Écoulement des fluides dans les tuyauteries par Jacques BONNIN Ingénieur des Arts et Manufactures Ingénieur en Chef à Électricité de France 1. Propriétés des fluides ............................................................................. A 738 - 2 2. 2.1 2.2 Écoulement permanent des liquides .................................................. Écoulement dans les conduites cylindriques longues ............................. Évaluation des pertes de charge ................................................................ — — — 5 5 6 3. 3.1 3.2 3.3 Écoulement permanent des gaz et des vapeurs.............................. Équations à prendre en compte ................................................................. Écoulement à travers les organes de détente ........................................... Écoulement adiabatique avec frottements dans les conduites cylindriques longues ................................................................................... Écoulement isotherme avec frottements dans les conduites cylindriques longues ................................................................................... — — — 11 11 12 — 13 — 13 4. 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 4.6 4.7 4.8 Écoulements diphasiques dans les conduites longues ................. Notion d’écoulement diphasique ............................................................... Difficultés de l’étude des écoulements diphasiques ................................ Configurations des écoulements diphasiques .......................................... Équations des écoulements diphasiques .................................................. Mesures dans les écoulements diphasiques............................................. Pertes de charge par frottement................................................................. Pertes de charge singulières....................................................................... Écoulements critiques ................................................................................. — — — — — — — — — 15 15 15 15 16 16 16 16 16 5. 5.1 5.2 Écoulement non permanent des liquides dans les conduites longues........................................................................................................ Phénomène du coup de bélier.................................................................... Protection contre les coups de bélier......................................................... — — — 16 16 18 6. 6.1 6.2 6.3 Dimensionnement des conduites ........................................................ Notion d’optimum économique ................................................................. Vitesse économique .................................................................................... Diamètre économique................................................................................. — — — — 20 20 21 21 3.4 A 738 5 - 1983 Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. A 738 e présent article donne les méthodes pratiques d’étude des tuyauteries en fonction des conditions d’écoulement du fluide transporté. Le lecteur trouvera les développements théoriques dans l’article Mécanique des fluides [A1 870] du traité Sciences fondamentales. Nous ne traiterons pas ici du cas de l’écoulement des fluides non newtoniens, qui est abordé dans l’article Fluides non newtoniens [A 710] du traité Sciences fondamentales. On trouvera également d’abondants développements dans la référence bibliographique [1]. L Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 1 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ Notations et Symboles Notations et Symboles Symbole Unité Définition Symbole Unité Définition a m · s –1 vm m · s–1 c cc cp m · s –1 m · s –1 J · kg–1 · K –1 cV J · kg–1 · K –1 D m De DH m E Pa e g H ∆H υ h ∆h k L Ma Pr p pc pc m m · s–2 J · kg–1 J · kg–1 m m m m vitesse moyenne de déplacement du fluide = c p /c V rapport des capacités thermiques massiques = ρ dp / dρ coefficient de compressibilité du fluide coefficient de pertes de charge singulière coefficient de pertes de charge conductivité thermique du fluide viscosité dynamique du fluide viscosité cinématique du fluide abscisse réduite masse volumique du fluide masse volumique critique thermodynamique masse volumique critique d’écoulement contrainte tangentielle du fluide sur une surface cylindrique durée d’une perturbation (changement de régime) périmètre de la section de la conduite pg pi Pa Pa pm Pa q qV R kg · s–1 m3 · s–1 m R J · mol–1 · K –1 r J · kg–1 · K –1 Re S m2 T Tc K ou oC K ou oC Tc Téb Ti K ou oC K ou oC K ou oC V v vc m3 m · s–1 m · s–1 célérité des ondes de changement de régime célérité du son dans le fluide célérité critique capacité thermique massique à pression constante capacité thermique massique à volume constant dimension transversale de la conduite = Re β nombre de Dean diamètre hydraulique = 4S/ χ (diamètre de la conduite si elle est circulaire) module d’élasticité du matériau constitutif du tuyau épaisseur de la conduite accélération de la pesanteur enthalpie massique du fluide enthalpie massique de vaporisation charge perte de charge rugosité de la paroi longueur de la conduite nombre de Mach = µcp / λ nombre de Prandtl pression du fluide pression critique thermodynamique = pm pression dans la zone contractée d’une tuyère = p + ρgz pression dans une zone amont de vitesse nulle (ou faible) pression correspondant au débit maximal (sonique) débit massique de fluide débit volumique de fluide rayon de courbure d’une conduite courbe constante des gaz parfaits rapportée à une mole (R = 8,317 × 103 J · mol –1 · K –1) constante des gaz parfaits rapportée à l’unité de masse (r = R /M ) nombre de Reynolds aire de la section transversale de la conduite température du fluide température critique thermodynamique température critique d’écoulement température d’ébullition température dans une zone amont de vitesse nulle (ou faible) volume vitesse de déplacement du fluide = cc vitesse critique d’écoulement Pa Pa Pa 1 bar = 105 Pa = 10 –1 MPa. 1 cal ≈ 4,185 J. 1 Pl (poiseuille) = 10 P (poise) = 1 Pa · s. 1 St (stokes) = 10 – 4 m2 · s –1. A 738 − 2 γ ε Pa ζ Λ λ µ ν ξ ρ ρc W · m–1 · K –1 Pa · s m2 · s–1 kg · m–3 kg · m–3 ρc kg · m–3 τ Pa τ s χ m 1 bar = 105 Pa = 10 –1 MPa. 1 cal ≈ 4,185 J. 1 Pl (poiseuille) = 10 P (poise) = 1 Pa · s. 1 St (stokes) = 10 – 4 m2 · s –1. 1. Propriétés des fluides Les conditions d’écoulement des fluides dans les tuyauteries, avec ou sans échange de chaleur, dépendent tout à la fois de paramètres géométriques et dynamiques (dimensions des tuyaux, pressions, etc.) et des propriétés des fluides qui y circulent. Parmi ces propriétés, certaines intéressent l’écoulement seulement (masse volumique ρ, viscosité dynamique µ, viscosité cinématique ν), d’autres interviennent dans les transferts de chaleur monophasiques (capacité thermique massique à pression constante c p , conductivité thermique λ, nombre de Prandtl Pr = µc p / λ), d’autres enfin doivent être prises en compte lorsque le fluide change de phase au cours de l’écoulement (température d’ébullition T éb , enthalpie de vaporisation ∆H υ ) ainsi éventuellement que les constantes du point critique (pression critique p c , température critique T c , masse volumique critique ρ c ). Un certain nombre de ces propriétés varient en fonction de la température ; aussi l’ensemble des données intéressant les divers fluides qui peuvent circuler dans les tuyauteries constitue-t-il un recueil volumineux qui n’aurait pas sa place ici ; on en trouvera un grand nombre dans le traité Constantes physico-chimiques des Techniques de l’Ingénieur. Dans ce qui suit, nous donnons les plus utiles, pour un nombre limité de fluides, sous forme soit de tableaux, soit de graphiques ; ces propriétés sont données soit à 20 oC, soit avec indication de leurs variations de température. Les tableaux 1, 2 et 3 et les figures 1, 2 et 3 sont relatifs aux propriétés ρ, µ, ν, c p , λ et Pr ; le tableau 1 les fournit pour sept liquides à 20 oC, le tableau 2 pour sept gaz à 20 oC et le tableau 3 pour trois métaux liquides à diverses températures ; la figure 1 donne leurs variations pour l’eau liquide de 0 à 300 oC, la figure 2 pour l’air à pression normale de 0 à 1 500 oC et la figure 3 pour la vapeur d’eau à même pression de 100 à 1 500 oC. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES La conductivité thermique des fluides varie avec la température. On obtient la conductivité λ par les relations : — pour les liquides, à la température T (oC) : λ (T ) = λ 0 + βT — pour les gaz, à la température T (K) : λ (T ) = λ 0 (T / 273)n (2) (273 K). avec λ 0 conductivité thermique à 0 On trouvera les valeurs de λ 0 , β et n pour un grand nombre de liquides et de gaz dans le traité Constantes physico-chimiques. oC (1) (0) Tableau 1 – Propriétés de quelques liquides à 20 oC Liquide (kg · m–3) cp (kJ · kg–1 · oC–1) 10 3 (Pa · s) Eau ....................................................... Aniline ................................................. Ammoniaque (saturée) ...................... Fréon 12 .............................................. Alcool butylique n .............................. Benzène ............................................... Glycérine ............................................. 997 1 020 610 1 315 806 881 1 260 4,205 2,00 4,82 0,975 2,34 1,70 2,35 1,00 4,4 0,22 0,26 3,10 0,65 1,7 106 (m2 · s–1) 1,00 4,3 0,36 0,198 3,85 0,74 1,35 (W · m–1 · oC –1) Pr 0,598 0,172 0,517 0,072 0,167 0,166 0,286 7,05 ≈ 50 2,05 3,5 43,4 6,9 ≈ 14 (0) Tableau 2 – Propriétés de quelques gaz à 20 oC et à la pression normale (kg · m–3) Gaz Air ........................................................ Oxygène .............................................. Azote.................................................... Hydrogène .......................................... Dioxyde de carbone ........................... Monoxyde de carbone ....................... Hélium ................................................. (kJ · kg–1 · oC –1) 10 6 (Pa · s) 106 (m2 · s–1) 1,004 0,920 1,040 14,3 0,824 1,041 5,19 18,2 20,2 18,8 8,85 14,8 17,5 18,7 15,1 15,2 18,1 106 8,07 15,0 112 cp 1,205 1,332 1,174 0,083 3 1,834 1,163 0,167 103 (W · m–1 · oC –1) 25,4 26,0 26,6 182 15,8 24,5 145 Pr 0,72 0,72 0,72 0,70 0,77 0,74 0,67 (0) Tableau 3 – Propriétés de métaux liquides en fonction de la température T (oC) (kg · m–3) (J · cp kg–1 · oC –1) 103 (Pa · s) 106 (m2 · s–1) (W · m–1 · oC –1) 103 Pr Sodium 93 200 450 700 926 901 838 778 1 380 1 340 1 300 1 255 316 400 550 700 10 000 9 890 9 685 9 530 144,4 148,1 154 162 20 100 200 300 13 520 13 305 13 110 12 870 138 137 135 133 0,70 0,43 0,24 0,18 0,76 0,48 0,29 0,23 86,3 86,0 68,8 59,8 11 7 4,5 3,8 0,162 5 0,143 0,111 0,090 16,4 15,6 15,6 15,6 14 13 11 9 0,115 0,092 0,076 0,069 8,4 10,5 12,5 14,8 25,5 16,0 10,8 8,0 Bismuth 1,02 1,41 1,08 0,86 Mercure 1,55 1,23 1,00 0,89 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 3 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ Figure 3 – Propriétés de la vapeur d’eau en fonction de la température à la pression normale (0) Figure 1 – Propriétés de l’eau liquide en fonction de la température Tableau 4 – Paramètres d’ébullition de quelques fluides usuels Fluide Figure 2 – Propriétés de l’air en fonction de la température à la pression normale Le tableau 4 donne la température d’ébullition T éb et l’enthalpie de vaporisation ∆H υ pour 27 corps usuels. On trouvera de nombreuses autres données dans le traité Constantes physico-chimiques. Enfin, le tableau 5 donne la pression critique p c , la température critique T c et la masse volumique critique ρc pour 18 corps usuels. On trouvera les mêmes valeurs pour un grand nombre d’autres corps dans le traité Constantes physico-chimiques. Acétone.......................... Alcool butylique n......... Alcool éthylique ............ Alcool méthylique......... Ammoniac ..................... Aniline............................ Azote .............................. Benzène ......................... Butane n......................... Butane (iso) ................... Chloroforme .................. Chlorure d’éthyle .......... Chlorure de méthyle Dioxyde de carbone...... Dioxyde de soufre......... Eau ................................. Éther éthylique .............. Hexafluorure d’uranium ...................... Hydrogène ..................... Mercure.......................... Méthane......................... Oxygène......................... Propane.......................... Sodium .......................... Sulfure de carbone ....... Tétrachlorure de carbone..................... Trichloréthylène ............ T éb (oC) Formule chimique CH3COCH3 C4H9OH C2H5OH CH3OH NH3 C6H5NH2 N2 C 6 H6 C4H10 C4H10 CHCl3 C2H5Cl CH3Cl CO2 SO2 H 2O (C2H5) 2O 56,1 116,8 78,3 64,7 – 33,4 183 – 195,8 80,1 – 0,50 – 11,72 61,5 4,7 – 23,8 – 78,4 – 5,0 100,0 34,6 521,0 591,3 855,0 1 100 1 374 434,0 199,7 394,0 385,4 366,4 247 389 428,1 573,5 389,7 2 262 351,1 UF6 H2 Hg CH4 O2 C 3 H8 Na CS2 55,1 – 252,7 361 – 161,6 – 183,0 – 42,1 914 46,3 117,7 452,0 292,5 510,2 213,0 426 4 207 352 CCl 4 C2HCl3 Remarque : on prendra garde à ne pas confondre les grandeurs critiques thermodynamiques (tableau 5) avec les grandeurs critiques d’écoulement (§ 3.2 et 3.3). A 738 − 4 H (kJ · kg–1) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique 77 85,7 198 240 (0) _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES Tableau 5 – Constantes critiques de quelques corps usuels Corps Formule chimique Acétylène ..................... Ammoniac.................... Azote............................. Benzène ........................ Butane .......................... Dioxyde de carbone .... Dioxyde de soufre ....... Eau ................................ Éthane .......................... Éthanol ......................... Éthylène ....................... Hydrogène ................... Méthane ....................... Méthanol ...................... Monoxyde de carbone Oxygène ....................... Propane ........................ Sulfure de carbone ...... C 2 H2 NH3 N2 C 6 H6 C4H10 CO2 SO2 H 2O C 2 H6 C 2 H6 O C 2 H4 H2 CH4 CH4O CO O2 C 3 H8 CS2 pc (MPa) 6,28 11,29 3,39 4,83 3,65 7,38 7,87 22,055 4,94 6,39 5,16 1,30 4,64 7,97 3,55 5,03 4,36 7,70 Tc (oC) c (kg · m–3) 36,0 132,4 – 147,1 288,5 153 31,04 157,2 374,0 31,2 243,1 9,7 – 239,9 – 82,5 240,0 – 139 – 118,8 95,6 273 231 235 311,0 304 – 467 500 400 210 275,5 220 31,0 162 272 311 430 441 2. Écoulement permanent des liquides 2.1.2 Distribution des vitesses Dans les conditions précisées précédemment, on constate en outre que la vitesse le long d’une ligne de courant ne varie pas ; dans chaque section transversale, la distribution spatiale des vitesses est la même. Dans le cas, fréquent, d’une conduite de section circulaire, cette distribution présente une symétrie de révolution ; la vitesse ne dépend plus que de la distance à l’axe de la conduite. On trouvera des développements sur ce profil des vitesses dans l’article Mécanique des fluides [A 1 870] du présent traité. 2.1.3 Équilibre dynamique de l’écoulement Considérons (figure 4) un volume cylindrique quelconque de liquide compris entre deux sections transversales distantes de dx. Le parallélisme des vitesses implique la constance des pressions dans chacune des sections ; soient p et p + dp ces pressions. Si l’on appelle s l’abscisse curviligne sur le pourtour de la section, sur chaque élément dx ds de la surface cylindrique limitant ce volume, le fluide est le siège de contraintes tangentielles τ, en général variables avec s. L’équilibre de la masse de fluide contenue dans ce volume, supposée soumise à la pesanteur, s’écrit, en appelant S sa section transversale : pS – ( p + dp )S – ρgS dz – Dans ce qui suit, nous négligerons la compressibilité des liquides et considérerons donc un fluide à masse volumique ρ constante. Nous examinerons son écoulement dans une conduite de section quelconque, mais indépendante de l’abscisse, ou conduite cylindrique. La notion de conduite longue est liée à l’établissement d’un régime d’écoulement dans la conduite ; elle nécessite, dans la pratique, une longueur dépassant quelques dizaines de fois les dimensions transversales de la section. 2.1.1 Forme de l’écoulement et régimes d’écoulement τ ds dx = 0 avec z altitude du centre de l’élément, c’est-à-dire, en posant : 2.1 Écoulement dans les conduites cylindriques longues p g = p + ρgz dp g 1 ------------ = – ----S dx τ ds (4) (5) Pour une conduite de section circulaire, τ ne dépend que de la distance r à l’axe ; en choisissant un volume de référence conservant cette symétrie de révolution, l’expression (5) devient : dp g 2τ ------------ = – -------r dx (6) et en particulier, à la paroi de la conduite, de diamètre D, où la contrainte tangentielle prend la valeur τ 0 : dp g 4τ 0 ------------ = – ----------D dx Dans les conditions qui viennent d’être précisées, on constate que la vitesse est partout parallèle à l’axe de la conduite ; les lignes de courant sont toutes des droites parallèles aux génératrices. Suivant l’importance des forces de viscosité par rapport aux forces d’inertie de l’écoulement, on observe pour celui-ci plusieurs régimes possibles. Ce rapport de forces est caractérisé par un nombre de Reynolds : Re = vD ρ/µ (3) avec v vitesse caractéristique de l’écoulement (souvent la vitesse moyenne dans la section), D dimension caractéristique de la section transversale (diamètre pour une conduite de section circulaire). Ce nombre est d’autant plus grand que les forces de viscosité ont moins d’importance relative. Lorsque Re est inférieur à une valeur limite de l’ordre de 2 000, l’écoulement est toujours laminaire, c’est-à-dire exempt de turbulence. Dans les conditions industrielles, pour Re > 2 500, il est en pratique toujours turbulent, c’est-à-dire que les forces de viscosité ne sont plus suffisantes pour empêcher les inévitables perturbations d’engendrer une multitude de petits tourbillons qui se superposent à l’écoulement global. Figure 4 – Équilibre d’un élément de volume cylindrique de liquide compris entre deux sections transversales Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 5 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ Comme pg est constante dans toute section transversale, on a nécessairement dans chaque section : 2.2.1 Rugosité 2τ 0 τ(r ) ------------- = ---------D r (7) 2.1.4 Notions de charge et de perte de charge On utilise couramment en hydraulique la notion de charge, qui représente l’énergie mécanique totale des particules fluides par unité de poids ; elle a les dimensions d’une longueur : pg v2 p v2 h = --------- + z + --------- = --------- + --------2g ρg 2g ρg h dq V hv dS h m = ---------------------- = ----------------------dq V v dS v 3 dS pg 1 h m = --------- + --------- ---------------------ρg 2g v dS soit Le quotient des deux intégrales est homogène au carré d’une vitesse ; il ne dépend que de la distribution des vitesses dans la section, et il est toujours supérieur au carré de la vitesse moyenne vm = 2 v dS/ dS . On le désigne par αv m . Le coefficient α, toujours supérieur à l’unité, prend dans les conduites de section circulaire la valeur 2 pour les écoulements laminaires ; pour les écoulements industriels très turbulents, il est pratiquement compris entre 1,05 et 1,10. Entre deux sections d’une conduite cylindrique longue, ce terme ne change pas de valeur. Par suite, la perte d’énergie mécanique du fluide, ou perte de charge, ne dépend que des variations de pg : dh m 4τ 0 1 dp g -------------- = --------- ------------ = – -------------ρg dx D ρg dx (9) On utilise souvent également l’énergie mécanique totale par 2 vm unité de volume du fluide p g + αρ ---------- , qui est une pression ; elle 2 sert par exemple à évaluer les charges et pertes de charge dans les circuits de gaz. On a alors de la même façon, pour un fluide de masse volumique constante : 2 vm d --------- p g + αρ --------dx 2 dp g 4τ 0 = ------------ = – ----------D dx Puisque, d’après les relations (9) et (10), les pertes de charge sont liées aux contraintes de frottement à la paroi de la conduite, elles dépendent non seulement des paramètres de l’écoulement, mais de l’état de surface (plus ou moins lisse ou rugueux) de cette paroi. On qualifie ordinairement cet état par une seule dimension géométrique k, qui est d’un ordre de grandeur comparable à la hauteur géométrique moyenne des aspérités de cette paroi. Les valeurs de k pour des natures de parois usuelles sont données par le tableau 6. (0) (8) C’est la constance de cette charge, somme de trois termes traduisant des énergies respectivement de pression, de hauteur et cinétique, qu’exprime l’équation bien connue de Bernoulli, en l’absence de pertes. Dans les différents points d’une section transversale, les variations du terme d’énergie cinétique v 2 / 2g occasionnent des variations de la charge ; on définit une charge moyenne h m en affectant à chaque débit élémentaire d q V traversant un élément de section dS, sa propre charge : 2.2 Évaluation des pertes de charge (10) Tableau 6 – Rugosité géométrique de parois usuelles Rugosité uniforme équivalente k (mm) Nature de la paroi Tuyau étiré en verre, cuivre, laiton .......... Tuyau industriel en laiton......................... Tuyau en acier laminé : — neuf ....................................................... — rouillé .................................................... — incrusté ................................................. — bitumé intérieurement......................... Tuyau en acier soudé : — neuf ....................................................... — rouillé .................................................... Tuyau en fer galvanisé.............................. Tuyau en fonte usuelle moulée : — neuf ....................................................... — rouillé .................................................... — bitumé intérieurement......................... Tuyau quelconque, fortement incrusté ... Tuyau en ciment : — lisse ....................................................... — brut........................................................ Tuyau en acier riveté................................. Planches non rabotées.............................. Pierre de taille............................................ Galerie brute de percement...................... 0,05 0,15 à 0,25 1,5 à 3 0,015 0,03 à 0,1 0,4 0,15 à 0,20 0,25 1 à 1,5 0,1 jusqu’à 3 0,3 à 0,8 jusqu’à 3 0,9 à 9 1 à 2,5 8 à 15 90 à 600 Un raisonnement fondé sur l’analyse dimensionnelle [3] montre que la perte de charge ∆h dans une conduite de longueur L peut se mettre sous la forme : 2 L vm ∆h = Λ ------ --------D 2g (11) avec Λ coefficient de perte de charge, qui ne dépend que de deux facteurs adimensionnels : Λ = f Re, -----Dk- avec Re nombre de Reynolds caractérisant l’écoulement défini par (3), k ------ rugosité relative de la paroi. D Remarque : cette façon d’exprimer la perte de charge sous forme de différence de pression par unité de longueur est surtout utilisée pour les gaz. Lorsque la masse volumique ρ du gaz peut être considérée comme constante (sur une courte longueur de tuyauterie), la formule (10) reste valable. Mais sur une conduite longue, varie et il faut utiliser les équations de l’écoulement établies au paragraphe 3. A 738 − 6 < 0,001 0,025 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES 2.2.2 Pertes de charge dans les conduites longues La formule empirique de Colebrook couvre, pour les conduites industrielles, les deux domaines précédents et la transition qui les sépare : Nota : le lecteur pourra se reporter à la référence bibliographique [4]. 2.2.2.1 Écoulements laminaires Pour les écoulements laminaires (Re < 2 000 à 2 500), le coefficient de pertes de charge Λ dépend du seul nombre de Reynolds Re (formule de Hagen-Poiseuille) : Λ = 64/Re (12) 2.2.2.2 Écoulements turbulents hydrauliquement lisses ■ Pour des nombres de Reynolds supérieurs au seuil précédent, mais inférieurs à une valeur de l’ordre de 105 (et en pratique dépendant de la rugosité), les contraintes de frottement à la paroi ne dépendent pratiquement pas de la rugosité : l’écoulement est dit hydrauliquement lisse, et le coefficient Λ est donné par la formule de Blasius : Λ = 0,316 Re –1/4 = 1/ 4 100 Re (14) 2.2.2.3 Écoulements turbulents complètement rugueux Dans les conduites rugueuses, pour des nombres de Reynolds suffisamment élevés (la limite dépendant de la rugosité), le coefficient Λ ne dépend plus que de la rugosité (formule de Karman-Prandtl) : 1/ Λ = – 2 lg ( k /D ) + 1,14 k 2,51 1 ----------- = – 2 lg 0,270 ------ + ------------------D Re Λ Λ (16) L’ensemble des variations de Λ en fonction du nombre de Reynolds Re et de la rugosité relative k /D est représenté par la figure 5. Pour évaluer rapidement les pertes de charge dans une conduite industrielle, il est commode d’utiliser un abaque, comme celui de la figure 6, tiré de [5], qui permet de traiter des débits de 10– 4 à 7 m3/s avec des diamètres de 50 à 1 500 mm, la rugosité étant supposée égale à 2 mm. 2.2.3 Conduites de section non circulaire (13) ■ Pour les nombres de Reynolds supérieurs, Λ est donné par la formule de Karman-Nikuradze : 1/ Λ = 2 lg ( Re Λ ) – 0,8 2.2.2.4 Ensemble des écoulements turbulents (15) La dimension transversale D utilisée habituellement est le diamètre hydraulique D H , égal à quatre fois le rayon hydraulique R H , lui-même quotient de l’aire S de la section par son périmètre χ : S D H = 4R H = 4 ----χ Ce diamètre, égal à celui de la conduite lorsqu’elle est circulaire, est utilisé dans la formule (3) pour le calcul du nombre de Reynolds et dans les formules (12), (13), (14), (15) et (16) pour le coefficient de pertes de charge. Pour les écoulements laminaires, le coefficient numérique de la formule (12) n’est plus égal à 64 ; sa valeur dépend de la forme de la section ; Comolet [4] en donne des exemples où il peut varier de 47 à plus de 96. Figure 5 – Coefficient de pertes de charge en fonction de la rugosité relative k /D et du nombre de Reynolds Re Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 7 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ Pour les écoulements turbulents, si la forme de la section transversale ne s’éloigne pas trop du cercle (polygone régulier convexe, rectangle peu allongé) les formules (12), (13), (14), (15) et (16) donnent encore des résultats satisfaisants, en général à moins de 5 % près. 2.2.4 Conduites circulaires courbes Pour les conduites de section circulaire dont la ligne médiane est courbée, on se réfère à la courbure relative : β = D / 2R avec R rayon de courbure de cette ligne médiane. Des études ont été faites dans le cas des écoulements laminaires et turbulents lisses. Pour les écoulements laminaires, on forme le nombre de Dean : De = Re β et l’on calcule Λ par la première formule de Ito, valable pour 30 < De < 2 000 : 64 Λ = --------- 0,100 8 De 1 + a 1 De –1/ 2 + a 2 De –1 (17) Re + a 3 De –3/ 2 + a 4 De –2 avec a 1 = 3,945, a 2 = 7,702, a 3 = 9,907, a 4 = 5,608. Pour les écoulements turbulents lisses, on forme le paramètre : = Re β 2 Pour 0,034 < < 300, Ito donne la formule : Λ / β = 0,29 + 0,304 –1/4 (18) Figure 6 – Abaque pratique pour le calcul des conduites d’eau, d’après la formule de Colebrook et adopte la formule de Blasius (13) pour < 0,034. 2.2.5 Pertes de charge singulières Lorsque l’écoulement d’un fluide traverse un organe ou une singularité de la conduite où sa vitesse change rapidement de direction et/ou de grandeur, il s’ensuit une perte de charge supplémentaire. On met en évidence expérimentalement cette perte en relevant la ligne piézométrique le long de la conduite (figure 7) et en extrapolant les lignes de pression des conduites longues en amont et en aval de l’accident, ce qui permet de considérer cette perte de charge, dite singulière, comme localisée. Pour les écoulements turbulents, les pertes de charge singulières sont très généralement proportionnelles à la pression cinétique ρv 2 / 2, donc au carré de la vitesse : ∆pg = ζρv 2 / 2 (19) Figure 7 – Définition d’une perte de charge singulière Le coefficient de proportionnalité ζ est caractéristique de la singularité. On en trouvera de nombreuses valeurs dans des recueils spécialisés, par exemple dans [6]. Le tableau 7 donne les plus usitées. A 738 − 8 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES 2.2.6 Pertes de charge dans les conduites de répartition Lorsqu’une conduite de longueur L entre deux points A et B (figure 8) sert à alimenter un certain nombre d’appareils ou de clients, il est souvent impossible de connaître à chaque instant la répartition des débits le long de cette conduite, et par suite d’y calculer en toute rigueur la perte de charge. On peut cependant en obtenir une évaluation approchée en admettant [7] que le débit consommé est réparti linéairement le long de la conduite. Pour cela, on peut soit estimer un débit fictif équivalent le long du tronçon AB, soit considérer que tout le débit distribué est prélevé fictivement en un point C. ■ Débit fictif équivalent (figure 8 a ) : en appelant q Vd le débit distribué le long du tronçon AB et q Vs le débit sortant en B (le débit q Ve entrant en A valant alors q Vd + q Vs ), on montre [7] que le débit fictif équivalent donnant la même perte de charge que la distribution linéaire de la consommation a pour valeur : q Vm = q Vs + 0,54q Vd (20) ■ Prélèvement fictif équivalent (figure 8b ) : dans ce cas on montre [7] que le point C donnant la meilleure approximation de la perte de charge est situé de telle façon que : AC = 5L / 12 (21) 2.2.7 Réseaux maillés Dans de nombreux cas de distribution, et en particulier pour bien des distributions urbaines, on est amené à former un réseau comportant un certain nombre de mailles fermées, dans lequel la détermination du débit dans chaque tronçon doit faire l’objet d’une étude particulière. On trouvera l’étude détaillée de ce problème et des méthodes de calcul correspondantes dans les références bibliographiques [8] [9]. Figure 8 – Évaluation de la perte de charge dans une conduite de répartition AB (0) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 9 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ Tableau 7 – Pertes de charges singulières pour des conduites de section circulaire R -----D 0,5 0,75 1,0 1,5 2 ζ α ζ 0,90 0,45 0,35 0,25 0,20 15o 30o 45o 60o 90o 0,1 0,2 0,5 0,7 1,3 Coude arrondi (angle droit) Coude à angle vif ζ = 0,2 à 0,3 ζ≈2 Coude muni de directrices (angle droit) Soupape D --------1D2 ζ D --------2D1 ζ 0,1 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 0,9 0,7 0,4 0,2 0,1 0,2 0,4 0,6 0,8 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 D --------2D1 ζ 0,1 0,2 0,4 0,6 0,8 0,9 2,5 2,5 2,5 2,3 1,9 1,5 ζ=1 Élargissement brusque Diaphragme mince et élargissement brusque Rétrécissement brusque ζ1 = 0 α ζ2 R -----D ζ α 15o 30o 45o 60o 90o 0,1 0,3 0,5 0,7 1,3 0,5 0,75 1 1,5 2,0 1,2 0,6 0,4 0,25 0,2 15o 30o 45o 60o 90o Dérivation latérale Bifurcation arrondie (angle droit) Droite ζ ≈ 0,9 Double T A 738 − 10 ζ 0,1 0,3 0,7 1,0 1,4 Bifurcation à bords vifs En paroi ζ ≈ 0,5 A entrée profilée Pièces d’aspiration Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique R -----D ζ 0,2 0,5 0,8 0,2 0,1 0,05 _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES 3. Écoulement permanent des gaz et des vapeurs cette loi dans les calculs approchés, si leur état n’est pas trop proche de la saturation ; dans le cas contraire, il est nécessaire d’introduire en ordinateur les tables représentatives des états du fluide, ou des équations d’ajustement (souvent compliquées) qui les représentent. Les fluides compressibles (gaz et vapeurs) se comportent, en particulier dans leurs écoulements, de façon différente de celle des liquides. Ces derniers sont très généralement considérés comme ayant une masse volumique ρ constante, en particulier indépendante de la pression ; et, le plus souvent, leur température ne varie pratiquement pas, en l’absence de transfert thermique. Au contraire, les gaz sont le siège d’une variation importante de leur masse volumique, liée aux variations de pression dues par exemple aux pertes de charge ou aux variations de vitesse dans l’écoulement, et associées à des variations de température. Sauf pour les courtes longueurs de tuyauterie (remarque § 2.1.4), l’étude de l’écoulement des gaz nécessite de combiner une relation entre ces divers paramètres, propre au fluide, appelée équation d’état, aux équations classiques en mécanique des fluides (continuité, dynamique, énergie) que nous allons rappeler au paragraphe 3.1. La complexité des solutions générales nous conduira à limiter les applications à trois cas fréquemment rencontrés dans les écoulements industriels : — l’écoulement (voulu ou non) du fluide à travers les organes de détente, où la section varie très rapidement et où l’on néglige en première approximation les frottements et les transferts thermiques (§ 3.2) ; — l’écoulement avec frottements dans les conduites longues, en l’absence de transfert thermique (§ 3.3) ; — l’écoulement avec frottements dans les conduites longues, avec des transferts thermiques suffisamment intenses pour maintenir le fluide pratiquement isotherme (§ 3.4). Les écoulements réels dans les conduites longues se rapprochent plus ou moins de l’un des deux cas précédents. 