the- fite.com hs _ proje ts / ville de clermont-ferrand /musée bargoin fe s ti va l i nte r nati o na l d e s te x ti l e s e x t r a o r di na i r e s - 2 01 2 - c l e r mo nt- fe r r a n d Festival international des textiles extra ordinaires septembre 2012 / Clermont-Ferrand | Préface d’Aurélie Filippetti Préface Aurélie Filippetti, Ministre de la culture et de la communication | Foreword by Aurélie Filippetti Foreword Aurélie Filippetti, Minister of culture and communication Artistes, artisans et designers façonnent le pay sage culturel au fil de leurs inspirations et de leur savoir-faire uniques. Nous pensons connaître ces domaines mais nous n’en avons qu’une vue partielle et quelque fois partiale. L’exposition Métamorphoses présentée au musée Bargoin et labellisée d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication nous ouvre les portes de ces univers souvent trop méconnus. Par la magie de la métamorphose, l’imagination et la dex térité du geste se lient pour nous livrer un patrimoine entre tradition et modernité. Les thèmes abordés tels que la transformation des fibres, la symbolique de l’étoffe ou encore l’évo lution de l’individu transmettant un savoir-faire, convergent vers un croisement rare entre matière, histoire et innovation. Ces métamorphoses, en réfé rence à celles d’Ovide, constituent une galerie de transformations extraordinaires, partie intégrante du mouvement de la vie, de la nature, de la réflexion sur l’homme et son environnement. Cette exposition audacieuse met en regard un patrimoine textile issu des collections du musée Bar goin, complété par d’autres collections publiques et privées, et la création contemporaine. Les cinq continents se rencontrent autour de savoir-faire ancestraux et jouent de cet héritage pour s’inscrire dans une dynamique artisanale et artistique contemporaine où l’inventivité et l’imagination sont foisonnantes, où la différence est synonyme d’enri chissement, où l’improbable devient possible… | Artists, craftspeople and designers all shape the cultural landscape as they make use of their inspira tion and unique know-hows. We think we know a lot about those fields of human history whereas our vision is only partial, and sometimes biased. The exhibition Métamorphoses presented at the Musée Bargoin with the national interest label from the Ministry of Culture and Communication opens the gates of these too often unrecognized universes to us. Through the magic of metamorphosis, the imaginary of the mind and the skilfulness of the hand unite to offer us a heritage including both tradition and modernity. The themes dealt with in the exhibition, such as the transformation of fibers, the symbolic of cloth or the evolution of Man as a transmitter of knowhows, all converge to form a rare combination of materials, history and innovation. These metamor phoses, referring to Ovid’s, make up a series of extra ordinary trans formations which are part of the movement of life, of nature, of reflection on human beings and their environment. This daring exhibition highlights a textile heritage coming from the collections of the Musée Bargoin side to side with other public and private collections and contemporary creations. The five continents meet around ancestral knowhows and use this heritage to join contemporary craft and artistic dynamics where creativity and ima gination fully develop, where differences mean enrichment, where the unlikely becomes possible… 3 | | 4 | FOREWORD BY SERGE GODARD | Édito de Serge Godard | | ÉDITO D’OLIVIER BIANCHI | FOREWORD BY OLIVIER BIANCHI Olivier Bianchi, adjoint à la politique culturelle Olivier Bianchi, DEPUTY MAYOR for Culture Serge Godard, maire de Clermont-Ferrand Serge Godard, Mayor of Clermont-Ferrand C’est un honneur pour la Ville de Clermont-Ferrand d’accueillir au Musée Bargoin l’exposition Métamorphoses, qui sera accompagnée par le Premier Festi val International des Textiles Extra ordinaires. Cette exposition a été labellisée d’intérêt national, ce qui constitue une grande première pour un musée clermontois, et je me félicite de cette dis tinction qui récompense tout le travail fourni par la Ville dans le domaine culturel. L’organisation de manifestations culturelles au rayonnement national voire international ainsi que leur reconnaissance populaire est au cœur de l’action de la métropole clermontoise qui, au travers de tels événements saisit l’opportunité d’asseoir sa renom mée d’une part en France, mais aussi à l’étranger. Je pense notamment au Festival International du Court Métrage, qui s’est imposé comme la référence mondiale dans ce domaine, attirant chaque année plus de spectateurs que son grand frère cannois. Cette exposition exceptionnelle s’inscrit donc dans une série de grandes manifestations culturelles dans notre métropole, qui, par sa position géogra phique centrale, a vocation à renforcer son statut de lieu d’accueil incontournable pour de tels événe ments culturels. It is an honor for the City of Clermont-Ferrand to host the exhibition Métamorphoses, which will take place at the Musée Bargoin on the occasion of the First International Festival of Extra ordinary Textiles. This exhibition has received the national interest label, which is the first time ever for a Museum in Clermont, and I am proud of this labeling which comes as a reward for all the work done by the city in the cultural field. The organization of cultural events of national if not international importance, as well as their popular success, is at the heart of the action of the Clermont metropolis which, through such events, grasps the opportunity to confirm its reputation both in France and abroad. I’m thinking here about the International Short Film Festival which set itself as a world reference in this field and draws every year more viewers than its older brother in Cannes. This outstanding exhibition is then in the line of large cultural events in our metropolis which, through its central geographical situation, wished to reinforce its reputation of unavoi dable center for such cultural events. Lorsqu’en 1993 la Ville opte pour l’ouverture d’un Musée du Tapis et des Arts Textiles, l’intérêt pour ces créations artistiques n’en est qu’à ces débuts. En France, la part belle est alors faite à la tapisserie et aux productions textiles européennes issues des cours royales et manufactures de renom. Le choix municipal d’orienter la politique d’acquisition vers des réalisations extra-européennes remarquables, d’origine rurale et nomade, permet alors de positionner rapidement le musée comme un établissement de référence, partenaire reconnu dans un réseau patrimonial national et international. Accueillir le Festival International des Textiles Extra ordinaires à Clermont-Ferrand répond à cette volonté d’ouverture aux cultures autres. L’exposition Métamorphoses, au cœur de cet événementiel, propose une mise en regard des collections patrimoniales et des créations contemporaines, permettant ainsi d’apprécier la permanence et l’innovation des savoir-faire, persévérance du génie humain. L’exposition Métamorphoses propose au public de découvrir par le textile, les créations et expres sions identitaires des artisans et artistes issus des cinq continents : métamorphose de la matière, de la nature à la matière textile ; écrire et dire, apporter de la couleur, des motifs et du sens ; devenir indépen dant, choisir son modèle d’économie et de société ; métamorphose et magie textile. Les œuvres exceptionnelles, issues de collections publiques, privées ou productions contemporaines d’artisans invités, présentent la diversité des savoirfaire textiles. Miroirs des sociétés et révélatrices de cultures inconnues, ces pièces proposent au public une expérience humaine unique, visant à changer leur perception des hommes et du monde. When the City decided to create a Museum for Tapestry and Textile Arts in 1993, the interest for these artistic creations was just beginning. At that time in France, European tapestry and textile pro ductions coming from the Royal and renowned manufactures were mostly favored. The choice of the City to lead the acquisition policy towards outstanding extra-European creations, from rural and nomadic areas, quickly enabled to set the Museum as a world reference and a reco gnized partner within a national and international heritage network. Hosting the International Festival of Extra ordinary Textiles in Clermont-Ferrand corresponds to this idea of opening up to other cultures. At the heart of the event, the exhibition Métamorphoses makes heritage collections meet with contemporary creations, thus allowing to appreciate the permanence and innovation of know-hows and the perpetuation of human genius. The exhibition Métamorphoses is a proposal for the public to discover – through textile – the creations and identity expression of craftspeople and artists from the five continents. There is plenty to see and ponder upon: metamorphosis of materials, from nature to tex tile; writing and saying; colors, motifs and meaning; becoming independent, choosing one’s economic and social models; textile metamorphosis and magic. The outstanding pieces coming form public and private collections and the contemporary craftworks from guests all illustrate the diversity of textile knowhows. Mirroring societies and revealing unknown cultures, these pieces offer the public a unique human experience aiming at changing their perception of people and of the world. | 5 | | Sommaire Sommaire — Ministre de la Culture et de la Communication����������3 Serge Godard — Maire de Clermont-Ferrand���������������������������������������4 — Adjoint à la politique culturelle������������������������������������5 Foreword by Aurélie Filippetti — Minister of Culture and Communication�������������������3 Introduction au FITE�����������������������������������������������������9 Serge Godard Exposition��������������������������������������������������������10 Métamorphoses, présentation de l’exposition������������13 Métamorphose des fibres… ����������������������������������15 Métamorphose de l’étoffe… ����������������������������������37 Métamorphose et magie textile… ��������������������������47 Métamorphose de l’individu… �������������������������������65 Olivier Bianchi résidences ������������������������������������������������������74 Abdoulaye Konaté au Lycée Marie-Laurencin�������������76 Moataz Nasr à l’EPL du Bourbonnais�������������������������80 Ueno Masao à La Bambouseraie d’Anduze�����������������84 workshop Saint-Étienne����������������������������88 Mongi Guibane & la fibre optique���������������������������90 « Emballez-moi »����������������������������������������������������92 jeune scène artistique������������������������������94 Yannick Daverton���������������������������������������������������96 Myette Fauchère����������������������������������������������������98 showroom�����������������������������������������������������100 Objectifs���������������������������������������������������������������103 Paroles d’artisans�������������������������������������������������104 Métamorphoser la ville�������������������������112 Chroniques textiles�����������������������������������������������114 Acte I : Tricoter la ville�������������������������������������������116 Acte II : Tricot'off��������������������������������������������������118 Tisser du lien������������������������������������������������120 Remerciements / Le sens du partenariat��������������122 Partenaires�����������������������������������������������������������124 Crédits textes & illustrations���������������������������������������������126 Contents | contents Préface d’Aurélie Filippetti Olivier Bianchi | — Mayor of Clermont-Ferrand�������������������������������������4 — Deputy mayor for culture�����������������������������������������5 Introduction to the FITE���������������������������������������������9 Exhibition������������������������������������������������������� 10 Metamorphosis, presentation of the exhibition���������� 13 Metamorphosis of the fibers… ���������������������������� 15 Metamorphosis of the fabric… ���������������������������� 37 Metamorphosis and the magic of textile… ���������� 47 Metamorphosis of the individual… ���������������������� 65 residences for artists���������������������������� 74 Abdoulaye Konaté at the Marie-Laurencin High School��� 76 Moataz Nasr at the EPL of the Bourbonnais�������������� 80 Ueno Masao at the Bamboo Plantation in Anduze������ 84 workshop Saint-Étienne�������������������������� 88 Mongi Guibane and Optical Fiber������������������������� 90 “Wrap Me Up”����������������������������������������������������� 92 Young art scene����������������������������������������� 94 Yannick Daverton������������������������������������������������� 96 Myette Fauchère�������������������������������������������������� 98 the showroom market�������������������������� 100 Objectives��������������������������������������������������������� 103 Words from craftspeople����������������������������������� 103 THE METAMORPHOSIS OF THE CITY���������� 112 Textile Chronics����������������������������������������������������114 Act I: Knitting the city�������������������������������������������116 Act II: Tricot'off�����������������������������������������������������118 WEAVING BONDS������������������������������������������� 120 Acknowledgements / The meaning of partnership�� 122 Partners������������������������������������������������������������� 124 Text and illustration credits���������������������������������������������126 7 | | Changer notre regard, se décentrer, changer notre perception des hommes et du monde Changing our vision, Moving off-center, Changing our perception of people and of the world — Christine Athenor & Christine Bouilloc INTRODUCTION AU FESTIVAL INTERNATIONAL DES TEXTILES EXTRA ORDINAIRES La rencontre commence avec des artisans venus de très loin et de moins loin, des professionnels de la culture et toutes les personnes intéressées ou curieuses. Elle se déroule dedans et dehors, au musée et dans la ville, et d’elle naît la métamorphose. Des liens ont commencé à se tisser lors de l’élaboration du Festi val entre les personnes, les institutions, et essaiment sur les territoires pour poser les bases d’une trans formation possible. La Ville de Clermont-Ferrand est le lieu d’expression du Festival, résultat d’échanges et de créations partagées à une échelle régionale et internationale. La métamorphose a été choisie comme thème, portant en elle le souhait de transformer le regard et la perception. Où que nous soyons sur terre, notre vision du monde est parcellaire, nos frontières mentales étant souvent plus fortes que nos frontières territo riales. Pour élargir notre vison, il nous a paru essentiel de convier des personnes des cinq continents ayant une démarche et un travail exemplaires et qui, par la démonstration de leur engagement, pouvaient ébran ler nos certitudes. Elles constituent la raison forte du Festival et leurs parcours se dévoilent au musée Bar goin le temps de l’exposition Métamorphoses, cœur du Festival, qui a reçu le Label d’intérêt national du Ministère de la Culture et de la Communication. Dans le Manifeste pour la métamorphose du monde, le philosophe Edgar Morin, le politologue Pierre Monod et l’artiste Paskua prônent le développement d’une conscience planétaire et la sauvegarde de l’unité et de la diversité humaine. Ils déclarent que la compré hension du monde est impossible avec le morcellement actuel de la pensée, que l’enfermement disciplinaire rend inapte à percevoir et concevoir les problèmes fondamentaux et globaux, d’où la nécessité d’une pen sée qui puisse relier les connaissances et concevoir la relation du global au local et du local au global. Tout n’est donc qu’affaire de liens et cette pre mière édition co-organisée par l’association HS_Pro jets et la Ville de Clermont-Ferrand via le musée Bargoin, souhaite jeter les bases d’une métamor phose en créant des liens sociaux, professionnels et artistiques. Introduction | Introduction INTRODUCTION to the FESTIVAL INTERNATIONAL DES TEXTILES EXTRA ORDINAIRES The encounter starts with craftspeople who have come a very long way and others from closer places, professionals of the cultural sector and all interested or curious people. It happened both inside and out side, in the museum and in the city, and from it came the metamorphosis. Bonds started to be woven during the preparation of the Festival between the people, the institutions and then spread on the territo ries to set the bases of a possible transformation. The City of Clermont-Ferrand is the place of expression of the Festival, the result of exchanges and creations shared on a regional and international scale. The metamorphosis was chosen as a theme because it bears in itself the wish to transform vision and perception. Wherever we are on Earth, our vision of the world is fragmentary, our mental borders often being stronger than our territory borders. In order to widen our vision, it seemed essential to us to invite people from the five continents who had an exemplary approach and work and who could shake our certainties through their involvement. This is the core reason of the Festival, and their careers unveil at the Musée Bargoin for the time of the exhibition Métamorphoses – heart of the Festival – which has received the national interest label from the Ministry of Culture and Communication. In the Manifeste pour la métamorphose du monde (Manifest for the metamorphosis of the world), philo sopher Edgar Morin, politics specialist Pierre Monod and artist Paskua advocated the development of a global conscience and the safeguard of human unity and diversity. They stated that understanding the world is impossible with the current fragmentation of thinking, that the confinement of topics makes it impossible to perceive and conceive the fundamental and global issues, hence the need for a way of thin king which could link the various fields of knowledge and enable to conceive the relation from global to local and from local to global. Everything is then only a matter of ties and this first edition, organized by the HS_Projets Association and the City of Clermont-Ferrand (Musée Bargoin) wishes to lay the foundations for a metamorphosis by creating social, professional and artistic links. | 9 | Exposition Exhibition | — Paul Serre Métamorphoses L’exposition est un medium de l’espace qui invite à la découverte, à la contemplation et à la réflexion. En premier lieu, Métamorphoses c’est l’idée de réu nir sur un même plateau des pièces textiles provenant de toutes les géographies pour apprécier la diversité des fibres et des techniques employées. C’est l’occasion unique de découvrir à la fois les technologies d’hier – qui reposent sur les ressources naturelles – et celles d’aujourd’hui – qui utilisent davantage des matériaux et des procédés de syn thèse – et de comprendre les évolutions. Au gré du parcours, la scénographie souligne les changements de forme et d’apparence qualifiés « d’extra ordi naires », que l’œil repère, déchiffre et assimile. Sur deux niveaux, les pièces textiles expriment alors ce qu’elles ont de plus sensible, de plus étonnant, de plus magique. Un système léger de mots-clés se faufile entre elles comme un repère pour mieux ren seigner et souligner certains aspects de leur identité. Métamorphoses, c’est l’idée de décloisonner les savoirs et les techniques, et donc de réunir l’en semble des professionnels du textile (artisans, artistes, stylistes, industriels, conservateurs, spécia listes) pour favoriser les dialogues et les échanges. Car, dans un monde de plus en plus globalisé où les inégalités continuent de s’accroître, c’est l’envie comme la nécessité de relier les énergies et les hommes, d’alerter de certaines dérives ou de cer tains naufrages. Une exposition textile sur fond de société et d’humanité, voilà son identité si l’on se devait d’en donner une. Exposition | Exhibition | Metamorphosis The exhibition is a space medium which invites us to discover, contemplate and think. First, Métamorphoses is about gathering in a same place textiles coming from all geographies in order to appreciate the diversity of fibers and techniques. It is a unique opportunity to discover both the technologies of the past – which rely on natural resources – and those of the present – which use more synthesis materials and processes – and this allows to have a better understanding of evolution. In the exhibition the layout highlights the so called “extra ordinary” changes of form spotted, deciphered and assimila ted by the eye. On two levels, the textiles express their most sensitive, striking and magical aspects. A simple system of key words threads its way between them like landmarks offering information and underli ning important elements. Métamorphoses is about breaking down the bar riers between the fields of knowledge and tech niques, and therefore gathering textile professionals (craftspeople, artists, stylists, industrials, curators, specialists) to encourage dialogue and exchange. For in a more and more globalized world where ine qualities continue to grow, there are both a willin gness and a need to unite energy and people, to ring the alarm about abuse or wrecks. If we had to des cribe this exhibition, we could say it is textile illustra ting society and humanity. 13 | | Lingerie callipyge orchidée peau transparence métissage imperméable abyssal sécrétion cinétique bazin oxydation Lingerie callypigous orchid skin transparency cross-fertilization waterproof abyssal secretion kinetic bazin oxidation Métamorphose des fibres… … car les textiles prennent corps à partir d’une matière première choisie, travaillée, transformée. Ce choix, important, est effectué en fonction du milieu mais surtout d’un système de valeurs où s’entremêlent enjeux symboliques, implications sociales, raisons his toriques et intérêts économiques. La technologie textile, qui peut recourir aujourd’hui à des procédés informatiques et des matériaux de synthèse, s’est appuyée dès l’origine sur les res sources de l’environnement, qu’elles soient d’origine végétale, animale ou minérale. Le recours à la laine et à des poils divers, au coton ou au lin est bien connu, cependant le champ des possibles est infini. Ainsi, de par le monde, des fibres végétales étonnantes entrent dans la confection de pièces : bambou, raphia, rotin, orchidée, écorce, fibre de bananier ou d’ananas, pal mier. Certaines fibres animales sont tout aussi extraordinaires : soie de mer, soie d’araignée, crin de cheval, etc. constituent des matières premières origi nales reliées, elles aussi, à des canevas économiques et symboliques complexes. S’agissant des matières tinctoriales, véritables sublimateurs de la fibre ou de l’étoffe brute, l’indigo (tiré des plantes à indigotine) s’inscrit lui aussi dans un vaste système de valeurs et de techniques, révélé particulièrement dans le travail du plasticien-desi gner Aboubakar Fofana. Dans un autre contexte, les bazins, tissus damassés d’origine européenne teints à Bamako et destinés à l’habillement, sont le fruit d’une chaîne opératoire. Ils font intervenir plusieurs artisans localisés en différents lieux avant d’arriver à une forme qui est le résultat croisé de ces différentes mains qui se sont affairées autour du tissu devenu miroir de leurs univers respectifs. Fibres et matières tinctoriales évoquent donc non seulement des technologies mais relaient aussi des identités culturelles et historiques identifiables à l’échelle d’un continent, d’un pays, d’une région ou d’une population. Reflets des ressources naturelles et témoignages tangibles des échanges entre les populations, les textiles sont également reliés à un système complexe où contraintes économiques et significations symboliques entrent en jeu. Exposition | Exhibition | 15 metamorphosis of fibers… … for textiles materialize from a raw material that is chosen, worked on, transformed. This important choice is made according to local resources but mostly to a system of values where symbolic stakes, social involvements, historical reasons and econo mic interests are intertwined. Textile technology, although it can be completed today by the use of computer processes and synthe sis materials, relied from the start on environment resources, whether of vegetal, animal or mineral ori gins. The use of wool and varied hair, cotton or flax is well known, however possibilities are endless. There fore, all around the world surprising vegetal fibers are used in the making of textile pieces: bamboo, raffia, rattan, orchid, bark, banana or pineapple fiber, palm. Some animal fibers are just as extraordinary: sea silk, spider silk, horsehair, etc. They are raw materials which are also linked to economic and symbolic complex backgrounds. Regarding dyeing materials, which really sublime raw fiber or cloth, indigo (obtained from indigotine plants) is also to be included in a vast system of values and techniques, revealed in the work of Abou bakar Fofana among others. In another context, bazins – damasked fabrics imported from Europe and dyed in Bamako and designed for clothing – are the result of an operatory chain which involves seve ral craftspeople located in different places before it comes to a shape which is the crossed result of these different hands which worked on the fabric – a fabric which has become the mirror of their respec tive universes. Dyeing fibers and materials then evoke not only technologies but also pass on cultural and historical identities identifiable at the scale of a continent, a country, a region or a population. Mirroring natural resources and tangible accounts of exchanges between populations, textiles are undeniably related to a complex system of economies and beliefs. | | Exhibition | Exposition | | lingerie 16 Veste d’homme Bambou, coton, soie Chine, fin du xixe siècle H. 70 cm ; l. 160 cm Collection C. Ghysels Man’s coat Bamboo, cotton, silk China, late 19 th century H. 70 cm; w. 160 cm Collection C. Ghysels lingerie — Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant | Cette magnifique veste totalement ajourée constituée de près de 50 000 perles tubulaires, est en fait un « maillot de corps », lequel, si raffiné soit-il, n’est absolument pas destiné à être vu. Issues de la garde-robe des courtisans de la dynastie Qing (1644-1912) au x ix e siècle, ces vestes confectionnées avec ou sans manches permettaient à la peau de respirer en évitant aux vêtements de coller à la peau durant les périodes de chaleur humide. Les hommes portaient en effet ces vestes l’été, sous leurs multiples robes en ramie ou coton, dissimulées ellesmêmes sous la volumineuse robe de cérémonie en soie changpao. Les Chinois installés dans les colonies britanniques des Détroits (aujourd’hui Malaisie et Singapour), les Baba-Nyonya ou Peranakan, revêtaient aussi ce type de sousvêtement sous leurs costumes de mariage de style Qing. Bien qu’il existe aujourd’hui de nombreux vêtements en « fibre de bambou »1, il s’agit ici d’une technique de confection particulière à partir d’un matériau emblématique de l’ExtrêmeOrient, mais tout à fait original sous cette forme. En effet, ces milliers de petits tubes évidés sont coupés dans les tiges les plus fines du bambou et ces perles sont enfilées sur un fil de coton. Le réseau ainsi constitué forme une grille de losanges régulière, animée de lignes ajourées en forme d’hexagone sur la partie inférieure et à l’extrémité des manches. Les manches, l’encolure et les côtés sont ourlés d’un biais de coton ou de soie. Un boutonnage simple au niveau du col est complété d’un système d’attache par nœud au niveau de la poitrine. 1 a fibre de bambou utilisée dans l’industrie L textile moderne est une viscose synthétique à base de cellulose de bambou. Cette matière cellulosique est fabriquée à partir de pâte de bambou mais n’est pas issue directement des fibres de la plante. This superb coat is totally hemstitched and made of about 50,000 tubular beads. It actually is an “undershirt” which, as much refined as it would be, was absolutely not supposed to be seen. Coming from the wardrobe of courtiers of the Qing Dynasty (1644-1912) in the 19th century, these coats – made with or without sleeves – allowed the skin to breathe and avoided that clothes stick to the skin during the hot damp season. Men would indeed wear these coats during the summer under their multiple ramie or cotton robes, which in turn were hidden under the changpao – a voluminous ceremonial silk robe. Chinese men living in the British colonies of the Straits (now Malaysia and Singapour), the Baba-Nyona or Peranakan, would also wear this type of clothing under their Qing style marriage dress. Although there are today numerous garments made of “bamboo fiber”1, it is here a particular and absolutely original dress-making technique using an emblematic material of the Far East. Indeed the thousands of small hollowed out tubes were cut in the thinnest stems of the bamboo while the beads were strung on a cotton thread. This network then formed a regular diamond-shaped grid, ornamented with hemstitched lines (hexagonal at the bottom and at the end of the sleeves). The sleeves, the collar and the sides are hemmed with a bias binding of cotton or silk. The simple buttoning of the collar is completed with an attaching knotting system on the chest. 1 amboo fiber used in the modern textile B industry is a synthetic viscose based on bamboo cellulose. This cellulosic material is made from bamboo paste but is not taken directly from the plant fiber. Exposition | Exhibition | 17 | Exhibition | Exposition | | Robe Dress Raphia Ethnie Dida, Côte d’Ivoire, fin du xixe siècle H. 135 cm ; l. 38 cm Collection L. Dubreuil Raffia Dida ethnic group, Ivory Coast, late 19 th century H. 135 cm; w. 38 cm Collection L. Dubreuil Le port de ces fourreaux de fin raphia était réservé aux membres des plus hauts lignages de la société dida, comme les femmes âgées et les veuves. Ces robes, destinées à un usage de prestige, étaient portées lors de manifestations cérémonielles marquant les moments importants de la vie : fiançailles, funérailles... Ce sont les jeunes et tendres folioles du Raphia taedigera qui sont utilisées pour créer cet élégant fourreau extensible. Leur tressage tubulaire représente une véritable prouesse technique. Les femmes attachent à leur gros orteil ou à un point fixe un écheveau de fils. Elles répartissent les fils en deux groupes pour créer fils de trame et fils de chaîne, puis les tressent en spirale. Le résultat est ensuite teint selon la technique du plangi, technique de teinture à réserve consistant à pincer une partie du textile entre le pouce et l’index pour former un cône ensuite ligaturé. Graines, petits cailloux ou fragments de bois peuvent être introduits dans la portion d’étoffe avant ligature. La pièce est plongée dans des bains successifs de colorants naturels : infusion d’écorces, décoction de feuilles ou lianes. Après le dénouage des réserves, le relief est soigneusement préservé même s’il s’atténue avec le temps. De nos jours, fourreaux et coiffes en raphia ne sont plus tissés, et sont rarement portés en dehors des parades folkloriques. — Louis Dubreuil Callipyge These sheaths made of thin raffia were only worn by members of the highest lineages in the Dida society, such as elder women and widows. These dresses, designed for prestige occasions, were worn during ceremonies marking important moments of life: engagements, funerals… This elegant extensible sheath was made with young and soft Raphia taedigera leaflets. Their tubular weaving represents a true technical feat. Women attach a thread hank to their big toe or to a fixed point. They distribute the threads in two groups in order to create warp and weft, then they plait them in spirals. The result is then dyed according to the plangi technique – a reserve dyeing technique consisting in pinching a part of the textile between the thumb and the forefinger to form a cone which is then tied. Seeds, pebbles or wood fragments can be put into the cloth before tying. The piece is plunged into successive baths of natural dye: bark infusion, leave or liana brew. After the untying of the reserves, the relief is carefully preserved although it fades away with time. Nowadays raffia sheaths and headdresses are not made anymore, and are rarely worn outside folk parades. Ces armures proviennent des hautes terres centrales de Nouvelle Guinée (côté indonésien de la Nouvelle-Guinée). Cette région, et en particulier la vallée de Baliem, est habitée par les Dani, lesquels n’utilisaient encore que la pierre et l’os et chassaient à l’arc au x x e siècle. Les armures sont portées pour se protéger des flèches lors des incessants conflits qui agitent les groupes. Elles sont typiquement constituées de deux parties : - une structure tubulaire rigide dans le sens vertical, constituée d’une armature en ratang1, sur laquelle sont tressées de fines lanières d’écorce et des tiges d’une orchidée de couleur jaune, - en partie supérieure, deux « empiècements » souples fixés sur la cuirasse avec 4 pointes triangulaires se terminant par des liens faisant office de bretelles. Leur texture les apparente à un tricot à côtes, avec des diminutions et des rayures horizontales. Le « fil » est constitué des mêmes lanières et tiges enroulées autour d’une âme en fibres végétales torsadées. La protection physique apportée par ces armures est bien sûr relative, le guerrier étant nu sous la ceinture et ne portant qu’un étui pénien. Le pouvoir protecteur est renforcé par des amulettes en plume ou en fourrure blanche de cuscus2 fixées sous l’empiècement. Quand elles ne sont pas utilisées, les précieuses armures sont enroulées et protégées par un fourreau de feuilles de bananier assujetties par un lien en corde d’écorce. 