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Vendredi 8 novembre 2013 // No 167
Porrentruy
Paire de maires
P. 4
CHF 3.– // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch
Armée
Déchets
encombrants P. 5
La Tchaux
Benne perdue
P. 6
Euro millions
Le sexe de l’épouse
P. 17
JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA
2
C ’ E S T P AS P OUR D IR E !
Revenus répartis
Q
Jean-Luc Wenger
uand on sort les canons lourds pour tuer une
mouche, l’heure est grave. C’est un peu l’impression
que donnent les opposants à l’initiative 1 :12. Ainsi
Jean-Claude Biver assène-t-il, tout en nuances :
« C’est l’Union soviétique. » C’est que de son
hublot, l’horloger considère de très haut les
idées des Jeunes socialistes. Lui qui se dit prêt à reprendre Le
Temps, quitte à y perdre 1 million de francs par année, partage
l’opinion de l’actuel rédacteur en chef du journal, Pierre Veya,
lequel cite à l’envi cette phrase de l’ancien conseiller fédéral
Hans-Peter Tschudi : « Les riches n’ont pas besoin de l’AVS, mais
l’AVS a besoin des riches. » Et d’en conclure : « Cette initiative
répond aux critères d’une démarche populiste que les extrêmes de
gauche et de droite brandissent pour exister. Hier les étrangers,
demain les riches ? »
Pauvres riches, exploités et dénigrés comme de vulgaires
requérants d’asile.
Il faut dire que les grands managers ne font rien pour déjouer
le complot populiste des abominables gauchistes. Avec son
parachute de 72 millions, Daniel Vasella avait fait décoller
l’initiative Minder. Aujourd’hui, les salaires des patrons de
Roche (261 fois le revenu le plus bas dans l’entreprise), de
Nestlé (238 fois) ou d’ABB (225 fois) semblent de nature à
légitimer le débat sur des rémunérations plus équitables. Grave
erreur : si par malheur l’initiative passait, l’apocalypse serait
programmée.
Heureusement, au cas où l’artillerie des opposants ne suffirait
pas à faire taire dans les urnes l’envie d’une meilleure
répartition des revenus, l’USAM a une solution : les entreprises
scinderont leurs activités en deux ou plusieurs sociétés
différentes, selon le principe des poupées russes. On verrait
ainsi Nestlé nettoyages, Nestlé commerce, Nestlé recherche et
développement, Nestlé direction, etc., avec entre ces poupées
l’écart réglementaire de 1 :12. A la tête de Nestlé direction,
le patron continuerait de gagner 238 fois plus que l’employé
subalterne de Nestlé nettoyages. Astucieux, propre en ordre,
rien ne dépasse et la volonté exprimée du citoyen trépasse.
Mais quand on prévoit de détourner une loi avant même qu’elle
soit votée, c’est qu’on a un peu les chocottes, non ?
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
Q U E LL E S E MAIN E !
3
Ç A , C ' E S T F AI T !
Le chiffre
Coup du latin
Selon un rapport
de la Commission
suisse de maturité,
l’enseignement de
l’italien, langue
nationale suisse, est
méchamment laissé
pour compte dans
les gymnases de
Suisse alémanique.
Le règlement leur
impose pourtant
d’avoir trois langues
nationales comme
branches ; mais un
établissement sur sept
n’offre que l’allemand
et le français. En
Romandie, en
revanche, tous les
gymnases proposent
le français, l’allemand
et l’italien. Chez les
Bourbines, la « langue
de l’amour » n’est pas
aimée.
De 200
à 500
C’est, selon Terre des Hommes,
le nombre de migrants
mineurs non accompagnés
qui demandent annuellement
l’asile en Suisse. Ils devraient
être protégés en vertu de la
Convention internationale
des droits de l’enfant. Sauf
que beaucoup subissent des
mesures de contrainte, la
détention administrative et un
renvoi forcé. Abandonnés à
eux-mêmes, ils sont souvent
contraints de mendier, de
voler ou de se prostituer pour
survivre, dénonce Terre des
Hommes. Pas grave, tant qu’ils
ne restent pas sur la terre des
Suisses.
Usine à la campagne
Le 5 novembre, les onze candidats au Conseil d’Etat genevois ont livré leurs
visions et leurs espoirs en matière de culture. Beaucoup de langue de bois,
entre « plateforme de concertation » et « partenariat public-privé », mais
aussi un avis iconoclaste : le MCG Eric Stauffer voudrait déplacer l’Usine en
périphérie. Et pourquoi pas en France, à Saint-Julien-en Genevois, à côté du
Macumba où tant de Genevois vont s’éclater ? C’est vrai, quoi, « marre des
frontaliers » !
Cabale au Canada
« Je ne suis pas parfait, j’ai
commis des erreurs », a reconnu,
contrit mais souriant, le maire
de Toronto Rob Ford, déjà en
lice pour sa propre succession
en 2014. Il est vrai qu’il a un
palmarès assez fourni : il a été
arrêté pour ébriété au volant,
possession de drogue et menaces
de mort contre sa femme,
expulsé d’un stade pour ivresse,
condamné dans une affaire de
conflit d’intérêts, vu en compagnie
de criminels notoires et, tout
récemment, filmé en train de tirer
goulûment sur une pipe à crack.
Un vrai serpent de maire.
Marche rustre
Le 4 novembre à Moscou, des milliers
d’ultranationalistes ont rejoint la
Marche russe. L’événement, censé
être une commémoration nationale, a
été dévoyé par ces agités multipliant
les saluts nazis et scandant leur
haine des immigrés (« aujourd’hui
une mosquée, demain une bombe »).
Par ailleurs, les malchanceux qui
n’ont pas le « faciès russe » sont
pourchassés et tabassés dans le
métro, quand leurs maisons ne sont
pas mises à sac. C’était bien la peine
de gagner la bataille de Stalingrad.
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F AI T S D I V E RS E T V ARIÉS
F AI T S D I V E RS E T V ARIÉS
Vingt mille jeux
sous les maires
Secret dépense
Justice si vile A Porrentruy, l’élection d’un maire de centre gauche n’a pas fait
les affaires de la droite conservatrice… et de la justice. Farce en quatre actes.
Rappel : de 1988 à 1999, notre
glorieuse armée avait acheté, avec
la complicité des Chambres fédérales, 204 000 obus à sous-munition pour la modique somme de
676 millions. Des emplettes au demeurant grotesques, sachant que
ces petits bijoux éparpillent des
mini-bombes dans le paysage et
font 98 % de victimes civiles : l’armée suisse n’agissant que sur sol
suisse, ces engins auraient donc
décimé la population suisse. Par
chance, la Confédération ayant ratifié en 2012 la Convention d’Oslo
qui bannit ce type de saloperies,
elle doit sans attendre détruire ses
stocks. Elle a mandaté pour cela la
société allemande Nammo Buck.
Le coût de la destruction « ne peut
être communiqué pour des raisons
contractuelles », avait dit Armasuisse ; mais un montant estimatif
d’une bonne trentaine de millions
semble raisonnable (si l’on ose
dire).
Acte I : Les deux principaux protagonistes. La justice en arrière-plan.
Le 11 novembre 2012, Thomas
Schaffter (Parti chrétien social
indépendant, centre gauche) et
Pierre-Arnauld Fueg (PDC) se
disputent la mairie de Porrentruy.
Le premier remporte le scrutin,
mettant fin au règne séculaire de
la droite. Bigre, une révolution !
Décidées à ne pas laisser la menace bolchevique saper la capitale
ajoulote, des voix scandalisées
s’élèvent déjà, agitant les notions
de scandale, de tricherie, de corruption. « Vous avez été élu, mais
n’êtes pas près de siéger », aurait
d’ailleurs ronchonné le perdant.
Visionnaire ?
naliste Arnaud Bédat, renifleur
d’effluves, compagnon de bac à
sable du PDC et contempteur
inconditionnel de Thomas Schaffter, n’hésite pas une seconde à
reprendre le flambeau de la cabale
bourgeoise. Exploitant la détresse
d’un chômeur récemment licencié
par le candidat Fueg, il lui promet
un article plaidant sa cause pour
peu qu’il avoue avoir fraudé en faveur de Schaffter. L’article ne voit
jamais le jour, mais les aveux, a
priori sans la moindre valeur juridique, car enregistrés à l’insu du
principal intéressé, sont transmis
à la justice.
