Ferromanganèse élaboré au haut fourneau par Edmond TRUFFAUT Ancien Directeur Recherche et Développement de la société du Ferromanganèse de Paris et Outreau 1. 1.1 1.2 1.3 1.4 Ferromanganèse ....................................................................................... Ferro-alliages manganésés et sidérurgie .................................................. Historique de la production ........................................................................ Procédés d’élaboration ............................................................................... Matières premières...................................................................................... 2. 2.1 Bases de l’élaboration du ferromanganèse au haut fourneau .... Réduction des oxydes de manganèse ....................................................... 2.1.1 Oxydes de manganèse supérieurs.................................................... 2.1.2 Réduction de l’oxyde manganeux MnO ........................................... 2.1.3 Fonctionnement de la zone d’élaboration ........................................ Bilan matière ................................................................................................ Bilans thermiques global et étagé.............................................................. 2.3.1 Bilan thermique global....................................................................... 2.3.2 Bilan thermique étagé ........................................................................ Comparaison haut fourneau à ferromanganèse, haut fourneau à fonte et four électrique de réduction ................................................................... — — — — — — — — — — 9 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 Production du ferromanganèse au haut fourneau ......................... Composition et préparation du lit de fusion ............................................. 3.1.1 Calcul de la charge ............................................................................. 3.1.2 Préparation de la charge .................................................................... Réglage du haut fourneau .......................................................................... Coulée du métal et du laitier....................................................................... Composition du laitier final ........................................................................ Bilan manganèse détaillé............................................................................ Bilan énergétique......................................................................................... — — — — — — — — — 10 10 10 10 10 11 11 12 13 4. 4.1 4.2 4.3 Technologie du haut fourneau à ferromanganèse.......................... Haut fourneau .............................................................................................. Chauffage du vent. Augmentation de la température de flamme........... Épuration et valorisation du gaz de haut fourneau .................................. — — — — 13 13 13 15 5. Évolution du procédé.............................................................................. — 15 2.2 2.3 2.4 3. 3.1 M 2 445 4 - 1989 Pour en savoir plus........................................................................................... M 2 445 -2 — 2 — 2 — 2 — 3 3 3 3 4 4 5 6 6 7 Doc. M 2 445 e manganèse est indispensable dans la fabrication de l’acier. Utilisé d’abord comme agent désoxydant et désulfurant, l’évolution des techniques d’aciéries (des premiers procédés Bessemer, Thomas et Martin, à la conversion par l’oxygène pur) l’ont progressivement amené au rôle principal d’élément d’alliage. Ainsi, la teneur moyenne en manganèse de l’acier produit dans le monde est de 0,5 à 0,6 % et la sidérurgie représente 95 % de son marché. L Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 2 445 − 1 FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU __________________________________________________________________________________________ 1. Ferromanganèse Après 1950, la mise en exploitation de nouveaux et puissants gisements de minerais de manganèse, l’installation au bord de l’eau des usines sidérurgiques et le développement du trafic maritime ont favorisé l’implantation d’usines productrices de ferromanganèse utilisant le four électrique dans les pays producteurs de minerai. 1.1 Ferro-alliages manganésés et sidérurgie Commercialement, le manganèse se présente sous forme de ferro-alliages composés de manganèse, fer et carbone, éventuellement de silicium en teneur significative. Classés dans l’ordre croissant des coûts de production et des contenus énergétiques (qui est aussi l’ordre croissant des teneurs en manganèse et silicium, et l’ordre décroissant pour les teneurs en carbone), on trouve les (0) différents ferro-alliages manganésés du tableau 1. Tableau 1 – Classement des ferro-alliages manganésés Ferro-alliages Mn (%) C (%) Si (%) Spiegels................................................. 6 à 30 4à5 0,5 à 1 Ferromanganèse carburé .................... 76 à 80 6-7 0,3 à 1 Silicomanganèse .................................. 65 à 70 1à2 15 à 20 Ferromanganèse à bas carbone.......... 80 à 85 0,1 à 1 0,1 à 1 Manganèse métal................................. 95 à 98 0,1 0,1 Manganèse pur..................................... 99,9 Associée à l’élaboration d’acier au four Martin, la consommation de spiegel est en voie de disparition : il n’en sera plus question ici. Le ferromanganèse carburé est le plus important des ferro-alliages manganésés, et le plus utilisé : 5 kg/t d’acier contre 1 kg pour le silicomanganèse et moins de 1 kg pour l’ensemble des ferromanganèses à basse teneur en carbone et du manganèse métal. Sa fabrication au haut fourneau est classique. En revanche, celle du silicomanganèse ne l’est plus : le contenu énergétique du produit dépassant habituellement les possibilités du haut fourneau. Les ferro-alliages à basse teneur en carbone ne peuvent être élaborés en présence d’un excès de carbone : leur production au haut fourneau est donc exclue. La métallurgie du ferromanganèse s’apparente beaucoup à celle de la fonte mais avec des différences importantes. Nous nous sommes attachés dans ce qui suit aux aspects particuliers de la métallurgie du manganèse au haut fourneau. Le lecteur pourra compléter son information en consultant les articles [M 760] [M 770] de ce traité consacrés à l’élaboration de la fonte. 1.2 Historique de la production Les premières fabrications de ferromanganèse carburé ont été réalisées en Allemagne et en France à partir de 1875, au creuset puis au haut fourneau. La consommation spécifique de coke dépassai 2 500 kg par tonne d’alliage atteignant difficilement 70 % de manganèse. À partir de 1900, le four électrique inventé, la fabrication par électrothermie devenait possible (article Ferro-alliages par électrométallurgie [M 2 440] dans ce traité). On reconnaît trois sites possibles pour l’usine productrice de ferromanganèse : à proximité de l’aciérie consommatrice, dans une région où l’énergie est bon marché, sur le gisement de minerai de manganèse. La production s’est donc logiquement développée au haut fourneau dans les zones sidérurgiques : européennes, russes et nord-américaines, et au four électrique en Norvège, pays riche en hydro-électricité bon marché. M 2 445 − 2 La fabrication du ferromanganèse au haut fourneau a continué à se développer dans les pays où elle avait pris naissance, dans des hauts fourneaux de fonte en fin de campagne, puis dans des appareils spécialisés intégrés à l’usine consommatrice ou indépendants, bénéficiant des recherches et progrès réalisés en sidérurgie [1] [2] [3] [4] [5] [6]. Seuls, les États-Unis ont, pour des raisons économiques qui leur sont propres, complètement abandonné la fabrication, demandant au marché international d’assurer leurs besoins. En volume, la production de ferromanganèse a suivi celle de l’acier, au moins jusqu’en 1970 ; au-delà, les perfectionnements des techniques d’aciérie ont freiné cette évolution. Le haut fourneau, quant à lui, a vu sa production s’accroître mais sa part relative diminuer. 