1 2 These armors come from the Central Highlands of New Guinea (on the Indonesian side of New Guinea). This region, and in particular the Baliem Valley, is inhabited by the Dani, who still used only stone and bones and hunted with bows and arrows in the 20th century. Armors are worn to protect oneself from the arrows during the incessant conflicts between groups. They are typically made of two parts: - a vertical rigid tubular structure made of a ratang1 framework on which thin bark straps and stems from a yellow orchid are plaited, - on the upper part, two flexible “yokes” attached to the shell with 4 triangular spikes ending with ties serving as braces. The texture makes them look like a ribbed knit garment, with reduced parts and horizontal stripes. The “thread” is made of straps and stems rolled around a core of vegetal twisted fibers. The physical protection offered by these armors is of course limited, the warrior being naked under the belt, only wearing a penis sheath. The protective power was reinforced by amulets made of feathers or white fur of cuscus2 attached under the yoke. When they’re not used, the precious armors are rolled and protected in a sheath of banana leaves tied with a bark string. 1 2 Exposition ORCHID | CALLYPIGOUS 18 — Thomas Leveugle | alamus rotang palm, “rattan”. C A marsupial mammal from the Phalangeridae family. palmier Calamus rotang, « rotin » mammifère marsupial phalangéridé Armure de poitrine Fibres végétales, rotin et orchidée Ethnie Dani, Irian Jaya, Nouvelle-Guinée, xxe siècle H. 50 cm ; l. 44 cm Collection L. Dubreuil Chest armor Vegetal fiber, rattan and orchid Dani ethnic group, Irian Jaya, New Guinea, 20th century H. 50 cm; w. 44 cm Collection L. Dubreuil ORCHIDéE | Exhibition | 19 | 20 | Exhibition — Michèle Coquet | | Exposition | Avant l’apparition des tissus et des habits de coton, les pagnes d’écorce battue constituaient le seul vêtement des populations vivant dans les forêts du bassin du Congo. De l’écorce prélevée sur l’arbre, on ne conservait que le liber (la partie interne). Différentes opérations – trempage, foulage et séchage – permettaient d’obtenir une étoffe souple et résistante, de teinte différente selon les espèces végétales, allant du blanc au roux. Les BaMbuti, qui se désignent eux-mêmes par le terme BaSua, sont connus pour les peintures que leurs femmes réalisent sur ces pagnes, qui se portent passés dans l’entre-jambes, retenus à la taille par une ceinture, un pan retombant devant et derrière. Ils mènent une existence semi-nomade de chasseurscollecteurs, en étroite association avec les agriculteurs, dans la forêt équatoriale de l’Ituri, à l’est de la République démocratique du Congo. Leurs peintures font preuve d’une rare liberté graphique, les compositions n’obéissant pas aux règles de la géométrie. Elles reposent sur des jeux de lignes parallèles, entrecroisées, enchevêtrées, barbelées, en pointillés, brisées, réticulées... À l’intérieur de ce réseau, apparaissent souvent d’autres motifs, étoiles, formes en sablier, crochets, quadrillages, losanges, successions de bâtonnets, éclaboussures..., se rapportant généralement au monde animal. Les femmes transcrivent ainsi graphiquement l’expérience quotidienne d’une vie très mobile (un campement se déplaçant cinq à sept fois par an), dans un espace à la végétation dense, sillonné par d’innombrables chemins. Before cotton fabric and clothing were introduced, beaten bark loincloths were the only piece of clothing for the populations living in the forests of the Congo Basin. From the bark taken from the tree, only the phloem (the inner part) was kept. Different operations (soaking, pressing and drying) enabled to obtain a flexible and resistant fabric, of different shades according to the vegetal species, varying from white to ocher. The BaMbuti, who call themselves the BaSua, are known for the paintings their women paint on these loincloths, which are passed under the crotch, tied to the waist with a belt, one section falling in the front of the body and the other in the back. They live a semi-nomadic life of hunters-gatherers, closely associated with farmers, in the Ituri forest, in the East of the Democratic Republic of Congo. Their paintings show a rare graphic freedom, as the compo sitions do not follow the rules of geometry. They rely on parallel, intertwined, crossed, barbed, dotted, broken, cross-linked lines… Within this network, other motifs often appear, such as stars, hourglass shapes, hooks, grids, diamond shapes, series of sticks, splashes… which usually refer to the animal world. Women graphically transcribe the everyday experience of a very mobile life (a camp traveling 5 to 7 times a year), in a space where vegetation is dense and the paths numerous. Pagnes féminins et masculins BaMbuti Écorce battue Population BaMbuti (ou BaSua), forêt équatoriale de l’Ituri, République démocratique du Congo, 2de moitié du xxe siècle L. 70 à 90 cm ; l. 30 à 50 cm Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand skin Female and Male loincloths Beaten bark BaMbuti (or BaSua) people, Ituri rainforest, Democratic Republic of Congo, 2nd half of 20th century L. 70 to 90 cm; w. 30 to 50 cm Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand PEAU 22 | Exhibition | Exposition | Atelier de Patis Tesoro Châle, Patis Tesoro TRANSPARENCY Piña seda (fibre d’ananas et soie), brodé 2008 Kaftan, Patis Tesoro Piña seda (fibre d’ananas et soie), brodé 2007-2008 H. 74 cm ; l. 180 cm Page de droite Lé avec alphabet philippin stylisé du Bhoutan (détail), Patis Tesoro Piña seda (fibre d’ananas et soie), brodé 2005 L. 354 cm ; l. 74 cm Patis Tesoro’s studio Shawl, Patis Tesoro Piña seda (pineapple fiber and silk), flower embroidery by Patis Tesoro 2008 Kaftan, Patis Tesoro Piña seda (pineapple fiber and silk), embroidered 2007-2008 H. 74 cm; w. 180 cm Right page Width with stylized Philippine alphabet from Bhutan (detail), Patis Tesoro Piña seda (pineapple fiber and silk), embroidered 2005 L. 354 cm; w. 74 cm TRANSPARENCE — Christine Athenor | C’est durant le commerce qui reliait les Philippines et le Mexique au reste de l’Amérique (1565-1815) qu’une nouvelle source de fibres translucides a été domestiquée en Amérique du sud, la fibre d’ananas. Ce sont les feuilles issues de la variété Ananas comosus Merr qui sont filées et utilisées pour les vêtements masculins et féminins aux Philippines. C’est cette fibre que Patis Tesoro sauve, car elle fait partie de l’héritage culturel philippin. Son nom est le piña, fibre tissée à la main et extraite de la feuille du fruit. Elle est la matière principale du vêtement traditionnel appelé barong. Patis Tesoro défend ce vêtement, en passe de disparaître sous le régime de Marcos, comme constituant de l’identité philippine. Elle relance la production de cette fibre qui appartient à l’histoire des Philippines et qui avait presque disparu en 1986. Avec l’aide de mécènes, elle créée le Padrones de Casa Manila, un musée qui retrace plus de 300 ans d’histoire locale. Elle entreprend un travail de lobbying pour imposer aux responsables locaux la mise en place de cours afin de former les nouvelles générations d’artisans. Patis Tesoro développe depuis trente ans un travail à la fois de sauvegarde et de création. Patis Tesoro mentionne l’inspiration qu’elle a tirée de sa mère Nena Fabella, mais aussi de tous les arts. Elle dessine et peint régulièrement sur tout support. Nourrie de ces sources, elle retravaille ses textiles par des broderies de fleurs, feuilles, spirales baroques et formes géométriques. Son travail autour du textile lui permet d’endosser un autre rôle, celui d’activiste sociale, entrepreneur et leader en développement économique, ayant pu constater le lien entre régime dictatorial et perte d’identité. It is during the trade exchanges which linked the Philippines and Mexico to the rest of America (1565-1815) that a new source of translucent fibers was domesticated in South America: pineapple fiber. The leaves coming from the species Ananas comosus Merr are spinned and used for male and female clothing in the Philippines. It is this fiber which Patis Tesoro tries to protect, for it is part of the Philippine cultural heritage. Named piña, it is a hand-woven fiber, extracted from the leave of the fruit. It is the main material of the traditional dress named barong. Patis Tesoro supports this garment, which almost disappeared under Marcos, as a part of the Philippine identity. She re-launched the production of the fiber which belongs to the history of the Philippines and which had almost disappeared in 1986. With the help of patrons, she created the Padrones de Casa Manila, a museum which encompasses more than 300 years of the local history. She undertook a lobbying work to oblige local officials to create courtyards designed for the training of new generations of craftspeople. For thirty years, Patis Tesoro has worked for both safeguarding and creation. Patis Tesoro talks about the inspiration that she drew from her mother Nena Fabella, but also from all art forms. She regularly draws and paints on all media. Fed on these sources, she re-works her textile pieces with embroidery showing flowers, leaves, baroque spirals and geometric shapes. Her work around textile enables her to assume another role, that of a social activist, entrepreneur and leader in economic development, as she observed the link between the dictatorial regime and the loss of identity. Exhibition | Exposition | tissu magique / monnaie d’échange Abaca Population T’Boli Philippines, xxe siècle L. 270 cm ; l. 57 cm Collection Francis Dravigny et Sophie Caillol, Parsi Page de droite Tissus d’ameublement, Parsi Polyem (46 % polyester / 54 % abaca) Philippines (tissage), Lyon (ennoblissement) xxie siècle Haut : « Lézard vert », film peau de serpent déposé à chaud. Largeur du lé : 140 cm Bas : « Pompadour », décor floral frappé à chaud. Largeur du lé : 140 cm Collection Francis Dravigny et Sophie Caillol, Parsi CURRENCY CLOTH / MAGICAL CLOTH Abaca T’Boli people Philippines, 20 th century H. 270 cm ; w. 57 cm Collection Francis Dravigny et Sophie Caillol, Parsi Right page Furniture fabric, Parsi Polyem (46% polyester/54% abaca) Philippines (weaving), Lyon (ennobling) 21th century top : “Lézard vert”, hot rolled snake hide film. Width: 140 cm Bas : “Pompadour”, hot stamped decor. Width: 140 cm Collection Francis Dravigny et Sophie Caillol, Parsi Entre tradition et modernité, entre les Philippines et Lyon… Un métissage culturel entre fibres d’abaca et savoir-faire à la française qui s’entrelacent parfaitement. Nous nous sommes inspirés de la plus ancienne des traditions textiles philippines auprès des populations T’boli pour fonder notre atelier de tissage. La fibre d’abaca et la teinture à réserve pour créer des motifs ikatés sont la base même de ce tissu appelé T’nalak. Nous avons crée la société Parsi en 1999, nous vivons et travaillons entre Lyon et Cebu aux Philippines. Dans notre atelier à Cebu, nous allions le savoirfaire du tissage traditionnel philippin de la fibre d’abaca, buntal1 et piña2, et la modernisa tion du textile par l’insertion de cuir, cuivre, chrome et fil extrudé de bouteille en plastique recyclée. Également appelé « chanvre de Manille », l’abaca provient d’une espèce endémique de bananier, le Musa textilis. La fibre est extraite du cœur de la tige de la plante. Triées en cinq grades de qualité (des plus fines aux plus épaisses), les fibres sont nouées à la main pour obtenir des écheveaux. Chaque pièce est tissée manuellement sur des métiers traditionnels en bois ou métal. Les variations de couleurs de l’abaca dans le tissage sont inhérentes aux saisons et aux lieux de récolte de la fibre. Ces variations donnent à chaque métrage son côté unique et exceptionnel. À Lyon, certains tissus sont ennoblis3 par frappage, calandrage4, enduction métallique5. Nous sommes fiers de contribuer à la sauvegarde d’un patrimoine philippin et de traditions fragilisées. Il est important que ce savoir-faire, lié à une espèce endémique, demeure philippin. Nous avons foi en un internatio nalisme intelligent : dans cet espace neuf de collaboration, il n’y a pas de limite à la créativité. Nous partageons l’amour et le respect des beaux matériaux et l’envie de concilier tradition et modernité. Le buntal provient d’un palmier aux larges feuilles Corypha elata. La fibre est extraite de la tige de la feuille. 2 Le piña est extrait des feuilles d’une variété native d’ananas, Ananas comosus. 3 Ce terme recouvre tous les traitements qui, appliqués aux étoffes après le tissage, leur confèrent un aspect et des qualités particulières. 4 Le calandrage est un traitement dont le but est d’augmenter l’éclat et la rigidité d’un tissu. 5 Métallisation de la surface. 1 Between tradition and modernity, between the Philippines and Lyon… a cultural cross-fertili zation between abaca fibers and French style know-how which perfectly mingle… When we created our studio, we went to see the T’boli people to draw inspiration from the oldest Philippine textile traditions. Abaca fiber and reserve dyeing used to create ikat motifs are the real basis of the cloth named T’nalak. We created the Parsi company in 1999 and we live between Lyon and Cebu in the Philippines. In our Cebu studio, we combine the know-how of Philippine traditional weaving of the abaca fiber (buntal1 and piña2) and the modernization of textile by the introduction of leather, copper, chrome and thread extruded from recycled plastic bottles. Also called “Manila hemp”, abaca comes from an endemic species of banana tree – Musa textilis. The fiber is extracted from the heart of the plant stem. Sorted in five quality degrees (from the thinnest to the thickest), fibers are hand-knotted to obtain these hanks. Each piece is hand-woven on traditional looms made of wood or metal. Variations of color of abaca in weaving CROSS-FERTILIZATION | MéTISSAGE 24 — Sophie Caillol & Francis Dravigny | correspond to seasons and places of harvesting of the fiber. These variations give each length its unique and outstanding aspect. In Lyon, some cloths are ennobled3 with stamping, calendaring4, metallic coating5. We are proud to contribute to the safeguarding of a Philippine heritage and jeopardized traditions. It is important that this know-how, linked to an endemic species, remains Philippine. We have faith in a smart internationalism: in this new space of collaboration, there are no limits to creativity. We share love and respect for beautiful materials and wish to combine tradition and modernity. untal comes from a wide-leaf palm B named Corypha elata. The fiber is extracted from the stem of the leaf. 2 Piña is extracted from the leaves of a pineapple variety named Ananas comosus. 3 This term encompasses all treatments which, applied to fabrics after weaving, give them a particular aspect and particular qualities. 4 Calendaring is a treatment aimed at increasing brilliance and rigidity of a fabric. 5 Metallization of the surface. 1 Exhibition | Exposition | | IMPERMéABLE Ce manteau de pluie composite se retrouve dans tout l’ExtrêmeOrient : Philippines, Chine continentale et insulaire, ainsi que dans le nord du Vietnam. Il est une sorte de version exotique du célèbre « Macintosh » britannique. Il comporte deux parties assemblées par un jeu de bretelles : d’une part, une cape courte couvrant les épaules, les bras, le haut du dos, d’autre part une sorte de fourreau évasé vers le bas. Les nappes de tissu infrapétiolaire qui composent le manteau sont renforcées et maintenues en place par des surpiqûres. Ce manteau est un des nombreux exemples de solutions que les hommes ont trouvées pour se protéger de la pluie. Dans leur immense majorité, les équipements sont réalisés avec un grand savoir-faire à partir de matières végétales trouvées dans l’environnement. Il peut s’agir d’herbacées, de folioles de palmier, de feuilles, de bambou découpé en lanières… dont certains peuvent avoir une fonction symbolique. Au Japon, les paysans utilisent un ensemble composé d’une longue cape et d’un tablier, auquel on peut ajouter un chapeau. Ces éléments, mino et koshi mino, sont faits de nappes superposées de variétés de graminées, susuki (Miscanthus sinensis) ou suge (variété de Carex). Outre son usage utilitaire, le susuki symbolise la vigueur et constitue un motif fréquent dans les arts décoratifs. This composite raincoat can be found everywhere in the Far East: the Philippines, China and Taiwan, as well as Northern Vietnam. It is a kind of exotic version of the famous British “Mackintosh”. It is made of two parts assembled by braces: a short cloak covering the shoulders, the arms and the upper part of the back, and a kind of sheath flaring at the bottom. The layers of infrapetiolar cloth making up the coat are reinforced and secured by overstitches. This sheath is one of many examples of the solutions man has found to be protected from the rain. Most of these types of garments are made with an excellent know-how from vegetal materials found in the environment. It can be herbaceous plants, palm leaflets, leaves, bamboo cut in straps… among which some can have a symbolic function. In Japan, peasants use a set made of a long cloak and an apron, to which a hat can be added. These elements – mino and koshi mino – are made of superimposed layers of different species of grass – susuki (Miscanthus sinensis) or suge (a type of Carex). In addition to its utilitarian use, susuki symbolizes strength and is a frequent motif in decorative arts. WATERPROOF La soie de mer, ou laine de poisson, est produite par une variété de mollusque bivalve, la Pinna Nobilis, une grande nacre marine mesurant entre 80 et 120 cm de largeur. Suspendue au milieu des champs des grandes algues vertes (posidonies), elle s’enfonce dans le sable en position verticale. Elle vit exclusivement en mer Méditerranée entre 3 et 30 m de profondeur, aux abords de la Calabre, de la Sicile, de l’Île de Malte ou encore de la Corse. La matière dorée tirée de cette moule est formée des filaments (le byssus) produits par le coquillage géant pour se fixer sur les fonds marins. Après diverses étapes de préparation (lavage, séchage, cardage puis filage), la matière brune du byssus revêt une couleur cuivre doré qui lui valut le surnom de soie de mer. Rarement attestée archéologi quement (un des plus anciens vestiges est un bonnet daté du xiv e siècle découvert en France à Saint-Denis), la soie de mer est pourtant présente dans des textes antiques depuis les Phéniciens jusqu’au Moyen Âge. Hérodote évoque les textiles d’or qu’il a vu en Egypte et la pierre de Rosette conserve la trace du terme byssus. La production était réservée à des textiles luxueux, souvent des gants ou des bonnets. La production est aujourd’hui arrêtée bien qu’un dernier atelier subsiste en Sardaigne. L’espèce est par ailleurs protégée du fait de la surpêche. À ce jour, on compte une soixantaine d’objets en soie de mer répartis dans plusieurs musées du monde entier dont ce châle conservé au musée des Confluences. Sea silk, or fish wool, is produced by a certain type of bivalve mollusk, the Pinna Nobilis, a big marine motherof-pearl measuring between 80 and 120 cm. Hung in the middle of the fields of big green algae (Posidonia), it vertically drives its way into the sand. It is found exclusively in the Mediterranean Sea between 3 and 30 meters of depth, near Calabria, Sicily, Malta or Corsica. The golden material taken from this mussel is made up of filaments (byssus) produced by the giant shell to attach itself to the seabed. After various stages of preparation (cleaning, drying, carding and spinning), the brown material of the byssus takes on a golden copper color which earned it the nickname of sea silk. Rarely archeologically attested (one of the oldest items found is a skullcap dating back to the 14th century discovered in Saint-Denis, France), sea silk is however present in antique texts from the Phoenicians to the Middle Ages. Herodotus mentions golden textiles he saw in Egypt and the Rosetta Stone mentions the term byssus. The production was reserved to luxury textiles, often gloves or skullcaps. Today the production has stopped although a last workshop remains active in Sardinia. The species is protected because of overfishing. To this day, we know of about 60 objects made of sea silk, which are in different museums worldwide, including this shawl coming from the Musée des Confluences. Exposition ABYSSAL | — Emilie Robert 26 — Françoise Cousin | Châle de soie marine Manteau de pluie Tissu infrapétiolaire de palmier-aréquier, ou de palmier Trachycarpus esp., dit palmier de Chine, surpiqué Extrême-Orient, xixe siècle H. 85 cm ; l. 93 cm Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand Raincoat Infrapetiolar fabric, Areca catechu palm, or Trachycarpus esp. palm, overstitched Far East, 19 th century H. 85 cm; w. 93 cm Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand Byssus de Pinna nobilis Italie, non daté (xviiie-xixe siècle) H. 100 cm ; l. 110 cm N° inventaire : 44002200 Musée des Confluences, département du Rhône ABYSSAL SEA SILK SHAWL Mediterranean byssus Italy, undated (18th/19th century) H. 100 cm; w. 110 cm Inventory number: 44002200 Musée des Confluences, département du Rhône | Exhibition | 27 | 28 | Exhibition | Exposition | SéCRéTION SeCReTION — Simon Peers | L’homme a toujours emprunté et utilisé la soie des araignées. La fibre étant utilisée pour sa valeur symbolique ou pratique. Mais l’araignée est cannibale et ne peut pas être élevée comme le ver à soie, Bombyx mori. Voici donc le défi. En 1709, la première approche méthodique de ce problème est inventée par le Français François-Xavier Bon-de-SaintHilaire pour essayer de récolter la soie. De cet usage est née à Madagascar une recherche menée par un père jésuite, le père Paul Camboué qui, dans la mouvance de toutes les expériences européennes, tente d’obtenir du fil, pas simplement par la collecte des cocons, mais directement de l’araignée. Pari fou, son idée est adoptée par l’administration coloniale française qui perfectionne une machine pour extraire la soie. Ainsi est réalisé un ciel de lit qui sera exposé, selon certaines sources, à l’Exposition Universelle de 1900 au Trocadéro à Paris, puis perdu. C’est à Madagascar, pour des raisons historiques et symboliques, que quatre textiles en soie d’araignée, quatre exceptions, ont été réalisés depuis 2004. Ils sont le résultat de la rencontre entre un artiste, chercheur infatigable passionné d’excellence et de magie, et un entrepreneur fervent défenseur de la notion de rareté. À eux deux, ils ont transcendé la notion d’extraordinaire et réalisé ce que personne auparavant n’avait fait ; ceci dans une époque où il est communément admis que notre notion du temps ne permet plus de réaliser de telles choses… Araignée néphile de Madagascar Madagascar nephila spider Châle, Simon Peers et Nicholas Godley / Lamba SARL Shawl, Simon Peers and Nicholas Godley / Lamba SARL Soie d’araignée Madagascar, 2009 l. 60,5 cm ; L. 160 cm Spider silk Madagascar, 2009 w. 60,5 cm; L. 160 cm Préparation du métier à tisser Preparation of the weaving loom Man has always used spider silk. The fiber has been used for its symbolic or practical value. But spiders are cannibals and cannot be bred like silk worms – Bombyx mori. Hence the challenge. In 1709, the first methodical approach to this problem was invented by a Frenchman named François-Xavier Bon-de-SaintHilaire to try and collect silk. This approach inspired a research led by a Jesuit Father based in Madagascar, Father Paul Camboué, who, following all European experiments, tried to obtain thread not only through the collection of cocoons but directly from spiders. A crazy bet, his idea was adopted by the French colonial administration which created a machine to extract the silk. This is how a bed canopy was made and allegedly exhibited during the Universal Exhibition of 1900 at the Trocadéro in Paris, before it was lost. For historical and symbolic reasons, it is in Madagascar that four textile pieces made of spider silk – four exceptions – have been made since 2004. They are the result of the encounter of an artist, tirelessly and passionately looking for excellence and magic, with an entrepreneur, strong supporter of rarity. Together they transcended the idea of the extraordinary and made what no one had before, and in a time when it is commonly accepted that our notion of time doesn’t allow this type of things anymore… | Exhibition | Exposition | CINéTIQUE 30 KINETIC Tressage à Rari, Chili Page de droite Disques tressés Crin de cheval Village de Rari, Chili / en collaboration avec Paula Leal 2012 Diam. 2 à 10 cm PLAITING FROM RARI, CHILE Right page Circular plaiting Horsehair Village of Rari, Chile / with Paula Leal 2012 Diam. 2 to 10 cm — Christèle Olimé | Rari est un village aux pieds des Andes, au Chili, où Paula Leal, architecte et designer, a rencontré les femmes artisanes et entamé avec elles une aventure créative, respectueuse de l’esprit de ce travail particulier. Les femmes du village de Rari perpétuent depuis 300 ans une technique artisanale à mi-chemin entre tissage et vannerie : le tissage de crin de cheval naturel ou teint, qu’elles sont les seules à travailler de cette manière dans le monde. C’est dans ce village qu’est née cette technique. Au-delà de la rareté de la matière, le travail des artisanes est unique. S’inspirant de la faune et de la flore locales, elles tressent depuis des années des objets ou figurines – cocons, chrysalides, fleurs ou papillons… – devenus des pièces patrimoniales aujourd’hui intégrées au musée du village de Rari. Les disques tressés sont ainsi devenus leurs ambassadeurs à l’extérieur. Ils sont l’emblème et le drapeau de ce village chilien et des artisanes dont les réalisations ont été présentées à la dernière Exposition Universelle de Shangaï en 2011. Inlassablement travaillées, ces formes sont le fruit d’un mouvement rapide des mains de ces femmes, devenues expertes par la transmission de leur mère ou grand-mère. Leur ouvrage existe par leurs seuls doigts agiles qui tissent le crin autour d’une fibre d’agave formant l’armature de la pièce, et parfois, le renfort d’une aiguille de couturière pour les finitions. Ainsi, ces objets constituent la préservation du savoir-faire textile des femmes de Rari, mais aussi de savoir-faire et savoir-être féminins, chiliens, villageois… Les fins tissages présentés dans l’exposition Métamorphoses sont le résultat de l’échange entre la designer et les artisanes qui ont pensé ces objets. La rencontre de ces femmes et Paula Leal, celle de cette technique traditionnelle et de l’esprit de l’architectedesigner offrent à la technique du tissage de crin des perspectives d’ouverture internationale et d’ancrage dans l’esthétique contemporaine. Rari is a village located at the bottom of the Andes in Chile, where Paula Leal, an architect and designer, has met crafts women and started with them a creative adventure, respectful of the spirit of this particular work. The women of the village have practiced this craft technique for 300 years, a technique halfway between weaving and basketry: the weaving of natural or dyed horsehair, which they are the only ones to work this way in the whole world. This technique was born in this village. Beyond the rarity of the material, the work of these women is unique. Inspired by the local fauna and flora, for years they have been plaiting objects or small figures – cocoons, chrysalises, flowers or butterflies... – which all became heritage pieces now part of the village museum of Rari. The plaited disks have therefore become their ambassadors in the outside world. They are the emblem and the flag of this Chilean village and of the craftswomen whose achievements have been presented at the Shanghai Universal Exhibition of 2011. Tirelessly worked upon, these shapes are the result of a quick move of the hands from these women, who have become experts thanks to transmission from their mothers or grandmo thers. Their works exist thanks to their agile fingers only, which weave the agave fiber forming the framework of the pieces and sometimes the help of a sewing needle for the finishing. There fore, these objects represent the preservation of the textile know-how of the women of Rari, but also of the female, Chilean and village know-how and being… The refined woven pieces presented in the exhibition Métamorphoses are the result of the exchanges between the designer and the craftswomen who created the pieces. The encounter of these women with Paula Leal, of this traditional technique and the mind of the architect-designer provide horsehair weaving with internatio nal and rooting perspectives in contemporary aesthetics. 32 | Exhibition — Patricia Gérimont | | Exposition | Partout à Bamako fleurissent d’innombrables teintureries de « bazin », terme adopté par les Africains pour désigner le damas de coton. Sur ce textile importé d’Europe et d’Asie, les teinturières confient aux « attacheurs » le soin de réaliser des motifs décoratifs au moyen de nombreux procédés de réserves. Par plissage, ligature, couture ou application de paraffine, ces artisans isolent des portions de tissu avant que celui-ci ne soit plongé dans la teinture. Dès le retrait des liens ou de la cire, après trempage, apparaissent des décors multicolores complexes dont le caractère somptueux est encore renforcé par le lustrage du tissu réalisé par des batteurs. Héritière directe de la tradition subsaharienne de la teinture à l’indigo, cette pratique tinctoriale s’est pérennisée grâce à l’adoption par les teinturières de tissus industriels et de colorants chimiques. L’engouement jamais démenti des Maliens pour les vêtements en bazin en garantit le succès, d’autant qu’ils contribuent au façonnement de l’identité et du sentiment d’appartenance à la culture ouest-africaine et musulmane. Le développement exponentiel de ce secteur à partir des années 90 repose en partie sur la disponibilité d’une importante main d’œuvre suite aux politiques d’ajustement structurel qui ont jeté à la rue de nombreux salariés n’ayant d’autre choix que de s’inscrire dans les filières économiques informelles. L’expansion de la teinture à réserves est toutefois freinée aujourd’hui par plusieurs facteurs d’ordre interne et externe au secteur. D’une part, la mode actuelle qui privilégie les bazins unis, rehaussés de savantes broderies machine, prive de travail les attacheurs au profit des brodeurs. D’autre part, l’instabi lité politique liée au récent coup d’état génère une baisse de revenus de la population, créant l’obligation pour les teinturières de trouver davantage de marchés à l’extérieur du pays, privilège réservé aux artisanes qui ont la possibilité de voyager avec leurs bazins. Everywhere in Bamako, numerous “bazin” dyeing shops can be found. “Bazin” is the term adopted by Africans to name cotton damask. On this textile imported from Europe and Asia, women dyers let “attachers” make the decorative motifs with numerous reserve processes. By folding, tying, sewing or applying paraffin, these craftspeople isolate portions of cloth before it is plunged into dye. As soon as the ties have been untied or the wax taken off, after dipping, multicolored decors appear, whose sumptuous character is reinforced by the cloth lustring done by beaters. Directly coming from the Subsaharan tradition of indigo dyeing, this dyeing practice lived on thanks to the adoption by women dyers of industrial fabric and chemical coloring. The enduring enthusiasm of Malians for these bazin clothes is a guarantee for their success, so much as they contribute to the shaping of identity and sense of belonging to the Western African and Muslim culture. The exponential development of this sector from the 1990’s is partly explained by the availability of an important workforce following the structural adjustment policies which forced many former salary people to join the informal economy sector. However, the expansion of reserve dyeing is slowed down today by several factors both internal and external. First, the current fashion trends favor plain bazins embellished with smart machine embroidery, which makes work shift from attachers to embroiderers. Second, political instability linked to the recent coup generates a decrease of income for the population, forcing women dyers to find more markets outside the country, a privilege reserved to the craftswomen that are able to travel with their bazins. BAZIN Atelier de Sanata Coulibaly Bamako, Mali Page de droite Bazins : Ballons & carreaux et nafi feuilles Bamako, Mali, 2005-2012 H. 300 cm ; l. 150 cm Collection Patricia Gérimont Sanata Coulibaly’s workshop Bamako, Mali BAZIN Right page Bazins : Balloons & squares and nafi feuilles Mali, 2005-2012 w. 300 cm; L. 150 cm Collection Patricia Gérimont 34 | Exhibition | Exposition | Sortie de cuve Mood indigo, Aboubakar Fofana Mali/France, 2011 20 tentures : H. 180 ; l. 90 cm Page de droite Déligaturage Out of the tank Mood indigo, Aboubakar Fofana Mali/France, 2011 20 hangings: H. 180; w. 90 cm Right page Untying OXYDATION OXiDATION — Diane Cazelles | Bleus, comme des morceaux de ciel encore jamais inscrits ! Une série de bannières déploie une diversité de nuances bleues aux vibrations intimes jouant en lumière et en transparence. Plus encore que des variations autour d’une couleur, le concept prend toute sa dimension dans une installation spatiale, rejoignant la symbolique de l’élévation et révélant à travers un médium et un support naturel l’interven tion d’Aboubakar Fofana, créateur de formes et de messages. Aboubakar Fofana mène des recherches sur l’indigo et les techniques de colorants naturels depuis 25 ans en Afrique de l’Ouest et au Japon. Calligraphe, plasticien et designer, il est lauréat de la Villa Médicis Hors les Murs (AFAA1) en 2000 et de la Villa Kujoyama (AFAA) en 2005. Collaborant avec Edun - LVMH et Donna Karan pour la ligne Urban Zen, il est aussi consultant en développement produits et travaille avec les artisans d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie. Aboubakar Fofana utilise différents matériaux textiles comme support de création. Il teint et façonne le coton biologique malien, mais également le lin, le chanvre, la soie... De par leur caractère écologique et la préciosité de leurs fibres, ces matières conviennent à la teinture naturelle, unie, en plusieurs nuances, avec des techniques de réserves telles que le shibori2 et le batik3. Pour cet artiste, l’application au design textile est née d’une volonté partisane, celle de sauvegarder et de pérenniser le patrimoine culturel africain lié à la filière textile. Il adapte les techniques anciennes aux expressions contemporaines en rééditant et créant des pièces pour la mode et la décoration. Il prolonge ses recherches à travers des œuvres expérimentales et plastiques, et signe une démarche globale où l’esthétique et l’éthique « durables » se rejoignent avec talent. ssociation Française d’Action Artistique, A opérateur délégué du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de la Culture pour les échanges culturels internationaux et l’aide au développement. 