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J. Embryo!, exp. Morph. Vol. 23, 3, pp. 611-637, 1970
Printed in Great Britain
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Les caractères de la segmentation
et la détermination de la polarité dorsoventrale
dans le développement de quelques Spiralia
I. Les formes à p r e m i e r clivage égal
Par P I E R R E G U E R R I E R 1
Section de Biologie générale et appliquée, Université de Lyon
C'est une particularité du développement des Spiralia que d'établir une
liaison stricte entre la distribution des blastomères dès le début de la segmentation et les principales orientations de l'embryon qui sera produit en fin de
compte. Dès le stade IV, on peut reconnaître la direction antéropostérieure, le
plan dorsoventral de symétrie et le sens dextre ou sénestre de la segmentation.
Le fait, en particulier, d'une définition très précoce de la symétrie bilatérale
conduit un certain nombre d'auteurs à avancer des hypothèses selon lesquelles
cette symétrie serait entièrement déterminée dès l'ovocyte, avant même que la
fécondation ne provoque l'émission du premier globule polaire. Ainsi, Holmes
(1900) établit que le premier plan de clivage des espèces dextres occupe, par
rapport à la symétrie bilatérale, une position analogue à celle du deuxième plan de
clivage des espèces sénestres. Partant de là, cet auteur tente d'expliquer les formes
de la segmentation spirale par l'existence d'un plan de symétrie préformé auquel
se superpose un facteur d'asymétrie, responsable de l'orientation prise par le
premier fuseau de segmentation. D'autres observations, faites par Raven (1963 a,
b, 1964, 1967), sur l'œuf fraîchement pondu de Limnaea stagnalis, semblaient
révéler l'existence d'une triple structuration du cortex cellulaire à composantes
respectivement polaire, dorsoventrale et asymétrique.
A ces hypothèses s'opposent un certain nombre d'observations:
1. D'après Ubbels (1968); Ubbels, Bezem & Raven (1969), l'asymétrie
corticale considérée ne permettrait pas d'expliquer les différences existant entre
les formes dextre et sénestre de Limnaea peregra qui montrent, sur ce point, une
organisation pratiquement identique.
2. D'après Hess (1956a, b, 1957), chez Limnaea stagnalis comme chez Bithynia
tentaculata, on observe, dans des conditions favorables, que l'un des blastomères du stade II peut, après isolement, former à la fois un stomodeum et une
glande coquillère. Or, ces formations désignent habituellement les deux ex1
Adresse de l'auteur: Section de Biologie générale et appliquée, Faculté des Sciences,,
Université de Lyon, 69-Villeurbanne, France.
612
P. GUERRIER
trémités de l'axe dorsoventral, réparties par la première division entre les
deux premiers blastomeres. Cette observation démontre que la préformation
dorsoventrale, si elle existe, ne saurait être conçue comme une détermination
définitivement fixée.
3. Enfin, chez Limax maximus, la polarité animale végétative se fixe seulement
lors de l'émission du second globule polaire (Guerrier, 1968). Il semblerait
surprenant que la fixation d'une polarité dorsoventrale s'opère au cours d'un
stade plus précoce.
Nous nous sommes donc proposés de soumettre à une analyse expérimentale
les premières phases de la segmentation dans le but, en particulier, de chercher
s'il existe ou non, dans l'œuf indivis, une symétrie bilatérale préformée. Nos
observations nous conduiront à repousser cette hypothèse. Chemin faisant,
d'autres données apparaîtront concernant les processus de polarisation au
cours du développement des Spiralia.
Nos observations portent principalement sur Limax maximus où le caractère égal des deux premières divisions ne permet pas d'accorder à la taille des
blastomeres un rôle déterminant comme ce pourrait être le cas chez d'autres
formes. Quelques observations complémentaires ont été faites sur d'autres
espèces de Pulmonés, Agriolimax agrestis, Planorbis contortus et Limnaea
peregra (forme sénestre) ainsi que sur une Annélide, Pomatoceros triqueter.
Chez toutes ces espèces, les premières divisions se déroulent selon un mode égal
très voisin de celui observé chez Limax.
MATERIEL ET METHODES
1. Obtention des œufs
Les ovocytes de Pomatoceros triqueter sont obtenus par ponte réflexe dès que
l'animal, extrait de son tube, est placé dans l'eau de mer. La fécondation est
réalisée aussitôt, tandis que l'œuf est encore au stade de la vésicule germinative.
Dans la région de Roscoff on obtient 95 à 99 % de développement, pendant les
mois de juin et de juillet.
Les pontes de Pulmonés dulçaquicoles sont recuellies en partie sur des
objets flottants (feuilles d'Elodea) et en partie sur les parois des récipients
d'élevage. Les capsules individuelles des Pulmonés terrestres peuvent être
facilement prélevées dès la ponte. Débarrassés de leurs enveloppes protectrices,
les œufs de ces animaux sont montés en goutte pendante dans leur fluide
capsulaire, sous un film d'huile de paraffine.
2. Compression
Le principe de cette technique, qui a été décrite en détail précédemment
(Guerrier, 1968) consiste à obtenir un aplatissement de l'œuf par simple
aspiration du milieu de montage. On peut ainsi déplacer l'orientation des fuseaux
de segmentation par rapport à toute structure préalable, ce qui conduit à un
Segmentation des Spiralia. I
613
changement dans la position des plans de clivage. La décompression est obtenue
par un apport de milieu frais, ce qui permet l'analyse du développement
ultérieur.
3. Définition des principales
orientations
Il convient, avant d'aller plus loin, de rappeler les positions relatives du
premier fuseau de segmentation et du plan de symétrie présomptif. Pour ce
faire, il est nécessaire de suivre le lignage cellulaire jusqu'à la formation du
deuxième somatoblaste 4d, cellule souche des initiales mésodermiques qui
Fig. 1. Les relations de symétrie au cours de la segmentation de l'œuf de Limax
maximus. (A) Stade IV, vu depuis le pôle animal, 6 h environ après l'émission du
premier globule polaire. Les blastomères A et Centrent en contact le long d'un sillon
polaire animal disposé suivant la bissectrice des deux premiers plans de clivage.
(B) Stade IV, vu du pôle végétatif. Un sillon polaire végétatif, disposé à 90° du sillon
polaire animal, joint les blastomères B et D. (C) Troisième division (8 h). (D) Quatrième division (11 h). (E) Cinquième division (13 h 45 min). (F) Aspect de l'embryon,
20 h environ après l'émission du premier globule polaire. A ce stade, la symétrie
bilatérale tend à se superposer à la symétrie axiale primitive. Le deuxième somatoblaste 4cl se divisera selon un plan méridien ; g.p. = globules polaires; S = orientation
du sillon polaire animal et trace du plan de symétrie; I et II, premier et deuxième
plans de segmentation. Lignage cellulaire: A->\A, la^2A, 2a; laly \a^-2>A, 3a;
2ax, 2a2; etc.
marquent la face dorsale de l'embryon. Dans ces conditions, on constate que
le plan de symétrie de l'embryon (Fig. 1 F) traverse les blastomères B et D. Il
passe par le sillon polaire qui définit, à hauteur du pôle animal, la zone de contact des blastomères A et C (Fig. 1 A, B).
