N° 330 12 février 2016 le numéro DICI I Documentation Information Catholiques Internationales rak : Vers une islamisation obligatoire des chrétiens ? En janvier 2016, Roberto Simona, responsable pour la Suisse romande et italienne de l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED), s’est rendu à Bagdad, capitale de l’Irak. Dans un entretien publié le 28 janvier, il exposait la situation à Bagdad où « la communauté chrétienne se voit réduite à une dimension symbolique ». Lire la suite p. 5 Dans ce numéro : Italie : Impressionnante manifestation contre le "mariage pour tous" - p. 2 Suisse : Le nouveau nonce jugé trop « traditionaliste » - p. 3 Les impasses du dialogue interreligieux avec l’islam - p. 10 Sommaire détaillé p. 2 Quand les idéologies atterrissent… Le Père Joseph de Tonquédec s.j. écrivait, au siècle dernier, dans sa Critique de la connaissance : « C’est une grosse naïveté de croire que les thèses utiles se tiennent toutes seules, en l’air. » Il voulait dire que ces thèses utiles... et même nécessaires à la vie en société, – les idées morales et politiques –, ont besoin de solides fondements métaphysiques. Aujourd’hui, on a plutôt la naïveté inverse, celle qui consiste à croire que la critique du concile Vatican II qui voulut ouvrir l’Eglise aux idées modernes de liberté religieuse, de dialogue interreligieux, de laïcité de l’Etat…, se situe dans un monde éthéré où les fortes réalités sociales, économiques et politiques – les seules qui comptent ! – n’ont pas leur place. La perspective change, le jour où l’on s’aperçoit que ces idéologies atterrissent, qu’elles s’incarnent en des comportements concrets, aux lourdes conséquences sociales et politiques. Depuis 50 ans, au nom du dialogue interreligieux, on célèbre les valeurs des autres religions et l’on fait repentance sur la sienne ; au nom de la liberté religieuse, on fait comme si toutes les religions se valent ; au nom de la laïcité, on met la lumière sous le boisseau et on affadit le sel. Chesterton parlait d’idées chrétiennes devenues folles, désormais elles sont molles. Idées molles pour des temps durs, l’atterrissage ne peut être que douloureux. Car en face des naïfs qui croient aux idéologies modernes, se tiennent ceux qui n’y croient pas, mais qui savent s’en servir habilement pour imposer leur croyance et leur loi à un Occident naguère chrétien. Le remède à cette naïveté désarmante – au sens littéral du mot : qui désarme les intelligences et démobilise les volontés –, c’est une lucidité militante. Abbé Alain Lorans DICI Nº 330 2 • 12 février 2016 L'EGLISE DANS LE MONDE I talie : Impressionnante manifestation contre le "mariage pour tous" Le samedi 30 janvier 2016, près d’un million de personnes venues de toute l'Italie se sont rassemblées à Rome, au Cirque Maxime, pour manifester contre le ‘mariage pour tous’ à l’initiative du Comité Difendiamo i nostri figli (Défendons nos enfants). Dans la soirée, les organisateurs ont cité des sources ‘officielles’ parlant de 780.000 à un million de personnes, annonce Le Point du 31 janvier. Ce Family Day fut l’occasion d’un immense rassemblement d’opposition au projet de loi sur les unions civiles pour les couples de même sexe et sur l'adoption des enfants de l’un des deux conjoints par ces couples, deux jours après le début de l’examen du texte au Sénat. Parmi les manifestants, on notait la présence de nombreux laïcs catholiques, des représentants des diocèses, des associations familiales catholiques, des mouvements d'Eglise très présents dans la Péninsule, ainsi que des religieuses, des religieux, des prêtres et des politiciens de l'opposition. Plusieurs responsables gouvernementaux, dont Sur la banderole : "Ici pour l'amour de nos enfants". le ministre de l'Intérieur Angelino Alfano, membre du Nouveau Centre droit, partenaire minoritaire de la coalition, ont participé à la manifestation, opposés qu’ils sont à l’adoption de l’enfant de l’un des conjoints par le couple homosexuel. Le neurochirurgien Massimo Gandolfini, porte-parole du Comité Difendiamo i nostri figli, a rappelé sur la scène du Cirque Maxime qu'il ne voulait marginaliser personne, ne mettre personne dans un ghetto, « mais dire clai- rement que le tissu de la nation, ce sont les familles, et ces familles doivent être soutenues ». Déclarant le projet de loi « inacceptable du premier au dernier mot » : « il doit être intégralement rejeté», et soulignant que « nous sommes tous nés d'un homme et d'une femme », il a précisé que « cela signifie une société naturelle ; les autres formes de soi-disant familles vont briser au plus profond la structure même de l'homme ». Et de glisser qu’aux prochaines élections législatives de 2018 « nous nous souviendrons SOMMAIRE L'EGLISE DANS LE MONDE Italie : Impressionnante manifestation contre le "mariage pour tous" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Suisse : Le nouveau nonce jugé trop « traditionaliste » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . France : Les attentats ramènent-ils les Français à l'église ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Syrie : « Une fatidique disparition des chrétiens » ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Irak : Vers une islamisation obligatoire des chrétiens ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 3 4 4 5 NOUVELLES DE LA TRADITION France : Projection du film Le treizième jour à Conflans-Sainte-Honorine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Journée portes ouvertes de l’Œuvre Sainte-Jeanne-de-Valois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 France : Pèlerinage de la Sainte Tunique d’Argenteuil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 DOCUMENTS Le nom de Dieu est miséricorde : le livre-entretien du pape François . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Les impasses du dialogue interreligieux avec l’islam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 DICI Nº 330 • de ceux qui se tenaient du côté de la famille et des enfants, et des autres…». Simone Pillon, membre du Comité organisateur, cité par La Croix du 31 janvier, affirmait que « ce projet de loi introduit, de fait, le mariage gay en Italie. Et en autorisant l’adoption, il légitimerait la gestation pour autrui. C’est pourquoi nous devons le stopper. » Parmi les associations présentes figurait Famiglia Domani, qui avait organisé en 2011, avec le Mouvement Européen Défense de la Vie (MEDV), la Marche Nationale pour la Vie qui se déroule chaque année à Rome. Son communiqué du 22 janvier avait fermement déclaré : « Famiglia Domani s’oppose, rejette, réfute dans son intégralité le projet de loi Cirinna et affirme avec force que la protection de la famille est inséparable d'une défense totale et intégrale de la vérité et de l'ordre naturel et chrétien. » L'Italie est le dernier pays européen à ne pas avoir légiféré sur l'union civile des couples homosexuels. Le président du Conseil S 3 Matteo Renzi avait promis que la loi serait adoptée avant la fin de l'année dernière, mais il s'est heurté à une forte résistance au sein même de sa coalition. Il a affirmé vouloir passer outre, même si 36 parlementaires du Parti démocrate, lui demandaient de renoncer à l'adoption de l'enfant d'un des deux conjoints, en cas d'union homosexuelle. Lupo Glori dans Correspondance européenne du 31 janvier, rappelle que la manifestation du 30 janvier diffère notablement de celle menée le 12 mai 2007 contre le projet de loi intitulé Droits et devoirs des personnes vivant de manière stable en concubinage (DICO en italien, et similaire au Pacs français) proposé par le gouvernement de Romano Prodi. « Si en 2007, c’était la Conférence Episcopale Italienne (CEI) qui avait appelé les catholiques à descendre dans la rue contre un projet de loi inacceptable, les rôles aujourd’hui se sont paradoxalement inversés et, après la manifestation de la place de Saint-Jeande-Latran le 20 juin 2015, où des 12 février 2016 milliers de personnes ont protesté contre l’enseignement de la théorie du genre dans les écoles, c’est aujourd’hui le peuple catholique luimême qui a adressé un vibrant “non possumus” à la hiérarchie ecclésiastique, l’invitant à se joindre à elle. » (voir DICI n°329 du 29/01/16 sur les tergiversations du pape et de l’épiscopat italien). « En ce sens, écrit Roberto de Mattei sur le site Corrispondenza Romana le 3 février, l'Italie du Family Day n'est pas celle de Mgr Nunzio Galantino, secrétaire de la Conférence épiscopale italienne, ni celle des associations comme Communion et Libération, l'Agesci, le Mouvement des Focolari, le Renouveau de l'Esprit, qui ont déserté le Circo Massimo le 30 janvier ». En conclusion de cette journée Massimo Gandolfini lançait : « A nous la bataille, à Dieu la gloire ! ». (Sources : apic/la croix/correspondance européenne/famiglia domani/ Corrispondenza Romana – DICI n°330 du 12/02/16) uisse : Le nouveau nonce jugé trop « traditionaliste » Le nouveau nonce apostolique pour la Suisse et le Lichtenstein, en poste à Berne depuis octobre 2015, est considéré comme « trop proche des catholiques traditionalistes ». C’est ce que considèrent des progressistes comme le théologien Markus Arnold, professeur d’éthique à l’Université de Lucerne, et la Ligue suisse des femmes catholiques (SKF) qui ont envoyé une lettre d’avertissement au Conseil fédéral suisse, l’organe exécutif de la Confédération helvétique. D’après le site de l’Eglise catholique suisse le 2 février 2016, Mgr Thomas E. Gullickson suscite la critique de ceux qui s’opposent habituellement à l’évêque de Coire, Mgr Vitus Huonder. L'archevêque américain de 65 ans aurait une attitude jugée « ultraconservatrice » qui « met en danger la paix reli- gieuse ». Pour quelles raisons ? « Il recommande la lecture d'un livre antimoderniste du XIXe siècle » écrit par le prêtre catalan Félix Sardá y Salvany, Le libéralisme est un péché. Se sentant peut-être visé par l’ouvrage, le professeur d’éthique de Lucerne considère que le nonce « empoisonne le débat », et il l’assimile même aux « fanatiques religieux », estimant que l'on a « déjà assez de problèmes » avec eux. Le théologien Erwin Koller, président de la Fondation Herbert Haag « pour la liberté dans l'Eglise » a toutefois déclaré que « pour que le Conseil fédéral intervienne, il faudrait d'abord avoir des faits "manifestes" contre Mgr Gullickson ». Ce qui, a-t-il déploré, n’est « pas le cas pour le moment ». Egalement interrogé, un journaliste de la télévision suisse alémanique espère bien une intervention de la Conférence des évêques suisses car selon lui, dans un avenir proche, « Mgr Gullickson rejettera des décisions essentielles du concile Vatican II ». Le Grison Giusep Nay, ancien président du Tribunal fédéral, estime aussi que l'attitude du nonce est un « poison pour l'œcuménisme ». Si l'on recherche « le soutien du Conseil fédéral, affirme-t-il, « on ne doit pas mettre en avant le conflit interne à l'Eglise entre les catholiques conservateurs et les catholiques libéraux, mais plutôt l'influence possible du nonce sur le choix du successeur de l'actuel évêque de Coire, Mgr Vitus Huonder. » Là est sans doute la finalité principale de cette lettre d’avertissement. (Sources : kath.ch/apic – DICI n°330 du 12/02/16) DICI Nº 330 F • 12 février 2016 rance : Les attentats ramènent-ils les Français à l'église ? D’après La Croix du 20 janvier 2016, « depuis les attaques terroristes en France, les églises seraient davantage fréquentées. » Sans fournir de chiffres, le quotidien français décrit « des anonymes » qui « dans le recueillement et la solitude », viennent « retrouver des racines » ou y chercher « un refuge ». Ils se glissent « derrière les piliers de l’église, silencieuse et déserte dans la journée ». Restant à l’écart des offices, « ils allument un cierge, se recueillent discrètement et s’éclipsent aussitôt. » Le P. Bernard Brien, prêtre au Perreux (Val-de-Marne), décrit dans ce même article une église pleine « les deux dimanches qui ont suivi l’attaque du Bataclan, ainsi qu’à Noël. Depuis, ce ne sont plus les mêmes foules, mais je continue à apercevoir S 4 de nouvelles têtes ». Le P. JeanHubert Thieffry, curé à SophiaAntipolis (Alpes-Maritimes) constate également « un questionnement de fond nouveau, des personnes qui ressentent plus fortement la vulnérabilité de la vie, qui s’interrogent devant des actes commis prétendument au nom de Dieu ». Un couple de retraités tourangeaux devenu très assidu le dimanche témoigne avoir « ressenti le besoin de communier avec les autres », et admet que l’Evangile les « rassure » et les « sort un peu de la torpeur » des journaux télévisés. Les raisons de ce soudain retour à l’église sont pour certains « clairement identitaires », analyse le P. Geoffroy de la Tousche, curé de Dieppe (Seine-Maritime) qui semble déplorer que « pour une famille par exemple, le re- tour est associé visiblement à un réflexe anti-musulman » (sic). D’autres expriment le besoin de se réapproprier leurs racines, voire de « défendre nos valeurs judéochrétiennes ». Le quotidien cite ainsi un éleveur de canards en Dordogne, âgé de 49 ans, père de quatre enfants, qui se dit « révolté par la mauvaise réponse de nos politiques qui veulent démolir notre culture