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JOURNÉES PARISIENNES DE PÉDIATRIE
Comité d’organisation :
Y. AUJARD, P. BOUGNÈRES, B. CHABROL, G. CHÉRON,
G. DESCHENES, D. DEVICTOR, A. FISCHER, J. GAUDELUS,
D. GENDREL, E. GRIMPREL, P. LABRUNE, F. LECLERC,
G. LEVERGER, M. TARDIEU
Journées Parisiennes
de Pédiatrie 2011
Vendredi 7 et samedi 8 octobre 2011
4
SOMMAIRE
TABLE RONDE 1
L’asthme de l’enfant
Organisateur : J. DE BLIC
Asthme de l’enfant : les examens clés du diagnostic
C. MARGUET, L. COUDERC, M. LUBRANO, I. MICHELET
page 11
Prise en charge de l'asthme de l'enfant : quels traitements choisir ?
J.-C. DUBUS, M. DAVID, V. BRESSON, A. CARSIN,
E. BOSDURE, N. STREMLER-LE BEL
page 21
Asthme : Adapter le traitement au contrôle
A. DESCHILDRE, C. DELVART, C. SANTOS, C. THUMERELLE
page 27
L’immunothérapie spécifique : le présent et le futur
N. PHAM THI
page 33
Prise en charge d’un asthme difficile
J. DE BLIC
page 39
TABLE RONDE 2
Cytopénies Autoimmunes
Organisateur : G. LEVERGER
Prise en charge du PTI aigu de l'enfant
T. LEBLANC, N. ALADJIDI, G. LEVERGER
page 47
Purpuras thrombopéniques immunologiques chroniques de l’enfant
G. LEVERGER, M.-F. COURCOUX, N. ALADJIDI, T. LEBLANC
page 57
Anémies hémolytiques auto-immunes de l’enfant,
données de la cohorte française, prise en charge thérapeutique
page 65
N. ALADJIDI, G. LEVERGER, T. LEBLANC, C. PONDARRE, Y. PEREL
Le syndrome lymphoprolifératif auto-immun par déficit en FAS
page 77
B. NEVEN, A. MAGERUS-CHATINET, F. RIEUX-LAUCAT, A. FISCHER
5
TABLE RONDE 3
Unités de Surveillance Continue : quels enfants et pourquoi ?
Organisateur : F. LECLERC
Aspects réglementaires des USC pédiatriques et valorisation des séjours
J.-P. BLERIOT
page 89
Evaluation du risque d’aggravation chez les enfants hospitalisés
S. LETEURTRE, F. LECLERC
page 93
Analyses des causes de plaintes concernant les urgences de l’enfant
A. MARTINOT, A. NAJAF-ZADEH, F. DUBOS
page 103
TABLE RONDE 4
Travaux des lauréats du DES de Pédiatrie - Ile-de-France
Travaux ayant reçu les félicitations du jury à la session d’octobre 2010.
Prise en charge des adolescents et jeunes adultes en fin de vie
en oncologie pédiatrique
S. COHEN-GOGO, dirigée par Laurence Brugières
page 111
Etude pilote d’un régulateur pneumatique continu de la pression
des ballonnets des sondes d’intubation endotrachéale chez l’enfant
G. VOTTIER, dirigée par Stéphane Dauger
page 117
Niveau de réplication et résistance virale à 6 mois d’une 1ere ligne associant
un inhibiteur non nucléosidique chez l’enfant infecté par le VIH-1 au Mali
page 123
D. GERMANAUD, A. DERACHE, M. TRAORE,
Y. MADEC, H. COULIBALY, M. SYLLA, V. CALVEZ, A.-G. MARCELIN
Etude clinico-immunologique de garçons porteurs de mutations de NEMO
N. LANZAROTTI, dirigée par Capucine Picard
Le syndrome de déficit en transporteur du glucose de type I (GLUT1-DS) :
une encéphalopathie traitable à ne pas méconnaître
M. HULLY, dirigée par Nadia Bahi-Buisson
page 127
page 131
6
MISES AU POINT
Tolérance à long terme des traitements par l'hormone de croissance recombinantepage 137
J.-C. CAREL, F. LANDIER, J. COSTE
érapie génique des maladies du système hématopoïétique
M. CAVAZZANA-CALVO, P. LEBOULCH, O. NEGRE, E. PAYEN,
A. FISCHER, S. HACEIN-BEY-ABINA
page 143
Quid du traitement des maladies lysosomales en 2011 ?
B. CHABROL, B. HERON, C. CAILLAUD
page 153
L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques en 2011: quelles maladies ?
Quels greffons ? Quelles techniques ?
J.-H. DALLE
page 161
MISES AU POINT
Les urgences pédiatriques: jusqu'à 18 ans !
R. DE TOURNEMIRE, F. PICARD DIEVAL
page 173
L'évaluation pédopsychiatrique de l'adolescent aux urgences
J. CHAMBRY
page 181
Les syndromes myocloniques du grand enfant
H. MAUREY, V. BOUILLERET
page 185
Les épilepsies focales idiopathiques
J. MOTTE, A. DE SAINT MARTIN
page 195
MISES AU POINT
Infections à pneumocoques et vaccins : expérience du vaccin conjugué 7-valent
et quelle surveillance envisager après l'introduction du vaccin 13-valent ?
page 205
E. GRIMPREL, C. LEVY, E. BINGEN, E. VARON,
R. COHEN, J. GAUDELUS
Evitabilité des infections bactériennes sévères de l'enfant
E. LAUNAY, E. MARTIN, T. BLANCHAIS, R. ASSATHIANY,
A. MARTINOT, M. CHALUMEAU, C. GRAS-LE GUEN
page 217
Procalcitonine et Pneumonies aiguës communautaires
J. COHEN, M. CHALUMEAU, J. RAYMOND, D. GENDREL
page 223
7
MISES AU POINT
Pathologies du surfactant et détresses respiratoires proches du terme
F. FLAMEIN, L. GUILLOT, R. EPAUD
page 233
Faut-il traiter un canal artériel persistant chez l’extrême prématuré ?
A. ROLLAND, D. DIOMANDE, S. SHANKAR AGUILERA,
V. ZUPAN-SIMUNEK, P. BOILEAU
page 241
Dépistage anténatal des malformations pulmonaires : conduite à tenir
J. BOUBNOVA, C. GRAPIN-DAGORNO, M. LARROQUET
page 249
Pyélonéphrite du nourrisson et de l’enfant : traitement PO ou IV
G. CHERON, N. BOCQUET, J.-P. JAÏS
page 259
MISES AU POINT
Hypertension artérielle pulmonaire de l'enfant :
nouvelles alternatives thérapeutiques
F. GODART
page 265
Aspects génétiques de la surdité
S. MARLIN, L. JONARD, M. LOUHA, S. PONG, F. DENOYELLE
page 271
Actualités sur la prise en charge des glycogénoses avec atteinte hépatique
A. MOLLET BOUDJEMLINE, P. TRIOCHE EBERSCHWEILER,
A.-H. BURON, V. GAJDOS, P. LABRUNE
page 275
Approche physiopathologique des cholestases
hépatocytaires génétiques de l’enfant
E. GONZALES, E. JACQUEMIN
page 281
MISES AU POINT
Avancées récentes dans le Syndrome de Marfan
C. STHENEUR, M. JOURNEAUX, B. CHEVALLIER
page 293
Utilisation du rituximab dans le syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant page 305
A.-L. SELLIER-LECLERC, V. BAUDOUIN, T. ULINSKI, G. DESCHENES
Evolution et traitement des polyradiculonévrites chroniques de l'enfant
J.-M. PEDESPAN, S. CABASSON, F. RIVIER
page 315
Le syndrome de Cockayne
V. LAUGEL, A. ZALOSZYC, C. OBRINGER, M. KOOB
page 321
8
9
TABLE RONDE 1
L’asthme de l’enfant
Organisateur : J. DEBLIC
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ASTHME DE L'ENFANT :
LES EXAMENS CLÉS DU DIAGNOSTIC
par
C. MARGUET, L. COUDERC, M. LUBRANO, I. MICHELET
La prévalence cumulée de l'asthme de l'enfant est de 12 à 13 %, et 7 % à 9 % des enfants
et adolescents ont un asthme actif [1], et prédomine dans l’enfance chez le garçon. L'asthme
est par conséquent la première des maladies chroniques pédiatriques, avec une morbidité qui
reste importante (57 % des séjours hospitaliers concernent des enfants de moins de 15 ans)
et une mortalité heureusement faible (66 patients de moins de 15 ans entre 2000 et 2006)
[2]. La prise en charge de l'asthme s'impose de fait comme une priorité de santé publique,
dont la première étape passe par le diagnostic.
UNE MALADIE SOUS DIAGNOSTIQUÉE,
ET PAR CONSÉQUENT SOUS TRAITÉE
Le diagnostic de l'asthme reste en effet d'actualité avec la persistance d'enfants symptomatiques, récurrent pour lequel le diagnostic n'est pas posé. En France, il existe une grande
disparité entre la présence des symptômes et les traitements proposés ; un peu plus d'un enfant
sur quatre n'a pas de traitement de fond alors qu'il présente des symptômes caractéristiques
d’asthme [3]. D'autre part, les examens complémentaires sont peu prescrits, 38 % de cette
large étude avait bénéficié d'une évaluation de leur fonction respiratoire. Une autre étude
portant sur des enfants hospitalisés confirme une connaissance insuffisante de la maladie asthmatique de l'enfant, et particulièrement chez le jeune enfant [4]. Dans cette étude, 2/3 des
enfants présentent des facteurs de risques et auraient pu être mieux contrôlés, en particulier
en adaptant leur traitement. Ces données françaises confirment donc la nécessité de se poser
la question d'un asthme devant tous symptômes respiratoires récurrents chez l'enfant.
LE DIAGNOSTIC DE L'ASTHME REPOSE ESSENTIELLEMENT
SUR L'INTERROGATOIRE
Le diagnostic habituel de l'asthme repose sur une définition clinique, fonctionnelle et
physiopathologique [5]. L'asthme se caractérise par la survenue d'exacerbations de gravité variable,
caractérisées par une dyspnée à prédominance expiratoire, avec des sibilants à l'auscultation et
12
C. MARGUET, L. COUDERC, M. LUBRANO, I. MICHELET
pouvant être spontanément réversible. Sur le plan fonctionnel, il existe un syndrome
obstructif réversible après l'inhalation de beta-2 mimétique. Sur le plan physiopathologique,
il s'agit d'une maladie inflammatoire bronchique. Cette définition permet d'emblée de
rappeler que le traitement repose sur des bronchodilatateurs et des anti-inflammatoires
(corticothérapie inhalée et anti-leucotriènes). Cependant, cette définition séméiologique est
unanimement reconnue comme insuffisante en pratique chez l'enfant : elle associe des symptômes
individuellement non spécifiques, ne tient pas compte des grandes variations symptomatiques
qui dépendent de la sévérité de la maladie, et probablement des facteurs déclenchants et de
l'âge [5-6].
L'interrogatoire reste le meilleur outil diagnostique et s'attache à rechercher les symptômes
cardinaux que sont les sifflements, la toux, la dyspnée et la sensation de gêne thoracique. Ces
symptômes identifiés, l'interrogatoire doit être approfondi pour caractériser leurs horaires
diurne et/ou nocturne, leur périodicité saisonnière ou per annuelle, leurs circonstances de
survenue au repos, à l'effort ou en présence d'un facteur déclenchant identifié et leur durée et
fréquence.
Les sifflements, survenus au moins une fois dans l'histoire de l'enfant, évoque le diagnostic.
Il s'agit du symptôme « clef » dans les questionnaires épidémiologiques. Mais la reconnaissance
de ce symptôme est difficile et facilement confondu par les parents ou l'enfant avec d'autres
bruits audibles, comme l'encombrement bronchique si fréquent chez le jeune enfant [6-7].
Il ne faut pas hésiter à mimer ce bruit ou utiliser des outils.
La toux est le symptôme le plus fréquent et le moins spécifique [8]. Les caractéristiques
de la toux doivent être précisées. Son horaire nocturne, c'est-à-dire pendant le sommeil et
non pas à l'endormissement ou au réveil fait que ce symptôme est souvent mis en avant,
car trouble la qualité du sommeil de toute la famille. Sa survenue au décours d'un exercice
physique, rire, excitation est très évocateur du diagnostic. Son caractère sec ou productif est
une notion difficile pour les parents, et des toux chroniques productives peuvent être associées
à l'asthme, essentiellement chez le jeune enfant. A l'inverse une toux avec expectoration
purulente ou matinale doit évoquer un autre diagnostic.
La dyspnée est retrouvée à l'interrogatoire sous le terme de « difficulté ou gêne respiratoire »
dans deux circonstances : lors des exacerbations, ou lors des activités physiques. L'appréciation
de la dyspnée d'effort, lorsqu'elle est ni associée à une toux, ni à des sifflements est cependant
délicate et insuffisante pour porter le diagnostic d’asthme induit par l’exercice.
La gêne ou oppression thoracique est un symptôme plus difficile chez l'enfant. Les douleurs
thoraciques récurrentes à l'effort sont par contre évocatrices, formulées sous le terme générique
de « pointe de côté ».
Ces symptômes sont évocateurs après s’être assuré de l’absence de signes d’alertes que
sont des signes extra respiratoires associés, une altération de l’état général, des antécédents
néonataux ou d’autre pathologie associée ou un contexte syndromique (par exemple la
trisomie 21).
QUELLE PLACE POUR LES ANTÉCÉDENTS ?
Ils font partie de l’interrogatoire et il ne faut pas hésiter à détailler ce que l’on cherche,
comme chez l’enfant. Les antécédents maternels ou paternels d’asthme ou d’allergie sont les
facteurs les plus pertinents pour évaluer le risque de développer un asthme [9-10], mais leurs
valeurs prédictives à un niveau individuel restent faibles. Un score prédictif a été proposé à
partir de la cohorte de Tucson pour l’asthme du jeune enfant associant ces antécédents ou
ASTHME DE L'ENFANT : LES EXAMENS CLES DU DIAGNOSTIC
13
une dermatite atopique et des critères cliniques comme des sibilants en dehors d’un rhume,
une rhinite allergique ou une éosinophilie [11]. Ce score ne concerne finalement que peu de
patients et les valeurs prédictives positives et négatives sont ≤ 75 %, laissant au clinicien une
marge d’erreur d’au moins 25 %. Chez l’enfant des signes de comorbidité, allergique sont
recherchés et seront discutés ci-après.
ÉVOQUER LE DIAGNOSTIC D’ASTHME
AU TERME DE L’INTERROGATOIRE
Chez le jeune enfant de moins de trois ans, tout épisode dyspnéique avec râles sibilants,
qui s’est produit au moins trois fois depuis la naissance et cela quels que soient l'âge de début,
la cause déclenchante et l'existence ou non d'une atopie doit faire évoquer le diagnostic. Ces
épisodes de sifflements sont discontinus, avec des périodes asymptomatiques. Ce diagnostic
doit être connu, car chez l’enfant plus grand peut être retrouvé dans ses antécédents.
L’âge de début des symptômes, après 2 ans, est un facteur prédictif à développer une maladie
asthmatique.
Chez l’enfant plus grand, le tableau est plus « classique » avec la notion de crise dont la
gravité est variable (tableau), de sibilants ou d’asthme induit par l’exercice.
Quel que soit l’âge, une toux récurrente nocturne sans retentissement sur l’état général
doit faire évoquer un asthme.
UNE CONTRIBUTION FAIBLE DE L’EXAMEN CLINIQUE AU DIAGNOSTIC
Bien que les définitions internationales ou épidémiologiques soulignent l’importance
des sibilants comme base du diagnostic, l’examen clinique est le plus souvent normal. Il peut
être également normal lors d’exacerbations légères ou après l’administration de bronchodilatateurs ayant précédé la consultation [12]. Les sibilants sont le signe attendu en cas de crise
(tableau 1), cependant l’asthme est une maladie bronchique avec sécrétion de mucus et la
présence de sous-crépitants est fréquente chez le jeune enfant. L’examen clinique est complet,
s’attachera à rechercher une distension ou une déformation thoracique qui fait évoquer un
tableau chronique et sévère.
LA MESURE DU SOUFFLE :
UNE INVESTIGATION ESSENTIELLE
ET ENCORE INSUFFISAMMENT REALISÉE
La composante fonctionnelle de l’asthme se traduit en pratique par la recherche d’une
obstruction bronchique ou d’une réversibilité mise en évidence par une amélioration des
fonctions respiratoires après l’inhalation de bronchodilatateurs.
Les explorations fonctionnelles respiratoires sont réalisables de façon courante dès l’âge
de 6 ans et même plus jeune dans un environnement spécialisé. En pratique deux outils sont
facilement accessibles pour le praticien : la mesure du débit expiratoire de pointe et la
réalisation d’une courbe débits-volumes.
14
C. MARGUET, L. COUDERC, M. LUBRANO, I. MICHELET
La mesure du débit expiratoire de pointe (DEP)
L’utilisation d’un débit mètre de pointe (DMP) est un geste facile en ambulatoire [13].
Le principe est de modifier l’ouverture de l’orifice du DMP avec une mobilisation d’un curseur
sur une échelle graduée tous les 10L/min. Sa technique doit être rigoureuse, l’enfant assis, la
tête droite, après une inspiration profonde et une expiration forcée maximale et rapide. Il
faut être vigilant sur l’effet « sarbacane » obtenu par la position de la langue sur l’orifice
d’entrée du débit mètre. Trois à cinq mesures sont réalisées, la reproductibilité ne doit pas
dépasser 10 %, la meilleure valeur est retenue. Il s’agit d’un examen qui reflète une atteinte
des bronches de gros calibre et une réversibilité de 20 % après l’inhalation de 200 µg de
salbutamol est en faveur d’une réversibilité. Cependant, cet examen a une médiocre sensibilité
variant de 68 % à 75 % comparé aux paramètres obtenus à partir d’une courbe débits-volumes.
Lorsque le DEP est < 80 % de la valeur attendue, la valeur prédictive positive de prédire un
VEMS altéré est de 97 %, mais la valeur prédictive négative (VPN) n’est que de 72 %. La
VPN ne s’améliore pas lorsque le DEP est normal [14]. Une baisse du DEP peut précéder
une crise, et son intérêt principal réside en général pour l’évaluation de la gravité de la crise
d’asthme (tableau 1).
La courbe débits-volumes [15]
Elles sont réalisables à partir de 6 ans avec une reproductibilité comparable à l’adulte et
informatives sur le degré d’obstruction des voies aériennes proximales (mesure du VEMS, ou
rapport du VEMS/CVF) ou distales (DEM50 % ou DEM25 %-75 %). La courbe débitsvolumes est systématiquement réalisée avant et après inhalation de bronchodilatateurs,
généralement au nombre de trois, ce qui permet de tester la reproductibilité des courbes. La
réversibilité se définit par une amélioration du VEMS ≥ 12 % après inhalation de 200 µg de
salbutamol ou équivalent. Cette réversibilité est un argument en faveur d’un asthme. Il
n’existe pas de norme de réversibilité pour les voies distales, mais la normalisation de la forme
de la courbe de concave à légèrement convexe reflète cette réversibilité. Un piège fréquent
est la fatigabilité à la répétition des courbes débits-volumes, qui sera généralement ressentie
chez l’enfant plus grand. Ceci peut expliquer une aggravation des mesures au fur et à mesure
de la répétition de celles-ci, ces manœuvres d’hyperpnée pouvant être un équivalent de tests
de provocation.
La mesure des résistances est possible à partir de l’âge de 3 ans selon les techniques utilisées.
Les valeurs seuils sont moins précises mais une élévation de 140 % de celles-ci signent une
obstruction et une réversibilité de 40 % après inhalation de bronchodilatateurs est proposée
comme significative.
Les fonctions respiratoires peuvent être une aide au diagnostic et sont encore sous-utilisées,
mais leur altération n’est pas corrélée aux antécédents ni à l’examen clinique. Ainsi, le VEMS
est anormal dans plus de 40 % des enfants ayant un examen clinique normal, et à l’inverse
est normal dans cette même proportion malgré un examen clinique anormal [14]. Chez
l’adulte, il a été démontré que dans l’asthme léger, donc sans altération des EFR, il existait
une inflammation bronchique [16]. Les EFR permettent de définir la sévérité initiale de
l’obstruction bronchique, mesure objective dans le suivi de l’asthme.
Cette absence de relation systématique entre le VEMS et la clinique souligne que les
petites bronches sont le plus souvent atteintes, d’où l’intérêt de tenir compte également des
débits distaux (DEM50 % ou DEM25 %-75 %), des valeurs inférieures à 60 % de la valeur
ASTHME DE L'ENFANT : LES EXAMENS CLES DU DIAGNOSTIC
15
attendue sont considérées comme anormales. La présence d’une réversibilité d’une obstruction
bronchique n’est pas constante chez l’enfant et peut nécessiter un test aux corticoïdes :
l’administration de prednisone ou prednisolone à 2 mg/kg sans dépasser 60 mg pendant
8 jours avec un contrôle des fonctions respiratoires au décours.
L’épreuve d’effort cardio-pulmonaire
Accessible dès l’âge de 8-10 ans, cet examen a un intérêt dans le cadre de tableau atypique
[17]. L’exemple est une dyspnée à l’effort isolée avec des EFR normales ou l’absence de
réponse aux beta2-mimétiques administrés avant l’effort, et associée à des arguments anamnestiques tels des antécédents parentaux d’asthme. Dans ce contexte, cet examen permet de
rechercher des arguments pour un éventuel asthme induit par l’exercice et le plus souvent va
permettre de rassurer l’enfant et les parents sur ses capacités normales à l’effort.
LA RADIOGRAPHIE DE THORAX DE FACE :
L’EXAMEN COMPLÉMENTAIRE INDISPENSABLE
Son intérêt est essentiellement à visée diagnostique différentielle et le résultat attendu est
d’être normal. Les anomalies compatibles avec un diagnostic d’asthme non compliqué sont
un épaississement bronchique modéré et diffus, surtout chez le jeune enfant, et une distension
thoracique. La distension thoracique s’évalue sur l’horizontalité des côtes, un nombre de
côtes antérieures supérieur à 8, un petit rapport cardio-thoracique et un aplatissement des
coupoles diaphragmatique. A l’inverse, une radiographie présentant d’autres anomalies écarte
le diagnostic d’asthme en première intention. Rappelons que le profil est inutile. Au mieux
un cliché de face en expiration peut compléter l’examen, rechercher une distension ou un
trappage.
LES INVESTIGATIONS A VISÉE ETIOLOGIQUE :
RECHERCHER LES CO-MORBIDITÉS
L’allergie
L’allergie est également un diagnostic clinique. Facilement repérable lorsque les facteurs
déclenchants sont saisonniers (pollens) ou identifiés (animaux), le diagnostic peut être difficile quand il s’agit d’allergènes per annuels (acariens par exemple). Les investigations allergologiques peuvent se réaliser à tous les âges de la vie, mais son indication va essentiellement
dépendre de l’âge de l’enfant. Chez le jeune enfant, l’asthme est essentiellement post-infectieux et en l’absence d’antécédents familiaux ou d’une dermatite atopique étendue, d’un
début tardif (après 2 ans) ou de signes cliniques évocateurs la rentabilité va être très faible
[6]. A l’inverse chez l’enfant de plus de 4 ans, la recherche doit être systématique. Les investigations se font selon les recommandations par les tests épicutanés aux pneumallergènes les
plus fréquents (acariens, graminées, chat, chien, arbres, herbacées) variables selon les régions
et les éventuels symptômes. Tester systématiquement des trophallergènes en l’absence de
signes cliniques est inutile [6]. Ces tests cutanés se font après un arrêt de 15 jours des anti-
16
C. MARGUET, L. COUDERC, M. LUBRANO, I. MICHELET
histaminiques, et sur une peau exempte de dermocorticoïdes. Il n’existe pas de contre-indication
formelle, mais ne seront pas réalisés sur une peau lésée (eczéma, psoriasis). Ces tests cutanés
permettront de cibler les mesures d’IgE spécifiques ou d’écarter une étiologie allergique
en cas de négativité. Les tests sanguins multi-allergéniques sont une alternative lorsque la
réalisation des tests cutanés n’est pas possible. L’association d’une allergie prouvée à des symptômes
évocateurs d’asthme non compliqué est un bon critère diagnostique. Il ne faut pas oublier
que l’allergie est une maladie évolutive et savoir répéter ces examens selon le contexte.
L’asthme post-infectieux
Les résultats des cohortes nous ont permis d’apprécier l’évolution de l’asthme du nourrisson,
et mettre en évidence qu’environ 50 % à 60 % de ceux-ci étaient en rémission à l’âge de 6 ans
[9]. Les antécédents parentaux d’allergie ou d’asthme, personnels d’allergie (test cutané positif
pour un pneumallergène, allergie alimentaire vraie, rhinite saisonnière) sont des facteurs de
pérennisation de l’asthme, mais comme nous l’avons vu avec une marge d’erreur importante.
Plus récemment, les progrès en virologie nous ont appris que le VRS était un facteur de risque
d’asthme à court ou moyen terme, alors que le rhinovirus (RV) pourrait être un marqueur
d’asthme persistant au-delà de 6 ans [18]. Ces données sont pour l’instant théorique, le RV
ne pouvant pas être détecté en routine.
L’ÉPREUVE THÉRAPEUTIQUE EST INDISPENSABLE
A LA DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
En présence de symptômes évocateurs, et en l’absence de signes de gravité ou de complication,
la réponse au traitement est un bon critère diagnostique, en particulier lorsque le médecin
n’a pas pu constater les sibilants ou suspecte un asthme devant une toux chronique nocturne.
Ce test thérapeutique peut s’effectuer soit par l’administration de salbutamol au moment
des exacerbations, et/ou la proposition d’un traitement de fond qui repose sur la corticothérapie
inhalée. Une réponse clinique est généralement attendue dès le premier mois et doit être
indiscutable à 3 mois. A l’inverse, l’absence de réponse au traitement remet en cause le
diagnostic, après s’être assuré du respect des posologies, des modes d’administration correcte
des produits inhalés et de l’observance.
Y A-T-IL UNE PLACE POUR LES MESURES NON INVASIVES
DE L’INFLAMMATION BRONCHIQUE ?
La réponse est malheureusement non [5, 19]. La recherche d’une éosinophilie sanguine
est un marqueur aléatoire qui peut dépendre de la sévérité, de la présence d’une allergie et peut
être variable dans le temps. La mesure de la fraction exhalée du monoxyde d’azote endogène
(FeNO) : parmi toutes les techniques décrites pour rechercher et mesurer des marqueurs de
l’inflammation dans les exhalats, la mesure du NO s’avère être la plus facile et reproductible.
La production du NO endogène par l’épithélium respiratoire est, en effet, inductible par de
nombreux médiateurs pro-inflammatoires et reflète l’existence d’une inflammation persistante.
Sa mesure peut être faite en consultation grâce à des appareils portatifs, mais n’est pas
remboursée par la Sécurité sociale. Sa mesure nécessite une coopération et peut être raison-
ASTHME DE L'ENFANT : LES EXAMENS CLES DU DIAGNOSTIC
17
nablement envisagée en routine à partir de 6 ans. En effet, la mesure (exprimée en ppb) se
fait à débit constant, pendant 4 s afin d’obtenir un plateau d’au minimum 2 s, contre pression
de 5 à 15 cm H2O pour éviter la contamination rhinosinusienne, avec un coefficient de
variation souhaité de 10 %. La mesure à différents débits permet de calculer les concentrations
de NO dans le compartiment alvéolaire et bronchioloalvéolaire, qui sont faibles chez le sujet
sain. Dans l’asthme non contrôlé, la FeNO est élevée (≥ 25ppb) confirmant la présence d’une
inflammation bronchique. Mais cet examen n’est pas spécifique. La FeNO reste élevée chez
l’atopique qu’il y ait ou non un asthme, augmente à l’occasion de rhinite infectieuse, et son
évolution sous traitement n’est pas contributive dans les études. A l’inverse, une FeNO basse
peut être un argument supplémentaire pour éliminer le diagnostic d’asthme lorsque le tableau
est atypique. La FeNO doit donc être interprétée en fonction de la clinique mais n’est
pas spécifique de l’asthme. Le comptage des éosinophiles dans les secrétions bronchiques
obtenues après nébulisations de sérum salé hypertonique n’est pas un examen de routine et
nécessite un apprentissage dans sa réalisation et un laboratoire de cytologie expérimenté. Un
seuil ≥ 1 % est généralement admis comme positif. L’éosinophilie est rare chez le jeune enfant
et chez l’enfant de plus de 10 ans, sa valeur prédictive reste faible pour des taux ≥ 8,5 %, ce
qui est élevé.
Les autres examens relèvent d’investigations à visée diagnostique différentielle et seront
traitées dans un autre chapitre.
En conclusion, l’asthme de l’enfant est avant tout un diagnostic clinique qui repose sur
un interrogatoire minutieux et précis, ce quel que soit l’âge. Un arbre d’aide au diagnostic
est proposé (figure 1). Si le diagnostic associe clinique et radiographie de thorax normale quel
que soit l’âge, la pratique de la mesure du souffle avec un test de réversibilité doit se généraliser
dès l’âge de 6 ans, et par défaut peut se limiter au DEP. Les investigations allergologiques, qui
privilégient les tests épicutanés, doivent être réalisées facilement dès l’âge de 4 ans.
AUTEURS :
Christophe Marguet, Laure Couderc, Marc Lubrano, Isabelle Michelet
Pneumologie et allergologie pédiatrique, CRCM
Département pédiatrie médicale
EA3830, INSERM CIC 204
CHU Charles Nicolle, Université de Rouen
76031 ROUEN Cedex
AUTEUR CORRESPONDANT :
Christophe Marguet : [email protected]
18
C. MARGUET, L. COUDERC, M. LUBRANO, I. MICHELET
Tableau 1 : Classification de la crise d'asthme aiguë chez l'enfant asthmatique [5,8]
Crise grave
Sibilants rares
MV diminué ou absent
DR franche + cyanose
*FR > 30/min si > 5 ans
DR franche + cyanose
Activité impossible
Troubles de l’élocution
*Chute TA
systolique/diastolique
68-36 mmHg 3-5 ans
78-41 mmHg 7-8 ans
82-44 mmHg 10-11 ans
Faible réponse aux ß2
DEP = 50 %
SaO2 ≤ 90 %
*Normocapnie - hypercapnie
Crise modérée
Sibilants ± toux
FR augmentée
Crise légère
Sibilants ± toux
FR normale
Mise en jeu des muscles
respiratoires accessoires
ni DR, ni cyanose
Marche difficile
Chuchote 3 à 5 mots
Activité et parole normales
Réponse conservée aux ß2
50 % < DEP < 75 %
DEP > 75 %
90 % < SaO2 < 95 %
SaO2 ≥ 95 %
* Critères retenus par la révision de la troisième conférence de consensus en réanimation et médecine d'urgence [8].
FR : fréquence respiratoire ; TA : tension artérielle ; MV : murmure vésiculaire ; DEP : débit expiratoire de pointe
Légende arbre décisionnel
Arbre décisionnel pour le diagnostic de l’asthme proposant une attitude au cabinet du médecin. L’âge de 6 ans
pour les EFR est indicatif et peut parfois être abaissé à 5 ou 4 ans selon les enfants pour la courbe débits-volumes et
à partir de 3 ans dans des laboratoires spécialisés. Les tests allergiques ne sont recommandés chez le jeune enfant de
moins de 3 ans s’il existe des arguments familiaux ou personnels pour une allergie. Une radiographie compatible
avec un asthme non compliqué est soit normale, soit montre un syndrome d’épaississement bronchique modéré
et/ou une distension.
Traitement
de la crise
Rx thorax face
Normale /compatible
Traitement
asthme
Traitement
de la crise
Rx thorax face
Normale/compatible
Traitement
asthme
Recherche
allergies
3 ans
Crise asthme
inaugurale
< 3 ans
3ème épisode
dyspnée
Tableau aigu
Sibilants
Si
Recherche
allergies
Traitement
asthme
6 ans
Diagnostic
asthme
Rx de thorax face
anormale
Programmer
EFR
Investigations
Avis spécialisé
Vérifier
observance/technique
Pas de réponse
Epreuve
thérapeutique
DEP normal, non
amélioré par beta2-
Aide au
diagnostic
Inbestigations
Avis spé cialisé
Investigations
Avis spécialisé
Rechercher
allergie
(cf texte)
Traitement
asthme
Réversibilité
+ve
Recherche
allergies
Avis
spécialisé
Pas de réponse
clinique
Vérifier
observance/technique
Pas de réponse
Diagnostic
probable
Réponse
clinique
en 6 semaines
< 6 ans
épreuve thérapeutique
Rx thorax face
Normale/compatible
Atypique
Toux chronique nocturne/pas
de sibilants prouvés
Diagnostic
asthme
Réponse + à 6
semaines
Traitement
épreuve asthme
Si < 6 ans
Programmer
EFR si > 5 ans
Tests
Evoquer asthme
par argument de fréquence
Mesure du DEP + réversibilité
Signes récurrents
Toux nocturne, Sifflements,
toux ou sifflements induits par
l’exercice
Facteurs déclenchants identifiés
Rx thorax face
Normale/compatible
Réponse + à 6
semaines
confirme le
diagnostic
Programmer
EFR
Tests
allergologiques
(cf. texte)
Réversibilité 20 % DEP ou
DEP 80 % valeur attendue
Investigations
Avis spécialisé
Retentissement état général, contexte
syndromique associé
ATCD néonataux,
Signes extra respiratoires
Interrogatoire précis
Examen clinique
Asthme
Investigations
Avis spécialisé
Réversibilité
-ve
Test
aux corticoïdes
Réversibilité
-ve
Réversibilité
+ve
EFR
> 6ans
ASTHME DE L'ENFANT : LES EXAMENS CLES DU DIAGNOSTIC
19
20
C. MARGUET, L. COUDERC, M. LUBRANO, I. MICHELET
RÉFÉRENCES
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21
PRISE EN CHARGE DE L’ASTHME DE L’ENFANT :
QUELS TRAITEMENTS CHOISIR ?
par
J.-C. DUBUS, M. DAVID, V. BRESSON, A. CARSIN, E. BOSDURE,
N. STREMLER - LE BEL
Les différents traitements disponibles dans l’asthme de l’enfant, pour une prise en charge
à domicile, sont d’une part ceux d’urgence (bronchodilatateurs à effet immédiat et corticoïdes
oraux) et d’autre part ceux de fond ou préventifs (anti-inflammatoires ou bronchodilatateurs
à effet retardé). Les médicaments plus spécifiques comme l’immunothérapie spécifique,
l’omalizumab ou la théophylline ne seront pas abordés ici.
LES TRAITEMENTS D’URGENCE
Les bronchodilatateurs inhalés
Les bêta-2-mimétiques de courte durée d’action (BDCA) sont les traitements de première
intention d’une exacerbation d’asthme quel que soit l’âge de l’enfant ou le niveau de gravité.
A domicile c’est essentiellement par voie inhalée que les BDCA sont délivrés, plus exceptionnellement par voie sous-cutanée. Les molécules disponibles sont le salbutamol et la
terbutaline. Les posologies utilisées par voie inhalée dans les études cliniques sont variables
et non consensuelles. Récemment le GRAPP [1], groupe d’experts pneumopédiatres français,
a proposé la posologie suivante de BDCA :
- par voie nébulisée, avec une propulsion par de l’oxygène : 2,5 mg (dose équivalent
salbutamol) par nébulisation pour un poids inférieur à 16 kg et 5 mg pour un poids de
plus de 16 kg.
- par voie inhalée autre que la nébulisation : 50 µg/kg par prise avec un maximum de 1 000
à 1 500 µg par prise, soit un schéma thérapeutique de 4 à 15 bouffées équivalent salbutamol
à renouveler toutes les 10-15 minutes jusqu’à amélioration clinique en respectant les
recommandations habituelles liées à l’utilisation du dispositif choisi (aérosol-doseur avec
ou sans chambre d’inhalation, aérosol doseur auto-déclenché ou inhalateur de poudre
sèche).
Il est important de rappeler qu’à dose équipotente, lorsque la technique d’inhalation est
bien réalisée, tous les modes d’administration permettent d’obtenir une bronchodilatation
identique. La dose administrée sera ajustée au degré de gravité et à la réponse clinique. Le
formoterol n’a pas d’indication en France dans l’exacerbation d’asthme de l’enfant.
La tolérance des BDCA est habituellement excellente, en dehors de possibles tremblements
22
J.-C. DUBUS, M. DAVID, V. BRESSON, A. CARSIN, E. BOSDURE, N. STREMLER - LE BEL
fins des extrémités ou tachycardie réactionnelle. Quelques bronchospasmes paradoxaux ont
été rapportés essentiellement chez les petits nourrissons et sont prévenus par les nébulisations
sous oxygène. Le risque d’hypoxémie est rare lors de l’administration inhalée et est plus fréquent
avec la nébulisation qu’avec la chambre d’inhalation. La survenue d’hypokaliémie et des
modifications de la glycémie sont possibles lors des traitements par voie inhalée à doses élevées.
Parmi les autres bronchodilatateurs, l’adrénaline n’a qu’une seule indication, et ce
par voie injectable, la crise d’asthme avec choc anaphylactique [1]. Les anti-cholinergiques
(bromure d’ipratropium) peuvent apporter un bénéfice en association aux BDCA chez
l’enfant présentant une crise d’asthme grave à doses élevées et uniquement en nébulisation.
L’efficacité de cette association n’a pas été montrée chez le nourrisson.
Les corticoïdes oraux
La corticothérapie systémique est indiquée dans l’exacerbation d’asthme modérée à sévère
ou en l’absence de réponse au traitement d’urgence par les BDCA. La prednisone et la prednisolone sont les seules molécules étudiées. Leur administration par voie orale à la posologie
de 1 à 2 mg/kg/jour (maximum 60 mg), en une à deux prises pour une durée de 5 jours est
validée. Les formes orodispersibles ou solubles facilitent l’administration chez l’enfant. La
corticothérapie orale réduit l’hospitalisation de façon significative, permet le retour à domicile
7 fois plus souvent, et diminue de façon significative le nombre de rechutes pour une durée
variable selon les études [2,3]. La voie injectable n’a pas de supériorité par rapport à la voie
orale et doit être réservée aux enfants incapables d’ingérer le traitement (vomissements).
La répétition de ces cures courtes a été réévaluée récemment en mesurant des marqueurs du
turn-over osseux, tests à l’ACTH et ostéodensitométrie [4]. Ceux-ci ne sont pas modifiés de
façon significative chez des enfants recevant en médiane 5 cures par an, ce qui complète la
notion antérieure d’absence d’effets sur la croissance. La répétition des cures courtes doit
faire réévaluer le traitement de fond.
Il n’y a pas d’indication à prescrire des corticoïdes inhalés (CSI) lors d’exacerbation
d’asthme chez l’enfant. Au contraire cette attitude est délétère. Ainsi chez le jeune enfant
ayant une exacerbation d’asthme viro-induite, un traitement ponctuel de 10 jours avec de
fortes doses de propionate de fluticasone diminue certes les besoins en corticoïdes oraux par
rapport au placebo, mais entraîne un effet négatif sur la croissance staturo-pondérale [5]. Par
contre, lors de traitement de fond par ICS, ce traitement doit être maintenu aux mêmes doses
le temps de l’exacerbation et ne contre-indique pas l’emploi de corticoïdes oraux.
LES TRAITEMENTS PROPHYLACTIQUES
Les corticoïdes inhalés
L’effet des CSI sur la mortalité par asthme, sur les symptômes d’asthme et sur la fonction
respiratoire est largement prouvé [6,7]. Il est en revanche moins évident que ce traitement puisse
influencer l’histoire naturelle de l’asthme [8]. De même l’efficacité des CSI semble moindre
chez l’enfant d’âge pré-scolaire où les exacerbations d’asthme sont volontiers viro-induites et
où l’inflammation est principalement constituée de polynucléaires neutrophiles [5,9].
PRISE EN CHARGE DE L’ASTHME DE L’ENFANT : QUELS TRAITEMENTS CHOISIR ?
23
Toutes les recommandations d’experts proposent les CSI en première intention quel que
soit l’âge de l’enfant dès le stade d’asthme persistant léger. La dose doit toujours correspondre
au stade de sévérité de l’asthme (Tableau I), mais l’analyse des courbes doses/réponses montre
que l’essentiel des effets bénéfiques des corticoïdes inhalés est obtenu à des doses faibles de
100, 200, voire 400 µg/j. Dans tous les cas, le but du traitement prophylactique est d’obtenir
un contrôle total de l’asthme. Il est important de rappeler aux patients et à leur famille que
l’effet du traitement est décalé par rapport aux premières prises médicamenteuses de 2 à 3
semaines, et que la durée minimale permettant de juger de l’efficacité du traitement est de
2 à 3 mois au minimum.
Seuls 3 principes actifs sont commercialisés en France en matière de corticothérapie inhalée
(dipropionate de béclométasone, budésonide et propionate de fluticasone). Leur efficacité
dépend certes du dépôt pulmonaire obtenu, mais aussi de nombreux autres facteurs comme
le degré de rétention pulmonaire et la liaison aux récepteurs des glucocorticoïdes [10].
En pratique, le dipropionate de béclométasone et le budésonide ont une efficacité antiinflammatoire clinique équivalente. Concernant le propionate de fluticasone, un effet antiinflammatoire superposable aux autres principes actifs est obtenu pour une dose 2 fois moindre
(100 µg de fluticasone = 200 µg de budésonide = 250 µg de béclométasone). Cela est également
constaté avec les aérosols-doseurs contenant des corticoïdes « ultrafins » comme le QVAR®
(dipropionate de béclométasone en solution).
Le choix du CSI est également conditionné par celui du dispositif d’inhalation le délivrant
(Tableau II). Tous les dispositifs commercialisés ou presque délivrent au moins un ICS. Pour
une efficacité optimale la technique d’inhalation doit être parfaitement expliquée, acquise
et contrôlée. Enfin, la possibilité de prise une seule fois par jour (budésonide ou propionate
de fluticasone) peut parfois emporter la décision. La nébulisation de CSI reste un traitement
plus exceptionnel notamment lors d’asthme de l’enfant résistant à un traitement bien conduit
avec un dispositif d’inhalation approprié à l’âge ou lors d’impossibilité patente à utiliser les
autres dispositifs d’inhalation.
Concernant la sécurité du traitement, les effets latéraux sur le métabolisme osseux ou la
croissance, aux posologies recommandées, sont excessivement rares. Par exemple, même si un
ralentissement transitoire de la croissance est observé lors de la première année de traitement,
les données sur la taille finale après utilisation au long cours de corticoïdes inhalés à posologies
moyennes, sont très rassurantes [11]. Par contre, les données à long terme avec les corticoïdes
inhalés "ultrafins" sont manquantes, requérant une surveillance très attentive de ces patients.
Les effets secondaires locaux, à type de toux lors de l’inhalation ou de candidose buccale,
semblent en nette diminution depuis le passage au gaz propulseur HFA-134a.
Les anti-leucotriènes (ALT)
Seul le montelukast (Singulair®) est commercialisé en France. Il existe sous 3 formes :
sachet à 4 mg à prendre pendant le repas à partir de 6 mois, comprimé à croquer (goût cerise)
à prendre à distance du repas à partir de 6 ans, et comprimé à 10 mg à avaler pendant le repas
à partir de 14 ans. Le montelukast bloque l’inflammation induite par les leucotriènes. Son
effet est synergique de celui des CSI [12]. Le montelukast est indiqué en traitement additif
chez les patients âgés de plus de 6 mois présentant un asthme persistant léger à modéré
insuffisamment contrôlé par les ICS en traitement quotidien et les BDCA à la demande.
Il peut aussi être une alternative aux CSI à faibles doses chez les patients de plus de 2 ans
présentant un asthme persistant léger sans exacerbation d’asthme dans les 6 derniers mois
justifiant d’une corticothérapie orale. Enfin le montelukast est également indiqué à partir de
24
J.-C. DUBUS, M. DAVID, V. BRESSON, A. CARSIN, E. BOSDURE, N. STREMLER - LE BEL
2 ans comme traitement préventif de l’asthme induit par l’effort. A la mise en route du
traitement des effets latéraux digestifs ou des cauchemars peuvent se voir.
Les beta2-mimétiques de longue durée d’action (BDLA)
Il s’agit du salméterol (beta2 agoniste partiel) et du formotérol (beta2 agoniste total).
Ils ne se prescrivent jamais isolément mais toujours en association avec un CSI. Pour une
utilisation pédiatrique, ils sont disponibles seuls (Serevent® en aérosol-doseur pressurisé ou
inhalateur de poudre sèche Diskus® à partir de 4 ans ; Foradil® en inhalateur de poudre sèche
Aerolizer® à partir de 5 ans) ou directement en association avec un corticoïde (Seretide® salmeterol + fluticasone - en Diskus® à partir de 4 ans ; Symbicort® - formoterol + budésonide
– en inhalateur de poudre sèche Turbuhaler® à partir de 6 ans).
Il est bien démontré maintenant que l’ajout d’un BDLA améliore le contrôle de l’asthme
chez l’enfant non contrôlé par les CSI seuls et est une option préférable à un doublement des
doses de CSI [12]. Les formes combinées sont équivalentes à la prise des 2 molécules dans
des dispositifs différents. En cas de symptômes quotidiens ou au décours d’un asthme aigu
grave, il est recommandé de prescrire d’emblée une association CSI + BDLA.
EN PRATIQUE
Le choix du traitement de fond est fonction de la gravité de l’asthme de l’enfant et repose
initialement le plus souvent sur les CSI (Tableau III). L’adaptation thérapeutique est ensuite
fonction des symptômes présentés, de la consommation en BDCA prise à la demande et des
résultats de la fonction respiratoire lorsque celle-ci peut être obtenue.
AUTEURS :
Jean-Christophe DUBUS, Marion DAVID, Violaine BRESSON, Ania CARSIN, Emmanuelle BOSDURE,
Nathalie STREMLER - LE BEL.
Unité de Pneumologie et Médecine Infantile, CHU Timone-Enfants, 13385 Marseille Cedex 5
AUTEUR CORRESPONDANT :
Jean-Christophe DUBUS : [email protected]
RÉFÉRENCES
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PRISE EN CHARGE DE L’ASTHME DE L’ENFANT : QUELS TRAITEMENTS CHOISIR ?
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l’asthme de l’enfant asthmatique à partir de quatre ans ? Rev Mal Respir 2009 ; 26 : 827-35.
Tableau I : Posologies recommandées des corticoïdes inhalés dans l'asthme de l'enfant
Doses en µg/j
Aérosol-doseur et inhalateur de poudre
- Béclométasone "classique"
- Budésonide
- Béclométasone "ultrafine" et fluticasone
Faibles à moyennes
Fortes
Maximales
250-500
200-400
100-200
> 500
> 400
> 200
1000
800
400
Nébuliseur
- Béclométasone
- Budésonide
1000 - 2000
800 - 1600
Tableau II : Principaux corticoïdes inhalés disponibles en France
Mode de délivrance
Principe actif
Béclométasone
Dose
Type d’aérosol
Fluticasone
Nom commercial
Becotide®, Beclospray®,
Beclojet®, Ecobec® …
QVAR®
Flixotide®
250 µg
100 µg
50, 125, 250 µg
Classique
Ultrafin
Classique
Béclométasone
QVAR Autohaler®
100 µg
Ultrafin
100, 200, 400 µg
200, 400 µg
200, 400 µg
100, 250 µg
200 µg
100, 200, 400 µg
100, 250, 500 µg
Classique
Classique
Classique
Classique
Classique
Classique
Classique
0,5, 1 mg
400, 800 µg
Classique
Classique
Aérosol-doseur
Aérosol-doseur
auto-déclenché
Budésonide
®
Inhalateur de
poudre sèche
Béclométasone
Fluticasone
Pulmicort Turbuhaler
Novopulmon Novolizer®
Miflonil Aerolizer®
Asmabec Clickhaler®
Bemedrex Easyhaler®
Miflasone Aerolizer®
Flixotide Diskus®
Nébulisation
Budésonide
Béclométhasone
Pulmicort® et génériques
Beclospin®
26
J.-C. DUBUS, M. DAVID, V. BRESSON, A. CARSIN, E. BOSDURE, N. STREMLER - LE BEL
Tableau III : Conduite du traitement prophylactique anti-asthmatique chez l’enfant (d’après [12])
Avis spécialisé pour :
Nébulisations
Corticothérapie orale
Théophylline
Anti-IgE
CSI
moyenne/forte
dose
Pas de CSI
ALT
CSI
faible/moyenne dose
+ BDLA
CSI
faible/moyenne dose
+ ALT
CSI
moyenne/forte dose
+ BDLA
+ ALT
Choix préférentiel
Choix alternatif
Choix en cas de symptômes quotidiens ou au décours d’un asthme aigu grave
27
ASTHME : ADAPTER LE TRAITEMENT AU CONTRÔLE
par
A. DESCHILDRE, C. DELVART, C. SANTOS, C. THUMERELLE.
Les objectifs du traitement de l’asthme sont désormais établis à partir de l’évaluation
du contrôle de la maladie. Du concept de sévérité, les recommandations internationales ont
évolué vers celui du contrôle [1]. Cette notion permet un ajustement régulier, dynamique,
du traitement. Il est démontré que l’obtention du contrôle est associée à une amélioration de
la qualité de vie, à une diminution de la fréquence des exacerbations, du recours aux soins
et de ce fait du coût de santé [2]. La notion de sévérité est alors définie par l’intensité du
traitement nécessaire à l’obtention du contrôle [1]. En dépit de la diffusion des recommandations, le constat actuel est que le contrôle de l’asthme reste insuffisant. Ainsi, une étude
française menée en 2005 auprès de 3431 enfants âgés en moyenne de 9,8 ans, suivis en
médecine générale, a montré que le contrôle de l’asthme était inacceptable chez près d’un
tiers des enfants et que seul un quart des enfants avait un contrôle optimal [3].
Nous reviendrons d’abord sur le concept de contrôle et sur la question : jusqu’où aller ?
Nous développerons ensuite les propositions thérapeutiques en les illustrant par les données
récentes de la littérature.
LE CONTROLE : COMMENT LE DEFINIR ? JUSQU’OU ALLER ?
Les recommandations internationales (GINA) définissent trois niveaux de contrôle : bon,
partiel ou non-contrôle (tableau I) [1]. Chez l’enfant, la définition du bon contrôle qui tolère
quelques symptômes diurnes chaque semaine paraît encore insuffisante et les recommandations
françaises du Groupe de Recherche sur les Avancées en Pneumo-Pédiatrie (GRAPP) ont proposé
l’objectif du contrôle total (tableau I) [4].
L’évaluation du contrôle repose sur les données d’un interrogatoire minutieux, en
distinguant deux domaines : les symptômes de la vie quotidienne pouvant justifier le recours
aux bêta-2-mimétiques de courte durée d’action et les exacerbations. Les symptômes d’asthme
sont divers, diurnes et nocturnes (toux, gêne, réveils). La toux d’hyperréactivité bronchique
doit être recherchée (rire, excitation, changement météo : brouillard, froid, …). Quant
aux symptômes d’effort, ils sont très fréquents chez l’enfant, isolés ou associés à d’autres symptômes et observés à tout niveau de sévérité de l’asthme. On distingue l’asthme induit par
l’effort qui se manifeste après un certain temps d’effort, ou au décours de l’effort, de l’asthme
instable, non contrôlé qui se traduit par des manifestations dès le début de l’effort ou une
incapacité à l’effort. Concernant les exacerbations, elles sont définies par la persistance des
symptômes et donc du traitement de secours au-delà de 24 heures. Elles sont sévères quand
28
A. DESCHILDRE, C. DELVART, C. SANTOS, C. THUMERELLE.
elles justifient le recours aux corticoïdes oraux (> deux jours) ou le recours inopiné aux soins
(urgences, hospitalisation) [5]. Si l’évaluation des symptômes chroniques peut se faire sur
une période brève (4 semaines par exemple), celle des exacerbations exige une période plus
longue (12 mois par exemple : recherche de périodes à risque, de facteurs déclenchants) [4].
Pour faciliter l’appréciation clinique et surtout l’ouverture du dialogue autour du contrôle
entre les médecins, les familles et les enfants, des questionnaires standardisés ont été élaborés.
Ces questionnaires ne remplacent pas l’interrogatoire médical mais sont une aide précieuse
à la fois en routine et dans les études cliniques. En s’adressant directement à l’enfant et ses
parents, ils permettent de préciser le retentissement de l’asthme. On dispose d’une version
française du test de contrôle de l’asthme (TCA), et d’une version pédiatrique destinée aux
enfants âgés de 4 à 11 ans (pTCA) [6]. Pour ce test, le seuil validé est à 19 ; au-delà, l’asthme
est considéré comme contrôlé en regard de l’avis du médecin [6].
L’évaluation du contrôle de l’asthme passe également par la réalisation régulière des EFR.
Les recommandations définissent les objectifs du traitement par la normalité du débit de
pointe et/ou du VEMS, c'est-à-dire ≥ 80 % de la valeur prédite (VP). Cependant, le VEMS
est le plus souvent normal chez l’enfant, y compris pour les asthmes les plus sévères [7].
Il convient donc de s’intéresser au rapport de Tiffeneau (VEMS/CV), aux débits distaux
explorant les petites voies aériennes (DEM50 et DEM25-75), aux volumes (capacité pulmonaire
totale, capacité résiduelle fonctionnelle, volume résiduel) et à la réactivité aux bêta-2-mimétiques.
Il faut aussi surveiller l’évolution de la fonction respiratoire avec la croissance. Chez des
enfants asthmatiques à VEMS normal, la mesure du DEM25-75 est corrélée à
l’hyperréactivité bronchique (test à la métacholine), et inversement corrélée au taux de NO
bronchique et à la réactivité aux bêta-2-mimétiques, comme l’ont montré Simon et al [8].
L’objectif de volumes et de débits normaux - c'est-à-dire VEMS proche de 100 % VP et débits
distaux normaux > 70 % VP - paraît davantage adapté à l’enfant [9]. La fréquence des EFR
est ajustée à la sévérité de l’asthme, au moins tous les 12-18 mois pour les asthmes légers, plus
fréquemment pour les autres.
L’asthme est une maladie inflammatoire. Or, les critères définissant le contrôle sont
cliniques et fonctionnels. L’évaluation de l’inflammation ou de la réactivité bronchique a été
proposée, avec comme objectif d’améliorer le contrôle et diminuer le risque d’exacerbation.
Toutefois, celle-ci passe par des techniques lourdes et/ou invasives et/ou non dénuées d’effets
secondaires. La mesure du monoxyde d’azote dans l’air expiré (eNO) a été proposée car
sa mesure est non invasive, simple et validée chez l’enfant. Le taux de eNO est corrélé à
la présence d’une inflammation à éosinophiles dans les voies aériennes. Son évaluation en
routine reste coûteuse et n’est pour l’instant pas accessible à tous les praticiens. De plus, les
données de la littérature sur l’intérêt de sa mesure sont décevantes, comme le résume la métaanalyse rapportée par Petsky et al. [10]. Celle-ci montre que la stratégie d’ajustement du
traitement de fond sur la mesure du eNO ne permet pas de gain significatif en terme
de niveau de contrôle ou de prédiction de la survenue d’une exacerbation par rapport à l’évaluation
clinique et fonctionnelle, et que la dose de corticoïdes inhalés (CSI) a tendance à être plus
élevée lorsque le traitement est ajusté sur le eNO chez l’enfant. Par contre, l’évaluation
de l’inflammation par le eNO bronchique ou surtout d’autres méthodes (éosinophilie de
l’expectoration induite par exemple) pourrait être utile dans la prise en charge de certains
phénotypes d’asthme, notamment les asthmes difficiles à contrôler [11].
ASTHME : ADAPTER LE TRAITEMENT AU CONTROLE
29
TRAITER POUR OBTENIR PUIS MAINTENIR LE CONTROLE
La notion de contrôle est donc au cœur du traitement de l’asthme. L’objectif pour l’enfant
est un contrôle total c’est-à-dire l’absence de symptômes diurnes et nocturnes et une fonction
respiratoire normale [1,12]. Le traitement de fond sera donc adapté pour l’obtenir et le
conserver, avec la pression thérapeutique minimale. On définit une population d’enfants qui
restent symptomatiques, avec de fréquentes exacerbations malgré un traitement maximal et
bien conduit. Ces patients qui présentent un asthme difficile à traiter doivent bénéficier d’une
évaluation rigoureuse, notamment pour éliminer tout diagnostic différentiel ou facteur de
risque non contrôlé [4]. De nouvelles pistes thérapeutiques sont aujourd’hui disponibles.
Les principes généraux
Les corticoïdes inhalés (CSI) constituent la pierre angulaire du traitement de fond [1,12].
On définit des doses faibles, moyennes, et élevées (tableau 1). Dans l’asthme léger à modéré,
une dose faible à moyenne est suffisante. Quatre-vingt à 90 % de l’effet des CSI est obtenu
pour celle-ci [13]. A ces doses, la tolérance des CSI est bonne, notamment en termes de croissance [14]. Zhang et al. dans une méta-analyse réunissant 14 essais randomisés contrôlés et
5 768 enfants n’ont pas montré de supériorité d’une dose moyenne (300-400 µg/j équivalent
béclométhasone) par rapport à une dose faible (≤ 200 µg/j) [15]. Les doses fortes sont donc
réservées aux asthmes sévères et/ou difficiles à traiter. En cas de non contrôle de l’asthme, il
faut, avant d’augmenter le traitement, vérifier les facteurs de non contrôle : défaut d’observance,
mauvaise utilisation du dispositif d’inhalation, facteur de risque non contrôlé : environnement
(allergènes, tabac, polluants), rhinite allergique, obésité, facteur psychologique, … [4].
L’association à une autre famille de médicaments est préférée à l’augmentation de
la dose de CSI. Dès lors que le traitement relève de doses élevées de CSI, il est nécessaire
d’envisager un suivi en consultation spécialisée pour une évaluation diagnostique et thérapeutique.
Initiation du traitement : obtenir le contrôle (stratégie ascendante)
Chez un enfant naïf, l’initiation du traitement repose sur les CSI, à dose légère à moyenne.
Les Antileucotriènes (ALT) (montelukast) sont une alternative possible en monothérapie
[16]. Les indications de l’AMM précisent que cette alternative a certaines limites : incapacité
à adhérer à un traitement par CSI, absence d’exacerbation traitée par corticothérapie générale
dans l’année précédente, stricte normalité de la fonction respiratoire. En cas de non contrôle
sous des doses légères à moyennes de CSI, les recommandations sont plutôt d’associer une
autre famille que d’augmenter la dose de CSI, bronchodilatateur de longue durée d’action
(BDLA) en première intention ou ALT (tableau 2) [1,12]. Plusieurs études récentes menées
chez l’enfant confortent cette proposition [17,18]. Vaessen Verberne et al. (étude COMBO)
ont montré une efficacité égale sur les symptômes, le risque d’exacerbation, et la fonction
d’un schéma associant salmeterol et fluticasone (200 µg/j) et d’un autre reposant sur la fluticasone (400 µg/j) chez 158 enfants (6/16 ans) non contrôlés par la fluticasone 200 µg/j [17].
Lemanske et al. (étude BADGER) ont évalué en dans une étude en aveugle et en triple cross
over 3 schémas administrés pendant 16 semaines chez 182 enfants non contrôlés sous fluticasone 200 µg/j : fluticasone 500 µg/j ou salmeterol-fluticasone 200 µg/j ou montelukast
(5 mg/j)-fluticasone 200 µg/j. Ils ont montré l’efficacité de ces 3 schémas, toutefois supérieure
pour l’association salmeterol-fluticasone. Ils n’ont pas retrouvé de critères associés à une meilleure
30
A. DESCHILDRE, C. DELVART, C. SANTOS, C. THUMERELLE.
réponse à l’un ou l’autre schéma si ce n’est dans cette étude américaine l’ethnie [8].
Chez l’enfant présentant un asthme difficile à contrôler, en dépit d’un traitement maximal
et bien conduit, les premières études pédiatriques montrent l’intérêt de l’omalizumab,
notamment sur les exacerbations. Il faut souligner que les études américaines sont réalisées
sur des populations d’enfants ayant un asthme modéré à sévère. Ainsi, dans une étude
randomisée contre placebo, Lanier et al. ont montré son efficacité sur la fréquence des
exacerbations sévères dans une population de 627 enfants âgés de 6 à 11 ans, suivis pour un
asthme modéré à sévère (65 %), non contrôlé par un traitement conventionnel [19]. Celle-ci
a diminué de 44 % après 24 semaines, 50 % après 52 semaines dans le groupe traité, avec une
différence significative par rapport au placebo. Sur la population d’un observatoire français
de 103 enfants allergiques présentant les critères ATS de l’asthme difficile, suivis pendant
une année de traitement par omalizumab, dans la vraie vie, les auteurs ont montré une
amélioration franche du contrôle (66 % en bon contrôle et 25 % en contrôle partiel après
1 an de traitement versus 82 % non contrôlés et 18 % en contrôle partiel à l’initiation) et une
diminution importante de la fréquence et de la gravité des exacerbations (1,3 exacerbation
traitée par corticothérapie générale pendant l’année de traitement versus 4,4 dans l’année
précédant le traitement) [20]. Coûteux, délivré par voie injectable, non dénué d’effets secondaires,
ce traitement ne concerne que l’asthme difficile à traiter et ne doit être envisagé qu’après une
évaluation dans un centre spécialisé permettant de préciser l’observance au traitement, de
contrôler les facteurs de risque associés à l’asthme, d’évaluer les facteurs déclenchants, et bien
sûr d’éliminer un diagnostic différentiel.
Traitement de fond en cas d’asthme contrôlé (stratégie descendante)
La réduction des doses de CSI est la priorité, de façon progressive, tous les 3 à 6 mois,
jusqu’à atteindre la dose minimale permettant de maintenir le contrôle de l’asthme [1,12].
En fonction de la posologie initiale de CSI, la diminution des doses se fera par palier de 25 à
50 %, avec pour objectif de maintenir le contrôle total de l’asthme. Lors de la décroissance,
le passage à une monoprise quotidienne peut être envisagé pour favoriser l’observance.
En cas de traitement additionnel, à dose forte/moyenne de CSI, la priorité est à la réduction
de la dose de CSI. Après avoir atteint une dose faible de CSI, on pourra arrêter les CSI ou le
traitement additionnel selon la situation. Eid et al. ont analysé l’évolution du contrôle chez
521 enfants de 5 à 15 ans, ayant un asthme persistant léger à modéré contrôlé par un traitement
combinant BDLA et budésonide (160 µg x 2) [21]. Parmi les 3 bras évalués sur 16
semaines, le contrôle était moins bon en cas de prise unique du même traitement combiné,
mais meilleur qu’en cas de prise unique de la même dose de CSI, par rapport à la poursuite
du même traitement. En cas de traitement associant un ALT, une fois la dose faible de CSI
atteinte et après arrêt d’un éventuel BDLA, un maintien de l’ALT en monothérapie peut
être discuté. Il n’est pas recommandé de laisser un BDLA seul, sans CSI, en traitement
de fond quotidien. Cette stratégie doit prendre en compte la perception du contrôle par
l’enfant/les parents et par lemédecin (clinique, fonction respiratoire), le caractère saisonnier
(infections virales, charge allergénique) de l’asthme. Il faut de préférence éviter de réduire ou
d’arrêter le traitement en période automno-hivernale (rentrée scolaire, infections virales) ou
lors de la saison pollinique pour les patients allergiques.
En cas de contrôle total maintenu depuis un an, avec un traitement de fond au niveau
le plus bas, un arrêt du traitement de fond pourra être envisagé ; une réévaluation clinique
fonctionnelle respiratoire sera nécessaire dans les 3 à 6 mois suivant l’arrêt du traitement.
ASTHME : ADAPTER LE TRAITEMENT AU CONTROLE
31
En conclusion, l’expression de l’asthme est variable d’un enfant à l’autre et dans le temps
pour un même patient. Le traitement de fond est axé sur l’évaluation régulière du contrôle.
L’objectif du contrôle total est accessible chez une large majorité d’enfants, avec une pression
thérapeutique légère à modérée. Pour cela, il faut insister sur la nécessaire continuité de la
prise en charge, médecin spécialiste, pédiatre, généraliste. Dans l’avenir, une meilleure
connaissance et définition des phénotypes de l’asthme permettra encore d’avancer dans la
stratégie de traitement, voire dans la prévention.
AUTEURS :
Antoine Deschildre, Céline Delvart, Clarisse Santos, Caroline umerelle.
Unité de pneumologie- allergologie pédiatrique, Pôle de pédiatrie, Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille,
59037 Lille cedex
AUTEUR CORRESPONDANT :
Antoine Deschildre : [email protected]
RÉFÉRENCES
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32
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Tableau I : Niveaux de contrôle – GINA [1] et GRAPP [4]
Bon contrôle
Contrôle partiel
Tous les items
sont valides
Au moins un item
présent n’importe
quelle semaine
Tous les items
sont valides
≤ 2/semaine
> 2/semaine
Aucun
Limitation des
activités
Aucune
Oui
Symptômes
nocturnes
Aucun
Oui
Utilisation
bêta-2
de secours
≤ 2/semaine
> 2/semaine
Aucun
(sauf prévention
de l’asthme d’effort)
Normal
< 80 % de
la valeur prédite
ou de la meilleure
valeur personnelle
EFR Normales
(y compris débits distaux)
Symptômes
diurnes
VEMS/DEP
Non contrôle
Contrôle total [4]
≥ 3 items
du contrôle partiel
présents
n’importe quelle
semaine
Aucune
Aucun
Tableau II : Doses journalières faibles, moyennes et fortes de CSI chez l’enfant, en µg/j
Béclométasone
*
Doses « faibles »
Doses « moyennes »
Doses « élevées »
250
500
> 500
Budésonide
200
400
> 400
Fluticasone**
100
200-250
> 250
* Doses à diviser par deux pour les spécialités QVAR® et NEXXAIR®.
** Sans dépasser la dose maximale de 400 µg/j
33
L’IMMUNOTHERAPIE SPECIFIQUE :
LE PRESENT ET LE FUTUR
par
N. PHAM THI
L’immunothérapie spécifique aux allergènes (ITS) fête son centenaire cette année [1] :
après plus d’un siècle (1911) d’utilisation [2], elle est largement reconnue et récemment par
l'OMS en 1998. Elle a fait ses preuves de son efficacité au travers de méta-analyses positives
pour traiter la rhinite et l’asthme allergique. L’immunothérapie prend une place importante
dans l'arsenal thérapeutique des patients atopiques : elle est le seul traitement qui permet de
guérir les allergies de type I en traitant la cause même de la maladie et aussi capable de modifier
l’histoire naturelle de la marche allergique et de manière plus large, grâce notamment au
développement récent des formes sublinguales (ITSL) bien tolérées accompagnées de nombreux travaux démontrant les bases immunologiques de son efficacité [3]. L’immunothérapie
par voie sous-cutanée (ITSC) est considérée comme le traitement de référence des allergies
respiratoires, dans l'asthme et la rhinite (causées par les pollens d’arbres ou de graminées et
les acariens de poussière de maison, les moisissures et les phanères d'animaux) et des réactions
anaphylactiques aux venins d’hyménoptères [4,5,6]. Elle a même été utilisée avec succès dans
certaines formes d'eczéma avec sensibilisation aux acariens [7]. L’immunothérapie spécifique
vise à maîtriser le système immunitaire en donnant des doses croissantes d’allergènes afin
d’induire une tolérance spécifique à long terme. La voie sublinguale connaît un développement rapide avec l’introduction, depuis une quinzaine d’années, de vaccins basés sur des
extraits allergéniques sous forme liquide ou de comprimés [2].
EFFICACITE PROUVÉE AVEC UNE EXCELLENTE TOLERANCE
CHEZ L’ENFANT
Une méta-analyse récente portant sur 22 études cliniques évaluant l’ITSL sur 979
patients présentant une rhinite allergique aux acariens ou aux pollens (graminées, pariétaire,
olivier, cyprès, ambroisie) ainsi que d’autres études ont permis de conclure que : cette voie
est très bien tolérée (avec plus de 500 millions de doses administrées à l’homme à ce jour sans
choc anaphylactique) ; elle est efficace et bien tolérée dans le traitement de la rhinite et
de l’asthme allergiques chez l’adulte et l’enfant [4,5,6]. Une autre méta-analyse concernant
l’immunothérapie a démontré l‘apport de la voie sublinguale dans les pathologies respiratoires
de l’enfant. Elle a rassemblé 9 études avec 441 enfants âgés de 3 à 8 ans et montre un effet
significatif sur les symptômes (SMD : 1,14 [2,10, 0,18]) et sur l’usage médicamenteux (1,23
[2,83, 0,44]) dans l’asthme (considéré seul ou en combinaison avec les manifestations rhino-
34
N. PHAM THI
conjonctivales) et retrouve un renforcement de l’effet lorsque le traitement est prolongé à
plus de 18 mois [8]. L’ITSL (durant 18 mois) a montré des résultats positifs sur l’eczéma de
sévérité moyenne d’enfants âgés de 5 à 10 ans sensibilisés aux acariens en diminuant la sévérité
et la consommation de dermocorticoïdes [7].
EFFICACITÉ PERSISTANTE REMANENTE
L’immunothérapie spécifique par voie sous-cutanée est bien connue pour garder son
efficacité longtemps après qu’elle ait été arrêtée et elle est la seule qui peut modifier l’histoire
naturelle des maladies allergiques [9,10]. Ceci a été démontré dans plusieurs études incluant
4 protocoles contrôlés randomisés en double-insu. Ces études montrent qu’après une ITS
poursuivie pendant 3 ans, le bénéfice clinique est encore notable 3 à 4 ans après l’arrêt du
traitement, avec un effet sur la réactivité cutanée persistant jusqu’à 8 à 10 ans plus tard. Un
maintien prolongé du bénéfice clinique a été suggéré, jusqu’à 12 ans après la fin du traitement,
bien qu’il semble que l’amplitude du bénéfice s’estompe progressivement. Il n’y a pas d’étude
randomisée à long terme sur l'ITSL. L’étude ouverte de Di Rienzo et al. a montré un bénéfice
sur la fonction respiratoire (débit de pointe) 5 ans après l’arrêt du traitement mené pendant
4 à 5 ans chez des enfants avec un asthme allergique aux acariens [11]. Une étude rétrospective
a montré un effet favorable sur les symptômes asthmatiques jusqu’à 7 à 8 ans après la fin du
traitement, lorsque l'ITSL a duré 4 ans, en l’absence d’effet net sur l’HRB à la méthacholine.
EFFET PREVENTIF DE L’IMMUNOTHERAPIE
Durant la marche atopique un enfant d’abord monosensibilisé (notamment aux acariens)
va probablement devenir polysensibilisé avec l’âge. Cette évolution spontanée pourrait être
prévenue par l’immunothérapie spécifique en divisant ce risque par 2 durant au moins une
dizaine d’années [9,12]. Dans une étude, l’immunothérapie spécifique aux pollens de graminées
a été prescrite pendant 3 ans pour 13 enfants et 10 patients du groupe témoin ont été suivis
prospectivement. Pendant la période d’observation, les scores globaux de pollinose, de signes
oculaires, nasaux et bronchiques ainsi que les scores symptômes sont restés inférieurs dans le
groupe ayant bénéficié de l’immunothérapie spécifique : une minorité (23 %) des patients
qui avaient un asthme induit par les pollens avec l’immunothérapie spécifique ont une symptomatologie respiratoire contre 70 % dans le groupe témoin (p < 0,05) ; puis 8 ans après le
début de l’immunothérapie spécifique, 61 % des enfants initialement monosensibilisés aux
pollens avaient développé une nouvelle sensibilisation à des allergènes per annuels comparés
à 100 % du groupe témoin (p < 0,05). Cette étude a confirmé que l’immunothérapie spécifique
des enfants allergiques aux pollens diminue la survenue de nouvelles sensibilisations et a donc
la possibilité de modifier l’histoire naturelle de la maladie allergique [13].
L’étude Preventive Allergy Treatment (PAT) a voulu montrer que l’immunothérapie
spécifique bloque le développement de l’asthme auprès d'enfants âgés de 7 à 13 ans. Il s’agit
d’une étude multicentrique conduite en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Allemagne
et en Suède chez 205 enfants âgés de 6 à 14 ans. Après 3 ans d’immunothérapie spécifique,
l’étude montre que le nombre d’enfants qui deviennent asthmatiques est statistiquement
inférieur à celui du groupe placebo. Avant traitement, 20 % des enfants avaient un asthme
symptomatique durant les saisons polliniques. Chez les enfants initialement non asthmatiques,
L’IMMUNOTHERAPIE SPECIFIQUE : LE PRESENT ET LE FUTUR
35
ceux qui avaient reçu le traitement actif avaient significativement moins de symptômes
cliniques d’asthme au bout de 10 ans (odds ratio à 2,5 ; (1,1-5,9)], p < 0,05). Dans le groupe
actif, la réactivité bronchique à la métacholine a significativement diminué (p < 0,05). L'odds
ratio pour l'absence d'apparition d'asthme était de 4,6 [95 % CI (1,5-13,7)] en faveur de
l'immunothérapie [14,15]. Des résultats similaires ont été retrouvés avec l'ITSL [16] et une
étude multicentrique est en cours pour les enfants avec une rhinite pollinique.
IMMUNOTHERAPIE CONTRE L’ALLERGIE AUX PHANERES D’ANIMAUX
Les études randomisées sur l’ITS aux phanères de chat par voie sous-cutanée semblent
montrer des résultats plutôt positifs sur des paramètres cliniques objectifs et contre placebo,
chez les patients asthmatiques ou ayant une rhinite allergique aux phanères de chat, mal
contrôlés par l’éviction et le traitement symptomatique. Les effets bénéfiques se maintiennent
à long terme (2 à 3 ans après le début du traitement mais également 5 ans après l’arrêt du
traitement). Celle-ci devrait donc être réservée au traitement d’asthme mal contrôlé par le
traitement de fond bien conduit et lorsque l’éviction de l’animal est impossible chez des sujets
pour qui l'allergène est pertinent [2,3].
EN PRATIQUE
L'indication de l'immunothérapie spécifique dans les allergies respiratoires de l'enfant
doit prendre en considération la sévérité de la maladie, les risques des traitements médicamenteux, du nombre et le type de sensibilisations allergéniques, du rô1e des allergènes dans
les symptômes, de l'attitude et de la motivation de l'enfant et de sa famille vis-à-vis de l'adhésion
à un traitement de longue durée (de 3 à 5 ans). I1 s'agirait d’une rhinite allergique ou d’un
asthme contrôlé, nécessitant éventuellement un traitement de fond continu, secondaire
un allergène perannuel (comme les acariens) ou durable et invalidant (tel que les pollens de
graminées). Dans cette indication une réduction des traitements médicamenteux est un
des objectifs. A l'heure actuelle l'immunothérapie spécifique est plutôt envisagée comme un
traitement symptomatique et préventif de l'allergie respiratoire, au même titre que le contrôle
de l'environnement [4,5].
Par ailleurs, il a été montré que l’apparente simple rhinite allergique avait des conséquences
non négligeables chez l’enfant [19] :
- Augmentation des crises et exacerbations de l’asthme,
- Hypersensibilité aux infections virales, notamment pour les allergiques aux acariens,
- Altération de la ventilation (obstruction nasale, ventilation buccale et par voie de conséquence
altération des activités quotidiennes, du sommeil, complications bucco-dentaires),
- Altération du sommeil, troubles de l’attention dans la journée, baisse des performances
scolaires,
- Troubles des relations sociales et de l’estime de soi (aspect fatigué, cernes, rhinorrhée
permanente, éternuements en salve, respiration buccale).
Une étude anglaise a montré pour des adolescents atteints de rhinite saisonnière une
diminution des chances de réussite à leur équivalent du baccalauréat à cause de leur maladie
[20]. L’immunothérapie doit être prescrite par un praticien compétent en allergologie après
une enquête précise de l’environnement immédiat permanent et occasionnel, la réalisation
36
N. PHAM THI
de tests cutanés en Prick, complétés éventuellement par un bilan sanguin. Il faudra veiller
aux contre-indications et aux précautions concernant les allergies croisées notamment
alimentaires. Le traitement nécessite une surveillance, une adaptation des doses et des concentrations
ainsi qu’un bon contrôle de la maladie de fond [3].
MECANISMES DE L’IMMUNOTHERAPIE
La réponse immunitaire chez le patient atopique est caractérisée par une production
élevée de cytokines de type 2 (IL-4, IL-5 et IL-13) par les lymphocytes T CD4+ spécifiques
de l’allergène. Ce profil cytokinique a pour conséquence une production d’IgE spécifiques
lymphocytaire B, ainsi que le recrutement et l’activation de mastocytes, basophiles et éosinophiles
libérant des médiateurs de l’inflammation (histamine, tryptase, prostaglandines, leucotriènes,
etc.) au niveau des organes cibles. Le paradigme central de l’ITS a été longtemps de rediriger
les réponses lymphocytaires 2 vers une réponse 1. L’induction de lymphocytes T
régulateurs (T reg) spécifiques de l’allergène capables d’inhiber de concert les réponses 1
et 2 représente aujourd’hui une hypothèse privilégiée dans la conception de nouveaux traitements immunothérapeutiques [2,21]. L’immunothérapie agit à la fois sur les mécanismes
humoraux et cellulaires du système immunitaire : elle induit la production d’IgG4 spécifiques
de l’allergène avec un impact plus limité sur la production des IgE. Cette baisse du ratio
IgE/IgG4 a pu être corrélée à l’efficacité clinique de l’immunothérapie. Plusieurs études
d’ITSL chez des sujets allergiques au pollen de graminées ou aux acariens ont montré une
induction d’IgA sériques. Ces IgG et IgA sont susceptibles d’inhiber la réaction inflammatoire
en entrant en compétition avec les IgE vis-à-vis de l’allergène, prévenant ainsi la dégranulation
mastocytaire ou la présentation antigénique aux lymphocytes T facilitée par les IgE. Ils peuvent
également agir comme des anticorps bloquants en traduisant des signaux inhibiteurs de
l’activation des mastocytes et basophiles. Au cours de l’ITSL, on observe également une
diminution du recrutement des cellules pro-inflammatoires (basophiles et éosinophiles) au
niveau des muqueuses respiratoire, oculaire et de la peau, ainsi qu’une inhibition de leur
activation, et une réduction significative des médiateurs pro-inflammatoires [2,3,16].
PERSPECTIVES ET AVENIR
Actuellement les protocoles actuels concernant la désensibilisation dans l’allergie alimentaire
sont en passe de se généraliser. L'efficacité d'une immunothérapie spécifique repose sur des
indications bien posées mais dépend également de la qualité des produits allergéniques.
Cependant une allergénicité forte augmente le risque de réactions anaphylactiques sévères,
ce qui explique des réticences à la pratique de l'immunothérapie spécifique chez l'enfant. Les
manipulations génétiques (mutagenèse dirigée) des gènes codant pour les allergènes et/ou
l'utilisation de protéines purifiées (peptides recombinants) vont permettre de remplir ces
2 exigences : pureté et stabilité des allergènes ainsi qu’une diminution du risque anaphylactique.
L’adjonction aux allergènes d’immunostimulants de l’immunité innée (voies Toll like récepteurs
9 ou 4), d’adjuvants (par exemple des motifs CpG), voire l’ajout d’anticorps monoclonaux sont
des voies d’avenir pour augmenter l’efficacité des immunothérapies. De nouvelles voies d’administration sont en cours de développement et de validation : épicutanée ou intralymphatique [17].
L’IMMUNOTHERAPIE SPECIFIQUE : LE PRESENT ET LE FUTUR
37
CONCLUSION
L’immunothérapie spécifique fait partie de la palette thérapeutique chez l’enfant allergique
comme traitements symptomatique, étiologique et préventif. La meilleure acceptation
pédiatrique est passée par la proposition de la forme sublinguale. Elle concerne pour l’instant
essentiellement les allergènes des voies respiratoires (rhinite et asthme), des venins d’hyménoptères ;
mais elle va envahir le champ des allergies alimentaires voire cutanées. L'avenir de l'immunothérapie
spécifique chez l'enfant sera de la concevoir comme un traitement préventif de l'allergie
comme une vaccination avec peut-être des extraits allergéniques modifiés, introduits au début,
voire avant la mise en marche d’une histoire atopique chez des nourrissons à risque.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Nhân PHAM THI
Pneumo Allergo Pédiatrie, CNRS U8147 Immunologie , Faculté René Descartes Paris 5 ,
Necker Enfants Malades Paris
Email : [email protected]
RÉFÉRENCES
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39
PRISE EN CHARGE D’UN ASTHME DIFFICILE
par
J. DE BLIC
INTRODUCTION
L’asthme sévère ou difficile est peu fréquent, on estime que sa fréquence est d’environ
5 % des enfants asthmatiques. Il induit cependant une morbidité importante en termes de
recours aux soins et d’hospitalisations. Sa prise en charge doit être globale, prenant en compte
l’ensemble des facteurs aggravants, les comorbidités, l’environnement, le contexte familial.
DÉFINITION
Les premières définitions de l’asthme sévère ont été proposées par un groupe de travail de l’American
oracic Society et de l’European Respiratory Society [1] et concernait essentiellement l’adulte. Il
associe au moins un critère majeur (nécessité de doses élevées de corticoïdes inhalés ( ≥ 800 µg/j
d'équivalent béclométhasone), ou corticothérapie systémique), et au moins deux des critères mineurs
suivants : traitement au long cours par bronchodilatateur de longue durée d’action (BDLA),
théophylline, ou anti-leucotriène, symptômes d’asthme nécessitant la prise quasi quotidienne de
bronchodilatateur de courte durée d’action, obstruction bronchique persistante avec VEMS < 80 %
de la valeur théorique, variations nycthémérales de DEP > 20 %, au moins un recours aux soins en
urgence dans l’année précédente, au moins 3 exacerbations nécessitant une corticothérapie orale
dans l’année précédente, un antécédent d’asthme aigu grave.
Plus récemment le Problematic Severe Asthma in Childhood Initiative Group a proposé des
critères plus spécifiquement pédiatriques. Les critères d’asthme sévère associent la nécessité d’un
traitement quotidien par une association de corticoïdes inhalés (au moins 800 mcg/j équivalent
BUD) et d’un BDLA ou d’un anti-leucotriène ET soit la persistance de symptômes (symptômes
au moins 3 fois par semaine depuis au moins 3 mois ou exacerbations dans l’année précédente avec
au moins une admission en USI au moins 2 hospitalisations pour asthme aigu grave, au moins
2 cures de corticoïdes per os) soit la persistance d’un syndrome obstructif avec Z score post
BD < -1,96 [2].
L’asthme sévère représente donc un groupe hétérogène de situations et plusieurs phénotypes
peuvent être retrouvés [3] :
- Persistance de symptômes pluri hebdomadaires ou exacerbations fréquentes chez un
enfant dont les fonctions respiratoires restent normales ;
- Persistance des symptômes associée à un syndrome obstructif intercritique fixé, non
réversible après un test aux corticoïdes ;
40
J. DE BLIC
- Présence d’un syndrome obstructif intercritique fixé chez un enfant peu ou pas symptomatique.
Cette définition implique également trois notions : l'absence d'autre diagnostic, une prise
en charge correcte des facteurs précipitants, une bonne adhérence au traitement.
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ASTHME SEVERE
La diversité des profils cliniques et fonctionnels respiratoires de l’asthme sévère rend difficile
l’approche physiopathogénique et différents mécanismes sont susceptibles d’intervenir.
S. Wenzel distingue les patients selon le type de cellules prédominant avec un phénotype
« éosinophilique » et un phénotype « neutrophilique » [4]. Dans le groupe présentant une
éosinophilie bronchique, l’épaississement de la membrane basale était plus important,
les crises d’asthme suraigu plus fréquentes, l’obstruction périphérique plus intense. Le
« phénotype neutrophilique » se caractérise par une augmentation des neutrophiles dans
l’expectoration induite, le LBA ou les biopsies. La corticothérapie prolonge la survie du
polynucléaire neutrophile par inhibition de l’apoptose ce qui pourrait expliquer chez certains
patients la moindre efficacité des corticoïdes. Il existe par ailleurs un phénotype « paucicellulaire »
caractérisé par l’absence de cellules inflammatoires et dont la pathogénie pourrait faire
intervenir des anomalies structurales fixées ou une inflammation distale prédominante non
accessible aux études bronchoscopiques. Il n’est pas certain que ces phénotypes puissent être
totalement transposés à l’enfant mais l’importance des phénomènes inflammatoires et du
remodelage des voies aériennes interviendra certainement à l’avenir dans la prise en charge
de l’asthme difficile de l’enfant au même titre que les caractéristiques cliniques et fonctionnelles
respiratoires.
En dehors des processus inflammatoires différents facteurs de risques d’asthme sévère
sont susceptibles d’intervenir : le polymorphisme génétique, des phénomènes de corticorésistance, des phénomènes de remodelage précoces, l’importance de l’hyper réactivité bronchique
non spécifique.
EXPLORATIONS DE L’ASTHME SEVERE CHEZ L’ENFANT
L’exploration de l’asthme difficile comprend 3 temps essentiels : éliminer les faux asthmes
sévères, rechercher les facteurs aggravants, évaluer les phénomènes inflammatoires et le
remodelage des voies aériennes.
Eliminer les faux asthmes sévères
Les principaux diagnostics différentiels doivent être éliminés (Tableau). Cependant les
défauts de traitement, de compliance et/ou d’éducation à la maladie constituent certainement
les problèmes les plus fréquents.
PRISE EN CHARGE D’UN ASTHME DIFFICILE
41
Rechercher un facteur aggravant méconnu et/ou non traité
Les principaux facteurs aggravants à rechercher sont représentés par le reflux gastro-œsophagien,
les pathologies de la sphère ORL, la persistance d’expositions allergéniques, l’existence d’allergènes
alimentaires « masqués », le tabagisme passif mais aussi actif chez les plus grands [5].
Evaluer les phénomènes inflammatoires et/ou de remodelage des voies aériennes
Cette évaluation, récente, représente certainement l’aspect le plus novateur de la prise en
charge de l’asthme difficile. Elle fait appel à des méthodes directes invasives, lavage bronchoalvéolaire et biopsies bronchiques ou des méthodes indirectes, non invasives : mesure du NO
exhalé, expectoration induite, condensat exhalé, tomodensitométrie (TDM) thoracique.
L’évaluation directe repose sur l’analyse du LBA et surtout des biopsies endobronchiques
qui sont réalisées au cours de l’endoscopie. Les principaux résultats des biopsies montrent
que les phénomènes inflammatoires (augmentation de nombre de polynucléaires éosinophiles
et neutrophiles intra-épithéliaux, augmentation du nombre de mastocytes sous-muqueux
et au sein des muscles lisses) sont corrélés aux symptômes [6,7] tandis que, hormis l’épaississement de la membrane basale, les anomalies structurales de remodelage c’est-à-dire l’hypertrophie/hyperplasie du muscle lisse, l’hyperplasie myofibroblastique, l’hypertrophie des
glandes à mucus, l’angiogénèse, sont plus corrélées au degré d’obstruction bronchique [8].
Différentes techniques sont en cours d’évaluation indirecte : corrélation entre le NO
expiré et inflammation/remodelage, mesure de différents marqueurs dans l’expectoration
induite (limitée chez l’enfant par la lourdeur technique) ou le condensât exhalé (en cours de
standardisation), évaluation des remaniements structuraux associés à l’asthme par tomodensitométrie [9,10].
PRISE EN CHARGE
L’asthme sévère nécessite dans un premier temps une prise en charge éducative spécifique
(autosurveillance du DEP au domicile, plan d’action des crises, coordination entre la famille,
le médecin traitant, le pédiatre…), le traitement approprié des facteurs aggravants et l’optimisation
des thérapeutiques médicamenteuses. Celles-ci reposent jusqu’à présent sur l’association de doses
élevées de corticoïdes inhalés (800 à 1000 mcg/j d’équivalent budésonide) et de BDLA
[11-13]. Cette prise en charge optimisée permet le contrôle de la plupart des asthmes supposés
difficiles.
Certains enfants restent cependant symptomatiques ou conservent une obstruction bronchique intercritique et représentent les vrais asthmes sévères, difficiles ou réfractaires [14].
S’il est tentant d’augmenter la posologie journalière de corticoïdes inhalés, le risque potentiel
d’effets secondaires peut alors devenir supérieur aux bénéfices espérés. C’est dans cette logique
qu’il est désormais proposé un test aux corticoïdes (2 mg/kg/j pendant 7 à 10 jours). Un test
positif (contrôle des symptômes, amélioration du VEMS ≥ 15 %) incitera à renforcer,
au moins temporairement, le traitement anti-inflammatoire et bronchodilatateur. Un test
négatif, persistance des symptômes cliniques ou non réponse fonctionnelle respiratoire,
incitera à une évaluation plus complète en milieu spécialisé. L’identification de sous-groupes
basés sur les données histopathologiques pourrait ainsi avoir des implications thérapeutiques.
Par exemple l’absence d’infiltration éosinophilique ou neutrophilique associée à la présence
42
J. DE BLIC
de signes important de remodelage inciterait à alléger la pression en corticoïdes inhalés tandis
qu’une infiltration inflammatoire importante en éosinophiles inciterait à renforcer au moins
temporairement la pression corticoïdes. Cependant, trop peu d’études prospectives ont été
réalisées jusqu’à présent pour valider cette distinction et compte tenu de la diversité et
l’intrication des phénomènes inflammatoires en jeu, il est plus que probable que derrière cette
classification simple il existe des phénotypes bien différents.
Les indications des traitements alternatifs visant à réduire ou épargner les stéroïdes oraux,
qu’il s’agisse des immunoglobulines intraveineuses ou de la ciclosporine n’ont jamais fait
l’objet d’études en double aveugle avec effectif suffisant ou sont restés négatives. La meilleure
compréhension des mécanismes impliqués dans la physiopathogénie de l’asthme a permis le
développement de nouvelles molécules. Parmi celles-ci les anti IgE ont permis chez l’enfant
ayant un asthme persistant modéré à sévère une épargne en corticoïdes inhalés ainsi qu’une
réduction du nombre des exacerbations [15-18]. D’autres molécules telles que les inhibiteurs
de la phosphodiestérase, les anti-IL-4 et les antagonistes des chimiokines ou les inhibiteurs
de kinase trouveront peut être leur place dans l’arsenal thérapeutique de ces asthmes sévères [19].
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
J. DE BLIC
Professeur des Universités - Praticien Hospitalier
Service de Pneumologie et d’Allergologie Pédiatriques.
Centre de référence des maladies respiratoires rares
Hôpital des Enfants Malades. Paris
E-mail : [email protected]
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Tableau : diagnostic différentiel de l’asthme de l’enfant et du nourrisson
- Obstruction proximale
- corps étranger
- sténose trachéale ou bronchique
- malformation broncho-pulmonaire
- tumeurs bénignes ou malignes
- anomalies des arcs aortiques, artère pulmonaire gauche anormale
- trachéo/bronchomalacie
- Obstruction distale
- Mucoviscidose
- Bronchodysplasie pulmonaire
- Dyskinésie ciliaire primitive
- Séquelles de pneumopathie virale
- Pathologie d’inhalation
- Fistule œso-trachéale
- Fausses routes
- Reflux gastro-œsophagien
- Dilatation des bronches
- Déficit immunitaires (humoral essentiellement)
- Pathologie interstitielle chronique (nourrisson surtout)
- Poumon éosinophile
- Cardiopathie congénitale avec shunt gauche droit
- Insuffisance cardiaque
- Déficit en alpha1 antitrypsine
- Dyskinésie des cordes vocales (adolescent essentiellement)
- Syndrome d’hyperventilation
44
45
­
TABLE RONDE 2
Cytopénies Autoimmunes
Organisateur : G. LEVERGER
46
47
PRISE EN CHARGE DU PTI AIGU DE L’ENFANT
par
T. LEBLANC, N. ALADJIDI, G. LEVERGER
Le purpura thrombopénique immunologique (PTI) aigu est, dans sa forme typique, un
syndrome hémorragique clinique d’apparition brutale, lié à une thrombopénie qu’on estime
classiquement secondaire à la destruction dans la rate de plaquettes sensibilisées par des autoanticorps. Depuis la conférence de consensus internationale de 2009 [1], le qualificatif aigu
s’applique à des PTI dont l’évolution est inférieure à 3 mois.
C’est une affection relativement rare : une revue récente des différentes études épidémiologiques disponibles indique une incidence annuelle chez l’enfant comprise entre 1,9 et 6,4
pour 100 000 [2] ; en France l’estimation du nombre de nouveaux cas pédiatriques faite par
le centre de référence des cytopénies auto-immunes de l’enfant (CEREVANCE) est de 400
à 600 par an.
Le PTI aigu (PTIA) reste fondamentalement une affection bénigne et le plus souvent
d’évolution simple. Le risque principal est l’erreur diagnostique, ce diagnostic étant souvent
porté par excès devant toute thrombopénie de l’enfant (cf. Table 1). La prise en charge devra
privilégier autant que possible l’abstention thérapeutique et la qualité de vie de l’enfant et de
sa famille.
DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
Clinique
La démarche clinique repose en pratique sur l’interrogatoire et sur l’examen physique.