1.3 Procédés d’élaboration On a vu précédemment les circonstances historiques qui ont permis le développement des deux procédés d’élaboration : haut fourneau et four électrique. L’un et l’autre présentent des avantages et l’on a noté au profit du four électrique [7] : — la possibilité d’installations de taille moyenne, au prix d’un investissement modéré ; — la facilité que procure l’élaboration simultanée de ferromanganèse et d’un laitier riche en manganèse recyclable en fabrication de silicomanganèse (meilleure utilisation globale du manganèse). Ainsi, la possibilité d’un investissement réduit a-t-elle permis une large diffusion du procédé du four électrique, au moment où de nouveaux gisements de manganèse étaient mis en exploitation, en Afrique, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et en Australie. Mais en même temps, l’internationalisation du marché du manganèse, l’augmentation de taille des usines sidérurgiques consommatrices, la souplesse des transports maritimes ont permis au haut fourneau de bénéficier pleinement de sa capacité importante de production annuelle en proposant des tonnages à la mesure des demandes du marché. En réaction, la taille des fours électriques a augmenté mais aussi la complexité de l’installation et son coût. Aujourd’hui, le four électrique couvre une gamme de capacité unitaire de 10 à 120 kt/an, le haut fourneau de 80 à 300 kt/an. En ce qui concerne la consommation d’énergie, l’équation économique de comparaison entre haut fourneau et four électrique s’écrit en simplifiant : coût de l’énergie au haut fourneau = coût de l’énergie au four électrique soit : [coke – gaz coproduit] = [énergie électrique + coke (ou charbon) + électrodes] Suivant les époques et les coûts pratiqués localement pour les différentes formes d’énergie, l’avantage est à l’un ou l’autre des procédés. L’incertitude du prix de l’énergie et son impact sur le coût de production peuvent amener l’opérateur à changer de procédé [8]. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________________ FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU 1.4 Matières premières Quatre types de matières premières interviennent dans la constitution du lit de fusion du haut fourneau à ferromanganèse : — coke ; — minerais de manganèse ; — fondants ; — minerai de fer. Ces matières premières sont celles utilisées par la sidérurgie (articles Ferro-alliages par électrométallurgie [M 2 440] et Minerais et fondants [M 7 040] dans le présent traité) ; mais les réactions mises en jeu par le procédé et l’analyse du produit final conduisent à en préciser les spécifications sur quelques points particuliers. ■ Le coke utilisé est un coke sidérurgique de bonne qualité, à teneurs contrôlées en cendres et phosphore ; des teneurs trop élevées augmentent respectivement les pertes en manganèse par le laitier et la teneur en phosphore du métal. Une granulométrie trop faible du coke (diamètre moyen inférieur à 50 mm par exemple) diminue la productivité du haut fourneau. ■ Le minerai de manganèse a idéalement une granulométrie moyenne comprise entre 20 et 50 mm, une résistance mécanique suffisante et un comportement à chaud (décrépitement) évitant la formation de fines dans le haut fourneau. Trop fin, il doit être aggloméré avant chargement. Une teneur minimale en manganèse (≈ 40 %) est nécessaire ainsi qu’un rapport massique Mn/Fe compris entre 5,5 et 7,5 pour obtenir le ferromanganèse à l’analyse recherchée. On utilisera donc avantageusement un mélange de minerais plus ou moins riches en fer pour atteindre le rapport massique Mn/Fe visé. Les éléments de gangue du minerai peuvent être utiles à la formation du laitier (CaO, MgO, BaO) ou pénalisants s’ils augmentent la quantité de laitier et la perte en manganèse (alumine et silice). Le phosphore et tous les métaux plus réductibles que le manganèse contenus dans le minerai passeront intégralement dans le métal où ils seront des éléments d’impureté peu souhaités par l’aciériste consommateur. La teneur en alcalins (Na2O et K2O) des minerais de manganèse, qui en sont quelquefois fort riches (1 % et plus), mérite une surveillance particulière : trop élevée, elle peut être à l’origine d’un fonctionnement perturbé du haut fourneau. ■ Les fondants, castine et dolomie, plus rarement quartzite, ne posent généralement pas de problèmes par leur présentation physique ou leur composition chimique. Leur décarbonatation sera facilitée par un calibrage entre 10 et 25 mm. ■ Le minerai de fer n’entre dans la composition du lit de fusion que si les minerais de manganèse ne contiennent pas suffisamment de fer. Auquel cas les minerais de fer calibrés ou agglomérés disponibles sur le marché conviennent parfaitement. ■ Enfin, de façon générale, la régularité des teneurs en eau, présentation physique, composition chimique et homogénéité des lots de matières premières est une condition du bon fonctionnement du haut fourneau et de l’économie de la fabrication. 2. Bases de l’élaboration du ferromanganèse au haut fourneau 2.1 Réduction des oxydes de manganèse 2.1.1 Oxydes de manganèse supérieurs Parmi les trois oxydes supérieurs de manganèse, MnO2 , Mn 2O3 , Mn3O4 , le bioxyde de manganèse MnO2 est le moins stable ; il se décompose sous l’effet d’un simple échauffement dès 300 oC en sous-oxyde et en oxygène. Au contact du gaz réducteur encore très chaud qui sort à la partie supérieure du haut fourneau et dès que la charge de minerai est sèche, intervient la réaction : MnO2 + CO → MnO + CO2 Le déclenchement de cette réaction est d’autant plus brutal que le minerai est plus riche en MnO2 et plus divisé (granulométrie et porosité). Cette réaction contribue de façon sensible à l’échauffement du gaz en provoquant une variation brutale de son pouvoir calorifique. La réduction des oxydes supérieurs de manganèse peut également procéder par étape suivant les réactions exothermiques ci-après : 2MnO2 + CO → Mn2O3 + CO2 3Mn2O3 + CO → 2Mn3O4 + CO2 Mn3O4 + CO → 3MnO + CO2 Mn3O4 , le plus stable des trois oxydes, est réduit en MnO dans l’intervalle de température 850 à 1 050 oC. À 1 100 oC, après une réaction facile et fortement exothermique, la réduction des oxydes supérieurs de manganèse est achevée. Simultanément sont acquis à ce niveau de température (1 200 oC) : — le départ de l’eau de constitution des minerais ; — la décarbonatation des fondants calcaires, éventuellement des carbonates contenus dans les minerais : CO3Ca → CaO + CO2 CO3Mg → MgO + CO2 CO3Ba → BaO + CO2 — la réduction des oxydes de fer présents dans le lit de fusion en fer métallique : Fe2O3 + 3CO → 2Fe + 3CO2 — la régénération de CO à partir d’une fraction du CO2 formé par les réactions précédentes avec le carbone du coke : CO 2 + C! 2CO Cette réaction consommatrice de carbone est responsable d’une augmentation de la consommation spécifique de coke. Elle peut être modérée par le chargement d’un lit de fusion peu carbonaté et pauvre en silice, par l’emploi d’un coke peu sensible à la carboxyréactivité, mais surtout par un bon réglage de la répartition radiale du lit de fusion au gueulard du haut fourneau, optimisant la distribution du gaz dans la charge de minerai à réduire. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 2 445 − 3 FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU __________________________________________________________________________________________ 2.1.2 Réduction de l’oxyde manganeux MnO La réduction de MnO en Mn métal demande un potentiel réducteur très élevé et n’est possible que par le carbone solide. La réaction ne s’amorce qu’à haute température ; elle est fortement endothermique (figure 1). Des équations de variation d’énergie libre des réactions de réduction de MnO : MnO + C → Mn + CO 2MnO + 8/3C → 2/3Mn3C + 2CO permettent de calculer des températures d’amorçage des réactions de 1 420 et 1 223 oC (figure 2) ; la thermodynamique montre que, dans les conditions industrielles du haut fourneau, la réduction ne commence qu’à 1 310 oC. À cause de la forte endothermicité de la réduction de MnO, la consommation spécifique de coke (mise au mille coke) nécessaire à l’élaboration d’une tonne de ferromanganèse est 2 à 3 fois supérieure à celle qui est nécessaire à la production d’une tonne de fonte. Il résulte de ce qui précède la possibilité d’un découpage du haut fourneau en deux zones : — une zone d’élaboration, forte consommatrice d’énergie, où MnO est réduit par le carbone solide en manganèse ; — une zone de préparation excédentaire en énergie et en gaz d’où les oxydes supérieurs de manganèse sortent à l’état MnO et les oxydes de fer à l’état de fer métal (figure 3). 