Acte II : Arrivent un ancêtre sénile,
un journaliste échotier et un chômeur manipulé.
Premier recours des sympathisants démocrates-chrétiens devant
le tribunal, celui d’un retraité bien
connu dans la région pour ses
névroses réactionnaires. Ses griefs
étant jugés plus que légers, on lui
demandera d’aller voir ailleurs s’il
y est. C’est alors que l’illustre jour-
Acte III : Le tragique monologue
d’une juge intéressée
Victoire pour Arnaud Bédat et le
PDC ! Sur la base d’un recours déposé (hors délai) par le président
du club de football de Porrentruy,
la juge décide, le 26 mars 2013,
d’annuler l’élection de Thomas
Schaffter. A noter que le club en
question est grassement sponsorisé par la société Herculis Partners
Dossier explosif Nouvel exercice militaire suisse : détruire à grands frais des munitions inutiles
achetées à grands frais. Et qui veut en savoir davantage en est pour ses frais.
Le rideau tombe.
Astuce Vigousse. Comment remporter une élection ?
1. Etre dans les petits papiers de la justice.
2. Manipuler une personne en détresse.
3. Essuyer une défaite aux premières élections.
4. Utiliser des enregistrements illégaux au moment opportun.
5. Laisser la justice faire ses petites affaires et annuler la
première élection.
6. Récolter les fruits d’un dur labeur lors du deuxième scrutin.
5
SA, propriété du candidat PDC
Pierre-Arnauld Fueg… Mais un
petit couac enraie la mécanique
judiciaire : la fraude n’a toujours
pas été avérée. Qu’importe, ça ne
gêne aucunement Madame la juge.
Peut-être se souvient-elle que les
juges sont élus par le Parlement
jurassien, à majorité PDC ? Bref,
elle n’en démord pas : on revotera
le 27 octobre 2013.
Acte IV : Une procureure indélicate,
un chômeur décidément manipulé
et un parti hégémonique.
A deux jours du scrutin, le chômeur soupçonné de fraude fait publier dans le journal régional une
annonce appelant à voter Thomas
Schaftter. Etrange puisque la démarche nuit gravement à l’image
du candidat qu’il dit soutenir... Et
l’homme, qui peine à joindre les
deux bouts, paraît bien incapable
de payer la facture (650 francs).
D’où une rumeur grandissante :
la manœuvre aurait été orchestrée par de hauts responsables
politiques. Ajoutons à cela une
perquisition au domicile du chô-
meur, habilement ordonnée par la
procureure.
Epilogue : Des citoyens écœurés et
un vainqueur douteux.
Résultat de ce bazar : le 27 octobre,
on décompte 10 % de bulletins
blancs. Le candidat PDC en sort
vainqueur sans gloire. La justice,
quant à elle, n’en sort pas grandie.
Dans le Jura, peu importe que la
démocratie soit du lard, du cochon
ou de l’eau de boudin, l’essentiel
est de pouvoir fêter la Saint-Martin. Patty Bühler
sur palettes. Poids total des munitions de 15,5 cm emballées : 9735
tonnes. Pour celles de 12 cm :
607,5 tonnes.
Ces modestes cargaisons vont
donc traverser des pays entiers.
Mais il ne s’agit pas de pommes
de terre : vu la nature du chargement (danger d’explosion, risques
pour l’environnement, vol, terrorisme), son transport exige-t-il des
mesures de sécurité particulières ?
Réponse d’Armasuisse : « Les
transports se font selon les prescriptions internationales sur les règles
ferroviaires et selon les prescriptions européennes et nationales sur
le transport routier. » C’est chic.
Par ailleurs, « la munition emballée
n’est pas très réactive et elle voyage
sans détonateur ». On respire. Il
serait désagréable qu’un convoi de
munition suisse souffle un patelin
allemand.
Mais comment la munition « pas
très réactive » réagirait-elle en cas
de déraillement, de collision, de
fournaise ? Facile : il n’y a qu’à se
dire que ça n’arrivera pas.
Enfin, qui prend en charge le transfert des bidules vers les lointaines
usines de Nammo Buck ? Le devis
de la firme (dont le montant, rappelons-le, « ne peut être communiqué
pour des raisons contractuelles »)
comprend-il le conditionnement
et les transports, ou ces opérations sont-elles payées, en plus
de la facture de Nammo Buck, par
le contribuable suisse ? Réponse
d’Armasuisse : « On ne communique
pas sur les prix pour des raisons
contractuelles. »
En clair, le contribuable suisse
n’a qu’à laisser les militaires penser et dépenser. Et que ça saute !
Laurent Flutsch
Ayant narré en détail cette brillante épopée (Vigousse, 11.10.13),
on a voulu en savoir plus sur le
transport de la munition vers les
sites de destruction. Rappelons
que nos 177 000 obus de 15,5 cm
partent pour l’usine allemande de
Pinnow, près de la frontière polonaise, à 1200 kilomètres de Berne.
Et que nos 27 000 obus de 12 cm
voyagent sur 2400 kilomètres
jusqu’à la succursale norvégienne
de Løkken Verk.
A notre demande, Armasuisse précise que les transports, en cours
de préparation, emprunteront le
rail et la route. Les obus sont préalablement contrôlés, conditionnés individuellement (environ 10
kilos d’emballage par obus) et mis
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Vigousse vendredi 8 novembre 2013
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
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F AI T S D I V E RS E T V ARIÉS
F AI T S D I V E RS E T V ARIÉS
Elle est poubelle la ville ?
La Suisse enlève l’échelle
Vieux débris A La Chaux-de-Fonds, il semblerait que la promotion
du patrimoine soit bonne à mettre aux ordures.
Pas verni Un peintre en bâtiment installé à Lausanne depuis 26 ans, bien intégré et père de famille,
fait l’objet d’une soudaine décision de renvoi. Berne s’emmêle-t-elle les pinceaux ?
En avril 2011, le Conseil général
de La Chaux-de-Fonds acceptait
une nouvelle stratégie en matière
de ramassage des déchets. Le plan
consiste à abandonner la récolte
au porte-à-porte pour privilégier l’installation de conteneurs
enterrés délicatement nommés
« moloks ». Aujourd’hui, environ
100 d’entre eux sont opérationnels et 230 autres doivent encore
être mis en place.
Mais voilà, le projet rencontre
« énormément d’opposition », selon
le conseiller communal en charge
de l’économie et de l’urbanisme,
Théo Huguenin-Elie (PS). « Les
gens sont favorables à ces conteneurs, mais pas devant chez eux.
Comme tous ne sont pas encore
installés, certaines personnes
viennent déposer leurs déchets
Rémi Rexhepi, Albanais du Kosovo, a 45 ans. Il est arrivé en
septembre 1987 ; et aujourd’hui,
après 26 ans de vie en Suisse,
l’Office fédéral des migrations
(ODM) ordonne son expulsion.
D’accord, il a peut-être commis
« deux-trois erreurs de jeunesse »,
admet-il. Mais c’est vieux et ce
n’était rien de grave. Et surtout,
la suite de son histoire en Helvétie fait de lui un vrai modèle
d’intégration.
Détenteur d’un permis B, Rémi
a toujours travaillé et n’a jamais
coûté un centime à l’Etat. En
2005, il a monté à Lausanne sa
propre entreprise de peinture.
« Peut-être que le fait d’être indépendant m’a desservi », imaginet-il dans un français parfait.
riés, le numéro dudit dossier est
le même pour les deux : le voilà
davantage encore dans le collimateur de l’ODM... De plus, Olga
a un enfant d’un premier mariage
au Kosovo : l’office craint-il (à
tort) un regroupement familial ?
« En tout cas, ça a gonflé le dossier… » témoigne Rémi. Un dossier que Berne épaissit encore en
ressortant de vieilles affaires...
Pour mieux mettre en doute son
intégration, l’ODM relève sournoisement que son fils Alexandre
a le passeport italien, qu’il a hérité de sa mère. Certes, et alors ? Il
vit depuis des années à Lausanne
où il suit les traces de son père :
il vient d’obtenir son CFC de plâtrier-peintre.