L’interrogatoire doit exclure tout contexte personnel ou familial pouvant comporter une thrombopénie, confirmer le caractère strictement isolé de la thrombopénie, et surtout affirmer son
caractère aigu. Pour cela il faut systématiquement récupérer d’éventuels hémogrammes antérieurs
et rechercher un antécédent (ATCD) de « chalenge hémorragique » (circoncision, adénoïdectomie,
amygdalectomie, extraction dentaire, intervention chirurgicale,…). L’examen clinique doit être
normal en dehors des différents éléments du syndrome hémorragique ; en particulier il ne doit
pas retrouver de splénomégalie. L’évaluation du syndrome hémorragique et des facteurs de risque
associés aux hémorragies intracrâniennes (HiC) doit être rigoureuse (Table 2). Dans une étude
récente, un ATCD récent de traumatisme crânien ou une hématurie étaient présents chez 33 %
et 22 % des enfants atteints de PTIC ayant fait une HiC alors qu’on ne les retrouvait respectivement
que chez 1 et aucun des enfants n’ayant pas saigné : p < 0,001 [3]. Le score hémorragique [4]
doit être quantifié (Table 2) ; il guidera les indications thérapeutiques.
48
T. LEBLANC, N. ALADJIDI, G. LEVERGER
Examens complémentaires
Aucun examen ne permet d’affirmer qu’une thrombopénie est due à un PTIA. Les examens
complémentaires pouvant aider au diagnostic ont été listés par la Société d’Hématologie et
d’Immunologie Pédiatrique (SHIP) et sont disponibles sur le site de la Société Française de
pédiatrie (SFP) et ont également été discutés dans le cadre de consensus internationaux [6].
Ils comportent :
L’hémogramme
Seul examen indispensable, son analyse doit être systématique : la thrombopénie est isolée
sans atteinte des autres lignées (pas d’anémie ni de macrocytose, pas d’anomalie de nombre
ou de répartition des leucocytes). La présence d’agrégats, de même qu’une dissociation entre
le degré de thrombopénie et la clinique, devra faire rechercher une thrombopénie à l’EDTA.
La réticulocytose sera systématiquement quantifiée. L’analyse du frottis sanguin exclura la
présence d’anomalies de la taille ou de la morphologie des plaquettes évocatrices d’une thrombopénie constitutionnelle (en sachant que les plaquettes peuvent être de grande taille dans le
PTI) ; les thrombopénies constitutionnelles sont ici un piège diagnostique classique [5] et
doivent être repérées par l’analyse cytologique et du volume plaquettaire moyen (VPM). On
analysera aussi les autres lignées en recherchant en particulier des schizocytes (dont la présence
évoquerait un syndrome hémolytique et urémique ou une microangiopathie thrombotique
à présentation hématologique), des sphérocytes (qui dans ce contexte feront évoquer une
anémie hémolytique auto-immune) ou des pseudo-corps de Döhle (inclusions dans le cytoplasme
des polynucléaires caractéristiques des thrombopénies du syndrome MYH9).
Le myélogramme
Il confirme la nature périphérique de la thrombopénie en objectivant la présence de
mégacaryocytes en nombre normal ou augmenté ; il n’affirme pas pour autant qu’il s’agit
bien d’un PTI. Un myélogramme montrant des mégacaryocytes en quantité normale peut
notamment se voir dans certaines thrombopénies constitutionnelles en particulier la thrombopénie
liée à l’X.
La pratique systématique du myélogramme chez un enfant atteint de PTIA a fait l’objet
de nombreuses controverses et pendant longtemps, les recommandations étaient de faire un
myélogramme avant toute corticothérapie afin de ne pas traiter de façon inadaptée une leucémie
aiguë (LA) lymphoblastique.
Ce risque apparaît néanmoins rare. Une étude portant sur 484 myélogrammes analyse le
résultat de celui-ci en fonction du caractère typique ou non du PTIA : était qualifié de typique
un PTIA survenant chez un enfant de plus de 6 mois, avec une numération plaquettaire
inférieure à 50 000/mm3 alors que les autres lignées étaient normales (hémoglobine supérieure
à 10 ou 11 g/dL, et polynucléaires neutrophiles supérieurs à 1500 ou 2000/mm3 selon l’âge).
En cas de tableau typique (n = 332), le myélogramme était compatible avec le diagnostic de
PTI dans 324 cas, non analysable pour des raisons techniques dans 7 cas et en faveur du diagnostic
d’aplasie médullaire (AM) dans 1 cas ; si le tableau était dit atypique (n = 147), le myélogramme
était compatible avec un PTI dans 135 cas, en faveur d’une AM dans 7 cas ou d’une LA dans
3 cas, non analysable pour des raisons techniques dans 6 cas, et en faveur d’un autre diagnostic
dans 1 cas. Les 8 enfants chez qui le diagnostic final était celui d’une AM avaient au moins 2
cytopénies et les 3 enfants atteints de LA avaient rétrospectivement une présentation clinique
qui aurait du exclure le diagnostic de PTIA [10]. Cette étude, rassurante, confirme la
PRISE EN CHARGE DU PTI AIGU DE L’ENFANT
49
normalité quasi systématique du myélogramme chez un enfant suspect de PTIA qui a correctement
été analysé sur le plan sémiologique.
Aujourd’hui il est admis que le myélogramme peut ne pas être effectué, quel que le soit
le traitement entrepris, à condition qu’il s’agisse d’une forme typique de PTIA, que le frottis
sanguin ait pu être analysé par un cytologiste, et que cette décision, prise par un médecin
senior, soit argumentée dans le dossier clinique. Il reste en revanche indiqué au moindre doute
clinique, s’il existe une atteinte d’au moins 2 lignées (ou une macrocytose) et, secondairement,
en cas d’atypies lors de l’évolution.
La recherche d’hématurie à la bandelette
Elle doit être systématique compte tenu de la valeur pronostique établie d’une hématurie.
Le fond d’œil
A la recherche d’hémorragies rétiniennes.
Autres examens pouvant être pratiqués :
Recherche d’auto-anticorps anti-plaquettes : la quantification des immunoglobulines
associées aux plaquettes (test de Dixon ou Coombs plaquettaire) n’a pas d’intérêt clinique.
Cette technique est sensible mais très peu spécifique et devrait être abandonnée. Il faut lui
préférer la recherche d’anticorps anti-plaquettes par test MAIPA [8], test qui a une bonne
spécificité mais en revanche une sensibilité de seulement 40 % environ. Cet examen, à faire
pratiquer dans un laboratoire de référence, est à réserver à des formes atypiques ou secondaires.
Selon le contexte :
- Dosage pondéral des immunoglobulines (avant toute prescription d’IGIV),
- Bilan d’auto-immunité (FAN, test de Coombs, recherche d’antiphospholipides) si
contexte clinique, si l’enfant a plus de 8 ans ou en cas d’évolution chronique,
- Sérologie du VIH et des VHB et VHC si arguments en faveur,
- Examens d’imagerie : si syndrome hémorragique sévère et en fonction des signes d’appel,
- Enfin, pour le diagnostic différentiel : bilan d’hémostase (éliminer une CIVD voire une
activation macrophagique), ionogramme et recherche de schizocytes.
Est parfaitement inutile en revanche la pratique d’une « batterie » de sérologies virales
non spécifiques ; conserver une sérothèque avant toute prescription d’IGIV est en revanche
de bonne pratique.
OBJECTIFS THERAPEUTIQUES ET TRAITEMENTS
L’objectif thérapeutique est de limiter le risque d’hémorragie sévère, en particulier
intracrânienne (risque estimé chez l’enfant entre 0,1 et 0,5 %), et non de normaliser la NFS.
Ceci incite à ne traiter que les patients les plus symptomatiques. Cette attitude est d’autant
plus justifiée qu’à ce jour aucun traitement n’a démontré sa capacité à modifier l’histoire
naturelle du PTIA.
50
T. LEBLANC, N. ALADJIDI, G. LEVERGER
Information et éducation de l’enfant et de ses parents
Une information détaillée, délivrée lors d’un entretien initial qui devra être réalisé dans
de bonnes conditions et être suffisamment long, est indispensable pour rassurer l’enfant et
ses parents et faciliter la prise en charge ultérieure.
La délivrance d’une lettre d’information sur le PTIA aux parents et au médecin traitant
est à encourager, de même que celle d’un document d’information sur les mesures d’accompagnement. En particulier la contre-indication des salicylés devra être bien explicitée aux parents.
Ces documents sont disponibles sur le site de la SFP.
Choix de l’abstention thérapeutique
Il est parfaitement possible de s’abstenir de tout traitement en l’absence de syndrome
hémorragique sévère ou de facteurs de risque pour une HiC.
L’étude, monocentrique de Dickerhoff a démontré la possibilité d’une telle approche :
sur 55 enfants atteints de PTIA typiques, seuls 3 ont reçu un traitement (corticoïdes :
3 mg/kg/j pendant 3 jours) lors du diagnostic [10]. La mise en place de protocoles précis et
leur application systématique sur le terrain permettent d’augmenter le nombre d’enfants avec
PTIA qui bénéficie d’une abstention thérapeutique ; dans une étude danoise récente la proportion
d’enfants atteints de PTIA recevant un traitement par corticoïdes ou immunoglobulines par
voie intraveineuse (IGIV) est ainsi passé de 64 à 15 % sans qu’il y ait de variation dans la fréquence
du passage à la chronicité [11].
Les recommandations actuelles de la SHIP sont de retenir l’abstention thérapeutique
pour les enfants ayant à la fois un syndrome hémorragique limité (score de Buchanan < 3)
ET une numération plaquettaire supérieure à 10 000/mm3 ; il faut y ajouter l’absence
d’ATCD récent de traumatisme crânien.
Traitements de première ligne du PTIA
Ils sont indiqués chez les enfants les plus symptomatiques et, plus ponctuellement, en cas
de nécessité de geste hémorragique voire, dans une optique de qualité de vie, en « préventif »
lors d’un déplacement ou de la pratique ponctuelle d’une activité à risque (séjour au ski par
exemple).
Seuls 3 traitements sont validés pour les PTIA : les corticoïdes, les IGIV et les anti-D [6, 7].
Il n’y a pas de consensus pour privilégier les IGIV aux corticoïdes. Les rares essais randomisés
disponibles chez l’enfant ne montrent pas de différence significative entre les IGIV et les
corticoïdes si ces derniers sont donnés à une posologie « forte » (4 mg/kg/j) [12].
En ce qui concerne les corticoïdes, le consensus actuel est ainsi de préférer des cures courtes
à forte posologie et il est actuellement consensuel de ne plus prescrire des corticothérapies
prolongées chez l’enfant atteint de PTIA.
En défaveur des IGIV, le fait qu’elles nécessitent une hospitalisation, sont parfois mal
tolérées, et sont d’un coût élevé. Les effets secondaires les plus gênants sur ce terrain sont les
céphalées et les méningites aseptiques ; la fréquence de ces dernières est estimée à 1 à 5 %
selon les études et elles ont été, de fait, décrites surtout chez les patients atteints de PTI. Elles
surviennent pendant ou juste après la perfusion et sont réversibles en 3 à 5 jours. Sont incriminés
les effets de cytokines pro-inflammatoires et de substances vaso-actives libérées sous l’effet
PRISE EN CHARGE DU PTI AIGU DE L’ENFANT
51
direct de la perfusion d’IGIV. Ces réactions posent ici le problème du diagnostic différentiel
avec une hémorragie intracrânienne. Les facteurs de risque incriminés sont les antécédents
migraineux (à rechercher systématiquement), la dose et la vitesse de perfusion, et le défaut
d’hydratation. Leur prévention repose ainsi sur la sélection des patients, une hydratation correcte
(qui doit être poursuivie au-delà de la perfusion) et une vitesse de perfusion pas trop rapide
[13].
Les anti-D, actives uniquement chez les patients exprimant l’antigène Rhésus D et
responsables d’une hémolyse systématique, sont peu prescrites en France pour des raisons de
disponibilité et la priorité donnée à la prévention de la maladie Rhésus.
Les schémas thérapeutiques que l’on peut proposer au diagnostic sont ainsi :
Pour les corticoïdes
A titre d’exemple, on peut indiquer plusieurs schémas :
- prednisone : 4 mg/kg/j en 2 prises (sans dépasser 180 mg) pendant 4 j avec arrêt brutal
(pas de décroissance),
- prednisone : 2 mg/kg/j en 1 prise (le matin) pendant 7 j,
- dexaméthasone (donnée plus souvent en 2ème ligne) : 20 mg/m²/j en 2 prises pendant 4 j.
L’association à un antisécrétoire gastrique est recommandée. Les mesures habituelles associées
à toute corticothérapie de l’enfant, seront à discuter selon l’évolution et le nombre de cures.
Pour les IGIV
Une perfusion de 0,8 à 1 g/kg en perfusion lente. La recommandation est de passer la
première dose totale sur 8 à 12 h voire plus lentement si on veut éviter les méningites aseptiques induites par les IGIV ; le contexte hospitalier permet ici de prendre son temps lors du
passage de la première dose, d’apprécier ainsi la tolérance de l’enfant, et d’éviter la gestion en
pleine nuit d’un syndrome méningé aigu. La pratique d’une deuxième dose ne doit pas être
systématique. Son indication, à J3, dépendra de la réponse clinique et hématologique à la première
cure. En cas de cures itératives, et si l’enfant a bien toléré jusque-là les IGIV, on peut en
revanche chercher à diminuer le temps de passage jusqu’aux vitesses maximales de perfusion
précisées pour chaque préparation d’IGIV comme ceci est fait lors des substitutions des
déficits immunitaires humoraux.
Pour les anti-D
Le schéma classique est de donner 25 μg/kg en IVL sur 30 mn 2 jours de suite. En cas de
traitement itératif, et si la première cure a été bien tolérée (absence d’hémolyse notable en
particulier), les cures suivantes peuvent être faites en 1 fois à la posologie de 40 à 50 μg/kg.
Une étude récente a comparé, de façon rétrospective et non randomisée, des plus fortes doses
d’anti-D (75 μg/kg) aux IGIV (1 g/kg) ; l’efficacité est comparable même si il y a plus d’effets
secondaires avec les anti-D, y compris 2 cas d’anémie sévère sur les 24 enfants traités [14].
La réponse au traitement a une valeur diagnostique si elle est franche (plaquettes >
100 000/mm3) et pour cette raison doit être bien évaluée au moins à la première cure en
demandant éventuellement une numération supplémentaire, 24 à 48 h après la fin de la
perfusion, sans garder pour cela l’enfant à l’hôpital.
En cas de nouvel épisode hémorragique et de la nécessité d’un traitement, le choix se fera
en fonction de l’efficacité et de la tolérance du traitement prescrit en première ligne. Il est
toujours possible d’alterner les deux types de traitement, ce qui permet de limiter les effets
secondaires propres à chacun d’entre eux, et d’améliorer la qualité de vie de l’enfant (moins
52
T. LEBLANC, N. ALADJIDI, G. LEVERGER
d’hospitalisations), mais il est indéniable que certains enfants répondent mieux à une modalité
qu’une autre.
A ces traitements de première ligne on peut ajouter des mesures associées :
Arrêt des règles chez une adolescente : il ne doit pas être systématique mais discuté en
fonction de l’abondance de celles-ci. Il faut prévenir l’adolescente et sa mère du risque de règles
abondantes. En pratique, compte tenu des très bonnes fonctions plaquettaires des plaquettes
du PTI, il est souvent possible de ne pas bloquer les règles.
Antifibrinolytiques : ils peuvent aider à contrôler un saignement muqueux ou prévenir
une hémorragie muqueuse (soins dentaires par exemple).
Prise en charge d’un syndrome hémorragique sévère
Les seules indications des transfusions de plaquettes sont les hémorragies graves menaçant
le pronostic vital. Dans une étude déjà ancienne mais qui n’a pas été répétée, les culots de
plaquettes ont démontré qu’ils pouvaient élever la numération plaquettaire de plus de
20 000/mm3 dans 42 % des cas [15]. Compte tenu du raccourcissement majeur de la durée
de vie des plaquettes transfusées le nombre d’unités plaquettaires à passer en 24 h est très
supérieur (2 à 3 fois) à ce que l’on prescrirait pour une thrombopénie centrale et doit être
discuté avec l’hémobiologiste en prenant en compte la sévérité du tableau clinique.
Dans ces situations d’urgence on associe en plus des corticoïdes, qui doivent être donnés
à fortes doses par voie intraveineuse, des IGIV (Table 3) [6,7].
La place des perfusions du facteur VII recombinant (Novoseven®) dans ce contexte est
discutée. Le facteur VII est actuellement prescrit dans les PTI sévères, en particulier dans les
pays de l’Est [16], où son accessibilité est supérieure à celle des concentrés plaquettaires, mais
les données publiées démontrant son efficacité sont rares et la conférence de consensus de
2010 considère que son emploi dans le PTI ne peut être justifié [6]. Les guidelines de l’ASH,
publiés en 2011, sont moins négatifs ; sont cités 18 cas publiés (15 succès, 3 décès) ce qui
conduit à considérer in fine que ce traitement peut être envisagé mais est à utiliser avec prudence en raison du risque de thrombose [7].
Autres approches thérapeutiques
Aucun autre traitement ne devrait être prescrit à la phase aiguë d’un PTI sauf situation
exceptionnelle qui relèverait alors d’une discussion avec les médecins des services constitutifs
du centre de référence des cytopénies auto-immunes de l’enfant (CEREVANCE).
SUIVI D’UN ENFANT ATTEINT DE PTIA
La majorité des enfants (60 à 80 % selon les études) vont guérir en moins de 3 mois.
D’une manière générale, lors du suivi d’un enfant atteint de PTIA il faut :
- Savoir rapidement remettre en doute le diagnostic de PTI :
- dans les formes d’emblée réfractaires au traitement qui peuvent exister mais qui sont
rares en pratique,
- en cas d’apparition de tout nouveau symptôme qui ferait évoquer une cause de PTI
secondaire ou un autre diagnostic.
PRISE EN CHARGE DU PTI AIGU DE L’ENFANT
53
- Apprécier la tolérance de l’enfant à la thrombopénie. Un recul significatif permet plus
facilement de proposer dans un deuxième temps une abstention thérapeutique chez un
enfant qui n’a eu aucun signe hémorragique notable malgré des numérations plaquettaires
très basses.
- Limiter le nombre de numérations. Un hémogramme est indiqué seulement en cas de
signes hémorragiques afin de valider si besoin une indication thérapeutique. En leur
absence il faut simplement faire une NFS à une fréquence qui sera au maximum mensuelle
afin de préciser l’évolution ou non vers la guérison.
- Vérifier l’absence d’effets secondaires des traitements en cas de traitements itératifs,
- Il n’y a pas de critère formel pour prédire l’évolution d’un PTIA. On peut simplement
souligner l’impact de certains critères :
- l’âge : les enfants d’âge supérieur à 10 ans ont plus de risque d’avoir une « vraie »
auto-immunité et une évolution chronique [16]. Les petits nourrissons en revanche
ont le plus souvent une évolution suraiguë [17] ;
- les PTIA avec syndrome hémorragique sévère au diagnostic ont été associés à la fois à une
résistance initiale au traitement et à une évolution plus fréquente vers la chronicité [18] ;
- de même les PTIA ayant un mode de début progressif et une numération plaquettaire
au diagnostic supérieure à 20 000/mm3 [16], caractéristiques qui les rapprochent des
PTIA de l’adulte dont l’évolution vers la chronicité est plus fréquente.
- Les évolutions supérieures à 3 mois (PTI persistants pour ceux évoluant entre 3 et 12
mois, et PTI chroniques au-delà), de même que les PTI réfractaires au traitement
relèvent d’un avis spécialisé. Leur prise en charge est traitée dans l’article de G. Leverger.
La prise en charge des PTIA a bénéficié récemment de l’élaboration de nombreux guidelines
issus de conférences de consensus internationales, de réunions des groupes des Sociétés savantes
pédiatriques ou de médecine adulte, ou élaborés à l’initiative des autorités de santé. L’ensemble
de ces recommandations ont été dans le sens d’une simplification du bilan initial et de la promotion
de l’abstention thérapeutique pour les formes peu sévères qui sont de loin les plus nombreuses.
L’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments, très actifs mais dont les effets à long terme
restent inconnus chez l’enfant, ne doivent pas faire remettre en cause cette approche.
AUTEURS :
ierry LEBLANC1, 2, Nathalie ALADJIDI2, 3, Guy LEVERGER2, 4
1:
Service d’Hématologie Pédiatrique, Hôpital Robert DEBRE, 75935 Paris Cedex 19
2:
CEREVANCE, Centre de référence des cytopénies auto-immunes de l’enfant, Hôpital des Enfants - Pellegrin,
CHU Bordeaux
3:
Service de Pédiatrie médicale, Hôpital des Enfants - Pellegrin, CHU Bordeaux
4:
Service d’Onco-hématologie pédiatrique, Hôpital Armand TROUSSEAU, Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
ierry LEBLANC : [email protected]
54
T. LEBLANC, N. ALADJIDI, G. LEVERGER
Table 1: quand mettre en doute le diagnostic de PTI
- Age inférieur à 1 an : PTI rare ; se méfier d’une thrombopénie constitutionnelle et, chez le nouveau-né, d’une autre
thrombopénie immune : allo-immunisation ou transmission d’auto-anticorps maternels
- Age supérieur à 10 ans : plus grande fréquence des « vraies » auto-immunités, LED en premier lieu
- Diagnostic évoqué sur une NFS systématique ou demandée dans un contexte non hémorragique : se méfier d’une
thrombopénie constitutionnelle ou d’une thrombopénie à l’EDTA
- Présence d’une splénomégalie ou d’autres anomalies à l’examen clinique
- Association à d’autres anomalies à la NFS : anémie, macrocytose, neutropénie,…
- Impact limité des traitements ou caractère réfractaire d’emblée
Table 2 : Analyse du syndrome hémorragique
1. quantification du score hémorragique : exemple du score de Buchanan
Score
Sévérité du saignement
Description
0
Aucun
Aucun signe
1
Mineur
Signes cutanés : ≤100 pétéchies et
≤ 5 ecchymoses (de taille ≤ 3 cm)
Signes muqueux : absents
2
Moyen/peu sévère
Signes cutanés : > 100 pétéchies
ou > 5 ecchymoses (> 3 cm de diamètre)
Signes muqueux : absents
3
Modéré
Signes muqueux présents :
épistaxis, gingivorragies, bulles
hémorragiques intra-buccales,
hématurie, métrorragies,
saignements digestifs,…
4
Sévère
Saignement des muqueuses
nécessitant un geste hémostatique
Ou suspicion d’hémorragie interne
5
Mettant en jeu
le pronostic vital
Hémorragie interne mettant en jeu le
pronostic vital ou hémorragie intracrânienne
2. recherche de facteurs associés à un risque hémorragique augmenté :
- rarement : lésion ou traitement augmentant le risque hémorragique
- traumatisme crânien récent
- signes de gravité clinique : hématurie, céphalées
Adapté de Buchanan & al J Pediatr, 2002.
NB : est figuré ici le score global ; sont également disponibles dans l’article des scores spécifiques à chaque type de
saignement (cutané, muqueuse de la cavité buccale, muqueuse nasale)
PRISE EN CHARGE DU PTI AIGU DE L’ENFANT
55
Table 3 : prise en charge d’une hémorragie menaçant le pronostic vital
Il n’existe pas actuellement d’étude ayant validé l’efficacité des différentes associations thérapeutiques proposées en
cas d’urgence. Néanmoins, les conséquences de ces situations sont tellement sévères qu’il y a un consensus pour le choix en
urgence d’une association de diverses thérapeutiques [6, 7]. Il faut ici privilégier les approches thérapeutiques capables
d’augmenter rapidement la numération plaquettaire.
L’objectif est ici de maintenir un taux de plaquettes constamment supérieur à 30 000/mm3.
L’approche la plus consensuelle est l’association :
- de culots plaquettaires : il faut donner plus de plaquettes que pour une thrombopénie centrale :
◆ dose « de charge » : 1 unité pour 5 à 7 kg de poids
◆ doses fractionnées : 1 à 2 unités pour 5 à 7 kg de poids à répartir sur les 24 h ou choix d’une transfusion
continue de plaquettes : 1 unité/heure
◆ Les apports totaux seront à discuter avec l’hémobiologiste et tiendront compte de l’évolution clinique et
hématologique
- d’immunoglobulines : 0,8 à 1 gr/kg 2 jours de suite
- de corticoïdes donnés par voie IV et à fortes voire très fortes doses sous couvert d’un suivi tensionnel et de la
kaliémie :
◆ méthylprednisolone : 4 mg/kg/j en 2 fois
◆ ou méthyprednisolone : 30 mg/kg/jour administré par voie IV sur 30 à 60 minutes (dose maximale :
1g/jour), pendant 2 à 3 jours
D’autres traitements ont parfois été associés ou discutés :
◆ Le facteur VII recombinant (Novoseven®) évalué par certains mais qui expose à un risque de thrombose
et qui à ce jour n’a pas fait l’objet de recommandations fermes
◆ La vincristine (ou la vinblastine) qui peut être utile en association
◆ Un geste hémostatique : embolisation, chirurgie
◆ Le maintien d’un taux d’hémoglobine supérieur à 10 g : à thrombopénie égale, les patients anémiques
saignent plus
N’ont pas ici d’indication, en raison d’une efficacité non démontrée, de la difficulté de mise en œuvre, ou d’un
délai de réponse trop tardif :
◆ Les plasmaphérèses
◆ Le rituximab : le taux de réponse dans les PTI reste décevant et seule une fraction des réponses est précoce
La place des agents stimulant la thrombopoïèse (romiplostim, eltrombopag) est à évaluer. Le délai de réponse
n’est pas immédiat mais leur mise en œuvre précoce et par anticipation pourrait permettre d’améliorer l’évolution
ou de faciliter une prise en charge chirurgicale.
Enfin la splénectomie en urgence peut être envisagée : elle peut en effet permettre une remontée des plaquettes
dans l’heure qui suit le geste.
RÉFÉRENCES
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in immune thrombocytopenic purpura of adults and children: report from an international working group.
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immediate response to therapy and long-term outcome. J Pediatr 1998 ; 133: 334-9
Documents utiles pour la prise en charge du PTIA de l’enfant disponibles en ligne sur le site de la SFP
(http://www.sfpediatrie.com/groupes-de-specialites/ship/pathologies-concernees/cytopenies-auto-immunes/documents-utiles.html)
PTI aigu de l'enfant - Bilan au diagnostic (2007)
Score de Buchanan (2002)
PTI - Hémorragies sévères (2007)
PTI aigu - Lettre d'information aux parents (2007)
PTI aigu de l'enfant - Traitement (2007)
PTI chronique de l'enfant - Vie quotidienne (2007)
HAS - PTI - PNDS (2009) [document concernant les adultes et les enfants]
HAS - PTI - Actes est prestations (2009) [document concernant les adultes et les enfants]
PTI - Projet d'accueil individualisé (2009)
PTI ou AHAI - Vaccinations (2009)
Ces documents ont été élaborés selon les cas par le groupe PTI de la SHIP, le CEREVANCE ou l’HAS.
57
PURPURAS THROMBOPENIQUES IMMUNOLOGIQUES
CHRONIQUES DE L’ENFANT
par
G. LEVERGER, M.-F. COURCOUX, N. ALADJIDI, T. LEBLANC
Les purpuras thrombopéniques immunologiques (PTI) chroniques sont une pathologie
rare mais à laquelle tout pédiatre peut être confronté. L’objectif de cet article est de faire le
point sur les connaissances et les données les plus récentes publiées sur le sujet.
INCIDENCE
L’incidence annuelle des PTI aigus se situe entre 2,2 à 5,3 pour 100 000 enfants selon
une revue récente de la littérature [1]. Elle est comparable à celle estimée chez l’adulte de 3,3
pour 100 000 adultes dans la même étude [1]. Les dernières données provenant de la « General
Practice Research Database » publiées à partir d’un échantillon de population du Royaume
Uni montrent une incidence annuelle de 4,2 pour 100 000 enfants âgés de moins de 18 ans,
significativement plus importante chez les garçons (4,7) que chez les filles (3,7), surtout dans
la population des enfants âgés de 2 à 5 ans (9,7 vs 4,7) dans laquelle l’incidence est plus élevée
(7,2) ; à l’inverse, parmi les adolescents âgés de 13 à 17 ans, l’incidence est plus basse (2,4) et
identique chez les garçons et chez les filles [2].
TERMINOLOGIE
Devant l’hétérogénéité de la terminologie quant à la classification des PTI et aux critères
de réponse aux traitements un groupe de travail international a proposé en 2009 une standardisation des définitions dans les PTI de l’enfant et de l’adulte [3]. Le terme de PTI est
traduit par « purpura thrombopénique immunologique », plutôt que « purpura thrombopénique
idiopathique ». Le terme même de purpura semble peu approprié puisque les symptômes
hémorragiques sont absents ou minimes dans une grande proportion des cas et l’acronyme
anglo-saxon ITP est proposé pour « Immune ThrombocytoPenia », ce qui n’est pas reproductible
en français avec le sigle PTI. Ce groupe de travail a défini le PTI « nouvellement diagnostiqué »
par une durée d’évolution inférieure à 3 mois, « persistant » par une durée d’évolution entre
3 et 12 mois, et « chronique » par une durée d’évolution supérieure à 12 mois [3].
58
G. LEVERGER, M.-F. COURCOUX, N. ALADJIDI, T. LEBLANC
Jusqu’à présent un PTI était dit « chronique » après 6 ou 12 mois d’évolution selon les
auteurs. Ce délai de 12 mois est logique chez l’enfant. Imbach et coll. avaient rapporté au
nom de l’« Intercontinental Childhood ITP Study Group », une série de 308 patients
évaluables ayant une thrombopénie persistante à 6 mois du diagnostic ; à 12 mois du diagnostic,
79 de ces 308 patients avaient une numération plaquettaire normale [4]. Une étude multicentrique menée en Argentine et portant sur 404 patients gardant une thrombopénie
à 6 mois d’évolution a montré que 45 % (48/107 patients) des rémissions spontanées
ultérieures survenaient avant 1 an d’évolution [5]. Ce taux élevé de guérison entre 6 et 12 mois
d’évolution plaide pour que le PTI chronique soit défini par une évolution supérieure à 12 mois.
Ainsi définie, la fréquence des PTI devenant chroniques se situe entre 20 et 25 % des cas
[5,6]. Le passage à la chronicité est moins élevé chez les nourrissons, de l’ordre de 10 % [5,7,8]
et plus élevé (près de 50 %) chez l’enfant âgé de plus de 10 ans [5,7]. Sandoval et coll. ont
analysé la présentation clinique et l’évolution d’un PTI chez 79 nourrissons âgés de moins
de 2 ans [8]. Une guérison dans les 6 mois a été observée chez 72 /79 (91 %) ; aucun de ces
79 patients n’a présenté d’hémorragie intracrânienne [8].
PROBLEMATIQUE
Un PTI chronique chez l’enfant pose trois types de problème. Le premier est de s’assurer
qu’il s’agit bien d’un PTI ; il est nécessaire en effet d’éliminer une thrombopénie constitutionnelle en sachant remettre en question le diagnostic de PTI, en particulier si le début est
précoce (avant 18 mois de vie), si la thrombopénie est modérée ou de découverte fortuite,
s’il existe un contexte syndromique (syndrome dysmorphique, anomalies sensorielles, eczéma,
déficit immunitaire…) ou des antécédents familiaux (thrombopénie, manifestations hémorragiques,
leucémie aiguë myéloblastique ou myélodysplasie) ou si la thrombopénie ne se corrige pas, ou
insuffisamment, avec les traitements de première ligne du PTI (corticothérapie et immunoglobulines intraveineuses). L’élément clé du diagnostic biologique est l’analyse cytologique
du frottis sanguin (taille et aspect des plaquettes, inclusions dans les polynucléaires neutrophiles),
complétée par d’autres explorations si nécessaire [9].
La seconde question est de s’assurer que le PTI chronique est isolé et n’est pas associé
à une pathologie auto-immune plus large ou à un déficit immunitaire, en particulier de
l’immunité humorale, ayant favorisé l’auto-immunité et son passage à la chronicité. Ainsi, la
recherche de facteurs antinucléaires et des anti-phospholipides doit être systématique chez
ces patients, de même que le suivi de l’évolution du dosage pondéral des immunoglobulines
et des sous-classes d’IgG.
Le troisième point enfin concerne la prise en charge du PTI, à la fois sur le versant thérapeutique
et sur celui des recommandations pour la vie quotidienne, dans l’objectif d’éviter un syndrome
hémorragique sévère, et en particulier une hémorragie intracérébrale (HIC).
HEMORRAGIE INTRACÉRÉBRALE
Dans une étude récente, dont une partie prospective, menée aux Etats-Unis, l’incidence
de l’HIC serait de 0,19 à 0,78 % avec 23 cas, soit 6 cas par an sur une période de 4 ans [10].
Ceci est compatible avec les résultats rapportés dans des publications antérieures [11]. Dans
PURPURAS THROMBOPENIQUES IMMUNOLOGIQUES CHRONIQUES DE L’ENFANT
59
cette série de 40 cas au total d’HIC chez des enfants âgés de moins de 17 ans, observés entre
1987 et 2000, 18 (45 %) sont survenus à la phase diagnostique du PTI aigu dans la 1ère semaine,
pour 10 d’entre eux, l’HIC était le mode de révélation du PTI. Seuls 12 enfants sur 40 (30
%) avaient un PTI évoluant depuis plus de 6 mois. Dans cette étude une analyse des facteurs
de risque d’HIC a été réalisée en comparant ces 40 patients à une série contrôle de 80 patients
ayant un PTI aigu (82,5 %) ou chronique (17,5 %) et des plaquettes inférieures à
30 000/mm3. Les facteurs de risque retrouvés sont : un traumatisme crânien précédant l’HIC
chez 13 des 40 patients (33 %) comparés à un seul patient dans la population contrôle et
l’existence d’une hématurie macroscopique ou microscopique présente chez 9 des 40 patients
(22 %) alors qu’elle était absente chez tous les patients de la série contrôle. Les traumatismes
crâniens avant HIC sont plus fréquents chez les enfants âgés de moins de 3 ans, de manière
significative. Ainsi, un traumatisme crânien ou une hématurie, rarement associés, sont présents
dans 50 % des cas avec HIC versus 1/80 dans la série témoin. Chez les patients ayant une
HIC le nombre de plaquettes est inférieur à 20 000 dans 90 % des cas et inférieur à
10 000/mm3 dans 75 % des cas. Ces chiffres sont similaires à ceux de la série contrôle. L’HIC
a été mortelle dans 25 % des cas (10 sur 40) et 10 autres patients ont présenté des séquelles
neurologiques [10].
Un des intérêts de cette étude est de souligner le risque majeur d’HIC lorsqu’il existe un
traumatisme crânien ou une hématurie et la nécessité de traiter ces enfants probablement
par l’association d’une corticothérapie et d’immunoglobulines intraveineuse, éventuellement
associées à des transfusions de plaquettes, voire en cas d’hémorragie cérébrale au facteur VII
recombinant [10,12].
Ces données sont comparables à celles d’une revue de la littérature publiée en 2003, dans
laquelle avaient été colligés 75 cas d’HIC publiés entre 1954 et 1998. Parmi les 69 cas dont
la durée d’évolution était connue, 19 (28 %) étaient survenues après 6 mois d’évolution, 41
des 75 patients étaient décédés et 7 des 34 survivants présentaient soit un déficit neurologique,
soit des troubles de l’humeur [11].
HELICOBACTER PILORI
L’infection à Helicobacter pilori joue-t-elle un rôle dans la pathogénèse du PTI chronique
de l’enfant [13] ? En 1998, Gasbarrini et coll. ont été les premiers à rapporter la guérison de
PTI chroniques chez des adultes après traitement d’une infection à Helicobacter pilori. Une
méta-analyse a été récemment publiée à propos des effets de l’éradication de Helicobacter
pilori dans les cas de PTI chronique de l’adulte [14]. Celle-ci a identifié 25 études incluant
1 550 patients dont 696 étaient évaluables. Chez 222 patients avec un nombre de plaquettes
de base inférieur à 30 000, le taux de réponse complète était de 20 % et le taux de réponse
globale de 35 % ; le taux de réponse tendait à être plus élevé dans les pays ayant une haute
prévalence d’infection à Helicobacter pilori (Japon, Italie) et chez les patients ayant une thrombopénie modérée [14]. Chez l’enfant les résultats sont beaucoup plus contrastés et font débat
[13,15]. Bien que l’association entre l’existence d’un PTI chronique et une infection à
Helicobacter pilori ne soit pas encore certaine, la recherche de cette infection et son éradication
en cas de positivité semble une attitude appropriée également chez l’enfant.
60
G. LEVERGER, M.-F. COURCOUX, N. ALADJIDI, T. LEBLANC
EVOLUTION ET TRAITEMENTS
La majorité des PTI chroniques de l’enfant ne requiert aucun traitement de fond, en
particulier en l’absence de tout syndrome hémorragique ou si celui-ci est mineur, c'est-à-dire
en l’absence d’hémorragie muqueuse ou d’un score de Buchanan inférieur ou égal à 2 [16].
L’inspection quotidienne par les parents du tissu cutané et de la bouche, afin de dépister
d’éventuels signes hémorragiques, doit être encouragée chez les jeunes enfants.
En cas d’exacerbation d’un syndrome hémorragique cutanéo-muqueux, peut être proposée
une corticothérapie de courte durée, soit à faible dose dans un objectif d’effet protecteur vasculaire
(0,5 mg à 1 mg/kg/jour de prednisone x 5 jours) [17], soit à forte dose (4 mg/kg/jour
de prednisone x 4 jours ou dexaméthasone, cf. infra) ou une perfusion unique ou répétée
d’immunoglobulines intraveineuses (0,8 à 1 g/kg/injection) [18].
En cas de syndrome hémorragique permanent ou fréquent ou d’altération nette de la
qualité de vie peuvent se discuter une splénectomie ou un autre traitement médicamenteux.
Il faut rappeler l’évolution spontanée toujours possible vers la guérison parfois après plusieurs
années d’évolution. Reid avait publié en 1995 une série de 85 enfants présentant un PTI
évoluant depuis plus de 6 mois, chez lesquels il avait évalué le taux de guérison spontanée au
fil des ans, qui était de 61 % après 15 ans d’évolution dont 4 cas de rémission complète spontanée
survenue plus de 10 ans après le diagnostic de PTI [19]. Ces données ont été confirmées dans
une revue rétrospective de 62 patients dont 35 (56 %) avaient présenté une rémission spontanée
(28 en rémission complète avec plaquettes supérieures à 100 000/mm3 et 7 en rémission
partielle avec plaquettes entre 50 000 et 100 000/mm3), pour 30 d’entre eux dans les 4 ans
suivant le diagnostic [20]. Selon une courbe de Kaplan-Meier, le taux de rémission spontanée
à 1, 2, 3 et 4 ans après le diagnostic était respectivement de 21 %, 33 %, 45 % et 54 %, le taux
de rémission complète était identique pour les enfants âgés de moins ou de plus de 10 ans et
entre les garçons et les filles ; la numération plaquettaire initiale, le type de traitement reçu à
la phase aiguë et la réponse au traitement n’avaient pas d’influence sur l’évolution [20]. Plus
récemment, Bansal et coll. ont rapporté un taux prédictif de rémission de 30 % à 5 ans et
44 % à 10 ans avec un impact significativement favorable du sexe féminin et d’un âge inférieur
à 8 ans [21].
La splénectomie reste le traitement de référence des PTI chroniques symptomatiques
si l’âge de l’enfant le permet [22,23]. En 2007, avait été rapportée une série de 134 enfants
splénectomisés, colligés dans l’« Intercontinental Childhood ITP Study Group » [24]. L’âge
médian au diagnostic de PTI était de 9,5 ans (1,1–17,6 ans) et celui au moment de la
plénectomie était de 11,8 ans (2,7-20,7 ans). Parmi les 134 patients, 90 avaient un PTI chronique
évoluant depuis plus d’un an. Une rémission complète (plaquettes > 150 000/mm3) dans les
trois mois post-splénectomie a été observée chez 113/134 patients (86 %) et une réponse
partielle (plaquettes > 50 000/mm3) chez 12 patients (9 %). Parmi les répondeurs, 80 %
restaient en rémission un an après la splénectomie. Les facteurs pronostiques observés dans
cette étude étaient un âge supérieur à 10 ans, une durée prolongée du PTI et le sexe masculin [24].
Dans une étude rétrospective nationale conduite par le CEREVANCE, 78 enfants âgés
de moins de 18 ans ont été splénectomisés pour un PTI entre janvier 2000 et août 2009.
L’âge médian au diagnostic était de 9,4 ans et l’âge médian au moment de la splénectomie
de 12,5 ans (3,5 - 17,4). La durée médiane d’évolution du PTI avant splénectomie était
de 26 mois (1 - 162). Le PTI était chronique chez 62 sur 78 patients. Chez ces 62 patients,
un mois après la splénectomie, 83 % étaient en rémission complète. Avec un suivi médian
après splénectomie de 41 mois, 85 % des enfants étaient en rémission complète et 75 % sans
traitement ni poussée depuis plus d’un an [25].
PURPURAS THROMBOPENIQUES IMMUNOLOGIQUES CHRONIQUES DE L’ENFANT
61
Il est difficile de mettre en évidence des facteurs cliniques ou thérapeutiques prédictifs
de la réponse à la splénectomie. En effet, l’efficacité des immunoglobulines intraveineuses,
facteur prédictif de succès de la splénectomie pour certains [26] ne l’est pas pour d’autres
[27] ; des résultats contradictoires sont aussi rapportés vis-à-vis de la corticosensibilité. A
l’inverse, le site de destruction plaquettaire des plaquettes marquées à l’indium en auto-transfusion est prédictible du succès de la splénectomie [28]. Ceci a été récemment confirmé dans
une étude rétrospective concernant 272 patients, adultes et enfants, dont 91 ont été splénectomisés. Parmi les 71 patients ayant une séquestration splénique exclusive ou prédominante,
une réponse complète a été observée dans 87 % des cas. Pour les 20 patients ayant une
séquestration hépatique ou hépato-splénique le taux de réponse est de 35 % [29].
De nombreux agents médicamenteux ont été utilisés dans le traitement des PTI symptomatiques, réfractaires ou chroniques (Tableau 1). En France, les plus utilisés actuellement
sont les immunoglobulines polyvalentes, les corticoïdes, puis le rituximab, l’hydroxychloroquine, la vinblastine, l’azathioprine et le mycophenolate (données CEREVANCE).
Le traitement par dexaméthasone à haute dose chez l’adulte (40 mg/jour x 4 jours chaque
mois pendant 6 mois) a été rapporté pour la première fois par Andersen en 1994. Plusieurs
publications ont été réalisées sur le sujet chez l’enfant mais dans des séries de moins de 20
patients [30,31]. La dexaméthasone était donnée à la dose de 20 mg/m2/jour en 2 prises pendant 4 jours chaque mois pendant 6 mois. Le taux de réponse complète ou partielle à l’issue
de la 6ème cure est de l’ordre de 30 à 35 %.
L’efficacité potentielle des poisons du fuseau a été rapportée, dans de rares séries de patients, plutôt chez l’adulte que chez l’enfant. Dans une étude monocentrique portant sur 17
enfants ayant un PTI réfractaire, dont 4 avec une durée d’évolution supérieure à 12 mois,
traités par vinblastine, une réponse initiale a été observée dans 12 cas dont 11 après la première
injection. La réponse s’est maintenue chez 9 patients dont 4 recevaient des médicaments associés [32]. L’intérêt d’une multi-thérapie associant immunoglobulines polyvalentes ou antiD, corticothérapie, poison du fuseau puis danazol et azathioprine dans certaines formes de
PTI symptomatiques et réfractaires a déjà fait l’objet de publications [33].
Le rituximab est un médicament d’utilisation beaucoup plus récente qui a démontré son
intérêt dans le PTI chronique de l’adulte avec environ 60 % de réponses dont les 2/3 de réponses complètes dans les deux mois qui suivent le traitement. A deux ans de recul un tiers
des patients garde une numération plaquettaire supérieure à 50 000/mm3 [23]. Chez l’enfant,
les résultats semblent plus décevants [34,35]. Dans une étude rétrospective française menée
par le CEREVANCE, 28 enfants âgés de 2,5 à 16 ans (âge moyen 7,1 ans) avaient été traités
par le rituximab dont 22 ont reçu 4 doses hebdomadaires, quatre ont reçu deux doses et deux
ont arrêté leur traitement après la première dose en raison d’une mauvaise tolérance. Sur ces
28 enfants, il y a eu 3 réponses complètes (dont une chez un patient qui n’avait reçu qu’une
seule dose), trois réponses partielles et deux réponses mineures. Parmi eux, cinq ont rechuté
entre 3 et 12 mois de traitement par rituximab [36]. La place du Rituximab reste à définir
chez l’enfant d’autant plus que la toxicité associée comporte des accidents rares mais graves
(choc lors de la perfusion, agranulocytose, hypogammaglobulinémie prolongée).
Le mécanisme physiopathologique du PTI a été historiquement attribué à la destruction
des plaquettes secondaire à la production d’auto-anticorps anti-plaquettes. La physiopathologie du PTI est en fait plus complexe et peut comporter une insuffisance de production plaquettaire avec une thrombopoïèse inefficace, soit par phagocytose des plaquettes par le
système réticulo-endothélial intra-médullaire, soit par excès d’apoptose des mégacaryocytes
[37]. Ainsi de nouveaux médicaments, analogues de la thrombopoïétine ont pour objectif
62
G. LEVERGER, M.-F. COURCOUX, N. ALADJIDI, T. LEBLANC
de stimuler la thrombopoïèse. Il s’agit du romiplostim (Nplate®) administré par voie souscutanée hebdomadaire et de l’eltrombopag (Revolade®) pris par voie orale quotidienne. Ils
ont démontré leur efficacité chez l’adulte dans 60 à 70 % des cas mais celle-ci ne se maintient
pas dans la majorité des cas à l’arrêt du traitement. Le romiplostim a fait l’objet de deux études
publiées, randomisées, chez l’enfant [38,39]. Dans la plus récente, 17 enfants ont reçu le traitement
par voie sous-cutanée hebdomadaire avec un nombre de plaquettes supérieur à 50 000/mm3
observé chez 15/17 enfants pour une posologie moyenne de 5 µg/kg/injection. Le traitement
a été bien toléré, l’évolution à moyen terme n’a pas été rapportée. L’eltrombopag est en cours
d’étude de phase I/II chez l’enfant. La place de ces nouveaux agents reste à définir chez l’enfant.
SUIVI, SURVEILLANCE ET RECOMMANDATIONS
Les recommandations concernant le suivi et les mesures d’accompagnement pour les
enfants ayant un PTI chronique ont été établies par un groupe d’experts de la Société
d’Hématologie et d’Immunologie Pédiatrique (SHIP) ainsi qu’une lettre d’information pour
les parents. Elles sont disponibles dans la rubrique « Recommandations, bonnes pratiques »
sur le site de la Société Française de Pédiatrie (http://www.sfpediatrie.com).
La surveillance de ces enfants est avant tout clinique et doit formellement éviter les bilans
sanguins itératifs et répétés. Les vaccinations sont classiquement contre-indiquées tant que
le PTI est évolutif et dans l’année qui suit sa guérison. Si nécessaire, il faudra évaluer au cas
par cas les risques (aggravation de la thrombopénie) et les bénéfices d’un vaccin donné. Un
dosage des anticorps vaccinaux peut aider à la décision. A partir d’une méta-analyse récente,
la vaccination anti-rougeole est recommandée en l’absence d’immunisation y compris pour
les patients ayant eu un PTI au décours d’une première vaccination [40]. Des recommandations sont accessibles sur le site http://www.sfpediatrie.com, dans la rubrique « Documents
utiles CEREVANCE, PTI ou AHAI vaccinations ».
En conclusion, l’approche thérapeutique dans les PTI chroniques de l’enfant bénéficiera
dans les années à venir du développement des connaissances nouvelles apportées en particulier
en France grâce au Plan Maladies Rares dans le cadre du centre CEREVANCE : évaluation
plus rigoureuse des pratiques et enregistrement prospectif national de tous les cas de PTI
chroniques de l’enfant dans la cohorte, évaluation chez l’enfant des médicaments anciens et
récents afin d’assurer le respect de l’équilibre bénéfice – risque et de préserver la qualité de vie.
AUTEURS :
Guy Leverger 1,4, Mary-France Courcoux 1,4, Nathalie Aladjidi 2,4, ierry Leblanc 3,4
1.
Hôpital Armand Trousseau, 75012 Paris
2.
Hôpital des Enfants - Pellegrin, 33000 Bordeaux
3.
Hôpital Robert Debré, 75019 Paris
4.
Centre de référence national des cytopénies auto-immunes de l’enfant CEREVANCE, Hôpital des Enfants Pellegrin, CHU Bordeaux
AUTEUR CORRESPONDANT :
Guy Leverger : [email protected]
PURPURAS THROMBOPENIQUES IMMUNOLOGIQUES CHRONIQUES DE L’ENFANT
63
Tableau 1. Moyens thérapeutiques dans les PTI chroniques de l’enfant
Splénectomie
Dexaméthasone
Prednisone
Immunoglobulines IV
Immunoglobulines anti-D
Vinca-alcaloïdes
Ciclosporine
Azathioprine
Mycophenolate
Danazol
Hydroxychloroquine
Colchicine
Dapsone
Rituximab
Analogues de la thrombopoïétine
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65
ANEMIES HEMOLYTIQUES AUTO-IMMUNES DE L’ENFANT
DONNEES DE LA COHORTE FRANÇAISE,
PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
par
N. ALADJIDI, G. LEVERGER, T. LEBLANC, C. PONDARRE, Y. PEREL
L’anémie hémolytique auto-immune (AHAI) est une maladie rare mais à laquelle tout
pédiatre peut être confronté, en ville ou à l’hôpital.
Depuis les premières descriptions de la maladie, dans les années 1970, les données de la
littérature sont pauvres, et concernent surtout des observations isolées, parfois de petites séries,
n’excédant pas 20 à 80 enfants rassemblés sur 15 à 20 ans [1-7]. Il n’existe pas d’étude dédiée
guidant la stratégie de prise en charge thérapeutique. Les données épidémiologiques sur cette
maladie rare sont quasi-inexistantes, en comparaison d’une maladie voisine, mieux connue,
qui a fait l’objet de nombreuses publications : le purpura thrombopénique immunologique
(PTI).
L’incidence de l’AHAI chez l’enfant ou l’adolescent, n’a été estimée que dans une étude
de méthodologie imprécise, à 0,2 cas par millions d’habitants de moins de 20 ans [8]. Grâce
au Plan Maladies Rares, une cohorte nationale prospective de suivi des AHAI de l’enfant a
été mise en place en France en 2004, à laquelle l’ensemble des centres d’hématologie pédiatrique participent. Les données descriptives des 265 premiers patients ont été publiées [9].
L’incidence de l’AHAI a pu être calculée de façon rigoureuse à l’échelle d’une région, en croisant
3 sources de données, et s’approche de 0,78 cas/100 000 enfants de moins de 18 ans, soit 5 à
10 fois plus rare que le PTI (manuscrit en cours de rédaction). En pédiatrie, cette maladie
touche le jeune enfant (âge médian 3,8 ans), le sexe ratio M/F est de 1,3, avec une prédominance
de garçons chez le jeune enfant et de filles chez l’adolescent [9].
L’objectif de cette revue est de faire le point sur les connaissances et sur les données les
plus récentes à partir de l’expérience du groupe CEREVANCE.
DIAGNOSTIC POSITIF D’UNE AHAI
Le mode d’installation est le plus souvent aigu et brutal, bien que des formes d’installation
plus lentement progressive puissent s’observer comme chez l’adulte. Les manifestations cliniques révélatrices sont peu spécifiques et en rapport avec l’anémie et/ou l’hémolyse : fièvre,
vomissements, douleurs abdominales ou lombaires, pâleur, sub-ictère, asthénie, malaise. Des
signes de gravité peuvent être d’emblée présents en cas d’anémie profonde : coma, défaillance
cardiaque, troubles coronariens, insuffisance rénale aiguë, hépatite cholestatique avec sludge
vésiculaire. L’adaptation cardio-vasculaire remarquable du jeune enfant, par comparaison à
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N. ALADJIDI, G. LEVERGER, T. LEBLANC, C. PONDARRE, Y. PEREL
l’adulte, conduit parfois à sous-estimer l’intensité de l’anémie. L’ictère cutanéo-muqueux et
la coloration anormalement foncée « rouge porto » des urines témoignent de l’intensité de
l’hémolyse et sont plus marqués en cas d’hémolyse intra-vasculaire. La splénomégalie est inconstante et s’observe dans les présentations subaiguës ou en cas d’hémolyse extra-vasculaire [1-9].
L’anémie, d’intensité variable, est régénérative, avec des réticulocytes > 120x109/L
souvent accompagnés d’une érythroblastose et/ou d’une érythromyélémie, normo- ou le plus
souvent macrocytaire (du fait de la réticulocytose). Dans la série française de 265 enfants
atteints d’AHAI, le taux d’hémoglobine médian était de 4 g au diagnostic initial. La réticulocytose était initialement basse dans 30 % des cas (durée médiane de 7 jours), avec plusieurs
explications possibles : action directe des auto-anticorps sur les progéniteurs érythroïdes,
érythropoïèse initialement inefficace (carence en folates) compte tenu de la brutalité, plus
rarement infection concomitante par le parvovirus B19 [9]. Le frottis sanguin, qui fournit
des informations qualitatives non visibles sur l’automate, est un examen clef à réaliser en
urgence devant toute hémolyse. Il est habituel d’observer sur le frottis sanguin une polychromatophilie, une anisocytose et une poïkilocytose. La présence de sphérocytes qui témoigne
d’une phagocytose incomplète de fragments de membrane des hématies par les macrophages
spléniques, est également classique et s’observe dans 30 à 40 % des AHAI. Les marqueurs
classiques d’hémolyse sont l’haptoglobine effondrée (sensibilité proche de 100 % en l’absence
d’inflammation), l’augmentation de la bilirubine « libre » ou non conjuguée (sensibilité de
70-80 %), et du taux de LDH (sensibilité de 80 %). En cas d’hémolyse intra-vasculaire, une
hémoglobinurie ou une hémosidérinurie peuvent être spécifiquement recherchées.
La nature auto-immune de l’hémolyse est confirmée par la positivité du test de Coombs
[7]. Le principe du test de Coombs direct repose sur la mise en évidence in vitro d’une agglutination des globules rouges autologues recouverts d’auto-anticorps et/ou de complément.
Il est utile, dès le diagnostic initial, en lien avec le laboratoire d’immunohématologie de l’EFS,
de préciser la spécificité du test de Coombs (IgG, IgG+C3, C3 isolé en cas d’IgM ou encore
IgA), les caractéristiques physico-chimiques de l’anticorps en cause (anticorps « chaud »,
agglutinine froide, hémolysine biphasique), et éventuellement son titre et sa cible. Il est parfois
impossible à caractériser précisément, à la phase aiguë, tant l’agglutination des hématies par
le processus auto-immun est intense. Le test de Coombs indirect identifie les auto-anticorps
libres dans le sérum (RAI).
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL D’UNE AHAI
En pratique, le diagnostic d’AHAI ne pose pas de problème particulier dès lors que le
test de Coombs direct est positif et que le frottis sanguin ne montre pas d’atypies. Dans les
très rares cas où le test de Coombs est négatif (≤ 5 % des cas), un contact avec les biologistes
permet de rechercher des spécificités rares non détectées en routine (test de Coombs de type
IgA), et les autres causes d’hémolyse constitutionnelle ou acquise doivent être activement recherchées [1].
Les principales causes constitutionnelles d’hémolyse sont les hémoglobinopathies
(drépanocytose, thalassémie,…), les maladies de la membrane érythrocytaire (sphérocytose
héréditaire de Minkowski-Chauffard, elliptocytose, stomatocytose…), et les déficits enzymatiques du globule rouge (G6PD, pyruvate kinase). L’origine ethnique et l’anamnèse familiale
permettent d’orienter le diagnostic. Le frottis sanguin permet de visualiser des hématies
falciformes, des sphérocytes, des elliptocytes, des stomatocytes…. Les examens spécialisés
sont demandés en fonction du contexte : électrophorèse de l’hémoglobine, test de résistance
ANEMIES HEMOLYTIQUES AUTO-IMMUNES DE L’ENFANT
DONNEES DE LA COHORTE FRANÇAISE, PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
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osmotique globulaire ou ektacytométrie, dosages enzymatiques, études génétiques à la
recherche des anomalies les plus rares.
Les étiologies d’hémolyse acquise doivent également être recherchées par l’interrogatoire,
l’examen clinique, le frottis sanguin et les examens appropriés : accès palustre, présence de
schizocytes (= débris d’hématies fragmentées) faisant suspecter une hémolyse mécanique
(micro-angiopathie thrombotique, syndrome hémolytique et urémique, brûlures étendues,
valves cardiaques, circulation extra-corporelle), maladie de Wilson, anomalies rares du
métabolisme lipidique, hémoglobinurie paroxystique nocturne.
CLASSIFICATION DES AHAI
Selon les propriétés physico-chimiques de l’auto-anticorps
La classification des AHAI dépend essentiellement des caractéristiques immuno
chimiques et de l’isotype du ou des auto-anticorps en cause. Les auto-anticorps sont ainsi
qualifiés de « chauds » lorsqu’ils exercent leur activité hémolytique maximale, encore appelé
« optimum thermique », à des températures comprises entre 35 et 40 ºC, et de « froids »
lorsqu’ils sont actifs à des températures inférieures à 30 °C (optimum thermique = 4 ºC).
Dans les AHAI à anticorps « chauds », qui représentent 70 à 80 % de l’ensemble des AHAI
chez l’enfant comme chez l’adulte, l’hémolyse est essentiellement de type intra-tissulaire
(extra-vasculaire) et de siège principalement splénique, et le test de Coombs direct est le plus
souvent de spécificité IgG ou IgG + C3, dirigé contre un ou plusieurs antigènes du système
Rhésus. A l’inverse, les auto-anticorps « froids », encore appelés « agglutinines froides »,
entraînent une lyse des hématies de siège essentiellement intra-hépatique par le biais d’une
activation du complément, ils sont presque toujours de type IgM et ciblent principalement
l’antigène I à la surface des hématies. Dans les AHAI à auto-anticorps « froids », le test de
Coombs est positif de type complément isolé (C3) et les agglutinines froides sont retrouvées
à un titre significatif (> 1/64) dans le sérum. L’hémoglobinurie paroxystique à igore est une
autre forme d’AHAI à anticorps « froids » qui se voit de façon exceptionnelle. Elle est due
à auto-anticorps de type IgG (hémolysine biphasique de Donath Landsteiner) qui fixe le
complément à froid (< 15 °C) et entraîne une hémolyse à chaud (> 30 °C). Elle est le plus
souvent d’origine post-infectieuse et se manifeste par une hémolyse aiguë intra-vasculaire et
potentiellement grave. Dans de rares cas enfin, un auto-anticorps de type IgM dit à « large
amplitude thermique » car actif à la fois à « chaud » et à « froid », peut être mis en évidence.
La distinction du type d’AHAI à auto-anticorps « chauds » ou « froids » est une étape
capitale de la démarche diagnostique car elle conditionne à la fois l’enquête étiologique et la
prise en charge thérapeutique [7].
Selon l’existence d’une cause et/ou une affection sous-jacente
Au-delà des caractéristiques physico-chimiques et de l’isotype des anticorps en cause, les
AHAI sont par ailleurs qualifiées de « secondaires » ou « primitives » (ou « idiopathiques »),
selon qu’elles sont associées ou non à une maladie sous-jacente.
Les étiologies sont très différentes chez l’enfant et chez l’adulte, où la règle est de rechercher
une hémopathie lymphoïde ou une pathologie maligne, surtout dans la forme chronique de
la « maladie des agglutinines froides ». Chez l’enfant, au contraire, l’AHAI ne s’associe
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N. ALADJIDI, G. LEVERGER, T. LEBLANC, C. PONDARRE, Y. PEREL
qu’exceptionnellement à une pathologie maligne, essentiellement la maladie de Hodgkin
[10]. A l’inverse, une entité spécifique, rare et grave, propre à l’enfant de moins de 2 ans est
l’association d’une AHAI avec une hépatite à cellules géantes, dépendante d’un traitement
immunosuppresseur prolongé [11]. Dans l’expérience française, contrairement à ce qui était
signalé dans les séries anciennes, les AHAI de l’enfant n’étaient associées à une infection documentée que dans 10 % des cas, à des maladies immunologiques (déficit immunitaire primitif
génétiquement identifié, maladie auto-immune systémique ou spécifique d’organe ou autre
cytopénie) dans 53 % des cas, et elles étaient d’apparence primitive dans 37 % des cas [9].
Les principales maladies associées aux AHAI secondaires de l’enfant sont évoquées dans la
table 1.
Plusieurs faits qui n’étaient pas connus jusque là, ont été observés dans la cohorte française
CEREVANCE : une consanguinité est notée chez les parents de 8 % des enfants enregistrés
pour une AHAI ; les parents de 3 % des enfants ont une pathologie maligne ; les apparentés
de premier degré de 12 % des enfants ont une maladie auto-immune ou un déficit immunitaire. Ces éléments, à rechercher de façon systématique à l’interrogatoire, plaident en faveur
d’une possible prédisposition génétique, pour un petit sous-groupe d’enfants [9].
Quels examens réaliser pour rechercher une cause et/ou une affection sous-jacente ?
Les recommandations sur les examens complémentaires jugés utiles et pertinents à réaliser,
une fois le diagnostic d’AHAI confirmé, selon le contexte clinique, sont résumées dans la
table 1 [12].
Chez l’enfant, devant une AHAI, que le test de Coombs soit de type C3 isolé, ou IgG /
IgG + C3, l’enquête infectieuse se fonde sur le contexte clinique et les recherches indirectes
par sérologie, ou directes par PCR et/ou culture (infections à EBV, Mycoplasma pneumoniae,
CMV, parvovirus, varicelle, adénovirus…). Dans l’expérience française, le test de Coombs
n’était de type C3 isolé que dans 35 % de ces causes post-infectieuses [9].
Une AHAI isolée de l’enfant peut révéler un déficit immunitaire constitutionnel sousjacent (13 % des cas) ou une maladie auto-immune associée (11 % des cas). Dans les formes
chroniques, la recherche de ces maladies immunologiques doit être répétée régulièrement
durant le suivi, en raison de la possibilité d’apparition retardée de ces affections, même plusieurs années après la cytopénie [9].
Plusieurs déficits immunitaires constitutionnels rares sont à rechercher devant une AHAI
de l’enfant, surtout s’il a moins de 2 ans [13]. Le syndrome lymphoprolifératif avec auto-immunité (ALPS) associe chez un jeune enfant une prolifération lymphoïde non maligne chronique (splénomégalie surtout, mais aussi adénopathies cervicales, axillaires ou inguinales),
des infections ORL, bronchiques ou digestives répétées, une hypergammaglobulinémie, et
une augmentation des lymphocytes T dits double-négatifs (CD3+ CD4- CD8- αβ+) ; une cytopénie auto-immune est présente dans 52 % des cas ; la confirmation passe par des tests spécialisés de l’apoptose lymphocytaire, et le séquençage des gènes fas, FAS ligand, caspase 10
[14]. Le syndrome de Wiskott-Aldrich, lié à l’X, associe chez un garçon, un eczéma, une
thrombopénie symptomatique à microplaquettes (VPM < 6 µ3), des infections à répétition
avec déficit de l’immunité humorale et/ou cellulaire, et des anomalies du gène WAS ; une
AHAI survient dans 30 à 40 % des cas et constitue un facteur de mauvais pronostic [15]. Le
syndrome hyperIgM se caractérise par des infections récurrentes, ORL ou pulmonaires, à
agents opportunistes (pneumocystis, CMV, cryptosporidie), des troubles gastro-intestinaux,
parfois une neutropénie, une hypertrophie lymphoïde, des taux d’IgG et A faibles ou nuls et
des taux d’IgM normaux ou élevés, l’absence d’expression du ligand de CD40 sur les lym-
ANEMIES HEMOLYTIQUES AUTO-IMMUNES DE L’ENFANT
DONNEES DE LA COHORTE FRANÇAISE, PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
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phocytes activés, et des anomalies des gènes du CD40, du ligand de CD40, de la protéine
AID. D’autres déficits immunitaires très rares peuvent également être évoqués, chez un nourrisson présentant une AHAI : le défaut d’expression d’HLA classe 2 ; le déficit en adénosine
désaminase ; le syndrome APECED, association de pathologies auto-immunes d’organe (parathyroïde, thyroïde, surrénales, pancréas), avec infiltrat de ces organes par des lymphocytes
T auto-immuns, et mutation du gène AIRE ; le syndrome IPEX, caractérisé par une entéropathie sévère précoce, souvent associée à une polyendocrinopathie, lié à l’X, en rapport avec
une mutation du gène qui code pour la protéine foxp3 associée aux cellules T régulatrices
[13]. Enfin, dans le déficit immunitaire commun variable « DICV » type adulte, une cytopénie auto-immune est observée dans 20 à 60 % des cas [16]. Chez un enfant présentant une
cytopénie auto-immune et une hypogammaglobulinémie symptomatique, les études immunitaires humorales, cellulaires, éventuellement génétiques doivent être complétées de façon
active. D’une façon générale, s’il existe une consanguinité, une histoire familiale ou personnelle évocatrice d’un déficit immunitaire primitif, l’enquête étiologique à la recherche de déficits immunitaires primitifs génétiques rares doit être réalisée avec les laboratoires spécialisés
d’immunologie.
Les maladies auto-immunes systémiques (lupus…) ou d’organe (diabète, thyroïdite autoimmune, entéropathie auto-immune, hépatite auto-immune…) peuvent être présentes avant
le diagnostic, ou apparaître dans l’évolution [17] : elles sont à rechercher par une enquête
clinique et paraclinique appropriée.
Le syndrome d’Evans : une entité à part
Le syndrome d’Evans (SE) est une maladie rare, définie par l’association, simultanée ou
dissociée dans le temps, d’une AHAI et d’une thrombopénie auto-immune (PTI) et/ou
d’une neutropénie, en l’absence de cause sous-jacente [18-23]. Sa fréquence est difficile à
estimer : dans la cohorte prospective CEREVANCE, 99 / 265 (37 %) des enfants atteints
d’AHAI ont un SE, AHAI et PTI qui surviennent de façon simultanée dans environ 50 %
des cas, de façon dissociée avec l’AHAI en premier dans 25 % des cas et le PTI en premier
dans 25 % des cas, et le délai médian écoulé entre l’apparition des 2 cytopénies est de 2 à 4
ans, au maximum 11 ans. Le SE peut dans plus de 50 % des cas révéler ou précéder l’apparition
d’une maladie sous-jacente : lupus ou autre maladie auto-immune, déficit immunitaire
humoral (DICV), granulomatose [9].
PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE D’UNE AHAI DE L’ENFANT
Mesures symptomatiques urgentes
Dès le diagnostic d’AHAI, une hospitalisation en milieu spécialisé est le plus souvent justifiée. Les mesures générales symptomatiques incluent la pose d’une voie veineuse, une éventuelle oxygénothérapie nasale, une hydratation suffisante, une supplémentation en acide
folique, une surveillance clinique pluri-quotidienne (tolérance de l’anémie, coloration des
urines, ictère, splénomégalie), et biologique au minimum quotidienne (NFS, marqueurs
d’hémolyse).
Une transfusion est souvent nécessaire à la phase initiale pour passer un cap, notamment
en cas d’anémie sévère accompagnée d’hypoxie tissulaire, lorsque la tolérance clinique est
70
N. ALADJIDI, G. LEVERGER, T. LEBLANC, C. PONDARRE, Y. PEREL
mauvaise et/ou la déglobulisation rapide. Le rendement transfusionnel est néanmoins habituellement faible, les hématies transfusées réputées plus « fragiles » que celles du patient
ayant résisté à l’hémolyse, protégées par le C3, pouvant être l’objet d’une hémolyse intravasculaire. L’identification de concentrés érythrocytaires totalement compatibles se heurte par
ailleurs à une double difficulté : l’agglutination des hématies du panel par les anticorps du
receveur (le plus fréquent), et le risque d’un allo-anticorps masqué par les auto-anticorps
(le plus dangereux). La décision de transfusion, qui est cependant parfois indispensable, nécessite
par conséquent une concertation étroite entre l’hématologue et le médecin de l’Etablissement
Français du Sang [24].
Traitement de 1ere ligne
La prise en charge thérapeutique des AHAI de l’enfant repose exclusivement sur des données empiriques et rétrospectives non contrôlées. Indépendamment du support transfusionnel
éventuel, le traitement de première ligne des AHAI est la corticothérapie, qui doit être
débutée en urgence dès la confirmation diagnostique dans la plupart des cas, avant même la
première transfusion si nécessaire pour en améliorer la tolérance [25]. Une guérison spontanée sans traitement spécifique est possible, pour les formes post-infectieuses avec test de
Coombs de type C3 isolé, sans signe de gravité clinique ou biologique initial, sous réserve
d’une surveillance rigoureuse. La corticothérapie est prescrite à la dose initiale de 2 mg/kg/j
d’équivalent prednisone pendant 2 à 4 semaines, par voie veineuse dans les cas les plus sévères.
La rémission complète est définie par une Hb > 11 g et des réticulocytes < 120 000 / mm3.
La posologie peut être augmentée à 3-4 mg/kg/j pour une durée n’excédant pas quelques
jours. Dès l’obtention de la rémission complète, la posologie est réduite de façon lentement
progressive pour une durée totale variant de 3 - 4 mois en cas de test de Coombs type C3
isolé, à 9 - 12 mois en cas de test de Coombs type IgG / IgG + C3, après l’obtention d’une rémission. Les schémas de décroissance proposés sont construits par analogie avec les pratiques
dans les autres pathologies auto-immunes chroniques graves de l’enfant (lupus, arthrite chronique juvénile, dermatomyosite), c'est-à-dire avec une décroissance initiale rapide par paliers
de 15 jours puis plus lente par paliers de 1 mois au-dessous de 0,5 mg/kg/j. Le taux de réponse
initiale à la corticothérapie est de l’ordre de 80 %, l’AHAI peut être considérée comme
cortico-résistante si des besoins transfusionnels persistent au-delà du J15, ou une Hb < 10 g
au-delà du J28 de corticothérapie. L’intérêt potentiel de l’administration initiale de fortes
doses de methylprednisolone par voie intraveineuse (500 à 1000 mg/j de J1 à J3) ou de l’administration répétée dexaméthasone (40 mg/j per os J1-J4 toutes les 4 à 6 semaines) suggéré
par certains auteurs, n’a jamais été comparé à une corticothérapie à dose conventionnelle.
Bien que quelques succès transitoires aient été initialement rapportés et qu’elles puissent être
utilisées ponctuellement à la phase initiale pour passer un cap aigu, les immunoglobulines
intraveineuses (IgIV) à fortes doses s’avèrent nettement moins efficaces que dans le PTI [26].
Le principal problème lié à la corticothérapie tient au fait qu’environ 30 à 60 % des patients
initialement répondeurs rechutent au cours de la phase de décroissance du traitement ou
dans les semaines suivant son arrêt et que certains s’avèrent cortico-dépendants. Ces patients
sont donc exposés du fait des doses cumulées importantes aux multiples effets secondaires
bien connus de la corticothérapie.
ANEMIES HEMOLYTIQUES AUTO-IMMUNES DE L’ENFANT
DONNEES DE LA COHORTE FRANÇAISE, PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
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Traitement de 2ème et 3ème ligne
Pour les patients cortico-résistants ou cortico-dépendants pour une dose d’équivalent
prednisone ≥ 10 mg/j chez le grand enfant, ≥ 0,5 mg/kg/j chez le petit enfant, ou présentant
des poussées récurrentes d’AHAI (soit environ 50 % des enfants), le choix du traitement de
deuxième ligne doit être discuté au cas par cas en concertation avec les hématologues pédiatres
référents de la région, et se fonde sur les rares données publiées, l’expérience du groupe CEREVANCE, et les caractéristiques du patient, dans le respect de l’équilibre bénéfice / risque
[27,28].
Depuis le début des années 2000, l’efficacité du rituximab, anticorps monoclonal murin
humanisé anti-CD20, a été évaluée dans un nombre croissant de maladies auto-immunes et
notamment dans les cytopénies auto-immunes. Dans les AHAI, les premières études rapportées chez l’enfant ont montré des résultats spectaculaires et particulièrement prometteurs,
avec des taux de réponses complètes variant de 87 à 100 %, confirmés dans la cohorte CEREVANCE, avec plus de 60 patients traités [29,30]. Au vu de ces données et de notre expérience et dans l’attente d’études prospectives contrôlées difficiles à mettre en place pour cette
maladie rare de l’enfant, il paraît licite de proposer le rituximab dans les cas d’AHAI corticorésistantes ou cortico-dépendantes, à visée d’épargne cortisonique. La recherche préalable
d’un déficit immunitaire sous-jacent en lien avec le laboratoire d’immunologie référent
est un impératif. Les modalités d’utilisation restent calquées sur les données publiées :
375 mg/m2/semaine, pour 4 semaines, à administrer en hospitalisation de jour dans une unité
d’hématologie pédiatrique. Le rituximab est un traitement bien toléré malgré l’existence
de réactions allergiques nécessitant une surveillance hémodynamique rapprochée lors de la
perfusion et d’une lymphopénie B secondaire quasi systématique et de durée variable (3 à 9
mois). Cette lymphopénie ne s’accompagne que rarement d’épisodes infectieux sévères. En
outre malgré cette lymphopénie, il n’existe que rarement une hypogammaglobulinémie
associée, qui est à rechercher régulièrement dans l’année qui suit le traitement, et qui indique
alors la nécessité d’une substitution. Plus rarement ont été décrits des cas de neutropénie
survenant de manière précoce (< 1mois) ou retardée (> 3 mois), dont le mécanisme incomplètement compris et probablement immunologique et dont la gravité est variable allant de
la résolution rapide à quelques cas de rares décès. Une information claire du patient et de son
entourage médical doit être donnée : en cas d’épisode fébrile dans les mois qui suivent le
traitement, contrôle de la NFS, documentation microbiologique, antibiothérapie « facile ».
Enfin les cas de survenue de leucoencéphalite multifocale progressive n’ont pas été décrits
chez des enfants et l’imputabilité au traitement par rituximab n’est pas clairement établie
chez l’adulte.
La prise en charge des formes chroniques « réfractaires » d’AHAI de l’adulte repose sur
la splénectomie et/ou les immunosuppresseurs. En ce qui concerne la splénectomie, son taux
de succès à long terme est estimé à 50-60 % dans les formes primitives d’AHAI mais les
facteurs prédictifs de réponse ne sont pas clairement établis [31]. La splénectomie peut être
discutée chez l’enfant de plus de 5 ans, avec un seuil de cortico-dépendance élevé, malgré
administration de rituximab, mais compte tenu des risques infectieux au long terme, elle doit
être le plus possible décalée dans le temps. Les vaccinations usuelles doivent avoir été réalisées
avant début du rituximab. Outre les mesures préventives classiques à prendre vis-à-vis des
infections à germes encapsulés, une vigilance accrue en matière de la prévention des risques
thrombo-emboliques doit être de mise dans la période post-opératoire, les patients atteints
d’AHAI active ayant un risque relatif accru de thromboses veineuses.
Concernant les immunosuppresseurs (azathioprine, mycophénolate mofétil, cyclosporine
72
N. ALADJIDI, G. LEVERGER, T. LEBLANC, C. PONDARRE, Y. PEREL
cyclophosphamide), bien que d’authentiques succès aient été rapportés chez l’enfant comme
chez l’adulte dans de petites séries rétrospectives, leur taux respectif d’efficacité n’est pas
clairement établi. Il est à noter qu’aucune étude pharmacocinétique n’est disponible pour
évaluer le rapport bénéfice / risques de l’utilisation de ces immunosuppresseurs chez l’enfant.
Enfin, chez des enfants ou des adultes atteints de formes particulièrement sévères et réfractaires d’AHAI mettant en jeu le pronostic vital, des rémissions ont été rapportées après
intensification thérapeutique par chimiothérapie à fortes doses suivie d’autogreffe voir
d’allogreffe de cellules souches périphériques mais au prix d’une morbi-mortalité particulièrement élevée [27,32].
MODALITES EVOLUTIVES ET PRONOSTIC
Les AHAI post-infectieuses ou de type C3 isolé ont classiquement une évolution favorable
en quelques semaines [1-8]. Dans l’expérience du CEREVANCE, les AHAI de l’enfant évoluent sur un mode chronique > 6 mois dans 46 % des cas, même en cas d’AHAI post-infectieuse ou avec test de Coombs de type C3 isolé [9]. Si l’on adopte par analogie, la classification
évolutive proposée pour les PTI par le consensus international en 2009 : AHAI « aiguë »
< 3 mois d’évolution dans 24 % des cas, AHAI « persistante » 3-12 mois d’évolution dans
50 % des cas, AHAI « chronique » > 12 mois d’évolution dans 26 % des cas. Le principal
facteur pronostique d’évolution d’une AHAI de l’enfant vers la chronicité est le type de test
de Coombs : dans la cohorte française, à 2 ans du diagnostic initial, le pourcentage d’enfants
en rémission sans poussée ni traitement depuis plus d’un an était de 71 % en cas de Coombs
type C3 isolé, et de 18 % en cas de Coombs de type IgG / IgG + C3 (p = 0,01). La mortalité
globale des AHAI isolées est de nos jours de l’ordre de 1 % chez l’enfant [9].
Dans les formes secondaires, le pronostic peut bien sûr être conditionné par l’évolutivité
de la maladie sous-jacente. Chez des enfants atteints d’une AHAI initialement considérée
comme primitive ou « idiopathique», un déficit immunitaire surtout humoral, une autre
maladie auto-immune, voire un lymphome ou une myélodysplasie (à l’âge l’adulte) peuvent
survenir au cours du suivi et ce dans un délai pouvant aller dans notre expérience jusqu’à plusieurs années à compter du diagnostic d’AHAI [9]. Cette éventualité justifie que les patients
aient un suivi prolongé au-delà de l’obtention d’une rémission de l’AHAI ou de l’arrêt des
traitements. Parmi les autres complications évolutives possibles, plusieurs auteurs ont rapporté
un risque accru de thromboses veineuses profondes chez les patients adultes atteints d’AHAI
[33]. Ce risque semble particulièrement élevé chez les patients ayant des anticorps anti-phospholipides et/ou un antécédent de splénectomie, et chez lesquels des mesures préventives
(anticoagulants à dose préventive) doivent être envisagées.
Enfin, au cours du SE, le taux de mortalité est relativement élevé : 7 à 36 % dans les 4
séries pédiatriques anciennes et rétrospectives rapportées (18-22), 9 % dans la cohorte
pédiatrique française [9]. Les décès chez l’enfant sont principalement liés à des accidents hémorragiques ou à des complications infectieuses liées aux traitements. Le traitement du SE
n’est pas codifié mais il s’apparente en pratique à celui d’une AHAI isolée, à l’exception du
recours aux immunoglobulines polyvalentes qui peut s’avérer nécessaire en cas de thrombopénie sévère et menaçante. La difficulté de la prise en charge tient entre autre au fait que les
2 cytopénies peuvent avoir une évolution dissociée sous traitement.
En conclusion, l’AHAI de l’enfant constitue le plus souvent une urgence diagnostique
et thérapeutique. Dans chaque région, l’équipe référente d’hématologie pédiatrique est à
ANEMIES HEMOLYTIQUES AUTO-IMMUNES DE L’ENFANT
DONNEES DE LA COHORTE FRANÇAISE, PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
73
interpeler précocement, afin de proposer une prise en charge adaptée ; les recommandations
sont disponibles sur le site de la SFP/SHIP/CEREVANCE (http ://www.sfpediatrie.com/).
L’inclusion de tous les enfants atteints d’AHAI dans la cohorte nationale permettra, par
les études en cours, d’améliorer des connaissances épidémiologiques, d’engager des études
fondamentales et génétiques, de connaître le devenir au long terme de ces enfants, et surtout
de mener des études thérapeutiques rigoureuses dans cette classe d’âge, afin d’améliorer la
stratégie d’utilisation des médicaments nouveaux ou coûteux, l’information donnée aux
familles et la qualité de vie des enfants.
AUTEURS :
Nathalie ALADJIDI 1,2, Guy LEVERGER 1,3, ierry LEBLANC 1,4, Corinne PONDARRE 5, Yves PEREL 1,2
1.
Centre de référence national des cytopénies auto-immunes de l’enfant CEREVANCE, Hôpital des Enfants –
Pellegrin, CHU Bordeaux
2.
Hôpital des Enfants – Pellegrin, 33000 Bordeaux
3.
Hôpital Armand Trousseau, 75012 Paris
4.
Hôpital Robert Debré, 75009 Paris
5.
Institut d’Onco-Hématologie Pédiatrique, 69000 Lyon
AUTEUR CORRESPONDANT :
Nathalie Aladjidi - [email protected]
Remerciements : Association Française pour le Syndrome d’Evans (AFSE, France),
Association Recherche et Maladies Hématologiques de l’Enfant (ARMHE, Trousseau),
Association Bordelaise pour l’Avancée des Sciences en Pédiatrie (ABASP, Bordeaux).
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ANEMIES HEMOLYTIQUES AUTO-IMMUNES DE L’ENFANT
DONNEES DE LA COHORTE FRANÇAISE, PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
75
TABLE 1 : Recommandations d’examens complémentaires à réaliser au diagnostic d’une AHAI
de l’enfant à la recherche d’une maladie associée, selon le contexte clinique
Examens généraux
NFS, réticulocytes, frottis sanguin (exclusion hémolyse constitutionnelle, schizocytes)
Groupe sanguin, RAI
LDH, haptoglobine, transaminases, GGT, bilirubine totale et conjuguée, PAL
TP, TCA, Fibrine, anticoagulant lupique, anticorps anti-phospholipes
Si bi-cytopénie ou réticulopénie : myélogramme
Infections
Sérologies, PCR ou cultures dans le sang, la moelle ou les urines, selon le contexte : EBV, CMV, Parvovirus, mycoplasme, varicelle, herpès, hépatite B, C, VIH
Déficit immunitaire
IgG, A, M (avant perfusion d’IgIV), sous classes d’IgG (après l'âge de 2 ans)
Si anomalie : sérologies vaccinales, allo-hémaglutinines de groupe, phénotypage B complet (mémoire, naïfs)
Phénotypage lymphocytaire : CD3+, CD4+, CD8+, CD19+, CD56+, CD3+4-8- TCR αβ+ (« cellules T double
négatives » = DNTs)
Si anomalie quantitative : tests de proliférations lymphocytaires, études génétiques
Si splénomégalie, hypergammaglobulinémie, élévation des DNTs : IL10, fas ligand circulant, tests fonctionnels
d’apoptose, études génétiques
Maladie auto-immune
FAN, anti-DNA natifs, hématurie, protéinurie, C3, C4, VS
Si anomalies : autres auto-anticorps anti tissus...
AC anti-thyroglobuline, anti-thyroperoxydase, T3, T4, TSH
Syndrome tumoral
Radiographie de thorax et échographie abdominale (thymus, rate, syndrome tumoral)
Si adénopathie, masse : enzyme de conversion, biopsie éventuelle (lymphoprolifération non spécifique, maladie granulomateuse, sarcoïdose, maladie maligne)
Dysmorphie, anomalie malformative associée
Avis d’un généticien (syndrome génétique rare)
Hépatite à cellules géantes
Si cytolyse hépatique marquée : ponction biopsie hépatique
TABLE 2 : Recommandations de prise en charge d’une AHAI de l’enfant
76
77
LE SYNDROME LYMPHOPROLIFERATIF AUTO-IMMUN
PAR DEFICIT EN FAS
par
B. NEVEN, A. MAGERUS-CHATINET, F. RIEUX-LAUCAT, A. FISCHER
Le syndrome lymphoprolifératif auto-immun (ALPS pour auto-immune lymphoproliferative syndrome) ou encore syndrome de Canale-Smith à été décrit par les auteurs du même
nom en 1967 [1]. Ce syndrome complexe est décrit comme l’association d’une polyadénopathie, d’une hépatosplénomégalie, associé à une hypergammaglobulinémie et des anomalies
hématologiques à titre de cytopénies évoquant une origine auto-immune. Il évolue sur un
mode chronique et débute dans l’enfance.
En 1992, Sneller et al. [2] rapportent une élévation de lymphocytes T CD3+ TCRα /β+
mais C4- et CD8- (lymphocytes T doubles négatifs, DN) chez 2 patients présentant une
lymphoprolifération bénigne et des cytopénies auto-immunes. Les auteurs établissent une
connexion avec les modèles murins de souris lpr et gld qui en plus de la lymphoprolifération,
présentent une expansion d’une population lymphocytaire similaire a/b+ CD4- CD8- DN.
Des mutations du gène TNFRSF6, codant pour la protéine FAS ou CD95, sont rapportées en 1995 [3] chez des patients présentant un ALPS et un défaut d’apoptose induit par
FAS in vitro. Depuis cette description initiale, d’autres patients ont été décrits [4,5,6,7].
Quelques rares patients avec mutation de caspase 10, caspase 8 et de FAS-L ont été rapportés.
ROLE DU RECEPTEUR FAS DANS L’HOMEOSTASIE
DU SYSTEME IMMUNITAIRE
La protéine FAS (CD95, APO-1) est un « récepteur de mort », son activation entraîne
la mort de la cellule par apoptose. Cette voie d’apoptose, dépendante du récepteur FAS, joue
un rôle essentiel dans le maintien de l’homéostasie du système immunitaire et l’élimination
des clones autoréactifs via le processus d’AICD (pour Activation Induced Cell Death). Les
cellules activées de façon chronique (infection chronique, autoantigène) sont éliminées par
ce processus d’AICD.
FAS appartient à la famille du récepteur au TNF. Il est constitué d’un domaine extracellulaire comprenant 3 domaines riches en cystéine, d’un domaine transmembranaire et
d’un domaine intracellulaire comprenant un domaine de mort (figure 1A). Son expression
est ubiquitaire. Elle est limitée sur les lymphocytes T et B au repos mais est augmentée après
activation. Le gène codant pour la protéine FAS, TNFRSF6 est localisé sur le chromosome
10. Le ligand de FAS est le FAS-L dont l’expression est plus restreinte. Les trimères de FAS
exprimés à la membrane reconnaissent et fixent les trimères de FAS-ligand. Il en résulte la
78
B. NEVEN, A. MAGERUS-CHATINET, F. RIEUX-LAUCAT, A. FISCHER
formation rapide d’un complexe multiprotéique appelé DISC (death-inducing signaling complex)
[8]. Ce complexe est constitué de FAS, caspase 8, FADD, son modulateur c-FLIP et
chez l’homme de caspase 10. En aval, le DISC active les caspases 3 et 7 qui initient la phase
effectrice menant à l’apoptose de la cellule (figure 1C).
CARACTERISTIQUES CLINIQUES, BIOLOGIQUES
ET ANATOMO-PATHOLOGIQUES DE L’ALPS
Tous les patients présentent une lymphoprolifération caractérisée par une splénomégalie
et/ou des adénopathies. Le début est précoce, dans la petite enfance dans la majorité des cas.
L’âge médian de survenue des premiers signes est de 2 ans. Il existe quelques rares cas à début
tardif à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Cette lymphoprolifération est souvent majeure, la présence d’une splénomégalie est retrouvée chez plus de 95 % des patients, sa taille
est souvent très significative, à l’ombilic ou au-delà chez 2/3 des patients. Cette splénomégalie
est souvent responsable d’un hypersplénisme. Le syndrome lymphoprolifératif a tendance à
régresser à la fin de l’adolescence et à l’âge adulte [9]. Les manifestations auto-immunes sont
aussi très fréquentes et surviennent chez deux tiers des patients. Elles apparaissent le plus souvent après la lymphoprolifération, l’âge médian de survenue est de 5,5 ans. Le plus souvent,
il s’agit de cytopénies auto-immunes (anémie hémolytique auto-immune, neutropénie autoimmune, thrombopénie auto-immune). Les atteintes auto-immunes d’organes sont plus
rares : uvéite, arthrite, hépatite, glomérulonéphrite, syndrome de Guillain-barré et ont été
rapportés [4] Bleesing, 2000 #48}[5,7]. Ces manifestations auto-immunes et en particulier
les cytopénies auto-immunes peuvent perdurer à l’âge adulte. Ces patients présentent également un risque accru de développer un lymphome en particulier de la lignée B. Ce risque
relatif est estimé 55x pour les lymphomes de Hodgkin et de 14x pour les lymphomes B non
hodgkiniens [10]. A titre indicatif, les caractéristiques cliniques d’une série de 90 patients
ALPS-FAS et sFAS sont données dans la table 1.
Les anomalies hématologiques sont très fréquentes (anémie régénérative, thrombopénie,
neutropénie). Les cytopénies en rapport avec l’hypersplénisme sont aggravées par l’autoimmunité. Une lymphocytose relative et une hyper-éosinophilie sont fréquentes. Les autoanticorps dirigés contre les cellules sanguines sont les plus fréquents. Les facteurs antinucléaires, le facteur rhumatoïde ou les antiphospholipides sont parfois positifs.
L’analyse histologique des ganglions montre une architecture globale conservée. Une
hyperplasie des zones interfolliculaires infiltrées par des cellules TDN ainsi qu’une hyperplasie folliculaire sont les anomalies les plus constantes. Des images histologiques évoquant
un syndrome de Rosai-Dorfman (infiltrat histiocytaire, image d’emperipolèse, marquage
S-100 positif ) sont fréquentes.
CARACTERISTIQUES IMMUNOLOGIQUES
Comme les souris lpr ou gld, les patients ALPS présentent une augmentation des lymphocytes T CD3 TCRαβ+ CD4- et CD8- (T double négatif ou TDN). L’augmentation
des TDN (> 2% des lymphocytes CD3+) est un critère diagnostique important. Cette population TDN apparaît polyclonale et semble dériver de la population CD8+ conventionnelle activée de façon répétée par leur TCR. Elle exprime le CD45RA, paradoxalement
LE SYNDROME LYMPHOPROLIFERATIF AUTO-IMMUN PAR DEFICIT EN FAS
79
concomitamment avec des marqueurs d’activation tels que le HLA-DR. Elles expriment
également le granzyme A. Les TDN sont incapables de proliférer in vitro et présentent des
marqueurs de cellules sénescentes comme le CD57 [11].
L’hypergammaglobulinémie polyclonale est également très fréquente et touche principalement
les IgG et les IgA alors que les IgM sont normales ou diminuées.
L’IL-10 est augmenté dans le sérum des patients. L’ARNm de l’IL-10 est augmenté dans
les TDN [12]. Le dosage de FAS-L plasmatique, augmenté dans l’ALPS est également un excellent
marqueur diagnostique [13]. L’apoptose FAs-dépendante des lymphocytes T activés in vitro
est défectueuse.
GENETIQUE DE L’ALPS
Le défaut humain est hétérogène, tant sur le plan clinique que génétique. La grande
majorité des patients présentent une mutation hétérozygote dominante de TNFRSF6 (FAS),
quelques patients issus de familles consanguines présentent une forme particulièrement sévère
associée à des mutations homozygotes dominantes de FAS. De rares cas ont été décrits
avec une mutation de FAS-L. Les défauts en caspases 8 et 10 ont été rapportés mais sont
exceptionnels.
Défaut germinal homozygote dominant en FAS
Trois cas de déficits homozygotes en FAS sont décrits dans la littérature [3,14,15] auxquels
il faut rajouter deux cas hétérozygotes composites [16]. La présentation clinique est précoce
(néonatale voire anténatale) et sévère. Le défaut d’expression de FAS est complet.
Défaut germinal hétérozygote dominant en FAS
On ne connaît pas avec précision la fréquence du déficit en FAS. On peut l’évaluer en
France à 1/150 000 naissances. Plus de 100 mutations ont été identifiées à ce jour. Elles touchent
le plus souvent la séquence codante (faux sens, insertion, délétion) ou plus rarement l’un des
sites d’épissage. Elles sont localisées sur tous les exons du gène à l’exception de l’exon 1. Deux
tiers des mutations touchent le domaine intracellulaire (exon 7 à 9) et en particulier le DD
(exon 9) [17]. Les domaines extra-cellulaire (exon 1 à 5) et trans-membranaire (exon 6) sont
moins souvent touchés. Les conséquences fonctionnelles de ces mutations, étudiées in vitro,
sont un défaut d’apoptose induit par FAS (figure 1B).
Sur le plan clinique, il existe une pénétrance variable des mutations et une variabilité
phénotypique importante. Dans certaines familles, il est observé des co-latéraux porteurs de
la mutation du gène FAS qui ne présentent pas de signes cliniques malgré un défaut d’apoptose
induite par FAS de leurs lymphocytes in vitro. Par ailleurs, au sein d’une même famille, les
personnes porteuses de la mutation qui développent la maladie peuvent avoir un mode de
présentation et une sévérité très variable.
Les mutations du domaine extra-cellulaire, responsable d’une haplo-insuffisance par
défaut d’expression du récepteur FAS ont une pénétrance plus faible, d’environ 30 % alors
qu’elle est de 80 % pour la plupart des mutations du domaine intracellulaire [18]. Ces mutants
affectant le domaine intracellulaire sont normalement exprimés à la surface des cellules, FAS
80
B. NEVEN, A. MAGERUS-CHATINET, F. RIEUX-LAUCAT, A. FISCHER
étant exprimé sous forme de triplet à la membrane, 1/8 des trimères sera constitué de 3
molécules sauvages, 100 % fonctionnel alors que 7 triplets sur 8 contiennent de 1 à 3 molécules
mutées, d’ou l’effet dominant négatif.
