m - Notes du mont Royal

Notes du mont Royal
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exposé gratuit sur la littérature.
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COLLECTION
PES
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AUTEURS LATINS
4
AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,
PUBLIÉE SOUS XA DIRECTION
»
DE M. NISARD,
MAITRE
DE
COYF ÉB.ENCES
k.L'tCOLE
NORMALE.
OVIDE
OEUVRES COMPLÈTES.
PARIS. -
IMPRIMERIE D'ADOLPHE EVERAT ET COMPAGNIE.
l i t rr CAIMII*. Il et 10.
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OV I D
ŒUVRES
COMPLETES
AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,
SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD,
MUTEE DE CONFERENCES k L'ÉCOLE NORRULE.
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PARIS,
J.-J. DUBOCHET ET COMPAGNIE, ÉDITEURS,
BEE SE SEINE, N
33.
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J
TABLE DES MATIÈRES.
râpes.
LE REMÈDE D'AMOUR, traduction nouvelle
par le même
221
Notes du Remède d'Amour
240L E S B É R O I D E S , Traduction nouvelle par M.
T h é o p h i l e Baudement
I LES COSMÉTIQUES , fragment ; traduction
nouvelle parle même
245
Épitre 1. — Pénélope a Ulysse
ibid.
246
Épitre IX. — Pbyllis à Démophoon
-I I Notes des Cosmétiques
Epitre H T . — Briaéle "a Achille
7 LES HALIEUTIQUES, fragment; traduction nouÉ p i n e I V . — Phèdre à Hippolyte
40
217
velle par M. Th. Reauderaent
Épitre V . — Œnone à Paru
44
LES
MÉTAMORPHOSES,
traduction
nouvelle
É p i t r e V I . — Hypsipyle a Jasôn
48
par MM. Louis Puget, Th. Guiard, Chevriau et
Épitre V I T . — Didon a Énée
22
251
Fouquier
Épitre V I I I . — Hermione à Oreste
20
Livaa
I.
—
AncojtEHT.
—
I.
Le
chaos
changé
en
Épitre I X — Déjanire a Hercule
29
quatre éléments distincts. — II. Succession des
Épitre X . — Ariadne à Thésée
53
quatre âges du monde. — III. Crime et punition
É p i t r e X I . — Canacé à Macarée
36
des géants. — IV. L'univers est submergé par le
Épitre X I I . — Médeei Xason
59
déluge. — V. DeucalioD et Pyrrha repeuplent la
Épitre X I I I - — Laodamieà Protésilas
44
terre. — VI. Apollon tue le serpent Python.
Épitre X I V . — Hypermneetre à Lyucêe
47
— VII. Métamorphose de Daphné en laurier.
É p i t r e X V . — Sapho à Phaon
50
— VIII. Métamorphose d'Io en génisse, et de
Épitre X V I - — Pârisà Hélène
55
Syriox en roseau ; mort d'Argus ; naissance d'EÉ p i t r e X V I I . — Hélène à Paris
64
paphus
ibid.
Épitre X V I I I - — L é a n d r e à H é r o
69
lavai DEUXIèME. — AXCUMEST. — I. Phaéton
Épitre X I X . — Héro à Lésndre
74
demande pour un jour la conduite dn char du SoÉpitre X X - — Aconce à Cydippe
79
leil ; il est frappé de la fondre et précipité du
Épitre X X I - — Cydippe à Aconce
84
Ciel. — II. Cycuus changé en cygne. —III. CaNotendeaHérosdes
91
listo changée en Ourse. — IV. Le corbeau, de
L E S A M O U R S trtdnction nouvelle par le même. 4 04
blanc qu'il était, devient noir. V. Ocyroé transibiâ
formée en cavale.—VI. Battus métamorphosé en
Livre I
pierre.—VII. Aglaurc changée en rocher. —VIII.
Livre I I
120
Jupiter, sons la forme d'un taureau, enlève EuLivre I I I
440
rope
N o t e * d e » Amonrs
404
269
LIVBE TnoisiÈME.— AncuMEET.—I. Agénor ordonne
L ' A R T D'AIMER i traduction nouvelle par M.
à Cadmus de chercher sa fille qu'il a perdue. Des
Charrie» Nisrnrd
463
soldats naissent des dents du dragon tué par CadChant I
«1>"I,8
mus. — II. Actéon métamorphosé en cerf.— III.
Chant I I
°
Naissance de Bacchus. — IV. Tirésias aveugle
Chant I I I
<°7
et devin — V. Écho changée en son ; Narcisse en
Note» d e l'Art d'Aimer
216
Avis des éditeurs
Notice s u r l a v i e et les ouvrages d'Ovide
III
VII
TABLE
rages.
as«V. Alcmcnc raconte à Iule spn enfantement laborieux et la méumorphose de Galanthis en belette.
—VI. Dryope est changée en lotos. — VII. Iolas,
en jeune homme; — VIU. Btblia, en fonuine.
— IX. Iphia devient homme
589
fleur. — VI. Pentliéc. après la métamorphose des
matelots en dauphins, charge Acetès de chaînes :
à cause de ce crime, il est mis en lambeaux, par
les bacchantes
289
LIVRE QUATRIèME.—ARGUMERT. — I . Alcithoé et ses
LITRE DIXIèME
ARGUMENT. — I. Descente d'Orsoeurs s'obstinent à mépriser le culte de Bacchus ;
phée anx enfers. — IL Métamorphose d'Attis en
Pvrame et l'hisbé. — Amours de Mars et de
pin ; de Cyparisse en cyprès. — IU. Ganymèdc
Vénus , d'Apollon'et de Leucothoé , de^Salmacis
enlevé dans l'Olympe. — IV. Métamorphose
et d'Hermaphrodite. Les Glles de Minée changées
d'Hyacinthe en fleur. — V. Des Cérastes en Uuen chauves-souris, et leurs toiles en vignes et en
reaux ; des Propétides en pierres. — VI. D e la
pampres. — I L Ino et Mélicerte métamorphosés
sutue de Pygmalion en femme. — VII. de Myrrha
en dieux marins, et leurs compagnons en rochers
en arbre. — VIII. D'Adonis en anémone ; d'Ataet en oiseaux. — III. Métamorphoses de Cadmus
lante en lionne, et d'Hippomène en lion
Ai 8
et d'Hermione en serpents. — IV. d'Atlas en
montagne. — V. Persée délivre Andromède. —
L I V I E ONZIèME.— ARGUMENT. — I. Mort d'Orphée.
VI. Il l'épouse
50li
— II. Métamorphose des Ménades en arbres. —
I .IVRE cinQDiÈHE. — ARGUMENT—I. Persée change
III. Du sable du Pactole en o r . — IV. Des oreilles
Phinée et ses compagnons en rochers. — I L II
de Midas en oreilles d'âne. — V. Fondation de
Troie. — VI. Naissance d'Achille. — VII. Crime
métamorphose aussi Bétus et Polydectca. Chanet châtiment de Pelée. — VIII. Naufrage et mort
gement d'un enfant en léxard , de Lyncus en
de Céyx ; description du palais du Sommeil ;
lynx ; d'Ascalaphe en hibou ; de Cyane et d'Améumorphose de Céyx et d'Alcyone en alcyons.
réthuse en fontaines, et des Piérides en pies. —
Rapt de Proserpine. — Voyages de Cérès et
— IX.D'Esaque en plongeon
135
deTriptoème
525 LIVRE DOUZIèME. — ARGUMENT. — I. Sacrifice
LIVRE SIXIèME. — ARGUMENT. — I. Méumorphose
d'Iphigénie. — II. Palais de la Renommée ; méd'Arachné en araignée. — I I . Niobé se met anumorphose de Cycnns en cygne. — III. Récit
de Nestor : méumorphose de la vierge Cénis en
dessus de Latone et est changée en rocher. —
homme, puis en oiseau. Combat des Centaures
III. Métamorphose des paysans lyciens en greet des Lapilhes. — IV. Méumorphose de Périnouilles. — I V . Marsyas converti en fleuve. —
clyméne en aigle. — V. Mort d'Achille
152
V. Pélops pleure Niobé ; les dieux lui donnent
LIVRE TREIZIèME. — ARGUMENT. — I. Les armes
une épaule d'ivoire. — VI. Méumorphose de
d'Achille réclamées par Ajax et Ulysse; métaTérée en huppe, de Philomcle en rossignol, de
morphose d'Ajax en hyacinthe. — H. Mort de
Procné en hirondelle. — VIL Borée enlève Ori Polyxène ; métamorphose d'Qécube en chienne.
thye; il en a deux fils, Calais et Zétès, qui furent
— UI. De Memnon en Memnonides. — IV. Fuite
au nombre des Argonautes
511
d'Enée ; méumorphose des filles d'Auius en
LIVRE SEPTIèME.—ARGUMENT. — I . Jason s'empare
colombes. — V. Mort de Galatée et d'Acis; méde la toison d'or, par le secours de Médée. —
umorphose de Glaucus en dieu marin
168
II. Rajeunissement d'Éson. — III. La jeunesse
est rendue aux nourrices de Bacchus. — IV. Médée
fait tuer Pélias par la main deses Biles.—V. Médée
massacre ses entants. — VI. Médée s'enfuit à
Athènes, où elle est accueillie par Egée. —
VIL Méumorphose d'Ame en chonette ; peste
d'Égine; métamorphose'des fourmis en Myrmidons ; Éaque les envoie au secours d'Egée. —
VIII. Céphale et Procris
LIVRE QUATORZIèME. — ARGUMENT. — I. Méumor-
558
LIVRE HUITIèME. — ARGUMENT. — I. Métamor-
phose de Nisus en aigle de m e r , et de Scylla, sa
tille, en alouette.— II. La couronne d'Ariane pltcée
parmi les astres. — III. Dédale s'envole sur des
ailes; Icare, volant auprès de son père, est submergé ; méumorphose de Perdix. — IV. Méléagre tue le sanglier de Calydon : Altbée, mère du
héros, accélère sa mort. — V. Naïades changées
en êtres appelés Echinades. — VI. Philémon et
Bancis. — VIL Protée et Métra ; impiété et châtiment d'Érisichthon
LIVRE NEUVIèME. — ARGUMERT. — I . Achcloiis
vaincu par Hercule; corne d'abondance.—II. Mort
de Ncssus. — III. Tourments d'IIcrcole sur le
mont Œ u . — IV. Apothïo»c d" Hercule. —
phose de Scylla en monstre. — II. Voyage
d'Enée ; métamorphose des Cercopes en singes.
— IU. Des compagnons d'Ulysse en pourceaux ;
du roi Picus en pivert. — IV. Des compagnons
de Diomède en oiseaux, — V. D'Appulus en
olivier sauvage. — VI. Des vaisseaux d'Enée
en Naïades. — VII. D'Ardéc, ville des Rutules ,
en héron.— VIII. d'Énéeeu d i e u . — I X . D'Anaxarète en statue; amours de Pomone et de Vertumne. — X. Romulus devient le dieu Quirinns,
et Hersilie la déesse Hora
487
LIVRE QUINZIèME. — ARGUMENT. — I. Fondation
3
8
de Crotone. — II. Système des transformations ;
Pythagore l'enseigne à Numa. — III. Htppolytc
devient le dieu Virbius ; la nymphe Égèrie changée en fonUine. — IV. Tagès né d'une motte
de terre. — V. La lance de Romulus changée
en arbre. — VI. Cipus se voit des cornes. —
VII. Peste du Laliuni ; Esculapc accompagne les
Romains sous la forme d'un serpent. — VIII.
Jules-César changé en étoile ; éloge d'Angitstc.
Noies des Métamorphoses
50(>
°25
DES MATIÈRES.
Page*.
LES FASTES, traduction nouvelle par M. J.
Fleutelot
541
LIVBE I
LIVBE II
LIVBE III.
lard.
558
578
LIVBE IV
LIVBE V
LIVBE VI
598
621
638
Note» des Fastes
657
LES TRISTES, traduction nouvelle par H. Charles Nisard
664
LIVBE I
LIVBE II
Ibid.
679
"J
Tagea.
Lettre X, àMacer
LettreXI,à Rufin.
LIVBEIU
Lettre I", 5 sa femme
Lettre II, à Cotta
Lettre III, a Fabius Maximua
Lettre IV. à Rufin
Lettre V.A Maxime Cotta
Lettre VI. a un ami
Lettre VII. A ses amis
Lettre VIII, A Maxime
Lettre IX, A Brutus
LIVBE IV
Lettre F", à Sextus-Pompée
Lettre II, A Sévère
Lettre III, à un ami inconstant
Notes des Tristes
744 LettrelV, A Sextus-Pompée
LettreV.au même
LES PONTIQUES, traduction nouvelle par le
Lettre VI, A Brutus
même
754 Lettre VU, A VesUlis
LIVBE I
,
Ibid.
Lettre VIII, A Suilliut
Lettre I1*, a Brutus
Ibid. Lettre IX. A Gracinus
Lettre IL à Maxime
753 Lettre X, à Albinovanus
Lettre m, à Rufin
756 Lettre XI, A Gallion
Lettre IV. a sa femme
758 Lettre XII, A Tuticanus
Lettre V, a Maxime
760 Lettre XIII, A Carus
Lettre VI, a Gracions
762 LettreXIV, A TuUcanus
Lettre V U , a Measallinua
763 LettreXV, A Sextus-Pompée
Lettre Vin. aSévère
765 Lettre XVI. A un envieux
Lettre IX, à Maxime
7(6 Notes des Pontiques
Lettre X, a Flaccus
768
CONSOLATION A LIVIE-AUGUSTA, sur la mort
LIVBE U
770
de Drusus-Néron , son fils; traduction nouvelle
Lettre I", aGermanicus César
Ibid.
par le même
Lettre U, A Messallinus
774
Notes
de la Consolation A Livie
Lettre ID, a Maxime
774
Lettre IV, a Atticns
777 L'IBIS , traduction nouvelle par le même
Lettre V, a Salanus
Ibid. Notes de l'Ibis
Lettre VI. a Gracinus
779
LE NOTER, traduction nouvelle par le même....
Lettre VII, a AtUcus
780
Notes du Noyer
Lettre VU.!, à Maxime ColU
789
ÉPIGRAMMES sur les Amours et les MétamorLettre IX, au roi Cotys
784
phoses
LIVBE UI
LIVBETV
LIVIE V
»92
74 4
727
786
787
788
Ibid.
792
794
797
799
800
802
803
Ibid.
806
Ibid.
807
808
809
840
812
845
844
816
8(9
824
892
823
824
826
827
829
833
844
845
860
865
870
871
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LES TRISTES.
LIVRE PREMIER.
ÉLÉGIE 1.
Va, petit livre, j'y consens, va sans moi
dans cette ville où, hélas! il nem'est point permis
d'aller, à moi qui suis ton père; va,mais sans ornements, comme il convient au fils de l'exilé;
et malheureux, adopte lesinsignesdu malheur.
Que le.vaciet(l) ne te farde point de sa teinture
de pourpre ; celte couleur n'est pas la couleur
du deuil; que le vermillon(2) ne donne pas de lustre à ton titre, ni l'huile de cèdre à tes feuillets.
Qu'on ne voie point de blanches pommettes (5)
se détacher sur tes pages noires ; cet appareil
peutorner deslivres heureux, mais toi, tu nedois
pas oublier ma misère ; que ta double surface ne
soit point polie par la tendre pierre-ponce (4) ;
présente-loi hérissé de poils épars çà el la, et
ne sois pas honteux de quelques taches: celui
L'LLGIA I.
Parvc (necinvideo) sine me, liber, ibis in urbem ;
Hei mitai 1 quo domino non licel ire tuo.
Vide, sed incultus , qualem derct esulis esse.
Infelix habituai tcmporis bujus habc.
Nec te purpureo vêlent varcinia suceo ;
Non est convenions luclibus ille color :
Nec titulus ininio, nec ccdro charta notilur :
Candida nec nigra cornus frontc géras.
Felices ornent hier, instrumenta libelles ;
Fortunes memoreni te decet esse meir:
Nec.fragili géminée poliantur puinice fronles :
riirsutussparsis utvideare eoniis.
qui les verra y reconnaîtra l'effet de mes larmes.
Va, mon livre, et salue de ma part les lieux
qui me sont chers; j'y pénétrerai ainsi par la
seule voie qui me reste ouverte.
S'il est quelqu'un dans la foule qui pense
encore à moi, s'il est quelqu'un qui demande par
hasard ce que je fais, dis-lui que j'existe, mais
que je ne vis pas, et que cependant cette existence précaire est le bienfait d'un dieu. Par prudence, et de peur d'aller trop loin, tu ne répondras
aux questions indiscrètes qu'en le laissant lire.
A ton aspect, le lecteur aussitôt se préoccupera
de mes crimes, el je serai poursuivi par la
clameur populaire, comme un ennemi public.
Abstiens-toi de répliquer, même aux plus mordants propos; une cause déjà mauvaise se gale
encore quand on la plaide. Peut-être trouverastu quelqu'un qui gémira de m'avoir perdu, qui
Neve liturarum pudeat : qui viderit illas ,
De lacrymis factas sentiet esse meis.
Vade, liber, verbisque meis loca grata salula.
Contingam certe quo licet alla pede.
Si quis, ut in populo noslri non iinmeraor illic.
Si quis, qui quid agaiu forte requirat, erit ;
Vivere me dices : salvnin laineu esse negabis ;
Id quoque quod vivam, munus habere dei.
Teque ita tu lacitus quoerenti plura legeuduui ,
Ne, qua» non opus est, forte loquare, datais.
Protinus admonilus repetet inea crimina lector,
lit peragar populi publiais ore reus.
Neu, cave, défendes, quamvis mordebere dictis.
Causa patrocinio non bono major erit.
20
662
OVIDE.
lira ces vers les joues mouillées de pleurs, et fortune ne nous est pas assez favorable pour
dont les vœux silencieux, de peur des oreilles que tu fasses cas de la gloire. Au temps de ma
malveillantes, invoqueront la clémence de César pospérité, j'aspirais à la renommée, et j'en
et le soulagement de mes maux. Quel qu'il soit, étais avide ; aujourd'hui, si je ne maudis pas la
puisse-1 - il n'être pas malheureux un jour, poésie, ce penchant qui m'a été fatal, cela doit
celui qui sollicite l'indulgence des dieux en suffire, puisque mon exil est aussi l'œuvre de
faveur des malheureux! Puissent ses vœux mon génie. Va cependant, va pour moi, tu le
s'accomplir ! puisse le ressentiment du prince peux du moins, contempler Rome. Dieux!
s'éteindre et me permettre de mourir au sein que ne puis-je, en ce jour, être mon livre !
Ne crois pas cependant, parce que tu arrivede la patrie !
Quelque fidèle que tu sois à mes ordres, ras étranger dans la ville immense, que tu
peut-être, ô mon livre, seras-tu critiqué et mis puisses y arriver inconnu, sans litre même. Ta
bien au-dessous de ma réputation. Le devoir sombre couleur te trahirait, si tu voulais redujuge est d'examiner les circonstances des nier ton père. Ne t'introduis toutefois qu'avec
faits aussi-bien que les faits eux-mêmes ; cet mystère ; mes anciennes poésies pourraient te
examen te sauvera. La poésie ne peut éclore nuire, et je ne suis plus, comme jadis, le favori
que dans la sérénité de l'ame, et des malheurs du public. Si quelqu'un, par cela seul que tu
soudains ont assombri mon existence ; la poésie viens de moi, se fait scrupule de te lire et te
réclame la solitude et le calme, et je suis le rejette de son sein, dis-lui : < Regarde le litre;
jouet de la mer ,«des vents et de la tempête ; la je n'enseigne pas ici l'art d'aimer ; une peine
poésie veut être libre de crainte, et, dans mon était due à ce livre, et il l'a subie. >
Peut-être veux-tu savoir si je t'ordonnerai de
délire, je vois sans cesse un glaive menacer ma
poitrine. Mais ces vers devront encore étonner gravir la colline où s'élève le palais de César?
le critique impartial ; et, quelque faibles qu'ils Pardon, séjour auguste ; pardon, divinités de
soient, il les lira avec indulgence. Mettez à ma ce séjour! Mais c'est de celte demeure redouplace un Homère, et l'entourez d'autant d'in- table que la foudre est tombée sur ma tête. Je
fortune que moi-même, tout son génie en connais, sans doute, la clémence des divipités
qui y résident, mais je redoute celles qui m'ont
serait bientôt frappé d'impuissance.
Enfin, mon livre, pars indifférent à l'opinion frappé. Elle tremble au moindre bruitd'ajles,
et ne rougis pas si tu déplais au lecteur. La la colombe que les serres de l'épervier ont
Invenies «liquem, qui me suspiret ademptum,
Carmina nec siccii perler;»t ista genia :
Et taritus secum, ne quia malus audiat, optet,
Sic mea, lenito Caesare, porno rninor.
Nos quoquc, qnisquis prit, ne ait miaer il le , precamur,
Placatos misero qui volet esse deoa.
Quteque volet, rata sint : ablataque principis ira
Scdibus in patriia dct mihi posae mori.
Ut peragcs mandata , liber, culpabere foraau,
Ingeniique rninor laude ferere mei.
Judiois oflicium est, ut res, ita tempora rerum
Quœrerc ; quariito tempore, talus «ris.
Carmina proveniuntanimo deducta sereno :
Nubila suntsubitis tempora nostra malis.
Carmina secessum acriberrtis et otia quarrunt :
Me mare, me venli, me fera jactat liyems.
Carminibus tnetus oinnis abest : ego perditus ensem
Hsasurum jngulojam puto jamque meo.
Harequoque, quod facio, judex mirabitur ajquus :
Scriplaquc cum venia qualiacumque legct.
Da mibi Maroniden, et tôt circumspieeeasus ;
Ingenium tantis excidet omnc malis.
Denique securus famée, liber, ire mémento,
Nec tibi sit lccto displicuisse pudor.
Non ita te nobis prsebet forlnnt aecundam,
Ut tibi sit ratio laudis habenda lus.
Doneceram sospes, tituli tangsbar amore,
Quœrendique mihi nominis ardor erat.
Carmina nunc si non studiumque, quod obfuit, odi,
Sit satis : ingenio sic fuga parla meo.
1 larnen, i pro me tu, cui licet, adspicc Romam.
Dt facerent, possesnon meus esse liber I
Nec te, quod venias magnam peregrinuain urbein ,
Ignotum populo possa venirc puta.
Ut titulo careas, ipso noscere colore :
Disaimulare velis te licet essemeum.
Clam tamen intrato : ne te mea carmina lardant.
Non sont, ut quondam plena favoris erant.
Si quis erit, qui te, quia sis meus, esse legendum
Non palet, e gremio rejiciatque suo,
Inspire, die, tituluin : Non sum praceptor amoris :
Quas meruit pœnas, jam dédit illud opus.
Forsitan exspectes an in alla palatia missum
Scaudere te jubeam Carsareimque domum.
Ignoscant augusta inilii loca, dlque locorum :
Venit in hoc iila fulmen ab arce caput.
Esse quidem niemini milissima sedibus allas
Nnmina, sed limeo qui nocuerc deos.
74
LES TRISTES.
blessée ; elle n'ose piuss'éloigner de la bergerie,
la brebis arrachée a la gueule du loup ravisseur;
Phaéton, s'il revenait à la vie, fuirait le ciel,
et poserait approcher de ces coursiers qu'il
voulutfollementconduire.Et moi aussi je crains
encore, je l'avoue, après en avoir senti les atteintes, les traits de Jupiter, et je me crois
menacé de ses feux vengeurs chaque fois que
le tonnerre gronde. Celui des Grecs dont le
navire a une fois évité les écueils de Capharée
détourne ses voiles des eaux de l'Eubée ; ma
barque aussi, déjà battue par une terrible tempêté, frémit d'approcher des côtes où elle fut
maltraitée. Sois donc, livre chéri, sois timide
et circonspect, et qu'il te suffise d'être lu des
gens de condition médiocre. Icare, pour s'être
élancé d'une aile trop faible vers les régions
élevées de l'air, a donné son nom à la mer Icarienne. Il est difficile cependant de décider si
tu dois faire usagede la rame ou des voiles ; tu
consulteras le temps et les lieux. Si tu peux être
présenté dans un moment de loisir, si tu vois
lé calme régner partout, si la colère a épuisé
sa fougue, s'il se trouve un introducteur généreux qui, malgré tes hésitations et tes craintes,
té présente, après avoir préparé en peu de
mots ta réception, risque-toi. Puisses-tu, plus
heureux que ton maître, arriver en temps opportun et soulager ma misère ; car nul autre
que l'auteur de ma blessure, comme autrefois
Terretnr minimo pennse stridore columba,
Cngnibns, iccipiter, aaucia factatuis :
Nec procul a stabulis audat accédera, ai qua
Excnaaa eat avidi dentibna agoa tupi.
Vitaret codant Phaeton, si vivent ; et quos
Optant atalle, tengennolletequos.
Me quoque quœ aensi fateor Jovis arma timere :
Me reor infeato, quum tonal, igné peti.
Qnicumque Argoliea déclasse Capbarea fagit,
Semper ab Euboicis vêla rétorquât aquis.
Et mea cymba aemel vaata perçusse procella,
Illum, quo lassa est, horret adiré locum.
Ergo, care liber, timide circumspice mente,
Et salira média ait libi plèbe legi.
Duni petit inflrmis nimiam sublimia pennia
Icarus, Icariis nomina fecit aquis.
Difficile est tamen hic remis utaris an aun ,
Dicere, consi|ium resque locasqnedabunt,
Si poterie vacuo tradi, si cuncta videbis
Milia, si rires fregerit i n suas.
Si quis erit qni te dubitantem et adiré timentem
Tndat, et ante tamen paucaloquatur; adi.
Luce bons dominoqne tuo felicior ipse
Perveniatilbao , aimais, hoetra levés.
m
Achille, ne peut la guérir. Prends garde surtout
de me nuire en voulant me servir : mon cœur,
hélas ! craint plus qu'il n'espère. Ne va pas
éveiller et ranimer cette colère qui sommeille,
et ne sois pas pour moi la cause d!un châtiment
nouveau.
Quand tu seras entré dans le sanctuaire de
mes travaux, que tu auras trouvé la cassette
arrondie, domicile qui t'est destiné, tu y verras
rangés en bon ordre tes frères, autres enfants
de mes veilles; tous montreront leurs titres à
découvert, et porteront fièrement leur nom
inscrit en toutes lettres. 11 en est trois seulement que tu découvriras cachés dans un coin
obscur. Ceux-là enseignent un art que personne n'ignore, l'Art d'Aimer. Fuis leur contact, ouflétris-les,si tu l'oses, du nom d'QEdipe
et de Télégone (5) ; si tu as de la déférence pour
ton père, je te conjure de ne pas en aimer un
seul des trois, quoi qu'il fasse pour l'apprendre
à aimer. Il est aussi quinze volumes de métamorphoses, poésies érhappées à mes funérailles ; je te charge de leur dire que ma fortune
peut fournir une métamorphose de plus à celles
que j'ai chantées, car elle a pris tout à coup
un aspect bien différent de ce qu'elle était d'abord , aussi pitoyable aujourd'hui qu'elle était
heureuse hier. J'aurais encore, si tu veux le
savoir, beaucoup d'instructions à te donner,
mais je crains d'avoir déjà trop retardé ton
Namqae ea, vel nemo, vel qui mibi vulnen fecit,
Solus Achilleo tollere more potest.
Tantumnenoceas, dam vis prouesse, videto ;
Nam spea est animi nostra timoré minor.
Quoique quiescebat, ne mota resseviat i n ,
Et pœnne tu sis altéra causa, cave.
Quum tamen in nostrum fueris penetnle receptus,
Gontigerisque tuam scrinia curva domuin ;
Adspicies illic positos ex ordine fntres,
Quos studiura cunctos evigilavit idem.
Cetera turba palam litulos ostendet apertos,
Et sua détecta nomina fronte geret.
Très procul obscurs (alitantes parte videbis,
Hi quoque, quod nemo nescit, amare doceut.
Hos tu vel fugias ; vel, si salis orit habebis,
Olidipodas facito Telegonosque voces.
Deqne tribus moneo, si qua est tibi cun parentis,
Nequemquam, qnamvis ipsedocebit, âmes.
Sunt quoque muta ta? terquinque volumina formai.
Nuper ab exsequiia carmina rapta ineis :
Hismandodicas, intermutata mferri
Fortunœ vullumcorpora passe met).
Nsmque ea dissimilis subito est elTecta priori :
Flendaque nunc, aliquo tempore Iseta fuit.
122
664
OVIDE.
départ ; si d'ailleurs je te chargeais de tout ce
qui oppresse mon âme, tu deviendrais toimême un fardeau trop lourd à transporter; le
voyage est long ! hâte-toi donc. Pour moi, je
resterai confiné aux extrémités du monde,
sur une terre bien éloignée de celle qui m'a
vu naître!
ÉLÉGIE II.
Dieux de la mer et du ciel (car il ne me reste
plus maintenant qu'à faire des vœux !), n'ache' vez pas de mettre en pièces ce navire, déjà si
maltraité, et ne vous associez pas à la vengeance du grand César. Souvent un dieu protège ceux qu'un autre persécute. Si Vulcain
prit parti contre Troie, Apollon se déclara pour
elle. Vénus favorisa lesTroyens, quand Pallas
leur était contraire; Junon, si propiceàTurnus,
haïssait Énée, mais celui-ci était en sûreté
sous la sauvegarde de Vénus ; souvent Neptune
en courroux a attaqué le prudent Ulysse, et
souvent Minerve le déroba aux coups du frère
de son père. Et nous aussi, malgré la distance
qui nous sépare de ces héros, qui empêche
qu'une divinité ne nous protège contre les
agressions d'une autre divinité? Mais, infortuné que je suis! mes vœux impuissants se
perdent dans les airs I d'énormes vagues couvrent la bouche qui les profère. L'impétueux
Plura quidem mandare tibi, si quseris, habebain ;
Sed vereor tarda; causa fuisse more?.
Quod si quœ subeuot tecum , liber , omnia ferres ;
Sarciua laturo magna futurus eras.
I.onga via est ; propera nobis : babitabitur orbis
Ijltimus , a terra terra remota mea.
ELEGIA II.
Di maris et cœli ( quid enim nisi vota supersunt ?
Solvere quassata; parcite memhra ratis :
Neve, precur, magni subscribite Gsasaris ira; :
Stepe premente deo fert dens alteropem.
Mulciber inTrojam, pro Troja stabat A polio :
/Equa Venus Teucris, Pallas iniqua fuit.
Uderat dSnean, propior Saturnia Turno:
llle tamen Veneris numine tutuserat.
Sœpe feras cautum petiit Neptunus Ulyssem :
Eripuil patruo ssepe Minerva suo.
Et nobisaliquod, quamvisdistamus ab illis,
Quid velat irato numen adease deo ?
Verba miser frustra non proficientia perdo :
Ipsa graves spargunt ors loquentis aqua; :
Notus disperse mes paroles et ne permet pas
d'arriver jusqu'aux dieux les prières que je
leur adresse. Ainsi les mêmes vents, comme si
c'était trop peu pour moi d'un seul dommage,
emportent je ne sais où et mes voiles et mes
vœux !
O malheur! quelles vastes montagnes d'eau
roulent les unes sur les autres et semblent vouloir s'élancer jusqu'au ciel ! Quelles vallées profondes , quand les flots s'abaissent, s'entr'ouvrent sous nos pieds, et semblent toucher au
sombre Tartare; de quelque côté que se portent
les regards, partout la mer et le ciel, l'une grosse
de vagues amoncelées, l'autre de nuages menaçants. Au milieu de ces deux éléments, les
vents se déchaînent en tourbillons furieux. La
mer ne sait à quel maître obéir: tantôt c'est
l'Eurus qui s'élance de l'orient embrasé ; tantôt
le Zéphyr qui souffle de l'occident; tantôt le
froid Borée accourt avec furie de l'aride septentrion (1 ), et tantôt le Notus vient le combattre
en l'attaquant de front. Le pilote éperdu ne sait
plus quelle roule éviter ou suivre ; dans cette
affreuse perplexité, son art même est frappé
d'impuissance.
Ainsi donc nous mourons! plus d'espoir de
salut qui ne soit chimérique! Pendant que je
parle, la vague inonde mon visage ; elle m'ôte
la respiration , et ma bouche, ouverte en vain
pour implorer l'assistance des dieux, se remplit d'une onde homicide.
Terribilisque Notus jaclat mea dicta : precesque
Ad quos mittuntur non sinit ire deoe.
Ergo idem venti, ne causa latdar in una,
Velaque nescio quo , votaque nostra ferunt'
Me miserum I quanti montes volvuntur aquarum !
Jam jam tacluros sidéra summa putes.
Quanta; diducto subsidunt tequore vallea I
,Jam jam facturas Tartara nigra putes.
Quocumque adspicias, nibil est nisi pontuaetaer,
Fluctibus hic tumidis, nubibus ille minax.
Inter ulrumque fremunt immani turbine venti :
Nescit, cui domino pareat, unda maris.
Nam modo purpureovires capit Euros abortu :
Nunc Zepfayrus sero vespere missus adeat :
Nunc gelidus sicca Boreas bacebatur ab Arcto :
Nunc Notus adverse prsslia fronte gerit.
Rectorin incertoest : nec quid fugiatve petatve
Invenit : ambiguis ars stupet ipsa malia.
Sciliret orcidimus, nec spes nisi vana salutis :
Dumque loquor. vultus obruitunda meos.
Opprimet banc animam fluctua, frustraque precanli
Ore necaturas accipiemus aquas.
At pia nil aliud quam me dolet essuie conjus :
3T
LES TRISTES.
«65
Heureusement ma fidèle épouse ne pleure
que mon exil ! De tous mes malheurs, elle ne
connaît et ne déplore que celui-là ; elle ignore
que je suis le jouet du vaste Océan, elle ignore
que je suis à la merci des vents, elle ignore
enfin que la mort est là, sous mes yeux. Je
rends grâces aux dieux de ce que je n'ai pas
souffert qu'elle s'embarquât avec moi, de ce
'que la fatalitén'a pas voulu que je subisse deux
fois la mort. Quand je périrais maintenant,
puisqu'elle est en sûreté, je me survirais encore
dans la moitié de moi-même.
Hélas ! quel rapide éclair a sillonné la nue!
de quels terribles éclats retentit la voûte
éthérée ! La lame frappe les flancs du navire
aussi violemment que la pesante baliste qui
ébranle les remparts ; et la vague qui s'élève
surpasse toutes les autres vagues, c'est celle
qui suit la neuvième et précède la onzième (2).
Ce n'est pas la mort que je redoute, ce sont
les horreurs d'une telle mort: sauvez-moi du
naufrage, la mort sera pour moi un bienfait.
C'est quelque chose, pour celui qui meurt de
mort naturelle ou par le fer, de rendre son
corps à la terre sur laquelle il a vécu ; c'est
quelque chose d'espérer un tombeau de la
tendresse de ses proches et de ne pas être la
pâture des monstres marins.
Supposez-moi digne d'un tel supplice, je ne
suis pas seul sur ce navire ; pourquoi envelopper dans ma perte des hommes innocents ?
Dieux de l'Olympe, et vous, dieux azurés
qui régnez sur les mers, cessez vos menaces
les uns et les autres; cette vie que m'a laissée la
colère généreuse de César, souffrez que je la
traîne douloureusement jusqu'au séjour qu'il
m'assigne. Si vous voulez que mon expiation soit
proportionnée à mon crime, ma faute, César
lui-même l'a décidé, n'est pas de celles que l'on
punit de mort ; s'il eût voulu m'envoyer sur
les bords du Slyx, certes il le pouvait sans votre
aide ! Toujours maître de verser mon sang, il
ne m'envie pas le bonheur de vivre, et peut
encore, quand il le voudra, m'ôter ce qu'il m'a
laissé. Hais vous, envers qui du moins je ne me
crois coupable d'aucune offense, 6 dieux, je vous
en supplie, contentez-vous des maux que
j'endure.
Et pourtant quand vous vous uniriez tous
pour sauver un malheureux, l'être déjà frappé
de mort ne peut plus être sauvé ; que la mer se
calme, que les vents me deviennent favorables,
que vous me fassiez grâce enfin, en serai-je
moins exilé? Ce n'est pas pour trafiquer ni
pour assouvir ma cupidité de richesses infinies
que je sillonne la vaste mer ; ce n'est pas pour
aller, comme autrefois, étudiera Athènes, ni
pour visiter les villes de l'Asie et les contrés que
j'y ai déjà vues, ni pour aborder à la célèbre
ville d'Alexandre (5) et voir tes rives enchantées,
ô Nil capricieux ! Si je demande des vents favorables, qui le croirait ? c'est la Sarmalie(-t) qui
Hoc tinnm noetri scitque gemitque uiali.
Nescit io immenso jactari corpora ponto ;
Neacit agi ventis; nescit adesse necem.
Dl, bene quod non su m mecum conscendere passus,
Ne mibi mort misera bis palienda foret I
At nnne, utpeream , quoniam caret illa periclo;
Dimidia certe parle supersles ero.
Hei uiibil quom céleri micaerunt nubilaflamma!
Quantns ab elherio personat axe fragor I
Neclevins laterum tabula; feriuntur ab undis .
Quam grave balistsa nioenia puisât onns.
Qui venit hicfluctuafluctuasupereminet omues :
Posterior nono est, undecirooque prior.
Nec letum timeo : genua est miserabile leti.
Demite naufragium : mors mibi munus erit.
Est aliquid, fatove suo, ferrove cadenlem
In solita moriens ponere corpus humo :
Et mandata suis aliquid, sperare sepulcbra,
Et non arqnoreis piscibus esse ribuin.
Pingite me dignum toli nece : non ego solus
Hic vehor; immeritos cur mes pœna trahit?
Proh I Superi, viridesqtte dei, quibus eaquora cure !
U traque jam vestras sistitc turba minas :
Quamque dédit vilain milissima Cœsaris ira,
Hanc sinite infelix in loca jussa feram.
Si, quam commerui pœnam, me pendere vultis;
Culpa mea est, ipso judice, morte ininor.
Mittere me Stygias si jam voluisset ad undas
Caisar , in hoc vestra non eguisset ope.
Est illi nostri non iuvidiosa cruoris
Copia : quodque dédit, cum volet, ipse feret.
Vos modo, quoa certe nullo puto crimine la-sos ;
Contenli nostris, di, precor, este malis.
Nec tamen , ut cuncti miserum servare velitis ,
Quod periit, salvum jam capot esse potest.
lit mare subsidat, ventisque ferentibus utar,
Ut mibi parcalis; non minus exsul ero?
Non ego divitias avidus siue fine parandi
Laluni mutandis mercibus sequor aro :
Nec pelo , quas quondam pelii studiosus, Allumas.
Oppida.non Asiic, non loca visa prius :
Non ut. Alexandri clarani delatus in urbein,
Deliriasvideam, Nilejocose, tuas.
Quod faciles opto ventosquis credere posait?
81
QVIRE.
es) la terre où j'aspire! Je fais des vœux pour dieux, m'épargper en retour. §'il ep es) |u)re|o]qc$ier aux rivages barbares du Pont occiden- ment, que la vague suspendue sur ma tôje
tal (5), et je suis réduit à me plaindre de m'éloi- retombe sur elle et m'engloutisse.
gner trop lentement de ma patrie ! Pour voir
Me trompé-je ? vois-je bien se dissiper les
Tomes, située je ne sais dans quel coin du sombres nuages et la mer, dontlecourroux s'£
naonde, j'abrège* par mes vœux la route de puise, changer d'aspect? Ce n'est pas l'effet
l'exjj. Si je vous suis cher, calmez ces flots du hasard, non! c'est vous,dieux, dont j'ai,
furjeux, et servez de guide à mon vajsseau; sous condition, invoqué l'appui, vous qu'on ne
si je vous suis odieux, poussez-le vers ces côtes peut jamais tromper, c'est vous qui m'exaucezoù César me relègue, puisque le pays môme en ce fatal moment.
contribue en partie à l'aggravation de mon
supplice. Hâtez donc (que fais-je ici? ), vents
rapicjes, hâtez ma course. Pourquoi mes voiles
sont-elles encore en vue des bords ausoniens ?
ÉLÉGIE 111.
C^sar ne je veut pas ; pourquoi retenir celui
qu'il bannit ? Que les côtes du Pont s'offrent
Quand m'apparaît le lugubre tableau jje
plutôt à mes regards ; ainsi l'ordonne-t-il, et je cette nujt qui fut l'agonie de ma vie à ftome(j),
)!ai mérité. Je ne crois pas même que le crime quand je songe à celte nuit où je quitlaj tant
condamné par lui puisse être légitimement et d'objets si chers, maintenant encore des larmes
saintement défendu. Toutefois, puisque les s'échappent de mes yeux.
cjjeux ne peuvent s'abuser sur les actions des
Déjà approchait le jour où je devais, d'après
gommes, je fus coupable, vous le savez, mais l'ordre de César, franchir les frontières defAqnon pas criminel. Que dis-je ! si, comme vous sonie:je n'avais ni le temps ni la liberté d'esprit
Je savez encore, je n'ai cédé qu'à une erreur suffisants pour faire mes préparatifs; mon arog
involontaire, si mon esprit a été aveuglé et non était restée engourdie dans une longue inaction ;
pervers; si j'ai soutenu la famijle d'Auguste, jene m'étais occupé niduchoix des esclave^ quj
autant que le peut un citoyen obscur; si ses devaientm'accompagner, ni desvétementsejdes
qrqres furent toujours sacrés pour moi ; si j'ai autres nécessités de l'exil. Je n'étais pas moins
çjijébré le bonheur du peuple sous son empire; étourdi de ce coup qu'un hommefoudroyépar
sj j'ai fait fumer un pieux encens en son hon- Jupjter, qui existe encore, mais sans] avoir enneur, ep l'honneur des Césars ; si tels furent core recouvré le sentiment dé l'existence.'
toujours mes sentiments, veuillez, grands
Lorsque l'excès même de la douleur eut disSarmatis est tellus, quam mea vota petunt.
Obligor ut tangam laèvi fera litora Poitli,
Quodque aitapatria jam fuga tarda, queror.
Nesrio quo videam pnsitos ut in orbe Tomitas.
Exilem fado per met vota dam.
Seumediligitis, tantoa compescitefluctua,
Pronaque aint noetre numina vestra rati :
Seu magie odislia, jusse me adverlite terne.
Supplicii pars est in regione mei.
Perte : quid hic facio? rapidi mea carbaaa venti,
Ausonios fines cur mea vêla vident)
Neluithoc César : quidquem fugat ille tenetis?
Adspiriat voltus Pontica terra mena-.
Et jubet, et merui : nec que dainnaverit ille,
Orimina, defendi faaye piumve piilo»
Si tamen acta deoa nunqiram mortalia fallunt,
A culpa facinua acitisabeaae mea,
Immo ita ; voascitia, si me meus ahstulit error,
Stultaqus mens nobia, non scélérats, fuit ;
Quamlibet e minimis, domui si favimus illi,
Si aatis Augusli publics jussa mihi,
Hoc duce si dtxi felicia sarcult, proque
Gesaretura, pius, Cesaribusque dedi;
Si fuit hic animas nobia , ita parcile, dtvi.
Sin minus; altacadeus obruatundaoaput.
Fallor? an incipiunt gravide yanesoere nubss,
Victaque mutali frangitur ira maris?
Noncasus, sedvos sub conditions vocati,
Filière quosnonest, hanc mihi wrtiaopem.
ELEGIA III.
Quum subit illius tristissima noctis imago,
Que mihi supremum tempos in urbe fuit;
Quum repeto noctem, qus tôt mibi cars reliqui ;
Labitur ex oeulis nunc quoque gutta meisi
Jam prope lux aderat, qu» a » discedere Chesar
Finibus extrême jusserat Ausonie.
Nec mens nec spatiuih fuerant salis apta paranti :
Torpuerant longa pectora nostra mon».
Non mihi servorum, coroitis non cura legendi :
Non apte profugo vestis opisve fuit Non aliter*stupui, quam qui Jbvis ignibus ictus,
Vivit; eleet vite nescruérpsetmr. "•
13
LES TJUSTES.
sjpé le nuage qui enveloppait mon esprit, et
que mes sens se furent un peu calmés, prêt à
partir, j'adresse une dernière fois la parole à
mes amis consternés, naguère si nombreux, et
tjont je ne voyais plus que deux près de moi.
)Ja tendre épouse, me serrant dans ses bras,
piélait à mes pleurs ses pleurs plus abondants,
ses pleurs qui coulaient à flots le long de son
visage indigné de cette souillure. Mafille,alors
absente et loin de moi, retenue en Libye, ne
pouvait être informée de mon désastre.
Pe quelque côté qu'on tournât les yeux, on
ne voyait que des gens éplorés et sanglotants;
on eût dit des funérailles, de celles où la douleur n'est pas muette ; hommes, femmes, enfants même pleuraient comme si j'étais mort,
et, dans toute la maison, il n'était pas une place
qui ne fût arrosée de larmes : tel, si l'on peut
comparer de grandes scènes à des scènes moins
imposantes, tel dut être l'aspect de Troie au
nioment de sa chute.
Déjà l'on n'entendait pi us la voix de l'homme
pj l'aboiement des chiens, et la lune guidait
au haut des airs son char nocturne. Elevant
(mes regards jusqu'à elle, et les reportant de
l'astre au Gapitole , dont le voisinage, hélas !
fut inutile au salut de mes pénates. • Divinités
habitantes de ces demeures voisines, m'écriaije, temples que désormais mes yeux ne verront pjus; dieux, à qui la noble ville de Quirinus dresse des autels qu'il me faut abandonner,
Ut Umen hanc animo oubem doloripse removit,
Et tandem sensus convaluere mei ;
Adloquor extremum mœsloa abiturns amicos,
Qui modo de multis unus et aller erant.
Uxor amans flentem tiens acrius ipsa tenebat,
linbreperindignas nsque cadente gênas.
Nata procul Libycia aberat diversa sub oris,
Nec poterat fati certior esse mei.
Quocumqoe adspiceres, luetns gemitnsque sonabant :
Formaque non taciti funeris intus erat.
Femina, virque, meo pueri qnoque funere moarent ;
Inque domo lacrymas angulns omnis habet.
Si licet exemplis in parvo gràndibns nti,
Hacc faciès Trojœ, cum caperetur, erat.
Jamque quiescebant voce» hominumqne canonique,
Lunaqne nocturnes alla regebat equos:
Hanc ego suspiciens, et ab bac Capitolia cernens ,
Quœ nostro frustra jnneta fuereLari;
Nnmina vicinis habitantia sedibus, inquam,
Jamque oculis nunquam templa videnda meis,
Dlque relinquendi, quos urbs babet alta Quirini ;
Este salutati tempos in ortin* rbihi.
Et quamquam serotdypeum postvulnera sumo,
667
salut pour toujours! Quoiqu'il soit trop tard de
prendre le boucher après la blessure, cependant déchargez-moi de la haine que m'impose
mon exil ; dites à ce mortel céleste, à l'auteur
de mon châtiment, quelle erreur m'aveugla,
afin qu'il ne persiste pas à voir un crime là où
il n'y a qu'une faute ; dites-lui qu'il juge cette
faute comme vous la jugez vous-mêmes. Gedieu
apaisé, je puis n'être pas malheureux.»
Ainsi je priai les dieux ; ma femme, dont les
paroles étaient entrecoupées de sanglots, pria
plus longuement. Ensuite, les cheveux en désordre, elle se prosterna devant nos Lares,
baisa les foyers éteints de ses lèvres tremblantes , et prodigua aux pénates insensibles
des supplications, hélas ! sans profit pour son
époux infortuné.
Déjà la nuit se précipite et ne permet plus
de retard : déjà l'Ourse de Parrhasie a détourné
son char. Que faire? J'étais retenu par le doux
amour de la patrie ; mais cette nuit était la dernière qui précédât mon exil. Ah ! que de fois,
en voyant l'empressement de mes compagnons,
ne leur ai-je pas dit : « Pourquoi vous hâter?
Songezdoncauxiieuxd'oùvouspartez.àceuxoù
vous allez si vite! Que de fois ai-je feint d'avoir
fixé d'avance, comme plus favorable, une heure
à ce fatal départ! Trois fois je touchai le seuil,
et trois fois je reculai. Mes pieds, par leur lenteur, semblaient d'accord avec mon âme. Souvent, après un adieu, je parlai beaucoup encore;
Attamen hancodiis exonerate fiigain :
Goaleslique viro, qnis me deceperit error
Dicite : pro culpa ne scélus esse putet.
Ut, quod vos scilis, poanae qùoque sentiat auctor :
Placato possum non miser esse deo.
HacpreceadoraviSuperos ego, pluribus uxor
Singultu medios phepediente sonos.
Illa etiam anle Lares passis prostrata capillis,
Conligit exslinctos ore tremente focol :
Multaque in averses effudit verba Pénales ,
Pro deplorato non valitura viro.
Jamque morse spatium nos praecipitata negabat,
Versaquê ab axe sue Parrhasis Arctoserat.
Quid facerem? blando patriœ retinebaramora:
Ultimasedjussœnox erat illa fugse.
Ah I quoties aliquo dixi properante, Quid urges ?
Vel quo festines ire, vel unde , vide.
Ah I quoties cerlam me su m mentitus habere
Horam ; propositœquœ foret apla-viaj.
Ter limen tetigi ; 1er su m revocatus, et ipse
Indulgens animo pes mihi tardus erat.
Saepe vole dicto, rurtus SUIT) multa loéutus,
Et quasi discedens oscula summa dedi.
58
(m
OVIDE.
souvent je donnai les derniers baisers, comme je le serai moi-même, le chemin m'est aussi
si je m'éloignais enfin; souvent je réitérai les ouvert; ma place est près de loi, à l'extrémité
mêmes ordres et je m'abusai-moi-méme, repor- du monde. Je n'ajouterai pas beaucoup à la
tant mes rcgardssurles objets de ma tendresse. charge du vaisseau. La colère de César te force
Enfin « Pourquoi me presser ? C'est en Scythie à quitter ta patrie ; moi, c'est la piété conjuqu'on m'envoie, m'écriai-je , et c'est Rome gale ; ses lois seront pour moi plus puissantes
que je quitte, double exruse de ma-lenteur! quelesordresdeCesar. > Tels étaient ses efforts,
Vivant, je perds à jamais mon épouse vivante, efforts déjà tentés auparavant. A peine céda-tma famille, ma maison et les membres fidèles elle aux importants motifs de notre intérêt
qui la composent ; et vous que j'aimai comme commun.
Je sors (ou plutôt il semblait, moins le cérédes frères, vous dont le cœur eut pour moi la
fidélité de Thésée, que je vous embrasse quand monial , qu'on me portât au tombeau ) tout en
je le puis encore, car peut-être ne le pourrai- désordre, les cheveux épars et le visage héje plus jamais! L'heure qui me reste est une rissé de barbe. Pour elle, anéantie par la douheure de grâce ; plus de retard ! » Mes paroles leur, elle sentit sa vue s'obscurcir et tomba ,
restent inachevées, et j'embrasse ceux qui comme je l'ai su depuis, à demi morte, sur le
carreau.
m'approchent de plus près.
Quand elle fut revenue à elle, et que les cheTandis que je parle et que nous pleurons,
l'étoile importune du matin brille sur l'horizon ; veux souillés de poussière, elle eut soulevé son
Lucifer se lève. Soudain je me sens déchiré corps gisant sur le marbre glacé, elle pleura
comme si l'on m'arrachait quelque membre, -jsur elle d'abord, et puis sur nos pénates abanou comme si une partie de mon corps était sépa- donnés; elle prononça mille fois le nom de l'érée de l'autre. Tel fut le supplice de Métius(2), poux qu'elle perdait, et son désespoir ne fut pas
quand des coursiers, vengeurs de sa trahison, moindre que si elle avait vu le bûcher recevoir
l'écartelèrent. Ce n'est plus alors chez les le corps de sa fille ou le mien. Surtout elle voumiens qu'une explosion de cris et de gémisse- lut mourir et perdre le sentiment avec la vie ;
ments : chacun se meurtrit le sein d'une main elle ne consentit à vivre que pour moi.
Qu'elle vive donc pour l'exilé, puisque les
désespérée, et ma femme, suspendue à mon
cou, mêla à ses sanglots ces tristes paroles :- dieux l'ont voulu ainsi, qu'elle vive et me
f Non , tu ne peux m'étre ravi : nous partirons continue ses soins bienveillants pendant mon
ensemble ; je suivrai tes pas ; femme d'un exilé, absence !
Sape eadem mandata dedi: ineque ipsefefelli
Hespiciens oculis pignora cara meis.
bfniquequidpropero?Scythiaest,quomittiinur,inquam:
Roma relinquendaest: ulraquc jusla mora eat.
Uxor in sternum vivo inihi viva negatur :
Etdomus ,et tidecdulcia membra doniua.
Quoique ego dilexi fraterno more sodales,
OmihiThetea pectoro juncta lide I
I)um licetamplectar : nunquam fortasse licebit
Amplius; in lucroqua daturhora inihi.
Mec mora - sermonis verba imperfecta relinquo,
Aniplecteni animo proxima quatque ineo.
bum loqupr, elilemui; coalo nilidiiaimui alto
Stella gravitnohis, Lucifer ortus erat.
Uividorbaudaliter, quam si mea membra relinqiiain :
Et para abrumpi corporc visa luo est.
Sic Melius doluit, tune quum in contraria versus
llltoreshabuit proditiouisequus.
Tutn vero exoritur clamor gemttusquc meoruin ,
Et feriunl mœstœ peclora nuda inanus.
Tum vero coojux humeris abeuutis inhaarens
Misruit bac lacrymis tristia dicta suis :
Non potes avelli; siinul ah I simul ibimus inquit,
Te sequar, et conjux exsulis exsul ero.
