Zibeline n° 76 en PDF

un gratuit qui se lit
N°76 du 16/07/14 au 17/09/14
Intermittents :
la lutte
continue,
les festivals
aussi
Politique culturelle
Aix-Marseille Université .......................................4
Inauguration IMMTS à la Friche,
Rencontres Déconnomiques ..................................5
Gare Franche, entretien avec Alexis Moati,
Rencontres Giono ................................................6
Revendications des intermittents, MOD,
Festival de Marseille ..........................................8, 9
Critiques
Festival d’Avignon ........................................... 10, 11
Festival Off .................................................... 12, 13
Vaison Danse, Hivernales ....................................14
Festival d’Aix .....................................................16
Musique ...................................................... 17 à 20
Cinéma FID .................................................... 22, 23
MuCEM ................................................................ 24
Festivals
Musique ...................................................... 26 à 32
Rue .................................................................34
Au programme
Rentrée ............................................................36
Cinéma .......................................................... 38, 39
Cinéma .......................................................... 40 à 42
Arts visuels ................................................. 43 à 54
Rencontres ......................................................... 56
Livres ............................................................ 58 à 62
Où est la gauche ?
De festivals en festivals, la révolte gronde. Les spectateurs,
solidaires, applaudissent aux discours qu’on leur propose au
début de chaque spectacle qui se joue. Mais à Paris, des lois
installent une politique libérale d’austérité désapprouvée
par nombre d’élus socialistes, et pour laquelle François
Hollande n’a pas été élu. Le sentiment de trahison flotte
et persiste. Pendant ce temps l’ancien Président de la
République est mis en examen pour corruption, et le
peuple français se détourne des politiques prétendument
réalistes qu’on lui impose. Il sait qu’une autre voie est
possible, qui cesserait de creuser les inégalités, d’accuser
les précaires, de privilégier une oligarchie qui ne défend
que ses intérêts particuliers, de classe. Car la France, pays
riche, abdique la notion même d’intervention publique,
abandonne les pauvres, et répond à l’accroissement du
nombre des chômeurs par la diminution de leurs droits.
Au Sud le monde culturel serre les rangs, interpelle enfin
le public fidèle assoiffé de parole politique, et dégouté
par l’appauvrissement intellectuel des médias audiovisuels,
et d’une grande partie de la presse. Il sait qu’il est temps
de changer de cap, d’inventer des formes nouvelles de
résistance, de refonder une gauche qui défende le peuple
et ait soif d’égalité et de justice, plutôt que de pouvoir
et de compromis.
L’été passera. Il s’agira à la rentrée de ne pas baisser les
bras, de reprendre la parole confisquée par des politiciens
qui prétendent détenir une vérité économique d’évidence.
Les alternatives existent, dans ce pays où les actionnaires
et les banques ne cessent de s’enrichir. Il faut que les
intellectuels construisent des réponses claires, que les
artistes inventent des mondes sensibles, que la presse
cesse de tenir un discours unique, que les spectateurs et
citoyens s’emparent à nouveau de la chose publique, en
tournant le dos au mirage mortifère du FN. Et que chacun
explique encore et encore à ceux qui sont tentés par la
haine que le rejet et la stigmatisation de l’autre, du pauvre,
est dangereuse, immorale et triste. Parce que l’entre-soi
réduit l’horizon comme un hublot sale face à la mer, et
que nous avons besoin du vent du large.
AGNÈS FRESCHEL
Construire le savoir
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Quiconque s’est promené récemment aux abords
de la Faculté de Lettres d’Aix-en-Provence aura
constaté une nette agitation. Un bâtiment se
construit avenue Robert Schuman, à l’entrée... et
ce n’est qu’un début. Geneviève Fioraso, ministre
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche,
est venue fin juin poser la 1re pierre de l’Opération
Campus Aix-Quartier des Facultés, qui prévoit pour
2015 un parc de stationnement, la rénovation des
locaux existants, et le réaménagement de l’ensemble
des espaces extérieurs. D’autres projets concernent
la Faculté de Droit, et le site scientifique de Luminy
à Marseille, mais pour Hervé Isar, vice-président
de l’AMU chargé du Patrimoine, «Il fallait porter
intérêt aux Sciences humaines et sociales, qui ont
tendance à se sentir délaissées. Aujourd’hui, on est
à la limite de la sécurité. Sans l’Opération Campus,
on aurait dû fermer le bâtiment».
Il est certes temps de rénover cette construction
des années 50, dont les façades s’effritent dangereusement, et dont les salles de cours débordent
régulièrement, les étudiants prenant des notes
assis dans les couloirs. En Psychologie, l’une des
filières les plus engorgées, «c’est mieux depuis
l’an dernier», déclare une jeune femme inscrite
en Licence. Hervé Isar explique cette amélioration
par une meilleure répartition des locaux, suite à la
fusion des Universités intervenue en janvier 2012 :
«Il n’y a plus de clivage avec la Faculté de Droit qui
ne partageait rien. Le portail entre les bâtiments
a été ouvert. Au début les deux communautés se
regardaient en chiens de faïence, les uns craignant
d’être envahis par les fascistes, les autres par l’avantgarde éclairée du prolétariat.»
Une logistique optimisée, la prise en compte du
facteur environnemental avec la construction de
bâtiments aux normes HQE1, un soin attentif porté
aux transports, pour développer la connexion entre
Aix et Marseille («L’AMU pèse de tout son poids pour
développer la liaison ferroviaire entre les deux villes»),
tout ceci est très enthousiasmant, sur le papier.
Cela ne suffit pas à convaincre les personnels de
l’AMU. Un professeur déplore que l’on s’occupe plus
des murs que des gens, évoque la «douce brutalité»
de la direction du Pharo, dont découlerait une
grande souffrance au travail, une perte de sens
dans l’enseignement. Il ne souhaite pas donner
son nom, «parce que des collègues ayant répondu
à Médiapart ont été convoqués». Dans l’un des
Centres de Formation de l’Université, le constat n’est
pas plus encourageant : «Tout cela s’est fait sans
concertation. On a fermé toutes les bibliothèques
de section pour centraliser la gestion, et dans les
Tag Gandalf © Gaëlle Cloarec
4
Aix-Marseille Université (AMU)
se lance dans un programme
de rénovation de grande
envergure, pour accueillir ses
72 000 étudiants et asseoir
sa vocation internationale
nouveaux bâtiments, il est strictement interdit de
ramener des livres.»
Le 10 juillet, tous les personnels étaient invités à
une présentation du projet. On leur aura montré un
plan du futur campus, incluant plusieurs Places :
de la Connaissance, de la Culture, des Humanités.
Cela suffira-t-il à dissiper leurs inquiétudes, dans un
contexte tendant à la libéralisation
de l’enseignement ? On ne peut
pas gérer une université comme
une entreprise.
GAËLLE CLOAREC
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Haute Qualité Environnementale
L’Europe
en bailleur de fonds
Le projet de rénovation du site de l’AMU s’inscrit
dans le cadre du Plan Campus, une vaste opération
de financement des universités françaises. Initié en
2008, avec un budget estimé à 5 milliards d’euros,
ce plan est resté quasiment bloqué depuis son
lancement. Nommée ministre de l’Enseignement
supérieur en 2012, Geneviève Fioraso remet en
question la méthode choisie par ses prédécesseurs,
écartant notamment le recours systématique aux
Partenariats Public-Privé (ce modèle sera toutefois
conservé dans le cas de l’AMU). En outre, une
modification de la loi, entérinée en 2013, vise à
faciliter les réalisations à venir : les universités
françaises sont désormais autorisées à emprunter
directement, à la Caisse des Dépôts et à la Banque
Européenne d’Investissement. Un changement radical
qui ancre un peu plus les facultés sur le terrain
libéral. Au-delà de la rénovation, indispensable,
il s’agit aussi d’inciter l’université à entrer dans
des logiques de rentabilité.
Le Plan Campus est réactivé, pour une enveloppe
globale de 2,6 milliards d’euros, dont 1,3 milliards
financés par la BEI. Il concerne les aménagements
de treize universités françaises. Pour l’AMU, le
budget est de 250 millions d’euros, dont 127
millions issus d’un prêt de la BEI.
L’objectif étant de faire de l’AMU
un site de dimension européenne
et internationale. Avec à la clef,
l’opportunité de puiser de nouvelles ressources. «Si l’AMU réussit
son développement, elle pourra
solliciter d’autres financements
européens majeurs», explique Cyril
Robin-Champigneul, chef de la
représentation de la Commission
Européenne à Marseille.
Ainsi, le programme Horizon
2020, axé sur la recherche et
l’innovation, avec «l’excellence
scientifique» pour priorité,
représente une manne de 80
milliards d’euros, à répartir sur
l’ensemble des états membres
de l’UE. Quant au budget total
du dispositif Erasmus, en nette
augmentation pour la période
2014-2020, il est doté de 15
milliards d’euros.
JAN CYRIL SALEMI
Première pierre et vieilles lunes
C’est en pleine grève
des intermittents qu’a été
posée à La Friche la première
pierre de l’IMMS, Institut
Méditerranéen des Métiers
du Spectacle.
Les étudiants de L’ERAC (Ecole régionale
d’Acteurs de Cannes) et de l’ISTS (Institut
Méditerranéen des Métiers du Spectacle
d’Avignon) seront donc réunis pour parfaire
et conclure ensemble leur formation ; c’est
la volonté conjointe de la Ville de Marseille
et de la région PACA qui va permettre cela,
dès la rentrée 2015.
Mais peut-on aujourd’hui se réjouir de ce désir
affiché de soutenir le spectacle vivant ? Un
malaise épais flottait sur les réjouissances
et les agapes en ce 3 juin. Comment ne pas
penser aux difficultés que les futurs élèves
traverseront dans leur vie professionnelle, à
l’heure où les budgets de la culture fondent
comme neige au micro-onde, où les droits
des artistes et techniciens sont bafoués ?
Construire des murs ne suffit pas. Ni même,
comme l’a dit Jean-Claude Gaudin, soutenir les
intermittents en exigeant que les tournages
fassent appel à des techniciens et artistes
du cru. Ni même, comme l’affirma Michel
Vauzelle, en portant leur combat jusque devant
le gouvernement. Il est temps de se pencher
sur une génération sacrifiée, celle des 25 /
40 ans sortie de ces écoles supérieures, qui
L’écho des écos
Gérard Mordillat © Gaëlle Cloarec
Le 1er week-end de juillet voyait une armada
d’économistes envahir Aix-en-Provence.
D’un côté, le Cercle des Economistes dits
«orthodoxes», 15 ans d’âge, cossu, dont les
membres ne se déplacent qu’en berlines noires.
De l’autre, les participants aux Rencontres
Déconnomiques, rassemblés pour la 2e édition
de leur manifestation anti-néolibérale, arborant
un nez rouge comme signe de ralliement. Des
visions radicalement différentes de l’économie,
et qui se côtoient fort peu : les uns repliés
dans les locaux de la fac de Droit, les autres
peuplant les amphis de la fac de Lettres.
Le portail qui avait été ouvert entre les
bâtiments lors de la fusion des Universités
était d’ailleurs refermé ce week-end... Faut-il
y voir un symbole de la division idéologique
qui sépare les deux cercles ?
De ces Rencontres Déconnomiques, on retiendra deux points particulièrement importants
(hormis le fait déjà souligné que très peu
de femmes étaient invitées sur l’estrade, et
qu’aucune ne figurait au programme). En premier
lieu, la présence de plus en plus marquée
de l’écologie politique dans les courants de
réflexion. On y arrive enfin, selon Hervé
Kempf, «car on ne peut pas concevoir une
alternative au dogme néolibéral sans penser
l’économie avec l’écologie». Avec l’entrée dans
l’Anthropocène, l’humanité constate qu’elle
peut déséquilibrer la biosphère à l’instar d’une
force géologique, en torpillant les ressources
de la planète pour assouvir ses besoins en
énergie. Le modèle de surconsommation des
pays riches ne pourra pas être maintenu au
niveau actuel, à mesure que la démographie
n’a jamais pu trouver sa place, et vit souvent
de minimas sociaux.
Par ailleurs, est-il encore raisonnable de
proposer une telle représentation ? 2 élus
♂, 3 présidents ♂, 3 directeurs ♂ (La friche,
l’ISTS et l’ERAC)… on espère pour nos jeunes
filles que ce n’est pas un tableau de leur
avenir. D’autant que Michel Vauzelle profita
d’un quiproquo sur les sièges pour annoncer
que, comme son ami Jean-Claude Gaudin, il
allait briguer un 4e mandat. Et que la seule
élue ♀ était la maire d’arrondissement Lisette
Narducci, dont on ne sait pas trop qui elle
représente. Beaux exemples pour nos jeunes ?
AGNÈS FRESCHEL
mondiale augmente et que les inégalités
sociales se font plus criantes. Or partout,
les oligarchies qui détiennent le pouvoir
économique, médiatique, décisionnel, «bloquent
l’évolution vers un rééquilibrage». Hervé Kempf
perçoit deux scénarios possibles : soit on
s’achemine vers un accaparement des matières
premières, avec des régimes de plus en plus
autoritaires et des logiques bellicistes, soit
on effectue un virage vers ce qu’il appelle
une écologie équitable, les sociétés riches
acceptant de réduire leur consommation, ce
qui permettrait de résoudre les inégalités.
Deuxième point fort de ces Rencontres :
la présence des intermittents et précaires,
en plein cœur de leur lutte. On a apprécié
notamment le parallèle effectué par Gérard
Mordillat entre le conflit irlandais, terrain
d’expérimentation idéal pour l’armée anglaise
qui l’a fait traîner pendant des années, et le
remodelage du régime de l’intermittence,
«laboratoire du patronat, qui va être généralisé
et préfigure le travailleur du futur, remplaçable,
déplaçable à merci».
Une remarque pour finir : alors que la moyenne
d’âge du public des Rencontres Déconnomiques
tourne autour de la cinquantaine, on note que
le Cercle des Economistes recrute massivement
parmi la jeunesse. Ne faudrait-il pas s’en
préoccuper ?
GAËLLE CLOAREC
Les Rencontres Déconnomiques ont eu lieu
du 4 au 6 juillet à Aix
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Le renouveau
dans la continuité
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La Gare
Franche prend
un nouveau
tournant en
invitant Alexis
Moati à coécrire
le projet
artistique de
ce lieu hors
norme
En 2013, après la disparition de son «capitaine»
Wladyslaw Znorko, l’équipe de la Gare Franche
s’est posé la question de la poursuite de son action,
décidant qu’«il ne pouvait pas rester qu’un lieu de
résidence d’artistes» comme le dit Catherine Verrier,
sa coordinatrice générale. «Ça manquait d’un fil
conducteur, de quelqu’un qui nous accompagne sur
une durée significative pour impulser son énergie,
et bien sûr développer son propre projet.» Après
un appel à candidature, c’est le projet d’Alexis
Moati qui a été retenu : la Cie Vol Plané, qu’il
dirige, s’installe donc pour trois ans dans ce lieu
«atypique, poétique et singulier».
Une collaboration entre les deux compagnies -Cosmos
Kolej et Vol Plané- s’instaure sur l’ensemble du
projet artistique, «pour le faire perdurer, l’accompagner ailleurs en gardant les couleurs de la Gare
Franche». L’idée première de maison d’artistes, de
laboratoire, de creuset de création dans lequel
«on cherche, on se trompe, on travaille», devrait
s’ouvrir à des artistes de tous horizons invités pour
«travailler ensemble sur des thèmes communs dans
un temps qui ne soit pas uniquement un temps de
production». Le lieu sera également ouvert à des
architectes, des sociologues, des philosophes, des
journalistes, invités à poser un regard différent, des
Regards francs, pour le requestionner. Il s’agit de
remettre la Gare franche au cœur d’une circulation
qui comprendra le quartier, la ville, la région et la
France, pour un développement à grande échelle.
Depuis sa création, et selon la volonté de Znorko,
la Gare Franche est un «trait d’union géographie
et humain» entre le Plan d’Aou et le noyau villageois de Saint-Antoine, en plein cœur du 15e arr. ;
convaincu que l’avenir de Marseille passe par ces
quartiers-là (les quartiers Nord, parmi les plus
pauvres de Marseille), Alexis Moati va plus loin en
souhaitant créer une «classe libre» d’une quinzaine
d’adolescents, «témoins privilégiés de l’aventure»,
qu’il désire étroitement associés au lieu. Dans la
continuité du travail entamé par Vol Plané sur cette
période précise (Peter Pan en 2010, La Petite Sirène
en 2013, et Et le diable vint dans mon cœur qui
sera créé la saison prochaine), ces jeunes seront
sollicités en tant qu’auteurs dans les domaines du
théâtre, de la danse, de la photographie… devenant
véritablement acteurs des projets, en sollicitant
aussi tous les artistes en résidence. Et pour que
l’aventure soit complète, il est aussi question de
voyages à l’étranger, pour leur faire rencontrer le
monde différemment, voire le réenchanter !
Toujours dans un souci de liaison avec le centreville, et pour que le rayonnement de ces actions
soit le plus large possible, Alexis Moati a demandé
à ce que ce «Groupe des 15» puisse avoir le label
du Conservatoire de Marseille, pour devenir une
«classe libre décentralisée».
Tout se met en place petit à petit, et pour officialiser
son implantation au cœur de ce territoire, Vol
plané prépare déjà sa pendaison de crémaillère
qui aura lieu le 10 octobre. Et quoi de mieux pour
se présenter que de jouer ! L’Avare et Le Malade
imaginaire seront donnés ce soir-là, en attendant
d’autres précisions à venir. En attendant aussi de
savoir si, comme le souhaite Catherine Verrier,
ce projet peut «devenir un chemin intéressant à
reproduire».
DOMINIQUE MARÇON
Giono revient de guerre
Effectivement, c’est l’année !
Centième anniversaire du début
de celle que l’on nomma la
Grande Guerre, la si atrocement
meurtrière guerre de 14-18. Les
Rencontres Giono, qui se déroulent
à Manosque du 31 juillet au 4
août permettront de revenir sur
les marques profondes qu’elle a
laissées et qui parcourent l’œuvre
de Jean Giono, lui qui écrivait en
37 dans Refus d’obéissance : «Je
ne peux pas oublier la guerre. (…)
Vingt ans ont passé. Et depuis vingt
ans, malgré la vie, les douleurs et
les bonheurs, je ne me suis pas
lavé de la guerre. L’horreur de ces
quatre ans est toujours en moi.»
Les quatre journées s’articulent
chacune autour de grands thèmes :
Le retour du soldat (le 31 juillet),
Penser la Paix (le 1er août), Art de
la guerre/ «Guerres, objets d’art»
(le 2), Ciné sous les étoiles, avec
la projection de La vie et rien
d’autre de Bertrand Tavernier
(le 3), Écrire et filmer la Grande
Guerre aujourd’hui (le 4). On aura
le bonheur de retrouver un contact
direct avec les textes de Giono,
dits par Lélio Plotton, Je venais
d’être démobilisé, Jean Giono écrits
pacifistes, Bernard Paccot, Certitudes, Philippe Girard, Recherche
de la pureté, Bruno Raffaelli, Le
Grand Troupeau… Une analyse
d’œuvres maîtresses sera proposée
lors de conférences, des tables
rondes chercheront à déterminer le
traitement du thème de la guerre
à travers ses représentations dans
l’œuvre du chantre du pacifisme
que devint Giono et tenteront
un prolongement contemporain
dans le cinéma. Films, concerts,
expositions viennent compléter ces
journées denses et passionnantes.
MARYVONNE COLOMBANI
Les Rencontres Giono
du 31 juillet au 4 août
Manosque
04 92 87 73 03
www.rencontresgiono.fr
Les intermittents du cœur
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spectacles, quand justement il était vital pour
ces artistes-là de le faire.
Que faire ?
Fallait-il se rendre au Festival de Marseille, lors
des quelques dates qui ont pu être maintenues,
encadré par 4 cars de police, et passer au-dessus
des corps allongés des intermittents ? Fallait-il
déplorer l’annulation du Festival des musiques
interdites, et se réjouir que le Mimi, le Charlie
Free, les nuits électro du Cabaret aléatoire
aient lieu sans faillir ? Fallait-il poser un lapin à
la Ministre descendue parler aux intermittents
marseillais, et fallait-il que les notables locaux
de la culture se rendent sur la scène nationale
du Merlan au pot de départ de sa directrice,
signant ainsi un divorce inédit entre employeurs
et employés de la culture, dans un milieu où ils
ont toujours été solidaires ? Fallait-il écouter
Haendel entre des haies policières, aux côtés
des festivaliers internationaux de l’Art Lyrique
aixois qui n’ont cure de nos problèmes sociaux ?
Fallait-il simplement entrer dans les salles de
spectacles en brandissant les slogans que
nous distribuaient les intermittents devant
les portes de Montpellierdanse ? Et écouter
chaque soir le non merci au Gouvernement, ou
Victor Hugo défendant l’instruction publique
en 1848, en affichant sur nos poitrines le carré
rouge des grévistes du Festival d’Avignon ? Et
en bataillant auprès des quelques spectateurs
voisins qui se prétendaient «pris en otage» ?
Résister autrement est-il possible ? La question
est sur toutes les lèvres. Le travail est désormais
Résister en jouant
Les 17 et 18 juin, Marseille Objectif Danse
programmait une pièce d’Ivana Müller. Positions
consiste en un échange de pancartes représentant les valeurs de notre société marchande.
C’est drôle et dérisoire, impertinent quand les
possessions, qui se réduisent à un biscuit au
fond de la poche et la nationalité française,
s’échangent contre deux amis ou un petit bateau…
Le 17 juin la compagnie annula. Le 18 juin le
spectacle fut joué, puis interrompu au bout
de 40 mins pour discuter avec les spectateurs
de la grève, du régime de l’intermittence, des
chiffres. Un débat animé et chaleureux, qui
prolongeait bien ce spectacle tronqué, déjà
politique.
Au Festival de Marseille l’affrontement fut dur.
Parce que cette édition se voulait résistante,
et qu’empêcher des danseurs Palestiniens
venus pour la première fois en Europe, ou le
spectacle de Kentridge si politique sur Ubu
après l’Apartheid, n’est pas forcément la meilleure
voie de résistance. Mais aussi parce que le
mouvement s’est durci, entre des grévistes
qui se voyaient remplacer dans leurs tâches
par des non grévistes, qui affirmaient pourtant
leur solidarité avec leur cause…
Un mot de ce qui a eu lieu ? Vertigo confirme la
vigueur d’une danse israélienne… vigoureuse.
Très belle par moments, portée par des danseurs
sublimes, la pièce de Noa Wertheim faite de
moments successifs, tout en noir et blanc et
Positions, Ivana Müller © Nyima Leray
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Que de tristesse et de désarroi ! En 2003
l’annulation des Festivals avait un goût amer,
mais du moins le milieu avait-il su résister
ensemble. En 2014 les festivals ont lieu, plus
ou moins perturbés, plus ou moins solidaires.
Les dissensions internes se font jour, entre les
directeurs et les personnels, entre les permanents
et les intermittents parfois, entre l’audiovisuel
et le spectacle vivant, en première ligne des
restrictions du MEDEF… Entre partisans de la
grève pure et ceux qui disent qu’il faut continuer
à jouer, et que la résistance est là : ne pas
jouer quand le Gouvernement a signé semble
ne plus servir à rien, même si la grève est le
seul moyen dont les artistes et techniciens ont
disposé après 10 ans de propositions concrètes
et six mois de lutte.
Les regrets sont nombreux. Que le Printemps
des Comédiens et Uzès danse, qui ouvraient
la saison, aient été sacrifiés, que les 48 heures
chrono de la Friche n’aient pas eu lieu alors que
le Festival de Cannes n’a pas été touché, que
les lieux où l’art est le plus fragile, le plus risqué,
le plus naturellement dans la résistance, soient
ceux qui aient subi les plus sérieux dommages.
Que les artistes n’aient pas pu présenter leurs
en sensualité musclée, paraissait parfois un
peu vaine, dans ce contexte.
Le programme proposé par le Nederlands
de convaincre que la lutte est juste, en prenant acte du fait
que la fragilité du milieu culturel amoindrit ses capacités
de lutte, et l’abandon de l’État est effectif. Que le discours
sur les privilèges de ceux qui «bénéficient» du régime
de l’intermittence doit être à nouveau, et sans faillir,
désamorcé, en montrant les chiffres : le faible niveau de
vie de la plupart de ses bénéficiaires, le peu d’économie
que rapporteraient les mesures actuelles, le coût énorme
sur l’économie qu’aurait une fragilisation plus grande
encore du secteur…
Il faut sans doute trouver de nouveaux modes de lutte, en
réaffirmant l’importance de la culture, et pas seulement
du régime des intermittents. Contrairement à 2003,
la puissance publique ne compensera pas les pertes
financières, et les responsables des structures culturelles
se retrouvent entre le marteau et l’enclume. Incapables
de supporter de nouveaux coûts sans licencier et fermer,
ils résistent aux annulations, et jouent devant des spectateurs désarçonnés. Il est temps d’édifier avec eux, avec
tous, avec les médias qui le veulent, les politiques et les
syndicalistes qui le souhaitent, une politique culturelle
inventive, différente, solidaire, à la mesure de la richesse
intellectuelle et artistique de la nation. C’est-à-dire, aussi,
de la 5e puissance économique mondiale, dans un pays où
les banques ont en 2013 retrouvé des bénéfices record.
AGNÈS FRESCHEL
Dans Theater avait, par sa perfection sensible, une autre
capacité de résistance : celle qui émeut et qui, par les
vertus de l’art, peut marquer les esprits. Si Postscript,
de Sol León et Paul Lightfoot sur deux musiques de
Phil Glass reste un peu maniériste malgré d’indéniables
qualités de composition, Gods and Dogs de Jiří Kylián
tiraille magnifiquement les corps entre l’ange et la bête,
rapprochant et confondant les extrêmes en un mouvement
constant. Quant à la création d’Alexander Ekman sur
les élans trafiqués de Haydn, c’est jeune, bouillonnant,
parfait, plein de force, d’ironie et d’inventivité, fabriquant
dans la fougue de ces 16 danseurs lancés avec une énergie
folle des images réellement inédites de corps prisonniers
dans des espaces clos et libres pourtant de leurs gestes.
Un autre programme a eu lieu, sans perturbation : celui
du BNM. Il faut dire que les danseurs et la plupart des
techniciens y sont salariés, et non précaires. La soirée de
créations fut exceptionnelle. Le soliste japonais, Yasuyuki
Endo, et son complice au tambour japonais Léonard Eto,
ont imaginé des pliés et déhanchés époustouflants pour
une aventure des origines dans une lumière qui sculpte les
corps. Puis Richard Siegal a sublimé les performances
des danseurs dans les déplacements géométriques de
Metric dozen. Vêtus de costumes unisexe noir et métal,
dix danseurs ont fait vibrer les corps et éclater l’espace.
Et nourri les esprits ?
AGNÈS FRESCHEL et CHRIS BOURGUE
Avignon remet sur le
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L’annulation du premier jour, puis celles du
12 juillet, quelques soirées de pluie venues
compliquer le reste, ont néanmoins permis
aux festivaliers de goûter à un renouveau des
propositions, clairement orientées vers un
théâtre «de texte». Pour la plupart réussies,
et construisant pour les spectateurs un climat
plus apaisé, loin de certaines querelles esthétiques : sans recherche de bouleversement
des dramaturgies, et reposant sur la confiance
en un «métier» et des formes théâtrales qu’on
pourrait qualifier de «classiques».
Novarina, Ghelderode, Hölderlin
Quelques déceptions néanmoins. Falstafe de
Novarina, à destination du jeune public, est
mis en scène par Lazare Herson-Macarel avec
platitude. La variation autour du bouffon enflé
de Shakespeare emprunte de larges passages
à Henry IV, mais se concentre sur la filiation
symbolique et les reniements du Prince de
Galles adolescent, qui ne peut devenir roi qu’en
trahissant son père de jeu. Hélas les panoplies,
épées de bois, marionnettes et combats en toc
parodient l’enfance sans l’intéresser forcément…
Josse De Pauw réunit en Huis (clos ?) deux
textes du dramaturge flamand et les relie par
la musique symphonique, enregistrée mais
sublime, de Jan Kuijken. Des fulgurances en
résultent, la description de l’aube, les cloches
de la mort, puis le récit de la mort du Christ
par les femmes qu’il rencontra. L’étrangeté
mystique flotte, la folie clinique, les mythes
déportés de leur cadre historique… sans que
l’on comprenne tout à fait pourquoi les corps
s’agitent ainsi, et ce qui est dit. Peu importe ?
