Vendredi 26 septembre 2014 // No 204 GENèVE Tintamarre marre marre P. 4 CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch VAUD Adversaire de thaï P. 4 CHIMIE BâLOISE Mauvaise graine P. 5 CLIMAT Comment retenir votre respiration P. 17 JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA 2 C ’ E S T P A S P O U R D I R E ! Yahvé, Jésus et tout le tralallah Laurent Flutsch A vec les décapitations filmées, les condamnations au fouet, les infamies moyenâgeuses de l’Etat islamique ou les appels fanatiques au meurtre aveugle, la barbarie se situe plutôt du côté d’Allah, ces temps-ci. Pendant ce temps, les dirigeants du peuple élu de Yahvé en profitent pour bombarder et coloniser tranquillement. Quant à leurs alliés adeptes du Christ, ils se proclament remparts d’une civilisation qu’ils défendent par missiles interposés. Et quelles que soient leur foi et leur chapelle, les « modérés » condamnent plus ou moins clairement les dérives des extrémistes. En termes de brutalité et de sottise religieuse, tout est fluctuant, épisodique, relatif. Pour l’heure et face aux fous d’Allah, les adorateurs de Jésus font figure d’humanistes éclairés. A quelques détails près, toutefois : les Etats-unis protestants exécutent les mineurs ou les malades mentaux, les évangéliques du Tea Party prêchent le droit sacré de flinguer son prochain, les enragés anti-avortement sont prêts à tuer pour défendre la vie, les créationnistes et autres maniaques de la bible propagent l’obscurantisme d’un autre âge. Et Bush junior est un presbytérien « born again », né une deuxième fois à 40 ans, en rencontrant Jésus ; sa foi profonde, entre mensonges, carnages et torture systématisée, a éclairé le monde. Yahvé, Christ ou Allah, à chacun ses exaltés et ses sectaires. Aujourd’hui, le moins détestable d’entre eux est peut-être bien le pape François, qui vient de déclarer qu’il est mal d’occire quiconque au nom de Dieu. Le pire est qu’il soit nécessaire de le dire. Avec leurs dieux, messies et prophètes respectifs, les trois monothéismes et leurs livres sacrés, faut-il le rappeler, se recoupent et se confondent. Avatars d’une même superstition née chez des éleveurs de biques du Proche-Orient ancien, ils puisent à la même source historique, mais, paradoxale et meurtrière crétinerie, revendiquent chacun la seule vérité et l’unique voie vers le salut éternel. Quitte à s’entre-massacrer. Voilà quinze siècles au moins que ça dure. C’est long, nom de Dieu. Vigousse vendredi 26 septembre 2014 Q U E L L E S E M A I N E ! 3 a f f ai r es en cou r t Tu retourneras à la poussière Pour réduire la consommation énergétique, l’Union européenne a interdit dès le 1er septembre 2014 la vente d’aspirateurs de plus de 1600 watts. Et il est prévu d’abaisser la limite à 900 watts dès 2017. Une idée plutôt judicieuse, à ceci près que les aspirateurs utilisés dans un cadre industriel, bien plus gourmands que les appareils domestiques, ne sont soumis à aucun règlement. Par ailleurs, un aspirateur moins puissant est utilisé plus longtemps pour obtenir le même résultat. Encore une mesure qui brasse de l’air ? Paris raté Résultats d’un récent sondage réalisé en France sur la qualité de vie au boulot : 25 % des salariés estiment qu’il est difficile de concilier vie privée et vie professionnelle. Les autres disent avoir trouvé un bon équilibre entre les deux. Bilan global : 35 heures de travail hebdomadaire et toujours un quart de râleurs. LE CHIFFRE 2800 C’est, selon le dernier pointage de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre de personnes décédées du virus Ebola en Afrique de l’Ouest. Suite à ce nouveau bilan, le Conseil de sécurité des Nations unies a qualifié l’épidémie de « menace pour la paix et la sécurité internationale », ce qui constitue une première pour une urgence sanitaire. Avec leurs millions de victimes annuelles, la malaria, la tuberculose et le sida font pâle figure. Courant alternatif Le 15 septembre, le Japon a célébré sa première année sans nucléaire. Autrement dit, la troisième puissance économique mondiale, et anciennement le troisième pays le plus nucléarisé de la planète (derrière les Etats-Unis et la France), a pu, dans l’urgence et l’improvisation forcée, subvenir à ses besoins à l’aide d’énergies fossiles et renouvelables. Et le tout sans pannes, grâce à la mobilisation de la population et des autorités. De quoi mettre les pro-nucléaires sous tension. Salade de calotte La calotte du pape François a été mise aux enchères sur le site de vente en ligne eBay, où sa cote a déjà franchi les 100 000 euros. Et ça continue de grimper. La somme finale sera versée à l’organisation humanitaire Solterre, active dans la lutte contre la mortalité infantile en République démocratique du Congo. Chapeau ! Même si le Vatican pourrait fournir une aide bien supérieure en casquant lui-même. Vigousse vendredi 26 septembre 2014 4 FAITS DIVERS ET VARIÉS FAITS DIVERS ET VARIÉS Un problème de thaï tural local). Mais la police veillait au grain, assaillant les tenanciers à coups de prunes. C’est que la Ville avait fixé la livraison des matériaux avant 10 h 30. Pas de pot, un livreur de congélateur venu de Berne un poil trop tard est reparti avec une amende amère de 100 francs. Par ailleurs, à maintes reprises durant l’été, tout ou partie des accès aux trois restaurants, tant pour le personnel que pour la clientèle, a été rendu impossible sans aucun avertissement préalable de la part des autorités. Poulet aux prunes La police de Lausanne met des bâtons dans les roues d’un tricycle à l’arrêt. A Vidy, les rapports entre les restaurateurs et la Ville commencent à sentir le roussi. Lausanne, Vidy, au bord du lac : trois établissements publics, le Watergate, l’Edelweiss et la Maison Thaï, se partagent les volumes de l’ancienne Voile d’Or, dans l’un des vétustes pavillons recyclés de l’Expo de 1964. Chacun des trois restos dispose d’une terrasse quasiment pieds dans l’eau. Le dernier arrivé, la Maison Thaï, possède aussi un bout de jardin où les patrons ont eu la bonne idée de placer, en guise de décor évocateur, un tricycle thaïlandais ou tuk-tuk. Las ! Cet ornement exotique, en place depuis trois mois, n’a pas été du goût des contractuelles et autres agents veillant sur notre sécurité, qui se sont mis à deux pour interpeller le véhicule suspect : et hop, une bûche de 100 francs pour le tuk-tuk, et toc. Echaudé, le propriétaire dudit plats de résistance trois-roues a fait opposition et déposé plainte pour violation de la propriété privée. Solidaires, les gérants des deux autres établissements ont emboîté le pas. C’est qu’eux aussi sont victimes du zèle policier. « Cette affaire démontre bien qu’il ne s’agit plus d’un acte se rapportant au maintien de l’ordre public, mais plutôt d’une volonté délibérée de provocation », écrivent les trois restaurateurs à Robert Witzig, responsable de l’Office du stationnement à la ville de Lausanne. Witzig, autrement dit un type marrant, mais en allemand seulement. Le drôle fait répondre par son porte-parole que « l’agent est actuellemnt en vacances, mais que nos services prendront contact avec le propriétaire dès son retour ». L’amende au tuk-tuk n’est qu’un énième épisode, l’acharnement policier ayant sévi durant toute la durée des travaux de réaménagement. A l’abandon, la fameuse Voile d’or nécessitait en effet des transformations lourdes (dans le respect de sa construction d’origine, le bâtiment figurant au patrimoine architec- L’ouïe et le coucher viseur des autorités qui menacent de fermer les lieux de perdition dont la clientèle commet des débordements bruyants. Il faut dire que les incidents se sont multipliés ces dernières années, mettant à vif les nerfs des riverains. Certains d’entre eux ont choisi la vengeance en balançant des seaux d’eau et autres liquides aux débauchés jugés excessifs dans la manifestation sonore de leur alcoolémie. Last chance saloon A l’extrême ouest du pays, Genève est en plein Far West. Depuis quelques semaines, des affiches très western rappellent aux noctambules genevois qu’à Calvin City on ne plaisante pas avec la loi et l’ordre. Placardés notamment près des bistrots du boulevard Carl-Vogt et de la rue de l’Ecolede-Médecine, ces avertissements signalent aux desperados que « consommer hors du périmètre de l’établissement (bar et terrasse), déranger le voisinage, troubler l’ordre public, uriner sur la voie publique » sont des crimes passibles d’amende. La pendaison haut et court n’est