Cristallisation industrielle Aspects pratiques par Jean-Paul KLEIN Docteur-Ingénieur ENSIC (École Nationale Supérieure des Industries Chimiques de Nancy) Professeur à l’Université Lyon I Laboratoire d’Automatique et de Génie des Procédés, URA CNRS D 1328 – Villeurbanne Roland BOISTELLE Docteur ès Sciences Directeur de Recherches au CNRS – Marseille-Luminy Centre de Recherches sur les Mécanismes de la Croissance Cristalline et Jacques DUGUA J 2 788 6 - 1994 Docteur-Ingénieur CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) Ingénieur au Centre Technique de Lyon (CTL) d’Elf Atochem 1. Avant-propos ............................................................................................. 2. 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 Modes d’obtention de la sursaturation ............................................. Refroidissement direct ou par échange thermique .................................. Refroidissement par évaporation du solvant ............................................ Concentration par évaporation................................................................... Relargage par ajout de sels ou de tiers solvant ........................................ Précipitation ................................................................................................. — — — — — — 3 3 3 4 4 4 3. 3.1 3.2 Place du cristallisoir dans le procédé industriel............................. Caractéristiques demandées aux cristaux fabriqués................................ Interactions des différentes opérations unitaires du procédé ................. — — — 5 5 5 4. 4.1 4.2 4.3 4.4 Technologie et dimensionnement des cristallisoirs....................... Introduction.................................................................................................. Cuves agitées ............................................................................................... Cristallisoirs particuliers.............................................................................. Critères de choix du cristallisoir ................................................................. — — — — — 6 6 6 10 15 5. 5.1 5.2 Bilans dans les cristallisoirs ................................................................. Bilans de matière et thermique dans un appareil parfaitement agité..... Bilans de population.................................................................................... — — — 16 16 17 6. 6.1 6.2 6.3 6.4 6.5 Conduite des cristallisoirs..................................................................... Encroûtement des cristallisoirs .................................................................. Effet des impuretés. Changements de faciès des cristaux....................... Amorçage. Ensemencement....................................................................... Paramètres de conduite d’une cristallisation discontinue ....................... Paramètres de conduite d’une cristallisation continue ............................ — — — — — — 21 21 23 24 26 26 7. 7.1 7.2 Cristallisation industrielle à partir de milieux fondus .................. Principes ....................................................................................................... Procédés industriels .................................................................................... — — — 27 27 28 8. Conclusion ................................................................................................. — 30 Pour en savoir plus........................................................................................... J 2 788 - 2 Doc. J 2 789 a cristallisation est une opération unitaire du génie chimique à la fois d’une très grande complexité théorique et d’une importance économique vitale. À l’heure actuelle, 25 à 30 % du chiffre d’affaires de la chimie est réalisé avec des produits obtenus dans des procédés comportant au moins une étape de L Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 1 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ cristallisation ou de précipitation. Ce pourcentage atteint 75 à 80 % pour les procédés de chimie organique fine, principalement utilisés pour la fabrication de principes actifs de l’industrie pharmaceutique ou agrochimique. Les productions obtenues dans les cristallisoirs industriels varient en fonction de la taille de l’installation. Elles peuvent atteindre : — plusieurs centaines de tonnes par jour pour des produits dits de grande commodité tels que l’hydrogénocarbonate de sodium, l’acide adipique ou le sulfate d’ammonium dans des procédés continus ; — quelques dizaines de tonnes par jour en discontinu pour des produits tels que l’acide salicylique, l’aspirine ou le paracétamol ; — voire moins d’une tonne par jour pour des produits à forte valeur ajoutée (composés pharmaceutiques ou agrochimiques par exemple ainsi que certains produits de chimie de spécialité). Les aspects théoriques de la cristallisation ont été développés dans l’article [J 1 500]. Ils sont mis en œuvre dans le présent article pour choisir et dimensionner l’installation adéquate de cristallisation en solution pour un produit, un procédé et une production donnés. Ils permettent aussi, sous certaines conditions, de prévoir la répartition granulométrique des cristaux à la sortie d’un cristallisoir par l’intermédiaire de bilans de populations, dont l’utilisation est développée ci-après (§ 5.2). En fin d’article (§ 7) la cristallisation à partir de milieux fondus, qui a, en particulier en chimie organique, des applications industrielles d’une importance non négligeable (purification du p-xylène, du naphtalène, du dichlorobenzène, etc.) sera présentée avec les procédés industriels utilisés dans ce domaine. 1. Avant-propos nement des appareils concernés devra non seulement prendre en compte les contraintes de transfert thermique mais aussi celles liées à la cristallisation. La cristallisation est une opération de purification de produits minéraux et organiques d’une importance économique considérable. Elle conduit à l’apparition d’une phase solide qu’il faut ensuite séparer, sécher, conditionner, etc. et dont l’aspect physique ne laisse plus l’utilisateur indifférent. L’opération de cristallisation n’est pas toujours destinée à isoler le produit final ; elle intervient également lors de la purification de composés intermédiaires (précipitation de l’hydrogénocarbonate de sodium pour fabriquer le carbonate, précipitation du sulfate de calcium dans les procédés de fabrication d’acide phosphorique, purification de composés intermédiaires dans les procédés de chimie organique fine multiphase par exemple). La cristallisation à partir d’une solution est une opération de purification mais devient de plus en plus une opération reconnue de mise en forme, dans la mesure où le produit obtenu devra être filtrable, séchable, manipulable, ne dégageant pas de poussière. La maîtrise de la distribution des tailles des particules et des formes extérieures des cristaux est à l’heure actuelle un argument commercial dont l’importance se rapproche de celle des critères de pureté à maintenir évidemment à un très haut niveau. L’ensemble de ces problèmes sont traités lors du dimensionnement et de l’exploitation optimale du cristallisoir industriel. Il est donc indispensable de maîtriser l’opération de cristallisation à la fois en ce qui concerne : — les bilans de matière et thermique des cristallisoirs ; — les bilans de population, destinés à prédire la distribution des tailles des particules ; — son intégration dans l’ensemble du procédé, en raison des effets des impuretés sur la forme des particules, qui nécessitent un contrôle de la réaction et des recyclages, en raison également de la très forte influence de la forme et de la taille des cristaux obtenus sur le reste de la chaîne de traitement et de conditionnement du solide (filtration, séchage, manipulation, stockage, ensachage, etc.). De plus, les procédés faisant intervenir une phase solide cristallisée sont extrêmement diversifiés : — la cristallisation à partir de la phase vapeur (désublimation), d’une importance industrielle relativement restreinte en dehors de quelques produits tels la mélamine, l’anhydride phtalique ou encore les chlorures d’aluminium et de zirconium ; — la cristallisation à partir de bains fondus, pour laquelle il convient de distinguer la cristallisation à forts tonnages de produits organiques (voir § 7) et deux applications non abordées dans cet article, à savoir : • la cristallisation des métaux et des alliages, • la cristallisation des produits ultrapurs par fusion de zone (silicium...) , — la cristallisation et la précipitation à partir de solutions sur lesquelles l’essentiel de cet article sera centré ; — la solidification, prise en masse destinée à une mise en forme commercialisable (prilling, écaillage, pastillage...), qui ne sera pas abordée ici, quoique d’une importance industrielle considérable, mais fera l’objet de deux articles [J 3 380] [J 3 382]. Le dimension- J 2 788 − 2 La reconnaissance de la cristallisation comme opération unitaire de génie chimique date du début des années 70 avec le développement des modélisations cinétiques phénoménologiques et des équations de bilan de population [1] [2]. L’évolution des connaissances est constante et les recherches dans le domaine du génie de la cristallisation sont loin d’être achevées. À l’heure actuelle, le développement des procédés de cristallisation passe par une étude de laboratoire poussée dans des appareils représentatifs en ce qui concerne les appareils parfaitement agités qu’ils soient continus, semi-continus ou discontinus et par des essais sur appareils pilotes Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE dès que le cristallisoir est plus complexe (appareils à classification en particulier) ou pour fabriquer des quantités de cristaux suffisantes pour associer au cristallisoir les appareils annexes nécessaires (pompes, séparateurs solide-liquide, séchoirs...). 2. Modes d’obtention de la sursaturation Pour obtenir un produit cristallisé à partir d’une solution, il est nécessaire de créer une sursaturation, c’est-à-dire d’agir physiquement ou chimiquement sur la solution pour que la concentration du soluté dans la solution dépasse la solubilité (ou concentration à saturation). Cela peut être réalisé de différentes manières en fonction de l’allure de la courbe de solubilité : — refroidissement par échange ou par évaporation d’un tiers corps (refroidissement direct) ; — refroidissement par évaporation sous vide (en réinjectant ou non dans l’appareil le solvant vaporisé puis condensé) ; — évaporation isotherme, au cours de laquelle c’est l’augmentation de la concentration qui crée la sursaturation ; — relargage par ajout d’un sel (salting out ) ou d’un tiers solvant ; — réaction chimique entre deux corps solubles pour créer un produit insoluble, auquel cas on parlera de précipitation. La figure 1 montre des courbes de solubilité extrêmement diverses dans l’eau. Ainsi la solubilité du chlorate de potassium est élevée à 100 oC et faible à 20 oC. Il pourra donc être cristallisé avec un bon rendement par simple refroidissement. Par contre, la solubilité du chlorure de sodium est pratiquement indépendante de la température et un simple refroidissement ne permettra pas de le cristalliser avec un bon rendement. Il faudra évaporer de l’eau pour cristalliser le sel. Le choix entre les différents modes de refroidissement dépend de la conduite du cristallisoir, de la durée de l’opération et de son rendement économique. Ces différents modes de génération de la sursaturation sont appliqués aussi bien aux cristallisoirs continus dont les conditions de fonctionnement sont constantes dans le temps (température, pression, sursaturation, concentration du solide...) qu’aux cristallisoirs discontinus (batch ) pour lesquels les paramètres de fonctionnement varient au cours de l’opération. 2.1 Refroidissement direct ou par échange thermique Cette méthode est utilisée lorsque la variation de solubilité avec la température est importante entre la température ambiante et la température de vaporisation du solvant à pression atmosphérique. Pour des raisons économiques, les industriels recherchent généralement un solvant de cristallisation ayant cette propriété, ce qui explique que le refroidissement est très couramment utilisé. La figure 2 montre l’évolution de la concentration du soluté dans la phase liquide lors d’une opération de cristallisation discontinue par refroidissement lorsque l’on n’ensemence pas le cristallisoir. La solution initiale sous-saturée est représentée par le point M, à la température Ti et la concentration C i . Lors du refroidissement, lorsque la limite de zone métastable est atteinte, il se produit une nucléation primaire conduisant à l’apparition de cristaux qui ensuite grossissent. À partir de ce moment-là, le milieu est faiblement sursaturé si le refroidissement est lent. L’arrêt de l’opération s’effectue à T f où quelques minutes d’attente permettent généralement à la concentration finale C f d’atteindre l’équilibre de solubilité C *f . La sursaturation en cours d’opération est la résultante de deux processus jouant en sens inverse, à savoir le refroidissement qui tend à l’augmenter et la croissance des cristaux qui tend à l’abaisser. Si la vitesse de croissance est trop faible pour compenser le refroidissement, la sursaturation augmentera avec risque de nucléation primaire en cours de cristallisation. En continu, dans un cristallisoir parfaitement agité, l’alimentation est représentée par le point M et le point de fonctionnement du cristallisoir a pour coordonnées Tf et ( C *f + ∆C ), où ∆C est la sursaturation dans le cristallisoir, qui est généralement faible, d’autant plus faible que le temps de passage, rapport du volume de l’appareil au débit volumique de soutirage (V /Q ), est plus élevé. Le refroidissement est obtenu à l’aide d’un échangeur thermique constitué le plus généralement par la paroi du cristallisoir, ou par un serpentin servant également de tube de recirculation autour de l’agitateur (voir § 4.2.2) ou à l’aide d’un échangeur sur une boucle de recirculation externe. Ce dernier système doit être évité en raison des risques d’encroûtement des surfaces froides, phénomène fatal en continu et qui nécessite le démontage de l’échangeur externe, coûteux en temps et en main-d’œuvre. La capacité d’échange thermique limitée aux seuls parois et serpentins est souvent trop faible lorsque la productivité demandée est élevée. En effet, la différence de température entre le milieu et la paroi d’échange est limitée en raison des risques d’encroûtement déjà évoqués et la différence de température limite utilisable entre la paroi d’échange et le milieu devra être mesurée au cas par cas dans une cellule adaptée (voir § 6.1.2). Cette limite détermine dans de nombreux cas la productivité de l’appareil et le choix de ce procédé par échange, très simple d’utilisation par ailleurs, par rapport au procédé de refroidissement par évaporation adiabatique sous une pression de plus en plus faible décrit ci-après. 2.2 Refroidissement par évaporation du solvant Cette seconde possibilité, qui consiste à évaporer une partie du solvant sous un vide de plus en plus poussé, provoque une descente de température qu’il s’agit de contrôler. Le solvant évaporé est condensé et peut être réinjecté dans le cristallisoir, auquel cas l’opération est équivalente à une opération par refroidissement par paroi mais sans en présenter les inconvénients liés à l’encrassement des surfaces froides. Il est ainsi possible de conduire un refroidissement plus rapide, donc d’obtenir un gain de productivité. Figure 1 – Courbes de solubilité de divers composés minéraux dans l’eau Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 3 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ Figure 2 – Évolution de la concentration du soluté en phase liquide lors d’une opération de cristallisation discontinue par refroidissement Le solvant condensé peut aussi être soutiré, ce qui se traduit non seulement par un refroidissement mais également par une augmentation de la concentration en solution, donc un gain de rendement sur l’opération. La figure 3 montre l’évolution de la concentration en solution en fonction de la température lors d’une opération de ce type (chemin MNF). Dans certains cas, le refroidissement est assuré par la vaporisation d’un tiers solvant miscible mais plus volatil que le solvant lui-même, voire par la vaporisation d’un fluide thermique insoluble dans le milieu qui se détend dans le cristallisoir, est recomprimé sur une boucle externe pour être détendu à nouveau dans le milieu de cristallisation. Cette technique dite par refroidissement direct utilise pour des cristallisations à partir de phases aqueuses du Fréon ou des hydrocarbures (voir § 4.3.4). Ce mode de refroidissement est utilisé en général lorsque le refroidissement par paroi ne convient pas, en particulier lorsque les phénomènes d’encroûtement sont trop importants pour la productivité souhaitée. Mais d’autres problèmes, liés à la coexistence des trois phases gaz-liquide-solide (moussage) dont nous parlerons plus loin, peuvent également surgir. La méthode est généralement appliquée lorsque les pressions à atteindre ne sont pas trop faibles ( 6 500 Pa soit environ 50 mm Hg). En effet, pour des pressions inférieures, les pompes à anneaux liquides simples ne suffisent plus et l’investissement ainsi que le coût d’exploitation deviennent lourds (éjecteurs à vapeur...). 2.3 Concentration par évaporation Dans ce cas, la solution est concentrée à température constante par évaporation du solvant généralement sous pression réduite. L’évaporation est assurée par apport de chaleur à travers un échangeur thermique placé soit dans l’appareil, soit sur une boucle de recirculation. Ce procédé est utilisé lorsque la solubilité varie peu avec la température (chlorure de sodium, sulfate de sodium anhydre, sucre...) ou lorsque, à froid, la concentration dans la solution résiduelle est trop importante pour une bonne rentabilité de l’installation. Dans un cristallisoir fonctionnant selon ce principe, la concentration en soluté suit le chemin MPS (figure 3). Les installations utilisées, décrites plus loin, sont le plus souvent des appareils continus étagés, à pression de plus en plus faible. Dans ce cas, il est possible de mettre en œuvre le principe de l’évaporateur à multiple effet pour lequel la vapeur produite dans l’étage n sert de fluide caloporteur à l’étage suivant n + 1, ce qui diminue le coût énergétique de l’évaporation qui serait bien trop élevé dans un appareil à simple effet, en particulier pour les solutions aqueuses. J 2 788 − 4 Figure 3 – Évolution de la concentration du soluté en phase liquide lors d’opérations de cristallisation par évaporation 2.4 Relargage par ajout de sels ou de tiers solvant Par relargage, il faut comprendre cristallisation induite par l’addition d’un tiers corps ne provoquant pas de réaction chimique mais seulement une diminution importante de la solubilité. Il s’agit donc d’un processus différent d’une précipitation qui sous-entend presque toujours qu’une réaction chimique est à l’origine de la formation du solide. Ainsi, par exemple, l’addition d’éthanol dans une solution aqueuse de chlorure de sodium provoque sa cristallisation. Cette procédure peut être appliquée à la cristallisation de nombreux composés ioniques par ajout de solvants organiques solubles (éthanol, méthanol, acétone...) dans leur solution aqueuse. De même, l’ajout d’eau dans des solutions organiques de produits organiques peut provoquer la cristallisation de ces derniers (acide salicylique en solution acétonique, vanilline en solution éthanolique...). Ce procédé nécessite le mélange de deux solvants avec deux conséquences qui limitent son intérêt : — l’introduction d’un solvant organique inflammable et polluant dans un milieu aqueux ; — la séparation ultérieure des solvants par une distillation coûteuse. De même, la solubilité d’un corps dissous peut également être modifiée par ajout d’un autre soluté. Ainsi un sel pourra être cristallisé par ajout d’un autre sel agissant sur les activités des ions donc sur le produit ionique qui devient supérieur au produit de solubilité. Les savons peuvent ainsi être relargués par ajout de chlorure de sodium. Ces procédés, en particulier l’ajout d’un tiers solvant, sont largement utilisés en chimie organique de spécialité, ainsi que pour la fabrication de produits pharmaceutiques à haute valeur ajoutée, lorsqu’il n’existe pas d’autre solution. 