Chimie organique (régularisation). 3. Les alcènes et alcynes 3.1. Généralités Rappelons quand dans les alcènes (C=C), les carbones adoptent une géométrie trigonale plan, ce qui correspond à une hybridation sp2. Dans le cas particulier des allènes (C=C=C), le carbone central présente une géométrie linéaire, ce qui correspond à une hybridation sp, comme dans les alcynes. Il est important de noté qu’une liaison double est en fait constituée d’une liaison σ (identique à celles rencontrées dans les alcanes) et d’une liaison π ; et qu’une liaison triple est constitué d’une liaison σ et de deux liaisons π. La distinction entre ces deux types de liaison est importante, puisque : - Une liaison π, contrairement à une liaison σ ne permet pas de rotation autour de la liaison. - Une liaison π est formée d’électrons qui sont beaucoup plus facilement accessibles que les électrons d’une liaison σ. - Une liaison π est moins forte qu’une liaison σ. Ces deux derniers points ont pour conséquence logique, le fait qu’une liaison π est beaucoup plus réactionnelle qu’une liaison σ. Le premier point, quant à lui, explique que l’on distingue les isomères E et Z dans le cas des alcènes. 3.2. Les cycloalcènes : structures et nomenclature Noms et structures La formule générale pour un alcène monocyclique non substitué contenant une seule liaison double est CnH2n-2. Son nom doit indiquer à la fois le nombre de carbones, le fait que la structure est cyclique et la présence d’une liaison double. En absence de substituant, s’il n’y a qu’une double liaison, aucune numérotation n’est nécessaire. cyclohexène cyclobutène Lorsqu’il y a plus d’une liaison double dans le cycle, des numéros de position sont nécessaires pour distinguer entre les différents isomères possibles, par exemple le cyclohexa-1,3-diène et le cyclohexa-1,4-diène. Les deux seules exceptions sont le cyclobutadiène et le cyclopentadiène, puisque les deux doubles liaisons ne peuvent qu’être adjacentes l’une de l’autre dans des cycles à 4 et 5 pièces. Gillet Steve, D.Sc. -25- Chimie organique (régularisation). cyclohexa-1,3-diène cyclohexa-1,4-diène cyclobutadiène cyclopentadiène Lorsque l’on nomme un cycloalcène substitué, la position de la double liaison est prioritaire sur la position des substituants. Une double liaison occupe donc d’office la position 1, sont ensuite numérotés les éventuelles autres doubles liaisons, puis finalement les substituants, en s’arrangeant pour que les numéros de position soient aussi petits que possible. Cl Cl 3,5-dichlorocyclohexène 5-ethylcyclohexa-1,3-diène Conformation de cycle La présence d’une double liaison dans un hydrocarbone cyclique signifie que deux des atomes de carbones sont dans un environnement planaire. Cela rend les cycloalcènes moins flexibles que leurs équivalents cycloalcanes. Les figures, ci-dessous illustrent bien la partie linéaire imposée par la double liaison C=C. La partie du cycle qui possède des atomes de carbone tétraédriques est décalée, pour éviter que les hydrogènes de carbones adjacents soient en position éclipsée. Lorsque deux ou plusieurs doubles liaisons sont présentes, la flexibilité du cycle est encore réduite. La figure ci-dessous, toujours, montre la structure du cyclopentadiène. Le cycle à cinq pièces y est plan, à cause de la présence de quatre carbones de géométrie trigonale plan. En général : • La conformation du cycle est nécessairement plane à chaque fonction alcène ; • Des rotations partielles autour des liaisons simples C-C peuvent avoir lieu dans le cycle (comme pour les cycloalcanes). Gillet Steve, D.Sc. -26- Chimie organique (régularisation). 3.3 Synthèse d’alcènes cycliques et acycliques Réactions d’élimination En laboratoire, la synthèse des alcènes met habituellement à profit des réactions d’élimination. Nous reviendrons sur les détails de ces réactions dans le chapitre consacré aux halogénoalcanes, mais pour le moment, nous allons simplement illustrer leur application dans la synthèse des alcènes. L’élimination d’HX (X = Cl ou Br) à partir d’un halogénoalcane ou d’H2O à partir d’un alcool conduit à un alcène. L’élimination de HX est habituellement catalysée en milieu basique, alors que l’élimination d’H2O est catalysée par un acide fort. Le rôle de la base dans la première réaction est d’éliminer un proton C-H, mais nous y reviendrons ultérieurement. Base (ex. HO-) + Cl H2SO4 conc. OH OH 450K + HCl H2O H2SO4 conc. + majoritaire minoritaire Cyclisation de Diels-Alder Des cyclohexènes peuvent, par exemple, être synthétisés par cycloadditions [4+2], lesquelles sont appelées « réactions de Diels-Alder ». La notation [4+2] provient du fait que la réaction a lieu entre une espèce qui possède 4 électrons π (diène) et une espèce à 2 électrons π (diènophile). Cette réaction est amorcée thermiquement et inclut trois mouvements simultanés (on parle de réaction « concertée ») de deux électrons suivant le schéma représenté ci-dessous : X X Pour que cette réaction ait lieu facilement, il faut que le diénophile soit pauvre en électrons, c'est-à-dire qu’il porte un substituant électro-attracteur. Par exemple, X pourrait être Cl, CN, CH2Cl, CH2OH, CHO, CO2H ou CO2R. Si on se base sur la figure ci-dessus, pour qu’une cycloaddition [4+2] puisse avoir lieu, il faut également que le diène puisse subir Gillet Steve, D.Sc. -27- Chimie organique (régularisation). une rotation autour de la liaison C-C de façon à adopter la conformation correcte pour permettre la fermeture du cycle. changement de conformation par contre : pas de changement de conformation possible Notons également que les alcynes porteurs d’un groupement électro-attracteur peuvent, eux aussi, jouer le rôle de diénophile. Dans ce dernier cas, le produit de la réaction est un cyclohexa-1,4-diène substitué. O OEt O OEt OEt O OEt O La réaction des Diels-Alder est utilisée en industrie pour la fabrication d’une famille d’insecticides extrêmement efficaces dont l’aldrine et son dérivé époxy, la dieldrine. Ils ont été largement utilisés à partir des années 50s pour contrôler les termites. Revers de la médaille, ces insecticides ne se dégradent pas dans l’environnement, ce qui constitue le facteur majeur de leur retrait de la commercialisation dans les années 80s. 3.4. Réaction des alcènes : Introduction Dans cette section, nous allons aborder quelques réactions des alcènes. Dans la section suivante, nous poursuivrons en discutant le mécanisme d’addition électrophile et dans la section 3.6, nous continuerons notre vue d’ensemble de la réactivité des alcènes en utilisant ce que nous viendrons d’apprendre sur les mécanismes pour expliquer la sélectivité observée de ces réactions. Comme les alcanes, les alcènes brûlent en présence d’O2 pour donner du CO2 et de l’H2O. C4H8 + 6 O2 Æ 4 CO2 + 4 H2O 2 C6H10 + 17 O2 Æ 6 CO2 + 5 H2O Alors que les alcanes subissent des réactions de substitution (ex. : substitution d’un hydrogène par un chlore lors de la chloration radicalaire), les alcènes, eux, subissent des réactions d’addition, donc le schéma général est représenté ci-dessous : Gillet Steve, D.Sc. -28- Chimie organique (régularisation). X + X Y Y Les réactions d’addition peuvent être de nature radicalaire ou électrophile et peuvent être résumées comme suit : Les réactions d’addition typique des alcènes sont : • L’addition électrophile • L’addition radicalaire • La polymérisation Hydrogénation L’hydrogénation d’un alcène comprend l’addition d’H2 et convertit un hydrocarbone insaturé en un hydrocarbone saturé (en supposant que toutes les liaisons doubles réagissent). Cette réaction nécessite un catalyseur, souvent une surface métallique de Ni, Pd ou Pt. H2, [Pd] La surface métallique est un exemple de catalyse hétérogène. Le dihydrogène est adsorbé, fournissant une source d’atomes d’hydrogènes qui peuvent réagir avec l’alcène, luimême adsorbé. Ce chemin réactionnel possède une énergie d’activation inférieure à celui qui consiste à faire réagir H2 directement avec l’alcène. Des hydrogénations similaires convertissent des cycloalcènes en cycloalcanes. H2, [Pd] Addition de X2 (X = Cl ou Br) : formation de dihalogénures vicinaux L’addition de Cl2 ou Br2 à des alcènes mène à la formation de dérivés dichloro- ou dibromo-. Dans les produits, les atomes d’halogène sont attachés à des carbones adjacents. De tels composés sont connus sous le terme de dihalogénures vicinaux. Gillet Steve, D.Sc. -29- Chimie organique (régularisation). Cl + Cl2 Cl Br + Br Br2 Les réactions avec F2 sont extrêmement violentes, alors que celles avec I2 sont extrêmement lentes quand elles n’échouent pas, toutes deux. La chloration et la bromation peuvent être réalisée à 298 K ou moins, sans besoin d’irradiation. Cela laisse supposer que l’addition ne fait pas intervenir de radicaux. Toutefois, si une source de radicaux est disponible, l’addition a toujours lieu, mais elle peut être complexifiée par la présence de réactions de substitution radicalaires compétitives. La décoloration d’une solution aqueuse de Br2 (eau de brome) est communément utilisée comme test qualitatif de la présence de doubles liaisons C=C. Des mélanges de produits sont obtenus, comme nous le verrons pour lors de la discussion des réactions des alcènes avec Br2 et H2O ultérieurement. Addition de HX (X = Cl, Br ou I) : formation d’halogénoalcanes L’équation ci-dessous illustre la réaction entre un alcène et HCl, HBr ou HI. Le substrat, dans cet exemple, est un alcène symétrique et lorsque HBr est ajouté, le produit ne peut être que du 2-bromobutane. Br + HBr Avec un alcène asymétrique, deux produits sont possibles, comme le montre l’équation, ci-dessous, dans le cas de l’addition d’HBr au propène. En pratique, un des produits prédomine et, dans le cas de cette réaction, c’est le 2-bromopropane qui est obtenu majoritairement. Notez que la réaction favorise l’attachement de l’halogénure à l’atome de carbone secondaire (plutôt qu’à l’atome de carbone primaire), dans le produit. Br + + HBr Br majoritaire De façon similaire, lorsque HCl réagit avec le 2-méthylpropène, le produit majoritaire est le 2-chloro-2-méthylpropane. L’atome de chlore préfère donc être attaché à un atome de carbone tertiaire (plutôt qu’à un atome de carbone primaire) dans le produit. Gillet Steve, D.Sc. -30- Chimie organique (régularisation). Cl + Cl + HCl majoritaire Cette sélectivité que nous venons d’observer peut être expliquée si nous regardons le mécanisme d’addition électrophile plus en détail. 3.5. Le mécanisme d’addition électrophile Les additions aux alcènes peuvent avoir lieu suivant un mécanisme radicalaire ou électrophile. Un mécanisme électrophile est favorisé lorsque la réaction est réalisée dans un solvant polaire, alors que le mécanisme radicalaire requiert un activateur radicalaire. Addition de HBr à une liaison C=C symétrique La double liaison des alcènes possède des électrons π facilement accessibles, ce qui leur permet d’agir comme nucléophiles, capables de donner des électrons à des espèces qui en sont demandeuses (électrophiles). Considérons la réaction entre l’éthène et HBr pour donner du bromoéthane. La molécule de HBr est polaire, la valeur d’électronégativité de H étant de 2,2 et celle de Br étant de 3,0. Il existe donc une charge partielle positive sur l’atome d’hydrogène, qui est dès lors attiré par la région riche en électron qu’est la liaison π de l’éthène, ce qui augmente encore la polarité de la liaison H-Br. La première étape de la réaction est illustrée ci-dessous. Deux électrons π sont transféré à l’électrophile (H) ce qui provoque la formation d’une nouvelle liaison C-H σ et le clivage hétérolytique de la liaison HBr. H Br H H H C H + H + Br L’atome de carbone qui ne forme pas une nouvelle liaison σ est électron-déficient et porte donc une charge formelle positive. On appelle cette espèce un carbocation. Le carbocation est un intermédiaire dans la réaction et est susceptible d’être attaqué par un nucléophile. Dans l’équation précédente, la clivage hétérolytique de la liaison H-Br provoque l’apparition d’ions Br- qui peuvent agir comme nucléophile dans l’étape suivante de la réaction, comme le montre l’équation ci-dessous. H H H C H Gillet Steve, D.Sc. + H :BrBr -31- Chimie organique (régularisation). Addition de HBr à une liaison C=C asymétrique Lorsqu’un électrophile est attaqué par un alcène asymétrique, il