pas mentionnée. Mais quel shérif imprime et pose ces affiches ? Nul ne sait. ContacVigousse vendredi 26 septembre 2014 tée, la police municipale affirme n’être au courant de rien. Il s’agirait donc d’un justicier solitaire agissant au nez et à la moustache des agents assermentés. En bas de l’avis ne figure que cet acronyme sibyllin : EDM. Pour « Ecole de Médecine » ? Ou « Education des Masses » ? Ou « Eradication des Malotrus » ? Le mystère reste entier. Pour tenter de le percer, on a contacté l’un des établissements concernés, en l’occurrence le Café du Lys. Emprunté, le serveur préfère renvoyer la question au patron. Lequel, expéditif, se Et voilà que ces derniers jours fleurissent des parcomètres sur le parking du théâtre de Vidy. Alors que le stationnement était gratuit pour une durée de 3 heures maximum, la facturation est désormais de 2,50 francs de l’heure, et sans interruption à la pause de midi. Ce qui renchérit sérieusement le prix du plat du jour. La Ville de Lausanne a toujours échoué à remettre à flot la Voile d’or. Peut-être parce qu’elle fait tout pour la transformer en galère. Jean-Luc Wenger Quoi qu’il en soit, démasquer le contente d’un laconique « on ne peut pas en parler ». Enfer et malédiction, la peur planerait-elle sur la ville ? A moins, ce qui est beaucoup plus probable, que l’affichage émane des tenanciers de saloons euxmêmes, depuis longtemps dans le mystérieux justicier placardeur n’est pas une mince affaire. Force est donc de recourir à la ruse : aller se saouler et brailler à tue-tête devant l’une des affiches et voir qui vient infliger la sanction. A coup sûr, un amateur d’amendes qui n’aime pas qu’on lui brise les noix. Sacha Durant Syngenta m’était conté Dans ces conditions, à qui donc profiterait une augmentation de la production mondiale ? A Syngenta bien sûr, pas à l’humanité ni à la biodiversité. Le « Good Growth Plan » omet aussi, curieusement, d’évoquer les méfaits des pesticides sur l’eau dont dépendent les cultures, tout comme il passe sous silence les conséquences néfastes de l’industrialisation et du recours croissant aux semences génétiquement trafiquées. Quant à « former 20 millions d’agriculteurs à la sécurité au travail », le mieux serait peut-être de leur éviter le contact quotidien avec des produits chimiques toxiques, comme le relève la Food and Drugs Administration étatsunienne, pour qui la santé des paysans est sérieusement menacée par l’exposition aux pesticides. En particulier le Paraquat, produit phare de qui ? De Syngenta. Foutage du monde Avec son « Good Growth Plan » prétendument écologique et responsable, le géant agrochimique bâlois se lance dans le lavage de cerveau aux pesticides. Champion mondial des pesticides et troisième vendeur de semences OGM, Syngenta (du groupe Novartis) se soucie énormément du développement durable, de l’agriculture de proximité et de la biodiversité. Si si. Syngenta est une société merveilleusement verte, pétrie d’amour pour la planète bleue. Il y a un an, elle lançait en fanfare son « Good growth plan », un vaste et ambitieux projet de croissance responsable qui vise, d’ici à 2020, à « accroître la biodiversité des terres agricoles », « aider 20 millions de petits exploitants à augmenter de 50 % leur productivité », « augmenter de 20 % le rendement moyen des principales cultures mondiales sans utiliser plus de terres, d’eau ou d’énergie » ou encore « former 20 millions d’agriculteurs à la sécurité au travail, notamment dans les pays en voie de développement ». Qu’attend-on pour décerner à Syngenta le titre officiel de bienfaitrice de l’humanité et de protectrice de Mère Nature ? Las ! A l’occasion du bilan publié par la société après une année de « Good growth plan », la Déclaration de Berne a examiné de près les promesses et leur mode d’application. Et cette ONG tatillonne arrive à la conclusion que Syngenta est infiniment moins efficace dans la vision projetée d’un avenir meilleur que dans la projection de poudre aux yeux. Bizarrement, il s’avère en effet qu’une entreprise qui prospère dans les pesticides et les OGM a tendance, quand il s’agit de sauver la planète, à fournir de mauvaises réponses à de faux problèmes. La Déclaration de Berne relève ainsi qu’il est absurde de vouloir augmenter de 20 % les rendements agricoles mondiaux puisque les actuelles capacités de production suffiraient à nourrir 12 à 14 milliards d’humains. Ce qu’il faudrait revoir en revanche, c’est l’utilisation de ces capacités : bien trop de ressources sont en effet gaspillées en agrocarburants et en nourriture pour le bétail. Deux domaines dans lesquels Syngenta fait son beurre en commercialisant des pesticides et des semences de maïs et de soja, qui représentent aujourd’hui 40 % de son chiffre d’affaires. On en passe et des pires, des mesures totalement fallacieuses en faveur des abeilles au prétendu soutien des petits exploitants. En résumé, le « Good Growth Plan » n’est qu’une vaste arnaque qui ne vise à améliorer qu’une seule chose, l’image et donc les profits de Syngenta. Une firme qui, non contente d’empoisonner la planète, se lance désormais dans l’intoxication. Malika Scialom Le DUEL Ringier fait ménage à trois La presse – le saviez-vous ? – va mal. Plus d’annonceurs, plus de pognon, plus de lecteurs. Heureusement, il y a des gens, en indécrottables et bienveillants amoureux des arts de la plume, qui réfléchissent à des solutions. Ainsi, le groupe Ringier, après maintes cogitations, est venu courageusement à la rescousse de notre fragile droit d’être informé correctement : « Pour exploiter au mieux les synergies à Lausanne, il est prévu qu’une newsroom soit créée pour L’Hebdo, Edelweiss et Le Temps. » Dieu soit loué ! Bon sang, oui, une newsroom ! Il suffisait d’y penser ! L’enthousiasme est palpable du côté des journalistes. A preuve, ces pages débordantes de gratitude dans L’Hebdo (18.09.14), où 5 l’on se réjouit « d’imaginer une sorte de laboratoire du journalisme de demain », de tout « réinventer », de « libérer d’immenses potentialités », où il est question de « révolution », de « chambardement », de « basculement », de « bouleversement », de « nouveaux modèles », d’« étape cruciale », d’être des « pionniers »… C’est à se demander pourquoi ils n’ont pas fait cette newsroom, ou « salle de rédaction de conception radicale », plus tôt… Ne reste plus aux journalistes qu’à se spécialiser en clics et copier-coller, et surtout à ne pas se perdre en chemin. Pas d’inquiétude, les newsrooms sont faciles à trouver : c’est généralement au fond du couloir à gauche. Sebastian Dieguez Vous êtes plutôt... Hegel Tapez : VIG A au numéro 9000 (Fr. 200.–/sms) HEGEL : KANT : Kant Tapez : VIG B au numéro 9000 (Fr. 200.–/sms) 82 % 34 % Le résultat final se trouvera dans un prochain journal Vigousse vendredi 26 septembre 2014 6 FAITS DIVERS ET VARIÉS FAITS DIVERS ET VARIÉS Tintin pour le Congo Mines de rien Oubliée, la République démocratique du Congo n’en finit pas de panser ses plaies. Et ses richesses continuent à faire celle de l’Occident, notamment à Zoug. Si la République démocratique du Congo (RDC) a droit à quelques lignes dans la presse ces jours-ci, c’est que le virus Ebola y a fauché une quarantaine de personnes. L’épidémie serait « maîtrisée », selon le gouvernement. Mais qui parle de tout le reste ? Etabli en Suisse depuis 28 ans, naturalisé, ancien conseiller général à Peseux (NE), Njo Moubiala dénonce sans relâche le régime du président Joseph Kabila et de ses complices. Il martèle un message simple et direct : « Ça suffit ! » machine afrique Le Congo endure les séquelles du conflit qui, de 1998 à 2003, a fait 180 000 morts, ou 10 millions selon un rapport de l’ONU, si l’on prend en compte les victimes indirectes ayant succombé à la famine et à la maladie. S’y ajoutent les viols collectifs, systématiques, utilisés comme arme de guerre : 500 000 femmes abusées. Trente militaires ont certes été arrêtés ce mois-ci. Mais leur jugement pourrait bien attendre la semaine des quatre jeudis. Par ailleurs, tous les rebelles n’ont pas déposé les armes. Selon Njo Moubiala, les violences sont orchestrées, avec la complicité de Kabila, par des bandes mafieuses étrangères, notamment rwandaises, qui cherchent à faire main basse sur les ressources congolaises. « Nos familles sur place en sont les victimes et les témoins vivants », raconte-t-il. S’y ajoute PUB Vigousse vendredi 26 septembre 2014 ser. Nous ne sommes pas contre les