APPAC 2014 3ème Journée Régionale d’Auvergne La recherche dans les Centres Hospitaliers Expérience de TAVI à l’IMM La responsabilité dans l’exercice privé des PH PH temps de travail et rémunération Peut-on vivre avec des ventricules artificiels ? L’invention de l’angioplastie coronaire Compte-rendu des Journées européennes 2014 de la SFC Compte-rendu des 19èmes Assises Nationales du CNCH Collège National des Cardiologues des Hôpitaux 29 n° Octobre 2014 ÉDITORIAL 7 Les 21 et 22 Novembre 2014, tous au 20ème Congrès du CNCH et validez votre DPC. S. CATTAN (Montfermeil) BRÈVES DE COMPTOIR 8 Brèves de comptoir. M. HANSSEN (Haguenau) LA VIE DU COLLÈGE 10 14 Compte-rendu de la 3ème journée régionale d’Auvergne du Collège National des Cardiologues des Hôpitaux. X. MARCAGGI (Vichy) LA VIE DES SERVICES La recherche médicale dans les hôpitaux publics. Quels enjeux ? Quels objectifs ? Quelles solutions ? J. SIBILIA, Elisabeth DEVILLIERS (Strasbourg) 21 La démographie des Praticiens Hospitaliers en Cardiologie. S. CATTAN (Montfermeil) 25 Première année d’expérience du TAVI à l'IMM. A. DIBIE (Paris) MISE AU POINT THÉRAPEUTIQUE 32 Anticoagulants oraux directs dans la FA : après les controverses, la réalité. P. ATTALI (Strasbourg) CHRONIQUE JURIDIQUE 38 La responsabilité des praticiens hospitaliers plein temps dans l’exercice de leur secteur libéral. J-M.CLÉMENT (LEH Bordeaux) 40 PH : temps de travail et rémunération. J-M.CLÉMENT (LEH Bordeaux) COMPTE RENDU DE CONGRÈS 42 58 68 77 APPAC 2014 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque Compte rendu des journées européennes de la Société Française de Cardiologie 2014 La session commune CNCH/GACI/SFC des JE de la SFC 2014 COMPTE RENDU DE CONGRÈS CNCH - CARDIO H - N°29 Bureau du CNCH Président Dr Simon CATTAN (Montfermeil) Tél : 01 41 70 87 38 - [email protected] Vice-Présidents Dr Khalifé KHALIFE (Metz), Dr Alain DIBIE (Paris) Représentant les ESPIC Pr Franck BARBOU (Val-de –Grace, Paris) Représentant les hôpitaux Militaires Président sortant Dr Michel HANSSEN (Haguenau) Chargé des relations avec les délégués régionaux Présidents Honoraires Dr Jean-Louis MEDWEDOVSKY (Aix-en-Provence) Dr Guy HANANIA (Aulnay-sous-Bois) Dr Jean-Jacques DUJARDIN (Douai) Dr Jean-Pierre MONASSIER (Colmar) Dr Claude BARNAY (Aix-en-Provence) Trésorier Dr Loïc BELLE (Annecy) Trésorier adjoint Dr Jean-Jacques DUJARDIN (Douai) Organisation du Congrès Dr Simon CATTAN (Montfermeil) Dr Michel HANSSEN (Haguenau) Dr Jean-Lou HIRSCH (Avignon) Dr Bernard LIVAREK (Versailles) Responsables DPC Pr Patrick JOURDAIN (Pontoise) Dr Olivier NALLET (Montfermeil) Responsables du site internet Dr Philippe GARÇON (St Joseph, Paris) Dr Pierre LEDDET (Haguenau) Recherche clinique Dr Loïc BELLE (Annecy) Dr Jean-Louis GEORGES (Versailles) Conseiller invité permanent Dr Francis FELLINGER (Paris) Représentant les CH de proximité Dr Hubert MANN (Voiron) Responsables des groupes de réflexion * Cardiologie interventionnelle Dr Franck ALBERT (Chartres) Dr Michel PANSIERI (Avignon) Dr Jean-Lou HIRSCH (Avignon) Dr Jacques MONSEGU (Paris) Représentant au GACI * Rythmologie Dr Walid AMARA (Montfermeil) Dr Jérôme TAIEB (Aix-en-Provence) Representant au groupe de rythmologie de la SFC * Réadaptation Dr Sonia CORONE (Bligny) Dr Bruno PAVY (Machecoul) Président du groupe réadaptation de la SFC Dr Michel ROSS (Abreschviller) * Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies Dr Jean-François AUPETIT (St Joseph, Lyon) Dr Jean-Jacques DUJARDIN (Douai) Dr Patrick JOURDAIN (Pontoise) * Urgences et USIC Dr Stéphane ANDRIEU (Avignon) Dr Xavier MARCAGGI (Vichy) Dr Olivier NALLET (Montfermeil) Dr Bernard JOUVE (Aix-en-Provence) * Imagerie non invasive Dr Clément CHARBONNEL (Versailles) Dr Pierre LEDDET (Haguenau) Dr Bruno GALLET (Argenteuil) Collège National des Cardiologues des Hôpitaux À l’attention des auteurs. À l’attention des auteurs. La revue du CNCH accepte de publier les articles qui lui sont adressés, sous réserve qu’ils aient été agréés par la rédaction et que leur publication se révèle compatible avec les exigences du planning rédactionnel. Les textes devront satisfaire à des conditions de volume et de présentation type dont les modalités sont à demander auprès de notre directeur de rédaction J-J. Dujardin : [email protected] 5 WWW.CNCH.EU Directeur de la rédaction Jean-Jacques DUJARDIN Rédacteur adjoint Pierre LEDDET Congrès Internationaux André MARQUAND Comité de rédaction Franck ALBERT Walid AMARA Loïc BELLE Christophe CAUSSIN Sonia CORONE Bruno GALLET Jean-Louis GEORGES Michel HANSSEN Patrick JOURDAIN Bernard JOUVE Bernard LIVAREK Xavier MARCAGGI Michel PANSIERI Comité scientifique Jean-François AUPETIT Franck BARBOU Claude BARNAY Nicolas DANCHIN Alain DIBIE Francis FELLINGER Albert HAGEGE Robert HAÏAT Guy HANANIA Yves JUILLIERE Salem KACET Khalifé KHALIFE Jean-Pierre MONASSIER Jacques MONSEGU Patrick SCHIANO Édité par : L’Europénne d’éditions® Régie publicitaire : RÉGIMEDIA S.A. 17, Rue de Seine 92100 Boulogne Billancourt Tél. 01 49 10 09 10 [email protected] Conception et réalisation Eloïse FAGES Responsable de fabrication Laurence DAYAN Relation presse & publicité André LAMY [email protected] Tél. 01 72 33 91 15 Dr Simon CATTAN Chers amis, Cette année, le CNCH organisera son 20ème Congrès (anciennement Assises). 20 ans, certains disent que c’est le plus bel âge de la vie !!! Quel sera l’avenir du CNCH passé notre 20ème Congrès ? Ce qui est certain, c’est que le CNCH ne pourra continuer à exister qu’avec la participation active de l’ensemble de tous ses membres. Sans la mobilisation des PH, notre Congrès ne pourra se pérenniser et l’existence du CNCH sera remise en question. Par ailleurs cette année, lors de notre congrès, vous pourrez bénéficier de sessions de formation labellisées et indemnisées par le DPC. Le CNCH fait partie de l’ organisme commun de formation à la Cardiologie : le DPC2C. Cinq programmes de DPC sont inscrits en parallèle au congrès du CNCH. En assistant aux sessions DPC du CNCH, vos frais d’inscription, de transport et d’hébergement pour ces sessions peuvent être en pris en charge par l’organisme collecteur agréé du DPC, l’ANFH ou directement par votre hôpital, si votre CH n’adhère pas à l’ANFH. Le CNCH adressera à l’issue des quatre étapes de formation, un certificat de DPC. Deux DPC peuvent être indemnisés par an et par médecin. Le DPC est obligatoire pour tous les médecins hospitaliers. ÉDITORIAL Directeur de la publication Simon CATTAN Les 21 et 22 Novembre 2014, tous au 20ème Congrès du CNCH et validez votre DPC ÉDITORIAL Collège National des Cardiologues des Hôpitaux Le CNCH est la seule organisation défendant les cardiologues et l’exercice de la cardiologie dans les CH, les hôpitaux militaires et les ESPIC. La participation active des cardiologues du CNCH sera le reflet de la représentativité du CNCH vis à vis de nos partenaires et nos tutelles. A très bientôt au 20ème congrès du CNCH les 21 et 22/11/2014 à Paris, au Pullman Montparnasse. Salutations collégiales. Bien amicalement. Simon CATTAN Président du CNCH Directeur de la Publication Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement les articles contenus dans la présente revue sans l’autorisation de la direction. Les informations publiées ne peuvent faire l’objet d’aucune exploitation commerciale ou publicitaire. Les opinions émises de cette revue n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. CNCH - CARDIO H - N°29 7 Brèves de comptoir Brèves de comptoir Michel HANSSEN (Haguenau) Brèves de comptoir Michel HANSSEN Saluons l’arrivée de notre ami E. PERCHICOT comme Président du Syndicat des Cardiologues Libéraux. On peut largement souscrire à son éditorial de la revue du Cardiologue du mois de mars 2014 où est saluée l’attitude citoyenne des usagers du système de soins dans les pays nordiques ; on retrouve, malheureusement, le marronnier évoquant les dérives du système hospitalier public. On peut souscrire à l’insuffisance des restructurations qui permettraient de dégager des économies (insuffisance du courage politique et des responsables en charge du système de soins) mais il faudrait aussi évoquer, de façon plus équitable, une efficience globale de notre parcours de soins incluant les dérives, également bien connues, de notre système de santé privé. Mais, après tout, E. PERCHICOT est dans son rôle syndicaliste ; on retiendra également sa présidence du Collège National Professionnel de Cardiologie associant la Société Française de Cardiologie, le Syndicat et le CNCH : ce collège aura à traiter des dossiers qui pourraient être sensibles et une concertation intelligente devrait permettre d'avancer, dans le contexte actuel, des propositions éclairées. Depuis la parution du n°28 de notre revue, j’ai désespérément, recherché « le bon point » à distribuer. La Fédération Hospitalière de France (FHF) annonce une dégradation des comptes des Hôpitaux publics pour 2013. Le compte principal accuserait un déficit de 300 millions d’euros, en hausse par rapport aux 142 millions d’euros de déficit de 2012. Et on y ajoute les comptes grevés par les emprunts toxiques le « rouge » serait à hauteur de 400 millions d’euros. Dans le même temps, il est constaté une forte diminution de la capacité d’autofinancement et des possibilités d’investissement. Il est certain que l’ONDAM délivré pour 2014 ne va qu’engendrer une aggravation de cette situation ; les hôpitaux qui étaient à l’équilibre ces dernières années objectivent tous l’impossibilité à rester vertueux et on compte que beaucoup d’EPRD 8 présentés aux Agences ne seront que des affichages. La « politique du rabot » ne va aboutir qu’à une dégradation de la qualité des soins en l’absence de réforme structurelle radicale nécessitant, enfin, un courage politique et une information éclairée et déniaisée de l’« usager citoyen ». Notre ministre, normalienne supérieure, a présenté les orientations de sa nouvelle loi pour la santé fin juin. Pendant cette trêve estivale doit avoir lieu une phase de concertation (toute relative en regard de mes informations) pour une présentation en Conseil de Ministres en septembre et une phase législative en 2015. Que peut-on retenir à ce stade, de cette prétendue « refondation » : - le Dossier Médical Personnel (DMP) va renaître de ses cendres sous l’appellation de Dossier Médical Partagé (DMP) dont la maîtrise d’œuvre a été confiée à la CNAMTS : ce nouvel « outil » serait une avancée majeure afin d’échanger entre professionnels ; on peut légitimement se poser la question, d'un audit éclairé sur le DMP de première génération dont la conception et la mise en œuvre ont été plus qu’aléatoires dans un temps de disette financière où les fonds auraient pu être attribués à d’autres actions ! Dans le même temps on invente la conception de « la lettre de liaison » chargée d’imposer ce qui était « la lettre de sortie » qui elle-même faisait l’objet d’un indicateur obligatoire de suivi … et qui deviendra elle-même un nouvel indicateur obligatoire déjà élaboré par la Haute Autorité de Santé (HAS). - mise en place d’un service territorial de santé au public (appellation non innocente) qui concernera cinq domaines clé : les soins de proximité, la permanence des soins, la prévention, la santé mentale et l’accès aux soins des personnes handicapées. Celuici sera formalisé via un projet territorial de santé orienté vers une mutualisation de certaines activités, un projet médical commun et une logique de parcours. Les GroupeCNCH - CARDIO H - N°29 Brèves de comptoir rôle des Présidents de Commission Médicale d’Etablissement (CME) sur les nominations de Chefs de Pôles, les signatures de contrats de Pôles et la création d’un « contrat de gouvernance » entre le Président de CME et le Directeur d’Etablissement. Un élément légèrement plus trouble est l’évocation de la nécessité d’un dialogue social au sein du Pôle qui pourrait ouvrir la porte à un mélange - test ou provocation : dans les établisse- des genres inapproprié. ments publics de santé et dans les cliniques privées participant au service public, il devrait y avoir une interdiction absolue des Comment ne pas évoquer, pour finir, le dépassements d’honoraires. On peut sus- « fabuleux » décret de novembre 2013 sur pecter l’apparition d’une certaine « mau- la permanence des soins. Tous les établissevaise humeur » dans le privé et dans nos ments, dans les heures de loisirs de cet été, vaisseaux amiraux. Enfin, un volet complé- sont au travail pour en étudier les modalités mentaire sur la gouvernance a été annoncé : pratiques (si elles existent ?). Nous revienorganisation facultative en Pôle en dessous drons à l’automne sur les conséquences de d’un certain seuil exprimé en nombre d’équi- cette « usine à gaz ». Dans l’attente on peut valent temps plein, taille maximale pour se référer à l’article de J.M. CLEMENT qui a la constitution des Pôles, renforcement du été publié dans le n°28 de notre revue. BRÈVES DE COMPTOIR ments Hospitaliers de Territoires (GHT) vont être rendus obligatoires et viendront se substituer aux Communautés Hospitalières de Territoires (CHT) qui étaient initiés par les Directeurs d’ARS. Le service public hospitalier devrait être conçu comme un « bloc d’obligations » … qui reste encore à préciser ! CNCH - CARDIO H - N°29 9 10 COMPTE-RENDU DE LA 3 ÈME JOURNÉE RÉGIONALE D’AUVERGNE DU COLLÈGE NATIONAL DES CARDIOLOGUES DES HÔPITAUX La vie du Collège La vie du Collège Compte-rendu de la 3ème journée régionale d’Auvergne du Collège National des Cardiologues des Hôpitaux Xavier MARCAGGI Xavier MARCAGGI (Vichy) La journée s’annonçait belle avec une météo Première intervention : accueillante ce 12 avril 2014 sur les bords de Pr LUSSON (CHU Clermont Ferrand) : « shunts atriaux cachés à l’âge adulte » l’Allier à Vichy. Elle fut belle. Le CHU de Clermont Ferrand a une grande Accueil de notre président, Simon CATTAN expérience sur le cathétérisme interventionnel après un café de bienvenue au bar du restau- avec environ cent fermetures annuelles de CIA. Quatre présentations de cas cliniques « nés en rant qui nous accueille terrasse « sur l’eau ». 1943/ 1951/ 1963/ 1966 » nous permettent de Le Dr De TAURIAC, chef de service du Puy en faire le tour des cette question souvent difficile Velay, fait la présentation de la journée et on à diagnostiquer au quotidien. Il est insisté sur retient que nos structures restent un des socles la nécessité de bien réaliser la manœuvre dite de la prise en charge des populations de notre de Valsalva : surpression thoracique/ injection/ pays, pour la Cardiologie, comme du reste pour relâchement et sur la nécessité d’entrainer le toutes les autres spécialités médicales et chirur- patient s’il est conscient. Pour les patients intugicales. Les CHU sont pour nous un support es- bés, il faut exercer une pression abdominale sentiel à ce socle pour notre fonctionnement et volontaire. Nous sortons de cette session avec les avancées de nos compétences, et nous nous quelques certitudes claires en terme de prise devons d’agir en complémentarité, et soutien en charge. mutuel pour assurer le maillage nécessaire à une prise en charge la plus optimale de notre population. CNCH - CARDIO H - N°29 Seconde intervention : Pr SOUWEINE (CHU Clermont Ferrand) : « traitement du syndrome cardio-rénal » Situation difficile à laquelle nous sommes confrontés chaque jour dans nos services. Cela représente 20 à 40 % des patients admis pour décompensation cardiaque. Il est accompagné d’une réduction significative du pronostic. La PVC semble être le facteur prédictif le plus fiable loin devant l’index cardiaque. Le traitement va être orienté vers un bolus de furosémide suivi d’une perfusion continue. Il est maintenant classique d’associer d’emblée des thiazidiques et des anti aldostérones. Cette mise au point a permis de remettre certaines choses en place. Troisième intervention : Dr PANSIERI (CH Avignon) : « expérience du CH D’Avignon à propos de 13 cas de dénervation rénale » Il est rappelé la surmortalité des HTA réfractaires dont le traitement fait baisser la mortalité de 15%. Nécessité d’une sélection rigoureuse des patients : 15 dossiers retenus sur 39 patients proposés. Les patients doivent satisfaire aux critères anatomiques angiographiques et bénéficier d’un traitement optimal conforme aux recommandations. La procédure est douloureuse et nécessite une prise en charge antalgique réglée. Pas de difficulté technique pour une équipe entrainée à la coronarographie et aux abords vasculaires. Le succès a été obtenu chez 11 patients sur 13 traités à ce jour. C’est une technique accessible à nos CH. Notre confrère apportera un éclairage sur l’étude HTN3 en concluant que la dénervation « marche » sur les patients caucasiens et les plus atteints. Quatrième intervention : Dr BARAKE (CH Moulin) : « expérience en rythmologie interventionelle dans le cadre du GCS Moulin/ Vichy » Les deux villes sont distantes de 60 km. Une organisation originale s’est mise en place : angiographie interventionnelle sur Vichy/ Rythmologie interventionnelle sur Moulin. L’implantologie classique restant une activité de « médecine » est pratiquée sur les deux sites. Des consultations spécialisées de défibrillateurs sont organisées sur les deux sites. L’activité est structurée au plan local et régional avec un staff mensuel en visioconférence des différents CH/ CHU de la région Auvergne. Une application sur Smartphone permet à tout moment de soumettre des cas cliniques sur le réseau social Auvergnat. La première journée rythmologique d’Auvergne aura lieu en septembre 2014. CNCH - CARDIO H - N°29 Cinquième intervention : Dr FERRIER (CH Vichy) : « apport de l’IRM cardiaque en CH » Ceci ne peut se faire que dans le cadre d’une collaboration étroite entre les radiologues et nos spécialistes. Notre collègue nous relate les étapes de cette collaboration sur le plan local et nous engage à entreprendre ceci dans nos CH. S’en suit un panorama superbement imagé des pathologies étudiées par cette pratique. Axé sur la pathologie non ischémique nous avons pu voir myxomes, sarcomes, CMH, amyloses, masses diverses. Comme si nous y étions. Bravo pour son enthousiasme à défendre sa spécialité. Nous lui souhaitons une IRM perso pour 2015. Sixième intervention : Dr BROS (CHU Lyon) : « apport du scanner dans les urgences coronaires » Fort d’une expérience de plusieurs année d’entente mutuelle entre urgentistes et imagerie non invasive, notre collègue (ancien du CHU de Clermont) nous rapporte l’intérêt d’avoir un scanner disponible pour faire l’articulation entre urgences, cardiologie et imagerie. L’indication élective est dans les SCA ST-. Attention, le patient doit pouvoir observer une apnée suffisante et avoir un rythme inférieur à 60/mn pour obtenir la diastole la plus longue possible. Septième intervention : Dr RAHAL (CH Aix en Provence) : « reperméabilisation vasculaire par voie sous intimale » Le cardiologue interventionnel doit mettre ses capacités de navigation intra vaisseaux au service du périphérique. La voie sous intimale est dans cette expérience accessible sans couverture chirurgicale. Nous avons pu voir de belles réalisations, où, à côté de la lumière, il y a encore une lumière. L’équipe d’Aix en Provence a maintenant une expérience solide dans cette technique. Nous avons pu prendre connaissance d’image de fluoroscopie, technique qu’ils sont en train de déployer sur le CH, et appelée à un grand développement pour guider les prises en charges et les diagnostics. Huitième intervention : Dr ABBADIE (CH Vichy) : « intérêt d’un service de médecine vasculaire en lien avec une unité de cardiologie » Deux ans et demi après le recrutement d’un médecin vasculaire PH temps plein dans un service de cardiologie, le CH Vichy, établissement de 829 lits (dont 336 MCO) qui dessert près de 78 000 habitants (2ème bassin de population d’Auvergne) propose son bilan. L’activité d’exploration écho-doppler COMPTE-RENDU DE LA 3 ÈME JOURNÉE RÉGIONALE D’AUVERGNE DU COLLÈGE NATIONAL DES CARDIOLOGUES DES HÔPITAUX La vie du Collège 11 COMPTE-RENDU DE LA 3 ÈME JOURNÉE RÉGIONALE D’AUVERGNE DU COLLÈGE NATIONAL DES CARDIOLOGUES DES HÔPITAUX La vie du Collège 12 répond aux besoins premiers du CH avec près de 2600 actes effectués en 2013. Cette activité est aussi la plaque tournante du recrutement des patients pour les autres activités. Bien sûr pour les angioplasties périphériques des cardiologues interventionnels et chirurgiens vasculaires de l’équipe, en particulier dans notre filière plaies et cicatrisations. A noter une spécificité locale : les angioplasties de fistules de dialyse (23 en 2013) sont effectuées sous guidage échographique exclusif. La présence d’un médecin vasculaire permet d’offrir tous les types de traitement des varices : sclérothérapie écho-guidée à la mousse (près de 220 actes en 2013) et traitement thermique par laser endoveineux (cible de 80 patients en 2014 pour cette activité débutée en 2013) dont les indications ne cessent de s’étendre face à la classique crossectomie-stripping, activité phare des établissements de soins privés. La prise en charge des acrosyndromes a également pu être facilitée grâce à l’investissement sur un capillaroscope en 2013 qui a permis de rendre accessible un examen non invasif pour lequel les patients devaient auparavant faire 1h de route. Enfin, la lymphologie n’est pas en reste avec le développement d’un réseau de soins ambulatoires avec les kinés libéraux et un projet de prise en charge en hospitalisation de semaine pour drainage lymphatique intensif qui devrait démarrer en 2014. région Auvergne l’accès au DESC de médecine vasculaire avec ce terrain de stage qui concerne à la fois l’internat et le post internat, l’occasion pour notre CH d’ouvrir un poste d’Assistant. Table ronde sur la démographie des cardiologues en France : Président S.CATTAN Sur la base du livre blanc et des dernières données ministérielles, notre président nous a fait un exposé de la situation. 1400 cardiologues partent dans les 5 ans en retraite sur 6710 actuels. En Auvergne nous avons une présence de 8,4 cardiologues pour 100.000 habitants pour une moyenne nationale à 10. Parmi les problème soulevés : la spécificité des gestes qui augmentent monopolisant du temps médical. Nous manquerons… et manqueront de temps médical pour « voir » les patients. Enfin à 14 heures nous avons pu nous mettre à table, plus riches de savoirs et plein d’interrogations. Le dynamisme de l’équipe de Vichy nous booste pour rentrer dans nos services et voir ce que nous pouvons encore faire pour améliorer la prise en charge de nos patients. Nous vous encourageons tous à solliciter le bureau du CNCH pour organiser une réunion à votre tour au sein de votre région. Nous étions 63 participants. Le collège est connu et permet d être plus visible, communiquer avec les média locaux et consensuel avec les collègues. Toutes les présentations sont en ligne sur le site du CNCH. Grâce à ce large éventail d’activité couvrant Merci le collège et son bureau pour cette jourtous les champs de la médecine vasculaire, le née conviviale. Rendez-vous aux assises de noservice a pu aller sur le terrain de l’enseigne- vembre 2014 ! l’Auvergne y sera ! ment. Il a en effet été possible de rouvrir dans la CNCH - CARDIO H - N°29 Jean SIBILIA, Doyen Strasbourg, Président du CNCR (Strasbourg) et Elisabeth DEVILLIERS, PH au CHU de Dijon, Directrice du CNCR Jean SIBILIA Elisabeth DEVILLIERS 1. La recherche. Un facteur de progrès médical… et social La santé des hommes est devenue une aspiration fondamentale de nos sociétés qui ont pris conscience des enjeux majeurs liés à l’amélioration des connaissances. Ainsi, en 2013, l’espérance de vie est de 84,8 ans pour les femmes et de 78,2 ans pour les hommes, soit depuis 1994 un gain de l’espérance de vie de 3 mois par an pour les femmes et 2 mois par an pour les hommes. l’innovation. Elle permet non seulement d’améliorer la survie, mais aussi la qualité de vie des hommes par une approche médico-scientifique mais également sociale. Au-delà de cette dimension fondamentale, la recherche médicale est également un enjeu sociétal et économique car elle contribue à la création d’emplois et à produire des richesses que l’on doit réinvestir pour répondre aux objectifs de « santé » de nos sociétés. Cette métamorphose de la santé humaine en seulement un siècle s’est faite grâce à un élan fondé sur l’explosion exponentielle des connaissances. Cette révolution a été possible grâce à des efforts de « recherche médicale » résultant initialement d’observations et d’intuitions individuelles parfois géniales comme celles d’Edward JENNER et de Louis PASTEUR pour la lutte contre les « grands microbes pathogènes » qui ont été les fléaux exterminateurs de l’espèce humaine pendant tant de siècles. La recherche... une exploration du vivant pour permettre aux hommes de s’épanouir dans un environnement préservé. La recherche en « santé » s’intéresse aux Hommes, mais elle est indissociable d’une recherche plus fondamentale selon le concept de « one Health... Un monde, une santé ! » : la santé humaine est intimement corrélée à la santé animale et plus globalement aux dérèglements de nos écosystèmes. Et l’Homme est une « source de données » fantastique pour comprendre le vivant car il est un maillon admirable de la longue évolution de la vie. Progressivement, la recherche médicale s’est organisée, souvent sous la pression de contingences matérielles élémentaires comme l’illustre les premières « bourses de recherches médicales » attribuées par Napoléon Bonaparte pour essayer de trouver un remède au « croup » (angine diphtérique) qui décimait les jeunes gens de la campagne française, réservoir humain de la grande armée. De ces initiatives individuelles sont nées de grands instituts et de grandes agences qui ont pour objectif, au moins en théorie, de rationnaliser et d’améliorer l’efficience de la recherche médicale dans le cadre de grands programmes nationaux ou internationaux. 2. La recherche au chevet du patient. Une longue histoire… mais un besoin de réforme Une réglementation théorique qui évolue Après l’électrochoc de l’horreur de l’« expérimentation humaine », le procès de Nuremberg, après la deuxième guerre mondiale, a mis en place les fondements de règles intangibles qui régulent la recherche sur l’homme. La France a évolué vers des règles spécifiques reconnues par tous avec en 1992 la loi HURIET SERUSCLAT (protection – sécurité – personnel) puis plus récemment la loi JARDE. Cette recherche médicale apporte une contri- Le Programme Hospitalier de Recherche Clinique bution remarquable parfaitement démon- Les premiers appels à projets (AAP) pour les étatrable à la qualité des soins notamment par blissements de santé débutent il y a 20 ans avec CNCH - CARDIO H - N°29 La vie des services La recherche médicale dans les hôpitaux publics Quels enjeux ? Quels objectifs ? Quelles solutions ? LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? La vie des services 13 LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? La vie des services 14 le programme hospitalier de recherche clinique (B. Kouchner – F. Lemaire) en 1993, financés par l’assurance maladie. Le PHRC a révélé l’impact de la recherche clinique « au chevet du patient » et permis le développement de la filière « académique ». ments de santé représentés par le CNCR se positionnent à la pointe de cette réforme. La recherche... des enjeux pour tous les cliniciens Dans les hôpitaux, la promotion au sens règlementaire est assurée par les DRCI, avec des investigations de recherche réalisées dans de nombreux Des structures hospitalières dédiées à la re- services, les 54 Centres d’Investigation Clinique cherche (CIC), les 35 Centres de Recherche Clinique (CRC) Les structures de recherche des établissements et ou unités de Renforcement de l’Investigation se mettent progressivement en place : Clinique (RIC) qui complètent le dispositif. Les Centres d’investigation cliniques (CIC) se sont organisés dès 1992 créés et gérés conjointement Dans les régions, les CHU sont « têtes de réseau » par l’INSERM et les établissements, il en existe 54 Nos CHU ont une grande hétérogénéité en paraujourd’hui. ticulier dans leurs relations avec les CH. En raison Il a fallu 10 ans pour professionnaliser la promo- du morcellement des structures de promotion, il tion dans les CHU. Les DRRC (Délégations Régio- peut y avoir plusieurs DRCI dans chaque région, nales à la Recherche Clinique) mises en place mais il y a des exemples de mutualisation dans les en 1993 deviennent Délégations à la Recherche « Maisons Régionales de la Recherche ». Clinique et à l’innovation (DRCI).En 2005, une cir- Dans les interrégions, d’autres établissements culaire a conforté le rôle des DRCI et a remplacé sont associés avec les CH, comme les CLCC. l’AAP régional par un PHRC Interrégional ce qui permet la naissance des Délégations interrégio- La coordination de la recherche dans les CHU… nales à la recherche clinique (DIRC). une nécessité En 2006 une organisation spécifique a été mise Nationalement, les CHRU ont créé en 2005 le en place pour la filière industrielle (GIP CeNGEPS). Comité National de Coordination de la Recherche En 2007, de nombreuses réformes : T2A - MI- (CNCR) à l’instar des alliances et pour coordonner GAC – MERRI, HPST, mission de service public... les efforts de recherche et leur donner une visibiont introduit des évolutions importantes pour lité et une efficacité plus grandes. (Annexe 1) l’organisation et le financement hospitalier de la recherche. Un financement trop complexe • Le financement des infrastructures de recherche En 2011, une Circulaire a rappelé la nécessité médicale est assuré par le budget de la santé, d’une organisation régionale autour des CHU, et en particulier l’assurance maladie, via les MERRI a renforcé l’échelon interrégional : transforma- (mission d’enseignement et de recherche de rétion des DIRC en Groupement Interrégional à la férence et d’innovation) qui allouent une masse Recherche Clinique et à l’Innovation (GIRCI) de- financière de 1 656,6 M€ de MERRI « fixes » (socle vant associer tous les établissements souhaitant et part modulable) dont près de 85 % affectés aux développer la recherche clinique, quel que soit CHU-CHR. leur statut. La même circulaire a lancé un appel à Une somme récurrente est attribuée aux CIC (27 projets ouvert à l’ensemble des sites hospitaliers millions d’€ par an), aux CRC (14 millions d’€ par ne comportant pas de centre d’investigation cli- an) et aux structures de promotion (70 millions d’€ nique : Ainsi, 28 Centres de Recherche Clinique par an pour DRCI et 15 millions d’€ par an pour les (CRC) ont été labellisés au plan national. GIRCI). L’INSERM contribue au financement des Cela a conduit à une multiplication des structures, CIC (3 millions d’€ par an) et l’agence nationale de des établissements sièges de DRCI (CLCC, CH, Hô- recherche sur le SIDA et les hépatites (ANRS) inpital des Armées, ESPIC), et la notion d’éligibilité vestit de 6 millions d’€ par an. Les investissements à la part modulable (96 Etablissements de santé). d’avenir ont participé à la structuration de la reDepuis 2012, la diminution des financements des cherche médicale par les IHU (250 millions d’€) et structures au profit des financements par projet, les infrastructures biologie – santé comme F-Crin la diminution du socle fixe des MERRI au profit de (French Clinical Research infrastructure Network) la part modulable, définie à la performance, ont (18 millions d’€) et Biobanques (16 millions d’€). créé des difficultés de fonctionnement malgré Les universités, très majoritairement par les UFR une qualité sans cesse accrue des projets. médicales, contribuent aussi à cette structuration En 2013 la Stratégie Nationale de recherche exige par un personnel d’enseignants-chercheurs (surune facilitation des partenariats publics privés, tout hospitalo-universitaires) et d’autres personpropose un contrat unique, et donne la priorité nels de la recherche. aux soins primaires…. • Le financement des projets est encore plus Cette stratégie doit permettre une réorganisation diversifié avec une part importante issue du et une simplification de la recherche médicale… budget de la santé, en particulier de l’Assurance nous attendons les arbitrages, mais les établisse- Maladie qui finance le programme hospitalier de CNCH - CARDIO H - N°29 recherche clinique (PHRC) pour 90 M€/an et la part variable des MERRI pour 1,3 Md €. D’autres institutions comme l’ANRS, l’ANSM, la HAS et la CNAMTS contribuent aussi à financer des appels d’offres. Le budget de la recherche, porté par les financements du programme 172 de la LOLF (DGRI) et des investissements d’avenir financent également la recherche médicale par l’ANR (27 millions d’€ par an), l’ANRS (20 millions d’€ par an), et d’autres financements spécifiques comme ceux des grandes cohortes. Des programmes partenariaux visant à promouvoir l’innovation et le transfert permettent également de financer la recherche médicale comme ceux de l’ANR, d’Inserm transfert et des pôles de compétitivité. Les financements européens et internationaux, en particulier le 7ème PCRD ont proposé des appels à projets pour des « Investigator-driven clinical trials » ou de la « comparative effectiveness research » qui sont des programmes indépendants de l’industrie pharmaceutique. Dans ce contexte, il existe aussi des initiatives de recherche partenariales, (public – privé) pour le développement du médicament comme les « Innovative Medicines Initiative (IMI) » avec des niveaux de financement élevés. Il y a également des financements caritatifs comme celui de la Ligue contre le Cancer (6 millions d’€ par an), et de l’AFM/GENETON (environ 25 millions d’€ par an) qui développent une stratégie propre. Le constat est unanime ! Le système d’organisation et de financement de la recherche est trop complexe et trop fragmenté. Il manque une politique claire et suffisamment pérenne pour permettre aux hôpitaux d’avoir une stratégie de recherche efficace. Les enjeux sont nombreux mais quelques objectifs prioritaires ont été identifiés : • Il faut maintenir le