Par ailleurs, la pénétrance variable des mutations de FAS suggère que d’autres facteurs
influencent la pénétrance et le mode d’expression de la maladie. Ces facteurs additionnels
peuvent être génétiques ou environnementaux. Les études chez la souris Lpr suggèrent d’avantage
des facteurs génétiques, la sévérité du phénotype observé dépendant du fond génétique utilisé
alors que l’élevage en milieu stérile ne modifie pas le mode d’expression de la maladie.
Mutation somatique de FAS
Holzelova et al. ont rapporté, en 2004, six patients présentant une mutation somatique
de FAS. Ces patients avaient toutes les caractéristiques cliniques de l’ALPS, une augmentation
des cellules doubles négatives mais un test d’apoptose dépendant de FAS normal in vitro [19].
Cette mutation se retrouve dans près de 100 % des cellules TDN et dans 10 à 20 % des cellules
simples positives CD4+, CD8+ ainsi que dans les cellules des autres lignées hématopoïétiques
(Tgd, NK, B, neutrophiles, monocytes) [19]. La mutation n’était par contre pas retrouvée
au niveau des cellules épithéliales muqueuses ou des follicules pileux suggérant que l’anomalie
génétique somatique est survenue durant la vie embryonnaire et a touché un progéniteur
hématopoïétique. Le fait que 100 % des cellules TDN soient mutées suggère que ces cellules
résultent d’une activation des lymphocytes T normalement contrôlée par AICD faisant
intervenir la voie FAS/FAS-L. Cette voie étant non fonctionnelle, les cellules TDN s’accumulent in vivo. Par contre, elles meurent in vitro pour une raison inconnue. Cela explique la
normalité du test d’apoptose dépendant de FAS in vitro chez ces patients. L’IL-10 et le
FAS-L plasmatiques sont augmentés tout comme chez les patients porteurs de mutations
germinales de FAS ayant développé la maladie et sont donc très utiles au diagnostic. Au sein
de notre cohorte de 90 patients ALPS, 83 % portent une mutation germinale de TNFRSF6
(ALPS-FAS) et 17 % une mutation somatique (ALPS-sFAS).
Déficit en FAS-L
Del Ray et al. ont rapporté un patient porteur d’une mutation homozygote faux sens
du domaine extra-cellulaire de FAS-L [20]. Ce patient, issu de parents consanguins asymptomatiques présentait une lymphoprolifération, une cytopénie auto-immune et une augmentation
des TDN.
Défaut en caspase 10
Des mutations du gène codant la caspase 10, un composant essentiel du complexe de
signalisation de FAS, ont été identifiées chez deux patients [21]. Il s’agit d’une mutation
hétérozygote dominante dans un cas et d’une mutation homozygote dans l’autre.
Défaut en caspase 8
Un défaut en caspase 8 a été rapporté dans une seule famille consanguine [22]. Les 2
LE SYNDROME LYMPHOPROLIFERATIF AUTO-IMMUN PAR DEFICIT EN FAS
81
patients porteurs d’une mutation homozygote de caspase 8 présentaient une lymphoprolifération et une splénomégalie sans augmentation des TDN. Ils présentaient en outre un déficit
immunitaire responsable d’infections sino-pulmonaires et herpétiques. In vitro, ces patients
présentaient un défaut d’apoptose induit par FAS mais aussi un défaut de prolifération, ainsi
qu’un défaut de production d’immunoglobulines et d’activation des cellules NK. Du fait du
phénotype clinique et cellulaire de ces malades et l’absence d’augmentation des TDN, ce
défaut doit d’avantage être classé parmi les déficits immunitaires et pour ces raisons ne figurent
plus dans la nouvelle classification de l’ALPS.
CRITERES DIAGNOSTIQUES ET CLASSIFICATION DE L’ALPS
Les critères diagnostiques initialement proposés pour retenir le diagnostic d’ALPS reposaient
sur des critères cliniques, immunologiques et fonctionnels. Les critères requis étaient la
présence d’une lymphoprolifération non maligne chronique (> 6 mois), un défaut d’apoptose
in vitro et une augmentation des lymphocytes TDN dans le sang périphérique. Les critères
permettant de supporter le diagnostic étaient une histoire familiale d’ALPS, la présence de
caractéristiques histologiques compatibles, et la présence de manifestations auto-immunes.
Récemment, ces critères diagnostiques et la classification ont été revus de manière à tenir
compte des avancées récentes [23].
Critères diagnostiques
Critères requis
Selon cette nouvelle nomenclature sont :
1. Lymphoprolifération chronique (> 6 mois), non maligne d’origine non infectieuse
(lymphadénopathies et/ou splénomégalie).
2. Augmentation des lymphocytes T doubles négatifs : CD3+ TCRαβ++ CD4- CD8(≥ 2,5 des lymphocytes T ou ≥ 1,5 % des lymphocytes totaux).
Critères accessoires principaux
1. Défaut d’apoptose dépendante de FAS in vitro à 2 reprises.
2. Mutation germinale ou somatique de FAS, FAS-L ou caspase 10.
Critères accessoires secondaires
1. Augmentation du taux de FAS-L plasmatique (>200 pg/ml) ou de l’IL-10 (> 20 pg/ml)
ou de la vitamine B12 (> 1500 ng/ml) ou de l’IL-18 > 500 pg/ml.
2. Histologie des organes lymphoïdes compatible, revue par un anatomopathologiste expérimenté.
3. Cytopénie auto-immune (anémie hémolytique, thrombopénie, neutropénie) et hypergammaglobulinémie G polyclonale.
4. Histoire familiale de lymphoprolifération chronique non maligne d’origine non infectieuse
± auto-immunité.
➔
➔
Diagnostic certain : 2 critères requis et 1 critère mineur principal
Diagnostic probable : 2 critères requis et 1 critère mineur secondaire
82
B. NEVEN, A. MAGERUS-CHATINET, F. RIEUX-LAUCAT, A. FISCHER
Nouvelle classification
ALPS-FAS : ALPS par mutation germinale homozygote ou hétérozygote de FAS
ALPS-sFAS : ALPS par mutation somatique de FAS
ALPS-FASG : ALPS par mutation germinale homozygote de FAS-L
ALPS-CASP10 : ALPS par mutation germinale homozygote de caspase 10
ALPS-U : ALPS non génétiquement déterminé.
Suivant ces critères, la démarche diagnostique est explicitée sur la figure 2. Lorsque le
diagnostic est évoqué chez un patient, du fait de son histoire clinique (lymphoprolifération
chronique (splénomégalie ++) début précoce (< 5 ans), auto-immunité en particulier cytopénie auto-immune), il convient de doser les immunoglobulines et d’effectuer un phénotypage lymphocytaire afin de déterminer le pourcentage des lymphocytes TDN (CD3+,
TCRab+, CD4-, CD8-). L’augmentation des lymphocytes TDN ≥ 2,5 % engage à poursuivre les explorations. Une hypergammaglobulinémie IgG et IgA constitue un argument indirect. L’étape suivante consiste à doser les FAS-L et l’IL-10 plasmatiques. L’augmentation du
FAS-L ± de l’IL10 sont très en faveur d’un diagnostic d’ALPS. Il est important de signaler
que les 3 marqueurs de l’ALPS, le pourcentage de TDN, le dosage plasmatique du FAS-L et
de l’IL10 peuvent être diminués et donc moins sensibles sous traitement immunosuppresseur.
Cet élément est donc à prendre en compte dans l’interprétation des résultats. Le séquençage
du gène TNFRSF6 codant pour FAS sur ADN génomique est ensuite effectué. Si celui-ci
ne montre pas d’anomalie, les lymphocytes TDN seront triés de manière à rechercher une
mutation somatique de TNFRSF6. Le test d’apoptose in vitro n’est plus effectué en routine
car il ne permet pas de détecter les patients ALPS-sFAS.
PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DE L’ALPS
La sévérité des manifestations clinique, de la lymphoprolifération et de l’auto-immunité
est très variable d’un patient à l’autre, y compris au sein des membres d’une même famille.
70 % des patients requièrent un traitement durant leur évolution. C’est habituellement les
manifestations auto-immunes et en particulier les cytopénies auto-immunes qui dictent les
indications et choix thérapeutiques mais l’ampleur de la lymphoprolifération (taille de la splénomégalie devenant gênante ou responsable d’un hyperspénisme important) en elle-même
peut être une indication thérapeutique. La prise en charge des manifestations auto-immunes
repose en première ligne sur les corticoïdes. Le traitement de deuxième ligne, souvent débuté
simultanément, repose sur les immunosuppresseurs et pro-apoptotiques de type 6 mercaptopurine ou azathiorpine. La rapamycine est également une alternative récente, du fait de son
effet antiprolifératif. Ces traitements sont par ailleurs efficaces pour réduire la lymphoprolifération. La splénectomie a été utilisée dans le passé. Sa place est actuellement limitée, du fait
de l’observation chez les patients ALPS d’un taux élevé d’infection bactérienne invasive à
germes encapsulés. Chez les patients ALPS splénectomisés, ceci impose le stricte observance
des mesures prophylactiques (antibioprophylaxie, vaccinations vis-à-vis des germes encapsulés,
éducation des patients concernant la conduite à tenir en cas de fièvre).
LE SYNDROME LYMPHOPROLIFERATIF AUTO-IMMUN PAR DEFICIT EN FAS
83
L’ALPS : MODELE D’ETUDE DE L’AUTO-IMMUNITE
Les maladies auto-immunes sont très fréquentes puisque elles touchent 3 à 5 % de la
population. Sachant que plus de la moitié des lymphocytes produits dans les organes lymphoïdes
primaires peuvent reconnaître des déterminants du soi et donc potentiellement induire un
processus auto-immun, le système immunitaire a mis en place de multiples mécanismes de
tolérance au soi à la fois au niveau central (au cours des étapes de lymphopoïèse) mais également en périphérie au cours de la réponse immune. Quelques rares maladies monogéniques
en pathologies humaines illustrent l’importance de ces mécanismes de tolérance. Ainsi, le
syndrome APECED (ou encore polyendocrinopathie auto-immune de type 1) est associé à
des mutations récessives du gène AIRE (autoimmune regulator), le syndrome IPEX (immunodysregulation polyendocrinopathy enteropathy lié à l’X) est associé à des mutations de
FOXP3 (forkhead box P3). Plus généralement, les maladies auto-immunes apparaissent,
comme les cancers, sous forme de cas sporadiques, et plus rarement avec un certain degré
d’agrégation familiale, suggérant une composante génétique. Christopher Goodnow a réactualisé la théorie formulée il y a plus de 30 ans par Burnet qui suggérait que les maladies autoimmunes étaient la résultante d’une accumulation de mutations germinales et somatiques de
gènes clés dans le maintien de la tolérance au soi [24]. Nos observations récentes dans l’ALPS
viennent conforter ces hypothèses. En effet, chez certains patients ALPS porteurs de mutations germinales de FAS intrinsèquement peu délétères (haplo-insuffisance), un deuxième
facteur nécessaire au déclenchement de la maladie a été identifié. Cet événement correspond
à un événement génétique somatique acquis visant l’allèle sauvage du gène FAS qui est soit
muté soit emporté et remplacé par l’allèle porteur de la mutation germinale (phénomène
d’unidisomie parentale). Ce phénomène rappelle le modèle de Knudson proposé dans
certaines formes de cancers génétiquement prédisposés. Les maladies auto-immunes, comme
les pathologies cancéreuses, peuvent être vues comme la résultante d’une addition de facteurs
génétiques hérités et somatiques en interactions avec des facteurs environnementaux.
Une fois encore, l’étude de maladies monogéniques rares permet des avancées significatives
et dans la compréhension de maladies fréquentes telles que les maladies auto-immunes, offrant
des champs d’investigations nouveaux.
AUTEURS :
BENEDICTE NEVEN1,2, AUDE MAGERUS-CHATINET1, FREDERIC RIEUX-LAUCAT1,
ALAIN FISCHER1,2
1. Laboratoire INSERM, U768, Hôpital Necker Enfants malades, Paris France
2. Service d’immuno-hématologie pédiatrique, Hôpital Necker Enfants malades, Paris France
AUTEUR CORRESPONDANT :
BENEDICTE NEVEN : [email protected]
84
B. NEVEN, A. MAGERUS-CHATINET, F. RIEUX-LAUCAT, A. FISCHER
Table 1 : caractéristiques génétiques et cliniques d’une série franco-belge de 90 patients ALPS
Patients ALPS
cas index/apparentés
n= 90
%
63/27
83/17%
Génétique
ALPS-FAS (mutation germinale de TNFRSF6)
ALPS-sFAS (mutation somatique de TNFRSF6)
83%
17%
Lymphoprolifération
LP chronique > 6 mois
Splénomegalie
Lymphadénopathie
89/90
85/90
76/84
99%
95%
90%
Auto-immunité
toutes manifestations AI
cytopénie auto-immune
autres manifestations AI
55/88
47/88
13/88
63%
53%
15%
Néoplasies
toutes néoplasies
lymphome B non Hodgkin
lymphome de Hodgkin
Gliome
8/90
4/90
3/90
1/90
9%
LP : lymphoprolifération ; AI : auto-immune
Figure 1
Légendes des figures
Figure 1A : Séquence protéique de FAS. La protéine est constituée du domaine extra-cellulaire (DEC) avec 3
domaines riches en cystéine (CRD), le domaine trans-membranaire (DTM) et le doamine intracellulaire (DIC)
contenant le domine de mort (DD).
Figure 1B : Séquence génomique du gène TNFRSF6 codant pour la protéine FAS. Le gène TNFRSF6 est
constitué de 9 exons. Les exons 1 à 5 codent pour le DEC, l’exon 6 pour le DTM et les exons 7 à 9 pour le DIC. Les
LE SYNDROME LYMPHOPROLIFERATIF AUTO-IMMUN PAR DEFICIT EN FAS
85
mutations retrouvées dans l’ALPS sont indiquées le long de la séquence génomique. Les mutations du DEC représentent 30% des mutations et engendrent une haploinsuffisance responsable d’une faible pénétrance. A l’inverse,
les mutations du domaine intracellulaire sont plus fréquentes. Elles agissent par effet dominant négatif. La pénétrance
clinique est de 70 à 80 %.  mutation stop,  mutation faux sens, * mutation décalant le cadre de lecture, u délétion).
Figure 1C : L’activation du récepteur FAS par son ligand, le FAS-L entraîne la formation d’un macrocomplexe
cellulaire appelé DISC (Death inducing signaling complex), ce qui conduit à l’activation des caspases effectrices et
la mort de la cellule par apoptose. Le syndrome lymphoprolifératif auto-immun est majoritairement lié à des mutations autosomiques dominantes de FAS. Quelques cas homozygotes dominants ont été décrits. Les cas de défauts
homozygotes en FAS-L et en caspase-10 sont exceptionnels.
Figure 2
Situation clinique évoquant un ALPS
Lymphoprolifération bénigne, chronique
et précoce (< 5 ans)
+/- cytopénies autoimmunes
Dosage des immunoglobulines
Phénotypage lymphocytaire
HypergammaglobulinémieIgG et IgA
Augmentation des lymphocytes
TDN (CD3+, TCRab+, CD4- CD8-) (≥ 2.5)
Dosage plasmatique FAS-L et IL-10
Si FAS-L > 0.2 ng/ml et/ou IL10 > 20 pg/ml
Séquençage du gène TNFRSF6 (FAS) sur ADN génomique
Mutation +: ALPS-FAS
Tri des lymphocytes TDN, extraction ADN sur population triée et
séquençage du gène TNFRSF6 (FAS)
Mutation +: ALPS-sFAS
Figure 2 : Démarche diagnostique :
Lorsque le diagnostic est évoqué chez un patient, du fait de son histoire clinique (lymphoprolifération chronique
(splénomégalie ++) début précoce (< 5 ans), auto-immunité en particulier cytopénie auto-immune), il convient de
doser les immunoglobulines et d’effectuer un phénotypage lymphocytaire afin de déterminer le pourcentage des
lymphocytes TDN (CD3+, TCRab+, CD4-, CD8-). L’augmentation des lymphocytes TDN ≥ 2,5% engage vers
la poursuivre des explorations. Une hypergammaglobulinémie IgG et IgA constitue des arguments indirects. L’étape
suivante consiste à doser les FAS-L et l’IL-10 plasmatiques. L’augmentation du FAS-L ± de l’IL10 est très en faveur
d’un diagnostic d’ALPS. Il est important de signaler que les 3 marqueurs de l’ALPS, le pourcentage de TDN, le dosage plasmatique du FAS-L et de l’IL10 peuvent être diminués et donc moins sensibles sous traitement immunosuppresseur. Cet élément est donc à prendre en compte dans l’interprétation des résultats. Le séquençage du gène
TNFRSF6 codant pour FAS sur ADN génomique est ensuite effectué. Si celui-ci ne montre pas d’anomalie, les
lymphocytes TDN seront triés de manière à rechercher une mutation somatique de TNFRSF6. Le test d’apoptose
in vitro n’est plus effectué en routine car il ne permet pas de détecter les patients ALPS-sFAS.
86
B. NEVEN, A. MAGERUS-CHATINET, F. RIEUX-LAUCAT, A. FISCHER
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87
TABLE RONDE 3
Unités de Surveillance Continue : quels enfants et pourquoi ?
Organisateur : F. LECLERC
88
89
ASPECTS REGLEMENTAIRES DES USC PEDIATRIQUES
ET VALORISATION DES SEJOURS
par
J.-P. BLERIOT
ASPECTS REGLEMENTAIRES
La règlementation concernant les USC (Unités de Surveillance Continue) pédiatriques
est définie par le Code de Santé Publique à l'article R6123-38-7 et aux articles D6124-117 à
120 qui spécifient leur mission, certaines conditions d'implantation et de fonctionnement,
et les qualifications nécessaires.
Les circulaires DHOS N°413 du 27 août 2003 et N°396 du 8 septembre 2006 précisent
certaines modalités.
Le formalisme juridique impose la prudence de se reporter directement aux textes plutôt
que de chercher à les résumer.
Dans un souci de commodité, on peut toutefois relever les éléments suivants :
La mission d'une USC est d'assurer les soins aux enfants menacés d'une défaillance
potentielle d’un ou de plusieurs organes ne nécessitant pas la mise en œuvre de méthodes de
suppléance.
Elle a vocation à être médico-chirurgicale.
L'unité doit faire l'objet d'une reconnaissance par l'ARS1 dans le cadre d'un contrat
pluriannuel d’objectifs et de moyens passés entre elle et l'établissement.
Elle dispose de personnel non médical affecté à cette activité. Si une unité de réanimation
pédiatrique est présente dans l'établissement, ce personnel a vocation à être commun à l’unité
de surveillance continue et à la réanimation mais il est dédié à chacune de ces unités.
La surveillance médicale peut être mutualisée avec le service de pédiatrie, les urgences
pédiatriques ou la néonatologie. Elle est constituée au minimum d’une astreinte opérationnelle.
Pour qu'un établissement dépourvu d'unité de réanimation soit autorisé à disposer d'une
USC pédiatrique, il faut qu'il conclue une convention de transferts avec un établissement
pourvu.
Si unité de réanimation pédiatrique et USC coexistent dans l'établissement, l'USC doit
être individualisée, au sein de l'unité de réanimation ou à proximité immédiate.
RECOMMANDATIONS SUPPLEMENTAIRES
Créer une USC pédiatrique dès lors que l'établissement doit faire face à une centaine de
patients par an.
1
Agence Régionale de Santé.
90
J.-P. BLERIOT
Si une unité de réanimation pédiatrique (ou pédiatrique spécialisée) existe, créer une
USC et calibrer sa capacité à au moins la moitié de celle de l'unité de réanimation.
Doter l'USC pédiatrique d’un infirmier pour quatre patients.
Les décrets et circulaires répertorient, en outre, les qualifications nécessaires pour le
personnel médical.
NB : ces éléments, synthétisés à partir des textes officiels, ne pouvant se substituer à ceux-ci, ne
doivent pas être pris à la lettre. Il convient de se reporter aux textes pour une application rigoureuse.
VALORISATION
La valorisation des séjours repose sur deux mécanismes complémentaires : le GHS2 et le
supplément.
Le GHS est un forfait attribué systématiquement à chaque séjour hospitalier. Son montant est directement lié au GHM3 attribué. Ce dernier est fonction des données saisies dans
les résumés de PMSI (RUM/RSS)4 au premier rang desquelles figurent les diagnostics et les
actes.
La relation générale entre les GHM et les GHS est bijective : à tout GHM correspond
un GHS et un seul. Il y a des exceptions où la relation est injective : un GHM peut donner
lieu à des GHS différents en fonction de certaines particularités (acte, dispositif, etc.).
La recette générée par le GHS est liée, comme le GHM, à l'ensemble du séjour hospitalier.
Le supplément est un forfait journalier qui n’est attribué qu’à une sélection de séjours si
certains critères sont remplis.
L'objectif est de sélectionner les séjours les plus coûteux en ressources afin de leur affecter
un supplément de financement.
En procédant ainsi :
- On répartit plus équitablement les ressources en soutenant, sur un plan financier, les
établissements dont l'unité accueille les malades les plus lourds. Plus la proportion de séjours
lourds est importante et plus nombreux sont les suppléments. Le modèle assure l'équilibre
financier dans tous les cas de figure : unité de lourdeur moyenne, de lourdeur élevée, ou de
lourdeur inférieure à la moyenne.
- On préserve la dissociation entre les critères d'attribution de ce supplément et les critères
d’indication d’admission en USC. Ceux-ci restent du ressort médical.
Un passage en USC qui ne réunit pas les critères de supplément n’est nullement un passage
injustifié médicalement pour cette raison.
NB : les financements, quels qu'ils soient (GHS, suppléments journaliers …etc…), reposent
sur des mécanismes de valorisation qui ont été conçus à l'échelle de l'établissement. Ils ne sont
pas conçus pour fonctionner à l'échelle d'un service ou d'une unité médicale.
CRITERES D'ATTRIBUTION DES SUPPLEMENTS
Pour qu'un supplément journalier soit affecté à un passage en USC, ce dernier doit répondre
à l'un des critères suivants :
- soit faire suite à un passage en réanimation (IE dans une unité de réanimation en donnant
lieu au supplément de réanimation),
- soit donner lieu à un RUM comportant un diagnostic appartenant à une liste finie,
2
Groupe Homogène de Séjours. Appellation qui désigne, en fait, le forfait attribué à un GHM.
Groupe Homogène de Malades.
4
Programme de Médicalisation du Système d'Information ; Résumé d'Unité Médicale ; Résumé de Sortie Standardisé.
3
ASPECTS REGLEMENTAIRES DES USC PEDIATRIQUES ET VALORISATION DES SEJOURS
91
- soit donner lieu à un RUM comportant un acte appartenant à une liste finie.
La liste des diagnostics pédiatriques est constituée de la liste générale (malades adultes)
et d'une liste spécifique complémentaire.
Les listes ont été établies en collaboration avec les sociétés savantes (GFRUP pour les
items spécifiques, SRLF et SFAR qui sont à l'origine du dispositif général).
La forme juridique de ces dispositions est délivrée par un arrêté qui, généralement, est
publié annuellement, le plus souvent sous la forme d'un arrêté modificatif. L'arrêté en vigueur
est le suivant : Arrêté du 28 février 2011 modifiant l'arrêté du 19 février 2009 modifié relatif
à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de
médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6
du code de la Sécurité sociale (NOR: ETSH1105214A ). Ces arrêtés comportent en
annexe, notamment, les listes de diagnostics et d'actes.
On peut trouver ces informations, sous une forme plus commode, sur le site de l'ATIH5 :
http://www.atih.sante.fr.
Le principe d'une liste d'actes ne donne pas satisfaction pour plusieurs raisons. Tout
d'abord parce qu'il n'est pas en phase avec la volonté de sélectionner les cas qui, pour un même
GHM, ont donné lieu à une consommation de ressources plus importante. Ensuite, parce
que de telles listes sont difficiles à mettre à jour et impossibles à constituer de façon suffisamment
consensuelle.
Une piste est en cours d'exploration et consiste en la recherche d'un score d'activité adapté
aux USC pour venir se substituer éventuellement au dispositif de sélection actuel.
L'avantage d'un tel score serait de s'affranchir de listes peu satisfaisantes et de s'approcher
au mieux de ce que l'on cherche à cerner à savoir l'intensité de la prise en charge.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Jean-Pierre Blériot, 8 avenue de Ségur 75007 PARIS, [email protected]
5
Agence Technique de l'Information sur l'Hospitalisation.
92
93
EVALUATION DU RISQUE D’AGGRAVATION
CHEZ LES ENFANTS HOSPITALISES
par
S. LETEURTRE, F. LECLERC
INTRODUCTION
La survenue d’un arrêt cardiaque chez un enfant hospitalisé dans un service de pédiatrie
« courant » pour des soins non palliatifs est un événement rare dont l’incidence selon les
études varie de 0,19 à 2,45 cas pour 1000 admissions [1]. La gravité de l’arrêt cardiaque est
liée au risque de décès et de séquelles secondaires graves. La diminution de la fréquence de
survenue de cet événement et de ces complications comporte deux impératifs : premièrement,
une meilleure prise en charge de l’événement « arrêt cardiaque » lors de sa survenue
et deuxièmement la prévention de cet événement. Pour répondre au premier point, des
formations du personnel à la réanimation cardiopulmonaire initiale sont indispensables et
la création d’équipes médicales d’urgence intrahospitalière est proposée dans de nombreux
hôpitaux. Pour répondre au deuxième point, la nécessité d’une reconnaissance plus précoce
de l’état de gravité des enfants est nécessaire afin d’activer l’équipe médicale d’urgence intrahospitalière et d’optimiser ainsi la prise en charge dès les premiers signes d’aggravation de
l’état de l’enfant.
CRITERES DE REPARTITION DES ENFANTS
DANS LES SERVICES HOSPITALIERS
La répartition des enfants dans les services hospitaliers est basée sur deux critères. Le
premier est fondé sur le regroupement des enfants ayant un niveau de gravité voisin. Ainsi,
des services de réanimation pédiatrique accueillant les enfants ayant le niveau de gravité le
plus élevé ont été organisés depuis 30 à 40 ans. La spécificité organisationnelle de ces services
a été définie pour la dernière fois par les décrets et circulaires de 2006 [2-4]. Cependant, le
niveau de gravité des enfants hospitalisés dans des services de soins courants restait encore
très hétérogène. Ainsi des unités de soins intermédiaires, appelées « unités de surveillance
continues (USC) » (« intermediate care » pour les anglo-saxons) ont été créées depuis 2006
[5-6]. Ces USC constituent des structures de soins intermédiaires entre les services « classiques »
de pédiatrie (soins courants) et les services de réanimation. Ces USC permettent 1) une
94
S. LETEURTRE, F. LECLERC
surveillance « rapprochée » des enfants en centre hospitalier général (CHG) ou en centre
hospitalier universitaire (CHU) et, 2) la diminution du nombre de transferts vers le service
de réanimation pédiatrique qui est le plus souvent régional (CHU). Les ressources allouées
à ces USC sont déterminées à partir de listes de diagnostics et d’actes associés autorisant la
facturation d'un supplément de surveillance continue [7].
Le second critère de répartition des enfants hospitalisés est basé sur l’organe atteint. Ainsi,
pour un patient ne nécessitant pas de soins justifiant d’une hospitalisation en réanimation
ou en USC, l’hospitalisation se fait en cardio-pédiatrie, neuro-pédiatrie, gastro-pédiatrie…etc.
Lorsque l’état de l’enfant nécessite une surveillance rapprochée ou continue en raison d’un
risque de défaillance d’un ou de plusieurs organes ne nécessitant pas la mise en œuvre de
méthode de suppléance, il est, en général, admis en USC. Les soins de réanimation sont
destinés à des patients qui présentent ou sont susceptibles de présenter plusieurs défaillances
viscérales aiguës mettant directement en jeu le pronostic vital et impliquant le recours à des
méthodes de suppléance [2-4].
LE NIVEAU DE GRAVITE D’UN ENFANT PEUT CHANGER DANS LE TEMPS
Le niveau de gravité d’un enfant peut fluctuer durant son hospitalisation, ce qui requiert
une ré-évaluation régulière de son état, toute les 8 à 12 heures au minimum. L’évaluation du
risque d’aggravation (ou du niveau de gravité) d’un enfant hospitalisé est conditionnée par
l’aptitude des soignants à déterminer le niveau de gravité de son état à un instant donné, afin
de placer l’enfant dans le secteur de soins le plus approprié. Cette évaluation n’est pas sans
difficulté. En effet une étude américaine montrait que 95 % des arrêts cardiaques à l’hôpital
survenaient en présence d’un témoin ou lorsque l’enfant avait une surveillance par monitorage,
suggérant que le clinicien avait conscience du risque d’événement indésirable grave [1].
Une autre étude anglaise mentionnait que pour 29 % des décès intrahospitaliers examinés a
postériori il existait un ou plusieurs facteurs de risque de décès évitable [8]. En France entre
2003 et 2007, l’incidence moyenne annuelle des revendications pour erreurs médicales était,
en pédiatrie, de 0,42 pour 100 médecins (moindre que l’incidence observée aux USA
en 1994 qui était de 6,6) [9]. Dans cette étude française, les erreurs diagnostiques étaient
majoritaires (47 %), suivies par les erreurs médicamenteuses (13 %) [9]. Un examen clinique
insuffisant (9 %), une réponse inappropriée à une situation (7 %) ou une procédure incorrecte
(4 %) étaient également des facteurs de survenue d’événement indésirable grave [9]. Il est
donc important de pouvoir quantifier objectivement le niveau de gravité des enfants qu’ils
soient hospitalisés dans les services de soins courants, les USC et les services de réanimation
pédiatrique.
POURQUOI EXISTE-T-IL DIFFERENTS SCORES
D’EVALUATION DE LA GRAVITE CHEZ L’ENFANT ?
Il existe plusieurs systèmes d’évaluation de la gravité, un même outil d’évaluation ne pouvant
pas être utilisé pour tous les enfants hospitalisés. En effet, il est nécessaire de déterminer le
« risque » qu’encourt l’enfant selon son lieu d’hospitalisation. Dans les services de réanimation,
le risque encouru est le décès (on dit que le critère de jugement est « la mortalité ») puisque
cet événement concerne environ 6 % des enfants qui y sont hospitalisés. Ainsi, les scores de
EVALUATION DU RISQUE D’AGGRAVATION CHEZ LES ENFANTS HOSPITALISES
95
gravité en réanimation, tels que les différentes versions des scores Paediatric Index of Mortality
(PIM) et Pediatric RISk of Mortality (PRISM), ont été construits en prenant la mortalité
(vivant / décédé) comme critère de jugement. Les variables « ventilation mécanique »
et « rapport PaO2/FiO2 – fréquemment remplacé par le rapport SpO2/FiO2 – » n’ont
d’intérêt que pour des enfants hospitalisés dans un service de réanimation. Pour les enfants
admis dans un service d’accueil des urgences, l’évaluation de la gravité est basée sur le risque
d’être hospitalisé ou non. Ainsi le score Paediatric RISk of hospital Admission (PRISA) a été
construit en prenant comme critère de jugement le devenir « sortie à domicile / hospitalisation »
[10]. Les paramètres pris en compte par le score PRISA étaient notamment la température,
l’administration d’oxygène [10].
Pour les patients hospitalisés dans les services de pédiatrie (mais également aux urgences),
de nouveaux scores d’évaluation de la gravité ont été développés (voir plus loin [11-17]).
La construction de ces scores était basée sur plusieurs critères de jugement : nécessité d’une
admission en réanimation ou non, nécessité d’une évaluation médicale en urgence ou non,
nécessité de l’intervention d’une équipe médicale d’urgence ou non.
INTERET DE LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE
DES PERSONNELS SOIGNANTS
L’évaluation du risque d’aggravation des enfants hospitalisés nécessite la reconnaissance
des signes de gravité. Cette reconnaissance des signes de gravité exige une approche structurée
telle que celle qui est proposée dans les formations à la réanimation de base ou médicalisée
(« avancée » pour les Anglo-Saxons) européenne et américaine. Les formations européennes
« European Paediatric Immediate Life Support (EPILS) » et « Réanimation Avancée Néonatale
et Pédiatrique (RANP) » comportent un algorithme de reconnaissance de la gravité de l’état
de l’enfant et de prise en charge immédiate [18]. Ces formations sont actualisées en prenant
en compte les recommandations publiées tous les 5 ans par les groupes internationaux [18].
SCORES PERMETTANT L’EVALUATION OBJECTIVE DE LA GRAVITE
HORS SERVICE DE REANIMATION
Les scores de gravité utilisés pour les enfants hospitalisés hors réanimation permettent
d’objectiver le niveau de gravité afin de proposer une réponse adaptée. Cette évaluation par un
score nécessite le recueil de variables liées de façon déterminante à la gravité, et contraint le
soignant examinateur à l’évaluation de tous les paramètres inclus dans le score pour
en permettre le chiffrage. Répéter cette évaluation chiffrée permet d’objectiver une tendance :
amélioration, stabilisation ou aggravation. Différents scores ont été proposés depuis 2005 : le
score Paediatric Early Warning System (PEWS) [11], adapté secondairement par la même
équipe en 2010 sous le nom de « Bedside PEWS » (tableau 1) [17], le Brighton Paediatric
Early Warning Score (tableau 2) [16], le Bristol Paediatric Early Warning Score [15], le
Pediatric Advanced Warning Score (PAWS, tableau 3) [13], le score « Signs of Inflammation
in Children that Kill (SICK) » [14,19], le score Cardiff and Vale Paediatric Early Warning
System (C&VPEWS) [12]. Une revue de ces scores et des systèmes d’alertes déclenchant l’appel
de l’équipe médicale d’urgence a été publiée en 2010 [20]. Dans cette revue, 11 articles décrivaient
des systèmes d’alertes pédiatriques, 5 aux USA [21-25], 2 en Angleterre [15,16], 2 en Australie
96
S. LETEURTRE, F. LECLERC
[26,27], 1 au Canada [11] et 1 au Pays de Galles [12]. On peut ajouter à cette liste le score
Bedside PEWS [17], le score SICK [14,19], et le score C&VPEWS [12]. Ces scores avaient
comme critères de jugement l’appel de l’équipe médicale d’urgence ou l’identification d’un
enfant à risque (« code bleu »), c'est-à-dire nécessitant une assistance médicale immédiate pour
arrêt cardiaque imminent ou avéré [11,12,15,17] ou le transfert en réanimation [15,17,25]. Ces
scores d’évaluation de la gravité de l’état des enfants hospitalisés ont été utilisés dans les services
d’urgences, dans les services de soins courants ou dans les USC [11,12,15,25].
PARAMETRES INCLUS DANS LES SCORES D’EVALUATION
DE LA GRAVITE DE L’ETAT DES ENFANTS HOSPITALISES
EN DEHORS DE LA REANIMATION
Huit scores ont des paramètres simples [12,15,17,21-23,26,27] et deux des variables composites,
c'est-à-dire dont la quantification combine 2 critères (par exemple signe de tirage avec
FiO2 > 30 %) [11,16]. La majorité des scores ou des critères d’alertes étudiés incluent des
classes d’âges pour certains paramètres (excepté pour trois [16,21,22]). Les classes d’âges
varient selon les scores (le plus souvent 5 classes d’âges), cependant tous ont en commun une
classe d’âge au-delà de 12 ans. Tous ces systèmes d’alertes contiennent au moins une variable
subjective ou intuitive (1 à 6 critères selon les scores), par exemple « augmentation du travail
respiratoire » [17] ou « inquiétude des parents [21] ou du personnel médical ou paramédical
[12] », des critères objectifs (SpO2 < 92 %), une intervention (cathéter veineux central) [11]
ou un traitement (nébulisation d’adrénaline) [15]. Le score le plus complexe inclut 19 paramètres [11], les autres scores entre 5 et 14 paramètres. Ces scores ont en commun la prise en
compte de la dysfonction neurologique (niveau de conscience excepté le score Bedside PEWS
[17]), de la dysfonction respiratoire (fréquence respiratoire et SpO2, excepté le score
C&VPEWS qui ne prend pas en compte la SpO2 [12]), et de la dysfonction cardiaque
(fréquence cardiaque en fonction de l’âge).
Pour les paramètres tels que la pression artérielle ou la SpO2, il existe des différences de seuils
importantes selon les scores. Par exemple, pour la variable SpO2 en l’absence d’oxygénothérapie,
le seuil varie entre 90 % [21,26] et 95 % [11] et pour les enfants ayant une cardiopathie
cyanogène, entre 60 % [26] et 75 % [15]. Certains scores prennent en compte le niveau
d’oxygénothérapie délivré [11,13,16], d’autres non [15,21,26]. La détermination des valeurs
seuils est le plus souvent effectuée selon des critères peu référencés [20].
VALIDITÉ
Les études développant les scores de risque d‘aggravation de l’état des enfants étaient
majoritairement rétrospectives, trois seulement étant prospectives [12,17,25]. Le nombre de
patients inclus dans les études variaient de 44 patients [21] à 2979 patients [25]. Les critères
de jugement statistiques étaient pour certains le calcul de l’aire sous la courbe ROC (Receiver
Operating Characteristics), pour d’autres le calcul des sensibilités, spécificités, valeurs
prédictives positives et négatives. Aucune étude n’étudiait la calibration du score en fonction
du critère de jugement choisi : c’est pourtant cette calibration qui permet de déterminer
l’adéquation entre le nombre d’événements prédits par le score et le nombre d’événements
réellement observés.
EVALUATION DU RISQUE D’AGGRAVATION CHEZ LES ENFANTS HOSPITALISES
97
APPLICATION CLINIQUE
Plusieurs auteurs ont étudié l’impact de la mise en place d’une équipe médicale d’intervention (activée à partir de critères d’alerte pédiatriques) selon un protocole d’étude de type
« avant/après ». Deux études observaient une réduction significative de la mortalité hospitalière
respectivement de 1,01 à 0,83 % [23] et de 0,44 à 0,29 % [26]. Une étude montrait une
réduction significative du nombre moyen mensuel d’événements (arrêts cardiaques et arrêts
respiratoires) de 2,45 à 0,69 pour 1000 admissions [23]. Dans l’étude de Tibballs et al., le
nombre d’arrêts cardiaques et de décès évitables diminuait significativement respectivement
de 0,16 à 0,07 et de 0,11 à 0,01 pour 1000 admission [26]. Aucune étude ne mentionnait
le nombre de fois où l’équipe d’intervention d’urgence était activée sans qu’un événement
indésirable sérieux ne soit survenu [20]. Dans l’étude rétrospective d’Akre et al. 85,5 % des
enfants ayant nécessité l’intervention d’une équipe d’urgence ou l’activation d’un code bleu,
avaient au moins un paramètre du score PEWS anormal 11 heures avant cette intervention
[28]. Dans l’étude de Parshuram et al., le score bedside PEWS était en moyenne de 6, plus
de 12 heures avant l’admission en réanimation, et augmentait jusqu’à 9,5 dans les 3 heures
précédant cette admission (p < 0,0001) [17].
La conférence de consensus internationale de 2009 a proposé une liste de paramètres à
surveiller et la fréquence de la surveillance en fonction du lieu d’hospitalisation [29].
REPRODUCTIBILITÉ
Seule l’étude de Turkey et al. étudiait la reproductibilité du score PEWS sur 55 des 2 979
enfants inclus et observait qu’elle était excellente (coefficient intra-classe de 0,92) [25].
CONCLUSION
Les enfants aujourd’hui hospitalisés ont des affections de plus en plus complexes et
un état de gravité croissant. Garantir leur sécurité passe par la mise en œuvre de la circulaire
d’application des décrets de 2006, ce qui nécessite un effort financier des tutelles et des
administrations hospitalières concernant les locaux, les équipes médicales et paramédicales
des USC pédiatriques (il est recommandé « que l’USC pédiatrique bénéficie de la présence
d’un infirmier pour quatre patients » [5]). Pour les enfants admis dans les services de soins
courants, les critères d’alerte et les scores proposés permettent d’évaluer leur état de gravité
et ainsi d’améliorer l’organisation et la qualité des soins. Cette évaluation demande du temps
paramédical : elle n’est pas toujours possible avec les effectifs dont disposent les services de
soins courants. Par ailleurs, les outils d’évaluation de la gravité sont divers de part leurs critères de
jugement, leur validité et les valeurs seuils des différents paramètres. Ceci limite les comparaisons
entre les études. La validation externe de ces outils sur des populations différentes mérite
d’être approfondie avec l’objectif de les utiliser plus largement.
AUTEURS :
Dr Stéphane LETEURTRE1,2, Pr Francis LECLERC1,2
1Service de réanimation pédiatrique, Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille
2Univ Lille Nord de France, UDSL, EA2694, CHU Lille, F-59000 Lille, France;
98
S. LETEURTRE, F. LECLERC
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dr Stéphane LETEURTRE, Réanimation pédiatrique, Avenue Eugène Avinée
Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU Lille, 59037 Lille Cedex
Mail : [email protected]
Tableau 1: Score Bedside Paediatric Early Warning System (PEWS) [17]
Variables du score Bedside PEWS
Score
0
1
2
4
Fréquence cardiaque
0–3 mois
3–12 mois
1–4 ans
4–12 ans
>12 ans
>110 et <150
>100 et <150
>90 et <120
>70 et <110
>60 et <100
≥ 150 ou ≤ 110
≥ 150 ou ≤ 100
≥ 120 ou ≤ 90
≥ 110 ou ≤ 70
≥ 100 ou ≤ 60
≥ 180 ou ≤ 90
≥ 170 ou ≤ 80
≥ 150 ou ≤ 70
≥ 130 ou ≤ 60
≥ 120 ou <50
≥ 190 ou ≤ 80
≥ 180 ou ≤ 70
≥ 170 ou ≤ 60
>150 ou ≤ 50
≥ 140 ou ≤ 40
Pression artérielle
systolique
0–3 mois
3–12 mois
1–4 ans
4–12 ans
>12 ans
>60 et <80
>80 et <100
>90 et <110
>90 et <120
>100 et <130
≥ 80 ou ≤ 60
≥ 100 ou ≤ 80
≥ 110 ou ≤ 90
≥ 120 ou ≤ 90
≥ 130 ou ≤ 100
≥ 100 ou ≤ 50
≥ 120 ou ≤ 70
≥ 125 ou ≤ 75
≥ 140 ou ≤ 80
≥ 150 ou ≤ 85
≥ 130 ou ≤ 45
≥ 150 ou ≤ 60
≥ 160 ou ≤ 65
≥ 170 ou ≤ 70
≥ 190 ou ≤ 75
>29 et <61
>24 ou <51
>19 ou <41
>19 ou <31
>11 ou <17
≥ 61 ou ≤ 29
≥ 51 ou ≤ 24
≥ 41 ou ≤ 19
≥ 31 ou ≤ 19
≥ 17 ou ≤ 11
≥ 81 ou ≤ 19
≥ 71 ou ≤ 19
≥ 61 ou ≤ 15
≥ 41 ou ≤ 14
≥ 23 ou ≤ 10
≥ 91 ou ≤ 15
≥ 81 ou ≤ 15
≥ 71 ou ≤ 12
≥ 51 ou ≤ 10
≥ 30 ou ≤ 9
Effort respiratoire
Normal
Tirage minime
Tirage modérée
Tirage
sévère/apnée
Saturation en oxygène
> 94 %
91–94 %
Classe d’âge
Temps de recoloration cutanée
<3 sec
0–3 mois
3–12 mois
Fréquence respiratoire
1–4 ans
4–12 ans
>12 ans
Oxygénothérapie
≥ 3 sec
≤ 90 %
O2<4 L/min
ou FiO2<50 %
Air ambiant
O2≥ 4 L/min
ou FiO2≥ 50 %
Tableau 2: Score de Brighton – Paediatric Early Warning Score [16]
Variables Brighton – Paediatric Early Warning Score
Score
Conscience
Cardiovasculaire
0
1
2
3
Joue/normal
Somnolent
Irritable
Léthargique/confusion/
réponse à la douleur
diminuée
Rose ou TRC 1-2
Pale ou
TRC = 3
Gris et marbré ou
Gris ou
TRC>4
ou FC >30
TRC = 4 ou FC >20
au dessus des normes au dessus des normes
ou bradycardie
FR >10 au
FR <5 au dessus
FR >20 au dessus
dessus des normes des normes ou
des normes
ou Utilisation
inférieures ou
Tirage ou
Respiratoire
muscles accessoires FiO >40 % ou
Tirage ou grunting
2
FiO2>50 % ou
FiO2>30 %
>6 l/min O2
ou >4 l/min O2
>8 l/min O2
Extra Score de 2 si nébulisation toutes les 15 minutes ou vomissements persistants post opératoire
Paramètres
normaux et pas
de tirage
TRC: temps de recoloration cutanée ; FR : Fréquence respiratoire ; FC : Fréquence cardiaque
EVALUATION DU RISQUE D’AGGRAVATION CHEZ LES ENFANTS HOSPITALISES
99
Tableau 3 : Score Paediatric Advanced Warning Score (PAWS) [13]
Variables du score PAWS
Score
0
1
2
4
110 -160
100 - 150
95 - 140
80 - 120
60 - 100
90-110 ou 160-180
80-100 ou 150-170
75-95 ou 140-160
60-80 ou 120-140
40-60 ou 100-120
70-90 ou 180-200
60-80 ou 170-190
55-75 ou 160-180
40-60 ou 140-160
20-40 ou 120-140
50-70 ou 200-220
40-60 ou 190-210
35-55 ou 180-200
20-40 ou 160-180
0-20 ou 140-160
Conscience
(AVPI)*
Alerte
Réagit à la Voix
Réagit à
la Douleur*
Non réactif/
Inconscient
Temps de
recoloration cutanée
0-2 sec
2-4
>4 sec
Classe d’âge
Fréquence
cardiaque
0–12 mois
1–2 ans
2-5 ans
5-12 ans
>12 ans
30- 40
25 - 35
25 - 30
20 - 25
15 - 20
20-30 ou 40-50
15-25 ou 35-45
15-25 ou 30-40
10-20 ou 25-35
05-15 ou 20-30
50-60
45-55
40-50
35-45
30-40
60-70
55-65
50-60
45-55
40-50
Effort respiratoire
Normal
Normal
Tirage modérée
Tirage sévère
tirage trachéal
Saturation en oxygène
>92 %
90–92 %
Fréquence
respiratoire
0–12 mois
1–2 ans
2-5 ans
5-12 ans
>12 ans
Température (°C)
85-89 %
<85 %
38-39 ou 35-36
>39 ou <35
*P pour “Pain” (douleur en anglais)
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satisfaire les établissements de santé pour pratiquer les activités de réanimation pédiatrique et de surveillance
continue pédiatrique. JO n ° 22 du 26 janvier 2006;texte n ° 30:1313.
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101
102
103
ANALYSES DES CAUSES DE PLAINTES CONCERNANT
LES URGENCES DE L’ENFANT
par
A. MARTINOT, A. NAJAF-ZADEH, F. DUBOS
Un événement indésirable lié à un soin inapproprié affecte selon les études de 3,7 % à
17,7 % des patients de tous âges hospitalisés [1,2]. La part de ces événements résultant d’une
erreur voire d’une négligence médicale variait de 28 % à 37 % [1,2]. La proportion de plaintes
dans une de ces études était de 1,2 % (comparée à 17,7 % d’événements indésirables) [1].
Les erreurs médicales étaient à l’origine d’une mortalité importante (de 44 000 à 98 000
décès par an dans les hôpitaux des Etats-Unis d’Amérique, soit plus que les décès par accidents
de la voie publique) et d’un coût annuel estimé entre 17 et 29 milliards de dollars dans ce
pays [3]. En France, la loi de programmation quinquennale de santé publique de 2003 insiste
sur la nécessité d’analyser la iatrogénie, qui inclue les erreurs médicales, cette évaluation constituant un critère de performance pour les systèmes de soins [4]. Les données publiées sur les
erreurs médicales en pédiatrie, et notamment celles, souvent les plus graves de conséquences,
donnant lieu à des procédures légales, n’ont fait l’objet que de peu d’études [5]. Nous
rapportons les données issues d’une part d’une revue systématique de la littérature portant
sur les plaintes chez l’enfant et qui ne comportaient que des données nord-américaines [5],
d’autre part d’une étude rétrospective récente d’une base de données d’une société d’assurances
française [6-8], avec l’objectif d’évaluer la fréquence de ces plaintes et d’identifier les âges,
les affections et les procédures à risque liés à ces plaintes.
MÉTHODES
Pour la revue systématique de la littérature, quatre bases de données ont été utilisées afin
d’obtenir les références : Medline via le moteur de recherche PubMed, Inist via article@inist,
OVID via journals@ovid, et Cochrane [5]. Sur la base Medline, les termes MeSH de la
recherche étaient : « malpractice » avec la sous-classe « lawsuits », « medical errors » avec
la sous-classe « lawsuits ». Les critères de sélection des articles étaient la présence de données
originales sur des procédures légales concernant des erreurs médicales chez l’enfant. Au terme
de la lecture des titres des articles puis de leur résumé s’ils semblaient éligibles, douze articles
étaient sélectionnés. La lecture des articles liés et des références bibliographiques de ces
12 articles identifiait 5 articles supplémentaires. Parmi ces 17 articles analysés, 6 étaient finalement
retenus [9-14]. Cette étude de la littérature était complétée par l’analyse et la compilation de
227 cas cliniques d’enfants âgés de 0 à 18 ans publiés dans la revue Pediatric Emergency Care
à la rubrique « Legal briefs » (LB) entre janvier 2000 et juillet 2006. Cette compilation était
104
A. MARTINOT, A. NAJAF-ZADEH, F. DUBOS
considérée comme une septième référence et dénommée dans le texte «LB» [15]. Nous avons
analysé pour chacun des articles originaux les caractéristiques des patients, des affections en
cause, des motifs de plainte, du ou des professionnels de santé impliqués, les conséquences
des erreurs, les résultats du litige, et le montant des indemnisations éventuelles. D’autres données
de la littérature sont également rapportées, même si les études dont elles sont issues [16-20]
ne comportaient pas les critères d’inclusion retenus de la revue systématique [5].
L’étude des plaintes enregistrées par le groupe Sou Médical-MACSF (mutuelle d’assurances
du corps de santé français) qui assure en responsabilité civile professionnelle 49 % des pédiatres
et 60 % des généralistes français nous a permis d’analyser 228 déclarations de plaintes à
l’encontre des pédiatres ou des médecins généralistes ou urgentistes, concernant des enfants
âgés de 1 mois à 18 ans, et survenues entre janvier 2003 et décembre 2007 [6]. L’étude portait
sur les déclarations de plaintes contre les assurés pédiatres ou médecins généralistes et ne
préjugeait en rien de la poursuite ou non d’une procédure en responsabilité civile ou pénale
ni de l’existence ou non d’une erreur médicale avérée.
PRÉVALENCE ET INCIDENCE DES PLAINTES
La prévalence des erreurs médicales est difficile à estimer. L’étude regroupant le plus grand
nombre de patients est la « Harvard Medical Practice Study », réalisée en 1984 dans 51 hôpitaux
de l’état de New-York, choisis de manière aléatoire, portant sur 30 121 patients, dont 78 %
d’adultes et 22 % d’enfants [16]. Des évènements indésirables survenaient dans 3,7 % des
hospitalisations (1,4 % chez les nouveau-nés, 2,7 % chez les enfants âgés de 1 mois à 15 ans),
dont 28 % étaient liés à une négligence médicale [16]. Les travaux étudiant spécifiquement
la prévalence des erreurs médicales chez l’enfant sont rares [17]. Slonim et coll. ont évalué
de manière rétrospective la prévalence des erreurs médicales chez 2 483 216 enfants (âgés de
1 à 18 ans) hospitalisés en 1988, 1991, 1994 et 1997 aux Etats-Unis : des erreurs médicales
survenaient dans 1,8 à 3,0 % des hospitalisations, et entraînaient une durée d’hospitalisation
plus longue et un pourcentage de décès plus important [17]. Cette étude, qui n’étudiait que
la prévalence et ne détaillait pas les caractéristiques des malades et des accidents, n’a pas été
incluse dans notre revue systématique pour cette raison.
Les erreurs médicales ayant des conséquences médico-légales en pédiatrie, estimées entre
8 et 20,5 pour 100 000 visites [12,13], étaient plus rares que dans les spécialités d’adultes [5].
Dans la principale base de données de la Physician Insurers Association of America (PIAA)
entre 1985 et 2004, les pédiatres étaient au 9ème rang des spécialités médicales pour le nombre
de cas, au 4ème rang pour l’indemnité moyenne versée [5]. L’incidence des plaintes ayant
donné lieu à une indemnisation était deux fois moindre chez l’enfant que chez l’adulte
(5,6/100 000 vs 10,0/100 000) dans la base « National Practitioner Data Bank (NPDB) »
rassemblant les données de tous les cas d’indemnisation (après accord ou jugement) de
patients aux Etats-Unis dont la déclaration est obligatoire pour tous les assureurs en responsabilité civile [5].
En France, l’incidence annuelle de plaintes envers les pédiatres variait selon les années
de 0,63 à 1,65/100 entre 1994 à 2007, sans augmentation notable au cours des années et avec
une incidence moyenne de 1,10/100, contre une incidence moyenne de 1,74/100 médecins
toutes spécialités confondues (rapports annuels du conseil médical du groupe Sou MédicalMACSF) [8]. Les pédiatres arrivaient au 17ème rang des 33 spécialités assurées en terme
d’incidence des plaintes [8]. L’incidence moyenne était plus élevée chez les pédiatres libéraux
que chez les pédiatres hospitaliers : 1,45/100 vs 0,65/100, mais l’incidence des plaintes chez
ANALYSES DES CAUSES DE PLAINTES CONCERNANT LES URGENCES DE L’ENFANT
105
les pédiatres hospitaliers pouvait être sous-estimée dans cette base, car une plainte ne concernant
que les soins hospitaliers pouvait n’avoir impliqué que l’assureur de l’hôpital et non l’assureur
particulier du praticien [8]. Durant la période 2003-2007, les 228 plaintes concernant des
enfants de 1 mois à 18 ans impliquaient pour 33 % un pédiatre (n = 75), et 67 % un médecin
généraliste ou urgentiste (n = 153) [6].
Les structures le plus souvent impliquées dans les plaintes étaient les services d’urgence
(45-58 %), les structures de soins ambulatoires (34 %), la chirurgie (26 %), la pédiatrie générale
(18 %), la néonatalogie (11 %), plusieurs structures pouvant être impliquées simultanément
[11,15]. Le risque d’erreurs était élevé dans les services d’urgence [2,3,11,15]. Les urgences
pédiatriques traitent une population hétérogène, avec des motifs de consultation très divers selon
l’âge, et une démarche diagnostique souvent difficile. L’afflux de malades y est important, avec
un personnel souvent pressé, ce qui favorise les erreurs diagnostiques ou thérapeutiques [5].
Parmi les médecins des urgences, les internes étaient les plus à risque de commettre des
erreurs [18]. Trautlein et coll. ont analysé 200 cas d’erreurs commises aux urgences [18]. Les
internes étaient à l’origine des erreurs dans 58 % des cas (en l’absence de supervision par un
senior), suivis par les médecins urgentistes (27 %) [18]. Dans deux études qui concernaient
particulièrement les structures d’urgence, les professionnels ou institutions de santé les plus
souvent mis en cause étaient : l’hôpital dans 35 % des cas, puis le médecin des urgences
(19 à 33 %), le médecin généraliste (15 à 16 %) [10,15]. Les pourcentages d’acquittement
variaient de 25 à 43 % pour les catégories les plus souvent impliquées, mais allant jusque 61 %
chez les chirurgiens [5].
Les données concernant la médecine ambulatoire sont encore plus rares que pour le système
de soins hospitalier [5]. Dans la « Harvard Medical Practice Study », les évènements indésirables
survenaient dans 13,8 % des cas lors de soins ambulatoires [16]. Sandars et coll. ont montré
qu’une erreur médicale survenait dans 5 à 80 consultations sur 100 000 [19].
âGES ET AFFECTIONS à RISQUE
Le jeune âge était un facteur de risque d’erreurs [5,6,10]. Dans la base « National Practitioner
Data Bank » aux Etats-Unis, 44 % des 4 107 enfants étaient âgés de moins de 1 an, et 22 %
avaient entre 1 et 9 ans [5]. Les nourrissons de moins de 2 ans représentaient entre 32 et 52 %
des cas dans les 4 études nord-américaines où cette tranche d’âge était rapportée
[10,11,14,15]. En France, sur les 228 déclarations de plaintes, 41 % concernaient les moins
de 2 ans (Tableau 1) [6].
La méningite était la première affection à l’origine de plaintes en France comme dans
l’étude de Selbst et coll. (Tableau 1), notamment chez le nourrisson [6,10]. Ceci pourrait
s’expliquer par l’évolution parfois très rapide et la symptomatologie peu spécifique chez le
nourrisson, associées à la gravité des conséquences des retards ou erreurs diagnostiques. Selon
l’âge, les affections les plus souvent en cause étaient les déshydratations et les méningites chez
les nourrissons, les traumatismes, les appendicites et les torsions testiculaires chez les enfants
plus âgés (Tableau 1) [6,10,20].
106
A. MARTINOT, A. NAJAF-ZADEH, F. DUBOS
MOTIFS DE PLAINTES
Les erreurs diagnostiques étaient les motifs de plaintes les plus fréquents : 18 à 48 % dans
les études nord-américaines [9,15], et 47 % dans la série française précédant les erreurs
thérapeutiques (19 %) [6]. Les décès et les séquelles majeures étaient plus fréquents chez les
enfants de moins de 5 ans que chez les enfants plus âgés (91 % vs 63 %, p < 0,05) [5], en
raison de plaintes pour des affections moins graves (traumatismes, torsions testiculaires) chez
les enfants les plus âgés [5]. Les arrangements avant jugement étaient fréquents et variaient
de 44 % à 95 % en Amérique du Nord [5]. La proportion de patients indemnisés allait de
23 % à 68 % [5]. Les indemnités moyennes versées variaient dans les études de 158 000 à
2 200 000 dollars [5].
En pratique de soins ambulatoires, les erreurs diagnostiques étaient aussi le motif de
plainte le plus fréquent [5], 25 % des erreurs résultant du fait de ne pas adresser l’enfant à
l’hôpital ou à un autre consultant [15].
INTÉRêT DES DONNÉES QUALITATIVES
Outre ces données quantitatives, l’analyse individuelle des cas est intéressante, et à ce titre
les cas pédiatriques publiés dans la revue Pediatric Emergency Care permettaient une analyse
individuelle très instructive [15]. De même notre analyse individuelle des cas de plaintes françaises permettait de tirer des leçons selon chacune des affections en cause. Les déshydratations,
qui représentaient après les méningites la seconde affection en cause avec 13 cas (soit 6,6 %
des plaintes pour lesquelles une affection pouvait être identifiée), dont 12 décès (92 %) et
1 enfant n’ayant pas présenté de séquelle, étaient ainsi analysées en détail [7]. L’âge moyen
était de 15 ± 12 mois. Trois enfants décédaient au cours de leur hospitalisation, et ce en dehors
d’un contexte de simple choc hypovolémique : un présentait une hyperplasie des surrénales
et deux un tableau de défaillance multiviscérale évoquant une éventuelle maladie métabolique
(non démontrée). Les neuf autres décédaient à domicile (n = 7) ou à leur arrivée aux urgences
(n = 2) du fait d’un choc hypovolémique sur déshydratation majeure et ne présentaient
aucune affection sous-jacente. Sept des neuf enfants avaient eu au moins une consultation
préalable (3 par un médecin généraliste, 1 par un pédiatre, et 3 aux urgences), dans un délai
moyen de 20 ± 11 h (extrêmes : 9 à 34 h) par rapport à l’heure du décès. Quatre avaient eu
une prescription de solution de réhydratation orale (SRO) qui avait été administrée, 2 n’en
avaient pas eu et dans 1 cas cette prise de SRO ne pouvait être précisée. Le motif de plainte
était 4 fois l’absence d’hospitalisation demandée lors de cette consultation, 4 fois l’absence
d’envoi (ou l’envoi trop tardif ) d’un SMUR, 1 fois le caractère nosocomial probable de la gastroentérite chez un enfant sorti la veille de l’hôpital. Sur les six procédures pénales engagées, une
donnait lieu à une condamnation, trois à un non-lieu et deux étaient encore en cours. L’analyse
des jugements et des expertises mettait en exergue les points suivants : l’importance de noter
lors de la consultation la mesure du poids, l’absence de signe de déshydratation avec notamment
l’indication des fréquences cardiaque et respiratoire dont l’absence d’élévation témoigne de
l’absence de choc lors de la consultation, la prescription de SRO et la délivrance de conseils
pour une reconsultation éventuelle. Il était demandé aux médecins régulateurs (régulation
libérale ou SAMU-centre 15) dans leur évaluation de la gravité une somme
de questions sur l’ensemble des signes de déshydratation qui paraissait difficile à recueillir au
téléphone auprès de parents angoissés et lui imposait pratiquement le recours à des supports
d’interrogatoire référencés dans les jugements.
ANALYSES DES CAUSES DE PLAINTES CONCERNANT LES URGENCES DE L’ENFANT
107
CONCLUSION
L’analyse des plaintes permet de disposer de données épidémiologiques permettant de
mieux identifier les âges, les affections et les procédures à risque d’erreur, même si l’incidence
de ces plaintes est environ 2 fois plus faible chez l’enfant que chez l’adulte et 6 fois plus faible
en France qu’en Amérique du Nord. Le risque est particulièrement important chez le nourrisson,
avec une prédominance des erreurs diagnostiques, notamment au cours des méningites,
gastro-entérites, ou pneumopathies, avec des conséquences plus graves à cet âge. Les structures
d’urgence sont particulièrement exposées. En médecine ambulatoire, la première cause de
plainte est représentée par le fait de ne pas adresser en temps utile l’enfant à l’hôpital.
AUTEURS:
Alain Martinot 1,2, Abofazl Najaf-Zadeh 1, François Dubos 1,2
1.
Service d’Urgences pédiatriques, Pôle urgence et Pôle Enfant, hôpital Salengro, CHRU Lille
2.
EA2694 Santé Publique, Epidémiologie et Qualité des soins, Université Lille Nord de France
AUTEUR CORRESPONDANT :
Alain Martinot, Clinique de Pédiatrie, hôpital Jeanne de Flandre, av Eugène Avinée, 59037 Lille Cedex, France
[email protected]
RÉFÉRENCES
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Tableau 1: Description des principales caractéristiques des plaintes dans trois études
France
Najaf-Zadeh et coll. [6]
Nombre de cas, n
Etats-Unis
Carroll et coll. [20]
Selbst et coll. [10]
228
Sou Médical- Groupe
MACSF (2003-2007)
6 363
2 283
PIAA (1985-2005)
PIAA (1985-2000)
1 mois-18 ans
0-18 ans
0-18 ans
< 2 ans, %
41
NP
47
3-11 ans, %
29
NP
27
12-18 ans, %
30
NP
26
Pédiatre, urgentiste
généraliste
Pédiatre
Pédiatre, urgentiste
généraliste, autre
Premier
Erreur diagnostique
Erreur diagnostique
Erreur diagnostique
Second
Erreur thérapeutique
Erreur non médicale*
Erreur non médicale*
Erreur non médicale*
Performance
inappropriée
d’une procédure
Performance
inappropriée
d’une procédure
Premier
Méningite
Séquelle neurologique
Méningite
Second
Déshydratation
Méningite
Appendicite
Troisième
Cancer
Examen de suivi
du nourrisson
Traumatisme
Décès, %
29
28
Np
Première
Méningite
Np
Méningite
Seconde
Déshydratation
Np
Pneumonie
Source de données
Age
Médecin impliqué
Motifs de plainte
Troisième
Diagnostics
Cause de décès
PIAA = Physician Insurers Association of America ; Np = non précisé
* Erreur non médicale : plainte portant sur un accident sans implication d’un médecin
109
TABLE RONDE 4
Travaux des lauréats du DES de Pédiatrie - Ile-de-France
Travaux ayant reçu les félicitations du jury à la session d’octobre 2010.
110
111
PRISE EN CHARGE DES ADOLESCENTS ET JEUNES ADULTES
EN FIN DE VIE EN ONCOLOGIE PEDIATRIQUE
par
S. COHEN-GOGO
(sous la direction du Dr L. BRUGIERES)
INTRODUCTION
Le pronostic des adolescents et jeunes adultes (AJA) atteints de cancer s’améliore, 87 % de
ces patients étant vivants à cinq ans du diagnostic [1]. Malgré de telles avancées, les 13 % restants
décèdent de maladie progressive le plus souvent. Durant les 25 dernières années, l’incidence du
cancer dans cette catégorie d’âge a probablement augmenté alors même que l’amélioration
des taux de survie a été moins significative que les patients plus jeunes ou plus âgés. Les soins
palliatifs et la médecine de l’adolescent sont toutes deux des spécialités relativement jeunes et
la pratique clinique auprès des AJA est encore basée sur l’association de l’expérience clinique
et des recommandations adultes [2]. Le but de cette étude était de fournir un état des lieux
des parcours cliniques et de la prise en charge globale et palliative des AJA traités dans le
département d’Oncologie Pédiatrique de l’Institut Gustave Roussy et décédés en 2007-2008.
PATIENTS ET MÉTHODES
Les patients, âgés de 13 à 27 ans, étaient éligibles pour cette étude si (a) ils avaient consulté
au moins une fois dans le département d’Oncologie Pédiatrique, (b) ils étaient décédés
de maladie progressive, (c) le décès était survenu entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre
2008. Les données ont été recueillies de façon rétrospective dans le dossier médical (et le
dossier infirmier lorsqu’il était disponible) : histoire clinique du cancer et de son traitement,
symptômes physiques et psychologiques, soins prodigués pendant le dernier mois de vie,
cause et lieu du décès.
112
S. COHEN-GOGO (sous la direction du Dr L. BRUGIERES)
RÉSULTATS
Patients, traitements à visée anti-tumorale, survie
45 patients étaient éligibles (23 décédés en 2007, 22 en 2008). Ils représentaient 22 %
des patients âgés de 13 à 27 ans ayant consulté dans le service dans la même période. Les
caractéristiques principales des patients et de leur traitement et leur durée de survie sont
détaillées dans le tableau 1.
Symptômes
Pendant la phase terminale, le nombre de symptômes physiques relevés dans les dossiers
était de 4 par patient, les plus fréquents étant la douleur et la dyspnée (figure 1). La prévalence
des symptômes était influencée par le type de tumeur.
La majorité des patients (29/45) ont eu un ou plusieurs entretiens avec la psychologue
de l’unité d’AJA et ont pu lui rapporter de nombreux symptômes dans le dernier mois de vie
(figure 1).
Soins palliatifs au cours du dernier mois de vie
Dix-huit patients (soit 40 %) ont reçu de la chimiothérapie à visée palliative pendant le
dernier mois de vie. Onze patients ont reçu de la radiothérapie locale pour le traitement de
symptômes liés au volume tumoral ou de lésions douloureuses. Les autres soins reçus étaient
multiples : transfusions, nutrition parentérale ou entérale, corticothérapie, antalgiques majeurs
ou non.
Trente-deux patients (soit 40 %) ont nécessité des morphiniques pour la prise en charge
de la douleur, avec une durée médiane de traitement avant le décès de 39 jours (1-226 jours).
Une évaluation par un médecin spécialisé dans la prise en charge de la douleur et les soins
palliatifs a été nécessaire pour 22/45 patients pendant le dernier mois de vie. 18 patients (soit
40 %) ont nécessité une prise en charge spécifique pour un ou plusieurs symptômes réfractaires
(douleur non contrôlée par les morphiniques, dyspnée, anxiété, agitation et insomnie). Quand
les symptômes n’étaient pas contrôlés malgré des évaluations régulières et la prescription de
toutes les thérapeutiques indiquées, l’indication de sédation était posée par l’équipe multidisciplinaire : 6 patients ont reçu une sédation par midazolam ou gamma-hydroxybutyrate
dans des indications de dyspnée, douleur non contrôlée ou saignement aigu dans la dernière
semaine de vie.
Durée d’hospitalisation pendant le dernier mois de vie, lieu du décès
La durée médiane d’hospitalisation pendant le dernier mois de vie est de 16 jours (0-30 jours).
Cette durée était significativement plus courte pour les six patients décédés à domicile : 7 jours
(0-15 jours), contre 18 jours (0-30 jours) pour les patients décédés en structure médicalisée
(p = 0,01). Huit patients, pris en charge essentiellement à domicile, ont été hospitalisés dans
les derniers jours de vie (médiane 2 jours, extrêmes 0-14 jours) pour différents motifs : coma,
dyspnée aiguë (avec hémoptysie pour un patient), douleur non contrôlée, asthénie extrême.
PRISE EN CHARGE DES ADOLESCENTS ET JEUNES ADULTES EN FIN DE VIE
EN ONCOLOGIE PEDIATRIQUE
113
La majorité des patients (44 %) sont décédés dans le département d’Oncologie Pédiatrique.
6/45 patients sont décédés au domicile et 6 dans le centre de proximité. Nous n’avons pas
noté de différence significative du lieu de décès en fonction du type de tumeur. Il est à noter
que quatre patients majeurs sont décédés dans une unité de soins palliatifs adultes.
DISCUSSION
Ce travail nous offre une « photographie » des parcours cliniques et de la prise en charge globale
et palliative des adolescents et jeunes adultes pris en charge dans le département d’Oncologie
Pédiatrique de l’Institut Gustave Roussy. Rappelons que le département comporte une unité
d’adolescents depuis 2003. Pour la moitié des patients, le délai entre le diagnostic et le décès
était supérieur à 18 mois, mais cet intervalle était plus court pour les patients porteurs d’une
tumeur à croissance rapide et/ou n’ayant jamais atteint une rémission complète. Ce type de
situations cliniques implique que les soins palliatifs soient intégrés tôt dans la prise en charge
de ces patients dont la vie est menacée, parfois dès le diagnostic. La majorité des patients ont
souffert de symptômes physiques et psychologiques nombreux et intenses. Nos résultats sont
en accord avec les observations dans la littérature pédiatrique [3]. Notre étude apporte
des détails concernant les symptômes psychologiques et leur prévalence : tous les patients
rapportent tristesse, anxiété, peurs variées et culpabilité. La prise en compte et en charge de
ces symptômes par leur évaluation systématique et le soutien par un psychologue se révèle
être une part majeure des soins qui peuvent être prodigués à cette période de la vie. Moins de
15 % des patients sont décédés au domicile et ont passé « moins de temps » à l’hôpital.
Ce nombre de patients décédés à domicile est plus faible que celui qui est rapporté dans les
publications se focalisant sur la population pédiatrique [4]. Il est également plus faible que
pour les patients de moins de 13 ans pris en charge dans le département à la même période
(20 % de décès au domicile). Ces résultats suggèrent que la prise en charge des AJA au domicile
peut être plus problématique que celle des patients plus jeunes ou âgés. En France, seules
quelques équipes mobiles de soins palliatifs aident aux soins à domicile pour les patients mineurs.
D’autres modalités de prise en charge qui existent ailleurs en Europe pourraient être développées :
unités de soins palliatifs pédiatriques, maisons de répit [5]. Ce travail appelle à la réalisation
d’études prospectives afin d’améliorer la prise en charge globale et palliative de ces patients
et sur certains points en particulier : contrôle des symptômes, garantie d’une prise en charge multidisciplinaire dans les différents lieux de soin, place de l’adolescent dans son parcours de soins.
AUTEURS :
Sarah Cohen-Gogo*, Gabrielle Marioni*, Sophie Laurent†, Nathalie Gaspar*, Michaela Semeraro*,
Martine Gabolde‡, Christelle Dufour*, Dominique Valteau-Couanet* et Laurence Brugières*
* Département de cancérologie de l'enfant et de l'adolescent, Institut Gustave Roussy, Villejuif, France.
† Centre d'évaluation et de traitement de la douleur Equipe Mobile d'Accompagnement et de Soins Palliatifs,
Institut Gustave Roussy, Villejuif, France.
‡ Prise en charge de la douleur & soins palliatifs chez l'adulte et l'enfant, Hôpital Paul-Brousse, Villejuif, France.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Sarah Cohen-Gogo - [email protected]
114
S. COHEN-GOGO (sous la direction du Dr L. BRUGIERES)
RÉFÉRENCES
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Arch Pediatr, 2006; 13(6): 621-3.
Table I – Caractéristiques des patients, prise en charge initiale et évolution
PATIENT
Age au diagnostic, ans
Médiane, extrêmes
Age au décès, ans
Médiane, extrêmes
Sexe, n (%)
Masculin
Prédisposition au cancer connue, n (%)
Type de tumeur, n (%)
- Sarcome
- Tumeur cérébrale
- Leucémie/lymphome
- Autre tumeur solide
TRAITEMENT
Lieu de soin principal, n (%)
Institut Gustave Roussy, département d’oncologie pédiatrique
Prise en charge conjointe dans l’hôpital de proximité, n (%)
Durée du traitement, ans
Médiane, extrêmes
Nombre de lignes de traitement, n
Médiane, extrêmes
Nombre de molécules de chimiothérapie, n
- Médiane, extrêmes
- Chimiothérapie à haute dose en 1ère ligne de traitement, n (%)
- Radiothérapie en 1ère ligne de traitement, n (%)
- Inclusion dans un essai clinique en 1ère ligne de traitement, n (%)
REMISSION COMPLETE APRES TRAITEMENT INITIAL
- Tout patients, n (%)
- Patients atteints de leucémie/lymphome, n (%)
- Patients atteints de sarcome, n (%)
- Patients atteints de tumeur cérébrale, n (%)
SURVIE
Nombre de rechutes avant la rechute/progression ayant entraîné le décès, n
Médiane, extrêmes
Survie globale, mois
Médiane, extrêmes
Survie à partir de la première rechute ou progression
Médiane, extrêmes
(n : nombre de patients, % : pourcentage de patients)
15,9 (5,2-24,2)
18,1 (14,2-26,2)
30 (66,7)
4 (8,9)
19 (42,2)
16 (35,5)
3 (6,7)
7 (15,6)
35 (78)
26 (57,7)
1,5 (0,1-13,6)
3 (1-11)
7 (0-16)
6 (13,3)
18 (40)
11 (24,4)
22 (49)
3 (100)
12 (63)
3 (19)
1 (0-6)
18 (1-163)
7 (0-130)
PRISE EN CHARGE DES ADOLESCENTS ET JEUNES ADULTES EN FIN DE VIE
EN ONCOLOGIE PEDIATRIQUE
Figure 1 - Symptômes physiques et psychologiques rapportés pendant la phase terminale
Les symptômes concernant moins de 10 % des patients ne sont pas représentés.
115
116
117
ÉTUDE PILOTE D’UN REGULATEUR PNEUMATIQUE
CONTINU DE LA PRESSION DES BALLONNETS DES SONDES
D’INTUBATION ENDOTRACHEALE CHEZ L’ENFANT
par
G. VOTTIER
(SOUS LA DIRECTION DE S. DAUGER)
INTRODUCTION
L’insuffisance respiratoire aiguë, principal motif d’hospitalisation en réanimation pédiatrique,
nécessite souvent le recours à une ventilation endotrachéale. L’utilisation systématique de
sondes d’intubation trachéale (SIT) sans ballonnet avant l’âge de 8 ans a longtemps fait
l'objet d'un consensus tacite en réanimation pédiatrique, en raison de l’étroitesse des voies
aériennes dans les premières années de vie (risque de lésions trachéales muqueuses en cas de
surgonflage du ballonnet d’une SIT) [1].
Longtemps déconseillées, les SIT à ballonnet sont désormais régulièrement utilisées chez
l'enfant de moins de huit ans, sous couvert d’un protocole de surveillance stricte des pressions
de gonflage [2]. Parmi les dispositifs de régulation disponibles, un régulateur pneumatique
externe, très simple d'utilisation, permet d’ajuster de façon fiable et continue le niveau de
gonflage du ballonnet (système Nosten®, Leved, Paris, France) (Figure 1). L’efficacité de ce
dispositif, déjà validée chez l’animal [3] et chez l’adulte [4], n’a jamais été testée chez l’enfant.
Nous avons évalué, pour la première fois chez des enfants de moins de 6 ans hospitalisés
en réanimation pédiatrique, l’efficacité du Nosten® sur la diminution des variations de pression
du ballonnet de la SIT au cours d’une ventilation invasive de 24h.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Etude pilote, monocentrique, prospective, randomisée, en cross-over.
Population étudiée
Nous avons décidé d'inclure 8 à 12 patients, âgés de 28 jours à 6 ans, hospitalisés en
Réanimation Pédiatrique à l’hôpital Robert Debré, et bénéficiant d’une ventilation mécanique
118
G. VOTTIER (SOUS LA DIRECTION DE S. DAUGER)
sur SIT à ballonnet, pour une durée attendue d’au moins 24 heures, après recueil de la non
opposition parentale après information éclairée.
Dispositif Nosten®
Le Nosten® est un dispositif pneumatique externe régulateur de pression, composé d’un
« soufflet » en PVC, d’un volume de 250 ml environ, positionné dans un compartiment
rigide comportant un bras articulé avec une masse mobile. Une fois le soufflet gonflé, le bras
articulé et la masse mobile sont positionnés de manière à exercer une pression constante sur
le soufflet, comprise entre 20 et 25 cmH2O. La pression peut être ajustée en déplaçant la
masse mobile jusqu’à obtenir la pression désirée.
Système d'acquisition
Un système d’acquisition dédié a été conçu pour ce protocole en collaboration avec
l’Unité INSERM U676. Le logiciel enregistre simultanément la pression des voies aériennes,
transmise par le ventilateur, ce qui permettra d’établir la corrélation temporelle entre la pression
du ballonnet et celle des voies aériennes du patient.
Schéma de l’étude
Nous avons enregistré en continu la pression du ballonnet de la SIT durant deux
séquences successives de 12 heures, l’une avec le dispositif Nosten®, et l’autre sans. L’ordre
des phases a été déterminé par randomisation.
Données recueillies
L’enregistrement par le logiciel dédié fait apparaître deux types de variations du signal
de pression du ballonnet (Pcuff ) :
i) des variations à « basse fréquence », qui correspondent à des variations importantes
de pression au sein du ballonnet, correspondant à la composante lente du signal de pression
du ballonnet (PCuff filtré BF),
ii) des variations à « haute fréquence » autour de la ligne de base de ce signal, correspondant
à la composante rapide du signal (PCuff filtré HF).
Analyse statistique
Nous avons comparé les pressions moyennes enregistrées, ainsi que les variations des 2 types
de signal de pression en présence et en absence du dispositif Nosten®. L’analyse statistique a été
réalisée par t-test en séries appariées, avec une significativité définie pour p < 0,05.
ETUDE PILOTE D’UN REGULATEUR PNEUMATIQUE CONTINU DE LA PRESSION DES BALLONNETS
DES SONDES D’INTUBATION ENDOTRACHEALE CHEZ L’ENFANT
119
RÉSULTATS
Du 16 juin au 30 août 2010, dix patients âgés de 28 jours à 6 ans, hospitalisés en Réanimation
Pédiatrique à l’hôpital Robert Debré, et bénéficiant d’une ventilation mécanique sur SIT à
ballonnet, pour une durée attendue d’au moins 24 heures ont pu être inclus dans l’étude.
Deux enfants ont dû être exclus secondairement en raison d’erreurs de manipulation du
ballonnet ou du Nosten®. Au total, les variations de pression des ballonnets ont été étudiées
chez huit patients (4 garçons, 4 filles). L’âge moyen des patients inclus est de 21,9 mois
(minimum 2,7 mois ; maximum 60 mois), le poids moyen de 10,4 kg (minimum 3,4 kg ;
maximum 16 kg).
Les pressions moyennes sont significativement plus élevées en présence du Nosten®
(respectivement 23,29 vs 19,46 cmH2O, p = 0,006). Toutefois, nous n’avons observé aucun
épisode de surpression (> 50 cmH2O) du ballonnet, quelle que soit la phase d’enregistrement,
avec ou sans Nosten®.
En présence du Nosten®, il existe une diminution significative de l’écart-type de la composante
rapide du signal PCuff filtré HF (0,159 vs 0,665 cmH2O, p = 0,029), correspondant à une
atténuation des variations à haute fréquence autour de la ligne de base du signal de pression.
On observe également une réduction significative du coefficient de variation de la composante
lente du signal PCuff filtré BF (1,53 vs 11,07 %, p = 0,006) ce qui traduit une diminution
des épisodes de surpression ou de sous pression du ballonnet (Figure 2).
DISCUSSION
Chez l’enfant de moins de 6 ans, ventilé avec une SIT à ballonnet, le dispositif Nosten®
réduit significativement les variations à haute fréquence autour de la pression moyenne, ainsi
que les épisodes de surpression ou de sous pression du ballonnet. Il maintient constante la
pression de gonflage du ballonnet de la SIT, en corrigeant instantanément ses variations
induites par les soins ou la ventilation.
Les SIT à ballonnet sont de plus en plus souvent recommandées en cas de ventilation
invasive chez l’enfant, même avant huit ans, en raison de leurs nombreux avantages :
ajustement précis du calibre de la sonde au diamètre trachéal de l’enfant, réduction des
inhalations de sécrétions digestives et du risque de pneumopathie acquise sous ventilation,
augmentation de la fiabilité du monitorage du CO2 expiré, réduction de la contamination
du bloc opératoire par les gaz anesthésiques lors d’une intervention chirurgicale [5].
Cependant, ces SIT à ballonnet présentent également des inconvénients : diminution du
diamètre interne de la sonde (augmentation de la résistance des voies aériennes), et
majoration des risques de lésions muqueuses (lorsque la pression générée par la sonde est
supérieure à la pression capillaire au sein de la muqueuse trachéale (environ 20-25 cmH2O),
il existe des phénomènes d’ischémie localisée à l’origine de lésions laryngotrachéales). Chez
l’enfant, malgré l’absence de recommandations formelles, il est usuel de maintenir une
pression autour de 20-25 cmH2O, bien qu'une étude prospective récente sur plus de 2 000
enfants âgés de moins de 5 ans et ayant bénéficié d'une intubation trachéale pour chirurgie
programmée ait mis en évidence une pression minimale moyenne de 10,4 cmH2O [5].
L’évaluation clinique de la pression d’inflation du ballonnet n’est pas fiable, et la
surpression est fréquente en pratique. Le système d’enregistrement que nous avons développé
pour ce travail permet, de manière totalement non invasive, de mesurer de manière très précise
le retentissement des variations de pression des voies aériennes du patient enregistrées par le
120
G. VOTTIER (SOUS LA DIRECTION DE S. DAUGER)
ventilateur sur la pression du ballonnet de la SIT. Notre étude confirme pour la première fois
chez l’enfant l’existence de grandes variations de pression au sein du ballonnet des SIT au
cours d’une ventilation invasive en l’absence de système de régulation.
CONCLUSION
A l’instar des résultats obtenus chez l’adulte, le dispositif Nosten® maintient constante
la pression de gonflage du ballonnet de la SIT chez l’enfant de moins de six ans, en corrigeant
instantanément ses variations induites par les soins ou la ventilation. Les bénéfices cliniques
potentiels de ce dispositif restent à évaluer.
AUTEUR :
Gaëlle Vottier 1,3
(Sous la direction du Pr Stéphane Dauger 1,3)
(En collaboration avec le Dr Charlotte Michot 1,3 et avec M. Boris Matrot 2,3)
1Service de Réanimation et Surveillance Continue Pédiatriques
Hôpital Robert-Debré, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris
48 boulevard Sérurier, 75019 Paris
2Unité INSERM U676 (Dir: Pierre Gressens). Equipe dirigée par Jorge Gallego
Hôpital Robert-Debré, 48 boulevard Sérurier, 75019 Paris
3Université Paris Diderot, Paris VII
AUTEUR CORRESPONDANT :
Gaëlle Vottier : [email protected]
RÉFÉRENCES
[1] Ashtekar CS, Wardhaugh A. Do cuffed endotracheal tubes increase the risk of airway mucosal injury and postextubation stridor in children? Arch Dis Child 2005;90:1198-9.
[2] e International Liaison Committee on Resuscitation (ILCOR) consensus on science with treatment recommendations for pediatric and neonatal patients: pediatric basic and advanced life support. Pediatrics
2006;117:e955-77.
[3] Nseir S, Duguet A, Copin MC et al. Continuous control of endotracheal cuff pressure and tracheal wall damage:
a randomized controlled animal study. Crit Care 2007;11:R109.
[4] Duguet A, D'Amico L, Biondi G et al. Control of tracheal cuff pressure: a pilot study using a pneumatic device.
Intensive Care Med 2007;33:128-32.
[5] Weiss M, Dullenkopf A, Fischer JE et al. Prospective randomized controlled multi-centre trial of cuffed or uncuffed endotracheal tubes in small children. Br J Anaesth 2009;103:867-73.
FIGURE 1 : Photographie du dispositif pneumatique externe régulateur de pression Nosten®
(Leved, Paris, France) raccordé à une SIT à ballonnet et à un manomètre manuel
Dispositif régulateur
de pression Nosten®
Sonde d’intubation
trachéale à ballonnet
Manomètre manuel
relié à la sonde
d’intubation
et au Nosten®
ETUDE PILOTE D’UN REGULATEUR PNEUMATIQUE CONTINU DE LA PRESSION DES BALLONNETS
DES SONDES D’INTUBATION ENDOTRACHEALE CHEZ L’ENFANT
121
FIGURE 2 : Exemples de signaux de pression enregistrés de manière simultanée au niveau des voies
aériennes via le ventilateur (schémas de la ligne a) et au sein du ballonnet de la sonde d’intubation
endotrachéale, durant 9 secondes (schémas de la ligne b) ou 120 minutes (schémas de la ligne c),
en présence (courbes de gauche) et en absence (courbes de droite) du dispositif Nosten®
chez le même patient.
NOSTEN +
NOSTEN –
a)
pression (cmH2O)
pression (cmH2O)
1 sec
1 sec
b)
pression (cmH2O)
pression (cmH2O)
1 sec
1 sec
c)
pression (cmH2O)
pression (cmH2O)
10 min
10 min
122
123
NIVEAU DE REPLICATION ET RESISTANCE VIRALE
A 6 MOIS D’UNE 1ERE LIGNE ASSOCIANT UN INHIBITEUR
NON NUCLEOSIDIQUE CHEZ L’ENFANT INFECTE
PAR LE VIH-1 AU MALI
par
D. GERMANAUD, A. DERACHE, M. TRAORE, Y. MADEC,
H. COULIBALY, M. SYLLA, V. CALVEZ, A.-G. MARCELIN
INTRODUCTION
Dans les pays à ressources limitées, la priorité en matière de traitement antirétroviral de
l’enfant infecté par le VIH reste le recrutement des malades et le passage à l’échelle supérieure
des programmes de prise en charge. Néanmoins, avec la mise à disposition significative des
antirétroviraux (ARV), de nouveaux défis sont apparus, particulièrement concernant la
pérennité de l’efficacité des traitements, la prévention et la gestion de l’échec thérapeutique.
Il est clairement établi que la suppression totale et persistante de la réplication virale est
indispensable pour éviter l’émergence de mutation de résistance et prévenir l’échec thérapeutique [1]. La réplication prolongée sous traitement est à l’origine de l’accumulation
de mutations de résistance qui limite les possibilités thérapeutiques ultérieures et rend donc
essentielle une gestion précoce de l’échec virologique. Dans un contexte de ressources limitées,
la surveillance virologique des traitements est réduite au mieux à un suivi rationné de la charge
virale plasmatique sans accès au génotypage de résistance. Il est donc essentiel de disposer de
données épidémiologiques sur la fréquence de l’échec virologique précoce et sur la nature
de la résistance virale sous-jacente pour pouvoir argumenter le moment et le contenu des
adaptations thérapeutiques (renforcement de compliance, passage en deuxième ligne). Ces
données, rares chez l’adulte [2], sont quasi inexistantes chez l’enfant dans les conditions
de prise en charge réelles de ces pays [3]. Dans ce travail récemment publié [4], nous avons
cherché à évaluer la réponse virologique et à décrire le profil de résistance en cas d’échec, à
6 mois d’une première ligne de polythérapie antirétrovirale contenant un inhibiteur non
nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI), chez l’enfant de moins de 15 ans infecté
par le VIH-1 au Mali. Des facteurs de risque d’échec ont aussi été recherchés.
124
D. GERMANAUD, A. DERACHE, M. TRAORE, Y. MADEC,
H. COULIBALY, M. SYLLA, V. CALVEZ, A.-G. MARCELIN
PATIENTS ET METHODES
Cent cinq enfants infectés par le VIH-1 ayant initié l’association zidovudine (ou stavudine) /
lamivudine / nevirapine, entre septembre 2006 et octobre 2007, dans le service de pédiatrie
de l’hôpital Gabriel Touré à Bamako, ont été étudiés de façon prospective. Les paramètres
descriptifs retenus à l’initiation et à 6 mois étaient : âge, sexe, exposition in utero aux ARV,
identité de l’adulte responsable du traitement, taille, poids, périmètre crânien, stade clinique
et immunologique (numération de CD4) de l’OMS, aveu de mauvaise compliance et charge
virale plasmatique VIH-1 (CV). L’échec virologique (EV) a été défini comme une rupture
de suivi, un décès ou une CV > 400 copies/mL à 6 mois (étude de sensibilité avec seuil à
50 et 1000 copie/mL). En cas de CV > 50 copies/mL, un test génotypique de résistance a
été réalisé et le virus a été sous-typé. Ces paramètres et leur évolution ont été intégrés à un
modèle de régression logistique pour identifier des facteurs de risque d’échec virologique précoce.
RÉSULTATS
à l’initiation du traitement, sur les 97 enfants retenus, l’âge médian était de 31 mois
(IIQ : 20-69), le sex-ratio de 1,15 et la grande majorité était à un stade clinique (77,3 %) et
immunologique (70,1 %) III ou IV. à 6 mois, sur les 68 enfants encore suivis (9 décès,
20 perdus de vu), 44 % avait une CV > 400 copies/mL, soit 61 % d’EV. La grande majorité
était à un stade clinique (76,5 %) et immunologique (66,3 %) I ou II. Les seuls paramètres
significativement associés à l’échec virologique précoce étaient un gain de CD4 inférieur à la
médiane du gain pour l’âge, un aveu de non compliance et un retard de croissance staturale
initial sévère. Un test de résistance a été réalisé pour 30 enfants parmi les 37 dont la CV était
détectable, révélant 8 virus sauvages et 22 porteurs de mutation de résistance (73 %) :
19 M184V/I, 21 mutations de résistance aux INNTI et seulement 3 mutations de résistance
aux analogues de la thymidine (TAMs) (K70R, D67N et L210W dans 3 virus distincts).
Le sous-type viral majoritaire était CRF02_AG. En situation d’échec virologique, 6 enfants
sur les 8 porteurs de virus sauvages avaient une CV < 1000 copies/mL, alors que 21 sur les
22 porteurs de virus mutés avait une CV > 1000 copies/mL.
CONCLUSIONS
Dans les conditions réelles de prise en charge d’un pays sahélien et à côté de succès
thérapeutiques encourageants, le taux d’échec virologique précoce chez l’enfant reste élevé,
même si des variations en fonction des particularités locales sont probables, avec comme principal
facteur de risque le défaut de compliance [5]. Aucun paramètre clinique initial ou
évolutif ne semble pouvoir se substituer efficacement à la mesure de la CV pour faire le
diagnostic de cet échec. En cas d’utilisation d’une première ligne de traitement antirétroviral
associant un INNTI, la détection précoce (6 mois) d’une CV < 1000 copies semble autoriser
une prise en charge limitée au renforcement de l’observance (forte probabilité d’absence de
résistance virale), mais en cas de CV > 1000 copies/mL, l’introduction d’un inhibiteur de
protéase à la place de l’INNTI semble inévitable (très forte probabilité de résistance virale,
de l’ordre de 80 %). La très faible fréquence de TAMs à ce stade suggère que l’on peut utiliser
n’importe quel INTI, dont les thymidiniques, pour ces deuxièmes lignes précoces.
NIVEAU DE REPLICATION ET RESISTANCE VIRALE A 6 MOIS D’UNE 1ERE LIGNE ASSOCIANT
UN INHIBITEUR NON NUCLEOSIDIQUE CHEZ L’ENFANT INFECTE PAR LE VIH-1 AU MALI
125
AUTEURS :
D Germanaud (1), A Derache (2), M Traore (3), Y Madec (4), H Coulibaly (3), M Sylla (3), V Calvez (2), AG Marcelin (2)
(1)
SOLTHIS, Bamako, Mali ; (2) Laboratoire de Virologie, AP-HP, Groupe Hospitalier Pitié -Salpétrière; UPMC Univ
Paris 06, INSERM U943, Paris, France; (3) Hôpital Gabriel Toure, Bamako, Mali; (4) Institut Pasteur, Paris, France
AUTEURS CORRESPONDANTS :
David Germanaud - [email protected]
Anne-Geneviève Marcelin - [email protected]
Mariam Sylla - [email protected]
RÉFÉRENCES
[1] Descamps D, Flandre P, Calvez V et al. Mechanisms of virologic failure in previously untreated HIV-infected
patients from a trial of induction-maintenance therapy. Trilege (Agence Nationale de Recherches sur le SIDA
072) Study Team). Jama 2000,283:205-211.
[2] Marcelin AG, Jarrousse B, Derache A et al. HIV drug resistance aer the use of generic fixed-dose combination
stavudine/lamivudine/nevirapine as standard first-line regimen. Aids 2007,21:2341-2343.
[3] Adje-Toure C, Hanson DL, Talla-Nzussouo N et al. Virologic and immunologic response to antiretroviral
therapy and predictors of HIV type 1 drug resistance in children receiving treatment in Abidjan, Cote d'Ivoire.