L’échec d’Hypérion est bien plus profond. Marie
Josée Malis parle pourtant si bien du théâtre !
De ses enjeux politiques, de ses conventions
formelles ! Comment a-t-elle pu construire une
forme qui vide à ce point la salle ? Jamais on
n’avait vu à Avignon des spectateurs s’éloigner
avec moins de tapage, visiblement désolés de
ne pouvoir adhérer à un projet qui semblait si
beau. Car Marie Josée Malis a confondu son
refus légitime du théâtre de divertissement
avec l’absence totale de préoccupation de
lisibilité. Or le théâtre n’a de sens que devant
un public, qui doit comprendre ce qui se passe.
Celui d’Avignon est cultivé, et bon nombre de
spectateurs connaissaient Hölderlin, ou étaient
prêts à le découvrir. Pourquoi lui proposer 5h
d’un texte opacifié par des coupures, prononcé
avec une lenteur systématique devant un décor
gris et ignoré, par des acteurs volontairement
Orlando © Agnès Mellon
10
Le premier Festival
d’Olivier Py se déroule
dans des conditions
exceptionnelles…
ternes, face public, qui ne jouent rien entre eux,
n’incarnent rien, et rendent incompréhensible
ce qui pourrait aisément l’être ? Le projet politique de Marie Josée Malis, qui pense qu’il faut
révolutionner les comportements en rendant le
spectateur sensible à la raison par l’expérience
de la beauté, est mis paradoxalement en échec
par son absence de préoccupation de ce qu’il
vit réellement dans la salle. Hypérion devient un
pensum, et risque de dégoûter de l’expérience de
renouvellement des formes, pourtant nécessaire,
que prône la metteur en scène.
Kleist et Py
Dans la Cour d’Honneur un autre auteur
allemand de la même époque, épris lui aussi
de philosophie hégélienne. Mais ayant écrit
du théâtre, c’est-à-dire ayant dramatisé les
concepts, politiques, de la nation, de la justice
et du droit, et du recours à la violence. Le Prince
de Hombourg est un chef-d’œuvre fascinant
peu joué sur les scènes françaises, sans doute
parce que la pièce exalte une nation allemande
belliqueuse, et aussi parce que le personnage
est lié à l’interprétation historique de Gérard
métier
Philipe en 51. Giorgio Barberio Corsetti parvient à la fois à en rendre la lettre et la beauté
poétique, mais aussi à construire un propos
politique loin du romantisme de Vilar. Plongeant
Xavier Gallais dans l’enfance, il souligne sa
candeur, le fait monter sur un immense cheval
de bois, puis passer par une bouleversante
prise de conscience de sa mort prochaine, où
il est prêt à tous les renoncements. L’Electeur
exerce sur ce fils rêveur et trop fougueux un
véritable dressage par l’injustice et l’arbitraire
afin qu’il entre dans le rang, puis il le prive de
ses fantasmes et le transforme en marionnette
de guerre. L’espace de la Cour est peuplé
d’effets scénographiques et vidéo splendides
et les comédiens magnifiques subliment le
texte, même si leur jeu souvent en subtiles
ruptures perd sans doute de la force en haut
des gradins.
Autre histoire de fils perdu, le nouveau texte
d’Olivier Py. Orlando nous met une fois de plus
en face de son talent si particulier d’homme de
théâtre, et de ses quelques défauts si persistants
qu’il faut admettre qu’ils constituent son esthétique. Avec sa langue imagée, adorant l’excès
et la rupture, il a écrit une quête dramatique
très drôle, cruelle, fustigeant le ministre de la
Culture, parlant théâtre, un peu d’un Dieu plus
allégorique qu’anagogique, beaucoup d’une
société dominée par l’échange marchand et
ayant perdu de vue l’idéal qui nous habite.
Le Père qu’Orlando réclame avec impatience
n’existe pas, sauf aux Cieux peut-être, ou en un
simulacre de théâtre. Mais plus que le propos ou
la langue, la maîtrise de la scène époustoufle :
celle du rythme dramatique, ou quatre heures
passent en un instant grâce à l’alternance d’un
comique vache et d’envolées plus lyriques, à
la construction d’une fable, de pacotille mais
qui tient en haleine, et à un système nouveau
dans l’écriture de Py de répétition/variation
de la scène initiale. Et puis : la scénographie
de Pierre André Weitz, qui empile le théâtre
dans le théâtre de ses machines à roulettes ;
et puis : le talent de comédiens en confiance
qui rivalisent d’incongruités, Jean Damien
Barbin en tête, et Matthieu Dussertine, si
jeune et déjà si mature, avec tant de souffle…
Dante et Platel
Autre auteur/metteur en scène, Emma Dante
fait aussi preuve d’une virtuosité et d’un amour
du théâtre à toute épreuve. Le Sorelle Macaluso
parlent, palermitain, populaire, à toute allure
et toutes de front, et racontent leur vie à la
manière de cette littérature du sud italien forte en
gueule et en tragédie. Cela sent la méditerranée
rocailleuse, celle où l’on se baigne de rires
et où l’on se noie, où la pauvreté construit
la tragédie et où l’amour ne sauve rien parce
que la mort guette. En une heure et quart, des
vagues d’émotion surgissent et emportent,
nouent la gorge, grâce une fois encore au sens
du rythme, du coup de théâtre, au talent de
comédiennes qui forment un chœur d’individus
touchants, et maîtrisent le virage tragique, et
en la capacité à raconter une histoire…
L’art de Platel est tout autre, mais épate aussi par
sa maestra, et sa générosité. Sur ce plateau-là
il n’y a que des hommes, et rien n’est traduit.
Pas de textes sinon celui des chants, pas de
théâtre ni de danse sinon celui qu’entraîne
la musique. Mais un projet extraordinaire :
quatorze musiciens danseurs chateurs congolais
interprètent notre répertoire baroque, de Porpora
à Gluck, sur balafon, likembé et percussions
africaines. Le contre ténor Serge Kakudgi,
comme les autres, sidère par son talent musical,
qui se double d’un talent de danseur… C’est
la plasticité, la multiplicité, la profondeur des
savoir-faire, la justesse des relectures musicales,
qui subjugue, et en douceur le message passe :
«Il y a des Noirs talentueux». Platel démontre
une fois encore, d’un Coup fatal, combien nos
scènes ont tort de fonctionner avec les seuls
corps normés de nos habitudes dramatiques
européennes…
AGNÈS FRESCHEL
Le spectacle continue…
Dans Lied Ballet, Thomas Lebrun revisitait
le patrimoine chorégraphique, confrontant les
deux formes majeures de l’époque romantique,
et leur glissement de la notion de populaire à
savante. Trois actes performatifs, d’une écriture
et interprétation minutieuses, utilisant à l’extrême
codes lyriques et théâtralité affectée, Schubert,
Mahler, extase et volupté… au risque de pêcher
par application. Une pièce élégante et érudite,
sans impétuosité débordante, qui ouvrait, en
étant programmée au Cloître des Carmes, à
un inconfortable parallèle avec la fiévreuse
Tragédie de Dubois... De danse, il sera encore
question dans cette seconde partie du Festival.
I am devrait être un moment fort de la Cour, le
chorégraphe néo-zélandais Lemi Ponifasio, à
la lisère du politique et du mystique, ayant réuni
des artistes d’ici et d’ailleurs pour participer «à
une cérémonie en l’honneur des vingt millions
d’êtres humains morts pendant la Première
Guerre mondiale» (du 18 au 23). Julie Nioche,
dans une recréation de Matter (du 20 au 27)
rassemble aussi une «tribu», de femmes. Et
Robyn Orlin, des danseurs formés à l’école
des Sables de Germaine Acogny (jusqu’au 18).
Un florilège de musiques à venir : le cabaret
égyptien Haeéshek… (jusqu’au 18), An Old Monk
Mai, juin, juillet © Michel Cavalca
à la Chartreuse (du 16 au 21), Cinq Chants du
20 au 24 dont Interzone (voir Zib’61), le Cycle
de Musiques Sacrées (du 20 au 25), le festival
électro Résonance (26 et 27) et les Têtes
raides et Jeanne Moreau, en clôture le 27.
Et du théâtre à foison, politique, sociétal, historique (militant ?) : Mai juin juillet par Schiaretti
avec Robin Renucci en Vilar (jusqu’au 19)
pourrait faire jaillir le débat attendu, Intérieur de
Claude Régy (jusqu’au 27), Von Kleist (repetita)
pour Corsetti dans La famille Schroffenstein
(16 au 19), La Imaginación del futuro (17 au 25),
Solitaritate (19 au 27), Notre peur de n’être de
Fabrice Murgia (21 au 27), Henry VI en 18 heures
(21, 24 et 26), La Ronde du carré par Dimitris
Karantzas (22 au 25), Thomas Ostermeier
de retour avec Le Mariage de Maria Braun (23
au 27), 2014 comme possible de Didier Ruiz
avec le témoignage d’adolescents d’Avignon
(24 au 27), Hugo visité par Guénoun et l’ISTS
dans les Pauvres gens (24 au 26), La chaste
vie de Jean Genet de Lydie Dattas (26). Les
enfants investiront le lieu qui leur est destiné
(Pénitents Blancs), avec Même les chevaliers
tombent dans l’oubli (jusqu’au 20), et les Contes
de Grimm version Olivier Py, si les adultes leur
cèdent la place (23 au 27).
Marie-Agnès Gillot et Lola Lafon créeront
pour les Sujets à Vifs (jusqu’au 24) et, jusqu’au
27, les Ateliers de la pensée accueilleront
des dialogues artistes/spectateurs, et des
rencontres (Notre part d’enfance, le 17, dans
le cadre de la Belle Saison soutenue par le
Ministère de la culture), sur le site Pasteur.
DE.M
Le Festival d’Avignon se poursuit
jusqu’au 27 juillet
04 90 14 14 14
www.festival-avignon.com
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Le festival Off,
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Des fêlures
sur les planches
et ses 1307
spectacles,
se déploient
doucement,
mais sûrement,
en ce mois
de juillet
Le temps suspendu de Thuram © Soyle
La faute aux intempéries, à la crise, au porte-monnaie, à la lutte des intermittents qui fait reculer le
public-consommateur, au trop-plein ? Certaines salles,
pourtant traditionnellement remplies dès le démarrage
du festival, affichent un début de fréquentation en
baisse par rapport à 2013. Le festival n’est pas annulé,
mais sa mise à feu traîne un air de blues général.
Quelques compagnies du Off ont fait grève, le 7, puis
le 12 juillet plus massivement, ralliées au collectif
indépendant du In, tous dans le même bateau, pour
faire corps dans la lutte. Elles mènent des actions,
organisent des débats, manifestent pacifiquement,
participent (parfois avec leur maigre recette) à une
caisse de solidarité pour les grévistes et précaires,
continuent de protester comme elles le peuvent contre
l’accord général d’assurance chômage désormais
agréé. Ainsi les artistes et techniciens ont choisi
de jouer, de faire leur métier, la plupart piégés dans
un dilemme économique culpabilisant, parce que…
…le spectacle continue
Au théâtre des Doms, des acteurs sympathiquement
fêlés dans le System Failure, adeptes toqués de
jeux vidéos et autres séries SF, tentent de nous
embarquer dans «un autre flux temporel» à partir de
leur programme informatique (à virus augmentés) pour
satisfaire nos désirs de spectateurs. Bien entendu,
le concept reste utopique et défaille à plaisir. Si le
goût de l’absurde, signe distinctif de la création belge
-qui, plus sérieusement, voit ses artistes souffrir des
mêmes inquiétudes qu’en France face à leurs droits
sociaux- se distille à cœur joie dans la forme (idées
scénographiques sémillantes et fabriquées à vue,
comique de répétition, dialogues en voix off, travail
sonore épatant), le fond sonne en creux et un peu toc à
son tour. Ici, la relation humain-machine, à l’instar des
hubots suédois de Real Humans qui surenchérissent
dans la réflexion socio-psychologique, reste en exergue
pour ne retenir que le décalage théâtralisé. Nous ne
passerons pas dans la 4e dimension, toujours calés
derrière notre mur invisible, mais ne resterons pas
intouchables : tranche de rire assurée !
Au Festival Théâtr’enfants, un ovni, un vrai, de
ceux qui touchent au cœur et font grandir, à tout âge.
Une forme simple et efficace (l’installation-gigogne
figure personnages et lieux), pour un texte et une
interprétation en or. Vénavi ou pourquoi ma sœur
ne va pas bien de Rodrigue Norman, mis en scène
par Olivier Letellier qui décidément ose parler aux
enfants de sujets complexes, est un conte initiatique
sur le deuil et la réparation. Gaël Kamilindi, juste et
sensible, tient tous les personnages de cette histoire
de (faux) jumeaux, considérés comme des (demi) dieux
dans un village africain. Akouété, le garçon, est mort,
et raconte comment les adultes, parce qu’ils n’ont
pas eu le courage de le dire à sa sœur Akouélé et
omettent de lui fabriquer une statuette réparatrice et
porteuse de vie (le vénavi), enferment la fillette dans
un secret intenable. Ils mentent, trop longtemps, et
l’attente impossible l’empêche de grandir. Combien
d’arbres à abattre pour retrouver son frère sensé
couper du bois dans la forêt ? Combien d’années de
silence pour la «petite folle» et ses «grands yeux de
solitude» coincée dans son corps de fillette ? Sans
être éludée, la tristesse n’est jamais pesante, et la
vérité gardienne de vie, les enfants le savent bien… «Je
DELPHINE MICHELANGELI
Festival Off, Avignon
jusqu’au 27 juillet
www.avignonleoff.com
Théâtre des Doms
04 90 14 07 99
www.lesdoms.eu
Théâtre des Halles
04 32 76 24 51
www.theatredeshalles.com
Maison du théâtre pour enfants
04 90 85 59 55
www.festivaltheatrenfants.com
Dans la forêt du Off, on peut déjà remarquer
le beau travail d’Alain Timar au théâtre des
Halles avec sa mise en scène dynamique et
déjantée de la pièce de Ionesco Le Roi se meurt
par la jeune troupe de l’Académie du Théâtre
de Shangaï. Ne cherchez pas un écho de la
version poignante de Michel Bouquet. Les
artistes sont jeunes, impétueux, jouent de la
parodie du pouvoir, de l’angoisse de la mort
avec une distanciation ironique vivifiante. Pas de
demi-mesure, on se glisse dans les costumes,
sans jamais les endosser complètement, on rit,
on jubile, on danse, on est cruel avec délectation,
on dépoussière, on hurle au mégaphone, on
donne une dimension Tian’anmen avec une
belle fraîcheur, dans la grâce juvénile d’une
fausse innocence. Dans le même théâtre on se
délecte du foisonnement verbal de la création
de la Compagnie Art.27. À titre provisoire de
Catherine Monin vaut beaucoup mieux que sa
fiche de présentation ! Cela commence par un
cours de «sport métaphysique» délirant, suivi
d’une série d’arrêts sur image où les personnages
se lancent dans de longues discussions sur la vie,
la mort, l’après la mort, la mise en perspective
de l’existence. C’est joué avec humour, légèreté,
éclairé par la mise en scène de Thierry Otin et
les lumières de Julien Rousselot, l’ingénieux
et symbolique décor de Christian Eysseric
et l’espace sonore dessiné par Éric Dubos.
On y parodie les «groupes de paroles», les
clichés, les «pensées mises en boîte», on passe
du coq à l’âne, on arpente avec délectation
les cheminements du langage, on infuse les
mots de leur richesse polysémique. Un pur
régal, fin, intelligent, écrit, avec un parfum
de Big Fish détourné en hareng inquiétant et
qui hante l’obscurité de la scène. Au théâtre
du Chien qui fume, on retrouve la saveur
de l’écriture de Jeanne Béziers dans une
adaptation du roman de Bram Stoker, Dracula,
avec la Compagnie Théâtre Le Cabestan. Un
personnage inattendu mène le jeu, le Diable,
remarquable Fabien Duprat, meneur de jeu,
manipulateur des marionnettes que sont les
humains, artisan des rencontres, machiavélique
metteur en scène. Les trois autres comédiens
endossent tous les rôles avec panache dans
une scénographie inventive, décalée de David
Teysseyre, qui met en scène ce bal où table,
chaise, instrument à rayon hypnotiseur, s’extirpent
Little Boy © X-D.R
vais bien ne t’en fais pas», pourrait
au loin souffler l’âme errante du
jeune garçon…
Autre auteur contemporain,
Véronique Kanor, à qui une
commande a été passée par la
scène nationale de Guadeloupe
autour des mythologies sportives.
Il aura fallu sept versions, dans un
dialogue nourri entre le metteur en
scène Alain Timar et l’auteure,
avant la version scénique finale
créée à l’Artchipel. Dans l’intimité
de la Chapelle du théâtre des
Halles, Le temps suspendu de
Thuram raconte l’histoire d’Eugène,
enfermé dans sa vie ordinaire, qui
se pique un jour de kidnapper le
footballeur Lilian Thuram, figure
«mythique» après ses deux buts
lors de la coupe du monde 98 et
son fameux geste de «penseur»
agenouillé, pour le convaincre de
délivrer un message d’affranchissement au monde. Un sujet pas
captivant d’emblée de jeu, pour
qui n’éprouve pas la passion du
foot et sent pointer le syndrome
de Stockholm, mais scrupuleusement traité par le metteur en
scène-scénographe qui plonge ses
acteurs, impeccables, dans une
cave à tiroirs où se joue un huis
clos, finement huilé, en forme de
thriller. L’un étouffe dans «sa vie
sans vie», sa femme, ses crédits,
son papier peint ; le second dans
l’écran, devenu à travers son statut
d’enfant prodigue et de «grand
grec» défenseur des opprimés, une
représentation de lui-même qui lui
échappe. Une joute verbale sans
répit, arrosée de rhum et de doutes,
déliée jusqu’à la farce grinçante, où
la réalité médiatique rattrape ces
«rois du monde», pantins surtout
d’eux-mêmes, gagnés par leurs
fêlures. À noter que Lilian Thuram
sera présent le 17 juillet à l’issue
de la représentation dans le jardin
du théâtre.
Carré rouge
du décor comme par magie. Le Diable est
vaincu, bien sûr, et l’amour vainqueur, mais la
troublante ambivalence de chaque être empêche
de tomber dans une vision manichéenne. Enfin,
au théâtre du Balcon, on applaudit la nouvelle
pièce de Régis Vlachos, Little Boy, inspirée de
la correspondance qu’entretinrent pendant deux
ans le philosophe autrichien, Günther Anders,
et Claude Eatherly, le pilote qui fit le repérage
météo au-dessus d’Hiroshima pour déterminer
le moment idéal du largage de la bombe (Little
boy). Poussé par le sentiment de culpabilité, ce
dernier commet des délits pour être jugé, pour
que le crime de guerre soit reconnu. La scène
les réunit dans l’asile de fous dans lequel C.
Eatherly est interné. Le philosophe conseille,
soutient, encourage l’ancien pilote à écrire un
livre pour témoigner, soutenir la cause pacifiste.
Christophe Luthringer met en scène cette
pièce remarquablement équilibrée, avec un
rythme soutenu, les dialogues entre le pilote
et le philosophe alternent avec des intermèdes
rondement menés par Charlotte Zotto dans
le rôle de l’ouvreuse qui vous propose des
bonbons à l’iode, explique, documents vidéo
à la clé, les principes de l’énergie nucléaire,
ou présente certains mensonges électoraux.
On rit beaucoup, sans oublier la gravité du
sujet, qui évoque non seulement le mensonge
d’état, le crime de guerre, mais porte aussi sur
le langage, l’impossibilité de communiquer, que
ce soit le pilote, trop frustre, englué dans sa
folie (étonnant Christophe Alévêque) ou le
philosophe (Régis Vlachos) qui ne sait pas dire
bonjour sans circonvolutions jargonneuses.
Cette pièce forte, magnifiquement interprétée
dans un cadre dépouillé, sait à la fois nous
titiller les zygomatiques et nous bouleverser.
MARYVONNE COLOMBANI
Théâtre des Halles
04 32 76 24 51
www.theatredeshalles.com
Théâtre Le Chien qui fume
04 90 85 25 87
www.chienquifume.com
Théâtre du Balcon
04 90 85 00 80
www.theatredubalcon.org
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De la fougue
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Au Off d’Avignon, le Centre de développement
chorégraphique Les Hivernales est le seul
plateau entièrement dédié à la danse, et offre
depuis le 10 juillet une vitrine bien composée, et idéale, à sept compagnies régionales.
Artistes de la région Paca, Michel Kelemenis
et Christian Ubl se relaient le matin dans
des œuvres lumineuses et pensées (Siwa et
Zoll). Les pièces de groupe, et l’envoûtant
solo Dorothy d’Anthony Egéa interprété par
Vanessa Petit et accessible au jeune public,
se succèdent jusqu’au soir, remplissant et
enthousiasmant les salles de par leur diversité.
Dans le festival de théâtre, la danse s’est fait
une place privilégiée !
Ainsi, dans Sillons, Brahim Bouchelaghem
(région Nord-Pas de Calais), remarqué au festival
d’hiver dans son solo What did you say ? sur
des calligraphies de Carolyn Carlson, entraîne
à sa suite cinq danseurs hip hop dans une
pièce fougueuse et enlevée qui délivre, en
miroir inversé, la douce sensation d’un vivre
(danser) ensemble de tous les possibles. Le
danseur chorégraphe aurait-il réussi à dompter
le don d’ubiquité ? Les interprètes, métissés,
jeunes, aériens et physiques, dont les regards
étrangement fixes intriguent cependant, se
lancent dans une partition maîtrisée, tracent leur
chemin de liberté, se rejoignent, s’enflamment,
s’endiablent, apparaissent où on ne les attendait
pas, et ralentissent la cadence pour extraire,
Mas-Sacre © Silvano Magnone
et du (bon) cru
aux Hivernales
muscle par muscle, le mouvement dans son
essence. Des tableaux de corps qui s’ajustent,
se démultiplient et écrivent dans le faisceau
du temps leur histoire commune.
Plus radicale et engagée, la pièce de Maria
Clara Villa Lobos est un régal de subversion
et de modernité ! Mas-Sacre, accueillie en
co-réalisation avec le théâtre des Doms, porte la
folie et l’originalité de la «belgitude» en elle. Quelle
intelligence d’écriture, lorsque la chorégraphe
ose porter et croiser sur scène, pour revisiter le
Sacre du Printemps, un regard critique sur les
abus de l’industrie alimentaire sans tomber dans
la mesquinerie ou la mascarade. C’est drôle, c’est
cruel et c’est beau, ça grince aux entournures,
parce que nous voilà frontalement mis en face
de notre responsabilité de consommateurs
aveugles, et de notre lien hypocrite avec les
animaux ; ça caquète, ça bêle et ça coupe
des têtes, mais ça ne plie jamais. Une rigueur
enthousiasmante conduite jusqu’à l’épilogue,
sur des vidéos crues et plus que parlantes,
et des interprètes qui performent sans se la
jouer. Et puis… ça danse (moment d’anthologie
lorsque la danseuse sublimement nue rejoue
l’origine du monde et confond son anatomie avec
celle des volatiles), s’accordant sur Stravinsky
superbement ! Une tuerie !
DELPHINE MICHELANGELI
L’été particulièrement danse au CDC
jusqu’au 27 juillet (relâche le 15)
Les spectacles se jouent
jusqu’au 20 juillet
du 22 au 27 juillet, lecture Et tu danses, Lou
par Pom Bessot et Philippe Lefait
CDC Les Hivernales, Avignon
04 90 82 33 12
www.hivernales-avignon.com
Éternel tango
© Diego Franssens
La chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui,
M¡longa, ouvre le Festival international de danse
de Vaison-La-Romaine. De Buenos Aires, le
chorégraphe ramène l’amour du tango, et
cinq couples de spécialistes de cette danse
auxquels il adjoint deux danseurs contemporains.
L’ensemble est accompagné sur scène par cinq
musiciens exceptionnels, investis chacun dans
des formations de Buenos Aires. Cette ville se
retrouve aussi dans le spectacle, par la grâce
de la vidéo, on court le long des rues, comme
dans une comédie musicale de Gene Kelly,
avant de plonger dans les antres des cafés
de la cité argentine, où l’on danse encore. Et
c’est la vie qui se construit, à travers la folle
complexité des pas, des jambes qui effleurent
le sol en caresse furtive, le pointent, s’envolent,
se virgulent, agiles, pattes d’insectes si rapides
que l’œil ne peut tout saisir. Technique parfaite,
mais ce n’est qu’une infime partie de l’œuvre.
Tous les sentiments, tous les registres se livrent
ici, dans leurs excès, leurs impatiences, leur
ironie, l’infini jeu de séduction propre au genre,
je t’aime moi non plus, mais plus encore le
geste même de la danse où tout s’embrase.
On danse dos à dos, à trois, déchirements
soudains, solitudes, mouvements de foule d’une
infinie complexité. Les codes des milongas
sont détournés dans un nouveau langage, qui
cependant sait en préserver l’esprit, dans une
fluidité virtuose et sensible. Éblouissant !
MARYVONNE COLOMBANI
M¡longa a été dansé les 11 et 12 juillet
au Théâtre antique de Vaison
Vaison Danses
jusqu’au 27 juillet
04 90 28 74 74
www.vaison-danses.com
Perturbées par des tensions avec les intermittents du spectacle, les premières
représentations du Festival d’Aix ont pour la plupart eu lieu, avec le soutien
affiché de la direction de Bernard Foccroulle.
Retour sur une première semaine mouvementée... et trois beaux opéras
Ariodante secoué... et magnifié !
...pour Tamino, splendide Stanislas de Barbeyrac, au terme d’un parcours initiatique jonché
d’épreuves qui le fit sortir progressivement
de l’obscurité. Et la lumière disparut quant
un néon éclata, jonchant le sol d’éclats de
verre, obligeant Papageno, somptueux Josef
Wagner, à différer son air final d’une quinzaine
de minutes ! Cet incident qui survint au
terme de l’opéra, le 9 juillet au GTP, n’entacha en rien l’extrême qualité du spectacle
servi par une distribution exceptionnelle :
Pamina en tête, lumineuse Mari Eriksmoen
La Flûte enchantée © Pascal Victor
Et la lumière fut...
beaux moments poétiques, en lieu et place
des ballets originaux, sont réalisés par des
pantomimes de marionnettes.
en contrepoint à un Sarastro marmoréen,
l’imposant Christof Fischesser et à une Reine
de la nuit qui ne tardera pas à faire parler
d’elle, Kathryn Lewek, impressionnante de
facilité dans son air de bravoure, engoncée
dans un fauteuil roulant ! Intéressant parti
pris du metteur en scène anglais, Simon
McBurney, de représenter la reine en vieille
femme, en «harpie vengeresse», en parallèle
à un Papageno tout en couleurs, comique et
touchant à la fois, pendant subtil au couple
Tamino-Pamina quasi dépouillé, dans un blanc
virginal. La magie de cette Flûte enchantée de
Mozart, complexe et pleine de strates, trouva
sa splendeur dans l’alchimie entre la vidéo, le
jeu de scène des instrumentistes, des effets
très simples, bruissement d’ailes d’oiseaux
avec des feuilles de papier... Toute cette
construction, dévoilée en direct, combinée
à une très belle interprétation du Freiburger
Barockorchester avec à sa tête l’excellent
Pablo Heras-Casado, permit au public d’être
totalement immergé dans cet univers poétique
et magique.
JACQUES FRESCHEL et CHRISTOPHE FLOQUET
Festival International d’Art Lyrique
jusqu’au 24 juillet
Aix-en-Provence
08 20 922 923
www.festival-aix.com
Le Turc en Italie © Patrick Berger
M
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Le 11 juillet à l’Archevêché, Marc Minkowski
prend la parole : les intermittents occupent
en grande majorité les chaises des Musiciens
du Louvre Grenoble dans la fosse aixoise. «Ce
soir nous jouons !» lance une représentante
des personnels ayant voté le maintien de la
représentation du soir. Mais l’atmosphère est
tendue : il y a quelques heures, on a choisi
la grève en Avignon !