est possible de former deux carbocations différents. Considérons la réaction du propène avec HBr. La première étape de la réaction est illustrée ci-dessous. + C carbocation primaire H Br + C Br + carbocation secondaire Nous avons vu dans la section 2.6 que les radicaux tertiaires étaient plus stables que les radicaux secondaires, eux-mêmes plus stables que les radicaux primaires, eux-mêmes finalement plus stables que les radicaux méthyliques. Il en va de même pour les carbocations, ce qui peut se résumé de la façon suivante : R3C+ > R2HC+ > RH2C+ > H3C+ Dans les deux étapes en compétition de la réaction illustrée plus haut, la formation du carbocation secondaire est favorisée sur celle du carbocation primaire. L’étape suivante de la réaction est l’attaque nucléophile du carbocation intermédiaire par l’ion bromure pour donner le 1-bromopropane et le 2-bromopropane. C C + + Br :Br- Br :Br- Comme le carbocation secondaire est plus stable que le primaire et est préférentiellement formé, il en résulte que la formation de 2-bromopropane est favorisée par rapport à celle de 1-bromopropane. Cela correspond aux résultats expérimentaux que nous avions donnés à la section 3.4. La réaction est dite « régiosélective » parce que, bien que les alcènes puissent former deux carbocations et donc deux produits, l’un d’eux est formé préférentiellement. Le mécanisme décrit pour l’addition de HBr au propène peut être étendu aux additions de HX (X = Cl, Br, I ou d’autres groupements porteurs d’une charge partielle négative) à d’autres alcènes asymétriques. L’observation générale est que l’hydrogène s’attache au carbone le moins substitué et qu’il y a dès lors formation préférentielle d’un Gillet Steve, D.Sc. -32- Chimie organique (régularisation). carbocation tertiaire par rapport à un secondaire ou un primaire ; ou d’un carbocation secondaire par rapport à un carbocation primaire. C’est ce que l’on appelle couramment une addition « Markovnikov ». Addition de X2 (X = Cl ou Br) A la fois Cl2 et Br2 sont non polaires, mais l’approche du nuage d’électron de la liaison p d’une C=C est capable d’induire l’apparition d’un dipôle. Lors de l’étape cinétiquement déterminante de la chloration d’un alcène, les électrons π de la liaison C=C attaquent un des chlores de Cl2. Cela provoque la formation d’une liaison C-Cl et la rupture hétérolytique de la liaison Cl-Cl. Cette étape génère du Cl- qui est capable d’agir comme nucléophile et d’attaquer le carbocation en une étape rapide. Cl Cl Cl H H + C H H + Cl Lorsque l’halogène est Br2, il existe des preuves expérimentales que l’intermédiaire est un ion bromonium. Le mécanisme, en deux étapes, de la réaction entre Br2 et C2H4 est représenté ci-dessous. :Br Br Br + + Br ion bromonium Br + :Br- Br Br 3.6. Réactions des alcènes : additions, oxydation des liaisons C=C et clivage Dans cette section, nous continuons notre survol des réactions des alcènes en envisageant d’autres réactions d’addition électrophile dans lesquelles on appliquera les détails mécanistiques vus dans la section précédente. Nous considérerons également quelques réactions d’oxydation et des réactions qui clivent la double liaison C=C. Gillet Steve, D.Sc. -33- Chimie organique (régularisation). Addition d’H2O : formation d’alcools Les alcènes ne réagissent pas directement avec l’eau, mais si les réactifs sont chauffés en présence d’acide sulfurique concentrée, l’alcène additionne l’eau et est converti en alcool. Cette réaction est utilisée industriellement pour la production d’éthanol. + OH [H2SO4], 520 K H2O Il y a cependant un problème à utiliser cette réaction comme méthode générale de préparation des alcènes : chauffer un alcool avec un acide fort peut déshydrater l’alcool en donnant un alcène. Donc la réaction peut avoir lieu dans l’une ou l’autre direction. L’addition d’H2O à un alcène, catalysée par l’acide, peut être utile en synthèse si l’intermédiaire est un carbocation tertiaire. Par exemple, le 2-méthylpropène subit la réaction illustrée dans le schéma ci-dessous. Deux produits sont possibles, suivant que c’est le carbocation primaire ou tertiaire qui est formé. Ce dernier prédomine et le 2-méthylpropan-2-ol est le produit favori. L’équation ci-dessous montre la formation du carbocation tertiaire et l’attaque subséquente par H2O. L’eau est polaire et agit comme nucléophile en donnant une paire d’électrons. La charge positive est transférée à l’atome d’O, ce qui conduit à la perte d’un proton H+ pour donner un alcool. H :OH2 + C H + O H OH + Une stratégie alternative et efficace pour ajouter de l’eau à un alcène est d’utiliser un acétate de mercure(II), Hg(O2CMe)2. La réaction d’un alcène avec Hg(O2CMe)2 donne un complexe organométallique qui réagit avec H2O pour donner un composé organomercurique. Après traitement avec du borohydrure de sodium, cela produit l’alcool désiré. Dans la réaction suivante, le produit contient un substituant OH attaché à un atome de carbone secondaire plutôt qu’un primaire. Hg(O2CMe)2, H2O OH HgO2CMe NaBH4 OH Le mercure(II) agit comme un électrophile et est attaqué par la double liaison C=C riche en électrons. Un intermédiaire cyclique est alors formé, comme l’illustre la première étape de l’équation ci-dessous. L’H2O nucléophile attaque alors le carbone le plus substitué de l’intermédiaire, ce qui provoque l’ouverture du cycle. La charge positive réside alors sur l’atome d’oxygène et un proton est éliminé pour donner le groupement OH. Gillet Steve, D.Sc. -34- Chimie organique (régularisation). O O Hg O H2O: O O + Hg O H OH O + H HgO2CMe HgO2CMe Addition d’H2O et X2 (X = Cl ou Br) : formation d’halogénohydrines (halogénoalcool) Si Cl2 ou Br2 et de l’eau réagissent ensembles avec un alcène, les réactions se déroulent comme illustré ci-dessous. Les produits sont des halogénohydrines : un chlorhydrine dans le premier cas et un bromhydrine dans le second. Cl2, H2O OH Br2, H2O Cl OH Br Le groupement OH s’attache préférentiellement à un carbone tertiaire ou secondaire plutôt qu’à un carbone primaire, ce qui peut s’expliquer facilement en termes de stabilité des carbocations intermédiaires. La première étape de la réaction est l’attaque de Cl2 par les électrons π de la liaison C=C qui est exactement la même que l’étape cinétiquement déterminante de la chloration des alcènes. Le carbocation secondaire est plus stable que le carbocation primaire (et est donc formé préférentiellement). Gillet Steve, D.Sc. -35- Chimie organique (régularisation). Cl + C Cl + Cl + Cl Cl + C Cl Si de l’eau est présente, elle entre en compétition avec Cl- durant la seconde étape de la réaction. L’attaque nucléophile par Cl- sur l’un des deux carbocations de l’équation cidessus conduit à la formation de 1,2-dichloropropane. L’attaque nucléophile par H2O mène au 1-chloropropan-2-ol comme produit majeur et au 2-chloropropan-1-ol comme produit mineur. Le mécanisme pour le chemin le plus favorable est illustré ci-dessous. :OH2 + C H + O H Cl OH Cl Cl Oxydation : formation de diols L’oxydation d’un alcène par OsO4 mène à la formation d’un diol vicinal. La partie diol du nom indique qu’il y a deux groupements OH et vicinal indique que les groupements OH sont attachés à des atomes de carbone adjacents. La réaction ci-dessous illustre la conversion de but-1-ène en butane-1,2-diol. OsO4, H2O OH OH Le mécanisme proposé inclut la formation d’un intermédiaire constitué d’un OsO4 ponté qui est clivé par H2O dans l’étape suivante de la réaction. L’addition des deux groupements OH est spécifiquement syn, ce qui signifie que les substituants OH sont additionnés du même côté de la double liaison C=C. Durant la réaction, Os(VIII) est réduit en Os(VI) et l’alcène est oxydé. 2 H2O, - H2OsO4 O O O HO OH Os O La conversion d’un alcène non terminal en diol peut également être réalisée en utilisant du KMnO4 en milieu alcalin, à froid. Il est proposé que l’ion tétraédrique [MnO4]- Gillet Steve, D.Sc. -36- Chimie organique (régularisation). agisse de la même façon qu’OsO4, en formant un type d’intermédiaire similaire, et l’addition syn est à nouveau observée. Pendant la réaction, Mn est réduit de Mn(VII) en Mn(V). L’ancien nom pour un diol est glycol et ce nom est toujours utilisé. L’éthylène glycol (éthane-1,2-diol) est d’une importance commerciale en tant qu’antigel pour les radiateurs de véhicules à moteur ; il a un point de fusion faible (261 K), un point d’ébullition élevé (471 K) et est complètement miscible avec l’eau. Industriellement, il n’est pas fabriqué par la méthode que nous venons de décrire, mais plutôt par l’hydratation de l’oxyde d’éthylène (oxirane). L’oxyde d’éthylène est un exemple d’époxyde, lui-même membre de la famille des éthers cycliques. Nous discuterons de leur préparation et propriétés ultérieurement. Le clivage des alcènes : réaction avec O3 (ozonolyse) La réaction d’un alcène avec O3 conduit à un ozonide cyclique. Le produit d’addition initial de l’alcène et de O3 s’isomérise rapidement en ozonide, tel que représenté dans l’équation ci-dessous. La double liaison C=C est complètement clivée durant la réaction ; les deux atomes de carbone dans le cycle C2O3 sont les carbones originaux de la fonction C=C. O3 O O O Une application importante de cette réaction ne consiste pas en l’isolation des ozonides, mais en leurs produits d’hydrolyse. L’hydrolyse réductrice mène à des aldéhydes ou des cétones en fonction de la présence de substituants dans l’alcène original. Les réactions ci-dessous en sont deux exemples. Le diméthylsulfure (Me2S) et la thiourée (CS(NH2)2) agissent comme des agents réducteurs. Bien que le diméthylesulfure soit efficace dans ce rôle, il présente le désavantage d’avoir une odeur désagréable. O O Me2S ou thiourée O Me2S ou thiourée O Gillet Steve, D.Sc. + H O O O O O H H O + H -37- Chimie organique (régularisation). 3.7. Substitution et addition radicalaires dans les alcènes Substitution radicalaire : bromation De nombreux alcènes contiennent des groupements alkyles en plus de la double liaison C=C, et des substitutions radicalaires sont possibles. Les atomes d’hydrogène attachés directement à un carbone de la double liaison C=C sont appelés des atomes d’hydrogène vinyliques et sont difficiles à arracher. Un atome d’hydrogène attaché à un carbone adjacent à une double liaison C=C est appelé atome d’hydrogène allylique et est plus facile à arracher. H R R H H vinyliques H H H allyliques Après l’amorçage, la réaction radicalaire du propène avec Br2 continue avec les étapes de propagation représentées ci-dessous. Un H allylique est arraché plutôt qu’un H vinylique. .C + Br HBr + .C + Br2 Br + Br Le radical formé dans la première étape ci-dessus est un radical allyle et il est plus stable que tous les radicaux alkyles dont nous avons discuté à la section 2.6. L’ordre de stabilité des radicaux est donc : .C > R3C• > R2HC• > RH2C• > H3C• Cette stabilité accrue peut être attribuée aux contributions apportées par les deux structures de résonance ci-dessous. .C C En général, plus il est possible de tracer des structures de résonance, plus l’espèce est stable. La substitution radicalaire dans les autres alcènes suit le même principe que ce qui est décrit ci-dessus avec l’arrachement préférentiel d’un atome d’hydrogène allylique. Par exemple, dans la réaction ci-dessous, la substitution s’effectue spécifiquement sur le site adjacent à la liaison C=C. Gillet Steve, D.Sc. -38- Chimie organique (régularisation). + Br2 HBr + Br Bien que cet arrachement d’hydrogène soit spécifique, l’utilisation de Br2 en tant qu’agent de bromation mène à un problème : l’addition radicalaire compétitive sur la liaison C=C. Habituellement, le Br2 est remplacé par un agent de bromation tel que le Nbromosuccinimide (NBS) en solution dans le CCl4. O O N Br L’amorçage de la réaction requiert l’utilisation d’un radical amorceur tel qu’un peroxyde organique, souvent avec R = C6H5C(O). R O O O O O R O Addition radicalaire : bromation Nous allons illustrer l’addition radicalaire à une liaison C=C en considérant la réaction entre HBr et le 2-méthylpropène, un alcène asymétrique. Pour favoriser une addition radicalaire plutôt qu’électrophile, un amorceur radicalaire doit être présent. La photolyse d’un peroxyde résulte en un clivage homolytique de la liaison O-O et en la formation de radicaux RO•. L’étape de propagation illustrée