investissements étrangers, mais le président signe des accords sans connaître l’Europe. Et les Chinois sont déjà là… » De fait, la communauté des Congolais expatriés fait peur à Kabila. Elle pourrait pourtant négocier avec des groupes comme Glencore : « Nous sommes ouverts au dialogue tant politique qu’économique, on devrait travailler ensemble pour le bien-être des populations et pour la sauvegarde de l’environnement », estime Njo Moubiala. « Mais Glencore ne s’intéresse pas à la vie au Congo. Pourquoi ne pas demander une école à ceux qui exploitent les mines ? La société extrait le minerai, mais qui paie la facture ? » De fait, entre pollution, violence et éducation défaillante, la population indigène végète. « Si l’on pouvait mesurer ce que la diaspora envoie via Western Union, on verrait vraiment qui fait survivre ce pays », avance le Neuchâtelois d’adoption. Les le pillage industriel et financier perpétré par les multinationales comme Glencore, dont le siège est à Zoug. Le processus est tristement classique : les géants des matières premières graissent les pattes des potentats locaux, exploitent une main-d’œuvre souspayée pour extraire les richesses en saccageant irrémédiablement l’environnement, ne paient pas d’impôts sur place et transfèrent les profits en Suisse ou autres pays proprets. Coton, café, pétrole, gaz, diamant, manganèse, cuivre, cobalt, or ou coltan (si indispensable aux téléphones portables), le sol et le sous-sol congolais regorgent de richesses qui pourraient faire la prospérité du pays : elles ne font que la fortune des actionnaires et des spéculateurs occidentaux, et celle des dirigeants locaux corrompus, tout en entretenant, voire en aggravant la misère des populations. Pour Njo Moubiala, la diaspora congolaise pourrait agir efficacement, ne serait-ce que pour mobiliser l’opinion internationale. « Nous sommes 7 millions à travers le monde, et 5000 en Suisse ; nous devrions mieux nous organi- Congolais devraient se rendre aux urnes en 2016 pour élire un nouveau président. Comme la Constitution actuelle limite la charge à deux mandats, Joseph Kabila ne peut plus se présenter. Qu’à cela ne tienne, il tente de modifier à sa convenance le texte fondamental, embastillant ou liquidant les opposants. « Nous dénonçons avec fermeté ce comportement antidémocratique et voulons une élection présidentielle libre et transparente », clame Njo Moubiala, en incitant la diaspora à jouer pleinement son rôle pour défendre cette cause et pour obtenir que ceux qui entretiennent la violence et qui pillent le pays paient enfin des comptes. Parce que « ça suffit » ! Avant tout, il importe que la presse s’intéresse à ce qui se passe dans ce coin du monde. Même si le virus Ebola n’y sévit pas. Jean-Luc Wenger 7 … à la folie, pas du tout ? Génie si vil Les artistes sont-ils complètement fous ou parfaitement sains d’esprit ? Les deux, affirme un chercheur qui pense avoir résolu cette controverse de dingues. « Il n’y a pas plus d’art des fous que d’art des dyspeptiques ou des malades du genou », disait Jean Dubuffet, l’« inventeur » de l’art brut. D’accord, mais bon, c’est tout de même une sacrée brochette de cinglés qu’il nous a permis de découvrir... Et de tout façon, Sénèque lui répondait déjà, quelques années avant, qu’« il n’y a pas de grand génie sans un soupçon de folie ». Alors bon. C’est un peu la guerre des citations, cette vieille question des rapports entre le génie et la folie. Avec le temps, on pourrait croire que la recherche scientifique serait venue à bout de cette controverse. Mais il se trouve que le génie créatif est assez difficile à étudier en laboratoire. Peut-être aussi que les chercheurs n’ont pas fait preuve de beaucoup de génie sur cette question. C’est en tout cas ce que suggère un récent article de Dean Simonton, de l’Université de Californie, qui étudie la psychologie de la créativité depuis plus de 30 ans. En ayant sans doute marre qu’on lui demande sans arrêt s’il y a un lien entre folie et génie (à l’instar de l’auteur de Maux d’artistes, editions Belin, en vente dans les meilleures librairies), il a décidé de clarifier les termes du débat une fois pour toutes. D’une part, il y a ceux qui disent, pas mal de preuves à l’appui, que les grands artistes ont de forts risques de souffrir de maladie mentale. D’autre part, munis de pas mal de preuves aussi, il y a ceux qui affirment que les artistes sont en fait plus sains d’esprit que le reste des gens. C’est ce que Simonton appelle le « paradoxe génie-folie ». Démonstration mathématique à l’appui, il prouve qu’il n’y a en fait pas de contradiction, les deux propositions peuvent être vraies en même temps. Car ce sont en réalité des hypothèses totalement différentes, mais qu’on n’a pas cessé de mélanger depuis très longtemps. Dans un cas, on prend un groupe d’artistes et on s’aperçoit que la productivité et la notoriété dans ce groupe sont associées à une plus forte probabilité de troubles mentaux. Dans l’autre cas, on compare les créateurs avec les non-créa- teurs, deux groupes séparés donc, et on constate que le premier présente un niveau moyen de santé mentale meilleur que le second. Approches, méthodes et populations complètement différentes. On comprend mieux avec une analogie : ce qui distingue les criminels des non-criminels n’est pas forcément la même chose que ce qui distingue les simples criminels des tueurs en série. Ce sont deux registres d’explication psychologiques différents. Et donc, un « soupçon de folie » pourrait bien démarquer les meilleurs créateurs de la masse des créateurs médiocres parce qu’ils pensent vraiment différemment ou Sortez vos mouchards Objets branchés Les toilettes, le frigo ou le soutien-gorge connectés à internet : une tendance amusante qui, en fin de compte, n’a rien d’amusant. « 3 litres » est l’un des messages plutôt sobres publiés récemment par le compte Twitter @IoToilets, géré automatiquement par un petit appareil placé dans une chasse d’eau : à chaque fois que celle-ci est actionnée par son usager, la quantité d’eau déversée est illico postée sur Twitter. C’est suffisamment rigolo pour que de nombreux médias relaient l’info, mais carrément moins utile que le soutiengorge connecté dont tout le monde parlait il y a une année. Celui-ci, conçu dans le cadre d’une opération de sensibilisation au cancer du sein, publiait un message d’alerte sur Twitter à chaque fois qu’il était dégrafé. Bref, raconter sa vie dans les moindres détails sur internet n’est donc plus le propre de l’homme : voilà que les objets s’en mêlent. Invention déjà « ancienne », le frigo connecté aux centres commerciaux à qui il signale automatiquement les denrées à repourvoir est déjà très fréquent aux Etats-Unis. Désormais, il pourrait bien débarquer aussi sur les réseaux sociaux afin de révéler, par exemple, le menu du soir de la famille à toutes ses connaissances. Profondément ridicule et totalement inutile ? Evidemment. Et c’est bien pourquoi ça risque fort de cartonner sur la Toile. Un habitant de San Francisco a d’ailleurs connecté l’ensemble de parce que leur succès expose leur vulnérabilité tandis que pris en général, les artistes pourraient bien avoir une meilleure santé mentale que la normale parce qu’ils sont plus contemplatifs, ou plus satisfaits par leur travail. Quelle que soit l’explication, Dubuffet et Sénèque pouvaient tous les deux avoir raison. C’était bien la peine de se faire la gueule pendant tout ce temps. Sebastian Dieguez The Mad-Genius Paradox : can creative people be more mentally healthy but highly creative people more mentally ill ?, D.K. Simonton, Perspectives on Psychological Science, vol. 9, 470–480, 2014. sa maison au réseau social Twitter. Ce qui donne des messages générés automatiquement comme « je viens d’éteindre les lumières du bureau » ou, plus équivoque, « il commence à faire chaud et humide dans la chambre à coucher, je ferais mieux d’ouvrir une fenêtre ». Pour l’heure, tout ça est entière- ment dénué de sens. Il n’est donc pas facile, pour un esprit rationnel, de saisir l’engouement de tous ces abrutis excités à l’idée de lire au quotidien les confessions de machines à laver, de fours ou de poubelles. L’industrie de l’électroménager et de la domotique, elle, y trouve un intérêt évident. Il s’agit de suivre à la loupe le comportement des consommateurs et d’interagir avec eux. Dans un avenir proche, qu’elle soit exhibée sur Twitter ou discrètement stockée dans la base de données d’une entreprise, l’intimité à domicile n’aura plus rien d’intime. Samuel Dubuis Vigousse vendredi 26 septembre 2014 8 f aits dive r s et va r iés PLUS VRAI QUE VECU Q U E L L E S E M A I N E ! 