niveau très compétitif de la recherche médicale dans les hôpitaux français en se mettant au service des chercheurs, • Il faut mettre en œuvre la stratégie Nationale de Recherche qui reconnait le potentiel de la recherche en santé pour concourir à l’échelon Euro- péen et international, • Il ne faut pas multiplier les structures mais mutualiser les compétences au service de tous pour une meilleure efficicence, • Il ne faut pas perdre les crédits d’assurance maladie dédiés à la recherche car ils ont permis en 20 ans de dynamiser fondamentalement la recherche médicale « clinique », • Il faut développer une stratégie de développement de la recherche dans les hôpitaux publics et avec tous les professionnels de santé 3. Les 7 fondamentaux de la recherche médicale peuvent être rappelés • La recherche médicale est originale car elle est par essence destinée à améliorer la santé des hommes, ce qui lui donne un sens éthique différent de celui des autres formes de recherche. • La recherche médicale est un continuum interactif allant de la recherche fondamentale à la recherche clinique « au chevet du patient » en passant par la recherche translationnelle, ce qui lui donne une spécificité qui la distingue au sein de la recherche académique (figure). • La spécificité de la recherche médicale repose aussi sur les hommes, et la diversité de leur formation initiale (médecins, paramédicaux, infirmiers, …), qui partagent une même mission de soins, de formation et de recherche, et cela plus particulièrement dans le cadre du processus d’universitarisation (LMD) des métiers de la santé. Cela devrait permettre l’émergence de nouveaux métiers « Bio » comme les biomathématiciens, les bio-informaticiens, les bio-techniciens, ... • La recherche médicale s’enrichit de nouveaux thèmes et de nouveaux concepts parfois intuitifs, mais aussi de sauts technologiques qui permettent d’imaginer une recherche innovante. Il y a de grands thèmes qui s’imposent comme le vieillissement, les troubles nutritionnels, le cancer, la santé mentale, les maladies infectieuses émergentes et les maladies rares, mais il y a aussi de nombreux champs de la recherche en santé publique qui doivent aussi être explorés comme les soins primaires, la prévention, les détermi- Figure : Objectifs et nomenclature des actions de recherche médicale CNCH - CARDIO H - N°29 LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? La vie des services 15 LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? La vie des services 16 nants de la santé, l’efficience du système de soin et des politiques de santé, l’impact des normes et des réglementations, mais aussi la précarité et les inégalités sociales qui s’aggravent dans notre pays. Tous ces domaines touchent à l’Homme et son environnement ! • La recherche médicale contribue de façon majeure à la qualité des soins et donc à la qualité de vie de nos populations. Cette qualité est liée à la rigueur qu’apporte la recherche, mais aussi aux innovations et au dynamisme qui y est associé. • La recherche médicale est aussi un facteur d’attractivité très important pour les jeunes médecins, en particulier ceux qui souhaitent exercer dans un établissement de soins public. C’est un point fondamental dont il faut tenir compte dans une période de démographie médicale difficile. Cette attractivité existe aussi pour le public et les patients qui sont de plus en plus sensibles aux efforts de recherche des établissements de soins qui sont devenus des indicateurs de qualité. • Fondamentalement, la recherche est, comme la vie, imprévisible « rien ne se passe jamais comme cela est prévu ! ». Ainsi, la recette d’une bonne recherche médicale repose tout d’abord sur la « bonne question » qui nait souvent de l’intuition observationnelle d’un homme ou d’une équipe. Il faut donc être à la pointe de l’innovation et de la créativité en ayant conscience que les structures mises en place aujourd’hui devront répondre aux questions scientifiques de demain. Il faut clarifier les règles et les organisations qui permettent la coordination de la recherche médicale à l’échelle régionale, interrégionale et nationale dans un esprit institutionnel de simplification et d’efficience. • La recherche clinique « au chevet du patient » dans les établissements et dans les réseaux libéraux doit s’organiser selon des principes pragmatiques de terrain qui doivent permettre d’améliorer la qualité de l’investigation et de la promotion. Il convient donc, au sein des établissements, dans une logique territoriale (régionale – interrégionale) en cours de reconstruction, de proposer une organisation efficace. • Cette recherche « au chevet du patient » nécessite aussi des fonctions et des compétences mutualisables (comme le data-management, la pharmacovigilance, la formation, ...) ce qui justifie une coordination nationale avec des relais sur le terrain. Il revient aux régions et aux interrégions de déterminer la meilleure organisation leur permettant de favoriser le développement de la recherche médicale et la diffusion des outils et bonnes pratiques, dans une logique d’efficience et de subsidiarité. Le financement doit reposer sur des indi4. Une réforme novatrice de la politique de cateurs d’activité et de qualité. recherche en santé. Une nécessité ! Il faut s’engager dans une réforme rénovatrice, Il faut favoriser la notion de guichet unique même si la recherche médicale française reste à pour des appels d’offres simplifiés. Cette siml’honneur en occupant le 5ème ou 6ème rang plification est possible, sans perte de ressources, mondial. Si nous voulons continuer à contribuer même si les financements sont multiples. avec le même succès à cet élan international de la recherche médicale, il faut qu’à l’échelle nationale Il faut veiller à une sanctuarisation des finand’abord, puis européenne, nous ayons collecti- cements qui doivent permettre de financer le vement la conscience et la volonté de construire continuum de cette recherche en santé qui va du ensemble cet avenir en refusant toutes luttes de fondamental à la clinique. pouvoirs stériles. Cet engagement repose sur quelques objectifs : Il faut favoriser le principe fondamental « d’unité de lieu » en rassemblant des compéIl faut donner envie aux chercheurs de faire tences multidisciplinaires avec une masse cride la recherche et faire de telle sorte que l’on tique suffisante dans un site de « soins » de « puisse garder et faire revenir nos meilleurs formation » et de « recherche », avec la capachercheurs. cité de créer une recherche « en réseau ». Le Ainsi, il faut faciliter le quotidien de nos cher- bon sens et l’expérience de nombreux centres de cheurs en les assurant de l’importance de leur réputation internationale ont suggéré l’intérêt de mission et en reconnaissant leur engagement. rassembler les soignants et les chercheurs sur un Mais il faut aussi faire comprendre avec pédago- même campus à proximité des patients. gie la nécessité d’être compétitif dans la grande bataille de la recherche et de l’innovation qui est Il faut développer les réseaux de recherche, devenue un enjeu fondamental pour nos nations. permettent que « chaque clinicien soit un chercheur potentiel ». Ces réseaux s’appuient Il faut une réflexion stratégique proposée sur un maillage territorial particulièrement orgapar les acteurs de la recherche pour définir les nisé qui pourrait gérer des cohortes de patients grandes orientations, utiles en santé publique ou et renforcer la mise en place des collections biodans des domaines émergents peu explorés. logiques et de données « en masse », encadrés CNCH - CARDIO H - N°29 par des cliniciens formés aux règles de rigueur de la recherche médicale. Ces réseaux doivent s’appuyer sur la médecine libérale en particulier sur les forces universitaires de la médecine générale (maîtres de stage) en particulier dans le domaine des soins primaires et de la précarité. Cette organisation en réseau ne doit pas être imposée, mais repose sur des initiatives volontaires et structurées qui doivent bénéficier d’un soutien logistique et méthodologique permettant des actions de promotion et d’investigation efficaces. Il faut aussi favoriser l’implication des patients et des associations de patients qui peuvent participer activement à la collecte des données. Il faut une politique de recherche médicale qui doit reposer sur une synergie hospitalo-universitaire répondant aux spécificités de cette recherche. Ce sont bien ces interactions entre les structures hospitalo-universitaires (et leurs réseaux) et les organismes de recherche au sein de nos universités qui peuvent faire la force de notre système à condition de clarifier et de simplifier son fonctionnement qui doit être régi dans un esprit institutionnel collectif et généreux, sans compétition et/ ou de lutte de pouvoir inutiles. Il faut initier et soutenir des projets ambitieux à forte visibilité : • Le développement de cohortes et de collections de grande taille (comme cela a été fait dans les investissements d’avenir 1) mais aussi de cohortes et collections thématisées originales sont un enjeu important qui doit se faire, pour les « très grandes cohortes », en synergie avec la politique de recherche européenne. • Il faut favoriser des projets de grande taille à dimension nationale puis européenne et internationale pour répondre à des questions importantes, destinées à développer la connaissance et/ou améliorer la qualité des soins. 5. Pourquoi les établissements de santé publics ont-ils la légitimité et surtout la capacité de dynamiser cette recherche médicale ? Les hôpitaux sont les seules structures qui rassemblent dans un même site, dans un esprit de campus, des chercheurs, des organisations et des outils autour des patients qui y sont hospitalisés ou vus en ambulatoire. Il y a donc une logique évidente à s’appuyer sur les hôpitaux pour renforcer nos actions de recherche sachant que plus de 85% de la production de la recherche médicale est issue de nos CHU... que le monde Il faut favoriser une gouvernance simplifiée nous envie. confiée à des professionnels de terrain qui animent ces structures intégrées de soins, de re- Une activité et une production dynamique et cherche et de formation hospitalo-universitaires. d’importantes ressources mobilisées dans les Cette politique doit être proposée par le CRBSP hopitaux publics (Comité de la Recherche Biomédicale et en Santé • Près de 9 millions de patients hospitalisés Publique) qui réunit l’ensemble des acteurs, mais chaque année qui devrait aussi accueillir des membres invités • 59 000 médecins dans les établissements de des établissements et/ou des réseaux de soins santé territoriaux et des représentants des usagers. • Près de 18 000 publications annuelles • Près de 1 600 études cliniques actives assuUne évaluation de la recherche médicale des rées par les CHU et ayant donné lieu à inclusion établissements peut se faire par grand thème dont 50 % multicentriques (ou programme) de recherche car chacun de ces • Plus de 71 000 patients inclus chaque année programme intègre des structures de recherche au sein des CHU dans des essais promus par des clinique non labélisées et des unités/équipes Établissements de Soins et un potentiel au moins labélisées qui collaborent aux mêmes objectifs équivalent dans les autres établissements publics scientifiques. de santé (qui ne représentent actuellement que 5% des inclusions) Il faut professionnaliser les structures et les • De nombreuses collections biologiques théhommes dédiés à la recherche médicale dans matisées adossées à des données cliniques, les établissements de santé. Cette profession- • 625 équipes hospitalo-universitaires labelnalisation passe avant tout par une formation lisées par un Etablissement Public de Recherche performante adaptée aux enjeux actuels de la • 54 modules de CIC répartis sur 34 sites, recherche médicale. • Des financements publics mobilisés de plus de 3 Milliard d’euros (financement total des MERRI Il faut proposer des expérimentations en de 2 953 M€). matière d’organisation et de financement en favorisant les relations « public-privé ». Ainsi, Cette force de la recherche médicale hospital’expérience des IHU ou des DHU/FHU sont par- lière peut être potentialisée par une meilleure ticulièrement intéressantes à analyser afin de ren- coordination, par un effort de professionnaliforcer notre capacité d’être à la pointe de l’inno- sation et par une ouverture à toutes les strucvation et de la compétition internationale. tures de soins et établissements publics de CNCH - CARDIO H - N°29 LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? La vie des services 17 LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? La vie des services 18 santé qui sont un réseau de prise en charge des patients tout à fait unique. • La proximité des patients permet la collecte de données de qualité dans tous les domaines de la recherche en respectant des règles de plus en plus complexes • Les outils de la recherche (collections, plateformes de plus en plus complexes) doivent être mutualisées et gérées en réseau. • Cette recherche en lien direct avec le soin peut légitimer le financement par l’assurance maladie car la recherche améliore la qualité des soins et un accès à l’innovation le plus rapide possible. • L’organisation centrée sur un site hospitalo universitaire donne de la crédibilité vis-à-vis des organismes de recherche, des industriels, des patients et des citoyens. Les chercheurs hospitaliers doivent s’appuyer sur la force originale des CHU qui leur permet d’être à l’interface entre les soins et la science. Tout clinicien est un chercheur potentiel qui doit s’appuyer sur les structures professionnelles existantes pour formaliser son hypothèse et mener à bien son projet, pour une meilleure chance de réussite aux appels à projets et des publications à fort impact ! ANNEXE 1 Comite National de Coordination de la Recherche dans les établissements publics de santé Constitué en 2005 pour renforcer le pilotage de la recherche biomédicale, le Comité National de Coordination de la Recherche (CNCR) a pour vocation d’assurer, dans un environnement très évolutif, le développement des missions spécifiques des Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et des Centres Hospitaliers Régionaux (CHR). Le CNCR est un Groupement de Coopération Sanitaire, émanation des Centres Hospitaliers Régionaux et Universitaires au travers des conférences des Directeurs Généraux, des Présidents de Commission Médicale d’Etablissement, et des Doyens de Santé. Il a été créé à parité entre les 32 Centres Hospitaliers Régionaux et Universitaires du territoire national. Le CNCR souhaite se positionner comme acteur de la recherche biomédicale en collaboration efficace avec les Organismes de Recherche et Aviesan avec lesquels il souhaite contractualiser. Mission générale du CNCR : Le CNCR doit permettre le renforcement et le développement de la recherche biomédicale des CHR et U et coordonner son organisation ainsi que les relations entre les CHU, leurs universités et l’ensemble des acteurs de la recherche biomédicale. Le CNCR reste à votre disposition pour vous aider à faire progresser notre recherche médicale. Missions spécifiques du CNCR • Représenter à parité l’ensemble des CHR & U, En référence porter et faire connaitre une position concertée, 1. « Comprendre la recherche clinique et l’inno- • Contractualiser au nom des établissements avec vation à l’Hôpital » Enjeux, réglementation, orga- leurs partenaires pour les projets structurants au nisation et financement Vincent Diebolt - Chris- plan national ou international en recherche biotophe Misse EDITIONS DUNOD médicale, 2. Le livre blanc du CNCR : www.cncr.fr • Coordonner les Délégations à la Recherche Clinique et à l’Innovation (DRCI) en une assemblée Acronymes nationale, en positionnant les CHU comme tête AAP : Appel à Projets de réseau de la promotion, CeNGEPS : Centre National de Gestion des Essais • Animer les groupes de réflexion et les groupes sur les Produits de Santé de travail, notamment sur les indicateurs d’évaCIC : Centre d’Investigation Clinique luation de la recherche biomédicale, et les projets CNCR : Comité National de Coordination de la de restructuration comme les Départements HosRecherche pitalo-Universitaires (DHU), CRC : Centre de Recherche Clinique • Harmoniser les pratiques et les procédures de DIRC : Délégation interrégionale à la Recherche gestion et de conduite de la recherche et des proClinique jets de recherche biomédicale, DRCI : Délégation à la recherche Clinique et à • Développer des outils communs comme « SIl’Innovation GAPS » et « SIGREC », outils de management de DRRC : Direction Régionale de la Recherche Cli- la recherche biomédicale hospitalière et universinique taire déployés dans tous les CHR & U. Ces outils F CRIN : French Clinical Research Infrastructure produisent notamment des indicateurs nécesNetwork saires à la répartition financière des MERRI, PHRC : Programme Hospitalier de Recherche Cli- • Faciliter l’ouverture internationale notamment nique en co-pilotant le projet d’infrastructure nationale RIC : Renforcement de l’Investigation Clinique « F-CRIN » avec l’INSERM. CNCH - CARDIO H - N°29 La vie des services La démographie des Praticiens Hospitaliers en Cardiologie Simon CATTAN LA DÉMOGRAPHIE DES PRATICIENS HOSPITALIERS EN CARDIOLOGIE Simon CATTAN, Président du CNCH (Montfermeil) La Cardiologie est une spécialité à ressource humaine hautement qualifiée qui a connu une hyperspécialisation ces dernières années, en période de baisse du numerus clausus. Tableau 1 : Effectif des praticiens selon le mode d'excercice Cet article a pour objet de faire le point sur la démographie des PH en Cardiologie en CH, c’està-dire, le gros de troupes du Collègue National des Cardiologues des Centres Hospitaliers. La démographie générale des cardiologues 1. Selon les données de la DRESS Au premier janvier 2013, on comptabilisait 6710 cardiologues, soit 3.1% de l’ensemble des médecins, et 5.8% des spécialistes médicaux. (Tableau1) 2. Selon le CNOM Il est comptabilisé 6084 cardiologues. (Tableau 2) Les figures suivantes 1 et Tableau 2 : Effectifs, moyenne d'âge, proportion des retraités actifs et variation des 2 et 3 illustrent la pyra- effectifs N-7 mide des âges et l’inégale Figure 1 : Pyramide des âges 20 Figure 2 : Les modes d'exercice : de l'observé à l'attendu CNCH - CARDIO H - N°29 La vie des services La démographie des praticiens hospitaliers en Cardiologie Le CNCH a demandé au CNG un certain nombre de requêtes concernant la Tableaux 3 et 4 : Evolution des effectifs rémunérés de praticiens hospitaliers par statut démographie des PH en depuis 2003 exerçant en cardiologie et maladies vasculaires (source : CNG-SIGMED) Cardiologie. Les données qui seront présentés dans ce chapitre sont issues de ces requêtes, certaines concernent tous les PH (CHU et CH), d’autres concernent uniquement la démographie des PH exerçant en CH. a) Les PH exerçant en CHU et en CH Sur les 10 dernières années (entre 2003 et 2013). Graphique 1 : Pyramide des âges des PH en cardiologie et le nombre de PH temps plein en Cardiologie a maladies vasculaires au 01/01/2013 progressé de 22.5%. Au 1er janvier 2013, 1375 Cardiologues exercent en CHU ou en CH sous le statut de PH temps Tableau 5 : Postes occupés statutairement plein ou temps partiel. La Cardiologie reste une spécialité à forte prédominance masculine, l’âge moyen des PH en Cardiologie est de 49 ans. (Graphique) b) Effectif des PH en Cardiologie exerçant en CH Au 1er janvier 2014, on comptabilise dans les CH, 812 PH temps plein et 205 PH temps partiel. (Tableaux 3 et 4) (Graphiques 2, 3 et 4) Quelque soit le statut, les cardiologues demeurent majoritairement des hommes (78.5% pour les PH temps plein et 87% pour les PH temps partiel (Figure 7)). La spécialité s’est par contre rajeunie quelque soit le sexe et le statut. LA DÉMOGRAPHIE DES PRATICIENS HOSPITALIERS EN CARDIOLOGIE répartition géographique des cardiologues. Graphiques 2, 3 et 4 : Répartition des cardiologues selon le statut, le sexe et la tranche d'âge A l’heure actuelle, l’âge moyen est de 48.3 ans pour les PH temps plein. Figure 3 : Densités départementales des médecins spécia- Les PH temps partiel sont par contre un peu plus âgés, ils ont en moyenne 52.6 ans soit 5.6 listes en cardiologie et maladies vasculaires CNCH - CARDIO H - N°29 21 La vie des services LA DÉMOGRAPHIE DES PRATICIENS HOSPITALIERS EN CARDIOLOGIE années de plus que leurs confrères PH temps plein. (Tableau 6) Vacances statutaires L’analyse des taux de vacances statutaires a été effectuée sur les effectifs 2013. Ces données sont à utiliser avec précaution, car il s’agit à une photographie à un moment donné, certains postes vacants pou- Tableau 6 : Répartition des Cardiologues PH temps plain et PH temps partiel exerçant dans les CH par région vant être occupés par des contractuels. Il faut toutefois noter, un taux de vacances général élevé de 29.8% pour les PH temps plein avec de fortes variations géographiques (Lorraine 54.1%, Limousin 40.9% pour les plus élevés, les taux de vacances les plus faibles sont en Corse avec 11.1%, le Languedoc-Roussillon avec 19.4% (Figure 8)). (Tableau 7) Le nombre d’entrées des PH temps plein a progressé en 2011 et 2012 passant de 56 à 92. Dans le même temps, le nombre de sorties est resté stable. Tableau 7 : Occupation statutaire des postes de PH de spécialité cardiologie et mala- Le solde reste positif pas- dies vasculaires par région au 01/01/2013 sant de +25 à +60 en 2011 et 2012.(Tableau 8) Les PH temps plein se distinguent des autres spécialités par un nombre Tableau 8 : Evolutiondes entrées et des sorties des PH de spécialité cardiologie et malade sorties par démissions dies vasculaires élevé supérieur à celui du nombre de retraités. Les départs à la retraite représentent 37% des sorties, les démissions représentent 40% des sorties. L’âge moyen des PH démissionnaires est de 38.7 ans, l’âge moyen des PH lors d’un départ à la retraite est de 64.5 ans. (Tableau 9) Tableau 9 : Evolution des motifs de sorties des PH de spécialité cardiologie et maladies vasculaires 22 CNCH - CARDIO H - N°29 La vie des services 3) Il serait également utile de compléter cette étude démographique des cardiologues du CNCH qui exercent en ESPIC et dans les hôpitaux militaires afin d’avoir une vision plus complète des effectifs du CNCH. 4) Il faudrait avoir une analyse des filières de formations des cardiologues (universités françaises, européennes ou extra-européennes). Selon les données présentées par le Professeur Richard ISNARD, Président du Collègue National des enseignants de cardiologie, lors de En ce qui concerne les flux d’entrée dans la notre dernier congrès, 10% de l’effectif actuel spécialité, dans les 5 prochaines années, 1022 sont issus de la voie accessoire. internes vont entrer dans la filière de formation cardiologique à l’ENC, il va donc y avoir des flux 5) Pour couvrir les besoins de santé en Cardionégatifs d’environ 90 cardiologues par an qui logie des Français, il faudrait selon le CNCH : ne seront pas remplacés dans la filière cardiolo- - Une adéquation entre les flux de formations gique, le nombre de cardiologues devrait bais- et les besoins en soins cardiologiques. ser d’environ 15% alors que les besoins de san- - Une correction des inégalités de répartition té augmentent (vieillissement de la population, géographiques des cardiologues. temps dédié aux techniques cardiologiques). - Une meilleure attractivité des carrières hospitalières. - Une augmentation de la filière de formation Commentaires 1) Le noyau dur des cardiologues du CNCH, en Cardiologie à l’ENC. c’est-à-dire, les PH temps plein est de 812 car- - Une meilleure attractivité des carrières à l’Hôpital public. diologues, chiffre fourni par le CNG. En ce qui concerne, les PH en Cardiologie exerçant dans les CH, selon les données du CNG, 101 PH temps plein et 47 PH temps partiel ont plus de 60 ans et vont donc prendre leurs retraites dans les 5 ou 6 années. Simon CATTAN 2) Il serait utile de compléter ces données par une étude démographiques des postes contractuels (assistant spécialistes, attachés) Le CNCH remercie le Dr Dominique BERTRAND pour évaluer le nombre d’ETP que cela repré- directeur médical du CNG de lui avoir fourni les données statistiques du CNG concernant les donsente. nées démographiques des PH en cardiologie. CNCH - CARDIO H - N°29 LA DÉMOGRAPHIE DES PRATICIENS HOSPITALIERS EN CARDIOLOGIE Perspectives démographiques Selon les données du CNOM, 1325 cardiologues sont âgés de plus de 60 ans et donc devraient prendre leurs retraites dans les 5 ou 6 prochaines années. 23 La vie des services PREMIÈRE ANNÉE D’EXPÉRIENCE DU TAVI DANS UN ÉTABLISSEMENT ESPIC Première année d’expérience du TAVI dans un établissement ESPIC 24 Alain DIBIE Alain DIBIE, Département de Pathologie Cardiaque Institut Mutualiste Montsouris (IMM), (Paris) Le traitement standard du Rétrécissement valvulaire Aortique Calcifié (RAC) serré symptomatique est le Remplacement Valvulaire Aortique (RVA) chirurgical (1). Mais près d’un tiers des patients sont récusés pour la chirurgie en raison d’un risque opératoire jugé trop élevé : âge avancé, trop grande fragilité, altération de la fonction ventriculaire gauche, comorbidités associées importantes, scores de risques chirurgicaux élevés (STS >10, EuroSCORE logistic >20). Chez ces patients, le traitement percutané du RAC par TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) peut désormais être une alternative efficace permettant une amélioration de la morbi-mortalité (2,3). Contexte réglementaire En Novembre 2009 le ministère de la santé et des sports a publié la liste des 33 centres retenus, autorisés à pratiquer le TAVI en France. A la demande du ministère, la HAS a rendu un avis le 16 décembre 2009 basé sur les résultats des études cliniques publiées. Ces 33 centres ont été habilités à réaliser des procédures de TAVI pour une période de 2 ans assortie d’une obligation d’inclure tous les patients dans un registre national avec un suivi à 1 mois, 6 mois et 1 an (Registre FRANCE 2). en France. Toutes les procédures doivent être renseignées dans le « Registre France TAVI » élaboré et conduit par le GACI et la SFC depuis Janvier 2013. Les données du registre doivent être adressées à l’ARS chaque semestre. L’IMM fait partie de la seconde vague des centres autorisés à pratiquer le traitement du RAC par TAVI Introduire dans un service de pathologie cardiovasculaire, une nouvelle technique interventionnelle est un challenge qui doit intégrer l’ensemble de l’équipe médico-chirurgicale. Pré requis Avant de débuter le TAVI dans le centre, quelle organisation et quels moyens pour y parvenir ? Cette technique a été intégrée dans le projet médical et soutenue par la direction de l’établissement et le Dr M. Debauchez, chef de service du département de pathologie cardiaque. Le début de l’expérience du TAVI est précédée d’une période d’organisation qui implique les cardiologues, les chirurgiens, les anesthésistes, les réanimateurs, les infirmières, l’équipe paramédicale de cardiologie interventionnelle, la pharmacie (qui a en charge les dispositifs médicaux) et la logisEn novembre 2011, à l’issue de cette première tique de l’établissement. période d’encadrement, la HAS, sur les données et l’analyse des résultats de l’étude américaine Formation PARTNER (3) et du Registre FRANCE 2 (résultats La formation préalable au démarrage de l’expéintermédiaires), a publié son rapport sur la « Réé- rience TAVI est précédée d’un apprentissage par valuation des bioprothèses valvulaires implantées des cardiologues interventionnels rompus à la par voie artérielle transcutanée ou par voie transa- pratique de l’angioplastie coronaire. Dans notre picale (4). Elle a étendu l’autorisation de la procé- équipe, nous avons commencé par la formation dure TAVI (arrêté de Juillet 2012) à l’ensemble des de 2 cardiologues et un chirurgien cardiaque. Ils centres ayant la chirurgie cardiaque et pratiquant se sont formés pendant plusieurs mois aux techau moins 200 remplacements valvulaires aor- niques du TAVI dans des centres à forte activité tiques par an) et pratiquant la cardiologie inter- qui pratiquent la pose des 2 types de valves disventionnelle (franchissement de 50 RAC par an ponibles. et réalisant des valvuloplasties aortiques) dans la même structure. Mais cette formation n’est pas suffisante pour penUne nouvelle évaluation de la HAS doit être pré- ser qu’une nouvelle équipe fraîchement bâtie, sentée fin 2014. peut débuter seule le TAVI dans un centre. Aujourd’hui plus de 50 centres sont fonctionnels Le lancement du TAVI est associé à une collaboraCNCH - CARDIO H - N°29 La vie des services Patients éligibles Une fois le dispositif mis en place pour engager les procédures de TAVI, les patients pouvant bénéficier d’un TAVI sont évalués. Cette procédure interventionnelle s’adresse à des patients ayant un RAC sévère symptomatique indiquant un remplacement valvulaire aortique (gradient moyen > 40 mmHg, surface valvulaire < 1cm2), selon les Une formation pratique et scientifique est assurée recommandations de l’ESC version 2012 (1). pour les nouveaux opérateurs. Cette formation obligatoire de 2 jours est organisée sur le site des S’il existe une contre-indication au RVA chirurlaboratoires pour chacune des valves actuelle- gical standard, quels patients peuvent bénéfiment disponibles en France : valve Sapien XT, La- cier du TAVI ? boratoire Edwards et valve Corevalve, Laboratoire Le bilan complet clinique et biologique doit être exhaustif : Medtronic. Enfin, un médecin senior dit « Proctor », expert du En plus de l’évaluation de la sévérité du RAC, la type de valve à implanter, accrédité par le labora- recherche des antécédents cardiaques de FA, toire, sera présent et conduira toute la procédure présence d’un stimulateur cardiaque, traitement du TAVI. Cet accompagnement de l’équipe par un anticoagulant, cardiopathie ischémique traitée par angioplastie ou pontages, ou autre chirurgie Proctor est primordial. Au cours de cette même période de montée en cardiaque antérieure sont notés. charge, le personnel paramédical - infirmières, in- Les comorbidités, les antécédents d’AVC, de BPCO, firmiers, techniciens manipulateur - radio de salle d’insuffisance rénale, de cancer, de radiothérapie de cardiologie interventionnelle et infirmières de du thorax et toute pathologie qui pourrait grever bloc opératoire IBODE - sera formé à la préparation le pronostic vital à court terme ou contre indiquer de la valve et de ses accessoires indispensables la chirurgie sont explorés. avant toute procédure de pose de TAVI. Les patients éligible au TAVI souvent très âgés, ont besoin d’un état d’évaluation gériatrique qui Infrastructure La procédure TAVI peut être faite en salle conven- influencera la prise de décision impliquant l’avis tionnelle de cathétérisme mais de préférence dans d’un gériatre sur les fonctions cognitives, l’état de une salle hybride aux normes de bloc opératoire. réserve métabolique et de fragilité. Dans certains centres le TAVI se fait au bloc opéra- Le calcul des scores de risques chirurgicaux sont indispensables et doivent figurer dans le dossier toire. du patient (STS et EuroSCORE II ou Euroscore Logistic). Ils participent à la prise de décisions de la Praticiens et équipes intervenantes Le service de cardiologie n’est pas seul à être im- réunion multidisciplinaire qui entérine la décision pliqué dans cette organisation. D’autres structures ou non de TAVI. de l’hôpital participent au projet : L’USIC et ses médecins qui assurent les suites im- Le Bilan pré TAVI est complété par les exploramédiates après TAVI, la réanimation post chirur- tions complémentaires : coronarographie, EFR, gie cardiaque et la réanimation polyvalente qui écho-doppler des TSA. peuvent être sollicitées en urgence pour une com- L’échocardiographie et l’angio-scanner de plication sévère qui pourrait nécessiter la chirurgie l’aorte sont primordiaux sur le choix de la voie d’abord artérielle et celui du type et de la taille de cardiaque ou vasculaire. valve à implanter. Les autres équipes : radiologie (scanner), méde- L’échocardiographie analyse la sévérité du RAC, cine interne pour bilan et avis gériatriques et éva- mesure le diamètre de l’anneau, la surface valvuluation de l’état de fragilité du patient, neurologue laire, la valeur du gradient VG/Aorte, le degré de et neuro-radiologue en cas d’AVC et toute autres calcification, la présence ou non d’une fuite assospécialités médicales qui peuvent être sollicitées ciée, la recherche d’une fuite mitrale, mesure la PAPS, recherche une Hypertrophie Ventriculaire chez ces patients à fortes comorbidités. Gauche responsable ou non d’un gradient intraStatutairement, les praticiens du service de car- VG, la fonction systolique (FEVG) et diastolique. diologie ayant l’autorisation du faire du TAVI sont L’échographie élimine un thrombus intra VG et déclarés nominalement à l’ARS. L’autorisation de mesure la longueur du VG. Une ETO chez les paTAVI est donnée pour une durée de 1 an, renouve- tients peu échogènes peut être utile. lable sur constitution et envoi du dossier d’activité L’angio-scanner aortique permet une meilleure à l’ARS. CNCH - CARDIO H - N°29 PREMIÈRE ANNÉE D’EXPÉRIENCE DU TAVI DANS UN ÉTABLISSEMENT ESPIC tion étroite entre les opérateurs « débutants » et les laboratoires fabriquant les valves percutanées. Des équipes spécialisées dans la préparation et l’implantation des valves percutanées sont mises à la disposition du centre pour organiser la logistique et les formations utiles pour débuter cette nouvelle technique. 