Côté vie privée, Rémi est un
connu pour ses qualités professionnelles, mais aussi pour sa
patience avec des ados parfois difficiles, sa tolérance, ses dons de
formateur. En témoigne un Suisse
qui a placé plusieurs jeunes en
stage dans l’entreprise du peintre.
« Je me sens à 70 % Suisse, il y a
plus de 10 ans que je ne suis pas
retourné au Kosovo. Un pays qui
ne me reconnaît plus, encore moins
maintenant avec ma femme serbe »,
insiste Rémi. Mais l’ODM a tranché : dehors, point barre. Les possibilités de recours sont épuisées,
même si Rémi n’a jamais été entendu par aucun tribunal.
« Si je dois quitter ce pays, ce sera
les pieds devant, dit-il ; je suis de
toute façon un homme mort au
Kosovo. » Félicitations à l’ODM :
installé depuis 26 ans, intégré,
entrepreneur, le peintre est désormais au bout du rouleau. Jean-
PLUS VRAI QUE
VECU
dans des bennes déjà pleines, ce
qui cause des nuisances énormes. »
A terme, les Chaux-de-Fonniers
ne devraient pas marcher plus
de 200 mètres jusqu’à la plus
proche « goulotte », soit la partie émergente d’un molok. Pas
facile toutefois de trouver les
lieux adéquats : il faut un accès
pour les camions et il faut que
le cadastre souterrain s’y prête,
car balancer des restes de morue
et des couches usagées dans les
conduites d’eau courante n’est
pas du goût de tous.
Ainsi donc, le Service de l’urbanisme et le Service de la voirie ont
choisi de planter deux de leurs
moloks à la rue de la Chapelle
12, l’endroit leur paraissant idéal.
Or l’adresse est celle d’une vieille
Les locataires et les voisins s’opposent évidemment au projet.
Mais l’opposition a été levée par
la ville, qui invoque un intérêt
public prépondérant.
Notre enquête a toutefois révélé
que le Conseil communal « se
pose la question de la pertinence de
cet emplacement ». Il plancherait
actuellement sur un déplacement
des deux moloks. Comme quoi
les autorités ne sont pas toujours
des ordures. Lucien Christen
Audience en correctionnelle dans un tribunal d’arrondissement. Noms fictifs mais personnages réels
et dialogues authentiques.
« J’ai porté plainte contre eux huit fois
ces dernières semaines. »
Monsieur Bernal est accusé de menaces,
enregistrement non autorisé de conversations, injures et
utilisation abusive d’une installation de communication.
– Cette affaire est d’un compliqué… soupire la juge ;
on va d’abord faire le point sur toutes les plaintes
déposées réciproquement.
– Je n’arrive pas à faire le compte, s’excuse l’avocat
de l’accusé. Après leur relation amoureuse qui s’est
terminée il y a trois ans, chacun a multiplié les
plaintes de menaces, injures et même contrainte
sexuelle, mais cette dernière n’a pas été retenue.
– Je rappelle que ma cliente, qui était mariée à
l’époque et l’est toujours, n’a jamais admis qu’ils
avaient eu une relation amoureuse, intervient son
avocat.
– Et elle est où, votre cliente ? demande la magistrate.
– Elle préfère ne pas être confrontée à l’accusé ; elle
attend dans une autre pièce.
– Votre cliente joue la victime effrayée, mais elle
n’est pas en reste quant aux menaces et aux
mensonges, réplique la partie adverse.
– Pour conclure le topo, interrompt la présidente,
il y a eu foison de plaintes, chacun a déjà été
condamné pour menaces et injures. A ce jour il n’y a
plus d’affaires en cours, hormis celle du jour. C’est
correct ?
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
ferme, dotée d’une plaque indiquant qu’elle est classée monument
historique. C’est que la bâtisse, certainement construite en 1750, est
l’une des rares à avoir échappé à
l’incendie de 1794 qui avait ravagé
les deux tiers de la ville. La plaque
signale aussi que ce style de ferme
est à l’origine de l’urbanisme particulier de La Chaux-de-Fonds,
inscrite pour cela au Patrimoine
mondial de l’UNESCO. Quel meilleur endroit pour déverser des ordures ménagères ?
– Exact ! répondent les deux avocats après consultation
de leurs dossiers.
– Bien. Alors, monsieur, vous avez traité Madame
de « sale pute » et de « salope », lui avez déclaré « je
vais te pisser dans la bouche », « je vais te spermer
dans la bouche » et « est-ce que tu connais une
copine pour faire l’amour à trois ? ». Vous l’avez
aussi menacée par téléphone, lui déclarant « tu vas
voir », « je vais te pourrir la vie », « je vais dire à ton
mari que tu fréquentes d’autres hommes » et un
jour, vous êtes allé jusqu’à lui téléphoner 57 fois. Et
finalement, vous avez plusieurs fois, sans l’avertir,
enregistré des conversations téléphoniques avec elle.
– Pour les enregistrements, c’est vrai. Et c’est
d’ailleurs grâce à eux qu’elle a été condamnée. Mais
pour le reste, je conteste.
– Votre cliente a des preuves ?
– Il y a sa mère qui a tout vu et entendu, répond
l’accusation.
– Le problème, c’est que cette dame est internée
et que son curateur ne peut témoigner en son
nom. Donc ne serait-il pas mieux de trouver un
arrangement ?
– Oh oui, répondent les défenseurs avec enthousiasme.
– Monsieur, êtes vous d’accord de vous excuser afin
que Madame retire sa plainte ?
– Oui, mais elle et son mari me harcèlent. Ils
viennent chez moi, me tournent autour à des
terrasses de café, me suivent. Ma voiture a été
cassée plusieurs fois et je suis sûr que c’est lui !
J’ai porté plainte contre eux huit fois ces dernières
semaines !
– Quoi ?? s’écrie la juge.
– Non, rien, soupire l’avocat de Monsieur, aucune n’a
été retenue. Même le procureur fatigue…
– La conciliation est vraiment la meilleure solution,
résume la magistrate. Alors on s’excuse et chacun
s’engage à ne plus importuner l’autre, O.K. ?
– Il faut que je demande à ma cliente si elle est
d’accord.
L’audience est suspendue et l’avocat de Madame file la
consulter. Reprise :
– Elle est d’accord, jubile-t-il. Mais seulement s’il n’a
pas déposé d’autres plaintes contre elle entre-temps.
– Aucune plainte, j’ai vérifié, c’est bon, répond son
confrère tout sourire.
– Alléluia ! s’exclame la magistrate. Cette histoire est
enfin terminée. Donc on rédige, on signe et on s’en
va !
Monsieur Bernal ayant présenté des excuses, la plainte
est retirée. Les 3600 francs de frais sont partagés entre
l’accusé et l’Etat. Lily
Dans son métier, Rémi est re-
homme sociable et ouvert. Musulman, il épouse une Italienne
en 1993. Leur fils Alexandre naît
l’année suivante. Suit un divorce
difficile en 2001 : l’enfant vit avec
sa mère, mais il rejoint son père
dès qu’il a 14 ans.
quente très peu la communauté
albanaise. « Je ne pourrais pas
vivre au Kosovo et encore moins
maintenant, vu mon mariage. »
Pourquoi diable l’ODM aplus à peindre
t-il donc subitement prononcé
l’expulsion de Rémi ? Tout part
qu'à blâmer
d’un salmigondis administratif.
D’abord, suite à son remariage,
Rémi se remarie en 2007 avec l’administration vaudoise l’enune requérante d’asile serbe du courage à demander le permis
Kosovo, Olga, qui a elle-même C, ce qu’il fait. Du coup, l’ODM
un enfant. Pour un Albanais du exhume son dossier. ParallèleKosovo, ce mariage avec une ment, après leurs noces, Olga,
Serbe est un sacrilège, une tra- jusqu’alors établie dans le canton
hison : sa famille restée au pays de Neuchâtel, emménage à Laucoupe les ponts. « Mais moi, je sanne où vit son époux. Le cansuis libre et ouvert », dit-il avec ton de Vaud transmet alors son
candeur. Amoureux, surtout ! dossier de requérante à Berne.
Bien intégré en Suisse, il fré- Or, comme elle et Rémi sont ma-
Luc Wenger
7
Jeu de balles
Barbie fait du sport Le football
américain se joue avec les pieds et
les mains. Mais les équipes féminines
jouent surtout les rince-l’œil.