Et inihi facta via est : et me eapil ultime tellus:
Accéda m profuga sarciua parva rati.
Te jubet e palria discedere Cœsaris ira :
Me pielas, pietas bœc inihiCaesar erit.
Talia tentabat : sic et tentaveral anle :
Vixque dédit vicias utilitate manus.
Egredior, sive illuderat sine funere ferri,
Squallidus immissis hirla per ora comis.
Illadolore mei, tenebrisnarraturobortis
Semianimi8 média prociibuisse domo.
Utqueresurrexit, foadalis pnlvere turpi
Crinibus, et gelida membra levavit huino ;
Se modo, desertos modo coniplorssse Pénales ,
Nomen ctereptisape vocasse viri :
Nec gemuisse minus, quam si natœve ineumve
Vidissctstructos corpus habererogos:
El voluisse mori ; moriendo pouere sensus ;
Kespectuque lamen non posuisse mei.
Vivat, et absentem, quoniam sic fata tulerunt,
Vivat, etauxiliosublevetuaqueauo !
I0i
LES TRISTES.
ÉLÉGIE IV.
G69
Tandis que je parle, et que j'hésite entre le
désir et le regret de m'éloigner, avec quelle
furie la vague vient de frapper le flanc du
navire! Grâce, divinités de l'empire azuré!
grâce, n'ai-je pas assez déjà de la haine de
Jupiter? Sauvez d'une mort affreuse un malheureux épuisé, si toutefois celui qui est déjà
anéanti peut être sauvé du néant.
Le gardien de l'Ourse d'Éry manthe se reflète
dans l'Océan, et son influence trouble les flots;
et cependant c'est en dépit de nous que nous
sillonnons la mer Ionienne ; mais la peur nous
impose tant d'audace.
Malheureux que je suis! quelles masses d'eau
soulève la tempête, et comme le sable bouillonne, arraché du fond des abîmes; des vagues hautes comme des montagnes viennent assaillir la
proue et frapper l'image des dieux (1 ). Ses flancs
ÉLÉGIE V.
deboisde sapin craquent de toutes parts; lèvent
fait siffler les cordages, et le navire lui-même
O loi que je ne mettrai jamais au second
témoigne par ses gémissements qu'il est sensible rang sur la liste de mes amis! toi qui envisaà notre détresse. Pâle et frissonnant, le pilote geas ma disgrâce comme si elle eût été la tienne
trahit son effroi; il cède au mouvement du propre, toi enfin, cher ami, qui le premier, il
navire qu'il ne peut plus régler. De même m'en souvient, osas me relever de mon abatqu'un ecuyer mal-habile abandonne au cour- tement par tes paroles encourageantes, et me
sier rebelle ses rênes impuissantes, ainsi je donner le doux conseil de vivre quand le désir
vois le pilote lâcher les voiles au vaisseau, et de la mort possédait toute entière mon âme invoguer,non pas dans la direction qu'il voudrait, fortunée , tu te reconnais sans doute à ces traits
mais au gré de la violence impétueuse des flots. substitués à ton nom?.... Tu ne peux prenSi donc, Éole ne nous envoie pas des vents opr dre h? change sur l'expression d'une reconposés, je serai peut-être entraîné vers les lieux naissance que tu as inspirée. Ces souvenirs
où il m'est défendu d'aborder! Déjà, laissant sont pour toujours fixés au fond de mon cœur,
l'Illyrie (2) à gauche, j'aperçois dans le lointain et je t'aimerai à jamais comme mon sauveur.
l'Ilaliequi m'est interdite. Cessez donc,ô vents, Le souffle qui m'anime se perdra dans les airs,
cessez, je vous supplie, de me pousser vers des et abandonnera mon corps auxflammesdu bârivages qu'on m'a rendus inaccessibles, et obéis- cher ardent, avant que l'oubli de (a générosité
sez ainsi que moi à un dieu tout-puissant. pénètre dans mon âme, avant que le temps
ELEGIA IV.
Tingitur Oceano ciiatos Erymanthidos Ursre,
/Ëquoreasque suo sidère turbnt aquas :
Nos tamen loniuni non nostra findimus aequor
Sponte ; sed audaces cogimuresse melu.
Memiserum I quantis increscunt atquora sentis,
Erutaqoeexiinisfersetarena vadis!
Monte nec inferior prorœ puppique recurvrc
Insilit, et pictos rerberat unda deos.
Pinea testa sonant ; putsi stridore rudentes,
Aggemitet nostris ipsa carina malis.
Navita, confessas gelidum pi More timorem ,
Jim seqaitar vicias, non régit arte ratem.
U (que parant validas non proficientia rector
Cervicis rigidtc frœna remittit equo ;
Sic, non qno voluit, sed quo rapit impetus undat,
Aurigam video vêla dédisse rati.
Quod nisi mutâtes emiserit AEolus auras ,
In loca jam nobis non adeunda ferar :
Nam.proeal lllyriis Issva de parte reliclis,
Interdicta inihi cernitur Italia.
Drainât in vetitas quœso contendere terras,
Et inecum magno pareat aura deo.
Dum loquor, et cupio pari ter, timeoque réveil i,
Increpuit quantis viribus unda latus!
Parcile, cserulei vos, parcite, nuiuina Ponli,
Infestuinque inihi sil salis esse Jovem.
Vos animant sœvœ fessant subducite tnorti.
Si modo, qui periil, non periisse polest.
ELEGIA V.
O inihi poslullos nunquain tneuiorande sodales ,
O cui praacipue sors inea visa sua est,
: Adloniluni qui me, memini, rarissime, primas
[ Ausus es adloqaio snstinnisse tao ;
I Qui mini consilium vivendi mile dedisti,
{ Quam foret in miser» pectore ntortis amor ;
i Scia bene, cui dicam positis pro nomine signis,
. Offlcium nec te fallit, amice, tuum.
; Ha?c inihi semper erunt imis inttxa medullis,
Perpetuusque animi debilor bujus ero.
; Spiritus et vacuas prius hic tenuandus in auras
Ibit, et in tepido deseret ossa rogo ,
: Quant subeant aninto ineritornnt oblivia noslro
670
OVIDE.
éteigne les sentiments de tendresse que je t'ai
voués. Que les dieux te soient propices ; qu'ils
rendent ta destinée assez heureuse pour n'avoir pas besoin d'aide, qu'ils la rendent toute
autre que la mienne. Et pourtant, si ma barque
eût vogué au gré d'un vent favorable, tant de
dévouement ne se fût peut-être pas révélé !
Pirithoûs n'eût pas éprouvé l'infatigable amitié de Thésée (1 ), s'il ne fût descendu vivant aux
sombres bords ; tes fureurs , malheureux
Oreste, ont été pour Pylade l'occasion de paraître le modèle des amis ; si Euryale ne fût
tombé entre les mains ennemies des Hulules,
Nisus, le fils d'Hyrtaque, n'eût acquis aucune
gloire (2).
'
Gomme le feu éprouve l'or , l'adversité
éprouve l'amitié : tant que la fortune nous favorise et nous montre un visage serein, toutsour.tà une destinée jusqu'alors à l'abri de toute atteinte. La foudre vient-elle à gronder, tout fuit,
et personne ne connaît plus celui qu'entourait naguère un essaim d'adulateurs. Ces
vérités que j'avais observées dans l'histoire du
passé, une triste expérience m'en fait connaître la réalité : de tant d'amis à peine étes-vous
deux ou trois qui me restiez fidèles ; les autres
étaient les amis de la fortune, et non les miens.
Mais plus votre nombre est restreint, plus
j'appelle votre zèle au secours dé ma disgrâce.
Offrez un port sûr au naufragé : surtout ne
vous effrayez pas inconsidérément de l'idée que
votre attachement puisse offenser un dieu.
César a souvent loue lafidélitémême dans ceux
qui le combattaient ; il l'aime dans ses partisans et l'estime dans ses ennemis. Ma cause est
plus facile à défendre, puisque je n'ai jamais*
soutenu le parti contraire à César, et que je
n'ai mérité mon exil que par une inconséquence. Ainsi donc, je t'en supplie, au nom de
mes malheurs, sois attentif à calmer, s'il est
possible, le ressentiment de cette divinité.
Au reste, si quelqu'un veut connaître toiisî
mes malheurs, il demande plus qu'il ne m'est
permis de lui dire. Les maux que j'ai soufferts1
sont aussi nombreux que les astres brillants
du ciel, que les imperceptibles atomes contenus dans l'aride poussière. Ce que j'ai souffert surpasse toute vraisemblance ; et mes peines , quoique trop réelles, seront regardées
comme des fables. Il en est d'ailleurs une partie qui doit mourir avec moi ; et puisse ce mystère, alors que je. garderai le silence , n'être
jamais révélé! Eussé-je une voix infatigable,
une poitrine plus dure que l'airain , plusieurs
bouches avec plusieurs langues, le sujet épuiserait mes forces avant que j'aie pu le traiter
en entier.
Laissez là, poètes fameux, le roi de Nérite (3),
et dites mes infortunes. J'en ai plus essuyé
qu'Ulysse même : il erra plusieurs années dans
Et longa pietâ» excidat iata die.
Dt tihi sint faciles, et opis nulliua egentem
Fortuuam prastenl dissimilcmque mea».
Si lamen hœe. navis vente, ferretur amico,
lgnoraretur foraitan iata lides.
Theaea Pirithoûs non tant sensiaset amicum,
Si non infernaa vivus adiaset aquaa :
Ut foret exemplum veri Phocéens amoria,
Feceruiit Furiœ, Iristis Ureata, tuée.
Sinon Euryalua Rutulos cecidisset in hosles,
Hyrtacidœ Niso gloria nulla foret :
Seilicet, ut fulvum spectatur in ignibus aurum,
Tempore sic dura est inspicienda Odes.
Dum juvat, et vultu ridet fortuna sereno,
Indelibatas cunctl sequuntur opes :
At aimul intonuit ; fugiunl, nec noacitur ulli,
Agininibus comitum qui modo cinctus erat.
Atque hase exemplis quondain collecta priorum,
Nuuc raihi aunt propres cognita vers malis.
Vix duo tresve mihi, de tôt superestis, amici.
Caetera fortunée, non mea turba fuit.
Quo magie, opauci, rébus suecurrite laesia,
Et date naufragio litora tuta meo :
Neve metu falso nimium trepidale, timentes,
Hac offendatur ne pietate deus.
Sajpe fidem adversis etiam laudavit In armis;
Inque suisamat hancCsesar, in hoste probat.
Causa mea est melior, qui non contraria fovi
Arma; sed banc merui simplicitate fugaril.
Invigiles igilur nostris pro casibiiaoro;
Dimiuui si qua numinis ira potest.
Scire meos casus si quis desiderat omnes,
Plus, quam quod fieri res sinit, ille pelât.
Tôt mala sum passus, quoi in aethere sidéra lurent,
Parvaque quoi siecus corpora pulvis habet.
Multaque credibili tulimus majora , ratathqué,
Quamvis acciderinl, non habitura flderrt.
Pars etiam mecum qua>dam moriatur ôportet,
Meque velim posait dissimulante tegi.
Si vox infragilis, pectus mihi tirmius esaet,
Pluraque eu m linguis pluribus ora forent ;
Non tamen ideirco complecterer omnia verbia,
Materia vires exsuperante meàs.
Pro duce Neritio, docti, mala nostra, poetà),
Scribite : Neritio nam mala plura tuli.
Ille brevi spatio multis erravit in annis
3»
LES TRISTES.
671
ÉLËGIE VI.
| Lydée fut moins aiméedu poète deClaros (11.
| et Battis de celui de Cos (2), que tu ne l'est de
î moi, chère épouse, toi dont l'image est gravée
1 au fond de mon cœur, et à qui le sort devait
PlIsiiSS::spslSi*p!:ippfi:pfpf PllpSp I un époux plus heureux, mais non pas plus dé| voué. Tu fus l'appui qui soutint ma destinée
lisfllÉ: : M :! i|{i|j ; it p i f i É p p i'Pt w i croulante, et le peu que je suis encore est vîft
Éllfpiiiiisi l i s l p l f ' i i i p p i , «Iplp É i i | bienfait de toi ; c'est à loi que je dois de n'ëifë
| pas tout-à-fait dépouillé, ni devenu la proie
i i i p É l P pspp PpsppP^pp f ïïSsl%ps ; f des hommes avides qui convoitaient les débris
iip li i l p p l i i i | | « : P i i i p P i i l i i P i ' i P | de mon naufrage : comme un loup ravisseur,
i p p i l i | l p ' ' i i i l ' i p > i i s i i f P p p i i p p * | pressé par la faim et altéré de sang, épie l'idI p l i f i P i i p p :ii::|||||s! P âpési ï S p l t ( stant de surprendre une bergerie sans défense.
i | l i É i i i i ; P i i | | | p i:i i i | | i P P l i pPPi ( ou comme un vautour affamé cherche autour
ëip if• P l i f f | | P | P p p P i f i i p i P p f s de lui s'il n'apercevra pas quelque cadàvfè
p i i p p p l i l i p f p i i f f l f p ils p p î i p p sans sépulture, ainsi je ne sais quel lâche eltnemi du malheur allait s'emparer de mes biens,
f § P t § l l p f l p: p p i l | l | l: i l i i l i l i i i P i P si tu l'avais souffert. Ton courage lui opposa
i p l p l i : l | i i i ipplplp i | i i i p p f | <#, victorieusement ces amis généreux à qui je rie
témoignerai jamais assez de reconnaissance.
Tu trouves donc en moi un témoin de ton dévouement aussi sincère qu'il est malheureux,
si toutefois un pareil témoin peut avoir quelque
poids ; en effet, ton dévouement surpasse celui
p l i pi'lpispf^?fl
t
p
p
p
p
î
i
f
i
p
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l
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Pipll s iis%ippi l i i î i i i i f p p pp'ppp: de la femme d'Hector et celui de cette Laodamië,
ppp p p p p spsf Jp |ppf: pa ipppy i l te qui partagea la mort de son époux. Si les destins t'eussent donné un Homère (3), ta gloire eut
s(||P;J|fi:t
^
Inter Dulichia» lliacasquedomos;
No* fréta sideribus lotis dislantia menace
Son tulit in Oeticos Sarmaticoaque sinua.
Ille babuit fidamque manum, sociosque fidelel ;
Me profugum comités deseruere moi :
Illeauam lœtus patriam victorque petebat ;
A patria fugiovictusetexsul ego :
Nec mibi Dolichium domua est, Ithaceve, Sameve ,
Pcena quibua non est grandis abesae locia ;
Sed qtus de septem tolum circumspirit orbem
Montibua, imperii Romadeumquelocus :
Illi corpus erat durum patienaque laborum ;
Invalidas vires ingenuasque mihi :
(Ile erat assidue sa»vis agitatus in armis ;
Adsuetus studiia mollibus ipse fui :
Me deus oppressif, nullo mala nostra levante ;
Bellatrix illi diva ferebat opéra :
Quumque minor Jovè ait tumidis qui régnât in undis,
Illum Neptuni, me Jovis ira premit.
Addequod illias pars maxima flcta laborum est;
Ponitur in uostris fabula dulla malis.
Denique qusesitos tetigit tameu ille Pénates,
Quaeque diu petiit, contigit arva tamen :
At mihi perpetuo patria tellure careddum est,
Mi fuerit lanri mollior ira dei.
ELEGIA VI.
Nec tantum Clario Lyde dilecta poéts?,
Nectantum Coo Battis amata suoest;
Pectoribus quantum tu nos tris, uxor, inhères,
Digna minus misero, uon meliore viro.
Te mea subposita veluti trabe fui ta ruina est ;
Si quid adhuc ego sum, muneris omne tiii est :
Tu facis ut spolium ne sim , neu nuder ah illis
Naufragii tabulas qui petiere mei.
Utque rapax stimulante famé cupidusquc cruoris
lncustoditum captât ovile lupus:
Aut ut edax vultur corpus circumspicit, ecqudd
Sub nulla positum cernere possit bu rhô :
Sic mea nescio quis rébus maie fldus acerbis
lu bona venturus, si paterere, fuit.
Hune tua per fortes virtus summovit amicos,
Nulla quibus reddi gratis digna potest.
Ergo quam misero tam vero teste probaris :
Hic aliquod pondus si modo testis habét.
Nec probitate tua priôr est aut Hectoris uxor,
Aut cornes exstinctn Laodamia viro.
Tu si Mœonium vatem sortita fuisses,
Penelopes esset fâmà secunda tnè.
2a}
OVIDE.
672
éclipsé la gloire de Pénélope ; soit que tu ne
doives ton mérite qu'à toi seule, sans en avoir
emprunté le modèle à aucune école, et grâce aux
heureux penchanlsdonitu fusdotéeen naissain ;
soit que cette femme d'un rang suprême (4), et à
laquelle tu fus attachée toute la vie, t'enseigne
à être l'exemple de la perfection conjugale, et
que, par une longue habitude de vous voir,
elle t'ait rendue semblable à elle-même, si de
tels rapports peuvent s'établir entre une destinée si élevée et une si humble fortune.
Ah 1 pourquoi ma verve s'est-elle affaiblie?
Pourquoi mon génie est-il maintenant au-dessous de ton mérite? Pourquoi le peu d'énergie
que j'eus autrefois s'est-il amorti sous le poids
de mes longues infortunes? Tu aurais la première place parmi les saintes héroïnes, tu serais la plus illustre d'entre elles par les qualités
de ton amet Cependant, quelle que soit la valeur de mes éloges, tu vivras du moins éternellement dans mes vers.
ÉLÉGIE VII.
Qui que lu sois qui possèdes l'image fidèle de
mes traits, détaches-en le lierre (I), couronne
bachique qui ceint ma tète; ces symboles heureux ne conviennent qu'aux poêles heureux.
Une couronne me sied mal dans l'état où je
suis. Tu dissimules en vain, tu sais que je
Sive tibi boc debes, nulla pia facta magislra ,
Quumque nova mores sunt tlbi luce dati :
Femina seu princeps omnes tibi colla per annos,
Te docet exemplura conjugis esse bons? :
Adsimilemque soi longa adsueludine fecit :
Grandia si parvis adsimilare licet.
Heu mihi, non magnas quod habent mea carmina vires,
Noslraque sunt meritis ora minora tuis!
Si quid et in nobis vivi fuit ante vigoris,
Exstinclum longis occidit omne malis :
Frima locum sanctas heroidas inter haberes ;
Prima bonis animi conspicerere lui.
Quantuincumque tamen prœconia nostra valebunt,
Carminibus vives tempus in omne meis.
ELEG1A VII.
Si quis habes nostri similes in imagine vultus ;
Deme meishederas, liacchica séria, eomis.
Ista décent laelos felicia signa poêlas.
Tempùribus non est apta corona meis.
Hase tibi dissimulas, sentis tamen, optime, diei,
In digito qui me fersque refersque tuo ;
m'adresse à toi, le meilleur des amis, qui me portes partout à ton doigt, qui as fait enchâsser mon
portrait dans un or pur (2), afin de contempler,
par le seul moyen possible, les traits chéris de
l'exilé. Peut-être, chaque fois que tu les regardes, te prends-lu à te dire : < Qu'il est loin de
moi, ce cher Ovide ! > Je suis heureux de ce
souvenir ; mais je suis peint plus en grand dans
ces vers que je t'envoie, et que je te prie de
lire, malgré leurs défauts. J'y chante les métamorphoses des êtres, ouvrage que le funeste
exil de son auteur avait interrompu ; ce poème,
comme beaucoup d'autres écrits, je l'avais,
lors de mon départ, et dans l'emportement de
la douleur, livré aux flammes j et comme la fille
de Thestias (5), sœur dévouée plutôt que tendre mère, brûla, dit-on, son fils avec le tison fatal , ainsi, pour qu'ils ne me survécussent pas,
jebrûlaiceslivresinnocents.mespropiesenirailles, soit par ressentiment contre les muses, cause
de ma disgrâce, soit parceque mon œuvre ne me
semblait qu'une ébauche encore informe. Si elle
n'a pas péri tout entière, si elle existe encore,
c'est, je pense, que quelque copie l'avait reproduite. Qu'elle vive ! je le demande maintenant, et qu'amusant les loisirs du public, elle
s'emploie avec ardeur à le faire souveuir de
moi.
Personne, toutefois, n'en supporterait lu lecture, si l'on n'était prévenu que je n'ai pu y
mettre la dernière main, qu'elle a été enlevée
Effigiemque ineam fulvo complexus iu auro ,
Cara relegati, qua potes, ora vides ;
QUSD quolies spectas, subeat tibidicere forsan ,
tjuam procul a nobis Naso sodalisabest I
Grata tua est pietas : sed carmina major imago
Sunt mea ; quœ maudo qualiacumque legas :
Carmina mutatas hominum dicentia formas ,
Infelix douiini quod fuga rupitopus.
HBJC ego discedens, sicut beue multa meoruni,
Ipae mea posui meestus in igné manu ;
fJtque cremassesuum ferlur sub stipile natuin
Thestias, et melior maire luisse soror;
Sic ego non merilos mecum peritura libelle*
Imposui rapidis viscera nostra rogis.
Vel quod eram Musas, ui crimina nostra, peroaus ;
Vel quod adbuc crescens, et rude carmen erat.
Quas quoniam non sunt penilus sublata, sed exstant
Fluribus exemplis scripta fuisse reor ;
Nunc precor ut vivant, et non ignava legenlem
Olia délectent, admoneanlque mei.
Née tamen illa legi poteruut patienter ab ullo ;
Nesciat bis summam si quis abesse manum.
Ablation mediis opus est jncudihus illnd ;
29
LES TRISTES.
de l'enclume à peine forgée, que le poli de la
lime lui a manqué; aussi est-ce l'indulgence
que je sollicite, et non des éloges ; et ce sera
me louer assez, Latins, que de ne pas me rejeter. Voilà, si tu les en crois dignes, six vers à
placer en tête du livre : t Qui que tu sois, aux
mains de qui tombe cet ouvrage orphelin,
donne lui du moins un asile dans celte Rome
qui est restée ton séjour. Rappelle-toi, pour lui
être favorable, qu'il n'a point été publié par
son auteur, qu'on l'a comme sauvé de mon
bûcher funèbre. Tout ce qu'un travail interrompu y a laissé de fautes, songe que, si le
sort l'eût permis, je les eusse corrigées.»
ÉLÉGIE VIII.
On verra remonter de leurs embouchures
à leurs sources lesfleuvesmajestueux, et rétrograder les coursiers du soleil; on verra la
terre se couvrir d'étoiles, le ciel s'ouvrir sous le
soc de la charrue, la flamme jaillir de l'eau, et
l'eau jaillir du feu ; enfin tout ira au rebours
des lois de la nature ; aucun corps ne suivra
la route qui lui est tracée ; les phénomènes que
je croyais impossibles se réaliseront, et il n'est
plus rien qu'on ne doive admettre désormais
comme croyable. Ces prédictions, je les fais
parce que celui dont j'attendais l'assistance
dans l'adversité a trahi mon espoir.
Defuit et scriptis ultima lima meis.
Et veniam pro laude peto : laudatua abunde
Non faatidilut si libi, lector, ero.
Hos quoque sex versus , in priini fronte libelli
Si prœpnnendos esse putabis, babe :
Orba parente suo quicumque vnluniiua tangis,
Mis saltem veslra detur in urbe lortis.
Quoque magis faveas , non bœcsunt édita ab ipso ,
Sed quasi de domini funere rapta sui :
Quicquid in bis igitur vitii rude carmen babebit,
Emendaturus, si licuisset, eram.
ELEGIA VIII.
In caput altà sunm labentnrab sequore rétro
Flumina : conversissolquerecurretequis:
Terra feretstellas : cœlum hddetur aratro :
Coda dabitflammas; et dabit ignis aquas :
Omnia natures praspostera legibus ibunt :
Parsque su uni mundi nulla tenebit iter.
Omnia jam tient, fleri quas posse negabam :
Et nibil est de quo non sit habenda fides.
IV.
(i73
M'as-tu donc à ce point oublié, perfide? as -tu à
ce point redouté la contagion du malheur, que
tu n'aies eu, pour me consoler dans mon affliction, ni un regard ni une parole, et que tu
n'aies pas, ame insensible, assisté à mes funérailles? L'amitié, dont le nom est imposant et
sacré pour tous, est donc pour toi un objet
méprisable et bon à fouler aux pieds? Que te
coùiait-il de visiter un ami accablé sous les
coups du malheur, de lui adresser des paroles
encourageantes, de donner, sinon une larme à
son infortune, du moins quelques regrets apparents, quelques signes de douleur, de lui dire
simplement adieu, ce qu'on obtient même des
étrangers; de joindre ta voix à la voix du
peuple, tes cris à ses cris ; enfin, puisque tu allais ne plus voir mon visage consterné, de profiter , pour le voir encore, des derniers jours
qui te restaient, et une seule fois encore, pour
toute ta vie, de recevoir et de prononcer, avec
un attendrissement mutuel, un dernier adieu ?
C'est pourtant là ce qu'ont fait des hommes
qu'aucun lien n'attachait à moi, et des larmes
abondantes attestaient leur émotion. Que serait-ce donc si tu n'avais pas vécu avec moi, et
aussi longtemps, dans une étroite amitié, fondée sur de puissants motifs? Que serait-ce donc
si tu avais eu moins de part à mes plaisirs et à
mes affaires, si je n'avais été moi-même le confident de tes plaisirs et de tes affaires? Que serait-ce donc si je ne t'avais connu qu'au milieu
Hase ego vaticinor ; quia sum deceptus ab illo,
Laturum misera quem mihi rebaropem.
Tantane te, fallax, cepere oblivia noatri,
Adilictumne fuit tantus adiré pudor?
Ut neque respiceres , necsolarere jacentem,
Durel necexscquias prosequerere meas?
llludainicitiœ sanclum ac venerabile nomen
lie tibi pro vili sub pedibusque jacet?
Quid fuit ingenti prostralum mole sodalem
Visere, et adloquii parte levare lui ?
Inque meos si non lacrymani dimiltere casus,
Pauca tamen flcto verba dolore quen?
Idque, quodignoli faciunt, valedicere saltem ,
Etvocem populi publicaque ora sequi?
Denique lugubres vultus, nunquamque videndos
Cernere supremo, dum licuitque, die?
Dicendumque semel toto non amplius arvo
Arcipere, et parili redderevoce : Vale?
At fecere alii nullo mibi fœderejuncti,
Et lar.rymas aniini signa dedere sui.
Quid ? nisi conviclu causisque valentibus esaem.
Temporisct longi vinctusamore tibi? Quid ! nisi toi lusus et tôt mea séria nosses,
4>
54
OVIDE.
b74
de Rome, toi, associé en tout et partout à
mon existence? Tout cela est-il devenu le jouet
des vents impétueux? Tout cela est-il devenu la
proie du Léthè?
Non, je ne cro;s pas que tu sois né dans la
molle cité de Quirinus, dans cette ville, hélasl
où je ne dois plus rentrer, mais au milieu des
rochers qui hérissent celte rive gauche du
Pont, au sein des monts sauvages de la Scylhie
et de la Sarmatie. Tes entrailles sont de roche,
ton cœur sans pitié est de bronze ; une tigresse
fut la nourrice dont la lèvre enfantine pressa
les mamelles ; sans cela lu n'aurais pas vu mes
malheurs avec autant d'indifférence, et tu ne
te serais pas attiré de ma part celte accusation
de cruauté. Mais puisque aux autres coups du
destin se joint encore la perte de l'amitié que
lu me témoignais jadis, tâche du moins de me
faire oublier ta faute, et de forcer la bouche
qui t'accuse aujourd'hui à faire bientôt ton
ÉLÉGIE IX.
Puisses-tu parvenir sans orages au terme de
ta vie, toi qui lis mon livre sans prévention hostile i son auteur! Puisse le ciel, que mes vœux
n'ont pu fléchir pour moi, exaucer les vœux
Tôt noMem lusus seriaque ipie tua ?
Quid ? ai duntaxat Rome milii cognilus esses,
Adscitus totiea tu genus omue loci?
Cu ctaoe in fcqtu reos abierunl irrita ventoa?
Cunctane Letbcis merso fertintur aquis?
Non ego te genili m p'arida reor nrbe Quirini,
Orbe, meo quœjain non adeunda pede est :
Sed scopulis Ponti, quos hase habet ora, sinistri,
Inque feris Scylhis Sarmaticisque jugis :
Et tua sunt siliria circum pnecordia venat,
El rigidum terri seroina peclus babent :
Queeque tibi quondain tenero ducenda palato
Plcna (ledit nutrix uliera , tigris erat.
At mata nnstra ininusquam nunc aliéna pntasses,
Duritiacque inihi non agerere reus.
Sed quouiam accedil fatalibus hoc quoque daninis,
Ut careant nuineris lempora prima auis ;
Effire peccati ne sim memor bujua, et illo
Officium laudein, quo queror, ore tuum.
ELEG1A IX.
Detur inoffensa: metara tibi tangere vite,
Qui legis hoc nobis non inimicus opus.
que je forme aujourd'hui pour toi! Tant que
tu seras heureux, tu compteras beaucoup d'amis; si le temps se couvre de nuages, tu resteras
seul. Vois comme les colombes sont attirées
par la blancheur des édifices, tandis, que la
tour noircie par le temps n'est visitée d'aucun
oiseau. Jamais les fourmis ne se dirigent vers
les greniers vides : jamais les amis vers les prospérités évanouies. Comme notre ombre nous
accompagne fidèlement tant que nous marchons au soleil, et nous quitte si l'astre est sache par les nuages ; de même le vulgaire inconstant règle sa marche sur l'éclat de notre
étoile, et s'éloigne dès qu'un nuage vient à l'éclipser. Je souhaite que ces vérités te semblent
toujours des chimères ; mais ma propre expérience me force, hélas! à les reconnaître pour
incontestables. Tant que je fus sur un bon pied .
dans le monde, ma maison, bien connue dans
Rome, quoique simple et sans faste, fut assea
fréquentée ; mais, à la première secousse, tous
redoutèrent sa chute, et, d'un commun accord,
s'enfuirent prudemment. Je ne m'étonne pas
que l'on craigne la foudre, dont le feu gagne
tous les objets d'alentour ; mais César estime la
fidélité au malheur, lors même que celui à qui
l'on est fidèle est un ennemi de César, et il ne
s'irrite point (lui le plus modéré des hommes)
qu'un autre aime encore, dans l'adversité, ceux
Atqne utinam pro te possint mea vota valere,
Quaa pro me duros non te tige re deoa t
Donec eria felix, multos numerabis amicos :
Tempora si fuerint nubila , solus eris.
Adspicis , ut reniant ad randida tecta columbar ,
Aceipiat nullas sordida turris ares.
Horrea formicas teudunl ad inania nuiiquam :
Nullus ad amissas ibit amicus opes.
Utquecomes radios persolis eunlibus umbra ,
Quum lalet hic pressus nubibus, illa fugit ;
Mobile sic sequitur fortunée lumina vulgus :
Qua? siinul inducta nube teguntur, ahit.
Haie precor ut possint semper tibi falsa videri :
Sunt tamen evenlu vera fatenda meo.
Du m stetimus, turbffi quantum satia esset, habebat
Nota quidem, sed non ambitiosa donius.
At simul impulsa est; onines limuere ruinara,
Cautaque communi lerga dedere fugse.
Sicva nec admiror meluunt ai fulmina, quorum
lgnibus adfari proxima quaeque vident.
Sed tamen in duris remaiientein rébus amieum
Quainlibet inviso Cœsar in hoste probat;
Nec solet iraaci, neque eniui moderatior aller,
Quum quia in advenu, ai quid amavit, amat.
LES TRISTES.
qu'il aimait auparavant. Lorsqu'il sut la conduite d'Oreste, Thoas lui-même, dit-on, applaudit à Pylade ; Hector loua toujours l'amitié
qui unissait Patrocle au grand Achille. On raconte que le dieu du Tartare s'attendrit en
. voyant Thésée accompagner son ami aux enfers : en apprenant l'héroïque dévouement de
Nisus et d'Euryale, des pleurs, 6 Turnus!
on le peut croire, arrosèrent ton visage. Il est
une religion du malheur qu'on approuve même
jusque dans un ennemi ; mais, hélas! qu'ils sont
peu nombreux ceux que touchent mes paroles! Cependant telle est ma situation, telle est
ma destinée présente qu'elle devrait arracher
des larmes à tous les yeux.
Mais mon cœur, quoique flétri par mes propres chagrins, s'épanonit i ton bonheur ; j'avais prévu tes succès quand ta barque ne voguait encore que par une faible brise. Si les
vertus, si une vie sans tache ont droit à quelque
récompense, nul, mieux que loi, ne mérite de
l'obtenir; si quelqu'un s'est jamais signalé
dans les nobles exercices de l'esprit, c'est toi
dont l'éloquence fait triompher toute cause
qu'elle soutient. Frappé de tes éminentes qualités : c Ami, te disais-je alors, c'est sur un théâtre élevé qu'éclatera ton génie. » Et je ne consultais ni les entrailles des brebis, ni le tonnerre grondant à gauche (1), ni le chant ou le
vol des oiseaux ; la raison seule et un heureux
pressentiment de l'avenir furent mes augures.
De comité Aigolico poatquim cognovit Oresten,
Narratur Pyladen ipie probuse Thoas.
Que} fuit Actorida cum magno semper Achille,
Laudari solita est Hectoris ore fides.
Quod pius ad Mânes Theseus cornu isset amico ;
Tartareum dicuntindoluissedeum.
Enryali Nisique flde tibi, Turne, relata,
Credibile est lacrymis immaduisee gênas.
Est etiam miseris pictas, et in hoste probatur.
Heu t mihi quam paucos hase mea dicta moventt
Hic status, hœc rerum nunc ut fortuna mearum,
Début nt lacrymis nullus adnse modus.
At mea sinl proprio qnamvis mœstissima casu
Pectora ; profectn Tacts serena tuo.
Hoc tibi venturum jam tum, urissime, vidi,
Ferret adliuc istam cum minus aura ratem.
Sire aliquod morurn, seu vitas labe careutis
Estpretium; nemo pluris habendus erit.
Sive per ingenuas aliquis caput extulit artu ;
Qmelibet eloquio fit bona uusa tno..
His ego commotus, dixi tibi p rotin us ipsi :
Scena manetdotu grandis, amice, tuas.
HJBC mihi non otium fibre tonitrusve sinistri,
675
C'est ainsi que je conçus et que j'exprimai ma
prophétie; puisqu'elle s'est accomplie, je me
félicite, je te félicite de toute mon âme de ce
que ton talent ait échappé à l'obscurité. Ah!
plût au ciel que le mien y fût à jamais resté enseveli! Il eût été pour moi plus mile que mes
productions ne vissent jamais le jour ! car
autant, ô mon éloquent ami, l'art sérieux que
tu cultives t'a profité, autant mes études, bien
différentes des tiennes, m'ont été nuisibles!
Et cependant ma vie t'est bien connue !
Tu
sais que les mœurs de l'auteur sont restées
étrangères à cet art dont je suis le père, tu sais
que ce poème fut un amusement de ma jeunesse, et que, tout blâmable qu'il est, il n'est
toujours qu'un jeu de mon esprit d'alors. Si
ma faute ne peut, sous quelque jour qu'elle
apparaisse, être justifiée, je pense, du moins,
qu'on peut l'excuser. Excuse-la dune de ton
mieux, et n'abandonne pas la cause de ton ami.
Ton premier pas fut heureux; tu n'as plus
qu'à continuer ta route.
ÉLÉGIE X.
Je monte (ah! puissé-je monter encore!) un
navire placé sous la protection de la blonde
Minerve ; le casque de la déesse, qui y est peint,
Linguave serratte, pennave disit avis;
Augurium ratio est, et conjectura futuri :
Hac divinavi, notitiamque tuli.
Qua quoniam rata sunt, tota mihi mente tibique
Gratulor, ingenium non latuisse tuum.
At nostrum tenebris utinam latuisset in imis I
Expediit studio lumen abesse raeo.
(Jtque tibi prosuntartu, facunde, severa,
Dissimilu illis sic nocuere mihi,
Vita tamen tibi nota mea u t , scis artibns illis
Auctoris moru abstinuisse sui.
Scis vêtus hoc juveni lusum mihi carmen, et istn,
Ut non laudandos, sic tamen esse jocu.
Ergo ut defendi nullo mea posée colore,
Sic excusari crimina posée poto.
Qua potes excusa, nec aroiei duere uusam :
Quo pede cœpisJJ, sic bene semper cas.
ELEGIA X.
Est mihi, sitque precor, flava tuteU Minerva
Navis, et a pieta casside nonven habst.
43.
676
OV IDE.
lui a donné son nom. Déploie-t-on les voiles, tourna dans les eaux de l'Hellespont, et se diriil glisse au moindre souffle ,* agite-t-on les ra- gea successivement vers Dardanie (7), qui a conmes, il obéit aux efforts du rameur; non con- servé le nom de son fondateur; vers tes rives,
tent de vaincre à la course les autres vaisseaux ô Lampsaque (8), protégée du dieu des jardins !
qui l'accompagnent, il rejoint ceux qui l'ont vers le détroit qui sépare Sestos d'Abydos (9),
devancé au sortir du port; il résiste à la lame, canal resserré où périt la jeunefilleque portait
il soutient le choc des vagues les plus hautes, mal sa dangereuse monture ; de là, vers Cyziet, battu par les flots furieux, il ne faiblit ja- que, qui s'élève sur les côtes de la Proponlide,
mais. C'est lui qui, depuis Cenchrée (1), voisine Cyzique, célèbre création du peuple d'Hémode Gorinthe, où je commençai à en apprécier le nie; enfin, vers le Bosphore, porte majestueuse
mérite, fut toujours le guide et le compagnon qui s'ouvre sur les deux mers, et que domine
fidèle de ma fuite précipitée. Jeté au milieu de Byzance(lO). Puisse-t-il surmonter tous les obtant de hasards, et à travers des mers soule- stacles, et, poussé par le souffle de l'Auster, travées par les tempêtes, il est resté sain et sauf, verser victorieusement les mouvantes Cyagrâce à la protection de Pallas ; puisse-l-il enco- nées(ll), le golfe de Thynios, et de là, saluant
re, sain et sauf, franchir les bouches du vaste Apollonie, passer sous les hauts remparts d'AnPont, et entrer enfin dans les eaux qui baignent chiale, raser le port de Mésembrie, Odesse, la
les rivages des Gètes, le but de son voyage.
ville qui ledoitsonnom,ôBacchus(l2)! et celle
Dès qu'il m'eut conduit à la hauteur de la où des fugitifsd'Alcathoëfixèrent,dit-on, leurs
mer d'Hellé, petite-fille d'Éole, et qu'en tra- pénales errants; puisse-l-il, enfin, arriver heuçant un étroit sillon il eut accompli ce long tra- reusement à celte colonie (15), asile où me relèjet ('2), nous cinglâmes vers la gauche, et, laissant gue le courroux d'un dieu offensé.
la ville d'Hector (5), nous allâmes, ô lmhros(4),
S'il arrive à celte destination, j'offrirai, en
aborder à ton port ; de là, poussé par une brise actions de grâces, une brebis à Minerve ; une
légère aux rivages de Zérinthe (S), mon vaisseau, offrande plus riche est au-dessus de ma
fatigué, mouilla près de Samothrace, et c'est fortune.
jusqu'à cette île, d'où il n'y a qu'une courte
Vous qu'on révère encetleîle (14),filsdeTyntraversée (0) pour gagner Tempyre, qu'il m'ac- dare, soyez propicesà ce double voyage ( 15), car
compagna ; car alors j'eus la fantaisie de traver- l'un de nos vaisseaux se prépare à traverser le
ser par terre le pays des Bistoniens;pourlui,il groupe resserré des Symplégades, et l'autre à
Sire opus est velis, minimam bene currit ad aurain :
Sive opus est remo, rémige carpit iter.
Nec comités volueri contenta est vincere cursu :
Occupât agressas quamlibet ante rates.
Et patitur fluctua, ferlque adsilientia longe
/Equora, nec sa?vis vicia madescit aquis.
Hla Corintbiacis primum mihi cognita Cenchris
Fida manel trepidaa duxque comesque fuga?.
Perque lot eventus, et iniquis concita vends
itïquora , Palladio numine tuta fuit.
Nunc qmoque tuta, precor, vasti secetostia Ponli,
Quasque petit, Getici littoris intret nquas.
Quaa simul jEoIiœ mare me deduxit in Helles,
Et longum tenui limite fecit iter ;
Fleximus in laevum cursus, etab Hectoris urbe
Venimus ad porlus, Iinbria terra, tuos.
Inde levi vento Zerynlhia littora nartis
Threiciam tetigit fessa carina Samon.
Sallus ab hac terra brevis est Tempyra petenti.
Hac dominum tenus est illa secuta suum.
Nam mihi Bistonioa placuit pedecarpere campos :
Hellespontiaraa illa relegit aquas :
Dardaniamque petit auctoris nomen habentem .
Et te, ruricola, Lampsace, tutadeo.
Quaque per angustas maie vectaa virginis undas ,
Seslon Abydena séparât urbe fretuin ;
Hincque Propontiaris bxrcntem Cyiicon oris;
Oyzicon llœuionia; nobile gentis opus;
Quaque tenent ponli Byzantin littora fauces
Hic locus est gemini janua vasta maris.
Htec, precor, évinçât, propulsaque flaulibus Austris ,
Transeal installées slrenua Cyaneas,
Tbyniacosque sinus , et ab bis per Apollinis urbeui .
Alla sub Anchiali mania tendat iter :
Inde Mesembriacos poilus, et Odesson , ctarres
Praetereat dictas nomine, Baccbe, tuo :
Etquos Alrathoi memorant a inrenibus orlos
Sedibùs his profugum conslituisse larem :
A quibus adveniat Miletida sospes ad itrbcin ,
Olfensi quo me contulit ira dei.
Hanc ai conligerit, meritac cadet agna Minerve?.
Non fac.it ad nostras hostia major opes.
Vosquoque, Tyndaridac , quos haec rolit insula , fralres,
Mite, precor, duplici numen adeate visa.
Altéra namque parât Symplegadas ire per allas :
Scindere Bistonias altéra puppis aquas.
f8
LES TK1STËS.
677
sillonner les mers Bistoniennes ; faites que, vire, et ma main tremblante n'en traçait pas
dans leurs itinéraires si différents, ils aient l'un moins des vers tels quels. Maintenant encore (3)
l'Aquilon fait siffler les cordages tendus, et
et l'autre un vent favorable !
l'onde s'amoncelle en forme de voûte. Le pilote
même, élevant ses mains vers le ciel, demande
à sa prière les secours que la science lui refuse ;
ELEGIE XI.
partout à mes regards se présente l'image de
la mort; la mort que mon cœur incertain reToutes ces épitrcs (1), quelle que soit celle doute, et qu'il désire en la redoutant ; car enque tu viens de lire, ont été composées fin, si j'arrive au port, le port même est un
au .milieu des vicissitudes du voyage. L'A- objet de terreur pour moi, et la terre où j'asdriatique (2), pendant que je naviguais sur ses pire est plus à craindre que la mer qui me
eaux, me vit écrire celle-ci, lout transi des porte; je suis exposé en même temps aux emfroids de décembre; j'écrivais cène autre après bûches des hommes et aux caprices des flots;
avoir franchi l'isthme resserré par deux mers, le fer et l'eau me causent un double effroi ; je
et pris mon second vaisseau d'exil. Les Cy- tremble que l'un ne s'apprête à se rougir de
clades de la mer Egée, à leur grand éionne- mon sang, et que l'autre n'ambitionne l'honment sans doute, m'ont vu écrire des vers au neur de mon trépas. La population de la rive
milieu des terribles mugissements des flots. gauche du Pont est barbare, et toujours prête
Moi-même, aujourd'hui, je ne comprends pas à la rapine ; là régnent constamment le meurtre,
que ma verve ait triomphé de la double tem- le brigandage et la guerre. La mer même, au
pête de mon àme et de la mer. Qu'on appelle jour des tempéles les plus terribles, n'égale
celle passion de versifier idée fixe ou délire, point la turbulence de ces barbares.
toujours est-il que mon a me y puise des forVoilà bien des raisons pour obtenir ton inces dans son abattement. Souvent j'étais le dulgence, si, lecteur bienveillant, ces vers sont,
jouet des orages soulevés par les chevreaux ; comme ils le sont en effet, au-dessous de ton
souvent la constellation de Stérope rendait les attente. Ce n'est plus, comme autrefois, dans
flots menaçants ; le gardien de l'ourse d'Ery- mes jardins (4), ni les membres mollement étenmanthe obscurcissait le jour, ou l'Auster gros- dus sur tes coussins, ô lit délicat, mon siège
sissait de ses pluies les Ilyades à leur coucher ; ordinaire, que je les ai composés. Je suis, au
souvent la mer envahissait une partie du na- milieu d'un jour obscurci par l'orage, livré à
Vos facile ut venlos, loca cuin diversa petainns,
llla suos habeat, nec minus illa suos.
ELEG1A XI.
Litters quacuinquc est lolo libi Iccta libelle,
Est mihi sollicita! tempore fncta via}.
Aut hanc me, gelidi tremerem cuin mense Derembris ,
Scribentem mediis Adria vidit aquis :
Aut, postquam bimarem cursu superavimus Istlunon ,
Alteraque est nostrte sumpta cariua fugœ.
Quod facerem versus inter fera murmura punti,
Cycladas /Egœas obstupuissc puto.
Ipse ego mine mirer, tantis animique marisque
Fluclibus ingenium non cecidisse ineum.
Seu slupor huic studio, sive huic insania noinen ;
Omnis ab bac cura mens relevata mea est.
Sœpe ego nimbosis dubius jariabar ab Hœdis :
Sscpe minas Steropes sidere pontus erat,
Fuscabatque diem custos Erymantbidos Ursa-,
Aut Hyadas seris hauseral Auster aquis :
Ssepe maris pars intus erat; tamen ipse trementi
Carmina duceham qualiacumque manu.
Nunc quoquecontenli striduut Aquilone rudentes,
Inque inoduni tuniuli concava suigit aqua.
Ipse gubernator tollens ad sidéra palmas,
Exposcit votis, iininemor artis , opem.
Quocumque adspcxi, nibil est nisi mortis imago :
Quam dubia timeo mente , timensque precor.
Alligero portum, portu terrebor ab ipso.
Plus babet infesta terra timoris aqua.
Nam siinul insidiis bominum pélagique laboro,
Et faciunt geminos ensis et unda inclus
llle ineo vereor ne speret sanguine praedam :
H roc titulum noslrae mortis habere velit.
Barbara pars lu?va est avidae succincla rapinte ,
Quam erunret cœdes bellaque semper habent.
Quumque sit bihernis agitalum fluclibus tequor ,
Pectura sunt ipso lurbidiora mari.
Quo magis bis debes iguoscere, candide lector,
Si spe sinl, ut sunt, inferiora tua.
Non bar, in uostris, ut quondam , srribimus hortis ,
Nec , cunsucte, meum, leutule, corpus habrs.
38
678
OVIDE.
la longue de la mer indomptée, et mes tablettes elles-mêmes sont battues de flou azurés.
La tempête acharnée lutte contre moi, elle
s'indigne de ma persévérance à écrire au bruit
de ses terribles menaces. Eh bien ! que la tempête triomphe d'un mortel; mais, je le demande , qu'en même temps que je cesse d'é?
crire elle cesse aussi ses fureurs.
Jaclor in indomito brumali luce profundo :
Ipatqne cœruleis charta feritnr aqnii.
Improba pagnat hyema, indignaturque qneê anaim
Scribere, aerigidaaincutiente minaa.
Vincat hyema hominem ; aed eodem tempore, qucao,
Ipae modum atatuam carminia, illa aui.
44
LES TRISTES.
67Ô
BBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBSBBSBBBBBBBBBBBBeB
LIVRE DEUXIÈME.
Qu'ai-je encore à démêler avec vous, tristes
fruits de mes veilles, écrits infortunés? Moi
qui viens d'en être si cruellement victime,
pourquoi revenir aux Muses, qui m'ont
rendu criminel et qui sont la cause de ma
condamnation ? N'est-ce pas assez d'en avoir
.une fois porté la peine? Mes vers m'ont valu
cet empressement fatal que les hommes et les
femmes ont mis à me connaître; mes vers ont
attiré sur moi et sur mes mœurs la censure
de César (f), après qu'il eut enfin jeté les yeux
sur mon Art d'aimer. Effacez mes écrits, vous
effacerez tous mes crimes. Si j'ai été coupable,
je ne le dois qu'à mes vers ; telle a été la récompense de mes efforts et de mes veilles laborieuses. L'exil, voilà tout le fruit que j'ai
retiré de mon génie !
Si j'étais sage, je vouerais une juste haine
anx doctes Sœurs, divinités funestes à leur adorateur ! Eh bien, au contraire, je viens encore
une fois (tant mon mal est voi-in du délire I)
heurter du pied recueil où déjà je me suis bles-
sé ; semblable au gladiateur qui rentre en lice
après la défaite, ou au vaisseau qui, après son
naufrage, affronte encore la mer furieuse.
Mais peut-être, comme jadis l'héritier du
royaume de Teuihras, dois-je recevoir de la
même arme la blessure et la guérison; peutêtre ma Muse désarmera-t-elle la colère qu'elle
a provoquée. La poésie fléchit plus d'unefois
de puissantes divinités : César lui-même a
prescrit aux matrones et aux jeunes épouses
de chanter des vers en l'honneur de Cybèle
couronnée de tours (2). Il avait fait la même
prescription en l'honneur de Phébus, à l'époque
où il fit célébrer ces jeux (3) qui ne reviennent
qu'une fois dans chaque siècle. Puisses-tu, à
l'exemple de ces divinités, puisses-tu, César,
modèle de clémence, le laisser attendrir par
mes vers ! Ta colère est légitime, et je ne prétends pas ne l'avoir point méritée : je n'en suis
pas encore à ce degré d'impudence ; mais si je
n'avais pas été coupable, comment pourrais-tu
pardonner? mon malheur n'est qu'une occasion
Quid mihi vobiscnm est, infelix aura, libelli,
Ingenio perii qui miser ipae meo ?
Cur modo damnatas repeto, mea crimina, Musas?
An semel est pœnam tomineruisse parum ?
Carmina fecerunt, ut me eognoscere relient
Omine non fausto fœmina rirque, mea.
Carmina fecerunt, nt me moresque notant
Jam demutn inrisa Caesar ab arte meo».
Deme mihi studium ; rite qnoque crimina demes.
Acceptum refero rersibns, esae nocens.
Hoc pretium vitse rigilatorumque laborum
Cepimus : ingenio peena reperla meo.
Si saperem, doctas odissem j u n Sorores,
Numina cultori perniciosa suc
At nunc, lanla meo cornes est insania morbo,
Saxa memor refero rursos ad ista pedem :
Scilicet ut victus repetit glsdialor arenam,
Et redit in tumidas naufraga puppia aquaa.
Forsitan, utquondatn Teutbrantia régna teuesti,
Sic mihi res radem vuliiua opemque feret :
Musaque quam movit, motam qunque leuiel irana :
Exnrant magiioa carmina atepe deos.
Ipse quoque Ausoniaa Cœsar inalresque nnruaqua.
Carmina lurrigerœ dicere jusait Opi.
Jusaerat et Phœbo dici ; quo tempore ludot
Fecit, quo* eta» adapic.it una semel.
His, precor, exemplis tua nunc, mitisaime Caatar,
Fiat ab ingenio mollior ira meo.
Illa quidem jus ta est; nec me meruùse negabo :
Non adeo nostro fugit ab ore pudor.
Sad, niai peccasaem, quid ta concéder* postes?
Materism veniss sera tibi noatra dédit.
H
OVIDE.
d'exercer ta générosité. Si, toutes les fois que à toi tout entier. J'ai souhaité que ton entrée au
les hommes pèchent, Jupiter lançait ses fou- séjour des dieux fût longtemps différée (4), et
dres, il les aurait bientôt épuisées. Mais, quand mon humble prière s'est alors mêlée à celle de
il a fait gronder son tonnerre et épouvanté tout un peuple. J'ai brûlé l'encens en ton honle monde, il purifie l'atmosphère en la déga- neur, et mes vœux pour toi se sont confondus
geant de ses lourdes vapeurs. C'est donc à avec les vœux de la foule des citoyens. Diraijuste titre qu'on le nomme le père et le maître je que ces livres mêmes qui ont fait mon crime
des dieux, et que le vaste univers ne renferme glorifient ton nom en mille endroits? Jette les
rien de plus grand que lui ! Toi, qu'on appelle yeux sur mon ouvrage le plus important, mais
aussi le maître et le père de la patrie, imite encore inachevé, sur les fabuleuses métamorce dieu, dont tu partages les titres. Mais tu phoses qu'ont subies les êtres ; tu y trouveras
l'imites en effet, et jamais personne n'a tenu ton nom célébré (5), tu y trouveras de nombreux
d'une main plus modérée les rênes de l'empire. témoignages de mon dévouement. Ce n'est pas
Tu as accordé au parti vaincu un pardon que, que mes vers ajoutent un nouveau lustre à ta
vainqueur, il l'eût refusé; je l'ai vu combler renommée; elle est parvenue à une hauteur
d'honneurs et de richesses ceux dont le glaive telle qu'elle ne saurait s'élever au delà; mais
avait menacé ta tête, et le même jour milfinà il ne manque rien non plus à la gloire de Jula guerre et aux ressentiments qu'elle avait piter, et pourtant il aime à entendre chanter
allumés: les deux partis allèrent ensemble por- ses hauts faits, à exercer la verve du poète ;
ter leurs offrandes dans les temples, et si tes et lorsqu'on célèbre ses combats contre les
soldats s'applaudirent d'avoir vaincu l'enne- géants, sans doute qu'il n'est pas insensible au
mi, l'ennemi, de son côté, a sujet de s'applaudir plaisir de la louange. Il est, je le sais, d'autres
de sa propre défaite.
voix plus fécondes, plus éloquentes que la
Ma cause est meilleure, puisque je ne suis mienne pour te louer d'une manière digne de
accusé ni d'avoir porté les armes contre loi, toi, mais la divinité reçoit la fumée du moindre
ni d'avoir marché sous les enseignes de tes en- grain d'encens avec autant de plaisir qu'une
nemis. J'en atteste la terre, la mer et les dieux hécatombe.
du ciel, j'en atteste toi-même , dont la divinité
Ah ! qu'il fut barbare et acharné contre moi,
éclate ù nos regads ; mon cœur te fut tou- cet ennemi, quel qu'il soit, qui te lut les projours fidèle, prince illustre, et dans le fond duits licencieux do ma Muse.' 11 les lut sans
de mon âme, ne pouvant rien de plus, j'étais doute afin que les autres poésies, confidentes
680
S i , quoties peccant boulines, sua fulmina initiât
Jupiter, exiguo tempore inermis erit.
