1 「主観性概念の系譜とソシュール」 阿部宏(東北大学) hrshabe@sal

日本フランス語フランス文学会・ワークショップ(於熊本大学,2009 年 11 月 8 日) 「ソシュールと 19 世紀—自筆原稿への新たな視点」 「 主 観 性 概 念 の 系 譜 と ソ シ ュ ー ル 」 阿部宏(東北大学) [email protected]
【要旨】 『一般言語学講義』には意味論への考察が少ないとされてきたが,1996 年にソシュール家で発見された手稿には彼の
意味への関心が色濃くあらわれている.特に興味深いのは,エングラー版も含めて『一般言語学講義』中では見られなか
った「比喩的意味」と「記号外の文法概念」に関する言及である.これらを,19 世紀末からの意味研究,特に文法化,
主観性概念の系譜との関係でとらえてみると,従来の言語学史が見落としてきたソシュールの意外な側面が浮かび上がっ
てくるように思われる.この関心において,ソシュールの新手稿,ソシュール・バイイ往復書簡,ブレアル,メイエ,バ
イイ,時枝,近年の認知意味論,および日本語の具体例などを検討する. 1897
Bréal : Essai de sémantique
1905
Correspondance Bally - Saussure
1906
Meillet : L’état actuel des études de linguistique général
1907
Saussure : Premier cours de linguistique générale
1908-1909
Saussure : Deuxième cours de linguistique générale
1910-1911
Saussure : Troisième cours de linguistique générale
1913
Bally : Leçon d’ouverture du cours de linguistique générale
1913
Bally : Le langage et la vie
1916
Saussure : Cours de linguistique générale
I. Saussure 1891-1911 (?)
[sens figuré]
1)
Il n’y a pas de différence entre le sens propre et le sens figuré des mots (ou : les mots n’ont pas
plus de sens figuré que de sens propre), parce que leurs sens est éminement négatif. (XIX
Corrollaire (sic, lire : Corollaire) [Siginification-Sens], ELG 72)
2)
De telle manière qu’en réalité toutes ces dénominations sont également négatives, ne
signifient rien que par rapport aux idées mises dans d’autres termes également négatifs, n’ont
à aucun moment la prétention de s’appliquer à un objet en soi, et n’abordent en réalité cet
objet s’il existe que obliquement, par et au nom de telle ou telle idée : particulièrement d’où il
résultera en exprimant la chose grossièrement, parce que nous prenons momentanément ici ce
fait extérieur pour base du mot 1º qu’il faudra continuellement changer de terme pour le
même objet, appeler par exemple la lumière “clarté”, “lueur”, “illumination” etc 2º que le même
nom du même objet servira pour beaucoup d’autres : ainsi la lumière de l’histoire, les lumières
d’une assemblée de savants. Dans ce dernier cas, on se persuade qu’un nouveau sens dit figuré
intervient : cette conviction part purement de la supposition traditionnelle que le mot possède
1 une signification absolue s’appliquant à un objet déterminé; c’est cette présomption que nous
combattons. Depuis le premier moment le mot n’aborde L’objet matériellemnt que selon une
idée qui est à la fois parfaitement insuffisante si on la considère hors de l’objet (1) : (1) Elle est
toujours trop étendue et pas assez compréhesive pour employer Idée dès le commencement
négative; ([XXII] Question de synonymie, ELG 75-76)
3)
Une autre manifestation flagrante de l’action parfaitement négative des signes toujours dans
l’urdre (sic, lire : l’ordre) des faits de synomymie est livré [sic, lire : livrée] par l’emploi figuré
des mots (quoiqu’il soit impossible au fond de distinguer jamais l’emploi figuré de l’emploi
direct). / Ainsi : si l’idée positive de supplice était vraiment la véritable base de l’idée de
supplice, il serait tout à fait impossible de parler par exemple “du supplice de porter des gants
trop étroits”, ce qui n’a pas le moindre rapport avec les épouvantes du supplice de la roue. On
dira : mais c’est le propre justement de la locution figurée. Prenons donc un mot qui
représente en somme au sens direct un ensemble de faits tout à fait semblable à celui que
représente supplice. / Nous voyons en fait qu’il n’y a rien d’autre que le fait NÉGATIF de
l’opposition du supplice avec martyre, torture, tourment ou avec tel autre mot qui fixe
l’ensemble des emplois. / … / On avouera qu’entre le supplice de St Laurent et notre supplice
du gant trop étroit la distance est telle, qu’en comparaison il n’y en a véritablement aucune
entre le supplice de St Laurent et son martyre. Une si petite différence dans le fait positif ne
devrait avoir aucune conséquence par la [ ]. / Nous voyons donc que ce n’est nullement l’idée
POSITIVE contenue dans supplice et martyre, mais le fait NÉGATIF de leur opposition qui
fixe toute la série de leurs emplois, permettant n’importe quel emploi pourvu qu’il n’empiète
pas sur le domaine voisin (Il faudrait naturellement tenir compte en outre de tourment,
torture, affres, agonie etc) / … / Il n’y a pas de différence entre le sens propre et le sens figuré
des mots – Parce que le sens des mots est chose essentiellement négative. / … / Et ce même fait,
purement négatif, de l’opposition avec les mots comparables, est aussi le seul qui fait la
justesse des emplois “figurés”; parce que nous nions qu’un mot ait une signification positives.
