2 euros JOURNAL BIMESTRIEL D’EXPRESSION LIBRE du nord seine-et-marne Sale temps pour négocier… Soulcié - Iconovox Dans ce numéro d’ avril 2014 Il existe des pratiques politiques, ancrées dans la réalité sociale, qui s’opposent radicalement au libéralisme (p 8 et 9) et cette vérité simple fait peur aux grandes féodalités de notre époque et à leurs dirigeants. Alors ils tentent de discréditer les régimes populaires (p 12) et de récupérer l’héritage de ceux qui ont lutté pour une république sociale : Jaurès d’abord (p10 et 11) puis ceux qui ont perpétué son engagement politique dans le CNR (p 6 et 7). Ensuite, cette oligarchie de pacotille - quand elle ne sombre pas dans le ridicule des « Big magouilles » (p 2) - met toute son énergie à affaiblir la sécurité sociale (p 14), la recherche (p 16), et à précariser la jeunesse (p17). Heureusement, à Meaux, cette jeunesse est de moins en moins crédule devant les médias officiels et reste inventive et dynamique (p 15). #27 édito Anniversaires Il y a cent ans, Jaurès était assassiné. Sa faute : avoir compris avant les autres que les contradictions du capitalisme trouveraient une tragique et inévitable résolution dans une guerre dévastatrice pour la classe ouvrière. Les lecteurs de Tapage ne manqueront pas de venir à la réunion publique du 31 mai à Chauconin pour s’informer et débattre sur l’œuvre toujours actuelle de ce grand pacifiste. Local Des poubelles dans le compost > Page 3 Il y a soixante dix ans, le 15 mars 1944, le Conseil National de la résistance adoptait un programme ambitieux. Son but : préparer pour la société future un modèle de justice sociale fidèle à l’esprit de Jaurès et ne pas hésiter pour cela à évincer les féodalités financières de la direction de l’économie. Pendant les trente ans qui ont suivi, les citoyens français - protégés par des services publics performants dont la précieuse sécurité sociale - ont vu leur niveau de vie s’améliorer. Il y a un an, Shila Begum, ouvrière du textile à Dacca au Bangladesh, tentait de survivre au milieu des décombres d’un immeuble vétuste dont l’effondrement venait de causer la mort de plus de mille autres salariés des ateliers de confection. Sa faute : travailler dans des ateliers vétustes et dans des conditions misérables pour Dossier D’ autres modèles économiques > Pages 6 à 13 des multinationales du textile dont les dirigeants n’ont qu’une obsession. Celle de recréer de nouvelles féodalités financières au dessus des nations et défaire méthodiquement, par des réformes adaptées, le programme du CNR, bien trop conforme au modèle de Jaurès, bien trop avantageux pour les classes populaires et donc incompatible avec leur profit. Local Conférence-débat JAURES, le 31 mai > Page 5 > Retrouvez votre journal préféré, tous les deux mois sur : www.tapageameaux.fr ça se passe près de chez vous Machine de com’ La tragique mésaventure de l’équipe des « Copé boys » Bygmalion est une société de communication qui manifestement cultive un sens aigu de la gratitude et de la fidélité amicale. Mieux : l’équipe qui la constitue semble développer un sens du collectif, de l’entraide financière et de la cohésion de classe qui ferait pâlir d’envie une mutuelle ouvrière du milieu du XIXeme siècle. C’est un peu compliqué, mais essayons de suivre, peuple inculte et incorrigible dépensier que nous sommes… Cette société est donc créée en 2008 avec deux actionnaires , anciens collaborateurs de JFC, Guy Alves et Mastien Millot . Leur objectif est le rachat de la société Ideepole, travaillant entre autres pour des collectivités locales de droite et des personnalités politiques, dont JFC. Dès fin 2008 l’opération de rachat est bouclée, et financée en grande partie par la holding « Paris Luxembourg Participation » dirigée par Emmanuel Limino, un ancien membre du cabinet de JFC au budget. Ensuite, il leur arrive ce qui frappe la plupart des services publics qui n’écoutent que leur sens du devoir et l’intérêt général. Malgré les huit millions d’euros 2 qu’ils reçoivent de l’UMP, l’organisation des meetings pour Sarkozy et quelques menus frais de fonctionnement annexes gonflent certes leur chiffre d’affaires à 3.5 millions d’euros mais n’empêche pas un déficit structurel de 1.3 million d’euros en 2012. Comble de malchance, la justice -qui ne connaît rien aux cruelles nécessités de l’économie et à l’adaptation incontournable aux contraintes inhérentes à la compétitivité concurrentielle – leur cherche des poux dans la tête. Il y aurait eu un trop perçu de la ville de St Maur de 250 000 euros pour des guides commandés et non réalisés et des soupçons de favoritisme à France télévisions ( Là on ne comprend pas bien mais on va se renseigner). faisait beaucoup pour le reclassement des petites mains de l’UMP. Plusieurs stagiaires du groupe à l’Assemblée Nationale ou de la direction de communication du parti ont ainsi décroché leur premier emploi chez Bygmalion, comme consultants ou commerciaux. Une « assistante chef de projet » du Premier Cercle - la structure chargée des donateurs les plus fortunés - a été recrutée comme « chargée de communication ». Et parmi la trentaine de salariés on retrouve une attachée de presse de Michèle Tabarot, ancienne présidente de la commission des affaires culturelles à l’Assemblée ou encore deux collaborateurs d’Yves Jego, après son départ du secrétariat d’Etat à l’outre-mer et enfin des anciens collègues des nombreux cabinets ministériels de …JFC. Les conséquences sont tragiques. Bygmalion a dû se refaire une nouvelle virginité au pied levé, si on peut dire, avec un nouveau logo et un nouveau site. Bastien Millot, chroniqueur expert en médias sur Europe 1 et enseignant à sciences-po a dû démissionner pour prêter serment au barreau de Marseille. On dit même qu’il va consacrer son prochain livre au « lynchage médiatique » en toute connaissance de cause. Il avait pourtant laisser un souvenir ému au personnel de la mairie de Meaux en 1995 lorsqu’il régnait en valet zélé de JFC et menaçait les anciens de les « casser » Erratum de dernière minute : En fait Bygmalion ne recrute pas exclusivement à l’UMP. Quatre de ses cadres avaient travaillé avec B Millot à …France Television et un autre avait déjà rendu sa carte depuis longtemps : il s’agit de Amine Benalia-Brouch, ex militant auvergnat d’origine algérienne qui en 2009 était l’objet de la fameuse et subtile remarque de Brice Hortefeux « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » Une remarque finalement plutôt judicieuse si on l’applique aux « Copé boys » … Mais pire, en cette période de chômage généralisé, on peut légitimement s’inquiéter de l’avenir d’une société qui Sources : Médiapart Note : Pour ne pas alourdir inutilement cet article nous désignons notre bon maire par ses initiales JFC. Qu’il veuille bien nous en excuser. ça se passe près de chez vous Cultures Des poubelles dans le compost… En bordures des champs cultivés des alentours de Meaux on peut observer actuellement des tas de «compost» d’une nature plutôt inquiétante… bienvenue au pays du TMB !! La dernière inovation technologique : le TRI-MECANO-BIOLOGIQUE débarque en force dans les champs de brie (et d’ailleurs…). Les professionnels du traitement des déchets en sont très fiers ! Désormais, comme l’indique l’encart publicitaire extrait du site de Sita-France avec une tonne de dechets on produit 350 kg de compost ! On croit rêver… plutôt cauchemarder ! Ainsi on arriverait désormais à extraire de nos poubelles, (après avoir été écrasées dans le camionbenne puis manipulées au bulldozer) chaque élément organique de tout le reste et à en faire du compost ? sain ? On aurait trouvé la formule magique pour transformer nos poubelles en engrais !! C’est vraiment nous prendre pour des crétins. Comme l’explique le CNIID «En France, le TMB est surtout «vendu» comme un moyen de produire du compost. Or, cette pratique entraîne des effets dommageables sur l’environnement notamment la dissémination dans nos sols de contaminants contenus dans les poubelles en mélange». Pourtant, cette pratique est encadrée par la loi : La norme française (NFU 44051) dite « de qualité » autorise même pour chaque mètre cube de compost produit : 2,7 kg de plastiques et 5 kg de verres et métaux. Ce sont donc tous ces contaminants qui s’accumulent dans les sols dédiés à la production de notre alimentation. Cette norme est bien plus laxiste que la norme européenne qui refuse que les composts issus de TMB sortent du statut de déchets. La seule filière possible est la valorisation en biogaz puis l’enfouissement en décharge mais en aucun cas servir d’engrais pour les terres cultivables. +d’info http://jeveuxmonbacbio.org http://www.cniid.org http://www.sita.fr/solutions/valoriser-les-biodechets/ Gros plan d’un tas de «compost», prise en mars 2014 à quelques mêtres de la Tombe Militaire de Charles Peguy, entre Chauconin-Neufmontiers et Villeroy Sculptures