25 PREMIÈRE ANNÉE D’EXPÉRIENCE DU TAVI DANS UN ÉTABLISSEMENT ESPIC La vie des services 26 analyse de la racine aortique, du degré de calcification de l’aorte ascendante, l’aspect d’aorte porcelaine contre indiquant la chirurgie. Des mesures sont faites : jonction sino-tubulaire, diamètre des sinus coronaires, de l’anneau aortique, de la voie sous-aortique. Il analyse la répartition des calcifications de la valve, le nombre de cups tricuspide ou bicuspide, la position de naissance des coronaires et leur hauteur par rapport à l’anneau aortique i.e. tous les éléments permettant de faire le choix de la taille de la valve Edwards Sapien XT, bioprothèse contenue dans un stent déployé par un ballon, ou Corevalve en nitinol, auto-expandable. Cette lecture du scanner est optimisée par 2 logiciels très performants, 3Mensio et OsiriX, dédiés à ces fonctions de mesures. Leur maîtrise nécessite une courbe d’apprentissage incontournable mais primordiale pour éviter les erreurs de mesure de l’anneau, source de complications majeures telles que la rupture d’anneau si la bioprothèse est surdimensionnée ou, la migration immédiate de la valve si son diamètre est inférieur à la taille exacte de l’anneau aortique. anesthésiste et si possible d’un gériatre. A l’issue de la réunion, si l’indication de TAVI est recommandée, elle doit être retranscrite et datée dans le dossier médical. L’équipe multidisciplinaire tient compte des recommandations de l’ESC et de la HAS (1,4). Le patient et sa famille reçoivent les documents d’informations sur le TAVI rédigés par le GACI. Les documents contiennent un consentement éclairé que le patient doit signer en 2 exemplaires. Recommandations ESC 2012 Nous rappelons les recommandations de l’ESC version 2012, pour la prise en charge du RAC Sévère (1). (Figure 1) Rappel des Indications et Contre indications du TAVI (1) (Figures 2 et 3) Notre première année d’expérience du TAVI à l’IMM (Janvier à Décembre 2013) Sur la base des recommandations et après avis de « l’équipe cœur » au cours d’une réunion multidisciplinaire, quarante patients souffrant d’un RAC serré symptomatique avec une espérance Evolution des modes de décision Une fois le bilan terminé, l’avis de l’équipe cœur ou « heart team » est obligatoire pour prendre la décision thérapeutique. La discussion se fait au cours d’une réunion multidisciplinaire composée au minimum de deux cardiologues interventionnels formés au TAVI, d’un échocardiographiste, d’un chirurgien cardiaque, d’un réanimateur, d’un Figure 2 : L’espérance de vie doit être > à 1 an. Figure 1 : Arbre décisionnel pour la prise en charge du RAC sévère Figure 3 : Contre indications (actuelles) à la pratique du TAVI CNCH - CARDIO H - N°29 de vie supérieure à 1 an, récusés pour la chirurgie cardiaque, ou à haut risque opératoire (score de mortalité et morbidité élevés : EuroSCORE Logistic > 20, STS >10, thorax hostile, aorte porcelaine, insuffisance respiratoire sévère, état de fragilité…) ont été traités par TAVI au cours de la première année de notre expérience. L’âge moyen des patients est de 84 ans dont 52% d’hommes, l’EuroSCORE Logistic est à 21 ±13,7. Les signes cliniques d’insuffisance cardiaque sévère, selon la classe NYHA III ou IV, sont présents chez 34/40 patients (85%). Les critères de RAC serrés sont confirmés par l’échocardiographie qui retrouve une surface aortique de 0,8cm² ± 0,2, un gradient moyen de 43 ± 15mmHg, une fraction d’éjection du VG à 52% et une PAPS moyenne à 47,6±10 mmHg. Toutes les procédures ont été faites en salle hybride. La voie d’abord est essentiellement fémo- Tableau 1 : Caractéristiques cliniques, procédures et complications. rale 37/40, sous anesthésie locale et sédation en sa sortie, d’insuffisance cardiaque compliquée de présence d’un anesthésiste. Deux voies trans-aor- pneumopathie. On déplore trois AVC sévères le tiques et un abord par l’artère carotide gauche ont jour de l’intervention. Quatre tamponnades dont été faits sous anesthésie générale. Le professeur une fatale par rupture de l’anneau aortique et trois Alain Cribier qui a été notre moniteur ou « proc- par effraction du VD dû au maintien de la sonde tor » pour les premiers cas traités nous a appris la d’entrainement électro systolique temporaire. simplification, ne recommandant pas l’échogra- Huit patients (4/12 (30%) après implantation d’une phie trans-oesophagienne systématique. Nous Corevalve et 4/28 (15%) après valve Edwards, ont avons implanté 29 valves Edwards Sapien XT et 13 présenté un trouble de conduction nécessitant Corevalve (2 patients ont eu 2 valves au cours de l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Les la même intervention), sans échec de procédures. complications vasculaires majeures 5/40 (12.5%) Un patient a bénéficié d’une procédure « off label » sont secondaires à une dissection au ponction selon la HAS, pour une dysfonction de bioprothèse d’abord fémoral entrainant un saignement imMitroflow fuyante de grade ¾, responsable d’une portant compensé par transfusion sanguine et insuffisance cardiaque incontrôlable par le traite- contrôle chirurgical. Une rupture d’artère fémorale ment médical et récusé par le « heart team » pour cause de décès du patient. Deux patients ayant la chirurgie conventionnelle, du fait de sa fragilité. une fuite importante valvulaires paraprothétique La mise en place d’une Corevalve « valve in valve » en cours de procédure ont été traités par l’implanà été parfaitement efficace, guérissant le patient, tation d’une seconde valve. L’ensemble des complications est présenté dans le tableau 1. qui va bien a plus d’un an de recul. La durée moyenne de séjour hospitalier est de 10,8 ±9 jours. Les complications importantes sont inhérentes à la procédure complexe du TAVI réservée à des patients âgés. La mortalité, principalement hospitalière est de 10%. Quatre patients sont décédés, trois précocement de cause cardiovasculaire (un infarctus à J 10, une tamponnade à J2, une dissection aorto-fémorale à J1) et un patient, deux mois après CNCH - CARDIO H - N°29 PREMIÈRE ANNÉE D’EXPÉRIENCE DU TAVI DANS UN ÉTABLISSEMENT ESPIC La vie des services Discussion Après le premier registre français, publié par H. Eltchaninoff el al. en 2011(2), la référence actuelle en France de l’activité TAVI est le registre FRANCE 2 (5). Cette étude clinique prospective a permis d’inclure et de suivre, dans 34 centres, 3195 patients. Les résultats à un an ont été publiés sous la conduite de M. Gilard en Mai 2012 dans le New Engl J of Med. Nous avons regardé les résultats 27 PREMIÈRE ANNÉE D’EXPÉRIENCE DU TAVI DANS UN ÉTABLISSEMENT ESPIC La vie des services 28 de notre première série de 40 patients comparés au Registre France 2. Les caractéristiques de la population traitée, âge moyen 82 ans dans France 2 versus 84 ans, pourcentage de patients masculins 51% contre 52% dans notre série, le niveau de gravité des classes fonctionnelles NYHA III et IV est de 75.9% contre 85% à l’IMM, le score de risque chirurgical, EuroSCORE Logistic est de 21.9%±14.3 dans FRANCE 2 contre 21 ± 13.7% pour notre population de patients. La durée moyenne de séjour est de 11±8 jours contre 10.8 ± 9 jours pour notre centre. La mortalité à un mois est de 9.7% contre 10% dans notre petite série, les complications vasculaires majeures de 4.7% dans FRANCE 2 contre 5%. L’implantation d’un stimulateur cardiaque de 15.6% versus 20% dans notre expérience. Au regard de ces chiffres, des résultats des procédures, du taux de mortalité et de complications, on ne constate pas de grande différence en valeur de pourcentages. Mais, nous ne nous permettrons pas de poursuivre cette comparaison car l’expérience et les cohortes de patients sont beaucoup trop éloignées. L’équipe pionnière de Rouen (8), rapporte dans son expérience du TAVI en phase hospitalière, après le passage en USIC, l’importance de la détection et du traitement des complications chez les patients âgés (troubles cognitifs, syndrome de glissement, rétention urinaire, insuffisance rénale aigüe…) à multiples comorbidités. Les bioprothèses, dés leur mise en place, peuvent être le point de départ d’embolie par l’agrégation de plaquettes et du dépôt de fibrine sur la valve et le stent. Dans l’étude Partner, il a été constaté plus d’AVC et d’AIT comparé à la chirurgie à 2 ans (3). La gestion des traitements anti-thrombotiques est capitale. Il est recommandé d’associer 2 AAP, aspirine et clopidogrel pendant 6 mois et d’éviter la trithérapie en cas de nécessité d’AVK. En effet, il a été observé que la trithérapie associant aspirine, clopidogrel et AVK, augmente le risque de décès, d’AVC et d’hémorragie majeure, comme cela a été montré dans le registre allemand du TAVI (6). Au cours du suivi échographique, il a été mis en évidence chez 2 de nos patients, une fuite aortique péri-prothétique importante, supérieure au grade 2. Or une régurgitation importante est un facteur de surmortalité à un an comparé aux patients n’ayant pas de fuite ou une régurgitation minime (7), Figure 4. Si nos premiers résultats sont acceptables, cela est du en premier à l’investissement de toute une équipe médicochirurgicale et para médicale dans ce projet médical. L’apport logistique des laboratoires, la présence de « spécialistes TAVI » formés et mis à la disposition des nouveaux centres sont primordiaux. La préparation de la bioprothèse avant sa mise en place est délicate, elle nécessite un apprentissage rigoureux pour les infirmières Figure 4 : Facteur pronostique de surmortalité d’une IA sévère > 2. D’après Khodali et al. et infirmiers, qui sont formés par les spécialistes des laboratoires jusqu’à être certifié pour la préparation et le dispositif de pose des valves Edwards ou Corevalve. L’accompagnement constant des opérateurs par un proctor de grande expérience pendant toute la procédure, est l’élément clé de la réussite du démarrage de cette technique difficile. La courbe d’apprentissage prend du temps. Dans notre centre, nous nous sommes formés simultanément à l’implantation des deux modèles de valves. Probablement, pour cette raison notre formation été plus longue. Nous avons apprécié la présence du Pr A. Cribier qui été capital pour nous aider lors des premières implantations de valves Edwards. Il nous a appris à éviter les pièges dans beaucoup de détails techniques qui font la complexité du TAVI lorsque l’on débute. Nous le remercions chaleureusement de ses précieux conseils éclairés, toujours simplificateurs. Le Dr C. Caussin, proctor pour la Corevalve et la valve Edwards a été toujours disponible et compétent, apportant une grande sécurité au déroulement des procédures et la gestion des complications. Pour les trois TAVI implantés avec succès par voie chirurgicale (2 trans-aortique et 1 carotide), le Dr Zannis chirurgien cardiaque dans le service a été guidé à chaque intervention par un proctor chirurgien expert de la voie trans-aortique ou carotide. Nous n’avons pas au cours de cette première année d’expérience, utilisé la voie trans-apicale. Après 31 procédures de TAVI en présence d’un proctor, ce qui paraitra peut être beaucoup pour certains, nous avons considérés que notre équipe était prête à faire seule et en toute sécurité pour le patient, l’implantation des deux modèles de valves percutanées. Commentaires sur une première année de TAVI 1. Bioprothèses et abords vasculaires Une des difficultés de la courbe d’apprentissage du TAVI est liée au fait de devoir apprendre deux techniques en parallèles : D’une part la procédure de l’implantation de la CNCH - CARDIO H - N°29 La vie des services vaisseaux et leur degré de sinuosités. Dans 2 cas, nous avons du arrêter la procédure sur un échec de franchissement de l’axe artériel par le matériel de pose du TAVI. Ces deux patients ont été repris secondairement par voie carotide avec succès. Aujourd’hui Nous avons franchi toutes les étapes de la courbe d’apprentissage du TAVI, quelque fois avec du stress et des difficultés mais toujours avec enthousiasme. Nous continuons à développer cette activité du TAVI qui s’est « standardisée ». Elle s’inscrit au cœur du projet de la cardiologie interventionnelle aux multiples autres innovations appliquées à la pathologie cardiaque dite structurelle. Nous travaillons maintenant sur ces nouvelles techniques. L’arrivée du Dr Caussin et de son équipe au sein D’autre part, la technique de l’approche vasculaire département de Pathologie cardiaque l’IMM, vient percutanée qui nécessite une ponction haute de renforcer ce projet ambitieux mais nécessaire et l’artère fémorale commune et la mise en place en adapté à la cardiologie d’aujourd’hui. début de procédure d’un système de fermeture (Prostar ou autre) délicat à maîtriser. Ce point est Remerciements essentiel car le contrôle de l’abord vasculaire et de Nous avons commencé le TAVI avec l’équipe des sa fermeture en fin de procédure, par un système cardiologues interventionnels et les chirurgiens de fils de sutures conditionne le succès de l’accès du département, le Dr M. Debauchez, chef de dévasculaire percutané et l’ensemble de l’interven- partement, le Dr F. Philippe, le Dr K. Zannis, le Pr J. tion. Les complications vasculaires (saignement Monségu et le Dr L Drieu, que je remercie encore important, dissection, thrombose, anévrisme) sont de leur soutien et implication. le plus souvent secondaires à une mauvaise ges- Madame Karine Cognasse, surveillante de l’unité de Cardiologie Interventionnelle à l’IMM pour son tion de l’abord artériel. Cette approche nous a permis de traiter des pa- énorme travail d’organisation et de mise en place tients différents dont les caractéristiques anato- du TAVI. miques du RAC et de la racine aortique étaient plus Madame Imane BAGDADI, attachée de Recherche clinique, pour son efficacité dans le recueil et l’expropices à l’une ou l’autre valve. ploitation des données cliniques et statistiques 2. Importance de la mesure ou « sizing » de l’an- des TAVI. neau valvulaire aortique par le scanner aortique L’échocardiographie ne semble pas être la mé- Références thode la plus fiable pour mesurer la taille de l’an- 1. Recommandations ESC Guidelines 2012, Valvulopathies. www.escardio.org/guidelines neau aortique. Les masses calcaires du RAC source 2. Eltchaninoff H, Prat A, Gilard M et al. Transcatheter aorde sur-brillantes en échographie peuvent gêner la tic valve implantation: early results of the FRANCE (French mesure exacte de l’anneau. A deux reprise au dé- Aortic national Corevalve and Edwards) Registry. Eur Heart 32:191-7. but de notre expérience, nous avons sous estimé J3.2011; Smith CR, Leon M, Mack MJ, et al. The PARTNER Trial Invesla taille de l’anneau aortique en échographie sans tigators. Transcatheter versus surgical aortic-valve replacese comparer suffisamment aux mesures faites sur ment in high-risk patients. N Eng J Med 2011; 364:2187-98. 4. Réévaluation des bioprothèses valvulaires aortiques imle scanner qui auraient corrigé notre erreur. plantées par voie artérielle transcutanée ou par voie transaL’anneau aortique a le plus souvent une forme picale. HAS, service Evaluation des dispositifs, unité méthoovalaire et les mesures de surface, de circonférence dologique et études post-inscription, Service Evaluation et de diamètres sont plus précises au scanner. Le Médico-économique et santé publique, Service évaluation des Actes professionnels. Novembre 2011. choix de la bioprothèse et sa taille est fait systéma- 5. Gilard M et al. FRANCE 2 Investigators. Registry of transtiquement sur les données du scanner en utilisant cather aortic-valve implantation in high-risk patients. N Eng J Med 2012; 366:1705-15. les logiciels de mesures dédiés. 3. Les pièges à éviter L’interprétation de l’angio-scanner des axes artériels périphériques est leur diamètre doivent être rigoureuses. Il ne faut pas sous estimer les calcifications des axes ilio-fémoraux et leur extension circonférentielle et longitudinale dans la lumière des CNCH - CARDIO H - N°29 PREMIÈRE ANNÉE D’EXPÉRIENCE DU TAVI DANS UN ÉTABLISSEMENT ESPIC valve elle même, qui demande une longue période pour bien maîtriser les subtilités et pièges du systèmes de mise en place de la valve et de sa libération en bonne position sur l’anneau aortique. Dans notre centre nous avions pris l’option d’apprendre à implanter les deux modèles de valves. Nous sommes satisfaits d’avoir choisi cette option qui a été réalisable du fait de l’accompagnement constant des deux fabricants et la qualité de nos proctors qui ont été excellents. Cela nous a permis de nous familiariser avec deux concepts différents mais complémentaires. Par exemple, la valve Corevalve nous est apparue bien adaptée à la procédure de valve in valve en cas de dysfonctions de bioprothèse chirurgicale de petit diamètre. Un patient en a bénéficié avec succès. 6. Zeymer U et al Antithrombotic therapy after transfemoral aortic valve implantation (TAVI). Potential hazard of tripletherapy. Eur Heart J 2011; 32 (suppl) : 900 (abstr). 7. kodali SK et al. Two years outcomes after transcatheter or surgical aortic valve replacement. N Eng j Med 2012; 366 : 1 686-95. 8. D’Héré, B. et al. Comment surveiller un patient après TAVI ? Cardiologie Pratique. N° 1064, 15 juin 2014. 29 ANTICOAGULANTS ORAUX DIRECTS DANS LA FA : APRÈS LES CONTROVERSES, LA RÉALITÉ Mise au point thérapeutique Mise au point thérapeutique Anticoagulants oraux directs dans la FA : après les controverses, la réalité P. ATTALI (Strasbourg) 2000 à 2013, montrent que les ventes d’anticoagulants oraux ont doublé entre 2000 et 2012 : les ventes des AVK ont pratiquement doublé entre 2000 et 2012, puis ont commencé à décroître. Les ventes des AOD ont progressé très rapidement depuis leur introduction sur le marché français en 2009 (1 million de doses Ce sont des antagonistes directs du facteur définies journalières en 2009 et 117 millions en IIa (dabigatran) ou du facteur Xa (rivaroxaban, 2013). apixaban, edoxaban). Dans la FA, les études pivots respectives sont d’une part RE-LY et Les controverses dans le monde d’autre part ROCKET-AF, ARISTOTLE et ENGAGE En octobre 2010, le dabigatran avait été apAF-TIMI 48. Ces études ont été regroupées prouvé par la FDA à une posologie de 150 mg dans une méta-analyse [1] qui a confirmé leur deux fois par jour pour réduire le risque d'AVC bénéfice par rapport aux AVK sur les AVC et les chez les patients atteints de fibrillation atriale embolies systémiques (RR 0,81 IC95% 0,73-0,91 non valvulaire. Une posologie de 75 mg deux fois par jour avait été approuvée uniquement p ≤ 0,0001). pour une utilisation chez les patients atteints Cependant, ces AOD sont d’utilisation com- d'insuffisance rénale sévère (clairance de la plexe ; c’est une classe de médicaments hé- créatinine 15-30 ml/min). térogènes en termes de recommandations d’utilisation et de profils pharmacologiques. Le dabigatran, comme le rivaroxaban ou Ils représentent en cela une pratique d’utilisa- l’apixaban, semble au moins aussi efficace que tion nouvelle et peuvent être à l’origine d’une le traitement standard avec la warfarine et ne utilisation inappropriée. Par ailleurs, il n’existe nécessite pas de surveillance régulière par des pas de recommandations robustes concernant tests de laboratoire, ni d’ajustement de posola mesure de l’activité anticoagulante des AOD logie. Même si un risque plus élevé de saignedans certaines situations (surdosage/surexpo- ment avec la posologie unique approuvée de sition, chirurgie/acte invasif urgents à risque dabigatran 150 mg deux fois par jour a été sughémorragique, etc.), la prise en charge des sai- géré, la FDA avait laissé aux cliniciens peu d'opgnements graves survenant chez les patients tions pour une réduction de posologie parce recevant un AOD, en l’absence d’antidote spé- qu’elle avait explicitement rejeté la posologie cifique ou de protocole validé permettant la plus faible de 110 mg deux fois par jour, qui est, neutralisation rapide de l’effet anticoagulant par contre, disponible au Canada, au Japon, en Australie, Nouvelle-Zélande et en Europe [2]. (protocole d’antagonisation). Les anticoagulants oraux directs (AOD), communément appelés NACO (pour nouveaux anticoagulants oraux) représentent, selon les indications, une alternative aux antivitamines K (AVK) et/ou aux héparines de bas poids moléculaire. Dans les mois qui avaient suivi cette approbation, la FDA avait reçu en provenance de la FDA Adverse Event Reporting System (FAERS) de nombreux rapports d'événements graves liés à des saignements mortels associés à l’utilisation de ce médicament. Des déclarations de Les données de ventes annuelles de l’ANSM, de saignements étaient prévisibles, mais le taux CNCH - CARDIO H - N°29 L’attention des professionnels de santé est attirée par l’ANSM sur le fait que le rapport bénéfice/risque positif des anticoagulants, toutes classes confondues, est conditionné par leur bon usage. 30 Pierre ATTALI d'incidents signalés avec le dabigatran était exceptionnellement élevé, supérieur à celui avec la warfarine, dans la même période. Ceci contrastait avec les résultat de l’étude RE-LY (Randomized Evaluation of Long-Term Anticoagulation Therapy), essai contrôlé qui avait soutenu l'approbation du dabigatran et qui avait comparé la warfarine avec le dabigatran chez les patients atteints de fibrillation auriculaire non valvulaire. Les rapports de pharmacovigilance de saignements avec le dabigatran avaient suscité des discussions dans les publications médicales ainsi que les grands médias au sujet de l'approbation du dabigatran. Beaucoup de ces discussions avaient cité le grand nombre de déclarations d'événements hémorragiques comme une raison de remettre en question le profil bénéfice-risque du dabigatran comme décrit initialement. Mais des facteurs importants qui pouvaient avoir affecté les taux de déclaration, tels que la nouveauté du médicament (par rapport à la warfarine dont le risque était bien établi) et la couverture attendue de nouveaux médicaments dans les médias n’étaient généralement pas considérés. Le nombre de rapports était suffisamment élevé pour inciter la FDA à entreprendre un examen des rapports spontanés reçus par la FAERS. La crainte était que l’utilisation du dabigatran après sa commercialisation, dans la vraie vie, pouvait être différente de son utilisation dans l'étude RE-LY (par exemple, les différentes populations de patients, les posologies, la prise de médicaments concomitants ou le degré d’une insuffisance rénale) ou que des ajustements selon la fonction rénale n'aient pas été effectués correctement. Comme c'est souvent le cas avec des déclarations spontanées, celles faisant état de saignements n'étaient généralement pas renseignées sur les facteurs de risque des patients, tels que l'âge et la fonction rénale, ou sur la cause du décès. Dans un petit nombre de cas, la posologie du dabigatran n'avait pas été réduite pour un patient qui avait une fonction rénale altérée. Dans l'ensemble, cependant, l'examen des cas n'a pas permis d'identifier des facteurs de risque inconnus pour les saignements, et il n'y avait généralement pas d'argument que le dabigatran n'ait pas été utilisé conformément à ses indications approuvées. CNCH - CARDIO H - N°29 De ce fait, a été suspectée la possibilité que le taux anormalement élevé de cas de saignements rapportés chez des patients qui avaient reçu le dabigatran aurait reflété une plus grande probabilité de déclarer un événement hémorragique chez un patient recevant le dabigatran comparativement à un patient recevant de la warfarine. Cette tendance serait entraînée par une sensibilisation accrue en raison du nombre de rapports de cas publiés sur la sécurité d’emploi et des communications des autorités de réglementation en dehors des États-Unis (Japon, Australie par exemple) et par le fait que le dabigatran était nouveau sur le marché. Il est logique de penser que des publications sur un événement indésirable ou qu’une activité judiciaire portant sur un médicament puissent augmenter les taux de déclaration. Enfin, les produits récemment commercialisés, en vertu de leur seule nouveauté, peuvent susciter beaucoup de déclarations d’événements indésirables, les taux de déclaration ayant tendance à diminuer avec le temps (effet Weber) [3]. Ainsi, la warfarine, ayant été commercialisée depuis près de 60 ans et bien connue pour causer des saignements, serait beaucoup moins sujette à des rapports d’événements indésirables que ne le ferait un nouveau médicament à un risque similaire. Mini-Sentinel de la FDA En décembre 2013, bien que les experts de la FDA pensaient qu’il était fort probable que le nombre étonnamment élevé de rapports de saignements associés au dabigatran ait été le résultat de ces facteurs de nouveauté, ils ont fait paraitre une communication pour relayer l'information sur le risque de saignements pour les praticiens et les patients. De toute évidence, la mission de la FDA de fournir une pharmacovigilance efficace se devait d’être étayée par la compréhension de l’ensemble des facteurs, dont beaucoup peuvent être sans rapport avec la pharmacologie en soi, mais néanmoins influer sur le nombre des rapports de pharmacovigilance indiquant la survenue d’événements indésirables. Dans le cas du dabigatran, ils ont cherché à déterminer si le grand nombre de déclarations de survenue de saignement était révélateur d'une véritable augmentation du risque de saignements par rapport à la warfarine dans le cadre de commercialisation. Ils ont comparé les taux de saignements liés au dabigatran et à la warfarine en utilisant des données d'assurance-sinistres et les données administratives de la base de données Mini-Sentinel de la FDA, un programme pilote de la Senti- LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? Mise au point thérapeutique 31 LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? Mise au point thérapeutique 32 nel Initiative (http://mini-sentinel.org). Cette base de données permet d'estimer les taux d'incidence des diagnostics de saignements et l'utilisation des médicaments au sein de populations choisies. Ils ont questionné la base de données pour la période du 19 Octobre 2010 (la date d'approbation du dabigatran par la FDA) au 31 Décembre 2011, à partir des codes de diagnostic d'hospitalisation pour hémorragie intracrânienne et gastro-intestinaux associés à la nouvelle utilisation du dabigatran et la warfarine. Ils ont constaté que les taux de saignements associés à l'utilisation de dabigatran pendant la période d'intérêt ne semblaient pas être supérieurs à ceux associés à la warfarine. Certaines limites à l'analyse Mini-Sentinel ont été avancées, dont le manque d'ajustement pour les variables confondantes et l'absence d'enregistrement d'un examen médical détaillé (pour vérifier si le code de demande reflète l'occurrence d'un saignement actif ). Pour répondre à certaines de ces limitations, deux autres évaluations sont menées, dans lesquelles des ajustements seront effectués pour les facteurs confondants. Les auteurs pensent donc que le grand nombre de cas signalés de saignements associés au dabigatran fournit un exemple frappant de l'information stimulée. Dans ce cas, ces rapports ont fourni une estimation biaisée des taux comparatifs de saignements associés au dabigatran et à la warfarine dans la pratique clinique. L'évaluation Mini-Sentinel suggérant que les taux de saignements associés au dabigatran ne sont pas plus élevés que ceux avec la warfarine, donne un résultat conforme à ceux de l'étude pivot RE-LY [4]. Deux nouvelles études en date du 13 février 2014 Un nouveau point de vue sur ce problème de sécurité est apparu à la lumière de deux études, publiées récemment dans le Journal de l'American College of Cardiology, et de documents confidentiels d'entreprise non scellés, révélés par des patients en procès avec le laboratoire (www.nytimes.com/interactive/2014/02/05/ business/pradaxa-doc-viewer.html?). Ces études et documents ont montré qu’une posologie unique augmentait le risque de saignements majeurs chez de nombreux patients sans aucun gain en efficacité pour prévenir les AVC. La plus faible posologie (110 mg deux fois par jour) a une efficacité similaire à la plus forte, mais avec un risque de saignement inférieur. Les études ont également indiqué qu'il était connu que la stratégie à posologie unique a été extrêmement risquée en raison des variations des concentrations plasmatiques amples (5 fois) chez 80% des patients recevant cette posologie, avec encore de plus grandes différences chez les sujets très âgés. Une polémique concernant la FDA a été soulevée sachant que si les résultats de cette analyse viennent d'être publiés, les données avaient été recueillies lors de l’étude pivot initiale réalisée en 2009, donc avant l'approbation de la FDA, et étaient de ce fait disponibles pour l'agence au cours du processus d'examen. Par ailleurs, des chercheurs de l'Institute Safe medication Practices (ISMP), de l'université d'Ottawa, ont examiné les documents non scellés et mis à la disposition du public par la justice. Ils ont déploré le fait que le test permettant de déterminer les concentrations plasmatiques de dabigatran n’est pas disponible aux États-Unis. Ce test, Hemoclot®, est disponible en Europe, en Australie et au Canada ; aux USA, il l’est uniquement à des fins de recherche [5]. Compte tenu de la publication récente de ces données de concentrations plasmatiques, ce test a maintenant plus de valeur, car il peut identifier les 10% de patients avec des concentrations sanguines très élevées de dabigatran, même au-delà du facteur 5 de la plage de variation. Selon les auteurs canadiens, la FDA devrait envisager à la lumière de ces informations importantes sur le dabigatran de réévaluer le principe de recommandation d’une posologie unique valable pour tous, et de réévaluer le recours au test Hemoclot® [6, 7]. En mai 2014, Boehringer Ingelheim a déclaré être prêt à payer 650 millions de dollars, soit environ 470 millions d'euros, pour solder les plaintes aux Etats-Unis contre le produit. « Cet accord permet à Boehringer Ingelheim de se concentrer sur sa mission d'améliorer la vie des patients et d'éviter la distraction et l'incertitude générées par un long procès », explique, dans un communiqué, le laboratoire : 4000 plaintes environ ont été déposées. Le laboratoire a toutefois tenu a rappeler que « les bénéfices et la sécurité du dabigatran ont été confirmés dans de nombreux essais cliniques » et que la FDA a réaffirmé le rapport bénéfices-risques positif de ce traitement s'il est utilisé comme conseillé (Source : Legeneraliste.fr). CNCH - CARDIO H - N°29 En France En France, les nouveaux anticoagulants oraux sont “sous surveillance renforcée”. Selon le dernier communiqué de l’ANSM “L’ensemble des données disponibles, qui font l’objet d’une réactualisation régulière, ne met pas en évidence de risque hémorragique supérieur à celui des antivitamines K (warfarine). Il convient de rappeler que les hémorragies sont la complication la plus fréquente, inhérente au mode d’action, de toute molécule anticoagulante”. En France, des familles de personnes âgées décédées après avoir pris du dabigatran avaient déposé à l'automne 2013 une plainte, qui avait été classée sans suite en début 2014 par le parquet de Paris. Le 20 septembre 2013, un syndicat de jeunes biologistes écrit à la ministre de la santé pour l'alerter sur la dangerosité de ces médicaments. Contrairement aux Etats-Unis, les tests biologiques validés pour suivre la concentration sanguine du dabigatran chez les patients jugés plus à risque sont disponibles, en particulier en cas de complication hémorragique ou d’intervention urgente, et une posologie plus faible de ce médicament (110 mg deux fois par jour), de même que pour les autres AOD (15 mg par jour pour le rivaroxaban et 2,5 mg fois par jour pour l'apixaban)sont également proposées en France. Actuellement, l’hémostase chez les patients sous AOD est testée sporadiquement hors automates et seulement dans les CHU (réactifs Hyphen, par exemple) : le suivi ne peut donc pas se faire en routine. Les kits commerciaux en cours de développement devraient prendre le relais dans les prochains mois. Il en va de même pour les antidotes qui sont actuellement en développement : un antidote du côté de chez Boeringher-Ingelheim, ainsi que des études en phase 2 sur une molécule appelée andrexanet alpha (Portola Therapeutics). En France, les avis de la commission de transparence concernant les AOD sont parus en 02/2012 pour le dabigatran, 04/2012 pour le rivaroxaban et 06/2013 pour l’apixaban. Depuis la mise à disposition du premier AOD, l’ANSM (antérieurement l’AFSSAPS) a fait paraître au moins sept documents : point info en 04/2012, rapport thématique en 07/2012, nouveau point info en 07/2013, Lettre de mise en garde (en association avec l’Assurance maladie CNCH - CARDIO H - N°29 et les laboratoires pharmaceutiques concernés) en 09/2013, Bulletin des vigilances en 01/2014, Actualisation du rapport thématique en 04/2014 et très récemment, en 07/2014, dans le cadre du plan d’actions mis en place par l’ANSM pour sécuriser l’utilisation des anticoagulants oraux, les résultats de deux études de pharmaco-épidémiologie menées par l’ANSM et la CNAMTS viennent d’être rendus publics. Ces deux études effectuées par l’ANSM (sur les changements des AVK vers les AOD) et par la CNAMTS (sur les AOD dans la « vie réelle ») ne montrent pas d’augmentation du risque d’événement hémorragique sévère avec les anticoagulants oraux directs comparés aux traitements de référence, les AVK. Les résultats de cette étude-ci, qui porte sur 71 589 patients, sont rassurants quant aux risques encourus par des patients sous AOD, tels qu’observés à court terme. Ils ne montrent pas d’excès de risques hémorragique ou thrombotique artériel chez les patients débutant un traitement par AOD (dabigatran et rivaroxaban) versus AVK dans les 90 premiers jours de traitement, et ce dans le contexte français de montée en charge de ces médicaments. Les résultats de cette étude de cohorte indiquent par ailleurs une prescription différente en termes de dosages selon les caractéristiques des patients, et notamment leur risque hémorragique de base. Ainsi, les patients débutant un traitement par une faible posologie d’AOD sont plus âgés (> 80 ans) et globalement plus à risques (hémorragique ou thrombotique artériel) que ceux débutant leur traitement avec la plus forte posologie. Par ailleurs, selon les résultats de la deuxième étude, le passage d’un traitement par AVK à celui par AOD n’augmente pas le risque hémorragique sévère. Il n’est pas non plus montré d’augmentation du risque d’AVC ischémique, embolie systémique ou infarctus du myocarde avec les AOD comparés aux AVK. Ces études portent sur une très courte période de suivi et la surveillance renforcée doit être poursuivie. Comme le précise encore le communiqué de l’ANSM : « Ces études en vie réelle, dont les résultats sont cohérents avec les publications internationales récentes constituent la première contribution française sur l’existence ou non d’un sur-risque hémorragique sous AOD versus AVK. Toutefois, il est important de souligner qu’elles ne permettent pas de conclure aujourd’hui positivement ou négativement dans le cadre d’un usage prolongé de ces traitements. En effet, ces études portent sur une période très courte, de 3 à LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? Mise au point thérapeutique 33 LA RECHERCHE MÉDICALE DANS LES HÔPITAUX PUBLICS. QUELS ENJEUX ? QUELS OBJECTIFS ? QUELLES SOLUTIONS ? Mise au point thérapeutique 34 4 mois de suivi, et sont à prendre avec précaution en raison du nombre d’événements relativement faible. » L’HAS n’est pas en reste dans cette surveillance renforcée, avec outre les publications des avis de transparence des trois AOD, des points info, des communiqués de presse, un BUM (Fiche de bon usage du médicament) et en 02/2014 un guide très détaillé de parcours de soin sur la FA. Rappelons qu’au niveau européen, a été mis en place un Programme de gestion des risques avec un suivi renforcé de pharmacovigilance. Références 1. Ruff, C.T., et al., Comparison of the efficacy and safety of new oral anticoagulants with warfarin in patients with atrial fibrillation: a metaanalysis of randomised trials. Lancet, 2014. 