Cliquez sur le titre de l'article pour accéder directement à la page concernée EDITORIAL il .:." DERNIÈRES ENTRÉES '. ::~~ .... "J'-;; .\ - . Dr Jean-Mane Thiébaud ~ G~ ~~'~! ~- iii p.l A LA UNE Le Journal des Francs-Tireurs et Partisans français_ Jacqueline Faure Dons et acquisitions récentes. Jacqueline Faure p. 41 [DJ [0 FORUM _" ... .. - p.2 BIOGRAPHIE Histoire d'un bagnard: Anthelme Collet. Pierre Pommarède ~ -:--_-..,.--c p.3 . .:: p. 42 et courrier des lecteurs. SONOTHÈQUE Création d'une partithèque_ Entretien réalisé avec Laurent Delbecq. p. 43 Sylvain Roux DOSSIER GENEALOG.IE GÉNÉALOGIE, DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE ET GÉNÉTIQUE DE POPULA TION Jean-Noël Biraben p. 13 GÉNÉALOGIE ET GÉNÉTIQUE MÉDICALE Stéphane Richard p. 16 .? --~J • _______ GÉNÉALOGIE ET FAIENCIERS DE BERGERAC AU XVIIIe S/ECLE du 1" jui11ct 1901 p. 19 ASSOCIATION L'A.R.A.H., histoire et archéologie dans un canton du Bergeracois. Philippe Jayle p. 10 EXPOSITIONS ANIMATIONS BIBLIOTHÊQUE Bibliographie généalogique. . François Bordes p. LE DISCOURS DE LA MÉTHODE Cartographie de la Dordogne. François Bordes p. Un texte ancien et sa transcription. Raymonde Sarlat 1<Ç~I ~~~~~EUR "---- 39 45 PALÉOGRAPHIE p.12 A voir. p. 26 Claude Lacombe NOBLESSE ET GÉNÉA.L.OGIE EN PÉRIGORD . Joëlle Chevé p.20 LOI p. 45 Martine Duhamel GÉNÉALOGISTES PÉRIGOURDINS Patrick Esclafor de .la Rode p. 30 INÉDIT InstitutiO.n . du. Cale.ndrier Républicain le 24 octobre 1792 Martine Duhamel LA PROFESSION DE GÉNÉALOGISTE Interview de Mona Siegel. p. 50 p. 48 édit - é:11 c> .r- 1 IEDAtTElJR.,~N.·.êHEF Bernafd···REVIR1ÊGO COMITÉ.DELE~TURÊ FtançoisBORDES, Joëlle. CHEVÉ, Michel COMBET, Patrick ESCLAFER de la RODE,jacqùelineFAURE, Bernard FOURNIOUX, Dominîque GRANDCOIN, Claude LACOMBE, Bernard REVIRIEGO. REDACTION Jean-Noël BIRABEN, François BORDES, Joëlle CHEVÉ, Martine DUHAMEL, Patrick ESCLAFER de .la RODE, Jacqueline FAURE, Philippe JAYLE, Claude LACOMBE, Pierre POMMARÈDE, Stéphane RICHARD, Sylvain ROUX, Raymonde SARLAT. TRAVAUX PHOTOGRAPHIQUES Renée HASSE et Denis BORDAS (atelier photographique des Archives départementales) MAQUETTE, MISE EN PAGE Thierry BOISVERT etrImprimerieFANLAC PHOTOGRAVURE Image,Sarlat IMPRESSION Imprimerie Fanlac ZAC Pareau Avenue Winston-Churchill .24660 Coulounieix-Chamiers Véritable phénomène de société, la généalogie s'est, au fil des années, hissée au rang de science historique à part entière. Débordant des recherches d'intér&t purement personnel et familial, les quelque 70 000 généalogistes amateurs qui fréquentent assidûment les dépôts d'archives se sont lancés dans le dépouillement systématique des registres paroissiaux et d'état civil, des minutes notariées, etc., pour offrir à leurs contemporains et aux générations suivantes des banques de données qui serviront de base aux chercheurs, aux démographes, aux sociologues, aux médecins et àtous les passionnés d'histoire disposant désormais d'un maillage microévénementielle plus serré possible, en contact direct avec la vie quotidienne des Français des siècles passés. Ayant acquis de solides notions de paléographie, d'onomastique, de sigillographie, d'héraldique et d'histoire loco-régionale grâce à l'action permanente de formation menée par les associations qui les regroupent, les généalogistes sont devenus des lecteurs estimés des archivistes, avec lesquels ils collaborent à la sauvegarde de documents constituant notre patrimoine. ils contribuent aussi à des publications, comme en témoigne le numéro spécial de « Mémoire de la Dordogne" consacré à la généalogie abordée sous les angles les plus divers afin d'ouvrir des champs d'investigations toujours plus vastes, permettant d'appréhender la richesse des archives et, à travers cellesci, de l'homme et de son milieu, montrant ainsi que généalogie et histoire sont des sciences humanistes intrinsèquement liées. ABONNEMENtS Deux numéros par.an: 70 F (à partir du N° 5) Prix .à .l'unité : 35 F Bulletin d'abonnement à l'intérieur de la revue. Diffusé par D.C.P~. 9013 ISSN 1241-2228 DépÔt légal à parution Le contenu pes articles n'engage que la responsabilité cie leurs auteurs. Dr Jean-Marie THIEBA UD Président de la Fédération Française de Généalogie A LA UNE Ce journal des Francs-Tireurs et Partisans français puis des Forces françaises de l'Intérieur a commencé à paraÎtre en juillet 1944. Hebdomadaire imprimé à Bordeaux, c'est le premier journal de la presse cc libre " dans une période encore suspecte. ÉDITION SPÉCIALE su~.prément cu n' Organe des Francs-Tireurs et Partisans Fronçais _ Le Hum •• ÉDiTION DE LA DORDOGNE _ ..../ La 24 AOût 1944 lib~:! C~;~àlele d:r:~~ref ~aY:e ef!! ~~i~:I;t ..: ~~r~;~rred:t g~:uf;!~iS~~: j~urnée d'hier. 5 gens de to~t~s aspirations politi~ Paris a ete libéré par les Forces 1 ques ou rellgl,e uses . . Françaises de l'Intérieur. Le PeuI~ France d Abord )) - ce titre pie Parisien a libéré sa vÎlle de qUI. est tout. un pro~ram:·ne .au~ l'oppression allemande. Après qua. i torlse "?tre JO(J~~al a ad.le~ser a!a tre jours de combat, les Boches ont; population parisienne ~I eprou\'ee dû quitter la grande ville au rayon. ~n salut fraternel tres chaleu· nement univeresl. La France re~: 1 eux. trouve son cœur. La ville d'où sontt Nos vaillal1ts Francs-Tireurs Par~ partis· tant d'idêes gênereuses et d.e t!Sa!1:; Fran~4:.isJ qui} üans notre mouvements de libtrté n'est plUS! )!~i:',ionJ r,;ù~·!JelÎt (le !1omt;reux Pa~ souillée par :a canaille nazie. Lai r:sie~15 Llï:l~V, .. ,:(; :f!l!!' ville par la Il i i la ~J~lI~~i~:\(~U n~lt~~~~'I'a~~I;'I~~[ !~Ub~~~ hitlél'ienne rl(,s ~'ou:ps qui chaque jour,l'acculent il la défaitt>. La libéraùon de dizatlle et de dizalllll ùe département~ français par 1er; propres F.F.I., la libération de llotr(' (~apitale PAlUS p~l" Je peuplr l,l' ~~:,/~'~I:.:~::, l~~~~~re (~uPl~~;d:U~~ti~~ FI'll11Ce y ont, leur place. Elles ont, :lU ('ours de C(1«; dUH'S dernières aD.- Ilée6 de 1ufte montré qu'eHee étaient rIes cOlllbatl alltf's. { 'omme letlJ'fi !'OœU1"6 d'Espagne, de l'U.R: :-\.K dl' L'.\ )lgJr.tCl"re elJes v(~nlent la pin ('t' (le notr(' payti par la par- ilt'livl'lllt;mt p.artÎ('ipé au ('ombat. 1ic-ipa1 ion dfec:tuét> il lu. gtlûrl'e. La victoire est ('11 mal'che ! Aeti_ La Fl·ance se libèrf'. Aux glo- \'olls-lit. .rÎensf'!; .actions de., F.T.P.F. et rle L<-t 1!'rallt:'e pl'bentl"!lu c0mbat" s~ra pl'ésente à }.a victoire. :rO~~C:I::~!~~e d~al~:u~~en~~~e! ~~; ~:~~~~:;Cl~:L ~i!~~~~~l~~a~~e~~s I~:;~ ;l~~S all~~~((~~r ~.'i~~l~;I~~td~en~~I~f;' 1 allx formations {'ombatla:ntes, 100 pèl'{'S de familJc's lIombreusefi. doi,'pnL s'enrôlet' dl' suite dans ,les Mi_ l tees Patl'iotiqucs. Les Femmes de à l'origine de la ~Iorieu!le Révolu-I camarades de combat pour leur ma- noLl'e gl'and .:\IARSEILLE. Hiel· la 1::============ mu, à NONTRON tion Française. Le Paris des sans- I gnifique exploit. Les gars de chez radio nous ;ll~nonçait la libél'ation 1· oulottes, le Pari~ de la prise de la 1 Fi:enault, de chez Citroën, tous les de Grenoble, capitale Ju Dauphiné, Bastille, celui du Champ de Mars, 1 ouvriers, les employés, les fonc- bul'ceau de la. Révolution Français~ celui de 1848, celui de la Grande tionnaires, les commerçants, tous Chaque jour le boche est chassé de Commune de 1871, celui de 1934 et les patriotes qui, à Paris. ont pris notre territoire, chaque jour le terde 1936 Se retrtluve, fidèle à son I les armes sont les frères de ceux 1 ritoire lib?rf. (10 notre patI'ie traditionnel passé de lutte pOur la 1 qui, depuis si longtemps, combat-I ti'agrnntlt!, Dans t'Ju1es les \'il!,,~, ùanf' tous Liberté. tent daJ1s notre département j nos! ,\ ux 1pl Plll Js:-aLlll" dt'fil;j t'~; "Il- IC5 villages de noll'l' J )/~partement, La ville a' eté prise par 50.000 citadins et nos pavsal1~ du Péri-I hieR pal' 1~'6 bo('ht ... l'II li'al"Tlce, les périgourdin-s {HU )Ilanifesté leur homme::> des F.F.I., soutenus par gord. Gavroche est le frare de Jac- s\'ljouh'llt jonl' ~ar j.our, lH'llr~ ~ar joie a J'annonce de la libération du l'ensemble de la po;miation. A pa-I quou le Croquant. hf>lll'C', cl'lil'''' qlll lm o!'ulll IIlfhgef~s notre capitale, de notre PARIS, par les F.F.I. , ris comme dans l'ensemble du pays, 1 Paris n'est pas ::.eulement aux 1 SUl' ton~ le:.. rl'(lJlt~ (le :!llI'I't·e. chacun a fait son devoir et l'unionl Parisiens, il est à la France el1-' L'offl'11""'l' d(~c!l'l1,dlt~t' à l'Est Partout dans les vi!l1ages" ù, l'an_ est à ,~ base Ju. ::uccès. Le Peuplel tière. Il est à tous ceux ,!ui, dans par l'Al'1uél.l Hougc t:olltinue ho pro- nonce de cette gra.nde nouvelle, lee de ,.pa~ls. a toujours s~ f!1!mtrer le ~onde, cherche~t la Llb~r~é! la grr's);û\'. Déj!:i Grollatz,' Yassi sont drapeaux français et alliés ont :é~ qu Il etait capable de s unir Im·s- Justice, le Progres, la Civilisa- libért'eR, d'autrC's ville.. sont encer- al'borés. que la lib~rté ét~it :tI.enapée. Déjà, tion. clée~. En Italie les troupes angloA ~ontron, cetts libération a. é-~ en 1934, Il avait fait echec aux amp.l'i'('aine!l conti'nuent leur avanproje~s des hitlérien~ français, et ,ie VIVE PARIS! cC'. Let> pays vassaux se désagrègent accueillie par une grands Manifest.ation Patriotique. Malgré l'or3ge 1936 a 1939, ton umon dans la lut~ VIVE LA FRANCE! ùu bloc hitlérien. Aujourd.hui c'est et la pluie battante, la population la Roumanie qui demande l'Armis- entièœ, répOilldant il. l'appel lanœ. tice. La force du peupJ.e soviétique pal' le Comité loca.l do Libération, et de 'Sa gloriE'usc Armée Rouge, s'était II.1assée à 4 heures sur J.81 soutient des peuples .opprimés de place de la l\i.airie. Précédée par 181 tous- ·les pays d'Europe, amène [es Garde Nationale, le cortège se rend peuples de ces pays àcxiger deleul'S au :\iollument aux Morts. â~uv~~~~~:, o~'~~~Ses~e fe~:i~ Des repré'sentants du Comité L0.• d'autres peuples 6e joindront à la cal de Libération, des C.F.L. et dee F.T.P.F., prononcèrent ensuite.dee Roumanie, Nous devousle' dire, c'est l'exem- allocutions rendant hommage a.UI Périgueux et Bergerac sont li .. ne !'ont pa!'. égoistC'ti, kl. joie de leur peuple parisien et exaltèrent J.a. vople de la ·France qui s'e,st Jevée bres! Les derniers cambate de la pl"o]?re libération ne les rend pas Dordogne furent meurtriers. :Bèau_ indlÎfp.renl.,; il ('1' qui ~t' pa,se6 ail- d'un 6.eul bloc pour se libérer, qui lonté . de lutte d. tout le peupl~ françflls. retentit dans Ill' monde. coup des nôtres ont trouvé la. mort lClll". dans le combat. La liste de 'l10fi Aprf.~ une 'f'ibrimte Marseill.J.aü;.e; T,a France -qui, jamais, n'a, .cesséI)n !-(·nt l,al'lOul 1(' d?:,ir de pa,rti. martyrs s'est allongée de nouveaux ~'!J'el" ph16 activement il. la victoire Je combat, cOllt,Înu à être, h~ fla.m- p.ntonnée pal' lI's enfallts des écolOil noms. rapide et définitive SUl" le boche beau de la Libert~ et est iL l'av~nt et repl'i~e en chœur par to'lltl !Lii Dans nos villes et nos vina.ges on criminel. On sent ]a volOOlté d& ne garde de tous les peuples ôpprimés. population NO'lltra.Illlais6 la l'4Jqli... En ·avamt patriotes França.is~ en f~tation se poursuivit jusqUt'aJl s'.p.a.bitue à la -liberté depujs ]ong~ pas laissir bl'iser l'union, gage de temPe perdue et tÜ chèrement re- victoire aussi bien que de recons- avant Périgourdins! La lutte doit SoIr. se poursuivre j~u'au bout et sana """'luise. Partout :0 dxa.pe.an <tr:i- truction rapidp. ùe notre pays. Nontron, !pOUr un j01ll', • .v~'b i1'6'" f~~lees'e. Toue 'nous de~ons y par· trou~é sa. physionnomie de. 14 -colore flotte aux fenê~res, sur lefi. tlclper. Les hommes vafiidea an juillet d'autrœ-ol.&. Mais a'U.&fli, eUe éctifÎCI'IJ l'ublk•• iller en a pav~ .'enrolant dan& les F.T.P,F., h.Juo a montré'par SI3 :5pon~~, fWt yo.. (Voir ta suite en 3- page) iipOlltauémeut .à l'annonce de la les F.F.I .. ceux trop âgée ou moa- \onté d. oontiJD.n,e. la &u1>ta lia", ;i>ri&e de Pari.. Les P~rigourdJn. pable. phy.aquement de !lO j!J!i"dxe l'uni.n Ve1'6 la. victoire. 24 AOUT 1944 PERIGUEUX et BERGERAC libres 1 Jalons chronologiques. 19.08.1944 : libération de Périgueux. 21.08.1944: libération de Bergerac. 25.08.1944: libération du département. i: Jacqueline Faure 2 f-------- BIOGRAPHIE Mareuil avait déjà son forçat, Mary Cliquet qui fut maire, notaire et bagnard dont Alberte Sadouillet-Perrin a conté l'aventure 1. L'histoire du Nontronnais cc s'enrichit» d'un deuxième bagnard: Anthelme Collet. Un hôte pieux, riche et généreux 1 - S.douillet-Perrin (Alberte). Notaire, maire et forçat. Le Bugue, éd. 01 Contou, 1981. Jeanne Reclus, veuve Martin, tenait auberge à La Rochebeaucourt, non loin de la collégiale Saint-Théodore. Un petit bourg de trois cent quinze habitants frileusement replié pour échapper aux brouillards de la Nizonne. Une étape quasi obligatoire pour les voyageurs et les marchands en route vers Angoulême. Le 15 mai 1819, très exactement - elle avait la cinquantaine, mais gardait bonne mémoire -, l'aubergiste vit arriver un « individu d'apparence riche» qui prit pension au prix de six francs par jour. Cet « individu» au front large et au cou épais, était un beau parleur. Il exhiba un passeport au nom d'Anthelme Gallot, originaire de la commune de Luthézieux, dans l'Ain, et affirma qu'il venait de prendre les eaux àDax. Il se disait riche et propriétaire de grands biens. Il s'intéressait aussi au sort de la veuve: elle ne tiendrait plus auberge et il paierait les études de son fils. Jeanne Martin fut éblouie, fit partager son admiration par son gendre Pierre Lassort, et continua àporter la nourriture à ce nommé Gallot qui venait de s'installer chez une autre veuve, Mme Lasfond Janet, une hôtesse qui ne tarda pas, àson tour, d'être séduite par la faconde du nouvel arrivant, lequel désirait pour rétablir sa santé (il était somnambule) demeurer dans ce site « convenant à son état de valétudinaire ». Sans méfiance, au reçu d'un billet d'une valeur de six mille francs, elle lui vendit une partie de ses terres et de ses vignes et lui assura la jouissance d'une de ses maisons. A la fin du mois de juillet, arriva également à l'auberge de la veuve Martin un chef de bataillon àla retraite, Jean-Marie Fournier, la quarantaine, portant beau, décoré de la Légion d'Honneur, aimant raconter ses campagnes. « Bien que son physique ne l'eut point prévenu en sa faveur », il se lia d'amitié avec Gallot dont il admirait la générosité « et la sollicitude envers les pauvres ». Un Gallot qui lui proposait d'être régisseur des biens considérables qu'il possédait du côté de Lyon, l'engageait au salaire annuel de mille francs, l'incitait à entreprendre le commerce de ses vins et à fonder une famille. Le militaire'ne cacha pas son enthousiasme. Gallot et lui partiront le vingt octobre. Enthousiaste aussi, le secrétaire de mairie qui exerçait les fonctions d'instituteur, Marc Bérion, sensible « à la vie exemplaire» d'Anthelme Gallot, lequel avait conduit àson école le fils de la veuve Martin et celui d'un métayer du comte de Béarn, en payant le premier mois de scolarité. • Portrait de Collet, par Garnier, publié dans l'ouvrage de Ginisty. (Références en fin d'article). Photo AD. 24. Le curé fut, au début, plus réticent. Pierre-Alcide Fournol venait d'être nommé desservant. Mais comment ne pas admirer « la grande piété» de son nouveau paroissien, être sensible àl'étalage de ses richesses (mille cinq 3 cents francs de rente), remercier pour les habits d'enfants de chœur qu'offrait Anthelme, et surtout accueillir les confidences de ce généreux donateur qui avait envie d'être prêtre? Ainsi se déroulaient les jours aux bords de la Nizonne, jusqu'à l"automne, plus précisément le 17 septembre 1819. Gallot avait annoncé son départ pour Périgueux où il devait toucher une grosse somme - 30 000 F - chez le trésorier payeur général de la Dordogne. li ne reviendra au pays que quatre mois après, quatre longs mois durant lesquels le commandant, l'aubergiste, le curé, l'hôtesse, l'instituteur et bien d'autres firent leurs comptes. L'escroc devait 6 000 F à Mme Lasfond, 700 F à la veuve Martin, 385 F à son gendre, 700 F au commandant Fournier (toutes ses économies), les frais de scolarité à l'instituteur, dix bouteilles de vin de Bordeaux au marchand Pierre Hérier, secrétaire de mairie à Mareuil. Quant au curé Fournol il avait bien réellement prêté douze louis d'or (240 F) à Gallot « pour ses frais de voyage et d'habillement ». Près de neuf mille francs, au total, qui étaient partis sur la route de Périgueux avec la jument (impayée) du régisseur du comte! main, pour se saisir le suspect et l'amener à la mairie de Mareuil. Le premier magistrat, Alexandre Dereix, l'interroge longuement. Avec aisance, Gallot raconte que n'ayant pas trouvé à Périgueux la somme promise, il était parti vers son pays, avait vendu ses titres pour la somme de 290 000 francs, que dix voitures garnies de mobilier allaient arriver à La Rochebeaucourt, accompagnées de son beau-frère, le père de l'enfant qui lui servait de domestique. Anthelme ajouta que son passeport avait été volé, avec des habits, dans la diligence, entre Brioude et Clermont. Perplexe, le maire le consigne « provisoirement» à domicile et sous la garde de Jean Durand-Faureilleres, greffier de la Justice de Paix de Mareuil et écrit au maire de Luthézieux. Gallot exprima alors, par crainte d'être' emprisonné, son désir de trouver une personne qui voulut bien « répondre de lui» et offrit aux greffiers, aux notables, des bijoux qu'il prétendait « de grands prix»: tabatière en vermeil et pierres précieuses de couleur jaune, serties dans des bagues d'or. Une transaction qui était bien tentante: plus tard, on retrouvera ces bijoux - au demeurant faux - dans le coffret de l'épouse du greffier. Un retour très attendu Une enquête bien difficile Près de quatre mois s'étaient écoulés lorsqu'une nouvelle incroyable se répandit dans les ruelles de La Rochebeaucourt: Gallot était revenu en Périgord. Le lendemain de l'Epiphanie (7 janvier 1820), le marchand Hérier l'avait reconnu et interpellé à Châteaul'Evêque. Gallot avait affirmé, tout tranquillement, qu'il venait de son pays, qu'il avait vendu pour le prix de 190 000 francs sa propriété de Passin, près de Luthézieux, qu'il était en route vers La Rochebeaucourt suivi d'une dizaine de voitures transportant « ses meubles et ses objets précieux» et surtout qu'il dédommagerait tous ses creanCIers. Il arriva à La Rochebeaucourt, le 10 janvier 1820, accompagné d'un enfant qu'il prétendait être son neveu. Tous l'attendaient de pied ferme. Fournier « lui parla en militaire et lui asséna des vérités assez dures ». Le curé soupirait. Le maire exigea de viser son passeport. Gallot assura l'avoir perdu et rassura la veuve Martin: elle sera remboursée dès l'arrivée de ses équipages. Soupçonneux et prudent, le maire ordonna de le garder à vue à l'auberge le temps d'avertir le maire et le juge de Paix de Mareuil. Le brigadier Bouiz, de la gendarmerie royale de Mareuil arrive, à cheval, le lende• 4 1 • A maire perplexe, juge de paix rusé! Léonard Rastouil, la cinquantaine bien sonnée, était, par devoir, à l'affût des rumeurs du canton. Il connaissait les dettes de Gallot. Il avait lu, dans «L'Indépendant» du 21 décembre 1819, les escroqueries commises au Mans par un certain Gallat. De Gallat, à Gallot, la similitude était curieuse. De plus, un certain Raymond Giboin, dit Lafleur, ancien concierge de la prison d'Angoulême, affirmait avoir incarcéré un sieur Collet dont le signalement ressemblait étrangement à celui de Gallot. Lequel Collet en avait profité pour l'escroquer en lui remettant une bague ornée d'une pierre jaune. Rastouil décida de l'interroger. Les cinq longues pages de l'interrogatoire du 19 janvier 1820, apportaient des révélations nouvelles: Anthelme Gallot avoua que, dans son pays, on l'appelait Collet, qu'il était un ancien sous-inspecteur aux Revues, en station à Vannes, ancien capitaine au 47e d'Infanterie, qu'il possédait des biens (domaines et maisons de maître à Passin) vendus récemment pour la somme de 290 000 francs. li précisa qu'il était revenu de l'Ain par la voiture appelée « Célé· rilaire », qu'il coucha à Château-l'Evêque, puis à l'auberge de La Forge du Plessac. Il revenait à La Rochebeaucourt pour rembourser ses dettes et y attendait un convoi de dix voitures de mobilier. Léonard Rastouille questionna ensuite sur un emprisonnement éventuel à Angoulême et un probable séjour au Mans. Angoulême? Gallot y avait séjourné en 1813, pour déficit dans sa comptabilité de sous-inspecteur; il n'avait pas remboursé le concierge de l'argent qu'il lui avait prêté. Le Mans? Il Y séjourna voici deux ans, pour gérer une propriété de la valeur de 25 000 francs et se lia d'amitié avec des personnes de la société (Madame de SaintVictor, les demoiselles de Saleix, Monsieur d'Hauteville) et des ecclésiastiques de la ville : le chanoine Pasquier et le curé de Saint-Julien. Enfin, Gallot ajouta que son frère Etienne avait été sous-préfet de Belley, et que l'enfant qui l'accompagnait était le fils de sa sœur Claudine, mariée avec René Audinot. prêtre, l'abbé Lacroix - lui proposa, le 10 décembre dernier, de l'embaucher comme domestique. Ils partirent ensemble pour Périgueux. Jamais son maître ne fut volé. La confrontation fut décisive. Anthelme Gallot avoua, en pleurant, que l'enfant avait dit vrai, mais que l'article de « L'Indépendant » avait quelque peu exagéré la vérité. Le greffier posa sa plume, Rastouil se frotta les mains: c'était une bonne prise qu'il fallait incessamment conduire à Nontron, devant le procureur du roi. Quant au petit Audinot, « attendus les égards dus à son âge, à sa position, à la sincérité de sa déclaration », il demeurerait à Mareuil jusqu'à la décision du tribunal. Il ne restait plus qu'à établir le signalement de Collet: « Agé, selon lui, de 35 ans, mesurant 1,66 m, cheveux et sourcils châtain brun, front couvert, yeux bruns, nez gros et épaté, lèvres épaisses, visage plein, teint coloré, barbe châtain foncé. Individu d'une forte complexion ». Les registres de police de la sous-préfecture de Nontron indiquent que « Anthelme Gallot, dit Gallet» fut incarcéré à la prison de Nontron, le 23 janvier 1820, pour vagabondage. Un danton périgourdin • Jugement de la Cour d'Assise du Mans, accompagné d'un portrait. Coll. P. Pommarède. Photo A.D. 24. Restait à interroger le jeune Audinot, ce gamin de 15 ans que l'on était allé chercher à La Rochebeaucourt. Nicolas Vallade, greffier et adjoint au maire de Mareuil, nota que c'est « avec ingénuité et versant des larmes» qu'Audinot donna une version bien différente: il était né au Mans d'une famille pauvre et besogneuse. Un certain M. Gallot - par l'entremise de la tenancière du café « du Grand Salon» et d'un Le procureur du roi du tribunal de Nontron était Charles Fouillère : ce fut son substitut, François-Marie Mazer·at, qui fut chargé de l'affaire Gallot-Collet. Extrait des prisons de la sous-préfecture, le prévenu subit de nouveaux interrogatoires durant trois semaines. Le temps pour Mazerat de consulter les « feuilles ministérielles» et spécialement la 76e feuille où le signalement de Gallot-Collet