont le Vicaire en s'approchant , Luy dit, pourquoy pleurez-vous , belle ? Ah ! MefBre Jean , répond-t'clle , Je pleure un Afne qui m'eftrnorr: Il avoit la voix, toute telle Que vous , quand vous criez fi fort. MELLIM DE S'AIHT GELAIS» M . de la Monnoye a mis ce conte etv vers Latins. En voici un autre, dont Saint Gelais eil peut-être l'inventeur. Un, Maiftre èi Arts, mal chauffe-, mal vêtu,.. Chez un Manant demandait à repaître, Difant qu'on doit honorer la vertu, Et les fept Arts dont il tut paffé Maître. Comment, fepr Arts, repond l'homme champêtre ;. Je n'en fçay nul hormis mon labourage ; Mais je fuis fapul quand il me plaift de l'eltre , Et fi nourris ma femme & mon ménage. Le conte du Charlatan contient un vieux proverbe qui s'eft perpétué jufqu'à nous, «Se dont, félon l'occafion *. on ne fait pas difficulté de faire quelquefois ufage dans la conversation. Un Charlatan datait en plein marché, Qu'il momreroit le Diable à tout le monde : Si n'y en eut, tant ftt-il empêché, Qui ne courût pour voir l'efprit immonde. Lors une bourfe allez large & profonde U leur déployé, fit leur dit ; gens de bien ,. \Yvj j MELLIN T3E S A I N T OELAIS, 46*8 BlBIIOTHEÇiT/E OuvrezTOIyeux, voyez, y a-t'il rien > Non > a * t uodqu'un des plus près regardans : Et c'eft, dit-il, le Diable, oyez vous bien , Ouvrir ta bourré, & ne voir rien dedans, La Satyre contenue dansTEpigramme fuivante m'a paru aidez fine : il s'agit d'un Aftrologue qui fe vantoit d'avoir fait un mauvais ouvrage qu'un autre s'attribuoit : Saint Geiais veuc le guérir de fa folie par cette EpigrarnmeMaiftre Jean Thibaut va jurant Qu'il n'eft ni fol, ni efventé , Et encores moins ignorant, Et qu'il a tout léul inventé L'etcrit qu'un autre s'eft vanté D'avoir raict du tourner des Cieux. Mriftre Jean Thibaut faites' mieux , Donnez-luy le livre & l'eftofTe, Et l'on tiendra voftre envieux Pour un très-mauvais Philolophe. Saint Gelais aimoit la bonne chère autant que les femmes : il la loue en divers endroits de fes poëfies, & fe fait loire de fe voir affis aux meilleures taies ; & fuivant la maxime des Epicuriens , qu'il mettoit en pratique, il avoit foin qu'un plaifir fuccédât à un autre plaifir. De toutes les pièces où fon goût pour la table elt marqué, je me con- f F R A N ç O I S E , ^69 tenterai de rapporter l'Epigramme fuivante : MELLIN DE Chatelus donne à déjeuner A fix , pour moins d'un Carolus ; Et Jaquelot donne à diner A plus, pour moins que Chatelus. Après tels repas diuolus Chacun s'en va jrai & fallut : Qui me perdra chez Chatelus , Ne me cherche chez Jaquelot. SAINT GELAIS. "Notre Poëte moralife cependant quelquefois , & moralife de fort bon fens : mais fes maximes font plus communément celles d'un Phîlofophe, que celles d'un Chrétien : telle eïl la fuivante : Si pour fe plaindre, & pour larmes jetter, On pouvoit rompre un malheur furvenu , Les pleurs devroient au poids d'or s'achetter , Comme fur tous remède cher tenu : Mais puifqu'un mal ne peut n'eftre advenu, Soit qu'en pleurions, ou rions jour & nuit, De quoy nous fert fe plaindre & mener bruit, Et nous donner nouveaux maux & alarmes : Si n'eft ainli qu'un arbre porte fruict, Ainfi douleur nous apporte des larmes. Suivant cette maxime, Saint Gelais s'affligeoit rarement, excepté peut-être lorfque les objets de fon amour ne fe , 470 BIBLIOTHèQUE • prêtoient pas à tous fes defirs. Encore MELLIN paroît-il par fes poëfies qu'il étoit trop » E SAINT peu attaché pour fe chagriner lorfqu'M CELAIS. n > a v o u ; p ^ t o u t c e q u 'jl fouhaitoit. Content de jouir du préient, il le faiibit des amufemens de tout , & avec une morale auflî peu gênante qu'étoit la tienne, il rencontroit rarement des objets capables de le