Marcel Creac’h expose A Coulommiers Du19 avril au 4 mai, salle «le Valentin», Parc des capucins. tous les jours sauf mardi de 14h à 19h A La Ferté-sous-Jouarre Les 10 et 11 mai, Centre d’Art de l’Ancienne Synagogue Samedi 10 de 15h à 18h - Dimanche 11 de 10h à 13h et 15h à 18h ET Galerie L’Atelier, 20 bis rue du Gal Leclerc, Samedi 10 de 14h à 19h - Dimanche de 11h à 18h 3 ça se passe près de chez vous Crayon L’œuvre de Degas est immense : peintures, sculptures, fusains… mais c’est peut-être dans ses dessins qu’il manifeste sa plus grande faculté de saisir l’humain dans sa parfaite simplicité. Edgar Degas. Femme nue, assise par terre, se peignant. Entre 1886 et 1890 pastel et fusain sur papier vergé beige ; Musée d’Orsay, Paris Festival d’expressions artistiques Beau comme un printemps plein de paroles Comme chaque année au milieu du printemps, le parc Culturel de Rentilly, propose le «festival PrinTemps de paroles». Un florilège de talents issus des «arts de la rue» : artistes, comédiens, musiciens, danseurs, acrobates, circassiens, vont mettre le territoire de Marneet-Gondoire en ébullition du 19 au 25 mai 2014. Extraits : EN AVANT-GOÛT : Ça cartonne à Washington Spectacle de cirque atypique et burlesque, mené par un duo dont la virtuosité n’a d’égale que la décontraction, > Samedi 17 mai, au centre commercial Bay 2, place des rencontres, à 14h30 et 16h30 Le cri du vin/chansonsàboire une promenade vagabonde, voluptueuse et joyeuse au pays du vin et de l’ivresse que vous convie le SAMU. Maintes jolies choses, au cours des siècles, ont été écrites sur ce fabuleux nectar. > Samedi 24 mai, 19h40 - Dimanche 25 : 12h15 et 17h55 LE WEEK-END DES 23 ET 24 MAI : Parc culturel de Rentilly : (selection aléatoire, de nombreux autres spectacles seront proposés ! ) Entre serre et jardin/théatredejardin En voilà deux que tout oppose : leurs apparences, leurs caractères et leurs buts… L’un se prélasse tandis que l’autre s’active, l’outil favori de l’un est le hamac quand l’autre s’affaire dans un lancer de fourche spectaculaire… > Samedi 24 mai, 14h30 - Dimanche 25 : 16h30 Aux p’tits oignons/comédie sans paroles Quand une femme, belle et désirable mais désespérément seule, se lance à la recherche du grand Amour et dans une préparation culinaires « aux p’tits oignons », il vaut mieux rester prudent… > Samedi 24 mai, 17h40 - Dimanche 25 : 12h15 et 17h55 4 Idéaux Beurre noir/boxecircus Un ring, une fille, cinq gars, des cordes et de l’acier ; a priori le rituel d’un combat... sauf qu’il est immédiatement détourné par un présentateur diabolique… Toute la programmation : http://www.marneetgondoire.fr/ parc-culturel-de-rentilly/festivalprintemps-de-paroles-858.html > Samedi 24 mai, 16h35 - Dimanche 25 : 17h35 Métamorf’Ose/théatrederêve Métamorf ’Ose est une pièce de théâtre vocal et corporel dans laquelle deux comédiennes-chanteuses créent un univers onirique et décalé en perpétuelle transformation. > Samedi 24 mai, 15h20 et 17h30 - Dimanche 25 : 12h45 et 16h05 Mobile Homme/aérien Ne ratez pas ce spectacle déambulatoire et aérien, attraction aérienne inédite de grande envergure intégrant prouesse, arts plastiques et musique. > Dimanche 25 : 18h30 ça se passe près de chez vous Débat-conférence public JAURES aujourd’hui Samedi 31mai > à Chauconin-Neufmontiers, Salle de la convivialité (face Mairie) En présence de : J F. TALON . Agrégé d’histoire . B. TEPER. Président du Réseau d’Education Populaire Trois séances-débat et une projection d’un court-métrage sur la vie de Jean Jaurès. - Buvette (boissons- sandwichs) Séance 1 : 14h – 15h30: Jaurès et la nation, l’armée, la guerre. - Animateur : J F TALON Réunion publique organisée par le journal Tapage, pour s’informer et débattre sur l’œuvre de Jaurès à l’occasion du centième anniversaire de sa mort. Séance 2 : 15h 45 –17h 15: Jaurès et l’éducation, la laïcité, la culture - Animateur : B TEPER Séance 3 : 18h – 19h30 Le modèle de Jaurès : la République sociale. Jaurès et Marx. - Animateurs : B TEPER. J F TALON Film : 17h30 – 17h 50 (durée 20 min) Hommage à Jean Jaurès de Jean LODS (1959) (Ciné-archives, fonds audiovisuel du PCF- Mouvement ouvrier et démocratique) Inscription : sur place : 5 euros les 3 séances-débats. Payée avant le 25 mai, l’inscription vous donnera droit aux trois séances-débat, à un en-cas, une boisson (sans alcool) et à 5 anciens numéros du journal Tapage Renseignements complémentaires et inscription à : [email protected] Chèques à l’ordre de APPEL, 10, rue de la Loi 77230 Montgé-en-Goële, avec votre adresse mail et/ou votre téléphone. AGENDA avril>mai > Sorties natures Boissise-le-Roi Le mercredi 23 avril à l’Espace Naturel Sensible de la Prairie Malécot, découverte des fleurs sauvages. Par Seine-etMarne environnement - Animateur : Guillaume Larregle > Lectures Feuilletons les jardins Dimanche 27 avril, 11h, Orangerie. Parc Culturel de Rentilly Venez écouter une lecture de textes tout droit sortis des livres disponibles au centre de ressources documentaires, mis en voix par la comédienne Odile Billard. Ces mots parlent de botanique, racontent des histoires d’arbres et de jardins. Ce rendez-vous est à partager en famille.Vous pourrez ensuite flâner dans l’Orangerie et dans parc pour profiter des nombreux ouvrages passionnants qui s’y trouvent. > Cinéma Les jours heureux Dimanche 27 avril, 18h, salle polyvalente de Quincy-Voisins Film documentaire de Gilles Perret « quand l’utopie des résistants devint réalité ». Entre mai 1943 et mars 1944, sur le territoire français encore occupé, 16 hommes appartenant à tous les partis politiques, tous les syndicats et tous les mouvements de résistance vont changer durablement le visage de la France en rédigeant le programme du Conseil National de la Résistance. > Musiques Du profane au sacré Le mardi 13 mai à 20h45 à L’église de Lognes. F.J. Haydn Retour de la famille Arties à l’Église de Lognes avec un récital imaginé spécialement pour la singularité du lieu. François Castang, récitant, accompagne la famille pour interpréter Les sept dernières paroles du Christ en croix. > Cirque en famille Le bal des intouchables Vendredi 16 mai 20h45, sam 17 mai 17h, dim 18 mai 17h, La Ferme du Buisson, Noisiel Ils sont douze, acrobates et musiciens, suspendus entre ciel et terre pour cette pièce de cirque qui en se dégageant des images convenues, fait l’éloge de la prouesse choisie et de la poésie du geste lent. 5 Dossier : d’autres modèles économiques Résistance Buster Salgan Le CNR Le 27 mai 1943, en pleine occupation allemande, au premier étage d’une maison parisienne, une vingtaine de résistants se réunissent pour constituer, sous l’égide de Jean Moulin, le C.N.R. (Conseil National de la Résistance) Soixante dix ans plus tard, leur action reste un modèle de courage individuel et de rigueur politique Évoquer la période de la résistance est un exercice toujours salutaire mais périlleux. Salutaire, évidemment, parce qu’il remet en lumière l’action d’hommes et de femmes qui, dans un contexte très sombre où tout semblait perdu, ont su dire non à l’ignominie du régime collaborationniste de Vichy mais aussi périlleux car il met en scène une certaine mythologie souvent entretenue pour camoufler la réalité historique. Essayons ici, très modestement, de relativiser deux approches très répandues de cette période. Tout d’abord, il n’est pas rare de lire que la défaite de 1940 est due à l’incurie des dirigeants de cette époque, incapables d’anticiper politiquement et militairement la menace allemande. En fait il faut rappeler, à la suite des ouvrages de Marc Bloch ou d’Annie LacroixRiz, que les oligarques des années 30 vantaient la réussite économique de l’Allemagne depuis l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Ces mêmes fameuses « cent familles » exécraient le modèle français surtout depuis les avancées sociales du Front Populaire. Car les luttes sociales et les grandes grèves de 1936 avaient obligé les classes dirigeantes dans un rapport de forces initié par la 6 base - à des concessions importantes qui mettaient les profits capitalistes en péril. Cette disposition d’esprit, résumée dans la célèbre phrase « Mieux vaut Hitler que le Front Populaire » explique en partie le « choix de la défaite » de nos élites et ses conséquences logiques : la drôle de guerre, la débâcle de 1940, les villes ouvertes, l’armistice, les pleins pouvoirs à Pétain et la collaboration dont l’intérêt immédiat se satisfaisait parfaitement d’une classe ouvrière écrasée. Ensuite, un deuxième mythe voudrait que la résistance ait été politiquement homogène, républicaine par principe, impulsée et pilotée d’en haut, principalement depuis Londres par le général De Gaulle. En réalité, à ses débuts, la résistance est complètement hétérogène. Elle est faite d’initiatives courageuses mais politiquement disparates et désorganisées. L’Histoire a retenu l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle mais peu de gens savent que le 17 juin (la veille) Daniel Cordier lance un appel à résister à Pau, Edmond Michelet fait de même à Brive, Germaine Tillion à Paris, le communiste Charles Tillon à Bordeaux etc. Et le principal rôle de Jean Moulin - après avoir convaincu de Gaulle de la nécessité de réunir le peuple français dans une perspective républicaine (ce qui n’était pas du tout évident) - a été justement d’unifier et de « pacifier » les antagonismes naturels des différentes composantes de la résistance française. Le C.N.R. constitué En janvier 1942 Jean Moulin obtient donc que les trois grands mouvements de résistance de la zone sud reconnaissent en De Gaulle le chef militaire relativement incontesté de la France Combattante. On y trouve le mouvement « Libération » composé de socialistes, et « Francs- tireurs », celui des résistants communistes, mais aussi le mouvement « Combat », politiquement à droite, qui rassemble un certain milieu intellectuel et universitaire de « Libération nationale » et des militaires de « Liberté ». Le 27 mai 1943, en présence donc des représentants de ces mouvements, de divers partis politiques et syndicats, Jean Moulin préside la première réunion qui va donner naissance au Conseil National de la Résistance. Il est difficile d’imaginer l’ambiance qui devait baigner une telle confrontation entre ces dix-neuf personnes au 1er étage de la maison du 48 avenue du Four à Paris. La moindre indiscrétion - sans parler même de trahison - de l’un entre eux signifiait, pour les autres, la certitude d’une arrestation suivie de Dossier : d’autres modèles économiques torture et de mort (comme l’a cruellement montré la fin tragique de Jean Moulin arrêté moins d’un mois plus tard, le 21 juin1943 à Caluire) Mais ce qui est frappant et appelle de notre part une certaine admiration, c’est, dans un tel contexte, la capacité qu’ont eue ces hommes à envisager une construction politique générale valable pour la suite c’est-à-dire pour les générations futures qui auraient la chance de vivre dans l’après-guerre.Ainsi le texte qu’ils adoptent ce jour là à l’unanimité ne se résume pas à un plan d’action pour libérer le territoire ; il prévoit de rendre la parole au peuple français, de rétablir les libertés républicaines dans un État de justice sociale qui aura le sens de la grandeur, et de travailler avec les Alliés à une nouvelle coopération internationale dans un monde où la France aura regagné son prestige. « lnstauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités financières de la direction de l’économie… « Le programme du C.N.R. Fort heureusement cette unité péniblement acquise va survivre à l’arrestation de Jean Moulin et l’outil qu’il a créé va se perfectionner jusqu’à la veille de la libération pour finalement adopter (dans la clandestinité, le 15 mars 1944 à Paris) le programme du Conseil National de la Résistance intitulé, dans sa première édition clandestine :« Les jours heureux ». Peu de textes peuvent se prévaloir de réunir en aussi peu de pages les grands principes de la République Sociale théorisée quarante ans plus tôt par Jaurès. Et notre classe politique - occupée à caresser les multinationales dans le sens du poil compétitif pour quémander une ébauche de croissance - serait bien inspirée d’en relire quelques paragraphes pour retrouver des repères idéologiques. Parmi les mesures d’urgence à appli- quer dès la libération du territoire on trouve en effet : l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités financières de la direction de l’économie, le retour à la nation des grands moyens de production, des compagnies d’assurances et des banques, le droit au travail et la garantie d’un niveau de salaire qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine et, enfin, un plan complet de sécurité sociale avec gestion des représentants et de l’État. Un programme appliqué ? Il faut d’abord remarquer que ce programme nous a évité l’Amgot (le gouvernement militaire allié des territoires occupés) qui aurait mis de fait la France sous protectorat américain. Ensuite, au risque de faire des simplifications excessives, on peut estimer que l’histoire de la France d’après guerre se scinde en deux grandes périodes. Il y a celle des fameuses « trente glorieuses » qui a vu l’application partielle du programme du C.N.R. et la suite que l’on connaît avec sa remise en cause progressive sous l’égide du nouveau dogme du libéralisme économique. Ainsi La Poste, la S.N.C.F., l’E.D.F., l’Hôpital public, la sécurité sociale et même l’école… Tous ces services ont vu leur mode d’organisation passer d’une conception collective et socialisée à une conception « marchandisée » c’est-à-dire ouverte aux marchés et aux opérateurs privés. Cette évolution, justifiée économiquement par la concurrence libre et non faussée, et appuyée juridiquement par les traités européens de libre échange n’est d’ailleurs pas spécifique à la France. On la retrouve par exemple en Grande-Bretagne où elle a été menée de main de fer par M.Thatcher comme le montre le dernier film de Ken Loach « L’esprit de 45 » qui complète utilement celui de G. Perret : « Les jours heureux ». Le C.N.R. aujourd’hui Il est toujours délicat de vouloir transposer une situation historique donnée dans le contexte complètement diffé- rent de notre actualité politique, et la nouvelle résistance qu’il faut engager envers les nouvelles féodalités économiques et financières est d’une autre nature. Nous ne risquons plus directement notre vie et le cadre juridique en vigueur dans nos sociétés occidentales respecte la liberté de conscience, le multipartisme et le droit à l’expression libre. Mais ce sont les classes dirigeantes elles-mêmes, en le prenant comme ennemi principal, qui soulignent la pertinence toujours actuelle du programme du C.N.R. de 1944. Il suffit de relire cet entretien trop connu de l’ancien N°2 du M.E.D.E.F. (Denis Kessler, « Challenge », oct. 2007) dont Raymond Aubrac a dit -non sans humour -- qu’il a dû être fabriqué par la gauche radicale tant il est caricatural : « …L’architecture de la Libération s’identifie à des conquêtes sociales qui continuent à marquer la société française : la sécurité sociale, la nationalisation de l’énergie, la droit de vote des femmes, les nouveaux pouvoirs pour le monde du travail… Elle est à l’évidence complètement dépassée, inefficace et datée. La France doit s’adapter aux exigences internationales nouvelles …». Il est aussi légitime de remarquer que la période que nous traversons présente des analogies troublantes avec d’autres périodes sombres de notre histoire. Sur le plan économique, les conséquences de différentes crises ont amené du chômage de masse et de la pauvreté généralisée. Sur le plan politique, une certaine corruption a gagné nos dirigeants. Et sur le plan « idéologique » on peut être troublé par la référence permanente au modèle allemand pour imposer des régressions sociales à l’ensemble de la classe ouvrière. Mais pour rester résolument optimiste, laissons la parole à Jean Jaurès : « …Il y a dans notre France, sur les problèmes vitaux, une inertie de la pensée, une somnolence de l’esprit qui nous exposent à toutes les surprises jusqu’au jour où se produisent ces réveils qui viennent heureusement quoique à de trop longs intervalles, sauver notre pays …». 7 Dossier : d’autres modèles économiques Paix Jaurès, c’est pas une station de métro ? Manuella Fuster Jean Jaurès est, pour beaucoup d’entre nous, un nom de rue ou d’école. Mais peu de gens savent à quel point il est connu dans le monde entier pour avoir donné un cadre juridique de référence à une composante essentielle de la liberté individuelle : la liberté de conscience. En1905, la loi de séparation des églises et de l’État a permis à chacun d’exister avec ses croyances, ses valeurs, sa religion ou sa non-religion, et d’avoir sa place de citoyen en s’exprimant à l’abri des pressions exercées par le groupe (ethnique ou religieux) auquel il appartient, volontairement ou non. Nous qui pensons, depuis plus d’un siècle, avec la protection de cette loi, nous avons oublié le calvaire que vivent ceux qui ne l’ont pas. Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que, lorsque les pressions religieuses sont liberticides et écrasantes, les populations réinventent localement une forme de laïcité pour retrouver la vie en commun. Ainsi, à Belfast, Betty Williams et Mairead Corrigan créèrent le mouvement « Peace People » (vers 1976) où catholiques et protestants manifestaient ensemble contre la violence et pour une vie de paix pour leurs enfants. En Israël a été fondé, en 1970, un village sur une colline entre Jérusalem et Tel-Aviv : « Neve Shalom-Wahat Al Salam » (Oasis de Paix) où musulmans, chrétiens et juifs (soixante familles environ et trois-cents sur liste d’attente) 8 décident de vivre ensemble. Depuis 1979 crèches et écoles mixtes sont la base du dialogue et du respect mutuel. Plus de quarante-cinq-mille jeunes et cinq-mille adultes ont pris part à des rencontres organisées dans ce village. On peut aussi évoquer Sylvie Berkowitsch qui dirige le département de la coexistence pour les jeunes (une centaine de cinq à seize ans) au Jérusalem International Y.M.C.A. Des enfants israéliens, juifs, chrétiens, musulmans, jordaniens, palestiniens chantent dans une chorale et participent à des ateliers d’art. Une quarantaine d’adolescents (filles et garçons) dialoguent en groupes (quinze à vingt séances de deux heures par an pendant deux ans) Tous ces projets ont été imaginés et portés par des gens qui ont pris beaucoup de risques pour refuser que leurs enfants et ceux des autres périssent dans des violences qu’engendrent les guerres. Comme on le voit, la religion n’est pas un obstacle à la vie en commun, c’est seulement l’intérêt économique ou politique (ou les deux) qui s’appuient sur la séparation des communautés. De nombreux êtres humains rêvent de la France pour la protection qu’elle assure aux croyants de toutes sortes. Ici pas de persécution, d’interdiction, pas de rejet à priori quelle que soit la conviction, religieuse ou non. Les femmes sont nombreuses à souffrir des dictats religieux et sexistes leur refusant le libre arbitre et auxquels elles ne peuvent échapper faute de lois qui les protègent. Ces femmes rêvent aussi de libertés : de penser, d’apprendre, de choisir sa vie. Ceux qui, avides d’argent et de pouvoir, n’œuvrent que pour se faciliter la tâche et détrousser tant les peuples que la planète, ceux là ont un rêve : « …quand la terre sera redevenue plate et que l’on pourra interpréter les brouillards qui l’entourent, à notre façon chacun sera redevenu docile et craintif, le parfait esclave à notre service …» (cf. Jaume Cabre dans son livre Confiteor) N’oublions pas ce que nous devons à Jaurès. Avant de revendiquer la liberté d’afficher sa différence coûte que coûte et où que ce soit, souvenons nous que la liberté de conscience est la première des libertés, c’est aussi celle qui permet la solidarité, l’union et donc la force de s’opposer. Le droit à la différence n’est définitivement pas la différence des droits. Dossier : d’autres modèles économiques Handicap Hugues Aurade Quand social et solidaire prend tout son sens Le chômage frappe deux fois plus les personnes en situation de handicap que l’ensemble de la population active. 21% d’entre elles sont à la recherche d’un emploi. C’est dire l’enjeu face auquel notre société se trouve. Et dans un monde où la calculette sert de cerveau à bien des managers - et des politiques, mais c’est une autre histoire il est intéressant de s’arrêter quelques instants, sur une initiative intelligente et qui fonctionne depuis 32 ans ! J’ai découvert ce petit bijou d’entreprise à l’occasion de la remise des 4èmes Trophées du C.C.A.H. (Comité national Coordination Action Handicap) Le C.C.A.H. est une association créée il y a plus de 40 ans par les caisses de retraite et qui réunit aujourd’hui les principaux groupes de protection sociale, des mutuelles, des comités d’entreprise et des associations nationales du handicap. La finalité du C.C.A.H. est de faire évoluer le regard porté sur le handicap et les mentalités à son sujet. Pour cela, entre autres activités, il finance des projets innovants d’établissements, de services ou de solutions technologiques, qui facilitent la vie quotidienne des personnes handicapées et concourent à façonner une société inclusive conforme aux obligations que la France s’est donné en ratifiant en 2010 la convention de l’O.N.U. relative aux droits des personnes handicapées. Ce sont ainsi quinze millions d’euros par an qui sont mobilisés à cette fin. Les Trophées du C.C.A.H. servent à mettre en avant quelques-uns des projets qu’il a accompagnés. C’est là que l’entreprise Artibois pointe le bout de son nez. Comme son nom le laisse entendre, c’est une menuiserie.Vingt-neuf salariés dont quatorze sont en situation de handicap et d’exclusion liée à des difficultés psychiques. Oui, oui, vous avez bien lu : psychique ! Vous en doutiez ? Mais non, mais non, allons. Si les déficiences psychiques font encore peur du fait de représentations erronées véhiculées le plus souvent par les médias, elles n’empêchent pas toujours de travailler, surtout lorsque l’entreprise choisit de s’adapter. Et c’est ce que fait Artibois. cette entreprise a des statuts associatifs, c’est-à-dire que son activité est à but non lucratif et s’inscrit dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. Ajoutons enfin que, comme sept-cent-vingt autres entreprises en France dont six en Seine-et-Marne, elle bénéficie d’un agrément « entreprise adaptée » qui lui permet de percevoir une aide financière pour chaque poste de travailleur handicapé créé. C’est un cercle vertueux : cette aide au poste est inférieure au salaire versé qui lui-même ne peut pas être inférieur au S.M.I.C. et est soumis à cotisations sociales, finançant donc la sécurité sociale d’une part, le travailleur handicapé n’a plus besoin de percevoir l’Allocation aux Adultes Handicapés (A.A.H.) d’autre part. Comment ? L’entreprise utilise le compagnonnage pour accompagner la formation des travailleurs handicapés. Chaque menuisier redonne ainsi confiance à un aide-menuisier, l’aide à sortir de son isolement et lui apprend à réaliser les mêmes tâches que les autres salariés. C’est exemplaire, ça marche depuis 32 ans ! Il suffit de s’y mettre. Remarquons que Artibois méritait bien son trophée remis dans la catégorie « Changer les pratiques ». Bravo à eux ! Pour en savoir plus : www.ccah.fr www.artibois.asso.fr www.unea.fr 9 Dossier : d’autres modèles économiques Phare Si Jaures m’était conté Le 31 mai prochain, l’équipe de Tapage organise à Chauconin-Neufmontiers une réunion publique pour évoquer l’action politique de Jaurès, à l’occasion du centième anniversaire de sa mort le 31 juillet 1914. Nous comptons sur votre présence nombreuse, tant il serait désolant de laisser cette commémoration aux mains de ceux qui n’ont de cesse de mettre à mal les principes pour lesquels Jaurès s’est battu toute sa vie : ceux de la République Sociale. Quelques éléments de réflexion pour aborder cette journée… Nul doute que de très nombreuses commémorations officielles de la mort de Jaurès seront organisées dans les mois qui vont venir. Jaurès est en effet incontournable dans l’espace par ailleurs assez limité des grandes références historiques de notre pays. Jaurès a été « panthéonisé » Au sens strict du terme ce fut en 1924 lors d’une cérémonie d’ailleurs très contestée. Et dans la plupart des esprits républicains, Jaurès reste figé, statufié, comme le grand pacifiste de 1914, le fondateur du journal l’ « Humanité », l’architecte de la loi de séparation de 1905 et l’unificateur de socialistes. Mais le risque, dans cette quasi sacralisation consensuelle de l’action et l’œuvre de Jaurès, c’est de camou- fler une entreprise de récupération et de neutralisation de sa pensée qui tente de la confiner dans un musée sympathique mais révolu de notre histoire nationale. Car au contraire, il est tout à fait légitime de croire que la pensée de Jaurès peut être une sorte de phare pour éclairer notre période et éviter de se perdre dans la crise actuelle. En effet, pour tout citoyen épris de justice sociale, un triste constat s’impose : le modèle communiste semble sérieusement plombé par ses avatars soviétique et chinois, le modèle social-démocrate est en pleine contradiction suite aux crises à répétition et le modèle keynesien des trente glorieuses apparaît difficilement reproductible car lié à des circonstances historiques très spécifiques (l’après guerre). Il paraît donc naturel de se tourner vers celui que Jaurès nous a légué, autrement dit : la république sociale. Rappelons en rapidement les principales orientations. La république sociale c’est d’abord les grands principes républicains. Puis la prise en compte des ruptures nécessaires avec l’ordre dominant – l’éviction des grandes féodalités de la direction de l’économie, comme l’écrira trente ans 10 plus tard le CNR - et les exigences indispensables qui y sont liées. Enfin une stratégie, l’ « évolution révolutionnaire » qui implique de traiter tous les problèmes de front en évitant la prééminence surplombante d’une question particulière. C’est la globalisation des luttes et la liaison constante du combat laïque et du combat social. Samedi 31 mai, en compagnie de J F Talon, agrégé d’histoire et spécialiste du XIXeme siècle et de B Teper qui vient d’écrire deux livres sur Jaurès, nous aurons juste le temps d’évoquer les grands axes de cette œuvre magistrale tant l’étendue des domaines qu’elle recouvre est vaste. Car Jaurès était à la fois un philosophe enseignant, un historien de la Révolution Française, un homme de terrain auprès