383(9921): p. 955-62. 2. Beasley, B.N., E.F. Unger, and R. Temple, Anticoagulant options--why the FDA approved a higher but not a lower dose of dabigatran. N Engl J Med, 2011. 364(19): p. 1788-90. 3. Weber, P., Serious adverse gastrointestinal reactions to non-steroidal anti-inflammatory drugs. Br Med J (Clin Res Ed), 1986. 293(6539): p. 136. 4. Southworth, M.R., M.E. Reichman, and E.F. Unger, Dabigatran and postmarketing reports of bleeding. N Engl J Med, 2013. 368(14): p. 1272-4. 5. Stangier, J. and M. Feuring, Using the HEMOCLOT direct thrombin inhibitor assay to determine plasma concentrations of dabigatran. Blood Coagul Fibrinolysis, 2012. 23(2): p. 13843. 6. Eikelboom, J.W., et al., Balancing the benefits and risks of 2 doses of dabigatran compared with warfarin in atrial fibrillation. J Am Coll Cardiol, 2013. 62(10): p. 900-8. 7. Reilly, P.A., et al., The effect of dabigatran plasma concentrations and patient characteristics on the frequency of ischemic stroke and major bleeding in atrial fibrillation patients: the RE-LY Trial (Randomized Evaluation of LongTerm Anticoagulation Therapy). J Am Coll Cardiol, 2014. 63(4): p. 321-8. CNCH - CARDIO H - N°29 Jean-Marie CLÉMENT Jean-Marie CLÉMENT (LEH Bordeaux) Pour compenser la perte de revenu que leur infligeait l’Ordonnance hospitalière du 30 décembre 1958 créant les CHU et corrélativement le plein temps des médecins hospitaliers, les pouvoirs publics ont accordé à ces médecins, le bénéfice d’une activité privée dans leur cadre hospitalier. Cette activité privée appelée alors secteur privé, après une furieuse controverse due à l’engagement du Président socialiste François MITTERRAND, fut supprimée en 1984 et réintroduite en 1987 sous la dénomination de secteur libéral. C’est donc sous ce vocable que bénéficient d’une clientèle privée, les praticiens plein temps qui le demandent et qui signent alors un contrat dit d’activité libérale avec le Directeur de l’établissement employeur (cf. Cyril CLEMENT le contrat d’activité libérale des praticiens hospitaliers LEH Editeurs Collection Essentiel 63 pages 2008). contrôle d’une Commission Locale voire d’une Commission Nationale si par exemple le montant des honoraires perçus était supérieur aux honoraires versés. 2. Comment la responsabilité personnelle du praticien hospitalier en activité libérale est-elle engagée ? Tout d’abord, le juge considère que la responsabilité soulevée, par les actes accomplis par les praticiens en secteur libéral, relève de la juridiction judiciaire (Tribunal des Conflits – Conflit négatif d’attribution, CH de Voiron 31 Mars 2008 n° 3616 – Fiche de la Jurisprudence Hospitalière n° 75 – Octobre 2008). Encore fautil que le patient ait signé une lettre manifestant sa volonté à être soigné en secteur libéral. Ce document est indispensable sinon le praticien hospitalier est considéré comme n’exerçant pas, pour ce cas, en activité libérale et théori1. En tant que bénéficiant d’une activité li- quement devra reverser à l’établissement la bérale, les praticiens hospitaliers concernés totalité de ce qu’il a perçu par le malade. ont-ils les mêmes obligations qu’un médeEn conséquence, un établissement public de cin en cabinet de ville ? Oui, à l’exception de l’installation, c’est-à-dire santé n’est pas responsable de l’erreur médide la location des locaux puisque c’est l’hôpi- cale d’un praticien hospitalier exerçant en tal qui offre locaux et secrétariat en contrepar- secteur libéral (Cour administrative d’appel de tie d’une redevance fixée par décret pour un Lyon Hospices Civils de Lyon c/ consorts PACquantum de temps (20% du temps hospitalier). COUD 22 Janvier 2008 n° 04LY01.430 – Fiche de Comme en pratique libérale stricto sensu le la Jurisprudence Hospitalière n°57 Juin 2008 et praticien plein temps en secteur libéral doit Cour Administrative d’Appel de Nantes Claude déclarer son activité à la Caisse Primaire D’as- GARREC c/ Centre Hospitalier de Brest 20 nosurance Maladie de son lieu d’exercice, il doit vembre 2012 n° 11 NT 00.734 et 11 NT 00.869 également informer le Conseil Départemental – Fiche de la Jurisprudence Hospitalière n°50 de l’Ordre des Médecins en lui adressant la co- Mai 2013). pie de son contrat d’activité libérale signé avec le Directeur de l’Hôpital et, surtout doit sous- 3. Dans quel cas la responsabilité du praticrire une assurance responsabilité civile. Bien cien hospitalier en secteur libéral est-elle évidemment, il convient qu’il en informe les engagée ? services fiscaux pour que ses revenus libéraux Dans tous les cas où les actes du praticien hossoient déclarés en sus de sa déclaration des pitalier ont été pratiqués en secteur libéral. Ainsi la Cour d’Appel d’Aix en Provence retint la revenus de praticien hospitalier. faute du médecin en activité libérale qui avait Enfin, les différents aspects de l’activité libé- perforé l’intestin d’une patiente à l’occasion rale d’un praticien hospitalier sont soumis au d’une coloscopie et qui avait négligé d’inforCNCH - CARDIO H - N°29 Chronique juridique La responsabilité des praticiens hospitaliers plein temps dans l’exercice de leur secteur libéral LA RESPONSABILITÉ DES PRATICIENS HOSPITALIERS PLEIN TEMPS DANS L’EXERCICE DE LEUR SECTEUR LIBÉRAL Chronique juridique 35 Chronique juridique mer ladite patiente sur les risques de cet acte : une double faute a donc été commise engageant la responsabilité civile du praticien hospitalier en activité libérale (Cour d’Appel d’Aix en Provence 15 Mars 2007 Jurisdata n°339.649) 4. N’y a-t-il pas des cas où même en activité libérale, la responsabilité de l’hôpital est engagée ? Bien sûr, le chirurgien par exemple n’opère pas seul, même en secteur libéral, il est aidé par un anesthésiste qui n’a pas forcément opté pour le secteur libéral et il opère dans le cadre d’un bon fonctionnement d’une équipe hospitalière de paramédicaux dans des locaux hospitaliers publics. Dans un arrêt du 19 février 1990 le Tribunal des Conflits a jugé que la faute commise par un médecin anesthésiste exerçant dans le cadre d’une opération effectuée par un chirurgien hospitalier alors en secteur libéral, relevait de la responsabilité hospitalière des agents publics. Autrement dit, la faute de cet anesthésiste, comme toutes celles commises par des salariés hospitaliers est prise en charge par l’assurance de l’hôpital. De même dans le cadre d’une infection nosocomiale, si celle-ci relève de la mauvaise désinfection de la salle d’opération ou des appareils affectés (Cour Administrative Appel de Paris 21 novembre 1997 CAMBRONNE n° 95 PA 03.986 – Fiche Jurisprudence Hospitalière 1998 n° 26). Le praticien hospitalier en secteur libéral n’encourt donc aucune responsabilité du fait d’autrui. 5. Quels sont les risques de responsabilité pénale en activité libérale ? On serait tenté de dire que les risques de responsabilité pénale, c’est-à-dire pour les actes délictueux, sont les mêmes qu’en activité de praticien hospitalier salarié. Rappelons en effet 36 que la responsabilité pénale est individuelle et ne peut être couverte soit par la responsabilité hospitalière, soit par une assurance privée de responsabilité civile. On ne peut pas s’assurer contre le risque pénal qui est un risque personnel délictueux. Cependant dans le cadre de l’activité libérale, il y a le risque d’escroquerie qui n’est pas négligeable, ce délit a été retenu à plusieurs reprises par le juge pénal en cas de violation d’un contrat d’autorisation d’exercice libéral par un praticien hospitalier. Dans une affaire jugée par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, un praticien a été condamné du fait d’avoir multiplié les agissements frauduleux pour ne pas payer à l’hôpital la redevance dont la Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel à l’origine de la condamnation, avait retenu contre le médecin qui : « avait trompé le Centre hospitalier et la Caisse d’Assurance Maladie en facturant des consultations privées à des patients qui avaient émis le souhait d’être reçus en consultation publique, qu’il avait également réalisé des visites à domicile, établit des attestations contenant des informations de faits inexacts et antidaté des feuilles de soins ». Les juges du fond (Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel) avaient déclaré coupable d’escroquerie, le praticien et l’avaient condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois avec sursis, ainsi qu’à payer à l’établissement public de santé la somme de 11.956,52 € à titre de dommages et intérêts et, à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie les sommes de 41.474,36 € à titre de préjudice financier et 3.050 € à titre de dommages et intérêts. Le praticien s’étant pourvu en cassation, la Chambre Criminelle rejeta son pourvoi (Cassation – Criminelle – 3 juin 1999 n° 98.81.267) (cf Cyril CLEMENT ouvrage cité ci-dessus pages 56 et 57). CNCH - CARDIO H - N°29 PH : temps de travail et rémunération Extrait du BJPH 15 septembre 2012 L’arrêté du 30 avril 2003, modifié, relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, complété par la circulaire n° 2003-219, du 6 mai 2003, relative aux modalités d’organisation de la permanence des soins, indique dans son article 2 que « les activités médicales et pharmaceutiques sont organisées [...] par dérogation en heures dans des structures à temps médical continu [...] », notamment pour les activités d’anesthésie-réanimation ou celles d’accueil et de traitement des urgences. « Dans cette organisation, les activités sont assurées indifféremment le jour et la nuit, conformément au tableau de service. » Ainsi, par dérogation, le service quotidien de jour et la permanence sur place peuvent être organisés en temps médical continu pour ces activités. A défaut, il convient que soit retenue une organisation sous forme de service quotidien complété d’une permanence sur place, voire d’une demi-permanence sur place suivie d’une demiastreinte pour la seconde partie de nuit. Un praticien à temps plein exerçant une activité en service continu est réputé avoir accompli ses obligations de service s’il a réalisé la durée de travail prévue au tableau de service mensuel nominatif, dans la limite de quarante-huit heures par semaine en moyenne sur une période de quatre mois. Un tableau de service général est arrêté annuellement par le directeur après avis de la commission médicale d’établissement. Ce tableau définit, pour chaque activité, la durée de la période de jour et de la période de nuit, chacune d’elle ne pouvant dépasser quatorze heures d’amplitude. CNCH - CARDIO H - N°29 La période de jour est divisée en deux demipériodes : une le matin, une l’après-midi. La période de nuit est divisée en deux demi-périodes. Le tableau de service général doit permettre de définir l’organisation annuelle prévisionnelle des activités et le besoin de temps de présence médicale par demi-période pour chaque structure, service ou département. Il doit tenir compte des variations de l’activité au cours de l’année. A partir du besoin de temps médical identifié par le tableau général de service, un tableau mensuel nominatif prévisionnel doit être arrêté par le directeur sur proposition du responsable de la structure. Il doit mentionner la présence, de jour et de nuit, de l’ensemble des praticiens qui y sont rattachés. Doivent également y figurer les activités comptabilisées dans les obligations de service telles que l’activité d’intérêt général et l’activité libérale, les astreintes à domicile, les congés régulièrement accordés ainsi que les absences autorisées. Que l’activité du praticien s’effectue dans le cadre de ses obligations de service ou audelà, dans le cadre du temps de travail additionnel, ce tableau mensuel prévisionnel doit tenir compte du repos quotidien prévu pour les praticiens. A la fin de chaque période mensuelle, le tableau prévisionnel est réajusté en fonction de la présence effective et des absences constatées pour chaque praticien. Le versement de la rémunération statutaire et des différentes indemnités est donc bien conditionné par la constatation du service fait sur la base du tableau réajusté. L’arrêté du 30 avril 2003 modifié fixe les modalités et les montants de l’indemnisation de la permanence des soins. Source : JO, AN, Q. n° 11, 13 mars 2012, p. 2330-2331. LA RESPONSABILITÉ DES PRATICIENS HOSPITALIERS PLEIN TEMPS DANS L’EXERCICE DE LEUR SECTEUR LIBÉRAL Chronique juridique 37 APPAC 2014 Histoire de MIMI APPAC 2014 Compte rendu de Congrès R. HAKIM, G. RANGE, F. ALBERT (CHG Louis Pasteur, Chartres) 1- Introduction L’angioplastie primaire avec stenting immédiat est le traitement actuel de référence du syndrome coronarien aigu avec sus-décalage persistant du segment ST. L’objectif de l’angioplastie primaire est triple : accélérer la reperfusion, diminuer la charge thrombotique et stabiliser la lésion coupable1. L’implantation d’un stent dans un environnement thrombotique peut compromettre le flux coronaire par des phénomènes d’emboles dis- Figure 1 : A : Occlusion de l’IVA ostiale avec thrombus visible le tronc commun. B : Résultat final après thrombo-astaux et de no-reflow2-4. Ces derniers sont asso- dans pirations répétées. ciés à une taille d’infarctus plus grande, une fraction d’éjection du ventricule gauche plus basse et augmentation de la mortalité5. Une solution possible pour éviter ces phénomènes pourrait être de différer l’implantation du stent chez les patients reperfusés avec succès. 2- Cas clinique Cas 1 Il s’agit d’un jeune homme de 29 ans reçu aux urgences à la 4ème heure d’un infarctus antérieur. Il a comme facteurs de risque cardio-vasculaires un tabagisme, une consommation de cannabis et une hérédité coronarienne. Le traitement anti-thrombotique administré est le suivant : Aspirine 250 mg IV, Prasugrel 60 mg et Héparine non fractionnée 5000 UI. La coronarographie réalisée en urgence (par voie radiale initialement puis fémorale en raison d’un spasme très important) montre une occlusion de l’inter ventriculaire antérieure (IVA) au ras du tronc commun avec un thrombus visible dans ce dernier (figure 1A). Le reste du réseau coronaire est sain. Un double bolus d’Eptifibatide suivi d’une perfusion continue est administré. Après passage d’un guide dans l’IVA, nous réalisons une dizaine de passages de thrombo-aspiration permettant de récupérer un flux TIMI 3 avec une artère très spastique nécessitant l’injection de dérivés nitrés. La figure 1B montre le résultat final. Figure 2 : Contrôle coronarographique objectivant une IVA toujours perméable, flux TIMI 3. Lésion intermédiaire angiographique de l’IVA ostiale. Figure 3 : OCT objectivant une minime plaque d’athérome sans rupture décelable et la disparition du thrombus. A : partie distale de l’IVA proximale. B : IVA ostiale. tie proximale est le siège d’une lésion intermédiaire angiographique (figure 2). L’OCT quant à elle montre une plaque d’athérome minime sans rupture décelable et il n’y a plus de thrombus visible (figure 3). Il est donc décidé de ne La perfusion d’Eptifibatide est maintenue pas implanter de stent. pendant 48 heures et le contrôle coronarographique (à 48 heures) montre que l’artère est L’évolution se fera malheureusement sans rétoujours perméable avec un flux TIMI 3. Sa par- cupération myocardique. La fraction d’éjection 38 CNCH - CARDIO H - N°29 APPAC 2014 du ventricule gauche reste stable à 35% et l’IRM (J15) objective une séquelle de nécrose antérosepto-apicale étendue transmurale sans viabilité résiduelle. Cas 2 Un jeune homme de 23 ans, étudiant en pharmacie, sans aucun facteur de risque cardio-vasculaire connu, nous est adressé d’un hôpital périphérique pour un infarctus antérieur. Il a reçu 500 mg d’aspirine, 300 mg de clopidogrel et 5000 UI d’héparine. La coronarographie réalisée dès son arrivée à H8 objective une occlusion thrombotique de l’IVA proximale (figure 4A). Il est alors réalisé une thrombectomie (7 passages du cathéter de thrombo-aspiration) et une angioplastie au ballon (à faible pression) de l’IVA et de la 2ème diagonale permettant de récupérer un flux TIMI 3. En fin de procédure, l’artère reste spastique malgré l’administration de nitrés (figure 4B). Figure 4 : A : Occlusion de l’IVA proximale. B : Résultat final après thrombo-aspirations, angioplastie au ballon et injection de nitrés. est poursuivi pendant 48 heures. Le clopidogrel a été remplacé par du ticagrelor. Au contrôle coronarographique réalisé à J3, l’artère est toujours perméable et a retrouvé son calibre normal. L’OCT objective la persistance de thrombus (figure 5). Il est décidé de ne pas implanter de stent. L’IRM réalisée à J3 ne retrouve pas de viabilité résiduelle. La FEVG est calculée à 30%. Un nouveau contrôle coronarographique réalisé à 2 mois montre une IVA angiographiquement normale en dehors d’une lésion de la partie proximale jugée non significative. Le patient bénéficiera 3 mois plus tard d’un défibrillateur automatique implantable. Plus d’un an plus tard, la FEVG reste stable aux alentours Figure 6 : Contrôle coronarographique à 2 mois. Lésion non de 35%. significative de l’IVA proximale. APPAC 2014 Figure 5 : A : Contrôle coronarographique à J3 montrant une IVA de calibre normal. B : OCT montrant la persistance L’eptifibatide débuté en salle de cathétérisme de thrombus dans l’IVA proximale. 3- Discussion Nos deux patients sont jeunes et avec une charge thrombotique importante. La stratégie MIMI adoptée chez eux s’est finalement soldée par un traitement médical sans stent mais n’a malheureusement pas permis une récupération myocardique. Tableau 1: Avantages et inconvénients potentiels du stenting différé Les données actuelles sur l’implantation différée du stent dans l’infarctus sont contradictoires. La stratégie dite MIMI (Minimalist Immediate Mechanical Intervention) pourrait avoir quelques avantages potentiels mais également des inconvénients (tableau 1). CNCH - CARDIO H - N°29 La méta-analyse de Freixa6 regroupant cinq études non randomisées et une seule étude randomisée ne montre pas de différence sur les évènements angiographiques (embolisations distales, no-reflow) entre les stratégies de sten- 39 APPAC 2014 ting immédiat et différé. Cependant, quand on ne considère que les études non randomisées, il y a un bénéfice en faveur de la stratégie différée. Il faut noter que la seule étude randomisée de cette méta-analyse avait inclus aussi bien des STEMI que des NSTEMI. Quant aux hémorragies majeures et aux MACE (décès, infarctus, revascularisation, insuffisance cardiaque selon les études), on ne note pas de différence significative entre les deux stratégies. Aucune réocclusion n’est survenue entre les deux procédures dans le groupe stenting différé. APPAC 2014 Dans l’étude MIMI présentée par Loïc Belle l’an dernier au congrès de l’ESC7, la stratégie MIMI n’a pas permis de diminuer l’obstruction microvasculaire évaluée par l’IRM. Cependant, cette étude montre que cette stratégie est une alternative sûre (pas de décès ni de réocclusions, ni d’AVC) au stenting immédiat. 6% des patients n’ont finalement pas eu besoin d’un stent. 40 Par contre, l’étude Ecossaise DEFER STEMI8 regroupant 101 patients montre que la stratégie stenting différé réduit le no-reflow et la taille de l’infarctus. 4- Conclusion La stratégie MIMI est une alternative sûre au stenting immédiat chez les patients présentant un infarctus avec sus-décalage du segment ST surtout si la charge thrombotique est importante. Le délai optimal pour la seconde procédure reste inconnu mais pourrait être plus long que celui des études pré-citées pour permettre la disparition du thrombus. Le registre SUPER MIMI en cours pourrait permettre d’apporter des éléments de réponse à cette question. Bibliographie 1-Jolicoeur E.M. et al. From primary to secondary percutaneous coronary intervention : the emerging concept of early mechanical reperfusion with delayed facilitated stenting – when earlier maynot be better. Canadian Journal of Cardiology. 2011 ;27 :529-33. 2- De Luca G et al. Adjunctive manual thrombectomy improves myocardial perfusion and mortality in patients undergoing primary percutane- ous coronary intervention for ST-elevation myocardial infarction: a meta-analysis of randomized trials. Eur Heart J. 2008; 29: 300210. 3-Lemesle G et al. Impact of thrombus aspiration use and direct stenting on final myocardial blush score in patients presenting with ST-elevation myocardial infarction. Cardiovasc Revasc Med. 2010; 11: 149-54. 4-Jaffe R et al. Prevention and treatment of microvascular obstruction-related myocardial injury and coronary no-reflow following percutaneous coronary intervention: a systematic approach. JACC Cardiovasc Interv. 2010; 3: 695704. 5-Henriques JP et al. Incidence and clinical significance of distal embolization during primary angioplasty for acute myocardial infarction. Eur Heart J. 2002; 23: 1112-7. 6-Freixa X. et al. Immediate vs. Delayed stenting in acute myocardial infarction : a systematic review and meta-analysis. Eurointervention. 2013 ; 8 : 1207-16. 7-Belle L. ESC congress 2013. 8-Carrick D. et al. A randomized trial of deferred stenting versus immediate stenting to prevent no- or slow-reflow in acute ST-segment elevation myocardial infarction (DEFER STEMI). JACC 2014 ; 63 : 2088-98. CNCH - CARDIO H - N°29 APPAC 2014 Perspectives du Drug Eluting Balloon Le Drug Eluting Balloon (DEB) est un ballonnet d’angioplastie recouvert de paclitaxel. Il peut être déployé directement dans un vaisseau, ou encore à l’intérieur d’un stent, qu’il soit nu ou actif. Le but est alors de déposer le paclitaxel dans le vaisseau. Lors du dernier congrès de l’APPAC, du 4 au 6 juin 2014, une mise au point sur son utilisation actuelle et les perspectives attendues dans ce domaine a été proposée par quatre de nos confrères. Utilisation actuelle du DEB (Mathieu GODIN, Rouen) Dans les lésions de novo, le DEB obtient un résultat immédiat et à long terme acceptable, toutefois inférieur à un stent actif au paclitaxel (late loss de 0.11 à 0.30 mm selon les études), et avec un taux de bail out vers un stent lors de la procédure initiale de 7 à 36%. Dans la resténose intra stent nu (BMS), l’étude PEPCAD II-ISR d’abord1, puis les suivantes, regroupées dans une méta-analyse2, montrent une réduction de 50% du taux de MACE avec le DEB par rapport au stent actif. Damien BROUCQSAULT Apport de l’OCT dans l’utilisation du DEB (Nicolas AMABILE, Institut Montsouris-Paris) Un homme de 73 ans, aux antécédents d’infarctus inférieur traité par angioplastie avec stent de nature non connue en D2 5 ans auparavant, consulte en 2010 pour angor stable. La coronarographie montre une resténose de 70% par prolifération néo intimale, traitée à son tour par stent actif au sirolimus. La scintigraphie en 2012 est normale. En 2013 il est hospitalisé pour angor instable, en rapport avec une resténose très sévère dans le stent actif. L’OCT nous apprend que la resténose est liée à la formation de néo athérome (phénomène décrit récemment grâce à l’OCT, pouvant également favoriser les thromboses de stent, notamment dans les stents actifs), et qu’il existe en amont des mailles non couvertes associées à des invaginations entre ces mêmes mailles, liées à la présence du polymère, qui ont du favoriser la resténose. La resténose est donc traitée par un DEB, avec un bon résultat immédiat. APPAC 2014 Damien BROUCQSAULT (Arras) Pour ce qui est de la resténose intra-stent actif, les études Pepper et ISAR-DESIRE III3,4 comparent le DEB à un stent actif au paclitaxel. Les 2 stratégies font jeu égal en terme de resténose, thrombose, revascularisation, mais la durée plus faible de DAAP avec le DEB semble lui donner un avantage en terme de risque hémorragique. Le futur proche de ce matériel semble se situer dans l’utilisation dans les lésions de bifurcations, et chez les patients à haut risque hémorragique (cf infra). CNCH - CARDIO H - N°29 41 APPAC 2014 APPAC 2014 branche fille par kissing ballon (inflation simultanée de deux ballons, l’un dans le stent, l’autre ouvrant les mailles sur l’ostium de la branche fille). On ne mettra un stent sur cet ostium que si le résultat du kissing est insuffisant (sténose très serrée résiduelle, dissection, occlusion). Malgré l’utilisation quasi-systématique de stents actifs dans cette indication, on observe des resténoses fréquentes, notamment sur l’ostium de la branche fille (de 12 à 20%)5. Ce phénomène s’explique, outre du fait des contraintes hémodynamiques sur une bifurcation, par l’absence de couverture de l’ostium Le contrôle à 4 mois confirme l’absence de réci- par le stent, donc absence d’action mécanique, dive, et une nouvelle étude OCT nous montre mais également absence de polymère et de même une plus grande lumière interne, par drogue déposée à ce niveau. inhibition persistante de la prolifération cellulaire. 42 L’intérêt du DEB est donc de déposer du paclitaxel sur l’ostium de la branche fille, sans rajouter de métal (on sait le plus haut risque de resténose et de thrombose avec les techniques à 2 stents sur les bifurcations). On espère ainsi limiter les resténoses sur ce site. Plusieurs études se sont intéressées à l’intérêt d’une prédilatation au DEB, dans la branche mère et/ou la branche fille, avant mise en place d’un stent nu selon la technique du PTS. Les bras comparatifs comportaient soient un stent nu sans prédilatation au DEB, soit un stent actif. Elles montrent une tendance à la diminution des resténoses dans la branche fille avec cette technique, par contre l’intérêt d’utiliser un DEB dans la branche mère ne semble pas évident. Les faibles effectifs rendent difficile l’interprétation des résultats. L’une d’elle confirme toutefois la diminution de moitié des resténoses dans la branche fille avec le DEB, y compris lorsqu’on a L’étude des resténoses en OCT permet donc de utilisé un stent actif dans la branche mère. mieux appréhender les différents mécanismes en cause. La présence dans le même stent de La technique retenue à Versailles est un direct néo athérome et d’invaginations entre les stenting dans la branche mère, de préférence mailles est très inhabituelle, et a orienté la prise avec un stent actif, kissing ballon, puis DEB dans en charge préférentiellement par un DEB. la branche fille. On l’illustre par le cas d’une patiente de 86 ans, coronarienne connue, avec Apport du DEB dans l’angioplastie des lé- troubles cognitifs modérés, hospitalisée pour sions de bifurcation (Géraldine GIBAULT- SCA avec ascension de troponine. La coronaroGENTY, Le Chesnay) graphie montre une occlusion ancienne de coLe gold standard actuel dans l’angioplastie ronaire droite, une sténose serrée du tronc disdes lésions de bifurcation reste le Provision- tal (fig 1) englobant les ostia d’IVA et bissectrice nal T Stenting (PTS), qui consiste à mettre un (bifurcation de type Medina 1-1-1). Le Syntax seul stent, dans la branche mère, à cheval sur score est à 46, soit une angioplastie très comla bifurcation. Les mailles sont ouvertes vers la plexe. La patiente est récusée pour un prise en CNCH - CARDIO H - N°29 APPAC 2014 Intérêt du DEB chez les patients à risque héFigure 1 morragique (Damien BROUCQSAULT, Arras) Ce topo est illustré par le cas d’un patient de 59 ans ayant eu un stent actif Taxus en D2 pour infarctus en 2009. Il sera ensuite anti-coagulé pour découverte d’une fibrillation auriculaire, puis aura 1 an plus tard un contrôle coronarographique pour récidive d’angor. Cet examen montre une resténose intra-stent focale, sans autre lésion. Comment l’aborder ? Les recommandations européennes6 nous pré- Figure 2 cisent qu’il est souhaitable d’utiliser un stent actif (DES) en première intention pour toute angioplastie de lésion de novo. Toutefois, cela nécessite de maintenir le double anti agrégation plaquettaire (DAAP) de manière prolongée, en général 6 à 12 mois, VS 1 mois avec un stent nu (BMS). APPAC 2014 charge chirurgicale. Elle fait l’objet d’un direct stenting sur tronc commun et IVA proximale (fig 2), impaction du stent dans le tronc par POT (Proximale Optimization Therapy) qui consiste à post-dilater le stent en amont de la bifurcation par un ballon plus gros, adapté au calibre du vaisseau d’amont, puis kissing ballon IVAbissectrice (fig 3), et enfin utilisation d’un DEB sur l’ostium de la branche fille (fig 4). Le résultat angiographique immédiat est bon, le suivi est en cours, grâce notamment à un registre local. Chez les patients sous anti coagulants pour FA, la méta analyse de Karjalainen7 de 2007 nous rapporte des taux d’hémorragie majeure à 1 an de 6 à 11.8% lorsqu’on associe 2 ou 3 anti-thrombotiques, et à l’inverse 8.8% d’AVC lorsqu’on se passe des AVK, et 15.2% de throm- Figure 3 boses de stents sans clopidogrel. Il est donc déconseillé d’utiliser un DES chez les patients à risque d’interruption prématurée de la DAAP, notamment s’ils sont sous anti coagulants au long cours, ou en cas de geste invasif prévu prochainement (chirurgie, endoscopie, …). Par contre, nous ne disposons que de très peu de données en ce qui concerne les associations des nouvelles molécules que sont les inhibiteurs récents du P2Y12 (ticagrelor, prasugrel), ou encore les NACO. Ceci nous incite à encore plus de prudence dans l’utilisation des stents Figure 4 actifs. Le DEB a fait ses preuves dans la resténose in- au moins jeu égal avec les DES. En outre, il pertra-stent, qu’il soit nu ou actif, où il semble faire met de ramener la durée de DAAP entre 2 et 4 CNCH - CARDIO H - N°29 43 APPAC 2014 APPAC 2014 semaines. C’est d’ailleurs le choix qui sera fait chez notre patient, qui reste asymptomatique et avec une échographie de stress normale en 2014. On rappelle d’ailleurs qu’en aucun cas il ne s’agit d’un ballon d’angioplastie. La lésion sera d’abord dilatée à l’aide d’un ballon non-compliant (fig 5), on essaiera d’obtenir un résultat angiographique optimal (fig 6) avant de déposer le paclitaxel à l’aide du DEB, en débordant de 5 mm en amont et en aval de la portion à traiter (fig 7). La figure 8 nous montre le résultat final. L’étude PANELUX est en train d’inclure des patients avec angioplastie d’une lésion de-novo et nécessitant une interruption prématurée de la DAAP car sous anti-coagulants ou pour un geste invasif programmé. Il s’agit d’une étude de faisabilité, étudiant les évènements ischémiques et hémorragiques à 1 an, en utilisant un stent nu dans lequel on vient appliquer, lors de la même procédure, un DEB. Le but est de limiter le risque de resténose, tout en maintenant une faible durée de DAAP. Les résultats sont attendus pour 2015. Le DEB semble donc être une alternative intéressante aux stents actifs, notamment dans la resténose, dans les lésions de bifurcations (surtout sur la branche fille), et son utilisation pourrait être optimisée par l’OCT. Il semble également intéressant lorsqu’on souhaite diminuer la durée de DAAP chez des patients à risque hémorragique. Son utilisation pourrait s’élargir selon les résultats de l’étude PANELUX, à condition qu’il soit remboursé… 1- Paclitaxel-coated balloon catheter versus paclitaxel-coated stent for the treatment of coronary in-stent restenosis. Circulation. 2009;119(23):2986–2994 2- Drug-coated balloons in treatment of instent restenosis: a meta-analysis of randomised controlled trials. Clin Res Cardiol. Apr 2013; 102(4): 279–287. 3- Twelve-month results of a paclitaxel releasing balloon in patients presenting with instent restenosis First-in-Man (PEPPER) trial. Cardiovasc Revasc Med. 2012 Sep-Oct;13(5):260-4 4- Paclitaxel-eluting balloons, paclitaxel-eluting stents, and balloon angioplasty in patients with restenosis after implantation of a drug-eluting stent (ISAR-DESIRE 3): a randomised, open-label trial. Lancet. 2013 Feb 9;381(9865):461-7 5- Procedural and early clinical outcomes of patients with de novo coronary bifurcation lesions 44 Figure 5 Figure 6 Figure 7 Figure 8 treated with the novel Nile PAX dedicated bifurcation polymer-free paclitaxel coated stents: results from the prospective, multicentre, nonrandomised BIPAX clinical trial. EuroIntervention. 