Hic ubi detouuit slrepiluque ex terni il orbem ,
Puruin disrussis aers reddiiaquis.
Jure igitur genitorque deum rectnrque vocalur .
Jure capax ruundus nil Jove m.ijus habel.
Tu quoque, ru m pal rite rector dicare paterque,
litere more dei nomen habentis idem,
idquc facis : nec te quiaquam moderatius unquam
Imperii poluit fraena leneresui.
Tu veniam parti superatœ sœpe dedisti,
Non eoncessurus qnam libi viclor erat.
Divitiis eliam multos et honoribus auctos
Vidi, qui tulcrant in raputarma Inum :
Quœque'dies bellum , belli tibi sustulit iram :
Parsquc simul templis ntraque dona tulit.
Utque tiius gaudet miles quod vicerit bostem ;
Sic, rictuin cur se gaudeat, bostis babet.
Causa inea est melior : qui, nec contraria dicor
Arma, nec hostiles esse secutus opes.
Per mare, per terras, per tertia numina juro.
Pcr te pricsentem conspicuumqtiu deum,
Hunr aniimun favisse libi, vir maxime: mcque
Qua sola potui, meute fuisse luum.
Oplavi peteres cœleslia sidéra tarde,
Parsque fui turbae parva preeaiilis idem.
Et pia tura dedi pro te : cumque omnibus uuus
Ipsc quoque adjuvi publics vota meis.
Quid referam libres illosquoque, crimina noalra,
Mille locis plenos nomiuis esse lui ?
Inspire majus opus , quod adhuc sine fine reliqui,
In non credendos corpora versa modos;
Invenies vestri prœconia nominis il lie : •
Invenies animi pignora mulla inei.
Non tua carminibus major fil gloria, necquo
Ut major fiât, cresrere possit, babet.
Fama Jovis superesl. Tamen buuc sua facta referri,
Et se materiam carminis esse juvat :
Cumque Gigantei memorantur pralia belli,
Credibile est lœlum laudibus esse suis.
Te célébrant alii quanto decel ore, tuasque
Ingenio laudes uberiore canunt.
Sed tamrn , ut fuso laurorum sanguine centuin ,
Sic capilur minimo luris honore deus.
Ali. férus , et nobis niinium crudeliter bostis,
Dt'lieins Icgit qui tibi cumque ineas !
78
LES TRISTES.
des hommages respectueux que je t'adresse,
trouvassent en toi un tuteur, un juge prévenu.
Mais une fois haï de toi, qui pouvait être mon
ami? Peu s'en fallut que je ne me haïsse moimême. Quand une maison ébranlée s'affaisse,
toute la pesanteur se porte sur le côlé qui penche; si les murs se crevassent, l'édifice entier
8'enlr'ouvre, et s'écroule enfin par son propre
poids. Ainsi mes vers ont attiré sur moi tout le
poids de l'animadversion générale, et la foule,
avec raison sans doute, m'a regardé du même
œil que toi.
Et cependant, il m'en souvient, tu approuvais mes mœurs et ma conduite, alors que tu
me faisais présent de ce cheval sur lequel je fus
passé en revue (6). Si ce témoignage de ta part
est sans valeur, il n'y a pas de mérite à faire son
devoir; du moins n'existait-il alors aucun grief
contre moi! Je n'ai point malversé quand on
m'a confié la fortune des accusés dans quelque
procès du ressort descentumvirs (7) ; j'ai statué
sur des affaires particulières (8) avec la même
équité et sans donner lieu à aucune récrimination,.et mon impartialité a même été reconnue
par la partie condamnée. Malheureux que je
suis! sans la dernière catastrophe qui m'a frappé, j'aurais pu vivre sous la sauvegarde de ton
approbation plus d'une fois manifestée : cette
catastrophe m'a perdu ; une seule tempête suffit à engloutir ma barque tant de fois échappée
au naufrage! et ce n'est pas seulement une
Carmiua ne noslris sic le renerantia libris
Judicio possinl candidiore legi.
Esse sed irato quis te mibi posset amicus?
Vix lune ipse mihi non inimicus erain.
Cuin cœpilqirassata domus subsidere, parles
In proclinatas omne renumbil on us :
Cunctaque fortuua rimam faciente debiscunl;
Ipsa suo qusedam pondère tracta ruunt.
Ergo bominum quœsituin odium mibi carminé : quaque
Dcbuit est vullus turba secula tuos.
Al, memini, vitamque ineam , moresque probabas
lllo quem dederas prœtereuntis equo.
Quod si non prodest, et bonesti glnria nulla
Iledditur, at nullum crimen adeptus eram.
Nec maie cominissa est nobis fortuna reorum ,
Lisquc decem decies inspicienda siris.
Res quoque privalas slatui sine crimine judex :
Deque mea Tassa est pars quoque vicia fide.
Me miscrum ! potui, si non extrema nocereul,
Judicio tulus non semel esse tuo.
Ulliina me perdunt : imoque sub «equore inergil
Incolumem loties una procella ralem.
fJSl
vague qui m'a maltraité, ce sont tous les
flots, c'est l'Océan tout entier qui a fondu sur
ma tête.
Pourquoi at-je vu ce que j'ai vu ? Pourquoi
mes yeux furent-ils coupables? Pourquoi n'aije mesuré toute l'étendue de ma faute qu'après l'avoir étourdiment commise? Ce fut par
mégarde qu'Actéon surprit Diane tonte nue,
il n'en devint pas moins la proie de ses propres
chiens : c'est qu'à l'égard des dieux, les crimes
même dus au hasard sont punissables, et que
l'offense involontaire ne trouve pas grâce devant eux. Du jour où je fus entraîné par une
fatalité aveugle, date la periede ma maison, modeste, mais sanstache... et encore, bien qu'elle
soit modeste, lui reconnait-on une ancienne illustration et une noblesse égale à toute autre.
Elle était d'ailleurs aussi peu remarquable par
sa pauvreté que par sa richesse, et telle qu'elle devait être pour qu'un chevalier n'attirât pas
sur lui les regards par l'un ou l'autre de ces
deux excès. Mais admettons que ma maison soit
humble à la fois et de fortune et d'origine, toujours est-il que mon génie la préserve de l'obscurité : et quoique j'aie gâté mon génie par
des exercices futiles, je n'en porte pas moins
un nom célèbre dans tout l'univers. La foule
des doctes esprits connaît Ovide, et ne craint
pas de le compter parmi ses auteurs favoris.
Ainsi s'est écroulée cette maison chère aux
Muses, abîmée sous le poids d'une seule faute,
Nec mibi pars nocuit de gurgile parva : sed oinnes
Pressera hoc fluctus, Oceaiiuaque caput.
Cur aliquid vidi ? cur noxia lumina feci ?
Cur iuiprudenti cognila culpa mihi est?
lnscius A citron vidit sine veste Dianam :
Prteda fuit canibus non minus il le suis.
Scilicct io superis etiam fortuna luenda est,
Nec veniam lasso numine casus babet.
Illa nainque die, qua me malus abslulit error ,
Parva quidem periit, sed sine labe , domus.
Sic quoque parva tamen , patrio dicatur ut savo
Clara, nec ullius nobilitate minor;
Et neque divitiis, nec paupertate notanda,
Undesit in neutrum couspiciendus eques.
Sit quoque nostra domus vel censu parva , vel ortu ;
Ingeuio certe non latet illa meo.
Quo videarquamvis nimium juveniliter usus,
Grande tamen toto nomen ab orbe fero.
Turbaque doctorum Nasonem novit, et audet
Non Tastiditis adnumerare viris.
Corruit hn?c igilur Musis accepta, sub uno ,
Sed non exiguo crimine, lapsa domus.
m
tm
OVIDE.
mais d'une faute grave; cependant, malgré sa
chute, elle peut encore se relever, si la colère de
César, après avoir suivi son cours,finitpar se
lasser.
Sa clémence a été telle dans le choix de la
peine qu'il m'inflige, que cette peine fut au-dessous même de mes appréhensions. La vie m'a
été accordée. Ta colère, ô prince si modéré
dans ta colère, n'est pas allée jusqu'à ordonner ma mort. Bien plus, comme si le bienfait de
la vie n'était pas un bienfait suffisant, tu n'as
pas confisqué mon patrimoine; tu n'as pas fait
décréter ma condamnation par un sénatus-consulte; un tribunal spécial n'a pas prononcé mon
exil, l'arrêt ( ainsi doit agir un prince) est sorti de ta bouche : tu as vengé loi-même, comme
il convenait de le faire, tes injures personnelles.
En outre, l'édit, tout terrible et tout menaçant
qu'il fût, est énoncé dans des termes pleins de
douceur. 11 ne dit pas que je suis exilé, mais relégué (9); msuriste destinée a été ménagée dans
la forme. Sans doute il n'est pas, pour quiconque a conservé le sens et la raison, de peine
plus cruelle que le remords d'avoir déplu à un
si grand homme ; mais la divinité n'est pas éternellement implacable. Quand les nuages sont
dissipés, le jour reparait plus pur ; j'ai vu un
ormeau qui venait d'être frappé de la foudre,
chargé ensuite depampres et de raisins. En vain
tu me défends d'espérer... je veux espérer toujours , en cela seul je peux te désobéir.
L'espoir me saisit tout à coup, quand je
songe à toi, 6 le plus doux des princes ; l'espoir
m'abandonne quand je songe à mon malheur.
Mais comme la fureur des vents qui se déchaînent et agitent la mer n'est pas incessante et
implacable, et que par intervalle elle s'apaise,
se tait, et sembleavoirperdu toute son énergie :
ainsi disparaissent et reviennent tour à tour mes
sollicitudes, et, soumises à des variations continuelles , tantôt elles me laissent, et tantôt me
ravissent l'espoir de te fléchir.
Par les dieux que je prie de te donner de
longs jours, et qui te les donneront pour peu
qu'ils aiment le nom romain, par la patrie que
tu mets, en bon père, à l'abri de tout danger et
de toute crainte, et dont naguère, mêlé à ses
enfants, je faisais encore partie, puisses-tu recevoir de l'empire le tribut d'amour qu'il doit à tes
actes et à tes intentions ; puisse remplir heureusement près de toi de longues années, Livie(lO),
seule femme digne de partager ta couche, et
sans laquelle tu serais condamné au célibat,
puisque tu ne pouvais en épouser aucune autre; puisse ton fils vivre longtemps sans te perdre et associer sa maturité à ta vieillesse dans le
gouvernement de l'empire ; puissent tes petitsfils, jeune constellation, suivre, comme ils le
font déjà, tes exemples et ceux de leur père;
puisse la victoire, jusqu'ici fidèle à tes armes,
suivre toujours ses étendards favoris, envelopper comme toujours de son aile protectrice le
Atque ea sic lapsa est, ut surgere, si modo lœsi
Ematuruerit Cœsarisira, queat.
Cujus in eventu pcenœ démentis tanta est,
Ut fuerit nostro lenior ira metu.
Vita data est, citraqne necera tua conslitit ira ,
U princeps, parce, viribus use tuis.
Insuper accedunt, te non adimente, paternce ,
Tanquam vita parum muneris esset, opes.
Nec mea decreto damnasti farta senalus,
Nec mea selecto judire jussa fuga est.
Tristibus invectus vcrbis, ita principe dignum ,
Ultus es offensas, ut decet, ipso tuas.
Adde quod edictnm quamvis immane, minaxque,
Attamen in pœnœ nomine lene fuit.
Quippe relegatus, non exsul dicor in illo :
Parcaque fortunae sunt data verba mes».
Nulla quidem sano gravior menlisque potenti
Pœna est, quam tanto displicuisse viro.
Sed solet interdum fleri placabile numen :
Nube solet puisa candidus iredies.
Vidi ego pampineis oncratam vitibus ulmum .
Quas fuerat sœvo fulmine tacts Jovis.
lpse licel sperare vêtes, sperabimus : seque
Hoc unum fleri te prohibente potest.
Spes mihi magna subit, cum te, mitissime princeps,
Spes mihi, respicio cum mea facta, cadit.
Ac veluti venlia agitantibus acquora , non est
ASqualis rabies , continuusque furor,
Sed modo subsidunt, intermissique silescunt,
Vimque putes illos deposuisse suam ;
Sic abennt rcdeuntque mei variantque timorés ,
Et spein placandi dantque organique tui.
Per superos igitur , qui dant tibi longa dabuntque
Tempora ; Romanum si modo nomen amant,
Per patriam , qna; te tuta et secura parente est,
Cujus ut in populo pars ego uuper erara;
Sic tibi, quem semper factis animoque mereris,
Rcddatur gratte debilus urbis amor.
Livia sic tecum sociales compleat annos ,
Quaj nisi te nulle, eonjuge digna fuit,
Quaa si non esset, cœlebs te vita deceret,
Nullaque, cui posscs esse marilus, erat ;
Soepite sic te sit natus quoque sospes : et olim
Imperium regat hoc cum seniore senex :
Utque tui faciunt, sidus juvénile, nepotes .
Per tua perque sui facta parentis eant :
168
LES TRISTES.
«85
chef des armées de Y Ausonie, et orner une fois
encore du glorieux laurier la chevelure du héros
par lequel tu diriges la guerre et les combats,
et auquel tu prêtes tes nobles auspices et le secours de tes dieux : de sorte que partageant pour
ainsi dire ta personne, d'une part, tu veilles sur
Rome, de l'autre tu portes la guerre en des contrées lointaines ! Puisse ce guerrier vainqueur
de l'ennemi revenir près de toi, et monter de
nouveau sur ce char glorieux traîné par des
coursiers parés de guirlandes !
Grâce, je t'en supplie ; dépose lafoudre,cette
arme terrible dont je connais trop bien la portée, pour mon malheur! Grâce, père de la patrie, et, ne démentant pas ce titre, ne m'ôte pas
l'espoir de t'apaiser un jour. Je ne demande
pas que tu me rappelles (quoique la générosité divine dépasse quelquefois nos vœux), mais
si tu accordes à ma prière un exil moins rude
et moins éloigné, tu auras beaucoup adouci la
rigueur de ma peine.
Jeté au milieu de populations hostiles, je
souffre tous les maux imaginables, et aucun
exilé n'est plus loin de sa patrie que moi : je
suis le seul confiné aux sept embouchures de
lister, sous l'influence de la glaciale Vierge
de Parrhasie. Entre les Jazyges, les Golchiens,
les hordesde Métérée, lesGètes, et moi, les eaux
du Danube sont à peine une barrière suffisante. Bien que d'autres aient été bannis par toi
pour des causes plus graves, nul ne l'a été à
une aussi grande distance. Au delà de ces lieux,
il n'y a que des glaces, et l'ennemi, et la mer
dont le froid condense les flots. C'est ici qu'expire la domination romaine, sur la rive gauche
du Pont-Euxin ; les Bastemes et les Sauromates sont limitrophes. C'est la dernière contrée
soumise à l'empire ausonien, à peine même en
est-elle la lisière.
C'est pourquoi, je t'en supplie, relègue-moi
dans un lieu plus sûr; que je n'aie pas à craindre ces populations, dont lister me garantit
mal, et que je ne puisse pas moi, ton concitoyen,
tomber aux mains de l'ennemi. Il serait impie
qu'un homme du sang latin portât les fers de
la barbarie, tant qu'il y a des Césars pour rempêcher.
Desdeux causes de ma perte, mes vers et une
offense involontaire, il en est une sur laquelle
je ne dois jamais entrer en explication. Mon
importance n'est pas telle que je doive rouvrir
tes blessures, César, et c'est déjà trop que tu
aies eu à souffrir une première fois. Reste l'autre grief qui consiste en une accusation honteuse, celle d'avoir impudiquement professé l'adultère. Les intelligences célestes s'abusent
donc aussi quelquefois! et il est tant de choses
indignes d'être connues de toi I Comme Jupiter , occupé des affaires du ciel et de ce qui
regarde les dieux, tu ne te prêtes guère aux
Sic assueta tais semper Victoria castris
Nunc quoque se prostet, notaque signa petat :
Ausoninmque daeem «olitis circumvolet alis :
Ponat et in nitida lanrea serta coma ;
Per quem bella geris, cujns nnnc corpore pugnas,
Auspicinm cni das grande, deosqne tuos ,
Dimidioqne tui presens es, et adspicis urbem,
Dimidio procnl es, sscvaque bella geris ;
Hic libi sic redeat snperato victor ab hoste ,
Inque coronatis fulgeat altus equis ;
Parce, precor : fulmenqne tunm, fera tela , reconde,
Heu! nimium misero cognila tela mibi I
Parce, pater patries : nec nominis immemor bnjus
Ûiim placandi spem mibi toile toi.
Non precor ut redeam : qnamvis majora petitis
Credibile est magnos stepe dédisse deos.
Mitius exsilinm si das, propinsqne roganli,
Pars erit e pcena magna levata mea.
Oltima perpelior, medios ejectus in hostes :
Nec qaisqnani patria longius exsul abest.
Soins ad egressus missns septemplicis Istri,
Parrbasiœ gelido Virginia axe premor.
Jasyges, et Colcbi, Metereaque turba, GeUeque .
Danubii mediis vix prohibentur aquis.
Gumque alii tibi sint causa graviore fugati ;
Clterior nnlli qnam mihi terra data est.
Longius bac nibil est, niai tantum frigns et hostie,
Et maris adstricto qasj coit nnda gela.
Hactenus Euxini para est Romana sinistré :
Proxima Basternte Saurontataaque tenant.
Ha?c est Ausonio sub jure novissima, vixqne
Hœret in imperii margine terra tui.
Onde precor supplex ut nos in tnta reloges ;
Ne ait cum patria pax quoque adempta mihi.
Ne timeam génies, quas non bene snmmovet Ister :
Neve tuus possiin civis ab hoste capi.
Fas prohibât Latio quemquam de sanguine natum
Catsaribua salvis barbare vincla pati.
Perdiderint cum me duo crimina, carmen et error ;
Alterius facti culpa silenda mihi.
Nam tanti non sum, rénovent ut tua vulnera , Ctesar,
Quem nimio plus est indoluisse semel.
Altéra para superest : qua turpi crimine tactus
Argnor obsoœni doctor adulterii.
Fas ergo est aliqua cœlestia pectora falli,
Et sunt nolitia mnlta minora tna ?
Ulque deos, cœlumque simul sublime tuenti,
Non vacat exiguis rébus adeste Jovi ;
21R
684
OVIDE.
humbles détails : ainsi, pendant que tucontemples le monde réffi par tapuissance, ce qui n'est
qu'accessoire échappe à ton coup d'oeil. Pouvais-tu, prince, abandonner ton poste de chef
de l'état pour lire quelques pauvres distiques?
Le poids de l'empire romain que supportent tes
épaules n'est pas tellement léger que tu aies le
loisir d'arrêter ta divine intelligence sur d'insignifiants badinages, et d'examiner de tes propres yeux le produit de mes délassements.Taniôt
c'est laPannonie, tantôt la frontière illyrienne,
qu'il faut dompter ; tantôt l'alarme vient de la
Rbétie ou de la Thrace soulevée ; tantôt l'Arménie demande la paix, tantôt le cavalier parthe rend d'une main tremblante ses arcs et les
étendards qu'il a prissur nous; tantôt le Germain
te retrouve rajeuni dans ton petit-fils, parce
qu'à lu place du grand César, c'est encore un
César qui lui fait la guerre. Enfin dans ce corps,
le plus gigantesque qui fut jamais, nulle partie
ne s'affaiblit. Rome agitée réclame aussi tous
tes soins pour le maintien des lois et la surveillance des moeurs que lu désires assimiler aux
tiennes. A toi seul manquent ces loisirs que tu
fais au monde, et des agressions successives
tiennent constamment ton génie en haleine.
Je serais donc bien étonné que, surchargé de
tant d'affaires, tu aies jamais parcouru mes futiles compositions; et si, par un bonheur pour
moi bien préférable, tu avais consacré un mo-
ment à cette lecture, tu n'aurais trouvé rien de
criminel dans mon Art d'aimer.
Ce n'est pas, j'en conviens, un livre empreint
de gravité et digne d'être lu par un si grand
prince : mais pourtant il ne renferme rien de
contraire aux lois et ne s'adresse pasauxdames
romaines. El afin que tu ne puisses pas douter
de sa destination, voici quatre vers du premier
des trois livres : « Loin d'ici, bandelettes légères (11), symbole de la pudeur, et vous, longues
robes, qui cachez aux regards le pied de nos
matrones ; je ne chante pas les amours illégitimes et défendus, mes vers ne seront pas criminels. » N'ai-je pas sévèrement exclu de mon
Art toutes celles que la bandelette et la robe
longue nous enjoignent de respecter?
Mais, dit-on, une matrone peut essayer de
cet Art destiné à d'autres, et céder à un penchant quil'entraine, bien qu'elle soit étrangère
à vos leçons. S'il en est ainsi, elle doit s'interdire toute lecture, car toute poésie peut être
pour elle une école de corruption. Quelque livre qu'elle prenne, si elle a du goùi pour le
vice, elle y aura bientôt façonné ses mœurs.
Qu'elle ouvre nos Annales, (je ne sache rien de
moins : ttrayant quece récit), elle y verra comment Ilia devint mère ; qu'elle ouvre encore ce
poëme dont le début est une invocation à la mère
des Romains (12), elle voudra savoir comment
l'aimable Vénus est cette mère ; je prouverai plus
A te pendentem sic dum circumspicis orbem ,
EtTugiunt curas inferiora tuas.
Scilicet imperii princeps stations relicta,
Imparibus légères carmiua facta modis ?
Non ea te moles Romani îiouiiuis urget,
Inque tuis humeris ta m levé fertur on us .
Lusibus ut posais advertere numen ineptis ,
Exculiasque oculis otia noslra tuis.
Nunc tibi Pannonia est, nunc illyris ora domanda :
Rhetica nunc prœbenl Tbraciaquc arma inetum :
Nunc petit Armenius pacem : nunc porrigit arcua
Parthus eques , timida caplaque signa manu.
Nunc te proie tua juveucin Germania sentit,
Bellaque pro magno Cassare Caisar obit.
Denique ut in tanto, quantum non exstitit uiiquam ,
Cnrpore, pars nulla est quœ labet imperii ;
Drbs quoque te, et leguin lassai tulela tuarum ,
Et morum, similes quos cupis esse luis.
Nec tibi contingunt, quie gentibus otia prœstas,
% Bellaque cuni multis irrequicta geris.
Mirer in boc igilur tantarum pondère rerum
Unquam te nostros evoluisse jocos.
At si, quod inalleui, vacuus ferlasse fuisses ,
Nullum legisses crimen in Arte m ta.
111a quidem fateor frontis non esse severa?
Scripla , nec a tanto principe digna legi :
Non tamen ideirco legum contraria jussis
Sunt ca : Romanas crudiuntque nurus.
Neve quibus scribam possis dubitare, libelles
Quatuor hos versus e tribus unus habet :
• Este procul, villa? tenues, insignepudnris,
Quseque tegis médius inslita louga pedes :
Nil, nisi legitiinum , concessaque furta , eanemus,
luque inoo nullum carminé crimen crit. »
Ecquid ab bac omnes rigide summovimus Arte
Quas slola contingi vittaque sumpla velat ?
Atmalrnna potesl alienis artibus uti ;
Quodque trabat, quamvis non doceatur, habet.
Nil igilur inatrona légat : quia carminé ab omni
Ad delinquendum doclior esse polest.
Quodcumque attigerit ( si qua est studiosa sinistri )
Ad vilinm mores instriiel inde suos.
Sumpseril Anuales , nihil est birsutius illis ,
Facta sil undc parens Ilia nempcleget.
Sumpserit, ASneadum grntlrix ubi prima ; requiret,
AEneadum genitrix unde sil aima Venus.
362
LES TRISTES.
681
loin, s'il m'est permis d'entrer dans ces détails, tous les portiques où l'on voit certaines femmes
que toute poésie peut corrompre les cœurs ; se promener et donner des rendez-vous à leurs
mais il ne faut pas conclure de là que toute lec- amants? Est-il un lieu plus saint que les temture poétique soit criminelle, car il n'est rien ples? Une femme les doit fuir, pour peu qu'elle
d'utile qui n'entraîne avec soi des inconvénients. soit possédée du génie du mal ; est-elle daos le
Quoi de plus utile que le feu ? cependant s'il temple de Jupiter, ce temple lui rappelle comprend envie à quelqu'un d'incendier une mai- bien de femmes ce dieu a rendues mères; vason, c'est le feu qui armera ses mains auda- t-elle un peu plus loin adresser ses prières à
cieuses. La médecine ôte quelquefois, et quel- Junon, elle songe aux nombreuses rivales qui
quefois donne la santé, mais elle indique les ont lait le tourment de celte déesse ; à la vue de
plantes qui sont malfaisantes et celles qui sont Pallas, elle demandera pourquoi la déesse vierge
salutaires. Le brigand et le voyageur prudent fit élever Érichlhonius, cet enfant né d'un crimarchent ceints d'une épée; mais l'un pour at- me; qu'elle entre dans le temple de Mars, ouquer, l'autre pour se défendre. L'étude de l'é- vrage de la magnificence (14),elle y verra, deloquence a pour but le triomphe de la justice, vant la porte, la statue de Vénus, près du dieu
et souvent elle protège le crime et accable l'in- vengeur (1,1) ; s'assied-elle dans le temple d'Isis, elle veut savoir pourquoi Junon l'a pournocence.
Si donc on lit mon poème avec impartialité, suivie dans la mer Ionienne et sur le Bosphore ;
on reconnaîtra combien il est inoffensif ; qui- Vénus lui rappellera Anchise; Diane le héros
conque y voit un sujet de scandale se trom- du Latmus; Cérès Jason. Tous ces monupe ou déshonore gratuitement mes écrits. ments peuvent consommer la perte de cœurs
Mais je suppose qu'ils soient dangereux, ces déjà corrompus, et cependanl ils restent tous
germes de corruption se retrouvent aussi intacts et solides sur leurs bases. Mais, dès la
dans les jeux de la scène : proscris donc les première page de mon Art d'aimer, écrit pour
spectacles, les divertissements qui sont la cause les seules courtisanes, j'exclus les femmes verde tant de désordres, une fois que les combats tueuses ; si l'une d'elles viole le sanctuaire malsont engagés sur le sol poudreux de l'arène; gré la défense du pontife, elle est responsable
proscris le Cirque, ce théâtre d'une liberté dan- des suites de sa désobéissance criminelle. Après
gereuse ( 13), où la jeu nefiIle se l rou ve assise côte tout, ce n'est pas un crime de feuilleter des
à côte avec un inconnu ; pourquoi ne pas fermer poésies galantes; une honnête femme peut
Penequar inferius , modo ai licet ordine Terri,
Posée nocere animis carminis omoe genus.
Non tamen ideirco crimen liber omnis babebit ;
Nil pmdest, quod non lœdere posait idem.
Igné quid utilius ? si quis (amen urere tecta
Comparât, audaces instruit igné manus.
Eripit interdum , modo dat medicina salutem ,
Quœque juvans monstrat, quooque sit herba nncens.
El lalro , et caulus prœcingitur ense viator :
11le sed insidias , bic sibi portât opem.
Discitur innocuas ut agat Tacundia causas :
Protegit hœc soutes, immeritosque preinit.
Sic igitur carmen, recta si mente legatur,
Constabit nulli posse nocere, meuin.
At quiddam vilii quicumque bine concipil, errât :
Et nimium scriptis arrogat illc meis.
lit tamen hoc Tatear : ludi quoque seinina prennent
Nequitiœ : tolli tota thealra jubé,
Peccandi causam qua> multis sœpe dederunt,
Ma r lia cum durum slernit areua soi uni.
Tollatur Circus , non lu ta licentia Circi est :
Hicsedet ignoto juncta puella viro.
Cum quœdam spatientur in hac, ut amatnr eadem
Conveniat, qnare portions ulla patet ?
Quis locus est leinplis augustior? bœc quoque vitet
In culpam si qua est ingeniosa suam.
Cum steterit Jovis œde ; Jovis sucrurret in aede
Quam multos maires feccritille deus.
Proui ma adoranli J unonia templa subibit,
Pellicibus multis indoluisse deam.
Pallode conspecta , natum de crimine virgo
Sustulerit quare quœrel Ericbthonium.
Venerit in magni templum, tua munera, Martis ;
Stal Venus ultori juncta viro ante fores.
Isidis œde sedens cur hanc Satnrnia quœret
Egeril Ionio Bosphorioque mari.
In Venere Anchises, in Luua Latmius héros,
In Cerere lasius, qui referatur, erit.
Ouinia perversas pnssunt corrumpere mentes ;
Stant tamen illa suis omnia tuta locis.
At procul a scripta solis meretricibus Arte
Siimmovet ingenuas pagina prima noms.
Quœcumque irrumpit quo non sinit ire sacerdos,
Protinus hœc vetiti criminis acta rea est.
Nec tamen est facinus versas evolvere molles :
Multa licet castœ non facienda Iegant.
508
OVIDE.
bien lire des choses qu'elle ne doit pas faire. peut-être même dois-je douter si j'ai une vocaSouvent la dame la plus fière voit des femmes tion suffisante pour la poésie légère, et si je
nues (16) prêtes à tous les combats de Vénus, et puis m'élever à ses modestes proportions ; mais
le chaste regard de la vestale rencontre la cour- si tu m'ordonnes de chanter les géants foutisane immodeste, sans que celui qui veille sur droyés par Jupiter, je succomberai à l'effort
la vierge sainte punisse ce hasard.
d'une pareille tâche. Il faut un génie sublime
Mais enfin, pourquoi ma muse est-elle si li- pour raconter les merveilleux exploits de Cécencieuse? Pourquoi mon livre invile-t-il à ai- sar, et maintenir le style à la hauteur du sujet.
mer? C'est un tort, c'est une faute manifeste, Et pourtant, si j'avais osé ! mais il m'a semblé
je ne puis qu'en convenir, et je me repens de que je profanerais sa gloire, et que, par un sace caprice, de celte erreur de mon imagination. crilège odieux, je compromettrais sa majesté.
Pourquoi n'ai-jepas plutôt, dans un nouveau Je revins donc au genre léger, à cette poésie
poème, renouvelé la guerre de Troie, qui jadis qui fait l'amusement de la jeunesse, et je pris
succomba aux attaques des Grecs? Pourquoi plaisir à émouvoir en mon cœur des passions
n'ai je pas chanté Thèbes et les deux frères s'é- factices. Que n'ai-je résisté à cette inspiration?
gorgeantl'un l'autre, et les sept portes de la cité, Mais ma destinée m'entraînait, et ma perte degardées chacune par un des sept chefs? Rome vait étreaussi l'œuvre de mon génie. Maudites
la belliqueuse m'offrait sans doute d'assez ri- soient mes études et l'éducation paternelle!
ches matériaux, et c'est un pieux travail que de maudite la première leçon de lecture qui a capcélébrer les gloires de la patrie. Enfin, parmi tivé mon attention! J'ai attiré sur moi ta haine par
les faits merveilleux dont tu remplis l'univers, cette fantaisie désordonnée, par cet art que tu
je pouvais, ô César, en choisir un pour le cé- regardes comme une provocation à l'adultère;
lébrer; et comme la lumière éblouissante du mais les femmes mariées n'ont point appris de
soleil attire nos regards, ainsi tes belles actions moi l'infidélité, et personne, d'ailleurs, ne peut
auraient dû séduire toutes les puissances de enseigner ce qu'il connaît à peine; ainsi, bien
que j'aie écrit des vers erotiques et galants, jamon âme.
Mon, ce reproche est injuste; le champ que mais ma réputation n'a été effleurée par la
je cultive est humble et modeste ; celui-là était moindre médisance, et il n'est aucun mari,
immense et d'une fertilité trop abondante. Une même de la plus humble condition, dont j'aie
nacelle ne doit pas se confier à l'Océan parce rendu la paternité équivoque. Mes vers sont
qu'elle vogue impunément sur un lac resserré ; loin de ressembler à ma vie; ma conduite est
Sœpe supercilii midis métrons severi,
Et Veneris liantes ad genus omue videt.
Corpora Vestales oculi meretricia rem un t :
Nec domino pœnœ res ea causa fuit.
At cur in nostra niuiia est lascivia Musa ?
Curve meus cuiqnam suadet amare liber?
Nil nisi peccalum manifestaque culpa fatenda est.
Pœnitet ingenii judiciique raei.
Cur non Argolicis potius que concidil armis,
Vexata est iterum carminé Troja meo?
Cur tacui Thebas, et mutua ruinera fratrum ?
Et septem portas sub duce quamque suo ?
Nec mibi materiam bellatrix Koma negabat :
Et pius est patrie farta referre labor.
Denique, cum meritis implereris omnia, César,
Pars mibi demultis una canenda fuit.
Dtque trahunt oculos radiautia lumina solis,
Traxissenl animum sic tua facta meum.
Arguor immerito, tenuis mihi campus aratur :
lllud erat magne fertilitatis opus.
Non ideo débet pelago se credere, si qua
Audet in exiguo ludere cymba lacu.
Forain et hoc dubitetn, nomeris lerioribus aptus
Sim satis , in parroa snfficiamque modos.
At si me jubeas domitos Joris igné Gigantas
Dicere, conantem debilitabitonus.
Dirilis ingenii est immania Cesaris acta
Condere, materia nesuperetnr opus,
Et tamen ausus eram : sed detrectare ridebar,
Quodque nefas, damno riribus esse luis.
Ad 1ère rursus opus, jurenilia carmins , veni,
Et falso mori pectus amore meum.
Non equidem rellem : sed me mea fala trabebant,
Inque meas pœnas ingeniosns eram.
Heu mibi ! quod didici I quod me docnere parentes,
Litteraqne est oculos ulla morata meos I
Hec tibi me invisum lascivia fecit, oh artes,
Quas ratns es retitos sollicitasse toroe.
Sed neque me nuptœ didicernnt farta magistro:
Quodque parum norit, nemo docere potes t.
Sic ego delicias, et mollis carmins feci,
Strinxerit utnomen fabula nulla meum.
Nec quisquam est adeo média de plèbe marital,
Ut duhius ritio sit pater ille meo.
Crede mibi, distant mores à carminé nostri.
Vita verecunda est, Musa joeosa mihi.
554
LES TRISTES.
687
sage, mais ma muse est un peu folâtre ; la plupartde mes ouvrages ne sont quefictionset mensonges ingénieux, qui ont beaucoup plus dit
que l'auteur n'eût osé faire. Mon livre n'est
pas l'écho de mon cœur, mais un divertissement honnête, dont le but, presque toujours,
est de charmer les veilles. Accius (17) serai tdonc
un être sanguinaire, Térence un parasite, tout
chantre des combats un homme belliqueux ?
Enfin, je n'ai pas seul chanté les tendres
amours, et pourtant je suis le seul puni ! Que
nous enseigne le vieillard de Téos(18),sicen'està
nous enivrer à la fois d'amour et de vin? N'estce pas des leçons d'amour que la lesbienne
Sapho donna aux jeunes filles? Cependant Sapho et Anacréon chantèrent impunément. Il
n'est rien non plus arrivé de fâcheux à toi, fils de
Battus (19), pour avoir fait si souvent tes lecteurs
confidents de tes succès. Il n'est pas une pièce
du divin Ménandre qui ne soit basée sur l'amour, et pourtant on le donne à lire aux jeunes
garçonsetaux jeunesfilles.L'Iliade elle-même,
qu'est-elle? une femmeadultèreque se disputent
et son amant et son époux. Le début du poème
n'est-il pas l'amour qu'inspira la fille de Chrysès, et la discorde que son enlèvement fait naître entre les chefs? L'Odyssée n'offre-t-elle pas
une femme, en l'absence de son époux, exposée aux obsessions amoureuses de nombreux
rivaux? N'est-ce pas Homère lui-même qui re-
présente Mars et Vénus surpris et enchaînés
sur la couche même du plaisir? Saurions-nous,
sans le témoignage de ce grand poète, que
deux déesses (,20)s'éprirent d'amour pour leur
hôte? Le genre tragique est le plus grave de
tous, et cependant l'amour en est le nœud et
l'intrigue. Cequi nous touchedaus/fippo/yte (21 )
n'est pas l'aveugle passion d'une marâtre; Canoce (±2) est célèbre pour avoir aimé?son frère ;
n'était-il pas guidé par l'amour, ce char traîné
par des coursiers phrygiens, et qui valut au fils
de Tantale, à l'épaule d'ivoire, la main de la
princesse de Pise? C'est le desespoir d'un
amour outragé qui porta une mère à tremper
le fer dans le sang de ses enfants; l'amour fil
changer tout à coup en oiseaux un roi, sa mattresse et celte mère qui pleure encore son cher
ltys ; sans l'amour incestueux qu'Érope inspira
à son frère, nous n'aurions pas vu reculer
d'horreur le char du soleil; jamais l'impie
Scylla n'eût chaussé le cothurne tragique, si
l'amour ne lui eût fait couper le fatal cheveu
de son père; lire Electre et la Folie d'Ore»ief
c'est lire le crime d'Egysthe et de la fille de
Tyndare. Que dirai-je du héros intrépide qui
dompta la Chimère, et que sa perfide hôiesse
fut sur le point d'immoler ? Que dirai-je d'Hermione et de la fille de Scbenée? de toi, prophétesse aimée du roi de Mycènes? Rappellerai-je Danaë, sa belle-fille, la mère de Bacchus,
Magnaque para opérant ntendax et Bêla meoram,
Plu» aibi permisit compoaitore auo.
Nec liber indicium eat animi : aed bonesta yoiuptas
Plurima mulcendia auribus apta refert.
Accius esset atrox : conviva Terentius eeaet :
Essent pugnaces, qui fera bella canunt.
Denique composui teneros non tolua a m ores :
Composito pœnas aolusamore dedi.
Quid uisi cum multo Vénèrent confuudere vino
Pracepit Lyriri Tela Musa senis?
Lesbia quid docuit Sappho, niai antare puellas?
Tuta tamen Sappbo, tutus et ille fuit.
Nec tibi, Battiade, nocuit, quod aatpe legenti
Delicias venu faseus es ipse tuas.
Fabula jurundi oulla est sine a more Menandri :
Et snlet bic pueris yirginibusqite legi.
lliaa ipsa quid est, niai turpis adultéra , de qua
Inter amalorom pugna virurnque fuit?
Quid prius est illicflantmaCbryseidoa? aut que
Feeerit iratos rapta pnella duces?
Aut quid Odyssea est, niai favraina, pmpler amorem,
Dum vir abest, multia una petits procis ?
Quia niai Maxtnides Venerem Martetnque ligatos
Narrât in obseœno corpora prenaa toro?
Dnde nisi indicio magni sciremus Homeri,
Hespitis igné duas incaluisse deas?
Omne genus scripti gravitate tragoadia vineit;
Hxc quoque materiam sentper amoris habet.
Nam quid in Hippolyto est, nisi cateat flantma novercae?
Nobilis est Ganace fratris amore sui.
Quid ? non Tantalides agitante Cupidine currus
Pisteam Phrygiis vexit eburnus equir?
Tingerei ut ferrum natorum sanguine mater,
Concitus a lasso fecit amore dolor.
Fecil amor subitas voluores cum pelliee regem
Quaeque suum lugel nunc quoque mater Ityn.
Si non /Eropen frater sceleratua amassât,
A versos aolia non legeremua equos :
Impia nec tragicos tetigisset Scylla colhuraos,
Ni patrium crinem desecuisset amor.
Qui legia Electran et egentem mentis Oreaten,
iEgysti rrimen Tyndaridoaque legia.
Nam quid de tetrico référant domitore Chimatrat,
Quem letbo fallax hnapita paene dédit?
Quid loquar Hermionen? quid te, Schœneta virgo,
Teque, Myeenaso Photbas amata duei?
iflt?
688
OVIDE.
Hémona, et cette amante pour laquelle deux
nuits n'en firent qu'une? Rappellerai-je le {rendre de Pélias, Thésée, et ce Grec dont le navire
aborda le premier les rivages de Troie? A
cette liste ajoutez Iole, la mère de Pyrrhus,
l'époused'Hercule, Hylaset Ganymède.
Le temps me manquerait si je voulais énumérer tous les amours de la scène tragique, et
les seuls noms des acteurs pourraient à peine
être cités dans mon livre; la tragédie est même
quelquefois descendue à des bouffonneries obscènes, et elle offre beaucoup de passages où
la pudeur n'est pas respectée. L'auteur qui a
peint Achille efféminé n'a point été puni pour
avoir avili, dans ses vers, un caractère héroïque; Aristide (iô)afaitle tableau des vices reprochés aux Milésiens, et n'a pas été, pour cela,
chassé de sa patrie. Ni Eubius, auteur d'un infâme traité, qui apprend aux mères les secrets
del'avortemeut; ni cet autre, qui naguère composa ses livres sybarites ("24); ni enfin ces femmes qui ont proclamé leurs turpitudes (25), ne
furent exilés; tous cesouvragessontconfondus
avec les chefs-d'œuvre de nos grands écrivains,
et mis à la disposition du public par la libéralité de nos généraux (2(3).
Et, pour ne pas me défendre seulement par
des armes étrangères, je citerai la littérature
romaine, qui compte aussi plus d'une œuvre
erotique. Si, pour chanter la guerre, Ennius
trouva de si mâles accents, Ennius, génie sublime, mais sans art ; si Lucrèce développa les
causes de l'activité du feu, et prophétisa l'anéantissement des trois éléments de la créalion , d'autre part, le voluptueux Catulle célèbre sans cesse la beauté qu'il désigne sous
le faux nom de Lesbie ; et, non content dé cet
amour, il nous en révèle plusieurs autres et
avoue même ses passions adultères. Tel fut
aussi Calvus, ce nain licencieux qui s'accuse en
mille endroits de ses heureux larcins. Parleraije des poésies de Titillas, de celles de Memmius,
où la pensée et l'expression sont également impudiques? Cinna est dans la même catégorie; Anser (z7) est plus déhonlé que Cinna. Et les poésies légères de Cornificius ! et celles de Caton !
et ces vers où l'on voit, proclamée sous son vrai
nom, Métella, désignée d'abord sous le pseudonyme de Périlla. Le poète qui a guidé le navire Argo dans les eaux du Phase n'a pu taire
non plus ses conquêtes amoureuses; les vers
d'Hortensius et ceux de Servius ne sont pas
plus réservés. Qui pourrait craindre d'aborder
ce genre sous l'autorité de ces noms? Sisenna (28), traducteur d'Aristide, n'a pas été puni
pour avoir mêlé des badinages immoraux à ses
travaux historiques; et ce qui a déshonoré Gallus (2iJ), ce n'est pas d'avoir chanté Lycoris, mais
bien de s'être laissé aller à l'indiscrétion sous
l'influence de l'ivresse.
Quid Dana en, Danaique nurus, matremque Lyeei?
Hœmonaque, et noctes quœ colère dua»?
Quid generum Peliœ? quid Thesea? quidre Pelaagum
lliacam tetigit qui rate primus liumum?
Hue Iole, Pyrrhique pareils, hue Herculis uxor,
Hue accédai Hylns, lliadesque puer.
Tempore deficiar, tragicos ai persequar ignés,
Vixque meus capiet Domina uuda liber.
Est et in obscœnos défie» tragœdia risus ,
Multaque praeterili verba pudoris habet.
Nec nocet auctori, mollein qui fecit Achilleui,
Infregisse luis fortia facta niodis.
Jnnxit Aristides Milesia crimina secum :
Pulsua Arislides nec tainen urbe sua.
Nec, qui desrripsilcorrumpi semina matrum,
Eubius, impurs: condilor bistoriae.
Nec, qui composuil nuper Sybaritida, fugil :
Nec qui concubitus non lacuere suos.
Suntque ea doctorum monumentis mista virorum,
Muneribusque ducum publics facta patent.
Neve peregrinis tantum defendar ab armis ;
Et Romanus habet multa jocosa liber.
Utqne sno Mariera cecinit gravis Ennius ore ;
Ennius ingenio maximus, arle rudis;
Explirat ut causas rapidi Lucretius ignis,
Causarumque triplex valicinaturopus;
Sic sua lascivo rantala est saape Calullo
Fœmina, cui falsum Lesbia nomen erat.
Nec contentus ea, mullos vulgavit amores,
In quibus ipse suuni fassus adullerium est.
Par fuit exigui similisque licentia Calvi,
Detexit variis qui sua fur (a modis.
Quid referam Ticidœ, quid Memml carmen , apud quos
Rébus adest nomen, nominihusque pudor?
Cinna quoque his cornes est, Cionaque procacior Anser.
Et levé Cornificl parque Catonis opus.
Et quorum libris modo dissimulais Perillse
Nomine, nunc legilur dicta , Metelle, tuo.
Is quoque Pbasiacas Argon qui duxil in undas,
Non potuit Veneris furta lacère sus.
Nec minus Hortenst, nec sunt minus improba Servi
Carmins : quis dubitet nomina tanta seqni?
Vertit Aristiden Sisenna : nec obfuit illi
Historiée lurpes inseruisse jocos.
Nec fuit opprobrio célébrasse Lycorida Gallo,
Sed lingnam nimio non tenuisse inero.
446
LES TRISTES
689
Il paraît difficile à Tibulle de croire aux ser- heureusement sillonnées par tant de barques,
ments d'une maltresse, puisque c'est aussi par la mienne seule dût faire naufrage.
des serments qu'elle nie au mari son infidélité.
D autres ont donné des traités sur les jeux de
11 déclare lui avoir enseigné à tromper un ja- hasard (30) ; grande immoralité aux yeux de nos
loux, mais qu'il est maintenant la dupe de ses ancêtres! Là on apprend la valeur des ossepropres leçons. Use rappelle que souvent, sous lets (31 ), là manière de les lancer pour amener le
prétexte d'admirer la pierre ou les diamants de plus fort point et éviter le chien fatal (•«); le chifsa maîtresse, il lui pressa la main; que, par un fre de chaque dé (33), comment il faut les jeter
signe du doigt ou de la tête, il se faisait com- quand on désire tel ou tel chiffre,et les combiner,
prendre d'elle, ou qu'il traçait sur sa table ar- pour atteindre le nombre gagnant. Là v on aprondie des caractères mystérieux. Il indique prend comment vos soldats, de couleurs difféles liqueurs qui ravivent le teint flétri par de rentes,doi vent longer de près les bords du champ
mordants baisers; enfin, il adjure l'époux, sur- de bataille, parce que toute pièce engagée au miveillant malhabile, de lui conserver son poste, lieu risque d'être enveloppée par deux ennemis;
s'il veut mettre un frein aux infidélités de sa l'art de soutenir la première pièce et d'assurer
femme. Il sait à qui s'adressent ces aboiements sa retraite qu'elle ne pourrait opérer seule. Sur
quand il rôde tout seul ; il sait pourquoi la une surfaceélroite (34) sont disposés deux rangs
porte reste fermée quoiqu'il ait toussé plusieurs de trois petites pierres; celui-là gagne la partie
fois; il donne mille préceptes de cette sorte de qui peut maintenir ses trois pierres de front. Il
supercheries, et il n'est pas de ruses qu'il n'en- est enfin une foule d'autres jeux (je n'en veux
seigne aux femmes pour tromper leurs maris. pas ici épuiser la liste) qui ont pour but la
De tout cela on ne lui fit pas un crime; Tibulle perte du temps, ce bien si précieux. Tel autre
est lu, il charme tout le monde, et sa réputa- encore chante la paume et la manière de la
tion était déjàflorissantelors de ton avènement lancer (35) ; celui-ci enseigne la natation, celuiau pouvoir. Le même esprit règne dans les là , le jeu du cerceau (36) ; cet autre, l'art de se
œuvres du tendre Properce, et la censure ne farder. L'un règle les repas et l'étiquette des
l'a pas noté de la moindre infamie.
réceptions; l'autre nous apprend quelle est la
Voici doncquelssont mes devanciers (puisque terre la plus propre à des ouvrages de poterie,
la bienséance exige que je taise les noms il- et quels sont les vases qui conservent au vin sa
lustres des écrivains vivants ) : je ne crai- pureté. Voilà les passe-temps qui sentent la fugnais pas, je l'avoue, que dans ces mêmes eaux, mée du mois de décembre, et aucun de ces
Credere juranti durum putat esse Tibullu»,
Sic etiam de se quod neget illa vira.
Fallere cnstotlem demum docuisse fatetur,
Seqne sua raiieruin nunc ait arte premi :
Sape relut geiumam domina! signumve probarel,
Per causant nteminilse tetigisse nianum.
Utque refert, digitis sscpe est nuluque locutus,
Et tacitam mensœ duxit in orbe notant :
Et quibus e succis abeat de corpore livor,
linpresso, fieri qui solet, ore, docet.
Denique ab incaulo nitnium petit ille tnarito,
Se qnoque uti servel, peccet ut illa minus.
Scit cui iatrelur, cum solus obatnbulat ipse :
Curloties clausas exscreet aille fores :
Multaque dat furti talts prœcepla : docetque
Qua nuplsa possint fallere ab arte vires.
Nec fuit hoc ilti fraudi, legiturque Tibullus,
Et placet : et jam te principe notus erat.
Invenies eadem blandi prœcepta Propertl :
Districtus minima nec tamen ille nota est.
His ego successi : quoniam prsestantia candor
Nontiua vivorum dissimulare jubet.
Mon timui, fateor, ne qua toi iere carinv,
T. IV.
Naufraga, servatis omnibus, una foret.
Sunl aliis soripuc, quibus aléa luditur, artes.
Hœc est ad nostros non levé crimen avos.
Quid valeant tali; quo possis plurima jactu
Figere, damnosos effugiasve canes.
Tessera quoi numéros habeat : distante vocato,
Mittere quo deceat, quo dara missa modo :
Discolnr ut recto grasse tu r limite miles,
Cum médius gemino calculus hoste périt;
Ut mage velle sequi sciât, etrevocarapriorem ;
Me tuto fugiens incomitatus eat.
Parva sedet ternis instrurta tabella lapillis,
In qua vicisse est, continuasse suos.
Quiquc alii lusns, neque enim nunc persequar omnes,
Perdcre, rem caram, tempora nostra soient.
Ecce canit formas alius jactusque pilarum :
Hic arlem nandi prsecipil : illetrochi.
Composite est aliis fucandi cnra coloris :
Hic epulis leges hospitioque dédit.
Aller humum, de qua fiugaulur pocula, inonstrat:
Qutcque docet liquido testa sit opta mero.
Talii fuinosi luduntur mense decembris,
Qita> datnno nnlli composuisse fuit.
492
44
OVIDE.
090
traités n'a été préjudiciable à son auteur. mœurs, le choix de mon sujet mérité un cn'f- '
Séduit par ces exemples, j'ai fait des vers lé- timent moins sévère. Est-ce à dire que lé prigers , mais ce plaisir a été sévèrement puni. vilège théâtral assure l'impunité à tout ce èjoi
Enfin, parmi tant d'écrivains, je n'en vois pas le touche, et que la scène autorise toute licence"
un seul que son imagination ait perdu : on ne dans ceux qui l'exploitent? Mais alors mon Atï
cite que moi ! Que serait-ce si j'avais écrit des lui-même a fourni le canevas d'nn ballet pumimes pour ces représentations obscènes dont blic (38), et il a souvent captivé tes regards.
l'intrigue est toujours un amour criminel, et
Si vous placez dans vos palais les portraits Fié!
où l'on voit toujours un séducteur impudent, et vos aïeux, œuvres brillantesde quelques grands)
une épouse rusée qui se joue d'un mari trop maîtres, il s'y trouve bien aussi quelque pari
crédule? A ce spectacle viennent pourtant la telle ou telle miniature représentant des puptt*
jeunefille,la mère de famille, le mari, les en- d'amour et des scènes voluptueuses. iT«M
fants; la majeure partie du sénat y assiste, et voit ici Ajax dont les traits respirent la fdrêflf j
là, non-seulement l'oreille est souillée par des et là cette mère barbare qui porte le crime dans
paroles incestueuses, mais la vue s'y familiarise ses yeux; plus loin on voit Vénus exprhHHlt
encore avec le scandale. Une femme a-telle usé l'eau de la mer de sa chevelure humide (39), •
d'un nouvel artifice pour leurrer son époux, et couverte encore de l'onde qui lui donna te
on l'applaudit; on lui décerne la palme avec jour.
enthousiasme ; mais, ce qu'il y a là de plus dan- D'autres chantent la guerre et les bataillons
gereux, c'est que l'auteur de cette pièce crimi- hérissés de piques sanglantes; quelques-uns les
nelle est payé grassement, et le préteur l'achète exploits de tes ancêtres ou les tiens. Pour moi ',
au poidsde l'or (37). Calcule toi-même, Auguste, la nature jalouse m'a fixé des bornes jiual
les dépenses des jeux publics: tu verrasque des étroites, ne m'a donné qu'un faible génie. Tdtfpièces de ce genre t'ont coûté cher. Tu en as tefois l'heureux auteur de ton Enéide a fait réfait toi-même ton spectacle et le spectacle des poser le héros et ses armes sur la couche de la
autres, tant la grandeur en toi s'unit toujours princesse tyrienne; et c'est l'épisode dé cet
à la bonté! Tu as vu enfin, tranquille, et de amour illégitime qu'on lit avec le plus d'avidité.
cet œil qui veille sur les intérêts du monde, ces Le même poëte,dans sa jeunesse (40),avaftè1lÉs<-'
représentations de l'adultère ! S'il est permis té les amours pastorales de Phyllis et de la tendre
d'écrire des mimes qui retracent de si honteuses Amaryllis ; et moi aussi, j'avais pris, il y a long-
ci is ego deceplus, non trislia carmina feci ;
Sed tristis nostros pœna secuta jocoa.