2.5 Précipitation La cristallisation par réaction chimique entre deux composés solubles pour former un composé insoluble, appelée précipitation, est, elle aussi, très répandue. Ainsi l’hydrogénocarbonate de sodium précipité est obtenu dans le procédé Solvay par réaction entre le chlorure de sodium en solution aqueuse, l’ammoniac et le gaz Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE carbonique. Le perborate de sodium est précipité après réaction de l’eau oxygénée sur une solution de borate ; l’acide salicylique l’est par réaction de l’acide sulfurique sur le salicylate de sodium en solution aqueuse. La sursaturation ainsi obtenue peut être très importante et cela d’autant plus que la solubilité du composé obtenu est plus faible. En particulier au point d’alimentation, la sursaturation peut être suffisamment forte pour que l’on se situe dans la zone de nucléation spontanée (cf. figure 2) au-delà de la limite de zone métastable. Il se produit alors essentiellement une nucléation primaire au point d’alimentation, ce qui se traduit par des cristaux très nombreux et très petits. Le phénomène est très sensible à l’hydrodynamique donc au mélange, de l’échelle macroscopique (macromélange) à l’échelle moléculaire (micromélange), dont il est alors essentiel de se préoccuper pour contrôler la taille des particules. Comme exemples, citons la précipitation des halogénures d’argent pour l’application photographique, la précipitation du sulfate de baryum ou des pigments de peinture, tel l’oxyde de titane. Du point de vue des mécanismes mis en jeu, une précipitation est équivalente à une cristallisation. Ce qui les distingue donc essentiellement, c’est le niveau élevé de la sursaturation avec une vitesse de nucléation énorme qui, lorsqu’elle s’ajoute à une solubilité faible, empêche les cristaux d’atteindre des tailles supérieures à quelques micromètres en général. 3. Place du cristallisoir dans le procédé industriel 3.1 Caractéristiques demandées aux cristaux fabriqués La cristallisation est une opération de purification. Il est donc naturel que les cristaux fabriqués présentent une certaine pureté imposée par l’utilisateur. Le chimiste est d’ailleurs conscient de ce problème alors qu’il l’est souvent beaucoup moins de l’importance de la taille et de la forme des particules, ces paramètres ayant non seulement un impact commercial relatif à l’aspect du produit vendu (dans certains cas), mais aussi et surtout une importance fondamentale vis-à-vis des opérations en aval dans le procédé. Ainsi, une propriété essentielle demandée au produit cristallisé est d’avoir une bonne filtrabilité pour assurer à la fois une séparation satisfaisante et un lavage correct sur un appareil de séparation solide-liquide. La répartition des tailles et la forme des cristaux obtenus spécifient le type d’appareil de séparation solide-liquide à installer (choix entre un filtre ou une essoreuse par exemple). Ensuite, une fois séparé, le produit est séché, stocké, conditionné, tamisé, etc. Il devra donc présenter une taille et une morphologie compatibles avec ces opérations. En particulier, ses propriétés devront lui assurer une coulabilité convenable, c’est-à-dire une bonne aptitude à s’écouler et une manipulation facile à l’état sec. Il lui sera également demandé de ne pas s’agglomérer dans les installations de stockage (mottage), ni d’être trop générateur de poussières pour des problèmes d’hygiène et de sécurité dans les ateliers. La densité apparente de la poudre a bien évidemment également une importance capitale, en particulier à l’ensachage. Il existe à l’heure actuelle des possibilités d’adapter ces propriétés à la demande bien que, dans certains cas, cette démarche reste difficile voire impossible. L’étude du procédé doit donc prendre en compte les aspects granulométriques et morphologiques, à la fois au niveau de l’opération de cristallisation elle-même, mais aussi au niveau des opérations qui la suivent. Il convient en tout cas de considérer la cristallisation comme un procédé à étudier au même titre que la réaction chimique et non comme une opération dont le résultat est fatalement non conforme aux espérances, comme c’est encore trop souvent le cas. 3.2 Interactions des différentes opérations unitaires du procédé La figure 4 montre le schéma classique d’un procédé dans lequel le produit est cristallisé par refroidissement du milieu réactionnel, séparé, lavé, redissous puis recristallisé pour une meilleure pureté et éventuellement pour une amélioration du faciès des cristaux et une augmentation de leur taille. Le liquide séparé après recristallisation sert en partie à la redissolution, en partie au lavage (dans S1) du produit cristallisé après réaction et en partie à compléter (dans R) le solvant de réaction. Ce dernier est constitué lui-même en partie par recyclage à partir du premier étage de séparation. Les interactions de ces différentes étapes du procédé sont énormes puisque, en particulier, les impuretés peuvent avoir une influence sur le faciès des cristaux (voir § 6.2). Un recyclage sans purge conduit à une augmentation de la teneur en impuretés donc à une variation de la qualité chimique et surtout physique des cristaux. Ces variations sont difficilement tolérables puisque non seulement elles conduisent à une variation de la qualité du produit vendu, mais également à des temps de filtration-séchage variables donc à des consignes de fabrication en aval de la cristallisation nécessairement floues et bien souvent inapplicables. Il est absolument nécessaire de fixer les concentrations en impuretés à des valeurs constantes à l’alimentation du cristallisoir pour espérer avoir une qualité des cristaux constante, sans pour autant que cette seule condition soit suffisante. La purge devra être adaptée à cette nécessité. Les essais pilotes effectués pour choisir et dimensionner l’installation le seront obligatoirement dans un milieu contenant les mêmes impuretés aux mêmes concentrations. De plus, le choix du solvant réactionnel peut aussi avoir une influence non négligeable sur la forme des cristaux (voir § 6.2). Il doit donc résulter d’un compromis entre une chimie optimale (souvent privilégiée) et une cristallisation optimale à la fois sur le plan du rendement et de la qualité physique des cristaux, sous peine de subir des pertes importantes dans les purges et dans les lavages sur filtre. Ces considérations qualitatives sont destinées à attirer l’attention sur la nécessité d’une prise en compte complète de la chaîne de traitement du solide lors de l’étude de la réaction chimique sous peine de graves déboires. Chaque problème devra se régler cas par cas. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 5 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ Figure 4 – Schéma de principe d’un atelier à deux cristallisations 4. Technologie et dimensionnement des cristallisoirs 4.1 Introduction Ce paragraphe 4 ne traite que des cristallisoirs produisant des cristaux à partir de solutions. Les appareils spécifiques en particulier au milieu fondu seront décrits plus loin (voir § 7.2). La cristallisation est une opération complexe au cours de laquelle, sous l’influence de la sursaturation, des transferts de matière et de chaleur, des facteurs mécaniques tels que ceux liés à l’agitation ou aux pompes de recirculation extérieure, des phénomènes cinétiques (nucléations, croissance, agglomération, brisure, cf. [J 1 500]) sont en compétition pour assurer la production de cristaux répondant à plusieurs critères : — être purs ; — avoir une granulométrie adaptée et des propriétés d’usage convenables. Le matériel de cristallisation est varié et son choix est dicté par un compromis entre les qualités requises pour le produit (ou du moins les plus importantes), la productivité souhaitée, l’investissement nécessaire et les facilités d’exploitation. Les cristallisoirs pour- J 2 788 − 6 raient être classés selon la méthode d’obtention de la sursaturation qu’ils mettent en œuvre, ce qui conduirait à des redites, nombre d’entre eux pouvant être utilisés pour plusieurs configurations. Nous avons choisi de les présenter selon leur principe de fonctionnement. Les cristallisoirs raclés, très utilisés dans les années 50, le sont beaucoup moins aujourd’hui pour la cristallisation à partir de solutions. De ce fait, nous nous contenterons de conseiller la consultation de l’ouvrage de Bamforth [4] qui les décrit de manière très complète. Les cristallisoirs les plus utilisés sont essentiellement des cuves agitées, en particulier les appareils discontinus. 4.2 Cuves agitées Le lecteur pourra utilement se reporter à l’article [A 5 901] dans ce traité. 4.2.1 Rôles de l’agitation en cristallisation La complexité de la compétition cinétique en jeu dans le cristallisoir fait de l’agitateur l’un des organes clés du contrôle de la répartition granulométrique finale [5] [6]. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE Les fonctions de l’agitation dans le cristallisoir agité sont les suivantes : — maintien des cristaux en suspension homogène ; — transfert thermique ; — transfert de matière vers la particule en cours de croissance ; — contrôle de la nucléation ; — brisure des particules en suspension. Le problème posé par le choix et le dimensionnement de l’agitateur du cristallisoir est complexe puisque, pour un mobile donné, augmenter la vitesse d’agitation augmente certes le degré d’homogénéité de l’appareil ainsi que les transferts de chaleur et de matière, mais également la nucléation secondaire et la brisure, ce qui réduit évidemment la taille finale moyenne des particules et contribue à l’étalement de la distribution granulométrique. Il s’agit donc avant tout de trouver le bon compromis dans chaque cas. 4.2.1.1 Mise en suspension homogène des particules Le maintien des particules en suspension homogène n’est pas spécifique de la cristallisation, mais intervient dans toute opération mettant en contact un solide avec un liquide. Toutefois, en cristallisation, il prend une importance particulière. En effet, dans le cas d’un cristallisoir mal agité, si des cristaux se déposent, la sursaturation ambiante continue à les faire croître et les soude entre eux, et génère un croûtage préjudiciable à l’échange thermique et au soutirage, ce qui nécessite un nettoyage fréquent et difficile. De plus, si une zone haute du cristallisoir ne contient pas de cristaux à cause de la décantation [cela est particulièrement important dans le cas d’un refroidissement par évaporation adiabatique pour lequel la sursaturation est générée très localement au voisinage de la surface (voir § 6.4.1)], cette zone sera fortement sursaturée et propice à une nucléation primaire hétérogène locale qui diminue la taille moyenne des cristaux obtenus et élargit leur distribution de taille. Classiquement, en agitation, la mise en suspension homogène est caractérisée par une vitesse de rotation critique Nc (tr · s–1) de l’agitateur, que l’on calcule, à partir d’une géométrie et d’une suspension données, à partir de la relation suivante : Nc D 0,85 = Cte (1) D (m) étant le diamètre de l’agitateur. Cette corrélation, clairement établie pour des turbines par Zwietering et rapportée par Nagata [6] est admise pour les hélices équipant les cristallisoirs, mais demanderait une vérification expérimentale sur maquette. La constante dépend de la géométrie utilisée et du système solideliquide. Figure 5 – Transfert thermique à travers une paroi d’échange, cas d’un refroidissement — par transfert externe entre la paroi et le fluide thermique, lié à la vitesse d’écoulement du fluide, donc à son débit. Souvent, ce mode de transfert est mal pris en compte, le débit de fluide thermique n’étant pas mesuré. Dans beaucoup de cas, ce transfert externe, caractérisé par un coefficient de transfert thermique externe he , est limitant. Toutefois, dans une opération aussi sensible aux différences de température que la cristallisation, en raison en particulier des phénomènes de blindage (§ 6.1.2), il est nécessaire de dimensionner le circuit de refroidissement de telle matière que le transfert externe ne soit pas limitant. Le flux de chaleur transféré, exprimé en watts (ou improprement en kcal · h–1), s’écrit pour un refroidissement : ΦT 4.2.1.2 Transfert thermique Dans les opérations de cristallisation par refroidissement ou par évaporation isotherme, il est nécessaire d’apporter ou d’enlever de l’énergie thermique par un échange à travers une paroi (paroi de la cuve, serpentin interne). Ce transfert thermique est bien souvent l’élément limitant de la productivité de l’appareil. L’intensité de l’agitation, ayant une influence directe sur le coefficient de transfert thermique, contribue ainsi de manière prépondérante à assurer la productivité envisagée. En réalité, le transfert thermique se fait en trois étapes schématisées sur la figure 5 : — par transfert interne entre la paroi d’échange et le milieu en cours de cristallisation, caractérisé par un coefficient de transfert thermique interne h i influencé par l’agitation ; — par conduction à travers la paroi, caractérisée par le coefficient de transfert thermique équivalent λ P /e avec λ P conductivité thermique de la paroi et e son épaisseur. Cette conductivité est non limitante si la paroi est conductrice (cas des métaux) et peu épaisse. Dans le cas de matériaux comme l’acier émaillé ou recouvert de polyamide, d’ébonite ou encore de PTFE, elle peut devenir limitante, auquel cas l’agitateur est impuissant à augmenter les performances de l’appareil ; = h i S ( T M – T Pi ) λP = ------ S ( T Pi – T Pe ) e (2) = h e S ( T Pe – T F ) = HS ( T M – T F ) avec où H S TM , TPi , TPe , TF 1/H = (1/hi) + (e/ λP) + (1/he) (3) est le coefficient d’échange global équivalent (en W · m–2 · K–1), la surface d’échange (en m2), respectivement les températures caractéristiques définies sur la figure 5. Le coefficient interne h i est lié à l’agitation par l’intermédiaire de corrélations du type : Nu = A Re a Pr b (4) avec généralement a ≈ 2/3 et b ≈ 1/3 . ■ Nu est le nombre de Nüsselt et s’exprime par h i De / λ où De(m) est une dimension caractéristique de l’échangeur (diamètre de la cuve pour un échange par la paroi par exemple) λ (W · m–1 · K–1) la conductivité thermique de la suspension ; Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 7 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ ■ Re est le nombre de Reynolds d’agitation et s’écrit ρ N D 2 / µ où N (tr/s) est la vitesse de rotation de l’agitateur, D (m) son diamètre, Il suffira généralement, sauf en précipitation, d’assurer la mise en suspension homogène des cristaux pour ne pas avoir de mauvaises surprises lors de l’extrapolation. ρ (kg · m–3) la masse volumique de la suspension, µ (Pa · s) sa viscosité dynamique ; ■ Pr est le nombre de Prandtl et s’exprime par Cp µ/λ, C p étant la capacité thermique massique de la suspension (en J · kg–1 · K–1). ■ Le coefficient A dépend de l’agitateur et de la géométrie d’ensemble du système. L’expérience montre que, lorsque (TM – TPi) dépasse une certaine valeur critique (0,5 à 8 oC pour les suspensions courantes, à mesurer cas par cas par la méthode décrite § 6.1.2), dans le cas d’un refroidissement, la paroi se couvre d’une couche cristalline, ce qui ajoute une résistance supplémentaire élevée au transfert thermique, abaissant la productivité de l’appareil et entraînant un encrassement plus ou moins prononcé du cristallisoir. Ce phénomène est appelé blindage ou encroûtement. 4.2.1.3 Transfert de matière vers le cristal La vitesse de croissance des cristaux est souvent limitée par le transfert de matière du soluté de la solution vers le cristal (cf. article [J 1 500]). L’augmentation de la vitesse d’agitation améliore ce transfert de matière ainsi que le montrent les corrélations utilisées pour calculer les coefficients de transfert de matière k D (m · s–1), en particulier celle de Levins et Glastonbury : Sh = 2,0 + 0,47 (L4/3 ε 1/3 / ν )0,62 (D /DC)0,17 Sc 0,36 avec (5) Sh nombre de Sherwood (Sh = kD L / ), L (m) ε (W· kg–1) taille caractéristique de la particule, puissance d’agitation par unité de masse de suspension, viscosité cinématique de la suspension, diamètre de l’agitateur, diamètre de la cuve, ν (m2 · s–1) D (m) DC (m) (m2 · s–1) coefficient de diffusion moléculaire du soluté, Sc = ν / nombre de Schmidt. Le dimensionnement des agitateurs des cristallisoirs doit donc prendre en compte des phénomènes au niveau de la particule. Les essais de laboratoire à transposer à l’échelle industrielle doivent être effectués en connaissance de cause, avec des mobiles et des géométries homothétiques des configurations industrielles. 4.2.1.4 Degré d’homogénéité de la cuve Le degré d’homogénéité d’une suspension agitée peut être caractérisé à l’échelle macroscopique, puis à l’échelle microscopique [8]. À l’échelle macroscopique, les paramètres mesurés permettant de quantifier ce phénomène sont différents selon que l’on travaille en continu ou en discontinu. ■ Le temps de mélange macroscopique dans un appareil discontinu est mesuré par injection d’un traceur et suivi du retour à l’équilibre de la cuve (traceur salin avec suivi conductimétrique, traceur thermique, coloration ou décoloration). Ce temps de mélange est inversement proportionnel à la vitesse d’agitation dans la plupart des cas et sera donc toujours plus long dans le cristallisoir industriel qu’au laboratoire puisque la vitesse d’agitation décroît lorsque la taille de l’appareil augmente lors des procédures classiques d’extrapolation. J 2 788 − 8 ■ En continu ou en semi-continu, le problème se complique en raison de l’introduction d’un débit d’alimentation de composition et de température très différentes de celles du milieu. De plus, le soutirage en continu devra avoir la même composition que le milieu pour éviter les accumulations de cristaux dans l’appareil. On utilise les techniques de mesure des distributions des temps de séjour [8], pour caractériser l’état de mélange macroscopique et le cristallisoir est modélisé suivant les méthodes du génie de la réaction chimique par zones, chacune d’entre elles ayant ses cinétiques, sa composition et sa température propres [9] [10]. De plus sont à prendre en compte les phénomènes de micromélange, c’est-à-dire de mélange à l’échelle moléculaire. Les vitesses de cristallisation, en particulier de nucléation, étant fortement dépendantes des gradients de concentration [11], peuvent en effet en dépendre. Les précipitations y sont particulièrement sensibles en raison de fortes sursaturations locales. Là encore, ces phénomènes doivent être étudiés au laboratoire en testant l’influence de la vitesse d’agitation, du type de mobile et de la position du point d’injection des solutions réactives sur la distribution granulométrique finale. Il s’agit là d’un problème difficile qui n’a pas de solution générale à l’heure actuelle et qui devra être soigneusement étudié cas par cas. 4.2.1.5 Nucléation, agglomération et brisure des particules Les influences de l’agitation sur les phénomènes cinétiques conduisant à une taille finale donnée sont souvent antagonistes : — en favorisant le transfert de matière, l’agitation a pour effet d’augmenter la vitesse de croissance des cristaux si celle-ci n’est pas limitée par un mécanisme d’intégration du soluté sur le cristal (cf. article [J 1 500]) ; — en ce qui concerne la nucléation, l’augmentation de la vitesse d’agitation augmente la vitesse de nucléation secondaire J2 (m–3 · s–1), nombre de germes nés par unité de temps et de volume par nucléation secondaire, donnée par la relation : J2 = kJ σ i M T a ε b (6) σ sursaturation relative (C – C*)/C*, où C et C* sont respectivement la concentration réelle du soluté en solution et la concentration du soluté en équilibre, –3 M T (kg · m ) concentration du solide dans la suspension, –1 ε (W · kg ) puissance dissipée par l’agitateur par unité de masse de suspension, i, a, b constantes, où a est généralement compris entre 1 et 2, b est généralement compris entre 0 et 1, constante de vitesse. kJ L’augmentation de ε conduit ainsi à un nombre de particules plus important, donc à une taille finale moyenne plus faible. L’augmentation correspondante de la vitesse d’agitation augmente la brisure des particules, surtout celle des particules organiques de formes non compactes (aiguilles, plaquettes, bâtonnets) et diminue ainsi la taille moyenne de la poudre finale. avec L’influence de ε sur l’agglomération est plus complexe. En effet, l’augmentation de la vitesse d’agitation augmente le nombre de chocs entre particules, nécessaires pour démarrer le processus, mais une agitation trop violente ne permet pas un contact suffisamment long pour permettre le collage des particules entre elles [12]. L’ensemble de ces considérations montre que l’agitation a un rôle privilégié dans le cristallisoir et que le choix et le dimensionnement des mobiles sont suffisamment complexes pour être traités avec sérieux et compétence. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE 4.2.2 Géométries et dimensionnement des cristallisoirs agités Les géométries utilisées sont relativement peu différentes selon que l’appareil fonctionne par refroidissement par paroi ou par évaporation adiabatique ou encore par concentration par évaporation, que ce soit en continu ou en discontinu. 