F e - FITE

the- fite.com
hs _ proje ts / ville de clermont-ferrand /musée bargoin
fe s ti va l i nte r nati o na l d e s te x ti l e s e x t r a o r di na i r e s - 2 01 2 - c l e r mo nt- fe r r a n d
Festival international
des textiles extra ordinaires
septembre 2012 / Clermont-Ferrand
|
Préface d’Aurélie Filippetti
Préface
Aurélie Filippetti,
Ministre de la culture
et de la communication
|
Foreword by Aurélie Filippetti
Foreword
Aurélie Filippetti,
Minister of culture
and communication
Artistes, artisans et designers façonnent le pay­
sage culturel au fil de leurs inspirations et de leur
savoir-faire uniques. Nous pensons connaître ces
domaines mais nous n’en avons qu’une vue partielle
et quelque fois partiale.
L’exposition Métamorphoses présentée au musée
Bargoin et labellisée d’intérêt national par le ministère
de la Culture et de la Communication nous ouvre les
portes de ces univers souvent trop méconnus. Par la
magie de la métamorphose, l’imagination et la dex­
térité du geste se lient pour nous livrer un patrimoine
entre tradition et modernité.
Les thèmes abordés tels que la transformation
des fibres, la symbolique de l’étoffe ou encore l’évo­
lution de l’individu transmettant un savoir-faire,
convergent vers un croisement rare entre matière,
histoire et innovation. Ces métamorphoses, en réfé­
rence à celles d’Ovide, constituent une galerie de
transformations extraordinaires, partie intégrante du
mouvement de la vie, de la nature, de la réflexion sur
l’homme et son environnement.
Cette exposition audacieuse met en regard un
patrimoine textile issu des collections du musée Bar­
goin, complété par d’autres collections publiques et
privées, et la création contemporaine.
Les cinq continents se rencontrent autour de
savoir-faire ancestraux et jouent de cet héritage pour
s’inscrire dans une dynamique artisanale et artistique
contemporaine où l’inventivité et l’imagination sont
foisonnantes, où la différence est synonyme d’enri­
chissement, où l’improbable devient possible…
|
Artists, craftspeople and designers all shape the
cultural landscape as they make use of their inspira­
tion and unique know-hows. We think we know a lot
about those fields of human history whereas our
vision is only partial, and sometimes biased.
The exhibition Métamorphoses presented at the
Musée Bargoin with the national interest label from
the Ministry of Culture and Communication opens
the gates of these too often unrecognized universes
to us. Through the magic of metamorphosis, the
imaginary of the mind and the skilfulness of the hand
unite to offer us a heritage including both tradi­tion
and modernity.
The themes dealt with in the exhibition, such as
the transformation of fibers, the symbolic of cloth
or the evolution of Man as a transmitter of knowhows, all converge to form a rare combination of
mate­rials, history and innovation. These meta­mor­
phoses, referring to Ovid’s, make up a series of extra­
ordinary trans­
formations which are part of the
movement of life, of nature, of reflection on human
beings and their environment.
This daring exhibition highlights a textile heritage
coming from the collections of the Musée Bargoin
side to side with other public and private collections
and contemporary creations.
The five continents meet around ancestral knowhows and use this heritage to join contemporary
craft and artistic dynamics where creativity and ima­
gination fully develop, where differences mean
enrichment, where the unlikely becomes possible…
3
|
|
4
|
FOREWORD BY SERGE GODARD
|
Édito de Serge Godard
|
|
ÉDITO D’OLIVIER BIANCHI
|
FOREWORD BY OLIVIER BIANCHI
Olivier Bianchi,
adjoint à la politique
culturelle
Olivier Bianchi,
DEPUTY MAYOR for Culture
Serge Godard,
maire de Clermont-Ferrand
Serge Godard,
Mayor of Clermont-Ferrand
C’est un honneur pour la Ville de Clermont-Ferrand
d’accueillir au Musée Bargoin l’exposition Métamorphoses, qui sera accompagnée par le Premier Festi­
val International des Textiles Extra ordinaires.
Cette exposition a été labellisée d’intérêt national, ce qui constitue une grande première pour un
musée clermontois, et je me félicite de cette dis­
tinction qui récompense tout le travail fourni par la
Ville dans le domaine culturel.
L’organisation de manifestations culturelles au
rayonnement national voire international ainsi que
leur reconnaissance populaire est au cœur de l’action
de la métropole clermontoise qui, au travers de tels
événements saisit l’opportunité d’asseoir sa renom­
mée d’une part en France, mais aussi à l’étranger.
Je pense notamment au Festival International du
Court Métrage, qui s’est imposé comme la référence
mondiale dans ce domaine, attirant chaque année
plus de spectateurs que son grand frère cannois.
Cette exposition exceptionnelle s’inscrit donc
dans une série de grandes manifestations culturelles
dans notre métropole, qui, par sa position géogra­
phique centrale, a vocation à renforcer son statut de
lieu d’accueil incontournable pour de tels événe­
ments culturels.
It is an honor for the City of Clermont-Ferrand to
host the exhibition Métamorphoses, which will take
place at the Musée Bargoin on the occasion of the
First International Festival of Extra ordinary Textiles.
This exhibition has received the national interest
label, which is the first time ever for a Museum in
Clermont, and I am proud of this labeling which
comes as a reward for all the work done by the city in
the cultural field.
The organization of cultural events of national
if not international importance, as well as their
popular success, is at the heart of the action of the
Clermont metropolis which, through such events,
grasps the opportunity to confirm its reputation both
in France and abroad.
I’m thinking here about the International Short
Film Festival which set itself as a world reference in
this field and draws every year more viewers than its
older brother in Cannes. This outstanding exhibition is then in the line of large cultural events in our
metropolis which, through its central geographical
situation, wished to reinforce its reputation of unavoi­
dable center for such cultural events.
Lorsqu’en 1993 la Ville opte pour l’ouverture d’un
Musée du Tapis et des Arts Textiles, l’intérêt pour ces
créations artistiques n’en est qu’à ces débuts. En
France, la part belle est alors faite à la tapisserie et
aux productions textiles européennes issues des
cours royales et manufactures de renom.
Le choix municipal d’orienter la politique d’acquisition vers des réalisations extra-européennes
remarquables, d’origine rurale et nomade, permet
alors de positionner rapidement le musée comme un
établissement de référence, partenaire reconnu
dans un réseau patrimonial national et international.
Accueillir le Festival International des Textiles Extra
ordinaires à Clermont-Ferrand répond à cette volonté
d’ouverture aux cultures autres. L’exposition Métamorphoses, au cœur de cet événementiel, propose
une mise en regard des collections patrimoniales
et des créations contemporaines, permettant ainsi
d’apprécier la permanence et l’innovation des
savoir-faire, persévérance du génie humain.
L’exposition Métamorphoses propose au public
de découvrir par le textile, les créations et expres­
sions identitaires des artisans et artistes issus des
cinq continents : métamorphose de la matière, de la
nature à la matière textile ; écrire et dire, apporter de
la couleur, des motifs et du sens ; devenir indépen­
dant, choisir son modèle d’économie et de société ;
métamorphose et magie textile.
Les œuvres exceptionnelles, issues de collections
publiques, privées ou productions contemporaines
d’artisans invités, présentent la diversité des savoirfaire textiles. Miroirs des sociétés et révélatrices de
cultures inconnues, ces pièces proposent au public
une expérience humaine unique, visant à changer
leur perception des hommes et du monde.
When the City decided to create a Museum for
Tapestry and Textile Arts in 1993, the interest for
these artistic creations was just beginning. At that
time in France, European tapestry and textile pro­
ductions coming from the Royal and renowned
manufactures were mostly favored.
The choice of the City to lead the acquisition
policy towards outstanding extra-European creations, from rural and nomadic areas, quickly enabled
to set the Museum as a world reference and a reco­
gnized partner within a national and international
heritage network.
Hosting the International Festival of Extra ordinary
Textiles in Clermont-Ferrand corresponds to this
idea of opening up to other cultures. At the heart
of the event, the exhibition Métamorphoses makes
heritage collections meet with contemporary
creations, thus allowing to appreciate the permanence and innovation of know-hows and the
perpetuation of human genius.
The exhibition Métamorphoses is a proposal for the
public to discover – through textile – the creations and
identity expression of craftspeople and artists from the
five continents. There is plenty to see and ponder
upon: metamorphosis of materials, from nature to tex­
tile; writing and saying; colors, motifs and meaning;
becoming independent, choosing one’s economic and
social models; textile metamorphosis and magic.
The outstanding pieces coming form public and
private collections and the contemporary craftworks
from guests all illustrate the diversity of textile knowhows. Mirroring societies and revealing unknown
cultures, these pieces offer the public a unique
human experience aiming at changing their perception of people and of the world.
|
5
|
|
Sommaire
Sommaire
— Ministre de la Culture et de la Communication����������3
Serge Godard
— Maire de Clermont-Ferrand���������������������������������������4
— Adjoint à la politique culturelle������������������������������������5
Foreword by Aurélie Filippetti
— Minister of Culture and Communication�������������������3
Introduction au FITE�����������������������������������������������������9
Serge Godard
Exposition��������������������������������������������������������10
Métamorphoses, présentation de l’exposition������������13
Métamorphose des fibres… ����������������������������������15
Métamorphose de l’étoffe… ����������������������������������37
Métamorphose et magie textile… ��������������������������47
Métamorphose de l’individu… �������������������������������65
Olivier Bianchi
résidences ������������������������������������������������������74
Abdoulaye Konaté au Lycée Marie-Laurencin�������������76
Moataz Nasr à l’EPL du Bourbonnais�������������������������80
Ueno Masao à La Bambouseraie d’Anduze�����������������84
workshop Saint-Étienne����������������������������88
Mongi Guibane & la fibre optique���������������������������90
« Emballez-moi »����������������������������������������������������92
jeune scène artistique������������������������������94
Yannick Daverton���������������������������������������������������96
Myette Fauchère����������������������������������������������������98
showroom�����������������������������������������������������100
Objectifs���������������������������������������������������������������103
Paroles d’artisans�������������������������������������������������104
Métamorphoser la ville�������������������������112
Chroniques textiles�����������������������������������������������114
Acte I : Tricoter la ville�������������������������������������������116
Acte II : Tricot'off��������������������������������������������������118
Tisser du lien������������������������������������������������120
Remerciements / Le sens du partenariat��������������122
Partenaires�����������������������������������������������������������124
Crédits textes & illustrations���������������������������������������������126
Contents
|
contents
Préface d’Aurélie Filippetti
Olivier Bianchi
|
— Mayor of Clermont-Ferrand�������������������������������������4
— Deputy mayor for culture�����������������������������������������5
Introduction to the FITE���������������������������������������������9
Exhibition������������������������������������������������������� 10
Metamorphosis, presentation of the exhibition���������� 13
Metamorphosis of the fibers… ���������������������������� 15
Metamorphosis of the fabric… ���������������������������� 37
Metamorphosis and the magic of textile… ���������� 47
Metamorphosis of the individual… ���������������������� 65
residences for artists���������������������������� 74
Abdoulaye Konaté at the Marie-Laurencin High School��� 76
Moataz Nasr at the EPL of the Bourbonnais�������������� 80
Ueno Masao at the Bamboo Plantation in Anduze������ 84
workshop Saint-Étienne�������������������������� 88
Mongi Guibane and Optical Fiber������������������������� 90
“Wrap Me Up”����������������������������������������������������� 92
Young art scene����������������������������������������� 94
Yannick Daverton������������������������������������������������� 96
Myette Fauchère�������������������������������������������������� 98
the showroom market�������������������������� 100
Objectives��������������������������������������������������������� 103
Words from craftspeople����������������������������������� 103
THE METAMORPHOSIS OF THE CITY���������� 112
Textile Chronics����������������������������������������������������114
Act I: Knitting the city�������������������������������������������116
Act II: Tricot'off�����������������������������������������������������118
WEAVING BONDS������������������������������������������� 120
Acknowledgements / The meaning of partnership�� 122
Partners������������������������������������������������������������� 124
Text and illustration credits���������������������������������������������126
7
|
|
Changer notre regard, se décentrer,
changer notre perception des hommes et du monde
Changing our vision, Moving off-center,
Changing our perception of people and of the world
­— Christine Athenor & Christine Bouilloc
INTRODUCTION
AU FESTIVAL
INTERNATIONAL
DES TEXTILES
EXTRA ORDINAIRES
La rencontre commence avec des artisans venus
de très loin et de moins loin, des professionnels de la
culture et toutes les personnes intéressées ou curieuses.
Elle se déroule dedans et dehors, au musée et dans
la ville, et d’elle naît la métamorphose. Des liens ont
commencé à se tisser lors de l’élaboration du Festi­
val entre les personnes, les institutions, et essaiment
sur les territoires pour poser les bases d’une trans­
formation possible. La Ville de Clermont-Ferrand est
le lieu d’expression du Festival, résultat d’échanges
et de créations partagées à une échelle régionale et
internationale.
La métamorphose a été choisie comme thème,
portant en elle le souhait de transformer le regard et la
perception. Où que nous soyons sur terre, notre vision
du monde est parcellaire, nos frontières mentales
étant souvent plus fortes que nos frontières territo­
riales. Pour élargir notre vison, il nous a paru essentiel
de convier des personnes des cinq continents ayant
une démarche et un travail exemplaires et qui, par la
démonstration de leur engagement, pouvaient ébran­
ler nos certitudes. Elles constituent la raison forte du
Festival et leurs parcours se dévoilent au musée Bar­
goin le temps de l’exposition Métamorphoses, cœur
du Festival, qui a reçu le Label d’intérêt national du
Ministère de la Culture et de la Communication.
Dans le Manifeste pour la métamorphose du
monde, le philosophe Edgar Morin, le politologue Pierre
Monod et l’artiste Paskua prônent le développement
d’une conscience planétaire et la sauvegarde de l’unité
et de la diversité humaine. Ils déclarent que la compré­
hension du monde est impossible avec le morcellement
actuel de la pensée, que l’enfermement disciplinaire
rend inapte à percevoir et concevoir les problèmes
fondamentaux et globaux, d’où la nécessité d’une pen­
sée qui puisse relier les connaissances et concevoir la
relation du global au local et du local au global.
Tout n’est donc qu’affaire de liens et cette pre­
mière édition co-organisée par l’association HS_Pro­
jets et la Ville de Clermont-Ferrand via le musée
Bargoin, souhaite jeter les bases d’une métamor­
phose en créant des liens sociaux, professionnels
et artistiques.
Introduction
|
Introduction
INTRODUCTION
to the FESTIVAL
INTERNATIONAL
DES TEXTILES
EXTRA ORDINAIRES
The encounter starts with craftspeople who have
come a very long way and others from closer places,
professionals of the cultural sector and all interested
or curious people. It happened both inside and out­
side, in the museum and in the city, and from it came
the metamorphosis. Bonds started to be woven
during the preparation of the Festival between the
people, the institutions and then spread on the territo­
ries to set the bases of a possible transformation. The
City of Clermont-Ferrand is the place of expression of
the Festival, the result of exchanges and creations
shared on a regional and international scale.
The metamorphosis was chosen as a theme
because it bears in itself the wish to transform vision and
perception. Wherever we are on Earth, our vision of the
world is fragmentary, our mental borders often being
stronger than our territory borders. In order to widen our
vision, it seemed essential to us to invite people from the
five continents who had an exemplary approach and
work and who could shake our certainties through their
involvement. This is the core reason of the Festival, and
their careers unveil at the Musée Bargoin for the time of
the exhibition Métamorphoses – heart of the Festival –
which has received the national interest label from the
Ministry of Culture and Communication.
In the Manifeste pour la métamorphose du monde
(Manifest for the metamorphosis of the world), philo­
sopher Edgar Morin, politics specialist Pierre Monod
and artist Paskua advocated the development of a
global conscience and the safeguard of human unity
and diversity. They stated that understanding the
world is impossible with the current fragmentation of
thinking, that the confinement of topics makes it
impossible to perceive and conceive the fundamental
and global issues, hence the need for a way of thin­
king which could link the various fields of knowledge
and enable to conceive the relation from global to
local and from local to global.
Everything is then only a matter of ties and this
first edition, organized by the HS_Projets Association
and the City of Clermont-Ferrand (Musée Bargoin)
wishes to lay the foundations for a metamor­phosis
by creating social, professional and artistic links.
|
9
|
Exposition
Exhibition
|
­— Paul Serre
Métamorphoses
L’exposition est un medium de l’espace qui invite
à la découverte, à la contemplation et à la réflexion.
En premier lieu, Métamorphoses c’est l’idée de réu­
nir sur un même plateau des pièces textiles
provenant de toutes les géographies pour apprécier
la diversité des fibres et des techniques employées.
C’est l’occasion unique de découvrir à la fois les
technologies d’hier – qui reposent sur les ressources
naturelles – et celles d’aujourd’hui – qui utilisent
davantage des matériaux et des procédés de syn­
thèse – et de comprendre les évolutions. Au gré du
parcours, la scénographie souligne les changements
de forme et d’apparence qualifiés « d’extra ordi­
naires », que l’œil repère, déchiffre et assimile. Sur
deux niveaux, les pièces textiles expriment alors ce
qu’elles ont de plus sensible, de plus étonnant, de
plus magique. Un système léger de mots-clés se
faufile entre elles comme un repère pour mieux ren­
seigner et souligner certains aspects de leur identité.
Métamorphoses, c’est l’idée de décloisonner les
savoirs et les techniques, et donc de réunir l’en­
semble des professionnels du textile (artisans,
artistes, stylistes, industriels, conservateurs, spécia­
listes) pour favoriser les dialogues et les échanges.
Car, dans un monde de plus en plus globalisé où les
inégalités continuent de s’accroître, c’est l’envie
comme la nécessité de relier les énergies et les
hommes, d’alerter de certaines dérives ou de cer­
tains naufrages. Une exposition textile sur fond de
société et d’humanité, voilà son identité si l’on se
devait d’en donner une.
Exposition
|
Exhibition
|
Metamorphosis
The exhibition is a space medium which invites us
to discover, contemplate and think. First, Métamorphoses is about gathering in a same place textiles
coming from all geographies in order to appreciate
the diversity of fibers and techniques. It is a unique
opportunity to discover both the technologies of the
past – which rely on natural resources – and those of
the present – which use more synthesis materials
and processes – and this allows to have a better
understanding of evolution. In the exhibition the
layout highlights the so called “extra ordinary”
changes of form spotted, deciphered and assimila­
ted by the eye. On two levels, the textiles express
their most sensitive, striking and magical aspects. A
simple system of key words threads its way between
them like landmarks offering information and underli­
ning important elements.
Métamorphoses is about breaking down the bar­
riers between the fields of knowledge and tech­
niques, and therefore gathering textile professionals
(craftspeople, artists, stylists, industrials, curators,
specialists) to encourage dialogue and exchange.
For in a more and more globalized world where ine­
qualities continue to grow, there are both a willin­
gness and a need to unite energy and people, to ring
the alarm about abuse or wrecks. If we had to des­
cribe this exhibition, we could say it is textile illustra­
ting society and humanity.
13
|
|
Lingerie
callipyge
orchidée
peau
transparence
métissage
imperméable
abyssal
sécrétion
cinétique
bazin
oxydation
Lingerie
callypigous
orchid
skin
transparency
cross-fertilization
waterproof
abyssal
secretion
kinetic
bazin
oxidation
Métamorphose
des fibres…
… car les textiles prennent corps à partir d’une
matière première choisie, travaillée, transformée. Ce
choix, important, est effectué en fonction du milieu
mais surtout d’un système de valeurs où s’entremêlent
enjeux symboliques, implications sociales, raisons his­
toriques et intérêts économiques.
La technologie textile, qui peut recourir aujourd’hui
à des procédés informatiques et des matériaux de
synthèse, s’est appuyée dès l’origine sur les res­
sources de l’environnement, qu’elles soient d’origine
végétale, animale ou minérale. Le recours à la laine et
à des poils divers, au coton ou au lin est bien connu,
cependant le champ des possibles est infini. Ainsi, de
par le monde, des fibres végétales étonnantes entrent
dans la confection de pièces : bambou, raphia, rotin,
orchidée, écorce, fibre de bananier ou d’ananas, pal­
mier. Certaines fibres animales sont tout aussi
extraordinaires : soie de mer, soie d’araignée, crin de
cheval, etc. constituent des matières premières origi­
nales reliées, elles aussi, à des canevas économiques
et symboliques complexes.
S’agissant des matières tinctoriales, véritables
sublimateurs de la fibre ou de l’étoffe brute, l’indigo
(tiré des plantes à indigotine) s’inscrit lui aussi dans
un vaste système de valeurs et de techniques, révélé
particulièrement dans le travail du plasticien-desi­
gner Aboubakar Fofana. Dans un autre contexte, les
bazins, tissus damassés d’origine européenne teints
à Bamako et destinés à l’habillement, sont le fruit
d’une chaîne opératoire. Ils font intervenir plusieurs
artisans localisés en différents lieux avant d’arriver à
une forme qui est le résultat croisé de ces différentes
mains qui se sont affairées autour du tissu devenu
miroir de leurs univers respectifs.
Fibres et matières tinctoriales évoquent donc non
seulement des technologies mais relaient aussi des
identités culturelles et historiques identifiables à
l’échelle d’un continent, d’un pays, d’une région ou
d’une population. Reflets des ressources naturelles
et témoignages tangibles des échanges entre les
populations, les textiles sont également reliés à un
système complexe où contraintes économiques et
significations symboliques entrent en jeu.
Exposition
|
Exhibition
|
15
metamorphosis
of fibers…
… for textiles materialize from a raw material that
is chosen, worked on, transformed. This important
choice is made according to local resources but
mostly to a system of values where symbolic stakes,
social involvements, historical reasons and econo­
mic interests are intertwined.
Textile technology, although it can be completed
today by the use of computer processes and synthe­
sis materials, relied from the start on environment
resources, whether of vegetal, animal or mineral ori­
gins. The use of wool and varied hair, cotton or flax is
well known, however possibilities are endless. There­
fore, all around the world surprising vegetal fibers are
used in the making of textile pieces: bamboo, raffia,
rattan, orchid, bark, banana or pineapple fiber, palm.
Some animal fibers are just as extraordinary: sea silk,
spider silk, horsehair, etc. They are raw materials
which are also linked to economic and symbolic
complex backgrounds.
Regarding dyeing materials, which really sublime
raw fiber or cloth, indigo (obtained from indigotine
plants) is also to be included in a vast system of
values and techniques, revealed in the work of Abou­
bakar Fofana among others. In another context,
bazins – damasked fabrics imported from Europe
and dyed in Bamako and designed for clothing – are
the result of an operatory chain which involves seve­
ral craftspeople located in different places before it
comes to a shape which is the crossed result of
these different hands which worked on the fabric – a
fabric which has become the mirror of their respec­
tive universes.
Dyeing fibers and materials then evoke not only
technologies but also pass on cultural and historical
identities identifiable at the scale of a continent, a
country, a region or a population. Mirroring natural
resources and tangible accounts of exchanges
between populations, textiles are undeniably related
to a complex system of economies and beliefs.
|
|
Exhibition
|
Exposition
|
|
lingerie
16
Veste d’homme
Bambou, coton, soie
Chine, fin du xixe siècle
H. 70 cm ; l. 160 cm
Collection C. Ghysels
Man’s coat
Bamboo, cotton, silk
China, late 19 th century
H. 70 cm; w. 160 cm
Collection C. Ghysels
lingerie
­— Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant
|
Cette magnifique veste
totalement ajourée constituée de
près de 50 000 perles tubu­laires,
est en fait un « maillot de corps »,
lequel, si raffiné soit-il, n’est
absolument pas destiné à être vu.
Issues de la garde-robe des
courtisans de la dynastie Qing
(1644-1912) au x ix e siècle,
ces vestes confectionnées avec
ou sans manches permettaient
à la peau de respirer en évitant
aux vêtements de coller à la peau
durant les périodes de chaleur
humide. Les hommes portaient
en effet ces vestes l’été, sous
leurs multiples robes en ramie
ou coton, dissimulées ellesmêmes sous la volumineuse robe
de cérémonie en soie changpao.
Les Chinois installés dans les
colonies britanniques des Détroits
(aujourd’hui Malaisie et Singapour),
les Baba-Nyonya ou Peranakan,
revêtaient aussi ce type de sousvêtement sous leurs costumes
de mariage de style Qing.
Bien qu’il existe aujourd’hui
de nombreux vêtements
en « fibre de bambou »1, il s’agit
ici d’une technique de confection
particulière à partir d’un matériau
emblématique de l’ExtrêmeOrient, mais tout à fait original
sous cette forme. En effet, ces
milliers de petits tubes évidés
sont coupés dans les tiges les
plus fines du bambou et ces
perles sont enfilées sur un fil de
coton. Le réseau ainsi constitué
forme une grille de losanges
régulière, animée de lignes
ajourées en forme d’hexagone
sur la partie inférieure et à
l’extrémité des manches. Les
manches, l’encolure et les côtés
sont ourlés d’un biais de coton
ou de soie. Un boutonnage
simple au niveau du col est
complété d’un système d’attache
par nœud au niveau de la poitrine.
1
a fibre de bambou utilisée dans l’industrie
L
textile moderne est une viscose synthétique
à base de cellulose de bambou. Cette
matière cellulosique est fabriquée à partir
de pâte de bambou mais n’est pas issue
directement des fibres de la plante.
This superb coat is totally
hemstitched and made of about
50,000 tubular beads. It actually
is an “undershirt” which, as much
refined as it would be, was abso­lutely not supposed to be seen.
Coming from the wardrobe
of courtiers of the Qing Dynasty
(1644-1912) in the 19th century,
these coats – made with or
without sleeves – allowed the
skin to breathe and avoided that
clothes stick to the skin during
the hot damp season. Men
would indeed wear these coats
during the summer under their
multiple ramie or cotton robes,
which in turn were hidden under
the changpao – a voluminous
ceremonial silk robe. Chinese
men living in the British colonies
of the Straits (now Malaysia and
Singapour), the Baba-Nyona
or Peranakan, would also wear
this type of clothing under their
Qing style marriage dress.
Although there are today
numerous garments made
of “bamboo fiber”1, it is here
a particular and absolutely original
dress-making technique using
an emblematic material of the
Far East. Indeed the thousands
of small hollowed out tubes were
cut in the thinnest stems of the
bamboo while the beads were
strung on a cotton thread.
This network then formed a regular
diamond-shaped grid, ornamented
with hemstitched lines (hexagonal
at the bottom and at the end
of the sleeves). The sleeves,
the collar and the sides are
hemmed with a bias binding
of cotton or silk. The simple
buttoning of the collar is completed
with an attaching knotting system
on the chest.
1
amboo fiber used in the modern textile
B
industry is a synthetic viscose based on
bamboo cellulose. This cellulosic material
is made from bamboo paste but is not
taken directly from the plant fiber.
Exposition
|
Exhibition
|
17
|
Exhibition
|
Exposition
|
|
Robe
Dress
Raphia
Ethnie Dida, Côte d’Ivoire, fin du xixe siècle
H. 135 cm ; l. 38 cm
Collection L. Dubreuil
Raffia
Dida ethnic group, Ivory Coast,
late 19 th century
H. 135 cm; w. 38 cm
Collection L. Dubreuil
Le port de ces fourreaux
de fin raphia était réservé aux
membres des plus hauts lignages
de la société dida, comme les
femmes âgées et les veuves.
Ces robes, destinées à un usage
de prestige, étaient portées lors
de manifestations cérémonielles
marquant les moments importants
de la vie : fiançailles, funérailles...
Ce sont les jeunes et tendres
folioles du Raphia taedigera
qui sont utilisées pour créer
cet élégant fourreau extensible.
Leur tressage tubulaire
représente une véritable prouesse
technique. Les femmes attachent
à leur gros orteil ou à un point
fixe un écheveau de fils. Elles
répartissent les fils en deux
groupes pour créer fils de trame
et fils de chaîne, puis les tressent
en spirale. Le résultat est ensuite
teint selon la technique du plangi,
technique de teinture à réserve
consistant à pincer une partie du
textile entre le pouce et l’index
pour former un cône ensuite
ligaturé. Graines, petits cailloux
ou fragments de bois peuvent
être introduits dans la portion
d’étoffe avant ligature. La pièce
est plongée dans des bains
successifs de colorants naturels :
infusion d’écorces, décoction
de feuilles ou lianes. Après le
dénouage des réserves, le relief
est soigneusement préservé
même s’il s’atténue avec
le temps. De nos jours, fourreaux
et coiffes en raphia ne sont plus
tissés, et sont rarement portés en
dehors des parades folkloriques.
— Louis Dubreuil
Callipyge
These sheaths made of thin
raffia were only worn by members
of the highest lineages in the Dida
society, such as elder women
and widows. These dresses,
designed for prestige occasions,
were worn during ceremonies
marking important moments
of life: engagements, funerals…
This elegant extensible sheath
was made with young and soft
Raphia taedigera leaflets.
Their tubular weaving
represents a true technical feat.
Women attach a thread hank
to their big toe or to a fixed point.
They distribute the threads
in two groups in order to create
warp and weft, then they plait
them in spirals. The result is then
dyed according to the plangi
technique – a reserve dyeing
technique consisting in pinching
a part of the textile between
the thumb and the forefinger
to form a cone which is then tied.
Seeds, pebbles or wood fragments
can be put into the cloth before
tying. The piece is plunged into
successive baths of natural dye:
bark infusion, leave or liana brew.
After the untying of the reserves,
the relief is carefully preserved
although it fades away with time.
Nowadays raffia sheaths and
headdresses are not made
anymore, and are rarely worn
outside folk parades.
Ces armures proviennent
des hautes terres centrales de
Nouvelle Guinée (côté indonésien
de la Nouvelle-Guinée). Cette
région, et en particulier la vallée
de Baliem, est habitée par les
Dani, lesquels n’utilisaient encore
que la pierre et l’os et chassaient
à l’arc au x x e siècle.
Les armures sont portées pour
se protéger des flèches lors des
incessants conflits qui agitent les
groupes. Elles sont typiquement
constituées de deux parties :
- une structure tubulaire rigide
dans le sens vertical, constituée
d’une armature en ratang1, sur
laquelle sont tressées de fines
lanières d’écorce et des tiges
d’une orchidée de couleur jaune,
- en partie supérieure, deux
« empiècements » souples fixés
sur la cuirasse avec 4 pointes
triangulaires se terminant par
des liens faisant office de bretelles.
Leur texture les apparente
à un tricot à côtes, avec des
diminutions et des rayures
horizontales. Le « fil » est constitué
des mêmes lanières et tiges
enroulées autour d’une âme
en fibres végétales torsadées.
La protection physique
apportée par ces armures
est bien sûr relative, le guerrier
étant nu sous la ceinture et ne
portant qu’un étui pénien.
Le pouvoir protecteur est renforcé
par des amulettes en plume
ou en fourrure blanche de cuscus2
fixées sous l’empiècement.
Quand elles ne sont pas
utilisées, les précieuses armures
sont enroulées et protégées
par un fourreau de feuilles
de bananier assujetties par
un lien en corde d’écorce.
1
2
These armors come from the
Central Highlands of New Guinea
(on the Indonesian side of
New Guinea). This region, and
in particular the Baliem Valley,
is inhabited by the Dani, who still
used only stone and bones and
hunted with bows and arrows
in the 20th century.
Armors are worn to protect
oneself from the arrows during
the incessant conflicts between
groups. They are typically made
of two parts:
- a vertical rigid tubular structure
made of a ratang1 framework on
which thin bark straps and stems
from a yellow orchid are plaited,
- on the upper part, two flexible
“yokes” attached to the shell
with 4 triangular spikes ending
with ties serving as braces.
The texture makes them look
like a ribbed knit garment, with
reduced parts and horizontal
stripes. The “thread” is made
of straps and stems rolled around
a core of vegetal twisted fibers.
The physical protection
offered by these armors is of
course limited, the warrior being
naked under the belt, only
wearing a penis sheath. The
protective power was reinforced
by amulets made of feathers
or white fur of cuscus2 attached
under the yoke.
When they’re not used, the
precious armors are rolled and
protected in a sheath of banana
leaves tied with a bark string.
1
2
Exposition
ORCHID
|
CALLYPIGOUS
18
­— Thomas Leveugle
|
alamus rotang palm, “rattan”.
C
A marsupial mammal from
the Phalangeridae family.
palmier Calamus rotang, « rotin »
mammifère marsupial phalangéridé
Armure de poitrine
Fibres végétales, rotin et orchidée
Ethnie Dani, Irian Jaya, Nouvelle-Guinée, xxe siècle
H. 50 cm ; l. 44 cm
Collection L. Dubreuil
Chest armor
Vegetal fiber, rattan and orchid
Dani ethnic group, Irian Jaya, New Guinea,
20th century
H. 50 cm; w. 44 cm
Collection L. Dubreuil
ORCHIDéE
|
Exhibition
|
19
|
20
|
Exhibition
­— Michèle Coquet
|
|
Exposition
|
Avant l’apparition des tissus
et des habits de coton, les pagnes
d’écorce battue constituaient
le seul vêtement des populations
vivant dans les forêts du bassin
du Congo. De l’écorce prélevée
sur l’arbre, on ne conservait
que le liber (la partie interne).
Différentes opérations – trempage,
foulage et séchage – permettaient
d’obtenir une étoffe souple
et résistante, de teinte différente
selon les espèces végétales,
allant du blanc au roux.
Les BaMbuti, qui se désignent
eux-mêmes par le terme BaSua,
sont connus pour les peintures
que leurs femmes réalisent
sur ces pagnes, qui se portent
passés dans l’entre-jambes,
retenus à la taille par une ceinture,
un pan retombant devant
et derrière. Ils mènent une existence
semi-nomade de chasseurscollecteurs, en étroite association
avec les agriculteurs, dans
la forêt équatoriale de l’Ituri,
à l’est de la République
démocratique du Congo.
