DROIT AU LOGEMENT Demir Sönmez Le journal de l’ASLOCA No 216/ septembre 2014 www.asloca.ch JAB 1211 GENÈVE 1 POSTCODE 1 DOSSIER POUR DES LOYERS ABORDABLES POUR TOUS GENÈVE SORTIE DU RÉGIME HLM 1000 LOYERS À LA BAISSE, MAIS IL FAUT DEMANDER ASLOCA FÉDÉRATION ROMANDE CASE POSTALE 2104 1211 GENÈVE 1 SUISSE CAMPAGNE NATIONALE DROIT AU LOGEMENT JOURNAL DE L’ASLOCA NO 216/ SEPTEMBRE 2014 TIRÉ À 92 660 EXEMPLAIRES LES CONCIERGES EN VOIE DE DISPARITION? DROIT AU LOGEMENT Le journal de l’ASLOCA SOMMAIRE o L’ÉDITO N 216/ septembre 2014 LE MESSAGE DE L’ASLOCA p.3 SUISSE Tarifs postaux: lettre ouverte p.4 Campagne nationale pour des loyers abordables p.5 GENÈVE HLM sortis du contrôle de l’Etat: demandez une baisse p.6 DOSSIER Les concierges en voie de disparition? p.7-10 NEUCHÂTEL Politique cantonale: 18 millions pour le logement p.11 VOS DROITS Code de procédure civile: dur avec les locataires p.12-13 FRIBOURG Loyers usuels: pas de preuves valables p.14 PERMANENCES ASLOCA p.15 INTERNATIONAL Le logement en Palestine p.16 Qu’on ne s’y trompe pas, les concierges restent indispensables au bon fonctionnement d’un locatif. Dommage qu’ils soient si facilement remplacés par des sociétés de nettoyage efficaces mais sans plus. Que peut faire le locataire? Ne pas baisser les bras et se manifester auprès de sa gérance. Il peut le faire par une lettre, bien sûr, mais il peut aussi plus concrètement proposer de s’occuper de certaines tâches et demander à se faire rémunérer pour cela. Ce que l’on reproche surtout à une entreprise de nettoyage, c’est de se tenir à distance de la culture sociale du lieu, alors pourquoi ne pas pallier cette lacune en s’investissant personnellement? Même un concierge vivant sur place saurait apprécier une telle démarche (lire le dossier p. 7 à 10). Dans ce journal, vous allez pouvoir également en savoir plus sur le statut des HLM à Genève. A la fin de cette année 2014, un certain nombre d’immeubles vont sortir du contrôle de l’Etat. Les loyers doivent être revus à la baisse. Il faut pour cela que le locataire en fasse la demande auprès de son bailleur (lire p. 6). A la page précédente (p. 5), vous saurez tout sur la nouvelle campagne de l’ASLOCA Suisse concernant la question des loyers abordables pour tous. Un combat qui risque de durer des années. Vous pourrez encore apprendre que le Code de procédure civile ne facilite pas la vie des locataires, que le Grand Conseil neuchâtelois s’est réveillé concernant le logement et qu’à Fribourg apporter la preuve qu’un loyer est usuel n’est pas gagné d’avance. Bonne lecture! Claire-Lise Genoud Rédactrice en chef (en couverture) A Genève, des HLM comme ceux de l’avenue d’Aïre vont sortir du contrôle de l’Etat à la fin de 2014. Les locataires doivent en profiter pour demander une baisse de loyer auprès de leur bailleur. DROIT AU LOGEMENT Journal de l’ASLOCA Rédactrice en chef: Claire-Lise Genoud Case postale 2104 1211 Genève 1 [email protected] Paraît cinq fois par année Abonnement 13 francs/an Editeur: ASLOCA Romande Case postale 2104 1211 Genève 1 2 — Droit au logement • Septembre 2014 n° 216 Diffusion: Membres des sections de l’ASLOCA Romande et abonnés Graphisme: Madame Paris/Alexandra Ruiz Correction: Elisabeth Gobalet Impression: Imprimerie Saint-Paul, Fribourg Comité de rédaction: Anne Baehler Bech, Christian Dandrès, Christelle Guélat Koller, Xavier Guillaume, Marie-Claire Jeanprêtre-Pittet, Emilie Moeschler, Carlo Sommaruga, François Zutter Ont contribué à ce numéro: Caro, Marina Carobbio, Camille Grandjean-Jornod, Charles Guerry, Baptiste Hurni, Pellet, Demir Sönmez LE MESSAGE DE L’ASLOCA par Carlo Sommaruga Secrétaire général, ASLOCA Romande PDC, OÙ ES-TU? Le 28 août 2014, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a traité deux initiatives p a rle me nt a ires relevant du droit du bail. L’une demandait que le loyer soit adapté à l’inflation en cours de bail. L’autre proposait la suppression du lien entre le loyer et le taux de référence pour ne retenir que les loyers du marché. Sans surprise, la commission - à majorité bourgeoise - a écarté l’initiative demandant l’indexation du loyer en cours de bail et approuvé la deuxième, visant plus de marché quand bien même toutes les expériences passées de libéralisation du marché du logement se sont soldées par un désastre social. Quoi qu’il en soit, l’orchestration d’un nouveau hold-up aux dépens des locataires prend forme au Parlement. A y voir de plus près, ce vote de la commission surprend. En effet, le PDC avait publié juste avant l’été ses objectifs en matière de logement. Or l’un d’eux voulait que la baisse du taux de référence soit automatiquement répercutée sur les loyers. Un objectif social d’égalité de traitement fort et une louable intention d’amélioration de la réglementation actuelle pour que les loyers varient aussi bien à la hausse qu’à la baisse du taux de référence. Mais, lors des débats en commission, pas un mot. Pas une contre-proposition du PDC allant dans ce sens. Aux abonnés absents de l’équité due aux locataires. Etonnant qu’il affiche aussi rapidement un renoncement. Cela tient-il à ses élus siégeant dans la Commission des affaires juridiques? S’il le veut, le PDC peut se ressaisir. L’importance de son groupe au Conseil des Etats lui permet de bloquer l’initiative parlementaire en faveur des loyers du marché qui est passée en commission du Conseil national. L’introduction sur l’ensemble de la Suisse, indépendamment de la pénurie, de la formule officielle à la conclusion du bail permettant la communication de l’ancien loyer et des motifs de la modification - sera certainement soumise au Parlement. Vu la connivence éhontée et de longue date entre les milieux immobiliers, l’UDC et le PLR, c’est le PDC qui devra faire la différence politique pour ou contre l’équité et pour ou contre les abus qui touchent les classes moyenne et populaire. Le PDC ne pourra faire cette différence que si ses élus aux chambres sont cohérents avec leurs propres positions. L’ASLOCA mais surtout les locataires, en perspective des élections fédérales de l’année prochaine, seront attentifs à leur attitude politique au cours de cette année cruciale. Droit au logement • Septembre 2014 - n° 216 — 3 SUISSE HAUSSE DES TARIFS POSTAUX LETTRE OUVERTE À LA CONSEILLÈRE FÉDÉRALE DORIS LEUTHARD De par la loi, la Poste a pour mandat de garantir la distribution des journaux régionaux et locaux et de la presse associative. Au début de l’année, elle a introduit une hausse, échelonnée sur trois ans, de ses tarifs d’envoi de journaux, qui met en danger l’existence de la presse associative. En effet, cette hausse est déjà la deuxième subie en peu de temps par cette dernière. En 2013, la Poste est en effet passée à un système tarifaire unifié qui renchérissait d’en moyenne 6 % l’envoi de journaux associatifs. La nouvelle hausse de 2 centimes par année et exemplaire entraînera une augmentation des coûts pouvant aller jusqu’à 50 %, que nombre de journaux ne pourront plus supporter. Sont concernés ici les journaux des Eglises, des partis politiques, des associations de branche, des organisations sportives et culturelles, des œuvres d’entraide, des associations professionnelles et des syndicats. Ce sont plus de 1000 titres qui contribuent fondamentalement à la diversité des médias. Pour de larges pans de la population, ils