Microsonde nucléaire par Gilles REVEL Docteur ès Sciences Directeur du Laboratoire Pierre-Süe (CEA-CNRS) et Jean-Paul DURAUD Docteur ès Sciences Directeur-adjoint du Laboratoire Pierre-Süe (CEA-CNRS) PE 2 563 − 2 — 2 — 3 — 5 — 7 — 10 1. 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 Principales interactions utilisées......................................................... Principe des interactions ions-matière ....................................................... Émission X induite par des particules chargées (PIXE) ............................ Méthodes par diffusion élastique ............................................................... Observation directe des réactions nucléaires ............................................ Autres méthodes utilisables avec une microsonde nucléaire .................. 2. 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 Appareillage ............................................................................................... Accélérateur .................................................................................................. Ligne de faisceau.......................................................................................... Système de focalisation et de balayage ..................................................... Chambre d’analyse....................................................................................... Électronique de pilotage et de mesure....................................................... Microsondes nucléaires en France ............................................................. — — — — — — — 12 12 12 13 13 14 14 3. 3.1 3.2 3.3 Domaines d'application .......................................................................... Comparaison avec quelques autres méthodes d'analyse locale ............. Limite d’emploi de la microsonde nucléaire.............................................. Applications de la microsonde nucléaire ................................................... — — — — 14 14 15 16 Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. PE 2 563 L es émissions de particules ou de rayonnement qui accompagnent la pénétration des ions légers dans la matière, à une énergie incidente de quelques MeV, ont donné lieu à plusieurs méthodes de dosage élémentaire, généralement utilisées pour des analyses de surface et de couches minces. La focalisation de ces faisceaux de particules à l'échelle du micromètre sur les échantillons a conduit à la réalisation d'une génération d'instruments appelés microsondes nucléaires. La première a fait son apparition en Angleterre en 1969. Depuis, environ soixante appareils de ce type ont été développés dans le monde, principalement dans les pays à technologies avancées : Europe, États-Unis, Japon, Australie... Nombre d'entre eux permettent d'obtenir des tailles de faisceau de l'ordre du micromètre et quelquefois de quelques dixièmes de micromètre. Cette technique permet des localisations latérales très fines directement liées à la taille du faisceau et accède ainsi à la microrépartition des éléments dans les trois dimensions. Elle apporte aussi des contraintes supplémentaires dues aux fortes densités locales de particules incidentes qu'il faut imposer aux échantillons pour obtenir un signal exploitable. La plupart des interactions nucléaires et atomiques ions-matière sont utilisées, souvent en association, sur le même échantillon et dans la même enceinte. Les applications concernent des disciplines aussi variées que la physique du solide, la métallurgie, la géochimie, la biologie, la médecine, l'archéologie... Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 2 563 − 1 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ 1. Principales interactions utilisées Le parcours de l’ion est donné par : R = ∫ 0 E 1 ------------- dE d ------E- dx 1.1 Principe des interactions ions-matière L’analyse à la microsonde nucléaire fait appel aux mêmes ions incidents (principalement protons, deutons et hélions 3 et 4) et aux mêmes détections que l’analyse avec des faisceaux de particules chargées de taille classique. Lorsqu’un faisceau de particules chargées pénètre dans la matière, différentes interactions peuvent se produire. Leur nature dépend de l’énergie incidente des ions. Pour des énergies de l’ordre du MeV, ces interactions sont à l’échelle de l’atome, elles sont électroniques et nucléaires. La figure 1 schématise les principales d’entre elles qui se prêtent à l’analyse dans ce domaine d’énergie. Figure 2 – Représentation schématique du pouvoir d’arrêt en fonction de l’énergie Figure 1 – Principales interactions exploitables à des fins analytiques Dans le domaine d’énergie des microsondes nucléaires (0,5 à quelques MeV), l’interaction avec les atomes de la cible est principalement d’origine électronique. Les ions perdent partiellement leur énergie par interaction avec les électrons de ces atomes, provoquant ainsi une forte ionisation ; en revanche, ils sont très peu déviés et leur trajectoire demeure rectiligne. La réorganisation des atomes de la cible se fait par émission de rayons X et d'électrons Auger. En fin de parcours, les ions interagissent fortement avec les noyaux, ils subissent alors des chocs successifs et leur trajectoire est profondément modifiée. Le parcours R des ions dans la matière est donc limité par ces deux types d’interaction et l’épaisseur maximale de l’échantillon concernée par l’irradiation est déterminée par la somme des interactions électroniques et nucléaires qui déterminent le pouvoir d’arrêt (figure 2) : Aux énergies les plus élevées (zone 2), l’interaction est essentiellement électronique et le pouvoir d’arrêt varie en 1/E. Il est à noter que c’est également pour ces énergies élevées que les particules ont la possibilité de franchir les barrières de potentiel des noyaux cibles et de donner alors des réactions nucléaires, avec toutefois une probabilité beaucoup plus faible. Lorsque l’ion est ralenti (zone 3), il peut récupérer ses électrons les plus profonds. Sa charge diminue et le pouvoir d’arrêt électronique devient proportionnel à la racine carrée de l’énergie. Il est alors concurrencé par le pouvoir d’arrêt dû aux collisions ions-atomes qui se produisent en cascade en fin de parcours, s’accompagnant de forts transferts de quantité de mouvement et de brusques changements de direction. Les parcours de différents ions ont été calculés et publiés pour tous les éléments [2] (figure 3). À titre d’exemple, le parcours moyen des protons de 2 MeV est de 42 µm dans l’aluminium, de 19 µm dans le cuivre et de 16 µm dans l'or. Les parcours des hélions 4 sont respectivement de 6,9 ; 3,98 et 3,7 µm pour la même énergie incidente, dans les mêmes métaux. Pour les corps composés, la loi de Bragg s’applique en première approximation, la perte d’énergie est égale à la somme des pertes d’énergie dans les différents éléments, proportionnellement à leur abondance dans le matériau : dE ------- = dx avec dE ------dx Ci i ∑ Ci i dE ------dx i perte d’énergie dans chacun des composants (en MeV.cm−1), fraction massique de chacun des composants dE dE dE ------- = ------- + ------- d x électronique d x nucléaire dx PE 2 563 − 2 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________________________________ MICROSONDE NUCLÉAIRE 1.2 Émission X induite par des particules chargées (PIXE) Cette méthode est utilisée pour identifier et analyser quantitativement les éléments présents dans un solide [4] [5]. Figure 4 – Variation avec le numéro atomique du rendement de fluorescence ω Figure 3 – Parcours des protons et des ions He dans le mylar et le silicium (d’après Feldmann et Mayer [3]) 1.2.1 Mécanisme d’émission Le ralentissement des ions légers d’énergie voisine du MeV/n (n représentant un nucléon) se fait essentiellement par interaction avec les électrons de l’échantillon, et conduit à des excitations ou des ionisations. Lorsqu’un atome de la cible est ionisé en couche profonde, il se réorganise rapidement (10−17 à 10−13 s) pour retomber vers un état de plus faible énergie. Deux processus de relaxation de l’atome ionisé sont en compétition : l’émission d’un rayonnement X caractéristique et l’effet Auger. Au cours de ces deux processus, un électron d’un niveau externe vient combler la lacune initiale ; l’énergie libérée au cours de cette transition peut être : — soit dissipée sous forme de rayonnement, c’est l'émission X ; — soit transférée à un autre électron de l’atome et permettre son éjection, c'est l’effet Auger. Pour une ionisation en couche K, la compétition entre les deux processus de relaxation se traduit par le fait que la somme des rendements est égale à 1. Les rendements ωX dépendent de l’énergie de liaison du niveau considéré et de son environnement électronique (figure 4). 