JURIDICTIONNAIRE RECUEIL DES DIFFICULTÉS ET DES RESSOURCES DU FRANÇAIS JURIDIQUE réalisé pour le compte du CENTRE DE TRADUCTION ET DE TERMINOLOGIE JURIDIQUES par Jacques PICOTTE Jurilinguiste-conseil Actualisé au 30 mai 2012 Faculté de droit Université de Moncton AVERTISSEMENT Le Juridictionnaire a commencé à paraître en 1991 sous la forme d'une série de volumes imprimés. Au premier tome, consacré entièrement à la lettre A, s'était ajouté en 1993 un deuxième tome, allant de B à Ca. Mais lorsque la tranche suivante fut prête à publier, le Centre, ne possédant plus les moyens de tirer un nouveau tome, a décidé de faire à la place une nouvelle version revue et augmentée du texte paru jusqu'alors, et de la publier électroniquement sur disquette. Ainsi est né le Juridictionnaire électronique, dont la rédaction se poursuit et qui est maintenant diffusé simultanément en ligne et sur CD ROM. Le format électronique facilite la consultation ponctuelle et en maximise les résultats grâce aux fonctions de recherche et d’hypertexte. Les vedettes sont en vert et en majuscules. Dans le corps de l’article, sont aussi en vert les mots et les locutions qui s’y rapportent, qui font l’objet d’un renvoi ou qui présentent un intérêt quelconque. Les liens d’hypertexte sont en bleu et soulignés. Les exemples et les citations sont en italique. Les termes fautifs sont mis entre crochets. Les juristes suivants ont collaboré à l’ouvrage : pour le premier tome, Claude Pardons a participé à la rédaction, Gérard Snow et Charles Zama ont été conseillers; pour le deuxième tome, Louis Beaudoin a participé à la rédaction à titre de consultant, Gérard Snow et Claude Pardons ont été conseillers; Gérard Snow est demeuré conseiller par la suite. Le Centre de traduction et de terminologie juridiques tient à exprimer sa gratitude au ministère de la Justice du Canada, dont les subventions versées dans le cadre du Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles ont permis la réalisation de ce projet. Vos questions ou commentaires sont adressés au CTTJ Faculté de droit Université de Moncton Moncton (Nouveau-Brunswick) CANADA E1A 3E9 Téléphone : 506-858-4145 Télécopieur : 506-858-4102 Courrier électronique : [email protected] Web : www.cttj.ca © Université de Moncton, 2010 PRÉFACE au tome I (1991) Nous avions déjà des dictionnaires et des vocabulaires qui définissent les termes juridiques, des ouvrages qui nous enseignent la grammaire, la stylistique et le bon usage de la langue française, des études qui traitent de la dualité juridique et linguistique canadienne et de ses conséquences, mais nous n'avions pas encore de Juridictionnaire. C'est d'ailleurs normal qu'on ait créé un néologisme pour dénommer un ouvrage vraiment original, qui n'a de précédent ni au Canada ni à l'étranger. C’est en participant, depuis maintenant plus de dix ans, aux travaux lexicographiques et traductionnels du Centre de traduction et de terminologie juridiques de Moncton, que les auteurs, Jacques Picotte et Claude Pardons, se sont rendu compte des difficultés particulières auxquelles faisaient face chaque jour les rédacteurs et traducteurs juridiques canadiens. L’absence d’une terminologie française propre à la common law, la coexistence et l’interaction de deux systèmes juridiques, l’influence de la common law sur le droit public canadien et sur la langue de ce droit, l’anglicisation insidieuse, non seulement du vocabulaire, mais peut-être plus encore de la syntaxe et du style, et, surtout, la carence d’instruments aptes à guider les traducteurs et les rédacteurs juridiques sont les principaux motifs à la source de la conception de ce projet. « On ne peut parler de droit que dans la langue du droit, pour cette raison très simple que la plupart des institutions et des concepts juridiques n’ont pas de dénomination dans le langage courant » écrivait Philippe Malinvaud, président de l’Association Henri Capitant dans l’avant-propos du Vocabulaire juridique de Gérard Cornu. Si les auteurs du Juridictionnaire ont tenu compte des spécificités de la langue du droit, ils n’ont pas oublié que les paramètres du français juridique sont beaucoup plus vastes que ceux de la langue du droit. Le juge qui rend une décision doit décrire les faits dans la langue courante. Les rédacteurs législatifs traitent régulièrement de domaines qui, en soi, n’ont aucun caractère juridique. Il n’en reste pas moins que même les mots courants, lorsque employés dans un écrit juridique, sont assujettis à des règles particulières. Reconnaître la nécessité de l’exactitude, de la justesse et de la correction du français en général et du français juridique en particulier, c’est en reconnaître les difficultés et, par conséquent, les besoins que vient combler le Juridictionnaire. Cet ouvrage, dont on publie aujourd’hui le tome premier, m’apparaît donc comme un outil qui devrait devenir le livre de chevet indispensable non seulement des traducteurs, rédacteurs et juristes canadiens, mais de tous les juristes du monde francophone. Je me réjouis particulièrement de constater, comme en fait état l’introduction, que le Juridictionnaire veut favoriser « la désexisation du discours juridique et la simplification du langage juridique ». C’est déjà beaucoup! À titre de sous-ministre déléguée, responsable de la Section de la législation au ministère de la Justice du Canada, et surtout à titre de présidente du Programme national de l’administration de la justice dans les deux langues officielles (PAJLO), qui, depuis dix ans, cherche à promouvoir la qualité linguistique des textes juridiques — pour ne pas parler de mes racines acadiennes — , je ne puis que me réjouir de la publication de cette première partie du Juridictionnaire. J’espère que le Centre de traduction et de terminologie juridiques de l’Université de Moncton pourra faire appel à des ressources supplémentaires pour accélérer le processus de production de cette œuvre. Maintenant qu’on nous a mis l’eau à la bouche, il ne faut pas nous laisser sur notre faim. Je félicite très chaleureusement l’auteur, Jacques Picotte, et son principal collaborateur, Claude Pardons; leur ouvrage est un reflet fidèle de leur amour du travail bien fait et de leur souci de l’excellence. Un travail de longue haleine et approfondi comme celui-ci requiert l’aide d’une équipe dévouée, fidèle et sûre. Mes félicitations s’adressent donc aussi à chacun et à chacune des membres de cette équipe, dont l’apport et la contribution sont soulignés plus loin. En terminant, je voudrais rendre un hommage particulier au Centre de traduction et de terminologie juridiques de Moncton, notamment à son directeur, Me Roger Bilodeau, et à son ancien directeur et responsable de ce projet, Me Gérard Snow, pour faire, encore une fois, œuvre de pionnier, en nous présentant le premier véritable ouvrage de juristylistique. Anne-Marie Trahan, c.r. Sous-ministre déléguée - droit civil Ministère de la Justice du Canada INTRODUCTION au tome I (1991) Créé en 1979 dans le but de faciliter l’enseignement de la common law en français à l’École de droit de l’Université de Moncton, le Centre de traduction et de terminologie juridiques s’est rapidement mis à la tâche pour réaliser sa mission. Ses premiers ouvrages lexicographiques ont proposé un vocabulaire français dans les principales branches de la common law : le droit des biens (1980), le droit des fiducies (1982), la procédure civile et la preuve (1983), les délits civils (1986) et les contrats (1991). Parallèlement à ces travaux, le CTTJ a réalisé notamment la traduction de textes législatifs et réglementaires, des cours du Barreau du NouveauBrunswick et de certains ouvrages de doctrine. À la demande du milieu juridique, le CTTJ a entrepris de rédiger, puis de dispenser lui-même des cours d’introduction à la terminologie de la common law et à la rédaction juridique, ainsi qu’un cours de français juridique en droit pénal. Il répondait ainsi à l’un de ses objectifs principaux, soit de créer des outils de développement de l’exercice du droit en français, contribuant de cette façon au perfectionnement linguistique des juges et des avocats d’expression française du Nouveau-Brunswick, de même qu’à la bonne administration de la justice en français dans les provinces de common law. Comme l’écrivait Louis-Philippe Blanchard, ancien recteur de l’Université de Moncton, « les ouvrages que publie le Centre de traduction et de terminologie juridiques de l’Université de Moncton constituent un des mécanismes engendrant l’établissement possible de liens culturels, économiques et juridiques entre les pays de common law, comme le Canada, et les autres pays francophones. Si ces liens sont encore peu nombreux, ils représentent un potentiel et des passerelles dont l’importance grandit sans cesse ». Dans cette perspective, la publication du tome premier du Juridictionnaire arrive à point nommé puisque, d’une part, elle s’insère tout naturellement dans cette évolution des travaux du CTTJ et que, d’autre part, elle édifie, dans son domaine particulier de la jurilinguistique et dans une étape liminaire, des liens avec les pays francophones, ces passerelles qu’évoquait notre ancien recteur. Après avoir consacré ses énergies à établir une terminologie et à réaliser des textes, le CTTJ dirige une partie de ses ressources vers l’analyse et la correction. Il devient, d’une façon plus complète, un centre de jurilinguistique appliquée. En outre, le public auquel s’adresse le Juridictionnaire, quoique majoritairement canadien, n’en appartient pas moins à l’ensemble des pays de langue française. Ce « Recueil des difficultés et des ressources du français juridique », pour rappeler le sous-titre de l’ouvrage, vise à être utile et apprécié dans toute la francophonie par la nature et le contenu de ses articles. TRAVAUX DE JURILINGUISTIQUE AU CANADA Le Juridictionnaire est d’abord et avant tout un ouvrage de jurilinguistique. Cette très jeune discipline (le terme jurilinguistique a été créé au Canada il y a une dizaine d’années), qui s’apparente à ce qu’on appelle en France la linguistique juridique, s’attache à l’étude des moyens d’expression du langage du droit, langage du législateur comme celui du juge ou du praticien. Dans son ouvrage Linguistique juridique (1990), Gérard Cornu a montré comment le langage juridique existe « comme un fait linguistique assez typique pour constituer un terrain d’étude de la spécificité de ce langage ». La jurilinguistique s’appuie notamment sur la rhétorique et sur la juristylistique (c’est-à-dire sur l’application au langage du droit de l’art de convaincre et de la stylistique : style des lois, des jugements ou des actes) pour étudier tant le vocabulaire juridique que le discours juridique dans son expression écrite ou orale. Au Canada, les travaux de jurilinguistique ont fourni jusqu’à présent de nombreux outils de travail susceptibles d’améliorer la qualité linguistique des textes juridiques. Le Juridictionnaire s’inscrit dans la suite de certains ouvrages de référence en jurilinguistique. C’est au Groupe de jurilinguistique française de la Section de la législation du ministère de la Justice du Canada que nous devons l’excellent Guide canadien de rédaction législative française, devenu très rapidement le complément des manuels au programme des cours de rédaction et de traduction juridiques. Cette équipe de légistes et de linguistes a accompli un travail précieux, source originale de perfectionnement linguistique, et l’accueil favorable réservé au Guide manifeste un besoin réel d’outils de travail variés en jurilinguistique. Le Guide présente des techniques de transposition interlinguistique de l’anglais au français et des règles de rédaction dont le but est de proposer à l’aide de modèles des solutions aux multiples problèmes de fond et de forme que pose l’élaboration de textes juridiques en situation de bilinguisme. La Direction générale des affaires législatives du ministère de la Justice du Québec a réalisé, pour sa part, deux outils de travail indispensables en rédaction juridique. Légistique est un bulletin de rédaction législative et réglementaire qui se présente sous forme de chroniques destinées à fournir aux légistes un outil d’amélioration de la qualité de la législation. Le Guide de rédaction législative traite des techniques de rédaction législative et des procédés linguistiques qui constituent des moyens de clarification et de simplification des textes et qui favorisent la bonne rédaction française. Les Difficultés du langage du droit au Canada de Jean-Claude Gémar et Vo HoThuy se présentent comme un recueil de deux cents termes propres au langage du droit. Les auteurs se proposent de cerner le « bon usage » d’une manière de dire le droit conforme au génie du français. Ils s’inspirent des méthodes et des principes de la jurilinguistique dans leurs analyses des termes retenus. Pour eux, « le rôle du jurilinguiste consiste à interpréter le droit sur tous les plans, le plus fidèlement et le plus profondément possible, pour en retrouver le sens, voire l’essence véritable. » Déjà en 1984, dans sa « Bibliographie de jurilinguistique comparée » publiée dans L’actualité terminologique, Nicole-Marie Fernbach avait défini le rôle des jurilinguistes comme celui de décodeurs du discours juridique, d’interprètes du langage particulier du droit : « Le jurilinguiste s’attache au décodage du discours et dégage des règles ou des phénomènes de récurrence et de fréquence, soit autant d’observations précieuses pour la traduction juridique canadienne qui peut alors s’inspirer des tournures syntaxiques alors mises en évidence, des remarques sur la phraséologie ou encore de toutes réflexions de stylistique comparée appliquées au domaine du droit. » TÂCHES DE LA JURILINGUISTIQUE Les tâches de la jurilinguistique sont nombreuses : les plus importantes sont sans doute celles de la définition de ses principes et de ses méthodes et, sur le plan de la terminologie, de l’accélération du processus de normalisation de la terminologie française de la common law. Le Juridictionnaire favorise la désexisation du discours juridique et la simplification du langage juridique. Le langage du droit est, comme tout langage de spécialité, le reflet d’une société en constante évolution. S’inspirant du génie de la langue, il acquiert des formes nouvelles et abandonne les formes anciennes, tant sur le plan du sémantisme que sur celui de la grammaire et de la syntaxe. Depuis une vingtaine d’années, de plus en plus de femmes ont accès à des métiers jusque-là réservés aux hommes. Il est normal que leur présence soit attestée par une dénomination qui est la leur. Aussi l’usage s’est-il répandu de rendre compte de la présence des femmes par le recours à deux procédés : la féminisation des titres et des fonctions et la désexisation du discours. Le premier procédé s’est effectué d’une façon presque harmonieuse dans le langage administratif, tandis que le second, pénétrant lentement le style administratif, grâce à différentes techniques de rédaction (visant à alléger le texte), parfois très maladroites (par exemple la solution typographique : utilisation du tiret, du trait oblique ou de la parenthèse), parfois insatisfaisantes (alterné de la forme masculine et de la forme féminine, chacune se lisant comme englobant l’autre), n’a pas réussi à percer dans le langage du droit, où il rencontre une résistance certaine. Dans le but de favoriser d’une façon concrète l’égalité entre les femmes et les hommes et d’éviter ambiguïtés et sexisme, il ne faut plus hésiter à s’attaquer à l’usage grammatical de la rédaction juridique, notamment de la rédaction législative. C’est à la jurilinguistique qu’il appartient de montrer la voie. Il faut être inventif, et faire preuve de bonne volonté et d’ouverture d’esprit. Il importe de trouver des formes d’expression satisfaisantes en matière de règles de rédaction, de dire le droit d’une façon qui permette aux femmes de se reconnaître, sans nuire à la clarté du texte et à sa concision. On a tort, par exemple, de continuer de prétendre que, conformément à la grammaire traditionnelle, le masculin peut, à lui seul, représenter les deux genres. La règle d’interprétation législative touchant le genre grammatical, solution de facilité et modèle linguistique du maintien du statu quo, peut paraître bien pratique en faisant du masculin un générique ou un genre neutre, mais les arguments ayant trait aux questions de commodité et de style ne méritent pas d’être retenus. La jurilinguistique se doit d’indiquer les solutions à adopter (notamment l’emploi du masculin et du féminin tout au long, le recours au générique, à la tournure neutre, et la reformulation de la phrase) pour nous amener à produire dorénavant des textes juridiques désexisés. Dans cet esprit, le Juridictionnaire présente dans les entrées les formes masculines et féminines complètes des noms de personnes, des titres et des professions, formes attestées par l’Office de la langue française du Québec ou par les dictionnaires généraux, ou recommandées par nous. La jurilinguistique doit s’attaquer à une autre tâche, celle de la rédaction de textes en langage simple. Dans quelle mesure notre jeune discipline peut-elle contribuer à favoriser la diffusion des techniques de rédaction qui ont pour but d’amener les juristes à répondre aux besoins et aux attentes de leur clientèle en respectant la grammaire, en utilisant des mots d’usage courant, en utilisant des structures de phrases allégées et en faisant appel à une présentation matérielle sobre et succincte ? La jurilinguistique doit diffuser le fruit de ses recherches et de ses réflexions, notamment les recherches en linguistique et en analyse du discours, afin d’aider le rédacteur et la rédactrice à transmettre un message clair et précis et à éviter le charabia, auquel mène inévitablement le copiage aveugle des anciens formulaires et des précédents. PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE Le Juridictionnaire n’est pas un ouvrage de lexicographie juridique, mais un répertoire des difficultés et des ressources linguistiques du français juridique, au Canada surtout, mais à l’étranger également. La partie définitoire que comportent certains articles n’a pour objet que de renseigner l’usager sur le sens général ou particulier du terme étudié, sans prétendre remplacer les définitions des dictionnaires juridiques. Les entrées, contrairement à celles du dictionnaire de droit, ne sont pas constituées uniquement de termes ou de locutions juridiques. La nomenclature est donc très diverse : termes du langage courant ayant une charge sémantique juridique à cause de leur utilisation dans certains contextes, notions grammaticales, notions de stylistique ou de rhétorique, et vocabulaire de disciplines connexes. En outre, la sélection des difficultés s’opère naturellement; elle n’est ni systématique ni forcée. Ne sont recensés que les termes qui ont créé des difficultés ou qui sont susceptibles d’en poser et qui ont été relevés au cours de nos travaux au Centre. Le point de vue d’un dictionnaire de difficultés linguistiques n’est pas descriptif, sa fonction n’étant pas d’enregistrer l’usage, mais de trancher. Aussi, lorsqu’il dénonce un usage, le Juridictionnaire propose-t-il toujours une solution de remplacement. Le point de vue normatif justifie que les exemples ne soient pas toujours tirés des textes, mais qu’ils puissent être fabriqués. Les buts visés au moment de la conception initiale de l’ouvrage n’ont pas changé. Le Juridictionnaire est un outil de travail à l’usage des rédacteurs et des rédactrices qui ont le souci du mot juste et de la correction de la langue et qui désirent trouver rapidement la réponse aux questions que soulèvent leurs difficultés linguistiques; c’est une mine de renseignements sur des questions diverses de grammaire, de terminologie, de traduction et de rédaction juridiques, de conventions et de bon usage du langage du droit au Canada et dans la francophonie; c’est un recueil d’études plus approfondies à l’occasion de certains problèmes particuliers que le seul énoncé de solution ne suffirait pas à résoudre; c’est un guide pratique et moderne du français juridique qui expose à l’aide d’explications éclairantes l’utilisation correcte de termes juridiques et de formules figées dans des contextes particuliers à certaines branches du droit; c’est enfin un aide-mémoire permettant de garder à portée de la main des tableaux qui viennent ramasser dans un cadre mnémotechnique une matière diffuse et diverse. Jacques Picotte AVANT-PROPOS au tome II (1993) Le Juridictionnaire est d’abord un ouvrage de référence. Outil de travail et complément des dictionnaires généraux et spécialisés, on le consulte pour résoudre l’embarras où nous met un point de langue, pour lever une incertitude ou trouver rapidement une ressource stylistique ou la réponse à une question concernant le sens ou l’emploi, au Canada ou en France, d’un mot ou d’une locution du français juridique. L’utilité ponctuelle de l’ouvrage justifie la profusion de ses renseignements et de ses exemples, recueillis dans tous les domaines de la vie juridique. Au regard de la typologie des dictionnaires de langue, cette utilisation le rapproche, d’une certaine manière et indépendamment de son originalité, des dictionnaires de difficultés. Dans cette perspective, on reconnaîtra à bon droit que l’intérêt que présentent ses articles pris un à un est inégal, et cela est naturel. Mais l’ouvrage est aussi une source de culture. On le lit pour s’instruire, pour se perfectionner dans son domaine d’activité et pour mieux apprécier la spécificité du langage du droit. Prises ensemble, les entrées se présentent alors comme un répertoire de connaissances sur le discours juridique dans lequel l’usager puisera à pleines mains. Cette utilité est primordiale. On tirerait le plus grand profit du Juridictionnaire si on le lisait intégralement. C’est de cette manière qu’on peut le mieux et le plus sûrement enrichir son style, maîtriser les tours et les procédés du langage du droit et, acquérant peu à peu une connaissance globale de la matière et s’imprégnant de la richesse de son discours, parvenir à s’exprimer dans le registre des spécialistes du droit. Tel a été, dès le début, l’objet de mon labeur. Je n’ai pas travaillé seul. La liste serait longue des personnes à qui je dois dire merci. Ce tome deux n’aurait pas été si allègrement rédigé sans leurs encouragements et leur appui. Je suis heureux d’exprimer ma reconnaissance à Louis Beaudoin, qui a étudié avec moi plusieurs dossiers de mots et qui m’a apporté, tout au long de ma tâche, une aide sûre. Je répète, ici, ma profonde gratitude aux collègues qui m’ont généreusement consacré leur temps et qui m’ont conseillé aux divers stades de la rédaction. Je rends d’abord hommage à Gérard Snow et à Claude Pardons. Je les remercie de leurs remarques judicieuses et de leurs directives toujours utiles. Leur science admirable du droit m’a ouvert maintes perspectives. C’est à eux que je réserve, on le comprendra, le plus respectueux et le plus vif de mes remerciements. Je tiens à assurer de ma reconnaissance mon ancien directeur Roger Bilodeau et Cécile Bourque pour la planification de mes travaux et l’administration éclairée du projet. Pour le soin apporté à revoir le manuscrit et à corriger patiemment les épreuves, ma gratitude est acquise à ma collègue Jacqueline Arseneau. Avec beaucoup de compétence et l’oeil vigilant, elle a relevé tous les endroits de l’ouvrage où mon attention était en défaut; son travail impeccable aura rendu mon ouvrage moins imparfait. Merci à Gérène Robichaud et à Annie Daneault dont l’entier dévouement comme adjointes de recherche a été très apprécié. Je sais gré enfin à Murielle Vautour, à Debbie Maillet et à Marie-Berthe Boudreau, qui, souriantes et affables, ont consacré de nombreuses heures à la dactylographie du texte. Au nom du Centre de traduction et de terminologie juridiques, je remercie de sa confiance le Secrétariat d’État dont l’aide financière versée dans le cadre du Programme de l’administration de la justice dans les deux langues officielles nous a permis de réaliser cette deuxième tranche du Juridictionnaire. Jacques Picotte RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES Il serait sans intérêt de dresser ici la liste complète de tous les documents consultés, plusieurs étant d’ailleurs des textes marginaux. La confection d’un dictionnaire de langue permet au lexicographe d’adopter une technique qui l’autorise à glaner très librement les exemples servant à illustrer ses explications, et même, dans le cas d’un ouvrage comme le Juridictionnaire, à les extraire des textes révisés au CTTJ, de nos cours de français juridique, ou à les inventer de toutes pièces, au besoin. Aussi tous les périodiques et les monographies qui ont fait l’objet d’un dépouillement aléatoire ou d’une recherche ponctuelle ne sont-ils pas portés sur notre liste. Seuls demeurent utiles, croyons-nous, les éléments de bibliographie qui peuvent éclairer l’usager sur nos sources principales de façon à caractériser clairement notre projet et à préciser les bases de sa réalisation. Il suffit de mentionner les textes qui ont fait l’objet d’un dépouillement intégral ou partiel et les travaux spécialisés auxquels nous devons le plus à ce jour pour la rédaction des articles. La documentation que contiennent les dossiers constituant la nomenclature se classe suivant les quatre types de textes qui ont alimenté ou inspiré la rédaction du tome premier, à certaines exceptions près, et qui lui ont servi d’appui. 1. a) Dictionnaires généraux et spéciaux, vocabulaires et lexiques. Langue générale. Pour le français : Le Robert, le Grand Larousse de la langue française, le Grand Larousse encyclopédique, le Dictionnaire de l’Académie française, le Littré, le Trésor de la langue française, le Lexis, le Dictionnaire Hachette de la langue française, le Dictionnaire du français vivant, le Bescherelle, le Guérin, le Quillet, le Bélisle, le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, le Dictionnaire du français plus, le Dictionnaire des néologismes officiels. Textes législatifs et réglementaires du Commissariat général de la langue française, La langue française dans tous ses débats, d’Aristide, le Dictionnaire étymologique de la langue française de Bloch et van Wartburg, le Dictionnaire de l’ancienne langue française de Godefroy, le Dictionnaire des synonymes de Bénac, et ceux de Bailly et de Younes, et le Dictionnaire des expressions et locutions de Rey et Chantreau. Pour l’anglais : Gage Canadian Dictionary, The Shorter Oxford English Dictionary, Webster’s Third New International Dictionary, et le Random House. Langage du droit. Pour le français : le Vocabulaire juridique de Cornu (1991), le Vocabulaire juridique de De Fontette, le Dictionnaire juridique de Lemeunier, le Dicojuris de Nicoleau, le Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues du Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, le Lexique de termes juridiques de Guillien et Vincent, le Dictionnaire de droit en deux volumes, publié chez Dalloz, le Dictionnaire des termes juridiques de Samyn, Simonetta et Sogno, le Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit d’Arnaud, le Nouveau dictionnaire de droit et de sciences économiques de Barraine, le Dictionnaire juridique des communautés européennes, le Lexique de droit judiciaire de Michaëlis, et le Dictionnaire des expressions juridiques de Roland et Boyer et le Dictionnaire du droit privé de Braudo. Pour l’anglais : The Dictionary of Canadian Law, Canadian Law Dictionary de Yogis, Black’s Law Dictionary, Jowitt’s Dictionary of English Law, The Oxford Companion to Law, Ballentine’s Law Dictionary, Stroud’s Judicial Dictionary of Words and Phrases et Mozley & Whiteley’s Law Dictionary. b) Dictionnaires et lexiques bilingues. La série Vocabulaire de la common law et le Lexique anglais-français de la common law, ouvrages publiés par le CTTJ, les Vocabulaires bilingues de la common law (la Clef) diffusés par l’Association du Barreau canadien, le Lexique des lois et des règlements de l’Ontario et le Lexique bilingue de termes législatifs, le Baleyte, le Jéraute, le Doucet, le Le Docte et le Dreuilhe et Deysine. Pour les locutions latines, le Mayrand, le Roland et Boyer et le Schwab et Pagé. Dictionnaires spéciaux. Le Dictionnaire canadien des relations de travail de Dion, le Dictionnaire de la comptabilité et de la gestion financière de Ménard, le Dictionnaire commercial de l’Académie des sciences commerciales, les lexiques et vocabulaires publiés par le Bureau des traductions (Canada), les banques de terminologie des gouvernements canadien (TERMIUM Plus®) et québécois (BTQ), et le Robert & Collins du management. 2. Dictionnaires de difficultés et grammaire. Pour le français juridique : Difficultés du langage du droit au Canada de Gémar et Vo Ho-Thuy, les Expressions juridiques en un clin d’œil de Beaudoin et Mailhot. Langue générale. Pour le français : le Hanse, le Thomas, le Lavigne, le Colin, le Girodet, le Georgin, le Dupré, Les maux des mots, le Dagenais, le Dictionnaire des particularités de l’usage de Darbelnet, le Lexique du français pratique de Berthier et Colignon, le Multidictionnaire de De Villers, Les observations grammaticales et terminologiques de Sauvé, le Bon Usage de Grevisse. Langue commerciale. Recueil de difficultés du français commercial de Clas et Seutin. Pour les anglicismes : Dictionnaire des anglicismes de Colpron, Dictionnaire des anglicismes de Rey-Debove et Gagnon, Dictionnaire des faux amis français anglais de Van Roey, Granger et Swallow, Anglicismes et substituts français de Le Noble-Pinson, Chasse au franglais de Boly et Les anglicismes dans le droit positif québécois de Schwab. Pour les difficultés de l’anglais juridique : Modern Legal Usage de Garner; pour les difficultés de l’anglais courant : Usage and Abusage de Partridge. 3. Monographies, ouvrages et articles divers sur le langage du droit. Linguistique juridique (1991a) et « La bonté du législateur » (1991b) de Cornu, Langues et langages du droit de Didier, Le langage du droit de Sourioux et Lerat, Le signe et le droit de Gridel, Les jugements civils d’Estoup, Le langage de la justice pénale de Raymondis et Le Guern, Les outils du raisonnement et de la rédaction juridique de Laprise, Logique juridique, nouvelle rhétorique de Perelman, Traité de l’argumentation de Perelman et Olbrechts-Tyteca, Le signe et le droit de Gridel, Les notions à contenu variable en droit, études publiées par Perelman et Elst, Le style des jugements de Mimin, Le style et l’éloquence judiciaires de Lindon, Le nouveau style judiciaire de Schroeder, le Commentaire d’arrêt en droit privé de Mendegris et Vermelle, les Pandectes belges, le Guide canadien de rédaction législative française, le Guide de rédaction législative du Québec, la Légistique formelle de Byvoet, Rédaction et interprétation des lois de Pigeon, Langage du droit et traduction : essais de jurilinguistique, sous la direction de J.-C. Gémar, le Guide de rédaction pour la traduction parlementaire de Valmond LeBlanc. Pour l’anglais : The Language of the Law de Mellinkoff et Images of Law de Bankowski et Mungham. 4. Textes dépouillés intégralement ou partiellement. Lois révisées du Canada, Lois révisées du Nouveau-Brunswick, Lois du Québec et Lois révisées de l’Ontario, diverses lois françaises, les codes civils québécois et français, le Code de procédure civile du Québec, le Nouveau Code de procédure civile français, le Code pénal français, les Règles de procédure du Nouveau-Brunswick. Pour les décisions françaises et européennes, les recueils le plus souvent consultés ont été la Jurisprudence générale de Dalloz et Sirey, la Semaine juridique, la Revue trimestrielle de droit civil et toute la série d’ouvrages intitulés les Grands arrêts. Pour la jurisprudence canadienne : Arrêts de la Cour suprême du Canada, Arrêts de la Cour fédérale du Canada, Arrêts du Nouveau-Brunswick, Arrêts du Québec, Recueil de jurisprudence administrative, Arrêts de la Cour d’appel des cours martiales du Canada, Arrêts de la Cour canadienne de l’impôt, Commission d’opposition des marques de commerce, Décisions des appels de l’immigration, Décisions canadiennes sur les droits de la personne, Décisions de la Commission de révision des marchés publics, Décisions du Tribunal de la concurrence du Canada, Tribunaux canadiens du commerce, Tribunal canadien des importations et Projets de réglementation fédérale. Ouvrages généraux et de synthèse sur le droit. Droit civil de Cornu, Cours de droit civil français d’Aubry et Rau, Droit civil de Carbonnier, Leçons de droit civil de Mazeaud, Traité pratique de droit civil français de Planiol et Ripert, Principes de droit civil de Laurent, Traité de la responsabilité civile de Savatier, Droit des biens de Lafond, Précis du droit des biens réels de Bastarache et Boudreau Ouellet, Les grands arrêts de la common law, tous les ouvrages de doctrine publiés dans la série Common law en poche, la Common Law d’un siècle l’autre, sous la direction de Pierre Legrand jr, l’Histoire du vocabulaire fiscal d’Agron, le Droit des sûretés de Ciotola, Le cautionnement par compagnie de garantie de Poudrier-LeBel, Institutions judiciaires de Perrot, Institutions judiciaires de Roland et Boyer, Droit parlementaire d’Avril et Gicquel, Droit administratif général de Chapus, Traité de droit commercial de Ripert, Droit commercial de Dekeuwer-Deffosez, le Traité de droit aérien de Michel de Juglart, Le droit aérien de Cartou, Le droit contre le bruit de Lamarque, la Circulation routière. L’indemnisation des victimes d’accidents de Legeais, le Droit des assurances de Lambert-Faine, Procédure civile de Héron, Droit pénal international de Lombois, le Droit pénal général de Stéfani, Levasseur et Bouloc, Manuel de preuve pénale de Boilard, Droit pénal général et Criminologie et science pénitentiaire de Stefani et Levasseur, La preuve civile de Royer, Traité de droit criminel de Merle et Vitu, Droit du commerce international de Jadaud et Plaisant, Droit des sociétés de Jeantin, Droit international privé de Mayer, Droit international public de Combacau et Bur, Droit international public de Reuter, Les effectivités du droit international public de De Visscher, Les fictions du droit sous la direction de Ysolde Gendreau, Droit des transports de Rodière, et Droit de la communication de Derieux, La pénologie de Dumont. Ouvrages d’introduction au droit : ceux de Falys, d’Orianne, de Monique Chemillier-Gendreau, de Sourioux, d’Aubert et de Malinvaud. Théorie générale du droit de Dabin et Introduction générale à la common law de Poirier. Du procès pénal de Salas, Droit préventif de Nreau, La responsabilité pénale des personnes morales en droit anglais. Un modèle pour la Suisse ? de Kenel, Technique contractuelle de Mousseron, et le Droit des contrats de Stephen M. Waddams. Adages du droit français de Roland et Boyer. Pratique professionnelle de l’avocat de Woog, Les règles de la profession d’avocat et les usages du barreau de Paris de Lemaire, La nouvelle profession d’avocat de Blanc. Le droit et l’administration des affaires dans les provinces canadiennes de common law de Smyth et Soberman et Le droit anglais des affaires de Charlesworth. Choix de sites juridiques variés Assemblée nationale du Québec Association Belge des Experts Collection Mémoires et thèses électroniques (Université Laval) Conseil supérieur de la Magistrature (France) Cour internationale de Justice Cours autodidactiques CAFE DAFA Dico d’apprentissage Dictionnaire du droit privé (de Braudo) Droit des pays d’Afrique Droit et Internet Droit-Fiscalité (Belgique) Droit francophone (Agence intergouvernementale de la Francophonie) Droit international (ONU) Droit org. Portail du droit français Droit. Pratique. fr Droit suisse EDF. Consultation des atlas sémantiques Éducaloi (Le carrefour d’accès au droit) Eur-Lex Juridix Juripole Juriscom.net (Revue du droit des technologies de l’information) JurisConsulte.net (Cabinet d’avocats André Icard) Jurisite Tunisie Juris Prudentes Jurist’ Prudence Juritel Info Jurivoc suisse La Maison du droit (droit vietnamien) Le Barreau de l’Ardèche (Lexique) Le Barreau de Paris Legalis.net Legifrance. Gouv. fr. 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ABDICATIF, IVE. ABDICATION. ABDIQUANT, ABDIQUANTE. ABDIQUER. Abdiquer n’est guère usité à propos d’un droit; le plus souvent, on dit renoncer à un droit. On le trouve pourtant dans Planiol au sens d’abandonner : « Abdiquer son droit est encore une manière de l’exercer. » 1) Le verbe abdiquer signifie renoncer, de plein gré ou non, à de hautes fonctions. Dans cet emploi, il ne se dit aujourd’hui que d’une autorité souveraine. Il s’emploie de façon absolue ou avec un complément d’objet direct : « La Reine a abdiqué. » « Le roi Léopold III de Belgique a abdiqué son trône en 1951. » Dans le cas de fonctions exercées par d’autres personnes, on emploiera se démettre de ses fonctions, démissionner, renoncer à ses fonctions ou résigner ses fonctions. En droit administratif, notamment en matière de contrôle judiciaire de 21 l’Administration, abdiquer s’emploie au sens de renoncer à un pouvoir conféré par la loi : « Si l’Administration ne peut abdiquer son pouvoir discrétionnaire, elle ne peut non plus en transformer la nature ou en changer la procédure. » Le sens ici est s’engager à ne pas exercer un pouvoir, par contrat ou par une politique. Dans le droit des biens, l’équivalent retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law pour le terme anglais “to release” n’est pas [abdiquer], mais délaisser. Quant au terme “lease and release”, que l’on trouve traduit parfois par [location et abdication], son équivalent normalisé est baildélaissement. Le substantif abdication a un sens similaire. Il peut être suivi du nom de celui qui abdique ou de la chose abdiquée (comme dans les exemples ci-dessus). Le Trésor de la langue française indique, toutefois, que cette construction semble sortie de l’usage. 2) En droit civil, abdication et abdiquer désignent aussi le fait ou l’action de renoncer à un droit ou, plus généralement, à qqch. (dans la théorie des actes abdicatifs) : « Le créancier de celui qui a abdiqué son droit de propriété peut recueillir le droit de propriété abdiqué. » L’article 898 du Code civil du Québec dit : « Personne ne peut... abdiquer la faculté de tester ou de disposer à cause de mort ». La consultation article de doctrine sur l’acte abdicatif a permis de relever les constructions suivantes : le bien abdiqué, l’immeuble abdiqué, abdiquer une règle de droit (c.-à-d. renoncer à l’application d’une règle de droit), abdiquer une action (en justice), l’abdication d’un droit, de l’action en exécution forcée, d’une règle de droit. 3) La personne qui abdique un droit est appelée l’auteur de l’abdication ou l’abdiquant : « Le désistement d’instance est souvent animé par le souci de l’abdiquant d’échapper à une action en dommages-intérêts pour abus de droits. » Abdiquant s’emploie comme substantif ou comme adjectif pour désigner celui ou celle qui abdique : « Les droits de l’abdiquant restent entiers ». Le roi abdiquant, la souveraine abdiquante. Abdicataire est rare, mais fait concurrence à abdiquant. 22 Syntagmes Abdication volontaire, légitime. Abdication forcée, illégitime, nécessaire. Abdication d’un droit. Droit d’abdication. Faire abdication. Abdiquer la couronne, la royauté. ö DÉLAISSEMENT. ö DÉMISSIONNER. ö RENONÇANT. ö RENONCER. ABERRATIO ICTUS. Se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. Expression latine employée en droit pénal. Elle vise l’erreur commise par le criminel qui vise A, mais, par maladresse, atteint B. Cette erreur est sans incidence sur la culpabilité, car l’identité de la victime n’est pas considérée comme un élément de l’infraction si l’intention de causer la mort était présente. « Les ouvrages qui traitent du transfert d’intention établissent une distinction entre deux genres de situations où l’accusé cause un préjudice à la ‘mauvaise victime’. Le premier cas, qu’on appelle error in objecto (erreur sur l’objet), se produit lorsque l’auteur d’un crime commet une erreur sur l’identité de la victime. C’est le second cas où il y a ‘mauvaise victime’, qu’on appelle parfois aberratio ictus, ou de façon plus poétique ‘une erreur du projectile’, qui est à l’origine de la controverse qui entoure la doctrine du transfert d’intention. Dans ce dernier cas, l’auteur du crime vise X mais, par chance (sic) ou maladresse, il atteint Y. » Roland et Boyer (1977) proposent comme équivalent français : erreur de tir, et Mayrand : erreur (égarement) du coup. ö ERREUR. ö IN OBJECTO. 23 AB INITIO. Se prononce a-bi-ni-sio et se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. Cette locution adverbiale est apparue très tôt en anglais, au début du XVIIe siècle, alors qu’elle est attestée en français au début du XXe siècle seulement. Ab initio signifie depuis le début, dès le commencement, dès l’origine. Grammaticalement, ab initio s’emploie comme adjectif (compétence, intrusion, nullité ab initio) ou comme adverbe (compétence conférée ab initio, intrusion commise ab initio, nullité opérant ab initio). « La Cour a retenu une interprétation beaucoup plus large de ses pouvoirs de révision et a conclu que la loi lui conférait le pouvoir de réexaminer l’affaire ab initio. » « Le terme s’emploie principalement à propos de la nullité d’un acte juridique, qui, lorsqu’elle est prononcée, emporte rétroactivité et anéantit l’acte à compter du jour même de sa formation. » (Dictionnaire de droit privé) Certains traduisent la locution latine. L’équivalent choisi est, selon le cas, depuis le début, dès sa passation, dès son attribution, dès sa formation, dès son accomplissement, dès son adoption, dès sa consécration, dès son établissement ou rétroactif, par exemple dans le droit des contrats (anéantissement rétroactif du contrat (“rescission ab initio”). Cette tendance peut être dangereuse dans la mesure où, par le choix d’un équivalent, elle confère un contenu précis à une expression latine qui l’est moins. Dans les cas où un équivalent n’est pas normalisé, il vaut mieux ne pas traduire cette locution. Syntagmes Acte, clause, contrat, droit, mariage nul, invalide ab initio. Loi, police d’assurance nulle ab initio. Renonciation opérant ab initio. Validité existant ab initio. Avoir, conférer une compétence ab initio. Illicite, nul, valable, valide ab initio. 24 ö NUL. AB INTESTAT. INTESTAT. 1) Se prononcent a-bin (comme dans « bambin ») tès-ta (le t final est muet) et in-tès-ta. Puisque ces termes sont des francisations du latin juridique ab intestato et intestatus, ils s’écrivent en caractère normal, en dépit d’une certaine tendance à les italiciser ou à les guillemeter. 2) La locution ab intestat est toujours invariable. Elle signifie sans qu’il ait été fait de testament et se dit soit de la succession non testamentaire, soit de l’héritier d’une personne décédée sans avoir fait de testament. S’emploie surtout dans les syntagmes hériter, succéder ab intestat, héritier, succession ab intestat. « L’avocat conseille son client à propos des dispositions relatives aux successions ab intestat. » Intestat signifie qui n’a pas fait de testament. Décéder intestat. Peut-on dire d’un de cujus (voir ce mot) qu’il est [décédé ab intestat] ? Puisque intestat signifie qui n’a pas fait de testament, on dira que le de cujus est décédé intestat. Si on succède à ce de cujus, on en héritera ab intestat. Cependant, l’usage admet qu’ab intestat s’applique à une personne intestat : « Elle est morte ab intestat. » Les lois du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest utilisent l’expression succession ab intestat pour rendre “intestacy” ou “intestate succession”, mais le terme succession non testamentaire a également été retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law comme équivalent français. 3) Intestat s’emploie comme adjectif. Il prend la marque du pluriel : « Ils sont morts intestats »; les défunts intestats. L’usage courant est de mettre cet adjectif au masculin : « Elles sont mortes intestats », mais rien n’empêcherait de le féminiser : une personne intestate. 25 Le terme intestat s’emploie aussi comme nom : « Si un enfant prédécédé laisse une descendance vivante au moment du décès de l’intestat, la part du conjoint est la même que si l’enfant était vivant à ce moment. » Syntagmes Administration ab intestat. Administration des biens d’un intestat. Biens d’un défunt intestat. Droits successoraux ab intestat. Hérédité ab intestat. Successeur, succession ab intestat, les successibles, la successibilité ab intestat. Succession dévolue ab intestat. Succession en partie ab intestat, succession partiellement, totalement intestat. Décéder, mourir intestat. Décéder partiellement intestat. Hériter ab intestat. Recueillir ab intestat les droits de la succession. Succéder ab intestat. ö DE CUJUS. ö SUCCESSION. ö TESTAMENT. AB IRATO. Se prononce a-bi-ra-to (et non ab-i-ra-to) et est en italique ou entre guillemets, selon que le texte est manuscrit ou imprimé. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. Locution latine employée uniquement en droit civil et signifiant sous l’empire de la colère. Lorsque le droit civil évoque ce concept, il renvoie à une colère si violente qu’elle en arrive à se confondre avec l’insanité causée par une haine démentielle. Cette locution s’emploie comme adjectif (acte, testament ab irato) ou comme adverbe (testament fait ab irato, testament annulé ab irato). 