Traitement des eaux avant utilisation. Substances dissoutes par Pierre MOUCHET Ingénieur Agronome-GREF Ancien Directeur à la Société Degrémont Chargé de cours à l’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg (ENGEES) 1. 1.1 1.2 1.3 Échanges gaz-liquide .............................................................................. Par aération .................................................................................................. Appareils de stripage .................................................................................. Dégazeurs sous vide.................................................................................... 2. Oxydation ................................................................................................... — 4 2.1 2.2 2.3 Réactifs oxydants......................................................................................... Aspect particulier de la désinfection.......................................................... Combinaisons d’oxydants, conséquences technologiques ..................... — — — 4 7 7 3. 3.1 3.2 3.3 3.4 Adsorption ................................................................................................. Généralités. Le charbon actif ...................................................................... Formes du charbon actif ............................................................................. Modes d’action du charbon actif en grains ............................................... Autres adsorbants ....................................................................................... — — — — — 8 8 8 9 11 4. 4.1 4.2 4.3 Échangeurs d’ions.................................................................................... Généralités sur les échangeurs d’ions....................................................... Différents types de résines ......................................................................... Utilisation des échangeurs d’ions .............................................................. — — — — 11 11 11 11 5. 5.1 5.2 5.3 Modifications des caractéristiques calco-carboniques................. Neutralisation de l’agressivité .................................................................... Reminéralisation.......................................................................................... Adoucissement ............................................................................................ — — — — 13 13 13 13 6. 6.1 6.2 6.3 6.4 6.5 Membranes ................................................................................................ Catégories de séparation par membranes ................................................ Composition chimique et structure des membranes ............................... Paramètres de fonctionnement .................................................................. Géométrie des membranes et des modules ............................................. Mise en œuvre des membranes................................................................. — — — — — — 14 14 15 15 17 17 Pour en savoir plus........................................................................................... G 1 171 - 3 — 3 — 4 — 4 Doc. G 1 173 L e précédent article [G 1170] a été consacré à l’élimination de toutes les substances particulaires en suspension dans les eaux naturelles. Ces traitements, dits de clarification, peuvent suffire à préparer des eaux industrielles lorsque les critères de qualité ne sont pas très contraignants (exemples : certaines eaux de lavage, de transport ou de refroidissement ; eaux de cartonneries et de papiers d’emballage). Dans de nombreux cas, en revanche, il faut pousser le traitement plus loin, en éliminant les micropolluants minéraux et organiques et en pratiquant une Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 1 TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ désinfection pour préparer une eau de qualité potable, et/ou en introduisant ou en ôtant des gaz et des sels minéraux dissous, jusqu’à obtenir, dans les exemples les plus élaborés, un produit aussi proche que possible de l’élément H2O (« eaux ultrapures »). Cet article passe donc en revue tous les traitements intervenant sur les constituants dissous (gaz, sels minéraux, matières organiques, polluants divers), certains d’entre eux présentant néanmoins une influence importante sur les matières particulaires et plus spécialement : — les oxydants forts sur les organismes pathogènes (désinfection), voire tous les micro-organismes présents dans l’eau (stérilisation) ; — les membranes en matière de clarification et/ou de désinfection/stérilisation. Les traitements décrits ici interviennent le plus souvent après une clarification préalable lorsque la ressource est une eau superficielle ; ils peuvent être appliqués directement s’il s’agit d’une eau souterraine de bonne qualité ou d’une eau de distribution publique déjà rendue potable. Dans ces conditions, et en fonction des usages de l’eau, la filière de traitement associera certains des actes unitaires suivants : — dissoudre un gaz (oxygène le plus souvent), ou au contraire chasser tout ou partie des gaz dissous préexistants : c’est le but des échanges gaz-liquide ; — utiliser des réactifs oxydants (chlore, ozone, etc.) pour exercer un effet chimique et/ou désinfectant, voire stérilisant ; — fixer certains composés, comme les micropolluants organiques, sur des produits adsorbants dont le charbon actif (aussi utilisé dans d’autres cas pour son pouvoir déchlorant) représente actuellement l’exemple le plus courant et le plus élaboré ; souvent, une ozonation préalable ajoute au lit de charbon un effet de biofiltration qui complète l’action purement physique d’adsorption, ce qui augmente le rendement d’élimination des solutés indésirables et l’intervalle entre deux régénérations successives ; — mettre en œuvre des résines échangeuses d’ions soit pour modifier ou abaisser la salinité de l’eau, soit pour l’éliminer totalement (on parle alors de déminéralisation) ; la complexité de ce domaine se révèle tant dans la nature des résines que dans la technologie de leur mise en œuvre, dont l’électrodésionisation représente le développement le plus récent ; — exercer, lorsqu’une déminéralisation n’est pas requise, une action sur les caractéristiques calco-carboniques de l’eau (pH, alcalinité, dureté calcique), consistant suivant le cas en une neutralisation du CO2 agressif, un adoucissement (avec ou sans décarbonatation) ou une reminéralisation ; — pratiquer différents types de séparation sur membranes : suivant le pouvoir de coupure nécessaire, on choisira des membranes microporeuses (microfiltration, ultrafiltration) à effet purement filtrant, des membranes semi-perméables (nanofiltration, osmose inverse) ou de dialyse éliminant plus ou moins complètement les molécules et les sels dissous, ou des membranes de dégazage. L’agencement des différentes phases unitaires de traitement, en fonction de la qualité d’eau recherchée et du type d’industrie concerné, fera l’objet de l’article suivant [G 1172]. G 1 171 − 2 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES Sigles et notations Sigle ou notation Définition CAG charbon actif en grains CAP charbon actif en poudre CDI Continuous Deionisation , marque déposée du procédé EDI commercialisé par US Filter (initialement, procédé Ionpure de Millipore) COD carbone organique dissous CODB carbone organique dissous biodégradable (la fraction complémentaire du COD total étant le COD réfractaire, non attaqué par les micro-organismes) COT carbone organique total (formé du COD et d’une fraction non dissoute, encore appelée carbone organique particulaire) C.T produit de la concentration C (en mg · L–1) d’un désinfectant par le temps T (en s, min ou h) de contact avec l’eau à traiter ; le facteur C.T, le plus souvent exprimé en mg · min · L–1, est un paramètre caractéristique de tout traitement de désinfection E-cell procédé EDI de la Société Glegg, commercialisé par le Groupe Degrémont sous le nom Contipur ECI échange continu d’ions, procédé Degrémont de déminéralisation sur lit mobile EDI électrodésionisation, procédé de déminéralisation dérivé de l’électrodialyse et associant des résines et des membranes échangeuses d’ions placées dans un même champ électrique EDTA acide éthylène-diamine-tétracétique, agent complexant (ou chélatant) utilisé en analyse (dureté) et dans certains traitements d’eaux industrielles (exemple : eaux de chaudières) MF, NF, OI, UF microfiltration, nanofiltration, osmose inverse, ultrafiltration (procédés membranaires) PTFE polytétrafluoroéthylène (Téflon) PVC poly(chlorure de vinyle) PVDF 1. Échanges gaz-liquide poly(fluorure de vinylidène) 1.1 Par aération 1.1.1 Aération simple Généralement placée en tête de traitement, elle s’avère nécessaire sur toutes les eaux privées d’oxygène dissous : eaux souterraines, eaux des couches profondes (hypolimnion) des retenues eutrophes ou eaux subissant une très forte pollution organique. Elle a les effets suivants. a) Introduire de l’oxygène dissous (qui est de ce fait l’oxydant le plus économique dont on dispose) : dans la suite du traitement, elle favorise ainsi l’oxydation, par voie physico-chimique ou biologique, du fer, du manganèse, de l’ammonium, de l’H2S, de certaines matières organiques biodégradables ; en outre, une teneur minimale de 4 à 5 mg · L–1 en O2 dissous est nécessaire dans l’eau véhiculée dans un réseau, pour le maintien des qualités organoleptiques de l’eau (en particulier, pour éviter dans le réseau de distribution les fermentations anaérobies génératrices d’odeurs), et pour la protection des tuyauteries en fonte ou en acier contre la corrosion (car l’oxygène est nécessaire à la formation d’une couche protectrice carbonatée qui se forme spontanément lorsque le TAC et le TCa de l’eau sont suffisants et que le pH correspond à l’équilibre calco-carbonique). b) Chasser, par effet physique de stripage, certains gaz indésirables (CO2 , H2S , CH4) ou des polluants volatils (exemple : trichloréthylène) : en ce qui concerne l’H2S, cette élimination physique ne peut être efficace que si le pH est maintenu au voisinage de 5. Dans cette optique, l’aération peut se faire : — soit à la pression atmosphérique, dans des installations gravitaires, ce qui représente la seule option possible lorsque l’effet de stripage est recherché : pulvérisation dans l’air ; cascades ; ruissellement avec ou sans circulation d’air, sur des matériaux de contact (coke, lave volcanique, anneaux Pall ou Raschig, etc.) ; barbotage d’air surpressé, sous forte profondeur (bassin rempli de matériaux de contact) ou faible lame d’eau (insufflation d’air à travers une tôle perforée : procédé INKA) ; aération mécanique par turbines ; — soit sous pression, par insufflation d’air comprimé dans des tours d’oxydation remplies de matériaux de contact (lave volcanique le plus souvent) utilisées en particulier dans l’élimination du fer et du manganèse par voie physico-chimique (voir [G 1 172], § 1.1.2.1, figure 1) ; mais l’effet de stripage est alors pratiquement nul. TA titre alcalimétrique (en oF), exprimant la concentration en ions OH– et la moitié de la 2– concentration en ions CO 3 (voir dans l’article [G 1170] la signification des autres titres caractéristiques : TAC, TH, TCa, TMg) THM trihalométhanes (encore appelés haloformes), de formule générale CHX3 , où X représente