La Narratologie

La Narratologie
Théorie Littéraire ISTI
INTRODUCTION, DÉFINITIONS
L’histoire, le récit et la narration ?
• l’histoire = une suite d’événements et
d’actions, racontée par quelqu’un, c’est-à-dire
le narrateur, et dont la représentation finale
engendre un récit.
• Tout récit est un discours oral ou écrit qui
présente une histoire et l’acte qui produit cette
histoire, c’est la narration
histoire, narration, récit, diégèse,
scénario, trame, intrigue…
• l'histoire proprement dite ?
• l'acte de la raconter ?
• RÉCIT
– relève de la logique des actions et de la logique des personnages.
– Univers de la fiction, calqué avec plus ou moins de distance
– le RACONTÉ.
• DISCOURS
– lorsque l'auteur, ou l'instance d'énonciation (le narrateur), se font
sentir : lorsqu'on perçoit ses intentions, ses partis-pris .
– Losque le récit propose un sens autre en plus du sens narratif, cela
relève du discours,
• sens symbolique, esthétique, poétique, parabolique, philosophique, moraliste,
etc.
– le RACONTANT.
Résumé
• Une histoire est racontée par un narrateur et le
résultat, c’est le récit.
Histoire
→
Narration →
Récit
accident de voiture
journal
quelqu’un qui le raconte article dans un
• littérature ?
• l’histoire et le récit naissent simultanément : la
narration produit à la fois une histoire et un récit
• Narration
– histoire
– récit
Discours: Enoncé et énonciation
•
L'ÉNONCÉ le moyen d'expression dans lequel transitent le message (le raconté, la
fiction, le contenu).
– La matière
– On ne raconte pas la même chose et de la même façon en transposant une histoire au théâtre
ou en film d'animation
•
•
•
possibilités expressives (et suggestives, dénotatives, discursives, narratives…) de son médium
en tirer le meilleur parti
L'ÉNONCIATION est l'acte de narrer.
– tous les indices qui manifestent l'acte de création : le point de vue, le ton du récit, les sens
annexes, l'esthétique
– la langue utilisée, le style, l'épitexte (chapitrage, titre, épigraphe, dédicace, …), etc sont autant
de manifestations que quelqu'un nous raconte l'histoire.
– Les embrayeurs d'énonciation = trahissent la présence d'un narrateur. Exemple d'embrayeur
d'énonciation :
•
•
•
•
l'utilisation du " je «
indications de temps relatives comme "Hier", "demain", "pendant ce temps"
indications de lieu relatives comme " ici " ou " là-bas ".
incipit comme " Longtemps, je me suis couché de bonne heure " (Proust) ou " Call me Ishmaël "
(Melville) manifestent plus la présence du narrateur que " C'était à Mégara, faubourg de Carthage,
dans les jardins d'Hamilcar " (Flaubert) ou " Il était une fois " (Jacob Grimm).
Fictionnalisation / Défictionnalisation
• récit (le raconté) / discours (le racontant)
• fictionnalisation et défictionnalisation.
• fictionnalisation encourage le lecteur à se
projeter dans l'univers fictif et ses personnages
– processus mimétique entre le "faire" humain et la
fiction.
• défictionnalisation = tenir le lecteur à distance
–
–
–
–
commentaires, second degré, clin d'oeil...
exercer son esprit critique sur les événements contés.
Refus de la fictionnalisation ?
contrat tacite entre l'auteur et le lecteur ?
NARRATOLOGIE
Narratologie
• Discipline qui étudie les mécanismes internes d’un
récit, lui-même constitué d’une histoire narrée.
• Etude du discours du récit = dégager les principes
communs de composition des textes, principes qui
tendent à l’universalité.
• Voir les relations possibles entre
récit/histoire/narration.
• Quatre catégories analytiques :
–
–
–
–
le mode
l’instance narrative
le niveau
le temps
La théorie
origine et intentions
• Gérard Genette (1972 et 1983)
– analyse interne,
– s’intéresse aux récits en tant qu’objets linguistiques indépendants, détachés
de leur contexte de production ou de réception.
– souhaite identifier une structure de base, identifiable dans divers récits.
• Méthode de Genette
– typologie rigoureuse
– une poétique narratologique, susceptible de recouvrir l’ensemble des
procédés narratifs utilisés.
– tout texte laisse transparaître des traces de la narration = établir l’organisation
du récit.
– en deçà du seuil de l’interprétation
– À compléter par d’autres recherches (autres recherches en sciences humaines,
telles que la sociologie, l’histoire littéraire, l’ethnologie et la psychanalyse)
Narratologie
1. Le mode narratif
Le mode narratif
•
L’écriture
–
–
–
–
–
–
•
•
choix techniques
Effet sur la représentation verbale de l’histoire.
des effets de distance = « régulation de l’information narrative »
récit = diégésis (raconter)
illusion de mimésis (imiter)
tout récit suppose un narrateur.
Limite de la mimesis
Récit = acte fictif de langage provenant d’une instance narrative
– « Le récit ne “ représente ” pas une histoire (réelle ou fictive), il la raconte, c’est-à-dire qu’il la
signifie par le moyen du langage […]. Il n’y a pas de place pour l’imitation dans le récit […]. »
•
Modes narratifs
– Mimésis
– Diégésis
•
•
Plusieurs degrés d’implication du narrateur / de place laissée à l’acte narratif
Narrateur jamais absent
Mode narratif – la distance
•
•
Etude du mode narratif = observation de la distance entre le narrateur et l’histoire.
distance permet de connaître
–
–
•
le degré de précision du récit
l’exactitude des informations véhiculées.
quatre types de discours // la distance
–
discours narrativisé : Les paroles ou les actions du personnage sont intégrées à la narration et sont traitées
comme tout autre événement (- distant).