1.2.2 Intensité de l’émission X caractéristique La figure 5 représente un spectre PIXE enregistré sur un verre synthétique. On distingue les raies étroites de fluorescence superposées sur un fond continu. Figure 5 – Micro-PIXE sur un verre synthétique ; éléments en traces : Ti, Fe, Zn, As, Sr Pour une cible mince homogène dont l’épaisseur est faible devant le parcours des ions, l’intensité IX produite par un faisceau d’énergie E1 et d'intensité I1 est donnée par l’expression : I X = N 1 n 0 tσ E1 ω X b Xα ε avec n0 t N1 nombre d’atomes par cm3, épaisseur du film (en cm), nombre d’ions frappant la cible par cm2 et par seconde, σE1 section efficace d’ionisation à l’énergie E1 (en cm2) , rendement de fluorescence, fraction de l’émission apparaissant dans la raie α, ωX b Xα ε efficacité de détection Pour une cible épaisse : I X = N 1 n 0 ω X b Xα ε avec ∫ 0 σ(E ) ------------- T ( E ) dE ) E1 S ( E µ cos α T ( E ) = exp Ð --- --------------ρ sin θ ∫S E Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation dE -------------( ) PE 2 563 − 3 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ et 1 dE S ( E ) = --- ------ρ dx où µ représente le coefficient d’absorption des rayons X, ρ la densité du solide, α et θ l’angle d’incidence du faisceau et l’angle de détection. Le paramètre important est la section efficace d’ionisation en couche profonde. Dans le cas des protons et des ions He, cette grandeur est relativement bien connue. L’éjection des électrons de la cible est gouvernée par l’interaction coulombienne entre le noyau incident et les électrons de la cible. Cette interaction est maximale quand la vitesse de l’ion incident est comparable à la vitesse de l’électron sur son orbite. Plusieurs méthodes existent pour calculer les sections efficaces d’ionisation. Pour l’ionisation en couche K ou L de haute énergie, elles peuvent être calculées dans le modèle de l’impulsion binaire ou BEA (Binary Encounter Approximation), et le résultat est exprimé sous forme d’une loi d’échelle (figure 6) [7] : Z 12 σ BEA = -------K U K2 ∫ E1 ---------λU K où Z1, E1, UK, représentent respectivement le numéro atomique, l’énergie de la particule incidente et l’énergie du niveau à ioniser et λ le rapport de la masse du proton sur celle de l’électron. D’autres modèles utilisent la théorie des perturbations en mécanique quantique. C’est le cas de PWA (Plane Wave Approximation), amélioré en CPSSR (Approximation des états stationnaires perturbés corrigée des effets de déflexion coulombienne et relativiste) en incorporant les effets de polarisation et de liaison dans l’approximation des états stationnaires perturbés (PSS) et en corrigeant des effets de déflexion coulombienne (C) et relativiste (R). Des tabulations sont disponibles dans la littérature pour les ionisations des niveaux K, L1, L2... par des protons ou des ions He [8]. 1.2.3 Fond continu Les pics de rayons X caractéristiques sont superposés sur un fond continu produit par : — le rayonnement de freinage (Bremsstrahlung) du projectile et des électrons secondaires ; — les réactions nucléaires. Le rayonnement de freinage des électrons secondaires constitue l’essentiel du fond continu pour la partie basse énergie du spectre et s’étend en décroissant, suivant une loi en fonction puissance, jusqu’à une énergie Emax = Tm, où Tm représente l’énergie maximale pouvant être transférée à un électron de la cible dans une collision avec un ion : Tm = 4 me E1 ⁄ m1 me masse de l'électron, E1 et m1 énergie et masse de la particule incidente Le rayonnement de freinage du proton est de plusieurs ordres de grandeur plus faible que celui des électrons. En effet, l’intensité du Bremsstrahlung est fonction de la masse de la particule et le rapport me /mp est égal à 1 836 (mp représentant la masse du proton). Des réactions nucléaires peuvent également se produire au cours de l’interaction ion-solide. En particulier, les sections efficaces d’interaction sont très importantes pour le sodium et le fluor. Les rayons émis au cours de ces réactions peuvent produire, par effet Compton dans le détecteur, des électrons secondaires dont le spectre est généralement plus intense que celui dû au Bremsstrahlung du projectile. L’ensemble de ces contributions au fond continu peut être calculé théoriquement. avec 1.2.4 Aspects analytiques 1.2.4.1 Instrumentation On utilise généralement des détecteurs à semiconducteurs constitués de silicium dopé au lithium pour disposer d’une zone de déplétion de quelques millimètres, dans laquelle sont créées les paires électron-trou qui vont induire une charge électrique aux bornes du détecteur : Q = ne = Exe / ε où n = EX /ε représente le nombre moyen de paires créées par un photon d’énergie EX, et ε l’énergie moyenne de création de paires. La résolution d’un tel détecteur est au mieux de 140 eV à 5,9 keV. Son efficacité est limitée à basse (< 1 keV) et haute énergies (> 20 keV). À basse énergie, la chute d’efficacité est due à la fenêtre généralement placée entre le vide et le détecteur. À haute énergie, elle est déterminée par l’épaisseur du détecteur. L’électronique associée à la diode Si(Li) comprend le système de polarisation de la diode, le préamplificateur de type FET refroidi à l’azote liquide et l’amplificateur principal équipé de systèmes antiempilements. 1.2.4.2 Traitement des données et sensibilité de la méthode Figure 6 – Production de lacunes en couches internes par un bombardement de protons (d’après Folkmann) [7] PE 2 563 − 4 Différents programmes de dépouillement des spectres X ont été proposés [4], le plus utilisé actuellement est le programme GUPIX [9] qui nécessite l’emploi d’un étalon interne. L’analyse qualitative d’éléments de numéro atomique supérieur à 10 ne présente pas de difficulté, en revanche l’analyse quantitative est quelquefois délicate pour les échantillons massifs à cause des risques d’interférences du fond dû à l’échantillon, et de l’absorption des rayons X dans le matériau, absorption elle-même étroitement liée à la composition du matériau. Aussi une meilleure sensibilité est-elle obtenue sur cible mince. Sa grande sensibilité et son caractère multiélémentaire font Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________________________________ MICROSONDE NUCLÉAIRE que la méthode PIXE est celle qui est actuellement, de loin, la plus utilisée dans les microsondes nucléaires [10], toutefois davantage pour des applications en biologie que pour les matériaux. Sa sensibilité est maximale pour les éléments situés dans deux domaines de numéro atomique : 20 < Z < 35 et 75 < Z < 85, correspondant aux maximums des sections efficaces pour les niveaux respectivement K et L (figure 7). Figure 8 – Parcours comparés des électrons, des protons et des hélions 4 dans le silicium masse m1 animée d’une vitesse V0 et d’un atome cible de masse m2 au repos. La conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement se traduit par les équations suivantes : 1 1 1 --- m 1 V 02 = --- m 1 V 12 + --- m 2 V 22 2 2 2 Figure 7 – Sensibilité en fonction du numéro atomique et de l’énergie des protons pour des échantillons organiques (d’après Johansson et Campbell) [5] m1 V0 = m1 V1 + m2 V2 Ces bonnes sensibilités permettent de limiter les densités locales de particules lorsque des faisceaux très fins sont utilisés. Avec une taille de faisceau de l’ordre du micromètre, il est possible d’atteindre des limites de détection de 10−5 g avec une microsonde nucléaire, alors que les limites sont en général de 10−3 g avec les microsondes électroniques classiques. L’utilisation du balayage XY permet d’obtenir, au cours d’une même analyse, la cartographie d’un grand nombre d’éléments à l’échelle micrométrique. En revanche, la localisation en profondeur est peu précise et l’étalonnage nécessite de bien connaître la composition des échantillons. En effet, l’absorption des raies X émises par les atomes et donc leur intensité mesurée en dépendent. Par rapport à la fluorescence X classique induite par des électrons de quelques dizaines de keV, le bruit de fond est pratiquement diminué d’un facteur 100 et la limite de détection est abaissée en proportion. Par ailleurs, à ces énergies, les interactions électroniques modifient très peu la trajectoire des particules incidentes, celles-ci demeurent linéaires et permettent de conserver la qualité dimensionnelle du microfaisceau contrairement aux trajectoires des électrons qui subissent un élargissement important en forme de poire dans le matériau. La figure 8 illustre les différences de parcours dans un échantillon de silicium des électrons de 20 keV d’une part et d’autre part des protons et hélions 4 de 2 MeV pour lesquels la simulation a été faite avec le programme TRIM [11]. 