ci-dessous produits les radicaux Br• nécessaires à la réaction avec l’alcène. Gillet Steve, D.Sc. -39- Chimie organique (régularisation). R O 2 RO. O R RO. H Br ROH + Br Le radical Br• s’additionne alors à la double liaison C=C et deux chemins sont possibles, comme l’illustre les équations ci-dessous. Le radical le plus stable est le plus substitué (en encadré). Notons que la réaction de Br• avec l’alcène n’arrache pas un hydrogène vinylique, mais que l’arrachement compétitif d’un proton allylique peut avoir lieu (comme nous l’avons vu précédemment). La collision entre le radical alkyle et HBr conduit à la formation d’un produit bromé. L’étape de terminaison dans la chaîne radicalaire inclut des réactions entre deux radicaux. Br Br C Ou Br C Br H Br C Br Br + Br Ce qu’il est important de noter, c’est que dans cette étape finale, l’addition radicalaire d’HBr à un alcène asymétrique mène à un produit dans lequel l’atome de brome est attaché à l’atome de carbone qui est le moins substitué. C’est le contraire de ce qui se passe avec l’addition électrophile d’HBr qui conduit à la formation d’un produit dans lequel l’atome de brome est fixé sur l’atome de carbone qui présente le plus grand nombre de substituants. Dans les deux cas, la sélectivité du produit est contrôlée par la stabilité de l’intermédiaire et les différences peuvent être résumées comme suit : Gillet Steve, D.Sc. -40- Chimie organique (régularisation). addition électrophile de HBr dans des conditions polaires C Br + Addition du proton, d'abord pour former le carbocation le plus substitué Produit d'addition Markovnikov Addition radicalaire d'HBr nécessite un amorceur radicalaire C Br Addition du radical Br. d'abord pour former le radical alkyle le plus substitué Br Produit d'addition Anti-Markovnikov Comme dans le cas de l’addition électrophile, on parlait de composé Markovnikov, on parle, dans le cas de l’addition radicalaire de composé anti-Markovnikov. 3.8 Polymérisation des alcènes La polymérisation des alcènes sera certainement abordée dans le cours de polymères de M. Herwats. 3.9. Migration de la liaison double et isomérisation des alcènes Lorsqu’un alcène avec 4 atomes de carbone ou plus, est traité avec H+, il peut y avoir isomérisation par migration de la double liaison le long de la chaîne carbonée. Une base forte, telle que l’amidure de potassium (KNH2), peut également promouvoir l’isomérisation de la double liaison. L’acide ou la base agit comme catalyseur. La double liaison C=C se déplace vers une position plus substituée à l’intérieur de la chaîne carbonée, par exemple, le but-1-ène s’isomérise en but-2-ène en présence de H+. [H+] La préférence de la liaison double pour une position plus substituée provient de la plus grande électronégativité d’un carbone sp2 par rapport à un carbone sp3. Le groupement alkyle étant un groupement électro-donneur, un carbone sp2 sera d’autant plus stabilisé qu’il sera substitué. (Nous reviendrons sur l’électronégativité des différents centres carbonés dans la section 3.12 lorsque nous discuterons de l’acidité des alcynes terminaux.) Gillet Steve, D.Sc. -41- Chimie organique (régularisation). Plus la chaîne est longue, plus d’isomères différents peuvent être formés par migration de la double liaison C=C. En pratique, des mélanges d’isomères sont habituellement obtenus avec prédominance de l’isomère thermodynamiquement favorisé. Le mécanisme de migration de la liaison C=C catalysée par l’acide Nous avons déjà vu que l’ajout de H+ à un alcène promeut la formation d’un carbocation. L’équation ci-dessous montre que la réaction du pent-1-ène avec H+ donne un carbocation secondaire préférentiellement à un primaire. H + + C Dans les exemples précédents, le carbocation formé réagissait avec un nucléophile pour donner un produit final d’addition. En absence de nucléophile, le carbocation intermédiaire peut perdre un H+. A partir du carbocation formé ci-dessus, il y a deux éliminations compétitives pour donner du pent-1-ène ou du pent-2-ène. Clairement, l’une des réactions est simplement l’inverse de l’étape de protonation, mais l’élimination compétitive d’H+ donne le produit d’isomérisation et c’est le chemin qui est favorisé. C + H H H C + H H Le mécanisme de migration de la liaison C=C catalysée par l’acide Un hydrogène allylique n’est pas seulement capable de subir un arrachement radicalaire, mais il est également susceptible de subir une attaque par une base et de se faire arracher sous la forme d’un H+ (un hydrogène allylique est donc relativement acide). Dans la réaction ci-dessous, une base B- arrache un proton du carbone adjacent à la liaison double C=C. L’intermédiaire est un carbanion. C H H H Le carbanion formé dans l’étape ci-dessus est stabilisé par résonance des structures contributives (mésomères) illustrées ci-dessous. Cela permet à la liaison π de se délocaliser sur les trois atomes de carbone. La structure de droite, ci-dessous, représente l’hybride de résonance de l’anion allylique (représentation alternative à la paire de résonance). Gillet Steve, D.Sc. -42- Chimie organique (régularisation). C C - Le carbanion peut être protoné à deux endroits différents et le produit favorisé est l’alcène avec le plus grand nombre de substituants attachés à la double liaison C=C. Le résultat net de l’étape de déprotonation et de reprotonation est la migration de la double liaison C=C le long de la chaîne carbonée. La source de proton, dans les équations, cidessous, est la base protonée BH ; le catalyseur B- est donc régénéré à la dernière étape du processus d’isomérisation. H B C C H B 3.10. Hydroboration des alcènes Hydroboration avec BH3 La réaction d’un alcène avec BH3 conduit à l’addition de la liaison B-H à la double liaison C=C. Cette réaction est appelée hydroboration. H B H H + 3 B Si l’alcène est stériquement encombré par la présence de substituants organiques, seul une ou deux liaisons seront impliquée dans l’hydroboration comme, par exemple, dans la réaction ci-dessous. H H B H + H B H Les réactions d’hydroboration peuvent dès lors être utilisées pour former des composés organoborés du type général RBH2 et R2BH (R = alkyl) et leur réaction avec d’autres alcènes peut conduire à des organoboranes avec différents substituants alkyles. Gillet Steve, D.Sc. -43- Chimie organique (régularisation). L’addition d’un borane à un alcène asymétrique est régiosélective. La régiosélectivité vient du vient du fait que c’est B et non H, qui est l’électrophile et donc la réaction diffère d’une addition électrophile d’HCl ou HBr, par exemple. Le mécanisme est résumé dans le schéma ci-dessous ; la nature électrophilique de BH3 est due à son orbitale atomique 2p vacante qui peut accepter une paire d’électrons. Notons que dans la première étape de ce schéma, il y a formation d’un carbocation secondaire préférentiellement à un primaire et donc la règle habituelle est respectée même si, en fin de compte, on se retrouve avec un produit antiMarkovnikov. H H B H + B C H H H H + C B H BH2 H L’importance des organoboranes réside dans leurs applications en synthèse. Par exemple, leur traitement avec H2O2 oxyde un organoborane en alcool. + B OH 3 H2O2 3 OH + HO B OH 3.11. Synthèse des alcynes Tournons à présent notre attention sur les alcynes, dans lesquels le groupement fonctionnel est une liaison triple C≡C. Dans cette section, nous allons étudier une méthode de préparation des alcynes puis nous envisagerons leur réactivité. Dans la section 3.3, nous avons vu que l’élimination d’HCl à partir d’un chloroalcane conduit à un alcène. Si on envisage cette réaction avec un dihalogénure vicinal, l’élimination d’HX peut avoir lieu deux fois pour donner un alcyne. Une base forte est nécessaire (comme dans la réaction ci-dessous) pour éliminer H+ et favoriser l’élimination de HX ; nous étudierons les réactions d’élimination plus en détail dans le chapitre 5. Br H Br H OH- ou NH2- 2 HBr Cette méthode est la stratégie la plus commune pour la synthèse des alcynes. Gillet Steve, D.Sc. -44- Chimie organique (régularisation). 3.12. Réactions des alcynes Dans cette section, nous considèrerons les réactions typiques des alcynes et nous devrons souvent distinguer un alcyne interne d’un terminal. R R interne R H externe Combustion Comme les alcanes et les alcènes, les alcynes brûlent en présence d’O2 pour donner du CO2 et de l’H2O. 2 H-C≡C-H + 5 O2 Æ 4 CO2 + 2 H2O Hydrogénation L’addition de H2 pour donner des alcènes se réalise facilement en présence d’un catalyseur métallique tel que Ni, Pd ou Pt. L’activation de H2 se déroule de la même façon que dans la section 3.4. Contrairement à l’addition de H2 à un alcène où un seul produit est possible, son addition à un alcyne interne peut donner des isomères E ou Z. Un problème supplémentaire vient de la possibilité de la poursuite de la réduction jusqu’à l’alcane. H2 et catalyseur + La sélectivité peut être atteinte par un contrôle minutieux des conditions de réaction. La réaction de H2 avec un alcyne en présence de Pd/BaSO4 produit des isomères Z. Si la réduction est menée en utilisant du sodium dans du NH3 liquide comme agent de réduction, les produits sont des isomères E (notons que cette technique ne peut être utilisée sur des alcynes terminaux pour des raisons que nous verrons ultérieurement). Un moyen sélectif pour produire des alcènes (plutôt que des alcanes) est d’utiliser le catalyseur de Lindlar. Il consiste en du palladium métallique supporté sur une surface de CaCO3/PbO qui est traitée avec Pb(O2CMe)2. De plus, le catalyseur de Lindlar est sélectif pour la production d’alcènes Z, c'est-à-dire que l’hydrogène subit une addition syn sur la liaison C≡C. Addition de X2 et HX (X = Cl, Br) Les mécanismes des additions électrophiles de X2 et HX aux alcynes sont similaires à ceux décrits pour les additions aux alcènes. Il est possible d’arrêter les réactions après ajout d’un équivalent de X2 ou HX, mais sous des conditions appropriées, la réaction Gillet Steve, D.Sc. -45- Chimie organique (régularisation). continue pour donner un produit saturé. L’addition de X2 à un alcyne peut, en principe, donner des isomères E ou Z de produits dihalogénés. En pratique, l’isomère E est favorisé. Br Br2 Br Br Br2 Br Isomère E favorisé Br Br La réaction d’HX avec un alcyne donne un halogénure vinylique puis un dihalogénure géminal, ce qui signifie que les deux atomes d’halogène sont attachés sur le même atome de carbone. Le mécanisme d’addition est donné dans le schéma ci-dessous qui consiste en la réaction entre le propyne et HCl. Seul le carbocation le plus favorisé est montré pour chaque addition et cette préférence explique pourquoi le dihalogénure géminal est le produit prédominant. H Cl C C + + + Cl :ClCl H Cl Cl + + C Cl Cl C + Cl :Cl- Cl Cl Lorsque HX s’additionne à un alcyne interne, des isomères E et Z peuvent, en principe, être produits. Dans la plupart des cas, le mécanisme suit le schéma ci-dessous avec une addition anti de HX sur la triple liaison favorisée. + + C H H Br :BrC Br + H Gillet Steve, D.Sc. Br H -46- Chimie organique (régularisation). Addition d’H2O : formation d’une cétone Dans la section 3.6., nous avons décrit la conversion d’un alcène en alcool en utilisant Hg(O2CMe)2 suivi par un traitement avec H2O et NaBH4. Cependant, la réaction entre un alcyne et Hg(O2CMe)2 suivi par un traitement avec H2O conduit à une cétone plutôt qu’à un alcool. Avant que nous ne discutions de cette réaction plus en détail, nous avons besoin d’introduire le concept d’équilibre céto-énolique. Lorsqu’un groupement OH est fixé à une double liaison C=C, l’espèce est instable et conduit à un réarrangement en composé carbonylé. Le réarrangement inclut un transfert de proton et est appelé tautomérisme cétoénolique. La partie céto- du nom vient de cétone et énol est la contraction d’alcène et alcool. Les deux tautomères sont en équilibre et la forme céto- est habituellement favorisée. R R R R HO R O R H Tautomère énol Tautomère céto- Considérons à présent la réaction entre un alcyne et Hg(O2CMe)2 suivie par le traitement avec H2O. La première étape est l’attaque nucléophile par la liaison riche en électrons C≡C sur le centre Hg(II) pour former un cycle insaturé C2Hg. L’attaque nucléophile par H2O est suivie par la perte d’un proton, ce qui est illustré dans le schéma ci-dessous et qui peut