A partir de là, nous pouvons remonter au stade II. En effet, ce sillon polaire
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P. GUERRIER
animal apparaît toujours disposé suivant la bissectrice de l'angle que formaient
le premier plan de segmentation et le fuseau correspondant. Chez Limax
maximus, on passe de l'orientation du premier fuseau de segmentation au sillon
polaire par une rotation de 45° dans le sens des aiguilles d'une montre (Fig. 2D,
E). C'est ce que l'on observe également chez toutes les espèces dans lesquelles
la troisième division s'effectue dans le sens dextre. Chez les espèces dont la
troisième division est sénestre (Crampton, 1894; Kofoid, 1894; Holmes, 1900;
Fig. 2. Relations entre la position du plan de symétrie présomptif (S) et l'orientation
des fuseaux de segmentation dans le développement normal des Mollusques
Gastéropodes pulmonés. (A, B, C) Les trois premières divisions de segmentation
chez Limax maximus, vues perpendiculaires à l'axe polaire. (D, E, F) Mêmes stades,
vus depuis le pôle animal. (G, H, I) Dispositions correspondantes dans le cas des
espèces à segmentation sénestre. Les globules polaires (g.p.) marquent la position
du pôle animal. Les positions présomptives des blastomères B et D ont été figurées
par une ponctuation. I et II, premier et deuxième plans de segmentation. S, trace
du plan de symétrie présomptif. Dans tous les cas, -r-»-»- ou<-> = orientation fusoriale.
Raven, 1958), le passage du premier fuseau de segmentation au plan de symétrie
s'effectue au contraire par une rotation de sens inverse (Fig. 2G, H). Ainsi,
connaissant le type dextre ou sénestre de la segmentation, il devient possible, à
partir de la position des globules polaires d'une part et de la position du fuseau
Segmentation
des Spiralia. I
615
de première division d'autre part, de tracer, dès ce moment, la position présomptive du plan de symétrie bilatérale.
En définitive, selon le sens spiral du clivage, on obtient deux séries de figures
qui apparaissent comme des images réciproques dans un miroir (comparer les
Figs, 2D, E, F et G, H, I).
Par la suite, le caractère spiral de la segmentation introduira, dans la symétrie
contrôlée au stade IV, des irrégularités qui masquent plus ou moins cette
symétrie selon le stade que l'on considère (Fig. I E , F).
RESULTATS
I. Action exercée sur la première division de segmentation
Par le moyen de compressions mécaniques, on a cherché à déplacer l'orientation du premier fuseau de segmentation par rapport à la position du plan de
symétrie présomptif. S'il existe, dès ce moment, une préformation dorsoventrale
irréversiblement fixée, ces opérations devraient aboutir à un développement
anormal, comportant, pour le moins, une relation irrégulière entre les plans de
segmentation et de symétrie. Si, au contraire, la polarité dorsoventrale dépend
essentiellement de l'orientation prise par le fuseau, le développement ultérieur
ne devrait pas s'en trouver altéré.
(A) Conditions expérimentales
Dans tous les cas, les œufs ont été comprimés entre deux plans parallèles à
l'axe polaire, avant ou après la formation du fuseau. Décomprimés dès l'achèvement de la cytodiérèse, ils ont été conservés en goutte pendante, afin de pouvoir
comparer leur développement à celui d'œufs témoins, placés dans les mêmes
conditions sans avoir subi de compression au préalable.
Si le traitement est appliqué avant la formation du fuseau, celui-ci peut
prendre des orientations très diverses. Lorsque la compression intervient à un
stade très précoce, elle empêche le fuseau de se déplacer jusqu'au sein du plasme
polaire animal et l'on obtient en général une première cloison de position
equatoriale (Guerrier, 1968). En revanche, lorsque la pression s'exerce, au stade
d'accolement des pronuclei, peu avant l'apparition du fuseau, on observe
toujours la constitution d'une cloison méridienne. Il est clair, cependant, que
celle-ci peut alors former un angle quelconque par rapport à la position d'un
éventuel plan de symétrie préformé.
Si l'on agit peu après l'apparition du fuseau, il devient possible de contrôler
l'amplitude des déplacements fusoriaux. A ce stade, on a opéré selon deux
modalités principales :
1. Dans la première, la pression s'exerce suivant la direction de l'axe fusorial,
ce qui entraîne, pour le fuseau, un basculement de 90°. Le plus souvent, le
pivotement se produit dans un plan equatorial et l'on obtient encore une cloison
méridienne. Celle-ci est déplacée de 90° par rapport à la situation présomptive
616
P. GUERRIER
définie avant compression (Fig. 3 A, B). Plus rarement, le fuseau pivote dans un
plan méridien et l'on obtient une cloison de position supraéquatoriale.
2. Dans le second cas, la pression s'exerce à 45° environ de l'axe fusorial, ce
qui conduit toujours à la formation d'une cloison méridienne, située à 45° de la
position présomptive initiale (Fig. 3 D , E, G, H).
(B) Evolution des œufs à cloison méridienne
Dans certains cas, particulièrement favorables, cette évolution a pu être
suivie pendant plus de 20 jours. Les formes de la segmentation ont en général
été étudiées en détail, jusqu'au quatrième et parfois jusqu'au cinquième cycle
de division.
W;//W///M//////'
Q
—
H
Fig. 3. Schéma des dispositions qui peuvent être obtenues à la suite d'une compression réalisée entre deux plans parallèles à l'axe polaire (Limax maximus). Les globules
polaires (g.p-) marquent la position du pôle animal. (A, B, C) Œuf comprimé
suivant l'axe du fuseau (ƒ). (D à I) Œuf comprimé à 45° de l'axe fusorial. A gauche,
on a schématisé la direction de compression, l'orientation fusoriale primitive ainsi
que la position présomptive du premier plan de clivage et des divers quadrants. La
ligne hachurée indique le substrat sur lequel l'œuf est comprimé. Au centre, l'œuf
est figuré après achèvement de la première division et décompression. Le premier
plan de clivage (1) se situe à 90° ou à 45° de son orientation présomptive indiquée
en pointillés. A droite, dispositions réalisées au stade IV. Le quadrant dorsal présomptif D, défini d'après la position initiale du fuseau, est figuré par une ponctuation.
Segmentation
des Spiralia.
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I
1. Les formes de la segmentation
Que la pression soit appliquée au stade des pronuclei ou après l'apparition
du fuseau, la disposition relative des sillons polaires et des premiers plans de
segmentation reste la même, caractéristique des espèces dextres (Fig. 3C, F, I).
Ce résultat est particulièrement intéressant à considérer dans le cas représenté
sur la Fig. 3A, B, C. En effet, on peut, dans ces conditions, définir la position
présomptive des blastomères D (B) à partir de la position initiale du fuseau
(Fig. 3 A). On constate alors que la région ainsi définie se comporte comme
A(C) (Figs. 1 A, 2E). La suite des divisions est parfaitement conforme à cette
première orientation; la segmentation conserve son caractère dextre et la loi
d'alternance apparaît vérifiée.
Tableau 1. Comparaison entre le développement d'œufs témoins et d'œufs ayant
subi un déplacement du premier fuseau de segmentation dans un plan equatorial
Développement poursuivi après la
gastrulation
Conditions
expérimentales
Témoins
(21 œufs)
Compression
suivant l'axe
fusorial (16 œufs)
Compression
à 45° de l'axe
fusorial (20 œufs)
Compression
au stade des
pronuclei (30 œufs)
Embryons avortés
avant la
gastrulation
,
Développement
normal
A
^
Développement
anormal
8
13
0
1
14
5
15
1
Absence de pied et de
podocyste
0
12
18
0
Ainsi, le déplacement du fuseau a entraîné, avec lui, le déplacement des
figures ultérieures de la segmentation. Celles-ci continuent alors à présenter,
par rapport à la position du premier fuseau, leurs relations habituelles. Il en
résulte que les caractéristiques propres du blastomère D ne pouvaient être
préfigurées de façon définitive dans une distribution correspondante des
structures ovulaires, préalable au commencement de la segmentation.