constituent une importante source d’information et favorisent leur intégration sociale. Cette hausse des tarifs n’est pas nécessaire, car les bénéfices nets de la Poste se sont montés à 626 millions de francs pendant l’exercice 2013. La Poste reste le leader incontesté sur le marché et le chiffre d’affaires qu’elle réalise avec les envois postaux est stable. En relevant ses tarifs, la Poste, qui est en mains publiques, enterre la décision du Parlement, à savoir de maintenir et favoriser la diversité du paysage médiatique. Il faut accorder plus de poids au maintien de cette diversité qu’au déficit enregistré par la Poste dans la distribution des journaux, un déficit au sujet duquel règne de surcroît une opacité totale. La presse associative critique avec la plus grande fermeté la politique tarifaire de la Poste et met en garde contre le fait que le service universel à la population soit mis en jeu à la légère afin d’optimiser les bénéfices. Le Parlement a relevé l’aide indirecte à la presse afin de garantir la survie des petits journaux régionaux et de la presse associative. En lieu et place, en augmentant les tarifs d’envoi, c’est leur existence qui est mise en question. Si l’on n’arrête pas la Poste, beaucoup de journaux associatifs supprimeront des éditions, voire renonceront à toute parution. Nos questions à la conseillère fédérale Doris Leuthard, responsable de ce dossier: • Etes-vous consciente du fait qu’avec sa politique tarifaire la Poste tourne une décision démocratique? • Etes-vous d’accord avec cela et est-ce là la volonté du Conseil fédéral? • Reconnaissez-vous l’importance de la presse associative pour la cohésion sociale et la diversité des médias en Suisse? • Voulez-vous que la distribution de la presse associative continue à faire partie du service universel à la population? • Le Conseil fédéral veut-il soutenir la presse associative et assurer sa survie? Nous mettons d’urgence en garde contre un renforcement de la pression sur les médias du pays. La presse associative contribue grandement au débat démocratique. Nous considérons que la politique tarifaire de la Poste est une attaque contre le pluralisme des opinions. C’est pourquoi les organisations signataires demandent que: • La Poste revienne sur sa décision et renonce à augmenter ses tarifs • La Confédération, en tant que propriétaire de la Poste, intervienne en faveur des journaux touchés par la hausse des tarifs • La Poste garantisse toute la transparence sur les frais de distribution des journaux • L’encouragement futur des médias assure le maintien de la presse associative Les organisations signataires: La Liberté, Le Courrier, La Gruyère, Echo magazine, Gauchehebdo, Vigousse, Woz, La Cité, Pages de gauche, Article 60, Revue durable, Sept.info, Edito+Klartext, Evénement syndical, Work, Area, AVIVO-VD, Le Monde du travail, ASLOCA Romande 4 — Droit au logement • Septembre 2014 n° 216 SUISSE CAMPAGNE NATIONALE Lancée le 4 septembre 2014, la campagne nationale de l’ASLOCA demande notamment la transparence du loyer précédent au changement de locataire. Dr POUR DES LOYERS ABORDABLES POUR TOUS! Marina Carobbio Présidente Asloca Suisse C’est dans une chambre de séjour meublée en pleine rue à Berne, près du Palais fédéral, que l’ASLOCA Suisse a ouvert sa campagne nationale «Loyers abordables pour tous». Elle demande la transparence du loyer précédent au changement de locataire ainsi que la mise en œuvre des mesures annoncées par le Conseil fédéral en faveur du logement au début de l’année. Transparence des loyers L’A SLO C A l a nce u ne campagne pour faire aboutir les recommandations dans le domaine du logement du groupe de dialogue VillesCantons-Confédération, auxquelles le Conseil fédéral a donné suite le 15 janvier 2014. Elle appelle cantons, partis et fédérations à soutenir la première de ces mesures, mise en consultation jusqu’à la fin du mois: la généralisation à tout le pays de la transparence du loyer précédent avant la conclusion du bail. Appliquée dans six cantons déjà, la formule officielle modère les hausses de loyers initiaux et facilite la contestation des loyers abusifs. Une priorité absolue L a mise à disposition de terrains par les CFF ou Le lancement de la campagne nationale «Loyers abordables pour tous» a eu lieu jeudi 4 septembre 2014 dans un salon meublé sur la Bärenplatz de Berne en présence de Marina Carobbio, présidente de l’ASLOCA Suisse, et des deux vices-présidents, Michael Töngi (à g.) et Carlo Sommaruga (à dr.). A rmasuisse, un d roit de préemption des communes, l’encouragement à construire des logements d’utilité publique appartiennent aussi aux mesures indispensables. En tant que présidente de l’ASLOCA Suisse, je le déclare avec force: face à la pénurie criante, il faut renforcer la protection des locataires et encourager la mise à disposition de logements à loyer modéré. Villes, cantons et Confédération doivent en faire une claire priorité. Nous entreprenons les contacts nécessaires pour que ces intentions se traduisent en actes dans les mois qui viennent. Il importe de gagner une majorité du Parlement à ces mesures. Sur du long terme La campagne s’étendra probablement sur plusieurs années, pour inciter et accompagner les autorités concernées. Elle s’adresse particulièrement aux élues et élus fédéraux, aux partis, cantons et organisations consultés. Elle informe les médias, les organisations partenaires et les personnes intéressées. Plusieurs événements se dé- rouleront en fonction de l’actualité. Un logo clairement identifié est déclinable en trois langues et en divers formats. Des pions gonflables serviront de jalons reconnaissables lors des événements. Les locataires y gagner o nt e n s e mbl e d e meilleures conditions pour se loger. Droit au logement • Septembre 2014 - n° 216 — 5 GENÈVE SORTIE DU RÉGIME HLM D’ici au 31 décembre 2014, un millier d’appartements HLM vont sortir du contrôle de l’Etat, les locataires doivent demander déjà avant la fin de septembre une baisse de loyer à leur bailleur. Demir Sönmez 1000 LOYERS À LA BAISSE, IL EST TEMPS DE DEMANDER François Zutter Avocat répondant Asloca Genève A la fin de l’année 2014, un millier de logements vont sortir du contrôle de l’Etat dans le canton de Genève. Les loyers vont-ils augmenter pour autant? Tout le contraire! Le fait que l’immeuble sorte du régime HLM (habitation à loyer modéré) ou d’un autre type de contrôle des loyers par l’Etat de Genève comme les HCM (pour locataires à revenu moyen) ou les immeubles construits en zone de développement et soumis à la LGZD, la loi générale sur les zones de développement, n’entraîne paradoxalement pas de hausse de loyer. Et cela même si le propriétaire ne reçoit plus de subvention ou autre avantage de l’Etat. En raison du taux hypothécaire de référence Ce phénomène s’explique par le fait qu’il y a vingt ans, au moment de la construction de l’immeuble HLM, le taux hypothécaire de référence s’élevait à environ 6%, de sorte que l’Etat avait garanti au propriétaire un rendement de 8 ou 9%. Ce rendement s’est plus ou moins maintenu durant les vingt ans (ou dix ans pour les HCM et la LGZD) de Lorsqu’un immeuble sort du contrôle de l’Etat, comme c’est le cas pour les HLM de l’avenue d’Aïre, il revient à chaque locataire de demander une baisse de loyer. contrôle des loyers, puisque, à chaque diminution de subvention (en général tous les deux ans), le propriétaire pouvait en compensation augmenter les loyers. En revanche, pendant le contrôle de l’Etat, le propriétaire ne peut pas faire valoir une indexation des fonds propres investis. Actuellement, le taux hypothécaire de référence ne s’élève qu’à 2% de sorte que, selon l’article 269 du Code des obligations et la jurisprudence du Tribunal fédéral, un propriétaire n’a pas le droit d’obtenir un rendement des fonds qu’il a investis supérieur à 2,5% (toutes charges financières et d’entretien étant par ailleurs couvertes). Le rendement admissible en loyer libre doit être bien inférieur au rendement garanti par l’Etat lorsqu’il contrôle les loyers! 