être comparé au schéma donné dans la section 3.6. O O Hg O O H2O: O H O Hg + + O H HgO2CMe OH HgO2CMe Le produit est un énol et est instable, comme nous l’avons plus haut. Il subit donc une tautomérie. La liaison C-Hg dans le produit organomercurique est convertie en liaison C-H par traitement avec de l’acide. Ces deux étapes de la réaction sont illustrées ci-dessous. O H H+ HgO2CMe Gillet Steve, D.Sc. O HgO2CMe -47- Chimie organique (régularisation). O HgO2CMe H O + + OH H HgO2CMe O Oxydation : formation d’acide carboxylique et de dione L’oxydation d’un alcyne terminal en utilisant KMnO4 donne un acide carboxylique, alors que l’oxydation d’un alcyne interne produit une α-dione. Les réactions avec KMnO4 peuvent être réalisées dans CH2Cl2 mais un agent de transfert de phase est requis pour faciliter la dissolution de KMnO4 dans la phase organique. Les équations ci-dessous montrent des exemples d’oxydation d’alcynes terminal et interne par le permanganate. KMnO4, H2O, H+ - CO2 OH O O KMnO4, H2O, H+ O Les produits d’oxydation des alcynes internes et terminaux par l’ozone sont analogues à ceux provenant de l’oxydation par [MnO4]-. Comme avec l’oxydation des alcènes par l’ozone, un agent réducteur est nécessaire pour la seconde étape de la réaction. Les réducteurs adaptés à la formation d’α-diones comprennent le tétracyanoéthène (TCNE) comme illustré dans la réaction ci-dessous. Les alcynes en tant qu’acides Classiquement, l’électronégativité du carbone est fixée à 2,6 et celle de l’hydrogène à 2,2. Cependant il est important de se rappeler que l’électronégativité d’un atome dépend de son état d’oxydation et de son ordre de liaison. Comme l’hybridation d’un atome de carbone change de sp3 à sp2 à sp, l’électronégativité change également (comme l’illustre la table cidessous). Gillet Steve, D.Sc. -48- Chimie organique (régularisation). Composé Hybridation de C Electronégativité pKa sp3 2,5 48 sp2 2,75 44 sp 3,3 25 H H H H H H H H H H La tendance des valeurs d’électronégativité signifie que la liaison C-H d’un alcyne est plus polaire que dans un alcène, qui est elle-même plus polaire que dans un alcane. Ces valeurs permettent également de prédire que l’ion [RC≡C]- devrait être plus stable que [R2C=CR]- lui-même plus stable que l’ion [R3C]-. C’est effectivement le cas et des valeurs approximatives de pKa sont listées dans la table ci-dessus. La diminution du pKa (et donc la croissance correspondante du Ka) montre que l’alcyne terminal est le plus acide de la liste. Notons que seuls les alcynes terminaux sont acides, puisque les alcynes internes ne possèdent pas de liaison C-H. Dans la section 3.9, nous avons établi qu’un hydrogène allylique était relativement acide ; cette acidité particulière résulte de la stabilisation du carbanion allylique par résonance. Bien que les réactions décrites ci-dessous mettent en évidence le caractère acide des alcynes terminaux, il faut toutefois garder en tête qu’il s’agit d’acides extrêmement faibles ; l’acéthylène est de loin un acide plus faible que H2O. Puisque l’acéthylène est un acide faible, l’ion [RC≡C]- doit être une base forte. Les alcynes terminaux réagissent avec l’amidure de potassium ou le sodium métallique pour donner des sels métalliques alcalins d’acétylures. + H + KNH2 C K H + Na C Na + + NH3 + 1/2 H2 La réaction peut avoir lieu également avec des ions Ag+ et des sels de Cu(I) peuvent être formés par des réactions similaires. H + Ag(NH3)2+ + C Ag + NH3 + NH4+ Une utilisation importante des acétylures est la préparation d’alcynes avec une plus longue chaîne carbonée. La force motrice de la réaction est l’élimination d’un halogénure Gillet Steve, D.Sc. -49- Chimie organique (régularisation). d’alcalin. En effet, une quantité significative d’énergie est libéré lorsqu’un sel ionique tel que NaCl est formé (énergie de réseau cristallin). C Na + Cl Cette stratégie peut être utilisée pour augmenter la longueur d’une chaîne carbonée, et la fonction alcyne peut réagir à son tour, en étant, par exemple, réduite, comme dans le schéma ci-dessous. KNH2 C Br H2, Lindlar Ce dernier schéma est un des premiers exemples que nous montrions, dans lequel une suite de réactions se succède pour fournir un schéma de synthèse multi-étapes. Nous en verrons beaucoup d’autres dans les chapitres à venir, mais également dans les exercices à la fin de ce chapitre. Réactions de couplage pour donner des alcynes multi-fonctionnels Lorsque des alcynes terminaux sont chauffés avec des sels de Cu2+ dans la pyridine, une réaction de couplage a lieu pour donner un diyne, c'est-à-dire une molécule dans laquelle il y a deux fonctions C≡C. Les réactions ci-dessous en sont des exemples. C’est une réaction assez générale avec de nombreuses applications ; il est par exemple, possible de créer un cycle « hexyne » à partir de diynes terminaux. Gillet Steve, D.Sc. -50- Chimie organique (régularisation). Cu++ dans py 2 H Cu++ dans py 3 Les alcynes terminaux peuvent également être couplés à des halogénures d’aryles en utilisant la méthode de couplage de Sonogashira. Les conditions en sont une catalyse au palladium, la présence de CuI et de triéthylamine. Le catalyseur au palladium est habituellement [PdCl2(PPh3)2] (Ph = phényl). I + H R Pd(0), CuI Et3N R - HI 3.13. Protection d’un alcyne terminal : le groupe protecteur Me3Si Comme nous l’avons vu, le groupe C-H d’un alcyne terminal est relativement réactif et dans des synthèses multi-étapes, il peut être nécessaire de protéger cette liaison C-H. C’est un exemple, parmi d’autres, dans lequel un groupement protecteur est introduit temporairement dans une molécule et est clivé ultérieurement pour restaurer le groupement fonctionnel d’intérêt, dans une synthèse multi-étapes. Des groupements protecteurs habituels sont les trialkylsilyles tel que Me3Si (triméthylsilyl, abrégé TMS). La stratégie générale est d’utiliser un réactif organométallique tel que le nBuLi pour réagir avec la liaison C-H de l’alcyne terminal. Cela produit un composé organolithien qui réagit directement avec un halogénure de trialkylsilyle. L’équation ci-dessous montre la méthode générale, utilisant le groupement TMS comme exemple. Si R H BuLi R Li Cl R Si Une fois que les réactions désirées ont été menées sur le groupement R du produit du schéma ci-dessus, le composé peut être déprotégé en utilisant une base. Si nous supposons que R est transformé en un nouveau substituant R’, alors l’équation ci-dessous représente l’étape de déprotection. Gillet Steve, D.Sc. -51- Chimie organique (régularisation). Maintenant introduisons cette stratégie de protection-déprotection dans un exemple concret où une protection est nécessaire parce que nous qu’une seule extrémité de la molécule d’acétylène réagisse avec l’halogénure d’aryle (réactivité relative : I > Br >> Cl) lors d’un couplage de Sonogashira. Le triméthylsilylacétylène est disponible commercialement. 2 H Si + I I Pd(0), CuI Et3N Si Si une des extrémités de l'acétylène est protégée et ne peut subir de réaction de couplage NaOH H H Produit déprotégé dans lequel l'alcyne terminal est prêt à réagir Plus tard, dans les notes, nous décrirons d’autres exemples de protection de groupements vulnérables dans les synthèses multi-étapes. 4. Les molécules organiques polaires : Introduction 4.1. Objectifs Dans les chapitres 2 et 3, nous avons discuté des hydrocarbones saturés et insaturés contenant des liaisons C-C (simples, doubles et triples) et des liaisons C-H. La plupart de nos discussions étaient basées sur la chimie de molécules contenant des liaisons non polaires. Dans les prochains chapitres, notre attention va se porter sur des molécules organiques polaires. L’objectif de ce chapitre 4 est donc de rappeler au lecteur des notions telles que l’électronégativité, la polarité des liaisons et les moments dipolaires, mais également d’introduire de nouveaux concepts d’effets inductifs et de champ. 4.2. Electronégativités et liaisons polaires Des différentes échelles d’électronégativité existantes, c’est celle de Pauling qui est la plus communément utilisée. Les valeurs d’électronégativité importantes pour les molécules polaires organiques sont reprises dans le tableau ci-dessous. Famille 14 Famille 15 Famille 16 Famille 17 C : 2,6 N : 3,0 O : 3,4 F : 4,0 H : 2,2 Gillet Steve, D.Sc. -52- Chimie organique (régularisation). S : 2,6 Cl : 3,2 Br : 3,0 I : 2,7 En utilisant les valeurs d’électronégativité, nous pouvons déterminer si une liaison hétéronucléaire est polaire ou non. Par exemple, les valeurs de la table ci-dessus permettent d’aboutir aux conclusions ci-dessous concernant les liaisons C-O, C-N, C-F, C-Cl et O-H : Cfr. Tableau classe La direction de la flèche montrant le moment dipolaire pointe de la partie δ+ de la liaison, vers la partie δ-. Dans les chapitres à venir, nous allons avoir à faire avec des molécules qui contiennent ce type de liaisons : halogénoalcanes, éthers, alcools et amines. 4.3. Moments dipolaires moléculaires Molécules polaires et non polaires Les moments dipolaires sont des vecteurs et un moment dipolaire moléculaire est la résultante des dipôles de chaque liaison, dès lors, la présence d’une liaison polaire ne signifie pas nécessairement qu’une molécule est polaire. Par exemple, le CCl4 tétraédrique n’est pas polaire en dépit du fait qu’il possède quatre liaisons polaires C-Cl, parce que ces dipôles s’annulent globalement. De nombreuses molécules possèdent plus d’un type de substituant et les différents moments dipolaires de chaque liaison agissent dans des directions différentes. Qu’il y ait ou non un moment dipolaire moléculaire résultant dépend de : • La forme de la molécule • Des directions et amplitudes relatives de chaque dipôle de liaison • De la présence de paires d’électrons libre Considérons CH3F. La molécule est pratiquement tétraédrique et les seules paires libres sont sur l’atome de F. Les valeurs d’électronégativité de la table donnée plus haut montrent que chaque liaison C-H présente un moment dipolaire Cδ--Hδ+ et que la liaison C-F Gillet Steve, D.Sc. -53- Chimie organique (régularisation). est polaire dans le sens Cδ+-Fδ-. Les moments de liaison se renforcent l’un l’autre et le moment dipolaire moléculaire résultant est montré en rouge dans la structure ci-dessous. Considérons maintenant CCl3F. La molécule est polaire, mais présente un moment dipolaire plus petit que celui de CH3F. Chaque liaison C-Cl est polaire dans le sens Cδ+-Clδet la résultante de ces trois moments dipolaires de liaison s’oppose au moment de la liaison C-F. Ceci explique l’amplitude et la direction du moment dipolaire moléculaire de CCl3F illustré dans la figure ci-dessous. F H H F H Cl µ = 1,86 D Cl Cl µ = 0,46 D Les effets de la géométrie moléculaire et des paires libres ne sont pas toujours faciles à évaluer qualitativement. Dans l’éthanol, par exemple, le moment dipolaire moléculaire dépend de la résultante des moments dipolaires des liaisons C-O et O-H, et des moments dipolaires associés aux deux paires libres d’électrons sur l’atome d’O. Le schéma, cidessous, illustre ce problème. O H Qualitativement, tout ce que nous pouvons conclure, c’est que la molécule d’éthanol est polaire et l’extrémité OH de la molécule sera globalement δ- par rapport à la chaîne alkyle. La direction exacte du moment dipolaire moléculaire ne peut être déterminée sans avoir recourt au calcul vectoriel. Limitation des prédictions quantitatives Il faut toutefois se montrer prudent lorsque l’on tire des conclusions sur l’amplitude et la direction d’un moment dipolaire moléculaire. Bien que nous puissions utiliser les trois critères vus ci-dessus pour prédire et rationaliser la polarité ou non d’une molécule, d’autres facteurs contribuent à l’amplitude du moment dipolaire. Pour illustrer cela, considérons deux exemples. D’abord, considérons la tendance des valeurs de moments dipolaires pour les halogénoalcanes suivants, en phase gazeuse : F H H H H H H Cl H H H Br H H H I H H H H µ = 1,86 D µ = 1,89 D µ = 1,82 D µ = 1,62 D Gillet Steve, D.Sc. -54- Chimie organique (régularisation). Chaque molécule est pratiquement tétraédrique et sur base des valeurs d’électronégativités du tableau donné plus haut, on prédit des moments dipolaire dans l’ordre CH3F > CH3Cl > CH3Br > CH3I avec CH4 non polaire. Cependant, les données expérimentales pour les molécules en