Quel est le point commun entre
le football, le hockey et le basket ?
Ces sports passionnent les foules,
sauf quand ce sont des femmes qui
les pratiquent. A moins que cellesci jouent surtout de leurs charmes
dans des tenues idoines. Au volleyball par exemple, les caméras s’attardent volontiers sur leurs fesses et
les supporters mâles sont étonnamment nombreux.
L’Etats-Unien Mitch Mortaza a flairé
le bon filon. Il a créé en 2009 la Lingerie Football League, pudiquement
rebaptisée Legends Football League
(LFL), qui réunit des équipes américaines mais aussi, bientôt, européennes.
Les joueuses s’affrontent en lingerie, avec casques et épaulières pour
l’esprit sportif. Ultramaquillées,
toujours bien roulées, elles jouent
plutôt bien au foot américain. Sauf
qu’à lire les commentaires sur YouTube (« Nice babies », « Regardez-moi
ces culs remuer ! »), le mâle basique
retient peu leurs qualités sportives.
D’accord, les joueuses le veulent
bien. Mais ce que la plupart des spectateurs ne savent pas, c’est qu’elles
évoluent dans des conditions moins
sexy qu’on pourrait le croire. Elles
ne sont pas payées, mais touchent
un pourcentage sur le match si elles
gagnent, elles ne bénéficient pas de
matériel de protection professionnel
(ce qui cause bon nombre de blessures au cou et à la tête), la ligue ne
prend pas en charge les traitements
en cas d’accidents et elles ont l’interdiction de former un syndicat alors
qu’aux Etats-Unis tous les sports en
ont un.
Et si l’on créait une ligue de foot
masculin dont les joueurs évolueraient torse nu, en caleçons moulants ? Noémie Matos
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Vigousse vendredi 8 novembre 2013
8
F AI T S D I V E RS E T V ARIÉS
Cours et recours
Kafka d’école Pour les arrivées tardives de son fils, un père avait
été condamné par le préfet. Au tribunal, c’est le préfet qui est collé.
L’affaire n’est pas de la plus grande
importance, sourit la juge du Tribunal de police de Lausanne. Ce vendredi 1er novembre, elle statue sur
le cas de Luc. D’abord condamné
par le préfet à 200 francs d’amende
et 50 francs de frais, il a fait recours
avec le soutien actif d’un oncle
avocat très illustre, l’ancien président du PLR et toujours conseiller national Fulvio Pelli.
Quel abominable forfait Luc
avait-il donc commis en premier
lieu ? Son fils Mike, 14 ans, avait
multiplié les arrivées tardives à
l’école. Sur dénonciation du collège, le préfet avait donc infligé
au papa (pourquoi pas à la maman, ou aux deux ?) la susdite
amende. Si Luc a fait recours, « ce
n’est pas une question de montant
mais de principe », souligne-t-il.
comportement de Mike est-il imputable aux parents ? » Or la réponse
est clairement négative.
« Mike n’est pas un ange, c’est un ado
qui a de la peine à se concentrer,
mais nous ne restons pas les bras
ballants », précise Luc. Il admet que
son fils est peut-être un grand dadais tourmenté par ses hormones,
si distrait qu’il lui arrive aussi, à
l’inverse, de se rendre à l’école les
jours où il a congé. Un soutien
psychologique et logopédique a été
mis en place par les parents, avec
des résultats probants. Et si Mike
est arrivé dix fois en retard lors du
premier semestre, son comportement s’est nettement amélioré au
deuxième. Mais le préfet n’a pas
tenu compte de tout ça : « Je vous
comprends, a-t-il dit à Luc ; mais la
loi, c’est la loi… »
Profitant de la Toussaint, jour
férié au Tessin, pour venir en personne plaider la cause de son neveu, Fulvio Pelli n’a pas eu à forcer
son éloquence ni à se lancer dans
les arguties juridiques en exploitant d’évidents vices de forme dans
l’ordonnance du préfet. C’est qu’en
définitive l’unique question pertinente aux yeux de la loi, dans cette
grave affaire, était la suivante : « Le
amende grillée
Le règlement scolaire est ainsi fait :
après trois arrivées tardives, la direction de l’établissement avise les
parents. Après six retards, nouvel
avis. Et au dixième, c’est la dénonciation automatique au préfet.
« Sur 800 élèves, on en dénonce 20
à 30 par année. Nous ne pouvons
pas distribuer des heures d’arrêt ou
rencontrer les parents », témoigne
le directeur du collège concerné.
Bon, d’accord, mais la question demeure : « Les retards de Mike sontils imputables aux parents ? » Pour
en arriver à l’exclure, la juge a
mené un travail d’instruction qui,
selon elle, aurait dû être fait par
l’école. Fulvio Pelli trouve curieux,
lui aussi, que ni le directeur de
l’établissement ni le préfet n’aient
cru bon d’entendre les parents au
préalable.
La juge, donc, conclut que Luc
n’est pas coupable. Les frais de justice (718 francs) sont à la charge de
l’Etat. Ce n’est pas très cher dans
l’absolu, mais c’est hors de prix
vu l’absurdité de l’affaire. Reste à
savoir combien de parents, faute
d’avoir un avocat dans la famille,
casquent sans broncher devant
l’autorité préfectorale. Espérons
donc que le recours victorieux de
Luc fasse école. Jean-Luc Wenger
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
Q U E LL E S E MAIN E !
9
F AI T S D I V E RS E T V ARIÉS
Mouvement
egologique
Et moi, et moi, et moi Se tirer soi-même le portrait en grimaçant,
puis le diffuser sur toute la planète, telle est l’une des activités
favorites des jeunes internautes. On n’arrête pas le progrès :
Narcisse, lui, se contentait d’admirer son reflet dans l’eau.
Sur les réseaux sociaux, plus d’un
tiers des images publiées par les
16-24 ans seraient des « selfies » ou
« ego-portraits ». Très élaboré, le
procédé consiste à photographier
sa propre bobine avec son téléphone en le tenant à bout de bras
ou en se servant d’un miroir : c’est
ce qu’on appelle un geste réfléchi.
Bien sûr, l’ego-portrait n’a pas pour
but d’infliger son visage au reste
du monde. Il a une valeur documentaire, voyez-vous. Ainsi peutil être pris dans une salle de sport
avec la passionnante mention « au
fitness » ou au travail avec le fascinant commentaire « au bureau »
ou encore à la plage avec l’envoûtante légende « à la plage ».
Evidemment, pour chaque photo
publiée, une bonne vingtaine de
clichés sont nécessaires pour trouver le plus avantageux, quitte à se
déformer les traits ou prendre une
position absurde.
Pur narcissisme ? Sûrement pas,
voyons : en fixant un portrait de
soi où l’on est pile-poil comme on
aime, avec les cheveux exactement
comme il faut, les habits parfaits
et la lumière tip-top, les jeunes et
moins jeunes tenteraient de maîtriser tant soit peu une image qui
leur échappe trop souvent sur les
réseaux…
Le phénomène est d’ailleurs si
répandu que le service de prévention routière de Grande-Bretagne
s’est ému du nombre d’accidents
provoqués par le « driving selfie »,
c’est-à-dire l’ego-portrait pris en
conduisant, pour la frime. Bah,
si des adeptes se tuent en auto,
leurs potes peuvent toujours se
tirer l’autoportrait aux obsèques.
Ils enrichiront ainsi le blog
selfiesatfunerals.tumblr.com, qui
précisément compile les photos
de soi prises lors de cérémonies
funèbres.
Ainsi donc, l’intérêt pour son
propre potentiel de séduction
reste primordial, même lors de la
disparition d’un proche. D’autant
que l’ambiance des cimetières,
c’est bien connu, donne envie de
s’immortaliser. Jonas Schneiter
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Vigousse vendredi 8 novembre 2013
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B I E N P RO F ON D D ANS L ' AC T U
B I E N P RO F ON D D ANS L ' AC T U
Pitch
On m’espionne, donc je suis
LE COURRIER
DU CHIEUR
Les confessions du professeur Junge Cette semaine : j’avoue que ma vie
ennuyeuse a enfin pris un tour passionnant grâce à la surveillance américaine.