9 Audience en correctionnelle dans un tribunal d’arrondissement. Noms fictifs mais personnages réels et dialogues authentiques. « Vous êtes un véritable généraliste de la vente de drogue. » Monsieur Picard est accusé de blanchiment d’argent, d’infractions aux lois fédérales sur les stupéfiants, sur les produits thérapeutiques et sur les armes, ainsi que de conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis, et d’obtention frauduleuse d’une constatation fausse. – Examinons l’affaire des anabolisants, déclare le magistrat. Lors de la perquisition effectuée à votre domicile, la police a découvert dans votre pharmacie différents flacons et boîtes de Primplex, Euiplex, Cecaplex, Tespro, Trenabolic, Clenbuterol, Mastebolin, Somatropin, etc. Vous en faisiez commerce ? – Non, j’ai acheté ces produits à Zurich ou à l’étranger, mais uniquement pour ma consommation personnelle, affirme le prévenu. – Vous vouliez bouffer ou vous injecter tout ça ? Mais pourquoi ? – Ben, pour prendre du muscle. – Levez-vous ! L’accusé obtempère. Il est plutôt balèze. – Vous n’avez pourtant pas beaucoup de brioche, commente le juge. Et la drogue découverte chez vous, dans votre voiture ou encore à votre atelier, c’était aussi pour votre consommation ? – Non, c’était pour vendre. Moi, je prends rien. – A part une montagne de stéroïdes. Résumons : début 2013 vous avez vendu à travers toute la Romandie du haschisch, de la marijuana, de l’huile de cannabis, de la pâte d’amphétamine, des ecstas, de la cocaïne, du speed et du MDMA pour un bénéfice approximatif de… ? – Je dirais dans les 30 000 francs. – Ça me semble léger comme chiffre d’affaires, maugrée le magistrat. En fait, vous êtes un véritable généraliste de la vente de drogue, j’en ai rarement vus qui vendaient de tout comme ça. Dites, histoire que j’apprenne quelque chose aujourd’hui ; c’est quoi, de la pâte d’amphétamine ? Ça se consomme comment ? – Je ne sais pas trop, je ne fais que vendre ; mais je crois que ça se sniffe. – Ah, tiens ! Et sinon, le pistolet Erma Werke, il est bien à vous ? – Oui, je me le suis procuré comme ça, pour moi, pas pour l’utiliser contre quelqu’un. – Comme vous coopérez et admettez tout, je pense que vous ne contestez pas le faux permis de conduire ? – Non. J’avais un retrait, donc je me suis fait passer pour mon frère au service des autos. J’ai dit avoir perdu mon bleu, alors ils m’ont fourni un duplicata à son nom, mais avec ma photo. Pour mon travail, j’avais besoin du permis. – Pour le travail… Bon, on a tout passé en revue. Ce qui me surprend, c’est que vous n’avez pas le profil des trafiquants que l’on voit généralement défiler au tribunal. Vous avez une bonne formation d’informaticien, une vie de famille stable. Et pourtant ce sera votre septième condamnation. – Oui, mais j’ai eu deux condamnations au mineur et trois pour des histoires de circulation routière, c’était pas si sérieux, proteste l’accusé. – C’est quand même trop ! Et c’est sans compter les deux affaires de drogue. Pourquoi être soudain passé au trafic de drogue ? – J’étais au chômage, j’avais des problèmes d’argent et je ne trouvais pas de job. – Quand on cherche sérieusement, on trouve. Ce n’est pas une excuse pour devenir dealer. Reconnu coupable, monsieur Picard est condamné à 3 ans, 10 mois et 10 jours de peine privative de liberté sous déduction de 476 jours de détention avant jugement. Il doit également s’acquitter d’une amende de 1500 francs et les frais de justice d’un montant de 69 562,55 francs sont à sa charge. Lily Londres au tableau Une marque de sex-toys d’outreAtlantique a interrogé, via internet, 35 000 personnes âgées de 21 à 55 ans quant à leurs habitudes sexuelles. L’enquête, menée au niveau mondial, a donné toute une série de résultats : les plus satisfaits sont les Anglais, les Grecs et les Nippons, les plus frustrés les Chiliens, les plus endurants les Brésiliens (46 minutes), les plus fidèles les Australiens et les Belges, les plus enclins au changements de partenaires les Helvètes, etc. Quant aux plus joueurs, il s’agit à nouveaux des Britanniques : 94 % d’entre eux possèdent dans leur tiroir des accessoires voués à pimenter leur vie sexuelle. Un peuple tout jeu tout flamme. Des racines et des elles En Egypte, des archéologues ont récemment déterré les restes d’une femme ayant vécu il y a 3300 ans. Non momifiée, à peine enveloppée dans un tapis de moindre qualité et donc mal conservée, la dame n’a, de prime abord, rien de bien particulier. Sauf qu’à y regarder de plus près, le cadavre présente un détail inhabituel : mélangées aux mèches d’origine, 70 extensions de cheveux permettaient à la coquette d’arborer une coiffure joliment travaillée. Une découverte au poil. Chair amie PUB Exclusivité mondiale. La première tablette numérique entièrement en vrai papier. CADEAU À TOUS LES ABONNÉS Pour tout renouvellement ou nouvel abonnement, vous recevrez en bonus le recueil « Le mieux de Vigousse 2013». 88 pages, format 24 x 31 cm, valeur CHF 22.– 021 612 02 56 / [email protected] www.vigousse.ch En vente chez Payot et Naville Vigousse vendredi 26 septembre 2014 . . . en cou r t Dans certaines régions reculées de Suisse, certains irréductibles barbares s’entêtent à trucider sèchement chiens et chats afin de les bâfrer sous forme de ragoût. Pour mettre un terme à ces infâmes frichtis, l’association de la Neuchâteloise Tomy Tomek a lancé une pétition en ligne (www.soschats.org) qui, en quelques semaines, a été signée par plus de 10 000 personnes, dont Brigitte Bardot, Daniel Brélaz et autres fervents amis des bêtes qui, lorsqu’on malmène leurs amis à quatre pattes, n’hésitent pas à sortir les griffes. Vigousse vendredi 26 septembre 2014 BIEN PROFOND DANS L'ACTU L e f in mot de l ' histoi r e Achetez Sarkozyx 500 Nouvelle Formule™ ! LE COURRIER Une communication des laboratoires du professeur Junge Cette semaine : vous avez été déçu par l’ancien Sarkozyx 500™ ? Pas de problème, nous en avons un entièrement nouveau à vous proposer ! A Roger Golay Une nation, ça doit s’entretenir chaque jour, sans quoi elle se dégrade, s’abîme, s’entartre et devient irrécupérable. Aucun des produits actuellement sur le marché ne donne entièrement satisfaction. C’est pourquoi nous, aux Laboratoires De Gaulle Héritage, nous avons conçu le Sarkozyx 500™. Vous nous direz : « Oh, mais nous connaissons déjà ce produit ! Il ne nous a pas plu du tout ! C’est de la camelote ! On n’a même pas fini la boîte et on a jeté le reste à la poubelle ! » Certes, mais ce que nous vous proposons aujourd’hui, c’est le Sarkozyx 500 Nouvelle Formule™. Rien à voir avec la version précédente, obsolète et reléguée aux oubliettes de la recherche en présidentologie. Le nouveau Sarkozyx 500 Ultrabrite™ est enrichi en agents blanchissants qui redonneront toute leur splendeur à un bilan terni. En outre, une substance active brevetée, la Marinine™, présente en traces infimes, stimule la production d’anticorps frontistes qui empêchent l’entrée de bactéries venues de l’extérieur et confère un poil soyeux à la nation. De conception révolutionnaire, le nouveau Sarkozyx 500 Deux Phases™ est doublement efficace. Sa face bleue dissout le chômage tandis que sa face rouge fait miraculeusement baisser les impôts, et cette fois-ci, attention, pas seulement des amis du président, mais aussi des particuliers. Comme de nombreux clients se plaignaient de l’aspect anguleux de l’ancienne formule qui la rendait difficile à avaler, des types en blouses blanches avec des lunettes dans un décor immaculé ont planché longtemps pour remédier à ce défaut. La pilule révolutionnaire Sarkozyx 500 Haleine Fraîche™ est conditionnée à présent sous forme ovoïde, ce qui lui permet de descendre toute seule et sans effet désagréable sur la gorge, d’autant qu’elle est recouverte d’une fine pellicule d’anesthésiant qui la rend moins irritante. Le 8e conseiller fédéral Acheteur d’autos Facile à appliquer grâce à son tube coudé, le Sarkozyx 500 WC™ diffuse dans la nation des particules néolibérales qui la nettoient de fond en comble et préviennent les dépôts de tartre bolcheviques sur l’émail. Testé sur des veaux, qui selon les travaux des Laboratoires De Gaulle Héritage sont les animaux les plus proches des électeurs français, le Mister Sarkozyx Proper™ s’est révélé être 67 % plus républicain, 24 % moins bling-bling et 3 % moins arrogant. Lors de dégustations à l’aveugle, 70 % des personnes interrogées n’ont pas pu le distinguer d’un produit ordinaire. Le Sarkozyx 500 Règles Abon- dantes™ est trois fois plus absorbant grâce à ses protège-côtés à base de sphaigne. Poursuites pénales, corruption, trafic d’influence, malversations diverses : tout disparaît en deux temps trois mouvements. Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique. « Le 8e conseiller fédéral est une vraie crevure. Il déteste le peuple suisse, qu’il appelle « les débiles ». Et ça le fait rire en plus. » DU CHIEUR « Ce gros porc de 8e conseiller fédéral suinte la bêtise. Ses yeux torves ont autant d’expression que ceux d’un poisson mort. » « Je n'oublierai jamais le jour où il m'a répudiée au profit de Simonetta. Son SMS se concluait par « Alors dégages fissa, t'es vraiment trop nulle! » Etait-ce vraiment nécessaire d'ajouter un smiley? » Elle m’a bien cerné, la drôlesse… Vigousse vendredi 26 septembre 2014 phare de la pensée contemporaine J’ai lu votre torchon ! Il est complètement diffamatoire ! « Son sourire fourbe et son nez de traviole lui donnent un air pathétique. » Mais ne mégotons pas, si le coût de départ était de 97 000 francs, les surcoûts pour « une galerie de toit spéciale comprenant des matériaux d’arrimage » ou « des commandes de matériel tels que l’antenne de la radio, des lampes de rechange, des gilets réfléchissants » ont fait gonfler la facture. Des différences que le DDPS a justifiées également avec « la compensation des fluctuations de change ». Ça ne va pas se passer comme ça, Doris ! Je n’ai pas le nez de traviole ! Elle écrit bien, quand même, cette Doris. « Il est sale et mange de façon répugnante. Il rote entre chaque bouchée. » Nous avons également amélioré le nouveau Sarkozyx 500 Recette Gourmande™ en supprimant son amertume et tout goût de revanche. A la place, il dégage en bouche un agréable arôme de lendemains qui chantent, avec des effluves d’augmentation du pouvoir d’achat. Enfin bref, en un mot comme en mille : les veaux achèteraient Sarkozyx 500™. Professeur Junge, Hein ? Quoi ? Artistes en herbe Environ 35 000 ans avant que le fils Yahvé fît des siennes en Judée, un autre farfelu, lui aussi de l’espèce Cro-Magnon alias Homo sapiens, se livrait également à des fantaisies douteuses. Ce type-là, nommons-le Charles-Adalbert pour simplifier, peignait des rhinocéros laineux au fin fond d’une grotte (avec de la peinture, pas avec un peigne). Chacun son truc. Après tout, ce n’est pas plus saugrenu que de vouloir rétablir le royaume de Dieu ou autres lubies, et c’est nettement moins lourd de conséquences. Donc, Charles-Adalbert dessinait des rhinocéros, lesquels étaient laineux parce qu’ils paissaient là où se trouve aujourd’hui l’Ardèche et que la période glaciaire était frisquette, surtout le soir. Par ailleurs, les rhinocéros ne font pas de terriers. Les hommes non plus, ce qui rend encore plus incongrue la manie qu’avaient certains individus de s’enfoncer régulièrement sous terre, en rampant dans des anfractuosités étroites, mal plates, rugueuses et obscures, jusqu’à trouver un vide assez grand pour pouvoir couvrir ses parois de dessins de bestioles. Tout esprit tant soit peu rationnel songerait que ce fut là le passetemps éphémère de deux ou trois excentriques isolés, amateurs d’extrême ou autres demi-fous, mais non : cette mode a sévi vingt bons millénaires sur une bonne partie du continent européen. Et elle est apparue aussi, à diverses périodes plus ou moins reculées, en Afrique, en Patagonie, en Mongolie, en Malaisie… Bref, un peu partout où il y avait des animaux sauvages à gribouiller, et des grottes. Sans compter que certains adeptes, sans doute faute de dénicher des trous assez profonds et malcommodes, se sont contentés de surfaces rocheuses à ciel ouvert. Fig. 1. Paroi rocheuse (avant dessin). En plus de dessiner la faune locale, d’aucuns se plaisaient à marquer au pochoir leur propre main sur les parois. La question, bien évidemment, est de savoir à quoi riment ces facéties. A l’instar de ses acolytes barbouilleurs, Charles-Adalbert vivait à la lointaine époque où la chasse et la cueillette tenaient lieu de supermarché, et où absolument rien ne tenait lieu de carnet de notes, de carte mémoire ou même de dictaphone. Pour dire, l’écriture était si balbutiante qu’elle ne serait pas inventée avant 315 siècles environ. Dès lors, les chances sont assez ténues de retrouver des explications détaillées de la part des peintres préhistoriques quant à leurs motivations profondes. Très en vogue voici quelques années, une théorie suggère que Charles-Adalbert et ses potes conjuguaient allègrement l’art animalier et la défonce. Qu’ils se livraient à des rituels de nature chamanique, où diverses substances psychotropes ouvraient l’accès à des états seconds, à des perceptions inusuelles, à des degrés de conscience débridés, à des réalités parallèles, ce genre de machins. Qu’à la lueur des flammes et à la faveur de la fumette ils entraient en transe, voyant s’animer les animaux représentés dont ils pénétraient l’esprit intime. Il est vrai que ces choses-là s’observent chez de modernes chasseurs-cueilleurs miraculeusement épargnés par le smartphone, la bible et la réclame de lessive : ainsi les Yanomamis d’Amazonie, pour ne citer qu’eux, se livrent-ils volontiers à de robustes divagations en se faisant exploser la tête à coups de drogues insufflées au chalumeau dans leur narine, histoire ensuite de rejoindre le pays des rêves et d’y partager les sensations et la conscience de leur animal-totem (ou quelque chose comme ça). Cette explication est-elle la bonne pour les images animalières de Charles-Adalbert et consorts ? Peut-être pas. Mais dans le doute, vu la qualité et l’excellente durabilité de leurs œuvres (qui par ailleurs apportent aujourd’hui de substantiels revenus touristiques), il serait clairvoyant de libéraliser le cannabis. Laurent Flutsch Le strip de Bénédicte Sans ce budget, « nous pourrons bientôt déclarer notre armée sinistrée », avez-vous dit, très applaudi par le groupe UDC dont vous, le MCG, êtes membre. Félicitations : grâce à vous et à la droite du Parlement, 16 000 militaires pourront donc rouler dans 3200 véhicules tout neufs. Il n’y a plus qu’à savoir où aller. Ça dépend de quel côté on le regarde. N’importe quoi ! Vous allez entendre parler de mes avocats ! Ah oui, je me rappelle, j’avais bien ri ce jour-là… Vous vous êtes vaillamment battu au National pour que le programme d’armement soit adopté le 21 septembre dernier. Et vous et vos amis galonnés avez gagné 771 millions de francs d’un coup. Un peu plus de la moitié, soit 440 millions, servira à l’achat de 3200 « voitures combi à 5 portes du type Mercedes-Benz G 300 CDI 4×4, pour le transport de personnes et de matériel », comme le précise le catalogue conjoint du DDPS et du constructeur allemand. Un 4x4, c’est toujours sympa pour partir en pique-nique. Car, dans le « baroudeur », on case aisément cinq troufions et une caisse de bière. Calculette en main, on arrive quand même à 137 500 pièce pour l’indispensable tout-terrain des pâturages. Le prix d’une Maserati V6 4 portes. 