des mineurs de Carmaux, un député engagé pour la laïcité, le droit des femmes et les retraites ouvrières et paysannes, un journaliste, un critique littéraire et un critique d’art etc…On est étourdi devant une telle profusion de textes toujours exigeants, érudits et engagés. Chers lecteurs, venez vous y confronter, mais sachez par avance que vous n’en sortirez pas indemnes… Dossier : d’autres modèles économiques Jaurès en paroles… L’armée nouvelle (1910) …Quand un syndicaliste révolutionnaire s’écrie au récent congrès de Toulouse « À bas les patries ! Vive la patrie universelle ! » il n’appelle pas de ses vœux la disparition, l’extinction des patries dans une médiocrité immense, où les caractères et les esprits perdraient leur relief et leur couleur. Encore moins appelle-t-il de ses vœux l’absorption des patries dans une énorme servitude, la domestication de toutes les patries par la patrie la plus brutale, et l’unification humaine par l’unité d’un militarisme colossal. En criant « À bas les patries ! » il crie « À bas l’égoïsme et l’antagonisme des patries, À bas les préjugés chauvins et les haines aveugles ! À bas les guerres fratricides, À bas les patries d’oppression et de destruction » Il appelle à plein cœur l’Universelle patrie des travailleurs libres, des nations indépendantes et amies. Discours parlementaire du 7 mars 1895 …Et voilà comment, Messieurs, vous aboutissez à cette double contradiction : d’une part, tandis que tous les peuples et tous les gouvernements veulent la paix, malgré tous les congrès de philanthropie internationale, la guerre peut naître toujours d’un hasard toujours possible ; et d’autre part, alors que s’est développé partout l’esprit de démocratie et de liberté, se développent aussi les grands organismes militaires qui, au jugement des penseurs républicains qui ont fait doctrine, sont toujours un péril chronique pour la liberté des démocraties.Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée porte l’orage. Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir enfin la guerre entre les peuples, c’est d’abolir la guerre entre les individus, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie - qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille - un régime de concorde sociale et d‘unité. Socialisme et liberté (1898) …Il ne faut pas s’imaginer que le mot de grève générale a une vertu magique et que la grève générale elle-même a une efficacité absolue et inconditionnée. La grève générale est pratique ou chimérique, utile ou funeste, suivant les conditions où elle se produit, la méthode qu’elle emploie et le but qu’elle se propose. Il y a, à mon sens, trois conditions indispensables pour qu’une grève générale puisse être utile : il faut que l’objet en vue duquel elle est déclarée passionne réellement, profondément la classe ouvrière. Il faut qu’une grande partie de l’opinion soit préparée à reconnaître la légitimité de cet objet. Il faut que la grève générale n’apparaisse point comme un déguisement de la violence et qu’elle soit simplement l’exercice du droit légal de grève, mais plus systématique et plus vaste, et avec un caractère de classe plus marqué. Laïcité et république sociale …Ouvriers de cette cité, ouvriers de la France républicaine, vous ne préparerez l’avenir, vous n’affranchirez votre classe que par l’école laïque, par l’école de la république et de la raison.. 11 Dossier : d’autres modèles économiques Vénézuela : Desiré Goghnot Ni « fascisme rouge » ni « félicité suprême » Où l’on tente d’évoquer le Venezuela et ses émeutes en contournant le discours dominant (Maduro = Pol Pot), et sans tomber dans le dithyrambe plein de majuscules d’un régime qui a inventé le « Sous-Ministère de la Félicité Sociale Suprême du Peuple Vénézuélien ». Les faits Des manifestations anti-gouvernementales ont lieu depuis plusieurs semaines au Venezuela. Le bilan est lourd (trente-trois morts, de tous bords) et l’on signale des cas de torture. Le mécontentement part d’un constat indéniable : une très forte criminalité, une économie qui n’a pas su tirer un profit durable de la manne pétrolière, la corruption. On proteste aussi contre le style parfois musclé de Maduro : ainsi, le pouvoir a récemment encadré (militairement) le pillage des supermarchés Daka, accusés (à juste titre, mais quand même) de pratiquer des prix outranciers. D’autres faits (généralement oubliés par la presse) Si l’on s’en tient à la presse européenne, l’affaire est entendue : Chavez et son disciple Maduro sont des dictateurs. Étrange réputation pour des dirigeants sur-légitimes (rappelons entre autres les six référendums organisés par Chavez et toutes les élections gagnées, ainsi que la - courte mais réelle - victoire de Maduro aux élections de 2013, et les récentes élections régionales, véritable plébiscite pour le pouvoir en place qui fait 76% des voix !) Chavez, au même titre que Lula au Brésil, a sorti de la misère des millions de Vénézuéliens, 12 et son successeur bénéfice toujours d’un soutien massif de la population, comme en témoignent les manifestations pro-gouvernementales largement suivies. Émeutes En 2002, un coup d’état est organisé par les opposants à Chavez. Il est soutenu et instantanément reconnu par les États-Unis (en la personne de l’ambassadeur Charles Shapiro) bien qu’il ne dure que quarante-sept heures. La situation actuelle rappelle cette époque : les meneurs des manifestations sont les mêmes (Leopoldo López, le plus connu, avait appuyé le putsch) les E.U. soutiennent (trois diplomates américains ont été expulsés récemment pour avoir coordonné des manifestations). Il y a cependant bel et bien des protestations estudiantines, même si l’on oublie souvent de dire qu’il s’agit essentiellement d’étudiants des universités privées sises dans les beaux quartiers de la capitale, et qu’il y a une scission avec les étudiants du public, plutôt favorables à Maduro. Ces manifestations sont parfois extrêmement violentes : ainsi, à l’issue d’une attaque contre un bâtiment du Ministère de l’éducation, trois personnes sont tuées - de la même façon : une balle dans la tête… La télévision publique est attaquée les armes à la main, tout comme les supermarchés d’état Mercal (à prix réduits) Nouvelle tentative de coup d’état ? La théorie n’est pas absurde. Elle semble confirmée par les discours de López, appelant ouvertement au soulèvement, et qui trouvent écho chez les autres opposants (Maria Machado en particulier) qui poussent à mettre à bas la « tyrannie ». Même la pénurie semble organisée, sous forme de rétention de milliers de tonnes de produits alimentaires, parfois retrouvés par les autorités. Bilan On peut se demander pour quelle raison les médias européens abondent en faveur des émeutiers. Un élément de réponse simple : au Venezuela, les médias sont majoritairement tenus par l’opposition (puisque l’on vous dit que c’est une dictature !) ; l’information serait donc filtrée à la base… Et surtout, n’oublions pas le double péché originel des Vénézuéliens, souvent allégué par les journalistes : les chavistes sont anti-américains (même s’ils vendent 50% de leur pétrole aux E.U.) et donc ennemis de la liberté, et ce sont communistes genre soviétiques (faux, ils sont socialistes et acceptent l’économie libérale) Dossier : d’autres modèles économiques Philo Charles Max Qu’est-ce qu’une utopie ? Dans le langage courant, une utopie est synonyme de chimère, de rêve impossible car irréaliste. Le terme d’origine grecque signifie littéralement lieu qui n’existe nulle part, ou-topos. Il naît, en littérature, sous la plume de Thomas More, philosophe anglais du 15eme siècle, qui donne un titre éponyme à sa description d’une île communiste imaginaire. Mais on le retrouve dès l’antiquité avec le mythe platonicien de l’Atlantide, autre Cité insulaire illustrant les thèses sociale du philosophe athénien. L’utopie a pour vocation de décrire un monde parfait, une société idéale où s’incarne la justice, la vertu ou l’égalité. Les hommes, emprunts de sagesse, ont su y construire un monde affranchi des vices et des maux qui corrompent nos idéaux. C’est pourquoi son principe d’écriture structurant est le miroir: il s’agit de refléter, de manière sous-jacente, les défauts de la société réelle afin de mieux prôner une rupture sociale et La Presse est libre Profitez-en ! Un journal/revue qui affirme haut et fort son « désir d’aller à rebours de l’écrasante cuistrerie ambiante ». Des interviews, des chroniques, des nouvelles et des illustrations de haut vol, le tout emballé dans une maquette graphique étincelante… (Atelier Formes Vives). BRAVO ! Vous pourrez déguster le blog à volonté mais pour savourer la version papier, il est incontournable de s’abonner, comme tous les médias libres qui veulent le rester… www.article11.info politique. Dans cette mesure, l’utopie s’insère dans le registre de l’apologue moral, à connotation volontiers