Denique nec video de tôt scribentibua unnm ,
Quem sua perdiderit Musa : repertua ego.
Quid si scripaiaaem mimos obacœna jocanles,
Qui aemper ficti crimen amoris habent
In quibus assidue eultus procedit adulter,
Verbaque dat atullo callida nupta viro.
Nnbilis boa virgo, matrouaque, virque, puerque
Spectat, et ex magna parte Senatus adeat.
Née aatis iuceslis temerari vocibua aurea :
Adauescunt oculi mulla pudenda pâli.
Cumque fefellit amans aliqua novitate maritum,
Plauditur : et magno palma favore datur.
Quodque minus prodest, pœna est lucrosa poètes :
Tantaque non parvo crimina prastor émit.
Inapice ludorum aumptua, Auguste, tuorura :
Empta tibi magno talia multa legeav
Hase tu apectaati, speclandaque aaspe dedisti.
Majestés adeo comis ubique tua est.
Luminibusque luis, totus quibus utitur orbis,
. ficenica vidiiti lenlua adulteria.
Scribere ai faa est imitantes torpia mimos,
Materiaa minor est débita pœna mess.
An genua hoc scripti facinnt sua pulpita tntam,
Quodque libet, mimia scena lieere dédit?
Et mea sunt populo aaltata poemata aaspe :
Sajpe oculoa etiam detinuero tuoa.
Scilicet in domibus vestris ut prises virorum
Artiflci fulgent oorpora picta manu ;
Sic quœ concubitua varios Venerisque figuras
Exprimat, est aliquo parva tabella loco.
Utque sedet vultu faasus Telamonius iram,
Inque oculia facinus barbare mater habet ;
Sic madidos siccat digitis Venus uda capillos,
Et modo maternis tecta videtur aquia.
Bella aonanlalii telis inatructa cruentia,
Parsque tui generis, para tua facta oanunt.
Invida me apalio natura coercuit arcto,
Ingeuio vires exiguasqne dédit.
Et tamen ille tuai felix iEneidos auctor,
Contulit in Tyrios arma virumque tords:
Nec legilur para ulla magiade corporetoto,
Quam non legitimo fœdere junctua amor.
Phyllidis hic idem teneraaque Amaryllidia igné*
Bucolicia juvenia Insérât ante modia.
35«
691
LES TRISTES.
temps (41), la môme liberté dans un de mes dernier livre, eeheasurtoui où, après avoir pris
poèmes, et une faute qui n'était pas nouvelle su- le monde à son berceau, j'arrive, César, à ton
bit aujourd'hui un châtiment nouveau. Mes vers époque. Tu y verras quelles inspirations je
étaient déjà publiés lorsque, dans l'exercice de ta dois à ton nom et avec quel enthousiasme je glocensure, tu m'as si souvent laissé passer comme rifie toi et les tiens 1
un chevalier irréprochable. Ainsi ces vers, dont
Jamais je ne déchirai personne par une morje n'augurais rien de fâcheux pour ma jeunesse, dante épigramme (43); mon vers ne sut jamais acfont aujourd'hui le malheur de ma vieillesse ; cuser personne. Naturellement bon, j'abhorrai
une vengeance tardive frappe ce livre d'une toujours la raillerie amère, et ne lançai dans
date déjà ancienne, et la peine n'a suivi la faute aucun de mes écrits des traits empoisonnés.
Parmi tant de milliers de citoyens et tant de
que longtemps après.
Ne crois pas cependant que mes œuvres milliers devers, je suis le seul, hélas ! que ma
soient toutes aussi dissolues ; ma barque a sou- muse ait blessé ; aussi j'aime à croire que pas
vent déployé de plus larges voiles. J'ai fait la un de mes concitoyens ne s'est réjoui de mon
description des Fastes en six livres, et chacun infortune, et que plusieurs y ont compati.
d'eux se termine avec le mois qu'il embrasse; Jenesaurais admettre que quelqu'un ait insulté
mais cet ouvrage, César, que j'avais commencé à ma détresse, pour peu que ma candeur et mon
sous tes auspices, et que je t'avaisdédié (42), mon ingénuité méritent des égards.
Puissent ces motifs et d'autres encore fléchir
malheur est venu l'interrompre. J'ai fait aussi
monter sur la scène les rois chaussés du co- ta divinité, ô père de la patrie, son amour et
thurne tragique, et l'expression a la gravité qui sa providence. Je ne demande point mon rapsied au cothurne. J'ai décrit encore, quoique je pel en Italie (si ce n'est un jour peut-être, quand
n'aie pu meure la dernière main à cet ouvrage, la durée de mou supplice t'aura désarmé),
les Métamorphoses des êtres. Puisses-tu, reve- mais un exil moins dangereux et plus trannant à des dispositions plus indulgentes, te I quille (44), afin que la peine soit proportionnée
faire lire, dans tes loisirs,quelques pages de ce I au délit.
Nos quoque; jam pridem scripto peccavimns uno,
Supplicium patitur non nova cnlpa novnm.
Carminaque edideram, cum te delicta notantem
Praterii loties jure quietus eqnea.
Ergo, quœ juveni mitai non nocitura pntavi
Scripta parum prodens, nnnc nocuere seni ?
Sera redundavit veleris vindicte Iitaelli,
Distat et a meriti tempore pâma sui.
Ne tamen omne meum credas opus esse remissnm ;
Sape dedi nostrœ grandis vêla rati.
Sex ego Fastornm scripsi totidemque libellos,
Cumque suo finem mente volumen habet.
Idque tuo nuper scriptum mb nomine, Cœsar,
Et tibi sacratnm sort mea rupit opus :
Et dedimus tragicis scriptum regale coltaurnis :
Qnaque gravis débet verba cothurnas habet.
Dictaque sunt nobis, quamvis manut ultima coapto
Défait, in faciès corpora versa novas.
Atque utinaro revoces animum paulisper ab ira ,
Et vacuo jubeas bine tibi panca legi I
Panca , quibus prima surgens ab origine mundi,
In tna deduxi tempora, Cœsar, opus :
Adspicias quantum dederis mitai pecloris ipse,
Quoque favore animi teque tuosque canam.
Non ego mordaci destrinxi carminé quemquam,
Nec meus ullius crimina versus habet.
Candidus a salibus suffusis felle refugi :
ISulla venenato litera mista joco est.
luter tôt populi, tôt scripti millia nostri,
Quem mea Calliope lœserit, unus ego.
Non igitur nostris ullum gaudere Quiritem
Auguror, at multos indoluisse, malis.
Nec mitai credibile est quemquam insultasse jacenti :
Gratis candori si qua relata meo est.
His precor, atque aliis possint tua numina flecti,
O peter, o patriœ cura salusque tua.
Non ut in Ausoniam redeam, nisi forsitan olim,
Cum Iongo posnœ tempore victus eris :
Tutius exsilium, pauloque quietius oro ;
Ut par delicto ait mea pœoa suo.
,178
44.
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ksrv i b «SÎ8Ô8 ; « 8 s a l a g e ssèîse, l i e - s < " i a;» s^s88sie\ ibâs-sx-ai ixa. sKwx se ds8svw«e
d'SiS8ΫSÎ?S*»8«kî88|:>8î-ïïi5«88SY88>S5;8 ' iivl*"' s<jS i!« «es* s^-ssxs-à mois s-<be. SJSSV *xb»x88s>
iiki iVssdssssm! ei la ïïmiûm O s sxs. * ^ x - passàsiV ;a! Ss-sa s.b k ssaissbi bsiàb-Sies bsiîss^
s«bs 88|XiiY«8t i|8« F«i5ïg885SÎ8 ife b : i y - -\ Si J8 i» sSîssx gSS8isgiSjksssWsk\8SSJX8Siis«à4s
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8kss8ys5iekWg!J8dsjvj>v3|8. Ssji. » m \ i si<- i 8 N«s\ es b v o b »8! «iîsprs8ii> «ssa îSSSS S ev
bkiesai vebe.deJ'h8sb<is«feif8 5Ss H « * }*s* !^! - ;b'«u<n xx! !<•»*>•' v«kî bSs'sssijîxSiWssSx^bsi
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Stex xsiaisssa sssx dxxïSSxS xi obi !>^ss i
ixxssîp ««xi sxïsïiéîsi : bSe Ssb e8s. Snxb es-f• •<
dtmrn» bsXsaabiiSiixiSipaxxis essxbxspx sisxâ SSïSïSS Y à p p b e PiP'iP : iisii
bssbbkipliil;»'• bépÉiiSSï:k|i|8ssi!!* 5* s •
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,XX-
LES TRISTES.
693
prenant à droite, « Voici, dit-il, la porte Palatine 1,5), voilà Stator, voilà le berceau de Rome.»
Tandis que tour à tour j'admire chaque merveille , l'éclat des armes qui décoraient un portique, et l'architecture digne d'un dieu attirent
mes regards. « Serait-ce là, m'écriai-je, la demeure de Jupiter? > Ce qui me suggérait cette
conjecture, c'était la vued'unecouronnedechéne.Dèsquej'en connus le maître : « Je neme suis
pas trompé, repris-je, c'est bien réellement la
demeure du grand Jupiter. Mais pourquoi ce
laurier qui masque l'entrée, et enveloppe de
son feuillage épais les portes de ce séjour auguste? Est-ce parce que cette maison a mérité
les honneurs d'un éternel triomphe, ou parce
qu'elle fut contemporaine du dieu de Leucade?
Est-ce un signe de fête qui lui est particulier,
ou un indice de la joie qu'elle répand en tous
lieux ? Est-ce l'emblème de la paix qu'elle a
donnée au monde? Sa gloire, comme lelaurier
toujours vert, et dontla feuille ne tombe jamais,
y voit-elle le symbole de son immortalité?
Quant à la signification de la couronne de
chêne, une inscription nous l'apprend : elle
veut dire qu'il a sauvé des citoyens. Sauve
donc encore, ô le meilleur des pères, un citoyen
qui languit aux extrémités de l'univers, et dont
lecbâtiment, qu'il avoue légitime, résulte moins
d'un crime que d'une faute involontaire. Mal-
heureux que je suis! je redoute ce séjour, je
redoute celui qui en est le maître puissant, et je
sens mes lettres frissonner de terreur. Vois-tu
mon papier pâlir ? Vois-tu chanceler alternativement mes vers? Fasse le ciel, maison auguste, qu'un jour enfin adoucie pour mon
maître, il te revoie habitée par les mêmes possesseurs!
Nous poursuivons notre route, et mon guide
me conduit, par de magnifiques degrés, au
temple en marbre blanc élevé au dieu dont la
chevelure est toujours intacte (6). C'est là qu'on
voit les statues des Danaïdeset cellede leur barbare père, l'épée à la main, placées contre des
colonnes qu'on tira des carrières étrangères.
IÀ, toutes les créations des génies anciens et
modernes sont mises à la disposition des lecteurs; j'y cherchais mes frères, excepté ceux dont
notre père déplore la naissance ; et, pendant
que je les cherchais en vain, le gardien de ces
lieux sacrés (7) m'ordonna d'en sortir.
Je me dirige vers un autre temple (8), situé
près d'un théâtre voisin ; il me fut aussi défendu d'y entrer. Ce premier asile des belleslettres^), la Liberté, qui y préside, ne me permit pas d'enroulerle vestibule. Ainsi tombe le
malheur d'un père sur sa postérité, et nous, ses
enfants, nous sommes exilés aussi bien que lui.
Peut-être un jour, avec le temps, César, moins
Inde petens dextram, Porta eat, ait, ista PalaU :
Hic Stator : hoc primum condita ltoma loco est.
Singula dura miror, video fnlgenlibus armia
Conspicuoe postes, tectaque digna deo.
An Jovis hsc, diai, domns est ? quod ut esse putarem,
Aoguriuin menti qnerna corona dabat.
Cujus ut accepi dominum : Non fallimur, inquam :
Et magui verum est banc Jovis esse domum.
Our tainen adposita velatur janna lauro;
Cingil et augustes arbor opaca fores ?
An quia perpeluos mernit domus ista triuinphosY
An quia Leuradio semper amsla deo ?
Ipsane quod fesla est, an quod facit omnia festa Y
Quam tribuit terris, pacis an ista nota est?
Utque viret semper laurus, nec fronde caduca
Carpitur ; sternum sic babet illa decus ?
Caueaque supposits scripto lestât* corons
Servatos cives indicat hujus ope.
Adjiceservatis unum, pater optime, civeiu ,
Qui procul eiiremo pulsus in orbe jaret;
In quo pœnarum , quas se meruisse fatetur,
Non facinus causam , sed suus error habet.
Me iniserum ! vereorque locum, venerorque potentein,
Et quatitur trepido liltera nostra metu.
Aspicis eisangui chartam pallere colore Y
Aspicis alterno* intremuisse pedesY
Quandoeumque, precor, nostro placata parenti
Isdem sub dominis aspiciare domus.
Inde timoré pari gradibus sublimia celais
Ducor ad intonsi candida templa dei.
Signa peregrinis ubi sont alterna columnis
Bel ides , et stricto barbarus ense pater :
Qusque viri docto veleres cepere novique
Pectore, lecturis inspicienda patent :
Quœrebam fralres, exceptis scilicet illis,
Qnos suus optaret non genuisse parens.
Quœrenlem frustra, cuslos me sedibus illis
Prspositus sancto jussit abire loco.
Altéra templa peto vicino juncta tbeatro :
Hsc quoque erant pedibns non adeunda meis.
Nec me, qus doctis patuerunt prima libellis,
Atria, Libertés tangere passa sua est.
In genus aucloris miseri fortuna redundat,
Et palimur nati quam tulil ipse fiigain.
Forsitan et nobis olitn minus asper, et illi
Eviclus longo tempore Cœsar erit.
Dl precor, atque,adeo, nequeenimmihilurbarogandaesl,
Cssar, ades voto, maxime, dive, meo I
Interea , statio quoniam mihi public* clause est,
Privalo liceat deliluisse loco :
8V
694
OVIDE.
p p s p s i x i f s P sssas as p a r lai s sa iaîssappf | P f s* ai fas i a p ; eg^a §m$$ i f i s i l l l l l i i
ifisssspp .$y ygss as a a g i f p , | f f sfla f s p f ;, | f f ias i p p f i f f p s à ^ i i ^ l f f M i ^ ^ j i ^ i ^ l ^ ^ « I l
al | p llxlpP e p p o p ^ a f t | , p ' ^ p ^ p a ^ p | p 4 ' il f l i p a p f i i f y y ^ î i f y l f ^ ï l ^ f e ^ i i l P
la | f i f s dfs f ksis* U}% k fias p l s s s P f a f P i| f a p s p p a J*asasfsf ; | ^ ^ | i y i i | i l i ^ ^ ^
«SSf ilpK if s gripa ; s'il p ? s f p i a n j i ! si ipiasai' | ggf : j f i f asfa lai $ff|ià:;ii8i.iÉi^ll^la^ll^P
j« Sigppya dissipai f f s I f p i f lsis, f p i f g p | fiais f f f l i l ^ î * ^;-|^iFisi^:fi:gÉ^E^i^i^^^f|^^
p a l <lf f p g s f a v l y p p s f d f p a fas plgas'as I 8 S : saaf f a p a f P f i i i f I f l i f ! i É | | | | | | | | | | | i |
S p p s . lis p * . p gsf as glëïpapaa, p é p s l i i f f | plgss y ai! p f l l p i p a : 5 : | | i | ^ l l l l l î l l l i l i i l
«I sf a ssi pas H a pissa, p p sass S; sas iifp i f aI l'Isasp sif s p : iisa s H f i f î i | l i | | | i ;
If f i f f | f g pp i s fis p p a s s i s ,
i assis aia f iifsiff àp;fsaf a a p | l l i i i | i | ï l
| p a l , ià^iffsslssasf : f p a i | l i | p | | | | i ! | |
j llslssi p i f a i i a p i l p l y p f ^ i i i i i y i i ^ i f l s ^ l ^
I *|isa j'ailasil f a lassiisafSipsilliplff§t| H H
I l f p s disp f sas pas dasdsaas f a salr h | jasisls fasaaiasf i f f f p a | | | | f ; i l | | | | | : I
Sevïifaas, la p a s sàaf aasa la pssiapsilasï df I lia gliisaaS: f i â t i^fipp|iî:il§l^a||i^i:|||ii|
la I f la ?|a Ls/iiass .iàivissi, fasP> ssapsKS, al î f ss f sis 4i a f. psjaaalsfifp i s i f l l l f l l l
a>i, â i s f a p l a s a y sdf las aiiaisa as sapa as j PaSiialkl ?•••:•:•
aplpy^
f a aasas p a l l i a i as8 sa usa sas-vl f a sws g a i |
Islaasi:, iiaii! | T | p i p i s | f sfi|f | l i | | | î | | l
pas |apa Isàsps sa iiasf àgsassPSy. a i f f a f i s
| f i i a i s p , a i aias'ïsïi iseaïLi:*^
asf I f ï spslas tissfsssass: gaa sas saupl i l sa
i aPgaaap, • M & i a a p f ^
sas Sipiiy a f p s i a f l s ilaipsasppàaa p a sap
I IfiHp à safsa y,m
àÊm-y^9lk%^^k^kWê
al sas ssap, p a s pila ipa la idais, saas sas
liàfsss fiassialsai ilpii'aaiaaif< l i a i «pi Jsfss,
ssaaps fias siiàîps, ai se p p las laissas
i p a i f l i l l P y siysïsslps iaaaailassa a i i f sils las
p p l d a àa siifpislas à|iàl%aa.s j a ssigpais |
Il p s àsssif ^iiy^iayiyaii^iil^^li^l^ll^i^^y^
Ipsi a p à f i p P , ai Sifipasas siss» p p S y as
aa sa saga si g iissala alaisss laf as a W i . p s aPsss\ j ' f i f l a fislsfasil f s f l i l f s ^ ^
f i f a i f a p i P S f i Eisa assa a p i f a p f f a Pais I ifaasls,<.#: p p f f a a i i l f s i ^ ^ É B ^ I i ^ l l l y i i ^ R
fàiSs, as, i a g f a lapaagla i p f s i l s l a à p f f i f , I spfiy T a , : i f a s a p 8 a y i f f l | f l ^
ai p i p i f s a aaf ssà fas ssafi à p i s a isliSPSp.
î slaaspi allipf a f â f s, l A i i l i i i i i ^ i ^ ^ y l ^ l l ^
Tas! f a s fa lassai aassas Isa aspiaas fas î asfplJàfssS' ^6t ss sPi^::éii^p^ii^i^is}ÉÉi^^^^^
ÉLKilIE IL
SSs p > p , si Sis* a » , p l a i s y s p g i f p l p
faaisfiy g l - P p , w a p a i i p l i s , sfsass,
EXilSIA g ,
h ISS sssi as i-Sf PpiiSSi a i i p ï S làpasifs'iS ,
f sipsw ï , j f t f » If p ssà SSS|«pï : il
if-si ïî>S. f f ylPsy PS sfSss IPassf, sPài:
PsiliS y S:Si*S<S«lL:!iiSiiSS:Sali!a|SlSlSS:S:.::::::
SP «ifi! fiiSiS: f f |;||if f i p l f l f iiif ifp l l i f f :,;
i f iSïips; p f gIfm i li|||if ;||||§|pp|§ff||s:::: :
Psssàas:;sP|ïslssyaiSpsfssipfsp|pfSf|: y
i à f a as af aails ipaiiia ifpiasssssss.>.:
*.
f i i i p s Ifgss p f i a f p f i f l l l p l s sfafiiaiy :
Msillssi k s p i à a s s s f IsàsïfSsSSay. ;
SfPSis «iiàï p P i ' i S p P s SSSSSf fsysfisai plsiS
iSialss* , siiSSS>S. SylÇ ySl|SSfS p i f
f a i f f i f s i S sissiisfapa|.;: sais. sipaS:sf sils :.:
^ p i . psi pif: |l|siy : p f g | f i f l i f l l f i i f i l l i l l l l l l l l l l l
I f ssilas, S*
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Cialilailà si SSfPIflllllili:IlWlÊÊkW&lÊklkWÊÊÊ
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Pis» isisp ai' a<sfafsfs|a:pyi!yfissi||afiisiaiia
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p f f i p i f I f ! | |I p l l f l i f i^iy^s^yfiaal:ïplll:i:
:|i|il|fiaai:ifsai|ifa|p|ffii|^
fiiSypSfp^^
LES TRISTES.
69«
m'accoutumer à ces eaux (1 ); le sol même éveille gner une vie à son terme, permettre au moins
en moi je ne sais quels dégoûts; point de que je fusse inhumé dans ma patrie, soit en difmaisons commodes, point d'aliments con- férant mon exil jusqu'à ma mort, soit en prévenables à un malade, personne qui appli- cipitant celle-ci pour prévenir mon exil? Naque à me soulager l'art du dieu de la médecine, guère encore je pouvais avoir vécu sans tache,
nul ami qui me console et oppose le charme et c'est pour que je meure exilé qu'on a prode la conversation aux heures trop lentes à longé mes jours.
s'écouler. Je languis, épuisé,aux dernières
Je mourrai donc sur ces bords inconnus et
limites et chez les derniers peuples du monde lointains, et l'horreur de ces lieux ajoutera à
habité ; et, dans cet état de langueur, tous les l'horreur du trépas. Ce n'est pas sur mon lit
dbjetsqui me manquent se retracent à mon sou- accoutumé que reposera mon corps languisvenir. Mais tu les domines tous, chère épouse, sant (2); je n'aurai personne pour pleurer à mes
et tu remplis à toi seule plus de la moitié de funérailles ; je n'aurai pas ma bien-aimée pour
mon cœur. Lorsqu'absente, je te parle, c'est arrêter un instant mon âme fugitive avec ses
toi seule que ma voix appelle; chaque nuit, et baisers mêlés de larmes, personne pour rechaque jour après elle, m'apporte ton image; cueillir mes dernières volontés, pas même une
on dit même que, dans mes égaremenis, ton main amie pour clore, après un dernier appel à
nom sortait sans cesse de ma bouche en délire. la vie (5), mes paupières vacillantes; enfin,privé
Lors même que mesforcesm'abandonneraient, des honneurs funèbres, privé des honneurs
et qu'un vin généreux ne pourrait plus ranimer d'un tombeau et des larmes d'autrui, mon corps
ma langue colléeà mon palais, à la nouvelle delà sera confié à la terre de ce pays barbare.
venue de ma bien- aimée, je revivrais à l'instant,
Sans doute qu'à ce récit tu sentiras ton eset l'espérance de le voir me prêteraitdes forces. prit s'égarer, et frapperas de tes mains tremJe suis donc ici entre la vie et la mort; et toi blantes ta chaste poitrine; sans doute que tu
peut-être là-bas, oublieuse de ce qui me touche, étendras inutilement tes bras vers ces contrées,
tu passes agréablement tes jours. Mais non, et qu'inutilement encore tu appelleras à grands
chère épouse, je le sais, je l'affirme, tesjours sans cris ton malheureux époux! Mais non; ne
moi ne peuvent s'écouler que dans la tristesse. meurtris pas ainsi ton visage, et n'arrache pas
Si pourtant lesannéesquelesortm'acomptees tes cheveux, car ce n'est pas la première fois,
sont révolues, si mafinest réellement si pro- âme de ma vie, que tu m'auras perdu. En quitchaine, nepouviez-vous, grands dieux, épar- tant ma patrie, j'étais déjà mort, tu le sais, et
Terraque neicio qno non plaçât ipsa modo.
Non domus apta aatis : non hic cibus utilia aegro :
Nnllna Apollinea qui levât arte malum.
Non qui aoletur, non qui labentia tarde
Tempora narrando fallat, ainicua adest.
Lataua in extremis jaceo populisque locisque :
Et subit adfeclo nunc inihi quidquid abest.
Omnia cum subeant, vincis tamen omnia conjux :
Et plus in nostro pectore parte tenes.
Te loquor absentent ; te vox mea nominal unam :
Nulla venitsinete noxmihi ; nulla dies.
Quin etiam sic me dicunt aliéna locutum ,
Ut foret amentis nomen in ore tuum.
Si jani deflciam, suppressaque lingua palato
Vix instillato restituenda mero ;
Nuntiet hue aliquis dominant venisse ; resurgam :
Spesque lui nobis causa vigoris erit.
Ergo ego sum vitas dubius : tu forsitan illic
Jucundum nostri nescia tempus agis.
Non agis, affirmo : liquet hoc, carissima, nobis,
Tempus agi sine me non niai triste tibi.
Si tamen implevit mea sors quos debuit annos,
Et mibi vivendi tant cito finis adest ;
Qnantnm erat, o magni, peritnro parcere, divi,
Ctsaltem patria contumularer humo 1
Vel pœna in mortis tempus dilata fuisset,
Vel prateepisset mors properata fugam.
Integer hanc potui nuper bene reddere lucem :
Exsul ut occiderem , nunc mihi vita data est.
Tam procul ignotis igitur moriemur in oris,
Et fient ipso tristia fa ta loco?
Nec mea consueto languescent corpora lecto?
Depositum nec me qui fleat ullus erit ?
Nec dominai lacrymis in nostra cadentibus ora
Accèdent animât tempora par va méat?
Nec mandata dabo ? nec cum clamore supremo
Languentes oculos claudet arnica menus ?
Sed sine funeribus caput hoc, sine honore sepulcri
Indeploratnm barbara terra teget?
Ecquid ut audieris, tota turbabere mente ,
El feries pavida pectora fida manu ?
«r
Ecquid in has frustra tendens tua brachia partes,
Clamobis miseri nomen inane viri ?
Parce tamen lacerare gênas : nec scinde capillos.
Non tibi nunc primum, lux mea, raptus ero.
Quum patriam amisi, tura me periisse putato :
SS
tilSî
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Siae&sj ssasï ets&sss ssscs-Sttas essai sse,
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Peppasa:! i,,aîala, csppi VàtsSSSa. «a'eï,
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S Psas péslSss:ibeaSe:s!:psssttesPSe:pppteB;|:iïï:lï
697
LES TRISTES.
voile
de
ton
ambition
;
car
tu
mérites
de
parnés qui s'élèvent à une hauteur modeste échappent aux coups de la tempête; une large voile courir le chemin de la vie sans te heurter dans
a plus à craindre qu'une petite; vois l'écorce le voyage, et de jouir d'une destinée sans troulégère flotter à la surface de l'onde, tandis que ble. Ces vœux que je forme pour toi te sont
le poids attaché au filet l'entraîne au fond des bien dus pour prix de la tendresse et du déeaux. Si moi qui donne ici des avis aux autres vouement que tu m'as témoignés, et dont le
j'en avais moi-même reçu le premier, peut-être souvenir ne s'effacera jamais de ma mémoire. Je
serais-je encore à Rome, où je devais être toute t'ai vu pleurer mon malheur avec une expresma vie. Tant que je me suis borné à ta société, sion aussi vraie que l'était sans doute celle emet ne me suis confié qu'au souffle du zéphyr, preinte sur ma proprefigure; j'ai senti tes larma barque a vogué tranquillement sur les flots mes couler sur mes joues, et je m'en suis
paisibles : celui qui tombe en marchant sur une abreuvé, comme aussi de tes protestations de
route unie (ce qui arrive assez rarement) se fidélité ; maintenant tu défends de ton mieux
relève bientôt sans avoir presque touché la ton ami absent, et tu soulages une détresse qui
terre; mais le malheureux Elpenor, tombé du n'est guère en étal d'être soulagée. Vis à l'abri
faite d'un palais, apparut ensuite ombre légère de l'envie, coule des jours sans gloire, mais
aux regards de son roi. Pourquoi Dédale agita- aussi sans orage, et ne cherche d'ami que parmi
l-il sans danger ses ailes, et qu'au contraire tes égaux ; aime de ton cher Ovide ce qui seul
Icare donna son nom à une vaste mer? c'est que n'a point encore été banni de Rome, c'est-à-dire
celui-ci prit un essor élevé, et celui-là un vol son nom ; la Scythie, le Pont possèdent tout le
plus humble ; car enfin ils n'avaient, l'un et reste. J'habite une contrée voisine de la constellation de l'Ourse d'Érymanthe, une terre
l'autre, que des ailes artificielles.
Crois-moi, vivre ignoré, c'est vivre heureux, desséchée par un froid continuel. Plus loin sont
et chacun doit se maintenir dans les limites de sa le Bosphore, le Tanaïs, les marais de la Scycondition. Eumède n'eût pas perdu son fils si thie, et puis encore quelques lieux sans nom,
ce jeune insensé n'eût désiré les coursiers d'A- et presque inconnus ; au-delà, il n'y a rien que
chille; Mérope n'aurait pas vu son fils dévoré des glaces inhabitables. Hélas! que je suis
par la foudre, et ses filles changées en arbres, près des dernières limites du monde! et que je
si Phaéton s'était contenté de l'avoir pour père. suis loin de ma patrie, de mon épouse chéEl toi aussi, crains de prendre un essor trop rie et de tout ce qu'après elles j'ai de plus cher
élevé, et, instruit par ces exemples, resserre la ici-bas! Et pourtant, si à cause de leur éloigneEfTugit hibernas demissa antenna procellas ,
Lataque plus parvis vêla timoris habent.
Aspicis ut summa cortex lavis innatet unda ,
Cum grave nexa simul retia mergat onus ?
Hsc ego si, mouitor, monilus prius ipse fuisseni.
In qua debueram forsitan urbe forein.
Dum tecum vixi, dum nie levis aura fercbat,
Hœc mea per placidas cymba cucurrit aquas.
Qui cadil in plauo, vix hoc tainen evenil ipsum,
Sic cadit, ut tacta surgere possit humo :
At miser Elpenor tecto delapsus ab alto ,
Occurrit régi debilis umbra suo.
Quid fuit ut tutas agilaret Dœdalus alas,
Irarua immensas nomine signet aquas?
Nenipe quod hic site, demissius iile volabat :
Nain pennas ambo non habueresuas.
Grede mihi, benequi latuit, bene vixit : et infra
Fortunam débet quisque jnanere suam
Non forei Eumedes orbus, si filius ejus
Stullus Achilleos non adamasset equos :
Nec natum in flaiiiina vidisset, in arbore notas .
Gepisset genitor si Phaethonla Mcrops.
Tu quoque formida nimiuin subliuiia semper,
Propositique inemor contrahe vêla tui.
Nam pede inolTenso spatium derurrere vita;
Dignus es , et fato candidiore frai.
Qus pro te ut voveani miti pielate mereris ,
Hœsuraque mihi tempus in omne fide.
Vidi ego te tali vultu mea fata geinentem ,
Qualem credibilc est ore fuisse meo.
Nostra tuas vidi Iacrymas super ora cadenles,
Tempore quas uno tidaque verba bibi.
Nunc quoque submotum studio défendis amicum ,
Et mala vix ulla parte Ievanda levas.
Vive sine invidia, mollesque inglorius annos
Exige : amicitias et tibi junge pares :
Nasonisque tui, quod adhuc non exsulat unum ,
Nomen ama. Scythicus estera Pontus habet.
Proxima sideribus tellus Erymanthidos Gras
Me tenet; adstricto terra perusta gelu.
_*,
Bosporos et Tanais superant, Scythicsque paliides,
Vixque satis noti nomina pauca loci.
Ulterius uihil est, niai non habitabile frigua.
Heu I quam vicina est ultima terra mihi !
At longe patria est : longe carissima conjux ,
Quidqnid et hsc nobis post duo dulce fuit.
54
OVIDE.
ment je ne puis les toucher de la main, mon
imagination les contemple tous! Ma maison,
Borne, la figure des lieux et les scènes diverses
dont ils furent successivement le théâtre, passent devant mes yeux tour à tour ; devant mes
yeux, par une douce illusion, mon épouse est
toujours présente; mon épouse, à la fois mon
tourment et ma consolation ! mon tourment par
son absence, ma consolation par l'amour qu'elle
me prodigue, et par sa constance à soutenir le
fardeau qui l'accable.
Et vous aussi, vous avez toujours votre place
dans mon cœur, chers amis que je voudrais
pouvoir désigner chacun par son nom ; mais la
crainte de vous compromettre arrête ma reconnaissance, et je doute que vous consentiez
vous-mêmes à être nommés dans mes vers.
Vous le vouliez autrefois, et vous regardiez
comme une distinctionflatteuseque mes poésies offrissent vos noms au public; aujourd'hui,
puisqu'il y aurait imprudence à le faire, je
m'adresse à chacun de vous dans le secret de
mon cœur, et je ne serai pour personne un
sujet d'effroi ; mon vers n'ira point, par ses
révélations, vous traîner au grand jour, et
vous qui m'aimez avec mystère, continuez à
W aimer ainsi; mais sachez bien que, quelque
distance qui me sépare de vous, je vous ai toujours présents à ma pensée. Cherchez, chacun
suivant son pouvoir, à rendre mes maux moins
pesants, et ne me refusez pas, dans mon abat-
tement, l'appui de votre mainfidèle; puisse, en
retour, le sort vous être toujours prospère, ei
puissiez-vous n'être jamais forcés, par un malheur semblable au mien, à implorer l'assistance
d'autrui !
'
Sic tamen bac absent, ut qua conlingere uou est
Gorpore ; tint animo cuncla videnda meo.
An te oculoa errant domus, urbs, et forma locorum,
Sucoednntque sais singula facta locis.
Conjugii ante oculoa, sic ut prœsentis, imago est.
111a meos casus ingravat, illa levai :
Ingravatboc, quod abest: levât hoc, quod prœstatamorem,
Impositumquc aibi Arma tuetur onua.
Vos quoque pectoribua nostris hœretis, amici,
Dicere quos cupio nomine quemque auo :
Sed timor officium cautua compescit ; et ipsos
In nostro poni carminé nolle pulo.
Ante volebatia, gratique erat instar honoria
Versibu8 in nostris nomina vestraJegi.
Quod quoniam est anceps, intra mea pectora quemque
Adloquar, et nulli causa timoris.ero.
Nec meut indicio latitantes versus amicoa
Protrlbet. Occulte ai quia amavit ,'amet.
Scite tamen, quamvia longa regione remotua
Abaim , voa anime aemper adesse meo.
Et quant qniaque poteat, aliqna mala noatra levate :
Fidam projeato neve negate manum.
Prospéra sic vobia maneat fortuna , nec unquam
Contacti simili aorte rogetis bpem I
ÉLÉGIE V.
J'avais si peu cultivé notre amitié jusqu'ici,
que tu aurais pu sans peine la désavouer ; et
peut-être cette liaison ne se fût-elle jamais
resserrée, si ma barque eût continué à voguer
par un bon vent. Lorsque je tombai, et que
tous, craignant d'être enveloppés dans ma
ruine, s'enfuirent et tournèrent ledos à l'amitié
malheureuse, tu osas, au contraire, approcher
de l'homme qui venait d'être frappé par la fondre, etentrer dans samaison livrée au désespoir;
ami d'un jour et que j'avais peu fréquenté jusqu'alors, tu fis pour moi ce qu'ont fait à peine
deux ou trois de mes anciens amis. Je vis l'émotion peinte sur tafigure,et celte vue me frappa ;
je vis tes joues baignées de pleurs et plus pâles
que les miennes; et comme tes larmes se mr>
laient à tes paroles, ma bouche s'abreuvait d'e
larmes, et mon oreille de paroles. J'ai senti
autour de mon cou l'étreinte sympathique de
tes bras, et j'aiYeçu tes baisers entrecoupés
de sanglots. Dans mon absence, tu défends
aussi mes intérêts de tout ton pouvoir, chef
ELEGlA V.
Usus amicitiœ tecura mibi parvua, ut illam
Non œgre poaaea dis6imulare, fuit :
Ni me complexus vinclia propioribua eaaea ;
Nave mea vento foraau eunte auo.
Ut cecidi, cuuctique metu fugere ruina,
Verssque amicitiœ terga dedere meœ ;
Auausea igné Jovia percossum tangere corpus,
Et deploratœ limen adiré domus.
Idque recens prœstas , nec longo cognitus uau,
Quod veterum misero vix duo treave mibi.
Vidi ego confuaoa vultua ; visoaque uotavi :
Oaque madens fletu, pallidiuaque meo :
Et lacrymaa cernens in singula verba cadentes;
Ore meo lacrymaa, auribua illa bibi :
Brachiaque accepi mœato pendeutia collo,
Et aiugultatia oscula mista aonia.
Sum quoque, ebare, tuis de[euaua viribut abseua ;
17
LES TRISTES.
699
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Scis charum veri nomini* esse loco.
Mnltaque pnelerea manifesti signa favoris
Pectoribus teneo non abitura meis.
Di tibi posse tuos tribuant defendere semper ,
Quos in inoteria prosperiorc juves I
Si tamen interea quid in bis ego perdHns oris,
Qnod te credibile est quœrcre, quœris, agam.
Spe trahor exiguo, quam tn mihi demere noli,
Tristia leniri qumina pense dei.
Sen temere exspecto, aire id contingere fas est ;
Tu mihi qund cupio fas, precor, esse proba.
Quelque tibi est linguœ facundia, confer in illud,
Ut doceas volum posse valere meum.
Quo quisque est major, magis est placabilis ira;,
Et faciles motus mens generosa capit.
Corpora magnanimo salis est prostrssse leoni :
Pugna suum finem, cum jacet hostis, habet.
Al lupus, et turpes instant morientibus usai,
Et qua-cumque minor nobilitate fera est.
Majnsapud Trojam forti quid babemus Achille?
Dardanii lacrymaa non lulit ille senis.
Quœ ducis ASmathii fuerit démentis, Poros,
Praedariqoe docent funeria exseqais.
Neve hominum referam flexas ad mitius iras ;
Junonis gêner est, qui prias hostis erat.
Dépique non possum nullam sperare salutem,
Cum pœnœ non ait causa cruenla m e s .
Non mihi quœrenti pesaumdare cuncta, patitum
Cessareum caput est, quod caput orbis erat.
Non aliquid dixi, violentaque lingua locuta est,
Lapsaque sunt nimio verba profana mero.
Inscia quod crimen viderunt lumina, plectoç :
Peccatumque oculos est habuisse meum.
Non equidein totam possim defendere-eulpam :
Sed partem nostri criminia error babet.
Spes igjtur superest, facturum ut molliat ipae
Mutati pœnam conditione loci.
Hune utinam nilidi solis praenuntiua ortnm
Afferai admisse Inciter albus eqno.
ELEGIA VI.
Foadus amicitias nec vis, rarissime, nostrsa,
Nec, si forte velis, dissimulare potes.
Donec eniin licuit, nec te mihi carior aller,
Nec tibi me tota junctior urbe fujt.
700
OVIDE.
Notre liaison était si publique et si déclarée,
qu'elle était en quelque sorte plus connue que
nous-mêmes. La candeur de les sentiments
envers les amis ne fut pas ignorée de ce mortel,
objet de ta vénération. Tu n'étais pas tellement
réservé que je ne fusse ton confident: mon cœur
était le dépositaire d'une foule de les secrets :
à toi seul aussi je racontais tous les miens,
excepté celui qui a causé ma perte. Ce secretlà, si tu l'avais su, tu jouirais de ma présence et
de mon bonheur, car tes conseils m'auraient
sauvé, niais non, ma destinée me poussait vers
l'abime, et c'est elle encore qui me ferme toute
voie de salut. Maintenant, que la prudence ait
pu prévenir ce malheur, ou que toute sagesse
soit impuissante contre la destinée, qu'importe?
Mais toi qui m'es attaché par une si vieille
intimité, toi dont l'ëloignement me cause les
plus vifs regrets, ne m'oublie pas; et si tuas
quelque crédit fais-en l'essai, je t'en supplie, eu
ma faveur ; tâche d'apaiser le courroux du dieu
que j'ai provoqué, d'obtenir un changement
d'exil qui adoucisse ma peine; insiste sur
la pureté de mes intentions et sur ce qu'il
y a d'involontaire dans mon crime. 11 ne serait
ni facile ni prudent de t'expliquercommenlmes
regards prirent une direction fatale ; mon urne
craint ce souvenir, qui rouvre mes blessures, et
réveille des douleurs assoupies. D'ailleurs tous
les faits auxquels j'attache tant de honte doivent
rester ensevelis dans une nuit profonde. Je ne
déclarerai donc rien que ma faute, en ajoutant
qu'aucun intérêt personnel ne me l'a fait commettre , et que mon crime, si l'on veut lui restituer son nom véritable, doit être appelé
simplement une étourderie. Si je mens, cherche un lieu d'exil encore plus éloigné, et auprès
duquel le pays que j'habite soit un faubourg
de Rome.
laque erat usque adeo populo testa lu», ut esset
Pâme magi» quant tu , quatnque ego, notua ainor.
Quique erat in caria animi tibi candor auticia,
Cognitua eat iali, quem colia ipae, vira.
Nil ita celabaa, ut non ego conariua eaaem,
Pectoribuaque dabas mulla tegenda nteia.
Ouique ego norrabam secreti quidquid habebain ,
Excepto, quod me perdidit, unus eraa.
Id quoque ai acisses , aalvo fruerere aodali,
Conailioque forent aoapea, amice, tuo.
Sed niea me in prenant nimirum fats trabebant:
Onine bonat clauflunt utilitatia iter.
Sive inalum potui tamen hoc vitare cavendo,
Seu ratio fatum vincere nulla valet ;
Tu tamen, o nobia uau junctiaaime longo.
Para desiderii maxima paene mei,
Sia mentor : et si quas fecit tibi gratia vires.
Illaa pro nobia experiare rogo :
Nuininis utlœai fiât mansuctior ira ,
Mutatoque minor ait mea pœna loco.
Idque ita, ai nullum acelua eat in pectorc noatro,
Principiumque mei criminia error habet.
Nec levé, nec tutum eat, quo aint mca dicerc caau
Lumina funeati conacia facta mali.
Mensquc reformidat, veluti sua vulnera , tempua
lllud : et admonitu fit uovua ipae dolor.
Et quaecumque adeo posaunt adferre pudorem,
111a tegi cœca condita nocte decet.
Nil igittir référant, niai me peccasse ; aed illo
Pratmia peccato nulla petita mihi :
Stultitiamque meum crimen debere vocari,
Nomina ai facto reddere vera velia.
Quai si non ita sunt, alium, quo longiua alwini ,
Quatre, suburbana bœcsit niibi terra , locum.
ÉLÉGIE VU.
Va saluer Périlla, lettre écrite à la hâte et fidèle
messagère de mes paroles. Tu la trouveras
auprès de sa mère chérie, ou bien au milieu
de ses livres et dans la société des Muses. A
l'annonce de ton arrivée, elle suspendra tout
travail, et demandera vite quel sujet t'amène
et ce que je deviens. Tu lui diras que je vis
encore, mais d'une vie à laquelle je préférerais
la mort; que le temps n'a apporté aucun soulagement à ma peine ; que pourtant je suis revenu ,
aux Muses, malgré le mal qu'elles m'ont fait,
et que je rassemble encore des mots propres à
former mes distiques. Mais loi, lui diras-tu,
es-tu fidèle à nos communes éludes? Écris-tu
de doctes vers dans un idiome autre que celui
ELEGIA VII.
Vade salutatum subito, perarala, Perillam
Littera , aermouis fida ntinialra mei.
Aut illam inveniea dttlci cum matre sedentem ,
Aul iuter libros Pieridaaque suas.
Quidquid aget, cum le scierit veniase, relinquel :
Nec mora , quid venias , quidve requiret, agam. '
Vivere me dires : sed sic, ut vivere nolim :
Nec mala la m longa nostra levata mora.
Et tamen ad Musas, quamvia noruerc, reverti ,
Aptaquc in allernos cogère verba pedes.
Tu quoque, die, studiis cnminunibua ecquid inhaeres ,
lloctaque non patrio caimina muni canis?
Nain tibi cum facie mores natura pudicos,
13
LES TRISTES.
701
de ta patrie? Car outre la beauté, tu dois à la belle, et loi de gémir et d'accuser ton miroir
nature et aux destins des mœurs chastes, des d'infidélité. Ta fortune est médiocre, quoique
qualités rares et le génie enfin ! C'est moi qui le tu sois digne de l'opulence ; mais supposons
premier t'ai conduite sur les bords del'Hippo- qu'elle soit des plus considérables, c'est encore
crène.pour sauver d'un anéantissement fâcheux la un de ces avantages que le hasard donne et
cette veine féconde. C'est moi qui le premier reprend à son gré. Tel est un Crésus aujourdécouvris le génie dans les premières inspira- d'hui, qui demain sera un Irus. Pourquoi ces
tions de la jeunesse, et je fus à la fois, comme un exemples? tous nos biens sont périssables,
père l'eût été de safille,le guide et le compagnon excepté ceux du cœur et de l'esprit. Ainsi, moi,
de tes études. Si tu conserves encore ce feu de la privé de ma patrie, de vous, de mes pénates,
poésie, certes la Muse de Lesbos pourra seule moi que l'on a dépouillé de tout ce qu'on pouêtre ton maître. Mais je crains que mon malheur vait me ravir, je trouve ma société et mes jouisn'arrête ton essor, etque lonâme, depuis ma ca- sances dans les facultés de mon esprit: César
tastrophe, ne soit plongée dans l'inaction. Tant n'a pu étendre ses droits jusque sur lui. Que
que je fus là, tu me lisais souvent tes ébauches, le glaive impitoyable vienne à trancher mes
et je te lisais les miennes. J'étais tour à tour ton jours, Ovide mort, sa gloire lui survivra ; et
juge et ton précepteur; je prétais l'oreille à tes tant que Rome victorieuse, Rome, fille de
productions nouvelles, et si j'y surprenais quel- Mars, verra du haut de ses collines l'univers
que endroit faible, je t'en faisais rougir. Peut- subjugué, j'aurai des lecteurs. Evite donc aussi,
être le mal que j'ai recueilli de mes vers l'a-t-il ( et puisse-t-il rester de ton talent des produits
fait craindre une destinée pareille à la mienne. plus heureux que les miens ), évite d'être un
Ne crains rien, Périlla, mais que tes écrits jour tout entière la proie du bûcher.
n'aillent pas jeter le désordre dans le cœur
d'une femme, ni lui donner des leçons d'amour.
Loin de toi donc, o docte femme, tout prétexte d'oisiveté, et reprends l'étude des beauxÉLÉGIE VIII.
arts, ton culte favori. Ta figure charmante
subira l'outrage des ans; les rides imprimeront
Que ne puis-je m'élancer sur le char de
unjour ton âge sur ton front. Ta beauté sera Triptolème, qui le premier ensemença la terre
profanée par la main flétrissante delà vieillesse jusqu'alors inculte? Que ne puis-je atteler les
aux pas lents et sourds; on dira : Elle était dragons dont Médée se servit pour fuir, ô CcEt ram doles ingeniumque dédit.
Hoc ego Pegasidas deduii primu» ad undaa ,
Ne maie fecundœ vena periret aqua> :
Priinus id aspexi teneris in Virginia annis :
tltque palet venta duxque eomesque fui.
Ergo ai rémanent ignés tibi pectoria Idem,
Sola tunm valea Lealia vincet opus.
Sed vereor ne te mea nunc forluna retardet,
Poatque meos caaua ait tibi pectus iners.
Dura licuit, tua stepe mihi, tibi noatra legebam :
Savpe tui judex, atape magisler eram.
Aut ego prtebebam factis modo versibus aures,
Aut ubi cesaaraa, caussa ruboris eram.
Porsitan exemplo , quia me lœsere libella,
Tu quoque ais pceiiœ iata secuta meœ.
Pone, Perilla, metu m : lantummodo Temina non ait .
Dévia, nec acriptia discal «mare luis.
Ergo deaidita remove doclisaima causas lnque bonaa a ries, et tua sacra redi.
Ista decena faciès longia viliabilur annis :
Rugaqne in antique fronte senilis erit :
Injicietque manum forme damaosa seuectus.
Qnip atrepitum pawn non facienle venil.
Cumquo aliquis dicet, Fuit base formoaa ; dolebis : '
Et tpeeulum mendax esse querere ttium.
Sunt tibi opes modicaj, cum sis dignissima magnis.
Finge sed immensis eensibus esse pares :
Nempe dat id cuicumque libet forluna, rapitqne :
Irus et est subito , qui modo Crcesus erat.
Singula quid referam ? nil non moi laie tenemus ,
Pectoris exceptis ingeniique bonis.
En ego cum patrio caream, vobisque domoque ,
Raptaque sint, adimi qute poluere, mihi ;
Ingenio tamen ipse meo comilorque fruorque :
Cajsar in hoc poluit juris habere nihil.
Quilibel liane ssevo vitam mibi finiat ente ;
Me tamen exstincto fa ma superstes erit.
Dumque suis victrix oinnem de monlibus orbem
Proapiciet domitum Martia Roma , legar.
Tu quoque, quam studii maneat felicior usus ,
Effuge ventnros qua potes usque rogna.
EI.EGIA VIII.
Nunc ego Triptolemi cuperem conscendere currus ,
Misit in ignntam qni rude semen humum :
2
702
OVIDE.
rinthe, de ta citadelle? Que ne puis-je enfin maigreur est telle que ma peau protégé à peine
prendre tes ailes, ô Persee, ou bien les tiennes, mes os décharnés, et les aliments sont sans goût
ô Dédale, pour fendre l'air d'un essor irrésis- pour mon palais. Cette pâleur dont les pretible et revoir tout à coup la terre de ma douce miers froids de l'automne frappent le feuijpatrie, ma maison abandonnée, mes fidèles lage est aujourd'hui la couleur de mes memamis et surtout les traits chéris de mon épouse! bres ; rien ne peut en raviver l'énergie, et
Insensé I pourquoi t'arréter à des vœux jamais la douleur ne me permet d'interrompre
puérils qu'aucun jour ne réalise et ne peut mes plaintes.
réaliser ? Si tu as un vœu à former, Auguste
Mon âme n'est pas en meilleur état que mop
est le dieu que tu dois implorer : c'est à ce dieu, corps ; l'un et l'autre sont malades, et je subis
dont tu as éprouvé la rigueur, qu'il faut une double torture. Devant moi se tient immoadresser tes prières; c'est lui qui peut te donner bile, et comme un être réel, l'image visible de ma
des ailes ou un char rapide : qu'il ordonne ton destinée; etlorsque je vois ces lieux, les mœurs
retour, et soudain tu prendras ton vol.
de cette nation, son costume, son langage, et
Si je demandais mon rappel (et je ne puis en que je compare mon présent et mon passé, jj
effet demander rien de plus), je craindrais que me prend un si violent désir de la mort, queje
mes vœux ne fussent pas assez modestes ; peut- me plains de la colère trop indulgente dé
être un jour, quand Auguste aura épuisé sa colè- César et de ce qu'il n'a pas vengé ses outrages
re, le moment viendra-t-il de lui faire cette de- par le fer. Mais puisqu'une première fois il a
mande, sans trop compter encore sur le succès. usé de modération dans sa vengeance, puisseMais aujourd'hui, une faveur bien moindre, et t-il modérer encore les rigueurs de ma peiné,
que je considère pourtant comme un grand bien- en changeant le lieu de mon exil !
lait, ce serait l'ordre que je changeasse d'exil; le
ciel, l'eau, la terre , l'air, tout ici m'est contraire , et mon corps est en proie à une lanÉLÉGIE IX.
gueur continuelle, soit que la maladie contagieuse de l'âme réagisse sur mon organisation
Ici même ( qui le croirait? ) on trouve des
physique et l'altère, ou que la cause de mon mal villes grecques parmi ces noms barbares, faite I
soit dans le climat même. Depuis que j'habite peine pour une bouche humaine : une colonie
le Pont, je suis tourmenté par l'insomnie, ma de Milet est venue jusqu'ici, et y a fondé un étà-
Nunc ego Modes vellem frcoare dracones ,
Quoi habuit fugiens arce, Corinlhe, tua :
Nuncegojactandas optarem sumere pennaa,
Sive tuas, Perseu ; Dsdale, sive tuas :
Ut tenera noatria cedente volatibus aura,
Aapicerem patrie dulee repente solum ,
Deaertaaque domua vultum, memoreaque aodalea,
Caraque prœcipue çonjugis ora m e s .
S tut te, quid hsc frustra votia puerilibua optas,
Que non ulla tibi fertque feretque diea ?
Si semel optandum est, Augusti numen adora,
Et quem sensiati, rite precare deum.
111e tibi pennaaque potesl currusque volucrea
Tradere ; det reditum, protinus aies eris.
Si precer hsc, neque eoim possum majora prerari,
Ne mea-slot timeo vota modesla parum.
Foraitan hoc olim, cum se satiaverit ira,
Tune quoque sollicita mente rogandua erit.
Quod minus interea est, instar mibi muneris ampli,
Ex bis me jubeat quolibet ire locia.
Née eslum, nec aqus faciunt, née terra, nec aune ;
Et mibi perpetuus corpora languor habet.
