1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’OSSERVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum e EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt Cité du Vatican LXVII année, numéro 7 (3.418) jeudi 18 février 2016 Au Mexique le Pape dénonce la corruption, l'exploitation, le trafic de drogue et la violence La leçon des exclus «Importante, rapide, mais tant désirée: par mon frère Cyrille et par moi-même». Le Pape François a défini en ces termes la rencontre à l’aéroport de La Havane, avec le patriarche de Moscou et de toutes les Russies qui a précédé son voyage au Mexique. A cette occasion, le Saint-Père et le patriarche ont signé une déclaration commune. Sur le vol qui l’accompagnait à Mexico le 12 février, le Souverain Pontife a présenté aux journalistes sur les motivations spirituelles de la visite: «Mon désir le plus intime est de m’arrêter devant la Vierge de Guadalupe», dont le «mystère est étudié» mais pour lequel «il n’existe pas d’explication humaine». Corruption, exploitation, trafic de drogue, violence sont «des injustices qui portent atteinte directement au rêve et au projet de Dieu»: la voix de dénonciation du Pape s’est élevée avec force durant les journées du voyage au Mexique. Dès la première rencontre publique, le 13 février au Palais national, le Pape a rendu hommage à la richesse culturelle et naturelle du pays, en demandant dans le même temps une réflexion sérieuse sur la «responsabilité» qui incombe à chacun dans la construction d’une société solidaire et ouverte à tous. Ce n’est pas un hasard si «l’expérience nous montre que chaque fois que nous cherchons la voie du privilège ou des bénéfices de quelques-uns au détriment du bien de tous, tôt ou tard, la vie en société devient un terrain fertile pour la corruption, le trafic de drogue, l’exclusion des cultures différentes, la violence, y compris pour le trafic de personnes, les enlèvements et la mort, qui engendrent la souffrance et freinent le développement». Ces thèmes ont été repris lors de la rencontre avec l’épiscopat mexicain et lors de la Messe célébrée le jour suivant, premier dimanche de Carême, à Ecatepec, banlieue très peuplée de Mexico. Dans son discours aux prélats, François a exhorté à affronter le défi des migrations et à éradiquer les métastases du trafic de drogue qui dévore la société: «En commençant d’abord par les familles; en nous approchant et en embrassant la périphérie humaine et existentielle des territoires dévastés de nos villes; en impliquant les communautés paroissiales, les écoles, les institutions et les structures de sécurité; c’est seulement ainsi qu’on pourra se libérer totalement des eaux dans lesquelles se noient malheureusement tant de vies». Un appel renouvelé lors de l’Eucharistie dominicale avec les familles et les laïcs engagés, lorsqu’il a invité dans son homélie à ne pas fermer les yeux face aux injustices. Dans la soirée a eu lieu la visite à un hôpital pédiatrique de Mexico pour rappeler que dans le soin des enfants, outre les médicaments, la «thérapie affective» est utile, car «parfois, une caresse aide beaucoup à se sentir mieux». Mais le point d’orgue de ces journées de François au Mexique a été la prière au sanctuaire de Guadalupe. Aux pieds de la Vierge aimée de tout le pays et patronne du continent, le Pape latino-américain s’est longuement recueilli en silence pour lui confier idéalement les fruits de ce voyage pastoral. Au cours de la Messe célébrée le lundi 15 février, à San Cristóbal de Las Casas, devant des dizaines de milliers de fidèles représentant en majorité les ethnies et les communautés locales, François a rappelé qu’avec leur sagesse et leur capacité à protéger la création, les populations autochtones du Mexique ont «beaucoup à enseigner à l’humanité». Au cœur du Chiapas, berceau de civilisations et de cultures dont les valeurs ont été souvent piétinées au cours des siècles, le Pape a donné voix à l’aspiration à la liberté des peuples. En dénonçant l’exclusion et le pillage systématique des ressources perpétrés au détriment des populations autochtones, le Pape a invité les responsables à «faire un examen de conscience», et à retrouver le courage de demander pardon. «Le monde d’aujourd’hui, dépouillé par la culture du déchet, a besoin de vous!», a-t-il répété, en s’adressant aux communautés autochtones. La quatrième journée du voyage papal en terre mexicaine a eu un épilogue festif au cours de la grande rencontre de prière et de témoignage avec les familles au stade de Tuxtla Gutiérrez. Frappé par le récit des expériences vécues par quatre d’entre elles, François a souligné avec force que le modèle de famille n’est en aucun cas «dépassé» et a lancé un avertissement contre les «colonisations idéologiques» qui favorisent «l’isolement» et visent à détruire «la base de toute société saine». Nous publierons les discours et homélies du Pape à Morelia et Ciudad Juárez dans notre prochain numéro. PAGES 2 À 14 DANS CE NUMÉRO Messe avec les communautés autochtones du Chiapas à San Cristóbal de Las Casas Page 15: Collecte annuelle pour la Terre Sainte. Soutien aux Eglises et aux institutions. Pages 16 et 17: Messes à Sainte-Marthe. Pages 18 et 19: Informations. Page 20: Message pour la campagne de fraternité au Brésil. Treizième réunion du Conseil des cardinaux. L’OSSERVATORE ROMANO page 2 jeudi 18 février 2016, numéro 7 Déclaration commune signée par François et Cyrille au terme de la rencontre à Cuba Nous sommes frères «Nous ne sommes pas concurrents, mais frères». C’est ce qu’ont écrit le Pape François et Cyrille, patriarche de Moscou et de toute la Russie, dans la Déclaration commune signée au terme de la rencontre qui s’est déroulée à l’aéroport José Martì de La Havane, à Cuba. Nous publions ci-dessous le texte de la déclaration. «La grâce de Notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint Esprit soit avec vous tous» (2 Co 13, 13). 1. Par la volonté de Dieu le Père de qui vient tout don, au nom de Notre Seigneur Jésus Christ et avec le secours de l’Esprit Saint Consolateur, nous, Pape François et Cyrille, patriarche de Moscou et de toute la Russie, nous sommes rencontrés aujourd’hui à La Havane. Nous rendons grâce à Dieu, glorifié en la Trinité, pour cette rencontre, la première dans l’histoire. Avec joie, nous nous sommes retrouvés comme des frères dans la foi d’Amérique latine et des autres continents. Nous nous réjouissons de ce que la foi chrétienne se développe ici de façon dynamique. Le puissant potentiel religieux de l’Amérique latine, sa tradition chrétienne séculaire, réalisée dans l’expérience personnelle de millions de personnes, sont le gage d’un grand avenir pour cette région. 3. Nous étant rencontrés loin des vieilles querelles de l’«Ancien Monde», nous sentons avec une force particulière la nécessité d’un labeur commun des catholiques et des orthodoxes, appelés, avec douceur et respect, à rendre compte au monde de l’espérance qui est en nous (cf. 1 P 3, 15). 4. Nous rendons grâce à Dieu pour les dons que nous avons reçus par la venue au monde de son Fils unique. Nous partageons la commune Tradition spirituelle du premier millénaire du christianisme. Les témoins de cette Tradition sont la Très Sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, et les saints que nous vénérons. Discours du Pape L’unité se fait en marchant Après la signature de la déclaration, le patriarche et le Pape ont prononcé deux brefs discours. Nous publions ci-dessous une traduction des paroles prononcées en espagnol par le Pape. Sainteté, Eminences, révérendes autorités religieuses, Nous nous sommes parlé comme des frères, nous avons le même baptême, nous sommes évêques. Nous avons parlé de nos Eglises, et nous sommes tombés d’accord sur le fait que l’unité se fait en marchant. Nous avons parlé clairement, sans détours, et moi, je vous avoue que j’ai senti le réconfort de l’Esprit dans ce dialogue. Je remercie Votre Sainteté pour l’humilité, pour la fraternelle humilité et le puissant désir de l’unité. Nous avons envisagé une série d’initiatives qui, je le crois, sont viables et pourront être réalisées. C’est pourquoi je voudrais remercier, une fois encore, Votre Sainteté pour l’accueil chaleureux, ainsi que les collaborateurs, et j’en nomme deux: Son Eminence le métropolite Hilarion et Son Eminence le cardinal Koch, qui y ont contribué avec toutes leurs équipes. Je ne peux partir sans exprimer une sincère gratitude à Cuba, au grand peuple cubain et à son président ici présent. Je vous remercie de votre disponibilité concrète. Si vous continuez ainsi, Cuba sera la capitale de l’unité! Et que tout cela soit pour la gloire de Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ainsi que pour le bien du saint peuple de Dieu, sous le manteau de la Sainte Mère de Dieu. chrétienne qui se rencontrent pour se «parler de vive voix» (2 Jn 12), de cœur à cœur, et discuter des relations mutuelles entre les Eglises, des problèmes essentiels de nos fidèles et des perspectives de développement de la civilisation humaine. 2. Notre rencontre fraternelle a eu lieu à Cuba, à la croisée des chemins entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest. De cette île, symbole des espoirs du «Nouveau Monde» et des événements dramatiques de l’histoire du XXe siècle, nous adressons notre parole à tous les peuples Parmi eux se trouvent d’innombrables martyrs qui ont manifesté leur fidélité au Christ et sont devenus «semence de chrétiens». 5. Malgré cette Tradition commune des dix premiers siècles, catholiques et orthodoxes, depuis presque mille ans, sont privés de communion dans l’Eucharistie. Nous sommes divisés par des blessures causées par des conflits d’un passé lointain ou récent, par des divergences, héritées de nos ancêtres, dans la compréhension et l’explicitation de notre foi en Dieu, un en Trois Personnes — Père, Fils et Saint Esprit. Nous déplorons la perte de l’unité, conséquence de la faiblesse humaine et du péché, qui s’est produite malgré la Prière sacerdotale du Christ Sauveur: «Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous» (Jn 17, 21). 6. Conscients que de nombreux obstacles restent à surmonter, nous espérons que notre rencontre contribue au rétablissement de cette unité voulue par Dieu, pour laquelle le Christ a prié. Puisse notre rencontre inspirer les chrétiens du monde entier à prier le Seigneur avec une ferveur renouvelée pour la pleine unité de tous ses disciples! Puisse-telle, dans un monde qui attend de nous non pas seulement des paroles mais des actes, être un signe d’espérance pour tous les hommes de bonne volonté! 7. Déterminés à entreprendre tout ce qui nécessaire pour surmonter les divergences historiques dont nous avons hérité, nous voulons unir nos efforts pour témoigner de l’Evangile du Christ et du patrimoine commun de l’Eglise du premier millénaire, répondant ensemble aux défis du monde contemporain. Orthodoxes et catholiques doivent apprendre à porter un témoignage unanime à la vérité dans les domaines où cela est possible et nécessaire. La civilisation humaine est entrée dans un moment de changement d’époque. Notre conscience chrétienne et notre responsabilité pastorale ne nous permettent pas de rester inactifs face aux défis exigeant une réponse commune. 8. Notre regard se porte avant tout vers les régions du monde où les chrétiens subissent la persécution. En de nombreux pays du Proche Orient et d’Afrique du Nord, nos frères et sœurs en Christ sont exterminés par familles, villes et villages entiers. Leurs églises sont détruites et pillées de façon barbare, leurs objets sacrés sont profanés, leurs monuments, détruits. En Syrie, en Irak et en d’autres pays du Proche Orient, nous observons avec douleur l’exode massif des chrétiens de la terre d’où commença à se répandre notre foi et où ils vécurent depuis les temps apostoliques ensemble avec d’autres communautés religieuses. 9. Nous appelons la communauté internationale à des actions urgentes pour empêcher que se poursuive l’éviction des chrétiens du ProcheOrient. Elevant notre voix pour défendre les chrétiens persécutés, nous compatissons aussi aux souffrances des fidèles d’autres traditions reli- gieuses devenus victimes de la guerre civile, du chaos et de la violence terroriste. 10. En Syrie et en Irak, la violence a déjà emporté des milliers de vies, laissant des millions de gens sans abri ni ressources. Nous appelons la communauté internationale à mettre fin à la violence et au terrorisme et, simultanément, à contribuer par le dialogue à un prompt rétablissement de la paix civile. Une aide humanitaire à grande échelle est indispensable aux populations souffrantes et aux nombreux réfugiés dans les pays voisins. Nous demandons à tous ceux qui pourraient influer sur le destin de ceux qui ont été enlevés, en particulier des Métropolites d’Alep Paul et Jean Ibrahim, séquestrés en avril 2013, de faire tout ce qui est nécessaire pour leur libération rapide. 11. Nous élevons nos prières vers le Christ, le Sauveur du monde, pour le rétablissement sur la terre du Proche-Orient de la paix qui est «le fruit de la justice» (Is 32, 17), pour que se renforce la coexistence fraternelle entre les diverses populations, Eglises et religions qui s’y trouvent, pour le retour des réfugiés dans leurs foyers, la guérison des blessés et le repos de l’âme des innocents tués. Nous adressons un fervent appel à toutes les parties qui peuvent être impliquées dans les conflits pour qu’elles fassent preuve de bonne volonté et s’asseyent à la table des négociations. Dans le même temps, il est nécessaire que la communauté internationale fasse tous les efforts possibles pour mettre fin au terrorisme à l’aide d’actions communes, conjointes et coordonnées. Nous faisons appel à tous les pays impliqués dans la lutte contre le terrorisme pour qu’ils agissent de façon responsable et prudente. Nous exhortons tous les chrétiens et tous les croyants en Dieu à prier avec ferveur le Dieu Créateur du monde et Provident, qu’il protège sa création de la destruction et ne permette pas une nouvelle guerre mondiale. Pour que la paix soit solide et durable, des efforts spécifiques sont nécessaires afin de redécouvrir les valeurs communes numéro 7, jeudi 18 février 2016 qui nous unissent, fondées sur l’Evangile de Notre Seigneur Jésus Christ. 12. Nous nous inclinons devant le martyre de ceux qui, au prix de leur propre vie, témoignent de la vérité de l’Evangile, préférant la mort à l’apostasie du Christ. Nous croyons que ces martyrs de notre temps, issus de diverses Eglises, mais unis par une commune souffrance, sont un gage de l’unité des chrétiens. A vous qui souffrez pour le Christ s’adresse la parole de l’apôtre: «Très chers!... dans la mesure où vous participez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lors de la révélation de Sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse» (1 P 4, 12-13). 13. En cette époque préoccupante est indispensable le dialogue interreligieux. Les différences dans la compréhension des vérités religieuses ne doivent pas empêcher les gens de fois diverses de vivre dans la paix et la concorde. Dans les circonstances actuelles, les leaders religieux ont une responsabilité particulière pour éduquer leurs fidèles dans un esprit de respect pour les convictions de ceux qui appartiennent à d’autres traditions religieuses. Les tentatives de justifications d’actions criminelles par des slogans religieux sont absolument inacceptables. Aucun crime ne peut être commis au nom de Dieu, «car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix» (1 Co 14, 33). 14. Attestant de la haute valeur de la liberté religieuse, nous rendons grâce à Dieu pour le renouveau sans précédent de la foi chrétienne qui se produit actuellement en Russie et en de nombreux pays d’Europe de l’Est, où des régimes athées dominèrent pendant des décennies. Aujourd’hui les chaînes de l’athéisme militant sont brisés et en de nombreux endroits les chrétiens peuvent confesser librement leur foi. En un quart de siècle ont été érigés là des dizaines de milliers de nouvelles églises, ouverts des centaines de monastères et d’établissements d’enseignement théologique. Les communautés chrétiennes mènent une large activité caritative et sociale, apportant une aide diversifiée aux nécessiteux. Orthodoxes et catholiques œuvrent souvent côte à côte. Ils attestent des fondements spirituels communs de la coexistence humaine, en témoignant des valeurs évangéliques. 15. Dans le même temps, nous sommes préoccupés par la situation de tant de pays où les chrétiens se heurtent de plus en plus souvent à une restriction de la liberté religieuse, du droit de témoigner de leurs convictions et de vivre conformément à elles. En particulier, nous voyons que la transformation de certains pays en sociétés sécularisées, étrangère à toute référence à Dieu et à sa vérité, constitue un sérieux danger pour la liberté religieuse. Nous sommes préoccupés par la limitation actuelle des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme si souvent agressif, s’efforcent de les L’OSSERVATORE ROMANO pousser aux marges de la vie publique. 16. Le processus d’intégration européenne, initié après des siècles de conflits sanglants, a été accueilli par beaucoup avec espérance, comme un gage de paix et de sécurité. Cependant, nous mettons en garde contre une intégration qui ne serait pas respectueuse des identités religieuses. Tout en demeurant ouverts à la contribution des autres religions à notre civilisation, nous sommes convaincus que l’Europe doit rester fidèle à ses racines chrétiennes. Nous appelons les chrétiens européens d’Orient et d’Occident à s’unir pour témoigner ensemble du Christ et de l’Evangile, pour que l’Europe conserve son âme formée par deux mille ans de tradition chrétienne. 17. Notre regard se porte sur les personnes se trouvant dans des situations de détresse, vivant dans des conditions d’extrême besoin et de pauvreté, alors même que croissent les richesses matérielles de l’humanité. Nous ne pouvons rester indifférents au sort de millions de migrants et de réfugiés qui frappent à la porte des pays riches. La consommation sans limite, que l’on constate dans certains pays plus développés, épuise progressivement les ressources de notre planète. L’inégalité croissante dans la répartition des biens terrestres fait croître le sentiment d’injustice à l’égard du système des relations internationales qui s’est institué. 18. Les Eglises chrétiennes sont appelées à défendre les exigences de la justice, le respect des traditions des peuples et la solidarité effective avec tous ceux qui souffrent. Nous, chrétiens, ne devons pas oublier que «ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est; ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu» (1 Co 1, 27-29). 19. La famille est le centre naturel de la vie humaine et de la société. Nous sommes inquiets de la crise de la famille dans de nombreux pays. Orthodoxes et catholiques, partageant la même conception de la famille, sont appelés à témoigner que celle-ci est un chemin de sainteté, manifestant la fidélité des époux dans leurs relations mutuelles, leur ouverture à la procréation et à l’édu- page 3 cation des enfants, la solidarité entre les générations et le respect pour les plus faibles. 20. La famille est fondée sur le mariage, acte d’amour libre et fidèle d’un homme et d’une femme. L’amour scelle leur union, leur apprend à se recevoir l’un l’autre comme don. Le mariage est une école d’amour et de fidélité. Nous regrettons que d’autres formes de cohabitation soient désormais mises sur le même plan que cette union, tandis ne est une atteinte aux fondements de l’existence de l’homme, créé à l’image de Dieu. Nous estimons notre devoir de rappeler l’immuabilité des principes moraux chrétiens, fondés sur le respect de la dignité de l’homme appelé à la vie, conformément au dessein de son Créateur. 22. Nous voulons adresser aujourd’hui une parole particulière à la jeunesse chrétienne. A vous, les jeunes, appartient de ne pas enfouir le talent dans la terre (cf. Mt 25, 25), Paroles du patriarche Nous pouvons travailler ensemble Nous publions ci-dessous une traduction du discours prononcé en russe par le patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Sainteté, Excellences, chers frères et sœurs, Mesdames et Messieurs, Pendant deux heures, nous avons eu une conversation franche, avec une pleine entente sur la responsabilité envers nos Eglises, notre peuple croyant, l’avenir du christianisme et l’avenir de la civilisation humaine. Cela a été une conversation riche de contenu, qui nous a donné l’occasion d’écouter et de comprendre les positions l’un de l’autre. Et les fruits de la conversation me permettent d’assurer qu’actuellement, les deux Eglises peuvent coopérer, en défendant les chrétiens dans le monde entier, et travailler ensemble, dans une pleine responsabilité, afin qu’il n’y ait plus de guerres, que la vie humaine soit respectée partout dans le monde, que se renforcent les bases de la morale personnelle, familiale et sociale et, à travers la participation de l’Eglise à la vie de la société humaine moderne, qu’elle se purifie au nom de notre Seigneur Jésus Christ et de l’Esprit Saint. que la conception de la paternité et de la maternité comme vocation particulière de l’homme et de la femme dans le mariage, sanctifiée par la tradition biblique, est chassée de la conscience publique. 21. Nous appelons chacun au respect du droit inaliénable à la vie. Des millions d’enfants sont privés de la possibilité même de paraître au monde. La voix du sang des enfants non nés crie vers Dieu (cf. Gn 4, 10). Le développement de la prétendue euthanasie conduit à ce que les personnes âgées et les infirmes commencent à se sentir être une charge excessive pour leur famille et la société en général. Nous sommes aussi préoccupés par le développement des technologies de reproduction biomédicale, car la manipulation de la vie humai- mais d’utiliser toutes les capacités que Dieu vous a données pour confirmer dans le monde les vérités du Christ, pour incarner dans votre vie les commandements évangéliques de l’amour de Dieu et du prochain. Ne craignez pas d’aller à contre-courant, défendant la vérité divine à laquelle les normes séculières contemporaines sont loin de toujours correspondre. 