phase gazeuse révèlent que le moment dipolaire de liaison de CH3Cl > CH3F, une observation qui n’est pas directement explicable. Le second exemple concerne les moments dipolaires de CH3F, CH2F2 et CHF3, qui sont de 1,86 ; 1,98 et 1,65 D pour les molécules en phase gazeuse. A première vue, on pouvait s’attendre à ce que les moments dipolaires suivent un ordre qui reflète le nombre d’atomes de F, mais ce n’est pas ce qui est observé. Chaque molécule a un angle de liaison proche de 109,5°. Suivant la forme moléculaire et les valeurs d’électronégativité, on peut prédire correctement que chaque molécule est polaire et la combinaison des vecteurs donne les directions des moments dipolaires moléculaires comme suit : F F H H H F H F H H F F Quantifions à présent ces affirmations. Une méthode approximative pour l’estimation des valeurs d’un moment dipolaire moléculaire est d’estimé les moments dipolaires de liaison en utilisant les valeurs d’électronégativité, puis de combiner les moments de liaison pour donner le vecteur résultant. Par exemple : • pour la liaison C-H, la valeur du moment dipolaire est de 2,6 – 2,2 = 0,4 D, dans le sens HÆC • pour la liaison C-F, la valeur du moment dipolaire est de 4,0 – 2,6 = 1,4 D, dans le sens CÆF Prenons le cas de CH2F2, on peut déterminer assez aisément le sens du moment dipolaire moléculaire (celui de la figure ci-dessus). Reste à calculer la valeur du moment suivant le raisonnement suivant : • Contribution des liaisons C-F = 2 x (1,4 x cos(54,75)) = 1,6 D • Contribution des liaisons C-H = 2 x (0,4 x cos(54,75)) = 0,5 D Elles agissent toutes deux dans le même sens et le moment dipolaire moléculaires estimé pour CH2F2 est donc de 1,6 + 0,5 = 2,1 D. Dans le cas de CHF3, on peut estimer le moment dipolaire moléculaire comme suit : L’angle entre les liaisons C-F et le moment dipolaire moléculaire global est de 180 – 109,5 = 70,5°. La contribution des liaisons C-F est donc de 3 (1,4 x cos(70,5)) = 1,4 D. En ce qui concerne la contribution de C-H, elle est de 0,4 D, comme nous l’avons déterminé plus haut. Gillet Steve, D.Sc. -55- Chimie organique (régularisation). Ces deux contributions agissent dans le même sens et le moment dipolaire moléculaire estimé pour CHF3 est donc de 1,4 + 0,4 = 1,8 D. Il est possible d’estimer de la même façon la valeur du moment dipolaire moléculaire de CH3F (et on trouve 1,8 D). Bien que les valeurs estimées pour CH3F, CH2F2 et CHF3, à savoir 1,8 ; 2,1 et 1,8 D, ne correspondent pas aux valeurs expérimentales de 1,86 ; 1,98 et 1,65 D, nous pouvons au moins commencer à comprendre pourquoi les moments dipolaires moléculaires ne suivent pas simplement l’ordre CHF3 > CH2F2 > CH3F. 4.4. Effets inductif La présence d’une liaison polaire C-X peut influencer la chimie d’une molécule organique de plusieurs façons. Nous allons, ici, nous concentrer sur deux d’entre elles : • La distribution de charge dans la molécule est altérée et l’atome de carbone auquel X est attaché devient un centre de réactivité. • La distribution de charge dans la molécule est altérée et la réactivité, des autres atomes de C que celui auquel X est attaché, est modifiée. Le premier point est direct. Si X est δ- et le carbone auquel il est attaché est δ+, alors l’atome de carbone est très susceptible de subir une attaque par des nucléophiles. Nous verrons cela en détail dans des chapitres ultérieurs. Le second point concerne des effets à longue distance dus à la présence d’un atome électronégatif. Considérons le chloroéthane. Dans la liaison C-Cl, l’atome de chlore électronégatif attire les électrons vers lui, rendant l’atome de carbone auquel il est attaché partiellement positif. Cependant cet atome peut partiellement compenser ce mouvement d’électron en attirant, à son tour, les électrons de son carbone voisin. Ce que l’on peut schématiser par CÆCÆCl. C’est l’effet inductif. L’effet inductif se produit le long des liaisons σ et est également décrit comme un « effet σ ». Son amplitude dépend de la distance. La taille du dipôle induit sur un centre carboné décroit habituellement à mesure que ce C est plus éloigné de l’atome électronégatif. Effets des groupements électro-attracteurs sur les valeurs de pKa L’effet inductif peut être utilisé pour rationaliser partiellement l’accroissement de force des acides haloacétiques par rapport à l’acide carboxylique parent. Par exemple, les valeurs de pKa de CH3CO2H et CCl3CO2H sont de 4,77 et 0,70, respectivement. Cela signifie que l’acide trichloroacétique se dissocie bien plus en solution aqueuse que l’acide acétique. L’effet inductif plus important du groupement CCl3 que celui du groupement CH3 facilite la perte d’un proton par le groupe fonctionnel CO2H et stabilise l’ion CCl3CO2-. A la fois dans CH3CO2- et CCl3CO2-, la charge négative est délocalisée sur les deux atomes de carbones. Cela peut se représenter par la paire de résonance, ou l’hybride de résonance où Gillet Steve, D.Sc. -56- Chimie organique (régularisation). X = H ou Cl, ci-dessous. La charge négative est plus stabilisée si X est un électro-attracteur, par exemple X = Cl, et cette stabilisation de CCl3CO2- encourage la réaction de déprotonation dans l’équilibre de dissociation. X X O X X O X X X O O - X O X O L’effet diminue si on augmente le nombre de liaison C-C entre la fonction CO2H et le substituant électro-attracteur. C’est ce qui est illustré dans le tableau ci-dessous : L’introduction d’un substituant Cl dans CH3CO2H en décroit significativement la valeur de pKa, mais les différences entre paires de valeurs de pKa pour CH2Cl(CH2)nCO2H et CH3(CH2)nCO2H (n = 1, 2 ou 3) sont plus faibles. Acides pKa Dérivés chlorés O pKa O 4,77 2,81 Cl OH O OH O 4,87 4,09 OH Cl O OH O 4,81 OH 4,52 Cl O OH O 4,85 OH 4,72 Cl OH Les exemples, ci-dessus se focalisent sur les acidités relatives d’acides carboxyliques. Toutefois, l’introduction d’un groupement électro-attracteur sur un composé tel que le méthane produit des effets encore plus spectaculaire. Le pKa du méthane est d’environ 48, alors que celui du trichlorométhane est de 25. La base conjuguée de CH4 est donc très faiblement stabilisée, alors que celle de CHCl3 l’est beaucoup plus grâce à la présence des atomes de chlore qui attirent cette charge vers eux. Gillet Steve, D.Sc. -57- Chimie organique (régularisation). 5. Les halogénoalcanes 5.1. Structure et nomenclature Dans cette section, nous allons donner les bases de la nomenclature organique pour incorporer les groupes fonctionnels halogénoalcanes. La formule générale pour un halogénoalcane (ou halogénure d’alkyle) est RX où R est un groupement alkyle et X un halogène. Les halogénoalcanes avec un seul atome d’halogène Le groupement alkyle dans RX peut avoir une chaîne droite ou branchée. Lorsque l’on nomme un composé relativement simple, les mêmes règles, que celles décrites dans la section 1.4., sont d’application, en tenant compte, cette fois que l’on considère la plus longue chaîne contenant l’atome de carbone sur lequel est attaché l’halogène. Le nom des halogénoalcanes est formé en ajoutant à la racine alcane un préfixe fluoro-, chloro-, bromoou iodo-. Les composés représentés ci-dessous sont des dérivés bromo du pentane, avec une chaîne droite. Dans chacun d’eux, la chaîne principale de carbone est numérotée de façon à ce que le substituant Br ait le numéro de position le plus petit possible. Br Br 2-bromopentane 1-bromopentane Pour les composés dans lesquels il y a d’autres substituants en plus de l’atome d’halogène, la chaîne carbonée est numérotée en commençant par la fin la plus proche du premier substituant, que ce soit l’halogène ou non. Quatre isomères de C6H13Cl sont représentés ci-dessous. La chaîne principale doit contenir le carbone sur lequel est attaché le chlore : Cl Cl Cl Cl 1-chloro-3-méthylpentane 2-chloro-3-methylpentane 3-chloro-3-méthylpentane 1-chloro-2-éthylbutane Dans trois des isomères, la chaîne principale contient cinq carbones et le nom est donc basé sur le pentane. Les substituants sont ordonnés alphabétiquement (ex : 1-chloro-3méthylpentane et non 3-méthyl-1-chloropentane). Dans le dernier isomère, la chaîne principale (choisie pour contenir le carbone sur lequel est attaché Cl) contient quatre carbones et son nom est donc basé sur le butane. Gillet Steve, D.Sc. -58- Chimie organique (régularisation). Les halogénoalcanes avec plus d’un atome d’halogène Un halogénoalcane à chaîne droite avec deux substituants halogènes identiques est numéroté de sorte que les numéros de position soient aussi petits que possible. Par exemple : F Br Br 1,5-dibromopentane F 2,3-difluorohexane Si des atomes d’halogènes différents sont présents, les préfixes correspondants sont classés alphabétiquement, par exemple : 1-bromo-2-chlorobutane. Halogénoalcanes primaires, secondaires et tertiaires Lorsqu’un atome d’halogène est attaché à un carbone terminal, le composé est un halogénoalcane primaire ; la formule générale est RCH2X. Un composé dont la structure générale est R2CHX est un halogénoalcane secondaire. Finalement, dans un halogénoalcane tertiaire, trois groupements alkyles sont attachés au carbone porteur de l’halogène et la formule générale en est R3CHX. Les groupements R, dans ces formules générales peuvent être identiques, ou non. 5.2. Synthèse des halogénoalcanes En étudiant la chimie des alcanes et des alcènes, nous avons décrit la formation d’halogènes dans un bon nombre de réactions et des détails peuvent être obtenus en se référant aux sections adéquates : • Réaction de X2 avec les alcanes. • Formation de dihalogènures vicinaux par addition électrophile de X2 à un alcène. • Formation d’halogénoalcanes par addition électrophile de HX à un alcène. • Formation d’halogénoalcanes par addition radicalaire de HX à un alcène. • Formation de gem-dihalogénures par réaction de HX avec un alcyne. La première de ces méthodes n’est pas une technique utile pour la formation de dérivés halogénés spécifiques. Il est difficile de contrôler les réactions de substitutions radicalaires et des mélanges de produits sont obtenus. L’addition électrophile de X2 (X = Cl ou Br) donne des dihalogénures vicinaux avec un bon rendement. Les monohalogénures sont produits par addition de HX (X = Cl, Br ou I) à un alcène et, comme nous l’avons discuté antérieurement, l’addition est régiosélective avec l’atome de X qui s’attache au carbone le plus substitué (Markovnikov), comme on peut le voir dans la réaction ci-dessous. Gillet Steve, D.Sc. -59- Chimie organique (régularisation). Br + HBr + Br majoritaire L’addition de HX sous des conditions radicalaires donne un produit anti-Markovnikov comme dans la réaction ci-dessous. HBr + amorceur radicalaire Br Nous avons également décrit la bromation allylique en utilisant le NBS, une réaction qui permet la bromation d’un carbone adjacent à une double liaison C=C. Les réactions entre les alcanes ou les alcènes et F2 sont explosives et donc les fluoroalcanes sont habituellement préparés en utilisant un agent de fluoration alternatif. L’équation ci-dessous illustre l’utilisation de HF/SbF5 avec fluoration par échange partiel d’un halogène. Cl Cl Cl Cl HF, SbF5 Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl F HF, SbF5 F Cl Cl F Cl F F Cl F HF, SbF5 F Cl Cl F Cl Cl F HF, SbF5 Cl F Un groupement trifluorométhyle (CF3) est présent dans l’antidépresseur Prozac, commercialisé par Lilley et qui fait partie des produits pharmaceutiques les mieux vendu dans le monde. Gillet Steve, D.Sc. -60- Chimie organique (régularisation). F F F O HN prozac Une voie commune et pratique pour la préparation d’halogénoalcanes consiste à les synthétiser à partir de leur alcool correspondant, comme dans le schéma général ci-dessous. ROH + HX Æ RX + H2O (X = Cl, Br, I) Les alcools tertiaires sont les plus réactifs et l’ordre de réactivité est : R3COH > R2CHOH > RCH2OH Il en résulte donc que cette réaction est plus souvent utilisée pour des alcools tertiaires que pour des alcools secondaires ou primaires. Nous reviendrons sur le mécanisme de cette réaction et sur les raisons de cette différence de réactivité dans un chapitre ultérieur. OH HCl conc ; 298 K Cl Pour la conversion d’alcools primaires ou secondaires en halogénoalcanes, les réactions avec le chlorure de thionyle (SOCl2), les halogénures de phosphore (III) (PCl3, PBr3, PI3) ou le chlorure de phosphore (V) (PCl5) sont plus utiles. Les réactions ci-dessous en sont des exemples. Un avantage d’utiliser SOCl2 est que les produits secondaires (HCl et SO2) sont des gaz, ce qui rend l’isolation du produit organique aisée. OH OH SOCl2 PBr3, reflux Cl Br 5.3. Les propriétés physiques Les liaisons C-X Les valeurs d’électronégativité de la section 4.2. montre que chaque liaison C-X (X = F, Cl, Br, I) est polaire dans le sens Cδ+-X δ-, et nous avons considéré l’influence de ce fait sur les moments dipolaires moléculaires dans le chapitre 4. Gillet Steve, D.Sc. -61- Chimie organique (régularisation). Températures d’ébullition Un halogénoalcane présente, habituellement, une température d’ébullition plus haute que l’alcane correspondant. La figure ci-dessous illustre la tendance en point d’ébullition dans la série CH4-xClx et montre que l’accroissement du nombre d’atomes de Cl mène à l’accroissement de la température d’ébullition : CH2Cl2, CHCl3 et CCl4 sont des liquides à 298, alors que CH4 et CH3Cl sont des gaz. La tendance en accroissement de point d’ébullition suit l’accroissement en masse moléculaire. Chloro-, bromo- et iodoalcanes liquides Les chloro-, bromo- et iodoalcanes liquides sont habituellement plus denses que l’eau et la densité augmente avec l’augmentation du degré de substitution en halogène. Par exemple, les densités de CH2Cl2, CHCl3 et CCl4 sont de 1,33 ; 1,48 et 1,59 respectivement. Les halogénoalcanes liquides sont habituellement non miscibles à l’eau. C’est logique du fait que l’eau est polaire, mais que les halogénoalcanes tels que CCl4 et CBr4 ne sont pas polaires. A la fois CHCl3 et CH2Cl2 sont polaire, comme nous l’avons vu au chapitre précédent. Pourtant, ces deux liquides ne sont pas miscibles à l’eau. Cela peut être attribué au fait que les interactions dipôle-dipôle entre l’eau et l’halogénoalcane ne compense pas suffisamment la perte de liaisons hydrogènes entre les molécules d’eau. Bien que les halogénoalcanes liquides aient été largement utilisés comme solvant de lavage à sec, il est maintenant établi que certains d’entre eux pouvaient causer des dommages au foie et que d’autres sont suspectés d’être cancérigènes. Le dichlorométhane Gillet Steve, D.Sc. -62- Chimie organique (régularisation). et le trichlorométhane (chloroforme) sont des solvants de laboratoire communs, même si les risques pour la santé associés aux solvants chlorés, particulièrement CCl4, on conduit à réduire leur utilisation. 5.4. Les réactions des halogénoalcanes : formation de réactifs de Grignard et d’organolithiens Les halogénoalcanes permettent habituellement les types généraux de réactions suivants : • Substitution nucléophile de X- • Elimination de HX pour donner un hydrocarbone insaturé • Formation de réactifs de Grignard • Formation d’organolithiens Dans cette section, nous allons étudier l’utilisation des halogénoalcanes pour la formation de deux types de composés organométalliques : les réactifs de Grignard et les organolithiens. Plus tard dans le chapitre, nous nous pencherons sur une vue plus détaillée des réactions de substitution nucléophile et d’élimination. Les réactifs de Grignard Les réactifs de Grignard sont des composés organométalliques de type général RMgX et sont de grande importance en chimie organique de synthèse comme réactifs alkylant. La liaison Mg-C est hautement polaire dans le sens Mgδ+-Cδ- ce qui contribue à la réactivité des réactifs de Grignard. Ils sont sensibles à l’air et à l’humidité et sont habituellement préparés in situ, c'est-à-dire que les composés ne sont pas isolés, mais sont préparés dans des solutions d’éther, comme requis, en travaillant sous atmosphère inerte (sans oxygène, ni humidité). Alternativement, certains des réactifs de Grignard les plus utilisés peuvent être achetés de compagnies commerciales. Les solvants habituels pour les réactifs de Grignard sont le diéthyléther et le tétrahydrofurane (THF) anhydre. Le magnésium métallique réagit avec une halogénoalcane suivant l’équation ci-dessous et une liaison MG-C est formée. O R X + Mg O ou R Mg X La réaction peut être amorcée par ajout de I2 ; il réagit pour donner une surface de magnésium pour donner une surface propre et hautement réactive. La vitesse à laquelle la réaction ci-dessus se déroule suit l’ordre RI > RBr > RCl, et les halogénoalcanes primaires, Gillet Steve, D.Sc. -63- Chimie organique (régularisation). secondaires et tertiaires réagissent tous avec Mg. Les équations ci-dessous en illustrent quelques exemples. La méthode peut être étendue aux halogénures d’aryles, par exemple le chlorobenzène. Br + Mg Cl + Mg Et2O Et2O MgBr MgCl Nous verrons les utilisations de réactifs de Grignard dans des chapitres ultérieurs, et leur utilité en synthèse est illustrée dans la figure ci-dessous. Cette figure montre les réactions entre des réactifs de Grignard et des groupements carbonyles et des donneurs de proton. Bien que l’on représente les structures des réactifs de Grignard comme ayant une coordination de 2 pour le Mg, la formation d’adduits avec des solvants donneurs tels que le THF ou l’Et2O conduit typiquement à une coordination de 4. Par exemple, EtMgBr cristallise à partir de solutions dans le diéthyléther comme l’adduit illustré ci-dessous, lequel contient un Mg approximativement tétraédrique. Gillet Steve, D.Sc. -64- Chimie organique (régularisation). O Mg O Br Les organolithiens Les composés organolithiens, RLi, sont des composés organométalliques qui se comportent comme des sources de carbanions, R-, et ont de nombreuses utilités en synthèse. Les alkyllithiens sont utilisés comme agent d’alkylation. Les alkyllithiens, comme les aryllithiens, peuvent être préparés par traitement d’un halogénoalcane avec du lithium sous atmosphère inerte. L’absence d’air et d’humidité est essentielle puisque le Li métallique et les dérivés RLi réagissent avec H2O et O2. Les solvants doivent être anhydres. RX + 2 Li Æ RLi + LiX Un réactif organolithien particulièrement important est le n-butyllithium, nBuLi, qui peut être synthétisé par la réaction suivante : Li, pentane Br Li + LiBr Le n-butyllithium est également disponible commercialement sous forme de solution dans l’hexane, scellé sous atmosphère d’azote ou peut être facilement synthétisé, à petite échelle, dans un laboratoire. D’autres réactifs organolithiens commercialement disponibles sont le MeLi et le PhLi. Les organolithiens peuvent agir comme nucléophiles et comme base. La figure ci-dessous montre quelques exemples d’utilisation de RLi. Le MeLi et BuLi sont communément utilisés comme agents de déprotonnation ; la valeur du pKa de CH4 est de 48 et donc Me- est une base très forte. Gillet Steve, D.Sc. -65- Chimie organique (régularisation). 5.5. Les réactions des halogénoalcanes : substitution électrophile vs élimination Le fait que la liaison C-X est polaire dans le sens Cδ+-X δ− signifie que l’atome de carbone dans un halogénoalcane est susceptible d’être attaqué par des nucléophiles ; le carbone qui porte une charge partielle positive dans un halogénoalcane agit comme un électrophile. Deux réactions peuvent avoir lieu lorsqu’un nucléophile attaque : • Le nucléophile, Nu- peut s’attacher à l’atome de carbone de la liaison C-X et X- part, ou • Une base, B, peut arracher un atome d’H de l’atome de carbone adjacent de la liaison C-X et il y a élimination simultanée de X- pour donner un alcène. R X + Nu- R Nu H H H H Gillet Steve, D.Sc. X H X R + + B H R + BH+ + X H -66- Chimie organique (régularisation). Dans les sections suivantes, nous étudierons les manières dont l’élimination et la substitution ont lieu et la compétition qu’il peut y avoir éventuellement lieu entre elles. 5.6. Substitution nucléophile Le mécanisme de la SN1 Considérons la réaction de Me3CCl avec H2O qui obéit à une loi de vitesse d’ordre 1. Pour qu’un mécanisme réactionnel puisse expliquer une loi de vitesse de ce type doit comprendre une étape cinétiquement limitante faisant intervenir seulement Me3CCl. Le nucléophile, H2O, doit être impliqué dans une étape rapide. Les étapes du mécanisme SN1 sont illustrées ci-dessous : Cl C H2O: C H + + O + + H Cl OH L’étape lente est le clivage dissociatifs spontané de la liaison C-Cl, c'est-à-dire une étape unimoléculaire. Un ion chlorure part (Cl- est le groupement partant) et un carbocation est formé. C’est un intermédiaire réactionnel, qui réagit en une étape rapide avec tout nucléophile disponible. Dans la réaction ci-dessus, le nucléophile est H2O. Lorsque la liaison C-O se forme, la charge positive est transférée du carbone vers l’oxygène, et il s’en suit, rapidement, une perte de H+ pour donner le produit. Il est également, bien entendu possible que le carbocation soit attaqué par Cl- pour régénérer le matériel de départ. Le mécanisme de la SN2 Maintenant étudions la substitution nucléophile qui présente un second ordre global, avec une vitesse de réaction qui dépend à la fois de la concentration en halogénoalcane et en nucléophile. Un mécanisme qui permette d’expliquer ces données fait intervenir un processus en une étape, c'est-à-dire que l’étape limitante est un mécanisme d’échange bimoléculaire. C’est ce que l’on appelle un mécanisme de SN2 et c’est ce qui est illustré dans le schéma ci-dessous : Gillet Steve, D.Sc. -67- Chimie organique (régularisation). Br H H H H H Cl H + Br :ClLa formation de la liaison C-Cl et la rupture de la liaison C-Br ont lieu en une seule étape et le processus est dit « concerté ». Il n’y a pas formation d’un intermédiaire. Le chemin réactionnel passe par un état de transition illustré ci-dessous : ‡ H Cl Br H H SN1 ou SN2 ? Nous venons de mettre en évidence les détails de deux mécanismes extrêmes de la substitution nucléophile, mais qu’est-ce qui détermine que l’un des chemin est suivi plutôt qu’un autre pour une réaction particulière ? Les deux mécanismes compétitionnent-ils eu sein de la même réaction ? Les réponses à ces questions ne sont pas simples parce qu’il y a un nombre de facteurs contributifs important : • La nature du carbocation qui est formé si la réaction se déroule suivant le mécanisme SN1 • Des effets stériques • Le nucléophile • Le groupement partant • Le solvant. Nous étudierons chaque facteur séparément. Cependant, il est important de garder à l’esprit que, en pratique, il y a une interaction entre ces facteurs et qu’en tirer des conclusions générale n’est pas du tout aisé. Un point crucial à garder également à l’esprit est que pour qu’un mécanisme dissociatif SN1 soit favorisé, un clivage hétérolytique de la liaison C-X doit avoir lieu directement. Le carbocation Nous avons parlé des carbocations dans la section 3.5 et décrit la façon dont ils sont stabilisés par les groupements attracteurs d’électrons. L’ordre général de stabilité des carbocations ou R est un groupement alkyle est : R3C+ > R2HC+ > RH2C+ > H3C+ Les carbocations formés par le départ de X- d’un simple halogénoalcane correspondent à l’une des catégories ci-dessus, mais d’autres types de cations sont formés Gillet Steve, D.Sc. -68- Chimie organique (régularisation). si le composé de départ contient d’autres groupements fonctionnels. Deux carbocations, les cations allyliques et benzyliques, présentent une stabilité particulière. Si le composé halogéné de départ contient un substituant X attaché à un carbone adjacent à une double liaison C=C, alors la perte de X- génère un carbocation allylique qui est stabilisé par les contributions des deux structures de résonance. Alternativement, la stabilisation peut être représentée en termes de délocalisation de liaison. - X- X C + Lorsque le composé halogéné contient un groupe CH2X attaché à un cycle benzénique, la perte de X- donne un carbocation benzylique. Nous discuterons de la chimie du benzène et de ses dérivés ultérieurement, mais nous sommes ici intéressé par la réactivité du substituant CH2X. La stabilité accrue du carbocation benzylique a pour origine les contributions de chaque structure de résonance illustrées ci-dessous. Le résultat net en est que la charge positive est délocalisée sur l’ensemble du cycle. C + C H H H H H + H H H C + C + Les carbocations allylique et benzylique sont des types de carbocations primaires (RCH2+) mais leur stabilisation par résonance signifie que leur stabilité est plus importante que celles de carbocations primaires où R = alkyle. Globalement, la stabilité des carbocations peut être résumée comme suit, où R = alkyle : H R R C + R > C + H ~ ~ + R C H H R + C H > R C + H > H C + H Que signifient donc ces stabilités relatives en terme de mécanisme de substitution nucléophile ? Le plus stable des carbocations est celui pour lequel la perte d’un X- comme étape cinétiquement limitante est la plus probable. Dans ce cas, un mécanisme de type SN1 est donc le plus probablement favorisé. Alors que l’halogénoalcane tertiaire Me3CCl se fait très rapidement hydrolyser, les composés secondaires et primaires Me2CHCl et MeCH2Cl sont hydrolysés seulement lentement. L’hydrolyse est plus rapide si un intermédiaire allylique peut être formé. Donc, dans les mêmes conditions (même température, solvant, concentration, etc.), les vitesses relatives d’hydrolyse d’une série de chlorures sont : Gillet Steve, D.Sc. -69- Chimie organique (régularisation). Cl >> > Cl > Cl > Cl La vitesse la plus élevée correspond à un halogénoalcane tertiaire subissant une SN1 avec l’eau ; souvenons-nous que la vitesse est indépendante du nucléophile. La seconde vitesse la plus élevée correspond à un système qui peut former un carbocation allylique et pour lequel un mécanisme SN1 est favorable. La vitesse d’hydrolyse du chloroalcane secondaire est faible ; le mécanisme SN1 est possible, mais il n’est pas spécialement favorisé et il y a compétition avec le mécanisme SN2. Le chloroalcane primaire présente la vitesse d’hydrolyse la plus faible ; le mécanisme SN1 n’est pas favorable et la réaction se déroule très probablement suivant un mécanisme SN2. Comme nous l’avons vu, la vitesse de réaction d’une réaction SN2 dépend du nucléophile aussi bien que de l’halogénoalcane ; la vitesse d’hydrolyse de MeCH2Cl est très faible, ce qui est cohérent avec le fait que H2O est un nucléophile faible. Nous y reviendrons plus tard. En résumé : • La formation d’un carbocation tertiaire favorise la SN1 sur la SN2 • La formation d’un carbocation allylique ou benzylique favorise la SN1 sur la SN2, mais pas de façon aussi tranchée • La formation d’un carbocation secondaire est suffisamment favorable pour permettre à la SN1 d’avoir lieu, mais il y aura compétition avec la SN2 • Les carbocations primaires et méthyliques ne sont pas favorisés et une dissociation spontanée de l’halogène du précurseur correspondant n’a pas lieu. Les effets stériques Si on retourne à la discussion concernant le mécanisme de la SN2, il est alors clair que l’approche du nucléophile et la formation d’un état de transition est stériquement défavorable si le carbone central porte des substituants volumineux. Le nucléophile doit être capable d’attaquer l’atome de carbone au travers d’un « bouclier » de substituants. La figure ci-dessous montre les structures à « espace rempli » de CH3Br, MeCH2Br, Me2CHBr et Me3CBr. Chaque molécule est vue avec la liaison C-Br qui pointe vers le dos de la feuille, ce qui correspond à la vue qu’a le nucléophile lorsqu’il se dirige vers l’atome de carbone central. Gillet Steve, D.Sc. -70- Chimie organique (régularisation). Les substituants les plus petits possibles sont les hydrogènes et l’attaque nucléophile du carbone dans CH3X est aisée. Donc le mécanisme SN2 est favorisé pour les halogénures de méthyle. Similairement, l’attaque par un nucléophile sur l’atome de carbone primaire de MeCH2Br n’est pas très gênée stériquement et le mécanisme SN2 peut avoir lieu directement. Il est plus difficile pour le nucléophile d’attaquer un carbone secondaire Me2CHBr et plus encore d’attaquer un carbone tertiaire Me3CBr. Les halogénoalcanes secondaires peuvent subir des réactions SN2, mais la réaction est généralement lente à cause de l’encombrement stérique. Les halogénoalcanes tertiaires ne peuvent subir une SN2. L’encombrement stérique joue un rôle, mais la vitesse à laquelle un carbocation tertiaire se forme est tellement rapide que cette étape empêche de toute façon la SN2 d’avoir lieu. Les deux derniers types d’espèces dont nous avons parlé dans le paragraphe précédent sont les halogényres allyliques et benzyliques. Nous avons montré comment ils pouvaient, tous deux subir une SN1. Cependant, tous deux sont des halogénoalcanes primaires et ils peuvent également subir une SN2. Plus encore, le système π qui est adjacent au site de l’attaque nucléophile aide à stabiliser l’état de transition. En résumé : • Les réactions de SN2 peuvent avoir lieu si l’attaque par un nucléophile sur le carbone est stériquement possible. • Les halogénures de méthyle et les halogénoalcanes primaires sont les meilleurs candidats pour un mécanisme SN2, lequel est encore plus favorisé pour les halogénures allyliques et benzyliques par délocalisation des électrons π dans l’état de transition • Les halogénoalcanes tertiaires ne subissent pas de réaction SN2. Le nucléophile La vitesse d’une réaction SN2 montre une dépendance du premier ordre vis-à-vis du nucléophile. En outre, la vitesse de réaction est affectée par la nature du nucléophile. Toutes les espèces attaquantes ne sont pas d’aussi bons nucléophiles les unes que les autres. La Gillet Steve, D.Sc. -71- Chimie organique (régularisation). constante de vitesse est caractéristique d’une réaction particulière et, si nous considérons une réaction SN2 avec un substrat halogénoalcane fixé, nous trouvons que k varie avec le nucléophile. Cette observation est habituellement discutée en termes de nucléophilie du groupe entrant, toutes les autres conditions (halogénoalcanes, solvant, température) étant fixées. Malheureusement, la nucléophilie n’est pas facile à définir, mais il est utile, de penser à un bon nucléophile (dans le cadre de l’attaque d’un halogénoalcane) comme à une espèce capable de facilement former une liaison avec un Cδ+ qui faisait originellement partie d’une liaison C-X. Il est également utile de faire une comparaison entre nucléophilie et basicité, puisqu’il est habituellement établi qu’une bonne base est une espèce qui capture facilement un H+. Ce dernier point nécessite quelques explications supplémentaires. Les réactions de CH3Br avec HO-, CH3CO2- et H2O suivent un mécanisme SN2 et leurs vitesses suivent l’ordre suivant : HO- > CH3CO2- > H2O. La nucléophilie de ces espèces est donc HO- > CH3CO2- > H2O. Considérons maintenant l’affinité de chaque nucléophile pour un proton, c'est-à-dire la basicité de chaque espèce. Cela peut se faire en étudiant les valeurs de pKa de l’acide conjugué : pKa H2O > pKa CH3CO2H > pKa H3O+, ce qui signifie que H3O+ donne plus facilement un H+ et que H2O en accepte le moins facilement. Souvenons-nous que si un pKa est grand, cela, alors le Ka pour l’acide est faible, l’équilibre est déplacé vers la gauche, et Aest une base relativement forte. Plus le pKa est grand, plus la basicité de A- est importante. HA ↔ H+ + A- pKa = -log Ka Donc, les valeurs de pKa de H2O, CH3CO2H et H3O+ montrent que l’ordre de basicité est HO- > CH3CO2- > H2O, un ordre qui est comparable à celui de leur nucléophilie. En général, dans une série de nucléophiles qui contiennent le même atome donneur, on peut utiliser les valeurs de pKa pour se faire une idée approximative des forces relatives des espèces en tant que nucléophiles. Lorsque les membres d’une série de nucléophiles contiennent des atomes donneurs différents (à nouveau en supposant l’halogénoalcane, ainsi que les autres conditions fixés) alors la tendance dans les valeurs de pKa ne peuvent servir de guide fiable à leur nucléophilies. Cependant, à partir des données de cinétique, on peut tracer quelques tendances utiles : les nucléophiles qui appartiennent à même groupe périodique deviennent plus fort à mesure que l’on descend dans ce groupe. Par exemple, les nucléophilies suivent habituellement l’ordre : I- > Br- > ClHS- > HORS- > RO- (R = alkyle) Gillet Steve, D.Sc. -72- Chimie organique (régularisation). On peut se faire une vue d’ensemble des points dont nous venons de discuter en étudiant les vitesses relatives des réactions de différents nucléophiles avec CH3Br (dans un solvant commune, l’éthanol) ; les vitesses relatives sont exprimées par rapport à l’attaque par l’eau : Nucléophile HS- I- HO- Cl- CH3CO2- H2O Vitesse relative ~125 000 ~100 000 ~12 000 ~1 000 ~800 1 Les termes nucléophiles durs et mous sont souvent utilisés, et l’application de ces termes est similaire à celle qui est utilisée en chimie de coordination des ligands. Les nucléophiles durs tendent à posséder un O ou N comme atome attaquant, par exemple HOet NH2-, alors que les nucléophiles mous portent des atomes moins électronégatifs qui sont plus bas dans les groupes périodiques, par exemple RS- et I-. Tant que l’on envisage une substitution SN2 avec des halogénoalcanes, les nucléophiles mous sont meilleurs que les durs (il suffit de regarder les vitesses relatives ci-dessus pour en être convaincu). Mais la situation peut être renversée pour l’attaque d’autres centres, comme nous le verrons ultérieurement lorsque nous parlerons de l’attaque nucléophile sur des groupements carbonyles. En résumé : • La tendance en nucléophilie des espèces est généralement comparable à celle de leur basicité, en supposant que l’atome attaquant est constant dans la série de nucléophiles • Pour les espèces appartenant à un groupe périodique, la nucléophilie augmente généralement lorsque l’on descend dans le groupe (ex. : I- > Br- > Cl-). Le groupement partant La nature du groupement partant est important à la fois pour les mécanismes SN1 et SN2. Dans l’étape cinétiquement déterminante dans les deux mécanismes, la liaison C-X est brisée et X- part. Dans la substitution nucléophile des halogénoalcanes, le groupement partant peut être F-, Cl-, Br- ou I-. Le meilleur groupement partant est I-, et le moins bon est F: I- > Br- > Cl- > FCes observations peuvent être corrélées avec les valeurs de pKa des acides conjugués : pKa HF = +3,5, HCl = -7, HBr = -9 et HI = -11. Des valeurs négatives de pKa signifient des acides forts, et donc Cl-, Br- et I- sont des bases faibles ; les ions sont stables et sont de bons groupements partant. De l’autre côté, HF est un acide faible et F- est un mauvais groupement partant. Gillet Steve, D.Sc. -73- Chimie organique (régularisation). Dans les prochains chapitres, nous étudierons des réactions de substitution nucléophile dans lesquelles le groupement partant est autre chose qu’un ion halogénure, et il est donc intéressant d’introduire d’autres groupements dans notre discussion actuelle. De pauvres groupements partants comprennent HO-, H2N- et RO- et, comme F- ce sont des bases conjuguées d’acides faibles. La faible capacité de OH- de partir dans une réaction de substitution nucléophile faisant intervenir un substrat alcoolique peut être compensée par protonation du groupement OH. Cela signifie que H2O (un bon groupement partant) est expulsé plutôt que OH- (un mauvais groupement partant). Nous verrons cette stratégie à l’œuvre dans les deux prochains chapitres. L’ion tosylate est également un excellent groupement partant et nous reviendrons sur son utilisation au chapitre 7. O S O O En résumé : • Les groupements partant halogénures sont classé I- > Br- > Cl- > F- • Les fluoroalcanes ne subissent pas de SN2 du fait que F- est un très mauvais groupement partant. Le solvant Le choix d’un solvant adéquat pour les réactions de substitution nucléophile est important. Dans une réaction de SN1, l’étape cinétiquement limitante inclut la rupture hétérolytique d’une liaison et un ion polaire accroit la vitesse de formation d’un ion par stabilisation de l’état intermédiaire. La vitesse de réaction SN1 est donc accrue par l’utilisation de solvants polaires tels que l’eau et l’éthanol. Le choix du solvant est également important pour les réactions SN2, mais n’est pas le même que celui pour les réactions SN1. Alors que la vitesse d’une réaction SN1 est indépendante du nucléophile, celle d’une réaction SN2 en dépend. Nous devons donc considérer quel effet aura le solvant sur l’approche du nucléophile vers l’halogénoalcane. Le nucléophile dans une réaction de SN2 est habituellement un anion (ex. : Cl-, HO-, NC-). Les anions sont fortement solvatés par les solvants protiques tels que H2O et MeOH. Ces solvants forment des ponts hydrogènes avec un nucléophile anionique et nuisent stériquement à son attaque du substrat halogénoalcane. Le