troubler. Il avoit d'ailleurs peu ou point d'ambition. La faveur du R o i , l'eitime des Courtifans, un petit nombre d'amis qu'il cultivoit, l'amour du plaifir, mais lans contrainte, les amufemens de la poésie , peu d'étude férieufe & profonde : c*eit tout ce qui le contentoit ; & c'en* à peu près le portrait qu'il fait de luimême dans ces vers à ta Diane , fa nié« o u fa fille: Je n'eus, Diane ,'onc à ma fontaine De voir là' Grèce & parler en Afie', Puis retourner comme àfSez d'antres font, Ma foif eftaindre au Nil large & profbnt , Encores moins de fuivre un Magalan Outre le cours du Soleil & de' l'an, Et me commettre à là merci de l'onde 'Pour commander à quelaue nouveau monde. J'ay mieux aimé au. coin d'une maifon, Du Ciei apprendre & l'ordre & la raifon, Et navigeanr entre livres & cartes, F R ANçOISï, 4.71 I n un clin d'reil voiler jufques aux Farthes , Q u e tournoyant la terre pas à pas, AÎEI.ï.TW Voir tout le monde '& ne l'entendre pas : DE J'ay mieux aymé , fans bouger de nos ports , VJELAIS. Louer des preux les faits & les rapports, •Qui par grandeur des peines fouftenues , Ont defcouvert des terres incongnues , Qu'en efra-etntant leurs travaux ec dangers , Me voir chargé de. threïors eftrangert. J'ay eu & peu mon efprit agité D'ambition'& curlofité, Qu'on ne m'a veu ne guéres tracafler , Ny guéres entendre à rentes amarTer. Parlant enfuite de la manière dont il a été introduit auprès des Grands, & de la conduite qu'il a tenue au milieu de cette faveur, il ajoute : Ceux qui en ont la fuprême puiflance, M'ont veu près d'eux quaiî dès leur naiflance, Mis de la main ( qui ne m'eft peu de gloire ) Du grand François d'éternelle mémoire. Eufle-je feeu à degré afpirer Qui de tels Rois ne fe peut efpérer ? Meûne attendu que de leurs bornez grandes, Ils ont fouvent prévenu mes demandes ; Mais je me fuit d'un chemin contenté Plain & non haut, & bien peu fréquenté , Laiflant monter aucuns qui de mon temps A plus de biens fe trouvent moins contents, ' Toujours cherchants nouveau titre fc honneur, &•> SAINT tfl BlBLIOTHEQtJE • Je connois trois éditions des poëfies MELLIN de Mellin de Saint Gelais : les deuï DE SAINT premières, qui font anciennes, ont GELAIS. ^ é faites a Lyon, l'une en i 574. chez de Harfi ; l'autre en 15 S 2. par Benoît Rigaud. Gomme ces deux éditions étoient devenues rares, on en a fait une troifiémeà Paris en 1719. C'eftlaplus ample ; mais il n'y a prefque aucun ordre dans la diftribution des pièces. Les augmentations qui s'y trouvent, tant dans les poëfies Françoifes que dans les Latines, ont été preique toutes tirées d'un manufcrit des poëfies de Saint Gelais, forti de la Bibliothèque . de Defportes, Abbé de Tiron , Poète Tfançois lui-même. Fia du onùéme Ytlum, APP ROB AT ION. de Monfeigneur le ChanTomes onzième & douzie'me 3 'Aicelierlu paf, lesordre & feroit beaucoup d'honneur à nos Ecrivains François. De la KbUothéque du Roi, le vingt-trois Janvier 1748. SALUER. PRIVILEGE DU ROI. O U I S parla grâce de Dieu, Roi de" France 8c de Navarre ; A nos amezL & féaux Confeillers les Gens tenans nosCours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Con-feil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux : leuts Lieutenant civils, & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra, S A L U T . Notre bien amé P I E R R E - T E A M M A R I E T T E . fils, Imprimeur 8c Libraire de Paris, ancien Adjoint de fa Communauté , Nous ayant fait remontrer , qu'il fouhaiteroit imprimer ou faire imprimer, 8c donner au public un ouvrage qui a pour titre, Bibliothèque Françotfe , s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Privilège furce néceffaires, offrant pour cet effet de le faire imprimer en bon papier 