2.1.3 Fonctionnement de la zone d’élaboration La température de 1 100 oC marque sensiblement le passage de l’une à l’autre zone. Avant que la température de 1 310 oC soit atteinte et que la réduction en manganèse métal puisse s’amorcer, le ramollissement et la fusion des minerais de manganèse permettent la combinaison d’une partie du MnO avec la silice présente dans le lit de fusion. Un laitier primaire, très riche en MnO, se forme et s’écoule entre les morceaux de coke surchauffés par le flux gazeux ascendant. Les réductions de MnO et d’une certaine quantité de silice (facilitées par la présence de fer métallique carburé), la digestion progressive des oxydes basiques CaO, MgO par un laitier qui tend vers sa composition finale s’effectuent au fur et à mesure que s’établit un équilibre métal-laitier, fixant les pourcentages en Mn et Si du ferromanganèse et en MnO et SiO2 du laitier. L’évolution vers cet équilibre se poursuit, mais plus difficilement, dans le creuset du haut fourneau lorsque les gouttes de métal formé traversent la couche de laitier (réacteur non brassé). Les partages du manganèse et du silicium entre métal et laitier sont alors fixés par la réaction : Figure 1 – Diagramme d’équilibre pour les oxydes de manganèse 2MnO + Si ! SiO 2 + 2Mn Une température élevée de la zone d’élaboration et un indice de basicité : SiO2 /(CaO + MgO) Figure 2 – Variation d’énergie libre de la réduction de l’oxyde de manganèse par le carbone M 2 445 − 4 du laitier faible favorisent le passage du manganèse dans le métal ; la teneur en Mn du laitier variant comme la basicité du laitier et en sens inverse de la teneur en silicium du métal (figures 4a et b ). La comparaison des variations d’énergie libre en fonction de la température lors de la réduction des oxydes par le carbone montre que Fe, Ni, Co, Cr, P, etc., étant plus facilement réduit que Mn, on retrouvera tous ces éléments avec un rendement de 100 % dans le ferromanganèse produit, s’ils sont présents dans le lit de fusion (figure 5). Un autre aspect de la zone d’élaboration est la volatilisation du manganèse (température d’ébullition : 2 040 oC). Le manganèse volatilisé est entraîné par le gaz vers le gueulard du haut fourneau d’où il est évacué après oxydation sous forme de poussière : il est perdu pour le ferromanganèse. Une élévation de température dans la zone d’élaboration favorise cette volatilisation, mais une diminution de mise au mille coke (et du rapport volumique coke/minerai qui en résulte) peut la corriger sensiblement par filtration du gaz. La forte consommation d’énergie donc une mise au mille de coke élevée, et la récupération partielle dans le métal du manganèse chargé au gueulard caractérisent l’élaboration du ferromanganèse au haut fourneau et constituent les deux postes majeurs qui contrôlent l’économie du procédé. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________________ FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU Figure 3 – Schéma de l’élaboration du ferromanganèse au haut fourneau La régularité de la distribution des matières premières et de la répartition gazeuse sur toute la section du haut fourneau est un facteur essentiel de leur optimisation. 2.2 Bilan matière L’examen du bilan matière correspondant à la production d’une tonne de ferromanganèse carburé (tableau 2) montre la place importante que tiennent les fluides (vent soufflé-gaz produit) dans l’application du procédé. La colonne des entrées en masse a été doublée par les entrées en volume : le rapport volumique coke/minerais est à la mesure de l’attention à apporter au réglage de la répartition des matières et du gaz pour obtenir les meilleures performances de l’échangeur. Ce rapport évolue sensiblement, lorsque par augmentation de la température de vent, la mise au mille coke diminue (figure 6). La suroxygénation du vent est un autre moyen d’améliorer les performances de l’échangeur. (0) Le poste poussières du bilan mérite une mention particulière. Ces poussières sont formées : — des fractions les plus fines de la charge, coke, minerais, fondants entraînées par le gaz (un criblage avant enfournement en réduit la production) ; Tableau 2 – Ferromanganèse fait au haut fourneau : bilan matière pour une tonne Matières Entrées masse volume (1) (kg) (m3) Matières Sorties masse volume (1) (kg) (m3) Coke ........ 1 237 (2,47) Métal ......... 1 000 Minerais .. 1 850 (0,86) Laitier ........ 477 Fondants . 212 (0,14) Poussières 100 Vent ......... 4 330 (3 364) Gaz ............ 6 032 Incontrôlés 20 Total .......... 7 629 Total ........ 7 629 (4 754) (1) Valeurs approximatives. — d’éléments (manganèse et alcalins) volatilisés à haute température dans la zone d’élaboration, condensés et oxydés en poussières ultrafines (1 à 10 µm) au cours de leur traversée du haut fourneau. Les alcalins notamment (Na2O et K2O), souvent présents dans les minerais de manganèse qui en contiennent quelquefois 1 % et plus, mal fixés par un laitier calcaire et chaud, sont à 80 % évacués avec les poussières (20 % dans le laitier). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 2 445 − 5 FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU __________________________________________________________________________________________ Figure 5 – Variation d’énergie libre lors de la réduction des oxydes par le carbone Figure 4 – Partage du manganèse et du silicium entre métal et laitier (pour (a ) se réferer à [21] et pour (b ) : se réferer à [21] pour la courbe continue et à [10] pour la courbe discontinue) Les bilans partiels carbone (tableau 3) et manganèse (tableau 4) illustrent deux particularités du procédé : — dans le cas du carbone, l’équilibre entre les fonctions réducteur et combustible, essentiel à la stabilité thermique de la zone d’élaboration, exige surtout une grande régularité des paramètres de réglage ; — dans le cas du manganèse, le bilan introduit, avec le partage du manganèse entre métal et laitier, la notion de rendement en manganèse : rapport du manganèse récupéré dans le métal au manganèse chargé. Figure 6 – Évolution du rapport volumique coke/minerai avec la température du vent 2.3.1 Bilan thermique global 2.3 Bilans thermiques global et étagé Toutes les méthodes proposées pour l’étude du fonctionnement du haut fourneau produisant de la fonte sont applicables au cas du ferromanganèse : on examinera successivement deux exemples de bilans thermiques, global puis étagé en soulignant chaque fois les aspects particuliers. M 2 445 − 6 Ce bilan présenté au tableau 5 suscite plusieurs remarques. ■ L’importance du poste chaleur sensible au vent chaud (≈ 44 % des apports thermiques) justifie les efforts poursuivis en fabrication de ferromanganèse pour augmenter la température du vent. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________________ FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU ■ L’humidité du vent (10 g/m3 dans l’exemple proposé) a, au contraire, un effet négatif sur les entrées du bilan et on a proposé l’emploi de vent sec ou conditionné à une faible teneur en eau. ■ Les réductions indirectes des oxydes de manganèse et de fer ont été classées en sorties : seuls les postes chaleur sensible du gaz au gueulard et séchage de la charge bénéficient de l’exothermicité de ces réductions. ■ Comme attendu les réductions directes du manganèse et du silicium constituent l’essentiel des besoins thermiques (34 %). Les pertes thermiques spécifiques sont élevées : elles traduisent la faible utilisation du volume utile du haut fourneau atteinte par le procédé. (0) ■ Une présentation simplifiée du bilan thermique global (tableau 6) dans laquelle apparaissent les potentiels thermiques (chaleurs sensible et latente) du coke chargé et du gaz produit, met en évidence la dégradation d’une partie de l’énergie engagée sous forme élaborée (coke) en gaz à faible pouvoir calorifique. (0) Tableau 6 – Présentation simplifiée du bilan thermique global Entrées (MJ) Sorties (MJ) Chaleur latente coke . 35 158 Chaleur sensible gaz ................................. 3 093 Chaleur sensible vent Chaleur latente gaz .................................... 20 856 à 1 125 oC ..................... 5 349 Tableau 3 – Bilan matière partiel : carbone Entrée Besoins thermiques de la charge ........... 16 558 Utilisation Total.............................. 40 507 Total.............................................................. 40 507 Coke à 88 % .... 1 056 kg Réaction de régénération : ( CO 2 + C ! 2CO ) ................. Réduction de MnO ................ 20 kg 178 kg Réduction de SiO2 ............... 9,4 kg Carburation du métal ........... 69 kg Perte en poussières .............. 10 kg Brûlé aux tuyères .................. 769,6 kg Total................. 1 056 kg Total ....................................... 1 056 kg (0) La recherche d’un abaissement de la mise au mille de coke et de la meilleure valorisation du gaz coproduit sont des conditions essentielles à l’optimisation du coût de fabrication. L’effet d’une suroxygénation du vent s’analyse également à l’aide de cette présentation simplifiée du bilan thermique : à égalité de température du vent, elle provoque une réduction de la chaleur sensible au gueulard et conduit à une réduction de mise au mille de coke (d’autant plus importante que celle-ci est élevée lorsque l’on souffle du vent normal à 21 % d’oxygène). 2.3.2 Bilan thermique étagé 2.3.2.1 Découpage du haut fourneau en zones étagées Tableau 4 – Bilan matière partiel : manganèse Combustion du coke... 6 960,5 Séchage de la charge................................ 