un atome de chlore ou de brome ; CHCl3 (le chloroforme) est le THM le plus courant ; les autres sont : CHCl2Br, CHCIBr2 , CHBr3 ; les THM sont formés au cours des traitements de préchloration, par suite de réactions complexes entre le chlore et les matières organiques naturellement présentes dans l’eau Dans cet appareil (figure 1), l’eau est soit pulvérisée, soit finement dispersée et uniformément répartie au-dessus d’une couche de garnissage généralement constituée par des anneaux Raschig ou similaires, de la lave volcanique, du coke, etc. Un fort courant d’air (environ 50 fois le débit d’eau), fourni par un ventilateur, est amené au-dessous du plateau perforé supportant le garnissage. L’eau et l’air circulent à contre-courant. L’eau dégazée est recueillie dans une bâche placée sous la colonne de contact. Upflow Degrémont, marque déposée d’un procédé de déminéralisation sur résines avec régénération à contre-courant La concentration résiduelle de CO2 est fonction de la température, de la vitesse de passage de l’eau, du type et du volume de garnissage, ainsi que du débit d’air exact. Certains sigles ont déjà été explicités dans l’article [G 1170] ; seuls les plus importants ou les plus fréquemment utilisés ont été repris ici. Un éliminateur de CO2 correctement calculé permet d’atteindre une concentration résiduelle très proche de la concentration d’équilibre. UFD 1.1.2 Éliminateur de CO2 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 3 TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ Arrivée d'eau ,, Cet appareil peut également être utilisé dans des conditions assez voisines pour l’élimination de H2S ou de solvants chlorés par stripage à l’air. 1.2 Appareils de stripage Dispositif de diffusion Plateau de répartition ,, ,, ,, ,, Masse de contact Pot de régulation Plateau support de masse de contact Ventilateur Flotteur Vidange Sortie d'eau 1.3 Dégazeurs sous vide Avec le dégazeur thermique, ce type d’appareil est le seul qui permette l’élimination des gaz dissous dans l’eau sans enrichir celle-ci en d’autres gaz ; l’utilisation d’un dégazeur sous vide devient la seule solution lorsque ce but est recherché et que l’opération doit se faire à froid (exemple d’application : eau d’injection pour forages pétroliers, extraction temporaire du CO2 des eaux minérales pour en éliminer le fer, etc.). Réserve d'eau Figure 1 – Éliminateur de CO2 ,, ,, ,,, ,,,, ,,, , , ,, ,,,,,, , ,,,, L’éliminateur de CO2 (§ 1.1.2) constitue un cas particulier de cette catégorie d’appareils. Lorsque l’air ne peut pas être utilisé (pollution, température, élimination O2 dissous), on utilise un autre gaz d’entraînement, par exemple : — un gaz inerte, comme l’azote ; — du gaz naturel (exemple : élimination de l’oxygène dans l’eau d’injection pour forages pétroliers, le gaz pollué alimentant ensuite une torchère) ; — de la vapeur d’eau lorsqu’il faut en même temps réchauffer la phase liquide ; l’élimination de l’oxygène et du dioxyde de carbone dans les dégazeurs thermiques, avant alimentation d’un générateur de vapeur, constitue une application classique de cette catégorie d’appareils. La phase d’entraînement des gaz dissous est constituée par l’eau naturellement vaporisée sous un vide compris entre 1,5 et 6 kPa suivant la température. Ce vide est créé par des pompes à vide à anneau liquide et/ou des éjecteurs à jets de vapeur ou d’air. La figure 2 montre un exemple de dégazeur sous vide, comportant trois étages : à chacun d’entre eux, l’eau est distribuée au-dessus d’une masse de contact et les gaz sont extraits par le système de mise sous vide ; les pressions sont décroissantes des étages supérieurs vers les étages inférieurs, de façon à permettre l’écoulement de l’eau d’un étage à l’autre. Eau brute Dégazage Une variante à ce type de procédés, de développement beaucoup plus récent, réside dans les membranes de dégazage, surtout utilisées dans les circuits de préparation des eaux ultrapures (voir [G 1 172], § 2.9). Garnissage 2. Oxydation Dégazage Garnissage 2.1 Réactifs oxydants Dégazage Le plus simple d’entre eux est l’oxygène introduit par aération (§ 1.1.1) ; mais c’est aussi le moins puissant et il faut, en général, recourir à des produits chimiques pour résoudre de nombreux problèmes. Garnissage Injection éventuelle de réactif Stockage Figure 2 – Dégazeur sous vide G 1 171 − 4 Eau dégazée Les réactifs oxydants peuvent être utilisés dans deux domaines. a) L’oxydation chimique de composés minéraux à l’état réduit [fer, manganèse, ammonium (avec le chlore seulement pour ce dernier), nitrites, H2S...] et de certaines matières organiques dissoutes : en ce qui concerne ces dernières, l’oxydation totale permettant de les transformer en CO2 est rarement obtenue, mais cette opération permet de former des composés moins gênants ou plus faciles à éliminer dans les étapes ultérieures de traitement (exemple : l’ozone, qui rend biodégradables certains composés Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement réfractaires et permet leur élimination par voie bactérienne dans une étape de filtration ultérieure, en particulier s’il s’agit d’un biofiltre à argile expansée ou à charbon actif) ; dans cette action oxydante, les réactifs concernés pourront exercer un certain nombre d’effets secondaires : — la réduction ou même l’élimination des goûts, des odeurs et de la couleur ; — l’amélioration de la clarification ; — le maintien de la propreté des installations de traitement, c’està-dire la lutte contre la prolifération d’organismes (algues fixées, phytoplancton) qui ne sont pas pathogènes mais qui nuisent au bon fonctionnement de certains ouvrages comme les décanteurs et les filtres. b) La désinfection (bactéries pathogènes, virus, parasites animaux sous leurs formes adultes ou à l’état d’œufs ou de kystes), qui sera développée au paragraphe 2.2 et, d’une façon plus générale, les effets biocides vis-à-vis des bactéries, des algues et des micro-invertébrés. Les principaux réactifs oxydants sont énumérés dans ce qui suit. 2.1.1 Chlore C’est le plus fréquemment utilisé ; il présente en outre l’intérêt d’éliminer l’ammonium lorsque le taux de traitement atteint ce que l’on appelle le point critique ou break-point (décrit à la fin de ce paragraphe) ; on l’a donc longtemps utilisé en prétraitement, où il présentait en outre d’autres avantages (maintien de la propreté des ouvrages, meilleure élimination des microalgues et des microinvertébrés planctoniques, action sur la couleur, meilleure décantabilité des boues, début de désinfection, etc.), mais cette pratique tend maintenant à être abandonnée lorsque l’eau doit être de qualité potable, à cause des composés d’addition ou de substitution indésirables que le chlore peut former avec des substances organiques initialement présentes dans l’eau : chlorophénols, trihalométhanes (THM), etc. ; les THM (ou haloformes), surtout représentés par le chloroforme CHCl3 , résultent d’une réaction entre le chlore libre et des « précurseurs » organiques comme les acides humiques ou les métabolites d’algues ; ils seraient cancérigènes. En revanche, le chlore est toujours utilisé universellement comme désinfectant final. En pratique, ce réactif peut être mis en œuvre soit sous forme de chlore gazeux (Cl2) dissous dans l’eau et dosé par un appareil appelé chloromètre, soit sous forme d’hypochlorite OCl– (de sodium, c’est-à-dire l’eau de Javel, ou de calcium). Quelle que soit la forme commerciale initiale, le chlore se dissout dans l’eau en formant à bas pH de l’acide hypochloreux HOCl : — soit en partant de chlore gazeux : Cl2 + H2O → ← HOCl + HCl — soit en partant d’hypochlorite : OCl– + H2O → ← HOCl + OH– À partir d’une certaine valeur du pH de l’eau, voisine de 6, HOCl se dissocie lui-même selon la réaction : HOCl → ← H+ + OCl– Les proportions respectives d’acide hypochloreux (HOCl) et d’ion hypochlorite (OCl–) sont régies par le pH du milieu. Les formes prédominantes sont HOCl à pH acide, et OCl– à pH basique ; en pratique, on peut retenir que la proportion d’acide hypochloreux HOCl est de l’ordre de 80 % à pH 7, 50 % à pH 7,5 et 25 à 30 % à pH 8 ; cette notion est importante, car l’effet germicide de HOCl est très supérieur à celui de OCl–. Toutefois, il est convenu d’appeler chlore résiduel libre la somme HOCl + OCl–. Pour un résiduel donné, le pouvoir désinfectant du chlore libre sera donc supérieur à pH р 7 qu’à un pH alcalin. Lorsque le chlore est introduit dans une eau contenant de l’ammonium ou des amines, il forme, dans un premier temps, des Chlore résiduel (en mg . L–1) _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES 6 5 4 Point de rupture 3 2 1 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Chlore introduit (en mg . L–1) Figure 3 – Courbe d’absorption de chlore. Détermination du point de rupture ou point critique composés de substitution, les chloramines, qui constituent le chlore résiduel combiné. Dans un second temps, une dose accrue de chlore détruit ces chloramines en les oxydant en azote gazeux. Cette réaction relativement complexe du chlore et de l’ammonium est illustrée par la courbe de la figure 3. Le minimum de la courbe est appelé point de rupture (de l’anglais « break-point ») ou point critique. En pratique il est atteint par l’addition de 7 à 10 mg de chlore par mg d’ion ammonium + NH 4 présent dans l’eau brute. En deçà de ce point, le chlore résiduel est sous forme combinée, au-delà il est essentiellement sous forme libre. Pour une élimination totale de l’ammonium et une bonne désinfection, le traitement doit être effectué à des doses supérieures à celle du point de rupture. Il en est de même pour les mauvais goûts, dus aux composés d’addition chlorés (notamment avec les phénols), qui se trouvent exaltés par des doses de chlore inférieures à ce point. En revanche, nous savons maintenant que si l’eau contient des précurseurs organiques de THM, ils doivent être éliminés avant la chloration. 2.1.2 Dioxyde de chlore Le dioxyde de chlore (ClO2) est également un très bon oxydant. Son efficacité vis-à-vis de la couleur est supérieure à celle du chlore. Elle l’est également vis-à-vis des goûts : ClO2 ne forme en effet pas de composés d’addition sapides avec les phénols. Parmi les autres avantages de ce réactif, on peut mentionner qu’il oxyde rapidement le fer et le manganèse. Utilisé en préoxydation, il permet donc l’élimination de ces métaux. ClO2 permet encore de dégrader un certain nombre de composés organiques, sans former de trihalométhanes indésirables. Enfin, tout comme le chlore, le dioxyde de chlore aide à maintenir la propreté des ouvrages de décantation et de filtration. Le dioxyde de chlore présente cependant certains inconvénients. Il ne réagit pas avec l’ammonium et ne permet donc pas de l’éliminer. Il donne naissance à des sous-produits, tels que les chlorites et les chlorates, qui sont toxiques. Enfin, la mise en œuvre du dioxyde de chlore peut, dans certains cas, représenter une contrainte puisque le réactif doit être préparé in situ, suivant l’un des procédés suivants : — action du chlore sur le chlorite de sodium : 2NaClO2 + Cl2 → 2ClO2 + 2NaCl — action d’un acide sur le chlorite de sodium : 5NaClO2 + 4HCl → 4ClO2 + 5NaCl + 2H2O Dans tous les cas, le pH de mélange doit être très acide (р 2) pour que la réaction soit complète. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 5 TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ 2.1.3 Ozone L’ozone (O3) est fabriqué à partir de l’oxygène de l’air ou d’oxygène pur (industriel, ou fabriqué sur place pour les gros débits) ; lorsque l’on utilise l’air, celui-ci doit, au préalable, subir un refroidissement (dans un échangeur de température) et une dessiccation poussée (sur gel de silice ou d’alumine activée), de façon à obtenir un point de rosée ne dépassant pas – 60 oC environ. L’air passe ensuite entre deux électrodes (avec diélectrique intercalé) sous une tension alternative comprise entre 3 000 et 20 000 V en fonction de la technologie adoptée. Suivant la forme des électrodes, il existe des ozoneurs à plaques ou à tubes ; la plupart des ozoneurs modernes sont équipés avec des tubes. La figure 4 donne une idée de la conception de base d’un ozoneur. Sortie d'air ozoné Sortie Entrée réfrigérant d'air Tubes diélectriques Hublot On peut distinguer quatre générations dans l’évolution des ozoneurs industriels. Les trois premières comportaient des tubes dont le matériau (diélectrique) était en verre et ont été successivement des ozoneurs : — alimentés à basse fréquence électrique (50 à 60 Hz) et à l’air (après refroidissement et passage dans un sécheur à régénération thermique, abaissant le point de rosée de l’air à une valeur de – 60 oC) ; — alimentés à moyenne fréquence électrique (500 à 1 000 Hz) et à l’air ; — alimentés à moyenne fréquence et à l’oxygène. Par rapport à la première génération, l’introduction de la moyenne fréquence pour l’alimentation électrique des ozoneurs a permis une réduction de la taille des appareils, une augmentation de la concentration en ozone dans la phase gazeuse (de 10 g · m–3 à 30 g · m–3, environ) et une réduction de la consommation d’électricité (de 25-30 à 15-20 Wh par g d’ozone). Ensuite, la génération d’ozone à partir d’oxygène pur a apporté un progrès supplémentaire en matière d’économie sur le prix d’investissement (suppression de la ligne de dessiccation de l’air) et une plus grande souplesse de fonctionnement. La concentration optimale d’ozone dans le flux d’oxygène était à ce stade de 6-7 % en masse, ce qui correspond à une consommation d’oxygène de 14-17 kg par kg d’ozone. Depuis le début des années 1990, une quatrième génération est apparue sur le marché ; principalement caractérisée par l’utilisation d’un nouveau matériel diélectrique (« non-verre », sorte de céramique), elle présente les avantages suivants : — avec une alimentation à l’air, augmentation de la concentration à 2-4 % en masse (environ 30-60 g · m–3), d’où une nouvelle économie sur la ligne de production d’air ; — avec l’oxygène, augmentation de la concentration à 10-16 % en masse (soit 150 à 240 g · m–3), à consommation électrique égale par rapport à la technologie traditionnelle ; la consommation d’oxygène est alors ramenée à 6-10 kg O2 par kg O3 ; — réduction de la consommation électrique d’un tiers à concentration égale ; — très grande souplesse de fonctionnement (par exemple, suppression des unités stand-by en utilisant la variation de la production en fonction de la concentration). L’air ou l’oxygène ozoné issu de l’appareil est ensuite administré à l’eau sous forme de fines bulles engendrées par des diffuseurs poreux immergés au fond de tours de contact (h = 4 à 6 m) assurant un temps de séjour généralement compris entre 4 et 10 min. On peut aussi introduire l’air ozoné dans l’eau à traiter par d’autres procédés : hydro-injecteurs, turbines, hélices, rampes perforées en acier inoxydable ou PVC, tube en U (siphon concentrique, d’une profondeur de 15 à 20 m), etc. Le tube en U, par son faible encombrement au sol, est particulièrement intéressant lorsque la place est limitée. L’ozone est l’oxydant et le désinfectant le plus puissant que l’on connaisse, mais il disparaît rapidement de l’eau par décomposition spontanée : il n’a donc pas de pouvoir désinfectant rémanent ; G 1 171 − 6 Entrée réfrigérant Borne haute tension Figure 4 – Principe d’un ozoneur après ozonation, il peut donc être nécessaire de compléter la désinfection par une petite dose d’un autre oxydant capable de laisser des traces résiduelles dans l’eau distribuée, c’est-à-dire du chlore ou du dioxyde de chlore. D’abord utilisé pour son action bactéricide et virucide (action complète pour une teneur résiduelle de 0,4 mg · L–1 après 4 à 8 min), l’ozone est maintenant mis en œuvre dans les filières de traitement de façon à bénéficier de tous ses autres avantages : — action sur la couleur, certains goûts et odeurs ; — action sur certains micropolluants (phénols, détergents, hydrocarbures, pesticides tels que l’aldrine ou le parathion...) ; — oxydation du manganèse dans les eaux souterraines. Sur les matières organiques l’ozone agit de trois façons différentes (directement ou par l’intermédiaire de radicaux libres OH•) : ozonolyse (cracking des grosses molécules avec passage par des composés intermédiaires : ozonides, peroxydes), oxydation directe et catalyse de l’oxydation par l’oxygène dissous. Certaines de ces réactions, en « simplifiant » des molécules organiques auparavant réfractaires à l’attaque bactérienne, entraînent une augmentation de la proportion de carbone organique dissous biodégradable (CODB). Dans les eaux brutes d’origine superficielle, de même qu’avec le ClO2 , l’usage de l’ozone évite la formation de trihalométhanes et autres dérivés chlorés, mais ne résout pas le problème de l’élimination de l’ammonium. L’emploi de l’ozone pose aussi certains problèmes en formant d’autres produits éventuellement toxiques : — aldéhydes, cétones, acides organiques ; — l’action sur le parathion peut former du paraoxon (dans le cas d’une oxydation insuffisamment poussée) ; — déplacement de certains métaux lourds complexés ; — formation de bromates à partir de composés bromés présents dans l’eau brute. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES C’est pourquoi les tendances actuelles de son emploi dans le traitement des eaux de surface sont les suivantes : — en prétraitement à faible dose (moins de 1 mg · L–1 en général) avant clarification : on peut alors assister à certains effets bénéfiques (réduction de la dose de coagulant, réduction des matières organiques et des précurseurs de trihalométhanes, préparation à une biodégradation ultérieure de l’ammonium et des matières organiques...) ; en revanche, il ne garantit pas la propreté des ouvrages, du fait de l’absence d’oxydant résiduel : après une préozonation, il faut donc fréquemment couvrir les décanteurs et les filtres ; — en préliminaire à une filtration sur charbon actif en grains (CAG) dans les traitements d’affinage : nous verrons (§ 3.3.3) comment le couple [O3 + CAG] constitue une filière biologique ; — en désinfection finale, mais celle-ci est maintenant placée en général avant une filtration (sable ou CAG) pour éliminer le CODB par voie biologique avant utilisation de l’eau, ce qui nous renvoie en fait au cas précédent. 2.1.4 Permanganate de potassium Généralement, le traitement des eaux naturelles par le permanganate de potassium (KMnO4) n’est pratiqué que dans le cas d’eaux brutes riches en fer et surtout en manganèse. En effet, KMnO4 est plus efficace que le chlore vis-à-vis de l’oxydation de ces deux métaux. Il est, par contre, environ trois fois plus coûteux. 2.2 Aspect particulier de la désinfection Avant d’aborder la mise en œuvre des oxydants dans ce domaine, nous devons prendre en considération quelques aspects généraux de la désinfection. Il faut en fait distinguer : — la désinfection proprement dite, qui est la destruction des bactéries et virus pathogènes, ainsi que des bio-indicateurs (coliformes fécaux et totaux, streptocoques fécaux, etc.) ; — et la stérilisation qui est la destruction de tous les organismes vivants des trois règnes (bactérien, animal et végétal). La stérilisation demande toujours des traitements plus brutaux et plus coûteux que la désinfection ; on ne l’applique que dans certains cas d’eaux industrielles ou de nettoyage de réseau contaminé. Pour obtenir simplement une eau de qualité potable, on se contente, en général, de rechercher une bonne désinfection, ce qui implique que toute vie peut ne pas être exclue de l’eau traitée ; mais il ne s’agira alors que de quelques bactéries banales, jouant + un rôle utile (exemple : nitrification de NH 4 ) et ne présentant aucune nuisance esthétique ou sanitaire. On peut considérer que la désinfection peut être réalisée par voie physique ou physico-chimique ; les traitements physiques concernent surtout l’emploi des rayons ultraviolets, dont l’action s’exercerait au niveau des molécules organiques des composés essentiels à la vie de la cellule, notamment les nucléoprotéines ; on utilise en général la longueur d’onde de 253,7 nm, émise par des lampes à vapeur de mercure. Dans de bonnes conditions d’emploi, on détruit ainsi la plupart des bactéries et des virus, mais l’usage de ces appareils est pour l’instant réservé à de petits débits ; en outre, l’absence de rémanence de l’effet bactéricide ne garantit pas l’eau contre une contamination secondaire après traitement. Le développement récent des membranes (§ 6) de microfiltration (MF) et d’ultrafiltration (UF) a introduit sur le marché un nouveau type de désinfection physique (et même de stérilisation totale dans le cas de l’UF, où le moindre virus est également éliminé du fait d’un pouvoir de coupure de l’ordre de 0,01 µm) dans des stations qui réalisent simultanément clarification et désinfection dans l’étape du traitement membranaire. Ces exceptions mises à part, la désinfection traditionnelle met en œuvre les oxydants chimiques examinés plus haut : Cl2, ClO2, O3 . Évent Départ eau traitée Arrivée eau à traiter a b Ozoneur Air ozoné Chambre de contact : a réponse à la demande chimique en ozone b désinfection proprement dite Figure 5 – Disposition classique d’une tour de contact eau-ozone Elle se pratique en fin de traitement. Son efficacité dépend du type de désinfectant et, pour chacun d’entre eux, du produit C.T (concentration en désinfectant résiduel × temps de conctact). En pratique, on considère que l’effet désinfectant est assuré s’il subsiste, après un temps de contact d’au moins 60 min, un résiduel de 0,1 à 0,2 mg · L–1 de chlore libre ou de dioxyde de chlore (soit un C.T minimal de 6 à 12 mg · min · L–1). Dans le cas d’une désinfection par l’ozone, on doit assurer le maintien d’un résiduel d’ozone de 0,4 mg · L–1 pendant au moins 4 min pour qu’en particulier l’effet virucide soit atteint (figure 5) : la désinfection prend place dans la chambre B après satisfaction de la demande chimique de l’eau en ozone dans la chambre A ; pour l’ozone, le C.T usuel est donc de 1,6 mg · min · L–1. En fait, les C.T qui viennent d’être indiqués doivent plutôt être considérés comme des ordres de grandeur : le C.T réellement requis dépend aussi de l’organisme pathogène considéré (les valeurs ci-dessus sont insuffisantes pour éliminer les kystes des protozoaires parasites Giardia et Cryptosporidium ), de la température, de la turbidité et, surtout en ce qui concerne le chlore, du pH. Enfin, une étude hydraulique du réacteur doit aussi permettre de s’assurer que le temps de séjour réel de l’eau n’est pas trop éloigné de sa valeur théorique. 