A M. Philippe Chevrier
Jusqu’à il y a peu, mon existence
était d’un ennui abyssal. Englué
depuis des décennies dans une
routine quotidienne immuable,
j’allais déliquescent vers la mort
sans plus aucun espoir qu’un jour
l’aventure ne croise mon morne
chemin et m’en fasse dévier. Oubliés depuis longtemps, les rêves
de revêtir un jour les atours chatoyants du héros sans peur et sans
reproche des illustrés pour la jeunesse.
Et puis voilà que débarquent les
révélations sur l’espionnage massif des télécommunications pratiqué par les Etats-Unis. Les plus
âgés d’entre vous se rappellent
sans doute avoir été traversés d’un
frisson similaire lorsqu’avait éclaté
l’affaire des fiches : des centaines
de milliers de citoyens suisses
avaient alors découvert avec stupeur qu’il existait à leur sujet des
rapports confidentiels des services
secrets. Las, même à cette époque,
j’avais échappé aux mailles du filet, ma vie si nulle n’ayant même
pas réussi à provoquer le moindre
début de commencement d’un
Autocuiseur
soupçon chez des fonctionnaires
pourtant prompts à trouver tout
et n’importe quoi digne de surveillance.
Mais cette fois-ci, j’en suis sûr, je
ne fais pas partie des laissés-pourcompte ! Les grandes oreilles du
programme Prism écoutent indifféremment tout ce qui passe à leur
portée. Cette fois-ci, je peux enfin
l’affirmer : oui, je suis victime de
l’espionnage inique du système totalitaire américain ! Mon droit à la vie
privée est bafoué, mon intimité violée ! Et soudain, je me sens revivre.
Le téléphone d’Angela Merkel a été
placé sur écoute ? Oui, mais le mien
aussi ! Je peux me targuer d’être soumis aux mêmes affres que les puissants de ce monde. Mes courriers
électroniques sont passés au peigne
fin par les experts de la NSA, mes
commandes sur des sites de vente
en ligne disséquées par de rusés
limiers, mes photos de vacances
sur les réseaux sociaux scannées à
la recherche de messages codés. On
m’espionne, moi, l’insignifiant, et de
ce fait j’existe !
Plus rien ne m’empêche d’imaginer
que mon dossier, arborant sur sa
couverture un cliché de moi bourré
avec un slip sur la tête piqué sur
mon compte Facebook, atterrisse
en ce moment même sur le bureau
d’Obama. « Qui c’est, ce type ? » demande le président. « Le professeur
Junge, répond un agent patibulaire
de la CIA planqué derrière ses verres
fumés. Il vient d’écrire sur Twitter
que vous êtes un con. » Obama tape
du poing sur la table et ordonne :
« Mettez-moi une équipe sur le
coup ! »
Désormais, chaque inconnu que je
croise dans la rue est potentiellement une barbouze qui m’épie. A
chaque hélico qui passe dans le ciel,
Le 8e conseiller fédéral
Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique.
Je m’inquiète
au sujet de cette
votation 1:12,
Eveline.
Si ça passe,
sur quelle base
on calculera
mon salaire ?
Quoi ?
Mais non ! Il y a
des gens qui
gagnent bien
moins que moi !
Seulement douze
fois votre salaire ?
C’est misérable !
Cher chef,
je me dissimule derrière un arbre.
J’ai même commencé à me déguiser pour sortir de chez moi. Me
voici agent secret, résistant traqué,
héraut de la liberté en lutte contre
le système. Ah, comme ma vie est
devenue palpitante ! Merci, Obama !
Professeur Junge, phare de la pensée
contemporaine
Ben je vois pas qui pourrait
être plus fauché que ces
pauvres bougres…
Et le peuple,
vous y avez
pensé ?
Ah bon ?
Des types qui
gagnent 10 ou 20
francs par jour.
Bon, j’ai une idée : on va dire
qu’on augmente les mendiants
roms à 100’000 francs par jour,
et le tour est joué.
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
Les conseillers
nationaux ?
Mais sur
quelle planète
vous vivez ?
Ah oui, les chefs d’entreprise, les
avocats, les dentistes, tout ça…
Ouf, je suis soulagé.
Texte original Des cliniciens annoncent l’émergence du « sleeptexting », nouveau trouble du sommeil
qui consiste à envoyer des SMS en dormant. Histoire à dormir debout ou à écrire couché ?
Les nouvelles technologies
ont envahi nos journées,
c’est un fait. Pour le meilleur ou pour le pire, nous
sommes désormais branchés, connectés, en réseau,
disponibles, et même, surveillés. On pensait encore
avoir la paix pendant la nuit,
le sommeil étant devenu le
dernier dispositif de déconnexion réellement efficace
contre la déferlante de gadgets
chronophages qui ont fini par
coloniser notre vie consciente.
Hélas, de nouveaux indicateurs
suggèrent que même cette frontière physiologique est aujourd’hui
en phase d’occupation.
L’intrusion est pour le moment
discrète, mais plusieurs publications anglo-saxonnes s’en sont fait
l’écho. Ainsi, le New York Times, le
Telegraph et The Atlantic, et même
un reportage télévisé sur CBS-2,
ont rapporté des cas troublants de
« sleeptexting », à savoir l’envoi
de SMS en plein sommeil. Divers
experts y témoignent que le phénomène est en hausse dans leur pratique clinique ; à ce jour, néanmoins,
aucune étude sérieuse ni de chiffres
ne sont disponibles. Ces personnes,
qui écrivent des messages plus ou
moins cohérents à leur ex, leurs
amis ou leurs collègues de travail,
étaient-elles réellement endormies,
vaguement somnolentes ou juste
bourrées ? Toujours est-il qu’elles
ne se rappellent absolument pas
avoir écrit ces messages, dont elles
apprennent l’existence uniquement
suite à la consternation ou la perplexité des récipiendaires, et toutes
ont en commun de garder leur
smartphone sur leur table de nuit.
En outre, elles ne semblent pas souffrir de troubles du sommeil tels que
le somnambulisme.
De fait, dans ce dernier cas, on
a déjà vu des patients faire le tour
du quartier, vider le frigo, conduire
une voiture, redécorer leur séjour,
jouer d’un instrument de musique
ou même, rarement, assassiner
quelqu’un. Il n’y aurait donc rien de
surprenant à voir un somnambule
user des nouvelles technologies. Du
reste, le « cas zéro » de « sleepmessaging » a probablement été identifié
en 2004 : il s’agissait d’une femme
insomniaque de 44 ans, examinée
au centre médical universitaire de
Toledo, dans l’Ohio. Après avoir
consommé des somnifères en
surdose, la dame a allumé
son ordinateur, a inséré son
nom d’utilisateur et son
mot de passe, puis a accédé
à sa boîte mail en inscrivant
à nouveau nom d’utilisateur et
mot de passe, pour enfin écrire
et envoyer successivement
trois e-mails à des connaissances les invitant à une soirée
« verres et caviar ». Les messages étaient compréhensibles
mais truffés de fautes et bizarrement construits. Le tout, apparemment, a été fait dans un état de
totale inconscience, sans qu’elle en
garde le moindre souvenir au réveil.
Le cas a été rapporté en 2006 à un
congrès de neurologie à San Diego,
puis publié en 2009.
Le temps dira s’il s’agit là des prodromes d’une épidémie à venir, et
si c’est le cas, il restera à en identifier les causes, les mécanismes et le
remède. Mais on peut déjà s’interroger sur ce que l’existence de tels
symptômes dit à propos de notre
vie consciente : s’il y a de moins en
moins de différence entre nos pratiques diurnes et nocturnes, cela
veut-il dire que nous sommes déjà
des sortes de zombies somnambules
dès que nous utilisons nos nouveaux gadgets ? Sebastian Dieguez
Writing emails as part of sleepwalking
after increase in Zolpidem, F. Siddiqui
et al., Sleep Medicine, vol. 10, pp.
262–264, 2009.
Le strip de Vincent
N’est-ce pas, chef ?
Roger Jaunin
101
Qui ça ?
Correspondance de nuit
Surtout, vous avez fait mieux
qu’une certaine Dame Anderson,
prénom Pamela, qui, elle, à ce
qu’on a pu voir, n’avait pas cru
bon de se délester de quelques
rondeurs savamment entretenues
sur les plages de Malibu. Son
temps ? Cinq heures et 41 minutes, c’est bien ce qu’il faut
compter pour, sous le chaud
soleil de l’été indien, faire
mijoter une dinde.