Leurs peintures font preuve
d’une rare liberté graphique,
les compositions n’obéissant
pas aux règles de la géométrie.
Elles reposent sur des jeux
de lignes parallèles, entrecroisées,
enchevêtrées, barbelées,
en pointillés, brisées, réticulées...
À l’intérieur de ce réseau,
apparaissent souvent d’autres
motifs, étoiles, formes en sablier,
crochets, quadrillages, losanges,
successions de bâtonnets,
éclaboussures..., se rapportant
généralement au monde animal.
Les femmes transcrivent ainsi
graphiquement l’expérience
quotidienne d’une vie très mobile
(un campement se déplaçant cinq
à sept fois par an), dans un espace
à la végétation dense, sillonné par
d’innombrables chemins.
Before cotton fabric and
clothing were introduced, beaten
bark loincloths were the only piece
of clothing for the populations
living in the forests of the Congo
Basin. From the bark taken from
the tree, only the phloem (the inner
part) was kept. Different operations
(soaking, pressing and drying)
enabled to obtain a flexible and
resistant fabric, of different shades
according to the vegetal species,
varying from white to ocher.
The BaMbuti, who call themselves
the BaSua, are known for the
paintings their women paint
on these loincloths, which are
passed under the crotch, tied
to the waist with a belt, one
section falling in the front of the
body and the other in the back.
They live a semi-nomadic life
of hunters-gatherers, closely
associated with farmers, in the
Ituri forest, in the East of the
Democratic Republic of Congo.
Their paintings show a rare
graphic freedom, as the compo­
sitions do not follow the rules of
geometry. They rely on parallel,
intertwined, crossed, barbed,
dotted, broken, cross-linked
lines… Within this network,
other motifs often appear, such
as stars, hourglass shapes,
hooks, grids, diamond shapes,
series of sticks, splashes… which
usually refer to the animal world.
Women graphically transcribe
the everyday experience of a very
mobile life (a camp traveling
5 to 7 times a year), in a space
where vegetation is dense
and the paths numerous.
Pagnes féminins
et masculins BaMbuti
Écorce battue
Population BaMbuti (ou BaSua), forêt
équatoriale de l’Ituri, République démocratique
du Congo, 2de moitié du xxe siècle
L. 70 à 90 cm ; l. 30 à 50 cm
Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand
skin
Female and Male loincloths
Beaten bark
BaMbuti (or BaSua) people, Ituri rainforest,
Democratic Republic of Congo,
2nd half of 20th century
L. 70 to 90 cm; w. 30 to 50 cm
Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand
PEAU
22
|
Exhibition
|
Exposition
|
Atelier de Patis Tesoro
Châle, Patis Tesoro
TRANSPARENCY
Piña seda (fibre d’ananas et soie), brodé
2008
Kaftan, Patis Tesoro
Piña seda (fibre d’ananas et soie), brodé
2007-2008
H. 74 cm ; l. 180 cm
Page de droite
Lé avec alphabet philippin
stylisé du Bhoutan (détail),
Patis Tesoro
Piña seda (fibre d’ananas et soie), brodé
2005
L. 354 cm ; l. 74 cm
Patis Tesoro’s studio
Shawl, Patis Tesoro
Piña seda (pineapple fiber and silk),
flower embroidery by Patis Tesoro
2008
Kaftan, Patis Tesoro
Piña seda (pineapple fiber and silk),
embroidered
2007-2008
H. 74 cm; w. 180 cm
Right page
Width with stylized
Philippine alphabet
from Bhutan (detail),
Patis Tesoro
Piña seda (pineapple fiber and silk),
embroidered
2005
L. 354 cm; w. 74 cm
TRANSPARENCE
­— Christine Athenor
|
C’est durant le commerce qui
reliait les Philippines et le Mexique
au reste de l’Amérique (1565-1815)
qu’une nouvelle source de fibres
translucides a été domestiquée
en Amérique du sud, la fibre
d’ananas. Ce sont les feuilles
issues de la variété Ananas
comosus Merr qui sont filées
et utilisées pour les vêtements
masculins et féminins aux
Philippines. C’est cette fibre
que Patis Tesoro sauve, car elle
fait partie de l’héritage culturel
philippin. Son nom est le piña,
fibre tissée à la main et extraite
de la feuille du fruit. Elle est
la matière principale du vêtement
traditionnel appelé barong.
Patis Tesoro défend ce vêtement,
en passe de disparaître sous
le régime de Marcos, comme
constituant de l’identité philippine.
Elle relance la production de cette
fibre qui appartient à l’histoire
des Philippines et qui avait presque
disparu en 1986. Avec l’aide
de mécènes, elle créée le Padrones
de Casa Manila, un musée qui
retrace plus de 300 ans d’histoire
locale. Elle entreprend un travail
de lobbying pour imposer aux
responsables locaux la mise
en place de cours afin de former
les nouvelles générations d’artisans.
Patis Tesoro développe depuis
trente ans un travail à la fois
de sauvegarde et de création.
Patis Tesoro mentionne
l’inspiration qu’elle a tirée de sa
mère Nena Fabella, mais aussi
de tous les arts. Elle dessine
et peint régulièrement sur tout
support. Nourrie de ces sources,
elle retravaille ses textiles par
des broderies de fleurs, feuilles,
spirales baroques et formes
géométriques. Son travail autour
du textile lui permet d’endosser
un autre rôle, celui d’activiste
sociale, entrepreneur et leader
en développement économique,
ayant pu constater le lien entre
régime dictatorial et perte d’identité.
It is during the trade exchanges
which linked the Philippines and
Mexico to the rest of America
(1565-1815) that a new source
of translucent fibers was
domesticated in South America:
pineapple fiber. The leaves
coming from the species Ananas
comosus Merr are spinned and
used for male and female clothing
in the Philippines. It is this fiber
which Patis Tesoro tries to protect,
for it is part of the Philippine
cultural heritage. Named piña,
it is a hand-woven fiber, extracted
from the leave of the fruit. It is the
main material of the traditional
dress named barong. Patis Tesoro
supports this garment, which
almost disappeared under Marcos,
as a part of the Philippine identity.
She re-launched the production
of the fiber which belongs to the
history of the Philippines and
which had almost disappeared
in 1986. With the help of patrons,
she created the Padrones
de Casa Manila, a museum
which encompasses more than
300 years of the local history.
She undertook a lobbying work
to oblige local officials to create
courtyards designed for the
training of new generations of
craftspeople. For thirty years,
Patis Tesoro has worked for both
safeguarding and creation.
Patis Tesoro talks about the
inspiration that she drew from
her mother Nena Fabella,
but also from all art forms.
She regularly draws and paints
on all media. Fed on these
sources, she re-works her textile
pieces with embroidery showing
flowers, leaves, baroque spirals
and geometric shapes. Her work
around textile enables her
to assume another role, that
of a social activist, entrepreneur
and leader in economic
development, as she observed
the link between the dictatorial
regime and the loss of identity.
Exhibition
|
Exposition
|
tissu magique / monnaie
d’échange
Abaca
Population T’Boli
Philippines, xxe siècle
L. 270 cm ; l. 57 cm
Collection Francis Dravigny et Sophie Caillol, Parsi
Page de droite
Tissus d’ameublement, Parsi
Polyem (46 % polyester / 54 % abaca)
Philippines (tissage), Lyon (ennoblissement)
xxie siècle
Haut : « Lézard vert », film peau de serpent
déposé à chaud. Largeur du lé : 140 cm
Bas : « Pompadour », décor floral frappé
à chaud. Largeur du lé : 140 cm
Collection Francis Dravigny et Sophie Caillol, Parsi
CURRENCY CLOTH /
MAGICAL CLOTH
Abaca
T’Boli people
Philippines, 20 th century
H. 270 cm ; w. 57 cm
Collection Francis Dravigny et Sophie Caillol, Parsi
Right page
Furniture fabric, Parsi
Polyem (46% polyester/54% abaca)
Philippines (weaving), Lyon (ennobling)
21th century
top : “Lézard vert”, hot rolled snake hide film.
Width: 140 cm
Bas : “Pompadour”, hot stamped decor.
Width: 140 cm
Collection Francis Dravigny et Sophie Caillol, Parsi
Entre tradition et modernité,
entre les Philippines et Lyon…
Un métissage culturel entre fibres
d’abaca et savoir-faire à la française
qui s’entrelacent parfaitement.
Nous nous sommes inspirés
de la plus ancienne des traditions
textiles philippines auprès des
populations T’boli pour fonder
notre atelier de tissage. La fibre
d’abaca et la teinture à réserve
pour créer des motifs ikatés
sont la base même de ce tissu
appelé T’nalak.
Nous avons crée la société
Parsi en 1999, nous vivons
et travaillons entre Lyon et Cebu
aux Philippines. Dans notre atelier
à Cebu, nous allions le savoirfaire du tissage traditionnel
philippin de la fibre d’abaca,
buntal1 et piña2, et la modernisa­
tion du textile par l’insertion
de cuir, cuivre, chrome et fil extrudé
de bouteille en plastique recyclée.
Également appelé « chanvre
de Manille », l’abaca provient d’une
espèce endémique de bananier,
le Musa textilis. La fibre est extraite
du cœur de la tige de la plante.
Triées en cinq grades de qualité
(des plus fines aux plus épaisses),
les fibres sont nouées à la main
pour obtenir des écheveaux.
Chaque pièce est tissée
manuellement sur des métiers
traditionnels en bois ou métal.
Les variations de couleurs
de l’abaca dans le tissage
sont inhérentes aux saisons
et aux lieux de récolte de la fibre.
Ces variations donnent à chaque
métrage son côté unique
et exceptionnel. À Lyon,
certains tissus sont ennoblis3
par frappage, calandrage4,
enduction métallique5.
Nous sommes fiers de
contribuer à la sauvegarde d’un
patrimoine philippin et de traditions
fragilisées. Il est important que
ce savoir-faire, lié à une espèce
endémique, demeure philippin.
Nous avons foi en un internatio­
nalisme intelligent : dans cet
espace neuf de collaboration,
il n’y a pas de limite à la créativité.
Nous partageons l’amour
et le respect des beaux matériaux
et l’envie de concilier tradition
et modernité.
Le buntal provient d’un palmier aux larges
feuilles Corypha elata. La fibre est extraite
de la tige de la feuille.
2
Le piña est extrait des feuilles d’une variété
native d’ananas, Ananas comosus.
3
Ce terme recouvre tous les traitements qui,
appliqués aux étoffes après le tissage,
leur confèrent un aspect et des qualités
particulières.
4
Le calandrage est un traitement dont
le but est d’augmenter l’éclat et la rigidité
d’un tissu.
5
Métallisation de la surface.
1
Between tradition and
modernity, between the Philippines
and Lyon… a cultural cross-fertili­
zation between abaca fibers and
French style know-how which
perfectly mingle…
When we created our studio,
we went to see the T’boli people
to draw inspiration from the oldest
Philippine textile traditions. Abaca
fiber and reserve dyeing used
to create ikat motifs are the real
basis of the cloth named T’nalak.
We created the Parsi company
in 1999 and we live between
Lyon and Cebu in the Philippines.
In our Cebu studio, we combine
the know-how of Philippine
traditional weaving of the abaca
fiber (buntal1 and piña2) and the
modernization of textile by the
introduction of leather, copper,
chrome and thread extruded
from recycled plastic bottles.
Also called “Manila hemp”, abaca
comes from an endemic species
of banana tree – Musa textilis.
The fiber is extracted from the
heart of the plant stem. Sorted
in five quality degrees (from the
thinnest to the thickest), fibers
are hand-knotted to obtain these
hanks. Each piece is hand-woven
on traditional looms made
of wood or metal. Variations
of color of abaca in weaving
CROSS-FERTILIZATION
|
MéTISSAGE
24
­— Sophie Caillol & Francis Dravigny
|
correspond to seasons and
places of harvesting of the fiber.
These variations give each length
its unique and outstanding
aspect. In Lyon, some cloths
are ennobled3 with stamping,
calendaring4, metallic coating5.
We are proud to contribute
to the safeguarding of a Philippine
heritage and jeopardized traditions.
It is important that this know-how,
linked to an endemic species,
remains Philippine. We have faith
in a smart internationalism:
in this new space of collaboration,
there are no limits to creativity.
We share love and respect for
beautiful materials and wish to
combine tradition and modernity.
untal comes from a wide-leaf palm
B
named Corypha elata. The fiber
is extracted from the stem of the leaf.
2
Piña is extracted from the leaves of a
pineapple variety named Ananas comosus.
3
This term encompasses all treatments
which, applied to fabrics after weaving,
give them a particular aspect and
particular qualities.
4
Calendaring is a treatment aimed at
increasing brilliance and rigidity of a fabric.
5
Metallization of the surface.
1
Exhibition
|
Exposition
|
|
IMPERMéABLE
Ce manteau de pluie composite
se retrouve dans tout l’ExtrêmeOrient : Philippines, Chine
continentale et insulaire, ainsi
que dans le nord du Vietnam.
Il est une sorte de version exotique
du célèbre « Macintosh »
britannique. Il comporte deux
parties assemblées par un jeu
de bretelles : d’une part, une cape
courte couvrant les épaules,
les bras, le haut du dos, d’autre
part une sorte de fourreau évasé
vers le bas. Les nappes de tissu
infrapétiolaire qui composent
le manteau sont renforcées
et maintenues en place par
des surpiqûres.
Ce manteau est un des
nombreux exemples de solutions
que les hommes ont trouvées
pour se protéger de la pluie.
Dans leur immense majorité,
les équipements sont réalisés
avec un grand savoir-faire à partir
de matières végétales trouvées
dans l’environnement. Il peut s’agir
d’herbacées, de folioles de palmier,
de feuilles, de bambou découpé
en lanières… dont certains peuvent
avoir une fonction symbolique.
Au Japon, les paysans utilisent
un ensemble composé d’une
longue cape et d’un tablier, auquel
on peut ajouter un chapeau.
Ces éléments, mino et koshi mino,
sont faits de nappes superposées
de variétés de graminées, susuki
(Miscanthus sinensis) ou suge
(variété de Carex). Outre
son usage utilitaire, le susuki
symbolise la vigueur et constitue
un motif fréquent dans les arts
décoratifs.
This composite raincoat can
be found everywhere in the Far
East: the Philippines, China and
Taiwan, as well as Northern
Vietnam. It is a kind of exotic
version of the famous British
“Mackintosh”. It is made of two
parts assembled by braces:
a short cloak covering
the shoulders, the arms and
the upper part of the back,
and a kind of sheath flaring
at the bottom. The layers
of infrapetiolar cloth making up
the coat are reinforced and
secured by overstitches.
This sheath is one of many
examples of the solutions man
has found to be protected from
the rain. Most of these types
of garments are made with
an excellent know-how from
vegetal materials found
in the environment. It can be
herbaceous plants, palm leaflets,
leaves, bamboo cut in straps…
among which some can have
a symbolic function.
In Japan, peasants use a set
made of a long cloak and an apron,
to which a hat can be added.
These elements – mino and
koshi mino – are made of
super­imposed layers of different
species of grass – susuki
(Miscanthus sinensis) or suge
(a type of Carex). In addition to its
utilitarian use, susuki symbolizes
strength and is a frequent motif
in decorative arts.
WATERPROOF
La soie de mer, ou laine
de poisson, est produite par
une variété de mollusque bivalve,
la Pinna Nobilis, une grande
nacre marine mesurant entre
80 et 120 cm de largeur.
Suspendue au milieu des champs
des grandes algues vertes
(posidonies), elle s’enfonce dans
le sable en position verticale.
Elle vit exclusivement en mer
Méditerranée entre 3 et 30 m
de profondeur, aux abords
de la Calabre, de la Sicile, de l’Île
de Malte ou encore de la Corse.
La matière dorée tirée de cette
moule est formée des filaments
(le byssus) produits par le coquillage
géant pour se fixer sur les fonds
marins. Après diverses étapes
de préparation (lavage, séchage,
cardage puis filage), la matière
brune du byssus revêt une couleur
cuivre doré qui lui valut le surnom
de soie de mer.
Rarement attestée archéologi­
quement (un des plus anciens
vestiges est un bonnet daté
du xiv e siècle découvert en France
à Saint-Denis), la soie de mer
est pourtant présente dans
des textes antiques depuis les
Phéniciens jusqu’au Moyen Âge.
Hérodote évoque les textiles d’or
qu’il a vu en Egypte et la pierre
de Rosette conserve la trace
du terme byssus. La production
était réservée à des textiles
luxueux, souvent des gants
ou des bonnets.
La production est aujourd’hui
arrêtée bien qu’un dernier atelier
subsiste en Sardaigne. L’espèce
est par ailleurs protégée du fait
de la surpêche. À ce jour,
on compte une soixantaine
d’objets en soie de mer répartis
dans plusieurs musées du monde
entier dont ce châle conservé
au musée des Confluences.
Sea silk, or fish wool,
is produced by a certain type
of bivalve mollusk, the Pinna
Nobilis, a big marine motherof-pearl measuring between
80 and 120 cm. Hung in the
middle of the fields of big green
algae (Posidonia), it vertically
drives its way into the sand.
It is found exclusively in the
Mediterranean Sea between
3 and 30 meters of depth, near
Calabria, Sicily, Malta or Corsica.
The golden material taken from
this mussel is made up of filaments
(byssus) produced by the giant
shell to attach itself to the
seabed. After various stages
of preparation (cleaning, drying,
carding and spinning), the brown
material of the byssus takes
on a golden copper color which
earned it the nickname of sea silk.
Rarely archeologically attested
(one of the oldest items found is
a skullcap dating back to the
14th century discovered in
Saint-Denis, France), sea silk
is however present in antique
texts from the Phoenicians
to the Middle Ages. Herodotus
mentions golden textiles he saw
in Egypt and the Rosetta Stone
mentions the term byssus.
The production was reserved
to luxury textiles, often gloves
or skullcaps.
Today the production has
stopped although a last workshop
remains active in Sardinia.
The species is protected because
of overfishing. To this day, we
know of about 60 objects made
of sea silk, which are in different
museums worldwide, including
this shawl coming from the
Musée des Confluences.
Exposition
ABYSSAL
|
­— Emilie Robert
26
­— Françoise Cousin
|
Châle de soie marine
Manteau de pluie
Tissu infrapétiolaire de palmier-aréquier,
ou de palmier Trachycarpus esp.,
dit palmier de Chine, surpiqué
Extrême-Orient, xixe siècle
H. 85 cm ; l. 93 cm
Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand
Raincoat
Infrapetiolar fabric, Areca catechu palm,
or Trachycarpus esp. palm, overstitched
Far East, 19 th century
H. 85 cm; w. 93 cm
Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand
Byssus de Pinna nobilis
Italie, non daté (xviiie-xixe siècle)
H. 100 cm ; l. 110 cm
N° inventaire : 44002200
Musée des Confluences,
département du Rhône
ABYSSAL
SEA SILK SHAWL
Mediterranean byssus
Italy, undated (18th/19th century)
H. 100 cm; w. 110 cm
Inventory number: 44002200
Musée des Confluences,
département du Rhône
|
Exhibition
|
27
|
28
|
Exhibition
|
Exposition
|
SéCRéTION
SeCReTION
­— Simon Peers
|
L’homme a toujours emprunté
et utilisé la soie des araignées.
La fibre étant utilisée pour sa valeur
symbolique ou pratique. Mais
l’araignée est cannibale et ne peut
pas être élevée comme le ver
à soie, Bombyx mori. Voici donc
le défi.
En 1709, la première appro­che
méthodique de ce problème
est inventée par le Français
François-Xavier Bon-de-SaintHilaire pour essayer de récolter
la soie. De cet usage est née
à Madagascar une recherche
menée par un père jésuite,
le père Paul Camboué qui,
dans la mouvance de toutes les
expériences européennes, tente
d’obtenir du fil, pas simplement
par la collecte des cocons,
mais directement de l’araignée.
Pari fou, son idée est adoptée
par l’administration coloniale
française qui perfec­tionne une
machine pour extraire la soie.
Ainsi est réalisé un ciel de lit
qui sera exposé, selon certaines
sources, à l’Exposition Universelle
de 1900 au Trocadéro à Paris,
puis perdu.
C’est à Madagascar, pour
des raisons historiques et
symboliques, que quatre textiles
en soie d’araignée, quatre
exceptions, ont été réalisés
depuis 2004. Ils sont le résultat
de la rencontre entre un artiste,
chercheur infatigable passionné
d’excellence et de magie, et un
entrepreneur fervent défenseur
de la notion de rareté. À eux
deux, ils ont transcendé la notion
d’extraordinaire et réalisé
ce que personne auparavant
n’avait fait ; ceci dans une
époque où il est communément
admis que notre notion
du temps ne permet plus
de réaliser de telles choses…
Araignée néphile
de Madagascar
Madagascar
nephila spider
Châle, Simon Peers
et Nicholas Godley /
Lamba SARL
Shawl, Simon Peers
and Nicholas Godley /
Lamba SARL
Soie d’araignée
Madagascar, 2009
l. 60,5 cm ; L. 160 cm
Spider silk
Madagascar, 2009
w. 60,5 cm; L. 160 cm
Préparation
du métier à tisser
Preparation of
the weaving loom
Man has always used spider
silk. The fiber has been used for
its symbolic or practical value.
But spiders are cannibals and
cannot be bred like silk worms –
Bombyx mori. Hence the challenge.
In 1709, the first methodical
approach to this problem was
invented by a Frenchman named
François-Xavier Bon-de-SaintHilaire to try and collect silk.
This approach inspired a research
led by a Jesuit Father based
in Madagascar, Father Paul
Camboué, who, following all
European experiments, tried
to obtain thread not only through
the collection of cocoons but
directly from spiders. A crazy
bet, his idea was adopted by
the French colonial administration
which created a machine to extract
the silk. This is how a bed canopy
was made and allegedly exhibited
during the Universal Exhibition
of 1900 at the Trocadéro in Paris,
before it was lost.
For historical and symbolic
reasons, it is in Madagascar that
four textile pieces made of spider
silk – four exceptions – have
been made since 2004. They are
the result of the encounter of an
artist, tirelessly and passionately
looking for excellence and magic,
with an entrepreneur, strong
supporter of rarity. Together they
transcended the idea of the
extraordinary and made what
no one had before, and in a time
when it is commonly accepted
that our notion of time doesn’t
allow this type of things anymore…
|
Exhibition
|
Exposition
|
CINéTIQUE
30
KINETIC
Tressage à Rari, Chili
Page de droite
Disques tressés
Crin de cheval
Village de Rari, Chili /
en collaboration avec Paula Leal
2012
Diam. 2 à 10 cm
PLAITING FROM RARI, CHILE
Right page
Circular plaiting
Horsehair
Village of Rari, Chile / with Paula Leal
2012
Diam. 2 to 10 cm
­— Christèle Olimé
|
Rari est un village aux pieds
des Andes, au Chili, où Paula
Leal, architecte et designer,
a rencontré les femmes artisanes
et entamé avec elles une aventure
créative, respectueuse de l’esprit
de ce travail particulier. Les femmes
du village de Rari perpétuent
depuis 300 ans une technique
artisanale à mi-chemin entre
tissage et vannerie : le tissage
de crin de cheval naturel ou teint,
qu’elles sont les seules à travailler
de cette manière dans le monde.
C’est dans ce village qu’est née
cette technique. Au-delà de la
rareté de la matière, le travail des
artisanes est unique. S’inspirant
de la faune et de la flore locales,
elles tressent depuis des années
des objets ou figurines – cocons,
chrysalides, fleurs ou papillons… –
devenus des pièces patrimoniales
aujourd’hui intégrées au musée
du village de Rari. Les disques
tressés sont ainsi devenus leurs
ambassadeurs à l’extérieur.
Ils sont l’emblème et le drapeau
de ce village chilien et des artisanes
dont les réalisations ont été
présen­tées à la dernière Exposition
Universelle de Shangaï en 2011.
Inlassablement travaillées,
ces formes sont le fruit d’un
mouvement rapide des mains
de ces femmes, devenues
expertes par la trans­mission
de leur mère ou grand-mère.
Leur ouvrage existe par leurs
seuls doigts agiles qui tissent
le crin autour d’une fibre d’agave
formant l’armature de la pièce,
et parfois, le renfort d’une aiguille
de couturière pour les finitions.
Ainsi, ces objets constituent
la préservation du savoir-faire
textile des femmes de Rari, mais
aussi de savoir-faire et savoir-être
féminins, chiliens, villageois…
Les fins tissages présentés
dans l’exposition Métamorphoses
sont le résultat de l’échange
entre la designer et les artisanes
qui ont pensé ces objets.
La rencontre de ces femmes
et Paula Leal, celle de cette
technique traditionnelle
et de l’esprit de l’architectedesigner offrent à la technique
du tissage de crin des perspec­tives d’ouverture internationale
et d’ancrage dans l’esthétique
contemporaine.
Rari is a village located at
the bottom of the Andes in Chile,
where Paula Leal, an architect
and designer, has met crafts­
women and started with them
a creative adventure, respectful
of the spirit of this particular work.
The women of the village have
practiced this craft technique
for 300 years, a technique halfway
between weaving and basketry:
the weaving of natural or dyed
horsehair, which they are the
only ones to work this way
in the whole world. This technique
was born in this village. Beyond
the rarity of the material, the work
of these women is unique. Inspired
by the local fauna and flora, for
years they have been plaiting
objects or small figures – cocoons,
chrysalises, flowers or butterflies... –
which all became heritage pieces
now part of the village museum of
Rari. The plaited disks have therefore
become their ambassadors in the
outside world. They are the emblem
and the flag of this Chilean village
and of the craftswomen whose
achievements have been presented
at the Shanghai Universal
Exhibition of 2011.
Tirelessly worked upon,
these shapes are the result of
a quick move of the hands from
these women, who have become
experts thanks to transmission
from their mothers or grandmo­
thers. Their works exist thanks
to their agile fingers only, which
weave the agave fiber forming
the framework of the pieces and
sometimes the help of a sewing
needle for the finishing. There­
fore, these objects represent
the preservation of the textile
know-how of the women of Rari,
but also of the female, Chilean
and village know-how and being…
The refined woven pieces
presented in the exhibition
Métamorphoses are the result
of the exchanges between
the designer and the craftswomen
who created the pieces.
The encounter of these women
with Paula Leal, of this traditional
technique and the mind of
the architect-designer provide
horsehair weaving with internatio­
nal and rooting perspectives
in contemporary aesthetics.
32
|
Exhibition
­— Patricia Gérimont
|
|
Exposition
|
Partout à Bamako fleurissent
d’innombrables teintureries
de « bazin », terme adopté par
les Africains pour désigner
le damas de coton.
Sur ce textile importé d’Europe
et d’Asie, les teinturières confient
aux « attacheurs » le soin
de réaliser des motifs décoratifs
au moyen de nombreux procédés
de réserves. Par plissage, ligature,
couture ou application de paraffine,
ces artisans isolent des portions
de tissu avant que celui-ci ne soit
plongé dans la teinture. Dès
le retrait des liens ou de la cire,
après trempage, apparaissent
des décors multicolores complexes
dont le caractère somptueux est
encore renforcé par le lustrage
du tissu réalisé par des batteurs.
Héritière directe de la tradition
subsaharienne de la teinture
à l’indigo, cette pratique tinctoriale
s’est pérennisée grâce à l’adoption
par les teinturières de tissus
industriels et de colorants chimiques.
L’engouement jamais démenti
des Maliens pour les vêtements
en bazin en garantit le succès,
d’autant qu’ils contribuent
au façonnement de l’identité
et du sentiment d’appartenance
à la culture ouest-africaine
et musulmane.
Le développement exponentiel
de ce secteur à partir des
années 90 repose en partie sur
la disponibilité d’une importante
main d’œuvre suite aux politiques
d’ajustement structurel qui ont
jeté à la rue de nombreux salariés
n’ayant d’autre choix que
de s’inscrire dans les filières
économiques informelles.
L’expansion de la teinture
à réserves est toutefois freinée
aujourd’hui par plusieurs facteurs
d’ordre interne et externe
au secteur. D’une part, la mode
actuelle qui privilégie les bazins
unis, rehaussés de savantes
broderies machine, prive de travail
les attacheurs au profit des
brodeurs. D’autre part, l’instabi­
lité politique liée au récent coup
d’état génère une baisse
de revenus de la population,
créant l’obligation pour les
teinturières de trouver davantage
de marchés à l’extérieur du pays,
privilège réservé aux artisanes
qui ont la possibilité de voyager
avec leurs bazins.
Everywhere in Bamako,
numerous “bazin” dyeing shops
can be found. “Bazin” is the term
adopted by Africans to name
cotton damask.
On this textile imported from
Europe and Asia, women dyers
let “attachers” make the decorative
motifs with numerous reserve
processes. By folding, tying,
sewing or applying paraffin,
these craftspeople isolate portions
of cloth before it is plunged into
dye. As soon as the ties have
been untied or the wax taken off,
after dipping, multicolored decors
appear, whose sumptuous
character is reinforced by the
cloth lustring done by beaters.
Directly coming from the
Subsaharan tradition of indigo
dyeing, this dyeing practice lived
on thanks to the adoption
by women dyers of industrial
fabric and chemical coloring.
The enduring enthusiasm
of Malians for these bazin clothes
is a guarantee for their success,
so much as they contribute to
the shaping of identity and sense
of belonging to the Western
African and Muslim culture.
The exponential development
of this sector from the 1990’s is
partly explained by the availability
of an important workforce following
the structural adjustment policies
which forced many former salary
people to join the informal
economy sector.
However, the expansion
of reserve dyeing is slowed down
today by several factors both
internal and external. First, the
current fashion trends favor plain
bazins embellished with smart
machine embroidery, which
makes work shift from attachers
to embroiderers. Second, political
instability linked to the recent
coup generates a decrease
of income for the population,
forcing women dyers to find more
markets outside the country,
a privilege reserved to the
craftswomen that are able
to travel with their bazins.
BAZIN
Atelier de
Sanata Coulibaly
Bamako, Mali
Page de droite
Bazins : Ballons & carreaux
et nafi feuilles
Bamako, Mali, 2005-2012
H. 300 cm ; l. 150 cm
Collection Patricia Gérimont
Sanata Coulibaly’s
workshop
Bamako, Mali
BAZIN
Right page
Bazins : Balloons & squares
and nafi feuilles
Mali, 2005-2012
w. 300 cm; L. 150 cm
Collection Patricia Gérimont
34
|
Exhibition
|
Exposition
|
Sortie de cuve
Mood indigo,
Aboubakar Fofana
Mali/France, 2011
20 tentures : H. 180 ; l. 90 cm
Page de droite
Déligaturage
Out of the tank
Mood indigo,
Aboubakar Fofana
Mali/France, 2011
20 hangings: H. 180; w. 90 cm
Right page
Untying
OXYDATION
OXiDATION
­— Diane Cazelles
|
Bleus, comme des morceaux
de ciel encore jamais inscrits !
Une série de bannières déploie
une diversité de nuances bleues
aux vibrations intimes jouant en
lumière et en transparence. Plus
encore que des variations autour
d’une couleur, le concept prend
toute sa dimension dans une
installation spatiale, rejoignant
la symbolique de l’élévation
et révélant à travers un médium
et un support naturel l’interven­
tion d’Aboubakar Fofana, créateur
de formes et de messages.
Aboubakar Fofana mène
des recherches sur l’indigo et les
techniques de colorants naturels
depuis 25 ans en Afrique de l’Ouest
et au Japon. Calligraphe, plasticien
et designer, il est lauréat
de la Villa Médicis Hors les Murs
(AFAA1) en 2000 et de la Villa
Kujoyama (AFAA) en 2005.
Collaborant avec Edun - LVMH
et Donna Karan pour la ligne
Urban Zen, il est aussi consultant
en développement produits et
travaille avec les artisans d’Afrique,
d’Amérique du Sud et d’Asie.
Aboubakar Fofana utilise
différents matériaux textiles comme
support de création. Il teint
et façonne le coton biologique
malien, mais égale­ment le lin,
le chanvre, la soie... De par leur
caractère écologique et la préciosité
de leurs fibres, ces matières
conviennent à la teinture naturelle,
unie, en plusieurs nuances, avec
des techniques de réserves telles
que le shibori2 et le batik3. Pour
cet artiste, l’application au design
textile est née d’une volonté
partisane, celle de sauvegarder
et de pérenniser le patrimoine
culturel africain lié à la filière
textile. Il adapte les techniques
anciennes aux expressions
contemporaines en rééditant
et créant des pièces pour la mode
et la décoration. Il prolonge ses
recherches à travers des œuvres
expérimentales et plastiques,
et signe une démarche globale
où l’esthétique et l’éthique
« durables » se rejoignent
avec talent.
ssociation Française d’Action Artistique,
A
opérateur délégué du Ministère des Affaires
étrangères et du Ministère de la Culture
pour les échanges culturels internationaux
et l’aide au développement.
2
Technique traditionnelle de teinture
à réserve par ligature.
3
Procédé d’ornementation obtenu par
application de réserves à l’état liquide
ou semi-liquide (cire chaude, résine,
paraffine) ou sous forme de pâte (mélange
contenant de la gomme, de la boue,
de la farine de riz, de manioc ou de soja).
1
Blue as parts of the sky that
would not yet have been put up
in the sky! A series of banners
shows a multiplicity of blue colors
with intimate vibrations, playing
with light and transparency.
Even more than variations around
a color, the concept develops all
its scope in a spatial installation,
joining the symbolic of elevation
and revealing through a natural
medium and support the
intervention of Aboubakar
Fofana, the creator of shapes
and messages.