2.3 Combinaisons d’oxydants, conséquences technologiques Comme déjà mentionné (§ 2.1.1) et (§ 2.1.3), une première conséquence des recherches de ces dernières décennies a été une diminution de l’emploi du chlore au profit de l’ozone ; de nombreuses sociétés ont ensuite conduit, et conduisent encore, des recherches sur la mise en œuvre de techniques avancées d’oxydation, surtout axées sur une efficacité accrue de l’ozone grâce au couplage de l’ozonation avec : — un autre oxydant (H2O2 surtout) ; — un catalyseur (TiO2 , ZnO...) ; — une photocatalyse (UV, UV + TiO2 , ...), etc. Ces techniques sont développées dans l’article [G 1 330] Lutte contre la pollution des eaux. Finitions à haute performance. En matière de traitement des eaux naturelles, c’est actuellement le couplage [O3 + H2O2] qui est le mieux maîtrisé : il aboutit à la libération de radicaux libres OH• qui se révèlent très actifs sur les micropolluants organiques et sur les goûts et odeurs désagréables. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 7 TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ Ce couplage présente toutefois un inconvénient, celui de ne pas laisser d’ozone résiduel, d’où un problème lorsqu’il faut également désinfecter l’eau et respecter un C.T minimal de 1,6 mg · min · L–1 (§ 2.2) ; pour y remédier, il faut ajouter des compartiments de contact supplémentaires, permettant d’assurer successivement la désinfection, puis l’oxydation radicalaire. Eau liée 3. Adsorption Un article spécifique sur cette catégorie de traitements a déjà été publié dans notre Collection [15] ou [J 2 730] et [J 2 731]. 3.1 Généralités. Le charbon actif Macropores L’adsorption définit la propriété de certains matériaux de fixer à leur surface des molécules extraites de la phase liquide ou gazeuse dans laquelle ils sont immergés. Parmi les matériaux adsorbants (qui comprennent également les zéolites naturelles, certaines résines synthétiques, etc.), le charbon actif est actuellement le plus utilisé. Le charbon actif est issu de diverses origines (houille, lignite, anthracite, schistes bitumeux, noix de coco, tourbe, bois de pin, etc.) et préparé par des procédés très élaborés (séchage, carbonisation à 500-600 oC sans air et oxydation ménagée à 850-1 000 oC en présence de vapeur d’eau) ; sous l’influence de ce traitement, il ne subsiste que le squelette carboné et le matériau a acquis une très grande porosité, en présentant en outre une grande diversité dans la taille et la structure des pores (macropores et micropores, voir figure 6) ; grâce à cette porosité hétérogène et à la grande surface spécifique développée (500 à 1 500 g · m–2 suivant le cas), le charbon est un adsorbant qui peut retenir à sa surface des molécules de toutes tailles. Le charbon actif a tout d’abord été utilisé pour améliorer les qualités organoleptiques d’une eau en éliminant les matières organiques responsables de goûts, d’odeurs et de couleur. Avec l’accroissement de la pollution, son emploi s’est étendu à l’élimination de nombreux polluants et micropolluants tels que les phénols, les hydrocarbures, les pesticides, les détergents, et même certains métaux lourds qui ne sont pas totalement éliminés par les procédés de coagulation-floculation-décantation et filtration sur sable. Il participe également à l’élimination des précurseurs de THM et autres sous-produits de chloration. Dans d’autres applications, ses propriétés réductrices sont utilisées pour éliminer un oxydant résiduel, tel que le chlore. 3.2 Formes du charbon actif Il peut se présenter sous deux formes : en poudre et en grains. 3.2.1 Charbon actif en poudre (CAP) Il est généralement utilisé sous forme de suspension que l’on introduit dans l’eau brute au voisinage du point d’injection du coagulant. Il est éliminé dans les décanteurs avec le floc et les autres matières en suspension : par conséquent, il ne peut pas être récupéré et réutilisé. À ce niveau, il ne travaille sur la micropollution que par un effet physique d’adsorption. Par l’effet de filtre fluidisé qu’ils exercent, les décanteurs à lit de boues sont particulièrement adaptés pour G 1 171 − 8 Micropores Figure 6 – Adsorption sur une particule de charbon actif. Principe retirer le maximum d’efficacité du CAP (pour obtenir le même résultat dans l’eau décantée, le taux de traitement en CAP peut y être inférieur d’environ 30 % à celui qu’il faudrait appliquer dans un décanteur statique). La mise en œuvre du CAP est simple et nécessite des coûts d’investissement assez faibles. Toutefois, son utilisation de façon continue et à des taux importants (> 20 g · m–3) peut entraîner des coûts d’exploitation élevés. Il est donc surtout utilisé pour lutter contre des pollutions légères et/ou de courte durée. Néanmoins, il représente un traitement de sécurité appréciable pour faire face à une pollution accidentelle et soulager une chaîne d’affinage plus élaborée placée en aval. On peut également utiliser le charbon en poudre sous forme de précouche de filtre à bougie ([G 1 170], § 6.4) pour l’affinage des eaux industrielles de haute pureté (traitement de condensats, eau de rinçage dans l’industrie électronique...) 3.2.2 Charbon actif en grains (CAG) Il est utilisé sous forme de lits filtrants permettant éventuellement d’utiliser, dans un même ouvrage, les propriétés filtrantes et adsorbantes du charbon. Les filtres à CAG peuvent être installés : — soit à la place des filtres à sable : « filtration sur CAG en premier étage » (rôles simultanés de clarification et d’affinage) ; — soit après une filtration rapide sur sable : « filtration sur CAG en deuxième étage » (rôle d’affinage principalement, de beaucoup préférable pour l’efficacité et la durée de vie du charbon). Le CAG est mis en œuvre dans des filtres qui sont analogues à ceux utilisés en clarification ([G 1 170], § 6.2 et § 6.3) et dont le lavage se rapprochera de celui des filtres bicouches (air seul, puis rinçage à l’eau seule avec mise en expansion du lit filtrant). Ces filtres peuvent être ouverts (gravitaires) ou fermés (sous pression). Leurs caractéristiques sont en général : — taille effective du CAG : de l’ordre de 1 mm en premier étage de filtration et de 0,75 mm en deuxième étage de filtration ; — hauteur de couche : 0,8 à 2 m ; — vitesse de filtration : 5 à 10 m3 · h–1 · m–2 ; — charge volumique : 3 à 12 volumes d’eau par heure et par volume de CAG, soit en temps de contact à vide de 5 à 20 min. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES On caractérise cette action déchlorante par la longueur de demidéchloration : c’est la hauteur de lit filtrant qui, à une vitesse donnée, provoque une diminution de moitié de la dose de chlore dans l’eau. Le pH a une grande influence sur cette longueur. En pratique, suivant la température, la teneur en chlore libre et la tolérance admise sur le chlore résiduel, on applique des charges volumiques allant de 5 à 15 volumes d’eau par volume de charbon actif et par heure. Goulotte d'évacuation des eaux sales de lavage Enceinte du filtre Entrée eau à traiter 1re cellule de filtration 2e cellule de filtration CAG1 CAG2 Plancher à buselures Arrivée d'air et d'eau de lavage filtration Une action catalytique du même type existe vis-à-vis des chloramines qui sont décomposées en azote et acide chlorhydrique. Toutefois, la cinétique est plus lente que dans le cas du chlore libre (longueur de demi-déchloration beaucoup plus élevée) ; il faut donc diminuer nettement les charges volumiques si l’on veut obtenir des résultats comparables. Sortie eau traitée Le pouvoir déchlorant d’un charbon est perturbé par tout ce qui gêne le contact entre le charbon et l’eau à traiter : dépôts de carbonate de calcium, saturation de la surface par adsorption de matières organiques et de polluants divers, etc. lavage Figure 7 – Coupe transversale du filtre Carbazur double flux La mise en œuvre du CAG en deuxième étage de filtration peut être optimisée en adoptant le filtre Carbazur double flux de Degrémont, constitué (figure 7) de deux cellules de filtration réunies dans la même enceinte. Chacune des cellules comporte un plancher à buselures supportant une couche de charbon actif (CAG1 et CAG2). L’eau à traiter, précédemment clarifiée et filtrée, entre à la partie inférieure de la première cellule par une tuyauterie munie d’une vanne ; elle traverse ensuite la couche de charbon CAG1 en flux ascendant, puis passe dans la deuxième cellule pour traverser le charbon actif CAG2 en flux descendant, et sortir du filtre par la tuyauterie d’eau traitée équipée d’une vanne de régulation. Au centre du filtre est disposé le système de lavage comprenant des arrivées d’air et d’eau pour laver chaque cellule séparément. Les eaux de lavage se déversent ensuite dans la goulotte d’évacuation centrale. Cette disposition diminue les frais d’exploitation dus au CAG en permettant une saturation complète de CAG1 , avant de l’envoyer à la régénération et de le remplacer par un transfert de CAG2 dans la première cellule ; le CAG2 est lui-même remplacé alors par du CAG neuf, une telle combinaison permettant un maintien constant de la qualité de l’eau traitée tout en ne perdant rien de la capacité d’adsorption du CAG. 3.3.2 Adsorbant de micropolluants minéraux et organiques La capacité d’adsorption d’un CAG pour un polluant donné est influencée par la composition de l’eau à traiter (en particulier, les matières organiques générales de l’eau, exprimées par l’oxydabilité au KMnO4 ou le COT (carbone organique total) : elles entrent en compétition avec les micropolluants pour occuper les sites d’adsorption du CAG ; la capacité d’adsorption du CAG vis-à-vis de ces substances diminue donc quand le COT augmente). À mesure que le charbon retient des micropolluants, le front d’adsorption progresse en profondeur (figure 8) et il faut remplacer le charbon usagé par du charbon neuf lorsque la teneur de l’eau traitée en micropolluant résiduel atteint le seuil d’alarme (par exemple C ’ sur la figure 8), sous peine de voir ensuite cette teneur tendre rapidement vers la valeur d’entrée (par exemple C3 sur la figure 8). Le charbon usagé est soit jeté (quand il s’agit de la qualité dite « non régénérable »), soit régénéré, par le même traitement thermique en atmosphère contrôlée que celui utilisé pour sa fabrication : — soit chez le fournisseur (cas le plus général) ; — soit dans un four construit sur place si la quantité à régénérer le justifie. Au cours de son fonctionnement, le lit du CAG doit bien entendu être lavé périodiquement pour éliminer les MES qui s’accumulent entre les grains (premier étage : 1 lavage toutes les 24 à 48 h deuxième étage : 1 lavage toutes les 1 à 2 semaines). 3.3 Modes d’action du charbon actif en grains C ϫ100 C1 C0 100 C3 C2 C' C3 C = C0 0 3.3.1 Catalyseur de la déchloration Cette action est très rapide et n’entraîne aucune consommation de charbon actif. C’est l’un des premiers domaines où a été appliqué le charbon en grains, pour les eaux industrielles surtout (exemple : fabrication de certaines boissons gazeuses). C2 C' 100 Après surtraitement au chlore, le passage sur CAG catalyse la réaction : 2Cl2 + 2H2O → 4HCl + O2 C1 T' Zone d'adsorption C0 – C ϫ 100 C0 Le mode d’action du CAG (outre la simple rétention mécanique que nous rappelons pour mémoire) peut se concevoir de trois façons. Temps Zone saturée Figure 8 – Progression du front d’adsorption d’un filtre à CAG Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 9 La durée de vie dépend également des composés adsorbés. Les produits peu polaires sont bien adsorbés. Les composés dont les molécules ont de grandes dimensions ont tendance à « fermer » les pores et à diminuer la durée de vie, car toute la surface n’est pas utilisée. La structure du charbon intervient donc : un charbon à pores de petites dimensions (type noix de coco) se saturera vite, même si sa capacité mesurée en laboratoire avec de petites molécules (exemple : indice d’iode) est élevée. Dans des conditions « standard » de fonctionnement (hauteur de couche : 1 m, vitesse de filtration 7 m3 · h–1 · m–2), on peut obtenir, en deuxième étage de filtration, les durées de vie suivantes : — élimination des trihalométhanes ........... 