2 Technique traditionnelle de teinture à réserve par ligature. 3 Procédé d’ornementation obtenu par application de réserves à l’état liquide ou semi-liquide (cire chaude, résine, paraffine) ou sous forme de pâte (mélange contenant de la gomme, de la boue, de la farine de riz, de manioc ou de soja). 1 Blue as parts of the sky that would not yet have been put up in the sky! A series of banners shows a multiplicity of blue colors with intimate vibrations, playing with light and transparency. Even more than variations around a color, the concept develops all its scope in a spatial installation, joining the symbolic of elevation and revealing through a natural medium and support the intervention of Aboubakar Fofana, the creator of shapes and messages. Aboubakar has been working on indigo and natural dyes for 25 years in Western Africa and Japan. A calligrapher, visual artist and designer, he was the laureate for the Villa Médicis Hors les Murs (AFAA1) in 2000 and for the Villa Kujoyama (AFAA) in 2005. Collaborating with Edun – LVMH and Donna Karan for the Urban Zen clothing line, he is also a consultant in product development and works with craftspeople form Africa, South America and Asia. Aboubakar Fofana uses different textile materials as media for his creations. He dyes and shapes biological cotton from Mali, but also linen, hemp, silk… With their ecological features and the precious aspect of their fibers, these materials are suitable for natural, plain dyeing, in different color shades, using reserve techniques such as shibori 2 and batik 3. For this artist, dealing with textile design came from an involved state of mind, aimed at safeguarding and passing on the African cultural heritage linked to the textile sector. He adapts old techniques to contemporary expressions by reediting and creating pieces for the fashion world and decoration. He pursues his research through experimental and visual works, and offers a global approach where “sustained” aesthetics and ethics skillfully join. FAA: French Association for Artistic A Action, a branch of the Ministry of Foreign Affairs and of the Ministry of Culture and Communication devoted to international cultural exchange and development aid. 2 Shibori : traditional reserve dyeing technique with tying. 3 Batik : ornamentation process obtained by reserve application in the liquid or semi-liquid state (hot wax, resin, paraffin) or in the form of a paste (mix including gum, mud, and rice, manioc or soy flour). 1 | épopée regalia escales hybridation miroir Métamorphose de l’étoffe… Epic Regalia STOPOVERS hybridization mirror … car le décor crée du sens grâce à des cou leurs, des motifs, des symboles. Au-delà du choix des fibres et des techniques qui conditionne l’aspect du textile, le décor (qu’il soit tissé, brodé, noué, imprimé, feutré, teint à réserves, etc.), le choix des couleurs et des motifs s’appuient sur des traditions séculaires et se nourrissent des échanges, dépas sant l’idée d’une simple ornementation. Un décor, en effet, révèle un usage, énonce un propos, évoque des coutumes et des croyances, relate des évènements historiques et des données géographiques ; il peut contenir des informations mul tiples, de la plus anecdotique à la plus symbolique. Ainsi, les tapis afghans de la seconde moitié du x x e siècle sont de véritables répertoires de motifs mêlant aux représentations ancestrales de vases flo rissants et créatures anthropozoomorphes les visions contemporaines de la guerre, devenant des motifs à part entière. Lorsque l’on évoque les tissus n’dop du Came roun qui passent de main en main, du prélèvement de la fibre jusqu’à l’obtention du décor teint sur ligature avant de revenir dans la famille royale, ou les wax imprimés en Europe (Angleterre, Hollande) pour être coupés et taillés par des tailleurs ivoiriens, c’est bien d’une invitation au voyage qu’il s’agit. Cet itinéraire textile, où chaque savoir-faire occupe une place déterminée au sein d’un système bien organisé, prend en compte les motifs et symboles éloquents pour les destinataires des étoffes. Ainsi en va-t-il de la cloche, symbole royal qui apparaît en réserve sur le n’dop, du tableau noir recouvert d’un abécédaire ou de l’acronyme d’un parti politique imprimé sur des tis sus wax. Car, bien que dessinés quelquefois à des milliers de kilomètres de leur lieu d’utilisation, ces motifs prennent sens à certains endroits bien précis. Au Vietnam, la styliste Danh Thi Minh Hanh inter roge l’héritage culturel de son pays en utilisant des broderies réalisées par des femmes issues des mino rités, Hmong notamment. Elle replace ces ouvrages traditionnels exécutés avec des codes bien précis dans un contexte plus contemporain en les intégrant à ses collections vues dans le monde entier. Enfin, Marcus Tomlinson dans Ambimorphous d’après Hussein Chalayan, part a contrario d’un costume traditionnel multicolore turc, entièrement brodé et perlé, pour aboutir, au fur et à mesure d’une déconstruction progressive, à un vêtement uni, sombre, moderne, déstructuré et entame ainsi un dialogue contemporain autour d’une métamorphose visuelle et symbolique forte. Exposition | Exhibition | 37 metamorphosis of the fabric… … for the setting creates meaning by means of colors, motifs and symbols. On top of the use of fibers and skills which determine the aspect of the fabric, both the setting (whether woven, embroide red, knotted, printed, felted, reserve dyed, etc.) and the choice of colors and motifs rely on age-old tradi tions and feed on interrelationship far beyond mere ornamentation. A setting does reveal an usage and makes a sta tement, it conjures up customs and beliefs, it reports events in history and geographical data; it may contain various pieces of information from the least significant to the most symbolic one. Afghan rugs from the second half of the 20th century are thus true cyclopedias of motifs which set ancestral representations of vases in bloom and anthropozoomorphic creatures side by side with contemporary visions of war and thus become motifs in their own right. The n’dop cloths from Cameroon which are passed on from hand to hand, from the selection of the fiber to the completion of the dyed on ligature setting before reaching the royal family, the “wax” printed in Europe (England and Holland) then cut and tailored by Ivory Coast tailors, are so many pressing invitations to travel. This textile itinerary, in which each skill finds its appointed place within an organi zed system, takes into account motifs and symbols which speak volumes to the recipients. This is true of the bell, a royal symbol which appears discreetly on the n’dop, or the blackboard covered with a spelling lesson, or the acronym of a political party printed on wax fabric, since even though these motifs may have been drawn thousands of miles away from where they will be used, they become meaningful when reaching particular spots. Vietnamese stylist Danh Minh Hanh questions her country’s cultural heritage through embroideries crafted by women belonging to minority groups such as the Hmongs. She sets these pieces of traditional work perfected according to rigid codes in the midst of a more contemporary context by making them part of collections seen in the whole world. Finally, Marcus Tomlinson reverses the process in his work Ambimorphous inspired by Hussein Cha layan, starting from a traditional multicolored Turkish costume, embroidered and beaded, to go through a progressive deconstruction and end with a dark plain modern piece of de-structured clothing and thus starts a contemporary dialogue about a powerful visual and symbolic metamorphosis. | | Exposition | | éPOPéE ePic Tapis afghan afghan rug Laine, tissage à point noué Afghanistan, 2de moitié du xxe siècle L. 219 cm ; l. 153 cm Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand Wool rug (knotted rug weaving) Afghanistan, 2nd half of the 20th century Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand Cette tenture provenant du Cameroun, appelée n’dop est composée d’une épaisse toile de coton écrue teintée à l’indigo selon un principe de ligatures. Cette pièce de prestige était déployée lors des cérémonies à l’arrière et autour des espaces réservés au roi, à sa famille et aux hauts dignitaires du pays Bamoun des hauts plateaux du Grassland. Les motifs de l’étoffe évoqueraient le plan d’un ancien palais mais également les regalia1 comme la cloche, insigne de pouvoir royal. Cette tenture est l’outil de la métamorphose de l’espace villageois en un espace de pouvoir, en une aire sacrée. La mise en scène ainsi créée place le dignitaire dans la posture d’intouchable, de véritable dieu vivant. Quand il est de taille moins importante, le tissu n’dop devient un élément constitutif du costume des danseurs masqués réservés aux membres des sociétés secrètes. Ces différents masques empruntent au monde animal leurs traits, comme les masques perlés « éléphants » pourvus de larges oreilles et d’une trompe. Lors de la mise en scène du pouvoir, des petites scènes animées par des marionnettes rejouent les hauts faits du royaume. 1 L’Afghanistan est constitué de nombreux groupes ethniques qui appartiennent pour la plupart aux tribus nomades Ouzbeks, Baloutchs et Turkmènes réfugiées dans ce pays suite à des annexions russes sur le vaste territoire de l’Asie Centrale. Leurs tapis sont souvent regroupés sous le nom générique d’afghans alors que chacune de ces tribus réalisent des pièces conformes à sa propre culture. Les gammes chromatiques sont très proches et se composent essentiellement de teintes rouges, brunes, orangées, bleues et de quelques rehauts de blanc. Les compositions classiques de tapis plus anciens perdurent. Les registres constitués de bandes horizontales plus ou moins larges sont les espaces narratifs où se côtoient éléments végétaux, animaux symboliques et motifs abstraits. Ils perpétuent ainsi un vocabulaire iconographique ancestral. Mais cette écriture textile évoque également l’histoire contemporaine du pays et relate les guerres religieuses et ethniques qui sévissent. Ce tapis a été ramené par une équipe de Médecins du Monde. Au premier abord, rien ne semble troubler le regard puis, en observant attentivement les motifs noués, apparaissent aux côtés d’arbres de vie stylisés, de bouquets de fleurs fournis ou de couple de lions, des hélicoptères, des avions de chasse et des cavaliers « militaires » armés de leurs kalachnikovs. Le tapis devient alors une page d’histoire. Malgré les guerres, des pièces afghanes similaires ont été produites. Elles ne nous sont parvenues que jusqu’en 2002. Espérons qu’il ne s’agisse que d’un silence temporaire. Afghanistan is a composite of numerous ethnic groups most of which belong to nomadic tribes (Uzbeks, Balutshis and Turkmens) which sought refuge in this country in the wake of Russian annexations at the expense of vast Central Asian territories. Their rugs often come under the generic term “Afghan” while each of these tribes produces pieces after its own culture. Their chromatic scales are very similar and mainly made up of red, brown, orange and blue hues with some white highlights. The more classical rug patterns are still alive. Horizontal stripes of varying breadth are the narrative spaces where vegetal elements mix with symbolic animals and abstract motifs, thus perpetua ting an ancestral iconographic vocabulary. But this textile calligraphy also brings to mind the country’s present history and its laboring under religious and ethnic violence. This particular rug was retrieved by a team of Médecins du Monde doctors. Nothing at first sight to disturb the eye, but a closer look at the knotted motifs reveals that stylized trees of life, bunches of flowers or couples of lions are to be found side by side with helicop ters, fighter planes and “military” horse riders with Kalashnikovs. The rug thus makes history. Similar Afghan pieces have been produced in spite of the wars but have no longer reached us after 2002. Let us hope this silence will not be a lasting one. This hanging from Cameroon is called a n’dop and is made of an indigo dyed thick ecru cotton fabric following the ligature principle. This prestige piece was unfolded during ceremonies behind and around areas reserved to royalty and dignitaries, in the Bamum country on the Grassland plateaus. The motifs suggest the plan of a former palace but also such regalia1 as the clock, a token of royal power. The hanging plays a key role in the metamorphosis of the village space into a space of power, a sacred area. The staging thus sets the dignitary in the posture of an untouchable, a true living god. When of a smaller size, the n’dop fabric becomes a constitutive element of the costume of masked dancers belonging to sacred societies. These various masks borrow their features from the animal world, as for instance the “elephant” beaded masks fitted with outsize ears and a trunk. When the exercise of power is to be staged, short scenes played by puppets re-enact feats in the kingdom’s history. 1 Exposition | Exhibition Tenture n’dop Coton teint à l'indigo Populations Bamiléké / Bamoum Cameroun, milieu du xxe siècle L. 296 cm ; l. 242 cm Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand « masque-marionnette ’’ Coton teint à l'indigo, perles, bois Populations Bamiléké / Bamoum Cameroun, milieu du xxe siècle H. 195 cm ; l 50 cm Collection L. Dubreuil N’dop hanging Indigo dyed cotton Bamileke/Bamum peoples L. 296 cm; W. 242 cm Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand “Doll-mask” Indigo dyed cotton, beads, wood Bamileke/Bamum peoples Cameroon, mid 20 th century H. 195 cm; w. 50 cm Collection L. Dubreuil egalia refers to a set of symbolic royal R objects. Each monarchy keeps its own regalia which are often linked to legendary accounts. Les regalia sont un ensemble d’objets symboliques de la royauté. Chaque monarchie conserve ses propres regalia dont les origines sont souvent liées à des récits légendaires. REGALIA Exhibition REGALIA | — Thomas Leveugle 38 — Christine Bouilloc | | 39 | 40 | Exposition | STOPOVERS ESCALES — Anne Grosfilley | De toutes les étoffes d’Afrique, la plus emblématique est le wax. Inspiré des batiks indonésiens et imprimé en Europe, il arrive dans le Golfe de Guinée à la fin du x ix e siècle. Il évolue à travers le temps, mais l’attachement à ses dessins anciens demeure remarquable. Parmi eux, le motif de l’alphabet cristallise la complexité des rapports entre Afrique et Occident. Au début du x x e siècle, il célèbre l’apport colonial. Les Africains lettrés achètent ce wax et se pavanent avec fierté. Aujourd’hui, ce dessin s’inscrit comme un classique, devenu une valeur sûre, approuvée par tous, et un hommage ému à une grand-mère qui portait déjà ce même pagne. Le wax est toujours imprimé à l’identique, mais est aussi décliné pour refléter des préoccupations contempo raines : les ordinateurs remplacent les ardoises. L’alphabétisation demeure précieuse, et le motif alphabet porteur de richesse pour les nouveaux acteurs du wax, venus de Chine. La force du wax réside dans sa réappropriation par les populations africaines, comme un support de langage. Son détournement politique s’inscrit dans cette logique. Un pagne à l’effigie du Président F. Houphouët Boigny fut élaboré en remplaçant les lettres ABCD par celles de son parti, PDCI. Il envoya alors une image de stabilité, recherchant la confiance de son peuple. Son successeur Henri Konan Bédié fit de même pour s’inscrire dans sa continuité. Morceau d’Histoire, morceau du présent, le wax se transforme pour séduire une Afrique qui change. LéS DE TISSUS WAX (DETAILS), ABéCéDAIRE WIDTHS OF wax FABRIC (DETAILS), ALPHABET Coton imprimé (rotatives en cuivre) Importés d’Europe et de Chine, années 1990 à 2011 Largeur des lés : environ 110-120 cm Collection Anne Grosfilley Printed cotton (copper rotary press) Imported from Europe and China, 1990 to 2011 Width: about 110-120 cm Collection Anne Grosfilley Page de droite Right page PAGNES FANCY (DETAILS), PDCI / Houphouët Boigny et Konan Bédié Fancy loincloths (DETAILS), PDCI / Houphouët Boigny et Konan Bédié Imitations wax en coton imprimé Côte d’Ivoire H. 115 cm ; l. 179 cm Collection Anne Grosfilley Wax imitation made of printed cotton Ivory Coast H. 115 cm; w. 179 cm Collection Anne Grosfilley Among all African fabrics the most emblematic is wax. Drawing its inspiration from Indonesian batiks then printed in Europe, it reached the Gulf of Guinea in the late 19 th century. While evolving with time, it preserves remarkable fidelity to its former patterns. Among these, the motif of the alphabet crystallized the complexity of the relationship between Africa and the Western world. In the early 20th century it glorified the colonial input, as educated Africans bought it and wore it boastfully. This pattern has today become a standard feature and gained general approval, a sentimental tribute to a grandmother who wore the same loincloth. The wax is still printed in the same manner, but it is also made and used otherwise today, reflecting contemporary anxieties now that computers have replaced slates. Literacy remains a key issue, and the alphabet motif means wealth to Chinese people, newcomers on the wax market. Wax derives its strength from its new language status among Africans, hence its use by politicians. A loincloth was designed showing President Felix Houphouët Boigny but the letters ABCP were replaced by those of his party the PDCI, thus creating an image of stability and asking the people to trust him. His successor, eager for continuity, did likewise. As a piece both of history and the present, wax is evolving in order to appeal to an Africa on the move. | Exhibition | Exposition | HYBRIDIZATION Dang Thi Minh Hanh et les femmes Hmong Vietnam Page de droite Robe, coiffe et bijoux en jade, Dang Thi Minh Hanh Vietnam, 2012 Dang Thi Minh Hanh and Hmong women Vietnam Right page DRESS, HEADDRESS AND JADE JEWEL, Dang Thi Minh Hanh Vietnam, 2012 Où la tradition nourrit la modernité et en reçoit l’hommage. Sur les hauts plateaux de la cordillère Annamitique, les ethnies minoritaires du Vietnam maintiennent des techniques ancestrales de filage, de teinture, de tissage et de décoration. Avec une ressource limitée en fibres et en plantes tinctoriales, ces groupes expriment, dans leur diversité, leur originalité propre : coloris, motifs géométriques, broderies signent l’appartenance à un peuple, tandis que de lourds bijoux d’argent ou de pierres semi-précieuses, marques de coquetterie autant que de richesse, apportent au vêtement féminin son indispensable touche de fantaisie. Intégrer dans ses propres créations le savoir-faire et l’esthétique de ces cultures n’est pas pour Dang Thi Minh Hanh une concession à l’exotisme. C’est tout autant un hommage rendu à ces femmes, gardiennes et continuatrices des traditions de leur peuple, qu’une reconnais sance de leur apport, aussi minime puisse-t-il paraître, à l’expression d’un art authentiquement national. En effet, pour elle, qui est née et a grandi au Centre-Vietnam, non loin de ces terres d’altitude, et dont le talent s’ancre dans la tradition vestimentaire de son pays, la culture vietnamienne est plurielle et ne saurait oublier ce qu’elle doit à ses minorités. Portés par le crayon inspiré de la styliste, les humbles motifs nés dans les rudes territoires montagneux ne tendent pas moins, par le vecteur de la mode, à l’universel. Parés d’un brocart ou d’une soie sauvage, la coupe d’une jupe, le profil d’un col, un tissé de lin teint à la main acquièrent noblesse et grandeur. La rigoureuse géométrie des grecques et des losanges s’adoucit au voisinage d’une extravagance de fleurs ou de la fraîcheur d’un ruban de pompons. Sous les doigts de Dang Thi Minh Hanh opère ainsi la magie d’un transfert entre tradition et modernité, où le gracieux équilibre de ces deux influences se réalise dans des créations audacieusement contemporaines. Tradition enriches modernity and receives recognition for it. On the Western Highlands of the Annam Range, Vietnamese ethnic minorities still preserve ancestral methods of spinning, dyeing, weaving and decorating fabrics. With limited resources in both fiber and plants for dyeing, these groups, in their diversity, have their own ways of expressing their originality and the identity of each of them re-appears in the colors, geometrical designs and embroideries, whereas heavy silver jewels or semiprecious stones, tokens of elegance as much as of wealth, bring their essential touch of imagination to women’s attire. For Dang Thi Minh Hanh, bringing the know-how and aesthetics of these cultures into her own creations is not making concessions to exoticism. It is paying tribute to these women, who keep and perpetuate their people’s traditions, as well as recognizing their own contribution, albeit small, to an authentically national form of art. For her, indeed, who was born and raised Hybridation 42 — Gérard & Huê Boivineau | in Central Vietnam, not far from those Highlands, and who draws the best of her inspiration from her country’s clothing tradition, the Vietnamese culture is diverse and the contribution from its ethnic minorities should not be forgotten. Born by the fashion designer’s inspired pencil, the modest patterns coming from the harsh mountain regions also take on a universal dimension. Brocade or wild silk bring a touch of nobility and dimension to the way a skirt has been cut or a collar designed or a linen hand-dyed. The severe geometry of Greek and diamond patterns softens when put next to an extravagance of flowers or the freshness of a pompom ribbon. Dang Thi Minh Hanh’s fingers bring about a magical transfer between tradition and modernity where the delicate balance of both influences is woven into an audaciously contemporaneous creation. exhibition |Exposition Les artistes Marcus Tomlinson et Hussein Chalayan ont passé plusieurs années, entre 1999 et 2003, à travailler sur des projets communs. La série « Ambimor phous » est l’une des nombreuses installations que le duo a créées ensemble. « Ambimorphous Lightbox » a récemment été prêté au Musée des Arts Décoratifs par Marcus Tomlinson pour une exposition de Hussein Chalayan à Paris. La version intitulée « Ambimor phous Panel » a quant à elle été créée spécialement pour le musée Bargoin à l’occasion du FITE et propose la plus grande impression jamais réalisée de l’installation, d’une longueur de 5 500 mm. Ces figures quasiment grandeur nature illustrent le concept d’une collection en évolution selon le créateur – une œuvre évocatrice qui démontre de manière saisissante comment l’influence orientale se mêle à une esthétique plus occidentale. L’œil pur et dynamique de Tomlinson enregistre avec une grande efficacité les transitions du designer. Le regard d’une femme perce l’air tandis qu’une peau dont le teint est en constante évolution rappelle le concept central : l’unité des cultures. Cette œuvre résultant d’un concept contribue à façonner un lien de création entre le photographe et le designer. De façon à créer une image supérieure mais aussi organique et éclatante, Tomlinson a photogra phié chaque tenue en deux images, ce qui permet d’éviter toute distorsion visuelle. Il crée ainsi une image qui n’est pas simplement frappante, mais qui correspond exactement à ce que le designer et le photographe souhaitaient montrer. Tomlinson raconte : « Je voulais vraiment obtenir une unité tout à fait pure concernant chacune des figures afin de donner une représentation quasi-livresque de cette transition culturelle. J’ai en outre donné un aspect plus intime à mon travail en appliquant un vernis à la main qui semble faire flotter le sujet sur le noir ». Artists Marcus Tomlinson & Hussein Chalayan have spent several years between 1999 and 2003 working on various collaborations together. The “Ambimorphorous’ series was one of many installations and films the duo created. “Ambimorphous Lightbox” was recently loaned to the Museum of Decorative Arts of Pari by Marcus Tomlinson as part of the Hussein Chalayan exhibition. This version, “Ambimorphous Panel” was created especially for the Musée Bargoin on the occasion of the FITE festival and sees the installation stand as it’s biggest ever print, stretching in length to 5500mm long. These almost life size figures portray the fashion designer’s concept of an evolving collection. An evocative piece that vividly demonstrates how Eastern influence blends with more Western aesthetics. Tomlinson’s pure and dynamic eye records the designer’s transitions to great effect. A woman’s gaze pierces the thin air, as an evolving and continuous skin tone plays upon the central concept; the unity of cultures. This strong, concept-driven piece helps fashion a creative bond between photographer and designer. In order to create a superior, yet organic and vibrant image, Tomlinson photographed each outfit as two images, which removes the any lens distortion. Thus creating an image that is not simply striking, but a perfect preservation of the image as both the designer and photographer intended it to be viewed. To quote Tomlinson “Really I wanted to control a pure unity with each of the figures to give an almost textbook representation of this cultural transition and in addition have applied a familiar look to my work, using a hand painted varnish that helps float the subject on the black’ Ambimorphous, Marcus Tomlinson (image) & Hussein Chalayan Ambimorphous, Marcus Tomlinson (image) & Hussein Chalayan MIROIR | MIRroR 44 — Christine Athenor | | Synergie révolution ramage agglomération reflets révélation saturation alchimie Synergy revolution foliage agglomeration reflection revelation saturation alchemy Exposition | Exhibition | 47 Métamorphose et magie textile… metamorphosis and the magic of textile… … à partir de matériaux conventionnels ou non, de techniques anciennes et de technologies innovantes, des créations, parfois issues d’une sensibilité artis tique mystique, proposent des textiles extra ordinaires. Emblématique de cette section, la tunique recou verte de pics de porc-épic parle de métamorphose et de magie. L’œuvre de Moataz Nasr est inspirée des croyances des hommes du monde entier et puise dans une mémoire où la calligraphie côtoie les mythes, les signes magiques et les représentations esthétiques, produites notamment par le monde arabe. Elle dia logue avec la composition d’Abdoulaye Konaté qui inscrit dans son travail des signes et symboles des sociétés secrètes maliennes. Françoise Hoffmann, maître-artisan d’art, apporte à la technique ancestrale du feutre de laine une moder nité saisissante et renouvelle ce support/surface. De même, Thia Nithakong Somsanith oscille entre tradition et modernité dans ses étoffes aux précieuses broderies d’or, évocatrices de cet art traditionnel de la Cour royale de Luang Prabang au Laos. La technique ancienne mais pourtant si éton nante de l’ikat, qui révèle le décor au fur et à mesure du tissage est un autre trésor. Pour exemple, les saris ikatés tissés en Orissa de la styliste indienne Neeru Kumar subliment ce grand rectangle de soie que l’on arrange sur le corps avec un sens esthé tique combinant raffinement et sensualité du drapé. Face à face, les costumes traditionnels en indigo saturé et calandré des minorités ethniques de Chine et les vêtements métallisés dessinés par des sty listes et mis au point par le chercheur Kinor Jiang à Hong Kong se font écho. Productions métalles centes issues d’univers opposés, elles se retrouvent finalement au musée. … from conventional or unconventional materials, ancient techniques and innovating technologies, creations, sometimes coming from a mystical artistic sensitivity, result in extra ordinary textiles. The tunic covered with porcupine quills, which illustrate the ideas of metamorphosis and magic, is emblematic of this section. The work of Moataz Nasr is inspired by the beliefs of people of the whole world and draws from a memory where calligraphy stands side by side with myths, magical signs and aesthetic representations, especially those produced in the Arab world. It exchanges with the work of Abdoulaye Konaté, who puts in his work signs and symbols from Malian secret societies. Françoise Hoffmann, a master-craftswoman, brings astonishing modernity to the ancestral tech nique of wool felt and renews this medium/surface. In the same idea, Thia Nithakong Somsanith swings between tradition and modernity with his precious gold embroidery which conjures up the traditional art of the Royal Court of Luang Prabang in Laos. The ancient and amazing technique of ikat, which reveals the decor as the weaving progresses, is ano ther treasure. For example, the ikat sarees woven in Orissa by stylist Neeru Kumar transcend this silk rectangle which is arranged on the body with a great sense of harmony mixing refinement and sensuality of the drape. Face to face, the traditional indigo saturated and calendared dress of Chinese ethnic minorities and metalized clothes drawn by stylists and made by Kinor Jiang in Hong Kong echo each other. Coming from totally different universes, productions that shine like metal eventually meet in the museum. | | Exhibition | Exposition | L’origine exacte de ce vêtement spectaculaire reste incertaine. Les rares exemplaires connus seraient camerounais, mais le tissu de cette tunique (coton teint en jaune et motifs noirs d’origine inconnue exécutés au tampon) est inusité dans ce pays. Une réparation ancienne avec une pièce de n’dop, tissu typiquement camerounais, tend cependant à accréditer cette provenance. Le tissu aurait été produit ailleurs. Le porc-épic est considéré comme un animal magique en raison de son aspect et de ses moeurs souterraines étranges qui le lient au monde tellurique des ancêtres. Ses piquants sont une arme défensive et le rendent insaisissable. Un tel vêtement est censé donner à son porteur les mêmes pouvoirs que l’animal. Il est destiné à impressionner. Ainsi, au royaume d’Oku, au Cameroun, les masques Momum de la société secrète Ngirrib (liée aux princes) portent-ils une robe ample ornée de piquants de porc-épic et de plumes rouges, un pantalon couvert de piquants et un masque « Janus » en bois : Momum peut ainsi tout voir. Sa danse doit faire peur aux spectateurs. Cette tunique, plus ajustée que les robes du masque Momum, devait faire plutôt partie d’un costume de chef ou de devin. Certaines des tuniques de cette taille sont d’ailleurs accompagnées d’un couvre-chef orné aussi de piquants, ce qui les lierait davantage un à usage cérémoniel (funérailles ?) qu’à un rituel de mascarade dansée. The exact origin of this spectacular garment remains uncertain. The rare known examples would be from Cameroon, but the cloth of this tunic (block printed cotton dyed in yellow with black motifs of unknown origin) is not used in this country. However, an old repair with a piece of n’dop, a typically Cameroonian fabric, tends to support this provenance. The fabric would have been made elsewhere. The porcupine is considered as a magical animal because of its aspects and strange under ground habits which link it to the telluric world of ancestors. Its quills are a defensive weapon and make it impossible to catch. Such a garment is supposed to offer the person who wears it the same powers as the animal. It is designed to make the person look impressive. Therefore, in the Kingdom of Oku, in Cameroon, Momum masks of the Ngirrib secret society (linked to Princes) all wear this ample robe decorated with porcupine quills and red feathers, pants covered with quills and a “janus” mask made of wood: Momum can then see everything. Its dance is designed to scare the audience. This tunic, more adjusted than the Momum mask’s robe, was probably part of a chief or seer dress. Some tunics of this size come with a headdress also decorated with quills, which makes them more likely dedicated to ceremonial use (funerals?) than danced mascarade rituals. SYNERGIE SYNERGY 48 — Louis Dubreuil | Tunique ornée de piquants de porc-épic Toile, piquants de porc-épic, plumes Cameroun, 1ère moitié - milieu du xxe siècle H. 94 cm ; l. 82 cm Collection Louis Dubreuil Tunic decorated with porcupine quills Cloth, porcupine quills, feather Cameroon, 1st half/mid 20 th century H. 94 cm; w. 82 cm Collection Louis Dubreuil 50 | Exhibition | Exposition | RéVOLUTION El Thaher wa El baten (The Manifest and the Un-manifest) Love, Compassion & Beauty, Moataz Nasr Tissu Le Caire, 2012 Triptyque, chaque pièce : H. 170 cm ; l. 170 cm El Thaher wa El baten (The Manifest and the Un-manifest) Love, Compassion & Beauty, Moataz Nasr Textile Le Caire, 2012 Triptych, each work: H. 170 cm; w. 170 cm REVOLUTION — Simon Njami | Partant des propos de Ibn Arabi qui déclara : « l’amour est ma religion et ma foi », Nasr crée, reprenant l’ancienne tradition textile de sa région, deux motifs qui se superposent en évoquant le mot al-houb, amour. L’un des textiles est blanc et le second, blanc également, apparaît plus gris, créant une différence de niveau de lecture dans la perception immédiate. L’un des tissus semble l’ombre de l’autre. Dans les années récentes, Nasr a rencontré la religion soufi. En fait de religion, le soufisme serait plutôt une philosophie dont l’objet est la quête de la pureté. Contrairement à l’Islam tradition nel, le soufisme apparaît comme une discipline ésotérique, un peu à l’image de l’étude du Talmud juif. Des différentes étymologies du mot, je retiendrai celle qui se rapproche du mot grec sofia, sagesse. Celle qui parle de safa ou safw, signifiant pureté cristalline, ne me déplaît pas non plus. Au-delà de la sémantique, ce qui est à retenir du soufisme est qu’il concerne les personnes musulmanes qui recherchent, à travers la méditation, l’amour de Dieu, la contemplation, la sagesse. Il existe plusieurs grilles de lecture à cette œuvre et elles contribuent toutes, naturellement, à donner une cohérence conceptuelle à l’ensemble. La première réside dans la technique employée. Le tissage, technique qui nous renvoie à la tradition de tapisserie dans le monde arabe, et la seconde, la calligraphie, dont nous nous sommes aperçus que Nasr usait de plus en plus. Ainsi, l’artiste nous situe dans un monde précis : celui du MoyenOrient et de l’Islam. Mais le sens du message qu’il nous adresse se détache de toute religion ou géographie pour tendre vers un idéal d’universalité qui nous invite à regarder par-delà les apparences pour rechercher la vérité des choses. Par-delà les idées reçues et les croyances convenues, il existe une chose essentielle qui, comme chez les soufis, est à notre portée, pour peu que nous prenions la peine de voir, pour reprendre les propos de l’écrivain noir américain James Baldwin, « l’évidence des choses que l’on ne voit pas ». Starting out from Ibn Arabi’s declaration, “love is my religion and my faith” and drawing on the ancient weaving tradition of his region, Nasr has created two motifs that are superimposed on one another, evoking the word al-houb, “love”. One of the textiles is white and the second, while also white, looks greyer, creating a difference in the level of reading, in the immediate perception. One piece of weaving looks like the shadow of the other. In recent years Nasr has encountered the Sufi religion. In fact rather than a religion, Sufism is a philosophy whose subject is the quest for purity. In contrast to traditional Islam, Sufism appears to be an esoteric discipline, rather like the study of the Jewish Talmud. Of the different etymologies of the word, I would choose the one that relates it to the Greek word sophia, wisdom. I also like the one that speaks of safa or safw, which means crystalline purity. Leaving semantics aside, what should be born in mind about Sufism is that it is practised by Muslims who are seeking wisdom through meditation, the love of God and contemplation. There are different ways of interpreting this work and all of them contribute, naturally, to giving the whole a conceptual cohe rence. The first involves the medium employed: weaving, a technique that harks back to the tradition of the carpet in the Arab world and the second, calligraphy, which it is apparent that Nasr is coming to use more and more frequently. So the artist places us in a precise world: that of the Middle East and Islam. But the sense of the message he is sending us detaches itself from any particular religion or geography to attain an ideal of universality that invites us to look beyond appearances in search of the truth behind things. Beyond preconceived ideas and conventional beliefs there is something essential that, as among the Sufis, is within our reach as long as we take the trouble to see, to echo the words of the African American writer James Baldwin, “the evidence of things not seen”. 