Seu vitiant artus egne eonUgia mentis,
Sive mei causa est in regione mali :
Ut tetigi Pontum, vexant insomnia : vixque
Ossa tegit macies , nec juvat ora cibus.
Quique per autumnum percussis frigore primo
Est color in foliis, que nova lœsit hyems,
la mea membra tenet : nec viribua adlevor ullis,
Et nunquam queruli causa doloris abest.
Nec meliua valeo quam corpore, mente ; sed sgra est
Utraque para arque, binaque damna fera.
Hsret et ante oculoa veluti apectabile corpus
Adatat fortuns forma legenda mes.
(numqiié
Quumque, locum, moresque bominum , cultusque ; soGernimua; et quid sim , quid fuerimque subit;
Tantus amur necis est, querar ut de Cssaris ira ,
Quod non offensas vindicet ense suas.
At, quoniam semel est odio civiliter uaus,
Mutato levior ait fuga nostra loco.
ELEGIA IX.
Hic quoque aunt igitur Omis, quia crederetî urbea,
In ter inhumans nominafaerbaris?
Hue quoque Mileto misai venere coloni,
S
LES TRISTES.
703
bassement grec au milieu des Gètes. Mais le membres, afin d'en rendre la recherche et là
nom du lieu, très-ancien, et antérieur à la fon- réunion plus difficiles. Mais pour qu'on ne
dation de la ville, remonte, suivant la tradi- puisse ignorer son crime , elle expose au
tion authentique, jusqu'au meurtre d'Ab- sommet du rocher les mains livides et la tête sansyrte.
glante de son frère, voulant, par cette affliction
Montée sur le vaisseau construit par les soins nouvelle, et tandis que son père serait occupé
de la belliqueuse Minerve, et qui le premier sil- àrecueillirces membres épars, ralentir sa fulonna les ondes, jusque-là respectées, l'impie neste poursuite.
Médée fuyait son père qu'elle avait abandonné.
Ce lieu fut donc appelé Tomes parce que ce
Tout à coup , du haut d'une éminence, la sen- fut là, dit-on, qu'une sœur coupa les membres
tinelle aperçut le navire dans le lointain. «L'en- de son frère.
nemi! s'éciie-t-elle, je reconnais les voiles de
Golchos. > Les Myniens prennent l'alarme :
les câbles sont détachés du môle; l'ancre cède
ÉLÉGIE X.
aux efforts vigoureux qui la soulèvent. Cependant Médée, de cette main qui osa, qui doit
S'il est encore à Rome quelqu'un qui se souoser encore tant de forfaits, frappe son sein vienne d'Ovide exilé, et si mon nom, à défaut
bourrelé de remords, et quoiqu'elle n'ait rien de moi-même, y subsiste toujours, qu'on sache
perdu de son audace, la jeune fille étonnée que, relégué sous cette constellation inaccespâlit d'effroi à la vue des voiles qui s'avancent; sible aux flot* de l'Océan, je vis au milieu de
• Je suis perdue, dit-elle; il faut user de quelque peuples barbares, entouré par les Sarmates,
stratagème pour arrêter mon père. > Pendant nation féroce, les Besses et les Gètes , tous
qu'elle cherche un moyen, et qu'elle tourne la noms indignes d'être proférés par ma musé !
tête de tous côtés, ses yeux rencontrent par ha- Tant que dure la saison des tièdes zéphyrs f
sard son jeune frère. A peine a-t-elle vu cet en- le Danube nous sert de barrière, nous protège
fant : « Nous triomphons , s'écrie-t-elie ; la contre leurs invasions : mais quand le sombre
mort va m'assurer mon salut. > Elle dit, et sou- hiver a montré safiguredégouttante de frimas,
dain elle plonge sans pitié le poignard dans le et que la gelée a rendu la terre pareille à un
sein de cette victime innocente, qui ne pré- marbre d'une blancheur éclatante; quand Bovoyait ni ne craignait une semblable trahison, rée se déchaîne, que la neige s'amoncelle et
déchire son corps, et en disperse ça et là les inonde les régions septentrionales, alors on voit
Inqufl GeUa Graias conitituere dotât».
Sed velus huic nomeo, positaque antiquiue urbe,
Constat ab Absyrti cscde fuisse, loco.
Nam rate, que cura pugnacis facta Minervœ,
Per non tentâtes prima cucnrrit aquas,
Impia desertum fugiens Medea parentem ,
Dicitur bds remos appiicuisse vadis.
Quem procul ut vidit tumulo speculator ab alto :
Hospes, ait, nosco, Colchide, vêla, venit.
Dum trépidant Minyes, duin solvitnr aggere funis,
Dura sequitur celeres ancbora tracta manus ,
Canada percussit rneritorum pectora Colchis ,
Ausa atque ausura multa uefanda manu.
Et, quamquam superest ingens audacia menti,
Pallor in adtonito virginis ore sedet.
Ergo ubi prospexit venientia vêla Tenemur,
Et peter est aliqua fraude morandus, ait.
Dum quid agat quajrit, dum verset in omnia vultus ;
Ad fratrem casu lamina flexa tulit.
Cujns ut oblata est prsesentia ; Vincimus, inquit :
Hic mihi morte sua causa salutis erit.
Prolinus ignari nec quidquam taie timentis
innocuum rigido perforât ente latus ;
Atque ita divellit, divulsaque membra peragros
Dissipât, in multis invenienda locis.
Neu pater ignorct, scopulo proponit in alto .
Pallentesque mauus, sauguineumque caput ;
Ut genitor luctuque novo tardetur, et artus
Dum legit exatinctos, triste moretur iter.
Inde Tomis dictus Iocus hic, quia fertur in illo
Membra soror fratria consecuisse sui.
ELEGIA X.
Si quis adhuc istic meminit Nasoni» adempti ,
Et superest sine me nomen in urbe meum ;
Subpositum stellis nunqnsm tangentibus aequor
Me sciât in média vivere barbarie.
Sauromattc dngunt, fera gens, BessiqueGetœque.
Quam non ingenio nomina digna meo !
Dum tamen aura tepet, medio defendimur Istro ;
Ille8uis liquidus bella repellit aquis.
At cum tristis hyems squallentia protulit ors,
Terraque marmoreo candide facta gela est;
Dum patet et Borées et nix injecta sub Arcto,
Tum liquet haï gentes axe tremente premi.
12
OVIDE.
704
peser sur ces peuples le pôle ébranlé par les lefleuvepoursuit son cours, les bœufs du Sartempêtes. La neige couvre la terre, et alors ni mate traînent des chariots grossiers. Sans
soleil ni pluies ne la peuvent dissoudre : Borée doute on aura peine à me croire, mais qui n'a
la durcit et la rend éternelle. Avant que la pre- point intérêt à mentir doit être cru sur parole.
mière soit fondue, il en tombe une nouvelle, et J'ai vu le Pont-Euxin lui-même immobile et
il est assez commun d'en voir, sur plusieurs glacé, et ses flots captifs sous leur écorce glispoints, de deux années différentes. L'aquilon, sante; et non-seulement je l'ai vu, mais j'ai
une fois déchaîné, est d'une telle violence qu'il foulé cette mer solide et marché à pied sec sur
la surface des ondes. Si tu avais eu jadis une
rase des tours et emporte des maisons.
Des peaux, des braies grossièrement cousues, pareille mer à passer, ô Léandre, le fatal déles garantissent mal du froid; leur visage est la troit n'eût point été coupable de ta mort! Les
seule partie du corps à découvert. Souvent on dauphins à la queue recourbée ne peuvent
entend résonner, en se choquant, les glaçons plus bondir dans les airs, car le froid rigouqui hérissent leur chevelure ; souvent on voit reux comprime tous leurs efforts. Borée agite
luire dans leur barbe le givre argenté. Le vin en vain ses ailes avec fracas , aucune vague ne
se soutient par lui-même hors du vase qui le s'émeut sur le goufre assiégé; les vaisseaux,
contenait et dont il conserve la forme; et ce n'est entourés par la glace, comme par une ceinture
plus une liqueur que l'on boit, ce sont des mor- de marbre, restent fixés à leur place, et la rame
est impuissante à fendre la masse durcie des
ceaux que l'on avale.
Dirai-je commnet les ruisseaux sont conden- eaux. J'ai vu arrêtés et enchaînés dans la glace
sés et enchaînés par le froid, et comment on des poissons dont quelques-uns même vivaient
creuse les lacs pour y puiser une eau mobile? encore. Soit donc que le froid gèle la mer ou
Ce fleuve même, aussi large que celui qui les eaux dufleuvedébordé, nos barbares enneproduit le papyrus et se décharge dans la mistraversent sur leurs coursiers rapides l'Ister
mer par plusieurs embouchures, lister, transforméen une route de glace ; et, aussi redont les vents glacés durcissent l'azur, doutables parleur monture que parleurs flèches
gèle et se glisse furtivement dans les eaux d'une immense portée, ils dévastent les camde l'Euxin. Où voguait le navire, on mar- pagnes voisines dans toute leur étendue. Les
che d'un pied ferme, et l'onde solide re- habitants s'enfuient, et la terre, abandonnée par
tentit sous le pas des coursiers. Sur ces ponts ses défenseurs, est s\ la merci des barbares et
d'une nouvelle espèce, au-dessous desquels dépouillée de ses trésors, il est vrai que ces
Nix jncel, et jacUm nec sol pluviseve resolvunt :
Indurat Boreas, perpetuamque facit.
Ergo , ubi delicuit nonduin prior, altéra venit :
Et solet in multis Lima manere locis.
Tantaque eommoti vis est Aquilonis , ut allas
/Equet humo turres , tectaque rapta ferai.
Pellibus et sutis arcent maie frigora braccis ,
Oraque de loto corpore sola patent.
Ssepe sonant inoti gtacie pendente rapilli,
Et nitet inducto candida barba gelu :
Nudaque consistunt formam servantia testto
Vina : née bausta meri, sed data Trusta bibunt.
Quid loquar, ut vincli eoncrescaut frigore riri,
Deque lacu fragiles effodiantur aquœ ?
Ipse, papyrifem qui non angustior amne,
Miscetur vasto multa per ora freto,
Cxruleos ventis latices durantibns Ister
Congelât, et teelis in mare serpil aquis.
Quaque rates ierant, pedibus nunc itur, et undss
Frigore concretas ungula puisât equi ;
Ferque novos pontes subter labentibus undis
Dncunt Sarmatici barbara plaustra boves.
Via eqnidem credar : sed cum sint prtemia falsi
Nulla, ratam testis débet babere fidem.
Vidinius ingentem glarie consislere pontum ,
Lubricaque immotas testa premebat aquas.
Nec vidisse sat est ; durum calravimus aequor :
Undaque non udo sub pede summa fuit.
Si tibi taie fretum quondam Leandre fuisset,
Non foret angustae mors tua crimen aquae.
Tum neque se pandi possunt delpbines in auras
Toi 1ère : conantes dura coercet hyems ;
Et quamvis Boreas jactatis insonet alis,
Fluctus in obsesso gurgite nullus erit.
Inclusaeque gelu stabunt, ut marmore, puppes :
Nec poterit rigidas findere remue aquas.
Vidimus in glacie pisces hxrere ligalos :
Et pars ex illis tuin quoque viva fuit.
Sive igitur nimii Boreœ vis sacra marinas,
Sive redundalas flumine cogit aquas ;
Protinus , acqualo siccis Aquilonibus Istro,
Invehilur céleri barbarus hostis equo :
llostis equo pollens longeque volante, sagitta,
Vieinam late depopulatur huinuui.
Diffugiunt alii, nullisque tuentibus agms.
Incusloditac diripiuntur opes ;
!»
LES
trésors se réduisent à peu de chose ; du bétail, des chariots criards et quelques ustensiles
qui font toute la richesse du pauvre agriculteur. Une partie de ces malheureux, emmenés
captifs et les mains liées derrière le dos, jettent
en vain un dernier regard sur leurs champs et
«ur leurs chaumières : d'autres tombent misérablement percés de ces flèches dont la pointe
recourbée en forme d'hameçon était imprégnée de poison. Tout ce qu'ils ne peuvent emporter ou traîner avec eux, ils le détruisent, et
laflammeennemie dévore ces innocentes chaumières. Là, on redoute la guerre au sein même
de la paix ; la terre n'y est jamais sillonnée par
la charrue; et comme sans cesse on y voit l'ennemi ou qu'on le craint sans le voir, le sol abandonné reste toujours en friche. Le doux raisin
n'y mûrit jamais à l'ombre de ses feuilles, et le
vin n'y fermente pas dans des cuves remplies
jusqu'au comble. Point de fruits dans tout
le pays, et Aconce n'en trouverait pas un seul
pour y tracer les mots destinés à sa bien-aimée;
on y voit toujours les champs dépouillés d'arbres et de verdure : enfin c'est une contrée
dont l'homme heureux ne doit jamais approcher. Eh bien, dans toute l'étendue de l'immense univers, c'est là le lieu qu'on a trouvé
pour mon exil!
Rurif opes parvœ, pecus, et stridentia plaustra ;
Et qua» divilias incola pauper habet.
Pars agitur viuctis post tergum capta lacertis ,
Respiciens frustra rura Laremque suum.
Pars cadit hamatis misère confina sagiltis :
Nam volucri ferro tinclile virus iuest.
Qua; nequeuot sérum ferre aut abducere, perdunt;
Et cremat insontes hosties flamma casas.
Tum qupque, quiurj pax est, trépidant formidine belli :
Nec quisquam presso vomere sulcat humum.
Aut videt, aut metuit locus bic, quem non videt,hostem.
Cessât iners rigidn terra relicta situ.
Non hic pampinea dulcis latet uva sub umbra ;
Nec cumulant altos fervida m us ta lacus.
Poma negat regio : nec haberet Acontius in qun
Scriberctbic domina; verba legeqda sua;.
Aspiceres nudos sine fronde, sine arbore campos;
Heu I loca felici non adeunda viro I
Ergotam la te paleatquum maximus prbis ;
Hoec est in pâmant terra reporta meam !
T. IV.
TRISTES.
70«
ELEGIE XI.
S'il est vrai, homme impitoyable, que tu insultes à mon malheur, et que tu me poursuives
sans fin de tes sanglantes accusations, c'. st
sans doute qu'un rocher t'a donné le jour,
qu'une béte féroce t'a nourri de son lait, que tu
as enfin, je le dis hautement, un cœur de pierre.
A quel plus haut degré ta haine peut-elle
encore atteindre? Que vois-tu qui manque à
ma détresse? J'habite une contrée barbare,
les rives inhospitalières du Pont, sous la constellation de l'Ourse du Alénate et de son fidèle Borée. Je ne puis établir aucune relation
verbale avec ces peuples sauvages ; et tout ici
respire l'inquiétude et la crainte. Comme le cerf
timide surpris par des ours affamés, ou comme
la brebis tremblante entourée par les loups
descendus des montagnes, tel, environné de
toutes parts de peuplades guerroyantes, je
tremble d'effroi, sous le fer d'un ennemi sans
cesse menaçant. Et quand ce serait une légère
punition d'être séparé de mon épouse chérie, de
ma patrie et de tout ce qui m'est cher, et quand
je n'aurais autre chose à souffrir que la seule
colère de César, est-cedonc si peu que d'avoir à
subir la colère de César? Et cependant il se trouve
un hommeassez inhumain pour rouvrir mes blessures saignantes encore, et pour déclamer contre
mes mœurs. Dans une cause facile, tout homme
peut être éloquent; et il faut bien peu de force
ELEGIA XI.
Si quis es, insultes qui casibus, improbe, nostris ,
Meque reum dempto fine cruentus agas •
Natus es e scopulis, nutritus lacté ferino ;
Et dicam silices pectus babere tuum.
Quis gradus ulterior, quo se tua porrigat ira
Restât? quidve meis cernis abesse roalis:'
Rarbora me tellus, et inbospita liltora ponti,
Quumque suo Borea Mœnalis ursa videt.
Nulla mihi cum gente fera eommercia linguse ;
Oumia sollicita sont loca plena metus :
Dtque fugax avidis cervus deprensus ah unis
Cinctave montâtes ut pavet agna lupis ;
Sic ego, belligeris a gentibus undique septus,
Terrenr ; hoste meuin pœne premente latus.
Dtque sit exiguum pœna;, quod conjuge cara
Quod patria careo, pignoribusque meis :
Ut mala nulla feront, nisi nudam Canaris iram Nuda parum nobis Canaris ira mali est ?
Et tamen est aliquis, qui vulnera cruda retractet
Solvat et in mores ora diserta meus.
In causa facili cuivis lieet esse disertn,
47>
on
OVIDE.
7C6
pour renverser l'objet qui chancelle; mais ren- yeux ; et ce n'est pas seulement dans sa forme
verser les forteresses, ébranler les plus fermes qu'il faut l'apprécier. Vois-tu cette ouverture
remparts, voilà du véritable courage. Les lâches pratiquée dans le flanc droit du taureau? c'est
seuls foulent aux pieds ce qui est abattu. Je ne parla qu'il faut jeter celui dont tu voudras te
suis plus ce que j'étais autrefois; pourquoi donc défaire ; dès qu'il y sera enfermé, qu'un feu
s'acharner contre un vain fantôme? Pourquoi entretenu lentement l'y consume; alors la vicécraser sous le poids d'une pierre et ma cendre time mugira, et tu croiras entendre la voix du
et mon tombeau? Ce guerrier qui combattait si véritable taureau. En retour de cette invention,
vaillamment était bien Hector, ma;s cet autre rends-moi, je te prie, présent pour présent, et
qui fut traîné par les coursiers d'Achille n'é- accorde à mon génie une récompense digne de
tait plus Hector. El moi aussi, songe que je ne lui. > Il dit ; et Pbalaris : < Admirable créasuis plus celui que tu connus jadis: je n'en suis teur de ce nouveau supplice, fais-en toi-même
plus quel'ombre ; à quoi bon tourmenter si mé- 1 essai le premier, > Bientôt, cruellement déchamment une ombre de tes propos amers; voré par ces feux qu'il venait de faire connaître, il laissa échapper des cris plaintifs de sa
cesse, je te prie, de troubler mes mânes.
Admets la justice des griefs qu'on m'impute, bouche tremblante.
Mais quel rapport y a-t-il entre les Siciliens
ne fais même aucune distinction entre ce qui
n'est qu'imprudent et ce qui est criminel ; eh et moi qui vis parmi les Scythes et les Gètes?
bien! la proscription expie mes fautes; je suis Qui que tu sois donc, je reviens à toi et à mes
puni, et ta haine en est satisfaite: je suis puni plaintes. Pour que tu puisses te désaltérer dans
par l'exil et par le lieu qu'on a choisi pour cet mon sang, et assouvir à ton aise les haines de ton
exil; ma fortune arracherait des larmes au cœur impitoyable, sache que, pendant que je
bourreau ! A tes yeux, elle n'est pas encore as- m'éloignais, j'ai souffert tant de maux, et sur
terre et sur mer, que tuseraiscapahle.je pense,
sez déplorable.
Tu es plus cruel que le farouche Busiris, d'en être attendri, si tu me les entendais raconplus cruel que l'inventeur de ce bœuf artificiel ter. Crois-moi, si l'on me comparait à Ulysse, on
qu'il faisait rougir à petit feu, et dont, suivant verrait que Jupiter fut plus irrité contre moi
l'histoire, il fit nommage au tyran sicilien, en que Neptune contre lui; ainsi donc, qui que lu
exaltant les merveilles de cette œuvre, t O roi, sois, cesse de rouvrir mes blessures, de pordisait-il, ce présent peut être pour toi d'une ter une main cruelle sur une plaie trop sensiutilité plus grande qu'il ne le semble à tes ble : laisse-là se cicatriser, afin que l'oubli affaiEt minimœ vires frangere quassa valent.
Subruereest arces et stantia raœnia virtus :
Quainlibet ignavi prœcipitata premnnt.
Non sum ego quod fueram : Quid inanem proteria uroQuid cinerem saxis bustaque noslra prenais? [brain?
Hector erat tune quum bello certabal ; al idem
Tractus ad llœmonios non erat Hector equol.
Me quoque, quem noras oliin, non esse mémento.
Ex illo superanl btec simulacre viro.
Quid simulacre, ferox, dictis incessisamarit?
Parce, precor, mânes sollicilare meos.
Omnia vera puia ineo crimina. Nil sit in illis
Quod magis errorem quam scelus esse putes.
Pendimus en prolugi, salia tua pectora , peenaa,
Exsilioque graves, exsiliique loco.
Carmfici forluna polestrneaflendavideri :
Te tamen est uno judice mersa parum.
Sajvior es trisli Busiride ; sa?vior illo
Qui falsuin lento tnrruil igné bovem :
Quique bovem Siculo fertur donassc tyranno ,
Et dictis artes conciliasse suas.
Munere in boc, rex, est usus, sed imagine major :
Nec sola est operis forma probanda mei.
Aspicis a dextra latus boc adaperlile tauri ?
Hue tibi, quem perdes , conjiciendus erif.
Protinus inclusum lentis carbonihus ure;
Mugiet, et veri vox erit illa bovis.
Pro quibus inventis, nt munus munere penses,
Oa, precor, ingenio prawiia digna meo.
Dixerat ; at Phalaris : Poene? mirande repertof,
Ipse tuum prsesens imbue, dixi, opus.
Nec mora , monstratis crudeliter ignibus nstus
Exbibuit querulos ore tremente sonos.
Quid mihi cum Siculis inter Scvtbiamque QeUsque?
Ad le , quisquis is es, nostra querela redit.
Ctque sitim nostro possis explere cruore,
Quantaque vis , avido gaudia corde feras;
Tôt mala sum fugiens tellure , tôt srquoré passus,
Te quoque ut auditis posse dolere pulem.
Crede mibi , si sit nobis collatus Ulysses,
Nepluni minor est, quam Jovis ira fuit.
Ergn quicunque es , rescindere ruinera noli,
Dequc gravi duras vuluere toile manOs :
Ulque meta fa ma m tenuent oblivia culpos,
Fata cicalricem ducere nostra sine :
Humameque memor sortis, que? tollit eosdem,
«T
LES TRISTES
busse l'éclat de me faute; songe à la destinée
humaine, qui nous élève et nous abaisse tour à
tour, et redoute pour toi-même ses caprices;
mais enfin, puisque, par une circonstance que je
n'aurais jamais pu prévoir.ta sollicitude est pour
moi si vive, rassure-toi, mon malheur est complet ; la colère de César entraîne après soi toutes les misères; pour t'en convaincre, et afin
que tu ne croies pas que cet état de choses soit
parement imaginaire, puisses-tu éprouver toimême les maux que j'endure!
ÉLÉGIE XII.
Déjà le zéphyr a tempéré la rigueur du
froid, et, maintenant que l'année est accomplie,
je trouve que cet hiver des rives meotides s'est
prolongé plus que tous les autres. Celui qui
ne sut pas porter Helié jusqu'au rivage, rend
égale la durée des jours et des nuits. Déjà les
jeunes garçons et les folâtres jeunes filles
cueillent les violettes (1) écloses dans les campagnes sans aucune semence ; la prairie se
décore de mille fleurs diverses, et l'oiseau babillard chante à l'étourdie ses refrains printaniers ; alors, pour réparer son crime de mère
dénaturée, l'hirondelle suspend à la poutre
son nid, délicat édifice; l'herbe, comprimée
jusque la sous les sillons de Cérès, perce le sol
Et premit; incertas ipse verere vices.
Et quoniam, fieri quod nunquam poste putavi,
Est tibi de rébus maxima cura meit ;
Non est quod tiineas : Fortuna miserrima nostra est.
Omne trahit secum Cœsaris ira malum.
Quod magis ut liqueat, neve hoc tibi flngere credar ;
Ipse velim poenas experiare méat.
ELEGIA XII.
Frigora jam Zephyri minuunt, annoqne peracto,
Longior anliquis visa Majotis hyems :
Impositamque sibi qui non bene pertulit Hellen,
Tempora nocturnis saqua diurna facit.
Jam violam puerique legunt hilaresqne puellae,
Rustica quam nullo terra serente gerit :
Prataque pubescunt variorum flore colorum,
Indociiiqne loquax guitare ver no t avis.
TJtque mais crimen matris deponat hirnndo,
Sub trabibus cunas parvaque tecta facit.
Herbaque, quœ latuit GereaUbna obrnta snlcia,
Exserit e tepida molle cacnmen humo :
707
attiédi de sa tige tendre encore; on voit, aux
lieux où croît la vigne, poindre le bourgeon sur
le cep; mais la vigne ne croît que bien loin des
rives gétiques, et partout où viennent les arbres, on voit les rameaux se gonfler de sève •
mais les arbres ne viennent que bien loin des'
frontières gétiques. A Rome, c'est le temps des
loisirs; les jeux s'y succèdent sans interrnption, et remplacent les discussions bruyantes du
verbeux forum. Ce sont tantôt des courses de
chevaux, tantôt des combats à armes légères
tantôt la paume, tantôt le cerceau anx évolutions rapides; tantôt, enfin, la jeunesse romaine , frottée de l'huile dont elle s'est servie
dausla lutte, plonge ses membres fatigués dans
la fontaine vierge (2). Le théâtre est en pleine
vogue, les factions y éclatent en transports opposés, et les trois forum retentissent du fracas
des trois spectacles (3). 0 quatre fois, mille et
mille fois heureux celui à qui ne sont pas interdi les les délices de Rome !
Pour moi, les plaisirs de la saison consistent
à voir fondre la neige au soleil du printemps
et à puiser l'eau sans avoir besoin de la briser. La mer n'est plus enchaînée par la glace
et le bouvier sarmate ne conduit plus, comme
naguère, sur le Danube, ses chariots criards
Peut-être verrai-je bien tôt approcher quelques
navires, et une voile étrangère flotter vers la
côte du Pont; je m'empresserai alors d'accourir, de saluer le nautonier, et de lui demander
Quoque loco est vitis, de palmite gemma movetor ;
Nom procul a Getieo liltore vitis abest.
Quoque loco est arbor, turgescit in arbore ramus :
Nam procul a Geticis n'nibus arbor abest.
Otia nunc istic, jnnctisque ex ordine ludis
Cedunt verbosi garrula bella fori.
Usas equi nunc est, levibus nunc ludittrr armis :
Nunc pila, nunc céleri volvitor orbe trochus.
Nunc, ubi perfusa est oleo labente jnventus,
Defessos artus virgine tingit aqua.
Scena viget, studiisque favor distantibus ardéf ,
Proque Iribus résonant terna theatra foris.
0 quater, et quoties non est nnmerare, beatum,
Non interdicta eui licet urbe frai 1
At mihi sentitur nix verno sole soluta,
Quaaque lacu duro vix fodiantur aquaj.
Nec mare concrescit glacis : nec, ut ante, per Istram
Stridula Sauromates plaustra bubulcus agit.
Incipient aliquae tamen hue adnare carinaa,
Hospilaque in Pouti litore puppis erit ;
Seduius obeurram nautae : dictaque salute
Quid veniat quaaram, qniave, quibnsve Iocis.
54
43.
OVIDE.
708
ensuite où il va, quel il est, et d'où il vient. Je
ÉLÉGIE XIII.
m'étonnerais beaucoup si, venu d'un pays liVoici que revient, à son époque ordinaire, le
mitrophe, il ne se contentait pas de sillonner
sans danger les eaux de son voisinage. Rare- jour inutile (car quel avantage ai-je retiré de la
ment en effet un vaisseau quitte l'Italie pour vie?), le jour de ma naissance. Cruel ! pourquoi
une si longue traversée; rarement il s'expose venir augmenter les années d'un exilé? tu desur ces côtes toutes dépourvues de ports; ce- vrais bien plutôt y mettre un terme. Si tu t'intépendant, soit qu'il parle grec, soit qu'il parle ressais à moi, ou si lu avais quelque pudeur, tu
latin, langue qu'il me serait plus agréable d'en- ne me suivrais pas hors de la patrie; mais dans
tendre, soit aussi que le Noms ait poussé vers le lieu même où tu éclairas les premiers moces lieux quelque navigateur parti de l'entrée ments de mon enfance, tu aurais dû être le
du détroit et du canal de la Propontide, quel dernier de mes jours ; ou, du moins, quand je
que soit ce mortel, sa voix peut être l'écho de quittai Rome, tu devais, à l'exemple de mes
quelque nouvelle, une partie, un degré quel- amis, me dire tristement un dernier adieu !
Que viens-tu faire sur les terres du Pont? le
conque de la renommée. Ah! puisse-t-il avoir à
me raconter et les triomphes'de César et les ac- courroux de César t'aurait-il aussi relégué aux
tions de grâces adressées à Jupiter par les peu- bornes glacées du monde? Tu espères peut-être
ples du Latium (4), et ton abaissement, rebelle que je te rendrai ici les honneurs accoutumés ;
Germanie, la tête, enfin, tristement courbée que, pour le recevoir, je revêtirai mes épaules
sous le pied du conquérant (5)! Celui qui m'an- de la robe blanche aux plis flottants, que je
noncera ces merveilles, dont je gémirai de n'a- ceindrai de fleurs les autels fumants du sang
voir pas été le témoin, recevra immédiatement des victimes, et que le grain d'encens pétillera
l'hospitalité dans ma demeure. Mais, hélas! sur le brasier solennel; qu'enfin tu verras mes
c'est donc réellement sous le ciel de la Scythie mains offrir le gâteau destiné à fêter l'anniverqu'est la demeure d'Ovide? Mon châtiment me saire de ma naissance, et entendras de ma boucondamne-t-il à y fixera jamais mes pénates? che sortir des prières d'un heureux augure?
Fasse le ciel que César ne veuille pas que ce Mais ma fortune et les circonstances ne sont
soit ici ma patrie, le séjour de mes dieux do- pas telles que je puisse me réjouir de Ion arrimestiques, mais un pays dont je ne suis que vée. Un autel funèbre entouré de lugubres
l'hôte passager, et où je dois seulement expier cyprès, près de là un triste bûcher tout prêt à
me réduire en cendres, voilà ce qui me convient.
ma faute !
Ile quidem mirum , niai de regiooe propinqua
Non niai vicinal tutui ararit aquas.
Rarus ab Italie tantntn mare navita tranait :
Litora rarua in ha?c portnhus orba venit.
Sive tamen Graia scierit, m e ille Latina
Voce loqui, carte gratior hujna erit.
pas quoque, ab ore freti longœque Propontidos nndil,
Hue aliquem cerlo vêla dédisse Nolo.
Quisquis is est, meinori rumorem voce relerre,
El fieri fainœ parsque graduaque poteat.
la, precor, audilos posait narrare triumphos
Canaris, et Latio reddila vota Jovi :
Teque, rebellatrix, tandem, Germania, magni
Triste caput pedibus supposasse ducis.
Haec mibi qui referai, que non vidisae dolebo,
Ille meœ domui protinua hospes erit.
Heu inihi, jamne doinus Scythico Naaonia in orbe?
Jamque suum mihi dat pro Lare pana locum 1
Dt faciant, ut Cœsar non hic penetrale domumqoe,
Hospitium pana sed velit eue mes.
ELEGIA XIII.
Ecce supervacuus , quid enim fuit utile gigni ?
Ad sua nalalis tempora nosteradeat.
Dure, quid ad miserai veniebas exsulisannos?
Debueraa illii imposuisse modutn.
Si tibi cura mei, vel ai pudor ullua inesael,
Non ultra patriam me aequerere meam.
Quoque loco primum tibi sum maie cognitui infani,
lllo tentasses ultimus ease mihi :
Jamque relinquendo, quod idem fecere sodales,
Tu quoque dixiases tristis in urbe, vale.
Quid tibi cum Ponto ? num te quoque Canaris ira
Extremam gelidi misit in orbia humum?
Scilicet exapectes soliti tibi moris honorera ,
Pendeat ex huraeris veatis ut alba mois ?
Fumida cingaturflorentibusara ooronis?
Micaquesolemni turii in igné aonet?
Libaque dem pro te génitale notautia tempns ,
Concipiamque bonai ore favente preces ?
Non ita sum positus : nec sunt ea tempora nobia,
Adventu possim Istus ut este tuo.
Fnneris ara mihi ferali cincta cupreaso,
2{
LES TRISTES.
709
Il n'est plus temps d'offrir l'encens aux dieux je te les recommande; et désormais, orphelins,
inexorables, et, livré à tant de misères, je ne ils deviendront pour toi, leur tuteur, un farsens point venir sur mes lèvres d'heureuses pa- deau d'autant plus lourd. Trois de mes enfants
roles. Si pourtant j'ai encore un vœu à former ont eu part à ma disgrâce, mais prends publien ce jour, c'est que, je t'en supplie, tu renonces quement les intérêts des autres; il y a aussi
à me visiter ici, dans ce pays situé presque quinze volumes de Métamorphoses, poésies
aux extrémités du monde, sur les rives du l'ont échappées à la destinée fatale qui a frappé leur
maître: cet ouvrage aurait eu de meilleures
si mensongèrement appelé Euxin.
chances de succès si ma catastrophe subite ne
m'eût empêché d'y mettre la dernière main.
C'est à l'étal d'ébauche qu'il est maintenant
soumis au jugement du public, si le public veut
ÉLÉGIE XIV.
bien encore s'occuper de ce qui vient de moi.
Ajoute aussi à mes autres écrits ces productions
Sectateur et pontife sacré du culte des let- nouvelles que je t'envoie d'un autre hémitres , que fais-tu maintenant, fidèle ami de ma sphère. Quiconque les lira (si tant est qu'on les
Muse? Toi qui me préconisais durant ma pro- lise) devra me tenir compte des circonstanspérité, as-tu soin que je ne sois pas exilé tout ces et des lieux où l'ouvrage a été composé.
entier? Recueilles-tu mes ouvrages, à l'excep- On ne peut manquer d'être impartial quand
tion , toutefois, de cet Art d'aimer, si funeste à on saura que ces circonstances sont l'exil,
son auteur? Eh bien, continue, je te prie, d'en et ces lieux un pays de barbares. On s'étonagir ainsi, loi lecteur assidu de nos poêles mo- nera même que, parmi tant d'adversités, ma
dernes, et ne néglige rien pour me conserver main ait eu la force de tracer un seul vers. Le
dans Rome. C'est à moi qu'a été infligé l'exil, malheur a épuisé mon génie, dont la veine
et non à ceux de mes livres qui n'ont pas mé- n'était déjà ni riche ni féconde : telle qu'elle
rité de subir le châtiment de leur maître. Sou- fût enfin, elle s'est tarie, faute d'exercice, et a
vent un père est condamné à un lointain exil, péri desséchée par suite d'une longue inaction.
sans que le séjour de la patrie soit interdit aux Je n'ai pas ici assez de livres pour m'encouraenfants. Comme Pallas, mes vers n'ont point ger au travail et nourrir ma verve; au lieu de
eu de mère : ils sont ma famille, ma postérité ; livres, j'ai sous les yeux des arcs et des armes
Conveuit, et structis flamma parata rogis.
Nec dare tura libet nil exorantia divos :
In tautia aubennt nec bona verba malis.
Si taraen est aliquid nobia bac luce petendum ;
In loca ne redcas omplius iata precor :
Duin me terraram pars pâme nnvissima, Pontus
Euxini lalso nomine dictus babet.
ELEGIA XIV.
Cnltor et autistes doctorum sa ne te virorum ,
Quid lacis ingenio semper amice meo?
Ecquid, ut incolnmem quondam celebrare solebas ,
Nunc qnoque, ne videar totos abesse, caves ?
Soscipis exceptis ecquid mes carmins solis
Artibus , artiflei qute nocuere suo ?
Immo ita lac vatum, qtiœso , studiose novoriini,
Quaque potes rétine nomen in urbe ineum.
Est fuga dicta mibi, non est fnga dicta libellis ,
Qui domini pœnain non meruere patl.
Sajpe per externes profugus paterexsulat ors s ;
Urbe tamen natis exsulis esse licet.
palladis exemple, de me sipe maire creata
Carmins sunl. Slirps hase progeniesque mes est.
Hanc tibi commendo : quas quo magis orba parente,
Hoc tibi lutori sarcina major erit.
Très mibi sunt nati contagia noslra secuti :
Caetera tac cura; sit tibi turba palam.
Sunt quoque mutais; ter quinque volumina forma; ;
Carmins de domini funere rapta aui.
Illud opus potuit, si non prius ipse périssent,
Certius a summa nomen babere manu.
Nunc incorrectum populi pervenit in ora :
In populi quidquam si tamen ore meum est.
Hoc quoque, nescin quid, nostris adpone libellis,
Diverso missum quod tibi ab orbe venit.
Quod quicumque leget, si quis leget, œstimetante,
Compositum quo sit tempore, quoque loco.
ittqtius erit scriptis, quorum cognoverit esse
Exsilium tempus, barbariemque locum :
Inquc tôt adversis carmen mirabitur ullum
Ducere me tristi suatinuisse manu.
Ingenium fregere meum mala : cujus et ante
Fons infœcundus parvaque vena fuit.
Sed qusecumque fuit, nullo exercente refugit,
3«
Et longo periit arida fada situ.
710
OVIDE.
retentissantes. Il n'est personne ici dont les chose, et les expressions me manquent, et j'ai
oreilles pussent entendre mes vers ni les com- oublié ma langue. Je suis assourdi par le jarprendre, et il n'est pas de lieu où il me soit pos- gon thrace ou scythe, et il me semble déjà que
sible de me retirer à l'écart ; les murs de la je pourrais écrire en gétique. Je crains même
ville et ses portes bien closes nous protègent sérieusement qu'il ne s'en soit glissé quelque
toujours contre les attaques des Gèles. Sou- peu dans mon latin, et que tu ne trouves mêlés
vent je suis embarrassé pour un mot, pour un à mes vers des termes du Pont. Quelle que soit
nom, pour un lieu, et personne ne peut dissi- d'ailleurs la valeur de ce livre, je le demande
per mes doutes. Souvent, (je l'avoue à ma grâce pour lui, et que ma fortune présente soit
honte), je cherche péniblement à dire quelque auprès de toi son excuse.
Non hic librorum , per quos inviter alarque,
Copia. Pro libria arcus et arma sonant.
Ntillus in hac terra, recitem si rarmina , cujus
Intellecturis aaribns utar, adest.
Necquo secedain locus est. Custodia mûri
Submovet infealos clausaque porta Gelas.
Scpe aliquod verbum qussro, nomenque locumque :
Necquisquam esta quo certior esse queani.
Dicere sacpe aliquid conanli, lurpe fateri,
Vcrba mihi désuni : dedicique loqui.
Threicio Scytbicoque fere circumsonorore,
Et videor Geticis scribere posse modia.
Crede mihi, timeo ne sint immista Latinis,
Inque meis scriptis Pontica verba legas.
Qualemcumque igitnr, venia dignare libellutn :
Sortis et excusa conditions metc.
52
LES TRISTES.
711
ooeoooooooQooooooooooooaoscDcccoccsooooooooooo
LIVRE QUATRIÈME.
ÉLÉGIE I.
S'il y a, et il y en aura sans doute, quelques
défauts dans ces opuscules, que les circonstances, lecteur, les excusent à les yeux. J'étais
exilé, et je cherchais, non la gloire, mais un délassement qui enlevât à mon âme la continuelle
préoccupation de ses maux; c'est le même
besoin qui fait que l'esclave condamné à creuser la terre, les fers aux pieds (1), chante pour
alléger, par de grossières mélodies, le poids du
travail; que, péniblement courbé sur le sable
fangeux, le batelier chante, en traînant avec
lenteur sa barque contre le courant, et que
chante aussi le matelot qui ramène, avec mesure, les rames flexibles vers sa poitrine, et,
par le jeu de ses bras, frappe les flots en cadence. Le berger fatigué s'appuie sur sa houlette, ou s'assied sur un rocher, et charme ses
brebis par les airs de ses pipeaux rustiques ; la
servante chante et accomplit en même temps
sa tâche, dont elle se dissimule ainsi la rigueur.
ELEGIA I.
Si que meia fuerint, ut erunt, vitiou libellis ;
Excusais «uo tampon, lector, hahe.
Exaul anm , mquieaque mihi non fania petita est :
Mena intenta auia ne foret naque malia.
Hoc eat, enr cantet vinctua quoque coitipsde foaaor,
Indocili numéro quum grave mollit opoa :
Cantet et innitena limoeat pronna arenœ
Adverso tardant qui trahit amne ratent :
Qnique ferras pariter lentos ad peclora remoa,
In numerum puisa brachia versât aqua.
Feasua ut incubuit baculu, aaxove reaedit
Faator ; arundineo carminé mulcel ovea.
Canuntia pariter, pariter data pensa trabentia
FaUitnr aueillss decipiturque labor,
On dit qu'après l'enlèvement d'Hippodamie,
Achille, désolé, s'arma contre le désespoir de la
lyrehémonienne; si,enfin, Orphée entraîna, par
sesaccents.lesforétsetlesrochersinsensibles.ce
fut à cause de sa douleurd'avoir perdu deux fois
son Eurydice.
Et moi aussi, ma muse me console dans cette
retraite du Pont où l'on m'a relégué; seule elle
a été la compagnefidèlede mon exil, seule elle a
bravé les embûches desbrigands,Je fer de l'ennemi, la mer, les vents et la barbarie; elle sait aussi
quelle erreur m'aveugla lorsque je me perdis
moi-même; ellesaitquemonaction fut une faute,
et non pas un crime, et peut-être veut-elle compenser aujourd'hui le mal qu'elle me fit autrefois, quand elle fut accusée d'être ma complice.
Cependant, puisque les muses devaient m'éire si fatales, je voudrais n'avoir jamais été initié à leurs mystères.
. Mais que faire aujourd'hui? je suis leur esclave, et, victime de la poésie, je suis assez fou
pour l'aimer toujours. Ainsi, le fruit du lotos,
Fertur et, abducta Briseide, triatia Achilles
Hœntonia curas atténuasse lyra.
Quum tralieret silvas Orpbeus et dura canendo
Saxa , bis amissa conjuge mosstua erat.
Me quoque Musa levât, Pottti lora jttssa petratetn.
Sola cornes nostrat perstilit illa fuga> :
Sola nec insidias hominum ; nec militis ensem,
Nec mare, nec venu», barbariemque timet.
Scit quoque, quum perii, quis me deceperit error,
Et cttlpam in facto, non scelus, esse meo.
Scilicel hoc ipso nonr atqua , quod obfuilante,
Quum mecum juncti crimitiis acla rea est.
Non equidem vellem, quoniam nocilura fuerunt,
Pieridum sacris imposuisse roannm.
Sed nunc quid faciam ? via me tenet ipaa Sororum :
Et carmen démens, carminé latsus, amo.
*»
712
OVIDE.
lorsque les Dul y chiens en goûtèrent pour la ont pris parti contre moi avec le grand César,
première fois, les séduisit, tout fatal qu'il leur et m'accablent d'autant de maux qu'il y a de
fût par sa déliciense saveur. L'amant voit tous grains de sable sur le rivage, de poissons, et
les dangers qu'il court, et pourtant il les re- d'oeufs même de poissons dans la mer : on
cherche avec ardeur, et le sujet de sa faiblesse compterait plutôt les fleurs au printemps, les
épis en été, les fruits en automne et les flocons
devient le but de ses plus vifs désirs.
Et moi aussi j'ai la passion d'écrire, cette de neige en hiver, que les vicissitudes dont je
passion qui est la source de mes infortunes, et fus le jouet, ballotté d'un monde à l'autre pour
j'aime le Irait qui m'a blessé. Peut-éire cet atteindre péniblement à la rive gauche de
amour passera-t-il pour une folie, mais c'est l'Euxin; et, depuis mon arrivée, la fortune
une folie qui n'est pas sans quelques avanta- n'a pas rendu mes maux plus légers : ma desges: elle dérobe mon ame à la continuelle con- tinée a fait route avec moi jusqu'ici. Ici encore
templation de ses maux, et lui fait oublier sa je reconnais la trame du jour de ma naissance,
situation actuelle. De même qu'une bacchante trame dont le fil fut emprunté à une toison
perd le sentiment de sa blessure, lorsqu'en proie noire. Sans parler des embûches, des dangers
au délire elle pousse des hurlements sur les qui menacèrent ma télé, dangers trop réels,
sommets de l'Édon ; ainsi, quand ma brûlante mais dont l'horreur surpasse néanmoins tonte
imagination s'exalte, sous l'influence du lliyrse créance, quelle calamité de vivre parmi les
sacré, cet enthousiasme m'élève au dessus de Gèles et les Besses, pour moi qui fus toujours
toutes les disgrâces humaines; l'exil, ces riva- le favori de la renommée! Qu'il est triste d'abriges du Pont et de la Scythie, le ressentiment ter sa vie derrière des portes et des remparts,
des dieux, tout s'efface devant lui; et, comme d'être à peine garanti par des fortifications!
si je m'étais abreuvé de l'eau soporifique du Dans ma jeunesse, j'ai toujours fui les rudes faLélhé, je sens s'évanouir en moi le souvenir de tigues de la guerre (2), et ce n'est que dans les
mon adversité. Je dois donc honorer ces déesses jeux que j'ai manié des armes ; vieux, aujourconsolatrices qui ont abandonné l'Hélicon pour d'hui je tiens une épéed'une main, de l'autre un
s'associer à mon exil, et qui, tantôt sur mer et bouclier, et je couvre d'un casque mes chetantôt sur terre, ont daigné voguer ou marcher veux blanchis. Aussitôt que, de son poste éleavec moi. Ah! puissent-elles du moins me res- vé, la sentinelle nous a donné l'alarme, d'une
ter favorables, puisque tous les autres dieux main tremblante nous revêtons notre armure;
Sic nova Dulichio lotos gnstata palato ,
lllo quo aocuit, grala sapore fuit.
Sentit amans sua damna fere; tamen hœretin illis ,
Materiam rulpeo persequiturque sua?.
Nos qunque délectant, quam vis nocuere , libelli :
Qundque mihi telum vulnera fei'it, amo.
Forsitan hoc studium possit furor esse videri :
Sed quiddam furor bic utilitatis habet.
Scmper in obtutu inenlem vetat esse malorum ,
Prœsentis casus immemoremque facit.
Ulque suum Bacchis non seutit saucia vulnus
Dura stupet Edonis exululata jugis ;
Sic, ulii mota calent viridi mea peclora tbyrso.
Altior humano spiritus iIle malo est.
Ille nec exsilium , Scythici nec litora ponli,
llle nec iratos sentit haberc deos.
litque soporiferœ libérera si porula Lethes,
Temporis adversi sic mibi sensus hebet.
Jure deas igitur veneror mala nostra levantes ;
Sollicita) comités ex Helirone fugse :
Et partira pelago, partira vestigia terra ,
Vel rate dignatas, vel pede uostra sequi.
Sint, precor, h<e saltem faciles mihi : namque denrum
Caetera cura magno Caesare turba facit.
Meque tôt adversis cumulant, quot littus arenas.
Quoique fretura pisces , ovaque piscis babet.
Vere prius flores, aestu numerabis aristas ,
Poma per aulumnum, frigoribusque nires,
Quam mala , qu«e toto patior jactatus in orbe,
Dura miser Euxini litora leva peto.
Nec tamen, ut veni, levior fortuna malorum est :
Hue quoque sunt nostra» fa ta secuta vias.
Hic qunque cognosco nalalis stamina nostri ;
Stamina de nigro vellere facta mibi.
Utque nec insidias, capitisque pericula narrem,
Vers quidem, vers, sed graviora fide;
Vivere quam miseruin est inter Bessosque Gelasque
llli, qui populi semper iu ore fuit I
Quam miserum porta vilain muroque tueri,
Vixque sui lutuin viribus esse loci.
Aspera militias juvenis certamina fugi,
Nec nisi lusura moviraus arma manu :
Nunc senior gladioque latus scutoque sinistram .
Canitiem gaieté subjirioque meom.
Nam dédit e spécula cuslua ubi signa tumultus;
Induimur trépida protinus arma manu.
76
713
LES TRISTES.
l'ennemi, armé de son arc et de ses flèches
empoisonnées, rôde d'un air farouche autour
de nos remparts, monté sur un coursier haletant; et, comme le loup ravisseur emporte la
brebis qui n'est point encore rentrée au bercail,
l'entraîne à travers les champs et les bois, ainsi
notre ennemi barbare poursuit l'imprudent
resté en dehors des murs, et, surprise dans la
campagne, bientôt la victime est saisie; on l'emmène captive après lui avoir jeté une chaine au
cou, ou bien elle tombe percée d'un trait empoisonné.
Là, nouveau citoyen de ce séjour d'alarmes,
je traîne une existence que le destin prolonge
trop, hélas ! et cependant ma muse, dépaysée,
trouve la force, au milieu de tant de souffrances, de revenir à ses chants et à son culte antique ; mais il n'est personne à qui je puisse lire
mes vers, personne dont les oreilles comprennent la langue latine. C'est donc pour moi seul
(comment ferais je autrement?) que j'écris,
c'est à moi seul que je lis mes vers, et ils sont
bien rassurés sur les dispositions de leur juge.
Combien de fois, pourtant, me suis-je dit : quel
est le but de tant d'efforts? Les Sarmates et
les Gètes liront-ils mes ouvrages? Combien de
fois aussi les larmes sont-elles venues m'interrompra pendant que j'écrivais? Combien de
fois ont-elles trempé mes tablettes? les anciennes blessures de mon cœur saignent encore
comme si elles étaient nouvelles, et un torrent
de pleurs inonde mon sein ! Quand je songe
tour à tour à ce que je fus autrefois et à ce que
je suis maintenant, à celte patrie que m'a faite
le sort, à celle qu'il m'a ravie, souvent, transportée de rage contre celte passion fatale, ma
main livre mes vers au feu dévorant. Puisque,
d'un si grand nombre, quelques-unsseuiement
ont échappé, qui que tu sois, daigne les lire
avec indulgence; et toi, Rome, dont l'accès
m'est interdit, accueille avec bonté ces poésies,
qui ne valent, hélas! pas mieux que ma fortune.
Hostis habens arcua imbulaque tela veneno,
Ssevus anhelauti mœuia lustrât equo.
Ulque rapax pecudem , quse se non texit ovili,
Per sala, per sylvaa , fcrtque trabitque lupus ;
Sic, si quem nondum portarum sepe receptum
Barbarus in campis repperit hostis, agit :
A ut sequitur captus, conjectaque vincula collo
Accipit : aut telo virus liabente cadit.
Hic ego sollicita! jaceo novus incola sedis.
Heu nimium fali tempora longa mei !
Et tamen ad numéros anliquaque sacra reverti
Sustioct in tanti8 hospita Musa malis:
Sed neqne cui récitera quisquam est mea cannina , nec qui
Auribns accipiat verba Latina suis.
Ipsemibi, quid enim faciain* scribnque legoque ,
Tutaque judicio littera nostra suo est.
Saepe tamen dixi : Cui nunctatoccura laborat ?
Au inea .Sauromatœ scripta Getaeque legent ?
Saepe eliam lacrymœ sunt me scrihente profusa),
Hnmidaque est flelu litera facta meo.
Corque vetusta tiieum tauquam nova vulnera sentit,
Inque sinnin mœsta) labitur imber aquœ.
Quum vice muta ta, quid sim fuerimque recordor,
Et tulerit quo me casus , et unde, subit ;
Saepe ma nus démens studiis irata malignis
Misit in arsuros carmina nostra focos.
Atque ea , de multis quoniain non multa supersunt,
Gum venia facito, quisquis es, ista legas.
Tu quoque, non melius, quam sunt mea tempora, carmen
Interdicta mihi, consule, Roma, boni.
ÉLÉGIE II.
Déjà vaincue, peut-être, ô Hère Germanie, tu
as eniin, à l'exemple du monde,fléchile genon
devant nos Césars(l); déjà peut-être leurs majestueux palais se décorent de guirlandes de
fleurs; la fumée de l'encens pétille sur le brazier sacré, obscurcit la clarté du jour, et la hache, un instant balancée, frappe la tête de la
blanche victime dont le sang a rougi la terre.
Je vois marcher aux temples des dieux propices, et y porter leurs offrandes, les deux Césars
vainqueurs, et avec eux les jeunes princes (2)
qui grandissent sous le nom de César, pour
perpétuer le règne de cette famille sur tout
l'univers. Déjà,suivie de ses vertueuses brus(3),
Livie rend grâce aux dieux dusalut de son fils,
et leur offre des présents qu'ils ont bien méri-
ELEGIA H.
Jam fera Gœsaribus Germania, totus At orbis,
Vieta potes flexo succubuisse genu.