1,5 mois ; — élimination de l’oxydabilité .................... 6 mois ; — élimination des détergents ..................... 6 mois ; — élimination des mauvais goûts .............. 3-4 ans. Si l’on examine de plus près l’élimination des matières organiques, on s’aperçoit que l’efficacité du CAG est très importante au démarrage, puis qu’elle a tendance à diminuer rapidement, mais qu’elle se prolonge ensuite du fait de l’effet biologique qui s’y développe. 3.3.3 Phénomènes biologiques En effet, le CAG est un matériau support très favorable au développement de certaines bactéries répandues dans l’environnement, comme les bactéries nitrifiantes ou les bactéries hétérotrophes métabolisant les matières organiques biodégradables. Dans un filtre à CAG bien exploité, la biomasse bactérienne peut atteindre 108 cellules par gramme de CAG, ce qui est très supérieur à un filtre à sable et explique qu’une action biologique puisse s’ajouter à un effet d’adsorption purement physico-chimique. Cette double action est illustrée par la figure 9, qui traduit l’évolution de la concentration en COT de l’eau traitée en fonction du temps ; on distingue : — un résiduel très faible d’une fraction de COT non adsorbable dans l’eau traitée sur CAG neuf ; — un effet d’adsorption rapide qui parvient rapidement à saturation, mais qui est complété par un effet d’adsorption lente (migration des molécules organiques à l’intérieur des pores du CAG) ; ce dernier permet d’atteindre un plateau de COT inférieur à la concentration en COT de l’eau brute ; — un effet supplémentaire de réduction du COT par voie biologique, aboutissant à un plateau situé nettement au-dessous du précédent ; ce plateau définitif paraît indépendant du type de CAG, même si ce dernier a été spécifiquement conçu comme substrat d’une activité biologique ; il correspond à l’élimination du carbone organique dissous biodégradable (CODB). La cinétique des réactions biochimiques dépend étroitement de la température de l’eau : par exemple, pour un même abattement du COT, il faut approximativement doubler le temps de contact lorsque la température passe de 20 oC à 8 oC, bien que la biomasse bactérienne fixée soit en moyenne identique aux deux températures. Après un temps d’acclimatation suffisant, des composés plus complexes, tels que certains produits organochlorés, peuvent être métabolisés par les bactéries fixées sur un filtre à CAG. Ces actions restent toutefois limitées si l’on admet l’eau sur le CAG sans pratiquer auparavant un prétraitement approprié ; en revanche, l’effet biologique exercé par un filtre à CAG est considérablement amplifié par une ozonation préalable ; en effet : G 1 171 − 10 Eau brute Adsorption lente Adsorption rapide Effet biologique Eau traitée Fraction non adsorbable Temps MO matières organiques Figure 9 – Élimination des matières organiques par le charbon actif en grains ,,,,,, ,,,,,,, ,,,,,, ,,,,,,, ,,,,,, ,,,,,,, ,,,,,, ,,,,,,, Concentration en MO En outre, le charbon se sature par adsorption de toutes les matières organiques présentes dans l’eau. La durée de vie dépend des caractéristiques de fonctionnement : — elle augmente si la taille effective du CAG diminue ; — elle diminue si la vitesse de filtration augmente ; — elle augmente si la hauteur de couche augmente. Concentration en MO TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ Eau brute Adsorption lente Effet biologique Effet biologique supplémentaire dû à l'ozonation Eau filtrée CAG Eau ozonée + filtrée CAG Fraction non adsorbable Temps Figure 10 – Effet de l’ozonation sur l’élimination des matières organiques par le charbon actif en grains — l’ozone élimine les produits à cinétique rapide d’oxydation ; ceux-ci n’ont donc plus à être adsorbés sur le CAG, dont la durée de vie (avant régénération thermique ou remplacement) peut ainsi être sensiblement augmentée ; — en outre, l’ozone rend biodégradables certains composés réfractaires ; le CAG adsorbe les produits qui n’ont pas été oxydés par l’ozone et voit se renforcer l’élimination, par voie biologique, des substances biodégradables : l’élimination des matières organiques est ainsi rendue plus importante que si l’ozonation n’avait pas été appliquée (figure 10, à comparer avec la figure 9) et on peut considérer que le filtre à CAG est en fait devenu, par ce mode de conception et d’exploitation, un filtre à charbon actif biologique (CAB). Le couplage [O3 + CAG] permet aussi une meilleure élimination : — des goûts et odeurs ; — des molécules organiques qui jouent le rôle de « précurseurs » favorisant la formation de THM après chloration et, plus généralement, de sous-produits d’oxydation après action des différents désinfectants ; — et de la plupart des micropolluants minéraux (métaux lourds) et organiques (pesticides, phénols, hydrocarbures, détergents, etc.). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES 3.4 Autres adsorbants 3.4.1 Adsorbants minéraux Certains d’entre eux existent à l’état naturel et ont déjà depuis longtemps reçu certaines applications : argiles (bentonite, montmorillonite, kaolin), zéolites, diatomées. Plus tard, de nouveaux adsorbants ont été développés : — alumine et autres oxydes minéraux « activés » ; ils peuvent avoir une très grande surface spécifique, mais seules quelques substances ont pour eux une bonne affinité ; ce sont donc des adsorbants très spécifiques ; l’alumine activée est également utilisée pour éliminer les fluorures, mais ce type de traitement appartient plutôt au domaine de l’échange d’ions ; — hydroxydes métalliques ; — gel de silice ; — zéolites synthétiques. 3.4.2 Adsorbants organiques Il faut citer pour mémoire les « scavengers », résines macroporeuses anioniques synthétiques, à structure aromatique (généralement styrène - divinylbenzène) : elles étaient traditionnellement utilisées en amont des chaînes de traitement de déminéralisation sur échangeurs d’ions, pour protéger les échangeurs d’anions contre l’empoisonnement par les matières organiques ; cette fonction est maintenant généralement intégrée dans la chaîne de déminéralisation, en choisissant des résines échangeuses d’anions fortement réticulées (macroporeuses) ou à squelette polyacrylique (au lieu d’un squelette polystyrénique), si l’on doit traiter des eaux à teneur élevée en matières organiques. 4. Échangeurs d’ions 4.1 Généralités sur les échangeurs d’ions D’une façon générale, les échangeurs d’ions sont des substances granulaires insolubles, minérales ou organiques, d’origine naturelle ou synthétique, qui comportent des fonctions acides ou basiques susceptibles d’échanger leurs ions mobiles avec les ions de même signe contenus dans les solutions avec lesquelles ils sont mis en contact. Cette forme d’échange est en général une réaction d’équilibre, de la forme : R–A+B → ← R–B+A (1) Une telle réaction est une permutation, qui ne modifie ni l’aspect (sauf éventuellement la couleur), ni la structure, ni le caractère insoluble de l’échangeur d’ions. Par contre, elle permet de modifier la composition ionique du liquide, objet du traitement, sans modification du nombre total d’ions existant dans ce liquide au début de l’échange. Les échangeurs d’ions ont d’abord été des terres naturelles, puis des composés synthétiques, minéraux (silice, alginate, alumine) et organiques, ces derniers étant presque exclusivement employés actuellement sous le nom de résines. C’est donc essentiellement de ces résines synthétiques qu’il sera question ici ; une étude très complète leur a déjà été consacrée dans notre Collection [16] ou [J 2 783], [J 2 784], [Doc. J 2 785]. Pour que l’équilibre (1) se déplace dans le sens désiré (phase de fixation), par exemple de gauche à droite, il faut travailler par équilibres successifs à travers des couches superposées d’échangeur et fonctionner par percolation, mais il subsiste pratiquement toujours une fuite ionique plus ou moins importante de l’ion que l’on souhaite fixer : la qualité de l’effluent dépend donc surtout de la dernière couche traversée, et l’installation doit être conçue de façon à ce que l’eau sortant des dernières couches présente une concentration voisine de zéro pour l’ion indésirable. Le cycle de fixation doit être arrêté lorsque la fuite ionique devient perceptible : on dit alors que l’on a atteint le point de fuite et il faut passer à la phase de régénération, qui consiste à introduire un réactif qui déplace l’équilibre en sens inverse du précédent (c’est-à-dire de droite à gauche dans l’exemple ci-dessus). Cette régénération peut se faire à cocourant ou à contre-courant ; la seconde est préférable [17] tant sur le plan de la consommation des réactifs que sur celui de la qualité de l’eau traitée obtenue après régénération. 4.2 Différents types de résines Les résines actuelles se présentent généralement sous la forme de particules sphériques dont le diamètre est compris entre 0,3 et 1,2 mm ; la tendance actuelle est de fabriquer des résines dont toutes les billes sont parfaitement sphériques et présentent rigoureusement le même diamètre (résines monocalibrées de Dow, Rohm & Haas...), améliorant le pouvoir d’échange, limitant les zones mortes, permettant un meilleur reclassement et réduisant notablement la formation de fines. Fondamentalement, on distingue les échangeurs de cations fortement ou faiblement acides et les échangeurs d’anions fortement ou faiblement basiques. Échangeurs de cations fortement acides : ce sont des polystyrènes sulfonés, de formule générale R-SO3H ; leur acidité est voisine de celle de l’acide sulfurique. Ils sont capables, sous la forme H+ (correspondant à la formule ci-dessus), de fixer tous les cations d’une solution de pH 1 à 13. Échangeurs de cations faiblement acides : ce sont des échangeurs carboxyliques, de formule générale R-COOH (R étant généralement représentatif d’un squelette polyacrylique). Sous la forme H+, ils sont capables de libérer l’acide carbonique par fixation des cations (Ca 2+ , Mg 2+ , Na + , K + ...) correspondant aux bicarbonates, mais ne peuvent pas échanger les cations en équilibre avec 2– – des anions d’acide fort (SO 4 , Cl–, NO 3 ...). Sous une forme neutralisée (Na+ par exemple), ils ne peuvent fixer que des cations divalents et/ou trivalents d’une solution de pH 3 à 8. Échangeurs d’anions fortement basiques : de formule générale R-OH (R étant un squelette polystyrénique ou parfois polyacrylique), ils comportent des ammoniums quaternaires, simples (type I) ou alcoylés (type II) ; par rapport aux échangeurs de type I, ceux de type II présentent une basicité plus faible et une fuite en silice plus élevée, mais une plus grande capacité et une meilleure facilité de régénération. Ces résines peuvent fixer tous les anions d’acides forts et faibles, pour une zone de pH de 1 à 12. Échangeurs d’anions faiblement ou moyennement basiques : tous ces produits comportent un mélange d’amines primaires, secondaires, tertiaires (les plus utilisées) et parfois quaternaires. Le noyau de la molécule est de nature très variée, ce noyau pouvant être aliphatique, aromatique ou hétérocyclique. Ils ne fixent pas les anions d’acides faibles, tels que l’acide carbonique ou la silice, et fixent les anions d’acides forts dans une zone de pH de 1 à 5. 