R3010

Application des microcalorimètres
aux mesures thermiques
par
Lucien ÉLÉGANT
Docteur ès Sciences
Professeur à l'Université de Nice
Directeur du Laboratoire de thermodynamique expérimentale
et
Jean ROUQUEROL
Directeur de recherche au CNRS
Directeur du Centre de thermodynamique et de microcalorimétrie du CNRS
1.
1.1
1.2
1.3
1.4
Choix d'un microcalorimètre en fonction des applications ........
Définition d'un microcalorimètre ...............................................................
Classification sommaire..............................................................................
Classification opérationnelle ......................................................................
Autres éléments de sélection .....................................................................
2.
Cas particulier de l'analyse calorimétrique différentielle
(ACD ou DSC)............................................................................................
Définition de l'ACD ......................................................................................
ACD à fluxmètre thermique ........................................................................
ACD à compensation de puissance............................................................
R 3 010 - 1
—
2
—
2
—
2
—
3
—
—
—
—
4
4
4
6
—
—
7
7
3.3
Applications des microcalorimètres ..................................................
Applications à température constante.......................................................
Applications générales des appareils d'analyse
calorimétrique différentielle .......................................................................
Applications cinétiques et simulations ......................................................
—
—
8
9
4.
4.1
4.2
4.3
Applications spécifiques de la calorimétrie dans l'industrie ......
Applications à la métallurgie ......................................................................
Applications chimiques...............................................................................
Autres domaines d'application...................................................................
—
—
—
—
9
10
10
11
5.
Développements récents de la microcalorimétrie .........................
—
11
2.1
2.2
2.3
3.
3.1
3.2
Pour en savoir plus...........................................................................................
Doc. R 3 010
a plupart des phénomènes physiques ou chimiques qui peuvent survenir
dans un matériau (changement d'état ou simplement de structure cristalline,
déformation, dégradation, réaction avec le milieu environnant...) s'accompagnent d'une absorption de chaleur (le phénomène est endothermique ) ou d'un
dégagement de chaleur (le phénomène est exothermique ).
La microcalorimétrie est la méthode employée lorsqu'on souhaite une mesure
fine et sensible de ces échanges de chaleur.
Un moyen commode d'initier beaucoup de ces phénomènes est d'augmenter
simplement la température de l'échantillon. C'est aussi un moyen direct
d'observer la tenue en température d'un matériau et d'étudier les transformations, réversibles ou non, dont il est le siège.
C'est pourquoi, au cours de ces deux dernières décennies, la microcalorimétrie
en montée (le plus souvent linéaire) de température s'est beaucoup développée.
Le montage y est habituellement différentiel pour donner la sensibilité souhaitée :
ces appareils mesurent le flux de chaleur (ou encore la puissance électrique) que
l’échantillon doit recevoir en plus (ou en moins) par rapport à la référence (inerte)
pour suivre le même programme de température, malgré les phénomènes dont
il est le siège. Cette technique est connue sous le nom d'Analyse Calori-
R 3010
12 - 1996
L
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
R 3010 − 1
APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES __________________________________________________________________________
métrique Différentielle (ACD) ou, en anglais, Differential Scanning Calorimetry
(DSC). Nous lui ferons une place particulière mais pas exclusive : nous introduirons la microcalorimétrie d'une manière générale, aborderons un certain
nombre de ses applications aussi bien au laboratoire que dans l'industrie et verrons ses développements récents.
1. Choix
d'un microcalorimètre en
fonction des applications
1.1 Définition d'un microcalorimètre
Parmi les calorimètres (dont on sait qu'ils ont pour fonction de
mesurer un effet thermique, quelle qu'en soit la cause), les microcalorimètres occupent une place privilégiée et croissante. Leur nom
évoque la possibilité de détecter (mais non de mesurer) la microcalorie, unité dont il faut bien entendu décourager aujourd'hui
l'emploi, en faveur du microjoule.
Le premier appareil, commercialisé sous ce nom dans les années
50, fut le microcalorimètre Tian-Calvet [1]. Pour fixer maintenant
l'ordre de grandeur des phénomènes thermiques mesurés dans une
expérience que l'on peut qualifier de microcalorimétrique disons
qu'ils correspondent normalement à des énergies thermiques
totales inférieures à 0,1 J ou à des puissances thermiques inférieures
à 10 mW.
Il existe toutefois une assez grande variété de microcalorimètres
dont la différence de vocation résulte souvent de leur différence de
principe, qui conduit à distinguer différentes catégories de microcalorimètres. Après les avoir passées en revue, en soulignant pour
chacune d'entre elles, leurs domaines d'application privilégié, pour
permettre un premier choix, nous aborderons d'autres éléments à
considérer au moment de la sélection.
1.2 Classification sommaire
Il est commode de classer les microcalorimètres ou calorimètres
à l'aide du schéma de la figure 1 qui considère que tout calorimètre
comporte au moins un échantillon E (en étroit contact thermique,
le cas échéant, avec son creuset ou sa cellule porte-échantillon C)
entouré d'une première (et donc pas toujours unique) enceinte
thermostatique T (enceinte dont on peut réguler la température). Une
première classification sommaire s'appuie sur le constat que la
chaleur à mesurer Q totale se répartit entre la chaleur accumulée par
l'échantillon E et sa cellule C et la chaleur échangée avec l'enceinte
thermostatique T :
Q totale = Q accumulée + Q échangée
Cette équation permet de distinguer aisément les cas où toute la
chaleur à mesurer est accumulée (microcalorimètres ou calorimètres
parfaitement adiabatiques ), où toute la chaleur est au contraire
échangée (microcalorimètres parfaitement diathermes, c'est-à-dire
parfaitement transparents à la chaleur) et enfin le cas intermédiaire
où aucun terme de l'équation ci-dessus n'est nul (la chaleur à
mesurer est en partie accumulée et en partie échangée), comme c'est
le cas dans le calorimètre de Berthelot.
Bien qu'en principe correcte, cette classification n'est toutefois pas
objectivement utilisable, simplement parce que l'adiabaticité parfaite n'existe pas plus que la transparence parfaite à la chaleur, ce
qui, en toute rigueur, devrait mettre tous les microcalorimètres
R 3010 − 2
Figure 1 – Représentation schématique d’un microcalorimètre
existants dans la catégorie intermédiaire, à moins qu'on ne s'en
remette à l'appréciation subjective de chacun et à ses propres
exigences pour estimer si un microcalorimètre donné peut raisonnablement être considéré comme adiabatique ou diatherme...
1.3 Classification opérationnelle
Une manière simple de sortir de cette ambiguïté est de considérer
le couplage (ou l'asservissement) de température entre l'échantillon
et le thermostat [2]. On arrive alors à la définition des quatre catégories principales énoncées ci-dessous.
■ Le microcalorimètre adiabatique se reconnaît à ce que la température du thermostat T est toujours asservie à celle de l'échantillon
E (seul moyen permettant d'annuler aussi complètement qu'on le
veut les échanges de chaleur entre l'échantillon et le thermostat et
de réduire la mesure microcalorimétrique à la stricte mesure de la
variation de température de l'échantillon). L'adiabaticité étant aussi
favorisée par l'abaissement des échanges dus au rayonnement
(d'autant plus faibles que la température est basse) ou à la
conduction (d'autant plus faibles que l'échantillon ou sa cellule sont
en faible contact thermique avec le thermostat environnant).
Il s'ensuit que ces microcalorimètres sont particulièrement
adaptés aux mesures sur systèmes fermés (échantillons isolés, sans
tubulures de connexion et sans échange de matière avec l'extérieur)
à basse température. Ils sont notamment très performants pour les
mesures de capacités calorifiques et l'étude de toute modification
interne [changements de phase et toutes sortes de transitions, y
compris la libération de défauts créés par irradiation (énergie de
Wigner) ou par contrainte mécanique (écrouissage)].
■ Les microcalorimètres diathermes à conduction se reconnaissent
très simplement à ce que la température de l'échantillon E suit passivement celle du thermostat T grâce à un échange facile de chaleur
(suggéré par le mot diatherme) entre l'échantillon et le thermostat.