11 Jean-Luc Wenger 138 Pitch 10 Vigousse vendredi 26 septembre 2014 12 CULTURE CULTURE Des védés Des films Very Bad Trip Le forçat de la mine (à cheval) À vous de voir Le biopic est à la mode. Après la collection printemps-été (Yves Saint Laurent réalisé par Jalil Lespert, disponible en DVD), voici la collection automne-hiver (Saint Laurent par Bertrand Bonello, sur les écrans). Les scènes défilent, le regard se dérobe. On préfère admirer Sandrine Kiberlain sous toutes ses coutures dans Elle l’adore ! Tommy Lee Jones est un type bizarre. Promenant sa dégaine d’acteur mutique depuis trente ans, il a perfectionné son rôle unique de vieux briscard dont les traces d’humanité se découvrent au microscope. Mais voilà que, après le déjà magnifique Trois enterrements, il réussit à nouveau à enflammer Cannes avec sa deuxième réalisation qui se joue des codes du Far West. Dans un Nebraska glacial de fin d’hiver, une nana à poigne (superbement jouée par Hilary Swank) accepte de conduire trois femmes ayant perdu la raison vers leurs familles en Iowa. Sur le chemin, dangereux et difficile, elle sauve un ex-soldat et quasi-bandit d’un lynchage certain et le convainc de faire route avec elles. Lui, c’est le personnage joué par l’acteur Tommy Lee et il n’est, comme d’habitude, pas supersympa. Le parcours de ces deux personnages que tout oppose est intérieur autant qu’extérieur. Et ce réalisateur grognon se révèle, sans y toucher, un grand conteur à l’humanité frappante. Une histoire qui ne manque pas de selle. Michael Frei, Karloff, films cultes, Pour ceux qui aiment que ce soit beau (et un peu chiant aussi...). Au Festival de Cannes, les superlatifs ont défilé, mais le film, qui visait la plus haute marche du podium, a fini à poil, vierge de tout prix. Saint Laurent, film fleuve (2 h 30) de Bertrand Bonello, privilégie certes la vision artistique du biopic – on se concentre sur une période donnée de l’illustre dont on illustre la vie, allant ici du milieu des années 60 à celui des années 70, ce qui est toujours mieux que de céder à la mode de la fiche wikipedia mise en images –, il n’en demeure pas moins un objet clinquant, une suite de tableaux esthétiques dont on décroche assez vite. Yves Saint Laurent à la mode Bonello, c’est la vie d’une rock star, drogue, picole, sexe, dépression, angoisse, fatigue (dessiner des collections de haute couture, c’est être un forçat de la mine). Du snobinard pour l’art ! C’est aussi laisser hors champs ou presque Pierre Bergé (« Mon Bergé, je ne serai pas ton mouton »), compagnon et hommes d’affaires, qui avait l’étoffe des zéros, fit d’YSL une marque, son pull aux œufs d’or. Moins scolaire, terne et cor- rares et classiques, Lausanne The Homesman, de Tommy Lee Jones, 2013, Praesens, Vf et Vost, DVD et Bluray, 122 min. Gare aux grilles par 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Vigousse vendredi 26 septembre 2014 Des cédés (tente au débouché des rues Dufour et Nidau), du 25 au 27 septembre, www.bienne-seeland.ch DéLIRE L’illusion comique, seté que le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert, le Saint Laurent de Bertrand Bonello aurait mérité quelques bons coups de ciseaux et pas mal de retouches. C’est haut en couleur, en douleur, mais ça manque de chaleur. Pour ceux qui la trouvent belle (et pas du tout chiante...). En voilà une actrice modèle ! Et de top niveau ! Dans Elle l’adore, Sandrine Kiberlain, esthéticienne farfelue, est raide dingue d’un chanteur lui aussi à la mode incarné par un Laurent (Lafitte) qui n’est pas un saint. Nul besoin de me faire chanter ou de me torturer avec l’intégrale de Pascal Obispo, oui, je l’avoue, de Sandrine Kiberlain, je suis fan ! Bertrand Lesarmes Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Durée : 2 h 30 ; Elle l’adore, de Jeanne Henry. Durée : 1 h 45. En salles. égé N 66 8 9 ROCK&RHUM Concert 1989, dans le cadre de la Nuit des musées à Lausanne (www.lanuitdesmusees. ch/2014), Musée romain de Lausanne-Vidy, le samedi 27 septembre, www.lausanne.ch/mrv SAUCISSE Fête de la bière, Bienne o 7 BROUILLON DE CULTURE 10 HORIZONTAL 1 Blanc 2 Suaves, ces betteraves 3 Fassions sillons 4 Leurs gousses rehaussent – Céline divine 5 Bonne pour la santé malgré son bouleversement – Cri de douleur répété 6 Parti de la Nati – Canton au taureau par sa queue 7 Possessif – Message à usage de services sociaux 8 Pour égouttage de fromage 9 Ah ! mon cochon – Tisane de l’Anse-à-l’Ane 10 Où l’on ne passera pas – C’est complètement jusqu’à lui. VERTICAL 1 Vol sans violence 2 Diarrhée en virée 3 Fourrure d’animal tropical – Cap en capilotade 4 Bœuf pas neuf – En rayon à Cavaillon 5 Sommet de gourmet – Va à la mer via Saint-Omer – S’irise en ciel 6 Opus qui fait plus qu’oremus – L’Ob le gobe 7 Détériore même l’or – De Blocher quand il doit chercher – 8 Etaient infidèles 9 Ses hommes ont home dans le Puy-de-Dôme – Signe un ton indigné 10 Les partisans de l’ASIN le sont soi-disant. Solution pour les nuls dans le prochain numéro [email protected] de Pierre Corneille, mise en scène : Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier, Théâtre des Osses, Fribourg, du 26 septembre au 23 novembre, www.theatreosses.ch VITAMINES Cerise festival, danse contemporaine, 3e édition «absurde», Centre pluriculturel et social d’Ouchy, Lausanne, les 2, 4 et 5 octobre, www.cerise-festival.ch TRIBULATIONS Le bossu, adaptation par Pierre Natftule et Pascal Bernheim, Théâtre Pitoëff, Genève, du 2 au 19 octobre, www.lebossu.ch SAVEUR 1066 Festival, cap sur l’Inde et le Liban, Epalinges, les 3 et 4 octobre, ww.1066festival.ch POUVOIR Patronne et domestique, par la Cie fantôme, Petithéâtre, Sion, les 2, 3 et 4 octobre, www.petitheatre.ch DOULEUR Trop humain, artistes des xxe et xxie siècles devant la souffrance, Musée international de la Croix-rouge et du Croissant-rouge, Genève, jusqu’au 4 janvier 2015, www.redcrossmuseum.ch SOIF De l’hypocras au moka, boisson neuchâteloise du Moyen Age à la Belle Epoque, exposition aux moulins souterrains du Col-desRoches, Le Locle, jusqu’au 22 mars 2015, www.lesmoulins.ch MéMOIRE Traces de guerres, Musée jurassien d’art et d’histoire, Delémont, jusqu’au 2 août 2015, www.mjah.ch Sur tous les « er »… Galettes de rois Gerber revient, (Ostap) Bender insiste, Bühler compile : la chanson romande se porte à merveille, merci pour elle ! corps », c’est sûr, Ostap Bender a des accents à nuls autres pareils. 1969, Helvétiquement vôtre. 2012, Et voilà ! Entre ces deux dates presque un demi-siècle, plus d’une vingtaine d’albums et 200 chansons. Bühler, on l’a dit, est un laboureur. Il aime la terre, les gens, se fiche bien des modes et poursuit, inlassable voyageur, la route qu’il s’est lui-même tracée. Bühler dit « des choses » qu’il ne fait pas toujours bon dire, dénonce, fustige, gueule quand l’urgence l’impose, mais revient toujours à l’essentiel : l’humain. Bühler de Sainte-Croix a vu le monde, il y a rencontré des hommes, des femmes, des bons, des modestes, des salauds aussi. De toutes ces rencontres, il a fait une œuvre qui – cadeau des temps modernes – tient désormais sur une simple galette. Quelques grammes de vinyle et voilà résumée toute une vie de musique et de poésie, d’espoirs souvent déçus mais jamais trahis. Bühler, c’est sûr, nous est indispensable. Roger Jaunin On nous le disait fort occupé aux côtés de Sophie Hunger, voire, entre deux concerts, à mêler son grain de sel sur l’un ou l’autre des albums de Sarclo. N’empêche que Simon Gerber et ses accents « à la Waits » nous manquaient et c’est peu dire que huit ans après Dans ton lit, son nouvel opus a valeur de cadeau. Vent d’Est – c’est le titre –, ce sont onze chansons taillées comme autant de diamants finement ciselés et, au final, éclatantes de beauté… et de vie. Pour réussir ce tour de force, notre Jurassien s’est assuré le concours de l’ami Flutsch, Marie Marie Perny et Sylvain Boggio pour une partie des textes, du même Sarclo (dont il reprend avec un rare bonheur «Quand tu seras petite » ), de Julien Revilloud, Daniel Perrin, Mimo Pisino et de Claude Kamber pour les musiques. Et tout cela fait qu’on le retrouve tel qu’on l’avait quitté, peut-être un peu plus mûr, un peu plus exigeant, mais toujours capable de nous emmener dans un monde où la poésie ne cède rien aux « exigences » du moment. Dire qu’on s’en réjouit… autres activités, l’une des valeurs sûres de l’écriture romande. Encore faut-il, dès lors qu’on se pique de faire dans la chanson, savoir fédérer et s’entourer de complices parfaitement en accord(s) avec ses propres aspirations. Ainsi est né, au printemps 2007, un groupe d’artistes venus d’horizons fort différents (Clara Loï, Anthony Weber, David Magnin, Maik Gudehus et Perruchoud lui-même). Et ainsi, sept ans plus tard, vient de naître Imposteurs, troisième livraison d’Ostap Bender. 14 titres en tout et tout autant d’accasions de replonger dans l’univers d’un groupe désormais fait au feu de la scène. « Après l’enfance », « Marcel », « Yalta », « Au détour de ton Verni samedi dernier sur la scène Vent d’Est. Simon Gerber. Les disques du Progrès. Prochains spectacles ce vendredi 26 septembre au Moultipasss à La Chaux-de-Milieu et le jeudi 18 décembre au Bourg à Lausanne. www.simongerber.ch Imposteurs. Ostap Bender. www.ostapbender.ch Michel Bühler, L’intégrale. 