4.3 Utilisation des échangeurs d’ions Les appareils de mise en œuvre des résines échangeuses d’ions se présentent sous cinq formes : — colonnes à lit fixe simple (compacté), avec régénération à cocourant ou, de préférence, à contre-courant (exemple : procédé UFD Degrémont [17], qui comporte en particulier une colonne annexe de lavage-définage de la couche supérieure de résine, comme on peut le voir sur la figure 11) ; Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 11 TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ Entrée d'eau brute , Colonne de lavagedéfinage Eau brute limpide Éluats Circuit de compactage Régénérant Eau brute turbide Clarification Cf CF Décarbonatation à la chaux Cf Eau motrice Éjecteur CF Sortie d'eau traitée Figure 11 – Procédé UFD de Degrémont [2] [17] CO2 , ,, , , , , ,,, ,, ,,,,, , , Eau concentrée Etc. – Cathode Membrane sélective aux anions Af AF Af CO2 CO2 Af Af CO2 AF A– Etc. C+ + I Membrane Échangeur sélective de cations aux cations A– anions Af AF Eau Eau déminéralisée concentrée A– A– C+ C+ II CO2 II Cf Anode Échangeur d'anions CF LM C+ cations AF Figure 12 – Procédé d’électrodésionisation (EDI). Principe — colonnes à lits superposés, pour la mise en œuvre desquels le procédé UFD est également bien adapté ; — colonnes à lit mélangé (on mélange à l’air comprimé deux types de résines, une cationique et une anionique, dont la différence de densité permet en revanche la séparation hydraulique lors de la régénération) ; les lits mélangés, comme le procédé EDI (voir ciaprès), s’appliquent à de faibles minéralisations et sont souvent placés à la fin des filières de déminéralisation ; — colonnes à lit mobile, avec régénération semi-continue (exemple : procédé ECI Degrémont) ; — procédé continu d’électrodésionisation (EDI : Electrodeionization ), que l’on peut décrire comme une déminéralisation sur membranes en continu : en effet, ce procédé combine dans le même appareil à cellules multiples (figure 12) la fixation sur résines (en lit mélangé sur une mince épaisseur de couche) et leur régénération continue par électrodialyse, donc sans apport de réactifs ; les ions à éliminer sont fixés sur les résines mélangées placées dans les compartiments de type I (dits « de dilution »), d’où sortira l’eau déminéralisée ; grâce à l’application d’un potentiel électrique, les ions migrent ensuite rapidement vers les compartiments de type II (délimités par des membranes échangeuses d’ions, alternativement sélectives aux anions ou aux cations), où ils se concentrent pour être éliminés du système ; ce type de procédé (noms commerciaux : E-cell, CDI, etc.) présente théoriquement les mêmes applications de G 1 171 − 12 Cf CF CO2 Af AF LM échangeur de cations faiblement acide (carboxylique) échangeur de cations fortement acide éliminateur de CO2 échangeur d'anions faiblement basique échangeur d'anions fortement basique (désiliciant) lit mélangé Figure 13 – Combinaisons usuelles d’appareils en déminéralisation finition que les colonnes à lit mélangé, mais s’avère particulièrement intéressant après une osmose inverse pour réaliser des chaînes complètes de déminéralisation sans réactifs de régénération. Pour de plus amples détails sur ces diverses technologies, le lecteur pourra consulter les références [2] et [16] ou [J 2 783], [J 2 784], [Doc. J 2 785]. Les chaînes de traitement sur échangeurs d’ions varient en fonction de l’application et du degré de purification recherché ; on distingue trois types principaux d’application : — l’adoucissement (exemple : chaudières basse pression, certaines industries agroalimentaires, eaux de circuits divers...) : c’est la permutation sodique sur échangeurs de cations sous la forme ionique Na ; nous y reviendrons (§ 5.3.2) ; Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES 5.1 Neutralisation de l’agressivité Prétraitements éventuels Cation/anion Adoucissement + osmose inverse Lits mélangés Lits mélangés Électrodésionisation 1re génération 2e génération 3e génération Figure 14 – Évolution technologique des chaînes de déminéralisation — la décarbonatation (exemple : eaux de chaudières, certaines industries agroalimentaires) : une résine carboxylique sous forme H fixe les cations alcalins et (préférentiellement) alcalino-terreux liés aux bicarbonates sans toucher aux sels d’acides forts, ce qui libère l’acide carbonique : Ca ( HCO 3 ) 2 Mg ( HCO 3 ) 2 2NaHCO 3 ( COO ) 2 Ca COOH +R → R – ( COO ) 2 Mg + 2H 2 CO 3 COOH 2COONa le CO2 est ensuite éliminé par voie physique ; quant à la résine épuisée, elle est régénérée par un acide fort (HCl ou H2SO4) ; — la déminéralisation totale qui est l’élimination de tous les cations et de tous les anions (remplacés respectivement par des ions H+ et OH–) grâce à l’emploi d’échangeurs de cations et d’anions en lits successifs et/ou mélangés (exemple : chaudières MP et HP, industrie électronique, industrie pharmaceutique, centrales énergétiques, chimie, industrie cosmétique, parfumerie, distillerie, miroiterie (bains d’argenture), photographie, galvanoplastie, laboratoires industriels ou de recherche scientifique...) ; le traitement des eaux de chaudières est plus spécialement développé dans l’article qui étudie les problèmes résultant d’une utilisation intensive de l’eau ; en matière de déminéralisation en général, il existe un grand nombre de combinaisons possibles ; le tableau synoptique de la figure 13 présente les agencements les plus utilisés pour les chaînes classiques ne mettant en œuvre que les échangeurs d’ions (dans ces chaînes de déminéralisation, les échangeurs de cations sont régénérés par un acide fort comme HCl ou H2SO4 et les échangeurs d’anions par de la soude) ; à cette première génération s’opposent maintenant de nouvelles générations de filières associant membranes et échangeurs d’ions, comme le résume la figure 14. Dans certains cas, lorsque l’on ne désire pas augmenter la salinité de l’eau (en particulier en sortie d’une décarbonatation sur résine carboxylique), on la réalise par élimination physique du CO2 agressif dans une aération ouverte (§ 1.1) ; dans d’autres cas, il est préférable de pratiquer cette neutralisation par voie chimique ; on utilise alors la soude, la chaux ou le carbonate de sodium. C’est la chaux, du fait de son prix, qui est le réactif le plus fréquemment employé ; on a intérêt dans ce cas à utiliser un saturateur de chaux, qui retient les incuits et fournit une eau de chaux limpide. On peut aussi filtrer l’eau sur un carbonate alcalino-terreux granulé (exemple : Neutralite, Neutralg, Akdolit, Magno, marbre, etc.). Le calcul d’un tel filtre doit prendre en compte, outre le débit d’eau à traiter, sa concentration en CO2 agressif, sa température et son TAC. D’autre part, ce matériau étant consommable, il faut évidemment baser le calcul sur le volume résiduel avant recharge, et non sur le volume initial. Comme pour le CAG, ce calcul s’exprime en charge volumique (vol · h–1 · vol–1), c’est-à-dire en volumes d’eau traités en une heure par un volume de matériau neutralisant. Ces traitements de neutralisation chimique conduisent à un accroissement de la minéralisation de l’eau (TAC et, dans le cas de l’utilisation de produits alcalino-terreux, TH). Si les titres résultants sont insuffisants, par exemple pour éviter que l’eau soit corrosive vis-a-vis des conduites métalliques bien qu’étant à l’équilibre calco-carbonique, il faut mettre en œuvre une reminéralisation complémentaire. 5.2 Reminéralisation Le TAC et le TH (en particulier, le TH calcique) peuvent être artificiellement augmentés par divers procédés : — injection de CO2 et de chaux (lait de chaux en amont d’une clarification, eau de chaux dans une eau limpide) ; c’est le procédé le plus élégant, n’introduisant aucun autre ion indésirable dans l’eau : 2CO2 + Ca(OH)2 → Ca(HCO3)2 — injection de CO2 et filtration sur carbonate alcalino-terreux granulé : CO2 + CaCO3 + H2O → Ca(HCO3)2 chimiquement, ce procédé présente le même avantage que le précédent, mais il est plus lourd à mettre en œuvre (filtres à CaCO3) ; en revanche, il est plus facile à exploiter ; — autres procédés (pour mémoire) : NaHCO3 + CaCl2 H2SO4 + filtration sur CaCO3, etc. 5. Modifications des caractéristiques calco-carboniques Il s’agit des traitements qui interviennent sur tout ou partie des paramètres suivants : pH, TA, TAC, TH, TCa, TMg, CO2 libre ; les principaux d’entre eux sont : — la neutralisation du CO2 agressif (lutte contre la corrosion des réseaux de distribution et de certains circuits) ; — les traitements d’adoucissement (élimination totale ou partielle du TH) et/ou décarbonatation (élimination du TAC) ; — la reminéralisation des eaux dont le TAC et/ou le TH sont au contraire trop faibles par rapport à l’objectif recherché. 5.3 Adoucissement 5.3.1 Adoucissement avec décarbonatation Dans cette catégorie de procédés, on élimine simultanément la dureté (TCa et éventuellement TMg) et les bicarbonates et carbonates (TAC) qui lui sont associés. On distingue les procédés à la chaux et sur résine. ■ Adoucissement-décarbonatation à la chaux Ce traitement, qui est mis en œuvre dans un réacteur-décanteur, abaisse les titres en calcium et en magnésium de l’eau par précipitation sous forme de carbonate et d’hydroxyde, respectivement ; Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 13 TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ on assiste donc simultanément à un abaissement du TAC, d’où le nom du procédé qui est basé sur les réactions suivantes : Ca(OH)2 + Ca(HCO3)2 → 2CaCO3 + 2H2O —-—— ↓ Ca(OH)2 + Mg(HCO3)2 → MgCO3 + CaCO3 + 2H2O -—–— ↓ puis, avec un excès de chaux : Ca(OH)2 + MgCO3 → CaCO3 + Mg(OH)2 -—–— -–——–— ↓ ↓ Si les doses de réactif sont exactement ajustées, on réduit l’alcalinité de l’eau à la solubilité théorique du système CaCO3 + Mg(OH)2 qui est comprise entre 2 et 3 oF dans les conditions usuelles de concentration et de température. Cependant, cette valeur limite peut être augmentée dans la pratique par la présence d’impuretés organiques, lesquelles peuvent toutefois être éliminées par une clarification préalable. Pour atteindre ce résultat optimal, le calcul de la dose D de chaux [en Ca(OH)2] peut être basé, en général, sur la relation : avec D (g · m–3) = 7,4 × (C + TAC + TMg) C teneur en CO2 libre, en oF (4,4 mg · L–1 pour 1 oF), TAC et TMg en oF. Si l’on n’a besoin que d’un abaissement limité du TAC et/ou du TCa (décarbonatation partielle), la dose de chaux sera limitée, suivant le principal paramètre considéré, à : D = 7,4 (C + ∆TAC) ou : || zz , y zz || , y Zone de décantation Eau décarbonatée Masse de germes Eau brute Chaux diluée Figure 15 – Décarbonatation accélérée (« catalytique ») en Gyrazur Cependant, ces appareils à contact granulaire ne peuvent être utilisés que pour traiter des eaux claires et sont limités à la précipitation de CaCO3 uniquement (ils ne peuvent donc être utilisés lorsque l’on recherche en même temps une précipitation de magnésie et/ou un désiliciage par l’aluminate). ■ Décarbonatation sur résine C’est le passage de l’eau sur résine carboxylique (§ 4.3). D = 7,4 (C + ∆TCa). La décarbonatation