Dans cette catégorie entrent d'une part les microcalorimètres à changement de phase (à glace, à diphényléther, à azote liquide, autrefois
considérés comme seuls isothermes mais qui, aujourd'hui, sont
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
__________________________________________________________________________ APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES
pratiquement abandonnés par suite de contraintes expérimentales
que ne compensent pas les performances) et d'autre part les microcalorimètres à fluxmètre thermique, dont la famille ne cesse de
s'enrichir en fonction de nouveaux besoins expérimentaux. Ils ont
tous en commun aujourd'hui d'utiliser à la fois des fluxmètres (ou
thermopiles) à l'état solide et un montage différentiel (avec une
cellule porte-échantillon et une cellule de référence) qui donne un
moyen d'éliminer les perturbations thermiques en provenance de
l'extérieur et confère à ces microcalorimètres
— la stabilité à long terme (par exemple sur plusieurs jours) ;
— un seuil de sensibilité pouvant être inférieur à 1 µW ;
— la possibilité d'être utilisés aussi bien pour des expériences isothermes (à mieux de 10–3 K au niveau de la paroi de la cellule
porte-échantillon) que pour des expériences en montée linéaire de
température ;
— une excellente adaptation à l'expérimentation sur systèmes
ouverts (c'est-à-dire avec apport ou extraction de matière) puisque
le montage différentiel permet d'éliminer de la mesure le drain thermique nécessairement associé à toute tubulure de connexion vers
l'extérieur. Des modèles aux performances diverses (et dont certains
sont commercialisés) ont été proposés par Tian et Calvet, Eyraud,
Petit, Maqueron, Wadsö ou Barberi.
■ Les microcalorimètres diathermes à compensation de puissance
se distinguent en ce que la température de l'échantillon E est asservie à celle du thermostat T, à l'aide d'une compensation produite par
un effet qui peut être d'origine aussi bien électrique, par effet Joule
ou Peltier que pneumatique ou lumineuse. Cette compensation
ramène la température de l'échantillon à la consigne (elle-même liée
à la température du thermostat) malgré les phénomènes thermiques
dont il est le siège et qui, étant annulés, sont ainsi mesurés.
On voit donc que dans les microcalorimètres diathermes, qu'ils
soient à conduction ou à compensation, la température de l'échantillon suit toujours celle du thermostat (plus exactement, celle de la
cellule de référence car, mis à part les appareils à changement de
phase aujourd'hui délaissés, ces microcalorimètres ont toujours un
montage différentiel). Néanmoins, l'effet de la compensation de
puissance est de permettre un retour beaucoup plus rapide à la ligne
de base, c'est-à-dire à la température de consigne de l'échantillon,
après la production du phénomène thermique étudié, ce qui conduit
à la fois à un raccourcissement de la durée des mesures et à un
meilleur suivi thermocinétique des phénomènes, puisque le temps
de réponse est raccourci. Ce sont des avantages qu'ils ajoutent en
principe à ceux que nous avons énumérés pour les microcalorimètres diathermes à conduction. Néanmoins, les contraintes
apportées par la compensation limitent jusqu'à maintenant les
volumes de cellules, le domaine de température et les applications
(principalement en microcalorimétrie de mélange de deux flux de
liquide) des appareils commercialisés aujourd'hui.
■ On appelle enfin microcalorimètres isopériboliques ceux où
aucun couplage particulier n'est recherché entre la température de
l'échantillon E et celle du thermostat T (qui, pour simplifier les
choses, est le plus souvent constante, d'où le nom d'isopéribolique
qui évoque une périphérie isotherme). Comme pour les deux catégories de microcalorimètres diathermes employées aujourd'hui, le
montage différentiel est ici encore nécessaire pour obtenir une
sensibilité élevée. Il a conduit à l'Analyse Calorimétrique Différentiel
le (ACD) à compensation de puissance (en anglais : Power
Compensated Differential Scanning Calorimetry ou DSC). Dans ce
dernier cas, les différences de température (qui peuvent dépasser
600 K) entre la cellule de l'échantillon (ou la cellule de référence) et
le thermostat environnant entraînent d'importants échanges thermiques par rayonnement qui doivent être aussi identiques que
possible des deux côtés (échantillon et référence). Cela impose l'utilisation de couvercles de radiance comparable et rend ces appareils
partiellement inadaptés à l'étude de systèmes ouverts : il est possible
par exemple de laisser s'échapper (par un petit orifice) un gaz produit
par une thermolyse et de l'entraîner par un gaz vecteur mais la
composition de l'atmosphère au contact de l'échantillon n'est pas
vraiment contrôlée.
Très sensibles, ces appareils d'ACD sont donc plutôt destinés à
l'étude des systèmes fermés, le matériau à étudier étant le plus
souvent encapsulé dans un creuset en aluminium. Ils sont tout particulièrement adaptés aux mesures :
— rapides (moins d'une heure) ;
— sur des microquantités (quelques milligrammes) ;
— entre 77 et 900 K ;
— de capacité calorifique, d'enthalpie de transition (notamment
sur les polymères), de pureté (par analyse de la courbe de fusion,
cf. article Microcalorimétrie [P 1 200] du traité Analyse et caractérisation).
1.4 Autres éléments de sélection
Pour aller plus avant dans le choix d'un microcalorimètre, d'autres
critères doivent être considérés :
— le domaine de température couvert, en sachant que l'élargissement de ce domaine s'accompagne toujours d'une diminution
notable de la sensibilité (capteurs moins performants) et d'une augmentation de la fragilité (des céramiques viennent remplacer des
alliages métalliques) et du prix, de sorte qu'il est important d'évaluer
avec une certaine précision la température maximale nécessaire ;
— le volume maximal de l'échantillon, qui est un élément très
important pour le choix d'un calorimètre et pour l'appréciation de
la sensibilité nécessaire. Lorsqu'on opère sur des substances rares
et coûteuses (cas, notamment de molécules d'intérêt biologique dont
la synthèse et/ou la séparation sont longues et délicates), on
recherche avant tout la faible consommation en échantillon, ce qui
oriente le plus souvent le choix vers de faibles volumes de cellule
(0,25 à 5 cm3, pour fixer les idées). Lorsqu'on étudie par contre des
phénomènes produisant des effets thermiques de faible intensité
(adsorption de gaz ou de liquides, modification de structure (micellisation, précipitation...) de solutions colloïdales, vieillissement
d'alliages métalliques ou de polymères, corrosion superficielle) et
faisant intervenir des réactifs moins rares, il devient plus intéressant
de rechercher le calorimètre présentant la plus grande sensibilité
volumique (par cm3 de cellule) ou spécifique (par gramme d'échantillon) : il est alors possible qu'une cellule-laboratoire de 20 ou même
100 cm3 soit plus avantageuse.
Ces dernières cellules de grande taille sont également plus intéressantes chaque fois qu'il est nécessaire d'y introduire un montage
expérimental particulier pouvant comporter par exemple agitateur,
réservoirs multiples, résistance d'étalonnage par effet Joule, électrodes de résistivimètre ou de pH-mètre, guide de lumière à fibres
optiques pour expériences de photochimie...
— La possibilité d'opérer en système ouvert (apport de réactif,
extraction de produit) et de contrôler finement la transformation. Ces
deux possibilités viennent d'être évoquées à propos des cellules de
grand volume, qui les favorisent, mais elles sont également accessibles aux microcalorimètres qui utilisent un flux de liquide. En effet,
l'injection continue d'un liquide (destiné à réagir avec un solide disposé en lit traversé, ou à être mélangé avec un autre liquide) permet
d'en imposer la composition, le pH..., tandis qu'une analyse du flux
de liquide sortant (par exemple, par spectrométrie IR ou UV ou par
réfractométrie différentielle) permet de suivre la transformation
presque immédiatement. Des avantages semblables sont obtenus
à l'aide de microcalorimètres permettant d'opérer avec un flux de
réactif gazeux, notamment pour l'étude de réactions catalytiques.
— Les types de logiciels disponibles : ils permettent habituellement l'enregistrement et la soustraction d'effets à blanc et un calcul
facile des effets thermiques (basés, pour les calorimètres à fluxmètre
thermique, sur l'intégration du flux thermique enregistré en fonction
du temps). Ces logiciels sont le plus souvent fermés et protégés, ce
qui est habituellement préférable pour un laboratoire de contrôle
industriel (garantie de pérennité des procédures utilisées) mais est
souvent ressenti comme une limitation pour un laboratoire de
recherche.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
R 3010 − 3
APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES __________________________________________________________________________
2. Cas particulier de l'analyse
calorimétrique
différentielle (ACD ou DSC)
2.1 Définition de l'ACD
Dans cette expression le mot analyse sous-entend en réalité qu'il
s'agit d'analyse thermique, c'est-à-dire de l'exploration d'une propriété d'une substance en fonction de la température.
Le mot calorimétrique précise qu'il s'agit de la mesure quantitative
de la chaleur échangée entre l'échantillon et son environnement. En
d'autres termes, cette expérience est différente d'une Analyse Thermique Différentielle (ATD) dont l'objectif est plutôt la détermination
des températures de transformation et qui ne prend pas les moyens
d'une mesure quantitative de chaleur.