révolutionnaire. La fiction possède donc une vertu heuristique, qui remet en question le poids ontologique de la réalité: d’autres mondes sont possibles. Pour le philosophe, l’utopie n’est donc pas négative, elle traduit au contraire la riche relation entre imaginaire et idée, qui fait sens par un rapport critique au réel, bien plus que par un plat constat d’une réalité réputée intangible. Journal bimestriel d’expression libre du Nord Seine-et-Marne - ISSN : 19692722 - Dépot légal : Avril 2014 - Directeur de publication : Patrice Hemet - Édité et imprimé par : Association pour la Promotion de l’Expression Libre dans la région meldoise (APEL de la région meldoise), Association Loi de 1901, JO du 24 janvier 2009 - Siège social : 10, rue de la Loi 77230 Montgé-en-Goële. [email protected] Site : www.tapageameaux.fr 13 Nos droits sociaux Jean Arthaud La sécu déshabillée par le pacte Le Pacte de responsabilité, même habillé en « Pacte de solidarité » c’est la mort programmée de la sécurité sociale de 1945. La grève interprofessionnelle à laquelle ont appelé, le 18 mars, les confédérations syndicales C.G.T et C.G.T-Force Ouvrière, ainsi que la F.S.U. et Solidaires contre l’austérité, pour le retrait du pacte de responsabilité, et les cent-quarante manifestations qu’elles ont convoquées dans tout le pays ont rassemblé des dizaines de milliers de salariés du privé et du public, des retraités, des chômeurs et des jeunes. La grande presse aux ordres s’en est fait très timidement l’écho. Élections sanction Les élections municipales des 23 et 30 mars constituent pourtant un cinglant désaveu politique du gouvernement Hollande-Ayrault : taux d’abstention sans précédent (36,45% au premier tour, 38,3 au second) Débâcle électorale du P.S., la droite et l’extrême-droite s’abstenant de tout triomphalisme (par exemple, à Meaux, J.-F. Copé a été élu au premier tour avec 64,30% des suffrages exprimés mais, comme les abstentions, les blancs et les nuls représentent 49,45%, son résultat réel est de 32,5% des inscrits) On notera que les plus forts taux d’abstention sont dans les bureaux de vote des quartiers populaires (par exemple 62% dans certains bureaux de Beauval).Tirant, à sa façon, le bilan de cette déroute, Hollande décide-t-il d’écouter la voix d’en bas ? En aucun cas ! Il maintient le cap réactionnaire en modifiant l’habillage du pacte de responsabilité. Il faut encore et surtout ne pas désobéir aux diktats de la troïka : Union Européenne, Banque Centrale Européenne, Fond Monétaire International. 14 Un pacte scélérat Le journal Le Figaro du 31 mars, peu susceptible de sympathie pour le mouvement ouvrier, détaille les nouveaux habits du pacte scélérat. Il s’agit, écrit-il, de « …mettre une dose de social dans le pacte de responsabilité …» à savoir : - Une baisse des cotisations payées par les salariés qui - selon un « groupe de travail » de parlementaires de la majorité - consisterait à alléger les cotisations salariales de deux milliards d’euros jusqu’à 1,3 S.M.I.C. « …De quoi redonner cinquante euros de pouvoir d’achat aux personnes au S.M.I.C. …» explique un député P.S., membre du groupe de travail. - Pour financer cette baisse des cotisations, il est envisagé de supprimer la P.P.E. (Prime Pour l’Emploi) de cinq-cents euros versés suite à la dé- claration fiscale « aux foyers les plus modestes » et qui a représenté 2,4 milliards d’euros en 2013. Le Figaro poursuit : « …Arithmétiquement la balance continuera donc à pencher en faveur des entreprises, d’autant que le reste du « pacte de solidarité » est vague… De fait, l’exécutif a promis aux entreprises, dans le cadre du pacte de responsabilité, dix milliards d’euros d’allègement supplémentaire du coût du travail, auxquels s’ajouteront jusqu’à huit milliards de baisse de leur fiscalité …». Il n’est pas nécessaire de poursuivre, personne ne peut être trompé ! Que Hollande reprenne les mêmes astuces que Sarkozy lorsqu’il annonçait une baisse des cotisations salariales et patronales en même temps qu’il voulait instaurer la « TVA sociale » ne surprendra personne. Une mort programmée Le Pacte de Responsabilité, même habillé en « Pacte de solidarité » c’est la mort programmée de la sécurité sociale de 1945. En effet si on prive la Sécu de recettes provenant des cotisations patronales et salariales, il faudra diminuer les dépenses c’est-à-dire baisser les prestations : remboursement des dépenses d’assurance maladie, prestations familiale, etc. La « douloureuse » pour les « ménages », salariés, chômeurs, retraités, étudiants… sera inévitablement bien supérieure à cinquante euros mensuels dans ce système de « vases communicants » d’où disparaît la solidarité ouvrière propre à notre système de Sécurité Sociale. Personne ne peut croire que l’on va redonner du pouvoir d’achat aux ménages modestes ou moins modestes. Au bout du bout, si cette politique arrivait à son terme ce serait la fin du système de la Sécurité Sociale « à la française » financée par des cotisations assises sur les salaires et constituant notre salaire différé. Gattaz et Kessler, caciques du M.E.D.E.F. qui veulent en finir avec tous les acquis de 1945, Hollande, Valls et Touraine n’auront pas raison : le peuple ne les laissera pas faire. Ce pacte de responsabilité, inacceptable et inamendable, doit être retiré. L’unité qui s’est réalisée le 18 mars 2014 dans la grève interprofessionnelle et les manifestations à Paris et en province doit se poursuivre jusqu’au retrait de ce pacte scélérat ! Médias-libres Un blog pour témoigner Clémence, 20 ans, meldoise et étudiante, est attirée par le journalisme. Elle s’est rendue à Kiev peu de temps après les événements tragiques de la place Maidan et a livré ses impressions sur un blog qui vaut le détour. Entretien. Tapage : Dites nous, Clémence, ce qui vous plait dans le journalisme. Clémence : Avant tout, c’est l’idée du terrain pour appréhender la réalité des différentes sociétés, la manière dont les gens vivent. La perspective d’établir des contacts avec les populations est centrale. Mais je constate que la grande majorité des médias procède par simplification abusive. Je suis lassée des dépêches de l’A.F.P. reproduites à l’identique dans la presse, déçue des chroniques expéditives qui ne retiennent que les aspects spectaculaires de l’information et des conclusions hâtives de certains journalistes. J’éprouve le besoin de m’immerger dans l’événement, pour le comprendre de l’intérieur en quelque sorte. Tapage : Le blog est-il un support adapté à votre démarche ? Clémence : Je cherche d’abord à toucher la population jeune et connectée ; c’est donc le support idéal. Je veux aussi montrer aux jeunes en général que le blog est un moyen simple de s’engager individuellement et en toute indépendance. Cet aspect interactif me paraît important. Bien utilisé, il peut combattre le désintérêt et parfois la suspicion de la jeunesse pour les questions politiques. Mais je suis cependant ravie d’être lue par des gens de tout âge ! Tapage : Pourquoi l’Ukraine ? Clémence : Dans le cadre de mes études, je devais faire un mémoire sur un sujet d’actualité. J’avais choisi le thème du rapport entre les réseaux sociaux et les insurrections populaires. L’idée de l’Ukraine s’est donc imposée naturellement. Je dois dire qu’il n’était pas du tout obligatoire pour ce travail de se rendre sur place. Mais je l’ai fait croire à mon entourage… L’envie était trop forte d’aller sur place ne serait-ce que pour mettre en doute les certitudes que j’entendais dans les médias. Tapage : Comment ça s’est passé ? Clémence : Vous saurez tout en allant sur mon blog ! J’y raconte mes rencontres et mes observations mais j’ai aussi tenu à y faire figurer une présentation générale de la situation ukrainienne afin d’offrir un maximum de clefs de compréhension des événements récents. Nous sommes restés, mon camarade et moi, cinq jours sur place, et nous avons rencontré des Ukrainiens, contactés sur les réseaux sociaux pour la plupart. C’était une semaine après la tuerie et Ianoukovitch venait d’être déchu. Il était très émouvant de percevoir l’effervescence d’un peuple qui a réussi à peser sur le cours de son destin mais qui reste en proie à une incertitude perceptible quant à son avenir. Des photographies illustrent mes écrits. Tapage : Des projets pour la suite ? Clémence : Mon travail sur l’Ukraine s’enrichit d’un article par semaine dans un ordre chronologique. Pour la suite je souhaite renouveler ce genre d’expérience mais en attendant je pars cet été avec interrail à la rencontre des différents aspects de la jeunesse européenne… Pour encourager Clemence, allez sur son blog http://clemencebistufertig.tumblr. com/ 15 Apparences scientifiques : Emmanuel Médard Fausses références et vrais bobards Sans doute moins cocasse qu’une balade nocturne à dos de scooter présidentiel en mal d’amour, moins inquiétante que des mouvements de troupe - et d’extrême droite - d’une Ukraine qui replonge avec nous dans la guerre froide... l’incroyable nouvelle n’a guère connu la joie des Unes ou des gros titres et c’est bien dommage car l’histoire en question est à tiroirs et dévoile, à son corps défendant, le profond malaise qui s’est installé dans les milieux scientifiques internationaux. Mais de quoi s’agit-il, au juste ? Et bien depuis plus de 5 ans déjà, des revues scientifiques renommées ouvrent leurs colonnes à des articles faussement hyper-spécialisés mais réellement incohérents et falsifiés. De la même façon que ces amateurs de peintures impressionnistes ridiculisés par la toile exécutée par la queue d’Aliboron, l’âne artiste ami de Dorgelès, ces éminentes revues se sont faites berner, non par un animal rusé en mal de carottes, ni par un savant fou et revanchard, mais par un « simple » programme informatique qui génère des textes, dénués de sens, mais reprenant le jargon et le vocabulaire scientifique les plus incompréhensibles. Ainsi a-ton pu lire que « …la technologie à constante de temps et à point d’accès a suscité un vif intérêt chez les futurologues et les physiciens ces dernières années. …» Car « …après des années de recherches intensives sur les super pages, nous confirmons l’unification appropriée d’architectures 128 bits et de sommes de contrôle(*) …». Évidemment, je vous invite à bien retenir ces phrases et à les ressortir lors d’un dîner mondain... si vous êtes de ceux qui en fréquentent encore. Le succès 16 est assuré. De toute part les yeux se tourneront vers vous, teintés d’un cocktail d’admiration et de gêne. Admiration devant tant d’érudition. Gêne de n’avoir rien compris. Deux solutions s’offriront alors à vous : dévoiler la supercherie et lancer la conversation sur les malheurs de la science, ou taire la vérité et déambuler en jouant le modeste. Pour les plus honnêtes - vous tous il me semble que cette anecdote est éclairante sur au moins deux points. D’abord le manque d’intérêt des « médias populaires » pour tous ces sujets liés à la science dure. Une greffe de cœur artificiel qui prend plus ou moins, une polémique sur la vitesse de la lumière... Cela, d’accord, mais pour un débat de fond, on laisse cela aux revues spécialisées. Et, justement, celles-ci sont pour le moins questionnées par cette énorme défaillance qui les a amenées à publier du charabia pseudo-scientifique sans même s’en apercevoir. Une explication est à chercher du côté de l’hyper spécialisation. En effet, la « …technologie à constante de temps et à point d’accès …» semble presque accessible comparée aux travaux d’Elon Lindenstrauss sur « … les systèmes dynamiques, en théorie ergodique et ses applications à la théorie des nombres …» - ou bien ceux de Ngô B-o Châu sur la « …preuve du lemme fondamental(en) pour les groupes unitaires …» - ou encore les premières réflexions de Cédric Vilani et ses « …estimations de convergence vers l’équilibre pour l’équation de Boltzmann dans un contexte non per- turbatif, sous l’hypothèse de régularité uniforme …». Or, tous ces travaux dont le simple énoncé donne le tournis sont, quant à eux, tous estampillés du sceau de la science et consacrés, de surcroît, par la médaille Fields des mathématiques, autrement dit le prix Nobel des matheux. C’est dire si c’est sérieux... et complexe. Si complexe qu’ils ne doivent pas être nombreux celles et ceux en mesure de comprendre de quoi il est question. Combien de journalistes spécialisés sont capables de comprendre et valider de tels sujets ? (Peu d’après moi...) d’autant que sur tous les thèmes (technologies, physique des fluides, électronique...) la spécialisation gagne du terrain. Or, selon les critères fondamentaux d’une publication en milieu libéral, pour vivre, une revue doit publier ! Alors elle publie... mais, n’ayant pas forcément les journalistes formés, elle publie en ne s’attachant plus qu’à l’apparence de la science, comptant sur les savants pour lui donner des sujets sérieux et plein de références. C’est justement ce qu’offre le programme « SCIgen », lequel produit, en un seul clic, une étude truffée de termes techniques avec graphiques, citations et références à l’appui(*). Comme quoi on peut s’appuyer sérieusement sur de fausses références et de vrais bobards. Reste une question fondamentale... comment de véritables savants, de vrais chercheurs en viennent à utiliser de tels biais pour publier de fausses recherches ? C’est ce que nous verrons au prochain numéro ! (*) Sciences et vie, 3 mars 2014 Emploi : le désert ! Nina Waldhorf « Je cherche un CDI …et un peu d’eau… » Cher étudiant, le grand jour est arrivé. Après plusieurs années d’études et de longues heures de cours, affalé dans l’amphi… …à prendre frénétiquement des notes sur ton ordinateur, tes professeurs viennent de te faire une annonce capitale : il est temps que tu te professionnalises, que tu prépares ton grand saut dans la vie active, bref tu dois obligatoirement trouver un stage pour valider ton année et accessoirement savoir quoi faire de ta vie. Au départ tu trouveras ça sûrement excitant ; tu quitteras enfin ta fac de banlieue pour la grande aventure et te verras déjà dans ton bureau avec vue sur la tour Eiffel, un Mac dernier cri et un téléphone professionnel. Mais je dois mettre à l’épreuve ton ingénuité : en réalité tu t’embarqueras dans un réel parcours du combattant. Comme tu as été mis au courant fin octobre que tu devais trouver un stage pour début septembre ce n’est pas le moment de faire le difficile et il faut postuler en masse à toutes les offres que tu trouves (au fait, pour la rubrique stage ce n’est pas compliqué, c’est la colonne où il y a deux-cent-soixantequatorze annonces ; celle où il y en a trois c’est celle des C.D.I.) Disponible et performant Là tu découvriras un fait étrange : la majorité des entreprises recherchent un étudiant disponible six mois et à temps plein. Certes, normalement quand tu es étudiant, tu es censé avoir cours de temps en temps et, aux dernières nouvelles, ils n’ont toujours pas inventé la fac de nuit mais passons, ce n’est pas un petit détail de ce genre qui va t’arrêter dans ta quête. En regardant en détail les offres tu pourras être quelque peu surpris par les profils recherchés : Bac + 5, trilingue, grande expérience, disponible neuf mois à temps plein, horaires flexibles, permis B, non rémunéré… Surtout ne perds pas confiance en toi et continue à y croire, sur un malentendu ça pourrait passer. Après quelques tentatives infructueuses, tu réussis enfin à vendre ta « non-expérience » avec brio et tu décroches ton premier stage : champagne ! Si ton stage dure plus de deux mois et que ton entreprise n’essaye pas de te rouler en te faisant quatre conventions différentes tu auras la chance d’être payé quatre-centtrente-six euros par mois (et peut être même des tickets restaurants) La grande vie ! À peine le loyer pour un 7m2 mansardé à Pantin… Pour ton premier jour tu n’es pas trop angoissé ; de toute façon, tout le monde te l’a dit : les stagiaires font le café et les photocopies, ça parait plutôt simple comme tâche, tu devrais y arriver. Mais tu découvriras bien vite que le stagiaire-glandeur n’est en réalité qu’une énième légende urbaine. Formation express À ton arrivée tu auras le droit à trente minutes de formation express sur les huit logiciels internes à l’entreprise dont tu n’as jamais entendu parler : la messagerie, le standard, l’organigramme complet de la direction, l’historique de l’agence, Photoshop, Indesign, Excel et le scanneur/photocopieur/ fax - le tout effectué par un collègue très jeune et plutôt sympa dont tu apprendras, par la suite, qu’il est stagiaire lui aussi (comme tous les autres membres de ton bureau) mais depuis tellement longtemps qu’il a le privilège de former les petits nouveaux en plus de ses quarante dossiers à gérer seul. La classe ! - À ce moment-là, petit stagiaire, je te conseille de prendre des notes sinon tu risques de le regretter très vite. Au bout de quelques jours tu rencontreras quand même le directeur, le vrai, qui t’expliquera que « …tu es hyper chanceux parce que, ici justement, les stagiaires ne sont pas traités comme tels : on leur donne vraiment du travail, des dossiers, des responsabilités …» Super tu te dis… Du coup n’espère pas partir avant vingt heures le soir, la pause de midi c’est trente minutes (mais si tu peux la prendre devant ton ordinateur c’est encore mieux) et si tu es capable de te débrouiller tout seul c’est bien parce que vraiment tout le monde est débordé de travail ici et, si tu as des questions, demande aux autres stagiaires, ils sont passés par là eux aussi. Les joies du terrain Bon, c’est raté pour la formation approfondie mais quoi de mieux que le terrain pour apprendre ? Après six mois de travail acharné dans la jungle de l’entreprise, à prouver au directeur ta motivation par tes cinquante heures de boulot par semaine, et grâce à l’entraide entre camarades stagiaires, ça y est : tu commences enfin à maîtriser les rouages du métier, tu te sens à l’aise dans tes missions, tu commences même à former les nouveaux arrivants. Bref, tu es au top ! Pour ton pot de départ, le directeur a même eu un petit mot pour toi : « …On est vraiment content de ton travail, tu as été un super élément ; tu comprendras bien sûr qu’on ne peut pas te proposer ni de C.D.I., ni de C.D.D. C’est la crise… Par contre je peux te recommander auprès de l’entreprise de mon beau-frère… il cherche un stagiaire ! …». 