•
–
Exemple : Il s’est confié à son ami ; il lui a appris le décès de sa mère.
discours transposé, style indirect : Les paroles ou les actions du personnage sont rapportées par le
narrateur, qui les présente selon son interprétation (- + distant).
•
Exemple : Il s’est confié à son ami ; il lui a dit que sa mère était décédée.
–
discours transposé, style indirect libre : Les paroles ou les actions du personnage sont rapportées par le
narrateur, mais sans l’utilisation d’une conjonction de subordination (+ - distant). Exemple : Il s’est confié à
son ami : sa mère est décédée.
–
Le discours rapporté : Les paroles du personnage sont citées littéralement par le narrateur (+ distant).
•
Exemple : Il s’est confié à son ami. Il lui a dit : « Ma mère est décédée. »
Mode narratif - Les fonctions du
narrateur
Selon le degré d’intervention du narrateur au sein de son récit, selon l’impersonnalité ou l’implication
voulue.
1.
2.
3.
4.
5.
La fonction narrative : La fonction narrative est une fonction de base. Dès qu’il y a un récit, le
narrateur, présent ou non dans le texte, assume ce rôle (impersonnalité).
La fonction de régie : Le narrateur exerce une fonction de régie lorsqu’il commente l’organisation
et l’articulation de son texte, en intervenant au sein de l’histoire (implication).
La fonction de communication : Le narrateur s’adresse directement au narrataire, c’est-à-dire au
lecteur potentiel du texte, afin d’établir ou de maintenir le contact avec lui (implication).
La fonction testimoniale : Le narrateur atteste la vérité de son histoire, le degré de précision de sa
narration, sa certitude vis-à-vis les événements, ses sources d’informations, etc. Cette fonction
apparaît également lorsque le narrateur exprime ses émotions par rapport à l’histoire, la relation
affective qu’il entretient avec elle (implication).
La fonction idéologique : Le narrateur interrompt son histoire pour apporter un propos
didactique, un savoir général qui concerne son récit (implication).
Mode narratif - L’instance narrative
Articulation entre
• La voix narrative (qui parle ?)
• le temps de la narration (quand raconte-t-on,
par rapport à l’histoire ?)
• la perspective narrative (par qui perçoit-on ?)
But: mieux comprendre les relations entre le
narrateur et l’histoire à l’intérieur d’un récit
donné.
Mode narratif - La voix narrative
• traces relatives de la présence du narrateur dans le
récit
• un statut particulier
• « On distinguera donc ici deux types de récits : l’un à
narrateur absent de l’histoire qu’il raconte […], l’autre à
narrateur présent comme personnage dans l’histoire
qu’il raconte […]. Je nomme le premier type, pour des
raisons évidentes, hétérodiégétique, et le second
homodiégétique.» (1972 : 252)
• En outre, si ce narrateur homodiégétique agit comme
le héros de l’histoire, il sera appelé autodiégétique.
Mode narratif - Le temps de la
narration
Le narrateur est toujours dans une position temporelle particulière par
rapport à l’histoire qu’il raconte.
1. La narration ultérieure : Il s’agit de la position temporelle la plus
fréquente. Le narrateur raconte ce qui est arrivé dans un passé
plus ou moins éloigné.
2. La narration antérieure : Le narrateur raconte ce qui va arriver
dans un futur plus ou moins éloigné. Ces narrations prennent
souvent la forme de rêves ou de prophéties.
3. La narration simultanée : Le narrateur raconte son histoire au
moment même où elle se produit.
4. La narration intercalée : Ce type complexe de narration allie la
narration ultérieure et la narration simultanée. Par exemple, un
narrateur raconte, après-coup, ce qu’il a vécu dans la journée, et
en même temps, insère ses impressions du moment sur ces
mêmes événements.
Mode narratif - La perspective
narrative
•
•
Voix narrative : traces relatives de la présence du narrateur dans le récit
Perspective narrative:
– point de vue adopté par le narrateur
– Focalisation
– « Par focalisation, j’entends donc bien une restriction de “ champ ”, c’est-à-dire en fait une
sélection de l’information narrative par rapport à ce que la tradition nommait l’omniscience
[…]. »
– Question de perceptions : celui qui perçoit n’est pas nécessairement celui qui raconte, et
inversement.
1.
2.
3.
Focalisation zéro : Le narrateur en sait plus que les personnages. Il peut
connaître les pensées, les faits et les gestes de tous les protagonistes. C’est le
traditionnel « narrateur-Dieu ».
Focalisation interne : Le narrateur en sait autant que le personnage focalisateur.
Ce dernier filtre les informations qui sont fournies au lecteur. Il ne peut pas
rapporter les pensées des autres personnages.
Focalisation externe : Le narrateur en sait moins que les personnages. Il agit un
peu comme l’œil d’une caméra, suivant les faits et gestes des protagonistes de
l’extérieur, mais incapable de deviner leurs pensées.
Mode narratif - Conséquences
• Etudes des caractéristiques
– de l’instance narrative
– du mode narratif
• clarifier les mécanismes de l’acte de narration
• identifier précisément les choix méthodologiques effectués par
l’auteur pour rendre compte de son histoire.