4.2.2.1 Types d’agitateurs utilisés Les agitateurs sont communément classés en turbines et en hélices selon l’écoulement qu’ils génèrent dans la cuve [13]. Ainsi les turbines, dont la plus connue est celle de Rushton (figure 6a ), provoquent un écoulement radial avec une zone de turbulence très intense au refoulement des pales, propice à un cisaillement du fluide très important. Ces agitateurs ne sont utilisés en cristallisation que dans de très rares cas de précipitations pour lesquelles les particules à fabriquer doivent être très fines. Dans les autres cas, ce fort cisaillement provoque nucléation et brisure qui vont à l’encontre des tailles élevées espérées. Les hélices provoquent un écoulement axial avec un cisaillement faible lorsqu’elles tournent lentement. La plus populaire d’entre elles est l’hélice marine (figure 6b ), de moins en moins utilisée dans les cristallisoirs au profit des hélices à pales profilées, plus efficaces en circulation (transfert de chaleur augmenté, suspension plus homogène) et moins cisaillantes donc plus favorables à une taille finale des particules élevée. Elles sont construites avec de grands diamètres (rapport de leur diamètre au diamètre de cuve compris entre 0,5 et 0,6) et elles tournent lentement (vitesse en bout de pale π ND limitée à 4 à 5 m · s–1 généralement). Ces hélices, dont les nombres de puissance et de débit sont proches de 1, sont fabriquées en particulier par Mixel (type TT par exemple sur la figure 6c ), par PMS (type CMB), par Robin Industries, etc. Le lecteur pourra se reporter, dans ce traité, aux articles [J 3 800] [J 3 802] [A 5 901]. Dans les cristallisoirs plus anciens, l’ancre (figure 6d ) était relativement répandue. Or ce mobile provoque un mouvement essentiellement tangentiel, avec un échange vertical très faible [14]. Il en découle une homogénéité de la cuve très réduite avec une décantation interne des particules. C’est donc un agitateur à éviter en cristallisation, de même, si possible, que les mobiles classiques en acier émaillé (impeller, ancre). Il ressort de l’analyse précédente que l’agitateur à notre avis le plus universel, donc celui qui est à standardiser si nécessaire, est l’hélice à pales profilées. Nous verrons dans ce qui suit que ces hélices sont utilisées selon les cas avec ou sans puits de recirculation interne et qu’il est nécessaire d’installer des contre-pales sur les parois, soit de l’appareil, soit du tube de recirculation. 4.2.2.2 Cas du refroidissement par parois La figure 7a donne une configuration classique de cristallisoir utilisable en continu ou en discontinu. L’échange thermique est habituellement effectué à travers les parois de l’appareil. Le refroidissement par recirculation et passage dans un échangeur à l’extérieur de l’appareil est à éviter en raison de l’encroûtement des parois froides et donc des risques de bouchage complet des échangeurs. Figure 7 – Schémas de principe de deux cristallisoirs agités refroidis par échange thermique Figure 6 – Différents types d’agitateurs Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 9 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ La figure 7b indique une possibilité d’augmenter la surface d’échange en utilisant un tube de recirculation à double enveloppe autour de l’agitateur. Les serpentins sont moins intéressants que cette dernière configuration car ils favorisent les dépôts entre tubes, ces dépôts étant soudés par la sursaturation ambiante et conduisant à l’encrassement complet de la surface du serpentin. 4.2.2.3 Cas de l’évaporation adiabatique Dans ce cas, il est primordial d’avoir une excellente agitation car l’homogénéisation des particules en suspension est indispensable. En effet, un rapide calcul de statique des fluides montre que si la surface est en cours d’ébullition, la pression statique augmente lorsque l’on descend dans la cuve et que cette évaporation est ainsi très localisée (jusqu’à environ 50 cm de la surface). La sursaturation est donc créée à la surface, ce qui nécessite la présence de cristaux dans cette zone pour éviter les nucléations primaires hétérogènes locales. La figure 8 montre un cristallisoir continu à évaporation adiabatique. Il est nécessaire d’installer sur ces appareils des rampes de lavage sur toutes les parties traversant la surface liquide (paroi, arbre d’agitation, sondes de mesure) car l’accrochage au niveau de la surface où la sursaturation est maximale en cours d’ébullition est très intense. Le cristallisoir continu à évaporation adiabatique à alimentation par le fond est le seul exemple pour lequel l’hélice est orientée de manière à aspirer vers le haut au centre de la cuve. Dans les autres cas, elle souffle vers le bas. L’alimentation située au fond du cristallisoir est constituée de solution chaude et peut conduire à une ébullition locale au point d’injection. Ce phénomène conduit à de forts brassages locaux avec d’éventuels entraînements vers la surface et les condenseurs, ainsi qu’à des nucléations locales générant des particules très fines et des phénomènes de moussage. La hauteur de l’appareil est alors dimensionnée de manière à éviter ces ébullitions locales et donc à avoir au point d’alimentation une pression statique suffisante, supérieure à la pression de vapeur de la solution à la température d’alimentation. La différence de niveau H minimale entre la surface du cristallisoir et le point d’injection est donnée par : H = (Pvap – Pcrist) / ρ g (7) avec Pvap (Pa) pression de vapeur saturante de la solution alimentée, Pcrist (Pa) pression de fonctionnement du cristallisoir, ρ (kg · m–3) masse volumique de la suspension, g (m · s–2) accélération due à la pesanteur. Cette condition, ajoutée à la condition D C < H < 1,2 D C (où DC est le diamètre de la cuve), impose en général le volume du cristallisoir. Une hauteur H trop importante nécessite de passer à plusieurs appareils en série ou à un appareil différent à jambe barométrique décrit dans ce qui suit (§ 4.3.2 et 4.3.3). En discontinu, la géométrie avec ou sans puits donnée sur la figure 7 est utilisable. La vitesse des vapeurs dans la tête d’évaporation est généralement maintenue au-dessous de 1m /s pour éviter les entraînements vésiculaires. 4.2.2.4 Cas de l’évaporation L’appareil parfaitement agité simple est à éviter dans ce cas au profit d’un système plus approprié (DTB, Oslo, etc.) décrit dans le paragraphe 4.3. Il est, de plus, peu aisé de procéder par évaporation isotherme en discontinu, car la variation du volume réactionnel liée à l’évaporation rend l’agitation très difficile. Les industries sucrières qui sont confrontées à ce problème ont imaginé des cristallisoirs particuliers agités par des hélices et comportant des serpentins entourant l’agitateur, au fond de la cuve et servant de tube de recirculation sur une très faible hauteur. Enfin, dans certains cas, il convient d’utiliser un mode d’alimentation semi-continu, le débit massique d’alimentation étant maintenu égal au débit massique évaporé, de manière à conserver environ constant le niveau de suspension dans l’appareil. Ce procédé doit permettre de remplacer le relargage du matériau à cristalliser par ajout d’un tiers solvant. Imaginons par exemple de la vanilline cristallisée à partir d’une solution éthanolique par ajout d’eau. Ce procédé permet de récupérer la vanilline avec un excellent rendement, mais pose des problèmes de séparation des solvants résiduels par distillation. Il sera alors plus judicieux de travailler avec la solution éthanolique sous vide dans un procédé isotherme tel celui représenté sur la figure 9. 4.3 Cristallisoirs particuliers 4.3.1 Association de cristallisoirs agités en série Figure 8 – Cristallisoir agité continu refroidi par évaporation du solvant J 2 788 − 10 Dans le cas de cristallisoirs continus par refroidissement, avec des tonnages élevés et nécessitant un abaissement de température important, un seul cristallisoir parfaitement agité continu est généralement insuffisant. Il convient alors d’associer, en série, plusieurs de ces appareils, le plus généralement de volumes égaux et de construction identique. Le refroidissement se fait progressivement d’un appareil à l’autre, la température appareil par appareil étant optimisée pour : — une production optimale ; — une taille et une forme des cristaux convenables ; Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE Figure 10 – Cristallisoir horizontal étagé (Standard Messo, Mannesmann AG) Figure 9 – Schéma de principe d’une installation de cristallisation comportant un cristallisoir discontinu fonctionnant par évaporation isotherme avec alimentation de solution — un étagement correct des pressions appareil par appareil dans le cas du refroidissement par évaporation adiabatique. On devra, en effet, s’assurer que, pour chacun des cristallisoirs, le point d’injection est à une pression statique suffisante pour qu’il n’y ait pas d’évaporation en ce point. Le principal problème de ces associations de cristallisoirs vient du transfert de la bouillie d’un appareil à l’autre, qui nécessite des tuyauteries faisant un angle de plus de 30o avec l’horizontale, des pompes à écoulement axial pour éviter la brisure des cristaux et des tuyauteries à double enveloppe légèrement surchauffées par rapport au cristallisoir amont pour éviter les dépôts et blindages. Dans le cas du passage d’un cristallisoir à l’autre par écoulement gravitaire, l’utilisation de vannes tout ou rien à passage total, installées sur des parties de tuyauteries verticales, est recommandée. Cette solution n’est pas réaliste si le nombre d’appareils en série doit dépasser 4 à 5. Dans ce cas, le cristallisoir horizontal multi-étagé de Standard Messo (commercialisé par Mannesmann AG) est mieux adapté (figure 10). Il s’agit en fait d’un long cylindre partagé en secteurs égaux (de 6 à 12) agités. La pression diminue d’un étage à l’autre, ainsi évidemment que la température. Le transfert de la bouillie s’effectue par effet siphon. Ces cristallisoirs, en raison de leur forte productivité, sont utilisés pour des produits de gros tonnage (FeSO4 , Na2SO4 , acide adipique, etc.). Des productions jusqu’à 30 à 40 t/h avec des tailles de cristaux élevées (400 à 800 µm) sont possibles, dans des appareils de plus de 100 m3. Ces appareils posent toutefois quelques problèmes, en particulier : — d’encrassement, à savoir blindage sur les parois de séparation inter-étages, ou encore dépôts dans les tuyauteries de transfert de bouillie ; — de régulation des pressions étage par étage, les étages n’étant pas reliés individuellement à leur propre système de vide pour des raisons évidentes de coût. La régulation se fait par des vannes ou des diaphragmes, l’ensemble des étages étant relié au même système d’éjecteurs à vapeur. Sur le plan théorique, si le nombre d’étages est grand, cette configuration permet d’obtenir pour de gros tonnages un produit équivalent à celui obtenu en discontinu (granulométrie plus resserrée, cristaux chimiquement plus purs qu’avec un seul étage). 4.3.2 Cristallisoir évaporateur agité à classification de type DTB La répartition granulométrique d’un produit à la sortie d’un cristallisoir parfaitement agité continu est relativement dispersée comme nous le verrons plus loin (§ 5.2.6). Dans certains cas, il importe de resserrer cette répartition pour des tonnages élevés Figure 11 – Cristallisoir évaporateur DTB de Swenson (supérieurs à 15 000 t/an) pour lesquels un cristallisoir continu agité est bien adapté et facile à exploiter. Il est alors possible d’utiliser un cristallisoir évaporateur agité à classification des fines particules. Plusieurs types de ces appareils sont proposés par les fabricants, en particulier le cristallisoir DTB de Swenson (figure 11). Le cœur du cristallisoir est parfaitement agité, comme l’appareil représenté sur la figure 8. Une zone de décantation annulaire externe permet de soutirer un débit connu de suspension, imposant ainsi une vitesse Um de remontée dans la zone annulaire. Les grosses particules dont la vitesse de sédimentation est supérieure à Um ne sont pas entraînées et restent dans le cristallisoir où elles continuent à grossir. Les petites particules sont entraînées et passent dans un échangeur thermique élevant la température de ce flux de 2 à 3 oC. Les fines particules sont alors dissoutes et le liquide retournant au cristallisoir, mélangé à l’alimentation, est exempt de particules solides. Par cette méthode, les fines particules sont donc éliminées du cristallisoir. Il convient toutefois de ne pas en éliminer trop car le fait de viser une taille trop élevée réduit évidemment, à concentration massique de solide constante, le nombre de particules par unité de volume de cristallisoir. De ce fait, la matière consommée pour la croissance diminue et la sursaturation dans l’appareil augmente. Il peut en résulter une nucléation primaire hétérogène importante et un comportement cyclique de l’appareil, avec une taille moyenne Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 11 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ des cristaux faible après nucléation primaire, puis qui augmente avec l’élimination des particules fines par classification-redissolution, jusqu’à apparition d’une nouvelle vague de nucléus. Le dimensionnement de ces appareils et la définition de leurs conditions d’exploitation nécessitent donc un pilotage dans un appareil pilote similaire et sur des durées assez longues en raison de leur fonctionnement complexe et pour être sûr d’avoir atteint le régime permanent de fonctionnement. L’appareil pilote aura une taille suffisante de l’ordre de 200 L. D’autres fabricants en proposent des variantes avec des spécificités propres à chaque appareil. Ainsi le cristallisoir DP de Tsukishima commercialisé en Europe par Escher Wyss (figure 12a ) a comme particularité une hélice double flux, qui fait monter la suspension dans le tube de recirculation et la fait redescendre à l’extérieur, ce qui accroît de manière sensible l’efficacité de l’agitation. Le cristallisoir Turbulence (Mannesmann AG) de Messo (figure 12b ) utilise un écoulement secondaire qui permet de maintenir les cristaux dans une zone fluidisée en partie basse de la zone annulaire. Les cristaux qui y séjournent grossissent alors de manière homogène tout en épuisant la sursaturation du flux soutiré avec les particules fines vers la redissolution. Les cristaux fragiles peuvent ainsi croître sans passer par l’agitateur et la granulométrie du produit est resserrée par cette classification interne. Pour tous ces appareils, l’alimentation est effectuée dans la boucle de recirculation, généralement au point le plus bas juste avant la pompe de recirculation. Il est donc aisé de positionner ce point suffisamment bas pour que la pression statique qui y règne soit suffisante pour éviter une vaporisation flash à l’alimentation. Le soutirage de la suspension se fait au bas de l’appareil. Si une taille de cristaux importante est requise, il est parfois intéressant d’effectuer ce prélèvement à travers une jambe d’élutriation (C sur la figure 11). Ces cristallisoirs sont adaptés au refroidissement adiabatique sous vide avec redissolution externe des particules fines. Le débit de recirculation externe n’a aucune influence sur l’agitation de l’appareil et peut être faible. Il est donc aisé d’élever la température de 2 à 3 oC pour favoriser la redissolution sans surcharger thermiquement l’installation. 4.3.3 Cristallisoirs à lit fluidisé Le cristallisoir de type Oslo ou Krystal est le modèle le plus ancien de cristallisoir à lit fluidisé continu (figure 13). Une recirculation externe réalisée par un circulateur ou une pompe peu brisante (à roue ouverte ou à vortex) permet de générer un lit fluidisé dans la partie basse de l’appareil. Les particules croissent alors de manière homogène dans le lit, les fines étant quant à elles recirculées, éventuellement redissoutes lors du passage dans un échangeur, ou réalimentées dans la zone d’évaporation jusqu’à ce qu’elles atteignent une taille suffisante. Le débit de recirculation est bien plus élevé que pour les appareils DTB puisqu’il assure également l’agitation de l’appareil de manière à éviter les bouchages liés à des dépôts en partie basse du cristallisoir. Il peut être suffisamment élevé pour que le cristallisoir ne fonctionne plus en classification des fines et que la suspension recirculée ait la même composition que dans la cuve. On parle alors de cristallisoir à recirculation de magma et l’appareil peut être considéré comme un appareil parfaitement agité. L’alimentation est assurée dans le circuit de recirculation en amont du circulateur. L’évaporation se fait généralement sous vide contrôlé dans la partie haute de l’appareil. La construction de ces cristallisoirs peut être compacte comme pour ceux de la figure 13, mais la tête d’évaporation peut également être surélevée, ce qui permet de générer une pression statique en pied de cristallisoir suffisante pour éviter tout problème de flash à l’alimentation. Une pression suffisante en pied de cristallisoir permet aussi un prélèvement de la suspension par écoulement gravitaire, évitant ainsi l’utilisation d’une pompe de prélèvement. Ces appareils sont parfaitement adaptés à la cristallisation de produits minéraux refroidis par évaporation ou concentrés par évaporation isotherme (courbe de solubilité plate). Il est, dans ce cas, en effet aisé de générer un lit fluidisé en n’augmentant pas trop le diamètre de l’appareil en raison de la forte différence de masse volumique entre les cristaux et la solution. Figure 12 – Autres types de cristallisoirs à classification J 2 788 − 12 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE 4.3.4 Quelques systèmes d’utilisation moins courante 4.3.4.1 Cristallisoir à circulation forcée Ce cristallisoir représenté par la figure 14 est en fait une version simplifiée du système Oslo, la zone fluidisée n’existant pas. Il est très utilisé industriellement [2] [4] [17] [18] [19] pour la cristallisation de produits minéraux. La recirculation assurée par un circulateur provoque l’agitation du cristallisoir et permet de fournir une quantité importante de chaleur par l’échangeur, ce qui rend l’appareil bien adapté pour les évaporations dans le cas de courbes de solubilité plates. Il s’agit d’un cristallisoir parfaitement agité continu avec une zone de brisure importante lors du passage dans le circulateur, si les cristaux sont fragiles. Il est donc encore peu ou pas adapté à la cristallisation de cristaux organiques fragiles. Il est également à déconseiller pour les cristallisations par refroidissement en raison du risque d’encrassement des tuyauteries et des échangeurs, difficiles à nettoyer. 