23. Dieu vous aime et attend de chacun de vous que vous soyez ses disciples et apôtres. Soyez la lumière du monde, afin que ceux qui vous entourent, voyant vos bonnes actions, rendent gloire à votre Père céleste (cf. Mt 5, 14, 16). Eduquez vos enfants dans la foi chrétienne, transmettezleur la perle précieuse de la foi (cf. Mt 13, 46) que vous avez reçue de vos SUITE À LA PAGE 4 L’OSSERVATORE ROMANO page 4 jeudi 18 février 2016, numéro 7 Paroles du Pape sur le vol Rome-La Havane Un voyage tant désiré «Important, chargé, mais tant désiré: par mon frère Cyrille, par moimême et également des Mexicains». C’est en ces termes que le Pape François a défini le voyage qui l’a conduit à Cuba pour rencontrer le patriarche de Moscou et de toute la Russie et ensuite au Mexique. Sur le vol qui le conduisait à La Havane dans la matinée du vendredi 12 février, le Souverain Pontife s’est rendu peu après le décollage à l’arrière de l’avion pour les traditionnelles salutations aux 76 journalistes qui l’accompagnent, dont une dizaine sont mexicains. Et en les remerciant tous — avant de les saluer personnellement un à un — pour leur présence et pour le travail qui les occupera jusqu’au jeudi 18, il a improvisé une brève réflexion sur les motivations spirituelles de la visite. «Mon désir le plus intime — a-t-il confié — est de m’arrêter devant la Vierge de Guadalupe», dont le «mystère est étudié» mais pour lequel «il n’existe pas d’explications humaines». Car, a-t-il ajouté, même «les études les plus scientifiques le disent: “C’est une chose de Dieu”». Et cela, a souligné François, fait même dire à certains Mexicains: «Je suis athée, mais je suis guadalupien». Nous sommes face à une dévotion mariale enracinée dans la culture de ce peuple qui se prépare à embrasser le premier Pape latino-américain. Ce dernier a également fait référence à certains éléments typiques des coutumes de ce pays. Comme lorsqu’il a rappelé le don que lui avait fait Valentina Alazraki, vaticaniste de Televisa et doyenne des journalistes accrédités à la salle de presse du Saint-Siège, lors de l’Audience générale du mercredi 10 février: une compilation de films du grand acteur comique mexicain Cantinflas, nom de scène de Fortino Mario Alfonso Moreno Reyes (19111993). «Et ainsi, je suis entré au Mexique par la porte de Cantinflas, ce qui est bien drôle», a commenté François. Ou lorsqu’il a revêtu le sombrero qui lui a été offert toujours par Valentina Alzraki. «Pour qu’il se sente mexicain ! — a dit la journaliste —. Le premier, je l’ai donné à Jean-Paul II il y a 37 ans. Puis il en a fait une collection parce qu’il s’y est rendu cinq fois en voyage. Le Pape Benoît l’a porté à Guanajuato et a dit qu’il se sentait mexicain». Celui de François est même arrivé de Cuba. «Une famille mexicaine l’avait apporté à Cuba, mais elle n’a pas pu vous le remettre — a rappelé la journaliste — et elle me l’a laissé. J’ai promis de vous le donner, au cas où vous auriez maintenu votre promesse de vous rendre au Mexique. Ce que je n’avais pas imaginé, c’est que le sombrero retourne à Cuba. Ça, c’est une surprise». Enfin, le Pape a exprimé sa reconnaissance à l’organisateur des voyages Alberto Gasbarri, qui conclut précisément au Mexique son service, passant le témoin à Mgr Mauricio Rueda Beltz, official de la secrétairerie d’Etat. C’est le Pape François lui-même qui l’a annoncé, en souhaitant la bienvenue sur le vol au prélat colombien. Directeur administratif de Radio Vatican, où il travaille depuis 47 ans, Alberto Gasbarri s’occupe depuis au moins 37 ans des voyages pontificaux. Déclaration commune SUITE DE LA PAGE 3 parents et aïeux. N’oubliez pas que vous «avez été rachetés à un cher prix» (1 Co 6, 20), au prix de la mort sur la croix de l’Homme-D ieu Jésus Christ. 24. Orthodoxes et catholiques sont unis non seulement par la Tradition commune de l’Eglise du premier millénaire, mais aussi par la mission de prêcher l’Evangile du Christ dans le monde contemporain. Cette mission implique le respect mutuel des membres des communautés chrétiennes, exclut toute forme de prosélytisme. Nous ne sommes pas concurrents, mais frères: de cette conception doivent procéder toutes nos actions les uns envers les autres et envers le monde extérieur. Nous exhortons les catholiques et les orthodoxes, dans tous les pays, à apprendre à vivre ensemble dans la paix, l’amour et à avoir «les uns pour les autres la même aspiration» (Rm 15, 5). Il ne peut donc être question d’utiliser des moyens indus pour pousser des croyants à passer d’une Eglise à une autre, niant leur liberté religieuse ou leurs traditions propres. Nous sommes appelés à mettre en pratique le précepte de l’apôtre Paul: «Je me suis fait un honneur d’annoncer l’Evangile là où Christ n’avait point été nommé, afin de ne pas bâtir sur le fondement d’autrui» (Rm 15, 20). 25. Nous espérons que notre rencontre contribuera aussi à la réconciliation là où des tensions existent entre gréco-catholiques et orthodoxes. Il est clair aujourd’hui que la méthode de l’«uniatisme» du passé, comprise comme la réunion d’une communauté à une autre, en la détachant de son Eglise, n’est pas un moyen pour recouvrir l’unité. Cependant, les communautés ecclésiales qui sont apparues en ces circonstances historiques ont le droit d’exister et d’entreprendre tout ce qui est nécessaire pour ré- pondre aux besoins spirituels de leurs fidèles, recherchant la paix avec leurs voisins. Orthodoxes et gréco-catholiques ont besoin de se réconcilier et de trouver des formes de coexistence mutuellement acceptables. 26. Nous déplorons la confrontation en Ukraine qui a déjà emporté de nombreuses vies, provoqué d’innombrables blessures à de paisibles habitants et placé la société dans une grave crise économique et humanitaire. Nous exhortons toutes les parties du conflit à la prudence, à la solidarité sociale, et à agir pour la paix. Nous appelons nos Eglises en Ukraine à travailler pour atteindre la concorde sociale, à s’abstenir de participer à la confrontation et à ne pas soutenir un développement ultérieur du conflit. 27. Nous exprimons l’espoir que le schisme au sein des fidèles orthodoxes d’Ukraine sera surmonté sur le fondement des normes canoniques existantes, que tous les chrétiens orthodoxes d’Ukraine vivront dans la paix et la concorde et que les communautés catholiques du pays y contribueront, de sorte que soit toujours plus visible notre fraternité chrétienne. 28. Dans le monde contemporain, multiforme et en même temps uni par un même destin, catholiques et orthodoxes sont appelés à collaborer fraternellement en vue d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut, à témoigner ensemble de la dignité morale et de la liberté authentique de la personne, «pour que le monde croie» (Jn 17, 21). Ce monde, dans lequel disparaissent progressivement les piliers spirituels de l’existence humaine, attend de PAPE FRANÇOIS EVÊQUE DE ROME DE L’EGLISE CATHOLIQUE nous un fort témoignage chrétien dans tous les domaines de la vie personnelle et sociale. De notre capacité à porter ensemble témoignage de l’Esprit de vérité en ces temps difficiles dépend en grande partie l’avenir de l’humanité. 29. Que dans le témoignage hardi de la vérité de Dieu et de la Bonne Nouvelle salutaire nous vienne en aide l’Homme-Dieu Jésus Christ, notre Seigneur et Sauveur, qui nous fortifie spirituellement par sa promesse infaillible: «Sois sans crainte, petit troupeau: votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume» (Lc 12, 32)! Le Christ est la source de la joie et de l’espérance. La foi en Lui transfigure la vie de l’homme, la remplit de sens. De cela ont pu se convaincre par leur propre expérience tous ceux à qui peuvent s’appliquer les paroles de l’apôtre Pierre: «Vous qui jadis n’étiez pas un peuple et qui êtes maintenant le Peuple de Dieu, qui n’obteniez pas miséricorde et qui maintenant avez obtenu miséricorde» (1 P 2, 10). 30. Remplis de gratitude pour le don de la compréhension mutuelle manifesté lors de notre rencontre, nous nous tournons avec espérance vers la Très-Sainte Mère de Dieu, en l’invoquant par les paroles de l’antique prière: «Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu». Puisse la Bienheureuse Vierge Marie, par son intercession, conforter la fraternité de ceux qui la vénèrent, afin qu’ils soient au temps fixé par Dieu rassemblés dans la paix et la concorde en un seul Peuple de Dieu, à la gloire de la Très-Sainte et indivisible Trinité! CYRILLE PATRIARCHE DE MOSCOU ET DE TOUTES LES RUSSIES 12 février 2016, La Havane (Cuba) Sur la voie de l’unité GIOVANNI MARIA VIAN Difficile au point d’apparaître pendant des décennies comme un rêve, la rencontre entre le patriarche de Moscou et le Pape de Rome a été simple qu’une réunion entre frères. Pendant deux heures, dans une salle de l’aéroport de La Havane où l’avion provenant de Rome a fait escale, Cyrille et François ont parlé. «En toute franchise» et «en toute liberté», a précisé ensuite le Pape en vol vers le Mexique, destination de son douzième voyage international: «une conversation entre frères», tous deux évêques, sur leurs Eglises et sur le monde où elles sont appelées à vivre, en présence uniquement de deux interprètes et des plus proches collaborateurs, le métropolite Hilarion et le cardinal Koch, qui pendant plus de deux ans, ont tissé avec patience les fils d’une toile compliquée. Mais la toile a été tissée depuis beaucoup plus longtemps, car elle remonte à plus d’un demi-siècle, avec l’affirmation du mouvement œcuménique et avec la nouveauté du Concile Vatican II. La rencontre à Jérusalem entre Athénagoras et Paul VI fut historique, et fut suivie, bien qu’entre ombres et lumières, par le renforcement de l’espérance et de l’unité. Et aujourd’hui, outre la réunion entre Cyrille et François, SUITE À LA PAGE 5 L’OSSERVATORE ROMANO numéro 7, jeudi 18 février 2016 page 5 Discours aux autorités du Mexique Carrefour des Amériques Le Pape François a prononcé le premier discours en terre mexicaine dans la matinée du samedi 13 février, au cours de la rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique au palais présidentiel de la capitale. En voici une traduction. Monsieur le président, membres du gouvernement de la République, distinguées autorités, représentants de la société civile, mes frères dans l’épiscopat, Mesdames et Messieurs, Je vous remercie, Monsieur le président pour les paroles de bienvenue que vous m’avez adressées. C’est un motif de joie de pouvoir fouler cette terre mexicaine qui occupe une place spéciale dans le cœur des Américains. Aujourd’hui, je viens comme missionnaire de miséricorde et de paix, mais également comme un fils qui veut rendre hommage à sa mère, la Vierge de Guadalupe, et se laisser regarder par elle. En cherchant à être un bon fils, en suivant les traces de la Mère, je veux, en même temps, rendre hommage à ce peuple et à cette terre si riches de cultures, d’histoire et de diversité. A travers votre personne, Monsieur le président, je voudrais saluer et embrasser le peuple mexicain dans ses multiples expressions et dans les situations les plus variées qu’il vit. Merci de me recevoir aujourd’hui sur cette terre. Le Mexique est un grand pays, doté d’abondantes ressources naturelles et d’une énorme biodiversité qui s’étend sur tout son vaste territoire. Sa position géographique privilégiée en fait un point de référence pour l’Amérique; et ses cultures indigènes, métisses et créoles lui confèrent une identité propre qui lui offre une richesse culturelle qu’il n’est pas toujours facile de trouver et sur- tout de valoriser. La sagesse ancestrale liée à sa multi-culturalité est, de loin, l’une de ses meilleures ressources identitaires. Cette identité, qu’ elle a appris progressivement à gérer dans la diversité, constitue sans doute un riche patrimoine à mettre en valeur, à promouvoir et à préserver. Je pense et j’ose dire que la principale richesse du Mexique aujourd’hui a un visage jeune; oui, ce sont ses jeunes. Un peu plus de la moitié de la population est jeune. Cela permet de penser et de préparer l’avenir, le lendemain. Cela offre espérance et perspective. Un peuple Sur la voie de l’unité SUITE DE LA PAGE 4 son fruit est une déclaration commune très belle, aux tons solennels et chaleureux, que le Pape a définie de pastorale et qui s’ouvre par une action de grâce à «Dieu, glorifié dans la Trinité, pour cette rencontre, la première dans l’histoire». La solennité de l’expression est pleinement justifiée: oui, «cette rencontre» est sans précédent, de même que la déclaration est historique. En reconnaissant avant tout la signification du lieu où Cyrille et François ont décidé, «enfin», de se voir: Cuba, carrefour mondial et symbole d’espérances et de drames, comme l’a souligné le Pape en remerciant le président Raúl Castro, présent à la signature du document. «Loin des vieilles querelles», pour affirmer la nécessité pour les chrétiens de regarder en avant et de construire ainsi un modèle pour l’humanité tout entière. La conscience «que de nombreux obstacles restent à surmonter» n’est pas supérieure à la conscience, tout aussi forte, de partager «une Tradition spirituelle commune» formée au cours du premier millénaire sur le témoignage de la Mère de Dieu et des saints, en particulier des martyrs, «semence de chrétiens». Mais si l’on regarde l’histoire, précisément à l’époque de l’Eglise indivise, se sont développées également des divergences et d’âpres divisions, jusqu’à la perte de l’unité autour de l’Eucharistie, «conséquence de la faiblesse humaine et du péché», déplorée dans la déclaration. Aujourd’hui, «à un moment de changement d’époque», tous ont devant les yeux l’alarme tragique des persécutions sanglantes contre les chrétiens, surtout au MoyenOrient et en Afrique. Jusqu’à l’extermination de «familles, villes et villages entiers», dont est responsable un terrorisme criminel qui s’ha- bille de slogans religieux blasphématoires. En Europe, en revanche, un sécularisme agressif menace la liberté religieuse, ne respecte pas les racines chrétiennes du continent, affaiblit la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme, détruit la vie humaine avec l’avortement, l’euthanasie, la procréation assistée. Après avoir dénoncé, d’une façon qui n’a jamais été aussi forte, les persécutions et le sécularisme hosti- le, le document, qui indique avec des accents nouveaux la nécessité de réconciliation entre orthodoxes et grecs-catholiques, se déclare tout aussi convaincu que les orthodoxes et les catholiques sont déjà unis: non seulement par la tradition commune, mais également par la mission commune de prêcher l’Evangile auquel le monde aspire, même sans le savoir. Pour avancer, en se rencontrant et en marchant ensemble, sur la voie de l’unité. jeune est un peuple capable de se rénover, de se transformer; c’est une invitation à élever le regard avec espoir vers l’avenir et — en même temps — cela nous interpelle positivement dans le présent. Cette réalité nous conduit inévitablement à réfléchir sur notre propre responsabilité dans la construction du Mexique que nous appelons de tous nos vœux, le Mexique que nous voulons léguer aux futures générations. Cela nous conduit à nous rendre compte également qu’un avenir d’espérance se forge dans la vie présente d’hommes et de femmes justes, honnêtes, capables de s’engager pour le bien commun, ce «bien commun» qui, en ce XXIe siècle, n’est pas très prisé. L’expérience nous montre que chaque fois que nous cherchons la voie du privilège ou du bénéfice de quelques-uns au détriment du bien de tous, tôt ou tard, la vie en société devient un terrain fertile pour la corruption, le trafic de drogue, l’exclusion des cultures différentes, la violence, y compris pour le trafic de personnes, la séquestration et la mort, causant la souffrance et freinant le développement. Le peuple mexicain met son espérance dans l’identité qui s’est forgée dans de durs et difficiles moments SUITE À LA PAGE 6 Rencontre avec les journalistes sur le vol La Havane-Mexico Un texte pastoral Durant le vol vers la ville de Mexico, le Pape a parlé avec les journalistes de la rencontre avec Cyrille. Nous publions ci-dessous la traduction de ses paroles. Bonsoir, Je crois qu’avec la Déclaration que vous avez reçue [la Déclaration commune avec le patriarche Cyrille], vous avez du travail pour toute la nuit et aussi pour demain! C’est pour cette raison que nous ne ferons pas de questions-réponses. Mais je voudrais vous exprimer mes sentiments. Avant toute chose, le sentiment d’accueil et de disponibilité du président Castro. J’avais discuté avec lui de cette rencontre la fois précédente, et il était disposé à tout faire et nous avons vu qu’il a tout préparé pour cela. Et il faut remercier pour cela. Deuxièmement: avec le patriarche Cyrille. Ce fut une conversation entre frères. Nous avons discuté de points clairs, qui nous préoccupent tous les deux. En toute franchise. Je me suis senti face à un frère, et lui aussi m’a dit la même chose. Deux évêques qui parlent de la situation de leurs Eglises, en premier lieu; et dans un deuxième temps, de la situation du monde, des guerres, guerres qui risquent aujourd’hui de ne plus tant être «morcelées», mais de tout englober; et de la situation de l’orthodoxie, du prochain synode panorthodoxe... Mais je vous le dis, vraiment, je ressentais une joie intérieure qui était précisément celle du Seigneur. Il parlait librement et je parlais moi aussi librement. L’on ressentait de la joie. Les traducteurs étaient bons, tous les deux. Ce fut un entretien «à six paires d’yeux»: le patriarche Cyrille, moi, S.Em. le métropolite Hilarion et S.Em. le cardinal Koch, et les deux traducteurs. Mais en toute liberté. Nous parlions tous les deux, et les autres aussi lorsqu’on leur posait des questions. Troisièmement, l’on a fait un programme de possibles activités en commun, car l’unité se fait en marchant. J’ai dit une fois que si l’unité se fait dans l’étude, en étudiant la théologie et le reste, sans doute le Seigneur viendra-t-il alors que nous serons encore en train de créer l’unité. L’unité se fait en avançant, en avançant: que le Seigneur nous trouve au moins en train de marcher, lorsqu’il viendra. Et puis nous avons signé cette Déclaration commune que vous avez en main: il y aura beaucoup d’interprétations, beaucoup. Mais s’il y a des doutes, le père Lombardi pourra donner la vraie signification de la chose. Ce n’est pas une Déclaration politique, ce n’est pas une Déclaration sociologique, c’est une déclaration pastorale, même lorsque l’on parle du sécularisme et de choses explicites, de la manipulation biogénétique et de toutes ces choses. Mais elle est pastorale: de deux évêques qui se sont rencontrés avec une préoccupation pastorale. Et cela m’a rendu heureux. A présent, 23 km de papamobile ouverte m’attendent... Je vous remercie beaucoup de votre travail: faites ce que vous pouvez! Merci beaucoup, merci. L’OSSERVATORE ROMANO page 6 Discours aux autorités SUITE DE LA PAGE 5 de son histoire par de remarquables témoignages de citoyens qui ont compris que, pour pouvoir surmonter les situations nées de la fermeture de l’individualisme, était nécessaire l’accord des institutions politiques, sociales et économiques, ainsi que celui de tous les hommes et femmes engagés dans la recherche du bien commun et dans la promotion de la dignité de la personne. Une culture ancestrale et un capital humain prometteur, comme les vôtres, doivent être la source d’inspiration pour que nous trouvions de nouvelles formes de dialogue, de négociation, de ponts capables de nous guider sur la voie de l’engagement solidaire. Un engagement dans lequel tous, en commençant par nous qui nous appelons chrétiens, nous devons nous consacrer à la construction d’«une politique vraiment humaine» (Gaudium et spes, n. 73) et d’une société dans laquelle personne ne doit se sentir victime de la culture du rejet. Il revient, de façon spéciale, aux dirigeants de la vie sociale, culturelle et politique, de travailler pour offrir à tous les citoyens l’opportunité d’être de dignes acteurs de leur propre destin, dans leur famille et dans tous les domaines où se développe la société humaine, en leur facilitant un accès réel aux biens matériels et spirituels indispensables: logement décent, travail digne, nourriture, justice réelle, sécurité effective, un environnement sain et de paix. Il ne s’agit pas seulement d’une affaire de lois qui exigent des mises à jour et des amendements — toujours nécessaires —, mais d’une formation urgente à la responsabilité personnelle de chacun dans le plein respect de l’autre en tant que coresponsable de la cause commune de promotion du développement national. C’est une tâche qui implique tout le peuple mexicain dans les diverses instances aussi bien publiques que privées, autant collectives qu’individuelles. Je vous assure, Monsieur le président, que dans cet effort, le gouvernement mexicain peut compter sur la collaboration de l’Eglise catholique, qui a accompagné la vie de cette nation et qui renouvelle son engagement ainsi que sa volonté de servir la grande cause de l’homme: l’édification de la civilisation de l’amour. Je me prépare à parcourir ce beau et grand pays en qualité de missionnaire et de pèlerin qui veut revivre avec vous l’expérience de la miséricorde comme un nouvel horizon de possibilité qui est inévitablement porteur de justice et de paix. Et je me place sous le regard de Marie la Vierge de Guadalupe afin que, par son intercession, le Père miséricordieux fasse que ces journées et l’avenir de cette terre soient une opportunité de rencontre, de communion et de paix. Merci beaucoup! jeudi 18 février 2016, numéro 7 Rencontre avec les évêques dans la cathédrale de l’Assomption Avec un courage prophétique présentes dans ce vaste Mexique, tout ce qui s’écoule intensément du cœur du Pape. Comme le fit saint Juan Diego et comme le firent les générations successives des enfants de la Guadalupana, le Pape également, depuis longtemps cultivait le désir de la regarder. Mieux, je voulais, moimême, être sous son regard maternel. J’ai beaucoup réfléchi sur le mystère de ce regard et je vous prie d’accueillir ce qui jaillit de mon cœur de pasteur en ce moment. Un regard de tendresse! Dans la matinée du samedi 13 février, le Pape François s’est rendu dans la cathédrale de l’Assomption, à Mexico, où il a rencontré les évêques du pays. Au cours de la rencontre, il a prononcé le discours suivant: Chers frères, Je suis heureux de pouvoir vous rencontrer le lendemain de mon arrivée dans ce pays, que je viens moi aussi visiter, suivant les traces de mes prédécesseurs Je ne pouvais pas ne pas venir! Le Successeur de Pierre, appelé du lointain sud latino-américain, pouvait-il se priver de l’opportunité de poser son regard sur la «Vierge Brune»? Je vous remercie pour m’avoir accueilli dans cette cathédrale, «petite maison», «petite maison» agrandie mais toujours «sacrée», qu’a demandée la Vierge de Guadalupe, et pour l’aimable mot de bienvenue que vous m’avez adressé. Sachant qu’ici se trouve le cœur secret de chaque Mexicain, j’entre sur la pointe des pieds comme il convient d’entrer dans la maison ainsi que dans l’âme de ce peuple, et je vous suis profondément reconnaissant de m’ouvrir la porte. Je sais qu’en contemplant les yeux de la Vierge, j’atteins le regard de votre peuple qui, en elle, a appris à se manifester. Je sais qu’aucune autre voix ne peut exprimer avec autant de profondeur le cœur mexicain comme la Vierge peut m’en parler; elle protège ses plus hautes aspirations, ses espérances les plus cachées, elle recueille ses joies et ses larmes; elle comprend ses nombreuses langues et leur répond avec la tendresse de Mère, parce que ce sont ses propres enfants. Je suis heureux de vous rencontrer, ici dans les environs du «Mont du Tepeyac», comme à l’aube de l’évangélisation de ce continent et, s’il vous plaît, je vous demande de me permettre d’exprimer tout ce que j’ai à vous dire en partant de la Guadalupana. Comme je voudrais que ce soit elle-même qui vous exprime, jusqu’au plus profond de vos âmes de pasteurs et, par vous, à chacune de vos Eglises particulières En silence devant la Morenita GIOVANNI MARIA VIAN La longue prière silencieuse du Pape, seul devant l’image particulière et très vénérée de la Vierge de Guadalupe, protectrice de toute l’Amérique, a fait une grande impression. Un moment fortement voulu, demandé, annoncé et ensuite souligné par le Pape Bergoglio dans ses discours et dans ses homélies à Mexico. Dès son discours aux autorités au Palacio Nacional, le siège symbolique du pouvoir politique dont les portes se sont ouvertes pour la première fois à un Pape. François est le troisième Pape qui visite ce grand pays nord-américain et, au début de la rencontre dans la cathédrale avec l’épiscopat, il s’est demandé comment «le Successeur de Pierre, appelé de la lointaine Amérique latine» aurait pu ne pas «poser son regard sur la Vierge Morenita». Avec le désir, immédiatement déclaré, d’être re- joint par le regard maternel de Marie. C’est précisément le regard de la Vierge de Guadalupe, où «se trouve le cœur secret de chaque Mexicain», qui a été choisi par le Souverain Pontife comme fil conducteur pour la longue réflexion exigeante qui a caractérisé sa rencontre avec les évêques du pays. Il s’agit d’un moment auquel le Pape Bergoglio dans ses voyages internationaux a toujours réservé une large place significative, qui voit la réalisation de la communion catholique et d’un réel partage pastoral. Il en a été ainsi cette fois aussi. L’image clé du discours papal à l’épiscopat mexicain a donc été celle du regard: de la Morenita, mais également de celui qui la contemple et qui, à son tour, a la responsabilité de regarder l’autre, pour lui offrir le sein de la foi chrétienne et lui transmettre un reflet de la tendresse de Dieu. Les évêques doivent avoir une attenSUITE À LA PAGE 8 Avant tout, la «Vierge Brune» nous enseigne que l’unique force capable de conquérir le cœur des hommes est la tendresse de Dieu. Ce qui enchante et attire, ce qui fait fléchir et vainc, ce qui ouvre et déchaîne, ce n’est pas la force des instruments ou la dureté de la loi, mais la faiblesse toute-puissante de l’amour divin, qui est la force irrésistible de sa douceur et la promesse irréversible de sa miséricorde. Un écrivain tourmenté et illustre de cette terre (Octavio Paz), a dit qu’à Guadalupe, on ne demande plus l’abondance des récoltes ou la fertilité de la terre, mais qu’on y cherche un sein maternel à travers lequel les hommes, toujours orphelins et déshérités, sont à la recherche d’un abri, d’un foyer. Des siècles après l’événement fondateur de ce pays et de l’évangélisation du continent, le besoin de sein maternel qui fait languir le cœur du peuple qui vous a été confié s’est-il estompé, est-il oublié? Je connais la longue et douloureuse histoire que vous avez traversée, non sans répandre beaucoup de sang, non sans de fortes et déchirantes convulsions, non sans violence et incompréhensions. Avec raison, mon vénéré et saint prédécesseur, qui, au Mexique, se sentait comme dans sa maison, a voulu rappeler que: «[son] histoire est traversée, comme des fleuves parfois occultes mais toujours abondants, par trois réalités qui se rencontrent à certains moments et qui à d’autres révèlent leur différences complémentaires, sans jamais se confondre entièrement: l’ancienne et riche sensibilité des peuples autochtones qui aimèrent Juan de Zumárraga et Vasco de Quiroga, que beaucoup de ces peuples continuent à appeler pères, le christianisme enraciné dans l’âme des Mexicains et la rationalité moderne, d’origine européenne, qui a tant de fois voulu exalter l’indépendance et la liberté» (Jean-Paul II, Discours lors de la cérémonie de bienvenue au Mexique, le 22 janvier 1999). Et dans cette histoire, le sein maternel qui a continuellement engendré le Mexique, même si parfois, il paraissait un «filet qui recueillait cent cinquante-trois poissons» (Jn 21, 11) ne s’est jamais révélé stérile, et les fractures menaçantes se sont toujours résorbées. numéro 7, jeudi 18 février 2016 C’est pourquoi je vous invite, à repartir de ce besoin de sein maternel qui émane de l’âme de votre peuple. Le sein de la foi chrétienne est capable de réconcilier le passé souvent marqué de solitude, d’isolement et de marginalisation, avec l’avenir continuellement relégué à un lendemain qui s’esquive. Ce n’est que dans ce sein maternel qu’on peut, sans renoncer à sa propre identité, «[découvrir] la profonde vérité de la nouvelle humanité, dans laquelle tous sont appelés à être fils de Dieu» (ibid., Homélie à l’occasion de la canonisation de saint Juan Diego). Inclinez-vous donc, frères, délicatement et avec respect, sur l’âme profonde de votre peuple, descendez en faisant attention et déchiffrez son mystérieux visage. Le présent, fréquemment dissous dans la dispersion et la fête, n’introduit-il pas aussi à Dieu qui est uniquement et pleinement présent? La familiarité avec la douleur et la mort ne sont-elles pas des formes de courage et des chemins vers l’espérance? Percevoir que le monde doit être toujours et seulement sauvé n’est-ce pas un antidote contre l’autosuffisance arrogante de ceux qui croient pouvoir se passer de Dieu? Bien entendu, en raison de tout cela, un regard capable de refléter la tendresse de Dieu est nécessaire. Soyez, par conséquent, des évêques au regard limpide, à l’âme transparente, au visage lumineux. N’ayez pas peur de la transparence. L’Eglise n’a pas besoin de l’obscurité pour travailler. Veillez à ce que vos regards ne soient pas obscurcis par les pénombres du brouillard de la mondanité; ne vous laissez pas corrompre par le matérialisme trivial ni par les illusions séductrices des accords [conclus] en dessous de la table; ne mettez pas votre confiance dans les «chars et les chevaux» des pharaons actuels, car notre force est la «colonne de feu» qui divise les eaux de la mer en les fendant en deux, sans grand bruit (Ex 14, 24-25). Le monde dans lequel le Seigneur nous appelle à accomplir notre mission est devenu très complexe. Et cela, bien que l’arrogante idée du «cogito», qui ne niait pas qu’il y ait au moins un roc sur le sable de l’être, soit aujourd’hui dominée par une conception de la vie, jugée par beaucoup, plus que jamais, vacillante, errante et affaiblie parce que sans substrat solide. Les frontières si fortement invoquées et soutenues sont devenues perméables à la nouveauté d’un monde dans lequel la force de certains ne peut plus se maintenir sans la vulnérabilité des autres. L’irréversible caractère hybride de la technologie rend proche ce qui était lointain, mais malheureusement, il éloigne ce qui devrait être proche. Et précisément c’est dans ce monde même que Dieu vous demande d’avoir un regard capable de saisir l’interrogation fusant du cœur de votre peuple, l’unique qui a dans son calendrier une «fête du cri». A ce cri, il faut répondre que Dieu existe et est proche à travers Jésus. Que seul Dieu est la réalité sur laquelle on peut construire, car «Dieu est la réalité fondatrice, non pas un Dieu seulement pensé ou hypothétique, mais bien un Dieu au visage humain» (Benoît XVI, Discours inaugural de la Ve Conférence générale du CELAM, 13 mai 2007). L’OSSERVATORE ROMANO Dans vos regards, le peuple mexicain a le droit de trouver les traits de ceux qui «ont vu le Seigneur» (cf. Jn 20, 25), de ceux qui ont été avec Dieu. C’est l’essentiel. Ne perdez donc pas du temps et des énergies dans les choses secondaires, dans les commérages et les intrigues, dans les vains projets de carrière, dans les plans vides d’hégémonies, dans les clubs stériles d’intérêts ou de coteries. Ne vous laissez pas entraîner par les rumeurs et les médisances. Introduisez vos prêtres dans cette compréhension du ministère sacré. Nous autres, ministres de Dieu, nous suffit la grâce de «boire le calice du Seigneur», le don de protéger la part de son héritage qui nous est confiée, même si nous sommes des administrateurs inexpérimentés. Laissons le Père nous assigner la place qui nous a été préparée (Mt 20, 20-28). Pouvons-nous vraiment nous occuper d’affaires autres que celles du Père? En dehors des «affaires du Père» (Lc 2, 48-49), nous perdons notre identité et, de manière coupable, nous rendons vaine sa grâce. Si notre regard ne témoigne pas d’avoir vu Jésus, alors ses paroles dont nous faisons mémoire ne représenteraient que des figures rhétoriques vides. Peut-être exprimeraientelles la nostalgie de ceux qui ne peuvent pas oublier le Seigneur, mais de toute façon, elles ne seraient que le balbutiement d’orphelins près du tombeau. Des mots en fin de compte incapables d’empêcher que le monde soit abandonné et réduit à sa propre puissance désespérée. Je pense à la nécessité d’offrir un sein maternel aux jeunes. Que vos regards soient capables de croiser leurs regards, de les aimer et de saisir ce qu’ils cherchent avec ce courage par lequel beaucoup, comme eux, ont quitté barques et filets sur l’autre rive de la mer (Mc 1, 17-18), ont abandonné des bancs d’extorsions en vue de suivre le Seigneur de la vraie richesse (Mt 9, 9). Je suis préoccupé par beaucoup d’entre eux, qui, séduits par la puissance du monde, exaltent les chimères et se revêtent de leurs macabres symboles pour commercialiser la mort en échange de trésor qu’en fin de compte les mites et la rouille dévorent, et qui incite les voleurs à percer les murs (cf. Mt 6, 20). Je vous demande de ne pas sous-évaluer le défi moral et anticivique que représente le trafic de drogue pour la jeunesse et pour toute la société mexicaine, y compris l’Eglise. La proportion du phénomène, la complexité de ses causes, l’immensité de son extension comme une métastase qui dévore, la gravité de la violence qui désagrège, tout comme ses connexions néfastes, ne nous permettent pas à nous, pasteurs de l’Eglise, de nous réfugier derrière des condamnations génériques, une espèce de nominalisme. Mais tout cela exige un courage prophétique ainsi qu’un projet pastoral sérieux et de qualité, pour contribuer, progressivement, à resserrer ce délicat réseau humain, sans lequel tous, nous serions dès le départ vaincus par cette insidieuse menace. En commençant d’abord par les familles; en nous approchant et en embrassant la périphérie humaine et existentielle des territoires dévastés de nos villes; en impliquant les communautés paroissiales, les écoles, les institutions communautaires, les communautés politiques, les structures de sécurité; c’est seulement ainsi qu’on pourra se libérer totalement des eaux dans lesquelles malheureusement se noient tant de vies, que ce soit la vie de celui qui meurt comme victime, que ce soit celle de celui qui devant Dieu aura toujours du sang sur les mains, même s’il a les poches pleines d’argent sale et la conscience anesthésiée. Tournant le regard vers Marie de Guadalupe, je dirai une deuxième chose: Un regard capable de tisser Dans le manteau de l’âme mexicaine, Dieu a tissé, avec le fil des empreintes métisses de son peuple, le visage de sa manifestation dans la «Vierge Brune». Dieu n’a pas besoin de couleurs ternes pour peindre son visage. Les desseins de Dieu ne sont pas conditionnés par les couleurs et par les fils, mais ils sont déterminés par l’irréversibilité de son amour qui veut avec persistance s’imprimer en nous. Soyez, par conséquent, des évêques capables d’imiter cette liberté de Dieu en choisissant ce qui est humble pour rendre visible la majesté de son visage et de faire vôtre cette patience divine en tissant, avec le fil fin de l’humanité que vous trouvez, cet homme nouveau que votre pays espère. Ne vous laissez pas gui- page 7 der par le vain désir de changer de peuple comme si l’amour de Dieu n’avait pas assez de force pour le changer. Redécouvrez, en effet, la constance sage et humble avec laquelle les Pères de la foi de ce pays ont su introduire les générations successives dans la sémantique du mystère divin. D’abord, en apprenant, et ensuite, en enseignant la grammaire nécessaire pour dialoguer avec ce Dieu, caché durant les siècles de leur recherche et fait proche dans la personne de son Fils Jésus, qu’aujourd’hui tant de personnes reconnaissent dans la figure ensanglantée et humiliée, comme symbole de leur propre destin. Imitez sa condescendance et sa capacité de s’abaisser. Nous ne comprendrons jamais assez le fait qu’avec les fils métis de notre peuple Dieu a tissé le visage par lequel il se fait connaître! Jamais, nous ne lui serons assez reconnaissants de s’être abaissé, de cette «synkatabasis». Je vous demande un regard d’une délicatesse singulière pour les peuples autochtones, pour eux ainsi que pour leurs fascinantes cultures souvent méprisées. Le Mexique a besoin de leurs racines amérindiennes pour ne pas être réduit à une énigme irrésolue. Les autochtones du Mexique attendent encore qu’on reconnaisse effectivement la richesse de leur contribution et la fécondité de leur présence pour assumer cette identité qui fait de vous une nation unique et non seulement une parmi d’autres. On a souvent évoqué le présumé destin inachevé de cette nation, le «labyrinthe de la solitude» dans lequel elle serait emprisonnée, la géographie comme destin qui la piège. Pour certains, tout cela serait un obstacle au projet d’un visage unitaire, d’une identité adulte, d’une position singulière dans le concert des nations et d’une mission partagée. Pour d’autres, l’Eglise au Mexique serait également condamnée à choisir entre subir l’infériorité à laquelle elle a été reléguée dans certaines périodes de son histoire, comme lorsque sa voix a été étouffée et qu’on a cherché à limiter sa présence, ou à s’aventurer dans les fondamentalismes pour réacquérir des certitudes provisoires — comme ce fameux «cogito» — en oubliant d’enraciner dans son cœur la soif d’Absolu et le fait qu’elle est appelée dans le Christ à réunir tous et non seulement une partie (cf. Lumen gentium, 1, 1). Ne vous lassez pas en revanche de rappeler à votre peuple combien sont puissantes les racines anciennes qui ont permis la synthèse chrétienne vivante de communion humaine, culturelle et spirituelle qui a été forgée ici. Souvenez-vous que les ailes de votre peuple se sont déjà déployées plusieurs fois au-dessus de nombreuses vicissitudes. Préservez la mémoire du long chemin parcouru jusqu’à présent — soyez deutéronomiques — et sachez susciter l’espérance de nouveaux objectifs, car demain sera une terre «riche de fruits» même s’il nous confronte à des défis non négligeables (Nb 13, 27-28). Que vos regards, posés toujours et uniquement sur le Christ, soient capables de contribuer à l’unité de votre peuple; de favoriser la réconciliation de ses différences et l’intégraSUITE À LA PAGE 8 L’OSSERVATORE ROMANO page 8 jeudi 18 février 2016, numéro 7 Rencontre avec le collège épiscopal la perte du sens de la sacralité de la vie humaine, de la personne, des valeurs essentielles, de la sagesse accumulée au long des siècles, du respect de la nature? Sans récupérer, dans la conscience des hommes et de la société, ces racines profondes, il manquera, même au travail généreux en faveur des droits humains légitimes, la sève vitale qui peut provenir uniquement d’une source que l’humanité ne pourra jamais se donner ellemême. Et, toujours en regardant la Mère, pour terminer: SUITE DE LA PAGE 7 tion de ses diversités; de promouvoir la solution de ses problèmes endogènes; de rappeler le haut niveau que le Mexique peut atteindre s’il apprend à s’appartenir avant d’appartenir à d’autres; d’aider à trouver des solutions partagées et durables à ses misères; de motiver la nation tout entière à ne pas se contenter de moins que ce qu’elle espère de la façon mexicaine d’habiter le monde. Une troisième réflexion: Un regard attentif et proche, pas endormi Je vous prie de ne pas tomber dans la paralysie de donner de vieilles réponses aux questions nouvelles. Votre passé est une source de richesses à creuser qui peut inspirer le présent et illuminer l’avenir. Malheur à vous, si vous vous endormez sur vos lauriers! Il ne faut pas mépriser l’héritage reçu, sauvegardez-le par un travail constant. Vous êtes assis sur les épaules de géants: évêques, prêtres, religieux, religieuses et les laïcs, fidèles «jusqu’au bout», qui ont offert la vie pour que l’Eglise puisse accomplir sa propre mission. Du haut de ce podium, vous êtes appelés à lancer un large regard sur le champ du Seigneur pour planifier la semence et attendre la récolte. Je vous invite à vous fatiguer, à vous fatiguer sans peur dans la mission d’évangéliser et d’approfondir la foi à travers une catéchèse mystagogique qui sache faire trésor de la religiosité populaire de vos gens. Notre temps demande une attention pastorale aux personnes et aux groupes, qui espèrent pouvoir aller à la rencontre du Christ vivant. Seule une courageuse conversion pastorale — et j’insiste, conversion pastorale — de nos communautés peut retrouver, générer et nourrir les disciples actuels de Jésus (Document d’Aparecida, nn. 226, 368, 370). Par conséquent, nous autres pasteurs, devons surmonter la tentation de la distance — et je laisse à chacun de vous le soin de faire la liste des distances qui peuvent exister en cet- Un regard d’ensemble et d’unité te Conférence épiscopale; je ne les connais pas, mais surmonter la tentation de la distance — et du cléricalisme, de la froideur et de l’indifférence, du triomphalisme et de l’autoréférentialité. Guadalupe nous enseigne que Dieu a un visage familier, proche, que la proximité et la bienveillance, le fait de s’incliner, de s’approcher, peuvent plus que la force, que n’importe quelle force. Comme l’enseigne la belle tradition de Guadalupe, la «Vierge Brune» protège les regards de ceux qui la contemplent, reflète le visage de ceux qui la rencontrent. Il faut apprendre qu’il y a une chose unique dans chacun de ceux qui, à la recherche de Dieu, nous regardent. Il nous revient de ne pas nous rendre imperméables à ces regards, de garder en nous chacun d’eux, de les conserver dans le cœur, de les sauvegarder. Seule une Eglise qui sait garder le visage des hommes qui vont frapper à sa porte est capable de leur parler de Dieu. Si nous ne déchiffrons pas leurs souffrances, si nous ne nous rendons pas compte de leurs besoins, nous ne pourrons rien leur offrir. La richesse que nous avons ne coule que lorsque nous rencontrons la petitesse de ceux qui mendient et, précisément, cette rencontre se réalise dans notre cœur de pasteurs. Et le premier visage que je vous supplie de protéger dans votre cœur est celui de vos prêtres. Ne les lais- En silence devant la Morenita SUITE DE LA PAGE 6 tion particulière à l’égard des jeunes, a dit le Pape. Mais avec des expressions fortes, il a surtout recommandé d’affronter avec courage les phénomènes avilissants de la corruption et du trafic de drogue, défini comme une «métastase qui dévore». En effet, le modèle pour l’évêque doit être la «compassion et la capacité de se pencher» de Dieu, qui a atteint son sommet dans l’incarnation, concept sur lequel François a insisté en reprenant le terme utilisé par les pères grecs pour le définir: synkatàbasis. C’est pourquoi l’épiscopat mexicain, assis «sur les épaules de géants», c’est-à-dire ses prédécesseurs dans la foi qui lui permettent de regarder au loin, doit puiser au puits des richesses du passé. Avec la cer- titude, manifestée par le Pape, que le Mexique et son Eglise arriveront à temps au rendez-vous avec euxmêmes, avec l’histoire, avec Dieu. Paul VI, qui a été cité par son successeur à la fin de la Messe à Ecatepec, avait exprimé le même encouragement aux catholiques mexicains. C’est précisément par amour du Christ que la Vierge aima son prochain, «ce qui doit être la norme de toute relation humaine» rappelait le Pape Montini. Et il ajoutait que l’on doit voir «en chaque homme un frère et en chaque frère le Christ, de façon à ce que l’amour pour Dieu et l’amour pour les hommes s’unissent dans un même amour, vivant et agissant, l’unique qui puisse racheter les misères du monde en le renouvelant à sa racine la plus profonde: le cœur de l’homme». sez pas exposés à la solitude et à l’abandon, en proie à la mondanité qui dévore le cœur. Soyez attentifs et apprenez à lire [dans] leurs regards pour vous réjouir avec eux lorsqu’ils sentent la joie de raconter ce qu’ils «ont fait et enseigné» (Mc 6, 30), et également pour ne pas reculer lorsqu’ils se sentent un peu abattus et ne peuvent que pleurer parce qu’ils «ont renié le Seigneur» (Lc 22, 61-62), et aussi, pourquoi pas, pour les soutenir, en communion avec le Christ, quand l’un ou l’autre, déjà abattu, sortira avec Judas «dans la nuit» (Jn 13, 30). Que jamais, dans ces situations, ne manque votre paternité, en tant qu’évêques, à vos prêtres. Encouragez la communion entre eux; promouvez leurs dons; intégrez-les dans