52 | Exhibition | Exposition | Composition 6, Abdoulaye Konaté Coton, bazin teint, broderies machine H. 221 cm ; l. 171 cm 2012 Courtesy Revue Noire Composition 6, Abdoulaye Konaté Cotton, dyed bazin, machine embroidery H. 221 cm; w. 171 cm 2012 Courtesy Revue Noire FOLIAGE RAMAGE — Simon Njami | Dans le discours qu’il prononça à Dakar en 1966, à l’occasion de l’ouverture du premier Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar, André Malraux avait eu une intuition fulgurante, une vision qui mieux que toute autre, sans doute, dit la complexité de la construction de toute modernité et, parti culièrement, de la modernité africaine : « Ce qui a fait jadis les masques, comme ce qui a fait jadis les cathédrales est à jamais perdu. Mais ce pays est héritier de ses masques et peut dire : j’ai avec eux un rapport que n’a personne d’autre. Et lorsque je les regarde et leur demande leur leçon du passé, je sais qu’ils me parlent et que c’est à moi qu’ils parlent. Prenez entre vos mains tout ce qui fut l’Afrique. Mais, prenez-le en sachant que vous êtes dans la métamorphose ». Cette injonction à « prendre entre vos mains tout ce que fut l’Afrique », n’a sans doute jamais mieux été illustrée que par le travail d’Abdoulaye Konaté. Depuis de nombreuses années, l’artiste malien, dans son atelier de Bamako, s’applique à faire une synthèse contemporaine des traditions de son pays qui lui semblent le plus à même d’être traduites dans l’aujourd’hui. Contrairement à d’autres, qui selon les mots de Rimbaud, se voulaient « résolument modernes », il n’a pas fait du passé table rase pour prouver sa liberté artistique et intellectuelle. Prenant le contrepied d’une tendance qui commençait à s’installer en Afrique, qui faisait dire aux artistes qu’ils n’étaient pas africains, Abdoulaye Konaté a choisi d’embrasser son histoire et ses traditions. La matière n’est plus uniquement un support à motif, un élément décoratif, mais une abstraction formelle ouverte. L’artiste propose, jouant avec les couleurs et les textures. Il nous laisse libre d’entrer dans l’œuvre et de la faire nôtre. Rien ici ne parle des origines ou ne prétend « porter un message » quelconque. C’est de l’art uniquement. Et le textile devient une palette qui se nie elle-même et au sein de laquelle la matière est soumise à une manière de transsubstantiation. Ce qui est l’objet premier de toute création artistique. In the speech he made in Dakar in 1966 on the occasion of the first International Festival of Negro Art of Dakar, André Malraux had a sudden intuition, a vision which, more than any other, expresses the complexity of the construction of any modernity, and particularly of African modernity: “What once made the masks, just as what made the cathedrals, is forever lost. But this country has inherited these masks and can say: I have with them a relation which no one else has. And when I look at them and I ask them their lesson about the past, I know they talk and I know they talk to me. Take in your hands all that Africa has been. But do so knowing that you are in the metamorphosis.” This encouragement to “take in your hands all that Africa has been” was probably never better illustrated than by the work of Abdoulaye Konaté. For many years, the Malian artist, in his Bamako studio, has been making a contemporary synthesis of his country’s traditions which seem to him the fittest for a contempo rary interpretation. Contrary to other people, who according to Rimbaud claimed themselves “resolutely modern”, he hasn’t erased the past to prove his artistic and intellectual freedom. Taking the opposite view to a trend which began to settle in Africa and made artists say they were not Africans, Abdou laye Konaté chose to embrace his history and traditions. The material is not only a medium for motifs anymore, a mere decorative element, but an open formal abstraction. The artist makes suggestions by playing with colors and textures. He leaves us free to enter the work and make it ours. Nothing here deals with origins or claims to “deliver a message” of any type. It is just art. And the textile becomes a palette which denies itself and within which matter is submitted to a kind of transubs tantiation, which is the first objective of all artistic creations. 54 | Exhibition | Exposition | Triptyque, Variation sur un même thème « Mouzon, la saga ’’, Françoise Hoffmann Travail à partir de photographies d’usine du feutre de Mouzon, Ardennes Feutre de laine, georgette de soie imprimée Lyon, 2012 Deux panneaux : H. 280 cm ; l. 110 cm Manteau sans couture TRIPTYCH, VARIATION ON A SINGLE THEME “MOUZON, LA SAGA”, FRANÇOISE HOFFMANN Work based on photographies of a felt factory in Mouzon, Ardennes Wool felt, printed silk georgette Lyon, 2012 Two panels: H. 280 cm; w. 110 cm Seamless coat AGGLOMéRATION AGGLOMERATION — Christine Athenor, remerciements à Yves Sabourin | Et si la magie était ce vent de liberté qui souffle dans les feutres de Françoise Hoffmann ? En perpétuelle recherche de nouvelles formes et idées fortes, elle soumet une des techniques les plus anciennes du textile, le feutre, aux combinaisons les plus fertiles. Mariant soie, mousseline de soie, feutre et technique d’impression, elle questionne les frontières entre art et artisanat, menant une réflexion intellectuelle que chacun de ses projets relaie. Le jeu des textures, des couleurs et des impressions offre ainsi les éléments d’un vocabulaire et d’une syntaxe plastique comparables à ceux des pigments sur une toile. La transformation de la matière et son hybridation avec d’autres techniques comme la photogra phie donnent à voir des créations à double lecture, face et envers, l’une lisible et l’autre floue comme une métaphore de notre perception des événements qui oscille entre clarté et obscurité. De la sculpture d’un manteau taillé en une seule pièce sans couture, à l’architecture d’une tenture réversible, Françoise Hoffmann enveloppe les corps et l’espace d’une matière noble et raffinée et nous livre sa vision du luxe. What if magic was this wind of freedom blowing in Françoise Hoffmann’s felts? Continuously looking for new forms and strong ideas, she submits one of the oldest textile techniques – felting – to the most fertile combinations. Mixing silk, silk muslin, felt and printing technique, she challenges the borders between art and craftwork, carrying out a reflection illustrated by each of her projects. The play on textures, colors and printings therefore offers elements of a visual vocabulary and syntax comparable to those of the pigments on a painting. The transformation of matter and its hybridization with other techniques such as photography offer to view creations with double reading, front and back, one readable and the other blurry, like a metaphor of our perception of events swinging between light and darkness. From the sculpting of a coat made of one seamless piece to the architecture of a reversible hanging, Françoise Hoffmann wraps bodies and space in a noble and refined material and delivers her vision of luxury to us. 56 | Exhibition | Exposition | Éternité (série Fougères), TIAO NITHAKONG SOMSANITH Eternity (Fern series), TIAO NITHAKONG SOMSANITH Broderie au fil d'or et fibre de polompon, cannetille d'or et de cuivre sur chanvre indigo 2012 H. 220 cm ; l. 29 cm Gold embroidery polompon fibre, gold and copper cannetille, hemp cloth 2012 H. 220 cm; w. 29 cm Veste / Costume de cour de Luang Prabang, TIAO NITHAKONG SOMSANITH Coat/Court dress, Luang Prabang, TIAO NITHAKONG SOMSANITH Broderie au fil d'or sur brocart de soie 1997 H. 160 ; l. 70 cm Gold embroidery, silk brocade 1997 H. 160; w. 70 cm REFLECTION REFLETS — Catherine Choron-Baix | Dans les premiers temps de son installation en France, Nithakhong Somsanith trouve dans la création artistique un puissant exutoire à la douleur du déracinement. À travers le délicat maniement des soies et des fils d’or, il revit les émotions et les sensations d’antan, lorsqu’enfant, il passait de longues heures auprès de sa mère dans l’atelier de broderie du palais, à Luang Prabang. C’est là qu’il se forme à cette tradition des femmes de la cour, à l’architecture de ses motifs, à l’alliage de ses couleurs. C’est là qu’il acquiert la concentration, la maîtrise du geste et les valeurs qui accompagnent la pratique de cet art. La transmission des façons de faire se faisait jadis de mère à fille, et avec elles, celle des vertus attendues des femmes. Les broderies elles-mêmes, cols ou bas de jupe, passaient entre elles, offertes, telles des bijoux, au moment du mariage, et quelque peu remaniées à chaque génération, selon un mouvement continu de métamorphose par lequel elles demeuraient toujours « vivantes ». Ce travail particulier du textile et ce qu’il contient d’intime est ainsi pour le dernier descendant du Vice-Roi du Laos un outil de ressourcement personnel qui le rattache à la splendeur passée de sa famille. Il devient aussi un combat collectif pour la sauvegarde de tous les arts de cour de l’ancienne capitale royale. Broderie, sculpture sur bois, peinture au pochoir, laque et composition florale sont en effet étroitement reliées, expression d’une esthétique au service des rites, où la répétition des formes et le miroitement des reflets se conjuguent pour célébrer la vie du Bouddha et les grands personnages de la mythologie lao. Tout un patrimoine artistique se déploie autour du culte bouddhiste et des cérémonies laïques, que Nithakong Somsanith invite à redécouvrir. Son retour au pays en 2000, et la création, peu après, d’une école d’art à Luang Prabang marquent le début de cette œuvre de mémoire qu’il n’a de cesse de poursuivre aujourd’hui. When he settled down in France, at first Nithakong Somsanith found in artistic creation a powerful outlet for the pain caused by uprooting. Through the delicate handling of silks and golden threads, he relives the feelings and emotions of the past, when as a kid he would spend hours with his mother in the embroidery studio of the palace in Luang Prabang. That’s where he trained to this female tradition, to the architecture of the motifs, to the combination of colors. That’s where he acquired the concentration, the mastery of gestures and values which come with the practice of this art. Know-hows used to be passed on from mothers to daughters, and with them virtues expected from women would also be passed on. Embroideries themselves, collars or skirt bottoms, would go from one to another, just as if they were gems, at the moment of a marriage, and would be a bit rearranged at every generation, according to a continuous movement of metamorphosis by which they remained alive. For the last descendant of the Vice-King of Laos, this particular textile work and the intimacy it includes is something he can go back to and which links him to the past splendor of his family. It also becomes a collective struggle for the safeguarding of all court arts of the ancient royal capital. Embroidery, wood carving, stencil painting, lacquer and floral composition are indeed closely related as expressions of an aesthetics serving rites, where the repetition of forms and the shimmer of the reflections join to celebrate the life of the Buddha and the great characters of the Laotian mythology. A whole artistic heritage unfolds around the Buddhist cult and secular ceremonies, which Nithakong Somsanith invites us to rediscover. His return to Laos in 2000, and the creation soon afterwards of an art school in Luang Prabang marked the beginning of this memory work which he still pursues today. Exposition | | REVELATION Un tisserand à son métier… L’étoffe révèle son dessin fil après fil… Les motifs se dévoilent, lentement, à chaque passage de navette. Le tissu s’anime… en Indonésie, au Laos, au Pérou, en Afrique, en Inde… à l’origine de cette création textile, une technique fort ancienne et répandue de par le monde, l’ikat. Le terme ikat tire son nom du verbe malais mengikat qui signifie « lier » ou « attacher », rappelant le principe même de cette technique. Il s’agit de protéger certaines sections de fils, regroupés en faisceaux, par des liens en coton, en fibres de bananier, en plastique, etc., de manière à obtenir un dessin en réserve : les ligatures empêchent en effet la teinture de s’imprégner. Les fils teints de cette façon peuvent être ceux qui composent la chaîne (ikat de chaîne), ceux qui constituent la trame (ikat de trame), ou encore les deux (double ikat). Tout se conçoit donc avant le tissage. La disposition des liens, la succession des ligatures et des bains de teinture qui sont à l’origine des motifs et en font évoluer les teintes. Les motifs définitifs n’apparaissent qu’au fur et à mesure de l’entrecroisement des fils de trame avec les fils de chaîne tendus sur le métier, d’où l’importance de conserver l’ordre des fils et veiller à bien aligner les fils de trame afin de rendre le motif le plus net possible. Il subsiste cependant un léger décalage qui confère au dessin un aspect délicatement flou. A weaver bent on his loom… the fabric reveals its drawing thread after thread… the motifs slowly unveil, at each passage of the shuttle. The cloth becomes alive… in Indonesia, Laos, Peru, Africa, India… At the origin of this textile creation is a very old and worldwide spread technique called ikat. The term ikat comes from the Malay verb mengikat, which means “tying” or “attaching”, reminding the principle of this technique. It consists in protecting certain sections of thread, regrouped in bundles with ties made of cotton, banana fiber or plastic in order to obtain a reserve drawing: the ties indeed prevent the dye from impregnating. The threads dyed this way can be those composing the chain (chain ikat) or the weft (weft ikat) or both (double ikat). Everything is conceived before the weaving: the motifs originate in and shades change thanks to the arrangement of ties, the series of ligatures and the dyeing baths. The definitive motifs appear as the intertwining of chain threads and weft threads progresses, stretched on the loom, hence the importance of keeping the order of the threads and being careful to align the weft threads so as to make the motif as sharp as possible. However a slight gap remains, which gives the drawing a delicately blurry aspect. Faisceau de fils de chaîne ligaturés Stream of chain threads tied Coton teint, bambou Indonésie, Sumba,xxe siècle L . 116,50 cm ; l. 95 cm Legs Krishnâ Riboud, Musée Guimet, Paris Dyed cotton, bamboo Indonesia, Sumba, 20 th century L. 116,50 cm; w. 95 cm Donation Krishnâ Riboud, Musée Guimet, Paris préparation d’un faisceau de fils de chaîne ikatés Stream of chain ikat Coton teint, bambou Indonésie, Sumba, xxe siècle L. 140 cm ; l. 110 cm Legs Krishnâ Riboud, Musée Guimet, Paris Dyed cotton, bamboo Indonesia, Sumba, 20 th century L. 140 cm; w. 110 cm Donation Krishnâ Riboud, Musée Guimet, Paris — Christine Bouilloc | RéVéLATION 58 — Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant | En 1980, diplômée de l’Institut National de Design d’Ahmedabad, la designer Neeru Kumar souhaite valoriser les savoir-faire textiles indiens. Forte de la connaissance de ce patrimoine, Neeru Kumar propose une traduction contemporaine des spécificités iconographiques et techniques des régions et villages concernés. Un long travail d’écoute débute alors entre la créatrice et les tisserandes. La pratique de l’ikat sur coton et sur soie est utilisée depuis très longtemps pour la fabrication des textiles en Orissa. Souhaitant lier le passé et le présent tout en promouvant les savoir-faire ancestraux, Neeru impose ces productions artisanales entièrement réalisées à la main dans le monde de la couture haute gamme et de l’excellence. In 1980, after graduating from the National Institute of Design of Ahmenabad, designer Neeru Kumar wanted to support Indian textile know-hows. With her good knowledge of this heritage, Neeru Kumar offers a contemporary interpretation of the iconographic and technical peculiarities of certain regions and villages. For a long time, she has listened to the words of the women weavers. The practice of ikat on cotton and silk has been going on for a very long time to make textiles in Orissa. Wishing to link past and present all the while promoting ancestral know-hows, Neeru presents her craftwork production which is entirely handmade to the world of high class sowing. Sari, Neeru Kumar Soie Inde, Orissa, 2011 L. 615 cm ; l. 116 cm Saree, Neeru Kumar Silk India, Orissa, 2011 L. 615 cm; w. 116 cm Exposition | Exhibition | 59 | 60 | Exhibition | Exposition | Veste d’homme Miao de style Dafang en ramie Ramie, calandrage Chine, 2de moitié du xxe siècle Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand Page de droite Jupe Dong (détail) Coton indigo calandré avec application de blanc d’œuf constituant une croûte brillante Chine, 2de moitié du xxe siècle Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand Miao man’s coat of Dafang style, ramie Ramie, calandaring China, 2nd half of 20 th century Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand Right page Dong skirt (detail) Calendared indigo cotton with egg white forming a shiny crust China, 2nd half of 20th century Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand SATURATION SATURATION — Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant | Le colorant indigo est extrait de différentes plantes, les plus couramment employées en Asie du Sud-Est étant le Strobilanthes flaccidifolius et le Polygonum tinctorium. Traditionnellement, les femmes cultivent ces arbustes dans leur potager ou dans les champs. Les feuilles et les tiges sont mises à fermenter dans des cuves remplies d’eau froide. Au bout de deux ou trois jours, les colorants se diffusent dans le liquide. Pour accélérer la fermentation et faire office de mordant, de la chaux, de la cendre de paille de riz, de l’urine ou de l’alcool de riz sont ajoutés. Les femmes plongent les tissus de coton ou de chanvre et brassent le mélange avec un bâton : l’oxydation précipite la couleur. La multiplication des bains approfondit la teinte jusqu’à saturation. À la sortie des cuves, le tissu est jaune pâle et c’est au contact de l’air que l’indigo s’oxyde de nouveau et lui donne sa teinte bleu profond1. Le tissu teint à l’indigo peut ensuite être battu pour lui conférer un aspect lisse et brillant. Cette opération se nomme calandrage. L’étoffe est humidifiée avec de l’eau additionnée de plantes et d’écorces. Après avoir été longtemps battue sur une pierre plate à l’aide d’un maillet de bois, elle peut être enduite selon les régions de blanc d’œuf, de sang de porc, de sang de buffle ou de glue obtenue à partir de la peau de buffle. Le séchage au soleil provoque une réaction entre l’indigo et le liquide organique à l’origine de cet aspect lustré qui peut varier du brun foncé au noir. L’oxydation de la forme jaune pâle par le dioxygène donne la forme oxydée bleue de l’indigo sur le tissu final. 1 Indigo coloring is extracted from different plants, the most frequently used in South East Asia being Strobilanthes flaccidifolius and Polygonum tinctorium. Women traditionally grow these plants in their gardens or in the fields. The leaves and stems are fermented in tanks filled with cold water. After two or three days, colorings diffuse in the liquid. In order to accelerate the fermentation and act as mordant, lime, rice hay ash, urine or rice alcohol is added. Women plunge the cotton or hemp fabrics and mix with a stick: the oxidation precipitates the dye until saturation. Once taken out of the tank, the fabric is of a pale yellow color and the contact with air oxides the indigo again and gives it its deep blue color shade1. The indigo dyed fabric can then be beaten to obtain a smooth and shiny aspect. This operation is called calendaring. The cloth is humidified with water to which plants and bark are added. After a long beating on a flat stone with a wooden mallet, it can be covered according to the different regions with egg white, pork blood, buffalo blood or glue obtained from buffalo hide. Sun drying provokes a reaction between the indigo and the organic liquid resulting in the lustrous aspect which can go from dark brown to black. 1 xidation of the pale yellow form with O dioxygen results in the blue oxided form of indigo on the final fabric. | Exhibition | Exposition | ALCHEMY L’ensemble choisi présente les textiles innovants de Kinor Jiang et la collaboration avec quatre talentueux créateurs de mode. Leur travail se concentre sur les applications, dans le domaine de la mode, de textiles métallisés issus de traitements physiques et chimiques. À travers ses « metallic textiles », Kinor Jiang et son équipe repoussent les limites du textile. Par le biais d’un procédé tenu secret et protégé, cette équipe de chercheurs est parvenue à « métalliser » le textile. Grâce à leurs compétences en design, leurs connaissances scientifiques et la technologie moderne, ces artistes ont créé des combinaisons saisissantes de couleur et de texture. Ils inventent des formes esthétiques abstraites et expérimentales. Le design de mode ainsi exposé donne l’idée du potentiel visuel du volume tridimensionnel de ces textiles. Ces vêtements montrent à la fois un désir de poursuite et de renouvellement des approches de la mode. Les formes sculptu rales résultantes sont simultanément gracieuses et d’essence artistique. Elles nous laissent perplexes et suggèrent le mystère. Kinor Jiang apporte à la matière textile une seconde texture, comme une peau, un apprêt lui donnant brillance, plissé et tenue. Ainsi, les vêtements prennent une allure particulière dont les stylistes jouent à loisir. Sue Sun est chercheur associé à l’Institut des Textiles et du Vêtement à l’Université Polytechnique de Hong Kong. Sa recherche porte sur le vêtement de protection, le vêtement intelligent et ses formes innovantes. Guo Xiang Yuan poursuit un doctorat au même Institut, Rui Xu est membre de l’Ecole de Design, Academy of Fine Arts de Chine Centrale. Zou You est professeur associé au Beijing Institute of Clothing & Technology. The set chosen here presents the innovating textiles made by Kinor Jiang in collaboration with four talented fashion designers. Their work focuses on the use in the fashion sector of metalized textiles made from physical and chemical treatments. Through his “metallic textiles”, Kinor Jiang and his team of researchers push back the limits of textile. Thanks to a process kept secret and protected, this team managed to “metalize” textile. Thanks to their design skills, their scientific knowledge and modern technology, these artists created stunning combinations of color and texture. They invent aesthetic abstract and experimental shapes. Fashion design presented this way gives an idea of the visual potential of 3D volume on textile. These garments show both a desire to continue and renew fashion approaches. The resulting sculptural shapes are both graceful and of artistic essence. ALCHIMIE 62 — Christine Athenor | They leave us perplexed and suggest mystery. Kinor Jiang brings to textile a second texture, just like a skin, which gives it brightness and pleating. The garments therefore acquire a singular look with which stylists can play. Sue Sun is an associate researcher at the Institute of Textiles and Clothing in the Polytechnic University of Hong-Kong. She works on protective garments, smart clothes and innovating shapes. Guo Xiang Yuan is finishing a PhD in the same Institute. Rui Xu is a member of the School of Design, Academy of Fine Arts of Central China. Zou You is an associate professor at the Beijing Institute of Clothing and Technology. Guo Xiang Yuan Sue Sun Textiles métallisés, Kinor Jiang Fibres synthétiques, nylon, polyester / aluminium, cuivre, argent Stylistes : Sue Sun, Guo Xiang Yuan, Rui Xu, Zou You Support technologique : Ronghui Guo, Kevin Hui Hong Kong, 2008 à 2011 Metallic textiles, Kinor Jiang Rui Xu Synthetic fiber, nylon, polyester/ aluminum, copper, silver Stylists : Sue Sun, Guo Xiang Yuan, Rui Xu, Zou You Technological support : Ronghui Guo, Kevin Hui Hong Kong, 2008 to 2011 Rui Xu Zou You | Dialogue multiple existentiel renaissance Dialogue multiple existential REBIRTH Métamorphose de l’individu… … car le textile est support d’identité. Celui qui imagine, crée, reproduit, porte un textile devient acteur et affirme certaines valeurs. De la perpétuation de la tradition à un véritable engagement politique vital, l’humain est au cœur du processus de transmis sion. Le renouvellement qui s’impose s’organise parfois sur fond de résonances sociales et politiques et suppose des engagements personnels profonds. Transmettre les savoir-faire, en adaptant les modèles ou au contraire, en réaffirmant des formes et des motifs anciens, contribue à entretenir un sentiment d’identité collective. Face à la mondialisation, à l’uniformisation des moyens de production, aux contraintes écono miques concernant les coûts de main d’œuvre, de matières premières et de temps de réalisation, de nombreuses traditions textiles s’étiolent. Pourtant, certains savoir-faire perdurent, relayés par quelques derniers détenteurs ou portés par des institutions ou des individus convaincus. Perpétuer la tradition et les savoir-faire tout en renouvelant les modèles tels sont les enjeux de l’Atelier-Conservatoire de la den telle du Puy-en-Velay ou d’Alençon qui réalisent des dentelles hors du circuit économique. À l’inverse, en affirmant leur ancrage dans des formes et des motifs anciens, les dites « minorités », du Sud-Est asiatique continuent à tisser, couper, teindre, coudre, broder les vêtements qui les identifient. Cette attention portée aux traditions peut prendre un sens politique encore plus fort car il participe à la perpétuation de l’identité collective. L’engagement est palpable notamment à travers l’association Inaash qui propose un travail de broderie au point de croix réalisé par les femmes palestiniennes. Ce tra vail domestique d’une grande somptuosité est une marque de résistance à la situation politique au Proche-Orient. La mise en regard de ces produc tions contemporaines avec des robes brodées palestiniennes plus anciennes, dont les coupes, les couleurs et les motifs relient la femme à une identité précise à la fois collective et individuelle (village d’ori gine mais aussi situation maritale), est éloquente. Enfin, au Guatemala, les femmes continuent de broder leurs huipils, en signe de résistance. A l’image de Rigoberta Menchù, Prix Nobel de la Paix en 1992, toujours vêtue de son costume traditionnel, elles affir ment haut et fort leur identité. Se positionnant face à la mondialisation et au gouvernement actuel, elles affirment leur existence et exigent le respect en pous sant un cri multicolore. Exposition | Exhibition | 65 metamorphosis of the individual… … for textile carries a person’s identity. Whoever imagines, creates, reproduces and wears a textile becomes an actor and stresses certain values. From the continuation of tradition to genuine political com mitment, man is at the heart of the transmitting pro cess. This necessary renewal sometimes takes place against a political and social background and implies deep personal commitments. The passing on of skills when patterns are adapted, or on the contrary when ancient forms and motifs are restated, helps to maintain a sense of collective identity. Stressed by globalization, the standardization of the means of production, the rising cost of labor and raw materials and a general sense of urgency, nume rous textile traditions are losing ground. Yet some skills still linger on, whether they are passed on by the last craftspeople or upheld by committed people or bodies. Carrying a tradition and skills while renewing the patterns is the aim of the Lace Conservatory Workshops at Le Puy-en-Velay or Alençon, which pro duce laces independent of the economic channels. Conversely, so-called “minorities” in South East Asia hold on to old forms and motifs as they weave, cut, dye, sew and embroider the clothes which iden tify them. The regard for tradition is more politically motiva ted, since it perpetuates the sense of collective iden tity, noticeably in the case of Inaash, an association offering cross-stitch lacework produced by Palesti nian women. This highly sumptuous domestic item is a token of resistance in the present state of the Near East. It is an impressive comparison indeed between such modern productions and older Palestinian embroideries when the cut, colors and motifs connect a woman with a precise identity both collective and individual (through her birthplace and marital status). Lastly, women in Guatemala still embroider their huipils as a token of resistance. Like 1992 Nobel Prize winner Roberta Menchù who never fails to wear her traditional dress, they proclaim their identity and utter a many-colored cry to state their existence and demand respect standing against globalization and the current government. | | Exhibition | Exposition | | Les broderies présentées ici, à côté d’une robe du désert du Neguev, sont des créations impulsées par l’association Inaash, organisation non gouvernementale fondée en 1969 à Beyrouth, par des femmes palestiniennes et libanaises. Son but était d’une part de sauvegarder une tradition féminine qui était en train de se perdre après plusieurs années de ruptures consécutives à l’exil de 1948 et, d’autre part, de donner aux femmes une autonomie financière1 (cf. R.