figurait sous les numéros 17 et 27 : c'était bien le même personnage. La fiche prétendait qu'il « ressemblait à Danton ». Jusqu'au jour où, « avec la plus sublime vénération» le Danton périgourdin se décida à écrire au procureur le récit de sa vie. Trois longues pages d'affirmations surprenantes. Selon cette confession, le prisonnier aurait vécu deux ans (1801-1803) chez le curé de St-Vincent, à Châlon-sur-Saône, et aurait été élève à l'école militaire de Fontainebleau d'où il sortit avec le na 600 - pour rejoindre à Brescia le 101 e de Ligne. Blessé, recueilli à l'Hôpital de Faugnia, il est recueilli par un curé chez qui il séjourne deux ans. Entré chez les missionnaires de Saint-Pierre à Cardinal, il reçoit les ordres mineurs et le sousdiaconat des mains de Mgr Dérosa, évêque de Voliera. Un ministre du roi Joseph Bonaparte le fait réintégrer dans l'armée comme lieutenant au 6e de Ligne. De Gaëte, il se rend à 5 Rome, rencontre l'abbé Faut (ou Foë), secrétaire du Cardinal Fesch, s'introduit chez lui et lui dérobe des modèles de lettres de prêtrise et de bulles pontificales. Parti vers Turin, GallotCollet aurait alors acheté deux voitures, endossé une soutane, joué le rôle de prêtre et d'évêque. Par la suite, il sera, suivant ses dires, officier de santé, général-inspecteur, commissaire de guerre, supérieur des Frères des Ecoles Chrétiennes, et, en prime, chevalier de Saint-Louis, de la Légion d'Honneur et du Lys. Par la suite, il habita La Rochebeaucourt et « malheureusement» Le Mans. Il n'en fallait pas plus pour que Mazerat maintint l'incarcération de Gallot, multipliât ses messages en direction de l'Ain et de la Sarthe et poursuivît ses enquêtes à La Rochebeaucourt et à Mareuil. Faux évêque et pseudo-général Du Mans, le procureur du roi réclamait l'inculpé. Le 8 février, Charles Fouillère décida le départ vers la Sarthe « du nommé Grenoble en 1813. Sa peine purgée, il s'est établi à Passin, dans l'Ain, où il a escroqué 600 louis, dont la moitié à un riche propriétaire nommé Charpentier. Il a disparu en mai 1819 et on le retrouve à Toulouse, chez les Ignorantins, auxquels il soutire la somme de 6 000 F. Le rapport arriva sur le bureau des juges d'instruction du Mans, presqu'en même temps qu'Anthelme Gallet, et rejoignit un épais dossier - près de trois cents documents soigneusement classés et conservés dans les Archives de la Sarthe - où se côtoient les actes officiels et les allégations les plus surprenantes d'Anthelme. Il était établi que Collet était né à Belley le la avril 1785. Engagé au 101 e d'Infanterie, il fut blessé au siège de Gaëte, en juillet 1805, et profita de son hospitalisation pour déserter. A partir de ce moment-là, les registres militaires perdent sa trace. S'est-il, comme il l'affirme, réfugié dans un couvent en Calabre, a-t-il reçu les ordres mineurs et le sous-diaconat, a-t-il dilapidé les quêtes du monastère et escroqué pour une forte somme - 20 000 francs - un crédule banquier napolitain? Gallot-Gallas, dont le véritable nom paraissait être Collet, forçat arrêté pour escroquerie ». Il signalait au lieutenant de gendarmerie de Non tron, le chevalier Le Carlier de Veslud, que l'inculpé était «fripon, très rusé et très adroit» et que les gendarmes devaient, de brigade en brigade, avertir leurs collègues. Message reçu. Le Maréchal des Logis Petit fut chargé de cette mission. Veslud lui écrivit, le 9 février, que « cet individu très rusé, essaierait, par tous les moyens physiques ou moraux de s'échapper ». Opinion partagée par le sous-préfet de Nontron qui, le la février, écrivait au préfet de la Dordogne • Collet, en allumeur de réverbères, au bagne de Rochefort, dessiné par le forçat Clamens. « qu'il était bien à craindre que Gal/ot ne soit assez rusé pour s'échapper en route ». Ce qui faillit arriver à Tours où Gallot avait pris le nom "son ,evaslOn. . Heud,un autre d'etenu et prepare reusement, le concierge de la prison empêcha sa fuite imminente. Collet-Gallot partit donc de Nontron le la février 1820. Une semaine après, arriva sur le bureau du procureur du roi un rapport circonstancié de Faussey, son collègue au tribunal de Trévoux. Faussey signalait que l'homme était un fameux escroc, qui s'appelait en réalité Anthelme Collet. Après avoir vécu deux ans chez des Chartreux, il se fit passer pour évêque, officia et procéda à une ordination. Tantôt chirurgien-major, tantôt généralinspecteur, il a puisé dans toutes les caisses ... Arrêté chez le préfet de Montpellier, il a été condamné à cinq ans de galères par la cour de 6 Bibliothèque municipale de Rochefort. Photo Je Laurent. Sa prudence l'amène à Rome, sous le nom de Comte de Tholozan. Il se lie avec le secrétaire du cardinal Fesch, dérobe des lettres de prêtrise et de nominations épiscopales, réapparaît en soutane violette, sous l'identité de Dominique Pasqualini, évêque de Monfredonia et arrive à Nice. Ecoutons son récit: « Je fus reçu avec toutes sortes d'égards, me présentant à l'évêché comme parent de Napoléon. Je fus au séminaire où j'haranguais les trente trois séminaristes qui allaient être ordonnés prêtres. L'Evêque de Nice, Monseigneur Colonna, me demanda de les ordonner. Je refusai par scrupule, il insista beaucoup et je me tranquilisai en réflé- chissant que la fraude serait tôt ou tard découlouse et les nouvelles escroqueries au Mans verte et qu'on ordonnerait de nouveau les prêcommises auprès d'un orfèvre, d'un boulanger tres... Puis, ayant appris par cœur un sermon de et d'un notable pour 200 000 francs. Il énuméra Bourdaloue, je prêchai dans le diocèse et je parus aussi les méfaits dont Collet s'était vantés au extremement e'1oquent... ». cours de l'instruction: «Il prit tous les masques, A ce récit, l'inculpé en ajouta bientôt un joua tous les rôles, changea de nom, porta pluautre. Il se fabrique une commission de généralsieurs décorations, se revêtit de toutes les digniinspecteur, quitte sa soutane pour un uniforme tés civiles, militaires et religieuses ». chamarré et s'appelle désormais le Comte de Pourtant, M. Ginisty, en 1925, a sillonné Borronio. A Valence, le faux général désigne ' la France, fouillé les archives, interrogé la presse et les érudits locaux et n'a trouvé trace vingt-deux officiers pour constituer son ni du faux évêque ni du pseudo inspecteur escorter,se fait remettre 20 000 francs pour les général. « C'était un mythomane », conclut-il. fonds secrets d'une pseudo «armée de CataloD'ailleurs Collet n'avait-il pas affirmé, durant gne », et, de la même manière, puisse dans les l'instruction« qu'il n'avait dit, quotidiennement caisses publiques, 30 000 francs à Nimes, qu'une vérité, lorsqu'il célébrait la Messe et réci200 000 francs à Marseille. tait le Domine non sum dignus » ? Voici, toujours suivant ses dires, Collet à Montpellier, présidant une prise d'armes, Jugement reçu avec honneur par le Préfet Nogaret auquel il a promis le Grand Cordon de la Légion et condamnation d'Honneur. C'est entre la poire et le fromage Anthelme Collet comparut, le 11 sepqu'à la stupeur du Préfet et de ses hôtes, le chef tembre 1820, devant la cour d'Assises du Mans. d'escadron de gendarmerie Glane entre dans L'affaire avait attiré une affluence extraordila salle à manger, interpelle le faux général et naire. L'avocat général, Gratien-Valère Girard, lui met la main, si j'ose dire, au collet. Toute se lança dans une série d'invectives, il traita la ville jase et s' esclaffe, Nogaret veut prendre Collet de « caméléon », «reptile », « Tartuffe ». sa revanche, organise un autre cliner où, au desDans une conclusion ampoulée, il s'écria: «Il sert, il montrera l'escroc menottes aux est temps qu'il entre dans le séjour du crime... La poignets. postérité gravera les noms et, les crimes Seulement, voilà. Il y a des besoins presd'Anthelme Collet en caractères ineffaçables d'âge sants et des gendarmes compréhensifs. Et des en âge... Collet, ouvre ton cœur aux remords, toilettes lointaines près des vestiaires où sont appelle à ton secours la Religion, cette dernière accrochés les habits des extra de la préfecture. consolatrice du malheur et du crime... ». Girard Collet, en habit de serveur, présente les nouréclama vingt ans de travaux forcés, l'imposigats et les petits fours, trouve une porte tion du carcan et la marque de l'infâmie. ouverte, s'enfuit dans les ruelles. Réfugié dans Collet, d'une voix forte et sonore, «proune maison proche, il nargue, de sa fenêtre, le pre à la déclamation, aux inflexions agréables préfet faisant ses ablutions matinales. comme celle d'un prédicateur », reconnaitra tous La confession de l'escroc se termine. les faits qui lui étaient reprochés. Il se déclara Devenu médecin aide-major à Saumur, - il coupable «d'un tissu de bassesses et de forfaits» confiera qu'il n'était pas prodigue en médica« avant que le fer brûlant du carnifex ne le marments dont il ignorait la valeur thérapeuquât de l'empreinte des criminels ». tique - il réapparait à Toulouse comme sousLe 12 septembre 1820, il est condamné supérieur des Frères de la Doctrine Chrétienne. ,. ' a vmgt ans de travaux f rorces et transf'ere, a, 1a Le temps d'escroquer au frère Siré une somme prison de la Visitation du Mans. Le 9 novemimportante avant de partir vers la Dordogne bre suivant, la cour de cassation rejette son et la Sarthe. pourvoi. Le 24 novembre, le condamné fut Voilà ce qu'il déclarera aux trois juges conduit au Mans, place de la Halle, et attaché d'instruction du Mans, dès le 23 avril, et qu'il au carcan durant une heure; le bourreau lui affirmera lors de son procès aux Assises. Le applique ensuite un fer brûlant portant les letprocureur du Roi, Girard, en ses conclusions tres T.F. (Travaux forcés). du 11 juillet, rappela la réalité des escroqueries, les cinq condamnations, le bagne, y ajouta la Une vie de bagnard condamnation de Collet - au tribunal de Toulouse (16.7.1819) - à dix ans d'emprisonneAnthelme Collet fut d'abord transféré ment pour avoir escroqué les religieux de Touau bagne de Brest, le la juillet 1821. C'était A 7 l'époque des mISSIOns religieuses et Paul Ginisty a retrouvé les cantiques pieux chantés par ses compagnons de boulet: « Bénissons à jamais Le Seigneur dans ses bienfaits... Il a brisé ma chaîne Comme un puissant vainqueur Il me comble à toute heure... » li est vraisemblable qu'il a songé, dès son arrivée au bagne, à briser une autre chaîne et repartir vers de nouveaux méfaits. Surnommé « l'Evêque », il continuait à escroquer ses camarades d'infortune: on l'envoya au bagne de Rochefort. li y arriva précédé d'une singulière auréole. Ses récits avaient transpiré, des journalistes et des éditeurs s'arrachaient ses confidences. Le fondateur du « Figaro », Althoy, en 1827, le journaliste Appert en 1835, vinrent le visiter. On connait au moins treize ouvrages inspirés par lui. Le ton est donné par Raissac « chefd'instruction» à Marennes qui préface ses « Mémoires d'un condamné» (1836). « Quand on s'est élevé du rang le plus obscur au point de jouer alternativement les rôles distingués d'évêque et de généra~ on a acquis nécessairement la célébrité. Ce n'est pas une affaire que d'ordonner des prêtres et de nommer des officiers, de donner des bénédictions à pleines mains et de distribuer à profusion des décorations et des épaulettes. Tel est cependant le personnage qui va conter sa vie au public... ». On comprend que la notoriété de Collet attira les autres bagnards et les artistes de Rochefort pour lesquels il posa avec assurance. L'administration le nomme, au bagne, allumeur de réverbères, ce qui était une position enviable. Le temps passait. La libération approchait. Collet devenait de plus en plus fébrile. Le 5 novembre 1840, il prend « un coup de sang» et est transféré à l'hôpital du bagne. Un hôpital rudimentaire où il contracte une pleurésie. Le 24 novembre 1840, Anthelme réclame un prêtre et meurt. Il avait cinquante-cinq ans. lait le procureur Girard? Est-ce tout? Non. Aux Archives nationales, demeure un dossier, le nO 1425 de la série F 7 - 9349. Un dossier sur lequel se trouve cette mention « Anthelme Collet, dangereux escroc ». Mais ce dernier - communiqué à un certain M. Lecomte - est vide. Comme dans un roman de Maurice Leblanc. li y avait de l'Arsène Lupin, du Vautrin, du Vidocq et du Scapin sous le front proéminent de ce rusé et ce fripon. • Moulage du crâne de Collet. Bibliothèque de l'école de médecine du Musée de la marine de Rochefort. Photo Je Laurent. Le Mélo s'empara très vite des aventures du forçat. Dans les marchés, les foires, comme au coin des ruelles, au Mans comme en Périgord, on chantonna, sur l'air d' « Il pleut bergère », une complainte que je viens de retrouver: « J'avais dans mon jeune âge Le vice dans mon cœur Et mon libertinage Causa tout mon malheur! Enhardi par le crime... » Pierre POMMAREDE Le crâne nO 19 C'était l'époque du docteur Gall et du professeur Lombroso. La direction du bagne décida d'effectuer le moulage de son visage et de conserver son crâne. Je les ai retrouvés, sur une étagère, au Musée de la Médecine de Rochefort, portant le nO19. Son dossier, le dessin du forçat Clamens le représentant en allumeur de réverbères, son portrait par Garnier, ce moulage et le crâne, restent-ils les « souvenirs ineffaçables» dont par8 Sources - Archives départementales de la Dordogne: 2 Z 3 et 2 Z 119. - Archives départementales de la Sarthe: 1 U 816 et 1 U 773. - GINISTY (Paul). Vie, Aventures et incarnations d'Anthelme Collet. Paris, Perrin, 1925. -Jugement rendu par la Cour d'Assise du Mans condamnant Anthelme Collet. Imprimé, s;l;ni d; enrichi d'un portrait et d'une complainte (archives particulières). - Bibliothèque municipale de Rochefort, manuscrit Clamens. - Musée de la marine. Bibliothèque de l'école de médecine. Rochefort. Diverses biographies - La vie de Collet. Mayenne, Leroux, 1820. - La vie de Collet. Toulouse, 1826. - Mémoires d'un condamné (autobiographie). Paris, Bourdin, 1837. - Vie de Collet. Niort, Robin, 1837. -Mémoires d'un condamné. Marennes, Raissac, 1829. - Mémoires de Collet. Bourg, Boltrier, 1839. - Mémoires d'un condamné. Nelle, Moreau, 1840. - Vie de Collet. Rochefort, 1840. -Anthelme Collet, mort au bagne de Rochefort. Avignon, Auffray, 1840. - Vie du célèbre Collet. Paris, Lebailly, 1842. -Vie et aventures d'Anthelme Collet. Paris, Desbleds, 1842. - Vie de Collet, Saintes. Pathonet, 1857. - Mémoires d'un condamné. Paris, Legrand et Bergounoux, 1826. - LEDRU (Chanoine A.) - Différents articles dans la «Province du Maine» (1821 - avril 1822). « Echo de la Sarthe» : 2 juillet 1821. Anciens Musiciens de la Dordogne 1925 - 1955 PRODUCTION Musée du vin et de la batellerie Ville de Bergerac Sonothèque des Archives Départementales de la Dordogne ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE LA DORDOGNE ~..,: ()no;olŒa..'rlldcbf:tni<W • Batellerie: le Musée de la batellerie de Bergerac et la Sonothèque des Archives départementales ont coproduit un diaporama sur vidéo-cassette évoquant l'histoire de la batellerie sur la rivière Dordogne. Cette vidéo est empruntable sur demande. • Parfums de bal: photographies et histoire des musiciens de bal des années 1925 à 1955. En vente sur place (90 F). 9 \ > ASSOCIATION _ _ _ _ _ --t. 1 LZI l"juillet 1 t - - .- - 1901 L'A.R.A.H., histoire et archéologie dans un canton du Bergeracois. En mars 1990, une dizaine de personnes se sont réunies à La Force, avec le désir de ne plus laisser se dégrader davantage les vestiges du château des ducs, appartenant à la famille de Caumont, et dont la décrépitude s'aggravait chaque jour un peu plus. Il fallait agir vite ... Ainsi prit naissance l'A.R.A.H., « Association de Recherches Archéologiques et Historiques du Pays de La Force ». Dans ses statuts, l'association fixa ses limites territoriales à celle du canton de La Force, tout en diversifiant ses actions pour la sivement l'histoire du canton et, depuis, régulièrement, certaines personnes de l'association fréquentent les archives départementales. Long mais passionnant travail, parfois rendu difficile par la dispersion, hors de ce même département, de nombreux documents concernant cette histoire. La nécessité de publier les résultats de ces recherches conduit, dès 1991, à la création d'un bulletin semestriel d'une trentaine de pages. Organe de liaison et d'information pour l'ensemble des membres (le n O 7 est prévu au • Le château de La Force (façade nord), avant sa démolition en novembre 1793. Coll. S.H.A.P. Photo P. 8elaud. « recherche, l'inventaire, l'étude et la sauvegarde de son patrimoine archéologique et historique ». Par la suite, son terrain d'investigation s'étendit aux communes de Gardonne et de Lamonzie St-Martin, de l'actuel canton de Sigoulès, qu'un découpage administratif antérieur à la Révolution française avait rattaché à la juridiction de La Force. La première entreprise fut une recherche en archives afin d'y reconstituer progres10 mois de juin de cette année), il est ouvert à des articles de fond concernant l'histoire et l'archéologie, à des récits événementiels ou à la quête d'une mémoire collective et populaire qu'il est essentiel de recueillir et de transmettre avant qu'elle ne se perde. Pour la première fois cette année, l'A.R.A.H. se propose d'éditer un petit fascicule regroupant une sélection de plus de 70 cartes postales anciennes et rarissimes sur le bourg de La Force à l'aube du XXe siècle. D'autres tentatives SUIvront ... De nombreux autres projets ont été définis. Le plus ambitieux est le programme de restauration des vestiges du château de La Force dont le pavillon central, dit des« Recettes », inscrit aux Monuments historiques depuis 1932, en reste l'unique témoin et symbole. L'association, conjointement avec la municipalité, a multiplié les rencontres et les contacts, tant avec la famille de Caumont, qu'avec les Bâtiments de France, la Direction Régionale des Affaires Culturelles et l'architecte en chef des Monuments historiques. Ces fontaine, dite « de Belzunce », du nom de l'évêque de Marseille, né à La Force dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Elle est en fort mauvais état et mériterait d'être restaurée. Aussi, en accord avec ses propriétaires, l'association envisage d'organiser, au printemps prochain, une journée de dégagement et de nettoyage ... en attendant sa réhabilitation totale. D eux fois par an, au printemps et en automne, une journée promenade est organisée et propose à nos membres de partir à la découverte de la richesse patrimoniale de la Dordogne ou des départements limitrophes. Ce sont là des moments de rencontre empreints de convivialité et de bonne humeur, ambiance que l'on retrouve par ailleurs lors de nos assemblées, de nos conférences et des diver, . programmees , en cours d" annee. ses reumons Depuis de nombreux mois, l'A.R.A.H. entretient des liens privilégiés avec deux autres associations aux buts équivalents avec qui elle partage ses passions du patrimoine et de l'histoire. TI s'agit de 1'« Association Historique de Ribagnac », créée pour la sauvegarde du château de Bridoire et de 1'« Association de la Renaissance du Vieux Bruzac », pour la réhabilitation et l'animation culturelle de ses deux châteaux. • Fragment de statue trouvé au Touron en 1932. Photo Ph. Jayle. nombreuses démarches ont été concrétisées, en 1993, par la pose d'une grille et d'un portail de fer forgé afin d'interdire l'accès de ce pavillon et de le protéger des diverses dégradations dont il était devenu l'objet. L'A.R.A.H. souhaiterait faire de cet endroit, une fois restauré, un lieu de mémoire sur l'histoire de ce château et des Caumont, et y accueillir des expositions, des conférences ... en faire un lieu de culture et d'échanges. Un second projet d'envergure concerne le « Touron », proche du bourg de La Force, et répertorié sur le plan d'occupation des sols comme un lieu gallo-romain. Nous souhaiterions y entreprendre des fouilles. Les démarches sont en cours. A Saint-Pierre-d'Eyraud, il existe une • Sceau de cire rouge aux armes des Caumont La Force. 1730. Coll. part. Pour toute information complémentaire ou pour adhérer à l'A.R.A.H. (cotisation simple: 80 F - cotisation couple: 120 F), adressez votre correspondance à: - M. Philippe JAYLE, promenade des Pradasques, 24130 La Force. - Mme Françoise NICAUDIE, 45 avenue du commandant Pinson, 24130 La Force. Philippe JA YLE Président de l'A.R.A.H 11 EXPOSITIONS / ANIMA TIONS_~ AVOIR . J:)u· ·183rClût.•lJiU .. 16·. septembre Ffi~t6iresd~~~ebPi~seri~: . «.Thè$~synth~~~thèse» •• . Sylvif!\Veber~ artiste pemtrecarton~ nier lis~iet~présente unuyptiquecgmposé de trois tapisseries de basse-lice. D'une longueurtotale de 6,44 mètres sur 4,16 mètres de hauf,sa réalisation a demandé trois ans de travail. Tous les éléments de travail constitutifs de l'œuvre seront exposés: dessins preparatOires, cartons, peIntures, maquettes de·$ylvie Weber et· Philippe .I>em~llier) rutlsi que des photos de Bernard Dupuy. Une convention passée èIltrel'artiste . et les Archives départementales aboutira au dépôt auxArcruves.des.cartons de tapisserie,·véritable mémoire et archives du proces. sus de création. l ,,'" "P • réhistolivres " Face àl'accroissement de la demande de livres sur la préhistoire, la Bibliothèque départementale de prêt de la Dordogne et le Service archéologique du département ont conçu une exposition itinérante. Celle-ci met à la disposition du visiteur des livres, des panneaux chronologiques, des moulages de fossiles, des éléments mobiles dont l'inter-activité permet au visiteur d'apprendre, sous une forme ludiql;le, à mieux situer sa lecture dans l'espace • Vue sur l'exposition des éditions Fanlac. Décembre 93 Janvier 94. Photo A.D. 24. 12 . . .• >Du7au30j~in •.... '~J)esciné~as"·~\L~ ...~rô~iyes acc~eille~i, .~ll:.av~t1'rewi~re.~n 49wtame, Iesœuytes .dl1.photogtapheJéar1~Itti~oplJe Garci<\.Sousleti~re(~:oescinémas », l'artis~e propose un « inventairesllbjeqtif » dessaUes de cinéma, encore en acti~ité ou non,. COns· truites avant la fin des années cinquante dans les petites villes des départements de la Dor~ dogne,Gironde et Lot·et~Garonne.Sansten~ tation passéiste ni idéalisation d'une époque révolue, .une série de diptyques présente,. sui. vant des critères de sélection rigoureux, une partie de ce patrimoine architectural sin~.. lier. Réalisé à la demande de. l'A.R.P.A. (Association et Recherches Photographiques en Aquitaine), ce.