les grandes causes, car le cœur de l’apôtre n’a pas été fait pour de petites choses. Le besoin de familiarité habite dans le cœur de Dieu. Notre-Dame de Guadalupe ne demande, en effet, qu’une «petite maison sacrée». Nos peuples latino-américains comprennent bien le langage diminutif — «petite maison sacrée» — et très volontiers l’utilisent. Peut-être ont-ils besoin de diminutif parce qu’autrement ils se sentiraient perdus. Ils se sont adaptés au fait de se sentir diminués et sont habitués à vivre dans la modestie. L’Eglise, lorsqu’elle se réunit dans une majestueuse cathédrale, ne pourra s’empêcher de se comprendre comme un «petite maison» dans laquelle ses enfants peuvent se sentir à l’aise. On se maintient devant Dieu seulement si on est petit, si on se sent orphelin, si on est mendiant. Le protagoniste de l’histoire du salut est le mendiant. «Petite maison» familiale et en même temps «sacrée», car la proximité est remplie de la grandeur toute-puissante. Nous sommes les gardiens de ce mystère! Peut-être avonsnous perdu ce sens de l’humble mesure divine et nous sommes fatigués d’offrir aux nôtres la «petite maison» dans laquelle ils se sentiront en intimité avec Dieu. Il se peut également qu’ayant découvert un peu le sens de sa grandeur, on ait perdu une partie de la crainte révérencielle envers cet amour. L’homme ne peut accéder à l’endroit où Dieu habite, sans y être admis et il n’y entre qu’en ôtant ses sandales (cf. Ex 3, 5) pour confesser sa propre insuffisance. Et ce fait d’avoir oublié d’«ôter les sandales» pour entrer, n’est-il vraisemblablement pas à la racine de Rien qu’en regardant la «Vierge Brune», on saisit entièrement le Mexique. Par conséquent, je vous invite à comprendre que la mission que l’Eglise vous confie aujourd’hui, et vous a toujours confiée, demande ce regard qui embrasse la totalité. Et cela ne peut se réaliser de manière isolée, mais seulement en communion. La Guadalupana est ceinte d’une ceinture qui annonce sa fécondité. C’est la Vierge qui a déjà dans son sein le Fils attendu par les hommes. C’est la Mère qui a déjà conçu l’humanité du nouveau monde naissant. C’est l’Epouse qui préfigure la maternité féconde de l’Eglise du Christ. Vous avez la mission de ceindre l’entière nation mexicaine de la fécondité de Dieu. Aucune partie de ce cordon ne peut être méprisée. L’épiscopat mexicain a accompli de remarquables progrès en ces années conciliaires; ses membres ont augmenté; la formation continue et qualifiée a été promue; le climat fraternel n’a pas manqué; l’esprit de collégialité a crû; les interventions pastorales ont eu un impact sur vos Eglises et sur la conscience nationale; les travaux pastoraux partagés ont été fructueux dans les domaines essentiels de la mission ecclésiale tels que la famille, les vocations et la présence sociale. Tandis que nous nous réjouissons du parcours de ces années, je vous demande de ne pas vous laisser décourager par les difficultés et de ne ménager aucun effort possible pour promouvoir, entre vous et dans vos diocèse, le zèle missionnaire, surtout en direction des régions qui ont le plus besoin de l’unique corps de l’Eglise mexicaine. Redécouvrir que l’Eglise est mission est fondamental pour son avenir, car seul «l’enthousiasme, l’émerveillement convaincu» des évangélisateurs a la force pour entraîner. Je vous demande, par conséquent, de prendre spécialement soin de la formation et de la préparation des laïcs, en surmontant toute forme de cléricalisme et en les impliquant activement dans la mission de l’Eglise, surtout dans la tâche de rendre présent, par le témoignage de leur propre vie, l’Evangile du Christ dans le monde. Un témoignage unificateur de la synthèse chrétienne et une vision partagée de l’identité ainsi que du destin de vos fidèles aidera beaucoup ce peuple mexicain. Dans ce sens, il serait très important que l’université pontificale du Mexique SUITE À LA PAGE 9 L’OSSERVATORE ROMANO numéro 7, jeudi 18 février 2016 page 9 Prière aux pieds de la Vierge dans la basilique de Guadalupe Là où il y a de la place pour ceux qui ne comptent pas Dans l’après-midi du samedi 13 février, le Pape François a célébré à Mexico la Messe dans la basilique de Guadalupe, au terme de laquelle il a couronné l’image de la Vierge. Nous publions ci-dessous l’homélie prononcée au cours de la célébration. Nous avons entendu comment Marie a été à la rencontre de sa cousine Elisabeth. En hâte, sans hésiter, sans tarder, elle va assister sa parente dans les derniers mois de sa grossesse. La rencontre avec l’ange ne retient pas Marie, car elle ne s’est pas sentie privilégiée, ni ne devait s’éloigner de la vie de ses proches. Au contraire, cette rencontre a ravivé et suscité une attitude pour laquelle Marie est et sera reconnue comme la femme du oui, un oui du don d’elle-même à Dieu, et en en même temps, un oui du don à ses frères. C’est le oui qui l’a poussée à donner le meilleur en se mettant en route vers les autres. Ecouter ce passage évangélique dans cette maison a une saveur spéciale. Marie, la femme du oui, a voulu également visiter les habitants de cette terre d’Amérique à travers la personne de l’indien saint Juan Diego. Tout comme elle a parcouru les routes de Judée et de Galilée, de la même manière, elle a sillonné le Tepeyac, revêtant ses costumes, utilisant sa langue, pour servir cette grande nation. Et tout comme elle a offert sa compagnie durant la grossesse d’Elisabeth, de même elle a accompagné et accompagne la gestation de cette terre mexicaine bénie. Tout comme elle s’est fait présente au petit Juan, de la même manière, elle continue d’être présente à nous tous; surtout à ceux qui, comme lui, sentent «qu’ils ne valent rien» (cf. Nican Mopohua, 55). Ce choix particulier, disons préférentiel, n’a été contre personne mais en faveur de tous. Le petit indien Juan qui se désignait lui-même comme «mecapal, cacaxtle, queue, aile, entièrement dépendant d’autrui» (cf. ibid, 55), devenait «l’ambassadeur, vraiment digne de confiance». Ce matin de décembre 1531, se produisait le premier miracle qui sera ensuite la mémoire vivante de tout ce que le sanctuaire protège. Ce matin-là, lors de cette rencontre, Dieu a éveillé l’espérance de son enfant Juan, l’espérance d’un peuple. Ce matin, Dieu a réveillé et réveille l’espérance des petits, des souffrants, des déplacés et des marginalisés, de tous ceux qui sentent qu’ils n’ont pas une place digne sur cette terre. Ce matin, Dieu s’est approché et s’approche du cœur souffrant mais endurant de tant de mères, pères, grands-parents, qui ont vu leurs enfants partir, se perdre, voire être arrachés de manière criminelle. Ce matin-là, le petit Juan expérimente dans sa propre vie ce qu’est l’espérance, ce qu’est la miséricorde Discours aux évêques SUITE DE LA PAGE 8 soit toujours davantage au cœur des efforts de l’Eglise pour assurer ce regard d’universalité sans laquelle la raison, réduite à des unités partielles, renonce à sa plus haute aspiration de recherche de la vérité. La mission est vaste et la faire progresser exige de multiples voies. Et avec la plus vive insistance, je vous exhorte à conserver la communion et l’unité entre vous. Ceci est essentiel, frères. Ce n’est pas dans le texte, mais cela me vient maintenant. S’il faut se disputer, disputezvous; s’il faut se dire les choses, dites-les; mais comme des hommes, en face, et comme des hommes de Dieu qui vont ensuite prier ensemble, discerner ensemble. Et si vous dépassez les limites, demandez-vous pardon, et maintenez l’unité du corps épiscopal. Communion et unité entre vous. La communion est la forme vitale de l’Eglise et l’unité de ses pasteurs donne la preuve de sa véracité. Le Mexique ainsi que son Eglise vaste et multiforme, ont besoin d’évêques serviteurs et gardiens de l’unité fondée sur la Parole du Seigneur, alimentée par son Corps et guidée par son Esprit qui est le souffle vital de l’Eglise. Les «principes» ne sont pas nécessaires, mais une communauté de témoins du Seigneur l’est. Le Christ est l’unique lumière; il est la source d’eau vive; de son souffle émane l’Esprit qui déploie les voiles de la barque ecclésiale. Dans le Christ glorifié, que les gens de ce peuple aiment honorer comme Roi, allumez ensemble la lumière, soyez comblés de sa présence qui ne s’épuise pas; respirez à pleins pou- mons l’air de son Esprit. Il vous revient de semer le Christ dans cette terre, de maintenir allumée son humble lumière qui éclaire sans aveugler, d’assurer que la soif du peuple soit étanchée par ses eaux; d’étendre les voiles pour que le souffle de l’Esprit les déploie et que la barque de l’Eglise au Mexique ne fasse pas naufrage. Souvenez-vous-en bien, l’Epouse, l’Epouse de chacun de vous, la Mère Eglise, sait bien que le pasteur bien-aimé (Ct 1, 7) ne se trouvera que là où le pâturage est vert et où les cours d’eau sont cristallins. L’Epouse ne fait pas confiance aux compagnons de l’Epouse qui, parfois, soit par négligence soit par incapacité, conduisent le troupeau par des endroits arides et rocheux. Malheur à nous pasteurs, compagnons du Pasteur Suprême, si nous laissons son Epouse errer parce que l’Epoux ne se trouve pas dans la tente que nous avons construite! Permettez-moi un dernier mot pour exprimer l’appréciation du Pape pour tout ce que vous faites afin d’affronter le défi de notre époque représentée par les migrations. Ce sont des millions d’enfants de l’Eglise qui vivent aujourd’hui dans la diaspora ou en transit, se déplaçant vers le Nord à la recherche de nouvelles opportunités. Beaucoup d’entre eux laissent derrière eux leurs propres racines pour aller à l’aventure, même dans la clandestinité qui implique tout genre de risques, en quête du «feu vert» qu’ils considèrent comme leur espérance. Tant de familles sont divisées; et l’intégration dans la supposée «terre promise» n’est pas toujours aussi facile qu’on le croit. Chers frères, que vos cœurs soient capables de les suivre et de les rejoindre au-delà des frontières. Renforcez la communion avec vos frères de l’épiscopat des Etats-Unis d’Amérique pour que la présence maternelle de l’Eglise maintienne vivantes les racines de leur foi, de la foi de ce peuple, les raisons de leurs espérances et la force de leur charité. Une fois leurs harpes pendues, que leurs joies ne se taisent pas, qu’ils n’oublient pas Jérusalem et ne deviennent pas des «exilés hors d’eux-mêmes» (Ps 136). Qu’ils témoignent ensemble que l’Eglise est gardienne d’une vision unitaire de l’homme et ne peut accepter qu’il soit réduit à une pure «ressource» humaine. L’empressement de vos diocèses à passer un peu de baume sur les pieds meurtris de ceux qui traversent vos territoires et à dépenser pour eux l’argent difficilement recueilli ne sera pas vain; le Samaritain divin, en fin de compte, enrichira celui qui n’est pas passé, indifférent, devant lui lorsqu’il gisait au sol sur le chemin (Lc 10, 25-37). Chers frères, le Pape est sûr que le Mexique et son Eglise arriveront à temps au rendez-vous avec euxmêmes, avec l’histoire, avec Dieu. Peut-être une pierre en chemin retardera-t-elle la marche, et la fatigue du voyage exigera-t-elle un arrêt, mais ce ne sera jamais suffisant pour ne pas atteindre le but. Car celui qui a une mère qui l’attend peut-il arriver tard? Celui qui peut entendre sans cesse résonner dans son propre cœur «ne suis-je donc pas ici, moi qui suis ta Mère»? Merci. de Dieu. Il est choisi pour superviser, soigner, protéger et encourager la construction de ce sanctuaire. A plusieurs occasions, il a dit à la Vierge qu’il n’était pas la personne indiquée, qu’au contraire, si elle voulait mener à bien cette œuvre, elle devrait choisir d’autres personnes, puisqu’il n’était pas cultivé, instruit ou qu’il ne faisait pas partie de ceux qui pouvaient le faire. Marie, obstinée — de cette obstination qui naît du cœur miséricordieux du Père — lui dit non, qu’il sera, lui, son ambassadeur. Ainsi, elle réussit à éveiller une chose qu’il ne savait pas exprimer, un vrai étendard d’amour et de justice: dans la construction de cet autre sanctuaire, celui de la vie, celui de nos communautés, de nos sociétés et de nos cultures, personne ne peut être marginalisé. Nous sommes tous nécessaires, surtout ceux qui normalement ne comptent pas parce qu’ils ne sont pas «à la hauteur des circonstances» ou parce qu’ils n’«apportent pas le capital nécessaire» à ces constructions. Le sanctuaire de Dieu est la vie de ses enfants, de tous et dans toutes leurs conditions, surtout celle des jeunes sans avenir, exposés à d’interminables situations douloureuses, risquées, et celle des personnes âgées non reconnues, oubliées dans tant de lieux. Le sanctuaire de Dieu, ce sont nos familles qui ont besoin du minimum nécessaire pour pouvoir se construire et grandir. Le sanctuaire de Dieu, c’est le visage de tant de personnes qui croisent nos chemins... En venant à ce sanctuaire, il peut nous arriver la même chose qu’à Juan Diego. Regarder la Mère avec nos douleurs, nos peurs, nos désespoirs, nos tristesses et lui dire: «Que puis-je apporter, moi, si je ne suis pas instruit?». Regardons la mère avec des yeux qui disent: les situations qui nous ôtent la force, qui font sentir qu’il n’y a pas de place pour l’espérance, pour le changement, pour la transformation, sont si nombreuses. Voilà pourquoi, je crois qu’aujourd’hui un peu de silence nous fera du bien; tout comme la regarder, elle, la regarder longuement et calmement, et lui dire comme l’a fait SUITE À LA PAGE 10 L’OSSERVATORE ROMANO page 10 jeudi 18 février 2016, numéro 7 Célébration eucharistique à Ecatepec Non à une société d’un petit nombre pour un petit nombre Au cours du premier dimanche de Carême, le 14 février, le Pape a célébré la Messe à Ecatepec, banlieue peuplée de la périphérie de la capitale mexicaine. C’est sur le campus du Centre d’études supérieures local, que le Pape a présidé l’Eucharistie en présence de laïcs engagés dans l’église et de nombreuses familles. Nous publions ci-dessous l’homélie prononcée par le Pape à cette occasion. Mercredi dernier, nous avons commencé le temps liturgique du Carême où l’Eglise nous invite à nous préparer à célébrer la grande fête de Pâques. C’est un temps spécial pour rappeler le don de notre baptême, lorsque nous avons été faits enfants de Dieu. L’Eglise nous invite à raviver le don qui nous a été fait, pour ne pas le laisser endormi comme une chose du passé, ou dans un «tiroir aux souvenirs». Ce temps du Carême est un moment favorable pour retrouver la joie et l’espérance que nous ressentons du fait d’être enfants aimés du Père. Ce Père qui nous attend pour nous enlever les vêtements de la fatigue, de l’apathie, de la méfiance, et nous revêtir de la dignité que seuls un vrai père ou une vraie mère savent donner à leurs enfants, les vêtements qui naissent de la tendresse et de l’amour. Notre Père est le Père d’une grande famille, il est notre Père. Il sait nourrir un amour unique mais ne sait engendrer ni éduquer des «fils uniques». C’est un Dieu qui sait ce qu’est le foyer, la fraternité, le pain rompu et partagé. Il est le Dieu du «Notre Père», non pas du «Mon Père», ni du «Votre Père». En chacun de nous se trouve, vit ce rêve de Dieu qu’à chaque Pâques, dans chaque Eucharistie nous célébrons de nouveau: nous sommes en- fants de Dieu. Rêve que beaucoup de nos frères ont vécu tout au long de l’histoire. Rêve dont ont témoigné beaucoup de martyrs d’hier et d’aujourd’hui, en versant leur sang. Le Carême est un temps de conversion parce que nous faisons quotidiennement l’expérience dans notre vie de la façon dont ce rêve est sans cesse menacé par le père du mensonge — nous avons entendu dans l’Evangile ce qu’il a fait avec Jésus — par celui qui cherche à nous séparer, en créant une famille divisée et qui s’affronte. Une société divisée et qui s’affronte. Une société d’un petit nombre et pour un petit nombre. Que de fois ne faisons-nous l’expé- Messe à Guadalupe SUITE DE LA PAGE 9 l’autre enfant qui l’aimait beaucoup: «Te regarder simplement — Mère —, /laisser ouvert uniquement le regard; / te regarder entièrement sans rien te dire, / tout te dire, sans paroles et avec respect. / Ne pas perturber le vent de ton visage; / uniquement bercer ma solitude violée, / dans tes yeux de Mère amoureuses / et dans ton nid de terre transparente. / Les heures s’évanouissent; / secoués, les hommes insensés mordent les déchets / de la vie et de la mort, bruyamment. / Te regarder, Mère; rien que te contempler, / le cœur muet dans ta tendresse, / dans ton silence chaste de lys» (Hymne liturgique). Et en silence, dans cette contemplation, l’écouter une fois de plus nous redire: «Que se passe-t-il mon fils le plus petit? qu’est-ce qui attriste ton cœur?» (cf. Nican Mopohua, nn. 107-118). «Ne suis-je pas ici moi, moi qui ai l’honneur d’être ta mère?» (Ibid, n. 119). Elle nous dit qu’elle a l’«honneur» d’être notre mère. Cela nous donne la certitude que les larmes de ceux qui souffrent ne sont pas stériles. Elles sont une prière silencieuse qui monte vers le ciel et qui trouve toujours chez Marie une place sous son manteau. En elle et avec elle, Dieu se fait frère et compagnon de route, partage avec nous la croix pour que ne soyons pas écrasés par nos douleurs. Ne suis-je pas moi, ta mère? Ne suis-je pas présente? Ne te laisse pas vaincre par tes douleurs, tes tristesses, nous dit-elle. Aujourd’hui, elle nous envoie de nouveau, comme le petit Juan; aujourd’hui, elle nous redit: sois mon ambassadeur, sois mon envoyé pour construire de nombreux et nouveaux sanctuaires, pour accompagner de nombreuses vies, pour essuyer de nombreuses larmes. Va simplement par les chemins du voisinage, de ta communauté, de ta paroisse comme mon ambassadeur, mon ambassadrice; bâtis des sanctuaires en partageant la joie de savoir que nous ne sommes pas seuls, qu’elle chemine avec nous. Sois mon ambassadeur, nous dit-elle, en donnant à manger à l’affamé, à boire à celui qui a soif, accueille celui qui est dans le besoin, habille celui qui est nu et visite le malade. Va au secours du prisonnier, ne le laisse pas seul, pardonne à celui qui t’a offensé, console celui qui est triste, sois patient avec les autres et surtout supplie et prie notre Dieu. Et en silence, nous lui disons ce qui surgit dans notre cœur. «Ne suis-je pas, moi, ta mère? Ne suis-je pas là, moi?», nous redit Marie. Va construire mon sanctuaire, aide-moi à bâtir la vie de mes enfants, qui sont tes frères. rience dans notre chair, ou dans notre famille, à travers nos amis ou nos voisins, de la douleur qui naît de ne pas voir reconnue cette dignité que nous portons tous en nous! Que de fois avons-nous dû pleurer et regretter de ne pas nous être rendu compte que nous n’avons reconnu cette dignité dans les autres! Que de fois — et je le dis avec douleur — ne sommes-nous pas aveugles et insensibles devant le manque de reconnaissance de notre propre dignité et de celle d’autrui! Le Carême est un temps pour ajuster les sens, ouvrir les yeux devant tant d’injustices qui portent atteinte directement au rêve et au projet de Dieu. C’est un temps pour démasquer ces trois grandes formes de tentations qui brisent, divisent l’image que Dieu a voulu former. Les trois tentations du Christ… Trois tentations du chrétien qui essayent de détruire la vérité à laquelle nous avons été appelés. Trois tentations qui cherchent à dégrader et à nous dégrader. Premièrement, la richesse, en nous appropriant de biens qui ont été donnés à tous, les utilisant seulement pour moi ou «pour les miens». C’est avoir le «pain» à la sueur du front de l’autre, voire au prix de sa vie. Cette richesse, qui est un pain au goût de douleur, d’amertume, de souffrance. Dans une famille ou une société corrompue, c’est le pain que l’on donne à manger à ses propres enfants. Deuxième tentation, la vanité; elle est la recherche de prestige sur la base de la disqualification continuelle et constante de ceux qui «ne sont pas comme nous». La recherche exacerbée de ces cinq minutes de gloire, qui ne supporte pas la «gloire» des autres. «Transformant l’arbre tombé en bois de chauffage», elle conduit progressivement à la troisième tentation, la pire, celle de l’orgueil; c’est-à-dire se mettre sur un plan de supériorité en tout genre, sentant qu’on ne partage pas «la vie du commun des mortels», et prier tous les jours: «je te rends grâce, Seigneur parce que tu ne m’as pas fait comme eux». Trois tentations du Christ… Trois tentations que le chrétien affronte tous les jours. Trois tentations qui cherchent à SUITE À LA PAGE 11 L’OSSERVATORE ROMANO numéro 7, jeudi 18 février 2016 Angelus du 14 février Les larmes et le rêve Au terme de la célébration de la Messe à Ecatepec, le Pape François a guidé la prière de l’Angelus. Chers frères, Dans la première lecture de ce dimanche, Moïse fait une recommandation au peuple. Lors de la moisson, dans l’abondance, lors des prémices n’oublie pas tes origines, n’oublie pas d’où tu viens. L’action de grâce naît et grandit chez une personne et dans un peuple qui est capable de faire mémoire. Elle a ses racines dans le passé, qui, entre ombres et lumière, a progressivement généré le présent. Au moment où nous pouvons rendre grâce à Dieu parce que la terre a donné son fruit et produire ainsi du pain, Moïse invite son peuple à se souvenir, en énumérant les situations difficiles qu’il a dû traverser (cf. Dt 26, 5-11). En ce jour de fête, en ce jour nous pouvons célébrer la bonté du Seigneur envers nous. Nous rendons grâce pour l’opportunité d’être réunis afin de présenter au Père plein de bonté les prémices de nos enfants, petits-enfants, de nos rêves et de nos projets. Les prémices de nos cultures, de nos langues et de nos traditions. Les prémices de nos soucis... Comme il a été difficile pour chacun de vous d’arriver jusqu’ici! Combien chacun a-t-il dû «marcher» pour faire de ce jour une fête, une action de grâces! Que de chemin d’autres ont fait, n’ayant pas pu arriver, mais grâce à eux, nous avons pu continuer à avancer! Aujourd’hui, suivant l’invitation de Moïse, nous voulons en tant que peuple faire mémoire, nous voulons être le peuple de la mémoire vivante du passage de Dieu au milieu de son peuple, dans son peuple. Nous voulons regarder nos enfants, en sachant qu’ils hériteront non seulement d’une terre, d’une langue, d’une culture et d’une tradition, mais qu’ils hériteront aussi du fruit vivant de la foi qui rappelle le