1.3 Méthodes par diffusion élastique Les méthodes par diffusion élastique sont multiples. La spectrométrie de rétrodiffusion Rutherford (RBS) est la plus simple et la plus largement utilisée des méthodes d’analyse par faisceau d’ions. 1.3.1 Aspects cinématiques En RBS, les ions monocinétiques du faisceau incident frappent une cible et sont rétrodiffusés dans le détecteur qui mesure leur énergie. La figure 9 schématise le choc élastique d’une particule V1 et V2 étant les vitesses de la particule et de l’atome après le choc. Figure 9 – Représentation schématique de la collision entre un ion He et un atome de masse m2 L’énergie E 1′ formule : du projectile après la collision est donnée par la E 1′ = KE 1 avec ( m 22 Ð m 12 sin2 θ ) 1 / 2 + m 1 cos θ K = ----------------------------------------------------------------------------------m1 + m2 2 La différence d’énergie ∆ E 1′ , associée à une résolution en masse ∆m2, sera d’autant plus importante que m2 est faible, ce qui explique que, par diffusion élastique, l'identification des éléments légers et même de leurs isotopes est possible alors que celle des éléments lourds est difficile, voire impossible. La résolution en masse est aussi d’autant meilleure que l’angle θ est grand, c’est la raison pour laquelle l’angle de détection est souvent choisi aussi proche que possible de 180˚, autant que le permet la distance de la dernière lentille à l’échantillon ; dans ce cas : m2 Ð m1 2 K = ----------------------- m1 + m2 Si l’on admet, en première approximation, que la force agissant lors de la collision est uniquement due à la répulsion coulombienne, Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 2 563 − 5 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ la section efficace différentielle est donnée par la formule de Rutherford : Z 1 Z 2 e 2 2 4 [ ( 1 Ð ( m 1 ⁄ m 2 sin θ ) 2 ) 1 / 2 + cos θ ] 2 dσ -------- = ------------------- --------------- ------------------------------------------------------------------------------------------- dΩ sin4 θ 4 E1 [ 1 Ð [ ( m 1 ⁄ m2 ) sin θ ] 2 ] 1 / 2 Cette formule montre que la section efficace différentielle, donc la sensibilité de la méthode, est d’autant plus élevée que la charge Z1 du projectile incident est élevée, que son énergie E1 et son angle d’observation θ sont petits et que le noyau cible est plus lourd. Au point de vue expérimental, des choix sont donc à faire entre sélectivité et sensibilité. Figure 11 – Section efficace de diffusion élastique de l’hélium par l’oxygène (d’après Leavitt et al.) [13] Figure 10 – Variation du facteur F, décrivant l’écart à la loi de Rutherford, pour des He+ de différentes énergies en collision avec des atomes de numéro atomique Z2 (d’après l’Ecuyer et al.) [12] 1.3.2 Écart à la diffusion de Rutherford La description de la diffusion Rutherford est basée sur l’interaction de la charge de l’ion avec celle du noyau. Cela implique que l’ion incident pénètre le cortège électronique de l’atome cible pour que les effets d’écran soient négligeables. Ce n’est pas toujours le cas, en particulier à basse énergie. L’influence de l’écrantage peut alors être prise en compte par l’introduction d’un facteur correctif F (figure 10) : σscreen = σ (θ) . F À haute énergie, des réactions nucléaires peuvent se produire. Cette situation est généralement observée pour des énergies supérieures à celles utilisées dans les microsondes. Néanmoins, dans le cas de la diffusion des ions He par 16O, une résonance apparaît à 3,045 MeV (figure 11) et est utilisée pour détecter l’oxygène. 1.3.3 Spectre RBS La largeur en énergie du spectre de rétrodiffusion, produit par un film mince homogène d’épaisseur t est donnée par : dE 1 ∆ E = ∆ t K ------- + ---------------- E1 cos θ dx E d ------- d x KE 1 dE où ------- représente la perte d’énergie à l’énergie incidente E1. d x E 1 Pour un film mince, le spectre RBS serait constitué d’une succession de pics étroits (figure 12). Dans le cas d’un échantillon massif, le spectre suit une loi de la forme : Y (Et ) = 1 / (E1 + Et )2 où Et représente l’énergie de la particule à une profondeur t. PE 2 563 − 6 Figure 12 – Représentation schématique d’un spectre RBS pour des α de 3 MeV À titre d’exemple, la figure 13 montre le spectre obtenu pour un film de Cu déposé à la surface d’un échantillon de Al2O3. 1.3.4 Aspects analytiques 1.3.4.1 Instrumentation La plupart des dispositifs RBS utilisent des détecteurs solides à barrière de surface. Ils sont constitués de silicium intrinsèque de quelques millimètres d’épaisseur, recouvert d’un film d’or. Leur forme est en général circulaire, mais des détecteurs de forme annu- Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________________________________ MICROSONDE NUCLÉAIRE d’hélions 4 [17] [18]. Le principe du calcul est le même que pour la méthode RBS et un code de calcul baptisé GABY [19] [20] a été développé pour reconstituer complètement le spectre des atomes de recul de l’hydrogène dans des conditions expérimentales définies (cible, particule, énergie et conditions d’irradiation). Cette méthode a une sensibilité satisfaisante qui la rend très précieuse pour les déterminations locales de l’hydrogène à la microsonde nucléaire. Figure 13 – Spectre RBS enregistré sur un film de Cu déposé sur Al2O3 massif laire sont utilisés pour détecter les ions avec un angle de détection le plus proche possible de 180˚. La meilleure résolution actuellement disponible est de l’ordre de 10 keV pour des ions de 5 MeV. 1.3.4.2 Traitement des données Figure 14 – Simulation au moyen de RUMP d'un spectre RBS enregistré sur YBaCuO massif [14] Pour des éléments A et B distribués de façon homogène dans un film, le rapport des concentrations est donné par : NA HA ∆ EA σB -------- = -------------------------NB HB ∆ EB σA où H représente la hauteur du pic, ∆E sa largeur en énergie et σ la section efficace Rutherford. Dans des échantillons épais, l’énergie perdue par l’ion incident en fonction de la profondeur peut être utilisée pour fournir des informations sur les profils de concentration des éléments. La figure 14 indique les résultats obtenus sur un échantillon de céramique supraconductrice YBaCuO irradié par des hélions 4 de 3,1 MeV [14]. La courbe en trait plein est la courbe tracée par le programme RUMP [15] à partir de la composition élémentaire de l’échantillon. Le pic de l’oxygène correspond à la résonance pour une énergie E1 = 3,045 MeV. La méthode RBS peut ainsi être une méthode absolue par ajustages successifs de la courbe calculée aux points expérimentaux. Elle permet de remonter soit aux teneurs des éléments dans l’échantillon et à leur localisation plus ou moins près de la surface, soit au nombre des charges reçues. La méthode peut donc être utilisée pour étalonner, par exemple, les résultats obtenus en PIXE. Faisant appel à des interactions nucléaires, elle s’affranchit de la liaison chimique, et sa précision atteint le pour-cent si la statistique de mesure est convenable. Une description plus complète de la méthode peut être trouvée dans l’ouvrage général de W.K. Chu et al. [16]. En bombardant un noyau léger par un noyau plus lourd, il est également possible de mesurer le recul du noyau léger. La méthode peut être mise en œuvre aussi bien pour des échantillons suffisamment minces pour être traversés par les noyaux de recul que pour des échantillons épais. Dans ce dernier cas, l’irradiation et la détection doivent être réalisées sous incidence rasante (figure 15), ce qui se traduit obligatoirement par un élargissement du faisceau dans une direction parallèle à la surface de l’échantillon. La très grande majorité des microsondes nucléaires utilisant de petits accélérateurs d’ions légers, cette méthode appelée ERDA (Elastic Recoil Detection Analysis) a été surtout développée pour le dosage de l’hydrogène à la surface des échantillons irradiés par des faisceaux Figure 15 – Géométrie de diffusions en ERDA 1.4 Observation directe des réactions nucléaires Dès que la particule chargée a une énergie suffisante pour vaincre la répulsion coulombienne, elle peut pénétrer dans le noyau de l’atome et donner une réaction nucléaire : A+a→B+b=Q qui s’écrit habituellement sous la forme : A (a, b )B, Q étant l’énergie de réaction. Connaissant la nature et le nombre des particules incidentes a, la nature et le nombre des particules b émises au cours de l’irradiation, il est possible d’identifier et de quantifier les noyaux A irradiés. 