26 Cette notion est inconnue en common law. L’action qui se rapproche le plus de l’action ab irato du droit civil serait celle de l’action en annulation de testament pour cause d’incapacité mentale (“mental incapacity”), et renvoie en particulier aux notions de démence (“senile dementia”) et de fantasme (“delusions”). Par exemple, une aversion profonde ressentie par un mari envers sa femme ou par un père envers ses enfants peut se confondre avec une insanité et le testament fait dans un pareil état d’esprit peut être attaqué pour cette raison. « La donation inspirée par la haine ou la colère ressentie à l’endroit des héritiers est une donation faite ab irato. » ABJURER. ADJURER. Ne pas confondre ces deux verbes : abjurer c’est, au sens propre, abandonner une religion ou une doctrine par un acte solennel et, au sens figuré, abandonner ce qu’on faisait profession de croire, y renoncer publiquement. « Le terroriste a abjuré ses idées révolutionnaires et ne présente donc plus de danger pour la société. » Adjurer signifie sommer ou prier instamment quelqu’un de dire ou de faire quelque chose. On adjure qqn de + infinitif. « L’avocat du prévenu a adjuré les membres du jury de se montrer cléments envers son client. » « L’avocat a adjuré le témoin de dire la vérité. » -ABLE. Le suffixe -able (de même que les suffixes en -ible et en -uble, voir ces entrées), formateur d’adjectifs, et les substantifs correspondants expriment une possibilité passive (qui peut + infinitif) : applicable (qui peut être appliqué), vendable (qui peut être vendu), ou active (qui doit + infinitif, qui cause ou produit qqch.) : dommageable (qui cause du dommage), justiciable (qui doit passer en justice) et préjudiciable (qui porte préjudice). Le tableau figurant aux pages suivantes regroupe certains emplois, auxquels il faudrait ajouter les antonymes appropriés. ö -IBLE. ö -UBLE. 27 -ABLE ÉPITHÈTE OU SYNTAGME ÉQUIVALENT DOMAINE aliénable (bien...) (“alienable”) biens annulable (contrat...) (“voidable contract”) contrats blâmable (cause...) (“culpable cause”) délits civils capable (testateur...) (“competent testator”) successions compensable (préjudice...) (“compensable injury”) délits civils congéable (bail à titre...) (“lease at will”) biens contestable (titre...) (“clouded title”) biens contraignable (témoin...) (“compellable witness”) preuve coupable (intention...) (“culpable intent”) procédure pénale déraisonnable (acte...) (“unreasonable act”) délits civils dommageable (acte...) (“harmful” ou “injurious act”) biens envisageable (résultat raisonnablement...) (“reasonably contemplated result”) contrats équitable (instruction...) (“fair trial”) administration de la justice évitable (dommage...) (“avoidable harm”) délits civils favorable (témoin...) (“favorable witness”) preuve fiable (témoin...) (“reliable witness”) preuve grevable (de privilège) (“lienable”) sûretés impraticable (exécution...) (“impracticable performance”) contrats incapable (partie...) (“party under disability”) procédure civile 28 incontestable (droit...) (“clear title”) biens indispensable (preuve...) (“indispensable evidence”) preuve inenlevable (accessoire fixe...) (“irremovable fixture”) biens insolvable (succession...) (“insolvent estate”) biens irrécouvrable (en replevin) (“irrepleviable” ou “irreplevisable”) délits civils irréfutable (présomption...) (“irrebuttable presomption” ou “conclusion”) preuve irréfragable (présomption...) (“irrebuttable presomption” ou “conclusion”) preuve irrévocable (mandat...) (“irrevocable agency”) contrats justiciable (question...) (“justiciable issue”) procédure civile justifiable (confiance...) (“justifiable reliance”) délits civils négligeable (force probante...) (“trifling probative force”) preuve négociable (titre...) (“negociable document of title”) commercial partageable (dommage...) (“apportionable damage”) délits civils préalable (communication...) (“discovery”) procédure civile préjudiciable (acte...) (“injurious act”) délits civils probable (preuve...) (“probable evidence”) preuve raisonnable (acte de confiance...) (“reasonable reliance”) contrats rapportable (dossier de la motion...) (“returnable”) procédure civile 29 réparable (dommage juridiquement...) (“actionable damage”) contrats répartissable (contrat...) (“apportionable contract”) contrats saisissable (“distrainable”) procédure civile supprimable (nuisance...) (“abatable nuisance”) délits civils valable (titre...) (“good title”) biens variable (bail à loyer...) (“graduated lease”) biens véritable (contrepartie...) (“true and actual consideration”) contrats ABOLIR. ABOLISSEMENT. ABOLITION. ABROGATION. ABROGER. 1) [Abolissement] est sorti de l’usage et est remplacé aujourd’hui par abolition. On évitera donc de rendre par [abolissement] le terme “abolishment” parfois utilisé dans les textes juridiques anglais à la place d’“abolition”. 2) Abolir, abolition, abrogation et abroger indiquent une suppression pour l’avenir, mais certaines distinctions peuvent être relevées dans leur emploi. Les termes abolir et abolition s’appliquent généralement aux institutions et conceptions fondamentales du système juridique : Abolir la peine de mort. Abolition de l’esclavage. Abolition du divorce. Abolition des privilèges féodaux. Mais les exemples relevés dans les dictionnaires et les textes juridiques font ressortir un emploi souvent plus large connotant le fait de supprimer qqch., de mettre qqch. hors d’usage : abolition d’un usage, d’une coutume, abolir des garanties linguistiques, des distinctions juridiques artificielles, certains postes. Abolir et abolition sont également employés en droit canadien pour indiquer la suppression de règles de droit développées par la common law (en anglais : “to abrogate” ou “to abolish”) par opposition à la suppression d’un texte législatif ou réglementaire (en anglais : “to repeal”, “to revoke”) : « Les règles de preuve qui concernent la plainte spontanée sont abolies à l’égard des infractions prévues... » 30 Abolir et abolition ont également le sens de faire disparaître totalement qqch. : « À la différence de la démence, cause physiologique qui détruit le discernement et abolit la conscience, la contrainte est une cause psychologique qui enlève à la volonté toute liberté. » « En médecine mentale, le mot démence désigne une forme particulière d’aliénation mentale, caractérisée par l’abolition des facultés intellectuelles. » Abrogation et abroger ont un sens plus restreint et ne s’emploient que pour désigner la suppression générale et pour l’avenir de tout ou partie d’une loi ou d’un règlement, ou d’une disposition d’un tel texte. Syntagmes Abrogation en bloc. Abrogation expresse formelle. Abrogation générale, partielle, totale. Abrogation implicite, tacite. Abrogation par désuétude, par non-usage, par usage contraire. Emporter abolition de... Emporter abrogation, entraîner l’abrogation de, opérer abrogation. Prononcer l’abrogation d’un texte. ABOLITIF, IVE. ABOLITOIRE. ABROGATIF, IVE. ABROGATOIRE. ABROGEABLE. 1) L’adjectif abolitoire était déjà inusité au XIXe siècle. Il est remplacé aujourd’hui par abolitif, signifiant qui abolit, qui a pour objet d’abolir. Cet adjectif peut s’employer seul ou être suivi d’un complément déterminatif : loi abolitive de la peine de mort. 2) Les adjectifs abrogatif et abrogatoire sont tous deux d’un emploi courant dans le langage juridique actuel, le premier semblant toutefois avoir la préférence en rédaction législative : clause abrogatoire, disposition abrogative, texte abrogatoire. Ces adjectifs, signifiant qui abroge, qui a pour objet d’abroger, peuvent aussi être suivis d’un complément déterminatif : « La loi du 14 janvier 1981, abrogatoire de celle du 10 mai 1956 ». Loi abrogatoire d’une loi 31 rétroactive. Mesure abrogative de la contrainte par corps. 3) Abrogeable signifie qui peut être abrogé : disposition abrogeable. Son contraire est inabrogeable. Syntagmes Acquérir force abrogative (« Un usage ne peut acquérir force abrogative »). Reconnaître force abrogatoire, un effet abrogatoire à un texte. ö ABOLIR. ABONDANT (D’). Locution adverbiale déjà vieillie au XVIIe siècle, à éviter dans les actes de procédure écrite. La locution signifie en outre : « À l’encontre de la déclaration de la demanderesse, la défenderesse allègue : ... Et d’abondant, elle allègue : ... » Cet archaïsme se remplacera par les locutions plus modernes en outre, de plus ou de surcroît. ABONDER. Employé au sens de être rempli de, être ou se trouver en grande quantité, ce verbe est intransitif : « Les déclarations du témoin abondent en contradictions ». La construction [abonder de] étant vieillie, on évitera de dire : « Le mémoire de cet avocat [abonde de] fautes », on dira plutôt : « Ce mémoire abonde en fautes » ou « Les fautes abondent dans ce mémoire ». La locution abonder dans le sens de quelqu’un veut dire soutenir la même opinion que quelqu’un, parler dans le même sens que lui. Le sens « donner avec excès dans la manière de voir de quelqu’un » que signale le Grand Robert n’est pas courant. On peut donc, sans crainte de commettre un illogisme, dire d’un juge qui souscrit aux motifs de jugement d’un autre juge qu’il abonde dans le sens de son collègue. Abonder marquant déjà une idée superlative, on évitera de le faire accompagner d’un adverbe ou d’une locution verbale marquant cette idée : [abonder pleinement, 32 abonder parfaitement]. « Nous abondons [tout à fait] dans le sens des propos du juge. » Toutefois, lorsque des verbes ayant le sens d’abonder sont employés, on fera bien d’ajouter des adverbes marquant l’intensité, comme tout à fait, entièrement, pleinement, parfaitement, pour souligner l’idée de la parfaite adhésion de l’esprit aux idées d’autrui. « J’approuve pleinement ce que vous dites. » « Je donne mon entier acquiescement à votre jugement. » « Je me déclare tout à fait de votre avis. » « Je me range pleinement à votre avis. » « Je partage entièrement votre opinion. » « Je pense entièrement comme vous. » « Je suis tout à fait d’accord avec vous. » « Je suis entièrement de votre avis. » « Je suis tout à fait de votre avis. » ö ACCORD (D’). ABONNÉ, ABONNÉE. ABONNEMENT. ABONNER. Abonner et ses dérivés s’écrivent avec deux n. Par métonymie, l’abonnement est le contrat lui-même. Signer l’abonnement. Abonner, c’est souscrire un abonnement pour autrui (« Le directeur a abonné le bureau à la Revue du Barreau. »), alors que s’abonner, c’est souscrire un abonnement pour soi (« Je me suis abonné à la Revue du Notariat »). S’abonner avec un fournisseur, un marchand. S’abonner à un journal, à un service. Le substantif abonné s’emploie avec la préposition à (les abonnés au Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada) ou de (les abonnés du téléphone). Notons la remarque suivante faite dans le Grand Robert : « Dans la langue courante, abonnement a une plus grande extension que abonner, et s’applique plus facilement que le verbe aux services de transports, à l’entretien du matériel, etc. Abonner est surtout employé à propos de périodiques, de services culturels; abonné est dans une situation intermédiaire. » Dérivés 33 Désabonner, réabonner. Se désabonner, se réabonner. Syntagmes Abonnement à un journal, à un service, (l’électricité, le gaz, le téléphone, le câble). Abonnement de transport. Prix, tarif d’un abonnement. Conditions, contrat, signature, tarif d’abonnement. Accepter, avoir, cesser, continuer, contracter, faire, passer, payer, prendre, proposer, refuser, renouveler, souscrire un abonnement. Prendre un abonnement pour qqn. Aviser de son désabonnement. Renouveler, résilier son abonnement à qqch. Souscrire un abonnement de douze mois. ö SOUSCRIPTION. ABORDAGE. COLLISION. Bien distinguer ces deux termes. 1) En droit maritime, il y a abordage dès lors qu’il existe une collision entre deux navires, un heurt matériel de deux ou plusieurs bâtiments. La notion maritime d’abordage s’étend à la collision entre un navire et un bateau de navigation intérieure ou aux dommages causés par la rencontre des bâtiments. Abordage maritime. « L’abordage s’est produit en haute mer. » Abordage fortuit, fautif, douteux. Indemnité pour abordage. Responsabilité de l’abordage. Situation d’abordage imminente dangereuse : « Lorsqu’on a compris que le CIELO BIANCO allait effectivement virer sur bâbord, il existait déjà une situation d’abordage imminente et dangereuse ». L’abordage fluvial est la collision entre deux ou plusieurs bateaux de navigation intérieure. 2) En droit aérien, l’abordage ne s’entend que de la collision entre deux aéronefs en évolution au moment du heurt ou de l’accident. Abordage aérien. Quasi-abordage aérien (“air miss”). Risque d’abordage. Dans le cas où l’aéronef n’est pas en évolution, on parle simplement de collision : « Une collision entre un 34 aéronef et un engin spatial, lorsque celui-ci se trouve dans l’espace aérien, n’est pas un abordage aérien ». ö AVARIABLE. ö COLLISION. ABORDÉ. ABORDER. ABORDEUR. Abordé et abordeur s’emploient en droit maritime comme substantifs et adjectifs. Ces termes de marine, par analogie avec le langage de la navigation, s’emploient également en droit aérien dans les cas de collision entre aéronefs. Le navire ou l’aéronef abordé est celui qui reçoit l’abordage (voir ABORDAGE), tandis que le navire ou l’aéronef abordeur est celui qui est l’auteur de l’abordage. Dans le langage juridique, le mot abordeur a le sens de navire responsable de l’abordage. Aborder un navire ou un aéronef, c’est le heurter, accidentellement ou non. ö ABORDAGE. ABORTIF, IVE. Abortif s’emploie comme adjectif et comme substantif. Comme adjectif, il signifie qui fait avorter, qui provoque l’avortement (breuvage, produit, remède abortif) ou encore qui ne parvient pas au terme de son développement (foetus abortif). La grande fréquence du premier sens a entraîné l’emploi d’abortif comme substantif : un abortif. Syntagmes Manoeuvres abortives, moyen abortif, pratiques abortives, substance abortive, technique abortive. On parlera également d’un contraceptif à action abortive précoce. 35 Employer, pratiquer des manoeuvres abortives sur une femme. « Les manoeuvres du défendeur avaient-elles un caractère abortif ? » ö AVORTÉE. ö AVORTEMENT. ö INFANTICIDE. ABOUTISSANTS. S’emploie dans la locution tenants et aboutissants. En droit, on distingue, pour une propriété, les aboutissants, soit les fonds qui sont adjacents à ses petits côtés, des tenants, les fonds qui sont adjacents à ses grands côtés. Par contraction, on dit des terres bornant une propriété que ce sont les tenants (“abuttals”). Dans l’usage courant, cette locution signifie tout ce dont une affaire dépend et toutes les conséquences qu’elle peut comporter (« Un procès dont on n’a pas fini d’apprendre les tenants et les aboutissants ») ou ce à quoi une chose aboutit (« Connaîtra-t-on jamais tous les tenants et aboutissants de la situation actuelle? »). Plusieurs auteurs, pour une question d’euphonie sans doute, ne répètent pas l’article défini les lorsque la locution est suivie d’un complément (les tenants et aboutissants de qqch.), mais ce n’est pas là une règle stricte. ö ATTENANT. ö TENANT. ABRÉGÉ, ÉE. ABRÉGER. Le terme abrégé s’emploie comme adjectif ou participe passé et comme substantif. 1) Comme adjectif, il s’utilise en parlant des formes d’expression écrite ou orale : « La maxime juridique ramasse dans une formule abrégée un principe de droit reconnu. ». Considérations abrégées du jugement. Forme abrégée : ‘Enregistrement contrôle’ est la forme abrégée de l’expression ‘enregistrement du contrôle de la circulation aérienne’. Texte, titre abrégé : « Comme le titre intégral 36 et le titre abrégé de la Loi l’indiquent, ... » « Le texte quelque peu condensé et complexe de l’article 133 a été abrégé et simplifié dans les articles 17 à 19 de la Charte, comme il convient au style d’un véritable document constitutionnel. ». Intitulé de la cause abrégé. Loi sur les formules abrégées d’hypothèques. 2) Abrégé s’emploie également comme participe passé dans le cas d’un délai : « Tout délai prescrit par les présentes règles pour la signification, le dépôt ou la délivrance d’un document peut être prolongé ou abrégé par consentement. » « Le délai accordé à l’accusé pour communiquer avec un avocat ne peut être abrégé de façon arbitraire pour accommoder les autorités ou pour les aider à obtenir la déclaration incriminante souhaitée. ». 3) On ne peut parler, sous l’influence de l’anglais “abridge”, de [droits abrégés]; on dit que des droits sont restreints, limités, diminués, que quelqu’un est privé (partiellement ou totalement) de ses droits. 4) La locution en abrégé signifie en peu de mots. Ainsi, pour désigner un titre en abrégé : « Assureur-vie agréé (en abrégé A.V.A.) ». 5) En emploi substantif, abrégé signifie résumé, rappel en raccourci : faire l’abrégé historique d’une cause, c’est en rappeler brièvement les faits pertinents. 6) Le verbe abréger (voir ABRÉGEMENT) s’emploie au sens de rendre plus court et s’oppose à prolonger; il s’accompagne d’un complément désignant la durée de qqch. Abréger un procès, la durée de l’instance (= rendre plus bref, plus court, réduire la durée du procès, de l’instance). Dans ce cas, on emploie le verbe au sens de s’exprimer en peu de mots : « Abrégez, s’écria le juge, venez-en au fait! ». Abréger l’exposé des faits. Dans le style judiciaire il s’emploie au sens de pour des raisons de commodité : « ... que, pour abréger, j’appellerai... » ö ABRÉGEMENT. ABRÉGEMENT. ABRÉGER. ABRÉVIATION. 37 1) On écrit abrégement, mais on prononce abrègement. Le verbe abréger (voir ABRÉGÉ) se conjugue comme les autres verbes en ger. Il change l’é en è devant une syllabe muette (ils abrègent), sauf au futur et au conditionnel (j’abrégerai, nous abrégerions). Prend un e après g devant a ou o (j’abrégeais, nous abrégeons). 2) Dans le langage juridique, le mot abrégement s’emploie dans les expressions suivantes : abrégement de délai (antonymes : allongement, prorogation, prolongation), abrégement de terme, abrégement de procédure et abrégement des vacances judiciaires. Abrégement et abréviation sont des concurrents : « L’abréviation des délais est autorisée par une ordonnance du président rendue sur requête. » « On s’occupe ici exclusivement des règles générales sur la computation des délais, leur augmentation ou leur abréviation. ». Abréviation de la procédure. « Le délai d’un mois doit être observé, sans abréviation possible. » Il reste qu’abrégement tend nettement à supplanter abréviation dans ces emplois. Certains juristes emploient abréviation au sens d’abrégement : « Si la prolongation de la séquestration aggrave la peine, son abréviation l’atténue. » ö ABRÉGÉ. ö DÉLAI. ö PROLONGATION. ö PROROGATION. ABRI. COUVERT. 1) La locution à l’abri de s’emploie avec les verbes être et mettre : « Son patrimoine personnel est absolument à l’abri des poursuites des créanciers. » « L’application de cette disposition met l’acquéreur de bonne foi à l’abri de la nullité du titre de son auteur. ». Le sens de cette locution est protégé contre. « L’accusé est à l’abri de toute responsabilité dès qu’il est établi qu’il s’est trouvé dans ces circonstances. » Dans le Code criminel du Canada, à l’abri et à couvert sont employés indifféremment au sens de protégé : « Quiconque est en possession paisible d’un bien mobilier en vertu d’un droit invoqué, de même que celui qui agit sous son 38 autorité, est à l’abri d’une responsabilité criminelle en défendant cette possession... » « Quiconque est en possession paisible d’un bien mobilier, mais ne le réclame pas de droit ou n’agit pas sous l’autorité de quelqu’un qui prétend y avoir droit, n’est ni justifié ni à couvert de responsabilité criminelle s’il défend sa possession contre une personne qui a légalement droit à la possession de ce bien. » Au sens relevé ci-dessus où le complément est la chose contre laquelle on se protège s’ajoute celui de protégé qqch. : le complément marque alors l’idée de protection : « le testament lui-même subsiste toujours à l’abri de la loi qui l’a vu se former, pour conserver tous ceux de ses effets que la loi nouvelle ne lui enlève pas ». 2) Dupré distingue les locutions se mettre à l’abri et se mettre à couvert; à l’abri servirait à indiquer une sécurité d’ordre matériel, tandis qu’à couvert indiquerait une sécurité d’ordre juridique. Un fonctionnaire impliqué dans une affaire louche se met à l’abri en s’enfuyant à l’étranger, mais se met à couvert en faisant un rapport et en dégageant sa responsabilité. 3) Le mot abri employé seul n’est pas péjoratif; il signifie avantage, protection, comme dans l’expression abri fiscal, qui est l’entreprise, l’activité ou le placement qui permet de protéger une partie du revenu par le report ou l’élimination de l’impôt. 4) L’idée de protection est présente dans le nouveau concept apparu récemment au Québec dans le domaine hypothécaire. Afin de protéger l’emprunteur contre les variations excessives de ses remboursements, les Caisses populaires Desjardins ont inventé en 1984 l’hypothèque à l’abri, qui assure à l’emprunteur, à certaines conditions, que ses remboursements mensuels n’augmenteront pas plus que le taux d’inflation annuel, malgré la variation du taux d’intérêt agréé par les parties lors de chaque renouvellement du prêt. Prêt hypothécaire (converti) à l’abri (par ouverture de crédit). ö ABRITER (S’). ABRITER (S’). 39 S’abriter s’emploie dans le langage du droit à la forme pronominale dans l’expression s’abriter derrière la loi. Cette expression a le plus souvent un sens péjoratif; elle signifie avancer des arguments juridiques formels pour se soustraire à une responsabilité, pour échapper aux rigueurs de la loi. Ainsi dira-t-on d’un justiciable qui élude une obligation morale ou une responsabilité en invoquant ou en utilisant une disposition réglementaire qui lui est favorable qu’il s’abrite derrière un règlement, c’est-à-dire qu’il prétexte l’autorité du règlement pour éviter de s’acquitter de son obligation ou de faire face à sa responsabilité. « Il existerait une présomption générale de légitime défense en faveur de tous les délinquants qui s’abritent derrière cet article de la loi. » S’abriter en ce sens signifie se réfugier derrière qqch. : « Lorsqu’une opération est inhabituelle au point d’éveiller la méfiance chez une personne raisonnable, on ne peut s’abriter derrière la théorie du pouvoir apparent. ». S’abriter s’emploie aussi au sens d’invoquer : « Si l’intrus est tué ou blessé, le propriétaire peut-il s’abriter derrière la légitime défense? ». ö ABRI. ABROGATION. ABROGER. ö ABOLIR. ABSENCE. ABSENT, ABSENTE. 1) L’expression en l’absence de s’applique généralement aux personnes : « Le procès s’est déroulé en l’absence de l’accusé. ». Toutefois, le français juridique l’utilise amplement pour des choses : « En l’absence de preuves, l’accusé a été relâché. » « En l’absence d’indication de date d’entrée en vigueur, un texte prend effet... ». Dans plusieurs contextes, les locutions à défaut de et faute de, et la préposition sauf seront plus élégantes : « En l’absence de faits, la Cour ne peut statuer. » (= « À 40 défaut de faits... ») ou encore « Faute de faits... » « À défaut d’appel dans les délais impartis... » « Sauf convention contraire... ». 2) On évitera l’anglicisme [blanc de mémoire]; on dira absence de mémoire ou, plus couramment, trou de mémoire : « Depuis son accident, la victime a souvent des absences de mémoire. ». 3) En cas d’absence est une locution du langage juridique qui sert, notamment dans la rédaction de lois et de règlements administratifs, de formule introductive dans des dispositions prévoyant l’attribution de pouvoirs et de fonctions à un suppléant. « En cas d’absence ou d’empêchement du président ou de vacance de son poste, la présidence est assumée par le vice-président du Conseil. » Il convient de remarquer que la formule figée peut tout aussi bien se trouver à la fin de la phrase : « Le gouverneur en conseil peut nommer un administrateur adjoint chargé d’exercer les fonctions de l’administrateur en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci. ». 4) En plus de son sens courant (fait de ne pas se trouver en un lieu déterminé), l’absence désigne en droit la situation d’une personne dont la disparition et le défaut de nouvelles depuis un temps plus ou moins long rendent l’existence incertaine (Capitant) (voir Syntagmes). 5) Absent s’emploie comme adjectif ou comme substantif et rend “absentee” : Rendre une ordonnance déclarant la personne absente (“to make an order declaring a person to be an absentee”). Protéger les intérêts de l’absent. « Un curateur nommé en application de la présente loi a le pouvoir de prélever des fonds sur les biens d’un absent et de s’en servir afin d’essayer de découvrir l’endroit où il se trouve et de déterminer s’il est vivant ou décédé. » En droit civil, l’absent se distingue du non-présent (celui qui se trouve éloigné d’un lieu déterminé, mais sur l’existence duquel il n’y a pas de doutes sérieux) et du disparu (celui qu’on a cessé de revoir à partir d’un accident ou d’une catastrophe où il a, selon toute vraisemblance, trouvé la mort). 6) On dira : « J’étais absent de la précédente réunion. », mais « Je n’étais pas présent à la réunion précédente. ». 41 Syntagmes Demande, requête en déclaration d’absence. Faire déclarer l’absence de qqn, faire déclarer qqn absent. Établir l’absence. Personne en état d’absence. Constater l’absence, l’état d’absence d’une personne. Jugement constatant l’état d’absence. Jugement de déclaration d’absence, jugement déclaratif d’absence. Présomption d’absence. Déclaration d’absence. Cessation de l’absence. Effets de l’absence. Le présumé absent. Les biens, les intérêts de l’absent. Personne déclarée absente. ABSOLUTION. 1) Terme qui a fait son entrée en 1988 dans le langage du droit pénal canadien. Il remplace le terme [libération] utilisé jusqu’à présent pour rendre “discharge” dans les expressions “absolute discharge” et “conditional discharge” à l’article 736 du Code criminel. En droit pénal canadien, le tribunal peut, s’il considère qu’il y va de l’intérêt véritable de l’accusé sans que cela nuise à l’intérêt public, absoudre l’accusé qui, ou bien plaide coupable à l’égard d’une infraction pour laquelle la loi ne prescrit pas de peine minimale ou qui n’est pas punissable d’un emprisonnement minimal de quatorze ans, ou bien est reconnu coupable d’une telle infraction. Le terme absolution a été emprunté (ainsi que le verbe absoudre) au droit pénal français où, depuis 1975, il désigne la décision rendue par une juridiction répressive, dispensant de la peine une personne déclarée coupable d’une infraction si son reclassement est acquis, si le dommage causé est réparé et si le trouble résultant de l’infraction a cessé. Cette nouvelle appellation fait disparaître la confusion créée par l’emploi de libération conditionnelle pour rendre deux concepts anglais différents : “conditional discharge” et “parole”. 2) Éviter [donner l’absolution] qui se dit uniquement en matière religieuse au sens de remettre, de pardonner les péchés après la confession. 42 Syntagmes Absolution inconditionnelle. Absolution conditionnelle. Absolution sous condition. Prononcer l’absolution de l’accusé. Rendre une ordonnance d’absolution, une décision d’absolution à l’égard de l’accusé, en faveur de l’accusé. Bénéficier d’une absolution. Il n’y a lieu à absolution que si... ö ABSOUDRE. ö ABSOUS. ABSOUDRE. J’absous, il absout, nous absolvons, ils absolvent. J’absolvais. J’absoudrai. Le participe présent est absolvant. Le participe passé est absous et non [absout] et le féminin absoute. Le passé simple j’absolus est inusité. Comme absolution (voir ce terme), le verbe absoudre fait désormais partie du langage pénal canadien. Être absous inconditionnellement ou aux conditions prescrites dans une ordonnance de probation. « Le tribunal peut absoudre l’accusé. » Être absous d’une infraction. Hormis ce sens technique en droit pénal, le verbe absoudre relève presque exclusivement du domaine religieux. Il convient donc de l’éviter pour rendre le verbe “to absolve”. Aussi, ne pas dire : [être absous] d’une obligation, mais être affranchi, dégagé, délié, relevé, dispensé d’une obligation, non pas [être absous] de toute responsabilité envers les tiers, mais être exonéré de toute responsabilité envers les tiers. ö ABSOLUTION. ö ABSOUS. ö EXONÉRER. ABSOUS, ABSOUTE. 43 Substantif et adjectif. L’absous ou l’absoute est une personne bénéficiant d’une absolution. Comme le participe passé du verbe absoudre, la forme substantive ou adjective au masculin singulier est absous et au féminin singulier absoute. « L’accusé absous est réputé ne pas avoir été déclaré coupable de l’infraction. » Il y a lieu de noter, cependant, que l’emploi de la forme substantive, surtout au féminin, est rare. ö ABSOLUTION. ö ABSOUDRE. ABUS. ABUSIF, IVE. 1) Le droit couvre la presque totalité des formes d’abus. Il y a abus chaque fois que l’exercice d’un droit ou l’avantage tiré d’une situation particulière s’opère au détriment d’autrui ou au mépris de droits légitimes de tiers, outrepassant les limites de ce que la loi considère admissible, acceptable, normal ou raisonnable. Autrement dit, l’abus est soit l’usage excessif, déraisonnable, injustifié, répréhensible ou illicite d’un droit, d’une faculté ou d’une prérogative, soit l’avantage découlant d’une supériorité utilisée à mauvais droit contre autrui. 2) Il existe plusieurs sortes d’abus juridiques, l’abus de droit (et toutes ses variétés) en constituant à lui seul une catégorie complète. L’abus de position dominante, encore appelé abus de puissance économique ou abus de l’état de dépendance économique, a trait à l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante ou d’une force économique sur tout ou partie du marché intérieur. Cet abus se manifeste par diverses conduites blâmables telles que, notamment, le refus injustifié de vente, la vente liée, les conditions de vente discriminatoires ou la rupture sans motif légitime de relations commerciales. L’exploitation abusive pourra s’effectuer, par exemple, par rapport à la dépendance économique d’une entreprise cliente ou d’un fournisseur. 44 L’abus de biens sociaux (ou abus de bien social) s’entend de l’usage frauduleux des biens appartenant à une société. Il intéresse le cas de détournement de mauvaise foi de biens meubles ou immeubles par des dirigeants au préjudice des associés, de détournement de crédit de la société ou de détournement de leurs pouvoirs sociaux pour en faire un usage contraire à l’intérêt social, à des fins personnelles ou à seule fin de favoriser une autre société dans laquelle ils possèdent un intérêt. Il s’agit là d’une forme de malversation ou de dissipation frauduleuse. À cette forme d’abus ou d’acte de corruption, il convient de rattacher l’abus de confiance, qui est le fait pour un mandataire de détourner à son profit et au préjudice matériel ou moral d’autrui de l’argent, des valeurs ou un bien mobilier qui lui a été remis volontairement par un mandant pour qu’il en fasse un usage déterminé et le restitue une fois le mandat terminé. Quiconque profite à des fins abusives ou illégitimes de la confiance que lui accorde une autre personne commet un abus de confiance. Abus et prévarications de fonctionnaires. Abus de charge publique et trafic d’influence. L’abus de (situation) de conflit d’intérêts se produit lorsqu’un agent financier omet ou néglige à dessein de se soustraire à une situation de conflit d’intérêts, exposant ainsi son client à subir un préjudice. Dans le droit des sociétés, l’abus de majorité consiste pour un groupe d’actionnaires détenteurs de la majorité du capital à émettre un vote incompatible avec les intérêts de la société et destiné à favoriser les actionnaires majoritaires au détriment de la minorité. Peu fréquent, l’abus de minorité est son contraire : le vote émis par les actionnaires minoritaires vise notamment à favoriser les intérêts des associés minoritaires au détriment de la majorité. Dans le droit des contrats, toutes les clauses abusives relèvent de l’abus contractuel. Abus du refus d’agrément. Abus d’influence (en matière contractuelle et successorale), à distinguer du trafic d’influence dans les charges publiques. L’abus de pouvoir(s) ou l’abus d’autorité se commet lorsqu’une personne ou un organisme détenant une autorité de droit ou de fait sur un individu ou sur un groupe exerce à son endroit une contrainte morale pour l’inciter à accomplir un acte quelconque et, ce faisant, outrepasse ses pouvoirs. Cette forme d’abus est assimilée à une oppression. L’abus de mineur, encore appelé abus des besoins, des passions, des faiblesses d’un mineur, et l’abus d’influence sont des variétés d’abus d’autorité. 45 L’abus de privilège est étroitement lié au droit de la diffamation, mais s’étend à des domaines variés d’exercice de fonctions publiques. En droit parlementaire, les députés jouissent d’une grande liberté d’expression et d’une immunité qui les protègent contre toute poursuite pour diffamation quand ils se trouvent dans l’enceinte du Parlement. Le fait pour un député de lancer des allégations non fondées sans connaître tous les faits à la Chambre ou devant des commissions parlementaires constitue un exercice abusif du droit de parole et un abus de privilège (et d’immunité) et peut être motivé par l’opportunisme politique plutôt que par une question d’urgence ou d’état de nécessité. Allégation d’abus de privilège. Les organisations internationales sont régies par des règlements et des conventions qui prévoient l’attribution de privilèges et d’immunités aux États membres, ces derniers s’exposant à se rendre coupables et à être inculpés d’abus de privilège en cas de non-respect des textes habilitants. « L’État partie estime qu’il y a abus d’un privilège ou d’une immunité accordés par le présent accord. » « Une autorité compétente ou une entité judiciaire de l’État membre estime qu’il y a eu abus d’un privilège ou d’une immunité. » Dans tous les domaines où des privilèges sont accordés (aux conjoints, aux parties contractantes, aux acheteurs et vendeurs, aux capitaines de navires, aux constructeurs, à des catégories de professionnels), les titulaires de ces privilèges risquent de commettre des abus. Abus de privilège journalistique. Abus de privilèges par titulaires de brevet. Abus de privilège d’émission (du dollar comme monnaie internationale de fait). Abus grave de privilège de résidence (dans l’État hôte). Abus de privilège de monopole. Abus des privilèges des experts. Dans le droit des banques, l’abus de privilège d’emprunt consiste à utiliser des prêts à d’autres fins que celles auxquelles ils ont été consentis. L’abus de pouvoir judiciaire discrétionnaire ressortit au pouvoir discrétionnaire attribué à l’administrateur, à l’arbitre ou au juge saisi qui l’exerce de façon abusive ou répréhensible. La juge qui n’applique pas la règle de droit ou la loi pertinente en l’espèce, qui ne fonde pas sa décision sur la preuve contenue au dossier ou qui fonde sa décision sur une conclusion erronée se rapportant à un fait substantiel commet pareil abus. 46 En matière civile, cet abus pourra s’expliquer par le fait que le juge n’a pas permis à une témoin importante de témoigner, a formulé des commentaires désobligeants susceptibles d’influencer le jury ou a fait preuve d’un parti pris flagrant. En matière pénale, le juge a pu infliger une peine manifestement trop lourde dans les circonstances. La décision attaquée sera examinée par une cour d’appel, laquelle s’appuiera sur la norme de l’abus de pouvoir judiciaire discrétionnaire pour procéder à la révision judiciaire. Le pouvoir judiciaire discrétionnaire doit être exercé équitablement, sagement et impartialement, à défaut de quoi la décision rendue en première instance risquera fort d’être infirmée au motif d’abus de pouvoir judiciaire discrétionnaire. L’abus de procédure ou l’abus dans l’exercice d’une action, encore appelé abus d’ester en justice, est le fait pour un plaideur d’intenter des actions futiles ou vexatoires, de multiplier les recours judiciaires dans un but différent de celui que prévoit la loi. Le créancier qui obtient un mandat d’arrestation afin d’exercer de la pression sur un débiteur récalcitrant commet un abus de procédure. Toute utilisation excessive ou déraisonnable de la procédure entravant le bon déroulement d’un processus juridictionnel afin de nuire à la poursuite d’un procès est une faute constitutive d’une telle forme d’abus. Il convient d’ajouter ici l’exemple du plaideur ou du justiciable quérulent qui multiplie les recours vexatoires par suite d’un trouble de la personnalité. En droit international public, l’abus du signe (de la Croix Rouge, par exemple) revêt deux formes : l’abus du signe de protection relève d’un acte de perfidie lorsque le signe, placé sur les personnes et les biens représentant une organisation reconnue par les conventions internationales, est utilisé à dessein criminel par des abuseurs malintentionnés ou des terroristes, tandis que l’abus du signe indicatif relève d’un acte d’usurpation lorsque le signe, placé sur les personnes et les biens, est utilisé par des personnes qui entendent faire croire tout simplement, sans dessein criminel, qu’elles ont un lien avec l’organisation, alors qu’elles ne bénéficient aucunement des dispositions des conventions pertinentes. Abus de pavillon (dans le droit de la mer). 47 L’abus de faiblesse ou la maltraitance peut être de caractère physique, comme dans l’abus sexuel et les cas de violence physique ainsi que toutes les formes de mauvais traitements, psychologique ou émotif (insultes, menaces, infantilisation, peur et insécurité provoquées), moral (par délaissement ou abandon), financier ou matériel (par détournement de fonds, vol, appropriation illicite d’argent) ou social (par l’expression de préjugés, de formes d’exclusion, de rejet, de discrimination, de dénigrement ou d’indifférence). Abus à l’égard d’un enfant, d’une handicapée, d’un immigrant, d’une personne âgée ou défavorisée. Commettre, consacrer, constituer, créer, engendrer, perpétuer, provoquer, signaler, stigmatiser, subir, tolérer un abus. Abolir, corriger, dénoncer, déraciner, détruire, éviter, extirper, faire cesser, faire disparaître, ôter, pourfendre, prévenir, redresser, réformer, réprimer, retrancher, sanctionner, supprimer un abus. Lutter, protester, s’élever, sévir contre un abus. Mettre fin, réagir, remédier, s’attaquer à des abus. Être victime d’(un) abus. Être coupable, être inculpé, se rendre coupable d’abus. Le mot latin abusus est étranger à la notion d’abus. Il désigne l’un des attributs du droit de propriété, non pas celui d’user de son bien (usus), mais celui d’en disposer ou de l’aliéner. ö ABUS DE DROIT. ö MALTRAITANCE. ö NÉCESSITÉ. ABUS DE DROIT. 1) À l’origine, soit à la fin du XIXe siècle, la jurisprudence, inspirée par la doctrine, élabore la notion juridique de l’abus de droit. L’abus de droit entre dans l’histoire de la pensée juridique au début du XXe siècle, même si l’idée était plus 48 ancienne. « Le développement pris par la doctrine de l’abus de droit, écrit Josserand, est le triomphe de la technique juridique. » Avec le temps et son influence grandissant, elle devient théorie : les auteurs parlent de la théorie classique de l’abus de droit. Lorsque la loi l’adopte enfin dans plusieurs matières, la théorie devient principe général, naturellement, puisque les règles de droit qu’énonce le législateur ne sont pas des théories mais des principes : principe de l’abus de droit. L’article 7 du Code civil du Québec codifie en ces termes la théorie de l’abus de droit et en fait ainsi un principe d’application générale : « Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi. » 2) « Tout droit poussé trop loin, disait Voltaire, conduit à une injustice. » Aussi peut-on dire qu’il y a abus de droit chaque fois que l’exercice d’un droit subjectif reconnu, que l’accomplissement d’une prérogative inhérente à ce droit, que l’acte découlant de ce droit, que l’usage que le titulaire en fait ou que la conduite manifestée dans l’exercice de ce droit présente un caractère malveillant, excessif ou abusif. Par conséquent, commet un abus de droit quiconque outrepasse les limites de son droit, soit du fait de sa mauvaise foi ou de son intention de nuire, soit par suite de l’exercice anormal, maladroit ou insouciant de son droit, et, ce faisant, cause un dommage ou un préjudice à autrui. Abus de droit déguisé, flagrant, grave, manifesté, présumé, véritable. L’abus de droit peut résulter d’une action ou d’une abstention. Quoi qu’il en soit, c’est le dépassement des limites d’un droit d’agir ou de s’abstenir, lequel cause un dommage ou un préjudice en raison d’une conduite répréhensible eu égard à la portée légale de ce droit, qui constitue l’abus de droit. Éléments, critères de l’abus de droit. Divers critères permettent d’établir l’existence d’un abus de droit : par exemple, du point de vue de l’auteur de l’abus, à savoir de l’abuseur, l’intention de nuire à autrui – malveillance causant un tort –, l’absence de profit ou d’intérêt personnels à abuser de ce droit, et, du point de vue de la victime, le dommage ou le préjudice que lui cause l’exercice abusif du droit 49 reconnu mais mésusé. 3) On dit abus de droit pour désigner le principe dans sa généralité abstraite, abus du droit pour désigner la spécificité de l’abus d’un droit en particulier et, en pareil cas, pour désigner la pluralité de droits dont l’exercice est abusif, abus de droits. Cas, situations d’abus de droits. Perpétuer des abus de droits. 4) Les types ou les formes d’abus de droit sont nombreux selon le domaine dont il s’agit. Dans le droit du travail, l’abus du droit de licenciement ou de congédiement consiste pour l’employeur à prendre appui déraisonnablement et de mauvaise foi sur son droit de licenciement pour l’exercer abusivement et justifier le licenciement. Abus du droit de grève. Dans le droit des biens en matière d’exécution, constitue un abus du droit de saisie le fait pour le créancier de faire exécuter déraisonnablement une saisie. Abus du droit d’exécution forcée. Le propriétaire d’un bien qui fait valoir de mauvaise foi son droit de propriété et crée des nuisances ou gêne ses voisins dans une intention malveillante ou leur cause un préjudice inacceptable par son insouciance commet un abus du droit de propriété. « Il ne peut y avoir abus de droit que si le propriétaire exécute chez lui, sans aucun profit pour lui-même, un acte qui apporte un trouble au propriétaire du fonds voisin restant dans les limites de sa propriété. » En droit judiciaire, le plaideur qui intente une action frivole ou vexatoire, qui multiplie inutilement les mesures dilatoires et les dénonciations téméraires afin de nuire à autrui ou pour assouvir un besoin de vengeance personnelle est coupable d’abus du droit d’agir en justice ou d’un abus de procédures. Abus du droit d’ester (en justice). Dans le droit de la famille, les parents qui usent illégitimement de leur droit de corriger leur enfant se rendent coupables d’un abus du droit parental de correction. L’abus de droit contractuel se produit dans les cas de résiliation sans préavis, 50 anticipée ou intempestive fautive de contrat, d’exercice abusif de garanties, de rupture injustifiée de pourparlers animée par une intention de nuire et opérée de mauvaise foi ou avec une insouciance répréhensible ou de clauses abusives. Résiliation constitutive d’un abus de droit. Création de l’abus de droit. « Il y a abus de droit lorsqu’une partie agit dans son seul intérêt en vue de retirer un avantage disproportionné par rapport aux inconvénients que, ce faisant, il fait subir à son débiteur. C’est donc le choix, sans avantage marquant, de la voie la plus préjudiciable à l’autre partie qui crée l’abus. » Constitue un abus de droit fiscal toute opération d’un contribuable visant à éluder tout ou partie de ses obligations fiscales, tel le cas où il recourt à des montages ou à des combinaisons juridiques à seule fin d’échapper, même indirectement, à l’impôt. Abus de droit en matière fiscale. Abus de droit fiscal. Masquer, démasquer tout abus de droit fiscal. Se prémunir, lutter contre l’abus de droit fiscal. « Les montages fiscaux comportant l’utilisation de crédits ou de réductions d’impôt pourront désormais être dûment contestés comme principal outil de lutte contre l’abus de droit en matière fiscale. » Menace de l’abus de droit fiscal. « Le fisc brandit souvent la menace de l’abus de droit fiscal pour transiger l’acceptation de redressements. » « En matière fiscale, l’abus de droit est un acte juridique, ou une convention, dont le but est exclusivement fiscal, et dont le seul objet est d’éluder ou de transférer artificiellement l’impôt. » Abus de droit par simulation, abus de droit par fraude à la loi. Les domaines de mise en œuvre de la théorie de l’abus de droit ont envahi le droit positif entier et la notion se trouve aussi, notamment, en droit international public, en droit constitutionnel, dans le droit des sociétés, dans le droit des affaires, dans le droit des banques, dans le droit d’auteur et en droit communautaire. 5) Le principe de l’abus de droit est reconnu tant par tous les systèmes juridiques de droit civil que par la common law (“abuse of rights”), bien que la notion elle-même d’abus de droit ne tire pas son origine de principes élaborés par la common law. Sous ces régimes de droit, le titulaire d’un droit ou le propriétaire d’un bien ne peut exercer son droit ni user de son bien que de façon légale, raisonnable, normale et non abusive. Il abuse de son droit et, engageant sa responsabilité à l’égard des tiers du fait de sa titularisation, peut être condamné à réparer le dommage ou le préjudice qu’il cause 51 par suite de l’exercice abusif reconnu ou prouvé de son droit. « Le titulaire d’un droit (qu’il faut supposer non contesté) engage sa responsabilité civile s’il cause un préjudice à un tiers en exerçant abusivement un droit. » « Un individu, lors même qu’il est reconnu titulaire incontesté d’un droit, se met néanmoins dans son tort, s’il use de son droit d’une façon abusive. » L’application du principe de l’abus de droit permet au législateur de circonscrire la portée de l’exercice des droits qu’il consent, qu’il reconnaît ou qu’il garantit. 6) L’abus de droit expose l’auteur de l’abus à des sanctions civiles. Ce dernier devra soit cesser ou amender sa conduite, soit réparer le tort qu’il a causé en indemnisant la victime de l’abus, notamment en lui versant des dommages-intérêts. Alléguer, invoquer, faire valoir un abus de droit. Être susceptible d’un abus de droit. Commettre un abus de droit. Se placer sur le terrain de l’abus de droit. Établir, prouver l’abus de droit. Reconnaître l’existence d’un abus de droit. Motiver l’abus de droit invoqué. Recours en cas d’abus de droit. Sanctionner un abus de droit. Réparation pour cause d’abus de droit. Demande de redressement pour abus de droit. Interdiction, prohibition de l’abus de droit. Abus de droit donnant ouverture à réparation. 7) Qu’il soit malveillant ou qu’il découle de l’insouciance, l’abus de droit est susceptible d’entraîner des conséquences, qui seront de nature individuelle (sur le voisin, en matière d’inconvénients anormaux de voisinage, sur des tiers), économique (les victimes subissent un désavantage financier) ou sociale (le propriétaire use de son droit de façon incompatible avec la destination sociale de ce droit). 