·travrul a été soutenu par le Conseil Régional.d'Aquitaine et le Conseil Général des départements. concernés. et le temps. Les Archives départementales ont accueilli la présentation de ce module d'exposition et de lecture durant le mois de mai. L'exposition retraçant les cinquante ans d'histoire des Editions Fanlac a connu un grand succès: 900 visiteurs sont ainsi venus découvrir ou retrouver un homme et une œuvre. , , GENEALOGIE Généalogie, démographie historique et génétique de population. Jusque vers 1960, la généalogie, la démographIe historique et la génétique de population étaient trois disciplines ayant en commun d'étudier le passé des hommes, certes, mais sous des aspects si différents qu'il semblait peu vraisemblable de les faire collaborer. A l'origine, la généalogie était le lien A entre personnes appartenant a, un meme c1an et se réclamant d'un ancêtre commun. Plus à ceux qui les demandaient. C'est une période faible pour la généalogie nobiliaire française , . ,. qui ne commence a retrouver un certam seneux qu'au tournant du XXe siècle. Quant aux autres citoyens, ils ne conservent guère que la généalogie successorale, toujours stricte, mais très .limitée. Paradoxalement, c'est dans les années 1960, au moment où la contestation du tard, au Moyen âge et jusqu'à la Révolution, elle a constitué une preuve justificative: pour les nobles, de la légitimité de leurs titres, de leurs droits et de leurs privilèges; pour quelques roturiers, de leurs droits éventuels à héritage ou à succéder dans certaines charges ou emplois. Après la Révolution, la noblesse, même sans privilèges, a continué pour le titre, le blason et aussi l'histoire familiale à pratiquer la généalogie. Mais cette généalogie se discrédite et trouvait toujours des ancêtres glorieux mariage, pilier de la constitution des familles, se fait de plus en plus virulente, que naît un grand mouvement de généalogie populaire et que la recherche très sérieuse, cette fois, des racines ancestrales se répand largement dans toutes les couches de la société. • Carte de répartition et de fréquence de la mutation delta F 508 induisant la mucoviscidose. A Ique les C ' est aUSSI a, 1a meme epoque scientifiques, qui, jusque-là, regardaient la généalogie comme un amusement frivole, commencent à la considérer comme la source pos13 sible d'une documentation extrêmement intéressante pour deux nouvelles disciplines: la démographie historique et la génétique de population. Déjà, peu après la publication, en 1889, par Francis Galton de« Natural inheritance » dans lequel il tente de traiter par la statistique l'héritage génétique, quelques auteurs germaniques comme Lorenz ou le baron von Dungern attirent l'attention sur les relations étroites entre génétique et généalogie. Vers 1950, une nouvelle branche de la génétique, la génétique de population, qui étudie le stock génique des populations et son évolution, prend un essor considérable. Cette science, d'abord purement spéculative comme jadis l'astronomie, voit grandir ses possibilités d'application au fil des découvertes. Dès 1953, c'est la double hélice 1 ; en 1954, le H.L.A. 2 et, en 1964, le test de typage 3 du gène H.L.A., grand porteur de l'hérédité de beaucoup de prédispositions morbides; en 1974, les rétrovirus dont certains pourront, en 1989, servir de clefs pour introduire des gènes dans le génome; en 1986, les premiers essais officiels de thérapie génique chez les animaux ; en 1990, les premiers essais chez l'homme de transferts de gènes et, en 1992, enfin, les premières tentatives de thérapie génique chez l'homme. Dès la fin des années 1960, des génétiClens commencent a s mteresser aux registres paroissiaux pour remonter les généalogies des porteurs de certains gènes le plus loin possible. Ils s'aperçoivent alors que des personnes très éloignées, et qui s'ignorent totalement, souffrent d'une maladie héréditaire identique parce qu'ils descendent d'un ancêtre commun qui vivait au XVIIe, voire au XVIe siècle ou même encore plus anciennement 4. • 1 - Double hélice: structure de la molécule d'A.D.N. 2 - H.L.A. (Human Leucocyte Antigen): antigène poné par les globules blancs et autres cellules qui permet de caractériser des groupes d'individus. 3 - Test de typage de H.L.A. : test qui permet de reconnaître différents gènes (allèles) qui codent pour le système H.L.A. 4 - Lire, dans le même dossier, l'article de M. Stéphane Richard sur la maladie de Von Hippel-Lindau. 14 , '" 1 • Ainsi, en 1989, des généticiens identifient quatre mutations produisant une protéine défectueuse facteur d'une maladie héréditaire appelée mucoviscidose, puis calculent la fréquence des porteurs de cette maladie par région et se demandent pourquoi ils sont plus nombreux en Bretagne. Un généticien de population, André Chaventré, dresse alors l'arbre généalogique des familles comptant au moins un patient, et s'aperçoit que plus de quarante d'entre eux descendent d'un même couple qui vivait à Cléder, petite paroisse du NordFinistère au XVe siècle. L'effet fondateur de ce couple, allié àun consanguinité élevée dans la région jusqu'au XIXe siècle, permet, avec la présence de deux autres couples fondateurs moins importants à Plogastel-Saint-Germain et à Bannalec, au sud de la Bretagne, d'expliquer la fréquence de ce gène mutant dans la population rurale bretonne 5. Si la mucoviscidose reste une maladie grave, que la médecine sait soulager sans pouvoir la guérir, bien qu'on envisage son traitement par thérapie génique d'ici dix ou quinze ans, d'autres maladies, comme le glaucome héréditaire, relativement fréquent dans la région Nord, qui se déclare vers l'âge de 9 ans, et rend les enfants pratiquement aveugles, peut être l'objet d'un traitement préventif. Le travail consiste alors à dresser la généalogie de patients venus consulter, à trouver de quel ancêtre ils tiennent cette affection, puis à rechercher tous les cousins collatéraux de cette branche et à informer les familles ayant de jeunes enfants des risques encourus et de l'existence de traitements préventifs. D'ailleurs, tout à fait indépendamment de ces applications médicales, l'hérédité, on le sait depuis toujours, se retrouve dans la ressemblance des corps, des traits du visage, même ceux du caractère, et jusque dans les attitudes: la façon de croiser les mains, avec le pouce gauche sur ou sous le droit, ou de croiser les bras, etc. En fait, ce grand développement généalogique de la génétique de population est une conséquence du succès de la démographie historique. En 1954, un généalogiste qui avait dressé la généalogie de la bourgeoisie genevoise du XVIe au XXesiècles a demandé à un démographe, Louis Henry, si une analyse démographique de cette population était possible 6. Après avoir soumis ces généalogies à des tests statistiques qui lui permettent de s'assurer de leur complétude et de leur cohérence, Louis Henry élabore une nouvelle méthodologie qui permet, en l'absence des statistiques habituelles de l'état civil et des recensements, d'obtenir des données quantitatives et numériques sur la nuptialité, la fécondité, la mortalité et autres caractéristiques démographiques de cette population ancienne. Cette méthode est fondée essentiellement sur la reconstitution des familles et procède par analyse longitudinale de générations ou de promotions de mariage, etc., c'est-à-dire sur des généalogies. Séduit par ce matériel généalogique, Louis Henry a voulu savoir si les registres paroissiaux étaient aussi bien tenus en France qu'à Genève. Avec l'aide d'un historien, Etienne Gautier, qui. effectue sur fiches le dépouillement du registre paroissial, il étudie alors, avec les mêmes méthodes et en les déve- 5 - C. Feree, H. Guil- lermit, A. Chaventre : Les mutations du gène de la mucoviscidose dans la population Bre· tonne. Revue Pathologie Biologie, juin 1991, p. 577-580. 6 - Louis Henry: Anciennes familles genevoises, étude démo· graphique XVI'·XX' siècles. INED, éd. Cahier de travaux et documents, nO 26 Paris, 1956, 234 p. loppant, la population d'un village du Perche, Crulai, de 1604 à 1800 7 • Il met au point une fiche de reconstitution de famille facilitant les calculs démographiques et édite, avec Michel Fleury, un manuel de dépouillement des registres paroissiaux 8. • Exemple de fiche de dépouillement et d'exploitation des données démographiques. 7 - Etienne Gautier et Louis Henry: La population de Crulai, paroisse normande: étude historique. INED, éd. Cahier de travaux et documents, nO 33, Paris, 1958. 8 . Michel Fleury et Louis Henry: Des registres paroissiaux à l'histoire de la popula· tion. Manuel de dépouillement et d'exploitation de l'état· civil ancien. INED, éd. Paris, 1956. Michel Fleury et Louis Henry: Nou· veau manuel de dépouillement et l'exploitation de l'état· civil ancien. INED, Paris, 1965. Convaincu que les registres paroissiaux sont « une richesse en friche », et rompu aux méthodes probabilistes de la statistique, il passe sans attendre à la dimension nationale. Dès 1958, il lance une enquête par sondage au hasard, avec un tirage au 1Il00 e des communes, tirage stratifié en villages, petites villes, moyennes villes et grandes villes, qui doit donner le mouvement de la population en France depuis 1670 par dépouillement anonyme. Il joint à cette enquête un second sondage, au 1Il000 e celui-là, de 39 villages dépouillés en nominatif, avec reconstitution des familles, qui permettra d'obtenir des caractéristiques démographiques dont la variance est faible et l'évolution lente parce que moins sensible à la conjoncture comme l'âge au mariage, la fécondité par âge ou par durée de mariage, etc. Cette entreprise gigantesque a été en général sur le moment assez mal reçue des historiens, alors très ignorants de la valeur des tirages aléatoires. Ce n'est que peu à peu, devant les résultats probants, que les critiques et les réticences tombent, les adhésions se manifestent et que les mémoires de thèse ou autres, consacrés à des monographies de villages ou de villes se multiplient. Il faut 17 ans à Henry et son équipe pour •arriver au bout des relevés anonymes des registres des 387 villages et des 36 villes de l'échantillon. La publication de la première partie 1740-1829 est faite dans un numéro spécial de la revue Population, en 1975. Puis, les 39 villages dépouillés en nominatif, avec reconstitution des familles, font l'objet d'une publication préliminaire dans quatre articles, malheureusement séparés dans des revues différentes. En 1980, un récapitulatif bibliographique montre que plus de 500 mémoires de démographie historique utilisant la méthode du manuel de Louis Henry ont été présentés par des étudiants en histoire dans les diverses facultés de France. Le succès est considérable jusque chez les généticiens. Ill' est aussi auprès des généalogistes, professionnels ou amateurs, pour qui le manuel de dépouillement est non seulement un guide précieux mais aussi une initiation à la démographie historique. Celle-ci leur permet de comparer le comportement de leurs ancêtres aux normes réelles du milieu dans lequel ils vivaient; elle permet de mieux les suivre, mieux les comprendre. L'enquête dirigée par Louis Henry est en voie d'achèvement. Elle est accompagnée, depuis 1980, d'une seconde enquête qui étudie, avec plus de difficultés, les registres des XVIe et XVIIe siècles pour remonter encore plus haut dans le passé. Plusieurs généalogistes y ont apporté leur contribution; certains y participent encore, tant la généalogie est utile à ce domaine également. Parti de la généalogie, la démographie historique lui reste attachée et la génétique de population les suit, toutes les' trois sont à la recherche du « Saint-Graal» informatique commun: un logiciel effectuant automatiquement une reconstitution fiable des familles. Jean-Noël BlRABEN Institut National d'Etudes Démographiques Bibliographie - Joseph VALYNSEELE (sous la direction de) : La généalogie, histoire et pratique. Larousse éd., Collection Références - Histoire, ParisCanada, 1991, 326 p. 15 GÉNÉALOGIE Généalogie et génétique médicale: l'exemple de la maladie de von Hippel-Lindau. Au cours de la dernière décennie, la génétique a connu un essor prodigieux grâce à la véritable révolution technologique apportée par les outils de la biologie moléculaire. L'identification progressive des gènes impliqués dans les quelques 3 000 maladies génétiques connues ouvre, en effet, de larges perspectives dans la compréhension, le diagnostic et la prise en charge des sujets atteints. Ces avancées capitales suscitent beaucoup d'espoirs mais aussi quelques inquiétudes dont les médias se font régulièrement l'écho. Ainsi, l'apparition prochaine d'une médecine prédictive (diagnostic présymptomatique, diagnostic prénatal) et les possibilités de thérapie génique déjà envisagées, posent-elles des questions majeures, notamment éthiques, qui dépassent de très loin le cadre restreint de ce court article. Ancêtres commUnS pour étudier et comprendre le mode de transmission d'une affection héréditaire (liée au sexe ou autosomique, dominante ou récessive) ; - pour préciser la variation de l'expression clinique d'un sujet à l'autre (<< hétérogénéité phénotypique ») et incriminer ou exclure l'existence de facteurs supplémentaires génétiques ou non, par exemple liés à l'environnement; - pour localiser le gène d'une maladie, par l'étude de l'association entre des « mârqueurs » chromosomiques et la transmission d'un trait pathologique. Les enquêtes génétiques soigneuses permettent enfin, en pratique quotidienne, de dépister et de traiter des sujets asymptomatiques avant qu'ils ne révèlent l'affection dramatiquement, et de rattacher souvent des malades apparemment isolés (cas « sporadiques ») à des familles déjà connues. Sur la cc piste» de la maladie de von Hippel-Lindau • Figure 1. Principe des études de généalogie ascendante. Intérêt médical des études de généalogie Les techniques extrêmement sophistiquées et coûteuses de la génétique moléculaire ne peuvent s'avérer profitables qu'en complément des travaux de génétique formelle. Etape irremplaçable du travail du généticien, celle-ci repose sur des études généalogiques rigoureuses qui permettent de résoudre de manière élégante bien des problèmes fondamentaux. L'analyse de grandes familles, et donc la reconstitution de larges généalogies, est en effet capitale à plus d'un titre : 16 La maladie de von Hippel-Lindau est caractérisée par le développement de tumeurs variées affectant le système nerveux central (cervelet, moëlle épinière), les yeux (rétine), les reins, les glandes surrénales et le pancréas. L'affection touche les deux sexes et chaque enfant atteint a un risque de 50 % d'hériter du gène pathologique (<< transmission autosomique dominante »). L'affection touche environ une personne sur 40 000, ce qui laisse supposer l'existence de près de 1 500 malades en France, bien que seuls 400 malades et 85 familles aient pour l'instant été recensés. La diversité des organes atteints et la grande variabilité du mode de révélation expliquent que l'affection soit très déroutante et encore souvent méconnue. Le début de la maladie se situe entre 15 et 30 ans et la plupart des lésions sont • Familles • Cas "sporadiques" Vailly sur Sauldre o C• . , -Tt 1 Périgueux .,... «. •, • • • •• .0 • o. • Bergerac , Figure 2. Origine des malades atteints par la maladie de von Hippel-Lindau • Figure 2. Origine des malades atteints par la maladie de von Hippel-Lindau. accessibles à un traitement curatif si celui-ci est appliqué précocement. Depuis 1990, un groupe national pluridisciplinaire s'efforce, avec le soutien de l'Association Française contre les myopathies (<< Téléthon »), de faire mieux connaître cette affection rare, de recenser les familles de malades et de dépister les porteurs du gène déficient (situé sur le chromosome 3), avant l'apparition de lésions irréversibles. Pour chaque patient, la première étape des enquêtes généalogiques consiste en une étude ascendante, à la recherche d'un ancêtre commun à d'autres familles (figure 1). Au-delà du secret médical qui demeure absolu, il est évidemment interdit de communiquer les coordonnées d'état civil de personnes apparentées en dehors des ascendants directs, sauf si les deux parties en expriment le souhait et leur accord par écrit. Une première «cartographie» de la maladie a pu être réalisée, qui révèle l'existence de quelques foyers importants de la maladie (figure 2). Le principal « berceau» de l'affection en France a ainsi été localisé dans la région de Sancerre (Cher) d'où est originaire la famille « 8 », reconstituée à partir de 5 « pedigrees» distincts (26 malades connus) (figure 3). Les études en cours tendent à accroître la taille de cette famille déjà exceptionnelle: premiers sujets nés avant 1700, 220 personnes directement rattachées, 9 générations, 380 autres individus vrai- semblablement apparentés. Plusieurs malades asymptomatiques ont ainsi pu être dépistés et traités avec succès au cours des deux dernières années, en particulier dans les branches « C » et «J ». En Dordogne, nous avons, plus récemment, localisé l'origine de deux autres famil• Atteint / Décédé l' Proposant !Couple fondateur! • Figure 3. Reconstitution de la famille "8", originaire du Sancerrois (26 malades connus) (seules les 7 dernières générations sont représentées: les conjoints ne sont pas indiqués à partir de la génération III) 17 les de malades (figure 2). La plus importante (famille « 1 ») (11 malades connus) est originaire des environs de Périgueux; la seconde provient de la région de Bergerac. La famille « 1 » illustre de manière exemplaire les problèmes médicaux que l'on peut rencontrer: en raison d'un éclatement familial, les sujets nO 427 et nO 295, frère et sœur tous deux malades, ignorent en effet leur existence réciproque et , '1ongtemps conSl'd'eres, comme « sporaont ete diques », alors que leur mère, ainsi qu'une tante et une cousine (nO 403 et nO 406), étaient déjà décédées de la maladie (figure 4). Des études de généalogie sur le terrain sont maintenant requises pour agrandir la taille de ces deux familles périgourdines, trouver un éventuel ancêtre commun et peut-être y rattacher les 2 cas , .« sporadiques» également originaires de la reglOn. ont déjà permis de réaliser des progrès substantiels dans la connaissance et la prise en charge de la maladie de von Hippel-Lindau. Le grand nombre de malades recensés, la reconstitution systématique des familles et la localisation des principaux « berceaux» permettent d'affiner progressivement les données épidémiologiques et les caractéristiques cliniques de cette affection rare. Grâce à la coopération très étroite avec les familles de malades, un diagnostic présymptomatique sera très prochainement disponible, permettant, à l'intérieur d'une famille donnée, de dépister précocement les sujets porteurs du gène, de les surveiller médicalement et de traiter efficacement les différentes lésions dès leur apparition. Stéphane RICHARD Laboratoire de Neurohistologie EPHE Hôpital de la Salpêtrière - Paris Perspectives Les études de génétique formelle, dont quelques exemples viennent d'être présentés, 9l"... , ' JI 427 Etude généalogique j 1 Couple fondateur 1 , v. • Figure 4. Début de reconstitution de la famille "1", originaire de la Dordogne. (Le couple fondateur est né au milieu du XIX- siècle. Pour des raisons de confidentialité, les dates exactes ne sont pas indiquées). Pour en savoir plus - S. RICHARD, S. OLSCHWANG, D. CHAUVEAU, F. RES CHE, Là maladie de von HippelLindau, Médecine-Sciences, 1994, à paraître. 18 , INEDIT _ _ La Révolution Française voulut rompre avec les anciennes traditions et c'est ainsi que le Calendrier Républicain fut institué le 24 octobre 1792. Fabre d'Eglantine donna aux douze mois des noms poétiques et évocateurs, tels que Vendémiaire, mois des vendanges, Frimaire, • Registre d'état civil de Terrasson. 17 brumaire an 3. AD. 24, 5 E 541/10. Photo A.D. 24. mois des frimas ou Fructidor, mois des fruits, etc. Parallèlement, les législateurs révolutionnaires introduisirent une grande liberté dans le choix des prénoms donnés aux enfants. Ainsi, les actes de naissance des communes de Terrasson et de Périgueux de l'an 2 et de l'an 3 (1793 à 95) révèlent des prénoms si insolites et inimaginables que je ne résiste pas au plaisir de vous les livrer. Huit catégories de prénoms peuvent être discernées dont il est très utile de souligner le sexe, par la lettre M pour masculin et F pour féminin, car rien ne peut laisser supposer qu'un bébé prénommé « dindon» soit une une fille, ou qu'un autre prénommé « brebis» soit un garçon! Légumes pois (M) - haricot (F) - melon - fenouil (F) - piment (M) - radis (F) - asperge (F) choufleur (M) - patate ou pomme de terre (F) Fruits prune (F) - marron (M) - coing (M) Outils ou divers rate au (M) - faux (M) - chariot (F) - faucille (F) - moulin (M) - pioche (M) - pelle (M) sarcloir (M) - fléau (M) Animaux , coq (M) - carpe (F) - pigeon (F) - brebis (M) -loutre (M) - truite (F) - dindon (F) - grillon (M) - lapin (F) - veau (M) Plantes/Fleurs mandragore (F) - bouton d'or (F) -fromental (M) - valériance (F) - seigle (F) - avoine (F) véronique (F) - romarin (F) - girofle (M) - menthe (F) - armoise (F) - millet (F) églantine (F) - réglisse (F) - safran (M) - jonquille (F) - primevère (F) - rose (F) - romarin (F) - pivoine (M) - sauge (F) - mélisse (M) - blé (M) - ajonc (M) - chicorée (M) Arbres hêtre (M) - peuplier (M) - aulne (F) - charme (F) - platane (M) - sapin (M) Noms de mois prairial (M) - quatorze-juillet (M) Métaux/Minéraux/Productions fer (F) - fumier (M) - salpêtre (F) - argile (F) - grès (M) - cuivre (F) - soufre (M) -houille (F) . Martine DUHAMEL Généalogiste 19 GÉNÉALOGIE Noblesse et généalogie en Périgord. Le Périgord, terre de noblesse Le Périgord peut apparaître comme un terrain d'observation privilégié de l'évolution de la généalogie, depuis les débuts de l'âge moderne (XVIe siècle) jusqu'à nos jours, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, si l'équation généalogie = noblesse est générale en France, elle l'est plus encore dans une province dont la noblesse se voit pléthorique, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les calculs démographiques que nous avons pu faire corrigent cette illusion, mais ne lui enlèvent pas sa !orce de représentation pour les contemporams. maintenues 1 de 1666-67 et, parmi eux, 25 % remontent au delà de 1453 2 • Le chiffre de 80 % d'anoblis récents pour la noblesse du Bordelais, qualifiée par M. Figeac de « noblesse évanouie » 3 permet de mesurer la vigueur exceptionnelle de vieux lignages chevaleresques comme les d'Abzac, les Vassal, les Talleyrand, etc. Une noblesse qui, par ailleurs, a été dotée au fil du temps et à travers des schémas littéraires et politiques qui ont la vie dure (pour ne citer que Molière, Balzac, Rostand, Eugène le Roy ou, plus contemporain, R. Merle) d'une personnalité, d'une identité, proches de la caricature, mais cependant révélateurs du malaise de ces nobles gascons. Querelleurs, indépendants, ils semblent trouver difficilement leurs marques dans un royaume de France profondément engagé dans la construction de l'absolutisme royal. Leurs relations avec la monarchie sont ambiguës, non pas tant avec le principe monarchique qu'avec la personne même du souverain, relation dont les nostalgies féodales et le rêve mythique d'un âge d'or de la noblesse sont des composantes essentielles. Le terreau périgordin semble donc en tous points favorable au développement d'une généalogie conquérante. Les preuves du sang • Arbre généalogique des Foucauld de Lardimalie, très ancienne famille. s.d. A.O. 24, 2 E 1822/2-1. Photo AD. 24. 