Toute espèce d’emploi qui ne tombe pas dans le rayon d’un autre mot n’est pas seulement
partie intégrante, mais partie constitutive du sens de ce mot, et ce mot n’a pas en réalité
d’autre sens que la somme des sens non réclamés. (De l’essence [XXIII] [Remarques
additionnelles], ELG 79-80)
[les catégories grammaticales]1
4)
Il existe dans la langue : / 1º si on la prend à un moment donné : non pas seulement des signes,
mais aussi des significations, non séparables des signes, vu que ceux–ci ne mériteraient plus
leur nom sans la signifié. / En revanche Ce qui n’existe pas, ce sont a) les significations, les
idées, les catégories grammaticales hors ds (sic, lire : dans) signes; elles existent peut-être
extérieurement au domaine linguistique; c’est une question très douteuse, à examiner, en tous
cas par d’autres que le linguiste. / b) les figures vocales qui servent de signes n’existent pas
davantage dans la langue instantanée. Elles existent à ce moment pour le physicien, pour
1 La langue est encore comparable à une feuille de papier : la pensée est le recto et le son le verso ; on ne peut
découper le recto sans découper en même temps le verso ; de même dans la langue, on ne saurait isoler ni le son de la
pensée, ni la pensée du son ; on n’y arriverait que par une abstraction dont le résultat serait de faire ou de la
psychologie pure ou de la phonologie pure. (CLG 157) ; Le terrain de la linguistique est le terrain <qu’on pourrait
appeler dans un sens très large le terrain> commun des articulations, c’est-à-dire des articuli, des petits membres
dans lesquels la pensée prend conscience <valeur ? B.> par un son. <Hors de ces articulations, de ces unités, ou bien
ou fait de la psychologie pure (pensée), ou bien de la phonologie (son).> (IIR 1832, 1836)
2 physiologiste, non pour le linguiste, ni pour le sujet parlant. De même qu’il n’y a pas de
signification hors du signe (a), de même il n’y a pas de signe hors de la signification. ([XX]
[Résumé] [a] A noter)
II. Correspondance Bally-Saussure 1905
5)
Lorsque vous arrivez à la définition proprement dite de la Stylistique (vers p. 38 ou 40), je me
suis demandé si quelques lecteurs ne trouveraient pas un peu abrupt d’apprendre que celle-ci
doit consister finalement dans l’étude de ce qui est affectif dans le langage. Il n’y a rien que de
supérieurement clair, je le répète, dans les développements qui précèdent, mais je doute que
ces développements conduissent à cela, tels qu’ils sont donnés, et préparent vraiment cette
définition. On ne s’y trouve pas préparé à ce qu’il m’a semblé d’abord parce que le terme de
Stylistique, que vous désignez comme mauvais au début, n’avait plus guère préoccupé
ensuite : on était entré dans les choses, et on avait oublié qu’il s’agît du mot de Stylistique, ou
d’un autre, à propos de ces choses ; même à proportion de leur intérêt cet oubli est naturel. –
Mais on n’était pas préparé dans un autre sens : en effet, [vº] et si parfaits que soient les
paragraphes préliminaires sur la différence de nature entre l’intellectuel et l’affectif, je n’en ai
pas trouvé qui fût destiné à marquer leur importance comparative, {de fait et non de principe,}
et par conséquent à fixer pour l’affectif telle ou telle étendue dans l’ensemble des phénomènes.