La figure 2a représente schématiquement un appareil d'ATD sous
sa forme la plus sensible : les deux thermocouples, connectés en
opposition, plongent l'un dans l'échantillon l'autre dans la référence
inerte. Tout phénomène thermique survenant dans l'échantillon (et
pas dans la référence) provoque une différence de température
d'autant plus élevée que les résistances thermiques Rx (à travers
l'échantillon lui-même) et Ro (entre le creuset porte-échantillon et
le four) sont élevées et que la capacité calorifique de l'échantillon
est faible. Or Rx varie (de façon a priori inconnue) avec la transformation de l'échantillon et Ro, constituée par un manchon d'air qui
est le siège de courants de convection, n'est pas une résistance thermique très stable ni très reproductible (elle est très liée à la position
du creuset porte-échantillon dans le four). On comprend qu'il est vain
de vouloir corréler la hauteur ou la surface du signal d'ATD avec la
quantité de chaleur en jeu...
La figure 2b représente une forme semi-quantitative d'appareil
d'ATD : l'utilisation d'un creuset épais, conducteur de la chaleur,
dont le thermocouple prend la température (au lieu de plonger
dans l'échantillon) élimine, pour une bonne part, le rôle néfaste
des variations de capacité calorifique et de résistance thermique de
l'échantillon mais abaisse, dans le même rapport, la sensibilité de
la mesure... Dans une forme encore plus quantitative mais aussi
moins sensible, la résistance Ro est constituée par une pièce en
céramique (par exemple, un disque sur lequel sont posés les deux
creusets) de résistance thermique plus faible et plus stable que
celle du manchon d'air qui se trouve en partie court-circuité thermiquement.
L'analyse calorimétrique différentielle se propose d'être à la fois
sensible, précise en température et quantitative. Le mot différentielle
indique, ici encore, que ces expériences utilisent toujours deux détecteurs disposés de telle sorte que la substance inerte de référence
subisse les mêmes perturbations thermiques que l'échantillon (perturbations thermiques externes aux calorimètres, anomalies ou
imperfections de la programmation en température). Le signal utile
(figure 3) correspond alors à la différence entre les signaux des deux
détecteurs (affectés, respectivement, à la référence et à l'échantillon).
Il existe deux grands types d'appareils d'ACD, dont l'un rentre dans
la catégorie des microcalorimètres diathermes à conduction (ACD
à fluxmètre thermique) et l'autre dans la catégorie des microcalorimètres diathermes à compensation (ACD à compensation de
puissance).
2.2 ACD à fluxmètre thermique
Cette méthode de calorimétrie fluxmétrique est fondée sur le principe du calorimètre Tian-Calvet (cf. article Microcalorimétrie [P 1 200]
dans le traité Analyse et caractérisation) qui permet, on le sait, des
mesures quantitatives exactes même sur des systèmes ouverts,
c'est-à-dire échangeant de la matière avec le milieu extérieur
pendant la mesure calorimétrique elle-même.
R 3010 − 4
Figure 2 – Schéma de principe de deux montages d’ATD
Figure 3 – Courbe d’analyse calorimétrique différentielle
Le système (figure 4) est constitué par un bloc thermostatique
enveloppant complètement la zone expérimentale dans laquelle se
trouve le capteur sensible, lui-même enveloppant la zone où est placé
l'échantillon. Le capteur, qui est une thermopile, contrôle ainsi la totalité des échanges thermiques entre l'échantillon et l'environnement
formé par l'enceinte thermostatique.
Une sensibilité élevée est obtenue par un grand nombre d'éléments thermoélectriques constituant le fluxmètre : environ
200 thermocouples Pt-PtRh en série enveloppent chacune des deux
cellules de 20 cm3 d'un calorimètre Tian-Calvet haute-température.
Cette sensibilité peut être encore doublée en fonctionnement isotherme. Les seuils de sensibilité de mesure sont de l'ordre de 30 µW
en programmation de température et de 15 µW pour une expérience
à température constante. Ils peuvent être améliorés d'un facteur 10
pour des appareils limités à 650 K et de construction presque entièrement métallique, comme cela est représenté sur la figure 4. Aux
températures plus élevées, les principaux éléments du thermostat
et de la thermopile (hormis les thermocouples et les résistances
chauffantes ou de mesure) sont habituellement en alumine.
Une simplification de construction intéressante est obtenue en
plaçant une thermopile unique entre la cellule d'expérience et la
cellule de référence : on s'affranchit alors de bien des problèmes
d'ajustage, de dilatation et de cohésion, mais au détriment, malheureusement, de l'effet intégrateur et de la sensibilité [3].
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
__________________________________________________________________________ APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES
Cet écart de température entraîne une force électromotrice élémentaire e i .
ei = εi ∆θi
avec εi pouvoir thermoélectrique du couple.
Tous les couples sont reliés électriquement en série, de sorte que
la force électromotrice totale est :
E =
∑ ei
i
E =
εi
- Pi
∑ ---γ
i
i
La construction de l'élément fluxmétrique est telle que tous les
couples ont même conductance γ et même pouvoir thermo
électrique ε , donc :
ε
E = ----- P
γ
Le signal électrique est donc proportionnel à la puissance. Si la
puissance P évolue au cours du temps, le signal évolue proportionnellement mais avec un temps de réponse d'autant plus faible que
la conductance thermique du capteur thermoélectrique (ou thermopile) est élevée et que la capacité calorifique de l'ensemble
(capteur + cellule + échantillon) est faible. En cas de besoin (notamment pour effectuer des études cinétiques), on peut abaisser à
volonté ce temps de réponse apparent à condition de disposer de
mesures préalables sur le comportement thermique du capteur
thermoélectrique et de son contenu et d'appliquer un traitement du
signal approprié [4] [5]. On notera donc que ces paramètres
dépendent entre autres de l'échantillon et qu'ils se calculent avec
d'autant plus de précision que l'échantillon est homogène (notamment dans la transformation qu'il subit), thermiquement bon
conducteur et que ses propriétés thermiques varient peu avec la
transformation étudiée. Un moyen d'éviter ces corrections ou d'évaluer leur nécessité est d'abaisser la vitesse de montée en température
jusqu'au point où les résultats obtenus (notamment les températures
de transformation) tendent vers une limite.
2.2.2 Étalonnage
Figure 4 – Coupe verticale d’un microcalorimètre Tian-Calvet
2.2.1 Principe de fonctionnement
Si une cellule est la source d'une puissance P continue constante,
il s'établit un régime permanent tel que cette même puissance P est
transmise au bloc calorimétrique par conduction des couples
thermoélectriques. Les diverses températures, au niveau de chaque
couple, demeurent constantes aussi longtemps que demeure
constante la puissance P. On s'efforce de minimiser les conductions
étrangères aux couples thermoélectriques. Ces conductions résiduelles peuvent être considérées comme proportionnelles au flux
de chaleur qui passe par les couples.
Si un des couples thermoélectriques i transmet une puissance élémentaire P i , il existe entre sa soudure interne et sa soudure externe
un écart de température ∆ θ i tel que :
Pi = γ i ∆ θ i
avec
γi
L'étalonnage est réalisable par effet Joule. Une puissance électrique définie (de 20 à 200 mW) est appliquée à une sonde en platine
mise en place dans un cylindre ayant la dimension et la forme de
la cellule expérimentale. L'étalonnage est réalisé à différentes températures. On peut mettre en évidence qu'il ne dépend pas de la
vitesse de programmation de la température. On peut aussi faire un
étalonnage en utilisant la capacité calorifique C P de substances pures
et connues en fonction de la température.
La sensibilité dans un large intervalle de température (– 100
à + 800 oC) peut être décrite sous la forme d'un polynôme avec une
précision meilleure que 0,3 %. On vérifie l'étalonnage électrique au
moyen d'étalons métalliques dont l'enthalpie de fusion est connue.
L'étalonnage peut aussi être effectué à l'aide de l'énthalpie de
changement d'état de matériaux de référence (cf. §2.3.2).
2.2.3 Échantillonnage
Les appareils d'ACD à fluxmètre thermique ont des dimensions
de cellules (par exemple : 7 mm de diamètre et 10 mm de long) qui
leur permettent d'accepter des masses d'échantillon atteignant si
nécessaire 1 g, c'est-à-dire 5 à 10 fois plus importantes que celles
qu'admet un appareil à compensation de puissance. Il en résulte un
échantillonnage plus facile et la possibilité de compenser la faiblesse
du phénomène thermique étudié par une plus grande masse
d'échantillon.
conductance thermique.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
R 3010 − 5
APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES __________________________________________________________________________
Par ailleurs, des cellules de mesure différentes peuvent permettre
des expériences non seulement à haute température (cellules en alumine ou en platine) mais aussi sous atmosphère contrôlée et peuvent
résister à une pression de l'ordre de 100 bar. Un dispositif permet
l'étude de l'influence de la pression sur les transformations qui ont
lieu. Dans certains cas, il permet d'éviter l'évaporation de composés
volatils de l'échantillon pendant une programmation de température. Les gaz utilisés peuvent être inertes (argon, azote) ou réactifs
(oxygène, hydrogène,...).