6 — Droit au logement • Septembre 2014 n° 216 En conséquence, contrairement à ce qui se passait dans les années 1990, les loyers n’augmentent pas à la sortie du contrôle de l’Etat, mais doivent baisser de 20 à 30%! Pas de baisse de loyer spontanée Or, on le sait, il n’y a pas de baisse de loyer spontanée: les locataires doivent donc la réclamer. Pour ce faire, il faut que le locataire écrive à son bailleur pour demander une baisse de loyer à l’occasion de la sortie du régime HLM, HCM ou LGZD. Attention, il convient que le bailleur ou son représentant reçoive la demande de baisse de loyer plus de trois mois avant l’échéance du contrat, soit en septembre si l’échéance est au 31 décembre 2014! Si le bailleur refuse, le lo- cataire doit impérativement saisir la Commission de conciliation en matière de baux et loyers dans un délai de 30 jours (ou de 60 jours dès l’envoi de la demande de baisse de loyer en cas de non-réponse). Si le locataire ne le fait pas, il est réputé avoir renoncé à sa demande de baisse de loyer. Concrètement il faut demander une baisse de loyer de 30% puisque, ces dernières années, l’ASLOCA Genève a obtenu dans des cas semblables des baisses de loyer de 15 à 25%, ce qui est énorme! De plus chaque locataire doit faire la demande à son nom propre. Vous n’avez droit à rien même si votre voisin a obtenu une baisse de loyer. Locataires, écrivez à votre régie pour demander une baisse de loyer dès le 1er janvier 2015! DOSSIER ENTRETIEN DES IMMEUBLES LES CONCIERGES EN VOIE DE DISPARITION? Depuis une quinzaine d’années, des entreprises de nettoyage prennent la place des concierges, souvent au détriment des locataires. Phénomène. Claire-Lise Genoud Rédactrice en chef Droit au logement Travailleurs d’appoint, les concierges comme les locataires les aiment dans les immeubles se font de plus en plus rares. «Il n’existe pas de chiffres exacts à ce sujet», explique Magali Gianella, administratrice de l’Association romande des concierges. Cependant, selon André Narbel, délégué à l’Association suisse des concierges, «on estime qu’il y aurait 6000 personnes en Suisse romande qui se prévalent du nom de concierge». Ne sont pas comptés dans ce nombre les concierges des hôtels dont la fonction diffère des concierges des immeubles. Ces derniers sont souvent au bénéfice d’une formation que l’on pourrait qualifier de «légère», voire totalement inexistante et les trois quarts, soit quelque 4500 à 4800 personnes, ne travaillent qu’à temps partiel en tant que concierges. Les sociétés de nettoyage Plate-forme entre le locataire et le propriétaire, la gérance n’est en général pas l’employeur du concierge. C’est ainsi au propriétaire d’assumer cette responsabilité et, par solution de facilité, de plus en plus optent pour une société de nettoyage. «Elles sont apparues il y a une quinzai- ne d’années», poursuit le spécialiste. Dans le but d’élargir leurs prestations, elles se sont présentées aux régies immobilières en assurant aux propriétaires des économies et un travail de professionnels. «Ce n’est pas tout à fait vrai, réplique celui qui en sait long sur la question. Les employés de ces sociétés ne sont pas plus formés qu’un concierge sans formation! Mais l’arrivée massive de ces petites sociétés nous a conduits, nous, association professionnelle, à une certaine réflexion concernant notamment l’image véhiculée par le concierge ainsi que son niveau de formation.» Il existe depuis 1998 un brevet fédéral de concierge. «Mais, précise André Narbel, au maximum 150 à 200 personnes en Suisse romande ont satisfait à ces exigences durant ces vingt dernières années.» Ce n’est pas énorme! Droit au logement • Septembre 2014 - n° 216 — 7 DOSSIER ENTRETIEN DES IMMEUBLES Les personnes au bénéfice d’un brevet sont souvent responsables de l’ensemble des bâtiments dans des communes, des hôpitaux ou des institutions. On peut dire que leur poste correspond à celui d’un gouvernant technique en plus de la gestion de la partie nettoyage. Ce qui signifie que la problématique de la formation du concierge de base restait entière d’autant plus que l’Office fédéral de la formation professionnel a longtemps hésité à mettre sur pied un CFC car on avait de la peine à imaginer qu’une régie allait confier à un jeune homme sortant d’apprentissage l’entretien d’un ou deux immeubles. Enfin un CFC! Il a fallu attendre 2010 pour que démarre enfin un CFC d’agent d’exploitation et on compte aujourd’hui 3000 jeunes en formation, dont 347 en Suisse romande. «Chez nous, il a fallu attendre l’ordonnance fédérale de 2007 pour que la formation en français se mette sur pied. Nous n’avions rien. Zéro expert pour les examens, zéro critère, zéro livre, zéro professeur connaissant les standards de la profession… » André Narbel s’est alors engagé avec d’autres collègues pour établir un programme qui tienne la route. «Les concierges ne sont pas en voie de disparition, s’insurge leur représentant. Au contrai- re. On fait tout pour leur donner de la substance, pour les rendre plus crédibles et surtout plus professionnels. Ils ne sont pas du tout protégés. Ils ne peuvent qu’accepter les contrats et les cahiers des charges qu’on leur impose, même si être concierge d’un immeuble au bord du lac n’a rien à voir avec la même fonction dans un immeuble à La Chaux-de-Fonds! Mais, avec une formation reconnue au niveau fédéral, ils peuvent s’affirmer et se retrouver dans une meilleure situation. Ce ne sont plus seulement des travailleurs d’appoint qui travaillent quelques heures par jour en dehors de leur vrai métier. Avec un CFC, ils peuvent revendiquer des postes à 100% et prendre la responsabilité de plusieurs immeubles.» Ce CFC peut d’ailleurs également être obtenu par des adultes déjà en activité. L’arrivée des standards Fini les «Ça va pas te prendre plus de trente secondes!» lâchés par un patron qui ne veut pas perdre son temps. Dorénavant, le métier de concierge possède des standards. «Et comme dans un menu, explique celui qui s’est beaucoup investi dans ce domaine, on peut choisir si on veut trois desserts ou seulement une entrée. En d’autres mots, si l’on veut nettoyer une cage d’escalier avec une brosse à dents, on peut savoir que ça va prendre un certain temps et que ça prendra dix fois moins de temps avec un balai adéquat.» L’arrivée dans le métier de ces standards a littéralement révolutionné le travail en soi tout en valorisant la fonction. «Nous voulions réussir à comparer le prix d’une prestation externe avec celle du concierge qui vit sur place. Nous voulions aussi montrer comment une société externe monte les coûts tout en rognant sur les heures et en payant le