20 En second lieu, c'est une noblesse incontestablement plus ancienne qu'ailleurs, à l'exception peut-être de la Bretagne. Plus de 50 % des membres de la noblesse du Périgord, en 1789, peut fournir des preuves au-delà des Tusqu'à la fin du XVIe siècle, la possession cf"une généalogie bien argumentée et solidement établie peut s'avérer utile, mais la production de titres n'est indispensable que dans le domaine fiscal ou successoral. De plus, dans une province ravagée par la guerre de CentAns et les guerres de religion, les incendies succèdent aux pillages et aux destructions. Bien des familles en mal de preuves ne manquent pas de faire valoir cet argument pour expliquer le chaînon manquant dans leur ascendance. La référence à urt ancêtre prestigieux confère une illustration éclatante, la qualité des 1 - Lors des grandes recherches d'usurpation de noblesse de 1661 à 1721, les intendants rendent des jugements de maintenue tenant lieu cl' actes recognitifs de noblesse. 2 - G. du Mas de Paysac, «L'état de la noblesse du Périgord en 1789 », Actes du colloque Noblesse et Révolution, Le Bugue, 01 Contou, 1989. 3 - M_ Figeac, La noblesse bordelaise à la fin de l'Ancien Régime, T.E.R., Université de Bordeaux Ill, 1982. alliances favorise l'ascension sociale, mais la réputation et les relations d'homme à homme, avec le souverain ou à l'intérieur d'une clientèle, sont les facteurs concrets de la réussite. Si les Caumont-la-Force se targuent de descendre d'Hercule ou les Bourdeille d'un paladin de Charlemagne, ce qui apparaît le plus clairement dans ces premières généalogies périgordines, c'est la volonté de bien marquer, d'une part, la participation aux croisades et, d'autre part, le ralliement précoce au roi de France pendant la guerre de Cent-Ans. Le rôle majeur des nobles féodaux dans la défense de l'Eglise contre les Infidèles et dans la construction du royaume de France fonde ainsi leur légitimité et leur utilité sociale. Au XVIe siècle, les blessures de guerres sont encore les plus belles preuves de noblesse. Blaise de Montluc ne disait-il pas que le gentilhomme se reconnaît lorsqu'il est nu? Ou encore Brantôme saluant les paysans et artisans engagés dans l'infanterie comme « capitaines et égaux aux gentilhommes ». Alors qu'on peut encore s'anoblir en achetant une terre noble, les parchemins n'ont qu'une valeur relative et la lama, la réputation, confirmée par la preuve testimoniale de quatre gentilshommes, affirmant avoir toujours connu tel ou tel lignage vivant noblement depuis trois générations au moins, suffit en général pour prouver ses ongmes. La généalogie apparaît déjà, non pas tant comme un moyen de justification d'une prééminence sociale - non remise en cause à cette , , epoque et que l e sang' genereusement verse, sur les champs de bataille démontre chaque jour-, mais comme l'affirmation d'une indéfectible alliance entre le souverain chrétien et sa noblesse, garante et soutien de son trône. De Capet à Navarre Cette théorie d'un pacte originel est bien illustrée par le fameux échange d'Hugues Capet et d'Adalbert, Comte de Périgord: « Qui t'a fait comte? », « Qui t'a fait roi? ». Mais elle prend une résonnance nouvelle avec la conquête du trône de France par Henri de Navarre à la fin du XVIe siècle. Le Périgord est au cœur de l'entreprise, et le prétendant puise largement dans un réseau puissant de fidélités et de solidarités dont il représente le sommet. Combien de familles, par la suite, exhiberont fièrement une lettre d'Henri de Navarre sollicitant personnellement leur soutien? Combien de châtelains du Périgord entretiendront pieusement la chambre qu'il occupa une nuit? C'est à la faveur de ce compagnonnage guerrier avec le futur souverain, rappelant les temps légendaires des campagnes carolingiennes, que semblent se nouer des liens privilégiés entre les nobles du Périgord et le futur Henri IV. Cependant, assuré par son trône, celuici renvoie dans leurs provinces ses anciens compagnons d'armes, tandis que se mettent en place les rouages d'une monarchie centralisée et que la personne du souverain se fait plus lointaine. Les amis les plus chers restent auprès de lui: Caumont-La-Force ou Biron. Mais la trahison de ce dernier et son exécution, si fortement ressenties dans toute la province, cristallisent les regrets et les frustations d'une gentilhommerie qui se sent bien mal payée de ses sacrifices. Et si ces rancœurs latentes, souvent inconscientes, ne se fixent pas sur Henri IV, ses successeurs paieront à sa place le prix de cet amour déçu. Pendant la période prérévolutionnaire et tout le XIXe siècle, la référence, le modèle du parfait souverain, c'est toujours Henri IV. • Lettre d'Henri IV écrite à Jean du Lau des Ecuyers. 1578. A.D. 24, 2 E 1841/17-4. A.D.24. Photo Prouver: une affaire d'état L'on sait que la multiplication des anoblissements par lettres royales, les achats d'offices anoblissants et les nombreuses usurpations suscitèrent, chez la noblesse ancienne, le souci de préserver ses privilèges mais aussi son identité. Cette dernière se fondait sur le culte de l'honneur, de la bravoure guerrière, de l'idée de race et de la transmission par le sang de la qualité nobiliaire. Ces revendications s'expri21 ment avec force aux Etats de 1614, et sont d'autant mieux entendues de la monarchie que celle-ci désire limiter le nombre de privilégiés pour des raisons fiscales évidentes. Elle y voit également la possibilité, par le système des amendes et des jugements de maintenues ou de confirmation, de faire rentrer de l'argent dans les caisses. die 4, illustré par les ducs de Saint-Simon ou de Noailles. En Périgord, le marquis d'Allemans est l'un des relais majeurs de ce courant politique. Nous en ignorons l'ampleur et le nombre de familles périgourdines qui y ont participé, mais, en revanche, les thèmes en sont bien connus. Si le marquis d'Allemans peut se permettre d'écrire à d'Hozier: «Je puis bien souffrir qu'on ne parle point de ma maison, elle parle assez haut d'elle-même », il n'en formule pas moins ce qui constitue le corps de la doctrine aristocratique, dite libérale, de ce début du XVIIIe siècle. L'affirmation de l'égalité de la noblesse et d'un simple droit de préséance des ducs et pairs, le rejet de la noblesse de robe, l'exigence de preuves par quartiers sur le modèle allemand, l'affirmation du rôle politique de la noblesse, sont les principaux aspects de cette réaction. Plus exclusive encore, la théorie de Boulainvilliers, attribuant la qualité nobiliaire aux seuls descendants des Francs conquérants de la Gaule, sous-tend nombre de généalogies périgordines de cette époque. Prouver pour obtenir • Preuves de noblesse des de La Filolie déposées à l'Intendance de Limoges, 21 mai 1669. A.D. 24, 2 E 1004/4-10. Photo A.D.24. 22 Les « Grandes Recherches », ordonnées par Colbert, constituent cependant un choc majeur pour la noblesse, en 1666-67. Une branche des Talleyrand fut même sommée de fournir ses preuves. Le mouvement s'essouffle, au début du XVIIIe siècle, mais moins en Guyenne, où les nobles suscitent toujours la méfiance du pouvoir. En 1758, le duc de Mouchy proteste contre «la folie tourmentante de la cour des Aides» dans sa province. L'embrigadement des nobles à la cour, sous le règne de Louis XIV, aggrave le système des preuves en soumettant la noblesse à des exigences administratives de plus en plus rigoureuses : prouver devient désormais une affaire d'Etat dans tous les sens du terme. Prouver pour se maintenir était l'enjeu des « Grandes Recherches ». Prouver pour se définir, face à l'envahissement du second ordre par la noblesse de robe et face à la main-mise grandissante du pouvoir royal, c'est tout le sens de la réaction aristocratique formulée par un Périgourdin, Fénelon, précepteur du duc de Bourgogne. Ses idées se concrétisent, au début de la Régence, avec le système de la polysyno- Au XVIIIe siècle, les attaques des philosophes remettent en cause, non seulement la prééminence sociale de la noblesse au nom de l'égalité naturelle de tous les hommes, mais son utilité même. Mais, pour la majorité des familles nobles, la nécessité de faire ses preuves est tout d'abord « alimentaire»: il faut prouver pour obtenir, c'est-à-dire faire la preuve de trois degrés de noblesse pour placer ses enfants pages à la cour, dans les écoles militaires, à l'Ordre de Malte ou dans la maison d'éducation de jeunes filles de Saint-Cyr. Autant d'exigences que les familles périgordines peu fortunées, et elles sont nombreuses, mais dotées d'une ancienneté incontestable, peuvent remplir. Les honneurs de la cour, la conquête des grades supérieurs dans l'ar.mée ou dans le clergé sont autant d'occasions pour les familles anciennes d'occuper le terrain. Plus d'une quarantaine de familles périgordines sont présentées à la cour (sur environ 900 pour la France), mais les frais que représente cette cérémonie interdisent à certaines d'y figurer, tels les Vassal pourtant d'origine chevaleresque. Dans la course aux évêchés, le Périgord est en première ligne. il est vrai que la fortune est ici moins déterminante que dans l'armée, et que la naissance joue pleinement son rôle pour ne citer que Christophe de Beaumont, archevêque de 4 - Système de gouvernement composé de plusieurs conseils qui se substitue au régime des ministres à la mort de Louis XIV en 1715. Le Régent supprime les conseils en 1718. Paris, les Talleyrand, archevêque de Reims ou évêque d'Autun, les Jumilhac ou Du Lau, archevêques d'Arles, etc. Les généalogies du naufrage La Révolution vient bouleverser ce savant système de castification du second ordre, réduisant à l'inexistence juridique les familles restées en France, jetant les autres sur les routes d'Europe et brûlant dans un immense autodafé les titres fondateurs d'une féodalité honnie. Les réflexes de survie sont de nature diverse. Il y a ce qu'on pourrait appeler les « généalogies du naufrage ». L'exemple le plus représentatif est celui du comte Clermont de Touchebœuf, qui rédige, en 1794, alors qu'il est émigré en Irlande, un ouvrage de plus de 250 pages, écrit de mémoire et destiné à faciliter à ses enfants « le rétablissement de leurs affaires, la recherche des titres pour leurs droits et leur rang» dans des temps futurs qu'il espère favorables au rétablissement de la noblesse 5. Mais c'est plus tard, dans le calme civique revenu, que l'ancienne noblesse, cherchant à comprendre ce qui appara~t à certains comme une punition divine, à d'autres comme une injustice ou comme le début d'une ère nouvelle, tente de reconstituer le miroir brisé de son identité perdue et d'assurer l'avenir en l'ancrant dans le passé retrouvé, reconstitué ou réinventé. Le vicomte de Vormeuil, alias du Lau, les comtes de Saint-Aulaire ou de Gironde sacrifient ainsi à l'autocélébration familiale 6. Une 5 - Archives privées. 6 - Vte de Vormeuil, Confulences d'un lieutenant général à son fils, 1852. Paris, Cte de SaintAulaire, Portraits de famille 1750-1810, Périgueux, 1879. Cte de Gironde, Souvenirs de famille, Paris, 1894. Brelot, 7 - Cr. La noblesse réinventée: Nobles de Franche· Comté de 1814 à 1870, Paris, Les Belles Lettres, 1992. 8 - A. Matagrin, La noblesse du Périgord en 1789, Périgueux, Boucharie, 1857. cc noblesse réinventée» gord, l'ancienne et la nouvelle qui ont la même origine fondée sur les mêmes nécessités sociales et politiques ». La volonté de réconciliation sociale est évidente et on la trouve plus encore chez A. de Froidefond de Boulazac, auteur de l'Armorial de la noblesse du Périgord en 1858 : « l'ancienne et la nouvelle noblesse ne font qu'une seule et même famille ayant également droit aux hommages et à la reconnaissance du pays ». La volonté de définir une noblesse fondée sur l'authenticité des titres est affirmée: « Le but principal de l'Armorial n'est pas d'établir les titres mais bien la noblesse (... ) à une époque où les usurpations scandaleuses tendent à la destruction de la noblesse» ! En effet, si la noblesse du XIXe siècle a intériorisé un certain nombre de valeurs dites bourgeoises (le travail salarié, l'épargne ou le bonheur familial), elle continue de secréter une culture d'ordre, padaquelle elle se distingue fondamentalement des autres groupes sociaux. C'est là l'une des conclusions majeures de la thèse récente d'I.e. Brelot qui remet en cause la théorie de la fusion des élites élaborée par les historiens des années 60. 7 Par ailleurs le rétablissement de la noblesse, en 1808, et les deux monarchies censitaires qui suivent l'Empire, en redonnant ses titres anciens à la noblesse, réactualisent le travail généalogique pur. L'abbé Lespine, érudit infatigable dans la lignée des chanoines de Chancelade, soutient nombre de familles du Périgord dans leur quête du passé et accrédite le sérieux de leurs recherches par sa position de professeur à l'Ecole des Chartes et de Bibliothécaire du roi. Mais la décadence de la généalogie française ne cesse de s'aggraver du fait des pratiques vénales de certains généalogistes, tels de Courcelles, Saint-Allais et quelques autres. Le Second Empire favorise, en Périgord comme ailleurs, la parution d'ouvrages généraux dont les préfaces sont riches d'enseignement sur les motivations de leurs auteurs. Certains sont modérés comme, en 1857, l'ouvrage d'A. Matagrin 8 dédié « à la noblesse du Péri- On trouve également, en 1858, dans la. Portrait bibliothèque du marquis de Saint-Astier, des ~:nt~~~~~~siro~~ ouvrages beaucoup plus virulents, tel celui de décapité en 1602. Barbot de La Trésorière: Les Annales Histori- portraits. A.D. 24, 8 Fi, 153 Photo A.D. ques des anciennes provinces de l'Aunis, Sain- 24. 23 tonge, Périgord, etc. ou Considérations sur la noblesse et son essence. Le ton est donné. L'auteur appelle à une recomposition générale de l'ordre fondée sur le critère du génie. Le mythe germanique et l'antisémitisme s'affichent ici sans équivoque. Si de telles théories peuvent apparaître comme des élucubrations archaïques, il faut toutefois se souvenir du contexte de l'époque, de la haine diffuse à l'égard du monde de la finance. L'affaire Dreyfus, quarante ans plus tard, ou les théories raciales de Gobineau en sont les aboutissements. • Approbation, par d'Hozier, des annoiries de Gabriel de Géris, suite à son anoblissement. 1712. A.D. 24, 2 E 816. Photo A.D. 24. De tels excès ont eu, sans doute, peu de crédit en Périgord où la noblesse, en majorité légitimiste, souvent retirée sur ses terres, se livre aux joies de « l'ethnographie du soi» et façonne au gré de sa mémoire un modèle nouveau fondé sur les qualités morales et religieuses de ses membres, sur l'amour de la patrie et la piété finale. C'est ici l'éducation qui s'affirme comme le vecteur essentiel pour la transmission des valeurs. De la méfiance à la reconnaissance La fondation de la Société Historique et Archéologique du Périgord (S.H.A.P.), en 1874, unit dans une même passion aristocrates, prêtres, professions libérales, fonctionnaires, etc. A la faveur d'une exigence scientifique commune, l'accord aurait pu se faire. Mais la Troisième République naissante n'a pas encore digéré les bouleversements révolutionnaires, et la mise en place d'un projet éducatif, historique et culturel basé sur les valeurs républicaines interdit tout rapprochement entre l'histoire nationale de Lavisse et la généalogie trop marquée par son exclusivisme social. En 1874, la noblesse représente 25 % des effectifs de la S.H.A.P., mais détient les 5 postes de vice-président. Si la généalogie n'est pas inscrite formellement au nombre de ses travaux, E. Massoubre dans la séance inaugurale 24 déclare: « Nos explorations en contribuant à l'illustration des familles concourront à l'éclat de la patrie périgourdine ». Mais, dans un contexte laïc et égalitaire, renforcé par la victoire des républicains, en 1893, qui marque la fin du bonapartisme en Dordogne, toute tentative, même érudite, qui pourrait relancer la polémique sociale est suspecte. En 1908, alors que la noblesse représente plus d'un tiers des effectifs de la SHAP, un règlement intérieur est adopté dont l'art. 4 précise qu'« aucune généalogie de famille ne sera admise, ce genre de travail étant d'un intérêt trop restreint ». Le comte de Saint-Saud, membre de la S.H.A.P. pendant 75 ans et appartenant à cette nouvelle génération de généalogistes qui ont codifié de façon méthodique les traités de généalogie, se plaint amèrement de cette situation. En guide de vengeance posthume, il lègue l'ensemble de ses archives au département de la Gironde. Notons, en conclusion, que cette génération des Saint-Saud, Paul Huet, de Roton, Dujarric-Descombes, Durieux, de Gérard, etc., n'a pas été remplacée. C'est, semble-t-il, par le vecteur de l'Université, que se referme en Périgord le purgatoire de la généalogie. Plusieurs thèses ont déjà vu le jour sur les nobles citoyens de Périgueux 9 ou les notables du XIXe siècle 10, qui font appel aux techniques généalogiques. Mais la recherche en Périgord n'en est qu'à ses prémices. Seuls deux ou trois mémoires de maîtrise ont vu le jour sur des familles de l'ancienne noblesse 11, et plus de cinq cents familles . attendent ainsi encore leur hist;rÎûgfaphe ! Joëlle CHEVÉ 9 - G. du Mas de Paysac, Les «Nobles- Citoyens» de Périgueux au XVIII' siècle: mobilité et aspirations d'une bourgeoisie d'ancien régime, thèse de doctorat, Paris, 1989. 10 - R. Gibson, Les notables et l'Eglise dans le diocèse de Périgueux, 1821-1905, thèse de 3' cycle, Lyon, 1979, 2 vol. 11 - J. Chevé, Une famille noble en Périgord à l'époque moderne: les Du Lau, T_E.R., Bordeaux, 1988,2 vol. J.F. Bussière, Les Chevalier de Cablan, T.E.R., Bordeaux, 1990. GÉNÉALOGIE La profession de généalogiste. Les généalogistes professionnels se répartissent en deux catégories bien distinctes : -les successoraux, connus depuis longtemps des archivistes et du grand public, et qui constituent de gros cabinets aux ramifications nationales et internationales. Délégués par les notaires, lors de successions vacantes, ils sont chargés de retrouver tous les héritiers vivants du défunt jusqu'au 6e degré. -les (autres) généalogistes, dont certains se qualifient de «familiaux », constituent une nouvelle catégorie professionnelle. C'est exclusivement de celle-ci dont nous parlerons ici. Qui sont-ils? On 1 - 74, rue des SaintPères. 75007 Paris. 2 - Association d'entraide de la Noblesse Française. 3, rue Richepanse. 75008 Paris. recense actuellement une cinquantaine de généalogistes à travers toute la France qui exercent cette profession libérale au sein de leur cabinet privé. La plupart d'entre eux sont issus du milieu universitaire (études d'histoire ou de droit). Quelques-uns, passionnés par leurs propres recherches et donc, formés « sur le tas », n'ont pas hésité non plus à s'installer à leur compte, au bout de quelques années de pratique. Ce métier indépendant créant un isolement total, certains généalogistes ont ressenti, voilà déjà plusieurs années, le besoin de se regrouper au sein d'un syndicat professionnel, afin d'obtenir un soutien de collègues confrontés à des problèmes identiques et d'être mieux connus et reconnus du public. La « Chambre Syndicale des Généalogistes Héraldistes de France» 1, pour ne citer qu'elle, doit ainsi, au travers de son code de déontologie, être garante d'une éthique, d'un sérieux et d'une compétence, et certaines conditions sont obligatoires pour y être admis en tant que membre. Que font-ils? Ces généalogistes, historiens des familles qui les délèguent, mettent tout en œuvre pour restituer la vie quotidienne des hommes et des femmes des XVIe au XXe siècle. Leur tâche est vaste, mais ils disposent de sources innombrables, richesses de toutes nos archives de France, qu'ils exploitent au mieux. Les divers fonds et séries spécifiques à chacun des dépôts d'archives n'ayant plus de secret pour eux, ils peuvent alors dresser d'une façon rigoureuse et technique, des généalogies ascendantes (agnatiques et collatérales) et descendantes. lis sont habilités à prouver des filiations en vue d'un droit ou d'une inscription à l'A.N.F. 2, / 1·Iser toutes sortes d' etu/ par exemp1e, et , a rea des ou de publications historiques, documentaires ou biographiques. • Un cabinet de généalogiste ... Ex-libris du comte de Saint-Saud. Coll. Patrick Esclafer de la Rode. Photo A.D.24. Certains se spécialisent dans la transcription des textes anciens (paléographie). D'autres proposent des dessins de blasons ou des arbres calligraphiés. D'autres encore peuvent établir l'histoire d'une maison, en recherchant notamment ses propriétaires successifs. Leurs travaux donnent lieu à des compterendus détaillés de recherches consignés dans des dossiers remis aux clients avec toutes les preuves et pièces justificatives. Ces généalogistes sont rémunérés en honoraires. Ils établissent des devis préalables qu'ils soumettent aux clients pour une recherche longue; ils travaillent à l'heure, pour des recherches ponctuelles. Martine DUHAMEL Généalogiste, trésorière de la Chambre Syndicale des Généalogistes Héraldistes de France. 25 GÉNÉALOGIE Généalogie et histoire avec les faIenciers de Bergerac au XVIIIe siècle et leur descendance. Alors qu'aujourd'hui la recherche généalogique conna~t un réel essor, la constitution d'un arbre généalogique n'est pas un aboutissement mais la base de nouvelles recherches. C'est dans cet esprit que nous avons commencé nos recherches sur les faïenciers de Bergerac au XVIIIe siècle. Les buts d'une recherche L'étude d'un centre faïencier doit aujourd'hui être multiforme et exploiter toutes les pistes afin d'être la plus complète possible. Elle tente de reconstituer le catalogue des pièces produites par chacun des ateliers de ce centre, et de retrouver les hommes à l'origine de cette production. C'est ce que nous avons choisi de faire pour le centre faïencier de Bergerac durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle dans le cadre d'un Diplôme de l'Ecole des Hautes-Etudes en Sciences Sociales 1. Cette étude des faïenceries et des productions de Jean Babut, de Charles Banes-Calley, de Tite Bonnet ou de Jean Perchain réalise, selon AnneMarie Cocula-Vaillières dans la préface de cet • Signatures de faïenciers d'après les minutes notariales. (Cliché AD. 24). 