judéo-chrétienne au bénéfice d’une laïcité qui ne donne aucun repère à nos enfants et nous enverra droit dans le mur ! Je ne suis pas opposé au respect des autres religions, mais pourquoi rejeter ce qui est au fondement de notre culture et de nos familles ? » (Sources : apic/lacroix – DICI n°330 du 12/02/16) yrie : « Une fatidique disparition des chrétiens » ? Le 28 janvier 2016, Mgr Ignace Joseph III Younan, patriarche de l'Eglise syro-catholique, déclarait à Rome, à l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) : « Notre cauchemar, notre plus grande crainte, c'est que se produise en Irak et en Syrie ce qui est arrivé en Turquie, où l'on ne peut pratiquement plus parler d'une présence chrétienne », dénonçant « l'indifférence » de l'Occident qui place les intérêts géopolitiques au-dessus du sort des chrétiens du Moyen-Orient. En Syrie, le nombre de chrétiens a diminué de façon spectaculaire. « Dans les années 50, nous étions environ 19% de la population et maintenant à peine 5%. Beaucoup ont déjà quitté le pays et beaucoup d'autres continueront à partir en risquant la mort en mer ». Originaire de Hassaké, au nord-est de la Syrie, Mgr Younan dénonce le drame des nombreux Syriens qui sont en train de mou- rir de faim et par manque de soins médicaux. « Les civils paient le plus lourd tribut au conflit ». Lors de la 8e nuit des Témoins à Notre-Dame de Paris, le 29 janvier 2016, Mgr JeanClément Jeanbart déclarait avec tristesse : « La liste des dégâts serait bien longue si je devais relater tout ce qui arrive depuis cinq ans dans cette malheureuse Syrie. On peut parler d’une éradication systématique de toute une civilisation, de tout un patrimoine. On peut penser aussi à un plan de destruction systématique prémédité, visant à éliminer tout ce qui constitue la richesse de ce pays. C’est une grande catastrophe qui nous frappe impitoyablement. Nous nous trouvons confrontés à de grands périls, peut-être même à une fatidique disparition ». Né à Alep dans une famille de 12 enfants, Mgr Jeanbart est archevêque de sa ville natale depuis 20 ans, âgé de 72 ans, il dénonce une « invasion de réfugiés en Europe » : « Je sens comme si une déportation de notre population était organisée », ce qui prive ainsi la Syrie d’une « population productive ». « C’est un pays très riche. Alep a 8.000 ans d’âge et en a vu d’autres. C’est une ville qui est industrielle, une ville où les gens aiment travailler. Avant la guerre, Alep faisait travailler 1,2 million d'ouvriers dans les usines », expliquait-t-il sur BFM.tv. « A cause du terrorisme, il y a eu cette invasion incroyable de réfugiés en Europe, puis dernièrement des centaines, voire des milliers de personnes vers le Canada. Cela nous met dans une situation de peur et de crainte que le pays se vide ». Marc Fromager, directeur de l’AED, interrogé par Le Point à la 8e nuit des Témoins, a expliqué sans détour : « Sur le dossier syrien, la France a une responsabilité évidente puisque dès le départ nous DICI Nº 330 5 • avons chargé Bachar el-Assad en prenant le parti de la rébellion. Ce faisant, nous avons activement participé à la destruction de ce pays. Dans la réalité, non seulement nous n’avons rien fait pour les chrétiens d’Orient mais nous avons contribué aux conditions de leur disparition. Les armes que nous avons livrées aux rebelles soidisant modérés se sont retrouvées I entre les mains de groupes extrémistes, et notamment l’Etat islamique qui se sert donc d’armes françaises. Toutes les informations qui sont diffusées sur la Syrie en France proviennent d’une source unique, l’OSDH (l’Office syrien pour les droits de l’homme), une ONG basée à Londres et soutenue par le Qatar. » De plus, citant Mgr Jeanbart, Marc Fromager dénonce 12 février 2016 « les conférences épiscopales européennes qui n’ont pas suffisamment écouté les témoignages de leurs pairs orientaux, adoptent une certaine soumission au politiquement correct alors qu’il faudrait être politiquement juste. » (Sources : apic/acs/aed/aleteia/lepoint – DICI n°330 du 12/02/16) rak : Vers une islamisation obligatoire des chrétiens ? En janvier 2016, Roberto Simona, responsable pour la Suisse romande et italienne de l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED), s’est rendu à Bagdad, capitale de l’Irak. Dans un entretien accordé à l’agence Apic, publié le 28 janvier, il exposait la situation à Bagdad où « la communauté chrétienne se voit réduite à une dimension symbolique ». Les chiffres officiels annoncent 80.000 chrétiens restés dans la capitale, mais « c'est certainement moitié moins. A Bagdad, tous, chrétiens ou musulmans, veulent partir. L'insécurité est partout, en raison des attentats. Pour les minorités chrétiennes, la pression est quotidienne, en particulier pour trouver du travail. Les réseaux traditionnels de soutien disparaissent. Ceux qui restent se sentent isolés, et les familles chrétiennes ne voient plus d'avenir pour leurs enfants dans une société de plus en plus intolérante. Dans la rue, les chrétiens sont interpellés : pourquoi ne te convertis-tu pas, pourquoi ne deviens-tu pas musulman ? » Une conversion tique à l’islam automa- Le 27 octobre 2015, le vote de l’assemblée des députés irakiens pour la carte nationale uniforme, a soulevé l’indignation chez les chrétiens et les autres minorités non musulmanes. La loi oblige les enfants mineurs à embrasser automatiquement la religion musulmane, si un des parents déclare qu’il se Enfants chrétiens irakiens dans l'église de la Vierge Marie à Bartala, à l'est de Mossoul (nord de l'Irak). convertit et devient musulman (art. 26/2). Le Parlement a rejeté à une large majorité, 137 contre 51 voix, la proposition de modification du texte, avancée par les chrétiens et soutenue par différentes coalitions : l’ajout d’un paragraphe stipulant qu’en cas de conversion à l’islam d’un seul de leurs parents, les mineurs demeuraient dans leur religion d’origine jusqu’à l’âge de 18 ans pour ensuite choisir leur appartenance confessionnelle en pleine liberté de conscience. Le 10 novembre 2015, une manifestation convoquée par Mgr Louis Raphaël Ier Sako, patriarche de Babylone des chaldéens, a eu lieu sur le parvis de l’église chaldéenne Saint-Georges de Bagdad afin de protester contre cette loi avec l’intention d’en appeler aux instances internationales. Le 17 novembre 2015 le Parlement irakien votait une résolution adoptant la modification de la loi sur l’islamisation des mineurs, voulue par les chrétiens, avec 140 voix sur 206. Le Président du Parlement irakien, Salim al-Juburi, avait favorisé ce revirement en déclarant son intention de modifier la