2. Les différenciations larvaires obtenues
Si l'on examine des embryons postgastruléens, quatre à cinq jours après
l'intervention, on constate qu'ils présentent tous une symétrie bilatérale très
nette (Tableau I), marquée par la position de la glande coquillère et par la
présence de deux invaginations rénales symétriques (Fig. 4A, B).
40
E M B 23
618
P. GUERRIER
Ainsi, les embryons traités ne présentent pas d'anomalies notables; en
particulier, il ne se constitue pas d'embryon double, même après un partage
égal du blastomère dorsal présomptif entre deux des quatre premiers blastomères (Fig. 3F, I). Nous en déduirons que les formes de la segmentation conservent, dans les embryons ainsi traités, leurs relations habituelles avec les
orientations morphogénétiques ultérieures. C'est-à-dire que le plan de symétrie
présomptif subirait une rotation de 90° ou de 45° égale à celle que présente le
fuseau de première division. Cependant, il faut noter que, pour affirmer cette
Fig. 4. Embryons de Limax maximus observés au bout de 5 jours (A) et de 9 jours
(B). c.g. = Cavité gastrique; e.r. = ébauche des reins embryonnaires; g.c. = glande
coquillère; /?. = pied; s.a. = sinus antérieur; s.p. = sinus postérieur ou podocyste;
jtf. = stomodeum ; /. = ébauches tentaculaires.
conclusion de façon absolument certaine, il aurait fallu suivre le lignage cellulaire, en particulier la formation du téloblaste 4d qui apparaît lors de la sixième
division, quelque 20 h environ après la fécondation, ce qui n'a pas été accompli.
Il nous faut donc en rester, sur ce point, à des preuves de caractère indirect.
(C) Evolution des œufs à cloison equatoriale
Ces embryons ont une double origine. Ils proviennent en effet soit d'œufs
comprimés entre deux plans perpendiculaires au premier fuseau, soit d'œufs
traités avant la formation du fuseau, celui-ci n'ayant pas, par la suite, rejoint
le plasme polaire animal. Dans le premier cas, on obtient toujours une cloison
Segmentation
des Spiralia. I
619
de position supraéquatoriale qui sépare un micromère animal d'un macromère
végétatif. Dans le second cas, la cloison peut occuper une position réellement
equatoriale de sorte que les deux premiers blastomères sont alors de taille
sensiblement égale.
L'évolution de ces embryons est toujours abortive (Guerrier, 1968). Elle
présente un certain nombre de caractéristiques intéressantes.
Fig. 5. Dispositions qui peuvent être obtenues à la suite d'un cloisonnement
equatorial ou supraéquatorial, réalisé lors de la première division de segmentation.
Dans ce cas, l'ensemble des blastomères apparaîtra ordonné, dans une certaine
mesure, autour d'un axe perpendiculaire à l'axe polaire et au plan des représentations ci-dessus. (A, B, C) Disposition des sillons de contact formés entre les
quatre premiers blastomères. (D) Disposition observée généralement lors de la
troisième division de segmentation. (E, F) Cas particuliers observés lors de la
troisième division. Dans la figure E, le fuseau qui se forme dans le blastomère 2b
occupe une position sensiblement parallèle à l'axe de la figure de division. Dans la
figure F, le même fuseau est approximativement perpendiculaire à l'axe de la
figure de division. Les globules polaires(g.p.) marquent la position du pôle animal,
I et II, premier et deuxième plans de segmentation.
1. La disposition des quatre premiers blastomères
Dans tous les cas, les fuseaux de deuxième division se développent perpendiculairement à l'orientation du premier fuseau de segmentation. Comme ils
restent contenus dans un même plan méridien, il en résulte que les deux premiers
plans de clivage se recoupent dans la région equatoriale de l'œuf, isolant ainsi
deux blastomères animaux et deux blastomères végétatifs (Fig. 5A). Nous
désignons ces blastomères respectivement la et 1b, la et lb (Fig. 5B). Au
niveau de leur contact en surface, ils reproduisent l'image classique des sillons
polaires. Les dispositions obtenues apparaissent néanmoins assez variables par
rapport à la position du premier plan de clivage. Sur 20 œufs que j'ai pu
étudier à ce stade, onze seulement montraient en effet la disposition caractéristique des espèces dextres (Fig. 5A). Trois œufs présentaient la disposition
40-2
620
P. GUERRIER
inverse (Fig. 5B), tandis que les six œufs restants portaient des sillons parallèles entre eux (Fig. 5C).
Ainsi, les déplacements relatifs des blastomères présentent dans ce cas une
variabilité qui ne se retrouve pas dans le développement normal. Cependant, à
travers cette variabilité, on continue à discerner un certain degré de préférence
pour une situation analogue à la situation habituelle (11/20 contre 3/20 pour la
disposition inverse).
Tableau 2. Conséquences d'une première division equatoriale sur la
troisième division
Pour les orientations réalisées lors de chaque disposition observée au Stade IV
(A), on a distingué, en B, divers effectifs d'oeufs qui présentent les mêmes caractéristiques lors de la troisième division. Ces effectifs sont reportés en C où l'on a distingué, pour les quatre blastomères d'un même œuf, la fréquence des divers types
d'orientation fusoriale observés.
A
B
Disposition des
sillons de contact
au stade IV
Sillons cruciformes de
type dextre
Sillons cruciformes de
type sénestre
Sillons parallèles
entre eux
Récapitulation
C
Nombre
d'oeufs
Nombre de blastomères du stade IV montrant
présentant
une orientation fusoriale
A
les disposi- ,
^
tions décrites Dextre
Sénestre
Verticale Horizontale
4
3
2
1
1
1
4x(4)=16
3x(3)= 9
2x(2)= 4
lx(4)= 4
lx(3)= 3
lx(2)= 2
1
2
1
lx(4)= 4
2x(3)= 6
lx(2)= 2
16 œufs ( =
64 blastomères)
50
—
—
3x(l)= 3
2x(2) = 4
lx(l)= 1
lx(l)= 1
lx(l)= 1
2x(l)= 2
—
—
lx(2)= 2
3
9
2
2. L'orientation ultérieure des fuseaux de segmentation
La disposition des sillons de contact formés au stade IV n'entraîne aucune
altération sensible dans les orientations respectives des générations fusoriales
suivantes. Ainsi, la troisième division conduit à la formation de deux étages
cellulaires dont les éléments se disposent autour d'un axe perpendiculaire à l'axe
polaire (Fig. 5D).
Si l'on observe l'œuf selon cet axe, on peut définir, dans chaque blastomère,
quatre types d'orientation fusoriale suivant que les cellules filles, issues d'un
même blastomère du stade IV, se déplacent dans les sens dextre (Fig. 5D) ou
sénestre, ou selon qu'elles résultent d'un cloisonnement equatorial ou méridien
par rapport à l'axe de la figure de segmentation (blastomères 2b dans les Figs.
5E et F).