Il Turco in Italia débute donc... après l’annulation de la première (le 4 juillet) et son
report au GTP (le 7 juillet).
Son originalité tient dans la place qu’occupe
le poète Prosdocimo («Figaresque» Pietro
Spagnoli) qui s’inspire, tout en les manipulant,
de situations vécue dans une petite ville du
bord de mer, au débarquement d’un Turc
(magnifique basse Adrian Sampetrean).
Christopher Alden transforme le poète en
metteur en scène/écrivain, tapant sur le vif
le texte d’un «work in progress» à l’usage,
plus ou moins consenti, de «personnages
en quête d’auteur». On est chez Pirandello,
confiné dans une espèce de hall d’attente
onirique.... et aussi chez Mozart et son Cosi
fan tutte où marivaudent hommes et femmes.
Un vieux barbon jaloux (superbe buffo
Alessandro Corbelli) et sa jeune épouse
capricieuse en mal de liberté (rossignol sensuel
à souhait Olga Peretyatko), son amant, plus
benêt que nature (ténor purement rossinien
Lawrence Browlee), le Turc et sa promise
délaissée Zaida (belle mezzo Cecelia Hall),
tissent une comédie qui, si elle réjouit par
ses aspects burlesques, n’en demeure pas
moins amère. Et la mécanique musicale de
Rossini enchante !
Ariodante © Pascal Victor
16
Sur la scène, ils sont sur deux longs rangs,
en silence, face au public de la première
d’Ariodante. Sans eux, le spectacle n’aurait pas
lieu. En silence... ou presque... car du dehors
parvient un tapis de sifflets et de klaxons. La
Direction d’Aix diffuse une interview d’Edwy
Plenel expliquant pourquoi il faut défendre
le régime de l’intermittence. Nonobstant,
quelques râleurs huent, vitupèrent : STOP ! On
se querelle... et le Directeur du festival court
d’un siège à l’autre pour calmer les esprits !
Longtemps après le lever du rideau, le brouillage
sonore contrarie la direction subtile d’Andrea
Marcon. Par deux fois l’opéra s’interrompt :
lorsqu’un groupe force l’accès aux coulisses
et qu’une alarme retentit avant la belle aria
chantée par Sarah Connolly (Ariodante).
Le plateau artistique est emmené par Patricia
Petibon (Ginevra), éblouissante, hypersensible... Elle affole l’écriture baroque de ses
vocalises débordantes, et une partition dans
laquelle se moule le soprano suave de Sandrine
Piau (Dalinda).
La mise en scène, sifflée par une partie du
public aux saluts, décoiffe ! Le royaume d’Écosse
est réduit à une maison de pêcheurs, plus
proche de l’univers de Britten que des fastes
baroques ! Le Roi, en kilt (Luca Tittolo), est
à la tête d’une famille populeuse guidée par
un tartuffe réactionnaire et intrigant (Sonia
Prina). La lecture qu’imagine Richard Jones
enlumine l’enchaînement un peu longuet des
récitatifs et airs des opéras de Haendel, et de
Rossini «pirandellien»
Grandeur et démesure
ou du baryton George Gagnidze
(Nabucco), fait mouche.
Mais si l’on rêvait aux Jardins suspendus de Babylone ou au Temple
de Salomon, on n’est pas gâté par
la scénographie minimaliste de
Jean-Paul Scarpitta, son immense
plateau nu rehaussé seulement de
quelques projections rocailles sur
le mur de scène. Reste la magie
de voir quatre chœurs (opéras
d’Avignon, Toulon, Montpellier
et Nice) débarquer sur scène
par flots ininterrompus (près de
110 voix et une quarantaine de
figurants !) pour chanter le célèbre
«Va pensiero»... J.F.
© Christian Bernateau
Le public a répondu présent à
l’appel de Verdi pour la première de
Nabucco à Orange. Le théâtre est
bondé... On se serre sur les gradins
romains, car la soirée s’annonce
frisquette : le mistral souffle dans
les dos et l’été festivalier en a pris
un coup au thermomètre. Qu’importe cependant, on est là pour
les fastes populaires des Chorégies
vauclusiennes, ses grands chanteurs... à la (dé)mesure du lieu !
On est toujours ébahi de voir le
miracle s’accomplir, d’entendre
des voix exceptionnelles passer
au-delà d’un rempart symphonique
placé, à découvert, sur l’antique
«orchestra», comme c’est le cas
le 9 juillet, malgré 90 musiciens
venus de Montpellier et dirigés par
le maestro Pinchas Steinberg !
Faut-il le rappeler ?
Ils ne sont pas nombreux à pouvoir
se faire entendre par un mur de
8000 personnes... jusqu’au dernier
rang !
La Markova :
naissance d’une diva ?
Aux premiers mots chantés, Zuzana
Markova illumine le plateau. Son
timbre est clair ; on respire au flux
belcantiste de longues phrases
souples parées d’un fin tissu de
nuances et d’une vraie musicalité.
Elle est belle en Violetta, élancée et
fragile, élégante… émouvante dans
ses errements lancés en vocalises
ou son contre-mi bémol électrique
tombant sur l’acte premier… La
jeune Tchèque frappe un grand
coup pour sa prise de rôle dans La
Traviata, ouvrage qui clôt une belle
saison marseillaise. L’Orchestre de
l’Opéra est aux aguets, emmené
par une jeune et sensible baguette
(Eun Sun Kim), se moule dans
sa grâce vocale.
MUSICALITÉ est le maître mot d’une
production où Renée Auphan recycle, à propos, les anciens décors
de L’Héritière de Damase. Elle suit
à la lettre les intentions d’un livret
dont elle connaît tous les détours.
Jean-François Lapointe est dans
la veine artistique qui régit le
plateau. Son baryton gagne en
profondeur avec la maturité ; il
chante, avec un goût sûr, des
aigus toujours aussi flamboyants
et beaucoup de noblesse, le rôle
du paternel Germont.
Si le ténor Teodor Ilincai possède
les atouts naturels d’Alfredo, son
chant très solide souffre, en regard
de ses partenaires, d’un style plus
heurté qui altère l’émotion.
Dans une œuvre qui fait la part
belle aux excellents artistes des
Chœurs l’Opéra de Marseille,
les rôles «secondaires» sont à
la fête avec la pulpeuse Sophie
Pondjiclis (Flora) ou le jeune
baryton Christophe Gay magnifiant le rôle court du Marquis.
JACQUES FRESCHEL
La Traviata a été donnée à l’Opéra
de Marseille du 17 au 22 juin
Le trio vocal formé de l’impressionnante soprano Martina Serafin
(Abigaille), l’immense basse
Dmitry Beloselskiy (Zaccaria)
Nabucco a été donné aux
Chorégies d’Orange
les 9 et 12 juillet
Au fin fond
des royaumes
© Christian Dresse
Étrange et fascinant Fantôme, un léger roulement et sur
la peau tendue qu’est notre tympan de Benjamin Dupé.
Ce spectacle s’offre à une jauge réduite, on est installés
au pourtour, sur des coussins dont la blancheur grège
s’harmonise au revêtement de corde tressée qui recouvre
l’ensemble. Une pièce est ainsi constituée, dans une sorte
de non-espace, entourée de murs d’ombre. Au centre, un
rectangle de sable, comme un jardin zen, des bocaux à
poisson vides, dont la transparence capte la lumière… du
plafond d’étranges mobiles, plâtres et cônes de papier…
de fines conduites de bambou entourent la structure et
aboutissent sur la grève centrale. Le tout baigne dans
la lumière douce d’une fin d’après-midi. Noir absolu,
frémissements d’ailes, insectes, froissements, paysages
sonores… jeux délicats de lumière, écoulements de sable
dans le verre des aquariums, grondements de tonnerre,
tempête, mots découverts, énigmes dédiées à l’énigme,
le mythe d’Orphée sous-tend cette chorégraphie de sons.
L’invisible meut les objets, déclenche les mouvements,
roulement léger de petits cubes de marbre (?) le long
des bambous, temps qui s’égrène, pas d’un être invisible
qui se dessinent sur le sable, chant de femme aérien
et doux au loin, et qui s’éteint, les pas s’effacent,
laissant l’infime souvenir de leurs traces… on baigne
dans une poésie sensible et sensuelle. Scénographie
(Olivier Thomas), lumières (Nicolas Villenave), sont
orchestrées avec une subtile intelligence. Le spectacle
permet la jonction entre Aix-en-Juin et le Festival d’Aix
en trait d’union délicat comme une estampe.
MARYVONNE COLOMBANI
Fantôme, un léger roulement et sur la peau
tendue qu’est notre tympan a été donné
du 25 juin au 5 juillet au Bois de l’Aune, à Aix
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Aix lyrique
Au site-mémorial du Camp de
Milles, Aix-en-Juin place sous
les sunlights des artistes en
herbe et conclut en célébrant
Rameau et Rossini sur
le Cours Mirabeau
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L’opéra The Golden Vanity de Britten a été
créé en 1967 par les prestigieux Wiener Sängerknaben et sa partie pianistique s’avère
particulièrement dissonante, si bien que cela
aide peu des artistes «en herbe». C’est dire si
le projet éducatif du Festival d’Aix et d’«Opéra
à l’école» à Gardanne était ambitieux, en
plaçant sous les sunlights des bambins de
l’école Albert Bayet et des ados de 5e CHAM
du Collège Longchamp de Marseille.
Sous la houlette d’Anne Périssé dit Préchacq
(direction musicale), de Sybille Wilson (mise
en scène) avec au piano Frédéric Isoletta, la
jeunesse, dans la rigueur et le respect d’une
œuvre fondue à d’«autres récits», a fort bien
rendu les tribulations d’un jeune mousse
héroïque, trahi par son capitaine, abandonné
et noyé après qu’il a percé un trou dans la
coque du bateau adverse. Au site-mémorial
du Camp des Milles (le 20 juin), on a été
bluffé par le travail accompli et la qualité
obtenue. Les voix ont joliment tintinnabulé,
The Golden Vanity © Vincent Beaume
les corps, distribués par groupes mouvants,
formé des tableaux éloquents où chacun a
trouvé sa place.
Le dernier rendez-vous (gratuit) d’Aix-en-Juin
sur le Cours Mirabeau (le 29 juin) a débuté
par une «parade» silencieuse, au milieu de
l’artère aixoise, des intermittents du spectacle
préoccupés par l’évolution de leur statut et
l’avenir de la Culture. Devant la statue du Roy
René, Les Musiciens du Louvre Grenoble
(dir. Marc Minkowsky) jouent des danses de
Rameau tirées des Boréades (au GTP le 18
juillet) et accompagnent des airs du Barbier
de Séville.
Accords à cordes
Entre citronnelle et cigales, le 14e
Festival International de Lambesc a, de
nouveau, reçu de superbes guitaristes
Une semaine durant, dans le cadre délicieux
du château de Pontet-Bagatelle, les artistes
offrent, avec une belle générosité, rappels,
compositions personnelles, des interprétations
fines des plus belles écritures pour guitare.
On voyage entre classicisme et romantisme
avec des œuvres de Mauro Giuliani ou J. K.
Mertz, avec Giovanni Grano dont le bis virtuose
de l’Etude n°4 de Villa Lobos transporte le
public. On aborde le XXe siècle avec Rubén
Parejo qui après un détour par Fernando Sor,
Dioniso Aguado ou Garcia i Soler, interprète
ses propres compositions. Fluidité, élégance,
superbes contre-chants… On a aussi le privilège
d’entendre une grande dame du Paraguay,
Luz Maria Bobadilla, ses recherches lui
ont valu parmi ses nombreuses distinctions
internationales, la «Reconnaissance de son
action pour le rayonnement de la culture
paraguayenne dans le monde», décernée
par le Sénat de la république du Paraguay
en 2011. Son interprétation précise, avec
de superbes trémolos, sculpte la pâte sonore
avec une belle ampleur.
Virtuosité aussi du Duo Thémis, de Florence
Concert de clôture © J.F
Creugny et Alexandre Bernoud. Les motifs
passent de l’un à l’autre, dessinent leurs
arabesques dans un tempo vif qui se coule
avec allant dans les œuvres de Piazzola ou
d’Eduardo Martin, avec un clin d’œil au Brésil et
Sergio Assad. Et si le vent se lève, bousculant
les ramures des grands arbres, leur mesure
conserve sa précision de métronome.
La génération montante de Guitarles Académie, sous la direction de Sylvie Dagnac,
offre un bel intermède sur une partition
de Jorge Cardoso. Ce dernier, avec l’Octet
Aguira composé de huit chanteurs, permettait
d’entendre un florilège de chants d’Amérique
du Sud et une version revisitée par du Canto
General de Mikis Theodorakis sur le grand
poème de Pablo Neruda. Curieux reproches
formulés à l’encontre du grand compositeur
grec, sur la prononciation ou l’adaptation
des airs. Même Carmen est surtitré ! Quant
«Fiiiigââârrrôôô !» lance le baryton Pietro
Spagnoli... avant que l’espiègle Cecelia Hall
(Rosine), qu’Adrian Sâmpetrean (Basile)
canonnant sa grave «Calumnia», et l’«amoroso» Lawrence Brownlee (Almaviva) ne
lui emboîtent la réplique. C’est le plateau
du Turc en Italie (joué à l’Archevêché) qui
se produit, emmené par la jeune star russe
Olga Peretyatko et ses vocalises en guirlande
ou le célèbre buffo Alessandro Corbelli...
Car à Aix, on célèbre l’art lyrique jusqu’au
cœur de juillet !
JACQUES FRESCHEL
à la composition elle-même, la version de
Theodorakis est dotée d’un souffle immense
à l’instar du poème nérudien… le faisant
sortir du folklore et lui donnant sa dimension
d’hymne à la terre comme dans le magnifique
América Insurrecta. Sans doute, le manque
de retour sur scène a gêné les chanteurs
dont la justesse était parfois contestable. On
retiendra cependant la beauté de la lecture
d’Annie Balduzzi et la basse d’Yves Bergé.
Happy end
La famille des guitaristes se retrouve au
grand complet pour la soirée de clôture. S’y
agrège le benjamin, un interprète français
hyper-doué : Jérémy Jouve a de la carrure, le
geste sûr, possède une musicalité du meilleur
goût et une étonnante maturité pour une
carrière débutée avec précocité. Moment
attendu : les musiciens se réunissent pour
former des ensembles ! Du duo à l’octuor,
ils font le «bœuf» à la nuit noire, balancent
les cordes à la rosace, font vibrer la table
d’harmonie, galopent de frette en frette sur
la touche boisée... le tout sous le regard du
maestro Cardoso.
MARYVONNE COLOMBANI & JACQUES FRESCHEL
Le Festival International de Lambesc a eu lieu du
29 juin au 5 juillet
Moustiques et petites laines, on longe les
bassins du château du Tholonet, dans la
fraîcheur des grands arbres, «salle comble». Le
vent sait se faire discret, sans doute effarouché
par le savant dispositif d’épingles à linge,
essentiel au plein air ! Parfois leurs déplacements induisent des percussions infimes, qui
rejoignent les bruissements d’insectes. On est
dehors, les volutes musicales prennent un air
de liberté dans l’ombre du soir, c’est délicieux.
L’Orchestre du Pays d’Aix se glisse avec
aisance dans le répertoire mozartien, jouant
des registres majeurs et mineurs. Jacques
Chalmeau dirige avec enthousiasme et livre
des explications nourries d’anecdotes, rappelle
que la Symphonie n° 25 en sol mineur K.18
composée par Mozart à dix-sept ans, s’inscrit
dans l’esthétique du drame et de la passion
chère au mouvement romantique. La Symphonie
concertante pour orchestre violon et alto soli
permet au premier violon solo de l’opéra de
Marseille, Roland Müller, et au premier alto
soliste de l’orchestre philharmonique de Radio
France, Jean-Baptiste Brunier, de se livrer à
une joute amicale où les phrases se répondent,
avec de sublimes aigus, des variations graves.
Le deuxième mouvement très «slave» danse
avec une discrète mélancolie, tandis que
le dernier, soutenu par les cors, offre une
brillante palette. Enfin, on se laisse porter
par la Petite Musique de nuit, composée en
Orchestre philharmonique du Pays d’Aix, Jacques Chalmeau © Agnès Mellon
Nuit mozartienne
19
quelques heures, parenthèse ludique durant
le travail sur Don Giovanni. Du ultra connu
décrèteront les puristes, mais si beau ! Pourquoi
bouder de tels bonheurs ! Mozart for ever ?
Assurément !
MARYVONNE COLOMBANI
Des Voix (très) Animées
© J.F
Ce jeune ensemble vocal varois a déjà tapé dans
l’œil (et l’oreille !) de Jean-François Zygel,
puisque ce dernier l’a invité à l’enregistrement
de son émission La Boîte à musique (sur le
thème «Guerre et paix») diffusée le 1er août
prochain sur France2. Les voix a cappella
dirigées par Luc Coadou y (dit-on !) réveillent
l’assistance avec une magistrale interprétation
de la célèbre Bataille de Marignan de Clément
Janequin !
C’est dans l’interprétation de la musique de
la Renaissance que se sont lancées Les Voix
Animées : un répertoire qui n’a pas encore
effectué le formidable bond qu’a connu la
La tournée d’été de l’Orchestre du Pays d’Aix
s’est déroulée du 29 juin au 12 juillet dans
les communes du Pays d’Aix
musique baroque, mais que la bande de
chanteurs espèrent bien relooker ! Grâce à
une web-série mensuelle, humoristique et
décalée (écrite et réalisée par Jean-Christophe
Mast et Denis Baronnet), ils espèrent bien
totaliser autant de vue que... Stromae ! On
y déniche une chanson de Pierre Certon en
«Hot définition» ou un «Tube de l’été» signé
Willaert (sortie le 1er août).
Cela dit, ces Voix Animées savent aussi mettre
en pause leur élan burlesque pour interpréter,
comme à l’abbaye du Thoronet le 6 juillet, le
plus sérieusement du monde, un programme
de polyphonies franco-flamande autour de
Roland de Lassus. Dans l’enceinte romane, le
continuum sonore subtil des compositeurs du
XVIe siècle a trouvé un prolongement dans la
musique en création de Dimitri Tchesnokov,
vaste opus d’une belle suavité harmonique
à la dissonance maîtrisée. Du beau travail
rigoureux sur le texte et son expression !
JACQUES FRESCHEL
Prochain concert Jardin des Saveurs dans le
cadre des Soirées musicales de l’Abbaye Royale
de La Celle, le 6 août à 21h15
La web-série est à découvrir sur www.
lesvoixanimees.com
Re-création :
Die Kathrin
Les spectacles programmés à La Friche
de la Belle-de-Mai pour le compte du 9e
festival Musiques Interdites ayant été
reportés au week-end du 13 septembre, seul
demeurait à l’affiche la création en France
d’une adaptation, par Michel Pastore, de
l’opéra Die Kathrin de Korngold.
Dans la Cour de la Préfecture, où l’on entre
exceptionnellement, les billets gratuits
ont été distribués aux curieux venus,
le 8 juillet, découvrir une œuvre rare,
dont la création avait été annulée par
les nazis, à Vienne en 1938, en raison de
l’ascendance juive de son auteur.
On a suivi une belle histoire d’amour
franco-allemande dont une partie se
déroule à Marseille... et découvert une
musique épatante, très accessible, héritée
du romantisme, qu’on a appréciée dans
ses élans guerriers, allures mélodieuses
fleurant le music-hall, des paysages sonores
inquiétants, ses tensions ou atmosphères
recueillies... Toute une orchestration colorée servie par l’Orchestre symphonique
de la Garde Républicaine (dir. Sébastien
Billard) et un plateau de chanteurs vaillants
faisant les beaux jours du Volksoper de
Vienne. J.F.
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L’île flottante
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Coincé entre Manhattan, le château d’If et
Sarajevo, l’archipel sonore aux 29 printemps
MIMI flotte toujours et innove encore. Bien que
les magnifiques vestiges illuminés de l’hôpital
Caroline ne soient pas encore transformés en
cimetière des éléphants, le mythique Alan
Vega et ses 76 ans a eu la force de braver
la scène, non sans mal, accompagné de son
acolyte de toujours le non moins claviériste
immortel Martin Rev. Si de l’eau a coulé entre
le Frioul et New York depuis les années 70,
et si Suicide n’a plus sa fougue d’antan,
l’esprit du Project of Living Artists est toujours
palpable. Papy Vega a mal au micro mais le
clavier générateur d’idées fourmille encore
d’audaces et nous rappelle que nous devons
beaucoup à cette légendaire avant-garde
électro-rock-minimaliste, punk et new-wave.
Plus à l’est, le pianiste robotisé Nicolas Cante
avait ouvert le bal avec Sevdah mon amour,
un projet joué, dansé et chanté à l’accent
bosnien. La belle voix de Vreco Bozo, qui
n’aurait pas dépareillé chez Almodovar, et
son corps tout entier dansé ondulaient au
crépuscule sous les salves du batteur Nedim
Zlatar. Une belle surprise frioulienne pour
les adeptes de l’insularité à la sauce Mimi.
Autre personnalité, le guitariste Richard
Pinhas, agitateur de la scène expérimentale
française des années 70, constitue aujourd’hui
un duo avec Etienne Jaumet (ex Zombie
Zombie), aux manettes de synthétiseurs
analogiques de collection. Un alliage cosmique
unissant les sons planants des cordes aux
Suicide © X-D.R
vagues hypnotiques d’une musique électronique
originelle. Allant jusqu’à faire abdiquer une
pluie menaçante pour laisser libre la voie
vers un 7e ciel mélodique.
Avant eux, Rafaelle Rinaudo et Yann Joussein,
duo déjanté harpe électrique et batterie,
jouent avec nos sens et parfois nos nerfs.
Ce n’est pas pour rien qu’ils se dénomment
Aïe. Leurs compositions offrent une musique
déconstruite, à caractère répétitif, mais qui
sait rester harmonieuse. Empruntant au jazz
ou au funk, ils nous font entrer dans un
univers délirant où se côtoient la chanson
enfantine et le noise progressif.
La plus belle surprise de cette dernière
soirée vient du collectif Arbuste et de son
Instrumentarium. Une prestation musicale
décapante articulée autour d’un parallélépipède
métallique où quatre agités (un aux machines
et trois aux percussions) s’abandonnent,
tapant sur une série d’objets recyclés en
instruments. Une musique primaire des plus
sophistiquées.
FRÉDÉRIC ISOLETTA et THOMAS DALICANTE
Le Festival Mimi s’est déroulé du 2 au 6 juillet
au Frioul, à Marseille
Le Jardin des Miracles
Le Charlie Jazz Festival a comme
chaque année illuminé trois soirées
de début juillet : le premier soir,
la Complet’ Mandingue détend
l’atmosphère avec ses balafons,
puis le quintet du trompettiste
Antoine Berjeaut entre en scène
pour un beau moment de jazz,
avec Stéphane Kerecki, Fabien
Moreau, Jozef Dumoulin et
surprise, Julien Lourau. Les
récentes compositions issues de
son dernier CD Wasteland sont
minimales avec un son posé,
réfléchi qui nous touche. La soirée
se termine en apothéose avec
Médéric Collignon, déchaîné,
entouré d’Emmanuel Harang,
Yvan Robillard, un ensemble à
cordes et, l’élément incontournable
pour ce programme autour d’une
Résurrrection de King Crimson,
le batteur Philippe Gleizes. Ce
concert s’est transformé en une
VrooomVrooom-session spectaculaire, énergisante et pleine
La dernière soirée du festival
a proposé le trio Luxemburgo-New-Yorkais Reis-Demuth-Wiltgen aux compositions
intimistes non dénuées de
punch. Vient l’heure du 4tet de
Joshua Redman, avec Aaron
Goldberg, Reuben Rodgers et
Gregory Hutchinson, musiciens
exceptionnels. De Summertime à
Barracuda, Joshua Redman porte
son saxophone ténor comme un
objet brûlant dans une gestuelle
exubérante, entre tension et
apaisement.
Une 17e édition très réussie !
DAN WARZY
Médéric Collignon © danwarzy
d’humour.
Le lendemain, 3 Chevaux de Front,
trio de musiciens de la scène marseillaise, a joué un programme
enivrant. D’une instrumentation
très originale (saxophone, violon
alto, violoncelle) a résulté une
musique hors des sentiers rebattus
avec le concours de la voix d’Emilie
Lesbros. Un public nombreux était
là également pour Anouar Brahem,
joueur d’oud tunisien. Quartet
hypnotique, entre tradition, jazz
et contemporain.
Le 17e Charlie Jazz Festival
s’est déroulé au Domaine de
Fontblanche, Vitrolles,
les 4, 5 et 6 juillet
C
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M
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Mercuriales de Virgil Vernier © Shellac
Stella Cadente de Luis Minarro © Eddie Saeta
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Marseille multiple
Mercredi 2 juillet
Elle dit : il y aurait Axel Bogousslavsky, l’Ernesto
du film Les Enfants (1985) de Marguerite Duras
et Jean Mascolo, un acteur, poète, musicien,
dessinateur, âgé de 76 ans, qui vit dans une
maison perdue au cœur d’une forêt profonde,
loin des contraintes du monde. Alexandre
Barry, assistant de Claude Régy dans Tout
seul avec mon cheval dans la neige, donne à
voir cet homme singulier dans sa vie recluse ; il
dessine, joue de la flûte, taille du bois, regarde
la photo de l’enfant qu’il a été et en est ému,
brûle une feuille où il avait écrit SOLITUDE,
allume les bougies quand la nuit vient. Sa voix,
off, nous guide dans ses souvenirs, ses rêves,
son imaginaire. Il demande qu’on laisse les
hommes vivre leur vie dans le secret. Alexandre
Barry nous a permis de nous approcher de lui,
un peu, juste ce qu’il faut. C’est ça.
Elle dit : il y aurait un pays que tous croient
inventé par Hergé ou Jarry, une rencontre
entre Éric Baudelaire et Maxime, un futur-ex
ministre des Affaires étrangères d’Abkhazie. 74
lettres comme autant de bouteilles à la mer et
les réponses enregistrées de Max. Letters to
Max, ce serait comme le souvenir d’un avenir.
Jeudi 3 juillet
Elle dit : j’ai passé 4 heures dans un hôpital de la
Province du Yunnan : ‘Til Madness Do Us Part de
Wang Bing. (À lire sur www.journalzibeline.fr)
Elle dit : il y aurait, comme souvent au FID, un
OVNI : Stella Cadente, premier long métrage du
producteur catalan Luís Miñarro, présenté avec
CineHorizontes. Il parlerait d’une Étoile filante,
Amadeo de Saboya, duc d’Aoste, prince italien
élu roi d’Espagne en 1870 par un parlement
né de la révolution de 1868. Roi européen
aux ambitions réformistes, étranger dans son
royaume, vite isolé, rejeté, renvoyé. Un film en
costumes (et quels !) qui reprend des événements
historiques mis en scène comme une mascarade,
Il y aurait 134 films à Vendredi 4 juillet
Elle dit : J’ai suivi John Calder, l’éditeur anglais
Beckett dans I, of whom I know nothing,
partager en six jours… de
de Pablo Sigg, un réalisateur mexicain qui
aime la lenteur, les cadrages serrés, les plans
le flou, l’image sans le son, le son sans
Il y aurait des lieux, fixes,
l’image. Le vieil homme traîne les pieds dans son
de Montreuil encombré de livres et
une ville à parcourir du appartement
de cartons, ou revenu à Londres, interroge Billie
Whitelaw, une des actrices fétiche de Beckett
une maison de retraite qui lui répond par
MuCEM aux Variétés dans
monosyllabes, si lasse, déjà ailleurs. Il parle
du grand écrivain irlandais, de la souffrance
en passant par la
dont il a toujours été proche. Tous deux sont
devenus des personnages beckettiens. Il y a
des photos, des anecdotes, une voix enregistrée
Villa Méditerranée,
sur une cassette que personne ne reconnaît.