318 Dans un bilan thermique étagé, le haut fourneau est étudié par zones découpées par des sections horizontales correspondant à des températures d’entrée et de sortie de gaz et de matières, et à des degrés d’oxydation du gaz [CO /(CO + CO 2 )] caractéristiques ; chacune des zones ainsi définies est le siège d’une ou plusieurs réactions (tableau 7). On distingue ainsi : — une zone de « préparation » du lit de fusion où tous les oxydes de manganèse sont réduits à l’état MnO, le fer réduit à l’état métallique et les fondants décarbonatés ; le gaz y entre à une température de 1 200 oC avec un potentiel réducteur égal à 1 et en sort, au gueulard, à 450 oC ; — une zone d’élaboration du ferromanganèse où l’on obtient, après passage dans le creuset du haut fourneau, entre 1 450 et 1 550 o C le ferromanganèse et le laitier ; le gaz y entre à une température de flamme de 2 415 oC (cas étudié) ; — une zone de combustion du coke aux tuyères d’où le gaz généré par la combustion du coke sort à une température comprise entre 2 000 et 3 000 oC avec un potentiel réducteur égal à 1 ; les cendres du coke libérées interviennent dans la formation du laitier final. Chaleur sensible du vent Déshydratation............................................ à 1 125 oC..................... 5 349 Régénération ............................................... 180 2.3.2.2 Fonctionnement de la zone de préparation 289 La zone de préparation du lit de fusion est elle-même partagée en deux zones Aa et Ab suivant que la température de déclenchement de la réaction de régénération de l’oxyde de carbone : CO 2 + C ! 2CO est atteinte ou non (entre 800 et 1 100 oC). Entrées Sorties Minerais ............ 867 kg Métal ............................................ 780 kg Laitier ........................................... 47 kg Poussières ................................... 21 kg Incontrôlés................................... 19 kg Total................... 867 kg Total ............................................. 867 kg (0) Tableau 5 – Bilan thermique global Entrées (MJ) Sorties (MJ) Réductions indirectes .............................. – 1 657 Décarbonatation ......................................... 377 Chaleurs sensibles : — du gaz (450o)..................................... 3 093 — du ferromanganèse ........................ 1 528 — du laitier ............................................ 937 Réductions directes ................................... 4 143 Pertes thermiques ...................................... 3 101 Total .............................. 12 309 Total .............................................................. 12 309 Dans l’exemple proposé, la décarbonatation des fondants et du minerai ainsi qu’une partie de la réduction indirecte interviennent en zone Ab . Le CO2 dégagé par ces réactions y est régénéré en CO au prix d’une consommation parasite de carbone. C’est par le réglage de la répartition du lit de fusion au gueulard du haut fourneau (répartitions circonférentielle, radiale et chimique) assurant le meilleur contact gaz-solides, par l’emploi de minerais de manganèse réductibles, secs ou peu humides, d’un lit de fusion peu Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 2 445 − 7 FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU __________________________________________________________________________________________ régneront des conditions thermodynamiques favorables, essentiellement que la température moyenne y sera plus élevée (§ 2.1.2). Une répartition homogène sur toute la section offerte des flux ascendant (gaz) et descendant (laitier primaire s’écoulant à travers le coke) est une condition nécessaire au fonctionnement optimal de cette zone où s’établit à travers mise au mille de coke et rendement en manganèse, l’économie du procédé. Un profil de haut fourneau ou des conditions de soufflage mal adaptés permettront la formation sur la paroi interne des étalages, d’accrétions calcaires ou de condensations siliceuses qui, en se décrochant, déplaceront l’indice de basicité du laitier et abaisseront la température moyenne entraînant une dégradation des paramètres de marche. (0) carbonaté, éventuellement par l’emploi de coke à faible réactivité que l’on pourra, sinon éviter, au moins réduire l’augmentation de mise au mille de coke conséquente à cette réaction. 2.3.2.3 Fonctionnement de la zone d’élaboration La température atteinte par les solides à leur entrée dans cette zone permet la formation d’un laitier primaire riche en MnO dans un premier étage 1 200 à 1 350 oC. Une température de fusion trop élevée du mélange de minerais contrarie la formation de ce laitier primaire et rend plus difficile la réduction directe (cinétique plus lente). À partir de 1 350 oC, la réduction directe de MnO par le carbone solide peut intervenir et l’élaboration du ferromanganèse commencer. La réduction du manganèse sera d’autant plus facile et complète dans ce deuxième étage (1 350 à 2 415 o C) qu’y Tableau 7 – Bilan thermique étagé A Zone de préparation Entrées (MJ) Sorties (MJ) a) Réductions indirectes ........................................................... 1 561 Séchage de la charge ........................................................... 318 Chaleur sensible du gaz à 800 oC ........................................ 5 228 Déshydratation...................................................................... 180 Chaleurs sensibles : — minerais et fondants ................................................... 1 126 — coke............................................................................... 1 239 — gaz à 450 oC ................................................................. 3 093 Pertes thermiques................................................................. 883 Total ....................................................................................... 6 789 Total ....................................................................................... 6 789 b) Réductions indirectes ........................................................... 96 Décarbonatation ................................................................... 377 Chaleurs sensibles : Régénération CO................................................................... 289 — minerais et fondants ................................................... 1 126 Chaleurs sensibles : — minerais et fondants ................................................... 1 691 — coke ............................................................................... 1 239 — coke............................................................................... 1 862 — gaz à 1 200 oC............................................................... 7 823 — gaz à 800 oC ................................................................. 5 228 Pertes thermiques................................................................. 837 B Zone d’élaboration Total ....................................................................................... 10 284 Total ....................................................................................... 10 284 a) Chaleurs sensibles : Chaleurs sensibles : — minerais, fondants ....................................................... 1 691 — laitier primaire ............................................................. — carbone du coke .......................................................... 1 862 — carbone du coke .......................................................... — gaz à 1 350 oC............................................................... 9 643 — gaz à 1 200 oC .............................................................. Pertes thermiques................................................................. Total ....................................................................................... 13 196 Total ....................................................................................... b) Chaleurs sensibles : Réductions directes .............................................................. — laitier primaire.............................................................. 2 084 Chaleurs sensibles : — carbone du coke .......................................................... — carbone du coke .......................................................... 2 486 — ferromanganèse........................................................... — gaz à 2 415 oC............................................................... 13 867 — laitier final .................................................................... — gaz à 1 350 oC .............................................................. Pertes thermiques................................................................. 2 084 2 486 7 823 803 13 196 4 144 1 850 1 528 937 9 643 335 Zone de combustion du coke aux tuyères Combustion du coke ............................................................. 6 960 Chaleur sensible : Chaleurs sensibles : — gaz à 2 415 oC .............................................................. 13 866 — coke ............................................................................... 1 850 Pertes thermiques................................................................. 