Segmentation
des Spiralia. I
621
L'analyse effectuée (Tableau 2) montre que, dans ce cas, chacun des quatre
blastomères d'un même embryon peut se comporter de façon relativement
incoordonnée par rapport aux blastomères voisins. Cependant, l'orientation
dextre reste de loin la plus fréquente. Si l'on poursuit cette étude, on observe
que la quatrième division tend à s'effectuer dans le sens sénestre : la loi d'alternance apparaît donc toujours vérifiée.
Ainsi, les orientations relatives, qui se manifestent dans la segmentation,
restent le plus souvent celles qui étaient définies par les caractères génétiques de
l'œuf. Cependant, ces orientations ne s'ordonnent plus autour d'une direction
représentée par l'axe polaire, mais autour d'un axe formé par l'intersection des
deux premiers plans de clivage. Il faut en conclure que la structure concrétisée
par l'orientation animale végétative, dans la mesure où elle reste inchangée à
la suite de la compression, ne joue qu'un rôle nul ou subordonné dans les lois
qui régissent les orientations respectives des divisions.
Tableau 3. Conséquences d'une première division equatoriale sur la taille des
blastomères formés lors de la troisième division
Dispositions générales
Division subégale dans les
quatre blastomères
Division subégale dans trois
blastomères
Division subégale dans deux
blastomères
(a) 2 macromères sur des
faces opposées
(b) 2 macromères sur la
même face
Division subégale dans un
seul blastomère
Total:
Nombre d'œufs présentant
la disposition décrite
Nombre de blastomères subissant une division subégale
5
20
2
6
2
4
1
2
0
0
10 œufs = 40 blastomères
32
3. La taille des blastomères
Dans les œufs à première cloison equatoriale, les blastomères formés lors
de la troisième division présentent des tailles équivalentes dans 80 % des cas
(Tableau 3).
Ainsi, le déterminisme propre de la division qui conserve le sens dextre du
clivage et qui, à partir de la position du premier fuseau, règle l'orientation des
divisions ultérieures, ne comporte pas, en lui-même, les éléments nécessaires
pour assurer, lors de la troisième division, une répartition inégale des matériaux
ovulaires entre micromères et macromères.
622
P. GUERRIER
4. La destinée des œufs à cloisonnement equatorial
On obtient toujours une évolution abortive. En effet, sur 25 embryons de ce
type, aucun ne s'est développé normalement, bien que certains aient pu être
conservés vivants pendant plus de dix jours. Dix sont morts au stade blastula.
Dans les 15 restants, les seules différenciations réalisées conduisent à la manifestation de trois types cellulaires: grosses cellules endodermiques gonflées d'une
vacuole à albumen, cellules ectodermiques aplaties et rares cellules mésodermiques à filopodes (mésomères). Certaines cellules endodermiques, réunies à
l'ectoderme par quelques mésomères semblent témoigner d'une tentative localisée d'invagination. On aboutit, dans tous les cas, à la production d'une exogastrula très dilatée.
La formation de cette exogastrula semble trahir l'existence de propriétés
anormales au niveau des blastomères qui jouent un rôle moteur dans le processus
de gastrulation. En effet, si l'on isole le blastomère animal obtenu à la suite
d'une première division equatoriale, il se divisera pour donner naissance à une
vésicule ectodermique creuse. J'ai obtenu rigoureusement le même résultat en
isolant le premier quartette de micromères d'un stade VIII normal. Autrement
dit, la première division equatoriale ne semble pas avoir entraîné de modifications dans les potentialités propres aux blastomères de la région animale.
D'autre part, la formation de l'exogastrula ne paraît pas répondre à un déséquilibre quantitatif entre les blastomères à évolution endodermique et les
blastomères de nature ectodermique.
Et l'on peut supposer que l'anomalie se situe au niveau de la cellule 4d,
souche des mésomères qui semblent jouer un rôle actif dans les processus de la
gastrulation (Morrill, 1963). Peut-être l'existence de cette anomalie découle-telle d'une relation originale qui s'établit dans ce type d'œufs entre la polarité
qui s'exprime dans la segmentation et la polarité animale végétative.
II. Modifications expérimentales portant sur Vorientation
des fuseaux de deuxième division
Les œufs de diverses espèces de Pulmonés ont été comprimés au stade II
entre deux plans parallèles à l'axe polaire et perpendiculaires à la première
cloison de segmentation (Fig. 6A). Lorsque les fuseaux de deuxième division
basculent pour se disposer parallèlement à l'axe polaire, on obtient alors une
deuxième cloison de segmentation de position supraéquatoriale qui sépare
deux micromères animaux et deux macromères végétatifs (Fig. 6B, C). Dans ces
conditions, les sillons de contact qui se forment entre les quatre premiers
blastomères apparaissent toujours parallèles entre eux. Les caractéristiques
ultérieures de la topogenèse restent analogues à celles que nous avons décrites,
chez Limax maximus, après la réalisation d'un premier cloisonnement equatorial. En particulier, le sens spiral dextre ou sénestre du clivage apparaît
toujours respecté (Fig. 6D, E; Tableau 4).
Segmentation des Spiralia. I
623
Lors de la troisième division, les macromères végétatifs subissent parfois une
division inégale. Dans ce cas, les micromères qui se constituent à partir des
deux blastomères végétatifs ne se trouvent pas nécessairement sur la même face
de l'œuf (Fig. 6D). De l'ensemble des observations effectuées, il résulte que ces
caractères tiennent au fait que les noyaux, issus de la deuxième division, peuvent
être entraînés, de manière indépendante, au contact de la surface cellulaire lors
du processus de décompression. Comme ils conservent ensuite cette position
jusqu'au moment où les fuseaux de troisième division se constituent, le caractère inégal de la segmentation dépend alors uniquement de la forme des cellules
Fig. 6. Effets d'une compression s'exerçant au stade II, selon une direction parallèle
à l'axe normal d'élongation des fuseaux de deuxième division. (A) Aspect de l'œuf
avant compression. (B) Deuxième division de segmentation de l'œuf comprimé.
Les fuseaux ont basculé parallèlement à l'axe polaire. Cloisonnement supraéquatorial. (C) Stade IV obtenu, vu suivant la direction de compression. (D) Aspect
de la troisième division après décompression de l'œuf d'une espèce dextre. (E) Aspect
de la troisième division après décompression de l'œuf d'une espèce sénestre. Les
globules polaires (g.p-) marquent la position du pôle animal. La ligne hachurée indique le substrat sur lequel l'œuf est comprimé. I et II, premier et deuxième plans
de clivage.
obtenues au stade IV. Dans les micromères animaux, les fuseaux de segmentation tendent, en effet, à occuper tout le volume plasmatique mis à leur disposition, tandis qu'ils conservent, en général, leur position décentrée au sein des
macromères végétatifs.
En définitive, il semble bien que cette inégalité occasionnelle de la troisième
division ne puisse être assimilée à l'inégalité constante qui se manifeste à ce
stade, au cours du développement normal, ou qui apparaît lorsqu'une inter-
lx(4) =
3x(3) =
2 x (2) =
0
0
2x(l)= 2
Limnaea peregra sinistra
(6 œufs)
0
2x(l) =
0
0
0
lx(2) =
Planorbis contortus
(11 œufs)
Sénestres
2x(4)= 8
2x(3)= 6
Agriolimax agrestis
(4 œufs)
= 20
=
=
=
=
5x(4)
2x(3)
lx(3)
lx(3)
lx(2)
4x(4)=16
2x(3)= 6
Limax maximus
(6 œufs)
Sénestre
Dextres
Dextre
Espèces
A
3x(l) =
2x(l) =
lx(l)= 1
—
lx(2) =
lx(l) =
2x(l) = 2
2x(l) = 2
Verticale
lx(l)= 1
lx(l)= 1
Horizontale
Nombre de blastomeres du stade IV montrant
une orientation
Formes
Nombre
d'oeufs
présentant
les
dispositions
décrites
Récapitulation
lors de la
Sur 24 blastomeres 17 orientations sénestres 2 orientations dextres
Sur 44 blastomeres 34 orientations sénestres 4 orientations dextres
Sur 16 blastomeres 14 orientations dextres
Sur 24 blastomeres 22 orientations dextres
T a b l e a u 4. Conséquences
d'une seconde division equatoriale
sur les orientations réalisées
troisième division. Mêmes conventions
que pour le Tableau 3.