8) Il ne faut pas confondre les cas où il y a abus de droit (l’auteur du dommage est resté dans les limites de son droit) et ceux où il y a défaut de droit (l’auteur du dommage est sorti des limites de son droit). Autrement dit, l’abus de droit n’existe et ne peut être invoqué que si un droit est reconnu. On parle de l’abus de droit de propriété ou du droit d’ester en justice parce que le droit existe et est reconnu. Il ne peut y avoir [abus de droit en matière de diffamation] puisque la diffamation n’est pas un droit, mais un défaut de droit. « Lorsque, par une déclaration, un préjudice est causé à autrui, il ne s’agit pas d’un abus de droit à la liberté d’expression, mais d’un défaut de droit. » 52 S’agissant d’abus de droit, la responsabilité civile doit être engagée dans l’exercice excessif et déraisonnable d’un droit subjectif. ö TITULARISATION. ACADÉMIQUE. Il est fautif d’employer académique aux sens de théorique, didactique, intellectuel, abstrait, peu pratique, spéculatif, voire stérile, que possèdent les adjectifs anglais “academic” et “moot”. Plutôt que d’affirmer qu’une argumentation, une prétention, une question est [académique], on dira qu’elle est, selon le cas, théorique, spéculative, sans portée pratique. « L’intimé a invoqué deux motifs pour lesquels la Cour devrait refuser de répondre à la question : il s’agit d’une question purement politique et cette question est devenue théorique. » L’adjectif académique ne s’emploie que dans deux sens : qui se rapporte à une académie et, au figuré, qui est froid, guindé, qui manque de naturel, qui sent l’école. Les abus les plus fréquents à cet égard figurent dans le tableau ci-après, où la forme fautive ou incertaine est accompagnée de son correctif. ACADÉMIQUE FORME FAUTIVE OU CRITIQUABLE FORME CORRECTE année [académique] année scolaire ou universitaire calendrier [académique] calendrier scolaire ou universitaire carrière [académique] carrière universitaire commentateurs [académiques] auteurs, commentateurs cours [académique] cours de formation générale diplôme [académique] diplôme universitaire direction [académique] direction pédagogique 53 dossier [académique] livret scolaire, dossier scolaire ou universitaire, résultats scolaires ou universitaires écrits [académiques] articles de doctrine enseignement [académique] enseignement général études [académiques] études universitaires exigences [académiques] exigences scolaires formation [académique] formation collégiale, générale, scolaire, théorique, universitaire grades [académiques] grades universitaires liberté [académique] liberté pédagogique, liberté de l’enseignant, de l’enseignement matières [académiques] matières de culture générale, matières théoriques programme [académique] programme général, universitaire, d’études rang [académique] rang professoral, catégorie professorale recherches [académiques] recherches universitaires rentrée [académique] rentrée scolaire ou universitaire réussite [académique] réussite scolaire Sénat [académique] Sénat de l’Université titre [académique] titre de formation (par opposition au titre professionnel) travail [académique] travail scolaire, universitaire ACCAPAREMENT. ACCAPARER. 54 S’écrit avec deux c et un seul p. Accaparer une chose, cela veut dire soit s’en emparer pour se la réserver à soi seul en vue d’un profit, la monopoliser (« L’entreprise a réussi à accaparer tout le marché. »), soit la prendre, la retenir en entier (« Cet avocat accapare toutes les causes intéressantes. »). Employé à la forme pronominale, accaparer est un régionalisme. Il vaudra donc mieux éviter de dire [s’accaparer] qqch. ou [s’accaparer] de qqch. : on accapare un bien, on s’empare d’un bien, on se l’approprie indûment. En matière de pratiques restrictives du commerce, l’accaparement est une forme primaire de monopole ou de cartel tendant à diriger l’écoulement d’un produit et à provoquer sa pénurie à des fins spéculatives. « L’accaparement a pour effet d’altérer les prix offerts pour le produit accaparé, au bénéfice des accapareurs. » Accaparement de denrées à des fins spéculatives. ACCEPTABILITÉ. INACCEPTABILITÉ. 1) Dans le vocabulaire juridique, les substantifs formés à l’aide du suffixe en -ité dérivent d’adjectifs construits souvent (mais pas toujours : cf. causalité, constitutionnalité, juridicité, légalité, légitimité, nullité, validité) sur des suffixes en -able et en -ible (qui indiquent des possibilités, des virtualités) et se définissent, de par leurs radicaux, comme constituant les caractères, les vocations ou les qualités des opérations ou des situations juridiques qu’ils désignent. Ainsi l’admissibilité s’entend du caractère de ce qui est admissible, l’aliénabilité, de la qualité juridique du bien ou du droit qui est régulièrement aliénable, l’annulabilité, du caractère de ce qui est annulable, l’applicabilité, du caractère de ce qui est applicable, l’arbitrabilité, du caractère de ce qui est arbitrable, la cessibilité, du caractère du bien ou du droit qui est cessible, la collégialité, du caractère de ce qui est organisé en collège, la commercialité, du caractère de ce qui réunit les critères d’appartenance au droit commercial, la constitutionnalité, du caractère de ce qui a la nature d’une disposition constitutionnelle ou de ce qui est conforme à la Constitution, la disponibilité, de la qualité juridique du bien ou du droit dont on peut librement disposer, ce bien ou ce droit étant disponible, la saisissabilité, du caractère d’un bien qui est saisissable, la transmissibilité, de la qualité du bien ou du droit qui est 55 transmissible, la patrimonialité, du caractère de ce qui est patrimonial, la raisonnabilité, du caractère de ce qui est raisonnable. Dans la plupart des cas, le contraire s’exprime linguistiquement par l’emploi du préfixe -in, lequel marque l’absence, le défaut, le manque ou l’impossibilité. Inadmissibilité, inaliénabilité, inapplicabilité, inarbitrabilité, incessibilité, inconstitutionnalité, indisponibilité, insaisissabilité, intransmissibilité. Ainsi dira-t-on qu’il y a inacceptabilité dans le cas où, par exemple, un principe, une règle, une norme, un critère, une théorie, une thèse, une interprétation, un risque ne peut être reconnu en droit. Inacceptabilité d’un droit exécutoire dans l’immédiat, d’un fait, du statu quo, d’une restriction, d’une discrimination, d’un acte, d’une mesure. Inacceptabilité juridique du suicide. 2) En conséquence, il faut entendre par acceptabilité la vocation de tout ce qui peut être reconnu comme acceptable en droit. Par exemple, le critère d’acceptabilité du bruit, notamment en droit aérien, en droit maritime, en droit environnemental, dans le droit de l’urbanisme aussi bien que dans la branche des nuisances dans le droit des délits civils en common law, fixe une limite, un seuil (limite, seuil d’acceptabilité du bruit, de la pollution par le bruit) au droit dont jouissent particuliers et collectivités S personnes privées et publiques S contre le bruit, entre autres au regard de la responsabilité délictuelle, de la santé et du travail, en vue de rendre le bruit tolérable ou acceptable dans la vie en société. Acceptabilité sociale. L’acceptabilité du risque (ou des risques) se fonde sur la décision du sujet de droit ou de l’autorité publique, selon le cas, d’accepter un risque qu’il court : risque de préjudice, de dommage, de perte, de danger, d’accident, d’aléa. Selon les cas, elle peut mettre en jeu le principe de précaution et de prudence, la norme de tolérance et le principe de vulnérabilité. Conditions d’acceptabilité. En matière d’innovations techniques liées à la conduite assistée ou automatique, une définition de l’acceptabilité juridique a été proposée en France et entérinée par le CERTU : « L’acceptabilité juridique est considérée comme acquise dès lors que la diffusion du dispositif innovant ne modifie pas la charge totale de la responsabilité encourue par les différents intervenants (conducteur, constructeurs, équipementiers, 56 vendeurs, exploitants routiers...) et ne réduit pas le droit à indemnisation des victimes tel qu’il résulte de la législation alors en vigueur. » Problématique de l’acceptabilité juridique. Dans le droit des contrats en régime de common law, l’acceptation de l’offre est définie comme le fait pour la partie acceptante de donner son adhésion à l’offre qui lui est faite parce que cette dernière est fondée sur une assise juridique valable; c’est en ce sens que l’offre est dite acceptable. L’acceptation de l’offre désigne l’état d’accepter, tandis que son acceptabilité est subordonnée au fait que l’offre respecte tous les éléments de validité que prévoient les règles de droit régissant l’offre, elle est conforme à ces règles, notamment, par exemple, à celle qui veut que, sauf exception et dans certains cas, elle soit établie par écrit et que l’acceptant la signe. En droit judiciaire, les règles modernes d’interprétation des lois édictent généralement que les tribunaux doivent limiter leur interprétation au contexte des dispositions pertinentes et à leur objet en tenant compte de la vraisemblance ou de la plausibilité de l’interprétation (Est-elle conforme au texte législatif ?), de sa suffisance (Contribue-t-elle à la réalisation de l’objet du texte législatif?) et de son acceptabilité (Conduit-elle à un résultat juste et raisonnable ?). « Le tribunal doit adopter une interprétation qui est appropriée sur le plan de son acceptabilité, c’est-à-dire qui aboutit à un résultat raisonnable. » Par ailleurs, si, par exemple, une ordonnance ou une décision rendue par un tribunal administratif ou une juridiction judiciaire inférieure est jugée erronée en droit par une cour supérieure, la question de son acceptabilité suivant une norme de droit administratif ou un critère retenu par le tribunal est dépourvue de pertinence du fait de l’excès de compétence qu’a entraîné l’erreur juridictionnelle. 3) L’acceptabilité se dit parfois pour une personne dans la mesure où cette dernière se trouve dans une situation relevant d’un concours, d’une épreuve, d’une sélection, d’un choix parmi plusieurs qui est subordonné à des critères d’admissibilité ou d’acceptabilité et à des exigences, à des règles d’admissibilité ou d’acceptabilité. Acceptabilité d’un demandeur de statut, d’un arbitre. « L’indépendance des arbitres est garantie par leur formation, leur expérience et leur acceptabilité par les parties. » Acceptabilité générale des arbitres dans le milieu des relations de travail. 57 ö ACCEPTABLE. ö ADMISSIBILITÉ. ö ADMISSIBLE. ö ALIÉNABILITÉ. ö ALIÉNABLE. ö ANNULABILITÉ. ö ANNULABLE. ö APPLICABILITÉ. ö APPLICABLE. ö ARBITRABILITÉ. ö ARBITRABLE. ö CESSIBILITÉ. ö CESSIBLE. ö COLLÈGE. ö COLLÉGIALITÉ. ö COMMERCIALITÉ. ö CONSTITUTION. ö CONSTITUTIONNALITÉ. ö CRITÈRE. ö DISPONIBILITÉ. ö DISPONIBLE. ö DISPOSER. ö NUISANCE. ö PATRIMONIAL. ö PATRIMONIALITÉ. ö PERTINENCE. ö RAISONNABILITÉ. ö RAISONNABLE. ö SAISISSABLE. ö SAISISSABILITÉ. ö SUFFISANCE. ö TRANSMISSIBILITÉ. ö TRANSMISSIBLE. ö VOCATION. ACCEPTABLE. INACCEPTABLE. 1) L’adjectif acceptable et son antonyme inacceptable ne se disent pas généralement pour qualifier une personne. Puisque acceptable signifie qui peut être accepté, qui mérite d’être accepté, et qu’accepter une personne ne se conçoit qu’au sens de l’admettre auprès de soi (comme conjoint, par exemple) ou dans un rôle particulier ou encore comme faisant partie de son groupe, et qu’en pareil cas cette personne n’est pas dite [acceptable] ou [inacceptable], mais admise ou exclue, la qualifier ainsi apparaît abusif. 58 Cette façon de concevoir l’acceptabilité d’une personne S physique ou morale S est rare (voir ACCEPTABILITÉ, point 3) et propre à la langue anglaise. Aussi est-ce commettre un anglicisme de dire, par exemple, que le ministère juge telle personne [acceptable], que le greffe déclare un demandeur éventuel [inacceptable]. En ces cas, la personne est admissible, elle recueille, elle rencontre l’agrément d’une personne ou d’une autorité compétente. Ce qu’on jugera acceptable ou inacceptable ne sera pas la personne elle-même, mais sa candidature, sa nomination, sa demande. Le contexte permettra le plus souvent de déterminer le sens applicable. Toutefois, en droit, par exemple dans le droit de l’arbitrage et dans le droit de la citoyenneté et de l’immigration, on dit dans certains cas qu’une personne est acceptable lorsque son acceptabilité se trouve subordonnée à des critères, à des exigences ou à des règles, tel le cas de l’arbitre ou celui du demandeur de statut. 2) Il est abusif de qualifier des inanimés ou des personnes morales d’[acceptables] ou d’[inacceptables]. C’est par contagion de l’anglais qu’on dit erronément qu’un acte formaliste ou un acte de transfert est [acceptable pour] son enregistrement : il est plutôt recevable à l’enregistrement, comme un document est recevable ou admissible plutôt qu’[acceptable]. Une société de personnes n’est pas [acceptable], mais reconnue, agréée; des coûts ne peuvent être [acceptables], sinon à l’aune de la raison, mais admissibles. 3) Une chose est qualifiée d’acceptable dans la mesure où on y adhère ou on lui donne son consentement, tels les cas de l’offre équitable, de l’aliénation nécessaire, de l’alibi inattaquable, de l’attitude désintéressée, de l’accommodement satisfaisant, de la conduite irréprochable, de l’excuse convaincante, de la modalité indispensable, de l’hypothèse judicieuse, de la théorie féconde, du critère rigoureux, de la norme raisonnable, du délai légal, de la clause valable, du compromis nécessaire, de la concurrence loyale ou du motif fondé. Au contraire, est inacceptable ce qui répugne à la raison, tels les cas de l’atteinte grave, de l’agression non provoquée, de l’abus inqualifiable, du préjudice indu, de l’accusation gratuite, de l’acquittement injuste, de l’absolution injustifiable, de l’activité criminelle, de l’allégation fausse, de l’assertion malveillante, de l’usage 59 condamnable, de la coutume aberrante, de l’acte illégal, de l’action répréhensible, du jugement imprudent, de la pratique restrictive, de la conduite blâmable, de la décision inique, de la mesure odieuse, du plan machiavélique, de la politique oppressive, de la nuisance récurrente, de la violation flagrante, de la dérogation délibérée, du défaut volontaire, du vice caché, du raisonnement boiteux, du motif arbitraire, du moyen illicite, de la proposition exorbitante, de la dissidence inconciliable ou de la négligence coupable. Ce qui ne réussit pas à emporter la conviction ou notre adhésion, ce qui ne parvient pas à recueillir notre agrément, ce qui ne suscite pas notre accord, ce qui n’est ni recevable ni admissible devient inacceptable. « La conduite doit constituer une violation flagrante et inacceptable des droits de l’appelant. » « Au regard du droit, cette décision devient inacceptable lorsqu’il est établi que la décision de ne pas poursuivre au Canada s’appuie sur des motifs irréguliers ou arbitraires. » 4) Il importe enfin de distinguer ce qui est acceptable de ce qui est satisfaisant et de ce qui est suffisant. Le fait acceptable étant celui qui emporte le consentement de l’esprit, le fait satisfaisant remplit le sujet de ses droits ou répond à ses besoins, à ses attentes légitimes. La preuve que le tribunal juge satisfaisante pourra être qualifiée par lui d’acceptable dans la mesure où elle a été rapportée d’une façon jugée acceptable, ce qui satisfait à la norme de preuve régissant le litige, soit celle de la suffisance de la preuve. La solidité et le bien-fondé de la preuve convainquent le juge; en cela, elle suffit pour emporter sa conviction. La notion d’acceptabilité est inhérente à l’idée de consentement, la notion de satisfaction à celle d’obligation et la notion de suffisance à celle d’évaluation, de détermination, d’appréciation. ö ACCEPTABILITÉ. ö ADMISSIBLE. ö APPRÉCIATION. ö CONSENTEMENT. ö CONVICTION. ö DÉTERMINATION. ö EMPORTER. ö ÉVALUATION. 60 ö INIQUE. ö OBLIGATION. ö PREUVE. ö RECEVABLE. ö SATISFACTION. ö SUFFISANCE. ACCEPTANT, ACCEPTANTE. OFFRANT, OFFRANTE. OFFRE. RÉTRACTATION. RÉTRACTER. RETRAIRE. RETRAIT. RETRAYANT, RETRAYANTE. RETRAYÉ, RETRAYÉE. 1) Dans le droit des contrats en régime de common law, une offre ayant été faite au destinataire de l’offre, ce dernier peut soit l’accepter inconditionnellement ou l’accepter sous conditions, soit la refuser ou la rejeter. L’acceptation de l’offre est le fait de l’acceptant, de l’acceptante, de la partie acceptante. L’auteur de l’offre, appelé l’offrant, l’offrante, peut, après l’avoir présentée, la retirer, la rétracter. Cette rétractation, forme de révocation, est un retrait. Le retrait de l’offre est exercé par son auteur, le retrayant, la retrayante, à l’encontre du retrayé, de la retrayée, soit la personne qui subit le retrait. Le fait d’opérer le retrait de l’offre s’exprime par l’emploi du verbe retraire. Il faut en ce sens éviter d’user du barbarisme [retrayer], né par contagion du substantif. Immeuble retrait (et non [retrayé]), retraire un immeuble. Le retrait peut être conventionnel (appelé aussi réméré en droit civil : faculté de réméré), lorsqu’il découle de la volonté des parties consignée dans l’accord d’offre, ou litigieux, lorsqu’il est source d’un litige entre elles. 2) Dans le droit des contrats généralement, l’offre est une proposition ferme, distincte de la promesse de contrat. Elle émane de l’auteur de l’offre faite à une ou plusieurs personnes, le ou les destinataires de l’offre, de conclure un contrat assujetti à une simple adhésion pour assurer sa validité. 61 L’offre est valable quand elle est en cours de validité et elle est valide quand, valablement formée, elle est conforme aux exigences légales et ne risque pas d’être frappée de nullité pour sa conclusion. L’offre peut viser une ou des personnes, désignées ou non déterminées : offre à personne déterminée, offre à personne indéterminée (au public, par exemple). Elle peut être expresse ou expressément faite, en termes exprès, ou tacite (c’est-à-dire faite par déduction), exclusive (c’est-à-dire faite uniquement au destinataire). Dans le droit des créances, l’offre est dite réelle quand le débiteur remet à son créancier la chose due dans le respect des délais et avec paiement libératoire. Le destinataire de l’offre, après l’avoir étudiée, examinée, soupesée, peut soit l’accepter, l’accueillir, l’agréer, soit la décliner, l’écarter, la refuser, la rejeter, la repousser. L’offre ferme n’est pas sujette à négociation. Elle n’est pas susceptible d’être modifiée, dans son prix notamment, sur consentement des parties à l’offre. L’offre peut être suivie d’une contre-offre, si elle n’est pas ferme, si elle est négociable. Cette dernière a pour objet de modifier les conditions et (ou) les modalités de l’offre. Le contrat est formé lorsque l’offrant primitif, l’offrante primitive accepte la contre-offre émanant du destinataire de l’offre en lui signifiant son acquiescement ou son consentement à l’égard du projet de modification de l’offre. L’offrant se réserve le droit à tout moment de la retirer. Retrait de l’offre par le retrayant, la retrayante. N’étant pas ouverte à la négociation, l’offre ferme est qualifiée de définitive. L’offre est dite finale quand il s’agit de marquer le fait qu’elle est la dernière dans la série d’offres, qu’elle marque la fin dans la suite d’offres qui ont été présentées dans le cadre de la négociation. Par rapport à l’offre initiale ou primitive, l’offre peut être modifiée sur proposition du destinataire. Ayant été acceptée et jugée avantageuse, elle peut être renouvelée, prorogée. 62 Assortie de conditions, l’offre est conditionnelle; dans le cas contraire, elle est sans conditions ou inconditionnelle. Si la période ou le délai de réflexion préalable à l’acceptation expire sans qu’une décision ait été prise concernant l’agrément, l’offre devient caduque. La caducité de l’offre entraîne son retrait et la perte de tous ses effets juridiques. 3) En droit commercial et en droit économique comme dans le droit des sociétés, par exemple s’agissant des sociétés civiles professionnelles, le retrayant est l’associé qui part, qui se retire, qui quitte la société et qui demande que sa part ou sa mise lui soit remboursée. Départ du retrayant. Associé retrayant. « Afin que le départ d’un associé ne puisse plus mettre en péril les sociétés civiles professionnelles, le délai de rachat des parts de l’associé retrayant par la société pourra être statutairement porté jusqu’à dix mois. » « Le retrayant exige le rachat de ses parts. » Rachat des parts du retrayant. Indemnisation du retrayant. Obligations fiscales de la retrayante. 4) Au Canada, dans le vocabulaire de la procédure civile, la partie qui, avec la permission du tribunal, exerce le retrait de sa cause d’action, de sa demande reconventionnelle, de sa demande entre défendeurs ou de sa mise en cause, d’une demande ou d’une défense dans une instance qui est une action, ou encore d’un moyen dans une requête, un avis de contestation, une révision judiciaire, un appel ou une prétention s’appelle la partie retrayante. Il ne faut pas confondre la partie retrayante avec la partie qui se désiste d’une instance, qui l’abandonne. ö FRAPPER. ACCEPTION. 1) Dans le langage du droit, le mot acception s’emploie dans les locutions sans acception de et sans faire acception de personne, et signifie sans manifester de préférence pour, sans tenir compte de, sans faire entrer en ligne de compte. Ne pas confondre avec sans exception. Rendre la justice sans acception de personne. « La justice ne doit faire acception de personne. » 63 Dire « Un juge doit juger sans acception de personne » et non [sans exception de personne]. « La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, ... », c.-à-d. sans distinction quelle qu’elle soit (“Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law...”). 2) Dans le vocabulaire de la lexicologie, le mot acception signifie sens dans lequel un mot est employé, sens admis et reconnu par l’usage. « Le mot acte a de nombreuses acceptions en droit. » L’expression dans toute l’acception du mot s’emploie pour indiquer que le mot est employé sans aucune restriction, qu’il est bien celui qui convient : « Il est responsable, dans toute l’acception du mot. », c’est-à-dire réellement, vraiment. « Ce sont des considérations théoriques, dans toute l’acception du terme. » Ne pas confondre les paronymes acception et acceptation, ce dernier mot désignant l’action d’accepter : l’acceptation d’une offre. ACCESSION. 1) Sens technique. Comme terme générique, le mot accession appartenant au vocabulaire du droit des biens a été retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law comme équivalent du terme anglais “accession”. Il s’emploie au sens large de ce qui se joint, de ce qui s’unit ou s’incorpore à la chose. Plus précisément, l’accession désigne, en common law comme en droit français, le principe par lequel le propriétaire du bien-fonds acquiert le droit de propriété sur tout ce que le bien produit et sur tous les accessoires (voir ACCESSOIRE) qui s’y ajoutent ou s’y joignent, soit naturellement, soit artificiellement, que ce bien soit meuble ou immeuble. Au sens strict, l’accession se produit lorsqu’une chose appartenant à une personne devient la propriété d’une autre personne du fait de l’union ou de l’incorporation de la chose à une chose appartenant à cette dernière. Acquisition par accession ou par spécification. 2) Sens métonymique. Par extension, l’accession désigne les choses mêmes sur lesquelles le droit d’accession est exercé (atterrissement, arbres, constructions, animaux...). 64 3) Locution : par accession ou par voie d’accession : « Speedy Muffler répare ou remplace des pièces de système d’échappement, offrant ainsi un service à des clients individuels. De plus, les pièces ne sont pas vendues aux clients, mais elles sont fixées à leur véhicule et deviennent leur propriété par voie d’accession. » « Le principe général énoncé dans Benjamin est le suivant : lorsqu’un bien, meuble ou immeuble, de l’employeur doit faire l’objet de travaux comportant l’utilisation ou l’adjonction de matériaux appartenant à la personne engagée à cet effet, il s’agira normalement d’un contrat de fourniture d’ouvrage et de matériaux, la propriété de ceux-ci passant alors à l’employeur par accession et non pas en vertu d’un contrat de vente. ». 4) L’accession à la propriété désigne le fait pour une personne de devenir propriétaire du logement qu’elle habite ou qu’elle se propose d’habiter. 5) En droit international, l’accession (ou l’adhésion) désigne l’admission de tiers à un traité ou à un accord déjà conclu : « Les États étrangers à l’Union et qui assurent la protection légale des droits faisant l’objet de la présente Convention peuvent y accéder sur leur demande. Cette accession sera notifiée par écrit au Gouvernement de la Confédération Suisse... » 6) Sens usuel. Dans l’usage courant, accession désigne le fait pour une personne d’accéder à une fonction ou à un pouvoir, ou encore le fait pour un État d’accéder à la souveraineté. « À mon sens, il n’y a rien dans les propos du juge LeDain qui indique que la Commission peut faire fi du processus légal d’accession à la Fonction publique. » « Au cours des quinze années qui ont précédé son accession au pouvoir, il y a eu plus de deux cents poursuites pour propos antisémites. » « L’arrêt Harris a décidé que le mode et la forme des restrictions antérieurement protégées par la Colonial Laus Validity Act continuaient de s’appliquer au Parlement de l’Afrique du Sud malgré l’accession de cet État à la souveraineté. » Syntagmes Accession immobilière, mobilière. Accession artificielle ou industrielle, accession naturelle. Accession immédiate. Accession de propriété, de propriétaire. Accession d’animaux, de terrain. Accession sur choses mobilières, immobilières. Accession sur ce qui s’unit à la chose. 65 Auteur de l’accession (“accessioner”). Acquisition par (voie d’) accession. Droit d’accession sur qqch. Principe, règle, théorie de l’accession. Devenir, être propriétaire à titre d’accession, par l’effet de l’accession. L’accession se réalise au profit de qqch. ö ACCESSOIRE. ö ACCROISSEMENT. ö ACQUÉRIR. ö ANNEXION. ACCESSOIRE. ACCESSOIREMENT. Accessoire s’emploie comme adjectif et comme substantif : « L’accession est, parfois, la chose accessoire unie à la chose principale comme dans l’adage : l’accessoire suit le principal. » 1) Sens technique. Dans le droit des biens, l’adjectif accessoire est lié au principe de l’accession (voir ce mot) et signifie qui suit ou accompagne la chose principale, qui se rapporte à qqch., qui appartient à qqch. Sens usuel. Qui suit une chose principale, en dépend ou la complète. Avantage, clause, contrat, demande, disposition, droits, frais, question, taxe, usages, revenus accessoires. Accessoire est suivi de la préposition à : accessoire à la demande, à un droit, à la propriété. « L’hypothèque est un droit réel accessoire à un droit de créance... » Le terme prend une valeur dépréciative dans certains contextes : il signifie secondaire, négligeable, superficiel. Dans cet emploi, il est généralement précédé d’une négation ou d’un terme restrictif : « ces questions ne sont que très accessoires... » « ces prétentions sont plutôt accessoires ». 66 Il faut se méfier de la contagion de l’anglais dans certaines expressions; par exemple : bâtiment annexe (plutôt qu’[accessoire]). 2) L’accessoire est ce qui s’unit ou s’incorpore à une chose principale, ce qui se joint à elle; c’est un objet qui ajoute de l’utilité à qqch. d’autre, mais qui n’en est pas un élément essentiel. Dans la maxime l’accessoire suit le principal, l’accessoire est un objet qui, du fait de sa dépendance par rapport à l’autre objet, a la même nature juridique que celui-ci ou est soumis à la même règle. Le terme accessoire fixe a été retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law comme équivalent du terme anglais “fixture” : « L’annexion est le moment où un accessoire fixe devient partie intégrante du bien réel auquel il est fixé. ». Accessoire permanent, accessoire fixe d’agriculteur, de maison, d’exploitation, d’exploitation enlevable ou inenlevable, d’ornementation, du locataire, du locateur, du tenant. Par contagion de l’anglais, le terme [accessoire du crime] se rencontre parfois : dire le complice du crime. Au pluriel, les accessoires d’une chose peuvent être les accessoires détachés du principal ou les accessoires incorporés au capital. Ce peut être les éléments complémentaires d’un bien qui se sont unis à un élément principal (biens hypothéqués avec tous leurs accessoires) ou les privilèges, hypothèques et cautions dans une cession de créance. 3) Accessoirement. Dans le contexte du principe de l’accession, l’adverbe accessoirement signifie d’une manière complémentaire : « La propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement. » Syntagmes Accessoires de l’immeuble, du meuble. Accessoires de la propriété, du propriétaire. Acquisition, propriété de l’accessoire. 67 Bien accessoire. L’immeuble, le meuble accessoire. Droits accessoires aux parties communes. ö ACCESSION. ACCIDENT. INCIDENT. 1) On dit accident du travail et non [de] travail. La Commission des accidents du travail. La législation des accidents du travail. Les lois sur les accidents du travail. L’indemnisation, la prévention, la réparation des accidents du travail. On ne dit pas un accident [industriel] ou [professionnel], mais un accident du travail. 2) Accident de la circulation et accident de la route, au sens large, se disent indifféremment. Mais au sens strict, l’accident de la circulation se produit à l’intérieur des agglomérations, alors que l’accident de la route survient à l’extérieur (accident sur autoroute par exemple). Accident de la route et accident de la circulation se fondent dans l’expression accident de la circulation routière : « Dans le monde, les accidents de la route font chaque année plus de trois cent mille victimes. » On ne parle pas d’un accident de la [circulation] aérienne, mais d’un accident de navigation aérienne. Remarquer qu’on dit bien accident aérien, mais que l’on considère accident routier comme un exemple d’épithète en hypallage. De même, on dit bien Code criminel, Code pénal, mais on ne dit pas [Code routier], mais Code de la route. L’accident de la circulation peut être matériel (dégâts uniquement matériels) ou corporel (personnes blessées ou tuées); dans ce dernier cas, l’accident est dit mortel. 3) Au Canada, la plupart des linguistes condamnent l’expression [être impliqué dans un accident] au sens d’engager, de mêler, lorsque le sujet est une personne ou une chose, sauf si on veut parler d’un complot, d’une machination en vue de causer un accident, le verbe impliquer étant toujours péjoratif en ce sens. Ainsi, Dagenais explique qu’il ne faut pas dire, par exemple, les deux voitures [impliquées] dans 68 l’accident, mais les deux voitures qui ont subi l’accident ou les deux voitures accidentées. Ce qui n’empêche pas le législateur du Nouveau-Brunswick dans la Loi sur les véhicules à moteur de parler des personnes impliquées dans l’accident ou du véhicule à moteur dont l’état indique qu’il a été impliqué dans un accident grave. De même, en France, les dictionnaires généraux n’enregistrent pas ce sens, mais l’expression être impliqué dans un accident est une notion juridique dans le droit de la responsabilité civile en matière d’accidents de la circulation. L’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 vise la notion d’implication d’un véhicule terrestre à moteur dans un accident de la circulation. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont statué que le véhicule est dit impliqué dans l’accident pour cela seul qu’il est intervenu d’une manière quelconque dans cet accident. « Il appartient au conducteur de prouver que le dommage dont on lui demande réparation n’a pas été causé par l’accident dans lequel son véhicule est impliqué. » (Voir IMPLICATION) 4) Les accidents de la vie quotidienne, chutes, brûlures dues à l’usage d’appareils ménagers, incendies domestiques, sont appelés des accidents domestiques. 5) Il importe de bien distinguer accident et incident. Le premier mot a un sens plus fort que le second. L’accident est plus dangereux que l’incident, qui est un petit événement peu important en soi, mais qui peut entraîner des suites fâcheuses. Pour le sens technique du terme INCIDENT, voir ce mot. Syntagmes Accidents en chaîne. Accident entre véhicule et piéton. Accident entre véhicules. Accident d’automobile, de voiture. L’accident survient, se produit. Description de l’accident, rapport d’accident. Constat amiable d’accident. Les circonstances [entourant] l’accident est un pléonasme; dire les circonstances de l’accident, car dans le mot circonstance, il y a déjà l’idée d’« autour » (en latin “circum”) que l’on trouve dans « entourer ». Déclarer, décrire, signaler un accident. Invoquer la défense d’accident. Causer, occasionner un accident. 69 ö CIRCONSTANCE. ö COLLISION. ö IMPLICATION. ö INCIDENT. ACCIDENTÉ, ACCIDENTÉE. ACCIDENTER. Accidenté est adjectif et substantif. Comme adjectif, accidenté se dit d’une personne ou d’une chose qui a subi un accident (des enfants accidentés, une voiture accidentée) et comme substantif, se dit de la victime d’un accident (les accidentés de la route, du travail). Il y a une vingtaine d’années, le bon usage était de n’admettre accidenté qu’à la rigueur, au sens administratif (polices d’assurances, services sociaux) de victime d’un accident. Aujourd’hui, les meilleurs auteurs admettent les emplois adjectivé et substantivé. Cependant, les dictionnaires n’enregistrent pas, et à juste titre, le verbe accidenter pris en ce sens : « Le chauffard a [accidenté] (= a blessé, a renversé) deux piétons. » L’extension de sens aux choses n’était pas admise par les lexicographes. On peut dire aujourd’hui voiture accidentée, expression que le Grand Robert continue toujours de signaler comme familière. Dagenais propose voiture accidentée ou voiture qui a subi l’accident. Pour la notion juridique d’implication d’un véhicule dans un accident et de voiture impliquée dans un accident, voir ACCIDENT. et IMPLICATION. ö ACCIDENT. ö IMPLICATION. ACCIDENTEL, ELLE. ACCIDENTELLEMENT. 1) Accidentel a deux sens : qui est provoqué par un accident (« Ses blessures sont accidentelles. » « Sa mort n’est pas naturelle mais accidentelle. ») et qui est dû au hasard, qui est imprévu, fortuit (« J’ai été le témoin accidentel de ce crime monstrueux. »). Dans ce deuxième sens, voir les termes de common law atteinte ou 70 intrusion accidentelle (“accidental trespass”) et dommage accidentel (“accidental harm”). L’omission accidentelle (“accidental slip”) peut être notamment un lapsus lorsqu’on emploie involontairement un mot pour un autre dans la langue parlée ou écrite ou une erreur d’écriture (“clerical error”), appelée aussi erreur de plume, lorsqu’une omission est commise dans un écrit. 2) L’adverbe accidentellement signifie d’abord d’une manière fortuite, imprévue, par hasard : « La personne appréhendée est devenue accidentellement l’innocente victime de la force utilisée par l’agent de police. » Il a aussi le sens d’à la suite d’un accident : « Il est décédé accidentellement. » « Dans le monde, il meurt accidentellement plus de deux mille personnes chaque jour, dont plus de mille sur les routes. » ö ERREUR. ö LAPSUS. ACCOMMODATION. ACCOMMODEMENT. ACCOMMODER. Deux c, deux m. En français, accommodation n’est guère usité que dans le sens d’adaptation, par exemple le pouvoir d’accommodation de l’oeil aux distances. Son homonyme anglais est très fréquent dans les textes juridiques et peut être source d’anglicismes. “Accommodation” s’emploie dans deux acceptions : celle de logement (aménagement, bâtiment, service d’accueil, hébergement, installations et locaux) et celle de complaisance, en matière de lettres de change. On ne dira donc pas [coût] ou [frais d’accommodation], mais frais de logement, frais d’hébergement; non pas « Cette ville n’a pas les [accommodations] voulues », mais « n’a pas la capacité d’accueil voulue pour tenir un tel événement », non pas [allocation d’accommodation], mais indemnité de logement. Le terme complaisance remplacera [accommodation] dans les syntagmes suivants : endossement de complaisance (“accommodation endorsement”), billet ou effet de 71 complaisance (“accommodation paper”), souscripteur, endosseur, accepteur par complaisance, ou tireur de complaisance (“accommodation party”), garantie de complaisance (“accommodation surety”). « Est acquittée la lettre [d’accommodation] (= de complaisance) qui est régulièrement payée par le bénéficiaire de [l’accommodation] (= de la complaisance). » Accommodation ne doit pas être confondu avec accommodement qui, en droit, est synonyme de conciliation, d’arrangement, de compromis amiable : « Les deux parties devront trouver [une accommodation] (= un accommodement) si elles veulent éviter un procès. ». En venir à un accommodement avec qqn. Faire un accommodement. Par voie d’accommodement. « Un mauvais accommodement vaut mieux qu’un bon procès. » Accommoder ne peut avoir le sens de loger ou d’accueillir, ni celui de rendre service à qqn. On ne dit pas [accommoder] l’administration, le public, mais faciliter l’administration, accueillir le public. « Cet hôtel peut [accommoder] (= loger, recevoir, accueillir) cent personnes. » Au sens d’accommodement, on dit « Il convient d’accommoder les deux solutions présentées », mais on ne pourra [accommoder] quelqu’un : « Je voudrais bien vous [accommoder] (= vous être agréable), mais je ne peux repousser l’échéance. » De la même façon, le verbe accommoder s’emploie surtout soit avec un complément direct, au sens de conformer, adapter (« Il faut savoir accommoder sa conduite aux circonstances. »), soit à la forme pronominale, suivi de de, au sens de se contenter de, se satisfaire, ou de à, au sens de s’adapter. « Étant donné le coût du loyer, il faut s’accommoder d’un petit appartement. » « Il faut savoir s’accommoder à une nouvelle conjoncture économique. » ö COMPLAISANCE. ACCOMPAGNÉ, ÉE. Le participe passé accompagné se construit avec la préposition de ou par lorsque le complément est une personne : « Le défendeur est arrivé au Palais de justice, accompagné de son avocat. » « Le juge en chef était accompagné par tous les juges de la Cour. » 72 Si le complément est un être inanimé, c’est la préposition de qu’il faut employer : « Le document est accompagné du droit prescrit. » « Toute requête présentée à un juge ou au registraire est introduite par un avis de requête rédigé selon la formule B et accompagné d’un affidavit. » Pour varier l’expression, on peut remplacer accompagné par les tours suivants : assorti de : « ... et assortir le document des conditions prescrites ». avec : « Les notifications qui doivent être faites le sont par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ». déposer avec : « La cession d’un acte de vente est enregistrée en la déposant avec un affidavit ». également joint à : « Une notice indiquant les dispositions de la loi pertinente est également jointe à la notification ». fourni également : « Toute association doit donner à l’inspecteur avis de ses assemblées et lui fournir également copie de l’ordre du jour ». muni de : « Les produits sont munis d’un certificat... ». suivi de : « La dénomination du produit est suivie de la mention... ». y afférent : « Le conseil doit présenter aux membres les états financiers dûment vérifiés et le rapport y afférent du vérificateur ». ACCOMPLI, IE. INACCOMPLI, IE. Accompli s’emploie au sens de qui est rempli pleinement, régulièrement : fait, devoir accompli, mission accomplie, qui est survenu, réalisé : clause, condition accomplie (c’est-à-dire qui s’est réalisée; par opposition à la condition défaillie et à la condition pendante en droit civil). L’antonyme est inaccompli (moins fréquemment : non accompli). 73 En parlant d’une personne, accompli signifie parfait en son genre, très compétent, d’expérience : un praticien accompli. Puisque accompli peut se prendre en mauvaise part (un scélérat accompli), il faut s’assurer que le contexte est explicite lorsqu’on utilise cet adjectif. ACCOMPLI, IE. RÉVOLU, UE. En parlant d’un âge, ces deux termes se mettent au pluriel et signifient atteindre un âge. « Pour pouvoir être nommé, le candidat doit être âgé de trente ans accomplis. » « Aux termes du Code civil, l’homme avant dix-huit ans révolus ne peut contracter mariage. » Supposons les deux phrases suivantes : « Il a dix-huit ans. » et « Il a dix-huit ans accomplis. » ou « Il a dix-huit ans révolus. ». La deuxième phrase s’emploie dans des textes juridiques pour préciser que la personne vient d’avoir dix-huit ans, qu’elle vient de terminer de vivre sa dix-huitième année. Certains textes précisent l’idée par l’emploi du verbe atteindre : « Le paragraphe (1) ne s’applique pas à la personne qui n’a pas atteint seize ans » (= qui n’a pas seize ans révolus). ACCOMPLIR. S’emploie dans les sens suivants : a) Réaliser, mener à terme, avec l’idée d’achèvement : accomplir un acte, une action, une tâche, un travail, ou faire une action quelconque, sans idée d’achèvement : accomplir un geste (et non [poser] un geste). Accomplir un acte suppose tout à la fois le fait d’agir, d’achever et d’observer; l’acte engage de ce fait la responsabilité du sujet, sauf les cas d’immunité par exemple. b) Mettre à exécution, effectuer, faire ce qui était projeté, réaliser : accomplir une promesse, la volonté publique, un mandat, un apprentissage, une condition. c) Faire ce qui est demandé, ordonné, proposé, obéir à une volonté, à un ordre, en se conformant à des modalités, s’acquitter de : accomplir un devoir, un ordre, 74 une formalité, une obligation. d) Dans le langage du droit uniquement, accomplir s’emploie péjorativement : commettre un acte répréhensible, perpétrer : accomplir une mauvaise action, un crime, un forfait, une infraction, un dessein illicite (par opposition à omettre). Toutefois, dans le langage courant, il faut éviter de dire [accomplir] une mauvaise action, on dit : commettre une mauvaise action. ö GESTE. ö OMETTRE. ö POSER. ACCOMPLISSEMENT. 1) Accomplissement (en anglais “performance”) a le sens d’exercice, d’exécution de qqch. (par opposition à omission (voir OMETTRE). Accomplissement d’un acte, d’un devoir, d’une responsabilité, d’une charge, d’une obligation, d’un mandat, d’une formalité, d’une peine, d’une loi, de l’élément de l’infraction. « Le conseil de surveillance peut se faire communiquer les documents qu’il estime utiles à l’accomplissement de sa mission. » « ... l’accomplissement d’au moins vingt-cinq ans de la peine... » « La vente doit se faire aux enchères publiques après l’accomplissement des formalités suivantes : » « Les mandants sont liés par les actes de leurs mandataires dans l’accomplissement de leur mandat. » « En d’autres termes, si deux objets sont tellement connexes que les deux débats qui se font à leur sujet soulèvent la même question concernant l’accomplissement de la même obligation, entre les mêmes parties, il y a chose jugée. » 2) Accomplissement (en anglais “fulfilment”) a également le sens de réalisation, de survenance (par opposition à défaillance ou à incertitude) : accomplissement d’une clause, d’une condition, d’un contrat, d’une promesse. « Si le créancier est mort avant l’accomplissement de la condition, ses droits passent à... » « L’accomplissement de la clause a pour effet de rendre l’obligation parfaite. » 3) Accomplissement peut avoir une valeur péjorative dans le langage du droit : accomplissement d’une infraction, d’outrage, d’une action illégale, d’un acte prohibé. 4) L’accomplissement (rarement au pluriel) n’a pas le sens de son quasi- 75 homonyme anglais, dont le pluriel correspond à talent, don, connaissance...). Le vocable français signifie ce qui est accompli. Au sens de résultat de l’action, [accomplissement] est imité de l’anglais. On ne peut féliciter qqn de ses [accomplissements], mais on le félicite de sa réussite, de ses réalisations. On parle du couronnement d’une carrière, des oeuvres de qqn, de ses succès. 5) Accomplissement s’accompagne souvent des épithètes suivantes : efficace, conscient, intentionnel, réel ou présumé : « Aucune instance ne peut être intentée contre la Couronne en vertu du présent article pour l’action ou l’omission d’une personne dans l’accomplissement réel ou présumé d’une charge de nature judiciaire dont elle est investie. » 6) On acquiesce, on consent à l’accomplissement d’un acte : « Quiconque a fait des inscriptions fausses ou trompeuses, ou a consenti ou acquiescé à leur accomplissement... ». ö OMETTRE. ACCORD (D’). (ÊTRE D’). 1) On peut être d’accord avec une personne, mais peut-on être d’accord avec une chose ? Les tournures, fréquentes dans le style judiciaire, [être d’accord avec l’argument, avec la position, avec ce que dit, avec les motifs, etc.] sont incorrectes. Ne pas dire, par exemple : « Je [suis d’accord avec la décision] de mon collègue... » ou « Il [n’est pas d’accord avec les valeurs] que l’association donne à ses éléments d’actif. », mais dire : « Je suis d’accord avec mon collègue lorsqu’il décide que... », ou encore « J’approuve les motifs de mon collègue. » « Il n’est pas d’accord avec l’association sur les valeurs qu’elle donne à ses éléments d’actif. », l’association étant, dans le dernier exemple, une personne morale. 2) La locution en accord avec quelqu’un signifie avec l’assentiment de quelqu’un, ou après m’être entendu avec qqn : « La décision a été prise en accord avec l’intéressé. » Ne pas dire : « [En accord avec le juge du procès], je conclus donc que... », mais « Étant d’accord avec le juge du procès, je conclus donc que... ». Ne pas dire non plus : « Je [suis en accord avec lui]. », mais « Je suis d’accord avec lui. » 76 Être en accord s’emploie avec un nom de chose au sens d’être adapté, approprié, de convenir, et au sens de se trouver en relation harmonieuse ou logique avec qqch. : « Des actes qui ne sont pas en accord avec les promesses faites. » « Ces deux décisions de la Cour ne sont guère en accord. » 3) D’accord avec, en position antéposée, signifie aussi avec l’assentiment de et non étant d’accord avec : « D’accord avec son client, l’avocat a proposé un règlement amiable. ». 4) D’un commun accord, et non [de commun accord], signifie unanimement, de concert, et s’emploie en position antéposée ou postposée : « Constitue un acte discriminatoire le fait, pour une personne ou un groupe de personnes agissant d’un commun accord... » « D’un commun accord les parties contractantes ont décidé ce qui suit : » 5) D’accord entre dans la construction de plusieurs locutions. Être, demeurer, tomber d’accord (avec qqn) sur qqch. (partager le même point de vue, être, se retrouver du même avis, reconnaître ensemble que, en venir à la même conclusion après discussion) : « Il faut demeurer d’accord avec le juge que les décisions anglaises ne peuvent lier les tribunaux du Québec. » « Seul le juge n’a pas été d’accord sur ce point » « Les auteurs ne sont pas d’accord sur l’autorité de la jurisprudence comme source de droit. » Être d’accord (avec qqn) à propos de qqch. : « Je suis d’accord avec lui à propos des derniers événements. » Être d’accord (avec qqn) que (suivi de l’indicatif) : « Comment ne pas être d’accord avec eux que pareil comportement est inacceptable! » (ou suivi du subjonctif, si l’action est envisagée dans la pensée) : « Comment ne pas être d’accord avec eux qu’un tel acte puisse être illégal! » Mettre d’accord (des adversaires, des opposants, des parties à un procès ou à un traité, venir en arbitre pour les concilier) : « L’arbitre a mis d’accord les parties, puis leur a demandé de signer le règlement amiable. » 77 Se mettre d’accord sur qqch., pour faire qqch. (s’entendre, arriver à une entente, mettre fin à un différend, conclure une négociation) : « Les jurés se sont mis d’accord sur un verdict. » « Les Hautes Parties Contractantes se sont mises d’accord sur le Protocole d’entente. » ou « ... se sont mises d’accord pour déclarer que... » Se déclarer d’accord pour dire que (se déclarer du même avis que qqn pour déclarer, pour conclure que) : « Les juges se sont déclarés d’accord pour dire que l’appelant avait eu raison de prétendre qu’il y avait eu erreur de droit. » Se trouver d’accord avec qqn (convenir) : « Après plusieurs tergiversations, les parties se sont trouvées d’accord avec le médiateur et ont accepté le compromis. » 6) Pour varier l’expression, on peut rendre de diverses façons l’idée de l’accord. « Les parties se sont mises d’accord sur les dispositions suivantes : » (= « Les parties sont convenues des dispositions suivantes : » « ... ont arrêté les dispositions suivantes : » « ... ont donné leur adhésion, leur assentiment aux dispositions suivantes : »). « Je suis d’accord avec mon collègue. » (= « J’abonde dans le sens de mon collègue. » « Je fais miennes ses paroles. » « Je m’associe, je me joins à mon collègue. » « Je partage le point de vue de mon collègue. » « Je me range, je me rallie à l’avis de mon collègue. » « Mon collègue affirme à bon droit, soutient avec raison que... » « Je crois, je reconnais avec mon collègue que... » « À l’instar de mon collègue qui... , j’estime que... »). 