Je suppose que comme vous
êtes le chef de tout le pays, il
faudra vous payer douze fois le
plus bas salaire qui existe.
Allégé d’une soixantaine de
livres, vous vous êtes donc
présenté dimanche dernier au
départ du Marathon de New York.
But avoué : terminer l’épreuve
en moins de 4 heures 30 minutes
et, ainsi, voir votre nom figurer
dans les colonnes du « New York
Times ».
Las, la sauce n’a pas pris, et
ce n’est qu’au terme de près de
cinq heures de course que vous
avez franchi la ligne d’arrivée. On imagine votre déception, tout en relevant que pour
un homme de votre âge, 52 ans,
et de votre corpulence l’exploit
vaut son pesant de foie gras, de
homard bleu de Bretagne et des
mille et une délicatesses qui
garnissent la carte du Domaine
de Châteauvieux.
Pfff… Vous avez déjà
entendu parler des
mendiants roms ?
Non, qu’est-ce
que c’est ?
Aux étoiles que vous a fort
justement octroyées le Guide
Michelin, vous avez souhaité
ajouter l’une de celles qui
figurent sur le drapeau américain. Chacun ses goûts, et le
vôtre, prononcé, pour la course
à pied, méritait sans doute que
vous perdiez quelques-uns de
ces kilos que l’on peut qualifier
de superflus, mais qui à l’ordinaire vous servent de caution
auprès de votre clientèle.
11
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
12
CUL T UR E
Un festival
Un film
Femmes
du monde
Depuis neuf ans, Les Créatives à
Onex sont un rendez-vous automnal incontournable. Un festival
de musique aux activités variées
(concerts, récits, expositions, ateliers et tables rondes), aux valeurs
précieuses (ouvert sur le monde,
engagé, harmonieux) et 100 % féminin (parce qu’elles le valent bien !).
Cette année, le programme est particulièrement alléchant avec, entre
autres pétillantes artistes reconnues
Les copains d’abord
L’humour
du prochain
Fraîchement diplômée et carrément motivée, une trentenaire
helvète s’en va défendre les
droits des Amérindiens durant
deux ans. Une noble tâche qu’il
faut soutenir !
Un spectacle humoristique est
organisé afin de donner un coup
de pouce au Centre nicaraguayen
des droits de l’homme (CENIDH)
au sein duquel la demoiselle va
œuvrer. Pour la modique somme
de 50 francs, trois artistes vont
se déchaîner sur scène et faire
frémir vos zygomatiques : Laurent Flutsch et Thierry Meury
s’éclatent dans leur sketches fétiches alors que Jean-Louis Droz
livre le meilleur de son one-man
show, L’exode du géranium. Après
le spectacle et la poilade, un verre
de l’amitié est offert. Un bon
moment pour une bonne cause.
A. D.
Soirée humoristique en faveur du
CENIDH, avec Laurent Flutsch,
Thierry Meury et Jean-Louis Droz,
à la Paroisse Sainte Thérèse,
Lausanne, le 22 novembre à
19 h 30, réservations obligatoires à
l’adresse :
[email protected]
(attention : nombre de places
limité !).
* noms connus de la rédaction
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
13
CUL T UR E
BROUILLON
DE CULTURE
ou à connaître, l’Australienne Emilie
Gassin, la Suissesse Soraya Ksontini,
la Danoise Nanna B., l’Anglaise Ebony Bones ! et l’Etats-Unienne Akua
Naru. Quatre soirées consacrées à
des femmes qui n’ont pas besoin de
se dénuder ni de se dandiner pour
afficher un talent fou. Alinda Dufey
Festival Les Créatives, Onex, du 13 au
16 novembre, détails sur
www.lescreatives-onex.ch
Une expo
*
Fourbi et orbi
Depuis qu’il a « l’âge d’avoir des
poches », le designer et enseignant suisse Franco Clivio furète dans les greniers, brocantes,
marchés aux puces et quincailleries en quête d’objets qu’il perçoit comme extraordinaires. De
la simple aiguille à tricoter à l’inventif shopella (liste de courses
britannique), l’homme a accumulé au fil des ans une montagne de bidules d’allure certes
anodine, mais qui révèlent des
merveilles de qualités pratiques
et esthétiques.
L’exposition du Mudac réunit
plus de 900 objets de sa collection, classés avec soin par caractéristique. En une incroyable
caverne d’Ali Baba, les vitrines
regorgent de trésors et d’astuces,
à l’exemple de deux insignifiantes petites plaques d’acier
qui, d’un glissement, se transforment en timbales. Un cabinet
d’ingéniosité. A. D.
*
Un gâteau, des projos Pour fêter ses 15 ans,
le Festival Filmar nous propose du 15 novembre au
1er décembre une cure de cinéma américain, mais
garanti sans blockbusters.
CREUSER En marge de l’exposition
Oublier cinq minutes – et même
quinze jours – les grosses productions gonflées aux hormones ou les
comédies poussives et nombrilistes,
s’intéresser à d’autres territoires
cinématographiques, voyager avec
le cœur, l’esprit et les yeux grands
ouverts, c’est tout de même pas le
Pérou ? Alors en route pour Lima,
La Paz, Quito, Santiago, Bogota,
Buenos Aires ou Mexico !
Le Festival Filmar en América latina, qui souffle ses 15 bougies à Genève (mais dont les films tournent
ailleurs en Suisse romande), a
décidé de mettre une cerise andine
sur son gâteau cette année, proposant notamment 35 longs-métrages,
toutes époques confondues, en provenance de Bolivie, d’Equateur et
du Pérou. Qu’ils soient féministes,
musicaux, historiques, sociétaux ou
écologistes, les 127 films de cette
quinzaine latine sont bien évidemment pour la grande majorité inédits sous nos latitudes, vu le peu
de place qu'on laisse d’ordinaire à
ce que certains imbéciles appellent
avec dédain « les films du tiersmonde ».
Ître – Mémoire de pierre (visible
jusqu’au 8 décembre), le Musée
de Bagnes présente un cycle de
conférences pour les passionnés de la
montagne et du patrimoine. Edifiant.
Samedi 9 novembre de 9 h à 17 h,
Espace Saint-Marc, Le Châble, www.
museedebagnes.ch
ESPÉRER Dans un décor de salon-
lavoir, une femme au cœur brisé se
débat entre le linge et l’ange. Laverie
Paradis, de et avec Claude-Inga Barbey,
Théâtre Les Osses, Fribourg, du 8 au
30 novembre, www.theatreosses.ch
ÉCOUTER Assisté de trois musiciens,
le chanteur, poète et compositeur
Michel Bühler interprète les treize
titres de son dernier album. Et voilà !
Concert, Café-Théâtre de La Tour de
Rive, La Neuveville, le 15 novembre à
20 h 30, www.latourderive.ch
PUB
Vendredi 8 novembre (20 h 30)
Samedi 9 novembre (20 h 30)
Dimanche 10 novembre (17 h)
Gilbert Lafaille
*
Des mots pour le dire
Vendredi 8 novembre – 1re partie
Pierrick Vivares
Entre tendresse,
cynisme et espoir
No Name Design – Le cabinet
de curiosités de Franco Clivio,
Mudac (Musée de design et
d’arts appliqués contemporains),
Lausanne, jusqu’au 9 février 2014,
www.mudac.ch
La redécouverte
de l’Amérique (latine)
BOUGER Une soirée-concert d’une
énergie folle par ces deux groupes du
cru taillé à même le rock. Hardcase
& The Quarks, Le Box, Carouge, le
8 novembre à 21 h, www.lebox.ch
L’Esprit frappeur
Villa Mégroz – 1095 Lutry (VD)
www.livestream.com/espritfrappeur
Des védés
Ecoute-moi !
La carrière du père Coppola semble
aujourd’hui un peu nébuleuse. Si tout
le monde se souvient du Parrain, ses
films plus récents ont été accueillis
avec moins d’enthousiasme. Pourtant,
c’est un cinéaste qu’il faut redécouvrir,
car, contrairement à ses collègues
Spielberg et Lucas, il a toujours
conservé une démarche de cinéaste
indépendant.