3.1 Équations à prendre en compte Dans ce qui suit, nous donnerons les bases d’étude des écoulements des gaz et des vapeurs, mises en équations lorsque cela est possible ; nous ne développerons pas les calculs théoriques, que le lecteur pourra trouver soit dans l’article Mécanique des fluides [A 1 870] du traité Sciences fondamentales, soit dans d’autres ouvrages traitant de la mécanique des fluides compressibles, par exemple [2] [4]. 3.1.2 Équation de continuité L’équation de continuité sera écrite en supposant que les paramètres d’état et la vitesse ont la même valeur (valeur moyenne) en tous les points d’une même section transversale. Le débit massique q, constant en fonction de l’abscisse et du temps, s’écrit donc : q = ρSv (25) équation que l’on utilisera souvent sous sa forme dérivée : dρ dS dv --------- + ---------- + --------- = 0 ρ S v Dans les conduites cylindriques (S = cte), ces équations se simplifient en : ρv = q /S = cte (27) dρ dv --------- + --------- = 0 v ρ L’équilibre des forces entre deux sections infiniment voisines distantes de dx s’écrit, en tenant compte des pertes de charge [caractérisées par un coefficient Λ dans une conduite de diamètre D, (§ 2.2)] et de la remarque du paragraphe 2.1.4 : v2 v 2 dx dp d -------- + --------- = – Λ -------- --------2 2 D ρ 3.1.4 Équation d’énergie La conservation de l’énergie totale du fluide dans son écoulement (abstraction faite de l’énergie potentielle de pesanteur, très généralement négligeable pour les gaz et les vapeurs) s’écrit : H = g (p, T ) (23) Le traitement mathématique des problèmes d’écoulement de fluides compressibles est relativement simple lorsque l’équation d’état l’est aussi. On admet souvent, pour les gaz permanents, qu’ils suivent la loi des gaz parfaits : p ----- = rT ρ (24) avec r = R /M. Des correctifs à cette loi peuvent être introduits, en particulier dans les calculs sur ordinateur. Pour les vapeurs, on continue à appliquer (29) Dans les conduites industrielles où un écoulement turbulent rugueux est établi, le coefficient de pertes de charge Λ est constant. Pour les cas où le régime d’écoulement est turbulent lisse (§ 2.2.2.2), A. Fortier a montré que les variations de Λ le long de la conduite sont faibles, ce qui autorise à les négliger. 3.1.1 Équation d’état à laquelle on doit, si nécessaire, ajouter des relations exprimant, en fonction des deux paramètres choisis, les autres variables éventuellement utilisées (telles que enthalpie, entropie, etc.), par exemple : (28) 3.1.3 Équation dynamique v2 d -------- + H 2 L’équation d’état d’un fluide compressible exprime que toutes ses variables d’état ne dépendent que de deux paramètres indépendants, à choisir librement ; elle s’exprime souvent sous forme d’une relation entre la pression, la température et la masse volumique : f (p, T, ρ) = 0 (22) (26) avec H dPT = dP T (30) enthalpie massique du fluide, puissance thermique fournie, sur un élément de longueur infiniment petite, à l’unité de masse du fluide par le milieu extérieur, à travers la paroi de la conduite. L’expression de dPT tient compte des conditions de transfert thermique à l’extérieur de la conduite, à travers sa paroi et à l’intérieur ; ces dernières au moins varient avec l’abscisse. Leur introduction permet d’étudier sur ordinateur l’évolution de l’écoulement le long de la conduite. La formulation de cette évolution reste simple si l’on peut éviter de prendre en considération l’expression de ces transferts thermiques, ce qui est autorisé dans les deux cas suivants : — les transferts sont négligeables ; l’écoulement est alors adiabatique (dPT = 0) ; — les transferts thermiques sont suffisamment intenses pour que l’écoulement reste isotherme ; il est alors inutile de considérer l’équation d’énergie (30), que l’on remplace par : T = Cte (31) Pour un gaz parfait, il en découlerait : H = Cte Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique (32) A 738 − 11 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ 3.2 Écoulement à travers les organes de détente ou, pour un écoulement pratiquement isentropique : v = 3.2.1 Équation générale Dans les organes de détente (vannes, robinets, détendeurs), la section offerte à l’écoulement décroît rapidement ; la courte longueur de ces organes permet d’y négliger les transferts thermiques et, en première approximation, les pertes de charge par frottement. Les pertes de charge singulières (élargissement brusque à la sortie) peuvent être localisées après la section minimale ; leur évaluation, pour laquelle l’assimilation à un liquide perd sa légitimité, n’a pas à être prise en compte si l’on considère l’écoulement en amont de cette section minimale. Dans cette première partie de l’écoulement, le fluide s’écoule comme dans la partie convergente d’une tuyère. En général, la section minimale de l’écoulement n’est pas la section géométrique minimale de l’organe ; elle se situe légèrement en aval et elle est plus petite ; le rapport de ces sections est le coefficient de contraction [6]. Bien que l’écoulement ne soit pas réversible, l’entropie n’augmente que très peu dans la partie amont (avant la section contractée), et un gaz parfait y suit alors assez bien l’évolution traduite par : (33) p /ργ = Cte En combinant les équations (24), (26), (29) et (33), et en introduisant la célérité c du son dans les conditions physiques du fluide en chaque point de l’écoulement : c = dp --------- = dρ γrT = γp -------ρ (34) on établit (article Mécanique des fluides [A 1 870] du traité Sciences fondamentales et [2]) l’équation de l’écoulement, qui peut s’écrire avantageusement sous la forme : v2 dS dv ---------- + --------- 1 – -------2v S c =0 (35) 2γ p p -------------- ------i- 1 – ------γ – 1 ρi pi ( γ – 1 )/ γ On en déduit le débit massique du fluide : p q = Sρv = Sρ i ------pi 1/ γ 2γ p p -------------- ------i- 1 – ------pi γ – 1 ρi pm --------- = pi 2 ------------γ+1 A 738 − 12 = 2r γ -------------- ( T i – T ) γ–1 (38) γ /(γ – 1) (39) et l’écoulement est alors sonique dans la section contractée (cas c du § 3.2.1). Pour les gaz diatomiques, γ = 1,4 et l’on a : p m /pi = 0,528. La figure 9 montre les variations du débit massique q en fonction de la pression p ; on voit que le même débit, inférieur au maximum q max , peut être obtenu pour deux valeurs de p, l’une supérieure et l’autre inférieure à p m , auxquelles correspondent respectivement des écoulements subsonique et supersonique dans la partie convergente. Si l’écoulement est subsonique en amont, il ne sert à rien d’abaisser p en aval au-dessous de p m : la pression p c dans la section contractée reste égale à p m , et le débit est alors maximal. Dans cette section, la température a alors pour valeur : 2 T c = T i -------------γ+1 (40) et la vitesse vaut : vc = pc γ -------- = c c ρc En désignant par l’indice i les caractéristiques du fluide dans une zone amont de vitesse nulle (réelle ou fictive), on peut exprimer [2] la vitesse locale v en fonction d’une caractéristique (p, ρ ou T ) du fluide au même point ; on obtient : ( γ – 1 )/ γ Pour une pression pi donnée à l’amont, le débit varie en fonction de la pression p que l’on impose dans la section contractée ; il est maximal pour p = p m défini par : 3.2.2 Vitesse et débit de l’organe p 2γ p -------------- ------i- – ----γ – 1 ρi ρ (37) qui est la relation de Barré de Saint-Venant. appelée relation d’Hugoniot. On voit immédiatement sur cette relation comment évolue l’écoulement en amont de la section contractée, où dS < 0 (dans le sens de l’écoulement) : a ) écoulement subsonique (v /c < 1) : dv est positif, la vitesse augmente ; b ) écoulement supersonique (v /c > 1) : dv est négatif, la vitesse diminue ; c ) écoulement sonique (v /c = 1) : n’est possible que pour dS = 0, c’est-à-dire dans la section contractée ; l’écoulement subsonique ou supersonique amont tend progressivement vers un écoulement sonique, qu’il atteint dans cette section, qui réalise alors un véritable contrôle du débit. v = (36) Figure 9 – Débit en fonction de la pression pour un organe de contrôle Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique (41) _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES 3.3 Écoulement adiabatique avec frottements dans les conduites cylindriques longues On peut fréquemment admettre que l’écoulement d’un gaz dans une conduite longue rentre dans ce cas, soit que la conduite soit calorifugée pour réduire au minimum les échanges thermiques, soit que déjà ils soient suffisamment faibles pour pouvoir être négligés dans la pratique. Dans ce cas, l’équation de continuité, vu la constance de la section, se ramène aux formes simples (27) ou (28) ; l’équation dynamique, qui traduit les pertes de charge par frottement, est toujours l’équation (29) ; et l’énergie du fluide ne varie pas, c’est-à-dire que l’équation (30) se ramène à : dv 2 ------------ + dH = 0 2 (42) En combinant ces diverses équations, on obtient une équation différentielle relative à la vitesse v dans la conduite : dv v 2 dx v dv – c 2 --------- + γΛ -------- --------- = 0 2 D v que l’on peut écrire : v 2 dx dv --------- ( v 2 – c 2 ) + γΛ -------- --------- = 0 2 D v (43) où Λ est le coefficient de perte de charge (§ 2.2.2). Le second terme de cette équation (43) est toujours positif ; on peut donc conclure immédiatement : — écoulement subsonique (v < c ) : dv est positif, la vitesse augmente le long de la conduite dans le sens de l’écoulement ; — écoulement supersonique (v > c ) : dv est négatif, la vitesse diminue alors le long de la conduite ; — écoulement sonique (v = c ) : n’est possible que pour dx = 0, c’est-à-dire en fait à l’extrémité aval de la conduite, qui se comporte comme la section contractée d’une tuyère, et bloque l’écoulement. On voit que le comportement de l’écoulement présente une analogie avec celui qui a son siège dans une tuyère convergente : un écoulement supersonique ou subsonique tend à se rapprocher d’un écoulement sonique ; il peut éventuellement atteindre cet état dans la section de sortie de la tuyauterie. Si l’on intègre l’équation (43), en introduisant la célérité critique c c (vitesse de blocage) définie par l’équation (41), dans laquelle p c est égale à la pression p m calculée par (39), et en appelant v 0 la vitesse à l’abscisse x = x 0 (entrée de la conduite), on obtient : v0 ln ------v 2 2 1 1 + c c -------– -------22 v0 v Λ - ------ ( x – x ) = ------------γ+1 D 2γ 0 (44) Une représentation graphique de cette équation montre : — que la courbe v (x ) présente deux branches, correspondant respectivement aux écoulements supersonique (v /c c > 1) et subsonique (v /c c < 1) ; — que l’abscisse x ne peut dépasser une valeur x max , pour laquelle l’écoulement devient sonique ; physiquement cela signifie qu’une conduite plus longue ne peut être alimentée à la vitesse v 0 avec un gaz dont les caractéristiques se traduisent par une célérité critique c c : le débit d’un tel fluide est alors limité par la conduite elle-même et, comme au paragraphe 3.2, il ne sert à rien d’abaisser la pression à l’aval au-dessous de p c . La figure 10 représente cette courbe en coordonnées réduites adimensionnelles v /c c et ξ, en remarquant que l’équation (44) peut s’écrire : f (v /c c ) – f (v 0 /c c ) = ξ – ξ0 (valable quel que soit γ), avec f v/c c = ln v 2 /c c + c c /v 2 2 2 ξ = x /x * γ+1 D x * = -------------- -----2γ Λ D / Λ a une signification physique simple : c’est la longueur de tuyauterie dans laquelle, pour un fluide à masse volumique constante (donc à vitesse constante en régime permanent), les pertes de charge atteindraient la valeur de l’énergie cinétique ρv 2 / 2. Le facteur (γ + 1) / 2γ est légèrement inférieur à 1 (0,857 pour les gaz diatomiques). À chaque valeur de v /c correspond une valeur de ξ. L’origine des ξ, sur la figure 10, a été choisie au point d’abscisse maximale x max . Les valeurs de ξ sont donc toutes négatives. La branche inférieure (écoulements subsoniques) a été tracée à trois échelles d’abscisses, pour permettre de traiter aussi bien les faibles valeurs de ξ que les valeurs élevées, jusqu’à ξ = – 200 (longueurs atteignant 10 000 diamètres environ). Les écoulements supersoniques (branche supérieure) ne sont pratiquement possibles que dans les conduites relativement courtes, à cause des pertes de charge élevées dues aux grandes vitesses : ξ atteint à peine la valeur de – 1,6 (soit en pratique une longueur de 50 à 100 diamètres) pour v /c c = 3,6. Dans les deux cas, comme prévu, le rapport v /c c se rapproche de l’unité dans le sens de l’écoulement. Deux exemples sont traités sur la figure 10. 3.4 Écoulement isotherme avec frottements dans les conduites cylindriques longues Lorsque les transferts thermiques entre le fluide et l’extérieur sont suffisamment intenses pour que sa température reste à peu près constante, on peut considérer l’écoulement comme isotherme. Il n’est pas nécessaire alors d’évaluer ces échanges de chaleur. Les équations (27), (28) et (29) exprimant la continuité et la dynamique de l’écoulement restent valables ; on ne prendra plus en considération l’équation (42) exprimant la constance de l’énergie totale du gaz, mais l’équation (31), et, dans le cas des gaz parfaits, l’équation (32) qui exprime la constance de son enthalpie (et de son énergie interne). En combinant ces équations, on obtient [2] [4] l’équation différentielle de la vitesse dans la conduite : p 0 dv Λ dx dv - -------------- --------- + --------- = ------ρ0 v 3 2 D v que l’on peut mettre sous la forme : 2 c0 dv Λ dx --------- v 2 – ------- + ------ v 2 --------- = 0 v 2 D γ (45) avec c 0 célérité du son, donnée par la relation (34), à la température T 0 de l’écoulement, Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 13 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ c 0 / γ serait la valeur de la célérité si, dans la propagation du son, l’évolution des perturbations était isotherme (au lieu d’être adiabatique comme dans la réalité) ; bien que fictive, cette célérité justifie que, par raison de simplification, nous appelions encore supersonique et subsonique les écoulements où v est supérieure ou inférieure à c 0 / γ . Avec cette convention, l’équation (45) permet d’obtenir les mêmes conclusions qu’au paragraphe 3.3 : — écoulement subsonique (v < c 0 / γ ) : dv est positif, la vitesse augmente le long de la conduite dans le sens de l’écoulement ; — écoulement supersonique (v > c 0 / γ ) : dv est négatif, la vitesse diminue le long de la conduite ; — écoulement pseudo-sonique (v = c 0 / γ ) : n’est possible qu’à l’extrémité aval de la conduite. Qualitativement, le comportement de l’écoulement est le même que pour un écoulement adiabatique ; la célérité critique c c est seulement remplacée par la célérité fictive c 0 / γ . Notons de plus que le sens du transfert thermique dépend de la valeur de l’écoulement : un écoulement subsonique, qui s’accélère et diminue sa pression sans voir baisser sa température, reçoit de la chaleur (donc de l’énergie) de l’extérieur ; au contraire, un écoulement supersonique cède de la chaleur au milieu extérieur. Si l’on intègre l’équation (45) en appelant Ma = v /c 0 le nombre de Mach, on obtient : p0 1 v0 1 ------- -------- – -------- + ln ------ρ0 v 2 v 2 v 0 2 Λ = ------ ( x – x 0 ) D (46) soit : 2 Ma 0 1 1 1 ln -------------2- + ----- -------------2- – -------------2γ Ma Ma Ma 0 Λ = -----D- ( x – x ) 0 (47) Comme pour l’écoulement adiabatique (§ 3.3), on peut écrire : g (Ma ) – g (Ma 0) = ξ – ξ 0 avec g (Ma ) = ln (Ma )2 + 1/γ Ma 2 ξ = x /x ** x ** = D /Λ On remarque cependant qu’ici la fonction g n’est pas unique : elle dépend de la valeur de γ pour le gaz considéré. La figure 11 représente les variations de v en fonction de x (sous la forme des coordonnées réduites adimensionnelles Ma et ξ) pour les gaz diatomiques (γ = 1,40). Les équations (47) et suivantes permettent aisément d’effectuer les calculs pour d’autres valeurs de γ. Les variations de la figure 11 ont la même allure et les mêmes propriétés que sur la figure 10. Dans le sens de l’écoulement, la valeur de Ma se rapproche de la valeur limite 1/ γ . Au voisinage de v = c 0 / γ (= 0,845c 0 pour γ = 1,40), les échanges thermiques, qui devraient assurer le caractère isotherme de l’écoulement, deviendraient si élevés qu’ils sont pratiquement irréalisables (la partie correspondante de la courbe est tracée en tireté) ; l’écoulement se rapproche alors généralement de l’adiabatique (figure 10). Deux exemples sont traités sur la figure 11. Figure 10 – Évolution des vitesses dans une conduite cylindrique : écoulement adiabatique avec frottements A 738 − 14 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES Remarques ■ Les écoulements réels se situent tous entre ces deux cas limites (isotherme et adiabatique), ce qui permet d’évaluer largement une borne aux erreurs que l’on peut commettre en les assimilant, par simplification, aux cas ci-dessus dont le calcul est très abordable. ■ Lorsqu’une conduite longue présente des singularités, on peut efficacement, dans les traitements qui précèdent (§ 3.3 et 3.4), les assimiler à une longueur de conduite supplémentaire équivalente. 4. Écoulements diphasiques dans les conduites longues 4.1 Notion d’écoulement diphasique Dans de nombreux processus industriels, l’écoulement dans une conduite n’est pas celui d’un fluide homogène, compressible ou non, mais d’un mélange de deux fluides (dont au moins un liquide) ou d’un fluide et de particules solides. On dit alors qu’il s’agit d’un écoulement diphasique. On peut en trouver de multiples exemples dans l’industrie pétrolière, le transport hydraulique des déblais ou des combustibles, le transport pneumatique de nombreux matériaux pulvérulents, l’écoulement de vapeur et d’eau dans les générateurs de vapeur, les pompes à émulsion, etc. 4.2 Difficultés de l’étude des écoulements diphasiques Nous avons vu (§ 3) que l’étude d’un écoulement de fluide compressible était bien plus complexe que celle d’un fluide incompressible, nous conduisant à ne traiter que trois applications simplifiées, suffisamment voisines de cas réels. Dans le cas des écoulements diphasiques, la plupart des équations considérées au paragraphe 3.1 doivent être dédoublées, pour s’appliquer à chacune des phases ; il est en outre nécessaire de traiter des échanges entre les deux phases. La complexité du problème vu dans son ensemble est telle qu’il n’est pas possible, dans un espace nécessairement très limité, d’en traiter même sommairement. Aussi nous contenterons-nous, dans ce qui suit, de mentionner les principaux problèmes inhérents à l’étude des écoulements diphasiques, et de signaler les études où le lecteur pourra en trouver la solution. Le plus souvent, c’est alors sur l’expérience que repose le dimensionnement pratique des tuyauteries. 4.3 Configurations des écoulements diphasiques Figure 11 – Évolution des vitesses dans une conduite cylindrique : écoulement isotherme avec frottements On rencontre essentiellement dans les écoulements diphasiques les combinaisons suivantes : — liquide/liquide (non ou peu miscibles) ; — liquide/gaz (ou liquide avec sa vapeur) ; — liquide/solide divisé ; — gaz/solide divisé. Dans tous ces cas, plusieurs configurations, conduisant chacune à un traitement différent de l’écoulement, sont possibles. Pour les combinaisons de deux fluides, le problème est beaucoup plus complexe : il fait en effet intervenir théoriquement huit paramètres Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 15 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ adimensionnels indépendants, pouvant se réduire dans les cas les plus simples à quatre ou cinq ; aussi les domaines d’existence des diverses configurations ne sont-ils pas connus dans tous les cas possibles. Ces configurations ont fait l’objet d’une classification topologique [10] où on les trouvera représentées, en conduites respectivement proches de l’horizontale et de la verticale. On trouvera une approche des domaines de validité de quelques configurations dans [11] et de leurs frontières mutuelles dans l’article Écoulements diphasiques gaz-liquide [A 722] du traité Sciences fondamentales. 