• Procédés narratologiques
– créer un effet différent chez le lecteur.
– Exemple
• la mise en scène d’un héros-narrateur (autodiégétique), utilisant une narration
simultanée et une focalisation interne, et dont les propos seraient
fréquemment présentés en discours rapportés
• Crée une forte illusion de réalisme et de vraisemblance.
Narratologie
1. Le mode narratif
2. Les niveaux narratif
Les niveaux narratifs
• Effets de lecture liés à la variation des niveaux
narratifs = emboîtements.
– l’intérieur d’une intrigue principale,
– petits récits enchâssés, racontés par d’autres
narrateurs, avec d’autres perspectives narratives.
– technique plutôt fréquente
– permet de diversifier l’acte de narration et
d’augmenter la complexité du récit.
Les niveaux narratifs – Récits emboîtés
• La narration du récit principal (ou premier) se situe au niveau
extradiégétique.
• L’histoire événementielle narrée à ce premier niveau se positionne à un
second palier, appelé intradiégétique.
• Si un personnage présent dans cette histoire prend la parole pour raconter
à son tour un autre récit
– l’acte de sa narration se situera également à ce niveau intradiégétique.
– Evénements mis en scène dans cette deuxième narration = métadiégétiques.
• Exemple (fictif) : Aujourd’hui, j’ai vu une enseignante s’approcher d’un
groupe d’enfants qui s’amusaient.
• Après quelques minutes, elle a pris la parole : « Les enfants, écoutez bien,
je vais vous raconter une incroyable histoire de courage qui est arrivée il y
a plusieurs centaines d’années, celle de Marguerite Bourgeois… »
Tableau des niveaux narratifs
OBJETS
NIVEAUX
CONTENUS NARRATIFS
Intrigue principale
Extradiégétique
Narration homodiégétique
(« je »)
Histoire événementielle
Intradiégétique
Histoire de l’enseignante
et des enfants
Acte de narration
secondaire
Intradiégétique
Prise de parole de
l’enseignante
Récit emboîté
Métadiégétique
Histoire de Marguerite
Bourgeois
Les niveaux narratifs – la métalepse
•
•
•
•
•
•
•
transgression de la frontière entre deux niveaux narratifs en principe étanches
brouiller la frontière entre réalité et fiction.
un effet de glissement ou de tromperie.
Personnage ou un narrateur situé dans un niveau donné se retrouve mis en scène
dans un niveau supérieur
Impossible pour la vraisemblance
« Tous ces jeux manifestent par l’intensité de leurs effets l’importance de la limite
qu’ils [les auteurs] s’ingénient à franchir au mépris de la vraisemblance, et qui est
précisément la narration (ou la représentation) elle-même ; frontière mouvante
mais sacrée entre deux mondes : celui où l’on raconte, celui que l’on raconte.
Exemple, l’intervention du narrateur homodiégétique de l’intrigue principale dans
l’histoire métadiégétique de Marguerite Bourgeois serait un cas de métalepse.
Marguerite Bourgeois est une héroïne du 17ème siècle, qui a fondé la
Congrégation Notre-Dame, à Montréal, pour l’instruction des jeunes filles. Il est
ainsi impossible que le narrateur contemporain (« aujourd’hui ») se retrouve mis
en scène dans cette histoire enchâssée.
Narratologie
1. Le mode narratif
2. Les niveaux narratif
3. Le temps du récit
Le temps du récit
• temps de la narration
– la relation entre la narration et l’histoire
– quelle est la position temporelle du narrateur par rapport aux faits
racontés ?
• temps du récit :
– comment l’histoire est-elle présentée en regard du récit en entier,
c’est-à-dire du résultat final ?
– choix méthodologiques se posent aux écrivains
– Variations
1.
2.
3.
•
l’ordre du récit
la vitesse narrative
la fréquence événementielle
Buts:
–
–
identifier les éléments narratifs jugés prioritaires par les auteurs
observer la structure du texte et son organisation
Le temps du récit – l’ordre
• Rapport entre la succession des événements dans l’histoire et leur
disposition dans le récit.
• dans l’ordre où ils se sont déroulés, selon leur chronologie réelle,
• dans le désordre (exemple roman policier)
• Désordre = anachronie
– L’analepse :
• Le narrateur raconte après-coup un événement survenu avant le moment
présent de l’histoire principale.
• Exemple (fictif) : Je me suis levée de bonne humeur ce matin. J’avais en tête
des souvenirs de mon enfance, alors que maman chantait tous les matins de
sa voix rayonnante
– La prolepse :
• Le narrateur anticipe des événements qui se produiront après la fin de
l’histoire principale.
• Exemple (fictif) : Que va-t-il m’arriver après cette aventure en Europe ? Jamais
plus je ne pourrai voir mes proches de la même façon : je deviendrai sans
doute acariâtre et distant.
Analepse et prolepse (suite)
• deux facteurs :
– la portée
– l’amplitude
• « Une anachronie peut se porter, dans le passé ou dans l’avenir, plus ou moins
loin du moment “ présent ”, c’est-à-dire du moment où le récit s’est
interrompu pour lui faire place : nous appellerons portée de l’anachronie cette
distance temporelle. Elle peut aussi couvrir elle-même une durée d’histoire
plus ou moins longue : c’est ce que nous appellerons son amplitude. »
• Analepses: fonction explicative (psychologie d’un personnage est
développée à partir des événements de son passé )
• Prolepses: exciter la curiosité du lecteur en dévoilant partiellement
les faits qui surviendront ultérieurement.