Sauf erreur, celui qui aurait cette idée préconçue que l’affectif existe, mais est complètement
insignifiant {dans le somme de} [par (b.)] ses manifestations, n’enserait pas détourné, - ou pas
formellement détourné – par la lecture de vos chapitres préliminaires à la définition qui fera
une chose capitale de cet affectif. C’est le point qui m’a frappé, et dont je devais en conscience
vous faire part. Il me semble que c’est positivement une lacune (tout un chaînon manque),
mais en même temps ce n’est qu’une lacune. Un ou deux paragraphe intercalés, et tout devient
clair. (Saussure 1994[3 juillet 190412] 97) ; 12 Ms.fr. 5004,122. – Quoique Mireille Cifali ait déjà
publié et commenté cette lettre dans Le Bloc-Notes de la Psychanalyse (Nº 5, 1985, 143-144 et
133-141), il paraît utile de la reproduire ici à l’usage des lecteurs intéressés par l’histoire de
l’Ecole genevoise de linguistique. – La date (1905) proposée par Alice Bally (et retenue par M.
Cifali) est sûrement erronée : en effet, l’ « Avant-propos » du Précis de stylistique française,
dont il est évidemment question dans la lettre de Saussure, est daté de juin 1905. En outre, on
ne saurait remonter avant 1904, car Bally a sans doute préparé son ouvrage durant son séjour
parisien. (Saussure 3 juillet 1905 ?, Correspondance Bally - Saussure 96-97)
6)
Au retour d’un petit voyage je trouve votre lettre, où je lis des choses si flatteuses à l’adresse
de mon [petit (b.)] livre. Cette appréciation, venant de vous, est la plus haute récompense que
je pouvais espérer de [mes efforts (b.)] {tout mon travail} ; du reste, [tout (b.)] ce que ce manuel
a de bon je vous le doit ; c’est en vous écoutant et {en } m’inspirant de votre méthode que j’ai
pris le goût d’observer les faits du langage {et puis en pensant aux lacunes et aux
imperfections de mon essai (surtout au point de vue de la « systématisation ») [inachevé]}. Je
me souviens que dans mes recherches antérieures, que vous avez suivies avec un si
bienveillant intérêt, une remarque, [157] un mot de vous suffisait {souvent} pour éclairer toute
une question et faire cesser mes tâtonnments. Aussi,14 je me dis que plus tard un jour ou
l’autre {nous aurons l’occasion de parler,} vous voudrez bien me faire part de vos observations
[et de vos critiques (b.)] {sur ce sujet} ; vous savez d’avance avec quel empressement je les
accueillerai {et de quel prix elles seraient pour moi si le livre devait avoir une seconde
3 édition}. ;
14
Bally a commencé par écrire ici « seulement [ ?] ce qui manque encore à cet essai,
et surtout au point de vue de la systématisation », texte qu’il a ensuite biffé. (Bally 19 juillet
1905, Correspondance Bally - Saussure 97-98)
2
III. Bréal 1897
7)
A mesure qu’une signification nouvelle est donnée au mot, il a l’air de se multiplier et de
produire des exemplaires nouveaux, semblables de forme, mais différents de valeur. / Nous
appellerons ce phénomène de multiplication la polysémie 1. 1) De πολύς “nombreux”, et
σηµειον “signification”. (144)
8)
3
A la différence des causes précédentes (= la restriction du sens, élargissement du sens), qui
sont des causes lentes et insensibles. La métaphore change instantanément le sens des mots,
crée des expressions nouvelles d’une façon subite. La vue d’une simimitude entre deux objets,
deux actes, la fait naître. (124) … Le peuple transporte à des objets inanimés des adjectifs
dont il emprunte l’idée à l’homme : il dira une lanterne sourde, une maison louche, aveugler
une voie d’eau, (132)
9)
S’il est vrai, comme on l’a prétendu quelquefois, que le langage soit un drame où les mots
figurent comme acteurs et où l’agencement grammatical reproduit les mouvements des
personnages, il faut au moins corriger cette comparaison par une circonstance spéciale :
l’impresario intervient fréquemment dans l’action pour y mêler ses réflexions et son sentiment
personnel, non pas à la façon d’Hamlet qui, bien qu’interrompant ses comédiens, reste
étranger à la pièce, mais comme nous faisons nous-mêmes en rêve, quand nous sommes tout à