S
G
m
J«
O
4^
Segmentation
des Spiralia.
I
625
vention expérimentale conduit les fuseaux de première ou de deuxième division
à basculer pour se disposer parallèlement à l'axe polaire.
L'évolution de ces embryons a surtout été étudiée chez Limax maximus. Elle
conduit toujours à la formation d'une exogastrula dans laquelle on ne peut
observer aucune structure caractéristique.
III. Observations réalisées sur l'oeuf de Vannélide polychète
Pomatoceros triqueter
Chez cette espèce, les deux premières cloisons de segmentation sont encore
parfaitement méridiennes, isolant ainsi quatre blastomères de taille semblable.
La troisième division conduit à un stade VIII qui se caractérise par une inégalité
très modérée des cellules qui constituent les quartettes des micromères animaux
et des macromères végétatifs ainsi que par un faible glissement spiral de sens
dextre.
Aucune expérience de compression n'a été faite au cours de la première
division. Lorsque les œufs de cette espèce sont comprimés au stade II, entre
deux plans parallèles à l'axe polaire et perpendiculaires à l'orientation des
fuseaux de deuxième division, on obtient encore la formation de deux micromères animaux et de deux macromères végétatifs dont les rapports de taille sont
comparables à ceux qui caractérisent normalement le troisième cycle de division.
Après décompression, les segmentations ultérieures s'ordonnent autour de
l'axe défini par l'intersection des deux premiers plans de clivage. La troisième
division s'effectue toujours dans le sens dextre et les quartettes cellulaires qui en
résultent se comportent selon le mode habituel (16 observations). Neuf parmi
ces embryons ont pu être suivis lors de la quatrième division. Quatre ont présenté une division d'orientation sénestre au sein du quartette observé. Dans les
cinq œufs restants (20 blastomères observés), j'ai en outre relevé un ensemble de
14 orientations fusoriales sénestres pour deux orientations fusoriales dextres
seulement, les autres dispositions étant de type vertical ou horizontal. Comme
chez les Pulmonés, on retrouve la même stabilité des propriétés spirales malgré
un basculement de 90° de l'axe des figures de divisions.
Cependant, chez cette espèce comme chez Sabellaria alveolata où la première
division est au contraire inégale (Guerrier, 1968), la discordance qui s'installe
ainsi entre l'orientation des fuseaux et la polarité animale végétative primitive
ne s'oppose pas à la formation de larves normalement symétrisées et dont les
régions céphalique et blastoporale correspondent aux pôles animal et végétatif
primitifs. Rappelons que Dederer (1910) avait déjà obtenu des résultats analogues sur l'œuf du Némerte Cerebratulus lacteus, bien que la correspondance
des axes embryonnaire et larvaire n'ait pas été examinée dans ce cas.
626
P. GUERRIER
DISCUSSION
Ces observations conduisent à distinguer, parmi les éléments qui s'expriment
au cours de la segmentation, deux catégories de facteurs. D'une part, l'organisation polaire qui aboutit, en particulier, au caractère inégal de certaines divisions.
D'autre part, une organisation morphogénétique, indépendante de l'axe
polaire, qui détermine l'inclinaison spirale des fuseaux et le positionnement des
blastomères. Nous désignerons cette seconde organisation sous le terme
d'organisation spirale.
(A) L'Organisation polaire
Dans un travail antérieur (Guerrier, 1968), nous avons démontré que la
polarité animale végétative se fixe au moment de l'émission du deuxième
globule polaire; elle s'établit alors en rapport avec l'orientation prise par le
deuxième fuseau de maturation. Cette polarité s'exprime d'abord en conduisant
les éléments cinétiques de première division jusqu'au sein du plasme polaire
animal. Par la suite, lorsque les fuseaux sont orientés parallèlement à l'axe
polaire, leur position décentrée par rapport à l'œuf conduit à une division
inégale, séparant micromères animaux et macromères végétatifs.
Cette influence de l'organisation polaire sur la localisation des fuseaux de
segmentation peut être conçue selon deux mécanismes. Ou bien les propriétés
de Fendoplasme sont différenciées entre les deux pôles de l'œuf de telle sorte
que les fuseaux se trouvent déplacés vers le pôle animal. Ou bien, ces déplacements fusoriaux résultent d'une influence exercée par des structures corticales
régionalement différenciées. Ces deux hypothèses ne s'excluent d'ailleurs nullement, dans la mesure où les structurations du cortex et de l'endoplasme peuvent
contracter des liens de dépendance, éventuellement réciproques.
Lorsqu'une compression précoce empêche le positionnement normal du
fuseau de première division au sein du plasme polaire, l'effet d'attraction
propre au pôle animal est entièrement perdu pour les divisions suivantes
(Guerrier, 1968). Il semblerait donc que les propriétés d'attraction qu'exerce le
pôle animal sur l'orientation des fuseaux s'expriment seulement à la condition
que la première division se soit opérée selon le mode normal. Cette constatation
s'expliquerait mal si l'on admettait que ces propriétés sont entraînées, exclusivement, par la présence, à ce niveau, d'un plasme aux propriétés spécifiques
intangibles. Et l'on pourrait en conclure que la première division contribue à
constituer les propriétés polaires.
(B) U Organisation spirale
La nécessité d'un second système de contrôle apparaît si l'on considère qu'un
basculement des fuseaux de première ou de deuxième division suivant l'axe
polaire conserve tant le sens spiral du clivage que les orientations relatives des
générations fusoriales successives. Les caractères de l'organisation susceptible
Segmentation
des Spiralia.
I
627
d'intervenir à ce niveau se trouvent définis, de la meilleure façon, en considérant
les éléments de symétrie qui se font jour au cours de la segmentation.
1. L'évolution des éléments de symétrie au cours de la segmentation normale
11 est particulièrement intéressant de comparer les divisions successives et les
caractères de symétrie qui en résultent, dans la segmentation de Limax d'une
part, dans celle d'un œuf à segmentation orthoradiale (Oursin, Batracien)
d'autre part. Dans l'un comme dans l'autre type de division, la règle de Sachs
(Wilson, 1925) est approximativement observée: les deux premières divisions
s'opèrent à angle droit, les fuseaux de deuxième division étant placés parallèlement, dans un même plan, tandis que la troisième division est perpendiculaire
aux deux premières. Or, chez Limax, ce type de relation apparaît conservé si
l'on impose aux fuseaux de première ou de deuxième division une orientation
parallèle à l'axe polaire et donc, perpendiculaire à leur orientation normale. En
revanche, on sait que chez l'Oursin (Morgan, 1927; Horstadius, 1939), les
mêmes basculements fusoriaux peuvent conduire à une segmentation différente
de la segmentation normale. Ainsi, malgré une certaine similarité, il apparaît
que les rapports entre les orientations fusoriales et l'environnement ovulaire
doivent présenter, dans les deux cas, des différences importantes.