• rôle contestataire
– bouleverser la représentation linéaire du roman classique.
Le temps du récit – La vitesse narrative
•
•
Au théâtre classique: durée de l’histoire événementielle correspond idéalement à la durée de sa narration sur
scène.
Ecrits littéraires, le narrateur
–
–
•
1.
2.
3.
4.
•
•
•
accélération ou à un ralentissement de la narration
Par exemple, on peut résumer en une seule phrase la vie entière d’un homme, ou on peut raconter en mille pages des faits
survenus en vingt-quatre heures.
quatre mouvements narratifs (TR : temps du récit, TH : temps de l’histoire)
La pause : TR = n, TH = 0 : L’histoire événementielle s’interrompt pour laisser la place au seul discours
narratorial. Les descriptions statiques font partie de cette catégorie.
La scène : TR = TH : Le temps du récit correspond au temps de l’histoire. Ex dialogue.
Le sommaire : TR < TH : Une partie de l’histoire événementielle est résumée dans le récit, ce qui procure un
effet d’accélération. Les sommaires peuvent être de longueur variable.
L’ellipse : TR = 0 ; TH = n : Une partie de l’histoire événementielle est complètement gardée sous silence dans le
récit.
Degrés variables.
Peuvent se combiner entre eux : une scène dialoguée pourrait elle-même contenir un sommaire, par exemple.
But:
–
–
constater l’importance relative accordée aux différents événements de l’histoire.
si un auteur s’attarde peu, beaucoup ou pas du tout sur un fait en particulier, il y a certainement lieu de s’interroger sur ces
choix textuels.
Temps du récit – fréquence narrative
•
•
•
1.
2.
3.
4.
Relation entre le nombre d’occurrences d’un événement dans l’histoire et le
nombre de fois qu’il se trouve mentionné dans le récit.
« Entre ces capacités de “ répétition ” des événements narrés (de l’histoire) et des
énoncés narratifs (du récit) s’établit un système de relations que l’on peut a priori
ramener à quatre types virtuels, par simple produit des deux possibilités offertes
de part et d’autre : événement répété ou non, énoncé répété ou non. »
quatre types de relations de fréquence, qui se schématisent par la suite en trois
catégories (1972 : 146) :
Le mode singulatif : 1R / 1H : On raconte une fois ce qui s’est passé une fois.
Le mode singulatif 2 : nR / nH : On raconte n fois ce qui s’est passé n fois.
Le mode répétitif : nR / 1H : On raconte plus d’une fois ce qui s’est passé une
fois.
Le mode itératif : 1R / nH : On raconte une fois ce qui s’est passé plusieurs fois.
Catégories analytiques Éléments d’analyse
Composantes
Le mode narratif
La distance
Discours
narrativisé
Les fonctions du narrateur
Fonction Fonction de
narrative régie
La voix narrative
Narrateur
Narrateur
Narrateur autodiégétique
homodiégétique hétérodiégétique
Narration Narration Narration simultanée
Narration
ultérieure antérieure
intercalée
La focalisation
La focalisation
La focalisation externe
zéro
interne
Extra-diégétique IntraMétaMéta-métadiégétique
diégétique
diégétique,
etc.
Transgression des niveaux narratifs
L’analepse
La prolepse La portée
L’amplitude
La pause
La scène
Le sommaire
L’ellipse
L’instance narrative
Le temps de la narration
La perspective narrative
Les niveaux narratifs
Les récits emboîtés
Le temps du récit
La métalepse
L’ordre
La vitesse narrative
La fréquence événementielle Mode singulatif
Discours
Discours
Discours
transposé,
transposé, style rapporté
style indirect indirect libre
Fonction de
Fonction testimoniale
communication
Mode répétitif
Mode itératif
Fonction
idéologique
« La Laitière et le Pot au lait »
Jean de La Fontaine, Les Fables, 1668
5
10
15
20
25
Perrette sur sa tête ayant un Pot au lait
Bien posé sur un coussinet,
Prétendait arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Cotillon simple, et souliers plats.
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l'argent,
Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.
Il m'est, disait-elle, facile,
D'élever des poulets autour de ma maison :
Le Renard sera bien habile,
S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s'engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l'eus de grosseur raisonnable :
J'aurai le revendant de l'argent bel et bon.
Et qui m'empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La dame de ces biens, quittant d'un oeil marri
Sa fortune ainsi répandue,
Va s'excuser à son mari
En grand danger d'être battue.
Le récit en farce en fut fait ;
On l'appela le Pot au lait.
30
35
40
Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m'écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m'élit roi, mon peuple m'aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.
Etude narratologique
• But
– représenter l’organisation du texte
– voir les relations entre narration, histoire et récit.
– décryptage textuel
– Nécessité d’une approche complémentaire pour
arriver à une interprétation.
Le mode narratif
•
La distance :
–
Trois degrés de distance narrative sont présentés dans la fable, de sorte que le narrateur apparaît tantôt
comme étant très impliqué dans son récit, tantôt comme étant totalement absent. Cette variation permet
de diversifier l’acte de narration.
1.
Le discours narrativisé (narrateur - distant) : Lignes 1 à 3 : le verbe « prétendait » suppose un discours du
personnage intégré dans l’acte narratif.