la fois spectateur intéressé et auteur des événements. Cette intervention, c’est ce que je
propose d’appeler le côté subjectif du langage. / Ce côté subjectif est représenté : 1˚ par des
mots ou des membres de phrase; 2˚ par des formes grammaticales; 3˚ par le plan général de
2 Si vous avez retenu la distinction faite par F. de Saussure entre la langue et la parole, vous voyez sans peine que
l’introspection est la pierre de touche de cette distinction. Dirai-je que c’est sur ce point et par cette méthode que je
suis arrivé à des conclusions un peu différentes de celles de mon maître ? Comme cette assertion peut à bon droit
vous paraître téméraire, je m’expliquerai en deux mots. / Ferdinand de Saussure était un intellectualiste convaincu ;
son tempérament scientifique le poussait à chercher, et à lui faire trouver, ce qu’il y a dans toute langue, et dans le
langage en général, de régulier, de géométrique, d’architectural; c’est pour s’être attaché aux aspects intellectuels de
la langue qu’il a atteint de si brillants résultats. Pour lui la langue est l’œuvre de l’intelligence collective, c’est un
organisme intellecutel. / Quant à moi, les circonstances ont voulu que je rencontre sa pensée en partant de
l’extrémité opposée du champ d’observation. Dans mes leçons du Séminaire de français moderne, auquel j’adresse ici
un hommage reconnaissant, - car c’est dans son sein qu’ont germé mes idées sur le langage affectif, - je fus amené à
étudier les valeurs expressives du langage spontané, naturel, dépouillé de tout vêtement littéraire, de la langue
parlée dans la vie réelle. C’est à propos de cette face de la langue, et en pensant à la distinction saussurienne entre
la parole et la langue, qu’un doute m’est venu. / La langue parlée, que nous employons tous, tous les jours et toute la
journée, ne m’est pas apparue purement intellectuelle, mais au contraire profondément affective et subjective dans
ses moyens d’expression et d’action. N’étant pas intellectuelle, cette langue parlée ne serait donc que la parole ? Elle
serait située en dehors de la langue, construction intellectuelle, et n’aurait de place que dans la parole ? Mais croire
qu’il en est ainsi, ce serait supposer que l’homme qui se sert de la langue parlée dans la vie journalière, est un
perpétuel improvisateur, qu’il créer à mesure ce que la langue normale ne lui offre pas pour l’expression de ses
sentiments, de ses désirs, de ses volontés. (Bally 1913 157)
3 [synomymie] Dans l’intérieur d’une même langue, tous les mots qui expriment des idées voisines se limitent
réciproquement : des synonymes comme redouter, craindre, avoir peur n’ont de valeur propre que par leur
opposition; si redouter n’existait pas, tout son contenu irait à ses concurrents. (CLG 160); Toutes les grandeurs
dépendent les unes des autres : veut-on ainsi déterminer en français ce qu’est jugement? On ne peut le définir que
par ce qui l’entoure /[19], soit pour dire ce qu’il est en lui, soit pour dire ce qu’il n’est pas. De même, si on veut le
traduire dans une autre langue. De là apparaît la nécessité de considérer le signe, le mot, dans l’ensemble du
système. De même les synonymes craindre, redouter n’existent que l’un à côté de l’autre; “craindre” s’enrichira de
tout le contenu de “redouter” tant que redouter n’existera pas. Il en serait de même de “chien, loup”, quoiqu’on les
considère comme des signes isolés. (II R 1881)
4 nos langues. / Je prends pour exemple un fait divers des plus ordinaires : “Un déraillement a
eu lieu hier sur la ligne de Paris au Havre, qui a interrompu la circulation pendant trois
heures, mais qui n’a causé heureusement aucun accident de personne”. Il est clair que le mot
imprimé en italique ne s’applique pas à l’accident, mais qu’il exprime le sentiment du
narrateur. Cependant nous ne sommes nullement choqués de ce mélange, parce qu’il est
absolument conforme à la nature du langage. / ... Si je dis, en parlant d’un voyageur : “A