Ces différences s'accusent si l'on considère la troisième division et les suivantes. Dans un œuf à segmentation orthoradiale, l'ensemble des fuseaux et
des blastomères affecte, lors de la troisième division, une symétrie par rapport
à deux plans orthogonaux. Ces plans coïncident avec les deux premiers plans de
clivage dont l'intersection se confond avec l'axe polaire qui prend ainsi figure
d'axe de symétrie. Par la suite se dessinera un plus grand nombre de plans de
symétrie dont un seul, impossible à déterminer d'après les seuls caractères de la
segmentation, définira la symétrie bilatérale de l'embryon. Dans la segmentation
de Limax, au contraire, l'inclinaison des axes fusoriaux ne permet de définir
à ce moment qu'une symétrie exclusivement axiale (Fig. 2C, F). En revanche,
si l'on considère seulement le volume des blastomères sans tenir compte de la
position des fuseaux, plusieurs plans de 'symétrie approximative' deviennent
apparents. L'un de ces plans se définit aisément au stade IV par le fait qu'il
s'étend suivant l'orientation du sillon polaire animal (Fig. 2E). Les propriétés
de ce plan de symétrie sont rapidement masquées par les glissements qui
aboutissent au positionnement des quartettes micromériques successifs (Fig.
2F). Ainsi, la segmentation de Limax fait apparaître, selon les moments où on
la considère, deux formes de symétrie en apparence inconciliables. C'est seulement lorsque la segmentation atteint un stade assez avancé que la disposition
des blastomères paraît imposer son mode de symétrie à la position des fuseaux
et que la symétrie bilatérale s'exprime dans les caractères de la segmentation.
Cependant, l'existence, chez les Gastéropodes, de segmentations spirales
dextre et sénestre oblige à introduire, dans la définition de la symétrie axiale
primitive, un élément supplémentaire. Les Figs. 2F et I montrent que les deux
628
P. GUERRIER
types de structures réalisées au cours de la segmentation affectent, l'un par
rapport à l'autre, les relations d'un objet et de son image dans un miroir. Il
faut donc imaginer un élément d'orientation susceptible de prendre deux
valeurs symétriques. Cette situation peut recevoir des représentations diverses:
Fig. 7. Diverses représentations vectorielles susceptibles de rendre compte des
relations de symétrie dans la segmentation des formes dextres (A, C, E, G) et
sénestres (B, D, F, H). Sur les schémas A et B, on a figuré les éléments directeurs
correspondant à une orientation d'ensemble des trois premières générations
fusoriales. On notera que, dans les deux figures, le vecteur 2 et le plan de symétrie
(S) se situent, respectivement, sur la droite ou sur la gauche par rapport à l'orientation du vecteur 1. Sur les schémas C, D et E, F, on a supposé que les fuseaux sont
porteurs de vecteurs d'orientation. Ils sont observés ici depuis le pôle supérieur.
Sur les schémas G et H, on a figuré l'inclinaison spirale caractéristique de la troisième division.
(a) on peut concevoir une organisation tridimensionnelle orientée s'imposant
aux processus de la segmentation (Fig. 7A, B); (b) on peut supposer aussi que
les fuseaux de deuxième division sont porteurs d'un vecteur d'orientation, ce
qui permet de tracer deux séries de figures symétriques qui diffèrent suivant que
Segmentation
des Spiralia.
I
629
les vecteurs de seconde division sont polarisés dans le même sens (Fig. 7 E, F)
ou selon des directions différentes (Fig. 7C, D); (c) on peut admettre enfin que,
à partir de la troisième division, les fuseaux sont affectés d'un vecteur de pivotement superposé aux facteurs qui s'expriment dans la règle de Sachs (Fig. 7 G,
H).
Dans chacun de ces trois cas, on constate aisément l'existence de deux
familles de solutions qui pourraient répondre aux segmentations respectivement
dextre et sénestre. Notons qu'il s'agit là de simples représentations, ne préjugeant pas de la nature des mécanismes en cause. Elles expriment toutes
l'existence d'un facteur d'orientation qui ne paraît pas exister, de la même
façon, dans la segmentation orthoradiale.
2. Recherche d'un modèle pour Vorganisation spirale
L'axe de symétrie autour duquel s'ordonne la segmentation spirale n'est
complètement défini qu'à l'issue de la seconde division, que les deux premières
divisions se soient opérées librement sous l'emprise des contraintes internes de
l'œuf ou que l'une d'entre elles ait été déplacée par une compression. De sorte
A
B
Fig. 8. Modèle d'organisation spatiale dans lequel la surface de la sphère se divise
en une multitude de parties équivalentes affectées chacune d'un vecteur circulaire
orienté.
que les données expérimentales nous contraignent à tenir compte des exigences
suivantes : (a) la structure du stade IV représente un élément majeur du modèle
recherché. Par rapport à l'axe polaire, cette structure est indéterminée dans les
conditions expérimentales. En revanche, dans le développement normal, l'axe
polaire impose sa symétrie à celle du stade IV; (b) dans la mesure où certains
éléments de l'organisation spirale préexistent à la segmentation, ils ne sauraient
affecter dans l'œuf une répartition régionalement différenciée.
A partir de ces exigences, deux familles de solutions sont possibles selon que
l'on admet l'influence exclusive des structures fusoriales ou l'intervention d'une
structure cytoplasmique relativement stable.
Influence exclusive des structures fusoriales. On peut supposer que les divers
types d'organisation spatiale représentés dans la Fig. 7 trouvent leur source
exclusive au niveau des propriétés des fuseaux. Par exemple, on admettra que
les pôles de ceux-ci sont différenciés, ce qui entraîne une orientation le long de
630
P. GUERRIER
leur axe. Aux relations de position qui, d'après la règle de Sachs, s'imposent
entre les générations fusoriales, s'ajouteraient alors des relations de sens susceptibles de prendre des valeurs de signes opposés respectivement dans les segmentations dextre et sénestre.
Intervention d'une structure cytoplasmique. On peut diviser la surface de la
sphère, ou son volume, en un certain nombre de parties équivalentes, dotées
chacune d'une orientation figurée sous la forme d'un vecteur circulaire. Dans ces
conditions, on se trouve, à nouveau, en mesure de dresser deux figures symétriques par rapport à un plan (Fig. 8). Si la position adoptée par un fuseau dépend
à la fois de la position des fuseaux des générations précédentes et d'une influence
exercée par la structure corticale orientée, on conçoit que les deux organisations
représentées sur la Fig. 8 puissent conduire, pour une même position de départ,
à un ensemble d'orientations fusoriales disposées symétriquement l'une par
rapport à l'autre. En outre, la nature même de cette structuration permet au
stade IV d'adopter une position quelconque, à la suite de laquelle se trouverait
engagé un enchaînement de positions fusoriales rigoureusement défini par
rapport à la situation d'origine.
Fig. 9. Modèle d'organisation dans un fragment de membrane à structure micellaire (inspiré de Lucy, 1968). Les molécules associées sont disposées tangentiellement
à l'interface hydrophobe hydrophile des micelles phospholipidiques, en fonction
de l'orientation de leurs groupes polaires.