7) Il ne faut pas abuser de la locution adverbiale d’accord, qui remplace les mots oui, parfait, très bien, je vois après une remarque du tribunal ou une réponse donnée par un témoin, par exemple. Le Grand Robert considère cette locution comme familière. D’accord s’emploie en trois sens : a) assurément, oui, je le reconnais, j’en conviens, c’est vrai, il faut l’admettre, et a comme équivalents des expressions comme Vous avez raison, Je me rétracte, Il est vrai, Sans doute : (« Vous dites que ma question était suggestive? D’accord. »); b) j’accepte, j’y consens, c’est entendu, emploi que le Grand Larousse considère comme familier (« - Maître, voudriez-vous commencer l’interrogatoire? - 78 D’accord. » = Je vous remercie, madame la juge.); c) bien, bon, admettons, je veux bien, passe encore, va pour, ou encore soit et certes employés comme adverbes d’affirmation avec valeur de concession ou de résignation : (« - Maître, il faut absolument signer ce contrat aujourd’hui. D’accord. » = Je veux bien. Soit. Bien. Si vous voulez.). Ne jamais dire [O.K.] pour d’accord. ö ABONDER. ö ACCORD (D’). ö ACCORDER (S’). ACCORDER (S’). Le verbe s’accorder construit l’infinitif complément avec la préposition à : « Tous les témoins interrogés se sont accordés à reconnaître que l’accusé avait trop bu le soir du crime. », et plus couramment avec pour : « Les deux parties se sont accordées pour dire que la résiliation du contrat était justifiée. ». Remarquer l’accord du participe passé accordé dans les deux exemples cités. ö ACCORD (D’). ACCRÉDITATION. ACCRÉDITER. 1) L’accréditation est l’action d’accréditer un agent diplomatique auprès d’un gouvernement étranger au moyen de lettres de créance. « Le gouvernement canadien a procédé à l’accréditation d’un nouvel ambassadeur en Iran. » Dans cet exemple, le Canada est l’État accréditant et l’Iran l’État accréditaire. Par extension, on parle de l’accréditation d’un journaliste ou, en droit canadien du travail, de l’accréditation (on dirait mieux de l’agrément) d’un syndicat. Dans ce dernier cas, ne pas utiliser le mot [certification]. « La Commission des relations industrielles a fait droit à la demande d’accréditation (ou à la demande d’agrément) du syndicat. » Solliciter l’accréditation à titre d’agent négociateur d’une unité de négociation. Accorder l’accréditation. 79 Dans le domaine de l’emploi, s’il s’agit d’une personne, d’un travailleur, on parle de la reconnaissance professionnelle, de la reconnaissance des titres de compétence, de la reconnaissance de la capacité professionnelle, le terme accréditation étant réservé à un organisme. En matière de sécurité sociale notamment, c’est le terme agrément qui exprime l’approbation ou la reconnaissance officielle des organismes qui relèvent du ministre. Agrément des hôpitaux, demandes d’agrément, modalités d’agrément, et non de l’[accréditation]. “Accreditation committee” se rend par comité d’agrément. Accréditation s’emploie aussi au sens de reconnaissance officielle de compétence; par exemple, dans la Loi de mise en oeuvre de l’Accord de libre-échange Canada-ÉtatsUnis, l’accréditation d’un comité permet à celui-ci de certifier la conformité à des normes ou à des spécifications techniques au moyen d’un certificat ou d’une marque de conformité. 2) Accréditer. Employé transitivement, accréditer qqn signifie déléguer cette personne pour agir en telle qualité (par exemple un diplomate ou un journaliste) et, dans l’usage canadien et par extension, un syndicat. Accréditer qqn auprès de qqn en qualité d’ambassadeur. Accréditer qqn comme représentant. Accréditer un journal. Presse accréditée. « Le particulier accrédité en vertu du paragraphe (2) peut exercer, pour le compte de la personne morale ou de l’association qu’il représente, tous les pouvoirs d’un actionnaire. » « Ce syndicat est accrédité » et non [certifié] « à titre d’agent négociateur. » Accréditer, c’est aussi faire ouvrir un crédit à une personne auprès d’une banque (on est alors accrédité auprès de cette banque). Par extension, accréditer une personne, c’est la recommander pour la faire accepter. Agent accrédité. Représentant dûment accrédité. Au passif, être accrédité signifie qui jouit de la confiance de qqn, qui a une bonne réputation : « Le nouveau bureau d’avocats est bien accrédité dans la région. » Accréditer une chose signifie la rendre digne de foi, la rendre plausible, lui donner de l’autorité, du crédit : « Les témoins ont accrédité la version des faits des 80 demandeurs. ». Accréditer des accusations, des bruits, des hypothèques. Pour la distinction à faire entre accréditer et corroborer, voir CORROBORATION. Accréditer un mot, c’est l’enregistrer, le mentionner, en constater l’usage : « Combien faut-il de temps pour qu’un dictionnaire accrédite un néologisme? » Accréditer s’emploie aussi à la forme pronominale avec le sens de se propager, se répandre, devenir sûr : « La rumeur de sa condamnation s’est accréditée peu à peu. » ö AGRÉER. ö CERTIFICATION. ö CORROBORATION. ACCROISSEMENT. ACCROÎTRE. CROÎT. 1) Le mot accroissement (“accretion” en anglais) s’emploie en droit des biens en parlant du fonds riverain d’un cours d’eau dont l’étendue augmente naturellement par le retrait d’une rivière ou de la mer. Le terme désigne aussi bien l’action que son résultat. Si l’étendue augmente graduellement par l’effet d’un atterrissement formé par le sable et la terre rejetés par la mer ou un fleuve, l’accroissement s’appelle alluvion; si l’accroissement est subit et perceptible, il s’appelle avulsion. Accroissement du sol. Accroissement de la mer. Droit d’accroissement. « Les terres que l’atterrissement ajoute à un rivage appartiennent au propriétaire par droit d’accroissement. » Les règles développées par la common law pour déterminer quand il y a lieu à accroissement des rives des cours d’eau et du rivage de la mer forment la doctrine de l’accroissement (“doctrine of accretion”). Les accroissements eux-mêmes (“accreted land”) se forment sur le fonds accru (“fund”), c’est-à-dire sur le fonds qui a reçu les accroissements. Pour les animaux, la terminologie normalisée au Canada est accroissement également, soit l’augmentation d’un troupeau par la naissance de petits. Le terme technique croît (noter l’accent circonflexe) (on dit “increase” en anglais) s’emploie dans le même sens. Le croît des animaux (“young of animals”). 2) L’emploi du mot accroissement est plus fréquent en droit successoral. L’accroissement est l’opération juridique par laquelle un héritier ou un légataire ajoute 81 à sa part d’hérédité celle qu’un cosuccessible ou colégataire est empêché de recueillir ou qu’il refuse. En common law, l’accroissement (“accruer” ou, plus rarement, “accrual”) se produit lorsqu’un héritier est exclu ou meurt et que les autres héritiers recueillent sa part; cette part est dite accrue aux autres héritiers. L’exclusion a lieu du fait d’une clause d’accroissement (“accruer clause” ou “clause of accruer”), clause expresse prévoyant qu’à la mort d’un héritier sa part accroît aux autres héritiers. 3) Accroître. Le i ne prend l’accent circonflexe que devant le t : « La part accroît aux héritiers. », mais « Les fruits accroissent aux légataires. » Accroître est transitif indirect devant un complément de personne et transitif direct devant un complément de chose : « La portion doit accroître à ses colégataires. », mais « Ce legs accroît la part de Pierre. » Aux temps composés, le verbe accroître (accru s’écrit sans accent circonflexe) se conjugue avec l’auxiliaire avoir ou être selon le cas. Comme transitif direct, il prend l’auxiliaire avoir : « Il a accru son patrimoine. »; comme transitif indirect, il prend l’auxiliaire être : « La part de Pierre est accrue aux héritiers. »; comme pronominal, il prend naturellement l’auxiliaire être : « Son patrimoine s’est accru. »; comme intransitif, la construction avec l’auxiliaire être, vieillie, est remplacée par la forme pronominale : « Son patrimoine [est accru] » (= s’est accru). Syntagmes 1) Accroissement Droit successoral Accroissement automatique, conjonctif, forcé, rétroactif, successoral, volontaire. Accroissement entre colégataires. Bénéficiaire de l’accroissement. Clause d’accroissement. Droit d’accroissement. Accepter, admettre l’accroissement. Bénéficier, profiter de l’accroissement. 82 Donner lieu, y avoir lieu à accroissement, au droit d’accroissement, au profit des légataires, entre les légataires. Écarter, exclure, refuser l’accroissement. Renoncer à l’accroissement. Jouir de l’accroissement entre les cohéritiers, par rapport aux cohéritiers, vis-à-vis des cohéritiers. Obtenir par accroissement la part de qqn. Opérer droit d’accroissement entre les légataires. Réclamer l’accroissement. Revenir par accroissement aux légataires. Y avoir accroissement au profit, en faveur des légataires. L’accroissement a lieu... dans les legs, de plein droit, entre les légataires, en vertu de qqch. L’accroissement... est empêché en vertu de qqch. est transmis aux héritiers, joue au profit, en faveur des légataires, profite à... produit ses effets, s’opère au profit de qqn, se fait, se produit en vertu de qqch. Droit des biens Accroissement de terrain, des rives, du rivage. Accroissement à un fonds. Valeurs d’accroissement. Terre ou terres d’accroissement. Les accroissements se forment par alluvion, par avulsion. 2) Accroître Droit successoral La part accroît à qqn (c’est-à-dire est acquise, est recueillie par qqn, profite, revient à qqn). Accroître pour une moitié à A et pour l’autre moitié à la souche de B. « Le légataire peut refuser de prendre la part qui lui accroît. » 83 Droit des biens Fonds accru (c’est-à-dire le fonds qui a reçu les accroissements). Accroître au profit du possesseur. ö ACCRU. ACCRU. 1) Le participe passé du verbe accroître s’écrit sans accent circonflexe (accru) à la différence de celui du verbe croître qui s’écrit avec l’accent (crû). Pour l’emploi de l’auxiliaire avec le participe passé accru, voir ACCROISSEMENT. 2) L’expression [intérêts accrus] est à proscrire. Il faut dire des intérêts courus. On trouve aussi intérêts accumulés et intérêts acquis. Relevé de compte avec les intérêts courus. Les intérêts courus sont « les intérêts que rapportent des effets de commerce ou des obligations pour la période comprise entre la dernière date de paiement ou d’encaissement des intérêts et la date de clôture des comptes ou, selon le cas, la date d’émission, de remboursement, d’acquisition ou de vente des obligations. » (Sylvain) Toutefois, on parle des frais accumulés et non pas des [frais courus], des frais d’exploitation accumulés et des arriérés accumulés. ö ACCROISSEMENT. ö COURIR. ACCUSATEUR, ACCUSATRICE. S’emploient comme substantif ou comme adjectif. 1) Comme substantif, se dit d’une personne qui accuse quelqu’un en justice : « En France, le ministère public a seul qualité pour se porter accusateur, les particuliers ne peuvent que se porter dénonciateurs ou parties plaignantes. » « D’accusateur, le témoin fit figure d’accusé lorsque l’avocat commença à l’interroger. ». Même s’il a 84 déjà servi pour désigner l’organisme public chargé d’engager les poursuites criminelles (l’accusateur public du temps de la Révolution française), le terme accusateur ne s’emploie plus aujourd’hui pour désigner cet organisme (on relève au Canada le ministère public, la poursuite : voir ces mots; voir également COURONNE), il vise plutôt les personnes qui formulent des accusations à l’égard d’une autre. Éviter de dire [accuseur] sous l’influence de l’anglais “accuser”. Accuseur a existé en français, mais a été remplacé par accusateur, seule forme correcte aujourd’hui. 2) Comme adjectif, accusateur signifie, d’une part, qui accuse : « À dater du jour où il a fait ces déclarations accusatrices devant les juges, il n’a plus varié d’un iota. ». On parlera au figuré d’un droit, d’un regard accusateur, d’une voix accusatrice; il signifie, d’autre part, qui fait considérer qqn comme coupable : document accusateur, pièce accusatrice. Le lieu de la commission de l’infraction ou de la découverte des menaces et indices accusateurs. Il est alors synonyme d’incriminant, terme préférable qui ne présente pas la même ambiguïté qu’accusateur dans certains contextes : un document accusateur, une lettre accusatrice pourront avoir un double sens. Syntagmes Se constituer, se porter, se rendre accusateur. Se dresser en accusateur de qqn. ö ACCUSATION. ö ACCUSATOIRE. ö COURONNE. ö DISCULPATOIRE. ö INCRIMINABLE. ö INCRIMINATION. ö INDICATEUR. ö MINISTÈRE. ö POURSUITE. ACCUSATION. INCULPATION. PRÉVENTION. 1) En procédure pénale canadienne, l’accusation désigne l’infraction ou les infractions imputées à qqn et énoncées dans une dénonciation ou un acte d’accusation. Il peut également être utilisé comme synonyme du terme technique chef 85 d’accusation (voir ci-après). Il est parfois utilisé comme terme générique au lieu des termes techniques dénonciation et acte d’accusation. 2) Par extension, accusation peut désigner l’ensemble des arguments et des preuves employés par le ministère public pour obtenir la condamnation d’une personne : Faire tomber un élément capital de l’accusation. « Pendant ces deux jours, l’accusation déjà fragile n’a pas résisté. » 3) Accusation est aussi employé par métonymie pour désigner le ministère public : la thèse de l’accusation, les témoins de l’accusation. « Ces deux affaires ont tourné à la confusion de l’accusation. » « Il faudrait chercher loin, dans le temps et dans l’espace, pour trouver une accusation qui voit ses témoins à charge voler au secours des accusés. » Cet usage serait abusif. Au Canada on emploie, selon le contexte : la poursuite, le poursuivant, la partie poursuivante ou le ministère public. 4) Dans l’usage courant, ce terme vise également le fait d’imputer à qqn une action coupable ou répréhensible sans que celle-ci fasse l’objet d’une poursuite en justice : « La gamine, prisonnière de ses mensonges, confirme ses accusations. ». Lancer, jeter des accusations contre qqn, donner prise à des accusations, être en butte à des accusations, prêter le flanc à des accusations. Faire une accusation. Se livrer à des accusations. Syntagmes Accusation de complot, de vol, de voies de fait. Accusation alternative, accusation sous forme alternative, accusation subsidiaire. Abandonner, retirer une accusation. Annuler une accusation. Contester, nier l’accusation ou une accusation. Maintenir, soutenir l’accusation. Fait donnant lieu à accusation, donnant matière à accusation. Les accusations dirigées, portées, relevées contre l’accusé. Avancer, faire, formuler, porter des accusations contre qqn. Être sous le coup d’une accusation, être en état d’accusation. Être renvoyé devant un tribunal sous l’accusation de meurtre. Se défendre d’une accusation, réfuter une accusation, répondre à une accusation. Se laver, se purger d’une accusation. Laver l’accusation qui pèse sur qqn. 86 Le droit d’accusation. Dossier d’accusation. 5) Le terme acte d’accusation désigne en procédure pénale canadienne le document présenté au tribunal après que l’accusé a été renvoyé pour subir son procès à l’issue de l’enquête préliminaire. Le procureur général peut également le présenter au tribunal lorsqu’il n’y a pas eu d’enquête préliminaire ou que l’accusé a été libéré à l’issue de celle-ci. Dans ces deux derniers cas, il s’agit de la mise en accusation directe (voir plus loin) ou de la présentation d’un acte d’accusation (“preferring an indictment”). Cette dernière expression est ambiguë, car on l’utilise aussi pour désigner la formalité qui consiste à déposer l’acte d’accusation après renvoi de l’accusé pour qu’il subisse son procès à l’issue de l’enquête préliminaire. L’acte d’accusation peut comporter un ou plusieurs chefs d’accusation. Le grand jury, lorsqu’il existait encore en Nouvelle-Écosse, présentait ce qu’on appelait un projet d’acte d’accusation (“a bill of indictment”) (anciens articles 503 et 504 du Code criminel). Syntagmes Acte d’accusation, donner lecture de l’acte d’accusation. Dresser, établir, rédiger, signer un acte d’accusation. Déposer, présenter un acte d’accusation contre qqn. Dépôt, présentation d’un acte d’accusation. Poursuivre une infraction sur acte d’accusation, par acte d’accusation, par voie d’acte d’accusation, au moyen d’un acte d’accusation. 6) L’expression chef d’accusation désigne en procédure pénale canadienne chacun des différents paragraphes d’une dénonciation ou d’un acte d’accusation qui impute une infraction à quelqu’un. Elle correspond en anglais à “count” : article 2 (définition d’acte d’accusation) et articles 581 à 601 du Code criminel et parfois à “charge” : article 574. Syntagmes Chefs d’accusation doubles ou multiples. Multiplicité des chefs d’accusation. 87 Joindre, disjoindre des chefs d’accusation, jonction, disjonction de chefs d’accusation. Réunir, séparer des chefs d’accusation, réunion, séparation de chefs d’accusation. Annuler, modifier un chef d’accusation. Requête en annulation, en modification d’un chef d’accusation. Être acquitté, condamné sur un chef d’accusation. 7) En procédure pénale canadienne, la mise en accusation (“indictment”) désigne aujourd’hui le fait de déposer un acte d’accusation (“indictment”) contre une personne : « Quiconque contrevient à l’article... encourt, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, un emprisonnement maximal de dix ans. » « Tout individu inculpé de complicité, après le fait, d’une infraction quelconque peut être mis en accusation... ». La mise en accusation directe (“direct indictment”) est la présentation par le ministère public d’un acte d’accusation contre un accusé sans qu’une enquête préliminaire ait lieu ou malgré la libération de l’accusé à l’issue d’une telle enquête. Antérieurement, lorsque l’institution du grand jury existait encore dans certaines provinces du Canada, l’ancien article 503 du Code criminel définissait la mise en accusation (“finding an indictment”) comme englobant la présentation d’un acte d’accusation (“preferring an indictment”) et la déclaration d’un acte d’accusation émanant d’un grand jury (“presentment of an indictment by a grand jury”). 8) En France, l’expression mise en accusation désigne la décision par laquelle la Chambre d’accusation renvoie un inculpé devant la Cour d’assises : « La Cour d’assises a plénitude de juridiction pour juger les individus renvoyés devant elle par l’arrêt de mise en accusation. » « Prononce la mise en accusation de X, Y et Z » (dans un arrêt de renvoi). La mise en accusation désigne également la procédure permettant de poursuivre le Président de la République et les membres du Gouvernement : « Il [le Président de la République] ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public... » (article 68 de la Constitution) « Toute résolution portant mise en accusation qui a été adoptée par une Assemblée est transmise à l’autre Assemblée. » 9) L’expression mise en accusation est souvent utilisée pour rendre le terme “impeachment”, désignant une procédure similaire qui peut être engagée, par exemple 88 aux États-Unis, pour certains crimes graves, contre le président ou un membre d’une assemblée parlementaire. Syntagmes a) Au Canada Mettre qqn en accusation, mettre qqn directement en accusation. Mise en accusation pour meurtre, mise en accusation directe. Être mis en accusation pour meurtre. Prononcer la mise en accusation. Statuer sur la mise en accusation. b) En France Arrêt de mise en accusation. Chambre des mises en accusation, aujourd’hui appelée la Chambre d’accusation. Mise en accusation pour attentat à la pudeur sur la personne d’un enfant. Proposition de mise en accusation. Résolution de mise en accusation, résolution portant mise en accusation. Notifier la mise en accusation à qqn. Il n’y a pas lieu à mise en accusation. 10) Le jury d’accusation est une autre appellation du grand jury. Le jury d’accusation se distinguait du jury de jugement. L’institution du grand jury ou jury d’accusation n’existe plus au Canada. 11) Le terme inculpation est employé dans le Code criminel pour désigner l’accusation ou les accusations officiellement portées contre une personne dans la dénonciation ou l’acte d’accusation. Il correspond en anglais à “charge”. À la différence du système français où elle est l’oeuvre du juge d’instruction, l’inculpation au Canada est faite par le procureur de la Couronne ou le policier qui dépose la dénonciation. On relève également l’expression chef d’inculpation : « Il a demandé au tribunal de ne rien retenir contre lui quant au chef d’inculpation de corruption passive. » 89 Syntagmes En France Être arrêté sous l’inculpation de meurtre. Être, mettre sous le coup d’une inculpation. Mettre qqn sous inculpation. Prononcer une inculpation. 12) Le terme prévention a aussi le sens d’accusation : « Il a été renvoyé devant le tribunal sous la prévention de vol qualifié. ». Ce sens n’a guère cours au Canada, où les termes accusation et inculpation sont privilégiés. ö ACCUSÉ. ö ACCUSER. ö CHARGE. ö DÉNONCIATION. ö INCRIMINATION. ö JURY. ACCUSATOIRE. Adjectif qualifiant la procédure pénale appliquée dans les pays de common law, qui permet aux parties de mener le procès devant un juge impartial n’ayant pas pour mission d’enquêter lui-même sur les faits. Dans ce contexte, accusatoire s’oppose à inquisitoire (voir INQUISITIF) ou à non accusatoire. On parle de procédure accusatoire, de système accusatoire (“accusatorial” ou “adversarial system” en anglais). Les dictionnaires ne recensent que cette signification de l’adjectif accusatoire. Ils ne lui donnent pas le sens d’accusateur, c’est-à-dire qui accuse. Dans l’exemple qui suit : « Il faut imaginer le désarroi de ces deux femmes, étrangères, sans avocat, qui ont eu à répondre à un questionnaire qui, pour elles, apparaissait comme accusatoire. », il serait préférable d’employer l’adjectif accusateur (voir ACCUSATEUR). En outre, accusatoire ne peut être utilisé comme équivalent automatique d’“adversarial”. C’est un anglicisme d’écrire : « L’avocat de la Commission a été sérieusement critiqué par les avocats des compagnies de chemin de fer pour avoir adopté une position qualifiée d’agressive et d’[accusatoire] (“an aggressive, 90 adversarial position”); il faudrait dire ici : une position agressive, empreinte d’animosité (d’hostilité) ou hostile. » ö ACCUSATEUR. ö INQUISITIF. ACCUSÉ, ACCUSÉE. DÉFENDEUR, DÉFENDERESSE. INCULPÉ, INCULPÉE. PRÉVENU, PRÉVENUE. 1) En matière de poursuites sommaires, la partie XXVII du Code criminel et les lois provinciales applicables du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario et du Québec utilisent par euphémisme le terme défendeur pour dénommer la personne accusée d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou réprimée selon ce mode de procédure. En pratique, cependant, les avocats et les législateurs eux-mêmes utilisent aussi accusé et prévenu. Cet usage diffère de celui qui a cours dans les autres pays de langue française où défendeur désigne la personne contre laquelle est formée une demande en justice au civil, même si les dictionnaires ne précisent pas cette limitation. 2) Accusé, inculpé et prévenu s’emploient comme adjectifs et comme substantifs. La consultation du Code criminel conduit le lecteur à conclure que les termes accusé et prévenu y sont souvent utilisés de façon interchangeable pour rendre “accused”. La partie XVI (Mesures concernant la comparution d’un prévenu devant un juge de paix et la mise en liberté provisoire) utilise prévenu, défini d’ailleurs à l’article 493. La partie XVII s’intitule : Langue de l’accusé. La partie XVIII (Procédure à l’enquête préliminaire) emploie systématiquement prévenu, de même que la partie XIX (Actes criminels — Procès sans jury). La partie XX (Procès devant jury) fait usage d’accusé. Les formules jointes au Code criminel utilisent généralement prévenu, sauf la formule d’en-tête des actes d’accusation, où accusé est employé. Dans d’autres lois, comme la Loi sur les stupéfiants, la Loi sur les aliments et drogues et la Loi sur l’extradition, c’est au vocable accusé que le législateur a recours. Le manque de rigueur terminologique du Code criminel est notoire. À titre d’exemple pour le cas qui nous intéresse ici, le législateur réussit, en deux paragraphes de l’article 486, à utiliser prévenu, inculpé et accusé pour désigner la même notion. 91 Par contre, le législateur utilise très rarement le substantif inculpé dans le Code criminel (par. 486(2)). On le trouve cependant à l’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit que : « Tout inculpé (en anglais : “Any person charged with an offence”) a le droit : a) d’être informé sans délai anormal de l’infraction précise qu’on lui reproche; ». Le droit français distingue plus nettement accusé, inculpé et prévenu, même si l’emploi que font de ces termes le législateur et les juristes n’est pas non plus toujours à l’abri des critiques. Prévenu est le terme générique, il désigne celui qui est appelé à répondre d’une infraction devant la juridiction répressive. C’est celui qui a fait l’objet d’une citation devant le tribunal correctionnel ou de police ou d’une ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Le prévenu devient inculpé s’il fait l’objet d’un réquisitoire nominatif au procureur de la République ou à qui le juge d’instruction a notifié les faits qui lui sont reprochés. La personne inculpée de délit ou de contravention porte le nom de prévenu et celle qui est traduite devant la Cour d’assises après arrêt de mise en accusation est dénommée accusé. Il n’est guère possible de transposer ces distinctions en droit canadien vu l’absence de correspondance entre les catégories d’infractions et les régimes de procédure des deux pays, mais il conviendrait néanmoins de mettre de l’ordre dans la terminologie du Code criminel. Une solution plus conforme à notre Code criminel serait de dénommer accusé la personne contre laquelle un acte d’accusation a été présenté, ce qui établirait un lien logique entre acte d’accusation et accusé, et d’utiliser prévenu aux étapes antérieures lorsque le procès a lieu sur le fondement de la dénonciation. Le terme inculpé servirait à rendre la notion générale de personne accusée d’une infraction. L’autre solution, plus radicale, serait d’employer partout accusé, vu que le vocable prévenu n’appartient pas à l’usage courant. Ces trois termes sont également des participes passés; on relève dans le Code criminel diverses permutations : prévenu inculpé de... (article 535), prévenu accusé de... (article 471), accusé inculpé de... (formule F-3), inculpé accusé de... (paragraphe 486(2)), ces solutions étant souvent dictées par le souci d’éviter la répétition du premier terme employé [« L’accusé est accusé d’avoir... »]. Accusé, inculpé et prévenu peuvent être suivis d’un complément indéterminé : « X, accusé de meurtre, inculpé d’agression sexuelle, prévenu de vol » ou d’un complément déterminé : « X, accusé du meurtre du Premier ministre, inculpé de 92 l’assassinat du Président ». Raymondis et Le Guern signalent que le nom introduit par prévenu n’est jamais déterminé en raison de l’ambiguïté possible avec le sens courant du verbe prévenir. Prévenu du vol signifierait averti du vol. Ces trois termes peuvent aussi se construire avec un infinitif : « X, accusé d’avoir commis un meurtre... , inculpé d’avoir commis une agression sexuelle, prévenu d’être l’auteur d’un acte criminel ». ö ACCUSATION. ö ACCUSER. ö DÉFENDEUR. ö SUSPECT. ACCUSER. INCULPER. 1) Comme les substantifs accusation, inculpation, accusé et inculpé, les verbes accuser et inculper sont souvent utilisés de façon interchangeable en droit pénal canadien, à cette réserve près qu’inculper a toujours un sens technique et désigne le fait d’imputer officiellement une infraction à qqn par le dépôt d’une dénonciation, alors qu’accuser peut, en plus de ce sens technique (par présentation également d’un acte d’accusation), signifier reprocher à qqn une action coupable ou repréhensible sans que la personne visée fasse l’objet d’une poursuite en justice en raison de cette action : « L’avocat a accusé le témoin de ne pas dire toute la vérité. » 2) À la forme réfléchie, s’accuser signifie se reconnaître, s’avouer coupable de qqch. : « Je viens ici m’accuser de faux témoignage. » 3) En plus de son sens technique, inculper s’emploie aussi en droit dans un sens rarement mentionné dans les dictionnaires et considéré aujourd’hui comme vieilli : action de porter atteinte à l’honneur et à la délicatesse des magistrats. On dirait aujourd’hui porter atteinte à l’honneur ou à la délicatesse des magistrats ou encore de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice. 4) Les verbes accuser et inculper se construisent avec la préposition de suivie d’un complément de chose ou d’un infinitif : Être accusé de meurtre, être inculpé de vol. Être accusé du meurtre de qqn, être inculpé de l’assassinat de qqn. Être accusé, inculpé d’avoir commis un vol à main armée. ö ACCUSATION. 93 ö ACCUSÉ. ACCUSER RÉCEPTION. Cette locution verbale s’emploie sans l’article la; accuser la réception de est vieilli. Accuser réception d’un écrit. « L’acheteur ou le mandataire à qui est remis l’exemplaire de la convention doit en accuser réception si le vendeur l’exige. » Il n’est pas incorrect de dire « Je vous accuse réception de la lettre que vous m’avez envoyée », car accuser réception de est une locution verbale transitive, mais pour éviter toute apparence de pléonasme, dire « J’accuse réception de votre lettre » plutôt que « Je [vous] accuse réception de votre lettre. » On peut dire « Veuillez m’accuser réception de cette lettre » ou, absolument, « Veuillez m’accuser réception. » La locution nominale s’emploie avec la préposition de. On dit un accusé de réception, une carte d’accusé de réception, un accusé de réception de signification; avis de réception est synonyme. ö QUITTANCE. ö RÉCÉPISSÉ. À CE. À CECI. CECI. CELA. DE CECI. 1) Il a été traité brièvement de la locution à ce à l’article CE : on ferait bien de s’y reporter, puis de compléter l’information par ce qui suit. Cette locution appartient au style juridique. Linguistiquement, elle reprend dans une formule ramassée le complément ou le groupe de mots servant de complément qui a été antérieurement exprimé. Du point de vue stylistique, elle permet de rendre l’énoncé plus incisif puisqu’elle supprime la répétition, l’excès verbal. « Lorsque le conseil municipal à ce régulièrement requis refuse ou néglige de donner avis, il peut être passé outre. » 2) Dans le style des testaments, la locution à ce, ou ses variantes grammaticales 94 à ceci et de ceci, est fort courante. « En foi de quoi, j’ai apposé ma signature à ceci mon dernier testament. » « Je nomme Pierre et Paul exécuteurs de ceci mon dernier testament. » Le pronom démonstratif neutre ceci annonce la chose la plus proche, présente ce qui va suivre : Je vais vous dire ceci (et non [cela]); cela dit, et non, logiquement, [ceci] dit. « Ceci est le dernier testament fait et consenti par moi. » « Le juge peut décider de fixer leur résidence soit chez une autre personne choisie de préférence dans leur parenté, soit, si cela s’avérait impossible [on ne dirait pas si [ceci] s’avérait impossible], dans un établissement d’éducation. » « Le débiteur doit toujours rendre la même quantité et qualité des objets prêtés, et ne doit rendre que cela. » 3) La locution à ce entre dans la formation de l’expression à ce connaissant pour caractériser la personne bien informée sur un sujet particulier (le sachant, ainsi appelé dans l’ancienne langue du droit) que l’expert ou le technicien peut consulter et qui peut être entendue comme témoin dans un procès. ö CE. ö CÉANS. ö CECI. ö DÉICTIQUE. À CE QUE. 1) La locution conjonctive à ce que est toujours suivie du subjonctif et s’emploie obligatoirement avec certains verbes transitifs indirects et pronominaux : aider, s’appliquer, s’attendre, contribuer, se décider, s’habituer, s’opposer, prendre garde, réfléchir, se refuser, renoncer, se résigner, se résoudre, tendre, tenir, travailler, viser, voir. « La demanderesse s’est opposée à ce que la transaction soit conclue. » « Les employés tiennent à ce que leurs représentants soient nommés le plus tôt possible. » « Au Canada, la législation vise manifestement à ce que l’accès à l’information soit un droit garanti. » Dans les autres cas, par exemple pour les verbes s’attendre, consentir et demander, la construction avec à ce que est jugée, selon les auteurs, soit fautive, soit moins élégante que la construction avec que. « Le défendeur s’attend que le tribunal décide de surseoir au prononcé de la sentence. » « La Cour consent que l’affaire soit 95 instruite à huis clos. » « Le défendeur a demandé que la Cour rende l’ordonnance sollicitée. » 2) À ce que s’emploie également avec des expressions formées avec le gallicisme il n’y a suivi d’un terme marquant un sentiment ou un jugement, avec certaines locutions, notamment avec des locutions formées à l’aide des auxiliaires avoir et être : il n’y a rien d’étonnant (ou le tour correspondant quoi d’étonnant), d’extraordinaire, d’impossible, de mal; avoir avantage à, avoir droit à, avoir intérêt à, être attentif à, et après des participes ou des adjectifs : accoutumé, décidé, habitué, résigné et résolu. « Rien ne fait obstacle à ce qu’une ordonnance d’exécution en nature soit rendue en l’espèce. » « Il n’y a rien d’étonnant à ce que le témoin se soit trompé. » « L’accusé a droit à ce que le juge présidant l’enquête parle la même langue officielle que lui. » « Le défendeur avait tout intérêt à ce que l’opération fût conclue. » « Les parties étaient résolues à ce que leurs avocats préparent une entente amiable. » 3) Il est préférable d’écrire de manière que, de façon que, locutions d’une langue plus soignée que les constructions critiquées [de manière à ce que], [de façon à ce que]. « Il faut rédiger l’acte de manière que les cessionnaires soient en mesure de donner un titre valable. » « Il a rédigé son mémoire de façon que les arguments les plus convaincants soient présentés en premier. » « Tous les panneaux et enseignes signalant les bureaux d’une institution fédérale doivent être dans les deux langues officielles, ou placés ensemble de façon que les textes de chaque langue soient également en évidence. » 4) En style juridique, le verbe conclure (voir ce mot) s’emploie avec la locution à ce que au sens d’aboutir à la conclusion de qqch. après examen ou à la suite d’un raisonnement (« Le jury a conclu à ce que l’accusé soit acquitté. ») et au sens de se prononcer (« Les juges ont conclu à ce que le non-lieu soit déclaré. »). ö AIDER. ö CONCLURE. ö DE CE QUE. ö FAÇON. ö INCISE. 96 ACHALANDAGE. ACHALANDER. 1) Achalandage : sens large. En droit commercial, l’achalandage ou le fonds commercial (“goodwill” en anglais) désigne l’ensemble des biens incorporels qui ajoutent de la valeur à une entreprise, notamment l’emplacement de ses locaux, sa liste d’envoi, ses appellations commerciales et, de façon générale, la valeur accumulée au cours des années d’exploitation de l’entreprise. Il désigne également l’ensemble des moyens dont dispose le commerçant pour conserver et étendre sa clientèle. L’achalandage constitue un facteur d’appréciation de la valeur d’un fonds de commerce, un élément d’actif. Tel est le sens large du mot achalandage au Canada. Achalandage d’acquisition. Achalandage attribuable à l’emplacement. Hypothèque ou charge sur l’achalandage. Sens étroit : l’achalandage est l’ensemble des passants qui entrent à l’occasion dans une boutique, tandis que la clientèle est l’ensemble des personnes qui fréquentent un magasin à titre habituel pour y effectuer des achats. Dans le langage courant, achalandage et clientèle ont souvent la même signification; ils désignent indistinctement l’ensemble des clients. 2) Achalander, qui signifie fournir en clients, est surtout usité au participe passé et se dit d’un magasin qui attire les clients. Un magasin bien achalandé est donc un magasin qui a une nombreuse clientèle, qui est bien pourvu en chalands (vieux mot signifiant clients). Bien que l’usage du mot achalander pris au sens d’approvisionner soit entériné par certains dictionnaires, cet usage semble constituer un abus de langage, une acception incorrecte; il est préférable de ne pas utiliser les termes achalander et achalandage pour désigner des marchandises ou de l’approvisionnement, afin d’éviter toute confusion. « Cette librairie est bien [achalandée](= approvisionnée) en livres de poche. » « L’[achalandage] (= l’approvisionnement) de cette épicerie est remarquable. Ses produits sont toujours très frais. » « Le prix de vente de ce fonds de commerce est calculé en fonction des stocks et de l’achalandage » (= de la clientèle.) « À la suite d’une grosse campagne publicitaire, cette boutique est devenue très achalandée » (= très fournie en clientèle.) 3) Au Canada, on dit d’une rue où la circulation est dense et où les piétons sont nombreux qu’elle est [achalandée]; dire plutôt qu’elle est très fréquentée. 97 ACHAT. ACHETER. ACQUÉRIR. ACQUISITION. 1) Acquérir est un verbe de conjugaison difficile; il cède souvent la place à acheter lorsque le contexte le permet. J’acquiers, il acquiert, nous acquérons, vous acquérez, elles acquièrent. J’acquérais, nous acquérions. J’acquis, nous acquîmes, elles acquirent. J’acquerrai, nous acquerrons; j’acquerrais, nous acquerrions. Que j’acquière, qu’il acquière, que nous acquérions, qu’elles acquièrent. Que j’acquisse, qu’elle acquît, que nous acquissions, qu’ils acquissent. Acquérant, acquis. 2) On ne dit pas [acheter] une assurance, mais souscrire, contracter une assurance. On peut dire acheter un témoin, un juge, au sens d’obtenir par corruption le concours ou l’assentiment de qqn, mais le terme technique est suborner pour un témoin et corrompre pour un juge. 3) La construction acheter suivie de la préposition de est rare en France. Elle est très courante au Canada. Des dictionnaires la mentionnent comme vieillie. Elle a l’avantage de permettre d’établir une distinction utile avec la construction acheter à, laquelle peut parfois présenter une ambiguïté. Une phrase comme « J’ai acheté un terrain à mon père. » peut vouloir dire « J’ai acheté un terrain pour mon père. », mais peut aussi signifier « Mon père m’a vendu un terrain. ». Pour éviter l’ambiguïté, il est préférable de dire : J’ai acheté un terrain pour mon père lorsque l’autre personne est la bénéficiaire de la chose achetée et de réserver la construction avec la préposition à pour indiquer qui est le vendeur : « Le demandeur a acheté au défendeur le bienfonds objet du litige. » Il convient toutefois de noter que le contexte lève l’ambiguïté dans la plupart des cas. Celle-ci disparaîtra dans les exemples suivants : « J’ai acheté à mon père le terrain qu’il possédait au bout de la rue. » « J’ai acheté à mon père le terrain qu’il désirait depuis longtemps. ». Mais, dans un texte juridique où le doute ne peut être toléré, il ne faut pas hésiter à recourir à la construction avec de. Certains dictionnaires mentionnent également la construction avec la préposition chez pour indiquer la source : acheter chez le pharmacien. Voir également la définition de vendeur dans la Loi sur les lettres de change du Canada : « La personne chez qui est fait l’achat de consommation. » 98 Acquérir se construit avec la préposition de pour indiquer l’origine de la chose achetée (« Le défendeur affirme avoir acquis ce bien du marchand le 15 janvier dernier. ») et pour s’il s’agit d’indiquer le bénéficiaire de l’achat. 4) Les termes acquérir et acquisition ont un sens extrêmement large. Ils désignent l’action ou le fait de devenir propriétaire d’un bien de quelque manière que ce soit, entre autres, par achat, donation ou échange, ou de devenir titulaire d’un droit sur un bien : acquérir un bien par voie d’achat, par échange, par occupation, acquérir une servitude sur un terrain. Ils s’emploient aussi en droit international public pour désigner la façon dont un État a pris possession d’un territoire. Par exemple, la réception du droit anglais dans un pays donné dépend de la façon dont son acquisition s’est effectuée, à savoir par conquête, par colonisation, par cession, par occupation ou par signature d’un traité. Achat et acheter n’ont pas un sens aussi extensif. Ils désignent le fait d’obtenir un bien quelconque à titre onéreux. 5) Achat et acquisition peuvent désigner la chose achetée ou acquise : un bel achat, une bonne acquisition. 6) Le verbe acquérir se rencontre dans diverses expressions juridiques : Acquérir date certaine. Acquérir la personnalité morale. Acquérir la connaissance de qqch. : « Tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime... ». Acquérir l’autorité de la chose jugée, de la force jugée, jugement ayant acquis force de chose jugée. Acquérir la preuve de qqch. Il peut également s’employer à la forme pronominale : « Toutes les res nullius ne sont pas susceptibles de s’acquérir par occupation. » « La possession s’acquiert par la réunion des deux éléments qui la constituent : corpus et animus. » 7) Il faut se méfier de l’expression “to acquire by purchase” en droit anglais. Elle signifie habituellement acquérir par achat, c’est-à-dire moyennant contrepartie. Mais le mot “purchase” peut parfois avoir un sens juridique très technique et viser l’acquisition de biens-fonds par un moyen autre que “by descent or the mere act of the law”. Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law a retenu pour ce sens assez rare aujourd’hui : acquérir par convention et acquisition conventionnelle ou acquisition par convention. Ces termes s’opposent à acquérir 99 (acquisition) par succession héréditaire, par transmission héréditaire (“to acquire by descent”), et acquérir par effet de la loi (“to acquire by operation of law”). Syntagmes Achat au comptant, à crédit, à tempérament. Contrat, convention d’achat. Contrat, convention d’achat-vente. Offre d’achat, option d’achat, bail avec option d’achat. Prix d’achat. Promesse d’achat. Sous-achat. Acquérir par achat, par voie d’achat, par donation, par échange, par occupation. Acquérir à titre gratuit, à titre onéreux. Acquérir la possession, la propriété de qqch. Modes d’acquisition de la propriété, modes d’acquisition originaires, dérivés, modes d’acquisition par l’effet de la loi, modes d’acquisition entre vifs, à cause de mort. Acquisition par achat, par accession, par donation, par échange, par occupation, par prescription, par succession testamentaire, ab intestat. Faire l’acquisition de qqch. ACHETEUR, ACHETEUSE. ACQUÉREUR, ACQUÉRESSE. 1) Même si la grande majorité des auteurs indiquent aujourd’hui qu’acquéreur n’a pas de féminin, le langage juridique dispose de la forme acquéresse. On pourrait donc dire : Elle s’est portée acquéreur (acquéresse) de l’immeuble. Bescherelle, au siècle dernier, mentionnait les formes acquéreuse et acquéreure. Dans les textes juridiques, la forme acquéresse fera donc pendant à venderesse. 2) Le terme acquéreur a en droit un sens plus extensif qu’acheteur. Il a une plus grande extension, puisqu’il s’applique dans des cas où acheteur ne convient pas. Il peut s’entendre d’un acheteur, d’un donataire, d’un légataire (voir ACHAT). Acheteur est plus compréhensif : le sens de ce terme comporte des significations que ne possède pas acquéreur. Un acheteur est un acquéreur à titre onéreux. 100 3) Dans le langage du droit, l’acquéreur désigne le bénéficiaire d’une acquisition, mais il est souvent employé dans un sens plus restreint comme synonyme d’acheteur, c.-à-d. la personne qui acquiert à titre onéreux. Le Grand Robert définit ainsi le terme acquéreur : « Personne qui acquiert (un bien) et, spécialt, qui acquiert des biens immeubles. ». Les ouvrages juridiques de langue française utilisent systématiquement le terme acheteur pour la vente de biens meubles, tandis qu’on constate qu’acquéreur est utilisé concurremment avec acheteur en matière de vente immobilière. Ce dernier terme gagne cependant de plus en plus de terrain, car il appartient à la langue courante, alors qu’acquéreur demeure un terme surtout juridique. 4) Le Vocabulaire bilingue de la common law : Droit des biens (tome 4) a d’ailleurs retenu acheteur comme équivalent des deux termes anglais “buyer” et “purchaser”. Le premier s’emploie généralement pour les biens mobiliers et le second pour les biens immobiliers, mais cette distinction n’est pas toujours respectée et le terme “buyer”, qui appartient à la langue courante, tend aussi à prendre le dessus. Les normalisateurs n’ont retenu le terme acquéreur que dans l’expression acquéreur conventionnel, qui désigne la personne qui acquiert un bien autrement que par transmission héréditaire (“otherwise than by descent”). Syntagmes Trouver acquéreur, se porter acquéreur, se rendre acquéreur. Premier acquéreur, acquéreur originaire, acquéreur primitif, acquéreur antérieur, acquéreur postérieur. Tiers acquéreur, sous-acquéreur, coacquéreur. Terminologie française normalisée de la common law : Acheteur à titre conditionnel, acheteur immédiat, acheteur postérieur, acheteur primitif, acheteur principal. Acquéreur conventionnel. ö ACHAT. À COMPTE. ACOMPTE. ARRHES. DÉPÔT. 1) Il ne faut pas confondre acompte et arrhes. L’acompte (qui ne s’écrit qu’avec un seul c, contrairement au mot anglais “account”) est un paiement partiel à valoir sur une somme due, lequel, le cas échéant, peut être remboursé. « En 1975, le mari a acheté une maison pour la famille, qu’il a mise et qui est toujours à son nom. Sa 101 femme et lui ont versé chacun mille dollars comme acompte. » « Chaque soumission était accompagnée d’un acompte correspondant au montant que le soumissionnaire s’attendait à payer pour les trois premiers mois. » Les arrhes (nom féminin pluriel) désignent une somme (ou un objet) qu’une partie remet à l’autre au moment de la conclusion du contrat pour en garantir l’exécution. « Celui qui a fourni des arrhes les perdra s’il se dédit et celui qui les a reçues devra, s’il se dédit, rembourser le double des arrhes qu’il a reçues. » Il est très important de remarquer que souvent dans la pratique les parties dénomment les arrhes des acomptes. Il appartient alors au juge de rechercher l’intention des parties. 