26 ouvrage, « l'union harmonieuse entre l'histoire économique et sociale et l'histoire d'un art quo· tidien qui sont la trame de l'existence des Bergeracois du XVIIIe siècle ». La généalogie des familles de ces faïenciers s'est tout de suite révélée comme l'un des outils indispensables de cette recherche, la richesse de l'information pouvant être des plus variables d'une famille à!' autre. Ainsi, si nous avons reconstitué, à partir des fonds d'archives départementaux, sept générations de la famille Babut et huit de la famille Bonnet, nous avons en revanche peu appris sur les familles Banes-Calley ou Perchain. Les étapes d'une recherche Les sources exploitées pour reconstituer la généalogie, mais aussi la vie des familles des faïenciers bergeracois et de leur descendance, ont été multiples. On trouve, en tout premier lieu, les registres paroissiaux (pour les familles catholiques, les protestants baptisés « sous condition» ou pour les professions de foi lors des abjurations), ainsi que les registres protestants. Leur dépouillement aux Archives départementales ou communales permet de reconstituer la trame de ces généalogies. Pour aborder la vie, le cadre de vie, mais aussi le travail et les conditions de travail des faïenciers bergeracois, les archives notariales, d'une très grande richesse, se sont révélées indispensables. L'analyse des contrats de mariages, des achats fonciers ou immobiliers, des partages ou des échanges, des contrats de location, des obligations ou des quittances, des contrats d'apprentissage, des donations, des testaments, ainsi que des inventaires après décès permet une étude approfondie de la vie au XVIIIe siècle à Bergerac. Mais la masse des documents àconsulter est énorme car il n'existe pas toujours des répertoires d'actes des études notariales. De plus, certaines archives notariales perdues ne peuvent être reconstituées que par les registres de contrôle des actes. La patience et l'opiniâtreté sont à la base de ce type de recherche. Ainsi avons-nous dû consulter près de 25 000 actes provenant d'une douzaine 1 - LACOMBE C, Faïenciers etjàïences de Bergerac au XVIIi' siècle, DipléJme de l'E.H.E.5.5., 2 vol. multigraphiés, 1987. LACOMBE C, Faïences etjàïenciers de Bergerac au XVI.1/' siècle. Périgueux, Vesuna, 1989. LACOMBE c., Faïences de Bergerac au XVIIi' siècle, l'Estampille, nO 222, 1989, p.20-27. LACOMBE C, Bergerac, des foïenciers oubliés. Le Journal du Périgord, nO 11, 1991, p.2-14. d'études notariales pour retrouver quelques 250 actes concernant directement les faïenciers bergeracOls. et 1eur entourage ...... '" Les archives judiciaires sont très précieuses. On y découvre les procès, les litiges ou les contestatIons evoques devant 1es senechaussees, les procès-verbaux, états de lieux ou constats consécutifs à des accidents ou à des catastrophes naturelles. On peut en extraire des détails permettant de décrire aussi bien les lieux et les gens que les relations qui les unissent ou les déchirent. Ainsi le dépouillement des dépositions des témoins interrogés permet de reconstituer avec une multitude de détails de véritables « tranches de vie» au jour le jour, parfois même d'heure en heure. Il est même possible parfois de restituer les dialogues entre les protagonistes ou les témoins interrogés lors de l'enquête 2. Les documents comptables, en général non conservés par leurs auteurs, mais saisis comme pièce àconviction dans une procédure, dévoilent tout un pan de l'activité commerciale d'une de ces faïenceries 3. Le fonds de l'Intendance à Bordeaux recèle, quant à lui, de nombreux dossiers d'enquêtes consécutifs à des plaintes ou des réclamations transmises par les subdélégués 4. Pour peu que l'activité des familles étudiées ait des liens ou des incidences avec la vie de la cité, pour mieux comprendre l'importance de cette .activité, ou pour retrouver, par exemple, les nominations de bourgeois, la consultation des registres de délibérations de la Jurade de Bergerac est indispensable. La reconstitution de la carrière militaire de Jean III Bonnet dans les armées de Napoléon n'a pu se faire que par la consultation de son dossier aux archives du Service historique de l'Armée de terre, à Vincennes. Pour localiser les faïenceries dans la ville et connaître l'importance des propriétés des faïenciers, la consultation du cadastre de la ville est une nécessité. Par chance, des plans-terriers de la seigneurie de Bergerac ont été dressés entre 1773 et 1783. Des arpentements auxquels ont été annexés des plans figuratifs ont aussi été réalisés dans le cadre de l'échange, entre le Roi et le sieur de La Force, marquis de Caumont, du domaine de Bergerac contre 84 arpents -de bois en forêt de Senonches, en 1772... Leur consultation ne peut cependant se faire qu'aux Archives nationales 5. • 2 - LACOMBE C, Du «crime de séduc· tion » ou récit de l'enlèvement de Jeanne Gontier à Marsac en 1780. Les Cahiers du Cercle d'Histoire et de Généalogie du Périgord, n02, 1993, p.23-30. 3 - LACOMBE C, L'eau et la forêt: l'acti· vité d'une faïencerie à Bergerac (Périgord). L'eau et la forêt. Actes du colloque du Groupe d'Histoire des Forêts Françaises, Bordeaux, 1989, p.52-62. LACOMBE C, Le cahier de compte de livraison de bois de Jean Babut, faïencier à Bergerac (1767-1775). Analyse et commentaires. Documents d'Archéologie et d'Histoire périgourdines, (A.D.R.A.H.P.), tome 7, 1992, p.85-104. 4 - LABADIE E., Notes et documents sur quelques faïenceries du Périgord au XVIII' siè· cle (Bergerac, Thiviers, Le Bugue, Le Fleix). Bull. de la Soc. Hist. et Arch. du Périgord, tome 36, 1909, p. 423-466 et 493-513. 1 1 1 1 1 Des résultats imprévisibles 5 - Archives nationales. N IV Dordogne 1. Cartes du domaine de Bergerac. Nous ne reviendrons pas ici sur les résultats prévisibles de telles recherches évo- quées ci-dessus mais nous retiendrons quelques aboutissements inattendus, parfois curieux, à l'occasion énigmatiques. Ainsi, une convergence inattendue de recherche généalogique d'un rivage à l'autre de l'Atlantique nous a permis, d'entrer en contact avec William Eugène Bonnet, de Media, (Pennsylvannie), vice-président à la retraite de la Sun Oil Co., dixième société pétrolière américaine: il venait de retrouver, grâce au Centre généalogique mormon de Salt-Lake-City, son ancêtre bergeracois, le faïencier Tite Bonnet, dont l'un des petits-fils, ChristopheEugène-Napoléon, émigré aux Etats-Unis, était à l'origine de la « branche américaine» 6. • Faïencerie Bonnet_ Soupière polychrome à l'œillet aux pétales arrondis et à la rose avec myosotis. Une grenade constitue la prise du couvercle. Faïence de petit feu. Coll. part. (Cliché C. Lacombe). Grâce ànos recherches respectives, William E. Bonnet découvrait sa famille française mais aussi tout un ensemble des productions de celle-ci. De notre côté, nous retrouvions du jour au lendemain, cette « branche américaine» des Bonnet (n'oubliez-pas, alors, de prononcer le « t »). Des visages apparaissaient sous des noms: Anne Bougenel, belle-fille de Tite Bonnet, portraiturée au tout début du XIXe siècle; son fils, Christophe-Eugène-Napoléon Bonnet, petit-fils du faïencier, photographié vers 1860. Les informations fournies par William E. Bonnet nous firent aussi regarder d'un œil neuf le billet de 10 dollars américain. Il représente en effet le « New D.S. Treasury Building» construit en face de la Maison Blanche à Washington entre 1847 et 1869 sur des plans de Christophe-Eugène-Napoléon Bonnet... Les traditions familiales rapportées par les descendants font la part belle aux actions héroïques ou àla grande fortune des ancêtres et rejoignent la légende. Ainsi l'on disait dans la famille de W.E. Bonnet qu'elle « avait possédé dans le passé une grosse chaîne en or et le sceau du maire de Gênes qui auraient été pris comme trésor de guerre lors des campagnes napoléonniennes. Mais cette chaîne 6 - LACOMBE C, avec la coll. de W.E. Bonnet. 1773-1927. De Bergerac à Philadelphie ou de la descendance de Tite Bonnet, faïencier. Bergerac et le Bergeracois. Actes du congrès de Bergerac de la Fédération Historique du SudOuest, Bordeaux, La Nef, 1992, p. 487-508. 27 L'inattendu ou l'imprévisible peut survenir àl'occasion de recherches aux Archives départementales ou de rencontres avec les descendants des faïenciers, marchands experts en faïences ou collectionneurs. Des amitiés se sont nouees, par del'a l' ocean, par del'a 1es generations. Deux de ces moments demeurent inoubliables: - une longue conversation téléphonique provoquée par Radio France Périgord avec W. E. Bonnet durant laquelle, avec beaucoup d'émotion, nous avons pu nous entretenir. -la rencontre, au lendemain de la publication de notre ouvrage, avec l'un de ces collectionneurs, un Amateur avec un A majuscule, qui collectionnait les faïences de Bergerac depuis une quarantaine d'années et dont les critères d'identification se révélèrent en parfaite concordance avec nos recherches. 1 • «Etat du mobilier et marchandises ( ...) depandant de la fabrique de fayancerie, situé au Petit Port " ... AD. Dordogne 3 E 8093. Notaire Moy· nier à Bergerac. 24 brumaire an 7 (14 nov. 1798). (Cliché A.D 24). 7 . LACOMBE c., Sur une tentative d'ins· tallation d'une poterie de grès à Bergerac au début du XIX' siècle. Bull. de la Soc. Hist. et Arch. du Périgord, tome 110, 1983, p.203·209. 28 et ce sceau auraient dû être vendus à la fin du XIXe siècle lors d'une crise financière familiale >1. Du côté des descendants français de Tite Bonnet, on évoque encore aujourd'hui un neveu du faïencier, Claude Bonnet, qui tenta d'installer une poterie de grès àBergerac entre 1800 et 1804 7• Mort en fait à Bergerac en 1807, on dit qu'il aurait quitté le Périgord pour aller se fixer à Madagascar où il serait devenu tout simplement roi des Malgaches l!... niaissait une fortune considérable, cent millions, que ses héritiers n'ont jamais pu recueillir, faute de pièces suffisantes pour établir leurs droits, et pour cause ... L'article suivant, inséré à la demande du préfet dans les journaux de Périgueux, en mars 1834, ne met nullement fin aux espoirs de tous les Bonnet de France et de Navarre: « Depuis une douzaine d'années, un grand nombre de personnes se sont successivement adressées au département des Affaires Etrangères pour obtenir des renseignements sur une succession qui aurait été laissée par le sieur Bonnet, décédé àMadagascar, et dont la valeur avait été, dit-on, déposée soit à la Banque de Londres, soit à celle de la Compagnie des Indes Orientales. Toutes les recherches qui ont été faites, soit en Angleterre soit dans l'Inde, n'ayant pu faire découvrir aucune trace du sieur Bonnet, soit des sommes qui auraient été versées par lui ou pour le compte de ses héritiers, on porte ce résultat à la connaissance de qui de droit, pour répondre aux nombreuses réclamations auxquelles a donné lieu cette succession depuis tant d'années >1 ••• 1 1 1 • ChristopheEugène-Napoléon Bonnet, l'architecte de Washington (vers 1860). Une quête qui se poursuit La recherche sur les faïences de Bergerac n'est pas terminée pour nous. Le catalogue des productions n'est encore que très partiel. Vous pouvez apporter votre contribution à ce travail. Si vous pensez .posséder des informations ou détenir une nouvelle faïence attribuable àBergerac permettant de compléter le dit catalogue, contactez-nous: Claude Lacombe, le Bourg, 24590 Archignac. Claude LACOMBE • Fac-simile. Page enluminée extraite d'un épistolier du XIIe siècle. 10 F • Fac-similé. Extrait du livre Mémorial de la ville de Périgueux. Année 1649. 10 F A8CHIVES DEPARTEMENTALES de la DORDOGNE Richesses du Patrimoine écrit • Richesses du patrimoine écrit. 26 reproductions de documents provenant des Archives de la Dordogne. 60 F. • Cartes postales. 2 F chacune. Tous ces documents sont en vente sur place. 29 GÉNÉALOGIE Généalogistes périgourdins. La généalogie est maintenant très largement pratiquée en Périgord. Mais est-ce la conséquence de cet engouement général, ou la continuation d'une tradition dans une province où l'histoire semble partout présente? A défaut d'une réponse directe, quelques observations, recueillies au hasard de 35 années de recherches en archives, peuvent ne pas être totalement inintéressantes. Leur caractère fragmentaire, et donc nécessairement incomplet, doit être souligné: un travail d'ensemble reste à faire, qui corrigerait, peut-être sensiblement, les impressions que laisse une première approche; qu'on ne s'étonne pas des imprécisions, voire des inexactitudes qui seront sans doute relevées dans ces simples notes. des privilèges de Périgueux, et qu'une publication exaltant quelque peu les familles qui en bénéficiaient aurait pû donner un autre éclat àces revendications au juridisme formaliste et théorique. Assez peu nombreuses sont les familles périgourdines qui firent insérer - en payant - leur généalogie dans «l'Armorial Général de la France» de d'Hozier, dont la publication commença en 1738. Celles qui le firent s'en tinrent généralement à des filiations squelettiques ou succintes, établissant surtout leur noblesse; seuls, peut-être, les Chapt de Rastignac y publièrent une véritable étude dont un copieux tirage à part fut établi 1. • Les prémices Au XVIIe siècle, nous n'avons pas en Périgord de la Thaumassière ou d'Hubert comme en Berry et en Orléanais: donc, pas de recueil, imprimé ou manuscrit, recensant, ou se proposant de recenser, les généalogies des familles marquantes de la province, que ce soit àtitre principal ou simplement en annexe d'un travail historique. Quant à nos chroniqueurs - Dupuy, Tarde, Chevalier de Cablanc - ils ne sont que de peu d'utilité en cette matière. Aucune des grandes familles du Périgord n'a fait appel à des spécialistes comme Duchesne, Le Laboureur, Paillot, Justel ou Baluze, pour élever un monument àsa gloire, en relatant ses origines, ses services, ses alliances et ses parentés. Et, de son côté, le consulat de Périgueux ne paraît pas avoir fait tenir de livre d'or généalogique des « nobles citoyens» de la ville. Au XVIIIe siècle, toujours aucun travail d'ensemble, même superficiel: Périgueux et le Périgord n'ont pas eu un Vigier de La Pile, comme Angoulême et l'Angoumois; constat négatif, d'autant plus surprenant que cette période est marquée par la défense très forte 30 Pierre Lespine. AD. 24, 8 Fi. Portraits 85. Photo AD. 24. « L'Histoire Généalogique de la Maison de Beaumont », de l'abbé Brisard, demande une place à part. Tirés en 1779, sur les presses mêmes du Cabinet du Roi, à100 exemplaires, véritables monuments de typographie et de gravure, ces deux forts volumes infolio passent pour une des plus belles généalogies éditées. Ce grand travail, réalisé àla demande de Mgr. Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, 1 - Citée dans la Bibliographie générale du Périgord., de Roumejoux et Bosredon, t. 2, p. 11 ; citation reprise dans la Bibliographie généalogique (. ..) de la France, de G. Saffroy, nO 38392, avec des erreurs; en réalité, texte modifié de l'Armorial Général, ce que ni l'un ni l'autre n'ont remarqué (bibliothèque de l'auteur). traite naturellement largement de la branche périgourdine et des familles alliées, notamment des Beynac; mais cette commande, honnêtement réalisée, n'illustre pas l'érudition périgourdine 2. Il en est de même pour la « Généalogie historique de la Maison de La Roche-Aymon », parue en 1776, par l'abbé Destrées 3. Les branches périgourdines, pourtant alors largement représentées, y sont traitées de façon légère et succinte, malgré les démarches de l'auteur auxquelles les intéressés ne répondaient guère 4. Ce qui montre le peu de cas qu'on faisait, dans cette famille et dans notre province, d'une publication pourtant glorifiante. Prêtre du diocèse de Limoges, l'abbé Joseph Nadaud (1712-1775) exerça longtemps dans la paroisse périgourdine de Teyjat. Aussi, cet infatigable chercheur inclut-il nombre de familles périgourdines dans son « Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges », compilation qu'il laissa manuscrite, sans avoir eu même l'intention de l'éditer. Malheureusement, c'est un recueil mutilé, avec de nombreuses pages arrachées, que l'abbé Lecler, reprenant le travail interrompu de l'abbé Roi de Pierrefitte, publia en 1882 S. Les notes, plus que piquantes, dont l'auteur avait émaillé les registres de Teyjat 6 et qui témoignent de son • Anatole de Roumejoux. A.D. 24, 2 J 1283. Photo AD. 24. 2 - Description précise dans G. SaHroy, op. cit., n035945 (bibliothèque de l'auteur). 3 - Cf. nO 48801. Saffroy, 4 - Papiers des La Roche-Aymon du Cluzeau (archives de l'auteur). 5 - Nobiliaire du dio· cèse et de la généralité de Limoges, par l'abbé Joseph Nadaud, curé de Teyjat, publié par l'abbé A. Leclerc, Limoges, 1882, 4 vol. précédés d'une copieuse bio-bibliographie sur l'abbé Nadaud. 6 - Registres Paroissiaux de Teyjat, aux A.D.24., 5 E 542/3. esprit critique, notamment à l'égard des titulatures des « nobles citoyens de Périgueux », expliquent ces « coupures », en grande partie intentionnelles, mais les font regretter plus encore. Un autre ecclésiastique, mais du diocèse de Cahors, Guillaume Solacroup de Lavaissière (1732-1811) avait, quant à lui, prévu de publier un « Nobiliaire de Haute-Guyenne », dont le tome 1 devait paraître en 1787, mais qui ne vit pas le jour. De ce grand travail, pour lequel l' auteur avait parcouru le Quercy et le Périgord, dépouillant, dans notre province notamment, les archives des Lostanges SaintAlvère, il ne subsiste, à la Bibliothèque municipale de Cahors, que le brouillon du tome II qui contient ainsi beaucoup de notes sur le Périgord 7. Il attend toujours un éditeur! Ces quelques exemples laissent penser qu'il n'existait en Périgord, au milieu du XVllIe siècle, qu'un intérêt très relatif et purement individuel pour la généalogie: les listes des « maintenus» et des «condamnés », lors de la grande recherche de 1666, circulaient bien sous le manteau, fielleusement annotées de mentions: de bruit commun est qu'il n'est pas noble» ou « il descend d'un notaire» 8 ; mais ce ne sont là que malicieux libelles. L'histoire du Périgord, rêvée par Lagrange-Chancel et dont l'idée fut reprise par les chanoines de Chancelade, aurait-elle comblé cette lacune? Il est difficile de le dire: les documents que les doctes religieux réunissaient contenaient évidemment nombre d'informations généalogiques mais leur mise en œuvre . A A 1a forme d' un n, auraIt peut-etre pas revetu recueil de ce type. Obligeants envers les représentants des grandes familles, ils leur fournissaient, certes, de précieuses n.otes sur leurs patronymes, mais cette obligeance n'était-elle pas intéressée, alors qu'il n'existait aucun dépôt public librement accessible et que la consultation des chartriers de la province était à la discrétion de leurs détenteurs? Périgourdin fervent, le ministre Henri Bertin (1719-1792), à qui l'on doit la création du « cabinet des Chartes », s'intéressa très particulièrement à l'histoire de sa province. Il encouragea toutes les recherches en ce sens, soutint fortement - non sans scepticisme -la ville de Périgueux dans ses prétentions nobiliaires et féodales. Il réunit ainsi une masse de copies de titres, mais, en dehors de sa propre production nobiliaire, qui l'occupa fort, son intérêt personnel ne paraît pas avoir été spécifiquement généalogique : les recueils que publia son collaborateur Moreau, pour la ville de Périgueux, et dont il avait suivi, page par page, l'élaboration, en sont dépourvus. Cet homme d'Etat, que l'on connaît au travers de l'étude, savante certes, mais confuse et vieillie, de G. Bussière 9, attend un nouveau biographe: peut-être nous révèlera-t-il en lui un des instigateurs directs de la recherche généalogique ! Appartenant à une illustre famille des confins du Périgord et du Limousin, le mar- 7 - Cf. Philippe Deladerrière: « Le manuscrit Lavaissière à Cahors", in Bulletin Centre Généalogique du Sud-Ouest (C.G.S.O.), nO 26, 1992, p. 11. 8 - Cf. St-Saud: Essais généalogiques périgourdins, Paris, 1934, p. 361. L'auteur cite trois exemplaires de «listes officieuses» qui circulaient. Ils durent être très nombreux, car nous en avons recueillis deux autres. 9 - Henri Bertin et sa famille, la production nobiliaire du ministre, ses ancêtres (. ..J..., par G. Bussière, Périgueux, 1906-1908. 31 quis Emmanuel François de Lambertie (1729-1814), qui demeurait dans sa terre de Saint-Martin-Lars, en Poitou, se consacra, après une carrière militaire, à réunir les matériaux d'une histoire de sa Maison. Mais, très vite, ses recherches prirent une autre ampleur et c'est une véritable collection généalogique sur le Périgord, le Limousin et l'Angoumois qu'il réunit. Recherchant, ou faisant rechercher, dans tous les châteaux et abbayes de la contrée, les titres d'intérêt filiatif, il en faisait prendre des copies fidèles ou, encore, les achetait quand ils n'intéressaient pas leurs détenteurs. Sa documentation, constamment enrichie, soutenue par une grande érudition personnelle, embrassait tous les noms de ces provinces. Hélas, ce magnifique Cabinet fut détruit en 1793 lors du pillage du château de St-Martin-Lars 10. Ainsi disparut le fruit de plus de 20 ans de recherches opiniâtres. Pour se faire une idée de sa richesse, il faut surtout feuilleter les grands recueils manuscrits de Dom Villevieille et de Dom Caffiaux 11, qui conservent nombre d'extraits en provenant, car M. de Lambertie était généreux du fruit de son labeur. • Jules de VerneilhPuyraseau. A.D. 24, 2 J 1283. Photo A.D. 24. 10 - Cf. Généalogie de la Maison de Lambertie, par l'abbé A_ Leclerc, Limoges, 1895, pp. 166 à 170. 11 - Trésor généalogique de Dom Ville· vieille, Bibliothèque nationale, mss fr 31884-31976, 93 vol. Trésor généalogique de Dom Caffiaux, Bn. mss fr 33049-33088, 40 vol. L'intérêt de ce dernier manuscrit pour nos provinces n'avait pas encore été souligné. 12 - Cf. Jean Maubourguet « Une seigneurie périgourdine 1789 », in B.S.H.A.P., 1939 et 1940. 32 A ce même type de gentilhomme, généalogiste et érudit, - ils étaient d'ailleurs en relations suivies, malgré l'écart de génération -, appartenait le comte de ClermontTouche bœuf. Jean-Alexandre-EmmanuelMarie de Touchebœuf, comte de Clermont (1760-1843), était déjà, lorsqu'il émigra en 1791, admirablement au fait de tout ce qui concernait de près ou de loin sa propre famille. Il a rédigé, de son exil irlandais, en 1794, à l'aide de ses seuls souvenirs, un vaste recueil « Mémoire et affaires de famille ... » publié, très partiellement malheureusement, en 19391940 12 • Il y montre, outre une mémoire impressionnante, une connaissance aiguë de l'ancien Périgord. Sous l'Empire et la Restau- ration, il meuble sa vie campagnarde, entre ses châteaux de Besse et de Monsec, par des travaux sérieux et solides sur les familles du sud du Périgord. Il avait vu bien des titres perdus pendant la Révolution et en gardait une exacte et précise souvenance. Il permit, aussi, d'en sauver certains; surtout, il fournit· bon nombre de généalogies à l'abbé de Lespine qui cite ses travaux avec confiance et considération. Pierre Lespine Il n'est pas un chercheur périgourdin qui ne connaisse le nom de Pierre Lespine (1757-1831). Pourtant sa biographie reste à ecnre, qUI presenteraIt un pUIssant mteret. D'une famille d'ancienne bourgeoisie, il publie, en 1777, la généalogie des siens: travail sérieux et de valeur, première généalogie bourgeoise imprimée en Périgord. Les qualités de concision et de clarté qui distingueront ses travaux s'y remarquent déjà 13. Ordonné prêtre en 1781, il est d'abord vicaire à Montpeyroux puis à Montagnac-la-Crempse; en 1788, il est élu chanoine par le chapitre de Saint-Front: sa réputation d'érudition avait suppléé à sa jeunesse et à l'effacement de sa carrière sacerdotale. Les archives privées de la province lui sont déjà ouvertes, lorsque le comte d'Hautefort de Vaudre se l'attache dans le but d'un travail sur sa Maison. Il émigre, en 1792, et rejoint son protecteur qu'il accompagne pendant tout son exil de dix ans, non sans accumuler notes et copies, lettres et mémoires, sur son cher Périgord. Rentré en 1802, il est, en 1805, appelé à la direction des Archives de la Dordogne; en 1807, il est attaché aux Archives de l'Empire et devient ensuite garde-manuscrit de la Bibliothèque royale et professeur à l'Ecole des Chartes. Il put ainsi faire acquérir les manuscrits que l'ancien chanceladais Prunis voulait vendre. Ces derniers formèrent le noyau de ce qui devait devenir, grâce à sa libéralité, notre célèbre « Collection Périgord» à la Bibliothèque nationale 14. En effet, il légua ses manuscrits, ses notes, sa correspondance; cet ensemble atteint ainsi 183 volumes: les tomes 1 à 22 forment le fonds Leydet-Prunis, et les suivants le fonds Lespine. Les généalogies et les matériaux généalogiques, d'une qualité irréprochable, en constituent l'essentiel. Si ce vrai savant n'a rien publié, on sait que les généalogies périgourdines parues dans les recueils de Courcelles, Saint-Allais et Lainé 15 sont de lui: ce sont de vrais monuments d'érudition et d'exactitude, sans emphase ni flatterie. Pierre Lespine occupe une place à part : l' • 1 • • • '" 13 - Aux A.D.24., AA 1333. Publiée à nouveau par Louis Grillon, in Bulletin du Cercle d 'Histoire et de Généalogie du Périgord, 1993, pp. 34 à 39. 