2012 Mar;7(11):1301-9 6- Guidelines on myocardial revascularization. Eur Heart J 2010;31:2501–2555 7- Karjalainen P P et al. Eur Heart J 2007;28:726732 CNCH - CARDIO H - N°29 APPAC 2014 Peut-on vivre avec des ventricules artificiels ? Pr Daniel DUVEAU Professeur émérite de l’Université de Nantes Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Daniel DUVEAU Lorsqu’ont été atteintes les limites de la chirurgie réparatrice, de la cardiologie interventionnelle, de la resynchronisation et des médicaments, le traitement de référence de l’insuffisance cardiaque terminale est indiscutablement la transplantation cardiaque. Mais celle-ci a de nombreuses limites : l’inadéquation irréductible entre le nombre de greffons disponibles et celui toujours croissant des receveurs potentiels ; le caractère aléatoire d’obtenir un greffon en urgence ; les nombreuses contreindications à la greffe ; et parfois la possibilité d’une récupération myocardique significative après mise au repos du cœur, évitant ainsi son remplacement. Toutes ces circonstances justifient le développement de « machines » destinées à suppléer un ou deux ventricules pour des durées variables. Nous verrons donc quels sont les dispositifs disponibles et quels sont les résultats en terme de survie mais aussi de qualité de vie. Figure 1 Incor*, ou MicroMed* - ou de pompes centrifuges très en vogue comme la Heartware*. (photo 1). Elles ont encore aujourd’hui la particularité de ne pas induire de débit pulsé (Réf 1). Des recherches complémentaires diront si cela peut avoir une incidence significative sur le long terme en terme de troubles de la coagulation ou de fréquence des hémorragies digestives. (Réf 2). APPAC 2014 Les dispositifs médicaux qui remplacent partiellement ou totalement le cœur natif font l’actualité des innovations tant dans le domaine spécialisé de la cardiologie qu’auprès du grand public. Ce qui justifie cette actualité c’est leur présence concrète et raisonnable au sein de l’arsenal thérapeutique de l’insuffisance cardiaque terminale. C’est ce que nous souhaitons démontrer objectivement dans cet article. Il n’en reste pas moins que dans 25 à 30% des cas une assistance bi-ventriculaire est nécessaire. Elle peut se faire avec 2 pompes pulsatiles paracorporelles (voire dans la paroi abdominale) type Thoratec*, mais l’énergie pneumatique, la dépendance d’une console portée sur un caddie, rendent cette solution peu conforLes différents matériels table et, de facto, de courte durée (quelques Une notion importante doit être rappelée : semaines à quelques mois). dans environ 70% des cas l’insuffisance cardiaque est due à une défaillance quasi exclu- Ce type d’insuffisance cardiaque est donc le sive - ou en tout cas prédominante - du cœur terrain d’élection d’un cœur artificiel total imgauche. Ceci explique le développement très plantable (on devrait dire « deux ventricules important des assistances uni-ventriculaires. implantables » car dans tous les cas les oreilLes pompes pulsées volumineuses, type lettes restent en place). Le plus connu, le plus Heartmate I* ou Novacor*, ont laissé la place ancien et le seul disponible sur le « marché » aux pompes axiales, beaucoup plus petites, et « remboursé » est le Syncardia*, alias Jarvik donc facilement implantables sans nécessiter C70 du nom de son concepteur, rebaptisé Carde « poche » abdominale ou thoracique, peu diowest* il y a quelques années. Implanté pour consommatrices d’énergie et donc assurant la première fois aux USA en 1982, suivi avec jusqu’à 8 à 12 heures d’autonomie . Il peut s’agir succès par une transplantation en 1984 et utide turbines - type Heartmate II*, Jarvik 2000*, lisé régulièrement en France depuis 1987-88 CNCH - CARDIO H - N°29 45 APPAC 2014 par deux équipes : La Pitié à Paris et Laënnec à Nantes. Bien que pneumatique, l’existence d’une console portable de quelques kg - la Freedom* - permet le retour à domicile du patient avec un confort tout à fait significatif. Aux USA, ce dispositif peut être utilisé en alternative à la transplantation dans des situations compassionnelles. Le cœur total bioprothétique français du Pr Carpentier, en cours d’évaluation clinique, est une véritable innovation et révolution technologique par rapport au précédent : c’est un cœur bioprothétique intelligent. « Bioprothétique » car les surfaces en contact avec le sang sont constituées de péricarde ou de PTFE* afin Figure 2 de minimiser les risques thrombo-emboliques, voire de supprimer tout traitement anti-coagulant. Les valves sont bien sûr les bioprothèses péricardiques développées par le Pr Carpentier. La « contraction » des deux ventricules est actionnée par des électro-pompes. « Intelligent » car auto-régulé grâce à de multiples capteurs qui mesurent les changements de position des membranes, l’état de pré-charge et de postcharge, pour définir le volume d’éjection et le rythme ; on peut aussi ajuster le rapport des débits VD/VG. (photos 2 et 3). Les résultats 1. En terme d’activité Juste quelques chiffres pour confirmer que ce n’est pas une activité anecdotique mais qui s’inscrit de plus en plus dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque terminale. Le système uni-ventriculaire type Heartmate II* a déjà été implanté plus de 1700 fois, plus de 300 malades ont été supportés au moins 5 ans. Le cœur total Syncardia* a été implanté chez plus de 1300 malades dont 100 pendant plus de 1 an ; Ce relatif petit nombre s’explique par le fait que ce cœur est à présent utilisé essentiellement en « pont » à la transplantation , alors que les pompes axiales sont de plus en plus utilisées en alternative à la transplantation. 2. En terme de survie Il y a plus de 10 ans l’étude REMATCH (réf 3) avait bien démontré la supériorité de l’assistance circulatoire par rapport au traitement médical : 52% de survie à 1 an dans le groupe assisté versus 25% dans le groupe médical. Encore fautil rappeler que le dispositif utilisé dans cette étude (HM I*) était loin des performances et du confort des mono-pompes actuelles. Les résultats actuels montrent environ 85% de survie à 1 an avec ces machines de dernière génération. 46 Figure 3 3. En terme de complications Les plus significatives sont l’infection et les accidents thrombo-emboliques et hémorragiques. Les problèmes infectieux sont essentiellement liés à la présence d’un câble transcutané pour relier la pompe à sa source d’énergie et à l’ordinateur de gestion et de contrôle. L’émergence de cette ligne au niveau occipital n’a pas complètement éliminé ce risque. La fréquence de cette complication croit avec la durée d’assistance ; son taux moyen est de 0.3 à 0.5 par ptannée. Quant aux évènements hémorragiques et thrombo-emboliques leur taux est respectivement de 0.3 à 0.4 par pt-année et 0.2 à 0.3 par pt-année. La prescription concommitante d’AVK et d’anti-aggrégant explique en partie cela ; le syndrôme de Willebrand et la survenue de malformations artério-veineuses gastro-intestinales seraient favorisées par un débit non pulsé. (Réf 4). 4. En terme de qualité de vie Ces dispositifs entrainent peu de limitation dans la vie courante ; seul les bains sont contreindiqués ; certains patients ont pu reprendre une activité professionnelle. Tous les examens médicaux sont autorisés sauf l’IRM, la radiothérapie et le caisson hyberbare. Toutefois CNCH - CARDIO H - N°29 APPAC 2014 5. En terme de coût Cette même étude a montré que, grâce au retour à domicile qu’octroit ces dispositifs, le coût pour la santé reste raisonnable même s’il peut paraître élévé. Il doit d’ailleurs être comparé à certaines prises en charge chroniques (dialyse, chimiothérapie…). Si le coût des dispositifs est élevé (85000 € par ventricule en moyenne) il s’approche du coût d’une transplantation et de son suivi. Le coût à domicile (tous soins et suivis inclus y compris les transports) pour un patient équipé d’une assistance mono-ventriculaire est évalué à 50€ par jour. Conclusion Ces constations, fruits d’une longue expérience dans une équipe médico-chirurgicale de prise en charge de l’insuffisance cardiaque terminale, fruits également des données de la littérature, démontrent l’efficacité et la fiabilité de l’assistance circulatoire de longue durée. C’est une alternative performante et raisonnable aux hospitalisations itératives pour poussées de décompensation. Cela permet d’attendre avec une bonne sécurité, un confort appréciable, le cœur le mieux adapté ; cela donne une espérance de vie de qualité de plus de 5 ans à des CNCH - CARDIO H - N°29 malades en insuffisance cardiaque terminale à qui la transplantation cardiaque ne peut être proposée. La qualité de vie passe par la création ou le développement d’une médecine d’accompagnement de haut niveau : prise en charge à domicile, télétransmissions, soutien psychologique etc… qui diminueront le nombre des séjours hospitaliers pour simple suivi ou complications. Ces ventricules artificiels , uniques ou doubles, ne doivent plus être le dispositif de dernier recours devant un malade dépassé, mais une étape thérapeutique à part entière, dont les résultats seront d’autant meilleurs et conforteront d’autant mieux les indications, que celles-ci ne seront pas trop tardives. Références 1. Slaughter MS, Rogers JG, Milano CA, et al. Advanced heart lailure treated with contunuousflow left ventricular assist device. N Engl J Med 2009 ; 361 : 2241-51. 2. Uriel N, Pak SW, Jorde UP, et al. Acquired von Willebrand syndrome after continuous-flow mechanical device support contributes to a high prevalence of bleeding during long-term support and at the time of transplantation. J Am Coll Cardiol 2010 ; 56 : 1207-13. 3. Rose EA, Gelijns AC, Moskowitz AJ, et al. Long term use of a left ventricular assist device for end-stage failure. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1435-43. 4. Demirozu ZT, Radovancevic R, Hochman LF, et al. Arteriovenous malformation and gastrointestinal bleeding in patients with the HeartMate II left ventricular assist device. J Heart Lung Transplant 2011 ; 30 :849-53. APPAC 2014 le patient est soumis à un certain nombre de précautions : soins de l’orifice cutané du câble, maintenance du matériel etc… A cela s’ajoute un contexte psycho-social de dépendance vis à vis d’une machine, de crainte de la panne etc... Tout cela a été évalué dans un PHRC dénommé DAVIRAD dont les résultats sont en cours de publication ; la qualité de vie est côtée 2 à 3 sur 4 par la majorité des malades (4 étant une situation de vie normale). 47 APPAC 2014 L’invention de l’angioplastie coronaire Philippe GASPARD (Lyon) APPAC 2014 Il y a exactement 50 ans, Charles Dotter inventait la radiologie interventionnelle. Andreas Grüntzig a amélioré les outils de Charles Dotter en confectionnant un cathéter à ballon avec lequel il dilatera une artère coronaire chez l’homme le 16 septembre 1977. L’implantation d’endoprothèses coronaires 9 ans plus tard permettra progressivement de sécuriser l’angioplastie coronaire. Nous nous proposons de relire cette histoire, en précisant comment à chaque étape franchie, se profile une réflexion sur la logique, la justification du nouveau geste et la prévision de ce qui va suivre. 48 Philippe GASPARD En 1964 Charles Dotter (radiologue à Portland), inventeur de génie, chef de service à 32 ans, réalise le premier cathétérisme thérapeutique chez une femme de 82 ans refusant l’amputation. Il travaillait avec Melvin Judkins qui a rendu possible la coronarographie par voie fémorale percutanée grâce à ses cathéters préformés. En 1968 Eberhard Zeitler (radiologue allemand) effectue la première angioplastie périphérique en Europe selon la technique de Dotter. Les chirurgiens américains traitaient Charles Dotter de fou et pensaient que sa techComment la dilatation au ballon a été in- nique ne serait jamais acceptée. Mais Eberhard Zeitler a perçu le génie de Charles Dotter et a ventée commencé à enseigner sa technique. Il avait 1/ Les Origines de l’angioplastie artérielle Andreas Grüntzig a bénéficié de l’apport de le sentiment que c’était le chemin qu’il fallait ses prédécesseurs. Il a développé l’angioplastie prendre. coronaire transluminale percutanée grâce au père de la radiologie interventionnelle Charles 2/ Le concept du cathéter à ballon Dotter, à celui qui a découvert la coronarogra- Andreas Roland Grüntzig est né à Dresde en phie sélective Mason Sones, à l’inventeur de 1939. Il intègre l’hôpital de Zurich en 1969 acl’abord percutané Sven Seldinger et au cou- quérant successivement une compétence en rage de celui qui a réalisé le premier cathété- angiologie, en radiologie puis en cardiologie. Après avoir appris la technique de Dotter avec risme vasculaire Werner Forssmann. Eberhard Zeitler, il réalise 42 dilatations périEn 1929 Werner Forssmann (médecin alle- phériques sur une période de 2 ans avec l’appui mand) prenant le contre pied de la commu- d’Ake Senning, le patron du service de chirurnauté médicale de l’époque qui considérait gie cardiaque, et l’aide de Maria Schlumpf pour que le cathétérisme était un acte dangereux le suivi de ses patients. et potentiellement létal, prouve sur lui-même que cet acte est réalisable sans risque, ouvrant La technique de Dotter consistait à utiliser des la voie au cathétérisme diagnostique et théra- cathéters en téflon coaxiaux de calibre croissant qui exerçaient une force longitudinale sur peutique. la sténose. Il paraissait plus logique d’exercer En 1953 Sven Seldinger (radiologue suédois) une force radiale. Mais les ballons de Fogarty avec trois objets en main - une aiguille, un utilisés initialement étaient trop souples, dilaguide et un cathéter - trouve la bonne sé- tant uniquement les parties saines. Werner quence permettant d’aborder une artère par Portsmann (radiologue allemand) eut l’idée de voie percutanée, révolutionnant ainsi la pra- combiner les 2 techniques en introduisant le ballon de Fogarty dans un cathéter en téflon tique de l’angiographie. en ayant au préalable réalisé 4 fentes longituEn 1958 Mason Sones (cardiopédiatre à la Cle- dinales permettant son expansion et une plus veland Clinic) réalise de manière non intention- grande rigidité. Mais le risque de traumatisme nelle la première coronarographie. Un mauvais et d’embol a conduit Andreas Grüntzig à réalipositionnement de sonde, jugé iatrogène, lui ser son propre ballon. Il travaillait de façon artipermet de développer la coronarographie sanale sur sa table de cuisine la nuit. sélective. CNCH - CARDIO H - N°29 L’aide providentielle lui vient d’un chimiste retraité, Heinrich Hopff, qui l’initie à l’utilisation du polychlorure de vinyle (PVC). Ce polymère à mémoire de forme après traitement thermique lui permet de fabriquer un ballon flexible, de petite taille, non élastique, qu’il utilisera pour la première fois le 12 février 1974 pour dilater une artère fémorale superficielle. 3/ La Naissance de l’angioplastie coronaire Après avoir miniaturisé son ballon Andreas Grüntzig le teste de façon expérimentale chez le chien le 22 octobre 1975. Il utilise un ballon à double lumière lui permettant de perfuser la coronaire lors de l’inflation du ballon. Les constatations histologiques affolent les anatomopathologistes. La dilatation au ballon provoque une dissection intimale avec hémorragie. A un mois on constate une cicatrisation avec prolifération intimale. Dés les premières dilatations coronaires les 2 écueils de l'angioplastie sont clairement identifiés : le risque immédiat d'occlusion et le risque secondaire de resténose. La première angioplastie coronaire percutanée chez l’homme est réalisée le 16 septembre 1977. Pour Andreas Grüntzig, il ne s’agissait pas d’un accident ou d’un incident inattendu, mais d’un événement planifié depuis des mois. Il survenait après un travail intensif de sept années pendant lesquelles l’expérience accumulée avec les dilatations artérielles périphériques, les données obtenues chez les animaux, les constatations autopsiques et les observations au cours des dilatations coronaires per opératoires lui avaient permis d’être prêt pour utiliser cette technique de dilatation des coronaires chez l’homme. Il avait le soutien d’Ake Senning qui lui avait proposé une couverture chirurgicale. L’inflation du ballon dans la sténose de l’IVA proximale est parfaitement supportée, et Andreas Grüntzig décide de ne pas mettre en route son système de pompe rotative qu’il avait expérimenté chez le chien pour perfuser l’aval de l’artère, permettant ainsi à la dilatation coronaire de rester un geste thérapeutique simple. Andreas Grüntzig présente en novembre 1977 au Congrès de l’American Heart Association les résultats de ses 4 premiers patients sous les applaudissements de l’auditoire et l’émerveillement de Mason Sones. Quel contraste avec la déception qu’il avait eu l’année précédente avec son poster sur la dilatation coronaire chez le chien, personne ne croyant à l’époque à cette nouvelle approche thérapeutique. CNCH - CARDIO H - N°29 4/ Le Développement de l’angioplastie coronaire Andreas Grüntzig publie ses 5 premiers patients dans une lettre au Lancet en février 1978, puis son expérience sur ses 50 premiers patients dans le New England Journal of Medicine en juillet 1979. Les premières angioplasties coronaires aux Etats Unis sont réalisées par Richard Myler à San Francisco et Simon Sterzer à New York en mars 1978. En 1980, Kenneth Kent présente pour la première fois les données du registre du NHLBI concernant 504 patients dilatés dans 26 centres. L’expérience totale d’Andreas Grüntzig à Zurich porte sur 169 patients dilatés entre septembre 1977 et octobre 1980. Le taux de succès primaire est de 79 % sans aucun décès hospitalier. Une récurrence est observée chez 25 % des patients. Andreas Grüntzig organise des retransmissions télévisées au cours de démonstrations en direct (4 cours seront réalisé à Zurich). Lors du dernier cours en août 1980 se retrouvent Mason Sones, Charles Dotter, Melvin Judkins et Andreas Grüntzig, les 4 pionniers de l’angioplastie coronaire qui décèderont malheureusement la même année en 1985. Afin de pouvoir développer la dilatation coronaire, Andreas Grüntzig émigre aux Etats-Unis à Atlanta en octobre 1980, où il organisera des cours en direct 2 fois par an. Il bénéficiera de conditions de travail plus satisfaisantes et d’un poste universitaire qui lui avait été refusé en Europe. Mais il va perdre progressivement le leadership et on connaît ses rapports difficiles avec John Simpson et Geoffroy Hartzler. Andreas Grüntzig voulait démontrer que la dilatation des artères coronaires était réalisable. Il s’était battu corps et âme pour vaincre le scepticisme et les résistances du monde médical. On pouvait comprendre qu’il ait eu du mal à accepter que d’autres, profitant du fait qu’il ait défriché cette terre inconnue, veuillent appliquer cette méthode dans d’autres directions ou dans d’autres territoires. Il y a toujours le désir de rendre une nouvelle voie thérapeutique, dès lors qu’elle est efficace, accessible au plus grand nombre, et non de la réserver à des indications très limitées. APPAC 2014 APPAC 2014 Geoffrey Hartzler (cardiologue à Kansas City) était partisan de l'angioplastie coronaire agressive qui consistait à dilater les patients pluritronculaires en un seul temps, en prenant en charge les patients considérés comme à haut risque, avec à l'époque, uniquement des ballons. Il a été le catalyseur des idées qui agitaient son époque : rôle bénéfique de l’angioplastie pour éviter la réocclusion après throm- 49 APPAC 2014 APPAC 2014 bolyse, amélioration du matériel permettant d’avoir de meilleurs résultats avec les monotronculaires faisant espérer son application chez les pluritronculaires, précocité de l’angiographie coronaire augmentant le nombre de patients susceptibles de bénéficier de l’angioplastie coronaire. John Simpson en 1981 est à l’origine de la première révolution dans l’histoire de l’angioplastie coronaire en développant le système dirigeable avec guide coaxial, remplaçant le guide fixe des cathéters à ballon de Grüntzig, et facilitant ainsi l’accès à toutes les sténoses. Tassilo Bonzel en 1986 invente le système monorail, dans lequel le guide n’est coaxial que dans les 10 derniers cm du cathéter à ballon, permettant un échange de ballon simple, réalisable par un seul opérateur. La gestion des complications a été totalement repensée quand on s’est rendu compte qu’il était infiniment préférable d’essayer de réouvrir une artère disséquée plutôt que d’envoyer le patient en chirurgie avec une artère occluse (mortalité supérieure à 15 % et taux d’infarctus compris entre 30 et 70 %.) Nous avons eu à disposition des cathéters de perfusion, puis des ballons de perfusion permettant de recoller les dissections par de longues inflations avec un flux en aval relativement conservé. Les premières angioplasties coronaires en France ont été réalisées en 1979 par JeanLéon Guermonprez à Versailles, puis par Jean Marco à Toulouse. L’apprentissage de l’angioplastie coronaire évoque le compagnonnage, moyen unique de transmettre des savoir-faire. Des études multicentriques ont été réalisées dans le cadre de la Société Française de Cardiologie permettant de colliger les résultats des équipes françaises, études se poursuivant actuellement dans le "Groupe Athérome et Cardiologie Interventionnelle" (GACI). Comment le stent coronaire s’est imposé 1/ Le concept de stenting coronaire Pour éviter les deux écueils de l’angioplastie coronaire - la dissection occlusive que l’on observe dans 2 à 10 % des cas, et la resténose qui survient dans 20 à 57 % des cas - un étayage intraluminal exerçant une force radiale permanente a été proposé pour traiter la dissection et prévenir le retour élastique de la paroi. Et c’est encore Charles Dotter qui implante pour la première fois trois ressorts métalliques nus dans des artères poplitées de chien en 1969. Il constate que deux d’entre eux sont perméables à 2 ans avec uniquement 4 jours d’héparine... 50 2/ Le stent métallique Le terme impropre de "stent" pour désigner une endoprothèse est rapporté à un dentiste anglais, Charles Thomas Stent (1807-85), qui a amélioré un matériau pour empreinte dentaire, en le consolidant et en l’utilisant pour combler les espaces vides après traitement des racines. La première endoprothèse coronaire a été posée par Jacques Puel à Toulouse le 28 mars 1986 pour traiter une resténose au ballon : il s’agissait d’un Wallstent, endoprothèse métallique auto-expansible conçue par Ake Senning, Hans Wallsten et Christian Imbert. Le 12 juin 1986, Ulrich Sigwart à Lausanne pose la première endoprothèse pour traiter une complication de dilatation au ballon. Julio Palmaz (radiologue argentin) est l’inventeur du deuxième stent arrivé sur le marché. Avec Richard Schatz (cardiologue américain) et Philip Romano (investisseur) il fabrique le Palmaz-Schatz, stent expansible avec un ballon. Le premier Palmaz-Schatz sera posé par Eduardo Sousa à Sao Paulo en décembre 1987. Il a fallu presque 10 ans pour que cette idée, a priori aberrante, d’insérer une structure métallique rigide dans une artère coronaire souple, et perpétuellement en mouvement, apporte un gain essentiel dans la pratique de l’angioplastie coronaire, et remplace progressivement l’angioplastie au ballon seul, faisant du stent coronaire la deuxième révolution dans l’histoire de l’angioplastie coronaire. Bien sûr le stent apporte un étayage immédiat, mais sa présence induit un risque de thrombose inquiétant. Sur les 17 premiers patients implantés, on a observé un taux de thrombose subaigüe de 40 %. Et Patrick Serruys s’est demandé si l’on ne devenait pas des apprentis sorciers. On a donc gardé les patients hospitalisés plus longtemps pour ne pas passer à côté d’une thrombose, et préconisé à tord une anticoagulation massive, responsable de complications hémorragiques. Ceci nous a fait réfléchir aux problèmes posés par la voie d’abord (systèmes de fermeture artérielles, voie radiale), fait évoquer un stenting temporaire, réfléchir sur notre technique d’implantation et finalement découvrir le rôle fondamental des plaquettes. Le stent temporaire (1988-91) avait été conçu pour traiter une dissection occlusive sans risquer de provoquer une thrombose subaigüe. Constitué d’un treillis métallique monté sur un cathéter, que l’on pouvait expandre, puis refermer et retirer, sa première utilisation a rétabli un flux coronaire normal pour une dissection occlusive ne réagissant pas aux inflations répétées du ballon, permettant une chirurgie avec des suites parfaitement simples, sans CNCH - CARDIO H - N°29 infarctus. Ce système amovible nous a permis ensuite d’éviter une chirurgie en urgence pour 21 complications consécutives d’angioplastie avec dissection occlusive constatées sur une période de 2 ans et demi, ceci avec un taux d’infarctus de seulement 10 % et une absence de mortalité pendant le premier mois. Il est intéressant de noter que, dès cette époque, l’idée d’un stent biorésorbable agitait déjà les esprits. Finalement le concept d’une solution temporaire, pour un problème temporaire (la dissection occlusive : immédiate, ou la resténose : 6 premiers mois) allait dans la bonne direction. En attendant, il fallait résoudre les problèmes rencontrés avec les stents permanents que nous utilisions. Deux nouvelles approches allaient voir le jour : celle d’Antonio Colombo et celle du groupe français avec Marie-Claude Morice. Antonio Colombo, le cardiologue "atypique" et "iconoclaste" de Milan, fut le premier à affirmer que les anticoagulants étaient inutiles et néfastes lorsque l’on posait des stents dans les coronaires. Il prétendait que les déterminants de la resténose et de la thrombose subaigüe de stent étaient la conséquence d’un déploiement insuffisant du stent et d’une taille inadéquate de celui-ci. Il propose donc d’optimiser l’implantation du stent, en impactant le stent avec des hautes pressions sous contrôle échographique endocoronaire. Si l’on avait écouté Paul Barragan, les débuts du stenting coronaire auraient sans doute été plus simples. Malheureusement sa première publication, où il proposait la ticlopidine comme alternative au traitement anticoagulant après implantation d’un stent coronaire, n’est parue qu’en 1994. Dès 1986, il utilisait la ticlopidine, avec dose de charge 72 heures avant, pour toutes ses angioplasties au ballon. MarieClaude Morice avec le groupe français, constatant que le pic de thrombose correspond à la demi-vie des plaquettes, propose d’instituer une double antiagrégation plaquettaire avec dose de charge. Un registre français prospectif est mis en place en 1992 qui va valider cette attitude (sans qu’une étude randomisée soit nécessaire) rendant l’écho systématique inutile. Edgar Benveniste, biologiste lyonnais impliqué dans cette étude, a été à l’origine de la mise en œuvre de cette double antiagrégation, motivée par l’action synergique de l’aspirine agissant sur les plaquettes nouvellement nées en inhibant de manière irréversible leur synthèse de thromboxane A2, et de la ticlopidine bloquant les sites des récepteurs pour l’ADP impliqués dans l’adhésion et l’agrégation. A CNCH - CARDIO H - N°29 partir de 1999, l’association clopidogrel-aspirine est devenu le standard utilisé dans toute pose de stent. On avait simplement oublié les patients allergiques à l’aspirine, ou intolérants au clopidogrel. Mais l’arrivée du prasugrel et du ticagrelor a changé la donne. Les deux études randomisées, européenne (BENESTENT) et américaine (STRESS), ont clairement démontré, au prix de complications hémorragiques non négligeables et d’un allongement de la durée d’hospitalisation, que le stent diminue la resténose par rapport au ballon (mais celle ci reste quand même élevée comprise entre 20 et 30 %). L’étude DEBATE II est intéressante, car elle montre ce que le stent apporte de plus que le ballon. Lorsque l’on obtient un résultat suboptimal au ballon, l’adjonction d’un stent diminue par 2 les événements cardiaques majeurs à un an. Cela paraît logique. Mais on retrouve la même tendance en présence d’un résultat optimal au ballon. Donc le stent fait toujours mieux que le ballon, quelque soit le résultat au ballon, avec toutefois un meilleur résultat final lorsque le stent est implanté après un résultat optimal au ballon. Si le stent a diminué la resténose au ballon, il ne l’a pas supprimée et il nous a posé le difficile problème du traitement de la resténose intrastent. On a cru que les techniques ablatives seraient plus efficaces, car, au lieu de déplacer l’athérome, elles l’enlevaient, soit par biopsie (athérectomie directionnelle), soit en le pulvérisant (athérectomie rotationnelle). Ces techniques mécaniques alternatives, censées optimiser les résultats immédiats et minimiser le traumatisme initial, n’ont pas diminué la resténose. Si le ballon coupant a été proposé pour traiter la resténose intrastent, les résultats à moyen terme furent décevants. La brachythérapie (curiethérapie endocoronaire utilisant un rayonnement béta) a été proposée dans le traitement des resténoses prolifératives intrastent. L’évolution à long terme comporte un risque de fibrose radique. La brachythérapie a posé plus de questions qu’elle n’a apporté de réponses et a été abandonnée avec l’avènement du stent actif, considéré comme la troisième révolution dans l’histoire de l’angioplastie coronaire. APPAC 2014 APPAC 2014 3/ Le stent actif D’une plateforme inerte, on va passer à une plateforme libérant des drogues actives (sirolimus et paclitaxel) pour lutter plus efficacement contre la resténose en inhibant la prolifération des cellules musculaires lisses in situ. Rappelezvous ! Charles Dotter, en 1969, avait implanté des ressorts "nus" (uncoated coilsprings). Pen- 51 APPAC 2014 APPAC 2014 sait-il à les "habiller" un jour ? Plutôt que de "stent actif" on devrait parler d’endoprothèses à libération d’agents pharmacologiques, mais l’expression est plus "ramassée". Le premier stent actif (Cypher délivrant du sirolimus) est posé par Eduardo Sousa à Sao Paulo en décembre 1999. L’étude RAVEL, présentée par Marie-Claude Morice, nous fait entrevoir la possibilité d’éradiquer la resténose avec le Cypher. Bien sûr, il s’agit d’indications sélectionnées, mais, quand même, il fallait le faire. On est passé de 26 % de resténose avec un stent métallique à 0 % avec un stent actif. Si l’on veut juger de ce qu’apportent respectivement le stent nu, le stent actif (Cypher) et le pontage, les 2 études ARTS I et II comparent leurs résultats à 5 ans. Si l’on prend en compte l’absence de décès, les 3 font jeu égal. Si l’on rajoute l’absence d’accident cérébral et d’infarctus, le stent actif fait mieux que le stent nu. Enfin si l’on rajoute l’absence de revascularisation itérative, on retrouve le même résultat, mais cette fois le pontage fait mieux que le stent actif. 52 Six ans après l'arrivée du stent actif s'est posé le problème du risque de thrombose tardive, que l'on a attribué à un retard d'endothélialisation. En fait le respect des indications, la réévaluation rigoureuse des études et les nouvelles générations de stent actif ont désamorcé la polémique de façon définitive Mais cela a donné de l'espace à une nouvelle technologie, le ballon actif, efficace dans les resténoses intrastent métallique et actif de première génération. La deuxième génération de stent actif est une amélioration de la première génération. Elle est caractérisée par une réduction de la taille de la plateforme et du polymère durable (permettant la fixation de la drogue), et une meilleure biocompatibilité de la drogue active. mettant de supprimer le stand-by chirurgical. Mais, curieusement, il n’y a pas de différence d’efficacité clinique (décès, infarctus) entre le ballon et le stent nu d’une part, et entre le stent nu et les stents actifs de première génération d’autre part. La thrombose de stent survient plus fréquemment après mauvais résultat angiographique et/ou arrêt prématuré de la double antiagrégation plaquettaire. Le risque de thrombose de stent est identique entre les stents nus et les stents actifs de première génération. Si l’on a noté une augmentation du taux de thrombose de stent très tardive pour les stents de première génération par rapport aux stents nus, le taux de thrombose pour le stent actif a été divisé par dix avec l’arrivée des nouvelles générations de stent actif et les nouveaux antiagrégants plaquettaires (prasugrel et ticagrelor). 