Aboubakar has been working
on indigo and natural dyes for
25 years in Western Africa and
Japan. A calligrapher, visual artist
and designer, he was the laureate
for the Villa Médicis Hors les Murs
(AFAA1) in 2000 and for the Villa
Kujoyama (AFAA) in 2005.
Collaborating with Edun – LVMH
and Donna Karan for the Urban
Zen clothing line, he is also
a consultant in product
development and works with
craftspeople form Africa,
South America and Asia.
Aboubakar Fofana uses different
textile materials as media for his
creations. He dyes and shapes
biological cotton from Mali, but
also linen, hemp, silk… With
their ecological features and
the precious aspect of their fibers,
these materials are suitable for
natural, plain dyeing, in different
color shades, using reserve
techniques such as shibori 2
and batik 3. For this artist, dealing
with textile design came from
an involved state of mind, aimed
at safeguarding and passing
on the African cultural heritage
linked to the textile sector.
He adapts old techniques to
contemporary expressions by
reediting and creating pieces for
the fashion world and decoration.
He pursues his research through
experimental and visual works,
and offers a global approach
where “sustained” aesthetics
and ethics skillfully join.
FAA: French Association for Artistic
A
Action, a branch of the Ministry of Foreign
Affairs and of the Ministry of Culture and
Communication devoted to international
cultural exchange and development aid.
2
Shibori : traditional reserve dyeing
technique with tying.
3
Batik : ornamentation process obtained
by reserve application in the liquid
or semi-liquid state (hot wax, resin, paraffin)
or in the form of a paste (mix including
gum, mud, and rice, manioc or soy flour).
1
|
épopée
regalia
escales
hybridation
miroir
Métamorphose
de l’étoffe…
Epic
Regalia
STOPOVERS
hybridization
mirror
… car le décor crée du sens grâce à des cou­
leurs, des motifs, des symboles. Au-delà du choix
des fibres et des techniques qui conditionne l’aspect
du textile, le décor (qu’il soit tissé, brodé, noué,
imprimé, feutré, teint à réserves, etc.), le choix des
couleurs et des motifs s’appuient sur des traditions
séculaires et se nourrissent des échanges, dépas­
sant l’idée d’une simple ornementation.
Un décor, en effet, révèle un usage, énonce un
propos, évoque des coutumes et des croyances,
relate des évènements historiques et des données
géographiques ; il peut contenir des informations mul­
tiples, de la plus anecdotique à la plus symbolique.
Ainsi, les tapis afghans de la seconde moitié du
x x e siècle sont de véritables répertoires de motifs
mêlant aux représentations ancestrales de vases flo­
rissants et créatures anthropozoomorphes les
visions contemporaines de la guerre, devenant des
motifs à part entière.
Lorsque l’on évoque les tissus n’dop du Came­
roun qui passent de main en main, du prélèvement de
la fibre jusqu’à l’obtention du décor teint sur ligature
avant de revenir dans la famille royale, ou les wax
imprimés en Europe (Angleterre, Hollande) pour être
coupés et taillés par des tailleurs ivoiriens, c’est bien
d’une invitation au voyage qu’il s’agit. Cet itinéraire
textile, où chaque savoir-faire occupe une place
déterminée au sein d’un système bien organisé,
prend en compte les motifs et symboles éloquents
pour les destinataires des étoffes. Ainsi en va-t-il de la
cloche, symbole royal qui apparaît en réserve sur le
n’dop, du tableau noir recouvert d’un abécédaire ou
de l’acronyme d’un parti politique imprimé sur des tis­
sus wax. Car, bien que dessinés quelquefois à des
milliers de kilomètres de leur lieu d’utilisation, ces
motifs prennent sens à certains endroits bien précis.
Au Vietnam, la styliste Danh Thi Minh Hanh inter­
roge l’héritage culturel de son pays en utilisant des
broderies réalisées par des femmes issues des mino­
rités, Hmong notamment. Elle replace ces ouvrages
traditionnels exécutés avec des codes bien précis
dans un contexte plus contemporain en les intégrant
à ses collections vues dans le monde entier.
Enfin, Marcus Tomlinson dans Ambimorphous
d’après Hussein Chalayan, part a contrario d’un
costume traditionnel multicolore turc, entièrement
brodé et perlé, pour aboutir, au fur et à mesure d’une
déconstruction progressive, à un vêtement uni,
sombre, moderne, déstructuré et entame ainsi un
dialogue contemporain autour d’une métamorphose
visuelle et symbolique forte.
Exposition
|
Exhibition
|
37
metamorphosis
of the fabric…
… for the setting creates meaning by means of
colors, motifs and symbols. On top of the use of
fibers and skills which determine the aspect of the
fabric, both the setting (whether woven, embroide­
red, knotted, printed, felted, reserve dyed, etc.) and
the choice of colors and motifs rely on age-old tradi­
tions and feed on interrelationship far beyond mere
ornamentation.
A setting does reveal an usage and makes a sta­
tement, it conjures up customs and beliefs, it reports
events in history and geographical data; it may
contain various pieces of information from the least
significant to the most symbolic one.
Afghan rugs from the second half of the 20th
century are thus true cyclopedias of motifs which set
ancestral representations of vases in bloom and
anthropozoomorphic creatures side by side with
contemporary visions of war and thus become
motifs in their own right.
The n’dop cloths from Cameroon which are
passed on from hand to hand, from the selection of
the fiber to the completion of the dyed on ligature
setting before reaching the royal family, the “wax”
printed in Europe (England and Holland) then cut and
tailored by Ivory Coast tailors, are so many pressing
invitations to travel. This textile itinerary, in which
each skill finds its appointed place within an organi­
zed system, takes into account motifs and symbols
which speak volumes to the recipients. This is true of
the bell, a royal symbol which appears discreetly on
the n’dop, or the blackboard covered with a spelling
lesson, or the acronym of a political party printed on
wax fabric, since even though these motifs may have
been drawn thousands of miles away from where
they will be used, they become meaningful when
reaching particular spots.
Vietnamese stylist Danh Minh Hanh questions her
country’s cultural heritage through embroideries
crafted by women belonging to minority groups such
as the Hmongs. She sets these pieces of traditional
work perfected according to rigid codes in the midst
of a more contemporary context by making them
part of collections seen in the whole world.
Finally, Marcus Tomlinson reverses the process in
his work Ambimorphous inspired by Hussein Cha­
layan, starting from a traditional multicolored Turkish
costume, embroidered and beaded, to go through a
progressive deconstruction and end with a dark plain
modern piece of de-structured clothing and thus
starts a contemporary dialogue about a powerful
visual and symbolic metamorphosis.
|
|
Exposition
|
|
éPOPéE
ePic
Tapis afghan
afghan rug
Laine, tissage à point noué
Afghanistan, 2de moitié du xxe siècle
L. 219 cm ; l. 153 cm
Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand
Wool rug (knotted rug weaving)
Afghanistan, 2nd half of the 20th century
Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand
Cette tenture provenant
du Cameroun, appelée n’dop
est composée d’une épaisse toile
de coton écrue teintée à l’indigo
selon un principe de ligatures.
Cette pièce de prestige était
déployée lors des cérémonies
à l’arrière et autour des espaces
réservés au roi, à sa famille
et aux hauts dignitaires du pays
Bamoun des hauts plateaux
du Grassland.
Les motifs de l’étoffe
évoqueraient le plan d’un ancien
palais mais également les regalia1
comme la cloche, insigne de
pouvoir royal. Cette tenture est
l’outil de la métamorphose de
l’espace villageois en un espace
de pouvoir, en une aire sacrée.
La mise en scène ainsi créée place
le dignitaire dans la posture d’intou­­chable, de véritable dieu vivant.
Quand il est de taille moins
importante, le tissu n’dop devient
un élément constitutif du costume
des danseurs masqués réservés
aux membres des sociétés
secrètes. Ces différents masques
empruntent au monde animal
leurs traits, comme les masques
perlés « éléphants » pourvus
de larges oreilles et d’une trompe.
Lors de la mise en scène
du pouvoir, des petites scènes
animées par des marionnettes
rejouent les hauts faits du royaume.
1
L’Afghanistan est constitué
de nombreux groupes ethniques
qui appartiennent pour la plupart
aux tribus nomades Ouzbeks,
Baloutchs et Turkmènes réfugiées
dans ce pays suite à des annexions
russes sur le vaste territoire
de l’Asie Centrale.
Leurs tapis sont souvent
regroupés sous le nom géné­rique
d’afghans alors que chacune
de ces tribus réalisent des pièces
conformes à sa propre culture.
Les gammes chromatiques sont
très proches et se composent
essentiellement de teintes rouges,
brunes, orangées, bleues
et de quelques rehauts de blanc.
Les compositions classiques
de tapis plus anciens perdurent.
Les registres constitués de bandes
horizontales plus ou moins larges
sont les espaces narratifs où
se côtoient éléments végétaux,
animaux symboliques et motifs
abstraits. Ils perpétuent ainsi
un vocabulaire iconographique
ancestral.
Mais cette écriture textile
évoque également l’histoire
contemporaine du pays et relate
les guerres religieuses et ethniques
qui sévissent. Ce tapis a été
ramené par une équipe
de Médecins du Monde.
Au premier abord, rien ne semble
troubler le regard puis, en observant
attentivement les motifs noués,
apparaissent aux côtés d’arbres
de vie stylisés, de bouquets
de fleurs fournis ou de couple
de lions, des hélicoptères,
des avions de chasse et des
cavaliers « militaires » armés
de leurs kalachnikovs. Le tapis
devient alors une page d’histoire.
Malgré les guerres, des pièces
afghanes similaires ont été
produites. Elles ne nous sont
parvenues que jusqu’en 2002.
Espérons qu’il ne s’agisse que
d’un silence temporaire.
Afghanistan is a composite
of numerous ethnic groups most
of which belong to nomadic tribes
(Uzbeks, Balutshis and Turkmens)
which sought refuge in this
country in the wake of Russian
annexations at the expense
of vast Central Asian territories.
Their rugs often come under
the generic term “Afghan” while
each of these tribes produces
pieces after its own culture.
Their chromatic scales are very
similar and mainly made up
of red, brown, orange and blue
hues with some white highlights.
The more classical rug patterns
are still alive. Horizontal stripes
of varying breadth are the narrative
spaces where vegetal elements
mix with symbolic animals and
abstract motifs, thus perpetua­
ting an ancestral iconographic
vocabulary.
But this textile calligraphy also
brings to mind the country’s
present history and its laboring
under religious and ethnic
violence. This particular rug was
retrieved by a team of Médecins
du Monde doctors. Nothing
at first sight to disturb the eye,
but a closer look at the knotted
motifs reveals that stylized trees
of life, bunches of flowers
or couples of lions are to be
found side by side with helicop­
ters, fighter planes and “military”
horse riders with Kalashnikovs.
The rug thus makes history.
Similar Afghan pieces have been
produced in spite of the wars
but have no longer reached
us after 2002. Let us hope this
silence will not be a lasting one.
This hanging from Cameroon
is called a n’dop and is made of
an indigo dyed thick ecru cotton
fabric following the ligature
principle. This prestige piece
was unfolded during ceremonies
behind and around areas reserved
to royalty and dignitaries,
in the Bamum country on
the Grassland plateaus.
The motifs suggest the plan
of a former palace but also such
regalia1 as the clock, a token
of royal power. The hanging plays
a key role in the metamorphosis
of the village space into a space
of power, a sacred area. The
staging thus sets the dignitary
in the posture of an untouchable,
a true living god.
When of a smaller size,
the n’dop fabric becomes
a constitutive element of the
costume of masked dancers
belonging to sacred societies.
These various masks borrow
their features from the animal
world, as for instance the “elephant”
beaded masks fitted with outsize
ears and a trunk.
When the exercise of power
is to be staged, short scenes
played by puppets re-enact feats
in the kingdom’s history.
1
Exposition
|
Exhibition
Tenture n’dop
Coton teint à l'indigo
Populations Bamiléké / Bamoum
Cameroun, milieu du xxe siècle
L. 296 cm ; l. 242 cm
Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand
« masque-marionnette ’’
Coton teint à l'indigo, perles, bois
Populations Bamiléké / Bamoum
Cameroun, milieu du xxe siècle
H. 195 cm ; l 50 cm
Collection L. Dubreuil
N’dop hanging
Indigo dyed cotton
Bamileke/Bamum peoples
L. 296 cm; W. 242 cm
Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand
“Doll-mask”
Indigo dyed cotton, beads, wood
Bamileke/Bamum peoples
Cameroon, mid 20 th century
H. 195 cm; w. 50 cm
Collection L. Dubreuil
egalia refers to a set of symbolic royal
R
objects. Each monarchy keeps its own
regalia which are often linked to legendary
accounts.
Les regalia sont un ensemble d’objets
symboliques de la royauté. Chaque monarchie
conserve ses propres regalia dont les origines
sont souvent liées à des récits légendaires.
REGALIA
Exhibition
REGALIA
|
­— Thomas Leveugle
38
­— Christine Bouilloc
|
|
39
|
40
|
Exposition
|
STOPOVERS
ESCALES
­— Anne Grosfilley
|
De toutes les étoffes d’Afrique,
la plus emblématique est le wax.
Inspiré des batiks indonésiens
et imprimé en Europe, il arrive
dans le Golfe de Guinée à la fin
du x ix e siècle. Il évolue à travers
le temps, mais l’attachement
à ses dessins anciens demeure
remarquable. Parmi eux, le motif
de l’alphabet cristallise la complexité
des rapports entre Afrique et
Occident. Au début du x x e siècle,
il célèbre l’apport colonial.
Les Africains lettrés achètent
ce wax et se pavanent avec fierté.
Aujourd’hui, ce dessin s’inscrit
comme un classique, devenu
une valeur sûre, approuvée par
tous, et un hommage ému à une
grand-mère qui portait déjà
ce même pagne. Le wax est
toujours imprimé à l’identique,
mais est aussi décliné pour refléter
des préoccupations contempo­
raines : les ordinateurs
remplacent les ardoises.
L’alphabétisation demeure
précieuse, et le motif alphabet
porteur de richesse pour les
nouveaux acteurs du wax, venus
de Chine. La force du wax réside
dans sa réappropriation par les
populations africaines, comme
un support de langage. Son
détournement politique s’inscrit
dans cette logique. Un pagne à
l’effigie du Président F. Houphouët
Boigny fut élaboré en remplaçant
les lettres ABCD par celles
de son parti, PDCI. Il envoya
alors une image de stabilité,
recherchant la confiance de son
peuple. Son successeur
Henri Konan Bédié fit de même
pour s’inscrire dans sa continuité.
Morceau d’Histoire, morceau
du présent, le wax se transforme
pour séduire une Afrique qui change.
LéS DE TISSUS WAX (DETAILS),
ABéCéDAIRE
WIDTHS OF wax FABRIC
(DETAILS), ALPHABET
Coton imprimé (rotatives en cuivre)
Importés d’Europe et de Chine,
années 1990 à 2011
Largeur des lés : environ 110-120 cm
Collection Anne Grosfilley
Printed cotton (copper rotary press)
Imported from Europe and China,
1990 to 2011
Width: about 110-120 cm
Collection Anne Grosfilley
Page de droite
Right page
PAGNES FANCY (DETAILS),
PDCI / Houphouët Boigny
et Konan Bédié
Fancy loincloths
(DETAILS), PDCI / Houphouët
Boigny et Konan Bédié
Imitations wax en coton imprimé
Côte d’Ivoire
H. 115 cm ; l. 179 cm
Collection Anne Grosfilley
Wax imitation made of printed cotton
Ivory Coast
H. 115 cm; w. 179 cm
Collection Anne Grosfilley
Among all African fabrics the
most emblematic is wax. Drawing
its inspiration from Indonesian
batiks then printed in Europe,
it reached the Gulf of Guinea
in the late 19 th century. While
evolving with time, it preserves
remarkable fidelity to its former
patterns. Among these, the motif
of the alphabet crystallized the
complexity of the relationship
between Africa and the Western
world. In the early 20th century
it glorified the colonial input, as
educated Africans bought it and
wore it boastfully. This pattern
has today become a standard
feature and gained general
approval, a sentimental tribute
to a grandmother who wore the
same loincloth. The wax is still
printed in the same manner, but it
is also made and used otherwise
today, reflecting contemporary
anxieties now that computers
have replaced slates.
Literacy remains a key issue,
and the alphabet motif means
wealth to Chinese people,
newcomers on the wax market.
Wax derives its strength from
its new language status among
Africans, hence its use by politicians.
A loincloth was designed showing
President Felix Houphouët Boigny
but the letters ABCP were replaced
by those of his party the PDCI,
thus creating an image of stability
and asking the people to trust
him. His successor, eager
for continuity, did likewise.
As a piece both of history
and the present, wax is evolving
in order to appeal to an Africa
on the move.
|
Exhibition
|
Exposition
|
HYBRIDIZATION
Dang Thi Minh Hanh
et les femmes Hmong
Vietnam
Page de droite
Robe, coiffe
et bijoux en jade,
Dang Thi Minh Hanh
Vietnam, 2012
Dang Thi Minh Hanh
and Hmong women
Vietnam
Right page
DRESS, HEADDRESS
AND JADE JEWEL,
Dang Thi Minh Hanh
Vietnam, 2012
Où la tradition nourrit la
modernité et en reçoit l’hommage.
Sur les hauts plateaux de la
cordillère Annamitique, les ethnies
minoritaires du Vietnam maintiennent
des techniques ancestrales
de filage, de teinture, de tissage
et de décoration. Avec une
ressource limitée en fibres
et en plantes tinctoriales, ces
groupes expriment, dans leur
diversité, leur originalité propre :
coloris, motifs géométriques,
broderies signent l’appartenance
à un peuple, tandis que de lourds
bijoux d’argent ou de pierres
semi-précieuses, marques
de coquetterie autant que
de richesse, apportent au vêtement
féminin son indispensable touche
de fantaisie.
Intégrer dans ses propres
créations le savoir-faire et
l’esthétique de ces cultures n’est
pas pour Dang Thi Minh Hanh
une concession à l’exo­tisme.
C’est tout autant un hommage
rendu à ces femmes, gardiennes
et continuatrices des traditions
de leur peuple, qu’une reconnais­
sance de leur apport, aussi
minime puisse-t-il paraître,
à l’expression d’un art authen­tiquement national. En effet,
pour elle, qui est née et a grandi
au Centre-Vietnam, non loin
de ces terres d’altitude, et dont
le talent s’ancre dans la tradition
vestimentaire de son pays,
la culture vietnamienne est plurielle
et ne saurait oublier ce qu’elle
doit à ses minorités.
Portés par le crayon inspiré
de la styliste, les humbles motifs
nés dans les rudes territoires
montagneux ne tendent pas moins,
par le vecteur de la mode,
à l’universel. Parés d’un brocart
ou d’une soie sauvage, la coupe
d’une jupe, le profil d’un col,
un tissé de lin teint à la main
acquièrent noblesse et grandeur.
La rigoureuse géométrie
des grecques et des losanges
s’adoucit au voisinage d’une
extravagance de fleurs ou
de la fraîcheur d’un ruban
de pompons. Sous les doigts
de Dang Thi Minh Hanh opère
ainsi la magie d’un transfert entre
tradition et modernité, où le gracieux
équilibre de ces deux influences
se réalise dans des créations
audacieusement contemporaines.
Tradition enriches modernity
and receives recognition for it.
On the Western Highlands
of the Annam Range, Vietnamese
ethnic minorities still preserve
ancestral methods of spinning,
dyeing, weaving and decorating
fabrics. With limited resources
in both fiber and plants for dyeing,
these groups, in their diversity,
have their own ways of expressing
their originality and the identity
of each of them re-appears in
the colors, geometrical designs
and embroideries, whereas heavy
silver jewels or semiprecious
stones, tokens of elegance as
much as of wealth, bring their
essential touch of imagination
to women’s attire.
For Dang Thi Minh Hanh,
bringing the know-how and
aesthetics of these cultures into
her own creations is not making
concessions to exoticism. It is
paying tribute to these women,
who keep and perpetuate their
people’s traditions, as well as
recognizing their own contribution,
albeit small, to an authentically
national form of art. For her,
indeed, who was born and raised
Hybridation
42
­— Gérard & Huê Boivineau
|
in Central Vietnam, not far
from those Highlands, and who
draws the best of her inspiration
from her country’s clothing
tradition, the Vietnamese culture
is diverse and the contribution
from its ethnic minorities should
not be forgotten.
Born by the fashion designer’s
inspired pencil, the modest patterns
coming from the harsh mountain
regions also take on a universal
dimension. Brocade or wild silk
bring a touch of nobility and
dimension to the way a skirt has
been cut or a collar designed
or a linen hand-dyed. The severe
geometry of Greek and diamond
patterns softens when put next
to an extravagance of flowers
or the freshness of a pompom
ribbon. Dang Thi Minh Hanh’s
fingers bring about a magical
transfer between tradition and
modernity where the delicate
balance of both influences
is woven into an audaciously
contemporaneous creation.
exhibition
|Exposition
Les artistes Marcus Tomlinson
et Hussein Chalayan ont passé
plusieurs années, entre 1999
et 2003, à travailler sur des projets
communs. La série « Ambimor­
phous » est l’une des nombreuses
installations que le duo a créées
ensemble.
« Ambimorphous Lightbox »
a récemment été prêté au Musée
des Arts Décoratifs par Marcus
Tomlinson pour une exposition
de Hussein Chalayan à Paris.
La version intitulée « Ambimor­
phous Panel » a quant à elle été
créée spécialement pour le musée
Bargoin à l’occasion du FITE et
propose la plus grande impression
jamais réalisée de l’installation,
d’une longueur de 5 500 mm.
Ces figures quasiment grandeur
nature illustrent le concept d’une
collection en évolution selon
le créateur – une œuvre évocatrice
qui démontre de manière
saisissante comment l’influence
orientale se mêle à une esthétique
plus occidentale.
L’œil pur et dynamique
de Tomlinson enregistre avec
une grande efficacité les transitions
du designer. Le regard d’une
femme perce l’air tandis qu’une
peau dont le teint est en constante
évolution rappelle le concept
central : l’unité des cultures.
Cette œuvre résultant d’un
concept contribue à façonner
un lien de création entre
le photographe et le designer.
De façon à créer une image
supérieure mais aussi organique
et éclatante, Tomlinson a photogra­
phié chaque tenue en deux
images, ce qui permet d’éviter
toute distorsion visuelle. Il crée
ainsi une image qui n’est pas
simplement frappante, mais qui
correspond exactement à ce
que le designer et le photographe
souhaitaient montrer.
Tomlinson raconte : « Je voulais
vraiment obtenir une unité tout
à fait pure concernant chacune
des figures afin de donner une
représentation quasi-livresque
de cette transition culturelle.
J’ai en outre donné un aspect plus
intime à mon travail en appliquant
un vernis à la main qui semble
faire flotter le sujet sur le noir ».
Artists Marcus Tomlinson
& Hussein Chalayan have spent
several years between 1999
and 2003 working on various
collaborations together.
The “Ambimorphorous’ series
was one of many installations
and films the duo created.
“Ambimorphous Lightbox”
was recently loaned to the Museum
of Decorative Arts of Pari by
Marcus Tomlinson as part of
the Hussein Chalayan exhibition.
This version, “Ambimorphous
Panel” was created especially
for the Musée Bargoin on the
occasion of the FITE festival and
sees the installation stand as it’s
biggest ever print, stretching
in length to 5500mm long.
These almost life size figures
portray the fashion designer’s
concept of an evolving collection.
An evocative piece that vividly
demonstrates how Eastern
influence blends with more
Western aesthetics.
Tomlinson’s pure and dynamic
eye records the designer’s
transitions to great effect.
A woman’s gaze pierces
the thin air, as an evolving and
continuous skin tone plays upon
the central concept; the unity
of cultures.
This strong, concept-driven
piece helps fashion a creative
bond between photographer
and designer.
In order to create a superior,
yet organic and vibrant image,
Tomlinson photographed each
outfit as two images, which
removes the any lens distortion.
Thus creating an image that is
not simply striking, but a perfect
preservation of the image as both
the designer and photographer
intended it to be viewed.
To quote Tomlinson “Really
I wanted to control a pure unity
with each of the figures to give
an almost textbook representation
of this cultural transition and
in addition have applied a familiar
look to my work, using a hand
painted varnish that helps float
the subject on the black’
Ambimorphous,
Marcus Tomlinson (image)
& Hussein Chalayan
Ambimorphous,
Marcus Tomlinson (image)
& Hussein Chalayan
MIROIR
|
MIRroR
44
­— Christine Athenor
|
|
Synergie
révolution
ramage
agglomération
reflets
révélation
saturation
alchimie
Synergy
revolution
foliage
agglomeration
reflection
revelation
saturation
alchemy
Exposition
|
Exhibition
|
47
Métamorphose
et magie
textile…
metamorphosis
and the magic
of textile…
… à partir de matériaux conventionnels ou non, de
techniques anciennes et de technologies innovantes,
des créations, parfois issues d’une sensibilité artis­
tique mystique, proposent des textiles extra ordinaires.
Emblématique de cette section, la tunique recou­
verte de pics de porc-épic parle de métamorphose
et de magie.
L’œuvre de Moataz Nasr est inspirée des croyances
des hommes du monde entier et puise dans une
mémoire où la calligraphie côtoie les mythes, les
signes magiques et les représentations esthétiques,
produites notamment par le monde arabe. Elle dia­
logue avec la composition d’Abdoulaye Konaté qui
inscrit dans son travail des signes et symboles des
sociétés secrètes maliennes.
Françoise Hoffmann, maître-artisan d’art, apporte à
la technique ancestrale du feutre de laine une moder­
nité saisissante et renouvelle ce support/surface. De
même, Thia Nithakong Somsanith oscille entre tradition
et modernité dans ses étoffes aux précieuses broderies
d’or, évocatrices de cet art traditionnel de la Cour royale
de Luang Prabang au Laos.
La technique ancienne mais pourtant si éton­
nante de l’ikat, qui révèle le décor au fur et à mesure
du tissage est un autre trésor. Pour exemple, les
saris ikatés tissés en Orissa de la styliste indienne
Neeru Kumar subliment ce grand rectangle de soie
que l’on arrange sur le corps avec un sens esthé­
tique combinant raffinement et sensualité du drapé.
Face à face, les costumes traditionnels en indigo
saturé et calandré des minorités ethniques de Chine
et les vêtements métallisés dessinés par des sty­
listes et mis au point par le chercheur Kinor Jiang à
Hong Kong se font écho. Productions métalles­
centes issues d’univers opposés, elles se retrouvent
finalement au musée.
… from conventional or unconventional materials,
ancient techniques and innovating technologies,
creations, sometimes coming from a mystical artistic
sensitivity, result in extra ordinary textiles.
The tunic covered with porcupine quills, which
illustrate the ideas of metamorphosis and magic, is
emblematic of this section.
The work of Moataz Nasr is inspired by the beliefs
of people of the whole world and draws from a
memory where calligraphy stands side by side with
myths, magical signs and aesthetic representations,
especially those produced in the Arab world. It
exchanges with the work of Abdoulaye Konaté, who
puts in his work signs and symbols from Malian
secret societies.
Françoise Hoffmann, a master-craftswoman,
brings astonishing modernity to the ancestral tech­
nique of wool felt and renews this medium/surface.
In the same idea, Thia Nithakong Somsanith swings
between tradition and modernity with his precious
gold embroidery which conjures up the traditional art
of the Royal Court of Luang Prabang in Laos.
The ancient and amazing technique of ikat, which
reveals the decor as the weaving progresses, is ano­
ther treasure. For example, the ikat sarees woven in
Orissa by stylist Neeru Kumar transcend this silk
rectangle which is arranged on the body with a great
sense of harmony mixing refinement and sensuality
of the drape.
Face to face, the traditional indigo saturated and
calendared dress of Chinese ethnic minorities and
metalized clothes drawn by stylists and made by
Kinor Jiang in Hong Kong echo each other. Coming
from totally different universes, productions that
shine like metal eventually meet in the museum.
|
|
Exhibition
|
Exposition
|
L’origine exacte de ce vêtement
spectaculaire reste incertaine.
Les rares exemplaires connus
seraient camerounais, mais
le tissu de cette tunique (coton
teint en jaune et motifs noirs
d’origine inconnue exécutés
au tampon) est inusité dans
ce pays. Une réparation ancienne
avec une pièce de n’dop, tissu
typiquement camerounais, tend
cependant à accréditer cette
provenance. Le tissu aurait été
produit ailleurs.
Le porc-épic est considéré
comme un animal magique en
raison de son aspect et de ses
moeurs souterraines étranges
qui le lient au monde tellurique
des ancêtres. Ses piquants sont
une arme défensive et le rendent
insaisissable. Un tel vêtement
est censé donner à son porteur
les mêmes pouvoirs que l’animal.
Il est destiné à impressionner.
Ainsi, au royaume d’Oku,
au Cameroun, les masques
Momum de la société secrète
Ngirrib (liée aux princes) portent-ils
une robe ample ornée de piquants
de porc-épic et de plumes rouges,
un pantalon couvert de piquants
et un masque « Janus » en bois :
Momum peut ainsi tout voir.
Sa danse doit faire peur aux
spectateurs.
Cette tunique, plus ajustée
que les robes du masque Momum,
devait faire plutôt partie d’un
costume de chef ou de devin.
Certaines des tuniques de cette
taille sont d’ailleurs accompagnées
d’un couvre-chef orné aussi
de piquants, ce qui les lierait
davantage un à usage cérémoniel
(funérailles ?) qu’à un rituel
de mascarade dansée.
The exact origin of this
spectacular garment remains
uncertain. The rare known examples
would be from Cameroon, but the
cloth of this tunic (block printed
cotton dyed in yellow with black
motifs of unknown origin) is not
used in this country. However,
an old repair with a piece of n’dop,
a typically Cameroonian fabric,
tends to support this provenance.
The fabric would have been
made elsewhere.
The porcupine is considered
as a magical animal because of
its aspects and strange under­
ground habits which link it to
the telluric world of ancestors.
Its quills are a defensive weapon
and make it impossible to catch.
Such a garment is supposed
to offer the person who wears
it the same powers as the animal.
It is designed to make the person
look impressive.
Therefore, in the Kingdom
of Oku, in Cameroon, Momum
masks of the Ngirrib secret society
(linked to Princes) all wear this
ample robe decorated with
porcupine quills and red feathers,
pants covered with quills and
a “janus” mask made of wood:
Momum can then see everything.
Its dance is designed to scare
the audience.
This tunic, more adjusted
than the Momum mask’s robe,
was probably part of a chief
or seer dress. Some tunics of
this size come with a headdress
also decorated with quills,
which makes them more likely
dedicated to ceremonial use
(funerals?) than danced
mascarade rituals.
SYNERGIE
SYNERGY
48
­— Louis Dubreuil
|
Tunique ornée de
piquants de porc-épic
Toile, piquants de porc-épic, plumes
Cameroun, 1ère moitié - milieu du xxe siècle
H. 94 cm ; l. 82 cm
Collection Louis Dubreuil
Tunic decorated
with porcupine quills
Cloth, porcupine quills, feather
Cameroon, 1st half/mid 20 th century
H. 94 cm; w. 82 cm
Collection Louis Dubreuil
50
|
Exhibition
|
Exposition
|
RéVOLUTION
El Thaher wa El baten
(The Manifest and
the Un-manifest)
Love, Compassion & Beauty,
Moataz Nasr
Tissu
Le Caire, 2012
Triptyque, chaque pièce : H. 170 cm ; l. 170 cm
El Thaher wa El baten
(The Manifest and
the Un-manifest)
Love, Compassion & Beauty,
Moataz Nasr
Textile
Le Caire, 2012
Triptych, each work: H. 170 cm; w. 170 cm
REVOLUTION
­— Simon Njami
|
Partant des propos de Ibn
Arabi qui déclara : « l’amour est
ma religion et ma foi », Nasr crée,
reprenant l’ancienne tradition
textile de sa région, deux motifs
qui se superposent en évoquant
le mot al-houb, amour. L’un des
textiles est blanc et le second,
blanc également, apparaît plus
gris, créant une différence
de niveau de lecture dans
la perception immédiate. L’un des
tissus semble l’ombre de l’autre.
Dans les années récentes,
Nasr a rencontré la religion soufi.
En fait de religion, le soufisme
serait plutôt une philosophie dont
l’objet est la quête de la pureté.
Contrairement à l’Islam tradition­
nel, le soufisme apparaît comme
une discipline ésotérique, un peu
à l’image de l’étude du Talmud
juif. Des différentes étymologies
du mot, je retiendrai celle qui
se rapproche du mot grec sofia,
sagesse. Celle qui parle de safa
ou safw, signifiant pureté cristalline,
ne me déplaît pas non plus.
Au-delà de la sémantique,
ce qui est à retenir du soufisme
est qu’il concerne les personnes
musulmanes qui recherchent,
à travers la méditation, l’amour
de Dieu, la contemplation, la
sagesse. Il existe plusieurs grilles
de lecture à cette œuvre et elles
contribuent toutes, naturellement,
à donner une cohérence
conceptuelle à l’ensemble.
La première réside dans la technique
employée. Le tissage, technique
qui nous renvoie à la tradition
de tapisserie dans le monde arabe,
et la seconde, la calligraphie,
dont nous nous sommes aperçus
que Nasr usait de plus en plus.
Ainsi, l’artiste nous situe dans
un monde précis : celui du MoyenOrient et de l’Islam. Mais le sens
du message qu’il nous adresse
se détache de toute religion
ou géographie pour tendre vers
un idéal d’universalité qui nous
invite à regarder par-delà les
apparences pour rechercher
la vérité des choses. Par-delà
les idées reçues et les croyances
convenues, il existe une chose
essentielle qui, comme chez
les soufis, est à notre portée,
pour peu que nous prenions
la peine de voir, pour reprendre
les propos de l’écrivain noir
américain James Baldwin,
« l’évidence des choses que
l’on ne voit pas ».
Starting out from Ibn Arabi’s
declaration, “love is my religion
and my faith” and drawing
on the ancient weaving tradition
of his region, Nasr has created
two motifs that are superimposed
on one another, evoking the word
al-houb, “love”. One of the
textiles is white and the second,
while also white, looks greyer,
creating a difference in the level
of reading, in the immediate
perception. One piece of weaving
looks like the shadow of the other.
In recent years Nasr has
encountered the Sufi religion.
In fact rather than a religion,
Sufism is a philosophy whose
subject is the quest for purity.
In contrast to traditional Islam,
Sufism appears to be an esoteric
discipline, rather like the study
of the Jewish Talmud. Of the
different etymologies of the word,
I would choose the one that
relates it to the Greek word
sophia, wisdom. I also like the
one that speaks of safa or safw,
which means crystalline purity.
Leaving semantics aside, what
should be born in mind about
Sufism is that it is practised by
Muslims who are seeking wisdom
through meditation, the love
of God and contemplation. There
are different ways of interpreting
this work and all of them
contribute, naturally, to giving
the whole a conceptual cohe­
rence. The first involves the medium
employed: weaving, a technique
that harks back to the tradition
of the carpet in the Arab world
and the second, calligraphy,
which it is apparent that Nasr
is coming to use more and more
frequently. So the artist places
us in a precise world: that
of the Middle East and Islam.
But the sense of the message
he is sending us detaches itself
from any particular religion or
geography to attain an ideal of
universality that invites us to look
beyond appearances in search
of the truth behind things.
Beyond preconceived ideas
and conventional beliefs there
is something essential that,
as among the Sufis, is within
our reach as long as we take
the trouble to see, to echo
the words of the African
American writer James Baldwin,
“the evidence of things not seen”.
52
|
Exhibition
|
Exposition
|
Composition 6,
Abdoulaye Konaté
Coton, bazin teint,
broderies machine
H. 221 cm ; l. 171 cm
2012
Courtesy Revue Noire
Composition 6,
Abdoulaye Konaté
Cotton, dyed bazin, machine embroidery
H. 221 cm; w. 171 cm
2012
Courtesy Revue Noire
FOLIAGE
RAMAGE
­— Simon Njami
|
Dans le discours qu’il prononça
à Dakar en 1966, à l’occasion
de l’ouverture du premier Festival
Mondial des Arts Nègres de Dakar,
André Malraux avait eu une intuition
fulgurante, une vision qui mieux
que toute autre, sans doute,
dit la complexité de la construction
de toute modernité et, parti­
culièrement, de la modernité
africaine : « Ce qui a fait jadis
les masques, comme ce qui a fait
jadis les cathédrales est à jamais
perdu. Mais ce pays est héritier
de ses masques et peut dire :
j’ai avec eux un rapport que n’a
personne d’autre. Et lorsque
je les regarde et leur demande
leur leçon du passé, je sais qu’ils
me parlent et que c’est à moi
qu’ils parlent. Prenez entre vos
mains tout ce qui fut l’Afrique.
Mais, prenez-le en sachant que
vous êtes dans la métamorphose ».
Cette injonction à « prendre
entre vos mains tout ce que fut
l’Afrique », n’a sans doute jamais
mieux été illustrée que par le travail
d’Abdoulaye Konaté. Depuis
de nombreuses années, l’artiste
malien, dans son atelier de Bamako,
s’applique à faire une synthèse
contemporaine des traditions
de son pays qui lui semblent
le plus à même d’être traduites
dans l’aujourd’hui. Contrairement
à d’autres, qui selon les mots
de Rimbaud, se voulaient
« résolument modernes »,
il n’a pas fait du passé table rase
pour prouver sa liberté artistique
et intellectuelle. Prenant
le contrepied d’une tendance
qui commençait à s’installer
en Afrique, qui faisait dire aux
artistes qu’ils n’étaient pas
africains, Abdoulaye Konaté
a choisi d’embrasser son histoire
et ses traditions.
La matière n’est plus
uniquement un support à motif,
un élément décoratif, mais une
abstraction formelle ouverte.
L’artiste propose, jouant avec
les couleurs et les textures.
Il nous laisse libre d’entrer dans
l’œuvre et de la faire nôtre.
Rien ici ne parle des origines
ou ne prétend « porter un message »
quelconque. C’est de l’art
uniquement. Et le textile devient
une palette qui se nie elle-même
et au sein de laquelle la matière
est soumise à une manière
de transsubstantiation. Ce qui
est l’objet premier de toute
création artistique.
In the speech he made
in Dakar in 1966 on the occasion
of the first International Festival
of Negro Art of Dakar, André
Malraux had a sudden intuition,
a vision which, more than any
other, expresses the complexity
of the construction of any
modernity, and particularly of
African modernity: “What once
made the masks, just as what
made the cathedrals, is forever
lost. But this country has inherited
these masks and can say: I have
with them a relation which no one
else has. And when I look at them
and I ask them their lesson about
the past, I know they talk and
I know they talk to me. Take
in your hands all that Africa has
been. But do so knowing that
you are in the metamorphosis.”
This encouragement to “take
in your hands all that Africa has
been” was probably never better
illustrated than by the work
of Abdoulaye Konaté. For many
years, the Malian artist, in his
Bamako studio, has been making
a contemporary synthesis of his
country’s traditions which seem
to him the fittest for a contempo­
rary interpretation. Contrary
to other people, who according
to Rimbaud claimed themselves
“resolutely modern”, he hasn’t
erased the past to prove his
artistic and intellectual freedom.
Taking the opposite view to
a trend which began to settle
in Africa and made artists say
they were not Africans, Abdou­
laye Konaté chose to embrace
his history and traditions.
The material is not only
a medium for motifs anymore,
a mere decorative element,
but an open formal abstraction.
The artist makes suggestions
by playing with colors and textures.
He leaves us free to enter the
work and make it ours. Nothing
here deals with origins or claims
to “deliver a message” of any
type. It is just art. And the textile
becomes a palette which denies
itself and within which matter is
submitted to a kind of transubs­
tantiation, which is the first
objective of all artistic creations.
54
|
Exhibition
|
Exposition
|
Triptyque, Variation
sur un même thème
« Mouzon, la saga ’’,
Françoise Hoffmann
Travail à partir de photographies d’usine
du feutre de Mouzon, Ardennes
Feutre de laine, georgette de soie imprimée
Lyon, 2012
Deux panneaux : H. 280 cm ; l. 110 cm
Manteau sans couture
TRIPTYCH, VARIATION
ON A SINGLE THEME
“MOUZON, LA SAGA”,
FRANÇOISE HOFFMANN
Work based on photographies of a felt factory
in Mouzon, Ardennes
Wool felt, printed silk georgette
Lyon, 2012
Two panels: H. 280 cm; w. 110 cm
Seamless coat
AGGLOMéRATION
AGGLOMERATION
­— Christine Athenor, remerciements à Yves Sabourin
|
Et si la magie était ce vent
de liberté qui souffle dans les
feutres de Françoise Hoffmann ?
En perpétuelle recherche
de nouvelles formes et idées fortes,
elle soumet une des techniques
les plus anciennes du textile,
le feutre, aux combinaisons
les plus fertiles. Mariant soie,
mousseline de soie, feutre
et technique d’impression,
elle questionne les frontières
entre art et artisanat, menant une
réflexion intellectuelle que chacun
de ses projets relaie. Le jeu
des textures, des couleurs
et des impressions offre ainsi
les éléments d’un vocabulaire
et d’une syntaxe plastique
comparables à ceux des pigments
sur une toile.
La transformation de la matière
et son hybridation avec d’autres
techniques comme la photogra­
phie donnent à voir des créations
à double lecture, face et envers,
l’une lisible et l’autre floue comme
une métaphore de notre perception
des événements qui oscille entre
clarté et obscurité.
De la sculpture d’un manteau
taillé en une seule pièce sans
couture, à l’architecture d’une
tenture réversible, Françoise
Hoffmann enveloppe les corps
et l’espace d’une matière noble
et raffinée et nous livre sa
vision du luxe.
What if magic was this wind
of freedom blowing in Françoise
Hoffmann’s felts? Continuously
looking for new forms and strong
ideas, she submits one of the
oldest textile techniques –
felting – to the most fertile
combinations. Mixing silk,
silk muslin, felt and printing
technique, she challenges
the borders between art and
craftwork, carrying out a reflection
illustrated by each of her projects.
The play on textures, colors
and printings therefore offers
elements of a visual vocabulary
and syntax comparable to
those of the pigments on
a painting.
The transformation of matter
and its hybridization with other
techniques such as photography
offer to view creations with
double reading, front and back,
one readable and the other
blurry, like a metaphor of our
perception of events swinging
between light and darkness.
From the sculpting of a coat
made of one seamless piece
to the architecture of a reversible
hanging, Françoise Hoffmann
wraps bodies and space in a
noble and refined material and
delivers her vision of luxury to us.
56
|
Exhibition
|
Exposition
|
Éternité (série Fougères),
TIAO NITHAKONG SOMSANITH
Eternity (Fern series),
TIAO NITHAKONG SOMSANITH
Broderie au fil d'or et fibre de polompon,
cannetille d'or et de cuivre sur chanvre indigo
2012
H. 220 cm ; l. 29 cm
Gold embroidery polompon fibre,
gold and copper cannetille, hemp cloth
2012
H. 220 cm; w. 29 cm
Veste / Costume de cour
de Luang Prabang,
TIAO NITHAKONG SOMSANITH
Coat/Court dress,
Luang Prabang,
TIAO NITHAKONG SOMSANITH
Broderie au fil d'or sur brocart de soie
1997
H. 160 ; l. 70 cm
Gold embroidery, silk brocade
1997
H. 160; w. 70 cm
REFLECTION
REFLETS
­— Catherine Choron-Baix
|
Dans les premiers temps
de son installation en France,
Nithakhong Somsanith trouve
dans la création artistique
un puissant exutoire à la douleur
du déracinement. À travers
le délicat maniement des soies
et des fils d’or, il revit les émotions
et les sensations d’antan,
lorsqu’enfant, il passait de longues
heures auprès de sa mère dans
l’atelier de broderie du palais,
à Luang Prabang. C’est là qu’il
se forme à cette tradition des
femmes de la cour, à l’architecture
de ses motifs, à l’alliage de ses
couleurs. C’est là qu’il acquiert
la concentration, la maîtrise
du geste et les valeurs qui
accompagnent la pratique de cet
art. La transmission des façons
de faire se faisait jadis de mère
à fille, et avec elles, celle des
vertus attendues des femmes.
Les broderies elles-mêmes, cols
ou bas de jupe, passaient entre
elles, offertes, telles des bijoux,
au moment du mariage, et quelque
peu remaniées à chaque génération,
selon un mouvement continu
de métamorphose par lequel elles
demeuraient toujours « vivantes ».
Ce travail particulier du textile
et ce qu’il contient d’intime est
ainsi pour le dernier descendant
du Vice-Roi du Laos un outil
de ressourcement personnel qui
le rattache à la splendeur passée
de sa famille.
Il devient aussi un combat
collectif pour la sauvegarde de
tous les arts de cour de l’ancienne
capitale royale. Broderie, sculpture
sur bois, peinture au pochoir,
laque et composition florale
sont en effet étroitement reliées,
expression d’une esthétique
au service des rites, où la répétition
des formes et le miroitement des
reflets se conjuguent pour célébrer
la vie du Bouddha et les grands
personnages de la mythologie
lao. Tout un patrimoine artistique
se déploie autour du culte
bouddhiste et des cérémonies
laïques, que Nithakong Somsanith
invite à redécouvrir. Son retour
au pays en 2000, et la création,
peu après, d’une école d’art
à Luang Prabang marquent
le début de cette œuvre de
mémoire qu’il n’a de cesse
de poursuivre aujourd’hui.
When he settled down
in France, at first Nithakong
Somsanith found in artistic
creation a powerful outlet for
the pain caused by uprooting.
Through the delicate handling
of silks and golden threads,
he relives the feelings and emotions
of the past, when as a kid
he would spend hours with his
mother in the embroidery studio
of the palace in Luang Prabang.
That’s where he trained to this
female tradition, to the architecture
of the motifs, to the combination
of colors. That’s where he acquired
the concentration, the mastery
of gestures and values which
come with the practice of this art.
Know-hows used to be passed
on from mothers to daughters,
and with them virtues expected
from women would also be passed
on. Embroideries themselves,
collars or skirt bottoms, would
go from one to another, just as if
they were gems, at the moment
of a marriage, and would be a bit
rearranged at every generation,
according to a continuous
movement of metamorphosis
by which they remained alive.
For the last descendant
of the Vice-King of Laos, this
particular textile work and the
intimacy it includes is something
he can go back to and which
links him to the past splendor
of his family.
It also becomes a collective
struggle for the safeguarding of
all court arts of the ancient royal
capital. Embroidery, wood carving,
stencil painting, lacquer and floral
composition are indeed closely
related as expressions of an
aesthetics serving rites, where
the repetition of forms and the
shimmer of the reflections join
to celebrate the life of the Buddha
and the great characters
of the Laotian mythology.
A whole artistic heritage unfolds
around the Buddhist cult and
secular ceremonies, which
Nithakong Somsanith invites
us to rediscover. His return to
Laos in 2000, and the creation
soon afterwards of an art school
in Luang Prabang marked the
beginning of this memory work
which he still pursues today.
Exposition
|
|
REVELATION
Un tisserand à son métier…
L’étoffe révèle son dessin fil après
fil… Les motifs se dévoilent,
lentement, à chaque passage
de navette. Le tissu s’anime…
en Indonésie, au Laos, au Pérou,
en Afrique, en Inde…
à l’origine de cette création
textile, une technique fort ancienne
et répandue de par le monde,
l’ikat. Le terme ikat tire son nom
du verbe malais mengikat qui
signifie « lier » ou « attacher »,
rappelant le principe même
de cette technique. Il s’agit
de protéger certaines sections
de fils, regroupés en faisceaux,
par des liens en coton, en fibres
de bananier, en plastique, etc.,
de manière à obtenir un dessin
en réserve : les ligatures empêchent
en effet la teinture de s’imprégner.
Les fils teints de cette façon
peuvent être ceux qui composent
la chaîne (ikat de chaîne), ceux
qui constituent la trame (ikat
de trame), ou encore les deux
(double ikat).
Tout se conçoit donc avant
le tissage. La disposition des
liens, la succession des ligatures
et des bains de teinture qui sont
à l’origine des motifs et en font
évoluer les teintes. Les motifs
définitifs n’apparaissent qu’au fur
et à mesure de l’entrecroisement
des fils de trame avec les fils
de chaîne tendus sur le métier,
d’où l’importance de conserver
l’ordre des fils et veiller à bien
aligner les fils de trame afin de
rendre le motif le plus net possible.
Il subsiste cependant un léger
décalage qui confère au dessin
un aspect délicatement flou.
A weaver bent on his loom…
the fabric reveals its drawing
thread after thread… the motifs
slowly unveil, at each passage
of the shuttle. The cloth becomes
alive… in Indonesia, Laos, Peru,
Africa, India…
At the origin of this textile
creation is a very old and worldwide
spread technique called ikat.
The term ikat comes from
the Malay verb mengikat, which
means “tying” or “attaching”,
reminding the principle of this
technique. It consists in protecting
certain sections of thread, regrouped
in bundles with ties made
of cotton, banana fiber or plastic
in order to obtain a reserve
drawing: the ties indeed prevent
the dye from impregnating.
The threads dyed this way can
be those composing the chain
(chain ikat) or the weft (weft ikat)
or both (double ikat).
Everything is conceived
before the weaving: the motifs
originate in and shades change
thanks to the arrangement of
ties, the series of ligatures and
the dyeing baths. The definitive
motifs appear as the intertwining
of chain threads and weft threads
progresses, stretched on the
loom, hence the importance of
keeping the order of the threads
and being careful to align the
weft threads so as to make the
motif as sharp as possible.
However a slight gap remains,
which gives the drawing a
delicately blurry aspect.
Faisceau de fils
de chaîne ligaturés
Stream of chain
threads tied
Coton teint, bambou
Indonésie, Sumba,xxe siècle
L . 116,50 cm ; l. 95 cm
Legs Krishnâ Riboud, Musée Guimet, Paris
Dyed cotton, bamboo
Indonesia, Sumba, 20 th century
L. 116,50 cm; w. 95 cm
Donation Krishnâ Riboud, Musée Guimet, Paris
préparation d’un faisceau
de fils de chaîne ikatés
Stream of chain ikat
Coton teint, bambou
Indonésie, Sumba, xxe siècle
L. 140 cm ; l. 110 cm
Legs Krishnâ Riboud, Musée Guimet, Paris
Dyed cotton, bamboo
Indonesia, Sumba, 20 th century
L. 140 cm; w. 110 cm
Donation Krishnâ Riboud, Musée Guimet, Paris
­— Christine Bouilloc
|
RéVéLATION
58
­— Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant
|
En 1980, diplômée de l’Institut
National de Design d’Ahmedabad,
la designer Neeru Kumar souhaite
valoriser les savoir-faire textiles
indiens. Forte de la connaissance
de ce patrimoine, Neeru Kumar
propose une traduction
contemporaine des spécificités
iconographiques et techniques
des régions et villages concernés.
Un long travail d’écoute débute
alors entre la créatrice et les
tisserandes. La pratique de l’ikat
sur coton et sur soie est utilisée
depuis très longtemps pour
la fabrication des textiles
en Orissa. Souhaitant lier le passé
et le présent tout en promouvant
les savoir-faire ancestraux, Neeru
impose ces productions artisanales
entièrement réalisées à la main
dans le monde de la couture
haute gamme et de l’excellence.
In 1980, after graduating from
the National Institute of Design
of Ahmenabad, designer Neeru
Kumar wanted to support Indian
textile know-hows. With her good
knowledge of this heritage,
Neeru Kumar offers a contemporary
interpretation of the iconographic
and technical peculiarities of certain
regions and villages. For a long
time, she has listened to the
words of the women weavers.
The practice of ikat on cotton
and silk has been going on for
a very long time to make textiles
in Orissa. Wishing to link past
and present all the while promoting
ancestral know-hows, Neeru
presents her craftwork production
which is entirely handmade to
the world of high class sowing.
Sari, Neeru Kumar
Soie
Inde, Orissa, 2011
L. 615 cm ; l. 116 cm
Saree, Neeru Kumar
Silk
India, Orissa, 2011
L. 615 cm; w. 116 cm
Exposition
|
Exhibition
|
59
|
60
|
Exhibition
|
Exposition
|
Veste d’homme Miao
de style Dafang en ramie
Ramie, calandrage
Chine, 2de moitié du xxe siècle
Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand
Page de droite
Jupe Dong (détail)
Coton indigo calandré avec application
de blanc d’œuf constituant une croûte
brillante
Chine, 2de moitié du xxe siècle
Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand
Miao man’s coat
of Dafang style, ramie
Ramie, calandaring
China, 2nd half of 20 th century
Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand
Right page
Dong skirt (detail)
Calendared indigo cotton with egg white
forming a shiny crust
China, 2nd half of 20th century
Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand
SATURATION
SATURATION
­— Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant
|
Le colorant indigo est extrait
de différentes plantes, les plus
couramment employées en Asie
du Sud-Est étant le Strobilanthes
flaccidifolius et le Polygonum
tinctorium. Traditionnellement,
les femmes cultivent ces arbustes
dans leur potager ou dans
les champs. Les feuilles et les
tiges sont mises à fermenter
dans des cuves remplies d’eau
froide. Au bout de deux ou trois
jours, les colorants se diffusent
dans le liquide. Pour accélérer
la fermentation et faire office
de mordant, de la chaux,
de la cendre de paille de riz,
de l’urine ou de l’alcool de riz
sont ajoutés. Les femmes plongent
les tissus de coton ou de chanvre
et brassent le mélange avec
un bâton : l’oxydation précipite
la couleur. La multiplication
des bains approfondit la teinte
jusqu’à saturation. À la sortie
des cuves, le tissu est jaune pâle
et c’est au contact de l’air que
l’indigo s’oxyde de nouveau et lui
donne sa teinte bleu profond1.
Le tissu teint à l’indigo peut
ensuite être battu pour lui conférer
un aspect lisse et brillant. Cette
opération se nomme calandrage.
L’étoffe est humidifiée avec
de l’eau additionnée de plantes
et d’écorces. Après avoir été
longtemps battue sur une pierre
plate à l’aide d’un maillet de bois,
elle peut être enduite selon les
régions de blanc d’œuf, de sang
de porc, de sang de buffle ou de
glue obtenue à partir de la peau
de buffle. Le séchage au soleil
provoque une réaction entre
l’indigo et le liquide organique
à l’origine de cet aspect lustré
qui peut varier du brun foncé
au noir.
L’oxydation de la forme jaune pâle par
le dioxygène donne la forme oxydée bleue
de l’indigo sur le tissu final.
1
Indigo coloring is extracted
from different plants, the most
frequently used in South East Asia
being Strobilanthes flaccidifolius
and Polygonum tinctorium. Women
traditionally grow these plants
in their gardens or in the fields.
The leaves and stems are fermented
in tanks filled with cold water.
After two or three days, colorings
diffuse in the liquid. In order
to accelerate the fermentation
and act as mordant, lime, rice
hay ash, urine or rice alcohol
is added. Women plunge the
cotton or hemp fabrics and
mix with a stick: the oxidation
precipitates the dye until saturation.
Once taken out of the tank,
the fabric is of a pale yellow color
and the contact with air oxides
the indigo again and gives it its
deep blue color shade1.
The indigo dyed fabric can then
be beaten to obtain a smooth and
shiny aspect. This operation
is called calendaring. The cloth
is humidified with water to which
plants and bark are added.
After a long beating on a flat
stone with a wooden mallet,
it can be covered according
to the different regions with egg
white, pork blood, buffalo blood
or glue obtained from buffalo
hide. Sun drying provokes
a reaction between the indigo
and the organic liquid resulting
in the lustrous aspect which can
go from dark brown to black.
1
xidation of the pale yellow form with
O
dioxygen results in the blue oxided form
of indigo on the final fabric.
|
Exhibition
|
Exposition
|
ALCHEMY
L’ensemble choisi présente
les textiles innovants de Kinor
Jiang et la collaboration avec
quatre talentueux créateurs de
mode. Leur travail se concentre
sur les applications, dans le
domaine de la mode, de textiles
métallisés issus de traitements
physiques et chimiques. À travers
ses « metallic textiles », Kinor
Jiang et son équipe repoussent
les limites du textile. Par le biais
d’un procédé tenu secret
et protégé, cette équipe
de chercheurs est parvenue
à « métalliser » le textile. Grâce
à leurs compétences en design,
leurs connaissances scientifiques
et la technologie moderne, ces
artistes ont créé des combinaisons
saisissantes de couleur et de
texture. Ils inventent des formes
esthétiques abstraites et expé­rimentales. Le design de mode
ainsi exposé donne l’idée
du potentiel visuel du volume
tridimensionnel de ces textiles.
Ces vêtements montrent à la fois
un désir de poursuite et de
renouvellement des approches
de la mode. Les formes sculptu­
rales résultantes sont simultanément
gracieuses et d’essence artistique.
Elles nous laissent perplexes
et suggèrent le mystère.
Kinor Jiang apporte à la matière
textile une seconde texture, comme
une peau, un apprêt lui donnant
brillance, plissé et tenue. Ainsi,
les vêtements prennent une allure
particulière dont les stylistes
jouent à loisir.
Sue Sun est chercheur
associé à l’Institut des Textiles
et du Vêtement à l’Université
Polytechnique de Hong Kong.
Sa recherche porte sur le vêtement
de protection, le vêtement
intelligent et ses formes innovantes.
Guo Xiang Yuan poursuit un
doctorat au même Institut,
Rui Xu est membre de l’Ecole
de Design, Academy of Fine Arts
de Chine Centrale. Zou You
est professeur associé au Beijing
Institute of Clothing & Technology.
The set chosen here presents
the innovating textiles made by
Kinor Jiang in collaboration with
four talented fashion designers.
Their work focuses on the use
in the fashion sector of metalized
textiles made from physical and
chemical treatments. Through
his “metallic textiles”, Kinor Jiang
and his team of researchers push
back the limits of textile. Thanks
to a process kept secret and
protected, this team managed
to “metalize” textile. Thanks
to their design skills, their
scientific knowledge and modern
technology, these artists created
stunning combinations of color
and texture. They invent aesthetic
abstract and experimental shapes.
Fashion design presented this
way gives an idea of the visual
potential of 3D volume on textile.
These garments show both
a desire to continue and renew
fashion approaches. The resulting
sculptural shapes are both graceful
and of artistic essence.
ALCHIMIE
62
­— Christine Athenor
|
They leave us perplexed and
suggest mystery.
Kinor Jiang brings to textile
a second texture, just like a skin,
which gives it brightness and
pleating. The garments therefore
acquire a singular look with which
stylists can play.
Sue Sun is an associate
researcher at the Institute of Textiles
and Clothing in the Polytechnic
University of Hong-Kong.
She works on protective garments,
smart clothes and innovating
shapes. Guo Xiang Yuan is finishing
a PhD in the same Institute.
Rui Xu is a member of the School
of Design, Academy of Fine Arts
of Central China. Zou You is
an associate professor at the
Beijing Institute of Clothing
and Technology.
Guo Xiang Yuan
Sue Sun
Textiles métallisés,
Kinor Jiang
Fibres synthétiques, nylon, polyester /
aluminium, cuivre, argent
Stylistes : Sue Sun, Guo Xiang Yuan,
Rui Xu, Zou You
Support technologique :
Ronghui Guo, Kevin Hui
Hong Kong, 2008 à 2011
Metallic textiles,
Kinor Jiang
Rui Xu
Synthetic fiber, nylon, polyester/
aluminum, copper, silver
Stylists : Sue Sun, Guo Xiang Yuan,
Rui Xu, Zou You
Technological support :
Ronghui Guo, Kevin Hui
Hong Kong, 2008 to 2011
Rui Xu
Zou You
|
Dialogue
multiple
existentiel
renaissance
Dialogue
multiple
existential
REBIRTH
Métamorphose
de l’individu…
… car le textile est support d’identité. Celui qui
imagine, crée, reproduit, porte un textile devient
acteur et affirme certaines valeurs. De la perpétuation
de la tradition à un véritable engagement politique
vital, l’humain est au cœur du processus de transmis­
sion. Le renouvellement qui s’impose s’organise
parfois sur fond de résonances sociales et politiques
et suppose des engagements personnels profonds.
Transmettre les savoir-faire, en adaptant les modèles
ou au contraire, en réaffirmant des formes et des
motifs anciens, contribue à entretenir un sentiment
d’identité collective.
Face à la mondialisation, à l’uniformisation des
moyens de production, aux contraintes écono­
miques concernant les coûts de main d’œuvre, de
matières premières et de temps de réalisation, de
nombreuses traditions textiles s’étiolent. Pourtant,
certains savoir-faire perdurent, relayés par quelques
derniers détenteurs ou portés par des institutions ou
des individus convaincus. Perpétuer la tradition et
les savoir-faire tout en renouvelant les modèles tels
sont les enjeux de l’Atelier-Conservatoire de la den­
telle du Puy-en-Velay ou d’Alençon qui réalisent des
dentelles hors du circuit économique.
À l’inverse, en affirmant leur ancrage dans des
formes et des motifs anciens, les dites « minorités », du
Sud-Est asiatique continuent à tisser, couper, teindre,
coudre, broder les vêtements qui les identifient.
Cette attention portée aux traditions peut prendre
un sens politique encore plus fort car il participe à la
perpétuation de l’identité collective. L’engagement
est palpable notamment à travers l’association
Inaash qui propose un travail de broderie au point de
croix réalisé par les femmes palestiniennes. Ce tra­
vail domestique d’une grande somptuosité est une
marque de résistance à la situation politique au
Proche-Orient. La mise en regard de ces produc­
tions contemporaines avec des robes brodées
palestiniennes plus anciennes, dont les coupes, les
couleurs et les motifs relient la femme à une identité
précise à la fois collective et individuelle (village d’ori­
gine mais aussi situation maritale), est éloquente.
Enfin, au Guatemala, les femmes continuent de
broder leurs huipils, en signe de résistance. A l’image
de Rigoberta Menchù, Prix Nobel de la Paix en 1992,
toujours vêtue de son costume traditionnel, elles affir­
ment haut et fort leur identité. Se positionnant face à
la mondialisation et au gouvernement actuel, elles
affirment leur existence et exigent le respect en pous­
sant un cri multicolore.
Exposition
|
Exhibition
|
65
metamorphosis
of the
individual…
… for textile carries a person’s identity. Whoever
imagines, creates, reproduces and wears a textile
becomes an actor and stresses certain values. From
the continuation of tradition to genuine political com­
mitment, man is at the heart of the transmitting pro­
cess. This necessary renewal sometimes takes
place against a political and social background and
implies deep personal commitments. The passing
on of skills when patterns are adapted, or on the
contrary when ancient forms and motifs are restated,
helps to maintain a sense of collective identity.
Stressed by globalization, the standardization of
the means of production, the rising cost of labor and
raw materials and a general sense of urgency, nume­
rous textile traditions are losing ground. Yet some skills
still linger on, whether they are passed on by the last
craftspeople or upheld by committed people or
bodies. Carrying a tradition and skills while renewing
the patterns is the aim of the Lace Conservatory
Workshops at Le Puy-en-Velay or Alençon, which pro­
duce laces independent of the economic channels.
Conversely, so-called “minorities” in South East
Asia hold on to old forms and motifs as they weave,
cut, dye, sew and embroider the clothes which iden­
tify them.
The regard for tradition is more politically motiva­
ted, since it perpetuates the sense of collective iden­
tity, noticeably in the case of Inaash, an association
offering cross-stitch lacework produced by Palesti­
nian women. This highly sumptuous domestic item is
a token of resistance in the present state of the Near
East. It is an impressive comparison indeed between
such modern productions and older Palestinian
embroideries when the cut, colors and motifs connect
a woman with a precise identity both collective and
individual (through her birthplace and marital status).
Lastly, women in Guatemala still embroider their
huipils as a token of resistance. Like 1992 Nobel
Prize winner Roberta Menchù who never fails to
wear her traditional dress, they proclaim their identity
and utter a many-colored cry to state their existence
and demand respect standing against globalization
and the current government.
|
|
Exhibition
|
Exposition
|
|
Les broderies présentées
ici, à côté d’une robe du désert
du Neguev, sont des créations
impulsées par l’association
Inaash, organisation non
gouvernementale fondée
en 1969 à Beyrouth, par
des femmes palestiniennes
et libanaises. Son but était
d’une part de sauvegarder
une tradition féminine qui était
en train de se perdre après
plusieurs années de ruptures
consécutives à l’exil de 1948
et, d’autre part, de donner
aux femmes une autonomie
financière1 (cf. R.-M. Guimard).
Les broderies palestiniennes
étaient réalisées principalement
pour les différentes robes
du trousseau. Les motifs et les
couleurs indiquaient les villages
d’origine des femmes, car
la population, à 80 % rurale,
était répartie dans une centaine
de villages le long de la plaine
côtière à l’Ouest et dans
la vallée du Jourdain à l’Est.
En plus de leurs activités dans
les champs et à la maison,
les femmes brodaient, seules
ou en groupe. L’habileté et les
dons artistiques de la brodeuse
amélioraient son statut et lui
apportaient du prestige dans
sa communauté et auprès
de sa future belle-famille.
Chaque village avait son
propre répertoire, que les filles
apprenaient à partir de l’âge
de dix ans. Par le biais des
mariages se faisaient aussi
des échanges de motifs.
Lorsque Jean Genet
a découvert les broderies
palestiniennes en 1982 chez
Sirine Chahid, il a vu là « une
forme d’expression tellement
plus subtile que celle
des hommes, une forme
de communication et de parole
sur la Palestine qui ne passait
pas par les discours politiques
habituels. Et c’était en même
temps un discours, la broderie,
tout ce que l’on peut dire
sur sa relation à sa terre,
à son identité, à sa mémoire… Ce qui fascinait Jean dans
la broderie c’était en fait
le geste.» (L. Shahid, 20012).
« La broderie était comme
une thérapie. Chaque fois
que tu piques l’aiguille dans
le tissu, tu as l’impression
de renouer avec quelque chose.
Car le point de croix, c’est
comme un nœud. Cela a été sa
manière de résister… » (op.c.).
f. Rose-Marie Guimard, Broderies de
C
Palestine. Mémoire et création, UNESCO
2
Leila Chahid, « Jean Genet et la position
du départ soudain », AUTODAFE n°2,
automne 2001
1
The piece of embroidery
shown here next to a dress from
the Negev desert was created
at the request of Inaash, a NGO
founded in Beirut in 1969
by Palestinian and Lebanese
women. It aims both at safeguar­
ding a tradition which was fading
away long after the 1948 exile
and at granting women some
financial autonomy.1
Palestinian embroideries
were mainly produced for the
various dresses in a trousseau.
The motifs and colors were
indicative of the bride’s birthplace,
for the largely rural populations
were spread over some hundred
villages along the coastal plain
in the West and in the Jordan
valley in the East. On top of their
work in the fields and at home
the women worked at embroidery,
either by themselves or in a group.
An embroideress improved
her status and prestige with
the community and her in-laws
through her skills and artistic
gifts. Each village had its own
set of motifs which girls learnt
from the age of 10, and marriages
also made an exchange of
motifs possible.
When Jean Genet discovered
Palestinian embroidery at Sirine
Chahid’s in 1982, he saw it as
a “form of expression so much
more subtle than that of man,
a form of communication and
speaking about Palestine which
doesn’t come from the usual
political speeches. It is at the
same time speech, embroidery,
and everything that can be said
about one’s relation to land,
identity, memory… What
fascinated Jean in embroidery
was the gesture” (L. Shahid,
2001)2 “Embroidery was like
a therapy. Whenever one stabs
the needle into the fabric,
one feels like reconnecting
with something. For the cross
stitch is like a knot. That’s how
he resisted…” (op.cit.)
1
2
f. Rose-Marie Guimard, Broderies de
C
Palestine. Mémoire et création, UNESCO.
Leila Chahid, “Jean Genet et la position du
départ soudain”, AUTODAFE n°2, 2001)
EXISTENTIEL
EXISTENTIaL
66
­— Françoise Cousin
|
Robe de femme palestinienne
Palestinian female dress
Toile de coton brodée au point de croix
Région de Khan Younis, désert du Neguev,
milieu du xxe siècle.
La partie inférieure est entièrement brodée
de fils bleus tandis que le plastron et les
manches sont brodés de couleurs vives.
Il s’agit probablement de la robe d’une veuve
remariée : le bleu indique son statut de veuve,
les couleurs celui de femme mariée. Les femmes
bédouines du Sud privilégiaient les motifs
géométriques, carrés, losanges, triangles ;
les villageoises, par contre, affectionnaient
des compositions mêlant des motifs inspirés
de leur environnement : fleurs d’oranger,
oiseaux, serpents, cyprès, palmiers.
H. 129 cm ; l. 144 cm
Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand
Cotton fabric embroidered with cross
stitch technique
Region of Khan Younis, Neguev desert,
mid 20 th century.
The lower part is entirely made of blue
threads while the plastron and sleeves are
in bright colors.
It probably is the dress of a remarried widow,
as the blue color indicated her widow status and
the colors that of a married woman. The Bedouin
women from the South were fond of geometrical
motifs, squares, diamonds, triangles; as for
the village women, they preferred details drawn
from their environment such as orange blossoms, birds, snakes, cypresses, palm-trees.
H. 129 cm; w. 144 cm
Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand
Page de gauche
Left page
Broderies palestiniennes
Palestinian embroidery
Panneau rectangulaire sur canevas,
brodé au point de croix avec des fils
de coton perlé DMC multicolores
Liban, fin du xxe siècle.
Il s’agit d’une copie dont l’original a été
créé par Malek Huseini Abdoulrahim, il y a
une vingtaine d’années, à partir de motifs
de plastrons d’un village proche de Bethléem.
L. 149 cm ; l. 87 cm
Association Inaash
Panneau carré sur canevas brodé au point
de croix avec des fils de coton perlé DMC
multicolores.
Liban, fin du xxe siècle.
Il s’agit d’une copie dont l’original a été créé
par Sirine Huseini Chahid, à partir des motifs
de neuf plastrons, appelés à servir de prototypes
pour des décors de coussins. Elle pensait
en effet nécessaire d’adapter ces broderies
aux besoins actuels.
L. 94 ; l. 89 cm
Association Inaash
Rectangular panel on canvas
embroidered with cross stitch technique
with multicolored DMC pearl cotton
Lebanon, late 20th century.
It is a copy of a piece created by Malek
Huseini Abdoulrahim some twenty years
ago after plastron motifs from a village
close to Bethlehem.
H. 149 cm; w. 87 cm
Inaash association
Square panel on canvas embroidered with
cross stitch technique with multicolored
DMC pearled cotton.
Lebanon, late 20th century.
It is a copy of a creation by Sirine Huseini Chahid
after motifs of nine plastrons designed to serve
as prototypes for the decoration of cushions.
Indeed she thought it was necessary to adapt
these embroideries to contemporary needs.
H. 94; w. 89 cm
Inaash association
Exposition
|
67
|
|
Exhibition
|
Exposition
|
|
Technique et Savoir-faire sont
deux mots employés, souvent,
l’un à la place de l’autre, comme
s’ils étaient synonymes. Or il n’en
est rien. La « Technique » est
un procédé particulier utilisé pour
fabriquer un objet matériel.
Le « Savoir-faire », quant à lui,
inclut deux notions distinctes
et complémentaires :
le « Savoir » qui est un ensemble
de connais­sances acquises par
l’apprentissage, l’expérience et le
« Faire » qui est créer, fabriquer.
Les techniques de la dentelle,
qu’elles soient à l’aiguille ou aux
fuseaux, se pratiquent dans
le monde entier depuis des siècles.
Les ateliers nationaux du Puy
et d’Alençon font bien plus
qu’appliquer une technique,
ils l’assortissent d’un savoir-faire
qui les distingue des autres lieux
de pratique dentellière.
Ce savoir-faire s’appuie sur trois
éléments fondamentaux :
implantation locale forte, qualité
exceptionnelle, transmission
par l’apprentissage.
Les dentelles du Puy
et d’Alençon se réalisent
au même endroit depuis leur
origine. Plus de quatre siècles
DIALOGUE
68
­—Marie-Hélène Massé-Bersani
|
de pratique dans un même lieu
tissent inévitablement des liens
puissants et des ramifications
à tous les niveaux. L’histoire
même des dentelles du Puy
et d’Alençon se confond
avec l’histoire de leur ville
et de la population.
Si la transmission de la technique
s’est faite sans rupture depuis
le x viie siècle, le savoir dentellier,
lui, était dispersé entre les différents
acteurs de la pratique. Ce sont
les ateliers nationaux qui vont
fédérer toutes les connaissances,
les expériences, les procédés
afférents à chacune des deux
techniques. Cette nouvelle façon
d’envisager le travail est un
enrichissement considérable qui
va progressivement transformer
un simple procédé technique
en un savoir-faire d’exception.
Une dentelle mécanique, aussi
bien exécutée soit elle, ne pourra
jamais rivaliser avec la main guidée,
pensée, réfléchie de la dentellière.
À chaque étape du travail,
elle se concentre, s’adapte,
corrige, évite la répétition et fait
de chaque pièce de dentelle
un moment unique.
The words technique and
know-how are often mistakenly
used as if they were synonymous.
But a “technique” is a particular
process used towards making
a material object, while “knowhow” includes two distinct
complementary notions, namely
“knowing”, which refers to
knowledge acquired through
training and experience, and
“doing”, the act of creating
wand making.
The needle and bobbin lace
work techniques have been used
across the world for centuries.
The national workshops at
Le Puy and Alençon improve
on a technique thanks to an
expertise unknown in similar
places: it relies on a strong local
tradition, outstanding quality,
and perpetuation through training.
In these towns lacework has
been going on for over four
centuries, which unavoidably
created strong ties and ramified
in very direction. Its very history
cannot be distinguished from that
of the city and its inhabitants.
In the case of needlework,
while the technique had been
handed on continuously since
the 17th century, the practitioners
of the craft had each a share
of expertise. But now the national
workshops are going to regroup
every bit of knowledge, experience
and processes common to both
techniques. This new approach
will gradually turn a mere technique
into exceptional expertise. However
successfully made, a piece
of mechanical needlework will
never compare with the lace
maker’s thoughtful hand which
at very stage concentrates,
adapts itself, corrects, avoids
repetition and makes each piece
a unique moment.
DIALOGUE
Voile de mariée,
Corinne Sentou
& Atelier conservatoire
de la dentelle du point
d’Alençon
Wedding veils,
Corinne Sentou
& Atelier conservatoire
de la dentelle du point
d’Alençon
2010
Diam. 160 cm
Collection du Mobilier National
2010
Diam. 160 cm
Mobilier National
Vénus II (diptyque),
Christian Jaccard
& Atelier conservatoire
de la dentelle du Puy
Vénus II (diptych),
Christian Jaccard
& Atelier conservatoire
de la dentelle du Puy
2010
H. 57 cm ; l. 27 cm
Collection du Mobilier National
2010
H. 57 cm ; w. 27 cm
Mobilier National
Page de droite
Right page
Mouches (détail),
Didier Trenet
& Atelier conservatoire
de la dentelle du Puy
Flies (détail),
Didier Trenet
& Atelier conservatoire
de la dentelle du Puy
2011
H. 81 cm ; l. 79,5 cm
Collection du Mobilier National
2011
H. 79,5 cm; w. 81 cm
Mobilier National
Exposition
|
Exhibition
|
69
|
70
|
Exposition
­— Christine Bouilloc
|
|
|
Le huipil, pièce maitresse
du costume féminin maya
du Mexique et du Guatemala,
est composé d’un, deux ou trois
lés tissés sur un métier à ceinture
(métier à tisser mobile dont
les fils de chaîne sont tendus
par une ceinture fixée au bassin
de la tisserande). Les bandes
sont ensuite assemblées pour
obtenir une pièce rectangulaire
qui, une fois pliée en deux, est
coupée au centre pour aménager
l’encolure. L’ouverture pratiquée
peut être ronde, carré, rectangulaire
ou triangulaire selon le goût
et l’origine de sa créatrice.
Des coutures latérales réunissant
les lisières forment ensuite
l’emmanchure.
Ces tissus, unis, rayés, brochés
et brodés offrent une palette
chromatique et iconographique
extraordinaire. Chaque village
possède ses motifs à dominante
florale (pivoine, volubilis) ou animale
(poule, lama) et où la cosmogonie
maya s’invite par la présence
du quetzal, serpent à plume stylisé,
du coyote attentif ou des cercles
rayonnants, hommage au soleil.
Le huipil est un art textile vivant
où s’écrit encore la vie des Mayas
et la symbolique de leur très
riche culture.
Cet intérêt pour le textile
indigène et la prise de conscience
de son immense valeur esthétique
s’imposent assez tardivement
en France et font suite à des
collectes versées pour la plupart
au musée de l’Homme.
Ce patrimoine devenu muséal
ne peut se percevoir comme
le seul vestige d’un savoir-faire
artisanal et support folklorique
passé, témoin d’une histoire
révolue. La production textile
maya contemporaine est, en effet,
une activité vivante, dynamique,
par laquelle les femmes indiennes
du Guatemala affirment la force
de leur identité culturelle.
En dépit des guerres, des dictats
économiques, du regard
réprobateur et condescendant
des pseudos dominateurs, elles
continuent à tisser, à pratiquer
leur langue, à s’affirmer… à vivre !
The huilpil, a key feature
of the female Mayan dress in
Mexico and Guatemala, is made
of one, two, or tree widths woven
on a mobile loom in which the
threads of the warp are held tight
by a belt tied to the weaver’s
body — after which the strips
are brought together into
a rectangular piece which is first
folded in two then cut out in its
centre to make way for the neck,
while the creator’s fancy makes
it round, square, rectangular
or triangular. Side stitches along
the edges then delineate
the armhole.
The chromatic and iconogra­
phic range of these plain, striped,
brocaded, and embroidered
fabrics is quite unique. Each village
has its own motifs which can be
mainly floral (peony, convolvulus)
or animal (hen, llama), and Mayan
cosmology is liable to intrude
in the shape of the quetzal,
a stylized plumed serpent, or
the watchful coyote, or radiating
circles as an homage to the sun.
As a textile art the huipil is very
much alive and still bears witness
to the Mayans’ way of life and
their rich culture.
France has belatedly taken
an interest in native textile art and
its immense aesthetic value, but
not before the Museum of Man
had received several collections.
Though it has reached museum
status, this heritage cannot be
seen as the mere relic of a former
expertise and vestige of folklore.
Contemporary Mayan textile
production is very much alive,
and Indian women in Guatemala
proclaim their cultural identity.
In spite of wars, of the dictates
of economy and the condescen­
sion of wannabe rulers, they still
weave, speak their own language,
they assert themselves… they live!
RENAISSANCE
REBIRTH
Femmes portant des Huipils
Guatemala, 2de moitié du xxe siècle
Huipils
Guatemala, 2nd half of the 20th century
Exposition
|
Exhibition
|
71
|
72
|
Exhibition
|
Exposition
|
|
MULTIPLE
Hommes Yi Luo du village
De chengzhai à la fête
annuelle du sarrasin
Veste d’homme
pour les fêtes
Coton, teinture à l’indigo, teinture
à réserve à la cire (batik), applications,
boutons métalliques
Minorité Yi, Région de Malipo, Yunnan, Chine
xxe siècle
H. 77 cm ; l. 141 cm
Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand
MULTIPLE
­— Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant
|
La région de Malipo, au Sud-Est
de la province du Yunnan, aux
frontières du Vietnam et de la
province du Guangxi, abrite
une population reconnue par
le gouvernement chinois
comme une branche des Yi1.
Le sous-groupe nommé Luo,
réparti sur moins d’une dizaine
de villages autour de Xinzhai,
est composé d’environ
2 000 personnes. Les différents
éléments composant le costume
« traditionnel » de cette population,
et en particulier les vestes
à trois couches, encore portées
aujourd’hui, sont aisément
reconnaissables.
À première vue, cette veste
peut paraître unique et tout à fait
originale. Cependant, la coupe et
les motifs sont répétés et reproduits
inlassablement par les femmes
Luo, et portés par les hommes
lors des fêtes : cet habit est
marqueur d’une identité collective.
Composé de trois épaisseurs,
ce vêtement est constitué d’une
première veste en toile bleu pâle
barrée de bleu plus foncé.
De la deuxième veste unie teinte
à l’indigo, on aperçoit l’élégant
liseré de motifs blancs réservés
sur fond bleu ainsi que les manches,
parsemées de motifs rayonnants,
visibles sous le dernier gilet sans
manches doté du même décor.
Ces motifs sont réalisés en batik :
après application de cire chaude
à l’aide de petits couteaux, le tissu
est trempé dans des bains d’indigo
(teinture froide ne faisant pas
fondre la cire). La couleur
ne prend qu’aux endroits sans
cire et laisse quelques effets
de marbrure lorsque les aplats
de cire se fissurent. De fins galons
multicolores et de discrètes
bandes en papier doré ornent
l’encolure et les manches.
Le système de boutonnière
Brandebourg est factice puisque
les boutons argentés ne peuvent
être fermés.
1
La minorité Yi est estimée à environ
6,5 millions d’individus. La plupart des Yi
vivent dans les régions montagneuses,
certains à haute altitude, et un petit nombre
dans les plaines et les vallées. Les costumes
ethniques Yi sont particulièrement variés.
The Malipo region lies in the
South-west of the Yunnan province
on the borders of Vietnam and
the Guangxi province. Its population
is acknowledged by the Chinese
government as part of the Yi1.
The subgroup named Luo,
living in less than ten villages
around Xinzhai, counts about
2000 people. The various
elements of their “traditional”
dress, notably the three-layered
jackets which are still worn today,
cannot be mistaken.
One is tempted to find this
jacket unique and quite original.
Yet its cut and motifs are untiringly
repeated and reproduced by
the Luo women and worn by the
men on feast days as stressing
a collective identity.
This three-layered piece
of clothing is made of a pale blue
cloth jacket striped with a darker
blue, to begin with. The second
plain indigo jacket reveals an
elegant edging ribbon of white
motifs on a blue background
and sleeves with radiating motifs
which can be seen under the last
Bailuo yi at annual
buckwheat festival
in Chengzhai
Feast coat
Indigo and batik dyed cotton,
applications, metal buttons
Luo group, Yi ethnic minority of the region
of Malipo, Yunnan, China, 20 th century
H. 77 cm ; w. 141 cm
Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand
sleeveless waistcoat which is
similarly decorated. These motifs
are made according to batik
techniques; hot wax is applied
by means of small knives,
and the fabric is soaked in indigo
baths (the dye is cold to prevent
the wax from melting). Only places
without wax can take on the color
which leaves some marbling
effects when the wax flat tints
begin to crack. The neck and
sleeves boast thin multicolored
trimmings and discreet stripes
of golden paper. The Brandenburg
buttonholes are just for show,
and the silvery buttons cannot
be fastened.
1
he Yi minority numbers about 6.5 million
T
people. Most of the Yi live in the mountainous
regions, some of them very high, and
a smaller number in the plains and valleys.
Ethnic Yi costumes are remarkably varied.
Exposition
|
Exhibition
|
73
|
Résidences
RESIDENCES
FOR
ARTISTS
76
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
­— Simon Njami
|
|
Résidences
|
|
Abdoulaye
Konaté
Résidences
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
Abdoulaye
Konaté
au lycée Marie-Laurencin,
Riom
at the Marie-Laurencin
high school, Riom
Ce que j’aime dans l’univers de la mode, ou du
moins dans ce que j’en imagine, c’est le travail
d’équipe. Au moment du défilé, on voit invariablement
le grand couturier. Celui qui a conçu, dessiné, éla­
boré… Mais rarement, si ce n’est jamais, je n’ai vu les
petites mains se présenter devant le public et saluer.
Or, sans elles, sans leur travail de couture, de brode­
rie, sans le soin extrême qu’elles mettent à rendre
tangible ce qui est né de l’esprit forcément génial du
créateur, il n’y aurait rien à voir. Abdoulaye Konaté
n’est pas une diva de la mode, mais un artiste dont le
travail, depuis des années, se nourrit de la collabora­
tion des artisans avec lesquels il a noué des relations
de complicité et de respect. Dans son travail person­
nel, il n’a jamais eu le goût des hiérarchies qui
dominent le monde de la création contemporaine.
C’est peut-être la raison pour laquelle il dirige une
école. Parce qu’il a toujours eu en lui la passion de
transmettre et de partager. L’atelier qu’il a supervisé à
Riom ne pouvait pas porter de meilleur nom. Il ne
s’agissait pas de l’un de ces workshops qui émaillent
l’apprentissage des jeunes étudiants en formation,
mais d’un atelier de création, au sens premier du
terme. C’est-à-dire un endroit où l’objectif est de
fabriquer des produits qui seront ensuite soumis à
l’appréciation d’un public.
What I like in the world of fashion as it is, or rather
as I imagine it, is teamwork. On the day of the show
you never fail to see the great fashion designer, the
man who conceived, drew, and developed… But I
have seldom if ever seen “les petites mains”1 appear
in public and take a bow. The fact is that, without
their sewing and embroidering, without the asto­
nishing care they take to give form to and make
tangible what the obvious genius of the creator has
conceived, there would never be a thing in sight. No
prima donna of the fashion world, Abdoulaye Konaté
is an artist whose work has for years been drawing
upon the collaboration of artisans with whom he has
established friendly and respectful ties. In his own
work, he has never had any taste for the hierarchies
which prevail nowadays in the world of creation.
This may be the reason why he is running a school,
since he has always had a passion for sharing and
transmitting. The workshop he ran in Riom could not
be named more fittingly. It was not one of those
places which trainees routinely attend but truly and
literally a creation workshop, where the objective is
to produce objects which will later be submitted to
public approval.
1
« les petites
mains » is dressmakers’ jargon for
junior assistants,
workers near
the bottom of the
ladder just above
the « trottins »
or errand girls.
ANCHORING
Ancrage
Séances de travail avec les élèves du lycée
Marie-Laurencin de Riom, l’artiste malien
Abdoulaye Konaté et le styliste Cheikha Sigil.
Workshops with the students from MarieLaurencin High School in Riom, Malian artist
Abdoulaye Konaté and fashion designer
Cheikha Sigil.
Au-delà de la partie strictement créative du pro­
cessus, c’est bien l’organisation de la chaîne de
production et la répartition des tâches entre diffé­
rentes compétences qui constituent le cœur de
l’expérience. Une manière pour les étudiants de
pénétrer un univers – celui de l’art contemporain –
des territoires – le Mali et l’Afrique – et des pratiques
avec lesquelles ils ne sont pas nécessairement fami­
liers. En travaillant avec les étudiants, Konaté n’était
plus le professeur, l’artiste international, le péda­
gogue, mais un artisan qui, avec d’autres artisans,
se livrait au plaisir de bâtir ensemble. C’est ainsi que
son œuvre personnelle se déploie avec l’originalité
de l’évidence. Dans le rapport à autrui, où l’impor­
tance de l’échange et du partage fait partie intégrante
du processus de création, il a renoué avec la tradi­
tion textile ancestrale pour la porter à un niveau
d’abstraction qui rejoint l’ésotérisme. Mais point
n’est besoin d’être un initié versé aux secrets indi­
cibles pour appréhender l’esthétique et la complexité
des messages contenus dans les larges tissages
qu’il déploie au fil du temps, comme des variations
sur un thème éternel, celui de notre humanité.
The experiment does not stop at the creative part
of the process, it revolves around the organization of
the production line and the allotment of tasks accor­
ding to the students’ talents. This enables them to
enter a world – that of contemporary art –, territories –
Mali and Africa –, and meet customs they are seldom
familiar with. Konaté at work with students was no
longer the teacher, the artist of international fame,
the master, but a craftsman indulging in building
something together with other craftspeople. In his
relationship with the others, when sharing and
exchanging are part and parcel of creation, he has
gone back to the ancestral textile tradition and taken
it to a degree of abstraction close to esotericism. But
even the uninitiated can grasp the aesthetics and
complexity of the messages behind array of large
fabrics he has been presenting year after year, as so
many variations on the eternal theme of mankind.
|
77
|
|
78
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
|
Résidences
|
Page de droite
L’œuvre terminée intitulée Métamorphose
et Pouvoir
H. 309 cm ; l. 240 cm
Right page
Achieved work entitled Metamorphosis
and Power
H. 309 cm; w. 240 cm
Pour le travail avec les étudiants, Konaté a choisi
de travailler sur des motifs où la figuration et l’allégo­
rie ont la part belle. Dans les discours globalisés dont
on nous rebat les oreilles au fil des jours, dans le
nouvel ordre mondial, un pan de l’humanité est invi­
sible. En proposant à ces « disciplines » de travailler
sur une nouvelle carto­­graphie et une manière d’uto­
pie universelle, l’artiste malien a choisi de sensibiliser
sur ce que le philosophe allemand Ernst Bloch
nomma la question essentielle : la question, en soi,
du Nous. Ce nous qui nous est proposé n’est pas
seulement une profession de foi un peu naïve, mais
le reflet de la rencontre qui s’est opérée entre deux
générations, deux cultures, et deux expériences que
certains auraient pu penser inconciliables, au nom
d’une irréductibilité a priori. L’œuvre est collective, au
sens le plus plein du mot. Elle renvoie à des pratiques
ancestrales dans lesquelles chacun avait son rôle, à
une projection sociétale, un vivre et faire ensemble
que notre époque obsédée par le profit et le repli sur
soi, ferait bien de ne pas oublier.
Cet atelier, au-delà du produit fini qu’il nous est
donné d’admirer, constitue avant tout, et nous n’in­
sisterons jamais suffisamment sur ce fait, la joie de
tisser des liens que seul le travail réalisé ensemble
peut procurer. Voici une toile à plusieurs mains qui
n’a besoin d’aucune signature. Car celle-là, chacun
de ceux qui ont contribué à la réaliser, la portera
longtemps dans son cœur et dans son âme. —
Au Lycée Marie-Laurencin de Riom, ont participé à ce projet :
CAP / Section Tapisserie : Agathe Belot, Ophélie Bruzzi, Syliane Camarroque, Nicolas Cancel,
Mikael Combard, Coralie Delaire, Mathilde Devidal, Aline Fourvel
BAC / Section Tapisserie : Amaniya Ameer, Emilie Artigaud, Jonathan Barbou, Sarah Beauzac,
Léa Moscato, Julien Olivier, Ludivine Robert
Terminales / Diplôme de Techniciens des Métiers du Spectacle : Camille Bascio,
Alicia Boilon, Victoria Brecié, Aurélie Cavaud, Alexandra Courtine, Angélique Dautrait,
Marion Gaillaud, Adélaïde Gasse, Valentine Guzian, Anne-Solène Jay, Marion Liekens,
William Mouaradian, Manon Naudin, Justine Onnis, Camille Rauney, Anne-Lise Soufferant,
Sandra Turket
Et leurs professeurs : Christine Battut, Benoît Bauchet, M-Claire Chazal, Catherine Chouzenoux,
Claire Dessimond, Zohra Fortas, Bruno Laboureau
From the Marie Laurencin High School in Riom, the following students took part in the project:
Training in tapestry 1: Agathe Belot, Ophélie Bruzzi, Syliane Camarroque, Nicolas Cancel, Mikael
Combard, Coralie Delaire, Mathilde Devidal, Aline Fourvel
Training in tapestry 2: Amaniya Ameer, Emilie Artigaud, Jonathan Barbou, Sarah Beauzac, Léa
Moscato, Julien Olivier, Ludivine Robert
Training in live show technique: Camille Bascio, Alicia Boilon, Victoria Brecié, Aurélie Cavaud,
Alexandra Courtine, Angélique Dautrait, Marion Gaillaud, Adélaïde Gasse, Valentine Guzian,
Anne-Solène Jay, Marion Liekens, William Mouaradian, Manon Naudin, Justine Onnis,
Camille Rauney, Anne-Lise Soufferant, Sandra Turket
Workshop teachers: Christine Battut, Benoît Bauchet, M-Claire Chazal, Catherine Chouzenoux,
Claire Dessimond, Zohra Fortas, Bruno Laboureau
When working with students, Konaté has cho­
sen to work mostly on figurative and allegorical
motifs. In the globalized discourse constantly har­
ped on us, a whole section of mankind is kept out of
sight. The artist from Mali, by proposing to work on
a new cartography and a kind of universal utopia,
has chosen to make us aware of what German phi­
losopher Ernst Bloch called “the essential question”:
the question of the We in itself. The piece on show
is not a mere naïve profession of faith but an echo of
the meeting of two generations, two cultures, two
experiences which might have been thought to be
irreconcilable on account of some a priori irreducibi­
lity. This is a collective work in the fullest sense of the
word. It refers us back to ancestral practices in
which man had his allotted task, to the togetherness
of living and making in a society we would be well
advised not to forget in our present age of profit and
self-centerdness.
More than the finished product we are given to
admire, this workshop is first and foremost — and
this is to be repeatedly emphasized — about the joy
of weaving bonds which can be obtained only by
working together. Here is a multi-handed fabric that
needs no signature. For each of those who contri­
buted to its realization will keep it for years in their
heart and soul. —
80
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
­— Simon Njami
|
|
Résidences
|
|
Moataz Nasr
Moataz Nasr
C’était à San Geminiano, en janvier. Nous étions
en train de préparer l’exposition personnelle de Moa­
taz dans sa galerie italienne. À un moment, nous
avons tous été à la fois surpris et amusés de voir l’ar­
tiste égyptien courir dans tous les sens, drapé dans le
drapeau de son pays. Cela faisait des jours que nous
étions rivés sur les nouvelles venant d’Égypte. La
place Tahrir grouillant de monde, un souffle, une cla­
meur, la jeunesse dans la rue qui criait : le peuple
réclame le changement du gouvernement. Et c’était
arrivé. Après des décennies au pouvoir, Hosni Mou­
barak quittait la scène. Une autre histoire pouvait être
inventée, avec tous les risques que suppose toute
révolution. Mais pour l’heure, c’était la liesse. Un éclat
de joie trop longtemps contenu. Plus tard, en visitant
le château de Blandy-les-Tours, dans la Seine et
Marne, Moataz m’a fait part de son envie de conce­
voir un jardin. Un labyrinthe de pelouse que l’on pour­
rait voir du haut des tours du château. Le motif en
serait une phrase, écrite dans un ancien alphabet ira­
kien qui reprendrait la phrase devenue le symbole du
« printemps » égyptien.
The place: San Geminiano. The month: January.
We were at work preparing Moataz Nasr’s own exhi­
bition in his Italian gallery. Suddenly we were both
surprised and amused to see the Egyptian artist start
running about, draped in his country’s flag. For days
we had been glued to the news from Egypt: the
crowds on Tahir square, the shouting, young people
in the streets clamoring that the people demanded a
new government. And it had happened: Hosni
Mubarak was driven offstage after decades in power.
It had become possible to invent a new era,
regardless of the risks inherent in all revolutions. But
for the time being it was pure jubilation, an outburst
of joy too long repressed. Later, on a visit to the Cha­
teau of Blandy-les-Tours, South-East of Paris (Seineet-Marne), Moataz confided he wished to design a
garden: a maze of lawn to be viewed from the top of
the towers. Its motif would be a sentence written in
an ancient Iraqi alphabet, quoting the sentence that
symbolized the Egyptian “spring”.
à l’EPL du Bourbonnais,
Moulins-Neuvy
Séance de travail pour les élèves de l’EPL
de Moulins-Neuvy.
Working session for the EPL students
in Moulins-Neuvy.
Résidences
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
at the EPL of the Bourbonnais,
Moulins-Neuvy
eDEN
Cinq projets imaginés par les élèves
pour habiller le parvis du musée.
Five projects thought up by the students
for the Museum square
Voici donc la genèse de l’œuvre qui sera installée
sur le parvis du Musée Bargoin. Une réalisation tour­
née vers l’avenir et vers l’espoir. Lorsque nous avons
proposé à l’artiste de venir en résidence à Moulins et
de travailler avec les élèves de l’EPL, il n’a pas hésité.
Parce que travailler avec des adolescents est ce à
quoi il s’emploie déjà dans son pays, comme un
frère aîné qui aiderait ses cadets à comprendre le
monde. Parce que cette œuvre est née d’une volonté
collective, d’un engagement de la jeunesse, sans
compromission et sans calcul. La langue, qui aurait
pu être un problème – l’artiste ne parle que l’anglais
et l’égyptien - n’en fut pas un. L’art dispose de cette
faculté particulière d’être un langage universel qui
abolit les frontières.
L’idée de ces ateliers est née de l’importance du
partage et de l’échange. D’organiser ces voyages
immobiles qui permettent aux uns et aux autres de
se familiariser avec d’autres cultures, d’autres sensi­
bilités, d’autres histoires. Et pour des jeunes fran­
çais, dont les livres ne racontent pas nécessairement
l’histoire du monde, de se confronter à un artiste
dont l’horizon dépasse de loin les simples contours
du pays dans lequel il est né. Et cela, non pas par
des discours théoriques, mais à travers la tangibilité
de la matière et de l’action. L’artiste a apporté son
expérience du monde et sa vision esthétique, les
élèves ont mis à l’épreuve les connaissances tech­
niques et théoriques acquises au cours de leurs
études. Ils étaient sur un pied d’égalité. Pas de
maître omnipotent délivrant des axiomes, pas de
disciples buvant avidement des vérités essentielles,
mais une véritable complicité. Nous ignorions, bien
entendu, à quoi aboutiraient ces expériences. Nous
n’avons pas été déçus.
ÉDEN
Such was the genesis of the work now to be ins­
talled on the square before the Musée Bargoin, an
artwork turned towards a hopeful future. When we
offered Nasr to come to Moulins as an artist in resi­
dence and work with the EPL students, he accepted
at once because working with teenagers is what he
is already doing in his own country, like an elder bro­
ther helping the younger ones to understand the
world – and also because this creation springs from
a collective will, from an uncompromising unpreme­
ditated commitment. There could have been a lan­
guage barrier since the artist speaks only English
and Egyptian, but there was none, since the privilege
of art is to be universal and bring borders down.
Sharing and exchanging was the idea at the back
of these workshops, organizing those motionless
journeys which make people familiar with new
cultures, sensibilities and histories. Young French­
men, whose textbooks have a selective view of
world history, now faced an artist whose outlook
largely transcends the geographical borders of his
native country. And this was made possible through
the tangibility of matter and action, not through theo­
retical speeches. The artist contributed his expe­
rience of the world and his aesthetic vision while
students could put to the test the theoretical and
practical knowledge they had acquired. They were
on an equal footing. Not a situation with a master
uttering profundities and students hanging upon his
lips, but they all really were in it together. Of course
we had no idea of what these experiments would
lead to. We were not disappointed.
|
81
|
|
82
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
|
Résidences
|
Page de droite
Modélisation 3D des deux derniers
projets en lice.
En bas : projet retenu pour le FITE 2012.
Right page
The last 2 projects shown in 3D.
Bottom: definitive project for the FITE 2012.
Moataz a expliqué son concept, et aidés par
leurs professeurs, les élèves ont été invités à mettre
en pratique ce qui leur avait été transmis. Je dois
avouer qu’en laissant Moataz seul là-bas, lui l’urbain
des grandes capitales internationales, Christine
Athenor et moi-même avons éprouvé quelques
doutes. Jusqu’au moment où, quelques jours après
la fin de l’atelier, je reçus ce message de Nasr qui
nous remerciait de lui avoir donné l’opportunité de
vivre cette expérience. Le jardin que le public décou­
vrira est certes un jardin de Moataz Nasr, mais je
pense qu’il sera d’accord avec moi pour dire qu’il
s’agit d’autre chose : un véritable travail de collabo­
ration et d’interprétation pour le résultat duquel,
chaque contribution a été déterminante, qui donne à
voir un objet dont le plus important n’est pas la
paternité, mais le processus qui l’a vu naître. Et cela
met l’accent, si besoin était, sur la philosophie qui
était à l’œuvre : un vivre et faire ensemble qui abolit
les egos stériles de l’individualisme. —
À l’EPL de Moulins-Neuvy, ont participé à ce projet :
1ère BAC PRO / Travaux paysagers : Alexis Frederic, Justine Gaillot, Anatole Guillaume,
Jérôme Hurtin, Pierre Jerbillet, Jordan Lesage, Samantha Letort, Corentin Paire,
Corentin Prophete, Yasmin Schluchter, Yohan Simon, Florian Virmoux
Et leurs professeurs : David Dugay (enseignant d’aménagement paysager), Gisèle Lamblin
(directrice adjointe), Pierre Botheron (Directeur)
From the EPL in Moulins-Neuvy, the following students took part in the project:
Training in landscaping: Alexis Frederic, Justine Gaillot, Anatole Guillaume, Jérôme Hurtin,
Pierre Jerbillet, Jordan Lesage, Samantha Letort, Corentin Paire, Corentin Prophete,
Yasmin Schluchter, Yohan Simon, Florian Virmoux
Teachers: David Dugay (landscaping teacher), Gisèle Lamblin (vice director), Pierre Botheron (director)
Moataz Nasr explained what his concept was
and the students, helped by their teachers, were
invited to put into practice what they had been
taught. I must confess that Christine Athenor and
myself had some misgivings when we left such an
international city-dweller all alone in the country
until, a few days after the workshop had closed,
Nasr thanked us for offering him such an expe­
rience. The garden which the public is about to dis­
cover was genuinely made by Moatz Nasr yet all will
agree it is something else: a true collaborative inter­
pretative work in which each contribution played a
decisive part. It offers the viewer an object about
which what matters most is not paternity but the
process that fathered it – which stresses again, if
that were necessary, that it was a philosophy of
togetherness which was at work, over and above
sterile selfish individualism. —
84
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
­— Christine Athenor
|
|
Résidences
|
|
Résidences
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
Bambouseraie Prafrance, à Anduze (Gard)
Ueno Masao
Ueno Masao
Ueno Masao a choisi de travailler une fibre tradi­
tionnelle, le bambou, symbole naturel de plénitude et
centre subtil du développement spirituel pour les
maîtres zens, car il croît autour du vide. Généralement
utilisé pour réaliser des objets de petites et moyennes
dimensions ayant un usage défini, il l’utilise pour créer
des pièces de grandes dimensions qui intègrent un
espace ouvert ou fermé. Il respecte et détourne en
même temps l’art traditionnel du tressage de bam­
bou. Il choisit le bambou dans les montagnes du
Japon, le teint, le laque et finit avec la feuille d’or et la
poudre d’or, une technique du bois qu’il a adaptée.
Il intervient généralement sous la forme de séjour
en résidence artistique dans des lieux différents qui
stimulent sa créativité. Il s’est installé à la Bambou­
seraie Prafrance à Anduze cet été pour réaliser deux
œuvres dont l’une est présentée à la Bambouseraie
et l’autre au Jardin Lecoq à Clermont-Ferrand, près
du musée Bargoin.
Ueno Masao has chosen to work with bamboo, a
traditional fiber which is also a natural symbol of ple­
nitude and, according to Zen masters, the subtle
center of spiritual development because it grows
around a void. Though it is generally used to create
small and medium-sized objects having a definite
purpose, he also employs it for larger pieces sur­
rounding an open or closed space. He both respects
and subverts the traditional art of bamboo weaving.
He selects bamboo from the mountains of Japan,
dyes it, lacquers it and finishes with gold leaf and
gold powder, a technique borrowed from woodcraft.
He generally performs as artist in residence in
various places which encourages the creative ele­
ment in him. This summer he has moved in at the
Prafrance Bamboo Plantation, in Anduze, and pro­
duced two works, one of which is shown at the
Plantation and the other at the Jardin Lecoq, near
the Musée Bargoin in Clermont-Ferrand.
Paysage, géométrie et tradition des matériaux
« Chaque paysage a un sens particulier. Chaque
matériau naturel a son propre caractère. Une simple
forme géométrique est un concept pour l’Homme.
Nous pouvons envoyer cette forme partout dans le
monde par la toile. Nous pouvons la transporter partout comme une mémoire dans notre esprit. Nous
pouvons l’étendre à loisir. Mais quand nous la faisons en un matériau particulier elle devient une réalité. Si je visualise cette forme dans un paysage
particulier avec un certain matériau, elle va acquérir
une certaine réalité. Elle va exprimer une relation
entre le paysage et le concept. Si je la réalise dans
un site particulier elle va évoquer ma relation à la
nature ». Ueno Masao. Landscape, geometry,
and the tradition of materials
“Each landscape has its own meaning. Each natural
material has a character of its own. To Man a simple
geometric form is a concept. This form we can send
anywhere in the world thanks to the Web. We can
carry it everywhere like a memory in our minds. We
can stretch it as we please. But when we make it in
one particular material, it becomes reality. If I visualize
that form in a particular landscape with a particular
material, it acquires a certain reality. It will express a
relationship between the landscape and the concept.
If I realize it in a particular setting it will call to mind my
relation to nature.” à la Bambouseraie
d’Anduze
Prafrance Bamboo Plantation in Anduze (Gard)
at the Bamboo Plantation
in Anduze
Réseau
Ueno Masao, vit et travaille près de Tokyo
à Awa au sud de la péninsule, au Japon.
Ueno Masao lives near Tokyo in Awa, Japan.
NETWORK
Les arts du bambou
« J’ai travaillé comme architecte pendant plusieurs
années avant de commencer à travailler le bambou.
Vous ne connaissez pas l’architecture de pierre froide
moderne recouverte d’acier, de verre et de béton et
son profond ennui. J’ai constaté que tous les matériaux utilisés pour l’architecture moderne étaient uniformes et anonymes. Après avoir visité des pays en
Asie pour rencontrer des artisans vanniers j’ai vu,
dans le Sud de la Chine, dans la péninsule malaise, en
Indonésie, aux Philippines, un art du bambou très
populaire. Ces artisans ne font pas seulement des
paniers. Ils réalisent des sandales, des chapeaux, des
cages à oiseaux, des chaises, des portails, des
fenêtres... Les enfants des villages apprennent à faire
des lamelles de bambou quand ils font des jouets. Le
bambou est le matériau le plus familier pour eux et
depuis leur enfance. La plupart des villageois grandissent en partie comme des artisans. Ils connaissent
la balance écologique des bambous et ils savent les
utiliser. Leur approche du matériau est entièrement
différente de notre société moderne. En tant qu’artiste, j’ai a été influencé par l’approche de la nature
des artisans. J’ai été impressionné par l’attitude des
tisserands vanniers vivant dans ces pays. Mes installations de bambou dans des sites spécifiques
dépendent de l’attitude envers la nature des artisans
que j’ai rencontré ». Ueno Masao.
Arts of the bamboo
“I worked several years as an architect before I
began working with bamboo. Maybe you have not
come across modern architecture made of cold
slabs of stone coated with steel, glass, and concrete
– perfectly boring. I have found that every material
used in modern architecture was uniform and anonymous. After visiting Asian countries to meet basket weavers, I have discovered that in Southern
China, the Malay Peninsula, Indonesia and the Philippines there was a highly popular art of working
with bamboo. Craftspeople there do not only make
baskets, they create sandals, hats, bird cages,
chairs and windows… The village children learn to
make bamboo strips when making toys. Bamboo is
the material they are most familiar with and it has
always been. As they grow most of the village
people become craftspeople. They know that bamboos are part of an ecosystem and use them accordingly. Their approach to this material is totally
different from the practice of our modern society. As
an artist, I have been influenced by the way
craftspeople approach nature. I have been
impressed by the attitude of basket weavers living in
the countries I have mentioned. In certain sites, my
bamboo installations depend on the attitude
craftspeople I met have to nature.”
|
85
|
|
86
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
|
Résidences
|
|
Cocon flottant, métamorphose du bambou
Ueno Masao explore le thème de la métamorphose
dans le cadre du Festival International des Textiles
Extra ordinaires. Il propose un travail à partir du par­
cours du cocon du ver à soie. « Quand les vers à
soie font leur abri autour de leur corps avec de la
soie, ils dessinent des trajectoires sans fins autour
d’eux. Cette trajectoire ressemble à celle des astronautes en gravité zéro. Ce même mouvement de
l’homme peut être celui du cocon à échelle humaine.
Toutefois, la création d’un état d’apesanteur sur la
terre n’est pas aussi simple que cela. » —
Pré-projet pour la résidence
à la Bambouseraie d’Anduze
First project for the artist’s residence
at the Bamboo Plantation in Anduze.
Page de droite
Right page
Haut : Ueno Masao réalisant l’œuvre Serbia
Bas : Camellia
Top: Ueno Masao working on Serbia
Bottom: Camellia
Floating cocoon - metamorphosis of bamboo
For the International Festival of Extra ordinary Textiles,
Ueno Masao explored the theme of metamorphosis.
His creation was inspired by the making of the
silkworm cocoon. “When the silkworms build their
shelter around their own bodies with silk, they are
drawing endless trajectories around themselves.
Their paths resemble those of astronauts in zero gra­
vity. The same movement in man may be that of the
cocoon on the human scale. However the creation of
a weightless state on earth is not that simple.” —
Résidences
|
RESIDENCES FOR ARTISTS
|
87
|
workshop
Saint-Étienne
Workshop
Saint-Étienne
90
|
Workshop Saint-Étienne
|
Workshop Saint-Étienne
|
De haut en bas
et de gauche à droite :
­— Vincent Lemarchands
|
iCarpette
Lucile Sauzet
WORKSHOP
WORKSHOP
MONGI GUIBANE MONGI GUIBANE
Paranuit
Astrid Faure
Bertille Derail
Alice Alvarado
TISSAGE DE FIBRES OPTIQUES
WEAVING OPTICAL FIBERS
Au-delà des dimensions extraordinairement riches
et variées que peut prendre la création textile dans
les domaines du stylisme et de la mode, mon atten­
tion a souvent été attirée par des applications de
fibres innovantes dans des domaines nouveaux :
l’architecture, le génie civil, les technologies médi­
cales ou de la communication, les biotechnologies
ou les réalisations mécaniques et chimiques.
Depuis quelques années un domaine technique
nouveau est apparu, héritier des savoir-faire des tis­
seurs de soie. Après les fils de soie et d’or, les
métiers traditionnels ont permis de travailler un fil
encore plus complexe : la fibre optique. Capable,
dans des conditions techniques appropriées, de
transporter de la lumière comme dans un tube, la
fibre optique est, à l’origine, plutôt utilisée comme un
mode de transport d’un signal lumineux. Des pion­
niers essaient de réaliser des tissus à partir de cette
fibre, parce qu’ils ont constaté qu’en altérant la paroi
extérieure de la fibre par abrasion, on peut provo­
quer un échappement de lumière à l’endroit choisi,
et donc faire apparaître une image ou un message
sur la surface tissée.
Dans le cadre d’un exercice informel, j’ai demandé à
des étudiants de l’École Supérieure d’Art et Design
de Saint-Étienne d’étudier des applications pos­
sibles et nouvelles de cette technologie et de réflé­
chir à leur mise en forme. Mongi Guibane, styliste
reconnu, sociologue et analyste des courants de la
mode, très fin connaisseur des matières et des tech­
niques de tissage, m’a paru le plus à même de gui­
der les propositions des étudiants. Ses propres
travaux l’ont déjà amené à tester et à concevoir des
réalisations à partir de tissage de fibres optiques,
dans le cadre de collaborations avec la société Bro­
chier Technologies, comme le gilet communicant
pour France Télécom en 2005 et un bustier pour
Captiva en 2007. Ses rencontres avec les étudiants
ont permis de formuler des hypothèses mettant en
valeur les spécificités de ce nouveau matériau.
Far beyond the amazingly rich and varied dimen­
sions that textile creation is liable to assume in the
fields of clothes designing and fashion, my attention
has often been drawn to applications of innovative
fibers to new fields: architecture, civil engineering,
medical or communication technologies, biotechno­
logical or mechanical and chemical products.
A new technical field has sprung up in the last few
years, making use of the silk weavers’ know-how.
After silk and gold threads, traditional looms have
made it possible to work a still more complex thread:
the optical fiber. When technical conditions are ade­
quate, it can convey light as in a tube, and was at first
used as means to carry light signals. Now pioneers try
to weave fabrics with this fiber, as they have found
that abrasive altering of the outer surface of the fiber
can cause light to escape in selected places and so
reveal an image or a message on the woven surface.
As an informal exercise, I have asked students
from the École Supérieure d’Art et de Design in
Saint-Étienne to study the possibility of new applica­
tions of this technology and envisage their realiza­
tion. I chose Mongi Guibane as the best guide for
students: he is a well-known designer, a sociologist
and an analyst of fashion trends very well versed in
weaving materials and techniques. As a researcher
in his own right, he has thought up a communicative
vest for France Télécom in 2005 and an off-theshoulder top for Captiva in 2007 when working with
Brochier Technologies. Meeting the students has
opened the way for new explorations to capitalize on
the specificities of this new material.
Moonlight
Bérenger Brochier
Svet
Daria Ayvazova
Noct-en-bulle
Mélitine Courvoisier
Fanny Myon
Chloé Martin
From top to bottom
and left to right:
iCarpette
Lucile Sauzet
Paranuit
Astrid Faure
Bertille Derail
Alice Alvarado
Svet
Daria Ayvazova
Noct-en-bulle
Mélitine Courvoisier
Fanny Myon
Chloé Martin
Moonlight
Bérenger Brochier
92
|
Workshop Saint-Étienne
­— Arnaud Zohou
|
|
Workshop Saint-Étienne
|
« Emballez-moi ! » “wRAP ME UP!”
Une création industrielle
AN INDUSTRIAL CREATION
Dans le cadre de la prochaine Biennale Interna­
tionale de Design de Saint-Étienne, La Rotonde Centre culturel dédié aux sciences et basé à l’École
Nationale Supérieure des Mines s’est lancée dans
un projet inédit : emballer le bâtiment qui l’abrite de
textiles composites innovants (membranes), dans un
geste à la fois artistique, architectural et environne­
mental. Ce bâtiment, conçu en 1973 par L. Ven­
dange, est énergivore car construit pour accueillir le
premier ordinateur de l’École des Mines. Son utilisa­
tion désormais ouverte à tous lui a donné une nou­
velle dimension, qu’il s’agit de révéler grâce aux
techniques de rénovation du patrimoine industriel.
Ces techniques utilisent des membranes textiles,
parfois gonflées d’air. Elles permettent de résoudre
des questions liées au développement durable, tout
en proposant des solutions plastiques parce qu’elles
interrogent la signification du bâtiment sans remettre
en question son unité architecturale. Cette création
se déroule en plusieurs étapes : un bilan énergé­
tique, la création de maquettes, des workshops
mêlant élèves ingénieurs, artistes, designers et archi­
tectes, une agence d’architecture pour la maîtrise
d’œuvre. Il s’agit donc, à travers la présentation au
FITE des workshops et l’exposition de la méthodolo­
gie originale conçue par D. Delafosse et J. Faucheu
(EMSE), de montrer en quoi cette expérience sert de
support à une recherche sur les processus collabo­
ratifs transdisciplinaires. « Emballez-moi » met en
synergie des savoirs et des compétences complé­
mentaires qui renforcent la créativité et l’innovation
dans des actions dont le cœur est l’usager. Plusieurs
acteurs sont impliqués dans ce processus : le collec­
tif Experimonde spécialiste des membranes, des
lycées, des écoles supérieures (Écoles des Mines,
d’Art et de Design, d’Architecture), des enseignants,
des architectes, un pôle de compétitivité (Techtera),
des industriels (le groupe Serge Ferrari, spécialiste
de l’architecture textile).
As part of the next International Design Biennale in
Saint-Etienne, an entirely new project has been
launched by La Rotonde, a cultural center for science
at the École Nationale Supérieure des Mines: wrap­
ping up the building in which it is housed with innova­
tive composite fabrics (membranes) as an artistic,
architectural and environmental gesture. This buil­
ding, designed in 1973 by L. Vendange, uses a lot of
energy since it was designed to accommodate the
first computer of the École des Mines. Now that it is
open for general use, it has acquired a new dimen­
sion which the rehabilitation techniques applied to the
industrial heritage must bring to light. Those tech­
niques use textile membranes occasionally inflated
with air and offer answers to problems related to
sustainable development. They also provide plastic
solutions since they call into question the meaning of
the building without challenging its architectural unity.
The program will go through several stages: asses­
sing the energy efficiency, making models, opening
workshops for future engineers, artists, designers
and architects, creating an architecture agency for
project management. The main objective is to show
how this experiment helps research into interdiscipli­
nary collaboration through the presentation of the
workshops at the FITE and an account of an original
methodology developed by D. Delafosse and J. Fau­
chon (EMSE). “Wrap me up”1 synergizes comple­
mentary skills and crafts which strengthen creativity
and innovation and place the user at the heart of the
projects. A number of actors are involved here: the
Experimonde collective – a specialist in membranes –,
high schools, higher education institutes (École des
Mines, École d’Art et Design, École d’Architecture),
teachers, architects, a competitiveness centre (Tech­
tera), and manufacturers (the Serge Ferrari group, a
specialist in textile architecture).
1
he French name is a pun meaning both “wrap me up”
T
and “thrill me”.
Bâtiment La Rotonde - Centre culturel
dédié aux sciences, École Nationale
Supérieure des Mines
La Rotonde Building - Cultural Center
dedicated to science, École Nationale
Supérieure des Mines
Jeune
scene
artistique
YOUNG
ART
SCENE
96
|
YOUNG ART SCENE
|
Jeune scène artistique
|
|
Les Saltimbanques (série),
Yannick Daverton
Jet d’encre, contrecollé sur aluminium
Dibond
2012
H. 63 cm ; L. 95 cm
Les Saltimbanques (series),
Yannick Daverton
Inkjet, aluminum backing
2012
H. 63 cm; w. 95 cm
­— Thomas Leveugle
|
YANNICK
DAVERTON
YANNICK
DAVERTON
La démarche de Yannick Daverton se situe entre le
monde du textile et celui de l’image, sans pour autant
être celle d’un photographe ou d’un styliste. La for­
mation de modélisme qu’il entreprend avant ses
études en école d’art lui a donné le goût des textiles
et permis d’envisager le champ de ses possibles.
Ses portraits photographiques ne font pas pour
autant de lui un portraitiste, masquant systématique­
ment l’identité de ses modèles, il serait plus juste de
les qualifier de supports. Mêlés aux fonds, noyés
dans la masse étouffante des fripes, les corps nous
questionnent sur l’identité, ni masculine ni féminine,
qui semble à deviner, à reconstruire.
La mise en scène est bien présente avec le fond
devant lequel prennent place les modèles dans des
postures savamment choisies. Mais tout cela semble
absurde et incohérent. La série On ne choisit pas sa
Famille nous renvoie aux portraits classiques sus­
pendus aux cimaises des musées : fond neutre,
posture altière, éclairage diffus. Mais à bien y regar­
der, les costumes d’apparat sont ceux de supers
héros de friperies, de Madone en rideaux. Le génie
de Yannick Daverton est de réinventer l’opulence du
portrait aristocratique et religieux à l’aide de tissus
bon marché.
Ces images interrogent la futilité de notre société
visible à travers la consommation textile et dénonce
l’illusion qu’elle produit. L’installation présentée à la
Chapelle des Cordeliers questionne les genres et les
tâches qui leur sont habituellement attribuées. La
bétonnière, outil masculin de construc­tion du foyer
se pare d’un rose de poupée, et vient se transformer
en une machine à laver poétique. Le nettoyage du
linge, occupation communément acceptée comme
féminine, se réalise désormais sans eau et dans un
bruit assourdissant de chantier de construction. Les
pistes sont brouillées bien que le tapis délimitant
l’espace de l’installation nous place dans l’intérieur
d’un foyer. L’objet est à penser comme une femme à
barbe, une barbe à papa rose.
Yannick Daverton’s approach lies somewhere
between the world of textile and that of images,
though it is not that of a photographer nor that of a
fashion designer. His training in clothes designing
before going to art school has given him a taste for
textiles and opened up the range of his possibilities.
Neither do the portraits in his photographs make
him a portrait photographer, since he persistently
conceals the identities of his models – they would be
more aptly described as mere media. The bodies,
which are undistinguishable from the backgrounds and
swamped under a flood of secondhand clothes, ques­
tion us about their identity – neither male nor female –
which begs to be guessed at and reconstructed.
There is no doubt of a conscious stage effect with
this background against which the models strike care­
fully chosen attitudes. Yet it all seems quite absurd
and inconsistent. The series entitled “You can’t
choose you family” refers us to the classical portraits
hanging in museums: a neutral background, a proud
pose, some diffuse lighting. But a closer examination
will show that the ceremonial costumes belong to
mock heroes out of second hand clothes shops, to
curtain-draped Madonnas. Yannick Daverton’s art lies
in the re-creation of the opulence of aristocratic and
religious portrayals using cheap fabrics.
His images question the futility of a society as
revealed by textile consumption and exposes the
illusion thus created. The installation at the Chapelle
des Cordeliers probes into the gender problem and
the tasks usually ascribed to each gender. The
cement mixer, a male tool in the building of the
home, is graced with doll-like pink and turns into a
poetical washing machine. The laundry, a typically
feminine task, is now performed without water and
with the deafening roar of a construction site. All
tracks are thus covered even though the carpet deli­
miting the space of the installation firmly puts us
inside the home. Each object is to be thought of as a
bearded woman – or some pink candy floss.
Jeune scène artistique
|
YOUNG ART SCENE
|
97
|
98
|
YOUNG ART SCENE
|
Jeune scène artistique
|
Portraits caméléon (série),
Myette Fauchère
Jet d’encre, qualité fine art, contrecollé
sur aluminium Dibond
2010
H. 60 cm ; L. 80 cm
CHAMELELON PORTRAITS
(SERIES), Myette Fauchère
Inkjet, fine art quality, aluminum backing
Dibond
2010
H. 60 cm; w. 80 cm
­— Thomas Leveugle
|
MYETTE
FAUCHèRE
MYETTE
FAUCHèRE
Dans ses portraits réalisés au Bénin et au Togo
en 2010, Myette Fauchère s’intéresse aux coutumes
vestimentaires propres aux moments de partage.
Son regard a été saisi par le rythme graphique que
créent ces vêtements coupés dans le même tissu
que portent les membres d’un groupe ou d’une
famille. L’unité du groupe ou de la famille est ainsi
revendiquée par le port d’un unique motif.
These portraits were captured in Benin and Togo
(2010) and they reveal Myette Fauchère’s interest in
special clothes traditionally worn when sharing is the
order of the day. Her eye was caught by the graphic
rhythm springing from clothes cut in the same fabric
and worn by members of a given group or family.
A single motif thus asserts the unity of a particular
group or family.
Myette Fauchère avec ses Portraits Caméléon a
voulu saisir cette caractéristique étonnante en allant
plus loin dans la sur-représentation du textile. En
effet, se plaçant dans la tradition de la photographie
de studio propre à l’Afrique de l’Ouest, elle décide de
tendre comme toile de fond le même textile que celui
porté par les groupes qu’elle immortalise. L’œil peine
à identifier le fond, la forme et les corps. Seules les
ruptures graphiques des motifs répétitifs indiquent
les frontières. Une fois la curiosité pour ces compo­
sitions quasi-psychédéliques estompée, c’est la joie
qui transparaît dans ses clichés.
Myette Fauchère décide par des prises de vue
des passants de la place Jaude à Clermont-Ferrand
de renouer avec cette expérience. Très attachée au
lien entre vêtement, individu et identité, elle décide
de s’intéresser aux textiles portés ici et maintenant.
Pour cela, elle établit un dialogue entre les personnes
habillées de vêtements coupés dans un textile au
motif similaire à celui placé en fond. Grâce à la juxta­
position des motifs portés et de ceux en arrière-plan,
des portraits dynamiques se dessinent parmi les­
quels le regard se perd à la recherche de son sujet.
Le groupe n’est plus constitué d’une famille, mais
bien d’une communauté élargie d’individus parta­
geant les mêmes codes vestimentaires. Son travail
interroge alors la volonté plus ou moins consciente
d’appartenance à un groupe par le port du vête­
ment, et l’expérience de la Place de Jaude propose
la constitution de nouveaux groupes par le tissu.
The purpose of her “Chameleon Portraits” is to
render this striking feature by taking the overrepre­
sentation of textile one step further. Following the
West African tradition of studio photography, she
chooses to use as a background the very same
fabric which is worn by the groups of peoples she
preserves for ever with her pictures. One can hardly
tell the difference between materials, forms, and
bodies. Only the breaks in the recurring motifs testify
to the presence of limits. Once those almost psyche­
delic compositions have ceased to puzzle, her pho­
tos simply exude joy.
In Clermont-Ferrand, Myette Fauchère invites
passers-by on the Place Jaude to repeat the experi­
ment. In her quest for the connection between
clothes, identity and the individual, she chooses to
study the clothes that are worn here and now. With
this in mind she creates a dialogue between people
wearing clothes whose motif is similar to the one she
selected as a background. While the eye is in search
of the subject, dynamic portraits emerge from the
juxtaposition of motifs.
What happens is that the group is no longer
made up of one family but of a larger community of
people sharing the same sartorial tastes. Her work
thus questions the more or less conscious urge to
join a group through the choice of clothes, and the
experiment on the Place Jaude hints at the emer­
gence of fabric-connected groups.
showroom
The SHOWROOM MARKET
|
­— Mickael Cotte et Claire Brizon
objectifs
« Nous considérons l’artisanat comme une des formes
exemplaires de l’activité humaine. »
Simone de Beauvoir
“We consider craftwork as one of the exemplary
forms of human activity.”
Simone de Beauvoir
La mode et l’univers des textiles d’intérieur ont
remis à l’honneur les tissus authentiques avec une
forte valeur ajoutée traditionnelle. Les techniques mul­
tiséculaires, les motifs mythiques retrouvent une
place primordiale dans leurs collections. Tous les
salons internationaux essaient d’insuffler cette
touche « réelle intervention de la main humaine dans
le process » au cœur de leur offre pour séduire archi­
tectes, stylistes, designers textiles, acheteurs et
professionnels de la mode qui sillonnent les salons
textiles du monde entier chaque saison en quête du
meilleur du textile. À la source de la création textile
extraordinaire, le FITE a décidé de réunir créateurs et
artisans talentueux au sein du Showroom.
Le showroom des créateurs, vrai laboratoire du
textile, est un lieu d’inspiration, une plate-forme de
rencontres et d’achats pour les professionnels et un
espace de (re)découverte pour les amoureux des
textiles rares. Avec plus d’une vingtaine de créateurs
et artisans, maîtres des couleurs et des matières, le
showroom est une vitrine unique des créations et
des savoir-faire des textiles extraordinaires. Il pré­
sente un métier contemporain, innovant, revivifié par
des créateurs et des artisans passionnés !
« Nous considérons l’artisanat comme une des
formes exemplaires de l’activité humaine. » Le FITE a
fait sienne cette citation de Simone de Beauvoir.
À travers cet espace, nous proposons de parta­
ger avec les professionnels et tous ceux qui s’inté­
ressent aux textiles et à l’artisanat, les valeurs et les
richesses du patrimoine textile mondial qui devient
notre le temps d’un showroom !
La parole est aux artisans
Selon son métier et son parcours chaque artisan
détient un savoir particulier qu’il retranscrit à sa
manière. Il paraît alors capital de proposer un espace
d’expression libre aux artisans. Nous avons seulement
guidé leur plume afin qu’ils puissent expliquer
le sens de leur travail au plus grand nombre, certains
de l’apport nouveau de leur parole. Ils nous offrent
de partager l’ambiance de leur atelier, l’intimité
de leur premier souvenir et la difficile tâche
de se définir comme : artiste, artisan, créateur…
showroom
|
THE showroom market
|
Objectives
The world of fashion and the universe of interior
textiles revived authentic fabrics with a strong tradi­
tional added value. The centuries-old techniques,
the mythical motifs have regained a fundamental
place in collections. All international fairs try to intro­
duce this touch of “real intervention of the human
hand in the process” at the heart of their offers to
attract architects, stylists, textile designers, buyers
and fashion professionals who visit textile fairs in the
whole world every season, looking for the best of
textile. Focused on extraordinary textile, the FITE
decided to gather talented creators and craftspeople
in the Showroom.
The creators’s Showroom, a real lab devoted to
textile, is a place of inspiration, a platform for meeting
and buying designed for professionals, and a place of
(re)discovery for rare textile amateurs. With around 20
creators and craftspeople, all masters of colors and
materials, the Showroom is a unique showcase for
creations and know-hows of extraordinary textiles. It
presents a contemporary and innovating activity,
revived by passionate creators ands craftspeople!
“We consider craftwork as one of the exemplary
forms of human activity.” The FITE made his this
quotation from Simone de Beauvoir.
With this space, we wish to share with professio­
nals and all those who are interested in textile and
craftwork the values and the wealth of the world
textile heritage which become ours for the time of the
Showroom!
Now let the craftspeople speak
According to their activity and their career, artisans
hold a particular know-how which they each
transcribe in their own way. It seems then crucial
to offer them a particular space of expression.
We have made so that they could explain the meaning
of their work to the biggest crowd as we were sure
that their words would bring their share of novelty.
They offer us the opportunity to share the atmosphere
of their studio, the privacy of their first memory
and the difficult task of defining themselves,
as artists, artisans, creators…
103
|
|
104
|
THE Showroom market
|
showroom
|
|
showroom
|
THE showroom market
IKTT
Fondateur d’IKTT à Siem
Reap au Cambodge, Kikuo
Morimoto réalise des tissages
traditionnels khmers en soie
cambodgienne aux teintures
naturelles parfois ikatées.
Founder of IKTT in Siem Reap,
Cambodia, Kikuo Morimoto
makes traditional Khmer weavings
using Cambodian silk and natural
dyes, sometimes in the ikat
technique.
S’il n’avait pas été là, nous aurions peut-être
perdu pour toujours les secrets de fabrication de la
soie khmère traditionnelle raffinée. Morimoto Kikuo en est le premier surpris. Jamais
il n’a eu l’intention de créer l’Institut pour les textiles
traditionnels khmers qu’il dirige et qui produit des
étoffes de soie identiques à celles que portaient les
Khmers à l’époque des temples d’Angkor, il y a plus
de mille ans. Jamais non plus il n’aurait imaginé qu’il
rassemblerait un jour autour de lui jusqu’à 500 arti­
sans venus de tout le pays. Morimoto, artiste-peintre,
artisan de la teinture naturelle, amoureux de la soie,
et plus encore des couleurs de la soie, est un homme
foisonnant d’idées et de projets, qui avance avec foi
et ténacité. Lorsque je lui ai proposé de raconter son
histoire dans un livre, Morimoto a tout de suite
accepté. Par curiosité. Il m’a hébergé chez lui, en
forêt, à une heure de route des temples d’Angkor.
J’ai partagé son quotidien et celui des villageois avec
lesquels il vit et travaille. La vie en couleurs de Kikuo
Morimoto raconte cette histoire.
If it wasn’t for him, the secrets of refined traditio­
nal Khmer silk making might have been forever lost.
Morimoto Kikuo is the first surprised by such a
thing. He never had the intention to create the Insti­
tute for Traditional Khmer Textile which he runs and
which produces silk cloths similar to the ones that
were worn by the Khmers at the time of Angkor
temples, more than a thousand years ago. He also
had not imagined that one day he would gather
around him up to 500 craftspeople coming from all
parts of the country. Morimoto, a painter and artisan
specialized in natural dyeing, a lover of silk, and even
more of the colors of silk, is a man of many ideas and
projects who makes his way with faith and tenacity.
When I asked him to tell his story in a book, Mori­
moto accepted right away – out of curiosity. He gave
me shelter in his home in the forest, an hour away
from the temples of Angkor. I shared his daily life and
that of the villagers with whom he lives and works.
The color life of Morimoto tells this story.
Hervé Deguine
— Hervé Deguine
Neelgar
BRAHMA
TIRTA SARI
Atelier de batik indonésien fondé
par Agus Ismoyo et Nia Flam
à Java.
Indonesian batik studio founded
by Agus Ismoyo and Nia Flam
in Java.
Brahma Tirta Sari studio, qui signifie « la créativité
est la source de tous les savoirs », a été fondé en
1985 par Agus Ismoyo, un artiste indonésien qui vient
d’une famille d’artisans réalisant des batiks et Nia
Fliam, une artiste américaine diplômée des BeauxArts de l’Institut Pratt de New-York, spécialiste des
textiles indonésiens et africains. L’atelier est situé en
périphérie de Yogyakarta, la capitale culturelle de
Java. Il est constitué d’une équipe de 25 personnes.
Le batik est considéré comme une tradition vivante
et en perpétuelle évolution. Dans le cadre de son
activité, BTS essaye de créer une interprétation
contemporaine du batik, grâce à un procédé créatif
ferme­ment enracinée dans la philosophie javanaise.
Depuis toujours, l’objectif de BTS est de donner
au batik indonésien traditionnel une place de choix
dans le monde contemporain des arts visuels, en
faisant preuve d’un grand respect pour la tradition et
en utilisant la technique pour explorer de nouveaux
royaumes de créativité.
Brahma Tirta Sari studio which means “creativity
is the source of all knowledge” was founded in 1985
by Agus Ismoyo, an Indonesian artist who comes
from a family of batik makers, and Nia Fliam, an
American artist who graduated in Fine Arts at the
Pratt Institute in New York, specializing in Indonesian
and African textiles. The studio is located on the
outskirts of Yogyakarta – the cultural capital of Java.
It has a team of 25 people. Batik is a living and everevolving tradition. Within the framework of the tech­
nique of batik, BTS tries to create new forms and
meanings by applying a creative process firmly roo­
ted in Javanese philosophy. From the very beginning
the aim of Brahma Tirta Sari has been to give the
Indonesian batik tradition a relevant place in the
contemporary world of visual arts by treating this
tradition with great respect, and using the technique
to explore new realms of creativity.
Ma démarche consiste avant tout à aider des
artisans qui n’ont pas assez de débouchés dans
leur pays pour vendre leur marchandise et donc
vivre de leur savoir-faire. Certains savoir-faire peuvent
être en voie de disparition, comme les tapis en
feutre. Ainsi je cherche, ici, des gens sensibilisés à
cette problématique.
My approach is above all to help craftspeople
who don’t have enough opportunities in their country
to sell their production and live from their know-how.
Some know-hows can be endangered, such as felt
rugs. This is the reason why I am interested in the
people who understand this type of issues.
SALAH­EDDIN
Entreprise de commerce équitable
de produits syriens à Carhaix
Plouguer, dans le Finistère, France.
Fair trade company (syrian
products), Carhaix Plouguer,
Finistère, France.
Fondatrice de Neelgar dans
la région du Gujarat en Inde,
Kamaldeep Kaur réalise
des tamponnages sur soie
et des bandhani.
Kamaldeep Kaur is the founder
of Neelgar in Gujarat, India.
She practices block printing
on silk and bandhani.
J’ai été formée comme créatrice de mode à l’école
polytechnique pour femme de Delhi Sud, dans la ville
de New-Delhi de 1994 à 1996. Pendant mon par­
cours, j’ai été initiée au shibori, et dès ce moment-là
j’ai su que c’était ma passion. Je réalise des pièces
uniques en soie ou en laine en utilisant différentes
techniques de teintures naturelles et d’impression
traditionnelle. Les techniques du bandhani, de lehe­
riya, et du tamponnage sont chères à mon cœur. Les
émotions, rattachées à la fabrication des textiles, sont
le produit d’un savoir-faire ancestral. Il est important
de sauvegarder et de faire revivre notre héritage. C’est
une réelle fierté pour les artisans de transmettre leur
savoir-faire aux nouvelles générations qui pourront
restituer ce travail dans notre société actuelle.
I was trained as a fashion designer at the South
Delhi Polytechnic for Women in New Delhi (19941996). During my training I was introduced to shibori,
and right on the moment I knew this was what I
wanted to do. I have been practicing many tech­
niques of resist dyeing and printing by making one of
a kind pieces using natural dyes on natural fabrics
like silk and wool. The Bandhani and Leheriya tech­
niques, as well as block printing, remain very close to
my heart. The emotions attached to the making of
textile, the value of textile which comes from the fact
that I work with crafts that are thousands of years old
in India, all this makes it important to save and revive
our heritage which we are losing at a very fast pace.
The most important is to give a new pride to the
makers, the artisans for whom textile making is a
matter of identity; we need to bring back their pride
by making the craft significant in the present world
and even more importantly to make it relevant for the
present generation.
|
105
|
|
106
|
THE Showroom market
|
showroom
|
|
ABDUL
JABBAR
KHATRI
Réalise des tissus tamponnés
sur soie, coton et laine dans
la région du Gujarat en Inde.
He practices block printing
on silk, cotton and wool fabrics
in Gujarat, India.
CATHERINE
JAHAN
Peintre textile installée à Paris,
France.
Textile painter in Paris, France.
Je suis peintre et je pratique les techniques
d’impression et de transformation du textile. J’aime
la solitude de l’atelier, les surprises de la matière et
inventer ma propre cuisine. L’atelier est lumineux,
mobile, vide ou plein, il change d’allure selon les
besoins. Le textile est pour moi une matière nomade
qui s’emporte ailleurs, qui sert à
tout, habille les corps, les murs,
protège, révèle, cache, réchauffe...
Mes premiers souvenirs textiles
sont liés au marché Saint-Pierre,
ma mère m’a initiée aux différentes
qualités de tissu. Elle faisait ses
vêtements et m’a appris à coudre
sur la Singer. Plusieurs rencontres
ont été marquantes. Ma période
d’assistanat au Vogue italien, m’a
ouvert à la haute couture, avec ses
prises de vues de grands photo­
graphes et ses rédactrices de
mode aux partis pris forts et radi­
caux. Plus tard, j’ai peint des robes
pour Hervé L. Leroux (ses célèbres
robes à bandes en 1995), Chris­
tian Lacroix, John Galliano, Chris­
tian Dior et Balenciaga.
I am a painter and I practice textile printing and
transformation techniques. I like being alone in my
studio, being surprised by materials and inventing
my own recipes. The studio is full of light, mobile,
empty or full, it changes according to the needs. To
me, textile is a nomad material which can be taken
everywhere, which serves all purposes, which
adorns the body or the walls, which protects, reveals,
hides, warms…
My first memories about textile are linked to the
Marché Saint-Pierre, where my mother initiated me
to the different qualities of fabrics. She used to make
her own clothes and taught me sewing on a Singer
machine. Several encounters have been important
to me; the time I worked for Vogue Italy opened my
mind to haute couture, with shootings by great pho­
tographers and fashion reporters showing strong
and radical opinions. Later on, I painted dresses for
Hervé L. Leroux (his famous striped dresses of
1995), Christian Lacroix, John Galliano, Christian
Dior and Balenciaga.
Je suis un artisan traditionnel de la communauté
des Khatris, impliquée dans la tradition de teinture et
d’impression depuis des siècles. Nous sommes
implantés dans la région de Kutch dans l’état du Guja­
rat en Inde. Pour moi, les textiles signifient ma vie, mon
identité. Petit, j’étais entouré de tissus et d’outils de
travail, mes amis et mes voisins appartenaient tous à
ma communauté. Nous nous cachions dans les tissus
et jouions avec les tampons. À chaque nouvelle réali­
sation nous faisions des découvertes, toujours en train
d’analyser et d’expérimenter. Les Ajrakh avaient tradi­
tionnellement une forme et des
couleurs spécifiques. Ces vête­
ments avaient plusieurs fonctions,
recouvrir les épaules, servir de
châle, de turban, de drap de lit...
J’aime la diversité de mon
métier. Mon atelier est un immense
espace où toute la famille travaille
ensemble. Chacun a une tâche
spécifique. Aujourd’hui, nous ache­
tons des poudres dans le com­
merce et les hommes réalisent la
teinture et l’impression. Nous
apprenons aussi à fabriquer nos
propres tampons et à les réparer.
showroom
|
THE showroom market
I am a traditional artisan from the craft community
of the Khatris, which has been involved in the tradi­
tion of dyeing and printing for hundreds of years. We
are based in the Kutch region of the Gujarat state in
India. Textile is my life, my identity. As a child I was
surrounded by textiles and materials; my friends, my
neighbors were all from my community. We would
play hide and seek in the textiles and play with the
blocks. With each piece we made new discoveries,
always trying to analyze and experiment. Traditionally
the Ajrakh was made in a specific design and speci­
fic colors. This one fabric served many purposes
(shoulder cloth, wrap, turban, bed sheet and so on).
I like the versatility of my work. My studio is a
huge work space, where the entire family works
together. Each member of the family has a specific
duty. Today we can buy dyeing material in powder
form and men do the printing and the dyeing. We
also learn how to make our own blocks and try to do
the repair work of the blocks at the studio.
LE
RUSTIQUE
M. et Mme Szepes, vanniers,
sont installés à Châtel Montagne
dans l’Allier, France.
Mr and Mrs Szepes are
basket-makers in Châtel
Montagne, Allier, France.
Nous sommes artisans vanniers, spécialistes de
vannerie fine en rotin et restaurateurs de mobilier en
rotin. Nous apprécions particulièrement les produc­
tions vannières du x ix e siècle ainsi que le mobilier en
rotin de l’époque. Nous aimons créer de la vannerie
contemporaine en utilisant les techniques d’autre­
fois. Nous redécouvrons avec bonheur les gestes de
la main qui a confectionné une vannerie ancienne.
Notre atelier ressemble à un musée où se côtoient
des jardins d’hiver Napoléon III, des reproductions
de vanneries anciennes et divers meubles cannés
ainsi que de la vannerie créative. Le textile nous ins­
pire beaucoup dans l’art d’allier les tissages de rotin
(chaine, trame et garnissage). La première utilisation
de tissu sur nos vanneries fut l’usage de bandes tis­
sées, soit en application, soit tressées dans l’ou­
vrage. La rencontre avec Mami Taira, créatrice de
mode au Japon nous a permis de faire découvrir et
d’exporter nos produits au pays du Soleil Levant.
We are basketry artisans, specialized in fine rat­
tan basketry and rattan furniture restoration. We
particularly appreciate 19 th century basketry as well
as rattan furniture of that period. We like to create
contemporary basketry using ancient techniques.
We enjoy rediscovering the hand gestures which
served to make an old basketwork. Our studio looks
like a museum where Napoleon III winter gardens
stand side to side with reproductions of old bas­
ketworks and various pieces of cane furniture and
creative basketry. Textile inspires us very much in
the art of making rattan weaving (chain, weft and
filling). The first use of fabric on our basketwork was
woven straps, applied or woven in the work. Mee­
ting Mami Taira, a fashion designer from Japan,
allowed us to export our production in the Land of
the Rising Sun.
|
107
|
|
108
|
THE Showroom market
|
showroom
|
|
showroom
|
THE showroom market
THOMAS
LOUINEAU
Vannier installé à Vendes
dans le Calvados, France.
Basket-maker in Vendes,
Calvados, France.
Je suis avant tout un osiériculteur et un cueilleur
avant d’être un artisan, cela me lie à ce que je crée.
J’aime tout dans mon travail et surtout la liberté de
s’exprimer avec différentes textures. Mon atelier est
une caverne d’Ali Baba où se mélangent bois flotté,
racines, écorces, pierres et autres matières. Le tex­
tile, c’est des fibres naturelles que l’on lient ensemble
pour réaliser un objet. Mes premiers souvenirs de
vannerie sont avec mon grand-père qui réalisait des
paniers. Les rencontres avec d’autres vanniers sont
toujours importantes car, avec une même matière,
nous nous exprimons de différentes façons, c’est
très stimulant. More than an artisan, I work on willow and I am a
harvester, which links me to what I create. I love eve­
rything in my job, especially the freedom with which I
can express myself with different textures. My studio
is an Ali Baba’s cave where you can find floated wood,
roots, bark, stones and all sorts of materials. Textile is
natural fibers gathered together in order to create an
object. My first memories of basketry are of my grand­
father making baskets. Meeting other basket-makers
is always important and stimulating, for with the same
material we express ourselves in different ways.
Je ne vois désormais plus le textile que comme
ce produit noble issu des processus de la nature et
de l’experte lenteur artisanale. Celui des quantités
industrielles, des marques et des vitrines m’est
devenu invisible. Tout textile authentique, même
modeste, est une recréation du monde, à la fois
nature et culture, une célébration du beau qui sait
relier les êtres et les mondes séparés. Il est (a fortiori
dans le cas de la soie) à la fois seconde peau – utile,
sensuelle – et art d’images de choses oubliées ou en
deçà du langage. Il dit le génie humain – majoritaire­
ment féminin – qui, intime des écosystèmes locaux,
veut et sait en tirer l’expression concrète de valeurs
à la fois humbles et spirituelles. I now see textile only as a noble fabric coming
from natural processes and expert craftwork
slowness. Industrial textile, brand textile and win­
dow shop textile have become invisible to me. Every
genuine textile, even the cheapest, is a re-creation
of the world, both nature and culture, a celebration
of beauty which is able to tie together separate
people and worlds. Textile is (a fortiori in the case of
silk) both a second skin – convenient, sensual – and
an art of images of forgotten things or things that are
beyond language. Textile tells of the genius of
humans – mostly women – who, as close as they
are to local ecosystems, want and know how to
make the concrete expression of both humble and
spiritual values come out of it.
Sawangboran
Fondatrice de Sawangboran
à Bangkok en Thaïlande,
Rosanne Trottier promeut
et valorise le travail de teinture
et de tissage des artisans.
Founder of Sawangboran
in Bangkok, Thailand,
Rosanne Trottier promotes
weaving and dyeing craftwork.
JANAÏNA
MILHEIRO
Designer textile, installée à Paris,
France.
Textile designer in Paris, France.
En tant qu’artisan designer, je conçois et réalise
des textiles. Je propose des soieries artisanales
ainsi que des dentelles improbables et des brode­
ries. Le textile est pour moi un travail et un plaisir.
J’aime la création et la recherche textile, parcourir le
chemin sinueux qui va du projet à la réalité ou de la
matière à l’idée. J’aime vivre la création comme une
obsession qui aiguise l’œil et les pensées, qui
donne sens à ce qui nous entoure, qui offre une
lecture du monde, et révèle dans le moindre détail
une source d’inspiration.
Très tôt, j’ai été émerveillée par les costumes de
Peau d’Âne de Jacques Demy. Et du costume au
textile, des professeurs et des écoles parisiennes
m’ont guidée et enrichie ; Mme Hoffman au lycée
Paul-Poiret, M. Henry, professeur à Duperré d’une
broderie enthousiaste et créative et le département
de design textile de l’ENSCI spécialisé dans le tis­
sage. Mon atelier se trouve au cœur de Paris, dans
une pépinière d’entreprise : les Ateliers de Paris.
As a designer craftswoman, I conceive and make
textiles. I offer craft silk works as well as surprising
lace and embroidery. To me, textile is both work and
pleasure. I like textile creating and searching, going
all the way from a project to reality or from material to
idea. I like to live creation as an obsession which
sharpens the eye and thoughts, which gives meaning
to what surrounds us, which offers a vision of the
world and reveals a source of inspiration.
Very early in my life, I was amazed by the cos­
tumes in the movie Donkey Skin by Jacques Demy.
From costume to textile, teachers in Parisian schools
guided me and enriched me: Mme Hoffman at the
Lycée Paul-Poiret, M. Henry, teaching an enthusiastic
and creative approach to embroidery at Duperré, and
the Department of Textile Design at the ENSCI specia­
lized in weaving. My studio is in the heart of Paris, in a
business incubator called Les Ateliers de Paris.
ATELIER FRA
JOSÉPHINE
Catherine Brunel Chapuis
fait de l’impression au cadre
à Pesme, en Haute-Saône,
France.
Catherine Brunel Chapuis
practices frame printing
in Pesme, Haute-Saône, France.
Je suis artisan ennoblisseur textile, teinturière et
créatrice de tissus imprimés à la main, au cadre plat,
en majorité avec des colorants naturels et à partir de
dessins exclusifs. J’ai construit cette activité, à partir
de rien, ou plutôt à partir d’un seul savoir-faire tech­
nique. J’ai imaginé et bâti ce travail, comme on bâtit
un édifice. J’ai aménagé un atelier, inventé mes
outils, trouvé multiples solutions pour rendre pos­
sible une production viable.
Ce que j’aime, c’est mon quotidien laborieux fait
de jours variés et libres, scindé en deux univers dis­
tincts : l’un intérieur, l’autre extérieur. L’intérieur, c’est
l’atelier, le temps de la production, la création des
motifs, le travail de teintures et d’impressions, la
recher­che de nouvelles ma­tières, de nouvelles cou­
leurs, de nouvelles associations, de nouveaux procé­
dés... L’extérieur, c’est la rencontre des partenaires,
l’exposition du travail et sa validation indispensable
par les clients.
I am an artisan, a textile ennobler, a dyer and I
create hand-printed textiles, in flat frame, mostly with
natural colorings and from exclusive drawings. I built
this activity out of nothing, or rather from a mere
technical know-how. I imagined and built this job as
you build a building. I developed a studio, invented
my tools, found multiple solutions in order to make a
viable production.
What I like is my laborious everyday life, which is
made of varied days and is divided into two distinct
universes: one inside, the other outside. The inside
one is the studio, the moment of production, of
motif creation, of dyeing and printing, of search for
new materials, new colors, new associations, new
processes… The outside one is the relations with
partners, exhibition of the work and its validation by
my clients.
|
109
|
|
110
|
THE Showroom market
|
showroom
|
|
showroom
|
THE showroom market
AGNÈS
CALAS
Tisseuse sur métier à bras
à Paris, France.
Weaver on arm loom in Paris,
France.
Je me sens artisan car j’aime les ambiances
d’atelier. J’ai commencé à tisser chez une artisane de
Barcelone après des études de design. Ce qui m’a
particulièrement plu alors, c’est le rapport au temps
qui s’installe avec la pratique du tissage, la répétition
de gestes déterminés pour aboutir au tissu, qui libère
l’esprit comme une méditation. Cela paraît ascétique
expliqué comme ça et pourtant tous les sens sont en
éveil. Le toucher évidemment, qui m’a tant manqué
quand j’ai créé des tissus sur ordinateur, l’ouïe qui
ausculte les cliquetis du métier à l’affût de sonorités
incongrues, se laisse bercer par le bruit du rouet ou de
l’ourdissoir : les deux derviches tourneurs… L’odorat,
car chaque atelier a son odeur, et la vue, avec tous les
mélanges de couleurs des fils liés entre eux qui se
combinent à l’infini avec la magie d’un kaléidoscope.
Décrire mon atelier ? Le paradis fouillis ! Des livres,
des fils de toutes les couleurs, des tissus, des bouts
de papiers… Le textile c’est du lien.
I feel I am a craftswoman because I like the
atmosphere of a studio. I started weaving with a
craftswoman in Barcelona when I was studying
design. What I particularly liked then was the relation
to time which goes along with the practice of wea­
ving, the repetition of determined gestures to make
the fabric, which frees the mind like meditation. It
might sound ascetic yet all senses are awake. Touch
of course, which I missed so much when I created
fabrics on computers, hearing which watches the
clacking looking for abnormal noises. I am lulled by
the sound of the spinning wheel and the warping
machine – those two whirling dervishes… Smell, for
each studio has its own smell, and sight, with all the
color combinations of the threads infinitely linked
with each other like a kaleidoscope. How to describe
my studio? A heavenly mess! Books, threads of all
colors, fabrics, bits of paper… In the end, I would
say that textile creates ties.
MEGHANN
O’BRIEN
Myrte
Kilian
et Rugiada
Petrelli
Designers textile hollandaises
installées à Lyon dans le Rhône,
France.
Dutch textile designers working
in Lyon, Rhône, France.
Artiste textile, tisse et tresse
la laine et les fibres végétales
à Prince Ruppert au Canada.
As a textile artist, she weaves
and plaits wool and vegetal fiber
in Prince Rupert, Canada.
Nous sommes deux designers textile néerlan­
daises installées en France depuis plusieurs années
et diplômées de l’École Royale des Beaux Arts de La
Haye (Pays-Bas). Le plus important c’est le défi per­
manent de créer et d’explorer. Nous sommes très
attachées au travail manuel et minutieux, au contact
avec les matières. L’atelier est un lieu calme et pro­
pice à la création. Il y règne un esprit cosy, convivial
et ouvert ; comme on dit en néerlandais : gezellig !
(douillet).
Les textiles racontent toujours leur histoire. Ils
peuvent rappeler des émotions et des souvenirs que
l’on respecte et transforme dans nos créations.
C’est le fil conducteur de notre travail.
Nous sommes des filles ! Nos premiers souvenirs
sont liés à nos robes d’enfance avec des motifs très
colorés et des broderies partout ! Ensuite, l’École des
Beaux-Arts où nous avons appris ce que l’on met en
pratique aujourd’hui. Enfin notre rencontre et notre
travail au studio du designer néerlandais Tord Boontje.
We are two Dutch textile designers and we have
been living in France for a few years now. We both
graduated from the Royal Academy of Art in The
Hague (Netherlands). An important part of our work
is to challenge our creativity and to experiment. We
are very attached to precise handmade work and like
to feel our fabrics.
The studio is a quiet and convenient place dedica­
ted to creativity. The atmosphere at the studio is cozy,
friendly and open-minded; as we say in Dutch: gezellig!
Textiles tell their own story. They can bring back
emotions and memories that we respect and trans­
form in our creations.
Of course we are girls! Our first textile memories
are related to our childhood dresses and their color­
ful patterns and embroideries; then there was the
time we spent in the Art Academy learning most of
the techniques and skills we use today; and finally
the studio of Dutch designer Tord Bootje where we
first met and worked together.
Dans la langue kwakwala, mon nom est Kwax­
hi’laga, « la fumée qui sort de la partie supérieure de la
grande maison, invitant à venir à la fête et au potlatch1. » Je suis Haida, Kwakwakw’wakw. J’ai com­
mencé à tisser en 2007 et je me définis comme une
interprète du paysage naturel, comme un navire qui
se déplace à travers l’esprit et trouve une place dans
le monde physique et matériel. Je me définis moimême comme celle qui transforme, traduit et ancre
l’énergie. Dans mon travail, j’aime explorer le paysage
intérieur du corps. J’aime à créer des lignes d’énergie
en moi, reflet du travail que je vois se dérouler devant
moi. Tout en travaillant, je médite sur ces lignes
d’énergie, les contemple, et les laisse développer et
déployer leurs sens successifs. Ces lignes existent
comme les fils d’une trame, se
déplacent horizontalement et verti­
calement, se croisent en moi au
moment présent, à l’intersection
du passé et du futur.
1
érémonie basée sur des échanges
C
de dons
My name in the Kwakwala language is Kwax­
hi’laga, which means “smoke coming out of the top
of the big house, welcoming people to come feast
and potlatch1”. I am a Haida, Kwakwakw’wakw
woman. I have been weaving since 2007 and I
define myself as an interpreter of the natural lands­
cape, a vessel whose spirit moves around to find a
place in the physical and material world. I define
myself as one who transforms, translates, and
anchors energy. In my work I like to explore the inner
landscape of the body. I enjoy creating lines of
energy within myself; a reflection of the work I see
then unfolds before me. When I work I meditate on
these lines of energy, I contemplate them, and let
their layers of meaning develop and unfold. They
exist as an axis, running horizontally and vertically,
intersecting inside me at the present moment, the
moment when past meets future.
1
Ceremony based on the exchange of gifts.
|
111
|
Métamorphoser
la
ville
THE METAMORPHOSIS
OF THE CITY
The Metamorphosis of the city
|
MÉTAMORPHOSER LA VILLE
|
|
Chroniques
textiles
TEXTILE
CHRONICS
Prêter un textile porteur d’un souvenir extraordinaire,
l’accompagner d’un texte bref et le présenter dans la
vitrine d’un magasin du centre historique de ClermontFerrand, telle est la proposition à laquelle 28 Clermontois
d’un jour ou de toujours ont accepté de répondre :
28 textiles, 28 souvenirs, 28 vitrines.
Lending a textile which bears an extraordinary memory,
writing a short text about it and presenting it in the
window of a shop in downtown Clermont-Ferrand,
this is what 28 people, inhabitants of the city
or guests, accepted to do: 28 textiles, 28 memories,
28 shop windows.
Il y a ceux rapportés de périples au bout du
monde, transformant les histoires en épopées. Il y a
ceux qui évoquent des instants effacés de l’Histoire.
Il y a ceux créés à partir de traces pour ne pas oublier
un proche. Certains sont fragiles et disent que sans
leur souvenir ils ne sont plus rien que de simples
bouts de tissus. D’ici ou d’ailleurs, anciens ou
récents, banals et pourtant si intimes les textiles que
nous décidons de garder sont autant d’extraits de
mémoire. Ces objets prêtés et rendus un temps
visibles, dévoilent l’intimité de ceux qui veulent bien
les laisser voir. La vitrine, interface entre l’espace
public de la rue et l’espace privé de la boutique, est
le théâtre de ces indiscrétions.
Déambuler dans la ville devient une invitation au
voyage vers l’Algérie, la Mongolie, la Chine, la Syrie, la
Turquie, la Caroline du Nord, la Géorgie, la Roumanie, le
Bénin, l’Egypte, le Vietnam, l’Indonésie... Une nouvelle
géographie se dessine au cœur même d’une ville
d’Auvergne. Les rues tortueuses sont autant de pas­
sages labyrinthiques d’une contrée à une autre. C’est
un voyage dans le temps, entre les années folles et
l’Egypte antique, vers des époques désormais révolues,
balayées par des révolutions ou des indépendances.
Les textiles extra ordinaires le sont avant tout
pour ceux qui les regardent et qui les considèrent
ainsi, et cela bien au-delà de leur valeur marchande.
Ils évoquent les moments que nous avons en com­
mun, ayant partagé les mêmes voyages, les mêmes
époques. Ils viennent faire revivre nos propres sou­
venirs par la rêverie.
Some of them come from trips to the end of the
world, they transform stories into epics. Some of
them conjure up moments erased from historical
times. Some of them have been created from traces
in order no to forget a close friend. Some of them are
fragile and say that without the memory they hold
they are nothing more than mere bits of fabric. From
here or from elsewhere, old or new, common and yet
so intimate, the textiles we decide to keep are
memory bits. These lent objects, visible by all for a
while, unveil the intimacy of those who were kind
enough to offer them to view. The window shop,
intermediary between the public space of the streets
and the private space of the shops, is the setting for
these revelations.
Wandering through the city becomes an invitation
to travel to Algeria, Mongolia, China, Syria, Turkey,
North Carolina, Georgia, Romania, Benin, Egypt,
Vietnam, Indonesia… A new geography is drawn in
the heart of the Auvergne city. The sinuous streets
are parts of a maze leading from one country to ano­
ther. This is time-travelling, between the Roaring
Twenties and Ancient Egypt, to times now gone,
pushed away by revolutions or independences.
Extra ordinary textiles are extra ordinary first to
those who look at them and who consider them so,
beyond their market value. They conjure up moments
we have in common, since they shared the same
travels, the same times. They are here to make us
re-live our own memories through dreams.
­— Sylvie Daubord Vauchet
|
­— Valérie Baffier
114
­— Thomas Leveugle
|
MÉTAMORPHOSER LA VILLE
|
The metamorphosis of the city
En 1994, dans un hôpital de Seine-Saint-Denis,
des membres du personnel hospitalier et enseignant
ont monté une petite troupe de théâtre appelée
« ASPIRIRE » dont le but était de présenter un spec­
tacle de Noël aux enfants hospitalisés en pédiatrie.
Pendant dix ans, deux pièces ont été montées
chaque année et présentées aux enfants, puis au
personnel et à des écoles de la commune. Une
année, ayant choisi une pièce de Molière, nous avons
contacté la Comédie Française et cette grande mai­
son a bien voulu nous prêter des costumes piochés
dans ses grandes réserves. L’expérience fut renouve­
lée et ce fut un moment émouvant pour nous d’aller
tous les ans, en novembre faire des essayages en
fonction des personnages des nouveaux spectacles.
Lors d’une vente exceptionnelle de costumes réser­
vées aux troupes de danse et de théâtre, nous fûmes
invités et j’acquis ce modèle en souvenir de ces
moments merveilleux.
Aujourd’hui, ASPIRIRE n’existe plus et Jacque­
line, notre amie, nous a quittés. De retour à Clermont
depuis plusieurs années, cette dédicace est ma
façon de leur rendre hommage.
In 1994, in a Seine-Saint-Denis hospital, mem­
bers of the hospital and teaching staff created a
small theater company called “ASPIRIRE” whose
objective was to present Christmas shows to kids
staying in the pediatric unit of the hospital.
For 10 years, they prepared two plays every year
which they performed before the kids then the staff
and also in local schools. One year, as we had cho­
sen a play by Molière, we contacted the Comédie
Française and this great theater institution was kind
enough to let us borrow costumes from their
reserves. It happened again every year and it was
always a pleasure for us to go there every November
and try new costumes according to our new roles.
On the occasion of an exceptional sale of costumes
reserved to dance and theater companies, I bought
this one in memory of those wonderful times.
Today ASPIRIRE is no more and our friend Jac­
queline has left us. Returning to Clermont after seve­
ral years, these few words are my way of paying
tribute to them.
Nous sommes en 1959, ma mère se procure un
coupon pour se confectionner une robe pour son bal
de conscrit, c’est l’année de ses 20 ans. Elle est
encore en apprentissage chez « Madame Camille »
afin de devenir couturière, elle travaille avec le fils de
cette dame qui crée des manteaux de fourrure. Cette
robe sera une de ses premières créations person­
nelles. Parallèlement le contexte historique entraîne la
mobilisation de mon père qui se voit affecté au corps
des parachutistes et envoyé en Algérie où il restera
plus de deux ans. Il se trouve donc qu’il ne pourra être
présent lors du fameux bal de classe. Cette robe est
un souvenir que je compte aussi transmettre à ma fille
car elle représente une part révélatrice de ma mère
disparue en 2005.
Exposer cette robe permet à mes proches de faire
revivre un peu de l’âme de ma mère et perpétuer son
souvenir, je pense qu’elle serait fière de voir son travail
exposé et apprécié.
The year is 1959, my mother gets a coupon to
make a dress for her draftee ball. That year is her
20th. She is still training at Madame Camille’s to
become a dressmaker, she works with this lady’s
son who creates fur coats. This dress will be one of
her first personal creations. At the same time, the
historical context leads to the mobilization of my
father who becomes a paratrooper and is sent to
Algeria where he will stay for more than two years.
Therefore he won’t be at the ball. This dress is a
memory I shall pass on to my daughter for it repre­
sents a revealing part of the life of my mother who
passed away in 2005.
Exhibiting this dress allows my close relatives to
experience a bit of my mother’s soul and allows her
memory to live on; I think she would be proud to see
her work exhibited and appreciated.
|
115
|
116
|
The Metamorphosis of the city
|
MÉTAMORPHOSER LA VILLE
|
|
Séances de tricot lors de la Nuit des Musées
(19 mai 2012) et de la Journée Mondiale
du tricot (9 juin 2012).
Essai de tricotin en situation urbaine.
Knitting sessions during the Night of
Museums (May 19 2012) and the World
Knitting Day (June 9 2012).
Trying to use the spool knitter in the city streets.
­— Thomas Leveugle
|
Acte I :
Tricoter
la ville
Act I:
Knitting
the city
Les projets tricotés et crochetés créent dans
l’espace urbain des moments festifs et collaboratifs.
En amont, dans différentes villes françaises et euro­
péennes, tricoteuses et crocheteuses pensent et
réalisent ensemble. Tricots et crochets viennent
jouer avec l’architecture du musée Bargoin, produi­
sant un lieu d’expression et un nouvel espace
d’échanges dans la ville.
Ces rencontres assouplissent les lignes du bâti­
ment et proposent un autre regard sur le tricot. Une
multitude de carrés au crochet multicolores viennent
souligner l’élan vertical des colonnes du musée Bar­
goin évoquant les quatre éléments que les Hommes
ont en partage.
Tricoter la ville permet d’appréhender le tricot
dans une dimension extraordinaire et surdimension­
née transformant les espaces de frontières en
espace de liens. Les longues bandes de jersey de
quarante mètres de long, faites à plusieurs mains
expertes, deviennent le fil à tricoter de Clermontois
curieux d’approcher ce tricotin géant. L’habillage des
grilles s’accompagne de leur déshabillage, métamor­
phosant de manière impermanente l’image de la ville.
La grille devient, telle une partition, le support de
rythmes colorés.
La styliste lyonnaise Agnès Dominique dit Cabanes
a évalué la faisabilité du projet et l’a rendu accessible
au plus grand nombre. La filature Fonty de Rougnat
dans la Creuse, dernière entreprise française à filer et
teindre sa laine, a donné la matière nécessaire. Pen­
dant l’été, la médiathèque de Jaude s’est emparée de
l’idée en proposant des ateliers d’initiation, aidée par
les membres du Kfé Tricot de la ville.
Ici comme ailleurs, les pratiques pensées comme
obsolètes par les jeunes – tricot, crochet, broderie –
sont à redécouvrir en tant que pratiques apparemment
banales mais porteuses de savoir-faire extraordinaires.
Ainsi, la sauvegarde et la mutualisation des connais­
sances s’appuient sur l’envie de « faire par soi-même »
en recréant les liens entre les générations.
Knitted and crocheted pieces bring festive and
collaborative moments in the urban space. First, in
various French and European cities, women knitters
and crocheters thought and worked together. Then
knitted and crocheted works have been put to play
with the architecture of the Musée Bargoin, produ­
cing a place of expression and a new space for
exchange in the city.
These encounters soften the lines of the building
and offer a different vision of knitting. A multitude of
multicolored crochet squares highlight the verticality
of the columns of the Musée Bargoin, conjuring up
the four elements human beings all share.
Knitting the city allows to approach knitting in an
extraordinary and oversized dimension which trans­
forms border spaces in bonding spaces. The
40-meter-long jersey stripes, made thanks to several
expert hands, become the thread for the inhabitants
of Clermont, curious to approach this giant spool
knitter. The covering of the gates comes with their
uncovering, transforming in an ephemeral manner
the image of the city. Like a music score, the gates
become the medium for colored rhythms.
Stylist Agnès Dominique aka Cabanes, from
Lyon, assessed the feasibility of the project and
made it accessible to as many people as possible.
The mill Fonty de Rougnat in the Creuse region – the
last French company to spin and dye its wool – gave
away the material. During the summer, the Jaude
media library seized the idea and offered initiation
workshops, with the help of the city’s Kfé Tricot.
Here as elsewhere, practices young people see
as obsolete – knitting, crocheting, embroidery – can
be rediscovered as apparently common practices
but bearing extraordinary know-hows. The safeguar­
ding and pooling of knowledge can then rely on the
willingness to “do it yourself” by recreating bonds
between generations.
MÉTAMORPHOSER LA VILLE
|
The metamorphosis of the city
|
117
|
118
|
­— Christine Bouilloc
|
The Metamorphosis of the city
|
MÉTAMORPHOSER LA VILLE
|
Acte II :
Tricot’off
Act II:
Tricot’off
Le premier plaisir fut celui de se rencontrer autour
du projet du Festival International des Textiles Extra
ordinaires. Cette idée incroyable, mûrie par l’Asso­
ciation HS_Projets, fit très vite des émules. Le pro­
gramme « In » avançait à grand pas, artistes et
artisans de renom répondant avec enthousiasme à
cette première manifestation. Mais c’était sans
compter le dynamisme galopant des tricoteuses
clermontoises, regroupées au sein du Kfé Tricot,
institution hédoniste reconnue d’utilité publique par
chaque membre actif. Elles n’en étaient pas vraiment
à leur première action et leur adhésion au projet
« Off » fut rapide.