moins possi- ble ses employés pour générer un maximum de bénéfice. Nous voulions enfin trouver un dénominateur commun pour que l’on sache ce que l’on commande et combien ça va nous coûter. C’est aujourd’hui possible. Nous avons trouvé ce que nous cherchions en Finlande.» Là-bas, plus de 40 000 prestations aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments ont été validées sur Lettre du 27 janvier 2014 annonçant l’arrivée d’une société de nettoyage pour remplacer le concierge. CLAUDE CHESSEX: «JE SUIS CLAIREMENT POUR LE CONCIERGE» Membre du comité de l’USPI Vaud (Union suisse des professionnels de l’immobilier) et directeur de la Régie Braun SA à Lausanne, Claude Chessex préfère gérer un immeuble entretenu par un concierge plutôt que par une entreprise de nettoyage externe. Interview. Tout le monde préférerait avoir des concierges sur place. Si la tendance aujourd’hui va plutôt dans le sens des entreprises de nettoyage, cela provient plus des problèmes que l’on rencontre sur le terrain que d’une volonté de notre part, les régies immobilières, d’y avoir recours. par l’activité qui y est liée. Ils prennent le poste par défaut. Il y a aussi la question du temps consacré. Comment un couple qui travaille à 100% chacun de son côté loin de son domicile peut-il avoir encore de la disponibilité pour s’occuper de l’entretien d’un immeuble? A votre avis, quelle est aujourd’hui la part occupée par les sociétés de nettoyage? Claude Chessex. Je dirais 10-15%, mais ce taux est en augmentation. Dites-nous-en plus… Nous avons énormément de difficultés à trouver des candidats valables. Peu de gens veulent de nos jours s’investir dans une telle fonction, d’autant plus lorsqu’il s’agit de ne travailler que quelques heures par semaine. La plupart des personnes qui se manifestent sont plus intéressées par l’appartement que Le choix de prendre une société externe s’impose donc de plus en plus? Par dépit, c’est certain. Si on ne trouve pas la personne adéquate, il faut bien tout de même assurer le service. Et puis, avec une société extérieure, le coût de l’entretien de l’immeuble est plus facilement intégré au budget car Pourquoi cette tendance aux sociétés de nettoyage? 8 — Droit au logement • Septembre 2014 n° 216 Dr Dr DOSSIER ENTRETIEN DES IMMEUBLES Magali Gianella et André Narbel, de l’Association romande des concierges, en juin 2013 lors des examens du CFC à Morges. Lettre d’un locataire du 12 février 2014 regrettant les concierges et leur magnifique accueil lorsqu’il a emménagé. lissé dans le temps, le propriétaire a une meilleure vue de ses charges sans avoir à prendre la charge administrative d’avoir un employé. Certains propriétaires rechignent à prendre cette responsabilité. Et puis le droit du travail est un domaine complexe qui nécessite une gestion bien rodée, il faut ouvrir un compte AVS, payer le 2e pilier, calculer les charges sociales, payer les assurances accidents, perte de gain. Assurer un salaire, le remplacement durant les vacances, etc. Cela peut s’avérer lourd. Qu’est-ce qui ferait pencher un propriétaire en faveur d’un concierge? Le service aux locataires. Avoir une personne de contact qui vous accueille et peut vous rendre service sans devoir téléphoner à la gérance simplifie la vie au quotidien d’un locatif. De plus, la personne vit sur place, elle se sent concernée par l’atmosphère qui y règne et peut agir rapidement pour résoudre toutes sortes de problèmes. Ce sera, par exemple, elle qui ira déblayer la neige à 6 heures du le terrain par ceux qui font le travail. Et ces documents sont utilisés depuis une vingtaine d’années. «On peut ainsi décider que les feuilles mortes du gommier devant l’entrée sont balayées dans le quart d’heure où elles sont tombées et que cela a un coût. On peut aussi choisir si on veut que la neige soit raclée devant l’immeuble ou si on fait en sorte d’en laisser toujours 5 centimètres, etc.» En plus de valoriser le métier, l’Association romande des concierges cherche à mettre sur pied d’égalité un concierge à temps partiel avec un concierge à plein temps. Cela réduit la précarité de l’emploi et récompense les personnes qui ont fait un effort pour satisfaire à une exigence professionnelle. «On ne peut pas décréter être crédible, il faut pouvoir le montrer», soutient André Narbel. Sur cette lancée, une attestation de formation profes- matin ou rentrer les containers à ordures dès que le camion de la voirie aura passé. Une société de nettoyage ne peut pas remplir ce genre d’activités. Ses employés se présentent dans les immeubles de telle heure à telle heure avec un cahier des charges très précis sans plus. Ils ne sont même pas censés parler avec un locataire. Vous êtes plutôt concierge ou société de nettoyage? Clairement pour le concierge. Peut-être que payer une société sionnelle d’employé d’exploitation (AFP) va être lancée en Suisse romande. Elle concerne les personnes chargée essentiellement de travaux répétitifs, comme le nettoyage ou le balayage. Elles auront dorénavant, elles aussi, une reconnaissance professionnelle et pourront acquérir des connaissances et des méthodes qui pourront grandement leur faciliter la vie en leur apprenant à connaître les processus d’utilisation d’outils spécifiques. Clin d’œil du côté des locataires Engagé convaincu depuis de nombreuses années, André Narbel encourage les locataires à se sentir concernés par leur immeuble et, pourquoi pas, à proposer à leur gérance de s’investir et de se faire rémunérer pour le travail accompli en fonction du temps alloué. Avis aux amateurs. de nettoyage semble dans un premier temps une solution idéale, mais sur le long terme, on le sait aujourd’hui, à cahier des charges identique, cela revient plus cher car pour remplir le rôle du concierge dans les règles de l’art, en assurant notamment un rôle de surveillance et de contact social, un passage dans un immeuble deux fois par semaine est insuffisant. Propos recueillis par Claire-Lise Genoud Droit au logement • Septembre 2014 - n° 216 — 9 DOSSIER ENTRETIEN DES IMMEUBLES CLG TÉMOIGNAGE D’OLIVIER, CHEF DE FAMILLE «LE LOCATAIRE DEVIENT SON PROPRE CONCIERGE!» Olivier conserve un goût amer de son aménagement avec sa famille dans cet immeuble sans concierge. «Je n’ai pas trouvé accueillante notre arrivée dans cet appartement il y a deux mois. La sonnette avait explosé, il y avait des fils qui pendouillaient et les restes d’un pétard dans la boîte à lait. J’ai dû tout nettoyer et téléphoner à la gérance pour obtenir un bon pour la sonnette. Pour chaque petite chose, il faut demander à la gérance. Et ce n’est pas toujours facile de les joindre.» Dégustant son thé vert dans le seul endroit du nouvel appartement familial où il pensait se sentir à l’aise, Olivier a la mine amer. «J’avais à peine fixé le tableau au mur de notre coin salle à manger lorsque j’ai réalisé qu’il y avait un bruit sourd et continu juste devant la fenêtre. La chaudière. Une bouche d’aération donne directement sur l’endroit où nous sommes à table. Parfois on ne s’entend plus. C’est désagréable. S’il y avait eu un concierge, c’est sûr, je serai allé lui parler après la visite avec la gérance et il aurait su attirer mon attention sur ce gros défaut. Sans oublier que par cette bouche d’aération passe également le bruit de la machine à laver. Dans cette maison, on peut la faire fonctionner 