2) Le terme dépôt désigne ce qui est confié au dépositaire pour être gardé et restitué ultérieurement. Il peut s’agir d’un objet ou d’argent. On parlera, par exemple, de dépôt de garantie, qui désigne un dépôt de fonds destiné à garantir une créance éventuelle et, plus particulièrement, en matière de location immobilière, la somme que le locataire verse au bailleur pour garantir le paiement des loyers ou l’exécution des réparations locatives à la charge du premier : « Il est d’usage de demander un dépôt de garantie pour une location saisonnière. » « Le versement d’un dépôt de garantie peut être prévu au contrat de location. » 3) Il ne faut pas confondre le substantif acompte (voir ci-dessus) avec la locution adverbiale à compte (recevoir cent dollars à compte), c.-à-d. à valoir sur la somme à payer. « Les arrhes consistent généralement en une somme d’argent, à compte sur le prix. » À compte sur est vieilli : « L’acheteur a déjà payé au vendeur la somme de mille dollars à compte sur le prix de vente »; on lui substituera à valoir sur le prix de vente. À compte sur étant obsolète, on dit aujourd’hui : verser une somme de mille dollars en acompte, comme acompte, à titre d’acompte, en guise d’acompte... sur le prix de vente. À noter aussi l’expression publication à compte d’auteur, qui désigne le fait pour un auteur de faire publier à ses frais et risques une de ses oeuvres par un éditeur. Livre publié à compte d’auteur. 102 Syntagmes Acompte nominal, acompte symbolique. Donner, fournir, verser un acompte sur qqch. Verser une somme comme acompte, en acompte, en guise d’acompte, à titre d’acompte. Publier un livre à compte d’auteur. Contrat à compte d’auteur. Donner, fournir, verser des arrhes. Restituer les arrhes. Confisquer les arrhes. Stipulation d’arrhes, convention d’arrhes. Prendre qqch en dépôt. Recevoir qqch en dépôt. Conserver, constituer, verser, demander, exiger, restituer un dépôt de garantie. Constitution, versement, non-versement, restitution d’un dépôt de garantie. « Le dépôt de garantie est acquis au locataire si... » À COMPTER DE. À PARTIR DE. Les locutions prépositives à compter de et à partir de appartiennent à la langue usuelle, mais elles sont d’un usage si fréquent et à ce point important dans la rédaction juridique que s’impose à juste titre le traitement des questions qu’elles soulèvent. 1) À première vue, il tombe sous le sens que à compter de et à partir de expriment une valeur temporelle. Ces locutions marquent un point de départ, que ce soit à propos d’un état, d’une situation, d’une action dans le temps; elles signifient immédiatement après, dès l’amorce d’un mouvement, dès le début d’un déroulement, dès le signal d’un départ. Elles sont toutes deux d’un intérêt particulier pour tout ce qui porte sur la notion du temps en droit, notamment les questions du régime d’application et d’exécution des dispositions législatives, de la prescription des actions publiques, des peines, des délais dans l’exercice des voies de recours, et ainsi de suite. En contexte, elles imitent le sens de la locution à dater de, de la locution adverbiale 103 dès lors et de la locution conjonctive dès lors que au sens de dès l’instant où. Elles sont suivies dans la cooccurrence la plus fréquente des substantifs moment et instant. Aussi leur emploi est-il généralement interchangeable et dit-on que ce sont de parfaits synonymes. S’il s’agit de considérer un moment, une heure, un jour, une date, un événement, une éventualité pour point de départ et de procéder à un compte dès l’instant de leur survenance, les deux locutions paraissent s’équivaloir parfaitement. « Les peines prononcées pour un crime se prescrivent par vingt années à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive. » « Les délais de réhabilitation courent, pour chacune de ces condamnations et y compris en cas de condamnations multiples, à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue. » « Le découvreur ne devient inventeur aux yeux de la loi qu’à partir du moment où il prend possession de la chose. » (= qu’à compter du moment où). 2) Toutefois, et plus important encore, il convient de privilégier l’emploi de l’une de ces deux locations prépositives au détriment de l’autre selon les contextes dans lesquels dominera soit la notion statique du point de départ – dans le temps ou dans l’espace – (à partir du moment où, de l’endroit dans lequel), soit, au contraire, la notion dynamique de calcul, de succession, de mouvement, de déroulement, de suite (à compter du jour (…) jusqu’à celui de (…), à compter du début de (…) jusqu’au moment où (…), à compter de l’ouverture de (…) jusqu’à sa clôture). Ainsi, s’agissant d’une analyse concernant la computation des délais, les juristes considèrent, à l’instar du législateur, que les délais indicatifs seront appliqués moins rigoureusement que les délais impératifs ou que les délais de rigueur ou délais obligatoires, ce qui, on le voit, rend plus flou le moment à partir duquel (et non [à compter duquel]) il pourra y avoir retard dans l’exécution de l’obligation ou même de l’inexécution de l’obligation. Autre exemple. En droit bancaire, l’établissement financier considère la date de valeur comme constituant la date de référence à partir de laquelle il commence à calculer des intérêts débiteurs sur un prêt qu’il a consenti ou des intérêts créditeurs sur un dépôt qu’il a reçu. La notion du point de départ de son calcul est en ce cas statique et c’est bien à partir de qu’il convient d’employer, et non [à compter de]. « Les dates de valeur correspondent aux dates à partir desquelles les opérations effectuées sur un compte bancaire sont prises en compte, que ce soit au débit ou au crédit d’un compte. » 104 Illustration complémentaire. « En cas d’échec des négociations, l’obligation de confidentialité survivra à la charge des parties pendant une durée de trois ans à partir de la constatation de l’échec. » (et non [à compter de]). 3) Tandis que la locution à partir de exprime statiquement le point de départ d’une évolution (À partir de l’arrêt de principe dont s’agit, une jurisprudence s’est élaborée), la locution à compter de marque dynamiquement le début d’une réalité en mouvement, aussi l’emploiera-t-on en tenant compte de cette distinction. Si le moment est un point en puissance latente dans une durée, l’époque est l’espace de temps dans lequel ce moment vient s’insérer. Par conséquent, on écrit correctement : « Le légataire universel aura la jouissance des biens compris dans le testament à compter du moment du décès. » « La tierce opposition est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement. » C’est dire que le compte du délai est mis en mouvement dès le prononcé du jugement, la locution à compter de marquant à souhait, et mieux que la locution à partir de, la course du temps amorcée par l’ouverture de la voie de recours. De même, dès le moment du décès s’amorce l’aptitude à la jouissance des biens légués. Dans la procédure française de divorce, à compter de leur première audition, les époux doivent attendre trois mois, comme délai de réflexion, avant de réitérer leur requête, leur consentement mutuel au divorce étant exprimé par écrit une deuxième fois. L’emploi de la locution à partir de dans cet exemple eût été une incorrection de sens. De même : « Le liquidateur exerce, à compter de l’ouverture de la succession et pendant le temps nécessaire à la liquidation, la saisine des héritiers et des légataires particuliers. » L’emploi du verbe exercer ici, qui connote l’idée du début d’une durée d’exercice, commande celui de la locution à compter de pour marquer expressément l’acte progressif que représente la saisine des bénéficiaires du legs. Enfin, un texte entre en vigueur, il prend effet, il est mis à exécution et devient exécutoire à compter d’une date fixée par proclamation ou par la réglementation; écrire à partir de dans cet exemple n’eût pas été une incorrection, même s’il faut admettre que la connotation eût été différente. 4) L’aire sémantique de la locution à partir de couvre un terrain beaucoup plus vaste que son concurrent. 105 À partir de a un sens figuré dont à compter de est entièrement dépourvu lorsqu’il signifie, entre autres, au regard de, selon, dans la perspective de, par rapport à, en tenant compte de, et ainsi de suite. Dans tout ce rameau sémantique, on ne peut dire qu’à partir de et écarter [à compter de]. « Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants : (…) ». À partir d’une problématique, d’une situation, d’un énoncé. À partir de remplace avantageusement la locution sur la base de « On entend par position commune l’accord dégagé par le Conseil à partir de la proposition initiale de la Commission. » ou au moyen de : « Les distinctions s’établissent à partir des adjectifs qui qualifient le mot droit. » « Le mot droit se conçoit généralement à partir d’une vue dualiste de la réalité du droit, dans des perspectives doubles. » Un mot est formé, il se construit à partir d’un adjectif, d’un verbe ou d’un préfixe, d’un suffixe ou encore d’un mot racine, d’un mot base. 5) Contrairement à la locution prépositive à compter de, à partir de exprime correctement une valeur spatiale : à partir de tel lieu, de tel point. « La méthode des lignes de base droites reliant des points appropriés peut être employée en droit international public pour tracer la ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur de la mer territoriale. » Au sens concret de provenance ou de moyen, [à compter de] ne permet guère de concurrencer à partir de, qui occupe tout ce territoire sémantique. « Dans la ligne collatérale, on compte autant de degrés que de générations, à partir d’un des parents intéressés, en remontant à l’auteur commun et en redescendant à l’autre intéressé. », et non [à compter de]. « À partir de la mise en délibéré, seules peuvent être remises au tribunal les notes en délibéré. » et non [à compter de]. « Les mesures de soutien aux banques seront financées pour moitié par l’Irlande à partir de sa réserve de liquidités. » (= payer, prélever sur, à partir de). Métaux obtenus à partir de minerais, hydrogène comme source d’énergie produite à partir de gaz naturel. ö AUDITION. ö COMPTER. ö COMPUTATION. ö DATER. 106 ö DÉLAI. ö JOUISSANCE. ö LEGS. ö MOMENT. ö OUVERTURE. ö PEINE. ö RECOURS. ö RÉITÉRER. ö SAISINE. ö VALEUR. ö VIGUEUR. ö VOIE. A CONTRARIO. 1) Ne pas mettre d’accent grave sur l’a. Se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. 2) Locution latine signifiant par déduction du contraire, par l’argument ou par la raison des contraires. Cette locution est souvent invoquée dans les décisions judiciaires sous la forme de l’adage expressio unius est exclusio alterius. Les exemples de raisonnement a contrario sont très fréquents en jurisprudence. Illustration que donne Côté du raisonnement, de l’argument a contrario : Un règlement municipal prescrit que les chiens doivent être tenus en laisse lorsqu’ils sont dans un lieu public. Suivant l’argument a contrario, le guépard n’a pas à être tenu en laisse puisque seuls les chiens sont visés par la règle : un guépard n’est pas un chien, il peut donc gambader en toute liberté. L’argument a contrario s’oppose à l’argument a simili ou a pari (voir ces termes). 3) A contrario est une locution adverbiale qui s’emploie comme adjectif (tirer un argument a contrario d’un texte) ou comme adverbe (argument tiré a contrario d’un texte) et accompagne des substantifs comme argument, interprétation et raisonnement. « Ce raisonnement n’est peut-être pas à l’abri des critiques, car un argument a contrario, fondé sur le silence de la loi, n’est pas suffisant... » « Par un argument a contrario, on déduit cette conséquence de l’article du Code... » « Si l’on s’attache littéralement au texte de cette disposition, on dirait, par raisonnement a contrario, que... » 107 Comme adverbe, a contrario s’emploie en tête de phrase : « A contrario, cette observation joue ici contre l’appelant. »; il se place aussi après le verbe modifié et entre virgules : « D’où le tribunal conclut, a contrario, que... » « Ce qui signifie, a contrario, que... », ou encore après le verbe modifié, mais sans virgules : « Arguant a contrario, le juge en conclut que... » « Une telle obligation de comportement implique a contrario, pour l’État et ses agents, ...» « L’exactitude de cette assertion peut également être démontrée a contrario. ». L’expression « par a contrario » est pléonastique : « Cela résulte [par a contrario] de l’article 10, lequel dispose que... » (= « Cela résulte a contrario... »). On trouve enfin la locution a contrario dans le style des notes infrapaginales : « Comparer a contrario l’arrêt X c. Y. » « Article 2 et, a contrario, l’article 5 ». ö A PARI. ö ARGUMENT. ö A SIMILI. ACQUÉRIR. ACQUISITION. ö ACHAT. ACQUIESCEMENT. ACQUIESCER. S’écrivent avec cq et sc. Le c dans la dernière syllable du verbe prend la cédille devant les voyelles a et o (il acquiesça, nous acquiesçons). Le verbe acquiescer peut s’employer absolument (« Seules peuvent acquiescer les personnes qui ont la libre disposition de leurs droits. ») ou comme verbe transitif indirect. (« La défenderesse a acquiescé à la demande de son adversaire. ») L’acquiescement est un acte juridique qui atteste l’acceptation de quelque chose par une partie : par exemple accepter les prétentions de l’adversaire et renoncer à intenter une action, adhérer à des conclusions. Dérivé L’acquiesçant, l’acquiesçante. 108 Syntagmes Acquiescer à la demande. Acquiescer à un acte, à une décision, à une récusation. Donner son acquiescement à quelque chose. Un jugement susceptible d’acquiescement. Acquiescement à jugement. Un acquiescement pur et simple, conditionnel, exprès, tacite, partiel, total. Attaquer la décision ayant fait l’objet de l’acquiescement. Éviter de dire : la décision [acquiescée]. Prendre le silence du suspect pour un acquiescement. ACQUIS, ISE. ACQUIT. 1) Dans les deux locutions pour acquit et par acquit de conscience, acquit prend un t, car il s’agit du verbe acquitter. Pour acquit est la mention que porte une personne sur un document pour indiquer qu’elle a reçu le paiement réclamé. Les dictionnaires mentionnent diverses tournures avec le mot acquit : À l’acquit de qqn : payer à l’acquit de qqn. En l’acquit de qqn : payer en l’acquit d’un tiers. Sur l’acquit de qqn : « Lorsque l’avoué paye des sommes à des tiers sur l’acquit de son client même sans mandat spécial... ». Ces expressions sont aujourd’hui vieillies et la préposition pour peut souvent suffire pour exprimer la même idée. Le Bescherelle et le Capitant mentionnent aussi l’expression acquit de paiement dont acquit serait la forme abrégée. Cette expression a été utilisée dans une loi canadienne récente : « L’acquit de paiement (“endorsement of the payment”) porté sur le procèsverbal de contravention vaut déclaration de culpabilité du prévenu. » Acquis s’écrit avec un s lorsqu’il s’agit du verbe acquérir, dont le participe passé est acquis : droits acquis. 2) Il faut dire tenir qqch. pour acquis et non pas, sous l’influence de l’anglais, [prendre qqch. pour acquis]. « La Cour d’appel a procédé à l’examen en tenant pour acquis que la version de l’appelant devait être crue intégralement. ». On peut dire aussi admettre au départ, poser en principe, présumer. 109 Syntagmes Demander, exiger, réclamer un acquit. Mettre son acquit sur un document. Refuser son acquit. ACTIF. PASSIF. 1) Actif s’emploie en droit au sens de biens constituant un patrimoine. En comptabilité, ce terme signifie « éléments du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l’entreprise ». (Sylvain) Le passif c’est, selon le cas, l’ensemble des dettes grevant le patrimoine ou l’ensemble des sommes dues par une personne physique ou morale. 2) Certains linguistes affirment qu’actif étant un terme collectif, il ne s’emploie qu’au singulier. On ne peut pas dire « [les actifs] d’une succession ou d’une société », mais l’actif ou un élément d’actif. D’ailleurs, Dagenais souligne comme une curiosité linguistique le fait qu’au Canada, sous l’influence de l’anglais, on dise [les actifs] de quelqu’un, tandis qu’on s’exprime toujours correctement en parlant du passif. Il existe pourtant des cas où actif se met au pluriel. D’abord, dans l’expression actifs financiers (“financial assets”), qui désigne différentes sortes de créances détenues (billets de banque, actions, obligations, bons...), ensuite, lorsque plusieurs sortes d’actifs sont en cause (dans le cas où il y a vente d’actifs ou s’il y a acquisition (“takeover”), ou lorsqu’il s’agit de ce qu’on appelle les actifs attrayants d’une société (“crown jewels”). Si la forme du pluriel est commode dans un contexte, on pourra fort bien, pour éviter les actifs, employer les éléments d’actif. Syntagmes Actif amortissable, bancaire, corporel, éventuel, incorporel, liquide, national, net, productif, social. Actif circulant et actif fixe. 110 Actif à court terme, actif à long terme. Actif comptabilisé. Actif reçu en garantie. Actif libellé en dollars canadiens. Actif du failli, abandon de l’actif du failli. Article d’actif. Composition de l’actif, détenteur d’actif, poste d’actif (dans un compte ou un état financier), élément d’actif. Passif comptabilisé, éventuel. Passif à court terme, passif à long terme. Passif interne et externe. Passif-dépôts consolidé, interbancaire. Passif de réserve canadienne, passif total de réserve. Compte du passif. Déclaration ou attestation de passif. ACTIONNABLE. Prend deux n. Quelques dictionnaires, dont le Grand Larousse encyclopédique, mentionnent ce terme, qui se dit d’une personne contre qui on peut intenter une action judiciaire. Il est assez rare et ne semble pas s’employer à propos d’une chose. Pour une chose, on substituera à l’adjectif actionnable, selon le contexte, l’une des formulations suivantes : Donnant un droit d’action, donnant ouverture à une action, ouvrant droit à une action, passible (rendant passible) d’une action en justice. « Il y a voies de fait donnant ouverture à des poursuites lorsque quelqu’un menace du poing une autre personne ou fait un mouvement brusque en direction de quelqu’un pour l’attaquer. » Susceptible d’une action, de poursuites, susceptible de donner lieu à une action, d’ouvrir droit à une action, de faire l’objet d’un recours. « L’intrusion est susceptible en soi de poursuite civile. » 111 Donnant lieu (ouverture) à des poursuites, exposant à des poursuites, passible de poursuites, propre à faire l’objet de poursuites. « Les incendies criminels et les incendies délictueux sont des actes passibles de peines pénales. » Donnant matière à procès. Actionnable et son homonyme anglais “actionable” ne sont pas de parfaits équivalents : Faute donnant ouverture à poursuite civile (“actionable wrong”). Feu, incendie délictueux (“actionable fire”). Voies de fait donnant ouverture à des poursuites (“actionable assault”). ACTIONNER. Prend deux n. Désigne en droit le fait de poursuivre qqn en justice : « Le créancier est en droit d’actionner les héritiers de son débiteur. » La tournure passive est aussi d’un emploi courant : « Dans cette espèce, le propriétaire d’un fonds était actionné en dommagesintérêts par le vendeur d’un héritage voisin. » Syntagmes Actionner qqn en justice, actionner devant le tribunal. Actionner le débiteur en paiement d’une somme. Être actionné en responsabilité civile. Faire actionner qqn. ö ACTIONNABLE. ACTUS REUS. Se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. Expression latine utilisée en droit pénal canadien pour désigner l’élément matériel d’une infraction. L’équivalent français qui tend à supplanter le terme latin (en droit français) est élément matériel. « Chaque infraction est composée de deux éléments : 112 l’élément matériel ou l’actus reus et l’élément moral ou la mens rea. » « L’actus reus du meurtre est le fait de causer la mort d’un être humain. » Syntagmes Négation de l’actus reus. Caractère volontaire de l’actus reus. Accomplir, perpétrer l’actus reus. ö ÉLÉMENT. ö MENS REA. A.D. Abréviation latine qui signifie Anno Domini, et qui s’utilise en anglais avec les dates, en particulier dans les formules et les actes de procédure. Elle correspond à la formule française « après Jésus-Christ » et est le plus souvent rendue dans les textes français par « en l’an de grâce ». Le Grand Robert signale que l’expression en l’an de grâce est vieillie ou s’emploie par plaisanterie. Elle demeure cependant en usage dans les textes solennels (les préambules de certaines de nos lois, le préambule de la constitution, les proclamations) et est indiquée dans le cas de textes anciens. Il reste que la formule habituelle « Fait à Moncton le 1er jour de janvier en l’an de grâce 1990. » est inutilement pompeuse et ne se justifie plus aujourd’hui. Il est plus simple d’écrire : « Fait à Moncton, le 1er janvier 1990. » ö DATE. ADAGE. ö MAXIME. ADAPTATION. 1) La formule figée compte tenu des adaptations de circonstance (le mot circonstance est au singulier), formule utilisée systématiquement par le législateur 113 fédéral, et ses variantes avec les modifications qui s’imposent, avec les adaptations nécessaires correspondent à l’expression latine mutatis mutandis. La Conférence canadienne de l’uniformisation du droit recommandait déjà en 1978 d’utiliser la locution française afin de limiter le latin des textes juridiques. « Les dispositions de la présente loi relatives au preneur s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, au bénéficiaire d’un endossement spécial. » « Les règles du tribunal, y compris les règles applicables aux frais, s’appliquent avec les adaptations nécessaires. » 2) Adaptation s’emploie aussi au sens de propre à dans l’expression adaptation à un usage particulier (en anglais “fitness for a particular purpose”) employée dans la Loi sur la vente d’objets, au Nouveau-Brunswick et en Ontario notamment. Ce concept de l’adaptation du produit à un usage particulier constitue, sauf exceptions, avec celui de la qualité, une garantie ou une condition implicite dans un contrat de vente. ö MUTATIS MUTANDIS. AD COLLIGENDA. Locution adjective latine signifiant pour conserver. Sert à former, en common law, le terme anglais “administration ad colligenda” et ses variantes ad colligenda bona, ad colligenda bona defuncti et ad colligendum bona defuncti. L’équivalent français retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law est administration conservatoire, soit l’administration portant sur la conservation provisoire de la succession d’un défunt. Voir également “grant of administration ad colligenda bona” : lettres d’administration conservatoires. ADDITION. Addition et ses dérivés s’écrivent avec deux d. Le mot adition avec un seul d ne s’emploie que dans l’ancienne locution juridique adition d’hérédité, qui signifie acceptation d’une succession. 114 L’addition désigne tant l’action d’ajouter une chose à une autre (addition d’une preuve au dossier) que ce qui est ajouté (additions apportées au contrat). En droit, l’addition est une « mention modificative, complémentaire ou explicative ajoutée en marge ou au bas d’un acte qui, paraphé par les signataires de l’acte, fait corps avec celui-ci ». (Cornu, 1987) ADDITIONNEL, ELLE. COMPLÉMENTAIRE. SUPPLÉMENTAIRE. 1) Additionnel signifie qui s’ajoute ou doit s’ajouter et marque une valeur quantitative. Acte additionnel. Demande, réquisition additionnelle. On hésite souvent devant l’emploi des adjectifs additionnel, complémentaire et supplémentaire. Additionnel se dit surtout des choses plutôt que des personnes, et même dans le cas des choses, l’usage favorise complémentaire et supplémentaire à additionnel, contrairement à l’anglais qui préfère “additional”. Complémentaire se dit d’une addition intérieure à qqch., de ce qui s’ajoute à qqch. pour le rendre complet (un renseignement complémentaire) et supplémentaire se dit d’une addition extérieure à qqch., de ce qui s’ajoute à une chose déjà complète. Ainsi, dans l’exemple « Les commissaires à temps partiel peuvent recevoir la rémunération supplémentaire fixée par règlement administratif à l’occasion des missions extraordinaires qu’ils accomplissent. », la rémunération est dite supplémentaire et les missions sont qualifiées d’extraordinaires (plutôt qu’additionnelles) parce qu’elles viennent toutes deux s’ajouter en supplément à la rémunération et aux tâches habituelles. 2) Additionnel peut être suivi de la préposition à ou de l’article de; dans le premier cas, la préposition à se rapporte au mot additionnel (« Les députés ont voté un article additionnel à la loi »), alors que dans l’autre cas, l’article de se rapporte au nom que qualifie l’adjectif (« Les pièces additionnelles du dossier » = les pièces du dossier qui sont additionnelles). ö ANNEXE. ö APOSTILLE. ö COMPLÉMENT. 115 ADÉQUAT, ATE. ADÉQUATEMENT. ADÉQUATION. Il est rare que le français adéquat rende le sens de l’anglais “adequate”. En français, cet adjectif est un terme du vocabulaire de la philosophie, de la linguistique, de l’économie, des mathématiques. « Vous avez trouvé le mot adéquat pour décrire la situation. » « Pour avoir une situation d’équilibre partout, l’offre doit être adéquate à la demande » (et non [offre adéquate] tout court). Adéquat se dit de ce qui correspond parfaitement à son objet, de ce qui est entier, complet, adapté, approprié ou équivalent, et ne signifie pas ce qui est convenable, suffisant, raisonnable ou pertinent. La même règle vaut pour adéquatement (« Il a répondu adéquatement à la question. ») et pour adéquation (« L’adéquation de la forme au fond, de la pensée à la langue, des moyens aux fins »), qui sont correctement employés dans ces exemples. De manière générale, seul le contexte permettra de déterminer l’expression adéquate : L’accusé n’a pas pris les mesures [adéquates] voulues, qui s’imposaient, pour secourir les victimes. La défense n’a pas présenté de preuves [adéquates] à l’appui de sa thèse : de preuves suffisantes. Des motifs [adéquats] : concluants, complets, appropriés. Des renseignements [adéquats] : détaillés, suffisants. Une garantie [adéquate] : suffisante. ö IDOINE. ADHÉRANT. ADHÉRENT, ADHÉRENTE. Le substantif adhérent se construit avec de et se dit d’une personne qui souscrit à une doctrine, à une opinion, qui participe à une organisation quelconque, à un syndicat, à un régime d’assurance. Les adhérents du parti. Adhérent non cotisant. Nouveaux adhérents. Carte d’adhérent. Recruter des adhérents. L’adjectif adhérent se construit avec à lorsqu’il qualifie le fait d’être attaché physiquement à qqch. (« Que devrait-on décider lorsque les atterrissements ne sont pas complètement adhérents aux fonds riverains? »). 116 Attention de bien orthographier l’adjectif adhérent et le participe présent adhérant : « Les membres adhérents se sont dits satisfaits des résultats obtenus à l’assemblée. » et « La Cour, adhérant aux conclusions de l’appelant, a fait droit à sa demande. » ADHÉRENCE. ADHÉSION. Il faut distinguer adhérence et adhésion. Adhérence s’emploie surtout au sens matériel et signifie état d’un objet qui tient fortement à un autre. Dans le droit des biens, l’adhérence s’emploie en matière d’atterrissement (voir ce mot) : Adhérence au sol. Nonadhérence à la rive. Défaut d’adhérence. « Un atterrissement a été déclaré propriété de l’État parce qu’il existait une solution de continuité avec la rive, et qu’en fait il n’y avait pas d’adhérence avec la propriété riveraine. » L’adhésion s’emploie surtout au sens moral (l’approbation, l’accord à une idée, à une proposition, à une doctrine) : « Il a donné son adhésion au principe du multiculturalisme. » Attention au chassé-croisé du français et de l’anglais, source de plusieurs confusions : adhérence = “adhesion” (force d’adhérence = “adhesion force”) et adhésion = “adherence” (contrat d’adhésion = “contract of adherence”; on dit aussi “adhesion contract” et “contract of adhesion”). On ne dira pas qu’il y a [adhérence] aux faits, mais un respect des faits, de la vérité; il n’y a pas [adhérence] à un parti, mais attachement, fidélité à un parti; on ne manifeste pas une [adhérence] à un devoir, mais on manifeste une fidélité à un devoir; il n’y a pas [adhérence] à la loi, mais obéissance à la loi. ö ACCORD (D’). ö APPROBATION. ö ATTERRISSEMENT. ö CONSENTEMENT. 117 ADHÉRER. Adhérer change l’é en è devant une syllabe muette, sauf au futur et au conditionnel : ils adhèrent, j’adhérerai. Lorsque le sujet d’adhérer est un nom de personne, le verbe a un sens abstrait et signifie, d’abord, se déclarer d’accord au sujet de qqch., notamment d’une idée, d’une doctrine. Adhérer à une politique, à un parti, à une opinion. « Le député qui appuie une notion n’est pas tenu d’adhérer à son principe. » Adhérer a aussi le sens d’accepter qqch., d’acquiescer, de souscrire à ce qui est proposé : « L’assuré adhère aux conditions du contrat. » « La Cour pourra-t-elle adhérer à la thèse de la défense? » « Le Canada a demandé à adhérer au Pacte. » « Tous les États visés à l’article VIII peuvent adhérer à la présente Convention. » On ne peut [adhérer] à sa propre opinion, mais on se maintient, on persiste dans son opinion. Ce verbe signifie également s’inscrire à une organisation, à un groupe : « Il a adhéré au parti. » Dans le droit des biens, plus particulièrement pour les questions d’atterrissement (voir ce mot), adhérer s’emploie au sens de s’attacher par une union physique étroite à une chose. « L’alluvion doit adhérer à la rive et faire partie intégrante du fonds riverain. » « Il suffit qu’un atterrissement formé insensiblement dans le lit d’un fleuve adhère sous les eaux aux propriétés riveraines. » ö ACCESSION. ö ATTERRISSEMENT. ADHÉSION. 1) L’adhésion signifie approbation des idées de qqn, accord donné à qqch. Donner, refuser son adhésion à un projet, à une opinion. Recueillir une large adhésion auprès de l’opinion publique. C’est aussi la participation à une organisation, une affiliation. Adhésion syndicale. Adhésion obligatoire. Donner son adhésion. « Elle a donné son adhésion entière à ce groupe féministe. » 118 2) Le terme adhésion remplace opportunément l’anglicisme “membership”. Augmentation [du membership] des adhésions. Bulletin, carte d’adhésion. Signer une adhésion (par métonymie). 3) L’adhésion signifie, en droit international public, l’acceptation par un État des obligations que comporte un traité déjà conclu avec d’autres États. « L’adhésion du Canada au Pacte est maintenant chose faite. » « Le traité est ouvert à l’adhésion de tous les États. » « L’adhésion sera effectuée par notification. » « L’adhésion se fera par le dépôt d’un instrument d’adhésion auprès du Secrétaire général. » « L’adhésion se fera par le dépôt d’un instrument d’adhésion auprès du Secrétaire général. » « L’accession à la Convention emportera, de plein droit, adhésion à toutes les clauses. » Pour ce dernier exemple, noter que les termes adhésion et accession sont synonymes dans un tel contexte, notamment dans les expressions accession à un traité, accession à une convention. Pour l’emploi du terme accession dans le droit des biens, voir ACCESSION et ACCESSOIRE. 4) Le contrat d’adhésion est un contrat type dont les clauses sont fixées préalablement par une partie et que l’autre partie ne peut qu’accepter intégralement. L’adhérent est une partie à un contrat d’adhésion, l’autre partie étant la partie rédactrice. (Crépeau) « Au Québec, la Charte de la langue française édicte que les contrats d’adhésion sont rédigés en français. » ö MEMBERSHIP. AD HOC. Locution du langage juridique signifiant littéralement pour cela, à cet effet. Se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. S’emploie comme adjectif (juge ad hoc) ou adverbe (juge siégeant ad hoc). Ad hoc a deux sens. 119 Le premier renvoie à ce qui se fait d’une manière qui convient, à ce qui se fait à propos, correctement, opportunément, pertinemment. Ainsi, avancer des arguments ad hoc, c’est présenter des arguments adaptés aux circonstances, des arguments indiqués, et répondre ad hoc, c’est répondre d’une manière opportune. Le deuxième sens renvoie à ce qui se fait pour une fin particulière, dans un cas spécial : ainsi, le juge siégeant ad hoc est nommé spécialement pour une affaire, l’administrateur ou le tuteur ad hoc est nommé dans le cas où l’administrateur ou le tuteur ne peut représenter les intérêts de l’incapable du fait de l’existence d’un intérêt personnel, et le comité ad hoc est constitué pour une fin particulière. En France, la loi no 89-487 du 10 juillet 1989 sur la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et sur la protection de l’enfance a introduit un article 87-1 dans le Code de procédure pénale qui prévoit que le juge d’instruction peut procéder dans certaines conditions à la désignation d’un administrateur ad hoc pour exercer, s’il y a lieu, au nom de l’enfant, les droits reconnus à la partie civile. Il y a souvent dans les textes français dualité de vocabulaire : on parle de l’administrateur ad hoc et du tuteur ad hoc même si tous deux interviennent d’une manière identique : « Dans une action en désaveu de paternité, le mineur, défendeur, est représenté par un tuteur ad hoc; dans une action en contestation de reconnaissance, le mineur, défendeur, est représenté par un administrateur ad hoc. ». Certains auteurs utilisent même les deux termes indifféremment. Certains dénoncent malgré tout comme un anglicisme l’emploi en français de cette locution au sens de spécial; d’autres ne le considèrent pas comme un barbarisme. Au Canada, on évite autant que possible la locution latine. Dans la liste qui suit, le terme ad hoc a été remplacé par le mot ou l’expression justes. Administrateur suppléant. Arguments appropriés, adaptés aux besoins du moment. Aide circonstancielle, aide ponctuelle. Arbitrage temporaire, spécial; arbitre temporaire, spécial. Commission, comité, sous-comité spécial (ou encore on désigne l’organisme par l’expression qui précise ses attributions, pour le distinguer du comité permanent). Expert désigné au besoin. 120 Groupe consultatif spécial. Juge suppléant. Mesures de circonstance. Méthodes, moyens appropriés. Rapport spécial. Recherche spéciale sur place. Répondre opportunément. Revalorisation ponctuelle des droits, des ventes (en matière d’assurance). Vol à la demande (navigation aérienne). AD HOMINEM. AD PERSONAM. AD REM. Dans la première locution, le h ne se prononce pas. Ces locutions se mettent en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Elles sont en caractère romain si le texte est en italique. Ad hominem signifie vers l’homme, ad personam, vers la personne, et ad rem, vers la chose. S’emploient surtout en logique juridique dans les expressions argument ad hominem, ou ad personam ou ad rem, et dans législation (ou loi) ad hominem, droit ad personam, poursuite ad rem : « La Cour suprême des États-Unis a reconnu qu’il pouvait y avoir une certaine fiction juridique dans le fait d’imputer une complicité à un véhicule dans une poursuite ad rem, mais elle a conclu que la confiscation était trop solidement implantée dans la jurisprudence du pays en matière de mesures répressives et de redressement pour être maintenant supprimée. » L’argument ad hominem vise tout particulièrement l’opinion d’une personne ou d’un groupe en particulier, les préjugés de la personne de l’adversaire ou de la personne à qui l’on parle; l’argument ad personam vise la personne elle-même de l’adversaire en lui opposant ses actes ou ses déclarations, en la mettant en contradiction avec ellemême. L’argument ad hominem s’oppose à l’argument ad rem, qui concerne la vérité ou la chose elle-même plutôt que l’opinion. L’argumentation ad rem est valable pour toute l’humanité raisonnable, tandis que l’argumentation ad hominem se base sur ce que la personne croit ou admet. Comme l’ont montré Perelman et Olbrechts-Tyteca (1988), elle permet d’argumenter dans le cadre du préjugé, au lieu de le combattre. L’argument ad hominem est souvent avancé dans la doctrine et la jurisprudence. 121 « Le juge a déclaré qu’en l’espèce, l’argument ad hominem allait de soi. Si le contrat invoqué par la défenderesse ne valait pas, sans résolution ou règlement, comment le demandeur pouvait-il défendre la validité de celui dont il se réclame, quand il souffrait du même vice? » « N’a-t-on pas alors raison de lui faire l’argument ad hominem qu’à lui aussi incombe, s’il veut jouir d’une servitude, l’obligation d’en établir ou d’en rapporter le titre? » Une loi ad hominem vise un individu ou un groupe, et est adoptée pour les fins d’une instance particulière (pour la détention, le procès et la peine à infliger dans le cas d’un groupe terroriste par exemple). Un droit ad rem est un droit à une chose, le droit de chasser et de pêcher par exemple. D’après Mayrand, ad rem se dit également d’une citation ou d’un argument qui est pertinent, bien au point et à propos. AD HONORES. Le h ne se prononce pas (honorèsse). La locution se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. Locution adverbiale signifiant pour l’honneur, sans fonctions ni rétribution. Qui est honorifique. Se dit surtout pour une charge ou un titre. Remplir une charge ad honores. Plusieurs dictionnaires généraux considèrent le terme comme familier et vieilli, et préfèrent honorifique, terme plus moderne. Locution apparentée : honoris causa. ö HONNEUR. ö HONORIS CAUSA. 122 AD IDEM. Se met en italique ou entre guillemets selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. Signifie qui convient de la même chose, qui est au même effet. Ad idem s’emploie en droit des contrats et modifie le verbe (être ad idem) ou dans le syntagme consensus ad idem. Les parties à un contrat sont ad idem lorsque chacune d’elles s’entend avec l’autre sur le même objet. Pour qu’un contrat soit exécutoire, il faut qu’il y ait accord de volonté, cet accord étant appelé consensus ad idem. S’il n’y a pas pareil consensus, il n’y a pas de contrat. Ainsi, Jacques désire vendre sa voiture et Claude désire l’acheter, mais Jacques a en tête sa Chevrolet et Claude croit qu’il s’agit de la Honda. Il n’y a pas ici consensus ad idem. « Le tribunal a estimé que les parties n’étaient pas ad idem. » « La règle du consensus ad idem fait partie du droit des contrats écrits au même titre que de celui des contrats oraux. La signature d’un contrat n’est qu’une façon de manifester son assentiment à ses stipulations. » D’après certains lexicographes, le terme consensus signifiant accord ou consentement de deux ou plusieurs personnes sur quelque chose, consensus ad idem serait pléonastique : consensus seul suffirait à rendre la notion. ö CONSENSUS. AD INFINITUM. Locution adjective ou adverbiale signifiant à l’infini, sans fin, indéfiniment. Continuer, répéter, varier ad infinitum. Réclamer derechef et ad infinitum. « Le locataire pourrait ainsi reconduire son bail d’année en année indéfiniment. » Dans le cas où on ne traduit pas la locution, ad infinitum se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. « L’avocat du requérant a soutenu, selon le sens qu’il voit dans de nombreuses autorités tirées de la common law, que celle-ci autorise le recours à l’habeas corpus ad infinitum et que, conséquemment, la règle de common 123 law domine toutes les dispositions de nos lois, si celles-ci y sont dérogatoires. » « C’est avec la plus ferme conviction que je résiste à cette prétention de l’appelante, soucieux, en outre, de ne pas me faire l’artisan de la reconnaissance d’un droit de suite ad infinitum dont les conséquences juridiques, économiques et sociales me paraissent aussi désastreuses qu’illimitées. » « Des litiges naîtraient ad infinitum. » Locution apparentée : ad nauseam. ö AD NAUSEAM. ADJACENT, ENTE. La plupart des dictionnaires n’attestent que l’emploi absolu de l’adjectif (un terrain adjacent). Mais la construction avec la préposition à n’est pas fautive, malgré l’avis de certains : bien-fonds adjacent à la voie publique. « Le conseil peut acquérir des terrains adjacents à la municipalité. » Adjacent signifie situé auprès et est un terme spécial de géométrie et de géographie. Il s’emploie avec des substantifs comme bâtiment, bien-fonds, rue, terrain... , mais ne se dit que de choses. « Sont dits claims adjacents les claims miniers qui viennent en contact l’un avec l’autre à quelque point des limites, ou qui ont une limite commune. » Adjacent cède régulièrement la place à d’autres adjectifs, là où l’anglais utilise “adjacent”. Ainsi, on parle d’un État ou d’un pays limitrophe, d’une municipalité voisine (ou limitrophe), d’un propriétaire voisin et, en matière de servitudes, d’un appui ou d’un droit d’appui latéral. ö ATTENANT. ADJOINT, ADJOINTE. 1) S’il s’applique à des personnes, le terme adjoint en postposition est adjectif et, de ce fait, n’est pas lié au nom qui le précède par un trait d’union : huissière adjointe, shérif adjoint. En antéposition, adjoint est substantif : Être (l’)adjoint au maire. L’adjointe du whip en chef du gouvernement. Adjoint temporaire. 124 2) Comme nom, le mot adjoint se construit avec la préposition de : « Adressezvous à l’adjoint de l’huissier » (ici on désigne la personne qui est titulaire de la fonction elle-même); comme adjectif, adjoint se construit avec la préposition à : on dit « Il est adjoint à l’huissier » (ici, on désigne la fonction occupée). 3) La place du mot adjoint est importante, car elle détermine le sens du mot. Le greffier adjoint de la Cour des successions, par exemple, remplace le greffier de cette cour en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci, mais l’adjoint au greffier aide le greffier dans ses fonctions sans jouir de son autorité comme suppléant. L’adjoint du ministre n’a pas la même autorité que le sous-ministre ou que le sous-ministre adjoint. De même le directeur adjoint et l’adjoint au directeur n’occupent pas la même position dans la hiérarchie. Aussi prendra-t-on toujours soin de bien distinguer l’adjoint au juge en chef du juge en chef adjoint ou encore l’adjoint au procureur de la Couronne du procureur adjoint de la Couronne. ö ASSOCIÉ. ö GÉNÉRAL. ö SUBSTITUT. ö SUPPLÉANT. ADJURER. ö ABJURER. AD LIBITUM. Signifie littéralement jusqu’au plaisir. Forme abrégée : ad lib. Se rend par à volonté, comme il (ou elle) l’entend, selon son bon plaisir, selon l’inspiration du moment, ou ne se traduit pas. Dans ce dernier cas, le terme se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. Remettre une action ad libitum. La locution se met entre virgules ou non. Autoriser, ad libitum, la réformation du jugement ou de l’ordonnance. Réformer ad libitum tout jugement ou ordonnance. 125 « Cet article de loi est essentiel pour empêcher le ministre de verser, ad libitum, des indemnités à des propriétaires riverains qui ne sont pas expropriés. » « Prétendre qu’elle peut mettre fin ad libitum au contrat de louage d’ouvrage, c’est non seulement transgresser les termes formels de la convention collective, mais c’est le rendre illusoire. » Locution apparentée : ad nutum. ö AD NUTUM. AD LITEM. PENDENTE LITE. Ces locutions adjectives ou adverbiales latines s’appliquent aussi bien à des personnes qu’à des choses. Elles signifient respectivement en vue du procès et pendant le procès. La courte liste qui suit énumère certains termes juridiques formés avec la locution ad litem et leurs équivalents français. Administrateur, administration ad litem : administrateur, administration aux fins de l’instance. (Les Règles de procédure du Nouveau-Brunswick prescrivent l’emploi des termes administrateur et administration d’instance). Avocat ad litem : avocat à l’instance. Lettres d’administration ad litem : lettres d’administration aux fins de l’instance. Mandat, mandataire ad litem : mandat, mandataire aux fins de l’instance. Provision ad litem : provision pour frais d’instance. Ne pas confondre ad litem et pendente lite : ad signifie pour et pendente pendant : administrateur aux fins de l’instance (ad litem), lettres d’administration pendant l’instance (pendente lite). ADMETTRE. AVOUER. 1) Sous l’influence de l’anglais, on trouve souvent [admettre] au lieu de reconnaître, avouer. « Il a fini par reconnaître sa culpabilité. » « Il avoue sa faute. » « Il reconnaît sa responsabilité. ». On peut dire cependant : « Il admet avoir commis une faute. », c’est-à-dire il reconnaît comme vrai le fait qu’il a commis une faute. 126 La nuance à faire entre le sens de reconnaître et celui de reconnaître pour vrai, c’est-àdire entre avouer et admettre, est illustrée par les deux exemples suivants : « Pressé par les policiers, il a fini par tout avouer » (= par reconnaître ce qu’il avait essayé de taire) et « Le juge lui ayant fait remarquer que ses digressions étaient trop fréquentes, l’avocate a admis (= a reconnu pour vrai) qu’elle s’était trop souvent éloignée de la question en litige. » Admettre au sens de reconnaître pour vrai régit l’indicatif dans les phrases affirmatives (« L’avocat admet que la preuve pertinente a été déposée » (= il n’y a pas de doute possible) et le subjonctif dans les phrases négatives (« Nous n’admettons pas que la preuve déposée soit écartée »). Au sens de ne pas accepter, ne pas tolérer, admettre régit le subjonctif (« Le juge n’admet pas qu’il soit porté atteinte aux bienséances de la cour »). Ne pas dire : « Admettons que tout cela [est] vrai », mais « que tout cela soit vrai » (ici admettre signifie supposer, et toutes les suppositions demandent le subjonctif). « En admettant qu’il soit suffisant d’exercer des violences sur des choses, il faut tout au moins reconnaître que... ». 2) Admettre suivi de l’infinitif est toujours accompagné de la préposition à et signifie à faire qqch. Admettre qqn à présenter des témoignages. Être admis à faire valoir ses droits. « La raison en est qu’en principe, nul n’est admis à protéger son propre bien-être au détriment de la vie et de l’intégrité corporelle d’un tiers innocent. » 3) Admettre s’emploie en droit au sens de déclarer recevable en justice : Admettre en preuve, admettre une preuve. On peut dire admettre un appel, un pourvoi au sens de déclarer recevable en justice, mais on ne peut [admettre] un appel au sens de l’anglais “to allow an appeal”; on dit alors accueillir un appel, faire droit à un appel. On dit correctement dans le cas d’une partie qui accepte les prétentions de l’autre dans l’échange des plaidoiries admettre une prétention, une réclamation, une revendication. Admettre d’office signifie prendre qqch. en considération sans qu’il soit nécessaire de prouver ou de plaider ce qui est présenté, avancé ou déposé. « Sont admises d’office les lois fédérales, d’intérêt public ou privé, sans que ces lois soient spécialement 127 invoquées. » Pour un complément d’information sur cette locution juridique, voir OFFICE (D’). 