à la chaux peut en outre être associée à : — un adoucissement plus poussé (en cas de présence de dureté calcique non carbonatée, c’est-à-dire lorsque TCa > TAC) par addition de carbonate de sodium, par exemple : CaSO4 + Na2CO3 → CaCO3 + Na2SO4 -—–— ↓ — un désiliciage par addition d’aluminate de sodium. Parfois, la chaux peut aussi être remplacée par de la soude. ● ,,, ,,, ,,, ,,, ,,, ,,, ,,, ,,, ,,, ,,, ,,, Appareillage La réaction de la chaux sur les bicarbonates alcalino-terreux produit du carbonate de calcium, mais la cinétique de cristallisation est très lente. On l’améliore donc en mettant en contact l’eau additionnée de chaux avec les dépôts de carbonate déjà formés dans le décanteur. Dans tous les cas, une filtration sur sable (ou parfois filtre bicouche) termine le traitement. Il existe deux grandes catégories d’appareils : — appareils à recirculation de boues : ce sont les décanteurs de type Circulator (simple ou raclé), Accelator, Turbocirculator, RPS, Densadeg, etc. (G 1170, § 4.2 et § 4.5). Dans ce cas, l’utilisation d’un coagulant (FeCl3) est nécessaire ; — appareils à contact granulaire (dits de « décarbonatation catalytique »), dans lesquels on a introduit initialement de très fins grains de sable ou de carbonate ; la réaction de cristallisation se fera alors à la surface des grains qui grossissent sous forme de billes et s’alourdissent dans le temps : il faudra donc périodiquement effectuer des purges et recharger en germes de cristallisation. L’avantage de ce dernier type d’appareils est de permettre de très fortes vitesses d’où un encombrement minime. C’est par exemple le cas du Gyrazur (figure 15) qui peut supporter une vitesse ascensionnelle de l’ordre de 50 à 70 m3 ·h–1 · m–2. Un autre avantage réside dans l’obtention de résidus solides que l’on peut déshydrater par simple égouttage. G 1 171 − 14 5.3.2 Adoucissement par permutation sodique L’adoucissement sur résines échangeuses de cations sous la forme ionique sodium permet la substitution, aux ions Ca2+ et Mg2+ présents dans l’eau, d’ions Na+ fixés sur la résine, selon la réaction réversible : adoucissement ——————→ Ca + + 2R – Na 2Na + R 2 2+ ← —–––––––– Mg Mg régénération Ca 2+ Lorsque la résine est saturée, on la régénère avec une saumure concentrée (NaCl) : l’équilibre est alors redéplacé de la droite vers la gauche. Dans cette technique, l’eau qui a percolé au travers de la résine en sort complètement adoucie (TH voisin de zéro), mais contrairement à la technique de la décarbonatation, son alcalinité et sa minéralisation globale ne sont pas modifiées : ses sels de calcium et de magnésium se sont transformés en sels de sodium. L’adoucissement sur résine s’applique exclusivement aux eaux naturellement claires ou clarifiées par un traitement préalable. Il présente l’intérêt de pouvoir être effectué sous pression. 6. Membranes 6.1 Catégories de séparation par membranes Les types usuels de séparation par membranes peuvent être classés en fonction de deux critères sur lesquels se base le mécanisme de transfert : Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES — le type de perméabilité de la membrane et, notamment dans le cas des membranes perméables à l’eau, son pouvoir séparateur (voir aussi [G 1 330], figure 1), encore appelé seuil de coupure (cutoff ) ; — la nature de la force motrice. Ce qui suit concernera plus particulièrement les membranes perméables à l’eau : MF, UF, NF et OI. On pourra également se reporter aux articles [G 1 330], [19] ou [J 2 790], [22] ou [J 2 796] et s. En fonction de ces paramètres, les divers procédés théoriquement applicables au traitement des eaux industrielles [18] peuvent être classés comme indiqué dans le tableau 1. On y distingue quatre familles principales de membranes : — les membranes microporeuses de microfiltration (MF) et d’ultrafiltration (UF) [19] ou [J 2 790], assurant un effet de filtration de l’eau (par un processus assimilable à un tamisage) sous l’influence de l’application d’une pression ; les matières dissoutes ne sont pas affectées, à part les macromolécules en ultrafiltration ; — les membranes semi-perméables de nanofiltration (NF) et d’osmose inverse (OI) [19] ou [J 2 790] ; si la force motrice est là encore la pression, le transfert de l’eau ne se fait plus suivant un modèle de filtration, mais de dissolution-diffusion à travers un milieu dense, qui ne peut pas être comparé à un tamis comme dans le cas précédent ; dans ce cas, la rétention plus ou moins complète des substances dissoutes (encore appelées solutés) est liée aux caractéristiques de la membrane ; — les membranes perm-sélectives de dialyse et d’électrodialyse [20] ou [J 2 840] : ces membranes, contrairement aux précédentes, permettent un passage sélectif des sels et retiennent l’eau ; elles peuvent être neutres ou chargées électriquement ; si elles sont chargées (matériau identique à celui des résines échangeuses d’ions et mis sous forme de feuille), elles deviennent sélectives du transport des ions de signe opposé et l’on peut ainsi constituer des membranes, cationiques ne transférant que les cations, ou anioniques ne transférant que les anions ; suivant la nature de la force motrice, on distingue la dialyse (gradient de concentration) de l’électrodialyse (champ électrique) ; c’est surtout cette dernière qui est utilisée, en préparation d’eaux industrielles, en combinaison avec des résines échangeuses d’ions dans les procédés d’électrodésionisation [EDI (§ 4.3)] ; — les membranes de dégazage par perméation gazeuse [21] ou [J 2 800], surtout utilisées pour l’élimination des gaz résiduels dans les filières de déminéralisation et de production d’eaux ultrapures. La force motrice est dans ce cas la création d’un vide partiel en aval de la membrane. 6.2 Composition chimique et structure des membranes Les membranes peuvent être : — soit organiques : acétates de cellulose, polyacrylonitrile, polysulfone, polypropylène, polyester, polyamide, PVC, PTFE, PVDF, etc. ; — soit minérales : matières céramiques (alumine, zircone, dioxyde de titane), verre, métaux, etc. En ce qui concerne leur structure, on distingue les membranes : — homogènes, symétriques sur toute leur épaisseur ; — asymétriques, constituées d’une « peau » active reposant sur un support qui sert en même temps de collecteur d’eau traitée ; — composites, lorsque peau et support sont constitués de matériaux différents ; le support peut être lui-même composite ; ces membranes sont généralement les plus performantes. 6.3 Paramètres de fonctionnement Tous les types de membranes sont mis en œuvre dans des appareils unitaires, généralement de forme cylindrique, appelés modules (ou cartouches) : un module est donc constitué d’une enveloppe (ou carter), en matière plastique ou en métal, renfermant les membranes. Un module doit présenter une parfaite étanchéité entre les fluides, de même qu’entre chaque fluide et le milieu extérieur ; la circulation des fluides sera généralement assurée par une arrivée (eau à traiter) et deux départs (eau concentrée, eau traitée). Fondamentalement, une station de séparation par membranes, quelle que soit sa nature, peut donc être représentée par le schéma de la figure 16. Tableau 1 – Classement des membranes usuelles Perméables à l’eau Imperméables à l’eau Types de membranes Type de séparation Microporeuses Semi-perméables Perm-sélectives De dégazage Filtration (= tamisage) Osmose (dissolution-diffusion de l’eau) Dialyse ionique (dissolution-diffusion des ions) Perméation gazeuse Force motrice Pression : 0,5 à 5 bar Pression : 0,5 à 5 bar Pression : 5 à 10 bar Pression : 10 à 80 bar Différence de potentiel chimique Différence de potentiel électrique Vide partiel Matériaux les plus fins sur lesquels s’exerce le pouvoir de séparation Colloïdes, bactéries Macromolécules organiques, virus Ions divalents (+ 50 % des monovalents) Ions monovalents Ions monovalents Ions monovalents Gaz dissous, matières volatiles Nanofiltration (NF) Osmose inverse (OI - RO) Dialyse Microfiltration Ultrafiltration (MF) (UF) Nom du procédé Seuil de coupure : – taille .................................... 0,1 à 1 µm 5 nm à 0,1 µm 1 à 5 nm 0,1 à 1 nm – Dalton ................................. ..................... 1 000 à 300 000 300 à 400 environ 100 Électrodialyse Dégazage sur (ED) membranes Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 15 TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ Pompe d'alimentation ou de gavage • le potentiel d’entartrage par le concentrat dans les domaines de l’OI et de la NF, • l’accumulation de matières en suspension et les nécessités de décolmatage en UF et en MF. Module Membrane Eau traitée ou perméat Eau brute ou alimentation Rejet ou concentrat ou rétentat Le rectangle barré par une diagonale représente symboliquement soit un module isolé, soit l'ensemble d'un traitement par membranes 6.3.2 Facteur de concentration Le facteur de concentration FC découle de la conversion, en supposant que toutes les espèces à éliminer sont retenues sur les membranes (on peut alors exprimer le flux de matière solide ou dissoute par l’équation QA · CA = QR · CR ), et il exprime le facteur de multiplication auquel est soumise la concentration de ces espèces dans le rejet : QA C 100 FC = ------R- = ------- = --------------------CA QR 100 – Y Figure 16 – Principe d’un traitement membranaire Chaque fluide est caractérisé par son débit, sa pression et la concentration des espèces à éliminer ou à réduire, ou parfois à concentrer dans le rejet, qui devient alors l’objectif principal du traitement (tableau 2). Tableau 2 – Caractéristiques des fluides à l’entrée et à la sortie d’un module Débit Pression Concentration Alimentation ....... QA PA CA Rejet..................... QR PR CR Perméat ............... QP PP CP Exemple : si Y = 75 %, on aura FC = 4. 6.3.3 Qualité du perméat Elle est représentée par la valeur de CP . En rétention de particules (UF ou MF), l’élimination est souvent quasi totale ; l’efficacité du traitement peut alors s’exprimer : — en pourcentage de réduction (ou d’élimination) R : CA – CP R ( % ) = 100 -------------------CA — ou en élimination logarithmique L : CP CA 100 L = lg -------------------- = – lg ------- = lg ------CA CP 100 – R Exemple : un pourcentage d’élimination de 99,999 % représente 5 lg d’abattement. Pour tous les types de traitement, on peut définir les paramètres suivants. 6.3.1 Conversion La conversion Y est le rapport, en pourcentage, du débit de perméat au débit d’alimentation du module (ou de l’installation en général) : QP Y (%) = 100 -------QA Pour tous les procédés à membranes, le concept de conversion représente donc la fraction de l’eau d’alimentation convertie en eau traitée ; les valeurs usuelles de la conversion globale des traitements sont de : — 20 à 50 % en dessalement d’eau de mer par OI ; — 80 à 95 % dans les autres procédés, les limites étant imposées surtout par : En rétention de molécules organiques (UF, NF ou OI), le rendement du traitement peut également être estimé par le pourcentage de réduction. En élimination de sels dissous (OI ou NF), on applique les concepts de rejet de sels ou de passage de sels, ces deux notions, qui s’expriment en %, étant évidemment complémentaires : — le rejet de sel (RS ) correspond à la même définition que celle du pourcentage d’élimination de particules ou de MO : CA – CP RS = 100 -------------------- = 100 – PS CA — le passage de sels (PS ), égal au rapport entre la salinité du perméat et celle de l’eau d’alimentation, est indicatif de la perméabilité aux sels de la membrane : CP PS = 100 ------- = 100 – RS CA Les valeurs pratiques des passages de sels en fonction du type de membrane sont rassemblées dans le tableau 3. Tableau 3 – Passage de sels dans les membranes OI et NF Caractéristiques Membranes haute pression « eau de mer » Membranes moyenne pression « eau saumâtre » Membranes basse pression Nanofiltration Pression de fonctionnement ................................................. (en bar) 50 à 90 20 à 40 7 à 20 5 à 10 Na+, (ions monovalents) ............................................ (en %) 0,5 à 1,5 3 à 10 5 à 15 30 à 60 SO 4 , Ca2+, Mg2+ (ions bivalents)........................................ (en %) 0,1 à 0,6 1à4 2à5 5 à 20 K+ , Cl– 2– G 1 171 − 16 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES 6.3.4 Pression transmembranaire C’est la pression différentielle qui s’exerce de part et d’autre de la membrane. Dans la mesure où la pression amont varie de PA , à l’entrée de l’alimentation, à PR , à la sortie du rejet, du fait d’une perte de charge due à la circulation de l’eau dans le module (égale à PA – PR ), le calcul de la pression transmembranaire doit prendre en considération cette évolution de la pression amont. En MF et UF, on écrit : PA + PR Ptmb = -------------------- – PP 2 En OI et NF, il faut en outre prendre en compte la pression osmotique à vaincre ∆Π (différence entre les pressions osmotiques régnant de part et d’autre de la membrane). On pose alors : PA + PR ------------------- – P P = ∆P , 2 et on écrit : Ptmb = ∆P – ∆Π 6.3.5 Vitesse de filtration (ou de perméation) En fait, la capacité de production d’un module unitaire ou d’une installation sera caractérisée par la succession des grandeurs suivantes : — le débit Q, en L · s–1, L · min–1, L · h–1, m3 · h–1 ou m3 · j–1 ; — le flux, débit par unité de surface des membranes, donc assimilable à une vitesse de filtration ; si S (en m2) représente la surface membranaire, le flux J est défini par : J = Q ---S 3 –1 –2 et s’exprime en m · h · m ou en L · h–1 · m–2, voire en L · j–1 · m–2 dans les OI les plus fines ; en pratique, les flux représentatifs des différents procédés à membranes sont généralement compris dans les limites indiquées dans le tableau 4 ; — la perméabilité LP : c’est le flux dont est capable la membrane sous une pression transmembranaire égale à l’unité : J L P = ------------P tmb Les membranes subissent en général une perte de perméabilité dans le temps (phénomènes de colmatage irréversible après lavage, de compaction, etc.). 6.4 Géométrie des membranes et des modules Les membranes peuvent avoir une forme plane ou cylindrique. Suivant leur agencement dans le module, on peut distinguer quatre types de modules. Membranes planes : — modules à plaques (pour mémoire dans le cadre de cet exposé) ; — modules spiraux (ou : à enroulement spiral), non rétrolavables, surtout utilisés en OI et NF. Membranes cylindriques : — modules tubulaires (où les membranes reposent sur des supports) ; — modules à fibres creuses (autoportantes), encore appelées capillaires pour les plus fines d’entre elles ; appliquées dans tous les types de traitement sur membranes, elles sont souvent rétrolavables (MF, UF) et se prêtent bien au mode de fonctionnement tangentiel (§ 6.5.1). Dans tous les cas, les modules sont conçus de façon à atteindre deux objectifs essentiels : — assurer, au niveau de la membrane, une circulation suffisante du liquide à traiter pour limiter les phénomènes de polarisation de concentration (OI, NF, UF) et de dépôts de particules (MF, UF) ; — réaliser un module compact, c’est-à-dire présentant un maximum de surface d’échange par unité de volume. 6.5 Mise en œuvre des membranes 6.5.1 Filtration frontale et filtration tangentielle Fondamentalement, une membrane peut travailler suivant deux modes de filtration (figure 17). Tableau 4 – Valeurs des flux de filtration représentatifs des différents procédés Flux Procédé (en L · h–1 · m–2) Gâteau, gel, ou couche de polarisation moléculaire et/ou ionique QA Filtration sur sable...................... 5 000 à 15 000 MF ................................................ 100 à 1 000 UF ................................................ 50 à 300 NF ................................................ 20 à 50 OI ................................................. 10 à 50 Pour un matériau membranaire donné, elle dépend de l’épaisseur e : K L P = ------P e avec KP coefficient de perméabilité (variable avec la température), e épaisseur de la membrane. Elle s’exprime le plus souvent en L · h–1 · m–2 · bar–1. Le débit Q peut, dans ce cas, être traduit par l’équation : S Q = JS = LP SPtmb = KP ---- Ptmb e QA QP QP Membrane QP = QA (Y = 100 %, mais QP → zéro) QP QR QA = QP + QR QR = rétentat en (re)circulation QP Temps a filtration frontale Temps b filtration tangentielle Figure 17 – Modes de filtration sur membranes Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 17 TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES _________________________________________________________________________ Eau brute M M M Rejet Eau produite Figure 18 – Montage série-rejet (configuration sur deux étages) en OI ou NF la face de travail par une partie du débit entrant qui limite les accumulations (§ 6.5.1.1), en entraînant de manière continue les matières colloïdales ou les espèces chimiques qui sont ainsi rejetées à l’extérieur du système dans le rétentat. Module isolé ou ensemble d'un traitement par membranes Figure 19 – Montage série-production en OI ou NF 6.5.1.1 Filtration frontale En filtration frontale ou dead end filtration (figure 17a), on force la totalité du débit d’eau à traverser la membrane, sur laquelle s’accumulent rapidement : — en MF : un gâteau de particules (traitement de suspensions colloïdales) ; — en UF : un gâteau de colloïdes et/ou un gel de matières organiques ; — en OI ou NF : une couche de sels non dissociés et/ou d’ions, correspondant au phénomène appelé polarisation de concentration. Ces phénomènes conduisent rapidement à une diminution de la perméabilité de la membrane, donc du débit du module, jusqu’à obstruction complète. C’est toutefois la filtration frontale qui est mise en œuvre dans certaines applications particulières : — membranes planes de microfiltration de laboratoire (mesure des MES ou de l’indice de colmatage, examens bactériologiques ou algologiques...) ; — cartouches de filtration sur membranes planes, plissées... En général, ces éléments filtrants sont jetés une fois colmatés ; plus rarement un mécanisme de lavage à contre-courant permet de les « régénérer », ce qui est en revanche la règle pour les gros modules UF lorsqu’ils travaillent en mode frontal sur des eaux brutes peu chargées. 6.5.1.2 Filtration tangentielle En filtration tangentielle ou crossflow filtration (figure 17b), les membranes sont agencées de manière à permettre un balayage de G 1 171 − 18 6.5.2 Principes d’agencement dans les applications industrielles En pratique, les membranes vont donc le plus souvent fonctionner en mode tangentiel, le principe de base étant d’assurer en permanence, le long de la surface de la membrane, un courant d’eau suffisamment fort pour maintenir la formation du gâteau, du gel ou de la couche de polarisation de concentration ionique, suivant le cas, dans des limites acceptables pour l’exploitation. Cette disposition permet en même temps de limiter le facteur de concentration dans le rejet, mais au détriment de la conversion. Afin de conserver néanmoins une conversion globale satisfaisante pour le poste de traitement sur membranes tout en limitant la conversion spécifique unitaire des modules, on a recours à divers types d’agencement dont les plus courants sont réalisés : — en OI - NF : en disposant plusieurs étages de modules en série, et en alimentant chaque étage avec le rejet du précédent (montage « série-rejet », figure 18). Pour d’autres applications, telle que la production d’eaux de très haute qualité, on peut utiliser un traitement en deux étages : « série-production » (figure 19) ; la production du premier étage est reprise par un groupe de pompage et traitée une nouvelle fois ; le rejet du second étage, peu concentré, est recyclé en tête de l’installation, diluant quelque peu, de ce fait, l’eau d’alimentation ; — en UF - MF : en disposant les modules sur une boucle de recirculation du concentrat ; suivant que la pompe de recirculation fonctionne ou non, on peut alors travailler alternativement en filtration tangentielle ou frontale. Aux pompes d’alimentation (ou de « gavage ») et de recirculation, s’ajoute en général une pompe de rétrolavage périodique, par retour d’eau traitée (voir sur la figure 20 l’exemple d’une station UF Aquasource, procédé mis au point par le Groupe Lyonnaise des Eaux-Degrémont). Sur une installation, les modules élémentaires seront regroupés en blocs, fonctionnant en série ou en parallèle suivant l’agencement choisi. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement _________________________________________________________________________ TRAITEMENT DES EAUX AVANT UTILISATION. SUBSTANCES DISSOUTES Bloc d'ultrafiltration Pompe de recirculation Préfiltration (200 m) Purge Addition de chlore Pompe de rétrolavage Pompe d'alimentation Bâche d'eau traitée Forage/ rivière Du CAP peut être ajouté à l'entrée de la boucle de recirculation pour ajouter un effet d'affinage : procédé Cristal® Figure 20 – Structure d’une station d’ultrafiltration type Aquasource 6.5.3 Lavage chimique des membranes Rétrolavées ou non, toutes les membranes doivent subir, entre une fois par mois et une fois par an en moyenne, un lavage chimique dont la nature dépend de celle des dépôts et de celle des membranes (tableau 5). 6.5.4 Prétraitement avant membranes semi-perméables Oxydes et hydroxydes métalliques Acide citrique, citrate ammoniacal ou EDTA Dépôts carbonatés Acide chlorhydrique, citrique, oxalique... Matières organiques et/ou colloïdales Produit lessiviel en solution basique Alors qu’un simple tamisage de sécurité est généralement suffisant pour protéger une station de MF ou UF, les modules OI et NF sont sensibles à des phénomènes de colmatage provoqués par des précipitations chimiques, des particules en suspension et/ou des développements bactériens. C’est pourquoi un poste de traitement par OI ou NF est généralement précédé d’un prétraitement comportant tout ou partie des opérations suivantes : — ajustement de la température ; — clarification (coagulation-floculation-décantation ou flottationfiltration sur 1 ou 2 étages) ; — décarbonatation et/ou adoucissement + vaccination acide ; — désiliciage, déphosphatation ; — déferrisation-démanganisation ; — échange d’ions ; — désinfection, voire stérilisation (Cl2 , ClO2 , O3 , UV, bisulfite...) ; — séquestration par hexamétaphosphate (HMP) ou autre ; — filtration de sécurité sur cartouches de microfiltration 5 µm. Colonisation bactérienne Chlore, bisulfite, produits bactéricides Une élimination totale des particules inertes (turbidité, MES) et vivantes (bactéries, microalgues, etc.) peut aussi être assurée par un prétraitement sur une installation MF ou UF. Tableau 5 – Lavage chimique des membranes Nature des dépôts Type de lavage Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 1 171 − 19
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