14 - Cf. Inventaire sommaire de la Collection Périgord à la Bibliothèque nationale, par Philippe de Bosredon; Périgueux, 1890; cf. aussi Lauer. Collections manuscrites sur l'histoire des provinces de France. Inventaire. T. 2 (Périgord-Vexin). Paris, Leroux, 1911. Rappelons que les Archives départementales de la Dordogne possèdent le microfilm complet de cette série. 15 - Histoire Généalo· gique et Héraldique des pairs de France... par le chev. de Courcelle, Paris 1822-33. A noter que cette série, particulièrement précieuse pour le Périgord, est consultable dans les usuels de la Bibliothèque Municipale de Périgueux. Nobiliaire universel de France... par M. de Saint-Allais, 21 vol., 1814-1843, et 18721877. Archives Historiques et Généalogiques de la Noblesse de France par Lainé 1828-1850, 11 vol. Ces recueils sont généralement l'objet de critiques plus ou moins fondées. Mais les généalogies de familles périgourdines, directement tirées des travaux de Lespine, échappent, elles, à tout reproche. excellent généalogiste mais aussi grand historien, il est un homme clé à une époque charnière. Bourgeois, familier jusqu'à l'intimité de la noblesse, homme d'Ancien régime, en quelque sorte, il voit s'effacer et disparaître tout ce à quoi il est attaché. Exécuteur testamentaire, d'une société finissante, de la noblesse périgourdine en particulier, il est aussi un grand commis de l'Etat, assurant véritablement la naissance d'un service public, donnant une éthique à la conservation du patrimoine écrit et en facilitant plus largement l'accès. Ce personnage, exceptionnel jusque dans son effacement, mérite de tenter un biographe. li honore, en tout cas, profondément le Périgord que peu ont servi mieux ou autant que lui 16. A sa mort, personne en Périgord ne songea à réunir ses généalogies déjà publiées sans nom d'auteur et qui auraient formé un recueil précieux pour les chercheurs; celles restées manuscrites -le plus grand nombre - le sont toujours dans les volumes de la Collection Périgord; mais beaucoup de papiers précieux, restés à Vallereuil chez les siens, ont péri sans qu'on ait agi pour les sauver. Force est de constater, en effet, que, si les publications archéologiques et historiques se multipliaient dans le département, la place occupée par la généalogie était infime. Taillefer et Mourcin, pourtant fidèles correspondants de Lespine, ne suivirent pas ses traces. Ni Gourgue, ni Audierne, ni Dessalles ne marquèrent un intérêt réel pour de telles études. Aussi, au milieu du XIXe siècle, ne trouvons-nous guère, en dehors de travaux de particuliers sur leurs familles, que quelques individualités assez isolées. Adolphe de Larmandie (1800-1879) était, depuis son plus jeune ~ge, un fervent des choses du passé. Il recueillait et transcrivait fidèlement les documents qu'il rencontrait, annotait les généalogies imprimées, accumulait les détails topographiques et descriptifs. Il publia peu, mais donna à ses correspondants avec une libéralité inépuisable; ainsi copiaitil, et recopiait-il, de volumineux cahiers. A la Bibliothèque de Périgueux et aux Archives municipales de Bergerac, on peut aujourd'hui consulter de ces curieux registres, certains truffés de documents originaux, singulier mélange de compilation, d'érudition et de naïveté, remplis de redits et de digressions 17. A. DujarricDescombes: Pierre Lespine 1757·1813, in B.S.H.A.P., 1910. 16 - 17 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1880. donne, a proprement par1er, aucune genea10l, 1 1 gie familiale. Ses goûts le poussaient plus vers l'héraldique pure. Cet homme délicat et effacé craignait surtout de déplaire en n'épousant pas les prétentions des uns et des autres; ses écrits, d'une grande sobriété et d'une minutieuse précision, montrent cependant combien était grande sa science des familles du Périgord 18. A la marquise de Cumont (1834-1904), née Marie-Thérèse de Damas, les généalogistes sont redevables de précieux travaux, dont des « Recherches sur la Noblesse du Périgord» parues en 1890, et une généalogie de la « Maison d'Hautefort ». Mais on doit surtout à cette grande dame, dont le comte de Saint-Saud salua la mémoire 19, le sauvetage du magnifique chartrier d'Hautefort, qu'elle transporta dans sa résidence poitevine. Aujourd'hui déposé aux archives d'Angers, il est, une des sources incontournables pour l'histoire de la province et des familles, grandes ou modestes qui gravitaient aux alentours de ces seigneurs. Hélie, marquis de Bourdeille (18231896) avait conçu de son côté, et un peu en solitaire, le projet d'un « Armorial du Périgord» sur lequel il travailla dans les années 1880 ; il adressa ainsi des questionnaires imprimés aux familles concernées 20; mais cette tentative, peu connue, n'aboutit pas, et personne n'eut accès à la documentation, impqrtante dit-on, qui avait été réunie et dont le sort actuel est Ignore. • 1 • Louis-Charles Grellet-Balguerie. Coll. Esc/afer de /a Rode. PhotoA.O. 24. 18 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1894. 19 - Nécrologie par Saint-Saud, in B.S.H.A.P., 1903, tirage à part 1904. 20 - Lettre et questionnaire imprimé (archives familiales de l'auteur). La nécrologie du marquis de Bourdeille, in B.S.H.A.P. 1896, ne fait aucunement allusion à cette entreprise. Farnier la cite, in Autour de l'Abbaye de Ligueux, T. II, p. 271. 21 - «L'abbé Théo- Alfred de Froidefond de Boulazac (1814-1893) est largement connu gr~ce à son «Armorial de la Noblesse du Périgord », publié en 1858 et réédité en 1891 sous une autre forme bien plus développée. Cependant, il n'a Sur l'abbé Théodore Mallet (1809-1877) et ses « généalogies », il faut consulter l'étude de M. Louis Grillon 21. Quel singulier recueil, mélange de souvenirs et de recherches que le dore Mallet et ses généalogies" par L. Grillon, B.S.H.A.P., 1957. Le manuscrit est conservé aux archives de l'Evêché de Périgueux. 33 travail de ce curé de Mensignac! Trop volumineux, peut-être, pour être publié, il le mériterait pourtant: innombrables, en effet, sont les renseignements qu'on y trouve; et de plus, il est très révélateur de l'esprit d'un « curieux », soucieux de conserver des souvenirs de famille et la mémoire de personnages de la bourgeoisie et de la paysannerie. « J'ai décidé de consacrer la fin de ma vie à tirer de l'oubli mes ascendants... Inscrire les noms dans un livre vaut mieux même que de les graver sur la pierre... » écrivait Alfred de Lafaye de Ponteyraud (1829-1891). Si des malheurs et des revers empêchèrent ce gentilhomme doubleaud de mener ces projets à leur terme, les notes qu'il a laissées, conservées dans le fonds Saint-Saud, témoignent du sérieux de ses recherches, dans les minutes des notaires et les archives de mairies, et de ses solides connaissances sur l'histoire des fiefs comme des familles nobles et bourgeoises entre Isle et Dronne 22. • Le comte de Saint-Saud. Coll. Esc/afer de /a Rode. Photo AD. 24. 22 - Nécrologie par Saint-Saud, in ({ Revue de Saintonge et d' Aunis", 1891. 23 - Aimable commu- nication de M. Gontran du Mas de Paysac. 34 Les travaux de Mathieu du Mas de Paysac (1821-1885) sont restés, pour l'essentiel, manuscrits; sa « Généalogie de la Maison de Vaucocour» fait presque exception et on regrette qu'un « Recueil de notes généalogiques sur les familles du Périgord» soit encore inédit 23. Il faut bien parler d'O'Gilvy ! L'auteur du « Nobiliaire de Guienne », paru par fascicules à partir de 1856, était bien périgourdin. On _sait encore très peu sur lui. Né à Beaumont-du-Périgord, dans une famille modeste, il s'appelait Bouyer. Comme bien d'autres à l'époque, il songea à faire de l'argent en exploitant la manie nobiliaire, mais il s'y prit un peu vivement, à la hussarde. Il n'hésitait pas à faire chanter ses correspondants, les menaçant de publier ce qu'il croyait avoir trouvé sur leurs origines ou sur des personnages peu flatteurs dans leurs parentés 24. De fâcheuses disparitions dans les archives de la Gironde attirèrent un peu trop l'attention sur lui. Il quitta vite la région, commença à publier, à Bruxelles, un « Nobiliaire d'Austrasie », en 1861, et à Londres, en 1864, un « Nobiliaire de Normandie », laissant tous ces ouvrages inachevés. On ignore même ce que devint par la suite cet aventurier de la généalogie. Notre « Nobiliaire de Guienne et de Gascogne» fut repris et continué par Jules de Bourousse de Laforre. C'est une œuvre inégale, à consulter avec précaution, simple compilation de travaux manuscrits antérieurs, ou édition de notes envoyées par les intéressés qui en payaient l'insertion. Le Périgord n'y est d'ailleurs que , tres moyennement represente. La tardive fondation de la Société Historique et Archéologique du Périgord (S.H.A.P.) en 1874, alors que la plupart des sociétés savantes provinciales ou départementales avaient déjà trente ou quarante ans d'âge, aurait pû marquer un renouveau des études généalogiques. Il n'en fut rien, car elles furent dès l'origine pratiquement proscrites. Pourtant, nombre de ses premiers membres avaient de vastes connaissances en ces domaines, comme Henri Ribault de Laugardière ou Anatole de Roumejoux et Henri de Montégut, ou s'y intéressaient, comme Jules de Verneilh-Puyraseau. Ils furent, les uns et les autres, contraints d'adopter des formules narratives, masquant toujours fâcheusement la rigueur qui doit entourer l'énoncé des filiations. Aussi leurs travaux, sérieux et importants, sont-ils quelquefois difficiles à manier et à vérifier pour le généalogiste. Louis-Charles Grellet-Balguerie (18211896), actif membre correspondant de cette société, est à la fois trop oublié et trop important pour qu'on ne s'arrête un instant. Bordelais, il avait de nombreuses amitiés, très éclectiques, en Périgord. La découverte de la « Chronique de Guitres », dans le fonds Gaignières de la Bibliothèque nationale, l'amena à se pencher sur les origines des comtes de Périgord, mais ses travaux furent accueillis avec un scepticisme proche du dédain. La société des Archives historiques de la Gironde refusa la publication de cette chronique considérée alors comme apocryphe, et la Société Historique et Archéologique du Péri/ / 24 - Correspondance du « Comte O'Gilvy " avec le marquis de Campagne (archives de l'auteur). gord ne lui fit pas meilleur accueil. Certes, enthousiaste jusqu'à l'exaltation, brouillon et confus, passant d'un sujet à un autre, il avait un comportement d'un romantisme échevelé. Sympathique et lassant, il faisait sourire, et on ne discernait guère l'érudition profonde, sage, exceptionnelle, derrière l'excentricité du poète! 25 ans après sa mort, et sans connaître vraiment ses travaux, le médiéviste J. Depoin, dans ses «Etudes préparatoires à l'étude des familles palatines », devait justifier pleinement les certitudes de Grellet 25. L'authenticité de la « Chronique de Guitres» n'est plus contestée et les généalogies qu'en tirait Grellet-Balguerie s'en trouvent justifiées, comme les origines de Ribérac, Mussidan, Saint-Astier, éclairées. Mais c'est un grand tort que d'avoir raison trop tôt, et nul ne se souviendrait de lui s'il n'avait, fait unique, modifié la chronologie des rois de France: on lui doit la découverte d'un souverain jusqu'alors inconnu: Clovis, fils de Dagobert II d'Australie, roi de 672 à 678 ! Ce périgourdin d'adoption et de prédilection découvrit aussi les archives du château de Génis, en voie de perdition, et les fit sauver. Après un séjour de plusieurs années en Angleterre, où il avait accumulé une foule de notes sur des familles périgourdines, il venait de regagner la France lorsqu'il mourut au Havre; on ne sait, hélas, ce que sont devenus ses papiers, sans doute irrémédiablement perdus 26. vée : ils n'ont pas vieilli, et on consulte toujours avec le même profit ses sigillographies du Périgord, de l'Angoumois, de l'ancienne Auvergne, du Bas-Limousin et de la HauteVienne. Conseiller d'Etat, administrateur de grandes compagnies, il sut concilier les obligations de ses hautes fonctions avec celles de la recherche la plus minutieuse 27. li avait trouvé un émule en la personne de Louis Carvès (1856-1889), mort de son ardeur exagérée pour le travail, non sans avoir réuni par des dépouillements considérables d'archives privées une grande quantité de matériaux généalogiques sur le Sarladais, en particulier sur la Maison de Beynac 28. Bien qu'agenaise, la chanoinesse comtesse de Raymond doit être citée ici. Marie de Raymond (1825-1886) a travaillé aussi, en effet, sur le Périgord. On lui doit la mise au jour des «Faits d'armes» de Geoffroi de Vivans et les généalogies de cette famille et de ses alliés. Ses dossiers généalogiques remarquables, sa belle collection de documents, sa très riche bibliothèque sont l'ornement des archives du Lot et Garonne, auxquels elle les a légués. Consulté jadis par le comte de SaintSaud, qui fut très marqué par ces travaux, le « fonds de Raymond» pourrait l'être encore de nos jours dans bien des recherches sur le sud du Périgord 29. . Ivan de Valbrune (1837-1914), un temps • Eugène Le Roy dans son cadre de travail. A.D. 24, 8 Fi Portraits - 83. Photo AD. 24. 27 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1906. 28 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1881. 25 - J. Depoin, Etudes préparatoires à l'Histoire des familles palatines deuxième fascicule: Aimon, châtelain de Dordogne. Contribution à l'étude du Roman des Fils Aymon. Texte annoté et commenté de la "Chronique de Guitres», Paris, 1921. 26 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1896; E. Féret "Statistique de la Gironde (... ), biographie », 1889. Les immenses travaux sigillographiques de Philippe de Bosredon (1827-1906) méritent une mention particulière, tant ils renferment de renseignements généalogiques et héraldiques, mIS en œuvre avec une maltnse eprou• /1.. , archiviste-adjoint de la Dordogne, curieux de tout, s'intéressait aussi fortement aux généalogies : ses publications de vulgarisation témoignent de connaissances sérieuses, et ses papiers, légués aux Archives départementales, peuvent 29 - Catalogue des tra· vaux personnels, dos· siers généalogiques, autographes, pièces diverses et bibliothèque de Madame la Comtesse de Raymond, légués en majeure partie aux archives départementales du Lot et Garonne, où ils forment le fonds de Raymond par G. Tholin, 1889. Ce répertoire détaillé de 2339 articles est précédé d'une biographie par Tamizey de Larroque. 35 légués aux Archives départementales, peuvent être quelquefois d'un appréciable secours 30. Le comte de Saint-Saud Le comte de Saint-Saud (1853-1951), déjà cité, occupe quant à lui une place unique: on ne saurait en quelques lignes résumer une vie aussi longue et aussi bien remplie, ni une œuvre aussi dense. Issu d'une famille d'ancienne noblesse, Aymar d'Arlot de SaintSaud se destina d'abord à la magistrature. Un poste à Lourdes éveilla en lui une vocation de pyrénéiste. Son mariage avec Marguerite de Rochechouart l'apparenta avec la famille de la • Robert de Roton et ses proches. Photographiés en reflet dans un miroir, dont il a lui-même sculpté l'encadrement. Coll. Esc/afer de la Rode. PhotoAD. 24. 36 Rochejacquelin, et c'est en préparant une édition critique des mémoires de la célèbre marquise qu'une recherche pour identifier un périgourdin nommé dans ce livre, l'amena à la généalogie. C'était en 1888, et c'est donc pendant 65 ans, car il travailla jusqu'à ses derniers mois, que M. de Saint-Saud chercha sur les familles et l'histoire du Périgord! Sa bibliographie est impressionnante et ses publications tiennent à elles seules tout un rayon de bibliothèque. Qui n'a consulté ses « Généalogies périgourdines »? Ouvrages sérieux, rigoureux, honnêtes s'il en est, quoique demandant encore des rectifications et des compléments. Mais plus impressionnant que l' œuvre imprimée, si dense qu'elle soit, est le « fonds Saint-Saud» qu'il légua aux archives de la Gironde où il forme, sous 851 cotes, la sous-série 9 j... Les 132 premiers dossiers conservent ses papiers, travaux, correspondances, classés soit en fichiers soit par cahiers de thème et d'origine; le répertoire publié ne donne qu'une faible idée de la richesse de leur contenu. il faut parcourir bien des liasses pour se rendre compte de la densité des informations recueillies: peu de noms ou de lieux du Périgord qui ne s'y trouvent mentionnés! Ce sont ensuite, entre autres, les 636 titres de sa bibliothèque, riche épave d'un ensemble immense, dont d'autres éléments sont conservés par la S.H.A.P. ou dans les collections privées 31. Saint-Saud, par son infatigable activité, était devenu en Périgord le chef de file d'une pléiade de généalogistes dont le rôle ne doit pas être oublié. On peut citer, tout d'abord, venu bien avant lui, son ami le vicomte Gaston de Gérard du Barri (1851-1920). On connait surtout l'édition qu'il a donnée des «Chroniques» de Tarde, jusqu'alors manuscrites, et qu'il publia en 1887, enrichie de nombreuses notes qui doublent l'intérêt. Ses principaux travaux demeurènt aujourd'hui encore inédits et inaccessibles. Ce sont, notamment: « La réformation de la Noblesse en Périgord, en 1666-1667», donnant la filiation des familles maintenues lors de la grande recherche, « L'ordre de la noblesse du Périgord aux Etats provinciaux de 1789 », des « généalogies périgourdines », principalement sarladaises, dont certaines existent en copies dans le fonds SaintSaud et enfin une infinité de notes et de documents originaux sur le Périgord en général, et Sarlat • en particulier. li nous a été. donné de • 1\, pOUVOIr entreVOIr ces manuscnts, prets a l'impression: édités, ces volumes seraient précieux à beaucoup de chercheurs et rendraient à leur auteur la place qui lui revient dans les bons historiens du Périgord, dont la confidentialité de ses travaux l'a. privé jusqu'ici 32. Paul Huet (184il924) est de la même trempe. Sa collaboration active aux travaux de Saint-Saud est connue. On lui doit également des monographies familiales d'un réel mérite, mais c'est dans l'étude des familles du Moyen âge qu'il excellait; on ne sait ce que sont devenus ses dossiers, et il n'est possible de se faire une idée de l'importance de ses travaux qu'à travers l' œuvre maîtresse de son «élève», le chanoine Geoffroi Tenant de La Tour: 30 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1914; le « fonds de Valbrune », composé de 183 liasses est classé aux A.D.24 sous la cote 2E 1803. 31 . Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1951, avec bibliographie très partielle. La Bibliogra· phie généalogique de G. Saffroy ne réperto· rie pas, elle non plus, toutes les œuvres de Saint-Saud, en particulier en ce qui concerne certains tirages à part. Le «Fonds SaintSaud» est répertorié dans « Archives Dépar· tementales de la Gironde. Dons et Acquisitions. Réper· toire de la série]. Fonds principaux ». Bordeaux, 1955. 32 . Nécrologie, in B.S.H.A.P. 1920. Aimable communication de Mlle Isabelle de Gérard du Barri. 33 - Nécrologie, in B.S.RA.P. 1924. Geoffroi Tenant de La Tour: L 'homme et la terre de Charlemagne à Saint-Louis; essai sur les origines et les caractères d'une féodalité, Desclée 1943 ; sur P. Huet et ses travaux, pp. 25,28, 317. 34 - leurs nécrologies, in B.S.H.A.P. passim. 35 - Aimable communication de M. Gontran du Mas de Paysac. 36 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1939. 37 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1896. 38' - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1906. 39 - Cf. Guérin, Des hommes et des activités autour d'un demisiècle. Bordeaux, B.E.B., 1957, pp. 511-512. 40 - Bio-bibliographie dans son Dictionnaire historique et géographique de la Haute· Vienne, Limoges, 1926 (publication posthume). 41 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1915. « L'homme et la terre de Charlemagne à SaintLouis », où la formation de la féodalité en Limousin et en Périgord est étudiée de la plus saisissante façon 33. Il faut citer aussi Albéric Gros de Béler (1843-1906), Fernand de Bellusière (1844-1905), Ludovic de Thomasson de SaintPierre (1840-1903), archiviste-adjoint de la Dordogne parmi les collaborateurs les plus zélés d'Aymar de Saint-Saud 34. S'ils se sont souvent contentés de se livrer à des dépouillements et d'en remettre les fiches à leur ami, leurs compétences et connaissances, fort vastes, ne doivent pas être oubliées. '" appartenant a'ce" De son cote, meme groupe d'amis, Eymeric du Mas de Paysac (1853-1925) continua dans le sillage de son père des travaux importants, particulièrement sur des familles sarladaises. Ils n'ont pas encore été publiés, mais les manuscrits sont conservés par ses descendants 35. Xavier de Monteil (1861-1939) consacrait les loisirs que lui laissait son existence retirée de gentilhomme campagnard à dresser les généalogies des familles de sa parenté et de son cher Ribéracois. Ses manuscrits, habilement illustrés de dessins et de photographies, car il excellait dans ces deux arts, auraient été détruits ou dispersés à sa mort, ainsi que ses belles archives. Ses rares publications ne donnent qu'une idée trop restreinte de son savoir 36. Dans son sillage, le commandant Ernest Amadieu (1863-1935) se consacra à la recherche et au sauvetage des «vieux papiers ». Les archives lui doivent beaucoup, et il était la providence de ses correspondants généalogistes! Edmond Boisserie de Masmontet (1872-1945?) n'avait pas vingt ans quand il rejoignit Saint-Saud; il était déjà fort au courant de tout ce qui concernait les familles bergeracoises, et il ne tarda pas à publier, sous le pseudonyme de «Jean de Nastringues ». Il donna aussi des monographies de qualité, mais il se tourna vite vers la vulgarisation. Ses séries de cartes postales illustrées de dessins et de blasons sur « Les châteaux de Guienne » ou « Les châteaux de France », avec des textes historiques, sont connues des amateurs. Ses dossiers, conservés avec ceux de Saint-Saud, auquel il les avait légués, montrent tout à la fois la curiosité méthodique de son esprit et la banalité ' l es. L es revers d' une eX1S. d,etudes trop genera tence, devenue très tôt besogneuse, expliquent sans doute que l'enthousiasme et les capacités du chercheur se soient ainsi dilués. Co-auteur, avec son ami Boisserie, et sous la houlette de Saint-Saud, de la « Généa1 1 logie de Bideran », René de Manthé (1873-1896) fut trop tôt emporté par la mort pour avoir pu donner la mesure de qualités qui s'annonçaient exceptionnelles. Il est dommage qu'il n'ait eu le temps de publier son travail sur la Maison d'Estissac, grand famille périgourdine, bien peu connue malgré le rôle de premier plan de la plupart de ses membres 37. Si Maurice Campagne (1849-1906) était plus agenais que périgourdin, plusieurs travaux d'importance, notamment sur les Madaillan et les Bacalan, le rattachent au groupe des amis de Saint-Saud 38. De même; Pierre Meller (1862-1913), spécialiste des familles du bordelais, travailla t-il souvent sur le Périgord, très présent dans ses nombreuses publications 39. En Limousin, le chanoine André Lecler (1834-1920) traita souvent de familles et de personnages périgourdins dans ses innombrables livres 40. Mais, dans cette province, c'est l'extraordinaire Jean-Baptiste Champeval (1847-1915) qu'on ne peut oublier, tant ses travaux débordent sur le Périgord; original dépouilleur d'archives, annotateur impitoyable, il a laissé des volumes confus de forme, mais inépuisables de fond: nul ne connaissait mieux que lui la géographie féodale du Quercy, du Périgord et du Limousin, et il n'est guère de patronymes sur lesquels il n'y ait à glaner dans ses recueils 41. Nouvelles orientations S'attendrait-on à trouver parmi les généalogistes, même loin de ces cénacles, Eugène Le Roy (1846-1907)? Pourtant, «Le dernier ami des croquants» se livra longtemps à des recherches historiques et généalogiques qui furent même parmi ses premières productions. Ainsi, en 1889., il publie ses « Recherches sur l'origine et la valeur des particules des noms dans l'ancien comté de Montignac en Périgord », avec de piquantes observations sur un sujet bien connu. En 1904, c'est «Inventaire sommaire des papiers et généalogie de la famille Bouret, de Gaulejac près Montignac », travail • L'abbé Eugène Farnier à sa table de travail_ ça". Esc/afer de /a Rode. Photo AD. 24. 37 d'une plus grande ampleur et d'une réelle rigueur où il suit une souche paysanne depuis le XVIe siècle; quant à sa « Note sur la famille et la descendance naturelle de François, premier marquis de Hautefort », terminée en 1885, elle ne parut qu'en 1932 : c'est une approche nouvelle d'un sujet alors brûlant, la condition des bâtards, et Le Roy s'y révèle excellent. A l'autre extrémité de l'échiquier politique, c'est à un « militant» tout aussi engagé, qu'est due une étude monumentale. Sous le titre de « Les Ursulines de Périgueux », Eugène Roux (1845-1925) publia, à partir de 1905, non pas la pieuse chronique d'une communauté religieuse, mais une véritable étude sociologique sur tout ce qui l'entourait. Et c'est ainsi que nous avons une série de biographies et de généalogies très fouillées sur les familles de Périgueux ou des alentours. Ce travail essentiel, et très peu connu, est enfoui par petits lots de pages, dans les Bulletins de la S.H.A.P., car le tirage à part, doté d'additions et de tables, ne fut que peu diffusé. Rien n'a été édité, jusqu'à ce jour, de plus dense. L'auteur s'y montre un analyste de premier plan, connaissant d'une façon étonnante tout le Périgueux urbain et suburbain des XVIe et XVIIe. Que n'a-t-il pu donner des tableaux et développer les filiations qu'il cite et reprend de notes en notes. Le polémiste, successivement directeur des divers titres de la presse conservatrice en Dordogne durant 40 ans, savait aussi faire partager ses connaissances que chacun admirait. Saluons Ferdinand Villepelet (18391923), incontournable secrétaire général de la S.H.A.P. et archiviste départemental, providence des généalogistes grâce aux « Inventaires sommaires» qu'il a réalisés et dont une partie a été imprimée, sans oublier Albert Dujarric Descombes (1848-1926) et Joseph Durieux (1873-1950) dont les travaux reflètent une science profonde sur les familles du Périgord. Les généalogies familiales que dressèrent ces derniers, pour qui a pu en consulter les manuscrits, sont précises et exactes. De même, le Dr Emile Dusolier (1873-1963), historien du Ribéracois, se livra à de grandes recherches: ses dossiers, conservés aux Archives départementales ou à la Bibliothèque de Ribérac révèlent l'ampleur de ses travaux. La monographie consacrée à sa famille, d'ancienne bourgeoisie, est un modèle du genre, la forme valant le fond. Devenu périgourdin par mariage puis par résidence, le comte Robert de Roton (1885-1950), bibliophile, héraldiste et généalogiste d'audience nationale, ne négligea pas pour 38 autant sa province d'adoption. Mais sa mort prématurée nous a privés d'un travail d'ensemble sur la noblesse périgourdine, dont il réunissait les matériaux avec patience: ses fiches et ses notes donnent une idée de sa rigueur 42 Plus « grand public» sont les travaux de l'abbé Eugène Farnier (1872-1949). Son ouvrage intitulé « Autour de l'abbaye de Ligueux» a éveillé sans doute bien des vocations de chercheurs. il demeure une excellente introduction à l'histoire locale, en donnant, de façon accessible et simple, des notions justes, même si elles sont quelquefois sommaires, sur les lieux et les familles d'un vaste secteur. Le généalogiste tire aussi profit de ces petits volumes sur Bussière-Badil et Piégut-Pluviers, ainsi que de son « Histoire de l'Isle », parue en 1946. Avec ce prêtre modeste se termine cette évocation bien incomplète de nos anciens généalogistes. Parler des plus contemporains n'entre pas dans ce propos, même si le souvenir de beaucoup de ceux plus récemment disparus demeure cher à l'auteur de ces lignes. Aussi imparfait que soit ce tour d'horizon, il nous aura permis de souligner les deux « temps forts» de la généalogie en Périgord: l'époque de Lespine et celle de Saint-Saud. L'un et l'autre ont exercé en leur temps une sorte de magistère moral que personne ne contestait. Mais pour eux et autour d'eux, la généalogie demeure l'étude des élites. Retenons seulement que nous sommes très loin de la pratique contemporaine de la généalogie qui connaît un développement considérable. "al· A Le gene oglste actue1se retrouvera surement davantage dans les travaux d'Eugène Le Roy, Eugène Roux et Eugène Farnier, qui semblent illustrer l'idée qu'exprimait dès 1777 Dom Caffiaux : « L'ouvrage généalogique le plus intéressant pour la Nation Française, serait sans doute une généalogie complète et universelle de tous les habitants de la France, anciens et modernes, d'après les titres et monuments épars dans les différentes provinces. L'exécution d'un projet si vaste n'a rien d'impossible» 43 Patrick ESCLAFER de la RODE Président du Cercle d'Histoire et de Généalogie du Périgord 42 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1951; fiches et fichiers (collection de l'auteur). 43 - Trésor généalogique ou extrait des titres anciens qui concernent les maisons et familles connues en 1400 ou auparavant (. ..). Paris, 1777; discours préliminaire. , t - - - -_ _ _ _ BIBLIOTHEQUE - - Débutant ou chercheur confirmé, le généalogiste puisera utilement dans la bibliographie sélective et critique que nous vous proposons aujourd'hui. Archives départementales de la SeineMaritime: Voyage au pays des aïeux -Histoire et sources de la généalogie - Catalogue par Myriam Drouhard, Rouen, A.D. Seine-Maritime, 1992. 189 p. - [A.D. 24, US 74 ]. Ce catalogue d'exposition présente un intérêt beaucoup plus général que son cadre ne pourrait le laisser supposer. Chaque grand thème (généalogie d'hier, généalogie d'aujourd'hui, histoire de la généalogie, sources de la généalogie) fait l'objet de commentaires et d'explications simples et de qualité, agrémentés de bonnes notes bibliographiques. La dernière partie (p. 143-176), par le biais d'une généalogie fictive, constitue une excellente approche méthodologique d'une recherche généalogique simple 1. BEAUCARNOT Gean-Louis) : ABC de la généalogie, Alleur, Marabout, 1992. [Coll. Guides Marabout nO 140]. Auteur de nombreux ouvrages sur la généalogie et ses à-côtés, Jean-Louis Beaucarnot nous offre ici un petit guide pratique et économique, permettant au généalogiste amateur de se retrouver dans le dédale de recherches parfois complexes. Extrêmement pragmatique, ce livre renferme de précieux conseils et fournit de nombreuses réponses aux multiples problèmes qui ne peuvent manquer de se poser à tout moment d'une enquête familiale. 1 - La même méthode a été développée par Martine Duhamel dans ses deux articles parus dans Mémoire de la Dordogne nO 2, p. 37-39 et nO 3, p.25-27. BERNARD (Gildas) : Les familles protestantes en France. XVIe siècle - 1792. Guide des recherches biographiques et généalogiques, Paris, Archives Nationales, 1987. - 699 p. - [A.D. 24, US 117]. Ce guide complète utilement le manuel général précédent, en particulier pour notre région où l'on connait le rôle et l'histoire de la communauté protestante. Après avoir analysé, dans une riche introduction, les difficultés des recherches sur les familles réformées, en raison notamment des aléas historiques qu'elles ont subis en trois siècles, Gildas Bernard ~nalyse, département par département, l'ensemble des sources conservées soit sur place, soit dans d'autres lieux de recherche. On notera bien sûr avec intérêt le chapitre sur la Dordogne (p. 174-180). BERNARD (Gildas) : Les familles juives en France - XVIe siècle -1815 - Guide des recherches biographiques et généalogiques, Paris, Archives Nationales, 1990 - 281 p. [A.D. 24, US 118]. Dernier ouvrage de la trilogie sur l'histoire des familles de Gildas Bernard, ce guide des sources s'attache d'abord à cerner l'histoire des communautés par grande région d'implantation. On peut noter en particulier le chapitre sur le Sud-Ouest (p. 38-49), complété d'une abondante bibliographie. L'auteur, comme dans son œuvre précédente, passe ensuite au crible, pour chaque département, l'ensemble des sources répertoriées (très maigre pour la Dordogne, qui ne comptait qu'un juif en 1808 et une famille entre 1840 et 1866 (p. 108-109). BERNARD (Gildas) : Guide des recherches sur l'histoire des familles, Paris, Archives Nationales, 1981. - 335 p. [A.D. 24, US 116 ]. Véritable bible du généalogiste, cet ouvrage se doit de figurer dans toutes les bonnes bibliothèques de chercheurs amateurs ou professionnels. Réalisé par un professionnel des Archives, il constitue l'outil de travail indispensable pour tout défrichement dans leur jungle. Deux grandes parties divisent cette source : la première étudie en détail tous les types de documents pouvant se révéler utiles à la recherche (registres paroissiaux, fonds notariaux, enregistrement et hypothèques, recensements, 39 etc. ), la seconde traitant des différents lieux où ils sont conservés. Malgré l'absence d'un index qui aurait été d'une utilité certaine, ce guide constitue l'instrument de recherche de référence lorsque l'on passe la porte d'un Centre d'Archives. DURYE (Pierre) La généalogie, Paris, Presses Universitaires de France, 1961 (1 re éd.), 1988 (8 eéd.) [ Coll. Que sais·je, nO 917 ]. Objet de nombreuses rééditions et mises à jour, le texte de Pierre Durye reste un des ouvrages généraux incontournables. Fidèle à la devise de la collection qui le publie, il fait le point objectif de ce qu'il faut connaître pour se lancer dans des recherches généalogiques. Dans une approche très classique, il présente l'histoire de cette science, son utilité (et en particulier la diversité des thèmes qu'elle permet d'aborder), les buts et les méthodes de sa pratique et enfin les sources qui permettent de la mettre en œuvre. XIe Congrès de la Fédération française de généalogie, Bordeaux (9 • 12 mai 1991) : Actes et conférences, s.l. n.d. - 204 p. - [A.D. 24, B 984 ]. Parmi les nombreuses communications de ce riche congrès, on peut signaler les contributions originales concernant la génétique et la psychologie, qui confèrent une dimension supplémentaire àla généalogie traditionnelle, la table ronde sur les logiciels de généalogie en langue française et enfin les conférences sur le domaine aquitain. Nous nous permettrons d'extraire de ce dernier ensemble de qualité celle de Jean Valette: « Généalogies et biographies des protestants de la vallée de la Dordogne aux XVIIe-XVIIIe siècles» (p. 85-89), véritable guide des sources de l'histoire de cette communauté dans les archives françaises. FLEURY (M.) et HENRY (1.) : Nouveau manuel de dépouillement et d'exploitation de l'état-civil ancien, Paris, Edition de l'Institut National d'Etudes démographiques, 1965. - 182 p. - [A.D. 24, US 51 ]. Ce livre constitue l'un des ouvrages de base pour un dépouillement efficace et systématique des registres d'état-civil anciens (paroissiaux) ou modernes. Son but essentiel était d'harmoniser les techniques de traitement des informations qu'on y trouve, en vue de réaliser des études de démographie historique de qualité, notamment pour la période préstatistique. Bien qu'ancien, et n'intégrant donc 40 pas tous les apports de l'informatique (rapidité, traitement de masse, tris croisés, etc.) ce manuel reste d'une utilité certaine. GRANDEAU (Yann) : A la recherche de vos ancêtres - Guide du généalogiste amateur, Paris, Stock, 1974. - 348 p. [A.D. 24, C 1259]. Guide pratique des recherches généalogiques, ce manuel peut offrir un bon secours aux débutants, ou aux amateurs confrontés à des problèmes de base lors de leurs enquêtes familiales. JOUNIAUX (Léo): Généalogie - Pratique - Méthode - Recherche, Paris, Arthaud, 1991. - 416 p. - [A.D. 24, C 1260). Publiée par l'un des spécialistes de la généalogie, cette œuvre très bien présentée constitue actuellement le meilleur manuel pour qui veut débuter comme pour celui qui veut développer et élargir une recherche familiale. On y trouve aussi bien un chapitre sur des unités de mesure anciennes, qu'un autre sur les calendriers ou sur les cartes et plans. La partie concernant les sources se révèle elle aussi extrêmement utile et documentée (notamment dans ses références bibliographiques). L'un des intérêts supplémentaires, et non des moindres, de cet ouvrage, est de présenter, en annexe, une liste à jour des adresses utiles pour tout chercheur, ainsi qu'une originale, et indispensable, table détaillée du cadre de classement des archives. Enfin, ce livre expose avec clarté tous les thèmes de recherche qui permettent aux généalogies de dépasser la simple (et limitée) histoire personnelle et familiale pour s'attacher àl'histoire sociale, démographique ou même de la sante. 1 VALYNSEELE Ooseph) (sous la direction de) : La généalogie, histoire et pratique, Paris, Larousse, 1991. [Coll. Références Larousse « Histoire» ). Doté d'une excellente bibliographie et d'utiles tableaux et schémas, ce guide collectif, très clair et relativement exhaustif, se présente comme l'un des meilleurs dans sa catégorie. Abordant des thèmes traditionnels (méthodes et sources par exemple) comme des problèmes de fond (rapports entre la généalogie et la médecine ou la démographie, ou la . a'l'eco1)' genea1ogle e , c est un l'Ivre de re'ference qui mérite de figurer dans toute bonne bibliothèque généalogique. . 1 1 1 1 François BORDES , 1------- , DERNIERES ENTREES • Visite de Félix Faure à Bergerac. 1895. Photo Astrue. Fi. Etat d'accroissement des collections des Archives départementales: 1) DONS: - Carnet de nourrice, sevreuse, gardeuse, protection des enfants du premier âge (s.d.) [Don anonyme ]. J 2132. - Bref du pape Pie VI pour une affaire de consanguinité entre Nicolas Segonzac et Marguerite Laurière (1776). [Don de M. Labruhe ]. J2139. - Prospectus publicitaires (1987) [Don de M. Bitard]. J 2142. - Papiers de familles, Borie, Duclaud-Lalande, Labadie, Larivière de la commune de Châtres (1824-1967). [Don de M. Larivière ]. J 2143/1-4. - Programme du concert de charité donné au théâtre de Ribérac (1909). [Dons des Archives de la Gironde]. J 2144. - Livre de comptes de la ferme-école de Saltgourde (1848-50). [Don de M. Elias]. J2148. - Affiche du Ministère de la Guerre pour le recensement des bâts et véhicules (1933). Fi. - Affiches électorales pour les délégués cantonaux (1946). Fi. - Affiche en français et polonais demandant le ralliement des polonais de France à l'Armée française (s.d.). Fi. - 43 plaques photographiques de la Dordogne et de Paris (Guerre de 1914-18). [Don de Mme Labatut ]. Fi. - 3 plans de la salle à manger de l'hôpital de Périgueux (1956). [Don de M. Grillon]. Fi. - 7 cartes postales de la Dordogne et 44 gravures militaires (Empire, Seconde République, Second Empire). [Don de Mme Chevalier]. 2 Fi. -1 photo de classe, école de Châtres (vers 1920). [Don de M. Larivière ]. Fi. - 48 cartes postales de la Dordogne. [ Don des Archives départementales de la HauteVienne]. 2 Fi. - 11 cartes postales de Périgueux .et de la guerre de 1914. [Don de M. Reviriego]. Fi. - 182 cartes postales de Périgueux et du Périgord. [Don de M. Boisvert ]. 2 Fi. 2) ACHATS: - Actes de baptêmes et mariages protestants du Bergeracois (1665-1765). J 2135. - Lettre des protestants de Ste-Foy, Le Fleix, Montravel au sujet de leurs persécutions (s.d.). - Correspondance entre les pasteurs Alard et Becays de Bergerac et Ste-Foy-la-Grande au sujet d'un colloque (1775-76). J 2137. - Etat des protestants de La Roche-Chalais (an XIII). J 2138. - Fonds du Cheyron du Pavillon. (en cours de classement) 47 J. -Fonds du Château de la Gaubertie. (en cours de classement) 48 J. - Cahiers journaliers de l'instituteur de l'école de garçons de Beauronne (1911-1933). J2147/1-4. - Cahiers de devoirs de vacances et d'entraÎnement à l'écriture (s.d.). J 2152. - Cahiers de comptes d'épiciers, livraisons (1926-1939). J 2151. - Nomination de M. Theulier de Thiviers, président de l'Assemblée du canton: décret impérial sur parchemin (an XIII). J 2153. 41 - Livres de comptes de clients (commerce de produits pharmaceutiques, vins, sabots ...), région de Thenon (1878-83). J 2154. - Le livre de la Tribu: cahier contenant les statuts d'une société donnant des enseignements sur la morale et le civisme aux couples et aux enfants (Limeyrat 1907). J 2155. - Inauguration de l'aérodrome de PérigueuxBassillac, menu, invitations, programme (30 mai 1937). J 2156. - Livre de comptes de maison de M. Beyssière (région du Sarladais) (1875-83). J 2158. - Papiers scolaires: élèves du lycée, de l'école du Centre de Périgueux (1859-1939). J 2160. - Dossier pour la révocation du maire de Clermont-de-Beauregard: M.le Comte du Pavillon, pour refus d'afficher l'arrêt de la Cour de Cassation annulant le jugement de condamnation d'Albert Dreyfus. Nombreuses lettres de soutien au maire. Inventaire des archives de la commune (1899-1925). J 2161. - 4 photographies d'Astruc, photographe à Bergerac représentant les fêtes données à Bergerac lors de la visite de Félix Faure (1895). Fi. - Revues d'architecture «Le moniteur des architectes» (1880, 1881, 1886), «Monographies de bâtiments modernes» (1900), «La construction moderne» (1958), «l'Architecture française» (1954). Fi. - Extrait du recueil des cartes et plans établi pour la navigation des rivières en Guyenne (1696). Fi. 3) DOCUMENTATION 1 : - Relevé des mariages de la paroisse de Nadaillac (1670-1752). [ Don de l'Institut D.O.L.E. ]. Doc. Arch. 12. - Analyse de l'état-civil de Lamonzie-SaintMartin (1792-1890). [Don de M. Martin]. Doc. Arch. 13. - Acte notarié passé à Condat (XVIe siècle). Doc. Arch. 14. -Rôles des sommes dues àGaillard Galland sur les ventes des domaines de Périgord et Limousin (1603). [Archives des Pyrénées-Atlantiques, B 1921 ]. Doc. Arch. 15. - Manuscrit français de la Bibliothèque nationale nO 22422. Doc. Arch. 16. - Généalogie de la famille Charon. [Don de M. de Maillard]. Doc. Arch. 17. - Manuscrits de Jules Ballet: biographie de Edmond Placide du Chassaing de Fontbressin (1818-73). [ Archives de la Guadeloupe, soussérie 2 J 12]. Doc. Arch. 18. - Relevé sommaire des registres paroissiaux d'Annesse: famille Labruhe. Doc. Arch. 19. - Famille d'Hautefort: branche de Marqueyssac. Dossier de documentation. Doc. Arch. 20. - Détail de l'état-civil protestant de Bergerac (1653-1792). rDon de M. Ménard ]. Doc. Arch. 21. -Inventaire des pièces contenues dans un registre concernant les protestants de Montcaret (1624-1780). [Don de M. Vircoulon]. Doc. Arch. 22. Jacqueline FAURE FORUM ______________~ Cette rubrique vous concerne. Utilisez la pour exprimer vos idées, réactions, suggestions. Outil de communication, elle doit être un intermédiaire supplémentaire entre les lecteurs et les Archives, un moyen d'échange et de recherche à votre service. • Je recherche le texte de la légende du dragon de la tour de Vésone. • Je cherche àen savoir plus sur la fonction de Périgueux sur le chemin de Compostelle qui part de Tournai en Belgique et traverse le département actuel des Landes. 42 • Je souhaite compléter ma collection iconographique d'asiniens en ce qui concerne la période historique pour les robes rouge, rousse ou rosée du type andalusa-cordoba, métis hémione-anesse ... Ecrire à Monsieur Jean-Pierre ANNERON 19, rue des Belles Filles, 91580 Etrechy. 1 - Série nouvelle constituée par les dons de documents sous forme de photocopies. SONOTHÈQUE En 1986, le premier travail de la Sonothèque, axé sur l'histoire de l'édition musicale en Ribéracois 1, a favorisé la création d'une partithèque qui s'enrichit régulièrement de nouveaux dons. Paroles et musique 1 - Impressions de quadrilles. T. BOISVERT et S. ROUX. Archives départementales de la Dordogne. ADAM 24 - 1987. 2 - AD 24, 27 182. J1à 3 - AD 24, 28 147. J1à 4 - AD 24, 29 J 1 à 73. 