loi, afin de garantir aux Irakiens non musulmans les droits de pleine égalité assurés par la Constitution. Début décembre 2015, Mgr Sako a lancé un nouvel appel aux membres du Parlement irakien leur demandant de cesser de tergiverser face à cette modification de la loi. En effet, expliquait le site Internet Baghdadhope, certains parlementaires se sont adressés à l’ayatollah chiite Ali Al Sistani pour recueillir son avis sur la modification de la loi, paralysant ainsi le Parlement. Dans sa lettre, le Patriarche des chaldéens rappelle que les enfants chrétiens, sabéens, mandéens et yézidis ne veulent pas devenir musulmans dans le cas où un de leurs parents se convertit à l’islam, et il cite l’ensemble des articles de la Constitution affirmant et protégeant l’égalité des citoyens. Il cite également la recommandation du DICI Nº 330 • coran selon laquelle « il n’existe pas d’obligation dans la religion ». Pour Roberto Simona, promouvoir une telle loi montre bien l'état d'esprit des dirigeants et de la classe politique en général. « Alors que la situation sécuritaire est catastrophique, qu'une grande partie du pays est occupée par Daech, que la guerre est aux portes de Bagdad, que les réfugiés ont fui en masse les zones de conflit, que le chômage est de plus en plus important et que la corruption atteint des sommets, le fait que les parlementaires s'occupent de telles choses montre bien l'état du pays. Cela crée chez les chrétiens une grande insécurité psychologique ». Et de confier que les personnes rencontrées disent qu’avant, sous Saddam Hussein où le pays comptait près de 1,5 million de chrétiens, « c'était une dictature, mais on avait un seul dictateur, maintenant, il y en a partout. Le chaos et la corruption règnent à tous les étages. Les gens n'osent plus sortir, ne quittent plus leur quartier, par peur des attentats et des enlèvements ». D’autant plus que, depuis décembre dernier, sur les murs de Bagdad, dans les rues adjacentes aux églises et aux monastères et dans les quartiers où sont encore présentes des communautés chrétiennes, des affiches ont été placardées pour demander aux femmes chrétiennes de porter le voile. La presse irakienne indique que l’apparition de ces affiches est ressentie par les chrétiens de Bagdad comme un nouveau signal d’intimidation, qui s’ajoute aux enlèvements ciblés et aux expropriations de maisons et de biens immobiliers subis ces derniers mois. Quelques jours avant Noël, le Patriarcat des Chaldéens a annoncé son retrait des traditionnelles rencontres avec les représentants politiques et religieux pour l’échange des vœux pendant la période de Noël. Le Patriarche a rappelé la situation d’abandon des réfugiés chrétiens ayant fui la 6 12 février 2016 plaine de Ninive devant les djihadistes du prétendu ‘Etat islamique’, l’absence de modification de la loi imposant aux enfants de parents convertis à l’islam de devenir musulmans, ainsi que les affiches apparues récemment sur les murs de Bagdad, demandant aux femmes chrétiennes de porter le voile. Le 18 janvier, au premier jour du Jeûne de Ninive (de 3 jours) demandé par Mgr Sako à tous les fidèles de l’Eglise chaldéenne pour obtenir de Dieu le retour de la paix en Irak et au Proche-Orient, le patriarche des Chaldéens a renouvelé l’appel à toutes les Eglises et communautés chrétiennes irakiennes de créer une liste unitaire de chrétiens aptes à se présenter aux élections, afin de servir leur frères persécutés et l’intérêt général du pays. L’intervention étrangers d’acteurs Dans une supplique adressée à Martin Schultz, président du Parlement européen, à l’occasion d'une réunion tenue à Strasbourg le 20 janvier 2016 ainsi qu’à la conférence sur les droits des minorités religieuses dans le monde musulman tenue à Marrakech (Maroc), du 25 au 27 janvier, Mgr Louis Raphaël Sako a demandé que l’on fasse « sortir notre pays et ses ‘soi-disant minorités’ de ce tunnel suffocant où ils se trouvent ». « Tout a commencé du jour au lendemain, a-t-il dénoncé, comme si des mains clandestines et perverses avaient tout planifié, mettant en scène des guerres quasi organisées, manipulées avec l’intervention d’acteurs externes qui ont profité d’un Etat et d’une administration fragilisés et coupés des citoyens. Sous le prétexte de mettre en place une démocratie et plus de liberté en Irak, ces interventions externes ont poussé notre pays et ceux de la région vers le chaos et le terrorisme ». De plus, « non contente d’avoir détruit l’unité entre nos communautés et la coexistence qui les caractérisait, ces mains étrangères se sont aussi accaparées nos ressources naturelles nationales. » Mgr Sako déplore le fait que l’incapacité à imposer la souveraineté de la loi ait cédé la place à la "loi de la jungle", l’échec du système éducatif, le déclin accéléré de la culture, la montée du chômage et la détérioration de la sécurité. L’agence vaticane Fides annonçait le 7 janvier l’arrestation d’une trentaine d’enseignants, dans la province de Ninive sous le contrôle des membres du prétendu ‘Etat islamique’, pour avoir refusé de suivre les nouveaux programmes scolaires imposés par les djihadistes depuis la prise de Mossoul où les cours de philosophie, de chimie, de biologie et de mathématiques ont été remplacés par des cours sur la charia et le djihad. De même qu’au début de l’année scolaire 20142015, les écoles de Mossoul et de la plaine de Ninive qui portaient des noms chrétiens avaient dû en changer et supprimer l’enseignement de la langue et de la culture syriaque ainsi que l’éducation religieuse chrétienne. « Depuis la chute de l’ancien régime en 2003 (conduite par les Etats-Unis contre le régime de Saddam Hussein), poursuit le patriarche chaldéen, le pays a été entraîné de manière préméditée vers le radicalisme. Un radicalisme visant les chrétiens et les autres minorités religieuses, les chassant jusque dans leurs maisons, sur le territoire où elles vivent depuis toujours. Cette violence de grande envergure a pour but jusqu’à la destruction de notre histoire commune, de notre civilisation, de nos valeurs et de notre éthique. Sans exclure les autres minorités religieuses, il faut tout de même dire qu’un feu de haine, d’exclusion et de marginalisation a été spécifiquement dirigé contre les chrétiens. » (Sources : apic/fides/aed/ankawa/ baghdadhope/œuvre d’orient – DICI n°330 du 12/02/16) DICI Nº 330 7 • 12 février 2016 NOUVELLES DE LA TRADITION F rance : Projection du film Le treizième jour à ConflansSainte-Honorine L’abbé Louis-Marie Berthe qui dessert la chapelle Sainte-Honorine, a demandé au Cinéville de Conflans-SainteHonorine (Yvelines) de projeter le film Le treizième jour sur « l'incroyable récit des apparitions de Marie à Fatima », film qui vient de sortir en France. On pourra le visionner le samedi 13 février 2016, à F faites pénitence ». Chapelle Sainte-Honorine - 66, rue Maurice-Berteaux - 78700 Conflans-Sainte-Honorine – Tél : 01 30 33 58 07 ou 01 34 90 15 40. (Source : FSSPX/Ste-Honorine – DICI n°330 du 12/02/16) rance : Pèlerinage de la Sainte Tunique d’Argenteuil L’UNEC (Union des Nations de l’Europe Chrétienne) organise son pèlerinage annuel à la Sainte Tunique d’Argenteuil dans l’après-midi du dimanche de Laetare, le 6 mars 2016. Départ de la procession du centre-ville à 15h, depuis le parking de la salle des fêtes Jean Vilar, 9 boulevard Héloïse à Argenteuil, au bord de la Seine. 