2.
Le discours transposé, style indirect libre (narrateur + - distant) : Lignes 22 et 23 : le terme « adieu »
laisse voir les paroles du personnage.
3.
Le discours rapporté (narrateur + distant) : Lignes 12 à 21 : l’incise « disait-elle » montre que le narrateur
rapporte intégralement le discours du personnage.
•
Les fonctions du narrateur :
–
–
–
–
•
•
Outre la fonction narrative, inhérente à tout récit,
la fonction de communication – interpelle le lecteur 30-34
la fonction testimoniale - histoire présentée comme une farce connue (lignes 28 et 29)
la fonction idéologique. considérations moralisatrices (lignes 30 à 44).
Ces effets de distance et d’implication dévoilent et renforcent le mode narratif de diégésis,
tout récit soit considéré comme un acte fictif de langage, plutôt que comme une imitation parfaite
de la réalité (mimésis).
L’instance narrative
•
La voix narrative :
– deux parties narratives.
– La première section (lignes 1 à 29) montre un narrateur hétérodiégétique ; il s’exprime à la
troisième personne et est absent de l’histoire qu’il raconte.
– La deuxième section propose plutôt un narrateur autodiégétique. Le discours didactique des
lignes 30 à 43 révèle un narrateur impliqué, s’exprimant à la première personne et se mettant
en scène comme protagoniste dans son histoire.
•
Le temps de la narration :
– narration intercalée.
– La première section narrative (lignes 1 à 29) présente une narration ultérieure, puisque le
narrateur raconte les événements après qu’ils se sont déroulés (utilisation de temps verbaux
du passé). Puis, la dernière section (lignes 30 à 43) laisse voir les impressions présentes du
narrateur par rapport à cette histoire passée.
•
La perspective focalisatrice :
– Focalisation zéro. Le narrateur semble connaître les propos, pensées, faits et gestes de tous les
personnages, dont Perrette. Comme le narrateur sait que le récit de la laitière « en farce en fut
fait », il est possible de conclure à cette perspective omnisciente.
Les niveaux
• Un seul niveau narratif
• pas de récit emboîté
• l’acte narratif se situe à un niveau
extradiégétique, alors que l’histoire
événementielle contenue dans le texte est au
niveau intradiégétique.
Le temps du récit 1
Ordre
• déterminer le début et la fin de l’histoire principale.
• Histoire événementielle
– débute lorsque Perrette entreprend son trajet,
– se termine par la moquerie populaire à l’endroit de la laitière, alors qu’elle revient de
son excursion.
• Une analepse :
– l 5 et 6 relatent un événement survenu avant le départ de Perrette pour la marché
– très courte portée, puisqu’elle est survenue presque immédiatement avant le début de
l’histoire événementielle
– Amplitude indéterminée, mais que l’on suppose courte,
• Une prolepse :
– L. 7 à 21 (imaginerles événements qui surviendront après son retour du marché)
– portée indéterminée, car l’on ne sait pas combien de temps s’écoulera entre la fin de
l’histoire événementielle et les actions anticipées
– amplitude est indéterminée, impossible de savoir sur quelle période temporelle
s’étalent ces prévisions
Le temps du récit 2
La Vitesse narrative
• trois mouvements narratifs
– l’histoire de Perrette = un sommaire (lignes 1 à 29) : le narrateur
résume en quelques lignes les événements (TR < TH).
– À l’intérieur de ce sommaire apparaît une scène (lignes 12 à 21), alors
que Perrette se parle à elle-même : le narrateur rapporte en temps
réel les pensées de la laitière. Cependant, il faut comprendre que cette
scène est elle-même constituée d’un sommaire, puisque la
protagoniste résume les événements anticipés.
– Finalement, les lignes 30 à 43 agissent comme une pause au sein de
l’histoire événementielle, dans la mesure où le narrateur interrompt
l’histoire pour apporter un propos didactique. Toutefois, cette morale
est également illustrée à l’aide d’exemples prenant la forme de
sommaires.
Le Temps du récit 3
Fréquence événementielle
• première partie (lignes 1 à 29) propose un mode singulatif : le
narrateur raconte une seule fois ce qui s’est passé une seule
fois.
• dernière partie (lignes 30 à 43) exemple de mode itératif : le
narrateur raconte une fois ce qui s’est possiblement produit
plusieurs fois, en plusieurs circonstances et chez divers
protagonistes.
Analyse narratologique des Liaisons
dangereuses: les voix
•
Première lettre : Cécil de de Volanges écrit à Sophie de Carnay :
–
–
•
Deuxième lettre : Valmont écrit à Merteuil :
–
–
•
acte de parole intradiégétique
le contenu de sa lettre : métadiégétique
Niveau extradiégétique ?
–
–
–
•
acte de parole au niveau intradiégétique
le contenu de sa lettre : métadiégétique
Lettres : pas de narrateur
pas de voix au niveau extradiégétique.
Son existence est supposée
voix narrative ?
–
Absorbée par la diégèse ?
•
•
•
•
voix narrative passa au préface, au péritexte
–
–
–
•
•
Le récit est entièrement raconté par les personnages.
narration éclatée : tous les personnages deviennent des narrateurs et ils sont donc un personnage et un narrateur à la fois.
diégétisation
Le rôle du narrateur « se limite » à avoir mis de l’ordre dans les lettres.