3. Eléments pour la concrétisation des modèles considérés
La représentation concrète d'une structure orientée au sein du cortex ovulaire
peut être imaginée de plusieurs manières différentes. Par exemple, certains
auteurs (Lucy, 1968) ont admis l'existence, au niveau de la membrane, de
structures formées de micelles globulaires qui pourraient servir de support à
des molécules disposées à leur surface (hormones Steroides, par exemple). Si ces
molécules superficielles sont polarisées, elles peuvent apporter aux micelles qui
les supportent un certain caractère d'orientation. Dans la mesure où ces
molécules existeraient sous des formes énantiomorphes, elles pourraient donner
lieu à la formation de membranes polarisées en sens contraire (Fig. 9). Pour
Segmentation
des Spiralia. I
631
l'instant, nous nous bornerons à constater que ce type d'hypothèse suggère de
nouvelles études.
Quant au caractère hétéropolaire de certains fuseaux ou des asters au cours
de la segmentation, il a été maintes fois relevé. Chez Nereis, l'inégalité du
premier clivage pourrait être rapportée à l'existence d'une asymétrie très
précoce des centres spermatiques (Lillie, 1912). Lors de la première division de
Caenorhabditis elegans (Nigon, Guerrier & Monin, 1960), l'aster situé au
niveau de la future cellule végétative subit des oscillations importantes dont le
moteur est sans doute à rechercher au sein du centriole lui-même. Chez Barnea
Candida (Pasteeis & Mulnard, 1957, 1963), l'inégalité des structures astériennes
concentre différemment les granules métachromatiques entre les quatre premiers
blastomères. Enfin, chez Parascaris equorum (Pasteels, 1948), on sait que l'inégalité des asters conduit à la formation de capes ribonucléiques d'importances
différentes. Ces observations traduisent l'existence, au niveau des structures
cinétiques, d'une organisation unidimensionnelle dont il est toujours difficile de
savoir si son origine est interne à ces structures, ou au contraire imposée à
celles-ci par l'environnement. Cependant, une observation de Costello (1961),
faite chez Polychoerus, semble montrer une organisation tridimensionnelle des
structures cinétiques. Dans cette espèce, en effet, les centrioles, qui marquent les
pôles de la première division de segmentation, sont disposés transversalement
par rapport à l'axe fusorial et orientés selon des directions perpendiculaires
entre elles, ce qui rendrait compte des caractères de la division suivante.
Ainsi, un examen de la situation concrète ne permet pas de choisir entre les
deux catégories de modèles proposés. On notera seulement que l'organisation
tridimensionnelle des figures mitotiques introduit un nombre élevé de degrés de
liberté pour la figure formée par l'ensemble des structures cinétiques d'un même
stade, ce qui rend particulièrement sévères les exigences de concordance auxquelles doivent satisfaire les diverses parties de cette figure. L'hypothèse d'une
structure corticale exerçant sur l'vensemble une influence ordonnée permet plus
aisément de comprendre le caractère hautement coordonné de la segmentation.
Un autre argument va à l'encontre d'une hypothèse fondée essentiellement sur
les propriétés des centres cinétiques. On a vu, en effet (Guerrier, 1968), que chez
Limax, ces centres sont fournis à l'œuf par le spermatozoïde alors qu'on sait,
par ailleurs, que celui-ci ne peut intervenir dans la détermination génétique du
sens spiral de la segmentation, héritée selon un mode matrocline (Sturtevant,
1923).
L'une des hypothèses les plus vraisemblables consisterait sans doute à
admettre le jeu conjoint d'une structure orientée à localisation corticale ( =
champ spiral cortical) et d'une polarisation unidimensionnelle des figures
cinétiques, l'ensemble s'exprimant dans les propriétés de l'organisation spirale.
632
P. GUERRIER
(C) La formation de la symétrie bilatérale
L'hypothèse d'un caractère orienté des deux premières divisions permet
aisément d'imaginer la différenciation des quatre premiers blastomeres en une
figure pourvue d'un plan de symétrie conforme à celui que démontre l'observation (Fig. 10). Dans la représentation adoptée Fig. 10B et C, la différence
entre les segmentations dextre et sénestre apparaît comme l'effet d'une orientation opposée des fuseaux de deuxième division par rapport à l'orientation du
premier fuseau. Or, c'est précisément le type d'effet dont on peut imaginer qu'il
résulte de l'influence conjointe exercée par le premier fuseau et par une structure
corticale susceptible d'accepter deux orientations symétriques.
Fig. 10. Différenciation des quatre premiers blastomeres par le canal d'une orientation des divisions. On a supposé que chacun des blastomeres reçoit une 'qualité'
+ ou —, selon qu'il dérive de la pointe ou de la queue du vecteur fusorial correspondant. On voit qu'il en résulte la formation de trois types de blastomeres
(+ +>
et H—) dont les dispositions respectives et les relations de symétrie dépendent de l'orientation de la seconde division. On notera que les représentations
(B) et (C) (fuseaux parallèles) permettent d'imaginer deux positions du plan de
symétrie (S) par rapport à la cloison de première division; ce qui ne semble pas possible dans la représentation (D).
Sur ces bases, on pourra supposer que la fixation de la polarité dorsoventrale
ne s'achève, chez les Pulmonés, qu'après la fin de la deuxième division de segmentation. Dès lors, on conçoit aisément pourquoi, malgré la diversité des
manipulations opérées sur ce matériel, on n'ait jamais observé la formation de
figures gémellaires qui s'obtiennent au contraire facilement chez d'autres formes
de Spiralia où le caractère inégal de la première division pourrait déjà introduire
Segmentation
des Spiralia. I
633
certaines differences morphogénétiques fondamentales entre les deux premiers
blastomères (Boveri, 1910; Tyler, 1930; Novikoff, 1940; Guerrier, 1967). Ces
suppositions s'accordent également avec les résultats obtenus par l'école de
Raven (Raven, 1964; Verdonk, 1965; Geilenkirchen, 1964, 1966, 1967) qui
démontrent que les effets de la centrifugation, des chocs thermiques et du
chlorure de lithium sont particulièrement marqués au cours des trois premiers
cycles de divisions, entraînant principalement des altérations dans l'organisation
bilatérale du champ céphalique. Ces observations ne peuvent en fait s'expliquer que si l'on admet que la fixation définitive du champ dorsal intervient,
chez les Pulmonés, pendant le cours même de la troisième division.
Par ailleurs, il semble qu'une gastrulation normale ne puisse s'accomplir
que si les déterminations qui s'inscrivent au début de la segmentation présentent
une certaine concordance avec celles qui résultent de l'organisation polaire.
Cette exigence est particulièrement nette chez Limax. En revanche, elle n'apparaît pas chez Pomatoceros où la polarité antéropostérieure reste marquée par
l'organisation polaire quel que soit l'axe imposé à la segmentation spirale. La
comparaison entre les deux espèces sur la base des observations effectuées
reste quelque peu hasardeuse par suite du petit nombre d'expériences réalisées
chez Pomatoceros. Cependant, deux faits peuvent être notés :
(à) chez Pomatoceros, la segmentation ne présente qu'un caractère très
faible d'inégalité. De sorte qu'en déplaçant l'axe de segmentation spirale, on
n'apporte aux tailles des blastomères formés lors de la troisième division que
des modifications minimes, ce qui n'est pas le cas chez Limax. Et l'on peut
supposer que la possibilité ou l'impossibilité de gastruler est liée à l'existence de
certains rapports de taille entre les blastomères.