15h30 passage devant la gare d’Argenteuil (pour les pèlerins venant en train de Paris : gare SaintLazare, trains toutes les 20 minutes, le dimanche). A 16 h dans la basilique Saint-Denis : chemin de croix et vénération de la Sainte Tunique J 20h30, au Cinéville de Conflans, situé derrière le parking de la mairie. Ce film permet de (re) découvrir, de façon vivante et priante, l'histoire extraordinaire, toujours d'actualité, des apparitions de la Vierge Marie à Fatima. En ce début de carême, ce peut être un encouragement à répondre avec foi et générosité à l’appel de Notre Dame : « Priez et trempée du Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce pèlerinage sera une préparation au temps de la Passion et à l’ostension solennelle de la Sainte Tunique qui aura lieu au printemps. Vénérée à Argenteuil depuis plus de 1200 ans, la Sainte Tunique est conservée à l’abri dans un reliquaire ; elle n’est montrée aux fidèles que tous les 50 ans, lors d’une ostension solennelle. La dernière eut lieu en 1984. A l’occasion de l’Année sainte, Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise, a décidé d’organiser une ostension exceptionnelle qui coïncidera avec les 150 ans de la basilique SaintDenis et le 50e anniversaire du diocèse. Du Vendredi saint, 25 mars, au dimanche du Bon Pasteur, 10 avril, les pèlerins seront invités à vénérer cette relique du Chemin de la Croix. L’ostension de 1984 avait attiré 80.000 personnes ; en 2016, selon le recteur de la basilique, l’abbé Guy-Emmanuel Carlot, plus de 150.000 pèlerins de France et de l’étranger sont attendus. (Source : UNEC/Diocèse de Pontoise – DICI n°330 du 12/02/16) ournée portes ouvertes de l’Œuvre Sainte-Jeanne-de-Valois L’Œuvre Sainte-Jeanne-deValois est destinée à accueillir dans un Lieu de Vie et d'Accueil (LVA) des personnes handicapées sorties des cycles scolaires, sans activité professionnelle, que leur famille veut maintenir occupées dans une atmosphère véritablement catholique. Il s'agit d'une œuvre de miséricorde corporelle et spirituelle, pour les bénéficiaires, leurs familles, l'entourage, mais aussi d'une œuvre d'apostolat local et national. L'implantation de l'œuvre se fera, à la rentrée 2016-2017, sur le site de la Martinerie près de Châteauroux, à côté des écoles primaire et secondaire Saint-Michel et du lycée professionnel Philibert Vrau, établissements scolaires de la Fraternité Saint-Pie X. Cette proximité permettra aux pensionnaires du LVA de profiter des activités des œuvres de la Fraternité. Un spacieux bâtiment leur est réservé sur le domaine de La Martinerie. Les pensionnaires seront accueillis pendant la semaine, pourront retrouver leur famille en fin de semaine ou rester sur place ; ils rentreront chez eux aux vacances scolaires. Une hôtellerie permettra d’accueillir les familles lors de leur passage. Un programme d’activités intellectuelles, artistiques, pratiques et physiques remplira l’emploi du temps dans lequel les offices religieux auront leur place. DICI Nº 330 • Le projet est bien avancé : toutes les autorisations ont été obtenues, les travaux ont commencé et les dons arrivent conformément aux besoins de l'œuvre. L'établissement ouvrira en septembre 2016. Afin de permettre aux familles de voir la qualité des services offerts, une journée portes ouvertes est organisée le samedi 12 mars de 10h30 à 18 h. Il est possible d’arriver à La Martinerie le vendredi soir ou le samedi matin et de repartir le samedi soir ou le dimanche. L 8 Le programme de la journée est le suivant : 10h30-12h30 : présentation détaillée du projet, questions et réponses, échanges 12h30-13h30 : déjeuner sur place 13h30-14h30 : visite de l'établissement (en cours de travaux) 14h30-18h00 : entretiens individuels avec les familles et les candidats pensionnaires 12 février 2016 Renseignements et inscriptions : Dominique THISSE - Tél : 06.71.57.28.50 - Courriel : [email protected] Hugues REVEL - Tél : 06.24.77.19.16 - Courriel : [email protected] Site Internet de l’Œuvre SainteJeanne-de-Valois : https://sites. google.com/site/stejeannedevalois/ (Source : OSJV – DICI n°330 du 12/02/16) DOCUMENTS e nom de Dieu est miséricorde : le livre-entretien du pape François L’abbé Matthias Gaudron, prêtre de la Fraternité Saint-Pie X, a dirigé durant douze ans le Séminaire international du Sacré-Cœur à Zaitzkofen (Bavière). Il est actuellement professeur à l’Institut Sainte-Marie, dans le canton de Saint-Gall (Suisse). Auteur du Catéchisme catholique de la crise dans l’Eglise (éd. du Sel), il analyse le livre du pape François, Le nom de Dieu est miséricorde, dans un article paru sur le site Internet du district d’Allemagne. Dans la traduction française de cet article par DICI, les citations renvoient aux pages de l’édition française parue chez Robert Laffont/Presses de la Renaissance. Dans le cadre de l’Année de la miséricorde, le pape François fait paraître un petit livre, à partir d’un entretien avec le journaliste vaticaniste Andrea Tornielli. A le lire, la miséricorde, serait pour lui « le message le plus important de Jésus » (p. 26). « Le Seigneur ne se lasse jamais de nous pardonner : jamais ! Alors, nous devons demander la grâce de ne jamais nous lasser de demander pardon. » (p. 11). Il ne s’agit pas pour le pape de minimiser le péché. La connais- sance de notre état de pécheur est même la condition pour pouvoir recevoir la miséricorde de Dieu : « Le péché est bien plus qu’une tache. Le péché est une blessure qui doit être soignée, pansée » (p. 48). A la question de savoir pourquoi nous sommes des pécheurs, le pape François répond : « A cause du péché originel… Notre humanité est blessée » (p. 64). « Quand on ressent la miséricorde de Dieu, on a vraiment honte de soi-même, de son propre péché... La honte est l’une des grâces que saint Ignace fait demander dans la confession des péchés devant le Christ crucifié » (p. 31). « La honte est… un facteur positif, parce qu’elle nous rend humbles » (p. 49). Au sujet de l’évangile de la femme adultère (Jn 8), il déclare : « Il (Jésus) ne lui dit pas : l’adultère n’est pas un péché, mais il ne la condamne pas au nom de la loi » (p. 15). Le pape accorde une grande valeur au sacrement de la pénitence. Le deuxième chapitre de son livre est intitulé : « Le don de la confession ». Les évêques et les prêtres « deviennent… des instruments de la miséricorde divine. Ils agissent in persona Christi. » (p. 43). Aux confesseurs, il demande de ne pas rendre la confession pénible aux pénitents en posant par curiosité des questions superflues (p. 49) et, aussi, de penser à leurs propres péchés en écoutant les confessions (p. 50). Ce sont là sans aucun doute des considérations importantes et belles, auxquelles nous ne pouvons qu’adhérer de grand cœur. Cependant, à la lecture de l’ouvrage, quelques interrogations surgissent et certaines incohérences sautent à l’esprit. INCOHERENCES Le pape reconnaît absolument qu’il y a des cas où le confesseur doit refuser au pénitent l’absolution, par exemple lorsque que ce dernier entretient une relation peccamineuse à laquelle il ne veut pas mettre fin. Certes François pense que l’on doit vraiment « chercher le moindre rai de lumière » (titre du chapitre III) pour conférer l’absolution, mais parfois, le refus de l’absolution est justement un devoir. A ce sujet il dit : « Si le confesseur ne peut pas absoudre, qu’il explique pourquoi, mais qu’il donne une bénédiction, quoi qu’il en soit, même sans absolution sacramentelle » (p. 39). Il est exact que le prêtre peut donner une DICI Nº 330 • bénédiction à une personne en état de péché grave ; cela n’implique nullement l’approbation du péché, mais cela peut lui donner des grâces qui l’aideront à se convertir. Cependant, en avril 2014, le témoignage d’une femme, Jakelin Lisboa, ayant épousé civilement un homme divorcé, et qui par conséquent ne recevait pas la communion de son curé, n’a-t-il pas été rendu public ? Le pape François l’aurait appelée au téléphone et lui aurait conseillé de s’approcher de la communion "sans problème". Ce témoignage n’est pas dénué de fondement, bien que le Vatican - en la personne de son porte-parole, le P. Federico Lombardi très embarrassé -, n’ait pas osé confirmer ni démentir les propos de François, se contentant de déclarer que l’on « ne saurait tirer parti » des « conversations téléphoniques privées » du pape « concernant l’enseignement de l’Eglise ». N’y a-t-il pas là une contradiction, si en théorie le pape enseigne la doctrine exacte alors qu’ensuite, en pratique, il exerce une fausse miséricorde qui ne prend pas le péché au sérieux ? On est aussi étonné en lisant comment le souverain pontife juge le relativisme moderne : « Le relativisme aussi blesse les personnes : tout semble avoir la même importance, tout se vaut, en apparence. » (p. 37). Mais lui-même n’appliquet-il pas ce relativisme ? La vidéo interreligieuse publiée le 6 janvier dernier ne donne-t-elle pas l’impression que le christianisme, le judaïsme, l’islam et le bouddhisme ne sont finalement que des chemins différents pour parvenir au même but ? Lors de sa visite à l’église luthérienne de Rome, en novembre 2015, ne parlait-il pas exactement comme si les différences entre la foi catholique et la croyance protestante étaient finalement insignifiantes ? 9 au sujet des homosexuels : « Qui suis-je pour juger ? ». L’explication du pape sur ce point n’est pas très claire. Il affirme qu’il a seulement voulu dire que l’on doit traiter ces personnes avec beaucoup de délicatesse et ne pas les marginaliser. Textuellement il dit : « Je préfère que les personnes homosexuelles viennent se confesser, qu’elles restent proches du Seigneur, que nous puissions prier ensemble. On peut leur conseiller la prière, la bonne volonté, leur indiquer le chemin, les accompagner » (p. 82). Une réponse catholique n’était pourtant pas difficile à donner : un homosexuel qui lutte contre son inclination et qui n’a pas contracté de « mariage homosexuel » ou de relation semblable, peut naturellement venir se confesser et être absout, quand bien même il retomberait de temps à autre dans ce péché. Par contre, s’il ne veut pas renoncer à ses penchants homosexuels, mais continuer à vivre ainsi, on peut seulement lui conseiller de prier quand même, et d’aller à la messe pour ne pas perdre complètement la relation avec Dieu. On peut comprendre la déclaration du pape en ce sens, mais on a l’impression qu’il a peur d’indiquer clairement que l’homosexualité est un péché. Dans l’introduction, Tornielli cite un sermon de François qu’il a donné, le 7 avril 2014, sur l’évangile de la femme adultère. Il y déclarait que la miséricorde « est quelque chose de difficile à comprendre : elle n’efface pas les péchés », car ce qui efface les péchés « c’est le pardon de Dieu », pourtant « la miséricorde va plus loin » que le pardon (p. 15-16). Il devient difficile de comprendre ce que François veut dire par là. Que la miséricorde nous épargne de la peine due en justice devant Dieu ? Peut-être. AMBIGUÏTES QU’EST-CE QUI EST NECESSAIRE A NOTRE EPOQUE ? Tornielli s’adresse directement au pape sur sa fameuse déclaration Le pape François fustige l’attitude des personnes soi-disant justes, qui 12 février 2016 cachent leurs propres péchés derrière une façade pieuse et regardent avec mépris ceux dont les péchés leur sont connus. Cela semble être un sujet qui lui tient à cœur (cf. par ex. pp. 65-66 et 88-90). Il y a certainement toujours eu de tels chrétiens-pharisiens, et il y en a encore aujourd’hui. On peut toutefois se demander si c’est vraiment un problème crucial pour notre temps. N’est-ce pas plutôt le fait que de nos jours, beaucoup de chrétiens ont même perdu la conscience du péché ? Les fidèles ne sont-ils pas aujourd’hui traités d’hypocrites et de pharisiens simplement parce qu’ils maintiennent que le péché reste un péché, même s’il ne s’agit absolument pas pour eux de condamner ni de mépriser les pécheurs ? François cite bien le pape Pie XII qui disait que le drame de notre temps est que nous avions perdu le sentiment du péché (p. 37). Mais sur ce point il ne va pas plus loin, si ce n’est en mentionnant l’obstacle que représentent le manque de foi dans la rédemption et la rémission des péchés. C’est tout à fait exact, mais le problème fondamental est justement que l’on ne veut plus parler du péché. En Argentine la situation est peut-être différente, mais en Europe, en tout cas, une grande partie des pécheurs ne désirent pas la miséricorde, ils