AIDS Res Hum Retroviruses 2008,24:911-917.
[4] Germanaud D, Derache A, Traore M et al. Level of viral load and antiretroviral resistance aer 6 months
of non nucleoside reverse transcriptase inhibitor first-line treatment in HIV-1-infected children in Mali. J
Antimicrob Chemother. 2010 Jan;65(1):118-24.
[5] Reddi A, Leeper SC. Antiretroviral therapy adherence in children: outcomes from Africa. Aids 2008,22:906-907.
126
127
ÉTUDE CLINICO-IMMUNOLOGIQUE DE GARÇONS
PORTEURS DE MUTATIONS DE NEMO
par
N. LANZAROTTI
(SOUS LA DIRECTION DU DR CAPUCINE PICARD)
La protéine NEMO (ou Ikkγ), pour NF-kB Essential MOdulator, dont le gène se situe
sur le chromosome X, est une sous-unité du complexe des kinases IKK, essentiel à l'activation
du facteur de transcription NF-kB. En phosphorylant son inhibiteur IkB, il entraîne sa libération,
permettant sa translocation dans le noyau et sa fixation sur les régions promotrices des gènes
cibles. Le facteur de transcription NF-kB joue un rôle important dans le développement et
le fonctionnement du système immunitaire. De nombreux récepteurs cellulaires participant
à l'immunité innée et adaptative sont en amont de voies nécessitant l'action du NF-kB.
Ces voies mènent à la sécrétion de protéines de la phase aiguë de la réponse immunitaire,
cytokines, chemokines, facteurs de croissance ; et à l'expression de récepteurs des facteurs de
croissance, de molécules d'adhésion et de costimulation. Certaines de ces voies participent à
la régulation de la prolifération et de l'apoptose.
Les mutations amorphes du gène codant pour la protéine NEMO sont létales chez
les garçons et responsables de l'Incontinentia Pigmenti (IP) chez la fille. Selon le type et la
localisation de la mutation de NEMO, toutes les voies passant par le NF-kB ne sont pas
entièrement abolies, et les manifestations cliniques sont fonction des voies concernées par
les différentes mutations.
Tous les patients porteurs d'une mutation hypomorphe présentent un déficit immunitaire
(ID), consistant en une susceptibilité infectieuse accrue à spectre variable. Les ID associés
aux mutations hypomorphes de NEMO sont spécifiques de certains germes, selon la voie
empruntée par les lymphocytes pour y répondre. Les infections par des mycobactéries
surviennent lorsque l'interaction CD40-CD40 ligand n'induit plus de sécrétion d'IL12 par
les lymphocytes. Les infections à pyogènes lorsque la stimulation du TNFaR n'induit plus la
sécrétion d'IL10 par la voie NF-kB. L'implication de la voie NF-kB lors de la signalisation
par les Toll Like Receptors (TLRs) permet également de lutter contre les infections à pneumocoque
et à staphylocoque doré (production d'IL6), ainsi que contre le virus HSV-1 (sécrétion d'IFN).
La dysplasie ectodermique anhidrotique (EDA) est la conséquence d'un développement
compromis des annexes de la peau. Le défaut d'induction de NF-kB par le récepteur de
l'ectodysplasine A (EDA), un récepteur appartenant à la famille des récepteurs du TNF
présent sur les cellules d'origine ectodermique (kératinocytes, follicules pileux, glandes
sudoripares), est responsable de l'EDA.
Les mutations hypomorphes de NEMO peuvent entraîner l’apparition de cinq phénotypes
différents. Le phénotype le plus sévère, appelé EDA-ID-OL, associe ID, EDA, ostéopétrose
et lymphœdème. L'O-EDA-ID est une forme similaire sans lymphœdème. L'EDA-ID est la
128
N. LANZAROTTI (SOUS LA DIRECTION DU DR CAPUCINE PICARD)
troisième forme clinique ; la quatrième forme, dite EDA-ID incomplet, se limite à la présence
de dents coniques sans autre signe de dysplasie ectodermique. Enfin, certaines mutations
auront pour conséquence un ID sans EDA. à ce jour, une centaine de cas ont été publiés, les
mutations décrites sont au nombre de 45.
Les 8 patients décrits dans cette étude sont porteurs de mutations hypomorphes de
NEMO conduisant à des phénotypes variés.
Concernant les manifestations infectieuses, 75 % des patients rapportés ont présenté au
moins une infection sévère à bactérie pyogène, 25 % ont présenté une infection mycobactérienne atypique, 25 % une ou des infections virales sévères et 25 % des infections fungiques.
Les infections répétées non documentées concernent 75 % des patients de cette étude.
Sur le plan développemental, les patients NEMO déficients ont été initialement décrits
comme présentant tous un EDA. Dans notre étude, 75 % des patients ID sont atteints d'EDA.
Cependant, si l’on tient compte des antécédents familiaux, il est probable que le nombre des
cas de déficit en NEMO est sous-estimé en raison de l’absence d’EDA associée, et du fait que
ce diagnostic soit méconnu des praticiens.
Par ailleurs, on retrouve une atteinte inflammatoire chronique constante au sein de
la cohorte présentée dans ce travail, répartie en deux pôles ; cutané et digestif (eczéma sévère
n = 4, diarrhée chronique n = 5). On peut de plus envisager qu'un déficit en NEMO puisse
être également responsable de manifestations inflammatoires chroniques pouvant être les
seuls symptômes chez des femmes vectrices (anomalies de lyonisation du chromosome X).
Ainsi, l'association de manifestations inflammatoires chroniques à une ou des infections
anormalement sévères ou répétées ou à germes atypiques devrait être un fort point d'appel,
à ne pas négliger y compris en l'absence d'EDA. La présence d’antécédents maternels
inflammatoires devrait être un argument supplémentaire en faveur de ce diagnostic.
Les explorations immunologiques peuvent aider au diagnostic de ces patients, en effet 83 %
des patients ont une hypoIgM, 67 % présentent une hypoIgG, 75 % ont des défauts de
production d'anticorps anti-polysaccharidiques. Le phénotype immunologique des patients
NEMO déficients est avant tout humoral avec la présence d’hypoIgG et/ou d’hypoIgM et
d’un défaut de production d’anticorps anti-polysaccharidiques. Certains patients peuvent
présenter un défaut de prolifération lymphocytaire T via l’activation du TCR. Cependant,
les infections présentées démontrent des atteintes variées des diverses voies de l’immunité
innée de la lutte anti-infectieuse passant par NF-kB.
P1 a un défaut de production d’IL-12 secondaire à l’atteinte de la voie du CD40-CD40L
qui le prédispose à des infections mycobactériennes (sans défaut de commutation isotypique).
P2 a un défaut de production des cytokines pro inflammatoires via les TLRs et IL-1R, qui le
prédispose aux infections virales et bactériennes. P3 a une atteinte de la voie du TNF-R, qui
le prédispose aux infections bactériennes. P4 qui a été greffé précocement avait une atteinte
de la voie du TNF-R ainsi que de celle du TCR. Enfin, P6, dont le phénotype infectieux est
le plus large (virus, mycobactérie atypique, infection fungique, infections bactériennes) avait
une atteinte des voies de signalisation des TLRs, de l'IL-1R et du TCR. Chaque mutation a
donc un impact différent sur les voies de signalisation utilisant NF-kB, selon le changement
de structure provoquée et la localisation de la mutation au niveau protéique, compliquant le
diagnostic de ce déficit immunitaire héréditaire rare.
En ce qui concerne la prise en charge thérapeutique des patients, les recommandations
sont l’administration d'antibio prophylaxies, les vaccinations conjuguées et non conjugées
vis-à-vis des germes encapsulés et les perfusions d'Ig. Aucune étude n’a encore évalué ces
procédures. Le rapport bénéfice risque de ces traitements est cependant en faveur de leur
utilisation, et elles ont été administrées chez les patients de cette étude. Deux patients ont eu
une greffe de cellules souches hématopoïétiques. L'un d'eux est en vie avec une prise de la
ÉTUDE CLINICO-IMMUNOLOGIQUE DE GARÇONS PORTEURS DE MUTATIONS DE NEMO
129
greffe stable et une reconstitution immunologique satisfaisante. Le second patient est décédé
précocement des complications dues au conditionnement.
L'étude des patients porteurs d’une mutation hypomorphe de NEMO permet ainsi de
mieux comprendre les différentes voies dans lesquelles intervient le facteur de transcription
NF-kB, notamment au cours de la réponse anti-infectieuse ; on découvre de plus un probable
lien non mis en évidence auparavant avec des maladies inflammatoires chroniques, pour
les patients et les femmes vectrices, à explorer au niveau de la cohorte mondiale et au niveau
physiopathologique.
AUTEURS :
Nina LANZAROTTI - Unité INSERM 768, hôpital Necker - [email protected]
Sous la direction de Capucine PICARD - Centre d'Etude des Déficits Immunitaires, Hôpital Necker
AUTEUR CORRESPONDANT :
Nina LANZAROTTI - [email protected]
130
131
LE SYNDROME DE DEFICIT EN TRANSPORTEUR
DU GLUCOSE DE TYPE 1 (GLUT1-DS) :
UNE ENCEPHALOPATHIE TRAITABLE
A NE PAS MECONNAITRE
par
M. HULLY
(SOUS LA DIRECTION DU DR N. BAHI-BUISSON)
INTRODUCTION
Le syndrome de déficit en transporteur cérébral du glucose de type 1 (Glut1-DS, OMIM #
606777) est une encéphalopathie rare de l’enfant, liée à des mutations du gène SLC2A1/GLUT1
conduisant à une baisse du transport du glucose au niveau cérébral [1]. Des données récentes
suggèrent que le spectre phénotypique du Glut1-DS est large, avec une forme classique décrite
en 1991 [2] associant épilepsie, retard mental, trouble du tonus et du mouvement et microcéphalie acquise, et 3 autres formes atypiques (dyskinésie paroxystique induite par l’effort,
mouvements anormaux sans épilepsie, forme « carbohydrate responsive ») [3]. En outre,
certaines corrélations phénotype-génotype ont récemment été identifiées [4]. L’objectif de
notre travail est d’étudier le spectre phénotypique de patients Glut1-DS et ses déterminants
dans la population française.
PATIENTS ET METHODES
Les patients Glut1-DS avec mutation dans le gène SLC2A1/GLUT1 identifiée dans le
laboratoire national de référence (Bichat, AP-HP-Paris) ont été évalués de façon rétrospective.
RESULTATS
21 patients (7 filles, 14 garçons) avec Glut1-DS ont été évalués. Les mutations dans le
gène SLC2A1 se répartissent de la façon suivante : faux-sens (n = 11), décalage du cadre de
lecture (n = 4), non-sens (n = 4), délétion de 4 acides aminés (n = 1) et grande délétion
(n = 1). 14 de ces mutations sont nouvellement décrites.
132
M. HULLY (SOUS LA DIRECTION DU DR N. BAHI-BUISSON)
La maladie est révélée à un âge médian de 6 mois (6 semaines-5 ans) par un décalage des
acquisitions psychomotrices ou une hypotonie (9/21), une épilepsie (15/21), ou un trouble du
mouvement (4/21). Le diagnostic est retardé (médiane 8 ans 5 mois (14 mois-22 ans 9 mois)).
Au diagnostic, le Glut1-DS est une encéphalopathie fixée, avec une épilepsie pharmacorésistante (20/21) caractérisée par des crises partielles (13/20), puis des absences atypiques
(18/20), des myoclonies (9/20) et des crises généralisées tonico-cliniques (4/20). La seconde
caractéristique phénotypique majeure du Glut1-DS est une pathologie complexe du mouvement,
associant une ataxie (19/21), une dystonie (18/21), des dyskinésies bucco-faciales (15/21)
et des mouvements oculaires anormaux (16/21), favorisés par l’effort (10/21) et/ou le jeûne
(10/21). Le Glut-1 DS entraîne un retard mental (21/21) de sévérité variable et des troubles
du comportement (13/21).
Dix-neuf patients correspondent aux critères de la forme classique, dont 14 avec un début
d’épilepsie précoce avant 2 ans et 5 un début plus tardif, et deux patients aux formes atypiques
avec mouvements anormaux au premier plan.
Tous les types de mutation sont retrouvés parmi les patients de phénotype classique avec
néanmoins un tableau plus sévère pour le patient avec grande délétion ; tandis que les patients
avec phénotype atypique présentent tous deux des mutations faux-sens.
La sévérité de l’épilepsie (âge du début des crises p = 0,023) et du retard psychomoteur
(âge d’acquisition de la marche (p = 0,029) est liée au type de mutation (patients avec mutation
faux–sens moins sévère).
La glycorrachie moyenne est à 1,9 mmol/L (1,2 – 2,5), avec un rapport moyen glucose
dans le liquide céphalo-rachidien sur glycémie à 0,38 (0,22 – 0,56). Ce rapport est plus élevé
(p = 0,031) pour les patients avec mutation faux-sens (0,42 (0,25 – 0,56) vs 0,33 (0,22 -0 ,45)).
L’IRM cérébrale retrouve des hypersignaux de la substance blanche sustentorielle en
séquence FLAIR (9/13), des hypersignaux des noyaux dentelés (n = 3), une atrophie cérébelleuse
(n = 4), un corps calleux dysmorphique (n = 3).
Après 18 mois (0-58) de régime cétogène (n = 19), on observe une diminution significative
des crises épileptiques (n = 13) avec arrêt ou baisse du traitement antiépileptique (n = 10),
et une amélioration des mouvements anormaux (n = 14), des capacités cognitives et du
comportement (n = 12), de la motricité (n = 15).
DISCUSSION
Nos données confirment que la forme classique du Glut1-DS est la plus fréquemment
décrite actuellement [3], répondant au régime cétogène [5], alors que les formes atypiques
s’expriment principalement par des mouvements anormaux également accessibles au cétogène.
La sensibilité à l’effort ou au jeûne semble un élément important à rechercher à l’interrogatoire,
conduisant dans ces formes classiques à la réalisation d’une ponction lombaire à l’état de
jeûne, et en cas de confirmation diagnostique à la mise en route d’un traitement efficace, le
régime cétogène.
AUTEUR :
Marie Hully, Service de Neurologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
(sous la direction du Dr Nadia Bahi-Buisson, MCU-PH, Service de Neurologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris )
AUTEUR CORRESPONDANT :
Marie Hully - [email protected]
LE SYNDROME DE DEFICIT EN TRANSPORTEUR DU GLUCOSE DE TYPE 1 (GLUT1-DS) :
UNE ENCEPHALOPATHIE TRAITABLE A NE PAS MECONNAITRE
133
RÉFÉRENCES
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134
135
MISES AU POINT
136
137
TOLERANCE A LONG TERME DES TRAITEMENTS
PAR L'HORMONE DE CROISSANCE RECOMBINANTE
par
J.-C. CAREL, F. LANDIER, J. COSTE
Les indications des traitements par l'hormone de croissance ont progressivement évolué
de la substitution des formes sévères de déficit en hormone de croissance vers la prise en charge
pharmacologique d'un nombre croissant de petites tailles sans déficit de la sécrétion hypophysaire.
La substitution hormonale du déficit en hormone de croissance recouvre elle-même des situations
très hétérogènes, allant du déficit hypophysaire sévère à des petites tailles sélectionnées par
les tests de stimulation pharmacologique de l'hormone de croissance.
Dans le contexte d'un spectre d'indications croissantes la sécurité à moyen et long terme
de ces traitements est particulièrement importante. Le précédent de transmission de maladies à
prion par l'hormone de croissance extractive a conduit les médecins et l'industrie pharmaceutique
à renforcer la pharmaco-vigilance autour de l'hormone de croissance recombinante. On dispose
donc de données particulièrement abondantes sur le profil de tolérance pendant le traitement,
qui est globalement considéré comme favorable par une conférence de consensus [1]. Cependant,
ces données ne répondent pas à la question importante de la tolérance à long terme. Nous
passerons en revue les principaux points à surveiller pendant le traitement et feront le point
sur les connaissances et les études en cours sur la tolérance à long terme, en particulier sur les
données disponibles sur l'étude SAGhE, récemment diffusées par l'AFSSAPS.
L'interprétation des évènements secondaires observés pendant ou après un traitement par
hormone de croissance est particulièrement difficile car on ne dispose pas de données d'incidence
ou de prévalence des différents types d'évènements dans une population contrôle équivalente aux
patients traités. L'augmentation du nombre d'événements observés peut donc toujours résulter de
la maladie de base, du traitement par l'hormone de croissance ou de l'interaction des deux.
TOLERANCE A MOYEN TERME (PENDANT LE TRAITEMENT)
Diabète et intolérance au glucose
L'augmentation de l'insuline plasmatique sous traitement par l'hormone de croissance a
été bien documentée. L'étude épidémiologique du KIGS a montré une incidence de diabète
de type 2 de 1 cas pour 2900 années de traitement, une augmentation de 6 fois par rapport à
la population générale [2]. Cette augmentation semble porter particulièrement sur les groupes
à risques (syndrome de Turner, patients obèses). L'incidence de diabète de type 1 n'est pas
augmentée. En pratique, il est recommandé d'évaluer la tolérance au glucose au minimum
138
J.-C. CAREL, F. LANDIER, J. COSTE
par une mesure de la glycémie et de l'HbA1c avant traitement et de surveiller de façon
semestrielle puis annuelle le métabolisme glucidique. Il n'y a pas de consensus sur les modalités
de surveillance (glycémie, insulinémie, HGPO).
Hypertension intracrânienne bénigne
Elle correspond à la rétention hydrosodée induite par la mise en route du traitement et s'observe
de façon nette chez environ 1/1000 enfants traités par hormone de croissance [1,3]. Elle se manifeste
par des céphalées, et par un œdème papillaire au fond d'œil. Elle impose l'arrêt du traitement qui
peut ensuite être repris à doses très progressivement croissantes. Il est important de prévenir les
patients et les familles de sa survenue éventuelle afin qu'ils puissent réagir de façon adaptée.
Complications orthopédiques
L'hormone de croissance augmente modérément le risque d'épiphysiolyse des têtes fémorales
ou d'aggravation de scolioses. Ceci est particulièrement net dans les groupes à risque (syndrome
de Turner, syndrome de Prader-Willi) et justifie une information et une surveillance clinique
orientée.
Otites moyennes
Le traitement par l'hormone de croissance s'accompagne d'une fréquence accrue (doublement)
des otites moyennes dans le syndrome de Turner [4]. Vu la sévérité des otites dans ce syndrome et
leur caractère délétère sur la qualité de vie, la surveillance ORL doit être rigoureuse.
Mort subite et syndrome de Prader-Willi
Des morts subites ont été rapportées chez une vingtaine de patients traités par l'hormone
de croissance [5]. Dans environ la moitié des cas, le décès est survenu moins de 6 mois après
le début du traitement. La causalité est loin d'être établie, du fait d'une augmentation du
risque de décès dans le syndrome de Prader-Willi. Des facteurs de risque comme une obésité
massive, des troubles respiratoires pendant le sommeil, une infection broncho-pulmonaire ont
été discutés mais non validés. Il est néanmoins recommandé de réaliser une polysomnographie
et d'évaluer le bénéfice risque au niveau individuel avant d'envisager le traitement.
RISQUE TUMORAL ET TRAITEMENT PAR L'HORMONE DE CROISSANCE
Récurrence tumorale
L'utilisation d'une hormone augmentant la prolifération cellulaire dans un contexte de
cancer pose le problème du risque au moins théorique d'augmentation des récidives tumorales.
En l'absence d'étude prospective, il est difficile de répondre de façon définitive à cette question.
Les suivis longitudinaux de grandes cohortes d'enfants ayant eu un cancer et traités par l'hormone
TOLERANCE A LONG TERME DES TRAITEMENTS
PAR L'HORMONE DE CROISSANCE RECOMBINANTE
139
de croissance ont donné des indications extrêmement rassurantes sur le risque de récurrence
tumorale ou l'utilisation de l'hormone de croissance dans les situations à risque comme la
neurofibromatose de type 1 [6-8]. Il reste néanmoins logique de réserver le traitement en cas
de tumeur évolutive. Après chirurgie d'un craniopharyngiome par exemple, la plupart des
équipes observent l'évolution pendant environ 6 mois avant d'envisager le traitement.
Risque de second cancer
Chez les enfants traités pour séquelles de cancer, le risque de second cancer, en particulier
méningiome est accru par rapport à un groupe non traité [7,9]. Dans l'étude américaine "Childhood
Cancer Survivor Study", 14 108 enfants dont 361 traités par l'hormone de croissance ont été
suivis après un diagnostic initial de cancer entre 1970 et 1986. Le risque de second cancer
était augmenté chez les enfants traités par l'hormone de croissance, après ajustement sur les
covariables disponibles (incidence relative 2,15, IC95 % 1,3–3,5; P < 0,002). Sur les 361 enfants
traités par l'hormone de croissance, 20 ont développé une seconde tumeur solide, dont 9 un
méningiome et 3 un ostéosarcome. Le risque relatif semble diminuer avec le temps, essentiellement
du fait d'une augmentation du risque à long terme dans le groupe non traité par l'hormone
de croissance. Des biais sont possibles pour expliquer ces observations, en particulier une
meilleure surveillance des enfants préalablement traités par l'hormone de croissance. Les enfants
traités par l'hormone de croissance dans le contexte sont souvent sévèrement déficitaires et
le bénéfice est chez eux largement démontré, tant en termes de taille qu'en termes de qualité
de vie, d'effets métaboliques et de composition corporelle. Il est donc important de connaître
ces données et de les intégrer dans l'analyse du bénéfice risque du traitement par l'hormone
de croissance dans le contexte de cancer.
Risque de cancer de novo
Contrairement aux évènements indésirables survenant sous traitement pour lesquels on
dispose de beaucoup de données, il y a peu de données sur la tolérance à long terme des
traitements par hormone de croissance. Un faisceau de constatation amène à questionner le
risque de cancer de novo après traitement par l'hormone de croissance. Une équipe anglaise
a observé une augmentation du risque de cancer en particulier colique chez les adultes traités
dans l'enfance par de l'hormone de croissance extractive [10]. En 2002, une étude de cohorte
réalisée au Royaume-Uni [10] a examiné la morbidité et la mortalité à long terme chez 1848 patients
traités au préalable par l'hormone de croissance extractive. Une augmentation de l'incidence
de la mortalité par cancer colorectal (standardized mortality rate, SMR 14,9, 95 % CI 1,8–53,9)
et par maladie de Hodgkin (SMR 15,3, 95 % CI 1,9–55,2) a été relevée. Le nombre d'évènements
était faible expliquant les intervalles de confiance très larges.
Par ailleurs, l'axe GH-IGF-I est impliqué dans la tumorigénèse. Dans l'acromégalie, une
situation où les taux d'hormone de croissance sont chroniquement augmentés, le risque de
tumeurs colorectales bénignes et malignes est augmenté. Dans une méta-analyse, le risque relatif
était de 2,1 (95 % CI 1,3-3,1)[11]. Dans une autre étude réalisée en Suède et au Danemark,
l'incidence relative (SIR) était de 1,5 pour les cancers en général (95 % CI 1,3-1,8), 2,1 pour
les cancers digestifs (95 % CI 1,6-2,7), et en particulier du grêle (SIR 6,0, 95% CI 1,2-17,4),
colon (SIR 2,6, 95 % CI 1,6-3,8), et rectum (SIR 2,5, 95 % CI 1,3-4,2). Les risques étaient
également élevés pour le cerveau (SIR 2,7, 95 % CI 1,2-5,0), la thyroïde (SIR 3,7, 95% CI
1,8-10,9), les reins (SIR 3,2, 95% CI 1,6-5,5), et les os (SIR 13,8, 95% CI 1,7-50,0). D'autres
140
J.-C. CAREL, F. LANDIER, J. COSTE
études ont montré que chez les patients acromégales, le risque de tumeur colorectale est lié aux
taux de GH et d'IGF-I [12]. De même, le risque de récurrence des polypes colorectaux chez les
patients acromégales est augmenté [13,14] et lié aux taux d'IGF-I dans certaines études [13].
Par ailleurs, une littérature très importante est dévolue à l'analyse de l'influence des taux
d'IGF-I sur le risque de cancer dans la population générale. Une méta-analyse a résumé les
données disponibles et montré une augmentation du risque de cancer colorectal chez les
sujets ayant les valeurs d'IGF-I les plus élevées [15]. Dans cette méta-analyse, le risque relatif
de cancer colorectal était de 1,58 (95 % CI 1,11–2,27) pour la comparaison entre les sujets
appartenant à la catégorie d'IGF-I la plus élevée vs la plus basse. L'effet protecteur de l'IGFBP-3
(une protéine de liaison qui augmente sous l'effet de l'hormone de croissance et qui "tamponne"
l'IGF-I dans le plasma) n'a pas été confirmé dans cette méta-analyse [15].
DONNÉES COMPLEMENTAIRES :
L'ETUDE SAGHE EN FRANCE ET EN EUROPE
Le registre de population des patients traités par l'hormone de croissance en France et
tenu par l'Association France-Hypophyse est unique au monde par sa structure, sa taille et sa
capacité à répondre à la question importante de la tolérance à long terme des traitements par
l'hormone de croissance. L'objectif principal de l'étude SAGhE est d'évaluer la mortalité
globale, la mortalité liée aux cancers et la morbidité liée aux cancers chez les adultes traités
par la GH dans l'enfance et de comparer ces risques avec ceux de la population générale [16].
En France, cette étude concerne environ 10 000 patients traités exclusivement par GH
recombinante et âgés de plus de 18 ans en 2007, issus du registre de l'Association France-Hypophyse.
La mortalité globale a été évaluée grâce au répertoire RNIPP (Répertoire National d'Identification des Personnes Physiques) et le registre du RNIAM. La mortalité spécifique a été
identifiée en utilisant le registre INSERM CépiDc. La morbidité a été évaluée par une enquête
de type questionnaire et par une interrogation du registre SNIIRAM. Les premiers résultats
de l'étude concernant la mortalité à long terme ont été rendus disponibles par l'AFSSAPS
sous forme d'un communiqué de presse et présentés sous forme d'abstract [17].
L'analyse de mortalité a porté sur 6928 enfants de petite taille et traités par hormone de
croissance pour un déficit isolé et idiopathique en hormone de croissance, une petite taille
idiopathique, ou nés petits pour l'âge gestationnel et qui ont initié leur traitement entre 1985
et 1996. Les données de suivi sur le statut vital en septembre 2009 ont porté sur 94,7 % des
patients, représentant 116 403 personnes années de suivi. L'analyse a porté sur la mortalité
toutes-causes et sur la mortalité cause-spécifique et nous avons calculé les ratios standardisés
de mortalité (SMR) et les hazard ratios (HR) en utilisant comme référence les données de la
population générale française.
La mortalité toutes-causes était augmentée chez les enfants traités par rapport à la population
générale de même âge, sexe et année (SMR 1,33, 95 % CI 1,08–1,64). En analyse multi-variée
ajustée sur la taille au début du traitement les patients ayant reçu une dose supérieure à 50 µg/kg/j
était associée à une augmentation de la mortalité, en comparaison avec les patients ayant reçu
les doses les plus basses (SMR ajusté, 2,94, 95 % CI 1,22–7,07, HR ajusté 2,79, 95 % CI
1,14–6,82). La mortalité liée au cancer n'était pas augmentée par rapport à la population générale.
La mortalité par tumeur osseuse était augmentée (SMR 5,00, 95 % CI 1,01–14,63). Nous
avons observé une augmentation de la mortalité secondaire aux maladies du système circulatoire
(SMR 3,07, 95 % CI 1,40–5,83), en particulier par hémorragie méningée et cérébrale (SMR
6,66, 95 % CI 1,79–17,05). La mortalité était donc augmentée chez ces enfants de petite
TOLERANCE A LONG TERME DES TRAITEMENTS
PAR L'HORMONE DE CROISSANCE RECOMBINANTE
141
taille, sans pathologie identifiée autre que leur déficit endocrinien isolé, avec une association
spécifique avec l'utilisation de doses d'hormone de croissance élevées. Il n'y avait pas d'augmentation
de la mortalité par cancer. Des signaux spécifiques ont été détectés (tumeurs osseuses, hémorragies
cérébro-méningées).
L'interprétation de ces résultats est particulièrement complexe car d'une part les données
de population générale utilisées pour l'analyse de mortalité ne sont pas strictement comparable
et risquent à la fois de sur- et de sous-estimer la mortalité dans notre population. Cependant,
l'analyse de survie qui utilise un comparateur interne identifie la dose comme variable associée
à la mortalité, mais sans que cette association doive être interprétée comme causale. Ces résultats,
qui ont été communiqués à l'agence du médicament européenne ne remettent pas en cause
l'utilisation des traitements par l'hormone de croissance dans le cadre des AMM. Ils soulignent
la nécessité d'études complémentaires, portant sur la mortalité et sur la morbidité à long terme
après traitement par hormone de croissance. Ces données sont en cours de collecte, en particulier
dans le cadre de l'étude Européenne SAGhE, qui rassemble 8 pays et 30 000 patients et dont
les résultats seront connus vers la fin de l'année 2012 [16].
CONCLUSION
Les données sur la tolérance à long terme de l'hormone de croissance restent très limitées
et les signaux d'alarmes restent discutables. Ils ne doivent pas contre-indiquer les traitements
dans la majorité des cas, mais doivent néanmoins être discutés avec les familles. L'accumulation
de données observationnelles, en France, en Europe et sans doute dans le reste du monde permettra
certainement de clarifier la question de la tolérance à long terme des traitements par l'hormone
de croissance dans les années à venir.
AUTEURS :
Jean-Claude Carel1, Fabienne Landier1, Joël Coste2
1
Service d'Endocrinologie – Diabétologie Pédiatrique, INSERM CIC-EC5 et Centre de Référence des Maladies
Endocriniennes Rares de la Croissance, AP-HP Hôpital Robert Debré et Université Paris 7 Denis Diderot, 75019,
Paris, France.
2
Unité de Biostatistiques et d'Epidemiologie, et APEMAC EA 4360, Groupe hospitalier Cochin - Saint Vincent
de Paul et University Paris Descartes, 75014 Paris, France.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Jean-Claude Carel : [email protected]
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143
THERAPIE GENIQUE DES MALADIES
DU SYSTEME HEMATOPOÏETIQUE
par
M. CAVAZZANA-CALVO, P. LEBOULCH, O. NEGRE, E. PAYEN,
A. FISCHER, S. HACEIN-BEY-ABINA
La thérapie génique est devenue une option thérapeutique pour au moins deux formes
de déficits immunitaires combinés sévères (DICS) : les déficits immunitaires combinés sévères
liés au chromosome X (DICS-X1) et le défaut en adénosine déaminase (ADA). Les résultats
des protocoles cliniques initiés depuis plus de dix ans témoignent de leur correction soutenue
dans le temps et reproductible [1,2]. Le succès du traitement de ces deux formes de DICS
est basé sur l’avantage sélectif conféré aux précurseurs des lymphocytes T à travers l’expression
du transgène thérapeutique. Néanmoins, ces vecteurs rétroviraux de première génération ont
également été responsables de l’apparition de complications graves de type leucémique en
raison de leur capacité à s’insérer à côté de gènes dangereux (protooncogènes) et d’en induire
la transactivation à travers un élément viral présent dans le LTR. Ces éléments capables de
potentialiser la transcription des gènes proches aux sites d’intégration, ont été délétés dans
les vecteurs de deuxième génération actuellement utilisés. Grâce à l’utilisation des vecteurs
dérivés du virus de l’immunodéficience humaine (VIH-1), caractérisés par une capacité
augmentée de transduction des cellules souches, l’extension de la thérapie génique, qu’on
espère à la fois efficace mais également plus sûre, est devenue possible à d’autres pathologies
aussi fréquentes que les hémoglobinopathies. Plusieurs raisons expliquent pourquoi la
thérapie génique a été initialement confinée au traitement des DICS. Ces maladies sont des
maladies létales à courte échéance, monogéniques, et confèrent aux cellules transduites un
avantage sélectif sur les cellules non corrigées, capable d’outrepasser la faible capacité de
correction des cellules souches hématopoïétiques. L’autre raison pour laquelle la thérapie
génique s’est rapidement imposée comme traitement alternatif pour les déficits immunitaires
dépend du fait que si la transplantation allogénique de cellules souches hématopoïétiques
(CSH) est une approche puissante pour guérir ces maladies, elle est néanmoins loin d’être
parfaite car même lorsqu’elle est réalisée en condition de compatibilité HLA, les patients ne
sont pas à l’abri des effets secondaires graves comme peut l’être la réaction du greffon contre
l’hôte (GvH). De plus, le recours à la greffe allogénique de CSH est limité par l’absence trop
fréquente d’un donneur familial HLA génocompatible. Néanmoins, le succès de la greffe
allogénique fournit le rationnel pour le recours à l’auto-greffe des cellules souches génétiquement modifiées. Si l’option de la thérapie génique s’est imposée assez facilement pour des
déficits immunitaires graves et létaux à courte échéance, la discussion autour de la thérapie
génique pour le traitement des hémoglobinopathies est beaucoup moins aisée car la thérapie
médicale représente un des succès les plus spectaculaires de la médecine au cours des vingt
dernières années. En effet, la thalassémie est passée d’une maladie létale dans l’enfance à une
144
M. CAVAZZANA-CALVO, P. LEBOULCH, O. NEGRE, E. PAYEN, A. FISCHER, S. HACEIN-BEY-ABINA
maladie chronique de l’adulte avec une amélioration impressionnante non seulement de la
survie mais aussi de l’espérance de vie. Ceci est notamment illustré par une étude rétrospective
italienne [3] qui montre clairement les énormes progrès réalisés chez les patients nés dans les
vingt dernières années comparativement à ceux nés dans les décennies précédentes. Ces progrès
résultent de l’augmentation des connaissances sur la physiopathologie de la surcharge ferrique
qui ont permis d’améliorer substantiellement la qualité et la disponibilité du diagnostic et
de développer de nouveaux régimes de chélation du fer. Néanmoins, la grande majorité des
patients atteints de cette maladie vit dans des pays non industrialisés où ces traitements sont
rarement disponibles. Une étude récente réalisée par B. Modèle indique que plus de 330 000
enfants atteints d’hémoglobinopathie naissent annuellement (83 % de drépanocytoses et 17 %
de thalassémies) [4]. Si dans les pays industrialisés, le dépistage néonatal a dramatiquement
diminué le nombre de nouveau-nés atteints de thalassémie majeure, dans les pays en voie de
développement il est très difficile d’implémenter le diagnostic prénatal et une consultation
génétique en raison des faibles ressources et de l’expertise locale extrêmement limitée. De
plus, la thérapeutique de la β-thalassémie continue à alimenter le débat car il n’existe aucun
essai clinique prospectif randomisé capable de donner une réponse définitive au défi du choix
pour chaque patient entre greffe allogénique de CSH et thérapie médicale. En l’absence de
preuve formelle, le choix est basé sur l’étude comparant de larges cohortes de patients transplantés à ceux soumis rétrospectivement à une thérapie médicale, associée à des préférences
strictement individuelles. Le processus décisionnel, loin de celui qui caractérise le choix
thérapeutique dans le cas d’une immunodéficience primitive grave, est par définition, dans
le cas des hémoglobinopathies, hautement individualisé et spécifique de chaque patient car
il doit prendre en compte l’âge, l’état clinique, la compliance et la compréhension du patient,
sa capacité à adhérer à un traitement approprié mais lourd de transfusions – chélations, sa
qualité de vie et les ressources disponibles dans son pays de naissance. Dans le cas des patients
d’âge pédiatrique, les parents sont confrontés à des décisions encore plus difficiles.
Nous tenterons ici de faire un point sur l’application de la thérapie génique à ces deux
problématiques.
TECHNOLOGIE DU TRANSFERT DE GENES
Pour les maladies héréditaires du système hématopoïétique dans lesquelles la correction
stable d’une cellule souche est requise, seuls les vecteurs dérivés des rétrovirus peuvent satisfaire
à ce pré-requis. Brièvement, les rétrovirus sont des virus enveloppés à ARN dont le génome
est composé de deux copies identiques d’ARN monocaténaires positifs. Les extrémités de
chaque brin comportent des séquences répétées LTR (Long Terminal Repeat). Entre ces deux
séquences se trouvent les gènes viraux de structure, les gènes codant pour les protéines impliquées
dans la réplication virale et le gène qui code pour l’enveloppe virale. La famille des oncorétrovirus
comprend cinq virus parmi lesquels seuls les rétrovirus de type C, comme le virus de la
leucémie murine de Moloney (MLV), et les lentivirus dérivés de HIV-1 sont utilisés en
clinique. Le modèle de rétrovirus le plus étudié pour la génération de vecteurs rétroviraux en
thérapie génique est le virus MLV. Le séquençage complet et la connaissance approfondie de
leur cycle réplicatif ont permis, dès le milieu des années 80, d’envisager leur utilisation comme
vecteurs pour corriger les maladies monogéniques. Le développement des vecteurs rétroviraux
pour le transfert de gènes repose sur la délétion du génome sauvage de toutes les séquences
virales nécessaires à la réplication du virus et l’introduction, à la place, du gène thérapeutique.
Leur avantage repose sur leur immuno-génicité faible ou absente ; leurs inconvénients sont
THERAPIE GENIQUE DES MALADIES DU SYSTEME HEMATOPOÏETIQUE
145
leur capacité limitée à 8 kb, l’absence de contrôle du niveau d’expression du transgène, et
enfin le risque de mutagénèse insertionnelle, lié notamment à l’effet transactivateur exercé par
les séquences potentialisatrices du LTR (région U3) sur les gènes voisins des sites d’intégration.
Rapidement, ces vecteurs ont été remplacés pour des raisons de sécurité par des vecteurs
dérivés du virus de VIH-1. De plus, la sécurité biologique des vecteurs dérivés du VIH-1
a été augmentée grâce au développement de vecteurs dits « self-inactivés ». Ces derniers
sont dépourvus de la séquence U3 sauvage du LTR, ce qui réduit leur capacité d’activation
des gènes cellulaires situés à proximité du site d’intégration. Dans le cas de ces vecteurs
« self-inactivés », la transcription du gène thérapeutique est assurée par l’introduction de
promoteurs internes qui peuvent être tissus-spécifiques comme c’est le cas dans l’essai β-thalassémie.
Les conditions de culture et de transduction des cellules hématopoïétiques ont été aussi améliorées
dans le temps grâce à la sélection d’un cocktail de cytokines plus approprié et des astuces
technologiques pour augmenter les interactions virus / cellules, par exemple grâce à l’addition
de fragments de fibronectine pendant la coculture virus / cellule hématopoïétique.
THERAPIE GENIQUE DES PATIENTS ATTEINTS DES DEFICITS
IMMUNITAIRES COMBINES SEVERES
Deux formes de DICS, la forme liée à l’X due à un défaut de la chaîne gamma commune
des récepteurs des cytokines hématopoïétiques en 1999, et successivement la thérapie génique
pour le défaut en ADA sont les deux protocoles avec le plus long suivi clinique. Au jour
d’aujourd’hui, les résultats de la thérapie génique sont disponibles pour 20 patients atteints
de DICS-X1, 5 patients atteints de formes atypiques de DICS et au moins 30 patients atteints
de défaut en ADA.
Efficacité de la thérapie génique pour DICS-X1
Actuellement, 18 sur les 20 patients atteints de DICS-X1 traités conjointement à Paris
et à Londres sont vivants, entre 3 et 12 ans après réinjection d’une autogreffe de cellules
génétiquement modifiées avec une moyenne d’observation de 8,5 ans. Chez 17 de ces patients,
il existe une correction stable de la pathologie [1]. Le nombre de lymphocytes T est normal
ou proche de la valeur normale des sujets sains du même âge, avec une fonction plus que
satisfaisante. De façon remarquable, la grande majorité des patients continue à avoir une
thymopoïèse efficace, quantifiable par la présence de cellules T naïves circulantes. D’un point
de vue clinique, le développement de cette immunité cellulaire T assure un bénéfice clinique
clair à cette cohorte de patients car ils peuvent se défendre activement contre tous les agents
infectieux et conduisent une vie absolument normale en l’absence d’autre thérapeutique. Le
nombre de lymphocytes natural killer est par contre faible chez tous les malades, ce qui est
une observation partagée avec les sujets ayant reçu une greffe allogénique de CSH notamment
en l’absence de conditionnement myéloablatif. Les fonctions cellulaires B sont partiellement
restaurées malgré un taux extrêmement faible et diminuant dans le temps, des lymphocytes B
exprimant la chaîne γ. En accord avec ces données biologiques, environ la moitié des patients
ne reçoit plus d’immunoglobulines. Cette observation est à mettre sur le compte de l’absence
d’avantage sélectif des cellules corrigées du compartiment B par rapport aux cellules non corrigées,
et à l’homéostasie propre de ce compartiment. Grâce à la technologie du séquençage à haut
débit de tous les sites d’intégration associée à leur étude longitudinale, nous avons pu montrer
146
M. CAVAZZANA-CALVO, P. LEBOULCH, O. NEGRE, E. PAYEN, A. FISCHER, S. HACEIN-BEY-ABINA
qu’il existe une très grande variation dans le temps de l’abondance des sites d’intégration
uniques, sans pour autant qu’il n’y ait aucune évidence pour une sélection à long terme [5].
La question de savoir si nous avons ou non été capables de corriger de façon stable une cellule
souche hématopoïétique reste d’actualité en raison des observations suivantes : bien que dans
les premières années nous avons pu détecter les mêmes sites d’intégration dans le compartiment
T et dans le compartiment myéloïde, laissant espérer que des progéniteurs hématopoïétiques
pluripotents ou même des CSH ont été stablement transduits, plus de neuf ans après la
thérapie génique nous avons observé la disparition complète de toutes les cellules myéloïdes
exprimant le gène thérapeutique. Malgré cette disparition des cellules myéloïdes corrigées et de
cellules B corrigées circulantes, une production de cellules T naïves approchant la production
d’un sujet normal, continue à être détectée, suggérant qu’il existe d’une part une thymopoïèse
extrêmement efficace et d’autre part que notre définition des cellules souches hématopoïétiques
mérite d’être revisitée [6].
En plus de ces 20 patients traités dans la première année de vie, 5 autres patients ont été
traités plus tard, à un âge compris entre 10 et 20 ans, essentiellement pour deux raisons : soit
parce qu’ils s’étaient présentés avec des formes de DICS-X1 atypiques causées par des mutations
hypomorphes, soit parce qu’ils avaient reconstitué de façon extrêmement insuffisante leur
immunité adaptative après une greffe allogénique partiellement compatible de CSH [7].
L’ensemble des résultats a été décevant car aucune ou seulement une faible amélioration de
l’immunité cellulaire a été détectée. La raison de cette absence de correction chez des patients
à des âges plus tardifs reflète probablement l’involution de la fonction thymique surtout chez
les patients atteints de DICS, et pose la question plus importante : comment pouvons-nous
quantifier la fonction thymique chez ces patients associant une absence de colonisation
thymique après la naissance et de longues histoires infectieuses, les deux paramètres contribuant
à une accélération de la perte de la fonctionnalité de cet organe.
Genotoxicité dans les essais cliniques pour DICS-X1
Cinq sur les 20 patients (4 dans l’essai clinique parisien et 1 dans l’essai clinique londonien)
ont développé des leucémies aiguës lymphoblastiques T entre deux et six ans après thérapie
génique [8].
Après un traitement par chimiothérapie, identique à celui utilisé dans les leucémies aiguës
lymphoblastiques acquises, quatre patients ont survécu et montrent une rémission stable et
complète dans le temps avec une restauration de l’immunité cellulaire. Un patient est décédé
en raison d’une forme de leucémie réfractaire. Dans tous les cas, il a été trouvé que le clone
anormal présentait une ou deux intégrations provirales à côté d’un protooncogène. Au moment
de la leucémie ouverte, plusieurs autres anomalies génomiques ont été détectées. Suite à la
survenue de ces effets adverses, les deux essais cliniques ont été arrêtés et des efforts considérables
ont été dédiés à la compréhension des mécanismes physiopathologiques de leur survenue.
Il a été clairement démontré que les rétrovirus de type C s’intègrent préférentiellement à
l’intérieur des gènes, et en particulier dans les gènes activement transcrits. Les signatures
épigéniques qui favorisent l’intégration virale ont été récemment identifiées, faisant apparaître
que le locus contenant le facteur de transcription LMO2 remplit un nombre important de
ses caractéristiques qui favorisent l’intégration fréquente du rétrovirus de type C dans ce
locus [9,10]. Parallèlement, il a été bien démontré que la séquence potentialisatrice du LTR
rétroviral pouvait activer de façon permanente un gène proche au site d’intégration, en
déclenchant ainsi un processus leucémique. Il faut toutefois noter que malgré l’utilisation
THERAPIE GENIQUE DES MALADIES DU SYSTEME HEMATOPOÏETIQUE
147
d’une technologie de transfert de gène assez similaire dans le protocole pour le défaut en
ADA, aucun des patients traités avec succès pour cette pathologie (n = 21) n’a développé de
leucémie [2]. Cette observation illustre le fait qu’un ou plusieurs facteurs liés à la maladie
elle-même pourrai(en)t jouer un rôle important dans la survenue de cet effet adverse. La
survenue récente d’un cas de leucémie aiguë lymphoblastique T avec transactivation du même
oncogène LMO2 dans un essai allemand de thérapie génique pour le syndrome de WiskottAldrich pointe le rôle prépondérant des oncorétrovirus de type C dans le phénomène de
mutagénèse insertionnelle. A la lumière de ces données, de nouveaux vecteurs dits « self-inactivés »
à LTR inactive ont été développés. Néanmoins nous sommes extrêmement déçus par l’incapacité
à développer des expérimentations animales prédictives des développements d’un effet adverse
sévère, et ceci malgré dix années d’efforts des différentes équipes de thérapie génique dans le
monde. Ceci peut être lié à la biologie différente du processus oncogénique des CSH murines
par rapport aux cellules humaines, et plus généralement à la différence de biologie des rétrovirus dans les deux espèces. De plus, pour essayer de diminuer la survenue de ces effets
adverses, le choix s’est porté sur les virus dérivés de HIV compte tenu de leur caractéristique
d’intégration qui ne présente aucune prédilection pour le site d’initiation de la transcription [11].
Cet avantage lié au site d’intégration des virus lentiviraux n’est pas absolu comme on le
discutera plus loin à propos de l’essai de thérapie génique pour la β-thalassémie. Un vrai saut
en terme de sécurité peut être représenté par le guidage de l’intégration rétrovirale dans
des régions neutres du génome (safe-harbor). Différents travaux témoignent de l’efficacité
d’expression du gène thérapeutique en introduisant dans le vecteur une séquence dérivée de
AAV-1 (Adeno-associated virus) qui permet sont intégration dans un locus neutre du génome.
érapie génique chez les patients atteints de déficit en adénosine déaminase
Les premières tentatives de correction du défaut en adénosine déaminase par thérapie
génique dans les CSH n’ont pas été concluantes en raison 1) d’une technologie sous-optimale
notamment au niveau des titres viraux et les conditions de transduction des cellules souches
hématopoïétiques ; 2) les patients recevaient simultanément l’enzymothérapie de substitution
qui inhibait complètement l’avantage de survie et de prolifération conféré aux cellules transduites
par rapport à la contrepartie non transduite ; 3) enfin, au fait qu’aucun traitement myéloablatif
n’avait été utilisé.
Le défaut en ADA est actuellement traité avec des techniques plus avancées et a permis
l’inclusion de 30 patients au sein de trois protocoles cliniques en Italie, en Angleterre et aux
Etats-Unis. La technologie est essentiellement similaire à celle que nous avons utilisée pour
traiter les enfants atteints de DICS-X1 ; une différence importante concerne l’utilisation
d’un régime de conditionnement atténué (4 mg/kg de Busulfan pour la grande majorité des
patients) visant à améliorer la prise des cellules hématopoïétiques transduites [12,13].
Ce choix a été motivé par le fait que la déficience en ADA est une maladie métabolique dans
laquelle une augmentation du nombre des cellules transduites à l’intérieur des différentes
lignées hématopoïétiques représente un avantage indiscutable [14]. La chimiothérapie a été
très bien tolérée chez tous les patients, aucun d’entre eux n’ayant souffert de complication
liée à la toxicité de ce traitement. Chez 21 sur 30 patients traités, la thérapie génique a été
jugée efficace en termes de développement T et d’absence d’indication clinique pour continuer
l’administration de l’enzymothérapie. Chez les 9 autres patients par contre, bien que toujours
vivants, la thérapie substitutive a dû être réintroduite. La médiane de suivi pour ces patients
est d’environ 4 ans, et est comprise entre 6 mois et 10 ans. La qualité de la reconstitution T
est moins bonne que chez les patients atteints de DICS-X1, probablement à cause du fait
148
M. CAVAZZANA-CALVO, P. LEBOULCH, O. NEGRE, E. PAYEN, A. FISCHER, S. HACEIN-BEY-ABINA
que le défaut en ADA est une maladie moins favorable car pratiquement tous les épithéliums
sont atteints avec notamment une accumulation toxique de purines également au niveau de
l’épithélium thymique. Malgré ces réserves, la reconstitution T a été suffisamment efficace pour
permettre aux enfants de guérir des infections et de retrouver une courbe staturo-pondérale
normale. Le profil d’intégration du provirus présente des caractéristiques très proches de
celles décrites dans l’essai DICS-X1. Néanmoins, un nombre significatif de cellules myéloïdes, B
et natural killer transduites, est détectable dans cette condition, conséquence du conditionnement réduit utilisé. Ces résultats extrêmement encourageants suggèrent que la thérapie
génique est une option thérapeutique valable pour les patients atteints de cette pathologie.
La thérapie génique se présente comme une thérapeutique de choix pour cette maladie en l’absence
de donneur génoidentique dans la fratrie car 1) la toxicité épithéliale de cette maladie métabolique
rend les sujets particulièrement vulnérable à l’utilisation d’un conditionnement myéloablatif
à dose pleine ; 2) en tenant compte des très mauvais résultats des greffes parentales dans cette
condition où on enregistre un taux de survie avec guérison de seulement 30 %.
ELARGISSEMENT DE L’UTILISATION DE LA THERAPIE GENIQUE
POUR DES PATHOLOGIES AUTRES QUE
LES DEFICITS IMMUNITAIRES PRIMITIFS
Compte-tenu de ces résultats très encourageants, nous avons élargi l’utilisation des cellules
souches génétiquement modifiées au traitement de la β-thalassémie.
Greffe de CSH pour la β-thalassémie au temps de la chélation orale du fer
La greffe de CSH est la seule thérapie curative pour la β-thalassémie et pour les autres
hémoglobinopathies, et le développement de la chélation par voie orale ne change pas cette
affirmation. Par contre, pour les patients adultes à un stade avancé de la maladie, la discussion
de la place de la greffe par rapport au traitement médical non curatif reste ouverte.
La transplantation pour la β-thalassémie initiée de façon très pro-active il y a plus de vingt
ans par l’équipe de Pesaro avec le Pr. Lucarelli [15,16] a considérablement progressé. L’équipe de
Pesaro a publié en Juin 2001 les résultats de 900 transplantations de CSH HLA-génoidentiques
réalisées entre 1981 et 2001 pour des patients d’âges compris entre 1 et 35 ans. 73 % pour
des patients étaient survivants à long terme, et si l’on considère tous les derniers résultats
publiés par d’autres équipes européennes, la probabilité de survie avec guérison dans cette
pathologie est aujourd’hui comprise entre 80 % et 90 % [17]. Malgré l’optimisme que ces
résultats peuvent exprimer, quelques notes de prudence sont nécessaires : en effet, ils ne tiennent
compte que de la survie sans transfusion, sans considérer la morbidité à long terme liée à cette
pratique (i.e. risque infectieux, complication liée à la survenue d’une réaction chronique du
greffon contre l’hôte, stérilité due au conditionnement). Autre élément important, si seuls
20 % à 30 % des malades atteints d’hémoglobinopathie disposent d’un donneur HLA
génoidentique familial et 20 autres pourcents d’un donneur du fichier, plus de 50 % des
patients d’origine caucasienne et plus de 70 % des patients non caucasiens ne disposent d’aucun
donneur HLA compatible. Dans ce contexte, le développement de la thérapie génique est
hautement justifié.
Sadelain et Leboulch peuvent être considérés comme pionniers dans l’utilisation des lentivirus
pour corriger les maladies de la β-globine et pour leur travail préclinique qui a amené la preuve
THERAPIE GENIQUE DES MALADIES DU SYSTEME HEMATOPOÏETIQUE
149
de principe que l’on pouvait guérir les modèles animaux de ces pathologies par thérapie génique,
de façon stable et reproductible [18,19]. Dans l’essai clinique de phase I/II initié en 2007, la
séquence humaine du gène de la β-globine a été modifiée par mutation d’un seul acide aminé
en position 87. Cette protéine à fonction totalement normale présente deux avantages
majeurs par rapport à la séquence sauvage : elle présente des propriétés anti-falciformes et
peut être facilement distinguée dans sa contrepartie normale en cas de transfusion du patient.
Deux patients ont été traités dans le protocole actuellement en cours [20]. Le premier
patient a été un échec du traitement pour plusieurs raisons dont la principale était la réinjection
d’un nombre insuffisant de cellules hématopoïétiques corrigées. Le deuxième patient est, au
moment de l’autogreffe, un jeune adulte de 19 ans atteint de β-thalassémie intermédiaire
de forme sévère car la production limitée d’HbE et d’HbF était responsable d’une anémie
dépendante de transfusions depuis l’âge de 3 ans.
Ce patient a été splénectomisé à l’âge de 6 ans en raison d’un retard de croissance
staturo-pondérale, il était soumis à un traitement chélateur pour une surcharge ferrique modérée
depuis l’âge de 8 ans. Les CSH préalablement transduites ont été injectées au nombre de
3,9 millions de CD34 par kilogramme. Le patient est resté en aplasie pendant 35 jours, qui
s’est résolue sans aucune complication infectieuse. Il a reçu des transfusions de globules rouges
pendant toute la première année qui a suivi la transplantation, suivie par une stabilisation du
taux d’hémoglobine autour de 9 gr/l. Aujourd’hui, quatre ans après la thérapie génique, ce
patient demeure indépendant de toute transfusion et il a pu bénéficier pendant une année
de saignées pour accélérer la diminution de la surcharge en fer. Actuellement, son niveau
d’hémoglobine est stable aux alentours de 9 gr/dl et l’hémoglobine est constituée pour 30 %
environ d’hémoglobine thérapeutique, 30 % d’hémoglobine F et 30 % d’hémoglobine E. En
parallèle, une diminution significative de la dysérythropoïèse qui caractérise cette maladie
est à noter ainsi qu’une augmentation de la durée de vie des globules rouges. L’état clinique
du patient est excellent quatre ans après thérapie génique, avec un jeune homme qui travaille
à plein temps. Au-delà du bénéfice clinique évident, l’étude de la distribution des sites
d’intégration du vecteur dans toutes les lignées hématopoïétiques montre une dominance
relative d’un site d’intégration au niveau du locus génétique HMGA2 dans les cellules myéloïdes
et dans les érythroblastes avec une absence de ce site d’intégration dans les lymphocytes.
A noter qu’au moment de l’autogreffe de cellules génétiquement modifiées, ce patient
avait reçu exclusivement du Busulfex, expliquant ainsi le faible nombre de cellules de la lignée
lymphocytaire ayant intégré le vecteur. Malgré cette dominance clonale, on note sa stabilité
dans le temps et un maintien de l’homéostasie hématopoïétique comme démontré à plusieurs
reprises par l’étude morphologique des cellules circulantes et de la moelle osseuse, par l’analyse
en cytométrie de flux, l’étude du caryotype et le CGH array à haute résolution, et enfin par
l’absence de croissance, indépendante des cytokines, des cellules formant des colonies hématopoïétiques. Ce résultat, très encourageant pour tous les patients atteints de maladies
héréditaires de l’hémoglobine, nous invite à le considérer avec prudence car, pour l’instant,
un seul patient a bénéficié de cette approche thérapeutique innovante et la répétition de ce
résultat chez d’autres patients atteints de la même pathologie ainsi que sa confirmation par
d’autres équipes dans le monde sont très attendues.
150
M. CAVAZZANA-CALVO, P. LEBOULCH, O. NEGRE, E. PAYEN, A. FISCHER, S. HACEIN-BEY-ABINA
PERSPECTIVES
Les résultats obtenus jusqu’à présent apportent la preuve du concept que la thérapie
génique peut faire partie de l’arsenal thérapeutique pour les maladies héréditaires du système
hématopoïétique. Aujourd’hui la thérapie génique peut être proposée comme alternative à
la greffe allogénique de CSH en l’absence de donneur HLA génoidentique tout au moins
pour les déficits immunitaires combinés sévères et, plus généralement, les déficits graves de
l’immunité adaptative. Le but dans les années à venir est d’étendre l’utilisation de cette
thérapeutique aux maladies fréquentes du système hématopoïétique comme la β-thalassémie
et la drépanocytose, d’initier des études multicentriques en Europe et aux Etats-Unis pour
pouvoir inclure le plus grand nombre de malades et valider ainsi la sécurité biologique et
l’effet bénéfique. Enfin, on espère arriver à remplacer graduellement les greffes allogéniques
par une thérapeutique qui, pour la cinquantaine de malades traités jusqu’à ce jour pour des
maladies héréditaires, ne comporte aucune toxicité aiguë. Bien sûr tous les efforts scientifiques
doivent être incrémentés pour améliorer cette stratégie en essayant de résoudre le problème
de la mutagénèse insertionnelle grâce à l’introduction, dans les séquences du vecteur,
d’éléments capables d’adresser le vecteur dans des sites neutres du génome.
AUTEURS :
M. Cavazzana-Calvo1,2,3 , P. Leboulch4,5 , O. Negre4,5,6 , E. Payen4,5, A. Fischer3,7, S. Hacein-Bey-Abina1,2,3
1
Département de Biothérapie, Hôpital Necker Enfants-Malades, AP-HP, Paris ;
2
Centre d’Investigation Clinique en Biothérapie, APHP / Inserm, Paris ;
3
Faculté de Médecine, Université Paris Descartes ; 4 CEA, Institut des Maladies Emergentes et des érapies
Innovantes (iMETI), Fontenay-aux-Roses ; 5 Inserm U962, Université Paris XI, Fontenay-aux-Roses ;
6 Bluebirdbio France, CEA-iMETI, Fontenay-aux-Roses ; 7 Service d’Immuno-Hématologie Pédiatrique,
Hôpital Necker Enfants-Malades, APHP, Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
M. CAVAZZANA-CALVO - [email protected]
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152
153
QUID DU TRAITEMENT DES MALADIES LYSOSOMALES
EN 2011 ?
par
B. CHABROL, B. HERON, C. CAILLAUD
INTRODUCTION
Les maladies lysosomales constituent le groupe le plus vaste parmi les maladies héréditaires
du métabolisme. Malgré leur hétérogénéité et leur rareté au plan individuel, elles ont bénéficié
récemment de nombreuses avancées non seulement dans la compréhension de leurs mécanismes
au niveau biochimique, génétique et physiopathologique, mais aussi dans le développement
de thérapies ciblées.
Ces affections étant dues chacune à un déficit enzymatique spécifique, la plupart des thérapies
visent à apporter l'enzyme manquante. Ceci peut être réalisé à l'aide d'enzymes recombinantes
administrées par voie intraveineuse (thérapie substitutive), mais aussi par thérapie cellulaire
(greffe de cellules souches hématopoïétiques...) ou génique (transfert de gène direct à l'aide
de vecteurs viraux recombinants, greffe de moelle osseuse génétiquement modifiée). Une autre
approche consiste à empêcher l'accumulation des composés non dégradés dans ces maladies
dites de surcharge (inhibiteurs de la biosynthèse des substrats) ou bien encore à freiner les
conséquences secondaires de ce stockage excessif (anti-inflammatoires, ...). Ces affections
étant d'origine génétique, des approches de thérapie génique sont également envisageables
avec comme objectif d'agir sur le gène lui-même afin de corriger directement les anomalies
délétères (translecture de codon stop, modulation de l'épissage, ...). Si l'on considère l'ensemble
de ces approches, certaines sont déjà utilisées en clinique, d'autres sont en phase préclinique
ou bien seulement au stade expérimental [1].
THERAPIES MOLECULAIRES
érapies substitutives
Les thérapies dites substitutives visent à apporter l'enzyme manquante, sous la forme d'une
protéine recombinante, administrée par voie intraveineuse, à intervalles réguliers, pendant
toute la vie du patient, compte tenu de l'impossibilité pour lui de fabriquer cette enzyme.
Cette stratégie a fait preuve d'une grande efficacité dans les maladies lysosomales à atteinte
principalement viscérale (maladie de Gaucher type 1, de Fabry, ...) [2]. Les enzymes actuellement
utilisées en clinique sont produites par génie génétique, soit en cellules CHO (chinese hamster
154
B. CHABROL, B. HERON, C. CAILLAUD
ovary), soit en cellules humaines (fibroblastes). Actuellement 6 enzymothérapies sont disponibles
permettant de traiter les patients porteurs d’une maladie de Gaucher type I, d’une maladie
de Fabry, d’une mucopolysaccharidose (MPS) de type I (maladie de Hurler ou Hurler-Scheie),
d’une MPS de type II, d’une MPS de type VI et d’une maladie de Pompe (forme infantile et
juvénile). Deux essais cliniques sont en cours actuellement l’un pour la maladie de Morquio
(MPS IV) et l’autre pour la maladie de Niemann-Pick type B. L’efficacité de ces enzymothérapies
est variable selon le type de pathologie, avec des très bons résultats dans la maladie de Gaucher
par exemple. Dans les formes avec atteinte neurologique comme la maladie de Hunter, les
enfants sont améliorés très nettement au niveau viscéral, mais très souvent l’atteinte neurologique
(comportementale) reste très difficile à gérer ce qui pose des problèmes complexes à résoudre
de poursuite ou non du traitement. Un suivi à plus long terme et collaboratif tel qu’il est proposé
en France permettra de mieux définir les modalités et les indications de ce type de traitement.
D’autre part, il existe actuellement trois PNDS (protocole national de diagnostic et de soins)
rédigés par un comité d’experts et publiés par la HAS concernant ces maladies (maladie de
Gaucher, MPS de type I, maladie de Fabry) [3,4,5]. Enfin, récemment, une glucocérébrosidase
(taliglucerase alpha), fabriquée dans des cellules de carotte, a montré une efficacité clinique
similaire aux autres molécules disponibles [6]. D’autres enzymes synthétisées à partir de cellules
végétales seront probablement accessibles dans le futur, ce qui pourrait peut-être diminuer
les coûts de production de ces médicaments très onéreux actuellement.
Malgré les résultats significatifs obtenus avec les thérapies substitutives existantes, certaines
limitations sont apparues, notamment en ce qui concerne le ciblage tissulaire (os, cerveau, ...).
Ainsi, les enzymes lysosomales recombinantes ne sont pas efficaces dans les maladies avec
atteinte neurologique (maladie de Gaucher de type 2, ...) du fait de leur incapacité à traverser
la barrière hématoencéphalique (BHE). Certaines enzymes ayant fait l'objet d'une modification chimique [7] ou bien dont la structure a été modifiée afin de favoriser le ciblage de
récepteurs spécifiques, abondants au niveau de la BHE (récepteurs des LDL, de l'insuline, ...),
sont actuellement explorées dans des modèles murins [8]. Il reste cependant à démontrer leur
efficacité chez l'homme. Une autre limitation des thérapies substitutives actuelles est la
réponse immunitaire qui favorise l'apparition d'anticorps qui entraînerait une réduction de
l'efficacité thérapeutique. Ceci semble être le cas chez certains enfants atteints de maladie de
Pompe ayant un statut CRIM négatif (cross-reactive immunologic material) ce qui constituerait
un facteur de très mauvais pronostic au niveau évolutif avec une atteinte sévère et un décès
précoce malgré l’enzymothérapie [9]. L’apparition de ce type d’anticorps peut être régulée
par l'adjonction de traitements immunosuppresseurs. Des études à plus long cours sont
nécessaires pour déterminer un protocole thérapeutique précis dans ces cas.
Inhibiteurs/modulateurs de la biosynthèse des substrats
Les maladies lysosomales se traduisant par une accumulation de substrats non dégradés
dans différents tissus (maladies de surcharge), une autre stratégie thérapeutique possible
consiste à inhiber la biosynthèse de ces composés afin d'éviter leur stockage excessif. Cette
approche a été utilisée principalement dans les sphingolipidoses, maladies impliquant les enzymes
de la voie de dégradation des glycosphingolipides (GSL). Certains inhibiteurs de la glucosyltransférase, enzyme clé de la biosynthèse du glucosylcéramide (précurseur des GSL)
ont été mis en évidence. Il s’agit notamment de composés de type iminosucres, tels que le
N-butyldeoxynojirimycine (NB-DNJ). Ce dernier a d’ores et déjà démontré son efficacité
dans le modèle animal de la maladie de Sandhoff, permettant une réduction de la surcharge
en GSL dans les tissus et une survie prolongée de l’animal [10]. L'utilisation du Miglustat
QUID DU TRAITEMENT DES MALADIES LYSOSOMALES EN 2011 ?
155
(Zavesca®) chez des patients atteints de maladie de Gaucher a montré une diminution notable
de la surcharge viscérale, mais cependant plus modeste que celle obtenue avec la thérapie
substitutive. Les inhibiteurs de la biosynthèse des substrats ont l'avantage d'être de petites molécules
administrables par voie orale et susceptibles de passer la BHE, ce qui les rend théoriquement
utilisables dans des maladies avec atteinte neurologique. Une amélioration clinique significative
a effectivement été obtenue chez certains patients atteints de maladie de Niemann-Pick de
type C [11], mais les résultats sont relativement décevants dans d'autres affections, comme
les gangliosidoses à GM2. Le suivi thérapeutique en spectroscopie IRM paraît particulièrement
intéressant dans ces formes avec atteinte neurologique [12]. Les molécules actuellement
disponibles présentent cependant des effets secondaires non négligeables (perte de poids,
diarrhée sévère, neuropathie...).
En ce qui concerne les MPS, impliquant le métabolisme des sucres complexes, différents
inhibiteurs ont été décrits, comme la rhodamine B, ou la génistéine qui a montré sa capacité
à réduire la surcharge en glycosaminoglycanes dans un modèle murin de MPS IIIB [13]. Par
ailleurs, des petites molécules capables de freiner la synthèse des glycanes (hydrates de carbone
liés aux glycoprotéines et protéoglycanes) pourraient être utilisées dans le but de rendre les
substrats plus facilement dégradables. Elles pourraient être plus spécifiques et moins toxiques
et constituer une large source de molécules thérapeutiques dans le futur à la fois pour les
MPS, mais aussi les sphingolipidoses.
Chaperonnes pharmacologiques
Cette stratégie thérapeutique est basée sur le concept que des analogues de substrats ou
des inhibiteurs compétitifs réversibles peuvent se fixer sur le site actif d’une enzyme mal
conformée, empêchant sa reconnaissance par les systèmes de contrôle de qualité de la cellule
et lui permettant d’atteindre son lieu d'action, le lysosome. Cette stratégie a déjà démontré
son efficacité in vivo chez un patient atteint de variant cardiaque de maladie de Fabry par
administration de galactose et diverses autres molécules sont actuellement testées dans
plusieurs maladies lysosomales (Fabry, Gaucher, Pompe) [14]. Cette approche a l'avantage
d'utiliser de petites molécules, très diffusibles, notamment au niveau de la BHE. Elle pourrait
théoriquement être envisageable dans des affections neurologiques, comme les gangliosidoses
à GM1 ou à GM2. Cependant, elle a l'inconvénient de n'être possible que chez des patients
présentant un minimum d'enzyme résiduelle (mutations peu sévères).
Correction de mutations spécifiques
Translecture de codons stop
Dans les maladies lysosomales, comme dans de nombreuses affections d’origine génétique,
un certain nombre de mutations sont de type non sens et génèrent l'apparition d'un codon
stop prématuré (PTC, premature termination codon). Ceci va entraîner soit la synthèse de
protéines tronquées, soit plus souvent la dégradation des ARNm anormaux correspondants
par un mécanisme appelé NMD (nonsense-mediated decay). Il a été montré in vitro que certains
antibiotiques de la famille des aminoglycosides, comme la gentamycine, peuvent diminuer
la fidélité de reconnaissance des codons stop, permettant ainsi de restaurer la synthèse d'un
minimum de protéine fonctionnelle [15]. Des résultats encourageants ont été obtenus in
vitro sur certains types de codons stop, notamment dans la maladie de Hurler. Cependant, la
156
B. CHABROL, B. HERON, C. CAILLAUD
gentamycine a des effets toxiques (rein, oreille) qui limitent son utilisation à long terme en
clinique. Un autre composé chimique appelé PTC124® (Ataluren®) s'est montré lui aussi capable
de favoriser la translecture de codons stop [16]. Il est actuellement en essai clinique dans
la mucoviscidose et la myopathie de Duchenne et il pourrait être applicable dans le futur
aux maladies lysosomales ou à d'autres maladies métaboliques, chez les patients porteurs de
mutations non sens.
Modulation de l’épissage à l’aide d’ARN antisens
Dans les maladies lysosomales, de nombreuses mutations d'épissage ont été décrites. Elles
surviennent soit au niveau des sites consensus donneur ou accepteur d'épissage, soit dans les
introns créant des sites alternatifs entraînant la rétention de séquences introniques dans
l'ARNm mature. Des oligonucléotides antisens peuvent être utilisés pour bloquer ces sites
aberrants et restaurer un épissage normal. Cette approche a déjà été testée in vitro dans
diverses maladies métaboliques, dont la maladie de Niemann-Pick de type C (cité dans 1). Il
reste à démontrer que ces composés sont efficaces en clinique, sachant que le principal obstacle
est l'instabilité des oligonucléotides dans la circulation et dans les tissus.
Autres approches moléculaires
Depuis quelques années et notamment grâce à la disponibilité de modèles animaux
informatifs, les mécanismes physiopathologiques des maladies lysosomales commencent à
être décryptés. Ainsi, il a été montré que l'inflammation, le stress oxydatif, la réponse autoimmune, une altération de l'homéostasie du calcium ou de l'autophagie sont impliqués dans
un grand nombre de ces affections. Dès lors, différents composés ont été testés dans des modèles
animaux afin de démontrer s’ils étaient capables de freiner ces cascades pathologiques. Ainsi,
les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont montré leur capacité à prolonger la survie des
souris Sandhoff présentant une réponse inflammatoire (activation microgliale) secondaire à
l’accumulation de gangliosides. De même, la cyclodextrine permet de prolonger la survie des
souris atteintes de maladie de Niemann-Pick de type C, en réduisant la surcharge neuronale
en cholestérol par un mécanisme d’action restant à élucider [cité dans 11].
THERAPIE CELLULAIRE
Greffe de cellules souches hématopoïétiques
La greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) est l'une des méthodes thérapeutiques
les plus anciennement utilisées dans les maladies lysosomales. Elle consiste à administrer par
voie intraveineuse la moelle histocompatible d’un donneur à un patient préalablement soumis
à une myéloablation. Les cellules injectées s’implantent dans la moelle osseuse et deviennent
une source de production de la protéine manquante qui est ensuite délivrée aux différents
tissus et organes par le biais du recaptage spécifique aux enzymes lysosomales [17]. Cette
approche, d'accès parfois limité du fait de l'absence de donneur intra-familial compatible,
est maintenant facilitée par l'utilisation de cellules souches issues de sang de cordon. Elle est
principalement utilisée dans les mucopolysaccharidoses et notamment dans la maladie de
Hurler où elle est préférée à la thérapie substitutive chez les patients les plus jeunes. Chez
QUID DU TRAITEMENT DES MALADIES LYSOSOMALES EN 2011 ?
157
l’enfant de moins de deux ans, porteur de MPS I, il est recommandé actuellement de mettre
en place l’enzymothérapie dès la confirmation du diagnostic, de la poursuivre durant toute
la réalisation de la greffe et de l’arrêter quand la prise de greffe est complète et que l’activité
enzymatique est proche de la normale [18]. La greffe de CSH est également une stratégie
thérapeutique envisageable dans des maladies neurologiques comme la leucodystrophie
métachromatique mais uniquement à un stade présymptomatique.
Autres approches de thérapie cellulaire
D'autres types de cellules souches peuvent également être utilisés, comme les cellules
souches neurales qui, après transplantation dans le système nerveux central, ont la capacité
de migrer à distance et de s'intégrer aux structures cérébrales. Il a ainsi été montré que la transplantation de cellules souches neurales dans le modèle murin de la maladie de Sandhoff permettait
une amélioration du phénotype et de la survie des animaux, ceci grâce à la production locale
d'enzyme assurée par ces cellules. Des perspectives nouvelles sont apparues grâce à la découverte
de la capacité de reprogrammation des cellules adultes en cellules souches. Cette transformation
peut être obtenue par l'introduction dans les cellules adultes de gènes intervenant dans la
pluripotence des cellules embryonnaires [19]. Des cellules ainsi reprogrammées, dénommées
IPS (Induced Pluripotent Stem cells), ont été obtenues à partir de fibroblastes issus de modèles
murins de maladies lysosomales (Fabry, Krabbe,) et elles ont démontré leur capacité à être
différentiées en cardiomyocytes et en cellules neurales [cité dans 1].
THERAPIE GENIQUE
Les maladies lysosomales sont de bons candidats pour la thérapie génique qui consiste à
apporter dans l’organisme du sujet malade un nouveau gène destiné à pallier l’insuffisance
qualitative ou quantitative du gène résident altéré. Deux méthodes sont envisageables pour
le de transfert de gènes. La première est la greffe de cellules génétiquement modifiées (ou
thérapie génique ex vivo), qui consiste à prélever des cellules chez un patient, à les corriger à
l’aide de vecteurs rétroviraux ou lentiviraux, puis à les réinjecter. Cette technique permet
d'envisager des greffes autologues, ce qui par comparaison à la greffe classique, résout les problèmes
immunitaires et offre des perspectives thérapeutiques même en l'absence de donneur compatible.
Cette stratégie a déjà été testée dans plusieurs modèles animaux de maladies lysosomales.
Des résultats significatifs ont été obtenus dans la leucodystrophie métachromatique où la
transplantation de cellules souches hématopoïétiques transduites par un vecteur lentiviral
spécifique a permis une correction du phénotype neurologique dans un modèle murin de la
maladie. Les différents types cellulaires cérébraux ont bénéficié d'une cross-correction par
l'intermédiaire des cellules de la microglie surexprimant l’arylsulfatase A, assurant ainsi une
prévention de la dégradation motrice, par comparaison avec les animaux non traités.
La seconde méthode de transfert de gènes consiste en l’administration directe d’un vecteur
contenant le gène d’intérêt. Il s'agit généralement de vecteurs adénoviraux ou AAV (adenoassociated virus) qui peuvent être injectés par différentes voies (intraveineuse, intramusculaire,
intracérébrale, ...) et ainsi transduire soit spécifiquement l'organe atteint, soit un organe choisi
comme usine de délivrance de la protéine thérapeutique. L'administration de vecteurs viraux
par voie veineuse permet habituellement un ciblage du foie qui peut alors synthétiser l'enzyme
manquante et la distribuer aux différents organes. Ainsi, un essai réalisé en période néonatale
158
B. CHABROL, B. HERON, C. CAILLAUD
chez le chien atteint de mucopolysaccharidose de type I (maladie de Hurler) avec un vecteur
rétroviral spécifique a permis d'obtenir une restauration phénotypique stable pendant 2 ans
[cité dans 1].
La correction de certains tissus est cependant encore difficile par cette stratégie de transfert
de gènes. C'est notamment le cas du muscle qui est l'organe majoritairement impliqué dans
la maladie de Pompe, glycogénose d'origine lysosomale. Le ciblage de l'ensemble des muscles
atteints (muscles squelettiques, cœur et diaphragme) reste un challenge, même si de nombreux
vecteurs (adénovirus ou AAV) ont déjà démontré leur intérêt dans le modèle murin de la maladie.
Un autre organe dont la correction reste un réel problème est le SNC dont l'accès est restreint
par la barrière hématoencéphalique. De nombreuses équipes ont démontré la faisabilité de
l'administration intracérébrale par stéréotaxie et des essais cliniques sont en préparation chez
l'homme, même si ces méthodes sont relativement invasives. Par ailleurs, deux équipes
ont récemment démontré la capacité d'un vecteur AAV9 à infecter le SNC après injection
intraveineuse, à la fois chez le souriceau nouveau-né et chez l’adulte, mais il reste à démontrer
l'applicabilité de ce vecteur en clinique. Différentes autres approches visant à faciliter le franchissement de la BHE sont actuellement explorées, soit par des méthodes physiques, soit par
modification des vecteurs en vue d'un ciblage spécifique sur des récepteurs présents à la surface
des cellules endothéliales cérébrales.
Un essai clinique SAF-301 de phase I/II ayant pour objectif d’évaluer la tolérance et
l’innocuité d’une thérapie génique cérébrale visant à traiter les enfants atteints de MPS de
type IIIA (maladie de Sanfilippo de type A) démarre actuellement en France.
Enfin, de nombreuses questions restent encore ouvertes, concernant notamment la réaction
immunitaire vis-à-vis des vecteurs viraux, ainsi que leurs risques potentiels à long terme.
CONCLUSION
De nombreuses thérapies sont donc actuellement en développement pour les maladies
lysosomales. Ceci est d'autant plus remarquable que ces affections sont rares, ce qui génère un coût
de développement important pour un marché relativement restreint. Les laboratoires pharmaceutiques se sont largement investis dans le domaine des médicaments orphelins au cours des
dernières années et ces avancées devraient maintenant pouvoir bénéficier à de nombreuses autres
maladies métaboliques, qui sont elles aussi bien caractérisées sur le plan clinique, biochimique
et génétique. Il restera par la suite à définir les choix thérapeutiques les plus adaptés pour chaque
patient, ceci en fonction de la sévérité clinique et du rapport bénéfice-risque, en tenant compte
également des aspects éthiques et économiques inhérents à chacune de ces approches.
L’approche symptomatique et pluridisciplinaire nécessaire au suivi des patients et de leur
famille ne doit pas être négligée pour autant. Cette approche reste indispensable et est soutenue
par les « Plan Maladies Rares 1 et 2 » et les associations de patients [20].
AUTEURS :
Brigitte Chabrol 1, Benedicte Heron 2, Catherine Caillaud3
1
Centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme, hôpital d’Enfants, CHU Timone,
13385 Marseille cedex
2
Centre de référence des maladies lysosomales, service de neuropédiatrie, hôpital Armand Trousseau, Paris
3
Laboratoire de Biochimie Génétique, Groupe Hospitalier Cochin - Saint Vincent de Paul,
Université Paris Descartes, 24 rue du Faubourg Saint Jacques, 75014 PARIS
AUTEUR CORRESPONDANT :
Brigitte Chabrol - [email protected]
QUID DU TRAITEMENT DES MALADIES LYSOSOMALES EN 2011 ?
159
RÉFÉRENCES
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B, De Lonlay P coll Progrès en Pédiatrie , Doin, 2011 ; pp 223-26
160
161
L’ALLOGREFFE DE CELLULES SOUCHES
HEMATOPOÏETIQUES EN 2011 : QUELLES MALADIES ?
QUELS GREFFONS ? QUELLES TECHNIQUES ?
par
J.-H. DALLE
INTRODUCTION
En un peu plus de 35 ans, la greffe de moelle a radicalement changé de visage. Si les principes
de base découverts par les pionniers de la greffe qu’ont été Donald E omas aux Etats-Unis
ou Jean Bernard en France demeurent les mêmes : le patient reçoit un greffon allogénique
après un conditionnement chimique ou radio-chimique, tous les membres de l’équation ont
évolué [1]. Nous ne transplantons plus les mêmes malades qu’il y a 25 ou 30 ans : les patients
atteints d’hémopathie maligne sont plus souvent guéris par la chimiothérapie conventionnelle
et seuls ceux présentant des formes de leucémie particulièrement agressives sont candidats à
l’allogreffe. Nous n’utilisons plus les mêmes greffons : la greffe de moelle est devenue greffe
de cellules souches hématopoïétiques (CSH) issues de la moelle, du sang périphérique ou du
sang placentaire. Avec l’amélioration des techniques d’identification HLA, les donneurs se
sont multipliés : plus de la moitié des greffes pratiquées en France en 2010 ont été réalisées à
partir de donneurs non apparentés [2]. Les CSH peuvent être manipulées in vitro ou in vivo.
Les types de conditionnements se sont diversifiés avec l’apparition dans les années 90 de
conditionnements atténués et non myélo-ablatifs. Enfin, l’amélioration de la prise en charge
globale, et en particulier des immunosuppresseurs et des anti-infectieux, a contribué à
l’amplification de l’utilisation de cette technique devenue une véritable thérapie cellulaire.
La greffe de cellules souches hématopoïétiques diffèrent des transplantations d’organe en
ce sens qu’elle n’est pas uniquement une médecine de remplacement mais associe à celle-ci
une véritable immunothérapie. En effet, si la greffe de moelle permet de remplacer une
hématopoïèse défaillante – voire une production enzymatique anormale, comme dans
certaines maladies métaboliques – elle amène aussi un nouveau système immunitaire dont
on peut escompter qu’il sera le support d’un effet anti-leucémique par le biais de lymphocytes
T alloréactifs. On parle d’effet du greffon contre la leucémie (GvL pour Gra versus Leukemia)
ou d’effet du greffon contre la tumeur. Malheureusement, à cet effet positif est associé un
éventuel effet délétère appelé maladie du greffon contre l’hôte (GvH pour Gra versus Host),
véritable pathologie dysimmunitaire agressant les tissus du patient greffé, de façon aiguë ou
chronique, et susceptible d’être létale.
162
J.-H. DALLE
QUELLES MALADIES – QUELS PATIENTS GREFFONS-NOUS EN 2011 ?
Les données de l’Agence de la Biomédecine indiquent que 1538 greffes de CSH ont
été réalisées en 2009. Moins de 800 transplantations avaient été effectuées en 1999. Cette
augmentation est essentiellement liée à deux phénomènes : accroissement du recours aux
donneurs non apparentés et accroissement des greffes dans la population adulte et singulièrement
dans la population des patients âgés. Si le nombre de greffes à partir d’un donneur apparenté
est globalement resté stable (586 en 1999 et 637 en 2009), le nombre de greffes réalisées à
partir d’un « donneur alternatif » a littéralement explosé passant dans la même période de
134 à 901. Quant à la moyenne d’âge des patients greffés, elle a augmenté de 27 ans en 1992,
à 30 en 1998 et à 41 ans en 2009 [2].
L’activité pédiatrique est restée plus stable quant au nombre total de patients greffés,
progressant d’environ 15 % au cours de la dernière décennie, de 237 en 2002 à 269 en 2009.
Parmi ces 269 greffes, plus de la moitié (n = 141) concernait des patients atteints de leucémie
aiguë. La proportion varie selon la classe d’âge considérée : 34 % des enfants allogreffés avant
l’âge de 5 ans le sont pour pathologie non maligne, 26 % parmi les 6-10 ans, 21 % parmi les
11-15 ans et 18 % parmi les 15-18 ans [2].
Pathologies malignes
Une règle est pratiquement incontournable : l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques
n’a d’intérêt qu’à la condition d’être réalisée en situation de minimum tumoral, ce qui signifie
pour les leucémies aiguës, lymphoblastiques ou myéloïdes, l’obtention préalable d’une rémission
complète de bonne qualité (rémission complète cytologique et niveau de maladie résiduelle
moléculaire faible).
Leucémies aiguës lymphoblastiques
Dans notre pays, le diagnostic de leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) est porté environ
une fois par jour chez un patient de moins de 15 ans [3]. Grâce aux protocoles actuels de
polychimiothérapie séquentielle prolongée, environ 85 % de ces enfants vont être guéris à
l’issue de deux à trois ans de traitement [4-6]. Les travaux coopératifs nationaux et internationaux menés depuis les années 70 ont permis de stratifier les patients et les maladies
et d’identifier les pathologies à haut risque justifiant la réalisation d’une greffe en première
rémission complète. On estime qu’une centaine de patients d’âge pédiatrique est transplantée
chaque année pour LAL, dont la moitié en rémission complète n°1 (RC1) et les autres en
RC2 voire RC3. Cette dernière situation devient de plus en plus exceptionnelle, les indications
de greffe en RC2 étant pratiquement « universelles ». En RC1, les indications de greffe
concernent les patients présentant une pathologie associant un ou plus souvent plusieurs
facteurs de mauvais pronostic tels qu’une mauvaise réponse à la pré-phase de 7 jours de corticoïdes
administrés en monothérapie initiale, une mauvaise réponse à la chimiothérapie à J21 ou à
J35 (fin de la phase d’induction), des anomalies caryotypiques comme une hypo-diploïdie,
une t(4,11) ou une t(9,22), des anomalies moléculaires comme un remaniement du gène
MLL ou un transcrit de fusion BCR-ABL. Ces patients représentent environ 15 % des primodiagnostic. Nous disposons d’algorithmes permettant de déterminer la meilleure conduite
à tenir. Ces algorithmes s’ils peuvent varier à la marge selon les groupes coopératifs sont
globalement homogènes d’un pays et d’un continent à l’autre. Le groupe greffe de la Société
Française de Lutte contre les Cancers et Leucémies de l’Enfant et de l’Adolescent (SFCE) et
L’ALLOGREFFE DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOÏETIQUES EN 2011 : QUELLES MALADIES ?
QUELS GREFFONS ? QUELLES TECHNIQUES ?
163
le groupe pédiatrique de la Société de Greffe de Moelle et de érapie Cellulaire (SFGM-TC)
participent au consortium international IBFM. Par ailleurs, la mise en place de réunions de
concertation pluridisciplinaire (RCP) locales et inter-régionales (RCPI) rendue obligatoire
par les « plans cancer » représente une garantie de prise de décisions consensuelles et homogènes
dans tous les centres de greffe.
Leucémies aiguës myéloblastiques
Il s’agit de pathologies plus rares puisqu’environ une centaine de leucémies aiguës myéloïdes
(LAM) est diagnostiquée annuellement en France. Tous les patients, à l’exception des rares
cas de LAM promyélocytaires (LAM3), sont traités en première ligne dans ou selon le protocole
ELAM02 de la SFCE [7]. En raison de l’amélioration des résultats globaux, les indications
de greffe en RC1 ont été récemment revues et restreintes, comme pour les LAL, aux patients
présentant les pathologies les plus agressives. Les patients sont stratifiés en trois groupes de
sévérité croissante. Le groupe de risque le moins élevé - inv16, t(8,21), t(9,11), t(15,17) - n’est
pas éligible à la greffe. Le groupe de risque médian n’est éligible à la greffe qu’à la condition
de disposer d’un donneur intrafamilial totalement compatible. Le groupe de risque le plus
élevé – monosomie 7, del(5q), t(10,11) - est candidat à la greffe y compris à partir de greffons
« alternatifs » (voir plus loin). Tous les patients en rechute sont éligibles à la greffe, quels
que soient le donneur et la source cellulaire à la condition que la RC2 soit obtenue au préalable.
Leucémies chroniques et syndromes myélodysplasiques
Il s’agit de pathologies exceptionnelles en pédiatrie puisque moins d’une dizaine de cas
de leucémie myéloïde chronique (LMC) est diagnostiquée chaque année en France. Le chiffre
est le même pour les leucémies myélo-monocytaires chroniques juvéniles (LMMJ) et probablement
pour les syndromes myélodysplasiques (SMD) [8]. Si l’allogreffe s’impose pour ces deux
dernières pathologies, quel que soit le type de donneur et de source cellulaire, la situation est
moins tranchée pour les LMC. En effet, l’avènement depuis les années 2000 des inhibiteurs
de tyrosine kinase (ITK) a singulièrement compliqué les prises de décisions. Auparavant, la
greffe s’imposait puisqu’elle représentait, comme pour les JMML et les SMD, la seule alternative
potentiellement curatrice. Actuellement, la mise à disposition de l’imatinib puis du dasatinib
et prochainement d’ITK de troisième génération permet d’évaluer l’efficacité de ces molécules
sur le clone tumoral avant de songer à la greffe. Néanmoins, il s’agit de traitements qui
ne permettent le contrôle de la maladie que durant leur administration, ce qui signifie la vie
durant pour un patient diagnostiqué à un âge pédiatrique. Bien qu’élaborées comme des
thérapies ciblées (sur le transcrit de fusion BCR-ABL qui a une activité tyrosine kinase
permanente), ces molécules agissent sur de multiples autres voies de signalisation et ne sont
pas dépourvues d’effets secondaires parfois sévères (tel qu’un ralentissement parfois important
de la croissance staturo-pondérale). La greffe allogénique n’est pas non plus sans risques aigus
(mortalité liée au traitement de l’ordre de 10 %, toutes pathologies confondues, morbidité
aiguë telle que la maladie aiguë du greffon contre l’hôte qui touche environ 30 à 50 % des patients)
et chronique (séquelles du conditionnement et maladie chronique du greffon contre l’hôte).
Maladie de Hodgkin
L’allogreffe n’a de place dans cette pathologie que dans le cadre de protocoles expérimentaux
ou chez des patients souffrant d’une maladie sévère, peu chimiosensible ou chimioréfractaire
après deux voire trois de lignes de traitement ou en énième rechute. Les résultats rapportés
par Claviez et al. en 2009 laissent entrevoir une place pour l’allogreffe dans cette indication.
164
J.-H. DALLE
Parmi 91 patients de moins de 18 ans allogreffés pour maladie de Hodgkin chimio-réfractaire
ou en rechute, la survie globale est de 54 % à 3 ans et de 45 % à 5 ans, cependant que la survie
sans maladie est de 40 et 30 % aux mêmes échéances [9].
Lymphomes non hodgkiniens
Les indications d’allogreffe pour lymphome de Burkitt sont exceptionnelles tant sont
remarquables les résultats obtenus par les protocoles de première ligne de type LMB et
redoutables les formes chimio-réfractaires et les rechutes, rarement mises en seconde rémission.
Les lymphomes lymphoblastiques sont globalement traités comme les leucémies lymphoblastiques et les indications d’allogreffe restent rares en RC1.
Tumeurs solides
L’allogreffe a été proposée et utilisée dans les années 80 dans certaines tumeurs solides
métastatiques de très mauvais pronostic telles que des neuroblastomes ou des sarcomes
d’Ewing. Les résultats obtenus étaient mauvais, inférieurs à ceux obtenus après greffe autologue.
La technique fut donc abandonnée dans ces indications.
Avec l’amélioration de la sélection des donneurs et celle de l’immunosuppression post-greffe,
le sujet est à nouveau d’actualité depuis plusieurs années. Un premier essai a eu lieu
sous l’égide de la SFCE en France (protocole RICE dont l’investigateur principal était le
Dr Catherine Paillard de Clermont-Ferrand), ainsi que d’autres essais de part le monde.
Il est apparu que l’allogreffe « standard » - réalisation d’un conditionnement suivi de la
transplantation de cellules allogéniques était insuffisante pour contrôler les patients atteints
de pathologies « avancées » tels que ceux inclus dans le protocole « RICE », en d’autres
termes que l’effet allogénique anti-tumoral escompté n’existait pas ou peu. Un nouvel essai
de thérapie cellulaire avec manipulation ex vivo d’un greffon parental haplo-identique et
injection ultérieure de cellules Natural Killer (lymphocytes NK) vient d’être activé. Il est prévu
d’inclure dix enfants atteints de neuroblastome métastatique en échec des traitements de
référence. L’indication d’une allogreffe de CSH en traitement d’une tumeur solide relève
donc de protocoles expérimentaux et de l’avis de comité d’experts oncologues et allo-greffeurs
[10].
Pathologies non malignes
Dans ces pathologies, l’allogreffe ne doit agir que comme une médecine de remplacement.
Nulle recherche d’effet anti-leucémique ou tumoral et volonté absolue de n’avoir pas de maladie
du greffon contre l’hôte sont les fils conducteurs de la prise en charge de ces maladies bénignes
sévères. De ce fait, l’utilisation de greffons alternatifs tels que des donneurs partiellement
incompatibles demeure sinon prohibée, en tout cas exceptionnelle.
Hémoglobinopathies
Qu’il s’agisse de β-thalassémie majeure ou de drépanocytose homozygote, l’allogreffe de
CSH représente à ce jour la seule thérapeutique potentiellement curatrice utilisable.
La cohorte française de patients drépanocytaires allogreffés compte plus de 180 patients
et représente le plus important groupe de patients greffés pour cette pathologie. La greffe est
essentiellement réservée aux patients homozygotes S/S ayant un phénotype sévère (antécédents
de syndrome thoracique aigu sévère, vasculopathie cérébrale prouvée au doppler transcrânien
L’ALLOGREFFE DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOÏETIQUES EN 2011 : QUELLES MALADIES ?
QUELS GREFFONS ? QUELLES TECHNIQUES ?
165
et/ou à l’angio-IRM, impasse transfusionnelle etc…). Ces indications ont été reprises dans
le PNDS récemment publié sous l’égide de la HAS. Seuls les patients disposant d’un greffon
totalement compatible intrafamilial sont candidats à la greffe après réalisation d’un conditionnement myélo-ablatif comportant de fortes doses d’alkylants et de sérum anti-lymphocytaire
(SAL). Les résultats obtenus depuis l’adjonction de SAL sont remarquables avec une survie
globale supérieure à 95 % [11].