nucléophile est stabilisé par solvatation et cela accroit l’énergie d’activation pour la réaction de substitution. Les solvants aprotiques polaires comprennent l’acétonitrile, l’acétone, le diméthylsulfoxyde (DMSO) et le diméthylformamide (DMF). Etant polaires, ce sont de bons solvants pour d’autres molécules polaires et pour certains composés ioniques. Par contre, Gillet Steve, D.Sc. -74- Chimie organique (régularisation). les solvants aprotiques ne contiennent pas d’atomes d’hydrogène attaché aux atomes électronégatifs et sont incapables de former des liaisons hydrogènes avec le nucléophile. En conséquence, la vitesse d’une réaction SN2 dans un solvant polaire aprotique excède de beaucoup celle de la même réaction dans un solvant protique. O O N Acétonitrile H Acétone O S N DMSO DMF En résumé : • La vitesse d’une réaction SN1 est améliorée par l’utilisation d’un solvant protique (ex. H2O) • La vitesse d’une réaction SN2 est améliorée par l’utilisation d’un solvant aprotique polaire (ex. DMF, MeCN) 5.7. Réactions d’élimination Dans la section 5.5., nous avons établi qu’un halogénoalcane, RX, pouvait subir des réactions de substitution nucléophile ou d’élimination. Dans la section 5.6., nous avons discuté des réactions SN1 et SN2, et des préférences pour l’un des mécanismes ou pour l’autre. Nous avons vu que la situation n’est pas simple, et qu’un nombre important de facteurs contribuent à la compétition SN1 vs SN2. La situation est encore compliquée par le fait que l’élimination de HX peut entrer en compétition avec la substitution de X- par un nucléophile arrivant. Tout comme il y a deux mécanismes de substitution, il y a également deux mécanismes d’élimination : • E1 unimoléculaire • E2 bimoléculaire Tout d’abord considérons les mécanismes E1 et E2 séparément et considérons ensuite leur compétition globale avec les réactions SN1 et SN2. Le mécanisme E1 Nous avons vu antérieurement que la réaction du 2-chloro-2-méthylpropane avec H2O donnait du 2-méthylpropanol. En fait, une quantité mineure de 2-méthylpropène est également formée, et si le nucléophile est changé de H2O en HO-, le produit prédominant est le 2-méthylpropène. Cl + Gillet Steve, D.Sc. OH- + Cl + H2O -75- Chimie organique (régularisation). La réaction ci-dessus montre une dépendance de premier ordre pour l’halogénoalcane et aucune dépendance pour OH-. Les données de vitesse sont conformes avec la formation d’un carbocation dans l’étape cinétiquement déterminante, c'est-à-dire un mécanisme unimoléculaire E1. La première étape dans la voie E1 est dès lors la même que dans une réaction SN1 : Cl C + + Cl L’étape suivante est l’étape rapide de formation de 2-méthylpropène dans laquelle - HO arrache H+ du carbocation intermédiaire. + C H H H :OH- Que le nucléophile agisse ou non de cette manière (voie E1) plutôt que de s’ajouter au carbocation (voie SN1) dépend d’un ensemble de facteurs. L’arrachement de H+ est facilité par une base forte qui soit un faible nucléophile, par exemple l’amidure Li{N(CHMe2)2}. Les facteurs stériques au niveau du substrat organique peuvent également faire basculer le mécanisme en faveur de l’élimination ; la création de deux carbones trigonaux plans à la place de tétraédriques peut, en effet, aider à réduire les tensions stériques. Par exemple, un carbocation tertiaire Bu3C+ peut préférer éliminer H+ plutôt que de réagir avec un nucléophile à son centre C+. Cette dernière option forcerait les trois substituants butyle à être plus proches les uns des autres que dans le produit alcène. C + H H :B H En fait, cette réaction d’élimination aura lieu avec une base plus faible que HO-, pour autant que cette base soit un nucléophile faible. Les réactions E1 requièrent la formation d’un carbocation et dès lors sont favorisées pour les halogénoalcanes tertiaires, allyliques et benzyliques. Les halogénoalcanes secondaires peuvent subir des réactions E1, mais pas les halogénoalcanes primaires à cause de la faible stabilité relative d’un carbocation primaire. Lorsqu’un choix est possible, la perte de H+ favorisera la formation de l’alcène le plus substitué comme l’illustre le schéma suivant : Gillet Steve, D.Sc. -76- Chimie organique (régularisation). C + + Majoritaire Donc l’élimination est régiosélective. Lorsque la dernière étape d’un mécanisme E1 peut conduire à des isomères E ou Z d’un alcène, il favorisera la formation de l’isomère le moins tendu stériquement, comme par exemple : C + + Majoritaire Le mécanisme E2 En présence d’une base, l’élimination de HX à partir d’un halogénoalcane peut obéir à une cinétique du second ordre avec l’équation de vitesse de la réaction étant : Vitesse de réaction = k [halogénoalcane] [base] Un mécanisme qui est conforme avec ces résultats expérimentaux fait intervenir une étape cinétiquement déterminante bimoléculaire. C’est la réaction E2 : perte de HX promue par une base. R R H X R R R R R R + BH+ + X :B La base dans l’équation ci-dessus est montrée comme une molécule neutre B et forme BH+, mais elle peut également être négativement chargée, ex. : EtO-. L’élimination se déroule de façon à donner l’alcène le plus substitué. Dans l’état de transition, la base commence à former une liaison avec le proton qui est en train de se faire éliminer et, simultanément, le lien C-H commence à se briser, la liaison π de la double liaison C=C commence à se former et le lien C-Br commence à se briser. Ces liaisons sont indiquées en lignes pointillées dans la figure ci-dessous. Gillet Steve, D.Sc. -77- Chimie organique (régularisation). Pour que ce processus concerté ait lieu, tous les atomes de l’unité H-C-C-X impliqués dans la formation et la rupture des liaisons doivent se trouver dans le même plan. La géométrie est périplanaire. En résumé : • Les réactions E2 requièrent un arrangement périplanaire de l’unité H-C-C-X • Lorsqu’un choix est possible, l’élimination favorise la formation de l’alcène le plus substitué (régiosélectivité) • Lorsqu’un choix est possible, l’halogénoalcane adopte la conformation la moins stériquement encombrée et le produit d’élimination reflète ce fait. 5.8. Réactions de substitutions nucléophiles en compétition avec les éliminations Dans cette section nous allons étudier les facteurs qui favorisent l’une ou l’autre des réactions SN1, SN2, E1 ou E2. E1 versus SN1 Nous avons déjà vu que la formation d’un carbocation est favorisée par les solvants protiques. Cela aide à la fois les réactions SN1 et E1, puisque l’étape cinétiquement déterminante est identique pour les deux. Que le carbocation soit attaqué ou non par le nucléophile sur son centre C+ pour donner un produit de substitution, ou soit sujet à l’élimination d’un H+ pour donner un produit d’élimination dépend de la nature du nucléophile. Si le nucléophile est fortement basique, le mécanisme E1 est préféré. Cependant, même une base faible peut arracher un proton du carbocation intermédiaire, et dans ce cas, il y a une compétition entre les mécanismes E1 et SN1 comme dans la réaction ci-dessous. Le ratio des produits dépend des conditions de réaction et est affecté par la température, ex. à 340 K et dans l’éthanol, cette réaction donne un mélange 2 : 1 de produits SN1 : E1. Cl OH + Gillet Steve, D.Sc. -78- Chimie organique (régularisation). Les halogénoalcanes tertiaires Lorsque l’on a considéré les réactions de substitution, nous avons vu que les halogénoalcanes tertiaires, R3CX, réagissaient suivant une SN1 et non une SN2. Il est tentant, dès lors, de penser que pour les halogénoalcanes tertiaires, il est seulement nécessaire de considérer la compétition avec la réaction E1. Mais ce n’est pas le cas. Si une base forte est utilisée, la voie E2 peut être suivie, par exemple, la réaction ci-dessous produit un alcène presque exclusivement avec un produit de substitution négligeable. Br EtOMécanisme E2 Comme nous l’avons vu plus tôt dans cette section, pour un halogénoalcane tertiaire, la voie E1 peut être suivie avec une base forte, mais également avec une base faible. Cependant, la vitesse de la réaction E2 dépend de la concentration et de la force de la base, elle est donc favorisée à concentration élevée et en présence d’une base forte. E2 versus SN2 Les halogénoalcanes primaires, RCH2X, réagissent suivant un mécanisme SN2 et une compétition avec le mécanisme E2 peut apparaître si le nucléophile est une base forte telle que EtO-. La réaction E2 est particulièrement favorisée sur le nucléophile est stériquement encombré. Retournons voir la discussion concernant les effets stériques de la section 5.6., et notamment la vue qu’a le nucléophile lorsqu’il essaye de s’approcher du centre Cδ+. Un nucléophile tel que Me3CO- (tBuO-) est très encombré, comme le montre la figure ci-dessous. C’est également une base forte qui réagit avec le 1-bromopentane pour donner du pent-1-ène plutôt qu’un produit de substitution (équation ci-dessous). t-BuOBr La compétition entre E2 et SN2 est également observée lorsque le substrat est un halogénoalcane secondaire. Nous avons déjà décrit comment l’élimination de HBr du 2bromobutane par une voie E2 donne du but-2-ène comme produit préférentiel sur le but-1ène, et que le (E)-but-2-ène est favorisé sur le (Z)-but-2-ène. L’élimination est favorisée par Gillet Steve, D.Sc. -79- Chimie organique (régularisation). rapport à la substitution nucléophile si une base telle que EtO- est utilisée ; un mélange de produits de substitution et d’élimination est généralement attendu, comme l’illustre l’équation ci-dessous, mais le produit d’élimination prédomine. EtOBr + O Halogénures méthyliques Dans la discussion concernant les SN2, nous avons discuté, en particulier, du composé MeX, mais nous ne l’avons pas mentionné dans nos discussions concernant les réactions d’élimination. La raison en est évidente, la molécule de CH3X ne possédant qu’un seul atome de carbone, il lui est impossible de subir une élimination pour former un alcène. 5.9. Réactions choisies des halogénoalcanes Nous avons étudié une série de réactions de substitutions et d’éliminations dans les sections précédentes. Nous allons nous focaliser, dans cette dernière section, sur quelques réactions choisies des halogénoalcanes, qui présentent une importance particulière d’un point de vue synthétique et biologique. Synthèse des éthers Les réactions entre des alkoxydes, RO-, et des halogénoalcanes sont utilisées pour préparer des éthers ; cette méthode porte le nom de « synthèse de Williamson ». Un exemple en a déjà été donné (avec une élimination compétitive). Pour réduire la probabilité qu’une E2 ait lieu, on utilise généralement des halogénoalcanes primaires. La synthèse de Williamson peut être utilisée pour préparer à la fois des éthers symétriques (ROR) et des éthers asymétriques (ROR’), mais nous en discuterons plus en détail ultérieurement. Croissance de la chaîne carbonée La croissance d’une chaîne carbonée par formation d’une liaison C-C est une stratégie de synthèse importante. Dans la section 3.12, nous avons montré des réactions entre des anions acétylénures (RC≡C-) et des halogénoalcanes. Le schéma ci-dessous en montre d’autres exemples. Gillet Steve, D.Sc. -80- Chimie organique (régularisation). H + C Na Na + Br C Na + La compétition avec les réactions d’élimination peut être minimisée si des halogénoalcanes primaires sont utilisés ; un soin particulier doit être pris lorsque l’on choisit l’halogénoalcane le plus adapté, puisque les anions RC≡C- sont des bases fortes. Une autre façon d’étendre la chaîne carbonée réside dans la réaction d’un halogénoalcane avec NC-. Le groupe fonctionnel cyano peut, par exemple, être réduit pour donner une amine. I NC- CN LiAlH4 ou H2/catalyseur NH2 Les agents alkylants La capacité des composés RX à réagir avec les nucléophiles signifie que plusieurs d’entre eux sont de puissants agents alkylants. L’alkylation de composés organiques de l’ADN est fortement impliquée dans les processus de carcinogenèse et mutagenèse. Les groupements amines et thiols des résidus acide-aminés des protéines peuvent agir en tant que nucléophiles et attaquer les halogénoalcanes qui entre en contact avec ces protéines. L’alkylation résultante de la protéine inhibe ses fonctions naturelles ; en d’autres termes, les halogénoalcanes présentent des effets toxiques. Gillet Steve, D.Sc. -81-
© Copyright 2024 Paperzz