Le narrateur n’a alors plus la voix narrative mais la fonction de régie, un pouvoir de disposition.
Péritextualisation
Le niveau extradiégétique est donc vide : la narration vocale est absorbée par la diégèse mais la narration
silencieuse a encore de l’influence : elle dispose des lettres.
Dans un roman épistolaire polyphonique le niveau extradiégétique doit donc être abordé d’une toute autre façon.
Dans ces cas, le narrateur quitte la diégèse et se déplace vers le péritexte.
Paratexte, péritexte, épitexte
Paratexte
ensemble des éléments
entourant un texte et qui
fournissent une série
d’informations.
Péritexte
Titre, sous-titre, préface,
postface, prière d’insérer,
avertissement, épigraphe,
dédicace, notes, quatrième
de couverture.
Epitexte
Critiques, entretiens avec
l’auteur, correspondance,
journaux intimes, etc.
Péritexte / « Les seuils du texte »
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•
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le titre
la/les préface(s)
les notes en bas de page
l’épigraphe
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Le titre: Les Liaisons Dangereuses
– annonce l’objet du texte, à savoir des liaisons amoureuses = FOND
– annonce le danger de l’écriture (les liaisons se font et se détruisent par lettres) = FORME
•
L’épigraphe: « J’ai vu les mœurs de mon temps, et j’ai publié ces lettres »
– tiré de la préface de Julie ou la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau
– annonce un but moral (qui sera néanmoins contesté dans la préface).
– Quel est le lien avec Julie ?
•
•
Les Liaisons comme réplique au sentimentalisme de Julie ?
Ressemblance Mme de Tourvel / Julie
–
–
–
ne dissocie pas l’être et le paraître
croyance dans la vertu sera corrompu par Valmont, un libertin qui dissocie bien l’être et le paraître
pour survivre dans le monde, il faut apprendre le mensonge.
Avertissement de l’éditeur
Nous croyons devoir prévenir le Public que, malgré le titre de cet ouvrage et ce qu’en
dit le rédacteur dans sa préface, nous ne garantissons pas l’authenticité de ce recueil, et que nous
avons même de fortes raisons de penser que ce n’est qu’un roman.
Il nous semble de plus que l’auteur, qui paraît pourtant avoir cherché la
vraisemblance, l’a détruite lui-même et bien maladroitement, par l’époque où il a placé les
événements qu’il publie. En effet, plusieurs des personnages qu’il met en scène ont de si
mauvaises mœurs, qu’il est impossible de supposer qu’ils aient vécu dans notre siècle; dans ce
siècle de philosophie, où les lumières, répandues de toutes parts, ont rendu, comme chacun sait,
tous les hommes si honnêtes et toutes les femmes si modestes et si réservées.
Notre avis est donc que si les aventures rapportées dans cet ouvrage ont un fonds de
vérité, elles n’ont pu arriver que dans d’autres lieux ou dans d’autres temps, et nous blâmons
beaucoup l’auteur, qui, séduit apparemment par l’espoir d’intéresser davantage en se
rapprochant plus de son siècle et de son pays, a osé faire paraître, sous notre costume et avec
nos usages, des mœurs qui nous sont si étrangères.
Pour préserver au moins, autant qu’il est en nous, le lecteur trop crédule de toute
surprise à ce sujet, nous appuierons notre opinion d’un raisonnement que nous lui proposons
avec confiance, parce qu’il nous parait victorieux et sans réplique ; c’est que sans doute les
mêmes causes ne manqueraient pas de produire les vînmes effets ; que cependant nous ne
voyons point aujourd’hui de demoiselle, avec soixante mille livres de rente, se faire religieuse, ni
de présidente, jeune et jolie, mourir de chagrin.
Préface du rédacteur
Cet ouvrage, ou plutôt ce recueil, que le public trouvera peut-être encore trop volumineux, ne contient pourtant que le
plus petit nombre des lettres qui composaient la totalité de la correspondance dont il est extrait. Chargé de la mettre
en ordre par les personnes à qui elle était parvenue, & que je savais dans l’intention de la publier, je n’ai demandé,
pour prix de mes soins, que la permission d’élaguer tout ce qui me paraîtrait inutile ; & j’ai tâché de ne conserver en
effet que les lettres qui m’ont paru nécessaires, soit à l’intelligence des événements, soit au développement des
caractères. Si l’on ajoute à ce léger travail, celui de replacer par ordre les lettres que j’ai laissé subsister, ordre pour
lequel j’ai même presque toujours suivi celui des dates, & enfin quelques notes courtes & rares, & qui, pour la plupart,
n’ont d’autre objet que d’indiquer la source de quelques citations, ou de motiver quelques-uns des retranchements que
je me suis permis, on saura toute la part que j’ai eue à cet ouvrage. Ma mission ne s’étendait pas plus loin.
J’avais proposé des changements plus considérables, & presque tous relatifs à la pureté de diction ou de style, contre
laquelle on trouvera beaucoup de fautes. J’aurais désiré aussi être autorisé à couper quelques lettres trop longues, &
dont plusieurs traitent séparément, & presque sans transition, d’objets tout à fait étrangers l’un à l’autre. Ce travail, qui
n’a pas été accepté, n’aurait pas suffi sans doute pour donner du mérite à l’ouvrage, mais lui aurait au moins ôté une
partie de ses défauts.