229 chansons en format mp3 (+ paroles et grilles d’accords). A l’Esprit frappeur, Lutry (VD) du 3 au 5 octobre. www.michelbuhler.com du Chat Noir, à Carouge, le nouvel album d’Ostap Bender ne saurait faire mentir ceux qui pensent et prétendent que ce touche-à-tout de Michaël Perruchoud est, entre Des bédés Crise de la quarantaine Déjà le quatrième volume de la saga Les Indociles de Pitch Comment, qui sévit chaque semaine dans Vigousse, avec Camille Rebetez au scénario. Comme nous y a habitués la série, une ellipse de 10 ans sépare cet album du précédent. Joe mène une double vie dans les boîtes homosexuelles et se meurt d’amour pour un jeune qui ne veut plus de son bide et de ses 45 ans. Dans la ferme autonome de Lulu, les hippies ont fait place aux fêtards techno. Son fils Siddhartha, de retour d’Afghanistan, traîne sa folie dans la campagne. Et Chiara est séparée de sa fille, placée en famille d’accueil. Les auteurs font mouche une fois encore avec leur chronique douce-amère qui suit une foule de personnages tentant de ne pas devenir des vieux cons (avec des fortunes diverses) sur fond de montagnes jurassiennes. C’est brillant, on adore et l’on est du coup un peu déçu d’apprendre que la série prendra déjà fin avec le prochain tome. On aurait pourtant bien vu cette galerie d’irréductibles atteindre les 65, voire 75 ans… Stéphane Babey 13 Les Indociles 4 : Joseph, années nonante, de Camille Rebetez et Pitch Comment, éditions Les Enfants Rouges. Un spectacle Gynécée démembré A Cérillac, un bled perdu, les femmes ont des soucis à se faire : l’une après l’autre, elles se font sèchement zigouiller. La pâle mercière est retrouvée éventrée, un couteau à viande planté dans le bide. L’épouse parfaite est découverte noyée au fond d’un puits, le cul emballé d’une luxueuse culotte à volants. L’inflexible secrétaire municipale est éparpillée sur les rails, déchiquetée par le ParisHendaye. Un sérieux ménage parmi la gent féminine. Spectateurs incisifs et corrosifs de l’hécatombe, Jacques Rouchon, le médecin du coin perpétuellement imbibé de picon-bière, Catherine, son épouse hystérique épuisée et épuisante, leur fils lourdement handicapé et leur ami obsédé Alain Bonillé sont les protagonistes de cette histoire subtile et loufoque. Des personnages outranciers et caractériels pour une adaptation scénique de l’unique roman de Pierre Desproges, entre humour incisif et langue affûtée. La Compagnie Un air de rien, qui aligne les succès depuis dix ans, s’est lancé un défi de taille : réaliser la première mise en scène de Des femmes qui tombent. Des droits difficiles à obtenir, un talent pas facile à égaler, un texte compliqué à s’approprier n’ont pas freiné l’équipe de l’actrice et metteur en scène Sandra Gaudin. Un spectacle à tomber. Alinda Dufey Des femmes qui tombent, de Pierre Desproges, par la Cie Un air de rien, Théâtre Boulimie, Lausanne, du 30 septembre au 11 octobre, http ://theatreboulimie.com Vigousse vendredi 26 septembre 2014 14 Ecran de fumier LE CAHIER Purée illimitée Avertissement : les programmes de MTV peuvent heurter la sensibilité des moins abrutis. Abréviation de music television, la chaîne états-unienne MTV, diffusée dans plus de 170 pays, est en principe vouée aux chanteurs et à leur art. Mais ces dernières années, elle s’est diversifiée en programmant des émissions de téléréalité et des séries cul-cul la praline : ça lui a valu de devenir la télé fétiche des ados décérébrés, désignés comme la « génération MTV ». Ne reculant devant aucun sacrifice pour remplir sa mission socioculturelle, Vigousse a tenté une immersion dans l’univers câblé des nubiles débiles. Aux heures diurnes, rien de palpitant. Outre des séries niaises, on relève quelques émissions de téléréalité plutôt édifiantes comme « 16 ans et enceinte », logiquement suivie par « 17 ans et maman », relatant la triste vie de gamines trop vite en cloque. S’y ajoutent « Avant j’étais gros », où de jeunes obèses fondent à force de nourriture saine, de sport et de psys, ou encore « Catfish », qui traque les nombreux tordus du web. Jusquelà ça va, c’est même plus ou moins pertinent. Mais sur MTV, ce ne sont pas les leçons sur la contraception ou l’hygiène de vie qui séduisent les jeunes. Ce qui les branche, ce sont les émissions amorales et voyeuristes diffusées en deuxième partie de soirée. Petit florilège. « Are you the one » : dix femmes et dix hommes doivent trouver leur âme sœur préalablement sélectionnée par un programme informatique très scientifique. Ça semble romantique, mais dans les faits, vingt par- DES SPORTS faits abrutis échoués sur une plage de rêve passent leur temps à s’insulter, comparer leurs miches ou leurs biscotos, se murger, dégobiller et s’envoyer en l’air parmi. Alerte à Malibu en cent fois plus con, c’est dire. VIOLENCES CONJUGUÉES « Big tips USA », dont le très éloquent slogan est « moins t’en portes, plus ça rapporte » : au fin fond du Texas, un bar offre à sa clientèle une flopée de jeunes et jolies serveuses travaillant à moitié à poil et friandes de pourboires. Au programme : vomi, crêpage de chignons, encore vomi, amour foireux, à nouveau vomi, grossesse accidentelle et, finalement, vomi. Juste navrant pour la condition féminine. « Beauty school promotion Manchester », scénario officiel : une bêtes de foire dizaine d’apprentis coiffeursesthéticiens cohabitent et suivent des cours. Scénario caché : dix dégénérés sont enfermés dans un appartement où le spectateur les voit copuler et tenter de communiquer par des gestes et des sons. En d’autres termes, une expérience de laboratoire sur des primates. « Ex on the beach » : un troupeau de bimbos siliconées et de machos gonflés aux stéroïdes, tous dépour- vus de cervelle, passent des vacances à la mer. Chaque jour, un(e) de leurs ex débarque. Résultat : de la bagarre et des orgies en tout genre. Et chez le spectateur lucide, une irrépressible envie d’embrasser une vie d’abstinence. Pour finir, « Jersey Shore », « Geor- die Shore », « Gandia Shore » et « The Valleys ». Autant d’émissions qui ont le même concept, à savoir une totale absence de concept. Des jeunes narcissiques font de la colocation durant des semaines, picolent continuellement, s’envoient tout ce qui passe (deux participants mâles se sont poétiquement surnommés « le gang des ramoneurs »), dégueulent à gogo (souvent, allez savoir pourquoi, le cul à l’air), grillent dans des solariums et passent des heures à se couvrir de gel, de maquillage, de faux cils, de faux cheveux et de ridicule. Grossière mixture de films X et de documentaires animaliers, ces programmes démontrent à quel point la télévision peut rendre con. La « génération MTV » ? Une musique d’avenir, hélas. Alinda Dufey Augmentation de capitales Helsinki va là ? En pleine manœuvres politico-politicardes en vue des législatives de 2015, le président du PDC Christophe Darbellay somme le PLR de se positionner une fois pour toutes : les libéraux-radicaux veulent-ils s’allier avec l’UDC, avec le PDC ou tout seuls ? A l’appui de cette gesticulation médiatique, Darbellay martèle : « On ne peut pas danser en même temps avec Washington, Pékin et Moscou ! » (laliberté.ch, 21.09.14). Bigre ! On ignore à laquelle des grandes puissances mondiales se compare le PDC, mais les communes des Arlaches et de Torny-le-Petit eussent été plus indiquées. Vigousse vendredi 26 septembre 2014 15 S uisse - Fiction Rebut S de p r esse Lors d’une interview télévisée sur une chaîne nationale, les politiciens Ari Jalonen, du Parti des vrais Finlandais, et Sauli Ahvenjäri, des chrétien-démocrates, ont exposé leur solution à l’engouement de quelques jeunes Européens pour le djihad. Selon eux, c’est simple : pour exclure tout risque de « contamination islamiste », il ne faut plus accueillir en Finlande que des immigrés de confession chrétienne. Pas très finauds, ces Finnois. Propriété de Procter & Gamble, la marque de produits buccodentaires Crest – pub gratuite – ne fournira plus de protège-dents (roses, pour faire joli) aux joueurs de la ligue de football américain (National Football League). Dit comme ça, la nouvelle peut prêter à sourire, émail clinquant garanti. Sauf que la raison du retrait de l’un des plus importants sponsors de la NFL fait référence à une série sans précédent d’accusations portées à l’encontre de joueurs coupables de violences domestiques, qui sur leurs épouses, qui encore sur leurs petites amies. Ainsi, en l’espace d’une semaine, ce ne sont pas moins de cinq d’entre eux qui se sont fait suspendre pour « voies de fait sur des proches ». Dernier cas en date, l’un des attaquants des Arizona Cardinals, arrêté par la police locale pour « attaque aggravée » sur sa compagne et sur son enfant, un bébé de 18 mois. Quant à un certain Ray Rice, vedette des Baltimore Ravens et convaincu, images vidéos à l’appui, d’avoir tabassé