4.3.4.2 Cristallisoir à échangeur interne Figure 13 – Cristallisoir compact à lit fluidisé continu à recirculation externe type Oslo ou Krystal Le principe de ce cristallisoir par évaporation Swenson est décrit sur la figure 15. Il possède des faisceaux tubulaires verticaux et la circulation générant l’agitation est assurée soit par convection naturelle (thermosiphon) soit par un agitateur. Ce type d’appareil est très utilisé dans sa version discontinue dans l’industrie du sucre, avec, dans ce cas, un échangeur placé plus bas dans la cuve. 4.3.4.3 Cristallisoir à refroidissement par contact direct Leur mise en œuvre pour la cristallisation des produits organiques, pour lesquels cette différence de densité est bien plus faible, est plus difficile : la nécessité d’un débit de circulation important pour assurer l’agitation de l’appareil se traduit par une recirculation importante des cristaux qui, bien plus fragiles que les cristaux minéraux, se brisent dans le circulateur. Dans ce cas, le cristallisoir à lit fluidisé se transforme rapidement en un cristallisoir parfaitement agité avec un fort taux de brisure, ce qui est évidemment à l’inverse du résultat escompté, à savoir des cristaux de taille élevée à granulométrie resserrée. De manière tout à fait générale, il convient d’éviter les cristallisoirs à recirculation externe pour les produits organiques car, sauf exception, tout circulateur les brisera de manière non négligeable, en tout cas bien plus qu’un agitateur bien dimensionné. Si l’on veut opérer une classification des fines sur ces produits, il faut se tourner vers les appareils DTB pour lesquels les fonctions agitation et classification sont indépendantes. Le cristallisoir Oslo est particulièrement bien adapté à l’évaporation isotherme puisque le débit élevé à travers l’échangeur permet un transfert thermique très important, donc une évaporation rapide. De plus, la dimension de la tête d’évaporation peut être adaptée car sa construction est indépendante du corps du cristallisoir. De ce fait, le débit de vapeur peut être très élevé. Dans le système Oslo représenté sur la figure 13a, le flux de recirculation est alimenté directement au niveau de la surface d’évaporation, ce qui dans certains cas (NaCl, KCl...) entraîne un encroûtement important de la paroi de la tête d’évaporation. Les croûtes formées peuvent se détacher puis obstruer le tube de recirculation interne. Ces inconvénients ont pu être évités ou retardés dans la configuration de la figure 13b dans laquelle le flux de recirculation réchauffé traverse la partie conique de l’évaporateur avant d’atteindre la surface d’évaporation. Pour NaCl, cette modification a permis d’augmenter la durée de fonctionnement sans nettoyage de 3 jours à plusieurs semaines [16]. Il s’agit d’un cristallisoir continu à refroidissement sans paroi d’échange. Le refroidissement de la solution à cristalliser s’effectue soit : — par injection d’un liquide non miscible moins dense que la solution, séparé par décantation et hydrocyclonage et refroidi par une boucle externe (système utilisé par Cerny [20] pour la production de nitrate de calcium tétrahydrate par circulation de pétrole ; figure 16 ; — de manière plus avantageuse, par la chaleur sensible et l’enthalpie de vaporisation d’un liquide miscible ou non. Il est ainsi possible d’utiliser la chaleur latente de vaporisation d’un fluide frigorigène non inflammable comme les Fréon ou les Forane, ou encore celle d’un alcane léger type butane. La vaporisation du fluide auxiliaire permet d’envisager une agitation très efficace tout simplement par gas lift (entraînement du liquide par le gaz par effet de densité). La vapeur est reprise par une boucle de circulation et recondensée par refroidissement et/ou par compression mécanique. Ce système permet un refroidissement très efficace sur le plan énergétique tout en évitant les encrassements sur les parois d’échange. Il faut par contre éviter les pertes de fluide frigorigène par solubilité ou fuite, qui entraîneraient des coûts d’exploitation prohibitifs. C’est un procédé très performant pour refroidir des solutions aqueuses, surtout lorsque la température de fonctionnement est trop basse pour permettre l’évaporation du solvant lui-même dans de bonnes conditions économiques (pour des pressions de vaporisation inférieures à 6 500 Pa (soit environ 50 mm Hg) entraînant des montages complexes et coûteux d’éjecteurs à vapeur, par exemple). Il est également utilisé pour la cristallisation continue de milieux fondus (p-xylène...). 4.3.4.4 Appareils particuliers Un certain nombre d’appareils existent pour des utilisations spécifiques. Nous citerons par exemple le cristallisoir réacteur Krystal dont le principe est décrit sur la figure 17. Il s’agit d’une installation destinée à la précipitation de composés pas trop insolubles. Les réactifs sont introduits directement dans l’agitateur et donc mélangés le mieux possible et le plus rapidement possible. La sursaturation ainsi créée fait croître les cristaux dans un lit fluidisé. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 13 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ Figure 14 – Cristallisoir à circulation externe forcée Figure 16 – Cristallisoir à refroidissement par contact direct, modèle Cerny Figure 15 – Cristallisoir à faisceau tubulaire d’échange interne Dans le cas de précipitations de composés très insolubles, tels que sulfate de baryum, halogénures d’argent ou hydroxydes métalliques, les effets locaux prendraient le pas et se traduiraient par une nucléation primaire, la croissance et la sédimentation des particules obtenues étant alors faibles. Les appareils à auge raclée de type Swenson-Walker ou Gouda ou encore les cristallisoirs à tubes raclés Votator et Armstrong [4], très utilisés autrefois, sont à l’heure actuelle tombés en disgrâce pour la cristallisation en solution en raison de leur faible efficacité et des encrassements importants nécessitant des arrêts fréquents pour nettoyage. 4.3.4.5 Cristallisoir multi-étagé à multiple effet Dans le cas d’une cristallisation par évaporation d’une solution aqueuse, l’utilisation d’une tonne de vapeur pour évaporer une tonne d’eau représente une solution économiquement peu rentable. La mise en série de cristallisoirs sous vide progressif, ainsi que le montre la figure 18 dans le cas du dessalement de l’eau de mer, permet d’utiliser comme fluide chauffant à chaque étage la vapeur produite à l’étage précédent. J 2 788 − 14 Figure 17 – Cristallisoir réacteur Krystal La tonne de vapeur introduite au premier étage est donc en quelque sorte utilisée plusieurs fois. En première approximation, il est admis que le débit massique de vapeur Q m vap pour évaporer un débit massique Qm eau dans un multiple effet à n étages identiques est donné en première approximation par : Q m vap = 1,25 Q m eau /n (8) Les cristallisoirs utilisés sont du type parfaitement agité, ou mieux de type Oslo. Il reste alors à faire le bilan économique entre l’investissement et le coût de vapeur sur un procédé donné. De manière générale, travailler sous vide dans un cristallisoir évaporateur réduit le niveau thermique de la vapeur utile et permet ainsi de valoriser de l’énergie de bas niveau thermique. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE ■ L’influence de la courbe de solubilité sur le choix du procédé a déjà été évoquée (voir § 1 et figure 1). Une variation de solubilité importante en fonction de la température avec une solubilité faible à température ambiante conduit à préférer un procédé par refroidissement. Il s’agit de la solution consommant le moins d’énergie puisque faisant intervenir uniquement la chaleur sensible du milieu. Ce refroidissement peut être effectué par échange sur une paroi, procédure la plus simple à mettre en œuvre mais qui peut être peu productive en cas de blindage de la paroi. Il peut aussi être effectué par mise sous vide progressif à condition que le solvant ou un cosolvant soit suffisamment volatil. Ce procédé est très productif mais nécessite des systèmes complexes de régulation du profil de température en discontinu [36]. Par contre, en continu, ces difficultés n’existent pas. Figure 18 – Cristallisoir étagé par évaporation à multiple effet 4.4 Critères de choix du cristallisoir 4.4.1 Choix du procédé de cristallisation Le choix du procédé de cristallisation est essentiellement dicté par : — le tonnage souhaité, qui conditionne en grande partie le choix d’un fonctionnement continu ou discontinu ; — la courbe de solubilité dont l’une des conséquences est le choix du mode de génération de la sursaturation (refroidissement ou évaporation, éventuellement précipitation), mais également l’ensemble des opérations de recyclage et de traitement de récupération ; — l’importance de l’encrassement des parois d’échange, pouvant conduire à préférer un refroidissement par évaporation à un refroidissement par paroi d’échange ; — les qualités souhaitées pour les cristaux, qui orienteront le choix du procédé mais également celui du type de cristallisoir à mettre en œuvre ; — l’investissement nécessaire et éventuellement les problèmes de sécurité, si les produits sont toxiques ou si le solvant est non aqueux et éventuellement inflammable. Nous ne pourrons donner ici que quelques idées générales, chaque cas restant un cas d’espèce car les modèles prédictifs sont à peu près inexistants pour la cristallisation. ■ Ainsi des productions inférieures à 10 t par jour ne paraissent pas adaptées à des opérations continues car la petite taille des installations est un facteur de mauvais fonctionnement des cristallisoirs continus (problèmes de bouchages, d’encrassement, de sédimentation des cristaux dans les tuyauteries, etc.). Il vaut mieux mettre en œuvre dans ce cas des opérations discontinues programmées, certes plus difficiles à maîtriser et nécessitant plus de personnel. Il en résulte par contre une plus grande souplesse d’exploitation car l’installation continue nécessite à chaque arrêt un nettoyage complet pour éviter les dépôts par sédimentation qui entraîneraient inévitablement des bouchages. Les arrêts sont donc à proscrire et un fonctionnement à temps plein sur de longues périodes est indispensable pour la rentabilité d’un tel procédé continu. Signalons toutefois qu’en raison d’autres considérations certains procédés fonctionnent en continu à moins de 10 t par jour et que d’autres, au contraire, fonctionnent en discontinu à des productions plus importantes. ■ Quand la solubilité ne varie pas suffisamment, il faut procéder à l’évaporation du solvant en jouant alors sur la concentration du soluté pour le faire cristalliser. Le cristallisoir fonctionne alors de façon isotherme, éventuellement sous vide pour abaisser le niveau thermique de l’énergie consommée. Ce procédé est très énergivore en particulier si le solvant est l’eau. Une variante consiste à effectuer un relargage par ajout d’un solvant miscible à la solution, de manière à ce que le soluté soit moins soluble dans le mélange. Bien que très utilisé en chimie fine, en particulier dans l’industrie pharmaceutique, ce procédé n’est guère satisfaisant car il nécessite des installations de traitement du solvant (distillation...) qui le rendent encore plus consommateur d’énergie. On utilise toujours en pratique des mélanges eau – solvant organique posant en fin d’opération, même après récupération du solvant, un gros problème de traitement d’eaux résiduelles. ■ Les procédés de précipitation consistant à faire apparaître un composé peu soluble à partir du mélange de deux réactifs solubles présentent souvent le défaut de générer des particules fines difficiles à séparer avec de très mauvaises propriétés de coulabilité. ■ En conclusion, il convient dans chaque cas de ne pas séparer le cristallisoir de son contexte et d’inclure dans le choix du procédé l’opération de filtration ainsi que les opérations de traitement en aval (séchage, traitement des solvants, etc.). Le choix optimal est toujours un choix global sur l’ensemble des appareils composant la chaîne de traitement du solide. 4.4.2 Choix du cristallisoir Le cristallisoir le plus simple, et donc le plus utilisé en discontinu ou en continu, est le cristallisoir parfaitement agité. Dans les ateliers polyvalents, les appareils émaillés sont les plus répandus car ils permettent de répondre aux problèmes de corrosion. Toutefois, comme les agitateurs émaillés sont très peu efficaces, il vaut mieux réserver cette technologie à l’heure actuelle aux produits corrosifs la rendant incontournable et monter pour les autres procédés des appareils tout aussi polyvalents, métalliques et bien agités. En effet, une agitation peu efficace (§ 4.2.1.4) explique bien souvent les mauvaises qualités physiques des cristaux obtenus. De plus, l’acier émaillé, par sa mauvaise conductivité thermique, limite les transferts de chaleur donc les performances de l’appareil. En ce qui concerne les procédés continus, le choix du cristallisoir est essentiellement dicté par la qualité des cristaux visés. Ainsi le cristallisoir parfaitement agité continu, technologiquement simple, conduit à une répartition granulométrique étalée. De plus, il ne permet généralement pas d’assurer une température de cristallisation très inférieure à la température d’alimentation (surface d’échange insuffisante, hauteur insuffisante pour un refroidissement par évaporation). Une cascade de cristallisoirs en série permettra de resserrer la granulométrie, d’améliorer les performances de refroidissement, voire d’améliorer la qualité chimique des cristaux. Sa conduite est toutefois difficile et ne se justifie que par de très grosses productions. Les évaporateurs à recirculation externe (type Krystal ) remplacent l’appareil agité simple et permettent, grâce à une hauteur importante Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 15 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ entre la surface d’évaporation et le point d’alimentation, des températures de cristallisation faibles. Ils sont à éviter pour les cristaux fragiles et, si leur utilisation en chimie minérale est intéressante, en chimie organique la résistance mécanique des cristaux est souvent insuffisante pour permettre leur emploi. Leur utilisation est recommandée pour les cristallisations pour lesquelles l’évaporation d’une grande quantité de solvant est nécessaire (courbe de solubilité plate). Par contre, dans le cas d’un refroidissement par évaporation avec classification, ils ne sont pas adaptés et il faut recourir aux cristallisoirs agités à classification type DTB. Ces quelques règles de bon sens montrent que le choix du cristallisoir, même s’il est large dans certains cas, doit être le fruit d’une réflexion cas par cas. Si l’utilisateur ignore ces règles, il peut faire d’énormes erreurs portant sur des investissements non négligeables. 5. Bilans dans les cristallisoirs Le choix optimal, le dimensionnement ainsi que la compréhension du fonctionnement des cristallisoirs nécessitent l’écriture des bilans : — bilan de matière, pour estimer la productivité et le rendement de l’opération, envisager ou non des recyclages, dimensionner les appareils à partir des productions souhaitées ; — bilan thermique, pour évaluer le coût énergétique de l’opération, choisir le procédé le mieux adapté et dimensionner les surfaces d’échange nécessaires. Ces deux bilans sont classiques mais insuffisants pour prendre en compte les propriétés physiques des particules obtenues. Pour ce faire, il faut introduire le comptage des particules en fonction de leur taille, en s’appuyant sur la méthodologie générale des bilans de population. Il convient donc de décrire les méthodes d’approche pour ces trois types de bilans. 5.1 Bilans de matière et thermique dans un appareil parfaitement agité Figure 19 – Bilan thermique et de matière pour un cristallisoir parfaitement agité continu en régime permanent Le bilan global en masse conduit à : Q me = Q ms + Q mv Le bilan de soluté s’écrit avec nos hypothèses : Q me C e = Q mc + ( Q me – Q mc – Q mv ) C *s Soit Q mv (kg · s–1) le débit massique de solvant évaporé, supposé non réintroduit dans l’appareil. Soit Q mc (kg · s–1) le débit massique de cristaux fabriqués dans l’appareil. On supposera dans notre exemple que le solide formé est pur, ce qui est habituellement le cas sauf pour les « composés définis » (hydrates, solvates en particulier) et les « solutions solides », pour lesquels il faudra tenir compte de la concentration du soluté en phase solide pour écrire les bilans. J 2 788 − 16 (10) où C *s est la solubilité à la température Ts de soutirage. Il est aisé d’en déduire le débit massique de cristaux produits : 5.1.1 Bilans dans un cristallisoir continu en régime permanent La figure 19 montre les différents flux classiquement alimentés et soutirés pour un appareil continu en régime permanent, configuration que nous traitons pour illustrer la méthode utilisée. Soit Q me (kg · s–1) le débit massique d’alimentation de l’appareil, constitué de solution claire avec une concentration massique du soluté en solution Ce (kg de soluté/kg de solution). Soit Q ms (kg · s–1) le débit de soutirage de la suspension. Ce débit est supposé en première approximation à l’équilibre à la température de sortie, la sursaturation étant généralement faible à la sortie des appareils parfaitement agités continus. Si elle ne l’était pas, le bilan devrait tenir compte des cinétiques de cristallisation et serait plus complexe. (9) Q me ( C e – C *s ) + Q mv C *s Q mc = ------------------------------------------------------------------1 – C *s (11) Le bilan thermique se présente sous forme d’un bilan enthalpique. L’application directe du premier principe de la thermodynamique au cristallisoir conduit à : o o o o Hs – He = q + w o où H e et H s ( W ) o q(W) w (W) o (12) o sont les enthalpies véhiculées par les flux massiques respectivement d’entrée et de sortie de l’appareil, le flux thermique échangé par l’appareil avec l’extérieur, à travers une surface d’échange par exemple (négatif dans le cas d’un refroidissement de la suspension, positif pour le chauffage, selon les conventions habituelles des thermodynamiciens), le flux d’énergie mécanique échangé. Dans le o cas d’un appareil agité, w est la puissance dissipée par l’agitateur, généralement négligeable. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE o o En détaillant H s et H e , on arrive finalement à l’équation de bilan globale : o q = Q me C p e ( T s – T e ) + Q mv ∆H vap + Q mc ∆H c avec capacité thermique massique de la solution alimentée (en J · kg–1 · K–1), supposée constante entre Ts et Te respectivement températures du soutirage et de l’alimentation du cristallisoir, ∆H vap enthalpie de vaporisation du solvant à la température de soutirage (en J · kg–1), ∆Hc enthalpie de cristallisation par unité de masse de solide formé à la température de soutirage (en J · kg–1). De manière générale, selon les conventions des thermodynamiciens, ∆Hvap est positif alors que ∆Hc est négatif. Dans certains cas particuliers, l’équation (13) se simplifie. Ainsi, pour l’évaporation isotherme, Ts = Te , elle devient : o (14) Comme Qmc ∆o Hc est généralement faible devant Qmv ∆Hvap en valeur absolue, q est positif. Il faudra donc logiquement fournir de l’énergie pour évaporer le solvant. Dans le cas d’un refroidissement isotherme sans évaporation (Qmv = 0), l’équation (13) devient : o q = Q me C pe ( T s – T e ) + Q mc ∆H c (15) Enfin, lorso d’un refroidissement par évaporation sans échange thermique, q = 0 et l’équation (13) devient : Q me Cpe (Ts – Te) + Q mc ∆Hc + Q mv ∆H vap = 0 (16) 5.1.2 Bilans dans un cristallisoir discontinu parfaitement agité L’équation du bilan matière global est tout à fait analogue à celle obtenue pour le cristallisoir continu (11) avec les mêmes hypothèses simplificatrices (solution à l’équilibre à la fin de l’opération et cristaux constitués de soluté pur) en remplaçant les flux massiques par des masses. Soit M e la masse totale de solution chargée dans l’appareil à la température Te , et M v la masse totale de solvant évaporé M c la masse de cristaux secs, supposés purs, fabriqués. M e ( C e – C *s ) + M v C *s M c = ------------------------------------------------------------1 – C *s (17) Le bilan thermique global peut, lui aussi, être obtenu par analogie avec l’équation (13), à condition de supposer que les capacités thermiques massiques Cp soient indépendantes de la température entre Te et Ts , qui sont respectivement les températures initiale et finale de la suspension. La quantité totale de chaleur q (en joules) échangée au cours de l’opération est par analogie avec l’équation (13) : q = Me Cpe (Ts – Te) + M v ∆H vap + Mc ∆Hc o dT q = MC p ------- + Q mv ∆H vap dt (13) Cp e q = Q mv ∆H vap + Q mc ∆H c tique en appliquant l’équation (18) à chaque instant et en négligeant l’enthalpie de cristallisation. L’équation (18) s’écrit alors : (18) Dans les cas pratiques, le calcul des flux thermiques instantanés en fonction du temps est nécessaire pour dimensionner les échangeurs. Il est alors indispensable d’écrire le bilan thermique instantané sur l’installation, bien plus complexe car nécessitant la connaissance de la cinétique de cristallisation instantanée. Cette cinétique étant souvent inconnue, ce calcul est effectué dans la pra- avec o (19) q flux thermique instantané échangé à la paroi à l’instant t, M T Cp masse de suspension au temps t, température de la suspension à l’instant t, capacité thermique massique de la suspension à l’instant t, débit massique instantané de solvant vaporisé à l’instant t, Q mv ∆H vap e n t h a l p i e m a s s i q u e d e v a p o r i s a t i o n à l a température T. 5.2 Bilans de population Pour plus de détails, se reporter aux références bibliographiques [21] [22] [8] en [Doc. J 2 789]. 