24 heures sur 24. Même à 10 — Droit au logement • Septembre 2014 n° 216 3 heures du matin si on le souhaite, personne ne va oser rien dire et à qui pourraiton se plaindre ? Le plus cocasse, c’est qu’il existe un planning pour la buanderie. Mais il est tellement mal fait – on nous a attribué la journée du samedi (!) – que j’ai préféré investir dans une machine à laver. Rien ne fonctionne bien. On sent une forme de laisser-aller où le locataire doit tout prendre en charge.» Un jour Olivier aperçoit un homme qui distribue des amendes sur les places visiteurs de son immeuble. Il sort pour aller le saluer et se souvient: «Ça m’a fait un choc, j’ai réalisé à ce moment-là que c’était vraiment un chef d’entreprise avec le natel collé à l’oreille lorsqu’il m’a tendu la main. J’ai tout de même attendu un moment pour me présenter, mais ça n’avait pas l’air de l’intéresser. Il m’a dit bonjour d’un air distrait. Il ne m’a même pas demandé si j’étais bien installé, il a juste continué à poser ses amendes sur les pare-brises. C’était juste hallucinant d’observer sa manière de faire. Il ne prenait même pas le temps de savoir s’il s’agissait de vrais visiteurs ou pas. Sympa. Un ami vient vous visiter et repart avec une amende et ce sera de nouveau au locataire de justifier auprès de ce chef d’entreprise qu’il s’agissait bien d’une visite. Nous sommes au rez-dechaussée avec jardin. Du côté des chambres à coucher il y a une haie qui déborde sur le passage qui mène à la porte de l’immeuble. C’est du domaine public, mais sans la présence d’un concierge, c’est au locataire de tailler la haie, évidemment. Personne ne m’a non plus demandé mon nom pour commander une plaquette pour la boîte aux lettres. J’ai bien compris que c’était à moi de le faire. On a le sentiment de n’avoir plus d’interlocuteur, de vivre dans un no man’s land. Un concierge connaît la gérance, il connaît l’immeuble, les fournisseurs. Tout se fait facilement. Pour moi, le concierge est indispensable au bon fonctionnement d’un immeuble locatif, du point de vue technique, mais aussi sur le plan humain. Il assure une certaine cohésion. Philosophe, Olivier reste pensif et se demande si cela ne pourrait pas être un mal pour un bien finalement. Dans sa situation, il a bien fallu se rapprocher des autres locataires et ça c’est plutôt une bonne chose. NEUCHÂTEL POLITIQUE DU LOGEMENT En proposant un crédit-cadre de 18 millions pour les années 2015-2018, le Grand Conseil permet à de nombreux projets d’utilité de voir le jour. ALeXAnDrA rUiz DIX-HUIT MILLIONS POUR LE LOGEMENT Baptiste Hurni Membre du comité ASLOCA Neuchâtel Avec la fin programmée par la Confédération des aides à la personne dans le domaine du logement, le canton de Neuchâtel a décidé, dès 2008, de mettre en place une véritable politique d’aide à la pierre dans le but d’encourager les logements d’utilité publique. Cette nouvelle loi entendait créer autant de nouveaux logements que ceux sortant progressivement des aides individuelles. Pourtant, peu de nouveaux logements d’utilité publique ont vu le jour, faute de moyens f inanciers (180 logements rénovés et 140 nouveaux). Situation préoccupante La situation du canton de Neuchâtel en matière de logement est particulière. Sans être comparable à Genève ou à Lausanne, la situation devient préoccupante. En effet, quatre des cinq districts du canton vivent une situation de pénurie avec moins de 1% de logements vacants. Dans la région du littoral neuchâtelois et notamment en ville de Neuchâtel, la crise du logement est en marche avec ses terribles cortèges d’abus en la matière. Crédit-cadre à 18 millions L e G ra nd C onsei l du c a nton de Neuch âtel est aujourd’hui saisi d’un rapport La situation du canton de Neuchâtel en matière de logement devient préoccupante. Le Grand Conseil s’est saisi d’un rapport qui vise à remédier au manque de moyens dans ce domaine. qui vise à remédier au manque de moyens. Il propose un crédit-cadre de 18 millions pour les années 2015-2018. Si le montant peut sembler modeste, il faut se rappeler qu’en matière de création de logements, chaque franc investi par l’Etat a un effet de levier important sur l’accession aux outils de financement. Davantage de moyens L’A SLOC A Neuch âtel salue la proposition du Conseil d’Etat. Certes, son comité aurait préféré davantage de moyens, mais cette proposition permet à tout le moins aux nombreux nouveaux projets de logements d’utilité publique de voir le jour. Rappelons que ce type de logements, par essence propriété de structures à but non lucratif, permet de façon générale une bien meilleure défense du droit des locataires, dans la mesure où cela sort du marché spéculatif une part des habitations et que les rendements sur fonds propres de ce type de biens sont quasi inexistants. Vigilance de l’ASLOCA Né a n moi n s, l’object i f affiché du Conseil d’Etat de 100 nouveaux logements de ce type par année sera difficile à atteindre avec si peu de moyens. Le comité de l’ASLOCA Neuchâtel restera très attentif à ce que l’effort soit au minimum maintenu après la période du crédit-cadre. Fin des logements subventionnés Enfin, l’optimisme que doit nous inspirer le projet ne fait pas oublier à l’ASLOCA le sort peu enviable des locataires au bénéfice d’un logement subventionné qui voient la fin du régime de l’aide à la personne. En effet, la plupart doivent changer de logement malgré la politique de transition adoptée. E n c onclu s ion, le comité de l’ASLOCA Neuchâtel considère que ce rapport constitue un outil intéressant pour le développement d’un marché du logement soustrait à la logique dévastatrice de la spéculation, mais qu’il ne saurait constituer l’unique politique publique en la matière, et que les communes, notamment, ont elles aussi un rôle primordial à jouer. Droit au logement • Septembre 2014 - n° 216 — 11 VOS DROITS PROCÉDURE DE CONCILIATION DURETÉ EXCESSIVE DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE L’exigence du nouveau Code de procédure civile suisse de comparaître en personne aux audiences de conciliation paraît excessive pour les locataires. Analyse. 2. Le droit de demander une baisse de loyer (art. 270a al. 2 CO) 3. Le droit de contester une augmentation de loyer ou une autre modification unilatérale du contrat (art. 270b al. 1 CO) 4. Le droit de contester un congé (article 273 al. 1 CO) François Zutter Avocat répondant Asloca Genève 5. Le droit de demander une prolongation de bail (art. 273 al. 2 CO) Depuis le 1er janvier 2011, toutes les procédures sont régies par le Code de procédure civile suisse (CPC), et non plus par les différentes lois de procédure civile cantonale. La règle est que les parties comparaissent en personne aux audiences de conciliation: si le demandeur ne comparaît pas, l’affaire est rayée du rôle. Cette règle est interprétée avec une dureté excessive pour les locataires. 