-M. Guimard). Les broderies palestiniennes étaient réalisées principalement pour les différentes robes du trousseau. Les motifs et les couleurs indiquaient les villages d’origine des femmes, car la population, à 80 % rurale, était répartie dans une centaine de villages le long de la plaine côtière à l’Ouest et dans la vallée du Jourdain à l’Est. En plus de leurs activités dans les champs et à la maison, les femmes brodaient, seules ou en groupe. L’habileté et les dons artistiques de la brodeuse amélioraient son statut et lui apportaient du prestige dans sa communauté et auprès de sa future belle-famille. Chaque village avait son propre répertoire, que les filles apprenaient à partir de l’âge de dix ans. Par le biais des mariages se faisaient aussi des échanges de motifs. Lorsque Jean Genet a découvert les broderies palestiniennes en 1982 chez Sirine Chahid, il a vu là « une forme d’expression tellement plus subtile que celle des hommes, une forme de communication et de parole sur la Palestine qui ne passait pas par les discours politiques habituels. Et c’était en même temps un discours, la broderie, tout ce que l’on peut dire sur sa relation à sa terre, à son identité, à sa mémoire… Ce qui fascinait Jean dans la broderie c’était en fait le geste.» (L. Shahid, 20012). « La broderie était comme une thérapie. Chaque fois que tu piques l’aiguille dans le tissu, tu as l’impression de renouer avec quelque chose. Car le point de croix, c’est comme un nœud. Cela a été sa manière de résister… » (op.c.). f. Rose-Marie Guimard, Broderies de C Palestine. Mémoire et création, UNESCO 2 Leila Chahid, « Jean Genet et la position du départ soudain », AUTODAFE n°2, automne 2001 1 The piece of embroidery shown here next to a dress from the Negev desert was created at the request of Inaash, a NGO founded in Beirut in 1969 by Palestinian and Lebanese women. It aims both at safeguar ding a tradition which was fading away long after the 1948 exile and at granting women some financial autonomy.1 Palestinian embroideries were mainly produced for the various dresses in a trousseau. The motifs and colors were indicative of the bride’s birthplace, for the largely rural populations were spread over some hundred villages along the coastal plain in the West and in the Jordan valley in the East. On top of their work in the fields and at home the women worked at embroidery, either by themselves or in a group. An embroideress improved her status and prestige with the community and her in-laws through her skills and artistic gifts. Each village had its own set of motifs which girls learnt from the age of 10, and marriages also made an exchange of motifs possible. When Jean Genet discovered Palestinian embroidery at Sirine Chahid’s in 1982, he saw it as a “form of expression so much more subtle than that of man, a form of communication and speaking about Palestine which doesn’t come from the usual political speeches. It is at the same time speech, embroidery, and everything that can be said about one’s relation to land, identity, memory… What fascinated Jean in embroidery was the gesture” (L. Shahid, 2001)2 “Embroidery was like a therapy. Whenever one stabs the needle into the fabric, one feels like reconnecting with something. For the cross stitch is like a knot. That’s how he resisted…” (op.cit.) 1 2 f. Rose-Marie Guimard, Broderies de C Palestine. Mémoire et création, UNESCO. Leila Chahid, “Jean Genet et la position du départ soudain”, AUTODAFE n°2, 2001) EXISTENTIEL EXISTENTIaL 66 — Françoise Cousin | Robe de femme palestinienne Palestinian female dress Toile de coton brodée au point de croix Région de Khan Younis, désert du Neguev, milieu du xxe siècle. La partie inférieure est entièrement brodée de fils bleus tandis que le plastron et les manches sont brodés de couleurs vives. Il s’agit probablement de la robe d’une veuve remariée : le bleu indique son statut de veuve, les couleurs celui de femme mariée. Les femmes bédouines du Sud privilégiaient les motifs géométriques, carrés, losanges, triangles ; les villageoises, par contre, affectionnaient des compositions mêlant des motifs inspirés de leur environnement : fleurs d’oranger, oiseaux, serpents, cyprès, palmiers. H. 129 cm ; l. 144 cm Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand Cotton fabric embroidered with cross stitch technique Region of Khan Younis, Neguev desert, mid 20 th century. The lower part is entirely made of blue threads while the plastron and sleeves are in bright colors. It probably is the dress of a remarried widow, as the blue color indicated her widow status and the colors that of a married woman. The Bedouin women from the South were fond of geometrical motifs, squares, diamonds, triangles; as for the village women, they preferred details drawn from their environment such as orange blossoms, birds, snakes, cypresses, palm-trees. H. 129 cm; w. 144 cm Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand Page de gauche Left page Broderies palestiniennes Palestinian embroidery Panneau rectangulaire sur canevas, brodé au point de croix avec des fils de coton perlé DMC multicolores Liban, fin du xxe siècle. Il s’agit d’une copie dont l’original a été créé par Malek Huseini Abdoulrahim, il y a une vingtaine d’années, à partir de motifs de plastrons d’un village proche de Bethléem. L. 149 cm ; l. 87 cm Association Inaash Panneau carré sur canevas brodé au point de croix avec des fils de coton perlé DMC multicolores. Liban, fin du xxe siècle. Il s’agit d’une copie dont l’original a été créé par Sirine Huseini Chahid, à partir des motifs de neuf plastrons, appelés à servir de prototypes pour des décors de coussins. Elle pensait en effet nécessaire d’adapter ces broderies aux besoins actuels. L. 94 ; l. 89 cm Association Inaash Rectangular panel on canvas embroidered with cross stitch technique with multicolored DMC pearl cotton Lebanon, late 20th century. It is a copy of a piece created by Malek Huseini Abdoulrahim some twenty years ago after plastron motifs from a village close to Bethlehem. H. 149 cm; w. 87 cm Inaash association Square panel on canvas embroidered with cross stitch technique with multicolored DMC pearled cotton. Lebanon, late 20th century. It is a copy of a creation by Sirine Huseini Chahid after motifs of nine plastrons designed to serve as prototypes for the decoration of cushions. Indeed she thought it was necessary to adapt these embroideries to contemporary needs. H. 94; w. 89 cm Inaash association Exposition | 67 | | Exhibition | Exposition | | Technique et Savoir-faire sont deux mots employés, souvent, l’un à la place de l’autre, comme s’ils étaient synonymes. Or il n’en est rien. La « Technique » est un procédé particulier utilisé pour fabriquer un objet matériel. Le « Savoir-faire », quant à lui, inclut deux notions distinctes et complémentaires : le « Savoir » qui est un ensemble de connaissances acquises par l’apprentissage, l’expérience et le « Faire » qui est créer, fabriquer. Les techniques de la dentelle, qu’elles soient à l’aiguille ou aux fuseaux, se pratiquent dans le monde entier depuis des siècles. Les ateliers nationaux du Puy et d’Alençon font bien plus qu’appliquer une technique, ils l’assortissent d’un savoir-faire qui les distingue des autres lieux de pratique dentellière. Ce savoir-faire s’appuie sur trois éléments fondamentaux : implantation locale forte, qualité exceptionnelle, transmission par l’apprentissage. Les dentelles du Puy et d’Alençon se réalisent au même endroit depuis leur origine. Plus de quatre siècles DIALOGUE 68 —Marie-Hélène Massé-Bersani | de pratique dans un même lieu tissent inévitablement des liens puissants et des ramifications à tous les niveaux. L’histoire même des dentelles du Puy et d’Alençon se confond avec l’histoire de leur ville et de la population. Si la transmission de la technique s’est faite sans rupture depuis le x viie siècle, le savoir dentellier, lui, était dispersé entre les différents acteurs de la pratique. Ce sont les ateliers nationaux qui vont fédérer toutes les connaissances, les expériences, les procédés afférents à chacune des deux techniques. Cette nouvelle façon d’envisager le travail est un enrichissement considérable qui va progressivement transformer un simple procédé technique en un savoir-faire d’exception. Une dentelle mécanique, aussi bien exécutée soit elle, ne pourra jamais rivaliser avec la main guidée, pensée, réfléchie de la dentellière. À chaque étape du travail, elle se concentre, s’adapte, corrige, évite la répétition et fait de chaque pièce de dentelle un moment unique. The words technique and know-how are often mistakenly used as if they were synonymous. But a “technique” is a particular process used towards making a material object, while “knowhow” includes two distinct complementary notions, namely “knowing”, which refers to knowledge acquired through training and experience, and “doing”, the act of creating wand making. The needle and bobbin lace work techniques have been used across the world for centuries. The national workshops at Le Puy and Alençon improve on a technique thanks to an expertise unknown in similar places: it relies on a strong local tradition, outstanding quality, and perpetuation through training. In these towns lacework has been going on for over four centuries, which unavoidably created strong ties and ramified in very direction. Its very history cannot be distinguished from that of the city and its inhabitants. In the case of needlework, while the technique had been handed on continuously since the 17th century, the practitioners of the craft had each a share of expertise. But now the national workshops are going to regroup every bit of knowledge, experience and processes common to both techniques. This new approach will gradually turn a mere technique into exceptional expertise. However successfully made, a piece of mechanical needlework will never compare with the lace maker’s thoughtful hand which at very stage concentrates, adapts itself, corrects, avoids repetition and makes each piece a unique moment. DIALOGUE Voile de mariée, Corinne Sentou & Atelier conservatoire de la dentelle du point d’Alençon Wedding veils, Corinne Sentou & Atelier conservatoire de la dentelle du point d’Alençon 2010 Diam. 160 cm Collection du Mobilier National 2010 Diam. 160 cm Mobilier National Vénus II (diptyque), Christian Jaccard & Atelier conservatoire de la dentelle du Puy Vénus II (diptych), Christian Jaccard & Atelier conservatoire de la dentelle du Puy 2010 H. 57 cm ; l. 27 cm Collection du Mobilier National 2010 H. 57 cm ; w. 27 cm Mobilier National Page de droite Right page Mouches (détail), Didier Trenet & Atelier conservatoire de la dentelle du Puy Flies (détail), Didier Trenet & Atelier conservatoire de la dentelle du Puy 2011 H. 81 cm ; l. 79,5 cm Collection du Mobilier National 2011 H. 79,5 cm; w. 81 cm Mobilier National Exposition | Exhibition | 69 | 70 | Exposition — Christine Bouilloc | | | Le huipil, pièce maitresse du costume féminin maya du Mexique et du Guatemala, est composé d’un, deux ou trois lés tissés sur un métier à ceinture (métier à tisser mobile dont les fils de chaîne sont tendus par une ceinture fixée au bassin de la tisserande). Les bandes sont ensuite assemblées pour obtenir une pièce rectangulaire qui, une fois pliée en deux, est coupée au centre pour aménager l’encolure. L’ouverture pratiquée peut être ronde, carré, rectangulaire ou triangulaire selon le goût et l’origine de sa créatrice. Des coutures latérales réunissant les lisières forment ensuite l’emmanchure. Ces tissus, unis, rayés, brochés et brodés offrent une palette chromatique et iconographique extraordinaire. Chaque village possède ses motifs à dominante florale (pivoine, volubilis) ou animale (poule, lama) et où la cosmogonie maya s’invite par la présence du quetzal, serpent à plume stylisé, du coyote attentif ou des cercles rayonnants, hommage au soleil. Le huipil est un art textile vivant où s’écrit encore la vie des Mayas et la symbolique de leur très riche culture. Cet intérêt pour le textile indigène et la prise de conscience de son immense valeur esthétique s’imposent assez tardivement en France et font suite à des collectes versées pour la plupart au musée de l’Homme. Ce patrimoine devenu muséal ne peut se percevoir comme le seul vestige d’un savoir-faire artisanal et support folklorique passé, témoin d’une histoire révolue. La production textile maya contemporaine est, en effet, une activité vivante, dynamique, par laquelle les femmes indiennes du Guatemala affirment la force de leur identité culturelle. En dépit des guerres, des dictats économiques, du regard réprobateur et condescendant des pseudos dominateurs, elles continuent à tisser, à pratiquer leur langue, à s’affirmer… à vivre ! The huilpil, a key feature of the female Mayan dress in Mexico and Guatemala, is made of one, two, or tree widths woven on a mobile loom in which the threads of the warp are held tight by a belt tied to the weaver’s body — after which the strips are brought together into a rectangular piece which is first folded in two then cut out in its centre to make way for the neck, while the creator’s fancy makes it round, square, rectangular or triangular. Side stitches along the edges then delineate the armhole. The chromatic and iconogra phic range of these plain, striped, brocaded, and embroidered fabrics is quite unique. Each village has its own motifs which can be mainly floral (peony, convolvulus) or animal (hen, llama), and Mayan cosmology is liable to intrude in the shape of the quetzal, a stylized plumed serpent, or the watchful coyote, or radiating circles as an homage to the sun. As a textile art the huipil is very much alive and still bears witness to the Mayans’ way of life and their rich culture. France has belatedly taken an interest in native textile art and its immense aesthetic value, but not before the Museum of Man had received several collections. Though it has reached museum status, this heritage cannot be seen as the mere relic of a former expertise and vestige of folklore. Contemporary Mayan textile production is very much alive, and Indian women in Guatemala proclaim their cultural identity. In spite of wars, of the dictates of economy and the condescen sion of wannabe rulers, they still weave, speak their own language, they assert themselves… they live! RENAISSANCE REBIRTH Femmes portant des Huipils Guatemala, 2de moitié du xxe siècle Huipils Guatemala, 2nd half of the 20th century Exposition | Exhibition | 71 | 72 | Exhibition | Exposition | | MULTIPLE Hommes Yi Luo du village De chengzhai à la fête annuelle du sarrasin Veste d’homme pour les fêtes Coton, teinture à l’indigo, teinture à réserve à la cire (batik), applications, boutons métalliques Minorité Yi, Région de Malipo, Yunnan, Chine xxe siècle H. 77 cm ; l. 141 cm Musée Bargoin, Ville de Clermont-Ferrand MULTIPLE — Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant | La région de Malipo, au Sud-Est de la province du Yunnan, aux frontières du Vietnam et de la province du Guangxi, abrite une population reconnue par le gouvernement chinois comme une branche des Yi1. Le sous-groupe nommé Luo, réparti sur moins d’une dizaine de villages autour de Xinzhai, est composé d’environ 2 000 personnes. Les différents éléments composant le costume « traditionnel » de cette population, et en particulier les vestes à trois couches, encore portées aujourd’hui, sont aisément reconnaissables. À première vue, cette veste peut paraître unique et tout à fait originale. Cependant, la coupe et les motifs sont répétés et reproduits inlassablement par les femmes Luo, et portés par les hommes lors des fêtes : cet habit est marqueur d’une identité collective. Composé de trois épaisseurs, ce vêtement est constitué d’une première veste en toile bleu pâle barrée de bleu plus foncé. De la deuxième veste unie teinte à l’indigo, on aperçoit l’élégant liseré de motifs blancs réservés sur fond bleu ainsi que les manches, parsemées de motifs rayonnants, visibles sous le dernier gilet sans manches doté du même décor. Ces motifs sont réalisés en batik : après application de cire chaude à l’aide de petits couteaux, le tissu est trempé dans des bains d’indigo (teinture froide ne faisant pas fondre la cire). La couleur ne prend qu’aux endroits sans cire et laisse quelques effets de marbrure lorsque les aplats de cire se fissurent. De fins galons multicolores et de discrètes bandes en papier doré ornent l’encolure et les manches. Le système de boutonnière Brandebourg est factice puisque les boutons argentés ne peuvent être fermés. 1 La minorité Yi est estimée à environ 6,5 millions d’individus. La plupart des Yi vivent dans les régions montagneuses, certains à haute altitude, et un petit nombre dans les plaines et les vallées. Les costumes ethniques Yi sont particulièrement variés. The Malipo region lies in the South-west of the Yunnan province on the borders of Vietnam and the Guangxi province. Its population is acknowledged by the Chinese government as part of the Yi1. The subgroup named Luo, living in less than ten villages around Xinzhai, counts about 2000 people. The various elements of their “traditional” dress, notably the three-layered jackets which are still worn today, cannot be mistaken. One is tempted to find this jacket unique and quite original. Yet its cut and motifs are untiringly repeated and reproduced by the Luo women and worn by the men on feast days as stressing a collective identity. This three-layered piece of clothing is made of a pale blue cloth jacket striped with a darker blue, to begin with. The second plain indigo jacket reveals an elegant edging ribbon of white motifs on a blue background and sleeves with radiating motifs which can be seen under the last Bailuo yi at annual buckwheat festival in Chengzhai Feast coat Indigo and batik dyed cotton, applications, metal buttons Luo group, Yi ethnic minority of the region of Malipo, Yunnan, China, 20 th century H. 77 cm ; w. 141 cm Musée Bargoin, City of Clermont-Ferrand sleeveless waistcoat which is similarly decorated. These motifs are made according to batik techniques; hot wax is applied by means of small knives, and the fabric is soaked in indigo baths (the dye is cold to prevent the wax from melting). Only places without wax can take on the color which leaves some marbling effects when the wax flat tints begin to crack. The neck and sleeves boast thin multicolored trimmings and discreet stripes of golden paper. The Brandenburg buttonholes are just for show, and the silvery buttons cannot be fastened. 1 he Yi minority numbers about 6.5 million T people. Most of the Yi live in the mountainous regions, some of them very high, and a smaller number in the plains and valleys. Ethnic Yi costumes are remarkably varied. Exposition | Exhibition | 73 | Résidences RESIDENCES FOR ARTISTS 76 | RESIDENCES FOR ARTISTS — Simon Njami | | Résidences | | Abdoulaye Konaté Résidences | RESIDENCES FOR ARTISTS Abdoulaye Konaté au lycée Marie-Laurencin, Riom at the Marie-Laurencin high school, Riom Ce que j’aime dans l’univers de la mode, ou du moins dans ce que j’en imagine, c’est le travail d’équipe. Au moment du défilé, on voit invariablement le grand couturier. Celui qui a conçu, dessiné, éla boré… Mais rarement, si ce n’est jamais, je n’ai vu les petites mains se présenter devant le public et saluer. Or, sans elles, sans leur travail de couture, de brode rie, sans le soin extrême qu’elles mettent à rendre tangible ce qui est né de l’esprit forcément génial du créateur, il n’y aurait rien à voir. Abdoulaye Konaté n’est pas une diva de la mode, mais un artiste dont le travail, depuis des années, se nourrit de la collabora tion des artisans avec lesquels il a noué des relations de complicité et de respect. Dans son travail person nel, il n’a jamais eu le goût des hiérarchies qui dominent le monde de la création contemporaine. C’est peut-être la raison pour laquelle il dirige une école. Parce qu’il a toujours eu en lui la passion de transmettre et de partager. L’atelier qu’il a supervisé à Riom ne pouvait pas porter de meilleur nom. Il ne s’agissait pas de l’un de ces workshops qui émaillent l’apprentissage des jeunes étudiants en formation, mais d’un atelier de création, au sens premier du terme. C’est-à-dire un endroit où l’objectif est de fabriquer des produits qui seront ensuite soumis à l’appréciation d’un public. What I like in the world of fashion as it is, or rather as I imagine it, is teamwork. On the day of the show you never fail to see the great fashion designer, the man who conceived, drew, and developed… But I have seldom if ever seen “les petites mains”1 appear in public and take a bow. The fact is that, without their sewing and embroidering, without the asto nishing care they take to give form to and make tangible what the obvious genius of the creator has conceived, there would never be a thing in sight. No prima donna of the fashion world, Abdoulaye Konaté is an artist whose work has for years been drawing upon the collaboration of artisans with whom he has established friendly and respectful ties. In his own work, he has never had any taste for the hierarchies which prevail nowadays in the world of creation. This may be the reason why he is running a school, since he has always had a passion for sharing and transmitting. The workshop he ran in Riom could not be named more fittingly. It was not one of those places which trainees routinely attend but truly and literally a creation workshop, where the objective is to produce objects which will later be submitted to public approval. 1 « les petites mains » is dressmakers’ jargon for junior assistants, workers near the bottom of the ladder just above the « trottins » or errand girls. ANCHORING Ancrage Séances de travail avec les élèves du lycée Marie-Laurencin de Riom, l’artiste malien Abdoulaye Konaté et le styliste Cheikha Sigil. Workshops with the students from MarieLaurencin High School in Riom, Malian artist Abdoulaye Konaté and fashion designer Cheikha Sigil. Au-delà de la partie strictement créative du pro cessus, c’est bien l’organisation de la chaîne de production et la répartition des tâches entre diffé rentes compétences qui constituent le cœur de l’expérience. Une manière pour les étudiants de pénétrer un univers – celui de l’art contemporain – des territoires – le Mali et l’Afrique – et des pratiques avec lesquelles ils ne sont pas nécessairement fami liers. En travaillant avec les étudiants, Konaté n’était plus le professeur, l’artiste international, le péda gogue, mais un artisan qui, avec d’autres artisans, se livrait au plaisir de bâtir ensemble. C’est ainsi que son œuvre personnelle se déploie avec l’originalité de l’évidence. Dans le rapport à autrui, où l’impor tance de l’échange et du partage fait partie intégrante du processus de création, il a renoué avec la tradi tion textile ancestrale pour la porter à un niveau d’abstraction qui rejoint l’ésotérisme. Mais point n’est besoin d’être un initié versé aux secrets indi cibles pour appréhender l’esthétique et la complexité des messages contenus dans les larges tissages qu’il déploie au fil du temps, comme des variations sur un thème éternel, celui de notre humanité. The experiment does not stop at the creative part of the process, it revolves around the organization of the production line and the allotment of tasks accor ding to the students’ talents. This enables them to enter a world – that of contemporary art –, territories – Mali and Africa –, and meet customs they are seldom familiar with. Konaté at work with students was no longer the teacher, the artist of international fame, the master, but a craftsman indulging in building something together with other craftspeople. In his relationship with the others, when sharing and exchanging are part and parcel of creation, he has gone back to the ancestral textile tradition and taken it to a degree of abstraction close to esotericism. But even the uninitiated can grasp the aesthetics and complexity of the messages behind array of large fabrics he has been presenting year after year, as so many variations on the eternal theme of mankind. | 77 | | 78 | RESIDENCES FOR ARTISTS | Résidences | Page de droite L’œuvre terminée intitulée Métamorphose et Pouvoir H. 309 cm ; l. 240 cm Right page Achieved work entitled Metamorphosis and Power H. 309 cm; w. 240 cm Pour le travail avec les étudiants, Konaté a choisi de travailler sur des motifs où la figuration et l’allégo rie ont la part belle. Dans les discours globalisés dont on nous rebat les oreilles au fil des jours, dans le nouvel ordre mondial, un pan de l’humanité est invi sible. En proposant à ces « disciplines » de travailler sur une nouvelle cartographie et une manière d’uto pie universelle, l’artiste malien a choisi de sensibiliser sur ce que le philosophe allemand Ernst Bloch nomma la question essentielle : la question, en soi, du Nous. Ce nous qui nous est proposé n’est pas seulement une profession de foi un peu naïve, mais le reflet de la rencontre qui s’est opérée entre deux générations, deux cultures, et deux expériences que certains auraient pu penser inconciliables, au nom d’une irréductibilité a priori. L’œuvre est collective, au sens le plus plein du mot. Elle renvoie à des pratiques ancestrales dans lesquelles chacun avait son rôle, à une projection sociétale, un vivre et faire ensemble que notre époque obsédée par le profit et le repli sur soi, ferait bien de ne pas oublier. Cet atelier, au-delà du produit fini qu’il nous est donné d’admirer, constitue avant tout, et nous n’in sisterons jamais suffisamment sur ce fait, la joie de tisser des liens que seul le travail réalisé ensemble peut procurer. Voici une toile à plusieurs mains qui n’a besoin d’aucune signature. Car celle-là, chacun de ceux qui ont contribué à la réaliser, la portera longtemps dans son cœur et dans son âme. — Au Lycée Marie-Laurencin de Riom, ont participé à ce projet : CAP / Section Tapisserie : Agathe Belot, Ophélie Bruzzi, Syliane Camarroque, Nicolas Cancel, Mikael Combard, Coralie Delaire, Mathilde Devidal, Aline Fourvel BAC / Section Tapisserie : Amaniya Ameer, Emilie Artigaud, Jonathan Barbou, Sarah Beauzac, Léa Moscato, Julien Olivier, Ludivine Robert Terminales / Diplôme de Techniciens des Métiers du Spectacle : Camille Bascio, Alicia Boilon, Victoria Brecié, Aurélie Cavaud, Alexandra Courtine, Angélique Dautrait, Marion Gaillaud, Adélaïde Gasse, Valentine Guzian, Anne-Solène Jay, Marion Liekens, William Mouaradian, Manon Naudin, Justine Onnis, Camille Rauney, Anne-Lise Soufferant, Sandra Turket Et leurs professeurs : Christine Battut, Benoît Bauchet, M-Claire Chazal, Catherine Chouzenoux, Claire Dessimond, Zohra Fortas, Bruno Laboureau From the Marie Laurencin High School in Riom, the following students took part in the project: Training in tapestry 1: Agathe Belot, Ophélie Bruzzi, Syliane Camarroque, Nicolas Cancel, Mikael Combard, Coralie Delaire, Mathilde Devidal, Aline Fourvel Training in tapestry 2: Amaniya Ameer, Emilie Artigaud, Jonathan Barbou, Sarah Beauzac, Léa Moscato, Julien Olivier, Ludivine Robert Training in live show technique: Camille Bascio, Alicia Boilon, Victoria Brecié, Aurélie Cavaud, Alexandra Courtine, Angélique Dautrait, Marion Gaillaud, Adélaïde Gasse, Valentine Guzian, Anne-Solène Jay, Marion Liekens, William Mouaradian, Manon Naudin, Justine Onnis, Camille Rauney, Anne-Lise Soufferant, Sandra Turket Workshop teachers: Christine Battut, Benoît Bauchet, M-Claire Chazal, Catherine Chouzenoux, Claire Dessimond, Zohra Fortas, Bruno Laboureau When working with students, Konaté has cho sen to work mostly on figurative and allegorical motifs. In the globalized discourse constantly har ped on us, a whole section of mankind is kept out of sight. The artist from Mali, by proposing to work on a new cartography and a kind of universal utopia, has chosen to make us aware of what German phi losopher Ernst Bloch called “the essential question”: the question of the We in itself. The piece on show is not a mere naïve profession of faith but an echo of the meeting of two generations, two cultures, two experiences which might have been thought to be irreconcilable on account of some a priori irreducibi lity. This is a collective work in the fullest sense of the word. It refers us back to ancestral practices in which man had his allotted task, to the togetherness of living and making in a society we would be well advised not to forget in our present age of profit and self-centerdness. More than the finished product we are given to admire, this workshop is first and foremost — and this is to be repeatedly emphasized — about the joy of weaving bonds which can be obtained only by working together. Here is a multi-handed fabric that needs no signature. For each of those who contri buted to its realization will keep it for years in their heart and soul. — 80 | RESIDENCES FOR ARTISTS — Simon Njami | | Résidences | | Moataz Nasr Moataz Nasr C’était à San Geminiano, en janvier. Nous étions en train de préparer l’exposition personnelle de Moa taz dans sa galerie italienne. À un moment, nous avons tous été à la fois surpris et amusés de voir l’ar tiste égyptien courir dans tous les sens, drapé dans le drapeau de son pays. Cela faisait des jours que nous étions rivés sur les nouvelles venant d’Égypte. La place Tahrir grouillant de monde, un souffle, une cla meur, la jeunesse dans la rue qui criait : le peuple réclame le changement du gouvernement. Et c’était arrivé. Après des décennies au pouvoir, Hosni Mou barak quittait la scène. Une autre histoire pouvait être inventée, avec tous les risques que suppose toute révolution. Mais pour l’heure, c’était la liesse. Un éclat de joie trop longtemps contenu. Plus tard, en visitant le château de Blandy-les-Tours, dans la Seine et Marne, Moataz m’a fait part de son envie de conce voir un jardin. Un labyrinthe de pelouse que l’on pour rait voir du haut des tours du château. Le motif en serait une phrase, écrite dans un ancien alphabet ira kien qui reprendrait la phrase devenue le symbole du « printemps » égyptien. The place: San Geminiano. The month: January. We were at work preparing Moataz Nasr’s own exhi bition in his Italian gallery. Suddenly we were both surprised and amused to see the Egyptian artist start running about, draped in his country’s flag. For days we had been glued to the news from Egypt: the crowds on Tahir square, the shouting, young people in the streets clamoring that the people demanded a new government. And it had happened: Hosni Mubarak was driven offstage after decades in power. It had become possible to invent a new era, regardless of the risks inherent in all revolutions. But for the time being it was pure jubilation, an outburst of joy too long repressed. Later, on a visit to the Cha teau of Blandy-les-Tours, South-East of Paris (Seineet-Marne), Moataz confided he wished to design a garden: a maze of lawn to be viewed from the top of the towers. Its motif would be a sentence written in an ancient Iraqi alphabet, quoting the sentence that symbolized the Egyptian “spring”. à l’EPL du Bourbonnais, Moulins-Neuvy Séance de travail pour les élèves de l’EPL de Moulins-Neuvy. Working session for the EPL students in Moulins-Neuvy. Résidences | RESIDENCES FOR ARTISTS at the EPL of the Bourbonnais, Moulins-Neuvy eDEN Cinq projets imaginés par les élèves pour habiller le parvis du musée. Five projects thought up by the students for the Museum square Voici donc la genèse de l’œuvre qui sera installée sur le parvis du Musée Bargoin. Une réalisation tour née vers l’avenir et vers l’espoir. Lorsque nous avons proposé à l’artiste de venir en résidence à Moulins et de travailler avec les élèves de l’EPL, il n’a pas hésité. Parce que travailler avec des adolescents est ce à quoi il s’emploie déjà dans son pays, comme un frère aîné qui aiderait ses cadets à comprendre le monde. Parce que cette œuvre est née d’une volonté collective, d’un engagement de la jeunesse, sans compromission et sans calcul. La langue, qui aurait pu être un problème – l’artiste ne parle que l’anglais et l’égyptien - n’en fut pas un. L’art dispose de cette faculté particulière d’être un langage universel qui abolit les frontières. L’idée de ces ateliers est née de l’importance du partage et de l’échange. D’organiser ces voyages immobiles qui permettent aux uns et aux autres de se familiariser avec d’autres cultures, d’autres sensi bilités, d’autres histoires. Et pour des jeunes fran çais, dont les livres ne racontent pas nécessairement l’histoire du monde, de se confronter à un artiste dont l’horizon dépasse de loin les simples contours du pays dans lequel il est né. Et cela, non pas par des discours théoriques, mais à travers la tangibilité de la matière et de l’action. L’artiste a apporté son expérience du monde et sa vision esthétique, les élèves ont mis à l’épreuve les connaissances tech niques et théoriques acquises au cours de leurs études. Ils étaient sur un pied d’égalité. Pas de maître omnipotent délivrant des axiomes, pas de disciples buvant avidement des vérités essentielles, mais une véritable complicité. Nous ignorions, bien entendu, à quoi aboutiraient ces expériences. Nous n’avons pas été déçus. ÉDEN Such was the genesis of the work now to be ins talled on the square before the Musée Bargoin, an artwork turned towards a hopeful future. When we offered Nasr to come to Moulins as an artist in resi dence and work with the EPL students, he accepted at once because working with teenagers is what he is already doing in his own country, like an elder bro ther helping the younger ones to understand the world – and also because this creation springs from a collective will, from an uncompromising unpreme ditated commitment. There could have been a lan guage barrier since the artist speaks only English and Egyptian, but there was none, since the privilege of art is to be universal and bring borders down. Sharing and exchanging was the idea at the back of these workshops, organizing those motionless journeys which make people familiar with new cultures, sensibilities and histories. Young French men, whose textbooks have a selective view of world history, now faced an artist whose outlook largely transcends the geographical borders of his native country. And this was made possible through the tangibility of matter and action, not through theo retical speeches. The artist contributed his expe rience of the world and his aesthetic vision while students could put to the test the theoretical and practical knowledge they had acquired. They were on an equal footing. Not a situation with a master uttering profundities and students hanging upon his lips, but they all really were in it together. Of course we had no idea of what these experiments would lead to. We were not disappointed. | 81 | | 82 | RESIDENCES FOR ARTISTS | Résidences | Page de droite Modélisation 3D des deux derniers projets en lice. En bas : projet retenu pour le FITE 2012. Right page The last 2 projects shown in 3D. Bottom: definitive project for the FITE 2012. Moataz a expliqué son concept, et aidés par leurs professeurs, les élèves ont été invités à mettre en pratique ce qui leur avait été transmis. Je dois avouer qu’en laissant Moataz seul là-bas, lui l’urbain des grandes capitales internationales, Christine Athenor et moi-même avons éprouvé quelques doutes. Jusqu’au moment où, quelques jours après la fin de l’atelier, je reçus ce message de Nasr qui nous remerciait de lui avoir donné l’opportunité de vivre cette expérience. Le jardin que le public décou vrira est certes un jardin de Moataz Nasr, mais je pense qu’il sera d’accord avec moi pour dire qu’il s’agit d’autre chose : un véritable travail de collabo ration et d’interprétation pour le résultat duquel, chaque contribution a été déterminante, qui donne à voir un objet dont le plus important n’est pas la paternité, mais le processus qui l’a vu naître. Et cela met l’accent, si besoin était, sur la philosophie qui était à l’œuvre : un vivre et faire ensemble qui abolit les egos stériles de l’individualisme. — À l’EPL de Moulins-Neuvy, ont participé à ce projet : 1ère BAC PRO / Travaux paysagers : Alexis Frederic, Justine Gaillot, Anatole Guillaume, Jérôme Hurtin, Pierre Jerbillet, Jordan Lesage, Samantha Letort, Corentin Paire, Corentin Prophete, Yasmin Schluchter, Yohan Simon, Florian Virmoux Et leurs professeurs : David Dugay (enseignant d’aménagement paysager), Gisèle Lamblin (directrice adjointe), Pierre Botheron (Directeur) From the EPL in Moulins-Neuvy, the following students took part in the project: Training in landscaping: Alexis Frederic, Justine Gaillot, Anatole Guillaume, Jérôme Hurtin, Pierre Jerbillet, Jordan Lesage, Samantha Letort, Corentin Paire, Corentin Prophete, Yasmin Schluchter, Yohan Simon, Florian Virmoux Teachers: David Dugay (landscaping teacher), Gisèle Lamblin (vice director), Pierre Botheron (director) Moataz Nasr explained what his concept was and the students, helped by their teachers, were invited to put into practice what they had been taught. I must confess that Christine Athenor and myself had some misgivings when we left such an international city-dweller all alone in the country until, a few days after the workshop had closed, Nasr thanked us for offering him such an expe rience. The garden which the public is about to dis cover was genuinely made by Moatz Nasr yet all will agree it is something else: a true collaborative inter pretative work in which each contribution played a decisive part. It offers the viewer an object about which what matters most is not paternity but the process that fathered it – which stresses again, if that were necessary, that it was a philosophy of togetherness which was at work, over and above sterile selfish individualism. — 84 | RESIDENCES FOR ARTISTS — Christine Athenor | | Résidences | | Résidences | RESIDENCES FOR ARTISTS Bambouseraie Prafrance, à Anduze (Gard) Ueno Masao Ueno Masao Ueno Masao a choisi de travailler une fibre tradi tionnelle, le bambou, symbole naturel de plénitude et centre subtil du développement spirituel pour les maîtres zens, car il croît autour du vide. Généralement utilisé pour réaliser des objets de petites et moyennes dimensions ayant un usage défini, il l’utilise pour créer des pièces de grandes dimensions qui intègrent un espace ouvert ou fermé. Il respecte et détourne en même temps l’art traditionnel du tressage de bam bou. Il choisit le bambou dans les montagnes du Japon, le teint, le laque et finit avec la feuille d’or et la poudre d’or, une technique du bois qu’il a adaptée. Il intervient généralement sous la forme de séjour en résidence artistique dans des lieux différents qui stimulent sa créativité. Il s’est installé à la Bambou seraie Prafrance à Anduze cet été pour réaliser deux œuvres dont l’une est présentée à la Bambouseraie et l’autre au Jardin Lecoq à Clermont-Ferrand, près du musée Bargoin. Ueno Masao has chosen to work with bamboo, a traditional fiber which is also a natural symbol of ple nitude and, according to Zen masters, the subtle center of spiritual development because it grows around a void. Though it is generally used to create small and medium-sized objects having a definite purpose, he also employs it for larger pieces sur rounding an open or closed space. He both respects and subverts the traditional art of bamboo weaving. He selects bamboo from the mountains of Japan, dyes it, lacquers it and finishes with gold leaf and gold powder, a technique borrowed from woodcraft. He generally performs as artist in residence in various places which encourages the creative ele ment in him. This summer he has moved in at the Prafrance Bamboo Plantation, in Anduze, and pro duced two works, one of which is shown at the Plantation and the other at the Jardin Lecoq, near the Musée Bargoin in Clermont-Ferrand. Paysage, géométrie et tradition des matériaux « Chaque paysage a un sens particulier. Chaque matériau naturel a son propre caractère. Une simple forme géométrique est un concept pour l’Homme. Nous pouvons envoyer cette forme partout dans le monde par la toile. Nous pouvons la transporter partout comme une mémoire dans notre esprit. Nous pouvons l’étendre à loisir. Mais quand nous la faisons en un matériau particulier elle devient une réalité. Si je visualise cette forme dans un paysage particulier avec un certain matériau, elle va acquérir une certaine réalité. Elle va exprimer une relation entre le paysage et le concept. Si je la réalise dans un site particulier elle va évoquer ma relation à la nature ». Ueno Masao. Landscape, geometry, and the tradition of materials “Each landscape has its own meaning. Each natural material has a character of its own. To Man a simple geometric form is a concept. This form we can send anywhere in the world thanks to the Web. We can carry it everywhere like a memory in our minds. We can stretch it as we please. But when we make it in one particular material, it becomes reality. If I visualize that form in a particular landscape with a particular material, it acquires a certain reality. It will express a relationship between the landscape and the concept. If I realize it in a particular setting it will call to mind my relation to nature.” à la Bambouseraie d’Anduze Prafrance Bamboo Plantation in Anduze (Gard) at the Bamboo Plantation in Anduze Réseau Ueno Masao, vit et travaille près de Tokyo à Awa au sud de la péninsule, au Japon. Ueno Masao lives near Tokyo in Awa, Japan. NETWORK Les arts du bambou « J’ai travaillé comme architecte pendant plusieurs années avant de commencer à travailler le bambou. Vous ne connaissez pas l’architecture de pierre froide moderne recouverte d’acier, de verre et de béton et son profond ennui. J’ai constaté que tous les matériaux utilisés pour l’architecture moderne étaient uniformes et anonymes. Après avoir visité des pays en Asie pour rencontrer des artisans vanniers j’ai vu, dans le Sud de la Chine, dans la péninsule malaise, en Indonésie, aux Philippines, un art du bambou très populaire. Ces artisans ne font pas seulement des paniers. Ils réalisent des sandales, des chapeaux, des cages à oiseaux, des chaises, des portails, des fenêtres... Les enfants des villages apprennent à faire des lamelles de bambou quand ils font des jouets. Le bambou est le matériau le plus familier pour eux et depuis leur enfance. La plupart des villageois grandissent en partie comme des artisans. Ils connaissent la balance écologique des bambous et ils savent les utiliser. Leur approche du matériau est entièrement différente de notre société moderne. En tant qu’artiste, j’ai a été influencé par l’approche de la nature des artisans. J’ai été impressionné par l’attitude des tisserands vanniers vivant dans ces pays. Mes installations de bambou dans des sites spécifiques dépendent de l’attitude envers la nature des artisans que j’ai rencontré ». Ueno Masao. Arts of the bamboo “I worked several years as an architect before I began working with bamboo. Maybe you have not come across modern architecture made of cold slabs of stone coated with steel, glass, and concrete – perfectly boring. I have found that every material used in modern architecture was uniform and anonymous. After visiting Asian countries to meet basket weavers, I have discovered that in Southern China, the Malay Peninsula, Indonesia and the Philippines there was a highly popular art of working with bamboo. Craftspeople there do not only make baskets, they create sandals, hats, bird cages, chairs and windows… The village children learn to make bamboo strips when making toys. Bamboo is the material they are most familiar with and it has always been. As they grow most of the village people become craftspeople. They know that bamboos are part of an ecosystem and use them accordingly. Their approach to this material is totally different from the practice of our modern society. As an artist, I have been influenced by the way craftspeople approach nature. I have been impressed by the attitude of basket weavers living in the countries I have mentioned. In certain sites, my bamboo installations depend on the attitude craftspeople I met have to nature.” | 85 | | 86 | RESIDENCES FOR ARTISTS | Résidences | | Cocon flottant, métamorphose du bambou Ueno Masao explore le thème de la métamorphose dans le cadre du Festival International des Textiles Extra ordinaires. Il propose un travail à partir du par cours du cocon du ver à soie. « Quand les vers à soie font leur abri autour de leur corps avec de la soie, ils dessinent des trajectoires sans fins autour d’eux. Cette trajectoire ressemble à celle des astronautes en gravité zéro. Ce même mouvement de l’homme peut être celui du cocon à échelle humaine. Toutefois, la création d’un état d’apesanteur sur la terre n’est pas aussi simple que cela. » — Pré-projet pour la résidence à la Bambouseraie d’Anduze First project for the artist’s residence at the Bamboo Plantation in Anduze. Page de droite Right page Haut : Ueno Masao réalisant l’œuvre Serbia Bas : Camellia Top: Ueno Masao working on Serbia Bottom: Camellia Floating cocoon - metamorphosis of bamboo For the International Festival of Extra ordinary Textiles, Ueno Masao explored the theme of metamorphosis. His creation was inspired by the making of the silkworm cocoon. “When the silkworms build their shelter around their own bodies with silk, they are drawing endless trajectories around themselves. Their paths resemble those of astronauts in zero gra vity. The same movement in man may be that of the cocoon on the human scale. However the creation of a weightless state on earth is not that simple.” — Résidences | RESIDENCES FOR ARTISTS | 87 | workshop Saint-Étienne Workshop Saint-Étienne 90 | Workshop Saint-Étienne | Workshop Saint-Étienne | De haut en bas et de gauche à droite : — Vincent Lemarchands | iCarpette Lucile Sauzet WORKSHOP WORKSHOP MONGI GUIBANE MONGI GUIBANE Paranuit Astrid Faure Bertille Derail Alice Alvarado TISSAGE DE FIBRES OPTIQUES WEAVING OPTICAL FIBERS Au-delà des dimensions extraordinairement riches et variées que peut prendre la création textile dans les domaines du stylisme et de la mode, mon atten tion a souvent été attirée par des applications de fibres innovantes dans des domaines nouveaux : l’architecture, le génie civil, les technologies médi cales ou de la communication, les biotechnologies ou les réalisations mécaniques et chimiques. Depuis quelques années un domaine technique nouveau est apparu, héritier des savoir-faire des tis seurs de soie. Après les fils de soie et d’or, les métiers traditionnels ont permis de travailler un fil encore plus complexe : la fibre optique. Capable, dans des conditions techniques appropriées, de transporter de la lumière comme dans un tube, la fibre optique est, à l’origine, plutôt utilisée comme un mode de transport d’un signal lumineux. Des pion niers essaient de réaliser des tissus à partir de cette fibre, parce qu’ils ont constaté qu’en altérant la paroi extérieure de la fibre par abrasion, on peut provo quer un échappement de lumière à l’endroit choisi, et donc faire apparaître une image ou un message sur la surface tissée. Dans le cadre d’un exercice informel, j’ai demandé à des étudiants de l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Étienne d’étudier des applications pos sibles et nouvelles de cette technologie et de réflé chir à leur mise en forme. Mongi Guibane, styliste reconnu, sociologue et analyste des courants de la mode, très fin connaisseur des matières et des tech niques de tissage, m’a paru le plus à même de gui der les propositions des étudiants. Ses propres travaux l’ont déjà amené à tester et à concevoir des réalisations à partir de tissage de fibres optiques, dans le cadre de collaborations avec la société Bro chier Technologies, comme le gilet communicant pour France Télécom en 2005 et un bustier pour Captiva en 2007. Ses rencontres avec les étudiants ont permis de formuler des hypothèses mettant en valeur les spécificités de ce nouveau matériau. Far beyond the amazingly rich and varied dimen sions that textile creation is liable to assume in the fields of clothes designing and fashion, my attention has often been drawn to applications of innovative fibers to new fields: architecture, civil engineering, medical or communication technologies, biotechno logical or mechanical and chemical products. A new technical field has sprung up in the last few years, making use of the silk weavers’ know-how. After silk and gold threads, traditional looms have made it possible to work a still more complex thread: the optical fiber. When technical conditions are ade quate, it can convey light as in a tube, and was at first used as means to carry light signals. Now pioneers try to weave fabrics with this fiber, as they have found that abrasive altering of the outer surface of the fiber can cause light to escape in selected places and so reveal an image or a message on the woven surface. As an informal exercise, I have asked students from the École Supérieure d’Art et de Design in Saint-Étienne to study the possibility of new applica tions of this technology and envisage their realiza tion. I chose Mongi Guibane as the best guide for students: he is a well-known designer, a sociologist and an analyst of fashion trends very well versed in weaving materials and techniques. As a researcher in his own right, he has thought up a communicative vest for France Télécom in 2005 and an off-theshoulder top for Captiva in 2007 when working with Brochier Technologies. Meeting the students has opened the way for new explorations to capitalize on the specificities of this new material. Moonlight Bérenger Brochier Svet Daria Ayvazova Noct-en-bulle Mélitine Courvoisier Fanny Myon Chloé Martin From top to bottom and left to right: iCarpette Lucile Sauzet Paranuit Astrid Faure Bertille Derail Alice Alvarado Svet Daria Ayvazova Noct-en-bulle Mélitine Courvoisier Fanny Myon Chloé Martin Moonlight Bérenger Brochier 92 | Workshop Saint-Étienne — Arnaud Zohou | | Workshop Saint-Étienne | « Emballez-moi ! » “wRAP ME UP!” Une création industrielle AN INDUSTRIAL CREATION Dans le cadre de la prochaine Biennale Interna tionale de Design de Saint-Étienne, La Rotonde Centre culturel dédié aux sciences et basé à l’École Nationale Supérieure des Mines s’est lancée dans un projet inédit : emballer le bâtiment qui l’abrite de textiles composites innovants (membranes), dans un geste à la fois artistique, architectural et environne mental. Ce bâtiment, conçu en 1973 par L. Ven dange, est énergivore car construit pour accueillir le premier ordinateur de l’École des Mines. Son utilisa tion désormais ouverte à tous lui a donné une nou velle dimension, qu’il s’agit de révéler grâce aux techniques de rénovation du patrimoine industriel. Ces techniques utilisent des membranes textiles, parfois gonflées d’air. Elles permettent de résoudre des questions liées au développement durable, tout en proposant des solutions plastiques parce qu’elles interrogent la signification du bâtiment sans remettre en question son unité architecturale. Cette création se déroule en plusieurs étapes : un bilan énergé tique, la création de maquettes, des workshops mêlant élèves ingénieurs, artistes, designers et archi tectes, une agence d’architecture pour la maîtrise d’œuvre. Il s’agit donc, à travers la présentation au FITE des workshops et l’exposition de la méthodolo gie originale conçue par D. Delafosse et J. Faucheu (EMSE), de montrer en quoi cette expérience sert de support à une recherche sur les processus collabo ratifs transdisciplinaires. « Emballez-moi » met en synergie des savoirs et des compétences complé mentaires qui renforcent la créativité et l’innovation dans des actions dont le cœur est l’usager. Plusieurs acteurs sont impliqués dans ce processus : le collec tif Experimonde spécialiste des membranes, des lycées, des écoles supérieures (Écoles des Mines, d’Art et de Design, d’Architecture), des enseignants, des architectes, un pôle de compétitivité (Techtera), des industriels (le groupe Serge Ferrari, spécialiste de l’architecture textile). As part of the next International Design Biennale in Saint-Etienne, an entirely new project has been launched by La Rotonde, a cultural center for science at the École Nationale Supérieure des Mines: wrap ping up the building in which it is housed with innova tive composite fabrics (membranes) as an artistic, architectural and environmental gesture. This buil ding, designed in 1973 by L. Vendange, uses a lot of energy since it was designed to accommodate the first computer of the École des Mines. Now that it is open for general use, it has acquired a new dimen sion which the rehabilitation techniques applied to the industrial heritage must bring to light. Those tech niques use textile membranes occasionally inflated with air and offer answers to problems related to sustainable development. They also provide plastic solutions since they call into question the meaning of the building without challenging its architectural unity. The program will go through several stages: asses sing the energy efficiency, making models, opening workshops for future engineers, artists, designers and architects, creating an architecture agency for project management. The main objective is to show how this experiment helps research into interdiscipli nary collaboration through the presentation of the workshops at the FITE and an account of an original methodology developed by D. Delafosse and J. Fau chon (EMSE). “Wrap me up”1 synergizes comple mentary skills and crafts which strengthen creativity and innovation and place the user at the heart of the projects. A number of actors are involved here: the Experimonde collective – a specialist in membranes –, high schools, higher education institutes (École des Mines, École d’Art et Design, École d’Architecture), teachers, architects, a competitiveness centre (Tech tera), and manufacturers (the Serge Ferrari group, a specialist in textile architecture). 1 he French name is a pun meaning both “wrap me up” T and “thrill me”. Bâtiment La Rotonde - Centre culturel dédié aux sciences, École Nationale Supérieure des Mines La Rotonde Building - Cultural Center dedicated to science, École Nationale Supérieure des Mines Jeune scene artistique YOUNG ART SCENE 96 | YOUNG ART SCENE | Jeune scène artistique | | Les Saltimbanques (série), Yannick Daverton Jet d’encre, contrecollé sur aluminium Dibond 2012 H. 63 cm ; L. 95 cm Les Saltimbanques (series), Yannick Daverton Inkjet, aluminum backing 2012 H. 63 cm; w. 95 cm — Thomas Leveugle | YANNICK DAVERTON YANNICK DAVERTON La démarche de Yannick Daverton se situe entre le monde du textile et celui de l’image, sans pour autant être celle d’un photographe ou d’un styliste. La for mation de modélisme qu’il entreprend avant ses études en école d’art lui a donné le goût des textiles et permis d’envisager le champ de ses possibles. Ses portraits photographiques ne font pas pour autant de lui un portraitiste, masquant systématique ment l’identité de ses modèles, il serait plus juste de les qualifier de supports. Mêlés aux fonds, noyés dans la masse étouffante des fripes, les corps nous questionnent sur l’identité, ni masculine ni féminine, qui semble à deviner, à reconstruire. La mise en scène est bien présente avec le fond devant lequel prennent place les modèles dans des postures savamment choisies. Mais tout cela semble absurde et incohérent. La série On ne choisit pas sa Famille nous renvoie aux portraits classiques sus pendus aux cimaises des musées : fond neutre, posture altière, éclairage diffus. Mais à bien y regar der, les costumes d’apparat sont ceux de supers héros de friperies, de Madone en rideaux. Le génie de Yannick Daverton est de réinventer l’opulence du portrait aristocratique et religieux à l’aide de tissus bon marché. Ces images interrogent la futilité de notre société visible à travers la consommation textile et dénonce l’illusion qu’elle produit. L’installation présentée à la Chapelle des Cordeliers questionne les genres et les tâches qui leur sont habituellement attribuées. La bétonnière, outil masculin de construction du foyer se pare d’un rose de poupée, et vient se transformer en une machine à laver poétique. Le nettoyage du linge, occupation communément acceptée comme féminine, se réalise désormais sans eau et dans un bruit assourdissant de chantier de construction. Les pistes sont brouillées bien que le tapis délimitant l’espace de l’installation nous place dans l’intérieur d’un foyer. L’objet est à penser comme une femme à barbe, une barbe à papa rose. Yannick Daverton’s approach lies somewhere between the world of textile and that of images, though it is not that of a photographer nor that of a fashion designer. His training in clothes designing before going to art school has given him a taste for textiles and opened up the range of his possibilities. Neither do the portraits in his photographs make him a portrait photographer, since he persistently conceals the identities of his models – they would be more aptly described as mere media. The bodies, which are undistinguishable from the backgrounds and swamped under a flood of secondhand clothes, ques tion us about their identity – neither male nor female – which begs to be guessed at and reconstructed. There is no doubt of a conscious stage effect with this background against which the models strike care fully chosen attitudes. Yet it all seems quite absurd and inconsistent. The series entitled “You can’t choose you family” refers us to the classical portraits hanging in museums: a neutral background, a proud pose, some diffuse lighting. But a closer examination will show that the ceremonial costumes belong to mock heroes out of second hand clothes shops, to curtain-draped Madonnas. Yannick Daverton’s art lies in the re-creation of the opulence of aristocratic and religious portrayals using cheap fabrics. His images question the futility of a society as revealed by textile consumption and exposes the illusion thus created. The installation at the Chapelle des Cordeliers probes into the gender problem and the tasks usually ascribed to each gender. The cement mixer, a male tool in the building of the home, is graced with doll-like pink and turns into a poetical washing machine. The laundry, a typically feminine task, is now performed without water and with the deafening roar of a construction site. All tracks are thus covered even though the carpet deli miting the space of the installation firmly puts us inside the home. Each object is to be thought of as a bearded woman – or some pink candy floss. Jeune scène artistique | YOUNG ART SCENE | 97 | 98 | YOUNG ART SCENE | Jeune scène artistique | Portraits caméléon (série), Myette Fauchère Jet d’encre, qualité fine art, contrecollé sur aluminium Dibond 2010 H. 60 cm ; L. 80 cm CHAMELELON PORTRAITS (SERIES), Myette Fauchère Inkjet, fine art quality, aluminum backing Dibond 2010 H. 60 cm; w. 80 cm — Thomas Leveugle | MYETTE FAUCHèRE MYETTE FAUCHèRE Dans ses portraits réalisés au Bénin et au Togo en 2010, Myette Fauchère s’intéresse aux coutumes vestimentaires propres aux moments de partage. Son regard a été saisi par le rythme graphique que créent ces vêtements coupés dans le même tissu que portent les membres d’un groupe ou d’une famille. L’unité du groupe ou de la famille est ainsi revendiquée par le port d’un unique motif. These portraits were captured in Benin and Togo (2010) and they reveal Myette Fauchère’s interest in special clothes traditionally worn when sharing is the order of the day. Her eye was caught by the graphic rhythm springing from clothes cut in the same fabric and worn by members of a given group or family. A single motif thus asserts the unity of a particular group or family. Myette Fauchère avec ses Portraits Caméléon a voulu saisir cette caractéristique étonnante en allant plus loin dans la sur-représentation du textile. En effet, se plaçant dans la tradition de la photographie de studio propre à l’Afrique de l’Ouest, elle décide de tendre comme toile de fond le même textile que celui porté par les groupes qu’elle immortalise. L’œil peine à identifier le fond, la forme et les corps. Seules les ruptures graphiques des motifs répétitifs indiquent les frontières. Une fois la curiosité pour ces compo sitions quasi-psychédéliques estompée, c’est la joie qui transparaît dans ses clichés. Myette Fauchère décide par des prises de vue des passants de la place Jaude à Clermont-Ferrand de renouer avec cette expérience. Très attachée au lien entre vêtement, individu et identité, elle décide de s’intéresser aux textiles portés ici et maintenant. Pour cela, elle établit un dialogue entre les personnes habillées de vêtements coupés dans un textile au motif similaire à celui placé en fond. Grâce à la juxta position des motifs portés et de ceux en arrière-plan, des portraits dynamiques se dessinent parmi les quels le regard se perd à la recherche de son sujet. Le groupe n’est plus constitué d’une famille, mais bien d’une communauté élargie d’individus parta geant les mêmes codes vestimentaires. Son travail interroge alors la volonté plus ou moins consciente d’appartenance à un groupe par le port du vête ment, et l’expérience de la Place de Jaude propose la constitution de nouveaux groupes par le tissu. The purpose of her “Chameleon Portraits” is to render this striking feature by taking the overrepre sentation of textile one step further. Following the West African tradition of studio photography, she chooses to use as a background the very same fabric which is worn by the groups of peoples she preserves for ever with her pictures. One can hardly tell the difference between materials, forms, and bodies. Only the breaks in the recurring motifs testify to the presence of limits. Once those almost psyche delic compositions have ceased to puzzle, her pho tos simply exude joy. In Clermont-Ferrand, Myette Fauchère invites passers-by on the Place Jaude to repeat the experi ment. In her quest for the connection between clothes, identity and the individual, she chooses to study the clothes that are worn here and now. With this in mind she creates a dialogue between people wearing clothes whose motif is similar to the one she selected as a background. While the eye is in search of the subject, dynamic portraits emerge from the juxtaposition of motifs. What happens is that the group is no longer made up of one family but of a larger community of people sharing the same sartorial tastes. Her work thus questions the more or less conscious urge to join a group through the choice of clothes, and the experiment on the Place Jaude hints at the emer gence of fabric-connected groups. showroom The SHOWROOM MARKET | — Mickael Cotte et Claire Brizon objectifs « Nous considérons l’artisanat comme une des formes exemplaires de l’activité humaine. » Simone de Beauvoir “We consider craftwork as one of the exemplary forms of human activity.” Simone de Beauvoir La mode et l’univers des textiles d’intérieur ont remis à l’honneur les tissus authentiques avec une forte valeur ajoutée traditionnelle. Les techniques mul tiséculaires, les motifs mythiques retrouvent une place primordiale dans leurs collections. Tous les salons internationaux essaient d’insuffler cette touche « réelle intervention de la main humaine dans le process » au cœur de leur offre pour séduire archi tectes, stylistes, designers textiles, acheteurs et professionnels de la mode qui sillonnent les salons textiles du monde entier chaque saison en quête du meilleur du textile. À la source de la création textile extraordinaire, le FITE a décidé de réunir créateurs et artisans talentueux au sein du Showroom. Le showroom des créateurs, vrai laboratoire du textile, est un lieu d’inspiration, une plate-forme de rencontres et d’achats pour les professionnels et un espace de (re)découverte pour les amoureux des textiles rares. Avec plus d’une vingtaine de créateurs et artisans, maîtres des couleurs et des matières, le showroom est une vitrine unique des créations et des savoir-faire des textiles extraordinaires. Il pré sente un métier contemporain, innovant, revivifié par des créateurs et des artisans passionnés ! « Nous considérons l’artisanat comme une des formes exemplaires de l’activité humaine. » Le FITE a fait sienne cette citation de Simone de Beauvoir. À travers cet espace, nous proposons de parta ger avec les professionnels et tous ceux qui s’inté ressent aux textiles et à l’artisanat, les valeurs et les richesses du patrimoine textile mondial qui devient notre le temps d’un showroom ! La parole est aux artisans Selon son métier et son parcours chaque artisan détient un savoir particulier qu’il retranscrit à sa manière. Il paraît alors capital de proposer un espace d’expression libre aux artisans. Nous avons seulement guidé leur plume afin qu’ils puissent expliquer le sens de leur travail au plus grand nombre, certains de l’apport nouveau de leur parole. Ils nous offrent de partager l’ambiance de leur atelier, l’intimité de leur premier souvenir et la difficile tâche de se définir comme : artiste, artisan, créateur… showroom | THE showroom market | Objectives The world of fashion and the universe of interior textiles revived authentic fabrics with a strong tradi tional added value. The centuries-old techniques, the mythical motifs have regained a fundamental place in collections. All international fairs try to intro duce this touch of “real intervention of the human hand in the process” at the heart of their offers to attract architects, stylists, textile designers, buyers and fashion professionals who visit textile fairs in the whole world every season, looking for the best of textile. Focused on extraordinary textile, the FITE decided to gather talented creators and craftspeople in the Showroom. The creators’s Showroom, a real lab devoted to textile, is a place of inspiration, a platform for meeting and buying designed for professionals, and a place of (re)discovery for rare textile amateurs. With around 20 creators and craftspeople, all masters of colors and materials, the Showroom is a unique showcase for creations and know-hows of extraordinary textiles. It presents a contemporary and innovating activity, revived by passionate creators ands craftspeople! “We consider craftwork as one of the exemplary forms of human activity.” The FITE made his this quotation from Simone de Beauvoir. With this space, we wish to share with professio nals and all those who are interested in textile and craftwork the values and the wealth of the world textile heritage which become ours for the time of the Showroom! Now let the craftspeople speak According to their activity and their career, artisans hold a particular know-how which they each transcribe in their own way. It seems then crucial to offer them a particular space of expression. We have made so that they could explain the meaning of their work to the biggest crowd as we were sure that their words would bring their share of novelty. They offer us the opportunity to share the atmosphere of their studio, the privacy of their first memory and the difficult task of defining themselves, as artists, artisans, creators… 103 | | 104 | THE Showroom market | showroom | | showroom | THE showroom market IKTT Fondateur d’IKTT à Siem Reap au Cambodge, Kikuo Morimoto réalise des tissages traditionnels khmers en soie cambodgienne aux teintures naturelles parfois ikatées. Founder of IKTT in Siem Reap, Cambodia, Kikuo Morimoto makes traditional Khmer weavings using Cambodian silk and natural dyes, sometimes in the ikat technique. S’il n’avait pas été là, nous aurions peut-être perdu pour toujours les secrets de fabrication de la soie khmère traditionnelle raffinée. Morimoto Kikuo en est le premier surpris. Jamais il n’a eu l’intention de créer l’Institut pour les textiles traditionnels khmers qu’il dirige et qui produit des étoffes de soie identiques à celles que portaient les Khmers à l’époque des temples d’Angkor, il y a plus de mille ans. Jamais non plus il n’aurait imaginé qu’il rassemblerait un jour autour de lui jusqu’à 500 arti sans venus de tout le pays. Morimoto, artiste-peintre, artisan de la teinture naturelle, amoureux de la soie, et plus encore des couleurs de la soie, est un homme foisonnant d’idées et de projets, qui avance avec foi et ténacité. Lorsque je lui ai proposé de raconter son histoire dans un livre, Morimoto a tout de suite accepté. Par curiosité. Il m’a hébergé chez lui, en forêt, à une heure de route des temples d’Angkor. J’ai partagé son quotidien et celui des villageois avec lesquels il vit et travaille. La vie en couleurs de Kikuo Morimoto raconte cette histoire. If it wasn’t for him, the secrets of refined traditio nal Khmer silk making might have been forever lost. Morimoto Kikuo is the first surprised by such a thing. He never had the intention to create the Insti tute for Traditional Khmer Textile which he runs and which produces silk cloths similar to the ones that were worn by the Khmers at the time of Angkor temples, more than a thousand years ago. He also had not imagined that one day he would gather around him up to 500 craftspeople coming from all parts of the country. Morimoto, a painter and artisan specialized in natural dyeing, a lover of silk, and even more of the colors of silk, is a man of many ideas and projects who makes his way with faith and tenacity. When I asked him to tell his story in a book, Mori moto accepted right away – out of curiosity. He gave me shelter in his home in the forest, an hour away from the temples of Angkor. I shared his daily life and that of the villagers with whom he lives and works. The color life of Morimoto tells this story. Hervé Deguine — Hervé Deguine Neelgar BRAHMA TIRTA SARI Atelier de batik indonésien fondé par Agus Ismoyo et Nia Flam à Java. Indonesian batik studio founded by Agus Ismoyo and Nia Flam in Java. Brahma Tirta Sari studio, qui signifie « la créativité est la source de tous les savoirs », a été fondé en 1985 par Agus Ismoyo, un artiste indonésien qui vient d’une famille d’artisans réalisant des batiks et Nia Fliam, une artiste américaine diplômée des BeauxArts de l’Institut Pratt de New-York, spécialiste des textiles