sa fiancée dans un ascenseur, il a été prié de prendre ses cliques et, forcément, ses claques : son contrat a été rompu et il n’a échappé à des poursuites pénales qu’en promettant de suivre un traitement spécifiquement destiné à « lui faire changer de conduite ». Episode 5 Résumé : Ayant vanté le principe de son helvétoscope, Glutz décide d’initier Greta à l’aide d’une petite démonstration. L e bruit gagna en intensité jusqu’à devenir assourdissant, et tout se mit à vibrer. Du coffre cadenassé monta un long couinement terrifié. Le halo du combusteur à prunes vacilla au rythme des trépidations toujours plus violentes. Dans cette lueur stroboscopique, Greta vit le rictus jubilant de Glutz juste avant que, dans un crissement saccadé, le tramway Est-ce que tu beuzzes ? Toute l’actu qui fait du clic lectionne ol Toi aussi c Et ce sera tout pour cette semaine. Roger Jaunin les SHAPES des femmes ont exigé la démission du patron de la NFL, lequel s’est borné à répliquer que « la violence fait partie de notre sport » et que « dès lors que le public et la presse en demandent toujours plus, on a fini par s’y habituer et par fermer les yeux ». vers le support. Le son de ses talons sur le granit mouillé lui parut terriblement banal, ancrant son corps et ses gestes dans un univers soudain indéniablement, implacablement réel. En s’approchant du panneau, Greta put y distinguer les lettres peintes en blanc : « Paradeplatz ». La jeune femme éprouva un malaise diffus : bien qu’elle ignorât la signification de ce mot mystérieux, elle eut l’impression fugace qu’il lui était vaguement familier... Une simple illusion, peutêtre. Perplexe, elle fouillait en vain sa mémoire lorsqu’elle remarqua que le crachin perdait en intensité. Le fin brouillard se dissipait peu à peu, révélant les contours de la place dans la lumière blême. C’est alors qu’elle les aperçut. (plus sous peu) Tech Niouzes Google et Apple « Emmerde tes parents pauvres avec cette nouvelle camelote à la con ! » Du coup, les mouvements de défense A ce jour, aucune étude sérieuse n’a été réalisée pour tenter de savoir si les anabolisants qu’ingurgitent les joueurs avant les matches pouvaient avoir quelques conséquences sur leur conduite à leur retour à la maison. En attendant, Crest pourra toujours fournir des protège-dents pour femmes et enfants. bleu la frôlât. Elle fit un bond en arrière et tomba à la renverse sur le pavé détrempé. Prestement relevée, la jeune femme se figea, tétanisée, et regarda autour d’elle. Sous le ciel blafard, embrumée par un crachin dense et tiède, la vaste place était déserte. « Qu’est-ce que… Qu’est-ce qui se passe ? Glutz ? Glutz, vous êtes où ? » Seul lui répondit le silence, à peine troublé par le chuintement métallique du tram qui s’éloignait, invisible, derrière l’angle d’une large avenue aux façades noyées de grisaille. Sentant monter en elle une panique viscérale, Greta parvint à se contrôler au prix d’un effort titanesque : « Pense à l’oiseau quetzal », psalmodiat-elle à mi-voix, « pense à l’oiseau quetzal, l’oiseau quetzal… » Cette évocation, comme si souvent depuis son enfance, lui procura une sorte de calme résolu, mélange de sérénité et d’énergie. Suivant du regard les rails luisants, elle avisa à une vingtaine de pas un châssis d’acier supportant une plaque jaune et bleue où semblait figurer une inscription. Ayant vérifié, d’un rapide coup d’œil circulaire, qu’il n’y avait toujours pas âme qui vive dans le périmètre, elle aspira profondément et se risqua, les sens en alerte, à se déplacer sont toujours dans la course pour leur nouveau bracelet de surveillance électronique pour tous. « A ce jour, seuls les ex-prisonniers pouvaient bénéficier de cette technologie, notre but est d’en faire profiter également les gens honnêtes, comme vous et, euh… nous », a expliqué Stevie Bentham, responsable du Département Orwell de Google, sans toutefois révéler la date prévue de sortie. « Le iPanopticon va être une révolution. Non seulement vous aurez notre montre au poignet, notre téléphone dans la poche et notre musique dans les oreilles, mais désormais vous pourrez aussi nous porter à la cheville puisque vous y tenez », s’enthousiasme Harold Skinner, directeur du Huxley Lab à Cupertino. Pas de date de sortie non plus de son côté, mais la Toile s’embrase déjà pour savoir qui l’emportera dans cette prochaine guerre des chevilles. Mark Zuckerberg, CEO de Facebook, a remis les Avec sa nouvelle opération séduction auprès des enfants, la Migros va-t-elle trop loin ? Nos experts en débattent. POUR Fathi Derder, jeune innovateur génial ! pour, 100 % pour. CONTRE Alain Morisod, vieux grincheux Ah, mais non alors ! pendules à l’heure jeudi passé lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de la firme. « Nous sommes fermement déterminés à ne jamais apporter la moindre amélioration à notre système », a-t-il annoncé sous des applaudissements nourris. « En fait », a-t-il ajouté, « on va juste se consacrer à rendre le truc de plus en plus insupportable, juste pour entendre se plaindre tous ces millions d’abrutis. Ça les rend dingues de savoir à quel point, et combien facilement, cette merde pourrait être mieux et qu’ils n’y peuvent rien. » Sur quoi le jeune milliardaire est parti d’un rire incoercible tandis que l’audience entamait une ovation debout de 53 minutes. Vigousse vendredi 26 septembre 2014 16 { B é B E RT D E PLONK & REPLONK } LA SUITE AU PROCHAIN NUMÉRO Delahousse n’amasse pas mousse Elle a dit la semaine prochaine « Il est l’heure ce soir d’en savoir plus, car les questions sont multiples : pourquoi ce retour ? pourquoi maintenant ? jusqu’où souhaite-t-il aller réellement, et avec qui ? » Y a pas à dire, Laurent Delahousse a été à bonne école. Quel meilleur professeur que David Pujadas pour apprendre à inventer les « questions que tout le monde se pose » ? Dans ce registre, Delahousse est passé maître. Oui oui, le brushing, la mini-vague blonde, le bronzage, la mâchoire californienne… Bon d’accord, ça va, on l’a assez emmerdé avec son physique. Merde, combien de fois devra-t-il répéter que, bien plus qu’une belle gueule, il est avant tout « journaliste, présentateur, rédacteur en chef du journal et réalisateur de documentaires » ? C’est un pro, Delahousse, pas un vulgaire people. Faut-il qu’il multiplie les prises de position outrées contre « l’info fastfood » et « ce système d’hystérisation qui met au même niveau ces buzz Vigousse vendredi 26 septembre 2014 médiatiques issus de blogs ou de sites internet et une information politique émanant de grands médias » ? Hein, c’est du flan tout ça, peut-être ? Non, s’il a du succès, c’est parce qu’il a totalement réinventé l’exercice de l’interview. Sur son plateau du JT ou dans son émission « Un jour, un destin », Delahousse multiplie les trouvailles. La question-et-de- mie, c’est de lui : « Réussir seul, ça veut dire quoi ? Vous êtes isolé, vous êtes devenu euh. » Car Delahousse non seulement n’interrompt pas ses invités, il se laisse interrompre par eux et pousse même la courtoisie jusqu’à s’interrompre lui-même. La classe. Et ce n’est pas notre Darius* qui aurait inventé la méta-interview : « Que pensez-vous de cette question ? » C’est pas du génie, ça ? Au final, ce qui distingue vraiment Delahousse, c’est que les autres journalistes, trop souvent, font juste semblant d’écouter leur interlocuteur. Lui a trouvé beaucoup mieux : il fait carrément semblant de mener une interview. Main au menton, coude sur la table, yeux plissés, mâchoire serrée : c’est vraiment à s’y méprendre. Et après, on dit encore que les grands révolutionnaires sont des gens qui décoiffent. Sebastian Dieguez * nom connu de la rédaction (ou du moins ça se pourrait bien) « On m’a volé mes photos topless » M. Calmy-Rey Vigousse Sàrl, rue du Simplon 34, CP 1499, CH-1001 Lausanne > www.vigousse.ch > [email protected], tél. +41 21 612 02 50 Directeur rédacteur en chef : Barrigue Rédacteur en chef adjoint : Laurent Flutsch Chef d’édition : Roger Jaunin Journalistes : Alinda Dufey, Jean-Luc Wenger Correction : Victor Gagnaux Abonnements : [email protected] > Tél. +41 21 612 02 56 Publicité : IRL Plus, Ch. du Closel 5, 1020 Renens, 021 525 48 73, fax 021 525 48 01, E-mail : [email protected] – MEDIALIVE SA, Oetlingerstrasse 10, 4057 Bâle, tél. 061 561 52 80, [email protected] Layout et production : www.unigraf.com Impression : CIR, Sion > Tirage : 13 000 ex.
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