On m’a objecté que c’étaient les lettres mêmes qu’on voulait faire connaître, & non pas seulement un ouvrage fait
d’après elles ; qu’il serait autant contre la vraisemblance que contre la vérité, que de huit à dix personnes qui ont
concouru à cette correspondance, toutes eussent écrit avec une égale pureté. Et sur ce que j’ai représenté que loin delà, il n’y en avait au contraire aucune qui n’eût fait des fautes graves, & qu’on ne manquerait pas de critiquer ; on m’a
répondu que tout lecteur raisonnable s’attendrait sûrement à trouver des fautes dans un recueil de lettres de quelques
particuliers, puisque dans tous ceux publiés jusqu’ici de différents auteurs estimés, & même de quelques académiciens,
on n’en trouvait aucun totalement à l’abri de ce reproche. Ces raisons ne m’ont pas persuadé, & je les ai trouvées,
comme je les trouve encore, plus faciles à donner qu’à recevoir : mais je n’étais pas le maître, & je me suis soumis.
Seulement je me suis réservé de protester contre, & de déclarer que ce n’était pas mon avis ; ce que je fais en ce
moment. Quant au mérite que cet ouvrage peut avoir d’ailleurs, peut-être ne m’appartient-il pas de m’en expliquer ;
mon opinion ne devant ni ne pouvant influer sur celle de personne. Cependant ceux qui, avant de commencer une
lecture, sont bien aises de savoir à peu près sur quoi compter ; ceux-là, dis-je, peuvent continuer. Les autres feront
mieux de passer tout de suite à l’ouvrage même ; ils en savent assez.
Ce que je puis dire d’abord, c’est que si mon avis a été, comme j’en conviens, de faire paraître ces lettres, je suis
pourtant bien loin de compter sur leur succès ; & qu’on ne prenne pas cette sincérité de ma part pour la modestie
jouée d’un auteur : car je déclare, avec la même franchise, que si ce recueil ne m’avait pas paru digne d’être offert au
public, je ne m’en serais pas occupé. Tâchons de concilier cette apparente contradiction.
Le mérite d’un ouvrage se compose de son utilité ou de son agrément, & même de tous deux, quand il en est
susceptible : mais le succès, qui ne prouve pas toujours le mérite, tient souvent davantage au choix du sujet qu’à son
exécution, à l’ensemble des objets qu’il présente, qu’à la manière dont ils sont traités. Or ce recueil contenant, comme
son titre l’annonce, les lettres de toute une société, il y règne une diversité d’intérêts qui affaiblit celui du lecteur. De
plus, presque tous les sentiments qu’on y exprime, étant feints ou dissimulés, ne peuvent même exciter qu’un intérêt
de curiosité toujours bien au dessous de celui de sentiment, qui, surtout, porte moins à l’indulgence, & laisse d’autant
plus apercevoir les fautes qui se trouvent dans les détails, que ceux-ci s’opposent sans cesse au seul désir qu’on veuille
satisfaire.
Ces défauts sont peut-être rachetés, en partie, par une qualité qui comme eux tient à la nature de l’ouvrage : c’est la
variété des styles ; mérite qu’un auteur atteint difficilement, mais qui se présentait ici de lui-même, & qui sauve au
moins l’ennui de l’uniformité. Plusieurs personnes pourront compter encore pour quelque chose un assez grand
nombre d’observations, ou nouvelles, ou peu connues, & qui se trouvent éparses dans ces lettres. C’est aussi là, je
crois, tout ce qu’on y peut espérer d’agréments, en les jugeant même avec la plus grande faveur.
Leur utilité qui peut-être sera encore plus contestée, me paraît pourtant plus facile à établir. Il me semble au moins que
c’est rendre un service aux mœurs, que de dévoiler les moyens qu’emploient ceux qui en ont de mauvaises pour
corrompre ceux qui en ont de bonnes, & je crois que ces lettres peuvent concourir efficacement à ce but. On y trouvera
aussi la preuve & l’exemple de deux vérités importantes qu’on pourrait croire méconnues, en voyant combien peu elles
sont pratiquées : l’une, que toute femme qui consent à recevoir dans sa société un homme sans mœurs, finit par en
devenir la victime ; l’autre, que toute mère est au moins imprudente, qui souffre qu’un autre qu’elle ait la confiance de
sa fille. Les jeunes gens de l’un & de l’autre sexe pourraient encore y apprendre que l’amitié que les personnes de
mauvaises mœurs paraissent leur accorder si facilement, n’est jamais qu’un piège dangereux, & aussi fatal à leur
bonheur qu’à leur vertu. Cependant l’abus, toujours si près du bien, me paraît ici trop à craindre ; et, loin de conseiller
cette lecture à la jeunesse, il me paraît très important d’éloigner d’elle toutes celles de ce genre. L’époque où celle-ci
peut cesser d’être dangereuse & devenir utile, me paraît avoir été très bien saisie, pour son sexe, par une bonne mère,
qui non seulement a de l’esprit, mais qui a du bon esprit. « Je croirais, me disait-elle, après avoir lu le manuscrit de
cette correspondance, rendre un vrai service à ma fille, en lui donnant ce livre le jour de son mariage. » Si toutes les
mères de famille en pensent ainsi, je me féliciterai éternellement de l’avoir publié.