La « ressortie » de Conversation
secrète est un événement et, dans
une période où la NSA surveille tout
un chacun de près, ceci ne peut pas
être dû au hasard… Gene Hackman
est un homme de l’ombre, écoutant et
enregistrant les conversations d’autrui
sans états d’âme jusqu’au jour où sa
vie est affectée par ce qu’il a entendu.
Doit-il s’impliquer pour sauver ce qui
peut l’être ou restera-t-il coi ? De ce
problème d’éthique naît un film aussi
angoissant que passionnant dans ses
longs silences. Tourné en pleine guerre
froide, ce film paraît pourtant bien
actuel. Michael Frei Karloff, films
cultes, rares et classiques, Lausanne
Parmi les 23 invités de cette 15e édition du Festival Filmar, on notera
la présence du Bolivien Diego
Mondaca (avec un documentaire,
Ciudadela, qui se décline aussi
en exposition photographique),
de Marcela Said et Sebastian Sepulveda, qui sont le Chili incarné
et dont les films El verano de los
peces voladores et Las niñas Quispe
ont déjà été remarqués cette année au Festival de Cannes et à la
Mostra de Venise, ou encore du
Péruvien Diego Vega, qui, après
Locarno cet été, sera là pour présenter sa tragi-comédie El mudo !
Bertrand Lesarmes
Conversation secrète, de Francis Ford
Coppola, 1974, Pathé, Vf et Vost, DVD
et Blu-ray, 109 min.
15e Festival Filmar en América latina,
du 15 novembre au 1er décembre
à Genève, mais aussi à Lausanne,
Bienne, Neuchâtel, Courroux, Sion
et en France voisine (Ferney-Voltaire,
Saint-Julien-en-Genevois, Annemasse,
Gex, Divonne). Toutes les infos sur
www.filmar.ch
Des concerts
Les chants du cygne
Des textes de condamnés à mort
américains, une musique imaginée
par de jeunes compositeurs romands, le tout chanté par huit voix
a cappella : c’est la recette conçue
par Joséphine Maillefer pour son
projet Inmates’ Voices.
A l’origine de l’idée, sa correspondance avec Roy Swafford, prisonnier des couloirs de la mort en
Floride depuis 28 ans. Au travers
de l’association Lifespark, qui met
en relation détenus américains et
Helvètes solidaires, les prisonniers
ont envoyé plusieurs écrits et les
compositeurs ont mis en musique
ceux qui les inspiraient. Il en résulte une dizaine de compositions
de style classique, pop et expérimental chantées en octuor lors
d’une série de concerts en Suisse
romande. Une évasion salutaire.
Séverine Chave
Inmates’ Voices, jusqu’au 10 décembre
à travers la Romandie (le 8 à l’Espace
autogéré de César-Roux à Lausanne,
le 9 à la chapelle de Corin à Montana,
etc.). Infos et extraits sur www.
inmatesvoices.com
Gare aux grilles par
égé
Solution de la semaine précédente
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zoom avant Sur l'info
mass merdia
Défense des droits de gomme
Cologny-Lanta
Satire à vue Le blog valaisan « Sortez de ma chambre » est dans le collimateur de
personnages fort soucieux de leur ego, qui font tout pour lui renvoyer la censure.
Entre le sociologue de droite très
affirmée Uli Windisch et le blog
« Sortez de ma chambre » (sur
www.lagreu.ch), les couteaux
sont tirés depuis longtemps. Voici trois ans, une première passe
d’armes s’était soldée par une
amende de quelques milliers de
francs au profit de Windisch. Lequel, depuis lors, a fondé son site
www.lesobservateurs.ch.
Le 5 octobre dernier, Windisch
adresse à Boris Michel, responsable
du blog valaisan, un courriel ainsi
libellé : « On me signale que sur votre
site figurent depuis longtemps mes
coordonnées personnelles, adresse,
tél, etc. Du genre Wanted. Je vous prie
instamment de supprimer tout cela,
ce qui m’éviterait de faire une nouvelle
fois appel à la justice. » Par retour de
mail, Boris Michel rétorque : « Vous
devez bien vous faire chier aux «Observateurs.ch » pour trouver le temps
de vous occuper encore de nous. »
Le 23 octobre, c’est l’avocat Léo-
nard Bruchez, par courrier normal,
qui intime l’ordre à « Sortez de ma
chambre » d’enlever lesdites données. Peu importe qu’elles y figurent
depuis mai 2012 et qu’on puisse les
trouver sans peine sur local.ch ou
pages-blanches.fr : pour l’avocat,
elles constituent une « atteinte aux
droits de la personnalité » du pauvre
Windisch. Boris Michel suggère d’attaquer aussi les deux sites susdits,
mais il obtempère. D’autant que,
pour la première fois, il a affaire à un
avocat « qui fait preuve d’un minimum
de politesse ».
Mais l’aimable Léonard Bruchez
ne s’arrête pas là. Soudainement et
comme par hasard, il écrit le 28 octobre à Boris Michel, cette fois-ci
au nom du politicien valaisan UDC
et très catholique Adrien de Riedmatten. Ce dernier avait pour programme, en 2007, le renforcement
de « l’identité chrétienne traditionnelle du Valais ». Une belle cible pour
« Sortez de ma chambre » qui, au gré
de billets d’humeur bien sentis, qualifia de Riedmatten de « mandataire
pour diriger la croisade éconarde »,
« inquisiteur dominicain » ou encore
« chef du groupuscule de la jeunesse
valaisanne du Christ-Roi œuvrant au
rétablissement d’un prince-évêque en
Valais ».
Vous avez souri ? Pas maître Bru-
chez. Lui considère en effet que la
chose ne « s’inscrit manifestement
pas dans le débat démocratique, mais
vise purement et simplement à rabaisser M. de Riedmatten, à jeter sur lui
le soupçon d’une conduite contraire à
l’honneur ». Injonction est donc faite
de gommer cette prose insolente, et
fissa, avant le 1er novembre. Ce que
Boris Michel fait : « On ne va pas
s’emmerder avec la mauvaise foi »,
commente-t-il.
Voilà qui pourrait faire le beurre,
l’argent du beurre et le salaire de la
crémière. Exiger l’élimination des
L’effet d’une blonde
Quand les médias européens se sont passionnés
pour la petite blonde Maria, retrouvée dans
une famille de Roms grecs plutôt noirauds,
les légendes sur les méchants gitans voleurs
d’enfants ont refait surface. C’est ainsi qu’en
Irlande deux enfants roms qui avaient le malheur
d’être plus blonds que leurs parents ont été
enlevés par la police suite aux dénonciations de
citoyens paranoïaques tandis que les médias
multipliaient les articles sensationnalistes.
Jusqu’à ce que l’ADN confirme que les blondinets
sont bien nés des amours de leurs bruns parents.
Une histoire parmi d’autres qui montre que le
racisme est en train de faire un blond en avant.
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
archives qui dérangent peut en effet
occuper les avocats durant bien des
années. Combien d’ « atteintes aux
droits de la personnalité » dormentelles dans les archives numérisées
des journaux valaisans ? Combien
de familles, voyant leurs ancêtres
égratignés par des pamphlétaires ou
des journalistes du XXe siècle, vontelles exiger la censure par avocats
interposés ?
Si la liberté d’expression a manifestement un avenir limité, le révisionnisme, lui, est un commerce
qui promet ! Joël Cerutti/Agence PJ
Investigations
Objets textuels
Prose en vert
Les femmes de footballeurs les plus sexy, une
nouvelle collection de lingerie, les plus belles fesses
du Carnaval de Rio… : jusqu’ici, Le Matin trouvait
le savant prétexte d’une quelconque actualité ou
d’une vague « information » pour publier sur son
site des galeries suggestives. Désormais, c’est
révolu. Le 2 novembre, sous le titre « Des bombes
en robe moulante », le journal annonçait : « Comme
le week-end est grisâtre et relativement frisquet,
nous vous proposons une galerie de saison avec des
filles habillées. Mais pas trop… » Des créatures
court vêtues à but purement récréatif, donc. On ne
remerciera jamais assez la rédactrice en chef du
Matin, Sandra Jean, pour tous ses efforts en faveur
de l’image de la femme.