4) Noter également l’emploi du verbe admettre au sens de tolérer, comporter : « Cette disposition législative admet plusieurs interprétations. » ö OFFICE (D’). ADMINICULE. Ce mot vient du latin adminiculum signifiant auxiliaire, appui. Le latinisme est attesté très tôt dans l’histoire du droit au sens de preuve écrite, de document. Dans le vocabulaire de la procédure civile française, ce terme vieillissant survit chez les auteurs; ils l’emploient au sens de circonstance contribuant à constituer une preuve, élément probatoire exigé par la loi, tel un début, un commencement de preuve par écrit ou des présomptions ou indices graves, qui, en dépit de son incomplétude, permet malgré tout, en raison de sa gravité, de faire admettre la preuve par témoins ou par tous moyens dans une matière où, en principe, elle ne serait pas admise. Présentation, production d’un adminicule. Puisque l’adminicule se définit comme un élément préalable de preuve, c’est commettre un pléonasme que de le qualifier de [préalable]. « À défaut d’acte de naissance ou de possession d’état, ou s’ils sont contradictoires, la preuve par témoins est possible, mais elle est subordonnée à la production d’un adminicule préalable. » Dans cet exemple, à la production d’un adminicule eût suffi; c’est par un procédé d’insistance que l’auteur a jugé bon de souligner le caractère préalable de l’élément de preuve. Rechercher des adminicules. « Le tribunal peut rechercher ces adminicules dans une comparution personnelle du demandeur. » Les adminicules que constituent les présomptions et indices dans les restrictions à l’admission de la preuve testimoniale peuvent revêtir les formes les plus diverses : signes corporels, le physique d’une personne, une cicatrice, ou signes matériels, un objet appartenant au défunt, des papiers domestiques, des indications sur une facture, une note sur un registre, une lettre, une attestation. « Les juges se contentent, pour adminicules, d’un seul indice et, par dédoublement des indices, admettent certains d’entre eux, à la place des témoignages, non comme adminicules, mais comme 128 preuves. » L’adminicule relève du seuil probatoire de l’admissibilité des modes de preuve. Pour cette raison, il doit être complété par des témoignages, des présomptions ou tout autre mode de preuve. ö COMMENCEMENT. ö INDICE. ö PRÉSOMPTION. ö PROBATOIRE. ö SIGNE. ADMINISTRATIVISTE. Néologisme créé sur le modèle de pénaliste ou criminaliste. Il désigne un spécialiste du droit administratif. ADMISSIBLE1. ÉLIGIBLE. Antonymes : inadmissible, inéligible 1) Admissible s’emploie pour les personnes et pour les choses. Il signifie qui a droit à, qui a qualité pour, qui peut être accepté ou reçu (admissible à la citoyenneté, à un concours, à un emploi, à une prestation), qui peut être reconnu comme vrai, comme conforme à la raison (hypothèses, idées, interprétations, opinions admissibles), qui peut être reconnu comme bon, valide (valable et admissible à l’homologation). L’emploi substantivé est attesté; voir, par exemple, l’expression elliptique liste des admissibles. 2) En droit, admissible signifie qui peut être accepté parce que conforme aux règles du droit : Action, déclaration, témoignage admissible. Ainsi, une preuve est admissible parce qu’elle peut être présentée devant un tribunal. Admissible à, au sens d’être autorisé à, suivi de l’infinitif, est rare dans l’usage courant, mais se trouve plus souvent dans le langage juridique : « Nul n’est admissible à stipuler les conditions suivantes dans son contrat de mariage : ». Admissible à exercer la fonction de juré. Admissible à siéger à ce comité. La forme impersonnelle 129 il est admissible que, il n’est pas admissible que est suivie du subjonctif. 3) Éligible signifie qui réunit les qualités nécessaires ou les conditions légales pour être élu (et non pas pour voter). Son emploi doit donc se limiter aux contextes d’élection. « Les noms et adresses des employés [éligibles] (admissibles) à voter à certaines élections. » Un exemple de bon usage se trouve à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés : « Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales et provinciales. ». Candidat, électeur éligible, rééligible. Certains dictionnaires enregistrent l’emploi d’éligible avec un nom de chose : âge éligible. L’emploi substantivé est attesté notamment dans l’expression elliptique liste des éligibles. Syntagmes Admissible en preuve (“admissible in evidence”). Admissible à titre de preuve, comme preuve (“admissible as evidence”). Admissible devant un tribunal. Augmentation, réduction admissible. Employeur, employé admissible. Dépenses admissibles. Coût admissible d’un bien. Frais d’aménagement, d’exploration admissibles. Frais de justice admissibles en déduction. Produit admissible de la vente. Revenu de produit admissible. Bénéficiaire, personne admissible. Être admissible en preuve contre qqn. Être légalement admissible pour la preuve de qqch. Être admissible à une nomination, à un concours, à des examens, à des privilèges, à des prestations, à une aide. Rendre qqch. admissible en preuve dans une procédure judiciaire. ö ÉLIGIBILITÉ. ö RECEVABILITÉ. 130 ADMISSIBLE2. ADMISSIBILITÉ. INADMISSIBLE. INADMISSIBILITÉ. IRRECEVABLE. IRRECEVABILITÉ. RECEVABLE. RECEVABILITÉ. 1) En droit judiciaire, la distinction qu’il convient d’établir entre l’admissibilité et la recevabilité prend appui sur deux conceptions. Selon la première, l’admissibilité est le caractère que présente une procédure judiciaire par laquelle une des parties à l’action ou le requérant offre au tribunal de tenir compte d’un élément de preuve quelconque ou d’un acte de procédure. Dans la deuxième, la recevabilité est le caractère que présente une procédure judiciaire par laquelle une des parties ou le requérant demande au tribunal d’accepter de se saisir de sa demande ou de sa requête, selon le cas. Suivant cette conception, est jugé admissible ou inadmissible tout élément de preuve ou toute procédure conforme aux règles de procédure. Une demande, une requête, un appel, un pourvoi est qualifié de recevable ou d’irrecevable si sont respectées les conditions de recevabilité. Par conséquent, peut-on demander, y a-t-il lieu d’éviter de parler de la [recevabilité] d’une procédure ou encore de l’[admissibilité] d’une demande en justice ou d’une action ? La formule consacrée le demandeur est (jugé) recevable en sa demande signifie que le tribunal accepte de juger sa demande, de la recevoir (et non qu’il est [admissible] en sa demande et que le tribunal accepte de ce seul fait de l’[admettre]). Demandeur déclaré, jugé, dit irrecevable en sa demande. Pourtant, l’admissibilité (on trouve aussi non-admissibilité) et la recevabilité se disent toutes deux d’une preuve. Si, pour être jugée admissible, la preuve doit être conforme aux règles d’admissibilité que prévoient les règles de procédure, pour être jugée recevable, elle doit posséder trois attributs : elle doit être pertinente (elle a pour objet le point en discussion), substantielle (elle est d’une importance indiscutable, elle comporte une conséquence significative et fournit un fondement factuel déterminant sur lequel les questions soulevées peuvent être raisonnablement réglées) et admissible (elle peut être reçue et appréciée à bon droit par tout tribunal compétent). Par ailleurs, l’affaire, la cause, le litige est recevable si elle est ou s’il est en état d’être jugé au fond. Aussi, on peut dire que les décisions portant sur l’admissibilité sont des 131 décisions interlocutoires, étant rendues en cours d’instance, avant le jugement définitif tranchant l’affaire, alors que les décisions portant sur la recevabilité sont préjudicielles puisqu’elles sont rendues avant l’introduction de l’action. Quand le juge déclare une procédure ou un élément de preuve admissible ou inadmissible, l’instance se poursuit, elle a déjà été entamée, la procédure a été mise en branle. L’admissibilité ou l’inadmissibilité ne mettent pas un frein à l’action, tandis que la recevabilité ou l’irrecevabilité pourront permettre que l’action soit jugée ou conduire le juge à constater qu’il n’est pas saisi. Par conséquent, tout ce qui sera jugé admissible, tout ce qui possède la qualité nécessaire pour être examiné judiciairement sera déclaré recevable, la recevabilité étant subordonnée étroitement à l’admissibilité. 2) Les conditions d’admissibilité et de recevabilité sont régies par les règles de procédure et par la loi. Ainsi, tels ou tels éléments de preuve seront déclarés admissibles ou inadmissibles selon qu’ils auront été obtenus légalement ou illégalement, selon qu’ils auront été jugés conformes ou non à une autorisation accordée. Par exemple, la nouvelle preuve d’ADN sera jugée admissible parce qu’elle exonère l’accusé déclaré coupable, des bandes magnétiques provenant d’une écoute électronique seront jugées inadmissibles parce que l’équipement d’écoute a été installé dans d’autres pièces que celles qui avaient été précisées dans l’autorisation judiciaire, des déclarations faites hors cour par l’appelant à la police seront jugées inadmissibles parce qu’elles enfreignent les dispositions particulières de la Charte canadienne des droits et libertés, des questions posées à l’interrogatoire seront déclarées admissibles parce qu’elles portent sur les faits étayés par la preuve, et ainsi de suite. En common law, le voir-dire (se reporter à ce mot au point 3) est un examen que tient le juge dans le cadre d’un procès criminel, en l’absence du jury, pour déterminer ou évaluer l’admissibilité d’un élément de preuve (par exemple, le témoignage de la plaignante dans une affaire d’agression sexuelle, que le poursuivant entend présenter au jury). Si le juge prononce son admissibilité, cette preuve sera soumise à l’appréciation du jury. De même, telle ou telle demande, requête, action sera jugée recevable ou irrecevable selon que le demandeur ou le défendeur a la qualité nécessaire ou qu’il est sans qualité pour la former, ou qu’il a ou non capacité requise pour l’intenter, s’il justifie ou ne justifie pas d’un intérêt pour l’introduire ou si l’instance ne respecte pas les formes légales. « L’action civile sera recevable pour tous les chefs de dommages aussi bien 132 matériels que corporels ou moraux qui découlent des faits objets de la poursuite. » La procédure qui n’a pas été introduite dans les délais impartis par la Loi sur la prescription sera déclarée irrecevable. Un appel est recevable quand il est interjeté dans les délais d’appel prescrits. Dans d’autres cas, la recevabilité ou l’irrecevabilité pourront être subordonnées à la compétence ou à l’incompétence du tribunal. Par exemple, une demande est irrecevable quand son chiffre est supérieur au taux de compétence. Elle ne sera pas reçue à la Cour des petites créances quand la somme réclamée est supérieure à tant de dollars ou que, s’agissant d’un appel, l’exception d’incompétence soulevée n’a pas été opposée directement devant le premier juge. 3) Dans le droit de la preuve au Canada, l’admissibilité en preuve est qualifiée soit de restreinte (“limited admissibility”), si elle a trait à un témoignage ou à tout élément de preuve qui est admis pour une fin limitée que signalera le juge au jury, soit d’admissibilité substantielle ou au fond (“substantive admissibility” ou “admissibility on the merits”). Par ailleurs, on appelle témoin d’admissibilité (“foundation witness”) le témoin qui, ayant examiné un écrit de lui qui lui est présenté, ne parvient pas à se rappeler les événements qu’il a lui-même relatés dans cet écrit. Même si ce témoin ne pourra pas témoigner au sujet de ces événements, l’écrit lui-même pourra être déclaré admissible comme faisant foi de son contenu, s’il peut établir la véracité de l’écrit en fonction des quatre critères de la transcription des souvenirs : il a eu une connaissance de première main de ces événements, l’écrit constitue une déclaration originale qu’il a faite à l’époque de la survenance des événements, il n’a pas de mémoire actuelle des événements et il doit garantir l’exactitude de l’écrit. En matière de découverte d’un trésor, par exemple, on dira que la revendication est recevable (et non [admissible]) puisqu’elle constitue une action (l’action en revendication mobilière); toutefois, on pourra dire que la preuve de la propriété de l’objet perdu est admissible (plutôt que [recevable]) parce que le demandeur à l’action s’est conformé à la règle de preuve qui exige du revendiquant qu’il justifie par tous moyens de sa propriété sur le trésor. Une demande recevable pourra, au terme du procès, être déclarée mal fondée, tout comme une preuve, jugée admissible, pourra par la suite être déclarée défaillante pour 133 quelque motif que ce soit. 4) Il convient de remarquer la fréquence dans la documentation de la construction passive formée de l’attribut suivi de la préposition à introduisant un infinitif. Être recevable à, irrecevable à, non recevable à. La même construction se trouve pour admissible et son antonyme. « Il a été jugé qu’un débiteur qui avait inutilement soutenu sa libération en se fondant sur un paiement était irrecevable à se prévaloir à nouveau de la même cause de libération, quoiqu’il présentât une quittance découverte depuis le jugement. » « Il a été jugé que la personne qui avait été déboutée de sa demande tendant au remboursement d’un capital était irrecevable à réclamer dans une nouvelle instance les intérêts de cette somme : le revenu étant l’accessoire du capital, le tribunal qui a statué sur celui-ci a du même coup statué sur ceux-là. » 5) L’admissibilité s’entend aussi dans un sens large : c’est un droit, une habilitation, la capacité de prétendre à quelque chose. Ainsi, l’admissibilité à un recours est le droit d’une personne d’exercer un recours, d’être admise à cet exercice. L’admissibilité à des dommages-intérêts est le droit d’un plaideur que lui reconnaît le tribunal d’obtenir réparation sous cette forme pécuniaire. En ce sens, admissibilité ne se trouve pas en concurrence avec recevabilité; ces deux vocables n’entrent en concurrence que dans le contexte d’une action en justice et au sens de qualité permettant d’être admis en justice (une chose), d’être admis à poursuivre en justice (une personne). 6) Pour la question de l’admissibilité (et non de l’[éligibilité]) d’une personne à quelque chose, d’un détenu à une libération conditionnelle, d’un immigrant ou d’un réfugié à un statut, à un visa, des électeurs, d’un cotisant, d’un parent à l’adoption, d’un salarié à un régime, à des prestations, à des avantages, ou d’une chose à quelque chose, d’un brevet à sa délivrance, de marchandises à un traitement tarifaire préférentiel, d’une liste, d’une période, d’une date ou de critères d’admissibilité, se reporter à ADMISSIBLE1. ö ADMISSIBLE1. ö INTERLOCUTOIRE. ö PRÉJUDICIEL. ö VOIR-DIRE. 134 ADMONESTATION. ADMONITION. Ces deux dérivés du verbe admonester sont synonymes. Ils peuvent s’employer pour désigner notamment une remontrance ou une réprimande sévère, accompagnée de conseils, faite par une personne en autorité (enseignant, père ou mère) à un enfant pris en faute, ou par l’autorité judiciaire à un prévenu ou à un délinquant pour l’inciter à ne pas récidiver, ou, pour une autre cause, au jury ou à l’avocat. L’anglais “admonition” a le sens de mise en garde, d’avertissement que le français n’a pas : « Nous devons tenir compte de l’[admonition] (= de la mise en garde) que la Cour suprême a formulée contre une certaine tendance des tribunaux d’appel... ». « Le président communique les mises en garde de la Chambre. » Curieusement, en français admonition, qui vient du latin juridique “admonitio”, a cédé la place à admonestation, qui, lui, vient du latin populaire “admonestare”. « Le prévenu a écouté en silence les admonestations de la Cour. » « Le juge a admonesté l’avocat qui s’était emporté. » « Le tribunal s’est contenté [de servir des admonitions à l’adolescent] (=d’admonester l’adolescent.) » AD NAUSEAM. Se prononce ad-no-zé-amme et signifie jusqu’à la nausée. Se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. « Tout au cours de son témoignage, il a répété ad nauseam que le défendeur était le mandataire de la compagnie. » « Les jurés ont dû subir presque ad nauseam la prolifération des questions posées au témoin expert sur le même sujet. » Cette locution adverbiale peut se rendre par à maintes reprises, à satiété, à l’excès. Locution apparentée : ad infinitum. ö AD INFINITUM. AD NUTUM. 135 Se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. Littéralement : sur un signe de tête. Signifie à volonté, par sa seule volonté, à son gré. Acte révocable ad nutum. Cette locution adjective ou adverbiale s’emploie surtout en matière de révocation. La révocabilité ad nutum est celle qui peut être prononcée à tout moment par la décision d’une seule personne, suivant la volonté de l’organisme habilité à cet effet. « Les administrateurs des sociétés anonymes sont révocables ad nutum par l’assemblée générale. » Locution apparentée : ad libitum. ö AD LIBITUM. ADOLESCENT, ADOLESCENTE. Éviter de dire [jeune adolescent]; adolescent suffit. L’adolescent (“young person”), aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants du Canada, s’entend d’une personne qui est âgée d’au moins douze ans, mais qui n’a pas encore atteint l’âge de dix-huit ans ou qui paraît avoir un âge compris entre ces limites. Il se distingue de l’enfant et de l’adulte. L’adolescent qui commet une infraction à une loi fédérale ou à ses textes d’application est donc appelé jeune contrevenant au Canada. Syntagmes Tribunal pour adolescents. Juge du tribunal pour adolescents. ö CONTREVENANT. 136 AD QUEM. A QUO. 137 Ces locutions adverbiales latines se mettent en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, les locutions sont en caractère romain. Elles s’emploient dans quelques expressions de common law : tribunal a quo = le tribunal dessaisi, et juge a quo = le juge du tribunal dessaisi; dies a quo = le jour à compter duquel le délai commence à courir, le terme de départ, le point de départ, et dies ad quem = le dernier jour d’un délai, le terme d’arrivée, le point d’arrivée, le jour de l’échéance; enfin, terminus a quo, littéralement : la limite à partir de laquelle (par exemple le point de départ d’une voie privée). La locution adverbiale a quo s’emploie en français juridique dans l’expression jugement a quo, le jugement frappé d’appel. « L’appelante n’a pas pu démontrer que le jugement a quo est erroné. » Toutefois, cette expression est de droit civil; l’anglais dit toujours “the judgment appealed from” : jugement dont appel, jugement frappé d’appel, jugement (ou arrêt) attaqué. ADULTÉRANT, ANTE. ADULTÉRATION. ADULTÉRER. Adultérer change l’é en è devant une syllabe muette, sauf au futur et au conditionnel : il a adultéré, il adultère, il adultérerait. 1) En français juridique, adultérer s’emploie au sens propre et indique une altération coupable; il signifie altérer d’une manière contraire à la loi ou aux règlements, dénaturer ou frelater une substance, et s’utilise surtout comme participe passé et comme adjectif : « La vente des produits adultérés est interdite. » Cette adultération produit une substance dont on dit qu’elle est adultérée ou falsifiée (voir FALSIFICATION). On parle de l’adultération ou de la falsification du lait, généralement par addition d’eau : on dit aussi le mouillage du lait. Adultérer des médicaments, des monnaies. 2) [Adultérer] un acte, un texte, la langue, au sens d’en altérer l’authenticité, la forme ou le sens, est un archaïsme; dire falsifier un acte, altérer, corrompre la langue, déformer un texte, l’interpréter faussement. 138 3) Le substantif adultérant renvoie à une substance étrangère ou nuisible à la santé. Le terme est entré dans l’usage et s’emploie en particulier dans le cas du tabac, au sens de substance ajoutée par le vendeur, à l’insu de l’acheteur, dans une matière marchande afin d’en diminuer le prix de revient et d’augmenter ainsi frauduleusement le bénéfice. Adultérant s’emploie également comme adjectif. Matière adultérante. ö ALTÉRATION. ö FALSIFICATION. ADULTÈRE. ADULTÉRIN, INE. ADULTÉRINITÉ. 1) Le terme adultère s’emploie comme substantif (être coupable d’adultère) ou comme adjectif (conjoint adultère). Comme substantif, adultère désigne aussi la personne qui commet l’adultère, mais ce dernier emploi est rare et littéraire. On dit commettre un adultère pour exprimer un cas particulier d’adultère et commettre l’adultère pour exprimer la généralité. « Il a reconnu avoir commis un adultère ce soir-là. » « Elle a commis des adultères fréquents. » « Sous réserve de l’article 5, l’un des conjoints peut présenter à un tribunal une requête en divorce parce que, depuis la célébration du mariage, l’autre conjoint a commis l’adultère. » « La volonté de commettre l’adultère est un des éléments constitutifs du délit d’adultère. » 2) Adultérin s’emploie comme substantif (« Les adultérins ne peuvent être reconnus ») et comme adjectif (une fille adultérine). Dans ce dernier cas, le mot signifie qui est né d’un adultère : enfant adultérin, fille adultérine (on dit maintenant enfant naturel ou illégitime), ou qui a rapport à l’adultère : commerce adultérin. 3) Adultérinité est un terme rare qui se rencontre au sens de caractère adultérin avec le substantif naissance : « La demande a été écartée en raison de l’adultérinité de la naissance. » 139 Syntagmes Acte d’adultère. Auteur de l’adultère. Complice d’adultère. Constat d’adultère. Délit d’adultère. Flagrant délit d’adultère. Faits d’adultère. Pour cause d’adultère. Accomplir, commettre l’adultère. Constater l’adultère. Établir, prouver l’adultère. Invoquer l’adultère. Entretenir des relations adultères. Participer à un adultère. Rapports adultérins, relations adultérines. ö ADULTÉRANT. ö CONVERSATION. ö ENFANT. ö EXTRACONJUGAL. AD VALOREM. Locution adjective signifiant à proportion de, selon la valeur, pour la valeur. Se met en caractère romain. Ad valorem ne se traduit pas puisque le terme a été francisé. Pourtant, on trouve parfois des équivalents : sur la valeur, proportionnel ou déclaré. Cette locution, qualifiant les impôts et droits assis sur la valeur de l’objet ou du bien, décrit une méthode qui consiste à percevoir un impôt ou un droit sur des marchandises en se fondant sur leur valeur estimative. Ainsi, le droit ad valorem est un droit calculé au prorata de la valeur, un droit calculé sur la valeur. Bien distinguer l’impôt ad valorem, ou sur la valeur (par exemple l’impôt foncier calculé sur la valeur de l’immeuble), et la taxe ad valorem, droit de douane fondé sur la valeur de l’objet. 140 Syntagmes Calcul ad valorem. Droit ad valorem (“ad valorem duty” : on dit aussi droit proportionnel et droit sur la valeur). Droit progressif ad valorem (“ad valorem graduated tax”). Évaluation ad valorem. Impôt ad valorem (on dit aussi impôt sur la valeur). Prix ad valorem ou prix déclaré. Rectification ad valorem. Tarif, tarification ad valorem. Taux ad valorem. Taxation, taxe ad valorem. ADVENIR. Dans le langage du droit, advenir s’emploie au participe présent au sens de s’il arrive que, dans le cas où, et se place en tête de phrase : « Advenant le décès du débiteur, la procédure se continue comme s’il était vivant. » On peut dire tout aussi bien : « En cas de décès du débiteur... ». L’emploi de la tournure le cas advenant que suivie du subjonctif (« Le cas advenant que le débiteur décède, la procédure se continue comme s’il était vivant. ») est archaïque; on dira mieux : S’il arrive que... , Au cas où... , ou on utilisera simplement la conjonction si : « Si le débiteur décède, la procédure se continue comme s’il était vivant. » Advenir étant un verbe impersonnel, on évitera de dire : « Je ne sais pas [ce qui va advenir] ou [ce qui adviendra] de lui »; on dira : « Je ne sais pas ce qu’il va advenir ou ce qu’il adviendra de lui ». ADVERSAIRE. Malgré certains ouvrages qui affirment que ce substantif est exclusivement du genre masculin et qu’il faut dire : « Cette avocate est un redoutable adversaire. », le féminin 141 est attesté depuis le XIXe siècle. On peut dire : « Cette avocate est une redoutable adversaire. » Le terme adversaire désigne les parties adverses dans un procès : « Le demandeur a eu gain de cause sur son adversaire. ». Il désigne également, comme le montrent le premier exemple et les exemples ci-après, l’avocat qui représente la partie adverse : « En réponse à la thèse de mon adversaire qui plaide la nullité du contrat, je fais valoir que... ». « Mon adversaire affirme que... » ö ADVERSE. ö CONTRADICTEUR. ö OPPOSANT. ADVERSATIF, IVE. En common law, dans le domaine du droit des biens, le terme adversatif est normalisé pour rendre l’adjectif “adverse” dans les expressions “adverse enjoyment” (jouissance adversative), “adverse occupancy” ou “adverse occupation” (occupation adversative), “adverse possession” (possession adversative), “adverse possessor” (possesseur adversatif) et “adverse use” ou “adverse user” (usage adversatif). ö ADVERSATIVEMENT. ö ADVERSE. ADVERSATIVEMENT. 1) Les dictionnaires, comme le Littré, le Bescherelle et le Trésor de la langue française, mentionnent l’adverbe adversativement suivi de la préposition à au sens de en s’opposant à, en qualité de partie adverse, et citent le même exemple : « ... la femme mariée qui entame, adversativement à son mari, une instance de référé peut être autorisée à ester en justice par le juge du référé ». La tournure est vieillie et peut facilement se remplacer par contre ou à l’encontre de. 2) L’adverbe employé seul pourra toutefois s’utiliser, en common law, en matière de biens. On pourra dire, par exemple : occuper, posséder adversativement un bienfonds. 142 3) Adversativement signifie d’une manière opposée : Adversativement au droit. ö ADVERSATIF. ADVERSE. 1) Cet adjectif figure dans diverses expressions que l’on trouve dans les textes juridiques : partie adverse (la partie contre qui on plaide), avocat adverse (l’avocat plaidant pour la partie adverse), camp adverse (pour désigner l’adversaire) opinion adverse (l’opinion contraire), prétention adverse (celle de l’adversaire) : « Très souvent le plaideur, qui reconnaît le bien-fondé de la prétention adverse, allègue en même temps des faits connexes à la cause de nature à l’excuser ou à le justifier ». Il signifie qui est opposé à qqn ou à qqch. Adverse est toutefois d’un emploi beaucoup plus restreint que son homonyme anglais “adverse”, qui se rend de différentes façons en français : avoir des conséquences défavorables, dommageables, négatives, préjudiciables, avoir des effets nuisibles; tirer une conclusion défavorable de qqch. 2) Dans le vocabulaire normalisé du droit de la preuve au Canada, on relève les expressions déclaration compromettante (et non [déclaration adverse]), témoin opposé (et non [témoin adverse]), soit le témoin dont les intérêts sont opposés à la partie qui le fait témoigner et qu’il faut distinguer du témoin hostile et du témoin défavorable. 3) Dans des contextes non techniques, hostile sera préféré à adverse : ambiance hostile, critique hostile, réaction hostile, mais adverse se dira pour qualifier des circonstances, des conditions, des forces ou des thèses. ö ADVERSAIRE. ö ADVERSATIF. ö CONTRADICTEUR. ö HOSTILE. ö OPPOSANT. ö TÉMOIN. ADVERSUS. CONTRE. VERSUS. 143 Adversus sert parfois à désigner en France les adversaires au procès. Le terme est inusité au Canada. Versus (plus rarement “against”) est utilisé en anglais sous sa forme abrégée la plus familière aux juristes (“v.”), la forme “vs.” étant plus courante pour les profanes. En français, la règle n’est pas unanimement suivie, mais la tendance est de conserver le v. quand la cause citée n’a pas été traduite et de mettre c. (pour contre) pour indiquer que la décision a été traduite ou qu’elle a été rendue en français. Il serait plus simple et plus pratique de mettre c. dans tous les cas, mais en caractère romain, toujours suivi du point et toujours en minuscule, et d’italiciser les noms des parties : Smith c. Smith. Cette recommandation est d’ailleurs conforme à la règle énoncée dans le Manuel canadien de la référence juridique (1988). ö CITATION. ö INTITULÉ. ö RENVOI. AÉRI-. AÉRO-. Préfixes qui correspondent respectivement à air et à aérien. Les composés appartenant au vocabulaire du droit aérien et du droit spatial dans lesquels entre le préfixe aéro- s’écrivent sans trait d’union et se prononcent a-é-ro, et non [a-ré-o]. Aérodynamique, aéroglisseur, aéronautique, aéronaval, aérogare, aéroport, aéroportuaire, aéronef, aérodrome. AÉRIEN, IENNE. SPATIAL, ALE. 1) Le droit aérien se distingue du droit spatial en ce que le premier est l’ensemble des règles juridiques relatives à l’aéronef (voir ce mot) et à la navigation aérienne de l’aéronef, tandis que le droit spatial ou droit de l’espace régit le domaine extérieur au globe terrestre. « De même que le droit aérien est celui de l’aéronef, de même le droit spatial doit être celui des véhicules et des corps de l’espace, quel que soit le lieu où ils se trouvent au moment où la question du droit applicable se pose. » 144 2) L’adjectif aérien dans le vocabulaire du droit aérien se rapporte à l’aéronautique et signifie qui a lieu dans l’air, dans le ciel (navigation aérienne), ou qui concerne des aéronefs (ligne aérienne). 3) Ne pas confondre deux actions militaires différentes : la défense aérienne (au moyen des avions) et la défense antiaérienne (contre les avions). Syntagmes Affrètement, fret aérien. Corridor, espace, trafic aérien. Domaine, transport, transporteur aérien (titulaire de licence ou de certificat). Équipage aérien. Expert juridique aérien. Service aérien commercial, travaux aériens. Tourisme aérien. Assurances, photographies aériennes. Épave aérienne (voir ÉPAVE). Circulation, route, voie aérienne. Sécurité, surveillance aérienne. Compagnie, poste aérienne. Forces aériennes. Piraterie aérienne. ö ÉPAVE. AÉRODROME. AÉROGARE. AÉROPORT. Ces trois termes ne sont pas synonymes. L’aéroport désigne les services et les installations destinés aux lignes aériennes de transport. L’aérodrome (on dit un aérodrome) désigne uniquement les terrains aménagés pour le décollage et l’atterrissage des avions privés, commerciaux ou militaires. L’aéroport englobe, outre l’aérodrome proprement dit, les installations techniques et commerciales nécessaires au bon fonctionnement du trafic aérien : ateliers, hangars, aérogares... : « Parmi ces aéroports, plusieurs sont installés sur des aérodromes militaires. » 145 La Loi sur l’aéronautique du Canada assimile l’aérodrome à un aéroport : « aéroport » Aérodrome agréé comme aéroport au titre d’un document d’aviation canadien en état de validité. » La définition légale de l’aérodrome se trouve à l’article 3 de cette loi : « Tout terrain, plan d’eau (gelé ou non) ou autre surface d’appui servant ou conçu, aménagé, équipé ou réservé pour servir, en tout ou en partie, aux mouvements et à la mise en oeuvre des aéronefs, y compris les installations qui y sont situées ou leur sont rattachées. ». L’aérogare (on dit une aérogare) désigne l’ensemble des bâtiments d’un aéroport destinés aux passagers et comportant tous les locaux nécessaires au trafic (les salles d’attente, les bureaux de la gendarmerie, de la douane et les boutiques). AÉRONEF. AVION. 1) Le masculin s’est imposé pour aéronef; le féminin est vieilli. Dans l’usage courant, aéronef est vieilli comme terme technique et a été supplanté par avion. Toutefois, aéronef (“aircraft”) est un terme juridique bien vivant. Dans les textes réglementaires, le terme désigne l’ensemble des engins soumis au droit aérien (et ne ressortissant pas au droit spatial). Par aéronef, les juristes entendent tout appareil se déplaçant dans les airs, qu’il soit plus lourd que l’air, comme l’avion ou l’hélicoptère, ou plus léger, comme le ballon ou le dirigeable. Le terme avion ne désigne qu’un appareil plus lourd que l’air. La Loi sur l’immersion de déchets en mer du Canada définit l’aéronef comme « tout appareil utilisé ou conçu pour la navigation aérienne, à l’exclusion des appareils conçus pour se maintenir dans l’atmosphère grâce à la réaction, sur la surface de la terre, de l’air qu’ils expulsent ». 2) La banalisation des aéronefs est le fait pour la compagnie aérienne de faire appel à des appareils appartenant à d’autres compagnies pour rationaliser l’exploitation de sa propre ligne. 3) Le Code criminel canadien prévoit diverses infractions relatives aux aéronefs. Plusieurs de ces infractions sont passibles de l’emprisonnement à perpétuité, telles leur 146 détournement, les actes portant atteinte à leur sécurité ou les mettant hors d’état de voler, la séquestration de passagers, les voies de fait à bord, les dommages causés à l’appareil, les atterrissages forcés et la conduite dangereuse. Syntagmes Aéronef canadien (c.-à-d. immatriculé au Canada en application d’une loi fédérale). Aéronef civil, commercial, militaire, privé. Aéronef de guerre, de commerce, de plaisance. Aéronef en vol. Avarie de l’aéronef. Accidents, incidents d’aéronefs. Administration et contrôle des aéronefs. Affrètement d’un aéronef. Appareillages d’aéronefs. Exploitant, propriétaire d’aéronefs. Fabricant d’aéronefs. Immatriculation, identification, inspection, certification, nationalité, propriété de l’aéronef. Navigation de l’aéronef. Navigabilité de l’aéronef. Protection des aéronefs. Faire atterrir un aéronef à un aérodrome. Faire transporter par aéronef. AFFAIRISTE. Dérivé du mot affaire, affairiste est substantif et adjectif. 1) Comme substantif, il ne se prend pas toujours en mauvaise part. Dans la langue générale, l’affairiste est sans scrupules dans sa recherche immodérée du profit. Dans le langage du droit, le néologisme affairiste désigne la personne qui est, de par sa profession, spécialiste du droit des affaires ou qui s’est donné pour vocation l’étude de ce droit ou la publication d’ouvrages en droit des affaires. Un, une affairiste. Champaud est un affairiste éminent. 147 Dans l’optique exclusive de la terminologie propre aux juristes de tradition romaniste et, donc, en français européen (et non en français de common law, qui ne connaît pas la distinction entre droit privé et droit public, entre droit civil et droit commercial), le droit des affaires est devenu une branche maîtresse du droit privé interne. L’affairiste est tout à la fois privatiste, commercialiste, économiste, sociétariste et contractualiste. L’affairiste consacre son activité à l’étude, notamment, de l’entreprise, individuelle ou en société, des rapports de l’entrepreneur avec les propriétaires du capital, des structures de l’entreprise, de l’activité de production, des groupes de sociétés et des réseaux de production. Il analyse les structures et les opérations commerciales, les sociétés commerciales et les sociétés de personnes, les sociétés de capitaux et les types de sociétés, ainsi que la structure juridique des affaires, les instruments des affaires, le contentieux des affaires et l’internationalisation des affaires. 2) Affairiste est aussi adjectif. Il qualifie ce qui relève du droit des affaires, ce qui se rapporte à ce droit. Conceptions, notions, thèses affairistes. Avocat, cabinet, juriste affairiste. ö COMMERCIALISTE. ö CONTRACTUALISTE. ö ÉCONOMISTE. ö PRIVATISTE. ö SOCIÉTARISTE. AFFECTATION. DÉPLACEMENT. PERMUTATION. TRANSFERT. DÉTACHEMENT. MUTATION. 1) Dans le droit du travail, en matière de contrat de travail et de gestion des ressources humaines, il y a affectation lorsqu’un salarié est nommé, désigné, assigné ou destiné à un poste, à un emploi, à un service ou à une fonction. L’antonyme est nonaffectation. L’affectation peut viser un fonctionnaire, un travailleur, un personnel, une maind’oeuvre, des effectifs ou un militaire. Cette personne ou ce groupe sont affectés à un travail, à des tâches, à ou sur un poste, à un service, à des activités, sur un lieu, dans des conditions de travail. 148 L’affectation peut être arbitraire, concrète, équilibrée ou déséquilibrée (s’agissant d’un groupe ou d’un effectif entier), intérimaire ou provisoire, permanente, nouvelle, progressive, spéciale ou volontaire. L’affectation dirige le salarié vers un lieu, un établissement, un poste ou une zone et couvre une période. Elle est assujettie, selon les prévisions ou les stipulations du contrat de travail, à une procédure, à un régime, à un système d’affectation. Il peut y avoir changement d’affectation ou exclusivité d’affectation. On parle de flexibilité d’une affectation pour signifier que ses conditions sont subordonnées à une certaine forme de négociation entre le salarié et son employeur, parfois par l’entremise du syndicat représentant le salarié concerné. À la suite de cette négociation, il peut y avoir changement ou cessation de l’affectation. Demande, possibilité d’affectation. Accepter, refuser une affectation. Recevoir une affectation. Procéder à une affectation. Faciliter l’affectation (vers un emploi). Être en attente d’affectation. Limiter, interdire, proscrire une affectation. 2) On dit de la personne qui est affectée à un autre poste que le sien qu’elle est mutée. La mutation est une adaptation ou une modification du poste de travail, c’est-àdire de la fonction qu’elle occupe. Elle signifie que le salarié accomplira dorénavant les fonctions de son poste dans un nouveau lieu de travail ou dans un autre établissement de l’entreprise, mais toujours selon sa qualification professionnelle. Cette forme de modification de l’emploi exercé relève du pouvoir de gestion de l’employeur. Pour qu’il y ait mutation effective, il faut que le salarié consente à la mutation ou que la mutation soit ordonnée ou décrétée à sa demande. Demander, solliciter, souhaiter une mutation. Accorder, obtenir une mutation. Mettre en oeuvre une mutation. Motiver la mutation. Motivation d’office, générale, sur demande, pour motif légitime. Mutation contractuelle. La décision de mutation peut être contestée en cas de mutation abusive ou arbitraire. Elle peut être d’ordre disciplinaire. Comportement fautif justifiant la mutation. Opposition à la mutation. Refus de la mutation. Le refus de mutation risque d’entraîner le licenciement. « Le salarié ne peut s’opposer à la mutation, sauf à commettre une faute justifiant une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. » 149 3) Il y a déplacement dans le cas où l’affectation a lieu sans le consentement du salarié ou sans que celui-ci ait décidé d’être déplacé. Faire déplacer un employé. Il ne faut pas confondre la notion de déplacement avec celles du détachement et de l’expatriation. Lorsque l’employeur décide d’affecter un salarié à une autre entreprise pour qu’il y exerce des fonctions identiques ou relativement similaires, souvent dans des lieux éloignés ou à l’étranger, il s’agit d’un détachement. Le salarié est alors détaché ou expatrié, la différence entre ces deux statuts résidant dans la durée de l’éloignement et dans la protection sociale que recevra le salarié. « Le salarié n’a exercé son activité professionnelle qu’à l’étranger et sa nouvelle affectation au pays lui a fait perdre des primes, des indemnités et des avantages liés à son expatriation. » Déplacement et réinstallation. Expatriation internationale. Cadres expatriés. Aspects psychosociaux, économiques, gestionnels, fiscaux, juridiques de l’expatriation. « Du point de vue juridique, les cadre expatriés sont considérés comme des salariés dès lors que les éléments constitutifs de leur contrat de travail, notamment l’existence d’un lien de subordination, sont établis. » « Un salarié expatrié à l’étranger peut saisir un tribunal québécois, même s’il réside de manière habituelle à l’étranger, dans la mesure où il a toujours son domicile au Québec. » Pratique d’expatriation, recours à l’expatriation. Programmes, politiques d’expatriation. « Les politiques d’expatriation impliquent deux obligations : une obligation de mobilité géographique et une obligation de résidence. » Entente d’expatriation. Expatriation assortie d’une obligation de rapatriement. Cadre juridique de l’expatriation et du déplacement. Contrat de déplacement, d’expatriation. 4) On dit du salarié dont le poste fait l’objet d’un échange avec celui d’un collègue de travail qu’il est permuté. La permutation s’effectue toujours au sein d’une même organisation ou d’un même service ou pour la même entreprise. Comme dans le cas de la mutation, le déplacement peut toucher un ou plusieurs salariés; la permutation vise toujours deux titulaires de poste. 5) Il faut éviter l’anglicisme qui consiste à parler d’un [transfert de poste] quand il y a mutation ou déplacement. En français, le mot transfert en cette matière ne se dit pas pour une personne physique. Toutefois, on dit correctement transfert de service lorsque l’entreprise décide d’établir ailleurs l’un de ses services et transfert de l’entreprise lorsque la direction décide de transplanter ailleurs toute l’entreprise. ö LICENCIEMENT. 150 AFFECTER. 1) Nombreux sont ceux qui tiennent pour un calque de l’anglais le verbe affecter au sens général de concerner, viser, avoir un effet sur. Il serait contre-indiqué d’employer affecter pour rendre l’idée d’une action qui produit un effet sur qqn ou qqch. Le Grand Robert ne reconnaît pas cet emploi, et les linguistes non plus. « On commet un anglicisme chaque fois qu’on emploie le verbe affecter à propos d’autres choses que l’organisme et la sensibilité dans l’un ou l’autre des sens suivants : concerner, influer sur, porter atteinte à, nuire à, qui sont autant d’acceptions générales du verbe anglais “to affect”... Se garder d’employer le verbe affecter au lieu de concerner, influer sur, intéresser, nuire à, etc. » (Dagenais) Affecter serait un anglicisme sémantique (Colpron) et les équivalents proposés seraient des verbes comme nuire à, peser sur, atteindre, toucher, influer sur. Il ne serait pas permis de dire : « La direction de l’entreprise a pris une décision qui [affecte] la plupart des employés. » « Cette taxe [affecte] soixante p. cent de la population. » « La grève [a affecté] le commerce. » Plusieurs ouvrages de langue épousent ce point de vue. Les dictionnaires canadiens signalent tous le terme affecter au sens d’influencer et le classent parmi les anglicismes. Le Bélisle (« Ses explications n’ont pas [affecté] le vote du Conseil, »), le Beauchemin, le Dionne (« Rien ne saurait [affecter] mon vote à la Chambre. »), le Clapin « [Affecter] le vote, la délibération. »), le Glossaire du parler français au Canada, comme les ouvrages de l’abbé Blanchard et de Rinfret, l’enregistrent également comme anglicisme. Dunn fait cette distinction : « On dit à la Bourse : « Cette guerre [affecte] l’emprunt turc. » Influencer est moins fort, mais plus académique ». En France, les condamnations sont plus mitigées. Le Dictionnaire de l’Académie française, le Littré, le Quillet, le Quillet-Flammarion, le Dictionnaire du français contemporain n’accueillent pas le verbe affecter en ce sens. Le Bénac fait remarquer qu’affecter ne se dit que d’impressions fâcheuses comme la douleur, les blessures d’amour-propre. Cependant, d’autres ouvrages enregistrent d’une manière ou d’une autre la forme suspecte. Le Trésor de la langue française signale le verbe affecter au sens de produire un effet sur quelqu’un ou quelque chose de manière à y déterminer une action ou une modification, et donne comme synonymes atteindre, impressionner, toucher. La deuxième acception d’affecter dans le Hatzfeld et Darmesteter est la 151 suivante : « atteindre par quelque changement, comme dans la phrase » : « Cela n’empêche pas que la dette ne subsiste et n’affecte tout. ». Le Grand Larousse de la langue française donne, présumément comme exemple de bon usage, une citation de Victor Hugo : « Toutes ces différences n’affectent que la surface des édifices », et cette autre de Jean-Paul Sartre : « Il conçoit l’histoire comme une série d’accidents qui affectent l’homme éternel en surface. » Nous avons dit que le Grand Robert n’atteste pas ce sens. Pourtant, lorsque ce dictionnaire définit le terme modification, c’est à l’aide du verbe affecter au sens qui nous intéresse ici qu’il le fait : « Changement qui n’affecte pas l’essence de ce qui change ». Dans son Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, Joseph Hanse, après avoir relevé les quatre principales acceptions du verbe affecter, note qu’on peut dire au figuré : « Cette discussion a affecté notre amitié. ». Il est normal, dit-il, de donner aussi à ce verbe un autre sens figuré (altérer) où l’on retrouve l’équivalent du sens propre. L’Encyclopédie du bon français dans l’usage contemporain de Dupré souscrit à cet avis. Enfin, dans Les maux des mots, le Comité consultatif de normalisation et de la qualité du français à l’Université Laval se demande si affecter peut prendre le sens de modifier un état de choses, la situation de quelqu’un, comme dans : « Vous ne serez pas affecté par cette réforme. ». Selon le Comité, cette phrase ne serait qu’une autre façon d’exprimer la même idée. 2) L’étude des textes juridiques canadiens révèle une forte tendance à suivre les recommandations des linguistes et à éviter le plus souvent d’employer le terme affecter au sens figuré. En Ontario, les Règles de procédure civile évitent systématiquement affecter et emploient plutôt les autres solutions proposées : concerner [5.04(1)], toucher [10.01(1)], léser [13.01(1)b)], avoir une incidence sur [14.05(3)a)], etc. Les Règles de procédure du Nouveau-Brunswick ne rejettent pas entièrement cet usage : affecter [5.04(1), 16.04a)], concerner [11.01, 30.12, etc.], porter atteinte à [43.04e), 47.02(3)], porter sur [19.01c)], toucher [19.01j)], intéresser [19.02(1)], avoir une incidence sur [38.12(1), 40.02(2)]. Les Règles de la Cour suprême du Canada évitent affecter à l’article 13 et au paragraphe 29(1). Les divers États membres de la Confédération canadienne ont chacun leur Loi d’interprétation. L’ensemble de ces lois se prête bien à une étude comparative. La loi du Nouveau-Brunswick commence par recourir à d’autres solutions : porter atteinte à, avoir un effet sur [8(1)b), c), d) et e), 8(3) et 8(4)], changer [22f)], mais finit par employer affecter dans la définition de l’expression acte de transfert à l’article 38. 