Une variante de cette cellule consiste en un montage à balayage
de gaz sous pression contrôlée, la cellule comporte alors deux tubes
de liaison vers l'extérieur, l'un pour imposer la pression dans la
cellule, l'autre pour permettre la sortie des gaz et assurer le balayage
gazeux à l'intérieur. Il est possible, par ailleurs, d'analyser les gaz
de la réaction à la sortie de la cellule : les appareils d'ACD à fluxmètre
thermique, lorsqu'ils sont traversés par un flux gazeux, peuvent être
aisément couplés à d'autres ensembles d'analyse chimique ou
spectrométrique, comme les chromatographes, les spectromètres
de masse, les spectromètres infrarouges ou ultraviolets,...
Il existe aussi des cellules à introduction liquide. Ce dispositif est
conçu pour étudier des interactions solide-liquide ou liquide-liquide
(hydratation de substance ou dosage). Il se compose, en général,
de la cellule où s'effectue le mélange et d'un montage d'introduction
comprenant un petit réservoir et une seringue. Cet ensemble est
cependant d'emploi limité aux systèmes miscibles ou mouillables
(l'agitation n'étant pas envisageable) et aux réactions assez exothermiques. D'autres dispositifs ingénieux peuvent être conçus en
fonction de l'expérience envisagée.
Enfin, ces appareils sont conçus et vendus avec un système
d'acquisition de données et de traitement du signal. Le développement actuel va vers une automatisation complète de l'expérience.
2.3 ACD à compensation de puissance
2.3.1 Principe de fonctionnement
Dans les systèmes à compensation de puissance (figure 5) [6],
l'échantillon et la référence sont pourvus chacun d'éléments chauffants S1 et S2. Il existe deux boucles de contrôle de la température.
L'une sert à programmer l'augmentation de température de l'échantillon ou de la référence à une vitesse prédéterminée qui est enregistrée. La seconde boucle permet, lorsqu'un déséquilibre thermique
existe entre la substance et la référence (à cause, par exemple, d'un
effet exothermique ou endothermique dans l'échantillon), d'ajuster
la puissance d'entrée de manière à réduire à néant cette différence :
c'est le principe de la compensation de puissance. Cet ajustement
de la puissance de chauffe se fait de façon continue et automatique.
Un signal proportionnel à la différence de puissance fournie à
l'échantillon et à la référence, dH/dt, est enregistré. On mesure simultanément la température moyenne de l'échantillon et de la référence.
On enregistre la puissance de compensation, dH/dt, en fonction
de la température (ou du temps t, sur le même axe). La sensibilité
de ces appareils est souvent de l'ordre de 0,1 mW « pleine échelle ».
Normalement, quelques milligrammes d'échantillon sont utilisés. La
plage d'utilisation en température va de – 175 à + 725 oC.
2.3.2 Étalonnage
Avant toute mesure quantitative, le calorimètre doit être étalonné
pour obtenir une constante d'étalonnage, exprimée en joules par
unité d'aire du pic de la courbe d'ACD, et pour fixer une échelle de
température exacte. Cet étalonnage est réalisé en utilisant des matériaux de grande pureté, dont les enthalpies de fusion sont connues
[7] [8]. Les matériaux de référence les plus couramment utilisés sont
réunis dans le tableau 1. On emploie le plus souvent l'indium.
(0)
R 3010 − 6
Figure 5 – Principe d’un appareil d’ACD à compensation
de puissance
Tableau 1 – Matériaux de référence utilisés
pour l’étalonnage en calorimétrie
Substance
Naphtalène
Acide benzoïque
Indium
Étain
Plomb
Zinc
Aluminium
Argent
Or
Température
de fusion
(oC)
80,3
122,4
156,6
231,9
327,4
419,5
660,4
960,8
1 063,0
Enthalpie
de fusion
(J · g–1)
149
148
28,5
60,7
22,6
113
396
105
62,8
La courbe d'ACD de fusion est enregistré à une vitesse de chauffe
donnée, dT/dt, pour une sensibilité et une vitesse d'enregistrement
sélectionnées. La ligne de base est tracée avant et après l'analyse
(figure 3).
L'aire comprise entre la ligne de base et la courbe d'ACD est
mesurée suivant différentes techniques (planimétrie, pesée, intégrateur numérique,...).
Exemple : des valeurs typiques sont les suivantes :
— vitesse de chauffe dT/dt < 5 oC/min ;
— sensibilité 1 mW pleine échelle ;
— vitesse d'enregistrement 10 mm/min.
La constante d'étalonnage k en J · (mm2)–1 est donnée par :
∆ H fusion m c
k = -------------------------------Ac
avec
∆H fusion (J · mg–1)
enthalpie de fusion du matériau de
référence,
mc (mg)
masse du matériau de référence,
A c (mm2)
aire du pic de la courbe d’ACD.
La valeur de k peut alors être utilisée pour déterminer les valeurs
d'enthalpie ∆Hs pour d'autres échantillons, à l'aide de la relation :
kC c r s MA s
–1
∆ H s = ---------------------------- en J · mol
Cs rc m
avec
Cc et Cs (mm/s) vitesses d'enregistrement respectivement
pour l'étalon et pour l'échantillon,
rc et rs (mW)
sensibilités moyennes,
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
__________________________________________________________________________ APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES
M (mg · mol–1)
m (mg)
masse molaire de l'échantillon,
masse de l'échantillon,
As (mm2)
aire du pic de transformation de l'échantillon.
La température de transition de l'échantillon ne correspond pas
forcément au maximum du pic enregistré. Des travaux sur la détermination de cette température sont nombreux [2]. Il est nécessaire
de tenir compte de différents facteurs comme la position de l'échantillon, la masse, la géométrie ou la résistance thermique de cet
échantillon.
En règle générale, des mesures précises et reproductibles ne
peuvent être obtenues qu'en prenant beaucoup de précautions ;
notamment, dans la détermination de k, plusieurs mesures sont souhaitables afin de déterminer l'intervalle de confiance de la mesure.
2.3.3 Échantillonnage
L'échantillonnage est réalisé par l'utilisation de coupelles ; le
procédé de sertissage du couvercle dépend du constructeur. Il est
possible d'obtenir des coupelles spéciales pour les échantillons
volatils.
Rappelons que l'emploi de quelques milligrammes de substance
nécessite l'aide d'une microbalance. Les pesées doivent être faites
avec précaution et précision.
3. Applications
des microcalorimètres
Il ne nous est pas possible de donner ici la liste exhaustive des
applications. Cependant, nous avons choisi les mesures les plus
courantes et quelques exemples spécifiques de manière que les
lecteurs aient une idée générale des possibilités et des limites de
cette technique ; ils pourront éventuellement envisager des adaptations à leurs propres problèmes.
L'utilisation de la technique calorimétrique conduit à des applications aussi bien à température constante qu'à température
variable, généralement programmée linéairement. Un certain
nombre d'entre elles se recoupent. Bien que les appareils fonctionnant à température constante soient encore les plus nombreux et
quelquefois les plus précis, la technique d'ACD à balayage de température est actuellement la plus utilisée. Le choix entre les appareils
dépend des facteurs expérimentaux et de la précision désirée.
3.1 Applications à température constante
Volontairement, nous ne nous attarderons pas sur ces applications
qui sont les plus anciennes et les plus nombreuses (cf. article Microcalorimétrie [P 1 200] dans le traité Analyse et caractérisation).
Les réactifs sont d'abord mis en place dans le calorimètre, puis
mélangés après un temps de stabilisation suffisant. Ce processus,
qui convient aux études thermodynamiques et à certains tirages par
échantillonnage, est cependant assez lent ; la capacité calorifique des
réactifs, souvent importante par rapport aux énergies à mesurer,
conduit à de longs temps de stabilisation ; en outre, la manipulation
des réactifs est délicate : détermination exacte des quantités
engagées, mise en place dans l'appareillage, construction de cellules
appropriées,...
Le dispositif pour réaliser le mélange utilise l'ouverture d'un orifice
(fermé par un pointeau, par un joint de mercure...) ou le basculement
d'un récipient, suivi d'une agitation (soit à l'aide d'un agitateur, soit
par le basculement complet du calorimètre).
■ Calorimétrie de mélange continue. Cette méthode met à profit la
propriété qu'ont, par définition, les fluides de pouvoir se déformer,
s'écouler ; les réactifs sont amenés en présence l'un de l'autre en permanence, la puissance de réaction est dégagée de façon continue.
On utilise pour cela des seringues automatisées ou des pompes
pour chromatographie liquide.
Ces mesures sont utilisées pour l'étude des interactions moléculaires entre deux liquides [9] [10] (par exemple : eau et alcool) ou
même entre une espèce solide dissoute et un solvant (par mesure
de l'enthalpie de dilution). Lorsque les deux liquides réagissent
chimiquement on parle bien sûr d'enthalpie de réaction, ce terme
n'étant toutefois pas réservé au mélange de deux liquides et
s'étendant à l'ensemble des réactions chimiques (homogènes ou
hétérogènes).