1.4.1 Considérations énergétiques Comme dans une réaction chimique classique, la réaction nucléaire peut être endo ou exo-énergétique suivant la valeur de Q. Cette valeur peut être calculée simplement en fonction des masses en présence exprimées en unité atomique. Q = [mA + ma − (mB + mb )]c 2 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 2 563 − 7 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ c vitesse de la lumière, mA et ma masses des particules cible et incidente Dans le cas où Q est négatif, la réaction nucléaire ne pourra se produire que si l’énergie apportée par la particule incidente est non seulement supérieure à la valeur de Q, mais encore supérieure à une énergie de seuil qui traduit la conservation de la quantité de mouvement : avec mA + ma E s = Q ----------------------mA Enfin il faut de plus que les particules incidentes puissent atteindre le noyau en quantité suffisante, c’est-à-dire autrement que par effet tunnel, en franchissant la barrière coulombienne de l’atome cible dont l’énergie électrostatique est donnée par la formule : Za ZA E c = -------------------------------1/3 + ma m A1/ 3 avec Za et ZA charges de la particule incidente et de l’atome cible. Toutefois, des projectiles mal liés comme le deuton, l’hélion 3... peuvent induire des réactions au-dessous de la barrière coulombienne par un mécanisme d’épluchage (stripping) de la particule incidente. Ainsi, dans la réaction 16O (d, p)17O, lorsque le deuton s’approche du noyau de l’atome d’oxygène, la liaison proton-neutron est rompue car le proton est repoussé par le champ coulombien, et seul le neutron pénètre dans le noyau. Il est à noter qu’à l’inverse de ces réactions de stripping des réactions existent au cours desquelles c’est le noyau cible qui est épluché ; ces réactions, connues sous le nom de pick-up, sont par exemple du type (p, d) ou (d, α). 1.4.2 Aspects analytiques 1.4.2.1 Analyse quantitative Le spectre d’énergie des particules émises dans une direction donnée est significatif de l’élément cible et de sa profondeur dans l’échantillon. Comme en RBS, des programmes de calcul permettent d’ajuster des spectres théoriques aux spectres expérimentaux [22]. En revanche, contrairement à la diffusion élastique, la probabilité de la réaction ne peut être calculée simplement. Cette probabilité dépend aussi de l’énergie du faisceau incident et de l’angle de détection, mais elle varie irrégulièrement d’un élément à l’autre. Dans la pratique, les valeurs des sections efficaces sont tirées de tables établies expérimentalement [23]. Les valeurs de ces sections efficaces sont en général plus faibles que celles des diffusions Rutherford. PE 2 563 − 8 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________________________________ MICROSONDE NUCLÉAIRE Tableau 1 – Exemples de réactions nucléaires utilisables pour déterminer les éléments légers et leurs isotopes Élément ou isotope à déterminer 1H Réactions nucléaires utilisables Nature Énergie MeV Élément ou isotope à déterminer 1H(7Li, γ)8Be γ 14,75 et 17,65 α)8Be α ≈4 1H(15N, αγ)12C γ 4,439 13C 13C(d, 1H(18O, α)15N α ≈ 3,5 14N αγ)16O γ 6,13 et 7,12 n)3He n ≈ 2,8 p)3H p p ou α 2H(d, 2H(d, 2H(3He, p)4He 12C 3He 3H(d, n)4He 3He(d, p)4He n ou α p ou α 6Li 3,6 (2) ≈ 6,3 p 6,5 (2) 14N(d, p)15N p 8,6 (1) 14N(d, α)12C α 10,3 (2) 15N(p, αγ)12C γ 4,439 2,4 (2) 15N(p, α)12C α 4,5 (2) Ep≈ 13 15N(d, α)13C α 6,3 (2) 16O(d, p)17O p 1,6 et 2,4 (2) En ≈ 14 16O(d, α)14N α 2,8 (1) Eα ≈ 2,3 16O(3He, α ≈ 5,4 15N 16O Ep ≈ 13,5 (2) 17O α)15O 17O(d, α)15N α − 17O(α, p)20F p − 18O(p, α)15N 4,83 α 4,1 (2) 4He(10B, n)13N n ≈ 3,5 18O(d, p)19O p − 18O(d, α)16N α − 19F(p, p’γ)19N γ 0,110 et 0,197 18O 6Li(d, p)7Li p 4,5 (1) 6Li(d, α)4He α 9,5 (2) p − 19F(p, αγ)16O γ 6,13 et 7,12 α)16O α 7,4 (2) p)8Be 19F 7Li(p, γ)8Be γ 0,477 19F(p, 7Li(p, α)4He α 8 (2) 19F(d, p)20F p 5,1 (1) 7Li(d, α)5He α 6,7 (1) 19F(d, α)17O α 8,3 (1) p)9Be p − 20Ne α)6Li α ≈ 1,2 23Na p)10Be p α)7Li 9Be(α, γ)21Na γ 3,545 23Na(p, p’γ)23Na γ 0,439 5 (2) 23Na(p, αγ)20Ne γ 1,639 α 4,3 (2) 23Na(p, α)20Ne α ≈ 2,2 nγ)12C γ 4,439 24Mg 24Mg(d, p)25Mg p 5,9 (1) 8,8 (1) 27Al 27Al(p, γ)28Si γ 1,778 28Si(d, p)29Si p 7,1 (1) 31P(p, α)28Si α ≈ 2,7 9Be(p, 9Be(d, 11B p p)14C p)14N γ 9Be(d, 10B Énergie MeV γ)11B 7Li(3He, 9Be Nature 4He(7Li, 6Li(3He, 7Li p)13C Particules ou rayonnement détectés p Eα ≈ 1,75 (2) 4He 12C(d, 12C(3He, Eα ≈ 2,5 3H Réactions nucléaires utilisables 1H(11B, 1H(19F, 2H Particules ou rayonnement détectés 10B(d, p)11B p 10B(d, α)8Be α 11 (1) 28Si 31P 10B(α, p)13C p − 11B(p, α)8Be α 6,1 (2) 11B(d, p)12B p 1,8 (1) 11B(d, α)9Be α 5,3 (1) 11B(α, p)14C p − L’observation directe des réactions nucléaires est particulièrement intéressante pour doser les éléments légers (Z < 17) à la microsonde nucléaire. Compte tenu des hauteurs des barrières de potentiel, seuls ces éléments sont excités aux énergies utilisées, avec des valeurs de réaction Q très souvent positives. Les éléments plus lourds ne peuvent pas interférer dans les déterminations et les particules émises ont une énergie suffisamment élevée pour autoriser l’élimination de toutes les particules rétrodiffusées, très simplement par un écran d’épaisseur convenable placé devant le détecteur 20Ne(p, (1) (2) Pour des deutons de 1,5 MeV et un angle d’observation de 135˚. Pour des protons ou des deutons de 2 MeV et un angle d’observation de 135˚. Quand aucune valeur d’énergie n’est indiquée, cela signifie que l’énergie de la particule considérée n’a pas encore été mesurée d’une manière précise pour les énergies incidentes utilisées dans la microsonde nucléaire. ou de façon plus élaborée par un deuxième détecteur monté dans un système de coïncidences rapides dit télescope. Les dosages sont isotopiques avec souvent le choix de plusieurs réactions utilisables pour un même isotope. Environ une cinquantaine de réactions nucléaires sont utilisables ; le tableau 1, rassemble les principales d’entre elles. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 2 563 − 9 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ 1.4.2.2 Résonances Certaines de ces réactions présentent une brutale variation de leur section efficace pour une énergie déterminée de la particule incidente ER . La réaction est alors appelée résonnante. De telles réactions sont très utiles pour les analyses en profondeur (figure 16) ; elles permettent souvent la localisation des éléments dans la masse de l’échantillon avec une résolution qui peut atteindre 10 nm. 1.4.2.3 Émission γ Certaines réactions nucléaires émettent des photons gamma. La méthode connue sous le nom de PIGE (Particle Induced Gamma-ray Emission) utilise principalement des réactions du type : A (p,x γ) B, par exemple : 15N(p,αγ)12C, 19F(p,αγ)16O, ... Une étude très complète des possibilités d’analyse dans la masse offertes par ces réactions a été faite par B. Borderie [25]. Les sections efficaces de ces réactions sont relativement élevées, mais les détecteurs de rayonnement gamma utilisés pour les mesures (cristaux Na(Li) ou détecteurs à semiconducteur) ont un bruit de fond supérieur à celui des détecteurs à barrière de surface utilisés pour détecter les particules en NRA (Nuclear Reaction Analysis) classique. La méthode PIGE mise en œuvre avec des protons et des deutons est souvent utilisée en même temps que la méthode PIXE. Elle permet la détermination d’un grand nombre d’éléments légers à partir du lithium ; elle peut s’avérer très précieuse pour déterminer certains rapports isotopiques tels 10B/ 11B [26]. Figure 16 – Analyse en profondeur par réaction résonnante Le tableau 2 résume les caractéristiques et performances des trois méthodes précédemment décrites et la figure 17 illustre les sensibilités comparées qu’il est possible d’atteindre. Tableau 2 – Caractéristiques et performances comparées de méthodes d’analyse par microsonde nucléaire Éléments concernés Profondeur d’analyse Résolution en profondeur Sensibilité (en µg/g) Sélectivité Émission X induite par particule (PIXE) Z > 11 0,1 à quelques µm mauvaise 5 à 100 (sur cibles épaisses) excellente Rétrodiffusion élastique de la particule incidente (RBS) Z>5 quelques µm 10 à 50 nm 100 à 1 000 Diffusion élastique de l’atome cible (ERDA) atome cible plus léger que la particule 0,1 à 0,5 µm (en réflexion) 1 à 10 µm (en transmission) 20 à 50 nm 10 à 100 excellente, isotopique dosage d’hydrogène avec 4He profil de concentration étalonnage absolu Z < 15 quelques µm 5 à 100 nm 1 à 1 000 très bonne, isotopique dosage des éléments légers profil de concentration étalonnage relatif Méthode Observation directe de réactions nucléaires (NRA) 1.5 Autres méthodes utilisables avec une microsonde nucléaire De nombreuses autres méthodes peuvent être mises en œuvre avec une microsonde nucléaire. Elles sont souvent dérivées des méthodes mettant en œuvre le bombardement par des électrons. 