passage assuré de Dieu en ce pays. La certitude de sa proximité et de sa solidarité. Une certitude qui nous aide à lever la tête et à espérer avec enthousiasme l’aurore. Homélie à Ecatepec SUITE DE LA PAGE 10 dégrader, détruire et ôter la joie ainsi que la fraîcheur de l’Evangile; qui nous enferment dans un cercle de destruction et de péché. Il vaut donc la peine de nous demander: Jusqu’à quel point sommes-nous conscients de ces tentations dans notre personne, en nous-mêmes? Jusqu’à quel point sommes-nous habitués à un style de vie qui pense que dans la richesse, dans la vanité et dans l’orgueil se trouvent la source et la force de la vie? Jusqu’à quel point croyons-nous que l’attention à l’autre, notre souci et occupation pour le pain, pour le nom et pour la dignité des autres sont source de joie et d’espérance? Nous avons choisi Jésus et non le démon. Si nous accueillons ce que nous avons entendu dans l’Evangile, Jésus ne répond au démon par aucune parole personnelle, mais il répond par les Paroles de Dieu, par les Paroles de l’Ecriture. Parce que, frères et sœurs, mettons-le nous dans la tête, avec le démon, on ne dialogue pas, on ne peut pas dialoguer, parce qu’il nous vaincra toujours. C’est seulement la force de la Parole de Dieu qui peut le vaincre. Nous avons choisi Jésus et non le démon; nous voulons suivre ses traces, mais nous savons que ce n’est pas facile. Nous savons ce que signifie être séduit par l’argent, la gloire et le pouvoir. C’est pourquoi l’Eglise nous offre ce temps, elle nous invite à la conversion avec une seule certitude: Lui nous attend et il veut guérir nos cœurs de tout ce qui dégrade, en étant dégradé ou en dégradant les autres. Il est le Dieu qui porte un nom: miséricorde. Son nom est notre richesse, son nom est notre gloire, son nom est notre pouvoir et en son nom, une fois de plus, nous redisons avec le Psaume: «Tu es mon Dieu, en toi j’ai mis ma confiance». Pouvonsnous le répéter ensemble? Trois fois: «Tu es mon Dieu, en toi j’ai mis ma confiance», «Tu es mon Dieu, en toi j’ai mis ma confiance», «Tu es mon Dieu, en toi j’ai mis ma confiance». Qu’en cette Eucharistie, le SaintEsprit renouvelle en nous la certitude que son Nom est miséricorde et qu’il nous fasse expérimenter chaque jour le fait que «la joie de l’Evangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus… Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours» (Evangelii gaudium, n. 1). page 11 Avec vous aussi je m’unis à cette mémoire reconnaissante. A ce souvenir vivant du passage de Dieu dans vos vies. Regardant vos enfants, je ne peux que faire miennes les paroles qu’un jour le bienheureux Paul VI a adressées au peuple mexicain: «Un chrétien ne peut pas [ne pas] démontrer sa propre solidarité et ne peut pas [ne pas] donner le meilleur de lui-même pour résoudre la situation de tous ceux qui n’ont pas encore le pain de la culture ou l’opportunité d’un travail digne [...] On ne peut pas rester insensible alors que les nouvelles générations ne trouvent pas le moyen de transformer en réalité [leurs] légitimes aspirations». Et le bienheureux Paul VI continue par une invitation à «être toujours en première ligne dans tous les efforts pour améliorer la situation de ceux qui sont dans le besoin», et à voir «en chaque homme, un frère, et en chaque frère, le Christ» (Paul VI, Message radiotélévisé aux catholiques du Mexique, à l’occasion du 75e anniversaire du couronnement de Notre-Dame de Guadalupe [12 octobre 1970], L’Osservatore Romano, éd. en langue française [23 octobre 1970], p. 1). Je voudrais vous inviter aujourd’hui à être en première ligne, à être les premiers dans toutes les initiatives qui aident à faire de cette terre mexicaine bénie une terre d’opportunités, où il ne sera pas nécessaire d’émigrer pour rêver; où il ne sera pas nécessaire d’être exploité pour travailler; où il ne sera pas nécessaire de faire du désespoir et de la pauvreté d’un grand nombre l’opportunité de quelques-uns; une terre qui ne devra pas pleurer des hommes et des femmes, des jeunes et des enfants qui finissent, détruits, dans la main des trafiquants de la mort. Cette terre a le goût de la Guadalupana; elle qui nous a toujours devancés dans l’amour, disons-lui de tout cœur: Vierge Sainte, «aide-nous à rayonner par le témoignage de la communion, du service, de la foi ardente et généreuse, de la justice et de l’amour pour les pauvres, pour que la joie de l’Evangile parvienne jusqu’aux confins de la terre, et qu’aucune périphérie ne soit privée de sa lumière» (Evangelii gaudium, n. 288). page 12 L’OSSERVATORE ROMANO jeudi 18 février 2016, numéro 7 Visite à l’hôpital pédiatrique Thérapie affective Le Pape François a conclu la deuxième journée de sa visite au Mexique en se rendant, dans l’après-midi du dimanche 14 février, à l’hôpital pédiatrique «Federico Gómez» de la capitale. Nous publions ci-dessous les paroles prononcées par le Pape lors de la rencontre avec les enfants malades. Madame la première dame, Madame la secrétaire à la santé, Monsieur le directeur, Membres du Conseil d’administration, familles ici présentes, chers amis, chers enfants, Bonsoir, Je rends grâce à Dieu de me donner l’occasion de pouvoir vous visiter, de m’unir à vous et à vos familles dans cet hôpital. Pouvoir partager un moment de vos vies, de la vie de toutes les personnes qui travaillent comme médecins, infirmiers, membres du personnel et bénévoles qui vous assistent, les nombreuses personnes qui se dévouent pour vous. Il y a un bref passage de l’Evangile qui nous raconte la vie de Jésus quand il était enfant. Il était tout petit, comme certains d’entre vous. Un jour ses parents, Marie et Joseph, l’emmènent au Temple pour le présenter à Dieu. Et ils rencontrent alors un vieillard appelé Siméon qui, en le voyant, d’une manière très décidée, lui le vieillard, plein de joie et de reconnaissance, le prend dans ses bras et commence à bénir Dieu. Voir l’Enfant Jésus a provoqué en lui deux choses: un sentiment de reconnaissance, et l’envie de bénir. C’està-dire, rendre grâce à Dieu et, lui le vieillard, a eu envie de bénir. Siméon est le «grand-père» qui nous enseigne ces deux attitudes fondamentales de la vie: remercier, et en même temps, bénir. Ici, je vous bénis, les médecins vous bénissent, chaque fois que vous soignent les infirmières, tout le personnel, tous ceux qui travaillent vous bénissent, chers jeunes; mais vous aussi, vous devez apprendre à les bénir, eux, et à demander à Jésus de les protéger afin qu’ils vous soignent. Moi, ici (et pas seulement en raison de l’âge), je me sens très proche de ces deux enseignements de Siméon. D’une part, franchir cette porte et voir vos yeux, vos sourires — malicieux que vous êtes — vos visages, a suscité en moi l’envie de dire merci. Merci pour la tendresse que vous manifestez en me recevant, merci de voir la tendresse avec laquelle on vous soigne ici, la tendresse avec laquelle on vous accompagne. Merci pour l’effort de tous ceux qui font du mieux possible pour que vous puissiez récupérer rapidement. Il est très important de se sentir soigné et accompagné, de se sentir aimé et de savoir que l’on cherche la meilleure manière de vous soigner, pour toutes ces personnes, je dis: merci, merci. En même temps, je veux vous bénir. Je veux demander à Dieu de vous bénir, de vous accompagner ainsi que vos familles, toutes les personnes qui travaillent dans cette maison et qui cherchent à ce que ces sourires continuent de grandir de jour en jour; à toutes les personnes qui non seulement avec les médicaments mais aussi avec la «thérapie de la tendresse» contribuent à ce que ce temps soit vécu dans une plus grande joie. C’est si important la «thérapie de la tendresse»! Si important! Parfois, une caresse aide tant à récupérer! Connaissez-vous l’indien Juan Diego, ou non? (Ils répondent: oui!). Alors, celui qui le connaît, qu’il lève la main... Quand l’oncle du petit Juan était malade, ce dernier était très inquiet et angoissé. A ce moment, la Vierge de Guadalupe apparaît et lui dit: «Que ton cœur ne soit pas troublé, et que rien ne t’inquiète. Ne suis-je pas là, moi qui suis ta Mère?» Nous avons notre Mère, demandons-lui de nous donner son Fils Jésus. Et à présent, je vais demander une chose aux enfants: fermons les yeux, fermons les yeux et demandons ce qu’aujourd’hui notre cœur désire. Un petit moment de silence, les yeux fermés, et demandons intérieurement ce que nous voulons. Et maintenant, disons à notre Mère: «Je vous salue Marie...». Que le Seigneur et la Vierge de Guadalupe vous accompagnent toujours. Merci beaucoup. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Ne l’oubliez pas! Que Dieu vous bénisse! Deux priorités GIOVANNI MARIA VIAN nouvelles traductions bibliques dans ces langues, après de longues années de travail, et les remerciements enthousiastes au Souverain Pontife pour avoir permis la reprise du diaconat permanent entre ces communautés. Des réalités qui renvoient toutes deux au christianisme depuis ses origines. Cohérent avec la valorisation patristique des intuitions de vérité (les «semina verbi») chez les poètes et les philosophes païens, François a cité le texte maya Popol vuh, en expliquant qu’«au cœur de l’homme et dans la mémoire de nombre de nos peuples est inscrit le désir d’une ter- La rencontre avec les familles et la Messe avec des dizaines de milliers d’autochtones dans le Chiapas ont conduit le Pape de la capitale du Mexique vers ses extrémités méridionales. Et elles ont montré sa volonté missionnaire dans la proximité envers les pauvres et dans le soin apporté à tous ces foyers familiaux qui affrontent un moment difficile. Des priorités que Jorge Mario Bergoglio a toujours clairement eues et qu’il a rappelées de diverses façons depuis le début de son pontificat, comme cela émergera également de l’imminente et très attendue exhortation née des deux assemblées synodales. A San Cristóbal, l’utilisation de trois langues autochtones, les chants, les musiques et les danses des peuples autochtones ont caractérisé la Messe papale sur la terre où à partir de 1543 devint premier évêque le dominicain Bartolomé de las Casas, le pionnier dans leur défense qui écrivit la Brevísima relación de la destrucción de las Indias. Et la liturgique suggestive très ordonnée s’est Messe avec les communautés autochtones du Chiapas conclue par la présence de re, d’un temps où la dévalorisation est dépassée par la fraternité, l’injustice vaincue par la solidarité et la violence réduite au silence par la paix». Et ce désir a un visage, celui de Jésus, a ajouté le Pape. Un grand enseignement nous vient également des populations autochtones, reconnu à Aparecida par les évêques latino-américains et urgent face «à l’une des plus grandes crises de l’environnement de l’histoire»: à savoir la capacité d’une relation équilibrée et harmonieuse avec la nature, thème au centre de l’encyclique Laudato si’, qui a suscité un grand intérêt. Pourtant, ces peuples ont été incompris et exclus, «bien souvent de façon systématique et structurelle». C’est pour cette raison, a dit le Souverain Pontife, qu’un examen de conscience nous ferait du bien: pour apprendre à répéter «pardon, pardon, frères!». Le stade bondé de Tuxtla Gutiérrez a ensuite été le théâtre de la rencontre avec les familles, où Jorge Mario Bergoglio a écouté les témoignages de quatre familles et dialogué avec elles. Et encore une fois, le Pape a élevé la voix en faveur de la famille, souhaitant des législations qui la protègent et surtout en indi- Lors de la rencontre avec les familles quant la voie de l’engagement personnel comme antidote à la précarité et à l’isolement, qui est même devenu un modèle social. En reconnaissant que la vie en famille n’est pas facile, François a appliqué à celle-ci ce qu’il a dit de l’Eglise à d’autres occasions. A savoir qu’il préfère «une famille blessée, qui essaye tous les jours de conjuguer l’amour», à des familles et des sociétés rendues malades par la fermeture sur elles-mêmes; qu’il préfère des familles au visage fatigué et plein de rides à des visages maquillés éloignés de la tendresse et de la compassion, qui sont propres à D ieu. L’OSSERVATORE ROMANO numéro 7, jeudi 18 février 2016 page 13 Messe avec les autochtones à San Cristóbal de Las Casas Examen de conscience Le voyage du Pape au Mexique a fait étape le lundi 15 février à San Cristóbal de Las Casas, où François est arrivé dans la matinée pour célébrer la Messe avec les communautés autochtones du Chiapas sur le terrain de baseball Pachón Contreras du centre sportif municipal. Puis, après avoir déjeuné avec des représentants des communautés autochtones, le Pape s’est rendu à la cathédrale de San Cristóbal de Las Casas. Nous publions ci-dessous l’homélie prononcée lors de la Messe. Li smantal Kajvaltike toj lek – La loi du Seigneur qui redonne vie est parfaite. Ainsi commence le psaume que nous avons écouté. La loi du Seigneur est parfaite; et le psalmiste se charge d’énumérer tout ce que cette loi procure à celui qui l’écoute et qui l’observe: elle redonne vie, rend sage les simples, réjouit le cœur, clarifie le regard. C’est cette loi que le Peuple d’Israël avait reçue des mains de Moïse, une loi qui devait aider le Peuple de Dieu à vivre dans la liberté à laquelle il avait été appelé. Une loi qui est destinée à être lumière sur le chemin du peuple et l’accompagner dans sa marche. Un peuple qui avait subi l’esclavage et le despotisme du Pharaon, qui avait expérimenté la souffrance et les abus, jusqu’à ce que Dieu dise: assez, jusqu’à ce que Dieu dise: ça suffit! J’ai vu la misère, j’ai entendu les cris, je connais ses souffrances (cf. Ex 3, 9). Et là, le visage de notre Dieu se révèle, le visage du Père qui souffre devant la douleur, les abus, l’injustice subie par ses enfants; et sa Parole, sa loi, devient symbole de liberté, symbole de joie, de sagesse et de lumière. Expérience, réalité qui trouve écho dans cette expression qui naît de la sagesse bercée en ce pays depuis des temps lointains et qui, dans le Popol Vuh, dit ce qui suit: L’aube s’est levée sur toutes les tribus réunies. La face de la terre a tout de suite été assainie par le soleil. L’aube s’est levée pour les peuples qui ont sans cesse marché dans les diverses ténèbres de l’histoire. Dans cette expression, il y a une aspiration à vivre en liberté, il y a une aspiration qui a un goût de terre promise, où l’oppression, les mauvais traitements et la dégradation ne sont pas monnaie courante. Dans le cœur de l’homme, et dans la mémoire de beaucoup de nos peuples, est inscrit le désir d’une terre, d’un temps où le mépris sera vaincu par la fraternité, l’injustice par la solidarité, et où la violence sera réduite au silence par la paix. Notre Père non seulement partage ce désir, mais lui-même l’a aussi suscité et le suscite, en nous offrant son fils Jésus Christ. En lui, nous trouvons la solidarité du Père qui marche à nos côtés. En lui, nous voyons comment cette loi parfaite prend chair, prend un visage, entre dans l’histoire pour accompagner et soutenir son peuple; il se fait Chemin, il se fait Vérité, il se fait Vie pour que les ténèbres n’aient pas le dernier mot et que l’aube ne tarde pas à se lever sur la vie de ses enfants. De multiples façons et sous de multiples formes, on a voulu réduire au silence et taire ce désir; de multiples façons, on a voulu anesthésier notre âme, de multiples manières on a essayé d’engourdir et d’endormir la vie de nos enfants et de nos jeunes par l’insinuation que rien ne peut changer ou que ce sont des rêves impossibles. Devant ces manières, la création aussi sait élever sa voix, «cette sœur crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. La violence qu’il y a dans le cœur humain blessé par le péché se manifeste aussi dans les symptômes de maladie que nous observons dans le sol, dans l’eau, dans l’air et dans les êtres vivants. C’est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée, qui «gémit en travail d’enfantement» (Rm 8, 22) (Laudato si’, n. 2). Le défi environnemental que nous vivons et ses racines humaines nous touchent tous (cf. Laudato si’, n. 14) et nous interpellent. Nous ne pouvons plus faire la sourde oreille face à l’une des plus grandes crises environnementales de l’histoire. En cela, vous avez beaucoup de choses à nous enseigner, à enseigner à l’humanité. Vos peuples, comme l’ont reconnu les évêques de l’Amérique latine, savent entrer en relation, d’une manière harmonieuse, avec la nature qu’ils respectent comme «source de subsistance, maison commune et autel du partage d’Aparecida, humain» (Document n. 472). Cependant, souvent, de manière systématique et structurelle, vos peuples ont été incompris et exclus de la société. Certains ont jugé inférieures vos valeurs, votre culture et vos traditions. D’autres, étourdis par le pouvoir, l’argent et les lois du marché, vous ont dépossédés de vos terres ou ont commis des actes qui les polluent. C’est si triste! Que cela nous ferait du bien, à tous, de faire un examen de conscience et d’apprendre à dire: pardon, pardon, chers frères! Le monde d’au- Après la Messe, François a déjeuné avec les représentants des communautés autochtones (ci-dessous) et a visité la cathédrale de San Cristóbal de Las Casas (ci-contre) jourd’hui, dépouillé par la culture du déchet, a besoin de vous! Les jeunes d’aujourd’hui, exposés à une culture qui essaie de supprimer toutes les richesses et caractéristiques culturelles en vue d’un monde homogène, ont besoin, ces jeunes, que la sagesse de leurs anciens ne se perde pas! Le monde d’aujourd’hui, pris par le pragmatisme, a besoin de réapprendre la valeur de la gratuité! Nous célébrons la certitude que «le créateur ne nous abandonne pas; [que] jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, [qu’]il ne se repend pas de nous avoir créés» (Laudato si’, n. 13). Nous célébrons le fait que Jésus Christ meurt encore et ressuscite en chaque geste que nous accomplissons envers le plus petit de nos frères. Ayons à cœur de continuer à être témoins de sa Passion, de sa Résurrection en donnant chair à Li smantal Kajvaltike toj lek – La loi du Seigneur qui redonne vie est parfaite. L’OSSERVATORE ROMANO page 14 jeudi 18 février 2016, numéro 7 Rencontre avec les familles au stade de Tuxtla Gutiérrez Avec les rides de l’amour Des milliers de familles mexicaines se sont rassemblées dans l’après-midi du lundi 15 février, au stade Víctor Manuel Reyna de Tuxtla Gutiérrez pour une rencontre de fête et de témoignage avec le Pape. Nous publions ci-dessous le discours prononcé par le Pape à cette occasion. Chers frères et sœurs, Je rends grâce à Dieu de me trouver sur cette terre du Chiapas. Il est bon de se trouver sur ce sol, il est bon de se trouver sur cette terre, il est bon se trouver en ce lieu qui, avec vous, a un goût de famille, de foyer. Je rends grâce à Dieu pour vos visages et pour votre présence, je rends grâce à Dieu pour son émouvante présence dans vos familles. Et merci également à vous, familles et amis, qui nous avez offert vos témoignages, qui nous avez ouvert les portes de vos maisons, les portes de vos vies; vous nous avez permis d’être à vos «tables» partageant le pain qui vous nourrit et la sueur face aux dif- ficultés quotidiennes. Le pain des joies, de l’espérance, des rêves et la sueur face aux amertumes, face à la désillusion et aux chutes. Merci de nous permettre d’accéder à vos familles, à votre table, à votre foyer. Manuel, avant de te remercier pour ton témoignage, je voudrais remercier tes parents, tous deux à genoux devant toi, te tenant le papier. Avez-vous vu cette scène? Les parents à genoux devant leur fils qui est malade. N’oublions pas cette scène. Certainement, de temps à autre, ils se disputent, certainement. Quel mari et quelle femme ne se disputent-ils pas? Surtout si la belle-mère s’en mêle, mais peu importe! Cependant, ils s’aiment, et ils nous ont démontré qu’ils s’aiment et qu’ils sont capables, en raison de l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre, de se mettre à genoux devant leur fils malade. Merci, chers amis pour ce témoignage que vous avez donné et allez de l’avant! Merci! Et merci à toi, Manuel, pour ton témoignage et surtout pour ton exemple. L’expression que tu as utilisée m’a plu: «y mettre de l’enthousiasme» tout comme l’attitude que tu as adoptée après t’être entretenu avec tes parents. Tu as commencé à mettre de l’enthousiasme dans ta vie, à mettre de l’enthou- siasme dans ta famille, à mettre de l’enthousiasme dans les rangs de tes amis et tu nous communiques de l’enthousiasme à nous ici réunis. Merci! Je crois que c’est ce que l’Esprit Saint veut toujours faire au milieu de nous: nous donner de l’enthousiasme, nous faire le don de raisons de continuer à compter sur la famille, à rêver, à construire une vie qui ait un goût de foyer, de famille. Sommes-nous animés d’enthousiasme? (Ils répondent: Oui!). Merci! Et c’est ce que Dieu le Père a toujours rêvé et ce pour quoi depuis longtemps Dieu le Père a lutté. Lorsque tout semblait perdu, cet après-midi-là, au jardin d’Eden, Dieu le Père a suscité l’enthousiasme chez ce jeune couple et lui a dit que tout n’était pas perdu. Et lorsque le peuple d’Israël sentait qu’il n’en pouvait plus sur le chemin à travers le désert, Dieu le Père lui a donné de l’enthousiasme par la manne. Et lorsqu’est arrivée la plénitude des temps, Dieu le Père a donné pour toujours de l’enthousiasme à l’humanité et nous a envoyé son Fils. De la même manière, nous tous ici présents, nous avons fait cette expérience, à bien des moments et sous diverse formes, Dieu le Père a donné de l’enthousiasme à notre vie. Pouvonsnous nous demander pourquoi? Parce qu’il ne sait pas faire autrement. Dieu notre Père ne sait pas faire autrement que de nous aimer et de nous donner de l’enthousiasme, de nous encourager, de nous pousser de l’avant, il ne sait pas faire autrement, parce que son nom est amour, son nom est don, son nom est don de soi, son nom est miséricorde. Il nous l’a manifesté avec force et clarté en Jésus, son Fils qui a tout donné jusqu’à l’extrême pour rendre possible le Royaume de Dieu. Un Royaume qui nous invite à entrer dans cette nouvelle logique, qui suscite une dynamique capable d’ouvrir les cieux, capable d’ouvrir nos cœurs, nos esprits, nos mains et de nous stimuler par de nouveaux horizons. Un Royaume qui sait ce qu’est la famille, qui sait ce qu’est la