4.4 Équations des écoulements diphasiques Nous avons vu (§ 4.2) que le traitement des équations des écoulements diphasiques était, en général, extrêmement complexe. Leur établissement pose lui aussi de sérieux problèmes, car il diffère suivant les types d’écoulements diphasiques et suivant les configurations. On trouvera les lois générales des écoulements diphasiques dans l’article Écoulements diphasiques. Lois générales [A 720] du traité Sciences fondamentales, les bases de la mécanique des suspensions dans [12] et la théorie de l’écoulement des manutentions pneumatiques dans l’article Manutention pneumatique de produits en vrac [AG 7 510] de la rubrique Manutention continue du traité l’Entreprise industrielle. Pour les écoulements gaz-liquide et liquide-vapeur, un traitement approfondi de la théorie se trouve dans [13] [14], et leurs applications les plus courantes dans l’article Écoulements diphasiques gaz-liquide [A 722] du traité Sciences fondamentales. 4.7 Pertes de charge singulières De même, les données du paragraphe 2.2.5 et du tableau 7, ainsi que celles de [6], établies pour des liquides, ne sont pas valables pour les mélanges de fluides ou de fluide et solide constituant des écoulements diphasiques. On trouvera des résultats relatifs à certaines pertes de charge singulières (étranglements, coudes, changements de section) dans [21]. 4.8 Écoulements critiques Les écoulements critiques, qui limitent le débit des fluides compressibles dans les organes de manœuvre ou de détente et dans les conduites (§ 3.2, 3.3 et 3.4), sont beaucoup plus complexes à étudier pour les fluides diphasiques ayant un composant gazeux, car les célérités du son peuvent y être beaucoup plus faibles. On trouvera une excellente étude de ce problème dans [22]. 5. Écoulement non permanent des liquides dans les conduites longues 5.1 Phénomène du coup de bélier 5.1.1 Principe du coup de bélier 4.5 Mesures dans les écoulements diphasiques Des problèmes aussi complexes que ceux posés par les écoulements diphasiques nécessitent, à défaut de traitement théorique rigoureux, et en confirmation de calculs approchés, de nombreuses études et vérifications expérimentales. Mais les mesures dans de tels milieux inhomogènes présentent elles-mêmes des difficultés importantes, sinon parfois insurmontables. On trouvera une excellente étude systématique des grandeurs à mesurer et des instruments et méthodes de mesure disponibles dans [15]. La mesure des vitesses de particules solides a été spécialement étudiée dans [16]. Des résultats de mesures de vitesses critiques de transport de matériaux solides figurent dans [17] [18]. 4.6 Pertes de charge par frottement Les données qui figurent aux paragraphes 2.2.2 et 3.1 pour les pertes de charge en conduite dues à l’écoulement des fluides homogènes, incompressibles ou compressibles, ne sont pas valables pour les écoulements diphasiques. Pour les cas particuliers du transport hydraulique et de la manutention pneumatique, on trouvera des résultats dans l’article Manutention pneumatique de produits en vrac [AG 7 510] de la rubrique Manutention continue du traité l’Entreprise industrielle. Beaucoup plus complexe pour les écoulements liquide-gaz et liquide-vapeur, l’étude expérimentale des pertes de charge donne encore lieu à de nombreux travaux. La meilleure synthèse ancienne de ces résultats (pour des écoulements liquide-gaz isothermes) est dans [19], et une excellente synthèse récente dans [20]. A 738 − 16 Lorsqu’un liquide se déplace dans une conduite longue, avec une vitesse du même ordre de grandeur que sa vitesse économique (§ 6.2), c’est-à-dire de un à quelques mètres par seconde, son énergie cinétique est importante et ne peut disparaître instantanément, en cas de fermeture brusque volontaire ou inopinée, sans se manifester par des effets souvent néfastes. Ainsi l’énergie cinétique d’un liquide circulant dans une conduite industrielle représente-t-elle la puissance dépensée en pertes de charge par le liquide dans cette même conduite pendant un temps généralement compris entre quelques secondes et plus d’une minute. L’interruption très rapide de l’écoulement nécessite des forces de pression importantes, en regard desquelles la compressibilité du liquide, même faible, n’est plus négligeable, et intervient directement dans le phénomène, ainsi d’ailleurs que l’élasticité du tuyau. En revanche, les pertes d’énergie par frottement dans le tuyau pendant une évolution très brève sont en première approximation négligeables ; cette simplification permet d’écrire de façon très condensée l’équation qui régit les variations, dans l’espace (le long de l’abscisse x de la conduite) et dans le temps, d’un paramètre quelconque A décrivant l’état du fluide : ∂ 2A ∂ 2A ------------ = a 2 -----------∂x 2 ∂t 2 (48) Dans cette équation, due à Allievi, A peut représenter à volonté la pression génératrice p g , la hauteur piézométrique h, la vitesse v, etc. ; a représente une vitesse de propagation, qui sera précisée au paragraphe 5.1.2. Les solutions de l’équation (48) ont la forme très générale suivante : (49) A = A 0 + f 1 (x – at ) + f 2 (x + at ) La signification physique de ces solutions est expliquée par L. Bergeron dans [23] : tout paramètre descriptif de l’écoulement (vitesse, pression, etc.) voit se superposer, à son état initial, deux nouvelles évolutions, représentées par les fonctions f 1 et f 2 , qui Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES chacune demeurent inchangées (en négligeant les pertes par frottements) dans une translation vers l’amont et vers l’aval de la conduite, à la vitesse ± a. Ce sont donc de véritables ondes (de pression, de vitesse, etc.) ou ondes de changement de régime, dont la vitesse de propagation a est appelée célérité. 5.1.2 Célérité des ondes L’expression de la célérité a des ondes, qui apparaît au cours de l’élaboration des équations (48) d’Allievi [23], s’écrit : a = ε ----ρ ε D 1 + ----- -----E e (50) En l’absence de tuyau, en milieu infini, la célérité a pour valeur : a∞ = ε/ρ (51) Les problèmes de propagation de ces ondes sont susceptibles d’être traités par la méthode des caractéristiques, simplifiée par le fait que les caractéristiques sont ici linéaires (article Mécanique des fluides [A 1 870] du traité Sciences fondamentales) ; cette simplification a permis, séparément à Schnyder et à L. Bergeron, d’élaborer une méthode graphique de résolution très pratique [23]. On utilise maintenant de plus en plus des programmes de résolution sur ordinateurs. Nous n’exposerons pas ici ces diverses méthodes, renvoyant le lecteur intéressé et à des publications spécialisées sur le sujet [23], lui permettant de traiter un problème particulier. En revanche nous donnons dans le paragraphe qui suit des éléments permettant d’évaluer l’importance du coup de bélier dans quelques cas simples. 5.1.4 Effets du coup de bélier ε ≈ 2 × 109 Pa = 2 × 104 bar On conçoit intuitivement que les perturbations occasionnées par une manœuvre ou un incident sur une tuyauterie aient des résultats différents, suivant que l’onde qui les transmet a ou non le temps de revenir au point où elle se produit avant qu’elle ne soit elle-même terminée. Il est donc logique de considérer de ce point de vue deux sortes de perturbations : — les perturbations rapides, dont la durée d’évolution τ est inférieure au temps d’aller et retour des ondes le long de la conduite de longueur L : 2L τ --------(53) a c’est-à-dire 100 fois moins qu’un acier ordinaire ; dans ces conditions, la célérité des ondes de pression et de débit (qui est aussi celle des ondes acoustiques) est, en milieu infini, voisine de 1 400 m/s. — les perturbations lentes, dont la durée d’évolution τ est supérieure à ce temps : 2L (54) τ > --------a C’est aussi la valeur vers laquelle elle tend, par valeurs inférieures, pour des tuyaux très épais et très rigides (e et E élevés). Le coefficient ε de compressibilité du fluide, qui a les dimensions d’une pression, est défini par : ε dρ /ρ = dp (52) Pour l’eau, dans les conditions usuelles de température et de pression, il a pour valeur : ε D 1 + ----- ------ de l’équation (50) combine E e l’élasticité de la conduite avec celle du liquide ; connaissant les propriétés du matériau (E ) et les dimensions (diamètre D et épaisseur e) du tuyau, il est facile d’y calculer la célérité. Dans la pratique, pour les tuyaux en matériaux peu élastiques (métal, béton, grès, etc.) la célérité des ondes est comprise entre 700 et 1 300 m/s ; elle est d’autant plus forte que la pression de service est plus élevée, car l’épaisseur relative e /D est alors plus importante. Au contraire, pour les tuyaux constitués d’un matériau peu rigide (caoutchouc, divers plastiques) les valeurs de la célérité sont beaucoup plus faibles, et se situent le plus souvent entre quelques mètres et quelques dizaines de mètres par seconde. Le terme réducteur 1 Dans ce qui suit, nous considérerons uniquement des conduites cylindriques longues, exemptes de singularités susceptibles de réfléchir les ondes ; nous ne prendrons en compte que des manœuvres de fermeture (fermeture d’une vanne, arrêt d’une pompe par exemple) se produisant à l’extrémité de la conduite ; nous négligerons l’amortissement des ondes dû aux pertes de charge. 5.1.4.1 Fermeture rapide ( 2L/a ) On démontre que la surpression ∆p due à une fermeture rapide ne dépend pas de la longueur de la tuyauterie. Si la fermeture est totale, en appelant v 0 la vitesse initiale moyenne du liquide, la surpression a pour valeur : ∆p = ρav 0 5.1.3 Propagation des ondes Les valeurs qui précèdent montrent que, pour les tuyaux rigides, l’ordre de grandeur de la célérité est le kilomètre par seconde ; ainsi, à l’intérieur d’une même usine, les changements de régime d’écoulement dus à une manœuvre ou à un incident se propagent-ils d’une extrémité à l’autre de l’installation en une fraction de seconde ; pour des conduites d’adduction de 10 et de 100 km, ces temps de propagation atteignent respectivement une dizaine de secondes et près de deux minutes. Les ondes de changement de régime se réfléchissent sur toutes les singularités de la tuyauterie (extrémités, changements de section, etc.) ; dans les configurations simples, on considérera seulement les réflexions sur les extrémités, qui se produisent : — sans changement de signe de l’onde si le tuyau est fermé à l’extrémité correspondante ; — avec changement de signe de l’onde s’il est ouvert (par exemple, débouché sur un large réservoir). (55) Exprimée en hauteur de liquide, elle vaut : ∆h = av 0 /g (56) Si la fermeture est partielle, faisant passer la vitesse de v 1 à v 2 (toujours dans un temps τ 2L/a ), la surpression a pour valeur : ou ∆p = ρa (v 1 – v 2) (57) ∆h = a (v 1 – v 2)/g (58) 5.1.4.2 Fermeture lente ( > 2L/a) En admettant que la variation de débit est linéaire en fonction du temps pendant toute la durée de la fermeture (totale ou partielle), Michaud a démontré que la valeur de la surpression ne dépend pas de la célérité a des ondes. On a alors, pour une fermeture totale : ou ∆p = 2ρLv 0 /τ (59) ∆h = 2Lv 0 /g τ (60) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 17 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ Pour une fermeture partielle : ou ∆p = 2ρL (v 1 – v 2)/τ (61) ∆h = 2L (v 1 – v 2)/g τ (62) Dans la pratique, et sauf dispositions spéciales, les fermetures dues à des manœuvres de vannes ou à des arrêts de pompes ne réalisent pas la variation linéaire du débit ; par suite, la surpression qui se produit passe momentanément par des valeurs plus importantes que celles que donnent les formules (59), (60), (61) et (62), dans des proportions qui dépendent du défaut de linéarité et que seule une étude détaillée (§ 5.1.3) permet de déterminer. 