S’agissant des β-thalassémies, le nombre de greffes réalisées en France dans cette indication
est plus restreint. Une étude rétrospective a récemment été réalisée par le Dr Isabelle uret,
responsable du centre national de référence de la thalassémie. A la suite de cette étude, un
groupe de travail s’est mis en place sous l’égide de ce centre de référence et de la SFGM-TC
afin de rédiger puis diffuser rapidement des recommandations pour l’allogreffe dans cette
pathologie. En substance, ne sont retenues que les greffes à partir d’un donneur intrafamilial
entièrement compatible après réalisation d’un conditionnement myélo-ablatif et immunosuppresseur, éventuellement précédé d’un régime d’hyper-transfusion et hyper-chélation durant
quelques semaines, pour les formes les plus sévères [12].
Aplasies médullaires idiopathiques
Comme pour les thalassémies, un groupe de travail a été mis en place, sous l’égide de la
SFGM-TC et de la Société d’Hématologie et Immunologie Pédiatrique (SHIP) afin de rédiger
et diffuser des recommandations. La greffe allogénique est indiquée en première intention
pour les patients présentant une aplasie médullaire idiopathique sévère ou très sévère et
disposant d’un donneur intrafamilial totalement compatible. Dans les autres cas, la greffe n’a
de place qu’après l’échec d’un traitement immunosuppresseur intensif administré pendant
au moins six mois. Les greffes de sang placentaire non apparentées donnant des résultats
mitigés dans cette indication – environ 50 % de survie globale - font l’objet d’un protocole
prospectif de la SFGM-TC évaluant l’intérêt de la transplantation de deux unités placentaires
différentes. L’investigateur principal de ce protocole est le Dr Régis Peffault de la Tour, à
l’hôpital Saint Louis à Paris (protocole APCORD) [13].
Aplasies constitutionnelles
Il s’agit là encore de pathologies rares. Parmi elles les plus représentées sont sans doute
les aplasies de Fanconi qui requièrent une prise en charge très particulière dans la mesure où
il s’agit d’une maladie cassante responsable d’une très grande sensibilité à la chimiothérapie
et donc d’une extrême toxicité des conditionnements myélo-ablatifs. Des conditionnements
adaptés d’intensité réduite ont été développés, majoritairement à base de fludarabine. Ces
conditionnements sont utilisables dans les autres types d’aplasie constitutionnelle prouvée
– s’intégrant le plus souvent à un syndrome – ou suspectée. Les résultats obtenus sont
satisfaisants – de l’ordre de 75 % et plus de survie globale dès lors que ces transplantations
sont réalisées dans des centres très expérimentés pour la prise en charge de ces pathologies
rares. L’utilisation de donneurs alternatifs non apparentés partiellement compatibles ainsi
que de cellules souches périphériques est à éviter. Celle de greffons de sang placentaire très
peu compatibles (≤ 4/6) à prohiber [14].
Maladies de surcharge, maladies métaboliques
La production d’enzymes par certaines cellules hématopoïétiques a conduit à considérer
l’allogreffe de CSH comme susceptible d’être curatrice dans un certain nombre de ces
pathologies telles que les adrénoleucodystrophies, la leucodystrophie métachromatique,
166
J.-H. DALLE
certaines mucopolysaccharidoses, via la correction du défect enzymatique. Les meilleurs
résultats sont obtenus à partir de donneurs familiaux totalement compatibles et dès lors que
la transplantation est réalisée le plus tôt possible dans la vie (avant 18 mois pour les mucopolysaccharidoses, dès les premières semaines de vie pour les leucodystrophies métachromatiques)
et en tout cas avant que n’apparaissent des signes cliniques de ces pathologies car toute
symptomatologie « installée » ne sera pas corrigée par l’allogreffe. Certaines pathologies,
telles les adrénolecodystrophies, continuent même à évoluer pour leur propre compte durant
plusieurs mois après l’allogreffe. La place de la transplantation de CSH à côté de celle de
l’enzymothérapie, lorsqu’elle est disponible, reste très discutée. L’une et l’autre technique
peuvent être associées [15].
Les déficits immunitaires sévères
Sous ce vocable se cachent une très grande variété de pathologies dont la plupart doivent
faire l’objet d’un diagnostic rapide (la possibilité de mettre en place un diagnostic néonatal
systématique est actuellement à l’étude) et de la réalisation d’une allogreffe en urgence, avant
que l’enfant ne soit atteint par une ou plusieurs infections opportunistes sévères rendant caduque
le projet de greffe et l’intention curatrice. Ces pathologies très rares et très spécifiques relèvent
de la prise en charge par des centres très spécialisés. En France, ces patients sont en très grande
majorité adressés et pris en charge par l’Unité d’Immunologie et Hématologie du Professeur
Alain Fischer à l’hôpital Necker Enfants Malades [16].
QUELS GREFFONS UTILISER ?
Trois types cellulaires – moelle osseuse hématopoïétique, cellules souches périphériques
(CSP) « mobilisées » par l’administration de facteur de croissance (GCSF) et récoltées par
cytaphérèse, et sang placentaire – et deux types de donneurs, apparentés ou non apparentés
sont actuellement disponibles. Cette disponibilité ne signifie pas équivalence entre les différentes
sources cellulaires. Le greffon de moelle osseuse hématopoïétique provenant d’un frère ou
d’une sœur entièrement compatible reste le « mètre-étalon » ou « gold standard ».
Le degré de compatibilité est établi dans le système majeur d’histocompatibilité (HLA),
en comparant les haplotypes A, B C, DR et DQ du receveur avec celui de son donneur.
On parle d’un donneur géno-identique lorsqu’il s’agit d’un donneur 10/10 issu de la fratrie
(« sibling donor » pour les anglo-saxons) ou plus rarement d’un autre membre de la famille
(« family donor »). Plus de 16 millions de donneurs volontaires sont inscrits sur les dizaines
de registres regroupés au sein du World Marrow Donor Registry (WMDR). On parle de
donneurs phéno-identiques [17]. Certains travaux prospectifs tendent à démontrer l’équivalence
d’un donneur 10/10 intrafamilial avec un donneur non apparenté 9 ou 10/10, au prix d’une
intensification de l’immunosuppression pré et post-greffe (adjonction de SAL et de méthotrexate)
dans certaines hémopathies malignes. Ces résultats ne sont pas extrapolables aux pathologies
bénignes sévères car le risque de développement d’une GvH aiguë ou chronique sévère est
inacceptable. Pour les sangs placentaires, le degré de compatibilité entre le receveur et le
greffon n’est évalué que sur les groupes A, B et DR, donc en sixièmes et non en dixièmes [18].
L’immaturité des cellules T contenues dans les greffons placentaires autorisent l’utilisation
de greffons moins compatibles, jusqu’à 4/6, au moins dans les pathologies hématologiques
malignes. De nombreux travaux ont démontré que l’utilisation de CSP majorait le risque de
développement d’une GvH chronique, cependant que l’utilisation de greffons de sang placentaire
était responsable d’une reconstitution hématologique et surtout d’une reconstitution immu-
L’ALLOGREFFE DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOÏETIQUES EN 2011 : QUELLES MALADIES ?
QUELS GREFFONS ? QUELLES TECHNIQUES ?
167
nitaire beaucoup plus lentes, accompagnées d’un risque infectieux – en particulier viral – majoré.
Finalement, nous disposons d’algorithmes permettant de choisir le « meilleur » greffon
potentiel pour un patient donné dans une pathologie donnée. Globalement, on préfèrera un
donneur géno-identique à un donneur phéno-identique, un donneur 10/10 à un donneur
9/10, un greffon médullaire à un greffon de CSP etc. D’autres critères, secondaires, interviennent comme le sexe du donneur et du receveur, le statut sérologique de l’un et de l’autre
vis-à-vis du CMV ou encore l’âge du donneur. La disponibilité de tel ou tel donneur ou greffon,
sa volonté de donner en CSP ou en moelle peuvent prendre le pas sur ces algorithmes.
En 2009, 121 enfants ont été greffés en situation apparentée en France, cependant que
145 enfants ont reçu un greffon non apparenté. Parmi ceux-ci, 62 ont reçu un greffon de
moelle, 19 un greffon de cellules souches périphériques et 77 un greffon de sang placentaire
[2,19].
QUELLES TECHNIQUES UTILISER ?
Historiquement, la technique de la greffe hématopoïétique a été développée avec l’utilisation
de conditionnements dit myélo-ablatifs et immunosuppresseurs. Conceptuellement,
la myélo-ablation, réalisée par l’utilisation de l’irradiation corporelle totale ou d’agents
radio-mimétiques tels que le busulfan, apparaissait indispensable pour vider la niche médullaire
et ainsi permettre la prise de greffe, en quelque sorte « l’installation » et le développement
du greffon. L’immunosuppression, quant à elle, a un double objectif : éliminer l’immunité
du donneur afin de l’empêcher de rejeter le greffon et maîtriser l’immunité amenée par le
greffon afin de limiter ou empêcher les manifestations de maladie du greffon contre l’hôte
durant quelques semaines à plusieurs mois, le temps nécessaire à l’installation d’une immunotolérance entre le greffé et le greffon. Elle est assurée durant le conditionnement par l’utilisation
de drogues immunosuppressives telles que le cyclophosphamide ou la fludarabine et par
l’administration durant plusieurs semaines à plusieurs mois en post-greffe d’inhibiteurs
de la calcineurine (ciclosporine ou tacrolimus) seuls ou en association avec d’autres drogues
immunosuppressives.
Ces conditionnements myélo-ablatifs, pour efficaces qu’ils soient, sont très toxiques et
pourvoyeurs de séquelles au long cours et notamment d’une hypofertilité confinant le plus
souvent à une stérilité. Leur toxicité aiguë les rend inutilisables chez les patients présentant
des comorbidités. Ainsi, les équipes de greffe « adulte » ont-elles développé à partir du milieu
des années 90 des conditionnements d’intensité réduite voire non myélo-ablatifs. Ce sont
ces conditionnements qui ont permis l’accroissement de l’âge moyen des greffés. Cette moindre
toxicité tant aiguë qu’au long cours est bien entendu intéressante. Néanmoins il ne faut pas
perdre de vue qu’en greffe de CSH pédiatrique, les hémopathies malignes transplantées sont
des pathologies de haute malignité dans le contrôle desquelles l’utilisation d’un conditionnements
myélo-ablatif a sans doute une part importante par son action anti-leucémique. S’agissant
des pathologies non malignes, elles sont souvent associées à des moelles normales voire
hyperplasiques (hémoglobinopathies) nécessitant l’utilisation de conditionnement myéloablatifs sans lesquels la fréquence de rejets primaires ou secondaires est importante. Seules
les aplasies médullaires idiopathiques ou congénitales doivent faire l’objet d’un usage systématique
de conditionnements d’intensité réduite. Leur place dans la prise en charge des tumeurs solides
restent à déterminer. Les tumeurs pour lesquelles l’allogreffe de moelle est discutée sont des
pathologies ayant pour la plupart échappé à une intensification thérapeutique comprenant
une chimiothérapie haute dose suivi d’autogreffe. Ces tumeurs ne sont donc pas chimiocurables
168
J.-H. DALLE
et c’est l’immunothérapie amenée par l’allogreffe qui doit être exploitée.
Cette immunothérapie peut d’ailleurs être modulée, amplifiée et sans doute « spécialisée ».
La forme la plus ancienne d’immunothérapie consiste en la réalisation de transfusions de
lymphocytes du donneur (DLI pour Donor Lymphocyte Infusion) à distance de la greffe.
Ces lymphocytes sont recueillis par lymphaphérèse sur le sang périphérique du donneur. Il
s’agit de lymphocytes matures et alloréactifs susceptibles d’exercer un effet anti-leucémique
ou anti-tumoral intensif à un moment où la tolérance immunitaire entre le greffon et le greffé
s’est installée, et donc lorsque le risque de développement d’une GvH sévère est en théorie
faible ou nul. La preuve du concept a été apportée dans la LMC : des patients ayant rechuté
en post-allogreffe peuvent être mis en rémission complète persistante par la réalisation de
DLI. Malheureusement en pratique, le risque de GvH demeure. L’intérêt des DLI est très
vraisemblable dans les LAM et plus incertain dans les LAL.
Des techniques plus récentes d’immunothérapie se font jour. Le rôle des cellules NK semblent
être importants lorsqu’il existe une différence entre un ou plusieurs KIR activateurs (récepteurs
présents à la surface des cellules NK du donneur) et les ligands présentés par les cellules du
receveur (cellules présentatrices d’antigènes et cellules tumorales). Selon certains modèles
animaux et certaines études cliniques, ces différences permettraient de diminuer le risque de
rejet du greffon, de développement de GvH et le risque de rechute. C’est l’exploitation de
cet effet NK qui fait l’objet du protocole RICE-NK dans les neuroblastomes métastatiques
réfractaires de la SFCE/SFGM-TC.
Dans un contexte haplo-identique – utilisation d’un donneur parental hémi-compatible
avec le patient – l’utilisation d’un greffon non manipulé confine à une GvH sévérissime et
au décès du patient. Les premières techniques de manipulation ont consisté à sélectionner
uniquement les cellules souches hématopoïétiques, on parle de sélection positive CD34+.
Cette technique, notamment utilisée dans les greffes urgentes des déficits immunitaires,
s’accompagne d’une faible incidence de GvH mais d’un risque majeur de complications
infectieuses durant les 12 ou 18 mois suivant l’allogreffe. Aussi a-t-on cherché à éliminer
uniquement les cellules T responsables de l’alloréactivité et donc de la GvH. Ne supprimer
« que » les lymphocytes T laisse le champ libre au développement de lymphoproliférations
B EBV induites. Il convient donc de réaliser une double sélection négative des cellules CD3+
et CD19+. Cette technique permet de respecter toutes les autres cellulaires immunitaires et
notamment les cellules de l’immunité innée, dont les cellules NK. Des résultats intéressants
ont été rapportés par des équipes allemandes. Très récemment ces mêmes équipes ont tenté
de ne supprimer que les sous-populations T αβ, afin de respecter les populations γδ. Il s’agit
d’études très préliminaires.
Enfin, la greffe de sang placentaire a pendant longtemps été réservée aux patients de petits
poids en raison du faible nombre de cellules nucléées totales et de cellules CD34+ contenues
dans une unité placentaire. Cet obstacle est aujourd’hui contourné par l’utilisation conjointe
de deux unités de sang placentaire. Les deux unités doivent être compatibles entre elles et
avec le patient pour au moins 4/6. Cette technique fonctionne : les prises de greffe semblent
plus rapides que celles obtenues après greffe d’une seule unité de sang placentaire même si in
fine et dans tous les cas, une seule unité subsiste. Au-delà de l’effet « dose cellulaire », l’intérêt
de ces doubles greffes de sang placentaire réside peut-être également dans l’immunothérapie
associée. Cet effet anti-tumoral éventuellement supérieur, mais aussi les éventuels effets
secondaires plus importants – GvH, reconstitution immunitaire – fait actuellement l’objet
d’un PHRC national comparant les résultats de la greffe d’une seule unité de sang placentaire
à celle de deux unités de sang placentaire chez le sujet de moins de 35 ans atteint d’hémopathie
maligne. Ce protocole prospectif de la SFGM-TC est porté par le Professeur Gérard Michel.
L’ALLOGREFFE DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOÏETIQUES EN 2011 : QUELLES MALADIES ?
QUELS GREFFONS ? QUELLES TECHNIQUES ?
169
CONCLUSION
Monolithique à son origine dans les années 70, greffe de moelle à partir d’un donneur
apparenté totalement compatible précédée d’un conditionnement myélo-ablatif radio-chimique
très toxique et réservée aux patients jeunes et sans comorbidité, la transplantation de cellules
souches hématopoïétiques est devenue une véritable thérapie cellulaire polymorphe et en
constante évolution. Il est probable que les décennies à venir verront se développer encore
d’autres aspects de cette immunothérapie et qu’à terme nous parviendrons à choisir le « bon »
greffon associé à la « bonne » manipulation de celui-ci et au « bon » conditionnement pour
un patient précis souffrant d’une pathologie donnée.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Pr Jean-Hugues Dalle, MD, PhD
Service d’hématologie et immunologie pédiatrique, Hôpital Robert Debré, 48 boulevard Serurier, 75935 Paris
Cedex 19 et Université Paris Denis Diderot – Paris 7.
[email protected]
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J.-H. DALLE
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171
MISES AU POINT
172
173
LES URGENCES PEDIATRIQUES : JUSQU’A L’AGE DE 18 ANS !
par
R. DE TOURNEMIRE, F. PICARD DIEVAL
Nombre de sociétés savantes se sont prononcées sur les âges limites d’exercice de la pédiatrie.
En France, un paradoxe fixe d’étonnantes bornes supérieures à 15 ans ou 15 ans 3 mois (!)
aux urgences pédiatriques alors même que la majorité des services d’hospitalisation pédiatrique
accueillent des adolescents jusqu’à 18 ans voire plus.
L’ENFANT, L’ADOLESCENT ET LA SANTE
Le 20 novembre 1989, l’Organisation des Nations Unies (ONU), dans le cadre de la
Convention Internationale de Droits de l’Enfant, précise qu’« un enfant s’entend de tout
être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de la
législation qui lui est applicable ». Ce texte complète la résolution 1386 de l’ONU, votée
lors de l’Assemblée Générale du 20 novembre 1959 qui stipule que « l’enfant, en raison de
son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins
spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance ».
Les pédiatres (de pais, enfant en grec) ont pour mission de s’occuper de la santé des
enfants. Ils sont donc naturellement enclins à s’occuper de ces grands enfants que sont les
adolescents, définis par l’Organisation Mondiale de la Santé comme tout individu de 10 à
19 ans [1,2]. Aux Etats Unis, l’American Academy of Pediatrics repousse encore cette limite,
précisant que la responsabilité des pédiatres débute avec le fœtus et se poursuit jusqu’à
21 ans voire plus dans certaines circonstances comme les maladies chroniques [3].
Après une revue des pratiques et recommandations pédiatriques concernant les âges
limites en France, nous proposons un recentrage sur les urgences.
LA PEDIATRIE AMBULATOIRE
L’enquête nationale sur les adolescents, réalisée en 1993 (Inserm), révèle que le nombre
moyen de consultations d’adolescents chez un médecin libéral est de 2,5 par an pour les filles
et de 2,1 pour les garçons. Les médecins généralistes sont les plus sollicités (75 % des consultations).
Quant aux médecins spécialistes, il s’agit plus particulièrement d’ophtalmologistes, de
dermatologues, de gynécologues. Seulement 6,5 % des adolescents consultent un pédiatre
[4]. Le rapport de mission sur l’amélioration de la santé de l’enfant et de l’adolescent rédigé
en 2006 par Danielle Sommelet pointe cet autre paradoxe qui n’est pas expliqué uniquement
174
R. DE TOURNEMIRE, F. PICARD DIEVAL
par la démographie médicale pédiatrique [5].
Pour le conseil national de l’Ordre des médecins il paraît pourtant « souhaitable de donner
aux adolescents la possibilité d’un suivi pédiatrique adapté et l’âge de 18 ans comme âge limite
de l’exercice de la pédiatrie paraît conforme à la réalité physiologique de l’individu et à la réalité
de cet exercice médical » [6].
LA PEDIATRIE HOSPITALIERE HORS URGENCES
« Entre la pédiatrie et la pathologie de l’adulte se situe un no man’s land où l’on trouve
l’adolescent malade » [7]. Telle était la réflexion de Victor Courtecuisse en 1976. Deux années
plus tard, la première unité pédiatrique pour adolescents voyait le jour à Dunkerque rapidement
suivie par l’ouverture en 1982 du service de médecine pour adolescents au CHU de Bicêtre,
sous la responsabilité du Pr Courtecuisse.
La circulaire de la DGS/DH du 16 mars 1988 relative à l’amélioration des conditions
d’hospitalisation des adolescents précisait que les lieux d’accueil pour les adolescents restaient
exceptionnels en France a contrario des pays anglo-saxons [8]. Elle proposait de considérer
comme adolescents les patients âgés de 13 à 19 ans, étant entendu que les limites d’âge ne
sauraient être strictes et devaient être adaptées en fonction de variables individuelles. Un des
points principaux de cette circulaire portait sur l’amélioration de l’accueil des adolescents
aux urgences.
Depuis cette date, de nombreuses unités pédiatriques dédiées aux adolescents ont été ouvertes,
offrant plus ou moins une approche élargie telle qu’elle a été conceptualisée par la médecine
de l’adolescent. Une enquête nationale sur les adolescents en pédiatrie hospitalière, publiée
en 1998, montrait cette évolution avec une différence nette entre la limite officielle d’âge
d’admission, fixée généralement entre 15 et 16 ans et l’âge limite « en pratique » autour de
18 ans voire 20 ans [9]. A cette époque, près d’un service de pédiatrie sur cinq avait déjà fixé
une limite d’âge d’admission officielle à 18 ans. Sur les 300 services interrogés, 39 d’entre eux
avaient des lits réservés ou identifiés pour les adolescents.
LES SERVICES D’URGENCES PEDIATRIQUES
Si la majorité des services de pédiatrie accueillent aujourd’hui des adolescents jusqu’à
l’âge de 18 ans, voire plus lorsqu’il s’agit de malades chroniques suivis depuis longue date, il
n’en est pas de même pour les services d’urgences pédiatriques, ce qui peut apparaître comme
une anomalie dans le paysage français. Il est même frappant de constater qu’à l’hôpital de
Bicêtre, où se situe le seul service stricto sensu de médecine pour adolescents, la limite entre
les urgences pédiatriques et les urgences adultes est située à 16 ans, conformément au règlement
intérieur de l’AP-HP.
Le règlement intérieur des hôpitaux et groupes hospitaliers de l’AP-HP, mis à jour
en 2007 énonce ainsi que pour les hôpitaux et groupes hospitaliers pédiatriques, « l’hôpital
(le groupe hospitalier) est habilité à recevoir des enfants de moins de 16 ans ». Il précise que
des dérogations peuvent être toutefois autorisées par le directeur. Pour les autres hôpitaux,
« les mineurs de moins de 16 ans ne peuvent être admis dans les unités d’adultes, dès lors
qu’il existe une unité pédiatrique susceptible de les accueillir » (article 76 consacré à l’admission
des mineurs).
LES URGENCES PEDIATRIQUES : JUSQU’A L’AGE DE 18 ANS !
175
En 2004, dans les Archives de Pédiatrie, un éditorial de Patrick Alvin intitulé « jusqu’à
l’âge de 18 ans » témoigne de cette nécessité de sans cesse défendre ce positionnement des
pédiatres en France [10]. La même année, la circulaire DHOS/O1/DGS/DGAS n°2004-517
du 28 octobre 2004, relative à l’élaboration des schémas régionaux d’organisation des soins
(SROS) de l’enfant et de l’adolescent précise à nouveau que « la population considérée va
jusqu’à 18 ans, l’âge légal de la majorité paraissant une référence acceptable ».
Il n’existe que peu de publications concernant les âges limites aux urgences pédiatriques.
Le travail réalisé aux Etats-Unis par Dobson et al. est, à ce titre, remarquable : un questionnaire
concernant âge limite et modalités de transition entre urgence pédiatrique et urgence adulte
a été adressé en mars 2005 à 116 services d’urgences [11]. 73 services ont répondu. L’âge
limite le plus fréquemment rapporté est 21 ans. Les responsables précisent que la borne peut
être supérieure en cas de mucoviscidose, maladies cardiaques, drépanocytose ou cancer. Elle
peut être abaissée chez les adolescentes enceintes, les brûlés, les patients psychiatriques, les
victimes de traumatisme ou d’abus sexuels.
ETATS DES LIEUX EN 2011
DANS LES SERVICES D’URGENCES PEDIATRIQUES FRANÇAIS
Nous présentons les résultats d’une enquête que nous avons réalisés en avril 2011, par
courriel, complétée par téléphone auprès d’un échantillon de services d’urgence pédiatrique
du territoire français métropolitain. Cette enquête a été réalisée avec l’aide du Groupe
Francophone de Réanimation et Urgences Pédiatriques- GFRUP- (tableau et figure 1).
Concernant la prise en charge des adolescents consultant pour des motifs médicaux, nous
avons recueilli des données sur 37 hôpitaux (13 CH et 24 CHU). Moins de la moitié
(40 %) des services d’urgences pédiatriques interrogés acceptent les adolescents jusqu’à
18 ans. Les autres services ont comme limite d’âge 15 ans (8 %), 15 ans 3 mois (30 %),
16 ans (19 %) et 17 ans (1 seul service). A propos de cette étonnante limite de 15 ans 3 mois,
nous nous sommes interrogés sans trouver une explication pertinente à cette borne. Si l’on
se réfère à l’âge autorisé pour se marier, celui-ci est ainsi resté le même -15 ans pour les filles,
18 ans pour les garçons- de 1804 (code Napoléon) à 2006. En 2006, l’âge légal a été porté à
18 ans pour les 2 sexes.
La moyenne d’âge limite dans les CHU est de 16,1 ans. Elle est de 17,3 ans dans les CH
non universitaires.
Concernant les adolescents se présentant pour un motif d’allure psychiatrique, nous avons
recueilli les réponses de 33 hôpitaux (11 CH et 22 CH). Douze services (36 %) ont pour
limite 16 ans, et onze (33 %) ont pour limite 18 ans.
Parmi les hôpitaux qui acceptent les adolescents consultant pour des motifs médicaux
jusqu’à 18 ans, la majorité (10 services sur 15) acceptent également ceux consultant pour des
motifs psychiatriques jusqu’à 18 ans (quatre des cinq autres vont jusqu’à 16 ans).
Sur les 37 hôpitaux interrogés, 33 ont répondu à la question sur l’existence de lits
d’hospitalisation dédiés aux adolescents, tel une unité ou un service de médecine pour
adolescents. Seuls neuf hôpitaux (27 %) possèdent de tels aménagements (Bicêtre, Bondy,
Créteil, Dunkerque, Limoges, Lorient, Orléans, Poissy, Pontoise). Parmi ceux-ci, six acceptent
des adolescents aux urgences jusqu’à 18 ans. Plusieurs hôpitaux ont une unité adolescents en
projet à plus ou moins long terme.
Nous avons également étudié pour chaque service d’urgence pédiatrique interrogé
176
R. DE TOURNEMIRE, F. PICARD DIEVAL
l’existence ou non d’un service d’urgence adulte dans l’enceinte de l’hôpital. Il apparaît que
la présence d’un service d’urgence adulte à proximité n’est pas associée à la diminution de
l’âge maximal de prise en charge aux urgences pédiatriques.
Tableau 1. Age limite des urgences pédiatriques selon les hôpitaux interrogés
Hôpital
Clamart A Béclère
Brest
Montpellier
Evry CHSF
Avignon
Orléans
Marseille La Timone
Tours
Bordeaux
Grenoble
Lille
Nantes
Créteil
St Etienne
Necker
Angers
Paris Trousseau
Clermont-Ferrand
Rouen
type
Age
CHU
CHU
CHU
CH
CH
CH
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
CHU
15 ans
15 ans
15 ans
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
15 ans 3 mois
16 ans
16 ans
16 ans
16 ans
16 ans
Hôpital
type
Rennes
CHU
Bicêtre
CHU
Auxerre
CH
Dunkerque
CH
Poissy
CH
Lorient
CH
Chalon sur Saône
CH
Perpignan
CH
La Roche sur Yon
CH
Meaux
CH
Metz
CH
Pontoise
CH
Paris R Debré
CHU
Lyon Hl Mère Enfant CHU
Besançon
CHU
Nice
CHU
Bondy Jean Verdier CHU
Limoges
CHU
Age
16 ans
16 ans
17 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
18 ans
Figure 1
Age officiel maximal de prise en charge pour motif médical aux urgences pédiatriques (37 hôpitaux, dont 13 CH et
24 CHU).
LES URGENCES PEDIATRIQUES : JUSQU’A L’AGE DE 18 ANS !
177
Nous présentons en parallèle les premiers résultats d’une enquête réalisée par le Collège
des Pédiatres des Hôpitaux d’Ile de France, en 2010, auprès des urgences pédiatriques des
hôpitaux de la région Ile de France [12]. Sur un total de 23 services d’urgences pédiatriques,
dix (43,5 %) acceptent les adolescents jusqu’à 18 ans, six (26 %) jusqu’à 16 ans, six jusqu’à
15 ans 3 mois, et un seul jusqu’à 15 ans (fig. 2).
Figure 2
Age maximal de prise en charge pour motif médical aux urgences pédiatriques en Ile-de-France
COMPRENDRE CE PARADOXE
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer le retard pris par les services
d’urgences pédiatriques pour repousser leur limite d’âge.
En France, la proportion des adolescents (13-19 ans) au sein du total des passages hospitaliers
aux urgences est estimée voisine de 10 %, sans données très précises [13]. Aux États-Unis,
pour la tranche d’âge des 11-21 ans, la proportion est de 15 % du total des urgences [14].
Concernant les motifs de consultation, une enquête faite pendant 10 jours, en 1999, auprès
de 3 hôpitaux parisiens intra-muros (dont 2 exclusivement pédiatriques et 1 exclusivement
adulte) et de 3 hôpitaux de proche banlieue (tous mixtes enfants-adultes) montrait que
les accidents représentaient 49 % des 899 consultations (dont les AVP 3,5 %) devant les
pathologies médicales qui concernaient 33 % de ces consultations [15]. Le quart des filles
s’étant présentées en urgence l’avaient fait au niveau d’une maternité ou d’un centre de planification.
Les problèmes psycho-sociaux se chiffraient à 5 % (dont 1,3 % pour les tentatives de suicide).
L’importance, dans cette population adolescente, des problèmes de traumatologie, de
gynécologie et, à un moindre degré, des problèmes psychosociaux ou psychiatriques semble
plus en adéquation avec la présence de gardes ou d’astreintes de traumatologie, de gynécologie
et de psychiatrie plus fréquentes chez les adultes (en raison aussi du volume des urgences
adultes) que du côté pédiatrique.
178
R. DE TOURNEMIRE, F. PICARD DIEVAL
La formation des pédiatres et notamment des urgentistes travaillant aux urgences pédiatriques
répond essentiellement aux urgences vitales, comme en témoigne le programme 2010 du
Diplôme Inter Universitaire de Réanimation et Urgences pédiatriques [16]. La conduite
à tenir devant des accidents répétés, des conduites à risques, des symptômes flous ou des
problèmes d’emblée psychologiques, sociaux ou psychiatriques nécessite un véritable « socle
de connaissances ».
Dans les hôpitaux combinant urgences adultes et urgences pédiatriques, lors des discussions
sur la question du recul de l’âge limite à 18 ans, certains urgentistes adultes se sont plaints
d’être dépossédés de cette population vis-à-vis de laquelle ils montrent de l’intérêt.
Enfin, l’augmentation régulière du nombre de consultations aux urgences pédiatriques
et les difficultés de la plupart des équipes à constituer leur liste de garde, eu égard au faible
nombre de médecins participant au pool des urgences pédiatriques, rend peu enclines les
équipes à accepter une augmentation de l’ordre de 5 % (15-18 ans) du nombre de consultations.
Malgré les difficultés d’organisation, les pédiatres hospitaliers doivent pouvoir accueillir
les adolescents aux urgences jusqu’à 18 ans, quitte à faire déplacer, dans les hôpitaux où
coexistent urgences pédiatriques et urgences adultes, des médecins « d’adulte » aux urgences
pédiatriques. En attendant peut-être un prochain éditorial : « jusqu’à l’âge de 21 ans ? ».
AUTEURS :
R. DE TOURNEMIRE, F. PICARD DIEVAL
Unité de médecine pour adolescents, Service de pédiatrie
Centre Hospitalier Intercommunal de Poissy Saint Germain en Laye, 10 rue du Champ Gaillard, BP 73082,
78303 Poissy Cedex
AUTEUR CORRESPONDANT :
R. DE TOURNEMIRE : [email protected]
Remerciements au Dr Julien Naud, secrétaire et webmaster du GFRUP, au Dr Pierre Foucaud
pour les données issues de l’enquête 2010 du Collège des Pédiatres des Hôpitaux d’Ile de France.
RÉFÉRENCES
[1] OMS Les problèmes de santé des adolescents Rapport d’un comité d’expert, OMS Ser. Rapp. Techn. 1965
n°308
[2] Besoins sanitaires des adolescents OMS Ser. Rapp. Techn. 1977 n°609
[3] American Academy of Pediatrics: Council on Child and Adolescent Health. Age limits of pediatrics. Pediatrics
1988;81:736
[4] Choquet M, Ledoux S. Adolescents : Enquête nationale. Paris, Editions INSERM, 1994
[5] Rapport de mission sur l’amélioration de la santé de l’enfant et de l’adolescent. L’enfant et l’adolescent : un
enjeu de société, une priorité du système de santé. Danielle Sommelet, 2006.
[6] Bouquier JJ, Brouchet J. Existe-t-il une limite d’âge des patients dans l’exercice de la pédiatrie ? Rapport du
Conseil National de l’Ordre des Médecins. Mars 1998
[7] Courtecuisse V. L’adolescent en milieu hospitalier. Arch Fr Pédiatr 1976;33:733–7
[8] Circulaire de la DGS/DH du 16 mars 1988 relative à l'amélioration des conditions d'hospitalisation des adolescents.
DGS/DH - 132 /2B.
[9] Alvin P, Caflisch M. Les adolescents en pédiatrie hospitalière : Enquête Nationale. Les rapports de l’AP-HP, 1998
[10] Alvin P « Jusqu’à l’âge de 18 ans » Arch Pediatr.2004;11(10):1159–1162
[11] Dobson JV, Bryce L, Glaeser PW, Losek JD. Age limits and transition of health care in pediatric emergency
medicine. Pediatr Emerg Care 2007;23(5):294-7
[12] Enquête 2010 du Collège des Pédiatres des Hôpitaux d’Ile de France (COPHI)
[13] Alvin P, de Tournemire R. Les adolescents : entre urgence et crise. Journées parisiennes de pédiatrie. Paris :
LES URGENCES PEDIATRIQUES : JUSQU’A L’AGE DE 18 ANS !
179
Flammarion Méd-Sci;1999. p. 321–5.
[14] Ziv A, Boulet JR, Slap GB. Emergency Department utilization by adolescents in the United States. Pediatrics
1998;101:987–94.
[15] Alvin P, Gasquet I, de Tournemire R, Nouyrigat V, Speranza M. Les adolescents aux urgences hospitalières.
A propos d’une enquête menée à l’AP-HP Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 2002;50:571–576
[16] DIU Réanimation et urgences pédiatriques : http://www3.univ-lille2.fr/diurup
180
181
L'EVALUATION PEDOPSYCHIATRIQUE DE L'ADOLESCENT
AUX URGENCES
par
J. CHAMBRY
La notion d’urgence en pédopsychiatrie pose problème et doit se différencier du modèle
des urgences médicales. En effet, la notion d’urgence renvoie à un phénomène morbide
d’apparition brutale, à l’origine d’une expression symptomatologique qui nécessite une prise
en charge thérapeutique rapide, qui ne peut être différée. Cela peut s’entendre en ce qui
concerne des épisodes psychotiques aigus, telle la bouffée délirante aiguë, ou un épisode thymique
comme un épisode maniaque ou mélancolique. Pourtant, ce type de pathologie ne constitue
pas la majorité des demandes que nous rencontrons au sein des urgences, en particulier avec
des adolescents. Le plus souvent nous sommes sollicités dans des moments de crises dans un
contexte de difficultés psychopathologiques anciennes.
Dans les cas les plus fréquents, l’adolescent est amené aux urgences pour des troubles, qui
ont une expression comportementale : suicide, automutilations, scarifications, crise clastique,
mises en danger. La demande est généralement portée par les parents ou les adultes à qui
l’adolescent est confié. Ces adultes recherchent une solution contenante, rapide, immédiate
face à ce comportement anormal qui les déborde et le plus souvent les angoisse. Aussi, il se
met en place un véritable cercle vicieux qui provoque une montée de l’angoisse, le jeune étant
lui-même inquiet de percevoir l’incapacité de l’adulte à le contenir.
En miroir des adolescents, les adultes décontenancés cherchent à agir pour sortir du sentiment
d’impuissance suscité par ces situations. Ils font alors appel à l’hôpital avec l’espoir qu’ils
pourront y trouver une solution qui fréquemment se résume à une demande d’hospitalisation.
Mais quel est le sens thérapeutique de cette hospitalisation en dehors d’une recherche de
murs contenants ?
Il est donc nécessaire de transformer l'urgence d’agir en urgence d'écoute afin de pouvoir
mettre du sens, injecter de la pensée face à ces comportements qui nous déstabilisent.
La consultation d’urgence doit permettre :
• d’accueillir avec bienveillance l’enfant et les adultes concernés,
• de dédramatiser la situation,
• offrir un espace tiers avant de proposer une orientation.
Elle devra faire lien avec les différents intervenants et s’inscrire dans un réseau de soin
qui permette de soutenir une continuité du processus thérapeutique.
Elle débouchera ou non sur une hospitalisation en fonction de la spécificité de chaque
situation.
182
J. CHAMBRY
Elle s’inspire du modèle de la consultation thérapeutique de Winicott [1] et constitue
une véritable aire intermédiaire entre l’enfant, sa famille et les référents extérieurs. Cette
rencontre doit permettre de sensibiliser à la valeur du fonctionnement psychique et se situer
à l’interface de la réalité extérieure et de la réalité interne [2].
Ainsi, en dehors des troubles psychotiques aigus ou thymiques, qui sont peu fréquents
au regard des consultations d’urgence que nous avons effectuées, nous sommes confrontés à
différentes situations :
1. Des situations évocatrices de maltraitance qui nécessite une collaboration importante avec
les pédiatres afin de protéger l’adolescent et mettre en place les mesures de protection.
2. Des adolescents ayant des troubles psychiatriques avérés (autisme, psychose déficitaire, …)
dont le projet de soin ne semble plus adapté. En raison de l’épuisement des parents,
éducateurs, soignants, … ce jeune patient arrive aux urgences avec une demande d’hospitalisation portée par les adultes.
3. Des enfants préadolescents qui refusent l’autorité, n’acceptent pas les limites. Confrontés
à une situation frustrante, cela provoque en eux une agressivité incontrôlable qui va
être à l’origine de troubles du comportement, agressivité qui peut aussi se retourner
contre l’enfant lui-même. Ces consultations sont en constante augmentation, portées
soit par les parents, soit des institutions (école, foyer,…).
4. Des adolescents qui présentent des troubles du comportement :
- soit de mise en danger avec refus des limites, consommation d'alcool ou de toxiques,
fugues, …
- soit d'hétéroagressivité : crises clastiques,
- soit d'autoagressivité : scarifications, tentative de suicide.
Ces symptômes viennent témoigner des impasses du processus d'adolescence dans lequel
ils sont engagés.
Un nombre important des patients, rencontrés dans les deux dernières situations, sont
évocateurs de troubles oppositionnels voire de troubles des conduites ou encore selon l'approche
de la CFTMEA [3] d'une organisation limite.
La consultation d'urgence se déroule en plusieurs temps :
1. un temps avec l'adolescent
2. un temps avec les adultes : parents, professionnels de l'enfance
3. un temps de synthèse avec les différents protagonistes, qui dégagera une orientation.
Ces consultations seront le plus souvent assez longue, plus d'une heure.
Les facteurs étiopathogéniques sont très complexes et ne peuvent pas se simplifier à une
approche médicamenteuse, même si une prescription de psychotrope est parfois utile. Ces
consultations révèlent chez une majorité de patients une fragilité narcissique en lieu avec des
défaillances parentales et/ou institutionnelles. Aussi, il faudra prendre en compte l'ensemble
des facteurs familiaux, environnementaux pour proposer la conduite à tenir la plus adaptée
possible en tenant compte de la réalité du réseau de soin.
Dans le cadre de la consultation d’urgence de Bicêtre, grâce aux liens avec les services
de pédiatrie dont le service de médecine d’adolescent, il est possible de proposer une hospitalisation soit en pédiatrie, soit en pédopsychiatrie (unité fermée).
En dehors de l’hospitalisation, il sera possible d’orienter vers les services de secteur de
pédopsychiatrie mais aussi de proposer des consultations rapprochées en attendant une prise
L'EVALUATION PEDOPSYCHIATRIQUE DE L'ADOLESCENT AUX URGENCES
183
en charge du jeune et de sa famille.
Une collaboration importante s’est mise en place avec les services de protection de l’enfance
(ASE et services judiciaires) afin de garantir un travail de réseau efficient qui puisse résister
aux conflits que suscitent les situations d’adolescents en crise.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Jean Chambry
Fondation Vallée, 7 rue Benserade, 94250 Gentilly
[email protected]
RÉFÉRENCES
[1] Winicott D. La consultation thérapeutique de l’enfant, Paris, Gallimard, 1979
[2] Jeammet P. Spécificité de la psychothérapie psychanalytique à l’adolescence, Psychothérapie 2002 ; 22, 77-87
[3] Misès R. et coll. Une nouvelle édition de la classification française des troubles mentaux de l'enfant et de
l'adolescent : la CFTMEA R- 2000, Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence ; 50: 233-61.
184
185
LES SYNDROMES MYOCLONIQUES DU GRAND ENFANT
par
H. MAUREY, V. BOUILLERET
Les syndromes myocloniques du grand enfant regroupent plusieurs entités cliniques dont
l’épilepsie myoclonique juvénile (EMJ) et les épilepsies myocloniques progressives (EMP)
génétiques ou symptômes d’une maladie métabolique neurodégénérative. Si initialement,
l’expression clinique de ces différents syndromes peut être proche, la démarche diagnostique
et la prise en charge clinique et thérapeutique sont bien différentes.
L’EPILEPSIE MYOCLONIQUE JUVENILE
L’épilepsie myoclonique juvénile (EMJ) a été décrite pour la 1ère fois en 1957 par Janz
et Christian. Elle est le plus fréquent des syndromes myocloniques du grand enfant. Dans la
littérature, elle représente 3 et 10 % des épilepsies et 26 % des épilepsies généralisées idiopathiques.
Les critères de la Classification Internationale des Epilepsies et Syndromes épileptiques
de 1989 donne une définition précise de ce syndrome débutant à la puberté, génétiquement
acquis et comprenant des secousses myocloniques associées à des crises généralisées tonicocloniques (CGTC) ou des absences, survenant généralement peu après le réveil. L’imagerie
cérébrale est normale. La réponse thérapeutique et le pronostic seraient bons. Malgré des critères
diagnostiques précis, ce syndrome reste sous et tardivement diagnostiqué. Selon les séries, les
délais diagnostiques varient de 5,2 +/- 4,6 ans à 13,3 ans. Plusieurs facteurs peuvent expliquer
ce retard diagnostique : une mauvaise connaissance du syndrome, un sous diagnostic des myoclonies, pas toujours rapportés par les patients, une mauvaise interprétation des crises cliniques
asymétriques ou des anomalies focales sur le tracé EEG [1,2]. Un mauvais diagnostic initial
peut entraîner la prescription d’un traitement potentiellement aggravant et entravant le
pronostic de cette épilepsie généralisée idiopathique (EGI).
Clinique
Les 1ères crises apparaissent à l’adolescence, entre 8 et 26 ans, avec un âge moyen de 10,4
à 14 ans. Par définition, les myoclonies sont présentes dans tous les cas avec un âge de début
moyen de 15 ans. Les CGTC sont présentes dans 75,7 à 90,4 % des cas, avec un âge moyen
d’apparition de 16 ans. Les absences sont présentes dans 11,6 à 33,3 % des cas, et apparaissent
plus précocement à un âge moyen de 10 ans. Les 3 types de crises sont présents chez 17,5
à 21,2 % des patients, l’association de myoclonies à des CGTC est la plus fréquemment
186
H. MAUREY, V. BOUILLERET
retrouvée et rapportée dans 61,9 – 71,9 % des cas [1,2].
Il existe très fréquemment un facteur précipitant. 61 à 93 % des patients ont au moins un
facteur aggravant. Parmi eux, on retrouve le manque de sommeil dans 28 à 89,5 % des cas, le
réveil précoce dans 9,5 %, la fatigue dans 9,8 à 73,7 %, les menstruations dans 20 à 47,4%, la
photosensibilité et les jeux vidéos dans 8,8 à 36,8 %, la prise d’alcool dans 2,8 à 7,9 %, la
concentration mentale dans 6,9 à 22,8 %, le stress dans 7,6 à 12,3 % [2,3].
Les myoclonies sont décrites classiquement au réveil dans 66 à 87,5 % des cas. Elles
prédominent nettement aux membres supérieurs (bras, épaules). Elles sont le plus souvent
bilatérales mais peuvent être unilatérales ou asymétriques dans 10,9 à 16,9 % des cas, violentes
et entravant la vie sociale en entraînant des lâchages d’objet dans 16,8 % des cas. Elles sont
uniques ou se succèdent. Les CGTC sont matinales dans 78,4 % des cas et peuvent succéder
à une série de myoclonies. Elles peuvent être asymétriques dans 16,9 % des cas (déviation tête,
posture tonique asymétrique, mouvement d’un seul membre) [1-3].
Electrophysiologie
Dans les séries rapportées dans la littérature, le tracé EEG est dit normal dans 7 à 24 %
des cas [4,5]. Lorsque celui-ci est anormal, il est décrit plusieurs types d’anomalies : des ondes
pointues généralisées dans 11,4 à 31,7 % des cas, des décharges de pointes ou polypointes
ondes généralisées dites « rapides » (fréquence supérieure à 3,5 Hz) dans 47,6 à 70 % des cas,
des décharges de pointes ou polypointes ondes généralisées dites « classiques » (fréquence
entre 2,5-3,5 Hz) dans 14,2 à 42,9 % des cas, des décharges de pointes ondes généralisées
dites « lentes » (fréquence inférieure à 2,5 Hz) dans 15,3 % des cas [2,3].
Des anomalies focales associées aux anomalies généralisées sont retrouvées dans 11 à 57 %
des cas. Il peut s’agir d’une asymétrie dans les décharges généralisées (44 %), d’une asymétrie
dans les réponses photoparoxystiques (4 à 15,5 %). Il est également retrouvé des anomalies
épileptiques focales le plus souvent dans les régions frontales (15 à 19,6 %), dans les régions
temporales (15 %), plus rarement dans les régions pariétales ou postérieures [4,5].
Une recherche de photosensibilité est systématique, dont la réponse dépend beaucoup
de la méthodologie de la stimulation lumineuse intermittente (SLI) utilisée et est peu reproductible selon les études. Une décharge de pointes ou polypointes généralisées apparaît lors
de la SLI dans 26,4 à 90 % des séries (Fig 1, 1-3). Cette réponse est symptomatique ou non.
Troubles psychopathologiques
L’EMJ est classiquement associée à un examen neurologique et une intelligence normale.
Dès les 1ères descriptions, il est décrit des difficultés psychopathologiques ayant des conséquences
psychosociales importantes (vie familiale, activités professionnelles, adaptation sociale). Ces
difficultés sont proches de celles décrites chez les patients présentant une épilepsie frontale.
Dans certaines études, des tests neuropsychologiques et psychiatriques ont été effectués.
Ils retrouvent des difficultés des fonctions exécutives dépendant du lobe frontal comme des
difficultés de l’attention, une instabilité émotionnelle, une désinhibition, un comportement
inadéquat, mais aussi un déficit en mémoire verbale et non verbale, des troubles de la fluence
verbale, de la compréhension, de l’expression et de la flexibilité mentale [1,6-8].
Certaines publications ne retrouvent pas de corrélation entre ces atteintes des fonctions
frontales et la durée, le type et la fréquence des crises. D’autres décrivent une dynamique progressive
de ces symptômes avec l’apparition d’une dépression, d’une anxiété et d’un repli sur soi avec
LES SYNDROMES MYOCLONIQUES DU GRAND ENFANT
187
la progression de la maladie épileptique.
Ces données sont soutenues par des études menées en imageries spectroscopiques et en
imageries fonctionnelles. Certains auteurs ont retrouvé lors d’épreuves de stimulation des
fonctions exécutives un hypométabolisme du glucose marqué dans la région du cortex
pré frontal en FDG PET [7]. Quelques études en IRM ont montré une anomalie du cortex
mésial frontal et de la partie postérieure du cingulum chez des patients EMJ et une diminution
du ratio NAA sur créatinine et une augmentation du ratio glutamate-glutamine sur créatinine
sur l’étude spectrométrique du cortex préfrontal gauche de patients présentant une EMJ et
des troubles psychiatriques [1,9].
Génétique
Des antécédents de crises convulsives fébriles sont retrouvés chez 10 à 20 % des patients
et des antécédents familiaux d’épilepsie chez 25 à 50 % des cas.
Il existe une grande hétérogénéité génétique. Le mode de transmission de l’EMJ est encore
débattu, pour certains autosomique récessif et d’autres autosomique dominant. Plusieurs loci
ont été identifiés : une mutation dans le gène EFHC1 en 6p12-p11 (OMIM 254770), une
anomalie en 15q14 (OMIM 604827), une anomalie en 6p21 (OMIM 608816), une anomalie
5q12-q14 (OMIM 611364). L’EMJ a été rapportée à des mutations de gène codant pour
des canaux ioniques, comme la mutation du gène GABRA1 en 5q34-q35 codant pour la sous
unité α1 du récepteur GABA (OMIM 611136), une mutation du gène CACNB4 codant
un canal calcique voltage dépendant en 2q22-q23 (OMIM 607682), une mutation du gène
GABRD codant pour la sous unité δ d’un récepteur GABA en 1p36.3 (OMIM 613060),
une mutation du gène CLCN2 codant pour un canal chlore en 3q26 (OMIM 607628).
Traitement
Les règles hygiénodiététiques sont primordiales dans la prise en charge de l’EMJ avec une
attention particulière à la régularité du rythme veille/sommeil, à la consommation de boissons
alcoolisées, de substances stimulantes (café, thé) et à l’évitement des stimuli visuels en cas de
photosensibilité.
L’EMJ est très souvent pharmacosensible mais aussi très souvent pharmacodépendante.
Certaines médications anti-épileptiques sont aggravantes comme la Carbamazépine,
l’Oxcarbamazépine et la Phénytoïne. Le Valproate de Sodium permet un bon contrôle des 3
types de crises dans 70 à 90 % des cas en monothérapie ou en association. Il reste le médicament
de 1ère intention mais d’autres alternatives médicamenteuses sont possibles. La Lamotrigine
en monothérapie ou en association est efficace sur les 3 types de crises dans 40 à 80 % des
cas ; mais quelques auteurs ont rapporté une aggravation des myoclonies. Le Levetiracetam
en monothérapie ou en association est également efficace sur les 3 types de crises dans 60 à
80 % des cas. Le Topiramate serait plus efficace sur les CGTC que sur les myoclonies et les
absences. Le Zonisamide aurait une efficacité supérieure sur les CGTC et les myoclonies que
sur les absences [1-3,10,11].
188
H. MAUREY, V. BOUILLERET
LES EPILEPSIES MYOCLONIQUES PROGRESSIVES
Le terme d’épilepsie myoclonique progressive (EMP) regroupe un ensemble hétérogène
de maladies comportant des crises convulsives, des myoclonies et une dégradation neurologique
progressive. Le début des symptômes se situe dans l’adolescence, parfois dans la 1ère enfance.
L’évolution et le pronostic varient selon l’étiologie. Les causes les plus fréquentes sont la maladie
d’Unverricht-Lundborg et la maladie de Lafora désormais génétiquement définies ainsi que
d’autres maladies métaboliques comme les mitochondriopathies (MERRF), les céroïdes
lipofushinoses, la maladie de Gaucher, les sialidoses qui ne seront pas abordées ici [12].
La Maladie d’Unverricht-Lundborg
La maladie d’Unverricht-Lundborg (MUL) a été décrite en 1891 par Unverricht en Estonie
et en 1903 par Lundborg en Suède. La prévalence varie en fonction des régions géographiques,
plus forte dans le pourtour méditerranéen et en Scandinavie ; en France elle est estimée à
1/500000. Elle représente la forme la moins sévère des EMP. Elle débute à l’adolescence et
évolue vers une stabilisation à l’âge adulte avec un degré variable de handicap. Sa caractéristique
électrophysiologique est la diminution des anomalies EEG avec les années [12].
Clinique
Le début des symptômes se situe ente 6 et 16 ans avec un âge moyen de 10,6 à 12,3 ans,
selon les séries. Dans 25 à 50 % des cas, les 1ers symptômes sont des myoclonies. Elles fluctuent
d’un jour à l’autre et au sein de la journée, survenant le plus souvent au réveil ou dans la soirée.
Elles surviennent lors du mouvement volontaire ou de la préparation du mouvement. Elles
sont favorisées par des stimuli sensitifs, le stress, les menstruations, le bruit, l’exercice physique
et la SLI. Discrètes au début, elles deviennent progressivement invalidantes et s’aggravent
pendant les 5 à 10 premières années d’évolution de la maladie puis se stabilisent. Ces myoclonies
sont résistantes au traitement et entravent les activités de la vie quotidienne, l’écriture, la
marche, l’alimentation. Dans 25 à 75 % des cas, les crises convulsives sont les 1ers symptômes.
Le plus souvent, il s’agit de crises clonicotonicocloniques généralisées, plus rarement,
d’absences ou de crises partielles complexes. De rares patients n’ont aucune crise convulsive.
Les crises ont tendance à se stabiliser après quelques années voire à disparaître.
Avant le début des manifestations, le développement est normal. Des signes cérébelleux
apparaissent comme une ataxie, une incoordination, un tremblement intentionnel, une
dysarthrie. Des troubles psychologiques tels qu’une labilité émotionnelle, une anxiété, une
dépression voire des tentatives de suicide sont très fréquents. La maladie tend à se stabiliser à
l’âge adulte avec un degré de handicap très variable, lié à l’importance du syndrome myoclonique
et allant d’une vie quasi normale à un état grabataire [12-14].
Electrophysiologie
Chez un grand nombre de patients (25 à 68 %), l’activité de fond recueillie lors des EEG
effectués en début de maladie est normale. Dans les autres cas, elle est modulée de plusieurs
activités lentes donnant un aspect irrégulier au rythme de fond. Ce rythme de fond est stable
dans le temps. Les anomalies EEG recueillies sont essentiellement de courtes bouffées de
pointes ondes et/ou polypointes ondes généralisées parfois dégradées retrouvées chez 85 à
95 % des patients. Ces bouffées sont asymptomatiques ou symptomatiques de myoclonies
massives. Elles sont plus nombreuses dans le sommeil profond. Elles diminuent voire
LES SYNDROMES MYOCLONIQUES DU GRAND ENFANT
189
disparaissent chez certains patients avec le temps. Le myoclonus d’action n’a pas de traduction
électrique. Il peut exister des anomalies focales ou multifocales retrouvées chez 12 à 15 % des
patients, restant stables dans le temps [12,13,15].
Les figures physiologiques du sommeil sont présentes lors des enregistrements de sommeil
de début de maladie. La différenciation des différents stades du sommeil tend à diminuer
progressivement avec l’évolution de la maladie.
Une photosensibilité est retrouvée chez une majorité de patients. Elle diminue et disparaît
également avec le temps.
Les potentiels évoqués somesthésiques, quand ils sont réalisés sont de type « géants ».
Troubles psychopathologiques
Le niveau cognitif des patients est assez hétérogène, allant de la normale à un déficit léger.
Certains auteurs ont trouvé un QI moyen légèrement inférieur à la moyenne. Le syndrome
myoclonique interfère avec certains sub-tests nécessitant rapidité et précision. La sévérité des
myoclonies est associée à une atteinte des fonctions exécutives comme la planification, le
raisonnement, les similitudes et symboles, la fluence verbale, la mémoire de travail. La durée
de la maladie est associée à une atteinte des sub-tests mémoire, principalement la mémoire à
court terme. Il existe également une corrélation entre une atteinte psycho-affective et les tests
cognitifs [16,17]. Certains traitements anti-épileptiques comme la Phénytoïne ont parfois
des répercussions sur l’évolution cognitive des patients.
Génétique
La MUL est une maladie autosomique récessive. Elle est due à une mutation dans le promoteur
du gène de la Cystatine B (CSTB) situé en 21q22 et entraînant la répétition d’un dodécamère
CCCCGCCCCGCG (OMIM 254800). Des mutations ponctuelles plus rares ont été décrites.
Cette protéine est un inhibiteur des cystéines protéases jouant un rôle dans l’apoptose cellulaire.
Il ne semble pas exister de corrélation entre le nombre de répétition et l’âge de début, la
sévérité de la maladie et le phénotype clinique. Quelques observations ont été rapportées
avec un phénotype proche mais à début plus précoce lié à une mutation du gène PINKLE1
de la région péricentrique du chromosome 12 (OMIM 612437).
Traitement
Le Valproate de Sodium est le traitement de choix permettant un bon contrôle des crises
généralisées et des myoclonies. Le Clonazepam est utilisé en traitement adjuvant pour
le contrôle des myoclonies. Le Piracetam a été utilisé dans le traitement du myoclonus. Le
Levetiracetam peut être efficace dans le traitement des crises généralisées et des myoclonies.
Le Topiramate et le Zonisamide peuvent être une alternative en association. Certains traitements
sont contre-indiqués comme la Carbamazépine, l’Oxcarbamazépine pouvant avoir un effet
aggravant sur les myoclonies, les crises convulsives, la Phénytoïne peut aggraver l’évolution
cognitive et l’atrophie cérébelleuse [12,13].
La maladie de Lafora
La maladie de Lafora (ML) est décrite depuis 1911, depuis la description des dépôts de
polyglycosans caractéristiques de cette pathologie. Les critères diagnostiques n’ont été établis
qu’en 1963. Les principaux symptômes en sont les crises généralisées, les crises partielles
190
H. MAUREY, V. BOUILLERET
visuelles et les myoclonies d’action et de repos. Leur évolution et la dégradation sont très sévères
et entraînent dans la majorité des observations un décès dans les 2 à 10 ans. Elle est rare aux
USA, au Canada, en Chine et au Japon. Les séries les plus importantes ont été rapportées en
Europe du Sud, en Afrique du Nord, au Moyen Orient et dans certaines régions de l’Asie, d’Inde
et du Pakistan. La prévalence est plus élevée dans les régions à fort taux de consanguinité [12].
Clinique
L’âge de début et l’évolution sont très variables, avec une grande variabilité inter et intrafamiliale. La ML débute rarement avant 6 ans. L’âge de début des symptômes se situe entre
8,5 et 18,5 ans avec un âge moyen de 13,3 ans [12,19]. Un début plus tardif à un âge moyen
de 19,5 ans est rapporté chez une fratrie turque [20]. On retrouve chez certains patients une
notion de crise fébrile ou non fébrile.
Dans la forme typique, les 1ers symptômes sont des crises convulsives. Le plus souvent, il
s’agit de crises tonicocloniques généralisées, des crises partielles visuelles présentes chez plus
de 50 % des patients comprenant des hallucinations visuelles simples ou complexes, une cécité
transitoire ou des scotomes. Plus rarement, il s’agit de crises partielles secondairement
généralisées et d’absences atypiques. Les myoclonies sont parcellaires, segmentaires et/ou
massives. Elles peuvent avoir une composante positive ou négative. Elles surviennent au repos
et à l’action et peuvent être aggravées par l’excitation, l’action, l’initiation d’un mouvement,
de la marche ou la SLI. Elles ne sont pas présentes dans le sommeil [12,21-24]. Avec l’évolution
de la maladie, les myoclonies et les crises tendent à augmenter en fréquence et à devenir pharmacorésistantes.
Il est décrit précocement une détérioration motrice et de la coordination, une dysarthrie,
une ataxie masquée par les myoclonies importantes, des troubles émotionnelles, un ralentissement idéomoteur. L’aggravation des myoclonies est la cause principale de perte d’autonomie
et de la marche. Une dégradation cognitive apparaît au moment des crises convulsives ou
dans les 5 ans après le début des symptômes. Le déclin cognitif est important et l’évolution se
fait vers une démence en quelques années. Des troubles dépressifs parfois sévères sont également
décrits. Le décès lié à un état de mal convulsif ou lié aux complications de la dégradation
cognitive et motrice survient dans les 2 à 10 ans, en moyenne dans les 5 ans [19,21-23].
Electrophysiologie
Grâce à des études familiales, il a été mis en évidence que les modifications EEG précédaient
les symptômes cliniques. En début d’évolution, l’activité de fond est bien organisée, comportant
des pointes ondes et/ou polypointes ondes isolées, parfois focales et prédominantes en occipitales.
La photosensibilité est très fréquente, pouvant exacerber les myoclonies. Il n’y a pas d’augmentation des anomalies dans le sommeil. Après quelques mois d’évolution, l’activité de fond
se ralentit, les bouffées de pointes ondes et/ou polypointes ondes sont plus nombreuses, rapides
et irrégulières. Des anomalies focales sont visibles, surtout en occipitales. La photosensibilité
persiste. Les figures physiologiques du sommeil tendent à disparaître [12,19,21-24].
Lorsqu’ils sont réalisés, les potentiels évoqués somesthésiques sont augmentés pendant
la phase précoce, les potentiels du tronc cérébral ont des latences plus longues.
Examens complémentaires
La biopsie de peau réalisée au niveau du creux axillaire met en évidence des corps de
Lafora dans les cellules des canaux sudoripares. Ils sont également présents dans le cortex
cérébral, le parenchyme hépatique et le muscle strié. Il s’agit de polyglycosans denses et
LES SYNDROMES MYOCLONIQUES DU GRAND ENFANT
191
phosphorylés, de disposition intra cytoplasmique péri-nucléaire et colorés par l’acide périodique
de Schiff. Leur localisation dans le perikaryon et dans les dendrites est caractéristique de la
ML [12,19].
L’IRM cérébrale est normale au début de la maladie puis peut montrer une atrophie cérébrale.
Génétique
La ML est une maladie autosomique récessive dont 2 gènes responsables ont été identifiés.
Pour certains patients, aucune anomalie n’a été mise en évidence dans ces 2 gènes, suggérant
la responsabilité d’un 3ème locus. Il existe une grande hétérogénéité génétique.
Le 1er gène identifié est EMP2A, situé en 6q24 (OMIM 607566). Selon les séries, il est
responsable de 25 à 75 % des ML. Ce gène code pour une protéine : la Laforine. Cette
protéine est impliquée dans la régulation du métabolisme du glycogène par son activité de
protéine phosphorylase. Plus de 20 mutations différentes sont décrites. Une forme atypique
de ML est décrite liée à une mutation de l’exon 1 du gène EMP2A [25]. Elle débute par des
difficultés d’apprentissage et scolaire et des troubles de la mémoire. La détérioration cognitive
est insidieuse puis elle devient plus évidente avec des difficultés comportementales et émotionnelles. Les crises convulsives généralisées puis les crises partielles et les myoclonies surviennent
secondairement.
Le 2ème gène identifié est EMP2B ou NHLRC1 situé en 6p22.3 (OMIM 608072). Selon
les séries, il est responsable de 30 à 75 % des ML. Il code pour une protéine : la Maline. Elle
possède une activité U3 ubiquitin-ligase qui a la propriété d’ubiquitinisation de la laforine
conduisant à son catabolisme par le protéasome et donc responsable d’un trouble de la régulation
du métabolisme du glycogène. Plus de 15 mutations différentes ont été rapportées. Les ML
liées à une mutation de NHLRC1 auraient un début plus tardif et une évolution plus lente
et moins sévère, avec certains patients conservant des activités quotidiennes et des interactions
sociales [23,24].
Traitement
L’évolution de la ML se fait vers une pharmacorésistance. Certains médicaments sont contreindiqués du fait de leur potentiel effet aggravant sur les myoclonies comme la Carbamazépine,
l’Oxcarbamazépine, la Lamotrigine, la Phénytoïne. Le Valproate de Sodium est le traitement
de choix de 1ère intention. Les benzodiazépines, comme le Clonazepam, le Piracetam et le
Levetiracetam sont également utilisées. Le Zonisamide et l’Ethosuximide peuvent avoir des
résultats positifs [12]. Des essais de traitement par utilisation de régime cétogène ont été
décevants.
CONCLUSION
Les syndromes myocloniques du grand enfant sont un groupe syndromique hétérogène.
Les connaissances concernant la clinique, les mécanismes physiopathologiques et l’évolution
de ces syndromes ont beaucoup progressé. Les progrès en terme d’identification en génétique
moléculaire ont été spectaculaires ces dernières années. Rien ne permet encore de dire si
le symptôme commun de ces affections représenté par la myoclonie partage un mécanisme
physiopathologique similaire et unique.
192
H. MAUREY, V. BOUILLERET
AUTEURS :
H. MAUREY1, V. BOUILLERET2
1
Neurologie pédiatrique CHU Bicêtre
2
Service de neurophysiologie clinique et epileptologie CHU Bicêtre
AUTEUR CORRESPONDANT :
Hélène Maurey - [email protected]
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Figure 1 : Bouffées généralisées à la SLI concomitante de myoclonies palpébrales chez un patient EMJ.
194
195
LES EPILEPSIES FOCALES IDIOPATHIQUES
par
J. MOTTE, A. DE SAINT MARTIN
INTRODUCTION
Le concept d’épilepsie focale idiopathique (EFI) est né dans les années 50. La description
de l’épilepsie bénigne à pointes centro-temporales (EBPCT) ou épilepsie à paroxysmes
rolandiques (EPR) revient à Nayrac et Beaussart [1]. Jusque là une épilepsie focale était considérée
comme lésionnelle.
En 1958, l’EBPCT est identifiée sur des critères rétrospectifs de bénignité, après exclusion
des formes lésionnelles ou d’évolution défavorable. On parle alors « d’épilepsie partielle bénigne ».
C’est, en fait, la naissance du concept d’épilepsie focale liée à l’âge.
Depuis 1958, l’existence de l’EBPCT s’est confirmée avec une fréquence importante
parmi les épilepsies de l’enfant puisqu’elle représente plus de 20 % de celles-ci, c’est-à-dire
4 fois plus que l’épilepsie absence de l’enfant [2]. De plus, Il est apparu un « continuum »
entre l’EBPCT et des épilepsies dont le degré de sévérité est variable, avec dans certains cas
des troubles développementaux associés. Ces épilepsies ont été regroupées sous le terme
d’EBPCT ou EPR atypiques.
Dans le cadre des EFI, de nouveaux syndromes ont été identifiés. II est aussi apparu clairement
un terrain génétique pour certaines épilepsies, avec une transmission autosomique dominante
pour certaines EFI. Enfin les particularités pharmacologiques de ces épilepsies ont encore besoin
d’être précisées.
L’EBPCT OU EPR
L’âge de début se situe entre 4 et 10 ans avec un pic autour de 9 ans. Cette épilepsie survient
chez un enfant dont la grossesse et l’accouchement se sont déroulés normalement. Le
développement et l’examen neurologique sont aussi normaux, même si occasionnellement
une EBPCT a pu être rapportée chez des enfants présentant une authentique lésion [3]. Par
contre, dans 7 % des cas on retrouve des antécédents personnels de convulsions fébriles.
Les crises sont peu fréquentes, sauf parfois au début ; elles sont brèves durant 30 secondes
à 2-3 minutes et à fin brutale. Les crises sont nettement favorisées par le sommeil.
Les crises diurnes, rares, ont une sémiologie particulière : brutalement l’enfant se plaint
de troubles somatosensitifs à type de paresthésies de la langue, de la lèvre, de la gencive ou
de la joue, unilatérales. Puis apparaissent des clonies de cette même région, et de la région
pharyngo-laryngée, avec bavage et impossibilité de parler. La diffusion au membre supérieur,
196
J. MOTTE, A. DE SAINT MARTIN
et rarement à la jambe, est le plus souvent minime. Il peut y avoir une phase tonique qui précède
ces clonies ; la conscience est conservée de bout en bout de cette crise qui dure moins d’une
minute. Ces épisodes qui surviennent en pleine conscience sont anxiogènes pour l’enfant et
son entourage qui ont besoin d’être rassurés sur la bénignité des crises.
Les crises nocturnes sont plus longues et plus impressionnantes pour l’enfant. Il s’agit
le plus souvent de crises hémifaciales ou hémicorporelles simples qui peuvent se généraliser
secondairement. Le médecin peut alors facilement passer à côté des signes focaux initiaux
s’il ne prend pas soin d’interroger méticuleusement l’enfant et ses parents sur les premiers
signes anormaux qui ont attiré l’attention. En effet les parents ont besoin de se « débarrasser »
de la charge émotionnelle apportée par les signes de généralisation (secousses, morsure de
langue, perte d’urine) par contre ils ne pensent pas à raconter que cette crise s’est déroulée
au pied de leur lit parce que l’enfant, incapable de parler, était venu les réveiller pour tenter
de les prévenir de ce qu’il ressentait dans la bouche.
Classiquement les enfants atteints d’EBPCT ne présentent pas de troubles neuropsychologiques.
Certaines études ont cependant montré qu’il pouvait y avoir des difficultés cognitives repérées
au bilan neuropsychologique, et des difficultés d’apprentissage dans certains cas, mais sans
conséquence sur la vie professionnelle et sociale à l’âge adulte [4].
A l’EEG, l’activité de fond est normale, elle peut être surchargée de pointes ondes lentes
centro-temporales ou rolandiques uni- ou bilatérales. La pointe est diphasique, de haut voltage
et le plus souvent suivie d’une onde lente (OL). L’abondance et la topographie de ces
paroxysmes peuvent varier d’un EEG à l’autre. Il peut s’y associer des anomalies paroxystiques
en bouffées généralisées ; comme on peut retrouver ces anomalies focales associées dans l’épilepsie
absence petit mal de l’enfant. Les anomalies focales ont tendance à se renforcer et à se bilatéraliser
dans le sommeil.
Nous avons pu enregistrer plusieurs crises de veille, celles-ci se caractérisent à l’EEG par
un aplatissement du tracé surchargé de rythmes recrutant. Dans les instants qui précédent la
crise, les anomalies paroxystiques à type de pointes ondes lentes se renforcent [5].
L’évolution est marquée par la guérison de l’épilepsie avant l’âge adulte. La phase active
de la maladie dure moins d’un an chez la moitié des patients. Elle dure plus de 6 ans chez 9,5 %
d’entre eux [6]. Le contrôle des crises par les antiépileptiques est difficile dans près de la moitié
des cas, et les crises ne sont fréquentes que dans 6 % des cas [7].
La décision de démarrer ou non un traitement antiépileptique est donc difficile à prendre
et la réflexion doit être menée en fonction de l’enfant, de son angoisse, de son mode de vie,
de son souhait, d’éventuelles difficultés neuropsychologiques et bien sûr de l’avis de ses
parents. Enfin il faut tenir compte du fait que certains antiépileptiques et particulièrement
la carbamazépine peuvent accentuer la fréquence des paroxysmes à l’EEG et faire apparaître
un myoclonus négatif [8].
L’efficience intellectuelle est normale ; cependant plusieurs auteurs ont noté, lors de bilans
neuropsychologiques, une fréquence accrue de troubles mineurs et transitoires du langage,
de l’attention, de la mémoire, des capacités visuo-constructives. Les facteurs responsables
de ces troubles cognitifs ne sont pas clairs. La responsabilité des crises, qui sont rares, et du
traitement qui n’est pas toujours entrepris peuvent facilement être écartés. Il n’y a pas de
lésion et l’âge de survenue est homogène, qu’il y ait ces difficultés d’apprentissage ou non. Il
s’agit souvent d’une simple comorbidité. Dans d’autres cas, il existerait une corrélation avec les
anomalies EEG, leur abondance, leur morphologie et leur latéralité, l’activité épileptique pouvant
interférer avec le fonctionnement cognitif ou la maturation en cours de certaines fonctions.
Il est donc important en pratique de suivre le comportement et la scolarité des enfants
présentant une EBPCT. L’EEG de sommeil peut apporter des critères d’évolution péjorative [9].
Enfin il est nécessaire d’éviter l’escalade thérapeutique parfois aggravante. Le rôle aggravant
LES EPILEPSIES FOCALES IDIOPATHIQUES
197
de certaines molécules a été démontré dans les formes atypiques. Dans les formes très actives,
avec troubles sévères des apprentissages et régression, la corticothérapie joue un rôle essentiel.
LES EBPCT OU EPR ATYPIQUES
Les « EBPCT atypiques » partagent avec l’EBPCT les crises partielles motrices de la
face et du pharynx souvent morphéiques ainsi que les pointes diphasiques lentes rolandiques
renforcées par le sommeil. Cependant, certains enfants présentent dans ce cadre des symptômes sévères comme une dégradation du langage et/ou de la coordination motrice et/ou
d’autres fonctions cognitives et/ou des troubles du comportement. Ces troubles sévères sont
concomitants à des modifications importantes de l’EEG de veille et de sommeil.
Aicardi et Chevrie ont été les premiers, en 1982, à décrire l’Epilepsie partielle bénigne
atypique [10]. Aux crises classiques de l’EBPCT, s’associent, durant certaines périodes, des
crises différentes : atoniques, absences atypiques, myoclonies négatives. Durant ces périodes,
l’enfant présente une détérioration de ses performances scolaires et comportementales, et
l’EEG montre des pointes ondes continues durant l’enregistrement du sommeil lent (POCS).
Ce syndrome a pu être transitoirement confondu avec le syndrome de Lennox et Gastaut,
qualifié par certains de « Pseudo Lennox syndrome » mais il n’y a cependant pas de crise
tonique chez ces enfants. Il s’agit d’une épilepsie particulièrement sévère au regard des conséquences
cognitives, cependant dans notre expérience comme dans celle de Fejerman l’évolution à long terme
peut être tout à fait satisfaisante [11]. Pour Metz-Lutz le pronostic dépend de la durée de la
présence des POCS [12]. Actuellement on reconnaît que ce syndrome est le plus souvent
idiopathique mais qu’il peut aussi être lésionnel.
Dans le cadre de l’EBPCT, des états de mal bi-operculaires ont été décrits par Scheffer
[13]. L’enfant présente alors une dysarthrie, une sialorrhée, un déficit oromoteur, des chutes
de la tête, des myoclonies péribuccales. L’EEG, lors de la survenue de ces myoclonies, montre
des pointes des régions rolandiques, bilatérales plus ou moins diffuses et synchrones avec
les myoclonies. En dehors des myoclonies, on enregistre des ondes lentes aiguës de grande
amplitude dans les régions rolandiques, qui s’accentuent dans le sommeil. Les symptômes
cliniques observés sont l’expression directe d’un dysfonctionnement épileptique permanent
des régions operculaires, siège du foyer épileptique. L’évolution est favorable avec suppression
des traitements aggravants, voire une corticothérapie.
Le syndrome de Landau et Kleffner et les encéphalopathies avec Pointes Ondes
Continues du Sommeil (EPOCS) sont des « encéphalopathies épileptiques » plus distinctes
de l’EBPCT. Elles sont caractérisées par une épilepsie partielle, lésionnelle ou non, associée
à une dégradation neuropsychologique et à la survenue de POCS à L’EEG. Même si ces
syndromes font partie d’un continuum avec les syndromes décrits plus haut nous n’en ferons
pas la description ici car nous considérons qu’il ne s’agit plus réellement d’EFI.
198
J. MOTTE, A. DE SAINT MARTIN
LES EFI
Les syndromes se sont multipliés au sein des EFI, en fonction de l’âge de début, du type
de crise et de la localisation du foyer EEG. Ils partagent avec l’EBPCT ou EPR : le début
pédiatrique, le caractère focal des crises, le développement psychomoteur normal et la rémission
spontanée des crises avant l’âge adulte. Il s’agit d’un groupe d’épilepsies partielles « liées à
l’âge ». Sur des bases génétiques, on distingue les syndromes autosomiques dominants et les
non autosomiques dominants. Les premiers sont représentés par les convulsions infantiles
bénignes familiales ou non et les convulsions néonatales bénignes. L’épilepsie bénigne à
pointes vertex, le syndrome de Panayiotopoulos, l’épilepsie occipitale de Gastaut et l’EBPCT
constituent les syndromes non autosomiques dominants.
EFI du nouveau-né et du nourrisson : convulsions néonatales et infantiles bénignes
Ces 2 syndromes ont en commun certains caractères : l’hérédité, l’absence d’autre facteur
étiologique, la survenue des crises regroupées durant une période brève de la vie, des crises
partielles en cluster, parfois secondairement généralisées. L’EEG inter critique ne fait pas
apparaître d’anomalies paroxystiques. Le développement est normal et enfin on retrouve
l’association fréquente à des manifestations non épileptiques.
Le syndrome « convulsions infantiles bénignes, » familiales ou non a été décrit par
Watanabe [14]. Le début se situe entre 3 à 20 mois il peut être plus précoce dans les formes
familiales. Ces enfants ont un développement et un examen normaux. Ils n’ont aucun antécédent personnel particulier et présentent des crises épileptiques qui se traduisent par un arrêt
d’activité avec conscience altérée, hypertonie généralisée et cyanose. Parfois surviennent
ensuite des clonies unilatérales ou bilatérales asynchrones. Les crises durent 1 à 3 minutes et
surviennent en paquet avec parfois énormément de crises en quelques heures ou quelques
jours. L’EEG ne montre pas d’anomalie en dehors des crises et durant celles-ci les paroxysmes
sont focaux, localisés ou prédominants dans une région temporale. Les crises sont relativement
résistantes au traitement et c’est souvent la carbamazépine à faible dose (1 ou 2 mg/kg/j) qui
permet de les arrêter. La guérison survient en quelques mois ; par contre peuvent survenir à
l’adolescence des accès de choréoathétose qui sont, eux aussi, très sensibles à des doses filées
de carbamazépine [15].
L’épilepsie bénigne à pointes vertex [16]
Ici encore le développement et l’examen sont normaux lorsque les crises débutent, entre 4 et
30 mois. Ces crises sont rares, en paquets, plus fréquentes dans la veille. Il s’agit de crises avec
perte de contact, cyanose, arrêt de l’activité motrice et peu d’automatisme, pendant 1 à 5 minutes.
L’EEG est normal dans la veille et montre des pointes diphasiques peu amples suivies d’Ondes
lentes au vertex, durant l’enregistrement de sommeil. La disparition des crises se fait avant 2 ans.
L’épilepsie végétative de Panayiotopoulos [17]
Cette épilepsie débute entre 3 et 6 ans chez un enfant sans antécédent particulier. Les
crises sont très rares. Il peut n’y en avoir qu’une seule. Elles sont longues, durant 30 minutes
à 7 heures et sont favorisées par le sommeil dans 2/3 des cas. Elles débutent par des modifi-
LES EPILEPSIES FOCALES IDIOPATHIQUES
199
cations du comportement à type d’agitation ou de terreur. Très vite l’enfant présente des
signes végétatifs ictaux à type de vomissements, pâleur, hypersalivation, cyanose, incontinence
des urines et des selles, mydriase, diarrhée, irrégularité cardiorespiratoire. Puis on note une
confusion et enfin parfois des signes plus classiques de convulsion avec des troubles de
conscience, déviation des yeux et convulsions. Il n’y a pas de céphalée post-critique. L’EEG
montre des pointes de grande amplitude, multifocales, de localisation variable au cours d’un
même enregistrement et accentuées par le sommeil. La localisation occipitale peut prédominer,
ce qui a fait parler, vraisemblablement à tort, d’épilepsie occipitale. Il n’y a pas de photosensibilité,
pas de blocage à la fermeture des yeux. Le diagnostic, au cours de l’épisode, se pose avec une
encéphalite, une migraine, une maladie métabolique. La guérison survient avant l’âge adulte.
L’épilepsie occipitale de Gastaut
Elle débute dans la seconde enfance. Plus d’un tiers des enfants ont des antécédents
familiaux d’épilepsie ou plus rarement de migraines [18]. Les crises sont diurnes, brèves
(quelques secondes à 3 minutes), fréquentes et comportent des signes visuels à type d’amaurose
ou d’hallucinations avec déviation tonique des yeux et de la tête, parfois hemiconvulsions ou
automatismes psychomoteurs. Un tiers des crises sont suivies de céphalées. L’EEG montre
dans 80 % des cas des pointes ondes amples, occipitales, uni- ou bilatérales, rythmiques ou
quasi rythmiques et bloquées par l’ouverture des yeux et la fixation, activées par le sommeil
lent. Elles s’associent dans 1/3 des cas à des anomalies paroxystiques généralisées ou à des
pointes caractéristiques d’EBPCT. Le pronostic n’est pas clairement analysé même si certaines
séries indiquent une rémission dans plus de 60 % des cas [19]. Il faut cependant remarquer
que ce diagnostic a probablement été porté à tort dans le passé chez des enfants porteurs
d’épilepsie partielle occipitale lésionnelle.
Les frontières entre EFI et épilepsie généralisée idiopathique (EGI) sont parfois floues.
En effet on peut voir la coexistence ou la succession d’épilepsie absence et EBPCT chez un
même enfant ainsi que la présence de PO diffuses dans l’EBPCT et la présence de PO centrotemporales dans l’EAE (Beaumanoir 1974). Enfin certains adultes ayant présenté une
EBPCT dans l’enfance ont par la suite une photosensibilité notable.
LES AVANCEES DES ETUDES GENETIQUES
H. Doose en 1989 évoquait l’hypothèse d’un terrain génétique à l’origine d’un dysfonctionnement cortical focal transitoire, durant l’enfance, sous le terme d’ « altération héréditaire
de la maturation cérébrale ». Les études génétiques menées sur les formes familiales d’épilepsie
idiopathique du nouveau-né et du nourrisson font apparaître le rôle de gènes codant pour
des canaux ioniques potassiques (KCNQ2 et KCNQ3), impliqués dans la transmission
synaptique, et l’excitabilité cérébrale. Le niveau d’expression cérébrale de ces gènes varie très
certainement au cours de la maturation cérébrale, expliquant ainsi le caractère lié à l’âge de
ces syndromes. D’autres études ont mis en évidence l’implication de gènes impliqués dans la
migration neuronale, ou dans la transcription, dans des familles avec EBPCT. Ces données
préliminaires, qui apportent un nouvel éclairage, demandent confirmation sur de plus larges
populations, par des études en cours de réalisation [20].
200
J. MOTTE, A. DE SAINT MARTIN
CONCLUSION
Les EFI regroupent un nombre non négligeable de syndromes épileptiques liés à l’âge
et caractérisés par des crises partielles, une évolution favorable avec disparition des crises
dans l’enfance, l’absence de troubles neuropsychologiques et des anomalies EEG d’allure bien
particulière. Certaines de ces épilepsies peuvent avoir une présentation initiale très spectaculaire
et traumatisante, avec une évolution tout à fait bénigne, et l’on pourra rassurer la famille assez
rapidement. A l’inverse d’autres syndromes peuvent s’exprimer uniquement par une régression
du développement ou du comportement, et le plus difficile sera de penser à faire un EEG
de sommeil. Les frontières avec certains syndromes d’EGI et surtout avec certaines EFI qui
s’accompagnent de graves difficultés d’apprentissages sont difficiles à cerner. Il est donc
nécessaire de suivre avec minutie les enfants atteints d’EBPCT. Ce suivi doit s’intéresser tout
particulièrement aux apprentissages scolaires et aux anomalies EEG dans le sommeil.
AUTEURS :
Jacques Motte1 et Anne de Saint Martin2
1
Unité de neuropédiatrie, American Memorial Hospital, CHU de Reims.
2
service de Pédiatrie 1, hôpital Hautepierre, Hopitaux Universitaires de Strasbourg.
1
et 2 centre de référence maladies rares « épilepsies rares »
AUTEUR CORRESPONDANT :
Jacques Motte : [email protected]
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202
203
MISES AU POINT
204
205
INFECTIONS A PNEUMOCOQUES ET VACCINS :
EXPERIENCE DU VACCIN CONJUGUE 7-VALENT ET QUELLE
SURVEILLANCE ENVISAGER APRES L’INTRODUCTION
DU VACCIN 13-VALENT ?
par
E. GRIMPREL, C. LEVY, E. BINGEN, E. VARON, R. COHEN, J. GAUDELUS
EPIDEMIOLOGIE DES INFECTIONS A PNEUMOCOQUE
Les méningites, les sepsis et les pneumonies représentent 25 % des causes de mortalité
chez l’enfant chaque année dans le monde. On estime que 800 000 enfants meurent chaque
année de pneumonie [1]. La très grande majorité de ces cas (90 %) survient dans les pays en
voie de développement. Or, le pneumocoque est actuellement le premier pathogène responsable
de ces pathologies sévères. Si l’on considère la mortalité par infection pour laquelle un vaccin
est actuellement disponible, les infections pneumococciques sont en tête de liste, devant la rougeole,
les infections à Rotavirus, à Haemophilus influenzae de type b, la coqueluche et le tétanos [2].
La morbidité par infection invasive pneumococcique (IIP) est également très importante,
chez l’enfant comme chez l’adulte. Chez le nourrisson et l’enfant, les IIP sont représentées
par les méningites (100 000 cas par an), les pneumonies (5 millions de cas par an) et les
bactériémies (10 millions de cas par an). L’incidence des IIP est la plus élevée avant l’âge de
deux ans mais elle s’élève également à un âge plus avancé de la vie [3]. Elle est particulièrement
élevée dans certaines populations à risque (Tableau 1) [4].
VIRULENCE DU PNEUMOCOQUE : ROLE DE LA CAPSULE POLYOSIDIQUE
Le pneumocoque exprime sa virulence par de multiples facteurs dont le plus important
est sa capsule polyosidique (ou polysaccharidique) [5]. Cette capsule interagit avec les cellules
phagocytaires de l’organisme, inhibe l’opsonisation des bactéries et permet ainsi une résistance
à la lyse bactérienne médiée par le complément, mécanisme essentiel de l’immunité innée.
Seule l’immunité spécifique dépendante des anticorps est à même de reconnaître l’antigène
capsulaire et de déclencher la cascade lytique bactérienne. Le développement de cette immunité
spécifique est âge-dépendante. Avant deux ans, du fait du caractère T-indépendant des antigènes
de nature polysaccharidique, le nourrisson est incapable de fabriquer des anticorps fonctionnels
et cette capacité diminue à un âge avancé de la vie. Ceci explique la particulière vulnérabilité
des nourrissons et des personnes âgées vis-à-vis des bactéries encapsulées. Les premiers vaccins
pneumococciques qui ont été développés et ont obtenu une autorisation de mise sur le marché
206
E. GRIMPREL, C. LEVY, E. BINGEN, E. VARON, R. COHEN, J. GAUDELUS
sont des vaccins polyosidiques constitués de 14 puis 23 sérotypes (VPP14 et VPP23). Ces
vaccins sont d’emblée apparus comme insuffisants permettre une protection contre les IIP
chez l’enfant de moins de 2 ans. Les anticorps induits sont essentiellement des IgM, et il n’y
a pas de réponse mémoire. De surcroît, un phénomène d’hyporéponse immunologique est
observé lors d’injections itératives d’antigènes polyosidiques, tant chez l’enfant que chez
l’adulte [6]. La réponse obtenue lors de la revaccination est au mieux de même amplitude
que la réponse primaire, voire plus faible (par possible épuisement des lymphocytes B). Or,
la protection contre les IIP est principalement liée à la présence d’anticorps bactéricides dans
le sérum du sujet. En effet, l’immunité mémoire joue peu et l’efficacité de la protection repose
presque exclusivement sur la concentration sérique et l’affinité des IgM contre ce type d’agent
infectieux. Seul un taux bactéricide d’anticorps sériques permet la neutralisation immédiate
de la bactérie et prévient ainsi sa diffusion par voie hématogène.
La conjugaison du polyoside à une protéine rend l’antigène T-dépendant, ce qui lui
confère des propriétés fondamentales : il est immunogène dès l’âge de 2 mois, et grâce à la
coopération T-B, les anticorps induits sont des IgG1 de haute affinité, qui s’accompagnent
d’une réponse mémoire et il est efficace sur le portage. Le polyoside conjugué est donc apparu
comme un bon candidat pour un vaccin chez le nourrisson et c’est sur cette stratégie que
reposera la prévention vaccinale.
Par ailleurs, les sérotypes capsulaires sont également caractérisés pour certains d’entre eux
par une fréquence élevée et une durée prolongée de portage dans le rhinopharynx des nourrissons, favorisant ainsi l’implantation de la bactérie et sa transmission dans la communauté.
Du fait de cette durée de portage prolongée, ces sérotypes sont particulièrement exposés à la
pression de sélection des antibiotiques encore trop largement prescrits dans notre pays, et par
conséquent, sont plus souvent résistants aux antibiotiques, en particulier aux bêtalactamines.
LE PREMIER VACCIN PNEUMOCOCCIQUE CONJUGUE
Les vaccins polyosidiques conjugués se sont avérés très immunogènes chez le nourrisson.
En effet, la réponse immune aux antigènes protéiques est bien meilleure que celle obtenue
avec les antigènes polyosidiques. Si la réponse primaire est un peu retardée (10-14 jours), les
taux d’anticorps sont nettement plus élevés, de meilleure affinité, et la réponse secondaire au
rappel est plus rapide, plus forte, plus durable et de meilleure qualité. La primovaccination
avec un vaccin polyosidique conjugué permet d’obtenir chez le jeune nourrisson et ce, dès
l’âge de 6 semaines, une réponse de type T-dépendante caractérisée par des taux d’anticorps
supérieurs à ceux obtenus avec les vaccins polyosidiques non conjugués, une réponse primaire
importante et surtout le développement d’une immunité mémoire qui permet l’obtention
d’un effet rappel lors des injections itératives de ce type de vaccin ou de vaccin polyosidique
non conjugué. Le résultat final est l’obtention de taux élevés d’anticorps bactéricides dans le
sérum et ce, pour une durée prolongée permettant d’assurer une protection efficace contre
les infections invasives dès le plus jeune âge. Le premier vaccin de ce type à avoir démontré
son efficacité protectrice chez le jeune nourrisson est le vaccin Haemophilus influenzae b (Hib).
Il a ouvert la route vers le développement des vaccins pneumococciques et méningococciques
conjugués.
Le premier vaccin conjugué pneumococcique (Prevenar®, commercialisé à l’époque par
les laboratoires Wyeth-Lederlé) contenait 7 sérotypes capsulaires (4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et
23F) conjugués à la toxine protéique CRM de Corynebacterium diphtheriae et sélectionnés
parmi les plus fréquemment rencontrés et les plus invasifs dans la population pédiatrique
INFECTIONS A PNEUMOCOQUES ET VACCINS : EXPERIENCE DU VACCIN CONJUGUE 7207
VALENT ET QUELLE SURVEILLANCE ENVISAGER APRES L’INTRODUCTION DU VACCIN 13-VALENT ?
(VPC7). La couverture sérotypique potentielle du VPC7 chez l’enfant de moins de 5 ans
était élevée mais variable selon les continents : 82 % pour le continent nord-américain, 72 %
pour l’Europe, 52 % pour l’Asie, 68 % pour l’Océanie, 58 % pour l’Amérique du Sud et
uniquement 49 % pour le continent africain [7]. Son efficacité protectrice contre les IIP à
sérotypes vaccinaux a été démontrée au cours de larges essais cliniques effectués aux EtatsUnis et en Afrique du sud et une corrélation a été établie entre la protection contre les IIP et
les taux d’anticorps présents dans le sérum pour la majorité des sérotypes vaccinaux.
Le premier essai d’efficacité de grande envergure a été effectué aux Etats-Unis sur une cohorte
de 30 000 patients selon un schéma de primovaccination à 2, 4 et 6 mois et un rappel entre
12 et 15 mois [8]. L’étude a comparé le VPC7 avec le vaccin méningococcique C conjugué,
et a démontré l’efficacité protectrice du VPC7 à hauteur de 97,4 % vis-à-vis des IIP à sérotypes
vaccinaux. Cette efficacité s’est révélée élargie aux autres groupes d’âge non vaccinés, enfants
jusqu’à 5 ans et adultes montrant en cela un effet indirect de protection collective [9].
L’efficacité du VPC7 a également été évaluée vis-à-vis des pneumopathies [10] et a montré
une efficacité notable avec une réduction de 87 % du risque de pneumonie bactériémique à
sérotype vaccinal. L’efficacité observée est moindre lorsque la précision du diagnostic diminue,
ne permettant pas de préciser le type de sérotype responsable de l’infection, voire la véracité de
l’infection pneumococcique. Ainsi, l’efficacité diminue à 73 % pour les pneumonies cliniques
avec un foyer radiologique important de plus de 2,5 cm de condensation, elle se réduit à 33 %
pour les pneumonies cliniques associées à toute anomalie radiologique et se réduit encore à
11,4 % pour les pneumonies cliniques sans confirmation radiologique ni bactériologique.
L’efficacité du VPC7 a également été évaluée dans les otites moyennes aiguës (OMA) [11].
Si l’efficacité du VPC7 est faible (environ 6 %) pour les OMA quelle qu’en soit l’étiologie
(incluant les otites virales et à autre bactérie que le pneumocoque), son efficacité est notable
(57 %) pour les OMA dues à un sérotype vaccinal contenu dans le VPC7.
Enfin, d’autres effets additionnels ont pu être observés à l’occasion de ces études puis de
la mise en place d’une stratégie de vaccination élargie :
- une diminution du portage rhino-pharyngé des sérotypes vaccinaux chez les sujets vaccinés
mais également dans leur entourage, témoignant ici encore d’une immunité de groupe,
- une diminution des prescriptions d’antibiotiques [12],
- et une baisse de la résistance aux antibiotiques liée à la fois à la diminution des sérotypes
vaccinaux et à la baisse des prescriptions d’antibiotiques.