3.1.2 Détermination de l'enthalpie de dissolution
d'un solide dans un liquide
Les montages de calorimétrie de mélange discontinue se prêtent
habituellement bien à la mesure des enthalpies de dissolution, par
exemple d'un métal solide dans un métal fondu [23]. Une difficulté
supplémentaire vient parfois du caractère agressif du milieu de dissolution (par exemple : acide fluorhydrique), ce qui donne un intérêt
particulier aux microcalorimètres à cellule étanche, assurant l'agitation par basculement [11]. Le système à basculement est par
ailleurs, à qualité d'agitation donnée, celui qui dissipe le moins de
chaleur « parasite ».
3.1.3 Enthalpie d'immersion dans un liquide
ou d'adsorption en solution
Les enthalpies d'immersion sont mesurables avec précision à
condition de prendre suffisamment de précautions expérimentales
et d'utiliser le bris d'une ampoule fragile. Elles donnent accès à l'état
de la surface du solide ou à son étendue [12]. De son côté, l'étude
calorimétrique de l'adsorption à partir de solutions renseigne notamment sur le mécanisme d'adsorption (tensioactifs, polymères,
polluants...) et sur la conformation de la couche adsorbée [13].
3.1.4 Détermination de l'enthalpie de combustion
3.1.1 Détermination de l'enthalpie de mélange
de deux liquides
Cette mesure s'effectue selon deux procédures principales : la
calorimétrie de mélange discontinue et la calorimétrie de mélange
continue.
■ Calorimétrie de mélange discontinue. Elle peut être employée à
partir de la plupart des appareils commercialisés ayant des cellules
d'une contenance supérieure à 0,5 mL. Elle convient particulièrement bien pour la mesure des chaleurs de réaction entre fluides.
L'évaluation de cette grandeur a donné lieu à un très grand nombre
de données fondamentales répertoriées dans différentes tables. Le
principe est d'enflammer, par un dispositif approprié, la substance
dont on veut déterminer l'enthalpie de combustion en présence
d'oxygène. Ce type de mesure se fait typiquement dans un calorimètre isopéribolique, avec une masse d'échantillon de l'ordre du
gramme. Le microcalorimètre Tian-Calvet a toutefois permis de
développer une procédure de microcombustion (sur une dizaine de
milligrammes) particulièrement intéressante pour l'étude de
molécules d'intérêt biologique, souvent très coûteuses [14].
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
R 3010 − 7
APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES __________________________________________________________________________
3.1.5 Détermination de l’enthalpie de vaporisation
ou de sublimation
Ces enthalpies sont souvent obtenues à partir de calorimètres à
balayage de température ; cependant, on peut placer l'échantillon
au voisinage de sa température de transition et provoquer le changement de phase souhaité par un changement de pression. L'utilisation d'une cellule d'effusion de Knudsen assure alors les
conditions d'une mesure optimale : ralentie par l'orifice d'effusion,
la vaporisation ou la sublimation respecte alors des conditions de
quasi-équilibre [15].
3.1.6 Enthalpie d'adsorption gazeuse
La mesure des enthalpies d'adsorption gazeuse (habituellement
obtenue en associant un appareil de volumétrie d'adsorption à un
microcalorimètre) est fondamentale pour la compréhension de
mécanismes de catalyse hétérogène [16] ou d'adsorption physique
de gaz (séparation, stockage, pompes à chaleur) mettant parfois en
jeu des changements d'états bidimensionnels [17].
3.2 Applications générales des appareils
d'analyse calorimétrique
différentielle
3.2.1 Détermination de la température
et de l'enthalpie de transition
Nous avons déjà vu que les métaux purs pouvaient servir d'étalons
afin de mesurer la constante d'étalonnage d'un appareil (§ 2.3.2).
Inversement, en tenant compte de cet étalonnage, on obtient, par
la mesure de l'aire du pic de la courbe d'ACD, les enthalpies de fusion
des matériaux solides, ainsi que leur température de transition. On
mesure de la même manière les enthalpies de vaporisation et de
sublimation. Pour ces mesures, il est recommandé d'utiliser des
vitesses de chauffe inférieures à 5 oC · min–1.
3.2.2 Détermination de la pureté
La différence entre les températures de fusion d'un composé pur
et d'un composé impur T0 – Tm est donnée par l'équation de Raoult :
2
3.1.7 Dosages enthalpiques
Le principe consiste à injecter, de façon continue ou discontinue,
un réactif sur une substance donnée. La détermination de la courbe
enthalpique permet de déterminer l'avancement du dosage et, le cas
échéant, lorsqu'il s'agit d'un équilibre chimique, d'évaluer la
constante d'équilibre de la réaction [18] [19].
3.1.8 Détermination de paramètres physiques
et chimiques
La calorimétrie peut être utilisée pour déterminer des paramètres
divers :
— radioactivité d'un échantillon [20] ;
— conductivité et diffusivité thermique ;
— résistivité électrique ρ ;
— paramètres stériques et inductifs de substituants, liés à une
fonction chimique [21].
Ces différentes propriétés de la matière, qui sont liées à des énergies thermiques mesurables par calorimétrie, montrent que le
champ d'application de cette technique peut être étendu à de
nombreux domaines.
3.1.9 Détermination des paramètres cinétiques
d'une réaction
L'exploitation de la courbe d'ACD d'une réaction chimique par les
méthodes de déconvolution (décomposition de la courbe pour
remonter aux phénomènes élémentaires) permet de déterminer la
constante de vitesse k de la réaction et le degré d'avancement de
celle-ci [19]. Ainsi, on peut atteindre les différents paramètres de
l'équation d'Arrhénius [16] :
RT 0 X*
∆T = T 0 – T m = ---------------------∆ H fusion
avec
E* énergie d’activation,
A facteur de fréquence,
R
T
constante molaire des gaz,
température thermodynamique.
R 3010 − 8
(J · mol–1) enthalpie molaire de fusion,
= 8,314 4 J · mol–1 · K–1 constante molaire des gaz,
X*
T0 (K)
Tm (K)
fraction molaire d'impureté,
température de fusion du composé pur,
température de fusion du composé impur.
À une température donnée, la fraction F de produit fondu est :
quantité de substance fondue
F = -----------------------------------------------------------------------------------quantité totale
Si l'on admet que les impuretés sont entièrement solubles dans
la phase liquide, on a la fraction molaire d'impuretés contenues dans
le liquide :
X = F X*
2
RT0 X
soit : T m = T 0 – ---------------------- ---- (relation de Van’t Hoff)
∆ H fusion F
Le but de l'étude est la détermination de la fraction molaire X à
partir de la représentation graphique T m = f (1/F ).
● Méthode continue : l'analyse doit être faite à vitesse de programmation lente, généralement inférieure à 1 oC · min –1, sur une
quantité assez faible d'échantillon (environ 100 mg).
Le pic calorimétrique de fusion est découpé en surfaces élémentaires ∆ H i qui caractérisent la fraction fondue à une température
donnée.
La présentation graphique de T m = f (1/ F ) n'est en aucun cas
linéaire. Il est souvent difficile de détecter le début de la fusion et
par suite de mesurer toute la surface due à la fusion de l'échantillon ;
la surface manquante K est ajoutée selon la relation :
∆ Hi + K
F = -----------------------------∆ H total + K
– E*
In k = ------------ + In A
RT
avec
∆H fusion
R
Le calcul de K est obtenu par la méthode simple de Sondack [22].
Méthode étagée : la méthode précédente ne permet pas
d'atteindre un équilibre thermique entre phases liquide et solide lors
de la fusion, quelle que soit la vitesse de programmation de température employée. Le but de la méthode étagée est de se rapprocher
le plus possible des conditions d'équilibre que nécessite la loi de
Van't Hoff.
La méthode consiste donc à appliquer de petits incréments de
température et à attendre l'équilibre thermique.
●
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
__________________________________________________________________________ APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES
La détermination des ∆ H i et ∆ H total est plus précise, le calcul de
la fraction molaire X s'effectue comme précédemment. Cette
méthode, plus longue, permet des mesures de faible fraction molaire
d'impureté (pureté de l'acide benzoïque NIST : 99,997 %).
Nota : NIST National Institute for Sciences and Technology.
3.2.3 Détermination des capacités calorifiques
L'ACD permet une détermination rapide des capacités calorifiques.
Nous savons (cf. article Définitions et relations fondamentales
[J 1 025] dans le traité Génie des procédés) que la capacité calorifique
à pression constante C p est donnée par :
∂H
C p =  -------- 
 ∂T  p
soit, en différenciant par rapport au temps t :
( ∂H ⁄ ∂t ) p
C p = -------------------------( ∂T ⁄ ∂t ) p
Le numérateur de la relation correspond à une puissance thermique et le dénominateur à une vitesse de programmation de la température. Pour l'évaluation du premier terme, il est nécessaire
d'effectuer deux essais :
— essai avec cellules vides ;
— essai avec les mêmes cellules contenant l'échantillon.