veulent plutôt que l’Eglise cesse de parler du péché. Les homosexuels, ceux qui vivent en concubinage, ceux qui ne pratiquent pas, etc. ne veulent pas entendre parler du message de la miséricorde, mais que l’Eglise reconnaisse et bénisse leur situation. Le pape souhaite que nous sortions « des églises et des paroisses » pour aller chercher les gens « là où ils vivent, où ils souffrent, où ils espèrent », pour soigner leurs blessures et leur faire voir « le visage d’une Eglise qui redécouvre le ventre maternel de la miséricorde » (p. 74), mais ce désir reste comme une parole en l’air. Sans la foi, l’homme DICI Nº 330 • est insensible à la miséricorde de Dieu. Le pape devrait donc d’abord appeler à proclamer de nouveau la foi aux hommes, car même la plupart des catholiques ne connaissent presque rien des grandes vérités de la foi, de la Sainte Trinité, de l’Incarnation, du Sacrifice de Notre Seigneur pour les hommes, et des sacrements. C’est seulement à la lumière de la foi que l’homme prend L 10 conscience de ses péchés et comprend qu’il a besoin de la miséricorde de Dieu. Malheureusement, tant que cette annonce de la foi ne se fera pas, des initiatives comme « l’Année de la miséricorde » resteront en définitive sans effet. Abbé Matthias GAUDRON 12 février 2016 Pape François, Le nom de Dieu est miséricorde – Conversation avec Andrea Tornielli, Edition française : Robert Laffont/Presses de la Renaissance, 2016, 171 p. (Source : FSSPX/Allemagne – Traduction française – DICI n°330 du 12/02/16) es impasses du dialogue interreligieux avec l’islam Le Figaro du 22 janvier 2016 a publié un entretien du Père François Jourdan, islamologue, à l’occasion de la parution de son ouvrage Islam et christianisme, comprendre les différences de fond (éd. du Toucan). Interrogé par Eléonore de Vulpillières, le religieux eudiste ne se place pas sur le terrain de la critique théologique du dialogue interreligieux, il montre simplement les impasses auxquelles ce dialogue aboutit aujourd’hui. Et il en donne les raisons. Voici quelques extraits particulièrement éclairants de cet entretien : Q. Estimez-vous (…) que souvent, les chrétiens, par paresse intellectuelle, appliquent à l'islam des schémas de pensée chrétiens, ce qui les mène à le comprendre comme une sorte de christianisme, l'exotisme en plus ? R. L'ignorance (…) masquée, fait qu'on se laisse berner par les apparences constamment trompeuses avec l'islam qui est un syncrétisme d'éléments païens (les djinns, la Ka‘ba), manichéens (prophétisme gnostique refaçonné hors de l'histoire réelle, avec Manî le ‘sceau des prophètes’), juifs (Noé, Abraham, Moïse, David, Jésus… mais devenus musulmans avant la lettre et ne fonctionnant pas du tout pareil : Salomon est prophète et parle avec les fourmis…), et chrétiens (Jésus a un autre nom Îsâ, n'est ni mort ni ressuscité, mais parle au berceau et donne vie aux oiseaux d'argile…). La phonétique des noms fait croire qu'il s'agit de la même chose. Sans parler des axes profonds de la vision coranique de Dieu et du monde : Dieu pesant qui surplombe et gère tout, sans laisser de place réelle et autonome à ce qui n'est pas Lui (problème fondamental de manque d'altérité dû à l'hyper-transcendance divine sans l'Alliance biblique). Alors si nous avons ‘le même Dieu’, chacun le voit à sa façon et, pour se rassurer, croit que l'autre le voit pareil… C'est l'incompréhension totale et la récupération permanente dans les relations mutuelles (sans le dire bien sûr : il faudrait oser décoder). Si l'on reconnaît parfois quelques différences pour paraître lucide, on est la plupart du temps (et sans le dire) sur une tout autre planète, mais on se rassure mutuellement qu'on fait du ‘dialogue’ et qu'on peut donc dormir tranquilles. Q. Une fois que le concile Vatican II a « ouvert les portes de l'altérité et du dialogue », écrivez-vous, « on s'est installé dans le dialogue superficiel, le dialogue de salon, faussement consensuel. » Comment se manifeste ce consensualisme sur l'islam ? R. Par l'ignorance, ou par les connaissances vues de loin et à bon compte : c'est la facilité. Alors on fait accréditer que l'islam est ‘abrahamique’, que ‘nous avons la même foi’, que nous sommes les religions ‘du Livre’, et que nous avons le ‘même’ Dieu, que l'on peut prier avec les ‘mêmes’ mots, que le chrétien lui aussi doit reconnaître que Muhammad est « prophète » et au sens fort ‘comme les prophètes bibliques’, et que le Coran est ‘révélé’ pour lui au sens fort « comme la Bible », alors qu'il fait pourtant tomber 4/5e de la doctrine chrétienne… Et nous nous découvrons, par ce forcing déshonnête, que « nous avons beaucoup de points communs » ! C'est indéfendable. Q. Pour maintenir le « vivre-ensemble » et sauvegarder un calme relationnel entre islam et christianisme ou entre islam et République, se contente-t-on d'approximations ? R. Ces approximations sont des erreurs importantes. On entretient la confusion qui arrange tout le monde : les musulmans et les non-musulmans. C'est du pacifisme : on masque les réalités de nos différences qui sont bien plus conséquentes que ce qu'on ose en dire, et tout cela par peur de nos différences. On croit à bon compte que nous sommes proches et que donc on peut vivre en paix, alors qu'en fait on n'a pas besoin d'avoir des choses en commun pour être en dialogue. Ce forcing est l'expression inavouée d'une peur de l'inconnu de l'autre (et du retard inavoué de connaissance que nous avons de lui et de son chemin). Par exemple, la liberté religieuse, droit de l'homme fondamental, devra remettre en cause la charia (organisation islamique de la vie, notam- DICI Nº 330 11 • ment en société). Il va bien falloir en parler un jour entre nous. On en a peur : ce n'est pas « politiquement correct ». Donc ça risque de se résoudre par le rapport de force démographique… et la violence future dans la société française. Bien sûr on n'est plus dans cette période ancienne, mais la charia est coranique, et l'islam doit supplanter toutes les autres religions (Coran 48,28 ; 3,19.85 ; et 2,286 récité dans les jardins du Vatican devant le Pape François et Shimon Pérès en juin 20141). D'ailleurs Boumédienne, Kadhafi, et Erdogan l'ont déclaré sans ambages. Q. Vous citez des propos de Tariq Ramadan, qui déclarait : « L'islam n'est pas une religion comme le judaïsme ou le christianisme. L'islam investit le champ social. Il ajoute à ce qui est proprement religieux les éléments du mode de vie, de la civilisation et de la culture. Ce caractère englobant est caractéristique de l'islam. » L'islam est-il compatible avec la laïcité ? R. Cette définition est