6 . L e devoi r de va l ider une consignation de loyer (art. 259h, al. 1 CO) pour avoir le droit de continuer à consigner le loyer Graves conséquences pour le locataire Selon l’article 204 du CPC, les parties doivent comparaître en personne à l’audience de conciliation. Selon l’article 206, en cas de défaut du demandeur, la requête est considérée comme retirée, la procédure devient sans objet et l’affaire est rayée du rôle. Cette disposition a des conséquences extrêmement graves pour le locataire, car nombre de droits (cf. la liste ci-dessous) se périment après trente jours seulement, ce qui est sans aucun équivalent dans tout le droit suisse: 1. Le droit de contester le loyer initial (article 270 CO) Tous ces droits sont irrémédiablement perdus si la requête est rayée du rôle logement!) ou la personne empêchée de comparaître pour cause de maladie, d’âge ou en raison d’autres justes motifs (204 al. 3 CPC). Même exigence pour chaque colocataire Ces exceptions sont assez restrictives, ce d’autant plus que la jurisprudence a une fâcheuse tendance à considérer que, lorsque plusieurs personnes sont colocataires, elles doivent toutes (!) se présenter à l’audience de conciliation, comme si l’une ne pouvait pas valablement représenter les autres. Idem pour les couples Dans le cadre d’un couple par exemple, l’époux pourrait parfaitement représenter sa femme lors de l’audience de la Commission de conci- “ Si le locataire-demandeur ne comparaît pas, la requête est considérée comme retirée, la procédure devient sans objet et l’affaire est rayée du rôle ” vu l’absence du locataire à l’audience de conciliation. Il n’est en effet plus possible de déposer une nouvelle requête dans le délai. Rares dispenses Est toutefois dispensée de comparaître personnellement et peut se faire représenter la personne qui a son domicile en dehors du canton ou à l’étranger (cela ne peut évidemment pas concerner le locataire d’un 12 — Droit au logement • Septembre 2014 n° 216 liation, ce d’autant plus que la requête aura préalablement été signée par les deux époux. Exiger que mari et femme se présentent personnellement à l’audience de conciliation est parfaitement exagéré: il est en effet déjà assez difficile de se libérer de ses obligations familiales ou professionnelles pour se présenter à une audience de conciliation. Cela étant, il arrive que les juges fassent preuve de jugeote et considèrent par exemple qu’une société est valablement représentée par son sous-directeur au bénéfice d’une signature collective à deux et par l’avocat de la société muni d’une procuration de l’administrateur possédant la signature individuelle. L e Tr ibu n a l c a nton a l vaudois a considéré «qu’il convient d’adopter une position souple et d’admettre qu’à partir du moment où la signature d’un éventuel accord à l’audience de conciliation est possible séance tenante, avec un engagement valable et complet de la société, cela suffit pour considérer que la conciliation peut être tentée et comporte toutes les chances d’aboutir, de sorte que la ratio legis de l’article 204 CPC est respectée» (arrêt de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois du 31 mai 2012). Jamais gagné d’avance Mais, attention, il ne suffit pas que l’autorité de conciliation délivre l’autorisation de procéder au sens de l’article 209 CPC (à savoir la faculté pour le demandeur de poursuivre l’affaire devant le tribunal) pour que la question soit définitivement réglée. Certains quérulents sont allés jusque devant le Tribunal fédéral pour qu’il soit constaté que le demandeur n’était pas valablement représenté lors de l’audience de conciliation et que la procédure devait être rayée du rôle! (arrêt 4A_387/2013, qui ne concernait toutefois pas une procédure de bail puisque le demandeur réclamait 1 325 000 francs. Lors de l’audience de conciliation, la société demanderesse était représentée par l’un de ses collaborateurs dont la procuration VOS DROITS PROCÉDURE DE CONCILIATION n’était signée que par un administrateur qui ne disposait que de la signature collective à deux). Pas d’assouplissement au niveau cantonal Les cantons n’ont malheureusement pas la possibilité d’assouplir les règles du Code de procédure civile, comme l’a rappelé le Tribunal fédéral dans son arrêt du 25 juin 2013 annulant une loi genevoise donnant la possibilité à la Commission de conciliation de convoquer une nouvelle audience en cas de défaut du demandeur (arrêt 4C_1/2013). Le Tribunal fédéral, qui ne peut pas revoir les lois fédérales, a considéré que l’obligation de comparution personnelle est «une exigence proportionnée, répondant à un intérêt public». Allant plus loin, le Tribunal fédéral a même estimé qu’il y avait «des motifs de traiter différemment le locataire et le bailleur: en règle générale, seul le gérant de l’immeuble a eu affaire aux locataires, il connaît mieux les circonstances du litige que le bailleur, si bien qu’il est raisonnable que le gérant et les locataires discutent d’un arrangement en séance de conciliation». Dans ces circonstances, pourquoi exiger que tous les colocataires, même ceux qui n’ont jamais discuté avec le gérant de l’immeuble, comparaissent à l’audience? Un seul représentant des locataires n’est-il pas suffisant pour discuter avec le gérant? De plus, on assiste, en tout cas à Genève, à la tendance que les régies fassent de plus en plus appel à des juristes «maison», de sorte qu’à l’audience de conciliation, ce n’est pas le gérant de l’immeuble qui se présente, mais ledit juriste qui n’a, par hypothèse, jamais mis les pieds dans l’appartement du locataire. Jusqu’à présent, les autorités de conciliation genevoise n’ont rien trouvé à redire à cette situation. Seul le législateur fédéral peut trancher Toujours dans le même arrêt du 25 juin 2013, le Tribunal fédéral a refusé de se pencher sur la question de savoir si cette réglementation était satisfaisante ou si elle consacrait une solution trop rigoureuse pour le locataire, car il s’agit d’une question de politique législative qu’il n’appartient pas au Tribunal fédéral de trancher, mais bien au législateur fédéral. Le Tribunal fédéral relevait qu’à l’époque l’Assemblée fédérale était saisie d’une initiative parlementaire déposée par un député genevois, soit Mauro Poggia, demandant uniquement que, lorsqu’une partie n’est pas présente mais est représentée par un mandataire professionnellement qualifié, l’autorité de conciliation peut convoquer une nouvelle audience et exiger la comparution personnelle de la partie défaillante plutôt que de rayer l’affaire du rôle. Cette modeste modification législative a par la suite malheureusement été refusée par le Conseil d’Etat puis par une majorité du Conseil national le 4 mars 2014. Une possibilité de modifier le CPC est donc impossible au Parlement fédéral. Ne reste qu’une initiative populaire ... ou une application intelligente du CPC, conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, celle-ci stipulant notamment que chacun a droit à un procès équitable, ce qui n’est pas le cas si l’on perd irrémédiablement ses droits pour une simple absence à une audience de conciliation. Droit au logement • Septembre 2014 - n° 216 — 13 FRIBOURG LOYERS USUELS LE BAILLEUR N’AVAIT PAS DE PREUVES VALABLES! Dans certains cas c’est au bailleur d’apporter la preuve que le loyer n’est pas abusif. Mais la partie n’en est pas pour autant gagnée. A Fribourg, malgré les statistiques apportées par le bailleur, le locataire a eu gain de cause en contestant son loyer initial, qui avait pour ainsi dire doubler! Charles Guerry Avocat-conseil Asloca Fribourg Dans un arrêt récent (ATF 139 III 13), le Tribunal fédéral a jugé que, lorsque le bailleur motive l’augmentation du loyer initial au moyen du critère des loyers usuels et que l’on est en présence d’un immeuble