22 > ECO ENTREPRISE FRANCK PROVOST, ALEXANDRE CASTA ET OLIVIER RINALDI Michel Strub le libérateur Michel Strub n’est pas un patron comme les autres. A la tête de trois salons de coiffure sur Saint-Denis, il délègue énormément à ses 25 salariés, plus précisément aux trois gérantes qu’il a choisies pour faire tourner la boutique. A l’instar de Monsieur Jourdain avec la prose, Michel Strub faisait de « l’entreprise libérée » sans le savoir. C’est ce que ce patron de salons de coiffure a découvert en écoutant France Inter, le 14 septembre. Plus précisément le reportage consacré à ce concept en vogue dans l’émission « On n’arrête pas l’Eco ». « L’entreprise libérée » ? Une entreprise sans véritable hiérarchie ni contrôles. Le dirigeant y délègue énormément à ses salariés afin de les motiver. Les décisions sont prises de manière collégiale sur le terrain et pas dans le bureau d’un PDG. « C’est ce que je fais depuis 25 ans », rapporte Michel Strub. En 1989, après avoir passé 15 ans dans l’Education nationale comme agent administratif, ce titulaire d’un bac G (gestion) n’ayant aucune expérience ni aucun diplôme dans le domaine de la coiffure ouvre son premier salon Saint-Karl, devenu Alexandre Casta. Suivront Olivier Rinaldi et Franck Provost, toujours dans le chef-lieu. Les trois salons emploient au total 25 personnes. « Je leur ai laissé les clefs » « Sur tous les salons de coiffure de l’île, je dois être le seul patron à ne pas être coiffeur moi-même. J’ai fait l’école de la vie », s’amuse Michel Strub. Ce sont ses employées qui lui ont apporté le précieux sésame : un brevet professionnel. Ces mêmes employées qualifiées de « gérants techniques » mais qui en réalité sont bien plus que cela. « Je leur ai laissé les clefs de mes salons, résume le patron. Je ne leur demande pas uniquement de couper les cheveux mais aussi d’être à la page, souriantes, disponibles et psycholo- Michel Strub : « Mes salons sont tous en croissance alors que nous sommes en période de crise ». (photos Emmanuel Grondin) gues. Ce sont elles qui font tourner la boutique, elles sont des leaders. Elles ne m’appellent que lorsqu’il y a un problème et nous le réglons alors ensemble ». En Birmanie et à Hong-Kong « C’est inné chez moi, ajoute Michel Strub : l’organisation du travail est basée sur la liberté du personnel. Ces valeurs égalitaires me permettent de stabiliser les effectifs alors que le turnover est important dans notre profession et que les recrutements y sont compliqués ». Le résultat ? « Cette façon de faire développe l’esprit d’équipe, l’ambition et la prise de responsabilités par mes salariées. Elles sont davantage épanouies dans leurs fonctions et les clients le leur rendent bien. Mes salons sont tous en croissance alors que nous sommes en période de crise », confie Michel Strub, qui a également ouvert un spa à Bangkok mais a dû fermer le salon qu’il avait implanté à Singapour. Souvent absent de La Réu- nion, Michel Strub a besoin de déléguer énormément mais il ne veut pas tomber non plus dans l’excès inverse : « Je passe régulièrement dans mes salons. Je ne veux pas qu’on me dise que je ne m’intéresse pas à mes affaires ». En novembre, deux des gérantes techniques de Michel Strub se rendront à Hong-Kong afin d’y découvrir les toutes dernières tendances en matière de coiffure à l’occasion d’un salon mondial. C’est lui qui paie le déplacement, pas le franchiseur. Dans quelques semaines, il accompagnera les salariés d’Alexandre Casta en Birmanie pour un stage de dix jours destiné à leur permettre de « se ressourcer ». Là encore, c’est lui qui finance le déplacement sur ses fonds propres pour « remercier » son personnel de son implication. « C’est une reconnaissance ». Pendant ce temps, le salon fera l’objet de travaux de rénovation pour mieux accueillir la clientèle. On peut être philanthrope tout en gardant le sens des affaires... Cédric BOULLAND Un trio de charme dans les salons Michel Strub les a choisies pour diriger de manière autonome ses trois salons de coiffure dionysiens. Armelle Blin, Sabine Valentin et Edmondine Razafinirina (que ses clients appellent Nirina) dirigent respectivement Franck Provost, Alexandre Casta et Olivier Rinaldi... du matin au soir. « J’ouvre le salon, je m’occupe des commandes ainsi que de la gestion et je fais la caisse après la fermeture, raconte Sabine Valentin, qui travaille depuis 16 ans pour Michel Strub. Le patron, que je vois rarement, me laisse les rênes. C’est un état d’esprit confortable, différent des endroits où j’ai travaillé auparavant. Les clientes ne s’en portent que mieux. Il y a un véritable esprit d’équipe, une harmonie entre le manager et reste du personnel». « Il y a une bonne ambiance dans le salon, moins de pression, confirme Armelle Blin. Les choses se font toutes seules de manière collégiale. Les clientes le sentent bien et apprécient ». « Nous sommes des référentes, pas des chefs » Nirina est heureuse, de son côté, de collaborer avec « une équipe de jeunes ayant envie d’apprendre ». Elle aussi vante « l’esprit d’équipe ». Dans le pré- cédent salon « où je travaillais, j’avais toujours le patron derrière le dos. Là, les choses sont différentes. S’il y a un problème, nous en parlons d’abord entre nous afin de voir si nous pouvons le régler. Nous sommes libres ». Aucune des trois gérantes ne se verrait aujourd’hui travailler dans une entreprise au fonctionnement plus classique. Ni même créer son propre salon. « Ce salon, c’est comme si c’était le nôtre », confie Armelle. Pas question, pour autant, de s’imaginer dans la peau du « chef ». Nous sommes des « référentes », nuance la jeune femme. « Chaque salarié est responsable de soi ». La clef du succès, c’est de « travailler avec des personnes de confiance, résume Sabine Valentin. Lorsque Michel Strub quitte le département, nous avons les autorisations pour récupérer les recommandés. Nous sommes capables de tout faire ». Tout... ou presque. La comptabilité et la paye restent gérées par le patron. Ce dernier n’est donc pas, complètement, au chômage technique... C.B. De gauche à droite, Armelle Blin, Sabine Valentin et Nirina, les trois gérantes de Michel Strub.
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