l’heure qu’il est, il est sans doute arrivé”, sans doute ne se rapporte pas au voyageur, mais à
moi. (Bréal 1897 234-235)
IV. Meillet 1906, 1912
10)
Les développements phonétiques et morphologiques des langues indo-européennes, divers
dans leur détail matériel, ont donc obéi à des tendances exactement semblables, et
présentent un saisissant parallélisme. (Meillet 1906 9-10)
11)
Dès lors la nécessité s’impose de chercher à formuler les lois suivant lesquelles sont
susceptibles de s’opérer les changements linguistiques. On déterminera ainsi, non plus
des lois historiques, telles que sont les “lois phonétiques” ou les formules analogiques qui
emplissent les manuels actuels de linguistiques, mais des lois générales qui ne valent pas
pour un seul moment du développement d’une langue, qui au contraire sont de tous les
temps; qui ne sont pas limitées à une langue donnée, qui au contraire s’étendent
également à toutes les langues. Et, qu’on le remarque, ce ne seront ni des lois
physiologiques ni des lois psychiques, mais des lois linguistiques. (Meillet 1906 11)
12)
Tandis que l’analogie peut renouveler le détail des formes, mais laisse le plus souvent intact le
plan d’ensemble du système existant, la “grammaticalisation” de certains mots crée des
formes neuves, introduit des catégories qui n’avaient pas d’expression linguistique,
transforme l’ensemble du système. Ce type d’innovations résulte d’ailleurs, comme les
innovations analogiques, de l’usage qui est fait de la langue, il en est une conséquence
immédiate et naturelle. (Meillet 1912 133)
V. Bally 1913, 1932
13)
Plaçons-nous maintenant au point de vue évolutif : il apparaît vite que, dans la plupart des
cas, la distribution des éléments de la phrase en mots distincts est due à tout autre chose que
la tendance analytique. Soit le latin intrabo, où la notion du futur est marquée d’une façon
analytique et intellectuelle (intra-bo). Le latin vulgaire remplace cette forme par intrare habeo.
C’est ce genre de formes que l’on a l’habitude d’appeler analytique ; mais, lors de sa création,
le type habeo n’a nullement visé à rendre plus claire l’idée de futur, il a voulu rompre avec la
forme purement intellectuelle et exprimer un élément subjectif impliqué dans l’idée de futur
(devoir, obligation, nécessité). (Bally 1913 42)
14)
L’évolution apparaît dès lors sous un aspect assez différent : les langues évoluent sous l’action
de deux tendances contraires : la tendance expressive, qui enrichit la pensée d’éléments
concrets, produits de l’affectivité et de la subjectivité du sujet parlant, et qui reflète dans la
langue ces éléments nouveaux par la création de formes grammaticales et de mots : d’autre
part, la tendance intellectuelle et analytique, qui élimine les aspects de la pensée restés
étrangers à l’idée pure, et diminue le volume des éléments linguistiques en faisant d’une
partie d’entre eux des signes grammaticaux. Une forme linguistique évoluant à travers le
5 temps peut être comparée à un accordéon qui tantôt se distend et tantôt se replie. (Bally 1913
43)
15)
La phrase est la forme la plus simple possible de la communication d’une pensée. / Penser,
c’est réagir à une représentation en la constatant, en l’appréciant ou en la désirant. / C’est
donc juger qu’une chose est ou n’est pas, ou estimer qu’elle est désirable ou indésirable, ou
enfin désirer qu’elle soit ou ne soit pas. On croit qu’il pleut ou on ne le croit pas, ou on en doute,
on se réjouit qu’il pleuve ou on le regrette, on souhaite qu’il pleuve ou qu’il ne pleuve pas. /
Dans le premier cas, on énonce un jugement de fait, dans le second un jugement de valeur,
dans le troisième une volition. / La première opération relève de l’entendement, la deuxième
du sentiment, la troisième de la volonté, qui a son aboutissement dans l’action, aboutissement
qui est une des fonctions du langage tout en le dépassant. / La pensée ne se ramène donc pas à
la représentation pure et simple, en l’absence de toute participation active d’un sujet pensant.