Il y a un dialogue signé Sam, du dérisoire, de
l’Alcazar, la Maison de la drôlerie, de l’absurde. Un vinyle qui tourne
à vide. Puis le Winterreise de Schubert. Les
inventent d’autres fantômes.
la Région. Deux voix fantômes
Elle dit : Dominique Auvray était là pour
présenter son Duras et le cinéma et d’autres
de Marguerite pour parler du sujet.
s’y seraient croisées amoureux
(À lire sur www.journalzibeline.fr)
une comédie musicale, sentimentale, un drame
politique, métaphysique dans un château quelque
part en Espagne, ou peut-être bien nulle part,
tant il est décor plus mental que réel. Luís
Miñarro jouant des références, invitant dans
son jeu le spectateur qui reconnaît, au détour,
un Caravage, un Goya, un Courbet, un Manet,
un Nolde, s’émerveille des tissus, des corps
nus, se voit projeté dans d’autres années 70,
à un siècle de là, celles de Salut les copains,
sature parfois d’une sur-symbolisation mais
demeure charmé. Les salles madrilènes ont
refusé de programmer cette étoile jugée trop
provocatrice. Pourtant, au-delà du parallèle avec
la crise espagnole actuelle, de la métaphore de
l’enfermement, ce film travaille bien joliment
sur la mémoire et les mythes. Voilà.
Samedi 5 juillet
Elle dit : j’ai rencontré le cinéaste chilien Patrizio
Guzman par le film de Boris Nicot, Filmer
obstinément, qui en fait le portrait, revisite
l’histoire du Chili de 1972 à nos jours. (À lire
sur www.journalzibeline.fr )
Elle dit : Il y aurait deux jeunes femmes, une
Moldave et une Française, qui se rencontrent à
Bagnolet dans ces deux tours, les Mercuriales,
où elles sont hôtesses et qui rêvent d’ailleurs
et d’autre chose. «Cette histoire se passe en
des temps reculés, des temps de violence.
Partout à travers l’Europe une sorte de guerre se
propageait…» Tourné en 16 mm, le film de Virgil
Vernier, Mercuriales, entre documentaire et
fiction, entraîne dans des lieux que son regard
transforme, y insérant une dimension mythologique. Mystère,
merveilleux, onirique et quotidien s’y côtoient, soutenus par
la musique de James Ferraro. Un film qui surprend. Oui.
Dimanche 6 juillet
Elle dit : il y aurait Le souffleur de l’affaire, un film-ventriloque au
montage virtuose d’Isabelle Prim, jouant, rejouant, déjouant
un mystère de Paris, au temps des anarchistes, de Méliès,
d’Edmond Rostand et de Sarah Bernhardt.
Elle dit : je me suis un peu égarée dans les strates du temps
et les voix dans El viaje de Ana, qui nous emmène sur les
traces d’Andréa Alfonse, femme du poète Francisco Contreras
dont le poème Luna de la Patria est le fil conducteur du film.
Et c’est à une jeune photographe, Ana, incarnée par Astrid
Adverbe, que Pamela Varela fait effectuer, en 2012, le
voyage de Dordogne jusqu’à Quirihue, un village perdu du
Chili où s’est retirée Andrea à la mort de son mari en 1933.
Entre documentaire et fiction. Un voyage nostalgique.
Lundi 7 juillet
Elles disent : nous sommes devant un texte à faire et nous
devons abandonner mille et une images, images qui transportent, qui dérangent, interrogent, images qui poursuivent,
hantent ou éclairent dans le noir. Oui c’est ça. Un sentiment
d’abandon et de persistance.
Le FID 2014 s’achèverait sans finir…
ANNIE GAVA et ELISE PADOVANI
Palmarès
Compétition internationale :
Jury présidé par Wang Bing et composé
de Shaina Anand, Dora Garcia,
Andrea Lissoni et Manuel Mozos.
☛ Grand Prix :
Our terrible country de Mohammed Ali
Atassi et Ziad Homsi - Syrie / Liban
☛ Prix Georges de Beauregard :
Ming of Harlem-Twenty storeys in the air
de Phillip Warnell - Belgique / Etats-Unis
Compétition française :
Jury présidé par Valérie Massadian et
composé d’Elise Florenty, Hubert Colas,
François Cusset et Yves Robert.
☛ Grand Prix :
Ce qu’il reste de la folie de Joris Lachaise
☛ Prix Georges de Beauregard
Trois contes de Borges de Maxime Martinot
☛ Prix Premier, attribué par le Jury de
la Compétition Française à un premier film
présent dans la Compétition Internationale,
la Compétition Française et les Écrans Parallèles :
YximallooTadhg d’ O’Sullivan et Feargal Ward – Irlande
Le palmarès complet est à lire sur www.journalzibeline.fr
Été et rentrée
au MuCEM
M
U
C
E
M
Penser,
(ne pas) manger,
chanter
Penser l’altérité, l’étranger, l’indésiré, et
les frontières du «nous», en une Nuit
des Idées où la parole s’échange entre
chercheurs, musiciens, et auditeurs
installés autour de tables conviviales…
Le Théâtre National de Bordeaux l’a
fait, en sa ville qui a prospéré de la
traite négrière, le MuCEM l’a proposé à
Marseille, porte des colonies, face à la
mer, le 27 juin. Un apéritif, deux irruptions
sonores de Forabandit dont les trois
compères croisent vigoureusement
subtilité occitane et âpreté anatolienne ou
l’inverse tout aussi bien ; enfin et surtout
quatre tables rondes qui interrogent. Sur
«notre» rapport avec l’Algérie, sur ce
qu’on appelle un «immigré de troisième
génération», ce qui évidemment n’a pas
de sens. Sur l’histoire du rejet de l’Islam,
peu à peu déclaré «insoluble dans la
République». Sur les Harkis, les Chibanis,
les musulmans français, l’histoire des
colonies. Plus analytiquement grâce à
Fethi Benslama sur la nécessité de
l’altérité et les frontières mouvantes
du «nous». De belles idées finement
exposées, sur le cosmopolitisme et les
échecs du présent, laissaient cependant
une impression étrange : l’hospitalité,
maître-mot de la rencontre, paraissait
quelque peu vidée de son sens (hormis
l’apéritif offert par le MuCEM) lorsque
l’on sait que Gérald Passédat, qui a
l’exclusivité de la restauration, propose
des jambons beurre à 6€50 avant de
fermer à 21h les soirs de nocturnes ! Il est
regrettable que le MuCEM ne parvienne
pas davantage à métisser son public ;
si les intervenants venus de toute la
Méditerranée étaient entendus par des
convaincus, attentifs et approbateurs,
une fois encore les seuls noirs et arabes
étaient les vigiles, miroir ironique d’un
«entre-soi» pas forcément choisi…
Bref, convivialité et métissage étaient
Conférence chantée © MuCEM
24
dans les mots, les esprits et sur scène,
mais pas dans le public. Ce qui dénotait
bien des concepts absents du débat :
il ne fut que très peu question de la
correspondance du rejet de l’étranger
avec celle du pauvre, par sa classe
voisine tout juste sortie de la pauvreté ;
assez peu du rôle aliénant des médias ;
et pas du tout, parmi ces intervenants
majoritairement masculins, de la disparition des femmes de la sphère publique
dans les quartiers où ceux qui sont
perçus comme «étrangers» dominent
en nombre. Dès lors le rappel historique
de ce que les «étrangers» ont apporté
à la France sonnait comme un argument défensif, justifiant l’autre en tant
qu’élément bénéfique, sans énoncer
cette vérité simple : un homme vaut
un homme, et n’a pas à être vertueux
pour mériter d’être traité comme tel.
Seule peut-être la dernière table ronde,
«Faire monde commun face au vertige
des identités», a dépassé le couple
infernal hospitalité / hostilité en donnant
la parole au «souci de l’autre» sorti du
concept-light par l’expertise de Fabienne
Brugère et le réalisme tout terrain du
sociologue Christian Laval membre
du CA de Médecins du Monde.
Le lendemain le public n’était guère plus
métissé ni plus jeune, mais la conférence
chantée proposée par Naïma Yahi,
spécialiste de l’histoire de l’immigration
et formidable animatrice, était propice
à un partage plus immédiat, et sans
doute plus juste. Certes les seuls à
savoir chanter en Arabe étaient des
Libyens de passage… mais le rappel
en acte de cette mémoire partagée,
de Dalida, Aznavour à Idir ou Khaled,
montrait mieux que des mots comment
l’immigration avait construit notre culture
populaire. Celle qui constitue un «nous»
ouvert, chantant, mixte, mouvant…
Après un mois de juillet riche en événements, le mois d’août au MuCEM sera
lui aussi très animé. La programmation
Jeune Public et Famille sera notamment
mise à l’honneur : débuté le 5 juillet, le
parcours interactif L’Odyssée des enfants
se poursuivra jusqu’au 31 août. Les 2,
8, 10, 17, 22 et 24 août, les plus jeunes
pourront découvrir Le Monde à l’Envers
pour les petits, une exposition rythmée de
jeux amusants et instructifs. Après avoir
découvert tous les secrets de l’art de la
marionnette lors de l’atelier Le secret de
Polichinelle les 30 juillet et 13 août, les
enfants pourront percer les mystères de
l’univers du cirque le 27 août avec, au
programme, de nombreux numéros entre
boules d’équilibre, assiettes chinoises et
pédalgo. Enfin, toute la famille partira au
carnaval à l’occasion de l’atelier Derrière
les masques les 6, 16 et 20 août.
Les adultes ne seront pas non plus en
reste, plusieurs rencontres et débats
seront en effet organisés, avec notamment
deux soirées sur le thème Chroniques de
Mars II – Conscience hip-hop à Marseille
et en Méditerranée les 29 et 30 août.
Pour l’occasion, le MuCEM accueillera
DJ Rebel le 29, suivi d’une table ronde
autour de l’histoire de la culture hip-hop
avec Olivier Cachin, avant de finir avec
les représentations du groupe marocain
Shayfeen et de l’artiste marseillais MOH
& CO. Le 30, le hip-hop se déclinera à
travers le clip vidéo et les multimédias,
avant la performance à quatre mains de
DJ Rebel et Dj Djel. Une dernière table
ronde intitulée La culture hip-hop, une
question de valeurs…, modérée par Olivier
cachin, clôturera le programme estival.
Le MuCEM fait sa rentrée
Les Intensités de l’été terminées, le
MuCEM reprendra une activité normale
en septembre. Deux évènements majeurs
sont à noter : du 5 au 14 septembre, les
créations sonores de Marseille Résonance
prendront place dans différents endroits
du musée et de la cité phocéenne. Au
programme, entre autres, une rencontre
avec Michel Péraldi pour la sortie de son
ouvrage Une sociologie de Marseille et la
projection de la série documentaire Marseille
contre Marseille de Michel Samson et
Jean-Louis Comolli. Lors des Journées
Européennes du patrimoine les 20 et 21
septembre, le MuCEM ouvrira ses portes au
public. L’occasion de découvrir les secrets
de l’architecture du J4, ou encore de visiter
le site historique du fort Saint-Jean.
ESTELLE BARLOT
AGNÈS FRESCHEL et MARIE-JO DHO
Ces soirées se sont déroulées au MuCEM,
Marseille, les 27 et 28 juin
MuCEM, Marseille
04 84 35 13 13
www.mucem.org
Les orchestres à La Roque !
Musique Médiévale
Kremerata Baltica © Andreas Malkmus
Dominique Vellard, directeur artistique
du festival varois, invite en 2014 des
ensembles français témoignant de la
vitalité des recherches et de l’interprétation
concernant les musiques du Moyen Âge
dans l’Hexagone.
On part du XIIe siècle, appelé parfois la
«première renaissance», avec des œuvres
rares dont l’Ensemble Gilles Binchois s’est
fait une spécialité (le 29 juillet). On poursuit
avec Thibaut de Champagne, l’un des plus
grands trouvères du XIIIe siècle, ses chansons
interprétées par l’ensemble Alla Francesca
(le 23 juillet) et, datant de la même époque,
les Carmina Burana manuscrit festif ou la
dévotion côtoie la dépravation, Ange et
Démon voisinent. Ce sont les «jongleurs»
modernes d’Obsidienne qui mêlent les
langues, la poésie et la musique (le 30
juillet – Église du Vieux Cannet) ! On file
enfin vers la polyphonie complexe et subtile
du XVe siècle, en particulier conçue sur les
textes bibliques des Lamentations de Jérémie
qu’on prête volontiers aux célébrations
de la Semaine Sainte. Les chanteurs de
Diabolus in Musica font le voyage de leur
ville de Tours (le 25 juillet). L’«Académie
de chant ancien» qui se tient du 16 au
24 juillet, travaille sur les Laudes italiennes
des XIIIe au XVe siècle et donne également
un concert sur ce répertoire en fin de stage
(le 24 juillet). On retrouve enfin les Russes
de l’ensemble Sirine pour des «Chants
spirituels du peuple russe» (le 26 juillet) et les
Espagnols de Cinco Siglos avec la soprano
Delia Agùndez dans des «Musiques pour
la chambre d’Isabelle de Castille» au XVe
siècle (le 30 juillet).
Un précieux voyage dans les temps anciens !
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C’est là : on y est ! On le dit et redit... (voir Zib 75). Le rendez-vous des aficionados
des claviers de l’été est immanquable : il commence, comme souvent, par un
récital de Berezowsky dans le décor magique du Parc du Château de Florans (le
18 juillet), sous son immense conque acoustique offrant la possibilité d’accueillir
un orchestre symphonique au complet, dans d’excellentes conditions sonores,
à la nuit tombante, quand le silence se fait dans la nature, comme pour laisser
la place aux musiciens...
Et des orchestres il y en aura, en dialogue avec Chamayou, Neuburger, Repin,
Kniazev, Lugansky, Andsnes, Heisser, Pletnev, Laloum, Géniet, Ott,
Queffélec, Désert, Boffard, Angelich, Geniusas... : les percussionnistes de
l’Orchestre National de France (le 24 juillet), l’Orchestre Philharmonique
de Monte Carlo (les 27 et 28 juillet), l’Orchestre de Chambre de Bâle (le 29
juillet), Kremerata Baltica (du 3 au 5 août), Sinfonia Varsovia ( les 7, 9, 10, 11,
13, 14 août), I Culture Orchestra (le 12 août) et l’Orchestre Symphonique
Tchaïkovski de Moscou en clôture (les 16 et 17 août).
Festival International de Piano
du 18 juillet au 17 août
La Roque d’Anthéron
04 42 50 51 15
www.festival-piano.com
En 2014, la dizaine de soirées se décline
en deux volets.
Des «Cartes blanches» à 18h à l’église
St-Michel permettent de découvrir des
artistes de la nouvelle génération et d’entendre, en trois volets, l’Intégrale des Six
suites pour violoncelle seul de Bach par
Julian Steckel (le 31 juillet), Zvi Plesser
(le 1er août) et Raphaël Perraud (le 8 août).
Les concerts dans la Cour historique du
Château de l’Empéri affichent à 21h, autour
des directeurs artistiques du festival le
pianiste Eric Le Sage, le clarinettiste Paul
Meyer et le flûtiste Emmanuel Pahud, des
fidèles comme le pianiste Frank Braley,
les violonistes Guy Braunstein et Daishin
Kashimoto, le violoncelliste François
Salque... ou un nouvel invité comme Adam
Laloum au piano.
Sur le thème Salon de musique, Salon
d’amour, on revisite la passion de Clara et
Robert Schumann... et celle de Brahms, les
Julian Steckel © Marco Borggreve
Musique à l’Empéri
Rencontres de musique médiévale
du 23 au 30 juillet
Le Thoronet
04 94 60 10 94
www.musique-medievale.fr
mythes amoureux de Roméo et Juliette (le
8 août), Carmen (le 2 août) ou Porgy and
Bess (le 7 août), au moyen de transcriptions, musiques de genre, de mélodies,
de Lieder et des grands cycles de Schumann, Schubert, Debussy ou Fauré par la
mezzo-soprano Karine Deshayes (Bilitis
et La bonne chanson le 31 juillet, L’Amour
et la vie d’une femme le 1er août), le ténor
Julian Prégardien (Dichterliebe le 6 août).
À coté de sonates, trios ou quatuors de
Mozart à Messiaen, on découvre des opus
rares, voire des créations (Jerôme Combier
le 30 juillet).
JACQUES FRESCHEL
Festival International de musique
du 29 juillet au 8 août
Salon-de-Provence
04 90 56 00 82
http://festival-salon.fr
L’Opéra au Village
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choisi. Mais voilà
que le second roi
s’aperçoit qu’il s’agit
de son propre fils…
Quoi ! une opérette
qui finirait mal !
N’ayez crainte, on
n’en est pas à une
loufoquerie près, tout
se termine dans la
bonne humeur.
À cela ajoutez la
superbe direction
d’orchestre de
Luc Coadou,
chef du magnifique
ensemble Les Voix
Animées, la mise en
scène de Bernard
Grimonet, une
distribution brillante… un repas convivial
qui précède le spectacle… Immanquable !
Vent du Soir, Opéra au village © X-D.R
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Tous les étés voient à Pourrières, dans
le cadre de l’Opéra au Village, de petits
bijoux rares dans l’écrin du couvent des
Minimes -bâtiment du XVIe siècle, classé
monument historique et restauré avec goût
par Jean de Gaspary-, qui chaque année
accueille cette dynamique association.
L’édition 2014 rassemble deux opérettes
en un acte au propos fantaisiste et déjanté.
En première partie, une commande d’Offenbach pour les Bouffes-Parisiens, Les
Pantins de Violette d’Adolphe Adam (sur
un livret de Battu et Halévy), ultime œuvre
du prolifique compositeur qui mourut quatre
jours après la création de la pièce (1856). On
se retrouve sur une île déserte pour assister
aux démêlés entre Alcofribas, l’enchanteur,
son fils Pierrot et la charmante Violette. Un
Polichinelle passe par là… ce qui permettra
plus tard la réduction pour piano en un
quadrille endiablé. Puis, d’Offenbach, sur
un livret de Philippe Gille, Vent du soir, créé
l’année suivante en 1857, présente le «nec
plus ultra de la musique anthropophage»,
dixit le critique Paul Smith. On est encore
dans une île (depuis La tempête, c’est
la mode !) où sévit la tribu cannibale des
Gros-Loulous (vous voyez déjà comme le
thème est grave !), dirigée par Vent du soir,
chef éponyme de l’opérette. Ce dernier
reçoit son ami Lapin-Courageux, roi des
Papas-Toutous (on reste dans le drame !). Les
deux larrons s’entendent à merveille depuis
qu’ils ont dégusté leurs femmes respectives.
Que manger ? Question existentielle s’il
en est… un étranger, un certain Arthur
qui ose faire la cour à la fille du premier,
Atala, semble être particulièrement bien
M.C.
Opéra au Village
du 20 au 28 juillet
Couvent des Minimes, Pourrières
06 98 31 42 06
www.loperaauvillage.fr
Festival Durance-Luberon
17e édition et toujours le même enthousiasme, le même investissement des
bénévoles passionnés… Le Festival
Durance Luberon accorde au mois d’août
le bonheur de découvertes éclectiques, dans
des cadres de choix pour une dizaine de
manifestations. On voyage en Turquie avec
l’Ensemble Tsigane d’Ahirkapi issu des
générations de tsiganes venus de Thessalonique dans les ruelles du quartier historique
du palais de Topkapi à Istanbul ; la musique
traditionnelle turque, nourrie d’influences
tsiganes, balkaniques et orientales, emplira
les rues de Cucuron (le 8 août) avant de
s’installer pour un cabaret au centre de
Mirabeau puis, délices !, au château de
Mirabeau (le 9) où les plaisirs de la table
accompagneront clarinette, percussions,
saxophone et accordéon. On baroquise avec
verve le 15 août au temple de Lourmarin
avec le Café Zimmermann qui interprète
des cantates comiques extraites d’œuvres
de Courbois, Corette, Racot de Grandval,
Marin Marais, Pierre de la Garde. Puis
les Jardins de Magali, à Lauris (le 14) et
le Château de la Verrerie, à Puget-surDurance (le 17) accueillent ApérOpéra,
avec le pianiste que l’on a déjà applaudi
l’an dernier, Vladik Polionov, virtuose
dans la Grande paraphrase de concert
Café Zimmermann © X-D.R
sur Rigoletto de Liszt, la soprano lyrique
Claudia Sorokina et le baryton Patrick
Agard. Le flamenco passionné du Trio
Fernandez et Sarah Moha offrira ses
compositions et de grands classiques au
Château Paradis du Puy-Ste-Réparade
(le 16). Didier Huot et son Middle Jazz
Orchestra rendront hommage dans une
première partie à Glenn Miller, et, comme
il s’agira d’un ApérOjazZ, fera danser
le Château d’Arnajon (le 21 au Puy) et
la place de l’église de Grambois (le 24),
rock’n roll et boogie-woogie à la clé. Enfin,
théâtre et musique se fondent dans la pièce
musicale créée en 1929 par Bertolt Brecht
et Paul Hindemith, L’importance d’être
d’accord. Questions de l’utilité du progrès
scientifique, de la vanité de l’héroïsme, de
l’entraide humaine, par l’ensemble Ad fontes
dirigé par Jan Heiting et mis en scène par
André Lévêque. Du rire et la réflexion se
conjuguent alors pour notre plus grand
bonheur (le 22 à Saint-Estève-Janson).
Quel bel été !
MARYVONNE COLOMBANI
Festival Durance Luberon
du 8 au 24 août
Cucuron, Mirabeau, Lourmarin, Puget-surDurance, Puy-Ste-Réparade, Grambois, SaintEstève-Janson
06 42 46 02 50
www.festival-durance-luberon.com
Jeunesse musicale
Orchestre français des jeunes © Sylvain Pelly
Depuis prés de quarante
ans, l’Orchestre Français
des Jeunes (OFJ) forme à
la discipline orchestrale des
jeunes musiciens qui, dans les
conservatoires, ont été surtout
confrontés au jeu individuel. Sous
la responsabilité d’artistes de
très haut niveau, il contribue
à l’insertion professionnelle
des instrumentistes et, par la
qualité de ses prestations, au
rayonnement de l’enseignement
musical français.
L’orchestre symphonique (il existe
aussi un orchestre baroque) se
réunit deux fois l’an au Grand
Théâtre de Provence. Cet
été les jeunes travaillent sur
un programme qui court de
Saint-Saëns (Symphonie n°3
OJM
L’orchestre des jeunes de
la Méditerranée, désormais
totalement intégré à la programmation et à la gestion
du Festival International d’Art
Lyrique, présente le résultat de
sa session d’été : 92 jeunes
musiciens issus des conservatoires d’une vingtaine de pays
de la Méditerranée, ont eu la
chance de travailler plusieurs
semaines sous la direction
d’Alain Altinoglou. Ils joueront
de grandes œuvres appartenant
au tournant du vingtième siècle
et à ses avant-gardes françaises
et allemandes : Debussy et
Ravel (Prélude à l’après-midi
d’un faune et Daphnis et
Chloé), Richard Strauss et
Webern (Vier letzte lieder et
avec orgue) à Thierry Escaich
(Suite tirée de l’opéra «Claude»),
en passant par Richard Strauss
(Ainsi parlait Zarathoustra)...
Dans la foulée l’OFJ part en
tournée et débute par son lieu
de résidence.
On n’attend donc pas la rentrée
pour vivre encore Un été au
Grand Théâtre en compagnie
de cette belle jeunesse musicale,
bourrée de dynamisme et de
talents, dirigée par Dennis
Russell Davis.
JACQUES FRESCHEL
le 20 août
Grand Théâtre de Provence,
Aix
08 2013 2013
www.lestheatres.net
Im Sommerwind), précédé le
24 juillet d’une courte pièce de
commande à Francisco Coll :
Hidd’n Blue. Un programme peu
méditerranéen, mais sublime,
et tout à fait propice à l’apprentissage du métier de musicien
d’orchestre. A.F.
le 24 juillet
Grand Théâtre de Provence, Aix
le 25 juillet
Villa Méditerranée, Marseille
le 26 juillet
Place de la Mairie, Savines-leLac (05)
04 42 17 34 93
www.ojmed.com
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Entre les grands concerts et les animations
au Village du Festival ou dans la ville, tous
les folklores du monde s’installent chaque
année en Provence, sur les canaux de
Martigues ! Du 20 au 28 juillet, tous les jours
de 10h à 21h30, 450 bénévoles œuvrent
pour offrir aux artistes un espace digne de
leur talent. Après l’édition exceptionnelle des
25 ans en 2013, les habitués du Festival
de Martigues vont vivre cette année un
véritable tournant ! Changement de dates,
de lieux, d’horaires, le festival se déploie
dans l’espace public, sur un temps plus
long, et au fil de chaque journée.
Ainsi les 11 ensembles des 5 continents
envahiront les rues et les places de Martigues
dès le 20 juillet ; le Village s’installe à proximité
du Centre-Ville dans un lieu ombragé et
ouvert dès 15h, la restauration change de
formule et la soirée des adieux est avancée
au lundi… Des concerts exceptionnels, une
journée dédiée à nos voisins italiens, des
animations de rues, des spectacles corses,
un temps consacré au centenaire Frédéric
Mistral, divers folklores plus chaloupants
ou mystérieux venus de contrées lointaines.
De l’Esplanade des Belges en passant par
la Rue Lamartine, jusqu’à la Place Mirabeau
sans oublier le Cours du 4 septembre et le
Canal St Sébastien, des Parades colorées
auront lieu ainsi que des Bals nombreux
dont le Bal des Nations le 20 juillet ou
encore le Bal des Minots le 26 juillet. Dans
© Alain Espinosa
Venise et provençale
la journée il y aura des ateliers pour peindre,
dessiner, chanter et danser avec les artistes
afin de partager une formidable aventure
humaine, toujours populaire. Cela dans un
espace de rencontres, où l’authenticité de
minorités culturelles côtoie la renommée
de ballets nationaux. Le tout s’achèvera
le 28 juillet par une Parade de clôture
sur le Canal St Sébastien dans le Village
aménagé pour l’occasion, entre la mer,
l’étang et les canaux.
ALICE LAY
Festival de Martigues
du 20 au 28 juillet
04 42 49 48 48
www.festival-martigues.fr
Week-end en régions
Découvrir ou redécouvrir la
richesse des patrimoines
artistiques issus de la diversité
culturelle qui irriguent le territoire
régional, tel est le parti pris de
cette nouvelle manifestation, Le
Monde est en région, initiée
par la Région PACA et dont
la réalisation a été confiée à la
Régie Culturelle Régionale.
Elle fait suite à l’opération Le
Monde est chez Nous, réalisée
à Aubagne dans le cadre de
MP2013 en juin 2013, qui mettait
à l’honneur les danses et cultures
du monde et soulignait déjà
l’apport précieux que représente
cette diversité culturelle.
À Digne-les-Bains, le temps
d’un week-end les 13 et 14
septembre, des groupes
provenant de toute la région,
et notamment des Alpes de
Haute-Provence et de Digneles-Bains, vont se succéder
sur les scènes extérieures et
celles du Palais des Congrès,
Vaisseau Voyageur © G. Bonnet
faisant se côtoyer les danses
provençales et les tarentelles
calabraises, les musiques et
danses des Balkans, les chants
comoriens…
Le week-end commencera dans
le centre-ville avec les Violons
du Rigodon dans un répertoire
traditionnel des Alpes du Sud,
Batuc Calu, la Batucada de
Digne, les cornemuses d’Alerte
Rouge, et le groupe folklorique
dignois La Belugue.
Sur les scènes se succéderont,
entre autres, le groupe Coucou
de Berra avec le spectacle
Miédjoù, Fouad Didi avec
une dizaine de musiciens et
chanteurs avec Arabesques,
dans un répertoire de musique
arabo-andalouse, les chants et
danses d’Italie du sud de Gli
Ermafroditi, le Baleti Gafieira
franco-brésilien avec 7 musiciens
amateurs de choro, le Grand
Baleti, bal traditionnel de France
et des Pays d’Oc, le groupe
Draille Quartette qui s’inspire
des musiques de violon des
Alpes du Sud, la quarantaine de
danseurs et musiciens de TovaE,
création balkanique «made in
Provence», Le Vaisseau Voyageur orchestré par le slameur
franco-comorien Ahamada
Smis, l’Inde de Jhankar…
Une belle façon de mettre en
valeur les nombreux patrimoines
culturels immatériels coexistant
sur le territoire !
A.L.
Le Monde est en région
les 13 et 14 septembre
Digne-les-Bains
www.laregie-paca.com/
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qui revient aux sources de la
soul avec l’album Home pour
lequel les cinq membres se
sont servi de micros, amplis
et instruments vintages utilisés
dans les années 70 (le 15 août) ;
et le DJ marseillais Mam’s enfin,
qui enflammera les Allées comme
il se doit (le 13 août) !