Constituée d’une soixantaine de tricoteuses / cro­
cheteuses de tous âges, cette assemblée fait feu de
toutes laines et cotons. L’idée de vêtir la ville en fit
trépider plus d’une. Mais comment ? Avec quelle
matière première ? Où ? Très vite les idées s’en­
chaînent et leurs concrétisations s’imposent. Phildar
décide alors de rentrer dans l’aventure fournissant
laines et aiguilles. Le Festival ayant pour principaux
lieux d’activité le musée Bargoin et le Centre BlaisePascal, il est décidé que les actions tricotées se
dérouleront dans la rue Ballainvilliers, axe reliant ces
deux entités. Les arbres sont alors inventoriés et pro­
posés pour un habillage en binôme. C’est l’eupho­
rie… Des bonnets et écharpes de laine prendront
place sur les pots à feu de la fontaine obélisque
proche du musée. Quelle énergie ! L’été sera studieux,
le kit tricot sera de mise à la plage ou en montagne…
Parée de couleurs éclatantes, la rue s’est méta­
morphosée. Bien au-delà d’une installation ludique,
ce travail résume à lui seul l’esprit du Festival :
prendre du plaisir à faire avec autrui, partager ses
acquis, réaliser ensemble et offrir aux regards de
tous, des créations jouissives, témoins d’une activité
humaine solidaire et généreuse.
The first pleasure was to meet around the project
of the International Festival of Extra ordinary Textiles.
This incredible idea, thought over by the Association
HS_Projets, quickly gained supporters. The “in” pro­
gram was quickly developing – reputed artists and
craftspeople enthusiastically taking part in this first
edition. But let’s not forget the dynamism of Clermont
knitters, gathered around the Kfé Tricot, a hedonistic
state-approved institution. It was not their first initia­
tive and they were quick to support the “off” project.
Composed of around 60 knitters/crocheters of all
ages, this group is ready for everything when it
comes to wool and cotton. The idea of dressing up
the city sounded exciting to them. But how? With
which material? Where? Very quickly, ideas deve­
loped and choices needed to be made. The Phildar
company then decided to enter the game by provi­
ding the wool and needles. The Festival being mainly
set in the Musée Bargoin and the Centre Blaise
Pascal, it was decided that the knitted pieces would
be covering the rue Ballainvilliers, in the axis linking
both institutions. The trees there have been selected
and each has been dressed up by two knitters. What
a great time! Wool hats and scarves have been put
on the stone fire pots of the obelisk-fountain close to
the museum. What a lot of energy that means! The
summer was industrious, knitting kits were brought
on the beach or in the mountains during the holy­
days in order to get everything ready…
Adorned with bright colors, the street transfor­
med. Far beyond the playful installation, this work
alone sums up the spirit of the festival: having a nice
time making something with other people, sharing
what you know, working together and offering to
everyone the pleasure to see these brilliant examples
of human solidarity and generosity.
tisser
du
lien
WEAVING
BONDS
|
122
|
WEAVING BONDS
|
TISSER DU LIEN
|
|
remerciements
Le sens du
parte­nariat,
le sens du
territoire
Le partenariat se tisse au fur
et à mesure de la rencontre avec
le territoire. Le partage d’idées
entre l’association HS_Projets
et le musée Bargoin amène
la Ville de Clermont-Ferrand
à s’engager dans l’aventure.
La DRAC Auvergne, le Ministère
de la Culture et de la Communi­
cation, le Conseil régional
d’Auvergne, le Conseil général
du Puy-de-Dôme, ClermontCommunauté, etc. se joignent
aussi au Festival.
Les liens, par ces institutions
et les personnes référentes
en leur sein, ont réellement créé
la base du panier et le point
de départ du projet. Puis
la dynamique de projet a maillé,
elle aussi, l’espace par les lieux,
écoles, entreprises et personnes.
Le territoire clermontois devient
l’assise de la scène textile
internationale qui naît, proposant
le festival durant 5 jours. Il réunit
les actions et les projets qui
se sont déroulés durant une
année ou plus en Auvergne,
en Rhône-Alpes, en Languedoc
Roussillon. Il crée une synergie
et une dynamique de territoire
plus large proposant sa ville,
Clermont-Ferrand comme théâtre
de restitution à la fois des projets
et des contacts établis.
À tous,
un grand merci…
La mise en œuvre du Festival
a mobilisé un grand nombre
d’acteurs. Nous souhaitons
exprimer ici toute notre gratitude
et notre reconnaissance aux
structures qui accueillent le
Festival et à toutes les équipes
et stagiaires qui se sont impliqués
et mobilisés pour rendre sa
programmation possible.
Nous remercions les créateurs,
artisans, designer, artistes avec
qui nous avons souvent échangé
pour comprendre leur travail et
leur démarche afin de transmettre
au mieux ce savoir-faire et
savoir-être au plus grand nombre
par le biais de l’exposition
Métamorphoses – pour laquelle
ils ont proposé des créations
inédites – et des Rencontres du
FITE. Nous les remercions
d’accepter cette invitation
à venir en France à ClermontFerrand. Nous remercions
également tous les photographes
qui nous ont autorisés à utiliser
leurs clichés à la fois dans
l’exposition et la publication
du Festival.
Nous remercions les « prêteurs »,
musées et collec­tionneurs qui ont
permis à l’exposition Métamorphoses de présenter des pièces
d’exception.
Nous remercions les « prêteurs
de souvenirs », celles et ceux
qui se sont prêtés au jeux
des Chroniques textiles :
Catherine Avenel, Marie-Claire
Bataille, Madame Bouret, Claire
Brizon, Nathalie Candito,
Christine Couasnon-Cibulsky,
Sylvie Daubord-Vauchet,
Élisabeth Debras, Régine Gaud,
Joana Gosly, Constance Hirsch,
Marie-Paule Imberti, Nia Ismoyo,
Myrthe Kilian, Iris Kiiskinen,
Vincent Lemarchands, PierreYves Loup-Forest, Claude
Mabele, Nana Metreveli, Malika
et Margueritte association Espoir
de Femme, Shantala Morlans,
Anna-Maria Orban, Mariam
Partskhaladze, Cheryl Raman,
Valérie Baffier, Mireille Vallet,
Arnaud Zohou et Inge de Zutter.
Nous remercions tous
les élèves et enseignants des
différents établissements qui
nous ont ouvert leurs portes,
notamment les élèves
(Lison Barbier, Florentin Bodet,
Laurie Cazot, Zoé Drault, Jeanne
Hochberg, Pauline Huard, Céline
Landrieau, Laura Mondaine,
Marion Parfait, Éléonore Riondet,
Alexia Schroeder, Élise Speicher),
les enseignants (Bruno Venturelli,
Emmanuelle Brossard), le pro­viseur et le proviseur adjoint
du Lycée Diderot/La Martinière,
Lyon, qui ont réalisé une cabine
d’essayage en textiles étroits
(rubans) donnés par l’entreprise
Satab à Saint-Just-Malmont
en Haute-Loire.
Nous remercions les membres
du Comité ressource de l’Asso­
ciation HS_Projets qui, depuis la
création de l’association en 2008
se retrouvent bénévolement deux
fois par an à Lyon et à ClermontFerrand pour construire le Festival,
faire évoluer l’idée de biennale
textile à Festival International
des Textiles Extra ordinaires.
Nous remercions Yannick
Condomines, Gérant fondateur
de Transit Ex Machina de
Clermont-Ferrand qui nous a
accompagnés dans l’organisation
de la venue des œuvres pour
l’exposition Métamorphoses
et des textiles pour le Showroom.
Nous remercions tous ceux
qui ont permis la venue des
artistes et artisans, en particulier
Martine Reid de la Bill Reid Gallery
de Vancouver pour son aide
à la venue de Meghann O’Brien
ainsi que la Galerie Continua
à San Gimignano, Italie.
Nous remercions les bénévoles
qui constituent l’équipe d’accueil
et d’accompagnement du Festival
et particulièrement les Clermontois
dont certains reçoivent des
personnes du Festival chez eux,
ainsi que toutes les petites mains
au grand cœur dont nous
ne pouvons citer tous les noms
ici ; les soixante tricoteuses
du groupe du Kfé-tricot de
Clermont-Ferrand, et particulière­
ment Shantala Morlans, Gaëlle
Guery, Aude Depalle et Marie
Deschamps ; les trente-deux
participants des groupes
de patchwork du centre
Joseph-Gaidier de Riom, ainsi
que les personnes du groupe
Réseaux des échanges et des
savoirs ; Christelle Bastide, sa
maman et les tricoteuses de la
région de Vichy ; les tricoteuses
du Lyon qui tricotent menées par
Agnès et Nadège ; le groupe Knit
in Marseille et Aurélie pour leur
bande de jersey ; Bintou Loum
de intheloop, Gaëlle Aka de Knit
Spirit et Emmanuelle
de French Knits Etsy pour
leurs articles ; Christine qui vit
en Ardèche pour ses traductions
de fiche tricot, Myrthe Ara Kilian
et les apprenties tricoteuses
du mercredi soir ; Monique
de Lyon, Eugénie de Bordeaux,
Gina de Suède, Barbara
d’Allemagne, Al Harrasch et son
fameux tricotin, ainsi que tous
ceux et celles qui se sont
essayés au crochet avec l’aide
de Cécile Taylor.
Nous remercions Mediafix
& Partners pour son investissement
pour le FITE et sa disponibilité,
ainsi que l’équipe de Gares
et Connexions Rhône Alpes
Auvergne qui a choisi notre
événement pour se donner
une nouvelle identité.
Nous remercions enfin tous
nos partenaires cités ci-après
qui ont œuvré à nos côtés
à la réalisation de ce projet
et toutes les personnes qui,
au sein de ces différentes
institutions, musées, écoles,
associations, entreprises,
boutiques nous ont aidés,
conseillés, permis de créer
des passerelles entre les uns
et les autres afin de donner
naissance au FITE et à ses
différents événements.
Acknoledgements
The meaning
of partnership
and the meaning
of territory
Partnerships develop
as the territory is discovered.
The HS_Projets Association
sharing ideas with the Musée
Bargoin led to the involvement
of the City of Clermont-Ferrand
in the adventure. Then the DRAC
Auvergne, the Ministry of Culture
and Communication, the Conseil
Régional d'Auvergne, the Conseil
Général du Puy-de-Dôme,
Clermont-Communauté, etc.
all joined the Festival.
It is really the links with these
institutions and the people in charge
within them which have created
the basis and the starting point
of the project. Then the project
dynamics developed a grid
including the spaces, the schools,
the companies and the people.
The Clermont territory has become
the heart of the international textile
scene in the making, offering
a 5-day-long festival. The Festival
gathers the actions and projects
which developed for a year or
more in the regions of Auvergne,
Rhône-Alpes, Languedoc
Roussillon. It created a wider
territory synergy and dynamics to
offer its city – Clermont-Ferrand –
as a setting for the rendering
of both projects and contacts.
Thanks to you all…
The Festival mobilized a great
number of people. We would like
to express our gratitude here to
the structures hosting the Festival
and all the staff and trainees who
committed themselves in order to
make every event of the program
take place in the best conditions.
We would like to thank all the
creators, craftspeople, designers,
artists with whom we exchanged
a lot to understand their work
and approach in order to pass
on their know-how and way
of being to the biggest crowd
through the exhibition
Métamorphoses – for which
they suggested never seen
before creations – and the FITE
meetings. We are grateful that
they accepted our invitation
to come to France in ClermontFerrand. We also thank all the
photographers who let us use
their images both in the exhibition
and the catalogue.
We wish to thank the “lenders”
– museums and collectors –
who made it possible to exhibit
outstanding pieces in the
exhibition Métamorphoses.
We would also like to thank
the “souvenir lenders”, people
who played the game of the
Textile Chronics: Catherine Avenel,
Marie-Claire Bataille, Madame
Bouret, Claire Brizon, Nathalie
Candito, Christine CouasnonCibulsky, Sylvie Daubord-Vauchet,
Elisabeth Debras, Régine Gaud,
TISSER DU LIEN
Joana Gosly, Constance Hirsch,
Marie-Paule Imberti, Nia Ismoyo,
Myrthe Kilian, Iris Kiiskinen,
Vincent Lemarchands, Pierre-Yves
Loup-Forest, Claude Mabele,
Nana Metreveli, Malika
et Margueritte, association Espoir
de Femme, Shantala Morlans,
Anna-Maria Orban, Mariam
Partskhaladze, Cheryl Raman,
Valérie Baffier, Mireille Vallet,
Arnaud Zohou and Inge de Zutter.
We wish to thank all the students
and teachers from the various
schools which opened their gates
to us, especially the students
(Lison Barbier, Florentin Bodet,
Laurie Cazot, Zoé Drault, Jeanne
Hochberg, Pauline Huard, Céline
Landrieau, Laura Mondaine,
Marion Parfait, Eléonore Riondet,
Alexia Schroeder, Elise Speicher),
the teachers (Bruno Venturelli,
Emmanuelle Brossard), the
principal and vice principal
of the Diderot/La Martinière High
School in Lyon, who made
a fitting room in made of textiles
(ribbons) offered by the Satab
company in Saint-Just-Malmont,
Haute-Loire.
We also would like to thank
the members of the Resource
Committee of the HS_Projets
Association which, since the
creation of the association in 2008,
voluntarily meets twice a year
in Lyon and Clermont-Ferrand
to organize the Festival, and
transformed the idea of a textile
biennale into the International
Festival of Extra ordinary Textiles.
We thank Yannick Condomines,
founder-manager of Transit Ex
Machina in Clermont-Ferrand,
who helped us with the organiza­
tion of the shipping of the works
for the exhibition Métamorphoses
and the textiles for the Showroom.
We thank all the people who
enabled the presence of the
artists and craftspeople, especially
Martine Reid from the Bill Reid
Gallery in Vancouver for her help
in making Meghann O’Brien come,
as well as Galerie Continua in
San Gimignano, Italy.
We thank all the volunteers
who make up the welcoming
staff of the Festival and especially
the people of Clermont who
welcomed guests in their homes.
We also thank all the people
|
WEAVING BONDS
with a big heart although
we can’t name them all here:
the sixty knitters of the Kfé-Tricot
group in Clermont-Ferrand,
especially Shantala Morlans,
Gaëlle Guery, Aude Depalle and
Marie Deschamps; the thirty-two
participants of patchwork groups
from the Centre Joseph-Gaidier
in Riom, as well as the people
from the group Réseaux
des échanges et des savoirs;
Christelle Bastide, her mother
and the knitters of the region
of Vichy; the knitters from Lyon
who knit led by Agnès et Nadège;
the group Knit in Marseille
and Aurélie for their jersey strap;
Bintou Loum from intheloop,
Gaëlle Aka from Knit Spirit and
Emmanuelle from French Knits
Etsy for their articles; Christine,
who lives in Ardèche for her
translations of knit cards, Myrthe
Ara Kilian and the Wednesday
night training knitters; Monique
from Lyon, Eugénie from
Bordeaux, Gina from Sweden,
Barbara from Germany, and all
those who tried crocheting
with the help of Cécile Taylor.
We would like to thank
Mediafix & Partners for being
so much involved in the FITE
and always ready to help, as
well as the team from Gares
& Connexions Rhône Alpes
Auvergne for choosing our event
as their new identity.
Last but not least, we thank
all our partners mentioned
hereafter. They worked side
to side with us for the realization
of this project, and all the people
who, within these various
institutions, museums, schools,
associations, private companies
and shops, helped us, advised
us, allowed us to create bridges
between all the people in order
to develop the FITE and the
different events.
|
123
|
|
124
|
WEAVING BONDS
|
TISSER DU LIEN
|
|
partenaires
partnerships
PARTENAIRES PUBLICS
PUBLIC PARTNERS
UNESCO
Fondation Anna Lindh pour le dialogue interculturel
Ministère de la Culture et de la Communication
DRAAF Auvergne, Direction régionale de l’alimentation de l’agriculture
et de la forêt d’Auvergne
Conseil régional d’Auvergne
Conseil général du Puy-de-Dôme
Clermont-Communauté
Ville de Riom
Musée Guimet d’arts asiatiques, Paris
Musée du quai Branly, Paris
École supérieure d’art et design de Saint-Étienne, Loire
CCSTI, La Rotonde, Saint-Étienne, Loire
Lycée Marie-Laurencin, Riom, Puy-de-Dôme
EPL du Bourbonnais, Neuvy, Allier
Lycée La Martinière Diderot, Lyon, Rhône-Alpes
PARTENAIRES PRIVES
PRIVATE PARTNERS
Bambouseraie de Prafrance, Anduze, Gard
Phildar
Fonty
Fondation la Poste
Sauve qui peut le court métrage, Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme
Agnès Dominique dit Cabannes, Lyon, Rhône-Alpes
SATAB, Saint Just Malmont, Haute-Loire
Tissages Joubert, Ambert, Loire
Hôtel Kyriad Centre, Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme
Côtélac, Ambérieu-en-Bugey, Rhône-Alpes
Grain de couleur, Valsonne, Rhône-Alpes
Organisation
des Nations Unies
pour l’éducation,
la science et la culture
Sous le
patronage
de l’UNESCO
paroles
de partenaires…
Words
from
Partners…
Notre histoire est de matière
textile. Par leur lettre et leur
esprit, leur nature et leur objet,
les liens tissés entre Cotélac
et le FITE suivent des fils
communs : la valorisation
d’un savoir-faire, le respect
d’une tradition, la recherche
de l’extraordinaire. Et parce que
tous les commencements sont
beaux et audacieux, Cotélac est
fière d’être partenaire de cette
première édition du FITE.
Our history is made of textile
material. Their nature and objective
make the links established
between Cotélac and the FITE
have common threads: the
encouragement of know-hows,
the respect of a tradition,
the quest for the extraordinary.
And because all beginnings
are beautiful and audacious,
Cotélac is proud to be a partner
of this first edition of the FITE.
“France 3, partner of all cultures. Local, regional, national news”
TISSER DU LIEN
Gares & Connexions, 5e branche
SNCF, a pour ambition de faire
des gares des lieux de vie, au
cœur de la ville et se veut au plus
proche des voyageurs. Ouvrir
les gares à la culture et la faire
partager au plus grand nombre
y participe pleinement. Outre
sa participation à de nombreux
évènements culturels dans toute
la France, la branche, représentée
par son Agence Gares RhôneAlpes Auvergne, accompagne
divers évènements culturels
régionaux particuliers. Le choix
d’un partenariat avec le Festival
International des Textiles Extra
ordinaires s’inscrit dans cette
démarche. La découverte des
gestes, des ouvrages, des lieux,
des populations permettra aux
voyageurs de s’évader quelques
instants, pénétrer au cœur d’une
autre culture ou simplement
laisser la place à leur imaginaire.
Patrick MOIRIAT, SNCF Gares
et Connexions, Responsable
Communication Relations
Institutionnelles Agence
Gares et Connexions
Rhônes-Alpes Auvergne
Mediafix & Partners, Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme
Gares et Connexions, Rhône Alpes Auvergne
Picto Rhône Alpes, Vénissieux
GDAO, Romagnat, Puy-de-Dôme
Gares & Connexions, 5th SNCF
branch, aims at making train
stations lively spaces in the heart
of cities. It aims at getting closer
to the travelers. Welcoming
culture in train stations and making
culture available to the largest
crowd is one way to achieve
such a thing. Apart from taking
part in numerous cultural events
everywhere in France, the branch,
represented by its Agency
Gares Rhône-Alpes Auvergne,
is associated to various regional
cultural events. The choice of
partnership with the International
Festival of Extra ordinary Textiles
is a result of this approach.
The discovery of gestures, works,
places, populations will allow
travelers to escape for a few
moments, to penetrate into the
heart of another culture or simply
let their imagination wander.
PARTENAIRES MEDIA
MEDIA PARTNERS
Patrick MOIRIAT, SNCF: Agency
Gares et Connexions RhônesAlpes Auvergne
La Fédération Clermont-Commerce, son président
Stanislas Renié, sa vice-présidente Danièle Quinty,
et en particulier les commerces : Carrément Soie - Temps Thé Danièle boutique - Aniline - Objectif découverte - Les Fantaisies
de Lola - Chapeau D. Chartoire - Pussycat - Roche Bobois Librairie Les Volcans - Boutique Michelin - L’Escarpin - Efibel Françoise Prugne Décoration - Les loulous de Lily - Nos racines
d’Auvergne - Café Thomas / café Sympa - La Boutique Coutellerie Bernard Leblay ébeniste - Le bazard de Maé - Atelier - Joël Besset La Pochothèque - Chantal Mercier - Naturellement - Lord Chou /
Lady Rose - MUR - Calypso Dalbe
PARTENAIRES COMMUNICATION
COMMUNICATION PARTNERS
France 3 Auvergne
|
WEAVING BONDS
Mediafix et le musée Bargoin :
une histoire de métamorphoses.
Depuis notre rencontre, en 1998,
nous n’avons cessé de nous
métamorphoser et de nous
accompagner au fil des expositions
et des (r)évolutions de chacun.
Mediafix et le mécénat culturel :
une histoire durable.
Depuis plus de 10 ans, nous
l’avons développé avec passion
pour de nombreux acteurs
régionaux : le FRAC Auvergne,
la Biennale du carnet de voyage,
l’Orchestre Sostenuto, le Centre
Lyrique d’Auvergne, mais jamais
avec… le musée Bargoin !
Il fallait bien un festival international
extraordinaire pour réparer
cette anomalie.
Un grand merci à toute l’équipe
du musée, qu’il continue de se
métamorphoser en échappant
à la malédiction Kafkaïenne…
Mediafix and the Musée Bargoin:
a story of metamorphosis.
Since we met in 1998 we have
kept on transforming and following
each other along the exhibitions
and (r)evolutions we each organized.
Mediafix and cultural patronage:
a sustainable story. For more than
10 years, we have passionately
developed the patronage for
numerous regional institutions:
the FRAC Auvergne, the Biennale
of Travel Journals, the Orchestra
Sostenuto, the Lyrical Center of
Auvergne, but never… the Musée
Bargoin! This anomaly was to be
corrected with an Extraodinary
International Festival.
We wish to thank all the staff
at the Museum, may it keep
on transforming all the while
avoiding the Kafkaesque curse…
|
125
|
|
126
|
Credits
|
Crédits
|
|
Crédits
textes
Text
Credits
Christine Athenor — Directrice d'HS_Projets, coordinatrice du FITE
Gérard & Huê Boivineau — Ancien Consul Général de France à Hô Chi Minh Ville et son épouse
Christine Bouilloc — Directrice du musée Bargoin
Claire Brizon — Chargée de mission conservation en musée, chargée du Showroom du FITE
Sophie Caillol & Francis Dravigny — Fondateurs de la société Parsi, Lyon
Diane Cazelles — Journaliste
Catherine Choron-Baix — Directrice de recherche au CNRS, (Laboratoire d’anthropologie urbaine, Ivry)
Michèle Coquet — Anthropologue, CNRS
Mickael Cotte — Conseiller en communication
Françoise Cousin — Ethnologue, ancienne responsable de l’Unité patrimoniale textile, musée du quai Branly
Louis Dubreuil — Collectionneur de textiles et costumes ethniques
Patricia Gérimont — Auteur de Teinturières à Bamako, Paris, 2008 et co-réalisatrice de Dames de couleurs,
film documentaire, 2012
Anne Grosfilley — Ethnologue, spécialiste des textiles africains, auteur de Maximum wax, Éditions matière, Montreuil
(à paraître, 1er semestre 2013)
Vincent Lemarchands — Designer, enseignant École supérieure d’art et design, Saint-Étienne
Thomas Leveugle — Assistant production et diffusion d’HS_Projets, chargé des Espaces urbains du FITE
Marie-Hélène Massé-Bersani — Directrice du département de la production des Gobelins, de Beauvais, de la Savonnerie,
des ateliers de Dentelle du Puy et d’Alençon et Responsable des modèles et du fonds textile contemporain.
Simon Njami — Commissaire d’expositions internationales indépendant, co-fondateur de Revue Noire
Christèle Olimé — Membre fondateur de l’Association Ethicomundo
Simon Peers — Fondateur de Lamba SARL, Madagascar
Émilie Robert — Chargée des collections textiles du musée Bargoin
Yves Sabourin — Inspecteur de la création artistique, chargé de mission pour le textile et l’art contemporain, Délégation aux
arts plastiques, Ministère de la Culture, Paris
Paul Serre — Muséologue
Marie-Bénédicte Seynhaeve Kermorgant — Responsable du département textile du musée Bargoin Arnaud Zohou — Directeur CCSTI La Rotonde, École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne
Christine Athenor — Director of HS_Projets, coordinator of the FITE
Gérard & Huê Boivineau — Former France Consul General in Ho Chi Minh City and his wife
Christine Bouilloc — Director of the musée Bargoin
Claire Brizon — Project coordinator in museum preservation conservation, in charge of the FITE Showroom
Sophie Caillol & Francis Dravigny — Founders of the Parsi company, Lyon
Diane Cazelles — Journalist
Catherine Choron-Baix — Director of research at the CNRS, (Laboratory of urban anthropology, Ivry)
Michèle Coquet — Anthropologist, CNRS
Mickael Cotte — Communication consultant
Françoise Cousin — Ethnologist, former director of the textile heritage department, musée du quai Branly
Louis Dubreuil — Textile and traditional costumes collector
Patricia Gérimont — Author of Teinturières à Bamako, Paris, 2008 et co-director of Dames de couleurs, documentary film, 2012
Anne Grosfilley — Ethnologist, specialized in African textiles, author of Maximum wax, Editions matière, Montreuil (to be
published in the 1st semester of 2013)
Vincent Lemarchands — Designer, teacher at the École supérieure d’art et design, Saint-Étienne
Thomas Leveugle — Production and diffusion assistant for HS_Projets, in charge of the Urban spaces of the FITE
Marie-Hélène Massé-Bersani — Director of the production department at the Gobelins, in Beauvais, in la Savonnerie, at the
ateliers de Dentelle du Puy et d’Alençon, and in charge of the patterns and the contemporary textile reserves
Simon Njami — Independant international exhibition curator, co-founder of the magazine Revue Noire
Christèle Olimé — Founding member of the Association Ethicomundo
Simon Peers — Founder of Lamba Sarl, Madagascar
Émilie Robert — In charge of the textile collections at the Musée Bargoin
Yves Sabourin — Inspector for artistic creation, project coordinator for textile and contemporary art, Visual Arts Office, Ministry
of Culture, Paris
Paul Serre — Museum specialist
Marie-Bénédicte Seynhaeve- Kermorgant — Director of the textile department at the musée Bargoin
Arnaud Zohou — Director of CCSTI La Rotonde, École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne
Crédits
|
Credits
Crédits
illustrations
ILLUSTRATION
CREDITS
Par ordre d’apparition : © Florent Giffard, Service communication, Ville de Clermont-Ferrand : 16, 17, 18, 19 , 22, 23,
24, 25, 26, 38, 39, 40, 41, 48, 49, 54, 55, 57, 58, 59, 60, 61, 66, 67, 72, 73, 79 — © M.-B. Seynhaeve Kermorgant, Ville de
Clermont-Ferrand : 20, 21, 76, 77 — © At Maculagan : 22, 23 — © Musée des Confluences / Dpt Rhône/Patrick Ageneau :
27 — © Simon Peers 28, 29 — © Alicia Guirao, Factum Arte : 28, 29 — © Paula Zuker : 30, 31 — © Patricia Gérimont : 32
— © François Goudier : 34, 35 — © HS_Projets : 34, 76, 77 — © Xuan Hao : 42, 43 — © Marcus Tomlinson : 44 —
© Courtesy GALLERIA CONTINUA, San Gimignano / Beijing / Le Moulin : 50, 51 — © Abdoulaye Konaté / Courtesy Revue
Noire : 52, 53 — © Françoise Hoffmann : 54, 55 — © RMN (musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier : 56 — © Kinor Jiang /
Rui Xu : 62, 63 — © Kinor Jiang / Sue Sun : 63 — © Kinor Jiang / Guo Xiang Yuan : 63 — © Kinor Jiang / Zou You : 63 —
© Cliché du Mobilier national, I. Bideau : 68, 69 — © Alexandre Eymard : 70, 71 — © Ludwig Brinckmann, www.Yunnanex­
plorer.com : 72, 73 — © Benoit Bauchet : 77 — © Émilie Robert : 77, 78, 119 — © JF Désiré - G. Lamblin - C. Leriche :
80, 81 — © Ueno Masao : 84, 86, 87 — © Bruno Preschesmisky, Bambouseraie d’Anduze : 85 — © ESADSE : 91 —
© CCSTI La Rotonde / École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne : 92, 93 — © Yannick Daverton : 97 —
© Myette Fauchère : 99 — © Kamaldeep Kaur : 105 — © Catherine Jahan : 106 — © Abdul Jabbar Khatri : 107 — © Le
Rustique : 107 — © Fra Joséphine : 109 — © Myrte Kilian et Rugiada Petrelli : 110 — © Meghann O’Brien : 111 — © Agnès
Calas : 111 — © Thomas Leveugle : 114, 115, 117
Nous remercions chaleureusement tous les photographes et illustrateurs qui nous ont autorisés à reproduire leurs pho­
tographies et dessins dans le catalogue et l’exposition.
By order of appearance: © Florent Giffard, Communication department, city of Clermont-Ferrand: 16, 17, 18, 19 , 22,
23, 24, 25, 26, 38, 39, 40, 41, 48, 49, 54, 55, 57, 58, 59, 60, 61, 66, 67, 72, 73, 79 — © M.-B. Seynhaeve Kermorgant, Ville
de Clermont-Ferrand : 20, 21, 76, 77 — © At Maculagan : 22, 23 — © Musée des Confluences / Dpt Rhône/Patrick Age­
neau : 27 — © Simon Peers 28, 29 — © Alicia Guirao, Factum Arte : 28, 29 — © Paula Zuker : 30, 31 — © Patricia Gérimont :
32 — © François Goudier : 34, 35 — © HS_Projets : 34, 76, 77 — © Xuan Hao : 42, 43 — © Marcus Tomlinson : 44 —
© Courtesy GALLERIA CONTINUA, San Gimignano / Beijing / Le Moulin : 50, 51 — © Abdoulaye Konaté / Courtesy Revue
Noire : 52, 53 — © Françoise Hoffmann : 54, 55 — © RMN (musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier : 56 — © Kinor Jiang /
Rui Xu : 62, 63 — © Kinor Jiang / Sue Sun : 63 — © Kinor Jiang / Guo Xiang Yuan : 63 — © Kinor Jiang / Zou You : 63 —
© Cliché du Mobilier national, I. Bideau : 68, 69 — © Alexandre Eymard : 70, 71 — © Ludwig Brinckmann, www.Yunnanex­
plorer.com : 72, 73 — © Benoit Bauchet : 77 — © Émilie Robert : 77, 78, 119 — © JF Désiré - G. Lamblin - C. Leriche :
80, 81 — © Ueno Masao : 84, 86, 87 — © Bruno Preschesmisky, Bambouseraie d’Anduze : 85 — © ESADSE : 91 —
© CCSTI La Rotonde / École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne : 92, 93 — © Yannick Daverton : 97 —
© Myette Fauchère : 99 — © Kamaldeep Kaur : 105 — © Catherine Jahan : 106 — © Abdul Jabbar Khatri : 107 — © Le
Rustique : 107 — © Fra Joséphine : 109 — © Myrte Kilian et Rugiada Petrelli : 110 — © Meghann O’Brien : 111 — © Agnès
Calas : 111 — © Thomas Leveugle : 114, 115, 117
We kindly thank all the photographers and illustrators who allowed us to reproduce their photographs and drawings in
the exhibition catalogue.
|
127
|
Le Festival International des Textiles Extra ordinaires a été initié par l’association
HS_Projets et co-organisé par la Ville de Clermont-Ferrand, musée Bargoin.
Pour cette première édition, il a reçu le patronage de l’Unesco.
L’exposition Métamorphoses a reçu le label Exposition d’intérêt national
du Ministère de la Culture et de la Communication / Direction générale
des patrimoines / Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre
d’un soutien financier exceptionnel de l’État.
The International Festival of Extra ordinary Textiles was initiated by HS_Projets
and is co-organized by the City of Clermont-Ferrand, Musée Bargoin.
The first edition is held under the patronage of UNESCO.
The exhibition Métamorphoses has received the “National Interest Label” from
the Ministry of Culture and Communication/Direction Générale des Patrimoines/
Service des Musées de France. For this reason, it was granted special financial
support from the State.
Coordination éditoriale :
HS_Projets
Publishing coordination:
HS_Projets
Coordination
technique du catalogue :
Virginie Savoye, Christine Athenor
Technical coordination
for the catalogue:
Virginie Savoye, Christine Athenor
Conception graphique et fabrication :
Mediafix
Graphic conception and printing:
Mediafix
Traductions :
Manuel Benguigui, Jean Dixsaut
(sauf pp. 42, 50, 52 : traductions
par les auteurs)
Translations:
Manuel Benguigui, Jean Dixsaut
(except pp. 42, 50, 52: translated
by the authors)
Ouvrage reproduit et achevé
d’imprimer en septembre 2012
par l’imprimerie Drouin à Aubière
Printed in September 2012 by
imprimerie Drouin in Aubière
Dépôt légal 1ère édition :
Septembre 2012
ISBN : 978-2-9542606-0-0
EAN : 9782954260600
Éditions HS_Projets
Tous droits réservés
Copyright registration 1st edition:
September 2012
ISBN : 978-2-9542606-0-0
EAN : 9782954260600
Éditions HS_Projets
All rights reserved
the- fite.com
hs _ proje ts / ville de clermont-ferrand /musée bargoin
fe s ti va l i nte r nati o na l d e s te x ti l e s e x t r a o r di na i r e s - 2 01 2 - c l e r mo nt- fe r r a n d
Festival international
des textiles extra ordinaires
septembre 2012 / Clermont-Ferrand