(b) La conservation de l'axe antéropostérieur chez Pomatoceros après compression au cours de la deuxième division, implique que celle-ci n'a pas encore
déterminé irrévocablement la polarité dorsoventrale. En effet, si celle-ci était
fixée à ce stade, il en résulterait des incompatibilités entre la polarité antéropostérieure et la polarité dorsoventrale. Il faut en conclure soit que la polarité
dorsoventrale est fixée au cours de la troisième division, soit qu'elle n'est fixée,
par la deuxième division, que selon une forme passagère susceptible de régulations ultérieures. La première hypothèse (intervention décisive de la troisième
division) paraît extrêmement plausible du fait qu'elle semble parfaitement
applicable au développement normal de Limax. Ce qui conduirait à penser que
les propriétés du somatoblaste 4d se constituent de façon progressive au long
des premières divisions. On retrouverait donc ici une situation comparable à
celle qui a été mise en évidence par Clement (1952,1962) sur l'œuf d'Ilyanassa, à
la suite de l'ablation du macromère dorsal à des stades successifs de la segmentation.
41
E M B 23
634
P. G U E R R I E R
CONCLUSION
GENERALE
En définitive, l'étude expérimentale du développement de quelques Spiralia
nous conduit à admettre l'existence dans l'œuf de deux types d'organisation :
L'une se définit par la position du pôle animal et se trouve fixée au moment
des divisions de maturation (Guerrier, 1968). En exerçant un effet sur la position
du premier fuseau de division, elle jouerait un rôle coordinateur fondamental
d'où découlent ensuite les différences de taille et de comportement qui marquent
habituellement macromères et micromères. Son influence est intégrée dans le
développement normal qui devient abortif si elle n'est plus coordonnée aux
autres éléments de la morphogenèse. Elle fixe l'axe antéropostérieur de
l'embryon.
L'autre se situerait au niveau des structures fusoriales que l'on admet orientées le long de leur axe selon une direction qui pourrait être, en partie, spécifiée
par l'existence d'une organisation de l'espace ovulaire ne comportant, toutefois,
aucune différenciation régionale préformée.
Les caractéristiques de l'ovocyte se limiteraient ainsi à des propriétés potentielles qui s'exprimeraient lors de la localisation des globules polaires et dans
certaines règles de coordination imposées aux générations fusoriales. Dans une
telle conception, la fixation du plan de symétrie bilatérale apparaît en particulier comme une conséquence du caractère orienté que présentent les premières
divisions de l'œuf.
Dans cette hypothèse, les premières divisions apportent à l'œuf une série
d'informations essentielles, par delà le partage de la matière ovulaire qu'elles
opèrent entre les divers blastomères. Elles apparaissent comme une composante
majeure de la tachygenese qui fixe dans les blastomères les propriétés ainsi
déterminées selon des formes que l'on n'observe pas dans les espèces qui conservent plus longtemps, au cours de leur développement, des capacités regulatives. De sorte que l'on peut se demander si la différence entre les développements tachygénétiques et les autres repose sur un processus de fixation rapide
des potentialités, spécifique de la tachygenese, ou, plus simplement, sur le
caractère homopolaire des divisions, dans les œufs à régulation, incapables
d'introduire une différenciation susceptible d'être fixée. Il paraît évident que la
deuxième hypothèse offre les possibilités les plus riches. Car l'avènement de
divisions différenciatrices peut reposer, comme cela paraît le cas ici, sur une
polarisation des figures cinétiques; mais, bien d'autres formes sont observées
dans d'autres espèces, susceptibles d'engager un partage des potentialités
morphogénétiques. Si bien qu'en définitive, l'étude expérimentale pratiquée sur
quelques espèces de Spiralia nous apporte à la fois une conception de la tachygenese en général et des hypothèses susceptibles d'être appliquées à un domaine
beaucoup plus vaste du développement.
Segmentation
des Spiralia.
I
635
RESUME
Des expériences de compression ont été entreprises afin de déterminer à quel
stade se fixe, chez Limax maximus, la polarité dorsoventrale de l'embryon.
1. Des œufs, en cours de première division, ont été comprimés entre deux plans
parallèles à l'axe polaire. Il en résulte un changement dans l'orientation du fuseau.
Lorsque celui-ci reste contenu dans un plan equatorial, la première cloison
de segmentation se constitue selon un méridien quelconque, différent du
méridien normal. La morphogenèse reste normale, le plan de symétrie bilatérale conservant ses relations avec le premier fuseau, malgré le déplacement
imposé à ce dernier. Cette observation prouve que l'orientation dorsoventrale
n'est pas préformée au sein de l'œuf indivis.
Lorsque le fuseau se dispose suivant l'axe polaire, on obtient une évolution
abortive. Dans ces conditions, le sens spiral du clivage apparaît néanmoins
conservé. Seuls se trouvent altérés les rapports de taille qui, dans le développement normal, permettaient de distinguer micromères et macromères.
2. Chez divers Pulmonés, dont Limax, on obtient encore un même résultat
lorsqu'une compression, appliquée au stade II, entraîne un basculement des
fuseaux de deuxième division parallèlement à l'axe polaire.
3. Ces observations conduisent à penser que les formes du développement
spiral résultent d'un ensemble de causes. Les orientations relatives des générations fusoriales successives pourraient dépendre, pour une part, de propriétés
inhérentes à l'ovule et dépourvues de localisation régionale et, pour une autre
part, d'une polarisation propre aux figures cinétiques elles-mêmes; l'ensemble
de ces propriétés permet d'édifier un modèle expliquant la fixation de la polarité
dorsoventrale à l'issue des premières divisions. Par ailleurs, la polarité animale
végétative s'exprime principalement dans le caractère inégal des divisions et dans
le positionnement normal du premier fuseau de segmentation, entraînant des
conséquences importantes dans le mécanisme de la gastrulation.
SUMMARY
Characteristics of segmentation and determination of dorsoventral polarity in
the development of Spiralia. I. The form of the first equal cleavage division.
Compression experiments were performed to determine the stage at which
dorsoventral polarity is fixed in eggs of Limax maximus.
1. Eggs attempting first cleavage were compressed between two planes
parallel to the polar axis. This leads to a shifting of spindle orientation.
When the spindle remains in an equatorial plane, the first furrow develops
along a meridian different from the normal one. Morphogenesis is normal, the
plane of bilateral symmetry maintaining its normal relationship with the first
spindle, despite the displacement of the spindle. This observation demonstrates
that dorsoventral polarity is not yet determined in the uncleaved egg.
41-2
636
P. GUERRIER
When the spindle is shifted along the polar axis, we obtain abortive development. In this condition, the direction of spiral cleavage is maintained, but the
shape relations which, in normal development, allow us to make a distinction
between micromeres and macromeres from the third division onward, are
definitely lost.
2. We obtain the same results on Limax and some other Pulmonates, when
the spindles of the second division are shifted parallel to the polar axis.
3. These results suggest that the patterns of spiral development are brought
about by a set of determinants. Reciprocal arrangement of successive spindle
generations may be partially dependent on specific ovular properties, unrelated
to regional localization, and partially, on a polarization related to the kinetic
figures themselves; the whole allowed us to construct a model accounting for the
fixation of dorsoventral polarity at the end of early cleavage. Besides, animalvegetal polarity seems essentially to act on the inequality of segmentation by
way of positioning the first cleavage spindle, entailing important consequences
in the processes of gastrulation.
Ces recherches correspondent à une thèse soutenue devant la Faculté des Sciences de
Lyon (1970).
TRAVAUX CITES
BOVERI, T. (1910). Über die Teilung zentrifugierter Eier von Ascaris megalocephala. Arch.
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(Manuscrit reçu le 7 juillet 1969)