À noter que du 1er au 3 août,
l’association Etoiles 2 rue,
en partenariat avec la ville de
Bandol, organise la 3e édition
de Trafic de Styles, festival
de danse qui propose des
démonstrations et des soirées
chorégraphiques, et s’adresse
aussi bien aux amateurs qu’aux
professionnels !
Do.M.
Bandol Surprise
jusqu’au 23 août
Bandol
04 94 29 41 35
www.bandol.fr
Zik Zac n’attend
plus la rentrée
Installé dans le paysage musical aixois du mois de septembre,
le festival des musiques mondiales en mouvement devance
l’appel. Une 17e édition qui prend donc ses quartiers d’été
et renoue, après un nomadisme chronique imposé, avec
son site originel : le quartier populaire du Jas de Bouffan.
Populaire, le qualificatif est l’ADN de ce festival en marge de
la tradition culturelle plutôt bourgeoise d’Aix-en-Provence.
La deuxième ville du département compte pourtant au sein
de sa population un grand nombre d’habitants aux moyens
modestes. Zik Zac nouvelle formule s’inscrit donc dans la
gratuité afin d’en encourager l’accès. Au fil de la quinzaine de
concerts programmés par les infatigables de La Fonderie
d’Aix, le public pourra découvrir des artistes de qualité
aussi bien français qu’internationaux, balayant tous les
rythmes des musiques actuelles. Parmi eux : l’afro-groove
de Bko Quintet (Mali), Natalia Doco (Argentine) et son
folk latino, le nouveau prince du raï’n’b Ya’Seen (Aix), la
fusion gnawa de Djmawi Africa (Algérie), la soul de The
Excitements (Espagne), Ezza (Niger) et son blues du
désert, le collectif latino-explosif Che Sudaka (Argentine/
Colombie/Barcelona) et l’électro-rock saharien des désormais
incontournables Temenik Electric (Marseille/Algérie). Les
amateurs de la planète reggae ne seront pas en reste avec
le phénomène Brushy One String, l’étoile montante du
new roots à la française Naâman, les Allemands de Illbilly
Hitec et le mythique
Clinton Fearon et
son Boogie Brown
Band, échappé des
Gladiators.
THOMAS DALICANTE
Temenik Electric © Jean de Peña
32
À Bandol, l’été se passe en
musique, avec des concerts,
gratuits !, qui rythmeront les
Allées Vivien jusqu’au 23 août.
Et pas n’importe lesquels, car
les grands noms de la chanson
française seront présents, au
côté de groupes internationaux.
À commencer par deux grandes
artistes connues de tous :
Sylvie Vartan tout d’abord,
qui chantera les chansons
de son dernier album, Sylvie
in Nashville, dans lequel elle
rend hommage à l’Amérique
(le 27 juillet) ; Jeanne Manson
ensuite, en vedette du Sun Tour
Var Matin, qui reprendra à n’en
pas douter les standards indémodables de son répertoire (le
18 août). Autres grands noms :
Emmanuel Moire, de retour
avec l’album Le chemin (le 23
juillet) ; les stars bien connues de
comédies musicales tout aussi
connues (Daniel Levi, Pablo
Villafranca, Ginie Line) seront
accompagnés sur scène par une
centaine de choristes de la plus
grande chorale de France, Le
Chœur du Sud (le 20 juillet) ;
le groupe Voca People, soit
3 chanteuses (alto, mezzo et
soprano) et 3 chanteurs (basse,
baryton et ténor) accompagnés
de 2 artistes de beat box (le
16 août) ; le groupe Electro
Deluxe, explosive formation
André Manoukian et China Moses © Gwen Lebras
Bandol
Surprise
Festival Zik Zac
du 17 au 19 juillet
Jas de Bouffan, Aix
04 42 63 10 11
www.zikzac.fr
Un verre, ça va !
Electro Deluxe © X-D.R
Pour cette 8e édition de Music en Vignes,
Château Paradis remet le cap sur le jazz et
le rock. Trois concerts auront lieu du 23 au
25 juillet dans l’environnement accueillant du
domaine viticole du Puy-Sainte-Réparade.
Fidèle à sa tradition, le festival propose, à
la belle étoile, de commencer par un verre
de vin... Le 23, China Moses et André
Manoukian présenteront dix-sept chansons
de torch song, dont les célèbres My funny
Valentine de Frank Sinatra ou encore la
fameuse What a wonderful world de Louis
Amstrong. Le 24, ce sera au tour du groupe
Electro Deluxe d’entrer en fanfare. Fondé
en 2001 et composé de cinq musiciens,
le groupe s’est fait connaître grâce à un
son électro-jazz original, entre héritage et
modernité. Le festival s’achèvera le 25 par
Les légendes du Rock. L’ensemble de
basse/guitare/batterie est emmené par Ilyès
Yangui, Dimitri Reverchon, Laurent Elbaz
et Emmanuel Soulignac qui enchaîneront
les tubes rock, blues et rock’n’roll des
années 50 à nos jours, faisant revivre les
grands moments de l’histoire du rock de
U2, Queen, Police, Clapton ou encore
Elvis Presley. Music en vignes prouve
qu’avec un peu de vin le cocktail «jazzy
et rock’n’roll» a du corps et de la longueur
en bouche !
ALICE LAY
Music en Vignes
du 23 au 25 juillet
Le Puy-Sainte-Réparade
04 42 54 09 43
www.musicenvignes.com
F
E
S
T
I
V
A
L
S
R
U
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Tous à la mer !
Cette année la ville d’Auriol ne sera
malheureusement pas de la partie
pour la 13e édition de Festimôme !
Seule Aubagne accueillera l’évènement. Pourtant la culture pour
enfants y a toujours été défendue
par l’association Art’Euro, avec une
belle programmation de spectacles
de rue et de concerts, proposés par
des artistes français et européens…
Mais pas de réduction en nombre ! Pour
cette édition, Aubagne accueillera à
nouveau quatorze compagnies qui se
produiront dans le Parc Jean Moulin.
Au programme, Zoo Déglingo, manège
à pédale écolo-rigolo-déglingo de la
Cie L’Echappé Belle qui fonctionnera
toute la journée du 30 juillet. Le même
jour auront lieu Écoute ton cœur de la
Cie de la chouette, Histoire à dormir
debout, installation sonore de la Cie
l’oisiveraie, Trasphalt qui durera
par ailleurs jusqu’au bout du festival ;
Caroussel de la Cie BazarPalace, et
un concert intitulé BAB et l’orchestre
des chats, qui sera présenté par AMJ
Productions. La Cie Principo Attivio
Teatro, venue d’Italie, présentera
deux spectacles : Hanna e Momo
et Histoire d’un homme et de son
ombre durant les trois jours du festival.
La Cie BICEPsuelle proposera elle
Les Deux du stade les deux premiers
jours, tandis que la Cie l’Afrique
dans les oreilles jouera un spectacle
de marionnettes intitulé Soundjata,
l’enfant Lion, et que Giolisu/Teatro
Pachuco fera danser ses clowns
pour un Coup de foudre et verra La
vie en rose le 31 juillet. La Cie Les
Philosophes Barbares donnera
Volatiles et féculents, la Cie 25 watts
Mythologie, et la Cie chemin de Terre
Le polichineur de tiroir, le 31 juillet
et le 1er août. Le 1er août, la Cie La
Générale Electrique déroulera son
histoire d’Ulysse et fils, une épopée
faite de marionnettes et de machines…
Le tout s’achèvera par une chorale
de 80 enfants issus de centre aérés
et de jeunes des maisons de quartier
d’Aubagne durant la nuit du 1er août,
pour clôturer le festival en musique.
Pour la 3e année, la ville de Port-Saint-Louis
s’engage dans la manifestation Septembre
en mer qu’organise l’Office de la Mer
Marseille Provence depuis 16 ans, et qui
essaime depuis peu sur un plus grand
territoire maritime.
Le programme est copieux et s’étale sur
le mois, alternant découvertes et promenades, sorties en mer et initiations aux
sports de mer… Parmi les sorties phares :
la découverte des cabanons du bord du
Rhône vous permettra de découvrir, lors
d’une traversée du fleuve, les berges, l’île
aux topies, la ville se déployant le long des
quais ; dans le même esprit, l’accueil des
cabanonniers de l’anse de Carteau et la
balade dans les parcs conchylicoles pour
une rencontre avec cette communauté
généreuse qui aime raconter l’histoire de
ces micros-paradis, sur la route de la Plage
napoléon, avec apéro-dinatoire à l’arrivée !
Une double découverte sera aussi possible
avec la sortie à bord du Chourmo, organisée
par Voies Navigables de France (VNF), pour
tout savoir du réseau fluvial, des projets de
développement, de la vie au long cours sur
les péniches de transport de marchandise,
mais aussi de l’histoire des salines et des
saliniers. Dans un autre genre, plus original,
la balade à bord d’un nego-chin (embarcation rustique à fond plat) vous permettra
d’appréhender différemment les roubines et
les étangs, avant de visiter l’exposition de
peintures marines de Jean-Marie Fraysse,
président de l’association Hisse et Oh, et
de maquettes de voiliers de Jean-Marc
Lecullée. Enfin, si vous voulez faire œuvre
de salut public, retroussez vos manches et
enfilez vos gants pour aider à nettoyer les
berges du canal Saint Antoine et rendre
au littoral marin sa splendeur naturelle !
ALICE LAY
Do. M.
Les Deux du stade, Cie BICEPsuelle © Camille Havas
34
Sans Auriol mais toujours là
du 30 juillet au 1er août
Aubagne
04 42 72 75 51
www.festimôme.fr
Septembre en Mer
du 6 au 25 sept
04 42 86 39 11
www.portsaintlouis-plaisance.fr
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Et venez
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Journalzibeline.fr
Dominos géants
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A
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surveiller, afin que le trajet ne soit pas interrompu
intempestivement. L’ambition de Dominoes est
de «transformer la ville en gigantesque terrain
de jeu de construction». À 16h tapantes, le
premier domino s’abattra sur son voisin, qui à
son tour s’abattra sur le suivant, etc.
Cette performance monumentale a déjà eu lieu
dans plusieurs cités européennes, notamment à
Londres en 2009, lors des manifestations liées au
Jeux Olympiques, et à Copenhague l’an dernier.
Remportant un succès considérable lors de
chaque édition, elle s’inscrit pour Lieux Publics
dans la continuation des grands événements
accueillis par Marseille lors de l’année 2013,
où elle était Capitale européenne de la Culture.
GAËLLE CLOAREC
Dominoes
le 28 sept
Parcours entre la Gare St Charles et
l’Ombrière du Vieux-Port, Marseille
04 91 03 81 28
www.lieuxpublics.com
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N
T
R
É
E
Régionale imagine, comme chaque année,
une série d’événements musicaux qui valent
le détour. Juste après la présentation de
saison (le 13 sept à 11h), où l’on attend
les ensembles Musicatreize, Concerto
Soave, le Gmem, l’Opéra de Marseille
et l’Odéon, le musicologue Lionel Pons...
c’est l’opérette marseillaise revisitée par
Moussu T e lei Jovents et présentée par
Jacques Bonnadier que l’on découvre
autour de Vincent Scotto et Alibert (le 18
sept à 17h).
MARSEILLE. Alcazar. Salle de Conférence
04 91 91 80 88
www.bmvr.marseille.fr
Cité de
la Musique
Dominoes à Helsinki © Simo Karisalo
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O
G
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A
M
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D’aucuns s’amusent à aligner morceaux de
sucres ou dominos en un parcours sinueux,
pour avoir le plaisir de suivre du regard les
parallélépipèdes tombant les uns sur les autres,
dans un mouvement progressif, très agréable
à l’œil. Jusqu’à ce que plus un seul ne soit
debout, et qu’il ne reste qu’à recommencer !
Plus longue -et donc potentiellement jouissivesera la chute le 28 septembre prochain : 2,5
kilomètres précisément, c’est la dimension de
la trajectoire prévue par le dispositif Dominoes,
entre la Gare Saint-Charles et le Vieux-Port de
Marseille. Conçue par le britannique Julian
Maynard Smith, de la compagnie Station
House Opera, à l’invitation de Lieux Publics,
une ligne composée de 5000 blocs de béton
cellulaire parcourra la ville. L’installation nécessitant la mobilisation de centaines de bénévoles,
le Centre National de Création en Espace Public
a lancé un appel à participation. Pour cet «acte
collectif», les biceps seront certes bienvenus
lorsqu’il s’agira de mettre en place les blocs,
mais les moins sportifs pourront également
participer, en se chargeant par exemple de les
Une saison
à
l’Alcazar
La Bibliothèque Municipale à Vocation
Avant le concert de Moussu T e lei Jovents,
autour de chansons marseillaises que le
joyeux groupe s’approprient (le 19 sept – voir
ci-dessus la présentation à l’Alcazar), on
déambule, hors les murs, dans les rues
de Digne pour le Monde est en Région
(voir p 30), au son des musiques orientales
de Fouad Didi, des cornemuses d’Eric
Montbel, de concerts et du bal sur la
Grande scène du Palais des Congrès (les
13 et 14 sept).
04 91 39 28 28
www.citemusique-marseille.com
Arabesques, Fouad Didi © Bonnet
Festival
d’Orgue
Les festivités à Roquevaire débutent avec
Soirée d’ouverture
Dirigée désormais par Didier Le Corre, la
Scène nationale de Cavaillon présentera
sa saison le 5 septembre lors d’une soirée
d’ouverture en forme de pochette surprise.
Le nouveau nom du théâtre sera dévoilé, en
compagnie de certains des artistes invités cette
année. Une soirée de fête pour découvrir une
programmation sensible et accessible, avec
l’accueil, entre autres, de plusieurs pièces
destinées à un public familial, et de nombreux
visages féminins : Anne Nguyen, Marion
Levy, Colette Garrigan, Catherine Riboli,
Pauline Bureau, Sandrine Bonnaire et Raja
Shakarna, Pascale Daniel-Lacombe, Angélique Clairand… Mais encore, Gilles Cailleau,
La Mondiale générale, la Cie Arcosm, Les
Anges au plafond, Joan Mompart, Dorian
Rossel, Olivier Letellier, Aurélien Bory,
Christian Ubl…
De.M.
Théâtre de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
le Quintette de Cuivres de Marseille
emmené par le tubiste Thomas Leleu. Les
trompettes et trombones rivalisent avec les
tuyaux de Cochereau manipulés de la console
mobile par Maurice Clerc (le 12 sept). C’est
ensuite Musica Antiqua Mediterranea
(dir. Christian Mendoze) qu’on entend
dans un programme baroque autour du
Stabat Mater de Pergolèse interprété par
la soprano Lucille Pessey et la mezzo
Patricia Schnell. Nicolas Loth est aux
claviers (le 14 sept).
ROQUEVAIRE. du 12 sept au 19 oct
04 42 04 05 33
www.orgue-roquevaire.fr
Couturiers
et Costumiers
L’Odyssée de Pi de Ang Lee © 20th Century Fox
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Jusqu’au 20 septembre, Tilt présente la
19e édition de Ciné Plein-Air Marseille ; des
projections du nord au sud de la ville, à
partager à la tombée de la nuit, sous les
étoiles. L’occasion de (re)découvrir de grands
classiques tels que Le Gentleman d’Epsom de
Gilles Grangier avec Jean Gabin et Louis de
Funès, ainsi que le premier volet de Retour
vers le futur de Robert Zemeckis, les 17 et
18 juillet. À voir également, le génie comique
des Marx Brothers dans Un jour aux courses
de Sam Wood le 23 juillet, le multi-oscarisé
L’Odyssée de Pi de Ang Lee le 25, ou la comédie ensoleillée de Lucien Jean-Baptiste et
Philippe Larue, 30° Couleur, le 31 juillet.
Les fans d’Audrey Hepburn et Jean-Paul
Belmondo seront à la fête les 7 et 8 août
avec Drôle de Frimousse de Stanley Donen
et L’homme de Rio de Philippe de Broca.
Pour les plus jeunes, des films d’animation
Les Enfants Loups, Ame & Yuki de Mamoru
Hosoda le 15 août, et Moi, Moche et Méchant
2 de Chris Renaud et Pierre Coffin le 5
septembre. La Vieille Dame Indigne de René
Allio clôturera l’événement le 20 septembre.
Ciné Plein Air, Marseille
04 91 91 07 99
www.cinetilt.org
Le 6e Festival en plein air de Visan qui se tient
jusqu’au 17 août, sur le thème Couturiers
et Costumiers, propose cinq projections à
21h30, place du Jeu de Paume : le 8 août, le
chef-d’œuvre de Blake Edwards, Diamants
sur canapé avec Audrey Hepburn ; le lendemain, Peau d’Âne de Jacques Demy ; le
10 août, Le Couturier de ces dames de Jean
Boyer. Puis ce sera L’Assassin habite au 21
de Henri-Georges Clouzot et pour finir,
Ridicule de Patrice Leconte, en présence
de Christian Gasc, César des meilleurs
costumes pour le film et invité d’honneur
du festival..
Ciné-Visan
07 82 11 80 11
www.cine-visan.fr
Cotoyez ceux qui
font le cinéma
Yoyo de Pierre Etaix © Les Films de la lune vague
Ciné Plein-Air
à Marseille
Du 12 au 14 septembre, Cotoyez ceux qui font
le cinéma à la 11e édition des Rencontres
Cinématographiques de Cavaillon organisées par Ciné Plein Air et animées par le
critique Xavier Leherpeur. Au programme,
les films cultes de Pierre Etaix, invité ainsi
que Jean-Claude Carrière, Pascal Elbé dont
on pourra voir Tête de turc (2009), au total
une douzaine de longs métrages, 9 tables
rondes pour mieux connaître les «coulisses»
du cinéma et une exposition.
Ciné Plein Soleil, Cavaillon
www.rencontrescine-cavaillon.fr
Instants d’été
Peau d’Âne de Jacques Demy © Ciné Tamaris
Écrans sous les étoiles
Jimmy’s Hall © Sixteen Films
Jusqu’au 27 juillet, L’Alhambra Cinémarseille
présente Écrans sous les étoiles 2014 ; une
tournée de cinéma en plein-air dans les cités
et quartiers des 15e et 16e arrondissements.
Au programme notamment, la comédie
Afrik’Aïoli de Christian Philibert le 24 juillet, le
drame historique Jimmy’s Hall de Ken Loach
du 23 au 27 juillet, ou encore Black Coal de
Yi’nan Diao, lauréat de l’Ours d’Or Berlin
2014, du 16 au 22 juillet. Les spectateurs
pourront également (re)découvrir le dernier
Jean-Luc Godard, Adieu au Langage, lors de
séances spéciales en 3D les 17 et 24 juillet à
21h. Le Jeune Public n’est pas oublié avec
entre autres, Maléfique de Robert Stromberg
du 16 au 22 juillet, Le Conte de la princesse
Kaguya de Isao Takahata du 23 au 27 juillet
et, du 16 au 27 juillet, le Cinéma des Minots,
quatre courts-métrages d’animation pour
les enfants à partir de 2-3 ans.
Cinéma Alhambra, Marseille
04 91 03 84 66
www.alhambracine.com
Tout au long de l’été, la ville d’Aix-en-Provence, l’Institut de l’image et l’association
Tilt proposent des projections cinématographiques en plein air à la tombée de la
nuit, au cœur des parcs et jardins de la ville.
Les spectateurs pourront notamment (re)
découvrir Mud de Jeff Nichols avec Matthew
McConaughey et Reese Witherspoon le
20 juillet, le ciné-concert Maciste (de Luigi
Romano et Vincento Derizot) par le duo
Archipass (le 24 juillet), ainsi que le chefd’œuvre de Jacques Demy, Lola, le 27 juillet.
Le 3 août, les courts métrages du Festival Tous
Courts seront à l’honneur avec, entre autres,
Abu Rami de Sabah Haider, Les Lézards de
Vincent Mariette ou Los Retratos de Iván
D. Gaona. Au programme également, la
comédie déjantée de Richard Curtis Good
Morning England le 10 août et le long métrage
d’animation Une vie de chat d’Alain Gagnol
et Jean-Loup Felicioli le 24 août. Enfin, la
programmation se terminera le 31 août
avec un classique du cinéma : La fureur de
vivre de Nicholas Ray avec James Dean et
Nathalie Wood. Entrée gratuite.
jusqu’au 31 août
Aix-en-Provence
04 42 91 99 19
www.aixenprovence.fr
www.citedulivre-aix.com
La fureur de vivre de Nicholas Ray © Carlotta films
Lussas in docs
Du 17 au 23 août, se tiendra la 26e édition des États
Généraux du Documentaire à Lussas, petit village
près d’Aubenas, en Ardèche. On y retrouve comme
chaque année deux ateliers auxquels il faut s’inscrire
rapidement pour pouvoir y participer : le 1er, Le cadre,
entre intuition et intention, essaiera de cerner les
enjeux du cadre au cinéma et le 2nd, Soulèvements,
révoltes, le sursaut des images, s’intéressera aux
images d’amateurs ou de cinéastes qui tentent
de représenter les bouleversements de l’histoire.
Expériences du regard réunira une vingtaine de films
de l’espace francophone. La Route du doc explorera
la production documentaire néerlandaise récente,
et Histoire de doc fera connaître l’histoire du cinéma
documentaire italien méconnu, en Italie comme
ailleurs. Fragments d’une œuvre montrera le travail de
deux cinéastes, le Suédois Eric M. Nilsson, auteur de
documentaires classiques, de films de cinéma direct,
d’opus poétiques sans commentaire et d’essais ;
et Sándor Sára, cinéaste majeur dans l’histoire du
cinéma hongrois des années 60 aux années 2000.
Dans Tënk, qui signifie en wolof «résume-moi ta
pensée», on verra venus de l’Océan indien, du Caucase,
de Sibérie, d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale
et d’Europe francophone, des films qui émergent
des rencontres de coproductions équitables. Et
bien sûr, la journée SCAM-Brouillon d’un rêve, des
rencontres professionnelles et après la journée
SACEM, la traditionnelle Nuit de la Radio à SaintLaurent-sous-Coiron, un programme radiophonique
tissé avec les archives de l’Ina, en partenariat avec
Radio France, où les festivaliers sont invités à se
perdre dans «L’Esprit des lieux». De quoi finir l’été
en cinéma !
ANNIE GAVA
États généraux du film documentaire, Lussas
du 17 au 23 août
04 75 94 28 06
www.lussasdoc.org
Spartacus et Cassandra de Ioanis Nuguet
Erratum
Dans Zibeline 75, nous avons écrit Tsai Ming Liang au
lieu de Wang Bing, président du Jury de la Compétition
Internationale du 25e FID. Nos excuses confuses aux
cinéastes !
A.G.
Les Chibanis
oubliés
40
C
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É
M
A
Perdus entre deux rives, les Chibanis oubliés de Rachid Oujdi
Ils marchent à petits pas, les Chibanis, quand
ils le peuvent encore, appuyés sur des cannes,
des béquilles. Ils vivent à Marseille dans des
foyers, des centres d’accueil, en butte à des
tracasseries administratives indécentes. Ils
sont vieux, pauvres, seuls. De 50 à 70, ces
travailleurs immigrés, gens de peine, gens
de peu, sont venus d’Algérie pour construire
nos routes, nos immeubles. Espérant un
retour rapide au pays, ils ont laissé au bled
femmes et enfants, ne les revoyant qu’une fois
l’an, au mieux. Ils ont connu l’indigénat de la
France coloniale, la guerre d’indépendance,
les Trente Glorieuses, n’ont pas bénéficié
du regroupement familial, sont devenus des
pères et des époux absents, pourvoyeurs de
mandats. Ils ont traversé l’Histoire s’effaçant
peu à peu de la mémoire collective. «Émigré»
là-bas, «Bougnoule» ici, «rêvant en français,
pleurant en kabyle». Piégés à la fois par le
temps qui les a éloignés définitivement des
leurs et par la loi française qui les contraint
à demeurer sur le territoire pour percevoir
les maigres allocations complétant leur
retraite-aumône. Dans Perdus entre deux rives,
les Chibanis oubliés, Rachid Oujdi reconstitue leurs parcours singuliers, juxtaposant
témoignages et images d’archives. Il les
saisit frontalement en gros plans, ou de dos,
face à la mer de l’impossible retour, élargit
le cadre pour suivre leurs corps rompus, à
la démarche incertaine, ou bien, les filme,
attablés, derrière les vitres embuées d’un
bistrot de Belsunce, jouant aux dominos
du destin, et déjà s’estompant. Ni colère, ni
ressentiment en eux, de l’humour malgré
la souffrance et une dignité qui force le
respect. Présents avec le réalisateur, ce
27 juin, aux Variétés, ils ont bouleversé le
public venu découvrir, à guichets fermés, en
avant-première, ce film made in Marseille
et le cadeau de Rachid : un clip tourné pour
le groupe toulousain Zebda dont un extrait
du futur album en résonance directe avec le
travail du cinéaste, sera en ligne début juillet.
ELISE PADOVANI
Le film Perdus entre deux rives, les Chibanis oubliés
a été projeté le 27 juin au cinéma Les Variétés, à
Marseille, et diffusé le 4 juillet sur France 3
Je t’ai (encore) dans la peau
En 1988, Jean-Pierre Thorn
tournait à Marseille Je t’ai dans
la peau, un film «délibérément
hybride, impur, sur la corde raide
entre réalité et fiction», inspiré par
l’histoire de Georgette Vacher, une
militante syndicale qui, s’étant
vu retirer ses responsabilités en
1981, a fait «une dernière action
libre» : se suicider. «C’est la fin
d’une grande histoire d’amour
avec la classe ouvrière, je suis le
dos au mur» écrit-elle dans sa
dernière lettre.
Dans le film de Thorn, Georgette
est Jeanne Rivière, incarnée
magnifiquement par Solveig
Dommartin (Marion, la belle
trapéziste des Ailes du désir de
Wim Wenders). Directeur de la
photo, Denis Gheerbrant, assistants à la réalisation, Jacques
Reboud et Achille Chiappe qui
a filmé repérages et tournage :
quinze heures de rushes. Le film
est sorti le 15 juin 1990 dans 4
salles, «peu de chance à cette
histoire d’une nonne devenue
ouvrière et syndicaliste.»
Plus d’un quart de siècle après,
Film flamme et Les Éditions Communes décident de faire resurgir
ce film, «rayé de la carte», disparu
des mémoires de beaucoup de
Marseillais. Comment ? Et bien
Je t’ai dans la peau
de Jean-Pierre Thorn
Cinéma hors capital(e)
numéro 3, 208 pages
DVD encarté Je t’ai dans la peau
de Jean-Pierre Thorn (118’)
et
Traces de Je t’ai dans la peau
d’Achille Chiappe (29’15’’),
25 euros
Je t’ai dans la peau de Jean-Pierre Thorn
en éditant un livre-DVD, «un
travail d’artiste sur mon propre
travail» a précisé Jean-Pierre
Thorn, présent le 28 juin, pour
sa sortie, au Polygone Étoilé,
où l’on a pu voir le documentaire
que Chiappe a réalisé avec ce
matériau précieux qui fait revivre
le cinéma à Marseille à la fin des
années 80.
Le livre donne la parole à des
militants ouvriers qui ont participé à cette aventure, refusant
l’effacement de la mémoire, aux
cinéastes Jean-François Neplaz
et Kiye Simon Luang (dont la
chronique du film Tuk tuk est à lire
sur le site www.journalzibeline.
fr) et propose une conversation
passionnante entre Jean-Pierre
Thorn et Serge Daney en mai
1990.
Saluons donc cette heureuse
initiative de Film Flamme et de
Martine Derain des Éditions
Commune qui permet à tous
ceux qui s’intéressent au cinéma
de (re)voir ce film oublié et de
revisiter l’histoire du cinéma.