Le premier schéma validé (3+1) comportait trois injections dans la première année de
vie suivies d’un rappel pendant la seconde année (12-15 mois). Une pénurie de vaccins
aux Etats-Unis a permis de démontrer que l’efficacité se maintenait avec un schéma allégé
comportant uniquement deux doses en primovaccination, mais suivies d’un rappel rapproché
à 12 mois. Ce schéma allégé (2+1) s’est révélé satisfaisant sur le plan immunologique pour le
VPC7 avec des taux d’anticorps sériques comparables au schéma 3+1 pour les sérotypes 4,
9V, 14, 18C et 19F mais cependant un taux légèrement plus faible pour les sérotypes 6B et
23F. Pour maintenir une efficacité comparable du schéma 2+1 à ce qu’elle était avec le schéma
3+1, deux conditions sont cependant indispensables : l’obtention d’une couverture vaccinale
élevée pour la dose de rappel et l’avancement de l’âge de ce rappel à 12 mois. Des études d’immunogénicité ont en effet montré qu’après la dose de rappel, les taux d’anticorps étaient comparables
pour les 7 sérotypes, que le schéma de primovaccination comporte 2 ou 3 doses. La dose
de rappel est donc fondamentale pour le maintien d’une protection individuelle vis-à-vis des
infections invasives. Elle l’est aussi pour permettre l’effet sur le portage rhino-pharyngé. Cette
208
E. GRIMPREL, C. LEVY, E. BINGEN, E. VARON, R. COHEN, J. GAUDELUS
diminution du portage des pneumocoques de sérotypes vaccinaux est à l’origine de l’effet
indirect du vaccin par réduction de leur transmission dans la communauté et joue un rôle
non seulement dans la prévention des infections invasives mais aussi dans les infections non
invasives comme les otites et les pneumonies [13-14].
IMPACT DE LA VACCINATION VPC7 SUR LE TERRAIN
Aux Etats-Unis
La vaccination a été introduite en 2000, la surveillance établie par le réseau ABC (Active
Bacterial Core Surveillance) couvre une population de 16 à 18 millions de personnes. Avec
un taux de couverture vaccinale (au moins trois doses) de 68,1 %, l’incidence des IIP de
sérotype vaccinal chez l’enfant de moins de 5 ans a baissé de 94 % (IC 95 % [92-96]) de 19981999 à 2003, passant de 80 cas pour 100 000 à 4,6 cas pour 100 000. L’incidence de la totalité
des IIP (sérotypes vaccinaux et non vaccinaux) a baissé de 75 % (IC 95 % [72-79]) de 96,7
pour 100 000 à 23,9 pour 100 000 [13]. Chez les sujets âgés de plus de 5 ans (population
qui n’est pas la cible vaccinale), le taux d’incidence des IIP de sérotypes vaccinaux a diminué
de 62 % (IC 95 % [59 ; 66]) entre 1998-1999 et 2003. La réduction la plus importante a été
observée chez les sujets âgés de plus de 65 ans (de 33,6 pour 100 000 en 1998-1999 à 11,9
pour 100 000 en 2003). L’incidence totale des IIP a diminué de 29 % (IC 95 % [25 ; 33]).
La réduction la plus importante est observée chez les plus de 65 ans (de 60,1 pour 100 000
en 1998-1999 à 41,7 pour 100 000 en 2003). A partir de ces données, une estimation du
nombre de cas évités sur le territoire des États-Unis donne les chiffres suivants : 29 599 IIP
de sérotype vaccinal ont été prévenues en 2003 par rapport à 1998-1999 soit 72 % des cas et
la majorité des cas prévenus sont dus à l’effet indirect du vaccin. Cependant, dans le même
temps, l’incidence des IIP liées aux sérotypes non vaccinaux a augmenté chez les enfants âgés
de moins de 5 ans et chez les adultes âgés de 40 ans ou plus avec un total estimé à 4 721 cas
supplémentaires en 2003 par rapport à 1998-1999, soit une augmentation de 20 % des cas
d’IIP de sérotypes non vaccinaux. En tenant compte de cette dernière donnée, le nombre
d’IIP prévenues a été de 24 878, ce qui représente une diminution de 38 % de l’ensemble des
cas d’IIP tous âges confondus. L’émergence du sérotype 19A à l’origine d’infections invasives
a été constatée. L’incidence des IIP dues à ce sérotype est passée de 0,8 cas pour 100 000 en
1998 à 2,5 cas pour 100 000 en 2005 (p < 0,05) alors que l’incidence des IIP tous sérotypes
confondus passait de 24,4 à 13,8 pour 100 000 (p < 0,05) [14].
Les données les plus récentes montrent cependant que les taux d’incidence des IIP restent
stables depuis 2002, la diminution des IIP de sérotypes vaccinaux étant partiellement compensée
par l’augmentation des IIP dues aux sérotypes non contenus dans le vaccin. A partir de 427
cas sur 493 IIP dont le sérotype est connu, identifiés dans le même réseau ABC en 2007 chez
les enfants de moins de 5 ans, 260 cas étaient dus aux trois sérotypes 3, 7F et 19A (non inclus
dans le VPC7), 180 cas étaient dus au sérotype 19A [15].
Un impact a également été observé sur les pneumonies. Le nombre d’hospitalisations
pour pneumonies (toutes causes de pneumonies confondues) a diminué de 39 % (IC 95 %
[22 ; 52]) chez les enfants de moins de 2 ans depuis l’introduction du Prévenar® aux ÉtatsUnis (comparaison des données 2001-2004 aux données 1997-1999) ce qui correspond à
41 000 admissions évitées chaque année dans cette tranche d’âge [16]. Une autre étude effectuée
à partir d’une base de données dans laquelle on dénombre 40 000 enfants de moins de 2 ans
montre que les taux d’hospitalisation pour pneumonie chez ces enfants (toutes causes confondues)
INFECTIONS A PNEUMOCOQUES ET VACCINS : EXPERIENCE DU VACCIN CONJUGUE 7209
VALENT ET QUELLE SURVEILLANCE ENVISAGER APRES L’INTRODUCTION DU VACCIN 13-VALENT ?
passent de 11,5 pour 1 000 enfants pour la période 1997-1999 à 5,5 pour 1 000 enfants en
2004 soit une diminution de 52,4 % (p < 0,001). Pendant la même période les visites et
consultations ambulatoires pour pneumonie passent de 99,3 à 58,5 pour 1 000 enfants soit
une diminution de 41,1 % (p < 0,001). Le taux d’hospitalisation des pneumonies à pneumocoque
passe de 0,6 à 0,3 pour 1 000 enfants (diminution de 57,6 % ; p < 0,001), et les taux de visite
en ambulatoire de 1,7 à 0,9 pour 1 000 enfants (diminution de 46,9 % ; p < 0,001) [17].
Toutefois, une augmentation des infections pulmonaires compliquées d’empyème a été
observée aux Etats-Unis, en particulier chez l’enfant de plus de 2 ans [18-19].
Enfin, de nombreux travaux ont été consacrés à l’impact du VPC7 sur les OMA [20-21].
Globalement, le VPC7 est d’autant plus efficace qu’il s’agit d’otites traînantes, récidivantes,
justifiant la pose de drains trans-tympaniques, ou résistantes au traitement antibiotique. Cette
efficacité varie de 10 à 50 % en fonction des études, dans lesquelles les définitions du type
d’otite prévenue ne sont pas toujours standardisées. L’étude effectuée sur la base de données
qui a servi à l’étude des pneumonies [17] montre que les taux de visites ambulatoires et de
prescriptions d’antibiotiques pour OMA sont respectivement passés de la période 1997-1999
à 2004 de 2 173 à 1 244 visites pour 1000 personnes/année (réduction de 42,7 %) et de 1 244
à 722 prescriptions pour 1000 personnes/année (réduction de 41,9 %).
En Europe
Dans les pays d’Europe qui ont mis en place une stratégie vaccinale par le VPC7, les
résultats sont légèrement différents de ceux observés initialement aux Etats-Unis. Si dans tous
les pays, une réduction systématique des IIP dues aux sérotypes vaccinaux a été observée avec
un effet indirect dans la population non vaccinée, l’impact global sur les IIP a été variable
selon l’importance du remplacement par les sérotypes non vaccinaux. Ainsi, les sérotypes 7F,
19A et 22F ont émergé au Royaume-Uni, les sérotypes 7F, 19A et 1 en Belgique et en France.
A l’opposé, mais avec un recul plus faible, aucun remplacement sérotypique n’a été observé
en Allemagne et en Norvège. A l’instar des Etats-Unis, une augmentation progressive des
admissions pour pneumonies et pour empyème a été observée au Royaume-Uni [22]
En France
La vaccination pneumococcique conjuguée VPC7 a été recommandée en décembre 2002
mais uniquement chez les enfants de 2 mois à 2 ans présentant une pathologie les exposant à
un risque élevé d’IIP ou exposés à un ou plusieurs facteurs de risque liés à leur mode de vie.
Ces recommandations trop compliquées ont été responsables (au moins en grande partie)
d’une faible couverture vaccinale (seuls 44 % avaient reçu 3 doses en 2006) et de résultats
très inférieurs à ce qu’on était en droit d’attendre quand on les compare à ceux obtenus dans
les pays ayant mieux vacciné [23]. En juillet 2006, la recommandation a été élargie à tous les
enfants de moins de 2 ans et aux enfants de 2 à 5 ans non vaccinés et définis comme à haut
risque de faire une IIP. La couverture vaccinale s’est améliorée. Le schéma vaccinal a été
ultérieurement simplifié en 2008, passant de 3 injections à 2, 3, 4 mois et un rappel à 12-15
mois à 2 injections à 2 et 4 mois et un rappel à 12 mois. Trois ans après la généralisation de la
recommandation de la vaccination, le taux de couverture vaccinale est satisfaisant pour la
primovaccination et le schéma 2+1 semble bien respecté. Le taux de couverture vaccinale
reste cependant insuffisant pour le rappel et l’âge de la dose de rappel est encore trop tardif
(14,5 mois) par rapport aux recommandations (12 mois) [23].
210
E. GRIMPREL, C. LEVY, E. BINGEN, E. VARON, R. COHEN, J. GAUDELUS
L’expérience française est intéressante par la qualité de la surveillance épidémiologique
clinique et bactériologique mise en place depuis une dizaine d’années. Elle comporte une
surveillance de la distribution des sérotypes des pneumocoques circulants et de leur sensibilité
aux antibiotiques effectuée au Centre National de Référence du Pneumocoque (CNRP), une
surveillance des IIP pédiatriques par l’Observatoire National des Méningites Bactériennes
et l’Observatoire des Pneumonies et Pleuro-pneumopathies coordonnés par le Groupe de
Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP) de la Société Française de Pédiatrie et l’Association
Clinique et érapeutique Infantile du Val de Marne (ACTIV), et une surveillance du portage rhinopharyngé chez le nourrisson par l’Observatoire du portage du pneumocoque créé
et coordonné par ACTIV. Cet observatoire du portage du pneumocoque a été créé en 2001
à la demande (commitment) des autorités européennes (EMA) afin d’évaluer l’impact de la
vaccination sur le portage rhinopharyngé du pneumocoque, l’évolution des sérotypes et leur
résistance à la pénicilline.
Ce large réseau de surveillance a permis d’obtenir des données précises et longitudinales
sur l’évolution épidémiologique et bactériologique des IIP en France depuis la mise en place
de la vaccination par le VPC7.
Le bilan de l’impact de la stratégie vaccinale appliquée en France est mitigé [24-25] Le
nombre global d’IIP n’a pas diminué entre 2001 et 2008 (Tableau 2).
L’analyse de la situation épidémiologique actualisée des infections invasives à pneumocoques
met en évidence :
- une diminution régulière et marquée de la responsabilité des sérotypes vaccinaux qui
passent de 66 % en 2001 à 11 % en 2008,
- l’émergence de sérotypes non vaccinaux de remplacement et particulièrement les sérotypes
7F et 19A qui représentent en 2009 respectivement 26 % et 23 % des méningites et
23 % et 31 % des bactériémies.
Chez l’enfant de 2 à 15 ans, les infections liées au sérotype 19A et 7F ont progressé de façon
importante. Chez l’adulte, l’effet indirect du VPC7 est perceptible en 2009 : les 7 sérotypes
couverts par le vaccin conjugué ont diminué et ne représentent plus que 18 % des souches
invasives. Ceci s’accompagne du maintien des sérotypes 1 et 3 ainsi que de l’augmentation
des sérotypes 7F, 19A et 6C.
En 2005, les données du réseau EPIBAC avaient montré chez les enfants de moins de 2 ans
une diminution de l’incidence des méningites (-38 %) et des infections bactériémiques (-29 %)
à pneumocoque par rapport à la période prévaccinale (1998-2002). Chez les enfants plus
âgés et les adultes, l’incidence des méningites et des infections bactériémiques n’avait pas diminué
[26]. Jusqu’en 2009, la seule tranche d’âge où l’incidence des méningites a diminué depuis
2001-2002 est celle des enfants âgés de moins de 2 ans avec 6,12 cas/100 000 en 2009 vs 8,03
cas/100 000 en 2001-2002 [25].
Entre 2001 et 2009, le nombre de méningites à pneumocoques n’a pas varié : n = 127
(28,1 % des méningites) en 2001 et n = 135 (34,7 % des méningites) en 2009 [25].
Les sérotypes vaccinaux (PCV7) ont quasiment disparu : 63,9 % en 2001 vs 4,8 % en
2009 (p < 0,0001). Parallèlement la représentation des sérotypes non vaccinaux a augmenté
de 36,1 % à 95,2 %.
En 2009, avant l’âge de 2 ans, sept sérotypes non vaccinaux représentaient 77,3 % des
méningites : 19A (26,6 %), 7F (23,9 %), 24F (7 %), 33F (5,6 %), 15A (5,6 %), 15B (4,2 %),
1 (4,4 %). Au-delà de 2 ans, les sérotypes non vaccinaux les plus fréquents sont les 3 (14,7 %),
35B (11,8 %), 19A (8,8 %), 7F (8,8 %), 6C (5,9 %) et 17F (5,9 %) [25].
La couverture sérotypique potentielle du vaccin conjugué 13 valent (PCV7 + sérotypes
INFECTIONS A PNEUMOCOQUES ET VACCINS : EXPERIENCE DU VACCIN CONJUGUE 7211
VALENT ET QUELLE SURVEILLANCE ENVISAGER APRES L’INTRODUCTION DU VACCIN 13-VALENT ?
1, 3, 5, 6A, 7F et 19A) est actuellement de 59,2 % pour les méningites des enfants de moins
de 2 ans et de 44,1 % pour les enfants de plus de 2 ans [27].
Entre 2001-2002 et 2009, l’incidence des bactériémies à pneumocoque a significativement
diminué chez les enfants de moins de 2 ans, alors qu’elle a augmenté dans les autres groupes
d’âge. Comme dans les méningites, la diminution significative des bactériémies à pneumocoques
de sérotypes vaccinaux est partiellement compensée par l’augmentation des bactériémies à
pneumocoques de sérotypes non vaccinaux chez l’enfant de moins de 2 ans. Au-delà de cet
âge, l’augmentation de l’incidence des bactériémies est liée à l’augmentation des sérotypes
non vaccinaux.
Chez les enfants de moins de 2 ans, deux sérotypes restent prédominant en 2009, les
sérotypes 19A et 7F qui représentent respectivement 30 % et 23 % des pneumocoques isolés
dans ce groupe d’âge [25].
Chez les enfants de 24 à 59 mois, les principaux sérotypes isolés des bactériémies en 2009
sont par ordre de fréquence, le sérotype 1 (29 %), 19A (23 %) et le 7F (22 %).
Chez l’enfant de 5 à 15 ans, le sérotype 1 reste prédominant (58 % des souches en 2009).
Chez l’adulte, la couverture sérotypique du VPC7 est de 13,6 %, celle du vaccin polyosidique
Pneumo 23 est de 76 % en 2009.
Chez les adultes âgés de plus de 64 ans, tous les sérotypes vaccinaux ont nettement diminué par rapport à 2001-2002 tandis que les sérotypes 19A (15 %), 7F (12 %) ont progressé
et sont devenus, avec le sérotype 3 (9 %), les sérotypes prédominants [25].
L’Observatoire des Pneumonies et Pleuro-pneumopathies, mis en place en mai 2009
(GPIP/ACTIV) travaille en collaboration avec le CNRP. Ce réseau de surveillance comporte
10 services d’urgences pédiatriques en France. Il a pour objectif de décrire l’épidémiologie
des pneumonies et des pleuro-pneumopathies chez l’enfant de 1 mois à 15 ans aux urgences
pédiatriques, en précisant en particulier, leur fréquence, leurs caractéristiques cliniques,
radiologiques et biologiques, le statut vaccinal des patients, les bactéries responsables (et en
particulier, la place du pneumocoque), leur résistance aux antibiotiques, les traitements
administrés, et l’évolution à court terme. Les résultats de la première année de surveillance
(avant l’utilisation généralisée du VPC13) rassemblent un total de 1544 patients atteints de
pneumonie dont 126 ont un épanchement pleural associé [28] et 40 ont été classés comme
des empyèmes. L’âge médian des patients est de 3,7 ans pour les pneumonies et 5 ans pour
les empyèmes (88 % ont plus de 2 ans). La majorité (88 %) des patients a été vaccinée au préalable
avec le VPC7. L’hémoculture prélevée chez 38 % des sujets est revenue positive dans 5 % des
cas, identifiant principalement un pneumocoque (70 %). Les liquides pleuraux prélevés ont
permis d’identifier une bactérie dans la quasi totalité des cas, ici encore, principalement un
pneumocoque. Les principaux sérotypes retrouvés font partie des sérotypes additionnels couverts
par le VPC13, en particulier les sérotypes 1, 19A et 7F.
L’observatoire de surveillance du portage mis en place en 2001 permet de suivre l’évolution
des sérotypes des pneumocoques et leur résistance aux antibiotiques en France chez les enfants
de 6 mois à 2 ans venant consulter pour une OMA et n’ayant pas pris d’antibiotiques dans
les 7 jours précédant la consultation. Un prélèvement rhinopharyngé est pratiqué chez chaque
enfant pour rechercher la présence d’un pneumocoque. Pour chaque souche isolée, le CNRP
détermine le sérotype et étudie la sensibilité aux antibiotiques [29]. De septembre 2001 à
juin 2006, plus de 3000 patients ont été inclus. La proportion d’enfants vaccinés par VPC7
augmente de 2001 à 2006 : 7,8 % ont reçu au moins une dose en 2001, et 91,5 % la 5eme année.
L’usage des antibiotiques dans les trois mois précédant le prélèvement diminue de 2001 à
2006 de 51,6 % à 38,5 %. Le portage du pneumocoque diminue progressivement d’année en
année, de 71,1 % en 2001 à 62,1 % en 2006 (p < 0,0001) ainsi que la résistance des souches
de pneumocoque à la pénicilline (15,4 % de souches résistantes en 2001, 2,7 % en 2006)
212
E. GRIMPREL, C. LEVY, E. BINGEN, E. VARON, R. COHEN, J. GAUDELUS
(p < 0,001). On note par ailleurs une diminution importante du portage des souches de
sérotype vaccinal (de 44,3 % l’année 1 à 17,3 % l’année 5 (p < 0,001). Inversement la proportion
d’enfants portant des sérotypes non vaccinaux augmente de 9,6 % l’année 1 à 23,5 %
l’année 5 (p < 0,001) [29].
Lorsqu’on compare dans cette population, les enfants vaccinés (ayant reçu au moins une
dose de vaccin) et les non vaccinés, il existe dans la population vaccinée une fréquence de
portage global du pneumocoque inférieure à celle de la population non vaccinée : 62,5 % versus
70,6 %. Une diminution du portage des souches de sensibilité diminuée ou résistantes à la
pénicilline est notée dans la population vaccinée, d’autant plus nette qu’une dose de rappel
a été effectuée. Il faut cependant rappeler que dans le même temps une campagne nationale
a permis une diminution de la consommation d’antibiotiques entre 2001-2002 et 2004-2005.
Le risque de porter un pneumocoque de sensibilité diminuée ou résistant à la pénicilline est
significativement plus bas dans la population vaccinée. L’action du vaccin est additive avec
celle d’une prescription plus adaptée des antibiotiques [29]. Ces résultats sont à rapprocher
d’autres études qui ont montré que le VPC7 réduisait le portage rhino-pharyngé des souches
de pneumocoques de sérotype vaccinal.
Les explications retenues à ce jour pour expliquer les résultats français sont les suivantes :
- la politique vaccinale a été longue à se mettre en place et la couverture vaccinale n’a augmenté
que progressivement à la différence d’autres pays comme les Etats-Unis ;
- les sérotypes de remplacement en particulier le 19A étaient déjà en circulation lors de la
mise en place de la vaccination par le VPC7 et ont pu de ce fait augmenter de façon plus
rapide que dans les pays où ces sérotypes n’étaient pas prévalents ;
- les sérotypes de remplacement prédominants circulent au-delà de l’âge de 2 ans et sont
responsables d’infections invasives, en particulier respiratoires (pleuropneumopathies) ;
- certains sérotypes de remplacement sont porteurs de résistance et la pression de sélection
par les antibiotiques reste forte dans notre pays.
L’ensemble de ces données tant américaines qu’européennes démontre qu’un élargissement
de la couverture sérotypique du vaccin est devenu nécessaire afin de couvrir, selon les pays,
une plus grande proportion d’IIP chez le nourrisson et l’enfant. Deux vaccins pneumococciques
conjugués à spectre plus étendu que le VPC7 ont été développés et mis sur le marché en
Europe. Ces vaccins contiennent respectivement 10 et 13 sérotypes, incluant tous les deux
les 7 sérotypes du VPC7. Les sérotypes additionnels sont le 1, 5 et 7F pour le vaccin decavalent
développé par GlaxoSmithKline et les sérotypes 1, 3, 5, 6A, 7F et 19A pour le vaccin 13-valent
(VPC13) développé par Pfizer.
Seul le VPC13 a été mis sur le marché en France compte tenu de la nécessité impérative
de couvrir le sérotype 19A, et à un moindre degré les sérotypes 3 et 6A. En 2009, en France,
les sérotypes couverts par le VPC7 ne représentaient plus que 6 % des souches isolées de
méningites et de bactériémies chez les enfants âgés de moins de 2 ans. Les six sérotypes additionnels couverts par le VPC13 représentaient 65 % de ces souches et globalement, le VPC13 couvrait
71 % des sérotypes des souches de pneumocoques isolées de méningites et de bactériémies chez
l’enfant de moins de 2 ans. En 2009, le VPC13 couvrait 59 % des souches de pneumocoque
isolées de méningites et de bactériémies [25] chez l’adulte.
Une estimation montre que, globalement chaque année, 22 à 25 % des cas de méningite à
pneumocoque et 19 à 22 % des cas de bactériémie à pneumocoque supplémentaires pourraient
être évités avec ce vaccin, soit 180 cas de méningite à pneumocoque et 1 540 cas de bactériémie
à pneumocoque.
INFECTIONS A PNEUMOCOQUES ET VACCINS : EXPERIENCE DU VACCIN CONJUGUE 7213
VALENT ET QUELLE SURVEILLANCE ENVISAGER APRES L’INTRODUCTION DU VACCIN 13-VALENT ?
LE NOUVEAU VACCIN PNEUMOCOCCIQUE CONJUGUE
13-VALENT (PREVENAR13®)
L’immunogénicité du VPC13 a été évaluée selon les modalités, les critères et les seuils
d’efficacité vaccinale recommandés en 2005 par l’OMS (un corrélat de protection ayant été
validé par les autorités européennes pour un titre d’anticorps supérieur ou égal à 0,35 µg/ml
(Elisa) obtenu pour chacun des sérotypes après un schéma de primovaccination à 3 doses).
Le dossier d’enregistrement a comporté plusieurs études cliniques contrôlées incluant
4 400 enfants et comparant l’immunogénicité du VPC13 à celle du VPC7 selon plusieurs
schémas vaccinaux. Les études évaluant le schéma d’immunisation primaire en 2 doses (aux
âges de 2 et 4 mois) ont montré des taux d’anticorps supérieurs aux seuils de protection pour
la majorité des sérotypes communs aux 2 vaccins à l’exception des sérotypes 6B et 23F. Les
taux d’anticorps vis-à-vis des sérotypes additionnels sont également supérieurs aux seuils de
protection définis avec cependant des réponses plus basses contre les sérotypes 3 et 6A mais
peu différentes des réponses obtenues après 3 doses [30]. Dans tous les cas (primovaccination
en 2 ou 3 doses), la dose de rappel à l’âge de 12 mois induit une réponse mémoire comparable
et des titres protecteurs pour tous les sérotypes communs et additionnels chez plus de 98 %
des enfants. Le schéma 2+1 (2, 4, 12) recommandé pour le VPC7 est donc apparu utilisable
pour le VPC13.
Une étude évaluant le rattrapage avec le VPC13 dans 3 catégories d’âge (2 doses de 7 à
12 mois avec rappel de 12 à 16 mois, 2 doses de 12 à 24 mois ou 1 dose de 24 à 72 mois) a
montré des taux protecteurs d’anticorps pour les 13 sérotypes.
Les études évaluant le remplacement du VPC7 par le VPC13 ont porté sur des enfants
ayant reçu une immunisation primaire avec le VPC7 suivie d’une injection de rappel par le
VPC13 : les résultats montrent des taux comparables à ceux obtenus avec le VPC7 pour les 7
sérotypes communs et des titres protecteurs pour les 6 sérotypes additionnels avec cependant
des titres plus bas pour le sérotype 3. Une étude française portant sur 300 enfants ayant reçu
une primovaccination par 3 doses à 2, 3 et 4 mois par le VPC7 a montré qu’une seule dose de
rappel avec le VPC13 à 12 mois confère une immunogénicité satisfaisante sur les sérotypes
additionnels [31]. Le VPC13 peut être administré simultanément en 2 sites d’injection
séparés avec le vaccin méningococcique C conjugué, le vaccin rougeole-oreillons-rubéole et
le vaccin contre l’hépatite A.
Les données de tolérance sont également satisfaisantes. Depuis sa commercialisation au
plan mondial, environ 195 millions de doses du VPC7 ont été distribuées. Les études cliniques
comparatives montrent un profil de tolérance du VPC13 comparable à celui du VPC7. Les
effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont des réactions au site d’injection, de
la fièvre, de l’irritabilité, une perte d’appétit et une hypersomnie et/ou un sommeil diminué.
Une augmentation des réactions au site d’injection et de la fièvre a été rapportée chez les enfants
âgés de plus de 12 mois (dans le cadre d’un rappel) par rapport aux taux observés chez les
nourrissons au cours de la primovaccination par le VPC13.
En 2009, le Haut Conseil de Santé Publique a recommandé d’utiliser le VPC13 chez le
nourrisson selon les mêmes schémas que ceux recommandés pour le VPC7 [32], soit :
- 2 doses à 2 mois d’intervalle, respectivement à 2 et 4 mois et un rappel à l’âge de 12 mois,
- 3 doses à 1 mois d’intervalle, respectivement à 2, 3 et 4 mois et un rappel à l’âge de
12 mois pour les nourrissons avec facteurs de risque dont les prématurés.
Un schéma de 2 doses de VPC13 à 2 mois d’intervalle auxquelles s’ajoute 1 dose de vaccin
polyosidique non conjugué 23 valent (Pneumo23) 2 mois plus tard a été recommandé pour
214
E. GRIMPREL, C. LEVY, E. BINGEN, E. VARON, R. COHEN, J. GAUDELUS
les enfants de 2 à 5 ans avec facteur de risque d’IIP et non vaccinés. Enfin, un rattrapage a été
recommandé chez les sujets de 1 à 2 ans antérieurement vaccinés par le VPC7 pendant la
période de transition vers le VPC13, afin de les faire bénéficier des 6 sérotypes additionnels.
Ces sérotypes additionnels ont des caractéristiques qui les différencient des 7 premiers
sérotypes inclus dans le vaccin (Tableau 3). Tous circulent et génèrent des infections invasives
non seulement chez le nourrisson mais également au-delà de cet âge, chez le grand enfant et
l’adulte. Tous sont responsables d’infections pulmonaires, parfois compliquées d’empyème,
et 3 d’entre eux (6A, 7F et 19A) sont retrouvés avec une fréquence importante au cours des
méningites bactériennes. Enfin, 2 d’entre eux (19A et 6A) sont associés à une résistance aux
antibiotiques, en particulier aux bêta-lactamines.
QUELLE SURVEILLANCE PREVOIR EN FRANCE
APRES L’INTRODUCTION DU VPC13 ?
La question légitime qui reste posée est celle de l’impact futur de ce changement de vaccin
sur les IIP en France et de sa durée. Pour cela, le réseau de surveillance épidémiologique clinique
et bactériologique mis en place en France est un atout majeur et unique en Europe.
La surveillance des IIP reposera comme auparavant sur l’Observatoire National des Méningites
(GPIP/ACTIV) en collaboration avec le CNRP. Les données actuelles de l’Observatoire
des méningites ne permettent pas encore d’affirmer un impact du nouveau vaccin sur l’incidence
des méningites à pneumocoque chez l’enfant compte tenu du faible recul depuis le passage
du VPC7 au VPC13.
La mise en place d’une surveillance des bactériémies à pneumocoque serait également
souhaitable mais semble peu réaliste à l’heure actuelle sur le terrain compte tenu des pratiques
aux urgences.
L’Observatoire des Pneumonies et Pleuro-pneumopathies mis en place en mai 2009
(GPIP/ACTIV) en collaboration avec le CNRP permet, dès à présent, de décrire l’épidémiologie des pneumonies et des pleuropneumopathies chez l’enfant de 1 mois à 15 ans aux
urgences pédiatriques. Tout comme l’Observatoire des méningites bactériennes, il est en
mesure d’évaluer, dans les prochains mois, l’impact de la vaccination étendue VPC13 sur la
fréquence, la gravité et la distribution des sérotypes des pleuro-pneumopathies à pneumocoque
chez le nourrisson mais également chez l’enfant.
La surveillance des souches de portage par l’Observatoire d’ACTIV sera également
essentielle car elle permettra d’identifier précocement les éventuels futurs sérotypes de remplacement
sous l’effet de la vaccination. En parallèle, une surveillance des souches responsables d’échec
d’OMA sera réalisée afin de déterminer les sérotypes en cause et leur sensibilité aux antibiotiques.
AUTEURS :
Emmanuel Grimprel, Corinne Levy, Edouard Bingen, Emmanuelle Varon, Robert Cohen, Joël Gaudelus
AUTEUR CORRESPONDANT :
Pr Emmanuel Grimprel, Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Armand Trousseau, 26 Avenue du Dr Arnold
Netter, F75012 Paris, Tél : 0033 1 44 73 62 20, Fax : 0033 1 44 73 52 67, Email : [email protected]
INFECTIONS A PNEUMOCOQUES ET VACCINS : EXPERIENCE DU VACCIN CONJUGUE 7215
VALENT ET QUELLE SURVEILLANCE ENVISAGER APRES L’INTRODUCTION DU VACCIN 13-VALENT ?
RÉFÉRENCES
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Tableau 1. Définitions des sujets à haut risque d’IIP et facteurs de risque additionnels.
2-5 ans
Asplénie fonctionnelle ou splénectomie, drépanocytose
Infection à VIH, et déficits immunitaires congénitaux ou secondaires
Pathologies cardiaques et pulmonaires chroniques
Brèche ostéoméningée, diabète, candidats à l’implantation ou porteurs d’implants cochléaires
Enfants > 5 ans & adultes
Syndrome néphrotique, insuffisance respiratoire, insuffisance cardiaque,
Patients alcooliques avec hépatopathie chronique,
Personnes ayant des antécédents d’infection pulmonaire ou invasive à pneumocoque
Facteurs de risque additionnels chez l’enfant [4]
Mode de garde en collectivité dans les 3 mois précédant l’infection
Existence d’une otite
Antibiothérapie récente
Tableau 2. Evolution de l’incidence des IIP en France en 2008 après la mise en place
de la vaccination VPC7 [24].
< 2 ans
2-64 ans
> 64 ans
Total
IIP
Total
IIP
Sérotypes vaccinaux
IIP
Sérotypes non vaccinaux
-30 %
+14 %
+8 %
stable
-83 %
-43 %
-43 %
-50,6 %
+86 %
+65 %
+70 %
+75
Tableau 3. Caractéristiques des 6 sérotypes additionnels contenus dans le VPC13.
Sérotype
1
3
5
6A
7F
Age
Pathologies
Sensibilité aux antibiotiques
Grand enfant, adulte
Tout âge
Grand enfant, adulte
Tout âge
Tout âge
B, PP
Portage, OMA, PP
B, P
Portage, OMA, P, M
B, PP, M
Sensible
Sensible
Sensible
Résistant
Sensible
Légende : B : bactériémie ; PP : pleuropneumopathie ; OMA : Otite moyenne aiguë ; P : pneumonie ; M : méningite.
217
EVITABILITE DES INFECTIONS BACTERIENNES
SEVERES DE L’ENFANT
par
E. LAUNAY, E. MARTIN, T. BLANCHAIS, R. ASSATHIANY, A. MARTINOT,
M. CHALUMEAU, C. GRAS-LE GUEN
Les infections constituent une des premières causes de mortalité chez l’enfant. Dans une
étude britannique récente, les infections constituent « la plus grande cause isolée de décès
chez l’enfant, en dépit des programmes de vaccinations, de la mise à disposition des antibiotiques,
de la formation à la gestion de l’arrêt cardio-circulatoire et des soins de réanimation ». La
part des décès d’origine infectieuse est plus importante chez l’enfant plus jeune (27 % des
décès entre 1 et 4 ans vs 12 % entre 5 et 14 ans), et seulement la moitié de ces décès concernent
des enfants atteints d’une affection chronique. Les décès en contexte infectieux sont rapportés
dans cette enquête à une septicémie dans 50 % des cas, une infection respiratoire dans 30 %
des cas et une infection du système nerveux central dans 15 % des cas. Les pathogènes en
cause sont des bactéries dans 60 % des cas, le méningocoque étant le plus fréquent (28 %),
suivi par le pneumocoque (18 %) et les streptocoques (12,6 %) [1-2]. Aux Etats-Unis, les
infections sont la deuxième cause de morbidité et de mortalité chez l’enfant après les accidents
et les traumatismes [3]. En France, les maladies infectieuses représentent la première cause
de mortalité de l’enfant de moins de 1 an [4]. Les infections apparaissent donc une cause
significative et potentiellement évitable de décès, particulièrement chez le jeune enfant.
UN CHALLENGE POUR LE CLINICIEN !
A la lecture de ces résultats épidémiologiques, la dangerosité des infections chez l’enfant
semble évidente, mais c’est l’identification des enfants porteurs d’une infection bactérienne
qui constitue une difficulté majeure. En effet, alors que la fièvre constitue un des premiers
motifs de consultation de l’enfant, tant en soins primaires qu’aux urgences pédiatriques [5],
ce symptôme est dans la grande majorité des cas secondaire à une infection bénigne d’origine
virale. La proportion d’enfants porteurs d’une infection bactérienne sévère lors d’une consultation pour fièvre est rapportée entre 5-10 % des cas [6]. ompson et al. ont montré, lors
d’une étude sur les symptômes des méningococcémies chez l’enfant, que la fièvre était le plus
souvent isolée dans les premières heures d’évolution notamment chez les enfants de moins
de 1 an. [7]. C’est donc un véritable défi pour le clinicien que d’identifier parmi tous ces
jeunes patients fébriles ceux qui ont une infection bactérienne comme une pneumonie, une
infection urinaire, une bactériémie, une méningite, une infection ostéo-articulaire et relèvent
d’un traitement antibiotique urgent. Contrairement à l’adulte, les difficultés du jeune enfant
218
E. LAUNAY, E. MARTIN, T. BLANCHAIS, R. ASSATHIANY, A.
MARTINOT, M. CHALUMEAU, C. GRAS-LE GUEN
à décrire certains symptômes (céphalées, courbatures, douleurs …) compliquent l’interprétation
des données de l’interrogatoire et renforcent la valeur diagnostique de l’examen clinique qui
constitue un élément clef dans l’évaluation du risque d’infection bactérienne [8]. Ces spécificités
séméiologiques constituent une difficulté supplémentaire pour les médecins consultés en
soins primaires qui ne sont pour la plupart pas pédiatres. Alors qu’il n’est bien sûr ni possible
ni souhaitable d’admettre tous les enfants fébriles aux urgences, ni de les soumettre à un bilan
biologique systématique, il est indispensable de pouvoir identifier au plus vite ceux qui
présentent une infection bactérienne afin de débuter en urgence une antibiothérapie efficace
car les conséquences d’un retard thérapeutique peuvent être graves [7]. Il a en effet été
démontré que la détection précoce et la rapidité de la prise en charge adaptée des infections
sévères (notamment l’administration précoce d’une antibiothérapie adaptée et d’un soutien
hémodynamique) réduisaient très significativement leur morbidité et leur mortalité [9-12].
SOINS SUB-OPTIMAUX
En 1999, l’Institute of Medicine publiait un rapport indiquant que les erreurs médicales
étaient à l’origine de 44000 à 98000 morts par an aux USA, ce qui les classait entre la 3ème et
la 8ème cause de mortalité aux USA [13]. Ce rapport suggérait une analyse systémique de ces
erreurs afin d’améliorer la qualité des soins. Les infections bactériennes sévères apparaissent
dans ce contexte comme un exemple propice à l’étude des soins sub-optimaux en pédiatrie,
puisqu’il existe des recommandations standardisées pour le diagnostic et le traitement de ces
infections bactériennes sévères (IBS) [14], publiées et largement diffusées [15,16] depuis de
nombreuses années.
La méthodologie de l’analyse des soins sub-optimaux repose sur trois principaux
types d’approches qui sont les revues de morbi-mortalité, les audits cliniques et les enquêtes
confidentielles avec comité d’experts. Cette dernière approche est l’étude systématique d’un
évènement grave précisément défini, réalisée à distance de l’évènement, pour en faire l’analyse
médicale objective et notamment pour étudier précisément le parcours de soins d’un patient.
Le caractère confidentiel est assuré vis-à-vis des personnes (patients et soignants) et structures
de soins impliquées durant l’analyse de l’optimalité des soins réalisés par comparaison à des
soins de référence. Cette analyse de l’optimalité des soins est menée par un groupe de spécialistes
(comité d’experts) extérieurs à l’évènement mais concernés par la question. L’objectif est
d’établir un bilan, tirer des conclusions et émettre un avis et/ou des recommandations destinées
à un large public médical et de décideurs de santé publique pour l’amélioration des soins.
Cependant, la lourdeur de sa mise en place ne permet de l’envisager que pour des évènements
graves, dans le cadre de programmes de recherche ou de politiques nationales.
DIABACT : ENQUETE EN POPULATION DANS LE GRAND OUEST
Certains auteurs ont souligné la fréquence des soins sous-optimaux dans les méningococcémies ou les infections invasives à pneumocoque, et l’existence d’erreurs systémiques de
prise en charge [12, 17-19]. Le retard d’administration de l’antibiothérapie, la non reconnaissance
ou la sous-évaluation de la gravité du choc sont autant de facteurs de risque de mortalité dans
les infections invasives. Han et al. a ainsi montré, dans une étude rétrospective sur la prise en
charge du choc septique pédiatrique, que chaque heure de persistance du choc augmentait
EVITABILITE DES INFECTIONS BACTERIENNES SEVERES DE L’ENFANT
219
par deux le risque de mortalité [11]. Trente pour cent des médecins ne suivaient pas les
recommandations récentes de prise en charge qui, lorsqu’elles étaient appliquées, augmentaient
considérablement les chances de survie. Cependant les résultats de ces études sont limités par
leur restriction à l’analyse des IBS liées uniquement au méningocoque [12, 17, 18] qui ne
représentent que 34 % des décès par infection bactérienne sévère en France [20], ou uniquement
au pneumocoque [19], leur recrutement hospitalier exposant à des biais de sélection [17] ou
une définition arbitraire (plus d’une consultation avant le diagnostic) des soins sub-optimaux [19].
Une enquête confidentielle rétrospective en population a évalué la fréquence des soins
sub-optimaux dans la prise en charge d’enfants décédés d’infections bactériennes entre janvier
2000 et mars 2006 dans deux départements (Loire Atlantique et Vendée) [21]. L’optimalité
des soins a été évaluée indépendamment par un pédiatre libéral et un pédiatre hospitalouniversitaire qui ont analysé des fiches anonymisées de synthèse horodatées mentionnant les
symptômes ainsi que les actions menées en réponse par les parents et les médecins. Parmi les
21 enfants décédés étudiés, l’âge médian était de 2 ans (écart inter-quartile [0,8-2,8]). Les
diagnostics finaux étaient : purpura fulminans (n=11), méningite (n=7), pleuropneumopathie
(n=2), septicémie sur pyélonéphrite aiguë (n=1). Les germes retrouvés étaient : Neisseria
meningitis dans 12 cas (57 %) dont 5 sérotypes B, 3 sérotypes C et 4 dont le sérotype n’a
pu être identifié, Streptococcus pneumoniae dans 3 cas (14 %), et Streptococcus pyogenes,
Mycoplasma pneumoniae, Salmonella enterica et Escherichia coli (1 cas chacun). Les parcours
de soins des 21 enfants étaient très variés. Le premier recours médical était un médecin
généraliste pour 12 enfants (57 % ; IC95 % : 35 %-79 %), des équipes médicales mobiles
pour 6 enfants et un service d’urgences pédiatriques pour 3 enfants. Quinze enfants (71 %
[IC95 % : 50-92 %]) ont été hospitalisés ou adressés vers une structure hospitalière après leur
première consultation médicale. Six enfants (29 % [IC95 % : 8-50 %]) sont rentrés à domicile
après leur première consultation. Seize enfants (76 % [IC95 % : 57-95 %]) présentaient au
moins un des signes de gravité dès la première consultation (purpura, hypotonie, vigilance
altérée). L’évaluation de l’optimalité des soins a conclu au caractère sub-optimal de seize prises
en charge sur 21 (76 % [IC95 % : 57-95 %]). Un retard au recours médical par les parents
a été relevé dans 7 cas (33 % [IC95 % : 12-54 %]), en raison d’une absence de consultation
rapide devant un purpura pour 2 enfants, d’un changement de comportement inquiétant
pour 3 autres, et d’une fièvre évoluant depuis plus de 48 heures avant la première consultation
pour 2 enfants. Un de ces sept retards au recours médical était le seul défaut de prise en charge
relevé dans le parcours de soins. Le caractère sub-optimal de la prise en charge de 16 enfants
était lié à la partie médicale de celle-ci dans 15 cas. Les principaux défauts relevés étaient d’ordre
diagnostique (31 %) et thérapeutique (57 %). Les typologies des erreurs les plus fréquentes
étaient la sous-évaluation de la gravité initiale (29 %), le retard à l’administration du traitement
adapté. L’antibiothérapie n’était injectée que dans 1 cas sur 5 des indications recommandées
par la circulaire sur le purpura fulminans, et le remplissage vasculaire en cas de sepsis était
absent (24 %), insuffisant (24 %) et/ou non renouvelé malgré son échec (14 %). Tous les
différents types d’intervenants avaient produit des soins sub-optimaux : 8 erreurs attribuées
aux médecins libéraux, 9 aux équipes médicales mobiles et 11 aux médecins des urgences
(adultes (5) et pédiatriques (6)). Cette étude préliminaire s’est poursuivie par la comparaison
à un groupe de 93 enfants hospitalisés en réanimation durant cette même période d’étude
mais ayant survécu à l’infection bactérienne. Les résultats préliminaires de cette étude montrent
que les enfants décédés étaient plus jeunes (moyenne 2,4 ans vs 4,4, p = 0,006). Les enfants
décédés présentaient plus souvent des troubles hémodynamiques au premier recours médical
(42 % vs 18 % des survivants, p < 0,05). Vingt-quatre % [IC95 % : 5,6-42] des décédés et
10 % [IC95 % : 3,7-15,7] des survivants (p = 0,075) étaient considérés comme pris en charge
de façon optimale. Cependant ces résultats préliminaires sont exprimés en taux de prise en
220
E. LAUNAY, E. MARTIN, T. BLANCHAIS, R. ASSATHIANY, A.
MARTINOT, M. CHALUMEAU, C. GRAS-LE GUEN
charge globale sub-optimale rapportée au nombre de prise en charge totale (et donc de
patients). Une étude de la densité de soins sub-optimaux rapportée au nombre d’occasions
de soins serait un reflet plus juste de la réalité et nous permettrait de nous défaire du biais lié
au fait que les patients les moins graves ont une évolution plus lentes et donc plus d’occasions
de soins que les patients avec une évolution fulminantes. Cette étude préliminaire rétrospective
se poursuit depuis 2009 par une étude prospective multicentrique au sein des hôpitaux
universitaires du Grand Ouest.
CONCLUSION
L’évitabilité des infections bactériennes sévères de l’enfant est une préoccupation partagée
par tous les soignants intervenant auprès de jeunes enfants fébriles. L’approche faussement
sécuritaire qui pourrait être faite en recourant à une surconsommation des services d’urgences
pédiatriques et une prescription antibiotique large et massive serait dangereuse en termes
d’écologie bactérienne, de pression de sélection, de perturbation dans l’implantation de la flore
chez le nourrisson et désastreuse en terme de santé publique. Seule une approche raisonnée
basée sur des études cliniques peut permettre d’élaborer des messages pédagogiques destinés
aux médecins et futurs médecins. Ces « feux rouges » (figure), établis à partir de la mise en
évidence de situations à risque d’erreurs diagnostiques et thérapeutiques doivent être relayés
et enseignés auprès des praticiens en exercice et en formation. L’éducation et l’information
du grand public et donc des parents, comme cela a été fait au Royaume-Uni avec la méningococcémie [22] est aussi un outil indispensable à l’optimisation de la prise en charge précoce
des infections bactériennes sévères.
AUTEURS :
Elise LAUNAY1, Elise MARTIN2, omas BLANCHAIS3, Rémy Assathiany4, Alain Martinot5,
Martin CHALUMEAU6,7, Christèle GRAS-LE GUEN8
1
: Clinique médicale pédiatrique, Hôpital de la Mère et de l’Enfant, CHU Nantes.
2
: Service de Pédiatrie, CH de Cayenne,
3
: Service de pédiatrie générale, Centre Hospitalier Départemental de la Roche-sur-Yon, France
4
: Association pour le Recherche et l’Enseignement en Pédiatrie Générale, Cabinet de Pédiatrie, Issy-les-Moulineaux
5
: Unité d’urgences pédiatriques et de maladies infectieuses, Hôpital R. Salengro, CHU de Lille, Université de Lille-2,
Lille
6
: Unité INSERM U953, Recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants, Paris
7
: Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Necker Enfants Malades; Université Paris Descartes ; AP-HP.
8
: Urgences pédiatriques, Hôpital de la Mère et de l’Enfant, CHU Nantes, UFR Médecine, université de Nantes.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Christèle GRAS-LEGUEN - [email protected]
EVITABILITE DES INFECTIONS BACTERIENNES SEVERES DE L’ENFANT
221
Figure : Quelques exemples de « feux rouges » en pédiatrie destinés à l’enseignement des médecins
et futurs médecins au CHU de Nantes
1. Fièvre élevée et douleur abdominale chez un petit enfant : éliminer une pneumopathie à l’aide d’une radiographie
thoracique.
2. Une boiterie fébrile est une infection ostéo-articulaire jusqu’à preuve du contraire et nécessite un avis chirurgical.
3. Tout enfant drépanocytaire présentant une fièvre, une douleur aiguë, une anémie aiguë, une symptomatologie
respiratoire, un priapisme nécessite une prise en charge spécialisée en urgence (hydratation, antibiotiques et
antalgiques).
4. A la lecture d’une NFS, vérifier systématiquement le nombre de lymphocytes avant 2 ans : chez un nourrisson
dont la croissance est altérée et qui présente des infections ORL ou respiratoires à répétition : lymphopénie
< 1000/mm = déficit immunitaire = urgence diagnostique et thérapeutique.
5. Toute convulsion fébrile avant l’âge d’un an doit faire évoquer le diagnostic de méningite bactérienne en
premier lieu.
6. L’absence de raideur de nuque chez le nourrisson ne doit pas faire éliminer le diagnostic de méningite
(remplacée par une hypotonie axiale).
7. Orienter systématiquement tout nouveau-né (premier mois de vie) fébrile vers un centre hospitalier (55 %
d’infections bactériennes) pour un bilan biologique (hémoculture, ECBU, ponction lombaire) et une antibiothérapie par voie intraveineuse.
8. Administrer impérativement de la ceriaxone en pré-hospitalier à un enfant fébrile qui présente un purpura
extensif et nécrotique.
9. Toujours appeler le 15 pour prendre en charge un enfant qui présente un purpura extensif et nécrotique
(ne pas se contenter de demander à ses parents de se rendre aux urgences).
10. Rechercher systématiquement des signes de gravité en examinant un enfant fébrile : on ne trouve que ce
que l’on cherche ! (Score de Glasgow ≥14, existence d’un purpura, tachycardie excessive, allongement du
temps de recoloration cutanée, teint gris).
11. Suspecter une encéphalite devant une ou des convulsions unilatérales avec fièvre et persistance de troubles
de la conscience au décours : hospitaliser et débuter au plus vite l’acyclovir IV.
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223
PROCALCITONINE ET
PNEUMONIES AIGUES COMMUNAUTAIRES
par
J. COHEN, M. CHALUMEAU, J. RAYMOND, D. GENDREL
INTRODUCTION
D'après l’OMS, les pneumonies aiguës communautaires (PAC) sont une des principales
causes de mortalité pédiatrique de cause infectieuse dans le monde. Les PAC entraînent
4 millions de décès par an dans le monde dont 1,6 millions chez des enfants de moins de 5 ans [1].
Les agents infectieux les plus souvent responsables de PAC chez l’enfant sont Streptococcus
pneumoniae, Haemophilus influenzae, Mycoplasma pneumoniae, Branhamella catarrhalis, les
Chlamydiae et les virus respiratoires, dont en premier lieu le virus respiratoire syncytial (VRS).
Dans nos pays la principale préoccupation demeure S pneumoniae qui serait responsable de 15
à 50 % des PAC hospitalisées de l’enfant et de 5 à 30 % des formes vues en ambulatoire dans
les pays occidentaux en raison de la disparition quasi complète des infections invasives à H
influenzae avec la généralisation du vaccin pentavalent et de la raréfaction des staphylococcies
pulmonaires. En plus de leur fréquence élevée, les PAC à S pneumoniae sont les PAC les plus
sévères et restent d’actualité malgré le vaccin conjugué (Prevenar) car les sérotypes nonvaccinaux circulent de façon importante [2].
Le diagnostic étiologique des PAC est difficile en raison des obstacles pour identifier le
pathogène et d'en affirmer l'imputabilité dans la PAC, et les marqueurs de l’infection, et en
premier lieu la procalcitonine (PCT) semblent pouvoir aider le clinicien à identifier les PAC
à S pneumoniae et à en prévoir l’évolution.
DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE DES PAC DE L'ENFANT
Les germes les plus fréquemment retrouvés dans les PAC de l'enfant sont les virus respiratoires
et en premier lieu le VRS, S pneumoniae et Mycoplasma pneumoniae. Au niveau microbiologique,
les hémocultures sont très rarement positives (5-10 % des cas) et leur résultat n’est disponible
qu’au bout de 48 heures. Il a par exemple fallu 10 ans à une enquête nationale finlandaise pour
rassembler 85 observations pédiatriques de PAC avec hémoculture positive à S pneumoniae [3].
La répétition des hémocultures peut être bénéfique. Dans une étude à l’hôpital SaintVincent-de-Paul à Paris, nous avions montré que chez 12 patients avec hémoculture positive
ayant subi deux prélèvements à 30 minutes d’intervalle, une seule était positive aux deux
prélèvements [4].
La significativité des autres tests microbiologiques couramment employés est controversée
224
J. COHEN, M. CHALUMEAU, J. RAYMOND, D. GENDREL
car ces techniques ne permettent pas d’affirmer l’imputabilité du germe mis en évidence. En
ce qui concerne l'examen de crachats, obtenir chez l’enfant des échantillons interprétables
est techniquement difficile et les contraintes pour assurer la fiabilité nécessaire à prouver l’origine
pulmonaire basse du prélèvement (numération des germes, des polynucléaires et des cellules
épithéliales) imposent un travail important pour des résultats incertains. L'antigénurie pneumococcique (Binax NOW, Inverness Medical), l'examen virologique des sécrétions nasopharyngées et les sérologies bactériennes et virales sont difficiles à interpréter en raison du
phénomène de portage pharyngé chronique de pathogènes tant viraux que bactériens. Chez
l’enfant jeune, la moitié des porteurs asymptomatiques de S pneumoniae ont une antigénurie
positive [5], et ces porteurs peuvent représenter jusqu’à 70 % d’une population d’enfants de
moins de 3 ans [6]. De même, les tests sérologiques (principalement utilisés dans des études
scandinaves) peuvent être positifs chez l’enfant en raison du phénomène de portage pharyngé
et rester positifs plusieurs semaines après une otite moyenne aiguë à S pneumoniae.
La radiographie de thorax manque aussi de spécificité et ne permet pas de distinguer
clairement entre PAC virale ou bactérienne : 20 % des PAC avec hémoculture positive à
S pneumoniae sont bilatérales, et la classique pneumonie franche lobaire aiguë concerne 30 %
des virus et 40 % des PAC à M pneumoniae [7,8].
Les marqueurs classiques de l'inflammation, CRP et numération des leucocytes,
sont peu spécifiques et ne permettent pas non plus de distinguer entre origine virale ou
bactérienne de la PAC [9-11]. La CRP est significativement plus élevée en cas de PAC à
S pneumoniae mais il existe un chevauchement important des distributions de valeurs qui
empêche de distinguer clairement les différents germes entre eux (Figure 1). Chez les enfants
hospitalisés pour PAC, la CRP est supérieure à 50 mg/L dans 80 % des cas avec hémocultures
positives, mais également dans 15 % des PAC virales et 20 % des PAC à M pneumoniae.
LA PCT, MARQUEUR D'INFECTION BACTERIENNE
Les équipes de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul et de l'Institut Gustave-Roussy ont
découvert dans les années 1990 que la PCT était élevée au cours des infections bactériennes
tandis que les concentrations sériques de PCT restaient basses en cas d’infection virale, même
sévère [12]. Plusieurs auteurs ont par la suite montré qu’une PCT élevée était un marqueur
spécifique des bactériémies et des sepsis sévères aux urgences tant chez l’adulte que chez
l’enfant [13].
En situation expérimentale simulant une infection bactérienne (injection de toxines
bactériennes ou de TNFα), la PCT est sécrétée par différents tissus et son taux sanguin augmente
alors d’un facteur 102 à 104. Le pic sérique est atteint en 6 à 8 heures, puis vient une phase de
plateau de 24 h, puis une diminution de 50 %/24 h après arrêt de la stimulation inductrice.
Les études en situation clinique montrent que la PCT est élevée en cas d’infection bactérienne
sévère ou invasive et baisse rapidement sous traitement antibiotique adapté alors qu'elle ne
s’élève que de façon inconstante au cours des infections bactériennes localisées sans caractère
invasif. Ainsi, la PCT représente le meilleur marqueur biologique pour différencier méningites virales et méningites bactériennes chez l'enfant [14] alors qu'elle s'élève rarement dans
les pleurésies purulentes séquellaires des PAC : l’empyème pleural est alors un abcès exclu de
la circulation, sans signes d’invasivité [15].
PROCALCITONINE ET PNEUMONIES AIGUES COMMUNAUTAIRES
225
LA PCT, MARQUEUR DE L’ORIGINE PNEUMOCOCCIQUE DES PAC
En raison de ses propriétés, la PCT semble être un candidat de choix pour distinguer
entre PAC bactérienne et virale. Les études portant sur les performances diagnostiques de la
PCT dans les PAC de l'enfant ont montré des résultats discordants [9,15-20] : généralement
la PCT a une bonne sensibilité, supérieure à celles de la CRP ou de la leucocytose, mais un
pouvoir discriminant parfois insuffisant car des valeurs basses ne sont pas rares dans des
situations où l’infection bactérienne respiratoire reste probable. Cependant, dans la plupart
de ces études, la distinction entre PAC virales et bactériennes était basée sur des méthodes
diagnostiques hétérogènes et discutables (tests sérologiques, antigènes urinaires). Les valeurs
de PCT retrouvées au cours des quelques bactériémies rapportées étaient élevées mais la PCT
était basse dans les cas où le diagnostic d’infection à S pneumoniae était porté sur la base de
tests sérologiques. Quand le diagnostic d’origine pneumococcique des PAC était affirmé
par la positivité des tests d’antigènes urinaires, les résultats de PCT variaient largement entre
valeurs basses et très élevées.
La première étude menée à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, en recrutant pendant 4 ans
les patients hospitalisés pour PAC, a permis de montrer qu’une PCT élevée était un très bon
prédicteur d’hémoculture positive à S pneumoniae. La PCT était supérieure à 4 ng/mL chez
9 patients sur les 10 avec bactériémie (le dixième avait une PCT à 2,3 ng/mL), et seulement
10 % des enfants avec PAC à M pneumoniae ou virale (figure 2) avaient une PCT supérieure
à 4 ng/mL. Dans cette série, les examens bactériologiques des crachats (numération des
germes, des polynucléaires et des cellules épithéliales) montraient également que la PCT était
un bon marqueur de l’origine pneumococcique vraisemblable de la PAC [16].
Une série brésilienne prospective a également montré sur un nombre plus important de
malades qu’une PCT élevée était un marqueur prédictif de bactériémie au cours des PAC de
l'enfant [21]. La plus importante étude de ce type concerne les adultes et a analysé prospectivement les données de 925 patients atteints de PAC, dont 73 avec hémocultures positives.
Les résultats montrent que la PCT est le meilleur prédicteur de positivité de l’hémoculture en
cas de PAC [22]. Cependant, les seuils discriminants proposés chez l'adulte sont systématiquement plus bas que chez l’enfant, de l’ordre de 0,5 à 1 ng/mL contre 2 à 3 ng/mL respectivement.
Il est donc largement admis que des taux de PCT élevés sont un fort argument de l’origine
bactérienne des PAC et quand un virus ou M pneumoniae sont isolés et que la PCT est supérieure
à 3 ng/mL, une surinfection à S pneumoniae reste hautement probable en raison des
fréquentes co-infections virus-bactérie. Des auteurs américains recommandent même de ne
pas inclure les patients avec une PCT basse dans les essais cliniques évaluant l’efficacité des
antibiotiques pour le traitement des PAC à S pneumoniae [23]. Ces résultats concernant
la PCT ont également conduit les équipes suisses à mener un essai randomisé dans lequel
la prescription d'antibiotiques était basée sur la PCT (antibiotique en cas de PCT > 0,25 ng/mL)
dans le premier bras alors que dans l'autre bras les cliniciens n'utilisaient pas la PCT pour guider
leur choix thérapeutique. Dans les deux groupes l’évolution a été identique, mais la stratégie
basée sur la PCT permettait de diminuer de 35 % les taux de prescriptions d'antibiotiques [24].
LA PCT, MARQUEUR DE L’EVOLUTION DES PAC
La baisse rapide de la PCT est un excellent témoin de l’efficacité des antibiotiques dans
les infections bactériennes et représente donc également un facteur pronostique. Cette baisse
a été utilisée par des équipes de réanimation pour réduire la durée des antibiotiques chez les
226
J. COHEN, M. CHALUMEAU, J. RAYMOND, D. GENDREL
patients infectés ou les éviter chez des patients à bas risque d'infection bactérienne. Différentes
équipes ont pu montrer que la baisse rapide de la PCT permettait un arrêt précoce des antibiotiques,
une réduction globale de la consommation d'antibiotiques et une diminution de la durée de
séjours en soins intensifs sans aggravation de l’évolution des patients.
Dans les PAC de l'enfant, la PCT dosée à l'arrivée du patient est probablement utile pour
prédire la réponse au traitement antibiotique. Dans la série finlandaise de 85 enfants avec
hémoculture positive à S pneumoniae, le traitement antibiotique a entraîné une apyrexie en
48 heures dans 95 % des cas. Cinq enfants sont restés fébriles après 48 h de traitement : trois
avaient constitué un épanchement pleural, les autres avaient une pathologie neurologique sévère
associée, et un encombrement respiratoire important [3].
Les résultats préliminaires d'une étude rétrospective conduite à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul
sur l'intérêt de la PCT chez 125 enfants hospitalisés pour PAC montrent que la PCT à l'arrivée
du patient est le meilleur marqueur prédictif de la réponse au traitement par bêta-lactamine en
comparaison aux autres marqueurs biologiques de routine (leucocytose, CRP). Dans cette série,
94 % des enfants ayant une PCT ≥ 3 ng/mL ont été apyrétiques en moins de 48 h sous traitement
et 3 des 4 enfants n'ayant pas répondu au traitement en moins de 48 heures avaient développé un
épanchement pleural parapneumonique et le 4ème avait une probable co-infection virus-bactérie
(PCR Bocavirus positive et Binax urinaire positif ) (Figure 3).
Dans une précédente série d’enfants vaccinés avec le vaccin conjugué (Prevenar) et
hospitalisés pour une PAC, les patients avec une PCT ≥ 4 ng/mL étaient pour la quasi-totalité
apyrétiques en 48 h sous traitement [25]. Ils ont été considérés comme ayant une PAC à
S pneumoniae hautement probable, ce qui a été confirmé par une enquête plus étendue montrant
que toutes les souches de S pneumoniae isolées par hémoculture chez les enfants vaccinés
étaient des sérotypes non-vaccinaux [2].
L’UTILISATION DE LA PCT EN PRATIQUE
Le dosage de la PCT est aisé puisque des mesures automatiques sont disponibles, mais
les contraintes de brevet limitent encore sa diffusion à l’ensemble des systèmes de dosage. La
véritable adaptation à l’urgence passera par un test de diagnostic rapide sur sang total qui est
en préparation (la micro-méthode actuelle nécessite une centrifugation préalable). Surtout,
la signification des valeurs intermédiaires, entre 0,1 et 1 ng/mL, n’est pas claire. Chez l’enfant,
des chiffres inférieurs à 0,5 ng/mL sont un bon argument pour une infection virale. Chez
l’adulte les valeurs très élevées sont plus rares que chez l’enfant et des taux de 0,1 à 0,5 ng/mL
ont été proposés comme argument en faveur d’une infection bactérienne. Ces hésitations
montrent bien que ces résultats ne peuvent être considérés indépendamment de la clinique.
En pratique, il existe à l’heure actuelle suffisamment d’éléments démontrant qu’une PCT
élevée est un bon marqueur de l’origine bactérienne, et avant tout pneumococcique, des PAC
mais la PCT ne semble pas être en mesure à elle seule de distinguer entre les différents agents
des PAC de l'enfant. D'autres études sont nécessaires avant de pouvoir intégrer la PCT à une
stratégie antibiotique chez l'enfant et pour l'instant, les recommandations européennes et
américaines laissent peu de place à une absence complète d’antibiothérapie.
Au total, la place de la PCT dans la prise en charge des PAC de l'enfant reste à préciser
mais les données actuelles confirment son intérêt diagnostique et pronostique. Il faut toutefois
rappeler que quel que soit son intérêt la mesure de la PCT ne constitue qu'un élément d'orientation
complémentaire de la clinique.
PROCALCITONINE ET PNEUMONIES AIGUES COMMUNAUTAIRES
AUTEURS :
Jérémie Cohen1, Martin Chalumeau1, Josette Raymond2, Dominique Gendrel1
1
Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris ;
2
Service de Microbiologie, Hôpital Cochin, Paris.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dominique Gendrel – [email protected]
Figure1. Distribution des taux de CRP et de PCT en fonction du germe identifié (d’après 4)
227
228
J. COHEN, M. CHALUMEAU, J. RAYMOND, D. GENDREL
Figure 2. Prédiction de la réponse au traitement par bêta-lactamines
grâce à la PCT (hôpital Saint-Vincent-de-Paul)
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230
231
MISES AU POINT
232
233
PATHOLOGIES DU SURFACTANT ET
DETRESSES RESPIRATOIRES PROCHES DU TERME
par
F. FLAMEIN, L. GUILLOT, R. EPAUD
INTRODUCTION
Les pathologies respiratoires associées à une anomalie du métabolisme du surfactant
pulmonaire constituent un groupe hétérogène de maladies respiratoires rares. Elles sont
responsables d'une altération de l'ensemble des fonctions de l'unité alvéolo-capillaire pulmonaire
conduisant à l’apparition d’une hypoxie, d’un syndrome restrictif et d’une surcharge alvéolointerstitielle diffuse révélée à l’imagerie. Des mutations présentes dans le gène de la protéine
B du surfactant (SP-B) ont été initialement décrites chez des enfants à terme atteints d’une
détresse respiratoire néonatale (DRNN) sévère [1]. Plus récemment, des mutations dans
d’autre protéines constitutives du surfactant comme la protéine C du surfactant (SP-C), ou
impliquées dans son métabolisme, comme l’ATP-binding cassette, subfamily A, member 3
(ABCA3) ou le facteur de transcription NKX2-1 (NK2 homeobox 1), également appelé
TTF-1 (yroid Transcription Factor-1), ont été mises en évidence chez des nouveau-nés
présentant une détresse respiratoire sévère [2-5].
Cette revue fait le point des connaissances sur les différentes protéines impliquées dans
le métabolisme du surfactant, leurs circonstances diagnostiques, et précise leur contribution
respective dans les détresses respiratoires néonatales sévères.
PATHOLOGIES LIEES AU SURFACTANT PULMONAIRE
Les anomalies du surfactant peuvent être réparties en trois groupes :
Un déficit transitoire en surfactant par défaut de synthèse
lié à une immaturité pulmonaire
Le déficit primaire est alors responsable d’une détresse respiratoire appelée maladie des
membranes hyalines (MMH). Il s’agit d’un déficit transitoire puisque, après un délai de deux
à trois jours, les cellules alvéolaires de type II synthétisent dans la plupart des cas une quantité
suffisante de surfactant. La maturation pulmonaire anténatale (corticothérapie anténatale)
et le traitement par surfactant exogène ont complètement transformé le pronostic de cette
affection [6].
234
F. FLAMEIN, L. GUILLOT, R. EPAUD
Des anomalies primaires du surfactant
Ce sont des déficits congénitaux avec une atteinte respiratoire d’intensité variable. Elle
peut être sévère, responsable d’une détresse respiratoire rapidement létale mais également
beaucoup plus tardive avec développement progressif d’une pathologie respiratoire chronique.
Des mutations sur les gènes codant pour SP-B, ABCA3 et parfois SP-C ont été retrouvées
associées à ces tableaux cliniques [2-5].
Un déficit lié à une destruction secondaire du surfactant chez un sujet ayant
au départ une synthèse de surfactant normale
Ces situations touchent aussi bien le nouveau-né à terme que l’enfant plus grand et
l’adulte et sont décrites également chez le prématuré mais après la phase transitoire de déficit
primaire [7]. Ce déficit secondaire est également le plus souvent transitoire et d’une durée
variable selon la cause et l’évolution. Il peut s’expliquer par plusieurs mécanismes : perturbation
de la synthèse du surfactant, anomalies de son métabolisme alvéolaire, inactivation par des
molécules inhibitrices, modifications biochimiques du surfactant. Ces mécanismes sont mis
en œuvre dans des affections variées : hypoxie, inhalation méconiale, infection pulmonaire
ou barotraumatisme. Ces situations peuvent bénéficier d’un traitement par surfactant exogène
qui est cependant encore mal codifié.
GENES IMPLIQUES DANS LES PATHOLOGIES DU SURFACTANT
Les principales mutations intéressent les gènes SFTPB, SFTPC, ABCA3 et NKX2-1. Les
caractéristiques de ces atteintes génétiques sont détaillées dans le tableau 1.
SFTPB
Le gène codant pour SP-B est le gène SFTPB, situé sur le bras court du chromosome
2 humain. Ce gène contient 11 exons, mais seuls les 10 premiers sont transcrits pour former
un ARN messager (ARNm) d’environ 2 kb. SFTPB code pour un pro-peptide (pro-SP-B)
qui, après glycosylation, subit plusieurs étapes protéolytiques qui donneront naissance à la
protéine SP-B mature. La protéine SP-B est stockée, associée aux phospholipides dans les
corps lamellaires, puis sécrétée dans la lumière alvéolaire où elle permet la stabilisation du
film lipidique, aboutissant à une réduction de la tension de surface des alvéoles. Par ailleurs,
SP-B ou son précurseur pro-SP-B régulent le métabolisme du surfactant en jouant un rôle
dans la synthèse de SP-C, la formation des corps lamellaires, la production de myéline tubulaire,
la formation du film de surfactant et le recyclage des protéines et des lipides du surfactant.
L’invalidation du gène SFTPB par recombinaison homologue chez la souris entraîne, à l’état
homozygote, une détresse respiratoire létale à la naissance sans anomalie de la morphogénèse
pulmonaire [8].
Le déficit héréditaire en SP-B a été la première cause génétique de DRNN rapportée dans
la littérature. Le tableau classique est une détresse respiratoire précoce (avant la 12ème heure
de vie) chez l’enfant à terme, peu ou pas sensible au traitement par surfactant exogène et à la
ventilation conventionnelle [1]. L’examen radiologique montre des infiltrats alvéolaires diffus,
PATHOLOGIES DU SURFACTANT ET
DETRESSES RESPIRATOIRES PROCHES DU TERME
235
un collapsus alvéolaire avec un bronchogramme aérien ou un infiltrat réticulaire (Figure 1A).
Plus de 30 mutations du gène SFTPB ont été identifiées chez des patients atteints de
déficit congénital en SP-B. Parmi ces mutations, la mutation 121ins2 (g.1549C en GAA ou
c.361C en GAA) dans l’exon 4 est la plus fréquente. Elle se trouve à l’état homozygote ou
associée à d’autres mutations de SFTPB [9]. Les individus porteurs d’une mutation à l’état
hétérozygote ont une fonction pulmonaire normale et sont indemnes d’atteinte respiratoire.
SFTPC
SFTPC est le gène codant pour la protéine SP-C. Il est situé sur le bras court du
chromosome 8 humain et contient 6 exons. Seuls les 5 premiers exons sont transcrits, et la
protéine mature est codée par l’exon 2. SP-C est exprimée spécifiquement par les pneumocytes
II, et est synthétisée sous la forme d’une pro-protéine (pro-SP-C) de 197 acides aminés. La
protéine mature comprend 35 acides aminés et a un poids moléculaire de 3 kDa. SP-C mature
est exceptionnellement riche en acides aminés hydrophobes (valine, leucine, isoleucine) : c’est
la plus petite mais aussi la plus abondante des protéines hydrophobes. Elle possède 2 domaines :
un domaine extracellulaire en C-terminal qui correspond au domaine BRICHOS, et un domaine
N-terminal intracellulaire. Le domaine BRICHOS est un domaine très conservé composé
d’une centaine d’acides aminés et retrouvé dans plusieurs protéines impliquées dans des
pathologies prolifératives et dégénératives [10]. Comme SP-B, SP-C interagit de façon étroite
avec les phospholipides du surfactant, améliore leur répartition et leur stabilité, facilite le
recrutement des lipides jusqu’à la couche multi-lamellaire et augmente le recyclage des lipides
du surfactant par les pneumocytes II.
L’invalidation de SP-C chez la souris a des conséquences beaucoup moins graves que
l’invalidation de SP-B, mais entraîne néanmoins des altérations de la stabilité du surfactant
et, pour certains fonds génétiques (129/Sv), une pathologie interstitielle sévère avec perte
d’alvéoles, inflammation et remodelage vasculaire indiquant le rôle important de SP-C pour
le maintien des structures et de la fonction pulmonaire [11].
Chez l’homme, une mutation de SP-C a été initialement associée à une pathologie
respiratoire néonatale très semblable à celle observée dans les déficits en SP-B [2]. Plus
récemment, plusieurs mutations de SP-C ont pu être mises en évidence comme étant responsables
de pathologies respiratoires chroniques du nourrisson et de l’enfant, voire de l’adulte [2,12].
Ces mutations sont toujours observées à l’état hétérozygote, avec dans la moitié des cas environ
des formes familiales. La mutation la plus fréquemment observée est la mutation p.Ile173r
(I73T). Le phénotype associé aux mutations de SFTPC est éminemment variable. En effet,
des formes néonatales pouvant conduire à un décès dans les premières années de vie, comme
des formes tardives de l’adulte, peuvent être observées [3].
L’extrême variabilité dans l’âge du début de l’atteinte pulmonaire pourrait être expliquée
par la survenue d’agressions environnementales, telles qu’une infection virale par le virus
respiratoire syncitial (VRS) [13]. Une autre hypothèse pour expliquer la variabilité de
l’atteinte pulmonaire dans les déficits en SP-C est l’association à des mutations codant pour
d’autres protéines impliquées dans la synthèse de SP-C mature comme SP-B ou ABCA3 [14].
Le tableau classique chez l’enfant associe une hypoxie avec dyspnée et/ou cyanose survenant
dans les premières semaines de vie. La symptomatologie est souvent révélée ou exacerbée par
une pathologie infectieuse intercurrente, et l’association avec un reflux gastro-œsophagien
parfois sévère et/ou des troubles de la motricité digestive est fréquente. L’imagerie thoracique
retrouve un aspect en verre dépoli évocateur d’atteinte alvéolaire ou alvéolo-interstitielle,
avec secondairement l’apparition d’images kystiques diffuses (Figure 1B) [15]. L’analyse
236
F. FLAMEIN, L. GUILLOT, R. EPAUD
histologique retrouve un épaississement des septa inter-alvéolaires, une accumulation des
macrophages alvéolaires, la présence de matériel intra-alvéolaire, et une hyperplasie des
pneumocytes II. L’immuno-marquage retrouve aussi la présence de SP-B et l’accumulation
de proSP-C.
ABCA3
Le gène ABCA3 codant pour cette protéine est situé sur le bras court du chromosome
16 humain (locus 16p13.3), et contient 33 exons, dont 30 exons codants. La protéine ABCA3
appartient à la famille des protéines transmembranaires ATP-binding cassette (ABC), connue
pour ses propriétés de transporteur à travers la membrane des cellules. ABCA3 est une protéine
composée de 1704 acides aminés, avec un poids moléculaire de 180 kDa. Comme toutes les
protéines ABC, ABCA3 présente une remarquable conservation dans sa séquence et dans
son organisation structurale, caractérisée par une structure en quatre domaines : deux
domaines hydrophobes (extracellulaires), formant le site de reconnaissance du substrat, et
deux domaines hydrophiles conservés (intracellulaires), impliqués dans l'hydrolyse de l'ATP,
source d'énergie du transport. Pendant son processus de maturation, ABCA3 se replie dans
le RE, puis transite dans l’appareil de Golgi où elle est glycosylée. La protéine est ensuite dirigée
vers les corps multi-vésiculaires, précurseurs des corps lamellaires.
La fonction d’ABCA3 comme transporteur lipidique impliqué dans la synthèse et
l’homéostasie du surfactant a été découverte récemment [16]. Un modèle murin déficient
en ABCA3 a ensuite permis d’identifier la phosphatidylcholine (PC) et le phosphatidylglycérol
(PG) comme substrats probables de ce transporteur [17,18]. Par ailleurs, ces animaux
présentent à la naissance une détresse respiratoire immédiate et sévère, entraînant leur mort
dans un délai d’une heure [18].
Les mutations du gène ABCA3 s’expriment sur un mode autosomique récessif. Comme
pour SP-B, le diagnostic de déficit en ABCA3 est suspecté dans les détresses respiratoires du
nouveau-né à terme résistantes au traitement conventionnel [4,19]. L’aspect radiologique est
le même que celui observé dans le déficit héréditaire en SP-B. On observe constamment un
aspect en verre dépoli et une condensation du parenchyme pulmonaire, et fréquemment des
kystes pulmonaires ainsi qu’un épaississement des septa inter-lobulaires (Figure 1C). L’étude
en microscopie optique des biopsies montre une accumulation de produits hyalins associée
à une hyperplasie des pneumocytes II, un épaississement des septa inter-alvéolaires, une
accumulation de macrophages alvéolaires, et plus tardivement une fibrose interstitielle. La
microscopie électronique à transmission révèle des corps lamellaires anormaux présentant
des inclusions denses dans les pneumocytes II [4,19]. Cet élément est assez caractéristique et
peut aider au diagnostic dans l’attente du séquençage génétique.
Le diagnostic définitif est fait par le séquençage complet du gène, bien que sa grande taille
(30 exons codants), ainsi que l’hétérogénéité des mutations, compliquent l’étude génétique.
La mutation p.Glu292Val (E292V) a été retrouvée à l’état hétérozygote chez plusieurs enfants
présentant une pneumonie interstitielle chronique [20] et, plus récemment, des mutations
d’ABCA3 ont été trouvées à l’état hétérozygote et associées à d’autres mutations (SFTPC)
dans des pathologies interstitielles ou alvéolo-interstitielles de l’enfant [20]. Depuis 2004,
un certain nombre de mutations d’ABCA3 a été découvert chez des patients présentant une
DRNN sévère et/ou une PAI. Ces mutations sont souvent responsables d’un phénotype
sévère. Il s’agit de mutations homozygotes ou hétérozygotes, parfois associées à la mutation
fréquente de SFTPC.
PATHOLOGIES DU SURFACTANT ET
DETRESSES RESPIRATOIRES PROCHES DU TERME
237
NKX2-1
La protéine NKX2-1 (également dénommée TTF-1, TITF-1, ou NK2 homeobox 1),
est un membre de la famille des facteurs de transcription NK-2, identifiée initialement comme
une protéine nucléaire capable de fixer la thyroglobuline. Cependant, l’expression de NKX2-1
n’est pas restreinte à la thyroïde, mais intéresse également le cerveau et le poumon [21].
NKX2-1 joue un rôle essentiel dans la formation et le développement pulmonaire et contrôle
la synthèse de SP-B, SP-C et ABCA3 [22]. L’invalidation de NKX2-1 chez la souris entraîne
des anomalies pulmonaires et thyroïdiennes avec agénésie thyroïdienne, transformation du
pallidum en striatum au niveau du thalamus, fistules œso-trachéales et hypoplasie pulmonaire
périphérique, aboutissant à une détresse respiratoire létale à la naissance [23].
Chez l’homme, une mutation du gène NKX2-1 (ou TTF-1) a été associée à un tableau
regroupant, de façon parfois incomplète, des symptômes thyroïdiens (hypothyroïdie parfois
modérée), neurologiques (le tableau le plus fréquent associant hypotonie et chorée bénigne)
et pulmonaires [24]. L’atteinte pulmonaire est caractérisée par une atteinte alvéolaire (Figure
1D) responsable d’une DRNN ou d’une pathologie chronique pulmonaire plus ou moins
sévère [5]. L’étude histologique pulmonaire montre un épaississement des cloisons intercellulaires,
une hyperplasie des pneumocytes II, et l’accumulation de matériel intra-alvéolaire [5].
CIRCONSTANCES CLINIQUES CONDUISANT A RECHERCHER
UN DEFICIT EN SURFACTANT ET MODALITES DIAGNOSTIQUES
Bien qu'il s’agisse de pathologies respiratoires rares, un déficit génétique en protéines du
surfactant est à évoquer soit chez un nouveau-né à terme présentant une détresse respiratoire
sévère réfractaire aux traitements conventionnels, soit chez un enfant présentant une pathologie
alvéolo-interstitielle non étiquetée.
Ces pathologies sont probablement sous-estimées car difficiles à diagnostiquer, notamment
en cas de décès précoce du patient en période néonatale.
L’imagerie est une aide précieuse au diagnostic, puisque tous ces patients ont des anomalies
parenchymateuses sur le scanner thoracique (Figure 1). Par ailleurs, lorsqu’elle est réalisée,
l’analyse histologique de la biopsie pulmonaire de ces patients met également en évidence
une atteinte alvéolaire diffuse d’intensité variable.
L’analyse du lavage broncho-alvéolaire (LBA) en Western-blot permet une analyse qualitative
des protéines SP-B et SP-C et de leurs précurseurs, et peut mettre en évidence certaines anomalies
(diminution de SP-C, accumulation de pro-SP-C), avec toutefois une variabilité interindividuelle. Cet examen a par ailleurs un grand intérêt en cas de suspicion de déficit en SP-B,
car dans ce cas la protéine n’est pas retrouvée.
Enfin, l’analyse génétique avec le séquençage complet des gènes SFTPB, SFTPC, ABCA3
et/ou NKX2-1 est le seul examen permettant de confirmer le diagnostic. Le séquençage complet
des gènes SFTPB, SFTPC et NKX2-1 est réalisé en routine, sur signes d’appel cliniques et/ou
radiologiques. Concernant ABCA3, le séquençage complet est plus difficile à réaliser en routine
en raison des 30 exons codants, mais la recherche de la mutation fréquente E292V est
systématiquement associée au séquençage de SFTPC.
238
F. FLAMEIN, L. GUILLOT, R. EPAUD
PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
Le pronostic du déficit en SP-B et des formes néonatales sévères de déficit en protéine
ABCA3 est, dans la grande majorité des cas, rapidement défavorable. Malgré la ventilation
assistée, le recours aux surfactants exogènes ou à la circulation extracorporelle, les enfants
décèdent le plus souvent dans les premières semaines de vie. Les LBA itératifs n’apportent
aucun bénéfice et la transplantation pulmonaire est difficilement réalisable à cet âge.
La corticothérapie est le traitement de référence du déficit en SP-C. Bien que les mécanismes
expliquant son efficacité ne soient pas encore élucidés, les bolus de corticoïdes par voie
intraveineuse semblent être efficaces et avoir un minimum d’effets secondaires chez des enfants
dont les poumons sont en plein développement. La corticothérapie orale est habituellement
ajoutée initialement entre les cures, puis progressivement arrêtée. La prise en charge nutritionnelle est par ailleurs essentielle chez ces enfants qui ont un travail respiratoire augmenté
et des apports caloriques le plus souvent diminués, du fait des difficultés respiratoires. Le reflux
gastro-œsophagien, fréquemment associé, vient aggraver la symptomatologie respiratoire et
doit également être traité.
Enfin, une des options thérapeutiques prometteuses concerne les macrolides. En effet,
ces antibiotiques ont démontré un certain nombre d'actions anti-inflammatoires et immunomodulatrices. Bien que les mécanismes et les cibles cellulaires spécifiques aux macrolides restent
encore à élucider, des effets bénéfiques ont été rapportés dans plusieurs pathologies pulmonaires
chroniques, y compris dans les broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO)
et la mucoviscidose. Dans une publication récente, il a été décrit une réponse favorable au
traitement avec la clarithromycine chez un patient adulte présentant une pathologie alvéolointerstitielle [25].
CONCLUSION
Même s’il s’agit de pathologies respiratoires rares, les déficits en surfactant pulmonaire
d’origine génétique sont probablement sous-estimés. Les mutations des gènes SFTPB,
SFTPC et ABCA3 conduisent à des anomalies de synthèse du surfactant, entraînant un
dysfonctionnement de la cellule épithéliale de type II. Ces mutations peuvent être responsables
de pathologies néonatales sévères, mais également d’une insuffisance respiratoire chronique
chez l’enfant et parfois même chez l’adulte. Le métabolisme complexe de ces protéines, associant
des modifications post-transcriptionnelles mais également des mécanismes de phagocytose
et de recyclage, suggère l’implication de nombreux facteurs qui restent à préciser. La contribution
des mutations touchant les gènes SFTPB, SFTPC, ABCA3 et NKX2-1 dans les maladies
respiratoires, ainsi que la compréhension des phénotypes associés, nécessitent des investigations
plus approfondies, afin notamment de mettre au point de nouvelles stratégies thérapeutiques.
AUTEURS :
Florence FLAMEIN, Loïc GUILLOT et Ralph EPAUD
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dr Florence FLAMEIN, Chef de Clinique Assistante, Service de Pédiatrie et Réanimation Néonatales, Université
Paris 7 Denis Diderot, Hôpital Robert Debré
Email : florence.fl[email protected]
PATHOLOGIES DU SURFACTANT ET
DETRESSES RESPIRATOIRES PROCHES DU TERME
239
REMERCIEMENTS
Pr Annick Clément, Centre de Référence des Maladies Respiratoires Rares de l’Enfant,
Hôpital Armand Trousseau, Paris
Drs Delphine Feldmann et Laurence Jonard, Service de Biochimie et Biologie Moléculaire,
Hôpital Armand Trousseau, Paris
Pr Yannick Aujard, Service de Réanimation et Pédiatrie Néonatales, Hôpital Robert Debré, Paris
Tableau 1 : Gènes impliqués dans les pathologies du surfactant pulmonaire
Mode
de transmission
Mutation
fréquente
Phénotype
Age de début
des symptômes
SFTPB (2p12)
SFTPC (8p21)
Autosomique récessif
Autosomique dominant
121ins2
I73T
ABCA3 (16p13)
Autosomique récessif
E292V
Naissance
Variable
Naissance
Enfance
NKX2-1 (14q13)
Autosomique dominant
MMH
PAI>MMH
MMH
PAI
Symptômes thyroïdiens,
neurologiques et pulmonaires
Gène
MMH : Maladie des Membranes Hyalines ; PAI : Pneumopathie Alvéolo-Interstitielle
Figure 1 : Scanners thoraciques de patients porteurs de mutations
de SFTPB (A), SFTPC (B), ABCA3 (C), et NKX2-1 (D)
A
B
C
D
Variable
240
F. FLAMEIN, L. GUILLOT, R. EPAUD
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241
FAUT-IL TRAITER UN CANAL ARTERIEL PERSISTANT CHEZ
l’EXTRÊME PREMATURE ?
par
A. ROLLAND, D. DIOMANDE, S. SHANKAR AGUILERA,
V. ZUPAN-SIMUNEK, P. BOILEAU
INTRODUCTION
La persistance du canal artériel (CA) est fréquente chez le prématuré et son incidence
est inversement proportionnelle à l’âge gestationnel. Elle concerne environ deux-tiers des
nouveau-nés de poids de naissance < 1000 g [1] et près des trois-quarts de ceux nés avant
28 semaines d’aménorrhée (SA) [2]. En dépit de nombreux essais cliniques randomisés réalisés
pendant les trois dernières décennies, aucun consensus de prise en charge thérapeutique n’a
été clairement défini. L’efficacité du traitement médical par les inhibiteurs de cyclo-oxygénase
(indométacine et ibuprofène) est démontrée sur la fermeture du CA ou le recours à une ligature
chirurgicale [3]. Néanmoins, les bénéfices chez le nouveau-né prématuré sur des indicateurs
de santé autres que ceux inhérents au traitement restent incertains.
Deux méta-analyses récentes confirment que le traitement prophylactique par indométacine
[4] ou ibuprofène [5] avant 24 h de vie n’a aucun impact sur la mortalité, ni sur la survenue d’une
dysplasie broncho-pulmonaire ou de séquelles neuro-développementales à long terme. Toutefois,
le traitement prophylactique par indométacine réduit l’incidence d’un tiers des hémorragies
intra-ventriculaires (HIV) sévères de grade III-IV [4]. Cette diminution du taux des HIV sévères
n’a pas été montrée en cas d’utilisation de l’ibuprofène [5]. Un traitement par indométacine ou
ibuprofène administré après 24 h de vie sur des critères échographiques ou cliniques permet dans
un moindre nombre de cas la fermeture du CA mais n’est cependant pas associé à une réduction
de la mortalité ou de la morbidité à court terme en comparaison avec un placebo [6].
En pratique, la population de nouveau-nés pour laquelle se pose la question du traitement
du CA est celle des très grands prématurés nés avant 28 SA. Plusieurs stratégies sont possibles
(traitement curatif précoce ou tardif ) et la prise en charge thérapeutique du CA varie selon
les équipes. Depuis plusieurs années, devant les échecs du traitement médical et les risques
liés à son administration ainsi que les complications observées en cas de ligature chirurgicale,
certains auteurs ont remis en question l’intérêt d’un traitement médical ou chirurgical du
CA persistant chez le prématuré [7] et certaines équipes ont développé une approche alternative
appelée traitement conservateur [8]. En l’absence de bénéfices démontrés, sur la mortalité
ou d’un critère de morbidité autre que la « simple » fermeture du CA, d’un traitement médical
préventif ou curatif, nous avons évalué le taux de fermeture spontané du CA sans traitement
spécifique chez des prématurés nés avant 28 SA. C’est, en quelque sorte, l’histoire naturelle
du CA que nous décrivons dans cette population.
242
A. ROLLAND, D. DIOMANDE, S. SHANKAR AGUILERA, V. ZUPAN-SIMUNEK, P. BOILEAU
PATIENTS ET METHODES
Tous les enfants prématurés nés à un terme compris entre 24+0 et 27+6 SA et hospitalisés
en réanimation néonatale à l’hôpital Antoine-Béclère entre le 1er juin 2008 et le 31 juin 2010
ont été inclus de façon rétrospective ainsi que les nouveau-nés transférés dans le service à la
naissance (outborn). Les prématurés nés à la maternité de l’hôpital Antoine-Béclère et transférés
de la salle de naissance dans une autre réanimation néonatale ont été exclus.
L’échographie cardiaque permet de préciser le diamètre du CA et d’évaluer son retentissement hémodynamique. Le CA était considéré comme persistant lorsque celui-ci était toujours
ouvert après 72 h de vie. Un CA persistant était défini comme significatif sur le plan hémodynamique à l’échographie réalisée entre J2 et J4 lorsque son diamètre était supérieur à
1,5 mm et qu’il existait un débit pulmonaire élevé objectivé par une augmentation du flux
dans l’artère pulmonaire gauche mesuré en doppler pulsé par une intégrale de vélocité (ITV)
par cycle supérieure à 0,20 m ou un rapport oreillette gauche / aorte (OG/Ao) supérieur à 1,5.
Un CA persistant était suivi régulièrement par échographie cardiaque. Lorsque cette dernière
révélait un CA fermé, la date de cette échographie était considérée comme le jour de fermeture
du CA. En l’absence de fermeture spontanée et dans un contexte de CA large avec débit
pulmonaire élevé (rapport OG/Ao > 1,8 et ITV > 0,20) et d’insuffisance respiratoire sévère,
une ligature chirurgicale du CA était effectuée.
Pour chacun des enfants, nous avons recueilli :
- Les caractéristiques maternelles (âge, parité) et de la grossesse (simple ou multiple, modalités
de la corticothérapie anténatale, et mode d’accouchement) ainsi que les causes de
l’accouchement prématuré en distinguant les causes vasculaires, infectieuses, hémorragiques,
les ruptures prématurées isolées, et les menaces d’accouchement prématuré isolées.
- Les données néonatales suivantes : sexe, poids de naissance, l’existence d’une hypotrophie
définie par un poids de naissance inférieur au 10e percentile sur les courbes AUDIPOG.
- Sur le plan respiratoire : le nombre d’administrations de surfactant exogène, la durée de
ventilation mécanique et non-invasive, la présence d’une ventilation non-invasive ou
d’une oxygénothérapie à J28 de vie définissant la dysplasie broncho-pulmonaire. A
36 semaines d’âge post-menstruel (SPM), le résultat d’un test de Walsh définissait une
dysplasie broncho-pulmonaire sévère.
- Sur le plan neurologique : la présence d’une hémorragie intracérébrale ou d’une leucomalacie
périventriculaire. Les anomalies les plus sévères détectées lors d’une échographie transfontanellaire (ETF) pratiquée dans les 15 premiers jours de vie ont été relevées. Nous
avons utilisé la classification des HIV décrite par Volpe [9]. Les données de l’IRM
cérébrale réalisée à partir de 36 SPM ont également été recueillies.
- La durée de l’hospitalisation en réanimation néonatale en jours.
- La survenue de complications digestives (entérocolite ulcéro-nécrosante et perforation
digestive).
En cas de décès, la cause et son caractère éventuellement consenti étaient relevés. Les
patients décédés avant 72 h de vie ont été exclus de l’analyse.
Les analyses statistiques de comparaison entre les différents groupes ont été effectuées
par un test non paramétrique de Fisher. Une valeur de p < 0,05 a été retenue comme seuil de
significativité.
FAUT-IL TRAITER UN CANAL ARTERIEL PERSISTANT CHEZ l’EXTRêME PREMATURE ?
243
RÉSULTATS
Nous avons identifié 103 prématurés nés entre 24+0 et 27+6 SA et hospitalisés en réanimation
néonatale entre le 1er juin 2008 et le 31 juin 2010. Parmi ces 103 enfants, 14 % étaient nés
entre 24 et 24+6 SA, 22 % entre 25 et 25+6 SA pour 22 %, 37 % entre 26 et 26+6 SA, et
enfin 27 % entre 27 et 27+6 SA.
Douze enfants sont décédés dans les 72 premières heures de vie et ont été exclus de l’analyse.
Trois étaient nés à 24 SA, 6 à 25 SA, 2 à 26 SA et 1 à 27 SA. Les causes des décès étaient trois
infections materno-fœtales, deux hypoxémies réfractaires, trois hémorragies pulmonaires
(deux à J1 et une à J2), une hémorragie cérébrale intra-parenchymateuse bilatérale à J0, une
hypoplasie pulmonaire et deux syndromes malformatifs.
Quatre-vingt-onze prématurés ont été analysés, les principales caractéristiques de cette
population sont résumées dans le tableau 1. Les mères étaient âgées en moyenne de 30,6 ±
5,4 ans et 44 % étaient primipares. La grossesse était multiple dans 21 % des cas. Une cure
complète anténatale de corticoïdes a été administrée à la mère dans deux-tiers des cas. Une
seule injection de bétaméthasone a été reçue par un quart des mères et aucune pour 10 %
d’entre elles.
La cause de la prématurité était d’origine vasculaire pour 18 % des accouchements,
secondaire à une chorioamniotite dans 47 % des cas, à une menace d’accouchement prématuré
dans 24 %, et à une rupture prématurée des membranes isolée dans 9 %.
Sur le plan pulmonaire, une seule dose de surfactant exogène a été administrée chez 55
patients (60 %). Une deuxième dose a été nécessaire chez 29 prématurés (32 %), et une troisième
dose chez 6 (7 %) d’entre eux. Un seul enfant né à 27+6 SA n’a pas reçu de surfactant exogène.