17 Bouquins Richard Marelle Edouard Louis « En finir avec Eddy Bellegueule » « …Ce n’est pas une auto-fiction mais des confessions autobiographiques …» dit E. Pierrat C’est aussi une lecture sociologique, cet écrit ne rentre pas dans une case précise. Il a un corps de bourgeois (efféminé !) donc il rejoint la langue bourgeoise. Il a voulu devenir un auteur en dépit de toute la violence qu’exerçait la bourgeoisie qui exclut les autres classes sociales. Mais la langue de la bourgeoisie - langue de l’ennemi celle de la littérature lui a permis de s’émanciper. Il n’a pas renié sa classe sociale mais il est renié par sa classe sociale ; il subit les conséquences de la honte de son milieu pour lui mais pas l’inverse. « …Écrire c’était écrire aussi contre soi-même, la littérature doit dire l’indicible. Les expériences intimes sont aussi politiques. Il faut se réinventer et ne pas être ce qu’on a fait de nous …». C’est ainsi qu’Eddy Bellegueule devient Édouard Louis. Ce livre appelle à la révolte contre les normes sociales imposées, comme ce qu’il convient de faire lorsqu’on est un homme. Qu’est ce que c’est que d’être un enfant « différent » : gros, petit, noir, en difficulté ou brillant, efféminé ? Alors que chacun rêve d’être « comme tout le monde ». « …La littérature peut faire bouger les lignes, derrière mon roman il y a une volonté politique …». Édouard Louis est en colère contre un système. Il veut faire de la violence un espace littéraire. Les individus sont rendus violents par leurs conditions de vie. Son livre est un tribunal contre la société mais pas contre les personnages ; il met en avant des réalités qui sont à l’origine de ces attitudes, un milieu social qui a contraint à des attitudes. Il refuse les plateaux télé car il a peur de la fascination malsaine et d’une condescendance bourgeoise qui ramène les individus à des anecdotes alors que son travail est de justement remettre les individus dans un ensemble. Parfois l’école publique, qui s’écroule lentement, permet - par ses fonctionnements les plus républicains (Bourses, Normale Sup) - à certains (dont on était loin de s’imaginer les capacités) de s’émanciper et de se réaliser. À lire (Le Seuil, 17 €) >> Vous appréciez une parole libre, surtout à Meaux, vous aimez les structures coopératives, vous croyez encore dans l’action collective et vous détestez la logique financière, les gaz de shistes et les OGM… 18 http://www.obeygiant.com Abonnez-vous à Tapage ! Toutes les infos page 20 Les mots croisés du maître Grille n°27 Horizontalement I - Risque de se retrouver en 1 vertical II - Relatif à l’œil. Boite III - Retenir contre sa volonté IV - C’est le début de l’urgence. Rivière alpestre. V - Broyées. Possessif. VI - Concrétions minérales arrondies. Au bout de la nuit VII - On les aime chauds. Miner VIII - Onze pour César. En plus. Cubitus IX - Prévenait - Personnel amical. X - Son étoile n’est pas dans le ciel. Début d’erreur. XI - Fera disparaître XII - Roman de Zola. Me déplacerais Verticalement 1 - Risque d’arriver au I horizontal (trois mots) 2 - Petite surface. Donnera envie. 3 - Façon de monnayer un service. Ne donne plus sa langue au chah 4 - On espère de telles fins. Renfort d’affirmation 5 - Un anglais. Au bout du tunnel. A sec. 6 - Situées. Plus il est élevé, mieux c’est. 7 - Précis. Un insecte comme la puce. 8 - Individus. Début de plainte. Cria dans les bois 9 - Mettraient fin à la vie. Rigolé. 10 - Irlande. Blessures psychiques Solutions grille 26 Horizontalement I - climatique II - Oiselets III - Unanime - SF IV - Cg - Fée V - Hériteront VI - Es - Serin VII - Essartée VIII - Orne - Taels IX - Zoo - Lui - Ae X - Ourler - Mer XI - Némo - Epair XII - Erebus - Ise Verticalement 1 - Couche d’ozone 2 - Linges - Rouer 3 - Isa - Enorme 4 - Mentisse - Lob 5 - Ali -Tés - Le 6 - Températures 7 - Ite - Rirai 8 - Qs - Fonte - Mai 9 - Sen - Elaeis 10 - Effet de serre La recette de Mémère Germaine Une salade d’une fraîcheur extrême… Il faut, pour quatre personnes : - 6 feuilles de romaine, - 4 tomates de Marmande, - 4 concombres nains, - 2 petits navets violets nouveaux, - 2 poivrons grillés (un rouge et un vert) sans la peau (on en trouve en conserve au naturel) - 6 radis rouges, - 2 gousses d’ail frais épluchées, - 3 oignons blancs frais ou cébettes, - 1 botte de fines herbes, une de coriandre, une de menthe, - 3 brins de persil plat, Sel, poivre, huile d’olive (trois cuillères à soupe) vinaigre balsamique (une cuillère à soupe) le jus d’un citron jaune et celui d’un citron vert. Pour le poivron grillé : les mettre sur un plaque à four chaud, les retourner jusqu’à ce qu’ils soient noirs sur tous leurs côtés. Éplucher tant qu’ils sont chauds (on se brûle les doigts) et enlever les graines et le pédoncule. Couper en fines lamelles. Laver tous les légumes et les herbes, éplucher l’oignon blanc, préparer les radis. Verser, dans un grand saladier : - La romaine émincée en rubans de ½ cm de large et 3 cm de long - Les tomates, les navets et les concombres coupés en cubes de ½ cm de côté - Les radis en fines rondelles recoupées en quatre - Les poivrons Hacher finement les herbes, l’ail et la cébette Ajouter le jus des citrons, l’huile et le vinaigre et mélanger avec précaution. Saler, poivrer et placer bien au frais jusqu’au moment de servir. Saveurs très fortes qui accompagneront grillades et poissons crus. Bonap ! 19 Sur nos murs Culture loisirs Ai Weiwei : vers un art sociétal ? Sortir nos petits Cette illustration de Shepard Fairey rend hommage à l’artiste «activiste» le plus influent et le plus controversé. de Chine Populaire. Emprisonné puis relaché sous caution, il vit aujourd’hui à Pékin mais sans passeport. Il lui est donc impossible de quitter la Chine. Il utilise le pouvoir des (nouveaux) médias et l’impact de son art pour confronter la Chine à ses propres contradictions. A la question : « Ai Weiwei est-il toujours un artiste ? », il répond : «Ça me convient, ça signifie qu’il va falloir réfléchir à une nouvelle définition de l’art. On ne peut pas se contenter de dire que l’art, c’est de la peinture qu’on accroche au mur, une sculpture éclairée par un projecteur ; l’art peut être ce qu’on veut, ça peut être la nourriture, vos vêtements, la télévision, une conversation, tout peut être de l’art. Mais ça peut être aussi la politique.» >>> http://www.obeygiant.com S’abonner à Tapage > Version papier : 1- Abonnement simple : 1 an, 5 numéros Tarif normal : 12e, de soutien : 20e mécène = 30e, fan = supérieur à 30e 2- Abonnez-vous et abonnez un ami : (1an = 5 numéros chacun /10e par abonnement) 2 abonnements : 20e ; 3 abonnements : 30e etc... (notez les adresses et les éventuels messages au dos) 2 abonnements : soutien : 35e ; mécène : 50e ; fan : supérieur à 50e Nom, prénom : ………………………………………………………………………… Adresse postale : ……………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………… Mail : …………………………………………………………………………………… Paiement : libeller les chèques à l’ordre de « APEL de la région meldoise» et les adresser à APEL, 10 rue de la Loi, 77230 Montgé-en-Goële > Version numérique : à télécharger tous les deux mois sur le site : www.tapageameaux.fr L’art raconté à ma fille 16 avril/Bussy-SaintMartin/ Parc culturel de Rentilly. L’art contemporain, qu’est-ce que c’est ? Et puis, ça date de quand au juste ? On dit que c’est une expression un peu fourre-tout..., mais tout c’est quoi ? Vous avez des questions ? Vous cherchez des réponses ? Vous êtes sur la bonne voie ! Soyez-en sûrs La Bande à Grimaud va vous faire aimer l’art contemporain grâce à cette conférence déjantée. Espace des arts vivants, 15 h À partir de 7 ans - Durée : 30 min Entrée libre - Nombre de places limité - réservation conseillée au 01 60 35 46 72 Atelier découverte du street art/ 23 avril/Bussy-SaintMartin/ Parc culturel de Rentilly. Le courant artistique du Street-art sera présenté par une bibliothécaire du centre de ressources documentaires, accompagnée d’une médiatrice. Après une présentation d’ouvrages, place à la pratique ! Tous les codes du street art seront décortiqués et les enfants pourront s’y essayer, à la manière des artistes présentés. Orangerie,15 h - À partir de 6 ans Durée : environ 2h - Entrée libre Nombre de places limité - réservation conseillée au 01 60 35 46 72
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