ANNIE GAVA
La Blanche
de Gallimard
C. Honoré © AS. Le Boursicaud
Brillant, avec un esprit à sauts
et gambades, Christophe
Honoré a fait le bonheur des
dernières Écritures Croisées de
la saison à la Cité du livre. Sa
pensée chatoyante sans cesse
reformule, recherche au plus
près la justesse, recontextualise,
dans une perpétuelle remise
en question. Il est vivifiant de
le voir secouer la tête lors de
certaines citations, évoquées en
argument d’autorité, «qu’est-ce
que j’ai pu dire comme conneries
à l’époque !», ou encore à la suite
d’une lecture (celle d’un extrait
de Torse nu) : «Je viens de voir la
réalité, que c’est mal écrit ! Un
enfant ne dit jamais ça.» Lors
de la Rencontre Littérature jeunesse, avec Dominique Masdieu
(L’école des Loisirs) qui évoque
sa voix nouvelle destinée aux
ados, frontale, drôle, il précise
les conditions de ses premiers
pas dans la littérature jeunesse,
son désir de partir à Paris faire du
cinéma son travail d’animateur
qui lui permet de rencontrer la
littérature jeunesse, l’écriture
de Tout contre Léo, son édition
par Geneviève Brisac ; «en 1995
le sida était très présent, un livre
pour enfants avec maladie et
deuil s’imposait». Il raconte son
irritation de voir ce livre réduit
à un fait de société quand il est
étudié dans les classes, «je
voulais parler de littérature, le
vrai sujet du livre repose sur le fait
que pour préserver un enfant, on
érige le mensonge en vertu, et le
lien familial devient empoisonné».
D. Masdieu pose la question de
la mort fondatrice dans ses
livres : «J’ai perdu mon père à
15 ans, longtemps j’ai cru que je
me suis mis à écrire pour ça… Le
rapport entre la littérature et la
mort est essentiel, ce n’est pas
tant comment on se construit, mais
comment on vit avec cette rupture
à porter, comment continuer après.
Quand la télé a voulu porter le
livre à l’écran, Léo ne mourait
pas. J’ai refusé. Il faut faire preuve
de loyauté envers les enfants. Il
faut suivre la construction de la
tragédie : la catastrophe annoncée
doit avoir lieu.» Honoré explique
ensuite qu’il ne croit pas au
rôle pédagogique des écrivains
jeunesse, mais que l’exercice de
chercher qui a écrit et pourquoi
est fondateur. «Si on veut réfléchir
sur la littérature jeunesse, il faut
avoir une vision de la littérature
adulte. Les livres jeunesse sont
aussi des réponses de leurs
auteurs à la littérature adulte.»
Au cours de la discussion à bâtons
rompus avec Marie Desplechin,
les deux écrivains évoquent leur
relation à l’écriture, se demandent
pourquoi ni l’un ni l’autre n’écrit
plus de livre pour adulte depuis
des années, préférant d’autres
formes, dont le documentaire.
Dans l’époque quelque chose
nous fait douter de nous en
tant qu’auteurs. Y aurait-il un
affadissement de l’idée du grand
écrivain, modèle XIXe ? «Quand
tu réussis une vraie fiction, c’est
beau car tu es passé dans le
symbolique». Marie Desplechin
souligne qu’elle n’a pas envie de
s’enfermer dans un genre. Écrire
sur soi ? Oui, certes, mais aucun
des deux n’apprécie la suite donné
dans la critique, on vous parle
de vous ensuite, au lieu de votre
écriture, est-ce bien intéressant ?
La forme littéraire interroge le
monde, insiste Honoré, «quand
je lis Sarraute, cela m’apporte
autant sur la vision du monde qu’un
roman américain sur la guerre du
Vietnam». Il faudrait un Zibeline
entier pour transcrire la richesse
de cet extraordinaire duo… Un
simple conseil : lisez-les, leur
écriture ouvre des portes. Eux
aussi devraient avoir la consécration de la Blanche de Gallimard !
MARYVONNE COLOMBANI
À la rencontre de Christophe Honoré
a eu lieu du 25 au 27 juin, à la Cité
du Livre, Aix-en-Provence
En Méditerranée,
des femmes…
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Amira Chaibi, Méditerranéennes, mille et un combats de Serge Moati © Image & Compagnie
La Villa Méditerranée
a fait salle comble
le 29 juin pour la projection,
proposée par le CMCA, de
Méditerranéennes, mille et
un combats, en présence du
réalisateur Serge Moati
Michel Vauzelle, Président du Conseil régional
PACA, arrivé de Camargue et s’excusant…
de sa tenue décontractée, a rappelé que la
Villa Méditerranée, un rêve d’enfant, était
le lieu où la «diplomatie participative des
deux côtés de la Méditerranée pouvait se
réunir, lieu de rencontres, de conférences et
de débats». Serge Moati a évoqué son fort
attachement à la Méditerranée et a présenté
son documentaire, tourné entre janvier et mai
2013, dans l’espérance après les «révolutions
de la dignité» et la nouvelle inquiétude surtout
pour l’Égypte, un hommage à des femmes
belles, qui ont pris des risques et qu’il veut
nous faire rencontrer.
Effectivement, c’est une mosaïque de portraits
qu’il nous présente, commentant, en voix
off leurs «mille et un combats», voix dont
on aurait pu aisément se passer, tellement
forte est la parole de ces Égyptiennes, Israéliennes, Marocaines, Grecques ou Espagnoles
engagées. Que ce soit l’Égyptienne Shahinaz
-
Abdel Sala, ingénieure et blogueuse,
la chanteuse Emel Mathlouthi dont
le tube Kelmti Horra, symbole musical
de la révolution tunisienne, fait vibrer,
l’Israélienne Daphni Leef, initiatrice de
la révolte des tentes à Tel Aviv, Asma
Agbarieh, Arabe vivant en Israël qui
réclame la justice sociale, ou l’Espagnole
Ada Colau, «indignée» par les expulsions,
toutes évoquent leurs luttes contre le
régime, la politique de leur pays et les
injustices. Elles parlent aussi beaucoup
du corps des femmes, caché, voilé,
surveillé, enfermé, utilisé, violé et que
certaines ont osé dénuder comme Aliaa
Elmahdy, jeune étudiante cairote ou la
Tunisienne Amina Sboui. Ce corps qui
sert aussi à exprimer leur révolte, comme
l’actrice et danseuse tunisienne Amira
Chebli, ou la danseuse égyptienne Sama
Al-Masri qui se moque des islamistes.
Et on n’oubliera pas non plus cette
travailleuse sociale marocaine de 72
ans, Aicha El Feena, attaquée pour
«incitation à la débauche» quand elle
lutte pour les enfants nés hors mariage.
«On se doit de rêver en Méditerranée»
suggère l’écrivaine tunisienne Fawzia
Zouari. Alors rêvons avec elles et ne
baissons pas les bras !
ANNIE GAVA
Le documentaire Méditerranéennes,
mille et un combats de Serge Moati
a été projeté le 29 juin
à la Villa Méditerranée, à Marseille
CMCA, Marseille
Centre Méditerranéen de la Communication
Audiovisuelle
04 91 42 03 02
www.cmca-med.org
Entre vous et moi
Le village plan, Alain Pontarelli, jardin d’Arteum,Châteauneuf-le-Rouge, 2014 © X-D.R
Dans la continuité du cycle «Le chez
soi et l’ailleurs» initié en 2012, Arteum
propose à Chloé Fourestier, Raoul Hébréard, Amandine Maria et Alain Pontarelli
d’investir le parc du château et les salles
d’exposition. À leur côté, deux artistes
présentées par deux nouvelles structures
partenaires : Karimah Ashadu (voyons
voir, art contemporain et territoire) qui
explore dans son film expérimental Re-trace
une performance hautement physique
réalisée en extérieur dont on saisit les
mouvements et les sons ; Julie Perrin
(Hydrib) qui dépose au sol les restes
d’un banquet que l’on imagine sensuel :
objets, accessoires, aliments, détritus
et annotations manuscrites décapent la
représentation par Manet d’un déjeuner
sur l’herbe paisible.
Dedans/dehors, intérieur/extérieur, architecture/paysage : «l’appropriation du lieu en
tant qu’abri, toit, hébergement» qui constitue
le socle de l’exposition Toits et moi se décline
dans un jeu de correspondances entre
les œuvres in situ et sur les cimaises. Un
carreau de fenêtre a été brisé pour jeter
une passerelle visuelle, le déjeuner a été
déplacé sur le parquet, l’arbre du dehors
pénètre dans le musée par l’entremise des
photographies de Chloé Fourestier qui
déplacent le point de vue. Prises dans son
atelier, les photographies des Archicages
et des Cages laborieuses d’Alain Pontarelli
emprisonnent son propre corps tandis que
un chapitre de la série Généric House avec
Un jour, le début constitué d’une cabane de
jardin aux murs aveugles, en plaques de
zinc, de silhouettes d’arbres en caoutchouc
dilué sur papier calque, et de continents
à la dérive, en céramique, haut perchés
sur de fines tiges de bois.
Étrangement, on quitte Toits et moi avec une
sensation d’insatiabilité, d’incomplétude.
Pourtant ni la qualité des œuvres ni le
choix des artistes ne sont remis en cause,
l’ensemble est cohérent et juste. On espérait
plus d’œuvres éphémères en extérieur
pour dessiner un véritable parcours, mais à
l’heure des restrictions budgétaires, difficile
pour Arteum de vivre en 2014 la belle
envolée de 20131. Pour mettre en œuvre
sa nouvelle programmation et assurer sa
pérennité, il lui faudra nouer de nouveaux
partenariats, inventer de nouvelles formes
d’échanges. Déjà Paréidolie et l’École d’art
d’Aix ont répondu à ses attentes.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
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Le village plan posé sur la pelouse fait barrage à notre regard, sauf quand de petites
meurtrières multiplient les perspectives.
La série de dessins finement exécutés
par l’architecte-paysagiste Amandine
Maria absorbe la réalité géographique de
la barrière du Cengle à Châteauneuf-leRouge, créant un paysage imaginaire aux
légendes poétiques. Raoul Hébérard écrit
En 2013, Arteum participait au projet du Frac, Ulysses
Toits et moi
jusqu’au 19 juillet en intérieur
jusqu’au 26 septembre en extérieur
Arteum, Châteauneuf-le-Rouge
04 42 58 61 53
www.mac-arteum.com
Vue d’ensemble © P. Dallanegra
salle, pour un défilé passionnant : Collection
Moyen Âge du XIIIe au XVe. Une première
étape que l’on pourrait qualifier de théorique,
présente de grands panneaux explicatifs,
dessins à taille humaine remarquablement
documentés de Patrick Dallanégra qui use
de tout son talent d’illustrateur pour rendre
avec une méticuleuse précision les parties
des costumes de cour, des armures. On
perçoit les constantes, les évolutions, on se
laisse séduire par le vocabulaire, gambison,
heaume dit tête de crapaud... puis, c’est
la merveille des costumes reconstitués
par Nathalie Harran, richesse des tissus,
beauté des drapés. Le vêtement détermine les
groupes sociaux, les époques… les serviteurs
du Roi René adoptent le noir et le gris, la
houppelande du XIIe s’ouvre par un col en «v»
au XVe, les physiques changent, les épaules
des messieurs s’élargissent, les tailles des
femmes s’affinent, on porte en collier ou à
la manche une «pomme de senteur», les
coiffes se modulent, on rase le haut du front
pour le hennin, les robes se raccourcissent
pour les messieurs, sauf les vieillards et les
sages dont la longue robe subsiste chez nos
magistrats. Les salles se peuplent, prennent
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De la chimère à l’autruche
La magie du château de Tarascon, outre son
architecture de conte de fée, ses dédales,
ses retournements, ses escaliers dérobés,
tient aussi au fait qu’il est habité par de
remarquables expositions. Cet été, le touriste
gâté pourra en découvrir deux, qui tissent entre
elles et le lieu de singulières correspondances.
La première, composée par l’association
Artesens, Les ailes du serpent, nous introduit
dans un bestiaire fantastique du Moyen Âge
suivant un parcours qui convoque tous les
sens, si bien que voyants ou non-voyants y
trouvent le même intérêt. Expérience à vivre
plus qu’à décrire, il faut fermer les yeux
pour voir avec les mains, reconstituer du
bout des doigts basilic, centaure, licorne,
dragon, sirène, griffon, chimère, sphinx et
bien sûr tarasque (sic !). Leurs échos se
dévoilent au cours d’un vrai jeu de piste,
(grâce à l’excellent fascicule destiné aux
enfants À la recherche de l’œuf mystère).
Les mythes traversent les époques, nos
monstres s’inscrivent dans la continuité
des chimères. Puis, on respire les parfums
de l’Orient, l’imaginaire se nourrit des fragrances de terres lointaines… on abandonne
le scriptorium magnifié par l’ampleur de la
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leurs véritables dimensions à l’aune de ces
personnages qui leur rendent leur lustre. On
apprend, on admire, on s’étonne. L’érudition
se met à notre portée. Un régal !
MARYVONNE COLOMBANI
Visites thématiques tous les jeudis matins
(compter 1 à 2 heures)
Les ailes du serpent
jusqu’au 30 septembre
Mode et costumes, collection Moyen Âge
jusqu’au 31 octobre
Château de Tarascon
04 90 91 01 93
www.chateau.tarascon.fr
Vibrations
Un des papes de l’Op Art dans le
temple aixois de l’art cinétique : Carlos
Cruz-Diez. Une exposition qu’on aurait
appréciée plus dense. Mais la Fondation
Vasarely en rénovation poursuit sa
résurrection
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Dans la querelle historique du dessin et de la
couleur, cette dernière, cherchant son autonomie, trouve à la mi-temps du siècle dernier
un de ses points d’orgue avec l’art cinétique
et l’Op Art. Face aux usages conventionnels
de la couleur, nombre de plasticiens dont
Victor Vasarely ou Carlos Cruz-Diez (né en
1933) proposent de nouvelles esthétiques en
vue de s’émanciper des diktats dessin/forme/
couleur et de l’image bidimensionnelle, de
la narration ou l’anecdote pour s’intéresser
aux effets perceptifs, aux mélanges optiques,
aux jeux des couleurs complémentaires
(jaune/violet, rouge/vert, bleu/orangé) et
de vibrations dans des dispositifs visuels
complexes, pour construire aussi des espaces
ou des environnements immersifs incitant le
visiteur à des expériences nouvelles, lui-même
appelé à devenir un acteur nécessaire de
l’œuvre. Il s’agit aussi de l’avènement d’une
autre modernité qui semble aujourd’hui un
peu daté. Ainsi les Chromosaturations ou
les Douches d’Induction Chromatique qui
apparaissent élémentaires à l’heure des
Une des Chromosaturation montrée pour la première fois en 1969 à Paris, Carlos Cruz-Diez, Fondation Vasarely, 2014 © C. Lorin/Zibeline
environnements multimédia. Pourtant dès
1995, avec l’Expérience Chromatique Aléatoire
Interactive, Carlos Cruz-Diez proposait déjà
une application numérique interagissant
avec certaines de ses œuvres. «J’ai créé une
partition chromatique que l’on peut utiliser pour
interpréter mon œuvre, comme un musicien
ou un chef d’orchestre peut interpréter une
composition musicale.» On aurait aimé
en découvrir plus -plusieurs panneaux
pédagogiques présentent des intégrations
architecturales et urbanistiques- mais nous
butons ici sur les limites de l’exposition
itinérante présentée dans un bâtiment en
cours de réhabilitation. Nonobstant, on se
plaît à imaginer les potentialités pour le futur
avec des événements conçus spécifiquement
pour cette institution, lorsque la rénovation
de la fondation sera enfin parvenue à son
terme.
CLAUDE LORIN
Cruz-Diez
Circonstance et ambiguïté de la couleur
jusqu’au 10 septembre
Fondation Vasarely, Aix-en-Provence
04 42 20 01 09
www.fondationvasarely.org
À lire
Carlos Cruz-Diez, Réflexion sur la couleur
1989, réed. 2013, Édition des Beaux Arts
Henry Pearlman,
un collectionneur avisé
Portrait de jeune femme de Courbet, Jeune
femme au chapeau rond de Manet, La diligence
de Tarascon de Van Gogh, seize aquarelles de
Cézanne, sculpture et peintures de Modigliani,
bas-relief de Gauguin, un bel ensemble de
toiles de Soutine… c’est dire si la collection
Pearlman met l’eau à la bouche ! Le musée
Granet à Aix semble s’être spécialisé dans
l’accrochage de chefs-d’œuvre appartenant
à la sphère privée internationale : après la
collection de Frieder Burda, Philippe Meyer
et Jean Planque, celle de l’américain Henry
Pearlman s’offre pour la première fois
deux haltes en Europe, à Oxford et à Aix…
c’est dire si l’événement est exceptionnel !
D’autant que le musée Granet rassemble
la quasi-totalité de la collection. Au seuil de
l’exposition, un portrait peint par Kokoschka,
un autre gravé dans le bronze par Lipchitz
révèlent la bonhommie de celui qui aura
une véritable révélation face à Soutine, qui
deviendra collectionneur sur le tard, garnira
son bureau de ses acquisitions pour profiter
de leur proximité et entretiendra avec les
artistes installés en France -notamment Léo
Marchutz à Aix- des relations privilégiées.
Subjugué par la force souterraine des toiles
de Soutine dont la Vue de Céret fut l’élément
déclencheur de sa passion, arpenteur des
sites cézaniens, co-fondateur du comité
de sauvegarde de l’atelier des Lauves, le
new-yorkais n’hésitait pas à bousculer le
conformisme de la société américaine de son
époque. N’a-t-il pas fait entrer aux États-Unis
Te Fare Amu de Gauguin, un bois polychrome à
la nudité sans équivoque ? Le fil chronologique
de la scénographie souligne l’habileté de
ses choix, leur cohérence, son attention
particulière aux bruissements de l’avènement
de l’art moderne. Car Henry Pearlman fut
bien plus qu’un amateur d’art : il s’intéressa
rapidement aux courants d’art en devenir,
enrichit ses connaissances historiques et
esthétiques, fréquenta les ateliers et les
musées. C’est sans doute ce «supplément
d’âme» qui entoure d’une ombre particulière
cette collection exemplaire. Bien avant que
l’art ait la cote au CAC 40.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Chefs-d’œuvre de la collection Pearlman,
Cézanne et la modernité
jusqu’au 5 octobre
Musée Granet, Aix-en-Provence
04 42 52 88 32
www.museegranet-aixenprovence.fr
Paul Cézanne (1839-1906), Baigneur debout vu de dos, 1879-82
(huile sur toile, 27 x 17,1 cm) © Fondation Henry et Rose Pearlman –
Prêts de longue durée au Princeton University Art Museum
Ateliers
en plein Cours
Robert Doisneau, Georges Braque, 1953. Collection Musée d’art Moderne de la ville de Paris © Agence Gamma Rapho
Une fois encore, mais pour
la dernière fois (voir Zib’75),
la Galerie d’Art du Conseil
Général propose en plein
Cours Mirabeau, à la portée
des passants curieux, des
vacanciers et des amateurs
d’Art, une exposition qui éclaire
intelligemment le travail des
artistes. Les Ateliers d’artiste
de Picasso à Warhol permettent
d’entrer dans l’intimité des
peintres et de les surprendre
à l’œuvre, mais aussi de voir
évoluer le regard de très
grands photographes. Car
le regard qu’ils portent sur
ces ateliers, la façon dont ils
composent leurs images et
mettent en abime la création,
les créateurs, retrace autant
l’évolution intime des grands
artistes, que l’histoire de la
photographie de cette période.
Ainsi c’est à travers une porte
ouverte qu’on aperçoit Matisse
croquant son modèle nu (Brassaï, 1933) tandis que Klein
invite tranquillement le sien,
barbouillé, à venir se frotter
contre sa toile pour y laisser
son empreinte (Hans Shunk,
1962). Clovis Prévost photographie l’œuvre de Miro perturbée par une chaise, tandis
qu’André Villers cadre Picasso
à l’œuvre sur un escabeau, ou
méditant debout, que Doisneau
éclaire les mains et le visage
de Braque, qu’Hans Namuth
capte le geste large de Pollock.
Quant à Cartier Bresson il
met ironiquement en scène,
représentant Avidgor Arikha
mimant son autoportrait,
alors que Gautier Deblonde
fait disparaître ses artistes,
s’attachant au seul rythme
rangé de leurs œuvres. Puis
l’atelier évolue vers le large,
le Land art, le désaffecté, puis
disparaît…
Comme toujours, mais pour la
dernière fois, la Galerie d’Aix
propose un très beau catalogue,
des ateliers pour enfants, une
véritable médiation vers la
facture de l’Art. Une fermeture
décidément regrettable.
AGNÈS FRESCHEL
L’œuvre photographiée :
Les ateliers d’artiste de Picasso
à Warhol
jusqu’au 21 septembre
Galerie d’Art du CG 13,
Aix-en-Provence
04 13 31 50 70
www.galerie-art-cg13.fr
Buren terrasse Le Corbusier
Au MaMo, après Xavier Veilhan,
Daniel Buren bouleverse la terrasse
rigoureuse du Corbu
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Au sortir de l’ascenseur au neuvième étage
de l’Unité d’Habitation de Marseille (dite Cité
Radieuse), on débouche sur un des points
de vue culminant remarquable de la ville.
Non que le béton brut historique, austère
et vieillissant, soit des plus réjouissants.
Mais l’installation conçue par Daniel Buren
a transformé cette terrasse (accessible gratuitement) en une cour de jeux comme un
écho au projet corbuséen de crèche-garderie
aujourd’hui désaffectée (idem du gymnase
devenu salle d’exposition occupée par une
monumentale installation vitrail/miroir).
D’emblée le travail du maître de l’in situ
contraste avec le lieu comme celui-ci rompt
avec le ventre orthogonal du bâtiment clos
sur lui-même. Cette occupation complexe
bouleverse l’axe nord/sud de l’architecture,
avec comme acteurs principaux, couplés aux
éléments colorés reprenant les mosaïques
murales originelles, les miroirs. Ceux-ci
redoublent d’effets : inclusion extérieur/
intérieur, intégration/fragmentation, démultiplication/éclatement des perspectives,
condensation/expansion des espaces, captation/renvoi/perdition du regard, admission
des modifications atmosphériques dans le
permanent. L’idée même de point de vue et
du pittoresque en prend un sacré coup dans
ces renvois d’infinis reflets. D’où l’«infini»
contenu dans le titre quelque peu sibyllin ?
Il ne nous a pas été possible lors de notre
visite de recueillir les éclairages de l’auteur
Daniel Buren, Fini, Défini, Infini, travail in situ, MaMo, Marseille, 2014, vue partielle © C.Lorin/Zibeline
sur ce point, comme sur l’ensemble de sa
démarche. Dommage. Car Daniel Buren
n’en est pas à sa première réalisation dans
la région. La confrontation avec ses projets
récents à Istres (voir Zib’65 et 70) aurait
pu être fructueuse, ou, encore, avec cette
commande plus ancienne, à Marseille, de
1989, disparue depuis, et conçue pourtant
pour être pérenne, le Mât des Fédérés. On
s’interrogera sur un autre point mis en avant
dans le dossier de presse : «Cette nouvelle
exposition a été rendue possible grâce au
programme Audi talents awards -mécène
principal du MaMo- dont la vocation est de
détecter, soutenir et accompagner des talents
émergents depuis 2007.» Daniel Buren, un
artiste prometteur.
CLAUDE LORIN
Défini, Fini, Infini
jusqu’au 30 septembre
MaMo, centre d’art de la cité Radieuse,
Marseille
01 42 46 00 09
www.mamo.fr
Se vêtir pour les courses
À partir du XIXe siècle, les courses hippiques
ont fait fureur en France, comme ailleurs en
Europe, et les grandes villes se sont dotées
d’équipements adéquats pour accueillir
sportifs et spectateurs. Lieux de rendez-vous
des classes aisées, sans que les couches
populaires n’en soient exclues, les hippodromes déclenchent autant le frisson du jeu
que celui de la séduction. La tenue vestimentaire joue un grand rôle dans la sociabilité de
l’époque : on se retrouve aux courses pour
parader, décocher des oeillades -voire des
regards verts de jalousie- et échanger des
adresses de modistes. À tel point qu’à la fin
du siècle, pour appâter les élégantes, les
jeunes maisons de haute-couture y envoient
leurs mannequins, revêtus de leurs dernières
créations. On apprendra tout ceci et bien
plus encore en se rendant aux abords de
l’Hippodrome Borély, entré en service le 4
novembre 1860. Le Musée des Arts décoratifs,
de la faïence et de la mode accueille une
Hippodrome Borely en 1860 © Gaëlle Cloarec
exposition rafraîchissante, parfaite en saison
estivale, au Château Borély. Répartie au cœur
des collections permanentes du musée, elle
permet de découvrir l’évolution de la mode
aux courses entre 1850 et 1950, période où le
faste vestimentaire s’est quelque peu terni.
La commissaire d’exposition et directrice du
Château Borély, Christine Germain-Donnat,
a composé un parcours chronologique érudit
sans être pesant, pétillant sans futilité. Grâce
à sa collaboration féconde avec Alexandre
Vassiliev, collectionneur passionné, qui lui
a apporté de nombreuses pièces exceptionnelles, on passe ainsi des crinolines
aux immenses chapeaux ornés de parures
exotiques (notons qu’au temps des colonies,
500 tonnes de grandes plumes d’autruches
étaient importées en France chaque année !),
pour en arriver aux robes confectionnées
en recyclant des nappes, conséquence de
la pénurie de tissus en temps de guerre...
GAËLLE CLOAREC
La mode aux courses,
un siècle d’élégance 1850-1950
jusqu’au 12 octobre
Musée des Arts décoratifs
de la faïence et de la mode
Château Borély, Marseille
04 91 55 33 60
www.marseille.fr
La question du dessin a toujours
été présente dans la programmation du Château de Servières.
Déjà, à la Bastide, l’artiste plasticien-sculpteur Raoul Hébréard
présentait des dessins préparatoires qui avaient acquis un
statut autonome. Comme Émilie
Perotto ou Caroline Le Méhauté
des années plus tard au boulevard
Boisson, et tous ceux accueillis
par Martine Robin : «Étant attirée
personnellement par le dessin,
j’avais envie de le valoriser et de le
promouvoir en lui offrant un temps
ouvert sur l’extérieur. J’ai d’ailleurs
constaté que cette relation intime
au dessin était très partagée».
D’où l’émergence les 30 au 31
août à Marseille du premier
salon international du dessin
contemporain Paréidolie et le
lancement de La Saison du dessin
à laquelle adhèrent le Frac (L’aube
incertaine d’Emmanuel Régent
jusqu’au 30 août), la Galerie du
5e (Le dessin, un genre ? du 29
août au 20 septembre), Arteum à
Châteauneuf-le-Rouge (Le dessin
et l’objet du 20 septembre au 22
novembre), la Fondation Vacances
bleues (Esquisse d’une collection
du 26 août au 26 septembre). Sans
oublier, bien sûr, la Galerie du
Château de Servières qui proposera deux expositions d’ici fin
décembre, et tous les projets à
Les Naufragés, 2013, Ink on paper, 72 x 102 cm © Nicolas Puyjalon, Atelier KSR-Berlin
Rendez-vous avec le dessin
venir du Réseau Marseille Expos.
Les fées se sont penchées sur le
berceau de Paréidolie si l’on en
juge par le casting de prestige de
son comité de sélection constitué des collectionneurs Josée
Gensollen et Sébastien Peyret,
de l’artiste et fondatrice de la
revue Roven Marine Pagès, de
l’artiste Gérard Traquandi, et de
son comité de pilotage composé
de l’éditeur d’art Bernard Muntaner, de la directrice de Hybrid
Lydie Marchi, de l’artiste Michèle
Sylvander et de Françoise Aubert,
déléguée Fondation Vacances
bleues. De quoi convaincre les
dix galeries nationales et internationales «choisies pour la qualité
de leurs projets» qui n’ont pas
craint d’essuyer les plâtres d’une
première édition. Avec Paréidolie,
Martine Robin conjugue son désir
de multiplier les échanges internationaux comme ceux initiés à
Lisbonne, Dublin et Turin dans
le cadre des Ouvertures d’ateliers d’artistes, et sa volonté de
donner de la visibilité à la scène
artistique régionale au-delà du
territoire. Quant au choix de
coller au timing d’Art-O-Rama,
plus que le Printemps de l’art
contemporain, celui du «plus
petit salon d’art contemporain»
lui a paru le mieux adapté pour
«créer une synergie et cheminer
main dans la main afin d’offrir
au public, aux collectionneurs et
aux professionnels une émulation
supplémentaire». D’autant que
quelques minutes de marche
seulement séparent la Friche
de la galerie du Château de
Servières.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
www.pareidolie.net
Paradoxe franco-marocain
Le MuCEM continue de se consacrer au Maroc
contemporain, avec le deuxième volet des
artistes dans la cité, qui s’attarde cette fois sur
les Passerelles artistiques entre le Maroc et la
France, et leur étrange paradoxe. Clairement
politiques, cinq vidéos exposent avec force les
contradictions d’une société marocaine qui ne
dit pas ses manques, et couvre sa misère. Ainsi
Hassan Darsi filme un ouvrier qui repeint une
façade délabrée avant le passage du cortège
de Mohammed VI et François Hollande : son
geste dérisoire est restitué au ralenti, pour que
la portée du paradoxe s’imprègne, et le danger
de ce travail inutile en hauteur et sans mesure
de sécurité. La vidéo d’Yto Barrada semble
lui répondre : une maquette de ville s’anime
au passage d’un convoi officiel puis retombe
dans la décrépitude d’un paysage urbain désert.