Il est quelquefois nécessaire de prendre le saphir comme
référence.
Une méthode étagée peut être envisagée, c'est-à-dire qu'un incrément de température ∆ T est appliqué à l'échantillon, suivi d'un palier
isotherme. En général, un dispositif de programmation automatique
et un programme de calcul sont fournis par le constructeur,
susceptibles d'être utilisés sur un micro-ordinateur. La détermination
de C p par la méthode étagée est plus précise (précision :
10 –3 J · g –1 · K –1).
3.2.4 Détermination des diagrammes de phase
La relation entre la fusion et la solubilité des systèmes à plusieurs
composants en fonction de la température peut être décrite par le
diagramme de phase. La microcalorimétrie en programmation de
température permet facilement l'établissement des diagrammes
binaires. Si l'analyse thermique permet de situer les points remarquables du diagramme, la calorimétrie permet en plus d'exploiter
quantitativement le signal pour donner un diagramme ∆ H = f (X ), si
X est la fraction molaire de l'un des échantillons du mélange. On
obtient ainsi le diagramme de Tamann, qui représente l'effet thermique en fonction de la composition du mélange, le long d'une ligne
de variance nulle. Cela permet de déterminer la formule de composés
définis ou de définir la composition d'un eutectique. La technique
d'ACD peut être utilisée comme un moyen de routine dans ce
domaine [24], notamment dans le contrôle des alliages.
3.2.5 Thermoporométrie
Le confinement d'un liquide (eau, benzène, cyclohexane...) dans
un milieu poreux provoque un abaissement de son point de fusion :
cet abaissement est de plus de 50 K pour l'eau dans des pores de
2,5 nm de large. L'ACD permet à la fois de mesurer la taille des pores
(d'après l'abaissement ci-dessus) et d'en évaluer le volume total
(d'après l'enthalpie de fusion enregistrée) : il en résulte une méthode
de détermination de la distribution de taille de pores, spécialement
intéressante quand le solide poreux étudié doit être conservé humide
(gels, matériaux biologiques...) [25].
3.3 Applications cinétiques et simulations
Comme dans le cas de la calorimétrie isotherme (§ 3.1), la technique d'ACD peut être utilisée pour déterminer non seulement
l'enthalpie d'une réaction en fonction de la température, mais aussi
les paramètres cinétiques tels que la constante de vitesse k de la
réaction, l'énergie d'activation ou le degré d'avancement de la réaction. En effet, on peut enregistrer à la fois la température et la courbe
d'ACD ; dans ce cas, la vitesse de réaction est :
dH 1 1
dα
v = ------- = -------- ---- ---dt S k
dt
avec α degré d'avancement de la réaction,
S aire totale du pic thermique.
Le calcul des paramètres cinétiques est souvent fondé sur l'hypothèse que la réaction peut être décrite par l'équation différentielle :
dα
------- = k f ( α )
dt
avec
k constante de vitesse dépendant de la température
(cf. § 3.1.7).
Enfin, rappelons qu'il est possible, dans le cas d'un équilibre
chimique, d'évaluer la constante d'équilibre.
L'ACD est aujourd'hui très utilisée pour la caractérisation des polymères et des matériaux composites [26]. Certaines études traitent
de la cristallisation des polymères amorphes d'autres de réactions
de polymérisation. L'obtention des paramètres cinétiques en mode
anisotherme permet de simuler les courbes isothermes d'avancement d'une réaction en fonction du temps. Celles-ci peuvent être à
leur tour comparées à celles que fournissent effectivement des expériences isothermes.
Les simulations sont aujourd'hui utilisées dans tous les domaines
et constituent un moyen d'investigation se situant à mi-chemin entre
l'expérimentation et la démarche théorique. Les simulations réalisées en calorimétrie différentielle programmée permettent d'évaluer la précision des modèles cinétiques et des divers traitements
utilisés (lissage, filtrage de signaux). Les enregistrements obtenus
en analyse calorimétrique différentielle peuvent résulter de plusieurs
phénomènes alors que les simulations permettent de reconstruire
ces thermogrammes à partir des seuls paramètres thermodynamiques et cinétiques d'une transformation physico-chimique
donnée. Cela permet de comparer différentes méthodes d'étude
cinétique telles que les méthodes d'Achar-Brindley-Sharp, de
Freeman-Carroll, d'Ellerstein, de régression multilinéaire (pour différents modèles), d'Ozawa, de Kissinger [27], de Lam ou de Malek
[28], pour des signaux simulés avec ou sans bruit et d'évaluer
l'influence du nombre de points enregistrés [29].
Récemment, les réseaux de neutrons à apprentissage supervisé
ont été utilisés pour la déconvolution et le filtrage de signaux
calorimétriques.
4. Applications spécifiques
de la calorimétrie
dans l'industrie
Nous venons de voir que la calorimétrie isotherme aussi bien que
l'ACD permettent d'évaluer, par une mesure thermique, des propriétés générales de la matière. La calorimétrie, qui représente un
outil de recherche fondamental, a, de plus, de nombreuses applications dans l'investigation et le contrôle industriels.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
R 3010 − 9
APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES __________________________________________________________________________
4.1 Applications à la métallurgie
4.2 Applications chimiques
4.1.1 Transitions métalliques
Nous ne donnons que quelques applications dans le domaine
industriel.
Rappelons que les transitions du premier ordre sont des transformations qui s'effectuent à température constante : on peut citer
la fusion, la vaporisation, la sublimation ou les phénomènes
inverses, ou encore les transformations allotropiques. Les transitions
du second ordre s'effectuent sans changement de phase et correspondent à une discontinuité de la capacité calorifique de la
substance.
En général, la courbe de fusion des métaux purs est caractérisée
par un pic à front linéaire et par un retour exponentiel caractéristique.
La présence d'impuretés entraîne une courbure de la partie initiale
du thermogramme ; cette anomalie du phénomène thermique peut
être utile à l'analyse de la pureté d'un métal.
Dans le cas de mélanges métalliques ou d'alliages, la calorimétrie
permet de déterminer les températures et les enthalpies de fusion
de ces alliages, ou encore la formation d'eutectiques ou de composés
définis. Ainsi, par exemple, dans le cas du laiton, on peut observer
les changements d'organisation des atomes de cuivre et de zinc à
l'intérieur du réseau cristallin mis en évidence par diffraction X.
Il est possible aussi de mettre en évidence le degré d'écrouissage
d'un métal, au cours des contraintes, par l'effet thermique
produit [30].
D'autres transitions, ferroélectriques ou magnétiques, peuvent
apparaître comme une anomalie sur les thermogrammes.
4.1.2 Oxydation, réduction
Les réactions d'oxydation et de réduction sont particulièrement
bien analysables par calorimétrie. Les essais sont réalisés dans des
cellules spéciales soumises à un balayage d'oxygène ou
d'hydrogène.
On observe particulièrement bien deux phénomènes thermiques
dans le cas de la réduction de l'oxyde de tungstène WO 3 : d'abord
un effet exothermique, correspondant à la formation de WO 2 , puis
un effet endothermique, correspondant à l'évaporation de l'eau
formée, précédant la formation du tungstène.
Le schéma réactionnel est le suivant :
WO 3
H2
∆ H1
2H 2
WO 2 + H 2 O
∆ H2
W + 3 H2 O
4.1.3 Mesure d'une épaisseur de couche
Si un support reçoit un dépôt métallique, plaque ou fil, la mesure
directe de l'enthalpie de fusion de ce dépôt métallique sur une surface connue permet de connaître avec précision l'épaisseur du dépôt.
Exemple : c'est le cas d'un dépôt de Cu2 S sur une plaque de verre
qui, à une température d'environ 100 o C, subit une transition cristallographique.
On mesure l'enthalpie de fusion du dépôt métallique ; connaissant
l'enthalpie molaire de fusion et les caractéristiques géométriques de
l'échantillon, on en déduit la masse de dépôt et l'on calcule l'épaisseur moyenne. Le domaine d'épaisseur analysable est de l'ordre du
micromètre.
Ces quelques exemples nous montrent la diversité de l'utilisation
d'un calorimètre en métallurgie.
R 3010 − 10
4.2.1 Pétrochimie, chimie des polymères
On ne peut donner toutes les applications dans ce domaine
industriel de la chimie. La calorimétrie est utilisée aussi bien dans
le domaine de la recherche que dans celui du contrôle : enthalpies
de transition, hydrolyse, pyrolyse, oxydation, polycondensation,
polymérisation,..., bilan thermique d'installations industrielles.