5.1.4.3 Exemples Les exemples qui suivent ont pour but de donner des ordres de grandeur pratiques. ■ Sur une conduite d’eau de 1 000 m de longueur où la célérité a vaut 1 000 m/s (§ 5.1.2), une fermeture est rapide si elle dure moins de 2 s. Dans ce cas la surpression ne dépend pas de la loi de fermeture ; pour une vitesse initiale en conduite de 1 m / s, elle atteint 100 m d’eau. Si l’on réalisait dans la même conduite une fermeture assurant une variation linéaire du débit en 5 s, la formule (60) de Michaud donnerait une variation de pression de 40 m d’eau, par rapport à la pression en fonctionnement. Cette variation est une surpression si la vanne de fermeture est à l’extrémité aval du tuyau, une dépression dans le cas contraire (fermeture d’une vanne ou arrêt d’une pompe en amont) ; elle peut alors provoquer de la cavitation, qui complique l’étude du phénomène et peut le rendre plus dangereux. ■ Si l’on veut éviter une surpression dépassant 20 m d’eau dans une conduite de 60 km de longueur où la vitesse moyenne de l’eau est de 1 m/s, le temps de fermeture linéaire ne doit pas être inférieur à 10 min. Or on notera que le temps normal d’arrêt d’une pompe qui cesse accidentellement d’être alimentée en énergie est de l’ordre d’une fraction de seconde à quelques secondes, d’où la nécessité de prévoir des protections contre les coups de bélier. 5.2 Protection contre les coups de bélier Les coups de bélier, provoqués par des variations rapides du débit, peuvent être dus à des manœuvres de vannes, normales ou incorrectes, à l’arrêt prévu ou intempestif de pompes d’alimentation, et plus rarement à des accidents survenant à la conduite (rupture ou obstruction par un corps étranger). Pour protéger les tuyaux, il convient d’empêcher, au moyen de dispositions ou de dispositifs spéciaux appelés antibéliers, que la pression ne dépasse celle qui peut être supportée sans inconvénient ; les antibéliers seront choisis et placés en fonction des risques contre lesquels on désire protéger les tuyaux. Il existe des antibéliers spécifiques, qui permettent de combattre un seul de ces risques, et d’autres qui ont un caractère universel, sous réserve de leur emplacement correct. 5.2.1 Antibéliers spécifiques Certains dispositifs antibéliers combattent efficacement une cause déterminée ; on peut d’ailleurs dire que, plutôt que de supprimer les effets du coup de bélier, ils empêchent celui-ci de se produire ; en revanche, ils sont inefficaces contre les autres causes. 5.2.1.1 Vanne à fermeture lente Pour combattre les coups de bélier dus à la fermeture de la vanne d’alimentation, il convient de limiter la vitesse de fermeture de celle-ci. Nous avons donné au paragraphe 5.1.4.2 l’estimation du temps minimal de fermeture nécessaire lorsque la loi de variation du débit est linéaire, ce qui dans la pratique n’est guère réalisable. On trouvera dans l’article Robinetterie industrielle [BM 6 900] du présent traité, ainsi que dans [6], des données sur la section de passage en fonction du degré d’ouverture (position linéaire ou angulaire A 738 − 18 de la commande) pour différents types de vannes (papillon, vanne à guillotine, etc.) ; on prendra garde que la loi de section ne suffit pas à déterminer la loi de débit, mais qu’il convient de lui associer un coefficient de débit [6], ainsi que les variations de pression de part et d’autre de la vanne, résultant elles-mêmes de la manœuvre transitoire. On peut, au moyen d’un système de leviers ou de cames de commande, rapprocher la loi de fermeture d’une loi linéaire, ou bien ne pas modifier la loi de fonctionnement de la vanne ; dans les deux cas, la vitesse de fermeture du débit ne doit à aucun moment excéder celle d’une fermeture complètement linéaire (évaluée § 5.1.4.2). Cette solution, qui ne protège pas contre l’arrêt intempestif (toujours possible) d’une pompe, est particulièrement recommandée dans le cas des adductions purement gravitaires. 5.2.1.2 Volant d’inertie Une pompe faisant circuler un liquide dans un conduit est toujours susceptible de s’arrêter (manœuvre volontaire, panne du moteur, défaut d’alimentation en énergie, fonctionnement normal ou inopiné d’une sécurité, etc.). Lors d’un arrêt volontaire, il est possible de prendre des dispositions pour que la variation du débit soit suffisamment lente, afin d’éviter la formation d’ondes de pression préjudiciables au circuit. Dans les autres cas, et sans précautions spéciales, on peut craindre la création d’un coup de bélier intense. Une solution pour l’éviter est d’associer à la pompe un volant d’inertie : celui-ci emmagasine, pendant le démarrage de la machine, de l’énergie cinétique, ce qui permet à la pompe de continuer à tourner, à vitesse décroissante, pendant quelques secondes à quelques dizaines de secondes après l’interruption de son alimentation en énergie. On trouvera dans [7] des considérations sur l’énergie nécessaire, et dans [23] une méthode d’évaluation du coup de bélier résiduel. Il est conseillé à l’utilisateur de confier la responsabilité de cette évaluation au constructeur et/ou à l’installateur spécialisé. Dans les installations d’adduction d’eau, cette solution n’est guère appliquée qu’aux pompes de faible puissance pour lesquelles un volant de dimensions modérées peut convenir. 5.2.2 Antibéliers non spécifiques S’il peut être avantageux d’empêcher le coup de bélier de se produire, en revanche on ne lutte ainsi, comme nous venons de le voir, que contre une seule cause possible. Les dispositifs que nous allons voir maintenant servent à amortir les ondes de pression, indépendamment de leur origine. Bien entendu, ils laissent ces ondes se propager entre leur point de formation et l’endroit où ils sont installés. 5.2.2.1 Soupape de décharge Une soupape de décharge est un appareil de robinetterie qui s’ouvre dès que la pression dans la conduite dépasse une valeur réglée à l’avance, grâce le plus souvent à un ressort taré ; elle laisse alors passer un certain débit, ce qui superpose à l’onde de pression positive une onde négative. Ce dispositif ne combat donc que les surpressions et non les dépressions ; il nécessite une maintenance pour assurer son bon état de fonctionnement. Son prix peu élevé et la possibilité de le placer en divers points d’une conduite longue le rendent utilisable lorsque le point de formation du coup de bélier est incertain et que seules des surpressions sont initialement à craindre. 5.2.2.2 Cheminée d’équilibre Pour combattre hydrauliquement aussi bien les ondes négatives que positives, il faut pouvoir non seulement évacuer (temporairement ou non) une certaine quantité d’eau, mais aussi en fournir à la conduite que l’on doit protéger. Il faut donc disposer d’un réservoir partiellement plein pendant le fonctionnement, dans lequel les variations de pression sont associées à des variations de volume. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES Lorsque la surface libre de ce réservoir est à la pression atmosphérique, c’est une cheminée d’équilibre ; dans le cas contraire, il s’agit d’un réservoir sous pression d’air, appelé communément réservoir antibélier (§ 5.2.2.3). Le schéma d’une cheminée d’équilibre est représenté par la figure 12a. Lorsque la pression a tendance à baisser, par exemple, au pied de la cheminée, celle-ci fournit du liquide et permet d’ajuster la pression en fonction du niveau dans la cheminée ; l’inverse se produit dans le cas contraire. La pression ainsi imposée varie donc en général au cours du temps. Pour atteindre le plus vite possible la pression maximale ou minimale admise, on réalise parfois des cheminées d’équilibre à expansions (figure 12b ), où les volumes de liquide à fournir ou à recevoir sont constitués par des épanouissements de la cheminée situés presque entièrement au voisinage des niveaux correspondants. L’ordre de grandeur du volume V de la cheminée d’équilibre, comparé au volume SL de la conduite à protéger, est : V --------SL 2 v / 2g 0 ≈ -------------------∆h où ∆h est la surpression admise. Il est sensiblement réduit de moitié pour une cheminée à épanouissements. La présence de la capacité qui constitue une cheminée d’équilibre (ou un réservoir antibélier) confère au circuit hydraulique les propriétés d’un circuit oscillant (article Mécanique des fluides [A 1 870] du traité Sciences fondamentales), c’est-à-dire que des oscillations de pression et de débit, d’une période allant de quelques secondes à quelques minutes, peuvent y être entretenues ; on les amortit le plus souvent en reliant la cheminée à la conduite par un étranglement (figure 12) produisant une perte de charge qui augmente légèrement la surpression. Le niveau dans la cheminée d’équilibre pendant le fonctionnement normal de l’installation est imposé par la ligne piézométrique ; il faut donc que l’installation en soit permise à ce niveau, et suffisamment près des organes perturbateurs (vannes, machines hydrauliques). Ces conditions sont souvent remplies pour les grosses installations de pompage (débits compris entre quelques centaines de litres et quelques dizaines de mètres cubes par seconde) et pour les équipements hydroélectriques, où l’on met à profit le relief du sol. Figure 13 – Réservoir antibélier 5.2.2.3 Réservoir antibélier Pour les installations de pompage de débit plus modéré (quelques litres à quelques mètres cubes par seconde), où le relief permet rarement l’aménagement d’une cheminée d’équilibre, la protection est le plus souvent assurée par un réservoir antibélier, qui a l’avantage de pouvoir être installé à proximité des pompes et des vannes susceptibles d’engendrer des coups de bélier (figure 13). Le principe de fonctionnement de ce type d’appareil est identique à celui de la cheminée d’équilibre (§ 5.2.2.2) ; il est nécessaire de s’assurer que le volume d’air est toujours suffisant (par exemple au moyen de bougies électriques placées dans le réservoir) et de le renouveler périodiquement, car l’eau sous pression dissout lentement l’air. L’estimation du volume V 0 au repos du matelas d’air nécessaire a été donnée par M. Vibert [24], dans l’hypothèse d’une évolution isotherme de l’air, par la formule : 2 v0 V 0 = SL ρ -----------2p 0 p f ------------p min (63) 0 avec p 0 et p min pressions absolues normale et minimale dans la conduite au niveau du réservoir : p min f -------------p0 - – 1 – ln ------------- = ------------p p p0 p0 min min (64) que l’on peut simplifier si p min /p 0 est suffisamment voisin de l’unité [7] : ε ≈ -----2 f 2 1 – -------3 - 2ε (65) p0 en posant ε = -------------–1. p min L’abaque à points alignés représenté par la figure 14 permet de déterminer directement le volume V 0 , en reliant les échelles de gauche ρv 0 /p 0 et de droite (p min /p 0) par un trait rectiligne, ce qui donne le rapport V 0 / LS sur l’échelle du milieu. Cet abaque associe à la pression minimale la pression maximale correspondante, réalisée par la même installation. Pour amortir les oscillations spontanées du système, on a souvent intérêt à disposer une perte de charge dissymétrique (figure 15), en utilisant soit un ajutage de Borda (figure 15a ), soit un clapet dont le battant a été percé à un diamètre calculé par le projeteur (figure 15b ). Ces dispositifs consomment l’énergie excédentaire du système oscillant au bout de plusieurs oscillations. 