5.2.1 Caractérisation des particules : taille, forme Il est aisé de décrire la taille d’une particule sphérique ou cubique car, dans ce cas, une seule grandeur suffit. Les cristaux industriels ne sont ni sphériques ni cubiques, la plupart d’entre eux pour des raisons à la fois cristallographiques, thermodynamiques et cinétiques. Leur description complète est donc plus délicate et conduit à des mesures complexes et à des approches théoriques difficiles. À l’heure actuelle, la quasi-totalité de la littérature en cristallisation industrielle fait référence, pour décrire ces particules complexes, à une taille caractéristique directement reliée à la méthode de mesure utilisée. Cette taille caractéristique est souvent le diamètre d’une sphère équivalente du point de vue de la mesure (de même volume, de même surface, de même résistance à un écoulement donné, ou encore de même vitesse terminale de chute...). La seule possibilité d’obtenir les dimensions réelles de la particule est l’observation directe au microscope, assortie d’une analyse d’images performante, pour pouvoir caractériser rapidement un échantillon de particules. Ces mesures restent, à l’heure actuelle, d’exploitation difficile et il faut encore se contenter bien souvent d’une taille caractéristique L obtenue par une méthode de mesure classique. Il est toutefois important de bien comprendre le principe de l’appareil de mesure utilisé pour avoir la signification physique exacte de L. La comparaison des résultats obtenus par deux appareils différents en dépend. Parmi ces appareils de mesure, le plus utilisé reste le tamis qui conduit, dans des conditions normalisées d’utilisation, pour des particules cylindriques, par exemple, à obtenir le diamètre du cylindre ; pour une particule parallélépipédique, il donnera la taille de l’arête intermédiaire de la particule. Le compteur Coulter, quant à lui, exploite la variation de la résistance d’un liquide conducteur dans un orifice au passage d’une particule, variation de résistance qui est proportionnelle au volume de la particule. La taille caractéristique issue de cette mesure est donc le diamètre de la sphère de même volume que la particule. Les méthodes optiques à rayon laser utilisent d’une part la lumière diffusée pour caractériser les très petites particules, d’autre part la diffraction (effet Fraunhofer ) pour obtenir les surfaces projetées de particules plus grosses perpendiculairement au rayon, et donc un Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 17 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ diamètre de sphère de même surface projetée, ou encore la réflexion pour caractériser la surface réfléchissante (système Lasentec). Ce dernier, en cours de développement, est prometteur car il permet une mesure directe en ligne, ou dans le cristallisoir. Pour plus de détails sur les méthodes de mesure de tailles de particules, on se reportera aux références bibliographiques [23] [3] [7] en [Doc. J 2 789]. La caractérisation de la forme des particules est un problème ardu et résolu seulement par observation microscopique et analyse d’images. On introduit généralement des facteurs de forme volumique Φ V et surfacique ΦS (mais bien d’autres peuvent être imaginés) : Φ V = V p / L3 (20) Φ S = S p / L2 où Vp et Sp L (21) sont respectivement le volume et la surface externe de la particule, la dimension caractéristique retenue. Ces granulométries dépendent évidemment du découpage en classes utilisé et l’information sera d’autant plus précise que le nombre de classes sera plus élevé, à condition de garder dans chaque classe un nombre suffisant de particules pour que cette information garde un sens physique. Considérons une classe i entre 2 bornes Li – 1 et Li pour laquelle xi est la fraction en nombre dans la classe i. On définit la fonction de distribution en nombre par : xi f ( L ) = lim ---------------------- lorsque L i – L i – 1 tend vers 0, Li – Li – 1 en posant dans ce cas L = Li – 1 . D’après cette définition, la grandeur f (L) dL représente la fraction en nombre des particules de taille comprise entre L et (L + dL). xi peut être redéfinie à partir de cette fonction : Li Un échantillon de solide n’est jamais constitué de particules de mêmes dimensions à la sortie d’une opération de cristallisation, puisque l’histoire individuelle des particules au cours de la cristallisation n’est pas la même : elles sont nées à des instants différents, ont crû dans des conditions différentes, se sont agglomérées, brisées... Il est donc nécessaire de procéder à une mesure de tailles sur un échantillon représentatif, dont le résultat sera une fonction de répartition granulométrique. La première difficulté de cette procédure, qui est la prise d’un échantillon représentatif, est facile à résoudre si le solide est en suspension, plus problématique s’il s’agit d’une poudre séchée en vrac (silo, sac, fût...), en raison de la classification des particules. Considérons un échantillon représentatif et supposons que l’on détermine la taille caractéristique de chaque particule. Les appareils de mesure utilisent des classes de taille pour représenter la granulométrie de l’échantillon, définies d’une part par le nombre de classes N et d’autre part par la suite croissante de leurs bornes exprimées en tailles (L0 , L1 ,..., LN). Pour une représentation correcte, il faudra que L0 soit plus petit que la plus petite taille de particules et que LN soit plus élevé que la plus grosse taille de particules. Dans chaque classe i définie par les bornes [Li – 1, Li ], l’appareil de mesure propose une quantité de particules définie soit par un nombre (comptage), soit par une masse (pesée). Les différentes granulométries obtenues sont alors les suivantes : — granulométrie en nombre : elle donne le nombre de particules ni dans chaque classe i ; — granulométrie en masse : elle donne la masse mi des particules de chaque classe i ; — granulométrie en fraction en nombre : elle donne la fraction xi du nombre total des particules contenue dans la classe i ; — granulométrie en fraction massique : elle donne la fraction wi de la masse totale des particules contenue dans la classe i. Les deux dernières sont des représentations normées des deux premières. En effet : (22) xi = ni /n T avec nT = wi = mi /mT ∑ ni ∑ (23) On peut définir de la même manière la fonction de distribution en masse par : wi g ( L ) = lim ---------------------- lorsque L i – L i – 1 tend vers 0 Li – Li – 1 g(L )dL est alors la fraction massique des particules ayant une taille comprise entre L et (L + dL ). Dans le cas de particules dont la forme est indépendante de la taille, il est aisé de passer de l’une à l’autre de ces fonctions par : 3 L f (L) g ( L ) = -------------------------------∞ L f ( L ) dL (25) 3 0 On peut également, dans ce cas, utiliser une formule du même type pour passer de xi à wi : N 3 wi = d i xi ⁄ ∑ d 3i xi (26) i=1 où di est la taille caractéristique de la classe i prise généralement comme la moyenne arithmétique entre ses bornes. La relation (26) est alors une approximation d’autant plus exacte que les bornes Li et Li – 1 sont plus proches. Les granulométries et les distributions sont deux aspects d’un même outil de description. La distribution est une fonction continue alors que la granulométrie est une distribution déjà intégrée sur un découpage et qui contient donc moins d’informations que la distribution correspondante. La connaissance de la granulométrie mesurée avec un appareil adéquat ne permet que l’estimation de la distribution en autant de points qu’il y a de classes, et ce de manière d’autant plus précise que le nombre de classes de mesures est plus élevé, par les relations : xi (27) f ( d i ) = --------------------Li – Li – 1 m i masse totale de l’échantillon. wi g ( d i ) = --------------------Li – Li – 1 i=1 J 2 788 − 18 (24) nombre total de particules de l’échantillon, i=1 N mT = f ( L ) dL Li – 1 5.2.2 Granulométries et distributions N xi = Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés (28) _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE 5.2.3 Propriétés des granulométries et des distributions 5.2.4 Fonction de densité de population Les fonctions de distribution de population décrites ci-dessus sont d’un emploi relativement difficile dans l’écriture des bilans dans les cristallisoirs. On préfère pour ce faire les remplacer par la fonction de densité de population notée n (L) ou ψ (L) telle que n (L) dL représente le nombre de cristaux de taille comprise entre L et (L + dL) par unité de volume de suspension. Cette fonction permet par intégration sur le volume de l’appareil d’accéder directement à un nombre de particules. En considérant le nombre total de cristaux N T par unité de volume, on peut la relier à f (L) par : (34) n (L) = N T f (L) Il est possible, à partir des courbes granulométriques ou de distribution, de calculer des grandeurs utiles dont l’essentiel est rapporté dans le tableau 1. On peut par ailleurs définir des grandeurs plus pratiques, à savoir : L50 , L84 et L16 qui sont respectivement définis sur les distributions en masse par : L 50 0 L 16 0 L 84 0 g ( L ) dL = 0,5 (29) g ( L ) dL = 0,16 (30) g ( L ) dL = 0,84 (31) Cette définition est précieuse pour l’écriture des bilans de population dans un appareil donné. 5.2.5 Bilans de population dans un cristallisoir quelconque Le praticien tire de ces informations le coefficient de variation : C.V. = 100 (L84 – L16) / (2 L50) (32) La notion de bilan de population est extrêmement générale et peut être appliquée à la description de tout échantillon d’individus ayant une propriété variable de l’un à l’autre. Ce bilan est ainsi utilisé pour les cristaux de taille variable d’un individu à l’autre, mais aussi pour les polymères de masse moléculaire variable, ou encore pour les molécules à la sortie d’un réacteur en fonction de leur temps de séjour dans l’appareil [8]. (0) Pour une distribution symétrique gaussienne, le coefficient de variation est donné par : C.V. = 100 σ w Lw (33) avec les définitions du tableau 1. Des définitions équivalentes peuvent être proposées pour les distributions en nombre, mais sont moins utilisées. Tableau 1 – Principales grandeurs caractérisant les répartitions de taille des particules Grandeur Notation (unité) Taille moyenne en nombre L n (m) Calcul à partir des granulométries 1 -----nT i=N ∑ di ni i=1 2 σ n (m ) Moment d’ordre n de la distribution en nombre µ nn (mn) Masse totale des particules m T (kg) ∑ di xi ∑ ( di – L n ) 2 ∑ di 2 i=1 i=N n ∞ ∞ ∞ 0 i=N xi = i=1 ∑ di xi 2 xi – L n 0 0 i=1 mi i=N L w (m) ∑ di wi i=N 2 2 σ w (m ) Variance en masse ∑ ( di – L w ) i=1 i=N Moment d’ordre n de la distribution en masse µn w (mn) ∑ di n i=1 wi 2 wi ∞ L g ( L ) dL ∞ ∞ 0 0 ∞ 0 2 2 L f ( L ) dL – L n n 0 i=1 L f ( L ) dL i=1 Taille moyenne en masse 2 ( L – L n ) f ( L ) dL = nT i=N ∑ L f ( L ) dL i=1 i=N 2 Variance en nombre (ou carré de l’écart-type) i=N = Calcul à partir des distributions ∞ 0 3 ρ c Φ V L f ( L ) dL 2 ( L w – L ) g ( L ) dL n L g ( L ) dL Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 19 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ En ce qui concerne les cristaux, la méthode consiste à compter les particules de taille comprise entre L et (L + dL) dans le volume V du cristallisoir, ou dans le flux de sortie de l’appareil en fonction du temps. Ces cristaux proviennent des différents mécanismes de cristallisation, à savoir : — la nucléation d’origine primaire ou secondaire, dont la vitesse est notée J (nombre de germes générés par m3 et par seconde) et qui peut être représentée également par une distribution des vitesses de nucléation rN (nombre de germes · m–4 · s–1) telle que r N dL représente le nombre de germes de tailles comprises entre L et (L + dL) produits par unité de temps et de volume ; — la croissance, dont la vitesse dL/dt est notée G (m · s–1) ; — l’agglomération, dont l’intensité peut être évaluée par la distribution r A des vitesses d’agglomération (nombre de particules · m–4 · s–1). Par cette définition r A dL représente le nombre net de particules produites par agglomération par unité de temps et de volume, de taille comprise entre L et (L + dL) ; — la brisure dont l’intensité est décrite par la distribution rB des vitesses de brisure (nombre de particules · m–4 · s–1) de manière analogue à l’agglomération. La description générale du bilan de population microscopique est donnée par ailleurs [8] [22]. Nous nous contenterons d’écrire ici le bilan des cristaux de tailles comprises entre L et (L + dL), pour une zone parfaitement agitée, donc homogène, de volume V, par unité de temps [21]: = cristaux entrant dans le volumeV par l'alimentation + cristaux produits par nucléation + flux net de cristaux détruits par brisure + (35) ∂n ( L )G = Q s n ( L ) dL dt + ------------------------- dL dt ∂L ∂n ( L ) V + r B ( L ) V dL dt + --------------------------- dL dt ∂t Q s le débit volumique de soutirage. L’équation (35) se transforme aisément : J 2 788 − 20 (40) Pour les tailles L différentes de L*, cette équation devient : dn n ------- + --------- = 0 dL G τ (42) n(L) = n0 exp (– L /G τ ) (43) et s’intègre facilement : Le nombre total de cristaux par unité de volume s’écrit alors : ∞ NT = (37) n ( L ) dL = n 0 Gτ (44) 0 — pour un cristallisoir parfaitement agité continu en régime permanent : d ( nG ) Q s n – Q e n e ----------------- + ------------------------------------- = r N + r A – r B dL V d ( nG ) Q s n ----------------- + ------------- = r N + r A – r B V dL (36) Cette équation constitue l’équation macroscopique de bilan de population pour un cristallisoir parfaitement agité quelconque. Cette équation devient : — pour un cristallisoir fermé de volume V constant au cours du temps sans alimentation ni soutirage : ∂n ∂ ( nG ) ------- + ----------------- = r N + r A – r B ∂t ∂L 5.2.6 Application au cristallisoir MSMPR où τ est le temps de passage V /Q s dans le cristallisoir. La distribution des vitesses de nucléation r N est égale à 0 pour L différent de la taille critiques L*, et égale à J pour L = L*. Généralement L* pourra être pris égal à 0 sauf en précipitation de composés très insolubles. est la densité de population de l’alimentation, le débit volumique d’alimentation, 1 ∂ ( nV ) ∂ ( nG ) Q s n – Q e n e ----- ---------------- + ----------------- + ----------------------------------- = rN + rA – rB V ∂t V ∂L Ces équations de bilans peuvent être étendues à des cristallisoirs mal agités en décomposant ceux-ci en zones idéales selon les principes du génie de la réaction [8] [22] [24]. L’intégration de ces équations en y introduisant des lois cinétiques de croissance, d’agglomération, de nucléation et de brisure nécessite, dans le cas général, de puissants moyens informatiques. Elle n’est pas toujours indispensable et le calcul des moments de la fonction n(L) est parfois suffisant [14]. Lorsque l’intégration s’impose, il convient de discrétiser l’équation (36) en fonction de la taille, en utilisant la méthode dite des classes [10] [12] [21] [27] revenant à calculer le contenu d’une classe granulométrique finie, ou encore en utilisant la méthode des différences finies, plus sophistiquée et plus avide en temps de calcul, mais plus fiable [11]. Ces intégrations numériques peuvent être utilisées soit pour simuler un appareil quelconque en connaissant les cinétiques de cristallisation, soit pour obtenir des données cinétiques à partir d’essais dans des appareils parfaitement agités discontinus ou semi-continus de laboratoire. Le cas le plus utile reste toutefois celui du cristallisoir MSMPR (mixed suspension mixed product removal ), parfaitement agité continu, en régime permanent, examiné ci-après. De plus, si le produit cristallisé ne s’agglomère pas et ne se brise pas, et si sa vitesse de croissance est indépendante de la taille des cristaux (hypothèse de McCabe), l’équation (40) se simplifie pour devenir : rN dn n (41) ------- + --------- = -----dL G τ G ce qui se traduit mathématiquement par : où ne Qe (39) Le cristallisoir MSMPR est un appareil continu parfaitement agité pour le liquide et le solide, avec un prélèvement homogène du contenu du cristallisoir. On admet également que son alimentation ne contient pas de cristaux et que l’appareil fonctionne en régime permanent. L’équation de bilan de population pour ce cristallisoir s’écrit, d’après l’équation (38): cristaux s' accumulant dans le volume V Q e n e ( L ) dL dt + r N ( L ) V dL dt + r A ( L ) V dL dt Q e ne 1 ∂ ( nV ) ∂ ( nG ) ------ ---------------- + ----------------- = ---------------- + rN + rA – rB V ∂t V ∂L flux net de cristaux produits par agglomération cristaux de taille L – dL cristaux sortant cristaux de taille L qui qui croissent et + croissent et dépassent – le volumeV dépassent la taille L par soutirage la taille L + dL + — pour un cristallisoir semi-fermé sans soutirage : d’où n0 = N T /Gτ (38) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés (45) _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE Le bilan sur le cristallisoir dicte que le nombre de cristaux soutirés par unité de temps est égal au nombre de cristaux obtenus par nucléation par unité de temps, soit : Or M T peut se calculer grâce à la fonction de densité de population : N T Q s = JV MT = N T = Jτ et ∞ 0 3 ρ c Φ V L n ( L ) dL = 6 ρ c Φ V n 0 ( G τ ) ρc masse volumique des cristaux, Φ V facteur de forme. En tenant compte de l’équation (54) et de l’expression de n0 [relation (45)], on obtient : n (L ) = (J /G ) exp (– L /Gτ ) (46) et la fonction de distribution en nombre : f (L ) = (1/Gτ ) exp (– L /Gτ ) 1–m (47) La représentation semi-logarithmique de n (L ) conduit alors à une droite de pente – 1 / G τ et d’ordonnée à l’origine J /G, permettant l’accès à la vitesse de nucléation J et à la vitesse de croissance G. Pour cette raison, le cristallisoir MSMPR est largement utilisé pour la mesure de cinétiques de cristallisation [25] [26]. Les écarts à la droite dans cette représentation permettent de diagnostiquer les mauvais fonctionnements du cristallisoir ou les écarts aux hypothèses concernant la croissance, l’agglomération ou la brisure [22]. À partir de la fonction de densité de population définie par l’équation (46), les données suivantes peuvent être obtenues : — la fonction de distribution en masse, à condition que la forme des particules soit indépendante de leur taille : –L 4 3 g ( L ) = L exp --------- ⁄ 6 ( G τ ) Gτ (48) — la taille moyenne en masse : L w = 4G τ (49) — le coefficient de variation de la distribution en masse, indépendant de G et de τ : C.V. = 100 (L84 – L16)/(2L50) = 52 De plus, il est possible de prévoir l’influence des principaux paramètres sur L w avec l’expression de la vitesse J de nucléation secondaire classique [3] et l’expression de la vitesse G de croissance des cristaux : J = kJ ε h σ i M T m (52) G = kG σ j σ ε MT = 6 K ρc ΦV G i ⁄ (j ) + 3 h ε τ 4 (56) Considérons dans un premier temps deux temps de passage τ1 et τ 2 différents, toutes autres conditions égales par ailleurs. L’expression (49) combinée à l’équation (56) donne : τ1 G1 τ1 L w1 ---------- = ------------- = G2 τ2 L w2 ----τ - (i ⁄ j) – 1 ---------------------i ⁄ (j) + 3 (57) 2 Dans le cas classique où i est supérieur à j , une augmentation du temps de passage conduit donc à une augmentation de la taille moyenne en masse des cristaux. De même, en ne faisant varier que M T et en maintenant τ et ε constants, il vient : G1 τ 1 L w1 - = ---------- = -------------G2 τ 2 L w2 M T1 ----------M T2 1–m --------------------(i ⁄ j) + 3 (58) m étant généralement compris entre 1 et 2, l’exposant est négatif et une augmentation de M T conduit à une baisse de la taille moyenne en masse. Enfin, en maintenant τ et M T constants et en faisant varier ε, on obtient : (50) — le maximum, ou mode, de la fonction de distribution en masse : (51) Lm = 3 Gτ où (55) avec Dès lors, l’équation (43) devient : et 4 G1 τ1 L w1 ---------- = -------------- = G2 τ2 L w2 ε1 ----ε2 –h ---------------------(i ⁄ j ) + 3 (59) Une augmentation de ε conduit donc à une baisse de la taille moyenne. Cela explique encore la nécessité d’utiliser des agitateurs qui ne dispersent que peu d’énergie pour un maximum d’efficacité pour l’homogénéisation du système. (53) est la sursaturation relative (C – C*)/C* (cf.§ 4.2.1.5), la puissance d’agitation par unité de masse de suspension (W · kg–1), la concentration des cristaux dans la suspension (kg · m–3), kJ et kG les constantes de vitesse respectivement de nucléation et de croissance. h est en général compris entre 0 et 1. MT 6. Conduite des cristallisoirs Dans cette partie, nous évoquons les principaux problèmes rencontrés lors de l’exploitation des installations de cristallisation et les solutions qu’il convient d’y apporter. Ainsi, la description des phénomènes d’encrassement des parois de refroidissement, les techniques d’amorçage et les effets des impuretés sur les faciès cristallins, les principaux paramètres ayant une influence sur l’opération sont examinés, leurs effets analysés et des règles générales proposées. i et j sont des constantes dépendant des mécanismes impliqués dans la nucléation et la croissance. m est généralement compris entre 1 et 2, des valeurs inférieures ayant été très rarement rapportées dans la littérature. Dans les cristallisoirs MSMPR, la sursaturation est généralement faible et difficile à mesurer et il est plus simple de l’éliminer des équations (52) et (53) pour obtenir : J=K avec K = kJ /k Gi /j. G i /j ε h MT m (54) 6.1 Encroûtement des cristallisoirs 6.1.1 Types d’encroûtement L’encrassement des parois et des autres éléments d’un cristallisoir par dépôt d’une couche cristalline conduit à un certain nombre de conséquences néfastes pour le procédé, en particulier : — nécessité d’un nettoyage avec arrêt de l’installation, ce qui est surtout très pénalisant pour les installations continues ; Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 21 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ — perte de productivité par diminution des performances de transfert thermique de l’appareil si la couche recouvre la surface d’échange ; — difficultés de soutirage et bouchages si le dépôt intervient au niveau des éléments de soutirage (en fond de cuve par exemple) ou dans les tuyauteries de transfert. Il s’agit donc d’un problème technologique grave qu’il convient de dominer. On distingue généralement quatre types principaux d’encrassements : — l’encroûtement sur paroi froide, lié à une nucléation de type primaire hétérogène et à la croissance des nucléus sur la paroi de refroidissement ; — le dépôt de cristaux dans des zones mal agitées, cimenté par la sursaturation. Ce problème est lié à une mauvaise agitation et se règle en améliorant le degré d’homogénéité du cristallisoir ; — les projections de gouttelettes dont le solvant s’évapore, en déposant à la fois le solide en suspension et le soluté dissous, dans les cristallisoirs à évaporation. Ce phénomène conduit à l’encrassement des parois au-dessus des surfaces d’évaporation et le problème sera résolu en installant des rampes de lavage séquentiel, destinées à nettoyer toutes les parties solides traversant la surface d’évaporation (parois, arbre d’agitateur, contre-pales, gaines thermomériques, etc.) ; — le grimpage le long des parois, par vaporisation et condensation locales entraînant et déposant des particules solides au-dessus de la surface de la suspension. Ce phénomène est particulièrement observé pour les solutions organiques dans des solvants à faible température d’ébullition (alcools, cétones, alcanes...). Là encore, un lavage préventif par rampe permet de résoudre le problème. 