8c en beaux caractères, fuivant la feuille imprimée 8c attachée pour modèle fous le contré-fceF des Préfentes; A ces caufesi voulant fav©-n»lmeitt#aite* ledit Expo&nnNcjus lui•* avons permis & permettons par ces Préfentes, d'imprimer ou faire imprimer ledit ouvrage ci-deflus fpe'cifie', en un ou plufieurs volumes, conjointement ou féparement, oc autant de fois que bon lui femblera, & de la vendre, taire vendre Se débiter par tout notre Royaume, pendant le tems de douze années confécutives, à compter du jour de la date defdites Préfentes. Faifons défenfes à toutes fortes de perfonnes de quelque qualité Se condition qu'elles foient, d'en introduire d'impreffibn étrangère dans aucun lieu de notre obéïflance. Comme auffi à tous Libraires, Imprimeurs Se autres, d'imprimer, faire irrsprimer, vendre, faire vendre, débiter ni contrefaire ledit Ouvrage ci-deflus expofé, en tout ni en partie, ni d'en faire aucuns extraits, fous quelque prétexte que ce foit, d'augmentation, correction, changement de titre, ou autrement, fans la permiffiorr exprefle Se par écrit dudit Expofant, ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de confifeation des exemplaires contrefaits , de trois mille livres d'amende contre ehacun-des contrevenans, dont un tiers àNous , un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris, loutre tiers audit Expofant, Se de tous dépens, dommages Se intérêts ; à la chârgeque ces Préfentes feront enregiftrées tout au long fur le regiftre de la Communauté des Imprimeurs 8c Libraires de Paris, dans trois mois de là date d'icelle ; que l'impreffion» de cet ouvrage fera faite dans notre Royaume, Se non ailleurs; que l'Impétrant fe conformera en tout aux-Reglenoens de la Librairie * Se notamment à celui du dixième Avril mil fept cens vingt-- eiitq, & qu'avant que de rexpofer en v e n te , le manufcrit ou imprimé qui aura fervr de copie à I'impreffion dudit Ouvrage, fera_ remis dans le même état où l'Approbation y aura été donnée-, es mains de. notre très-cher & féal Chevalier le fieur Daguek feau, Chancelier de France , Commandeur de nos ordres, 8c qu'il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, Se. un dans celle de notredit très-cher 8c féal Chevalier, le fieur Dagueffeau, Chancelier de France, Commandeur de nos Ordres, le tout à peine de nullité des préfentes. Du contenu defquelles vous mandons Se enjoignons de faire jouir ledit Expofant ou fes ayans eau— fe , pleinement 8c paifiblement, fans fouf— frir qu'il leur foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie def—1 dites Préfentes, qui fera imprimée tout au. long, au commencement ou à la fin dudit : ouvrage, foit tenue pour dûëment lignifiée, . & qu'aux copies collationnées par l'un de nos amez 8c féaux Confeillers 8c Secrétaires, foi foit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huiffier ou Sergent, de faire pour l'exécution d'icelIes, tous Actes requis 8c néceflaires, fans demander autre permiffion, 8c nonobflant Clameur de Haro, Charte Normande, 8c Lettres à ce contraires : Car tel eft notre plaifir. DONNE' à Verfailles le vingt-quatrième jour d'Avril, l'an de grâce mil fept cens trente-neuf, 8c de notre Règne le vingt-quatrième. Par le Roi en fon Confeil S A I N SON. Regifirérenfentble la cejfon, fur le Régi* Jtre X de la Chambre Royale des Libraires & Imprimeurs de Paris, Na. n p . fol. ipp. conformément aux anciens Reglemens confirmez, par celui du %2. Février 17x3. A Paris , ce deuxième Mai 173 p. Signé, L A N G L O I S , Syndic.' Je reconnois que Mordieur HyppoliteEoiiis Guerin a la moitié dans le ptéfentPrivilège. A Paris., ce z8. Avril 1739Signé, M A a 1 E T T J . -
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