4/ Le stent biorésorbable On utilise un implant permanent (stent métallique) pour traiter une maladie temporaire, efficace sur le recul élastique et le remodelage négatif, mais favorisant la prolifération intimale. Celle ci est combattue par le stent actif qui induit cependant une inflammation chronique et une cicatrisation retardée (conséquence des drogues actives), avec risque de thrombose tardive. L’idée est donc celle d’un stent temporaire, biorésorbable une fois le processus de cicatrisation terminé. On va utiliser des polymères (essentiellement l’acide poly L-lactique) et des alliages biorésorbables. La troisième génération innove radicalement en utilisant un polymère biodégradable. On va ainsi avoir les avantages du stent actif à court terme (moins de resténose), puis les avantages du stent nu à moyen terme (pas de thrombose tardive). Dans la quatrième génération on va supprimer le polymère, la drogue étant contenue dans des micropores ou dans des réservoirs à la surface du stent. La cinquième génération utilise un nouveau revêtement, pour améliorer l’endothélialisation et donc diminuer le risque de thrombose de stent. On va parler de stent bioactif. Le stent Igaki Tamai, premier stent biorésorbable implanté chez l’homme, a un recul de 10 ans. Sa technique de mise en place est complexe et il n'est plus utilisé aujourd’hui. Son taux de revascularisation itérative est rédhibitoire, 5 fois plus élevé que pour le Cypher. On s'est donc orienté logiquement vers un stent biorésorbable actif à libération de drogue active (évérolimus) avec polymère biodégradable, l’Absorb BVS. A 5 ans le taux de revascularisation itérative est minime à 3.4 %, identique à celui constaté au bout de 1 an. On attend les résultats de l'étude ABSORB II qui va comparer 2 endoprothèses à libération de la même drogue active, l'une permanente et l'autre résorbable. Les autres stents biorésorbables sont en cours d’évaluation. Il est trop tôt pour dire si le stent biorésorbable sera la quatrième révolution dans l’histoire de l’angioplastie coronaire. Le bénéfice fondamental des endoprothèses coronaires, non recherché au départ, est la suppression pratiquement complète des complications liées à la dilatation au ballon, per- Epilogue L’angioplastie coronaire a révolutionné le traitement de la maladie coronaire. En 1990, la part de l’angioplastie dans les interventions CNCH - CARDIO H - N°29 APPAC 2014 Nous avons eu besoin des chirurgiens cardiaques, Andreas Grüntzig le premier, et, sans eux, l’angioplastie ne serait peut-être pas ce qu’elle est actuellement. Si, dans un premier temps, l’idée était de retarder la chirurgie avec l’angioplastie, dans un deuxième temps, on a essayé de l’éviter. On confiait au chirurgien ce qui était inaccessible à l’angioplastie. Mais l’amélioration du matériel et des techniques nous a permis d’être plus performants et d’aller « toujours un peu plus loin ». Il semble préférable aujourd’hui de dilater ce qui est accessible (en ayant des arguments pour démontrer CNCH - CARDIO H - N°29 que cela sert à quelque chose) et d’opérer lorsque l’on estime que l’évolution avec la chirurgie sera meilleure (à partir de toutes les études dont on dispose au moment de notre décision). Si l'on veut résumer la saga de l'angioplastie coronaire on peut distinguer trois périodes. La première décennie a été celle du ballon qui a permis de positionner l’angioplastie comme une alternative crédible au pontage coronaire. Le stent est ensuite apparu. Il a fallu une deuxième décennie pour que son utilisation sécurise l’angioplastie à court terme. La troisième décennie a été mise à profit pour modifier sa structure, ce qui a amélioré son efficacité à long terme, permettant à l’angioplastie de devenir le traitement de référence des coronaropathies. Cet article est une version abrégée du livret remis à High Tech Cardio à Marseille en janvier 2014, dans lequel figurent les principales références bibliographiques concernant l’histoire de l’angioplastie coronaire, et reprend l’esprit de la communication faite à l’APPAC à Biarritz en juin 2014. APPAC 2014 de revascularisation était de 40 %. Vingt ans après, elle a doublé, atteignant 80 %. Le croisement des courbes s’est fait autour des années 95. Il est réalisé actuellement un peu plus de 4 angioplasties pour 1 pontage coronaire. Les rapports entre les chirurgiens cardiaques et les cardiologues interventionnels ont été fluctuants. Entre l’affirmation, qu’une « technique qui a besoin d’un stand-by chirurgical n’a pas d’avenir », et la croyance que « l’angioplastie coronaire est toujours la meilleure solution », il y a un espace pour réfléchir. 53 19 ÈMES ASSISES DU CNCH 2013 - GROUPE INSUFFISANCE CARDIAQUE 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque 54 De PREVEND HF à STOP CHF : ou « le traitement basé sur les preuves de l’insuffisance cardiaque à FE préservée est surtout préventif » G. JONDEAU G. JONDEAU (Paris) L’insuffisance cardiaque à FE préservée est une pathologie fréquente, dont l’incidence augmente, responsable de nombreuses hospitalisations et décès et dont le traitement est délicat et non standardisé. Les études épidémiologiques ont permis de reconnaître certaines de ses caractéristiques : L’étude PREVEND HF qui visait à préciser l’histoire naturelle de la micro-albuminurie a inclus 8592 patients, âgés de 28 à 75 ans, recrutés entre 1997 et 1998 à Goningen. Il a été conclu que la micro-albuminurie était associée à un aspect de séquelle d’IDM et/ou d’ischémie myocardique sur l’ECG. Cette même population a été utilisée pour rechercher les facteurs associés à l’apparition d’une insuffisance cardiaque. Chez 374 personnes une insuffisance cardiaque est survenue, classés en insuffisance cardiaque à FE préservée (FE>49%) ou altérée (<41%). 8 insuffisances cardiaques n’ont pu être classés (FE 40-50%). L’âge était plus associé à l’insuffisance cardiaque à FE préservée, le NT-proBNP était plus prédictif de l’insuffisance cardiaque à FE altérée, mais prédisait également l’insuffisance cardiaque à FE préservée. Les femmes étaient plus sujettes à la survenue d’une insuffisance cardiaque à FE préservée, les hommes à FE altérée. Le tabagisme, la troponine US, un antécédent d’IDM étaient associés à une insuffisance cardiaque à FE altérée alors que la FA, l’albuminurie, et la cystotatine C étaient associés à la survenue d’une insuffisance cardiaque à FE préservée. En pratique, l’insuffisance cardiaque à FE préservée étant la conséquence de la rigidification des artères touche principalement les sujets âgés. En effet, avec l’âge, la pression artérielle se modifie : la pression différentielle augmente à partir de 55 ans, reflet de l’augmentation de la rigidité des artères (du fait de la diminution de la compliance et de l’augmentation de la vitesse de l’onde de pouls). Cette pression systolique plus élevée suppose un ventricule plus musclé, et il existe effec- Figure 1 : apparition de l’insuffisance cardiaque au cours du suivi d’une population normale. PREVEND HF tivement une relation directe et linéaire entre rigidité artérielle et compliance systolique ventriculaire. Autant la prise en charge du patient insuffisant cardiaque par dysfonction systolique est bien établie, autant celle de l’insuffisant cardiaque avec FE préservée n’est basée sur aucune preuve. C’est pourquoi, alors que cette pathologie est présente chez plus de 50% des patients insuffisants cardiaques en clinique, la part qui lui revient dans les dernières recommandations européennes reste minime (1/4 de pages sur 61 pages, 5 références sur 270 [1]), ce qui dit notamment la limite des recommandations… et l’importance de prévenir l’insuffisance cardiaque. Ci-dessous une démarche qui devrait permettre de prendre en charge la plupart des patients (figure 1). L’hypertension artérielle a une importance fondamentale : c’est un facteur d’augmentation de la rigidité des artères, d’hypertrophie cardiaque et d’insuffisance rénale. Le traitement de l’hypertension artérielle, même chez les sujets âgés, permet de limiter l’apparition de l’insuffisance cardiaque : l’étude HYVET a démontré que le traitement de l’hypertension artérielle systolique de CNCH - CARDIO H - N°29 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque Si le patient est en fibrillation auriculaire, ce qui est fréquent dans ce groupe de patients âgés souvent hypertendus, il faut s’assurer du bon contrôle de la fréquence cardiaque. Les bétabloquants, également hypotenseurs, sont à donner en première intention, car ils contrôlent la fréquence au repos et à l’effort ce que ne fait pas la digoxine. Si la fréquence cardiaque reste élevée au repos ou à l’effort sous forte dose de béta-bloquants (ce qui est rare), on peut ici associer un inhibiteur calcique ralentisseur (qui pourra également traiter l’hypertension artérielle) voire la digoxine, sous réserve de la fonction rénale. Figure 2 : La prise en charge de l’hypertension artérielle systolique du sujet agé (Pas>160mmHg chez les patients de plus de 80 ans) diminue la survenue d’insuffisance cardiaque de plus de 60% (étude HYVET) consultation est un bon reflet de la fréquence au cours de la journée. Le problème peut être plus complexe chez les patients en FA paroxystique, qui peuvent avoir une maladie de l’oreillette débutante. Alors une bradycardie survient pour une faible dose de bétabloquant, insuffisante pour limiter la fréquence cardiaque lors d’un accès de FA. Ces accès de FA peuvent être ressentis sous forme de palpitations ou non, et alors on peut facilement les manquer si l’on ne les recherche pas attentivement. La prescription de cordarone peut se justifier pour les éviter, en connaissant le risque de bradycardie en cas de maladie de l’oreillette (et le risque d’hyperthyroïdie, qui peut également décompenser un patient insuffisant cardiaque et favoriser la FA). Si les passages en FA sont responsables de décompensation cardiaque et qu’un traitement médicamenteux satisfaisant ne peut être mis en place, on peut être amené à proposer un pace-maker permettant d’introduire un traitement ralentisseur satisfaisant. Une FA même paroxystique justifie un traitement anticoagulant. En fonction du terrain, une ablation peut être envisagée. Il faut s’assurer que la fonction rénale ne peut être optimisée : se pose bien sur le problème des traitements anti-inflammatoires, parfois responsables d’épisodes de décompensation cardiaque. Chez les sujets âgés, ces traitements sont parfois considérés comme indispensables par les patients, et trouver une alternative peut être un vrai casse-tête, qu’il vaut mieux laisser au rhumatologue… Il faut parfois accepter ce que le patient fait, car certains patients n’acceptent pas de ne pas prendre ces traitements, au moins au coup par coup. Mieux vaut le savoir pour pouvoir prévenir une décompensation cardiaque tôt. L’expérience montre que le contrôle de la fréquence cardiaque n’est pas facile à atteindre chez ces patients, qui arrivent souvent très rapides au moment d’une décompensation cardiaque. La réalisation d’un Holter ECG au moindre doute est Parfois un avis néphrologique est le bienvenu, licite pour s’assurer que la fréquence cardiaque lorsque la fonction rénale est très altérée, même de repos que l’on évalue seule au cours d’une si souvent, l’altération de la fonction rénale est la CNCH - CARDIO H - N°29 Même une fois que l’insuffisance cardiaque avec FE préservée est apparue, le traitement de l’hypertension artérielle reste fondamental. Ce traitement est souvent difficile à mettre en place et son efficacité difficile à évaluer du fait de la variabilité tensionnelle observée chez ces patients : la rigidité de leur artères, la diminution de la sensibilité des barorécepteurs, la persistance d’une fonction systolique supranormale, font que la tension artérielle est susceptible de varier rapidement, en fonction de la position (l’hypotension orthostatique est fréquente), et de l’effort (il est prudent chez ces patients de réaliser une mesure ambulatoire de la pression artérielle afin de s’assurer de son bon contrôle). Il faut dans cette population savoir suspecter une sténose des artères rénales en cas d’hypertension rebelle, dont le traitement peut parfois permettre de stabiliser la tension artérielle, limiter la progression de l’insuffisance rénale, et éviter la récidive des oedèmes pulmonaires, souvent secondaires à une poussée tensionnelle (OAP hypertensifs) [3]. Les traitements à mettre en route pour traiter l’hypertension artérielle sont souvent déterminés par leur tolérance, avec souvent prescription large des IEC : ils sont logiques notamment chez les patients avec altération modérée de la fonction rénale pour limiter son aggravation (sous surveillance biologique étroite). Les inhibiteurs calciques pour lutter contre la rigidité artérielle (encore qu’il semble un peu illusoire d’espérer dilater des artères calcifiées), les béta-bloquants pour bloquer les à-coups hypertensifs associés au stress, les diurétiques pour limiter l’hypervolémie qui est souvent présente du fait de l’insuffisance rénale ou la néphroangiosclérose associée. 19 ÈMES ASSISES DU CNCH 2013 - GROUPE INSUFFISANCE CARDIAQUE plus de 160 mmHg chez des sujets de plus de 80 ans diminuait le risque d’apparition d’une insuffisance cardiaque de 60% [2] (figure 2). 55 conséquence d’une nephroangiosclérose hypertensive ou d’une néphropathie diabétique pour laquelle rien ne peut être fait. Une insuffisance rénale de ce type s’accompagne souvent d’une hypervolémie du fait d’un hyper-réninisme. Ceci justifie un traitement diurétique de fond pour éviter les décompensations à répétition. Si la fonction rénale s’aggravait, une diminution des diurétiques en l’absence de signe congestif serait licite. L’anémie a une place à part : il s’agit d’un facteur de décompensation potentiel, qu’il faut rechercher, et qui doit amener à réaliser un bilan martial avec Figure 3 : Schéma de prise en charge d’un patient avec insuffisance cardiaque au besoin supplémentation en à FE préservée fer, parfois par voie intraveineuse, si aucune source de saignement n’est retrouvée. Le patient est maintenant avec une tension artérielle bien équilibrée, sans accès de tachycardies, avec un traitement diurétique de fond en cas de nephroangiosclérose avec insuffisance rénale. Si cela suffit Figure 4 : STOP CHF : la prise en charge optimale des facteurs de risque, le suivi à traiter son insuffisance car- du patient, retardent l’apparition d’une insuffisance cardiaque, surtout si le patient est à risque (BNP de base élevé) diaque, et qu’il ne présente pas d’épisode de décompensation La surveillance du patient doit permettre d’éviter sous ce traitement, la démarche thérapeutique les épisodes d’insuffisance rénale aigue, notams’arrête là jusqu’au prochain épisode de décom- ment lors des variations importantes de tempépensation éventuel. ratures, des épisodes de canicule. En effet, ces On fera son possible pour éviter chez lui les fac- patients sous diurétiques perdent la capacité teurs favorisants les décompensations : le rôle d’adapter leur volémie finement et sont particudes infections pulmonaires justifie la vaccination lièrement sensibles à la précharge, du fait de la riantigrippale, nous avons déjà abordé le pro- gidité artérielle et du ventricule. De ce fait, ils sont blème du traitement anti-inflammatoire. susceptibles de passer facilement à l’occasion L’éducation thérapeutique, qui fait partie du trai- d’un « coup de chaleur », en hypovolémie avec tement de tous les insuffisants cardiaques, est insuffisance rénale, hyperkaliémie, etc. A l’inverse, particulièrement importante et difficile chez ces du fait de la rigidité du patients agés pour lesquels la gestion de la volé- ventricule gauche, ils sont susceptibles de passer mie est la part principale du traitement sympto- brusquement en hypervolémie après l’absorpmatique, mais aussi du traitement préventif des tion brutale d’une quantité excessive de sel. décompensations. Il va falloir enfin adapter le traitement diurétique, La difficulté de la prise en charge des patients qui repose généralement sur le furosémide, à la insuffisants cardiaques souligne l’importance volémie du patient. Les anti-aldostérones (main- de sa prévention : l’étude parue l’année dernière tenant appelés antagonistes des récepteurs aux dans le JAMA, « STOP CHF », visait à éviter que ne minéralo-corticoïdes), sont à manier avec grande survienne cette complication par une prise en prudence chez les sujets âgés et sont contre indi- charge optimale des facteurs de risque (figure 4). qués en cas d’insuffisance rénale. Les résultats de On peut prévenir la survenue d’une insuffisance l’étude TOPCAT (négatifs sur le critère principal, cardiaque à FE préservée, il ne faut pas s’en priver diminution des hospitalisations) incitent à pro- : traiter les facteurs de risque et notamment l’hyposer ce traitement uniquement si la fonction pertension artérielle en est la clef, tant que l’on ne rénale le permet et sous stricte surveillance. saura pas rester jeune éternellement… 19 ÈMES ASSISES DU CNCH 2013 - GROUPE INSUFFISANCE CARDIAQUE 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque 56 CNCH - CARDIO H - N°29 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque 19 ÈMES ASSISES DU CNCH 2013 - GROUPE INSUFFISANCE CARDIAQUE Télémédecine et insuffisance cardiaque 58 P. JOURDAIN1, Y. JUILLIÈRE2, N. HRYCHISCHIN1, F. FUNCK1, M. DESNOS3 1 Unité thérapeutique d’insuffisance cardiaque, CH R Dubos, 9500 Pontoise, France Département d’éducation thérapeutique, Faculté de médecine, Paris Descartes. 2 Service de cardiologie CHU Nancy Brabois. 3 Service de cardiologie CHU G Pompidou, Paris. Résumé L’insuffisance cardiaque chronique est une maladie fréquente et grave pour laquelle le taux de réhospitalisation et de décès reste particulièrement élevé. Ces caractéristiques et le fait que 50% des patients présentent des signes cliniques évocateurs d’une nouvelle décompensation 5 jours avant son passage aux urgences font de l’insuffisance cardiaque une cible de choix pour la télémédecine. des signes de décompensation cardiaque à 5 jours de leur passage aux urgences et l’on estime qu’un tiers des hospitalisations serait évitable par une prise en charge optimisée et une bonne auto surveillance du patient (3). L’existence de critères pronostiques reconnus comme les variations du poids, des symptômes, des capacités physiques, des arythmies, associés à l’émergence de capteurs suffisamment miniaturisés et simplifiés pour être utilisés au domicile de patients âgés ainsi que l’expansion géométrique des possibilités de transfert dématérialisé d’information font que, très rapidement, l’idée d’utiliser la télémédecine dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque a semblé très séduisante. Pourtant d’études neutres en études semi positives, l’idée ne s’est pas actuellement transformée en évidence et n’est pas actuellement recommandée par la société européenne de cardiologie. La télémédecine a déjà démontré une utilité diagnostique ou de télé suivi des pacemakers et défibrillateurs en cardiologie mais pour autant, les données publiées restent très discordantes quant à son utilité pour le suivi réel de patients et non pas de prothèses implantées. L’apparition de modèles de télémédecine associant non seulement le monitoring de critères cliniques (symptômes, poids) et donc éminemment variables mais aussi de paramètres électro cardiographiques ou biologiques laisse Pour autant, l’apparition de nouvelles stratégies entrevoir de nouvelles pistes prometteuses. et de nouveaux algorithmes de surveillance l’insuffisance cardiaque est une maladie qui laissent entrevoir la possibilité de nouveaux touche de 1 à 2% de la population générale développements raisonnablement optimistes. et plus de 10% de la population des 80 ans et plus. On estime donc qu’en France l’IC touche Concept et définitions de la télémédecine plus de 800.000 personnes (1). Elle est associée La télémédecine est un terme assez générique à une très forte mortalité malgré des progrès mais que l’on peut résumer comme corresponthérapeutiques des dernières décades ainsi dant à l’existence d’un acte médical a distance qu’à un très fort taux de ré hospitalisation avec que ce soit une consultation, un suivi, une plus d’un insuffisant cardiaque sur deux ré hos- prescription, une imagerie, un ajustement de pitalisé dans les 6 mois suivant son diagnostic. dosage. Derrière le concept de télémédecine En France en 2008, l’IC a été la cause de plus de il existe plusieurs entités différentes dont la télé expertise, le télé suivi et la télémédecine 1 750 000 journées d’hospitalisation (2). « réelle » (4). D’après l’article R.6316-1 du Code Pour autant, le souci de l’IC n’est pas tant la ges- de la santé publique, et selon les recommandation des phases « aigues » de la maladie que le tions de la HAS, il faut distinguer plusieurs axes suivi et l’optimisation du patient au quotidien. au sein de la télé médecine définie à l’article L. En effet, plus de 50% des patients présentent 6316-1 Dans tous les cas le professionnel de CNCH - CARDIO H - N°29 CNCH - CARDIO H - N°29 santé engage sa responsabilité personnelle couts de santé importants. Elle présente des dans l’acte de télémédecine réalisé. signes « avant coureurs » facilement mesurables comme le poids et les signes cliniques • La téléconsultation, a pour objet de per- et les crises peuvent être souvent jugulées en mettre à un professionnel médical de donner quelques heures par l’optimisation du traiteune consultation à distance à un patient. Un ment diurétique qui est parfaitement maîtrisé professionnel de santé peut être présent auprès par tous les médecins de premier recours. du patient et, le cas échéant, assister le profes- Mais, toute la question est de déterminer sionnel médical au cours de la téléconsultation. quelle est la stratégie optimale de TM à mettre • La téle expertise, qui a pour objet de per- en œuvre dans ce syndrome protéiforme et mettre à un professionnel médical de solliciter à variable dans le temps comme dans l’intensité distance l'avis d'un ou de plusieurs profession- des symptômes. En effet, la multiplicité des nels médicaux différents en raison de leurs for- marqueurs pronostiques et la modification de mations ou de leurs compétences particulières, leur importance relative au fil de l’aggravation sur la base des informations médicales liées à la de l’IC rend la tache particulièrement difficile prise en charge d'un patient (par exemple une et conduit souvent à une inflation incontrôlée consultation a distance d’un cardiologue pour du nombre des marqueurs dans une débauche technologique séduisante sur le papier mais aider un MG au sein d’une maison de santé). • La télésurveillance médicale, qui a pour ingérable par le clinicien en charge du patient. objet de permettre à un professionnel médical d'interpréter à distance les données nécessaires Or l’élément clef n’est pas le marqueur mais au suivi médical d'un patient et le cas échéant, le déclenchement d’une stratégie adaptée de prendre des décisions relatives à la prise en d’évitement en cas de mise en évidence avec charge de ce patient (prescription médicamen- une acuité diagnostique suffisante d’une pré teuse ou bien prescription de suivi biologique décompensation. En pratique il convient donc ou bien contrôle de pacemaker par exemple). d’analyser le concept de télémédecine avec L'enregistrement et la transmission des don- la même approche qu’avec un bio marqueur nées peuvent être automatisés ou réalisés par comme la troponine ou le dosage du BNP ou le patient lui-même ou par un professionnel de bien comme l’éducation thérapeutique du santé. patient dans laquelle la finalité n’est pas de • La téléassistance médicale, qui a pour ob- faire acquérir au patient des connaissances jet de permettre à un professionnel médical improductives mais une réactivité adaptée. De d'assister à distance un autre professionnel de nombreux marqueurs ont été analysés dans le santé au cours de la réalisation d'un acte. cadre des études de TM dans l’IC. Parmi ceux • La réponse médicale qui est apportée dans ci et en ordre décroissant de fréquence l’on rele cadre de la régulation médicale comme cela trouve les symptômes auto déclarés, le poids, est le cas au SAMU par exemple. la fréquence cardiaque, la pression artérielle, l’ECG et les arythmies, l’activité physique, la saPour pouvoir espérer être efficace, la télémé- turation capillaire en oxygène et les pressions decine doit s’appliquer à des pathologies ayant ventriculaires droites par voie invasive (6). un certain nombre de pré requis. Parmi ceux ci on trouve une pathologie assez fréquente pour En effet, même si l’IC apparaît comme le canpermettre de diluer les couts de structures, didat idéal pour un programme de télémédeayant une forte morbidité pour permettre un cine, force est de constater que les données de impact au niveau des couts, dont les poussées la littérature sont très partagées. En fait le biais aigues sont accessible à un traitement ambu- principal est que derrière le mot de télémédelatoire si diagnostiqués précocement et pré- cine existent ou coexistent des solutions très sentant suffisamment de signes annonciateurs différentes. d’une dégradation dans un délai ni trop long (risque de sur traitement) ni trop court (impos- Parmi les solutions proposées il existe de sibilité pour le système de santé de réagir assez grandes typologies comme la surveillance à vite). De même, le marqueur mesuré doit pou- distance des stimulateurs implantables, le télé voir être corrigé par une mesure adéquate en suivi téléphonique, le télé monitoring non cas d’anomalie et cette correction associée à directement médicalisé, le télé monitoring une diminution des évènements. directement médicalisé. De même, les projets L’insuffisance cardiaque est une pathologie peuvent varier en fonction de la place plus ou qui présente tous les atouts pour le dévelop- moins importante accordée au malade et à une pement de la télémédecine. C’est une patho- formation restreinte à l’utilisation du matériel logie fréquente, à forte morbidité avec des ou a contrario étendue à l’autogestion des 19 ÈMES ASSISES DU CNCH 2013 - GROUPE INSUFFISANCE CARDIAQUE 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque 59 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque sées), le second est celui où l’IDE déclenche une procédure que le patient devra suivre (contacter son MT, son spécialiste, son centre de suivi…) ce qui nécessite une éducation poussée du patient mais maintient son équipe médicale de terrain au centre de sa prise en charge or ce sont ces professionnels qui connaissent La surveillance à distance des prothèses im- le mieux leurs patients. On peut designer ce groupe de programmes sous le nom de télé plantables (7-10) L’apparition des pacemakers multi sites et par suivi avec alertes patients (TSAP). extension des défibrillateurs (qui ne soignent pas l’IC mais évitent la survenue d’un arrêt Le télé suivi directement médicalisé (TSM) corcardiaque en cas de fibrillation ventriculaire) respond aux systèmes bénéficiant d’un médea transformé notre vision et notre prise en cin connaissant l’IC pouvant intervenir directecharge de l’insuffisance cardiaque systolique. ment depuis les locaux de l’entreprise. C’est ce En effet ces traitements on permis d’améliorer médecin qui décidera de déclencher une alerte très significativement le pronostic ainsi que la la plupart du temps en agissant en second qualité de vie des patients pouvant en bénéfi- échelon après une IDE ou un personnel ayant cier ce qui ne correspond en pratique qu‘à un vérifié l’exactitude des informations fournies 1/3 des patients insuffisants cardiaques systo- par le système de TM. liques et 15 % de la population des insuffisants cardiaques. L’intérêt majeur de ces prothèses Quel impact pour la télémédecine appliest de pouvoir être contrôlées par voie trans- quée à l’insuffisance cardiaque ? cutanée et de pouvoir servir de plateforme de Impact sur les évènements (décès ou hospitatélétransmission que ce soit pour transmettre lisations) des informations en lien avec la prothèse elle De très nombreuses études ont été publiées même ou bien pour pouvoir ajouter et analy- concernant la télémédecine mais celles ci préser d’autres paramètres facilement mesurables sentent des résultats très hétérogènes. En effet, par l’intermédiaire de ces prothèses en position la technique utilisée, les marqueurs analysés, la pré pectorale. C’est pour cela qu’au delà de la durée de suivi sont très différents d’une étude transmission des paramètres de fonctionne- à l’autre. Plusieurs méta analyses (5,6) confirment électriques plusieurs applications sur ment un effet positif d’un suivi par un dispositif prothèses électriques ont vu le jour. L’on peut par TM sur le risque de ré hospitalisation pour les classer en deux grands types ; d'une part les IC, le risque de décès toutes causes et de ré mesures de paramètres fonctionnels comme hospitalisations toutes causes (6). Une des mél’activité physique qui peuvent être facilement ta-analyses a associé les études randomisées mesurés par l’accéléromètre associé aux pace- et les études de cohorte ce qui peut apporter maker et lui permettant de s’adapter aux efforts un biais supplémentaire (6) même si sur le plan faits par les patients et d’autre part les mesures des évènements les résultats y apparaissent réalisées par l’intermédiaire de systèmes indi- comme assez comparables. Dans la méta anarectement liés à la prothèse comme la mesure lyse d’Inglis (5), le TM réduit le risque de morde l’impédancemétrie intrathoracique ou la talité toute cause (RR 0,66 (95% CI : 0,54-0,81 mesure des pressions dans l’artère pulmonaire p<0,0001) alors que le support téléphonique « simple » (STS) aurait une tendance positive (étude COMPASS). non significative. A contrario, TM et STS permettent tous les deux de réduire les taux Le télé suivi non directement médicalisé (TS) Cette forme de télé suivi correspond à un sys- d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque tème dans lequel les paramètres vont être (respectivement RR 0,79 (0,67-0,94) p= 0,008 transmis automatiquement à un professionnel et RR 0,77 (0,68-0,87) p <0,0001), ce qui est un de santé non médecin (IDE formée en règle gé- objectif clef dans l’IC à la fois du point de vue nérale). Le patient ne sera pas en prise directe des patients et du point de vue du système de avec son médecin, la relation et le déclenche- santé car c’est ce qui permettra d’envisager une ment des alertes se fera selon un algorithme large utilisation de la TM. défini à l’avance. Il existe alors deux grands sous systèmes, le premier est celui, le plus fréquent Patient sujet ou acteur de son suivi ? dans lequel l’IDE envoie une alerte au profes- La plupart des modèles de TM sont basés sur sionnel de santé en charge du patient charge à la mise en place d’une solution technique au lui de contacter et gérer l’alerte ainsi signalée domicile du patient et très peu de programmes (TSAM pour télé suivi avec alertes médicali- abordent la question centrale de l’implication 19 ÈMES ASSISES DU CNCH 2013 - GROUPE INSUFFISANCE CARDIAQUE crises sub-aigues. Cette grande variabilité rend in fine les méta analyses peu contributives car basées par définition sur une agglomération des études privilégiant l’analyse en nombre de patients plutôt que l’analyse en terme de processus. 60 CNCH - CARDIO H - N°29 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque CNCH - CARDIO H - N°29 Là est tout l’intérêt d’un suivi associant signes cliniques, poids et dosage du Brain Natriuretic Peptide (BNP) chez des insuffisants cardiaques formés. Le BNP est un peptide sécrété par les myocytes en réponse à un étirement des fibres myocardiques consécutif à différents stimulus dont l’augmentation des pressions dans les cavités droites ou gauches en cas d’insuffisance cardiaque. Ce marqueur a démontré un intérêt diagnostic important avec une réduction des deux tiers de l’incertitude diagnostique aux urgences en cas de dyspnée et surtout une valeur prédictive négative très importante. Il a également déjà démontré son intérêt pronostic avec un risque d’évènement (mortalité et ré hospitalisation) corrélé au taux sanguin de ce marqueur dans de grandes populations de patients atteints d’IC (15,16). Enfin, plus récemment plusieurs études ont mis en avant son intérêt dans le monitoring du traitement de l’insuffisance cardiaque, le taux de BNP apparaissant comme permettant au clinicien de mieux estimer le rapport bénéfice risque d’une optimisation thérapeutique (17). L’apparition de techniques de dosage sur sang capillaire au domicile du patient a permis en lien avec ses performances cliniques d’envisager son utilisation en complément au télé suivi usuel de façon à optimiser les algorithmes de suivi et de faciliter la décision du clinicien en charge du patient (18). Pour autant, il ne faut pas oublier la dimension « patient » dans ce modèle. En effet, c’est le patient qui décidera de poursuivre ou non avec sérieux le suivi proposé par son équipe médicale et qui prendra la décision de recourir à tel ou tel ressource de santé (médecin traitant, cardiologue, urgences, pompiers, Samu). Il est donc indispensable que tout programme de télémédecine soit il de 4ème génération soit associé non pas a une simple formation à l’usage du matériel qui lui sera fourni mais bien à avoir la bonne réaction en cas d’urgence ou de nécessité d’adapter son mode de vie ou sa surveillance en lien avec ses professionnels de santé pour bien vivre sa vie avec sa maladie ce qui correspond à la définition de l’éducation thérapeutique. La mise en place de cette ETP devrait donc soit être un préalable à l’inclusion dans l’étude devant valider le système de TM soit faire partie intégrante du programme de TM lui même. A terme, le développement d’ap- 19 ÈMES ASSISES DU CNCH 2013 - GROUPE INSUFFISANCE CARDIAQUE Télémédecine et insuffisance cardiaque : quels défis ? Au fur et à mesure de la réflexion commune entre industriels et cliniciens, plusieurs générations de TM ont vu le jour. Le développement de nouveaux capteurs permettant de monitorer d’autres éléments que les signes cliniques usuels (Fc, tension, poids, symptômes) permet de faire émerger un nouveau modèle de TM associant cliniciens, biologistes, IDE et patients autour de l’IC. En effet, un des soucis majeurs de la TM est la faible valeur prédictive positive et négative de chaque critère pris isolément ce qui expose à une sur détection d’une part et à une sous détection d’autre part, ce qui conduit à un grand nombre de signalements de possible décompensation à gérer en dépit de matériels performants (13). Dans leur étude de TM en lien avec le médecin généraliste, Dendale et al. (14) ont identifié 16,6 alertes/patient liées au poids (prise ou perte de 2 kg), de 8,5 alertes/patient liées à la pression artérielle (PAS supérieure à 140 mm Hg ou inférieure à 90 mm Hg) et de 45 alertes/patient pour d’erreurs techniques en 6 mois. Au cours de l’étude il n’y a pas eu de diminution de ces taux d’alertes au cours de l’étude. Ce modèle n’a donc d’intérêt que s’il permet de corriger les faux positifs ou faux négatifs ou les deux via une amélioration de l’acuité diagnostique. In extenso, tout nouveau marqueur ne permettant pas au préalable d’améliorer l'acuité diagnostique, VPP ou VPN des marqueurs habituellement recommandés, ne devrait pas pouvoir être associé dans un outil de TM appliqué à l’IC aussi séduisant soit-il. du patient. La satisfaction du patient est rarement et souvent très partiellement analysée à la différence de l’effet du programme sur les évènements. De plus, cette analyse de satisfaction est très rarement réalisée en pré et post test ce qui limite la portée de l’indice de satisfaction relativement élevé retrouvé en général par les investigateurs (11). Le taux de compliance au système de télémédecine (ou adhérence au système) est curieusement très rarement analysé (5). Dans les études l’ayant analysé il est en moyenne de 65,8 pour le support téléphonique et de 75 à 98% pour le télé monitoring ce qui est assez disparate et assez faible. Par contre, la faisabilité technique apparaît comme satisfaisante (supérieure à 85%) et ce même dans les études ayant inclus des patients âgés. l’acceptabilité par le patient est élevée, en règle générale entre 75 et 100%. La compliance, de même que dans les études pharmacologiques, semble un élément clef de l’impact du système de télésuivi avec de très grandes différences entre les différentes études. Certaines études expérimentales comme l’étude SEDIC en Normandie apparaissent comme prometteuses mais portent sur un trop faible nombre de patients pour être décisives (12) 61 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque Quel financement ? Si la télémédecine prouve son caractère efficient sur le plan médico économique, le challenge sera de déterminer quel sera son financement. En effet, l’impact positif nécessitera un investissement initial qui devra être financé. De même, la question du mode de rémunération du professionnel libéral reste posée. Les deux grandes possibilités sont celles d’un forfait mais il faudra que celui ci soit versé au médecin généraliste et au spécialiste et par définition ce système ne comprend pas de volet de qualité (nombre de connexion, changements thérapeutiques réalisés, implémentation de la base de données) même s’il est d’une gestion financière plus simple. A contrario on retrouve le système de paiement à l’acte avec un paiement soit à l’implémentation de la base de données (examens biologiques) soit à la consultation des évènements et données à l’occasion ou en préparation à la consultation. Ce modèle est d’une gestion financière complexe mais présente des garanties d’utilisation et permet un suivi de qualité (traitements, et biologie par exemple. Même si ces couts de structure sont plus élevés c’est certainement le modèle le plus intéressant du fait que son pilotage est possible et que seul l’utilisateur actif est rémunéré. Une autre problématique est celle du financement et de la gestion du parc technique nécessité par cette application. En effet, l’adhérence aux différentes système apparaît comme très variable et en baisse continue au fil du temps a l’inverse des soucis techniques et de la maintenance dont les couts augmentent tout au long de l’utilisation. L’intégration de ces facteurs dans une forme de « location » sous forme de forfait à destination de l’industriel est la piste probablement la plus prometteuse car elle permet de s’affranchir de cet aspect de gestion matérielle. L’on peut éventuellement envisager également une participation des patients. Celle ci peut se faire selon deux grands axes : soit par l’utilisation de matériels de consommation courante (balance normale) puis auto transmission par le patient a un serveur sous contrôle d’infirmières spécialisées soit par l’achat de systèmes servant à la télétransmission (packs fournis dans le cadre d’abonnements par exemple). Cela permettrait d’impliquer le patient et donc d’augmenter l’adhérence mais a contrario pourrait encore augmenter les inégalités de santé. En conclusion, la TM dans l’IC est très séduisante sur un plan conceptuel et a beaucoup évolué au cours des dix dernières années. Pour autant, les preuves d’un effet notable et reproductible sur un grand nombre de patients restent à établir et en l’état actuel l’utilisation de la télémédecine ne fait pas l’objet de recommandations d’usage dans l’insuffisance cardiaque. L’apparition de nouveaux modèles associant suivi clinique, biologique et éducation du patients semblent néanmoins prometteurs pour une pathologie dont une large part des ré hospitalisations pourrait être évitée par une meilleure surveillance et une meilleure prise en charge. Bibliographie 1. Saudubray T, Saudubray C, Viboud C, et al. Prevalence and management of heart failure in France : national study among general practitioners of the Sentinelles network. Rev Med Interne 2005 ; 11 : 845-50. 