(Bally 1932 35)
16)
La phrase explicite comprend donc deux parties : l’une est le corrélatif du procès qui constitue
la représentation (p. ex. la pluie, une guérison); nous l’appellerons, à l’exemple des logiciens, le
dictum. / L’autre contient la pièce maîtresse de la phrase, celle sans laquelle il n’y a pas de
phrase, à savoir l’expression de la modalité, corrélative à l’opération du sujet pensant. La
modalité a pour expression logique et analytique un verbe modal (p. ex. croire, se réjouir,
souhaiter), et son sujet, le sujet modal; tous deux constituent le modus, complémentaire du
dictum. (Bally 1932 36)
VI. 時枝誠記 1941, 1968
17)
一般には,詞が辞に転換する時は,詞の概念内容が極度に希薄になって辞に転ずる様にいわれてい
るが,単に概 念内容が希薄になるだけであるならば,それはやはり詞に留まるものであって,辞で
はない.詞が辞に転換する ということは,表現性の転換でなければならないのである.... 詞より辞
へは連続的に移るのではなく,客体の概 念的表現が,主体の直接的表現に裏返ることによって辞
が成立すると考えなければならない.詞としての転換は, 何処までも包まれるものとしての領域
を出ないが,詞が辞に転換することによって始めて包まれるものより包む ものに転ずるのであ
る.(時枝 2007 [1941]: 上 324-325)
18)
いまだいたい,
『手爾葉大概抄』
(鈴木朖(1764-1837)著)以来をずっとたどってまいりましたよ
うに,その根本の考え方というものは,つまり,客体的なものと,それに働きかける人間の主体
的なもの,その合体によって,人間の思想の表現というのは成り立つ.これが,日本の伝統的な,
文法の根本にある考え方じゃないかと,私は思うんです.
(時枝誠記(1968)
「「時枝文法」の成立
とその源流—鈴木朖と伝統的言語観」,
『講座・日本語の文法1・文法論の展開』,明治書院,22-23)
VII. Grammaticalisation
19)
[Grammaticalization chain] PERSON -> OBJECT -> ACTIVITY -> SPACE -> TIME ->
QUALITY (Heine et al. 1991 48))
20)
Whereas the symboles of formal languages must be assigned unique referents, with all
ambiguity eliminated, expressions in natural languages are normally polysemous ; that is,
they have multiple meanings that are related by cognitive principles. (Lakoff-Johnson 1999
259)
21)
[‘pied’, Borillo 2000]
a) La poupée a perdu un de ses pieds.
6 b) La table a des pieds torsadés.
c) Le pied de la montagne est boisé.
d) La maison est au pied de la montagne.
e) Être au pied de l’obstacle.
f) Être au pied du mur / à pied d’oeuvre.
22)
「さき,小学館日本国語大辞典・第二版・第5巻 1406」
a) 「(宇津保・俊蔭)さきのよの罪おもひやられ侍れば,天地のゆるされなき身に侍るめり」
b) 「(読本・春雨物語・死首のゑがほ)さきの世のいかなる所にか生まれて,荷かつぎ,夜は縄
なひて,猶くるしき瀬にかかりたらん」
VIII. Subjectivité
23)
’subjectification’ refers to a pragmatic-semantic process whereby ‘meanings become
increasingly based in the speaker’s subjective belief state / attitude toward the proposition’, in
other words, towards what the speaker is talking about. (Traugott 1995 31)
24)
十九世紀から二十世紀への移行期に,比較文法内部で,あるいはそれを批判して,同時代のフラ
ンス語話者で,彼自身とも個人的に親しかったブレアル,メイエ,バイイなどの研究者によって
指摘されはじめていた発展的な可能性について,意識的にか無意識的にか,ソシュールはこれら
を無視した.そうすることで,実際の言語の現実から乖離し,抽象的な単純化に陥った.ほぼ一
世紀後の二〇世紀末になって,それまではむしろ意味の研究や通時態に冷淡だったアメリカ合衆
国から,意味,通時態,主観性への関心が盛り上がってきたのは皮肉なことである.