Attaque vêlentur foi-tasse palatia sertis,
Turaqne in igné sonent, inttciantque diem ;
Gandidaque, adducta collum percusaa securi
Viclima purpureo sanguine tingat humum :
Donaque amicoruin templis proinisaa deorom
Reddere victorcs Csesar uterque parent :
Et qui Cœsareo juvenes sub nomine crescunt,
Perpetuo terras ut domus ista regat :
Gumque bonis nuribus pro sospite Livia nato
Munera det merilis, saepe dalura, deis :
Et pariter maires, elquaj sine crimine castos
,
15
714
OVIDE.
tes, et qu'elle aura plus d'une fois l'occasion de on , d'immoler les prisonniers en l'honneur d'un
renouveler. Les mères, et les vierges sans ta- dieu qui repoussait de pareils sacrifices. Tek
che, vouées à la garde du feu sacré, forment lacs, telles montagnes, telles forteresses, tek
son cortège ; un peuple affectueux témoigne sa fleuves regorgèrent de carnage et de sang ;
pieuse allégresse ; le sénat la partage, ainsi que dans telles contrées Drusus (7) a conquis son
l'ordre des chevaliers, dont j'étais naguère un nom; Drusus, noble rejeton, si digne de son
membre obscur.
illustre père. Ici l'on voit le Rhin, les cornes
Quant à moi, si loin relégué, le bonheur pu- brisées, cachant en vain sa honte au milieu de
blic m'échappe, et à peine m'en arrive-t-il, dans ses roseaux, et tout souillé de son propre sang ;
ces lieux éloignés, quelque récit incomplet. là est portée la Germanie, les cheveux épars,
Ainsi, tout le peuple pourra contempler ce triste et prosternée aux pieds de notre génétriomphe, lire le nom des chefs et des villes ral ; elle livre à la hache romaine sa tète orconquises (4), voir les rois captifs marcher lecou gueilleuse, et sa main, qui jadis portait des archargé de chaînes devant les chevaux parés de mes, porte aujourd'hui des chaînes.
guirlandes, et remarquer les visages qui porDominant cet ensemble du haut de ton char
tent l'empreinte du malheur, et ceux qui res- triomphal, tu paraîtras, César, aux regards
tent fiers et impassibles ; les uns s'informeront de ton peuple, revêtu de la pourpre solennelle ;
des causes et des faits, des noms des person- partout, sur ton passage, tu seras accueilli par
nages; d'autres, sans en savoir beaucoup plus, des applaudissements, et partout les chemins
se chargeront de tout expliquer. Ce guerrier seront jonchés de fleurs; le laurier d'Apollon
à la taille élevée, et tout resplendissant de la ceindra ta tête, et la grande voix de l'armée
pourpre sidonienne, était le général ennemi; criera: « Triomphe! triomphe! > Au bruit de
près de lui est son lieutenant. Celui-ci, dont les ces applaudissements, de ces acclamations conregards humiliés s'abaissent vers la terre, n'a- fuses, tu verras tes quatre coursiers s'arrêter
vait pas cette contenance, les armes à la main ; plus d'une fois. Bientôt (8), montant au Capitole,
cet autre si farouche, à l'œil encore enflammé ce temple si favorable à tes vœux, tu y déposede haine, fut l'instigateur et le conseil de la ras le laurier promis à Jupiter, et dont ce dieu
guerre ; celui-là, dont la chevelure en désordre aura bien mérité l'hommage.
sert de voile à sa hideuse figure, fit tomber
Du fond de la Scylhie, j'assisterai, autant que
traîtreusement (5) notre armée dans une embus- possible, par la pensée, à ce beau spectacle ; par
cade ; après lui vient le pontife (6) chargé, dit- la pensée, qui étend encore son empire sur les
Perpétua servant virginitate foeos.
Plebs pia , cumque pia Itetenlur plèbe senatus :
Parvaque cujus eram pars ego nuper, eques.
Nos procul expulsos communia gaudia fallunt,
Famaque tam longe non nisi parva venit.
Ergo omnis poterit populus spectare triumphos,
Gumque ducum titulis oppida capta leget,
Vinclaque captiva reges cervice gerentes ,
An te coronatos ire videbit equos :
Et carnet vultusaliis pro tempore versos,
Terribiles aliis immemoresque sui.
Quorum pars causas, et res , et nomina quasret ;
Pars referet, quamvis noverit ipsa parum :
Hic, qui Sidonio fulget sublimis in ostro ,
Dux fuerat belli : proximus ille duci.
Hic, qui nunc in humo lumen miserabile Agit,
Non isto vultu, quum lulit arma, fuit :
llle ferox, oculis et adhuc hoslilibus ardens,
Horlator pugnœ consiliumque fuit.
Perfidus hic nostros inclusit fraude locorum .
Squallida promissis qui tegit ora comis.
lllo, qni sequitur , dicunt mactata ministre
Saepe recusanti corpora capta deo;
Hic lacus, hi montes, baec tôt castella , tôt amnes,
Plena fera etedis, plena cruoris erant.
Drusus in bis quondam meruit cognomina terris ,
Quœ bona progenies digna parente fuit.
Cornibus hic fradis , viridi maie tectus ah ulva ,
Decolor ipse suo sanguine Rhenus erit.
Crinibus en etiam fertur Germania passis,
Et ducis invicti sub pede mœsta sedet :
Collaque Romanaa prœbens animosa securi,
Yincula ferl il la , qua tulit arma , manu.
Hos super in curru, Coesar, victore veheris
Purpureus pnpuli rite per ora tui :
Quaque ibis manibus cirrumplaudere tuorum ;
Undique jaclato flore tegente vias.
Tempora Phoebea lauro cingeris : ioque
Miles, io, magna voce, triumphe, canet.
Ipse sono plausuque simul fremituque canentnm.
Quadrijugos cernes saspe resislere equos.
Inde petes arcem , delubra faventia votis :
Et dabitur merito laurea vota Jovi.
Hœc ego snhmolus, qua possum, mente videbo :
Erepti nobis jus habet illa loci.
llla per immenses spatiatur libéra terras :
LES TRISTES.
lieux dont je suis proscrit, qui parcourt librement l'immensité du monde, et, d'un rapide
essor, s'élance jusqu'aux cieux. Elle promène
mes regards au sein de Rome, et ne permet pas
que je sois tout-à-fait privé de tant de bonheur; elle sefraieraune route pour contempler
ce char d'ivoire, et, grâce à elle, je me retrouverai, du moins pour quelques instants, dans
ma patrie.
Mais, hélas! c'est bien réellement que le peuple heureux jouira de ce spectacle, et que la
feule présente à ces fêtes partagera la joie de
son prince; tandis que moi, qui me repais de si
charmantes idées dans mon lointain exil, c'est
par l'ouie seulement que je participerai à ces
délices. A peine viendra-t-il, du Lalium dans
cet autre hémisphère, un témoin dont le récit
pourra satisfaire ma curiosité; encore, ce
triomphe, quand il me le décrira, sera-t-il déjà
d'ancienne date; mais, à quelque époque qu'en
vienne la nouvelle, je tressaillerai de joie ; ce
jour-là, je quitterai mes habits de deuil, et la
joie publique imposera silence à ma douleur
personnelle.
ÉLÉGIE III.
Grande et petite Ourses, vous qui servez de
guides, l'une aux vaisseaux des Grecs, l'autre
aux vaisseaux phéniciens, qui restez toujours
éloignées du contact des flots de l'Océan, et
In cœlum céleri pervenit il la fuga.
Illa mena oculoa mediam deducit in urbem ,
Immnnes tanti nec sinit esse boni,
lnvenietque viam , qua currus spectel eburnos :
Sic certe in patria per brève tempus ero.
Vera tamen popalus capiet spectacula fclix ,
Lœlaque erit prœsens eu m duce turba suo :
At mibi flngenti tantuin longeque remoto
Auribus hic fructus percipiendus erit ;
Atque procul Latio dirersum inissus in orbeiu
Qui narrât cupido, vix erit, ista mihi.
la quoque jam sérum referet veleremque triumphum ;
Quo tamen audiero tempore , la?tus ero.
Illa dies veniet, mea qua lugubria ponain ,
Cauaaque privata publies major erit.
ELEGIA III.
Magna minorqne fera;, quarum régis, altéra, Uraias;
Altéra, Sidonias, utraque sicca, rates,
Omniaquum summo positœ videatis in axe,
Et maria occiduas non subeatis aquas,
715
qui, du haut du pôle où vous êtes placées, voyez
tout ce qui se passe sur le globe, sans jamais
vous plonger dans la mer occidentale; vous,
enfin, qui, dans votre révolution, décrivez, sans
effleurer la terre, un cercle au dessus de l'horizon, tournez les yeux, je vous prie, vers ces,
murs que le téméraire Rémus, fils d'Ilia, osa,
dit-on, franchir autrefois; portez vos éclatants
regards sur mon épouse bien-aimée, et apprenez-moi si elle est ou nonfidèleà mon souvenir. Malheureux! Pourquoi l'informer d'une
chose trop évidente ? pourquoi ton esprit estil toujours flottant entre l'espoir et la crainte?
Crois ce qui est, ce quiflatteles désirs, et, bannissant de chimériques inquiétudes, sache avoir
foi du moins en l'inébranlable foi qu'on te
garde. Ce que les étoiles du pôle ne sauraient
t'apprendre, la propre bouche peut te le dire à
toi-même : elle ne t'a pas oublié, celle qui fait
le sujet de ta sollicitude, et conserve la mémoire
de ton nom, le seul bien qui lui reste; ton
image est présente à ses yeux comme si tu étais
là, et, malgré la distance infinie qui nous sépare, si elle vit encore, c'est pour t'aimer.
Mais lorsque ton àme, succombant au
poids de la souffrance, a besoin de repos, ta
douleur repousse-telle les bienfaits du sommeil? Les soucis t'obsèdent-ils tandis que tu es
dans la chambre et sur la couche conjugale, et
te permettent-ils de penser à moi ? Une agitation violente s'empare-t-elle de tes sens? Les
nuits te paraissent-elles éternelles? Tes ment
/Elherianique suis cingens amplexibus arcem,
Vester ab intacts circulus exslet humo ;
Aspicite illa, precor, quaa non bene meenia quondam
Dicitur Iliades transiluisse Remua :
Inque meam nitidos dominam converlite vultua :
Sitque memor nostri nerne, referte mihi.
Heu mihil curnimium qute sunt manifesta, requiro?
Cur labat ambiguo spes mihi mista metu?
Crede quod est, quod vis, ac desine tuta vereri :
Deque flde certa sit tibi certa fides :
Quodque polo fixai nequeunt tibi dicere ilomniœ,
Non mentitura tu tibi voce refer :
Esse tui memorem, de qua tibi maxime cura est '
Quodque potest, secuin nomen habere tuum.
Vultibus illa luis, tanquam prœsenlis, inhaeret,
Teque remota procul, si modo vivit, amat.
Eequid ut incubuit justo mens regra dolori,
Lcnis ab admonilo pectore somnus abit?
Tune subeunt cur» , dum te lectusque locUsquc
Tangit, et oblitam non sinit esse mei?
Et veniunt eeslus, et nox immensa vide.tur?
F casaque jactati corporis ossa dolent ?
2(1
716
OVIDE.
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^ tUfteva 4mt les seslfeeesp la pfea seadre sssassaejipsfelefe pspails i i e l i É i l l i i i l I É l l l l I l É ^
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passa, vesasa à la lassasse ssxa ertasessie; pesspssie qmi a» ? M ^ ' | ^ # ^ S s ^ l É i i l l l ^ ^ l l l
plesse ma slagsèsse ; II: p i spelsps esesseesa
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xlaaa im iwmm ; la «baleas vis par allas, es ps:
ssasiS esseere, es; sPS0se...|p8\.::a|g;a^^ir|aa|^^;
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seeaiedetep sispfes l i s esa P P t * si. ssespas
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iii
LES TRISTES.
épouse accomplie, et soutiens, par tes vertus,
ton pénible rôle. La gloire difficile s'acquiert
par des voies difficiles ; qui connaîtrait Hector
si Troie fût restée florissante? C'est dans les
malheurs publics que la lice est ouverte à la
vertu. Ton art n'est rien, Tipliys, si la mer est
calme ; et si les hommes se portaient toujours
bien, ton art, ô Apollon, ne serait rien non
plus. Cachée, inconnue et inactive dans la
prospérité, la vertu se révèle dans l'adversité.
Ma destinée t'offre une occasion de gloire, et
met ton dévouement à des épreuves qui le ren dront célèbre ; profite donc de cette occasion
qui te seconde si bien aujourd'hui ; devant toi
se déroule une carrière vaste et glorieuse.
ÉLÉGIE IV.
illustre descendant de glorieux ancêtres, ô
loi chez qui la noblesse du caractère surpasse
celle de l'origine, en qui l'on ad mire à la fois le
mérite héréditaire et le mérite personnel, loi
dont le génie perpétue cette éloquence, privilège de ta famille, et qui n'a pas de rivale dans
leforumlatin ; si je l'ai nommé sans le vouloir,
et seulement en signalant tes qualités diverses,
pardonne à ces éloges qu'elles m'ont arrachés;
je ne suis point coupable : ce sont tes vertus
Sed magis in nostri corani conaurge tuendi.
Exemplumque mitai conjugis cato bonté :
Materiamque lois trislem virlutibus impie :
Ardua perprsrceps gloria vadat iter.
Hectora quia nosset, si felix Troja fuisset?
Publics virtuli per mala facta via est.
Ara tua, Tiphy, jacet, si non sit in œquorefluctua:
Si valeant homines, ars tua, Pboebe, jacet.
Qua? latet, inque bonis cessât non cognita rébus,
Adparet virtus ; arguiturque malis.
Dat libi uostra locum tituli fortuna ; caputquc
Conspicuum pistas qua tua tollat habct.
IHere temporibus, quorum nunc inunere fréta es:
En I patelin landes area lata tuas.
ELEOIA IV.
U qui, nominibus quuin sis generosus avilis,
Exsuperas morum nobilitate genus ;
Cujus inest animo patrii candoris imago,
Non careat nervis condor ut iste suis ;
Cujus in ingenio est patriœ facundia lingua? est.
Qua prinr in Latio non fuit ulla fora,
747
mêmes qui te trahissent ; et, si tu parais ici ce
que tu es en effet, je n'en suis pas moins à l'abri de tout reproche. Cependant, l'hommage
que te rendent mes vers ne saurait, tu peux
m'en croire, te nuire aux yeux d'un prince si
juste; lui-même, ce père de la pairie (tant il a
d'indulgence), souffre bien qu'on lise fréquemment son nom dans mes vers. 11 ne peut, il est
vrai, l'empêcher, car César appartient à l'état, et
moi aussi j'ai des droits surcebien, qui est le bien
de tous. Jupiter livre sa divinité aux inspirations
des poêles, et permet à toutes les bouches de
chanter ses louanges. Tu dois être tout-à-fait
rassuré par l'exemple de ces deux divinités,
dont l'une a pour elle le témoignage de nos
sens, et l'autre notre foi seulement.
Après tout, si j'ai commis une faute envers
toi, j'aime encore cette faute, car je ne t'ai pas
demandé ton agrément pour l'écrire; et si c'est
une offense qu'un entretien avec toi, l'offense
n'est pas nouvelle; nous nous sommes ensemble entretenus tant de fois dans des temps
meilleurs!
Mais afin de te tranquilliser sur le prétendu
danger de nos relations amicales, sache que le reproche, s'il y en a, remonterait à ton père : dès
mes plus jeunes années (tu ne saurais en disconvenir) je fus admis dans son intimité, et,
s'il t'en souvient encore, il accordait à mon talent plus d'estime que je n'en croyais mériter;
Quod minime volui, positis pro Domine signis
Dictus es ; ignoscas laudibus ista luis.
Nil ego peccavi : tua te hona cognita produnt.
Si, quod es, appares, culpa soluta mes est.
Nec tamen officium nostro libi carminé factum,
Principe lam justo posse nocere puta.
Ipsè pater patrie? quid enim civilius illo?
Sustinet in nostro carminé sajpe legi :
Nec prohibere potest, quia res est publics, Csesar :
Et de communi pars quoque nostra bonn est.
Juppiter ingeniis prœbet sua numina vatum ,
Seque celebrari quolibet ont sinit.
Causa tua exemplo Snperorum tuta dnonim est :
Quorum hic conspicitur, creditur ille deus.
Ut non debuerim , tamen hoc ego erimen amabn :
Non fuit arbitré litera nostra tui.
Nec nova, quod tecum loquor, est injuria ; nostro
Ineolumis cum quo ss?pe locutus eram.
Quo vereare minus ne sim tibi erimen amicus,
Invidiam, si qua est, auetor habere potest.
Nam tuus est primis cultus mihi semper ab annia
Hoc certe noli disaimulare, pater :
28
Ingeniumquo pneu m , potes haec meminisse, probahat ;
OVIDE.
748
d'Auguste est infinie, si quelqu'un lui demandait pour moi celte grâce, peut-être me raccorderait-il.
Je suis emprisonné par les glaces de cette
mer appelée aujourd'hui hospitalière, mais que
les anciens avaient plus justemement nommée
inhospitalière, car les flots y sont sans cesse
agités par des vents furieux, et les vaisseaux
n'y trouvent aucun port où ils puissent se réfugier. Les habitants du littoral, voleurs et assassins, rendent la terre aussi dangereuse que
la mer est perfide ; ce peuple dont tu as entendu
parler, et qui s'abreuve avec délice du sang
humain, est situé presque sous la même constellation. C'est aussi dans notre voisinage que
se trouve la Chersonèse-Taurique, terre cruelle
où l'on immole, à la déesse au léger carquois,
des victimes humaines; pays recherché, diton, par les scélérats odieux aux gens de bien,
et où Thoas régnait autrefois; c'est là que la vierge
dusangdePélops consentit,aprèsqu'on eut sacrifié unebicheà sa place, à célébrer le culte affreux
de la déesse sa protectrice. Bientôt aborde en
ces lieux, dirai je, lepieuxou le parricide Oreste?
agité par les furies, et son compagnon, le héros
phocéen : modèles des vrais amis, c'étaient deux
corps qu'animait une seule âme. On les charge
aussitôt de fers; on les traîne à l'autel sanglant
dressé devant la double porte du temple. Cependant ni l'un ni l'autre ne parut effrayé de la mort
qui le menaçait; c'était le trépas de son ami qui
il émettait son jugement sur mes poésies avec
cette dignité qui caractérise les hommes d'illustre naissance. Si donc j'ai trouvé un libre
accès dans ta maison, ce n'est pas toi aujourd'hui, c'est ton père avant loi qui fut abusé.
Mais non, crois-moi, je n'ai trompé personne,
et, si l'on en excepte les derniers événements
de ma vie à Rome, le reste peut aisément se
justifier. Dans la faute même qui me perdit, tu
ne verrais rien de criminel si lu pouvais connaître les longs détails de cette funeste aventure ; si je fus timide alors, ou si je fus imprudent, toujours est-il que mon imprudence me
fut le plus fatale. Âh! labse-moi oublier ma
destinée ; ne me force pas à rouvrir des blessures qui ne sont point encore fermées, et
qu'à peine le temps pourra guérir; la juste
mesure du châtiment prouve bien que ma faute
a été commise sans intention criminelle. C'est
là ce que le dieu a compris : c'est pour cela
qu'il m'a laissé la vie, c'est pour cela que mes
biens ne sont point passés aux mains d'un autre maître. Un jour peut-être (et puisse-t-il vivre jusqu'à ce jour!) abrégera-t-il la durée de
mon exil, quand le temps aura calnté sa colère.
Aujourd'hui, si mes vœux ne sont pas trop téméraires , je me borne à lui demander qu'il
change le lieu de cet exil; un séjour moins
horrible, un peu plus voisin de l'Italie, et moins
à la portée d'un ennemi barbare, est tout ce
que je sollicite. Comme d'ailleurs la clémence
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LES TRISTES.
faisait le désespoir de chacun d'eux. Déjà la
prêtresse se levait, tenant en main le couteau
fatal ; la bandelette barbare ceignait la tête des
deux Grecs, lorsqu'à son langage Iphigénie reconnut son frère, et, au lieu de l'immoler, le
pressa dans ses bras. Joyeuse alors, elle transporta de ces lieux chez des nations moins barbares la statue de la déesse qui abhorrait ces
rites inhumains.
Eh bien! celte contrée, dernière limite de
l'immense univers, maudite des dieux et des
hommes, touche à celle que j'habite ! C'est près
de mon pays (si cette terre barbare peut être
appelée le pays d'Ovide) que se font ces épouvantables sacrifices ! Ah ! puissent les vents qui
en éloignèrent Oreste enfler aussi pour moi les
voiles du retour, quand le dieu qui me poursuit aura enfin calmé sa colère.
ÉLÉGIE V.
0 toi que, parmi tant de compagnons chéris,
je préfère à tous, toi dont le cœur est mon
unique refuge dans mou désespoir, et dont la
parole a ravivé mon âme près de s'éteindre,
comme l'huile ranime la lueur de la lampe vigilante ; loi qui n'as pas craint d'ouvrir un port,
asile assuré, à ma barque frappée de la fouQuœ stabat geminos an te craenta fores.
Nec tamen hune sua mors, nae mors sua terrait illum :
Aller ob alterius funera mœslus erat.
Et jam consliterat stricto mucrooe sarerdos :
Cinxerat et Graias berbara villa comas;
Coin vice sermonis fralrein cognovit, et illi
Pro nnce complexus Iphigenia dédit.
Lœta dea: signum crudelia sacra pereste,
Translulil ex illis in meliora locis.
Hœc igitur regio magni pars ultima mundi,
Quain fugere Domines dlque, propinqua mihi est.
Atque meam terrain prope «uni funebria sacra,
Si modo Nasoni barbara terra sua est.
O utinam venti, quibus est ablatus Orestes,
Plaça to référant et mea vêla deo!
ELEGIA V.
O mihi dilectos inter sors prima sodales,
Cuica fortunis ara reporta meis ;
Cujus ab adloquiis anima base moribunda revixit,
Ut vigil infusa Pallade flamma aolet :
Qui veritus non es portus aperire fidèles,
719
dre; toi qui devais, si César m'eût privé de
mon patrimoine, me sauver de l'indigence par
un généreux partage; tandis que, dans les
transports de ma reconnaissance, j'oublie ma
situation actuelle, ton nom a failli s'échapper
de ma plume. Cependant, tu te reconnais bien
ici, et, possédé du désir de la gloire, tu voudrais pouvoir dire hautement : C'est moi. Pour
ma part, je voudrais aussi, avec ton consentement , pouvoir te rendre un éclatant hommage
et célébrer ton rare dévouement. Mais je crains
que ma muse reconnaissante n'attire sur toi
quelque malheur, en donnant à ton nom un
éclat intempestif. Borne-toi donc, ce qui ne
saurait être ni criminel ni périlleux, à te réjouir
en toi-même de ma fidélité envers toi, et de la
tienne à mon égard. Continue à faire force de
rames pour venir à mon secours, jusqu'àce que
le dieu moins irrité m'envoie des vents plus
doux. Protège celte tête qu'aucun effort humain ne sauvera, si celui qui l'a plongée dans le
Styx ne l'en relire lui-même. Remplis avec persévérance, dévouement trop rare! la tâche
qu'impose une inébranlable amitié. Puissent, en
revanche, tes destinées devenir de plus en plus
prospères! Puisses-tu ne réclamer jamais pour
toi ces secours que tu prodigues aux tiens !
Puisse ton épouse égaler ton inaltérable bonté,
et la discorde ne jamais troubler votre union !
Puisse le mortel issu du même sang que toi
Fulmine percussœ confugiumque rali,
Cujus eram censu non me sensurus egentem,
Si Cœsar patrias eripuisset opes ;
Temporis obi i lu m dum me rapit impetus hujus ,
Excidit, heu ! nomen quam mihi pâme tuum I
Tu lamen agnoscis : tartusqtie cupidine laudis ,
111c ego 6um , cuprres dicere posse palam.
Ccrte ego, si sineres, lilulum tibi reddere vellem,
Et raram fauun conciliare lidein.
Ne noceam grato vereor tibi carminé , neve
Intempestivi nominis obstet honos.
Quod licet et tulum est, in Ira tua pectora gaude,
Moque tui memorem , leque fuisse mei.
Utque facis, remis ad opein luclare ferendam ,
Dum veniat placido mollior aura deo :
Et tutare caput nulli servabile, si non
Qui mersit Slygia sublevet illud aqua.
Teque, quod est rarum, prœsla constanter ad omne
Indeclinata? inuuus amiciliœ.
Sic tua processus, habeat fortuna perennes;
Sic ope non egeas ipse, juvesque tuos :
Sic acquêt tua nupta virum bonitate perenni,
Incidat et vestro rare, querela toro :
Diligat et sempefsucras te sanguinis illo
29
OVIDE.
720
t'aimer aussi tendrement que Pollux aima Castor ! Puisse ton jeune fils le ressembler, et chacun, à ses vertus, reconnaître que tu lui as
donné le jour ! Puisse ta fille, allumant le flambeau de l'hymen, te donner un gendre, et toimême être appelé, jeune encore, du nom de
grand-père!
ÉLÉGIE VI.
Avec le temps, le bœuf s'accoutume à traîner la charrue sous la main du laboureur, et
vient de lui-même offrir sa tête au joug pesant ;
avec le temps, le coursier fougueux devient
docile aux flexibles mouvements des rênes, et
la bouche cesse d'être rebelle aux dures impressions du mors ; avec le temps, le naturel
furieux des lions africains s'adoucit, et leur
caractère perd beaucoup de sa férocité ; avec
le temps aussi, ce monstrueux animal que produit l'Inde obéit à la voix de son maître, et se
façonne à la servitude. Le temps développe les
faibles bourgeons de la vigne, et gonfle le raisin dont les grains ne peuvent plus contenir
leur jus abondant; le temps change les semences en épis dorés, et fait perdreaux fruits leur
première âprelé. C'est lui qui ose le tranchant
de la charrue émoussé à force de retourner la
terre, qui brise les cailloux les plus durs et le
diamant lui-même ; c'est lui qui apaise insensi-
Qno pius idfectu Castor» frater amat :
Sicjuvenis, similisque tibi ait natus, et illtim
Moribus agnoarat qiiilibet esse tunm :
Sic aocerum facial tarda le nata jugali,
Nec tardum juveni det tibi nomen avi.
ELEGIA VI.
Tempore ruricola? patiena fit taurus aralri,
Praebet et incurvo colla premenda jogo :
Tempore paret equua lentia aniinosua habenis ,
Et placido duros acripit ore lupos.
Tempore Pœnorum compescitur ira leonum ,
Mec feritaa animo, quœ fuit aute, manet.
Quirque sui monilis obtempérât Inda magistri
Bellua, servitium tempore vicia subit.
Tempus, ut extenlis tumeat facit uva racemis ,
Vixque merum capiant grana , quod intus habent.
Tempua et in canaa aemen producit ariataa,
El ne aint triati poma sa pore facit.
Hoc tenuat dentem terram Hndenlia aratri,
Hoc rigidoa silices, hoc adamanta terit.
blement les violentes colères, qui affaiblit la douleur, et soulage l'affliction des âmes : ainsi donc
rien ne résiste à cette imperceptible action du
temps, rien, excepté mon éternel chagrin !
Depuis que je suis exilé de la patrie, deux
fois la moisson a comblé les greniers, deux fois
la liqueur de la grappe a jailli sous le pied nu
qui la foule ; cependant l'habitude du mal ne
m'a pas rendu le mal plus supportable, et
j'éprouve toujours la vive souffrance d'une
blessure récente. Ainsi l'on voit de vieux taureaux se soustraire au joug, et le coursier
dressé se montrer parfois rebelle au frein. Un
supplice est d'ailleurs plus cruel encore qu'au
premier jour ; car, fût-il toujours le même, il
augmente et s'aggrave par la durée. Je ne connaissais pas aussi bien toute l'étendue de mes
maux ; aujourd'hui, plus ils me sont connus et plus ils m'accablent. C'est beaucoup
aussi de n'avoir pas encore perdu toutes
ses forces, et de n'être pas vaincu par les
premières attaques du malheur : l'athlète qui
débute dans l'arène est plus fort que celui
dont le bras s'est lassé par de longs exercices.
Le gladiateur au corps sans blessures et aux
armes encore vierges est plus vigoureux que
celui qui a déjà rougi son glaive de son propre
sang. Décemment construit, le navire résiste
aux plus violentes tempêtes; et s'il est vieux,
il s'entr'ouvre au moindre orage. Et moi ausni
j'ai lutté plus vaillamment contre le malheur
Hoc etiam savas paulatim mitigat iras,
Hoc minuit luctui, mceataque corda levât.
Guncta poteat igitur tacito pede lapaa vetuataa
Praeterquam curas attenuare meas.
Ut patria careo, bis frugibua area trita est :
Dissiiuit nudo pressa bis uva pede :
Nec queesita lamen spatiu patientia longo est,
Mensque mali sensum nostra recentis habet.
Srilicet et veleres fugiunt juga curva jurenci,
Et domitus fneno sape répugnât equus.
Tristior est etiam prtesens «crumna priore :
Utsit enim sibi par, crevit, et aucla mora est.
Nec tam nota mibi, quam sunt, mata noatra fuerunt :
Sed magis boc, quo sunt eognitiora, gravant.
Est quoque non minimum vires ad ferre récentes ,
Nec praconsumptum temporis esse malis.
Fortior in fuira novus est lurtator arena ,
Quam cui sunt tarda brachia fessa mon.
Inleger est melior nilidis gladiator in armia,
Quam cui tela suo sanguine tiucta rubent.
Fert bene prtacipites navis modo facta procellas :
Qtiamlibet eiigtio solvitur imbre vêtus.
56
LES TRISTES.
721
je n'eus que peu de relations ? Pourquoi,
chaque fois que j'ai brisé le cachet d'une lettre,
ai-je été déçu dans mon espoir d'y lire ta signature? Fasse le ciel que tu m'en aies écrit une
foule sans qu'une seule me soit parvenue !
Ce vœu que je fais s'est réalisé, j'en suis sur.
Je croirais plutôt à la tête de la Gorgone Méduse , hérissée de serpents ; aux chiens qui
ceignent les flancs de la jeune Bile ; à la Chimère, moitié lion, moitié dragon, et vomissant
desflammes;aux quadrupèdes dont la poitrine
s'unità une poitrine humaine ; à l'homme au triple corps ; au chien à la triple tête; aux sphynx;
aux harpies; aux géants aux pieds de serpent;
à Gygès aux cent bras ; au monstre homme et
taureau ; oui, je croirais à toutes ces fables,
plutôt qu'à ton inconstance et à ta froideur.
Des montagnes sans nombre, des distances
sans limites, des fleuves, des vallées, enfin la
mer immense, nous séparent : mille obstacles
peuvent avoir empêché les lettres que tu m'as
sans doute plus d'une fois écrites, d'arriver
ÉLÉGIE VII.
jusqu'à moi. Triomphe cependant, à force de
Deux fois le soleil m'est venu visiter après zèle à m'écrire, de ces mille obstacles, et que
les frimas de l'hiver, et deux fois , après avoir je ne sois pas toujours obligé de te défendre à
accompli sa révolution annuelle, il est entré mes propres yeux.
dans le signe des Poissons. Mais, pendant ces
deux longues années, pourquoi ta main n'a-t-elle
pas tracé pour moi quelques lignes amicales?
ÉLÉGIE VIII.
Pourquoi ton affection est-elle restée muette
alors que d'autres m'écrivaient, avec lesquels
Déjà ma tête imite la couleur des plumes du
que je ne lutte maintenant, et leur longue durée n'a fait qu'accroître son intensité.
Oui, je l'avoue, le courage me manque, et
je sens, à mon dépérissement rapide, que je n'ai
pas longtemps à souffrir; mes forces s'épuisent , mon teint se flétrit chaque jour, et à
peine une peau mince recouvre mes os. Mais si
mon corps est malade, mon Ame l'est plus encore; elle languit, éternellement absorbée dans
la "Contemplation de ses maux : Rome est loin
de moi ; loin de moi sont mes amis, objets de
ma sollicitude ; loin de moi la plus chérie des
épouses ; autour de moi, une populace scytbe et
des hordes de Gètes aux larges braies ; si bien
que ceux que je vois et ceux que je ne vois pas
me tourmentent également. L'unique espoir qui
me console dans cet horrible état, c'est qu'une
mort prochaine termine mon supplice.
Nos quoque, quœ ferimus, tulimus patientius ante,
Et mata sunt longo miiUiplicata die.
Crédite, deflcio, nostroque a corpore quantoin
Auguror, accèdent tempora parva malis :
Nam neque sunt vires , neque qui color ante sole bal ;
Via haheo tenuein quœ tegat ossa entem.
Corpore sed mens est œgro niagis a?gra , malique
In circumspectu stat sine fine sui.
Urbis abest faciès; absnnt, mea cura, sodales :
Et, qua nulla mihi carior, uxor abest.
Vulgus adest Scylhicum , Iraccataque tnrba Getarum :
Sic mala qua; video, non videoque, nocent.
Uira tamrn spes est, quœ me soletur in istis ;
Hftc fora morte mea non diuturna mala.
ELEGIA VII.
Bis me sol adiit gelidœ post frigora brumœ,
Bisque suum tacto Pisce peregit iter.
Tempore tam longo cur non tua dextera, versus
Quamlibet in paucos ofliciosa fuit?
Cur tua cessavit pietas, scribentibua illis
Exiguns nobis cum quibus usus erat?
T. IV.
Cur, quoties alicui dnm charte vincula demsi,
lllam speravi nomen habere tuum ?
Dl faciant ut sœpe tua sit epistola dextra
Scripta , sed e multis reddita nulla mihi.
Quod precor, esse liquet : Credam prius ora Méduse
Gorgonis anguineis cincla fuisse coulis :
Esse canes utero sub Virginia : esse Chimœram ,
A truce quœ flammis separetangue leam :
Quadrupedesque hominum cum pectore pectora junctos :
Tergeminumque virum, lergeminumque canem :
Sphingaque, et Harpyias, serpentipedesque Gigantas ;
Centimanumque Gygen, semlbovemque virum ;
Hœc ego concta prius, quam te, carissime, credam
Mutatum curam deposuisse mei.
Innumeri montes inter me teque, viœque,
Fluminaque, et campi, nec fréta paucajacent.
Mille potestcausis, a te quœ litera sœpe
Missa sit, in nostras nulla venirc manus.
Mille ta mea causas scribendo rince fréquenter :
Excusera ne te semper, amice, mihi.
ELEGIA VIII.
Jam mea cyrneas imitantur tempora plumas,
46
OVIDE.
722
cygne, la vieillesse blanchit ma noire chevelure; teintes de la vieillesse, il serait temps enfin
déjà s'avance l'époque de la caducité, l'âge de qu'on me gratifiât de la baguette libératrice; il
la faiblesse ; déjà mes jambes chancellent, serait temps de ne plus être l'hôte d'un climat
j'ai peine à me soutenir. Voici le temps où, étranger, de ne plus étancher ma soif à des
libre enfin de IOUS travaux pénibles et de tou- sources gétiques, mais tantôt de goûter dans
tes inquiéiudes, je devrais passer doucement mes jardins des plaisirs solitaires, et tantôt
le resie de mes jours au milieu des loisirs, de jouir encore de la société de mes concitoujours si attrayants pour mon esprit, et toyens et de la vie de Rome.
de mes chères éludes; chanter ma modeste
Je n'avais pas, hélas ! le secret de l'avenir
demeure, mes vieux pénates et les champs quand je me promettais ainsi une vieillesse paide mes pères, aujourd'hui privés de leur sible. Les destins s'y sont opposés ; et s'ils ont
maître ; vieillir enfin paisiblement entre les voulu que ma vie commençât dans les débras de mon épouse et de mes petits enfants, et lices, ils l'empoisonnent à ses derniers jours.
au sein de ma patrie.
J'avais déjà fourni dix lustres sans faillir, et c'est
Tel est le bonheur que je rêvais autrefois, quand ma vie touche à son terme que je sucet c'est ainsi que je me croyais digne de finir combe! Déjà près du but, et croyant l'atteindre,
ma carrière. Les dieux en ont ordonné autre- j'ai vu mon char s'abîmer dans une chute efment , eux qui, après m'avoir éprouvé par froyable. Inseusé que je fus! j'ai donc forcé de
mille vici-situdcs sur terre et sur mer, m'ont sévir contre moi le mortel le plus doux qui
jeté sur les rivages de la Sarmatie! On relègue soit au monde! Ma faute a vaincu sa clémence;
dans les arsenaux de marine les navires endom- et toutefois il m'a laissé la vie par pitié pour
magés, de peur qu'exposes imprudemment mou égarement ! Mais celte vie doit s'écouler
aux flots ils ne viennent à sombrer; on laisse loin de la patrie, sur les bords où règne Borée,
le cheval épuisé paître en repos l'herbe des sur la rive gauche du Pont-Euxin! Quand
prairies, de peur qu'il ne succombe dans Delphes, quand Dodone même me l'aurait préla lutte et ne flétrisse les palmes nombreuses dit,j'eusse traité ces deux oracles de menteurs.
qu'il remporta jadis : le soldai qui devient, Mais il n'y a rien de si solide, fût-il fixé par des
après de longs services, impropre a la guerre, chaînes de diamant, qui puisse résister au choe
dépose aux pieds de ses Lares antiques les violent de la foudre de Jupiter; rien n'est placé
ai mes qu'il ne peut plus porter. Ainsi donc si haut, rien ne s'élève tellement au-dessus des
moi, dont les forces défaillent peu à peu aux at- dangers qu'il ne soit dominé par un dieu, et
Inlicit et nigras alba senecta comas :
Jam sulirunt anni fragiles, et inertior a-tas :
Jamque paru m firmo me mibi ferre grave est.
Nunc crat, ut posito dt-berem fine laborum
Vivere, me uullo sollicitante metu,
Quoique meas semper placuerunt otia menti,
Carpere , et instudiis iiiolliter esse meis :
Et parvam celebrare domum, veteresque Pénates,
Et qute nunc domino rura patenta carent :
Inquc sinu domino} , rarisque uepotibus, inque
Securus patria coiiseniiisse mea.
Haie mea sic quondain peragi speraverol tctas :
lias ego sic aiutos ponere dignus rram.
Non ita Dis visum : qui me lerraque manque
Actum , Sarmatir.is exposucre locis.
In cava duruntur quassœ navalia puppes ,
Ne temere in mediis destiliiantur aquis.
Ne cadal, et multas pahnas inboneslet adeptas,
I.anguidus in pralis gramina carpit equus.
Miles, ut emeritis non est satis utilis annis ,
Ponit ad anliquos , quœ tulit arma, Lares.
Sic igitur tarda vires ininuenie senerta ,
Me quoque donari jam rude, tempus erat.
Tempus erat, nec me peregrinum ducere cœlutn,
Necsiccatu Getico fonte Ievare sitiin :
Sed modo, quos lia bu i, vacuum secedere in hortos :
Nunc bominum visu rursus et urbe frui.
Sic, a ni ino quondam non divinante futurs
Oplabain placide vivere posse senex.
Fa ta repugnarunt, quœ, eu m mibi lempors prisa
Mollia pra-bueriot, posleriora gravant.
Jamque decein lustris oui ni sine labe peractis ,
Parte premor vitte détériore mess.
Nec procul a métis, quas pâme lenere videbar,
Curriculo gravis est facta ruina ineo.
Ergo illum démens in me sœvirecoegi,
Milius iinmensus quo nihil orbis bahetf
Ipsaque delictis vicia est cleinentia noslris :
Nec tamen «rrori vita negata meo?
Vila procul patria perageuda sub axe Boreo,
Qua maris Euxini terra sinistre jacet.
Hœc mibi si Delphi, Dodonaque direret ipsa ,
Esse videretur vanus uterque locus.
Nil adeo validum est, adamus licet adliget illnd ,
Et maneat rapido Uruiius igné Jovis.
Nil ita sublime est, supraque pericula tendit,
47
LES TRISTES.
723
ma vengeance, les Muses me prêteraient leur
fouet et leurs armes. En vain je suis confiné
sur les plages lointaines de la Scythie, et dans
le voisinage de ces constellations immobiles audessus de l'horizon , ma voix retentira parmi
les nations immenses, et celui que j'accuserai
aura pour juge l'univers. Mes paioh s voleront
du couchant à l'aurore, et l'orient sera l'écho
de l'occident. On m'entendra au delà du continent, au delà des vastes mers, et le bruit
de mes plaintes se prolongera dans l'avenir. Ce
ÉLÉGIE IX.
n'est pas seulement le siècle présent qui conSi je le puis et si tu me laisses en paix, je naîtra ton crime, mais la postérité qui perpétairai ton nom et ta conduite, je livrerai les tuera à jamais ton déshonneur.
actions aux eaux du Létbé. Ma clémence se
Je suis prêt au combat ; cependant je n'ai pas
laissera loucher par tes larmes tardives ; mais encore pris mes armes (I), et je désire que rien
j'exige des preuves éclatantes de repentir. ne m'y oblige. Le cirque est encore fermé, mais
J'exige que tu démentes ta vie passée et que tu le taureau furieux fait voler la poussière et
effaces autant que possible de ion existence frappe la terre d'un pied impatient. J'en ai dit
ces jours dignes de Tisiphone. Sans cela, et plus que je ne voulais... Muse, sonne la retraite;
si ton cœu r est encore enflammé de haine contre il peut encore cacher son nom.
moi, ma douleur, poussée à bout, s'armera
pour me venger, et bien que je sois relégué
aux extrémités du monde, ma colère saura
l'atteindre où tu es. César, si tu l'ignores, ne
ELEGIE X.
m'a point enlevé tous mes droits de citoyen,
il ne m'a interdit que le séjour de la patrie;
Ce poète que tu lis, et qui chanta les tendres
encore cette patrie, si les dieux le conservent, amours, si tu veux le connaître, ô postérité,
il me la rendra, je l'espère : souvent le chêne voici son histoire.
reverdit après avoir été frappé de la foudre.
Sulmone est ma patrie, Sulmone, célèbre
Enfin, si toute antre ressource était refusée à par l'abondance et lu fraîcheur de ses eaux, et
soumis à sa puissance ; car bien qu'une partie
de mes maux soit la conséquence de ma faute,
c'est au courroux du dieu qu'ils doivent élre attribués.
Pour vous, apprenez du moins par mon déplorable exemple à vous rendre propice un
mortel égal aux dieux.
Non sit ut inferius subpositumque deo.
Nam quamquam vitio pars est contracta malorum ,
Plus tamen exitii numinls ira dédit.
At vos admoniti nostris quoque casibus este ,
/Equantem superos emeruisse virum.
ELEGIA IX.
Si licet, et paierie, nomen facinusque tacebo ,
El tua Lelhœis acta dabuntur aquis :
Nostraque viocetur lacrymis clemeutia seris.
Fac modo te paleat pœnituisse tui :
Fac modo te dainues, cupiasque eradere vit»
Tempora , si posais , Tisiphonata tua; :
Sin minus , et flagrant odio tua pectora nostro,
Induet infelix arma coacta dolor.
Sim liret extremum , sirut sum, missus in orbem ;
Nostra suas istuc porriget ira manus.
Omnia, si nescis, Cœsar mihi jura reliquit,
Et sola est patria pœna carere mea.
Et patriam , modo sit sospes , speramus ab illo.
Sa?pe Jovis telo quercus adusla viret.
Panique vindictes si ait mihi nulla facultés ;
Piérides vires et sua tela dabunt.
Ct Si-ylliicis habitent looge summotus in oris,
Siccaque sinl oculis proxima signa meis;
Nostra per immenses ibuut prateonia pentes
Quodque q liera r, notuin , qua palet orbis erit.
Ibit ad oecasum, quidquid dicemus, ab ortu :
Testis et Hesperiœ vocis Kous erit.
Trans ego tellurem , trans latas audiar undas
Et gemitus vox est magna futura mei.
Nec tua te sontem tanlummodo sotcula norint :
Perpétuât crimen pusteritatis cris.
Jam feror in pugnas , et nondum cornua eumsi.
Nec inihi sumendi causa sit ulla velim.
Circus adbuc cessât : spargit tamen acer arenam
Taurus, etinfesto jain pede puisât liumuin.
Hoc quoque, quant volui, plus est. Cane, Musa, receptus.
Dum licet huic nomen dissimulare suuin.
ELEGIA X.
llle ego, qui fueram tenerorum lusor amorum ,
Quem legis, ut noria, accipe, postérités.
Sulmo mibi patria est, gelidis uberrimus undis,
46.
3
724
OVIDE.
Cependantles années s'écoulaient insensiblesituée à quatre-vingt-dix milles de Rome. C'est
laque je naquis, et, pour préciser l'époque, ce ment; nous primes, mon frère et moi, la robe
fut l'année où les deux (I) consuls périrent l'un virile ; nous couvrîmes nos épaules de la pouret l'autre, frappés d'une mort semblable. Je pre du laliclave, et chacun de nous persista
possède, si l'on peut compter cela pour un dans sa vocation. Mon frère venait d'atteindre
avantage, un rang de chevalier, non par une sa vingtième année, lorsqu'il mourut, et avec
faveur de la fortune, mais à titre d'héritier lui la moitié de moi-même. J'entrai alors dans
d'une race antique qui l'a possédé avant moi. les charges qui convenaient à mon âge: je fus
Je n'étais pas l'aîné de ma famille ; un frère créé triumvir. Restait la dignité sénatoriale,
m'avait précédé d'un an dans la vie. La même mais je me contentai de l'angusticlave; ce farétoile présida à nos naissances, et le même deau excédait la mesure de mes forces, mon
jour était célébré par l'offrande de deux corps et mon esprit redoutaient trop la fatigue;
gâteaux. Ce jour est, des cinq fêtes de la belli- les soucis de l'ambition m'inspiraient trop
queuse Minerve, celui qui le premier est ordi- d'effroi. D'ailleurs les neuf Sœurs d'Aonie,
nairement signalé par des combats sanglants. dont je subis toujours la douce influence, me
On commença de bonne heure notre éduca- conviaient à des loisirs tranquilles.
tion, et, par lessoins démon père, nous reçûmes "> J'ai connu, j'ai aimé les poêles mes contemles leçons des plus habiles maîtres de Rome. ' porains; je croyais voir autant de dieux dans
Mon frère, dans sa première jeunesse dirigea ; ces mortels inspirés. Souvent le vieux Macer
ses éludes vers l'art de la parole ; il semblait j me lut ses Oiseaux et son livre des Serpents
né pour l'éloquence et pou ries luttes orageuses ! dont le venin donne la mort, et des Simples
du Forum. Mais moi, n'étant encore qu'un qui guérissent de leur morsure. Souvent Proenfant, je trouvais des charmes dans l'étude perce me récitait ses vers passionnés ; Prodes sacrés mystères, et les Muses m'initièrent perce, qui fut mon compagnon et mon ami;
en secret à leur culte. Mon père me disait sou- Ponticus, célèbre par sa -poésie héroïque ,
vent : t Pourquoi l'ouvrir une carrière stérile? Bassus, par ses iambes, furent pour moi d'aHomère lui-même est mort dans l'indigence. > gréables compagnons; et l'harmonieux Horace
Docile à ses conseils, je désertais l'Hélicon, et : captiva mes oreilles par la pureté des sons de
je m'efforçais d'écrire en prose, mais les mots j sa lyre ausonienne. Je n'ai fait qu'entrevoir
venaient d'eux-mêmes se pliera la mesure, et Virgile, et les destins jaloux enlevèrent trop
tout ce que j'écrivais était des vers.
' tôt Tibulle à mon amitié. Ce poètefleuritaprès
Millii qui novies distat ab nrbe decem.
Editua bic ego aum , necnon, ut tempora noria ,
Qunm cecidit lato consul uterque pari :
Si quid id eat, usque a proavis velus ordinia hères ;
Non modo fortunée munere factua eques.
Nec atirps prima fui : genito aum fratre creatus,
Qui tribus anle quater mensibua ortuserat.
Lucifer amborum natalibua adfuit idem :
Dna celebrata eat per duo liba diea.
Haec est armiferœ festis de quinque Minervae,
Qua fieri pugna prima cruénta solet.
Protinua excolimur teneri, curaque parentis,
Imua ad insignes urbis ab arte viros.
Prater ad eloquium viridi tendebat ab sevo ;
Fortia verbosi natus ad arma fori.
At mibi jam puero cœlealia sacra placebant,
loque auum furtim musa trahebat opus.
Sœpe pater dixit : Sludium quid inutile tentas?
Maeonides nulles ipse reliquit opes.
Motua eram dictis : totoque Helicône relicto,
Scribere conabar verba solula modia.
Sponte sua carmen numéros veniebat ad aptos,
Et qnod tentabam dicere versos erat.
Interea tarito passu labentibus annia,
Liberior frstri sumpta mibique toga est :
Induiturque humeris cum lato purpura clavo :
Et atudium nobis, quod fuit ante, ma net.
Jamque decem vita» frater geminaverat annoa,
Cum péril, et cœpi parte carere mei.
Cepimus et teneree primoa setatis honores,
Deque viria quondam para tribus une fui.
Curia resta bat : clavi mensura coacta eat.
Majus erat noslris viribus illud onus.
Nec patiens corpus, nec mens fuit apta labori,
Sollicilscque fugax ambitionis eram :
Et petere Aonite suadebant tu ta sorores
Otia, judicio semper amata ineo.
Temporis illius colui fovique poêlas,
Quoique aderant rates, rebar adease deos.
Saepe suas volucres legit mihi grandior aavo,
Quaeque necet serpens, qua: juvet herba, Macer.
Saepe soos solitus recitare Propertius ignés;
Jure sodalitiiqui mihijunctns erat.
Ponticus heroo, Bassus quoque clarus iambo,
Dulcia coovictus membre fuere mei.
Et tenuit nostras numerosus Horatius auras :
LES TRISTES.
725
toi, Gallus, et Properce après lui; je vins jeunesse, ma fille m'a donné des gages de sa
donc le quatrième par ordre de date ; l'hom- fécondité, et deux fois m'a rendu grand-père,
mage que j'avais rendu à mes aînés, je le mais par deux maris différents.
reçus moi-même des plus jeunes, et ma muse
Déjà mon père avait terminé sa carrière,
ne tarda guère à être connue. Quand je lus au après avoir atteint son dix-huitième lustre; je
peuple les premiers essais de ma muse, ma le pleurai comme il m'eût pleuré si je l'eusse
barbe n'avait été encore qu'une ou deux fois devancé dans la tombe. Je rendis bientôt après
rasée. Ma première inspiration, jeladusàcette le dernier devoir à ma mère. Heureux tous les
femme que Rome entière célébrait alors, et deux, et tous les deux morts à propos, puisque jedésignai sous le pseudonyme de Corinne. qu'ils n'ont pas vu le jour de ma disgrâce.
J'ai beaucoup écrit, mais tout ce qui m'a Heureux moi-même de ne les avoir pas pour
semblé mauvais, j'ai confié auxflammesle soin témoins de mon infortune et de n'avoir pas
de le corriger ; quelques - uns même de mes été pour eux un sujet de douleur ! Si pourtant,
ouvrages qui auraient pu plaire ont été après la mort, il reste autre chose qu'un vain
brûlés à mon départ, par ressentiment contre nom ; si une ombre légère se dérobe aux flammes du bûcher, si le bruit de ma faute est
la poésie et contre mes vers.
Mon cœur était tendre, sensible aux traits venu jusqu'à vous, ombres de mes parents,
de l'amour et prompt à s'émouvoir pour et que mon procès se débatte devant le tribunal
la cause la plus futile. Tel que j'étais alors, et des enfers, sachez, je vous prie ( et il ne m'est
malgré ces dispositions à m'enflammer, je ne pas possible de vous tromper), que ce n'est
donnai jamais le moindre sujet de scandale. point un crime, mais une simple indiscrétion,
Je n'étais presque qu'un enfant, lorsqu'on me qui est la cause de mon exil.
maria à une femme indigne de moi et inhabile à
C'est assez donner aux mânes. Je reviens
ses nouveaux devoirs. INotre union ne fut pas de à vous, lecteurs curieux de connaître jusqu'au
longue durée. Une seconde la suivit qui fut irré- bout l'histoire de ma vie.
prochable, il est vrai; mais celte seconde épouse
Déjà la vieillesse, chassant mes belles anne devait pas longtemps partager mon lit ; la nées, avait parsemé ma tétede cheveux blancs;
dernière est celle qui est restée ma compagne depuis ma naissance, dix fois couronné de
jusque dans mes vieux jours, et qui ne rougit l'olivier olympique, le vainqueur à la course
pas d'être la femme d'un exilé. Dans sa première des chars avait remporté le prix, lorsqu'il me
Dum ferit Ansonia carmina culta lyra.
Virgilium vidi tantum : nec avara Tibullo
Tempus amicitix fala dedere meas.
Successor fuit bic tibi, Galle, Propertius illi.
Quartns ab bis série lemporis ipse fui.
Pique ego majores, sic me coluere minores:
Notaque non tarde facta Thalia mea est.
Carmina cum primum populo juvenilia legi ;
Barba resecta mihi bisve semelve fuit.
Moveral ingenium totam cantate per urbein
Nomine non vero dicta Corinna mihi.
Multa quidem scripsi : sed quoi vitiosa putavi,
Emendaturis ignibus ipse dedi.
Tum quoque,quum fugerem,quadam placitura cremavi;
Iratus studio carminibusque meis.
Molle, Cupidineis nec inexpugnable telis
Cor mihi, quodque levis causa moveret, eiat.
Quum lamcn hoc essem, minimoque accenderer igné,
Nomine sub nostro fabula nulla fuit.
Pœne mihi puero, needigna , necutilis uxor
Est data : quaa tempus perbreve nupta fuit.
DU successit, quainvis sine crîmine conjux ,
Non tamen in nostro firnia future toro.
Pltima quœ mecum seros permansit in annos,
Sustinuit conjux exsulis esseviri.
Filia me prima mea bis fœcunda juventa ,
Sed non ex uno conjuge fecil avum.
Et jam complerat genitor sua fata, novemque
Addiderat lustris altéra lustra novera :
Non aliter flevi quam me flelurus ademtum
Ille fuit ; matri proxima busta tuli.
Polices ambo tempestiveque sepullos,
Ante diem pœnœ quod periere mea: I
Me quoque felicem , quod non viventibus illis
Sum miser, et de me quod doluere nihil.
Si Union exstinclisaliquid, nisi nomina, restât,
Etgracilis structos effugil umhra rogos.
Fama, parentales, si vos mea eontigit, umbra ,
Et sunt in Slygio crimina nostra foro ;
Scite, precor, causant, nec vos mihi fallerc fas est.
Errorem jussœ non scelus esse fngse.
Manibus id satis est ; ad vos, sludiosa revertor,
Pectora , quat vitœ quœritis acU meae.