1.5.1 Spectrométrie par perte d’énergie Cette méthode, appelée STIM (Scanning Transmission Ion Microscopy), est celle qui, après les trois précédentes, a été récemment la plus développée avec des microsondes nucléaires. Elle consiste à mesurer, au moyen d’un détecteur de particules placé PE 2 563 − 10 Domaine d’application analyse multiélémentaire très sensible pour Z > 11 étalonnage relatif élément lourd dans matrice bonne pour légère Z < 30, profil de concentration isotopique étalonnage des autres méthodes étalonnage absolu derrière l’échantillon, dans l’axe du faisceau, la perte d’énergie des particules incidentes à travers l’échantillon, ce dernier étant suffisamment mince pour être totalement traversé par ces particules. La méthode STIM s’apparente à la microscopie électronique en transmission, elle a une résolution latérale moins bonne (actuellement 50 nm) [28], mais elle permet d’examiner des échantillons plus épais, de quelques dizaines de micromètres. Chaque particule émise étant détectée, la méthode nécessite des courants très faibles, de l'ordre de 10−15 A, aussi entraîne-t-elle peu de dommage pour les échantillons. Elle a surtout été utilisée en biologie en association avec la méthode PIXE pour des études au niveau cellulaire [29] [30] [31], mais ses applications en science des matériaux, notamment pour cartographier les microcircuits, sont également très spectaculaires [32] ; la méthode RBS est généralement utilisée simultanément pour mesurer avec précision l’épaisseur des différentes couches. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________________________________ MICROSONDE NUCLÉAIRE Figure 18 – Représentation schématique de la canalisation a et des spectres associés b Figure 17 – Sections efficaces comparées en émission X (PIXE), en diffusion élastique (RBS) et en réaction nucléaire (d'après Doyle et al.) [27] est utilisée pour les études sur les matériaux, en particulier sur les semiconducteurs [38] [39] et quelquefois sur des minéraux [40]. Elle a aussi été utilisée pour mettre en évidence les dommages engendrés dans les cristaux par l’impact du microfaisceau [41] et la présence de dislocations dans des couches de Si0,85 Ge0,15 formées par épitaxie moléculaire sur un substrat de silicium (001). 1.5.4 Spectrométrie des électrons secondaires 1.5.2 Microtomographie La microtomographie par faisceaux d’ions (IMT) ou 3D STIM peut être considérée comme une extension de la méthode précédente ; en effectuant des acquisitions successives sous différents angles d’incidence du faisceau, il est possible, avec un traitement informatique approprié, de reconstituer l’image tridimensionnelle de l’échantillon. Cette méthode, proposée en 1988 par A.E. Ponteau et al. [33], a été développée avec d’autres microsondes nucléaires, notamment à Melbourne [34]. Les mesures de pertes d’énergie sont souvent associées à celles des rayons X émis qui, eux aussi, sont tributaires de l’absorption dans le matériau. Cette méthode est encore en développement. Pour diminuer les temps d’expérience, souvent très longs (plusieurs heures), des dispositifs de mesure par temps de vol, qui acceptent des taux de comptage dix fois plus élevés que les détecteurs à barrière de surface, ont été récemment proposés [35]. 1.5.3 Microcanalisation La canalisation des particules chargées (figure 18) dans les échantillons monocristallins permet de localiser la position des défauts dans leur réseau. Avec un microfaisceau, il est possible d'appliquer la méthode à des échantillons polycristallins, à partir du moment où la taille des grains est supérieure à celle du faisceau et éventuellement à celle du parcours pour les échantillons massifs. Les mesures font appel aux différentes méthodes précédemment décrites, principalement RBS [36] et STIM [37] ; elles n’offrent pas de difficulté particulière mais nécessitent une platine goniométrique précise. La microcanalisation L’impact des particules chargées à la surface des échantillons entraîne l’émission d’électrons secondaires. Si ceux-ci sont détectés au cours du balayage de la surface des échantillons par le faisceau, il est possible d’obtenir une image de cette surface, comme avec les microsondes électroniques, avec toutefois une résolution inférieure. Cette application fut envisagée dès l’apparition des microsondes nucléaires [42]. De nombreuses microsondes nucléaires sont équipées d’un channeltron [43] [44] qui, toutefois, ne dispense pas d’un dispositif d’observation optique. 1.5.5 Ionoluminescence L’émission lumineuse engendrée par le faisceau de particules peut aussi être mesurée. Un dispositif de mesure des photons émis est monté à demeure sur la microsonde nucléaire de Lund [45]. La méthode peut apporter des informations complémentaires sur la configuration électronique des atomes irradiés. Des applications à la caractérisation de certains matériaux géologiques, organiques, semiconducteurs ont été envisagées [46]. Une cartographie rapide de l’échantillon peut ainsi être obtenue. 1.5.6 Mesure des courants induits par les particules Cette méthode est similaire dans son principe à la méthode EBIC (Electron Beam Induced Current) qui est largement utilisée pour l’étude des semiconducteurs, par exemple la mesure de l’activité électrique des joints de grains dans le silicium. L’intérêt des faisceaux d’ions est d’avoir une pénétration supérieure à celle des électrons, ce qui peut faciliter la préparation des échantillons, et d’offrir Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 2 563 − 11 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ simultanément de nombreuses autres possibilités de caractérisation. Un article récent et très complet fait le point sur cette méthode [47] désormais connue sous le nom de IBIC (Ion Beam Induced Current). L’obtention des images nécessite des courants très faibles (0,3 fA) et il est ainsi possible d’utiliser les tailles minimales de faisceau sans créer des dommages rédhibitoires dans les échantillons [48]. 2. Appareillage Une microsonde nucléaire se compose habituellement d’un accélérateur de particules, d’une ou plusieurs lignes de faisceau, d’un système de focalisation et de balayage, d’une chambre d’analyse et d’une informatique de gestion d’acquisition et de traitement des signaux. La figure 19 montre la configuration retenue pour la microsonde du Laboratoire Pierre-Süe équipée de deux lignes de microfaisceau. Figure 20 – Schéma des accélérateurs électrostatiques simple étage et double étage Figure 19 – Principe de la microsonde nucléaire du Laboratoire Pierre-Süe (CEA-CNRS − Saclay, France) 2.1 Accélérateur Dans la majorité des cas, les microsondes nucléaires utilisent des ions légers accélérés jusqu’à des énergies de quelques MeV, aussi des accélérateurs électrostatiques du type Van de Graaff (simple étage) ou tandem (double étage) sont-ils le plus souvent utilisés, bien que quelques lignes de microfocalisation aient été aussi montées sur d’autres types d’accélérateurs, par exemple sur des cyclotrons [49]. La figure 20 rappelle le principe des accélérateurs électrostatiques simple étage et double étage. Parmi la soixantaine de microsondes actuellement opérationnelles dans le monde, à peu près autant sont équipées d’accélérateurs simple étage que de double étage. Dans les accélérateurs double étage, la ou les sources sont extérieures et les ions sont accélérés au moins deux fois, une fois chargés négativement, et une fois ou plus chargés positivement après passage dans le stripper, à gaz ou à feuille mince, qui transforme les ions négatifs en ions positifs. À énergie de sortie égale, ces machines sont moins coûteuses que les machines simple étage. Le fait d’avoir les sources à l’extérieur donne plus de flexibilité dans les choix, et les changements de type de particule à accélérer sont plus rapides à exécuter. Toutefois les chocs de ces particules dans le stripper dégradent la brillance du faisceau et, s’il est possible d’obtenir des faisceaux d’ions hydro- PE 2 563 − 12 gène très brillants avec des sources du type Duoplasmatron [50], il n’en est pas de même pour les hélions, aussi les accélérateurs du type tandem sont-ils surtout utilisés pour les microsondes qui privilégient l’usage des protons [51]. Beaucoup de microsondes nucléaires ont été développées à partir d’accélérateurs existants plus ou moins anciens. Deux constructeurs au moins, l’un aux États-Unis (NEC), l’autre en Europe (HVEE), commercialisent couramment de petits accélérateurs bien adaptés à cet usage. La brillance de la source et la stabilité en énergie du faisceau extrait sont les deux principales qualités à rechercher pour cet usage. De nouveaux accélérateurs de configuration tandem, très compacts et capables de délivrer des faisceaux de protons de 1 à 3 MeV très intenses (1 à 5 mA), sont actuellement à l’étude. 