ancien, c’est au locataire qui requiert la diminution du loyer initial d’en prouver le caractère abusif au regard des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier. Preuve du bailleur Toutefois, si le locataire apporte la preuve de faits qui permettent de constater qu’est probablement abusive la hausse du loyer initial (par exemple parce que la conjoncture actuelle rend injustifiable une telle hausse de loyer et fait apparaître la différence de loyer comme très certainement abusive), c’est alors au bailleur de démontrer que le loyer initial arrêté contractuellement n’est pas abusif. Statistiques officielles Pour démontrer que le loyer litigieux se situe dans les limites des loyers usuels, le bailleur doit se référer soit à au moins cinq exemples comparables, soit aux statistiques officielles. Il importe dès lors de déterminer le type de statistiques qu’un bailleur est susceptible d’invoquer pour justifier une augmentation du loyer initial. Une cause récemment jugée par le Tribunal des baux de l’arrondissement de la Sarine apporte d’intéressantes réponses à cette question. Loyer 41,89% plus cher! Dans une affaire où le loyer net initial d’un logement situé en ville de Fribourg dans un ancien bâtiment construit en 1950 avait subi une augmen- monitoring 2013/2, Edition de printemps» que le loyer moyen net pour un appartement de trois pièces en ville de Fribourg variait en 2013 entre 980 et 1600 francs. Le Tribunal des baux a refusé de prendre en compte cette statistique, au motif qu’il s’agit là d’une statistique «privée», établie par les seuls milieux immobiliers. Le bailleur s’est ensuite référé à trois tableaux de l’Office fédéral de la statistique: • le premier au loyer moyen net pour un appartement de trois pièces dans l’agglomération de Fribourg • le deuxième au loyer au “ Aucune des statistiques produites par le bailleur n’a fourni des données suffisamment précises et différenciées sur les éléments essentiels pour déterminer les loyers usuels dans le quartier concerné ” tation massive de 41,89% par comparaison avec celui que versait le locataire précédent et avait été fixé à 1050 francs, le bailleur s’est référé à trois statistiques différentes pour tenter de démontrer que le loyer initial se situait dans les limites des loyers usuels du quartier. Tout d’abord, le bailleur a fait valoir que l’établissement Wüest & Partner avait indiqué dans sa publication «Immo- 14 — Droit au logement • Septembre 2014 n° 216 mètre carré d’un appartement de trois pièces dans une ville moyenne • le troisième au loyer moyen net pour un appartement de trois pièces en Suisse Le Tribunal des baux de la Sarine a refusé de prendre en compte ces trois statistiques au motif que la ville de Fribourg est une grande localité, composée de neuf quartiers bien distincts et que ces trois statistiques ne tiennent pas compte de l’emplacement concret des logements, ni de leur équipement, de leur état d’entretien et de leur période de construction. Le bailleur s’était prévalu d’un quatrième tableau de l’Office fédéral de la statistique intitulé «Loyer moyen selon le nombre de pièces, l’âge du logement et le type de propriétaire». Là encore, le Tribunal des baux de la Sarine a refusé de se référer à cette statistique, dès lors qu’elle ne tient pas du tout compte de l’emplacement du logement, ni de son équipement, ni de son état d’entretien. En résumé, le Tribunal des baux a constaté qu’aucune des statistiques produites par le bailleur ne constitue une statistique officielle au sens de l’article 11 al. 4 de l’ordonnance du bail à loyer et bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux (OBLF) dans la mesure où aucune d’entre elles ne fournit de données suffisamment précises et différenciées sur les éléments essentiels pour déterminer les loyers usuels dans le quartier concerné. Le Tribunal des baux de la Sarine en a déduit que le bailleur n’était pas parvenu à prouver que le loyer initial contesté restait dans les limites des loyers usuels. Partant, il a qualifié d’abusif le loyer initial litigieux et l’a réduit au montant du loyer payé par le précédent locataire. En outre, le bailleur a été condamné à restituer au locataire la différence entre le montant total des loyers versés par celui-ci depuis le début du bail et le total des loyers dus pour cette même période. PERMANENCES ASLOCA — HORAIRES & LIEUX FRIBOURG ASLOCA FRIBOURG CASE POSTALE 18 1774 COUSSET T: 0848 818 800 (tarif local) Permanence téléphonique lundi, mardi et jeudi: 8 h 15 - 11 h 15 lundi et jeudi: 13 h 15 - 16 h 15 Permanence sans rendez-vous Fribourg Nouvelle adresse et nouvel horaire dès le 1er avril 2014! Rue Saint-Pierre 2 (2e étage, entrée Fiduciaire FIDAF) mercredi: 18 h - 19 h (juillet - août: selon indications données au 0848 818 800) Bulle Réseau santé et social de la Gruyère rue de la Lécheretta 24 (au rez) 1er et 3e lundis du mois: à 20 h précises, pas d’accès possible ensuite (juillet - août: selon indications données au 0848 818 800) Romont Centre portugais Route de la Condémine 3 1er et 3e jeudis du mois: 19 h - 20 h (sauf mois d’août) Consultations auprès de nos avocats: uniquement sur rendez-vous en téléphonant au 0848 818 800 GENÈVE ASLOCA GENÈVE RUE DU LAC 12 1211 GENÈVE 6 T: 022 716 18 00 / F: 022 716 18 05 [email protected] Permanence sans rendez-vous lundi, mardi et jeudi: 16 h 30 - 18 h mercredi et vendredi: 12 h 30 - 13 h 30 Consultations Les avocats reçoivent également sur rendez-vous en dehors de ces heures JURA & JURA BERNOIS ASLOCA TRANSJURA CASE POSTALE 46 2800 DELÉMONT 1 T: 032 422 74 58 Permanence téléphonique jeudi: 17 h - 19 h vendredi: 13 h 30 - 15 h Consultations Les avocats reçoivent également sur rendez-vous en dehors de ces heures BIENNE & SEELAND ASLOCA BIENNE c/o ASLOCA CANTON DE BERNE CASE POSTALE 3000 Berne 23 Consultations sur rendez-vous T: 0848 844 844 NEUCHÂTEL ASLOCA NEUCHÂTEL RUE DES TERREAUX 1 CASE POSTALE 88 2004 NEUCHÂTEL T: 032 724 54 24 / F: 032 724 37 26 [email protected] Consultations Neuchâtel sur rendez-vous ou par téléphone La Chaux-de-Fonds sur rendez-vous Rue Jardinière 71, Case postale 35 2301 La Chaux-de-Fonds T: 032 913 46 86 / F: 032 914 16 26 VALAIS ASLOCA VALAIS RUE DE L’INDUSTRIE 10 CASE POSTALE 15 1951 SION Permanence téléphonique mardi: 9 h - 11 h mercredi: 9 h - 11 h jeudi: 9h - 11h et 14 h-17 h T: 027 322 92 49 Consultations sur rendez-vous Sion Rue de l’Industrie 10 (pavillon parking Swisscom) mardi: 14 h - 17 h mercredi: 17h - 19 h Martigny Rue des Finettes 20 (bâtiment SCIV) mardi: 17h - 18 h 30 T: 027 322 92 49 Monthey Rue de la Tannerie 1 (bâtiment UBS) lundi: 16 h - 18 h 30 T: 027 322 92 49 Viège Me David Gruber Überbielstrasse 10 2e et 4e mercredis du mois: dès 18 h T: 027 946 25 16 VAUD ASLOCA BROYE VAUDOISE AVENUE DE LA GARE 9 CASE POSTALE 16 1522 LUCENS T: 021 906 60 45 / F: 021 906 62 32 VAUD (SUITE) ASLOCA LA CÔTE LES PLANTAZ 13A 1260 NYON T: 022 361 32 42 Permanence téléphonique lundi, mardi et jeudi: 8 h 15 - 10 h 15 mardi et jeudi: 15 h - 17 h Permanence téléphonique lundi, mercredi: 8 h - 11 h Consultations sur rendez-vous ASLOCA INTERSECTIONS LAUSANNE MORGES RENENS YVERDON RUE JEAN-JACQUES-CART 8 CASE POSTALE 56 1001 LAUSANNE T: 0840 17 10 07 / F: 021 617 11 48 Permanence téléphonique lundi à jeudi: 9 h - 12 h / 13 h 30 - 16 h 30 vendredi: 9 h - 13 h 30 Consultations