celle de la charia, c'est-à-dire que l'islam, comme Dieu, doit être victorieux et gérer le monde dans toutes ses dimensions. L'islam est globalisant. Les musulmans de Chine ou du sud des Philippines veulent faire leur Etat islamique… Ce n'est pas une dérive, mais c'est la cohérence profonde du Coran. C'est incompatible avec la liberté religieuse réelle. On le voit bien avec les musulmans qui voudraient quitter l'islam pour une autre religion ou être sans religion : dans leur propre pays islamique, c'est redoutable. De même, trois versets du Coran (60,10 ; 2,221 ; 5,5) obligent l'homme non musulman à se convertir à l'islam pour épouser une femme musulmane, y compris en France, pour que ses enfants soient musulmans. Bien sûr tout le monde n'est pas forcément pratiquant, et donc c'est une question de négociation avec pressions, y compris en France où personne ne dit rien. On a peur. Or aujourd'hui, il faut dire clairement qu'on ne peut plus bâtir une société d'une seule religion, chrétienne, juive, islamique, bouddhiste… ou athée. Cette phase de l'histoire humaine est désormais dépassée par la liberté religieuse et les droits de l'Homme. La laïcité exige non pas l'interdiction mais la discrétion de toutes les religions dans l'espace public, car les autres citoyens ont le droit d'avoir un autre chemin de vie. Ce n'est pas la tendance coranique où l'islam ne se considère pas comme les autres religions et doit dominer (2,193 ; 3,10.110.116 ; 9,29.33). Commentaire : Le P. Jourdan considère la liberté religieuse et la laïcité comme des acquis de la modernité, incompatibles avec la charia que l’islam veut promouvoir partout. Mais il ne voit pas que les islamistes ne cherchent pas à contourner cette incompatibilité de la charia avec la liberté religieuse et la laïcité des pays occidentaux, bien au contraire ils utilisent cette liberté religieuse et cette laïcité, de façon transitoire, comme des moyens qui leur permettront d’installer un jour la loi coranique. C’est ce que montre le journaliste Frédéric Pons, rédacteur-en-chef à Valeurs Actuelles dans les réponses qu’il donne à Sylvain Dorient sur le site catholique Aleteia, le 4 février : « Les islamistes disent ouvertement qu’ils utilisent les lois démocratiques, assure le journaliste qui se fonde sur 12 février 2016 les déclarations de chefs religieux libyens. » – Et nous ajouterons que les islamistes utilisent les principes idéologiques sur lesquels s’appuient ces lois démocratiques : la liberté religieuse et la laïcité. NDLR. Et plus concrètement Frédéric Pons complète : « Ils disent qu’ils utiliseront les migrants pour porter leurs combattants jusqu’au cœur de l’Europe, mais les écoutons-nous ? » Précisons qu’il faut certainement ouvrir les yeux sur cet afflux massif de migrants, mais aussi sur les principes idéologiques au nom desquels est autorisée cette migration de masse. Un pays ne peut être envahi que parce que les esprits de ses habitants l’ont été préalablement et subrepticement. Dès lors, le débat sur le dialogue interreligieux et la liberté religieuse, promues par Vatican II, cesse d’être une discussion apparemment byzantine, entre experts. Les idéologies ne restent pas longtemps à une hauteur stratosphérique rassurante, elles finissent toujours par atterrir, avec des conséquences pratiques très concrètes. C’est le retour au réel. (Sources : Figaro/Aleteia - Les passages soulignés sont de la rédaction – DICI n°330 du 12/02/16) 1 Allusion à la prière pour la paix organisée par le pape François, le 8 juin 2014, avec l’Israélien Shimon Peres et le Palestinien Mahmoud Abbas. Voir DICI n°295 du 04/07/14 : « Ce qui a suscité un vif émoi dans les milieux catholiques, ce fut la découverte dans la soirée du 8 juin que la prière prononcée en arabe par le musulman participant à cette réunion, ne correspondait pas entièrement à celle qui figurait dans le livret officiel. A la prière imprimée furent ajoutés oralement les derniers mots de la deuxième sourate, dite 'de la vache', (versets 284 à 286) : "Tu es notre Maître, accorde-nous la victoire sur les peuples infidèles". » DICI Documentation Information Catholiques Internationales Directeur de la publication : Abbé Christian Thouvenot Rédacteur : Abbé Alain Lorans Paraît le vendredi - Le numéro : 2 € Abonnement à DICI : 1 an (20 numéros) France 40€ ; soutien 50€ ; étranger 49€ - 6 mois France 20€ ; étranger 24,50€ Paiement par chèque à l’ ordre de : CIVIROMA - Paiement par paypal sur notre site www.dici.org Pas de mandat cash Adresse postale : DICI-Presse - 33 rue Galande - 75005 Paris Siège social : 11 rue Cluseret - 92150 Suresnes Dépôt légal à parution (20 numéros par an) CPPAP 0618-G-80640 ISSN 1630 - 1560 Imprimé par De Toutes les Couleurs 71 bis rue St Charles 75015 Paris DICI Nº 330 • 12 12 février 2016 Au sommaire de Nouvelles de Chrétienté n° 156 Nos Frères, au cœur du combat de la foi - Lourdes 2015 : sous l’étendard du ChristRoi. Les plus belles photos du pèlerinage du Christ-Roi, les 24, 25 et 26 octobre 2015. - Les Frères de la Fraternité Saint-Pie X au cœur du combat de la foi aujourd’hui Sermon de Mgr Alfonso de Galarreta, à Flavigny-surOzerain, le 29 septembre 2015. - 50 ans après le Concile, la perspective évolutionniste du cardinal Kasper Etude de l’abbé Jean-Michel Gomis sur la pensée du prélat allemand. - Il y a 50 ans déjà, Mgr Lefebvre dénonçait le mal et proposait le remède Analyse de Mgr Lefebvre sur les conséquences du concile Vatican II. - Le Séminaire du Sacré-Coeur en Allemagne La vie au séminaire de la Fraternité Saint-Pie X près de Ratisbonne, en Allemagne. Bulletin d’abonnement ou de ré-abonnement A retourner à : DICI-Presse - 33 rue Galande - 75005 Paris Abonnement à DICI : 1 an (20 numéros) : France : 40 € ; soutien : 50 € ; étranger : 49 € – 6 mois : France : 20 €, étranger : 24,50 € Abonnement à Nouvelles de Chrétienté : 1 an (6 numéros) : France : 20 € ; soutien : 40 € ; étranger : 24 € Chèque à l’ordre de CIVIROMA (pour les chèques tirés sur une banque non française : à l’ordre de Fraternité Saint-Pie X) Pas de mandat cash Suisse - virements en CHF : CCP 60-29015-3 ; IBAN : CH12 0900 0000 6002 9015 3 / virements en EUR - CCP 91-848090-3 ; IBAN : CH82 0900 0000 9184 8090 3 – BIC : POFICHBE – Priesterbruderschaft St. Pius X – Schwandegg – 6313 Menzingen Je m'abonne à Nouvelles de Chrétienté Je suis déjà abonné(e), je désire abonner un parent, un ami à… DICI Nouvelles de Chrétienté Je me ré-abonne à DICI Je m'abonne à DICI M. Mme Mlle - Nom et Prénom …………………………………………………………………………................................. 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