293 — vent à 1 125 oC ............................................................. 5 349 C Total ....................................................................................... 18 436 Total ....................................................................................... 18 437 Total ....................................................................................... 14 159 Total ....................................................................................... 14 159 M 2 445 − 8 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________________ FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU 2.3.2.4 Fonctionnement de la zone de combustion L’analyse précédente a fixé le rôle de cette zone : distribuer un gaz très chaud et très réducteur [CO/(CO2 + CO) = 1,0] à la base d’un échangeur gaz-liquide (laitier primaire)-solide (coke) qui constitue la zone d’élaboration. En première approche l’élévation de température de flamme, c’est-à-dire de la température du gaz délivré par cette zone, est favorable, tant que les besoins de la zone de préparation peuvent être satisfaits. Les moyens propres à augmenter cette température de flamme sont étudiés plus loin ; on notera en revanche, dès maintenant l’effet négatif sur la température de flamme de toute injection (combustible ou inerte) aux tuyères du haut fourneau. L’injection d’un combustible riche en hydrogène (inutile en réduction directe) serait en outre pénalisée par la réaction de craquage. 2.4 Comparaison haut fourneau à ferromanganèse, haut fourneau à fonte et four électrique de réduction L’optimisation énergétique du haut fourneau à fonte est obtenue lorsque les potentiels thermique et réducteur du gaz issu de la zone de réduction directe équilibrent, au plus près, les besoins de la zone des réductions indirectes. La préparation de la charge permet cette optimisation ; au contraire une surchauffe trop poussée ou une suroxygénation du vent dérèglent le processus. Le bilan thermique étagé du haut fourneau à ferromanganèse met en évidence des aspects particuliers qui font sa différence avec le haut fourneau à fonte : — importance énergétique de la zone d’élaboration ; — zone de préparation excédentaire en énergie. Une augmentation de la température de flamme par surchauffe ou suroxygénation du vent, en réduisant les apports au bilan de la zone de préparation, permet une réduction de la consommation spécifique de coke. Le four électrique est caractérisé quant à lui : — par une extrême concentration de l’énergie libérée par l’arc électrique dans la zone de formation du ferromanganèse ; — par un volume de gaz par tonne de ferromanganèse très faible (réduit dans le rapport de 7 à 1 par rapport à celui du haut fourneau) ; — par un fonctionnement en échangeur, difficile, dans une cuve de faible hauteur en base de laquelle une partie du lit de fusion peut atteindre, presque non préparé, la zone active des électrodes. Ainsi, la comparaison des consommations spécifiques de coke des hauts fourneaux fonte et ferromanganèse sur quelques décennies fait apparaître des évolutions parallèles et décalées : — de 1 000 à 500 kg et moins par tonne de fonte grâce à l’agglomération des minerais de fer ; — de 2 000 et plus à 1 200 kg/t de ferromanganèse grâce à une augmentation de la température ou de la teneur en oxygène du vent soufflé. La comparaison des bilans thermiques haut fourneau et four électrique (tableau 8) fait de son côté apparaître : — des besoins thermiques de la charge traitée légèrement plus élevés dans le cas du haut fourneau ; — un bilan énergétique net [énergie brute engagée (énergie entrée - chaleur latente du gaz) - énergie recyclée] plus favorable au four électrique pour autant que le gaz produit par ce dernier soit effectivement valorisé. Cela explique notamment que les deux techniques de production du ferromanganèse se soient maintenues jusqu’à aujourd’hui, l’avantage étant à l’une ou à l’autre suivant les prix locaux pratiqués pour les différentes formes d’énergie. (0) Tableau 8 – Comparaison haut fourneau/four électrique : bilan thermique et énergie nette engagée Haut fourneau Four électrique (MJ) (MJ) Entrée Sortie Haut fourneau Four électrique (MJ) (MJ) Combustion du coke ........................ 35 158 12 418 Besoins thermiques de la charge.... 16 466 Énergie électrique ............................ ..................... 9 129 Chaleur sensible du gaz................... 3 093 389 Chaleur sensible du vent ................. 5 349 Chaleur latente du gaz ..................... 20 856 5 968 Total................................................... 40 415 21 547 Total................................................... 40 507 21 547 15 190 Comparaison des énergies nettes engagées (1) Haut fourneau : 40 415 – 20 856 = 19 559 MJ/t de ferromanganèse Four électrique : 21 547 – 5 968 = 15 579 MJ/t de ferromanganèse (1) La comparaison précédente n’est valable qu’en tendance ; si le produit est identique, elle porte sur des lits de fusion présentant des différences sensibles. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 2 445 − 9 FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU __________________________________________________________________________________________ 3. Production du ferromanganèse au haut fourneau Seuls, le calibrage des minerais entre 25 et 50 mm, l’élimination des fines et le recyclage de ces dernières après agglomération sont habituellement pratiqués. Le calibrage optimise le fonctionnement en échangeur du haut fourneau, l’agglomération des fines trouvant sa justification économique dans la décote subie par les minerais de manganèse contenant une forte proportion d’éléments fins. 3.1 Composition et préparation du lit de fusion En fait, l’étude du bilan thermique étagé d’un haut fourneau en ferromanganèse dont la zone d’élaboration fonctionne dans des conditions précises de température et de teneur en oxygène du vent soufflé surtout, permet de vérifier que l’énergie transférée par le gaz de cette zone à celle de préparation est suffisante pour assurer dans cette dernière la couverture des besoins thermiques et un transfert d’énergie thermique satisfaisant. 3.1.1 Calcul de la charge Les différents composants du lit de fusion ou charge, ont été décrits au paragraphe 1.4 (coke, minerais de manganèse et de fer, fer, fondants calcaires...). L’importance de la précision du dosage de chacun des composants, grâce à un échantillonnage, à un contrôle analytique rigoureux, et à une pesée précise, procède du fait que le composant coke joue à la fois les rôles de combustible, d’élément constitutif de l’alliage (carburation) et d’élément réducteur (réduction directe). Tout déréglage du dosage, amplifié par une évolution du rendement en manganèse, modifie l’analyse du produit (teneur en Mn et Si) et les paramètres économiques de la marche. En première étape le calcul (tableau 9) fixe une valeur de la charge unitaire de coke, déterminée en fonction des dimensions du haut fourneau, de telle façon que le volume occupé par la charge de coke crée les conditions optimales de répartition de la charge de minerais et fondants associés. Cette masse de coke reste constante : un réglage ultérieur du dosage est obtenu par modification des masses de minerais et de fondants. La deuxième étape du calcul consiste, sur la base de références expérimentales propres au haut fourneau utilisé (rendement en manganèse, indice de basicité et teneur en manganèse du laitier, teneur en silicium du métal et mise au mille coke) à associer à la charge de coke retenue une certaine quantité de manganèse qui, réduit à l’état métallique, formera le ferro-alliage. Les minerais de manganèse, selon leurs rapports spécifiques Mn/Fe, et éventuellement le minerai de fer seront combinés pour apporter au rendement en manganèse près, les quantités de manganèse et de fer qui permettront d’obtenir l’analyse recherchée pour le ferro-alliage [la somme Mn(%) + Fe(%) y étant sensiblement constante et égale à 92]. ■ La référence retenue pour le rendement en manganèse implique un indice de basicité donné du laitier pour une teneur en silicium du métal. Ces dernières valeurs introduites en troisième étape permettent de calculer, compte tenu de l’apport des cendres du coke (silice notamment) et de la silice réduite en silicium, la quantité de bases calcaires à introduire dans la charge. Suivant la composition recherchée pour le laitier, ces bases calcaires (CaO, MgO) seront introduites par l’intermédiaire d’un mélange castine-dolomie en proportions convenables. ■ Enfin, composition et production de laitier seront estimées à partir de la teneur en manganèse de laitier retenue comme référence expérimentale. 