2 Figure 12 – Cheminées d’équilibre Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 19 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ Figure 15 – Dispositifs d’amortissement des oscillations 6. Dimensionnement des conduites 6.1 Notion d’optimum économique Le choix du diamètre d’une conduite doit être adapté aux conditions de l’écoulement destiné à la parcourir. Figure 14 – Abaque de Vibert pour la détermination du volume des réservoirs antibéliers Dans certains cas, des limites, supérieure et/ou inférieure, à la vitesse du fluide sont imposées par des conditions physiques. C’est en général le cas si l’écoulement est diphasique : ainsi un liquide chargé de sable [24] ne doit pas couler trop lentement (vitesse minimale de l’ordre de 0,30 à 0,60 m/s) pour éviter les dépôts ; un écoulement trop rapide, à l’opposé, risque de provoquer une usure rapide de la conduite (vitesse maximale de l’ordre de 4 à 5 m/s) ; de même les écoulements liquide/gaz doivent-ils respecter certaines vitesses si l’on désire conserver une configuration d’écoulement imposée (§ 4.3). Dans tous les autres cas, le choix de la vitesse moyenne d’écoulement, et par suite du diamètre de la conduite, résulte d’un optimum économique. Choisir un diamètre plus grand se traduit par une dépense initiale (investissement) plus élevée, et par une perte de charge plus faible, donc par des dépenses d’énergie (fonctionnement) moins élevées, et vice versa. 6.1.1 Notion de taux d’actualisation Le choix de la valeur admissible de la surpression est orienté, partiellement, par des considérations économiques : une protection très rudimentaire conduit à adopter des conduites résistant à une surpression élevée ; au contraire, une très faible surpression nécessite un réservoir vaste et de coût élevé. Le choix tiendra compte des pressions normalisées de service des tuyauteries ; il sera effectué par l’installateur responsable de l’étude de protection contre les coups de bélier. Pour déterminer un optimum entre les dépenses d’investissement, supportées une seule fois avant la mise en service de la conduite, et celles de fonctionnement, qui sont répétitives, on utilise la notion économique de taux d’actualisation a : c’est le supplément de dépense que l’on accepte pour reporter d’un an une dépense de 1 franc. Ainsi, une dépense de x francs (en francs constants) répétée tous les ans pendant N années est équivalente à une dépense initiale de : i=n x ∑ i=1 1 – ( 1 + a ) –n - = x ----------------------------------------------------a (1 + a) 1 i ou dépense de fonctionnement actualisée à l’origine. A 738 − 20 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique (66) _________________________________________________________________________________________ ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES Le taux d’actualisation conseillé par le gouvernement est de 0,09 (9 %) en 1983 ; pour les équipements dont la durée normale de vie dépasse plusieurs dizaines d’années, le calcul est souvent fait en prenant n = 30 ans (on peut vérifier que le résultat serait peu changé en prenant n = 40 ou 50 ans). 6.3 Diamètre économique 6.1.2 Évolution des différents coûts remplaçant Les calculs de pertes de charge (§ 2.2) montrent que, en régime turbulent rugueux (cas le plus fréquent), le coefficient de perte de charge Λ ne dépend pratiquement pas du diamètre, et peut être considéré comme constant (figure 5). La puissance dépensée par mètre de conduite pour vaincre les pertes de charge est égale à : De plus, elle ne tient pas compte du prix de l’énergie, de celui de la matière dont est constitué le tuyau, ni du temps pendant lequel l’énergie y est dissipée. Ces différents paramètres ont été pris en compte par Vibert, pour des tuyaux en fonte véhiculant de l’eau [24] ; il donne pour le diamètre économique la formule : La simplification extrême précédente, consistant à adopter une vitesse moyenne optimale unique, est parfois considérée comme trop grossière. Nous avons vu qu’elle devient inexacte pour les diamètres trop petits ou trop grands, ce qui pourrait être corrigé en 3 0,46 8Λρq V P ( W/m ) = --------------------π2 D 5 D opt = A ( e /f ) 0,154 q V D’autre part, le prix unitaire du tuyau augmente avec son diamètre ; on peut souvent représenter cette variation par une loi simple, proportionnelle à D α , où l’exposant α, qui dépend du matériau et du mode de fabrication, est compris entre 1 et 2 mais le plus souvent entre 1,2 et 1,4. Dans ces conditions, on minimise la somme des dépenses actualisées de fonctionnement et des α investissements lorsque les premières sont égales à ----- fois les 5 seconds ; cela signifie que, suivant la valeur de l’exposant α, les dépenses de fonctionnement actualisées représentent en général à l’optimum entre 24 et 28 % des investissements. Dans le cas de transport de gaz à grande distance, ces dépenses doivent tenir compte également du coût des stations de recompression. 6.2 Vitesse économique Dans la pratique, il est souvent malaisé pour l’utilisateur de trouver la valeur exacte de l’exposant α déterminant les variations du prix des tuyaux en fonction de leur diamètre. Aussi a-t-on établi des règles simples approximatives permettant d’évaluer de façon suffisamment correcte le diamètre optimal à adopter pour les conduites d’eau. La plus simple de ces règles consiste à adopter dans les tuyaux une vitesse moyenne vm constante, et donc un diamètre proportionnel à la racine carrée du débit. C’était l’objectif de la formule de Bresse, établie au siècle dernier [24] : D opt = 1,5 q V (67) où le diamètre optimal D opt est exprimé en mètres et le débit volumique q V en mètres cubes par seconde ; il lui correspond une vitesse moyenne : v m ≈ 0,57 m/s Dans les conditions économiques actuelles, cette vitesse est trop faible ; aussi est-il préférable [7] de corriger la formule de Bresse et d’adopter : D opt = qV q V par une puissance un peu différente du diamètre. (68) avec les mêmes unités que précédemment ; la vitesse moyenne économique prend alors pour valeur : v m ≈ 1,27 m/s Cette valeur est assez satisfaisante pour les tuyauteries dont le diamètre est compris entre 0,1 et 1 m. (69) où D opt et q V sont exprimées comme précédemment. e et f sont respectivement le prix de l’énergie par kWh et de la fonte par kg. A est un coefficient qui dépend du nombre N d’heures de fonctionnement par jour, ou ce qui revient au même du facteur d’utilisation n = N / 24 ; Vibert donne à A la valeur 1,547 pour N = 24 (n = 1), et 1,35 pour N = 10 (n = 0,416). On voit que l’exposant 0,46 de q V diffère assez peu de la racine carrée. Vibert a également fourni un abaque à points alignés (figure 16), qui permet de déterminer le diamètre économique pour toutes les valeurs du facteur d’utilisation n comprises entre 1/12 et 1 (2 à 24 h par jour). Quelle que soit la méthode d’évaluation adoptée, le diamètre de la canalisation devra être choisi, au plus près du résultat trouvé, dans la série des diamètres normalisés dont la fabrication est assurée de façon courante ; ces diamètres sont donnés par le (0) tableau 8 entre 4 et 3 600 mm. Tableau 8 – Diamètres nominaux normalisés des tuyauteries (en mm) (1) (4) (5) 6 8 10 15 (2) 20 25 32 40 50 65 (3) 80 100 125 150 (175) 200 (225) 250 (275) 300 350 400 (450) 500 600 700 800 900 1 000 1 200 (4) 1 400 (4) 1 600 1 800 2 000 2 200 2 400 2 600 2 800 3 000 3 200 3 400 3 600 (1) Ces diamètres sont donnés par la norme NF E 29-001 (1968). Ils sont conformes aux normes ISO de 4 à 2 600 mm. Le diamètre nominal correspond à peu près au diamètre intérieur pour les pressions faibles et moyennes ; il est plus faible pour les pressions élevées (épaisseur plus grande pour un même diamètre extérieur normalisé). Les diamètres entre parenthèses sont à éviter. (2) Entre 10 et 20 mm, la série 10-15-20 peut être remplacée par une série plus serrée 10-12-16-20. (3) Pour les tuyaux en fonte, remplacer 65 mm par 60 mm. (4) Pour les tuyaux en fonte, au-delà de 1 000 mm, utiliser 1 100, 1 250 et 1 500 mm. Pour les diamètres inférieurs à 80 mm, le calcul économique n’a guère de signification. Les dimensions de l’ensemble des tubes normalisés en fonte et en acier sont données dans l’article Éléments normalisés pour tuyauteries sous pression [A 760] du présent traité. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique A 738 − 21 ÉCOULEMENT DES FLUIDES DANS LES TUYAUTERIES _________________________________________________________________________________________ Figure 16 – Abaque de Vibert pour le calcul du diamètre économique de tuyaux en fonte transportant de l’eau A 738 − 22 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique P O U R Écoulement des fluides dans les tuyauteries E N par Jacques BONNIN Ingénieur des Arts et Manufactures Ingénieur en Chef à Électricité de France Références bibliographiques [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] TRUESDELL (C.). – Introduction à la mécanique rationnelle des milieux continus. Masson (1974). BRUN (E.), MARTINOT-LAGARDE (A.) et MATTHIEU (J.). – Mécanique des fluides. 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