6.1.2 Encrassement des parois d’échange C’est le phénomène à la fois le plus répandu et le plus difficile à éviter. Lors d’une cristallisation par échange thermique à travers une paroi d’échange, celle-ci se trouve à une température inférieure à celle du milieu (voir § 4.2.1.2). Si cette température est suffisamment basse, il peut y avoir nucléation primaire hétérogène sur la paroi, avec formation d’une couche de nucléus qui se mettent aussitôt à croître, formant une couche cristalline. Ce processus est donc à chaque instant lié à la température de la paroi au contact du milieu et commence dès que cette température devient inférieure à une température critique, elle-même fonction des paramètres de fonctionnement ainsi que de la nature et du polissage de la paroi. L’encrassement a de nombreuses conséquences, en particulier : — l’ajout d’une forte résistance au transfert thermique, qui se traduit par une baisse de la vitesse de ce transfert et donc, en discontinu par exemple, par une baisse de la vitesse de refroidissement et une perte de productivité ; — la nécessité d’un nettoyage de l’appareil entraînant des pertes de temps et de produit. Ce phénomène de nucléation sur la paroi de refroidissement pourra être évité en cristallisation discontinue et retardé sur les cristallisoirs continus à condition de réguler la température de la paroi à tout moment au-dessus de la température critique de blindage et d’adapter la méthode de régulation des températures à cette contrainte. Il faut en effet réguler la température du fluide de refroidissement qui doit circuler dans l’échangeur avec un débit suffisant pour que l’échange thermique ne soit pas limité du côté du fluide de refroidissement. Une température du fluide de refroidissement régulée alors au-dessus de la température critique permettra d’avoir une paroi également à une température supérieure à cette température critique et donc d’éviter le blindage tout en étant à l’optimum de productivité. Il est indispensable, pour mener à bien une telle régulation, de connaître la température critique de la paroi pour laquelle apparaît J 2 788 − 22 la nucléation primaire hétérogène qu’il s’agit d’éviter. Pour ce faire, on peut utiliser le montage de laboratoire représenté sur la figure 20, constitué de 2 tubes cylindriques concentriques, le tube extérieur étant en verre, le tube intérieur en matériau représentatif de la paroi d’échange à étudier. La suspension circule à température régulée et débit donné dans la zone annulaire. Dans le tube interne circule le fluide de refroidissement, dont la température régulée est progressivement abaissée jusqu’à ce que le phénomène de nucléation sur la paroi apparaisse. Le fluide de refroidissement et la suspension circulent en régime turbulent et de manière à ce que la température du tube étudié soit proche de la température de l’eau de refroidissement. La température effective de la paroi est, dans chaque cas, recalculée à partir de celle du fluide de refroidissement, connaissant le coefficient de transfert thermique dans ce fluide, obtenu par les corrélations classiques du transfert de chaleur en écoulement tubulaire. Les variables à étudier qui ont de l’influence sur l’écart de température critique ∆Tc entre la paroi froide et la suspension, pour lequel le blindage apparaît, sont : — la température de la suspension dont l’augmentation réduit généralement ∆Tc ; — la vitesse moyenne d’écoulement de la suspension dont l’augmentation permet d’élever ∆Tc ; — la rugosité ou, en tout cas, le degré de polissage de la paroi, ∆Tc étant d’autant plus faible que la rugosité de la paroi est plus élevée. Pour les produits organiques, les valeurs classiques de ∆Tc sont de l’ordre de 4 à 8 oC. Des valeurs bien plus élevées peuvent être observées pour des cristallisations ayant des nucléations primaires très lentes et donc des zones métastables larges. Par contre, des cas extrêmes pour lesquels ∆Tc est inférieur à 1 oC ont été observés. Il est alors très difficile d’obtenir une bonne productivité pour ces cristallisations par échange thermique. Exemple On charge 10 t de solution aqueuse à 60 oC dans un cristallisoir parfaitement agité discontinu, de surface d’échange thermique 15 m2. On souhaite refroidir cette solution jusqu’à 20 oC en cristallisant le soluté et on sait que ∆Tc = 1 oC. Quel temps faut-il pour procéder à ce refroidissement en négligeant l’enthalpie de cristallisation ? Le bilan thermique global conduit à l’équation (18) du § 5.1.2, simplifiée puisque l’enthalpie de cristallisation est supposée négligeable et qu’il n’y a pas d’évaporation : q = M C p (T s – T e ) q est la quantité de chaleur totale à échanger et, en supposant Cp constant et égal à 4,18 kJ · kg–1 · K–1 [soit 1 cal/(g · K)], on obtient : q = 10 4 × 4,18 × (60 – 20) kJ = 1,67 × 10 9 J. On peut appliquer la relation (2) du § 4.2.1.2 : Φ T = hi S (TM – TPi) et, dans le cas où l’on souhaite un refroidissement à allure constante, on a évidemment Φ T = q /t où t est le temps nécessaire au refroidissement. Avec, pour une excellente agitation, une valeur classique de h i égale à 1 700 W · m–2 · K–1 et une valeur de (TM – TPi) maximale égale à ∆Tc , le flux horaire maximal de chaleur échangée est : Φ T = 1 700 × 15 × 1 J/s = 25,5 kJ/s et le temps de cristallisation est : 1,67 × 10 6 : 26,1 = 65 500 s = 18,2 h ce qui est évidemment très long. Dans ces conditions, il convient d’envisager une cristallisation par refroidissement sous évaporation adiabatique sous vide progressif, pour diminuer le temps d’occupation de l’appareil. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE Au sens le plus large du terme, une impureté est une substance qui se trouve dans le milieu de croissance et dont la nature chimique est différente de celle du cristal. Il ressort immédiatement de cette définition que même le solvant doit être considéré comme une impureté. Figure 20 – Installation de laboratoire permettant la mesure de la température critique de blindage Le phénomène d’encroûtement des parois froides est donc régi par une différence de température critique ∆Tc , caractéristique d’une nucléation primaire hétérogène. Cette valeur est a priori inférieure à la largeur de zone métastable à la température de la suspension (figure 2). Il apparaît donc que, dans un cristallisoir dans lequel on attend que la nucléation primaire ait lieu pour avoir des cristaux, le phénomène de nucléation sur paroi va se manifester avant la nucléation primaire globale et un phénomène d’encroûtement initial des parois est probable. Celui-ci pourra être éventuellement évité si les nucléus formés ne réussissent pas à s’accrocher, c’est-à-dire pour un état de surface parfaitement lisse. La nucléation primaire dans un cristallisoir refroidi par échange s’accompagne donc le plus généralement de phénomènes d’encroûtement. Il s’agit là d’une raison supplémentaire pour devancer la nucléation en procédant à un amorçage (voir § 6.3). En particulier, il est extrêmement risqué de démarrer une cristallisation continue par une opération discontinue sans amorçage, car il risque de se produire alors un encroûtement initial qui conduirait à des perturbations de fonctionnement et à des arrêts fréquents pour des nettoyages très coûteux. 6.2 Effet des impuretés. Changements de faciès des cristaux 6.2.1 Influence des impuretés sur la croissance cristalline (rappels) L’effet des impuretés sur les cinétiques de nucléation et de croissance est discuté dans l’article [J 1 500]. Nous ne résumons donc ici que les faits qui peuvent contribuer à une meilleure compréhension des phénomènes de changement de faciès des cristaux, qui sont le résultat des différences de vitesse de croissance de chacune des faces d’un cristal. Au sens le plus restrictif du terme, une impureté est une substance étrangère au cristal et au solvant, qui affecte un ou plusieurs stades de la cristallisation. Il convient ici de faire une distinction entre impuretés solides et impuretés dissoutes. À l’état dissous, l’action d’une impureté peut se situer à deux niveaux : — en premier lieu, l’impureté peut avoir un effet thermodynamique si elle augmente la force ionique de la solution et/ou si elle forme des complexes solubles avec les molécules ou les ions de soluté, ce qui entraîne une diminution de la sursaturation de la phase qui cristallise ; — en second lieu, l’impureté peut avoir un effet cinétique en s’adsorbant sur les cristaux dont elle bloque plus ou moins la croissance : il s’agit là d’inhibition au sens propre du terme. Inversement, à l’état solide, l’impureté peut servir de support de nucléation à la phase qui se forme. La nucléation est facilitée et la croissance a lieu à sursaturation plus faible. On verra que cela peut entraîner des faciès différents. Pour aborder le problème de la modification du faciès des cristaux, il convient de rappeler que, sur un cristal, ce sont toujours les faces les plus lentes qui sont les plus développées. Cela se démontre facilement si l’on représente les vitesses d’avancement des faces d’un cristal par des vecteurs dont la longueur est proportionnelle à la vitesse. Supposons qu’au temps t0 le cristal ait un certain faciès et que, par l’intermédiaire du milieu extérieur, on obtienne les différentes vitesses d’avancement des faces représentées sur la figure 21. Il en résulte qu’au temps t > t0 la face la plus rapide (I) a entièrement disparu, alors que les faces les plus lentes (II par exemple) se sont développées. La notion de changement de faciès peut donc impliquer soit une simple modification du développement relatif des faces allant jusqu’à la disparition de certaines d’entre elles, soit l’apparition de faces nouvelles. Si l’on tient compte du fait que la structure du cristal, l’arrangement interne des atomes ou des molécules imposent une certaine morphologie, il est évident que le problème de l’expérimentateur est d’ajuster les différents paramètres du milieu de croissance de telle sorte qu’il obtienne le faciès souhaité. Nous résumons ci-après ce qui nous paraît primordial pour résoudre certains problèmes de changement de faciès. Les références liées aux exemples cités, ainsi que beaucoup d’autres, peuvent être trouvées dans deux articles de synthèse [28] [29]. 6.2.2 Sursaturation, solvant, soluté Le paramètre fondamental à la base de tous les processus cinétiques est la sursaturation, mais augmenter ou diminuer la sursaturation ne signifie pas seulement que les cristaux vont croître plus ou moins vite, cela implique aussi une certaine modification des vitesses relatives d’avancement des faces. Ainsi, le changement de faciès décrit par la figure 21 peut résulter aussi bien d’une variation de la sursaturation que d’un effet d’impureté. En règle générale d’ailleurs, une augmentation de la sursaturation exacerbe presque toujours le faciès qui découle de la structure cristalline. Ainsi, les cristaux des paraffines normales (n-alcanes) à longue chaîne sont des plaquettes en forme de losanges relativement minces. À faible sursaturation, le rapport longueur/épaisseur est de l’ordre de 10 à 20. À forte sursaturation, ce rapport peut être de 100. De même, les cristaux qui ont tendance à cristalliser en aiguilles sont de plus en plus effilés à mesure que la sursaturation augmente. Cette anisotropie en dimension est d’autant plus marquée que la symétrie du cristal est plus faible. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 23 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ Figure 21 – Évolution du faciès d’un cristal lors de sa croissance entre les temps t0 et t Dans certains cas, il existe des sursaturations critiques au-delà desquelles de nouvelles faces apparaissent sur les cristaux. Ainsi, le chlorure de sodium cristallise en cubes à faible sursaturation et en octaèdres à très forte sursaturation. La sursaturation critique à atteindre est de 23 % en solution aqueuse mais seulement de 0,4 % dans une solution de formamide, ce qui met bien en lumière également le rôle du solvant. Dans le cas évoqué ici, on peut noter que les deux solvants sont différents non seulement par leur nature chimique, mais aussi par leur permittivité relative (ou constante diélectrique) : 80 pour l’eau et 109 pour le formamide. L’adsorption de ces solvants sur les cristaux de chlorure de sodium est donc certainement très différente d’un point de vue énergétique. Comme eau et formamide sont miscibles en toute proportion, chaque composition du mélange impose la sursaturation critique à laquelle le changement de faciès a lieu. Un système de ce type permet aussi de bien comprendre pourquoi la première impureté pour le cristal est le solvant. Plus rarement en effet, ce sont les constituants du cristal eux-mêmes qui sont à l’origine des changements de faciès. La calcite (carbonate de calcium) en est un exemple. Elle se développe en cristaux prismatiques si la solution est équimolaire en ions calcium et carbonate. Par contre, les cristaux s’allongent s’il y a un excès de calcium ou deviennent tabulaires s’il y a un excès de carbonate. Le choix du solvant doit donc être effectué en fonction du faciès souhaité et des propriétés d’usage des cristaux qui en résultent, en plus des préoccupations habituelles de rendement. 6.2.3 Impuretés, sursaturation Une fois le solvant choisi, la sursaturation à elle seule ne permet que très rarement d’obtenir le faciès souhaité. Cela est d’autant plus vrai dans les procédés industriels où, pour des besoins de productivité, on travaille avec la cinétique de croissance la plus rapide possible, ce qui a souvent pour conséquence de favoriser des cristaux en forme de plaquettes ou d’aiguilles comme on l’a dit plus haut. De plus, les impuretés liées au procédé ont souvent une influence non négligeable sur le faciès obtenu dans la mesure où elles sont chimiquement voisines du soluté et que souvent, en raison de recyclages nécessités par des gains de rendement, elles sont présentes à des concentrations non négligeables dans le milieu de cristallisation. Ces effets sont alors inévitables et devront être contrecarrés dans le cas où ils sont néfastes. C’est l’une des raisons pour lesquelles on introduit souvent d’autres impuretés (ou additifs ). La concentration de celles-ci est alors ajustée à la dose optimale, fonction de la sursaturation à laquelle on veut travailler. Il est connu en effet que l’efficacité des impuretés augmente avec leur concentration alors qu’elle diminue à mesure que la sursaturation augmente, ce qui se comprend bien puisque, à vitesse élevée de croissance du cristal, les molécules étrangères n’ont pas le temps de s’adsorber suffisamment vite ni suffisamment longtemps. Les cinétiques sont alors peu affectées, de même que le faciès. Il y a cependant une exception à cette règle : elle concerne les rares cas où l’augmentation de la sursaturation produit le même faciès que l’impureté utilisée. Le cas le plus simple est celui du chlorure de sodium en solution aqueuse ; l’addition de J 2 788 − 24 chlorure de cadmium comme impureté permet l’obtention d’octaèdres et cela d’autant plus facilement que la sursaturation augmente, cela parce que le changement de faciès normal pour le chlorure de sodium est la transformation cube-octaèdre à sursaturation élevée. Dans le cas des solutions électrolytiques, l’efficacité des impuretés ne dépend pas seulement de leur concentration, mais aussi du pH de la solution. En fait, l’effet du pH se situe essentiellement au niveau du degré d’ionisation des molécules d’impureté. Une molécule aussi simple que NH2 — CH2 — COOH peut se trouver aussi bien à l’état d’ions dipolaires +H3N — CH 2 — COO– que monopolaires + H3N — CH2 — COOH et NH2 — CH2 — COO–. Adsorption et aptitude à changer le faciès de certains cristaux vont donc grandement dépendre de la polarité de la molécule. L’effet favorable ou défavorable de l’ionisation des molécules se trouve évidemment renforcé lorsque l’on utilise des molécules plus complexes que celles dont il vient d’être question. On peut citer par exemple le NTMPA (acide nitrilotriméthylènephosphonique) ou le DTPAA (acide diéthylènetriaminepentaacétique), utilisés comme modificateurs de faciès du gypse. 6.2.4 Choix d’un additif La question qui vient naturellement à l’esprit peut se résumer de la manière suivante : comment choisir le meilleur additif possible ? La réponse à cette question ne peut pas être simple surtout si l’on ne répond pas préalablement à une autre question : un additif, pour quoi faire ? S’il ne faut qu’affecter les cinétiques de nucléation et de croissance, il suffira en général de choisir une substance qui, a priori, possède une bonne affinité chimique pour le cristal. On est alors à peu près sûr que l’adsorption aura lieu et que la cinétique de cristallisation sera moins rapide. Un choix qui repose sur ce seul critère implique cependant que l’on est relativement indifférent au faciès obtenu. Répondre à la question : quel additif choisir pour obtenir un faciès convenable ? est encore plus difficile. Si l’on élimine l’empirisme complet, la sélection d’un bon additif doit reposer sur quelques considérations cristallochimiques. On pourra en premier lieu travailler par extrapolation de certaines données de la littérature. Il existe suffisamment d’exemples très divers pour que cette méthode aboutisse parfois très rapidement. Si l’on souhaite aller plus loin dans la recherche d’un bon additif, il faut alors connaître les états de surface des cristaux et en particulier l’état de surface de la face que l’on veut voir se développer par inhibition (§ 6.2.1). Cela nécessite cependant de connaître la structure tridimensionnelle du cristal à partir de laquelle il est possible d’établir sa morphologie théorique à l’aide de la théorie des PBC [37]. Une fois que la nature des atomes les plus superficiels est connue, de même que leur disposition sur les différentes faces, il devient possible de proposer des additifs, ou du moins des familles d’additifs susceptibles de s’adsorber fortement sur une face donnée. Dès qu’un ou plusieurs additifs favorables sont trouvés, il est relativement facile de rechercher des molécules analogues encore plus performantes ou de les faire fabriquer « sur mesure » (taylor made additives dans la terminologie anglosaxonne). Cette méthode qui nécessite quelques connaissances en cristallographie peut paraître trop ardue et trop longue. L’expérience montre qu’elle aboutit parfois à la découverte de bons modificateurs de faciès des cristaux, beaucoup plus rapidement que des essais purement empiriques. 