3.1.2 Préparation de la charge Les techniques de préparation des minerais de fer (criblage, agglomération ou pelletisation des fines ou concentrés, etc.) sont évidemment applicables et appliquées aux minerais de manganèse [18]. Seuls, les aspects particuliers à la préparation du lit de fusion du haut fourneau en ferromanganèse seront examinés ici. Si la préparation de la charge du haut fourneau en fonte a permis la spectaculaire économie de coke, essentiellement par réduction des besoins thermiques de la zone de préparation et par amélioration de la perméabilité de la charge, celle des minerais de manganèse n’a jamais procuré d’économie sensible au haut fourneau en ferromanganèse. M 2 445 − 10 Si cette condition est satisfaite, toute l’attention de l’opérateur devra se porter sur le réglage fin de la répartition des matières et des gaz ; l’homogénéisation de la charge par mélange des différents composants du lit de fusion et/ou la mise en œuvre de mécanismes modernes de chargement (gueulard sans cloche) peuvent se révéler nécessaires. Si les conditions thermiques précédentes ne sont pas réalisées, le séchage, la déshydratation (départ de l’eau de constitution), la décarbonatation de la charge doivent être envisagés. Au niveau de la zone d’élaboration enfin, les meilleures performances correspondent à la formation facile et rapide du laitier primaire riche en MnO qui sera soumis à la réduction directe : les compositions chimiques et minéralogiques de certains minerais ne favorisent pas cette formation et introduisent autant de problèmes particuliers. 3.2 Réglage du haut fourneau Obtenir l’analyse recherchée du produit et les paramètres de marche économiques sont les objectifs poursuivis par le réglage et la conduite du haut fourneau. À la dispersion près du rendement en manganèse de référence, le calcul de charge permet de régler les teneurs en manganèse et en fer du métal ; ce calcul fixe en même temps la teneur en phosphore retrouvé dans le ferromanganèse avec un rendement de 100 %. Pour un indice de basicité donné du laitier, la teneur en silicium est fonction des disponibilités thermiques de la zone d’élaboration. La teneur en carbone de l’alliage découle de ses teneurs en manganèse, fer et silicium, et de la température de coulée. Le réglage du haut fourneau à ferromanganèse consiste essentiellement à régler thermiquement la zone d’élaboration. Les variations de la teneur en silicium (0,5 % en moyenne) et de la température du métal renseignent sur ce réglage, obtenu pour une allure nominale du haut fourneau (quantité de coke brûlé par jour). Classiquement, au-dessous de cette allure, les pertes thermiques augmentent sensiblement et au-delà, les conditions de fonctionnement du haut fourneau en échangeur et de réduction du manganèse se dégradent et dans les deux cas la mise au mille coke augmente. Au réglage de la charge et à la fixation du débit de vent au niveau de l’allure nominale correspondent un point de fonctionnement moyen et une teneur en silicium moyenne du ferromanganèse. Les performances du haut fourneau seront d’autant meilleures que les conditions de marche fixées seront maintenues régulières. Un déréglage temporaire ou une dérive plus importante des conditions de réglage ne peuvent toutefois être écartés. Ils conduisent à une évolution de la teneur en silicium du métal de 0,1 à 2,5 % autour du point moyen de fonctionnement. Selon les cas, ces déréglages seront réduits par action temporaire et limitée sur le débit de soufflage et/ou la température de vent, ou par correction du calcul de charge. (0) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________________ FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU Tableau 9 – Calcul du lit de fusion SiO2 (kg) Composants (en kg sec) Bases (1) (kg) Fe (kg) Mn (kg) Al2O3 (kg) Coke ............................................................................................. 1 200 48 12 12 – 36 Minerais de Mn (2) : A ............................................................................................ 769 B ............................................................................................ 990 19 58 3 67 20 111 392 475 46 3 Fondants : — Castine ................................................................................... 68 — Dolomie ................................................................................. 140 1 1 37 71 – – – – 1 1 Total....................................................................................................... 127 190 143 867 87 Silice réduite .................................................... 11 kg Fer réduit (rendement Fe : 100 %).................. 143 kg Manganèse réduit (rendement Mn : 90 %).... 780 kg Calcul du ferromanganèse : Mn + Fe = 780 + 143 = 923 kg 1 000 kg de FeMn à 78 % Mn, 14 % Fe et 0,5 % Si Calcul du laitier : indice SiO2 /bases = 0,6 teneur en Mn : 10 % SiO2 Bases Al2O3 MnO Divers 116 190 87 61 23 Total 477 kg soit 24,3 39,9 18,2 12,8 4,8 100,0 % Mise au mille laitier : 477 kg/t. Bilan manganèse Sortie métal................... laitier................... 780 kg divers (3) ............ 40 kg Total.................... 867 kg 47 kg Entrée (sous forme de MnO soit 61 kg MnO) Total................................................................ 867 kg (1) Bases = CaO + MgO + BaO. (2) A minerai du Gabon ; B minerai d’Afrique du Sud. (3) Pertes en poussières dans le gaz par volatilisation. 3.3 Coulée du métal et du laitier L’élaboration du ferromanganèse se limite au haut fourneau. Après coulée, le métal refroidi est traité en vue de son utilisation en aciérie (morceaux calibrés, 10 à 25, 25 à 50, 50 à 100 mm, etc., exempts de fines). Carbure mixte de manganèse et de fer, ce métal est dur, d’autant plus fragile que son refroidissement a été brutal. Le morcellement intervient dès les premières manutentions. Coulée et préparation du produit sont donc conduits pour obtenir : — une production minimale de fines non commerciales à recycler en fabrication ou à écouler en demi-produit ; — une granulométrie du produit refroidi aussi voisine que possible de la granulométrie du produit commercial de façon à éviter le concassage ; — une stabilité mécanique du produit suffisante pour lui permettre de supporter, sans détérioration excessive, les stockages, transports et diverses manutentions jusqu’au lieu d’utilisation. De nombreuses techniques ont été proposées. Les modes de coulée du laitier, évacué au crassier ou utilisé en remblai (le manganèse semble être une contre-indication à l’emploi en cimenterie) sont identiques à ceux mis en œuvre pour le laitier de fonte. 3.4 Composition du laitier final La pratique habituelle du haut fourneau en ferromanganèse vise, pour contrôler les pertes en manganèse, à l’élaboration d’un laitier épuisé à teneur en manganèse aussi faible que possible, et d’autant plus faible que la mise au mille laitier est importante. Les premiers hauts fournistes en ferromanganèse ont rapidement établi deux relations essentielles liant la teneur en manganèse du laitier, l’une à l’indice de basicité de celui-ci, l’autre à la teneur en silicium du métal. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 2 445 − 11 FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU __________________________________________________________________________________________ Malgré les difficultés inhérentes à la présence de MnO parmi les constituants du laitier : — complexité de la représentation et de l’étude d’un laitier quinaire à cinq constituants, SiO2-Al2O3-CaO-MgO-MnO (encore ne tient-on pas compte de BaO) ; — susceptibilité à l’oxydation de MnO imposant des conditions expérimentales particulières lors des mesures de laboratoire (mesures de viscosité par exemple) ; de très nombreux travaux ont été consacrés à l’étude du laitier de ferromanganèse [9] [10] [11]. Ces travaux ont vérifié et précisé : — l’intérêt d’une valeur élevée, voire très faible, de l’indice de basicité, SiO2 /(CaO + MgO) = 0,4 ou même d’une polybasicité associant à CaO et MgO, la baryte BaO ; — l’importance de la fluidité du laitier, d’une part au cours de l’élaboration pour faciliter la réduction de MnO, d’autre part à la coulée finale pour y éviter la capture de billes de ferromanganèse ; si ces billes ne décantent pas, une dégradation sensible du rendement en manganèse est alors observée : le poste incontrôlés du bilan en manganèse se gonfle de plusieurs pour-cent et l’analyse des paramètres de marche s’en trouve sérieusement faussée ; — l’avantage d’une teneur en alumine élevée, associée à une teneur en magnésie adaptée ; résultat d’études thermodynamiques, cette conclusion ne trouve cependant pas toujours dans la pratique une vérification immédiate ; — l’intérêt d’un laitier à basse température de liquidus situé dans une région du système quinaire à bon espacement des isothermes. Les phénomènes réels observés au haut fourneau sont complexes et il apparaît vite que les exigences ou souhaits précédents sont souvent contradictoires, ainsi une augmentation de la basicité relève la température de liquidus et un refroidissement accidentel ou simplement lié à une irrégularité de répartition ou à une imprécision de dosage de la charge, provoque l’apparition dans le laitier de cristallites alumino-calcaires qui déclenche des phénomènes de pseudoviscosité et augmente les difficultés de séparation métal-laitier. On notera en outre que ces exigences concernent le laitier final. Celui-ci est sensiblement différent du laitier primaire constitué surtout des éléments du minerai ou du laitier d’étalages (à mi-réduction de MnO et de la digestion des bases calcaires présentes). Le laitier final correspond au terme de la réduction et à l’incorporation des centres du coke brûlé aux tuyères et notamment de la silice qu’elles contiennent. Le tableau 10 rend compte d’une telle hypothèse d’évolution de la composition du laitier. (0) Tableau 10 – Hypothèse d’évolution de la composition du laitier au cours de l’élaboration de ferromanganèse carburé Laitier SiO2 (%) Bases (%) MnO (%) Al2O3 (%) Laitier primaire ........ 