Les patients ont bénéficié d’une ventilation mécanique pour une durée moyenne de 26,2 ±
18,9 jours (extrêmes de 2 à 87 jours). Une ventilation par oscillation à haute fréquence a été
utilisée chez 10 % des patients. La durée moyenne de ventilation non-invasive était de 36,4
± 20,8 jours (extrêmes de 3 à 168 jours). A J28 de vie et à 36 SPM, le taux de dysplasie bronchopulmonaire était respectivement de 91 % et 35 %. Lors de l’ETF pratiquée dans les deux
premières semaines de vie, il a été diagnostiqué une HIV de grade au moins 3 chez 19
prématurés (21 %). Entre 36 et 40 SPM, 66 patients ont eu une IRM cérébrale, 45 (68 %)
d’entre eux avaient une IRM normale et 2 avaient des lésions cavitaires de leucomalacie
périventriculaire. La durée moyenne d’hospitalisation en réanimation néonatale a été de
73 ± 34 jours (extrêmes de 23 à 204 jours). Quinze patients sont décédés (16,5 %) après
72 h de vie. Cinq d’entre eux étaient nés à 24 SA, 4 à 25 SA, 4 à 26 SA, et 2 à 27 SA. Les
causes des décès étaient une hémorragie pulmonaire, une hypoxémie réfractaire, une hypoplasie
pulmonaire, deux pneumothorax dont un syndrome du « poumon sec » (anamnios prolongé),
un choc septique sur infection nosocomiale, trois HIV de grade 3 avec hémorragie intraparenchymateuse associée, deux entérocolites ulcéro-nécrosantes, trois défaillances multiviscérales
et un syndrome malformatif. Quatre de ces décès étaient consentis par l’équipe médicale et
les parents (les trois HIV sévères et le syndrome malformatif ).
Sur les 91 patients inclus, 8 (9 %) ont fermé leur CA avant 72 h de vie et 70 ont eu un
CA persistant (figure). Les patients dont le CA était fermé avant 72 h étaient en moyenne
nés à un terme de 27+0 SA ± 5 jours. Les patients avec une fermeture du CA plus tardive
étaient nés à un terme moyen de 26+2 SA ± 7 jours. Chez 13 patients, il n’a pu être déterminé
si le CA était persistant en l’absence d’échographie cardiaque de contrôle effectuée au-delà
de la première semaine de vie. Trois d’entre eux sont décédés à J3, J11 et J12. Les 10 autres
ont été extubés en moyenne à 7,2 ± 5,8 jours (extrêmes de 2 à 20 jours) et aucun n’avait un
test de Walsh positif à 36 SPM.
244
A. ROLLAND, D. DIOMANDE, S. SHANKAR AGUILERA, V. ZUPAN-SIMUNEK, P. BOILEAU
Chez les 70 patients pour lequel il a été noté un CA persistant, les échographies suivantes
ont montré une fermeture spontanée du CA chez 51 d’entre eux à l’âge moyen de 61 ± 37 jours
(extrêmes de 4 à 165 jours). Une ligature du CA a été effectuée chez un patient à J40 de vie.
Chez les 18 patients restants, la date de fermeture du CA n’a pu être déterminée soit en
raison du décès (n = 11), soit parce que la dernière échographie pratiquée avant le retour à
domicile montrait le CA toujours ouvert (n = 7). Trois de ces patients ont été suivis en consultation
et aucun souffle cardiaque n’a été constaté par le pédiatre, les quatre autres avaient été transférés
dans un service de néonatologie avant la sortie. Au total, une fermeture spontanée du CA a
donc été observée par échographie chez 59 patients sur 91 soit 65 %. Chez les prématurés
nés entre 24 et 25+6 SA, le taux de fermeture spontanée du CA n’était pas significativement
différent de celui observé chez ceux nés entre 26 et 27+6 SA (61 % vs 67 %, p = ns).
L’évolution vers la fermeture ou non d’un CA persistant en fonction du caractère significatif
ou non du CA sur le plan hémodynamique établi par échographie cardiaque est représentée
dans le tableau 2. Dans 17 cas, les données disponibles ne nous ont pas permis de déterminer
les caractéristiques hémodynamiques du CA. Parmi les 23 enfants qui avaient un CA persistant
significatif sur le plan hémodynamique, nous avons observé une fermeture spontanée dans
78 % des cas. Une proportion équivalente à celle observée chez les 30 enfants qui avaient un
CA persistant non significatif sur le plan hémodynamique et qui ont fermé spontanément
leur CA dans 73 % des cas.
DISCUSSION
Chez l’extrême prématuré, l’histoire naturelle du CA a été peu étudiée en raison de
l’administration précoce de traitements visant à induire sa fermeture. Le taux de persistance
du CA varie selon les études de 19 à 75 % [2,10,11]. Ces études parfois anciennes sont variables
pour la définition de la persistance du CA et diffèrent par les populations de prématurés étudiées.
L’efficacité du traitement médical par les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase sur la fermeture
du CA a été démontrée dans de nombreuses études et l’ibuprofène a une efficacité similaire
à l’indométacine sur le taux de fermeture du CA [12]. Pour justifier de l’utilisation précoce
de ce traitement sur des prématurés dont le CA se serait possiblement fermé spontanément,
il doit être démontré qu’elle est bénéfique chez l’enfant. Deux conditions nous semblent
nécessaires pour justifier de l’indication de ce traitement chez les prématurés. Premièrement,
il doit être efficace mais cette efficacité doit être démontrée non seulement sur la fermeture
du CA, mais également sur les critères de morbidité et la mortalité. Deuxièmement, la
persistance du CA doit avoir des conséquences supérieures à celles des risques encourus avec
le traitement.
Si les bénéfices du traitement médical sur le taux de persistance du CA sont démontrés,
son efficacité dépend de l’âge de l’enfant au moment de son administration. Un traitement
médical prophylactique administré dans les 24 premières heures donne de meilleurs résultats
sur le taux de fermeture du CA qu’un traitement débuté à 3 jours de vie. Ainsi, sur 257
prématurés nés entre 24 et 27 SA, une fermeture du CA était observée chez 97 % des patients
traités avant 15 h de vie et chez 51 % des enfants traités pour un CA significatif sur le plan
hémodynamique à 3 jours de vie [2]. L’efficacité du traitement médical est également fonction
du terme de naissance, le taux de fermeture du CA après traitement est d’autant moins
fréquent que le terme de naissance est faible.
En cas d’échec du traitement médical, un traitement chirurgical peut être proposé. La
mortalité et la morbidité, déjà importantes chez les extrêmes prématurés, sont augmentées
FAUT-IL TRAITER UN CANAL ARTERIEL PERSISTANT CHEZ l’EXTRêME PREMATURE ?
245
par les complications liées à la procédure chirurgicale. Ainsi une étude portant sur 2838
prématurés nés avant 28 SA a montré une morbidité plus importante chez les enfants dont
le CA a été traité chirurgicalement par rapport à ceux traités par indométacine [13]. Une
autre étude récente a examiné les effets d’une attitude « conservatrice » face à un CA
persistant après une ou deux cures d’indométacine. Dans le groupe ayant bénéficié d’une
ligature de CA systématique, le taux d’entérocolite ulcéro-nécrosante était plus élevé par
rapport au groupe pour lequel la ligature avait été limitée aux CA mal tolérés sur le plan
hémodynamique [14].
Pour ces différentes raisons, nous avons choisi une approche de type traitement conservateur
et de ne traiter un CA persistant que lorsque celui-ci entraînait des conséquences cliniques
délétères immédiates. Cette approche a été récemment argumentée par une étude prospective
réalisée chez 30 enfants d’âge gestationnel inférieur ou égal à 30 SA [8]. Une échographie
cardiaque était effectuée à 48-72 h de vie. A J3, 20 enfants avaient un CA fermé ou asymptomatique. Sous l’effet d’un traitement conservateur consistant en une restriction hydrique
et un ajustement de la ventilation, la fermeture du CA a été observée dans les 10 cas restants
de CA persistants symptomatiques sans qu’il soit nécessaire de recourir à un traitement
chirurgical.
Dans notre étude, nous avons observé une fermeture spontanée du CA chez 65 % des
prématurés nés avant 28 SA. Le taux de fermeture spontanée est probablement plus élevé
d’une part, 14 patients sont décédés avant la fermeture du CA et d’autre part 7 n’ont pas eu
un suivi échographique suffisant pour rapporter l’évolution de leur CA. En outre 10 patients,
pour lesquels aucune échographie n’a été réalisée, ont été ventilés sur une courte période
et aucun n’avaient de dysplasie broncho-pulmonaire sévère à 36 SPM. Chez ces 17 patients
survivants, on peut raisonnablement supposer que le CA s’est fermé soit dans les premiers
jours de vie soit plus tardivement.
Deux études récentes rapportent, chez un tiers des patients non traités, une fermeture
spontanée du CA dans les premiers jours de vie. En effet, le taux de fermeture spontanée du
CA était de 27 % au quatrième jour de vie chez 143 prématurés nés entre 24 et 27 SA [2].
Dans la seconde étude portant sur des nouveau-nés de moins de 1000 g, le CA était fermé
spontanément chez 34 % des enfants [1]. Dans notre étude, nous n’avons rapporté que 9 %
de fermeture spontanée précoce du CA mais nous avons défini le délai de fermeture spontanée
précoce à 72 h. En revanche, les études précédemment citées répertoriaient les fermetures à
96 h voire à 8 jours de vie et excluaient les décès survenus dans les 10 premiers jours de vie.
Un taux de fermeture spontanée du CA variable en fonction du terme de naissance était
également décrit dans ces deux études. Ainsi, les patients avec une persistance du CA avaient
un terme moyen de 25,6 SA alors que ceux dont le CA s’était fermé spontanément dans les
8 premiers jours étaient nés en moyenne à 27 SA [1]. Dans l’autre étude, le taux de fermeture
était de 31 % chez les prématurés nés à 26-27 SA et de 21 % chez ceux nés à 24-25 SA. Sans
se limiter aux fermetures de CA survenues dans les premiers jours de vie, nous n’avons pas
mis en évidence de différence significative entre les prématurés nés entre 24 et 25+6 SA et
ceux nés entre 26 et 27+6 SA concernant le taux de fermeture spontané du CA (61 % vs 67 %).
En cas de CA persistant au-delà des premiers jours suivant la naissance, une fermeture
plus tardive peut avoir lieu. Hermann et coll. ont montré que 86 % des 21 grands prématurés
dont le CA était encore ouvert à la sortie de l’hôpital ont fermé spontanément leur CA en
moyenne à 51 jours de vie [15]. Chez des prématurés nés avant 28 SA, nous avons observé
une fermeture du CA en moyenne à 61 jours de vie avec une large variabilité. Enfin, nous
n’avons pas observé de fermeture spontanée plus fréquente chez nos patients en fonction du
caractère significatif sur le plan hémodynamique du CA (78 % vs 73 %) évalué par échographie
entre J2 et J4. Plusieurs études témoignent d’une association chez le prématuré entre persistance
246
A. ROLLAND, D. DIOMANDE, S. SHANKAR AGUILERA, V. ZUPAN-SIMUNEK, P. BOILEAU
du CA et dysplasie broncho-pulmonaire ou entérocolite ulcéro-nécrosante. Cependant,
aucune étude n’a démontré de lien de causalité entre persistance du CA et un indicateur de
morbidité sévère. La persistance du CA pourrait ainsi être un marqueur de l’immaturité de
l’extrême prématuré ou de la sévérité de l’état physiologique de ces patients [16]. Trois patients
seulement ont développé une entérocolite ulcéro-nécrosante. Le taux de 35 % de dysplasie
broncho-pulmonaire sévère observé dans notre population était proche de celui observé
par Jhaveri et coll. chez des patients également nés avant 28 SA et traités par indométacine
prophylactique [14].
CONCLUSION
De nombreux essais thérapeutiques concernant les inhibiteurs de cyclo-oxygénase utilisés
en prophylactique ou en curatif ont été publiés depuis ces trente dernières années sans que
des conclusions sur leurs bénéfices à moyen ou long terme se soient imposées [17]. Ces
traitements sont employés en routine par les équipes de néonatologie pour fermer un CA
persistant chez les prématurés. Un essai clinique randomisé comparant un traitement curatif
précoce par ibuprofène versus une simple surveillance échographique suivi éventuellement
dans les deux bras d’une intervention chirurgicale en cas de mauvaise tolérance hémodynamique
d’un CA persistant sur des critères à long terme devrait être disponible dans l’avenir. Actuellement, en l’absence de preuves tangibles de l’efficacité de ces traitements visant à fermer le
CA sur la mortalité ou des critères de morbidité à moyen ou long terme, il faut se questionner
sur de telles pratiques d’autant que la fermeture spontanée du CA est observée dans plus de
65 % des cas chez les prématurés nés avant 28 SA.
AUTEURS :
A. ROLLAND, D. DIOMANDE, S. SHANKAR AGUILERA, V. ZUPAN-SIMUNEK, P. BOILEAU
Service de Pédiatrie et Réanimation Néonatales, Hôpital Antoine-Béclère, 92140 Clamart.
AUTEUR CORRESPONDANT :
P. BOILEAU - [email protected]
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Tableau 1 : Caractéristiques périnatales et néonatales des patients étudiés
Population n = 91
Terme de naissance (SA)
Répartition des termes de naissance
[24 et 24 +6] SA (%)
[25 et 25 +6] SA (%)
[26 et 26 +6] SA (%)
[27 et 27 +6] SA (%)
Poids de naissance (g)
Chorioamniotite (%)
Corticothérapie anténatale complète %)
Césarienne (%)
Sexe masculin (%)
Hypotrophie (%)
Surfactant > 2 doses (%)
ECUN (%)
Perforation digestive (%)
HIV > 3 (%)
DBP à 36 SPM (%)
Décès (%)
Décès ou DBP ( %)
26,3 ± 1
12
19
39
30
823 ± 164
47
66
58
59
20
39
3
2
21
35
17
52
SA = semaines d'aménorrhée ; ECUN = entérocolite ulcéro-nécrosante ;
HIV = hémorragie intra-ventriculaire ; DBP = dysplasie broncho-pulmonaire
Tableau 2 : Evolution des CA persistants (n = 70)
en fonction de leurs caractéristiques hémodynamiques
Fermeture spontanée du CA, n (%)
Fermeture du CA ?, décédés, n (%)
Fermeture du CA ?, vivants n (%)
Ligature du CA, n (%)
CANHS (n = 30)
CAHS (n = 23)
DHND (n = 17)
22 (73)
4 (13)
4 (13)
0
18 (78)
2 (9)
2 (9)
1 (4)
11 (65)
5 (29)
1 (6)
0
CA : canal artériel ; CANHS : canal artériel non significatif sur le plan hémodynamique ;
CAHS : canal artériel significatif sur le plan hémodynamique ; DHND : données hémodynamiques non disponibles
à J2-J4.
248
A. ROLLAND, D. DIOMANDE, S. SHANKAR AGUILERA, V. ZUPAN-SIMUNEK, P. BOILEAU
Figure : Evolution « naturelle » du canal artériel dans une population de prématurés nés avant 28 SA.
(PCA = persistance du canal artériel).
249
DEPISTAGE ANTENATAL
DES MALFORMATIONS PULMONAIRES :
CONDUITE A TENIR
par
J. BOUBNOVA, C. GRAPIN-DAGORNO, M. LARROQUET
INTRODUCTION
Les principales malformations pulmonaires sont les malformations adénomatoïdes
kystiques du poumon (MAKP), les séquestrations pulmonaires, les kystes bronchogéniques
et l’emphysème lobaire géant. Dans la majorité des cas ils peuvent être détectés en anténatal
grâce à l’échographie fœtale. Il s’agit d’un vaste spectre de malformations broncho-pulmonaires
dont la pathogénie exacte reste inconnue et dont l’évolution clinique est variable allant du
caractère asymptomatique à la détresse respiratoire néonatale. Le rôle des obstétriciens, des
pédiatres, des pneumologues et des chirurgiens pédiatres est de renseigner les parents avant
et après la naissance de l’enfant. Le traitement le plus souvent admis pour ces lésions reste
chirurgical, néanmoins le moment optimal pour cette chirurgie reste débattu.
MALFORMATIONS ADENOMATOÏDES KYSTIQUES DU POUMON
Les MAKP sont rares avec une incidence rapportée entre 1/8000 et 1/35000 [1]. Le premier
cas de MAKP a été rapporté par Chin et Tang en 1949 [2]. Le mécanisme pathogénique
exact reste incertain mais semble résulter d’une anomalie d’arborisation bronchique avec un
défaut de maturation. Les MAKP sont une transformation hamartomateuse du poumon
composée de lésions kystiques et adénomatoïdes avec comme caractéristiques principales les
excroissances polyploïdes de la muqueuse, l’augmentation de la quantité du muscle lisse et
du tissu élastique dans la paroi des kystes, l’absence du cartilage dans le parenchyme affecté
et la présence de cellules sécrétant le mucus. La portion du poumon atteinte par la MAKP
ne participe pas à l’échange gazeux normal, néanmoins il y existe des connexions à l’arbre
bronchique pouvant mener au trapping de l’air responsable de détresse néonatale. La vascularisation provient habituellement de la vascularisation artérielle pulmonaire. Cela distingue
les MAKP des séquestrations pulmonaires qui reçoivent une vascularisation d’origine systémique.
Les MAKP touchent une partie d’un lobe ou un lobe entier du poumon sans prédominance
pour les côtés droit ou gauche. Les lésions peuvent toucher plus d’un lobe sur un poumon
ou être bilatérales mais cela est très rare.
En échographie anténatale les MAKP apparaissent comme les lésions kystiques situés
250
J. BOUBNOVA, C. GRAPIN-DAGORNO, M. LARROQUET
au niveau du poumon. Les lésions peuvent être macrokystiques (un ou plusieurs kystes de
diamètre > 5 mm) ou microkystiques. Les principales classifications des MAKP sont la
classification de Stocker et al. [3] et celle de Adzick et al. [4].
La classification actuelle de Stocker [5] est basée sur la taille des kystes et sur leurs caractéristiques histologiques. Initialement, cette classification comprenait 3 types : le type 1, 2 et 3.
Ultérieurement les types 0 et 4 ont été rajoutés et la classification reflète ainsi le niveau pensé
de l’atteinte primitive de l’arbre pulmonaire. Ainsi, dans le type 0 (moins de 3 %) les lésions
ont une origine trachéale ou bronchique principale avec des kystes de très petite taille de diamètre
maximal 0,5 cm et bordés d’un épithélium cilié pseudo-stratifié avec présence de mucus et
du cartilage. Le type 1 est le plus fréquent (plus de 65 %). Dans ce type l’atteinte est bronchique
distale ou bronchiolaire proximale. Les kystes ont un diamètre de 2-10 cm et peuvent être
uni ou multiloculaires. Les kystes sont bordés d’un épithélium cilié pseudo-stratifié ou en
colonnes et contiennent du muscle lisse et du tissu élastique. Parfois les îlots de cartilage anormal
peuvent être observés. Les cellules productrices du mucus sont présentes dans environ un
tiers des cas. Le parenchyme pulmonaire adjacent est relativement normal mais les kystes peuvent
y exercer un effet de compression significatif du fait de leur taille. Le type 2 concerne 20-25 %
des MAKP et est représenté par de multiples plus petits kystes de diamètre 0,5-2 cm. Les
kystes ont une origine bronchiolaire et sont bordés par un épithélium cilié cubique et en
colonnes. Les cellules sécrétant le mucus et le cartilage sont absents. L’effet de masse sur
le poumon adjacent est généralement peu important. D’après Stocker, le type 2 est associé
à d’autres malformations congénitales dans 60 % des cas comme l’atrésie de l’œsophage,
l’agénésie rénale, l’atrésie intestinale ou d’autres anomalies. Le type 3 des MAKP représente
moins de 10 %. Dans ce type le niveau de l’atteinte est bronchiolaire terminale et les lésions
sont volontiers larges touchant un lobe entier voire plusieurs lobes. Les lésions combinent
les lésions kystiques et tissulaires solides. Du fait de leur grande taille et de leur faible différenciation on pense que ces MAKP de type 3 se développent aux stades précoces de gestation
(avant 4 semaines). Les kystes sont de taille < 0,5 cm et sont bordés par l’épithélium cuboïde
non cilié. Les cellules à mucus et le cartilage sont absents. Les MAKP de type 4 sont rares
(2-4 %) et leur origine est alvéolaire distale. Les kystes sont volumineux allant jusqu’à 7 cm
sont bordées par un épithélium pavimenteux de type alvéolaire sans mucus ni muscle lisse.
La classification Adzick est basée sur l’aspect échographique et la taille des kystes vus en
anténatal (Figure 1). Il distingue les formes microkystiques (kystes < 5 mm) de pronostic
plus péjoratif, avec une fréquence plus élevée d'anasarque fœtale, et les formes macrokystiques
(kystes > 5 mm) de meilleur pronostic périnatal.
Figure 1 : lésions kystiques du poumon droit à 26 SA évoquant une MAKP
DEPISTAGE ANTENATAL DES MALFORMATIONS PULMONAIRES : CONDUITE A TENIR
251
Le diagnostic différentiel des MAKP des autres lésions kystiques intra-thoraciques comme
les séquestrations pulmonaires, les kystes bronchogéniques et l’emphysème lobaire congénital
est aidé par l’IRM anténatale. La principale distinction entre les MAKP et les séquestrations
pulmonaires réside dans deux points : les séquestrations pulmonaires ne sont pas connectées
à l’arbre trachéo-bronchique et sont vascularisées par une artère d’origine systémique.
Cependant, les études montrent de plus en plus l’intrication possible de ces deux entités avec
les lésions hybrides [6]. Les MAKP et les séquestrations pulmonaires sont deux variantes qui
rentrent dans le même spectre des anomalies du développement broncho-pulmonaire.
La présentation clinique des MAKP est variable dans la période périnatale dépendant de
la sévérité des lésions allant d’une simple découverte d’une lésion kystique limitée chez un
fœtus de bon développement à l’anasarque fœtale. Parfois, certaines lésions diminuent de taille
au cours de la grossesse voire « disparaissent en échographie » [7]. Les lésions microkystiques
vastes et dans la moindre mesure les lésions macrokystiques particulièrement volumineuses
peuvent être responsables d’anasarque par compression et déviation médiastinales. Néanmoins
l’évolution de certaines lésions est difficile à prédire en anténatal. Certains indices sont utilisés
comme le rapport L/T (rapport poumon/aire thoracique transverse) et le CVR (CAM volume
ratio : le volume de la MAKP divisé par la circonférence de la tête). Dans l’étude de Crombleholme et al. [8], le CVR > 1,6 était associé à la survenue de l’anasarque dans 80 % des cas.
La prise en charge prénatale des MAKP est indiquée en cas d’anasarque fœtale [9]. Les
lésions macro-kystiques peuvent être ponctionnées, une ou plusieurs fois, ou un shunt thoracoaminiotique peut être posé. Les complications de ces gestes sont la rupture prématurée des
membranes, la prématurité et la migration du cathéter. Pour les lésions micro-kystiques de
mauvais pronostic certains ont proposé une chirurgie fœtale ce qui est loin d’être de routine
à l’heure actuelle.
60 % de MAKP de diagnostic anténatal présentent des symptômes respiratoires à la naissance.
Il peut s’agir de symptômes pulmonaires minimes et transitoires comme dyspnée, cyanose
ou tirage, ou bien sévères comme la détresse respiratoire progressive ou aiguë par la compression
liée au trapping aérien et à la déviation médiastinale. Le traitement des lésions symptomatiques
en néonatal comprend les mesures de réanimation et la chirurgie. Cependant dans la majorité
des cas les nouveau-nés naissent à terme et vont bien, ce qui pose la question de la prise en
charge des lésions asymptomatiques diagnostiquées en anténatal.
En absence de diagnostic anténatal, les MAKP peuvent rester longtemps asymptomatiques,
mais peuvent également être responsables de complications engageant le pronostic vital :
les infections pulmonaires, le pneumothorax, l’hémoptysie ou l’hémothorax. Le risque de
transformation maligne associé aux MAKP est rarement rapporté [10,11].
SÉQUESTRATIONS PULMONAIRES
Les séquestrations pulmonaires sont rares. Elles sont définies comme une masse de tissu
pulmonaire sans connexion avec l’arbre bronchique et dont la vascularisation provient de
vaisseaux d’origine systémique et non pas pulmonaire. La majorité des séquestrations pulmonaires
peuvent être divisées en deux types : les séquestrations intra-lobaires (qui se développent au
sein du poumon normal dans la même enveloppe pleurale) et les séquestrations extra-lobaires
(qui sont séparées du poumon normal et possèdent leur propre plèvre viscérale).
L’étiopathogénie exacte des séquestrations pulmonaires reste incertaine. La lésion apparaît
probablement précocement dans le développement embryonnaire, avant la séparation
des circulations pulmonaire et systémique [12]. L’hypothèse probable est l’anomalie du
252
J. BOUBNOVA, C. GRAPIN-DAGORNO, M. LARROQUET
développement du bourgeon pulmonaire [13]. Il existe un spectre d’anomalies de développement broncho-pulmonaire entre les MAKP, les séquestrations pulmonaires et autres
malformations broncho-pulmonaires comme en témoignent certaines lésions hybrides.
La majorité des séquestrations touchent les lobes inférieurs mais elles peuvent également
survenir dans d’autres parties du thorax, voire sous le diaphragme ou dans l’espace rétropéritonéal [14]. Les séquestrations intra-lobaires sont plus fréquentes qu’extra-lobaires. Les
séquestrations extra-lobaires sont situées entre le lobe inférieur gauche et le diaphragme dans
80 % des cas. Les séquestrations intra-lobaires touchent dans 60 % des cas le lobe inférieur
gauche (segment postéro-basal). La majorité des séquestrations intra-lobaires n’ont pas de
connexions avec l’arbre bronchique. S’il existe une connexion, elle est anormale et ne permet
pas les échanges gazeux normaux. Mais certaines bactéries peuvent rentrer dans la séquestration
soit par une communication bronchique anormale, soit par les pores de Kohn et être responsables
d’infection pulmonaire. Les séquestrations extra-lobaires sont très rarement connectées à
l’arbre bronchique et leurs infections sont plus rares.
La vascularisation artérielle des séquestrations pulmonaires intra- et extra-lobaires est
assurée par une (ou plusieurs) artère systémique en provenance de l’aorte thoracique basse
ou de l’aorte abdominale haute [15]. Le drainage veineux est le plus souvent normal dans
l’oreillette gauche, mais les retours veineux anormaux dans l’oreillette droite, dans la veine
cave ou dans la veine azygos ont également été rapportés.
D’autres malformations peuvent s’associer aux séquestrations pulmonaires (plus souvent
extra-lobaires qu’intra-lobaires) : la hernie diaphragmatique congénitale, les anomalies
vertébrales, les malformations cardiaques, l’hypoplasie pulmonaire, les duplications digestives.
Les lésions de MAKP associées dans environ 50 % des cas soulignant le spectre pathogénique
commun de ces lésions.
En anténatal, les séquestrations pulmonaires sont vues en échographie anténatale couplée
au Doppler comme une masse échogène de taille variable ; certaines masses volumineuses
peuvent être responsables de la déviation médiastinale par compression et d’anasarque. Un
pourcentage important de ces lésions diminuent voire disparaissent par fibrose du pédicule
vasculaire [9] pendant la gestation d’où l’importance de l’évaluation post-natale.
Les séquestrations intra-lobaires sont plus fréquentes qu’extra-lobaires et restent plus
longtemps asymptomatiques en post-natal. Les symptômes néonataux sont décrits dans 25 %
et sont principalement les difficultés alimentaires ou les symptômes respiratoires mineurs.
Les complications plus tardives sont principalement les infections pulmonaires, l’hémoptysie
ou une insuffisance cardiaque liée au shunt important par l’artère aberrante. Le risque de
transformation maligne rapporté est plutôt en rapport avec les lésions de MAKP associées.
Les séquestrations pulmonaires peuvent également rester longtemps asymptomatiques et être
découvertes fortuitement sur une radiographie du thorax.
DEPISTAGE ANTENATAL DES MALFORMATIONS PULMONAIRES : CONDUITE A TENIR
253
Figure 2 : Séquestration intra-lobaire gauche vue au TDM thoracique 1 mois de vie visualisant le
vaisseau systémique aberrant
KYSTE BRONCHOGENIQUE
Le kyste bronchogénique résulte d’une aberration précoce du développement du bourgeon
ventral de l’intestin antérieur entre la 4e et 8e semaine de gestation. Le kyste bronchogénique
est bordé par un épithélium cilié pseudostratifié et contient d’autres éléments de l’arbre bronchique
comme les glandes bronchiolaires et le muscle lisse. La proximité immédiate de l’œsophage
et leur développement intriqué rend difficile le diagnostic différentiel entre les kystes bronchogéniques et les kystes entériques (dites « duplications œsophagiennes ») et cela d’autant
plus qu’une duplication œsophagienne peut contenir les éléments de la muqueuse respiratoire
[16].
En fonction du niveau du développement du bourgeon surnuméraire, le kyste peut être
proche de la trachée (kyste médiastinal) ou être localisé sur une bronche (kyste pulmonaire).
Les kystes bronchogéniques peuvent être diagnostiqués en anténatal ou en post-natal
à l’occasion d’une symptomatologie variée mais fréquente chez l’enfant (environ 2/3 des
malades) en rapport avec une compression de l’axe trachéo-bronchique ou œsophagien : toux
dysphagie, infection, douleur thoracique. Dans 1/3 des cas la lésion reste asymptomatique
et est découverte fortuitement sur une radiographie du thorax.
L’imagerie complémentaire par TDM ou IRM thoracique est nécessaire principalement
pour le diagnostic différentiel avec d’autres lésions kystiques médiastinales. Le traitement des
kystes bronchogéniques de même que celui des duplications œsophagiennes est chirurgical
et la distinction entre les deux n’est faite parfois qu’en per-opératoire.
254
J. BOUBNOVA, C. GRAPIN-DAGORNO, M. LARROQUET
Figure 3 : kyste bronchogénique proche de la carène
EMPHYSEME LOBAIRE GEANT
L’emphysème lobaire congénital est une pathologie rare avec une incidence rapportée
entre 1/20000-30000 [17]. Le lobe supérieur est le plus souvent atteint avec 40-50 %
d’atteintes pour le lobe supérieur gauche et 20 % pour le lobe supérieur droit. Le lobe moyen
est touché dans 25-30 % des cas. Les lobes inférieurs sont très rarement atteints (2-5 %). Le
sex-ratio est de 3 garçons pour une fille.
L’étiopathogénie est multifactorielle avec comme cause principale l’obstruction qui peut
être intrinsèque ou extrinsèque. L’obstruction intrinsèque peut être liée à un défaut de la
paroi bronchiolaire (déficit en cartilage, sténose, atrésie). Il en résulte un collapsus expiratoire
avec trapping de l’air par mécanisme de soupape. Les causes d’obstruction bronchique
intrinsèque peuvent être également acquises : bouchon muqueux ou méconial, corps étranger,
granulome inflammatoire, torsion de bronche. Les compressions peuvent être extrinsèques
en rapport avec les anomalies vasculaires thoraciques ou le kyste bronchogénique ou entérique.
Dans un bon pourcentage des cas, aucune cause spécifique intrinsèque ou extrinsèque n’est
identifiée.
Le diagnostic de l’emphysème lobaire congénital peut être fait en anténatal avec à l’échographie
les lésions pulmonaires hyperéchogènes ou kystiques. L’IRM fœtale permet d’affiner le diagnostic
différentiel avec une MAKP géante. Les facteurs prédictifs de détresse respiratoire néonatale
et de la mortalité péri-natale sont l’hydramnios avec anasarque fœtale et le rapport L/T < 0,25 [18].
Les symptômes post-nataux sont développés dans les premiers jours de la vie dans 50 %
des cas et sont liés à une hyperinflation progressive d’un lobe pulmonaire responsable de
la détresse respiratoire par déviation médiastinale, compression cardiaque et du poumon
adjacent. Dans certains cas, cette inflation peut être très progressive avec absence de symptômes
pendant plusieurs années. La radiographie pulmonaire montre une hyperclarté d’un champ
pulmonaire. Le scanner ou l’IRM thoracique sont utiles pour rechercher une cause obstructive.
Le traitement des emphysèmes lobaires congénitaux symptomatiques est chirurgical et
consiste en une lobectomie du territoire concerné.
DEPISTAGE ANTENATAL DES MALFORMATIONS PULMONAIRES : CONDUITE A TENIR
255
CONDUITE A TENIR DEVANT UNE MALFORMATION PULMONAIRE
DE DIAGNOSTIC ANTENATAL
Les malformations congénitales broncho-pulmonaires ont une origine embryologique
commune et reflètent plus un spectre d’anomalies de développement broncho-pulmonaire
que d’entités pathogéniques distinctes. Auparavant, la prise en charge de ces lésions se faisait
à l’occasion d’une complication : détresse respiratoire, infection pulmonaire aiguë ou récidivante.
Actuellement, le diagnostic de ces lésions est le plus souvent fait en anténatal grâce aux progrès
de l’échographie fœtale et la prise en charge des lésions asymptomatiques se fait sur un enfant
qui va bien face aux parents en expectative.
Le traitement des lésions symptomatiques reste chirurgical et doit se faire dans un centre
de chirurgie et de réanimation pédiatrique adaptés et entraînés à cette chirurgie.
La prise en charge des lésions asymptomatiques est moins équivoque car leur évolution
naturelle n’est pas toujours connue. Dans tous les cas, l’évaluation post-natale de ces lésions
asymptomatiques doit être réalisée avec contact avec un centre pédiatrique spécialisé dans
ces pathologies rares.
Certains auteurs préconisent la surveillance plus ou moins prolongée des lésions asymptomatiques [19]. Le risque est alors de voir apparaître une complication grave (infection,
hémoptysie, pneumothorax, hémothorax) et de rendre plus complexe le traitement chirurgical
ultérieur. La surveillance prolongée augmente également le risque de perdre l’enfant de vue
et fait persister le faible risque de transformation maligne.
Les progrès de la chirurgie thoracique pédiatrique mini-invasive permettent de proposer
actuellement une chirurgie élective précoce de ces lésions qui peut être réalisée avec de bons
résultats par thoracoscopie. Les avantages de la chirurgie précoce mini-invasive sont sa faisabilité
dans les équipes chirurgicales et anesthésiques entraînées avec de bons résultats [20] (hospitalisation plus courte, drainage chirurgical moins prolongé), la bonne tolérance de l’enfant
de cette chirurgie et la croissance compensatrice du poumon restant dans les premiers mois
de vie chez l’enfant. La morbidité de la thoracotomie postéro-latérale chez l’enfant peut être
ainsi évitée (déformations thoraciques, scoliose, asymétrie de l’épaule) avec de bons résultats
cosmétiques.
Ainsi, pour les lésions asymptomatiques, nous conseillons une prise en charge chirurgicale
précoce (entre 6 mois et 1 an) pour les MAKP, les séquestrations intra-lobaires et les kystes
bronchogéniques. Pour les séquestrations pulmonaires extra-lobaires en cours d’involution
une surveillance plus prolongée peut être effectuée, en revanche pour les lésions persistantes
une chirurgie élective thoracoscopique peut être proposée. Pour les emphysèmes lobaires
congénitaux asymptomatiques une surveillance est raisonnable, un traitement chirurgical
peut être effectué en cas d’apparition de déviation médiastinale.
AUTEURS :
J. BOUBNOVA, C. GRAPIN-DAGORNO, M. LARROQUET
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dr Julia Boubnova, Service de chirurgie viscérale pédiatrique, Hôpital d’enfants Armand Trousseau, 26 av. du
Docteur Arnold Netter, 75012 Paris, mail : [email protected]
256
J. BOUBNOVA, C. GRAPIN-DAGORNO, M. LARROQUET
RÉFÉRENCES
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DEPISTAGE ANTENATAL DES MALFORMATIONS PULMONAIRES : CONDUITE A TENIR
Tableau 1: Conduite à tenir devant une malformation pulmonaire de diagnostic prénatal
Diagnostic anténatal
Echographie
IRM
Bonne tolérance aux
échographies répétées
et à l’IRM
Mauvaise tolérance
échographique
Aggravation anténatale
Examen clinique
Radiographie
du thorax
Transfert en maternité
de niveau 3
Echographie répétées
+/- Gestes in utero
Nouveau-né va bien
Nouveau-né va mal
Scanner à 1 mois
Consultation
pneumologique
et chirurgicale
Transfert
en réanimation
et en chirurgie
Contrôle scanner
à 6 mois
Scanner en urgence
Normal
Pathologique
Surveillance
Chirurgie
Chirurgie
Bilan radiologique
Chirurgie néonatale
257
258
259
PYELONEPHRITE DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT :
TRAITEMENT PO OU IV
par
G. CHERON, N. BOCQUET, J.-P. JAÏS
La prise en charge des infections urinaires fébriles suscite encore de nombreuses questions
sur la fiabilité du recueil d'urines selon qu'il est réalisé dans une poche, par sondage, en milieu
de jet pour les plus grands ou par ponction vésicale, sur la nature haute ou basse de l'infection
urinaire, sur les modalités de l'antibiothérapie : mono ou bithérapie, voie orale ou parentérale,
qui, au-delà de la phase aiguë, influeraient sur le risque de cicatrice rénale.
Nous limiterons ce propos à la prise en charge des premiers épisodes d'infection urinaire
à bacille gram négatif chez le nourrisson ou l'enfant fébrile sans antécédent urologique. Les
recommandations publiées par l'AFSSAPS en 2007 [1] préconisent un traitement d'attaque
par voie injectable de 2 à 4 jours avec une céphalosporine de 3ème génération. Un aminoside
est associé dans les pyélonéphrites sévères (nourrisson âgé de moins de 3 mois, syndrome
septicémique, immunodéprimé, obstacle sur les voies excrétrices) voire est utilisé en monothérapie
en cas d'allergie aux bêta-lactamines si la fonction rénale est normale. Le relais per os est fonction
de l'antibiogramme (cotrimoxazole ou cefixime) et la durée du traitement est au total de 10
à 14 jours. Si le cefixime et le cotrimoxazole, lorsque les souches sont sensibles, remplissent
les critères pharmacocinétiques et pharmacodynamiques prédictifs d'une efficacité clinique,
toutefois les C3G injectables offrent une marge thérapeutique plus importante. Force est de
remarquer que ces recommandations ne précisent pas de limite d'âge à l’exception du nourrisson
âgé de moins de trois mois pour lequel une bithérapie parentérale est préconisée d’emblée.
Elles ne distinguent pas les infections urinaires fébriles en fonction du taux de PCT. Les
scintigraphies rénales à la phase aiguë des pyélonéphrites s’avèrent normales lorsque le taux
de PCT est inférieur à 0,5 ng/ml.
Pierre Cochat [2] résumait en 2008 les données de l'analyse de 23 essais thérapeutiques
randomisés des pyélonéphrites du nourrisson et de l'enfant [3]. Que les enfants (âgés de 15
jours à 16 ans, n = 3295) soient traités PO d’emblée ou par voie parentérale trois jours avec
un relais oral de dix jours, la méta-analyse ne montrait aucune différence en termes de durée
de la fièvre. Deux études incluant 306 et 387 enfants avaient comparé un traitement oral
(cefixime, amoxicilline-acide clavulanique) à un traitement parentéral (ceriaxone) de 3 jours
complété par un relais oral (cefixime, amoxicilline-acide clavulanique) pour une durée totale
de traitement de 10 à 14 jours. Ces travaux n'avaient pas mis en évidence de différence en
termes de cicatrice rénale avec un recul de 6 à 12 mois. P. Cochat concluait qu’il était logique
de respecter les recommandations de l’AFSSAPS et d’instituer d’emblée un traitement
parentéral. Pour mémoire, en 2004, JC. Craig et EM. Hodson [4] avaient conclu, reprenant
la méta-analyse précédente de la Cochrane sur les 16 premières études publiées, que le
traitement parentéral devait être réservé aux enfants septiques et à ceux dont les troubles
260
G. CHERON, N. BOCQUET, J.-P. JAÏS
digestifs ne permettaient pas d'utiliser la voie orale. En 2007, la National Institute for Health
and Clinical Excellence publiait ses recommandations [5,6]. Les enfants âgés de moins de
trois mois doivent avoir un traitement parentéral. Au-delà de l'âge de trois mois, un traitement
antibiotique par voie orale est proposé (céphalosporine ou amoxicilline-acide clavulanique).
Si la voie orale n'est pas possible, le traitement initial est administré par voie parentérale pendant
2 à 4 jours.
Plus anciennes, les recommandations américaines [7] réservaient le traitement parentéral
aux enfants âgés de moins de 2 mois, et aux enfants âgés de 2 mois à 2 ans "septiques", déshydratés,
ou dont les troubles digestifs ne permettaient pas le traitement oral.
Depuis la dernière revue Cochrane, deux nouvelles études ont été entièrement publiées.
Montini G et al. [8] ont inclus 502 enfants âgés d'un mois à 7 ans ayant un premier épisode
de pyélonéphrite dans un essai multicentrique randomisé comparant un traitement oral
(amoxicilline–acide clavulanique) pendant 10 jours à trois jours de ceriaxone suivis de
7 jours d'amoxicilline-acide clavulanique. Près de 60 % d’entre eux (n = 296) avaient une
scintigraphie initiale confirmant le diagnostic de pyélonéphrite. Parmi ceux-ci, les 2/3 ont
eu une seconde scintigraphie avec un an de recul. En intention de traiter, il n'y avait pas de
différence d'incidence des cicatrices rénales entre les 2 groupes (48 vs 53 %). Neuhaus TJ et al.
[9] ont inclus dans une étude multicentrique randomisée 365 enfants âgés de 6 mois à 16 ans
et comparé un traitement oral (ceibuten) à un traitement parentéral de 3 jours (ceriaxone)
suivi d'un relais oral de 11 jours. Des 219 enfants ayant une scintigraphie initiale de pyélonéphrite,
152 ont une scintigraphie rénale avec un recul de 6 mois. En intention de traiter, il n'y avait
pas de différence d'incidence de rein cicatriciel entre les 2 groupes. Il faut souligner le nombre
important des perdus de vue dans ces deux études, ce qui ne permet pas de conclure à la noninfériorité ni à l'équivalence des deux modalités thérapeutiques de manière définitive.
Le choix de l'amoxicilline-acide clavulanique n'offre pas non plus les garanties d'efficacité
soulignées par l'AFSSAPS. L'inclusion dans l'étude de Neuhaus d'enfants à l'occasion d'une
récidive d'infection urinaire fébrile, rendait de plus complexe l'interprétation des scintigraphies
initiales. L’étude multicentrique française, en cours d'exploitation, a inclus des enfants âgés
d’un mois à trois ans, à l’occasion d’un premier épisode d’infection urinaire fébrile à bacille
gram négatif. L’objectif était de comparer un traitement PO (cefixime, 10j) à un traitement
séquentiel (ceriaxone 4j IV suivi de cefixime 6j PO) en terme de cicatrice rénale. Etaient
incluables les enfants ayant un dosage de PCT supérieur à 0,5 ng/ml et définitivement inclus
ceux dont la scintigraphie initiale, réalisée avant le septième jour, montrait un défect parenchymateux. Etaient secondairement exclus les enfants ayant une récidive d’infection urinaire
avant la seconde scintigraphie. Cette seconde scintigraphie était réalisée au sixième mois. Les
caractéristiques démographiques, le délai de retour à l’apyrexie, la fréquence du reflux vésicourétéral, celle des cicatrices rénales au sixième mois en per protocole comme en intention de
traiter ne différaient pas entre les deux groupes. Aucune de ces trois études ne permet à elle
seule de conclure à la non infériorité du traitement per os. Toutefois elles justifient désormais
d’être sommées dans une actualisation de la méta-analyse réalisée par Cochrane.
Le risque de cicatrice rénale occupe tous les esprits. Les nourrissons âgés de moins d’un
an ont été l’objet d’une attention particulière alors que le risque de cicatrice serait peut être
moindre dans cette classe d’âge [10]. Mais surtout rares sont les études qui surveillent à long
terme l’évolution des cicatrices constatées un an après l’épisode infectieux. Le travail de Parvex
et al. est riche d’enseignement [11]. Cinquante enfants ayant des cicatrices rénales, six mois
après une pyélonéphrite, ont eu une seconde scintigraphie trois ans plus tard. La croissance
rénale a été étudiée échographiquement à trois ans d’intervalle et comparée aux valeurs normales
d’enfants du même âge. Sur la première scintigraphie, 88 des 100 reins avaient une « cicatrice ».
Neuf pour cent des images avaient disparu trois ans plus tard et 63 % avaient diminué de
PYELONEPHRITE DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT : TRAITEMENT PO OU IV
261
taille. La croissance rénale était altérée par la présence de 3 cicatrices ou plus sur un même rein.
L’apparition (ou la prévention) de cicatrices rénales au décours d’un épisode de pyélonéphrite
aiguë ne semblerait pas d’ailleurs tenir essentiellement à la voie d’administration de l’antibiothérapie, lorsque celle-ci est efficace. L’apparition de cicatrice rénale tiendrait non pas tant
à des facteurs de virulence de la bactérie responsable, mais en partie au moins à des facteurs
individuels, notamment de la réponse inflammatoire [12]. Une élimination importante urinaire
d’interleukine 8 serait associée à un risque de cicatrice rénale [13]. De même des concentrations
urinaires d’interleukine 6 à la phase initiale d’une pyélonéphrite étaient associées à un risque
plus important de cicatrice rénale dans une série de 79 nourrissons et enfants [14]. La confirmation
de ces associations légitimerait les essais thérapeutiques des pyélonéphrites associant au
traitement antibiotique un traitement anti-inflammatoire [15]. Des polymorphismes du TGF
béta1 et du VEGF ont été associés à une plus grande fréquence de cicatrice rénale indépendamment du reflux vésico-urétéral [16].
L'évolution des résistances bactériennes, notamment des E. coli responsables de 70 à 90 %
des épisodes d'infections urinaires fébriles de l'enfant, est aussi à prendre en compte et justifie
la prudence nécessaire avant de conclure à la non-infériorité de la sécurité clinique offerte
par un traitement oral des pyélonéphrites du nourrisson et de l'enfant. Seuls 80 % des E Coli
responsables de 191 pyélonéphrites étaient sensibles à l’association amoxicilline / acide clavulanique
à Liège et les auteurs concluaient sur l’intérêt du Cefuroxime [17]. L’émergence des E Coli BLSE
n’est plus limitée aux infections nosocomiales et les souches communautaires secrétrices de
bêta-lactamases étendues avoisinent déjà 10 % [18].
Les données des études randomisées comparant traitement oral et traitement IV plaident
pour une relecture des recommandations de l'AFSSAPS et la prise en compte de l'âge des enfants,
de leur état clinique, au moins lorsqu’une échographie précoce permet de vérifier l’absence
d’obstacle sur les voies excrétrices, d’image d’abcès et la présence de deux reins de taille normale.
Chantal Loirat avait d’ailleurs déjà envisagé la possibilité d’un traitement oral des pyélonéphrites
du nourrisson [19]. C’est plus l’évolution de l’écologie bactérienne que le risque fonctionnel
des cicatrices rénales qui guidera dans les années à venir les modalités thérapeutiques.
AUTEURS :
Chéron G., Bocquet N, Jaïs JP.
Université Paris Descartes – Service des Urgences Pédiatriques.
Hôpital Necker Enfants-Malades, 149 rue de Sèvres75743 Paris CEDEX 15
Tél. 01.44.49.42.90, Fax 01.44.49.42.99
AUTEUR CORRESPONDANT :
Chéron G : [email protected]
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263
MISES AU POINT
264
265
HYPERTENSION ARTERIELLE PULMONAIRE DE
L’ENFANT : NOUVELLES ALTERNATIVES THERAPEUTIQUES
par
F. GODART
L’hypertension artérielle pulmonaire de l’enfant est définie par les mêmes critères que
celle de l’adulte, c’est-à-dire par une pression artérielle pulmonaire moyenne supérieure à
25 mm Hg au repos avec une pression capillaire pulmonaire moyenne basse (inférieure ou
égale à 15 mm Hg) associées à une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires indexées
strictement supérieures à 3 U Wood/m².
Ses causes sont extrêmement variées mais résultent finalement d’un déséquilibre entre les
agents favorisant une vasoconstriction et/ou une prolifération cellulaire et ceux induisant
des phénomènes de vasodilatation et d’anti-prolifération cellulaire. Classiquement, c’est une
maladie dont le pronostic était très sombre puisqu’au début des années 1990, l’espérance de
vie était en moyenne de 10 mois au diagnostic en l’absence de traitement [1].
Selon la classification la plus récente de Dana Point (Californie) (Figure), il s’avère que
près de 80 à 90 % des HTAP de l’enfant sont des formes idiopathiques, des formes héritables,
ou enfin des formes associées à des cardiopathies congénitales. Cette distribution a aussi été
retrouvée dans le registre français de l’HTAP pédiatrique [2]. Les enfants y présentaient
comme signes fonctionnels : une dyspnée (76 %), une asthénie (72 %), une cyanose d’effort
(16 %), voire dans moins de 20 % des cas, une syncope, une douleur thoracique ou une
hépatomégalie. A l’inclusion, 54 % des patients étaient en classe II, 26 % en classe III, 17 %
en classe I et enfin 2 % en classe IV. Il est intéressant de noter que chez les enfants âgés de
plus de 3 ans, 81 % d’entre eux étaient scolarisés normalement, mais que 19 % relevaient
d’une scolarisation spécialisée. Il en a été déduit une prévalence d’au moins de 3,7 cas par
million en excluant les HTAP persistantes du nouveau-né ou celles en rapport à un shunt
dans les cardiopathies.
La prise en charge thérapeutique de l’HTAP de l’enfant comporte de nombreux écueils.
Ses causes sont variées et la présentation peut se faire à des âges très différents du nouveau-né
de faible poids à un enfant ou adolescent. En outre, le diagnostic n’est pas toujours facile car il
peut être difficile d’obtenir un cathétérisme et surtout de le répéter chez un enfant. L’appréciation
et l’amélioration de la classe fonctionnelle sous traitement ne sont pas non plus aisées à
déterminer chez un nourrisson ; par exemple, le test de marche de 6 mn n’est pas réalisable
chez le jeune enfant au-dessous de 5-6 ans. Par ailleurs, il existe peu de galénique pédiatrique
et enfin, nous ne disposons que de peu d’études randomisées en double aveugle.
Dans le traitement conventionnel, on note la prise de diurétiques en cas de syndrome
œdémateux (50 %), d’anticoagulants (20-25 %), d’une oxygénothérapie intermittente en cas
266
F. GODART
d’épisode de désaturation ; de digoxine qui n’a pas fait ses preuves. Enfin, les patients sont
mis sous inhibiteurs calciques quand le test de vasodilatation au NO est positif (environ 10 %
des cas). Il faut associer à ces traitements des éléments importants comme l’adaptation de la
scolarité, des vaccinations mises à jour contre la grippe et le pneumocoque, voire des séances
de réadaptation ou de kinésithérapie respiratoire.
L’apparition de prostacycline en intraveineux au milieu des années 80 a été probablement
un des éléments clés dans la prise en charge de l’HTAP de l’enfant et a surtout radicalement
modifié le pronostic. En effet, selon Robyn Barst [3], les enfants mis sous prostacycline avaient
une survie de 100 % à 1 an, de 94 % à 2, 3 et 4 ans, ce qui était nettement supérieure à la
survie de 50 % à un an, 43 % à 2 ans, 38 % à 3 et 4 ans sous traitement conventionnel.
Depuis cette date et plus récemment, plusieurs thérapeutiques ont été introduites dans
la pharmacopée de l’HTAP. Ils agissent essentiellement sur 3 grandes voies métaboliques
différentes. On distingue tout d’abord les dérivés de la prostacycline, avec comme molécule
phare l’époprosténol en intraveineux, mais aussi l’iloprost administré par inhalation, et plus
récemment le trépostinil en administration sous-cutanée. La seconde voie est celle du NO,
avec l’administration de NO inhalée, mais aussi de molécules inhibant la phosphodiestérase V,
tel le sildénafil avec comme résultat principal une vasodilatation. Enfin, la troisième voie est
celle des inhibiteurs mixtes des récepteurs à l’endothéline avec comme molécule phare le bosentan.
L’utilisation du bosentan en pédiatrie remonte à une dizaine d’années. Rosenzweig a
montré sur une série de 86 enfants et âgés de 11 ± 5 ans, avec HTAP (forme idiopathique,
associée à une cardiopathie ou une connectivite), une amélioration significative de la classe
fonctionnelle WHO (dans 46 % des cas), une baisse de la PAP moyenne (de 64 à 57 mm Hg),
des résistances vasculaires pulmonaires (de 20 à 15 UW/m2) et une survie à 98 % à 1 an et 91 %
à 2 ans [4].
Dans l’étude BREATHE V [5], cette molécule a été proposée chez des patients souffrant
d’un syndrome d’Einsemenger, en classe III et âgés de plus de 12 ans. Sous traitement comparé
à un placebo, le périmètre de marche s’est amélioré avec un gain de + 53 m à 4 mois, la PAP
moyenne a diminué de moins 5 mm Hg, et les résistances vasculaires pulmonaires de moins
de 472 dyn/sec/cm-5. Une grande partie de ces effets s’est maintenue à 40 semaines.
Par ailleurs, l’étude FUTURE 1 [5] s’est intéressée à étudier le profil pharmacocinétique
du bosentan chez l’enfant. Les patients ont été soumis à un régime de 2 ou 4 mg/kg x 2/jr. Il
s’est avéré que la concentration plasmatique de la molécule et de ses dérivés était environ de
50 % de celle des adultes soumis à une posologie équivalente. En revanche, la distribution de
la concentration du médicament était très voisine et superposable pour ces deux posologies.
En pratique, la posologie de 2 mgr/kg x 2 par jour a été retenue chez l’enfant. Dans cette
étude, il a été noté une amélioration ou une stabilité de la classe fonctionnelle, de l’état de
l’enfant, mais aussi de certains critères de qualité de vie. Depuis quelques mois, le bosentan
comprimé à 32 mg, dispersible et quadri-sécable est disponible chez l’enfant et est proposé
au-delà d’un âge de 2 ans.
Dans l’étude EARLY publiée dans le Lancet en 2008 [7], les auteurs se sont intéressés à
traiter des patients non plus en classe III comme auparavant, mais en classe II. Il ne s’agit pas
à proprement parler d’une étude pédiatrique mais elle comporte des patients ayant des
cardiopathies congénitales et ces résultats nous interpellent en pédiatrie. Il a été démontré à
6 mois que le bosentan par rapport au placebo baissait les résistances vasculaires pulmonaires
de moins 22 %, le taux de NT-proBNP, améliorait le périmètre de marche de plus 19 m (seul de
ces critères avec une valeur de p non significative), et permettait surtout un retard à l’aggravation
HYPERTENSION ARTERIELLE PULMONAIRE DE L’ENFANT :
NOUVELLES ALTERNATIVES THERAPEUTIQUES
267
clinique. Cette étude plaide clairement pour un traitement plus précoce chez des patients
moins symptomatiques.
La voie du NO est une autre voie thérapeutique. Le NO active la guanylate cyclase qui
dégrade le GTP en cGMP, ce qui active des protéines kinases induisant l’activation de muscles
lisses vasculaires d’où des phénomènes de relaxation artérielle pulmonaire ; le cGMP est détruit
par la phosphodiestérase V. Le sildénafil, qui est un inhibiteur de cette phosphodiestérase V,
entraîne une vasodilatation et a des effets anti-prolifératifs. Plusieurs études prospectives,
rarement randomisées, ont été effectuées chez l’enfant en réanimation, souvent opéré d’une
cardiopathie congénitale. Le sildénafil permet en postopératoire une amélioration de l’index
d’oxygénation, un sevrage du NO plus facile, moins de crises d’HTAP, une baisse de la PAP
moyenne, du ratio PAP/Paortique, une durée moindre de ventilation assistée, un séjour plus
court en réanimation et enfin, une baisse de la mortalité [8,9].
Comme pour le bosentan, une étude à moyen terme (12 mois) a été effectuée avec le
sildénafil chez 14 enfants, âgés de 5 à 18 ans [10]. Sous ce traitement, il a été noté une augmentation du périmètre de marche à 6 et 12 mois, passant de 278 m initialement à 432 m à un an
avec une phase de plateau dès le 6e mois, une diminution de la PAP moyenne de 60 à 50 mm Hg
et des résistances vasculaires pulmonaires de 15 à 12 U W/m2 au contrôle effectué à 11 mois, et
enfin une amélioration de la classe fonctionnelle.
Plus récemment, certains ont évoqué l’intérêt d’un traitement combiné dans l’HTAP de
l’enfant en agissant sur plusieurs voies métaboliques différentes. Dans l’étude de Lunze [11]
effectuée chez 11 patients en classe III et à un âge médian de 12,9 ans, les doses de bosentan
étaient de 2,3 ± 0,6 mg et de sildénafil 2,1 ± 0,9 mg. Cette association a permis, à un an, une
amélioration de la classe fonctionnelle de 2,8 à 1,6, associée à une augmentation de la Sao2
de 89 à 92 %, une augmentation de la VO2 de 18,1 à 22,8 mL/kg/min, du périmètre de
marche de 351 à 451 m et enfin une baisse de la PAP moyenne de 62 à 46 mm Hg. L’avantage
principal de cette association est son administration per os comparée au traitement par
prostacycline en intraveineux, inhalé, voire en sous-cutané continu.
Enfin, la 3ème voie, la plus ancienne est celle des analogues de la prostacycline avec comme
molécule phare l’époprosténol en intraveineux. Ce dernier est le traitement de recours proposé
classiquement chez les patients en phase IV, mais il est lourd pour le patient, comporte des
risques d’infections…. Il existe des alternatives thérapeutiques avec l’iloprost inhalé, mais qui
nécessite environ 6 inhalations par jour ce qui est aussi très contraignant et induit une mauvaise
observance, voire le trépostinil en administration continue sous-cutanée, mais qui peut poser
des problèmes de tolérance cutanée. L’émergence d’analogues de la prostacycline per os changera
certainement la prise en charge pédiatrique à l’avenir.
En pratique courante, si l’enfant symptomatique est répondeur à un test de vasodilatation,
il reçoit un inhibiteur calcique en première intention. S’il s’aggrave sous ce traitement, on
lui propose ensuite du bosentan ou du sildénafil. Chez le patient non répondeur, classiquement
en classe III, voire probablement en classe II, on lui donne, là encore, du bosentan ou du
sildénafil. S’il s’aggrave, un traitement combiné peut être proposé associant sildénafil plus
bosentan. Ensuite, il peut lui être administré du trépostinil, voire de l’iloprost. En revanche,
un patient en classe IV est classiquement mis sous époprosténol en intraveineux ; des traitements
combinés peuvent être associés en sus. S’il n’y pas d’amélioration, on pourra ensuite discuter,
dans une HTAP idiopathique, l’intervention de Potts [12]. Il s’agit d’une anastomose entre
l’artère pulmonaire gauche et l’aorte descendante. Elle entraîne une voie de décharge avec
une désaturation de la partie inférieure du corps reproduisant une physiologie proche de
268
F. GODART
l’Eisenmenger, améliore la fonction du VD et pourrait prévenir les syncopes et la mort subite.
Ensuite à ce stade, l’ultime alternative est de proposer l’enfant à un programme de transplantation
pulmonaire.
En conclusion, l’apparition de nouveaux vasodilatateurs pulmonaires per os a bien
évidemment modifié la prise en charge de l’HTAP de l’enfant. Pour l’instant, la plupart des
protocoles thérapeutiques restent déduits de ceux utilisés chez l’adulte ; ils sont proposés
chez l’enfant en classe III avec une tendance actuelle à les donner aussi en classe II. Il semble
qu’il soit aussi intéressant de passer rapidement à une bi-thérapie si le traitement initial est
insuffisant. Il est probable que ces traitements, jouant chacun sur une voie métabolique différente,
devraient probablement être introduits plus précocement pour contrecarrer l’évolution de
la maladie. Par ailleurs, dans l’HTAP associée à des cardiopathies congénitales, il faut espérer
que les protocoles de correction de plus en plus précoces diminueront son incidence et qu’en
revanche, chez l’enfant avec une cardiopathie partiellement réparée et gardant une HTAP,
la mise sous vasodilatateurs pulmonaires permettra une baisse de la PAP suffisante pour lui
proposer une chirurgie de type correctrice.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
François Godart 1,2,
1
Univ Lille Nord de France, EA2693, F-59000 Lille, France;
2
CHULille, Cardiologie Infantile et Congénitale, Clinique de Pédiatrie, F-59000 Lille, France
Email : [email protected]
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HYPERTENSION ARTERIELLE PULMONAIRE DE L’ENFANT :
NOUVELLES ALTERNATIVES THERAPEUTIQUES
269
Figure : Classification clinique des HTAP (Dana Point 2008).
1. HTAP
- HTAP idiopathique
- HTAP héritable : BMPR2, ALK1, endogline (avec ou sans maladie de Rendu-Osler), non connu
- HTAP idiopathique
- HTAP héritable : BMPR2, ALK1, endogline (avec ou sans maladie de Rendu-Osler), non connu
- HTAP induite par la prise de médicaments ou toxiques
- HTAP associée à :
o Une connectivite
o Une infection par VIH
o Une hypertension portale
o Une cardiopathie congénitale
o Une schistosomiase
o Une anémie hémolytique chronique
- HTAP persistante du nouveau-né
1’. Maladie veino-occlusive pulmonaire et/ou hémangiomatose capillaire pulmonaire
2. Hypertension pulmonaire due aux cardiopathies gauches
- dysfonction systolique
- dysfonction diastolique
- valvulopathie
3. Hypertension pulmonaire due aux maladies respiratoires et/ou une hypoxie
- BPCO
- maladie interstitielle
- autres maladies pulmonaires restrictives et/ou obstructives
- troubles ventilatoires du sommeil
- syndrome d’hypoventilation pulmonaire
- exposition chronique à la haute altitude
- anomalies du développement
4. Hypertension pulmonaire de la maladie thromboembolique chronique cruorique
5. Hypertension pulmonaire de mécanisme non clair ou multifactoriel :
- troubles hématologiques : troubles myéloprolifératifs, splénectomie
- troubles systémiques : sarcoïdose, histiocytose X pulmonaire, lymphangioleiomyomatose, neurofibromatose,
vascularites
- troubles métaboliques : glycogénose, maladie de Gaucher, troubles thyroïdiens
- autres : obstruction tumorale, médiastinite fibrosante, insuffisance rénale chronique dialysée.
270
271
ASPECTS GENETIQUES DE LA SURDITE
par
S. MARLIN, L. JONARD, M. LOUHA, S. PONG, F. DENOYELLE
La surdité est l’handicap sensoriel le plus fréquent. Affectant un enfant sur 1000 naissances,
la surdité peut être d’origine génétique ou environnementale. Après avoir exclu les principales
causes de surdité environnementale (embryo-fœtopathie, traumatismes sonores, exposition
ototoxique, méningite, labyrinthite, …), une cause génétique doit être envisagée.
La surdité peut être associée à d’autres anomalies cliniques (surdité syndromique) (10 %)
ou être isolée (90 %) (cf figure 1). Alors que plus de 50 gènes ont été impliqués dans une surdité
isolée, près de 500 syndromes incluraient une surdité comme un des signes.
Les surdités génétiques sont des pathologies extrêmement hétérogènes, aussi bien sur
le plan clinique que génétique [1]. Tous les modes de transmission peuvent être observés :
autosomique récessif, autosomique dominant, lié à l’X, mitochondrial [2], oligogénique, et
même lié à l’Y !
Les gènes affectés codent pour une grande variété de protéines : protéines des jonctions
communicantes (GJB2, GJB6,…), protéines des jonctions serrées (CLDN14, TJP2,…), protéines
de structure (MYO7A, ACTG1, CDH23, COL11A1, MYH14,…), canaux et transporteurs
(SLC26A4, KCNQ4, KCNQ1, SLC29A3…), facteurs de transcription (POU3F4, POU4F3,
GATA3, TFCP2L3…), enzymes (PRPS1, LRTOMT), facteurs de croissance (HGF), ARN
ribosomal (MTRNR1), ARN de transfert (MTTS1, MTTL1…), rôle inconnu (COCH,
WFS1…) et même microARN (miR-96).
Lorsqu’elle appartient à un syndrome, la surdité peut être associée à divers déficits fonctionnels ou malformations. La peau, l’œil, le pancréas, le cœur, la thyroïde, le système nerveux
central, les dents, la parathyroïde, le rein, le squelette peuvent être affectés, ainsi que la fonction
gonadique, le métabolisme, l’équilibre, le système immunitaire, les cellules sanguines …
Les principaux syndromes incluant la surdité comme un des signes cliniques sont : le
syndrome de Pendred, le syndrome de Waardenburg, le syndrome d’Usher, le syndrome brachiooto-rénal (BOR), le syndrome Jervell & Lange-Nielsen, le syndrome CHARGE, le syndrome
d’Alport, le syndrome de Wolfram, le syndrome de Stickler, le syndrome de Goldenhar, le
syndrome de Treacher-Colins.
Dans les surdités isolées, certains gènes sont étudiés préférentiellement, au vu de leur fréquence
de mutation. GJB2, qui encode la connexine 26, représente à lui seul 40 % des causes de surdités
autosomiques récessives [3]. Il est aussi impliqué dans des surdités autosomiques dominantes
et des surdités syndromiques avec anomalies cutanées. SLC26A4, qui code la pendrine, est
responsable de 10 % des surdités autosomiques récessives toujours associées à des malformations
caractéristiques de l’oreille interne [4]. SLC26A4 est également impliqué dans le syndrome
de Pendred, qui associe surdité, malformations de l’oreille interne, et dyshormonogenèse
272
S. MARLIN, L. JONARD, M. LOUHA, S. PONG, F. DENOYELLE
thyroïdienne. OTOF, qui code l’otoferline, est muté dans les neuropathies auditives, parfois
aggravées par de la fièvre (mutation thermosensible) [5]. COCH, qui code la cochline, est
muté dans une forme de surdité autosomique dominante évolutive avec vertiges. WFS1, qui
code la wolframine, est impliqué dans le syndrome de Wolfram de transmission autosomique
récessive (surdité, diabète insipide, diabète sucré, atrophie optique), une surdité isolée autosomique dominante, et dans les phénotypes « frontière » dominants… De nombreux autres
gènes ont été impliqués dans des surdités isolées. Pour la plupart, la prévalence et le phénotype
associé restent à définir afin de pouvoir inclure leur étude dans un arbre décisionnel diagnostique.
Lors du bilan étiologique d’une surdité, le déficit auditif doit être finement caractérisé :
âge de début (congénital, prélingual, postlingual, tardif, presbycousie), sévérité (légère,
moyenne, sévère à profonde), localisation du déficit (surdité de transmission, de perception,
mixte), évolutivité (stable, progressive, fluctuante), allure de l’audiogramme (notion de
fréquences particulièrement affectées), association à un retard moteur (fonction vestibulaire),
à des vertiges ou des acouphènes.
Cette analyse des données audiométriques est complétée par un examen clinique et
par différents examens : audiogramme de la fratrie, scanner ou IRM des rochers, évaluation
ophtalmologique avec fond d’œil, sérologie de CMV chez le patient +/- sa mère. Devant une
surdité profonde, on prescrit en plus un électrocardiogramme si l’âge de la marche est normal
ou un électrorétinogramme si la marche est retardée. Une recherche d’hématurie est faite devant
toute surdité postlinguale évolutive. D’autres examens complémentaires (audiogrammes des
parents, échographie rénale, radio de squelette, etc ...) seront demandés en fonction du
contexte.
Les objectifs d’une recherche étiologique devant une surdité sont :
- établir ou exclure un défaut génétique,
- rechercher d’autres anomalies associées,
- établir un pronostic d’évaluation,
- évaluer le risque de récurrence,
- découvrir d’autres membres atteints.
Les conclusions de l’enquête génétique peuvent éventuellement modifier : le suivi, le
traitement d’un trouble associé, l’indication thérapeutique (implant cochléaire bilatéral dans
le syndrome d’Usher), la prévention de cas familiaux (par exemple contre-indication des aminosides
chez les patients portant la mutation mitochondriale m.1555A>G, …).
En conclusion, les études génétiques de ces 10 dernières années ont permis d’identifier
beaucoup de gènes et de protéines impliqués dans l’audition et la surdité. Ces connaissances
physiopathologiques devraient permettre d’élaborer des stratégies thérapeutiques dans le futur.
AUTEURS :
Marlin S, Jonard L, Louha M, Pong S, Denoyelle F
Centre de Référence des Surdités Génétiques, Hôpital Trousseau, APHP, Paris, France.
Service de génétique et embryologie médicales, Hôpital Trousseau, APHP, Paris, France.
UMR 587, INSERM, Hôpital Trousseau, APHP, Paris, France.
AUTEUR CORRESPONDANT :
[email protected]
ASPECTS GENETIQUES DE LA SURDITE
273
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Figure 1: Représentation des surdités d’origine génétique
1%
10%
1%
20%
68%
Surdité mitochondriale isolée
Surdité syndromique
Surdité isolée liée à l’X
Surdité isolée autosomique dominante
Surdité isolée autosomique récessive ou sporadique
274
275
ACTUALITES SUR LA PRISE EN CHARGE
DES GLYCOGENOSES AVEC ATTEINTE HEPATIQUE
par
A. MOLLET BOUDJEMLINE, P. TRIOCHE EBERSCHWEILER,
A.-H. BURON, V. GAJDOS, P. LABRUNE
Les glycogénoses avec atteinte hépatique sont des maladies rares. On estime leur incidence,
tous types confondus, à environ 1 sur 30 à 40 000 naissances. Toutes ces maladies ont été décrites
au plan clinique, puis biochimique, puis enzymologique. Durant les dernières années, la description
s’est enrichie et complétée par le clonage et l’identification des différents gènes en cause.
RAPPEL SUR LE MÉTABOLISME DU GLYCOGENE
ET LA CLASSIFICATION DES GLYCOGENOSES
La synthèse et la dégradation du glycogène font intervenir de nombreux enzymes (figure 1).
L’activité de la glucose-6-phosphatase est fortement exprimée dans le foie, le rein et les
cellules intestinales. Le déficit de l’activité de la glucose-6-phosphatase est à l’origine de la
glycogénose de type Ia et le gène humain codant la glucose-6-phosphatase a été cloné : il
s’étend sur 12,5 kB et comprend 5 exons.
Afin d’être hydrolysé, le glucose-6-phosphate doit être transporté dans la lumière du
réticulum endoplasmique. Ce transport est assuré par une translocase. L’existence de ce transporteur a été confirmée par le clonage de l’ADN complémentaire qui code ce transporteur
putatif. Les mutations dans le gène codant le transporteur sont à l’origine de la glycogénose
de type Ib. Ce gène comprend 9 exons.
L’enzyme débranchante, ou amylo-1.6- glucosidase, est capable de transférer 3 résidus
glucoses à la fin d’une autre chaîne puis d’hydrolyser la liaison α-1.6. Le déficit en enzyme
débranchante est à l’origine de la glycogénose de type III. Le gène codant l’enzyme débranchante
a été cloné : il s’agit d’un grand gène qui s’étend sur 85 kB et contient 34 exons.
La phosphorylase hépatique hydrolyse les liaisons α-1.4. Le déficit en cette activité enzymatique
est responsable de la glycogénose de type VI. Le gène a été cloné et identifié.
La phosphorylase kinase est capable d’activer la phosphorylase hépatique. La phosphorylase
kinase est elle-même activée par le calcium, par phosphorylation, après action d’une protéine
kinase dépendante de l’AMP cyclique. La phosphorylase kinase comprend 4 sous-unités codées
par 4 gènes différents. Il existe ainsi 4 formes différentes de déficit en phosphorylase kinase à
l’origine de la glycogénose de type IX.
L’enzyme branchante crée les liaisons alpha-1.6 au sein du glycogène. Le déficit en enzyme
branchante est responsable de la glycogénose de type IV. Le gène codant l’enzyme branchante
276
A. MOLLET BOUDJEMLINE, P. TRIOCHE EBERSCHWEILER, A.-H. BURON, V. GAJDOS, P. LABRUNE
a également été cloné et identifié.
Enfin, le déficit en glycogène synthase est à l’origine de la glycogénose de type 0. Il en
existe une forme musculaire et une forme hépatique
ACTUALITES SUR LA PRISE EN CHARGE DIAGNOSTIQUE
Le diagnostic biologique des glycogénoses avec atteinte hépatique a été, au cours des 10 dernières
années, révolutionné par le clonage et l’identification des différents gènes en cause [1,2].
Glycogénoses de type I
L’identification du gène codant la glucose-6-phosphatase, puis de celui codant la glucose6-phosphate translocase, a permis un diagnostic moléculaire simple et relativement rapide,
les deux gènes étant de petite taille. De fait, dans la quasi-totalité des cas, il est possible de ne
plus avoir recours à la biopsie hépatique pour confirmer le diagnostic de glycogénose de type
I, qu’il s’agisse du type 1a ou du type 1b. Ainsi, la constatation de signes cliniques évocateurs
chez un enfant (hypoglycémie de jeûne court avec acidose lactique chez un enfant ayant une
hépatomégalie molle) doit faire envisager de demander en premier le diagnostic moléculaire
de glycogénose de type 1. S’il existe une neutropénie, l’étude commencera par l’analyse du
gène codant la translocase. En l’absence de neutropénie, l’étude commencera par l’analyse
du gène codant la glucose-6-phosphatase. Ces études moléculaires ont mis en évidence la
grande hétérogénéité allèlique des glycogénoses de type Ia et Ib [3,4].
L’étude moléculaire est également la seule possibilité d’effectuer, si la demande en est
faite, le diagnostic prénatal de la maladie. En effet, auparavant, ce diagnostic prénatal était
impossible, l’activité de la glucose-6-phosphatase ne s’exprimant ni dans les villosités choriales
ni dans les amniocytes. Certaines tentatives avaient été effectuées par biopsie de foie fœtal,
avec des résultats peu fiables, et des risques importants. A ce jour, de nombreux diagnostics
prénatals ont été effectués sur villosités choriales [5].
L’étude moléculaire permet également de discuter, si la demande est faite, de l’indication
d’un diagnostic génétique préimplantatoire.
Glycogénoses de type III
Le clonage du gène codant l’amylo-1.6-glucosidase n’a pas révolutionné la prise en charge
diagnostique des enfants atteints de cette glycogénose. En effet, l’activité enzymatique
s’exprimant dans les cellules sanguines, le diagnostic repose toujours sur l’étude enzymologique
effectuée sur un prélèvement sanguin. Cependant, la biologie moléculaire permet d’affirmer
le statut d’hétérozygote (les résultats enzymologiques étant plus difficiles à interpréter) et
vient en complément, tout particulièrement lors du diagnostic prénatal. L’étude moléculaire
du gène codant l’amylo-1.6 –glucosidase est plus longue, ce gène étant de grande taille
(34 exons). Les différentes études moléculaires effectuées ont bien mis en évidence l’hétérogénéité
allèlique de la maladie. Ces études moléculaires ont également permis de montrer que, dans
certains groupes de populations, comme par exemple les juifs Sépharades, la même mutation
est retrouvée chez la quasi-totalité des malades [6,7]. Enfin, l’étude moléculaire est la seule
possibilité d’effectuer, si la demande en est faite, un diagnostic génétique préimplantatoire.
ACTUALITES SUR LA PRISE EN CHARGE DES GLYCOGENOSES AVEC ATTEINTE HEPATIQUE
277
Glycogénoses par déficit du système phosphorylasique
Glycogénoses de type VI liées à un déficit en phosphorylase hépatique
Dans cette forme bénigne de glycogénose, le diagnostic repose toujours sur l’étude enzymologique. Les études moléculaires ont permis de bien confirmer que les 3 isoformes de phosphorylase, l’isoforme musculaire, l’isoforme hépatique, l’isoforme cérébrale, étaient toutes
codées par 3 gènes différents. Des mutations au sein du gène codant la phosphorylase hépatique,
gènes PGYL, ont été identifiées chez des malades atteints de ce type de glycogénose.
Glycogénoses de type IX liées à des déficits en phosphorylase kinase
La phosphorylase kinase est constituée de 4 sous-unités différentes, toutes codées par
4 gènes différents. Cette complexité génétique explique pourquoi, durant longtemps, une
classification numérique confuse a été utilisée pour ce type de glycogénose. Les 4 sous-unités
sont dénommées α, β, γ et calmoduline. L’activité catalytique de la phosphorylase kinase est
portée par la sous-unité γ et elle est modifiée selon l’état de phosphorylation des 2 unités
régulatoires, α et β. Les isoformes hépatiques des sous-unités α et γ de la phosphorylase kinase
sont codées par les gènes PHKA2 et PHKG2. La sous-unité β, d’expression ubiquitaire, est
codée par le gène PHKB. Les mutations au sein du gène PHKA2 sont à l’origine du déficit
en phosphorylase kinase transmis sur un mode lié à l’X, qui correspond au type le plus
fréquent des déficits en phosphorylase kinase (64 % des malades). L’étude moléculaire du
système phosphorylasique est venue aider à une meilleure compréhension des mécanismes
de la maladie d’une part, à établir un diagnostic précis d’autre part, certains déficits pouvant
s’exprimer uniquement dans le foie, alors que d’autres s’expriment également dans les cellules
sanguines (lymphocytes et érythrocytes). Ainsi, à l’heure actuelle, lorsqu’un déficit du
système de la phosphorylase kinase est évoqué, l’étude enzymologique doit être complétée
par une étude moléculaire [8,9].
Déficit en glycogène synthase : glycogénoses de type 0
Ce type de glycogénose est difficile à diagnostiquer. En effet, le déficit en glycogène synthase
hépatique n’entraîne pas le développement d’une hépatomégalie. L’identification du gène
codant la glycogène synthase hépatique permet une confirmation moléculaire du diagnostic,
et permettra peut être dans un avenir prochain, de s’affranchir de la biopsie de foie qui reste
encore l’examen de référence pour mesurer l’activité enzymatique de cette enzyme [10].
Glycogénoses de type IV
L’identification du gène codant l’enzyme branchante permet une confirmation du diagnostic,
un diagnostic prénatal fiable, une discussion concernant le diagnostic génétique préimplantatoire.
Les manifestations cliniques de ce type de glycogénose sont très hétérogènes, allant de formes
neuromusculaires fœtales à l’origine d’akinésies fœtales, à des formes précoces du jeune enfant
associant cirrhose et atteinte musculaire invalidante, jusqu’à des formes plus « modérées »
de l’adulte [11].
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A. MOLLET BOUDJEMLINE, P. TRIOCHE EBERSCHWEILER, A.-H. BURON, V. GAJDOS, P. LABRUNE
ACTUALITE SUR LA PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
Certaines nouveautés thérapeutiques ont vu le jour et ont été développées au cours des
années récentes.
Glycogénoses de type 1a
Le traitement de la glycogénose de type 1a repose essentiellement sur la diététique.
L’introduction de la Maïzena crue en 1986 a transformé la prise en charge des enfants atteints
de glycogénose de type 1.
Il y a quelques années, un nouvel amidon de maïs, le Glycosade®, a semblé prometteur.
Les études effectuées avaient mis en évidence, en utilisant ce nouvel amidon, une prolongation
de la normo-glycémie, une meilleure tolérance digestive. Cependant, différents problèmes
de fabrication n’ont pas permis le développement de ce nouveau produit diététique. D’autres
études sont en attente. Cependant, des règles de bonne pratique ont été rédigées et publiées
afin d’homogénéiser et d’améliorer la qualité de la prise en charge de ces malades [12].
Glycogénoses de type 1b
Le pronostic de la neutropénie fréquente au cours de ce type de glycogénose a été largement
amélioré par l’utilisation des facteurs de croissance des cellules souches hématopoïétiques
[13]. Récemment, la prise en charge thérapeutique de l’atteinte intestinale fréquente au cours
de ce type de glycogénose a pu bénéficier de l’utilisation de produits issus des biothérapies
telles que l’adalimumab [14]. Enfin, l’ajout de vitamine E à l’alimentation a permis de faire
diminuer de façon significative le nombre d’épisodes infectieux chez un certain nombre de
malades, sans qu’une vraie explication physiopathologique ait pu permettre de comprendre
l’origine de cette efficacité [15].
Glycogénoses de type III
Il avait été montré, et il vient d’être confirmé récemment, que l’utilisation d’un régime
hyper protidique était bénéfique chez les malades atteints de ce type de glycogénose. De tels
régimes ont permis la régression de signes patents de myocardiopathie, l’amélioration de la
symptomatologie musculaire périphérique [16]. Certains essais combinant l’alimentation
hyper protidique, un régime cétogène, l’administration de corps cétoniques par voie orale,
semblent prometteurs mais doivent être confirmés sur un plus grand nombre de malades. Des
règles de bonne pratique ont également été rédigées et publiées pour ce type de glycogénose [17].
DEVELOPPEMENTS FUTURS
Durant de longues années, aucun modèle animal utilisable en pratique courante n’était
disponible. Les premières souris atteintes de glycogénose de type I, souris obtenues par invalidation ciblée de l’expression du gène glucose-6-phosphatase, étaient d’une fragilité extrême,
en raison des hypoglycémies sévères et fréquentes qui finissaient par les tuer dans le très jeune âge.
ACTUALITES SUR LA PRISE EN CHARGE DES GLYCOGENOSES AVEC ATTEINTE HEPATIQUE
279
Plus récemment, un modèle canin a été décrit aux Etats-Unis. Encore plus récemment,
une équipe lyonnaise a réussi à développer des lignées de souris ayant des invalidations ciblées
de l’activité glucose-6-phosphatase au niveau hépatique, au niveau rénal, au niveau intestinal.
Ainsi, la souris porteuse d’un déficit en glucose-6-phosphatase restreint au foie est parfaitement
viable, le rein et l’intestin étant capables de produire du glucose en quantité suffisante.
L’observation de ce modèle murin a permis de voir se développer des adénomes hépatiques,
comme c’est le cas chez l’homme. La caractérisation biochimique précise de cette souris a été
effectuée, amenant à des résultats nouveaux et intéressants [18].
De plus, en mettant à profit les travaux déjà effectués pour d’autres maladies métaboliques
hépatiques comme la maladie de Crigler Najjar, les équipes lyonnaises et nantaises ont
démarré une approche de thérapie génique en utilisant des vecteurs de type AAV porteurs
de l’ADN complémentaire de la glucose-6-phosphatase. Les premiers résultats obtenus sont
encourageants.
CONCLUSION
Au cours des dernières années, les malades qui souffrent de glycogénose avec atteinte
hépatique ont pu bénéficier d’un certain nombre de progrès. Il s’agit de progrès dans le diagnostic,
rendant quasi obsolète la pratique d’une biopsie de foie. Il s’agit de progrès dans la prise en
charge thérapeutique, tout particulièrement pour les glycogénoses de type Ib et les glycogénoses
de type III. Il existe également des perspectives futures intéressantes et prometteuses, suite
au développement d’un modèle murin de glycogénose de type I.
AUTEURS :
Alix Mollet Boudjemline, Pascale Trioche Eberschweiler, Aurélie Hubert Buron, Vincent Gajdos, Philippe Labrune
AUTEUR CORRESPONDANT :
Philippe Labrune, Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme Hépatique,
Hôpital Antoine Béclère (APHP), BP 405, 92141 Clamart cedex et Université Paris Sud, UFR Kremlin Bicêtre.
[email protected]
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Figure 1 : Métabolisme simplifié du glycogène et relation avec les types de glycogénoses
281
APPROCHE PHYSIOPATHOLOGIQUE DES CHOLESTASES
HEPATOCYTAIRES GENETIQUES DE L’ENFANT
par
E. GONZALES, E. JACQUEMIN
INTRODUCTION
La cholestase se définit comme l’ensemble des manifestations dues à une altération
qualitative et/ou quantitative du flux biliaire. En période néonatale, son incidence est élevée,
estimée à 1/2500 naissances. La démarche diagnostique est bien codifiée et vise à identifier
au plus vite une éventuelle atrésie des voies biliaires qui représente 50 % des causes de cholestase
chronique à début néonatal et 50 % des indications de transplantation hépatique (TH)
pédiatrique [1]. La cholestase peut être secondaire à des lésions des voies biliaires extrahépatiques
et/ou intrahépatiques ou à des anomalies hépatocytaires. Certaines cholestases sont d'origine
génétique (Tableau 1). Parmi les cholestases hépatocytaires génétiques, certaines sont primitivement cholestatiques, tandis que d'autres secondaires à une insuffisance hépatocellulaire,
des anomalies métaboliques ou de surcharge et ne seront pas traitées dans ce texte. Ces 25
dernières années, différentes cholestases hépatocytaires génétiques ont été caractérisées sur
le plan moléculaire. Pour certaines d'entre elles, des travaux expérimentaux sur des modèles
cellulaires et/ou animaux ont permis de mieux en préciser les mécanismes physiopathologiques
(Figure 1). Nous présenterons, en fonction des mécanismes physiopathologiques impliqués,
les principales cholestases hépatocytaires génétiques identifiées.
282
E. GONZALES, E. JACQUEMIN
Tableau 1 : Classification des cholestases génétiques
Maladies
γGT
Protéine, gène (chromosome)
Anomalies de synthèse des acides biliaires primaires
Déficit en 3β-HSD
Déficit en Δ4-3oxo-R
Déficit en oxystérol 7α-OHase
N
N
N
3β-HSD, HSD3B7 (16)
Δ4-3oxo-5β R, AKR1D1 (7)
oxystérol 7α-OHase, CYP7B1 (8)
Anomalies de transport canaliculaire#
PFIC1
PFIC2
PFIC3
N
N
E
FIC1, ATP8B1 (18)
BSEP, ABCB11 (2)
MDR3, ABCB4 (7)
Anomalies de trafic et d’adressage
Syndrome ARC
VPS33B, VPS33B (15)
VIPAR, VIPAR (14)
N
Anomalies des jonctions serrées
NISCH*
E
Hypercholanémie familiale
N
Claudine-1, CLDN1 (3)
ZO-2 + BAAT, TJP2 + BAAT (9)
EPHX1, EPHX1 (1)
Autres anomalies
NAICC
NICCD
Syndrome GRACILE
Syndrome d’Aagenaes
Cholestase progressive
Déficit en α1-antitrypsine
E
E
?
E
?
E
Syndrome d’Alagille
E
Mucoviscidose
AVB (Sd polysplénie)
E
E
Cirhin, CIRH1A (16)
Citrin, SLC25A13 (7)
BSC1L, BSC1L (2)
(15q26.1)
Villin (2)
α1-antitrypsine, SERPINA1 (14)
JAG1, JAGGED 1 (20)
NOTCH2, NOTCH2 (1)
CFTR, CFTR (7)
CFC1 (2), INV (9), ZIC3 (X)
Abréviations : 3β-HSD : 3β-hydroxy-Δ5-C27-stéroïde oxydoréductase, Δ4-3oxo-R : Δ4-3-oxostéroïde 5β−réductase, oxystérol
7α-OHase : oxystérol 7α-hydroxylase, ARC : Arthrogryposis Renal involvment Cholestasis, AVB : atrésie des voies biliaires,
GRACILE : intrauterine Growth Retardation Aminoaciduria Cholestasis Iron overload Lactic acidosis and Early death,
NAICC : North American Indian Childhood Cirrhosis, NICCD : Neonatal Intrahepatic Cholestasis caused by Citrin
Deficiency, NISCH : Neonatal Ichthyosis Sclerosing CHolangitis, PFIC : Progressive Familial Intrahepatic Cholestasis, γGT :
activité sérique de la gammaGT, E : élevée, N : normale, # des anomalies de ces gènes sont également responsables de cholestase
intrahépatique récurrente bénigne, de cholestase intrahépatique gravidique, de cholestase médicamenteuse, de cholestase
néonatale transitoire et de lithiase biliaire, * Dans le syndrome NISCH, la cholestase est hépatocytaire et cholangiocytaire.
APPROCHE PHYSIOPATHOLOGIQUE DES CHOLESTASES HEPATOCYTAIRES
GENETIQUES DE L’ENFANT
283
Figure 1 : Principaux mécanismes cellulaires impliqués dans la sécrétion biliaire hépatocytaire
ANOMALIES DE SYNTHESE DES ACIDES BILIAIRES PRIMAIRES
La voie métabolique de synthèse des acides biliaires (AB) comprend 4 étapes : l’engagement
de la synthèse par la 7α-hydroxylation des précurseurs stérols, la modification du noyau stérol,
les modifications (oxydation et raccourcissement) de la chaîne latérale et la conjugaison de
l'acide biliaire avec un acide aminé [2]. Cette voie métabolique complexe implique au moins
16 enzymes et aboutit à la production, à partir du cholestérol, d’AB primaires : l’acide
cholique (AC) et l’acide chénodésoxycholique (ACDC) chez l’homme. La synthèse
hépatocytaire de novo compense les pertes fécales et représente environ 5 % du pool d’AB
circulant. Les AB sont indispensables à l'absorption des graisses alimentaires et des vitamines
liposolubles (A, D, E et K) et ils sont nécessaires à la sécrétion de la bile par l’hépatocyte
(sécrétion biliaire dépendante des AB). Ces composants organiques physiologiques, détergents
et toxiques, sont confinés presque exclusivement à la circulation entérohépatique.
Les déficits de synthèses des AB primaires (DSAB) sont des maladies autosomiquesrécessives rares, responsables de cholestase cirrhogène avec activité sérique de la γGT (GGT)
normale. Ils se distinguent cliniquement par une absence de prurit, et biologiquement par
une concentration sérique des AB normale ou basse (par dosage enzymatique). Il existe souvent
une stéatorrhée (sans pathologie digestive ou pancréatique) responsable de carences en vitamines
liposolubles. L’histologie, non spécifique, montre généralement une hépatite à cellules géantes
associée à des signes de cholestase hépatocytaire.
L'analyse des AB urinaires par spectrométrie de masse permet d'affirmer le diagnostic en
montrant une excrétion urinaire d’AB atypiques élevée, cohérente avec la cholestase, et une
absence d’AB primaires normaux. Les métabolites atypiques sont spécifiques de chaque déficit
enzymatique. Le diagnostic peut être confirmé par biologie moléculaire.
284
E. GONZALES, E. JACQUEMIN
Parmi les DSAB responsables de cholestase cirrhogène de l’enfant, le déficit en
3β-hydroxy-Δ5-C27-stéroïde oxydoréductase (3β-HSD) est le plus fréquent. Le clonage du
gène codant l’enzyme a permis d’identifier des mutations délétères et de prouver le caractère
primitif du déficit [3,4]. Le déficit en Δ4-3-oxostéroïde 5β-réductase (Δ4-3oxo-R) est plus
rare, mais plus sévère. L'atteinte hépatique, volontiers néonatale, comprend outre la cholestase
une insuffisance hépatocellulaire. La preuve du caractère primitif du déficit a aussi été apportée
par la mise en évidence de mutations délétères dans le gène codant l’enzyme chez les patients
atteints [4]. Enfin, un cas unique de cholestase néonatale sévère avec insuffisance hépatocellulaire
par déficit en oxystérol 7α-hydroxylase a été rapporté [4].
En l'absence de traitement, ces déficits sont létaux. Les mécanismes des lésions hépatiques
associent une synthèse défectueuse d’AB normaux nécessaires au flux biliaire et une accumulation
de métabolites atypiques, toxiques et cholestatiques, produits en conséquence du déficit
enzymatique. Cette production de métabolites atypiques est amplifiée par l’absence de
rétrocontrôle négatif des AB normaux (absents) et atypiques (non efficaces) sur la 7α-hydroxylase,
enzyme limitante de la voie métabolique. Le traitement des DSAB repose logiquement
sur les AB. Son objectif est théoriquement triple : 1/ reconstituer un pool d’acides biliaires
physiologiques afin d’assurer l’absorption intestinale, des graisses et des vitamines liposolubles, 2/
favoriser la sécrétion biliaire (dépendante des AB) et 3/ rétablir un rétrocontrôle négatif sur
la 7α-hydroxylase afin de diminuer la production des métabolites atypiques.
L’acide ursodésoxycholique (AUDC) est efficace dans le traitement de certaines cholestases
intrahépatiques parce qu’il remplace le pool d’AB endogènes toxiques par un AB moins
toxique et moins hydrophobe, qu’il diminue la réabsorption iléale des AB potentiellement
toxiques et qu’il est cholérétique. Cependant, l’AUDC est un faible agoniste du Farnesoid
X Receptor (FXR), un récepteur nucléaire jouant un rôle critique dans la régulation
transcriptionnelle du métabolisme des AB, entre autres par une action sur la 7α-hydroxylase,
enzyme limitante de la voie métabolique. L'AUDC ne permet pas un rétrocontrôle négatif
sur la 7α-hydroxylase suffisant pour diminuer la production et l'accumulation des métabolites
atypiques des AB. La production endogène d'AB primaires chez l'homme, d’environ 500 mg/j
est constituée pour deux tiers d'AC et pour un tiers d'ACDC. L'ACDC est plus détergent que
l'AC. C’est pourquoi l’AC constitue aujourd’hui le traitement de référence de ces déficits.
Dans notre expérience, le traitement par AC est bien toléré à long terme. Il permet au malade
non seulement d’échapper à la TH mais, bien plus, de mener une vie normale [5]. Sous
traitement, en effet, les anomalies de la biologie hépatique, y compris l'insuffisance hépatique,
se corrigent, l’examen clinique se normalise, et les lésions histologiques hépatiques régressent.