sur rendez-vous Nyon Les Plantaz 13a (Gais-Logis) Rolle Avenue Général-Guisan 32 lundi après-midi ASLOCA MONTREUX EST VAUDOIS CASE POSTALE 1024 1820 MONTREUX T: 021 963 34 87 / F: 021 963 34 88 Permanence téléphonique lundi à jeudi: 8 h 30 - 11 h Consultations sur rendez-vous Lausanne Rue Jean-Jacques-Cart 8 1006 Lausanne lundi à jeudi: 8 h 15 à 11 h 45 et 13 h 45 à 17 h vendredi: 8 h 15 à 13 h 30 Morges Rue de la Gare 3 1110 Morges lundi: 8 h 15 à 11 h 45 jeudi: 8 h 15 à 11 h 45 Consultations sur rendez-vous Aigle, Hôtel de Ville mardi: 8 h 30 - 11 h Montreux Avenue des Alpes 5 lundi, mardi, mercredi, jeudi matin et vendredi matin: 8 h 30 - 12 h ASLOCA VEVEY LA TOUR-DE-PEILZ CASE POSTALE 38 1800 VEVEY T: 021 922 79 62 / F: 021 922 53 62 Renens Rue de Lausanne 31b 1020 Renens Yverdon-les-Bains Avenue des Sports 28 (3ème étage) 1400 Yverdon-les-Bains lundi: 8 h 15 à 11 h 45 jeudi: 13 h 45 à 17 h Consultations sans rendez-vous Vevey, rue du Simplon 40 lundi: 18 h - 20 h jeudi: 17 h - 19 h Les avocats reçoivent également sur rendez-vous ASLOCA VAUD RUE JEAN-JACQUES-CART 8 1006 LAUSANNE T: 021 617 50 36 / F: 021 617 11 48 CONTRAT-CADRE ROMAND DE BAUX À LOYER FORCE OBLIGATOIRE GÉNÉRALE JUSQU’EN 2020 ASLOCA ROMANDE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Le secrétariat romand ne donne pas de renseignements juridiques Lors de sa séance du 20 juin 2014, le Conseil fédéral a, sur demande des associations de locataires et de bailleurs, renouvelé la force obligatoire générale du contrat-cadre romand de baux à loyer. L’arrêté est entré en vigueur le 1er juillet 2014 et a effet jusqu’au 30 juin 2020. Les dispositions déclarées de force obligatoire générale s’appliquent obligatoirement aux contrats de bail de locaux d’habitation dans les cantons de Genève, Vaud, Neuchâtel, Fribourg, Jura et les sept districts francophones du canton du Valais. L’arrêté du Conseil fédéral et les dispositions déclarées de force obligatoire générale ont été publiés dans la Feuille fédérale du 1er juillet 2014 et peuvent par ailleurs être consultés sur l’Internet à l’adresse suivante: www.bwo.admin.ch, rubrique «Documentation-Législation». Office fédéral du logement RUE DES PÂQUIS 35 CASE POSTALE 2104 1211 GENÈVE 1 T: 022 732 50 20 / F: 022 732 50 22 [email protected] VOUS CHANGEZ D’ADRESSE? Merci d’envoyer un e-mail ou un courrier à votre section! Droit au logement • Septembre 2014 - n° 216 — 15 INTERNATIONAL CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN LE LOGEMENT AU COEUR DU CONFLIT Malgré le cessez-lefeu, le conflit israélopalestinien se poursuit sous des formes moins visibles. Le logement est notamment le théâtre d’une lutte permanente. C. Grandjean-Jornod Membre Asloca Plus de 100 000 Gazaouis ont perdu leur maison dans les dernières attaques israéliennes. Mais, à côté de ces terribles destructions, d’autres mécanismes plus insidieux menacent aussi le droit au logement des Palestiniens. Interdiction de construire Dans de larges parties de la Cisjordanie, la population palestinienne manque cruellement de logements. Les terrains libres ne manquent pas, parfois même autour des villages surpeuplés. Mais 60% de la Cisjordanie, dont l’immense majorité des terres constructibles, sont sous contrôle israélien (zone C). Or y obtenir un permis de construire est quasi impossible pour les Palestiniens – plus de 90% des demandes sont rejetées –, lorsque la construction ne leur est pas d’entrée de jeu interdite, pour divers motifs: zone d’exercice militaire, «terre d’Etat», réserve naturelle, proximité de colonies juives, etc. C’est par exemple le cas de 85% de la vallée du Jourdain, où se trouvent pourtant les principales réserves de terres palestiniennes. Dans l’impossibilité d’obtenir un permis, des milliers de Palestiniens construisent sans autorisation, malgré les risques. Entre 2004 et 2014, plus de 1000 maisons bâties sans permis ont été détruites à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, selon B’Tselem. Des milliers d’autres foyers ont reçu un ordre de démolition. En Israël même, dans le Negev, les autorités refusent de reconnaître des villages entiers de Bédouins. Regroupant 90 000 personnes établies là depuis des décennies, ces communautés ont été «oubliées» des plans des années 1960. Elles subissent depuis Grignotage par la colonisation A Jé r u s a l e m - E s t p a r exemple, les Palestiniens se heurtent non seulement au refus de permis de construire, mais aussi à l’accaparement par les colons. Le cas de Silwan, banlieue arabe de Jérusalem-Est, est révélateur de l’implication des autorités israéliennes dans ces transferts de propriété. En plus de l’illégalité des constructions, un autre prétexte est utilisé par des organisations de “ 60% de la Cisjordanie, dont l’immense majorité des terres constructibles, sont sous contrôle israélien. Y obtenir un permis de construire est quasi impossible pour les Palestiniens. Plus de 90% des demandes sont rejetées ” des destructions à répétition et n’ont pas accès à l’eau ni à l’électricité. A l’inverse, les colonies israéliennes bénéficient, elles, de vastes terrains et d’infrastructures modernes et l’administration ferme les yeux sur leurs maisons sans permis. Derrière l’argument de planification territoriale se cache ainsi une lutte pour le contrôle du territoire, dont la manifestation la plus voyante reste la colonisation. 16 — Droit au logement • Septembre 2014 n° 216 colons juifs comme Elad pour expulser des familles palestiniennes et accaparer leurs demeures: la loi sur la propriété des absents, qui permet d’exproprier quelqu’un qui était absent en 1948 (1967 pour Jérusalem-Est). De manière discriminatoire, cette loi qui visait à éviter le retour des réfugiés ne s’applique pas aux Juifs, qui peuvent au contraire revendiquer une terre au motif qu’elle était propriété juive avant 1948. Les colonies ne se cantonnent en effet plus aux zones inhabitées, mais prennent pied au cœur des villes palestiniennes, comme à Hebron. L’important dispositif de sécurité qui les entoure, la ségrégation violemment imposée par l’armée et les attaques des colons ont poussé les Palestiniens hors de la vieille ville, transformée en cité fantôme. 42% des appartements et 77% des commerces ont ainsi été abandonnés selon B’Tselem. La guerre via le logement Au-delà des argumentations spécifiques à chaque cas, l’enjeu est le même: la prise de contrôle du territoire par une stratégie du fait accompli, qui justifie ensuite l’annexion au-delà des frontières internationalement reconnues de 1967. Côté palestinien également, la pierre sert d’instrument de lutte. Ainsi, les membres du Hebron Rehabilitation Committee rénovent les maisons de la vieille ville, afin d’affirmer son caractère palestinien et barrer la route aux colons. Résistances communes Face à cette «guerre du logement», des citoyens israéliens et palestiniens se mobilisent ensemble. Ainsi, dans les quartiers jérusalémites de Sheikh Jarrah et de Silwan, un mouvement non violent rassemblant Juifs et Arabes tente d’empêcher l’expulsion de Palestiniens par des colons. Des ONG israéliennes comme B’Tselem, ICAHD ou Tru’ah dénoncent aussi ces violations du droit au logement, pour que la paix reste possible. Pour en savoir plus: www.btselem.org, www.icahd.org, www.truah.org
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