2.2 Ligne de faisceau Les lignes de faisceau comportent un certain nombre de dispositifs permettant de conduire le faisceau sortant de l’accélérateur jusque sur l’échantillon. Ces dispositifs ont pour fonction de guider la trajectoire des particules (déflecteurs XY et éventuellement doublets quadripolaires), de délimiter la taille du faisceau au point objet du système de focalisation (fentes objets, éventuellement précédées d’un diaphragme), de contrôler la position du faisceau dans la ligne (profileurs, quartz escamotable) et de mesurer son intensité en différents points de la ligne (cage de Faraday escamotable). Parmi tous ces éléments, le système qui définit la taille du faisceau au point objet doit faire l’objet d’un soin particulier [52]. Les lignes de faisceau comportent très souvent un aimant qui permet d’envoyer les particules sélectionnées dans les différentes lignes et de fixer avec précision l’énergie de ces particules. Un vide de l’ordre de 10−4 à 10−5 Pa est maintenu dans les lignes de faisceau. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________________________________ MICROSONDE NUCLÉAIRE 2.3 Système de focalisation et de balayage Pour focaliser les faisceaux d’ions, on utilise des assemblages de quadripôles magnétiques. Depuis les travaux de Cookson et al. en 1970 [1], différents systèmes de focalisation ont été proposés et utilisés. Il est nécessaire d’avoir au minimum deux lentilles magnétiques pour focaliser le faisceau dans les plans horizontaux et verticaux. La figure 21 indique les configurations à deux, trois et quatre lentilles communément utilisées dans les microsondes nucléaires. Il est possible d’obtenir des faisceaux de taille micrométrique avec chacune de ces quatre configurations. Toutefois, les rapports de grandissement obtenus ne sont pas les mêmes et le choix de la configuration dépend du choix de l’accélérateur. La qualité des réalisations mécanique et électrique des lentilles, ainsi que la précision de leur positionnement sur la ligne de microfocalisation et la stabilité du courant qui les alimente, sont des facteurs déterminants pour la qualité du faisceau. Des solénoïdes supraconducteurs ont été aussi proposés et utilisés pour cet usage [54, 55, 56]. Ils présentent l’avantage d’avoir une bonne acceptance angulaire et d’avoir des coefficients d’aberration faibles. En revanche, la précision mécanique requise pour leur réalisation fait qu’actuellement encore les résultats obtenus sont inférieurs à ceux que l’on peut attendre avec des lentilles magnétiques. Les différentes aberrations qui affectent les lentilles magnétiques sont similaires à celles de lentilles optiques [57, 58, 59, 60, 61]. L’aberration chromatique, qui vient de la dispersion en énergie de la source, est la plus difficile à éviter. Elle est d’autant plus importante que le rapport de grandissement image/objet est faible. Ce rapport est rarement inférieur à 0,1, aussi, dans une microsonde nucléaire, est-il nécessaire de fortement diaphragmer le faisceau au point objet, ce qui explique la nécessité d’avoir un faisceau incident particulièrement brillant. Des dispositifs de microfocalisation sont actuellement commercialisés par plusieurs laboratoires ayant développé leur propre microsonde nucléaire [62] [63]. Ces dispositifs, clefs en main, permettent d’obtenir assez rapidement des faisceaux micrométriques à partir d’accélérateurs existants de bonne qualité. Un dispositif électromagnétique ou électrostatique de balayage permet de déplacer le faisceau dans les deux directions X et Y à la surface de l’échantillon ; l’amplitude du déplacement permet d’atteindre quelques centaines de micromètres dans ces deux directions. Au-delà, c’est l’échantillon qui est déplacé pour éviter une défocalisation du faisceau trop importante aux bords de la zone balayée. 2.4 Chambre d’analyse La chambre d’analyse comporte le porte-échantillons et différents dispositifs d’observation et de mesure. Il est en effet indispensable de pouvoir repérer et observer optiquement la partie de l’échantillon analysée. En utilisant les électrons secondaires émis par le bombardement ionique, l’imagerie est possible [64] [65] mais en général insuffisamment précise en usage courant, aussi un dispositif optique ayant des rapports de grandissement de 10 à 1 000 s’avère-t-il indispensable. Compte tenu des différentes interactions utilisées avec une microsonde nucléaire, plusieurs types de détecteurs doivent être présents dans la chambre d’analyse : détecteur X (Si(Li) et/ou Ge HP), détecteur de particules annulaires ou latéraux (à barrière de surface), détecteur de rayonnement gamma, channeltron... Il doit être possible d’utiliser ces détecteurs simultanément. Certains d’entre eux doivent pouvoir être munis d’écrans amovibles de façon à sélection- Figure 21 – Enveloppe des faisceaux de quatre lentilles quadripolaires (d’après Grime et Watt) [53] ner le rayonnement mesuré par son énergie. La mesure du courant est généralement faite soit sur l’échantillon lui-même, soit au moyen d’une cage de Faraday ou d’un palpeur escamotable, soit indirectement en utilisant une interaction bien étalonnée. Pour la détermination des éléments légers, un vide particulièrement poussé doit régner dans la chambre d’analyse (10−6 à 10−8 Pa). Ce vide est généralement obtenu par des pompes à diffusion ou ioniques. Le temps nécessaire pour l’atteindre justifie l’usage d’un passeur d’échantillons. Celui-ci doit permettre les déplacements de l’échantillon dans les trois dimensions et sa rotation autour d’au moins un axe perpendiculaire au faisceau. Pour les études sur les matériaux, il est bien entendu possible d’installer dans la chambre d’analyse différents dispositifs mécaniques et/ou thermiques pour suivre les évolutions de l’échantillon en continu au cours de différents traitements. Dans tous les cas, les vibrations sont à éviter soigneusement lors des mesures à l’échelle micrométrique. Il est également possible d’utiliser des faisceaux extraits pour analyser les échantillons qui ne supportent pas le vide ou qui nécessitent une atmosphère contrôlée (liquides, échantillons biologiques, par exemple) ou de trop grandes dimensions pour prendre place dans une chambre d’analyse (objets de musée par exemple). La sortie du faisceau est en général réalisée à travers une membrane très Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 2 563 − 13 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ fine en acier inoxydable, en Al/Au, en Kapton... [66]. Le choc des particules, sur les atomes de la membrane, puis sur les molécules de gaz rencontrées, engendre une défocalisation du faisceau, aussi a-ton intérêt à réduire leur parcours hors du vide. corréler à la position sur l’échantillon et au nombre de charges reçues. Les progrès de la micro-informatique ont rendu ces systèmes relativement conviviaux [67, 68, 69, 70, 71, 72, 73]. Là encore, des systèmes clefs en main sont désormais disponibles [74]. 2.5 Électronique de pilotage et de mesure 2.6 Microsondes nucléaires en France Dans les microsondes modernes, le positionnement du faisceau sur l’échantillon est géré par ordinateur en déplaçant le faisceau luimême et/ou le porte-échantillons. Il est ainsi possible d’obtenir une cartographie en deux ou trois dimensions de la répartition des éléments dans la zone étudiée. L’électronique de mesure doit traiter en permanence les signaux provenant des différents détecteurs, les Cinq microsondes nucléaires existent actuellement en France. La première d’entre elles fut développée par C. Engelmann et ses collaborateurs à partir d’un accélérateur Van de Graaff de 4 MV existant dans le Centre d’Études de Bruyères-le-Châtel [75]. Le tableau 3 résume les caractéristiques principales de ces microsondes. Tableau 3 – Caractéristiques des microsondes nucléaires en France Système de focalisation Rapport R image/objet Particules accélérées Taille minimale du faisceau Distance du dernier quadrupôle à l'échantillon Observations p, d, 3He, 4He 5 × 5 µm 2 21 cm Première microsonde nucléaire développée en France, mise en service en 1981. Usages multiples : archéologie, biologie, géologie, métaux, semiconducteurs. p, 3He, 4He 1,4 × 1,7 µm 2 23,5 cm Voie de microfaisceau développée au laboratoire. Principales applications : échantillons biologiques, matériaux. p, d, 3He, 4He 25 × 25 µm 2 27 cm Microsonde développée au laboratoire. Principales applications : échantillons géologiques, semiconducteurs. Implantée dans la cour du Louvre, cette installation est principalement destinée à la caractérisation des objets de musées. Deux voies de microfaisceau dont une destinée à l'analyse d'échantillons radioactifs. Principales applications : échantillons géologiques, matériaux. Localisation Accélérateur Centre d'Études de Bruyères-le-Châtel [75] Van de Graaff de 4 MV horizontal HV Quadruplet Russe Centre d'Études Nucléaires de Bordeaux Gradignan [76, 77] Van de Graaff de 4 MV vertical HV Quadruplet Russe Centre d'Études Orléans [78] Van de Graaff de 3,2 MV vertical HV − KN 3 000 Doublet Laboratoire des Musées de France Paris [79] Accélérateur tandem de 2 MV horizontal Pelletron NEC Rx = 0,013 ; Ry = 0,04 p, d, 3He, 4He 2 × 2 µm 2 16 cm Laboratoire Pierre-Süe Van de Graaff Centre d'Études de de 3,75 MV horizontal Saclay HV - KN 3 750 [80] Doublet type Heidelberg Rx = 0,14 ; Ry = 0,033 p, d, 3He, 4He 1,5 × 0,7 µm 2 25 cm Rx = Ry = 0,178 Rx = Ry = 0,10 Rx = 0,34 ; Ry = 0,047 Triplet (OM-150) HV : Accélérateur High Voltage Engineering Corp. (USA), société créée en 1946 par Van de Graaff, a produit de très nombreux accélérateurs encore en usage. NEC : Electrostatics International Inc. Middleton (USA). Produit actuellement des accélérateurs simple et double étage. OM : Oxford Microbeam G.B. commercialise des systèmes de microfocalisation. 