En une métaphore encore de la relation au
pouvoir, Mohammed Laouli filme les mains
d’une femme écrivant inlassablement au Roi,
devant son palais, sans lui envoyer sa lettre.
Coupée en deux la vidéo montre la femme
perdue et ses mots solennels…
Plus frappant encore, le long panoramique de
Martine Derain, Paradise Casablanca © Martine Derain
Younes Baba-Ali sur la palissade d’un chantier
mirifique : on y voit des familles riches, européennes, vivre une vie de luxe, au musée, à
l’hôtel, au spectacle, au cinéma. Mais la caméra
passe devant une vieille arabe pauvre, puis la
palissade s’efface sur un chantier à l’abandon,
vague friche boueuse… La vidéo de Martine
Derain, plus longue, documentaire, sonorisée,
montre de ses images troublées un groupe
de marocains qui disent les impasses de leur
société, celle qui exploite les sub-sahariens,
qui n’a pas de trace de son
histoire, qui entretient avec sa
mémoire et Marseille un rapport
ambigu. On y voit aussi des
Chibanis à Marseille, qui disent
le passé des relations entre
les deux rives. Car le paradoxe
de cette passerelle artistique
est bien dans cette ambiguïté
que le Maroc entretient avec le
pays «étrange» qui l’a colonisé,
et auquel il veut finalement
ressembler.
AGNÈS FRESCHEL
Des artistes dans la cité, Volet II
Passerelle artistique : étrange
paradoxe
Exposition conçue en collaboration
avec le Source du Lion, Casablanca
jusqu’au 27 oct
MuCEM, Marseille
04 84 35 13 13
www.mucem.org
www.lasourcedulion.com
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Tours, détours, retours
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Lucien Clergue, Vent sur les sables, Camargue, 1972, portfolio Langage des sables, 1975, épreuve argentique, Arles, musée Réattu, don du photographe en 1980 © Clergue 2014
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Monsieur Lucien
Inconcevable de passer à côté de l’hommage
rendu à Lucien Clergue. Au musée Réattu avant
tout où Pascale Picard avec la complicité d’Andy
Neyrotti réussit une très juste mise en place. La
sélection regroupe les œuvres du maître arlésien
avec celles d’autres auteurs de la collection du
musée amenés par Lucien Clergue lui-même
dès les années soixante. De larges vitrines et
meubles-tiroirs noirs permettent de (re)découvrir les portfolios d’auteur tels Née de la vague,
Corps Mémorable (avec Eluard), Genèse (St John
Perse) ou les tirages des Weston, Mappelthorpe,
Steichen, Man Ray, Ansel Adams... Puis passer
au parc des Ateliers, notamment pour les plans
serrés sur des taureaux agonisants et les séries
de Polaroïds rarement montrées. Au Théâtre de la
Calade, photos du César créé par Jean Renoir en
1954. À noter, la rencontre-dédicace du catalogue
éponyme Les Clergue d’Arles (éditions Gallimard),
le 9 octobre à 18h30, au Réattu.
04 90 49 31 14
www.museereattu.arles.fr
Bonnes et mauvaises
Rencontres
La dramaturgie de succession mise de côté, les
Rencontres c’est par exemple de confronter le
subtil Chema Madoz (éditions Actes Sud) vs les
Mazaccio et Drowilal plus pop’ and digital ou encore
les portraits tirés par David Bailey, Vincent Perez,
Denis Rouvre, Patrick Swirc, Mélanie Bonajo (et
quelques culs de pisseurs impénitents) mais ne pas
supporter l’infernale mise au rouge et lampe en
main au bureau des Lices (ancien Crédit Agricole).
La suite sur www.rencontres-arles.com.
La photo ? C’est à Arles (ou presque) dit-on. Bonnes pioches
L’année passée Caravane(s), une singulière exposition
à l’Atelier du Midi recevait un franc succès. Une
2014 marquera donc un cap.
forme éditoriale en a été tirée sous forme de
petits carnets souples sympa avec le concours
Baroud d’honneur pour Monsieur Hébel
des éditions L’erre de rien. Faciles à feuilleter
comme de mini albums familiaux à mettre dans sa
quand Monsieur Clergue est toujours là.
poche. Patrick Ruet en propose trois rassemblés
sous emboîtage cartonné dans sa maison galerie
à deux pas du musée Réattu (35 euros). L’occasion
Pour tous les autres, on s’obstine
aussi de découvrir les photos de quatre jeunes
auteures de l’ENSP, Hélène Bellanger, Elsa
et continue. Et pour l’avenir il faudra
Leydier, Emanuela Meloni, Margaux Meurisse
jusqu’au 23 juillet et reprise le 11 septembre.
compter avec la Fondation Luma
www.atelierdumidi.com
arlésiens
Serge Assier, Mylène Zizzo à la Maison de la
Vie Associative ; Bernard Langenstein à l’Hôtel
Divonne ; Kate Daudy, Martial Lorcet à la galerie
Anne Clergue ; Thibault Yevnine, Gilles Magnin
à l’Atelier Cinq ; Baudrillard, Ren Hang, TTY au
Magasin de Jouets... Photos de l’Abbé Pierre et
de sans-abri par Isabel Garrido et Gilbert Scotti
chez Emmaüs. Luigi Ghirri, Plossu, Annabelle
Amoros à l’Espace pour l’art. Pendant ce temps,
Voies Off s’obstine à raison en portant son choix
sur David Monteleone et David Favrod, multiplie
les projets notamment à Griffeuille, inaugure une
série de portfolios d’artistes en édition limitée.
CLAUDE LORIN
Pour en savoir toujours plus sur l’ensemble des
événements off arlésiens : www.voies-off.com
et www.arles-contemporain.com.
Caravane(s) dans la cuisine de L’Atelier du Midi © C. Lorin/Zibeline
Arles refondée ?
Alors que dans les Arènes on ramasse
les cocardes sur les cornes taurines,
la nouvelle Reine en costume tient en
provençal un discours ouvert à l’autre,
plus près de l’esprit occitan que de la
célébration du félibrige. Signe d’une
métamorphose ? Le score du Front
national dans cette ville qui avait su s’en
préserver jusqu’ici a-t-il agi comme
un électrochoc ? En tous les cas, avec
l’installation de la Fondation Van Gogh,
et les actions de la fondation Luma, il est
clair que la spécificité arlésienne attire
les investisseurs, et devrait changer
encore cette ville qui recèle des trésors,
et dont le tourisme culturel est la seule
industrie.
Pour l’heure Luma Arles poursuit son
installation au Parc des Ateliers, un
immense espace qui devrait dès fin
2017 abriter un Centre de formation
inédit, accueillant en ses murs, pour
y vivre et y travailler ensemble, des
artistes de toutes les disciplines. Le
bâtiment principal, conçu par Franck
Gehry, sera impressionnant : 16 000m2
d’espace de représentations et d’expositions, un centre ressources, des lieux
de résidence… Pour l’heure l’Atelier
des Forges accueille une exposition
des maquettes de l’architecte, aptes
à faire comprendre l’esprit du projet :
précises, à grande échelle (1/50 pour
la plupart) elles sont aussi mises en
scène dans un projet de dialogue entre
les arts : ainsi Cai Guo-Qiang a conçu
des «performances explosives» entre
les maquettes, qui dansent aussi sur le
Rituel in memoriam Maderna de Boulez,
ou sous les marquises clignotantes
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Et ailleurs...
de Philippe Parreno. Deux nouvelles
maquettes sont venues le 6 juillet
s’ajouter à l’exposition : une, aérée et
horizontale, conçue pour la compagnie
Facebook ; une autre, courbe et ocre,
du musée de Quanzhou.
De quoi prendre le large, entrer dans
le volume, le peupler de sons et de
mouvements… À voir juste à côté des
Rencontres de la photo, et avant un
concert aux Suds ?
AGNÈS FRESCHEL
Solaris Chronicles
jusqu’au 28 septembre
Parc des ateliers, Arles
www.luma-arles.org
Cercles de Thierry Olivier, alias Epi2mik, La nature dans la ville, In Situ 09, Arles 2014 © Cultures Nomades Production
Nature dans la ville
Après huit ans en Camargue, In Situ, festival d’art contemporain
éphémère concocté par Cultures Nomades Production, rejoint
la ville avec le même objectif : changer les regards. Sculptures
du collectif AL2, Xavier Rus, cercles peints d’EPI2MIK, intervention sur mobilier urbain du Cyklop, installation lumineuse de
Gilles Brusset quai de la Roquette et Street Tricot participatif
dans les arbres. C.L.
In Situ 09 La Nature dans la ville
jusqu’au 30 septembre
Divers lieux, Arles
04 90 49 89 10
www.culturesnomades.org
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Sculpture du Sud,
et autres propos…
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Deux sculptures de Bernard Pages et
Jaume Plensa prennent la pose au pied
de l’escalier de la Villa Datris. Le ton est
donné : place à la Sculpture du Sud. Le tour
d’horizon méditerranéen imaginé par Danièle
Kapel-Marcovici embrasse toutes les rives,
toutes les générations, et n’exclut aucune
thématique. Le propos est historique, culturel,
sociologique, politique. C’est là toute sa force.
Si les têtes d’affiche attirent l’œil -il faut
séduire le visiteur- il est toujours plaisant
de côtoyer Arman, César, Klein dans une
salle placée sous le signe des dieux grecs et
des mythes, surtout quand le jeune artiste
marseillais Laurent Perbos s’y introduit avec
aplomb. Ses sculptures Niobé et Calydon sont
à la hauteur de ses illustres compagnons.
J.-P. Raynaud, Kounellis, Escribà, Fanconi
et Viallat font exploser toutes les couleurs
de tous les suds. Mais cet hymne joyeux
s’assombrit vite lorsque l’ombre des religions
fige la photographie : l’interprétation baroque
et chatoyante faite par Hervé Di Rosa des
Madones vénérées dans l’Espagne catholique contraste durement avec le rosaire
d’Austin Camilleri aux perles en forme de
têtes de bébés, chauves, bouches criantes.
Sa dimension «monumentale» démultipliant
le choc visuel et émotionnel ! La permanence
d’un monde fragile, d’une fêlure toujours
béante, de crises sous-jacentes habite les
œuvres de Safaa Erruas qui, dans La Robe,
déstructure et épingle des bandes de gaze
plâtrées à la manière d’un lépidoptériste.
De Karim Ghelloussi qui fait éclater en
Austin Camilleri, l’Oeil d’Osiris, résine, diamètre 200 cm, jardin de la Villa Datris, Isle sur la Sorgue, 2014 © MGG/Zibeline
morceaux deux étoiles en miroir comme si
la réalité n’était qu’illusion. D’Aicha Hamu,
autre artiste installée à Nice, qui déploie une
pelisse de cheveux irréguliers signifiant que
«vues de dessus, les émeutes sont toujours
plates». Le combat est donc sans fin. Sur le
mode ludique, les Virus de la Révolution de
Rym Karoui le martèlent aussi : alignés en
file indienne dans le jardin, les carapaces
laissent entrevoir les inscriptions «Dégage»,
«Help !», «Wikileaks». D’autres thèmes encore
traversent les salles et les allées verdoyantes :
l’idée de terre d’échanges et de transhumance
chère à Yazid Oulab (Marseille) et Nakis
Panayotidis (Grèce) ; le mariage surnaturel du
drame et du sublime dans une Méditerranée
en guerre/révolution transcendé/dénoncé par
Mounir Fatmi (Égypte) ou Hakima El Djoudi
(Paris) qui fait défiler une Petite armée en
billet de banques turcs…
La richesse de ce melting-pot d’artistes
laisse place autant aux retrouvailles qu’aux
découvertes, aux artistes de la région qu’aux
internationaux qui, ensemble, redessinent les
contours d’une Méditerranée contemporaine.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
jusqu’au 11 novembre
Villa Datris, Isle-sur-la-Sorgue
04 90 95 23 70
www.villadatris.com
Au vif de l’esquisse
Toujours sur les rives de la Sorgue, le centre
d’art Campredon met à l’honneur les artistes
dits de la «déconstruction» qui, dans les
années 70, ont fait de l’esquisse et du geste
inachevé une nouvelle forme plastique. Ni
croquis, ni dessin préparatoire, ni travail
de recherche : des œuvres en suspens,
comme Cézanne avant eux dont 80 % des
œuvres sont «inachevées». Le Sermon sous
l’olivier réalisé en 2013 par Jean Le Gac
prouve que le geste fondateur a la peau
dure : sur le papier Canson suspendu et la
bâche plastique, le dessin ouvre le regard
sur un horizon infini, il glisse, s’accroche,
divague, combine trait solitaire et aplats de
couleur. L’artiste en héros solitaire prend
la pose du sage à moins qu’il ne joue au
super-héros de comics perché dans l’olivier…
Dans sa Grande bibliothèque de 2007, il creuse
la relation image-texte, plus précisément
le chemin de l’image qui appelle le texte,
traçant le nom de ses écrivains de chevet,
Pessoa, Echenoz, Tabucchi ou Lobo Antunes.
Là encore chez Gérard Collin-Thiébaut le
mot et l’image sont indissociables, mais la
combinaison relève du puzzle, du rébus,
d’associations et de copies pour détourner
les phrases cultes en devinettes. L’autel rituel
sied aux installations de Christian Jaccard :
au centre, une projection vidéo témoigne de
l’embrasement d’un lieu promis à la perte
(ses «tableaux éphémères»), entourée de
sculptures de nœuds enchevêtrés à l’infini.
Travail qui libère l’énergie, évoque la perte,
confronte combustion et vivant. La question
n’est pas celle du geste inachevé mais celle
de la disparition et de la trace, à l’instar
d’Alain Fleischer qui, dans sa vidéo L’homme
dans les draps de 1999, «rend visible ce qui
n’est pas visible à l’œil nu» par l’évocation, la
suggestion, le glissement des lumières et
des ombres. Illusion parfaite ! La peinture
coloriste de Gérard Titus-Carmel est une
invitation constante à se perdre dans le
lointain, à rendre les lieux inscrutables, à
effacer les cadres. Sa série Figure du Double
de 2013/2014 en est une fois encore la preuve.
Nous pourrions également évoquer les pièces
de François Bouillon, Ernest-Pignon Ernest,
Pierre Buraglio, Daniel Dezeuze, Jean-Claude
Lefevre, Bernard Pages et Claude Viallat
sélectionnées par Evelyne Artaud, commissaire de l’exposition L’Esquisse ou l’élégance
du geste inachevé, car de leur cohabitation
surgit une fructueuse dialectique entre les
formes et les intentions, les écritures et les
concepts, les techniques et les nécessités
intérieures. M.G.-G.
L’Esquisse ou l’élégance du geste inachevé
jusqu’au 5 octobre
Campredon centre d’art, Isle-sur-la-Sorgue
04 90 38 17 41
Chiharu Shiota
Chiharu Shiota, Labyrinth Memory, 2012 © VG Bild-Kunst
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Les fils sont tissés l’un dans l’autre/Ils s’enchevêtrent/Ils se déchirent/Ils se dénouent/
Ils sont comme un miroir des sentiments... L’artiste japonaise Chiharu Shiota,
qui place le corps au centre de son œuvre, investira la chapelle Puget avec une
installation arachnéenne monumentale. Projet conçu avec le Ballet National
de Marseille en référence au spectacle Le Guépard (Il gattopardo) créé par
Roland Petit avec les costumes de Luisa Spinatelli en 1995 à Palerme. C.L.
State of beeing (il gattopardo)
du 18 juillet au 19 octobre
Centre de la Vieille Charité, Marseille
http://musees.marseille.fr
Art-O-Rama
Aucune raison pour Art-O-Rama de déroger à son principe originel
intimiste et à ses projets sur mesure car il lui assure son succès.
Rendez-vous pris, donc, pour découvrir les propositions spécifiques
d’une dizaine de galeries nationales et internationales, de deux
projets invités (Gasconade à Milan, Samuel Levack & Jennifer
Lewandowski de Londres/Berlin), de l’artiste en guest (Sergio
Verastegui) et de la jeune création conviée à un show-room. M.G.-G.
du 29 août au 14 septembre
La Cartonnerie, Marseille 3e
04 95 04 95 36
www.art-o-rama.fr
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Pat McCarthy, CheeseBike © Delire Gallery - Pat McCarthy
Rêves d’un collectionneur
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Arts décoratifs, peintres provençaux, collections privées : les grandes orientations
de l’industriel avignonnais Louis Vouland, fondateur du musée éponyme installé
dans l’intimité d’un hôtel particulier au charme raffiné, se retrouvent dans
cette exposition d’été issue d’une collection vauclusienne. Faïences des grands
ateliers de Moustiers et de Marseille côtoient une cinquantaine de tableaux et
dessins de peintres des écoles marseillaise, aixoise et avignonnaise du XIXe
à nos jours, inspirés par les paysages et la lumière de Provence (Ambrogiani,
Ziem, Chabaud, Guigou, Monticelli, Manguin, Augustin, Suchet…). DE.M.
J.B. Olive, Coucher de soleil sur Marseille © X-D.R
jusqu’au 26 octobre
Musée Vouland, Avignon
04 90 86 03 79
www.vouland.com
Christian Tagliavini
1503, l’année de naissance de Bronzino, a suggéré à Christian Tagliavini
une série inspirée par l’esthétique maniériste de la Renaissance italienne.
Le photographe s’est attaché à construire des artefacts composés de photographies,
de découpes minutieuses au laser en papier et carton, d’effets de matières et
textures confondantes, chaque image requérant plusieurs semaines de travail.
Entre fictionnel et vraisemblable, neuf photographies se confrontent aux portraits
peints, ou au pastel, appartenant à la collection du Pavillon de Vendôme. C.L.
Collection de Portrait, portraits de collection
jusqu’au 12 octobre
Pavillon de Vendôme, Aix-en-Provence
04 42 91 88 75
www.mairie-aixenprovence.fr
Christian Tagliavini, Série 1503, Lucrezia, 2010 © Christian Tagliavini,
courtesy Galerie esther Woerdehoff
Thibault Laget-ro
Qu’il s’agisse des conflits en Centre Afrique, des conditions
d’existence des exilés syriens, entre autres drames humains,
Thibault Laget-Ro mène depuis plusieurs années une
réflexion sur les perceptions et les sentiments que suscite la
liberté, réinterprétant les images rapportées par des photo
reporters. Pour l’exposition, il réalisera un travail en liaison
avec le cimetière américain de la ville et une installation en
fibres optiques inspirée d’une armure du XVe siècle. C.L.
Normalement, la vie continue
du 26 juillet au 30 septembre
Musée municipal d’art et d’histoire, Draguignan
04 98 40 26 85
www.ville-draguignan.fr
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Thibault Laget-ro, Zaatari waterfall, 162x130cm, acrylique, 2014 © X-D.R
Troublions de l’art
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L’art révélerait-il d’une légère divergence de strabisme ? Les artistes
réunis ici le sont sans thématique commune, si ce n’est l’argument
que chacun participe de «l’accomplissement d’un exercice du regard
qui se joue des repères habituels». À chacun sa vision, décalée s’il le
fallait, comme pour le fauve paisible dans la série Daktari. Avec Jochen
Dehn, Seulgi Lee, Nicolas Momein et Céline Vaché-Olivieri. C.L.
© Bernard Tribondeau
Clarence, le lion qui louchait
jusqu’au 31 août
Centre d’art contemporain Les Capucins, Embrun
04 92 54 45 57
twww.lescapucins.org
Le lion qui louchait, vue partielle de l’exposition, Centre d’art contemporain Les Capucins,
Embrun, 2014 © Solenn Morel
Bernard Tribondeau
À 6 ans déjà, Bernard Tribondeau ne quittait pas son Brownie Kodak 4X4 offert par
ses parents, puis ce fut le premier Polaroïd, puis des milliers de photos réalisées au gré
de ses rencontres et de ses voyages, histoire de raconter des histoires ! Comme celle qu’il
nous révèle, secrète, de La Chartreuse, photographiant les «contre-jours et les failles
de lumière», les espaces abandonnés, les jardins secrets des cellules, les coursives.
Tel le fantôme de l’opéra se glissant dans les entrailles de ce lieu si secret. M.G.-G.
Une part d’ombre
jusqu’au 24 août
La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon
04 90 15 24 24
www.chartreuse.org
M. Pistoletto, C’è dio, si ci sono, Chapelle Saint Martin du Méjan, Arles 2014 © C. Lorin/Zibeline
Michelangelo Pistoletto
Le troisième paradis est un des concepts critiques développés
par Michelangelo Pistoletto (Actes Sud, 2012). L’artiste
symbolise celui-ci par une triple boucle, sous des formes
variables, et pour l’occasion à travers une installation
monumentale réalisée avec le fonds d’ouvrages de l’éditeur.
Un choix d’œuvres historiques, tableaux-miroirs, cagemiroir, films/installations et la célèbre Venere degli stracci
ou Vénus aux chiffons... complètent l’exposition. C.L.
Michelangelo Pistoletto, le Troisième Paradis
Chapelle du Méjan/Actes Sud, Arles
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
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Gilbert Pastor
Jean-Pierre Sintive et Anne Bernou éclairent, par le choix des peintures, dessins
et livres d’artistes, le parcours de Gilbert Pastor, né en 1932 à Marseille et installé
depuis 1975 à Aups, dans le Var. Son œuvre où «la couleur est insaisissable» et
la lumière diffuse, où les personnages, à peine perceptibles, «transmettent la
lumière de l’invisible, de l’en-dedans» sont un écho vibrant à la collection Max
Ernst-Dorothea Tanning nichée en permanence à La Maison Waldberg. M.G.-G.
Gilbert Pastor, parcours d’une œuvre
du 26 juillet au 11 octobre
Maison Waldberg, Seillans
04 94 76 85 91
www.seillans.fr
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Gilbert Pastor, atelier © Leopold Trouillas
Auguste Chabaud
On croit tout connaître d’Auguste Chabaud et pourtant l’exposition réserve
des surprises, comme des dessins inédits. Avec Chabaud, de la terre à la mer,
le centre d’art Sébastien met en lumière celui qui sut célébrer la Provence
pastorale tout autant que celle des baigneuses et des marins et clôt son cycle
consacré aux grands maitres de la peinture provençale : René Seyssaud et
Louis-Mathieu Verdilhan. En attendant d’admirer ce précieux Monticelli… M.G.-G.
Chabaud de la terre à la mer
jusqu’au 14 septembre
Centre d’art Sébastien, Saint-Cyr-sur-Mer
04 94 25 04 86
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Marins au port © Auguste Chabaud
Roger van Rogger
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Roger van Rogger (1914-1983) avait son atelier à Bandol, à quelques kilomètres
de Toulon, là où la galerie des Riaux s’attache désormais à perpétuer sa
mémoire, à promouvoir son œuvre plastique et littéraire. Cet été, place
aux Abstractions plutôt qu’à «l’abstraction» dont l’artiste n’avait que faire…
L’abstraction ? L’art moderne ? La figuration ? Peu lui importait les mouvements,
les dénominations, les «cases» de l’histoire de l’art : seul l’art comptait. M.G.-G.
Sans titre, gouache 245, 1982 © Roger van Rogger
Stéphane Couturier
Fruit d’une commande passée par le centre d’art du Conseil général du Var à
Stéphane Couturier sur la cité emblématique «Climat de France» réalisée par
Fernand Pouillon entre 1954 et 1957, ses photographies et vidéos dressent un
portrait singulier, inédit, en forme d’hommage. «Une radiographie humaine et
architecturale» d’un paysage urbain intimement lié à la mer, à l’infini… M.G.-G.
Alger - Climat de France
jusqu’au 28 septembre
Hôtel des Arts, Toulon
04 94 91 69 18
www.hdatoulon.fr
© Stéphane Couturier
Abstractions
jusqu’au 20 septembre
Galerie des Riaux, Toulon
06 62 98 64 08
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Ni les bourrasques qui s’engouffrent
et font envoler livres, flyers et sérigraphies, ni l’annulation du 48heures
chrono de La Friche pour cause
de mouvement des intermittents.
Vendetta n’a décidément peur
de rien. Normal : ce salon de
la microédition et du multiple
rassemble des collectifs rompus à une
pratique artisanale, à des démarches
collaboratives et engagées ; des gens
qui luttent pour exister en sortant des
processus habituels de production,
en refusant un système éditorial de
masse, qui normalise et qui formate.
Alors, 48h chrono ou pas, en ce
samedi matin venté, on s’installe, on
accroche tant bien que mal affiches
et sérigraphies, on aide le voisin à
récupérer ses feuilles volantes ; de
stand à stand, on s’interpelle, on se
file un coup de main. Dès le début,
le ton est donné : entraide, dialogue
et convivialité. Do It Yourself bien
sûr, mais Do It Together aussi! Et
c’est un vrai plaisir d’être ici. Nos
compères du Lièvre de Mars le
confirment, qui n’auraient pas voulu
rater cette deuxième édition de
Vendetta. De nombreux libraires
et surtout éditeurs alternatifs sont
venus de Marseille et de la région,
mais aussi de toute la France et de
toute l’Europe, pour présenter leurs
livres réalisés à la main de A à Z, leurs
objets, leurs fanzines… et les sortir
de leur relative confidentialité. Alors
on flâne entre les étalages, souvent
un peu trash sur les bords, toujours
insolents et provocateurs, à l’image
des noms de certaines structures :
Mauvaise Foi, Du crack, Échec
scolaire, El petit comité del Terror,
Psoriasis éditions entre autres… On
croise les Genevois d’Hécatombe
et leur fanzine carré. On discute un
moment avec les Italiens de Strane
Dizioni, qui fabriquent de superbes
cahiers et carnets avec les restes de
leurs sérigraphies. On feuillette
le fanzin de tela (fanzine en tissu)
de Jessica Espinoza, talentueuse
illustratrice chilienne installée à
Barcelone, avant de s’intéresser au
Projecte Uter qu’un collectif catalan
porte et que Carles décrit avec
fougue (et en très bon français !) :
des années de travail pour réaliser
une sorte de maxi poster consacré
à l’avortement, une cartographie
flamboyante qui retrace graphiquement la lutte des femmes pour
conquérir leur droit à décider et les
violences dont elles sont victimes (en
réaction à la récente loi espagnole
visant à restreindre le droit à l’IVG).
Un projet à soutenir (projecteuter.
hotglue.me) et un salon à suivre :
inventif, créatif, collectif.
FRED ROBERT
© Clarisse Guichard
Ils craignent dégun
La deuxième édition de Vendetta
s’est déroulée à La Friche La belle
de Mai, les 28 et 29 juin
L’homme poème
Artaud © Pastier (coll. Patrick Dhuisme)
Le Momô revient à Marseille où il est
né en 1896 et si ce n’est lui c’est bien
un peu de cet Antonin-là que nous
font entrevoir les documents de la
collection Patrick Dhuisme exposés
pour l’été au centre international
de poésie Marseille. De la carte aux
anges doubles, souvenir de première
communion, aux célèbres photos
d’Artaud par Georges Pastier, tout
évoque la passion du collectionneur pour cet homme singulier
qui affirmait «oui vraiment je ne
suis pas au monde» : les lettres à
l’écriture élégante, à la sage signature
prénom-nom sans majuscule, pour
commander des sandales à semelles
de crêpe (souligné dans le texte) ou
remercier d’une livraison de drogue ;
les dessins -gris-gris propitiatoires
ou menaçants venus de tous ces
hors-lieux en lui- ; les mots du
sorcier (aliénation et magie noire)
qui côtoient ceux de l’ami et le Marat
poignardé sur son photogramme
sont autant de signes de piste d’une
l’incandescence des mots proférés
au micro ; belle façon de réinventer
un corps à celui qui se voyait/rêvait
en «spasme flottant». Exposition
intime qui ne bouleverse pas les
savoirs mais déplace le regard sur le
désir d’un collectionneur libre pour
un artiste et individu complexe,
farouche pratiquant d’un «ordre
fulminant».