6.3 Amorçage. Ensemencement 6.3.1 Nucléation primaire lors d’une opération de cristallisation discontinue La nucléation primaire fait apparaître les cristaux lorsque la concentration du soluté en solution atteint la limite de la zone métastable (figure 22). Une fois ces cristaux formés, ils croissent en se nourrissant du soluté libéré par la poursuite du refroidissement. Si Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE cette vitesse de croissance est élevée, la concentration du soluté en solution est, après la nucléation, pratiquement égale à la solubilité (figure 22a ). Si, par contre, cette vitesse de croissance est faible, ou si la vitesse de refroidissement est trop rapide, alors le soluté disponible n’est plus entièrement consommé par la croissance, la concentration du soluté en solution évolue jusqu’à toucher à nouveau la limite de zone métastable pour une autre nucléation primaire, ce phénomène pouvant se reproduire plusieurs fois (figure 22b ). Il est évident que, dans ce cas, les cristaux obtenus à la fin de l’opération sont extrêmement fins. De plus, la limite de zone métastable est caractéristique d’effets cinétiques influencés par les paramètres de conduite, en particulier l’agitation, la température et, surtout, la nature et la quantité des impuretés. Ainsi, une cristallisation discontinue pour laquelle ces paramètres de conduite ne sont pas constants d’une opération à l’autre conduit à une zone métastable de largeur variable, donc à une cinétique de nucléation primaire variable et à des cristaux de taille variable d’une opération à l’autre. Enfin, nous avons vu qu’il est très probable que l’encrassement des parois froides démarre lors de la nucléation primaire. Tous ces points négatifs conduisent à ce qu’un amorçage ou un ensemencement soit nécessaire. 6.3.2 Amorçage ou ensemencement Amorcer une cristallisation consiste à introduire dans le cristallisoir, lorsque la solution se situe en zone métastable, une quantité connue, appelée semence, de cristaux du produit à cristalliser de taille connue, avec deux conséquences possibles : — si cette introduction est faite à une température légèrement supérieure à celle de la limite de zone métastable, le rôle de ces cristaux sera de provoquer une nucléation primaire hétérogène à leur contact, et cela, toujours à la même température si la température d’introduction est constante. Il en résulte une régulation de la nucléation primaire avec, comme conséquence complémentaire, une limitation des phénomènes d’encroûtement de paroi ; — si cette introduction est faite à une température légèrement inférieure à l’équilibre de solubilité, et en quantité suffisante, et si la vitesse de croissance est élevée, alors cette semence se mettra à croître et la nucléation primaire pourra être évitée (figure 22c ). C’est généralement cette deuxième méthode qui doit être privilégiée car elle permet à coup sûr d’éviter l’encroûtement et aussi d’assurer un meilleur contrôle de la taille finale des cristaux. En admettant l’absence de nucléation dans une opération de ce type et en écrivant alors l’égalité du nombre de particules entre le début (amorce) et la fin de l’opération, on obtient aisément : df 3 M --------c = ------ dS MS (60) où M c est la masse finale de cristaux obtenus, M S la masse de semence introduite, df la taille finale des particules, d S la taille de la semence. Cette expression montre que la taille finale des cristaux, qui n’est évidemment pas illimitée, diminue lorsque la quantité de semence introduite augmente. Si M S est trop faible, cette expression conduit à des tailles finales prédites non réalistes et le comportement du cristallisoir est alors celui de la figure 22d. N’ayant pas assez de surface d’accueil pour cristalliser, la solution est de plus en plus sursaturée, ce qui conduit à une nucléation primaire tardive, dont le résultat est une répartition granulométrique bimodale, mélange de grosses et de fines particules. Dans certains cas, le solide obtenu est alors plus difficile à filtrer que si l’amorçage n’avait pas eu lieu. Un compromis expérimental intéressant peut être trouvé en se limitant à d f /d S = 5, ce qui entraîne M S /M c = 0,8 %. Ainsi, en cristallisation organique, la quantité de semence à introduire, lorsque celle-ci est calibrée, est de l’ordre de 0,5 à 2 % de la masse finale de cristaux dans le cristallisoir. En en mettant moins, on risque d’être confronté au problème de la figure 22d. 6.3.3 Solution industrielle pour l’amorçage Figure 22 – Évolution de la concentration du soluté en phase liquide lors d’une opération de cristallisation discontinue Cette procédure d’amorçage consistant à introduire de grandes quantités de cristaux calibrés est industriellement très difficile. Il est plus facile de ne pas introduire de cristaux calibrés et d’utiliser du tout-venant de l’opération précédente. Il est ainsi possible, à condition de disposer d’une cuve agitée de volume suffisant au-dessus du cristallisoir, de prélever une partie de la suspension finale obtenue afin de s’en servir pour l’amorçage de l’opération suivante. Pour que cette procédure fonctionne, il est indispensable, une fois la semence introduite, qu’une nucléation secondaire se produise pour, d’une opération à l’autre, obtenir des cristaux de granulométrie reproductible. Une quantité plus importante de semence doit alors être utilisée, de l’ordre de 2 à 6 % de la masse à cristalliser. Ces procédures sont évidemment à préciser soigneusement par des essais de laboratoire. Un bon ensemencement reproductible n’est possible que si la composition de la solution est à peu près constante, afin que la température d’introduction soit toujours correcte. Dans les autres cas, un contrôle de l’efficacité de la semence Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 25 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ (par mesure de turbidité par exemple) est indispensable et l’ensemencement devra être répété plusieurs fois lors de la descente en température jusqu’à ce qu’il soit efficace. La connaissance de la courbe de solubilité est un préalable indispensable à un ensemencement efficace. 6.4 Paramètres de conduite d’une cristallisation discontinue 6.4.1 Cristallisation par refroidissement ou par évaporation isotherme Les paramètres à étudier soigneusement au laboratoire pour dimensionner le cristallisoir et prévoir ses performances sont : — la nature du solvant ; — la nature et la concentration des impuretés ; — la concentration du soluté ; — la sursaturation liée à la compétition entre la vitesse de refroidissement libérant le soluté et la vitesse de croissance des cristaux le consommant, donc essentiellement commandée par le profil de température en fonction du temps. Dans le cas d’une évaporation isotherme, la sursaturation dépend de la vitesse d’évaporation qu’il convient donc d’étudier puis de contrôler ; — l’agitation ; — l’ensemencement du cristallisoir. Les profils de refroidissement dans le cas d’une cristallisation ensemencée pourront être semblables à celui de la figure 23. Une vitesse de descente rapide, compatible avec les possibilités de l’appareil, peut être mise en œuvre jusqu’à la température de solubilité, ensuite le refroidissement est ralenti (de l’ordre de 5 oC/h), l’ensemencement effectué puis la température maintenue pratiquement constante pendant un certain temps, pour laisser aux cristaux le temps de démarrer leur croissance (environ 15 à 30 min) ; enfin un refroidissement plus rapide peut être mis en œuvre (10 à 30 oC/h selon les cas). Un maintien du cristallisoir à la température finale pendant environ 15 min permet la récupération de la sursaturation résiduelle. 6.4.2 Cas d’une précipitation ou d’un relargage La cristallisation résulte soit d’une réaction chimique faisant apparaître un composé insoluble, soit de l’insolubilisation du soluté par ajout d’un tiers solvant ou d’un tiers corps. Dans les deux cas, elle découle du mélange de deux flux, le flux de circulation de l’agitateur et le flux d’alimentation, et peut se traduire localement par des sursaturations très élevées, souvent au-delà de la limite de zone métastable. Ce phénomène de mélange de deux flux devient un problème prépondérant. Les choix du débit d’alimentation, de sa composition, du point d’alimentation dans le cristallisoir, du type de mobile d’agitation ainsi que de sa vitesse de rotation voire de la géométrie même du cristallisoir doivent être considérés comme des paramètres clés de ces opérations. Cela est particulièrement vrai lors de la précipitation de composés très insolubles (BaSO4 , halogénures d’argent, SiO2 ...), pour lesquels la vitesse de croissance est faible et le processus dominé par la nucléation primaire au point d’alimentation. Les paramètres principaux sont alors : — le type de réacteur, la cuve agitée pouvant être remplacée par des capacités de géométrie plus adéquate ; — la position du point d’alimentation ; — la composition et le débit du flux alimenté ; — l’agitation, en particulier au point d’alimentation ; — la composition du contenu du réacteur (pH, concentration, impuretés...) ; — la température. Dans le cas de la précipitation de composés moyennement solubles ou solubles, le problème se ramène à une cristallisation J 2 788 − 26 Figure 23 – Exemple de profil de température lors d’une cristallisation discontinue par refroidissement avec ensemencement classique. Il convient alors de procéder à la réaction chimique (ou au mélange de solvants) dans les conditions de solubilité maximale, donc généralement à la température maximale admissible pour le procédé, puis de terminer par une procédure de cristallisation vraie par refroidissement favorable à la croissance des cristaux. Pour l’ensemble des procédés de ce type pour lesquels les conditions du mélange ont une importance particulière, le cristallisoir doit être traité comme un réacteur chimique et il convient de lui appliquer la méthodologie du génie de la réaction chimique [24]. 6.5 Paramètres de conduite d’une cristallisation continue Le cristallisoir continu fonctionne normalement en régime permanent. Les cristaux sont formés par nucléation secondaire. Les paramètres de conduite à prendre en compte pour un cristallisoir continu refroidi par paroi d’échange sont : — la température dont dépendent les vitesses de nucléation secondaire, de croissance ainsi que d’agglomération ; — l’agitation qui agit sur les mêmes phénomènes ainsi que sur la brisure ; — le temps de passage τ, défini comme le rapport du volume de suspension au débit volumique de soutirage, qui détermine la sursaturation qui règne dans l’appareil ; — la teneur de la suspension en solide, appelée aussi densité du magma, qui agit sur la nucléation secondaire. Le blindage des parois conduit à l’arrêt de l’installation pour nettoyage et doit donc être évité. En particulier le démarrage d’une cristallisation par une opération discontinue doit se faire sans nucléation primaire donc avec ensemencement. Les pompes de recirculation extérieure sont à éviter, surtout si les cristaux sont fragiles, ce qui est particulièrement vrai pour les cristaux organiques. Dans le cas des cristallisoirs à évaporation s’ajoute à ces paramètres le flux évaporé, pour lequel il convient de maintenir une vitesse de dégagement des vapeurs raisonnable, prise généralement inférieure à 1 m/s pour diminuer le risque d’entraînements vésiculaires qui auraient pour conséquence l’encrassement des condenseurs. La température de l’alimentation est alors à surveiller tout particulièrement pour éviter les flashes au point d’alimentation. Pour les cristallisoirs à classification du type DTB ou éventuellement du type Oslo ou Krystal, la recirculation extérieure permet d’entraîner les fines particules et de les redissoudre par réchauffage de la recirculation. L’élimination de trop de fines particules peut avoir une conséquence importante, à savoir l’élévation de la sursaturation suivie d’une nucléation primaire. Le fonctionnement de l’appareil est Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE alors cyclique avec une taille cristalline évoluant au cours du temps et des dérèglements sur tout l’aval du procédé. Le taux optimal de destruction des fines doit donc être testé au cours d’un pilotage. De manière générale, l’utilisation de cristallisoirs continus parfaitement agités peut être simulée sur des appareils de laboratoire homothétiques de petite taille. Par contre, un fonctionnement plus complexe (évaporation, pompe de recirculation, destruction de fines...) doit être testé sur un appareil pilote (une à plusieurs centaines de litres), sur une durée qui sera préférentiellement longue. 7. Cristallisation industrielle à partir de milieux fondus Nous ne traiterons ici que les procédés de cristallisation purifiante (ou fractionnée) conduisant à des productivités élevées, à l’exclusion des procédés : — de production de monocristaux ultrapurs ; — de solidification sans purification, qui restent malgré tout des procédés de cristallisation et doivent être conçus en tant que tels. Figure 24 – Diagramme d’équilibre liquide-solide du mélange binaire 1,3,5-trichlorobenzène et 1,2,4-trichlorobenzène 7.1.2 Principe des procédés de cristallisation Les procédés industriels de cristallisation à partir de milieux fondus avec des productions à gros tonnages reposent soit sur la cristallisation en couche sur paroi froide, soit sur la cristallisation en suspension. 7.1 Principes 7.1.1 Introduction La purification d’un produit impur est souvent réalisée par cristallisation en solution ou par distillation. Ces deux procédés sont connus. Par contre, ils présentent un certain nombre d’inconvénients : — pour la cristallisation en solution, le coût de traitement du solvant doit être ajouté au coût d’exploitation de la cristallisation proprement dite et la manipulation des solides cristallisés dans la partie finale du procédé pose bien souvent des problèmes technologiques en raison de leur faible taille granulométrique ou de leur faible coulabilité ; — pour la distillation, d’une part la vaporisation a un coût énergétique élevé, d’autre part la manipulation des produits à température élevée peut être pénalisante pour les produits thermosensibles. De plus, il est souvent difficile de séparer des isomères avec une bonne pureté. Dans certains cas, il sera donc intéressant de faire cristalliser directement l’un des composés à partir du milieu fondu impur. En effet, si le mélange peut être assimilé à un mélange binaire pour lequel l’équilibre liquide-solide est décrit par une courbe à eutectique (figure 24), en partant du point M, représentant le milieu fondu (fraction molaire en 1,3,5-trichlorobenzène xi , température Ti pour notre exemple), et en refroidissant ce milieu, le 1,3,5-trichlorobenzène cristallise pur, en présence d’une phase liquide dont la composition est donnée par la courbe d’équilibre à la même température. La séparation des cristaux obtenus et leur lavage conduisent à un produit d’excellente pureté chimique, comme les cristaux obtenus à partir d’une solution. ■ Cristallisation en couche sur paroi froide : le milieu fondu est mis au contact d’une surface froide sur laquelle on amorce la cristallisation qu’on laisse ensuite se poursuivre de façon que soit progressivement constituée une couche cristalline de plus en plus impure. La sursaturation de la solution doit être parfaitement contrôlée pour permettre une bonne purification ultérieure de la couche. ■ Cristallisation en suspension : on opère généralement dans un cristallisoir continu avec une productivité pouvant être élevée, mais avec la nécessité de véhiculer des suspensions en particulier du cristallisoir vers les installations de séparation solide-liquide et de lavage. La différence essentielle avec la cristallisation en solution vient de la technologie des cristallisoirs qui sont des appareils raclés, les cristaux étant obtenus par nucléation primaire hétérogène sur des parois froides. La nucléation secondaire n’a, semble-t-il, pas été mise en évidence dans ces milieux fondus lorsque la concentration du composé à cristalliser est élevée. Le produit cristallin lavé est généralement fondu puis soutiré liquide de l’installation et, comme après une distillation, il nécessite un procédé de mise en forme (écaillage, prilling, pastillage...). La cristallisation à partir de milieux fondus s’applique à deux types de mélanges : — les mélanges impurs contenant moins de 90 % de produit noble peuvent être considérés en partie comme des solutions dans la ou les impuretés : les considérations évoquées pour la cristallisation en solution s’appliquent ; les rendements en produit très pur sont faibles et plusieurs étages de purification peuvent être nécessaires ; — les mélanges déjà purs à plus de 90 voire 95 % que l’on souhaite ultrapurifier (au-delà de 99,9 %). Dans ces conditions, des difficultés technologiques apparaissent mais les rendements en produit ultrapur pourront être très élevés. Cette opération est conduite à température proche de l’ambiante avec une consommation d’énergie faible puisque les enthalpies de fusion des composés sont bien inférieures à leurs enthalpies de vaporisation, et avec une excellente purification sur un étage. Par contre surgissent des problèmes de rendement ainsi que des difficultés technologiques dont nous discuterons plus loin, en particulier pour le lavage des cristaux. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 27 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ Exemple Considérons un mélange contenant 2 % d’impuretés et 98 % de produit à purifier, et calculons la concentration en impuretés du liquide résiduel après avoir cristallisé 50 % de la masse impure chargée, ce qui est une valeur maximale pour la cristallisation en suspension et une valeur moyenne pour la cristallisation en couche. Soit M la masse initiale de mélange chargée dans le cristallisoir, un bilan matière donne : M Ci = Mc + (M – Mc) CF où Ci est la fraction massique initiale du composé à cristalliser dans la phase liquide (0,98), Mc représente la masse cristallisée supposée pure (égale ici à 0,5 M ), M – M c est alors la masse de liquide résiduel supposé à l’équilibre (égale ici à 0,5 M ), CF est la fraction massique en phase liquide résiduelle du composé noble à calculer. Avec les données envisagées, il est aisé d’obtenir C F = 0,96. Or sur la plupart des diagrammes d’équilibre, le passage de 98 % à 96 % se fait par une variation de température de quelques degrés au maximum. En inversant le raisonnement, un refroidissement de quelques degrés provoque la cristallisation de 50 % ou plus de la masse chargée. Une régulation parfaite ainsi qu’une homogénéité totale de la température dans le cristallisoir sont donc indispensables, d’où des difficultés technologiques importantes, que les constructeurs d’appareillage maîtrisent actuellement mais qui expliquent en partie le développement industriel relativement faible de ces méthodes d’ultrapurification. Pourtant celles-ci sont économiquement nettement plus intéressantes que les trains de colonnes à distiller habituellement utilisés. 7.1.3 Rétention et lavage des impuretés — les inclusions dans les cristaux sous forme de poches liquides, liées aux imperfections du cristal et importantes en cas de croissances trop rapides résultant de sursaturations trop élevées. Pour cette raison, la cristallisation à partir de milieux fondus est conduite habituellement à des sursaturations très faibles, sachant de plus que la vitesse de croissance est plus élevée qu’en solution en raison de l’absence de limitation diffusionnelle. ■ La rétention surfacique est constituée de liquide d’imprégnation à la surface des cristaux. Dans le cas des suspensions, le problème est le même que celui rencontré en solution et sera résolu par lavage effectué dans des colonnes à contre-courant de produit pur fondu, en l’absence de solvant. Dans le cas de la cristallisation d’une couche formée d’agglomérats de monocristaux, le liquide impur est retenu à la surface des monocristaux dans la couche. La couche sera d’autant plus impure que les cristaux agglomérés sont plus petits ou que le liquide retenu est plus impur. La couche est cristallisée au contact de liquide de plus en plus impur au fur et à mesure qu’elle se développe. Une cristallisation à faible sursaturation permet donc d’obtenir une couche de plus en plus impure au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la paroi froide, à condition d’avoir démarré la cristallisation par un amorçage permettant d’éviter la nucléation primaire. En effet, cette dernière se ferait à sursaturation élevée, conduisant à de petites particules nombreuses et à une rétention liquide importante, ce qui empêcherait de procéder à la purification de la couche. La purification des couches bien cristallisées est réalisée par ressuage, obtenu par réchauffage lent de la couche à partir de la surface d’échange. 7.2 Procédés industriels Le tableau 2, inspiré de la référence [31], rassemble les principaux procédés industriels à partir de milieux fondus. 