(阿部 2007 67)
25)
言語現象に話し手の判断のレベル,つまり主観性が働いていることは,時枝やバンヴェニスト,
また現代のモダリティ研究において多々指摘されてきたことである.しかし,
「真実性」に加えて,
「望ましさ」という主観性概念を仮定しない限り,ある種の表現や構文の意味効果を説明するこ
とは不可能である.
「望ましさ」は任意の表現や文に対する受け手側の印象といった解釈レベルの
現象ではなくて,主観性概念として明確に確立すべき文法範疇である.(阿部 2009 94)
26)
Selon Traugott (1995 etc.), qui énonce que le monème a tendance à se subjectiver, nous
pouvons considérer les deux phénomènes précités, c’est-à-dire qui plus est et encore moins,
comme des cas de subjectivation. Nous pensons cependant que la subjectivité peut s’exprimer
non seulement par des monèmes subjectivés mais d’au moins trois autres manières. Il y en a
peut-être plus mais pour le moment nous nous limitons à ces quatre au total, que nous
comptons expliquer un à un à l’aide d’exemples :
I)
subjectivation du monème
(ヤツはねっからの悪人だ.ただ,どこか憎めないな)
II)
phrase non-sens
(明治の時代,男が男だった時代)
III)
répétition
(酒の中の酒)
IV)
ellipse
(水!)
(Abé 2009)
VIV. まとめ
*『一般言語学講義』には見られなかった多義性(le sens propre,le sens figuré)の概念が,新手稿には
あらわれている.しかし,le sens figuré の可能性については,共時体系の方からの説明が試みられており.
結局はソシュールは多義性を認めていない,といえよう.これは,多義性をつきつめると.シニフィエに内
部構造を仮定せざるをえなくなり,シニフィエの内部構造は相対的・対立的・否定的な価値体系の概念から
は説明が不可能になってしまうから,また意味変化の無方向性についても疑問を呈さざるをえなくなる,か
らではなかろうか?
*ソシュールにとってはシニフィエを離れたシニフィアン,シニフィアンを離れたシニフィエは,かりにそ
7 のようなものがあったとしても,言語学の対象ではない,ということになる.ところで,新手稿には記号を
離れた les catégories grammaticales は存在が疑わしく,言語学的対象ではない,という『一般言語学講義』
にはなかった明確な指摘がある.したがってソシュール説は,外界認知構造が言語構造や言語変化の方向性
に影響を及ぼし,各記号や各品詞等の違いを超えて,むしろそれらの基底で機能し,また通言語的にも共通
な文法現象を想定する近年の認知意味論,文法化研究,主観性仮説とは,その基本において相容れないもの
であり,ソシュールを認知言語学的観点の先駆者として救い出すことは不可能である.
*『一般言語学講義』の編者のバイイとセシュエにはソシュールへの無理解や誤解があり,これがジュネー
ブ大学での実際の講義と『一般言語学講義』との齟齬となってあらわれてきている,とするのがソシュール
文献学の基本的態度である.確かに,そのようなこともあるかもしれないが,それ以上に重要なことは,バ
イイもセシュエもソシュールの実際の講義以前から,言語における affectif,subjectif なものを解明する新た
な言語理論を構想しており,これはソシュール説とは相容れない,というはっきりした自覚をもっていた.
したがって,ソシュール説に対しては,批判的であり,言語の一側面(affectif,subjectif に対して intellectuel
な)のみを考察したものとして相対化して考えていたはずであり,
『一般言語学講義』編集にあたっては,こ
れは自分たちとは立場を異にする考え方である,という意識があったはずである.バイイ,セシュエに加え
て,高等研究院におけるソシュールの前任者のブレアルも含めて,その考察には,現代的な主観性研究と直
接的に繋がる部分がある.また,ソシュールの弟子であるメイエは,文法化概念の命名者でもあり始祖とも
いえよう.19 世紀末
20 世紀初頭の言語研究の状況においてソシュールは,異質である.これは,ソシュ
ールは比較文法を批判するために共時体系の概念を構想したが,これがあまりに極端なところまで行きすぎ
て,言語の他の側面が射程から外れてしまった,ためではなかろうか?
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