indonésiens et africains. L’atelier est situé en périphérie de Yogyakarta, la capitale culturelle de Java. Il est constitué d’une équipe de 25 personnes. Le batik est considéré comme une tradition vivante et en perpétuelle évolution. Dans le cadre de son activité, BTS essaye de créer une interprétation contemporaine du batik, grâce à un procédé créatif fermement enracinée dans la philosophie javanaise. Depuis toujours, l’objectif de BTS est de donner au batik indonésien traditionnel une place de choix dans le monde contemporain des arts visuels, en faisant preuve d’un grand respect pour la tradition et en utilisant la technique pour explorer de nouveaux royaumes de créativité. Brahma Tirta Sari studio which means “creativity is the source of all knowledge” was founded in 1985 by Agus Ismoyo, an Indonesian artist who comes from a family of batik makers, and Nia Fliam, an American artist who graduated in Fine Arts at the Pratt Institute in New York, specializing in Indonesian and African textiles. The studio is located on the outskirts of Yogyakarta – the cultural capital of Java. It has a team of 25 people. Batik is a living and everevolving tradition. Within the framework of the tech nique of batik, BTS tries to create new forms and meanings by applying a creative process firmly roo ted in Javanese philosophy. From the very beginning the aim of Brahma Tirta Sari has been to give the Indonesian batik tradition a relevant place in the contemporary world of visual arts by treating this tradition with great respect, and using the technique to explore new realms of creativity. Ma démarche consiste avant tout à aider des artisans qui n’ont pas assez de débouchés dans leur pays pour vendre leur marchandise et donc vivre de leur savoir-faire. Certains savoir-faire peuvent être en voie de disparition, comme les tapis en feutre. Ainsi je cherche, ici, des gens sensibilisés à cette problématique. My approach is above all to help craftspeople who don’t have enough opportunities in their country to sell their production and live from their know-how. Some know-hows can be endangered, such as felt rugs. This is the reason why I am interested in the people who understand this type of issues. SALAHEDDIN Entreprise de commerce équitable de produits syriens à Carhaix Plouguer, dans le Finistère, France. Fair trade company (syrian products), Carhaix Plouguer, Finistère, France. Fondatrice de Neelgar dans la région du Gujarat en Inde, Kamaldeep Kaur réalise des tamponnages sur soie et des bandhani. Kamaldeep Kaur is the founder of Neelgar in Gujarat, India. She practices block printing on silk and bandhani. J’ai été formée comme créatrice de mode à l’école polytechnique pour femme de Delhi Sud, dans la ville de New-Delhi de 1994 à 1996. Pendant mon par cours, j’ai été initiée au shibori, et dès ce moment-là j’ai su que c’était ma passion. Je réalise des pièces uniques en soie ou en laine en utilisant différentes techniques de teintures naturelles et d’impression traditionnelle. Les techniques du bandhani, de lehe riya, et du tamponnage sont chères à mon cœur. Les émotions, rattachées à la fabrication des textiles, sont le produit d’un savoir-faire ancestral. Il est important de sauvegarder et de faire revivre notre héritage. C’est une réelle fierté pour les artisans de transmettre leur savoir-faire aux nouvelles générations qui pourront restituer ce travail dans notre société actuelle. I was trained as a fashion designer at the South Delhi Polytechnic for Women in New Delhi (19941996). During my training I was introduced to shibori, and right on the moment I knew this was what I wanted to do. I have been practicing many tech niques of resist dyeing and printing by making one of a kind pieces using natural dyes on natural fabrics like silk and wool. The Bandhani and Leheriya tech niques, as well as block printing, remain very close to my heart. The emotions attached to the making of textile, the value of textile which comes from the fact that I work with crafts that are thousands of years old in India, all this makes it important to save and revive our heritage which we are losing at a very fast pace. The most important is to give a new pride to the makers, the artisans for whom textile making is a matter of identity; we need to bring back their pride by making the craft significant in the present world and even more importantly to make it relevant for the present generation. | 105 | | 106 | THE Showroom market | showroom | | ABDUL JABBAR KHATRI Réalise des tissus tamponnés sur soie, coton et laine dans la région du Gujarat en Inde. He practices block printing on silk, cotton and wool fabrics in Gujarat, India. CATHERINE JAHAN Peintre textile installée à Paris, France. Textile painter in Paris, France. Je suis peintre et je pratique les techniques d’impression et de transformation du textile. J’aime la solitude de l’atelier, les surprises de la matière et inventer ma propre cuisine. L’atelier est lumineux, mobile, vide ou plein, il change d’allure selon les besoins. Le textile est pour moi une matière nomade qui s’emporte ailleurs, qui sert à tout, habille les corps, les murs, protège, révèle, cache, réchauffe... Mes premiers souvenirs textiles sont liés au marché Saint-Pierre, ma mère m’a initiée aux différentes qualités de tissu. Elle faisait ses vêtements et m’a appris à coudre sur la Singer. Plusieurs rencontres ont été marquantes. Ma période d’assistanat au Vogue italien, m’a ouvert à la haute couture, avec ses prises de vues de grands photo graphes et ses rédactrices de mode aux partis pris forts et radi caux. Plus tard, j’ai peint des robes pour Hervé L. Leroux (ses célèbres robes à bandes en 1995), Chris tian Lacroix, John Galliano, Chris tian Dior et Balenciaga. I am a painter and I practice textile printing and transformation techniques. I like being alone in my studio, being surprised by materials and inventing my own recipes. The studio is full of light, mobile, empty or full, it changes according to the needs. To me, textile is a nomad material which can be taken everywhere, which serves all purposes, which adorns the body or the walls, which protects, reveals, hides, warms… My first memories about textile are linked to the Marché Saint-Pierre, where my mother initiated me to the different qualities of fabrics. She used to make her own clothes and taught me sewing on a Singer machine. Several encounters have been important to me; the time I worked for Vogue Italy opened my mind to haute couture, with shootings by great pho tographers and fashion reporters showing strong and radical opinions. Later on, I painted dresses for Hervé L. Leroux (his famous striped dresses of 1995), Christian Lacroix, John Galliano, Christian Dior and Balenciaga. Je suis un artisan traditionnel de la communauté des Khatris, impliquée dans la tradition de teinture et d’impression depuis des siècles. Nous sommes implantés dans la région de Kutch dans l’état du Guja rat en Inde. Pour moi, les textiles signifient ma vie, mon identité. Petit, j’étais entouré de tissus et d’outils de travail, mes amis et mes voisins appartenaient tous à ma communauté. Nous nous cachions dans les tissus et jouions avec les tampons. À chaque nouvelle réali sation nous faisions des découvertes, toujours en train d’analyser et d’expérimenter. Les Ajrakh avaient tradi tionnellement une forme et des couleurs spécifiques. Ces vête ments avaient plusieurs fonctions, recouvrir les épaules, servir de châle, de turban, de drap de lit... J’aime la diversité de mon métier. Mon atelier est un immense espace où toute la famille travaille ensemble. Chacun a une tâche spécifique. Aujourd’hui, nous ache tons des poudres dans le com merce et les hommes réalisent la teinture et l’impression. Nous apprenons aussi à fabriquer nos propres tampons et à les réparer. showroom | THE showroom market I am a traditional artisan from the craft community of the Khatris, which has been involved in the tradi tion of dyeing and printing for hundreds of years. We are based in the Kutch region of the Gujarat state in India. Textile is my life, my identity. As a child I was surrounded by textiles and materials; my friends, my neighbors were all from my community. We would play hide and seek in the textiles and play with the blocks. With each piece we made new discoveries, always trying to analyze and experiment. Traditionally the Ajrakh was made in a specific design and speci fic colors. This one fabric served many purposes (shoulder cloth, wrap, turban, bed sheet and so on). I like the versatility of my work. My studio is a huge work space, where the entire family works together. Each member of the family has a specific duty. Today we can buy dyeing material in powder form and men do the printing and the dyeing. We also learn how to make our own blocks and try to do the repair work of the blocks at the studio. LE RUSTIQUE M. et Mme Szepes, vanniers, sont installés à Châtel Montagne dans l’Allier, France. Mr and Mrs Szepes are basket-makers in Châtel Montagne, Allier, France. Nous sommes artisans vanniers, spécialistes de vannerie fine en rotin et restaurateurs de mobilier en rotin. Nous apprécions particulièrement les produc tions vannières du x ix e siècle ainsi que le mobilier en rotin de l’époque. Nous aimons créer de la vannerie contemporaine en utilisant les techniques d’autre fois. Nous redécouvrons avec bonheur les gestes de la main qui a confectionné une vannerie ancienne. Notre atelier ressemble à un musée où se côtoient des jardins d’hiver Napoléon III, des reproductions de vanneries anciennes et divers meubles cannés ainsi que de la vannerie créative. Le textile nous ins pire beaucoup dans l’art d’allier les tissages de rotin (chaine, trame et garnissage). La première utilisation de tissu sur nos vanneries fut l’usage de bandes tis sées, soit en application, soit tressées dans l’ou vrage. La rencontre avec Mami Taira, créatrice de mode au Japon nous a permis de faire découvrir et d’exporter nos produits au pays du Soleil Levant. We are basketry artisans, specialized in fine rat tan basketry and rattan furniture restoration. We particularly appreciate 19 th century basketry as well as rattan furniture of that period. We like to create contemporary basketry using ancient techniques. We enjoy rediscovering the hand gestures which served to make an old basketwork. Our studio looks like a museum where Napoleon III winter gardens stand side to side with reproductions of old bas ketworks and various pieces of cane furniture and creative basketry. Textile inspires us very much in the art of making rattan weaving (chain, weft and filling). The first use of fabric on our basketwork was woven straps, applied or woven in the work. Mee ting Mami Taira, a fashion designer from Japan, allowed us to export our production in the Land of the Rising Sun. | 107 | | 108 | THE Showroom market | showroom | | showroom | THE showroom market THOMAS LOUINEAU Vannier installé à Vendes dans le Calvados, France. Basket-maker in Vendes, Calvados, France. Je suis avant tout un osiériculteur et un cueilleur avant d’être un artisan, cela me lie à ce que je crée. J’aime tout dans mon travail et surtout la liberté de s’exprimer avec différentes textures. Mon atelier est une caverne d’Ali Baba où se mélangent bois flotté, racines, écorces, pierres et autres matières. Le tex tile, c’est des fibres naturelles que l’on lient ensemble pour réaliser un objet. Mes premiers souvenirs de vannerie sont avec mon grand-père qui réalisait des paniers. Les rencontres avec d’autres vanniers sont toujours importantes car, avec une même matière, nous nous exprimons de différentes façons, c’est très stimulant. More than an artisan, I work on willow and I am a harvester, which links me to what I create. I love eve rything in my job, especially the freedom with which I can express myself with different textures. My studio is an Ali Baba’s cave where you can find floated wood, roots, bark, stones and all sorts of materials. Textile is natural fibers gathered together in order to create an object. My first memories of basketry are of my grand father making baskets. Meeting other basket-makers is always important and stimulating, for with the same material we express ourselves in different ways. Je ne vois désormais plus le textile que comme ce produit noble issu des processus de la nature et de l’experte lenteur artisanale. Celui des quantités industrielles, des marques et des vitrines m’est devenu invisible. Tout textile authentique, même modeste, est une recréation du monde, à la fois nature et culture, une célébration du beau qui sait relier les êtres et les mondes séparés. Il est (a fortiori dans le cas de la soie) à la fois seconde peau – utile, sensuelle – et art d’images de choses oubliées ou en deçà du langage. Il dit le génie humain – majoritaire ment féminin – qui, intime des écosystèmes locaux, veut et sait en tirer l’expression concrète de valeurs à la fois humbles et spirituelles. I now see textile only as a noble fabric coming from natural processes and expert craftwork slowness. Industrial textile, brand textile and win dow shop textile have become invisible to me. Every genuine textile, even the cheapest, is a re-creation of the world, both nature and culture, a celebration of beauty which is able to tie together separate people and worlds. Textile is (a fortiori in the case of silk) both a second skin – convenient, sensual – and an art of images of forgotten things or things that are beyond language. Textile tells of the genius of humans – mostly women – who, as close as they are to local ecosystems, want and know how to make the concrete expression of both humble and spiritual values come out of it. Sawangboran Fondatrice de Sawangboran à Bangkok en Thaïlande, Rosanne Trottier promeut et valorise le travail de teinture et de tissage des artisans. Founder of Sawangboran in Bangkok, Thailand, Rosanne Trottier promotes weaving and dyeing craftwork. JANAÏNA MILHEIRO Designer textile, installée à Paris, France. Textile designer in Paris, France. En tant qu’artisan designer, je conçois et réalise des textiles. Je propose des soieries artisanales ainsi que des dentelles improbables et des brode ries. Le textile est pour moi un travail et un plaisir. J’aime la création et la recherche textile, parcourir le chemin sinueux qui va du projet à la réalité ou de la matière à l’idée. J’aime vivre la création comme une obsession qui aiguise l’œil et les pensées, qui donne sens à ce qui nous entoure, qui offre une lecture du monde, et révèle dans le moindre détail une source d’inspiration. Très tôt, j’ai été émerveillée par les costumes de Peau d’Âne de Jacques Demy. Et du costume au textile, des professeurs et des écoles parisiennes m’ont guidée et enrichie ; Mme Hoffman au lycée Paul-Poiret, M. Henry, professeur à Duperré d’une broderie enthousiaste et créative et le département de design textile de l’ENSCI spécialisé dans le tis sage. Mon atelier se trouve au cœur de Paris, dans une pépinière d’entreprise : les Ateliers de Paris. As a designer craftswoman, I conceive and make textiles. I offer craft silk works as well as surprising lace and embroidery. To me, textile is both work and pleasure. I like textile creating and searching, going all the way from a project to reality or from material to idea. I like to live creation as an obsession which sharpens the eye and thoughts, which gives meaning to what surrounds us, which offers a vision of the world and reveals a source of inspiration. Very early in my life, I was amazed by the cos tumes in the movie Donkey Skin by Jacques Demy. From costume to textile, teachers in Parisian schools guided me and enriched me: Mme Hoffman at the Lycée Paul-Poiret, M. Henry, teaching an enthusiastic and creative approach to embroidery at Duperré, and the Department of Textile Design at the ENSCI specia lized in weaving. My studio is in the heart of Paris, in a business incubator called Les Ateliers de Paris. ATELIER FRA JOSÉPHINE Catherine Brunel Chapuis fait de l’impression au cadre à Pesme, en Haute-Saône, France. Catherine Brunel Chapuis practices frame printing in Pesme, Haute-Saône, France. Je suis artisan ennoblisseur textile, teinturière et créatrice de tissus imprimés à la main, au cadre plat, en majorité avec des colorants naturels et à partir de dessins exclusifs. J’ai construit cette activité, à partir de rien, ou plutôt à partir d’un seul savoir-faire tech nique. J’ai imaginé et bâti ce travail, comme on bâtit un édifice. J’ai aménagé un atelier, inventé mes outils, trouvé multiples solutions pour rendre pos sible une production viable. Ce que j’aime, c’est mon quotidien laborieux fait de jours variés et libres, scindé en deux univers dis tincts : l’un intérieur, l’autre extérieur. L’intérieur, c’est l’atelier, le temps de la production, la création des motifs, le travail de teintures et d’impressions, la recherche de nouvelles matières, de nouvelles cou leurs, de nouvelles associations, de nouveaux procé dés... L’extérieur, c’est la rencontre des partenaires, l’exposition du travail et sa validation indispensable par les clients. I am an artisan, a textile ennobler, a dyer and I create hand-printed textiles, in flat frame, mostly with natural colorings and from exclusive drawings. I built this activity out of nothing, or rather from a mere technical know-how. I imagined and built this job as you build a building. I developed a studio, invented my tools, found multiple solutions in order to make a viable production. What I like is my laborious everyday life, which is made of varied days and is divided into two distinct universes: one inside, the other outside. The inside one is the studio, the moment of production, of motif creation, of dyeing and printing, of search for new materials, new colors, new associations, new processes… The outside one is the relations with partners, exhibition of the work and its validation by my clients. | 109 | | 110 | THE Showroom market | showroom | | showroom | THE showroom market AGNÈS CALAS Tisseuse sur métier à bras à Paris, France. Weaver on arm loom in Paris, France. Je me sens artisan car j’aime les ambiances d’atelier. J’ai commencé à tisser chez une artisane de Barcelone après des études de design. Ce qui m’a particulièrement plu alors, c’est le rapport au temps qui s’installe avec la pratique du tissage, la répétition de gestes déterminés pour aboutir au tissu, qui libère l’esprit comme une méditation. Cela paraît ascétique expliqué comme ça et pourtant tous les sens sont en éveil. Le toucher évidemment, qui m’a tant manqué quand j’ai créé des tissus sur ordinateur, l’ouïe qui ausculte les cliquetis du métier à l’affût de sonorités incongrues, se laisse bercer par le bruit du rouet ou de l’ourdissoir : les deux derviches tourneurs… L’odorat, car chaque atelier a son odeur, et la vue, avec tous les mélanges de couleurs des fils liés entre eux qui se combinent à l’infini avec la magie d’un kaléidoscope. Décrire mon atelier ? Le paradis fouillis ! Des livres, des fils de toutes les couleurs, des tissus, des bouts de papiers… Le textile c’est du lien. I feel I am a craftswoman because I like the atmosphere of a studio. I started weaving with a craftswoman in Barcelona when I was studying design. What I particularly liked then was the relation to time which goes along with the practice of wea ving, the repetition of determined gestures to make the fabric, which frees the mind like meditation. It might sound ascetic yet all senses are awake. Touch of course, which I missed so much when I created fabrics on computers, hearing which watches the clacking looking for abnormal noises. I am lulled by the sound of the spinning wheel and the warping machine – those two whirling dervishes… Smell, for each studio has its own smell, and sight, with all the color combinations of the threads infinitely linked with each other like a kaleidoscope. How to describe my studio? A heavenly mess! Books, threads of all colors, fabrics, bits of paper… In the end, I would say that textile creates ties. MEGHANN O’BRIEN Myrte Kilian et Rugiada Petrelli Designers textile hollandaises installées à Lyon dans le Rhône, France. Dutch textile designers working in Lyon, Rhône, France. Artiste textile, tisse et tresse la laine et les fibres végétales à Prince Ruppert au Canada. As a textile artist, she weaves and plaits wool and vegetal fiber in Prince Rupert, Canada. Nous sommes deux designers textile néerlan daises installées en France depuis plusieurs années et diplômées de l’École Royale des Beaux Arts de La Haye (Pays-Bas). Le plus important c’est le défi per manent de créer et d’explorer. Nous sommes très attachées au travail manuel et minutieux, au contact avec les matières. L’atelier est un lieu calme et pro pice à la création. Il y règne un esprit cosy, convivial et ouvert ; comme on dit en néerlandais : gezellig ! (douillet). Les textiles racontent toujours leur histoire. Ils peuvent rappeler des émotions et des souvenirs que l’on respecte et transforme dans nos créations. C’est le fil conducteur de notre travail. Nous sommes des filles ! Nos premiers souvenirs sont liés à nos robes d’enfance avec des motifs très colorés et des broderies partout ! Ensuite, l’École des Beaux-Arts où nous avons appris ce que l’on met en pratique aujourd’hui. Enfin notre rencontre et notre travail au studio du designer néerlandais Tord Boontje. We are two Dutch textile designers and we have been living in France for a few years now. We both graduated from the Royal Academy of Art in The Hague (Netherlands). An important part of our work is to challenge our creativity and to experiment. We are very attached to precise handmade work and like to feel our fabrics. The studio is a quiet and convenient place dedica ted to creativity. The atmosphere at the studio is cozy, friendly and open-minded; as we say in Dutch: gezellig! Textiles tell their own story. They can bring back emotions and memories that we respect and trans form in our creations. Of course we are girls! Our first textile memories are related to our childhood dresses and their color ful patterns and embroideries; then there was the time we spent in the Art Academy learning most of the techniques and skills we use today; and finally the studio of Dutch designer Tord Bootje where we first met and worked together. Dans la langue kwakwala, mon nom est Kwax hi’laga, « la fumée qui sort de la partie supérieure de la grande maison, invitant à venir à la fête et au potlatch1. » Je suis Haida, Kwakwakw’wakw. J’ai com mencé à tisser en 2007 et je me définis comme une interprète du paysage naturel, comme un navire qui se déplace à travers l’esprit et trouve une place dans le monde physique et matériel. Je me définis moimême comme celle qui transforme, traduit et ancre l’énergie. Dans mon travail, j’aime explorer le paysage intérieur du corps. J’aime à créer des lignes d’énergie en moi, reflet du travail que je vois se dérouler devant moi. Tout en travaillant, je médite sur ces lignes d’énergie, les contemple, et les laisse développer et déployer leurs sens successifs. Ces lignes existent comme les fils d’une trame, se déplacent horizontalement et verti calement, se croisent en moi au moment présent, à l’intersection du passé et du futur. 1 érémonie basée sur des échanges C de dons My name in the Kwakwala language is Kwax hi’laga, which means “smoke coming out of the top of the big house, welcoming people to come feast and potlatch1”. I am a Haida, Kwakwakw’wakw woman. I have been weaving since 2007 and I define myself as an interpreter of the natural lands cape, a vessel whose spirit moves around to find a place in the physical and material world. I define myself as one who transforms, translates, and anchors energy. In my work I like to explore the inner landscape of the body. I enjoy creating lines of energy within myself; a reflection of the work I see then unfolds before me. When I work I meditate on these lines of energy, I contemplate them, and let their layers of meaning develop and unfold. They exist as an axis, running horizontally and vertically, intersecting inside me at the present moment, the moment when past meets future. 1 Ceremony based on the exchange of gifts. | 111 | Métamorphoser la ville THE METAMORPHOSIS OF THE CITY The Metamorphosis of the city | MÉTAMORPHOSER LA VILLE | | Chroniques textiles TEXTILE CHRONICS Prêter un textile porteur d’un souvenir extraordinaire, l’accompagner d’un texte bref et le présenter dans la vitrine d’un magasin du centre historique de ClermontFerrand, telle est la proposition à laquelle 28 Clermontois d’un jour ou de toujours ont accepté de répondre : 28 textiles, 28 souvenirs, 28 vitrines. Lending a textile which bears an extraordinary memory, writing a short text about it and presenting it in the window of a shop in downtown Clermont-Ferrand, this is what 28 people, inhabitants of the city or guests, accepted to do: 28 textiles, 28 memories, 28 shop windows. Il y a ceux rapportés de périples au bout du monde, transformant les histoires en épopées. Il y a ceux qui évoquent des instants effacés de l’Histoire. Il y a ceux créés à partir de traces pour ne pas oublier un proche. Certains sont fragiles et disent que sans leur souvenir ils ne sont plus rien que de simples bouts de tissus. D’ici ou d’ailleurs, anciens ou récents, banals et pourtant si intimes les textiles que nous décidons de garder sont autant d’extraits de mémoire. Ces objets prêtés et rendus un temps visibles, dévoilent l’intimité de ceux qui veulent bien les laisser voir. La vitrine, interface entre l’espace public de la rue et l’espace privé de la boutique, est le théâtre de ces indiscrétions. Déambuler dans la ville devient une invitation au voyage vers l’Algérie, la Mongolie, la Chine, la Syrie, la Turquie, la Caroline du Nord, la Géorgie, la Roumanie, le Bénin, l’Egypte, le Vietnam, l’Indonésie... Une nouvelle géographie se dessine au cœur même d’une ville d’Auvergne. Les rues tortueuses sont autant de pas sages labyrinthiques d’une contrée à une autre. C’est un voyage dans le temps, entre les années folles et l’Egypte antique, vers des époques désormais révolues, balayées par des révolutions ou des indépendances. Les textiles extra ordinaires le sont avant tout pour ceux qui les regardent et qui les considèrent ainsi, et cela bien au-delà de leur valeur marchande. Ils évoquent les moments que nous avons en com mun, ayant partagé les mêmes voyages, les mêmes époques. Ils viennent faire revivre nos propres sou venirs par la rêverie. Some of them come from trips to the end of the world, they transform stories into epics. Some of them conjure up moments erased from historical times. Some of them have been created from traces in order no to forget a close friend. Some of them are fragile and say that without the memory they hold they are nothing more than mere bits of fabric. From here or from elsewhere, old or new, common and yet so intimate, the textiles we decide to keep are memory bits. These lent objects, visible by all for a while, unveil the intimacy of those who were kind enough to offer them to view. The window shop, intermediary between the public space of the streets and the private space of the shops, is the setting for these revelations. Wandering through the city becomes an invitation to travel to Algeria, Mongolia, China, Syria, Turkey, North Carolina, Georgia, Romania, Benin, Egypt, Vietnam, Indonesia… A new geography is drawn in the heart of the Auvergne city. The sinuous streets are parts of a maze leading from one country to ano ther. This is time-travelling, between the Roaring Twenties and Ancient Egypt, to times now gone, pushed away by revolutions or independences. Extra ordinary textiles are extra ordinary first to those who look at them and who consider them so, beyond their market value. They conjure up moments we have in common, since they shared the same travels, the same times. They are here to make us re-live our own memories through dreams. — Sylvie Daubord Vauchet | — Valérie Baffier 114 — Thomas Leveugle | MÉTAMORPHOSER LA VILLE | The metamorphosis of the city En 1994, dans un hôpital de Seine-Saint-Denis, des membres du personnel hospitalier et enseignant ont monté une petite troupe de théâtre appelée « ASPIRIRE » dont le but était de présenter un spec tacle de Noël aux enfants hospitalisés en pédiatrie. Pendant dix ans, deux pièces ont été montées chaque année et présentées aux enfants, puis au personnel et à des écoles de la commune. Une année, ayant choisi une pièce de Molière, nous avons contacté la Comédie Française et cette grande mai son a bien voulu nous prêter des costumes piochés dans ses grandes réserves. L’expérience fut renouve lée et ce fut un moment émouvant pour nous d’aller tous les ans, en novembre faire des essayages en fonction des personnages des nouveaux spectacles. Lors d’une vente exceptionnelle de costumes réser vées aux troupes de danse et de théâtre, nous fûmes invités et j’acquis ce modèle en souvenir de ces moments merveilleux. Aujourd’hui, ASPIRIRE n’existe plus et Jacque line, notre amie, nous a quittés. De retour à Clermont depuis plusieurs années, cette dédicace est ma façon de leur rendre hommage. In 1994, in a Seine-Saint-Denis hospital, mem bers of the hospital and teaching staff created a small theater company called “ASPIRIRE” whose objective was to present Christmas shows to kids staying in the pediatric unit of the hospital. For 10 years, they prepared two plays every year which they performed before the kids then the staff and also in local schools. One year, as we had cho sen a play by Molière, we contacted the Comédie Française and this great theater institution was kind enough to let us borrow costumes from their reserves. It happened again every year and it was always a pleasure for us to go there every November and try new costumes according to our new roles. On the occasion of an exceptional sale of costumes reserved to dance and theater companies, I bought this one in memory of those wonderful times. Today ASPIRIRE is no more and our friend Jac queline has left us. Returning to Clermont after seve ral years, these few words are my way of paying tribute to them. Nous sommes en 1959, ma mère se procure un coupon pour se confectionner une robe pour son bal de conscrit, c’est l’année de ses 20 ans. Elle est encore en apprentissage chez « Madame Camille » afin de devenir couturière, elle travaille avec le fils de cette dame qui crée des manteaux de fourrure. Cette robe sera une de ses premières créations person nelles. Parallèlement le contexte historique entraîne la mobilisation de mon père qui se voit affecté au corps des parachutistes et envoyé en Algérie où il restera plus de deux ans. Il se trouve donc qu’il ne pourra être présent lors du fameux bal de classe. Cette robe est un souvenir que je compte aussi transmettre à ma fille car elle représente une part révélatrice de ma mère disparue en 2005. Exposer cette robe permet à mes proches de faire revivre un peu de l’âme de ma mère et perpétuer son souvenir, je pense qu’elle serait fière de voir son travail exposé et apprécié. The year is 1959, my mother gets a coupon to make a dress for her draftee ball. That year is her 20th. She is still training at Madame Camille’s to become a dressmaker, she works with this lady’s son who creates fur coats. This dress will be one of her first personal creations. At the same time, the historical context leads to the mobilization of my father who becomes a paratrooper and is sent to Algeria where he will stay for more than two years. Therefore he won’t be at the ball. This dress is a memory I shall pass on to my daughter for it repre sents a revealing part of the life of my mother who passed away in 2005. Exhibiting this dress allows my close relatives to experience a bit of my mother’s soul and allows her memory to live on; I think she would be proud to see her work exhibited and appreciated. | 115 | 116 | The Metamorphosis of the city | MÉTAMORPHOSER LA VILLE | | Séances de tricot lors de la Nuit des Musées (19 mai 2012) et de la Journée Mondiale du tricot (9 juin 2012). Essai de tricotin en situation urbaine. Knitting sessions during the Night of Museums (May 19 2012) and the World Knitting Day (June 9 2012). Trying to use the spool knitter in the city streets. — Thomas Leveugle | Acte I : Tricoter la ville Act I: Knitting the city Les projets tricotés et crochetés créent dans l’espace urbain des moments festifs et collaboratifs. En amont, dans différentes villes françaises et euro péennes, tricoteuses et crocheteuses pensent et réalisent ensemble. Tricots et crochets viennent jouer avec l’architecture du musée Bargoin, produi sant un lieu d’expression et un nouvel espace d’échanges dans la ville. Ces rencontres assouplissent les lignes du bâti ment et proposent un autre regard sur le tricot. Une multitude de carrés au crochet multicolores viennent souligner l’élan vertical des colonnes du musée Bar goin évoquant les quatre éléments que les Hommes ont en partage. Tricoter la ville permet d’appréhender le tricot dans une dimension extraordinaire et surdimension née transformant les espaces de frontières en espace de liens. Les longues bandes de jersey de quarante mètres de long, faites à plusieurs mains expertes, deviennent le fil à tricoter de Clermontois curieux d’approcher ce tricotin géant. L’habillage des grilles s’accompagne de leur déshabillage, métamor phosant de manière impermanente l’image de la ville. La grille devient, telle une partition, le support de rythmes colorés. La styliste lyonnaise Agnès Dominique dit Cabanes a évalué la faisabilité du projet et l’a rendu accessible au plus grand nombre. La filature Fonty de Rougnat dans la Creuse, dernière entreprise française à filer et teindre sa laine, a donné la matière nécessaire. Pen dant l’été, la médiathèque de Jaude s’est emparée de l’idée en proposant des ateliers d’initiation, aidée par les membres du Kfé Tricot de la ville. Ici comme ailleurs, les pratiques pensées comme obsolètes par les jeunes – tricot, crochet, broderie – sont à redécouvrir en tant que pratiques apparemment banales mais porteuses de savoir-faire extraordinaires. Ainsi, la sauvegarde et la mutualisation des connais sances