Jam mihi canities, pulsis melioribus annis,
Venerat, antiques miscueratque comas ;
Postque meos ortus Pissa vinctus oliva ,
95
726
OVIDE.
fallut, pour obéir à l'arrêt du prince offensé, tortures, si je ne prends point en dégoût cette
me rendre a Tome», sur la rive gauche du Ponl- existence inquiète, c'est grâce à toi, o ma muse,
Euxin. La cause de ma perte n'est, hélas ! que car c'est loi qui me consoles, qui calmes mon
trop connue de tous, et mes explications désespoir et qui soulages mes douleurs. Tu es
seraient superflues. Dois-je énumérer la tra- mon guide, ma compagne fidèle; lu m'arraches
hison de mes amis, les méfaits de mes esclaves aux rives de lister pour m'élever jusqu'aux
et tant d'autres afflictions aus»i cruelles que sommets heureux de lllélicon. C'est toi qui,
l'exil même? Mon âme s'indigna de cédera par un rare privilège, m'as donné, pendant ma
l'adversité, et, rappelant toutes ses forces, elle vie, cette célébrité que la renommée ne dissoutint victorieusement la lutte. Démentant pense-qu'aprèslamort. L'envie, quid'ordinaire
mes habitudes pacifiques, et oubliant mes loi- se déchaîne contre les ouvrages contemporains,
sirs du passé, je sus m'accommoder au temps n'a encore déchiré de sa dent venimeuse aucun
et pris des armes étrangères à mon bras. J'en- des miens; car, dans ce siècle si fécond en
durai sur terre et sur mer autant de maux grands poêles, la malignité publique ne m'a
qu'il y a d'étoiles entre le pôle que nous voyons point encore dégradé du rang que je tiens
et celui que nous ne voyons pas, et, après bien parmi eux ; et quoique j'en reconnaisse pludes détours, j'abordai enfin chez les Sarmates, sieurs au-dessus de moi, on me dit pourtant
voisins des Gèles au carquois redoutable. Ici, leur égal, et je suis lu dans tout l'univers. Si
quoique étourdi par le fracas des armes qui les pressentiments des poètes ont quelque fonretentissent autour de moi, je trouve dans la dement, je dirai que, quand je mourrais à
poésiequelque adoucissementà mes souffrances, l'instant, je ne serais pas, ô terre, non, je ne
et quoiqu'ici encore il n'y ait point une seule serais pas ta proie. Que je doive ma réputation
oreille pour écouter mes vœux, cependant à la laveurouau talent, reçois ici, tuteur bienj'abrège et je trompe ainsi la longueur des veillant , le légitime hommage de ma reconnaisjours. Si donc je vis encore, si je résiste à mes sance.
Abstulerat decies prapinia victor cques :
Quum, maris Euxini positos ad la?va, Tomitas
Quajrpre me lœsi principis ira jubet.
Causa mes» eunctis, nimiuin quoque nota, ruina»
lndirio non est teslificanda men.
Quid refera m romiluiuque nefas, famulosque nocentes?
lpsa multa tuli non leviora fuga.
lndignala malis mens est succumbere : seque
Prastitit invictain viribus usa suis :
Oblilusque Inga», ductœque peroliaviue,
Insolita repi tempnris arma manu.
Totque tuli terra casus pelagoque, quot inter
Occultiim stells couspiruuinque polura.
Tacta mibi tandem, longis erroribus acto,
Jnncta pbaretratis Sarmatis ora Getis.
Hie ego, fiuilimis quamvis circumsoner armis,
Tristia , quo possuin carminé , faut levn.
Quod quamvis nemo est, cujus referatur ad turcs,
Sic tamen absumo decipioque diem.
Ergo quod vivo, durisque laboribus obsto,
Nec me sollicita» tœdia lucis habent;
Gratia, Musa, tihi ; nam tu solatia preebes,
Tu cura; requies, tu medicina mali :
Tu dux, tuque cornes : tu nos abducis ab Istro ,
In medioque mibi das llelicone locum :
Tu mibi, quod rarum, vivo sublime dedisti
Nomen , ab exsequiis quod dare fama solet.
Nec, qui detraclat prarsentia livor, iniquo
lilluin de nostris dente momorditopus.
Nam tulcrint magnos quum saccula noslra poetas,
Non fuit ingeuio fama maligna meo.
Quumque ego prarponam multos mihi, non minor illis
Dicor, et in tolo plurimus orbe legor.
Si quid habent igitur vatum prarsagia veri,
Prnlinus ut moriar, non ero, terra, tuus.
Sive favore tuli, sive hauc ego carminé fama in ,
Jure tibi grates, candide leutor, ago.
152
LES TRISTES.
727
OBOOOOCOOOOOOOOOOOOOOOOSCOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO
LIVRE CINQUIÈME.
ÉLÉGIE 1.
Ce nouveau livre que je t'adressedes rivages
gétiques, ami lecteur, tu le réuniras aux quatre autres qui l'ont précédé. Ici encore se reflètent les destinées du poëte, et lu ne trouveras
pas une seule page riante. Ma situation est
sombre, sombre est ma poésie, et le style convient à la nature du sujet. Quand j'étais jeune
et heureux , j'écrivis, sous l'influence de la
jeunesse et du bonheur, ces vers que je voudrais tant aujourd'hui n'avoir pas écrits : depuis
ma chute, je ne cesse de chanter cette catastrophe inattendue, et je suis à la Ibis l'auteur
et le héros de mes chanis; et pareil à l'oiseau
du Caystre (l)qui, près d'expirer sur la rive,
pleure et chante, dit-on, sa mort d'une voix
défaillante, moi-même, jeté sur les lointains rivages de la Sarmatie, je fais en sorte d'avance
que mes funérailles ne soient pas silencieuses.
Si quelqu'un cherche ici des poésies badines et
voluptueuses, je le préviens de ne pas lire ces
ELEGIA 1.
HUDC qnoque de Getico , nostri studiose, libellant
Liltore, prœmissis quatuor adde meis.
Hicqunque talisei-it, qualis forluna poêla;;
Inventes toto rarmine dulce nihil ;
Flebilis utnoster status est, ita flebile carnten ,
Materiœ scripto eonvrDiente sua;,
lnteger et Itctus , bêla et juvenilia lusi :
llia Ionien nunc me romposuisse pigct.
Ut cecidi, suhili perago pratconia-casus ,
Sumque argument! conditor ipse mei.
Utque jacens ripa deflere Caystrius aies
Dicitur ore suant déficiente neeem :
Sic ego Sormaticas longe projeclua in oras,
Elîicio tacitum ne mihi funua eat.
Peliciaa si quia, laacivaque carmins quant,
vers ; Gallus conviendra mieux à ses goûts,
et Properce, si doux et si gracieux dans son
style, et Tihulle, cet esprit si délicat. Ah ! plût
au ciel que je n'eusse pas éié moi-même du
nombre de ces poëies! Mêlas! pourquoi ma
muse s'est-elle trop émancipée? Mais j'expie
ma faute. Il est en Scyihie, relégué sur les
hordsdu Danube, ce chantredel'Amourau carquois redoutable! Exerçant désormais mon esprit surdes sujets que tout le monde peut lire,
j'ai voulu qu'il ne perdît pas le souvenir de son
ancienne répuiation. Si pourtant on me demande pourquoi ces tristes et éternels refrains,
c'est que j'ai sou'fertdelu'en tristes épreuves. Il
nes'agitdoncpoinlicid'une œuvre d'inspiration
ou d'art: je ne m'inspire, lieras! que de ma propre infortune.Encore, mes vers n'expriment ils
qu'une faible pai lie de mes angoisses ; heureux
celui qui peut compter ses peines ! Autant il est
de rameaux dans les forêts, de grains de sable
au fond du Tibre, de brins d herbe dans le
champ de Mars, autant j'ai enduré de maux :
Prœmoneo ntinquain scripta quod ista légat.
Aptior buic Gallus, biandiqtie Propertius oris,
Aplior, ingenium corne , Tibollus erit.
Atque utinatn numéro ne nos essenuis in isto !
Heu ntilii! curunquain Musa jocata uiea est?
Sed dedimus peenas , Scylliiciqu.; in tinibus Islri,
llle pharelrali lusor Allions abest.
Quod superest, socius ad puldica rarmina flexi,
Et memores jussi noininis esse mei.
Si tatnrn ex vnliis oliquis Uni mu Ha requiret
Unde dolenda eanam : mutla dolenda tuli.
Non bœc ingenio, non liœc conipnnimus arte ;
Maleria est propriis iugeniosa malis.
Et quota fortunœ pars est in carminé nostrat?
Félix qui patitur qiuc nuitierare valet I
Quoi frutices silvœ , quot flavus Tybris arenat,
Mollis quot Martis grainina campus babet,
32
7*
OVIDE.
je n'y irouvede remède, je ne goûte de calme,
que dans l'étude et dans le culte des Muses.
Mais, Ovide, diras-tu, quel terme auront
donc tes poésies larmoyantes? Pas d'autre que
la fin même de mes malheurs. Ils sont pour
moi une source intarissable de plaintes; ce n'est
pas moi qui parle, c'est le cri de ma destinée
qui se fait entendre. Rends-moi à ma patrie, à
mon épouse bien-aimée; que lajoiebrille sur mon
visage, que je redevienne tel que je fus jadis;
que la colère de l'invincible César s'apaise, et
des chants pleins d'allégresse s'échapperont de
ma lyre. Elle ne s'égarera cependant plus
comme elle s'égara jadis ; c'est assez d'une première débauche qui m'a coûté si cher ! Ce que
je chanterai, César l'approuvera : qu'il daigne
seulement adoucir un peu ma peine, et me permetlredefuirloindesGètes barbares! Jusquelà que doit-on attendre de ma muse, sinon des
accents plaintifs? C'est la seule mélodie qui
convienne à mes funérailles.
Mais tu pouvais, diras-tu, souffrir plus noblement , et dévorer tes chagrins dans le silence. C'est exiger qu'on souffre la torture
sans pousser un gémissement, c'est défendre
de pleurer au malheureux atteint d'une blessure grave. Phalaris même permettait à ses
victimes d'exhaler leurs plaintes à travers la
bouchemugissantedu taureau de Pérille.Achille
ne s'offensa point des larmes de Priam ; et loi,
plus cruel qu'un ennemi, tu m'interdis les
pleurs I Quand le fils de Latone immola les enfants de Niobé, il ne l'obligea point à voir sa
vengeance d'un œil sec. C'est une consolation,
dansun mal nécessaire, de pouvoir s'en plaindre:
c'est pour cela qu'on entend gémir Procné
et Ilalcyone; c'est pour cela que, dans son
antre glacé, le fils de Péan fatiguait de ses cris
les rocher de Lemnos. La douleur comprimée
nous étouffe ; elle bouillonne dans notre sein, et
sa violence s'accroît en raison de sa contrainte.
Sois donc indulgent, ou jette là tous mes ouvrages , si ce qui me console l'importune. Mais
cela n'est pas possible, mes écrits n'ont jamais
été funestes qu'à leur auteur.
Mais ils sont mauvais. Je l'avoue. Eh ! qui
te force à les lire ? ou si tu as été déçu dans
l'espérance d'y trouver quelque chose de bon,
qui t'empêche de les rejeter? Je ne les corrige
pas ! Qu'on sache seulement, en les lisant, qu'ils
sont nés dans ces lieux : ils ne sont pas plus
barbares que le pays d'où ils sortent. D'ailleurs
Rome ne doit plus me comparer avec ses poètes , mais je puis passer pour homme d'esprit
parmi les Sarmates. Enfin, je n'aspire ici ni à
la gloire, ni à la rénommée, cet ordinaire aiguillon du génie; je ne veux que préserver
mon âme des éternels soucis qui la rongent, et
qui, en dépit de moi, ne cessent de l'envahir
et de la pénétrer. J'ai dit pourquoi je continuerai à écrire ; voulez-vous savoir maintenant
pourquoi je vous envoie mes ouvrages? c'est
Toi inala pertulimus : quorum medicina quiesque
Nulla , nisi in studio, Pieridumque mora est.
Quis tibi, Naso, modus larrymosi carminis? inquis :
Idem , Ibrtuna} qui modus hujus erit.
Quod qlierar alla inihi pleno de fonte ministrat :
Nec inea sunt, fati verba sed ista mei.
At inihi si cara jiatriam cum conjuge reddas,
Sint vultns hilares , simque quod ante fui ;
Lenior invicli si sit inihi Co-saris ira ,
Carmins lactitia} jam tibi pleno dabo.
Nec taineii ut lusit, rursus mea litera ludet :
Sit seiiicl il la me» luxuriata inalo.
Quod probcl ipse ranam : posnœ modo parte levata,
Barbariem, rigidos effugiainque Getas.
Interra nostri quid agant nisi triste libelli?
Tibia funrribus couvrait ista meis.
At potrras, inquis, iiielius mala ferre silendu ,
Et tacitiis eosiis dissimulai!- tuos.
Exigis utnulli gemilus tonnenta sequantur,
Acreploque gravi vulnerc ilere vetas.
tpse Perilleo Phalaris pennisit in iprc
Edere niugitus, cl bovis orequeri.
Quuin Priamilacryiuisoffrnsus non sit Achille* •
Tu ilctus inhibes durior hoste hieos :
Quum faceret Nioben orbam Latonia proies,
Non tamen et siccas jussit habere gênas.
Est aliquid fatale inaluni per verba levari :
Hoc querulam Procnen Halcyouenque facit.
Hoc erat, in gelido quare Pœantius antro ,
Voce fatigaret Lemnia sasa sua.
Strangulat inrlusus dolor, alque exœstual intus :
Cogitur et vires multipliesre suas.
Da veniam potius : vel totos toile libellos,
Hoc inihi quod prodrst, si tibi lector, obéit.
Sed necobesse putestulli : nec scripta fuerunt
Nostra. nisi auctori perniciosa suo.
At mala sunt, fateor: quis te mala sumere cogit?
Autquis deceptum poneresumpta vetat?
Ipse nec emendo : sed ut hic deducta legantur ,
Non sunt alla suo harbariora loco.
Nec me Rnma suis débet conferre poetis ;
Inler Sauromatas ingeniosusero.
Deniquc nulla rnihi captatur gloria, quoique
Ingcuio stimulos subdere fama solet.
Nolumus adsiduis aniiniiui tabescere eu ris :
j Quai tamen irrumpunt, quoque vetantur, eunl.
78
720
LES TRISTES.
que, de quelque manière que ce soit, je veux ôterait beaucoup plus, ce qui resterait serait
beaucoup encore : la moindre portion de mon
être à Rome, au milieu de vous.
supplice est un supplice tout entier. Autant il
y a de coquillages au bord de la mer, de
rieurs dans les parterres émaillés, de graines
dans un pavot soporifique, autant la forêt nourÉLÉGIE IL
rit d'hôtes, autant il y a de poissons qui naPourquoi pâlir ainsi quand tu reçois du Pont gent dans les eaux, d'oiseaux qui volent dans
une lettre nouvelle? Pourquoi l'ouvrir d'une les airs, autant il y a de maux accumules en
main tremblante? Rassure-toi. Ma santé se moi. Vouloir les compter, c'est vouloir compter
maintient ; mon corps, si débile d'abord et si les flots de la mer Icarienne. Sans parler des
incapable de supporter les fatigues, est assez accidents du voyage, des affreux dangers delà
vigoureux, et s'est endurci à force de souffrir; navigation, de ces mains toujours prêtes à me
ou peut-être suis-je parvenu au dernier période frapper, un pays barbare, et le dernier de ce
de faiblesse. Mais mon esprit est malade et lan- vaste continent, un pays entouré de farouches
guissant; il ne s'est point fortifié avec le temps; ennemis est mon triste séjour.
mon âme est encore affectée des mêmes impresJ'obtiendrais d'être transféré ailleurs (car
sions qu'autrefois, et les blessures que j'espé- mon crime n'est pas un crime capital), si tu
rais voir se cicatriser à la longue sont aussi déployais pour moi tout le zèle que tu devrais
vives que le premier jour. Les petits maux, il à ma cause. Ce dieu, le salutaire appui de la
est vrai, se guérissent avec les années, mais puissance romaine, s'est plus d'une fois, après
avec les années les grandes douleurs ne font la victoire, montré clément envers son ennemi.
qu'empirer ! Le fils de Péan nourrit près de Pourquoi donc hésiter? Pourquoi craindre où
dix ans sa plaie envenimée par le sang de l'hy- tout est à espérer? Ose l'aborder, le supplier;
dre. Télèpheeût péri dévoré par un incurable l'univers n'a rien de comparable à la bonté de
ulcère, si la main qui le blessa ne l'eût guéri. César.
Puisse également, si je n'ai commis aucun criMalheureux ! que vais-je devenir si je suis
me, puisse celui qui m'a blessé verser le abandonné même par mes proches, et si tu
baume sur mes blessures, et, satisfait enfin d'un brises, toi aussi, le joug qui nous unit l'un à
commencement d'expiation, ôter une seule l'autre? Où irai-je? où réclamerai-je des secours
goutte de cet océan d'amertumes! Quand il en dans ma détresse? Mon navire a perdu toutes
Cur scribam doeui : cur imUam, quœritis, istos?
Vobiscum cupiam quolibet esse modo.
ELEGIA H.
Ecquid ut e l'onlo nova venit epiatola, pâlies,
Et tibi sollicita solvitur alla manu?
Pone luetum ; valeo, corpusque, quod ante laborum
Impatiens nobis invalidumquefuit,
Sufncit, alqueipso vexalum induruil usu.
An magis infirme^ non vacat esse niihi.
Mens tamen œgra jacet, nec tempore robora sumsit,
Adfectusqueanimi, qui fuit ante, manet.
Quoique mora spatioque suo coitura putavi
Vulnera, non aliter, quant modo facta, dolent.
Scilicet exiguis prodestannosa vetustas :
Grandibus accedunt tempore damna malis.
Pœue decem totis aluit Pœantius annis
Pestiferum tumido vulnus ab angue datum :
Teiephus attenta consuinplus tabe périsse!,
Si non qutc nocuit désira lulisset opem.
lit tnea, si facinus nullum commisimus; oplo
Vulnera qui fecit, facta levare velit :
Gontentusque mei jam tandem parte doloris.
Exiguum pleno de mare demat aquai.
Detrabat ut multum, utultum restabit acerbi :
Parsque mes pœnae totius instar erit.
Litora quot conchss, quot amoena rosaria flores,
Quotve soporiferum grana papaver ha bel;
Sylva feras quot alit, quot piscibus unda natatur,
Quot tenerunt pennis aéra puisât avis ;
Tôt premor adversis ; quai si comprendere coner,
Icariât numerum dicere coner aquaj.
Utque via; casus , ut amara pericula ponti,
Ut taceam slrictas in mea fata manus ;
Barbara me tellus, orbisque novissima magni
Sustinet, et sœvo cinctus ab hoste locus.
Hinc ego trajicercr, nec enim mea culpa cruenta est,
Esset, quai débet, si tibi Cura mei.
Ille Deus, benequoRomana potentia nixa est,
Sœpe suo victor lenis in hoste fuit.
Quid débitas, et tu ta Urnes? accède , rogaque.
Cœsare nil ingens mitius orbis habet.
Me uiiserum ! quid agam, si proximaquœque relinquunt,
Subtrahis effracto tu quoque colla jugo?
Quo ferar? unde pela m lapais solatia rébus?
41
73Q
OVIDE.
tes ancres. N'importe ; quelque odieux que je
sois à César, je me réfugierai moi-même au
pied de son autel sacré; l'autel d'un dieu ne
repousse jamais les mains du suppliant. Ainsi
donc, loin de Rome, je vais, si toutefois un
mortel peut sans témérité s'adressera Jupiter,
adresser mes supplications à la divinité dont j'ai
l'image ici sous les yeux.
Arbitre de cet empire, d toi, dont la conservation est une preuve de la sollicitude des dieux
pour l'Ausonie ; honneur et image delà patrie,
qui te doit sa prospérité ; héros aussi grand que
le monde qui l'obéi t! puisses lu séjourner longtemps sur la terre, bien que les cieux soient
jaloux de te posséder ! puisses-tu n'aller que le
plus lard possible prendre ta place parmi les
astres ! Grâce pour moi, je t'en supplie ; suspends un moment les coups dont ta foudre me
frappe; ils suffiront encore à l'expiation de ma
faute. Ton courroux, il est vrai, fut modéré :
tu m'as laissé la vie ; ni les droits ni le titre de
citoyen ne m'ont été enlevés; on ne m'a point
arraché, pour le donner à d'autres, mon patrimoine , et ton édiiconiremoi ne me flétrit point
du nom d'exilé! Tous ces châtiments, je les redoutais, parce que je m'en reconnaissais digne;
mais la rigueur n'est pas allée si loin que ma
faute : lu me condamnas à vivre relégué dans
le Pont, et à sillonner, de ma nef fugitive, la
mer de Scytliie. J'obéis ; j'abordai aux affreux
rivages du Pont-Euxin, dans cette terre
située sous les glaces du pôle. Ce qui me
tourmente le plus, ce n'est pas le froid éternel
de ces climats, ni ce sol que des frimas incessants blanchissent et dessèchent, ni ce jargon
barbare entièrementélrangerà la langue latine,
et dont l'élément grec s'efface, dominé par le
gétique; c'est l'état de blocus dans lequel nous
tiennent sans cesse les peuples limitrophes, c'est
ce faible mur qui nous protège à peine contre
leurs attaques. On est bien en paix quelquefois , mais en sûreté jamais; et quand nous
n'avons pas les horribles réalités de la guerre,
nous en avons toutes les craintes.
Oh ! que je change enfin d'exil, dussé-je être
englouti par Charybde, près de Z mcle, et, des
eaux de ce gouffre, être précipité dans les eaux
du Styx ; dussé-je être consumé, victime résignée, par les feux dévorants de l'Etna ; dusséje être précipité du haut du rocher dans la
mer du dieu de Leucade! Ce que j'implore est
aussi un châtiment, car je ne me refuse pas
à souffrir , mais je voudrais souffrir sans
craindre pour mes jours.
Anchora jam nostram non tenet ulla ratem.
Viderit : ipse sacram quamvis invisus ad aram
Confugiam; nullas summovet ara inanus.
Adloquor en absens prœsenlia numina suppléa,
Si fas est liomiui cum Jove posse Inqui.
Arbiter imperii, quo certum est sospite cunctos
Aiisoniic curani gentis babere Deos;
O decus, o palrise per te Horenlis imago!
O vir non ipso, quem régis, orbe minor!
Sic habites terras, sic te desideret a?tlier,
Sic ad pacta tibi sidéra tardus cas!
Parce precor : ininimamque luo de fulmine parte m
Deme; satis pœnœ, qtiod superabit erit.
Ira quidem moderata tua est, vilamque dedisti :
Nec mihi jus eivis, nec mihi nornrn alesl.
Nec mea conressa estaliis fnrtuna : ucc eisul
Edicti verbis nomiuor ipse lui.
Omniaque base liinui, quia me meruisse videbain :
Sed tua peccato leuior ira nieo est.
Arya relegalum jussisli visere Ponti ;
Et Scylhicum profuga scindere puppe (retuiu.
Jussus ad Euxini deformia Ulora veui
/Equoris ; hsc gelido terra sub axe jacet.
Nec me tam crucial nunquam sine frigore cœlum ,
Glebaque caucnli sein per obusta gelu ,
Nesciaque est voeis quod barbara lingua Latins,
Graiaque quod Getico vicia loquela sono,
Quam quod linitimo cinctus premnr uudique Marte,
Vixque brevis tutum mu rus ab boste facit.
Pax tamen iulerdum ; pacis fiducia numquam est.
Sic nunc bic patilur, mine timet arma, locus.
Iliiiccgodum muter, vel me Zanchea Cbarybdîs
Devoret, atque suis ad Slyga initiât aquis :
Vel rapide; flammis urar patienter in /Etna; :
Vel fréta Leucadii niittar in alla dei.
Quod petitur pœna est, neque enim miser esse rectuo,
Sed precor, ut possim tutius esse miser.
ÉLÉGIE III.
Voici lejour(l'), si je ne confonds pas les dates, où les poètes ont coutume, ô Bacchus, de
célébrer ta fête, où ils ceignent de guirlandes
parfumées leurs fronts rayonnants, et, pour
chanter tes louanges, demandent des inspira-
ELEG1A III.
Illa dies hsec est, qua te celebrare pootœ,
Si modo non fallunt tempera , Bacche , soient :
Festaque odoratis innectunt lempora sertis,
Et dicunt laudes ad tua vina tuas.
d
LES TRISTES.
731
lions à ta liqueur divine. Je me souviens d'a- joug de fer. Ma chute a été aussi terrible que
voir figuré parmi eux quand ma destinée me celle du chef orgueilleux frappé devant les
le permettait, et d'avoir offert plus d'une fois portes de Thèbes par la foudre de Jupiter.
un hommage agréé : et maintenant, sous l'astre Cependant tu n'as pu apprendre qu'un poète
de Cynosure, j'habite la Sarmatie, voisine des avait été foudroyé, sans te ressouvenir du sort
Gètes féroces. Moi, dont la vie s'élait jusqu'a- de ta mère, et sans compatir au malheur du
lors écoulée tranquille et sans fatigue, au sein poëte. Aussi, en promenant tes regards sur ces
de l'étude, dans la société des muses, mainte- poètes que ressemblent tes mystères, tu dois
nant, éloigné de ma patrie, j'entends retentir te dite : Ne manque-t-il pas ici l'un de mes
autour de moi les armes des Gètes, après adorateurs?
avoir préalablement souffert mille maux sur
Sois-moi propice, ô Bacchus! et qu'en réterre et sur mer. Que mon infortune soit compense de ce bienfait, les ormeaux élevés
l'effet du hasard, de la colère des dieux ou du fléchissent sous le poids de la vigne, et le raisin
sombre accueil que la Parque me fit à ma nais- se gonfle d'un jus précieux! Puissent de jeusance, ta protection divine devait être acquise à nes et folâtres satyres , unis aux bacchantes,
l'un des apôtres sacrés ducultedu lierre. Quand former ton cortège, et faire retentir en ton honles trois sœurs, arbitres de nos destinées, ont neur leurs bruyantes harmonies! Puissent lesos
rendu leurs décrets, n'est-il donc pas au pou- deLycurgue, qui s'arma d'une hache impie(ô),
voir des dieux d'en empêcher l'exécution? gémir douloureusement froissés dans leur
Cependant c'est par tes mérites que lu t'es tombe, et l'ombre sacrilège de Penthée(4)ne
élevé jusqu'aux demeures célestes, et de pé- voir jamais la fin de ses tourments! Puisse
nibles travaux t'en ont frayé la roule. Loin de briller éternellement dans le ciel et effacer par
goûter le repos au sein de ta patrie, tu t'es sa splendeur tous les astres voisins, la couronne
aventuré jusqu'au Strymon glacé (2), dans la de la princesse de Crète, ton épouse!
belliqueuseGétieet dans la Perse ; tuas navigué
Viens à moi, viens soulager ma détresse, ô le
sur le Gange au lit spacieux, et sur les autres plus aimable des dieux ! souviens-toi que je fus
fleuves où se désaltère l'Indien basané. Tel fut un de tes favoris. Les dieux, dit-on, sont liés
l'arrêt que les Parques, chargées de filer la entre eux par un commerce perpétuel : que ta
trame fatale, prononcèrent deux fois à (a divinité essaie donc de fléchir celle de César.
double naissance. De même ( si un tel rapproEt vous, mes frères en Apollon, poètes,
chement avec les dieux n'est point sacrilège) troupe amie des dieux, que chacun de vous,
une destinée rigoureuse me courbe sous son le verre en main, répète ma prière; que l'un
Inter quos memiDi, d u m W mca fat» sinebant,
Non invisa tibi pars ego ssepe fui :
Quem nunc subpositum slellis Cynosuridos Drus
Juocta tenet cruilia Sarmalis ora Getis.
Quique prius mollem varuamque lalxiribus egi
Instudiis vitam, Pieridumque rhoroj
Nunr procul a patria Getiris circumsnnor armis;
Mu lia prius pelago, multaque passas hume;
Sive mibi casus , sire hoc dédit ira Deornm :
Nubila nascenti sru mihi l'arca fait.
Ta tamen e sacris hedera? culloribus ononi
Numine debueras sustinuisse tuo.
An domina; fati quidquid cecinere sorores,
Omne sub arbitrio des nit esse Dei?
Ipse quoque sethereas meritis invectus es arces;
Qua non etiguo facta la bore via est.
Nec patria est habitats tibi : sed ad usque nivosum
Strymona venisti, Marticolamque Gelen ;
Persidaqne , et lato spaliantem flumine Gangen .
Etqoascnmque bil ildiscolor Indus aquas.
Scilicet banc legem, nentes falolia Parce,
Stamina, bisgenito bis cecinere tibi,
Me quoque, si fas est exemplis ire deorum,
Ferrea sors vils difficilisque promit :
lllo nec levius cecidi, quem magna locutum
Reppulit a Tbebis Jupiter igné suo.
Ut tamen audisti percussum fulmine vatem ;
Adinonilu uialris condoluisse potes.
Et potes, adspiciens eircum tua sacra poetas ,
Nescio quis noslri dicere rultor abest.
Fer, bone, Liber opem : sic altéra degravet ulmum
Vitis, et incluso plena sit uva inero :
Sic tibi cum Barcbis Satyroruin gnava juventus
Adsit, et atlonito non taceare sono.
Ossa bipenuiferi sic sint maie pressa Lycurgi :
impia nec pœiia Pentbeos umbra vacel :
Sic micel sternum vieinaque aidera vincat
Conjugis in ccelo Cressa enroua tus.
Hue ades, et casus relevés, pulcherrime, nostros;
Dnum de numéro me inemor esse tuo.
Suut Dis inter se coinmercia, flectere tenta
Gssareum numen nuinine, Bacr.be, tuo.
Vos quoque, consortes studii, pia turba, poets,
Hsc eadem sumto quisque rogate mero.
48
OVIDE.
de vous, au nom d'Ovide , dépose sa coupe fleuves ; il doit s'étonner aussi du désespoir de
mêlée de ses pleurs, et, évoquant mon souvenir, Priant, à la perte d'Hector et des cris dePhilocdise, après m'avoir en vain cherché du re- tète atteint des poisons de l'hydre. Plût aux
gard : « Où est Ovide, naguère l'un de nous ?> dieux que la situation d'Ovide fût telle qu'il ne
Vous justifierez mon attente, si mon humeur pût justifier sa tristesse! H supporte toutefois,
bienveillante m'a fait aimer de vous ; si je me avec résignation, ses chagrins amers, et ne resuis toujours abstenu d'une critique blessante; fuse pas, comme un cheval indompté, les ensi, en payant aux poêles anciens le tributde res- traves du frein. 11 espère d'ailleurs que la copect qui leur est dû, je ne leur sacrifie pas les lère du dieu ne sera pas éternelle, certain qu'il
poètes contemporains. Puissiez-vous, à ce prix, est d'avoir commis une faute et non pas un
obtenir d'Apollon ses constantes faveurs! Con- crime. Il aime à se rappeler souvent la clémence
servez ensuite, puisquec'est le seul bonheur qui infinie de ce dieu, et à se citer lui-même
comme un des nombreux exemples qui l'attesme reste, conservez mon nom parmi vous.
tent ; car s'il a conservé son patrimoine, son
titre de citoyen, son existence enfin, il le doit à
la générosité de ce dieu.
Pour toi, tu peux m'en croire, ô le plus cher
ÉLÉGIE IV.
de ses amis, il te porte toujours dans son
Écrite de la main d'Ovide, j'arrivedes bords du cœur. 11 te compare au fils de Ménélius, au
Pont-Euxin, fatiguée d'une longue navigation. compagnon d'Oreste, au fils d'Egée; il t'apIl m'a dit en pleurant : c Va, puisque cela t'est pelle son Euryale. 11 n'est pas plus avide de
permis, va visiter Rome. Ah ! que ta destinée revoir sa patrie et tous les objets dont il est
est préférable à la mienne ! > Aussi c'est en privé en même temps, que de revoir tes traits
pleurant qu'il a tracé ces lignes, et ce n'est point et de rencontrer tes regards, ô toi qui lui semà sa bouche qu'il a porté son cachet avant de blés plus doux qu'un rayon de miel des abeilles
me sceller, mais à ses joues baignées de larmes. de l'Attique.
Souventil se reporte, en soupirant, à ce jour
Si quelqu'un me demande quelle est la cause de
sa tristesse , que celui-là aussi me demande à fatal que son trépas, hélas ! aurait dû devancer.
voir le soleil. Sans doute il ne voit pas non Tous fuyaient sa disgrâce subite, comme un fléau
plus le feuillage dans les forêts, l'herbe tendre contagieux, et n'osaient aborder le seuil d'une
dans la vaste prairie, et les flots dans les larges maison frappée de la foudre. Mais il n'a pas
Atque aliquis vestrum , Nasonis Domine dicto,
Deponat lacrymis pocula misla sais :
Admonitusque mei, quum cireumspexerit omnes;
Dicat, Ubi est noslri pars modo Naso chori ?
Idqne ita, si vestrum merui candore favorem,
Nullaque judicio litera lœsa meo est ;
S i , veterum digne veneror quum scripta virorum,
Proxima non illis esse minora reor :
Sic igitur dextro faciatis Apolline carmen .
Quod licet, inter vos nomen habete meum.
ELEGIA IV.
Littore ab Euxino Nasonis episloia veni.
Lassaquefacla mari, lassaque facta via.
Qui mibi tiens dixit : Tu, cui licet, adspiee Romani.
Heu quanto melior sora tua aorte mea est !
Flens qunque me scripsit : nec qua signabar, ad os est
Ante, sed ad madidas gemma relata gênas.
Tristitias rauaara si quisragnoscerequaerit,
Oatendi solem postulat ille sibi :
Nec frondem in sylris, nec aperto mollia pralo
Gramina, nec pleno flumine cernit aquas.
Quid Priamus doleat mirabilur Hectore rapto,
Quidve Pbiloctetes ictus ab angue gemat?
Dl facerent utinam talis status esaet in illo,
Ut non trislitiœ causa dolenda foret.
Ferttamen, ut débet, casus patienter amaros :
More nec indoiniti trama récusât equi.
Nec fore perpetuain sperat sibi numinis iram ;
Cnuscius in culpa non srelus esse sua.
Sœpe refeil, sit quanta dei clementia : cujus
Se quoque in exemplis aunuinerare sole t.
Nam quod opes teneat patrias, quod nomina civis,
Oeniquequod vivat, muuus babere Dei.
Te tamen, o ! si quid credis mibi, carior ille
Omnibus, in toto pectore seroper habet.
Teque Menœtiaden, te qui comitavit Oresten,
Te vocat lEgiden , Eurvalumque suum :
Nec palriam inagis ille suam desiderat, et que;
Plurima cum palria sentit abesse sua ;
Quam vullus, oculosque tuos, o dulcior illo
Melle, quod in ceris Attica ponit apis !
Sœpe etiam, mœrens tempus reminiscitur illud .
Quod non prœventum morte fuisse dolet.
Quunique alii fugercnt subits: contagia cladis,
35
LES TRISTES.
oublié que toi et quelques amis ( si l'on peut
dire de deux ou trois personnes quelques
amis), vous lui restâtes fidèles, malgré son
accablement : il ne perdit rien alors de celte
scène; il te vit aussi affecté de ses maux
que lui-même. Souvent il se retrace tes
paroles, ta contenance, tes gémissements et les
pleurs que tu répandais sur son sein, tes secours empressés, et ces consolations affectueuses que tu lui prodiguais, lorsque toi-même
avais besoin de consolations. Pour tant de soins
obligeants, il proteste que, soit qu'il vive, soit
qu'il meure, il te voue une reconnaissance, un
dévouement sans bornes. 11 te le jure, par sa
tête et par la tienne, qui, je le sais, ne lui est pas
moins chère : une gratitude éternelle sera le
prix de tant de générosité, et il ne souffrira
point que tes bœufs n'aient labouré qu'un sable
stérile. Continue ta noble tâche de défenseur
de l'exilé; cette prière, ce n'est pas lui, il est
trop sûr de ton zèle, c'est moi-même qui te
l'adresse à sa place.
ÉLÉGIE V.
L'anniversaire de la naissance de mon
épouse réclame les solennités accoutumées ;
prépare, ô ma main, de pieux sacrifices! Ainsi
jadis, l'héroïque fils de Laërte célébrait peutNec relient ietaa Iimen adiré domui ;
Te aibi cum paucis meminit mansisse fidelem :
Si paucos aliquis tresse duosre vocat.
Quamris adtonitus, sensit tamen omnia, nec te
Se minus adversis indolaisse suis.
Verba solet, rullumque tuum , gemitusque referre :
Et te fiente, suos emaduisse sinus ;
Quam sibi prsestiteris, qua consolatus amicum
Sis ope : solandus corn simul ipse fores.
Pro quibns adfirmal fore se meinoremque piumqae,
Sive dieni rideat, sive tegatur humo;
Per caput ipse suum solitus jurare tuumqne .
Quod scio non illi vilius esse suo.
Plena tôt ac tantis referetur gratia faclis :
Née. sinet ille tuos lilus arare boves.
Facmodo constanter profngum tueare : quod ille,
Qui bene te novit, non rogat, ipsa rogo.
ELEGIA V.
Annuns adsuetum domina; natalis honorem
Exigit : ite, menus, ad pia sacra, meae.
Sjr quondam, festum Laertiu» egerit berna
735
être, aux extrémités du monde, la naissance de
Pénélope. Que ma langue n'ait que des paroles
joyeuses, et se taise sur mes longs malheurs.
Hélas! sait-elle encore proférer des paroles de
bonheur? Revêtons cette robe que je ne prends
qu'une fois dans l'année, et dont la blancheur
contraste avec ma fortune ; élevons un autel de
vert gazon, et tressons des guirlandes de fleurs
autour de son foyer brûlant. Esclave, apporte
l'encens qui s'exhale en vapeurs épaisses, et le
vin qui siffle répandu sur le brasier sacré!
Heureux anniversaire, quoique je sois bien
loin de Rome, je souhaite que tu m'apparaisses
ici dans toute ta sérénité, et bien différent du
jour qui m'a vu naître. Si quelque affliction
nouvelle menaçait ma chère épouse, puisse le
sort, pour l'en affranchir, lui tenir compte de
mes propres malheurs ! et si naguère elle a été
presque submergée par une horrible tempête,
qu'elle vogue désormais en sûreté sur une mer
tranquille, et jouisse des biens qui lui restent,
ses pénates, sa fille et sa patrie. C'est asseâ
pour elle qu'on m'ait arraché de ses bras. Malheureuse à cause de son époux, puisse du
moins le reste de sa vie s'écouler sans nuages !
Qu'elle vive, qu'elle m'aime, absente, puisque le destin l'y réduit, et qu'elle compte encore de longues années. A ces années j'ajouterais volontiers les miennes, si je ne craignais
que la contagion de ma destinée n'empoisonnai la pureté de la sienne.
Forsan in extremo conjugis orbe diem.
Lingua favens adsil, longorum oblita malorum ;
Qua; , puto, dedidicit jam bona verba loqui :
Quœque semel toto vestis mihi sumitur anno,
Suinatur falis diseolor alba meis :
Araque gramineo viridis de cespite liât;
Et velet tepidos neia corona focos.
Da mibi tura, puer, pingues facientia ûammas,
Quodque pio fusuin stridat in igné merum.
Optime natalis, quamvis procul absumus , opto
Candidus hue renias , dissimilisque meo :
Sique quod instabat domina; miserabile vulnus,
Sitperfuncta meis tempus in ouiue malis :
Quseque gravi nuper plus quam quassata procella est,
Quod superest, tutum per mare navis eal.
Il la domo, nataque sua, patriaque fruatur :
Erepta ha?c uni ait satis esse mibi.
Qua tenus et non est in caro conjuge felix,
Parasita; tristiestera nubevacet:
Vivat, ametque rirum , quoniam sic cogitur, absens ;
Consuminetque annos, sed diuturna, suos.
Adjicerem et nostros : sed ne contagia fati
Corrumpant, timeo, quos agit ipsa, mei,
•
734
OVIDE.
Rien n'est stable ici-bas : qui eût jamais pensé
que je dusse un jour célébrer cette fête au milieu des Gèles? Vois pourtant comme la brise
emponela fuméede l'encens versl Italie, vers ce
paysqu'appellent tous mesvœux.Yaurait-il quelque sentiment dans ces vapeurs qui se dégagent
de laflamme?C'est volontairement, en effet,
qu'elles fuient votre atmosphère, ô rives du
Pont ; et c'est ainsi que dans un sacrifice commun , fait sur le même autel, en l'honneur de
deux frères ennemis qui s'enlr'égorgent, on
vit laflammenoire, complice de leur inimitié,
se partager en deux, comme si elle eût obéi à
leur ordre. Autrefois, il m'en souvient, cet
événement me semblait impossible, et le fils de
Battus passait à mes yeux pour un imposteur.
Je crois tout aujourd'hui, puisque je te vois,
vapeur intelligente, t'éloigner du pôle arctique,
ettedirigervers l'Ausonie. Il est donc venu ce
jour sans lequel, dans mon infortune, il ne serait pas de fêle pour moi; il a produit des vertus
aussi sublimes que celles des héroïnes filles
d'Eétionetd'lcarius(l); il vit éclore la pudeur,
les penchants vertueux, l'honneur et lafidélité;
le bonheur seul ne parut point avec lui, mais à
sa place accoururent la peine, les soucis, une
destinée bien différente de celle que lu méritais, et les justes regrets d'une couche presque
veuve.
Mais, sans doute que la verlu éprouvée par
de longues traverses trouve dans le malheur
même une occasion de gloire. Si l'infatigable
Ulysse n'eût pas eu d'obstacles à surmonter,
Pénélope eût vécu heureuse, mais obscure ; si
son époux eût pénétré vainqueurdans la citadelle
d'Éciiion (-2), Evadné serait peut-être à peine
connue de sa patrie. De toutes les filles de Pélias, pourquoi une seule est-elle célèbre? C'est
qu'une seule fut la femme d'un époux malheureux. Supposezqu'un autre guerrier ait touché
le premier la plage troyenne, il n'y aura
pas de motif pour qu'on cite Laodamie; U
tendresse aussi resterait inconnue au monde
( et plût au ciel qu'elle dût l'être en effet ! ) si
le vent de la fortune eût toujours enflé mes
voiles.
Cependant, dieux immortels, ettoi, César, qui
dois l'asseoir parmi eux, mais alors seulement
que les années auront été aussi nombreuses
que celles du vieillard de Pylos, épargnez, non
pas moi, qui reconnais la justice de mon châtiment , mais une femme inuocente qui souffre
et qui n'a pas mérité de souffrir.
Nil homini certain est; fleri quis posse puUret,
Ut facerein in mediis lise ego sacra Getis ?
Adspice, ut aura lamen funios e ture coortos
In parles Italas, etloca dextra ferai.
Sensus inest igitur nehulis, quas exigil ignis :
Consilium fugiunt caetera pœne meum.
Consilio, commune sacrum quum fiât in ara
Fratribus, alterna qui periere manu ,
Ipsa sibi discors, tanquain mandelur ab illis ,
Scinditur in partes atra favilla duas.
Hoc , memini, qunndam tieri non posse loquebar,
Et me Baltiades judice falsus erat.
Omnia nunc credo , quum tu consultus ab Arclo
Terga , vapor, dederis, Ausoniamque pelas.
Haec igitur lux est, quoi sinon orla fuisse t,
Nulla fuit misera Testa vivenda mihi.
Edidil hœc mores illis herois in ajquos,
Queis erat Eelion , Irariusque pater.
Nata pudicilia est, mores , probitasque,fidesque:
At non sunt ista gaudia nota die ;
Sed labor, et curai, fortnnaque moribus impar,
Justaquede viduo pâme querela toro.
Scilicet, adverais probitas exercita rébus,
Tristi materiam tempore laudis babet :
Si nibil infesli duras vidisset Ulysses,
Pénélope felix, sed sine laude, foret :
Victor Erhionias si vir penetrasset in arces,
Forsitan Evadnen vixsua nosset humus :
Quum Pelia tôt sint genitœ, cur uobilis una est?
Nupta fuit misera nempe quod una vira.
Effi.ce, ut Iliaras langat prior aller arenas ;
Laodamia nibil cur referatur erit.
Et tua , quod mallem , pielas ignota maneret,
Implessent venli si mea vêla sui.
Dt lamen , et Cœsar Dis accessure , sed olim ,
ALquarint Pylios quum tua fa ta dies ;
Non mihi, qui posuam fateor meraisse, sed illi
Parcite, quœ, nullo digna dolore, doletl
ÉLÉGIE VI.
Et toi aussi, en qui je mettais naguère toute
ma confiance, toi qui fus mon asile et l'unique
port où je m'abritai, tu abandonnes, après quelques efforts, la cause de ton ami, et tu rejettes
si vite le pieux fardeau de la bienfaisance 1 Le
ELEGIA VI.
Tu quoque, nostraram quondam fiducie reram ,
Qui mihi confugium , qui mihi porlus eras ;
Tu modo suscepti causam dimittis amicà,
Officiique pium tint ci» ponisonus?
LES TRISTES.
733
poids est accablant, je l'avoue; mais si tu devais le rejeter dans un moment difficile, il valait
mieux ne pas t'en charger. Tu délaisses, nouveau Palinure, mon navire au milieu des flots;
arrête, et que ta fidélité ne soit pas inférieure
a ton adresse. L'habile et fidèle Aummédon
abandonna-t-il jamais, au sein de la mêlée sanglante, les coursiers d'Achille? La tâche une
fois entreprise, vit-on jamais Podalire refuser
ensuite au malade les secours de son art? 11 y
a plus de honte à chasser un hôte qu'à ne pas
le recevoir. Que l'autel qui fut mon asile n'aille
pas s'écrouler !
Tu n'as eu d'abord à défendre que moi;
mais aujourd hui ce n'est plus moi seulement,
c'est ton honneur que tu dois sauver, si je
n'ai pas commis quelque faute nouvelle, si nul
nouveau crime n'autorise en toi un changement si sriudain. Ah! puissé-je, je le désire,
de ma poitrine oppressée par l'atmosphère de
la Scylhie, exhaler mon dernier souffle, plutôt
que de froisser ton cœur par la moindre faute,
et de paraître digne de ton mépris ! Je ne
suis pas tellement déprimé par le malheur que
sa longue durée ait affaibli mon esprit. Et
quand cela serait, combien de fois, tu le sais,
le fils d'Agamemnon n'a-t-il pas outragé Pylade? il est même vraisemblable qu'il frappa son
ami ; Py lade n'en persista pas moins dans son
dévouement. Le malheur et la puissance ont
cela seulement de commun, que l'un et l'autre
commandent les égards : on cède le pas aux
aveugles aussi bien qu'à ces hommes pour qui
la prétexte, la \erge du licteur et les paroles
impérieuses réclament nos respects. Amsi donc,
si lu n'as pas pitié de moi, aie pitié de ma détresse ; je ne puis plus inspirer de colère à personne.Considèie la moindre partie des chagrins
et des maux que j'endure, elle surpassera tous
ce que lu en peux imaginer ; autant il croît de
joncs dans les marais humides, autant il se
nourrit d'abeilles sur le sommet fleuri de l'Hybla, autant on voit de fourmis suivre un étroit
sentier, emportant dans leurs greniers souterrains le blé qu'elles ont ramassé ; autant est
grande la foule de maux qui m'assiègent ! Et
tu peux m'en croire, mes plaintes sont encore
au-dessous de la réalité. Si quelqu'un trouve
que ce n'est pas encore assez, qu'il répande
du sable sur le rivage, des épis au milieu des
moissons, et qu'il verse de l'eau dans l'Océan.
Calme donc tes frayeurs chimériques, et n'abandonne pas mon navire aux hasards de la
pleine mer.
Sarcina «uni, fateor; quam ai tu tempore dura
Di'poiiturus eras, non subeunda fuit.
Fluctibua in mediia navem , Palinuie, reliuquia?
Ne fuge; neve tua ait minor arte lidea.
Numquid Acbilleoa , inter fera prslia , fidi
Deaeruit levilaa Autouiedontis equoa?
Quam seinel excepit numquid Podalirius sgro
Promisiam médira; nou lulit artis opem ?
Turpiua ejicitur, quam non admiltilur hospes ;
(fus patuit, dextrœ lirina ait ara mes.
Nil, niai me aolum, primo tutatus ea : at nunc
Me parileraerva , judiriumque tuum,
Si modo non aliqua est in me nova culpa ; tuamque
Mutarunt subito rrimiua noslra (idem.
Spiritus bic, Scytbica quein non brne ducimus aura,
Quod cupio, membris exeat ante mcia,
Quam tua delirlo stringantur pectora nostro,
Et videur merito vilior esse tibi.
Non adeo loti fati* urgrmur iniquis ,
Ut mea ait lougia mens quoque mota malia.
Finge lamen niotam : quotiea Agamemnone natum
Dixiaae iu Pyladen verba proterva putas?
Nec procul a vero est, quod vel puisant amicum :
Mansit in officiis' non minus aile suis.
Hoc est cum miseiis sol uni commune bcatis,
A m bob u s Iribui quod solet obsequium.
Ceditur et nsris , et quos pra?te\la vereudos ,
Virgaque rum vérins imperiosa , facil.
Si mibi non partis, fortuits parcere debes :
Non baliel in noliis ullius ira loium.
Elige nostrorum minimum minimumque laborum :
Islo, quo rcris, grandius illud irit.
Quam multa madids relebranlurarundine fosas;
Florida quam limitas llybla tiietur apes;
Quam multa? grarili terrrna sub borrea ferre
Limite foi mien? grana reporta soient;
Tarn me cirr.uinstanl densnrum lurba malorum :
Crede mibi ; vero est noslra querela minor.
Pis qui rontrnlus non est, in lilus arenas ,
In srgetem apiraa, in mare fundat aquaa.
Intempestivos igilur compesre timorés ,
Vêla nec in niedio desere nostra mari.
ÉLÉGIE VII.
C'est du pays où le large Ister se jette dans
la mer que te vient celte lettre, maiutenant
ELEGIA VIL
Quam legia, ex illa tibi venit epistola terra,
Latus ubi «equoreia additur Ister aquia :
736
OVIDE.
placée sous tes yeux. Si lu jouis encore, avec
la vie, d'une santéflorissante,je suis du moins,
au milieu de mes infortunes, heureux par
quelque côté.
Cette fois, comme toujours, tu me demandes , cher ami, ce que je fais, quoiqu'il te serait facile sur ce point de suppléer à mon silence. Je suis malheureux; ce mot résume
toute ma déplorable existence ; il en sera de
même de quiconque aura offensé César.
Es-tu curieux d'ailleurs de savoir quel est le
peuple de Tomes, et quelles sont les mœurs
des gens avec lesquels je vis ?
Quoique le peuple de ce pays soit un mélange de Grecs et de Gètes, cependant la race
indomptée de ces derniers domine. Ce sont
le plus souvent des cavaliers gèles ou sarmates
que l'on voit aller et venir sur les chemins. Il
n'est aucun d'eux qui ne porte son carquois,
son arc et ses flèches trempées dans le venin de
la vipère. Ils ont la voix sauvage, les traits farouches, et sont l'image frappante du dieu
Mars. Ils ne coupent ni leur chevelure ni leur
barbe, et leur main est toujours prompte à
enfoncer le couteau meurtrier que tout barbare porte attaché à sa ceinture. Telle, ami,
telle est la société au sein de laquelle vit ton
poète, sans songer aux folâtres amours ; voilà
ce qui frappe ses yeux et ses oreilles. Eh!
puisse-t-il y vivre et ne pas y mourir, et que
son ombre échappe du moins à ce séjourodieux!
Si tibi contingit cum dulci vita salute,
Candida fortunœ pars manet una mets.
Soi lice t, ut semper, quid agam, rarissime , quœris ;
Quamvis hoc vel me scire tacente pôles.
Sum miser : hase brevis est nostrorum summa malorum :
Qnisquis et offenso Ctesare vivet, erit.
Turba Tomitanœ quai sit regionis, et inter
Quos habitem mores, discerecura tibi est?
Mista sit hase quamvis inter Graiosque Getasque,
A maie pacatis plus trahit ora Getis.
Sarmaticœ major Gcticaeque frequentia gentis
Per médias in equis itque redilque vias :
In quibus est nemo, qui non coryton , et arcum ,
Telaque vipereo lurida Telle gerat.
Vos fera, trux vultus, verissima Martisimago;
Mon coma , non ulla barba resecla manu :
Déliera non segnis tixo dare ruinera cullro,
Qiiem vinctum lateri barbarns omnis babet.
Vivit in his, elieu I tenerorum oblitus amorum ,
Hos videt, hos vates audit, amice , tuus I
Atque utinam vivat, sed non moriatur in illis I
Absit ab invisis et tamen umbra locis.
Carmina quod pleno aaltari nostra theatro,
I
Tu m'écris qu'on joue sur le théâtre (1), en
présence de nombreux spectateurs, mes pièces
mimiques, mêlées à des danses, et qu'on applaudit à mes vers. Ces pièces, tu le sais, je
ne les avais pas destinées au théâtre, et ma muse
n'en ambitionna jamais les applaudissements;
mais je suis reconnaissant de tout ce qui entretient mon souvenir, de tout ce qui fait prononcer à des bouchesromainesle nom de l'exilé.