7.2.1 Procédés discontinus La rétention des impuretés par des cristaux formés est essentiellement de type volumique ou surfacique. ■ La rétention volumique des impuretés est la plus difficile à éliminer par lavage, il sera donc nécessaire de l’éviter. On distingue généralement : — les cocristallisations, soit parce que la cristallisation a été effectuée trop près du point eutectique, soit en raison de l’existence d’une solution solide ou d’un composé défini, soit par piégeage d’espèces fortement adsorbées. Une bonne connaissance des courbes d’équilibre et le maintien de la sursaturation à des valeurs faibles permettent, du moins en grande partie, d’éviter ces causes de mauvaise purification ; 7.2.1.1 Procédés discontinus à fluide stagnant ■ Le procédé Kobe Steel sous haute pression [33] utilise la faible variation des courbes d’équilibre liquide-solide en fonction de la pression pour faire cristalliser un produit pur par variation adiabatique de la pression à quelques dizaines voire quelques centaines de méga-pascals (1 MPa ≈ 10 bar). Ses applications industrielles, encore réduites en raison du coût élevé de l’investissement, devraient concerner les produits organiques à hautes valeurs ajoutées pour des faibles productions. (0) Tableau 2 – Principaux procédés de cristallisation à partir des milieux fondus (d’après [31]) Cristallisation en couche discontinue en milieu fondu stagnant Procédé Proabd (1) continue en milieu en fondu en milieu fondu écoulement stagnant Procédé MWB de Sulzer Tambour (écailleuse) (1) commercialisé par BEFS. (2) commercialisé par Sulzer et Sandvik. J 2 788 − 28 Cristallisation en suspension discontinue en milieu fondu en écoulement en milieu fondu stagnant Procédé Bremband (2) Procédés sous haute pression Kobe Steel continue avec colonne non garnie avec colonne de lavage garnie Procédé TNO Procédé Phillips de décantation Procédé Brodie Procédé 4 C (3) (3) commercialisé par Tsukishima Kikai. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés à circulation ascendante des cristaux Procédé Kureha _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE ■ Le procédé Proabd, commercialisé par BEFS [34], est d’une importance industrielle bien plus grande, puisqu’en 1985 la capacité globale de production par ce procédé était de 300 000 t/an [30] avec, comme principaux produits raffinés, le p-dichlorobenzène, le p-nitrochlorobenzène, le dichloronitrobenzène, l’acide monochloroacétique, le naphtalène... Le raffineur Proabd est constitué essentiellement d’un échangeur sous forme d’un faisceau tubulaire dans une calandre, d’une station thermique alimentant l’intérieur des tubes avec soit du liquide froid, soit du liquide chaud, les deux à température parfaitement régulée. Le produit cristallise à l’extérieur des tubes. Le déroulement classique d’un cycle est le suivant : — remplissage de l’appareil par du produit fondu à purifier ; — cristallisation par refroidissement selon un profil de température généralement linéaire pour le fluide thermique de refroidissement. Un amorçage de la cristallisation est souvent nécessaire et le refroidissement est lent pour limiter la sursaturation. Un calorifugeage externe parfait est indispensable et des plaques métalliques servant de répartiteurs de chaleur sont installées dans l’appareil pour que la cristallisation s’y effectue lentement et de manière homogène. La température de fin de cristallisation est déterminée au laboratoire. La durée de cette phase de cristallisation est classiquement de l’ordre de 10 à 15 h ; — phase de ressuage par réchauffage lent de la couche par le fluide thermique progressivement réchauffé à température régulée, alimenté maintenant dans les tubes. Cela permet de refondre les zones les plus impures, le produit fondu impur migrant vers la surface de la couche et y apparaissant sous forme de gouttelettes. Le liquide résultant est recueilli en fractions de plus en plus pures. Lorsque la pureté souhaitée pour le produit final est atteinte, le ressuage est arrêté. La durée du ressuage est également de 10 à 15 h en fonctionnement classique ; — fusion du produit cristallisé résiduel qui constitue le raffinat pur. Des recyclages, fonctionnant en plusieurs étages, voire par traitement des résidus par distillation puis recyclage, sont évidemment destinés à augmenter le rendement de l’installation. Le principal avantage de cette technologie réside dans sa simplicité, son automatisation facile et sa grande souplesse permettant de passer d’un produit à l’autre. La lenteur du cycle est à la fois un avantage et le principal inconvénient du procédé : — avantage, parce que la température des fluides thermiques est à tout moment peu différente de celle du milieu, ce qui, pour des composés à purifier de température de fusion comprise entre 20 et 60 oC, est particulièrement économique sur le plan énergétique ; — inconvénient, parce que le volume des appareils devient rapidement important pour des productions élevées (> 100 t par jour). 7.2.1.2 Procédés discontinus à fluide en mouvement Ces procédés permettent de purifier par cristallisation en couche sur paroi froide à partir d’un milieu fondu en écoulement. Le plus important d’entre eux est sans conteste le procédé MWB de Sulzer. L’installation représentée schématiquement sur la figure 25 en est le pilote monotube et le cristallisoir se compose d’un grand nombre de ces tubes (fonction de la productivité visée) placés dans une cuve. Le produit fondu circule à l’intérieur des tubes sous forme d’un film ruisselant sur la couche cristalline déjà formée, obtenu par recyclage à l’aide d’une recette. Le cycle est de même nature que pour le cristallisoir Proabd, avec quelques avantages : — une meilleure organisation de la couche cristalline : le liquide étant de plus en plus impur, la couche sera de plus en plus impure et, de plus, la formation de structures en aiguilles favorisant la rétention de liquide est minimisée ; — un meilleur transfert de chaleur, ce qui permet de raccourcir les cycles, donc d’augmenter la productivité des installations. Les inconvénients viennent essentiellement d’une technologie plus complexe que pour le procédé Proabd. Les références industrielles sont les mêmes, avec quelques produits supplémentaires : hydrazine, acides gras et une unité de 150 000 t/an de bisphénol A. Figure 25 – Schéma de principe du cristallisoir MWB de Sulzer (monotube) (selon [30]) 7.2.2 Procédés continus Les procédés continus industriels comportent généralement un cristallisoir raclé et une colonne de lavage qui est alimentée par la suspension cristalline éventuellement préconcentrée par hydrocyclonage. Les cristaux sont fondus à l’autre bout de la colonne et le débit massique de produit fondu pur soutiré est inférieur au débit massique de cristaux arrivant au fondoir. Il en résulte un flux de liquide pur à contre-courant des cristaux servant à les laver. Le liquide de lavage est généralement filtré à travers un filtre placé dans la paroi de la colonne du côté de l’arrivée de la suspension puis il est recyclé au cristallisoir. Le réglage de cette colonne de lavage nécessitant un gradient de température entre le point d’alimentation de la suspension et le fondoir est donc délicat. Le liquide de lavage à contrecourant est progressivement refroidi et recristallisé en partie sur les cristaux tandis que les zones les plus impures des cristaux sont lavées. Le fonctionnement et l’équilibrage de cette colonne sont très délicats et ne permettent que peu de souplesse sur les débits d’alimentation ou de soutirage. Il s’agit donc d’installations prévues pour un seul produit, avec une grande productivité et un fonctionnement le plus constant possible. ■ Ainsi, le procédé Phillips permet la purification du p-xylène à partir d’un mélange d’isomères. La colonne de lavage est une colonne sous pression pulsée. La suspension est alimentée en partie haute de colonne et le fondoir est placé en fond de colonne. Le principe du raffineur Phillips est donné par la figure 26. ■ Le raffineur Brodie (figure 27) est constitué par trois refroidisseurs raclés horizontaux en cascade et d’une colonne de lavage verticale. L’alimentation est introduite sous forme liquide et s’écoule vers les sections de récupération (RE) où elle est progressivement refroidie en formant des cristaux transportés à contre-courant du liquide par des vis hélicoïdales. Le résidu quitte l’appareil en tête et les cristaux en sont séparés par décantation dans les sections de récupération. Amenés vers la section de raffinage (RA) par les vis, ils rencontrent une température de plus en plus élevée, ce qui provoque leur fusion progressive en commençant par les zones les plus impures. Ils aboutissent finalement à la colonne de lavage au pied de laquelle ils sont fondus, une partie étant soutirée, l’autre servant de reflux destiné à laver puis à raffiner. Très séduisant dans son principe, cet appareil représente, pour le mélange solide-liquide, ce que Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 29 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ ■ Le procédé Bremband qui utilise la cristallisation en couche sur une bande refroidie Sandvik est encore, à l’heure actuelle, en cours de développement. 7.2.3 Potentialités de ces procédés Les procédés discontinus sont d’ores et déjà bien implantés dans l’industrie chimique et les avantages économiques qui les caractérisent favorisent leur développement par rapport aux autres opérations de séparation. Les constructeurs disposent d’appareils pilotes dont l’extrapolation est parfaitement fiable vu la simplicité technologique des procédés. Les appareils continus, quant à eux, se développeront pour les fortes capacités de production (plus de 100 000 t/an) mais leur dimensionnement précis reste à l’heure actuelle peu fiable. Le pilotage nécessaire à cette extrapolation est lourd et des approches de modélisation comparables à celles déjà disponibles pour les cristallisations en solution sont nécessaires pour l’avenir. Un effort de recherche important doit être mené dans ce domaine. 8. Conclusion Figure 26 – Schéma de principe du raffineur continu Phillips Figure 27 – Schéma de principe du raffineur continu Brodie la colonne à distiller est au mélange liquide-vapeur. Il est toutefois sujet à des problèmes mécaniques importants qui empêchent son utilisation pour certains produits et ont conduit à des échecs graves en Europe. ■ Le raffineur 4C de Tsukishima Kikai [35] est constitué d’un ou plusieurs cristallisoirs raclés de type parfaitement agité et d’une colonne de lavage par décantation. Cet appareil breveté en 1984 a déjà de nombreuses applications industrielles. ■ Le raffineur TNO est essentiellement utilisé par Grenco pour concentrer des solutions aqueuses en cristallisant de l’eau (jus de fruits...). J 2 788 − 30 L’opération de cristallisation, que ce soit en solution ou en milieu fondu, malgré le développement de la modélisation lors des trente dernières années, est loin d’avoir atteint la maturité, en ce qui concerne le dimensionnement et l’extrapolation, de la distillation par exemple. En effet, les modèles permettant la simulation des appareillages de cristallisation sont loin d’être suffisamment développés pour que cette opération unitaire cesse de relever des sciences expérimentales du jour au lendemain. Elle nécessitera encore pendant de longues années un développement fondé sur l’expérimentation. Le passage à l’état solide, avec encore de nombreuses inconnues dans ses mécanismes, avec des effets mal contrôlés liés à l’interface solide/liquide, aux impuretés en solution, aux phénomènes de nucléation bien souvent aléatoires, conduit à des composés cristallisés de qualités chimique mais surtout physique très variables. Le contrôle de ces qualités physiques, en particulier de la forme et de la taille des particules, devient de plus en plus une nécessité commerciale. La conduite des cristallisoirs, ainsi d’ailleurs que leur choix initial et leur dimensionnement, deviennent ainsi de plus en plus importants pour le procédé. Malheureusement, dans beaucoup de cas, ils sont considérés encore à tort bien souvent comme secondaires vis-à-vis de la réaction. La modélisation et la compréhension des cristallisoirs en sont encore à leurs débuts, mais représentent un challenge important pour l’industrie de demain, avec un effort de recherche important à la clé de la réussite. En attendant, le dimensionnement et le choix des installations de cristallisation passent par l’expérimentation, vu l’absence de modèles prédictifs tels que ceux utilisés par exemple en distillation. Ainsi, les appareils de type parfaitement agité, qu’ils soient continus, semi-continus ou discontinus, seront reproduits au laboratoire par des appareils homothétiques de taille modeste (de l’ordre de 2 litres) équipés des mêmes agitateurs. L’expérimentation conduite sur ces appareils en faisant varier tous les paramètres importants cités au paragraphe 6 permet une extrapolation relativement fiable à condition d’ensemencer les appareils discontinus. En ce qui concerne les précipitations extrêmement sensibles à l’agitation, en particulier au point d’alimentation, cette extrapolation reste problématique et la cuve agitée classique n’est souvent pas la configuration optimale. Les appareils à fonctionnement plus complexe (évaporateurs, appareils à classification et à dissolution de fines, appareils à classification interne, appareils nécessitant des recirculations extérieures par pompes...) requièrent des essais à l’échelle pilote dans Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés _________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE des appareils homothétiques d’un volume de l’ordre de 200 litres. Ces opérations pilotes sont destinées à l’étude des paramètres non accessibles au laboratoire (encrassement, vitesse de dégagement des vapeurs, stabilité de fonctionnement, influence des pompes sur la granulométrie). Il faut toutefois rappeler que la conduite d’une installation pilote est souvent plus difficile que celle de l’installation industrielle correspondante (encrassements et bouchages accrus, pompes pilotes peu représentatives des pompes industrielles, calorifugeage plus difficile). La principale difficulté de ces pilotages vient de leur coût, en particulier s’il s’agit d’un nouveau procédé. En effet, les essais doivent être effectués avec une solution représentative, tant l’influence des impuretés sur les propriétés des cristaux obtenus est primordiale. Un pilotage intégré réaction-cristallisation s’impose alors pour pouvoir disposer d’une quantité suffisante de solution à cristalliser. C’est pour ces raisons que des efforts de recherche importants pour arriver à terme à des modèles prédictifs restent d’actualité. Des développements importants sont attendus dans les domaines suivants (liste non exhaustive) : — contrôle et automatisation des cristallisoirs ; — mise au point et dimensionnement des cristallisoirs polyvalents fiables et automatisés ; — contrôle et fiabilisation de la forme et de la taille des cristaux ; — dimensionnement des précipiteurs industriels ; — développement des procédés de cristallisation à partir des milieux fondus. Étudiées à l’heure actuelle de manière encore très empirique, ces opérations de cristallisation sont complexes dès lors que l’on attache de l’importance à la taille et à la forme des cristaux. Il ne fait aucun doute que les propriétés d’usage des particules, liées à ces deux paramètres, sont déjà et seront encore plus dans l’avenir des critères de choix d’un fournisseur au même titre que la pureté chimique des produits. Principaux symboles et notations Symbole Unité Nom de la grandeur C mol · m–3 ou kg · kg–1 Concentration du soluté en solution C* mol · m–3 ou kg · kg–1 Concentration du soluté en solution à l’équilibre Cp J · kg–1 · K–1 C.V. ............................... Capacité thermique massique de la suspension Coefficient de variation D m Diamètre de l’agitateur DC m Diamètre du cristallisoir m2 · s–1 Coefficient de diffusion moléculaire du soluté dS m Taille de la semence e m Épaisseur de la paroi d’échange thermique f (L) m–1 g m · s–2 Accélération due à la pesanteur G m · s–1 Vitesse de croissance des cristaux dL / dt g (L) m–1 Fonction de distribution en nombre des tailles des particules Fonction de distribution en masse des tailles des particules Principaux symboles et notations Symbole Unité Nom de la grandeur o W Flux enthalpique à l’entrée du cristallisoir Hs W Flux enthalpique à la sortie du cristallisoir ∆H vap J · kg–1 Enthalpie de vaporisation du solvant ∆Hc J · kg–1 Enthalpie de cristallisation h, H W · m–2 · K–1 J1 , J 2 nombre de germes · m–3 · s–1 Vitesses de nucléation kD m · s–1 Coefficient de transfert de matière kJ variable Constante de vitesse de nucléation kG variable Constante de vitesse de croissance L m Taille caractéristique de la particule L m Taille caractéristique moyenne des cristaux mT kg Masse totale des particules Me kg Masse de solution chargée dans le cristallisoir Mv kg Masse de solvant évaporée He o Coefficients de transfert thermique sur une paroi Mc kg Masse de cristaux produite MS kg Masse de semence introduite dans l’appareil MT kg · m–3 n (L) m–4 nT ................................ Concentration des cristaux dans la suspension Fonction de densité de population Nombre total de particules N tr · s–1 Vitesse d’agitation Nc tr · s–1 Vitesse d’agitation critique de mise en suspension homogène des cristaux Nu ................................ Nombre de Nüsselt NT m–3 Pcrist Pa Pression de fonctionnement du cristallisoir Pvap Pa Pression de vapeur saturante de la solution Pr Q ................................ m3 · s–1 Nombre total de cristaux par unité de volume de suspension Nombre de Prandtl Débit volumique Qm kg · s–1 Débit massique Qmc kg · s–1 Débit massique de cristaux produits Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 788 − 31 CRISTALLISATION INDUSTRIELLE _________________________________________________________________________________________________________ Principaux symboles et notations Principaux symboles et notations Symbole Unité Nom de la grandeur Symbole Unité Qme kg · s–1 Débit massique de solution alimentée µn mn Qms kg · s–1 Débit massique de suspension soutirée ν m2 · s–1 Qmv kg · s–1 Débit massique de solvant évaporé ΦT W Flux thermique échangé entre le cristallisoir et l’extérieur ΦV ................................ Facteur de forme volumique ΦS ................................ Facteur de forme surfacique W o q Nom de la grandeur Moment d’ordre n de la distribution de taille Viscosité cinématique de la suspension Flux de chaleur échangé à la paroi Nombre de Reynolds ρ rA particules · s–1 Distribution des vitesses d’agglomération ρc rB particules · m–4 · s–1 Distribution des vitesses de brisure σ Distribution des vitesses de nucléation σn m Écart-type de la fonction de distribution Surface d’échange thermique du cristallisoir τ s Temps de passage dans le cristallisoir Re rN ............................... germes · · s–1 ............................... m2 Sp Sh m–4 · m2 S Sc m–4 kg · m–3 Masse volumique de la suspension kg · m–3 Masse volumique du solide cristallisé ................................ Nombre de Schmidt Surface de la particule ............................... Nombre de Sherwood Indices Température c cristal e externe ou à l’entrée T K Um m · s–1 V m3 Vp m3 Volume de la particule f final w W Flux d’énergie mécanique échangé entre le cristallisoir et l’extérieur i initial ou interne ε W · kg–1 p particule s en sortie o λ λP µ J 2 788 − 32 W·m –1 W·m –1 Sursaturation relative (C – C*)/C* Vitesse Volume utile du cristallisoir Puissance dissipée par l’agitateur par unité de masse de suspension · K–1 Conductivité thermique de la suspension C cristallisoir · K–1 Conductivité thermique de la paroi du cristallisoir F fluide thermique Viscosité dynamique de la suspension P paroi S semence Pa · s Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés P O U R Cristallisation industrielle Aspects pratiques par E N Jean-Paul KLEIN Docteur-Ingénieur ENSIC (École Nationale Supérieure des Industries Chimiques de Nancy) Professeur à l’Université Lyon I Laboratoire d’Automatique et de Génie des Procédés, URA CNRS D 1328 – Villeurbanne Roland BOISTELLE Docteur ès Sciences Directeur de Recherches au CNRS – Marseille-Luminy Centre de Recherches sur les Mécanismes de la Croissance Cristalline et Jacques DUGUA Docteur-Ingénieur CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) Ingénieur au Centre Technique de Lyon (CTL) d’Elf Atochem Références bibliographiques étude théorique de la question étude technologique de la question comporte des résultats d’essais de laboratoire description d’appareillages ou d’installations S A V O I R ▲ comporte des résultats pratiques ou industriels [1] [2] [3] [4] [5] Doc. 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Cristallisoirs Agrochem (Struthers). Sulzer-Escher Wyss. Sulzer Industries France. Mannesmann Anlagenbau AG. Swenson Division of Whiting Corp. Swenson Process. SGN, Sté Générale pour les Techniques Nouvelles. GEA Wiegand Kestner. FCB, Fives Cail Babcock. Cristallisation à partir de milieux fondus BEFS Technologies. Sulzer MWB. TNO Department of chemical engineering. Goudsche Machinefabriek BV. Kureha Chemical Industry Co Ltd. Tsukishima Kikai Co Ltd. Kobe Steel Ltd. Sandvik Process Systems S.A. Doc. J 2 789 − 2 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. − © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
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