s’appuient sur l’envie de « faire par soi-même » en recréant les liens entre les générations. Knitted and crocheted pieces bring festive and collaborative moments in the urban space. First, in various French and European cities, women knitters and crocheters thought and worked together. Then knitted and crocheted works have been put to play with the architecture of the Musée Bargoin, produ cing a place of expression and a new space for exchange in the city. These encounters soften the lines of the building and offer a different vision of knitting. A multitude of multicolored crochet squares highlight the verticality of the columns of the Musée Bargoin, conjuring up the four elements human beings all share. Knitting the city allows to approach knitting in an extraordinary and oversized dimension which trans forms border spaces in bonding spaces. The 40-meter-long jersey stripes, made thanks to several expert hands, become the thread for the inhabitants of Clermont, curious to approach this giant spool knitter. The covering of the gates comes with their uncovering, transforming in an ephemeral manner the image of the city. Like a music score, the gates become the medium for colored rhythms. Stylist Agnès Dominique aka Cabanes, from Lyon, assessed the feasibility of the project and made it accessible to as many people as possible. The mill Fonty de Rougnat in the Creuse region – the last French company to spin and dye its wool – gave away the material. During the summer, the Jaude media library seized the idea and offered initiation workshops, with the help of the city’s Kfé Tricot. Here as elsewhere, practices young people see as obsolete – knitting, crocheting, embroidery – can be rediscovered as apparently common practices but bearing extraordinary know-hows. The safeguar ding and pooling of knowledge can then rely on the willingness to “do it yourself” by recreating bonds between generations. MÉTAMORPHOSER LA VILLE | The metamorphosis of the city | 117 | 118 | — Christine Bouilloc | The Metamorphosis of the city | MÉTAMORPHOSER LA VILLE | Acte II : Tricot’off Act II: Tricot’off Le premier plaisir fut celui de se rencontrer autour du projet du Festival International des Textiles Extra ordinaires. Cette idée incroyable, mûrie par l’Asso ciation HS_Projets, fit très vite des émules. Le pro gramme « In » avançait à grand pas, artistes et artisans de renom répondant avec enthousiasme à cette première manifestation. Mais c’était sans compter le dynamisme galopant des tricoteuses clermontoises, regroupées au sein du Kfé Tricot, institution hédoniste reconnue d’utilité publique par chaque membre actif. Elles n’en étaient pas vraiment à leur première action et leur adhésion au projet « Off » fut rapide. Constituée d’une soixantaine de tricoteuses / cro cheteuses de tous âges, cette assemblée fait feu de toutes laines et cotons. L’idée de vêtir la ville en fit trépider plus d’une. Mais comment ? Avec quelle matière première ? Où ? Très vite les idées s’en chaînent et leurs concrétisations s’imposent. Phildar décide alors de rentrer dans l’aventure fournissant laines et aiguilles. Le Festival ayant pour principaux lieux d’activité le musée Bargoin et le Centre BlaisePascal, il est décidé que les actions tricotées se dérouleront dans la rue Ballainvilliers, axe reliant ces deux entités. Les arbres sont alors inventoriés et pro posés pour un habillage en binôme. C’est l’eupho rie… Des bonnets et écharpes de laine prendront place sur les pots à feu de la fontaine obélisque proche du musée. Quelle énergie ! L’été sera studieux, le kit tricot sera de mise à la plage ou en montagne… Parée de couleurs éclatantes, la rue s’est méta morphosée. Bien au-delà d’une installation ludique, ce travail résume à lui seul l’esprit du Festival : prendre du plaisir à faire avec autrui, partager ses acquis, réaliser ensemble et offrir aux regards de tous, des créations jouissives, témoins d’une activité humaine solidaire et généreuse. The first pleasure was to meet around the project of the International Festival of Extra ordinary Textiles. This incredible idea, thought over by the Association HS_Projets, quickly gained supporters. The “in” pro gram was quickly developing – reputed artists and craftspeople enthusiastically taking part in this first edition. But let’s not forget the dynamism of Clermont knitters, gathered around the Kfé Tricot, a hedonistic state-approved institution. It was not their first initia tive and they were quick to support the “off” project. Composed of around 60 knitters/crocheters of all ages, this group is ready for everything when it comes to wool and cotton. The idea of dressing up the city sounded exciting to them. But how? With which material? Where? Very quickly, ideas deve loped and choices needed to be made. The Phildar company then decided to enter the game by provi ding the wool and needles. The Festival being mainly set in the Musée Bargoin and the Centre Blaise Pascal, it was decided that the knitted pieces would be covering the rue Ballainvilliers, in the axis linking both institutions. The trees there have been selected and each has been dressed up by two knitters. What a great time! Wool hats and scarves have been put on the stone fire pots of the obelisk-fountain close to the museum. What a lot of energy that means! The summer was industrious, knitting kits were brought on the beach or in the mountains during the holy days in order to get everything ready… Adorned with bright colors, the street transfor med. Far beyond the playful installation, this work alone sums up the spirit of the festival: having a nice time making something with other people, sharing what you know, working together and offering to everyone the pleasure to see these brilliant examples of human solidarity and generosity. tisser du lien WEAVING BONDS | 122 | WEAVING BONDS | TISSER DU LIEN | | remerciements Le sens du partenariat, le sens du territoire Le partenariat se tisse au fur et à mesure de la rencontre avec le territoire. Le partage d’idées entre l’association HS_Projets et le musée Bargoin amène la Ville de Clermont-Ferrand à s’engager dans l’aventure. La DRAC Auvergne, le Ministère de la Culture et de la Communi cation, le Conseil régional d’Auvergne, le Conseil général du Puy-de-Dôme, ClermontCommunauté, etc. se joignent aussi au Festival. Les liens, par ces institutions et les personnes référentes en leur sein, ont réellement créé la base du panier et le point de départ du projet. Puis la dynamique de projet a maillé, elle aussi, l’espace par les lieux, écoles, entreprises et personnes. Le territoire clermontois devient l’assise de la scène textile internationale qui naît, proposant le festival durant 5 jours. Il réunit les actions et les projets qui se sont déroulés durant une année ou plus en Auvergne, en Rhône-Alpes, en Languedoc Roussillon. Il crée une synergie et une dynamique de territoire plus large proposant sa ville, Clermont-Ferrand comme théâtre de restitution à la fois des projets et des contacts établis. À tous, un grand merci… La mise en œuvre du Festival a mobilisé un grand nombre d’acteurs. Nous souhaitons exprimer ici toute notre gratitude et notre reconnaissance aux structures qui accueillent le Festival et à toutes les équipes et stagiaires qui se sont impliqués et mobilisés pour rendre sa programmation possible. Nous remercions les créateurs, artisans, designer, artistes avec qui nous avons souvent échangé pour comprendre leur travail et leur démarche afin de transmettre au mieux ce savoir-faire et savoir-être au plus grand nombre par le biais de l’exposition Métamorphoses – pour laquelle ils ont proposé des créations inédites – et des Rencontres du FITE. Nous les remercions d’accepter cette invitation à venir en France à ClermontFerrand. Nous remercions également tous les photographes qui nous ont autorisés à utiliser leurs clichés à la fois dans l’exposition et la publication du Festival. Nous remercions les « prêteurs », musées et collectionneurs qui ont permis à l’exposition Métamorphoses de présenter des pièces d’exception. Nous remercions les « prêteurs de souvenirs », celles et ceux qui se sont prêtés au jeux des Chroniques textiles : Catherine Avenel, Marie-Claire Bataille, Madame Bouret, Claire Brizon, Nathalie Candito, Christine Couasnon-Cibulsky, Sylvie Daubord-Vauchet, Élisabeth Debras, Régine Gaud, Joana Gosly, Constance Hirsch, Marie-Paule Imberti, Nia Ismoyo, Myrthe Kilian, Iris Kiiskinen, Vincent Lemarchands, PierreYves Loup-Forest, Claude Mabele, Nana Metreveli, Malika et Margueritte association Espoir de Femme, Shantala Morlans, Anna-Maria Orban, Mariam Partskhaladze, Cheryl Raman, Valérie Baffier, Mireille Vallet, Arnaud Zohou et Inge de Zutter. Nous remercions tous les élèves et enseignants des différents établissements qui nous ont ouvert leurs portes, notamment les élèves (Lison Barbier, Florentin Bodet, Laurie Cazot, Zoé Drault, Jeanne Hochberg, Pauline Huard, Céline Landrieau, Laura Mondaine, Marion Parfait, Éléonore Riondet, Alexia Schroeder, Élise Speicher), les enseignants (Bruno Venturelli, Emmanuelle Brossard), le proviseur et le proviseur adjoint du Lycée Diderot/La Martinière, Lyon, qui ont réalisé une cabine d’essayage en textiles étroits (rubans) donnés par l’entreprise Satab à Saint-Just-Malmont en Haute-Loire. Nous remercions les membres du Comité ressource de l’Asso ciation HS_Projets qui, depuis la création de l’association en 2008 se retrouvent bénévolement deux fois par an à Lyon et à ClermontFerrand pour construire le Festival, faire évoluer l’idée de biennale textile à Festival International des Textiles Extra ordinaires. Nous remercions Yannick Condomines, Gérant fondateur de Transit Ex Machina de Clermont-Ferrand qui nous a accompagnés dans l’organisation de la venue des œuvres pour l’exposition Métamorphoses et des textiles pour le Showroom. Nous remercions tous ceux qui ont permis la venue des artistes et artisans, en particulier Martine Reid de la Bill Reid Gallery de Vancouver pour son aide à la venue de Meghann O’Brien ainsi que la Galerie Continua à San Gimignano, Italie. Nous remercions les bénévoles qui constituent l’équipe d’accueil et d’accompagnement du Festival et particulièrement les Clermontois dont certains reçoivent des personnes du Festival chez eux, ainsi que toutes les petites mains au grand cœur dont nous ne pouvons citer tous les noms ici ; les soixante tricoteuses du groupe du Kfé-tricot de Clermont-Ferrand, et particulière ment Shantala Morlans, Gaëlle Guery, Aude Depalle et Marie Deschamps ; les trente-deux participants des groupes de patchwork du centre Joseph-Gaidier de Riom, ainsi que les personnes du groupe Réseaux des échanges et des savoirs ; Christelle Bastide, sa maman et les tricoteuses de la région de Vichy ; les tricoteuses du Lyon qui tricotent menées par Agnès et Nadège ; le groupe Knit in Marseille et Aurélie pour leur bande de jersey ; Bintou Loum de intheloop, Gaëlle Aka de Knit Spirit et Emmanuelle de French Knits Etsy pour leurs articles ; Christine qui vit en Ardèche pour ses traductions de fiche tricot, Myrthe Ara Kilian et les apprenties tricoteuses du mercredi soir ; Monique de Lyon, Eugénie de Bordeaux, Gina de Suède, Barbara d’Allemagne, Al Harrasch et son fameux tricotin, ainsi que tous ceux et celles qui se sont essayés au crochet avec l’aide de Cécile Taylor. Nous remercions Mediafix & Partners pour son investissement pour le FITE et sa disponibilité, ainsi que l’équipe de Gares et Connexions Rhône Alpes Auvergne qui a choisi notre événement pour se donner une nouvelle identité. Nous remercions enfin tous nos partenaires cités ci-après qui ont œuvré à nos côtés à la réalisation de ce projet et toutes les personnes qui, au sein de ces différentes institutions, musées, écoles, associations, entreprises, boutiques nous ont aidés, conseillés, permis de créer des passerelles entre les uns et les autres afin de donner naissance au FITE et à ses différents événements. Acknoledgements The meaning of partnership and the meaning of territory Partnerships develop as the territory is discovered. The HS_Projets Association sharing ideas with the Musée Bargoin led to the involvement of the City of Clermont-Ferrand in the adventure. Then the DRAC Auvergne, the Ministry of Culture and Communication, the Conseil Régional d'Auvergne, the Conseil Général du Puy-de-Dôme, Clermont-Communauté, etc. all joined the Festival. It is really the links with these institutions and the people in charge within them which have created the basis and the starting point of the project. Then the project dynamics developed a grid including the spaces, the schools, the companies and the people. The Clermont territory has become the heart of the international textile scene in the making, offering a 5-day-long festival. The Festival gathers the actions and projects which developed for a year or more in the regions of Auvergne, Rhône-Alpes, Languedoc Roussillon. It created a wider territory synergy and dynamics to offer its city – Clermont-Ferrand – as a setting for the rendering of both projects and contacts. Thanks to you all… The Festival mobilized a great number of people. We would like to express our gratitude here to the structures hosting the Festival and all the staff and trainees who committed themselves in order to make every event of the program take place in the best conditions. We would like to thank all the creators, craftspeople, designers, artists with whom we exchanged a lot to understand their work and approach in order to pass on their know-how and way of being to the biggest crowd through the exhibition Métamorphoses – for which they suggested never seen before creations – and the FITE meetings. We are grateful that they accepted our invitation to come to France in ClermontFerrand. We also thank all the photographers who let us use their images both in the exhibition and the catalogue. We wish to thank the “lenders” – museums and collectors – who made it possible to exhibit outstanding pieces in the exhibition Métamorphoses. We would also like to thank the “souvenir lenders”, people who played the game of the Textile Chronics: Catherine Avenel, Marie-Claire Bataille, Madame Bouret, Claire Brizon, Nathalie Candito, Christine CouasnonCibulsky, Sylvie Daubord-Vauchet, Elisabeth Debras, Régine Gaud, TISSER DU LIEN Joana Gosly, Constance Hirsch, Marie-Paule Imberti, Nia Ismoyo, Myrthe Kilian, Iris Kiiskinen, Vincent Lemarchands, Pierre-Yves Loup-Forest, Claude Mabele, Nana Metreveli, Malika et Margueritte, association Espoir de Femme, Shantala Morlans, Anna-Maria Orban, Mariam Partskhaladze, Cheryl Raman, Valérie Baffier, Mireille Vallet, Arnaud Zohou and Inge de Zutter. We wish to thank all the students and teachers from the various schools which opened their gates to us, especially the students (Lison Barbier, Florentin Bodet, Laurie Cazot, Zoé Drault, Jeanne Hochberg, Pauline Huard, Céline Landrieau, Laura Mondaine, Marion Parfait, Eléonore Riondet, Alexia Schroeder, Elise Speicher), the teachers (Bruno Venturelli, Emmanuelle Brossard), the principal and vice principal of the Diderot/La Martinière High School in Lyon, who made a fitting room in made of textiles (ribbons) offered by the Satab company in Saint-Just-Malmont, Haute-Loire. We also would like to thank the members of the Resource Committee of the HS_Projets Association which, since the creation of the association in 2008, voluntarily meets twice a year in Lyon and Clermont-Ferrand to organize the Festival, and transformed the idea of a textile biennale into the International Festival of Extra ordinary Textiles. We thank Yannick Condomines, founder-manager of Transit Ex Machina in Clermont-Ferrand, who helped us with the organiza tion of the shipping of the works for the exhibition Métamorphoses and the textiles for the Showroom. We thank all the people who enabled the presence of the artists and craftspeople, especially Martine Reid from the Bill Reid Gallery in Vancouver for her help in making Meghann O’Brien come, as well as Galerie Continua in San Gimignano, Italy. We thank all the volunteers who make up the welcoming staff of the Festival and especially the people of Clermont who welcomed guests in their homes. We also thank all the people | WEAVING BONDS with a big heart although we can’t name them all here: the sixty knitters of the Kfé-Tricot group in Clermont-Ferrand, especially Shantala Morlans, Gaëlle Guery, Aude Depalle and Marie Deschamps; the thirty-two participants of patchwork groups from the Centre Joseph-Gaidier in Riom, as well as the people from the group Réseaux des échanges et des savoirs; Christelle Bastide, her mother and the knitters of the region of Vichy; the knitters from Lyon who knit led by Agnès et Nadège; the group Knit in Marseille and Aurélie for their jersey strap; Bintou Loum from intheloop, Gaëlle Aka from Knit Spirit and Emmanuelle from French Knits Etsy for their articles; Christine, who lives in Ardèche for her translations of knit cards, Myrthe Ara Kilian and the Wednesday night training knitters; Monique from Lyon, Eugénie from Bordeaux, Gina from Sweden, Barbara from Germany, and all those who tried crocheting with the help of Cécile Taylor. We would like to thank Mediafix & Partners for being so much involved in the FITE and always ready to help, as well as the team from Gares & Connexions Rhône Alpes Auvergne for choosing our event as their new identity. Last but not least, we thank all our partners mentioned hereafter. They worked side to side with us for the realization of this project, and all the people who, within these various institutions, museums, schools, associations, private companies and shops, helped us, advised us, allowed us to create bridges between all the people in order to develop the FITE and the different events. | 123 | | 124 | WEAVING BONDS | TISSER DU LIEN | | partenaires partnerships PARTENAIRES PUBLICS PUBLIC PARTNERS UNESCO Fondation Anna Lindh pour le dialogue interculturel Ministère de la Culture et de la Communication DRAAF Auvergne, Direction régionale de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt d’Auvergne Conseil régional d’Auvergne Conseil général du Puy-de-Dôme Clermont-Communauté Ville de Riom Musée Guimet d’arts asiatiques, Paris Musée du quai Branly, Paris École supérieure d’art et design de Saint-Étienne, Loire CCSTI, La Rotonde, Saint-Étienne, Loire Lycée Marie-Laurencin, Riom, Puy-de-Dôme EPL du Bourbonnais, Neuvy, Allier Lycée La Martinière Diderot, Lyon, Rhône-Alpes PARTENAIRES PRIVES PRIVATE PARTNERS Bambouseraie de Prafrance, Anduze, Gard Phildar Fonty Fondation la Poste Sauve qui peut le court métrage, Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme Agnès Dominique dit Cabannes, Lyon, Rhône-Alpes SATAB, Saint Just Malmont, Haute-Loire Tissages Joubert, Ambert, Loire Hôtel Kyriad Centre, Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme Côtélac, Ambérieu-en-Bugey, Rhône-Alpes Grain de couleur, Valsonne, Rhône-Alpes Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture Sous le patronage de l’UNESCO paroles de partenaires… Words from Partners… Notre histoire est de matière textile. Par leur lettre et leur esprit, leur nature et leur objet, les liens tissés entre Cotélac et le FITE suivent des fils communs : la valorisation d’un savoir-faire, le respect d’une tradition, la recherche de l’extraordinaire. Et parce que tous les commencements sont beaux et audacieux, Cotélac est fière d’être partenaire de cette première édition du FITE. Our history is made of textile material. Their nature and objective make the links established between Cotélac and the FITE have common threads: the encouragement of know-hows, the respect of a tradition, the quest for the extraordinary. And because all beginnings are beautiful and audacious, Cotélac is proud to be a partner of this first edition of the FITE. “France 3, partner of all cultures. Local, regional, national news” TISSER DU LIEN Gares & Connexions, 5e branche SNCF, a pour ambition de faire des gares des lieux de vie, au cœur de la ville et se veut au plus proche des voyageurs. Ouvrir les gares à la culture et la faire partager au plus grand nombre y participe pleinement. Outre sa participation à de nombreux évènements culturels dans toute la France, la branche, représentée par son Agence Gares RhôneAlpes Auvergne, accompagne divers évènements culturels régionaux particuliers. Le choix d’un partenariat avec le Festival International des Textiles Extra ordinaires s’inscrit dans cette démarche. La découverte des gestes, des ouvrages, des lieux, des populations permettra aux voyageurs de s’évader quelques instants, pénétrer au cœur d’une autre culture ou simplement laisser la place à leur imaginaire. Patrick MOIRIAT, SNCF Gares et Connexions, Responsable Communication Relations Institutionnelles Agence Gares et Connexions Rhônes-Alpes Auvergne Mediafix & Partners, Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme Gares et Connexions, Rhône Alpes Auvergne Picto Rhône Alpes, Vénissieux GDAO, Romagnat, Puy-de-Dôme Gares & Connexions, 5th SNCF branch, aims at making train stations lively spaces in the heart of cities. It aims at getting closer to the travelers. Welcoming culture in train stations and making culture available to the largest crowd is one way to achieve such a thing. Apart from taking part in numerous cultural events everywhere in France, the branch, represented by its Agency Gares Rhône-Alpes Auvergne, is associated to various regional cultural events. The choice of partnership with the International Festival of Extra ordinary Textiles is a result of this approach. The discovery of gestures, works, places, populations will allow travelers to escape for a few moments, to penetrate into the heart of another culture or simply let their imagination wander. PARTENAIRES MEDIA MEDIA PARTNERS Patrick MOIRIAT, SNCF: Agency Gares et Connexions RhônesAlpes Auvergne La Fédération Clermont-Commerce, son président Stanislas Renié, sa vice-présidente Danièle Quinty, et en particulier les commerces : Carrément Soie - Temps Thé Danièle boutique - Aniline - Objectif découverte - Les Fantaisies de Lola - Chapeau D. Chartoire - Pussycat - Roche Bobois Librairie Les Volcans - Boutique Michelin - L’Escarpin - Efibel Françoise Prugne Décoration - Les loulous de Lily - Nos racines d’Auvergne - Café Thomas / café Sympa - La Boutique Coutellerie Bernard Leblay ébeniste - Le bazard de Maé - Atelier - Joël Besset La Pochothèque - Chantal Mercier - Naturellement - Lord Chou / Lady Rose - MUR - Calypso Dalbe PARTENAIRES COMMUNICATION COMMUNICATION PARTNERS France 3 Auvergne | WEAVING BONDS Mediafix et le musée Bargoin : une histoire de métamorphoses. Depuis notre rencontre, en 1998, nous n’avons cessé de nous métamorphoser et de nous accompagner au fil des expositions et des (r)évolutions de chacun. Mediafix et le mécénat culturel : une histoire durable. Depuis plus de 10 ans, nous l’avons développé avec passion pour de nombreux acteurs régionaux : le FRAC Auvergne, la Biennale du carnet de voyage, l’Orchestre Sostenuto, le Centre Lyrique d’Auvergne, mais jamais avec… le musée Bargoin ! Il fallait bien un festival international extraordinaire pour réparer cette anomalie. Un grand merci à toute l’équipe du musée, qu’il continue de se métamorphoser en échappant à la malédiction Kafkaïenne… Mediafix and the Musée Bargoin: a story of metamorphosis. Since we met in 1998 we have kept on transforming and following each other along the exhibitions and (r)evolutions we each organized. Mediafix and cultural patronage: a sustainable story. For more than 10 years, we have passionately developed the patronage for numerous regional institutions: the FRAC Auvergne, the Biennale of Travel Journals, the Orchestra Sostenuto, the Lyrical Center of Auvergne, but never… the Musée Bargoin! This anomaly was to be corrected with an Extraodinary International Festival. We wish to thank all the staff at the Museum, may it keep on transforming all the while avoiding the Kafkaesque curse… | 125 | | 126 | Credits | Crédits | | Crédits textes Text Credits Christine Athenor — Directrice d'HS_Projets, coordinatrice du FITE Gérard & Huê Boivineau — Ancien Consul Général de France à Hô Chi Minh Ville et son épouse Christine Bouilloc — Directrice du musée Bargoin Claire Brizon — Chargée de mission conservation en musée, chargée du Showroom du FITE Sophie Caillol & Francis Dravigny — Fondateurs de la société Parsi, Lyon Diane Cazelles — Journaliste Catherine Choron-Baix — Directrice de recherche au CNRS, (Laboratoire d’anthropologie urbaine, Ivry) Michèle Coquet — Anthropologue, CNRS Mickael Cotte — Conseiller en communication Françoise Cousin — Ethnologue, ancienne responsable de l’Unité patrimoniale textile, musée du quai Branly Louis Dubreuil — Collectionneur de textiles et costumes ethniques Patricia Gérimont — Auteur de Teinturières à Bamako, Paris, 2008 et co-réalisatrice de Dames de couleurs, film documentaire, 2012 Anne Grosfilley — Ethnologue, spécialiste des textiles africains, auteur de Maximum wax, Éditions matière, Montreuil (à paraître, 1er semestre 2013) Vincent Lemarchands — Designer, enseignant École supérieure d’art et design, Saint-Étienne Thomas Leveugle — Assistant production et diffusion d’HS_Projets, chargé des Espaces urbains du FITE Marie-Hélène Massé-Bersani — Directrice du département de la production des Gobelins, de Beauvais, de la Savonnerie, des ateliers de Dentelle du Puy et d’Alençon et Responsable des modèles et du fonds textile contemporain. Simon Njami — Commissaire d’expositions internationales indépendant, co-fondateur de Revue Noire Christèle Olimé — Membre fondateur de l’Association Ethicomundo Simon Peers — Fondateur de Lamba SARL, Madagascar Émilie Robert — Chargée des collections textiles du musée Bargoin Yves Sabourin — Inspecteur de la création artistique, chargé de mission pour le textile et l’art contemporain, Délégation aux arts plastiques, Ministère de la Culture, Paris Paul Serre — Muséologue Marie-Bénédicte Seynhaeve Kermorgant — Responsable du département textile du musée Bargoin Arnaud Zohou — Directeur CCSTI La Rotonde, École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne Christine Athenor — Director of HS_Projets, coordinator of the FITE Gérard & Huê Boivineau — Former France Consul General in Ho Chi Minh City and his wife Christine Bouilloc — Director of the musée Bargoin Claire Brizon — Project coordinator in museum preservation conservation, in charge of the FITE Showroom Sophie Caillol & Francis Dravigny — Founders of the Parsi company, Lyon Diane Cazelles — Journalist Catherine Choron-Baix — Director of research at the CNRS, (Laboratory of urban anthropology, Ivry) Michèle Coquet — Anthropologist, CNRS Mickael Cotte — Communication consultant Françoise Cousin — Ethnologist, former director of the textile heritage department, musée du quai Branly Louis Dubreuil — Textile and traditional costumes collector Patricia Gérimont — Author of Teinturières à Bamako, Paris, 2008 et co-director of Dames de couleurs, documentary film, 2012 Anne Grosfilley — Ethnologist, specialized in African textiles, author of Maximum wax, Editions matière, Montreuil (to be published in the 1st semester of 2013) Vincent Lemarchands — Designer, teacher at the École supérieure d’art et design, Saint-Étienne Thomas Leveugle — Production and diffusion assistant for HS_Projets, in charge of the Urban spaces of the FITE Marie-Hélène Massé-Bersani — Director of the production department at the Gobelins, in Beauvais, in la Savonnerie, at the ateliers de Dentelle du Puy et d’Alençon, and in charge of the patterns and the contemporary textile reserves Simon Njami — Independant international exhibition curator, co-founder of the magazine Revue Noire Christèle Olimé — Founding member of the Association Ethicomundo Simon Peers — Founder of Lamba Sarl, Madagascar Émilie Robert — In charge of the textile collections at the Musée Bargoin Yves Sabourin — Inspector for artistic creation, project coordinator for textile and contemporary art, Visual Arts Office, Ministry of Culture, Paris Paul Serre — Museum specialist Marie-Bénédicte Seynhaeve- Kermorgant — Director of the textile department at the musée Bargoin Arnaud Zohou — Director of CCSTI La Rotonde, École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne Crédits | Credits Crédits illustrations ILLUSTRATION CREDITS Par ordre d’apparition : © Florent Giffard, Service communication, Ville de Clermont-Ferrand : 16, 17, 18, 19 , 22, 23, 24, 25, 26, 38, 39, 40, 41, 48, 49, 54, 55, 57, 58, 59, 60, 61, 66, 67, 72, 73, 79 — © M.-B. Seynhaeve Kermorgant, Ville de Clermont-Ferrand : 20, 21, 76, 77 — © At Maculagan : 22, 23 — © Musée des Confluences / Dpt Rhône/Patrick Ageneau : 27 — © Simon Peers 28, 29 — © Alicia Guirao, Factum Arte : 28, 29 — © Paula Zuker : 30, 31 — © Patricia Gérimont : 32 — © François Goudier : 34, 35 — © HS_Projets : 34, 76, 77 — © Xuan Hao : 42, 43 — © Marcus Tomlinson : 44 — © Courtesy GALLERIA CONTINUA, San Gimignano / Beijing / Le Moulin : 50, 51 — © Abdoulaye Konaté / Courtesy Revue Noire : 52, 53 — © Françoise Hoffmann : 54, 55 — © RMN (musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier : 56 — © Kinor Jiang / Rui Xu : 62, 63 — © Kinor Jiang / Sue Sun : 63 — © Kinor Jiang / Guo Xiang Yuan : 63 — © Kinor Jiang / Zou You : 63 — © Cliché du Mobilier national, I. Bideau : 68, 69 — © Alexandre Eymard : 70, 71 — © Ludwig Brinckmann, www.Yunnanex plorer.com : 72, 73 — © Benoit Bauchet : 77 — © Émilie Robert : 77, 78, 119 — © JF Désiré - G. Lamblin - C. Leriche : 80, 81 — © Ueno Masao : 84, 86, 87 — © Bruno Preschesmisky, Bambouseraie d’Anduze : 85 — © ESADSE : 91 — © CCSTI La Rotonde / École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne : 92, 93 — © Yannick Daverton : 97 — © Myette Fauchère : 99 — © Kamaldeep Kaur : 105 — © Catherine Jahan : 106 — © Abdul Jabbar Khatri : 107 — © Le Rustique : 107 — © Fra Joséphine : 109 — © Myrte Kilian et Rugiada Petrelli : 110 — © Meghann O’Brien : 111 — © Agnès Calas : 111 — © Thomas Leveugle : 114, 115, 117 Nous remercions chaleureusement tous les photographes et illustrateurs qui nous ont autorisés à reproduire leurs pho tographies et dessins dans le catalogue et l’exposition. By order of appearance: © Florent Giffard, Communication department, city of Clermont-Ferrand: 16, 17, 18, 19 , 22, 23, 24, 25, 26, 38, 39, 40, 41, 48, 49, 54, 55, 57, 58, 59, 60, 61, 66, 67, 72, 73, 79 — © M.-B. Seynhaeve Kermorgant, Ville de Clermont-Ferrand : 20, 21, 76, 77 — © At Maculagan : 22, 23 — © Musée des Confluences / Dpt Rhône/Patrick Age neau : 27 — © Simon Peers 28, 29 — © Alicia Guirao, Factum Arte : 28, 29 — © Paula Zuker : 30, 31 — © Patricia Gérimont : 32 — © François Goudier : 34, 35 — © HS_Projets : 34, 76, 77 — © Xuan Hao : 42, 43 — © Marcus Tomlinson : 44 — © Courtesy GALLERIA CONTINUA, San Gimignano / Beijing / Le Moulin : 50, 51 — © Abdoulaye Konaté / Courtesy Revue Noire : 52, 53 — © Françoise Hoffmann : 54, 55 — © RMN (musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier : 56 — © Kinor Jiang / Rui Xu : 62, 63 — © Kinor Jiang / Sue Sun : 63 — © Kinor Jiang / Guo Xiang Yuan : 63 — © Kinor Jiang / Zou You : 63 — © Cliché du Mobilier national, I. Bideau : 68, 69 — © Alexandre Eymard : 70, 71 — © Ludwig Brinckmann, www.Yunnanex plorer.com : 72, 73 — © Benoit Bauchet : 77 — © Émilie Robert : 77, 78, 119 — © JF Désiré - G. Lamblin - C. Leriche : 80, 81 — © Ueno Masao : 84, 86, 87 — © Bruno Preschesmisky, Bambouseraie d’Anduze : 85 — © ESADSE : 91 — © CCSTI La Rotonde / École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne : 92, 93 — © Yannick Daverton : 97 — © Myette Fauchère : 99 — © Kamaldeep Kaur : 105 — © Catherine Jahan : 106 — © Abdul Jabbar Khatri : 107 — © Le Rustique : 107 — © Fra Joséphine : 109 — © Myrte Kilian et Rugiada Petrelli : 110 — © Meghann O’Brien : 111 — © Agnès Calas : 111 — © Thomas Leveugle : 114, 115, 117 We kindly thank all the photographers and illustrators who allowed us to reproduce their photographs and drawings in the exhibition catalogue. | 127 | Le Festival International des Textiles Extra ordinaires a été initié par l’association HS_Projets et co-organisé par la Ville de Clermont-Ferrand, musée Bargoin. Pour cette première édition, il a reçu le patronage de l’Unesco. L’exposition Métamorphoses a reçu le label Exposition d’intérêt national du Ministère de la Culture et de la Communication / Direction générale des patrimoines / Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’État. The International Festival of Extra ordinary Textiles was initiated by HS_Projets and is co-organized by the City of Clermont-Ferrand, Musée Bargoin. The first edition is held under the patronage of UNESCO. The exhibition Métamorphoses has received the “National Interest Label” from the Ministry of Culture and Communication/Direction Générale des Patrimoines/ Service des Musées de France. For this reason, it was granted special financial support from the State. Coordination éditoriale : HS_Projets Publishing coordination: HS_Projets Coordination technique du catalogue : Virginie Savoye, Christine Athenor Technical coordination for the catalogue: Virginie Savoye, Christine Athenor Conception graphique et fabrication : Mediafix Graphic conception and printing: Mediafix Traductions : Manuel Benguigui, Jean Dixsaut (sauf pp. 42, 50, 52 : traductions par les auteurs) Translations: Manuel Benguigui, Jean Dixsaut (except pp. 42, 50, 52: translated by the authors) Ouvrage reproduit et achevé d’imprimer en septembre 2012 par l’imprimerie Drouin à Aubière Printed in September 2012 by imprimerie Drouin in Aubière Dépôt légal 1ère édition : Septembre 2012 ISBN : 978-2-9542606-0-0 EAN : 9782954260600 Éditions HS_Projets Tous droits réservés Copyright registration 1st edition: September 2012 ISBN : 978-2-9542606-0-0 EAN : 9782954260600 Éditions HS_Projets All rights reserved the- fite.com hs _ proje ts / ville de clermont-ferrand /musée bargoin fe s ti va l i nte r nati o na l d e s te x ti l e s e x t r a o r di na i r e s - 2 01 2 - c l e r mo nt- fe r r a n d Festival international des textiles extra ordinaires septembre 2012 / Clermont-Ferrand
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