Quelquefois, il est vrai, le ressentiment du
mal que j'ai reçu de la poésie et des muses me
les fait maudire ; mais quand je lésai maudites,
je sens que je ne puis vivre sans elles ; et je
cours après le trait, encore tout sanglant de
ma blessure, comme ce vaisseau grec qui, tout
déchiré par les flots de l'Eubée, ose affronter
ensuite les eaux de Capharée. Mes veilles d'ailleurs n'ont pour but ni la gloire, ni le soin
d'éterniser un nom qui, pour mon bonheur,
aurait dû rester ignoré ; je veux captiver mon
esprit par l'étude et tromper mes chagrins; et
c'est ainsi que j'essaie de donner le change à
mes cruels soucis. Que puis-je faire de mieux,
perdu dans ces déserts ? Quelle autre distraction puis-je opposer à mes ennuis? Si j'envisage le lieu où je suis, il est sans nuls charmes,
et il n'en est pas de plus triste dans tout l'univers; les hommes... mais les hommes ici
sont à peine dignes de ce nom ; ils sont plus
sauvages et plus féroces que les loups. Ils n'ont
pas de lois qu'ils craignent ; chez eux la justice
Versibus et plaudi scribis, amice, ineis :
Nil equidem feri, tu scie hoc ipse, theatris ;
Musa nec in plausus ambitiosa mea est.
Nec tamen iugratum est, quodcumqne oblivia nostri
Impedit, et profugi nomen in ora refert.
Quamvis inlerdum, quœ me Iœsisee recordor,
Carmina devoveo, Pieridasque meas :
Quum hene devovi, nequeo tainen esse sine ilhs,
Vulneribusque meis tria cruenla sequor.
Quœque modo Enboicis lacerata est fludibus, audet
Graia Caphaream rurrere puppis aquam.
Nec tamen ut lauder vigilo, curamque fuluri
Nominis, utilius quod latuisset, ago.
Detineo studiis animum , falloque dolores ;
Eiperior curis et dare verba meis.
Quid polius faciam solis desertus in oris,
Quamve malis aliam quœrere coner opem ?
Sive Iorum specto ; locus est inamabilis, et quo
Esse nihil toto trislius orbe potest :
Sive homines ; vis sunt homines hoc nomine digni,
Quamque lupi, sa>va> plus feritatis habent :
Non metount leges, sed cedit viribus œquum,
Victaque pugnaci jura snb ense jaeent.
48
LES TRISTES.
cède à la force, et le droit plie et s'efface sous
1'épéemeurtrière. Des peaux, de larges braies,
les garantissent mal du froid, et de longs cheveux voilent leurs affreux visages. A peine leur
langue a-t-elle conservé quelques vestiges de
la langue grecque, encore ceux-ci sont-ils défigurés par la prononciation gélique. Il n'y a
pas un homme dans tout ce peuple qui puisse,
au besoin, exprimer en latin les choses les plus
usuelles. Moi-même, poète romain (Muses,
pardonnez-moi), je me vois forcé de recourir
fréquemment à la langue sarmate ! Déjà même
(je suis honteux de l'avouer) les mots latins,
par l'effet d'une longue désuétude, me viennent avec peine. Sans doute il s'est glissé
dans ce livre plus d'un mot barbare; mais c'est
le pays et non pas l'auteur qu'il en faut accuser. Cependant, pour ne pas perdre tout-à-fait
l'usage de la langue de l'Ausonie, et pour que
ma bouche ne reste pas fermée à l'idiome de
mon pays, je m'entretiens avec moi-même, je
répète les mots qui déjà me devenaient étrangers , et je manie encore ces signes de la pensée
qui m'ont été si funestes. C'est ainsi que je
trompe mon esprit et le temps ; c'est ainsi que
je me distrais et que je détourne mon âme de
la contemplation de ses maux. Je demande à
la poésie l'oubli de mes souffrances ; si j'obtiens
ce prix de mes veilles, je suis assez payé.
Pellibus, et Iaxis arcent maie frigora braccis ;
Oraque sunt longis horrida tecta comis.
In pancis rémanent Graiœ vestigia linguas :
Hajc quoque jam Getico borbara facta sono.
Gnus in hoc populo nemo est, qui forte latine
Quxlibete medio reddere verba queat.
Ille ego Romanus rates, ignoscite , Musée,
Sarmatico cogor plurima more loqui.
En pudet, et fateor; jam desuetudine longa ,
Vix subeunt ipsi verba I.atino mihi.
Necdubito quin sintet in hoc non paura libello
Barbara : non hominis culpa , sed ista loci.
Ne tamen Ausoniœ perdam cpmmercia linguee,
Et fiât patrio vox mea muta sono ;
Ipae loquor mecum, desuelaque verba relracto,
Et studii repeto signa sinistra mei.
Sic animum tempusque traho, moque ipse reduen
A contemplatu submoveoque msli.
Carminibus quœro miserarum oblivia rerum :
Preemia si studio consequor ista , sat est.
T. IV.
737
ÉLÉGIE VIII.
Je ne suis point tombé si bas.malgré la gravité
de ma chute, que je sois encore au-dessous de
toi, au-dessous duquel nul homme ne saurait
être. Quelle est donc la cause, ennemi pervers , de la rage contre moi, et pourquoi insulter à des malheurs que toi-même tu peux
subir un jour? Ces maux qui m'écrasent et
qui seraient capables d'arracher des larmes
aux bêtes sauvages n'ont donc pas la puis-ance
de l'attendrir? Tu ne crains donc pas la Fortune , debout sur sa roue mobile, et les caprices de cette déesse, ennemie des paroles orgueilleuses? Ah ! sans doute, Némésis me vengera justement de tes insultes ! pourquoi fouler aux pieds mon malheur? J'ai vu périr dans
les flots l'imprudent qui s'était moqué d'un
naufragé; l'onde, me disais-je, ne fut jamais
plus équitable. Tel refusait naguère à l'indigence les plus vils aliments, qui mendie aujourd'hui le pain dont il se nourrit. La Fortune
volage est, dans sa course, errante et incertaine ;
rien ne peut fixer son inconstance; tantôt elle
sourit, tantôt elle prend un air sévère; elle n'a
d'immuable que sa légèreté. Et moi aussi, j'étais florissant, mais ce n'éUiitqu'un éclat éphémère, un feu de paille, qui n'a brillé qu'un
instant.
Toutefois, que ton cœur ne s'enivre point
d'une joie cruelle : je ne suis pas sans quelELEGIA VIII.
Non adeo cecidi, quamvis dejectus, ut infra
Te quoque sim , inferius quo nihil esse polest.
Quœ tibi res animos in me facit, improbe? curve
Casibus insultas, quos potes ipse pati?
Necmala tereddunt initem, placidumvcjaeenti
Nostra , quibus possinl illacrymare feras?
Nec inetuis dubio Fortunes stautis in orbe
Numen , et exosa? verba super ho Déco?
Exigit ah I dignas ultrix Rhamnusia pœnns ,
Imposito cadras quid mea fata pede?
Vidi ego, navifragum qui riscrat, tequore mergi
Et, nunquam , dixi, justior unda fuit.
Vilia qui quondam miseris alimenta negarat,
Nunc mendicato pasritnr ipse cibo.
Pa8sibus ambiguis fortuna volubilis errai,
Et manet in nullo certa lenaxqiie Ioco :
Sed modo licla manet, vultus modo sumit acerbes ;
Et laiiluin eonstans iu levitate sua est.
Nos quoque fioruiimis, sed flos oral ille caducus;
Flammaque de stipula nostra , brevisque fuit.
Neve tamen tota copias fera gaudia mente ;
47
2d
OVIDE.
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LES TRISTES.
soin. Et maintenant, ma muse, en dépit du silence que tu lui imposes, peut à peine s'abstenir de proclamer ton nom, malgré ta défense.
Semblable au chien qui, après avoir découvert
la piste d'une biche craintive, lutte inutilement
contre la laisse qui le tient captif; semblable au
coursier fougueux qui frappe tour à tour delà
tête et du pied les barrières de la lice qu'on
tarde trop à ouvrir, ma muse, liée et enchaînée
par une loi impérieuse, brûle de révéler la
gloire d'un nom qu'il lui est interdit de prononcer. Cependant, pour que tu ne sois pas victime de la gratitude d'un ami, j'obéirai, ne
crains rien, j'obéirai à tes ordres. Mais je romprais celte obéissance si tu devais me soupçonner d'être ingrat : je serai donc, et tu ne me le
défends pas, je serai donc reconnaissant, et,
tant que je verrai la lumière du soleil (puissé-je
ne plus la voir bientôt!), je consacrerai ma vie à
ce pieux devoir.
ÉLÉGIE X.
Depuis que je suis dans le Pont, trois fois
l'Tster, troisfoisles eaux de l'Euxin, ont été enchaînés par les glaces. 11 me semble que mon
exil a duré déjà autant d'années que les Grecs
en passèrent sous les murs de Troie, la ville de
Dardanus. On dirait ici que le temps est immobile , tant ses progrès sont insensibles ! tant
Se quoque nunc, quamvis e»t joua quieecere, quin te
Nominet invitum , vix mea Musa tepet.
Ctque canem, pavidœ nactum vestigia cervs»,
Luctantem frustra copula dura tenet ;
Utque fores nonduin reserali carceris acer
Nunc pede, nunc ipsa frente, lacessit equus;
Sic mea, lege data vincta atque inclusa, Thalia
Per tilulum vetili nominis ire cupit.
Ne tamen officio memoris lœdaris amiei,
Parebo jussis, parce timere, tuis.
Al non parerem , nisi si meminisse putares :
Hoc quod non prohibe! vox tua, grains ero.
Dumque, quod o brève sit I lumen solare videbo,
Servie! officio spiritus iste tuo.
ELEGIA X.
Ut sumus in Ponto, ter frigore constitit Ister,
Facta est Euxini dura ter unda maris.
At mihi jam videor patria procul esse tôt anois,
Dardana quot Graio Troja sub hotte fuit.
739
l'année poursuit lentement sa révolution ! Pour
moi le solstice n'ôte rien à la longueur des
nuits ; pour moi l'hiver n'amène pas de plus
courtes journées : sans doute la nature a changé
ses lois à mon égard, et prolonge, avec mes
peines, la durée de toutes choses. Le temps,
pour le reste du monde, suit-il sa marche ordinaire, et n'y a-t-il que le temps de ma vie
qui soit en effet plus pénible sur les côtes de
ce pays, dont le nom d'Euxin est un mensonge,
sur ce rivage doublement sinistre (l)de la mer
de Scythie?
Des hordes innombrables, qui regardent
comme un déshonneur de vivre autrement que
de rapines, nous entourent et nous menacent
de leurs agressions féroces. Nulle sûreté au
dehors; la colline sur laquelle je suis est à
peine défendue par de chétives murailles, et
par sa position naturelle. Un gros d'ennemis,
lorsqu'on s'y attend le moins, fond tout à coup
comme une nuée d'oiseaux, et a plus tôt enlevé
sa proie qu'on ne s'en est aperçu; souvent même,
dans l'enceinte des murs, au milieu des rues,
on ramasse des traits qui passent par-dessus les
portes inutilement fermées. Il n'y a donc ici
que peu de gens qui osent cultiver la campagne , et ces malheureux tiennent d'une main
la charrue, et de l'autre un glaive; c'est le casque en tête que le berger fait résonner ses pipeaux assemblés avec de la poix, et la guerre,
au lieu des loups, sème l'épouvante au sein des
S tare putes, adeo procedunt tempera tarde ,
Et peragit lentis passibus annus iter.
Nec mihi solstitium quidquam de noctibus aufert ;
Efficit angustos nec mihi bruma dies :
Scilicet in nobis rerum natura novata est,
Cumque meis curis omnia longa facit.
Num peragunt solitos communia tempera motus ,
Suntque magis viue tempera dura meœ Y
Quem tenet Euxini mendax cognomine litus ,
Et Scythici vere terra sinistra freti.
Innumera) circa gentes fera bella minantur,
Quœ sibi non rapto vivere turpe putant.
Nil extra lutum est : tumulus defenditur œgre
Mœnibus exiguis, ingenioque loci.
Quum minime credas, ut aves, densissimus hoslis
Advolat, et pradam vix bene visas agit :
Serpe intra muros clausis venientia pertis
Per médias legimus noxia tela vias.
Est igitur rarus, qui rus colère audeat ; isque
Hac arat infelix, bac tenet arma manu :
Sub galea pastor junctis pice cantat avenis ;
Proque lupo pavidœ bella verentur oves.
47.
20
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peet |îkis de lis amitié ekx bsbskkks, Qixmà \ 4Wm César i
on si* 5<* eribsekki. pas5 m m poaemS ce sM- i
fesser* d'est m&xmm> d'imrreer, * v«ir kar* |
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•<*»<» W^sau'a* skestcssid. etqee les ïrsem k- j pam? e-tse ksiat ses' tait, esss js> Vi>si4sSsAïpkiipi:
lias4'^rirAAtk<ks Case* «Uspldsse Besivetst, j vers!* ts>stekteistte, qa'& :sspii1iaps8::|ip|||i||
e^iàsa erésetsee, lis dises! àKpsaésiesn d« ami ! des. et spse ta as ms. Je pesks, à :samgmsi|i||;;::
dxipêkjktiiefe>spesss--èsssi\esçnsmdesse>sï ! ebsciaiesi!*. Aie pstlesm* et mm$mm§ÈM
eki s es'casasse, tassais qksk perles!, il sskmrh* j ssbè isse dprestvsî bîms pks eeaelle te:Jpm|||||::
d'apes'eaver «se aa .sJg'se, ess de désapjsreas-eer, j sskeredr; peseta» rkiisrakis de les brsk
ik *e nrets des ixesslassetsa bsebesises eessm? j iNe traatpe eepstsikiit es-t eeeseee tp|l|ll: :
leel; ekiiiiea à eak sus* lé idahe est ki ilsatrss - | siksidia d'eksk ; k pkssc qvti s skk iiSkïiÉf'
seesa: d'issie ksiiee isseieC'et ssee mstvtsnt ks ! s'«st pas si sapes «ses* t seee pies |pmtpl|:s|||;
psskiiasisskeeesiiSiixteakeesipklsibssTSiasi- j psksi est dkksr klessesi €esasp et- |e eepe||p|
k<-rpklel.;PÀskïs> epk s'a pas sssspesda pkss I tpat tes derrière kssre est |>esissesstp||i|i:
ÎMh trsssedbseiiYieesisïikeiitskàssiiik tsasV ; sscs taesepieisk TesUkbk, ma. basit^sp:A|||||||
messes. rîsidsiPïsiied'as astre si ksaeste !
I sekirsbee, «'est sis bessse es s a 5 p e e e | | | | | | | |
bi m me çkissa iiss es pus* veir et sass, d sees | elle ee ijmtsse patsst de pert, élk se|pp:;|i|||||||
srsds!"m sss pseese, et ii;kî-e rakjissi sesextrk | »itf ks tlets ; Cdsae :sm spk die m k A k p i | | | i i | ;
Sî:liés de ia Smtlissi, ee sesst là des tosrssetsts | pauàssetee, ssi las dreàA de sibepSji
is <:o« 1-si.tssS se)<?iieisi:.»y ; es tssssen m\-u
SPséi Sx-sAiîsii* i>sdi*fs Usi-k aeStsift;
«v-V^»eaB<t '•oàii SsiaSst S é « à e s x »aik*
V
teikseisT et èasl plus pyv<pa- psee Seeei.
S'iaas «t.aaa tassas . passss sa ses ijussaSs;
lAU&asiS beps tuaspsj-a testa ssses,
Hasaue^sse, «jai «eu»!pîuAs-Bslaeiuseli arfee,
Ps-a asSsIe s k i e làssAs kascs tss^it,
pssrcaal >lli sasie :pa»SS*iiSàs ikgSSas••}••
" Pasgtstiuases sstsSgelSssasbiuiPi.
Bsrbsvus èir api tuai kpds. «au iaérltigae «lit ;
e: j,,<iv<sS sSaliàs vss-tss t..*tSaa Crie ;
Mesaa seisi-a «s »«s Saie iese ssgu- ,»<<««
Fassltss aàpdaei assrliass^us eeài,
tis-!u-> Ht, k ê e ïslluaiil - ss eus! àle-aetes Sli*
* Sàaërrsàs sj s u t l s s ^ W - I s è g u r , peSsut,
A<U*, e«ik lalssseee iàaku J« s èi«îe« '»«««,
esuSu rtiakieilaruSessesa-àss Casa
Il suis-rsa psrliàvle . <saa> isse i;Tars stÇsss SssaseS-!
jspijjjpSs sis* ssu» saspïssfs.ïSSisel
b u k esiîiw vattss, resSeepieiepSàPs.éeàM;
dssssskee b k e t Sk*:sy<às :bdàuéespSkiaessit s
s;testas aatas <•!•«*>* ; is«i:ssi tsaisa ei ; «i seespit
Kess saeisii Seli lees-iéis esse Sasse
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l.kssfé afk*?a «ieeies passas Sssas; •; : : e | | | | | | | | ; l
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Csaastaseiijpie-séietsmiaiiesspekl^
I iXsp siiamsemiSbPriSSIklssetSsiilép^^
LES TRISTES.
j'eusse mérité par ma faute de perdre tous ces
biens ; mais, parce que je fus coupable sans être
criminel, il s'est borné à m'éloigner de ma patrie et de mes foyers, et, comme tant d'autres
qu'il serait trop long d'énumérer, j'ai senti les
effets de la bonté du dieu. Lui-même, dans son
arrêt, me qualifie de relégué, et non d'exilé; et
mon juge me rassure ici sur ma cause.
C'est donc à juste titre, César, qu'autant
qu'il m'est humainement possible, je célèbre tes
louanges dans mes poésies imparfaites. C'est à
juste titre que je supplie les dieux de te fermer
longtemps encore les portes de l'olympe, et de
laisser loin d'eux la divinité séjourner encore
parmi nous. Tel est, il est vrai, le vœu de tout
l'empire, mais comme lesfleuvesse précipitent
dans l'Océan, un faible ruisseau lui paie aussi
son humble tribut.
Pour toi, dont la bouche m'appelle exilé,
cesse d'aggraver ma peine par cette qualification mensongère.
ÉLÉGIE XII.
Tu m'écris de charmer par l'étude le temps
déplorable de mon exil, afin de préserver mon
esprit d'une honteuse et mortelle léthargie. Ce
conseil, ami, est difficile à suivre : les vers
sont enfants du plaisir, ils veulent de la tranQuai inerui vitio perdcre cuocta nieo :
Sed quia peecato facinus uon adfuit illi,
Nil niai ine patriis jussit abease focis.
Utquealiis, numerum quorum comprendere non est,
Cœsareum numen, sic mihi, mite fuit.
Ipae relegati, non exsulis, utitur in me
Nomino : luta suo judice causa mea eal.
Jure igilur laudes, Caasar, pro parle virili
Carmins nostra tuas qualiacnmque canunt :
Jure Deos, ut adhuc cosli tibi lirnina claudant,
Teque velinl sine se comprecor esse Deum.
Optât idem populus : sed ut in mare flumina vasluni,
Sic solet exiguae currere rivus aquaj.
At lu fortunain, cujus vocor exsul ab ore ,
Nomine mendaci parce gravare meam.
ELEGIA XII.
Scribis, utoblectem studio lacrymabile teuipus,
Ne pereant lurpi pectora nostra situ.
Difficile est quod , amice, mones ; quia carmina leclum
Sunt opus, et pacem mentis habere volunt.
Nostra per adrersas agitur fortuna procellas,
741
quillité d'esprit, et ma fortune est le jouet des
tempêtes, et il n'est pas de sort plus triste que
le mien. C'est demander à Priam qu'il se réjouisse aux funérailles de ses fils ; à Niobé,
veuve de sa famille, qu'elle danse et célèbre
des fêtes. Relégué seul parmi lesGètes,aux
extrémités du monde, suis-je libre, selon toi,
de m'occuper de mes malheurs ou de mes
études? Quand lu me supposerais une âme
forte et stoïque, telle que fut, dit-on, celle de
l'accusé d'Anytus (I), ma philosophie croulerait
encore sous le poids écrasant d'une disgrâce
pareille à la mienne. La colère d'un dieu est
plus puissante que toutes les forces humaines.
Ce vieillard proclamé sage par Apollon, n'aurait pas eu la force d'écrire au milieu des tourments que j'endure (2). Quand on oublierait sa
patrie, quand on s'oublierait soi-même, et
que tout sentiment du passé pourrait s'éteindre,
la crainte du péril interdirait toute œuvre qui
demande de paisibles loisirs ; or, le séjour où je
suis est entouré d'innombrables ennemis.
D'ailleurs, émoussée par une longue inaction,,
maverveest languissante,et a beaucoup perdu
de sa vivacité première. Le sol fertile que la
charrue ne retourne pas fréquemment ne
produira plus que des ronces et des plantes
parasites. Le coursier perd son agilité dans un
repos trop prolongé, et se laisse dépasser dans
la lice par tous ses rivaux. La barque demeurée
trop longtemps hors de l'eau, son élément
Sorte nec ulla mea tristior esse potest.
Exigis ut Priamus natorum in funere ludat,
Et Niobe testes ducat ut orba choros.
Luctibus , an studio videor debere teneri,
Solus in exlremos jussus abire Gelas?
Des licet hic valido peclus mibi robore fultum,
Fama retert Anyti quale fuisse reo ;
Fracta cadet tan lac sapientia mole ruina; :
Plus valet bumanis viribus ira Dei.
Ille sencx dictus sapiens ab Apolline, nnllum
Scribere in hoc casu sustinuisset opus.
Et palriœ veniant, veniantoblivia vestri;
Omnis ut admissi sensus abesse queat ;
At limer officio fuugi vetat ipse quieto :
Cinclus ab innumero me te net hoste lorus.
Adde , quod ingenium longa rubigine laesum
Torpet, et est multo , quam fuit ante, minus.
Fertilis, adsiduosi non renovetur aratro,
Nil, nisi cum spiuis graracn, hahebit ager:
Tempore qui longo stelerit, maie currel, et inler
Carceribus missos ultimus ibil equos :
Vertitur in teneram cariem, rimisque dehiscit,
Si qua diu solilis cymba vacarit aquis ;
28
'ését
OVlBIx
fiaisssisel.sepayrsaieiïtksssi* sasisktavsetteSssssiie* \ tle sseisveast Se* IsséaseJs tle la mm, Mssiaé^vîjsa
pars*, 4*a*smsKïi i,mî es Se* jestpései giésiti \ ium mim? Isssesssée, Je :S:éesesmmssm:s*eà:iii;
eëî'ivme tnesamere,, je tiesssepsa-é ass es viptss-Si* \ èmim s p | m'am. été et làmsiatesp. eMClelili
<se*s>iisï;sï*K;-x-ss>é«m: aieeSeatpiitsaesejtPsies;* [ tHrtï epsa es* seèxis- masslets sotsëiéé p|Sé'éiél|a
tmssesxrve seaa géssès, tst: SI ss/a pt-eevsptss pàm S les eattlviss-i? pats, tes pa* ae levée , ;psé|éeeéé
s-sest cassseeve <:ie sost aee-essee vsgeeise, lïsea tla* s sss-esile eestiplaisastits et tpssl é;sm|see«eé :pe|||iéS
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743
LES TRISTES.
l'on n'a pas soi-même. En effet, le mal dont mon
Quant à loi, pour te mettre à l'abri de toute
esprit est atteint s'est, par une sorte de conta- accusation mal fondée, fais en sorte que tu n'aies
gion, communiqué à mon corps, afin qu'au- pasmêmecontre toi les apparences; et de même
cune partie de mon être n'échappât à la souf- que jadis nous passions le temps à converser
france. Depuis plusieurs jours, je ressens dans longuement ensemble jusqu'à ce que la nuit
le côté de poignantes douleurs, que je ne dois vînt nous surprendre au milieu de nos entreattribuer peut-être qu'au froid rigoureux de tiens, qu'ainsi nos lettres soient aujourd'hui
cet hiver. Cependant si tu vas bien, je ne sau- les messagères de nos épanchements secrets, et
rais êire tout-à-fait mal: lorsque, dans le désas- que les tablettes et la main suppléent au silence
tre de ma fortune, je t'ai rencontré, c'est toi de la langue.
qui me servis d'appui.
Mais, pour ne point paraître trop défiant
Après m'avoir donné des preuves éclatantes- sur ce point, je borne à ces quelques
de tendresse et fait tous les jours, pour me sau- vers mes sollicitations. Reçois mes adieux,
ver, des efforts inouis, tu ne m'adresses presque formule ordinaire qui termine chaque lettre,
jamais un mot de consolation, coupable ami, et puisse ta destinée être différente de la
et ton dévouement serait complet si tu étais mienne !
moins avare de paroles. Répare cet oubli, et
quand tu te seras corrigé de ce grief unique, la
ÉLÉGIE XIV.
moindre tache ne déparera point un si bel ensemble. J'insisterais sur ce reproche, si je ne
Tu vois combien je t'ai donné dans mes livres
considérais que tu peux m'avoir adressé des
lettres sans qu'elles me soient parvenues. Fas- de témoignages éclatants de mon estime, 6
sent les dieux que mes plaintes soient témérai- toi, mon épouse, que j'aime plus que moires, et que je t'accuse à tort de m'oublier! Mais même! Il peut se faire que la fortune jalouse
il estévident que mon cœur a deviné juste. Non, conteste la sincérité du poète; cependant mon
il n'est pas permis de croire qu'une âme comme génie t'assure au moins quelque célébrité. Tant
la tienne soit accessible à l'inconstance. La qu'on me lira, on lira amsi les litres de gloire,
blanche absinthe ne croîtra plus dans le Pont et il est impossible que les flammes du bûcher
glacé, ni le thym parfumé sur le mont Hybla (2) le consument tout entière. Quoique les malen Sicile, avant qu'on te puisse convaincre heurs de ton époux pubsent appeler sur toi la
d'indifférence pour ton ami. La trame de mes pitié d'autrui, lu trouveras des femmes qui
voudront être ce que tu es, qui t'estimeront
jours n'est pas si noire encore !
Alger enim traxi contagia corpore mentis,
Libéra tormento pars mihi ne qua Ta cet :
Perque diea inullos lateris cruciatibus urbr,
Sed quod non modico frigore laesit hiems.
Si tanien ipse vates, aliqua nos parte valemus :
Quippe men est humeris fui la raina tuis.
Qui mihi quum dederis ingentia pignora , quumque
Per numéros omnes hoc tueare caput ;
Quod tua me raro solatur epistola , peccas :
Remque piam prœstas, ni mihi verba neges.
Hoc, precor, emenda, quod si correxeris unum ,
Nullus in egregio corpore naevus erit.
Pluribus accusem, fieri nisi possit, ut ad me
Litera non veniat, missa sit illa tamen.
Dl faciant, ut sit temeraria nostra querela,
Tequc putem falso non meminisse mei.
Quod, precor, esse liquet : neque enim mutabile robur
Credere me fas est pectoris esse tui.
Cana prias gelido desint absintbia Ponto,
Et careat dulci Trinacris Hybla thymo,
Immemorent quam te quisquam convincat amici :
Non ita sunt fati stamina nigra mei.
Tu tamen , ut falsœ possis quoque pellere culpas
Crimina , quod non es . ne videare, cave :
Utquc solebamus consumere longa loquendo
Tempora, sermonem déficiente die;
Sic ferai ac referai tacilas nunc litera voces,
Et peragant liuguao cliarla manusque vices :
Quod fore nenimium videar diffidere, sitque
Versibus hic paucis admonuisse satis;
Accipe, quo semper finilur epistola verbo ,
Âtque nieis distent ut tua fata , vale.
ELEGIA XIV.
Quanta tibi dederint nostri monuments libelli ,
0 mihi me conjux earior, ipsa vides.
Detrahat auclori multuin fortune licebit;
Tu tamen ingenio clara ferere meo:
Dumque legar, mecum pariter tua fama legetur ;
Nec potes in mœstos omnis abire rogos.
Quumque viri casu possis miseranda videri,
Invenies aliquas, quas, quod es , esse velint ;
Quee te, noslrorum quum sis in parte malorum ,
744
OVIDE
heureuse d'avoir été associée à ma fortune, et ne se règle pas sur la fortune, qui reste ferme
qui porteront envie à la tienne. En te comblant et constante quand celle-ci disparaît! S'il en est
de richesses, je ne l'aurais pas fait un don plus une cependant qui n'ambitionne d'autre réprécieux; l'ombre du riche n'emporte rien compense qu'elle-même, et qui jamais ne s'inavec soi chez les morts : je t'ai donné un nom cline devant l'adversité, on voit, en en calculant
immortel, et maintenant tu possèdes ce que je la durée, qu'elle fait l'entretien de tous les sièpouvais l'offrir de mieux.
cles et l'admiration de tous les pays, de tous
.àjUSilss S «s;i« UÏSsi US es SSOtS SUîkUift appui les isusulstsks susués.
Vuiïi « o s u s u stpsùs SA ta duùsasM'U : , ^: : ^^|| :
SUS» ms skauauU et <pt-s; Us sùanupSisasouPstiS
us; sususeur ysukikicsu ; eus voix pain' tu kutef du PuiUîtspa tut usspssau pssk%au '^ : :^^:0;syii:.:
s u:o. jamais tesstxs uss^us-îè ; Us tlusss êssss Ikues •plusa «u s su ; s?sàs oussust; ois dtsàus ùtkAss|:l|Sit
vusutssssiis rssus>8S<5<:rÀiÙ!s:ù:îUv t!s stulutiAlllUsi:
sots jsss>u;ssseussuetast «poux,
Usvasùyso; Puise, ssNss tut'os su ;>sé.te sssus* s sUàs-lt SSïSP ùlpSos st>\ ptU sss sssulgsS:SU|lskillsl::
issus-èkigiàS Uùss.sSgùstsSsftss; Usseé-sssS, us ssum; ; us sUsst siâsss jsu Sissssssu 4u |ssù;kéùl:;Uuuïaï|;::
e s sïséss-ï seus;.u U PU atiù tu m su jsstsss. Tssss. \ mm sussùsseuta suususususs;•ssk>:^M#:i|:;sf|tl:|::;:
s|ist; sssu« f>k8ss «iyuusiOU, sa mHiï tut SSiAta- \ iméùJ}, slssss.rè|SUSU s'éssissssslstpseljsuf | i | | | i
chu, us Se ereùilé issaStssqKiakls :«*s>piksS isisa : asP Sss;y«sUu asPp^^^
dus kesasgess. A prêt sua y:,P:«uifupi.ip uîkt ssu ; <k SUS «Sitotir- et US t« SktPlîUp k f !s3|UUl||llU:
S erssks pas «pu; ju tu supputis; <&m u s u s # i l | | | | | | | | :
roîssur pas sxsuvsu avttfi yvutas :
Il aèï tekih à stssa SUSïSïSSS d'ésn; vas ;«<:•« sa, pua tu Sa tsst usotï pAssr lususuv^::p:|f:?|^^^i:
quSïti osa; tïsssqsft Uè sussiuss pots tua; i'Uuts pas, sussu vosà.-s.» spjuù|;;u Su sstss* %«'s^iîs^^pc>s&is^i;^|^i^:;.
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PS. ivuSats-; ï^s•«fe;Us kti^typaywa.ùtkS;.
Ps ? < » t o « uaUsu u«u« t s l SÎSS k*Ss u u a s ;
•pus uwuust sitdàk ; <;•««>« Pstsk SUS fipsSSitiiStSiSïtïiti
Si 8'«* S;i?«aB jïUSU ïiSS j>:tt=:?rr:^>:: Yïïiisr-ây^ïiSïiîïiU
Ps SïU<ta:S ï!<S»»YV:S , >as>' sai'ats isutU UiUÙSSiSiiiiiiiiiiiiiiiii:
Pi. !;:U! sasfsat»!', «us psuS aUsp'iUSU:•,:;
ÀSSïSSU , u t t«a«^s SasassS iS'UUSaiU iUSiSsiSii
Uàiussi: isuissUiSiiSuiss, sSussSsSiUpsSUsi:p;ii^
CM « ïS , « s S.ùiusu iwatetur, US 'SitSatSUSiSSSSSSiiiii
iUissuuu Us aua&usï tjUsss .Pu UsSU*::iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii::::i:i:i:
PS aiasS Puus Sïùspsà r S u S U a U , | S U l S l u l l l l l I : I l l l l I l l l
sPaSsùi usSiSàs via juSiU jifsAti ÙSïS?SkSk:u iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
UiS iùius ssS SUS uiU issu, sa« UiPUs- ksS§kttSiSiiiiiiiiiii:ii:iiiii
U«îi. o*. ftSfttss.iS. .USus jaSsuSs s i l l p p u i l l l l l l l i l l l l i l l l :
aUs u sj-ppsPsptN s usU «us SsSS* < iUtSiiSsstsSuUPSiiiiiiiiiiiiii:
Ùssias! .i>sHS SuiaUsSi, «àS a; iàlsàyOiUJUsïssSà.
SS <k$!!;us uSaiss, ut s<ai«sts *uu>s-.
YPs sUfisus, «passUs :sssS!S)U.pSSigUiSSkii:iiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
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NOTES
DES TRISTES.
(2) Les poètes avaient imaginé je ne sais quoi de mystérieux dans le dixième flot, et prétendaient qu'il était
plus terrible que les autres. Fluctvs decumanus était
ELEGIE 1.
passé en proverbe pour signifier quelque chose de fu (1 ) Vaccinia est le nom d'un arbrisseau qui porte neste. Ovide n'ose pas ici le nommer par son nom, tant
des baies noires fort recherchées des anciens pour la tein- il en a d'horreur.
ture rouge.
(3) Alexandrie, en Egypte, était une ville très-disLIVRE I.
(2) Les titres des livres étaient écrits en rouge avec une solue.
espèce de vermillon appelé minium ; et la coutume était
(4) La Sarmatie était située au nord du Ponl-Euxin ,
de tremper le parchemin, memorona, dans de l'huile de partie en Europe, partie en Asie.
cèdre pour le parfumer, et le préserver de la pourri(5) La ville de Tomes était située s. l'occident du Pontture et des vers, Pline dit que par ce moyen les livres de
Numa Pompilius furent trouvés sains et entiers après Euxin, et par conséquent sur la rive gauche de la mer.
Les côtes de celte mer, presque toujours battues par les
675 ans.
tempêtes, lui firent donner le nom i'Axenus, c'est-i(5) Le mot cornua désigne les extrémités du petit cy- dire inhospitalier. On l'appela ensuite Evxenus par eulindre sur lequel on roulait les feuillets collés au bas les phémisme , et comme pour conjurer sa fureur. Ovide
uns des autres ; candida marque qu'elles étaient d'ivoire. joue plus d'une fois sur ce nom, et sur celui de lœta ou
Un les appelait umbtiici quand le manuscrit était roulé.' sinistra. (Liv. lV,élég. IV, v. 56,60; liv. V, élég. ix,
— Fronte désigne le côté écrit du feuillet ; les anciens v. 14, etc.)
n'écrivaient que d'un côté, et frontes veut dire la page
ÉLÉGIE III.
écrite elle revers. (Voy. v. 11.)
(4) On se servait de celte pierre pour polir la couverture des livres, laquelle couverture était de peau.
(3) Comme OEdipe, fils de Laïus et de Jocaste, et Télégone, fils d'Ulysse et de Circé, tuèrent l'un et l'autre
leur père sans le savoir, ainsi Ovide dit que ses livres furent cause de sa perte, et il ordonne aux Tristes de reprocher aux autres la mort de leur père commun.
(1) Ovide fut exilé l'an de Rome 763 , après la défaite de Varus. Il partit de Rome sur la fin do novembre.
(2) Le poète compare ici la douleur qu'il ressentit en se
séparant de sa famille à celle de Métius Suffétius, chef des
Albains , qui fut écartelé par l'ordre du roi Tullus, pour
avoir trahi les Romains ses alliés dans un combat contre
les Fidénates. (TlT. LlV., liv. I, ch. x v m ) . — Lemaire,
d'après l'ancienne leçon, donne ainsi ces deux vers ;
ÉLÉGIE II.
Sic Pi-iannu dotuil, tune qunm in contraria tertut
Vlloru hatmit prodilianië equut,
(I) L'Ourse ne descend jamais au-dessous de notre horizon, ou, selon les idées des anciens, ne se plonge jamais
dans l'Océan.
vers auxquels il faut faire violence pour en tirer un sens
raisonnable. Deux manuscrits portent Mttius, et tonte
difficulté disparait.
OVIDE.
746
ELEGIE IV.
(1) Les Romains avaient à la poupe de leurs vaisseaux des images peintes ou sculptées de leurs dieux
tutélaires.
(2) L'IHyrie, était sur la rive gauche de l'Adriatique,
relativement à la marche du vaisseau d'Ovide.
ÉLÉGIE V.
(1) Pirilhous ayant conçu le dessein d'aller enlever
Proscrpine aux enfers, Thésée l'y suivit. Ils échouèrent
tous deux ; mais Hercule délivra Thésée, et Pirithous
dut, dit-on, sa grâce à Proserpine.
(2) VIRG., i W i d . , liv. i x .
(3) Nérise, montagne de l'Ile d'Ithaque.
ÉLÉGIE VI.
(1) Ce poète est Antimaque. Ovide lui donne l'épithète de Clarius, parce qu'il le suppose né à Claros,
ville voisine de Colophon , en lonie. Mais Plularque et
Athénée disent qu'Antimaque était né dans cette dernière ville.
(2) Comme Ovide n'entra pas dans l'Helleapont, ces
mots ne peuvent"pas désigner lé canal étroit de celle mèr ;
ils désignent donc l'étroit sillon tracé dans sa course par
le navire.
(3) H laissa Troie, qu'il avait à sa droite.
(4) Imbros est une Ile peu éloignée de Lemnoa et de
Samos, vis-à-vis de la Thrace. LTle de Samolhrace est
ainsi appelée du nom de la Thrace même, dont elle n'est
séparée que par un petit trajet.— Tempyre est une ville
de Thrace, non loin de Trajanopolis, connue dans l'itinéraire d'Antonin sous le nom Hé Tempyrum.
(5) Zérynlhe était le nom d'une caverne de Samolhrace , célèbre par les mystères des Cabires.
(G) Ce vers doit être entre parenthèses ; car hactenus,
dans le vers suivant, ne veut pas dire jusqu'à Tempyre ,
mais jusqu'à Samolhrace. C'est à Samolhrace, en effet,
qu'Ovide quille son navire, qui reprend alors sa route par
l'Hellespont pour aller à Tomes ; tandis que lui, Ovide,
prend, comme nous le verrons plus bas, un troisième navire, pour aller de Samothraee à Tempyre.
(7) Celte ville était située à l'entrée de l'Hellespont,
assez près de l'ancienne Troie, et eut Dardanus , prince
troyen, pour fondateur.
(2) Cet autre poète est Philétas , originaire d'une Ile
de la mer Egée , appelée Cos. H y a eu aussi une ville de ce
(8) Autre ville oh était né Priape, fils de Vénus et de
nom.
Bacchus. H en fut chassé à cause de ses débauches, et
(3) Homère était appelé ainsi, ou parce qu'il était plus tard les Lampsariens lui élevèrent des autels.— Ici
l'ordre géographique est interverti ; cette ville n'aurait dû
de la Méonie, ou à cause de Méon, son père.
être nommée qu'après Sestoset Abydos.
(4) Marcia était fille de Marcius Philippus, beau-père
(9) Aujourd'hui le détroit des Dardanelles.— Sestos
d'Auguste, dont il avait épousé la mère, Alia ou Accia,
est une petite ville située en Europe, et Abydos une autre
sœur de Jules-César. Marcia était femme de Maiime,
ville située en Asie. Elles sont en face l'une de l'autre,
l'un des favoris d'Auguste. (Pont., lib. 1, lett. H, v. 139
et célèbres, ainsi que le détroit, par les amours d'Héro et
et lib. III, lett. I, v. 77.)
de Léandre.
ÉLÉGIE VU.
(1) La couronne de chêne caractérisait le poète héroïque : celle de lierre, le poète élégiaque.
(2) Dans les premiers temps de la république, on se
contentait de graver quelques lettres dans la matière
même de l'anneau : depuis on enchâssa sur le cercle de
l'anneau un diamant ou quelque autre pierre précieuse,
oit l'on gravait aussi de simples lettres, mais oit l'on
grava ensuite les images de ses protecteurs ou de ses amis.
(3) Voy. les Métamorphoses, liv. VIII, v. 464.
ÉLÉGIE IX.
(4) On regardait comme un heureux présage qu'il
tonnât à gauche, parce que le tonnerre était censé
gronder à la droite des dieux.
ÉLÉGIE X.
(I) Ovide laissa son premier vaisseau au port de Léchées, dans le golfe de Corinthe, traversa l'isthme à pied,
et s'embarqua à Cenchrée sur un second navire, celui dont
,1 est ici question.
(10) Cette cote s'étend depuis Bysanre, aujourd'hui
Constantinople, jusqu'au Bosphore de Thrace, oh s'ouvre
une large entrée sur deux mers, qui sont la Pmpontide,
par oh l'on descend dans la mer Egée, et le Poot-Enxin.
(11) On appelle aussi Symplégades les Iles situées à
l'embouchure du Pont-Euxin.—Le golfe de Tynias prend
son nom d'une ville et d'un promontoire sur la rive gauche du Pont-Euxin. — La ville d'Apollon ou Apollonie,
aussi sur le Pont-Euxin, est appelée aujourd'hui Siiéboh.
—Anchiale, sur la cote gélique, s'appelle encore aujourd'hui Anchialo. —Mésambrie est sur le Pont-Euxin,
dans un angle de la Thrace, oh elle confine avec la
Mésie. — Odcsse ou Odessa est encore de la Mêsie inférieure.
(42) Dyonisiopole était aussi dans la Mésie.
(43) Tomes. (Voy. liv. III, élég. IX.)
(44) Quelle pouvait être cette fie, sinon Samothraee Y
Il y était donc resté, comme nous l'avons dit. — Tj/n>daridœ, Castor et Pollux.
(43) C'est qu'il va s'embarquer sur un troisième vaisseau, pour traverser la mer de Thrace, Bistonia$ aquas.
LES TRISTES. — NOTES.
747
ELEGIE XI.
Claude Néron , qui la céda ensuite à Auguste.—Natus,
Tibère, fils de Livie, et par conséquent beau-fils d'Au(t) Ovide marque ici lui-même la date de ce premier
guste, qui l'adopta et le nomma son successeur à l'emlivre des Tristes, composé tout entier sur mer, pendant
pire.— Nepotrs, Drusus , fils de Tibère , et Germa,
ion voyage, et qu'il envoya 1 Rome, même avant d'arnicus, neveu de Tibère, et son fils par adoption , tous
river à Tomes.
deux petits-fils adoptifs d'Auguste. — Sut parentis,
(2) La mer Adriatique s'appelait aussi mer Supérieure, Tibère, père de Drusus, et par adoption père de Gerpar opposition a, la mer Tyrrhénicnne, dite mer Infé- manicus, son neveu, comme nous l'avons dit précédemment. — Ausonium ducem, Tibère.
rieure.
(S) Cette élégie fut donc composée avant son arrivée à
Tomes, et pendant une troisième tempête. Il en faut conclure qu'Ovide, après avoir traversé la Thrace, dans sa
partie la plus étroite sans doute, se rembarqua sur le
Pont-Euxin : ce qui confirme celte opinion, c'est qu'il dit
plus bas : barbara pars lava est (v. SI) ; pour avoir la
Thrace a sa gauche, il fallait bien qu'il fût sur mer.
(4) Ovide nous apprend lui-même (font., liv. I ,
leti.'vni, v. 45) qu'il avait de beaux jardins dans les faubourgs de Rome, entre la voie Claudia et la voie Flaminia.
LIVRE DEUXIÈME.
(I) Ce serait donc dix ans après la publication de l'Art
d'aimer qu'Auguste se serait avisé de le lire, et de l'incriminer.' Cette supposition est invraisemblable.
12) Auguste avait ordonné, l'an 746 de Rome , que
les Opalies, fêtes en l'honneur de Cybèle, aussi appelée
Opis, fussent célébrées chaque année le 19 décembre,
et durassent trois jours.
(5) Les jeux séculaires, célébrés tous les cent dix ans,
le furent pour la cinquième fois par Auguste, l'an de
Rome, 757.
(4) Voy. les Métamorphoses , livre XV , v. 868.
(5) Voy. le même ouvrage, id, v. 854 et suivant.
— Vestri,parce qu'Ovide lotie J. César et Auguste.
(6) Il s'agit sansdoutc delà revue des chevaliers, passée
par les censeurs tous les cinq ans, et qu'Auguste fit lui
même plusieurs fois à ce titré ; elle avait lieu le quinze
juillet, en commémoration de la victoire remportée par
les Romains, près du lac Régille, par le secours de
Castor et Pollux. (Denys d'Halic., lir.VI.)
(t 1) Ces quatre vers sont dans le premier livre de VArt
d'aimer, v. 51 à 54.— Vitta, gaie Une qui couvrait la
tête, et d'où pendaient deux barbes par derrière. Cet
ornement était interdit aux courtisanes.
(42) 11 s'agit ici dn poème de Lucrèce, qui commence
par une magnifique invocation' à Vénus.
(45) Voy. I'^rt «Taimer,liv. l , v . 4 5 6 .
(44) Auguste, après la défaite de Brutus et deCassius,
fit élever un temple en l'honneur de Mars vengeur, sur
le forum Augusti.
(45) Le mot juncta veut dire ici voisine et non pas
unie au dieu Mars dans les filets de Vulcain, comme
l'ont cru quelques-uns. On concevra très-bien qu'Auguste
n'ait pas permis la représentation d'une scène de cette
nature à la porté d'un temple.
(46) C'était aux jeux floraux, célébrés vers la fin d'août,
la nuit, à la lueur des flambeaux, par des courtisanes,
avec une licence effrénée.
(47) Accins, célèbre auteur tragique, dont il ne reste
que des fragmens.
(48) Anacréon était né à Téos.
(49) Callimaque était fils ou petit-fils de Bassus.
(20) Calypso et Circé, JMéfaro., liv. XIv.
(24) Pièce d'Euripide, imitée par Sénèque. Voy. Hé-
rotde, 4.
(22) Nous avons dans les Héroldesd'Ovide (Hér.44),
une lettre de cette Canacé à son frère Macarée, où
elle avoue qu'elle en avait un fils. Elle était fille d'Eole.
(25) Aristide, né è Milet, ville fort dissolue, était auteur des Milésiaques, récits licencieux, qu'imitèrent Lucien dans l'Ane de Lueius, et Apulée dans l'Ane de
Patras.
(7) Le tribunal des centumvirs, au rapport de Festus,
était composé de trois hommes choisis dans chacune des
trente-cinq tribus, ce qui en portait le nombre è cent
(24) Lucien [ad. indoet., g 25 ) cite un écrivain de
cinq. On ne déférait è ce tribunal qne des causes de peu Sybaris qui fit un ouvrage digne de la réputation de cette
d'importance, et qui regardaient la police publique.
ville.
(8) Le mot index désigne la charge de triumvirs,
(25) U est ici question principalement de Philénis et
lesquels jugeaient les causes particulières, c'est-à-dire d'Eléphantis, toutes deux auteurs de poésies obscènes.
celles de citoyen à citoyen.
Athénée parle delà première, liv. v i n , 45, et Suétone
(9) L'exil était le bannissement prononcé par arrêt
du sénat, on par sentence de juge, et emportait toujours avec lui la confiscation des biens; au lieu que la
rélégation n'était quel'éloignement momentané par ordre du prince.
(10) Livie Drusille, fut d'abord l'épouse de Tibère
de la seconde, liv. XLIII •
(26) Ce fut en effet à des généraux, à Paul-Emile, à
Sylla, à Lucullus, à Poil ion, à Auguste que les Romains
durent leurs bibliothèques.
(27) Anser était un poète aux gages d'Antoine, et
dont Cicéron se moque dans sa 45 e Philippiqve.—
748
OVIDE.
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vgsssss ; Iks, sisssc: la lax>ls: samiss; i«a agâssis», ssiississ- akll le saaasl tkksâsï, liais sliai ààial illl fka|llk|kfiki
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Ssaxsaas :1saas àkaasslaals Ssi IlSaSsS k i k glïk|l»; akkllllsl
sâS) iikssli is g k s »saf isassiasax sks xSxtgx ; al assaslissa, akaS-s k jva; aà<:s sassskàs, s asaaaiaasas k saasSasss ssasasissa;
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isck, Ls-avasag k gkss Bs«f«a«as sHtaai sOssaSaiiva iscàs sis
gssssakvakk. ViiVS saBSSS.k'sassS.'Ial-ssssss aa»S «:sisss|-isc ssSJSskai,
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Osîfsalissasasass::fcsàa^laaayssàaiffk
isVaffsC- Ilisaai
«kaas sivssssSsvs aaaaak'Sa llssli. a>ss«; k «aSSasa tka salkaas «Isa asass lit; Il |asa'g!ssaaaa'gs ls»aasassas| |f t||«àf|^: : i|iÉ
Ifsaalassaaas i-s akaattssv a i l agallkil'i; islliilgkf IIk||afiai:« Il
akistaklas, ai gaakaa aaaksaïïaàlsiit.k- akaasas «aik Ivsiasvsa.
fsstci Ikaasfk, V»s.'.i\saaks|Vi^
ifilil.s Vssaaas aiaaaal yasaaasaaa! al'ai gsàls.
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(•|t>! Vasaslfa <25s»{sc*s saaa ,8iat:aallfaa.<«.s tlv ssssvklsaaii «
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fksigsaks Isi aaaiaska|*tsffe;gai«à^:àl^
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;
LES TRISTES. - NOTES.
(S) Après avoir fermé les yeux an mort, on l'appelait
par son nom a plusieurs reprises, d'où l'expression conclamaium est, tout est fini, perdu, il n'y a plus d'espoir.
(4) En vertu d'une loi des Doute Tables, il était enjoint d'enterrer les morts hors de la ville ; c'était ordinairement sur le bord des grandes routes.
(5) C'était après les neuf jours du deuil qu'on allait
faire an mort des sacrifices et des offrandes de victimes,
de guirlandes, de libations de vin , etc. V. Fast., liv. II.
ÉLÉGIE MI.
(t ) Ovide peint ici le printemps d'Italie et non celui de
Scytbie.
(2) Cette source, à huit milles de Rome, était celle
qu'une jeune fille avait montrée à des soldats, et qu'au
moyen d'un acqueduc, Agrippa amena jusqu'au
Champ-de-Mars. (Pline , liv. XXI, 5 ; Dion Cassius,
liv. LIV, 14).
(5) Le forum romanum, celui de César et celui d'Auguste : les trois théâtres, celui de Pompée, de Marcel lus,
de Batteus.
(4) Jupiter Capitolin.
(5) Tibère, et non Drusus, qui était déjè mort a cette
époque.
ÉLÉGIE RI.
(i) La sage-femme posait l'enfant sur la terre aussitôt qu'il était ué, en invoquant Ops (ut opem ferret)le père alors le relevait (tollebat) , en s'adressent à la
même déesse, sous le nom de Levana (levarej; cérémonie sans laquelle l'enfant n'eût pas été regardé comme
légitime. De là l'expression de tollere libéras , avoir
ou élever des enfants.
ÉLÉGIE IX.
(I ) Les cornes sont le symbole de la force; la force des
poètes est dans leurs vers; Ovide veut donc dire qu'il n'a
pas encore écrit pour se venger.
ÉLÉGIE X.
(1 ) Hirtiuset Pansa, consuls l'an de Rome 7 H , quarante-deux ans avant Jésus-Cbrist, périrent en combattant contre Antoine, près de Modène.
LIVRE V.
ÉLÉGIE I.
LIVRE IV.
(I) Le cygneest ainsi appelé du Cayslre, petit fleuve
près d'Éphèse.
ÉLÉGIE I.
(1) On condamnait quelquefois les esclaves à travailler aux carrières, une chaîne aux pieds.
(2) Ovide ne porta donc pas les armes en Asie, sous
Varron , comme on l'a prétendu.
ÉLÉGIE II.
(1) Auguste et Tibère. Ovido savait quo Tibère était
parti pour venger la défaite de Varns ; celte expédition
dura deux ans; le poète présume ici que Tibère est vainqueur.
(2) Drusus, fils de Tibère, et Germanicus son neveu,
adoptés par Auguste.
(5) Livie ou Liville, sœur de Germanicus , femme
de Drusus; Agrippine, fille de Julie et d'Agrippa, et
par conséquent petite-fille d'Auguste, femme de Germanicus.
(4) Les noms des peuples vaincus et des villes conquises étaient inscrits sur des cadres en bois.
(5} Ces mots désignent Arminius, qui attira Varus
dans des défilés où l'armée romaine fut taillée en pièces.
(6) Allusion aux druides, V. Cœsar, Bell.
liv. VI.
749
(8) La marche triomphale , dit Adam , commençait au
Champ-de-Mars, se dirigeait le long de la rue des Triomphes, traversait le Campus, le Cirrus Flaminius, jusqu'à la porte Triomphale, et de là, par les principales
places publiques, se rendait au Capitole.
ÉLÉGIE III.
(1) C'était le[15 des kalendes d'avril (18 mars).
(Voy. Fastes, 111, 713.)
(2) Le Strymon, fleuve de Thrace.
(5) Lycurgue, roi de Thrace, ennemi du culte de
Bacehus, s'arma d'une hache pour détruire les vignes
de son royaume.
(4) Penthée, roi de Thèbes, fut mis en pièces par sa
mère et sa tante, qui célébraient des orgies auxquelles il
voulait s'opposer. (Alétam., III, 511.)
ÉLÉGIE V.
(!) La fille d'Éélion était Androraaque; celle d'Icarius, Pénélope.
(2) Échion fut un des compagnons de Cadmus, fondateur de Thèbes.
ÉLÉGIE VIT.
(I) Voyex la note 58 du livre II.
Gall.,
(7) Drusus, frère de Tibère, avait fait quatre expéditions en Germanie, où il mourut.
ÉLÉGIE VIII.
(1) Némésis était ainsi appelée de Rhamnus, bourg
de l'Attique, où elle avait un temple.
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