Signalons que, ces dernières années, l'utilisation de l'ACD dans
le domaine des polymères et des plastiques est devenue un moyen
de contrôle très largement employé.
4.2.2 Chimie alimentaire et corps gras
La recherche et l'industrie des corps gras fournissent à l'analyse
calorimétrique différentielle bon nombre d'applications de caractérisation et de contrôle : fusion, cristallisation, hydratation, gélatinisation, combustion.
Exemple : l'huile de palme se caractérise par deux pics endothermiques dans le domaine de température compris entre – 23 et + 43 oC.
Dans le domaine alimentaire, les expériences portent en général
sur la déshydratation des aliments ou leur oxydation.
Exemple : on peut étudier l'effet thermique de la gélatinisation de
la fécule de pomme de terre qui se produit à 64,1 oC avec une enthalpie
de gélatinisation de 18 J · g–1 (4,3 cal · g –1) de fécule. Ce produit constitue une base dans l'élaboration d'aliments à préparation rapide :
soupes, sauces, bouillies. Après addition d'eau à la fécule de pomme
de terre, se produit un phénomène de gélatinisation lorsque le mélange
est chauffé.
On peut aussi constater que la température de gélatinisation est fonction du type de fécule employé. Le phénomène de gélatinisation n'est
pas réversible.
4.2.3 Étude de sels et oxydes minéraux
constitutifs des ciments
La calorimétrie est utilisée pour la détermination et la caractérisation des ciments et des minerais. Les échantillons sont en général
des mélanges définis de sels et oxydes minéraux hydratés. La
décomposition de ces hydrates à différentes températures se traduit
par des pics endothermiques permettant d'évaluer non seulement
l'effet thermique, mais aussi la composition à partir de courbes
d'ACD de comparaison.
4.2.4 Applications biochimiques
Pendant longtemps, l'étude des produits biologiques par analyse
thermique s'est bornée à la réalisation de bilans énergétiques dans
des conditions isothermes. L'apparition de l'ACD et de la microcalorimétrie de mélange continu a permis d'envisager l'étude des
transitions de phases dans les protéines, les lipides ou les
membranes, et quelquefois de déterminer les paramètres cinétiques
des réactions enzymatiques. Remarquons que ces transitions sont
faiblement énergétiques, ce qui nécessite des appareils très
sensibles et très stables.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
__________________________________________________________________________ APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES
4.3 Autres domaines d'application
— Industrie textile : étude des fibres ;
— Industrie nucléaire : énergie Wigner du graphite irradié ;
— Milieu marin : chaleur de combustion du plancton ;
— Problèmes de pollution et d'environnement : demande biologique en oxygène ;
— Industrie des explosifs : composition des poudres ;
— Industrie électronique : étude de la transition des semiconducteurs ;
— Industrie automobile : efficacité des anti-oxydants dans les
huiles moteurs ;
— Énergies nouvelles : stockage latent (au cours d'un changement de phase) et stockage sensible (par diminution de la capacité
calorifique d'un corps lors de l'abaissement de la température).
5. Développements récents
de la microcalorimétrie
■ Comme la plupart des équipements scientifiques, les microcalorimètres commerciaux ont bénéficié, au cours de la dernière
décennie, d'une informatisation généralisée, aussi bien au niveau de
la programmation de température que de l'enregistrement, du traitement et de la présentation des données.
Dans le même temps, les capteurs (notamment les fluxmètres thermiques ou les dispositifs à compensation de puissance) n'ont pas
subi de changement appréciable : en réalité, ce n'est pas la qualité
de ces capteurs – aujourd'hui très au point – qui limite les performances des microcalorimètres, mais tout simplement, dans la majorité des cas, l'homogénéité de température de leur thermostat qui
limite la stabilité de la ligne de base. Sur ce point, qui était critique,
des progrès ont été effectués autant sur le plan électronique (utilisation de régulateurs PID à microprocesseurs) que sur le plan
mécanique :
● réduction de taille des thermostats métalliques, grâce à un très
bon couplage avec la résistance électrique qui les entoure (le plus
souvent du type Thermocoax, insérée dans des gorges ensuite
repoussées) et avec le capteur de température. Cela a permis par
exemple le couplage d'un microcalorimètre avec une microbalance
(mesure simultanée, sur un échantillon unique, dans des expériences
d'adsorption, de corrosion ou de thermolyse, des flux de matière et
des flux de chaleur) ou avec un thermo-dilatomètre ;
● amélioration des performances des thermostats à eau grâce
encore à une augmentation des couplages thermiques obtenue par
un brassage très énergique (à l'aide d'une pompe centrifuge à fort
débit). Non seulement l'isothermie est alors supérieure à 10–4 K mais
elle retrouve cette valeur, dans le bain, quelques minutes après une
modification de consigne de 1 K : cela permet, à partir de la mesure
de la chaleur gagnée ou cédée par l'échantillon au cours de cette
variation de température, d'en déduire sa capacité calorifique. La
qualité et le prix du thermostat sont alors tels qu'il devient souhaitable d'y immerger plusieurs microcalorimètres différentiels de petit
volume.
■ Les microcalorimètres peuvent aujourd'hui fonctionner sous des
pressions relativement élevées : 15 bar dans une capsule étanche
d'analyseur calorimétrique différentiel à compensation de puissance
(DSC Perkin-Elmer), 100 bar dans la cellule à circulation d'un
analyseur calorimétrique différentiel à fluxmètre thermique (DSC
Setaram), 250 bar dans la cellule de mélange à circulation d'un
microcalorimètre diatherme à fluxmètre thermique (Setaram), voire
2 000 bar dans la cellule statique d'un microcalorimètre diatherme à
fluxmètre thermique (Sceres). Ces appareils permettent d'effectuer
aujourd’hui d’interessantes expériences où un fluide est soumis
tantôt à un programme de pression isotherme, tantôt à un programme de température isobare, tandis que ses variations d'énergie
interne sont mesurées. Ils sont aussi utilisables dans des conditions
d'agressivité extrême : microcalorimètres de mélange ne présentant, au contact du réactif, que de l'or, du platine ou des polymères
fluorés.
■ Par ailleurs, on accède plus facilement aujourd'hui à l’exploitation
des possibilités cinétiques de la microcalorimétrie (qui n'est plus
utilisée uniquement pour établir des bilans thermodynamiques mais
également pour suivre directement la vitesse d'une transformation)
pour les deux raisons suivantes :
— l'informatisation des microcalorimètres permet d'en déconvoluer immédiatement le signal et donc de remonter à la puissance
thermique effectivement absorbée ou produite à tout instant par
l'échantillon, à condition que les propriétés de transfert thermique
du microcalorimètre et de son contenu (l'échantillon) soient connues
et constantes pendant l'expérience (ce qui implique habituellement
l'utilisation d'un échantillon bon conducteur de la chaleur ou, au
moins, bien agité) ;
— les microcalorimètres diathermes à compensation de puissance [31], qui commencent à se développer et qui, par principe,
compensent l'effet thermique à sa source même (ou, au moins, à
la surface de l'échantillon) font directement l'économie de la plus
grande partie (plus de 90 %) du temps de réponse d'un microcalorimètre diatherme à fluxmètre thermique.
■ Dans le domaine de l'analyse calorimétrique différentielle à fluxmètre thermique, une innovation apparue en 1992 est la modulation
sinusoïdale du programme de température imposé [32] (TA
Instruments, Seiko). Il en résulte un signal modulé dont l'analyse (par
transformée de Fourier) permet de séparer, le cas échéant, une
composante réversible (transition vitreuse, variation de capacité
calorifique) d'une composante irréversible (cristallisation, décomposition...). Cela est surtout appliqué, pour le moment, à l'étude des
polymères.
■ Enfin, un accessoire de photochimie se répand aujourd'hui en
analyse calorimétrique différentielle pour initier ou développer des
réactions photosensibles. Il s'agit d'un dispositif apportant, par fibre
optique, une radiation (habituellement ultra-violette) à l'échantillon.
Le nom de Photo -DSC (Perkin-Elmer) a parfois laissé croire qu'il
s'agissait d'un nouveau principe de DSC alors qu'il n'en est qu'un
accessoire, éventuellement très utile.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
R 3010 − 11
Application des microcalorimètres
aux mesures thermiques
par
E
N
Lucien ÉLÉGANT
Docteur ès Sciences
Professeur à l'Université de Nice
Directeur du Laboratoire de thermodynamique expérimentale
et
Jean ROUQUEROL
Directeur de recherche au CNRS
Directeur du Centre de thermodynamique et de microcalorimétrie du CNRS
Références bibliographiques
[1]
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
[7]
[8]
12 - 1996
[9]
[10]
Doc. R 3 010
[11]
[12]
[13]
CALVET (E.) et PRAT (H.). – Récents progrès
en calorimétrie, Dunod (1958).