3. Domaines d'application 3.1 Comparaison avec quelques autres méthodes d'analyse locale Le tableau 4 indique les caractéristiques des méthodes d’analyse locale qui sont le plus souvent utilisées en science des matériaux. Ce sont des caractéristiques moyennes et les informations apportées PE 2 563 − 14 par les différentes méthodes sont plus souvent complémentaires que concurrentes. Ainsi les deux premières méthodes concernent les premières couches atomiques, ce qui n’est pas le cas de la microsonde nucléaire. La microsonde électronique a le même domaine d’application que la méthode PIXE mais avec une sensibilité et une profondeur d’analyse beaucoup plus faibles. En revanche, des observations avec une résolution de l’ordre de 10 nm sont possibles parallèlement à l’analyse, ce qui permet de corréler la composition élémentaire aux nanostructures. Toujours dans le domaine de l’analyse X, les microsondes utilisant le rayonnement synchrotron peuvent désormais atteindre une Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________________________________ MICROSONDE NUCLÉAIRE taille de faisceau de 1 µm au moyen d’un système de focalisation par lentilles elliptiques multicouches de Bragg-Fresnel [81]. Avec les nouvelles sources synchrotron, particulièrement brillantes, en cours de développement, cette méthode devrait conduire, sans dommage pour l’échantillon, à des sensibilités meilleures, d’un ou deux ordres de grandeur, que celles obtenues par la méthode PIXE, surtout pour les éléments lourds ([101] de ce traité). En effet, ces éléments ont des sections efficaces d’ionisation relativement faibles avec des protons de quelques MeV, alors qu’ils peuvent être excités sélectivement par effet photoélectrique avec un rayonnement d’énergie adaptée à leur nature. Enfin, les échantillons peuvent être examinés sous pression, sans dégrader la qualité du faisceau. La microsonde ionique a été aussi l’objet de développements importants, au cours des dernières années, qui ont amélioré sa résolution latérale et sa quantitativité, bien que les effets de matrice inhérents au principe même de la méthode demeurent. L’analyse en profondeur n’est possible que par pulvérisation ionique des couches successives de l’échantillon, aussi l’analyse est-elle destructive. Malgré cela, la sonde ionique est probablement l’outil qui se rapproche le plus de la microsonde nucléaire par ses applications : dans les deux cas, pratiquement tous les éléments sont concernés, l’analyse est locale à l’échelle micrométrique et isotopique. La microsonde laser fait aussi appel à la détection des ions par spectrométrie de masse, mais à temps de vol. Sa résolution et sa sensibilité sont comparables à celles de la microsonde nucléaire, mais, jusqu’alors, elle est utilisée pour des analyses en des points précis des échantillons. En fait, l’avantage essentiel de la microsonde nucléaire sur les autres sondes est d’apporter de multiples possibilités de caractérisation, faisant appel à des processus physiques différents. Parmi ceux-ci, les différentes interactions utilisées sont totalement indépendantes des liaisons chimiques de l’atome et permettent donc un étalonnage simple et direct. Pour les études sur les matériaux, cette propriété est particulièrement précieuse pour la localisation et le dosage précis des éléments légers. Enfin les microsondes nucléaires sont encore en cours de développement et toutes leurs possibilités ne sont pas totalement explorées. Par exemple, celles d’apporter localement de très fortes quantités d’énergie peuvent conduire à des matériaux nouveaux. Tableau 4 – Comparaison de différentes méthodes d’analyse locale Méthode Rayonnement incident Rayonnement mesuré Éléments mesurés Épaisseur concernée Résolution latérale Limite de détection at/at Résultat XPS Rayons X Photoélectrons Électrons Auger Tous 0 à 5 nm 2 µm > 10−2 semi-quantitatif liaison chimique Auger Électrons Électrons Auger Z>2 0 à 5 nm 20 nm > 10−3 qualitatif et semi-quantitatif Microsonde électronique Électrons 100 keV Rayons X Z > 11 (DE) Z > 5 (DL) 0,1 à 1 µm 0,5 µm 10−5 à 10−3 semi-quantitatif Microsonde SXRF Rayonnement électromagnétique Rayons X Z > 11 100 µm 1 µm 10−7 à 10−5 semi-quantitatif Microsonde ionique SIMS Ions 20 keV Ions Tous Abrasions successives des couches atomiques 0,2 µm 10−9 à 10−5 isotopique semi-quantitatif Microsonde laser LAMMA Photons Ions Tous 1 µm 0,5 µm 10−7 à 10−4 isotopique Microsonde nucléaire Particules chargées MeV Rayons X et γ, particules chargées, neutrons Tous 1 à 10 µm 0,3 µm 10−6 à 10−4 quantitatif isotopique possible défauts structuraux DE : détection en énergie ; DL : détection en longueur d’onde 3.2 Limite d’emploi de la microsonde nucléaire Pour les différentes méthodes de dosage utilisées avec une microsonde nucléaire, la sensibilité et donc la limite de détection locale sont tributaires de la statistique de mesure. Pour mesurer un nombre d’événements compatible avec une statistique convenable, il faudra augmenter considérablement le nombre de charges reçues par unité de surface. Cela peut se traduire par des dommages susceptibles de fausser totalement le résultat des mesures. Le mécanisme des interactions particule-matière commence à être bien connu dans le cas des faisceaux d’électrons. Il n’en est pas de même pour les faisceaux d’ions légers à une énergie incidente de l’ordre de quelques MeV. Plusieurs phénomènes peuvent être identifiés. 3.2.1 Échauffement C’est l’effet le plus visible ; la plus grande partie de l’énergie dissipée dans la cible est transformée, la température de l’échantillon s’élève jusqu’à ce qu’un équilibre thermique s’établisse avec les pertes de convection, radiation et conduction. Pour les microfaisceaux, il est généralement admis que les pertes par conduction sont dominantes. En reprenant les travaux de Talmon et Thomas pour les électrons [82], plusieurs auteurs [83, 84, 85] ont calculé la température maximale atteinte par un échantillon mince, placé dans un support refroidi, et irradié uniformément. Suivant la nature du matériau irradié et la distance au support refroidi, l’élévation de température peut varier de plusieurs ordres de grandeur et aboutir rapidement à la fusion de l’échantillon au point d’impact. Pour ramener l’échauffement à des valeurs acceptables tout en conservant une intensité de courant compatible avec des déterminations précises, le balayage Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 2 563 − 15 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ rapide de la cible et le dépôt d’un film conducteur en surface de carbone ou d’or sont couramment utilisés [86]. 3.2.2 Érosion Avec des ions légers ayant une énergie incidente de quelques MeV, l’érosion de surface est généralement considérée comme négligeable, tout au moins pour les cibles épaisses. Toutefois, elle dépend de l’énergie de liaison et peut conduire à des erreurs dans le cas des matériaux faiblement liés tels les matériaux biologiques ou organiques. Dans ce cas encore, le dépôt d’un film d’or en surface peut réduire le phénomène. 