2. Pérel C, Chin C, Tuppin C, et al Rate of patients hospitalized for heart failure in 2008 and trends between 2002 and 2008, France BEH 41 / 6 novembre 2012 3. 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Dendale P, De Keulenaer G, Troisfontaines P, Effect of a telemonitoring-facilitated collaboration between general practitioner and heart 19 ÈMES ASSISES DU CNCH 2013 - GROUPE INSUFFISANCE CARDIAQUE 19èmes Assises du CNCH 2013 - Groupe Insuffisance Cardiaque CNCH - CARDIO H - N°29 63 JE SFC 2014 Compte rendu des journées européennes de la Société Française de Cardiologie 2014 André MARQUAND COMPTE RENDU DES JESFC Résumé d’André MARQUAND (Fréjus) Les Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC), vitrine de la Cardiologie Française, année après année, ne démentent pas leur succès, attirant toujours plus de spécialistes cardiologues ou impliqués dans la discipline ainsi que, dans des sessions dédiées, des médecins généralistes. L’occupation de deux étages du Palais des Congrès de la Porte Maillot, malgré ses salles mal faites car tout en longueur (au-delà de la 10e rangée, difficile de voir les diapos et même l’orateur !), reste la solution la plus cohérente. Les laboratoires pharmaceutiques et les fabricants de matériel ont largement investi l’espace dévolu aux stands et leur soutien a été apprécié. Cette année encore le « Village » a attiré de nombreux participants sur le thème de la cardiologie du futur organisé par J Ferrière. Les présentations, réparties entre l’oral et les posters, commentés ou non, ont réuni les congressistes, avec des temps forts à l’écoute d’orateurs prestigieux Européens ou venus du monde entier. HTA : Recommandations dans l’HTA Jean-Michel Halimi (Néphrologie, Tours) a présenté : « Mesure de la Pression Artérielle » L’étude PAMELA a montré une discordance très significative entre la PA « casuelle » (à la consultation) et la MAPA ; celle-ci permet de dépister à la fois l’HTA blouse blanche (White Coat Hypertension ou WCH)) et l’HTA blouse blanche inverse ou « HTA masquée » (Reverse White Coat Hypertension : RWCH) (J Hypertens 2005 ; 23 : 513-20) Quels sont les patients avec HTA masquée ? L’étude finlandaise de Marjo-Riita et al. (J Hypertens 2011 ; 29 : 1880-8) les montre (comparativement aux hypertendus avec WCH) : - plus gros : IMC +1.9 kg/m² (p < 0.001), - avec plus de tour de taille : +4 cm (p < 0.001), - plus sédentaires : 34.8% contre 15.4 % (p < 0.001), - plus consommateurs d’alcool : 11.0% contre 7.7% (p < 0.001), 64 Plus souvent diabétiques : 11.9% contre 4.5% (p < 0.001). Plus souvent avec des éléments rendant probable le SAOS : 12.0% contre 8.0% (p 0.03). L’automesure tensionnelle (AMT) a un grand intérêt pronostique : chez le normotendu (pour confirmer qu’il est normotendu), dans l’HTA BB, dans l’HTA confirmée pour ajuster le traitement, dans l’HTA masquée pour aussi confirmer, puisque le patient est normotendu chez le médecin et qu’on pose peu ou pas l’indication d’une MAPA ! De ce fait, la SFHTA a émis des recommandations sur la mesure de la PA pour le diagnostic et le suivi de l’hypertendu, en dix points. 1. A. Privilégier la mesure électronique pour le diagnostic et le suivi des hypertendus au cabinet et en ambulatoire B. Usage de tensiomètres de bras, validés, avec brassard adapté (à la circonférence du bras) de préférence aux appareils au poignet C. En cas de rythme cardiaque irrégulier les valeurs obtenues en mesure automatisée sont « sujettes à caution » ; il est recommandé de répéter les mesures. NDLR : la méthode de mesure de ces appareils est basée sur une égalité des systoles donc des PA lors de la déflation du brassard. Si les systoles sont irrégulièrement espacées, leur puissance est inégale et l’algorithme d’interpolation ne fonctionne pas ; les appareils professionnels le reconnaissent et affichent « erreur », les autres donnent des mesures fantaisistes ; bien entendu, le mesure manuelle est tout aussi imprécise. 2. A. Avant toute mesure de PA, il est nécessaire de laisser reposer le patient « plusieurs » minutes. B. La mesure peut être réalisée en position assise ou couchée ; la mesure debout dépiste l’hypotension orthostatique et sera effectuée lors du diagnostic, des modifications thérapeutiques et lorsque la clinique est évocatrice. L’automesure (AMT) est un acte médical et doit le rester ; elle nécessite une éducation thérapeutique. CNCH - CARDIO H - N°29 JE SFC 2014 3. A. En AMT, les mesures sont recommandées en position assise, 3 mesures le matin au petit-déjeuner, trois le soir avant le coucher (règle des 3), espacées de quelques minutes. B. Un professionnel de santé doit faire au patient une démonstration d’AMT. application. Elles doivent guider le praticien pour obtenir une efficacité maximale dans la prise en charge du patient hypertendu. Thierry Denolle (Dinard) : « Prise en charge d’une HTA résistante » Le Dr Thierry Denolle (Dinard, France) a commenté les recommandations françaises de Janvier 2014 sur la prise en charge de l’HTA résistante. Elles sont issues de l’étude de 80 articles scientifiques. Elles ont semblé nécessaires car l’HTA résistante : - s’accompagne d’une incidence élevée d’AOC, - est corrélée à une élévation du risque CV, cérébro-vasculaire et rénal : +50% de risque d’AVC sur 3.8 ans, - ces patients nécessitent une prise en charge 5. Il est recommandé d’effectuer la MAPA/AMT adéquate. avant le début du traitement sauf HTA sévère. Définition de l’HTA résistante : l’HTA non contrôlée 6. Dans le cadre du suivi de l’hypertendu, il est à l’examen (PA ≥ 140/90 mmHg en dessous de 80 recommandé de pratiquer la MAPA ou l’AMT, en ans ou PAS ≥ 150 mmHg après 80 ans, confirmée particulier lorsque la PA ne paraît pas contrôlée par AMT ou MAPA malgré une approche théraen consultation. peutique appropriée (règles hygiéno-diététiques, triple traitement antihypertenseur comportant 7. La MAPA est utile : un diurétique pendant au moins 4 semaines à - pour poser le diagnostic d’HTA en l’absence des doses optimales) : Reco. de classe 1, niveau de d’AMT, preuve C - en cas de discordance entre la PA casuelle et l’AMT, Quelle est la prévalence de l’HTAr ? - en cas de PA normale et atteinte des organes L’étude de Hayek S. et al (Am J Hypertens 2013) cibles (AOC), sur 1756 hypertendus, dénombrent : - en cas de suspicion d’hypo-TA. - 43.4% contrôlés, - 30.9% HTAr, 8. Intérêt de la MAPA et de l’AMT comparative- - 15.3% d’HTAr + diurétique, - 4.7% d’HTAr sous traitement maximal approprié, ment à la PA casuelle : A. La reproductibilité de la PA est meilleure en - 3.4% d’HTAr sous traitement maximal dont un diurétique, AMT et en MAPA qu’en casuel. B. L’AMT et la MAPA sont plus fortement corrélées - 0.8% adressés pour dénervation rénale. à l’AOC et au risque de complications CV que la La démarche pour le généraliste a été simplifiée PA casuelle. et rendue pragmatique : - Le patient est-il sous traitement triple aux doses 9. WCH et RWCH : A. L’AMT et la MAPA permettent de diagnostiquer optimales ? Si oui : la WCH B. En cas de WCH, un suivi sera effectué au long - problème suspecté ou confirmé de compliance/ cours pour dépister la survenue de l’HTA perma- adhérence ? nente Si non : C. La RWCH se définit par une PA casuelle normale - on élimine une WCH : MAPA et une PA élevée par les autres méthodes : AMT, Si HTAr confirmée : MAPA ; en cas de RWCH chez l’hypertendu traité, - interférence avec substance/traitement inducune intensification du traitement est proposée. teur d’HTA/résistance ? (AINS, corticoïdes, réglisse…) 10. AMT et MAPA apportent au médecin des in- Si non : formations importantes pour la prise en charge - HTAr confirmée, on demande l’avis du spéciathérapeutique et leurs résultats doivent être pris liste La définition du traitement triple est mentionnée en considération : en plus d’un thiazidique (les diurétiques de l’anse Ainsi, ces recommandations sont basées sur les en sont pas des antihypertenseurs, cf infra), un données acquises, simples et faciles à mettre en bloqueur du SRA (BSRA : IEC ou ARA2) et un antiCNCH - CARDIO H - N°29 COMPTE RENDU DES JESFC 4. A. La normalité tensionnelle en AMT ou en MAPA est différente de la mesure au cabinet médical. B. Chez l’adulte, la normale au cabinet médical est < 140/< 90 mmHg, en automesure, en période diurne : < 135/ < 85 mmHg. C. La MAPA est la seule méthode permettant d’obtenir des mesures pendant l’activité et le sommeil, où les normales sont (adulte) : < 120, < 70 mmHg. 65 COMPTE RENDU DES JESFC JE SFC 2014 66 calcique. D’autres classes peuvent être utilisées (NDLR : en admettant une compliance correcte et pour coller aux nécessités et/ou aux préférences. l’absence d’une surcharge sodée majeure) 1. Recherche d’une AOC Quels diurétiques dans l’HTA résistante ? Ce sont 2. HTA secondaire ? les thiazidiques, par exemple HCTZ, au moins 25 3. Si ce n’est pas une HTA secondaire, tenter la spimg/j, ou l’indapamide (1.5 LP ou 2.5 mg/j) ou la ronolactone, et/ou un autre béta-bloquant chlorthalidone (absente en France, c’était autre- 4. En cas d’inefficacité : fois Hygroton® ; il existe un regain d’intérêt pour *discuter une dénervation rénale (approche rece produit puissant et très bon marché) : deux fois mis en cause depuis les résultats de SIMPLICITY plus puissante que l’HCTZ, sa dose de base serait HTN III) 12.5 mg/j. En cas d’altération rénale (DFGe < 30 *ajouter un béta-bloquant ou un alpha-bloquant ml/mn.1.73 m²), le thiazidique doit être remplacé ou un antihypertenseur central par un diurétique de l’anse (furosémide, bumétanide), à une dose en rapport avec la fonction Recherche d’AOC rénale (il faut augmenter la dose proportionnel- - initialement : fonction rénale, DFG sur la créalement à l’altération du DFG). « Reco » de classe 1, tinurie des 24 h ; microalbuminurie, protéinurie niveau de preuve A (nous proposons aussi la natriurèse des 24 heures, coût infime, apport important, voire la cortisoluLe problème de la compliance : rie, l’aldostéronurie), - dans l’HTAr, l’étude de l’élimination urinaire des - ECG et échocardiographie (NDLR : celle-ci netmédicaments montre que 37% des patients ont tement opérateur et patient dépendante pour le une compliance basse ou nulle (16%). Dès lors, il diagnostic d’HVG ; un examen des TSA est rapide, faut rechercher une défaillance de la compliance peu coûteux et informe grandement sur la proba(questionnaires, dosages, comptage des compri- bilité d’athérosclérose diffuse, examen de l’AA qui més). NDLR : même dans les essais cliniques où dure quelques secondes et renseigne sur la vrail’on a utilisé des piluliers électroniques comptant semblance d’une SAAR, sans compter l’éventuel et datant les ouvertures du flacon, le patient étant diagnostic d’AAA), prévenu, la compliance a été très insuffisante, cer- - une évaluation vasculaire résiduelle sera effectains patients allant jusqu’à vider le tube avant tuée en fonction du contexte, la disponibilité de la visite chez le médecin (comptage : une seule la technique et du spécialiste (NDLR : cf supra !). ouverture avant la date de RdV !). Reco de classe Reco de classe 2, niveau de preuve B ++. 1, niveau de preuve C. La recherche d’une HTA secondaire comprend : L’HTA Blouse Blanche (WCH) se définit par une PA - ionogramme sanguin, natriurèse des 24 heures, ≥ 140/90 mmHg avant 80 ans (et ≥ 150 mmHg créatinurie, protéinurie des 24 h,- scanner abdode PAS après 80 ans) et AMT < 135/85 et/ou < minal, 130/80 en MAPA des 24 heures et/ou < 135/85 en - Doppler artériel rénal, période diurne et/ou < 120/70 la nuit - ARP, aldostérone, ARP/aldostérone, - métanéphrines/normétanéphrines urinaires des Médicaments et substances pouvant déclencher 24 heures, la résistance au traitement : - cortisolurie libre des 24 h (FLU), test court à la - anti-angiogéniques, dexaméthasone (1 mg), - cyclosporine, tacrolimus, - oxymétrie nocturne, polysomnographie. - corticoïdes, Reco de classe 2, niveau de preuve B. - érythropoïétine, - œstrogènes de synthèse, Mise en évidence d’une HTA secondaire dans - sympathomimétiques, l’HTA résistante par fréquence (Pedrose RP et al. - inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de Hypertension 2011 ; 58 : 811-7) : la noradrénaline, - SAS : 64%, - alcool, - Hyperaldostéronisme primaire (HAP) : 5.6%, - cocaïne, amphétamines, - Sténose artérielle rénale (SAR) : 2.4%, - plantes : éphédra…, - Néphropathie : 1.6%, - réglisse. - Dysthyroïdie : 0.8%, - œstro-progestatifs à visée contraceptive orale : Interactions avec le métabolisme et/ou l’effet an- 1.6%. tihypertenseur : - AINS, En cas d’HTAr, quelle quadrithérapie ? En cas - antirétroviraux, d’absence d’HTA secondaire, chez des patients < - inhibiteurs du CYP17A1 : jus de pamplemousse, 80 ans, il est recommandé de prescrire une quamacrolides, antifongiques azolés. drithérapie comportant de la spironolactone 12.5 Démarche diagnostique de l’hypertensiologue à 25 mg/j en première intention, en l’absence de CNCH - CARDIO H - N°29 JE SFC 2014 pas 55%. Bien entendu, l’adhérence est la moins bonne dans le tertile le moins satisfait du traitement et réciproquement. Les facteurs intervenant le plus dans la compliance sont : - le tabagisme (p < 0.0001) !, - le diabète (p = 0.01). Dans l’adhérence : La Spironolactone dans l’HTAr : étude ASPIRANT - le diabète (p = 0.01), (Hypertension 2011 ; 57 : 1069-75) : différence par - les antécédents familiaux précoces (p = 0.04) rapport au placebo : Dans la satisfaction : - PA casuelle : -6.5/-2.5 mmHg (p = 0.01/0.08), - l’inactivité (p = 0.008). - MAPA des 24 heures : -9.8/-1.0 (p = 0.004/0.4), - MAPA diurne : -5.4/-1.0 (p = 0.02/0.36), Conclusions : - MAPA nocturne : -8.6/-3.0 (p = 0.01/0.08). - les patients ne répondant pas au traitement antihypertenseur en monothérapie ont objectivé : Et ensuite (NDLR : en plus de la quadrithérapie si • une mauvaise compliance dans > 50% des cas, elle ne suffit pas ou d’effet indésirable de la spiro- • une mauvaise adhérence dans près de 40% des nolactone) : il est recommandé de tenter un béta- cas, bloquant ou un antihypertenseur central alpha- • une satisfaction globalement bonne du traiteagoniste. Reco de classe 2 ; niveau de preuve C ++ ment dans seulement 55% des cas, - la compliance et l’adhérence ont été fortement Les recommandations font ensuite état, sur la corrélées à la satisfaction du traitement, base de Simplicity HTN-2 (Lancet 2010 ; 376 : 1903- - la compliance, l’adhérence et la satisfaction des 9). Cela étant (NDLR), on a appris depuis, que la patients n’ont pas pu être corrélées à un profil version 3 de cette étude, en randomisé, a donné spécifique du patient, des résultats nuls. Les investigateurs s’en sont plus - cependant, les patients au pronostic le plus ou moins tirés en méta-analysant les résultats des sévère (tabac, diabète, antécédents familiaux) 3 essais Simplicity, mais le seul randomisé étant ont eu les plus mauvais scores d’adhérence/comle 3, il faudra sérieusement nuancer l’intérêt de la pliance. dénervation rénale. D’autres essais suivront. Pour les auteurs, le passage à une ADF (associaLe diagnostic d’HTAr est préférable, d’après l’ora- tion à doses fixes) pourrait améliorer les scores teur, dans les centres d’excellence de l’HTA, 14 en d’adhérence/compliance/satisfaction, associée France, mal répartis : aucun en Picardie, Nord – cependant à des mesures éducatives appropriées. Pas de Calais ! Un seul dans l’Est (Nancy), aucun en Bourgogne – Franche-Comté… Bref, on a peu Notre opinion : cette étude a le considérable de choix, et donc des trajets importants pour la avantage de refléter le monde réel du cardiologue plupart des patients. Ce qui n’encouragera pas à prenant en charge l’HTA, probablement différent référer les patients pour des bilans en Hôpital de du généraliste, puisque médecin de 2e recours. Jour ! Et il s’avère que les patients les plus menacés sont les moins adhérents/compliants (termes, F. Allaert (Dijon) : « HTA, vaisseaux et risque en vérité, dont la différence est académique vasculaire : Etude OPERA » !). Qu’un fumeur qui s’empoisonne à longueur de journée (voire empoisonne son entourage) L’essai OPERA a tenté d’identifier la contribution ne se sente pas concerné par son HTA, voici qui de paramètres tels que la compliance, l’adhé- n’est pas inattendu. Qu’un diabétique soit dans le rence et la satisfaction du patient dans l’obtention même cas l’est plus. Ce qui frappe, c’est l’absence de niveaux tensionnels satisfaisants en partant de d’analyse des motivations, de la compréhension patients en échec avec une monothérapie. Ainsi, de la maladie. Car cette analyse a été éludée. On 433 cardiologues ont inclus 1292 hypertendus ne peut aujourd’hui obliger les hypertendus à se d’âge moyen 64 ± 12 ans, à 57.7% des hommes, soigner comme certains patients psychiatriques. avec une PA d’inclusion 160 ± 12 / 91 ± 8 mmHg. Le parallèle n’est pas anodin. La défaillance à se Leur compliance thérapeutique, évaluée par projeter dans l’avenir et privilégier l’immédiat (se l’échelle de Morisky (0 – 8) a été jugée faible dans dispenser de prendre le médicament, le plaisir 54.5% des cas. Leur adhérence (DMRA : 0 - 36) a d’allumer une cigarette, de saler les mets, de resété jugée faible à 39.2%, moyenne à 28.8%. ter sédentaire…) est une caractéristique de certains sur laquelle on sait très mal (ou pas) agir. Une Si les patients signalent que la tolérance est autre particularité bien hexagonale est la prise en bonne (74%), la satisfaction globale ne dépasse charge de l’HTA par des cardiologues dès avant CNCH - CARDIO H - N°29 COMPTE RENDU DES JESFC contre-indication (NDLR : il est présumé qu’un thiazidique à pleine posologie est présent : HCTZ ≥ 25 mg/j). Une surveillance attentive de la kaliémie et de la créatininémie est obligatoire ; néanmoins, un béta-bloquant peut être choisi, selon le tableau clinique (NDLR : fréquence cardiaque, fonction systolique du VG…). Reco. de classe 1, niveau de preuve A ++++. 67 JE SFC 2014 les complications CV. Partout ailleurs, c’est le généraliste, d’où l’intérêt des recommandations très précises, bien avant la prise en charge des complications. Cette intéressante étude devrait être suivie d’autres, plus longues et fouillées. Espérons. COMPTE RENDU DES JESFC P Dary (Saint-Yrieix- la-Perche) : « Monitorage à distance de l’HTA non contrôlée » 68 Le Dr Dary a présenté une étude sur le monitorage à distance de l’HTA non contrôlée. L’objectif initial a été de se servir de cette méthode pour optimiser le traitement, analyser la variabilité tensionnelle. Ainsi, les auteurs ont demandé aux patients 6 mesures par jour, en 3 séries de 2 : matin, midi et soir, les transmissions se faisant directement (par l’appareil). Ainsi, 200 patients ont été inclus, PA moyenne (casuelle) 175/93 mmHg, 107 femmes et 93 hommes, d’âge moyen 68 ans, entre Juin 2011 et Mai 2013, 21% sans traitement, 21% sous monothérapie, 23% sous bithérapie et 32% avec 3 ou plus classes thérapeutiques. Résultats : - après 4.7 jours et 28 mesures par patient, la moyenne descend à 157/84, dont, - 45 patients « normalisés » (22.5%) passant de 161/90 à 134/77 mm, - 155 non contrôlés (77.5%) passant de 179/94 mmHg à 163/86 mmHg. est possible de faire participer certains patients à la prise en charge de leur hypertension. Les résultats, très innovants, montrent une baisse très franche de la PA en milieu de journée, reflétant la prise matinale du traitement et la montée en puissance en fin de matinée, suivie d’une perte de puissance par la suite. Cette préconisation de prise matinale est toujours très prévalente, alors que les rares études MAPA ont amené à prôner des prises vespérales (au moins pour les classes non diurétiques) afin de couvrir la tranche horaire après 4 h, moment des élévations tensionnelles physiologiques s’accompagnant des complications aiguës habituelles (IDM, AVC, OAP…). Et permettant aux apnéiques du sommeil de réduire leur HTA nocturne. Du moins ceux non appareillés ! Déjeuner-débat : « Optimisation du traitement anti-agrégant plaquettaire dans le SCA en dehors de la salle de cathétérisme : qui fautil traiter : le stent ou le patient ? Sous la présidence de Patrick Goldstein (SAMU 59, Lille) et Philippe-Gabriel Steg (Paris) Dominique Savary (SAMU 74, Annecy) et Christian Spaulding (Paris) : « Avant la salle de cathétérisme : certitudes et questions en suspens » Le Dr Savary rappelle que dès le Premier Contact Médical (PCM), la vitesse est prioritaire : si une PCI est possible dans les 120 premières minutes, elle Cette phase d’observation est suivie d’une phase doit être faite ; sinon, une fibrinolyse est légitime. thérapeutique sur 12 jours : *une réduction moyenne de 19/7 mmHg (PA Dans le STEMI, les deux anti-agrégants modernes, moyenne finale = 144/79) (p < 0.0001 pour la PAS le prasugrel et le ticagrelor sont supérieurs au cloet la PAD) pidogrel, en association avec l’aspirine (ASA). Pour *mais deux groupes se différencient : le Dr Savary, le cardiologue interventionnel doit - un groupe normalisé à 132/80 s’adapter aux circonstances : - un groupe résistant à 153/78 - en l’absence d’ASA, 250 mg IV, - 90% des patients ont adhéré au protocole - attitude sur les bloqueurs de l’ADP en amont de l’intervention : Des résultats intéressants ont émergé avec cette • rien n’a encore été administré : Ticagrelor 90 mg technique : X 2 per os sur la table, - la PAS la plus basse a été observée vers midi, • clopidogrel 300 ou 600 mg, sous traitement ou non, la différence étant d’une • Ticagrelor 90 mg X 2 : suivre ensuite en USIC Tidizaine de mmHg (p < 0.0001), cagrelor 90 m X 2/j (90 mg matin et soir), - cette réduction de PAS a été la plus ample pour • Prasugrel 60 mg : poursuivre en USIC 10 mg/j. les > 75 ans (-12 vs. -8 mmHg). *on sait que le Ticagrelor permet de gagner 16% d’événements comparativement à la stratégie Conclusion de la présentation : Clopidogrel (essai PLATO), - le suivi à distance de la PA est simple, rapide ; il *le prasugrel est bénéfique aussi mais seulement permet de recueillir des résultats de PA induisant chez les patients sans antécédent d’AVC/AIT, < 75 des adaptations thérapeutiques : ainsi, on a réduit ans, > 60 kg (étude TRITON). la PAS moyenne du groupe de 19 mmHg (p < 0.001), Pour le NSTEMI, la situation est plus floue, en par- les valeurs de PAS en milieu de journée sont net- ticulier en raison de la variété diagnostique finale. tement inférieures aux valeurs recueillies le matin Lorsqu’un SCA est retenu, en fonction des algo(et le soir), rithmes, on stratifie le risque, ce qui donne une - la surveillance de la variabilité tensionnelle est intervention nécessaire dans les 24 heures, 72 une méthode utile d’évaluation du risque. heures ou bien élective. Là encore, l’essai PLATO Notre opinion : cette belle étude montre qu’il montre que le Ticagrelor (dose de charge de 180 CNCH - CARDIO H - N°29 JE SFC 2014 Toutefois, il a été avéré (essai clinique ACCOAST, Montalescot G. et al. NEJM 2013 ; 369 : 999 1010) que le pré-traitement par Tableau 1 : Le DAP aspirine – clopidogrel dans « le monde réel » prasugrel en amont d’une revascularisation n’apporte rien comparativement à la - récidive de thrombose coronaire sur d’autres charge après la revascularisation. De plus, le pré- lésions, traitement s’accompagne d’un excès hémorra- - thrombose de stent suite à une PCI. gique : RR 1.9 à 7 jours et 1.97 à 30 jours (p = 0.006 Ainsi, la durée optimale du DAP dépendra des et 0.002). variations potentielles du rapport bénéfice-risque Dans le registre FASTMI de 2005, on a observé un L’auteur, devant ces résultats contradictoires, ap- fort taux d’événements jusqu’à 3 – 4 mois postpelle à un consensus régional et propose : SCA dans le STEMI et 5 – 6 mois dans le NSTEMI. *dans le NSTEMI à risque élevé (compliqué de TV/ Les recommandations de l’ESC mettent à égalité FV et/ou insuffisance cardiaque et/ou douleur et les 3 anti-plaquettaires à adjoindre à l’aspirine et sous-décalage de ST persistants : PCI immédiate la durée du DAP recommandée est de 12 mois, (en tout cas < 2 h) et traitement anti-plaquettaire avec un minimum de 1 mois pour les BMS (stents comme dans le STEMI nus) et 6 mois pour les DES. *pour les autres NSTEMI, aspirine seulement, admission dans un établissement local et stra- Que nous ont appris les grands essais ? tification : score ESC 2011 ≥ 1 : traitement anti- - CURE (NEJM 2001) : le clopidogrel associé à plaquettaire (on suppose double NDLR), HBPM, l’aspirine (comparé à aspirine seule dans le SCA anti-GP IIb/IIIa, coronarographie < 48 heures ; si le ST-) réduit le critère combiné à 12 mois de 20%, score ESC 2011 = 0, fondaparinux seulement ; des avec un excès hémorragique de 38% ; la RRR est variantes pourraient exister… de 22% dans les 30 premiers jours et de 17% du 31e jour à 1 an, Notre opinion : ces contorsions protocolaires - PRODIGY (Valmigli M. et al. Eur Heart J 2013), (et vaguement académiques) ne peuvent cacher chez ¾ de SCA et ¼ d’IDM ST+, les événements qu’au fond, dans le NSTEMI, l’anatomie coronaire CV ont été identiques avec une DAP de 24 mois et et l’existence ou non d’une thrombose plus ou une de 6 mois, mais celle-ci s’est accompagnée de moins occlusive, sont inconnus, tout comme leur bien moins d’hémorragies : RR 0.46 (p = 0.00018), évolutivité. Pour éviter toute perte de chance, le soit en absolu, 3.5% vs. 74% à 720 jours, patient sera le plus en sécurité dans une USIC avec - TRITON : le critère combiné (pour tous les SCA) un angioplasticien dans l’immédiat voisinage. Le décès CV, IdM non mortel et AVC non mortel a été double traitement anti-plaquettaire a été validé réduit de 13% sous prasugrel vs. clopidogrel (p = par de nombreuses études, a l’avantage de la sim- 0.089), plicité, de pouvoir être débuté dès le domicile par - PLATO : le ticagrelor (vs. clopidogrel) : le SAMU/SMUR, en respectant soigneusement • au cours des 30 premiers jours, réduction des ses limites et contre-indications. Compliquer à événements de 12% (p = 0.045), l’infini les protocoles les rend illisibles et finit par • de J31 à J360, réduction des évènements de 20% porter préjudice au patient. Il faut aussi se mettre (p < 0.001), à la place de l’urgentiste dans le « camion » à 4 • décès CV : -21%, heures du matin, entre deux ramassages de poly- • IDM : -16%, traumatisés de la route ! • AVC : +17% (NS). (Tableau1) N Danchin (Paris) : « Après le SCA : durée opti- L’impact du DAP > 1 an sur la mortalité vs. ≤ 1 an : male du DAP » décès à 5 ans : 10.8% vs. 19.3% (p = 0.0002). Mais NS une fois les ajustements faits. De même DAP Le Pr Danchin a rappelé que la finalité du traite- vs. SAP. Absence d’interaction avec : âge (plus ou ment anti-plaquettaire chez le coronarien est de moins de 75 ans), diabète, type d’IDM, type de réduire les risques de : revascularisation (0 ou BMS, ou DES). CNCH - CARDIO H - N°29 COMPTE RENDU DES JESFC mg puis 90 mg X 2/j) permet un gain de 17% sur les événements ultérieurs, *le prasugrel est bénéfique aussi mais seulement chez les patients sans antécédent d’AVC/AIT, < 75 ans, > 60 kg (étude TRITON) ; globalement, le produit est bénéfique. 