152 Bien que la loi de l’Ontario comme la loi fédérale évitent systématiquement affecter, la loi québécoise, elle, l’emploie sans hésitation aux articles 12 et 48. Dans le corpus général des textes législatifs canadiens, le verbe affecter est employé avec certains compléments en particulier (bien-fonds, effet, emplacement, fonds, obligations, ordre, validité) et, grammaticalement, il est transitif direct au sens de viser (affecter les intérêts du demandeur) et transitif indirect au sens de grever (domaine affecté d’une hypothèque). Il cède le plus souvent sa place à des équivalents variés, dont une liste partielle suit : Altérer Atteindre Avoir des effets préjudiciables, des répercussions, un effet, une incidence sur, avoir pour effet de modifier Causer du préjudice à Changer (ou ne changer en rien) Compromettre Concerner Demeurer sans effet Déroger à Entacher Être intéressé, lésé, touché Exercer un préjugé sur Faire obstacle à Influer, influencer Intéresser Léser (qqn ou qqch.) Limiter Modifier Nuire Porter atteinte, porter préjudice à Subir un préjudice Toucher à Vicier Viser Le verbe affecter ou ses équivalents donnent souvent lieu à des séries synonymiques issues du droit anglais : 153 Abroger ou modifier (“to repeal, alter, vary, modify or affect”) Céder, aliéner, grever ou avoir une incidence sur (“to transfer, dispose of, charge, encumber or affect”) Être assujetti ou visé (“to subject to or to be affected by”) Être concerné ou touché (“to be interested in or affected by”) Porter atteinte ou préjudice (“to affect or prejudice”) Mettre échec ou porter atteinte (“to defeat or affect”) En France, l’emploi du verbe affecter au sens qui nous intéresse ici et qui fait l’objet d’une grande suspicion au Canada est beaucoup plus généralisé; il est même systématiquement utilisé avec certains compléments (condition, droit, modalité, obligation, sursis, terme, transfert). Le Nouveau Code de procédure civile contient au moins trois occurrences : « ... dont les intérêts risquent d’être affectés par sa décision. » (art. 27); « Les incidents d’instance sont tranchés par la juridiction devant laquelle se déroule l’instance qu’ils affectent. » (art. 50); « Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : » (art. 117). Dans les textes de doctrine consultés, les constructions grammaticales du verbe affecter peuvent être résumées ainsi : 1. affecter de qqch. « La propriété est affectée d’une condition résolutoire. » « Le bail serait affecté d’une condition. » 2. affecter qqch. « La condition est une modalité qui peut affecter aussi bien les droits réels que les obligations. » « Modalités affectant le droit de propriété. » 3. affecter qqch. de qqch. « On peut affecter d’un terme le transfert de propriété. » « Cet événement affecte d’une condition résolutoire le droit de propriété du vendeur. » « Le caractère de deniers publics de toutes les ressources de la SNEP affecte de nullité radicale la saisie-arrêt pratiquée sur tout ou partie de ces deniers. » « Affecter du sursis une mesure de sûreté. » 154 « La suspension du permis de conduire a été affectée du sursis. » Notons enfin que dans les actes européens, le verbe affecter employé dans l’acception qui nous occupe ici se trouve partout, notamment dans le traité constitutif de la Communauté économique européenne [46,1; 75,3; 80,2; 85,1]. L’unanimité est loin d’être faite sur le sens exact du terme affecter. La délimitation de l’aire sémantique est complexe dans la mesure où les dictionnaires de langue ne font pas tous le même constat. Un certain usage canadien semble accepter l’emploi de ce verbe, dans les textes juridiques, au sens de produire un effet sur quelqu’un ou quelque chose. Condamné par des linguistes, banni de plusieurs dictionnaires, il est attesté par d’autres et largement employé en France tant dans les domaines de spécialité (mathématiques, linguistique, économie et droit) que dans l’usage courant. Il n’y a pas lieu de maintenir l’interdit qui a longtemps frappé l’utilisation du verbe affecter dans le sens figuré. Toutefois, on emploiera ce verbe avec circonspection dans des textes non juridiques, où, comme le recommande Delisle, le rédacteur pourra faire preuve de créativité d’expression et puiser dans les ressources du français pour trouver l’équivalent susceptible de rendre avec finesse et élégance le sens à exprimer. 3) Le tableau ci-après illustre les nombreuses acceptions du verbe affecter, d’abord dans l’usage courant ou dans le vocabulaire scientifique (à partir des deux étymologies latines de ce verbe, soit “affectare” et “afficere”), ensuite dans le langage du droit, et la construction syntaxique appropriée. AFFECTER Dans l’usage courant Affecter (étymologie : “affectare” = rechercher avec ardeur) 155 1. Affecter qqn ou qqch. a) Adopter une attitude qui manque de naturel. « Quand il plaide, il affecte des airs de grandeur. » b) Employer avec prédilection, privilégier. « Le langage du droit affecte les expressions archaïques. » c) Revêtir une forme. Au figuré, sens concret et sens moral. « Toutes ces différences n’affectent que la surface des édifices. » « Il conçoit l’histoire comme une série d’accidents qui affectent l’homme éternel en surface. » « Une modification est un changement qui n’affecte pas l’essence de ce qui change. » 2. Affecter de + infinitif S’efforcer de paraître, sens 1a). « Il affecte de paraître savant. » 3. Affecter qqn ou qqch. à qqch. a) Désigner à un poste. « Il a été affecté au ministère de la Justice. » b) Destiner à un usage précis. « Le gouvernement a affecté des crédits à un budget spécial. » Affecter (étymologie : “afficere” = toucher, émouvoir) 1. Affecter qqn ou qqch. a) Agir sur qqn ou qqch. « Ce nouveau médicament affecte les sujets atteints » ou « affecte les nerfs. » b) Subir une impression. « Cette discussion a affecté notre amitié. » « Il a été vivement affecté par la triste nouvelle. » 156 2. Affecter de qqch. (Algèbre.) Modifier une quantité. « Il faut affecter cette série d’un exposant. » 4) Le verbe affecter au sens général de concerner, avoir un effet sur, influencer, est un calque de l’anglais. Il est contre-indiqué, dans l’usage courant, d’employer affecter pour rendre l’idée d’une action qui produit un effet sur quelqu’un ou sur quelque chose. « La direction de l’entreprise a pris une décision qui [affecte] (= touche, concerne) la plupart des employés. » « La grève [a affecté] (= a nui au) commerce. » « Les explications [n’ont pas affecté] (= n’ont pas influencé) le vote du Conseil. » « Rien ne saurait [affecter] (= influencer) mon vote à la Chambre. » 5) Lorsqu’il est employé au sens de concerner, avoir un effet sur, influencer, le verbe affecter cède le plus souvent la place à des équivalents variés. On fera preuve de créativité d’expression et on puisera dans les ressources du français pour trouver l’équivalent susceptible de rendre avec finesse et élégance le sens à exprimer. avoir une incidence sur : « ... l’avis du tribunal sur une question ayant une incidence sur les droits d’une personne. » concerner : « Le tribunal peut trancher les questions en litige qui concernent les droits des parties à l’instance. » intéresser : « Cette signification semble essentielle à la juste solution de l’affaire qui les intéresse. » léser : « Une personne qui n’est pas partie à l’instance et qui prétend qu’elle risque d’être lésée par le jugement... » porter atteinte à : « Sans que la procédure ne porte atteinte aux droits des réclamants entre eux. » porter sur : « Lorsque la demande a pour objet l’interprétation d’un acte de transfert portant sur des biens réels ou personnels... » toucher : « Les personnes touchées par l’ordonnance... » 157 viser : « L’injonction visant des biens situés au Nouveau-Brunswick... » Autres équivalents : atteindre, avoir des effets préjudiciables, des répercussions, un effet, une incidence, changer (ou : ne changer en rien), faire obstacle, influer, influencer. AFFECTER Dans le langage du droit Affecter (étymologie : “afficere” = toucher, émouvoir) 1. Affecter qqch. Viser qqch. « La condition est une modalité qui peut affecter aussi bien les droits réels que les obligations. » « Modalités affectant le droit de propriété. » « Des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte. » « Les incidents d’instance sont tranchés par la juridiction devant laquelle se déroule l’instance qu’ils affectent. » 2. Affecter qqch. de qqch. a) Grever de charges financières. « Domaine affecté d’hypothèques. » « Affecter un bien de charges. » b) Assortir de qqch. « La propriété est affectée d’une condition résolutoire. » « Le bail serait affecté d’une condition. » « La suspension du permis de conduire a été affectée du sursis. » c) Frapper de qqch. « Le caractère de deniers publics de toutes les ressources affecte de nullité radicale la saisie-arrêt pratiquée. » « Être affecté d’un vice de forme. » 158 AFFÉRENT, ENTE. AFFÉRER. Le mot afférent s’écrit presque toujours -rent, rarement -rant, il s’écrit toujours afféet non [affè-] et se prononce a-fé-rent. L’adjectif afférent se construit généralement avec la préposition à; il peut s’employer en construction absolue, c’est-à-dire sans le complément attendu. « Les biens acquis par le Conseil appartiennent à Sa Majesté, les titres de propriété afférents peuvent être au nom de celle-ci ou au sien. » Il a deux sens : qui revient à chacun dans un partage (« La part afférente à chacun des héritiers a été déterminée lors du partage de la succession. ») et qui touche à, se rattache à, se rapporte à, revient à. Les dépens afférents à l’instance (et non [les dépens dans la présente instance]). Des renseignements afférents à une affaire. La rémunération afférente à un emploi. Les sommes afférentes. Le Grand Robert signale la construction absolue y afférent comme archaïsme, mais cette construction est bien vivante dans les textes à caractère juridique ou administratif : « Vous trouverez ci-joint le contrat et les documents y afférents. » Clauses y afférentes. À l’exception du Guérin, du Lexis, du Bescherelle et du Trésor, les dictionnaires français n’attestent pas le verbe afférer; au Canada, le Bélisle et le Beauchemin enregistrent afférer au sens d’incomber à (« Il affère au secrétaire de rédiger ce rapport »). Cet emploi est vieilli; on utilisera plutôt la construction impersonnelle : « Il appartient ou il incombe au secrétaire de rédiger ce rapport » « Il entre dans les attributions du secrétaire de rédiger ce rapport », ou la construction personnelle : « Le secrétaire a pour fonction de rédiger ce rapport ». Le deuxième sens signalé est celui de revenir (« Quelle part d’héritage lui affère-t-il? » « La part qui affère à chaque héritier. ») Ainsi, contrairement à ce qu’affirment plusieurs linguistes et lexicographes, le participe présent afférant existe, et il serait correct d’écrire la part afférant (c’est-à-dire qui affère) à chaque héritier, mais incorrect d’écrire [la part afférante] parce que l’adjectif afférant n’existe pas. Toutefois, comme la plupart des auteurs s’accordent à considérer afférer comme n’existant plus en français contemporain, il faut éviter le participe présent afférant et 159 n’employer que l’adjectif afférent. AFFICHAGE. AFFICHE. 1) Affichage désigne l’action d’afficher ou le résultat de cette action, tandis qu’affiche vise l’écrit servant à annoncer qqch. au public. Dans les textes juridiques, on relève toutefois le terme affiche employé au sens d’affichage : « La loi a, dans certains cas, reconnu aux tribunaux répressifs la faculté d’ordonner l’affiche de leurs jugements. » « Les frais d’affiche sont remboursés par la partie condamnée. » Ce sens actif d’affiche est archaïque. On lui préférera affichage et on conservera affiche pour désigner l’écrit. 2) L’expression loi d’affichage est récente et désigne une loi adoptée par le législateur pour se donner l’impression d’agir. « Il y a, au Conseil d’État, un concept en vogue qui devrait être connu de tous les Français : c’est celui de « loi d’affichage ». Une loi d’affichage, pour les conseillers, c’est un texte que le gouvernement fait adopter pour amuser la galerie, mais dont on sait qu’elle demeurera sans effet par rapport à ses buts proclamés. Ce qui ne la dispense pas, hélas, de produire des effets pervers, parfois très graves. C’est une autre façon de parler de « non-loi ». Innombrables sont les « lois d’affichage ». À chaque fois qu’un ministre affirme, parce que surgit un problème inopiné : « Je vais proposer une nouvelle loi », on peut être à peu près certain que son texte va entrer dans cette catégorie. » Syntagmes Affiches électorales, judiciaires, légales. Apposer, coller, placarder une affiche. Apposition, collage, placardage d’affiches. Annoncer, notifier qqch. par voie d’affichage, par voie d’affiches. AFFIDAVIT. Prend s au pluriel. Le t se prononce. 160 Terme d’origine latine, venu au français par l’anglais. Il désigne en droit canadien une déclaration écrite faite sous serment ou avec affirmation solennelle, souscrite par le déclarant, reçue et attestée par toute personne autorisée par la loi à recevoir les serments et destinée à être utilisée en justice ou ailleurs. Il s’agit là d’un emprunt utile et nécessaire; la solution déclaration sous serment, recommandée par certains auteurs, soulève certains problèmes puisque l’affidavit peut être fait avec affirmation solennelle. « Commet un parjure quiconque fait, avec l’intention de tromper, une fausse déclaration après avoir prêté serment ou fait une affirmation solennelle, dans un affidavit, une déclaration solennelle, ... en sachant que sa déclaration est fausse. » La personne habilitée à recevoir un affidavit est appelée commissaire aux serments au Nouveau-Brunswick et commissaire aux affidavits en Ontario. Il convient également d’éviter l’anglicisme [affiant], terme qui n’existe pas en français. On parlera de l’auteur de l’affidavit, du souscripteur de l’affidavit ou, lorsque le contexte est suffisamment clair, du déposant. Syntagmes Affidavit de corroboration. Affidavit de documents. Affidavit de justification de solvabilité. Affidavit de réclamation. Affidavit de signification. Affidavit du témoin à la signature. Affidavit de mise à la poste. Affidavit à l’appui. Certifier par affidavit, au moyen d’un affidavit. Déposition, preuve, témoignage par affidavit. Affidavit attestant, appuyant, confirmant, constatant, établissant, prouvant qqch. Établir, faire, souscrire un affidavit. Énoncer qqch. dans un affidavit. Être habilité, être autorisé à recevoir des affidavits. AFFIN. AFFINITÉ. Affin fait au féminin affine. Il s’emploie le plus souvent au pluriel : les affins. « Tous les parents du mari sont les affins de sa femme, et tous les parents de la femme sont les affins du mari. » Ce terme a donné affinité : « L’alliance, qu’on nomme aussi quelquefois l’affinité, est le lien juridique qui unit l’un des époux et les parents de l’autre. » 161 Affin et affinité sont vieillis. Ils sont remplacés aujourd’hui par allié et alliance. Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law a proposé alliance comme équivalent du terme “affinity”, et allié et parent par alliance pour rendre “relative by affinity”. On relève toutefois le mot affinité à l’article 19 de la Loi sur le mariage de l’Ontario : « La formule 1, relative aux degrés prohibés d’affinité et de consanguinité, est reproduite au verso de la licence et de la preuve de la publication des bans. » Syntagmes Affinité légitime, affinité naturelle. L’époux, le mariage qui produisait, qui avait créé l’affinité. Degré d’affinité, lien d’affinité. ö ALLIANCE. AFFIRMANT, AFFIRMANTE. AFFIRMATION. AFFIRMER. 1) Affirmant (le féminin est affirmante) a été retenu en droit de la preuve par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law pour désigner la personne qui fait une affirmation solennelle. On peut aussi parler de l’auteur de l’affirmation solennelle. 2) Dans son sens courant, affirmation désigne l’action d’affirmer qqch. ou, le plus souvent, le résultat de cette action : « Le juge n’a pas été convaincu par les affirmations du témoin. » « Il s’agit là d’une affirmation discutable. » 3) En droit de la preuve, l’affirmation solennelle est le substitut légal du serment, elle permet à ceux qui ne croient pas en Dieu ou qui ont des scrupules religieux à l’égard du serment de rendre témoignage : « Avant d’être autorisé à témoigner, il faut prêter serment ou faire une affirmation solennelle. » « Les commissions de réforme du droit du Canada et de l’Ontario ont recommandé l’abolition du serment. Selon leurs propositions, tous les témoins, quelles que soient leurs croyances religieuses, devraient faire une affirmation solennelle. ». Elle désigne à la fois la formalité tenant lieu de serment et la déclaration elle-même. L’affirmation solennelle se distingue aussi 162 de la déclaration solennelle faite pour attester l’exécution d’un écrit, d’un acte ou d’une pièce, la vérité d’un fait ou l’exactitude d’un compte rendu par écrit (voir DÉCLARATION). En France, l’affirmation désigne le fait d’attester sous serment ou parfois sans serment la vérité d’un fait ou la sincérité d’un document : affirmation de compte, affirmation de créance, affirmation de procès-verbal. « Le tiers saisi doit faire l’affirmation des sommes qui appartiennent à la partie saisie. » « Le procès-verbal revêtu de l’acte d’affirmation est porté par le garde au bureau d’enregistrement le plus proche. » 4) On se gardera de l’anglicisme [affirmation de jugement] (“affirmance of judgment”). On parlera de la confirmation d’un jugement. 5) Les sens du verbe affirmer correspondent aux sens 1) et 2) d’affirmation. Dans son sens 1), affirmer s’emploie beaucoup plus couramment que son équivalent anglais “to affirm”, qui appartient à la langue soutenue. Dans le langage juridique, “to affirm” a presque toujours le sens de “to make a solemn declaration”. Il convient de le rendre, dans le cas où il n’est pas suivi d’un complément d’objet direct, par faire une affirmation solennelle ou, dans le cas contraire, par affirmer solennellement : « Il a fait une affirmation solennelle. » « J’affirme solennellement que le témoignage que je vais rendre sera la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. » « Affirmé solennellement devant moi à Ottawa, le 15 janvier 1991. », afin de lever toute confusion possible avec le sens usuel d’affirmer qui est d’un emploi beaucoup plus courant : « Le témoin a affirmé avoir vu l’accusé frapper la victime. » « Si le fait est vrai, comme vous l’affirmez... ». Dans le cas où le contexte ne prête pas à ambiguïté, le verbe affirmer seul pourra s’employer : « Voulez-vous affirmer ou prêter serment? » On trouve dans certaines formules d’affirmation solennelle d’allégeance et d’affirmation professionnelle la construction [affirmer de] suivie de l’infinitif : « Je... [affirme d’être] fidèle et de porter sincère allégeance » « Je... [affirme d’exercer] en toute loyauté... ». Cette construction, calque de l’anglais, est fautive et s’explique par la contagion avec la construction correspondante correcte jurer de suivie de l’infinitif. 6) Affirmer se construit avec la conjonction que suivie de l’indicatif ou du conditionnel : « Il affirme qu’il a assisté à l’échange de coups. » « Il affirme qu’il 163 aurait voulu intervenir ». Il convient de ne pas oublier la solution souvent plus élégante de la construction avec la proposition infinitive lorsque le sujet des deux propositions est le même : « J’affirme avoir été témoin de ces faits. » 7) On évitera, sous l’influence de l’anglais, de dire qu’une cour d’appel a [affirmé] le jugement de première instance. On confirme un arrêt, une décision, un jugement, une ordonnance et une condamnation. Syntagmes 1) Au Canada Faire, recevoir une affirmation solennelle. Témoigner sous affirmation solennelle. Le témoignage rendu après affirmation solennelle. Affirmer solennellement que... 2) En France Affirmation de compte, de créance, de procès-verbal. Affirmation sous serment, sous la foi du serment, affirmation sans serment. Acte d’affirmation. Faire, recevoir une affirmation. Soumettre le procès-verbal à l’affirmation, à la formalité de l’affirmation. Affirmer sous serment que... Affirmer un compte, une créance, un procès-verbal. Affirmer une déclaration, affirmer un inventaire sincère et véritable. Affirmer qqch. sur l’honneur, affirmer sur l’honneur que... Affirmer devant un officier public la sincérité d’une créance. Affirmer la véracité d’une déclaration, des énonciations du procès-verbal. Affirmer entre les mains du juge-commissaire que... ö AFFIRMATIVE. ö CONFIRMER. ö DÉCLARATION. ö SERMENT. 164 AFFIRMATIF, IVE. 1) En français courant, affirmatif s’emploie dans les sens suivants : a) qui déclare nettement, de façon catégorique : « Le témoin est affirmatif. » « C’est ce qu’il a déclaré de façon affirmative. » b) qui exprime une acceptation : « Ma réponse est affirmative. » c) qui dit oui, qui consent : « Il a fait un geste affirmatif de la tête. » 2) En français juridique, ce terme s’emploie dans les sens suivants : a) qui assure la vérité d’un fait, qui prétend que des faits existent : allégation affirmative, défense affirmative, preuve affirmative, réponse affirmative; b) qui subordonne la validité d’un acte à l’obligation de faire qqch. : condition affirmative; c) qui engage à faire qqch. pour le présent ou pour l’avenir : voir le terme de common law covenant affirmatif; d) qui autorise qqn à faire qqch., qui donne le droit de faire qqch. : servitude affirmative (le terme que propose le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law est servitude positive); e) qui contient une affirmation : déclaration affirmative; f) qui est en faveur de qqch. : vote affirmatif, vote affirmatif unanime (dans les assemblées délibérantes, on trouve également vote positif et vote favorable). Toutefois, pour plusieurs termes de droit anglais formés avec l’adjectif “affirmative”, l’équivalent français ne sera pas le sosie affirmatif : action positive et action fautive positive, décision favorable, délit (civil) positif, devoir positif (ou obligation de faire) et faute par abstention, garantie expresse ou garantie explicite, jugement confirmatif (en homologation). 165 L’expression “affirmative action program”, figurant dans la note marginale du paragraphe 15(2) de la Charte canadienne des droits et libertés et visant des programmes destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, correspond en français à l’expression programme de promotion sociale, plutôt qu’à l’expression programme d’action positive. On trouve aussi dans la doctrine égalisation positive. ö POSITIF. AFFIRMATIVE. NÉGATIVE. Ces deux termes sont des féminins substantivés des adjectifs affirmatif et négatif. Ils s’emploient avec l’article défini dans des expressions où ils prennent le sens de proposition dans laquelle on affirme (ou on nie) et, par extension, de position adoptée par celui qui soutient l’affirmation (ou la négation). 1) Les vocables affirmative et négative sont précédés des prépositions par, dans, pour ou sur, ou s’emploient sans préposition. a) Par Répondre par l’affirmative ou par la négative. On dit aussi répondre affirmativement (ou négativement), répondre que oui (ou que non). C’est commettre un anglicisme que de dire [répondre dans l’affirmative] ou [dans la négative]. « À la question posée par le procureur de la Couronne, le témoin a répondu par l’affirmative. » Résoudre une question par l’affirmative. « La province a posé trois questions dans son renvoi. La Cour suprême a résolu les trois questions posées par l’affirmative » (= elle a répondu oui aux trois questions). b) Dans Persister dans l’affirmative (ou dans la négative) signifie demeurer ferme dans le soutien d’une proposition adoptée. « Malgré les objections et les arguments contraires, le témoin a persisté dans l’affirmative. » c) Pour 166 Pencher pour l’affirmative (ou pour la négative), se prononcer pour l’affirmative (ou pour la négative). « Doit-on accepter cette offre? L’avocat penche pour l’affirmative même si la négative se justifierait. » « Quand se posa la question de la culpabilité de l’accusé, les jurés se prononcèrent unanimement pour l’affirmative. » d) Sur Se tenir sur l’affirmative (ou sur la négative). « Le juge dissident se tient sur la négative malgré l’opinion contraire de la majorité. » e) Sans préposition Soutenir l’affirmative (ou la négative) signifie faire valoir une proposition dans laquelle on affirme (ou on nie). « Je soutiens l’affirmative pendant que mon adversaire prétend que la négative doit l’emporter. » 2) Les locutions dans l’affirmative et dans la négative, qui appartiennent au style juridique et administratif, sont-elles correctes ? Les avis sont partagés. Mais puisque ces locutions sont attestées par la plupart des dictionnaires, on les admettra, tout en reconnaissant que leurs nombreux équivalents peuvent souvent tout aussi bien faire l’affaire : si tel est le cas, le cas échéant, dans ce cas, dans le cas de l’affirmative (ou de la négative), dans le cas contraire, au cas d’affirmative (ou de négative). « Je ne suis pas en mesure de vous indiquer si mon client usera de son droit de continuer à participer à la procédure et, dans l’affirmative, s’il désignera un mandataire possédant les connaissances linguistiques voulues. » « Dans le cas où le tribunal sera d’accord avec le demandeur, le président doit décider si l’obligation présumée existe et, dans l’affirmative, s’il y a eu défaut d’exécuter l’obligation. » 3) Dans le langage parlementaire, on ne peut pas dire [voter dans l’affirmative] pas plus que [voter dans la négative]. Il faut dire donner un vote affirmatif ou négatif. De même, le président ne déclare pas la motion [adoptée dans l’affirmative] : il déclare la motion adoptée tout simplement. AFFLICTIF, IVE. INFAMANT, ANTE. 167 Le terme afflictif n’a pas, au Canada, le sens technique qu’il a en droit pénal français dans les expressions peine afflictive et caractère afflictif ou effet afflictif d’une peine. On évitera donc de les employer dans des textes juridiques qui se rapportent au droit canadien. Employé en droit pénal français, afflictif qualifie les peines qui punissent le criminel corporellement (ex. : la réclusion criminelle à perpétuité ou à temps, la détention criminelle à perpétuité ou à temps). Il s’oppose à infamant, qui vise les peines qui atteignent moralement le criminel (ex. : le bannissement et la dégradation civique). Certains auteurs français critiquent toutefois cette terminologie, estimant que toutes les peines sont afflictives et qu’elles sont également infamantes en soi. ö PEINE. AFFRÈTEMENT. AFFRÉTER. AFFRÉTEUR, AFFRÉTEUSE. FRÈTEMENT. SOUS-FRÈTEMENT. Il faut mettre l’accent grave (et non l’accent aigu ni l’accent circonflexe) à la deuxième syllabe du mot affrètement. L’accent aigu se met au verbe (affréter) et à l’actant de l’affrètement (affréteur) 1) Dans le droit général du commerce et du transport de marchandises, le contrat d’affrètement est conclu entre le propriétaire d’un moyen de transport (terrestre, aérien ou maritime), le fréteur, et un tiers, appelé l’affréteur, l’affréteuse, pour l’affrètement de ce moyen de transport (le camion, le train, l’avion, le navire) contre un prix, appelé fret. Par ce contrat, le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à mettre ce moyen de transport particulier à la disposition de l’affréteur, qui pourra l’utiliser pour transporter ses marchandises ou l’exploiter d’une manière ou d’une autre. En ce sens, on peut dire que l’affrètement porte sur le contenant (le moyen de transport) et que le contrat de transport, dont on le distinguera, porte sur le contenu (les marchandises). Le contrat d’affrètement peut porter plus particulièrement sur le transport aérien par vol nolisé ou charter, ce dernier terme longtemps critiqué et maintenant admis (on le prononce chartère, à la française) devant toutefois céder le pas devant nolisé ou affrété, selon le cas, qui ne tirent pas leur origine d’un mot anglais. On dit que l’avion est nolisé, qu’il est affrété à la demande. 168 La charte-partie d’affrètement est l’écrit qui constate la passation de ce contrat. Dans le cas d’un affrètement maritime, elle indique notamment les noms du fréteur, de l’affréteur, du capitaine et du navire, le tonnage du navire (c’est-à-dire son volume), la consistance du fret, le prix du transport. Affrètement par charte-partie. Des chartesparties. On trouve aussi les orthographes courantes chartepartie et charte partie. « Le contrat, lorsqu’il est écrit, est constaté par une chartepartie qui énonce, outre les noms des parties, les engagements de celles-ci et les éléments d’individualisation du navire. » Convention de charte partie. 2) Le droit maritime connaît diverses sortes de contrats d’affrètement. Contrat d’affrètement à port dénommé, à quai dénommé. Contrat d’affrètement net, principal, partiel, en bloc. Contrat pour voyages intermittents successifs. Les différentes formes d’affrètement correspondent à des préoccupations économiques différentes, qu’elles soient financières, commerçantes ou autres. On appelle frètement le fait, pour le fréteur, de louer son navire à l’affréteur et sousfrètement le fait, pour lui encore, de le louer à un sous-affréteur. « Le fréteur peut agir contre le sous-affréteur en paiement du fret dû par celui-ci, mais le sous-affrètement n’établit pas d’autres relations directes entre le fréteur et le sous-affréteur. » Sousfréter un navire. « L’affréteur peut sous-fréter le navire, avec le consentement du fréteur, ou l’utiliser à des fins de transports sous connaissements. » Quand le navire est fourni avec tout son équipage, le capitaine y compris, on parle d’affrètement à temps. C’est un contrat par lequel « le fréteur met à la disposition de l’affréteur, pour un temps défini, un navire armé et équipé, dont il conserve la gestion nautique, alors qu’il transfère la gestion commerciale à l’affréteur. » La gestion nautique doit s’entendre de l’ensemble des charges liées au fonctionnement du navire et la gestion commerciale, de l’ensemble des charges liées à son exploitation. L’affrètement est dit au voyage, au voyage unique, lorsqu’il est constitué par un simple contrat de transport. « L’affrètement au voyage est le contrat par lequel le fréteur met à la disposition de l’affréteur, en tout ou en partie, un navire armé et équipé dont il conserve la gestion nautique et la gestion commerciale, en vue d’accomplir, relativement à une cargaison, un ou plusieurs voyages déterminés. » Il est dit en travers quand il est à forfait, quel que soit le tonnage. 169 L’affrètement d’un navire livré nu, sans équipage ni gréement ni aménagement intérieur, est dit, selon les auteurs et les lexicographes, affrètement coque nue, affrètement à coque nue ou affrètement en coque nue. Certains mettent le trait d’union au terme coque nue (coque-nue), mais cet usage n’est pas répandu. « L’affrètement coque-nue est le contrat par lequel le fréteur met, pour un temps défini, un navire sans armement ni équipement, ou avec un armement et un équipement incomplets, à la disposition de l’affréteur et lui transfère la gestion nautique et la gestion commerciale du navire. » Registre des affrètements coque nue. Durée de l’affrètement à coque nue. Résiliation de l’affrètement en coque nue. L’usage le plus répandu est affrètement coque nue sans préposition. Il en est de même pour la locution verbale affréter coque nue et pour la charte-partie coque nue. 3) Doit-on dire affréteur coque nue, affréteur à coque nue ou affréteur en coque nue ? La question est pertinente puisque la documentation consultée atteste une véritable confusion. Parfois l’hésitation va jusqu’à se manifester chez un même auteur et les lexicographes, ne sachant plus où donner de la tête, enregistrent des usages contraires, qui s’expliquent par la diversité des sources. La concurrence que se livrent les prépositions à et de est réelle et tenace dans la jurisprudence et dans la doctrine comme chez les législateurs de la communauté internationale et du Canada. Étonnamment, la solution en apparence plus critiquable, soit celle de l’absence de préposition (affréteur coque nue), a trait au terme dont les occurrences sont les plus nombreuses, entre autres dans les écrits des maritimistes ainsi que dans les textes réglementaires et les conventions internationales. L’absence de préposition découle d’un procédé elliptique qui trouve sa source dans l’imitation ou la contagion – que certains préféreraient appeler souci d’uniformité morphologique – puisqu’on dit correctement affrètement coque nue, affréter coque nue, charte-partie coque nue, contrat d’affrètement coque nue. La tentation est belle de continuer dans cette veine. Ne paraît-il pas pour le moins incongru de qualifier ainsi un être animé ? La qualification sans préposition se comprend et est admise dans le cas des inanimés et des notions abstraites. L’ellipse ne donne-t-elle pas à penser que l’affréteur est pourvu d’une coque nue ? Ne tombe-t-on pas ainsi dans l’illogisme ? « Selon une 170 clause figurant dans chaque charte-partie, l’affréteur coque nue s’obligeait à approvisionner le navire. » « Atlantic Towing Ltd. était l’affréteur coque nue de la barge. » Par ailleurs, la préposition à entre en concurrence avec la préposition en, laquelle a beau jeu. « L’affréteur à coque nue a avantage à souscrire une assurance de responsabilité comme le ferait le propriétaire auprès d’une mutuelle de protection et d’indemnisation. » « La doctrine ne rejette pas le locus standi d’un affréteur qui n’est pas à coque nue de demander une prime de sauvetage. » « Dans les connaissements des affréteurs, la présomption veut que ce soit l’affréteur à coque nue qui soit le transporteur. » Dans un syntagme nominal, lorsque le substantif (affréteur ici) déterminé par le complément (coque nue ici) introduit par la préposition à est de sens concret désignant un être animé, à introduit généralement un complément d’accompagnement (à = avec, qui a), de manière (à = qui est à). Ce n’est certes pas le cas du syntagme nominal, qui, formé à l’aide de la préposition à, n’exprime pas syntaxiquement la notion de l’affréteur entrant dans un rapport contractuel d’affrètement coque nue. Reste la préposition en. Bien qu’elle soit l’occurrence la moins fréquente, c’est elle qui paraît la plus adéquate. L’analyse sémantique montre que la préposition en est formatrice de locutions adverbiales ou prépositives qui expriment, notamment, une situation. C’est bien le cas du terme en l’espèce, aussi affréteur en coque nue paraît-il s’imposer tout naturellement. « Le demandeur n’était pas le propriétaire ou l’affréteur en coque nue du navire transporteur. » 4) L’affrètement a une durée déterminée (la période d’affrètement), un coût (le prix de l’affrètement, son coût), fixé en fonction d’un barème (le tarif d’affrètement). L’affréteur expédie, transporte des marchandises sous affrètement. Il faut se garder de confondre le complément circonstanciel sous affrètement, tel qu’il est employé dans l’exemple précédent, avec le contrat appelé sous-affrètement. 5) Le loyer d’affrètement est la rémunération du fréteur. Le courtier d’affrètement ou courtier de fret n’est pas un courtier maritime, officier ministériel exerçant sa fonction dans les ports. Il n’a pas, comme lui, le privilège de la mise en douane des navires étrangers, notamment. Il est considéré comme le mandataire de l’armateur ou de l’affréteur, ou des deux. Il les représente et conclut pour eux des affrètements. 171 L’armateur le charge de lui trouver des cargaisons, et l’affréteur, de lui trouver des navires. Sauf clause contraire, il est rémunéré par l’armateur. L’agent d’affrètement est l’homologue du courtier d’affrètement. Il représente l’exploitant du navire, c’est-à-dire l’armateur ou l’affréteur à temps dans les négociations menant à l’affrètement d’un navire. 6) La documentation consultée définit dans son ensemble l’affrètement en droit maritime comme un contrat de location de navire. La question se pose de savoir si le mot location est employé abusivement dans le cas du contrat d’affrètement coque nue. Depuis l’observation faite par le doyen Ripert, des juristes, peu nombreux il est vrai, estiment qu’on ne peut parler strictement de location s’agissant d’affrètement puisque cette forme de bail en droit civil ne se conçoit que pour le louage de choses immobilières. « Le doyen Ripert interdisait que l’on parlât de location à propos de la coque nue. Le contrat d’affrètement en coque nue en est pourtant bien proche. » « L’affrètement en coque nue ressemble fort à une location, au point qu’il est souvent désigné comme location en coque nue et la rémunération du fréteur qualifiée de loyer. Il s’en distingue essentiellement en ce qu’il porte sur un navire, destiné à affronter le péril marin. Ripert comme Rodière étaient fort attachés à cette distinction qui, pourtant, n’est pas évidente. » « Quoiqu’il se rapproche d’une location (et l’on emploie assez couramment le mot), l’affrètement coque nue est un affrètement et la réforme récente l’a traité comme tel. C’est un affrètement parce qu’il a pour objet un engin apte à naviguer en mer. On ne le confondra pas avec la pure location du droit civil, qui existe également dans la pratique maritime et qu’on utilise par exemple pour des engins portuaires ou encore pour de véritables navires loués pour une soirée mondaine ou pour servir d’hôtel flottant dans un port. Des gradations imperceptibles peuvent d’ailleurs faire passer de l’affrètement coque nue à une pure et simple location. » Cette distinction entre l’affrètement coque nue et la location coque nue n’a pas été retenue par la majorité des maritimistes consultés, lesquels l’ont qualifiée de non évidente. ö CHARTE-PARTIE. ö DOUANE. ö FRET. ö FRÉTEUR. ö LOCATION. ö MARITIMISTE. 172 A FORTIORI. 1) Se prononce a-for-si-o-ri et s’écrit sans accent grave sur le a ou avec l’accent, selon qu’on le considère comme un terme latin ou comme un emprunt francisé. L’unanimité n’est pas faite sur la question. Bien que la locution soit considérée par la plupart des linguistes et des lexicographes comme un terme latin, il n’est pas rare de trouver ce terme francisé dans les textes juridiques, en France comme au Canada. À la fin du siècle dernier, le juriste Mignault met l’accent grave. De nos jours, l’accent grave est maintenu, notamment dans les arrêts de la Cour suprême du Canada. Puisque la plupart des ouvrages consultés signalent qu’a fortiori, tout comme les locutions a priori et a posteriori, est une expression latine, il vaut mieux ne pas mettre d’accent sur le a. Le Guide du rédacteur de l’administration fédérale signale avec raison que ces trois expressions latines étant cependant passées dans l’usage courant, elles restent en caractère romain. 2) A fortiori employé seul signifie à plus forte raison et peut se rendre par cette expression. « Si l’on a puni quelqu’un qui, par ses coups, a blessé un autre homme, il faut a fortiori punir celui qui, par ses coups, a occasionné la mort. » « On ne peut exiger d’un individu plus qu’on ne peut exiger d’une municipalité. Ce principe s’applique à plus forte raison à l’endroit du propriétaire d’une maison privée. » 3) L’argument a fortiori est très fréquent en droit. Il prétend que la raison alléguée en faveur d’une certaine conduite ou d’une certaine règle dans un cas déterminé s’impose avec une force plus grande encore dans le cas actuel. L’argument a fortiori a deux formes : l’argument a minori ad maius, dans le cas d’une prescription négative (« S’il est interdit de marcher sur le gazon, il est a fortiori interdit d’arracher ce gazon. »), et l’argument a maiori ad minus, dans le cas d’une prescription positive, exprimée ainsi en logique formelle : « Si tous les X peuvent faire A et tout B est A, alors tous les X peuvent faire B. » (Perelman, 1976) 4) Comme locution adverbiale, a fortiori se met en tête de phrase (« A fortiori, un officier de justice ne peut faire l’objet de mesures disciplinaires pour avoir refusé de respecter une ligne de piquetage illégale. »), au milieu de la phrase (« Le raisonnement concernant la prescription s’applique a fortiori à la situation des 173 compagnies d’assurances ») ou à la fin de la phrase « Ce principe a été établi a fortiori. » A fortiori est souvent mis en incise : « L’avocat, a fortiori le juge, doit veiller à ce que son activité professionnelle soit irréprochable. » Comme locution adjectivale, a fortiori qualifie des termes comme argument, conclusions, raisonnement. « En matière criminelle, tout ce qui n’est pas défendu directement est licite : les arguments d’analogie ne sont pas permis au criminel. On n’y tolère même pas les arguments a fortiori. » ö A PARI. ö A POSTERIORI. ö A PRIORI. ö A SIMILI. AFRICANISTE. PANAFRICANISTE. Dérivés de l’adjectif africain, les mots africaniste et panafricaniste sont substantif et adjectif. 1) Comme substantifs, ils désignent la personne qui est, de par sa profession, spécialiste du droit africain (plus exactement, des droits africains) ou qui s’est donné pour vocation l’étude de ces droits ou la publication d’ouvrage sur les systèmes juridiques africains. Un, une africaniste. Jacques Vanderlinden est un africaniste réputé. Si l’africaniste consacre son activité professionnelle à l’étude des droits africains, à leur mode de production, à leur évolution et à leurs caractéristiques principales, aux institutions africaines, le panafricaniste (l’orthographe avec le trait d’union est usuelle) voue son activité à l’étude de l’harmonisation et de l’unification des droits africains. « Nombre d’africanistes s’obstinent, à tort, à isoler de l’Afrique australe et de l’Afrique du Nord l’Afrique dite noire. » « Ce n’est qu’après que ces systèmes se seront élaborés au fil du temps qu’il sera possible d’aborder le rêve nourri par certains pan-africanistes d’une unification des droits africains. » « Dans la perspective d’une unité africaine, le panafricaniste compare les systèmes juridiques de pays qui ont subi des influences différentes. » 174 Les africanistes comme les panafricanistes ont vocation naturelle à être des comparatistes, des spécialistes de la sociologie, de l’ethnologie et de l’histoire juridique des États africains. Africanistes français, belges, russes. Africanistes de l’Ouest. Association belge des africanistes. Journal de la Société des Africanistes. 2) Africaniste et panafricaniste (ou pan-africaniste) sont aussi adjectifs. Ils qualifient, respectivement, ce qui relève des droits africains, ce qui se rapporte aux systèmes juridiques africains, et ce qui se rapporte à l’unité africaine, à l’harmonisation des régimes juridiques propres aux pays africains aussi bien francophones qu’anglophones. Droit africaniste. Avocat, praticien, spécialiste africaniste. Juriste, universitaire africaniste. Documentation, recherche, librairie africaniste. Ambitions, réflexions, regards, pensées panafricanistes. Mythe panafricaniste. « Dans quelle mesure le passé colonial a-t-il contribué à enraciner en Afrique des conceptions du Droit et des techniques, qui, en raison de leurs caractères différents, voire opposés, pourraient être des obstacles à la réalisation du puissant mythe panafricaniste ? » ö COMPARATISTE. AGENDA. Se prononce a-jin-da. En français, agenda, mot latin francisé prenant un s au pluriel, n’a qu’une seule signification. C’est un carnet destiné à noter jour par jour ce que l’on a à faire. « Je prends note de mes rendez-vous sur mon agenda. » (On dit aussi plus couramment : dans mon agenda.) Dans le langage parlementaire, il ne faut pas employer ce mot dans son sens anglais d’ordre du jour, de programme. « Plusieurs questions figurent à l’[agenda] de la réunion, de l’assemblée » (= « à l’ordre du jour de la réunion, au programme de l’assemblée. » « L’[agenda] (= le programme) du nouveau gouvernement est très chargé. » 175 AGGRAVANT, ANTE. ATTÉNUANT, ANTE. Aggravant prend deux g. Ces adjectifs se rencontrent le plus souvent dans les syntagmes circonstance aggravante, circonstance atténuante, excuse atténuante, qui appartiennent au domaine du droit pénal. Éviter de dire [circonstances exténuantes] sous l’influence de l’anglais “extenuating circumstances”. Exténuant en français n’a qu’un seul sens : extrêmement fatigant. Mimin critique les tournures accorder les circonstances atténuantes et appliquer les circonstances atténuantes; toutefois, la première tournure figure dans le Dictionnaire de l’Académie française et est passée aujourd’hui dans l’usage. La deuxième, si besoin est, peut aisément se remplacer par l’une des tournures mentionnées dans la liste de syntagmes ci-dessous. Circonstance aggravante et risque aggravant s’emploient aussi en droit des assurances : « La simple augmentation de la valeur de la chose ou de l’intérêt assuré n’est pas, en principe, une circonstance aggravante. » « Peu importe également que la circonstance aggravante n’ait pas d’influence sur la survenance du sinistre » « En cas de disparition de la circonstance aggravante... ». Mais on emploie plus souvent cause d’aggravation, facteur d’aggravation ou plus simplement aggravation (voir AGGRAVATION). « Le tarif prévoit également que lorsque plusieurs risques aggravants sont situés dans un même immeuble, le taux applicable à l’ensemble de ces risques est le taux propre du risque le plus grave. » Syntagmes Élément, fait aggravant. Circonstances aggravantes personnelles, réelles, mixtes. Circonstance aggravante d’habitation, de nuit, de port d’armes, de préméditation, de violences. Circonstances aggravantes à charge de qqn. Accorder, octroyer, refuser à qqn les circonstances atténuantes, le bénéfice des circonstances atténuantes. Octroi des circonstances atténuantes. Bénéficier de larges circonstances atténuantes. 176 Admettre, reconnaître les circonstances atténuantes, l’existence de circonstances atténuantes. Admission des circonstances atténuantes. Constater l’existence de circonstances atténuantes. Déclarer des circonstances atténuantes en faveur de qqn. Faire jouer, invoquer les circonstances atténuantes en faveur de qqn. Il y a, il existe dans la cause des circonstances atténuantes. Être reconnu, déclaré coupable avec circonstances atténuantes. ö AGGRAVATION. ö AGGRAVER. ö MITIGATION. AGGRAVATION. ATTÉNUATION. Aggravation prend deux g. 1) En matière pénale, aggravation s’oppose à atténuation. Ces deux termes figurent dans des expressions telles que cause, élément, facteur d’atténuation (d’aggravation) : Cause d’atténuation de la peine. « La principale cause d’aggravation des peines est la récidive. » C’est généralement atténuation qui accompagne aussi le substantif responsabilité : « Le sexe féminin n’est pas une cause d’irresponsabilité pénale ni même seulement d’atténuation de la responsabilité : la femme est aussi responsable que l’homme. » 2) En matière d’assurances, aggravation du risque (ou : augmentation du risque) au sens de circonstances qui rendent plus probable la survenance du fait contre lequel une personne s’est assurée, s’oppose à diminution du risque : « La déclaration d’aggravation du risque doit avoir lieu dans les huit jours. » « Quelles sont les sanctions d’une non-déclaration des aggravations des risques ? » 3) Le terme aggravation s’emploie également dans d’autres domaines du droit. En matière de servitudes, on parlera de l’aggravation de la servitude, de l’aggravation de la condition (situation) du fonds servant : « Le juge doit rechercher s’il y a aggravation de la condition du fonds servant. » « Les juges du fait apprécient souverainement si ce changement entraîne une aggravation de la servitude pour le fonds servant. » 177 En matière de responsabilité civile délictuelle, l’aggravation de l’état de la victime sera opposée à l’amélioration de l’état de la victime; on opposera aussi l’aggravation des dommages, du préjudice à la limitation des dommages (on dira aussi atténuation des dommages), du préjudice. Concourir à l’aggravation des dommages. ö AGGRAVANT. ö AGGRAVER. ö MITIGATION. AGGRAVER. ATTÉNUER. Aggraver et ses dérivés prennent deux g. Les domaines d’emploi des verbes aggraver et atténuer correspondent en général à ceux d’aggravation et d’atténuation (voir AGGRAVATION). En droit pénal : Aggraver, atténuer une peine, la responsabilité de qqn. « Le juge est autorisé à aggraver ou à atténuer la peine prévue par la loi dans tous les cas où il existe des circonstances aggravantes à charge du délinquant ou des circonstances atténuantes en sa faveur. » « Certaines circonstances tenant à la personne de l’agent sont de nature à atténuer la responsabilité de celui-ci. » « Ce fait atténue la gravité de l’infraction. » Le participe passé atténué se retrouve dans l’appellation défense de responsabilité atténuée (“defence of diminished responsibility”), moyen de défense qui n’est pas reconnu en droit pénal canadien. En droit des assurances : Aggraver le risque. « L’assuré est obligé de faire connaître à l’assureur les circonstances qui peuvent aggraver les risques. » « L’assuré ignorait l’existence du fait aggravant le risque. » En matière de servitudes : Aggraver une servitude, la condition (situation) du fonds servant. « Les modifications apportées à l’exercice de la servitude ne sont licites que pour autant qu’elles n’aggravent pas la condition du fonds servant. » Changement de nature à aggraver la servitude. 