MARIE JO DHO
Antonin Artaud Poète
CipM, centre de la Vieille
Charité, Marseille
jusqu’au au 20 septembre
04 91 91 26 45
www.cipmarseille.com
vie en composition/décomposition
qu’Evelyne Grossman a fixée intensément dans sa communication
d’ouverture comme «théâtre» du
corps projeté sur la page. Alain Paire
a brossé ensuite dans les huit minutes
de son webdocumentaire Antonin
Artaud à Marseille le portrait posé
d’un jeune homme «secret», frappé
d’un mystérieux coup de couteau
entre Cinq Avenues et Vieux-Port,
tandis que le performer Philippe
Pigeard éclaboussait l’écran de mille
Fragments d’Antonin vibrant de
Numéro Spécial
«Cahier du Refuge» -232Le documentaire d’Alain Paire et
François Mouren-Provensal est
visible sur www.mativi-marseille.fr
Char
d’assaut
En raison d’un mistral persistant, le public venu en nombre
assister à la soirée consacrée au poète René Char au MuCEM,
a dû se replier dans l’auditorium Germaine Tillion, autre figure
héroïque de la Résistance. Sans doute pour le mieux, car la
qualité acoustique de la salle a permis de savourer pleinement
les lectures données par Jean-Luc Debattice. Il fallait son brio
pour restituer avec toute leur verve les poèmes, extraits de
lettres et feuillets choisis de l’illustre Islois. La formule retenue
par Thierry Fabre, qui entrelaçait ces moments de fiévreuse
immersion dans le phrasé du poète, et des tables rondes toutes
plus riches les unes que les autres, était particulièrement équilibrée.
On a eu ainsi le plaisir de découvrir un René Char complexe,
nuancé, assez éloigné finalement du tableau brossé à grands
traits par la légende. Son épouse Marie-Claude Char étant
présente, entourée d’une dizaine d’invités ayant connu de près
le poète au fil des années, le portrait en creux d’un homme
exceptionnel s’est lentement dessiné. «Géant hiératique sans
emphase, ni suffisance», pour le philosophe Michel Guérin,
«révolté contre sa propre douleur» selon Philippe Castellin, 25
ans après sa mort, René Char habite toujours avec force les gens
qui l’ont aimé. Barbara Cassin l’a découvert en hypokhâgne,
elle est venue directement jusqu’à l’Isle sur la Sorgue pour
tenter de faire sa connaissance, persuadée qu’elle reconnaîtrait
au premier coup d’oeil la maison d’un tel écrivain...
Cette soirée était aussi l’occasion de replacer précisément
dans son contexte historique René Char le résistant, sous le
pseudonyme de Capitaine Alexandre. Selon Jérôme Prieur qui
lui a consacré un film, et l’historien Jean-Marie Guillon, le
poète s’est opposé d’emblée au régime de Vichy, et fut l’un des
rares intellectuels de l’époque à s’être impliqué physiquement
dans la lutte contre l’ennemi.
GAËLLE CLOAREC
La soirée Présence(s) de René Char a eu lieu le 11 juillet,
dans le cadre des Intensités de l’été au MuCEM
© G. Cloarec
Préférer le chagrin à l’oubli
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De livre en livre, Maurice Gouiran poursuit sa
quête inlassable : sonder les silences de l’Histoire,
en traquer les secrets les plus sombres, afin
d’éveiller les consciences. Infatigable empêcheur d’oublier en rond. Passionnant raconteur
d’histoires aussi : ses romans noirs se lisent à
longues gorgées, comme se déguste le Penedès
blanco à Barcelone. C’est d’ailleurs dans la cité
catalane que Clovis Narigou, l’alter ego à peine
voilé de l’auteur, son héros récurrent, va cette
fois-ci mener l’enquête. À la demande de Samia,
la femme de son ami François Maréchal qui
semble avoir disparu là-bas alors qu’il enquêtait
sur deux accidents suspects. Deux morts liées
sans doute au dossier brûlant des enfants volés
aux familles républicaines par les franquistes.
L’hiver des enfants volés, c’est d’abord cela : le
retour très documenté sur un infâme trafic
d’enfants qui a duré jusque dans les années
1980, c’est-à-dire bien après la mort de Franco,
avec la complicité active de l’Église, et que les
instances dirigeantes espagnoles aimeraient
bien laisser dans l’oubli. Au-delà de l’intrigue
centrale, d’adroits changements d’époques et
de points de vue exhument d’autres pans d’une
mémoire collective que certains désireraient voir
perdue à tout jamais : l’existence de lebensborns
français jusqu’en 1946, les massacres de Sabra
et Chatila en 1982. Cela donne un roman
poignant, profondément humain, empreint
d’un pessimisme lucide. Si le bonheur réside
dans l’oubli, comme se le rappelle Samia, alors
il n’est ni pour elle, ni pour François, ni pour
Clovis… Mais qu’importe le bonheur à qui
garde la mémoire ?
L’hiver des enfants volés
Maurice Gouiran
Éditions Jigal, 18,50 euros
FRED ROBERT
Confidences d’une fashionista
Comment lutter contre l’ennui d’une existence
morne de femme au foyer ? Comment oublier
les désillusions dues à un mariage précoce et à
un mari trop souvent absent ? Comment faire fi
de voisins trop curieux ? En devenant membre
d’un club ultrasecret, celui des «passionnées de
beauté», de ces femmes pour qui l’apparence
devient le but ultime et la course aux ventes
privées la passion essentielle. Avec tout ce qui
s’ensuit de dettes et de lendemains qui déchantent.
L’histoire pourrait se passer dans n’importe
quelle capitale moderne. Elle aurait aussi bien
pu se dérouler au XIXe siècle en Normandie
et son héroïne aurait pu s’appeler Emma. Sauf
qu’on est à Tokyo, aujourd’hui, et que si la
narratrice souffre d’un certain bovarysme, sa
vie, qu’elle révèle à un «vous» dont on ne sait
pas grand’chose (un «vous» qui s’adresse de
fait tout autant au lecteur), a peu à voir avec
le destin tragique de l’héroïne de Flaubert,
quoiqu’elle ne soit pas des plus gaies non plus.
Comme dans L’odeur (prix Guerlain 2002),
la jeune romancière indienne Radhika Jha
donne la parole à une femme qui choisit de
s’en sortir seule et ne manque pas d’un certain
cynisme (pragmatisme, diront certains). On
appréciera donc diversement le personnage de
Kayo. On pourra même juger le propos un peu
superficiel. Cette confession d’une fashion victim
offre toutefois une intéressante vision du Japon
contemporain, de ses mutations irréversibles. Et
le style en est remarquable : rédigé en anglais,
très bien traduit, il se lit absolument comme
un roman japonais.
La beauté
du diable
Rhadika Jha
Philippe
Picquier,
19,50 euros
F.R.
La subtile grammaire du monde
De roman en roman Christian Garcin s’attache à
déchiffrer le monde et ses «passerelles invisibles».
Pour le plus grand plaisir du lecteur qui se perd
avec délices dans l’entrelacs des lieux, des signes
et des fictions de ces textes composites, habités
par les régions que l’écrivain arpente, peuplés de
personnages étranges et attachants, d’histoires
surtout. Selon Vincent pourrait s’inscrire dans la
lignée de ces romans picaresques dans lesquels
le héros est amené, au fil de ses aventures, à
rencontrer des gens qui lui font le récit de leur
vie. Ici, deux voix principales se font entendre,
celles de Rosario et de son ami Paul, dont la
quête et le voyage constituent le fil rouge du
roman. Tous deux partent au fin fond de la
Patagonie à la recherche de Vincent, l’oncle de
Rosario qui a disparu depuis vingt ans mais vient
d’envoyer un signe, une sorte de nouvelle qu’il
a écrite pour expliquer à son neveu préféré son
exil subit «à l’envers du monde». Ce récit dans le
récit est loin d’être le seul. Au fil des pages, on
découvre d’authentiques lettres d’un soldat de
l’armée napoléonienne, le journal de bord du
chef d’une mission scientifique du XIXe siècle,
des bribes de la fiction chinoise que Paul est en
train de traduire, l’histoire de Wilfried La Bréa
«propriétaire de la Lune de Mars et de Vénus»…
Et cela sans compter les objets (ici une médaille)
et les phrases qui circulent, se font écho d’un
personnage à l’autre, par-delà les époques et les
lieux. Un univers unique, empreint de magie,
de poésie. Et auquel ne manquent ni l’humour
ni l’observation engagée de certaines dérives du
libéralisme mondialisé.
F.R.
Selon Vincent
Christian
Garcin
Stock,
19,50 euros
En librairie
dès le 20 août
Les mots et la chose
Oh que voilà un ouvrage stimulant sinon excitant à lire des deux
mains tous neurones en action :
les éditions de La Musardine,
«spécialisées» en un domaine que
suffisent à suggérer les guillemets
à la française, ont construit en leur
sein une collection bien nommée
«L’attrape-corps» dévolue à la réflexion
sur les questions de sexualité ; c’est
donc dans ce cadre rigoureux mais
pas triste que Marie-Anne Paveau,
entre autres professeure en sciences
du langage à Paris XIII, sème aux
quatre vents de l’esprit le «dirty little
secret» en analysant les formes et les
fonctions du discours pornographique,
stigmatisé de longue date par le
double (parfois duplice) ordre moral
et social. Visite guidée heureuse
d’une terra quasi incognita en dehors
de la visibilité «main stream» pas
universitaire) présente un balisage
serré des quatre cents pages en une
approche éclectique quelque peu
vertigineuse qui aboutit à la mise
au clair du «post-porn» féministe
et à l’affirmation qu’un autre porno
est possible. Il ne manque pas un
bouton de culotte à cet ouvrage qui
sort les «porn studies» du monde
anglo-saxon et gratifie de surcroît
lecteur et lectrice d’un humour
discret loin de toute connivence
extérieure. Saluons donc l’avènement
de cette épistémopornologie libératrice
et constructive !
Elise Padovani et Marie Jo Dhô plongées dans le discours pornographique © Agnès Freschel
toujours affriolante ; déployée
entre une préface du pragmaticien
Dominique Maingueneau et une
postface de la sexperformeuse
Wendy Delorme, l’exploration
loin d’être une simple recension
Imposture
Un Grand Livre du Théâtre ? L’entreprise a
de quoi séduire. Las, seul le titre a quelque
prétention… Outre le fait que l’ouvrage survole
en gros caractères, et dans une maquette trop
aérée pour contenir une pensée honnête, les
seuls théâtres antiques puis français, comme
si l’histoire faisait un bond puis se restreignait
à nos frontières, l’ouvrage est extrêmement
mal écrit, et surfe sur les temps comme sur
un lame de fond. Exemple (transcription sans
coquille) : «En 1662, Molière épouse la jeune
Armande Béjart qui avait vingt (centimètres ?)
de moins que lui, jeune sœur de Madeleine Béjart.
(Ah, Molière était donc la sœur de Madeleine ?).
En 1673, lors de la quatrième représentation du
Malade imaginaire il ressentit un fort malaise
mais termina (sic) cette représentation. Plusieurs
heures plus tard il décèdera à son domicile.» Tout
(passage néanmoins méthodologiquement obligé) aborde avec une
aisance et une liberté réjouissantes
les formes spécifiques et pourtant
diverses de la pornographie ; la
table des matières (du grand art
cela serait drôle, si ce Grand Livre ne s’étalait
pas dans bon nombre de librairies, et n’était
pas présenté comme un possible ouvrage de
référence pour étudiants. Le plus grave étant
sans doute la manière expéditive et totalement
injustifiée avec laquelle Luc Fritsch expédie le
théâtre contemporain en quelques lignes de
conclusion (là encore, citation sans coquille,
dans la prose approximative du donneur de
leçon) : «Au cours des premières années du XXIe
siècle, aucune évolution ne s’imposa, bien au
contraire, d’une sclérose endémique, les pratiques
théâtrales entrèrent dans une authentique phase
de régression pour le moins inquiétante, voire
désastreuse.» Comme sa syntaxe ? Les éditions
Eyrolles pourraient relire ce qu’ils publient…
MARIE JO DHO
Le discours pornographique
Marie-Anne Paveau
La Musardine, 18,50 euros
Le grand livre du théâtre
Luc Fritsch
Éditions Eyrolles, 23,90 euros
AGNÈS FRESCHEL
Poétique de l’encre violette
Les treize nouvelles du dernier ouvrage de Joëlle
Gardes, À perte de voix, se répartissent entre Version
rose et Version grise. Treize portraits dessinés par
les personnages eux-mêmes, le plus souvent à
la première personne, dans une délicate mise
en soupçon des mots, des choses, des gens. La
banalité prend un tour d’aventure, la distance
entre vie rêvée et vécue se creuse, ciselée dans
un style alerte dont la légèreté de surface laisse
percevoir des abîmes pascaliens. On entre dans
«la forteresse de chacun de nous», on apprend
à se méfier de l’écriture comme Blanche, le
personnage de la nouvelle éponyme, éprise,
en grammairienne, de la clarté du langage, de
ses règles subtiles, mais aussi découvrant le cri
poétique, au-delà du corset des règles. Qu’est-ce
qui fait que l’on est un auteur, un artiste, entre les
velléités de création du Barbouilleur et Cézanne ?
Joëlle Gardes interroge le monde par le biais
de l’intime, du quotidien, effleure d’une douce
ironie ses personnages. On sourit des fantasmes
de l’héroïne de Eddie B. dont la plume s’emporte
comme «un cheval fougueux», aspire à des amours
échevelées en smoking blanc, et se contente des
«slips bleus et des voitures cabossées» de Robert. Un
parfum de Virginia Woolf plane sur la fabrication
des crêpes ; la folie guette celui qui s’acharne à
vouloir transcrire ses souvenirs et qui jamais n’en
retrouve la saveur dans ses écrits… l’ouvrage se
savoure jusqu’à la chute délicieusement féroce
du Béret de ratine. Pour l’encre violette ? Lisez !
Vous la trouverez essentielle !
MARYVONNE COLOMBANI
À perte de voix
Joëlle Gardes
Éditions de l’Amandier, 18 euros
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Rendez-vous avec Paul
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Ni transposition du film en vignettes, ni story
board, ni making-of, ni biopic, et un peu tout
cela à la fois, l’album de Pascal Génot, Bruno
Pradelle et Olivier Thomas consacré à Paul
Carpita et au cultissime Rendez-vous des quais,
se veut un docu-fiction, nourri de témoignages,
d’archives, et d’imagination, cherchant comme
le cinéaste à placer «la fiction dans la réalité».
La réalité ici est à la hauteur de la fiction ! Quel
scénario ! Quel rocambolesque destin pour ce
film initialement intitulé Le printemps des quais !
Tourné de 53 à 55, parfois clandestinement, sur
fond de guerre d’Indochine, monté avec les
moyens du bord, l’aide des Camarades mais
aussi de Pagnol, censuré en juillet 55 parce que
«de nature à présenter une menace pour l’ordre
public», trop amateur, trop provincial, trop peu
normatif au goût du Parti qui ne le défend guère,
mutilé, confisqué, oublié, et salué, 35 ans plus
Fortes têtes !
C’est comme si tout recommençait à jamais : les
naissances, le travail aux champ, les mariages, les
espoirs, les guerres, les états de grâce, les rivalités
familiales… C’est d’ailleurs ainsi que s’achève
le roman générationnel de Nathalie Bauer, Les
Indomptées : «Qui a dit que cela s’arrêterait, que cela
devait s’arrêter un jour ? Car, justement, voici qu’à
cet instant tout recommence.» Tout ? C’est-à-dire
la saga de la famille Randan, longue lignée de
propriétaires terriens aveyronnais dont on suit
les méandres par la grâce d’une écriture ample,
foisonnante, au classicisme savoureux. Nathalie
Bauer s’inscrit dans la lignée des textes qui creusent
la mémoire, mêlant histoires intimes et Histoire,
et donnent l’eau à la bouche tant elle parvient
à faire ressentir chaque atermoiement, chaque
élan du cœur, chaque fêlure, chaque soubresaut
du monde. Un roman dominé par les femmes,
tard par la critique, comme «le chaînon manquant
entre Renoir et la Nouvelle vague» ! Dans l’album,
c’est Carpita lui-même, Séraphin, devenu Paul
pendant la Résistance qui, en 1956, alors que les
certitudes de bien des communistes vacillent
devant les chars russes violant Budapest, un an
après l’interdiction d’exploitation, raconte, en
flash-back, le parcours du film et son parcours
personnel d’homme et de cinéaste, revenant
sur les différentes époques d’une vie ancrée à
Marseille, au fil des luttes et des métamorphoses
de la ville. Vie modeste d’instituteur, de réalisateur,
de militant fidèle à ses engagements et à son
amour du cinéma, à laquelle cette bande dessinée
rend hommage.
Un rendez-vous plus intéressant que ne le laisse
présager la couverture au style désuet.
ELISE PADOVANI
ces fameuses indomptées qui, en dépit des diktats
sociétaux et culturels, tracent leur sillon ; des
fortes têtes jusque dans l’accomplissement de
leur devoir familial et des esprits libres jusque
dans leur dévotion religieuse… Puisant à la
source de sa propre histoire, l’auteure réussit
une photographie sépia aux multiples nuances à
coup de dialogues piquants, de remarques de bon
sens fichées dans la vie domestique, une verve
bouillonnante et des descriptions sensibles d’un
paysage qui forge les bêtes et les hommes. Les
épisodes s’entremêlent, les souvenirs s’entrecroisent
mais le puzzle se reconstitue aisément grâce aux
photos d’époque et à l’arbre généalogique qui
sont un vrai bâton de pèlerin pour le lecteur pris
au jeu de l’écriture dans l’écriture. Car, parmi
ces indomptées, une auteure est née…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le printemps des Quais
Dessin : Olivier Thomas
Scénario : Pascal Génot, Bruno Pradelle
Couleurs : Bruno Pradelle
Édition Quadrants/Soleil, 14,95 euros
Les Indomptées
Nathalie Bauer
Éditions Philippe Rey, 20 euros
Carnets de route
Les éditions Privat proposent en cette année
anniversaire des cent ans des débuts de 14-18 une
collection intitulée Destins de la Grande Guerre,
qui regroupe des témoignages de contemporains
de la période. Trois frères en guerre donne accès
à des textes privés, mis en perspective par Serge
Truphémus, professeur d’histoire. Le projet
prend naissance avec la publication d’une lettre
d’Antoine Martin-Laval dans le recueil Paroles
de poilus de Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume
(Tallandier, Paris, 1998). Le fonds Martin-Laval
déposé aux archives départementales à Marseille occupe environ dix mètres linéaires. Si
l’épaisseur du livre vous rebute, imaginez tout
ce qui a été laissé ! Les documents présentés,
photographies, journal de bord, carnets de
routes, lettres, nous livrent un aperçu vivant
et passionnant de la vie quotidienne à l’arrière
ou au front, rendant sensible la perception du
conflit qui devait s’achever en quelques semaines
et qui s’installe. Rien de révolutionnaire, nos
héros (ils se comporteront en effet comme tels)
sont patriotes, critiquent vertement les pacifistes
qui manifestent dès les premiers jours, mais
leur récit en est d’autant plus terrible, évoquant
les erreurs d’appréciation des chefs, les trajets
inutiles, l’incurie «des stratèges en chambre»
(lettre d’André à sa fiancée Jeanne le 18 avril
1917). On est séduit par la qualité d’écriture, la
finesse des correspondances, l’intelligence des
analyses, de l’amour enfin qui, à chaque page,
unit les membres de cette famille. Une belle
manière d’aborder l’histoire avec un grand H.
MARYVONNE COLOMBANI
Trois frères en guerre
Serge Truphémus
Éditions Privat, Destins de la Grande Guerre,
28 euros
Des fous d’écriture
La Zone d’Intérêt Poétique de Plaine Page s’étend depuis 2008
sur la commune varoise de Barjols, embrassant auteurs, lecteurs,
plasticiens, vidéastes dans un même élan autour des écritures
contemporaines. Les plus diversifiées, versifiées ou non, toujours
plus libres comme en attestent les collections Résidence, Courts
circuits, Connexions, Les Oubliés. Les récentes livraisons sont
un florilège du catalogue des éditions qui collent aux projets de
leurs auteurs, inventant chaque fois maquettes, typos, respirations.
Dans Courts circuits, Katy Remy pénètre tous les interstices de la
poésie pour louer le geste de l’écrivain pareil à celui du sculpteur
et dire la difficulté d’écrire Journellement ; l’architecte-enseignant
Yves Perret conjugue à tous les temps poèmes et équations dans
L’évier à deux trous sans jamais se déparer d’un humour intrépide ;
Raoul Hébréard délaisse installations, performances et sculptures
pour s’offrir une Promenade de rien illustrée par Sophie Menuet.
Plus atypique, Le Film des questions de Frank Smith -collection
Connexions- alterne minuscules et majuscules avant même que les
images ne voient le jour, livre-film tiré d’un fait divers américain
rapporté par une succession de «On dit que», «Le fait est», «Il est
dit», «Il a été établi que» dont l’objectivité est vite contrecarrée
par ses questionnements. Quinzième dans la série Les Oubliés,
Carnets de l’oriental d’Hervé Brunaux est un Petit Poucet littéraire
retraçant par petites pierres (notes, dessins, photos) un voyage
poétique dans le Haut Atlas. Chemin inverse pour l’auteure
libanaise Ritta Baddoura qui scelle sa résidence de 2012 par un
petit chef-d’œuvre, Arisko Palace, au nom en forme de miroir
aux alouettes. Pas de clinquant mais du glaçant, pas de cornet
glacé mais des éclats de vitres, et le souvenir d’un hara-kiri qui a
stoppé net son enfance. Un après-midi d’avril enneigé au cinéma.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Catalogue complet sur www.plainepage.com
À voir
Il n’y a guèr(r)e plus de cent ans
Thierry Azam, Éric Blanco, Raoul Hébréard, Claudie Lenzi, Sophie Menuet
Pôle culturel des Comtes de Provence, Brignoles
du 11 juillet au 18 novembre
04 94 86 22 14
Wang Bing
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Wang Bing est le Président du Jury International
de la 25e édition du FID. Caroline Renard,
universitaire, entourée d’Isabelle Anselme et
François Amy de la Bretèque, a consacré un
livre à ce cinéaste chinois, né en 1967, formé
aux Beaux-Arts de Luxun, puis à l’Académie de
films de Pékin, auteur de douze films «du côté
du peuple», dont dix documentaires, tournés
avec une caméra numérique, films interdits de
projection publique dans son pays.
Trois parties dans cet ouvrage comportent à la
fois des analyses d’universitaires et trois interviews
du cinéaste, menés par Isabelle Anselme.
Dans le premier entretien de juillet 2013, elle
l’interroge surtout sur Le Fossé, fiction réalisée
en 2010, à partir de documents dont des lettres
de prisonniers des camps de travaux forcés de
Jiabianjiou de 1957 à 1961 ; certaines y sont
reproduites en fac similé. Wang Bing y parle
de ses intentions, de sa méthode de travail,
du montage et de la production. Le deuxième
entretien (Pékin, août 2013) aborde à travers
quatre de ses films, À l’ouest des rails (2003),
L’Argent du charbon (2009), Les trois sœurs du
Yunnan (2012) et Til madness do us part (2013), sa
conception du cinéma documentaire. Le troisième
a eu lieu à Paris, après la projection à Venise de
Til madness do us part, tourné dans un espace
clos, quasi carcéral, un hôpital psychiatrique. Le
cinéaste y explique les conditions de tournage
et ses choix de réalisation.
Isabelle Anselme donne quelques clés pour
saisir la société chinoise, en pleine mutation,
des analyses sur les conditions de production
cinématographique, soumise à un contrôle
«liberticide». Hélène Puiseux analyse le film
le plus long du cinéaste (9h11min), À l’ouest des
rails, histoire d’une gigantesque reconstruction.
François Amy de la Bretèque approche les films à
travers l’espace, «métaphore de la condition humaine
et du peuple dans le monde post industriel». Et
Corinne Maury étudie l’Homme sans nom, en
mettant en évidence le choix radical du cinéaste
à l’opposé du portrait documentaire classique.
Dans la dernière partie, Julie Savelli analyse
les séquences d’ouverture de quatre films, dont
Fengming, chronique d’une femme chinoise (2007),
pour mettre en lumière la «creativ method» mise
en œuvre pour traduire la réalité des peuples.
Quant à Caroline Renard, elle montre comment
la dialectique du cinéma de Wang Bing établit
un dialogue avec le passé et porte «les traces des
méandres de l’histoire de la Chine à l’époque de la
mondialisation, mais moins pour les reproduire que
Harmonie Harmonie
«La musique d’Arnold, les gens n’y comprennent
rien» écrit Vincent Jolit (écrivain né en 1978,
vivant à Toulon et bibliothécaire à la médiathèque
d’Hyères) dans les premières pages de son roman
inspiré de la vie du musicien d’avant-garde
Arnold Schoenberg (Vienne1874, Los Angeles
1951). Cette affirmation a été vraie (dure réalité
qu’a connue tout au long de sa carrière, l’émancipateur de la musique atonale et inventeur
du dodécaphonisme) par le passé, certes, mais
est encore valable pour la plupart des oreilles
contemporaines. C’est qu’on est plus à même
de supporter aujourd’hui l’abstraction plastique
d’un Mondrian ou Kandinsky, plutôt que le chaos
sonore de l’École de Vienne dont Schoenberg
a été le chef de file.
Alors de deux choses l’une... pour peu qu’on
s’intéresse à une figure incontournable de la
création au XXe siècle ! Soit l’on s’envoie à un
pavé «bio» façon Fayard, ses écrits théoriques
(Le style et l’idée) en s’abrutissant à l’écoute du
Pierrot lunaire, son 2e Quatuor ou ses Klavierstücke
op.11... Soit on lit cette biographie romancée,
poétique... et l’on se laisse porter par un style
soigné, une écriture remarquable, au gré du
parcours du Viennois, juif, dont le dessin, tracé
à coup d’analyses sensibles de ses opus, tranche
avec la figure anguleuse habituelle de ses portraits.
À traverser un bout de siècle aux côtés de Freud,
Mahler, Schnitzler, Loos, Schiele...
À côtoyer ses disciples Anton et Alban.
À sentir poindre la menace et éclater la Barbarie.
À prendre la route de l’exil, géographique et
artistique, car «il respire l’air d’une autre planète
pour inventer une forme de présence au monde…».
L’ouvrage se termine par la note d’intention que
W. Bing a rédigée en octobre 2012 pour Past
in Presence Tense, un projet de documentaire
consacré aux survivants de Jiabianjiou, un film
inachevé.
Cet ouvrage, très documenté, s’adresse surtout
à ceux qui, ayant vu les films de Wang Bing,
souhaitent en connaître la genèse mais aussi à
ceux qui ont envie de découvrir un cinéaste
qui pense que l’art est le réel des gens, une
interrogation et un regard sur soi-même.
ANNIE GAVA
Wang Bing
sous la direction de
Caroline Renard,
Isabelle Anselme
et François Amy
de la Bretèque,
Arts,
Presses
Universitaires de
Provence,
22 euros
et ne veut plus redescendre» Arnold !
«Harmonie Harmonie» aurait dit le musicien sur
son lit de mort, emportant avec lui un mystère...
À lire... comme un roman !
JACQUES FRESCHEL
Harmonie Harmonie
Vincent Jolit
Éditions de La
Martinière, 15 euros
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième mercredi du mois
Édité à 32 000 exemplaires
imprimés sur papier recyclé
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Édité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
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Collaborateurs réguliers :
Frédéric Isoletta, Yves Bergé,
Émilien Moreau, Christophe
Floquet, Pierre-Alain Hoyet,
Aude Fanlo, Laurence Perez,
Anne-Claire Veluire, Maurice
Padovani, Estelle Barlot