Intitulé « Green » (c’est tellement plus chic en
anglais), le hors-série écolo de L’Illustré (30.10.13)
déborde de personnalités au comportement
exemplaire, de prêches en faveur de la planète,
d’astuces pour vivre au vert, de pages mode et
beauté 100% bio. C’est tout à fait merveilleux et
divinement tendance, pardon, « trendy ».
On s’y extasie aussi en découvrant des conseils
pour un « green voyage » à Bali : lézarder sous
les palmiers et se faire masser les orteils par les
indigènes dans les centres « wellness » en bambou,
quoi de mieux pour oublier l’empreinte CO2 du
trajet en avion ? Un séjour totalement « roots »
donc, dans un magazine assez « silly ».
Nul ne peut plus l’ignorer dans
l’univers connu, c’est « le mois des
Suisses » dans les programmes de
la SRG-SSR. D’où une foison de
concepts forcément révolutionnaires grâce auxquels les télévisions et les radios du service
public suisse parlent des Suisses
aux Suisses.
Ainsi l’émission « Médialogue »
(RTS La 1ère) de samedi dernier at-elle reçu la productrice Anne
Baecher, venue présenter fièrement une nouvelle série qui sévira
du 4 au 8 novembre 2013.
Ça s’appelle « Deux familles, une
Suisse » et c’est de la « radioréalité ». Si. En gros, il s’agit d’envoyer
deux familles complètes dans un
contexte radicalement différent.
Et l’enthousiasme d’Anne Baecher
est infini, car « pour ces familles,
tout est bouleversé ». Elle parle de
« choc d’environnements, choc des
cultures ». Elle s’émerveille des
« étonnantes capacités qu’ont les
deux familles à se débrouiller en
système D » ainsi que de « cette
envie de le faire malgré les difficultés ». Elle emploie quinze fois le
verbe « survivre ». On frémit, on
tremble, on s’interroge : mais où
donc va-t-on parachuter ces deux
héroïques familles ? Au fin fond
de l’Amazonie ? Chez les Dogons ?
En Tchétchénie, dans la bande de
Gaza ou à Tegucigalpa, dans les
quartiers contrôlés par le MS-13 ?
Devront-elles sauver les baleines à
bosse ou apaiser les tensions géostratégiques que connaît le Cachemire ? Non.
Une famille de Carouge ira dans les
Grisons et des Romanches vivront
à Genève. Pendant une semaine.
Les épreuves surhumaines qui les
attendent coupent littéralement
le souffle : « On enverra le papa
dans une ébénisterie… Les enfants
iront faire des bricolages à l’école…
Tiens, il y a un tram à prendre, comment ça se passe ?... Il faudra aller
chez le voisin chercher des œufs… »
Eperdue d’admiration devant tant
d’efforts et de défis, Anne Baecher
demande alors posément à son
collègue journaliste : « Franchement, est-ce que vous iriez, vous,
une semaine dans les Grisons ? »
Ben, franchement… si en plus
c’est la radio qui paie…
Enfin, pour synthétiser, Anne Baecher résume le concept de l’émission : « Attraper le réel dans cette
réalité de survie, dans des situations pas possibles. »
Ce qui n’est pas possible, c’est de
devoir entendre des trucs pareils.
Consolation tout de même, par
chance « le mois des Suisses »
tombe en novembre : c’est un mois
à trente jours. Stéphane Bovon
LE CAHIER
DES SPORTS
MIEUX VAUT EN RIRE
Alors qu’il s’apprêtait à prendre le
train à Paris gare du Nord pour se
rendre à Londres, Juan Martin Del
Potro s’est fait voler son sac. Entre
autres babioles telles son trophée
de l’US Open et ses cartes de crédit,
le joueur argentin y avait placé un
chapelet que son compatriote, le
pape François, avait béni. Y a des
voleurs qui ont vraiment un grain.
***
Fini les traditionnels plats de
pâtes, viande blanche et yaourt
d’avant-match, les joueurs du PSG
ont désormais droit au hamburgerfrites, milkshake et brownies façon
McDo, le nouveau fournisseur de
bouffe officiel du club. Si avec ça ils
continuent de gagner, c'est vraiment que Monaco, Marseille et les autres
sont véritablement des pipes.
***
A Pampelune, un môme de 10 ans a
toréé et tué un apprenti taureau d’à
peine 1 an. Comme quoi il n’y a pas
d’âge pour être con, comme il n’est
pas nécessaire d’avoir des cornes
pour être le cocu de l’histoire.
Et (faute de place) ce sera tout pour
cette semaine.
Roger Jaunin
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Vigousse vendredi 8 novembre 2013
16
{
B é B E RT D E
PLONK & REPLONK
}
LA SUI T E AU P ROCHAIN NUMÉRO
Peter pan !
Ecolier, Peter Rothenbühler faisait « rire toute la classe ». Ça doit
être vrai puisque c’est lui qui l’a
dit. Etudiant, mais toujours aussi
facétieux, on le retrouve sous la
bannière des Jeunesses progressistes biennoises, occupé à bloquer l’entrée d’un cinéma où l’on
projette Les bérets verts, niaiserie
à la gloire de l’armée US engagée
au Vietnam. Là où les choses se
gâtent, c’est lorsqu’il rejoint le
bureau Cortési, sorte de vivier
dans lequel le groupe Ringier
aimait à pêcher ses futurs cadres.
C’est que sous ses dehors de
disciple du Che, notre homme
est un carriériste convaincu. Et
convaincant. Peu lui importe que
la plupart de ses compagnons de
combat lui tournent le dos, sa
voie est toute tracée : rédenchef
de Blick für die Frau, de SonntagsBlick, puis de la Schweizer
Illustrierte. Dès lors qu’il s’agit
de redresser la barre de journaux
en perte d’audience, on fait appel
à lui.
Vigousse vendredi 8 novembre 2013
C’est si vrai qu’en mars 2002 il
débarque à Lausanne, avenue de
la Gare 33, là où la rédaction du
Matin s’emploie tant bien que mal
à remplir un journal passé au format tabloïd. Initié par Daniel Pillard, le projet était audacieux, bien
ficelé, se voulait intelligent. Peter
Rothenbühler en fera un torchon.
En parfait fossoyeur de la presse romande, il multiplie les pages people,
C'EST ARRIVÉ
privilégie le fait divers autant que
possible sordide, sacrifie les rédactions régionales et, au prétexte de
« la recherche de la vérité », exige de
ses journalistes qu’ils fouillent les
poubelles de « ceux et celles dont la
vie passionne les lecteurs ».
En septembre 2008, il est promu
(?) adjoint à la direction éditoriale
des publications romandes de Tamedia, le groupe zurichois désormais propriétaire de feu Edipresse.
Ceux qui voient là une mise à l’écart
auront vite fait de déchanter : placard doré ou pas, confiné dans
quelques rubriques de bas de page
et depuis peu retraité, PR ne fait plus
rire personne (hormis quelques puristes de la langue française), mais
il continue de gouverner en sousmain. Et surtout, il n’a rien perdu
d’un pouvoir de nuisance qui avait
inspiré à Roger de Diesbach, dernier
grand journaliste romand d’investigation, une image bien sentie : pour
lui, PR était « une verrue sur le nez de
la profession ». Roger Jaunin
LA SEMAINE
PROCHAINE
(ou du moins ça se pourrait bien)
Charcuterie Chine
La truffe de chiot au soja
Charcuterie Chine
La souris de chat
au gingembre
Charcuterie Chine
Le foie de dissident
aux enchères
Vigousse Sàrl, rue du Simplon 34, CP 1499, CH-1001 Lausanne
> www.vigousse.ch > [email protected], tél. +41 21 612
02 50 Directeur rédacteur en chef : Barrigue Rédacteur en
chef adjoint : Laurent Flutsch Chef d’édition : Roger Jaunin
Journalistes : Alinda Dufey, Jean-Luc Wenger Correction : Victor
Gagnaux Abonnements : [email protected] > Tél. +41 21 612
02 56 Publicité : REGIPUB SA, av. de Longemalle 9, CP 137,
1020 Renens 1, tél. 021 317 51 51, [email protected] –
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tél. 061 561 52 80, [email protected] Layout et production :
www.unigraf.com Impression : CIR, Sion > Tirage : 13 000 ex.