Mais, en partant encore de cette supposition favorable, son succès ne m’en paraît pas
plus assuré & il me semble toujours qu’il doit plaire à peu de monde. Les hommes &
les femmes dépravés auront intérêt à décrier un ouvrage qui peut leur nuire ; et,
comme ils ne manquent pas d’adresse, peut-être auront-ils celle de soulever contre lui
les rigoristes, alarmés par le tableau des mauvaises mœurs qu’on n’a pas craint de
présenter.
Les prétendus esprits forts ne s’intéresseront point à une femme dévote, que par cela
même ils regarderont comme une femmelette, tandis que les dévots se fâcheront de
voir succomber la vertu, & se plaindront que la religion se montre avec trop peu de
puissance.
D’un autre côté, les personnes d’un goût délicat seront dégoûtées par le style trop
simple & trop fautif de plusieurs de ces lettres, tandis que le commun des lecteurs,
séduit par l’idée que tout ce qui est imprimé est le fruit d’un travail, croira voir dans
quelques autres la manière peinée d’un auteur qui se montre derrière le personnage
qu’il fait parler.
Enfin, on dira peut-être assez généralement, que chaque chose ne vaut qu’à sa place ;
& que si d’ordinaire le style trop châtié des auteurs ôterait en effet de la grâce aux
lettres de société, les négligences de celles-ci deviennent de véritables fautes & les
rendent insupportables, quand on les livre à l’impression.
J’avoue avec sincérité que tous ces reproches peuvent être fondés : je crois aussi qu’il
me serait possible d’y répondre, & même sans excéder la longueur d’une préface.
Mais on doit sentir que pour qu’il fût nécessaire de répondre à tout, il faudrait que
l’ouvrage ne pût répondre à rien ; & que si j’en avais jugé ainsi, j’aurais supprimé à la
fois la préface & le livre.
Les préfaces
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2 préfaces
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Où est Laclos ?
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L’éditeur prétend qu’il ne s’agit que d’un roman.
Le rédacteur prétend qu’il s’agit de lettres véritables.
effet : déstabilisation du lecteur : qui faut-il croire ?
but : ‘le roman vrai’ : dans un roman il y a quelque chose de vrai, le lecteur doit vérifier ce qu’il
en est
ne parle pas directement, pas de voix directe.
pas de message transparent dans ce livre.
la fiction doit fournir son message : il a donné sa voix à la fiction
Mais fiction démultipliée par la contradiction
Qui assume ce texte ?
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En assumant le texte, il aurait dû montrer que son œuvre contient un message moral
échappe ainsi à la censure
l’interprétation du message dépend des idées du lecteur.
Raison sociale ?
Raison poétique ?
Les préfaces
• roman est fondé sur la dissociation de l’être et
du paraître
• dispersion de voix dans ce roman
• problème du danger d’écrire
• mécanisme de l’ironie
Avertissement de l’éditeur
• En dehors de la diégèse
• raisonnement a contrario
• perspective ironique ?
Préface du rédacteur
• Prolonge la diégèse
• une partie narrative consacrée à la genèse du texte
– Topos du manuscrit trouvé
– A mis de l’ordre dans les lettres
• Le rédacteur repmplace le narrateur au niveau extradiégétique
• régisseur des lettres
• acte narratif non verbal
• Sélection : ne présente pas toutes les lettres
• N’a pas suivi l’ordre chronologique
• a voulu corriger le style mais ne l’a pas fait. Par conséquent, chaque
personnage a son propre style.
– s’écarte du classicisme qui défend 1 bon style uniformisé
– stylistique du non- style, stylistique de la faute
• mérite de l’ouvrage ne tient donc pas à lui, mais aux écrivains des lettres
et aux héritiers.
Topos du manuscrit trouvé
• Roman: introduction au vice
• Topos du manuscrit trouvé
• Formation des lecteurs: « ceci n’est pas un roman » incitait à croire le
contraire.
• Création d’une littérature construite sur un discours oblique
• l’œuvre parvient à faire oublier qu’elle n’est qu’un roman.
• La peinture réaliste mène donc à une jouissance esthétique.
• efficacité par laquelle elle sait affecter ses lecteurs.
– Le roman ne doit pas convaincre
• rhétorique, de la raison –
– mais persuader –
• volonté, un travail sur les passions
• LD montre le danger de la persuasion, de la séduction : Avec la même
langue que certains personnages utilisent pour séduire les autres, le
roman nous séduit aussi.
Partie poétique
• contraste entre le mérite d’un texte et son succès.
– Le mérite se déduit de son utilité (docere) et de son agrément (delectare)
mais le succès est souvent dû à la matière traitée et pas vraiment à la manière
de la présenter.
• rhétorique de captatio benevolentiae
– en exagérant les fautes, il essaie de susciter de l’indulgence
• rhétorique de captatio propter infirmitatem
– en disant qu’on n’est pas capable d’écrire, on espère que le lecteur dira le
contraire
• Utilité des Liaisons Dangereuses
– un but moral, dévoileles mauvaises mœurs des libertins.
– manuel pour une école de libertinage ?
• Pose la question du public : à qui s’adresse-t-il ce livre ?
– aux jeunes filles qui se marient pour les éduquer
– à peu de monde (captatio propter infirmitatem)
Conclusion
• arguments pour justifier les lettres :
– le livre ne se justifie pas selon les critères classiques
– défend les lettres en proclamant leur authenticité
– Le livre ne doit pas obéir aux principes classiques
parce qu’il s’est construit lui-même.
• nouveau type de roman :
– auto-justificatif
– tendance vers plus d’autonomie et de liberté pour
l’écrivain