vie partagée. En Jésus et avec Jésus, ce Royaume est possible. Il est capable de transformer nos regards, nos attitudes, nos sentiments souvent fades en vin de fête. Il est capable de guérir nos cœurs et de nous inviter sans cesse, soixante-dix-sept fois à recommencer. Il est capable de toujours renouveler toute chose. Manuel, tu m’as demandé de prier pour de nombreux adolescents qui sont découragés et se trouvent dans des situations difficiles. Nous le savons, n’est-ce pas? De nombreux adolescents démoralisés, sans force, sans enthousiasme. Et comme tu l’as si bien dit, Manuel, souvent, cette attitude naît du fait qu’ils se sentent seuls, parce qu’ils n’ont pas avec qui parler. Réfléchissez-y, chers pères, réfléchissez-y, chères mères: parlezvous avec vos fils et vos filles? Ou bien vous êtes toujours occupés, pressés? Jouez-vous avec vos fils et vos filles? Et cela m’a rappelé le témoignage de Beatriz. Beatriz, vous avez dit: «le combat a été toujours difficile à cause de la précarité et de la solitude». Que de fois t’es-tu sentie montrée du doigt, jugée, «cellelà». Pensons à toutes les personnes, à toutes les femmes qui ont traversé la même situation que Beatriz. La précarité, la pénurie, le manque fréquent du minimum peuvent nous désespérer, peuvent nous faire sentir une forte angoisse, puisque nous ne savons comment faire pour aller de l’avant et d’autant plus que nous avons des enfants à notre charge. La précarité non seulement menace l’estomac (et c’est déjà beaucoup), mais elle peut aussi menacer l’âme, elle peut démotiver, ôter la force et tenter avec des parcours ou des alternatives de solution apparente mais qui, en définitive, ne résolvent rien. Et vous avez été courageuse, Beatriz, merci. Il existe une précarité qui peut être très dangereuse, qui peut se coller à nous sans que nous ne nous en rendions compte, c’est la précarité qui naît de la solitude et de l’isolement. Et l’isolement est toujours mauvais conseiller. Manuel et Beatriz, sans s’en rendre compte, ont utilisé la même expression, tous deux nous montrent comment souvent, la plus grande tentation à laquelle nous sommes confrontés est de «nous enfermer» et loin de «mettre de l’enthousiasme», cette attitude, comme la mite qui nous ronge l’âme, nous dessèche l’âme peu à peu. La manière de combattre cette précarité et cet isolement, qui nous rendent vulnérables à tant de solutions apparentes — comme celle que Beatriz a mentionnée —, doit se situer à divers niveaux. D’une part, les législations, qui protègent et garantissent le minimum nécessaire pour que chaque famille et pour que chaque personne puisse se développer par la formation et un travail digne, représentent un niveau. D’autre part, comme le témoignage de Humberto et de Claudia l’ont si bien souligné, lorsqu’ils disaient qu’ils cherchaient la façon de communiquer l’amour de Dieu qu’ils avaient expérimenté dans le service et dans le don de soi aux autres. Des lois et un engagement personnel sont un bon binôme pour rompre la spirale de la précarité. Et vous vous êtes donné du courage, et vous priez, et vous êtes avec Jésus, et vous êtes intégrés dans la vie de l’Eglise. Vous avez utilisé une belle expression: «Nous nous unissons au frère faible, au malade, à celui qui est dans le besoin, au prisonnier». Merci, merci! De nos jours, nous voyons et nous expérimentons à travers différents visages comment la famille est affaiblie, comment elle est remise en question. Comment on croit que c’est un modèle déjà dépassé et n’ayant plus de place dans nos sociétés qui, avec la prétention de la modernité, offrent toujours davantage un modèle fondé sur l’isolement. Et on inocule, dans nos sociétés — on parle de sociétés libres, démocratiques, souveraines — on inocule des colonisations idéologiques qui les détruisent et nous finissons par être des colonies d’idéologies destructrices de la famille, du noyau familial, qui est la base de toute société saine. Certes, vivre en famille n’est pas toujours facile, bien des fois c’est douloureux et fatiguant mais, comme je l’ai dit plus d’une fois de l’Eglise — je crois qu’on peut l’appliquer à la famille —: je préfère une famille blessée qui essaie tous les jours de vivre l’amour, à une famille et à une société malades de l’enfermement ou de la facilité de la peur d’aimer. Je préfère une famille qui essaie sans cesse de recommencer, à une famille et une société narcissistes et obnubilées par le luxe et le confort. Combien d’enfants as-tu? «Non, nous n’en avons pas parce que, évidemment, nous aimons aller en vacances, faire du tourisme, je veux acheter une maison de campagne». Le luxe ainsi que le confort; et les enfant attendent et, lorsque tu veux en avoir un, il est déjà trop tard. Comme ça fait du mal, ça, eh! Je préfère une famille au visage épuisé par le don de soi, à une famille aux visages maquillés qui n’ont pas su ce qu’est la tendresse et la compassion. Je préfère un homme et une femme, Monsieur Aniceto et son épouse, aux visages ridés à cause des luttes quotidiennes qui, après plus de cinquante ans, continuent de s’aimer, et nous les voyons là; et leur fils a appris la leçon, il est marié depuis vingt-cinq ans. Voilà des familles! Lorsque j’ai demandé, il y a quelques instants, à Monsieur Aniceto et à son épouse qui a eu plus de patience que l’autre durant ces cinquante ans: «Nous deux, mon Père». Car en famille, pour réaliser ce qu’ils ont fait, il faut avoir de la patience, de l’amour, il faut savoir se SUITE À LA PAGE 17 numéro 7, jeudi 18 février 2016 L’OSSERVATORE ROMANO page 15 Collecte annuelle Le regard tourné vers la Terre Sainte Nous publions la lettre envoyée le 10 février dernier aux évêques du monde entier par le cardinal Leonardo Sandri et par S.Exc. Mgr Cyril Vasil’, respectivement préfet et secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales, à l’occasion de la collecte annuelle pour la Terre Sainte. Le Vendredi Saint est le jour où le mal semble vaincre, où l’Innocent a souffert la mort sur la croix; un jour qui ne paraît pas décliner sur la Terre Sainte qui continue à vivre un temps infini de violence. Si notre regard s’élargissait au monde entier, il ne réussirait également pas à donner des ailes à l’espérance d’un avenir serein. Le cœur de l’homme, inquiet et tourmenté, réclame lumière, vie, espérance; il veut marcher avec les autres, il cherche la fraternité et veut se remettre en chemin, il a besoin de voir au-delà de la réalité qui l’entoure, une réalité plus grande et plus vraie: le renouvellement éternel d’un salut déjà donné. La collecte du Vendredi Saint rallume en nous cette espérance sûre, ce regard profond et plus vrai sur le mal qui nous entoure, et se tourne vers la Terre Sainte, Orient de notre rédemption. Là, sont nos racines, là, est notre cœur: nous sommes débiteurs envers ceux qui, de là, sont partis annoncer la foi au monde; débiteurs envers ceux qui sont demeurés là, malgré les conflits qui l’ont tourmentée à témoigner la foi, à prendre soin des empreintes laissées par Jésus qui nous font toucher du doigt la vérité de notre credo. Cette Terre appelle notre charité, depuis toujours et aujourd’hui avec une urgence plus prégnante, parce que toute personne qui vit et travaille là a besoin de nos prières et de notre aide concrète pour être soutenue dans son engagement à panser les blessures tout en continuant à promouvoir la justice et à œuvrer pour la paix. En cette année jubilaire, nous sommes plus que jamais exhortés à manifester notre miséricorde et notre proximité à nos frères du MoyenOrient. Les réfugiés, les personnes âgées, les enfants et les malades ont besoin de nous. Dans cette terre d’Orient, on est tué, on meurt, on est enlevé, on vit dans l’angoisse pour les êtres chers, on souffre quand la famille est dispersée par l’émigration et par les exodes. On expérimente la peur de l’abandon, de la solitude et de l’incompréhension: temps d’épreuves et de défis, temps du martyre. Et tout cela se répercute sur le devoir d’aider, de faire face aux urgences, de reconstruire, de trouver des espaces, de nouveaux modes et des lieux d’agrégation ainsi que d’assistance. Œuvres de miséricorde, nécessaires et urgentes qui, quotidiennement Un camp de réfugiés en Jordanie font toucher du doigt que «si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain» (Ps 126). Le Vendredi Saint se vit accrochés à la Croix, mais soutenus par la lumière de la Résurrection. La Terre Sainte est le lieu du dialogue, habitée par des hommes qui n’arrêtent pas de songer à construire des ponts, dans laquelle vivent des communautés chrétiennes où l’Evangile de la paix est proclamé. Terre de l’«œcuménisme du sang» et en même temps, Terre d’une extraordinaire normalité. «Nous ne pouvons pas rester indifférents: Dieu n’est pas indifférent! Dieu s’intéresse à l’humanité, Dieu ne l’abandonne pas!» (Pape François). Cela s’exprime dans le geste de tendre la main pour offrir généreusement sa contribution et de ne pas avoir peur de continuer les pèlerinages aux Lieux Saints de notre salut, mais aussi de chercher à y visiter les écoles et les centres d’assistance, lieux privilégiés pour se faire proches des chrétiens locaux en écoutant leur témoignage. La collecte pour la Terre Sainte nous renvoie à un devoir «antique» que l’histoire de ces dernières années a rendu plus urgent, mais qui nous donne la joie d’aider nos frères. Je vous assure de la reconnaissance du Saint-Père François et de la Congrégation pour les Eglises orientales qui accompagne nos frères d’Orient d’un soin attentif, en vous demandant de l’étendre à tous les fidèles de votre Eglise particulière. Soutien aux Eglises et aux institutions La collecte pour la Terre Sainte est réglementée par des dispositions spécifiques qui en établissent l’assignation à la Custodie franciscaine en premier, qui est chargée du maintien des sanctuaires nés sur les Lieux Saints, ainsi que des structures pastorales, éducatives, d’assistance, médicales et sociales, qui permettent la vie des paroisses et des organismes ecclésiaux les plus divers qui les entourent, afin que des communautés vives et actives en constituent la sauvegarde la plus évangélique. Une contribution annuelle est allouée à l’assemblée des ordinaires de Terre Sainte, en vue de l’engagement indispensable de coordination et de promotion de la présence ecclésiale. Aux autres communautés ecclésiales catholiques, tant latines qu’orientales, des diverses traditions (Eglises patriarcales, métropolies, éparchies et exarchats; diocèses latins et vicariats apostoliques), ainsi qu’à de nombreuses familles religieuses masculines et féminines de grand mérite ont été assignées des contributions ordinaires et extraordinaires pour les mêmes finalités. Les territoires qui bénéficient sous diverses formes et de diverses natures d’un soutien provenant de la collecte sont: Jérusalem, la Palestine et Israël, Jordanie, Chypre, Syrie, Li- ban, Egypte, Ethiopie et Erythrée, Turquie, Iran et Irak. Parmi les subventions extraordinaires, figure la contribution à des institutions locales ecclésiastiques et civiles, pour des projets en faveur des besoins locaux et des projets de logements qui offrent aux jeunes foyers familiaux la possibilité de demeurer en Terre Sainte. Le montant total des subventions susmentionnées s’élève à 2.086.203,00 $ US. Un réseau scolaire étendu, en particulier à travers les paroisses, favorise un niveau de scolarisation vaste et qualifié, qui est très apprécié au niveau œcuménique et interreligieux, comme l’atteste le pourcentage important de fréquence de la part d’étudiants provenant d’autres Eglises et communautés ecclésiales chrétiennes et de la population musulmane. Le diocèse patriarcal de Jérusalem et la Custodie franciscaine assurent depuis longtemps un engagement admirable dans ce domaine, grâce à l’aide provenant de la collecte, qui est suivie par des organismes propres. Un secrétariat de solidarité a été mis en place, chargé de coordonner le soutien aux institutions scolaires gérées par les autres communautés catholiques et par les instituts religieux. L’une des prestigieuses institutions qui contribue dans une très grande mesure à la formation intellectuelle et humaine des jeunes est la BethlehemUniversity. La Congrégation pour les Eglises orientales offre une contribution annuelle importante à cette université. Le montant total des contributions pour les activités scolaires s’élève à 2.600.000,00 $ US. Grâce à la collecte, il est possible d’allouer des contributions aux séminaires, aux maisons de formation religieuses et aux institutions culturelles dans les territoires indiqués, en soutenant sous diverses formes (pour plusieurs d’entre elle à travers des bourses d’étude incluant les frais de logement et de nourriture, les frais universitaires et toute autre nécessité médicale) à Rome également, où étudient de jeunes séminaristes et prêtres, des religieux et religieuses et, selon les fonds disponibles, certains laïcs provenant de la région du Moyen-Orient, qui y retourneront, en particulier comme futurs formateurs. Au cours des dernières années, en raison de la délicate conjoncture économique internationale, s’est fait jour le problème d’un soutien particulier aux familles chrétiennes ellesmêmes; qui ont toujours plus de difficultés à garantir leur participation à la gestion administrative des écoles catholiques. Dans la mesure du possible une attention est réservée aux urgences et en 2015, des sommes ont été allouées pour la Syrie et l’Irak, avec une attention particulière pour les réfugiés de ces pays qui vivent en Jordanie et au Liban. Pour les diverses urgences ont été accordées des aides qui s’élèvent à 1.204.171,00 $ US. La Congrégation pour les Eglises orientales avec d’autres contributions offertes par l’Eglise universelle et par des bienfaiteurs individuels, et avec l’engagement louable des agences catholiques internationales, fournit des subventions ordinaires et extraordinaires à toutes les autres Eglises orientales catholiques du monde, tant dans leur pays d’origine que dans la diaspora. Au niveau de la formation, uniquement à Rome, elle contribue au soutien de l’institut pontifical oriental, institution académique supérieure avec ses deux facultés de sciences ecclésiastiques orientales et de droit canonique oriental, dont le cardinal-préfet du dicastère est le grand chancellier, et environ 400 étudiants dans les huit institutions de formation gérées directement par des bourses d’étude complètes, intervenant ensuite par des contributions partielles à des étudiants auprès d’autres structures culturelles. L’OSSERVATORE ROMANO page 16 Jeudi 28 janvier Messes à Sainte-Marthe Sans mesure Le thème du témoignage, entendu comme élément fondateur de la vie du chrétien, a été au centre de la réflexion du Pape François. Mais que doit caractériser ce témoignage? Le Pape a tiré la réponse directement de l’Evangile du jour, en reprenant le passage de Marc (4, 21-25), qui suit immédiatement la «parabole du grain». Jésus «nous parle de la lampe» qui n’est pas placée sous le boisseau, mais sur le lampadaire. Une lumière, a-t-il ajouté, qui ne peut être cachée, mais qui sert «pour illuminer». Voilà donc «l’un des traits du chrétien, qui a reçu la lumière dans le baptême et doit la donner». Le chrétien «est un témoin». Le mot «témoignage» renferme précisément «l’une des particularités des comportements chrétiens». En effet: «Un chrétien qui apporte cette lumière, doit la faire voir parce qu’il est un témoin». Et si un chrétien «préfère ne pas faire voir la lumière de Dieu et préfère ses propres ténèbres», alors «il lui manque quelque chose et ce n’est pas un chrétien complet». Une partie de lui est occupée, les ténèbres «entrent dans son cœur, parce qu’il a peur de la lumière» et il préfère «les idoles». Mais le chrétien «est un témoin», témoin de «Jésus Christ, lumière de Dieu. Et il doit placer cette lumière sur le candélabre de sa vie». Dans le passage évangélique proposé par la liturgie, on parle aussi «de la mesure» et on lit: «De la mesure dont vous mesurez, on mesurera pour vous, et on vous donnera encore plus». Voilà «l’autre particularité, l’autre attitude propre» au chrétien. Il est fait référence, en effet, à la magnanimité: «Un autre trait du chrétien est la magnanimité, parce qu’il est fils d’un père magnanime, à l’âme grande». Même lorsqu’il dit: «Donnez, et il vous sera donné», la mesure dont parle Jésus est «pleine, bonne, débordante». De la même façon, «le cœur chrétien est magnanime. Il est toujours ouvert». Et il a poursuivi: «Lorsque tu entres dans cette lumière de Jésus, quand tu entres dans l’amitié de Jésus, quand tu te laisses guider par l’Esprit Saint, le cœur devient ouvert, magnanime». Dès lors s’instaure une dynamique particulière: le chrétien «ne gagne pas, il perd». Mais en réalité, «il perd pour gagner autre chose, et avec cet “échec” d’intérêts, il gagne Jésus, il gagne en devenant témoin de Jésus». Pour traduire en termes concrets sa réflexion, François s’est alors adressé à un groupe de prêtres qui célébraient le jubilé d’or de leur ordination: «Cinquante ans sur la voie de la lumière et du témoignage» et, «en cherchant à être meilleurs, en cherchant à apporter la lumière sur le candélabre»; une lumière qui, telle est l’expérience de tous, «parfois tombe», mais qu’il est toujours bon de chercher à reproduire «généreusement, c’est-à-dire avec un cœur magnanime». Et, en remerciant les prêtres pour ce qu’ils ont fait «dans l’Eglise, pour l’Eglise et pour Jésus», et en leur souhaitant la «grande joie d’avoir bien semé, d’avoir bien illuminé et d’avoir ouvert les bras pour recevoir tous avec magnanimité», le Pape leur a également dit: «Seuls Dieu et votre mémoire savent combien de personnes vous avez reçues avec magnanimité, avec une bonté de pères, de frères» et «à combien de personnes qui avaient le cœur un peu obscur vous avez donné la lumière de Jésus». Parce que, a-t-il dit en concluant son raisonnement, «dans la mémoire d’un peuple» demeurent «la semence, la lumière du témoignage et la magnanimité de l’amour qui accueille». Vendredi 29 janvier Du péché à la corruption Une prière pour toute l’Eglise, afin qu’elle ne tombe jamais du péché à la corruption, a été reproposée par le Pape durant la Messe. En se référant à la première lecture — extraite du livre de Samuel (11, 1-4.5-10.13-17) — François a tout de suite fait remarquer: «Nous avons écouté ce péché de David, ce grave péché du saint roi David. Car David est saint, mais aussi pécheur, il a été pécheur». Le récit biblique, «nous fait voir un David un peu à son aise, un peu tranquille, pas dans le bon sens du terme». Si bien qu’«un jour, en fin d’après-midi, après la sieste, tandis qu’il faisait sa promenade sur la terrasse du palais, il voit cette femme et éprouve de la passion, la tentation de la luxure et tombe dans le péché». La femme était Bethsabée, femme d’Urie le Hittite. Il s’agit donc d’«un péché». Et Dieu «aimait beaucoup David». Par la suite, «les choses se sont compliquées car, après quelque temps, la femme lui fait savoir qu’elle est enceinte». Son mari «combattait pour le peuple d’Israël, pour la gloire du peuple de Dieu». Tandis que «David a trahi la loyauté de ce soldat pour la patrie, il a trahi la fidélité de cette femme à l’égard de son mari et est tombé très bas». Et «quand il a su que la femme était enceinte qu’a-t-il fait? Est-il allé prier, demander pardon?». Il a convoqué «le mari de la femme et l’a fait se sentir important». Et en le remerciant, «il lui a fait remettre un joli cadeau», en lui recommandant d’aller chez lui se reposer. De cette façon, David voulait couvrir l’adultère: ce fils aurait été le fils du mari de Bethsabée». Mais «cet homme, Urie était une personne noble d’esprit, il avait beaucoup d’amour et ne rentra pas chez lui: il pensa à ses compagnons, il pensa à l’arche de Dieu sous les tentes, parce qu’ils portaient l’arche, et passa la nuit avec ses compagnons, avec les serviteurs, et n’alla pas tout de suite chez sa femme». Ainsi, «quand l’on avertit David — car tout le monde connaissait l’histoire, les bruits courent — imaginez un peu!». Alors, «David l’invita à manger et à boire avec lui, en lui demandant — et ici le texte est un peu réduit — “mais pourquoi n’es-tu pas allé chez toi?”». Et la réponse de l’homme fut: «Pourrais-je me permettre, alors que mes compagnons sont sous les tentes, l’arche de Dieu est sous une tente, en lutte contre l’ennemi, d’aller chez moi manger, boire, et me reposer auprès de ma femme? Non! Je ne peux pas faire cela». Et ainsi «écrivit-il une lettre, comme nous l’avons entendu: “Mettez Urie au commandement, sur le front de la bataille la plus dure, puis écartez-vous de lui, afin qu’il soit frappé et meure”». En un mot, il s’agit d’une «condamnation à mort: cet homme, fidèle — fidèle à la loi, fidèle à son peuple, fidèle à son roi — est condamné à mort». «Je me demande en lisant ce passage: où est passé ce David, jeune homme courageux qui va vers le Philistin avec sa fronde et les cinq pierres et lui dit: “Ma force est le Seigneur”». La réalité est que «cet homme a changé, cet homme s’est ramolli». Et «il me vient à l’esprit un passage du prophète Ezéchiel, chapitre 16, verset 15, quand Dieu parle à son peuple comme un époux à sa femme, et dit: “Mais après que je t’ai donné tout cela, tu t’infatues de ta beauté et en profitant de ta réputation, tu t’es prostituée. Tu t’es sentie sûre et tu m’as oublié”». Et c’est précisément ce qui s’est passé avec David à ce moment-là». «C’est un moment dans la vie de David que nous pourrions appliquer à la nôtre: c’est le passage du péché à la corruption». Ici, «David commence, il fait le premier pas vers la corruption: il obtient le pouvoir, la force». C’est pour cela que «la corruption est un péché plus facile pour nous tous qui avons un pouvoir, que ce soit un pouvoir ecclésiastique, religieux, économique, politique». Mais «le Seigneur aimait tant David, tellement qu’il envoya quelqu’un refléter son âme: il envoya le prophète Nathan pour refléter son âme; et il s’est repenti, il a pleuré — “j’ai péché” — et il s’en rendit compte». «Je voudrais aujourd’hui souligner seulement cela: il y a un moment où l’habitude du péché ou un moment où notre situation est tellement sûre, où nous sommes bien vus et avons un grand pouvoir, beaucoup d’argent, je ne sais pas, tant de choses». Cela peut