ROUQUEROL (J.) et ZIELENKIEWICZ (W.). –
Suggested practice for classification of calorimeters. Thermochimica Acta 103, p. 89-96
(1986).
PETIT (J.-L.), SICARD (L.) et EYRAUD (L.). –
Dispositif simple d'analyse enthalpique différentielle. Note présentée à l'Académie des
Sciences, p. 1740-1741 (1961).
CAMIA (F.-M.). – Traité de thermocinétique
impulsionnelle, Dunod Paris (1967).
CESARI (E.) et VINALS (J.). – Microcalorimétrie
et Thermogénèse : Identification des dispositifs expérimentaux permettant de mesurer
directement les enthalpies d'excès. Thermochimica Acta 79, p. 23-24 (1984).
WATSON (E.S.), O'NEILL (M.-J.), JUSTIN (J.)
et BRENNER (N.). – Principle of differential
scanning calorimeter. Anal. Chem. 36,
p. 1 233 (1964).
HILL (J.-O.). – Editor, For better thermal analysis and calorimetry. International Confederation for Thermal Analysis, 3rd Edition (1991).
SABBAH (R.). – Les substances et réactions
d'intercomparaison en calorimétrie et analyse
thermique différentielle et gravimétrique. Bulletin BNM 59 (1985).
PICKER (P.), JOLICŒUR (C.) et DESNOYERS
(J.-E.). – Steady state and composition scanning differential flow microcalorimeters. J.
Chem. Thermodynamics (USA) 1, p. 469
(1969).
GROLIER (J.-P. E.) et WILHELM (E.). – Calorimetry, densitometry and ultrasonics : Recent
contributions to the thermodynamics of
fluids. Pure and Applied Chemistry Vol. 63,
no 10, p. 1 427-1 434 (1991).
GANTEAUME
(M.),
COTEN
(M.)
et
DECRESSAC (M.). – Un nouveau calorimètre
de solution : Le Calsol. Thermochimica Acta
178, p. 81-98 (1991).
PARTYKA
(S.),
ROUQUEROL
(F.)
et
ROUQUEROL (J.). – Calorimetric determination of surface areas : Possibilities of a modified Harkins and Jura Science 68, p. 21-31
(1979).
DENOYEL (R.), ROUQUEROL (F.) et
ROUQUEROL (J.). – Thermodynamics of
adsorption from solution : experimental and
[14]
[15]
[16]
[17]
[18]
[19]
[20]
[21]
[22]
[23]
formal assesment of the enthalpies of displacement. Journal of Colloid and Interface
science 136, p. 375-384 (1990).
KNAUTH (P.) et SABBAH (R.). – Combustion
calorimetry on milligram samples of liquid
substances with a CRMT rocking bomb calorimeter. Application to the study of ω –alkanediols at 298.15 K. J. Chem. Thermodyn. 21,
p. 203-210 (1989).
SABBAH (R.), ANTIPINE (I.), COTEN (M.) et
DAVY (L.). – Quelques réflexions à propos de
la mesure calorimétrique de l'enthalpie de
sublimation ou vaporisation. Thermochimica
Acta 115, p. 153-165 (1987).
GRAVELLE (P.). – Determination of kinetic
parameters by calorimetry. Journées de
Calorimétrie et d'Analyse Thermique, Barcelone, juin 1980.
GRILLET (Y.), LLEWELLYN (P.-L.), TOSIPELLENQ (N.) et ROUQUEROL (J.). – Adsorption of argon, methane, nitrogen, carbon
monoxide and water vapour on sepiolite and
AIP04-5 as studied by isothermal microcalorimetry. Fondamentals of adsorption 1993,
Proc. Ivth Int. Conf. on Fundamentals of
adsorption, Kyoto, May 17-22, 1992. International Adsorption Society, p. 235-241 (1993).
BARRES (M.), DUBES (J.-P), ROMANETTI (R.),
TACHOIRE (H.) et ZAHRA (C.). – Détermination
des constances d'équilibre en solution par
calorimétrie à conduction de flux de réactif.
Thermochimica Acta (NL) 11, p. 235 (1975).
GAL (J.-F.), ÉLÉGANT (L.) et AZZARO (M.). –
Détermination des constantes d'équilibre par
titrage calorimétrique : existence d'une solution analytique de l'équation reliant K et ∆H.
Bull. Soc. Chim. F. 3, p. 427 (1976).
SANSON (I.C.). – Utilisation de la calorimétrie
pour la détermination précise d'une masse de
titrium. Journées de Calorimétrie et d'Analyse
Thermique Paris Orsay, mai 1977.
ÉLÉGANT (L.). – Étude de paramètres
stériques et inductifs. Thèse d'État Nice (1969).
SONDACK (D.L.). – Simple equation for linearization of data in DSC purety determination.
Anal. Chem. (USA) 44, p. 888 (1972).
CASTANET (R.). – Calorimetric methods in
metallurgy in « Thermochemistry » of Alloys.
BRODOWSKY (H.) et SCHALLER (H.J.), Eds,
[24]
[25]
[26]
[27]
[28]
[29]
[30]
[31]
[32]
N AT O A S I S e r i e s , K l u w e r A c a d e m i c ,
Publishers p. 145-168 (1987).
GAMBINO (M.), VASSILIEV (V.) et BROS (J.P.).
– Molar heat capacity of CdTe, HgTe and
CdTe-HgTe alloys in the solid state. Journal of
Alloys and Compounds 176, p. 13-24 (1991).
EYRAUD (C.), QUINSON (J.-F.) et BRUN (M.).
– The role of thermoporometry in study of
porous solids in « Characterization of Porous
Solids », UNGER (K.K.) et al. Eds, Elsevier
Science Publishers p. 295 (1988).
SBIRRAZZUOLI (N.), GIRAULT (Y.) et ELEGANT (L.). – Kinetic investigation of the polymerization of an epoxy resin by DSC and
temperature profile determination during
cure. Die Angewandte Makromolekulare chemie 211, p. 195-240 (1993).
SBIRRAZZUOLI (N.), GIRAULT (Y.) et
ELEGANT (L.). – Simulations for evaluation of
kinetic methods in differential scanning calorimetry. Part I. Application to the single peack
methods : Freeman-Carroll, Ellerstein, AcharBrindley-Sharp and multiple linear regression methods. Thermochimica Acta 260,
p. 147-164 (1995).
SBIRRAZZUOLI (N.), GIRAULT (Y.) et
ELEGANT (L.). – The Malek method in the
kinetic study of polymerization by differential
scanning calorimetry. Thermochimica Acta
249, p. 179-187 (1995).
SBIRRAZZUOLI (N.). – Similation for evaluation of kinetic methods in differential scanning calorimetry. Part II. Effect of additional
noise on single peak methods. Thermochimica Acta 273, p. 169-184 (1996).
ZAHRA (A.M.) et ZAHRA (C.Y.). – Microcalorimetric Studies of Al-based Alloys. Chapitre
du livre "Structure and Structure Development of Al-Zn Alloys. H. Löffler, Akad. Verlag
p. 392-412 (1995).
CHRISTENSEN (J.-J.) et IZATT (R.-M.). – An
isothermal flow calorimeter designed for
high temperature, high pressure operation.
Thermochimica Acta 73, p. 117-129 (1984).
READING (M.), ELLIOTT (D.) et HILL (V.L.). – A
new approach to the calorimetric investigation of physical and chemical transitions.
Journal of Thermal Analysis, Vol. 40, p. 949955 (1993).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie
est strictement interdite. − © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
P
O
U
R
Doc. R 3 010 − 1
S
A
V
O
I
R
P
L
U
S
P
O
U
R
E
N
APPLICATION DES MICROCALORIMÈTRES AUX MESURES THERMIQUES __________________________________________________________________________
Laboratoires en France spécialisés en microcalorimétrie
et ACD
Constructeurs
SCERES (France)
Centre de Thermodynamique et de Microcalorimétrie du CNRS, Marseille.
SETARAM (France)
Laboratoire de Thermodynamique Expérimentale, Université de Nice.
MICROSCAL Ltd (Grande-Bretagne)
Laboratoire de Physicochimie Minérale, Université de Lyon I.
RHEOMETRIC Scientific (Grande-Bretagne)
Laboratoire de Thermodynamique et Électrochimie en solution, Université
de Clermont-Ferrand.
TA INSTRUMENTS (USA)
Laboratoire de Thermodynamique Énergétique, Université de Compiègne.
Laboratoire de Thermochimie, Université de Provence (Marseille).
Laboratoire de Chimie Appliquée, Université des Sciences et Techniques de
Lille.
SEIKO INSTRUMENTS (Japon)
SHIMADZU (Japon)
METTLER-TOLEDO (Suisse)
NETZSCH (Allemagne)
THERMOMETRIC AB (Suède)
S
A
V
O
I
R
P
L
U
S
Doc. R 3 010 − 2
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie
est strictement interdite. − © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle