Saisons de reproduction chez trois Rongeurs et un

Saisons de reproduction chez trois Rongeurs
et un Artiodactyle en Guyane frai^aise,
en fonction des facteurs du milieu et de l'alimentation
par O. HENRY
Laboratoire de Conservation des Especes Animates
Museum National d'Histoire Naturelle
57, rue Cuvier, 75231 Paris cedex 05
Summary. - This work concerns the seasonality of reproduction of four terrestrial mammals
in French Guiana: 3 rodents (Oryzomys capito velutinus, Proechimys cuvieri and Dasyprocta
leporina) and 1 artiodactyl (Tayassu tajacu). All are fruit-eaters, but size, energetic requirements
and gestation length are very different. Using the observed birth or the birth time calculated from
the fetal weight, the percentage of births occuring each two months periods, in terms of the number of gravid sampled females, was determined. The four species produce youngs all year long,
but the more size increases, the more unimodal and seasonal are births. Although the two smaller
species have some birth peaks and the two larger only one, the maxima occur principally during
the rainy seasons, when food resources, at the time of birth, are abundant and accessible. We
also find, for the two large species, a positive correlation between fruit production and births. For
all species, the litter size is then bigger, but seasonal variations are not significant. On the other
hand, the maximum conception periods occur during the dry seasons, but we don't know, at present, the factors which cue reproduction. For the males, there is no marked period of decreased
sexual activity, but seasonal variations of testicular weight are significant.
Resume. - Cette etude porte sur les Saisons de reproduction de 4 especes forestieres de
mammiferes terrestres guyanais comprenant 3 Rongeurs (Oryzomys capito velutinus, Proechimys
cuvieri et Dasyprocta leporina) et 1 Artiodactyle (Tayassu tajacu), essentiellement frugivores,
mais de taille differente et prosentant des besoins e"nerge"tiques et des duröes de gestation tres dissemblables. En etudiant, tous les 2 mois, les variations du taux mensuel des naissances (observe*es directement ou calcutees d'apres le poids des embryons), rapporte" au nombre de femelles
gravides echantillonnees, nous avons pu determiner les pe*riodes de mise-bas et de conception
des 4 especes. Ces dernieres se reproduisent toute Vanille, mais au für et ä mesure que
progresse en taille corporelle, les courbes de naissances deviennent unimodales et saisonnieres. Bien
que les 2 petites especes montrent plusieurs pics de mise-bas et les 2 plus grosses un seul, elles
presentent toutes un maximum de naissances durant la pleine saison des pluies, au moment ou
les ressources alimentaires sont les plus importantes et les plus accessibles. II existe une correlation positive entre les poriodes de mise-bas et de fructification, pour les 2 grandes especes. La
taille des portles tend aussi vers un maximum durant cette poriode, meme si les variations saisonnieres n'apparaissent pas significatives. Les maximums de fe*condation se situent surtout en
saison seche, pauvre en fruits. II ne nous est pas possible, actuellement, de definir les facteurs
qui seraient dlclencheurs de la reproduction. Chez les males, bien qu'il n'y ait pas de repos
sexuel, les variations saisonaleres des poids testiculaires apparaissent significatives.
Mammalia, t. 58, n° 2,1994 :183 - 200.
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MAMMALIA
INTRODUCTION
La reproduction chez les Mammiferes est un phenomena complexe faisant intervenir tout ä la fois des facteurs sociaux, physiques et alimentaires afin de garantir aux
animaux les plus grandes chances de succes pour la perennite de l'espece (Weir et
Rowlands 1973). De nombreuses etudes ont ete menees afin de determiner le röle et le
degre d'importance de ces differents facteurs dans le processus de reproduction (Sadleir
1969 ; Bronson 1985, 1989) et il est apparu que les Saisons de reproduction correspondent ä un phenomene presque universel chez les populations vivant aussi bien dans les
zones boreales, temperees ou tropicales.
Les travaux realises ä ce jour dans les pays tropicaux sont encore tres fragmentaires. Portant essentiellement sur la reproduction des petits mammiferes d'Afrique
(Dubost 1968; Delany et Neal 1969; Taylor et Green 1976; Perrin 1980; Dieterlen
1986; Neal 1986) ou d'Amerique du Sud (Fleming 1971 ; Guillotin 1982 ; Atramentowicz 1986), ils ont montre que les importantes variations saisonnieres qui apparaissent
dans ces regions, au niveau des pluies et des ressources alimentaires, semblaient avoir
une influence preponderante sur la reproduction.
Compte-tenu de ces grandes lacunes de connaissance sur un sujet aussi essentiel,
nous avons entrepris une etude de la reproduction de 4 especes de Mammiferes terrestres guyanais. Cette etude se justifiait pour deux raisons :
- situee pres de 1'Equateur (2 ä 6°N, 52 ä 54°W), la Guyane presente des variations saisonnieres tranchees au niveau des pluies et de la fructification ;
- malgre quelques travaux menes sur les mammiferes de Guyane (Charles-Dominique et a L 1981 ; Guillotin 1982; Atramentowicz 1986; Dubost 1988), ces derniers
sont encore peu connus au niveau ecologique.
Les 4 especes retenues cohabitent sur toute l'etendue de la foret tropicale guyanaise, s'y nourrissant de fruits et de graines tombees, mais aussi de matiere animale.
Cependant, comme consequence des grandes differences de taille existant entre les
especes, les besoins energetiques et les durees de gestation sont tres dissemblables.
Notre propos est de savoir dans quelles mesures ces especes sont saisonnieres et,
si tel est le cas, de determiner s'il existe un lien entre leur activite reproductrice et les
facteurs les plus fluctuants que sont la pluie et les ressources alimentaires, soit en debut
de gestation, soit au moment des mise-bas et de la lactation.
MATERIEL ET METHODES
Description des quatre especes etudiees.
Oryzomys capita velutinus : Rongeur Cricetide nocturne d'un poids variant entre
20 et 70 g et d'une longueur tete-corps entre 79 et 127 mm (N = 193). La duree de gestation est environ de 26 jours et les portees de type nidicole varient de l ä 6 jeunes ; la
maturite sexuelle a lieu avant deux mois (Worth 1967 ; Fleming 1971). Ces animaux se
rencontrent aussi bien en pleine foret que dans les zones ouvertes.
Proechimys cuvieri: Rongeur hystricomorphe nocturne pesant entre 200 et 500 g
avec une longueur tete-corps variant de 190 ä 270 mm (N = 179). La duree de gestation
est de 65 jours et la maturite sexuelle a lieu vers 4 mois (N = 9). II y a 1 ä 6 jeunes par
portee, de type nidifuge. Ce rongeur se rencontre surtout en foret.
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SAISONS DE REPRODUCTION EN GUYANE
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Dasyprocta leporina : (ou agouti) est un Rongeur caviomorphe diurne. II pese de
3 ä 5,9 kg et mesure entre 460 et 620 mm ä Tage adulte (N = 15). La periode de gestation varie entre 100 et 120jours et les portees sont de l ä 2 jeunes, quelquefois 3, de
type nidifuge (N = 11). La maturite sexuelle a Heu vers 6 mois (Roth-Kolar 1957 ; obs.
p-ers.). L'agouti se rencontre en grande foret mais egalement en savane et en foret
degradee.
Tayassu tajacu : (ou pecari ä collier) est un Artiodactyle appartenant ä la famille
des Tayassuidae. De longueur tete-corps entre 750 et 900 mm, il pese ä Tage adulte
entre 18 et 25 kg (N = 13). La duree de gestation est d'environ 145 jours et ie nombre
de jeunes par portee souvent de 2, parfois l ou 3 (N = 10). Les jeunes suivent leur
mere des le premier jour. La maturite sexuelle a lieu vers 12 mois (Sowls 1984; obs.
pers.). En Guyane, cet animal se rencontre uniquement en foret.
Recolte des echantillons.
La capture des Proechimys et des Oryzomys s'est faite en continu entre 1989 et
1991 sur la station de Paracou (5°15!N, 52°55'W) appartenant au Centre Technique
Forestier Tropical et situee pres de Sinnamary.
Les sessions de capture ont eu Heu tous les mois durant une periode de 10 ä
15 jours consecutifs. Elles etaient realisees ä l'aide de tapettes ä rats disposees ä intervalle regulier de 25 m sur 3 layons de l 500 m de long, distants les uns des autres d'au
moins 100 m, et qui traversaient les principaux types structuraux de la vegetation de ce
bloc forestier de type primaire. Afin de ne pas epuiser localement les populations de
rongeurs, les 3 layons etaient utilises alternativement chaque mois.
Les animaux recuperes etaient peses et mesures. Apres autopsie, les organes genitaux des males et des femelles ainsi que les embryons etaient decrits, peses et mesures,
puis places dans du formol ä 10 %. Les estomacs etaient preleves et conserves dans les
memes conditions pour une etude ulterieure sur ralimentation. Enfin la mächoire inferieure de chaque animal etait conservee pour determination de Tage des animaux
d'apres l eruption et l'usure des dents.
La collecte d'echantillons d'agoutis et de pecaris s'est faite essentiellement grace a
un reseau de chasseurs mis en place ä travers toute la Guyane. Pour chaque animal tue,
les prelevements etaient les memes que precedemment.
Donners climatiques.
Le climat de la Guyane est de type equatorial, avec une temperature moyenne de
26°C et un taux d'humidite se situant entre 80 et 90 %. La photoperiode est relativement stable tout au long de 1'annee, les variations ne depassant pas les 35 minutes.
Les precipitations sont intenses et varient de fagon importante. Ainsi nous trouvons une saison seche qui dure environ 4 mois (aoüt ä novembre) et une longue saison
des pluies qui s'etend sur le reste de l'annee avec un maximum en mai. A cet egard, la
station de Paracou, ou ont ete exclusivement recoltes O. capito et P. cuvieri, ne se differencie pas beaucoup de l'ensemble de la Guyane d'ou proviennent les agoutis et les
pecaris, ce qui autorise une comparaison entre ces 4 especes (Fig. 1).
Ressources alimentaires du terrain.
La production en fruits a ete estimee grace ä la methode des layons ratisses qui
permet de collecter et d'analyser la production au sein d'une phytocenose et d'obtenir
des donnees en grande quantite (Sabatier 1983). Cette collecte de fruits s'est faite sur
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MAMMALIA
600,.
Ο 6UYANE
Ε3 PARACOU
400
ε
ε
ο- 200
F
Μ
Fig. 1. - En blanc : pluviomotrie moyenne de la Guyane (donnees de 1981-1991 ; Μέιέο France
Guyane). En pointilles: pluviom&rie sur la station de Paracou durant les deux annees et
demi de pie*geage des petits rongeurs (donnees de 1989-1991; CTFT-Kourou).
un des layons de piegeage (l 500m de long X l m de large), toutes les 2semaines
durant 2 annees pleines (1989-1990). La presence des fruits au sol etait notee, puis le
layon etait ratisse afm de ne pas provoquer de redundance pour la quinzaine suivante.
Nous avons retenu comme indices de production fruitiere le nombre d'especes et
le nombre d'individus en fruits. Les donnees ont ete exprimees en moyennes mensuelles et rapportees sur une distance de 1 000 m afm de comparer l'etude menee
Paracou celle faite par Sabatier (1983) sur la piste de St-Elie dans les memes conditions (Fig. 2).
Les courbes en nombre d'especes et celles en nombre d'individus presentent de
grandes variations saisonnieres, mais apparaissent semblables. Elles sont unimodales,
montrant un maximum de la production en mars, suivi par une chute rapide et une
reprise des septembre. La periode riche en fruits commence a la fin de la grande saison
seche pour atteindre son maximum en grande saison des pluies, environ un mois avant
le maximum de pluies, tandis que la periode la plus pauvre correspond la premiere
partie de la saison seche. Le rapport de production passe ainsi de l 10 pour les individus fructifiant de la saison pauvre la saison riche, et de l 6 pour les especes. Les
donnees recueillies par Sabatier en 1983 sur la piste de St-Elie montrent une variation
identique dans la fructification des arbres (de l 10 pour les individus et de l 8 pour
les especes) (Fig. 2). Le phenomene saisonnier apparait done relativement homogene
entre ces 2 zones, pourtant eloignees Tune de l'autre et dont les releves furent effectues
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SAISONS DE REPRODUCTION EN GUYANE
ESPECES EN F R U C T I F I C A T I O N
&
Paracou
4 Saint Elie
70
60
INDIVIDUS PROOUCTEURS
Paracou
*—·——-*
Saint Elie
50
40
30
20
10
D
J
F
M
A
M
J
J
A
S
O
N
Fig. 2. - Fructification moyenne en nombre moyen d'especes (traits fins) et en nombre moyen
d'individus (traits gras) sur une distance de 1 000m (d'apres Sabatier (1983) pour la piste
de Saint-Elie et obs. pers. (1989-1990) pour Paracou).
des periodes tres differentes. Et si nous avons pu observer d'importantes variations interannuelles sur un meme site, le profil saisonnier global change peu au cours des ans. De
plus, ces variations saisonnieres semblent se retrouver sur l'ensemble du territoire.
Donne es de reproduction.
Seuls les males et les femelles matures ont etc pris en compte ainsi que les jeunes
dont nous avons pu estimer Tage. Nous avons considere aussi les naissances en captivite pour les femelles fecondees in natura.
Pour connaitre Tage des embryons et des foetus et savoir ainsi la date probable de
leur naissance, nous avons utilise la formule de Huggett et Widdas (1951): le poids de
1'embryon est
ä son äge ä partir de la conception grace ä 1'equation: P1/3 = a(t-t>) ou
P est le poids de l'embryon ä Tage t, to une constante determinant Tage ä partir duquel
l'embryon peut etre pese et a la vitesse de croissance foetale.
Les valeurs de a et de to pour nos 4 especes ont pu etre d£terminees directement
ou bien deduites ä partir d'especes similakes bien etudiees dont la duree de gestation et
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MAMMALIA
le poids des nouveau-nes etaient comparables. Pour O. capito, nous nous sommes referes aux donnees de Frazer et Huggett (1974), pour P. cuvieri et D. leporina ä celles de
Weir (1974) et pour T. tajacu, nous avons considere les travaux de Smith et Sowls
(1975) (Table 1).
L'äge des embryons etant une valeur estimee, les naissances qui se situaient ä la
limite entre 2 mois ont etc comptabilisees pour moitie dans chacun des mois consideres. II en a ete de meme pour les dates estimees des fecondations.
Quant aux jeunes recueillis dans la nature, leur age a pu etre determine a partir de
courbes de croissance (poids et apparition des dents) etablies sur plusieurs individus.
TABLEAU 1. - Duree de gestation, valeur de T0 et a d'apres l'equation de Huggett et Widdas ( 1 9 5 1 ) : W" =
a (T-To).
Especes
Duree de gestation
T0 ( j o u r s )
0. caoi to
26
11
0,09*
P. c u v i e r i
65
19,5
0,06*
D. l e o o r i n a
110
21
0,06*
T. ta.iacu
145
36
0,08
v a l e u r s e s t i m e e s ä p a r t i r d'especes c o m p a r a b l e s .
RESULTATS
Les resultats sont presentes espece par espece selon un gradient croissant de poids
corporel et de duree de gestation afm de montrer le lien pouvant exister entre periodes
de fecondation ou de mise-bas et facteurs du milieu. Afm de permettre l'utilisation de
tests statistiques les donnees ont ete regroupees par 2 mois, en conformite avec les
courbes de pluviosite et de production en fruits.
Debut de gestation.
Les dates theoriques de fecondation ont ete determinees animal par animal, en
avangant de la duree moyenne de gestation les dates de mise-bas (Fig. 3).
II y a 3 maximums de fecondation des femelles chez O. capito (Fig. 3A) separes
par 4 mois, et un seul maximum de fecondation pour les jeunes captures dans la nature
(fevrier-mars). Les variations ne sont pas significatives dans les deux cas.
Chez P. cuvieri (Fig. 3B), on trouve pour les embryons deux maximums, espaces
de 6 mois. Les variations ne sont significatives que pour les fecondations calculees ä
partir des jeunes (G = 17,69 ; ddl = 5 ; N = 77 ; p < 0,01).
Contrairement aux petites especes, les deux grandes montrent des courbes de
fecondation unimodales avec un maximum situe en aoüt-septembre, mais les minimums ne correspondent pas tout ä fait (avril-mai pour D. leporina ; fevrier-mars pour
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SAISONS DE REPRODUCTION EN GUYANE
T. tajacu) (Fig. 3C et 3D). Ces fluctuations saisonaleres ne sont significatives que pour
lies embryons (G = 19,09 ; ddl = 5 ; N = 42 ; p < 0,01 pour D. leporina et G = 12,0 ;
ddl = 5 ; N = 33 ; p < 0,05 pour T. tajacu).
100r
50
A
v··^·.
es
<
o 100
o
cu
50
0
J
F
M
A
M
J
J
A
S
0
N
A
S °H
Fig. 3. - Dates calculees de fecondation, exprimees en pourcentage de femelles gravides (histogramme : NA = 41, NB = 32, NC = 42, ND = 33) et debut de gestation correspondant aux
jeunes captures, exprime en pourcentage du total annuel (trait interrompu: NA = 27,
NB = 77, NC = 79, ND = 56) pour (A) O. capito, (B) P. cuvieri, (C) D. leporina, (D) T.
tajacu.
Mise-bas.
Sur la figure 4, les mise-bas, calculees d'apres l'äge des embryons et les naissances
presumees d'apres le stade de croissance des jeunes captures dans la nature, correspondent globalement chez toutes les especes. Pour plus de facilites et pour bien differencier les deux modes de calcul nous avons utilise par la suite les termes de « naissances
des embryons » (calculees a partir des embryons) par opposition aux « naissances des
jeunes » (calculees ä partir des jeunes captures). Par ailleurs, en comptant pour 1/2 les
femelles situees ä la frontiere entre deux periodes, la figure 4 n'apparait pas semblable
ä celle des fecondations.
O. capito (Fig. 4A) montre des mise-bas regulierement tout au long de l'annee.
Les maximums de naissances des embryons et des jeunes se situent ä la meme periode
(avril-mai avec 92 % de naissances chez les femelles gravides et 29 % des jeunes produits annuellement; le maximum des naissances est plus precisement localise en avril
dans les 2 cas : rapport de 5 ä 1 pour les naissances embryonnaires d'avril par rapport ä
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MAMMALIA
mai et de 2 ä l pour les jeunes). Cependant, ces maximums ne sont pas tres accuses et
les differences ne sont pas significatives (G = 3,57; ddl = 5; N = 41 ; NS pour les
embryons et G = 2,60; ddl = 5 ; N = 27 ; NS pour les jeunes). En realite les 2 courbes
ne sont correlees que pour la premiere partie de l'annee. En regroupant les mise-bas
(embryons + jeunes), on observe un seul maximum en avril-mai (26 %) et un minimum
en fevrier-mars (12,6 %), ce qui donne un rapport de 2,0 (non significatif)·
100 r
B
so
1fl
°
Fig. 4. - Dates calcutees de naissance des embryons, exprimoes en pourcentage des femelles gravides (histogramme): NA = 41, NB = 32, NC = 42, ND = 33, et des jeunes capturös dans la
nature, exprimäes en pourcentage du total annuel (trait interrompu): NA = 27, NB = 77,
NC = 79, ND = 56 pour (A) O. capito, (B) P. cuvieri, (C) D, leporina, (D) T. tajacu. Trait
continu : mise-bas calculees d'apres les embryons plus les jeunes, et exprimoes en pourcentage par rapport au total annuel.
Chez P. cuvieri (Fig. 4B), l'histogramme des naissances des embryons devient
plus ou moins bimodal. La encore, le maximum de naissances des jeunes (37 %) coincide avec celui des embryons (80 % des femelles gravides) en avril-mai, les mise-bas
ayant lieu surtout en avril (le rapport est de 4 pour l chez les embryons et de 3 pour l
chez les jeunes). Cependant les variations saisonnieres ne sont significatives que pour
les jeunes (G = 25,63 ; ddl = 5 ; N = 77 ; p < 0,001). Les deux courbes ne sont correlees que pour la premiere partie de l'annee, de decembre ä mai. Les naissances regroupees donnent un seul maximum en avril-mai (31 %) et un minimum en fevrier-mars
(l 1,5 %). Le rapport est de 2,7 (G = 15,07 ; ddl = 5 ; p < 0,02 ; N = 109).
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SAISONS DE REPRODUCTION EN GUYANE
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D. leporina (Fig. 4C) montre un seul pic de naissances se situant en avril-mai pour
les embryons (70% de femelies gravides), avec une tendance pour avril (rapport
avril/mai allant de 3 ä 1), mais s'etalant sur fevrier-mars pour les jeunes (54 % des
mise-bas annuelles se produisent sur ces 4 mois), le maximum de naissances ayant Heu
en mars (rapport mars/avril allant de 4 ä 1). De meme, on ne constate plus qu'un seul
minimum, en aoüt-septembre. Les deux courbes saisonnieres sont hautement significatives (G = 18,76 ; ddl = 5 ; N = 42 ; p < 0,001 pour les embryons ; G = 16,16 ; ddl = 5 ;
N = 79; p < 0,001 pour les jeunes) et correlees (rs = 0,87; N = 6; p < 0,05). En
regroupant les embryons et les jeunes, nous obtenons un maximum en avril-mai
(28,6 %) et un minimum limite ä aoüt-septembre (5,0 %): rapport de 5,9 (G = 20,5 ;
ddl = 5;p<0,001;N=121).
Chez T. tajacu (Fig. 4D), on trouve un minimum en aoüt-septembre, et un seul
maximum se situant en fevrier-mars (59 % des femelles gravides mettant bas ä cette
periode et 35 % de naissances de jeunes). Comme chez D. leporina, les variations des
deux courbes sont significatives (G =11,29; ddl = 5; N = 33; p < 0,05 pour les
embryons et G = 12,86; ddl = 5 ; N = 56 ; p < 0,05 pour les jeunes) et se trouvent correlees entre elles (rs = 0,94; N = 6 ; p < 0,05). Le regroupement donne un maximum
en fevrier-mars (33 %) et un minimum, limito aussi ä aoüt-septembre (9,3 %). Le rapport est de 3,5 (G = 15,58 ; ddl = 5 ; p < 0,01 ; N = 89).
On peut done dans l'ensemble distinguer 2 categories d'animaux: d'un cöte les
deux plus petits O. capito et P. cuvieri qui montrent plusieurs pics de mise-bas (2 ou 3)
et des differences saisonnieres peu accusees (les rapports sont respectivement de 1,7 et
4,0 entre le maximum et le minimum des naissances embryonnaires); de l'autre, les
deux plus gros D. leporina et T. tajacu qui n'ont plus qu'un seul mode de mise-bas
(embryons ou jeunes) et des differences saisonnieres plus marquees (respectivement
11,7 et 5,9 pour les histogrammes embryonnaires).
Chez toutes les especes, on constate un maximum de naissances sensiblement ä la
meme periode de l'annee: avril-mai ou fevrier-mars; les deux petites especes ä duree
de gestation et de lactation courtes « calent» leurs maximums de naissances (d'apres
les embryons et les jeunes) sur avril-mai, alors que pour la plus grosse espece qui
montre une duree de gestation et de lactation bien superieure, cela se produit en
fevrier-mars. D. leporina, intermediate, a ses maximums egalement intermediaires
(fevrier-mai).
Nombre d'embryons par portee.
Le tableau 2 montre que le nombre moyen d'embryons par portie subit quelques
fluctuations tout au long de l'annee. Cependant, pour aucune des especes considerees,
les variations ne sont significatives. Contrairement aux mois de naissances, il n'y a
apparemment pas de periode favorable ä des portees plus nombreuses chez les
4 especes, meme si les maximums se placent soit en debut, soit en pleine saison de
fructification.
Variations saisonnieres du poids testiculaire.
La figure 5 nous montre des courbes unimodales. Les variations ponderales saisonnieres sont significatives chez toutes les especes, mais cette evolution est differente
pour chacune d'entre elles :
- pour O. capito, les valeurs les plus basses se situent en aoüt-septembre (0,07 ±
0,02 g), alors que le maximum est atteint en avril-mai (0,10 ± 0,05 g), ce qui correspond ä une augmentation de 42,8 % (F5.i03 = 2,55 ; p < 0,01);
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MAMMALIA
TABLEAU 2. - Nombre moyen d'embryons par portee pour chaque espece (moyenne + ecart-type).
Especes
D-J
F-M
A-M
0. caoito
(128 e m b ; 35 fg)
3,6
4,6
4,0
P. c u v i e r i
(94 e m b ; 30 fg)
'
J-J
A-S
0-N
3,2
3,3
3,4
(0,7)
(1,2)
(0,8)
(1,6)
(1,0)
(0,5)
3,7
3,2
2,6
3,6
1,7)
3,0
(0)
2,2
(1,5)
(0,5)
(0,5)
(0,5)
D. l e o o r i n a
(67 emb; 35 fg)
1,6
1,9
2,0
1,7
1,5
1,9
(0,8)
(0,8)
(0,5)
(0,7)
(0,5)
(0,4)
T. ta.iacu
(58 e m b ; 29 fg)
1,9
2,2
(0,4)
2,0
(0)
1,8
(0,7)
(0,5)
2,0
(0)
(0,1)
e m b . : embryons;
2,2
f g . : femelles gravides
0,2
0
Ο
i=
CO
6
25
3
15
CO
α
5
M
J
J
A
S
Fig. 5. - Variations saisonnieres du poids moyen (± ecart-type) testiculaire des adultes et des
subadultes de (Α) Ο. capita (Ν = 109), (Β) P. cuvieri (Ν = 52), (C) D. leporina (N = 48),
(D) T. tajacu (N = 49).
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SAISONS DE REPRODUCTION EN GUYANE
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- P. cuvieri presente son minimum en juin-juillet (0,7 ± 0,4 g) et un maximum en
fevrier-mars (2,2 ± 1,8 g). II y a ainsi une augmentation de plus de 200 % (P5M = 2,59 ;
p < 0,05);
- D. leporina presente un minimum en avril-mai (1,6 ± 0,3 g) et un pic en aoutseptembre (3,6 ± 0,2 g), correspondant a une augmentation de 125 % (F542 = 5,29 ; p <
0,001);
- chez T. tajacu, avec un minimum en avril-mai (10,2 ± 5,6 g) et un maximum en
aout-septembre (18,2 ± 2,0 g), nous avons une augmentation de 78 % (F543 = 2,74 ; p <
0,05).
Pour chacune des especes, des spermatozoides s'observent dans la queue des epididymes des adultes comme des subadultes, tout au long de l'annee, et le pourcentage
d'animaux qui en sont depourvus ne varie pas significativement d'une periode ä l'autre.
Chez O. capito, P. cuvieri et T. tajacu, tous les animaux presentent des spermatozo'ides
dans leurs epididymes. Chez D. leporina, 25 % des males en sont depourvus en avrilmai et 33 % en juin-juillet (correspondant aux periodes oü les poids testiculaires sont
les plus faibles) contre 8 % en fevrier-mars et 0 % pour les autres periodes.
Correlation entre la reproduction et lesfacteurs du milieu :
la pluie et les ressources alimentaires.
Pour plus de clarte, les resultats ont ete regroupes dans le tableau 3.
La fecondation et lesfacteurs du milieu.
Aucune correlation n'existe entre la pluviometrie et la fecondation chez les
4 especes. Par contre, il en existe une negative avec la production en fruits chez D.
leporina et T. tajacu (uniquement les embryons): respectivement rs = - 0,88 ; N = 6 ; p
< 0,05 et rs = - 0,94; N = 6; p < 0,05. Pour ces 2 especes, la fecondation se situe
done surtout en periode de rarefaction en fruits.
Les naissances et lesfacteurs du milieu.
Seules les 2 plus grosses especes presentent une correlation. En tenant compte
uniquement des resultats obtenus ä partir des embryons, la liaison, chez D. leporina, est
significative aussi bien avec la pluie qu'avec l'alimentation (respectivement rs = 0,83 ;
N = 6 ; p < 0,05 et rs = 0,94 ; N = 6 ; p < 0,01). Chez T. tajacu qui presente son pic
de naissances 2 mois avant le maximum des pluies, puis une baisse au moment oü ces
dernieres sont les plus importantes, la correlation n'existe que pour les ressources alimentaires (rs = 0,98 ; N = 6 ; p < 0,01).
Le nombre d'embryons et lesfacteurs du milieu.
Nous observons une correlation tres positive, chez O. capito, entre le nombre
d'embryons et les ressources alimentaires (rs = 0,94 ; N = 6 ; p < 0,01), mais il est difficile d'expliquer ce resultat puisque les variations embryonnaires ne sont pas significatives. Par contre, les 3 autres especes qui montraient parfois quelques correlations entre
le pourcentage de gestation ou les mise-bas et les facteurs du milieu, ne font pas varier
la taille de leurs portees en consequence.
Le poids testiculaire et lesfacteurs du milieu.
Aucune correlation avec la pluie ou la periode de fructification n'apparait pour les
4 especes et ce, malgre des variations ponderales significatives. Les males sont actifs
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MAMMALIA
toute 1'annee (spermatozo'ides presents dans les epididymes) et semblent reagir de fa^on
plus independante face a leur environnement que les femelles.
TABLEAU 3. - Conflation existant entre les difforentes Stapes de la reproduction et les facteurs pluie et
fructification. Pour les femelles, la premiere valeur est calcu!6e ä partir des embryons et la deuxieme ä
partir des jeunes.
FEMELLES
Especes
Facteurs
O.capito
P
F
P.cuvieri
P
F
D. l e p o r i n e
P
F
T.taiacu
P
F
Focondation
MALES
Mise-bas
Embryons
Poids test.
-0 .54
-0 ,51
-0 ,31
0 ,25
NS
NS
NS
NS
0 ,65
0 ,77
-0 ,02
0 ,47
NS
NS
NS
NS
0,42 NS
**
0,51 NS
-0 ,25
-0 ,14
0 ,03
0 ,25
NS
NS
NS
NS
0 ,26
0 ,77
-0 ,02
0 ,65
NS
NS
NS
NS
0,43 NS
-0,02 NS
-0 ,48 NS
-0 ,35 NS
-0 ,88 *
-0 ,82 *
-0 ,60
0 ,14
-0 ,94
-0 ,54
NS
NS
**
NS
0 ,83 *
0 ,53 NS
0 ,94 **
0 ,93 **
0 ,55
-0 ,67
0 ,94
0 ,07
NS
NS
**
NS
0,14 NS
-0,94
--
-0,43 NS
0,22 NS
-0,13 NS
-0,14 NS
-0,24 NS
-0,71 NS
--0,37 NS
-0,14 NS
-0,28 NS
0,25 NS
--
NS : non s i g n i f i c a t i f ; * : p < 0,05; ** : p < 0,01.
P = pluie
F = fruits.
Les correlations ont
ete c a l c u l e e s entre
les six pe>iodes de deux m o i s d e " f i n i e s preOedemment.
DISCUSSION
Reproduction continue.
En regardant les figures 3 et 4, le premier point qui ressort chez les 4 especes est
la presence d'une reproduction continue tout au long de 1'annee, sans aucun arret r6el.
Cela se retrouve chez d'autres animaux vivant dans des conditions identiques, c'est-adire la ou les facteurs climatiques sont relativement constants et oü le niveau de ressources alimentaires ne presente pas de baisse assez accusee pour entrainer un repos
sexuel (Dubost 1968; Dieterlen 1986; Neal 1986; Dubost et Peer 1992). En effet,
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SAISONS DE REPRODUCTION EN GUYANE
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malgre une saison de fructification tres marquee, une certaine quantite de fruits reste
disponible plus longtemps au sol pour les terrestres que pour les arboricoles ; en outre
les animaux terrestres peuvent consommer des fruits avortes ou immatures. Un
deuxieme facteur favorable reside dans le fait que ces especes adoptent differentes strategies alimentaires compensatrices:
1) Changement d'alimentation au für et ä mesure que les ressources en fruits
diminuent. Chez O. capito, la consommation de mattere animale qui se situe aux alentours de 30 % en periode de fructification peut atteindre 80 % en saison seche (obs.
pers.). Le meme phonomene se retrouve chez P. cuvieri, l'animal devenant plus insectivore en saison seche (Guillotin 1982 ; obs. pers.).
Ces rongeurs suivent done le cycle de la fructification et adaptent au mieux leur
regime en fonction des ressources du milieu.
Suivant le milieu, T. tajacu change aussi de regime alimentaire. Bodmer (1989)
rnontre que cet animal mange plus d'invertebres au nord du Perou qu'au sud et, en
dehors du bassin amazonien, les pecans sont moins frugivores. De plus, 1'animal peut
creuser profondement dans le sol pour atteindre des plantes souterraines et des tubercules inaccessibles aux autres especes, lui procurant ainsi un regime tres varie (Kiltie
1982).
2) La deuxieme Strategie que peuvent employer les animaux est la mise en
reserve. Guillotin (1982) et Forget (1991) notent que P. cuvieri stocke des graines pendant la periode d'abondance alimentaire. Ce phenomene avait dejä ete note chez P.
semispinosus (Smythe 1970; Fleming 1971; Maliniak et Eisenberg 1971), mais il
semble assez rare chez les petits rongeurs de foret tropicale humide comme a pu le
constater Launay (1975).
Ce comportement de mise en reserve se retrouve aussi de fagon innee chez
1'agouti (Smythe 1978; Forget 1990). L'animal fait differentes caches, chacune contenant un fruit ou une graine, autour du pied porteur, lui permettant ainsi de supporter la
periode pauvre en fruits. Le stockage n'existe pas chez T. tajacu et n'a jamais 6te
observe chez O. capita.
Saisons de mise-bas et de fecondation.
II existe une concordance des maximums de mise-bas ä certains mois (fevrier a
mai) (Fig. 4). Ces groupements coincident avec le pic de fructification. Durant cette
periode, les animaux ont moins d'efforts a fournir pour rechercher leur nourriture, ce
qui est capital, surtout pour les femelles allaitantes. En effet, la lactation est consideree,
chez la plupart des mammiferes, comme une des periodes les plus delicates de la reproduction au niveau des coüts energetiques. L'augmentation en calories, par rapport ä une
femelle non reproductive, peut etre de 66 % ä 200 % (Kaczmarski 1966 ; Randolph et
a!. 1977 ; Millar 1978; Mattingly et Me Clure 1982; Gittleman et Thompson 1988).
Ces « coüts» supplementaires font que la reproduction est tres dependante du niveau
des ressources alimentaires. C'est autour et apres la naissance que doivent se rencontrer
les meilleures conditions de nourriture pour beaucoup de mammiferes (Sadleir 1969),
la lactation correspondant ä une augmentation de l'activite de la mere et de la thermoregulation des jeunes (Randolph et al. 1977; Millar 1978; Gittleman et Thompson
1988).
L'ecart le plus faible entre le maximum et le minimum de mise-bas apparait chez
0. capito. Ses besoins energetiques, qui ont bien augmente avec I'allaitement, restent
peu importants. Par ailleurs, sa grande consommation de matiere animale lui permet
aussi d'acquerir, ä tout moment, les elements proteiniques indispensables au bon derou-
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lement de la gestation et de la lactation (55 % de matiere animale chez les femelles
gestantes ou allaitantes contre 48 % chez les femelles non gravides). Cependant, bien
que cette espece presente des mise-bas toute 1'annee, un leger pic se situe, aussi bien
pour les embryons que pour les jeunes durant la periode de fructification, c'est-a-dire
au moment ou l'acces ä la nourriture est le plus facile.
Chez P. cuvieri, 1'ecart est plus grand. 16 fois plus gros qu'<9. capito, P. cuvieri est
aussi plus frugivore (66 % de fruits dans son regime contre 48 % pour O. capito).
Enfin, il presente une duree de gestation tres longue pour sa taille. Ses besoins energetiques seront done, dans 1'absolu, bien plus importants. Les consequences en sont un
maximum de femelles gestantes et allaitantes autour de la periode la plus favorable en
fruits. Cependant, cette espece de petite taille trouve encore, a chaque saison, suffisamment ä manger pour pallier la demande energetique. Les naissances se repartissent
done sur toute 1'annee.
L'ecart maximum apparait chez D. leporina. Strict frugivore (84 % de fruits) et 10
fois plus gros que P. cuvieri, ses besoins augmentent considerablement. La plus grande
partie des naissances a done lieu ä un moment qui permet aux femelles allaitantes d'acceder facilement et rapidement aux ressources alimentaires. Un certain nombre de
femelles allaiteront quand meme durant la periode de decroissance de la fructification,
ce qui n'est pas a priori favorable. Bien que 1'agouti semble etre 1'animal le plus dependant de son milieu, son comportement de mise en reserve lui permet d'affronter la saison pauvre en fruits et d'amener les jeunes au sevrage.
Chez T. tajacii, 1'ecart diminue de nouveau. Bien qu'ils soient frugivores (62 % de
fruits consommes), ces animaux presentent un regime varie (Kiltie 1981 ; Bodmer 1989 ;
obs. pers.), et trouvent toujours a manger. De plus, les besoins energetiques, compares
aux 3 autres especes, sont plus faibles en valeurs relatives. Des etudes menees dans ce
sens sur les gros Mammiferes ont montre que le poids des jeunes ä la naissance et la
taille des portees sont souvent inversement proportionnels au poids de la mere (Millar
1978 ; Bronson 1989). De plus, le coüt de la lactation comme celui de la croissance des
jeunes se trouvent etales dans le temps (Bronson 1989). Les mise-bas ont done lieu
toute 1'annee, avec cependant un maximum de naissances durant la saison la plus favorable. Les naissances vers le mois de fevrier peuvent etre la consequence d'une longue
lactation (environ 8 semaines selon Sowls 1984). Les jeunes seront ainsi amenes au
sevrage ä la periode maximale en fruits.
Cette difference nette entre les deux grosses especes (plus ou moins limitees ä un
seul maximum annuel « bloque » sur la periode riche en fruits) et les deux petites (qui
presentent 2 ou 3 maximums, en periode riche comme en periode pauvre) peut se traduire par certains desavantages pour ces dernieres.
Chez O. capito et P. cuvieri, les naissances calculees d'apres les embryons et les
jeunes ne sont correlees que dans la premiere partie de l'annee. En realite, les jeunes
captures dans la nature ne sont que ceux qui ont survecu, et la difference qui apparait
entre cette courbe et rhistogramme des naissances calculees ä partir des embryons
pourrait signifier qu'il y a eu mortalite d'un certain nombre de jeunes peu de temps
apres leur naissance, principalement durant les periodes pauvres comme aoutnovembre, par exemple. II se pourrait aussi que ce soit le resultat de resorptions
embryonnaires plus importantes durant cette periode, un appauvrissement de 1'alimentation pouvant empecher une femelle de mener ä son terme la gestation ou diminuer le
nombre d'embryons viables a la naissance.
Chez P. cuvieri, cette difference significative (G = 6,45 ; ddl = 2 ; p < 0,05)
atteint, durant la periode juin-novembre, plus de 22 %. Pour O. capito, meme si cela
n'est pas significatif (G = 4,54 ; ddl = 2 ; NS), nous observons, durant le meme temps,
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SAISONS DE REPRODUCTION EN GUYANE
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une difference de pres de 10 %. Chez D. leporina, cette difference est de 2 %, et chez
. tajacu de 6 %. Cette mortalite eventuelle s'expliquerait dans la mesure ou ces rongeurs ä duree de vie relativement courte definiraient une « Strategie opportuniste » de
leur reproduction face aux problemes que leur impose le milieu. La nourriture se trouvant en suffisance pour ces animaux, ils ont maintenu, au cours de revolution, une
reproduction continue, entramant l'apparition des mise-bas a toutes les saisons et I'arrivee des jeunes au sevrage a des periodes parfois tres defavorables. Un cas similaire de
forte mortalite des jeunes avait dejä ete decrit chez les Marsupiaux de Guyane (Atramentowicz 1986).
L'agouti et le pecari ont une duree de vie bien plus longue, et, comme tous les
gros mammiferes, ont tendance ä se reproduire moins souvent et de fa$on plus saisonniere, 1'acces facile et ä long terme aux ressources alimentaires etant le probleme principal pour les femelles reproductrices (Bronson 1985). Par ailleurs, les nombreux soins
apportes aux jeunes chez 1'agouti (Roth-Kolar 1957 ; Smythe 1978) comme chez le
pecari (Byers et Bekoff 1981 ; Byers 1983; Sowls 1984), permettent aux individus
d'acceder au sevrage avec succes.
S'il y a synchronisation des pics de naissances, il y a done decalage des maximums de fecondation. Ceux-ci se situent surtout en saison seche chez les 4 especes,
mais se rencontrent egalement en pleine periode de fructification (fevrier-mars) chez O.
capita et P. cuvieri. Malheureusement, il ne nous est pas possible, actuellement, de
definir les facteurs qui seraient susceptibles de declencher la reproduction.
Variations du poids testiculaire.
Les variations du poids testiculaire apparaissent bien plus faibles chez la petite et
la grande espece, ä la difference des deux autres, qui montrent des fluctuations tres
marquees, les testicules pouvant aller jusqu'ä doubler de poids d'une saison ä l'autre.
Cependant, on ne retrouve pas entre les 4 especes la meme correspondance saisonniere
que
avait constatee avec les pics de fecondation en aoüt-septembre, et il n'apparait
pas non plus de rapport direct entre les deux phenomenes. Comme pour les periodes de
fecondation, il ne nous est pas possible, actuellement, d'expliquer ces variations ponderales, d'autant plus que la spermatogenese apparait continue pour toutes les especes.
Cette spermatogenese continue est d'ailleurs un phenomene classique en regions tropicales, contrairement aux regions temperees, mais difficile ä expliquer.
En fait, le succes de reproduction des males n'est pas simplement determine par
leur capacite ä produire du sperme mais aussi par leur place dans la hierarchic, ce qui
leur permet de dominer les autres males et d'avoir acces aux femelles (Eibl-Eibesfeldt
1984 ; Bronson 1989). Les phenomenes comportementaux, tels les parades nuptiales ou
les combats ritualises, sont aussi importants que les phenomenes physiologiques (EiblEibesfeldt 1984). Ainsi, les pecaris maintiendraient une spermatogenese, meme dans
les moments les plus penibles, afin de prendre 1'avantage lorsque les conditions favorables arriveront (Lochmiller et al. 1985).
Nous ne pouvons pas dans le cas present parier de variations saisonnieres dans
1'activite testiculaire comparable ä celle des regions temperees.
En conclusion, si nous ignorons la nature exacte des stimuli initiateurs de la reproduction (facteurs proximaux), nous constatons qu'ä l'autre bout du processus, les jeunes
naissent surtout au cours de la periode ou les ressources trophiques sont maximales
(facteurs distaux). Malgre des differences energetiques et genetiques tres grandes entre
elles, les especes ont evolue sous la pression de contraintes ecologiques identiques
favorisant les individus les mieux adaptes. Les besoins energetiques etant bien plus ele-
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MAMMALIA
ves autour de et apres la naissance, il est tout a fait possible de penser que, puisque les
animaux sont confrontes ä de grandes variations des ressources alimentaires, la concordance de lews cycles reproducteurs s'est faite de preference au niveau de cette etape
tres sensible.
REMERCIEMENTS
Cette etude a et£ realise'e dans le cadre d'une these de l'Universite de Paris VII, et financee
dans le cadre d'un programme CORDET (contrat CORDET 88-126) realise entre le Museum
National d'Histoire Naturelle et le Ministöre des Dopartements et Territoires Outre-Mer. Je
remercie le Centre Technique Forestier Tropical ainsi que I'lnstitut National de la Recherche
Agronomique de Kourou pour 1'aide apport^e durant tout mon sejour en Guyane. Je remercie
plus particulierement Gorard Dubost et Pierre-Michel Forget qui m'ont guide* sur le terrain et
conseillo lors de la realisation de ce travail. Les critiques de Messieurs Signoret, du centre INRA
de Tours, et Mauget, du centre CNRS de Chize, me furent precieuses. Enfin, je veux rendre
hommage ä toutes les personnes (chasseurs, informateurs et autres) qui m'ont offert leur aide, et
sans qui ce programme n'aurait pu se realiser.
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