également «nous arriver à nous, prêtres: si bien que le péché cesse d’être péché et devient corruption. Le Seigneur pardonne toujours. Mais une jeudi 18 février 2016, numéro 7 des choses les plus laides de la corruption est que le corrompu n’a pas besoin de demander pardon, il ne le ressent pas». Le Pape a ensuite invité à prier: «Seigneur, sauve-nous, sauve-nous de la corruption. Pécheurs oui, Seigneur, nous le sommes tous, mais corrompus, jamais!». Lundi 1er février Il n’y a pas d’humilité sans humiliation Il n’y a pas d’humilité et il n’y a pas de sainteté sans passer à travers la voie de l’humiliation: telle est la vérité que François a reproposée, en rappelant l’histoire de David. «Dans la première lecture, on poursuit l’histoire du roi David, le saint roi David» (2 S 15, 13-14,30; 16, 5-13), a dit le Pape en se référant au passage tiré du second livre de Samuel. «Comme nous l’avons entendu l’autre jour, David est à un pas de tomber dans la corruption». Ainsi, «le saint roi David, pécheur mais saint, devient corrompu». Mais voilà que «le prophète Nathan, envoyé par Dieu», lui fait «comprendre quelle vilaine chose il avait faite, une mauvaise chose: car un corrompu ne s’en rend pas compte». Voilà les paroles de Nathan: «Le Seigneur pardonne ton péché, mais la corruption que tu as semée grandira. Tu as tué un innocent pour couvrir un adultère. L’épée ne s’éloignera jamais de ta maison». Donc, «Dieu pardonne le péché, David se convertit, mais les blessures d’une corruption guérissent difficilement. Nous le voyons dans de nombreuses parties du monde». «Dieu infligea un dur châtiment à David: “L’épée ne s’éloignera jamais de ta maison”», a rappelé le Pape. Mais «lui, il défend sa maison et s’enfuit, il s’en va». Est-ce alors «un lâche? Non, c’est un père». Et «il laisse l’arche repartir», il ne se met pas à «utiliser Dieu pour se défendre». En somme, David «s’en va pour sauver son peuple: telle est la route de sainteté que David, après le moment où il était entré dans la corruption, commence à parcourir». Ce passage biblique nous présente David alors qu’il gravit, en pleurant, la montée des Oliviers. Il avait «la tête voilée», en signe de deuil, et il marchait pieds nus. Il faisait pénitence. L’Ecriture nous fait également savoir que «certaines personnes qui ne l’aimaient pas, commencèrent à le suivre et à l’insulter». Parmi celles-ci se trouve Shiméï, qui l’appelle le «sanguinaire», lui rappelant «le crime qu’il avait commis contre Urie le Hittite pour couvrir son adultère». Abishaï, l’une des personnes les plus proches de David, «veut le défendre» et voudrait couper la tête à Shiméï pour le faire taire. Mais David accomplit «un pas de plus: “Si cet homme me maudit, c’est parce que le Seigneur lui a dit: maudis D avid!”». La question est que «David sait voir les signes: c’est le moment de son humiliation, c’est le moment où il paye sa faute». Au point qu’il dit: «Peut-être le SeiSUITE À LA PAGE 17 numéro 7, jeudi 18 février 2016 SUITE DE LA PAGE 16 gneur regardera-t-il mon affliction et me rendra-t-il le bien en échange de la malédiction d’aujourd’hui». En substance, «il se remet entre les mains du Seigneur: cela est le parcours de David, du moment de la corruption à cette remise entre les mains du Seigneur. Et cela est la sainteté. Cela est l’humilité». «L’humilité ne peut arriver à un cœur qu’à travers les humiliations: il n’y a pas d’humilité sans humiliations». Et «si tu n’es pas capable de supporter une humiliation dans ta vie, tu n’es pas humble. C’est ainsi: je dirais que c’est si mathématique, si simple!». C’est pourquoi, «l’unique voie pour l’humilité est l’humiliation». Donc, «l’objectif de David, qui est la sainteté, vient à travers l’humiliation». Même «l’objectif de la sainteté que Dieu offre à ses enfants, offre à l’Eglise, vient à travers l’humiliation de son Fils qui se laisse insulter, qui se laisse mettre sur la croix, injustement». Et «ce Fils de Dieu qui s’humilie, est la route de la sainteté: David, par son attitude, prophétise cette humiliation de Jésus». Jeudi 4 février Le meilleur héritage «La foi est le plus grand héritage qu’un homme puisse laisser». Et précisément la foi nous invite à «ne pas avoir peur de la mort», qui est seulement le début d’une autre vie. Tel est le point central de la réflexion proposée par le Pape. «Au cours de ces semaines, dans la liturgie, l’Eglise nous a fait réfléchir sur le saint roi David». Et «aujourd’hui, elle nous raconte sa mort» (2, 1-41012). «Dans un village du nord de L’OSSERVATORE ROMANO l’Italie», précisément «à l’entrée d’un cimetière, il y a écrit: “Toi qui passes ici, arrête ton pas, et penses à tes pas au moment de ton dernier pas”». Penser, donc: «C’est une lumière qui illumine la vie». Et «la vie de David a été une vie vécue avec intensité, puis quand il s’est senti sûr, il a commencé à pécher et il est presque, presque tombé dans la corruption». Mais David «s’est ensuite repenti, il a pleuré, il a péché une autre fois. C’est ainsi. Mais il a appris à demander pardon pour ses péchés. Et l’Eglise dit: le saint roi David. Pécheur, mais saint». «C’est une réalité que nous devons avoir toujours devant nous». «Lors de l’une des audiences du mercredi, il y avait parmi les malades une sœur âgée, mais avec un visage pacifique, un regard lumineux». François lui a demandé quel âge elle avait. Et la religieuse a répondu avec un sourire: «Quatre-vingt trois, mais je suis sur le point de finir mon parcours dans cette vie pour commencer l’autre parcours avec le Seigneur, car j’ai un cancer au pancréas». Et «ainsi, en paix, cette femme avait vécu avec intensité sa vie consacrée. Elle n’avait pas peur de la mort», au point de dire: «Je finis mon parcours de vie, et je vais commencer l’autre». Parce que la mort «est un passage» et «ces témoignages nous font du bien». «Lorsque l’on est sur le point de mourir, la coutume est de laisser un testament». C’est ce que fait David aussi en appelant «son fils Salomon». Et «que lui conseille-t-il? Que laisse-t-il en héritage à son fils?». Il lui dit: «Sois fort et montre que tu es un homme». En substance, David reprend ce que le Seigneur a dit à Moïse, à Josué: sois fort, sois un homme; observe la loi du Seigneur ton Dieu, en poursuivant sur ses voies et en accomplissant les lois, ses commandements, ses normes, l’instruction, comme il a écrit dans la loi de Moïse». David aussi «conseille cela» à Salomon. Et «que lui laisse-t-il en héritage? Il lui laisse un royaume, un royaume fort». Mais «il laisse autre chose, qui est l’héritage plus beau et plus grand qu’un homme ou une femme puisse laisser à ses enfants: il lui laisse sa foi». Et «David fait mémoire des promesses de Dieu, fait mémoire de sa foi dans ces promesses et les rappelle à son fils: laisser sa foi en héritage». «Quand, dans le rite du baptême, nous donnons la bougie allumée, la lumière de la foi, nous disons: “Garde-la, conserve-la, fais-la croître dans ton fils et dans ta fille, et laisse-la en héritage”». Donc, «laisser la foi comme héritage: c’est ce que nous enseigne David. Et il meurt ainsi, simplement, comme tout homme». Dans cette perspective, «nous demandons au Seigneur deux choses». Avant tout, de «ne pas avoir peur de ce dernier pas, comme la sœur de l’audience de mercredi». Et la deuxième chose à demander au Seigneur est «que nous puissions tous laisser, avec notre vie, comme meilleur héritage, la foi dans ce Dieu fidèle, ce Dieu qui est toujours à nos côtés, ce Dieu qui est Père et qui ne déçoit jamais». Vendredi 5 février Diminuer, diminuer, diminuer Jean-Baptiste, «le plus grand des prophètes», nous enseigne une règle fondamentale de la vie chrétienne: nous faire petits avec humilité pour que ce soit le Seigneur qui grandisse. C’est le «style de Dieu», différent du «style des hommes». Marc, dans le passage évangélique d’aujourd’hui (6, 14-29), écrit «que les gens parlaient de Jésus parce que “son nom était devenu célèbre”». En somme, «tous parlaient» et se demandaient qui il était vraiment. Messe avec les familles au Mexique SUITE DE LA PAGE 14 pardonner. «Mon Père, une famille parfaite ne se dispute jamais». Ce n’est pas vrai, il faut que vous vous disputiez de temps en temps et que quelque vaisselle vole; c’est normal, n’ayez pas peur de cela. L’unique conseil, c’est que vous ne terminiez pas la journée sans faire la paix, car si vous terminez la journée en guerre, vous vous réveillerez en guerre froide, et la guerre froide est très dangereuse en famille, parce qu’elle sape par-dessous les rides de la fidélité conjugale. Merci pour le témoignage de vous aimer pendant plus de cinquante ans. Merci beaucoup! Et parlant de rides — pour changer un peu de thème — je me souviens du témoignage d’une grande actrice — actrice latino-américaine du cinéma — lorsque à presque 60 ans, elle commence à avoir un visage ridé et on lui a conseillé un «nettoyage», «un petit nettoyage» pour pouvoir continuer à bien travailler; sa réponse a été claire: «Ces rides m’ont coûté beaucoup de tra- vail, beaucoup d’effort, beaucoup de douleur et une vie pleine, même dans le rêve je ne veux pas m’en débarrasser, ce sont les traces de mon histoire». Et elle a continué à être une grande actrice. Il se passe la même chose dans le mariage. La vie matrimoniale doit se renouveler tous les jours. Et comme je l’ai dit auparavant, je préfère des familles ridées, avec des blessures, avec des cicatrices mais qui continuent d’aller de l’avant, parce que ces blessures, ces cicatrices, ces rides sont le fruit de la fidélité d’un amour qui ne leur pas été toujours facile. L’amour n’est pas facile, il n’est pas facile, non, mais c’est la plus belle chose qu’un homme et une femme puissent se donner l’un à l’autre, le vrai amour, pour toute la vie. Vous m’avez demandé de prier pour vous et je voudrais commencer à le faire maintenant même.. Chers Mexicains, vous avez un atout, vous avez un avantage. Vous avez une mère; la Guadalupana, la Guadalupana a voulu visiter cette terre et cela nous donne la certitude de bénéficier de son intercession pour que ce rêve appelé famille ne se perde pas à cause de la précarité et de la solitude. Elle est mère et elle est toujours prête à défendre nos familles, à défendre notre avenir, elle est toujours prête à «mettre de l’enthousiasme», en nous donnant à son Fils. Voilà pourquoi je vous invite, comme vous êtes, sans bouger beaucoup, à vous tenir par les mains et à lui dire ensemble: «Je vous salue Marie...». Et n’oublions pas saint Joseph, silencieux, travailleur, mais toujours au front, protégeant la famille. Merci, que Dieu vous bénisse; et priez pour moi. Et maintenant, je voudrais vous exhorter, dans ce cadre de fête familiale, à ce que les couples ici présents, en silence, renouvellent les promesses faites lors de leurs mariages. Et ceux qui sont fiancés, qu’ils demandent la grâce d’une famille fidèle et pleine d’amour. En silence, renouveler les promesses faites lors du mariage, et les fiancés demander la grâce d’une famille fidèle et pleine d’amour. page 17 Alors que le roi Hérode, écrit toujours Marc, était «craintif, angoissé», également parce qu’il était «hanté par le fantôme de Jean» qu’il avait fait tuer. C’est précisément «dans ce cadre que l’évangéliste raconte la fin de Jean-Baptiste, “le plus grand homme né d’une femme” comme le dit la formule de canonisation». Et «cette formule ce n’est pas le Pape qui l’a dite: Jésus l’a dite!». Vraiment, Jean «est le plus grand homme né d’une femme, le saint le plus grand: Jésus l’a canonisé ainsi». Mais Jean «finit en prison, décapité». Et «la dernière phrase» du passage évangélique d’aujourd’hui semble également contenir une note de «résignation»: «Les disciples de Jean l’ayant appris, vinrent prendre son cadavre et le mirent dans un tombeau». Et c’est ainsi que «finit “le plus grand homme né d’une femme”: un grand prophète, le dernier des prophètes, le seul auquel il a été permis de voir l’espérance d’Israël». Oui, «le grand Jean qui a appelé à la conversion: tout le peuple le suivait et lui demandait “que devonsnous faire?”». Il était aussi suivi par «les soldats, tous allaient à sa suite pour se faire baptiser, demander pardon, au point que les docteurs de la loi sont allés lui poser une question: “Es-tu celui que nous attendons?». La réponse de Jean est claire: «Non, non: ce n’est pas moi. Il y en a un autre qui vient après moi: c’est lui. Je suis seulement la voix qui crie dans le désert». Vraiment, «Jean est grand». Grand quand il dit ne pas être celui qui est attendu: en particulier «cette phrase est son destin, son programme de vie: “Lui, celui qui vient après moi, doit grandir; moi, en revanche, diminuer”». C’est précisément «ainsi qu’a été la vie de Jean: diminuer, diminuer, diminuer et finir de cette manière si prosaïque, dans l’anonymat». Voilà, Jean a été «un grand qui n’a pas cherché sa propre gloire, mais celle de Dieu». Mais cela ne finit pas là. Jean «a aussi souffert en personne de la torture intérieure du doute». Au point qu’«il a envoyé ses disciples demander à Jésus: “Dis la vérité: est-ce toi qui dois venir?”». Evidemment, «ce doute le faisait souffrir» et il se demandait: «Me suis-je trompé en annonçant celui qui n’est pas? Ai-je trompé le peuple?”». Grande a été «la souffrance, la solitude intérieure de cet homme». C’est ainsi que reviennent, dans toute leur force, ses paroles: «Moi, en revanche, je dois diminuer, mais diminuer ainsi: dans l’âme, dans le corps, dans tout». Au doute de Jean, «Jésus répondit: “Regarde ce qui arrive”. Et il a confiance, il ne dit pas: “C’est moi”. Il dit: “Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu”. Il donne aussi des signes, et il le laisse seul avec le doute et l’interprétation des signes». Voilà, «il est le grand prophète». Mais, toujours à propos de Jean, «il y a une dernière chose qui nous laisse à penser: avec ce comportement de “diminuer” pour que le Christ puisse “grandir”, il a préparé la route à Jésus. Et Jésus mourut dans l’angoisse, seul, sans les disciples». La «grande gloire» de Jean est donc d’avoir été «prophète non seulement dans ses paroles, mais dans sa chair: à travers sa vie, il a préparé la route à Jésus. C’est un grand homme!». L’OSSERVATORE ROMANO page 18 jeudi 18 février 2016, numéro 7 Collège épiscopal Nominations Le Saint-Père a nommé: 27 janvier le p. ADILSON PEDRO BUSIN, C.S., membre de la Congrégation des missionnaires de Saint-Charles (scalabriniens) jusqu’à présent vicaire régional de la région d’Amérique du Sud avec siège à Porto Alegre: évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Porto Alegre (Brésil) lui assignant le siège épiscopal de Guardialfiera (Italie). Né le 20 mai 1965 à Sarandi, dans l’archidiocèse de Passo Fundo, dans l’Etats de Rio Grande do Sul (Brésil), il a étudié la philosophie à l’université de Caxias do Sul (19861987) et la théologie à l’institut de théologie de São Paulo (1989-1993). Il a obtenu ensuite une licence en sciences de l’éducation à l’université pontificale salésienne de Rome (1996-1999). Il a effectué sa profession religieuse chez les missionnaires scalabriniens le 31 mai 1992 et a été ordonné prêtre le 9 janvier 1993. Dans sa congrégation, il a été animateur vocationnel et recteur du petit séminaire à Ciudad del Este, au Paraguay (1992-1995); maître des novices à Porto Alegre (2001-2007) et supérieur provincial (2007-2013). Il est actuellement vicaire de la région d’Amérique du Sud, président de l’association scalabrinienne pour le service des migrants et maître des novices. 28 janvier le p. JOSÉ HIRAÍS ACOSTA BELTRÁN, administrateur diocésain de Huejutla (Mexique): évêque de Huejutla (Mexique). Né le 22 septembre 1966 à Pezmatlán, dans l’Etat de Hidalgo (Mexique), il a effectué des études ecclésiastiques au séminaire régional de Nuestra Señora de Guadalupe à Tula et a obtenu une licence de philosophie à l’université pontificale de Mexico. Ordonné prêtre pour le diocèse de Huejutla le 11 juin 1993, il a été vicaire paroissial, vice-recteur du petit séminaire, professeur et formateur au grand séminaire, défenseur du lien au tribunal diocésain, membre du collège des consulteurs et administrateur du diocèse. Mgr LUIGI MANSI, du clergé du diocèse de Cerignola-Ascoli Satriano (Italie), jusqu’à présent président national de l’Union apostolique du clergé: évêque d’Andria (Italie). Né à Cerignola, dans la province de Foggia (Italie), le 6 mai 1952, il a reçu l’ordination sacerdotale le 29 juin 1975, et a été incardiné dans le diocèse de Cerignola-Ascoli Satriano. Il a été vice-directeur du séminaire épiscopal de Foggia, recteur du séminaire diocésain de CerignolaAscoli Satriano, responsable de la pastorale des vocations, directeur et professeur des vocations, directeur et professeur de matières théologiques à l’institut diocésain des sciences religieuses et à l’institut supérieur de sciences religieuses de l’université pontificale du Latran, enseignant de religion catholique, cérémoniaire épiscopal, curé du sanctuaire de la bienheureuse Vierge de Ripalta. En outre, de 1995 à 2006, il a été curé de San Rocco à Stornara et de 2006 à 2014, directeur spirituel du séminaire pontifical régional Pie XI de Molfetta. Depuis 1998, il est assistant diocésain unitaire de l’Action catholique. Depuis 2011, il est vicaire épiscopal pour la pastorale et membre du conseil épiscopal, du conseil presbytéral et du collège des consulteurs. Depuis 2013, il est également président national de l’Union apostolique du clergé. pour la formation dans la région d’Amérique latine (2006); assistant du maître des novices au noviciat international des Missionnaires oblats de Marie Immaculée Mauricio Lefebvre à Asunción, au Paraguay (2008-2011). Il était actuellement vicaire épiscopal du vicariat III de l’archidiocèse de Huancayo, curé de San Francisco de Asís à Orcotuna et d’El Señor de la Ascensión à Mito, archidiocèse de Huancayo, et coordinateur de la commission justice et paix et intégrité de la création de la délégation des Missionnaires oblats de Marie Immaculée au Pérou. 30 janvier le père VIRGILIO D O CARMO DA SILVA, S.D.B., provincial des salésiens au Timor oriental: évêque du diocèse de Dili (Timor oriental). Né le 27 novembre 1967 à Venilale, dans le diocèse de Baucau (Timor oriental), après avoir fréquenté les écoles primaires et secondaires des salésiens à Fatumaca, il est entré dans la Société salésienne de saint Jean Bosco. Envoyé à Manille pour étudier la philosophie et la théologie, il a prononcé sa première profession chez les salésiens le 31 mai 1990 et la profession perpétuelle le 19 mars 1997. Ordonné prêtre le 18 décembre 1998, il a été formateur des novices (1999-2004), économe de la maison de formation à Venilale et vicaire paroissial (2004-2005). De 2005 à 2007, il a accompli ses études à Rome, obtenant une licence en spiritualité à l’université pontificale salésienne. Il a ensuite été maître des novices (2007-2014) et directeur de la maison des salésiens et de la Don Bosco Technical High School à Fatumaca (2009-2014). Depuis 2015, il est provincial des salésiens. le père CARLOS ALBERTO SALCED O OJEDA, O.M.I., jusqu’à présent vicaire épiscopal et curé de San Francisco de Asís et de El Señor de la Ascensión dans l’archidiocèse de Huancayo (Pérou): évêque titulaire de Mattiana et auxiliaire de l’archidiocèse de Huancayo (Pérou). Il est né le 25 novembre 1960 à Comas, à cette époque archidiocèse de Lima et actuellement diocèse de Carabayllo au Pérou. Il a émis ses premiers vœux dans la congrégation des Missionnaires oblats de Marie Immaculée le 3 février 1989 et ses vœux solennels le 30 août 1993. Il a suivi des études de philosophie et de théologie à l’institut d’études supérieures Juan XXIII de Lima. Il a été ordonné prêtre le 6 janvier 1996. Après son ordination, il a exercé les fonctions suivantes: vicaire paroissial de San Juan, dans l’archidiocèse de San Juan à Porto Rico (1996); vicaire paroissial de Nuestra Señora de la Paz à Comas, dans le diocèse de Carabayllo (1997-1999); curé de San Francisco de Asís à Orcotuna et d’El Señor de la Ascensión à Mito, archidiocèse de Huancayo (2000-2004); conseiller de la délégation des missionnaires oblats de Marie Immaculée au Pérou (2005-2008); directeur du pré-noviciat San Eugenio Mazenod des Missionnaires oblats de Marie Immaculée à Lima (2006-2007); secrétaire de l’équipe des Missionnaires oblats de Marie Immaculée 2 février Mgr ROBERT BOURGON, jusqu’à présent vicaire général du diocèse de Sault Sainte Marie (Canada): évêque du diocèse de Hearst (Canada) et administrateur apostolique du diocèse de Moosonee. Né le 10 mars 1956 à Sudbury (Canada), après des études primaires et secondaires à Creighton Mine et au St. Charles College de Sudbury, il s’est inscrit à la Queen’s University et à la Western University, où il a obtenu un baccalauréat en psychologie et en philosophie. Il est ensuite entré au séminaire St. Peter de London, et à la Saint Paul University (Ottawa), où il a obtenu un master of divinity et un doctorat en droit canonique. Il a été ordonné prêtre le 8 mai 1981 pour le diocèse de Sault Sainte Marie. Après l’ordination, il a été vicaire de la paroisse Holy Name of Jesus et assistant de la pro-cathédrale de North Bay (1981-1983); curé de St. Bartholomew de Levaci (19861992); curé de St. François-Xavier de Cartier (1988-1996). Depuis 1996, il était à nouveau curé des paroisses de Levaci, Cartier et de Bowling, fusionnées entre elles, et d’O naping, dans la région de Sudbury. A côté de l’activité pastorale, il a également accompli des fonctions administratives et curiales: de 1984 à 1986, il a été «prêté» aux diocèses de London et à l’arcidiocèse de Kingston pour réorganiser les tribunaux diocésains. En 1990, il est entré au collège des consulteurs. En 1998, il a été nommé vicaire judiciaire de Sault Sainte Marie et vicaire judiciaire adjoint du tribunal régional de Toronto. En 2000, il a été nommé également vicaire épiscopal pour les matières spirituelles et en 2011 chancelier. Depuis le 17 april 2012, il était vicaire général du diocèse de Sault-SainteMarie. le père CHRISTUDAS RAJAPPAN, recteur du St. Vincent’s Seminary de l’archidiocèse de Trivandrum des Latins (Inde): auxiliaire de l’archidiocèse de Trivandrum des Latins (Inde), lui assignant le siège titulaire épiscopal d’Avitta Bibba. Né le 25 novembre 1971 à Adimalathura, dans l’archidiocèse de Trivandrum des latins (Inde), il a complété ses études de philosophie et de théologie au Papal Seminary à Poona, puis a obtenu un doctorat en missiologie à l’université pontificale urbanienne de Rome. Il a été ordonné prêtre le 25 novembre 1998 pour l’archidiocèse de Trivandrum des latins. Après son ordination sacerdota- le, il a occupé les fonctions suivantes: administrateur paroissial de St. Nicholas Church, Neerody (19981999); secrétaire de l’évêque et aumônier du Jubilee Memorial Hospital & Catholic Hostel (1999-2001); directeur du Kerala Catholic Youth Movement (Kcym), Trivandrum (2000-2003); aumônier du Catholic Hostel (2001-2007); curé de la St. Magdalene Church, Parthiyoor (2002-2004). De 2004 à 2009, il a suivi des études de doctorat à Rome. Il a ensuite été directeur spirituel et professeur au St. Joseph’s Pontifical Seminary, Alwaye (2010-2013). Depuis 2013, il est recteur du St. Vincent’s Seminary, Menamkulam, directeur du Board of Clergy & Religious et curé de St. Thomas Aquinas Church, Kochuthura. 