L’absorption des graisses et des vitamines liposolubles est également restaurée. La reconstitution
d’un pool physiologique d’AB entraîne également une réduction de la production de
métabolites atypiques toxiques témoignant d’une restauration d’une régulation négative de
la 7α-hydroxylase.
ANOMALIES DE TRANSPORT CANALICULAIRE
Les cholestases intrahépatiques fibrogènes familiales (PFIC) constituent un groupe
hétérogène de maladies récessives autosomiques de l’enfance dans lesquelles la cholestase
d’origine hépatocellulaire apparaît souvent pendant la période néonatale ou la première année
de vie. Elles conduisent à la mort par insuffisance hépatocellulaire, pendant l’enfance ou
l’adolescence. Chez les malades atteints de PFIC, on observe un prurit, et biologiquement,
la concentration sérique des AB est augmentée. Des études de génétique moléculaire ont
APPROCHE PHYSIOPATHOLOGIQUE DES CHOLESTASES HEPATOCYTAIRES
GENETIQUES DE L’ENFANT
285
permis l’identification de gènes responsables de 3 types de PFIC, les PFIC1-3. Chez les
patients atteints, des mutations ont été identifiées sur ces gènes codant des transporteurs
hépatocellulaires impliqués dans la sécrétion biliaire [6,7]. Chez les malades atteints de PFIC1
et 2 la GGT est normale, alors qu'elle est augmentée chez les malades atteints de PFIC3 [6,7].
PFIC type 1
La PFIC1 (maladie de Byler) est due à des mutations du gène ATP8B1 qui code FIC1,
une ATPase de type P [6-8]. La fonction exacte de cette protéine est inconnue, mais FIC1
pourrait être un transporteur d’aminophospholipides, une flippase, qui maintiendrait, au
sein de la membrane cytoplasmique, l’enrichissement en phosphatidylsérine et en phosphatidyléthanolamine de la couche interne. La distribution asymétrique des lipides dans la
bicouche lipidique jouerait un rôle protecteur contre les concentrations élevées d’AB dans
la lumière canaliculaire (~10mM), et participerait à la stabilisation et au recrutement de
protéines au niveau du canalicule, dans des microdomaines membranaires. On suppose
qu’une fonction anormale de la protéine pourrait indirectement perturber la sécrétion des
AB dans la bile, ce qui expliquerait les faibles concentrations d'AB (~1-5mM) mesurées dans
la bile des patients avec une PFIC1 [6-9]. Différentes études ont montré que l’anomalie de
fonction de la protéine FIC1, chez les patients atteints de PFIC1, provoquerait un défaut de
phosphorylation de FXR, affectant ses propriétés de facteur de transcription. Ce défaut serait
responsable d'une altération des mécanismes d'adaptation à la cholestase en entraînant une
diminution du transport canaliculaire des AB (diminution d’expression du gène BSEP), une
augmentation de la synthèse des AB (augmentation d’expression du gène CYP7A), ainsi
qu’une augmentation de l’expression du transporteur intestinal des AB (augmentation
d’expression du gène ASBT) favorisant leur retour au foie [6-8]. Globalement tous ces évènements
conduisent à une surcharge hépatocytaire en AB. Le gène FIC1 est exprimé dans différents
organes, mais c’est dans l’intestin que son expression est la plus forte [6-8]. C'est pourquoi
on suppose que la protéine FIC1 jouerait un rôle important dans le cycle entérohépatique
des AB. Cela expliquerait les diarrhées chroniques observées chez plusieurs patients atteints
de PFIC1. Cette manifestation extrahépatique ne régresse pas après TH, au contraire, les
diarrhées peuvent devenir incoercibles lorsque la sécrétion biliaire est restaurée [6-9]. Ces
diarrhées sont associées à une stéatose hépatique sévère et/ou une stéatohépatite qui peuvent
évoluer vers la cirrhose et nécessiter une retransplantation. De plus, il a été aussi rapporté une
diminution d’expression du gène CFTR dans les cholangiocytes des patients avec une PFIC1
qui serait susceptible d’altérer la sécrétion biliaire. Enfin, d’autres signes extrahépatiques tels
qu’un retard de croissance non amélioré après TH, une pancréatite ou une surdité, peuvent
être observés chez certains patients, suggérant que la protéine FIC1 pourrait avoir des fonctions
cellulaires ubiquitaires [6-9]. Les phénotypes des désordres liés au gène FIC1 présentent une
large diversité allant de la cholestase intrahépatique récurrente bénigne de type 1 (BRIC1) à
la forme sévère de PFIC1. Jusqu’à présent, rien ne permet d’expliquer clairement les différences
phénotypiques entre les patients atteints de BRIC1 et les patients atteints de PFIC1. L’analyse
moléculaire montre que les mutations identifiées chez les patients atteints de PFIC1 altéreraient
sévèrement la fonction protéique, tandis que la fonction de la protéine ne serait que partiellement
défectueuse chez les patients atteints de BRIC1 [6-9]. Les corrélations génotype-phénotype sont
complexes du fait de la variabilité des présentations phénotypiques observées chez certains
patients présentant des mutations communes. De plus, un certain nombre de patients sont
des hétérozygotes composites pour des mutations sur le gène FIC1, ce qui ne permet pas
d’établir une relation précise entre les mutations identifiées et la sévérité du phénotype [6-9].
286
E. GONZALES, E. JACQUEMIN
Des mutations hétérozygotes du gène FIC1 ont également été identifiées dans certains
cas de cholestase gravidique intrahépatique dite de type 1 (ICP1) et de cholestase néonatale
transitoire (TNC1) [6-8].
PFIC type 2
La PFIC2 est liée à des mutations du gène ABCB11 (également appelé BSEP) qui code
Bile Salt Export Pump (BSEP) [6,7]. BSEP, exprimée sur la membrane canaliculaire de
l’hépatocyte, est le principal transporteur des AB. BSEP permet le transport, contre un fort
gradient de concentration, des AB dans le canalicule biliaire. Chez les patients, l'absence
d'expression et/ou de fonction de cette protéine entraîne une forte diminution de la concentration biliaire des AB (< 1mM), expliquant la baisse du débit biliaire et l’accumulation
hépatocytaire d'AB provoquant de sévères lésions hépatocellulaires [6,7,9]. Ce profond
déséquilibre de la composition biliaire explique probablement la fréquence de la pathologie
lithiasique chez les malades porteurs de mutation du gène ABCB11 [6,7,9].
Les déficits en BSEP représentent également une continuité phénotypique, entre la forme
bénigne (BRIC2) et la forme sévère (PFIC2). Aucune corrélation génotype-phénotype claire
n’a été établie parmi les patients avec une PFIC2, mais chez la plupart des enfants, il n’y a
pas ou peu d’expression de la protéine BSEP sur la membrane canaliculaire, et cela quel que
soit le type de mutation retrouvée [6,7,9]. Les phénotypes sévères sont souvent associés à des
mutations générant une protéine tronquée ou un défaut de production de la protéine. Les
insertions, délétions, mutations non sens et les mutations altérant l’épissage entraînent des
effets délétères importants et la protéine BSEP n’est pas exprimée sur la membrane canaliculaire
des hépatocytes des patients atteints. Les mutations faux sens sont aussi fréquentes [6,7,9] et
peuvent soit empêcher la protéine de rejoindre la membrane canaliculaire de l’hépatocyte
soit affecter la structure de la protéine et ses domaines fonctionnels. C’est pourquoi la présence
de la protéine BSEP sur la membrane canaliculaire n’exclut pas un déficit fonctionnel de la
protéine. L’effet de différentes mutations sur la fonctionnalité de la protéine a été étudié,
confirmant le défaut de sécrétion des AB [6,7]. Les patients atteints d’un déficit en BSEP, et
plus particulièrement ceux qui présentent des mutations tronquantes sur les 2 allèles, présentent
un risque important de développer une tumeur hépatique. Le dépistage d’un hépatocarcinome
(échographie hépatique et dosage d’alpha-fœtoprotéine) doit donc être régulièrement réalisé,
dès la première année de vie, chez les patients atteints de PFIC2. Chez les patients présentant
des phénotypes moins sévères comme la BRIC2, les mutations faux sens prédominent sur
celles conduisant à des anomalies de synthèse protéique et les mutations sont localisées au
niveau de régions moins conservées [6,7,9]. Des mutations hétérozygotes du gène ABCB11
ont également été identifiées dans certains cas de cholestase gravidique (ICP2), de cholestase
médicamenteuse (DIC), et au cours de la cholestase néonatale transitoire (TNC2). Contrairement
à FIC1, BSEP est exprimé exclusivement par les hépatocytes, il n'y a donc pas d'atteinte
extrahépatique dans la PFIC2. Récemment, chez des patients atteints de PFIC2 ayant reçu
une TH, des alloimmunisations anti-BSEP ont été rapportées [10]. Elles se manifestent par
le développement d'une cholestase mimant une PFIC2, mais des atteintes extrahépatiques,
conséquence de l’alloimmunisation, ont également été rapportées [11].
APPROCHE PHYSIOPATHOLOGIQUE DES CHOLESTASES HEPATOCYTAIRES
GENETIQUES DE L’ENFANT
287
PFIC type 3
La PFIC3 est causée par des anomalies sur le gène ABCB4 (également appelé MDR3) [6,9].
Ce gène code la glycoprotéine-P class III MultiDrugResistance (MDR3), un transporteur
de phospholipides impliqué dans l’excrétion biliaire de phosphatidylcholine. MDR3 est
principalement, voire exclusivement, exprimé sur la membrane canaliculaire de l’hépatocyte
[6,7,12]. Chez les patients atteints de PFIC3, les mécanismes des dommages hépatiques sont
étroitement liés à l’absence de phospholipides biliaires [6,7,12]. La cholestase et les dommages
sur l’épithélium biliaire et les canalicules biliaires résultent probablement de leur exposition
continue à des AB hydrophobes dont l’effet détergent, qui n’est plus neutralisé par les
phospholipides, conduit à une espèce de cholangite [6,7,12]. De plus, la stabilité des micelles
biliaires est déterminée par un système triphasique, dans lequel une certaine proportion d'AB
et de phospholipides est nécessaire pour maintenir le cholestérol sous forme soluble.
L’absence de phospholipides dans la bile déstabiliserait ces micelles et favoriserait la lithogénicité
de la bile à l’origine d’une formation de cristaux de cholestérol provoquant l’obstruction des
petits canaux biliaires. Ces mécanismes à l’origine de la cholangiopathie s’accordent bien
avec les résultats histologiques montrant une prolifération ductulaire. Au cours de la PFIC3,
il existe donc un défaut de transport canaliculaire entraînant le développement d’une
cholangiopathie. La diversité de présentation des PFIC3 s’étend de la cholestase néonatale à
la cirrhose de l’adulte jeune [6,7,12]. Parmi la centaine de mutations rapportées, l’analyse
moléculaire du gène MDR3 permet d’identifier une mutation sur chaque allèle chez la
majorité des patients. Dans un tiers des cas, les mutations conduisent à la formation de protéines
tronquées. Dans ces cas, l'expression canaliculaire de MDR3 n'est pas détectée par immunomarquage du foie des patients et la concentration biliaire en phospholipides est effondrée.
Les deux tiers de patients restants présentent des mutations faux sens. La plupart sont retrouvées
dans des séquences d’acides aminés très conservées. Des modifications d’aminoacides dans
ces domaines ne sont en général pas compatibles avec les activités ATPase et de transport de
la protéine [6,7,12]. Alternativement, les mutations faux sens pourraient provoquer un mauvais
acheminement intracellulaire de la protéine comme cela a été montré pour d’autres transporteurs
de la famille ABC [6,7,12,13]. En effet, de telles mutations sont associées à une diminution
de l'expression de MDR3 sur la membrane canaliculaire [6,7,12]. Quel que soit le mécanisme
impliqué, la faible concentration de phospholipides biliaires retrouvée chez les patients
présentant des mutations faux sens démontre le défaut fonctionnel de la protéine MDR3
[6,7,12]. Des mutations hétérozygotes du gène ABCB4 ont également été identifiées dans
certains cas de cholestase gravidique (ICP3), de cholestase médicamenteuse (DIC), de
cholestase néonatale transitoire (TNC3) et au cours de la maladie lithiasique associée à un
taux faible de phospholipides biliaires (LPAC) [6,7,12]. Le déficit en MDR3 peut également
apparaître sous forme d’un continuum clinique, un même patient pouvant, par exemple,
présenter différents phénotypes au cours de sa vie, en débutant par une lithiase, puis en présentant
une cholestase gravidique et enfin en développant plus tardivement une cirrhose biliaire [6,7,12].
ANOMALIES DE TRAFIC ET D'ADRESSAGE
Le syndrome ARC, associant arthrogrypose, atteinte rénale tubulaire (Fanconi) et cholestase
est une cause rare, autosomique récessive, de cholestase hépatocytaire. Des anomalies moléculaires
dans des gènes codant VPS33B et VIPAR, des protéines impliquées dans le transport et
l'adressage protéique ont été identifiées chez les malades [14,15]. Dans ce syndrome, l’adressage
288
E. GONZALES, E. JACQUEMIN
des protéines apicales ou canaliculaires est altéré. De plus l’expression de la E-cadhérine
est diminuée chez les malades suggérant une perte d’intégrité des complexes jonctionnels
intercellulaires. Dans le foie, l'expression canaliculaire de BSEP est diminuée rendant compte
au moins partiellement de la cholestase [14,15]. Ce syndrome est spontanément létal au cours
des premiers mois de vie. Il n’existe pas de traitement spécifique et la TH n’est pas envisageable
du fait, entre autres, de l’atteinte neurologique.
ANOMALIES DES JONCTIONS SERREES
Le syndrome NISCH associe une ichtyose et une cholangite sclérosante de début néonatal.
La maladie est autosomique récessive et est due à des mutations du gène CLDN1 codant
la Claudine-1 une protéine des jonctions serrées [16]. L'atteinte hépatique serait due à une
augmentation de la perméabilité paracellulaire hépatocytaire et cholangiocytaire responsable
d'une fuite paracellulaire de bile. La toxicité de la bile expliquerait les lésions de cholangite.
à ce jour, 12 cas ont été rapportés dans la littérature. Les enfants ont fréquemment des
anomalies des phanères [16,17]. L’imagerie des voies biliaires et l’histologie hépatique montrent
des lésions compatibles avec une cholangite sclérosante. Dans le syndrome NISCH, l’altération
des jonctions serrées concerne à la fois les hépatocytes et cholangiocytes et à cet égard il ne
s’agit pas d’une cholestase purement hépatocytaire.
L’hypercholanémie familiale est due à une combinaison de mutations dans les gènes codant
la protéine des jonctions serrées ZO-2 et la protéine BAAT responsable de la conjugaison
des AB [18]. La cholestase résulterait de la toxicité des AB non conjugués amplifiée par une
fuite biliaire paracellulaire. Cette maladie illustre également le rôle des jonctions serrées dans
la physiopathologie des cholestases.
CONCLUSION
La compréhension des principaux mécanismes physiopathologiques impliqués dans les
cholestases hépatocytaires permet d’orienter sur le diagnostic en fonction de la symptomatologie
et des résultats des examens biologiques simples, de formuler des hypothèses pour l’identification
de nouvelles maladies et d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques [13,19].
AUTEURS :
Emmanuel Gonzales et Emmanuel Jacquemin.
Service d'Hépatologie Pédiatrique, Centre de référence de l'atrésie des voies biliaires, CHU Bicêtre, 78, rue du
Général Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, et INSERM UMR-S757, Université Paris-Sud 11, Orsay,
France.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Emmanuel Gonzales - Email : [email protected]
APPROCHE PHYSIOPATHOLOGIQUE DES CHOLESTASES HEPATOCYTAIRES
GENETIQUES DE L’ENFANT
289
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290
291
MISES AU POINT
292
293
AVANCEES RECENTES DANS
LE SYNDROME DE MARFAN
par
C. STHENEUR, M. JOUNEAUX, B. CHEVALLIER
Le syndrome de Marfan (SM) est une maladie rare (1/5000-1/10000), autosomique
dominante, témoin dans la grande majorité des cas d’une mutation du gène de la fibrilline
de type 1 [1]. Il est généralement admis que sa pénétrance est complète mais son expressivité
est variable. Une des principales caractéristiques du syndrome de Marfan est son extrême
variabilité tant dans son expression clinique que dans sa gravité, à la fois en inter et intra familial.
La forme la plus grave du SM est le SM néonatal qui, en l’absence de chirurgie cardiaque,
entraîne la mort par insuffisance cardiaque dans les deux premières années. A l’autre extrémité,
l’atteinte peut être si minime qu’elle passe inaperçue sans un screening systématique.
AVANCÉES DIAGNOSTIQUES
Clinique
La forte incidence de cas sporadiques, entre 20 et 30 % contribue à la difficulté du diagnostic.
Longtemps, le diagnostic du SM a reposé sur des critères squelettiques et la seule association
d’une histoire familiale et de signes squelettiques suffisait à porter le diagnostic. Avec le temps,
les « critères de Berlin » qui ne prenaient en compte que ces critères cliniques ont été mis en
défaut, avec l’amélioration des échographies cardiaques et l’arrivée des tests moléculaires.
Les critères diagnostiques du syndrome de Marfan ont été révisés à Ghent en 1996
(annexe 1). Pour poser le diagnostic, en l’absence de critère familial ou génétique, il fallait
une atteinte de 3 systèmes parmi le cœur, l’œil, le squelette, la peau, les poumons et le système
nerveux central, dont au moins 2 avec des signes majeurs. Le sujet avec un parent atteint ou
porteur lui-même d’une mutation dans le gène FBN1 devait avoir un signe majeur et un signe
mineur dans 2 systèmes différents. Certaines limites des critères de Ghent sont vite apparues :
complexité d’utilisation pour le praticien et inadaptation aux situations pédiatriques. Mais
la raison principale pour réfléchir à une nouvelle classification a été une prise en compte
insuffisante de la dilatation de l’aorte pour porter le diagnostic d’un SM. Aussi, de nouveaux
critères ont été établis en 2010 [2] (annexe 2). Dans cette nouvelle classification, un poids
plus important est donné à 2 signes : la dilatation ou la dissection aortique et l’ectopie du
cristallin. Dans ces nouveaux critères, la recherche de mutation dans le gène FBN1, mais aussi
dans d’autres gènes comme TGFBR1 et TGFBR2 revêt également une importance accrue.
De nouveaux diagnostics sont apparus : ELS = syndrome d’ectopie de cristallin,
294
C. STHENEUR, M. JOUNEAUX, B. CHEVALLIER
MASS = Myopie, prolapsus valvulaire mitral, dilatation de l’aorte < 2DS, signes cutanés et
squelettiques, MVPS = Syndrome de prolapsus valvulaire mitral. Chez les patients âgés
de moins de 20 ans et ne remplissant pas les critères, le terme de « Marfan potentiel » est
proposé. Cette nouvelle classification a l’avantage de la simplicité pour les praticiens qui ne
seraient pas spécialistes du SM et permettra donc probablement un meilleur dépistage [3].
Les particularités de l’enfant
Les symptômes faisant évoquer le diagnostic de SM à l’âge pédiatrique sont le plus souvent
squelettiques (grande taille associée à une scoliose et/ou une déformation thoracique) ou
oculaires. La particularité du tableau clinique est qu’il se constitue de façon progressive et
que son évolution est étroitement liée au déroulement de la croissance et de la puberté. Or
les critères internationaux ne tiennent pas compte de cette possible évolutivité et sont ainsi
souvent pris en défaut. En dehors de la découverte d’une mutation familiale, une surveillance
annuelle et la mise en évidence de nouveaux signes cliniques ou radiologiques permettent
dans certains cas d’affirmer secondairement le diagnostic. L’intérêt de dépister précocement
les cas pédiatriques de SM est de pouvoir mettre en place une série de mesures préventives
permettant d’allonger significativement l’espérance de vie de ces patients et de prévenir la
survenue de handicaps et de déficits. Le repérage précoce des enfants et adolescents passe
donc par une bonne connaissance des divers symptômes devant faire évoquer la possibilité
d’un SM en fonction de l’âge. La littérature décrivant les signes du SM à l’âge pédiatrique
est limitée en nombre d’études mais aussi en nombre d’enfants étudiés. Afin d’améliorer
le repérage, nous avons étudié la cinétique d’apparition des signes des enfants atteints de
syndrome de Marfan en comparaison avec des enfants sains adressés à la consultation pour
suspicion de syndrome de Marfan afin de réaliser des critères diagnostiques spécifiques aux
enfants. Nous présenterons ici quelques résultats préliminaires de l’étude des 1238 enfants
de moins de 18 ans qui ont été inclus dans la base de données du centre de référence « Maladie
de Marfan » entre 1996 et 2010. Dans cette population, 259 enfants sont porteurs de la
mutation dans le gène FBN1.
Les principales spécificités de cette population sont :
La taille
Les enfants avec la mutation dans le gène FBN1 sont significativement plus grands que
les enfants diagnostiqués sains (p < 0,0001). Ils atteignent une taille moyenne à 18 ans de
188,7 +/- 9,3 cm chez les garçons et 175,9 +/- 7,4 cm chez les filles.
AVANCEES RECENTES DANS LE SYNDROME DE MARFAN
295
Comparaison de la taille des filles entres enfants sains et enfants Marfan avec la courbe
de Sempé en référence
Taille
(cm)
200
190
180
170
160
150
140
130
120
110
100
90
80
70
60
50
40
Taille
FBN
0
1
2
3
4
selon
5
6
-2D
Sain
7
8
9
+2D
10
11
12
13
14
15
16
17
Age (en années)
Comparaison de la taille des garçons entres enfants sains et enfants Marfan avec la courbe
de Sempé en référence
Taille
(cm)
200
190
180
170
160
150
140
130
120
110
100
90
80
70
60
50
40
Taille
FBN
0
1
2
3
4
selon
5
6
-2D
Sain
7
8
9
+2D
10
11
12
13
14
15
16
17
Age (en années)
La déformation thoracique
La déformation thoracique est un signe dont la fréquence augmente avec l’âge. Il s’agit
d’un signe précoce du SM puisqu’il est présent chez 41,4 % des enfants mutés de 0 à 5 ans.
La fréquence des anomalies augmente jusqu’à 7 ans puis reste stable autour de 60 %. Le thorax
est en carène dans la moitié des cas.
296
C. STHENEUR, M. JOUNEAUX, B. CHEVALLIER
Courbe d’apparition d’une anomalie
du pectus chez les enfants porteurs du SM
Fréquence de la déformation
du pectus
70
% 70
60
60
50
50
40
40
30
FBN1
30
Sains
20
20
10
10
0
0
1
2
3
4 5
6
7
8
0
9 10 11 12 13 14 15 16 17
0-5 ans
Age (en années)
6-9 ans
15-17 ans
10-14 ans
L’envergure et le rapport Envergure/ Taille
Le rapport E/T est un signe clinique majeur dans les critères de Ghent lorsqu’il est supérieur
à 1,05. Mais cette valeur n’est pas fiable dans l’enfance puisque ce rapport varie physiologiquement durant la croissance. (p-value globale < 0,0001).
Comparaison entre enfants sains et FBN1 du rapport Envergure/Taille par âge
1.08
1.07
1.06
1.05
Envergure/Taille
1.04
1.03
1.02
1.01
1.00
0.99
0.98
0.97
0.96
0.95
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
Age (en années)
Le signe du pouce ou du poignet
Le signe du pouce positif apparaît tôt dans l’enfance, en effet il est retrouvé chez 14,3 %
des enfants de 2 ans dans notre population. Sa fréquence augmente rapidement avec l’âge.
Le signe du poignet augmente également avec l’âge.
Courbe d’apparition du signe
du pouce positif
Courbe d’apparition du signe
du poignet positif
% 70
% 80
70
60
50
40
60
50
40
30
30
20
20
10
0
10
0
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Age (en années)
12 13
14
15
16 17
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Age (en années)
12 13
14
15
16 17
AVANCEES RECENTES DANS LE SYNDROME DE MARFAN
297
La scoliose
La fréquence de la scoliose augmente avec l’âge. Nous observons les premiers cas de scoliose
à 2 ans. La fréquence varie aux alentours de 20 à 30 % jusqu’à 10 ans. Elle est majeure après
la puberté, 66,7 % à 14 ans.
Courbe d’apparition de la scoliose chez les enfants FBN1
%
80
70
60
50
40
30
20
10
0
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5
6
7
8
9 10 11 12 13 14
Age (en années)
15 16 17
L’hyperlaxité ligamentaire
Les enfants avec la mutation du gène FBN1 ont plus fréquemment une hyperlaxité
ligamentaire que les enfants sains. En effet, ce critère se retrouve chez 71,4 % des enfants
mutés contre 47,8 % des enfants sains (p-value = 0,0002).
Elle touche 80,6 % des enfants de 0-5 ans. Sa fréquence a tendance à diminuer avec l’âge
mais reste égale à 58,7 % entre 15 et 17 ans.
Les signes oculaires : l’ectopie du cristallin
La fréquence de l’ectopie du cristallin dans notre étude est supérieure à 62 % toute classe
d’âge confondue. Cette fréquence est globalement stable entre 2 et 17 ans.
Les signes cardio-vasculaires
Prolapsus valvulaire mitral
Le prolapsus de la valve mitrale est un signe qui apparaît avec l’âge. Le premier cas a été
décrit à 1 an dans notre étude. La fréquence est entre 30 et 40 % de 1 à 6 ans, puis de 50 %
environ de 7 à 13 ans, pour dépasser 63 % entre 14 et 17 ans.
Courbe d’apparition du prolapsus de la valve mitrale chez les enfants FBN1
%
80
70
60
50
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30
20
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0
0
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Age (en années)
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12 13
14
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298
C. STHENEUR, M. JOUNEAUX, B. CHEVALLIER
Le diamètre aortique
Le diamètre aortique des enfants atteints de SM est significativement (p<0,0001) plus
important en déviation standard, que celui de notre population témoin.
Diamétre standardisé
Comparaison entre enfants Marfan et groupe contrôle du diamètre aortique standardisé
au niveau des sinus de vasalva
Age (en années)
Ces résultats sont à tempérer par le fait que les normes échographiques ont été remises
en question chez l’enfant. En effet, avec les anciennes normes, il existait une différence
importante entre les résultats obtenus chez l’enfant et les résultats obtenus lorsqu’il passait à
l’âge adulte, avec une probable surestimation de la dilatation dans l’enfance. Depuis l’année
dernière, une nouvelle normalisation de l’échographie cardiaque en fonction du poids et de
l’âge a été proposée [4], et la comparaison des populations saines et atteintes devra être refaite
en tenant compte des nouvelles normes.
Le Marfan néonatal
Le SM néonatal est rare et considéré comme la forme la plus sévère des fibrillinopathies
de type 1, mais les critères diagnostiques sont toujours débattus car il existe un relatif continuum
entre le SM néonatal et un SM infantile sévère. Classiquement, on parle de SM néonatal
devant un enfant dont le diagnostic est fait avant le troisième ou quatrième mois de vie et
présentant en plus des signes habituels, une insuffisance valvulaire mitrale et/ou tricuspide :
la mutation est le plus souvent située dans les exons 24 à 32 du gène FBN1. Nous avons rapporté
récemment une série internationale de 62 patients dont le diagnostic avait été fait avant un
an et tous porteurs d’une mutation sur le gène FBN1 [5]. Plus de 80 % des enfants sont morts
avant l’âge de 1 an. Les critères de mauvais pronostic étaient la présence d’une insuffisance
valvulaire, une hernie diaphragmatique et une mutation dans les exons 25 ou 26 du gène
FBN1.
AVANCEES GENETIQUES
La fibrilline-1 est codée par un grand ARNm provenant d’un grand gène de 235kb, appelé
FBN1 localisé en 15q21. Sa séquence codante est hautement fragmentée, elle comporte
AVANCEES RECENTES DANS LE SYNDROME DE MARFAN
299
65 exons codants et 3 exons non codants. Le gène ne semble posséder qu’un seul transcrit
ubiquitaire de 10 kb qui code pour une protéine de 2871 acides aminés. Au plan structural,
la protéine fibrilline-1 est constituée d’une succession de domaines uniques et spécifiques
(région N et C-terminales, région riche en proline) et de modules présentant des homologies
avec l’EGF (47 modules EGF-like) dont 43 présentent une séquence consensus de liaison
du calcium (modules cb-EGF-like) et 8 modules une homologie avec la protéine de liaison
du TGFβ (TGFbp-like). Aucune fonction n’est encore connue pour ces modules mais il semble
possible qu’ils interviennent dans des interactions spécifiques protéine-protéine et qu’ils
permettent aussi de moduler localement la concentration de TGFβ. Enfin la protéine contient
des « modules hybrides » car ils présentent des similitudes tant avec les modules EGF-like
qu’avec les modules TGFβbp-like [6]. Les monomères de fibrilline s’associent pour former
des macroagrégats complexes extracellulaires : les microfibrilles, qui sont importantes pour
l’intégrité et l’homéostasie des tissus élastiques et non élastiques.
A ce jour, plus de 1000 mutations ont été identifiées sur le gène FBN1. Elles sont réparties
sur l’ensemble du gène sans présence de point chaud, sauf pour les formes néonatales dont
les mutations sont principalement localisées entre les exons 24 à 32. Les mutations sont
essentiellement privées, c'est-à-dire spécifiques d’une famille. Il n’existe presque pas de
réarrangements majeurs. Les mutations sont de trois types : mutations faux sens, petites
insertions ou délétions et mutations d’épissage avec saut d’exon. Les mutations faux-sens
représentent plus de 60 % des mutations et les trois-quarts de celles-ci touchent des domaines
cb-EGF-like. Par ailleurs, dans ces domaines, elles touchent plus volontiers les résidus cystéine
ou l’un des acides aminés des séquences consensus de liaison du calcium. Les décalages du
cadre de lecture ne sont associés qu’à 22 % des mutations avec une égalité de répartition entre
les mutations de sites d’épissage et les délétions. Ces mutations ont pour conséquences soit
l’absence de synthèse soit la synthèse d’une protéine tronquée et instable [7]. Après le clonage
du gène FBN1, de nombreux travaux ont montré que des altérations de ce gène pouvaient
donner d’autres symptômes qu’un syndrome de Marfan complet. Ces maladies constituent
le groupe des fibrillinopathies. Il s’agit d’un ensemble de pathologies présentant soit de façon
isolée certains symptômes du SM (ectopie du cristallin, signes squelettiques ou anévrisme de
l’aorte ascendante) soit des symptômes n’appartenant pas au spectre du SM (formes néonatales
de SM, syndrome de Shprintzen-goldberg, syndrome de Weill-Marchesani). A l’inverse, des
mutations sur les gènes TGFBR1, sur le chromosome 3, TGFBR2, sur le chromosome 9 ont
été retrouvées dans des familles présentant des signes de syndrome de Marfan [8].
Relation génotype-phénotype
Il n’existe pas actuellement de véritable corrélation génotype-phénotype malgré l’étude
de plus de 1000 proposants avec mutation identifiée réunis dans une base de données internationale [7]. L’ectopie du cristallin est plus volontiers associée à une substitution de cystéine.
L’atteinte squelettique et l’atteinte cardiaque seraient plus sévères dans le groupe des mutations, entraînant l’absence de protéine ou une protéine tronquée précocement mais le faible
nombre de patients testés rend ces résultats peu fiables. La région située entre l’exon 24 et
l’exon 32 est préférentiellement mais non exclusivement associée aux formes néonatales
létales, et globalement à des formes plus sévères de la maladie. Dans cette même région, il
existe des mutations associées à des formes adultes classiques, voire à une ectopie du cristallin
isolée. De plus, une même mutation peut être associée à des phénotypes très différents allant
d’une atteinte oculaire ou squelettique isolée à une forme complète du syndrome.
300
C. STHENEUR, M. JOUNEAUX, B. CHEVALLIER
AVANCEES THERAPEUTIQUES
Médical
L’essentiel du traitement est préventif et concerne l’atteinte cardio-vasculaire dont dépend
le pronostic de la maladie. Le traitement préventif de la dilatation de l’aorte repose sur l’éducation
du patient, les bêtabloquants, la surveillance écho-cardiographique régulière et la chirurgie
de remplacement de l’aorte.
Réduction des activités sportives
Le patient doit éviter les efforts au cours desquels la pression artérielle systolique et donc
la contrainte appliquée sur la racine de l’aorte s’élève brutalement et de façon importante.
Chez l’enfant, le sport scolaire n’est pas contre-indiqué en dehors des sports de combat qui
pourraient avoir un impact sur le cristallin.
Les bêta-bloquants
Ils diminuent la fréquence cardiaque et donc le nombre de « distensions » aortiques par
minute. Ils diminuent la force de contraction du ventricule gauche et la pression artérielle
moyenne appliquée sur la paroi aortique notamment au cours des efforts. Leur bénéfice a été
confirmé par une étude randomisée contre placebo en simple aveugle, réalisée par l’équipe
de l’hôpital John Hopkins, chez 70 patients de plus de 12 ans et par une étude rétrospective
sur 155 enfants atteints de SM [9].
En 2006, la Société Française de Cardiologie a donc émis des recommandations sur
l’utilisation des bêtabloquants dans le syndrome de Marfan. « Le traitement préventif de la
dilatation aortique par les bêtabloquants est fortement recommandée chez l’adulte comme
chez l’enfant pour lequel un diagnostic de syndrome de Marfan a été porté et doit être commencé
le plus tôt possible car la dilatation aortique n’est qu’un témoin tardif de l’altération de la
paroi aortique. » En pratique, dans le centre de référence, nous débutons le traitement par
bêtabloquants vers l’âge de 4 ans.
Les Sartans
Un modèle murin de maladie de Marfan a montré que la voie du TGF-ß était activée
dans les tissus de la souris malade, et le blocage du TGF-ß dans ce modèle (anticorps) ralentit
la dilatation aortique. Une étude a montré que le losartan, un antagoniste des récepteurs ATI
de l’angiotensine II, limitait la dilatation aortique dans ce modèle, de façon beaucoup plus
efficace que les bêtabloquants (vitesse de dilatation divisée par 5 et non par 2), thérapeutique
de référence. Puis une étude rétrospective sur 18 enfants a laissé supposer une efficacité
notable du Losartan (NEJM 2008). Depuis cette étude, plusieurs études randomisées sont
en cours dans différents pays afin d’évaluer l’apport possible des Sartans dans la limitation
du diamètre aortique. Les résultats ne seront pas connus avant plusieurs années.
Chirurgical
Le remplacement de l’aorte initiale a transformé le pronostic. Bien que l’ensemble de la
paroi aortique soit anormale et fragilisée, on ne remplace habituellement que l’aorte ascendante
du fait de la complexité et des risques d’une intervention sur l’aorte descendante. Le remplacement
AVANCEES RECENTES DANS LE SYNDROME DE MARFAN
301
de l’aorte ascendante peut s’accompagner d’un remplacement valvulaire (intervention
de Bentall) ou non (interventions de Yacoub ou surtout de Tirone David ou variantes).
La préservation de la valve aortique a l’avantage d’éviter aux patients les problèmes de valves
mécaniques et de traitement anticoagulant... L’indication opératoire est portée sur la valeur
du diamètre aortique maximal, au niveau des sinus de Valsalva en règle. Le diamètre de
50 mm est généralement retenu chez l’adulte.
Prise en charge psychologique
Enfin, le syndrome de Marfan induit un grand nombre de problèmes psychologiques
dont il faut tenir compte lors de la consultation. Une histoire familiale parfois douloureuse,
des particularités physiques (grande taille, lunettes épaisses, voussure thoracique), la restriction
des activités sportives, la limitation de l’orientation professionnelle, la fatigabilité concourent
à faire de l’enfant porteur d’un syndrome de Marfan un enfant différent dans son aspect, son
comportement, ses activités.
AU TOTAL
Comme dans beaucoup de maladies rares, la mise en commun au niveau international
des données cliniques et de recherche permet une avancée importante dans le soin aux
patients. Les progrès faits ces dernières années dans le diagnostic et le traitement du syndrome
de Marfan de l’enfant permettent à ces patients d’avoir une espérance de vie proche de celle
de la population générale et une qualité de vie meilleure.
AUTEURS :
C. Stheneur, M. Jouneaux, B. Chevallier
Service de pédiatrie, Hôpital Ambroise Paré APHP, Boulogne-Billancourt et consultation multidisciplinaire du
Syndrome de Marfan, hôpital Bichat, APHP.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Chantal Stheneur : [email protected]
302
C. STHENEUR, M. JOUNEAUX, B. CHEVALLIER
Annexe 1
Critères de Ghent :
Si un parent du 1er degré du sujet examiné est atteint 2 systèmes avec un signe majeur doivent être atteints.
En l’absence d’histoire familiale, il faut 3 systèmes atteints dont au moins 2 avec des signes majeurs.
Les signes majeurs sont en gras.
1- squelettiques (au moins 4 signes en gras pour un signe majeur squelettique)
Pectus carinatum ou excavatum nécessitant la chirurgie
Rapport segment supérieur sur segment inférieur bas, ou E/T > 1,05
Signe du pouce ou du poignet
Scoliose > 20° ou spondylolisthesis
Extension maximale des coudes < 170°
Pieds plats
Protrusion acétabulaire
Pectus excavatum modéré
Hyperlaxité ligamentaire
Palais ogival avec chevauchement des dents
Faciès
2- Oculaires (au moins 2 signes mineurs pour une atteinte oculaire)
Ectopie cristalline
Cornée plate
Globe oculaire allongé
Iris hypoplasique ou hypoplasie du muscle ciliaire
3- Cardio-vasculaire (au moins 1 signe mineur pour une atteinte cardiaque)
Dilatation de l’aorte ascendante intéressant les sinus de valsalva
Dissection aortique
Insuffisance aortique
Prolapsus valvulaire mitral avec ou sans fuite
Dilatation de l’artère pulmonaire avant l’âge de 40 ans
Calcifications de l’anneau mitral avant l’âge de 40 ans
Anévrisme ou dissection de l’aorte abdominale avant l’âge de 50 ans
4- Pulmonaire (au moins 1 signe mineur pour une atteinte pulmonaire)
Pneumothorax spontané
Bulle apicale
5- Cutanés (au moins 1 signe mineur pour une atteinte cutanée)
Vergetures (à l’exclusion de grossesse, perte de poids)
Hernies récidivantes
6- Dure-mère : ectasie de la dure-mère lombo-sacrée
7- Génétique
Un parent direct ayant les critères diagnostiques
Mutation de FBN1 déjà connue pour provoquer un syndrome de Marfan
Présence d’un marqueur génétique, proche du gène de la fibrilline de type 1, se transmettant avec la
maladie dans la famille.
AVANCEES RECENTES DANS LE SYNDROME DE MARFAN
303
Annexe 2
Critères de Ghent révisés
En l’absence d’histoire familiale:
(1) dissection /dilatation aortique au niveau des sinus de valsalva (Z >2) + ectopie du cristallin = Syndrome de Marfan
(2) dissection /dilatation aortique au niveau des sinus de valsalva (Z >2) + FBN1 = Syndrome de Marfan
(3) dissection / dilatation aortique (Z >2) + Atteinte systémique (score > 7) = Syndrome de Marfan
(4) Ectopie du cristallin + FBN1 avec dilatation aortique connue = Syndrome de Marfan
Diagnostics différentiels:
Ectopie du cristallin avec ou sans atteinte systémique + FBN1 inconnu avec Dilatation aortique ou sans FBN1 =
syndrome d’ectopie du cristallin
Dilatation aortique (Z < 2) + atteinte systémique (>5 avec au moins un signe squelettique) sans ectopie du cristallin
= MASS (myopie, prolapsus de la valve mitrale, dilatation aortique (Z<2), signes cutanés et squelettiques)
Prolapsus de la valve mitrale + dilatation aortique (Z <2) + atteinte systémique (<5) sans ectopie du cristallin =
syndrome du prolapsus de la valve mitrale
En présence d’histoire familiale:
(5) Ectopie du cristallin + histoire familiale de syndrome de Marfan = Syndrome de Marfan
(6) Atteinte systémique (>7 pts) + histoire familiale de syndrome de Marfan = Syndrome de Marfan
(7) dilatation aortique (Z >2 chez les plus de 20 ans, Z > 3 chez les moins de 20 ans) + histoire familiale de syndrome
de Marfan = Syndrome de Marfan
(Ref Bart L Loeys, Harry C Dietz, Alan C Braveman, et al. e revised Ghent nosology for the Marfan syndrome,
J Med Genet 2010 47:476-485)
Score de l’atteinte systémique :
Poignet + pouce : 3 (poignet ou pouce : 1)
Pectus carinatum : 2 (pectus excavatum ou asymétrie thoracique : 1)
Déformation de l’arrière-pied : 2 (pieds plats : 1)
Pneumothorax : 2
Ectasie de la dure-mère : 2
Protrusion acétabulaire : 2
Diminution du rapport Segment sup/inf et augmentation E/T sans scoliose sévère : 1
Atteinte faciale (3/5) : 1 (dolichocéphalie, énophtalmie, fentes palpébrales obliques vers le bas, hypoplasie malaire,
rétrognathisme)
Vergetures : 1
Myopie > 3 dioptries : 1
Prolapsus de la valve mitrale : 1
Score maximum : 20 ; un score supérieur ou égal à 7 indique une atteinte systémique.
(Ref Bart L Loeys, Harry C Dietz, Alan C Braveman, et al. e revised Ghent nosology for the Marfan syndrome,
J Med Genet 2010 47:476-485)
RÉFÉRENCES
[1] Boileau C, Jondeau G, Mizuguchi T, et al Molecular genetics of Marfan syndrome. Curr Opin Cardiol 2005
20:194-200.
[2] Loeys BL, Dietz HC, Braverman AC, et al e revised Ghent nosology for the Marfan syndrome. J Med Genet
1996 47:476-485.
[3] Faivre L, Collod-Beroud G, Ades L, e new Ghent criteria for Marfan syndrome: What do they change? Clin
Genet. 2011.
[4] Gautier M, Detaint D, Fermanian C, Nomograms for aortic root diameters in children using two-dimensional
304
C. STHENEUR, M. JOUNEAUX, B. CHEVALLIER
echocardiography. Am J Cardiol 2010 105:888-894.
[5] Stheneur C, Faivre L, Collod-Beroud G, Prognosis factors in probands with an FBN1 mutation diagnosed
before the age of 1 year. Pediatr Res 2011 69:265-270.
[6] Collod-Beroud G, Boileau C Marfan syndrome in the third Millennium. Eur J Hum Genet 200210:673-681.
[7] Faivre L, Collod-Beroud G, Loeys BL, et al Effect of mutation type and location on clinical outcome in 1,013
probands with Marfan syndrome or related phenotypes and FBN1 mutations: an international study. Am
J Hum Genet 2007 81:454-466.
[8] Mizuguchi T, Collod-Beroud G, Akiyama T, et al Heterozygous TGFBR2 mutations in Marfan syndrome.
Nat Genet 2004 36:855-860.
[9] Ladouceur M, Fermanian C, Lupoglazoff JM, et al Effect of beta-blockade on ascending aortic dilatation in
children with the Marfan syndrome. Am J Cardiol 2007 99:406-409.
305
UTILISATION DU RITUXIMAB DANS LE SYNDROME
NEPHROTIQUE IDIOPATHIQUE DE L'ENFANT
par
A.-L. SELLIER-LECLERC, V. BAUDOUIN, T. ULINSKI, G. DESCHENES
INTRODUCTION
Le syndrome néphrotique idiopathique
Le syndrome néphrotique idiopathique (SNI) de l’enfant ou néphrose lipoïdique est la
plus fréquente des néphropathies glomérulaires de l’enfant [1]. La néphrose se traduit par
l’apparition brutale d’un syndrome néphrotique pur (même s’il existe parfois une insuffisance
rénale aiguë modérée et transitoire ou une hématurie microscopique) et par une protéinurie
sélective. Le syndrome néphrotique est défini par une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/l
associée à une protéinurie supérieure à 50 mg/kg/j (ou un rapport protéine/créatinine
urinaires > 0,200 mg/mmol). Sur le plan histologique le SNI correspond généralement à des
lésions glomérulaires minimes (90 %) et plus rarement à des lésions de hyalinose segmentaire
et focale (5 à 7 %) ou de la prolifération mésengiale diffuse (3 à 5 %) [2]. En microscopie
électronique il est observé un effacement des pédicelles des podocytes.
La physiopathologie du SNI reste en partie inconnue. Les mécanismes initiateurs sont
d’origine immunologique et impliquent classiquement une participation des lymphocytes T
activés qui sécrèteraient un ou des facteurs (facteur de perméabilité glomérulaire) responsables
de la perte des charges anioniques des membranes basales glomérulaires, anomalie responsable
de la protéinurie [3,4]. Actuellement l’hypothèse d’une responsabilité des lymphocytes B
(LB) a été récemment mise en avant devant l’activité du rituximab, anticorps monoclonal
anti CD20 qui cible exclusivement les LB [5,6].
Le traitement du SNI repose sur des traitements agissant sur le système immunitaire, en
premier lieu les corticoïdes. L’évolution et le pronostic sont étroitement corrélés à la réponse
initiale au traitement corticoïde. Quatre vingt-dix pour cent des SNI de l’enfant sont corticosensibles, 10 % sont corticorésistantes et ces dernières ne feront pas l’objet de cette étude.
L’évolution des SNI corticosensibles est caractérisée par la grande fréquence des rechutes.
Moins de 20 % des cas sont définitivement guéris après une poussée unique [2]. Dans 20 %
des cas les rechutes sont dites espacées, survenant après des intervalles de plusieurs mois sans
traitement. Mais dans la majorité des cas, dits corticodépendants (60 %), une rechute survient
au cours de la diminution de la corticothérapie ou dans les 3 mois qui suivent l’arrêt du
traitement. Les rechutes restent corticosensibles et le pronostic rénal est bon dans l’immense
majorité des cas. Néanmoins, la répétition des rechutes et des traitements corticoïdes expose
aux effets secondaires de la corticothérapie. La sévérité de la corticodépendance et la survenue
306
A.-L. SELLIER-LECLERC, V. BAUDOUIN, T. ULINSKI, G. DESCHENES
d’effets secondaires mal tolérés (ralentissement de la croissance staturale, obésité, ostéoporose,
cataracte, diabète ou des troubles psychiques) amènent très souvent à la prescription d’autres
traitements. Ils sont destinés à éviter la survenue de nouvelles rechutes et/ou à diminuer
le niveau de corticothérapie. Le levamisole est généralement le premier traitement adjuvant
utilisé. En cas de résultat insuffisant, il peut être nécessaire de recourir à des traitements
immunosuppresseurs plus lourds [7] : agents alkylants, ciclosporine, tacrolimus ou mycophénolate
mofétil (MMF). Certains cas restent extrêmement sévères et difficiles à traiter nécessitant
l’association de 2 voire 3 de ces traitements pendant plusieurs années avec une dépendance
également aux immunosuppresseurs et notamment à la ciclosporine.
Le rituximab
Le rituximab (RTX) est un anticorps monoclonal chimérique murin humanisé contre
l'antigène CD 20. Le CD 20 est un marqueur très spécifique des Lymphocytes B (LB), exprimé
en grande quantité à la surface des lymphocytes pré-B et des LB matures. En revanche, il n’est
pas exprimé à la surface des souches hématopoïétiques, ni des plasmocytes ce qui permet de
maintenir un taux d’immunoglobulines relativement stable et d’éviter potentiellement certaines
infections. L’administration du RTX permet donc d’induire une déplétion des LB dans le
sang périphérique. La dose habituelle est de 375 mg/m² par injection avec des rythmes différents
selon les pathologies. Le RTX a montré son efficacité dans un certain nombre de pathologies
auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus, dermatomyosite et certaines néphropathies
auto-immunes). Son administration doit se faire en milieu spécialisé après une prémédication
et en perfusion lente à débit progressif.
Globalement la tolérance du RTX est bonne, comme le confirme la très large expérience
dans les lymphomes avec plus de 300 000 patients traités. Les effets indésirables les plus
fréquents sont des réactions d’intolérance par relargage cytokinique (malaise, fièvre, frisson,
céphalées, hypotension) observées dans plus de la moitié des cas lors de la 1ère perfusion. Ces
symptômes s’améliorent en ralentissant le débit de perfusion et ils tendent à disparaître lors
des perfusions ultérieures. Les authentiques réactions allergiques sont théoriquement possibles,
soit immédiates (anaphylactiques), soit retardées, mais elles sont très rares. Des neutropénies
de causes diverses ont été observées sous RTX. Ces neutropénies peuvent être transitoires,
et il s’agit le plus souvent de neutropénies retardées survenant 1 à 5 mois après la dernière
perfusion de RTX. Leur prévalence semble variable (0,02 à 13 %). Le taux d’immunoglobulines
n’est pas significativement modifié avec des résultats variables selon les études dans les maladies
auto-immunes. L’hypogammaglobulinémie semble plus fréquente en cas de traitement
immunosuppresseur associé. Le risque d’infection semble particulièrement faible, malgré la
déplétion en LB et ses conséquences. Plus récemment, ont été décrits sous traitement par
RTX des cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive, maladie dégénérative en rapport
avec une réactivation du JC virus (polyomavirus). De façon exceptionnelle, une insuffisance
respiratoire aiguë ayant entraîné le décès du patient a été décrite. Cette insuffisance respiratoire
aiguë est en rapport avec un infiltrat pulmonaire interstitiel ou un œdème pulmonaire.
Depuis quelques années le RTX a été proposé comme nouvelle stratégie de traitement
des SNI corticodépendants [5,8-15].
UTILISATION DU RITUXIMAB DANS LE SYNDROME
NEPHROTIQUE IDIOPATHIQUE DE L'ENFANT
307
L’EXPÉRIENCE DE ROBERT DEBRE
Depuis fin 2006, 70 enfants atteints de SNI corticodépendants ont été traités par RTX
à Robert Debré. Ces patients ont eu une déplétion en LB prolongée sur 15 mois minimum
avec des injections itératives de RTX dès la réapparition des LB. Parmi eux 30 patients
disposent d’un recul minimum de 24 mois après la première injection et ont tous, après la
phase de déplétion, récupérer un compte de LB normal. L’étude de ces 30 patients permet
d’évaluer l’intérêt du RTX dans les traitements des néphroses corticodépendantes en termes
d’efficacité sur le contrôle de la maladie et la baisse des autres traitements immunosuppresseurs
et en termes de tolérance à court et moyen terme.
Les patients ont tous été traités par corticothérapie au début de leur néphrose selon les
recommandations de la Société Française de Néphrologie Pédiatrique et nous n’avons inclus
que les patients dont la néphrose était corticosensible d’emblée.
L’ensemble de ces 30 patients ont évolué vers une corticodépendance avec rechute et
l’adjonction d’un autre traitement en plus de la corticothérapie a été nécessaire chez tous.
Un traitement préventif des infections à Pneumocystis carinii par cotrimoxazole
(20 mg/kg 3 fois par semaine) a été administré de façon systématique à tous les patients pendant
toute la durée de la déplétion en LB.
Le nombre de LB (norme entre 200 et 1600/mm3) est suivi prospectivement de façon
mensuelle en même temps que les paramètres biologiques du syndrome néphrotique afin de
s’assurer de la persistance de la rémission (protéinurie/créatinine urinaire < 0,02 g/mmol et
albumine sanguine > 30 g).
RÉSULTATS
Caractéristiques générales des patients
L’âge au début du SNI est de 0,7 à 12,6 ans avec une moyenne de 2,6 ans. La durée du
SNI au moment du traitement par RTX est de 0,3 à 17,5 ans avec une moyenne de 9,5 ans.
Au moment du RTX, 20 patients recevaient un traitement associant 3 traitements
immunosuppresseurs (prednisone, MMF et anticalcineurines), et 10 patients 2 traitements
immunosuppresseurs (prednisone et anticalcineurines (n=5) ou prednisone et MMF (n=5)).
Sur ces 5 patients, 3 ont déjà reçu un traitement par ciclosporine dans le passé. Le suivi après
la première injection de RTX est de 38 (25,5 – 51,7) mois et le suivi moyen après la réapparition
des LB de 16,2 (3,1 – 31,7) mois.
Modalités de traitement par rituximab
Le RTX a été administré après une rechute mais tous les patients ont reçu la première
injection après avoir été mis en rémission complète de la protéinurie. La première cure de
RTX consiste en 4 injections de 375mg/m² chez 15 patients, 3 injections chez 3 patients,
2 injections pour 10 patients et 1 injection pour 2 patients. Chaque injection étant séparée
de la précédente d’une semaine.
Dès la réapparition des LB (plus de 10 cellules /mm3), les enfants ont été retraités par
une injection de RTX (375mg/m²) pour prolonger la déplétion B pendant un minimum de
15 mois. Il n’y a pas eu de réinjection après 15 mois de déplétion B.
308
A.-L. SELLIER-LECLERC, V. BAUDOUIN, T. ULINSKI, G. DESCHENES
Déplétion en lymphocytes B
Tous les patients ont présenté une déplétion B totale après la première injection de RTX.
La déplétion B moyenne est de 20,5 (11 – 32,6) mois. La durée de déplétion B après la première
cure est comparable chez les 12 patients ayant reçu initialement 1 ou 2 injections (6,9 mois)
et chez les 18 patients ayant reçu 3 ou 4 injections (8,2 mois).
Le RTX a dû être arrêté chez un patient qui a développé une neutropénie profonde d’origine
centrale après la première réinjection. Chez ce patient la déplétion B a donc été limitée à 11
mois. Chez un autre patient, la deuxième réinjection n’a pas permis d’obtenir une déplétion
B malgré l’absence d’anticorps anti-rituximab. Le traitement par RTX a donc été abandonné
chez ce patient après une déplétion B de 14,5 mois.
Évolution de la maladie
Sept patients ont présenté des rechutes transitoires pendant la durée du traitement (6 au
moment de la réapparition des LB et 1 avec une déplétion B complète). Une nouvelle rémission
a pu être obtenue avec une reprise courte de la corticothérapie avant une nouvelle injection
de RTX pour les 6 patients ayant rechuté.
A distance du traitement par RTX et malgré une réplétion B complète 19/30 patients
(63 %) n’ont pas rechuté avec un recul moyen de 17,4 mois après la réplétion B (figure 1).
Onze patients (37 %) ont rechuté en moyenne 4,3 mois après la réplétion B. Parmi ces onze
patients, dix ont accepté un nouveau traitement par RTX (après la mise en rémission par
corticothérapie) (figure 2).
Les patients qui ont eu une rechute transitoire pendant la phase de traitement ont un
risque de rechute après le traitement plus important (6 parmi les 7 avec rechutes transitoires,
rechutent également après 86 %). Parmi les 23 qui n’ont pas rechuté pendant la durée du
traitement par RTX seulement 5 (24 %, p = 0,009) ont rechuté après l’arrêt du traitement
et la réplétion B (figure 3).
Traitements immunosuppresseurs
Le traitement par MMF a été arrêté de façon systématique après la deuxième injection
de la première cure de RTX, c’est-à-dire dès la mise en déplétion B.
L’arrêt de la corticothérapie et des anticalcineurines a été réalisé chez tous les patients
sauf un qui a rechuté de façon précoce alors que la déplétion B était complète. En cas de rechute
pendant la phase de traitement une corticothérapie a été reprise à la dose de 60 mg/m²/j et
arrêté rapidement dans les suites d’une réinjection chez les 7 patients.
Au dernier recul, deux patients reçoivent un traitement immunosuppresseurs oral (prednisone
et MMF pour l’un et prednisone, MMF et ciclosporine A pour l’autre), neuf patients sont
de nouveau sous RTX et 19 patients n’ont plus aucun traitement.
Toxicité du rituximab
Quatorze patients (47 %) ont présenté des effets secondaires transitoires et bénins n’ayant
pas nécessité d’interruption du traitement. Plusieurs patients ont présenté plusieurs effets
secondaires que nous avons classés en effets secondaires précoces et tardifs.
UTILISATION DU RITUXIMAB DANS LE SYNDROME
NEPHROTIQUE IDIOPATHIQUE DE L'ENFANT
309
Six patients ont présenté une réaction d’intolérance par relargage cytokinique qui a cédé
avec un ralentissement du débit de perfusion. Deux patients ont eu une neutropénie sévère,
un une thrombose veineuse périphérique, deux une cytolyse hépatique modérée et un une
thrombopénie transitoire. Quatre patients ont présenté une infection pendant la durée du
traitement (une gastroentérite sévère, une infection à HHV6 avec fièvre prolongée et deux
cas de fièvre isolée). Cinq patients ont eu des effets secondaires à distance du traitement avec
une lymphadénopathie bénigne chez deux patients et une polyglobulie chez trois patients.
DISCUSSION
De nombreuses constatations cliniques et expérimentales suggèrent que le SNI de l’enfant
dans sa forme corticosensible est une maladie immunitaire dont le rein est la cible fonctionnelle.
Néanmoins l’ensemble des mécanismes moléculaires qui interviennent entre la stimulation
du système immunitaire et le développement clinique de la maladie reste encore imparfaitement
connu. Initialement le syndrome néphrotique idiopathique était considéré comme un
dysfonctionnement lymphocytaire T [16,17].
L’effet bénéfique du RTX a été rapporté pour la première fois chez un patient ayant un
SNI corticodépendant évoluant depuis 13 ans et ayant développé secondairement un purpura
thrombopénique idiopathique (PTI) sévère avec de nombreuses rechutes [8]. Devant l’échec
partiel des cures d’immunoglobulines, il reçoit 4 injections de RTX qui permettent la
guérison complète du PTI. En parallèle le RTX semble avoir contrôlé le syndrome néphrotique
avec une absence de rechute avec un recul de 15 mois. Depuis ce premier cas rapporté, plusieurs
autres auteurs ont rapporté le même effet du RTX chez plusieurs patients souffrant de syndromes
néphrotiques sévères corticodépendants [9,11,12,18].
Une étude rétrospective multicentrique de 2008 réalisée chez 22 patients montrent que
le RTX permet de diminuer significativement les traitements immunosuppresseurs quelques
mois après la première injection par rapport aux 3 derniers mois précédant la première
injection [5].
Plus récemment, Gulati retrouve 70 % de rémission stable chez des patients atteints de
SNI corticodépendants et traités par 2 injections de RTX avec un recul moyen de 16,8 mois
[19]. Ptyrula confirme ces données avec d’excellents résultats à la phase initiale du traitement
(82 %) mais avec un grand nombre de rechute au bout de quelques mois (36 % d’évolution
favorable à 4,5 mois) [20].
Avec un grand nombre d’enfants traités et un recul de plus de 2 ans après la première
injection de RTX pour 30 d’entre eux, nous sommes en mesure à la fois d’évaluer ce traitement en termes d’efficacité sur le contrôle de la maladie et la baisse de l’ensemble des autres
traitements immunosuppresseurs ainsi que sur la tolérance du traitement à moyen terme.
La déplétion B dure exceptionnellement plus de 12 mois après le protocole standard
d’une injection hebdomadaire de 375 mg/m². Notre étude suggère que 2 injections initiales
au lieu de 4 sont suffisantes pour induire une déplétion B pendant plusieurs mois comme cela
a déjà été rapporté [21].
Comme cela a déjà été montré par de précédentes communications, la déplétion B diminue
considérablement le nombre de rechutes de SNI et permet de diminuer les traitements
immunosuppresseurs. Dans notre série, l’ensemble des traitements immunosuppresseurs ont
été arrêtés dans les 3 à 6 mois qui ont suivi la première injection de RTX. Nous préconisons
une baisse rapide des corticoïdes et des autres immunosuppresseurs avec un arrêt dans les
3 mois qui suivent la première injection.
310
A.-L. SELLIER-LECLERC, V. BAUDOUIN, T. ULINSKI, G. DESCHENES
La durée de déplétion B a été définie de façon arbitraire avec un minimum de 15 mois.
Dans notre série, 30 patients ont dépassé les 15 mois de déplétion B et parmi eux 19 (63 %)
sont en rémission stable de leur maladie sans traitement immunosuppresseur et malgré une
réapparition des LB circulants depuis plusieurs mois. Les résultats sont superposables à l’étude
de Gulati [19] mais avec un recul plus important et nous pensons que le maintien de cette
déplétion B prolongée permet à certains patients de ne plus rechuter. Cette série qui comporte
des patients sévèrement atteints (début précoce de la maladie, rechutes fréquentes, et durée
d’évolution de la maladie depuis plus de 8 ans) apporte des informations importantes sur la
capacité du RTX à réduire voire à arrêter l’activité du syndrome néphrotique corticosensible.
Cela suppose que le RTX exerce un effet prolongé sur les cellules immunes responsables de
la sécrétion du facteur de perméabilité glomérulaire. Néanmoins, nous rapportons également,
un patient qui a présenté une rechute précoce de syndrome néphrotique malgré une déplétion
B totale et chez qui la diminution des traitements immunosuppresseurs n’a pas été possible
dans un premier temps.
La tolérance globale du traitement par RTX a été bonne, les patients étant traités en l’absence
de protéinurie massive et en l’absence de syndrome néphrotique biologique au moment de
l’injection. Le principal effet secondaire décrit est une sensation de malaise intense lors de
la première injection. Dans la littérature, ces symptômes sont attribués à un afflux massif de
cytokines lors de la destruction des LB et cessent lors de l’arrêt de la perfusion. Généralement
cet effet appelé choc cytokinique ne se reproduit pas lors des injections successives de RTX.
Un autre effet secondaire fréquent du traitement par RTX est la neutropénie classiquement
réversible après l’utilisation de GCSF et ce malgré la poursuite de la déplétion B [22]. Il n’y
pas de leucoencéphalopathie multifocale progressive décrite à ce jour dans la littérature pour
des patients traités par RTX pour un SNI.
Le syndrome néphrotique idiopathique est classiquement attribué à une dysrégulation
de la fonction lymphocytaire T responsable de la sécrétion du facteur de perméabilité
glomérulaire responsable de la fuite protéique. L’efficacité du RTX comme traitement dans
cette maladie confirme que les LB jouent également un rôle dans la physiopathologie du
syndrome néphrotique idiopathique. La plupart des arguments avancés par Shahloub [17]
pour étayer le dysfonctionnement lymphocytaire T peuvent également plaider en faveur d’un
dysfonctionnement lymphocytaire B [23]. La contribution des LB et le rôle probable des
chaînes légères d’immunoglobuline dans la modification de la perméabilité glomérulaire aux
protéines dans le syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant ont déjà été rapportés à
plusieurs reprises [6,23-27].
En conclusion, le RTX semble maintenir la rémission prolongée du syndrome néphrotique
corticosensible et ce malgré la diminution des doses voire l’arrêt complet de la prednisone
et des autres immunosuppresseurs. Une déplétion B prolongée semble être nécessaire mais
probablement pas suffisante chez certains patients pour obtenir une rémission prolongée de
la maladie au-delà même de la récupération complète de la population lymphocytaire B. Le
traitement a été bien toléré sans effets secondaires majeurs mais nous ne disposons pas encore
de données sur les effets secondaires observés à long terme. Actuellement cette stratégie est
encore réservée aux patients avec un traitement immunosuppresseurs lourds mais pourra
probablement être élargie à un plus grand nombre de malades.
AUTEURS :
A.-L. SELLIER-LECLERC1, V. BAUDOUIN2, T. ULINSKI1, G. DESCHENES2
1
Service de Néphrologie pédiatrique, Hôpital Armand Trousseau, 26 avenue du Dr Arnold Netter, 75012 PARIS
2
Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital Robert Debré, 48 Bd Sérurier, 75019 PARIS
UTILISATION DU RITUXIMAB DANS LE SYNDROME
NEPHROTIQUE IDIOPATHIQUE DE L'ENFANT
311
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dr Anne-Laure SELLIER-LECLERC - [email protected]
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FIGURES
Figure 1 : courbe de Kaplan-Meier : nombre de patients en rémission après la réplétion B
Figure 2 : évolution clinique pendant et après le traitement par RTX
30 patients
with high degree
SDNS
Phase de traitement
par RTX
REMISSION
23 patients
RELAPSE
7 patients
RELAPSE
6 patients
REMISSION
1 patient
REMISSION
18 patients
RELAPSE
5 patients
Après réplétion B
RETREATMENT
5 patients
NO
RETREATMENT
1 patient
REMISSION
19 patients
RETREATMENT
5 patients
UTILISATION DU RITUXIMAB DANS LE SYNDROME
NEPHROTIQUE IDIOPATHIQUE DE L'ENFANT
Figure 3 : comparaison du devenir (rechute ou non) après la réplétion B entre les patients ayant
rechuté pendant la phase de traitement par RTX et ceux n’ayant pas rechuté
Pas de rechute pendant le traitement.
Rechute pendant le traitement.
313
314
315
ÉVOLUTION ET TRAITEMENT DES
POLYRADICULONEVRITES CHRONIQUES DE L’ENFANT
PAR
J.-M. PEDESPAN, S. CABASSON, F. RIVIER
Les polyradiculonévrites inflammatoires chroniques démyélinisantes (PICD) de l’enfant
sont des neuropathies acquises, d’évolution chronique (d’une durée supérieure à deux mois),
qui se manifestent par une faiblesse proximale symétrique, d’installation progressive, associée
à une hyporéflexie ou une aréflexie, d’étiologie auto-immune probable [1]. Leur début se
situe à un âge moyen de 10 ans avec deux pics de fréquence autour des âges de 3 et 13 ans.
Dans deux tiers des cas, elles sont précédées d’une infection respiratoire ou digestive d’allure
banale. Les formes de début sont constituées par des manifestations motrices sous forme d’un
déficit moteur ou de troubles de la marche, plus rarement des douleurs, des paresthésies ou
une atteinte des paires crâniennes (parésie faciale, troubles de déglutition, troubles visuels).
LES CRITÈRES CLINIQUES DE DIAGNOSTIC DES POLYRADICULONEVRITES
CHRONIQUES DE L’ENFANT [2] SONT-ILS TROP RESTRICTIFS ?
On retient comme critères nécessaires au diagnostic :
- une atteinte symétrique ou asymétrique d’au moins deux membres,
- des troubles moteurs et sensitifs (moteur seul ou sensitif seul avec biopsie et arguments
électrophysiologiques évocateurs),
- une installation progressive,
- une aréflexie achilléenne évoluant depuis au moins 8 semaines ou à rechutes.
Les critères d’exclusion sont constitués par les neuropathies héréditaires, d’origine
métabolique, toxique, et les gammapathies.
Les critères électrophysiologiques contribuant au diagnostic sont constitués par :
- une diminution des vitesses de conduction dans plus de 50 % des nerfs moteurs testés,
- une augmentation des latences distales dans plus de 50 % des nerfs moteurs testés,
- des ondes F anormales dans plus de 50 % des nerfs moteurs testés,
- des vitesses de conduction sensitive inférieures à 80 % de la limite inférieure de la normale.
316
J.-M. PEDESPAN, S. CABASSON, F. RIVIER
LES CRITÈRES HISTOLOGIQUES SONT-ILS TOUJOURS NECESSAIRES
AU DIAGNOSTIC ?
La biopsie nerveuse va mettre en évidence des signes de démyélinisation et remyélinisation
sur au moins 5 fibres en coupes semi-fines ou sur 5 fibres parmi 50 examinées par la méthode
du Teasing. Ces critères histologiques devraient-ils être réservés aux formes atypiques ? Ontils une valeur pronostique ? La biopsie nerveuse doit-elle être systématique ?
Pour illustrer ces éléments, nous rapportons les résultats de notre étude menée sur 15 enfants
atteints d’une PICD.
Matériel et méthodes
L’ensemble des patients diagnostiqués (15 entre 1999 et 2009), au CHU de Bordeaux
(9 enfants), au CHU de Montpellier (3 enfants) et au CHU de Toulouse (3 enfants), ont
été revus rétrospectivement. Les critères diagnostiques d’une PIDC ont été ceux publiés par
l’Association Américaine de Neurologie en 1991 et présentés ci-dessus après avoir été revus
en 2000 au 88ème Workshop International consacré aux maladies neuromusculaires [2]. La
biopsie nerveuse n’a pas été considérée comme indispensable au diagnostic. Tous les patients
ont eu une histoire clinique de faiblesse progressive ou d’hyporéflexie d’une durée d’au moins
4 semaines ou une évolution marquée par des rechutes sur plus d’un an. Le diagnostic a été
confirmé par les études électrophysiologiques ; les patients présentant un diagnostic compatible
avec une neuropathie héréditaire ont été exclus.
L’évolution a été classée selon un score 0 : asymptomatique, 1 : symptôme mineur, 2 :
symptômes mineurs avec une vie sociale normale, 3 : handicap modéré avec conséquences
mineures dans la vie sociale, 4 : handicap avec symptômes majeurs, 5 : retentissement sévère
nécessitant une assistance jour et nuit.
Résultats : les formes à rechutes, sensibles aux immunoglobulines, ont été constatées
5 fois sur 15, la guérison sans séquelles a été notée 5 fois sur 15, les séquelles ont été constituées
5 fois sur 15 par une fatigabilité à la marche (2 cas), une impotence fonctionnelle sévère, des
paresthésies (2 cas). L’IRM médullaire n’a jamais été prédictive de l’évolution.
L’étude du liquide céphalo-rachidien a été réalisée 14 fois sur 15 ; elle n’a été normale
que dans un cas. Il n’existait pas de relation entre l’importance de la protéinorachie et une
éventuelle évolution péjorative.
L’évolution a été appréciée sur une durée de 2 à 16 ans (moyenne : 6,8 ans).
Score 0 : 7 cas ; score 1 : 5 cas ; score 2 : 2 cas ; score 3 : 1 cas. Aucun enfant n’est décédé.
Aucun enfant n’avait nécessité de ventilation artificielle à la phase aiguë de sa pathologie ou
au début de l’évolution au cours des deux premiers mois.
Il pouvait exister une dissociation entre les données électrophysiologiques et neuropathologiques. L’étude électrophysiologique avait un intérêt diagnostique supérieur à son intérêt
pronostique.
Les enfants ont tous été traités par immunoglobulines en première intention. La corticothérapie
a été prescrite dans 5 cas en association (3 fois) ou sous forme de bolus (2 fois).
Discussion
Les 15 enfants, chez lesquels les critères diagnostiques de PICD ont été retenus, ont eu
une évolution favorable sauf un. On constate le faible nombre de grandes séries de polyradi-
EVOLUTION ET TRAITEMENT DES
POLYRADICULONEVRITES CHRONIQUES DE L’ENFANT
317
culonévrites inflammatoires démyélinisantes pédiatriques en dehors des cas rapportés par
Ryan et al. (15 patients) [3], Korinthenberg (21 patients) [4] et Simmons et al. (15 patients)
[5]. Les constatations qui sont faites dans notre série sont plutôt comparables à celles de Nevo
et al. [6] qui identifient deux populations de patients avec des évolutions cliniques très différentes,
constituées par un premier groupe d’évolution très favorable à long terme et un deuxième
groupe avec un déficit moteur persistant minimal. On retrouve la prédominance observée
dans les séries de la littérature de cas féminins aussi bien dans celle de Ryan que dans celle de
Mc Comb et al. [7]. Nous retrouvons la forte incidence d’événements qui constituent des
prodromes. Les signes dysautonomiques sont rares dans les PICD pédiatriques et n’ont pas
été relevés dans cette série. Leurs symptômes, lorsqu’ils existent, sont un dysfonctionnement
pupillaire unilatéral qui disparaît en même temps que l’amélioration de la faiblesse motrice
et des dysesthésies. Les constatations électrophysiologiques ont été rarement rapportées chez
l’enfant. Dans deux études où les vitesses de conduction nerveuse sont réalisées précocement,
celles-ci sont améliorées par la corticothérapie. Il a été rapporté par Taku [8], une forme à
rechutes dans laquelle a persisté un ralentissement des vitesses de conduction nerveuse motrice
après un traitement efficace par immunoglobulines. Les vitesses de conduction nerveuse peuvent
être significativement ralenties après le début de la PICD, même en présence d’une amélioration clinique évidente. Des études régulières de ces vitesses de conduction nerveuse ne sont
pas utiles à la conduite thérapeutique ou à l’établissement du pronostic. Les atteintes du système
nerveux central ont été mises en évidence dans plusieurs séries chez l’adulte, mais n’ont jamais
été relevées dans les PICD de l’enfant. Les patients qui ont eu une IRM encéphalique dans
cette série n’avaient pas d’anomalie particulière compte tenu des critères diagnostiques retenus
lors de l’inclusion.
La pathogénie des PIDC fait évoquer une perturbation prédominante de l’immunité
humorale. De nombreux auto-anticorps ont été mis en évidence au cours de cette pathologie :
Ac anti-gangliosides, glycolipides, beta-tubuline… Madia et al. [9] ont montré chez l’adulte
que pSTAT 1, pSTAT 3 et T-Bet seraient des marqueurs du processus inflammatoire au niveau
des CD4+ et des monocytes. De même, l’injection de sérum purifié issu de 12 patients atteints
d’une PICD dans le nerf sciatique de rats a permis de faire apparaître des blocs de conduction
en électrophysiologie [10]. Certains lymphocytes CD 4+ activés semblent également jouer
un rôle dans l’agression de la barrière sang-nerf, ce qui plaide en faveur d’une origine également
cellulaire dans la physiopathologie immunitaire des PICD. Les lymphocytes CD4 et CD8
sont également fréquemment retrouvés dans les biopsies nerveuses réalisées.
L’existence de syndromes de Guillain-Barré (ou AIDP, Acute Inflammatory Demyelinating
Polyneuropathy) à rechutes et de PICD avec installation rapide des signes cliniques (c’est-àdire moins de 8 semaines) rendent parfois la distinction difficile entre ces 2 affections. En
pratique, un syndrome de Guillain-Barré avec une évolution à rechute, ou d’évolution d’emblée
progressive malgré le premier traitement mis en œuvre doit faire évoquer une PICD [5].
Le diagnostic peut être difficile chez l’enfant dans des présentations atypiques ou dans
certaines formes infantiles tardives de leucodystrophies métachromatiques [11,12]. Certaines
formes d’évolution très lentement progressives peuvent être évocatrices d’une neuropathie
sensitivo-motrice héréditaire ; l’étude du LCR, l’électrophysiologie et la recherche d’antécédents
familiaux doivent permettre de redresser le diagnostic.
Les traitements avec immunoglobulines, corticothérapie sont ceux qui sont les plus
communément utilisés [13,14]. Les immunoglobulines ont été retenues en priorité dans cette
série en raison de leur efficacité et de leur sécurité. Chez l’adulte, les corticostéroïdes donnés
per os sont fréquemment le premier traitement utilisé dans les PICD [5]. Les effets secondaires
des corticostéroïdes au long cours chez l’enfant rendent leur utilisation délicate. Les échanges
plasmatiques ne sont pas associés à un bénéfice à long terme chez l’enfant clairement identifié,
318
J.-M. PEDESPAN, S. CABASSON, F. RIVIER
même s’ils semblent efficaces à la phase aiguë [5].
En pratique, en cas de bonne réponse initiale aux immunoglobulines polyvalentes, des
injections itératives sont proposées ; l’intervalle entre 2 injections est établi entre 4 et 6
semaines, puis empiriquement modifié en fonction de la réponse clinique. Nous utilisons la
dose totale de 2 g/kg sur 2 ou 5 jours.
En cas d’échec, des thérapeutiques immunosuppressives ont été utilisées avec succès
dans des cas isolés : cyclophosphamide, azathioprine, cyclosporine, méthotrexate, rituximab,
mycophénolate mofétil, alemtuzumab. Selon Rossignol et al. [13], l’azathioprine et le
mycophénolate mofétil semblent présenter le plus d’intérêt parmi ces thérapeutiques de seconde
ligne. Néanmoins, de plus larges études sont nécessaires afin d’affirmer leur efficacité et leur
innocuité chez l’enfant.
EN CONCLUSION
Les polyradiculonévrites inflammatoires démyélinisantes de l’enfant répondent généralement
favorablement aux thérapeutiques par immunoglobulines. Malgré un début initial prolongé
ou une évolution caractérisée par des rechutes multiples, le pronostic pour une disparition
des troubles sans séquelle est la règle dans la majorité des cas après des traitements utilisant
des thérapeutiques conventionnelles.
AUTEURS
J.-M. PEDESPAN*, S. CABASSON*, F. RIVIER**
*Unité de neuropédiatrie, Département de Pédiatrie, CHU Pellegrin, 33076 BORDEAUX Cedex
** Unité de neuropédiatrie, Centre Hospitalier Gui De Chauliac, 34090 MONTPELLIER
AUTEUR CORRESPONDANT :
Jean-Michel Pedespan - [email protected]
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320
321
LE SYNDROME DE COCKAYNE
par
V. LAUGEL, A. ZALOSZYC, C. OBRINGER, M. KOOB.
Sir Edward Cockayne a décrit en 1936 le syndrome qui porte aujourd’hui son nom
comme un « nanisme cachectique » de transmission autosomique récessive, associant retard
de croissance, microcéphalie, retard psychomoteur, cataracte, rétinopathie pigmentaire,
surdité et photosensibilité cutanée [1]. C’est l’existence de ces symptômes cutanés qui a
conduit à la mise en évidence d’une sensibilité des cellules de patients aux rayons ultraviolets
[2], permettant de classer le syndrome de Cockayne (SC) dans le groupe en expansion des
« maladies de la réparation et de la transcription de l’ADN ». Défini sur la base de cette anomalie
de réparation de l’ADN, le SC recouvre un spectre très large de tableaux cliniques de sévérité
variable qui restent très largement sous-diagnostiqués.
PHYSIOPATHOLOGIE
L’ADN cellulaire subit continuellement des altérations structurales dues à l’action
d’agents génotoxiques exogènes (rayons ultraviolets, rayonnements ionisants, agents
chimiques alkylants) ou endogènes (radicaux libres issus du métabolisme aérobie, erreurs
de réplication). Plusieurs types de lésions peuvent ainsi être induites dans la double hélice
(cassures simple brin, cassures double brin, liaison interbrin, dénaturation de bases, dimérisation de bases adjacentes, mésappariements), altérant plus ou moins la réplication et la transcription
de l’ADN. Plusieurs mécanismes de réparation se sont développés au fil de l’évolution afin
d’assurer la conservation de l’information génétique initiale et la continuité du fonctionnement cellulaire. Chacune de ces voies de réparation (réparation par excision de bases, réparation
par excision de nucléotides, réparation mismatch, réparation par recombinaison homologue,
réparation par religation non homologue) est dédiée prioritairement à la réparation d’un ou
plusieurs types de lésions mais un certain degré de redondance fonctionnelle est possible.
Des anomalies de ces mécanismes de réparation sont classiquement impliquées dans la
cancérogenèse ou le vieillissement mais aussi de plus en plus dans des pathologies développementales ou neurodégénératives affectant également les enfants [3].
C’est une anomalie spécifique de la voie de réparation par excision de nucléotides
(nucleotide excision repair ou NER) qui caractérise le syndrome de Cockayne. Cette même
voie de réparation est également altérée dans le xeroderma pigmentosum (qui comporte une
photosensibilité extrême justifiant l’appellation « d’enfants de la lune », une grande susceptibilité aux cancers cutanés et des symptômes neurologiques inconstants) et la trichothiodystrophie
(qui comporte des anomalies caractéristiques des phanères) [4]. Cette voie NER permet de
322
V. LAUGEL, A. ZALOSZYC, C. OBRINGER, M. KOOB.
corriger un grand nombre de lésions qui provoquent une distorsion de la double hélice
d’ADN, notamment celles induites par les rayons ultraviolets. Cette voie peut être mise en
jeu selon deux modalités différentes en fonction de l’état transcriptionnel de l’ADN à réparer
(fig. 1). L’ADN activement transcrit est réparé en premier, par un mécanisme de réparation
préférentielle qui recrute les facteurs de réparation de la voie commune de la NER en cas de
blocage de la transcription (transcription-coupled NER ou TC-NER) [5]. L’ADN non transcrit
est réparé plus lentement, par un mécanisme de réparation globale qui déclenche l’action de
la voie commune de la NER en cas d’identification directe d’une lésion distordant l’ADN
(global genome NER ou GG-NER). De nombreuses protéines impliquées dans ces voies
de réparation sont codées par des gènes mutés dans le SC, le xeroderma pigmentosum ou la
trichothiodystrophie et portent le nom de ces maladies (CSA, CSB, XPA à XPG). Contrairement au xeroderma pigmentosum et à la trichothiodystrophie, le SC est caractérisé par une
atteinte exclusive et spécifique de la TC-NER, tandis que la GG-NER reste parfaitement
fonctionnelle dans ces cellules. L’étude de la TC-NER sur culture de fibroblastes constitue à
l’heure la méthode de référence pour confirmer le diagnostic de SC.
Si cette altération de la TC-NER permet de comprendre la photosensibilité cutanée
observée dans le SC, cette seule anomalie de réparation des lésions dues aux UV ne permet
cependant pas de rendre compte de la totalité du tableau clinique multisystémique des
patients Cockayne. La physiopathologie exacte du syndrome reste encore mal comprise : des
anomalies associées de la réparation des lésions induites par les radicaux libres ou des anomalies
de la transcription de l’ADN ont été avancées récemment pour expliquer les symptômes
extra-cutanés [6,7]. Il n’y a pas de corrélation simple entre la mutation retrouvée au niveau
moléculaire et la sévérité du tableau clinique [8].
EPIDEMIOLOGIE
Le SC est une maladie rare dont l’incidence a été évaluée, sur la base des anomalies confirmées
de la voie de réparation TC-NER, à environ 1 cas sur 300 000 naissances en Europe Occidentale
[9]. Il faut remarquer que cette incidence varie d’un facteur 1 à 5 entre des pays pourtant
limitrophes en fonction de la disponibilité des tests diagnostiques, faisant suspecter de nombreux
cas non diagnostiqués.
Les mutations responsables du SC ont été identifiées dans une centaine de familles à ce
jour, dans les 2 gènes principaux CSA et CSB. Deux tiers des patients reconnus portent des
mutations dans le gène CSB, un tiers dans le gène CSA. La plupart des anomalies génétiques
identifiées sont des mutations privées, mais il existe quelques mutations récurrentes par le
fait d’effets fondateurs dans certaines populations spécifiques [8]. Quelques cas exceptionnels
présentent un phénotype mixte, mêlant des caractéristiques du SC et du xeroderma pigmentosum,
et portent des mutations dans les gènes XPB, XPD et XPG.
FORME CLASSIQUE DE LA MALADIE
La forme classique de la maladie, aussi appelé type I, débute généralement à la fin de la
première année ou au courant de la deuxième année de vie par une cassure de la courbe staturopondérale puis du périmètre crânien avec une stagnation des acquisitions. Parfois une hypotonie
axiale a pu être notée dans les premiers mois de vie. L’évolution est marquée par l’apparition
LE SYNDROME DE COCKAYNE
323
d’un syndrome cérébelleux précoce avec ataxie, dysmétrie et tremblement d’action, associé
par la suite à un syndrome pyramidal avec une hypertonie spastique prédominant initialement
aux membres inférieurs. Des rétractions articulaires progressives apparaissent en quelques
années au niveau des genoux, des hanches et des coudes notamment. La combinaison de
ces anomalies explique les troubles de la marche, qui est parfois comparée à l’attitude d’un
« cavalier à cheval » (élargissement du polygone, flexum de genoux et des hanches), puis la
perte de la station debout dans les formes les plus sévères. Les réflexes ostéo-tendineux peuvent
être vifs au début de l’évolution puis sont généralement diminués voire absents au fil de
l’installation d’une neuropathie périphérique, constante dans ce syndrome. L’atteinte cognitive
est toujours présente mais de sévérité variable. Néanmoins, les capacités d’interaction sociale
de ces patients sont relativement préservées et le contact reste toujours possible, même à un
stade avancé de la maladie. Les crises convulsives sont rares.
Une cataracte peut apparaître dans les premières années d’évolution. Une rétinopathie
pigmentaire est presque constamment présente à l’électrorétinogramme après quelques années
d’évolution mais n’est que difficilement décelable cliniquement. Une surdité de perception
est fréquente et peut bénéficier d’un appareillage.
Le retard staturo-pondéral et la microcéphalie s’aggravent au fil de l’évolution pour se
situer constamment en dessous de -3 DS et souvent en dessous de -5 DS. Ce retard de croissance
postnatal prédomine sur le poids et peut donner lieu à un aspect cachectique avec une fonte
du tissu adipeux, notamment au niveau orbitaire. La dysmorphie faciale tient principalement
à cette disparition du tissu adipeux, avec un visage « en tête d’oiseau », un nez busqué et
une énophtalmie caractéristique (fig. 2).
Une diminution de la sudation et de la sécrétion lacrymale est souvent notée, de même
que des anomalies de la vascularisation périphérique avec des extrémités froides et cyanosées.
La photosensibilité cutanée, importante sur le plan physiopathologique, est inconstante au
niveau clinique. Elle se traduit par l’apparition de « coups de soleil » fréquents même en cas
d’exposition limitée au soleil : elle ne nécessite que des mesures simples de protection solaire.
Il n’y a pas d’anomalies pigmentaires ni de cancers cutanés. La fréquence des cancers n’est
pas augmentée dans le SC par rapport à la population générale. Il existe des anomalies dentaires
de forme, de nombre et de structure, avec notamment des anomalies de l’émail faisant le lit
de caries très fréquentes. Le SC dans sa forme classique entraîne un décès précoce, souvent
au cours de la deuxième décennie, par surinfection pulmonaire notamment.
Des critères diagnostiques ont été élaborés par Nance et Berry en 1992 [10], avant l’identification des gènes responsables, et permettent de caractériser cette forme classique de la
maladie décrite par E. Cockayne. Trois critères majeurs doivent obligatoirement être présents :
retard de développement psychomoteur, retard de croissance staturo-pondérale, microcéphalie.
Trois des cinq critères mineurs suivants doivent être présents en plus des critères majeurs :
photosensibilité cutanée, surdité neurosensorielle, rétinopathie pigmentaire, caries dentaires,
faciès cachectique. Ces critères n’ont cependant ni une sensibilité ni une spécificité parfaites
et ne permettent pas toujours un diagnostic précoce de la maladie. Ils ne rendent pas compte
non plus de toutes les formes cliniques de la maladie qui ont pu être reconnues par les études
fonctionnelles et génétiques.
324
V. LAUGEL, A. ZALOSZYC, C. OBRINGER, M. KOOB.
AUTRES FORMES CLINIQUES ET SPECTRE DE GRAVITÉ
Une forme clinique plus précoce, dénommée syndrome de Cockayne de type II, est définie
par la présence de signes cliniques dès la naissance, qui sont autant de facteurs de mauvais
pronostic : microcéphalie congénitale, retard de croissance intra-utérin ou cataracte congénitale
notamment. Le type II est associé à une évolution neurologique particulièrement sévère et
conduit au décès dès la première décennie. Une forme encore plus précoce et plus sévère avait
initialement été décrite comme une maladie distincte, sous le terme de syndrome cérébrooculo-facio-squelettique (COFS), mais constitue en réalité une forme à début prénatal du
SC avec les mêmes caractéristiques moléculaires et cellulaires que le SC classique [11].
Le syndrome COFS est défini par des critères spécifiques : arthrogrypose congénitale,
microphtalmie ou cataracte congénitale, microcéphalie congénitale, retard de croissance intrautérin ou postnatal, dysmorphie faciale particulière [12]. Le syndrome COFS est associé à
une mortalité importante dès les deux premières années de vie.
A l’inverse, des formes plus tardives débutant après l’âge de 2 ans autorisent une survie
jusqu’à l’âge adulte, exceptionnellement jusqu’à 60 ans et sont regroupées dans un type III.
Ces formes peuvent être révélées par un simple retard de croissance dans l’enfance puis par
l’apparition parfois très tardive des signes sensoriels et neurologiques caractéristiques du syndrome.
A l’extrémité du spectre, des patients présentant uniquement une photosensibilité cutanée
sans aucune autre anomalie neurologique ou sensorielle peuvent également porter des mutations
dans le même gène CSB et le même défaut de la voie TC-NER que le SC classique et sont
regroupés sous le terme de syndrome UV-sensible ou UVSS [13]. L’ensemble de ces formes
cliniques témoigne très certainement de l’existence d’un continuum dans le spectre de gravité
du SC, le pronostic étant intimement lié à la précocité des symptômes.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
L’IRM cérébrale révèle les premiers signes de la maladie au niveau de la substance blanche :
il s’agit d’un retard puis d’un arrêt de la myélinisation, qui se limite aux zones myélinisées
précocement (corps calleux, capsule interne, pédoncules cérébelleux). L’évolution se fait
ensuite vers une atrophie majeure de toute la substance blanche, tandis que le cortex montre
une atrophie plus limitée. Il existe constamment une importante atrophie du cervelet
(notamment du vermis) et, dans une moindre mesure, du tronc cérébral (fig. 3).
Le scanner cérébral permet de mettre en évidence des calcifications cérébrales qui
n’apparaissent qu’après quelques années d’évolution. Ces calcifications concernent principalement les noyaux gris centraux et tout particulièrement les noyaux lenticulaires : il s’agit
le plus souvent de calcifications fines et symétriques qui occupent précisément tout le volume
des noyaux lenticulaires. Il peut aussi s’agir, plus rarement et plus tardivement, de calcifications
des noyaux dentelés du cervelet et parfois de calcifications sous-corticales notamment dans
les régions frontales [14].
Le fond d’œil peut révéler une rétinopathie pigmentaire « poivre et sel » et une pâleur
papillaire. L’électrorétinogramme démontre l’atteinte des photorécepteurs avec une altération
des réponses photopiques et scotopiques. L’étude des vitesses de conduction montre constamment
une neuropathie démyélinisante sensitivo-motrice des quatre membres qui constitue un bon
élément diagnostique complémentaire. Les signes biologiques sont discrets : il existe souvent
une hyperprotéinorachie et une cytolyse hépatique modérée. Il n’y a pas de cassures chromosomiques.
LE SYNDROME DE COCKAYNE
325
DIAGNOSTIC DE CERTITUDE
Le diagnostic de certitude du syndrome de Cockayne nécessite une biopsie cutanée et
repose sur la mise en évidence, sur les fibroblastes en culture, du défaut spécifique de la réparation
par TC-NER. Le test utilisé évalue la reprise de la transcription après irradiation aux ultraviolets
(recovery of RNA synthesis ou RRS) en mesurant le taux d’intégration d’uridine marquée
dans les cellules [15]. Les cellules Cockayne sont incapables de relancer leur activité transcriptionnelle après irradiation. La recherche de mutations dans les gènes CSB et CSA permet
de confirmer le diagnostic au niveau moléculaire. Ces deux types d’études ne sont réalisés
que dans quelques laboratoires spécialisés dans le monde.
Un diagnostic prénatal est accessible soit par le test fonctionnel de réparation effectué
sur cellules amniotiques soit, plus rapidement et avec plus de sécurité, par la recherche directe
des mutations sur l’ADN fœtal quand celles-ci sont connues chez un cas index.
PRISE EN CHARGE
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement curatif du syndrome de Cockayne, même
si des essais thérapeutiques sont en cours d’étude. Le traitement symptomatique fait appel à
la prise en charge kinésithérapique et/ou chirurgicale de la spasticité et des rétractions. La
mise en place d’une alimentation entérale par gastrostomie est parfois rendue nécessaire par
les troubles de la succion-déglutition et permet d’améliorer l’état nutritionnel. La prévention
et le traitement des infections broncho-pulmonaires doivent être menés avec attention.
L’appareillage d’une éventuelle surdité et le traitement chirurgical d’une cataracte doivent
être proposés précocement à chaque fois que cela est possible. Des soins dentaires attentifs et
réguliers sont indispensables. Une protection solaire raisonnable doit être recommandée
(crème solaire à haut niveau de protection, lunettes de soleil couvrantes), mais le SC ne
nécessite pas les précautions extrêmes qui sont nécessaires dans le xeroderma pigmentosum.
Plus rarement, la survenue d’une hypertension artérielle ou d’un diabète peut nécessiter un
traitement spécifique.
Le décès survient généralement dans un contexte de grabatisation et de dénutrition
progressives. Il est souvent précipité par une infection broncho-pulmonaire ou plus rarement
par un tableau de syndrome néphrotique et de défaillance rénale.
AUTEURS :
V. LAUGEL, A. ZALOSZYC, C. OBRINGER, M. KOOB.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Pr. Vincent Laugel, Service de Pédiatrie 1, CHU Strasbourg-Hautepierre, 1, Avenue Molière , F-67098 Strasbourg Cedex - [email protected]
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Figure 1. Schéma de la voie de réparation par excision de nucléotides (NER)
Lésion de l’ADN
TC-NER
XPB
XPC
RNApol
GG-NER
XPD
XPB
XPC
RNApol
CSB
XPE
XPD
XPA
CSA
XPF
XPB XPD
XPE
XPA
XPG
Voie commune
de la NER
LE SYNDROME DE COCKAYNE
327
Figure 2. Syndrome de Cockayne : forme classique
Figure 3. Neuro-imagerie dans le syndrome de Cockayne : (A) calcifications des noyaux lenticulaires
et calcification sous-corticale visibles au scanner chez un patient âgé de 6 ans ; (B) atrophie du cervelet
et du tronc cérébral visible en IRM T1 chez un patient âgé de 15 ans ; (C) et (D) anomalies de signal
et atrophie de la substance blanche en IRM T2 et FLAIR chez des patients âgés de 6 et 8 ans.
2
Pour obtenir un exemplaire de cet ouvrage, merci de vous adresser à :
Journées Parisiennes de Pédiatrie – Livre des JPP 2011
c/o Nex & Com Medical Events
159 rue de Silly
92100 Boulogne Billancourt
328
Livre des communication JPP 2011