69 JE SFC 2014 Aujourd’hui, de nouvelles preuves de l’intérêt - 35% ont un PCI éventuel de prolonger la DAP après 1 an sont L’oratrice pose la question de l’intérêt d’un prénécessaires. traitement dans ce mille-feuilles diagnostique ! COMPTE RENDU DES JESFC L’essai PEGASUS dont les résultats devraient être connus début 2015 (on parie sur l’ACC de Mars 2015), avec ses inclusions terminées 1 an plus tôt (21000 patients, 25 centres en France), compare des individus à plus d’un an de leur IDM (et < 3 ans), à risque élevé, en les randomisant en 3 groupes : - ticagrelor 90 mg X 2 + ASA 75 – 150 mg/j, - ticagrelor 60 mg X 2 + ASA 75 – 150 mg/j, - ASA mg/j + placebo. Les critères sont classiques et recoupent ce qui a déjà été fait. Conclusions du Pr Danchin : - les recommandations préconisent un traitement jusqu’à 1 an post-SCA, - dans les essais randomisés contre placebo, il y a peu de bénéfice après le 3e mois, - avec le ticagrelor, les courbes continuent de diverger > 3 mois, - les données recueillies dans le « vrai monde » suggèrent qu’il n’existe pas de bénéfice à poursuivre le clopidogrel > 12 mois et que le bénéfice entre le 3 et le 12e mois est limité après une revascularisation, - il faut attendre les résultats des essais en cours pour savoir si le DAP prolongé est bénéfique. Controverses dans la thérapeutique antiplaquettaire, sous la présidence de C Bauters (Lille) et P Coste (Bordeaux) Anne Bellemain-Appaix (Antibes) : « Le pré-traitement aux inhibiteurs de P2Y12 devrait être abandonné : POUR » Même en cas de charge à 900 mg, le clopidogrel n’atteint en 5 heures que 35% d’inhibition plaquettaire, ce qui fait long (Montalescot P. et al. JACC 2006 ; 48 : 931-8 et Bellemain-Appaix A. et al. JACC 2010 ; 55 :815-22) avec une forte hétérogénéité entre les patients (lents, rapides, peu-répondeurs) : 30% de « variants génétiques » et autant de « résistants » ! Le Prasugrel et le Ticagrelor sont constamment et rapidement efficaces comparés au clopidogrel (600/75 mg) (Wallentin et al. Eur Heart J 2008 ; 29 : 21-30 et Gurbel et al. Circulation 2009 ; 120 : 2577-85). Ainsi, le clopidogrel serait avantageux par son absence/retard d’efficacité anti-plaquettaire ! En effet, les SCA ST- sont fortement hétérogènes : - plus de 10% ont une coronarographie normale et même 25% chez la femme ! - 20% relèvent d’un traitement médical - 10% relèvent d’un pontage - 35% n’ont pas de coronarographie et donc pas de PCI 70 En cas de PAC, le bénéfice du pré-traitement par clopidogrel a été soigneusement analysé (Biancari et al. JTCS 2012 ; 143 : 665-75) : - pour le critère combiné décès – IdM – AVC : RR 0.77 (p NS), - pour le critère décès : RR 0.81 (NS dans les RCT) - et les décès dans les essais observationnels : RR 1.33, IC 95% significatif, - pour les hémorragies majeures, RR = 1.48 NS dans les RCT, - pour les réinterventions d’hémostase : RR 1.88 : IC 95% très significatif (essais observationnels), - et pour les transfusions : RR 1.23, IC 95% significatif (obs). Dans ce même domaine : - dans PLATO, le ticagrelor fait jeu égal avec le clopidogrel, - dans TRITON, le prasugrel est très avantageux comparativement au clopidogrel. Qu’en est-il des PCI sur coronariens stables ? Certains essais ont été en faveur du pré-traitement : par exemple « CREDO – PCI elective » (Steinhubl SR et al. JAMA 2002 ; 288 : 2411-20) : RRR par prétraitement : 18.5% (p = 0.23), mais effet tempsdépendant significatif à partir de 15 h en amont de la PCI (ce qui recoupe la montée en efficacité des 300 mg de clopidogrel utilisés), avec un effet NS sur les hémorragies. Dans PRAGUE 8, avec un pré-traitement de 600 mg, effet NS sur le critère principal, mais élévation des hémorragies (> 2, p < 0.05) (Widimsky et al. Eur Heart J 2008 ; 29 : 1495503), en particulier pour les patients randomisés en angioplastie non élective (c’est-à-dire, pas de coronarographie d’emblée), où le bilan est spécialement négatif. D’autres essais sont neutres. Et les SCA ST+ ? Les recommandations ESC préconisent le pré-traitement (prasugrel ou ticagrelor). Le clopidogrel (300/75) est efficace sur les événements post-PCI : RR 0.54 à 30 j (p = 0.008) (CLARITY – PCI – STEMI. Sabatine MS et al. JAMA 2005 ; 294 : 1224-32). Et la méta-analyse sur le clopidogrel est concluante (Anne Bellemain-Appaix et al. JAMA 2012 ; 308 : 2507-17). TRITON (prasugrel) va dans ce sens aussi (RR 0.79, p = 0.02, NNT = 42 et RR d’hémorragie majeure 1.11, p = 0.65 ; NNH = 333). Mais est-ce là l’effet du pré-traitement ? L’essai en cours ATLANTIC (Montalescot et al) va comparer le pré-traitement par ticagrelor 180 mg dans le STEMI au traitement à l’arrivée à l’hôpital. L’oratrice conclut, après avoir passé en revue les essais ayant traité le sujet, en faveur de l’abandon du pré-traitement par inhibiteurs du P2Y12 : - car en dehors du SCA ST+, on ne sait pas toujours CNCH - CARDIO H - N°29 JE SFC 2014 ce qu’on traite, - car en cas de pontage, on augmente les hémorragies, - car dans l’angioplastie élective, pas de bénéfice et qu’on peut donner une dose de charge sur la table, - dans le SCA ST-, le bénéfice sur les complications évolutives ischémiques est contre-balancé par les hémorragies… • c’est vrai pour le clopidogrel, • c’est vrai pour le prasugrel, • pour le cangrelor (IV : effet en 3.5 mn), il existe un bénéfice clinique net contre clopidogrel oral à 48 heures (essai Champion – Phoenix : Bhatt D. et al. NEJM 2013 ; 368 : 1303 - 13), sans excès hémorragique significatif, • est-ce vrai pour le ticagrelor ??? néral bon, l’administration d’anti-agrégants puissants, surtout dans les strates à faible risque, fait encourir un risque supérieur au bénéfice. Là encore, le Dr Cayla a ressorti les vieux essais avec le clopidogrel comparé au placebo ! Et la méta-analyse de l’oratrice précédente (JAMA 2013) sur près de 38000 patients, montrant l’absence de bénéfice significatif pour la pré-charge en clopidogrel quant à la survie, qui n’est avantagée que dans le STEMI (RR 0.50, p = 0.04). Pour les MACE, par contre, les RCT sont en faveur de la précharge : RR 0.77 (p < 0.001). Les hémorragies sont plus nombreuses (RR 1.18) mais p = 0.18. Les lignes ont bougé avec ACCOAST, la vraie question étant le NSTEMI (le STEMI est pris en charge désormais de manière invasive dans la presque totalité des cas). ACCOAST a considéré les NSTEMI, mais ni dans les délais de traitement très courts, ni les très longs (> 48 h). On estime qu’une partie importante des caillots se forme dans l’auricule gauche : pour 12.6% de présence de thrombus lors des explorations, 90% étaient dans l’auricule (Blackshear JL et al. Ann Thorac Surg 1996 ; 61 : 755-9). Technologies du futur pour la prévention des AVC E Teiger (Créteil) : « Prévention non pharmacologique des AVC dans la FA : fermeture de l’auricule gauche » Finalement, si le consensus sur les STEMI est relativement obtenu, la précharge restant utile, il existe, pour le Dr Cayla, des NSTEMI très proches du STEMI par les risques élevés et les NSTEMI à long délai, où les anti-plaquettaires tels que le clopidogrel, le ticagrelor, pourraient être fort utiles. Notre avis : les discussions soulevées par les adversaires du pré-traitement viennent surtout d’essais ayant mélangé les types de SCA et les produits utilisés ! Le pré-traitement dans le SCA ST+ n’est que peu contestable. De même, l’adoption des nouveaux anti-plaquettaires qui agissent très vite (et s’éliminent vite aussi) permet leur utilisation à la demande en salle de cathétérisme. Tout oppose donc les essais anciens avec des doses modestes de clopidogrel mettant plusieurs heures à agir et les essais récents avec le prasugrel et le ticagrelor dont l’efficacité maximale est très rapidement atteinte et permet au cathétériseur de décider extemporanément, au besoin avec une perfusion courte d’anti-GP IIb/IIIa. Il faut retenir que dans les SCA ST-, groupe hétérogène au pronostic en géCNCH - CARDIO H - N°29 Or le traitement de référence, la warfarine (AVK de référence hors de France), ne donne d’efficacité convenable qu’en partie : lors des admissions pour AVC sous traitement, seulement 29% des patients avaient un INR efficace, et elle n’est pas prescrite chez 21% des bons candidats, d’autres suscitant l’abstention pour des raisons de tolérance, de compliance ! Dans les meilleurs cas de RCT, comme dans le groupe AVK de RE-LY, le TTR (time in therapeutic range) allait de 44% (Taïwan) à 77% (Suède), ce qui est loin de la perfection ! De plus, non seulement la stratification CHADS est mal ou non utilisée, mais les patients cessent le traitement : la compliance à l’AVK n’est que de 50% à 3 ans ! De plus, les hémorragies sous AVK sont fréquentes, évaluées à 7.2% par patient – année, et même 13.08% dès 80 ans ; le risque est même 3 fois supérieur au cours des 90 premiers jours. Ce qui aboutit à ce qu’un quart des ≥ 80 ans sont privés secondairement d’AVK, à 81% pour le risque encouru. On a calculé que l’AVK à doses adaptées prévient 28 AVC aux dépens de 11 hémorragies mortelles. L’aspirine prévient 16 AVC aux dépens de 6 hémorragies mortelles. COMPTE RENDU DES JESFC Entre les USA et l’Europe, on a 7.5 millions de patients avec de la FA, dont un gros tiers aura un AVC. On estime que la FA est responsable de 15 à 20% des AVC et que la prévalence de la FA augmente avec l’âge, atteignant 10% après 80 ans, tranche de population en expansion explosive. Le score CHA2DS2-VASc (1 à 9) définit un risque Guillaume CAYLA (Nîmes et Paris) a traité l’op- d’AVC dans la FA entre 0.0% (score 0) et 15.2% par tion « Contre » an (score 9). Les dispositifs d’occlusion de l’auricule gauche (left atrial appendage, ou LAA) sont au nombre de 3 : - PLAATO, - Watchman®, - Amplatzer Cardiac Plug. Les essais disponibles avec le dispositif WATCHMAN® (essai PROTECT-AF) ont montré avec un protocole assez compliqué, une supériorité du 71 JE SFC 2014 WATCHMAN® : mortalité réduite de 34% (p = 0.0379) en intention de traiter à 60 mois, mais avec un surcroît initial d’événements initial avec le dispositif, s’estompant vers 36 mois. Bien entendu, moins d’hémorragies que sous AVK. M Elbaz (Toulouse) : « FOP et AVC » Tenant compte des informations disponibles, le comité britannique NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence), en 2010 a statué que la fermeture du LAA est efficace dans la prévention des AVC cardio-emboliques de la FA, mais que c’est une procédure très technique devant être réservée aux centres experts, dotés d’un back-up chirurgical sur site. La physiopathologie est essentiellement spéculative : - embolie paradoxale ? on met en évidence une TVP dans 10% des cas, - micro-thrombi ? (pour le FOP), - vulnérabilité atriale augmentée, FA ? COMPTE RENDU DES JESFC La prévalence du FOP est multipliée par 5 en cas d’AVC de cause inconnue. Le FOP et l’ASIA confondus induisent (spontanément) 4% de récidive d’AVC par an. A 4 ans, le FOP seul induit 2.3% de Pour l’Amplatzer, une étude prospective EU a per- récidive, ASIA + FOP : 15.2%, alors qu’en l’absence mis d’estimer la réduction du risque d’AVC à 65%. des deux, la récidive n’est plus que de 4.2% ! 72 Les AVK sont plus efficaces pour la prévention : récidive 16.7% vs. 23.2% sous aspirine (p = 0.048), L’ESC a de son côté statué en 2012 : la fermeture avec un risque annuel de saignement sévère ou percutanée du LAA peut être envisagée chez les de décès de 1 à 2%. patients à risque élevé d’AVC et une contre-indication à l’anticoagulation au long cours (reco de La méta-analyse des essais (Rengifo-Moreno P. classe IIb, niveau B) et al. Eur Heart J 2013) montre un avantage à la fermeture (RR 0.60 en ITT, p = 0.04), avec une tenEn France, le dossier de création d’acte a été dé- dance à un bénéfice nettement supérieur en cas posé en Février 2012 et les indications proposées de shunt significatif. tiennent compte de celles de l’ESC et du NICE : *en 1ère intention, en cas d’impossibilité d’instau- Mais la HAS est en attente de nouvelles recomrer un traitement anticoagulant au long cours mandations, les données solides étant encore *en 2e intention : éparses. Les autres sociétés savantes sont aussi -échec du traitement anticoagulant très nuancées. -accident sous anticoagulant (hémorragie…) Deux systèmes sont utilisés en France, dans 300 Conclusions du présentateur sur son attitude, bacas environ en 2013 : sée sur un consensus d’experts *Amplatzer Cardiac Plug - bonnes indications : *Watchman® • AVC/AIT récidivants sans autre étiologie, • infarctus cérébraux multiples + FOP sans autre Les deux industriels (St Jude Medical et Boston anomalie explicative, Scientific) contribuent à un registre français : • FOP avec embolie paradoxale prouvée. FLAAC (French LAA Closure registry) - mauvaise indication : • AVC ou AIT avec indication à anticoaguler, Conclusions du présentateur : • migraine ou AVC non prouvés, *la fermeture instrumentale du LAA constitue - discussion : une nouvelle approche thérapeutique pour les • CI à l’AVK ou désir exprimé du patient, patients en FA • premier AVC cryptogénétique avec FOP/gros *il faut identifier les meilleurs candidats ASIA et shunt massif. *et obtenir une évaluation clinique rigoureuse - formellement pas d’indication : FOP sans AVC *le registre FLAAC permettra d’individualiser les prouvé. bénéfices, les risques et les patients idéaux dans la « vie réelle » CNCH - CARDIO H - N°29 CNCH/GACI/SFC M. PANSIERI M. PANSIERI (Avignon) Depuis plus de 20 ans, la chirurgie est le gold standard dans les lésions du tronc coronaire g. (TCG). Est- il licite aujourd’hui de proposer un stenting du tronc, à quels patients et pour quels types de lésions ? Figure 2 : Taux de revascularisation à 5 ans groupe stenté vs groupe ponté Les études à 5 ans stent actif versus pontage La seule étude randomisée à notre disposition est l’étude Syntax évaluant la chirurgie et le stenting (Taxus®) chez les patients pluritronculaires. Dans cette étude, on a prédéfini un groupe ayant une lésion du TCG associé ou non à d’autres lésions. (figure 1) Figure 3 : Méta analyse décès infarctus Figure 4 : Méta analyse AVC, TVR à 5ans à 5 ans Les résultats sont clairs : pas plus d’évènements graves (décès, infarctus, AVC) à 5 ans dans le groupe stenté par rapport au groupe ponté. Plus précisément, un peu plus d’infarctus du myocarde dans le groupe stenté, un peu plus d’AVC dans le groupe ponté. La seule différence résidait dans le taux de revascularisations itératives (TVR) plus élevé dans le groupe stenté (26.7% vs 15.5%). (figure 2) LA SESSION COMMUNE CNCH/GACI/SFC DES JE DE LA SFC 2014 État de l’art sur le tronc commun : quels patients stenter ? Quels patients opérer ? Il est intéressant de noter la spécificité de ce groupe par rapport à l’ensemble de l’étude où les résultats à 5 ans sont en faveur de la chirurgie y compris sur la survie. La méta analyse de Capodanno (2011) confirme ces données (figures 3 et 4) Figure 1 : Décès, infarctus, AVC à 5 ans groupe pontage et Dès lors, est-il justifié de continuer à réaliser des stenting CNCH - CARDIO H - N°29 73 CNCH/GACI/SFC LA SESSION COMMUNE CNCH/GACI/SFC DES JE DE LA SFC 2014 pontages avec sternotomie pour des patients avec lésion du TCG ? La question ne devient- elle pas : quels patients ne pas stenter ? D’autant que dans Syntax, le stent utilisé, le Taxus liberté®, est un stent actif de première génération au Paclitaxel et qu’aujourd’hui, nous en sommes aux stents actifs de 3ème génération à mailles fines, recouverts d’un « limus » avec maitrise de la thrombose de stent, notamment tardive. Y a-t-il des sous groupes de patients qui bénéficient de la chirurgie ? 74 Les recommandations européennes (2010) Figure 5 : Recommandations ESC 2010. Revascularisation Elles mettent en avant la chirurgie en première TCG intention dans toutes les indications mais du fait de leur ancienneté, ne prennent pas en compte les résultats à 5 ans des études sus citées (figure 5). Néanmoins dans le texte des recommandations, il est précisé que la confirmation à 5 ans des résultats à 2 ans serait à prendre en considération. Données anatomiques Les troncs ostio médians représentent 1/3 des lésions du TCG. Quand l’atteinte est isolée, les résultats du stenting sont excellents à moyen et long terme au moins aussi bons voire meil- Figure 6 : Résultats à 5 ans des atteintes isolées du TCG dans Syntax : décès, infarctus, AVC et revascularisation. leurs que la chirurgie (figure 6). Absence de différence entre les 2 stratégies sur ce critère combiné. Dès lors, il parait logique de proposer en première intention la technique la plus simple, cad le stenting dans ces atteintes ostio médianes isolées du TCG. Les troncs distaux : c’est dans ces cas que la discussion entre stenting et chirurgie prend toute sa place sachant que dans 80% des cas, il y a des lésions associées IVA, cx, CD. Principes de la décision : • Evaluer le patient : âge, sexe, comorbidités, diabète… • Compliance à la bithérapie prolongée • Scores de risque : Euroscore(E), STS score, ACEF • Evaluer le film : lésions associées IVA? Occlusion chronique CD ? - Calcifications, excentrée (intérêt IVUS) - TCG distal bi-, trifurqué, - Qualité lit d’aval - Syntax score(S) • Fonction VG • Scores globaux : Clinical Syntax S., Global risk class (E+S) Syntax score : c’est un score de complexité angiographique qui prend en compte le nombre de lésions, leurs localisations, leur longueur, leurs caractéristiques (calcifications, occlusions). Il peut être évalué « on line » sur le site internet dédié. Figure 7 Figure 8 En ce qui concerne les atteintes du TCG, dans les scores bas et intermédiaires (<32), le stent fait jeu égal avec la chirurgie (figures 7 et 8) à 4 ans et cela concerne 60% des patients. Par CNCH - CARDIO H - N°29 contre, dans les scores complexes élévés (Syntax≥33), non seulement le taux de revascularisation est 2 fois plus élevé mais le risque de décès et d’infarctus est aussi 2 fois plus élevé dans le groupe stenting. Dans ces conditions, il n’est pas éthique de proposer le stenting à ces patients, il faut les envoyer en chirurgie, en tout cas tant qu’on n’a pas prouvé avec un autre stent qu’on améliore significativement les résultats sur les évènements graves. Parmi les critères de score élevés, le traitement de l’association de lésions tritronculaires à l’atteinte du TCG donne des bien meilleurs résultats quand il est chirurgical sans doute en raison du risque d’évolutivité ultérieure chez ces patients. Le stenting donne aussi de moins bons résultats quand une occlusion chronique de la coronaire droite est associée à une sténose du tronc. Enfin le diabète est un facteur de resténose, de thrombose, d’évolutivité et de décès tardif. L’association de lésions du tronc distal et de l’IVA devraient là aussi faire basculer la décision vers la chirurgie. Figure 9 : Amélioration du risque de décès et d’infarctus par utilisation de l’IVUS dans les lésions du TCG Conclusion Aujourd’hui le stenting occupe une place importante dans le traitement des lésions du tronc coronaire gauche. L’évaluation individuelle de chaque patient, des caractéristique anatomiques et des lésions associées doit permettre de choisir le meilleur traitement pour le patient. La revascularisation chirurgicale a encore toute sa place pour 1/3 à 40% des paOptimiser les résultats du stenting tients, notamment les diabétiques, les patients Dans les atteintes du tronc distal, il est recom- avec lésions multiples associées notamment mandé d’utiliser la technique de provisional de l’IVA, et les occlusions de la coronaire droite. stenting avec un seul stent tronc IVA qui donne de meilleurs résultats à long terme. Bibliographie L’utilisation de l’écho endocoronaire (IVUS) per- - Five-year outcomes in patients with left main met d’optimiser le résultat obtenu par angio- disease treated with either percutaneous corographie en élargissant la lumière finale obte- nary intervention or coronary artery bypass nue et en traitant les malappositions de stent. grafting in the synergy between percutaneous Celà se traduit en une amélioration de la survie coronary intervention with taxus and cardiac et une baisse du risque d’infarctus à 3 ans dans surgery trial Morice MC, Serruys PW, Circulale travail de Park. (figure 9) tion. 2014 Jun 10;129(23):2388-94 - Meta analysis of randomised studies PCI verL’étude Excel qui compare le stent à l’everolimus sus CABG in left main disease Capodano and Xcience® versus la chirurgie dans les atteintes al. JACC 2011, 54: 1426-32 du tronc commun nous permettra de savoir si - 2010 Guidelines of the European Society of on peut encore progresser dans les résultats du Cardiology for myocardial revascularization stenting dans cette indication. European Heart Journal (2010) 31, 2501–2555. CNCH - CARDIO H - N°29 LA SESSION COMMUNE CNCH/GACI/SFC DES JE DE LA SFC 2014 CNCH/GACI/SFC 75 CNCH/GACI/SFC Angiographie, IVUS, OCT, scanner, quelle imagerie pour les lésions du tronc commun de la coronaire gauche ? LA SESSION COMMUNE CNCH/GACI/SFC DES JE DE LA SFC 2014 Nicolas AMABILE Nicolas AMABILE (IMM Paris) Résumé Les lésions du tronc coronaire gauche sont fréquentes en pratique courante (10 à 15% des cas) et posent régulièrement des problèmes au praticien pour affirmer le diagnostic. La coronarographie est ainsi souvent prise en défaut et souffre d’un manque de sensibilité et une concordance inter-observateur médiocre. Les techniques d’imagerie endocoronaire représentent donc un outil intéressant dans cette indication. L’IVUS permet une analyse fine des dimensions du vaisseau et de la lumière artérielle, en calculant au plus prés le degré de sténoses. Les mesures IVUS ont ainsi été corrélées au caractère ischémiant des lésions et au pronostic des patients dans une abondante littérature. L’OCT fournit des informations comparables, mais possède quelques limites techniques dans cette indication. De plus, l’emploi de cette technique plus récente n’est pas encore supporté par les études cliniques. Enfin, en cas de décision d’angioplastie, le guidage de la pose du stent par IVUS réduit significativement le risque d’évènements défavorables dans les suites. Les lésions du tronc coronaire gauche (TCG) restent au quotidien un problème fréquent et un authentique challenge pour le praticien. Les séries historiques, telles le registre CASS, montrent ainsi une incidence proche de 13,5% des sténoses angiographiques du TCG (>50 % d’obstruction) chez les patients avec diagnostic d’angor certain (1). Une incidence comparable a été retrouvée plus récemment dans une large méta-analyse internationale de sujets atteints de syndromes coronaires aigus (2). La gravité des conséquences potentielles des lésions du TCG rend indispensable le diagnostic de certitude et doit, au moindre doute, faire recourir à l’ensemble des outils disponibles, et notamment aux méthodes d’imagerie spécialisée. Les limites de l’angiographie coronaire L’angiographie coronaire reste actuellement l’outil le plus utilisé pour le diagnostic des sténoses du TCG. En effet, la coronarographie représente le 76 moyen privilégié de poser le diagnostic de coronaropathie en se plaçant comme le premier examen d’imagerie prescrit en cas de suspicion de la maladie. La lésion significative du TCG se définit comme un rétrécissement de plus de 50% du calibre artériel, évaluée de façon visuelle (« eye-ball ») ou par mesure quantitative (QCA : quantified coronary angiography). Compte tenu des particularités anatomique du vaisseau, l’évaluation angiographique du TCG requiert une multiplication des incidences radiologiques (notamment l’emploi d’incidences de type spider et face-craniale), ce qui malheureusement ne permet pas toujours d’objectiver avec certitude la sténose potentielle. De ce fait, l’angiographie coronaire reste un outil assez peu performant pour poser le diagnostic, grevé notamment par une reproductibilité inter-observateur médiocre et une corrélation faible avec les paramètres physiologiques de significativité des lésions (méthode FFR/fractional flow reserve). Ainsi, plusieurs séries ont pu montrer les capacités limitées de la coronarographie pour détecter les sténoses significatives du TCG. Lindstaedt et coll. ont ainsi publié une série de n=51 lésions suspectes du TCG, analysées par 4 opérateurs expérimentés, et mis en évidence une corrélation inter-observateurs de 51 % seulement, ainsi qu’une concordance angiographie/ FFR de 60 %. (3) Dans cette série, la sensibilité et la spécificité de l’angiographie n’étaient respectivement que de 38% et 51% (3). Ces résultats sont confortés par ceux de l’équipe de Alost, qui avait publié peu après une cohorte de n=213 lésions du TCG, analysées par 2 opérateurs avec comparaison coronarographie vs. FFR. Dans cette étude, si la reproductibilité inter-observateur était meilleure (76%), les valeurs de FFR et le degré de sténose étaient faiblement corrélés (r=-0,38, p<0.001) avec là encore une sensibilité limitée de la coronarographie (46%)(4). Plusieurs facteurs expliquent ces performances décevantes de l’angiographie coronaire. Certains sont d’origine anatomiques, inhérent aux caractéristiques propres du tronc coronaire gauche : artère de longueur réduite, avec possiCNCH - CARDIO H - N°29 bilité d’angulation ostiale du vaisseau, existence de phénomène de « reverse tappering » (élargissement progressif de la lumière artérielle sans lésion associée) (Figure 1), absence fréquente de segment de référence bien identifié pour calculer le degré de sténose. D’autres sont liées à la technique de coronarographie : position douteuse du cathéter avec injections excentrées, sélectives ou intubations trop profonde, existence de spasme en bout de cathéter, risque de superposition des branches filles sur le TCG selon les incidences donnant des images douteuses et ambiguës. Enfin, le dernier facteur de confusion a pour origine la progression des lésions athérosclereuses per se, avec phénomène de remodelage positif et lésion tubulaires, donnant des luminographies Figure 1 : Ambiguïtés morphologiques du TCG. Si le patient faussement rassurantes du tronc coronaire (5). A est porteur d’une lésion serrée significative du TCG distal, Le scanner coronaire : une place qui se réduit Le scanner coronaire avait bénéficié d’un engouement certain de la communauté cardiologique lors de la précédente décennie pour le diagnostic de coronaropathie et le guidage de la thérapeutique. Cette technique possède l’énorme avantage d’être non invasive et d’approcher efficacement l’anatomie en permettant des reconstructions dans des plans variés. La résolution spatiale du scanner s’est améliorée avec les différentes générations de machines, avec actuellement une corrélation assez satisfaisante avec l’IVUS pour l’évaluation du MLA (minimal lumen area) intra-sténose (6). De plus, cet examen semble pouvoir jouer un rôle dans la stratification du risque des patients : la présence d’une lésion significative du TCG (réduction de plus de 50% du diamètre du vaisseau) détectée par scanner était associée à une augmentation majeure (Hazard Ratio=6,6) du risque d’évènements cardiovasculaires défavorables dans une méta-analyse publiée récemment regroupant 11 études et 7335 patients (7). il n’existe pas de lésion ostiale chez le patient B. L’analyse IVUS révélera un phénomène de « reverse tappering ». Figure 2 : Exemple d’analyse scanner d’une lésion ostiale du TCG en MIP (A) et VRT (B) chez une patiente asymptomatique de 56 ans avec antécédents de radiothérapie médiastinale. La coronarographie (C) confirme le diagnostic. (Figure 2), ou bien dans quelques indications très spécifiques (suivi de patients aux antécédents de radiothérapie médiastinale). L’efficacité de l’IVUS Au vu de ces limites de l’angiographie, connues depuis plusieurs décennies, l’analyse des lésions du TCG semble donc une indication de choix pour les techniques d’imagerie endocoronaire. Ces différents outils permettent de déterminer avec certitude la présence d’une lésion athéromateuse, Cependant les performances de la technique ont de quantifier objectivement sa sévérité, d’analytendances à se dégrader en présence de lésions ser sa composition et d’étudier le vaisseau sain calcifiées, générant un phénomène de « blurring sus- et sous-jacent. » qui tend à surestimer le degré de sténose. De plus, la place du scanner a tendance à se réduire Parmi les différentes possibilités, l’IVUS (imagerie actuellement dans les algorithmes de prises par ultra-sons) apparaît, à ce jour, comme la techen charge proposées par les sociétés savantes. nique de choix. Basée sur la réflexion des ultraAinsi, le scanner est actuellement proposé par sons sur la paroi artérielle, l’IVUS permet une anal’ESC comme une alternative aux techniques lyse en profondeur des différents composants du d’imagerie de stress dans le but d’éliminer une vaisseau et des plaques d’athérome, sans injeccoronaropathie chez les sujets à bas risque et tion de contraste associée. L’IVUS est néanmoins chez lesquels on peut espérer une bonne qualité potentiellement limitée par les lésions très calcid’image (recommandation IIa) ou bien, chez les fiées, à l’origine d’une atténuation forte du signal mêmes sujets à bas risque, en cas d’échec d’un à leur niveau, et par une résolution axiale plus test non-invasif de recherche d’ischémie et dans faible que l’OCT (100µm vs 10 µm). le but d’éviter une coronarographie non nécessaire (recommandation IIa) (8). En pratique, la Les valeurs normales de mesure IVUS de la luplace du scanner en routine clinique semble au- mière artérielle du TCG sont bien connues depuis jourd’hui réservée au dépistage de la coronaro- les travaux de Fassa et coll. Ayant analysés n=121 pathie chez les patients stables et à bas risque, en patients sains, les auteurs avaient pu montré que amont d’une éventuelle angiographie coronaire le MLA normal était compris entre 7,65 et 24,85 CNCH - CARDIO H - N°29 LA SESSION COMMUNE CNCH/GACI/SFC DES JE DE LA SFC 2014 CNCH/GACI/SFC 77 LA SESSION COMMUNE CNCH/GACI/SFC DES JE DE LA SFC 2014 CNCH/GACI/SFC 78 mm2 (moyenne=16,25 mm2) (9). Cependant, la détermination des seuils à partir desquelles on parle de lésion significative a été plus débattue et plusieurs valeurs ont pu être proposées pour aider le clinicien dans sa prise de décision. Cette variétés des cut-offs s’explique par le type d’étude menée : on distingue globalement des séries cliniques, s’étant intéressées au devenir des patients en fonction du degré de sévérité de la lésion du tronc, et des analyses physiologiques ayant comparé IVUS et FFR. Dans le premier cas, le MLA minimum proposé varie entre 6 et 7,5 mm2, tandis que dans le second cas de figure, le MLA seuil varie entre 4,8 et 8 mm2 (5). Cependant, il est aujourd’hui consensuellement admis qu’une lésion du TCG avec MLA<6 mm2 en IVUS est significative et relève d’un traitement de revascularisation (Figure 3). Figure 3 : Exemple d’analyse IVUS du TCG. La mesure des surfaces luminales met en évidence une lésion excentrée, calcifiée et serrée de l’IVA ostiale aux limites de la significativité (MLA> mm2). Le TCG, quoiqu’infiltré, ne présente pas de lésion significative. Les promesses de l’OCT L’autre option d’imagerie endo-coronaire disponible est l’OCT (imagerie de tomographie par cohérence optique), basée sur la réflexion et l’absorption de lumière de type infra-rouge par la paroi artérielle. Si l’OCT offre une résolution sans pareille actuellement (10 µm), permet une analyse histologique plus fine de la paroi artérielle (dont les lésions calcifiées, qui n’atténuent pas le signal) et un temps d’acquisition court (Figure 4), la technique est confrontée à 2 écueils qui rendent son utilisation délicate dans les troncs coronaires. D’une part sa faible profondeur de champ, qui rend difficile l’analyse de l’ensemble d’un vaisseau de grande taille (>4,5 mm), surtout en cas de position excentrée du cathéter dans la lumière, et entrainant un risque de non visualisation d’une partie de l’artère étudiée (10). D’autre part, la nécessité de l’injection de contraste simultanément à l’acquisition, afin de flusher la lumière, et donc une intubation correcte du guiding cathéter : cette contrainte rend quasi-impossible la visualisation correcte de l’ostium du TCG en pratique. Nous ne disposons actuellement que de très peu de données sur l’étude des TCG en OCT, contrastant ainsi avec l’abondante littérature de l’IVUS. Seule une série publiée a comparé spécifiquement OCT vs. IVUS dans n=32 lésions du TCG requérant une angioplastie. Les auteurs avaient ainsi mis en évidence une bonne corrélation entre les 2 modalités d’imagerie, avec cependant des mesures de MLA plus petites en OCT qu’en IVUS pour les mêmes lésions (10). La même équipe avait par ailleurs publié des résultats similaires dans les sténoses d’artères coronaires natives hors du TCG (11). Ainsi, même si l’OCT semble assez performant pour mesurer la lumière artérielle, il existe probablement une discordance entre les mesures des deux techniques qui rendent délicates la translation des différentes valeurs seuils définies par l’imagerie ultrasonore vers l’OCT. Nous avons donc besoin de plus de data dans le futur pour Figure 4 : Exemple d’analyse OCT du TCG distal chez un patient porteur d’une resténose sévère d’un stent actif de l’IVA ostiale et d’une lésion de novo de la circonflexe proximale. S’il n’y a pas de lésion significative, on retrouve un aspect athéromateux calcifié quasi circonférentiel. définir la place exacte de l’OCT pour le diagnostic de significativité d’une lésion du TCG et la prise de décision de revascularisation de celle ci. L’angioplastie du TCG doit elle être guidée par l’imagerie endo-coronaire ? L’intérêt et la pertinence de l’angioplastie du TCG plutôt qu’une revascularisation chirurgicale conventionnelle est à l’origine d’un débat passionné (et passionnel) au sein de la communauté cardiologique depuis des années. L’amélioration des résultats, avec notamment l’introduction des stents actifs, a permis à l’angioplastie de se poser en alternative crédible au pontage, même si les CNCH - CARDIO H - N°29 CNCH/GACI/SFC L’IVUS apparaît, dans les faits, comme la technique la plus éprouvée dans cette indication. Si la pertinence de l’angioplastie guidée par IVUS est discutée pour les lésions « basiques », il existe plus de preuve en faveur de son emploi dans le TCG. Le registre coréen MAIN COMPARE a été le premier à mettre en évidence l’amélioration du pronostic des sujets ayant bénéficié d’une angioplastie du TCG avec pose d’un stent actif sous IVUS, avec une mortalité globale significativement réduite à 3 ans par rapport au groupe « standard » (sans IVUS) (12). Ces résultats ont été confirmés très récemment par le registre multicentrique espagnol IVUS-TRONCO ICP, qui a montré la supériorité nette de la stratégie d’angioplastie du TCG guidée par IVUS sur le groupe conventionnel (N=505 sujets dans chaque groupe) en terme de mortalité globale, cardiovasculaire et taux de thrombose de stents (13). En comparaison, les données relatives à l’OCT sont bien plus limitées. Cette technique apparaît comme bien plus sensible que l’IVUS pour la détection précoce des malapposition de mailles et des dissections (10), sans que l’on puisse établir formellement si la correction de ces anomalies améliore les résultats de la procédure. Les futurs résultats d’études actuellement en cours de réalisation devraient pouvoir répondre à ces questions dans un avenir proche. Conclusion Au total, les lésions du TCG restent un vrai défi au quotidien pour le cardiologue interventionnel et non interventionnel, à la fois pour établir un diagnostic de certitude et proposer le traitement le plus adapté. L’angiographie coronaire, qui reste la base de l’évaluation, est malheureusement fréquemment mise en défaut, et implique l’utilisation large de techniques endo-coronaires spécialisées, qu’elles soient hémodynamiques (FFR) ou d’imagerie. Si nous disposons de 2 outils performants avec l’OCT et l’IVUS, les données de la littérature actuelle sont plus en faveur de l’image- CNCH - CARDIO H - N°29 rie ultra-sonore à la fois pour identifier les lésions significatives et éventuellement guider leur angioplastie. Références 1. Chaitman BR, Bourassa MG, Davis K et al. Angiographic prevalence of high-risk coronary artery disease in patient subsets (CASS). Circulation 1981;64:360-7. 2. D'Ascenzo F, Presutti DG, Picardi E et al. 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Clinical impact of intravascular ultrasound guidance in drug-eluting stent implantation for unprotected left main coronary disease: pooled analysis at the patient-level of 4 registries. JACC Cardiovascular interventions 2014;7:244-54. LA SESSION COMMUNE CNCH/GACI/SFC DES JE DE LA SFC 2014 indications doivent être discutées en équipe et être consensuelles. L’angioplastie du TCG reste une procédure à haut risque et qui nécessite une technique parfaite, afin notamment d’éviter les complications mécaniques précoces (sous expansion du stent, malapposition des mailles, dissection résiduelle) à l’origine d’accidents thrombotiques gravissimes. Dans cette perspective, l’imagerie endo-coronaire est parfaitement indiquée. Avant l’implantation, elle permet une analyse fine de l’anatomie (longueur de la lésion, diamètres des segments sains d’amont et d’aval...) avant implantation de l’endo-prothèse et facilite le choix de celle-ci. Après implantation, l’imagerie identifie les anomalies précoces (Cf supra) et permet de les corriger (post-dilatation, stent supplémentaire, ...). 79
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