3.2.3 Migration des éléments sous irradiation Cette migration a été très étudiée sous faisceau d’électrons [87] et elle a souvent été mise en évidence lors des analyses avec les faisceaux d’ions, notamment dans les verres [88] et les semiconducteurs. Les mécanismes sont complexes et encore mal connus, mais l’ionisation le long de la trajectoire de l’ion incident joue certainement un rôle prépondérant. Certains éléments paraissent beaucoup plus mobiles que d’autres. Par exemple, il a été montré que, dans les mêmes conditions d’irradiation, l’hydrogène et l’oxygène migrent beaucoup plus facilement que l’azote ou le carbone dans des conditions identiques [89]. Par exemple, les possibilités analytiques offertes par la microsonde dans le domaine des éléments légers permettent d’analyser les espèces volatiles (H2O, CO2, F, Cl, S, N) qui sont à l’origine des processus éruptifs. Ainsi le fluor a pu être mesuré par la réaction 19F(p, p’γ)19F dans des inclusions piégées dans des cristaux d’olivine provenant de l’Etna, en utilisant des protons de 3,4 MeV [92]. Ces inclusions vitreuses sont connues pour être riches en éléments volatils : Cl (2 200 à 2 340 µg.g−1), S, CO2 et H2O. La teneur moyenne en fluor est de 585 ± 60 µg.g−1. Le rapport F/Cl des inclusions vitreuses basaltiques est de 0,25, ce qui est 2 fois plus faible que celui déterminé pour la globalité de la roche (0,45 à 0,52). Les résultats montrent que le fluor est conservé dans le silicate fondu pendant que la différenciation progresse, mais que, en revanche, le chlore a été partiellement perdu pendant ou après l’éruption. Par ailleurs, dans ces inclusions, on a analysé par micro-PIXE [93] les concentrations en Rb (figure 22). Cet élément hygromagmaphile constitue un traceur des processus de différenciation. On a ainsi pu déterminer le coefficient de partage entre l’inclusion vitreuse et le minéral et montrer que la cristallisation a procédé de façon fractionnée. 3.2.4 Conséquences pratiques Il paraît indispensable de limiter les densités de charge reçues par l’échantillon à l’échelle micrométrique. Cette limitation se fait au détriment de la sensibilité et de la précision de la méthode. Elle peut limiter dans la pratique, notamment en RBS et NRA, l’usage des faisceaux de très petite taille, mais elle est indispensable pour conserver un signal significatif de l’échantillon. À titre d’exemple, des intensités maximales de 10−11 A.µm−2 pour les protons de 3 MeV et de 10−14 A.µm−2 pour les particules alpha de 2 MeV ont été recommandées pour des dosages dans les verres [88]. 3.3 Applications de la microsonde nucléaire Les applications de la microsonde nucléaire dans des domaines aussi variés que la géologie, l’archéologie, la biologie, les sciences des matériaux ont été largement discutées dans plusieurs articles de synthèse [5] [90] [91]. Nous nous contenterons de résumer les principales applications et de les illustrer par un ou deux exemples. 3.3.1 Géologie La localisation et la détermination quantitative des éléments en traces permettent de suivre les conditions de formation des minéraux et d’étudier les mécanismes de production et d’évolution des magmas, leur cristallisation, le métamorphisme et le métasomatisme. En particulier, la microsonde est un outil bien adapté à l’étude des inclusions magmatiques intraminérales qui constituent des sondes du phénomène volcanique. Ces inclusions sont des gouttelettes de magma piégées pendant la croissance cristalline et préservées à l’état vitreux après la trempe, leur taille variant entre 1 et 300 µm. L’aptitude de ces inclusions à enregistrer l’évolution géochimique permet d’accéder aux différents processus qui gouvernent la genèse du magma. PE 2 563 − 16 Figure 22 – Analyse en micro-PIXE effectuée sur une inclusion vitreuse et sur le minéral hôte (olivine) [100] Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________________________________ MICROSONDE NUCLÉAIRE 3.3.2 Archéologie Les principaux travaux d’intérêt archéologique concernent les études de provenance des matériaux, de techniques de fabrication et d’usages des outils préhistoriques. On peut ainsi mettre en évidence l’explication des techniques de soudure utilisant des minerais de cadmium pour la fabrication d’alliages à bas point de fusion dans de nombreux objets iraniens et syriens d’époques romaine et byzantine, en utilisant l’imagerie PIXE du cadmium [94]. Un autre exemple a pour cadre l’anthropologie historique et participe à la recherche d’informations sur l’état sanitaire, les structures sociales et les conditions de vie des populations. Il concerne l’étude des vestiges osseux humains médiévaux découverts à Trion Gerlier dans la banlieue lyonnaise. L’examen en PIXE à la microsonde nucléaire des sections transverses de diaphyse de fémur montre des profils anticorrélés du plomb et de calcium (figure 23) [95]. Ces profils croisés reflètent les échanges importants qui ont eu lieu entre le sarcophage et le tissu osseux. Le plomb, éventuellement à l’état de traces dans l’os, atteint des concentrations de l’ordre de 10 % au niveau du périoste. 3.3.3 Biologie − Médecine Dans ces domaines, les utilisations de la microsonde nucléaire sont très nombreuses. On peut citer l’analyse des cellules isolées [96], l’étude par traçage isotopique de 15N du mécanisme d’assimilation des substances azotées par le soja [97], l’analyse de dents, de cheveux, etc. Un exemple récent d’application concerne l’étude de l’action du cisplatine au niveau cellulaire [98]. Le cisplatine est un agent antinéoplastique cytostatique dont les principales indications thérapeutiques sont les cancers du testicule, de l’ovaire, des voies aérodigestives. Il est généralement utilisé en association avec d’autres médicaments anticancéreux. Les dosages en RBS de C et N et ceux en PIXE de P et K sont parfaitement corrélés (figure 24) : ils permettent de définir sans ambiguïté la position des cellules dans les échantillons. La localisation d’autres éléments en PIXE (Mg, S, Cl, Fe, Cu, Zn, Pt) permet de juger de leur répartition au sein même des cellules. L’étude a montré que le taux de platine intracellulaire augmente linéairement avec la concentration du cisplatine dans le milieu et aussi que cet élément ne présentait pas de localisation particulière au sein des cellules traitées (figure 25). Figure 23 – Analyse par PIXE de la distribution de Ca, Pb du périoste vers le canal médullaire, dans l’os Trion Gerlier [95] Figure 24 – Cartographie des distributions élémentaires en C, N (RBS), P, K (PIXE) de cellules IGROV1-p en monocouche [98] 3.3.4 Sciences des matériaux Les composants électroniques constituent un domaine important d’application. On utilise la bonne résolution latérale de la microsonde, qui est de l’ordre de grandeur des dimensions caractéristiques des motifs, pour obtenir à l’échelle micrométrique des informations sur l’homogénéité des profils de concentration de dopants, la stœchiométrie et la composition des films minces, la localisation des contaminants. Parmi les études promises à un grand développement, on peut citer celles des défauts cristallins comme les dislocations, qui peuvent être effectuées par canalisation en transmission [99]. La figure 26 représente la localisation d’un défaut de métallisation observé en STIM sur un composant électronique et mesuré par micro-PIXE. Le composant était constitué d’un empilement de couches W, Ti, Al recouvert par une couche de passivation en SiO2 de 1,1 µm d’épaisseur. Cette couche empêchait l’analyse du circuit en utilisant un faisceau d’électrons. La distribution de W correspond à celle attendue tandis que celle de Ti présente un défaut probablement produit par une imperfection du masque utilisé. Plus généralement, dans les matériaux, on utilise la petite taille de la sonde soit pour mesurer des profils de diffusion d’éléments légers par des réactions nucléaires sur des coupes transverses d’échantillon (on peut ainsi obtenir des informations sur des épaisseurs de l’ordre de 100 µm), soit pour localiser des précipités, des impuretés, mesurer des inhomogénéités de composition dans les joints de grains ou détecter des écarts locaux à la stœchiométrie. Ce dernier point est particulièrement important dans les supraconducteurs à haute température critique dont on sait que les propriétés électriques sont directement liées à la teneur en oxygène. Généralement les échantillons ne sont pas monophasés et peuvent contenir YBa2Cu3O7−x et la phase verte Y2BaCuO5 ainsi que des oxydes de Cu. Des mesures effectuées avec la microsonde nucléaire ont montré que des précisions de l’ordre de 4 % pouvaient être atteintes. Dans ces conditions, des inhomogénéités d’oxygénation ont pu être mises en évidence sur des échantillons massifs texturés [14]. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 2 563 − 17 MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________ Figure 26 – Localisation d’un défaut de métallisation observé en STIM et mesuré par micro-PIXE sur un composant électronique [91] Figure 25 – Distribution en C, Pt, K, Fe d’une cellule IGROV1-p exposée à 200 µg/mL de cisplatine pendant 2 h [98] PE 2 563 − 18 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P O U R Microsonde nucléaire par E N Gilles REVEL Docteur ès Sciences Directeur du Laboratoire Pierre-Süe (CEA-CNRS) et Jean-Paul DURAUD Directeur-adjoint du Laboratoire Pierre-Süe (CEA-CNRS) Bibliographie Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] COOKSON (J.A.), FERGUSON (A.T.G.) et PILLING (F.D.). – Proton microbeams, their production and use. 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