5 février Mgr GIUSEPPE FAVALE, du clergé du diocèse de Castellaneta, jusqu’à présent directeur spirituel du séminaire pontifical régional des Pouilles (Italie): évêque de Conversano-Monopoli (Italie). Né à Palagiano, dans la province de Tarante et le diocèse de Castellaneta (Italie), le 29 février 1960, il a étudié la théologie au séminaire régional de Molfetta. Il a été ordonné prêtre le 6 juillet 1985 pour le clergé du diocèse de Castellaneta. Par la suite, il a fréquenté l’université pontificale du Latran, où il a obtenu en 2005 une maîtrise in utroque iure. De 1983 à 2000, il a été cérémonier épiscopal. A partir de 1988, il a été premier vicaire, puis curé de la cathédrale, de 2003 à 2011. Après avoir été chancelier de la curie de 1989 à 1997, il a été vicaire judiciaire de 2004 à 2010 et vicaire général de 1997 à 2011. Depuis 2011, il était directeur spirituel au séminaire régional des Pouilles Pie XI de Molfetta et délégué pour le clergé jeune du diocèse de Castellaneta. Au cours de la vacance de ce siège, en 2013 il a été élu administrateur diocésain. 6 février le père MANUEL EUGENIO SALAZAR MORA, du clergé de l’archidiocèse de San José de Costa Rica, jusqu’à présent curé de la paroisse San Jerónimo à Moravia (Costa Rica): évêque de Tilarán-Liberia (Costa Rica). Né à Guadalupe, dans l’archidiocèse de San José de Costa Rica (Costa Rica), le 9 octobre 1958, il a suivi des études de philosophie et de théologie au grand séminaire national et a obtenu une licence en théologie fondamentale à l’université pontificale grégorienne à Rome. Ordonné prêtre le 4 décembre 1982 pour l’archidiocèse de San José de Costa Rica, il a été vicaire de la paroisse San Juan à Tibás, administrateur de la paroisse San Ramón Nonato, directeur du département pour l’éducation religieuse de la Conférence épiscopale, directeur du séminaire propédeutique, recteur du grand séminaire national, vicaire épiscopal archidiocésain pour la pastorale prophétique, recteur du sanctuaire national Sagrado Corazón de Jesús, curé de Medalla Milagrosa à L’OSSERVATORE ROMANO numéro 7, jeudi 18 février 2016 San José et, depuis 2014, curé de San Jerónimo à Moravia. le père DUNCAN THEOD ORE TSOKE, vicaire général de l’archidiocèse de Johannesburg (Afrique du Sud) et curé: auxiliaire de l’archidiocèse de Johannesburg (Afrique du Sud), lui assignant le siège titulaire épiscopal d’O rreacelia. Né le 15 avril 1964 à Daveyton, dans l’archidiocèse de Johannesburg (Afrique du sud), il a étudié la philosophie au grand séminaire de Hammanskraal à Pretoria (19881990) et la théologie au grand séminaire national de Saint John Marie Vianney (1991-1994). Il a obtenu un diplôme en gestion des biens ecclésiastiques (2010) à Nairobi, au Kenya. Ordonné prêtre le 2 décembre 1995 pour l’archidiocèse de Johannesburg, il a été vicaire paroissial de Saint Francis of Assisi de Yeoville, à Johannesburg, et responsable de la pastorale des jeunes (1995-1999); formateur et professeur de spiritualité au séminaire Saint Peter de Garsfontein, à Pretoria (1999-2000); vicaire épiscopal pour l’évangélisation, assistant vicaire pour la pastorale des vocations (2000-2009) et, dans le même temps, curé de Saint Albert à Vosloorus et de la Sainte-Famille à Ponong, Johannesburg (2000-2004), administrateur paroissial de Saint Anthony Pucci (2006-2007). Depuis 2009, il était vicaire général de l’archidiocèse et curé de la SainteFamille à Turffontein. 8 février le père SHOROT FRANCIS GOMES, vicaire général de l’archidiocèse de Dhaka (Bangladesh): auxiliaire de Dhaka (Bangladesh), lui assignant le siège titulaire épiscopal de Forma. Né le 15 décembre 1965 à Hashnabad, dans l’archidiocèse de Dhaka (Bangladesh), après ses études primaires et secondaires à l’école Holy Cross de Bandura, il est entré au petit séminaire Little Flower de la capitale. Il a poursuivi sa formation au séminaire intermédiaire Saint Joseph et a obtenu un diplôme en art au Notre-Dame College à Dhaka. En 1984, il est entré au grand séminaire Holy Spirit pour compléter ses études de philosophie et de théologie et a été ordonné prêtre le 31 mai 1990 pour le clergé de l’archidiocèse. Jusqu’en 1994, il a été vicaire paroissial de la cathédrale de Dhaka et de Nagari Church, puis recteur du petit séminaire Little Flower (1994-1998). Après avoir passé quatre ans à Rome pour compléter un doctorat en théologie morale à l’Alfonsianum, il est rentré au Bangladesh, où il est devenu vicaire paroissial de Nagari et Tejgaon Church (2002-2005). Il a ensuite été vice-recteur (2005-2009) et recteur (2009-2012) du grand séminaire Holy Spirit, puis vicaire général du nouveau diocèse de Sylhet (2012-2015). Depuis 2016, il était vicaire général de l’archidiocèse de Dhaka. 9 février S.Exc. Mgr MIGUEL ÁNGEL MORÁN AQUINO: évêque du diocèse de Santa Ana (Salvador), le transférant du siège de San Miguel. Né le 25 mai 1955 à Esquipulas, dans le diocèse de Santa Ana (Salvador), il est entré en 1967 au petit séminaire diocésain. Il a reçu une formation en philosophie à Santa Ana et en théologie au grand séminaire San José de la Montaña. Ordonné prêtre le 5 décembre 1981, il a obtenu une licence en théologie à l’université pontificale Antonienne. Il a été curé de Santa Bárbara à Santa Ana (1986-1988), de San Andrés à Apaneca et préfet des études au grand séminaire (1988-1990), curé pendant six mois de la cathédrale métropolitaine, curé de San Miguelito à Santa Ana (1990-1996). Il était vice-recteur du grand séminaire quand, le 19 juillet 2000, il a été nommé évêque de San Miguel. Il a reçu l’ordination épiscopale le 2 septembre suivant. Au sein de la Conférence épiscopale, il est délégué auprès du CELAM et responsable de l’institut de sécurité sociale du clergé. 10 février Mgr LAURO TISI, du clergé de l’archidiocèse métropolitain de Trente (Italie), jusqu’à présent vicaire général: archevêque métropolitain de Trente (Italie). Né à Giustino, Trente (Italie), le 1er novembre 1962, il a suivi des études études classiques au lycée du collège archiépiscopal comme élève du petit séminaire, poursuivant ses études de théologie au séminaire diocésain de Trente. Ordonné prêtre le 26 juin 1987, jusqu’en 1988 il a été vicaire à Levico Terme; de 1988 à 1995, il a été vice-recteur du séminaire de Trente; de 1995 à 2007, il a été père spirituel et délégué pour les jeunes prêtres. En 2007, il a été nommé vicaire général et modérateur de la curie de l’archidiocèse. En tant que responsable épiscopal, il a soutenu les activités de la communauté des sœurs camilliennes à hôpital Saint-Camille de Trente. CARBONI, le père ROBERTO O.F.M.CONV., secrétaire général pour la formation dans son ordre: évêque d’Ales-Terralba (Italie). Né le 12 octobre 1958 à Scano Montiferro, dans la province d’O ristano et le diocèse d’Alghero-Bosa (Italie), il est entré au séminaire des frères mineurs conventuels de Sassari, et s’est ensuite transféré au collège San Francesco à Oristano, où il a obtenu son baccalauréat. En 1977, il a commencé son noviciat au couvent de la basilique Saint-Antoine à Padoue. Il a étudié la philosophie au séminaire Saint-Maxime docteur à Padoue et la théologie à la faculté de théologie Saint-Bonaventure à Rome. Le 27 juin 1982, il a émis sa profession perpétuelle et le 29 sep- L’OSSERVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt GIOVANNI MARIA VIAN directeur Giuseppe Fiorentino vice-directeur Jean-Michel Coulet rédacteur en chef de l’édition Cité du Vatican [email protected] www.osservatoreromano.va Rédaction tembre 1984, il a été ordonné prêtre. En 1986, il a obtenu une licence en psychologie à l’université pontificale grégorienne. Depuis 1989, il est inscrit à l’ordre des psychologues et psychothérapeutes de Sardaigne. Il a collaboré à la revue «Fraternità», dont il a été directeur, et est devenu journaliste à partir de 1997. De 1985 à 1992, il a été directeur spirituel au Centre national d’orientation des vocations au Saint couvent d’Assise; de 1991 à 1993, professeur de psychologie à l’institut de théologie d’Assise; de 1993 à 1994, vicaire de Saint-François d’Assise à Cagliari; de 1994 à 1999, recteur du postulandat franciscain au collège Saint-François d’Oristano; de 1994 à 2001, secrétaire et vicaire provincial, ainsi que professeur de psychologie à la faculté pontificale de théologie de Sardaigne. De 2001 à 2013, il a été, avec les frères des Marche, missionnaire à Cuba, où il a été directeur spirituel du séminaire interdiocésain, professeur de psychologie, recteur des postulants et recteur de l’église SaintFrançois à La Havane. Depuis 2013, il était secrétaire général pour la formation de son ordre. page 19 bre du centre padouan de la communication sociale, président du conseil d’administration du mouvement apostolique diocésain, assistant de la consulte des groupes laïcs de Padoue et des Trois Vénéties. Démissions Le Saint-Père a accepté la démission de: 29 janvier S.Exc. Mgr RAFFAELE CALABRO, qui avait demandé à être relevé de la charge pastorale du diocèse d’Andria (Italie), conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. 2 février S.Exc. Mgr VINCENT CADIEUX, O.M.I., qui avait demandé à être relevé de la charge d’évêque de Moosonee et Hearst (Canada), diocèses unis in persona Episcopi, conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. 5 février Mgr RENATO MARANGONI, du clergé du diocèse de Padoue, jusqu’à présent vicaire épiscopal pour la pastorale du diocèse de Padoue (Italie): évêque de Belluno-Feltre (Italie). Né à Crespano del Grappa, dans la province de Trévise et le diocèse de Padoue (Italie), le 25 mai 1958, il est entré au petit séminaire de Thiene en 1969. Après des études de théologie au séminaire épiscopal de Padoue, il a fréquenté l’université pontificale grégorienne, obtenant un doctorat en théologie. Ordonné prêtre le 4 juin 1983 à Padoue, il a été vicaire paroissial du Carmine à Padoue (1983-1985) et à San Gregorio Barbarigo à Rome (1985-1987); assistant à Villa Nazareth (1987-1992); assistant au petit séminaire à Tencarola di Salvazzano Dentro et coopérateur dans la paroisse de San Bartolomeo in Gallio, à Padoue (1993- 1995); vice directeur au collège Gregorianum de Padoue et coopérateur dans la paroisse Sant’Andrea in Pontelongo (1995-2005); secrétaire de la commission pour la formation permanente du clergé (2000-2003); délégué épiscopal pour la pastorale familiale et président de la commission pour la famille, (2001-2008); modérateur du conseil presbytéral diocésain (20032008). Il a été vice-directeur de l’institut San Luca pour la formation permanente du clergé (2003-2012). Depuis 2008, il était vicaire épiscopal pour l’apostolat des laïcs et chanoine honoraire du chapitre de la cathédrale, depuis 2013, membre de droit du conseil presbytéral diocésain et président délégué du conseil pastoral diocésain, et depuis 2015, vicaire pour la pastorale. En 2012, il a été secrétaire du deuxième congrès ecclésial des Trois Vénéties à Aquileia. Il est directeur de la coordination diocésaine de pastorale, mem- TIPO GRAFIA VATICANA EDITRICE L’OSSERVATORE ROMANO don Sergio Pellini S.D.B. directeur général Service photo: [email protected] Agence de publicité Il Sole 24 Ore S.p.A, System Comunicazione Pubblicitaria via del Pellegrino, 00120 Cité du Vatican Via Monte Rosa, 91, 20149 Milano téléphone + 39 06 698 99400 fax + 39 06 698 83675 [email protected] S.Exc. Mgr D OMENICO PAD OVANO, qui avait demandé à être relevé de la charge du diocèse de ConversanoMonopoli, conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. 6 février S.Exc. Mgr VITTORINO GIRARDI STELLIN, M.C.C.J., qui avait demandé à être relevé de la charge du diocèse de Tilarán-Liberia (Costa Rica), conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. 9 février S.Exc. Mgr ROMEO TOVAR ASTORGA, O.F.M., qui avait demandé à être relevé de la charge du diocèse de Santa Ana (Salvador), conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. 10 février S.Exc. Mgr LUIGI BRESSAN, qui avait demandé à être relevé de la charge de l’archidiocèse métropolitain de Trente (Italie), conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. S.Exc. Mgr GIOVANNI DETTORI, qui avait demandé à être relevé de la charge du diocèse d’Ales-Terralba (Italie), conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. S.Exc. Mgr GIUSEPPE ANDRICH, qui avait demandé à être relevé de la charge du diocèse de Belluno-Feltre (Italie), conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. S.Exc. Mgr GUID O FIANDINO, évêque titulaire d’Aleria, qui avait demandé à être relevé de la charge d’auxiliaire du diocèse de Turin (Italie), conformément au canon 401 § 1 du C. de D.C. Abonnements: Italie, Vatican: 58,00 €; Europe: 100,00 € 148,00 $ U.S. 160,oo FS; Amérique latine, Afrique, Asie: 110,00 € 160,00 $ U.S. 180,00 FS; Amérique du Nord, Océanie: 162,00 € 240,00 $ U.S. 260,00 FS. Renseignements: téléphone + 39 06 698 99489; fax + 39 06 698 85164; courriel: [email protected] Belgique: Editions Jésuites 7, rue Blondeau 5000 Namur (IBAN: BE97 0688 9989 0649 BIC: GKCCBEBB); téléphone o81 22 15 51; fax 081 22 08 97; [email protected] France: Bayard-Ser 14, rue d’Assas, 75006 Paris; téléphone + 33 1 44 39 48 48; [email protected] - Editions de L’Homme Nouveau 10, rue de Rosenwald 75015 Paris (C.C.P. Paris 55 58 06T); téléphone + 33 1 53 68 99 77 [email protected]. Suisse: Editions Saint - Augustin, casepostale 51, CH - 1890 Saint-Maurice, téléphone + 41 24 486 05 04, fax + 41 24 486 05 23, [email protected] - Editions Parole et Silence, Le Muveran, 1880 Les Plans sur Bex (C.C.P. 17-336720-5); téléphone + 41 24 498 23 01; [email protected] Canada et Amérique du Nord: Editions de la CECC (Conférence des Evêques catholiques du Canada) 2500, promenade Don Reid, Ottawa (Ontario) K1H 2J2; téléphone 1 800 769 1147; [email protected] L’OSSERVATORE ROMANO page 20 jeudi 18 février 2016, numéro 7 Les sœurs carmélites de Sainte-Thérèse de Florence sont présentes dans les favelas au Brésil Message pour la campagne de fraternité au Brésil Nous sommes tous responsables de la maison commune Un appel «à s’engager à travers des politiques publiques et des attitudes responsables qui garantissent l’intégrité et l’avenir de notre maison commune» a été lancé par François dans le traditionnel message aux fidèles du Brésil — rendu public le 11 février — à l’occasion de la campagne de fraternité pour le Carême. Nous en publions une traduction ci-dessous: Chers frères et sœurs du Brésil! Dans sa grande miséricorde, Dieu ne se lasse jamais de nous offrir sa bénédiction et sa grâce et de nous inviter à la conversion et à la croissance dans la foi. Au Brésil, depuis 1963, au cours du Carême se déroule la Campagne de fraternité. Elle propose chaque année une motivation communautaire pour la conversion et un changement de vie. En cette année 2016, la Campagne de fraternité concerne l’assistance médicale de base. Elle a pour thème: «Mais que le droit coule comme l’eau, et la justice, comme torrent qui ne tarit pas» (Am 5, 24). C’est la quatrième fois que la Campagne de fraternité se déroule avec les Eglises qui appartiennent au Conseil national des Eglises chrétiennes du Brésil (CONIC). Mais cette fois-ci elle franchit les frontières: elle a lieu avec Misereor, une initiative des catholiques allemands qui réalise la Campagne de Carême depuis 1958. L’objectif principal de cette année est de contribuer à faire en sorte que soit assuré le droit fondamental de tous à l’assistance médicale de base. Elle fait donc appel à toutes les personnes, en les invitant à s’engager à travers des politiques publiques et des attitudes responsa- bles qui garantissent l’intégrité et l’avenir de notre maison commune. Nous sommes tous responsables de notre maison commune, qui comprend les gouvernants et toute la société. Au moyen de cette Campagne de fraternité, les personnes et les communautés sont invitées à se mobiliser, à partir des lieux où elles vivent. Elles sont appelées à prendre des initiatives dans lesquelles s’unissent les Eglises et les diverses expressions religieuses, ainsi que toutes les personnes de bonne volonté dans la promotion de la justice et du droit à l’assistance médicale de base. L’accès à l’eau potable et au réseau des égouts est la condition nécessaire pour dépasser l’injustice sociale et déraciner la pauvreté et la faim, pour réduire les taux élevés de mortalité infantile et de maladies évitables, et pour un environnement durable. Treizième réunion du Conseil des cardinaux Synodalité, décentralisation, réorganisation des dicastères, protection des mineurs, réforme dans le domaine de l’économie et du procès canonique sur la validité du mariage: tels sont les thèmes qui ont été l’objet de débats lors de la treizième réunion du Conseil des cardinaux avec le Pape, qui s’est déroulée pendant toute la journée du lundi 8 février et dans la matinée du mardi 9 février, après que les cardinaux ont concélébré la Messe présidée par François pour les frères capucins dans la basilique vaticane. Comme l’a rapporté le directeur de la salle de presse du SaintSiège, le père Federico Lombardi, le cardinal Gracias n’a pas participé aux travaux en raison d’une intervention chirurgicale prévue depuis longtemps. Comme cela avait déjà été prévu au terme de la précédente rencon- tre, au cours de la première session ont été approfondis les thèmes du discours prononcé par le Pape le 17 octobre dernier, lors de la commémoration du cinquantième anniversaire du synode des évêques. Un discours dans lequel François a développé amplement le thème de la synodalité, en rappelant dans le même temps «la nécessité de poursuivre une décentralisation salutaire». Il s’agit d’indications qui constituent une référence importante pour la réforme de la Curie. Par la suite, s’est déroulée la lecture «finale» des propositions du Conseil à propos des deux nouveaux dicastères dont il a été question auparavant: celui concernant «laïcs, famille et vie» et celui sur «justice, paix, migrations». Ces propositions ont été confiées au Pape dans l’attente de décisions de sa part. Un échange de considérations supplémentaires a également eu lieu à propos de la secrétairerie d’Etat et de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Le cardinal américain Sean Patrick O’Malley a ensuite parlé des activités de la Commission pour la protection des mineurs, qu’il a présidée. En ce qui concerne en revanche les questions juridiques et disciplinaires qui touchent la compétence de dicastères de la Curie, cellesci devront être ultérieurement approfondies. Enfin, le cardinal George Pell a informé de l’état et de l’application des réformes dans le domaine économique. Les cardinaux ont reçu une documentation sur le «vademecum» préparé par le Tribunal de la Rote romaine pour l’application de la réforme du procès canonique sur la validité du mariage. Dans l’encyclique Laudato si’, j’ai rappelé que «l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial, fondamental et universel, parce qu’il détermine la survie des personnes, et par conséquent il est une condition pour l’exercice des autres droits humains» (n. 30) et que la grande dette sociale envers les pauvres est partiellement recouvrée lorsque sont réalisés des programmes pour fournir de l’eau potable et une assistance médicale aux populations les plus pauvres (cf. ibid.). Et, dans une perspective d’écologie intégrale, j’ai cherché à mettre en évidence le lien existant entre la dégradation de l’environnement et la dégradation humaine et sociale, en avertissant que «la détérioration de l’environnement et celle de la société affectent d’une manière spéciale les plus faibles de la planète» (n. 48). Approfondissons la culture écologique. Celle-ci ne peut pas se limiter à des réponses partielles, comme si les problèmes étaient isolés. «Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique» (Laudato si’, n. 11). Chers frères et sœurs, j’insiste en disant que le riche patrimoine de spiritualité chrétienne peut apporter une magnifique contribution à l’effort de renouveler l’humanité. Je vous invite, en particulier au cours de ce Carême, motivés par la Campagne de fraternité œcuménique, à redécouvrir que notre spiritualité s’approfondit quand nous dépassons la «tentation d’être des chrétiens qui se maintiennent à une prudente distance des plaies du Seigneur» et que nous découvrons que Jésus veut «que nous touchions la chair souffrante des autres» (Evangelii gaudium, n. 270) en nous consacrant au «soin généreux et plein de tendresse» (Laudato si’, n. 220) de nos frères et sœurs et de toute la création. Je m’unis à tous les chrétiens du Brésil et à ceux qui, en Allemagne, sont engagés dans cette Campagne de fraternité œcuménique, en demandant à Dieu: «Apprends-nous à découvrir la valeur de chaque chose, à contempler, émerveillés, à reconnaître que nous sommes profondément unis à toutes les créatures sur notre chemin vers ta lumière infinie. Merci parce que tu es avec nous tous les jours. Soutiens-nous, nous t’en prions, dans notre lutte pour la justice, l’amour et la paix» (Laudato si’, n. 246). Je saisis l’occasion pour adresser à tous mes salutations cordiales, en vous souhaitant tout le bien possible en Jésus Christ, unique Sauveur de l’humanité et en vous demandant, s’il vous plaît, de ne pas cesser de prier pour moi! Du Vatican, 22 janvier 2016 FRANCISCUS PP.
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