9 4 79 3 Laitier d’étalages ..... 14 14 61 6 Laitier final ............... 24 40 13 18 Remarque : les compositions de ces laitiers, en particulier celles des laitiers d’étalages, prennent en compte un transfert de la zone de combustion du coke (formation de monoxyde de silicium SiO à partir des cendres) vers les zones d’élaboration et de formation du laitier primaire. 3.5 Bilan manganèse détaillé Compte tenu de l’importance sur l’économie de la fabrication du paramètre rendement en manganèse, une attention particulière doit être portée aux différents postes du bilan manganèse détaillé (tableau 11). (0) Tableau 11 – Bilan en manganèse détaillé Entrées Manganèse engagé sous forme minerai de manganèse.......................................... Retours de fabrication ............................. Total .......................................................... Manganèse du ferromanganèse ............ Manganèse perdu dans le laitier ............ Manganèse contenu dans les poussières primaires ....................................... Sorties Manganèse contenu dans les poussières secondaires ................................... Manganèse métallique entraîné par le laitier de coulée........................................ Manganèse volatilisé à la coulée ........... Déchets de coulée (à recycler)................ Total .......................................................... (%) 867 20 887 97,7 2,3 100 780 47 87,9 5,3 15 1,7 6 0,7 16 3 20 887 1,8 0,3 2,3 100 Mn du ferromanganèse Rendement en Mn = -------------------------------------------------------------------- = 90,0 % Mn engagé sous forme minerai de manganèse Les techniques de coulée cherchent à réduire le plus possible la production de déchets de coulée (ferromanganèse non commercial) qui font l’objet d’une récupération soigneuse et d’un recyclage régulier dans le lit de fusion. Le manganèse perdu dans le laitier correspond à l’oxyde MnO qui, dans les conditions opératoires, a échappé à la réduction directe. Les poussières primaires (60 kg à 25 % de Mn dans l’exemple proposé) sont formées d’éléments fins de minerai de manganèse entraînés par le gaz hors du haut fourneau. Le criblage du lit de fusion avant chargement tend à réduire l’émission de poussières primaires. Le manganèse perdu dans les poussières secondaires (50 kg à 12 % de Mn) correspond au manganèse volatilisé dans la zone d’élaboration, entraîné par le gaz et rejeté du haut fourneau après oxydation. Une baisse du rapport des volumes coke/minerai et un bon réglage de la répartition réduisent sensiblement les pertes en manganèse par poussières secondaires. Le ferromanganèse entraîné par le laitier sous forme de billes qui, faute de temps, d’un laitier calme et surtout fluide, ne peuvent coalescer et rejoindre la phase liquide métallique. Des dispositions spéciales à la coulée, piégeage notamment, réduisent les entraînements de ferromanganèse qui, non magnétique ne peut être l’objet d’une récupération par triage magnétique sur laitier refroidi. Les pertes de manganèse par volatilisation à la coulée sont responsables de la formation de fumées rousses (aérosol de Mn3O4) gênantes pour l’environnement. Elles sont d’autant plus limitées que le contact entre l’atmosphère et le métal liquide, en jet plus ou moins divisé, aura été évité. En conclusion, pour chaque lit de fusion nouveau, une étude prévisionnelle du laitier, conduite sur la base des travaux précédents sera nécessaire. M 2 445 − 12 (kg) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________________ FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU Pour conclure, l’évaluation précise du bilan manganèse détaillé est nécessaire à une bonne compréhension de la fabrication du ferromanganèse. Le manganèse perdu dans le laitier et dans les poussières primaires échappe à la réduction directe contrairement à celui des autres postes, qui participent chacun pour leur part, à la consommation spécifique de coke à la tonne de ferromanganèse. 4. Technologie du haut fourneau à ferromanganèse 4.1 Haut fourneau 3.6 Bilan énergétique On envisage ici le bilan énergétique global du procédé : haut fourneau et annexes, réchauffeurs de vent cowpers, installation d’épuration du gaz, soufflantes électriques (figure 7). Dans le cas proposé (mise au mille 1 200 kg, température de vent 1 100 oC) l’énergie engagée en coke (35,4 GJ) couvre les dépenses thermiques correspondant à l’élaboration d’une tonne de ferromanganèse pour 17 GJ. Le haut fourneau libère 18,4 GJ sous forme de gaz à faible pouvoir calorifique (5,2 MJ/m3). Ce gaz est utilisé : — pour le réchauffage du vent à 1 100 oC, à raison de 6,18 GJ ; — après transformation en énergie électrique, pour assurer les besoins des annexes du haut fourneau, soufflante pour le vent et épuration du gaz, à raison de 2,37 GJ. La valorisation du solde, soit 9,85 GJ, à trouver hors procédé (vente de l’énergie thermique), est nécessaire à l’économie de ce dernier. On a vu précédemment que la fabrication du ferromanganèse au haut fourneau s’était développée dans les grandes aciéries intégrées qui réservaient un de leurs hauts fourneaux à cette fabrication (§ 1.2). Ainsi, la technologie du haut fourneau à ferromanganèse est-elle pratiquement celle du haut fourneau à fonte dont elle reprend d’ailleurs, dans ses dernières réalisations, les perfectionnements les plus récents. On se rapportera donc pour toute question technologique aux nombreuses publications consacrées au haut fourneau de fonte et aux articles spécialisés de ce traité. Il faut noter pourtant les différences introduites par la mise en œuvre de températures élevées : — aux tuyères, c’est-à-dire absence d’injections et quelquefois enrichissement du vent en oxygène ; — en zone d’élaboration, où les laitiers intermédiaires riches en MnO se montrent très agressifs vis-à-vis du revêtement réfractaire de l’appareil, d’où l’attention particulière à porter au choix des réfractaires et à la qualité du refroidissement ; — au gueulard du haut fourneau où la pulvérisation d’eau est souvent nécessaire pour refroidir le gaz et préserver l’appareil de chargement. 4.2 Chauffage du vent. Augmentation de la température de flamme Trois techniques sont susceptibles de procurer les hautes températures de combustion du coke recherchées (figure 8) : — l’emploi de réchauffeurs de vent cowpers à hautes performances, capables de fournir du vent chaud à 1 300-1 400 oC ; — l’enrichissement du vent en oxygène ; — la surchauffe du vent à l’aide de torches à plasma jusqu’à 1 800 oC et plus. Le haut fourneau à ferromanganèse a bénéficié des améliorations successives apportées aux réchauffeurs de vent cowpers. Une première évolution des caractéristiques de construction et des matériaux réfractaires mis en œuvre avait permis de passer d’une température de vent chaud de 800 à 1 000 oC. Figure 7 – Bilan énergétique du haut fourneau à ferromanganèse À partir de 1970, le développement de réfractaires nouveaux à haute réfractairité (silice, mullite synthétique, etc.), isolants à faible conductivité thermique, et de modes de construction renouvelés (cowper à puits séparé) permettent de porter à 1 400 oC la température du vent en obtenant des rendements thermiques de l’ordre de 90 %. L’adaptation de ces nouveaux appareils au service du haut fourneau à ferromanganèse est facilitée par le pouvoir calorifique du gaz produit (5,2 MJ/m3 contre 3 pour celui à fonte) ; en revanche, le souci d’éviter une trop grande amplitude de la chute de température de vent entre début et fin de soufflage oblige à augmenter la masse totale de réfractaires en alourdissant l’investissement. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 2 445 − 13 FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU __________________________________________________________________________________________ En fait, les problèmes de corrosion du blindage métallique de l’appareil cowper, lors du fonctionnement à haute température de coupole, conduisent les opérateurs à limiter la température du vent à 1 250 oC environ, valeur qui fixe une limite pratique de la technique cowper et en même temps l’évolution de mise au mille du coke qu’on peut en attendre (tableau 12). (0) Tableau 12 – Effet d’une augmentation de la température du vent sur la mise au mille de coke Tableau 13 – Effet de la suroxygénation du vent sur la mise au mille de coke (1) Paramètre Vent normal Vent suroxygéné Température du vent .................... (oC) 1 001 988 Teneur en oxygène ........................ (%) 20,8 25,7 Mise au mille coke ......................(kg/t) 1 420 1 374 336 (oC) 1 100 1 200 1 300 1 400 Production ................................ (t/jour) 280 Mise au mille coke................... (kg/t) 1 210 1 126 1 057 1 000 Température du gaz au gueulard (oC) 338 333 Eau pulvérisée au gueulard .......(kg/t) 773 473 Température du vent .............. La suroxygénation du vent a été rapidement pratiquée, dès qu’il a été possible de disposer de débits réguliers et importants d’oxygène gazeux. L’insufflation d’oxygène pur dans le vent froid avant cowpers ne pose pas de réels problèmes et le soufflage de vent enrichi jusqu’à 45 % d’oxygène a été pratiqué industriellement. Tant que la température du vent chaud (et la réduction de mise au mille du coke) s’est trouvée limitée pour des raisons techniques, la suroxygénation du vent a été justifiée économiquement, les potentiels réducteurs et thermiques du gaz quittant la zone d’élaboration assuraient largement la couverture des besoins de la zone de préparation. Au-delà, lorsque des températures de vent chaud supérieures à 1 250 oC ont été possibles, l’amélioration de mise au mille du coke, moins sensible, n’a plus permis la justification économique de l’emploi de l’oxygène, d’autant que le contenu énergétique de ce gaz n’est pas négligeable (105 kWh/t dans l’exemple proposé au tableau 13). Pourtant, une réalisation récente, au Japon, a confirmé que dans des conditions locales favorables de coûts d’accès aux différentes formes d’énergie, l’emploi de vent chaud à 800 oC et 27 % d’oxygène pouvait être économique [8]. Très récente, la technique de surchauffe du vent par torche à plasma permet de dépasser les limites des technologies cowpers ou suroxygénation [12] [13]. (1) Source : Stahl und Eisen 88, p. 665 à 673, 13 juin 1968. Une torche plasma à arc soufflé (500 m3/h pour une puissance de 1 500 kWh) permet l’injection d’air additionnel à une température de 4 000 à 5 000 oC dans la conduite principale de vent chaud ou dans les tuyères du haut fourneau. Suivant le débit et la température du vent primaire mis en jeu, une température de vent chaud surchauffé comprise entre 1 400o et 2 000 oC est possible. L’économie de coke correspondant à une surchauffe du vent de 100 o C au-delà de 1 300 o C est de 7 % environ pour une consommation d’énergie électrique des torches plasma de 160 kWh. Cette économie tend à se réduire lorsqu’augmente la température du vent surchauffé (figure 9). Outre la réduction de mise au mille du coke, un avantage supplémentaire de la surchauffe du vent par torche plasma est la possibilité de recyclage de la totalité de l’énergie thermique gaz sous-produite après transformation en énergie électrique (figure 10). Figure 9 – Effet d’une augmentation de la température du vent chaud sur la mise au mille de coke Figure 8 – Relations entre la température de flamme, la température du vent et la teneur en oxygène du vent (0) M 2 445 − 14 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________________ FERROMANGANÈSE ÉLABORÉ AU HAUT FOURNEAU d’une partie de la chaleur sensible du gaz de gueulard et évite les problèmes de pollution des eaux de lavage. ■ La composition chimique des poussières entraînées par le gaz justifie le taux d’épuration de 100 % recherché : riches en manganèse et en alcalins, très fines, elles peuvent être des agents de corrosion très agressifs à température élevée pour les réfractaires des cowpers ou des chaudières dans lesquels le gaz est brûlé. ■ L’emploi du gaz de ferromanganèse peut être rendu difficile par des variations importantes allant du simple au double du pouvoir calorifique. Ces variations régulières (elles sont liées au cycle de chargement des minerais) correspondent à la décomposition brutale du bioxyde de manganèse MnO2 présent dans le lit de fusion. Des dispositions particulières de combustion assistée sont quelquefois nécessaires. 5. Évolution du procédé Figure 10 – Bilan énergétique du haut fourneau à ferromanganèse équipé de torches à plasma 4.3 Épuration et valorisation du gaz de haut fourneau À sa sortie du haut fourneau, après pulvérisation d’eau pour ramener le cas échéant sa température à une valeur compatible avec une bonne tenue des matériels, le gaz a un pouvoir calorifique moyen suffisant pour un gaz pauvre (entre 4 et 6 MJ/m3 suivant que le vent est enrichi ou pas en oxygène). Il est chargé de poussières ( 20 g/m 3 ). Son épuration est indispensable avant emploi ultérieur aux cowpers ou en chaudière. ■ Les techniques d’épuration proposées pour le gaz de fonte sont toutes valables. Elles font habituellement appel à un contact gaz-eau pour assurer un taux d’épuration de 100 %. La chaleur sensible du gaz de gueulard est alors perdue et l’eau de lavage doit être traitée avant rejet dans le milieu naturel. La mise au point récente de textiles spéciaux supportant des températures de 200 oC permet d’envisager une épuration à sec par manches filtrantes. Cette technique rend possible la récupération Sur 3,8 millions de tonnes de ferromanganèse carburé produit en 1987 dans le monde, 40 % environ sont fabriquées au haut fourneau, principalement dans les pays de longue tradition sidérurgique. Malgré une surcapacité de production mondiale (5,2 Mt/an), la création d’outils nouveaux dans les pays en voie de développement (fours électriques de taille moyenne pour réduire l’investissement), la crise mondiale de l’acier, l’évolution des techniques d’aciéries de plus en plus économes en manganèse, le procédé de fabrication du ferromanganèse au haut fourneau continue à évoluer et à s’améliorer. Si l’économie du manganèse engagé en fabrication reste un objectif permanent pour les opérateurs, les signes d’évolution les plus révélateurs concernent : — l’économie de l’énergie, notamment de ses formes les plus élaborées et les plus coûteuses (coke par exemple) ; — la diversification de l’énergie par la mise en œuvre simultanée de ses différentes formes (combustibles solides, liquides, gazeux, énergie électrique, etc.) intervenant en pourcentages variables avec leurs coûts respectifs ; c’est le cas du haut fourneau équipé de torches à plasma utilisant en proportions modulées, coke et énergie électrique ; — et par voie de conséquence, l’amélioration de la productivité. On peut voir enfin dans le développement récent de nouvelles techniques de fabrication du ferromanganèse [14] [15] [16] [17] l’aboutissement de cette évolution, d’ailleurs commune à tous les procédés sidérurgiques. Dans le cadre de ces nouvelles techniques, cette évolution se traduit, outre la tendance confirmée à l’économie et à la diversification de l’énergie, par le traitement en réacteurs séparés des opérations de préparation et d’élaboration. ■ Pour la préparation : — par préréduction et préchauffage des minerais et fondants en lit fluidisé ; — ou pelletisation à froid des différents constituants du lit de fusion (charbon, minerai, fondants, etc.) pour obtenir un produit intermédiaire extrêmement réductible. ■ Pour l’élaboration, par le traitement de la charge préparée : — par torche à plasma (kWh) et injection de charbon dans un four à cuve sur un empilage massif de coke porté au rouge, ou dans un réacteur approprié ; — en gazéificateur-four de fusion alimenté en charbon et oxygène ; — en four tournant ou cubilot, chauffés au fuel, au charbon ou au coke. Ces nouveaux procédés n’ont pas encore été l’objet d’une application industrielle prolongée : il n’est pas encore possible de les situer par rapport aux deux procédés haut fourneau et four électrique. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 2 445 − 15 P O U R Ferromanganèse élaboré au haut fourneau E N par Edmond TRUFFAUT Ancien Directeur Recherche et Développement de la société du Ferromanganèse de Paris et Outreau Références bibliographiques [1] [2] [3] [4] [5] Doc. M 2 445 4 - 1989 [6] [7] DANCOISNE (P.L.). – Production de ferromanganèse carburé. Modèles de calculs prévisionnels et évolution possible des techniques. Journées du Manganèse, Paris, 11 p., bibl. (12 réf.) (1969). MICHARD (R.). – Étude du haut fourneau. Cahier du CESSID (F), no 2, Berger-Levrault (1959). 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