5 - AD 24, 30 J 1 à 5. Dans cette région du Périgord, entre 1870 et 1930, cinq maisons d'édition musicale spécialisées dans la musique de bal (quadrille, valse, polka, mazurka, scott.ish ... ) se livraient une concurrence sans merCI. A cette époque, le Ribéracois faisait partie des principaux centres d'édition musicale français puisqu'on dénombrait deux cent vingt six éditeurs à Paris, huit à Marseille, sept à Lyon et six àNice. Ribérac rivalisait donc avec ces grandes villes et ce, grâce à la réussite commerciale d'un homme qui avait compris toutes les astuces du métier d'éditeur de musique: Elie Dupeyrat. Musicien de bal à ses débuts, il apprend les premiers rudiments de l'édition musicale vers 1865 avec M. Verde au, installé à SaintAntoine près de Saint-André-de-Cubzac en Gironde. Il crée sa maison en 1873 et, quelques années plus tard, son commerce rayonne sur la France entière, les colonies et certains pays limitrophes comme la Belgique ou l'Allemagne. Cette réussite fera des émules sur le plan local et c'est ainsi que plusieurs maisons (dont les Archives départementales détiennent une partie des fonds) verront le jour: Chéry Roy 2, d'abord àSaint-Martin-de-Ribérac puis à Villetoureix (1884), Gabriel et Roger Clement 3, à Ribérac (1895), François Rougier 4, d'abord à Villetoureix (1900), puis à Ribérac (1913) et Léon Dupeyrat 5, fils a~né d'Elie Dupeyrat, à Ribérac (1909). Elie Dupeyrat servira de modèle àtous ces éditeurs: ils seront tous musiciens de bal, compositeurs, professeurs, imprimeurs, marcha~ds et réparateurs d'instruments de mUSIque ... Cette fabuleuse histoire, qui s'est terminée dans les années 1930, a laissé des traces dans la mémoire collective et, lors de nos enquêtes, nous avons enregistré des ouvriers, des compositeurs, des musiciens, des fils et petits-fils d'éditeurs qui nous ont transmis avec nostalgie leurs souvenirs de cette saga. C'est ainsi que nous avons rencontré la famille d'Elie Dupeyrat avec laquelle nous avons conclu le versement du fonds de partitions de cet éditeur, ce qui représente 2722 airs à danser 6! • Elie Dupeyrat en compagnie de sa femme et de ses enfants à Savignac d'Allemans, vers 1900. Coll. Sagot. Photo A.D. 24. Quelque temps après, deux autres fonds sont venus compléter ces collections; il s'agit de partitions données par les anciennes harmonies de Belvès 7 et de Château-l'Evêque 8. On y trouve des pas redoublés, des marches, des transcriptions d'ouvertures d'opéras ... , tout le répertoire qui fit la gloire des orphéons lors de leurs prestations sur les kiosques. Deux fonds supplémentaires, provenant des anciennes harmonies de Montignac et de la Sainte-Cécile de Périgueux, restent à classer et à inventorier. Lorsque ce travail sera achevé, nous pensons que la partithèque atteindra les 5 000 pièces. Ces partitions, communicables au 6 - AD 24, 26 1563. J1à 7 - AD 24, 25 127. J1à 8 - AD 24, 35 194. J1à 43 public, représentent une partie de notre patrimoine musical et, à ce titre, nous lançons un appel aux sociétés de musique afin qu'elles ver- sent ce genre de répertoire aux Archives départementales. Sylvain ROUX Extrait d'un entretien réalisé avec Laurent Delbecq (compositeur pour la maison d'édition Clément à Ribérac) le 20 septembre 1988 à Mâcon (Saône-et-Loire) Sylvain Roux: Vous avez commencé à quel âge à apprendre la musique? Laurent Delbecq : J'étais obligé, il n'y avait pas à choisir, à quatre, cinq ans, par là... S.R. : Sous l'impulsion de votre père? L.D. : Ah! Sous la tutelle de mon père! S.R. : Vous avez commencé par quoi, le solfège, un instrument de musique? L.D. : Le so/fege obligatoire, d'ailleurs, c'est la base de tout; sans solfège, on ne peut rien faire. Puis après, mon père m'a acheté une clarinette à treize clés et ce qui m'a amené, je devais avoir sep~ sept ans et demi par là, àjouer à l'église avec l'orgue. S.R. : Vous avez commencé à composer de la musique de bal à quel âge? S.R. : Et vous avez été aussi sociétaire de la SA CEM en même temps que votre père et en même temps que Clément père et fils ? L.D. : Mon père était bien avant à la SACEM. S.R. : Quelles étaient vos relations avec Clément, vous avez connu Gabriel... L.D. : Non, je l'ai connu par correspondance mais j'ai surtout connu -le fils. S.R. : Le système qui existait entre l'éditeur et le compositeur, comment ça fonctionnai~ c'est-à-dire vous envoyiez des manuscrits, vous étiez payés ? L.D. : Non, non, nous n'étions pas payés, bien contents de trouver un éditeur qui veuille prendre vos œuvres. S.R. : Votre père a travaillé sans droits d'auteur, il n'avait aucun intérêt, c'est-à-dire il donnait son manuscrit et il avait le bonheur d'être édité, c'est tout? • Orchestre Laurent Delbecq. Mâcon. Vers 1950. Coll. Delbecq. Photo A.D. 24. L.D. : Oh! C'était vers quinze, seize ans par là... S.R. : Alors, pourquoi le choix de la musique de bal, vous avez fait des bals à l'époque? L.D. : Pas à l'époque, mais un peu plus tard; j'avais un orchestre à mon nom, mais un orchestre moderne, « jazz ". S.R. : Parce qu'au début, vous avez composéaes scottishs, des mazurkas, des quadrilles? L.D. : C'est ça, c'est ça... S.R. : Parce que votre père le faisait certainement, et puis c'était encore la mode... L.D. : A cette époque-là, les Editions Clément avaient surtout des répertoires qui contenaient environ une vingtaine d'œuvres, je me rappelle d'un, je suis à peu près certain qu'il s'appelait « répertoire nationale ». Il y avait un peu de tout, valses, polkas, mazurkas et quadrilles. 44 L.D. : Oui, d'ailleurs, je crois que c'est lui qui est à l'origine de l'entrée à la SACEM de Gabriel Clément parce que mon père étant de la SA CEM, il ne pouvait plus se faire éditer sans droits d'auteur. S.R. : Est-ce que vous connaissiez les autres éditeurs, estce que vous aviez entendu parler de Roy, de Dupeyra~ de Rougier? L.D.: Ah! Oui! S.R. : Est-ce que vous avez vu des catalogues d'eux? L.D. : Non, parce que je pense que ces gens-là savaient que je travaillais pour Clément. S.R.: Vous n'avez pas été sollicité par ces éditeurs? L.D. : Non, parce que je ne pense pas qu'à cette époque-là, les éditeurs sollicitaien~ c'est plutôt le compositeur qui sollicitait l'éditeur, ça n'a pas changé! , 1-- LE DISCOURS DE LA METHODE Cartographie de la Dordogne. (1 ere partie : les cartes anciennes). Les cartes à grande échelle constituent une des sources privilégiées à la recherche sur l'histoire locale. Elles fournissent en particulier de nombreux renseignements sur la toponymie, l'archéologie, l'agriculture et l'industrie, et permettent, par une étude comparative, de mesurer l'évolution du paysage dans le temps. Les cartes de Belleyme et de Cassini La plus ancienne des cartes précises 1 concernant l'ensemble du Périgord est la fameuse Carte de la Généralité de la Guyenne, à laquelle est resté attaché le nom de l'ingénieur géographe qui en assura, à partir de 1766, la vérification et la coordination: Pierre de Belleyme 2. • Pierre de Belleyme. Extrait de "Iconographie des célébrités du Périgord ", par Reymond. 1863. Coll. Presbytère de Chancelade. Photo A.D.24. à ce document une valeur inestimable: limites administratives, voies de communication (terrestres ou fluviales), types de paysages et de cultures, industries, habitat sont autant de thèmes d'étude qu'il est possible d'aborder avec confiance à partir de cette carte. Et il n'est pas besoin de rappeler la remarquable précision de la toponymie, que seule la grandeur de l'échelle permettait. C'est à partir des minutes de ces feuilles que fut réalisée la partie aquitaine de la Carte de France que dirigeait Cassini. Mais l'échelle de cette dernière étant réduite de moitié (environ 1/86400), elle n'apporte aucun élément nouveau et se révèle beaucoup moins précise que celle de Belleyme. Sa seule faiblesse, d' ailleurs reconnue par son auteur, résidait dans sa conception même: description géométrique d'un territoire, elle ne représentait, selon les propres mots de Belleyme, qu'« une ébauche de topographie », et il serait imprudent de s'y référer pour y rechercher une figuration précise du relief ou pour entamer une quelconque étude morphologique du Périgord. Ces insuffisances devinrent rapidement criantes, en particulier pour l'armée: la connaissance la plus exacte possible du relief lui était absolument nécessaire, et les feuilles de Belleyme et de Cassini se révélaient, dans ce domaine, totalement inadaptées aux exigences des militaires. La carte d'état-major Levées sur le terrain entre 1761 et 1774 pour la partie périgourdine, vérifiées entre 1773 et 1789, les premières feuilles ne furent définitivement gravées qu'à la veille et au tout début de la Révolution; un deuxième lot vit le jour entre 1804 et 1813, et celle de Terrasson entre 1829 et 1834 [ADD, 1 Fi Dordogne 13 ]. L'échelle en fut fixée à 2 lignes pour 100 toises (environ 1/43200), rapport qui confère L'idée d'une nouvelle représentation de la France prit donc corps peu à peu, sous l'Empire puis la Restauration, mais ne se réalisa de façon systématique, pour la Dordogne, qu'entre 1839 et 1863. Levée à l'échelle de 1/40000, elle fut gravée à celle de 1/80000, avec une détermination précise des courbes de niveau. Dix feuilles la composent pour notre département. 1 - Nous ne prenons ici en compte que les représentations carto- graphiques dont l'échelle varie de 1/25000 à 1180000. 2 - Né le 17 mars 1747 à Beauregard (auj. Beauregard-et-Bassac, canton de Villamblard), mort le 29 aoilt 1819 à Paris. 45 N° Nom de feuille N° Nom de feuille 163 171 Rochechouart Jonzac NE/SE Périgueux Tulle NO/50 Libourne NE/SE 182 183 192 193 194 Bergerac Brive NO/50 La Réole NE Villeréal NO/NE/SE Gourdon NO 172 173 181 Mais la rapidité des progrès dans la création ou l'aménagement des voies de communication amena les autorités locales, lorsqu'il s'agit d'extraire de cette carte de France une carte du département de la Dordogne, à engager des frais et du personnel pour une mise à jour des premières gravures. Cela semblait d'autant plus nécessaire que cet exemplaire, réalisé par report sur pierre des originaux sur cuivre, devait servir de fond de carte à la Carte géologique de la Dordogne, à l'étude depuis déjà 30 ans. Ces travaux débouchèrent, en 1866, sur une version définitive de la carte à 1/80000 en 6 feuilles : Département de la Dordogne. Extrait de la carte topographique de la France levée par les officiers d'état-major et gravée au Dépôt général de la Guerre. Vote du Conseil Général des 24 août 1864 et 23 août 1865, Paris, 1866, Impr. Lemercier et Cie [ADD, 1 Fi Dordogne 25 ]. • La région de Cubjac, d'après la carte de Belleyme. La région de • Cubjac, d'après la carte d'état-major. 46 Les cartes thématiques ou spécifiques Le dernier quart du siècle voit la multiplication de cartes s'appuyant sur cette carte d'état-major, mais qui ne participent souvent plus d'un vaste projet national. Spécifiques à la Dordogne ou traitant d'un thème particulier, elles nous fournissent un témoignage intéressant sur l'équipement du département à cette époque, tout en permettant une étude de l'évolution toponymique en un siècle. :~ 1874: Avant·projet d'un réseau de che- mins de fer départementaux: atlas des feuilles de la carte d'état-major au 1/800000, précédées d'une carte du département au 240000, par Fargaudie [ADD, 1 Fi Dordogne 31]. :~ 1878 : Carte routière et hydrographique en six feuilles dressée par le service vicinal sous la direction de M Surrugue, agent-voyer en chef d'après le type adopté par le Conseil Général en sa séance du 26 août 1876. Publiée par le département en 1878 sous l'administration de M Oustry, préfet (échelle: 1/80000); elle fut gravée par Erhard, à Paris [ADD, 1 Fi Dordogne 22 J. 'A d'Aetre compl'etee, , Cette carte a l,·mteret sur les feuilles même, par de nombreux tableaux statistiques. On trouve également représentée, sur la feuille nO 2, une carte des routes et des chemins de fer de la Dordogne et des départements voisins, à 1/864000, et la feuille n O 5 comprend un plan de Périgueux à 1/10000. Elle est uniquement topographique, se contentant de mentionner la cote au-dessus du niveau de la mer, et indique pour chaque commune le nombre d'habitants qui la constituent 3. Cette nouvelle version de la carte départementale à 1/80000 fut réalisée en tenant compte de toutes les modifications intervenues en Dordogne depuis l'édition de 1866. :~ 1880 : Carte routière et hydrographique du département de la Dordogne. [ 1 Fi Dordogne 33 ]. Présentée sous forme d'atlas, cette carte comprend, comme la précédente, un plan de Périgueux à 1/10000, une carte des routes et des chemins de fer de la Dordogne et des départements voisins à 1/864000, mais également une carte routière et hydrographique du département à 1/480000. Le recueil comporte ensuite les feuilles à 1/80000 de chaque canton, par ordre alphabétique. Pour en savoir plus - BERTHAUT (Colonel), La carte de France, 1750-1898, Paris, Service géographique de l'Armée, 1898. - COLOMBE (Pierre), «Les signeaux télégraphiques optiques du Périgord », dans B.S.HA.P., t. 114, 1987, p. 127-129, + annexes:« 1: La carte du Périgord par de Belleyme (1781-1840) », ibid., p.130-134; et «II : La carte dite « carte d'état-major» à1/80000. Les travaux en Périgord », ibid., p. 135-143. - DAINVILLE (François de, S.J.), La carte de Guyenne par Belleyme, 1761-1840, Bordeaux, Delmas, 1957. - VILLEPELET (Robert), «Le dossier du géographe de Belleyme aux Archives nationales », dans B.S.HA.P., t. 37, 1910, p. 91 [cf. aussi DURIEUX G.), ibid., p.112-113 J. François BORDES 3 - Une version colorée en a été réalisée (couleurs différentes suivant les cantons) [ADD, 1 Fi Dordogne 27]. • Détail du tableau d'assemblage de la carte de Guyenne dressé au 1/43200 par Belleyme. (Extrait de La carte de la Guyenne par Belleyme, par François de Dainville. Delmas, Bordeaux, 1957). A.D. 24, B 488. Phato A.D. 24. 47 , PALEOGRAPHIE _ _ _ _ _ _ __ 2tc.-n. (}mk~ j;~ <éffi P' aM voy • Dénombrement de Losse. Sans date. AD. 24, 2 E 1828/14 - 34. Quelques indications pour lire. - Les majuscules très faciles à lire notamment C (lignes 1, 3, 7, 10), M (lignes 5, 8), J, dépouillé au début de la ligne 2 (Jehan), puis pourvu d'une boucle supplémentaire dans le même nom (lignes 5, 8). - h à l'intérieur d'un mot plonge au-dessous de la ligne dans Jehan (ligne 2). - p, j, q et y ont une partie descendante appuyée et bouclée qui parfois gêne la ligne suivante: ce sont ces pleins qui caractérisent ce texte. -l's final est tantôt relevé: Hellies (ligne 8), souvent en deux parties, comme dans: des biens (ligne 1). - Les abréviations: - abréviation usuelle du mot presens : pns (ligne 11) - les classiques: dudit (lignes 2 et 6). ~ audit (ligne 10). . Le trait plongeant déforme la fin du mot. - Monsieur, mestre (ligne 5), mestre (ligne 8). La plume est relevée, le mot est fracturé, la finale est en exposant. La même technique est employée dans commissaire (ligne 7) et sénéchausée (ligne 9). CVL 48 ---~[~~[I---Dénombrement de Losse fourni au Roy 1 C'est le dénombrement des biens tenus et posédés par Messire 2 Jehan de Losse seignieur dudit lieu, Thonnac, Peyriniac 3 Banes, Gaubert en Périgord, Calenave, La Barthe en Quercy, 4 et Belpeuch en Languedoc, qu'il ballie et remet par devers 5 vous Monsieur mestre Jehan de Marqueyssac, escuyer, seignieur 6 dudit lieu et de Bruzac, juge maige présidant présidial 7 et lieutenant général en Périgord, commissaire pour le Roy 7bis sur le faict des hornages a luy deubs en ladite seneschausée 8 député, en présance de mestre Hellies de Jehan, procureur 9 du Royen icelle sénéchaucée du Périgord, en suivant la vollonté et 10 commandement du Roy et exploitz balliés audit sieur de Losse 11 le second des présens mois et an signé ? sargent 12 royal. - Les abréviations par contraction finale: le mot se termine par un trait relevé très appuyé: .' dénombrement (ligne 1), commandement (ligne 10). Dans: lieutenant (ligne 7), la contraction est indiquée par une finale plongeante: lieut If Le mot: procureur (ligne 8) est contracté par un signe abréviatif tracé sans quitter le support. - L'orthographe: seignieur pour seigneur (lignes 2 et 5) balliés pour baillés (ligne 11). deubs (ligne 7bis) : vient de debvoir. RemaiqIJe,- Le nom du sergent royal qui comprend une abréviation est impossible à traduire: On peut transcrire cha..., la fin comporte trop de risques d'erreurs. e<e? Raymonde SARLAT 49 PAROLE DE LECTEUR ------1 Interview de Mona Siegel. François . Bordes:,Mona Siegel, , est-ce que vous poumez vous presenter, presenter votre cursus universitaire? Mona Siegel: Je suis en train de faire mes études pour un doctorat d'Histoire. J'ai commencé mes études universitaires au Colorado, où j'ai étudié la langue et la littérature françalse ; Je croyaIs contmuer, mals ce qUI m mteressait, c'était le milieu culturel, pas vraiment la littérature, la grammaire en tant que telles. J'ai donc décidé de continuer mes études, mais en histoire au lieu de la littérature et j'ai laissé de côté l'histoire littéraire, pour l'histoire sociale. J'avais commencé dans le pacifisme en général. Ma maîtrise portait sur la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et aussi sur le mouvement surréaliste et ses idées pacifistes, et j'ai trouvé que c'était intéressant. Mais mon problème était que c'étaient des gens un peu à côté de la société; ils avaient des idées très intéressantes, mais ça restait marginal pour l'époque et je voulais un sujet qui me laisse entrer davantage dans la société française. F.B. : Comment en êtes-vous arrivée à vous intéresser à la Dordogne ? M.S. : Je suis déjà venue en Dordogne en tant que touriste, cela me plaisait beaucoup. Et à la Bibliothèque de Wisconsin, aux Etats-Unis, ils ont les répertoires des archives de la Dordogne et je savais déjà qu'il en existait un très bien fait sur l'enseignement ici et c'est donc pour cette raison que je suis venue il y a deux ans. A ce moment-là, je suis venue ici et à Avignon mais il y avait beaucoup plus d'éléments en Dordogne. Je ne pouvais presque rien voir là-bas: c'est pas encore vraiment classé. Je crois que ça reste dans les boîtes, dans les greniers en fait, c'était trop difficile. Tandis qu'ici j'avais trouvé tout ce qu'il me fallait et j'avais décidé d'y retourner. F.B. : Vous étudiez donc le pacifisme à travers une profession qui a été un des vecteurs de ces • 50 '. • • • • ,. 1 idées entre les deux guerres, celle d'instituteur.. Ecole de Saint-Pancrace, M.S. : Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que 1935. Coll. Jamain. Photo les historiens, les sociologues ont déjà beau- AD. 24. coup écrit sur les instituteurs avant la première guerre mondiale, le rôle des instituteurs sous la Ille République: avec, par exemple, le « Tour de France par deux enfants », on a très bien étudié le rôle des instituteurs à cette époque-là. Entre les deux guerres, on a déjà fait des recherches sur le syndicat national, mais c'était jusque-là, en fait, le côté syndicaliste de la vie des instituteurs et c'est avec ces travaux qu'on a pas mal écrit sur le pacifisme des instituteurs, parce que c'était le syndicat national, à la fin des années 30, qui a fait une démarche pour la paix, au moment de Munich. Sinon, on a les écrits de Pétain en 39-40 disant que c'est la faute des instituteurs si la France a perdu la guerre, et je voulais savoir en fait qu'est-ce qui est arrivé à ce moment-là, entre les deux guerres, ou plutôt qu'est-ce qui se passait à l'école entre les instituteurs et les élèves, loin de Paris, loin du Bureau du Syndicat, pour voir s'il y avait vraiment eu un changement d'idée en France en général. F.B. : Et vous travaillez uniquement sur la Dordogne ou sur d'autres départements? M.S. :Je travaille sur la Dordogne et je compte travailler sur la Somme aussi, parce que je voulais choisir un département au sud, bien éloigné de Paris, mais aussi prendre un département frontalier. J'avais essayé dans le département du Nord, mais là il ne restait pas de documents, et donc j'ai pris la Somme qui était à moitié envahie et qui ne pouvait pas avoir le même rapport avec l'Allemagne, avec les voisins, que la Dordogne par exemple. Mais je ne suis pas allée encore dans la Somme. F.B. : Au niveau méthodologique, vous avez une démarche intéressante, puisque vous travaillez à la fois sur de l'écrit et sur de l'oral. Donc, qu'est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet? Quel est l'apport de l'écrit, qu'est-ce que vous trouvez dans les archives, et d'un " qu ,est-ce que vous attendez des autre cote, entretiens que nous menons avec vous sur le projet des instituteurs entre les deux guerres? • Mona Siegel et Madame Jamain, institutrice à la retraite. Coll. Jamain. Photo A.D.24. M.S. : Déjà, ce qui est magnifique avec les entretiens oraux, c'est qu'on peut poser les questions. Suivant que je suis aux Archives ou à la Bibliothèque, j'ai les sources devant moi et j'ai des trous partout, des questions que je veux poser, mais le papier ne me répond pas. Par exemple, j'ai eu les manuels scolaires de l'époque que j'ai regardés, les manuels d'histoire en particulier, mais c'est impossible de savoir comment les instituteurs les ont utilisés. Est-ce qu'il fallait apprendre par cœur les leçons, ou est-ce l'instituteur qui apprend les leçons et, partant de là, parlait plutôt de l'histoire locale? Donc là, on essaie de poser les questions: comment avez-vous choisi le manuel, comment l'avez-vous utilisé dans la classe? Donc c'est plutôt le côté un peu humain qu'on trouve avec les entretiens oraux. Par contre, en parlant aux instituteurs euxmêmes, il y a un problème de décalage entre la mémoire et l'histoire. J'ai déjà rencontré des gens, je le sais très bien, qui disaient des choses à l'époque dont ils ne se souviennent plus maintenant et c'est un problème en tant qu'historien ... Sylvain Roux: Ou ils ont changé d'avis ... M.S. : Oui, La mémoire, ce n'est pas du tout la même chose que l'histoire en fait. F.B. : Est-ce que l'enquête orale se pratique beaucoup aux Etats-Unis dans le milieu universitaire? M.S. : Je crois qu'on est beaucoup plus méfiant en France, dans les Universités, vis à vis des sources orales qu'aux Etats-Unis où c'est plus utilisé. F.B. : Est-ce que vous avez déjà une vue de la mentalité des instituteurs en Dordogne, entre les deux guerres, avec les quelques entretiens que vous avez déjà menés, avec les dossiers que vous avez vus dans nos archives. Est-ce que vous pouvez déjà analyser l'importance du rôle des instituteurs dans la transmission de ces idées pacifistes ? M.S. : Oui, je commence à voir plus clair. e' est-à-dire que ce qui est très intéressant dans ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, c'est que je crois qu'ils ont tous dit: « Oui, j'étais pacifiste à l'époque ». Ils n'avaient pas de problème, en disant « Moi, en tant qu'individu, j'avais des idées pacifistes. Peut-être que ce n'était pas bien, mais à l'époque, il y avait des raisons ». Ils ont tous dit aussi que ça n'entrait pas dans la classe, que la politique c'était autre chose que la pédagogie, et je suis en train de me demander maintenant si ce n'est pas une question plutôt de définition que l'on donne à la politique, surtout chez les femmes avec qui j'ai parlé. Elles ne pouvaient pas voter à l'époque; la politique, c'était le domaine des hommes, et ce qu'elles faisaient en classe, c'était autre chose. Mais, pour moi, dire aux élèves que la Société des Nations était quelque chose de magnifique et qu'il fallait avoir confiance dans la Société, c'était de la pédagogie politique, et donc je crois que c'est un peu pour ça que je ne reçois pas les réponses que j'attends. Mais cela ne veut pas dire que la pédagogie n'avait rien de politique en fait, et quand ils parlent des fêtes du 11 novembre, par exemple, où presque tous ont des souvenirs assez forts d'avoir amené les élèves aux Monuments aux Morts, des fois pour chanter la Marseillaise, d'autres fois pour lire des poèmes pacifistes de Victor Hugo ou d'autres, on voit bien que la mémoire de la première guerre mondiale rentrait dans l'école. 51
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