178 En droit constitutionnel : les responsables de la version française des arrêts de la Cour suprême du Canada utilisent l’expression théorie de l’interprétation atténuée (“reading down doctrine”), théorie qui limite le champ d’application d’une disposition afin de ne pas devoir la déclarer inconstitutionnelle comme portant atteinte au champ de compétence de l’autre palier de gouvernement ou comme violant la Charte canadienne des droits et libertés : « La cour a cependant confirmé la validité du par. 189a)(1), en lui donnant une interprétation atténuée selon laquelle le paragraphe ne s’appliquerait que lorsqu’il existe un motif précis d’intercepter un véhicule à moteur. » Anglicismes : l’adjectif “aggravated” en anglais qualifie diverses infractions au Code criminel : “aggravated assault”, “aggravated sexual assault”. Les équivalents français sont : voies de fait graves et agression sexuelle grave. On évitera l’emploi d’[aggravé] dans ces contextes. Mais on pourra dire : un vol aggravé de meurtre, c’est-à-dire accompagné de la circonstance particulière du meurtre. En matière de responsabilité civile délictuelle, “aggravated damages” peut se rendre par dommages-intérêts alourdis (et non [aggravés]). ö AGGRAVANT. ö AGGRAVATION. ö MITIGATION. AGISSEMENT. 1) Dans l’usage courant, le mot agissement s’emploie au pluriel, il se prend en mauvaise part et signifie suite de procédés et de manoeuvres condamnables ou frauduleuses en vue de satisfaire certains intérêts. Il a comme synonymes intrigue, machination, manège, pratique, tractation. Le terme s’applique à des personnes morales ou physiques : les agissements de la banque, de l’État, du débiteur hypothécaire. Il prend parfois un sens très général, celui de comportement répréhensible : « L’avocat a dénoncé vertement les agissements du témoin. » 2) Dans le langage du droit, outre le sens général mentionné ci-dessus (agissements reprochés à l’intimée, à la partie adverse), le terme agissement s’emploie le plus 179 souvent au pluriel au sens d’activité illégale, de méfait : « Les agissements des défendeurs constituent-ils une faute civile entraînant responsabilité pour les dommages causés? » Être victime d’agissements suspects, frauduleux, malicieux. Agissements antérieurs. Preuve de mauvaise réputation ou d’agissements criminels antérieurs d’un accusé. Agissements avant le crime (au sens de comportement). Agissements concertés. Le terme s’emploie également au singulier. Théorie de l’agissement en pleine connaissance de cause. « Il faut s’abstenir de tel ou tel agissement. » Dans la locution agissement anti(-)concurrentiel, le terme agissement se définit comme une pratique restrictive de commerce (par exemple le refus de vendre, la vente par voie de consignation, l’exclusivité, l’abus de position dominante, la pratique de prix à la livraison, la fixation des prix, les accords de spécialisation et les fusionnements qui restreignent le commerce). Pratique d’agissements anticoncurrentiels. Notons enfin qu’agissements et actes sont de quasi-synonymes. Dans l’exemple suivant, l’omission de l’article les devant le mot indique d’ailleurs la similarité de sens : « En appel, Brabander soutient, notamment, que l’existence d’un lien de causalité n’est pas établie entre les actes et les agissements de l’appelant et le préjudice allégué par l’intimée. » AGONIE. En français juridique, le terme agonie ne s’emploie proprement que dans son sens médico-légal de douleur physique extrême ou de souffrance morale intolérable. La médecine légale définit l’agonie comme la somme des détresses qui précèdent immédiatement la mort. « La mort est le résultat d’une somme de détresses, ou de défaillances, qui constituent les causes du processus complexe qui aboutira au décès. L’évolution de ce processus, de durée variable, constitue l’agonie. Celle-ci précède le terme ultime qui est la mort réelle de l’individu. » Employé en d’autres sens, ce mot donne lieu à certains anglicismes dont il faut se garder. Dans le droit des délits civils, l’expression [dans l’agonie du moment], employée pour qualifier le caractère critique d’une situation, un cas d’urgence, l’imminence d’un 180 danger, est fautive; il faut dire dans l’angoisse du moment. « Ce qu’on fait ou omet de faire dans l’angoisse du moment ne peut, en toute justice, être considéré comme de la négligence. » La jurisprudence de la common law reconnaît le principe de l’angoisse du moment, appelé aussi, à un autre point de vue, la règle de la situation d’urgence. Dans les causes qui examinent le cas d’automobilistes placés dans des situations d’urgence, on évitera la locution incorrecte [agonie de la collision] pour parler de l’imminence de la collision. Dans l’usage courant, les termes angoisse, souffrances atroces ou douleurs terribles remplaceront le plus souvent l’anglicisme [agonie] ou son dérivé [agoniser]. « Les victimes du crime ont dû endurer des souffrances atroces » (et non [ont souffert l’agonie]). « Ils ont [agonisé] pendant une dizaine d’heures avant d’être délivrés » (= « Ils ont connu une dizaine d’heures d’angoisse »). AGRÉER. APPROUVER. RÉCEPTIONNER. Les juristes canadiens ont tendance à abuser du verbe approuver sous l’influence de l’anglais “to approve”, alors que le français dispose également du verbe agréer, qui appartient surtout au langage administratif. 1) Approuver ne se dit de personnes qu’au sens de donner raison à qqn, de partager l’opinion de qqn : « Je vous approuve d’avoir résisté à ce chantage. ». Il n’a jamais le sens de reconnaître officiellement qqn, de constater qu’une personne remplit les conditions requises pour faire qqch., que le verbe agréer exprime dans le style administratif : agréer un prêteur, agréer un fournisseur, agréer un expert, agréer un traducteur. « Tout nouveau directeur d’établissement doit être agréé. » Des dispositions prévoyant, par exemple, que « sont habilités tous les inspecteurs que le ministre [approuve] » ou que « les personnes [approuvées] par l’autorité compétente peuvent agir » sont incorrectes, empruntant à l’anglais un sens que le français n’a pas. Agréer s’utilise également de préférence à approuver pour des organismes. On le trouve notamment dans le vocabulaire du droit du travail. On dit : agréer une entreprise, un établissement, une école, un hôpital. Agréer une spécialité 181 pharmaceutique, une association, une convention collective, un projet, un programme ou un accord. 2) Approuver constitue aussi un anglicisme lorsqu’on l’emploie au sens d’accepter comme conforme à des normes fixées. En matière de conduite en état d’ébriété (ou d’imprégnation alcoolique), par exemple, il conviendrait de substituer agréé à [approuvé] dans les expressions alcootest approuvé (on dit parfois appareil homologué), appareil de détection approuvé et contenant approuvé, au paragraphe 254(1) du Code criminel du Canada. 3) Le participe passé agréé (qui a reçu l’agrément d’une autorité donnée, huissier agréé, intermédiaire agréé) s’emploie pour des personnes et des organismes, et correspond à divers termes anglais : Comptable agréé (“chartered accountant”). Interprète, traducteur agréé (“certified interpreter, certified translator”). Métier agréé (“certified trade”). Pharmacien agréé (“accredited pharmacist”). Prêteur agréé (“approved lender”). Hôpital agréé (“accredited hospital”). Établissement agréé (“registered establishment”). Laboratoire agréé (“accredited” ou “registered laboratory”). Fabrique agréée (“licensed factory”). Syndicat agréé (“accredited union”). 4) Agréé peut également s’employer comme substantif. On relève en France : un agréé près le tribunal de commerce, les agréés en douanes, une agréée en architecture. 5) Agréer a aussi le sens d’accepter : agréer une marchandise. Le terme commercial réceptionner ajoute à l’idée de recevoir qu’exprime le verbe agréer celle de vérifier la marchandise pour voir si elle est conforme aux conditions du marché. En matière de contrats, on parlera d’une offre avec réserve d’agrément, p. ex. un bon de commande où le vendeur se réserve le droit d’agréer — d’accepter — la commande qui lui est faite. En dehors de ces emplois commerciaux, agréer au sens d’accepter appartient à la langue très soutenue : agréer une demande ou des dons est vieilli : « On 182 s’est demandé si la personne qui agrée des dons ou promesses pour s’abstenir d’enchérir est, ou non, coupable de délit. ». On dirait aujourd’hui : qui accepte des dons ou promesses. 6) Approuver, dans le langage juridique, c’est donner son consentement à qqch. pour lui conférer plein effet (approuver un mariage), autoriser une chose par décision administrative et, souvent, rendre cette chose exécutoire ou définitive : approuver le procès-verbal de la réunion, approuver le budget, approuver un règlement. C’est également marquer son accord avec qqch. : « La Cour suprême a approuvé la décision de la Cour d’appel, a approuvé le raisonnement du juge de la Cour du Banc de la Reine. » (Voir CONFIRMATION) 7) Les formules Approuvé, ou Lu et approuvé, ou encore Vu et approuvé, employées couramment au Canada en tête de phrase et au bas d’un acte, demeurent invariables si elles précèdent le nom, parce qu’elles sous-entendent que le signataire a « lu et approuvé » (c’est donc la voix active, et non passive, qui est utilisée ici) : Approuvé quatre ratures. Lu et approuvé la déclaration qui précède. ö ACCRÉDITATION. ö CERTIFICATION. ö CONFIRMATION. ö HOMOLOGATION. AGRÉMENT. APPROBATION. 1) Les distinctions d’emploi faites entre agréer et approuver valent également pour les substantifs agrément et approbation (voir AGRÉER). Signalons que l’agrément suppose de la part de son auteur un pouvoir d’appréciation souvent discrétionnaire et doit en général être obtenu avant la réalisation ou l’exécution. Dans le cas où agrément est suivi d’un complément d’objet, celui-ci peut viser soit la personne ou l’organisme qui donne son agrément (soumettre qqch. à l’agrément du ministre, d’une commission), soit la personne ou l’organisme qui doit obtenir l’agrément (demande d’agrément d’un ambassadeur, d’un établissement de soins). Le contexte permettra le plus souvent de déterminer le sens applicable. Des titres comme Agrément du bailleur ou Agrément du sous-preneur ne pourront pas toujours être compris avec certitude sans examen du contexte où ils figurent, même si on peut croire qu’il s’agit, dans le premier cas, de l’agrément donné par le bailleur, et, dans le 183 deuxième cas, de l’agrément que le sous-preneur doit obtenir du bailleur principal. Approbation suivi d’un complément de personne (y compris un organisme) ne devrait viser dans les textes juridiques que l’approbation émanant de cette personne ou de cet organisme, vu qu’il est incorrect de dire [approuver une personne] au sens d’agréer (voir AGRÉER). 2) Au Canada, le législateur fédéral emploie en principe agrément pour le gouverneur en conseil : « Le ministre nomme à titre amovible, avec l’agrément du gouverneur en conseil... » et réserve, le plus souvent, approbation pour les autres autorités : « Le directeur peut recruter des chargés de cours avec l’approbation du Conseil du Trésor. » « Obtenir du Conseil l’approbation préalable des contrats passés avec les exploitants ». 3) En droit international, le chef d’État qui veut nommer un représentant auprès d’un État présente aux autorités de celui-ci une demande, dite demande d’agrément, les priant de lui faire savoir si elles sont en mesure de donner leur agrément avant de procéder à la nomination officielle de cette personne en vue de son accréditation (voir ce mot). Dans le langage diplomatique, on relève également les formules emporter l’agrément de qqn, recevoir l’agrément de qqn : « J’ai l’honneur de vous faire savoir que ces dispositions reçoivent l’agrément du Gouvernement de la République française. ». 4) Agrément figure également dans diverses expressions juridiques au sens de qui procure du plaisir, de la satisfaction : animaux d’agrément, propriété d’agrément par opposition à propriété de rapport, voyage d’agrément par opposition à voyage d’affaires; en urbanisme, les agréments (ou les attraits) concourent à l’embellissement du cadre de vie en le rendant plus agréable. Ils se distinguent des commodités (“utilities” en anglais). Le droit de la responsabilité civile indemnise le préjudice d’agrément, la perte d’agrément (“loss of amenity” ou “loss of amenities”), expressions que la doctrine critique toutefois et qu’elle propose de remplacer par préjudice de désagrément. Syntagmes 184 Agrément exprès, explicite, tacite. Agrément définitif, provisoire, temporaire. Agrément de principe. Agrément d’exploitation. Agrément facultatif, obligatoire. Agrément administratif, ministériel. Agrément du cédant, du locateur, du bailleur. Agrément du cessionnaire, du sous-locataire, du sous-preneur. Clause d’agrément. Autorité chargée de l’agrément, commission d’agrément, bureau d’agrément (ou des agréments). Conditions d’agrément des hôpitaux, critères d’agrément. Plaque d’agrément (pour des conteneurs par exemple). Procédure d’agrément, décision d’agrément. Formalités d’agrément. Retrait, suspension de l’agrément. Avec l’agrément, sous réserve de l’agrément de qqn. Sans l’agrément de (Nul ne peut, sans l’agrément de). Faire, présenter, soumettre, déposer une demande d’agrément. Solliciter l’agrément. Soumettre à l’agrément. Être soumis, subordonné à l’agrément de qqn, opérations soumises à agrément, nécessitant un agrément. Accorder, donner, octroyer, délivrer un agrément, prononcer l’agrément. Faire l’objet d’un agrément, obtenir l’agrément. Refuser l’agrément à qqn, à un organisme. Retirer, suspendre l’agrément. Modifier, renouveler l’agrément. Être titulaire, être le titulaire d’un agrément. Soumettre qqch. à l’approbation de qqn, soumettre qqch. à qqn pour approbation. Donner son approbation à qqch. Obtenir l’approbation de qqn pour qqch. ö ACCRÉDITATION. ö AGRÉER. ö CERTIFICATION. ö HOMOLOGATION. 185 AGRESSER. AGRESSEUR, AGRESSEUSE. AGRESSIF, IVE. AGRESSION. 1) Agresser est d’un emploi moins courant en droit que les dérivés agresseur et agression. Ce verbe appartient surtout au style journalistique (piéton agressé). Dans les textes juridiques, on trouve surtout commettre une agression ou attaquer. On dira « elle a été victime d’une agression sexuelle » plutôt que « elle a été agressée sexuellement ». 2) Le substantif féminin d’agresseur est agresseuse, malgré plusieurs dictionnaires qui mentionnent une tendance à n’utiliser la forme agresseuse que comme adjectif (les puissances agresseuses). 3) Agresseur s’emploie comme adjectif et comme substantif : les pays agresseurs, l’agresseur. 4) En matière de légitime défense, agresseur se substitue très souvent à assaillant, moins utilisé aujourd’hui. Il se dit surtout en matière d’agressions sexuelles (agresseur sexuel). 5) Au sens de dynamique, actif, entreprenant, l’emploi d’agressif est un anglicisme : l’avocat [agressif] est porté à la provocation, à l’hostilité, on dit qu’il est batailleur, belliqueux, combatif. En anglais, “an aggressive counsel” est simplement un avocat combatif, dynamique, audacieux, énergique, persuasif. 6) La remarque de Dagenais selon laquelle « le langage juridique emploie rarement le mot agression, qui est surtout utilisé dans le langage courant » ne tient plus aujourd’hui au Canada depuis la réforme des infractions sexuelles dans le Code criminel au début des années 1980 et la création de l’infraction d’agression sexuelle. Le Code criminel distingue l’agression sexuelle (appelée aussi agression sexuelle simple pour la distinguer des autres), l’agression sexuelle armée et l’agression sexuelle grave. Déjà, en matière de légitime défense, les auteurs employaient couramment agression de façon interchangeable avec attaque, mais il convient, avec Littré, de distinguer ces deux termes. Une agression est une attaque soudaine, non justifiée, sans provocation et est l’acte premier qui est la cause du conflit. 186 Le Code criminel emploie aussi l’expression agression armée, qu’il oppose aux voies de fait simples et aux voies de fait graves. Il serait en effet aberrant de parler de [voies de fait armées]. 7) Agression peut être suivi de différentes prépositions. Tout comme pour attaque, la construction avec de suivi d’un complément de personne peut être source d’ambiguïté : « On n’hésitait pas à l’admettre, parce que l’agression du mari, pour excusable qu’elle fût, n’en était pas moins injuste. ». Le mari est-il ici l’auteur de l’agression ou en est-il la victime ? Il est vrai, cependant, que le contexte permettra le plus souvent de lever l’ambiguïté. Le contexte de la phrase citée indiquait que le mari venait de surprendre sa femme en flagrant délit d’adultère et avait tiré un coup de feu sur celle-ci et son complice. L’emploi de la préposition par ou des prépositions contre ou sur résout la difficulté (agression commise par l’accusé, agression contre un passant, agression sur la personne de qqn). La préposition sur ne s’emploie qu’à l’égard d’un être vivant et vise un contact physique, alors que contre peut aussi s’utiliser pour des choses abstraites (agression contre la pudeur, la vertu, l’honneur d’une personne), bien que le mot atteinte convienne mieux dans ce contexte. Syntagmes Agression contre les biens, contre les personnes. Agression corporelle. Agression dirigée contre l’intégrité physique d’une personne. Acte d’agression. Auteur de l’agression, victime de l’agression. Commettre, perpétrer une agression. Empêcher, prévenir une agression. Éviter l’agression. Repousser une agression. Résister à une agression. Se défendre contre une agression. ö ASSAILLANT. ö ASSAUT. ö ATTAQUABLE. ö ATTAQUE. ö ATTEINDRE. 187 ö ATTENTAT. ö VOIE DE FAIT. AIDER. ASSISTER. ENCOURAGER. 1) On peut aider qqn à faire qqch. et aider à qqn à faire qqch., mais la première construction est préférable, la seconde étant vieillie ou régionale. On préférera « Son complice l’a aidé à s’évader. » à « Son complice lui a aidé à s’évader. » « Aidezles! » est mieux qu’« Aidez-leur! » « Il a aidé [au coupable] (= le coupable) à tenter d’échapper à la justice. » 2) Si le transitif indirect aider à qqn est une construction désuète, le transitif indirect aider à qqch. est tout à fait courant et signifie contribuer à, favoriser, permettre : « L’adoption de l’Accord a aidé à l’unité du pays. » « Personne accusée d’avoir aidé à la perpétration d’une infraction. ». Le complément du verbe aider indique ici le résultat cherché et non la personne aidée : « Le témoignage du policier a beaucoup aidé à la condamnation de l’accusé » (= à faire condamner l’accusé). 3) Aider et assister ne sont pas synonymes. Aider marque une coopération des personnes ou des choses pour une action quelconque, assister indique un besoin, un secours, et signifie aider dans le besoin en apportant un secours matériel ou moral constant et attentif, tout en impliquant une difficulté : « Ce programme de secours est conçu pour aider et assister les indigents. » En droit pénal canadien, on distingue aider (joindre ses efforts à ceux de qqn pour faciliter la commission d’une infraction) et assister (accompagner dans une action pour prêter main-forte). Le verbe assister ajoute au sens d’aider la nuance d’une participation active à la commission d’une infraction. 4) Bien qu’il soit généralement reconnu aujourd’hui que les sens techniques des termes formant la locution aider et encourager (“aiding and abetting”) en droit pénal canadien sont liés à des distinctions qui n’ont plus d’application dans le Code criminel, il reste que le Code lui-même (article 21) et la jurisprudence reconnaissent que les deux verbes n’ont pas la même signification. « Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque... aide ou encourage quelqu’un à se donner la mort. » 188 Fortin et Viau affirment qu’il ne faut pas faire renaître des concepts techniques que le législateur a voulu abolir. En revanche, reconnaissent-ils, il peut paraître téméraire d’employer dans leur sens ordinaire des mots qui ont fait l’objet de près d’un siècle de jurisprudence; c’est là, pourtant, l’approche la plus satisfaisante et la plus logique qu’il faut adopter. Aider et encourager traduisent tous deux l’approbation accordée à l’auteur d’une infraction. Mais alors qu’encourager connote l’idée d’une contribution morale à la connaissance de l’infraction, aider connote l’idée d’une contribution matérielle. ö À CE QUE. ö ASSISTER. -AIRE. 1) Les suffixes en -aire formateurs de substantifs expriment, pour les noms d’agents, soit la réception d’un profit, la jouissance d’un bienfait ou d’une position avantageuse, soit la titularité d’un droit ou d’une fonction. (Cornu, 1990) Toutefois, l’agent désigné par le suffixe en -aire n’est pas toujours la personne en faveur de qui une chose est faite, pour le compte de qui une personne agit. Ce peut être l’inverse. Ainsi, plusieurs substantifs peuvent désigner la personne qui prend l’initiative, qui fait l’action : attestataire (qui fournit une attestation), contestataire (qui dépose une contestation), prestataire (généralement, qui bénéficie d’une prestation, mais ce peut être aussi la personne qui fournit une prestation, des services : prestataire de services), protestataire (qui dépose une protestation), subventionnaire (qui accorde des subventions). 2) Les couples de sujets du droit sont régulièrement formés à l’aide du suffixe -aire et des suffixes -eur, -ant, ou au moyen du mot auteur suivi de son complément. Ainsi, l’aliénataire est le bénéficiaire de l’aliénation, tandis que l’aliénateur est la personne qui transmet un bien par aliénation. Le donataire est la personne à qui une donation est faite par un donateur, et le légataire est l’héritier testamentaire d’un legs habituellement immobilier, tandis que le testateur est la personne qui cède à une autre des biens par testament; le cessionnaire est la personne en faveur de qui se fait une cession, le cédant étant celle qui cède le droit. Le dépositaire est la personne à laquelle une autre, dite déposant, confie un objet ou une somme; le désignataire est celui qui 189 est désigné comme bénéficiaire par le donataire d’un mandat de désignation, et l’auteur de la désignation est celui qui exerce le mandat de désignation. Une liste d’emplois comprendrait les sujets uniques (actionnaire, actuaire, auxiliaire de la justice, commissaire aux serments, fonctionnaire, intermédiaire, notaire, registraire, titulaire de charge, stagiaire en droit), les groupes (baillaire : baillaire rémunéré, baillaire-locataire, baillaire de fait, baillaire-mandataire; dépositaire : dépositaire contre rémunération, dépositaire du pouvoir), formés avec le préfixe co(voir cette entrée) (copropriétaires, colocataire), et avec le mot destinataire ou propriétaire (destinataire de legs de biens réels non réalisés, destinataire du délaissement, propriétaire absolu, propriétaire bénéficiaire). ö CO-. AJOURNEMENT. AJOURNER. 1) Ajournement désigne le fait de remettre quelque chose à plus tard, à un autre jour déterminé ou indéterminé : « Le tribunal a ordonné l’ajournement de l’enquête préliminaire. » « L’avocat commis d’office a demandé un ajournement afin de pouvoir consulter son client. ». Les remarques relatives à l’emploi abusif du verbe ajourner valent aussi pour ajournement. Un ajournement ne peut se faire qu’à une date ultérieure. Il convient alors de demander une suspension d’audience. 2) La procédure parlementaire canadienne distingue l’ajournement de la prorogation et de la dissolution. L’ajournement désigne la suspension par la Chambre de ses séances pour une période quelconque au cours d’une session sans dissoudre le Parlement ou l’Assemblée législative. Cette suspension entraîne l’abandon de tous les projets de loi et met un terme aux travaux des comités. La prorogation est la suspension des séances de la Chambre et leur report à une date ultérieure. La dissolution a un effet plus radical, elle met fin à la législature et est suivie par des élections générales. 3) Il est abusif, comme le fait parfois l’anglais tout aussi abusivement, d’[ajourner pour une heure ou jusqu’à 14 heures, cet après-midi]. Ajourner veut dire : renvoyer à un autre jour déterminé ou indéterminé. C’est suspendre qu’il convient d’employer. On dira : « Le tribunal a suspendu l’audience pour une heure, ou jusqu’à 14 heures, ou encore cet après-midi. ». Suspendre signifie en effet : arrêter pour reprendre plus 190 tard le même jour ou un autre jour. Ajourner et suspendre signifient donc tous deux qu’une chose est renvoyée à un autre jour, ce qui nous autorise à dire : « Le tribunal a suspendu l’audience jusqu’à demain matin dix heures. » ou « Le tribunal a ajourné les débats jusqu’à demain matin dix heures. ». Le juge peut également lever l’audience. 4) Il y a lieu d’éviter également le pléonasme [ajourner à plus tard]. 5) On ajourne une audience, une assemblée, une décision, un procès, les débats. « Le conseil d’une chambre de commerce peut tenir des réunions et les ajourner quand il est nécessaire. » On peut également dire, par métonymie : ajourner le tribunal, c’est-à-dire remettre à plus tard l’audience ou les débats du tribunal. « Le greffier peut, le jour de l’ouverture de la session, en l’absence d’un juge pour présider le tribunal, ajourner le tribunal et ses affaires à une date ultérieure. » Employé sans complément d’objet direct, ajourner peut se construire avec l’auxiliaire avoir (« La Chambre des communes a ajourné. » « Le tribunal ajourne à huitaine pour prononcer son jugement. ») ou sous la forme pronominale (« La Chambre s’est ajournée. » « L’assemblée s’est ajournée à huitaine. ») La formulation pronominale est parfois préférable pour des raisons d’euphonie : a ajourné. En construction pronominale, ajourner peut aussi avoir comme sujet une chose au lieu d’un organisme : « Cette affaire ne peut s’ajourner. » « Ce projet de loi peut aisément s’ajourner. » 6) Il y a lieu de constater que le français a souvent recours à d’autres verbes : interrompre une session (« Le président déclare interrompue la session du Parlement européen. »), surseoir à une décision, suspendre les travaux de la Chambre, lever la séance, remettre, renvoyer, reporter le débat, reporter une vente, déférer à un comité, se retirer dans la salle des délibérations, reprendre l’audience, différer l’audition d’un appel. Il arrive qu’une disposition prévoie le report d’une séance à une heure du même jour ou à un autre jour : différer et ajourner ont alors un sens complémentaire mais distinct : « La Cour pourra, si l’intérêt de la justice le commande, différer ou ajourner une instruction ou une autre audience pour tel délai et aux conditions qui semblent justes. » 191 Syntagmes Ajournement à huitaine, à quinzaine, à deux mois. Ajournement de l’affaire, de l’assemblée, de l’examen de la question, de l’interrogatoire, de la réunion, des débats, de la discussion, de la Législature, des procédures, de la séance. Ajournement de quatre-vingt-dix jours. Ajournement de l’audience, de la cause, du procès, de la séance. Demander, obtenir, solliciter un ajournement. Motion en ajournement de l’instance. Prononcer l’ajournement. Avis d’ajournement. Ajourner une audience à une date précise, jusqu’à une date précise; ajourner une audience indéfiniment. Ajourner une audience pour une période maximale de trente jours, pour un temps défini. Ajourner l’audition de la requête d’une date à une autre. Ajourner une assemblée en une ou plusieurs fois. Ajourner sine die. Vocabulaire parlementaire Motion, proposition d’ajournement. Demander, proposer l’ajournement. Décider, prononcer, voter l’ajournement. ö SINE DIE. AJUSTEMENT. RAJUSTEMENT. RÉAJUSTEMENT. 1) L’anglais “adjustment” est source de bien des anglicismes. L’équivalence parfaite entre “adjustment” et ajustement est rare. Pour le sens intéressant le langage du droit, il faut retenir qu’ajustement signifie, par extension, accommodement, conciliation, et qu’il s’emploie surtout au pluriel : « Ils ont fait tous les ajustements possibles pour trouver un terrain d’entente. » 192 Comme terme de finance ou d’économie, ajustement s’emploie correctement dans des expressions comme ajustement de l’offre et de la demande, ajustement budgétaire. En comptabilité, le terme désigne une modification de chiffres visant à établir une situation d’équilibre; s’il s’agit d’une correction d’erreur, on utilise de préférence redressement ou correction. 2) La concurrence exercée par rajustement (ou par la forme plus récente réajustement) est très forte. La tendance constatée est de remplacer ajustement. Ainsi, même s’il n’est pas incorrect de parler d’un ajustement du prix d’un produit ou d’un ajustement apporté à un tarif ou à des salaires, rajustement ou réajustement seront préférés : rajustement des salaires, d’une indemnité, du capital et des intérêts, du prix de base, du cautionnement. 3) Rajustement ou réajustement seront eux-mêmes supplantés par toute une série de substantifs qui rendront plus adéquatement l’idée de changement, de modification selon le contexte. adaptation (programme d’adaptation). correction (d’un montant). établissement (d’un poste du budget). expertise (d’assurances). indexation (prestation d’indexation). modification (d’une date, d’un paiement). transition (période de transition). rectification (d’une évaluation, d’une facture). redressement (d’un compte, redressement financier). règlement (des comptes). régularisation (de l’actif et du passif). répartition (des dettes). revalorisation (ponctuelle des rentes). révision (rémunération révisée). ALARME. ALERTE. AVERTISSEUR. Alarme et alerte (“alarm” en anglais) sont des synonymes; ils désignent le signal sonore qui avertit d’un danger imminent ou d’un sinistre et, par métonymie, une demande de secours. 193 Toutefois, dans la phrase « Les pompiers sont arrivés sur les lieux du sinistre dix minutes après l’alerte. », on ne sait si le mot alerte désigne le signal donné par le témoin de l’incendie ou le signal reçu au poste de pompiers. Pour bien marquer le point d’origine et le point d’arrivée de l’avertissement donné, il conviendra de distinguer les deux termes, de manière à éviter l’ambiguïté (donner l’alarme et donner l’alerte, sonnerie d’alarme et sonnerie d’alerte). La distinction est fondée sur le point de vue : l’alarme est donnée par le témoin de l’incendie et l’alerte est déclenchée par l’avertisseur d’incendie au poste de pompiers. On dira fausse alerte lorsqu’on considérera le point de vue des pompiers et fausse alarme dans le cas du témoin. « Le témoin a déclaré qu’en arrivant sur les lieux, il avait constaté le progrès de l’incendie et n’avait pas hésité à [sonner l’alerte] (= sonner l’alarme). » L’avertisseur de fumée (“smoke alarm”) est un détecteur de fumée avec sonnerie incorporée, conçu pour donner l’alarme (et non l’[alerte]) tout comme l’avertisseur d’incendie signale la présence d’un foyer d’incendie. [Boîte d’alarme] et [alarme incendie] sont des calques à éviter. Syntagmes (Système) alarme-incendie, alarme pour incendie. Système d’alarme (pour incendies). Central d’alarme, centrale d’alarme, centre du réseau. Poste central d’alarme (et de commande). Poste d’alarme. Dispositif d’alarme. L’alarme retentit. Répondre à une alarme. Déclencher l’alarme, donner, sonner l’alarme. Réseau d’alarme, réseau d’avertisseur, réseau avertisseur d’incendie. Avertisseur d’incendie, avertisseur de fumée. Alerte d’incendie, alerte au feu, alerte en cas d’incendie. Conditions d’alerte météorologiques (incendies de forêt). Donner, sonner l’alerte. ALBERTA. 194 Alberta s’abrège ainsi : Alb. (Ne pas oublier de mettre le point abréviatif puisque la lettre b ne termine pas le mot.) “Alta.” est l’abréviation anglaise. Le mot Alberta est féminin. On dit la province d’Alberta, sans article défini, parce qu’il y a apposition grammaticale; l’article accompagne le nom de la province avec tous les autres mots, car Alberta est alors complément de nom : le gouvernement de l’Alberta, les lois, le procureur général, les tribunaux de l’Alberta. La mention d’une agglomération suivie du nom de la province peut se faire de deux façons : soit en mettant le nom de la province entre virgules, précédé de la préposition de lieu : à Edmonton, en Alberta, soit en mettant le nom de la province entre parenthèses et sans virgule antéposée, ou en toutes lettres, ou sous forme abrégée : à Edmonton (Alb.) ou à Edmonton (Alberta). ALCOOL. Dans ce mot, comme dans ses dérivés, le groupe -coo- se prononce comme s’il n’y avait qu’un seul o. Les prononciations [al-co-ol] et [al-caul] sont incorrectes. Syntagmes Accoutumance à l’alcool. L’alcool au volant, l’excès d’alcool au volant. Capacité de conduite affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue (“impaired driving”). Absorber de l’alcool, absorption d’alcool. Ingérer de l’alcool, ingestion d’alcool. Dose d’alcool ingérée, doser l’alcool dans le sang. Quantité d’alcool consommée. Présence d’alcool dans le sang, dans l’organisme. Forte odeur d’alcool dans l’haleine. Diffusion de l’alcool dans le sang. Élimination respiratoire, urinaire, cutanée de l’alcool. Prise d’alcool. Métabolisme de l’alcool. 195 Oxydation, vitesse d’oxydation de l’alcool. Teneur du sang en alcool. ö ALCOOLÉMIE. ö ALCOOLIQUE. ö ÉBRIÉTÉ. ALCOOLÉMIE. Prononciation : al-co-lé-mie. [La grande majorité des dictionnaires récents indiquent qu’alcoolémie signifie taux d’alcool dans le sang. Toutefois, selon le Dictionnaire d’alcoologie, on confond par abus de langage alcoolémie (présence d’alcool et particulièrement d’éthanol dans le sang) et taux d’alcoolémie. Pour le Dictionnaire de l’Académie française, alcoolémie signifie présence d’alcool éthylique dans le sang et pour le Dictionnaire des termes de médecine de Garnier-Delamare : présence passagère d’alcool éthylique dans le sang à la suite d’ingestion de boisson alcoolique. Le suffixe -émie dénote simplement la présence dans le sang de la substance désignée dans le terme de base (glycémie, urémie, etc.). Dans le cas où on indique de façon exacte la teneur en alcool du sang d’un individu, taux d’alcoolémie serait donc préférable. Au Canada, le taux d’alcoolémie d’une personne s’exprime en milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang : « Il a consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépasse quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang. » Syntagmes Présomption d’alcoolémie. Courbe d’alcoolémie. Dépistage de l’alcoolémie (par l’air expiré). Dépistage positif d’alcoolémie. Recherche de l’alcoolémie. Contrôle d’alcoolémie. Déceler, dépister l’alcoolémie d’un sujet, d’une personne. Déterminer l’alcoolémie de qqn. Vérifier le taux d’alcoolémie. Estimer l’alcoolémie de qqn. Mesurer le degré d’alcoolémie, le taux d’alcoolémie de qqn. Le seuil délictuel d’alcoolémie, le seuil d’alcoolémie illégal. 196 L’alcoolémie au volant. Lutte contre l’alcoolémie au volant. ö ALCOOL. ö ALCOOLIQUE. ö ALCOOTEST. ö ÉBRIÉTÉ. ALCOOLIQUE. ALCOOLISÉ, ÉE. 1) Le Trésor de la langue française signale qu’alcoolisé concurrence fortement alcoolique et qu’on dit plutôt boisson alcoolisée que boisson alcoolique. Il convient toutefois de distinguer ces deux termes. Une boisson alcoolique contient naturellement de l’alcool (le vin ou la bière), alors qu’une boisson alcoolisée est un liquide additionné d’alcool (café arrosé de cognac, grog). C’est boisson alcoolique qui conviendra quasi toujours dans les textes juridiques, car le législateur ne réglemente que la vente, la publicité et l’abus des boissons alcooliques. Le législateur français a d’ailleurs utilisé ce terme dans un projet de loi réglementant la publicité de ces boissons, étudié à l’automne 1990. 2) Comme adjectif, on trouve aussi le terme alcoolique dans diverses expressions relatives à la conduite en état d’ivresse : délit de conduite en état alcoolique; conduire sous l’empire d’un état alcoolique; conducteur circulant sous l’empire d’un état alcoolique; contrôle de l’état alcoolique d’un individu; constatation de l’état alcoolique des conducteurs; dépistage, détection de l’état, de l’imprégnation alcoolique; intoxication alcoolique; ivresse alcoolique. Comme substantif, alcoolique désigne une personne qui est incapable de maîtriser sa consommation d’alcool, et se dit aussi, dans un sens large, de celle qui passe pour avoir une consommation excessive d’alcool. ö ALCOOL. ö ALCOOLÉMIE. ö ÉBRIÉTÉ. ALCOOTEST. Prononciation : al-co-test. 197 Les dictionnaires de langue française mentionnent également alcooltest, alcooltest, mais alcootest tend à les supplanter. Alcotest est le nom déposé d’un éthylotest en France. Le paragraphe 254(1) du Code criminel du Canada appelle alcootest approuvé (“approved instrument”) l’appareil qui sert à analyser un échantillon de l’haleine d’une personne en vue de déterminer son alcoolémie (voir ce mot). Il y a lieu de noter qu’avant l’entrée en vigueur, en 1985, des modifications apportées au Code criminel concernant la conduite en état d’ivresse, le terme alcooltest (écrit avec un l avant le premier t) désignait l’appareil utilisé pour déceler la présence d’alcool dans le sang d’une personne. L’ancien article 234.1 du Code criminel parlait de l’alcooltest approuvé (“approved roadside screening device”). Le nouveau paragraphe 254(1) utilise l’expression appareil de détection approuvé (“approved screening device”) pour désigner l’appareil qui ne fait que déceler la présence d’alcool dans le sang. Il convient donc, en lisant la jurisprudence de langue française avant ces modifications, de ne pas oublier cet usage antérieur du mot alcooltest. On peut toutefois regretter l’usage, dans les nouvelles dispositions, de l’adjectif [approuvé] pour qualifier ces instruments. Il aurait été préférable de le remplacer par agréé ou homologué. Le terme [ivressomètre] est à proscrire. En effet, on ne peut, par l’analyse de l’haleine, mesurer l’ivresse d’une personne, mais uniquement la quantité d’alcool qu’elle a consommée. Il ne faut pas confondre alcootest et alcoomètre, ce dernier appareil servant à déterminer le degré alcoolique de la teneur en éthanol d’un liquide par immersion dans celui-ci. Syntagmes Faire subir un alcootest, une épreuve d’alcootest à qqn. Soumettre qqn à un alcootest, à une épreuve d’alcootest. Se soumettre à un alcootest, à une épreuve d’alcootest. Subir un alcootest, une épreuve d’alcootest. 198 ö AGRÉER. ö ALCOOL. ö ALCOOLÉMIE. ö APPROUVER. ö ÉTHYLOMÈTRE. ö HOMOLOGUER. ALIAS. Se prononce a-li-ass. Le mot latin alias est passé dans l’usage courant et reste en caractère romain. 1) Alias traduit “alias” et “also known as” (ou sa forme abrégée courante “a.k.a.”). Signifie autrement appelé (de tel ou tel nom, surnom ou pseudonyme) et introduit les différentes identités d’une même personne, physique ou morale : Sa Majesté la Reine c. Jean Untel, alias Jean Chose; Antares Shipping Corporation c. Le navire Capricorn (alias le navire Alliance) et autres. Alias ne peut s’employer pour une chose, le navire dans l’exemple ci-dessus étant considéré évidemment comme une partie à l’instance, comme une personne morale. 2) Lorsque la partie à une instance judiciaire a plusieurs noms d’emprunt, il vaut mieux répéter le mot alias (sans le faire précéder de la virgule) pour éviter la confusion avec le nom d’une autre partie. Dans l’exemple suivant, tiré d’un arrêt de la Cour suprême ([1987] 1 R.C.S. 711), la distinction entre les défendeurs n’est pas évidente à la première lecture : « Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée, Appelante, c. Banque de Montréal, Intimée, et Morris Sands alias Morris Sigulim ainsi que Morris Van Sigoulim, Dundas Discounts Limited et SigMor Sales Limited, Défendeurs. ». Reconnaissons que l’absence de virgule avant ainsi que a pu contribuer à atténuer la confusion des noms. Il reste que la répétition du même mot alias aurait pu faire disparaître toute ambiguïté. En répétant l’expression “also known as”, la version anglaise de cet arrêt distingue plus nettement les noms des défendeurs. On aurait pu dire aussi, plutôt qu’alias : aussi appelé, dit, dit également. 3) En français, le mot alias est adverbe. L’emploi substantivé (les alias, pseudos, surnoms... ) n’est pas incorrect, mais il est plus courant en anglais, où “alias” signifie nom d’emprunt, faux nom : « Il se sert de plusieurs noms d’emprunt. ». On évitera donc de dire, à propos d’une compagnie : « La Quatsino a été, à toutes les époques en 199 cause, un trompe-l’oeil, une couverture, [un alias] ou un alter ego de l’appelante... », mais plutôt qu’elle était « un faux nom, une fausse raison sociale de l’appelante. » ö PSEUDONYME. ALIBI. Des alibis. 1) En droit pénal, l’alibi est le moyen de défense ou l’excuse qui consiste, pour un suspect ou un prévenu, à invoquer le fait prouvé qu’au moment de l’infraction, il se trouvait à un autre endroit que celui où l’infraction a été commise. « Ce suspect a un alibi : il se trouvait à Montréal au moment de l’infraction. » « Tout alibi soulève inévitablement la question de temps. Aussi, une personne ne peut être déclarée coupable si elle se trouvait ailleurs au moment du crime. » « Une défense d’alibi est surtout valable dans les causes où l’identification de l’accusé n’est pas solidement établie. » Les substantifs les plus couramment utilisés avec le terme alibi sont fausseté et son antonyme véracité : « L’appelant prétend que le juge du procès a omis d’expliquer au jury qu’une preuve en réfutation n’établit pas la fausseté de l’alibi, que le fait de ne pas accorder foi à l’alibi ne constitue pas une preuve de la culpabilité de l’accusé et qu’il faut que la fausseté de l’alibi soit établie sans équivoque avant que le jury puisse la considérer comme une preuve de la conscience de la culpabilité. » « Dans l’affaire O’Leary, le juge a déclaré que le rejet par un jury de la véracité d’un alibi ne constitue pas une preuve, à moins que ce rejet ne soit fondé sur une preuve établissant que l’alibi a été fabriqué. » 2) Dans l’usage courant, alibi a un sens plus large et signifie toute circonstance, activité, justification ou excuse permettant de se disculper, de faire diversion. L’alibi, c’est souvent l’excuse alléguée pour un acte reproché : « Ses longues explications ne sont qu’un alibi à sa paresse. » Cette extension de sens est reçue par les uns et rejetée par les autres. Les critiques soulignent qu’en ce sens, alibi prête à confusion puisqu’il ne peut se placer sur le plan 200 des intentions (prétexte, excuse, justification), mais uniquement sur celui des faits (le fait de se trouver ailleurs qu’à l’endroit où qqch. s’est produit). Il vaut mieux ne pas utiliser le mot alibi pour désigner n’importe quelle justification : « Il invoque une circonstance [comme alibi] = pour se justifier. » « Il cherche [des alibis] (= des excuses) pour fuir ses responsabilités. » Syntagmes Avoir, chercher, s’assurer, se créer, se fabriquer, se forger, se trouver un alibi. Dévoiler, établir, faire valoir, fournir, invoquer, présenter, produire un alibi. Alléguer un alibi. Inventer un alibi pour disculper qqn. Se justifier par un alibi. Se défendre par un alibi. Avancer, soulever une défense d’alibi. Rejeter la défense d’alibi, la défense fondée sur l’alibi. Vérifier un alibi. Réfuter l’alibi de qqn. Démontrer la fausseté d’un alibi. Appuyer son alibi par des témoignages. Établir le bien-fondé, la véracité de l’alibi. Prouver son alibi. Fournir tous les détails de l’alibi. Croire l’alibi. Accorder foi, ajouter foi à l’alibi. Avoir un bon alibi. Un alibi à toute épreuve, excellent, inattaquable (“perfect alibi”), sérieux, solide. Un faux alibi. Alibi commun des complices. Preuve, témoignage(s) d’alibi. Éléments de preuve présentés à l’appui et en réfutation de l’alibi. Charge, fardeau de preuve en matière d’alibi (“burden of proof of an alibi”). Fardeau de présentation de l’alibi. Échec de l’alibi. Vérification de l’alibi. Témoins de l’alibi. ALIMENTATION. APPROVISIONNEMENT. Au sens d’action de fournir qqch. à qqch. ou à qqn, ces deux termes sont suivis de la préposition en. Alimentation en eau, en électricité. Approvisionnement en eau, en aliments, en matières premières. 201 ALINÉA. SOUS-ALINÉA. 1) Ces mots sont masculins. Ils s’abrègent en al. et s.-al. Au pluriel : « Cet article comporte plusieurs alinéas. ». Noter que la forme abrégée ne prend pas la marque du pluriel : les al. 3(2)b) et c), les s.-al. 3(2)b)(ii) et (iii). Noter, de plus, que les appellations des éléments constitutifs des lois ne s’abrègent jamais dans le texte. L’abréviation est permise dans les notes et les renvois. Ainsi, on ne dira pas : [L’al. 3a)] de la Loi, mais L’alinéa 3a) de la Loi. 2) En rédaction législative canadienne (le cas du Québec est différent), l’alinéa (“paragraph” ou parfois “clause”) désigne l’élément d’une loi qui suit le paragraphe (“subsection”). Il est donc fautif d’employer, sous l’influence de l’anglais, le terme [paragraphe] pour désigner ce que les rédacteurs législatifs canadiens appellent alinéa en français. De plus, le texte de l’alinéa ne constitue jamais une phrase complète en elle-même, à la différence de l’alinéa dans les textes législatifs du Québec et des pays francophones. Par convention, la lettre indicative de l’alinéa dans le texte français est en italique (pour le texte manuscrit ou dactylographié, la lettre est soulignée) et n’est suivie que de la parenthèse fermante, à la différence de l’anglais qui place la lettre indicative entre parenthèses : l’alinéa 3(2)c) (“paragraph 3(2)(c)”). 3) Remarques relatives à la rédaction des alinéas et des sous-alinéas dans les lois du Canada : les alinéas sont précédés des deux points, se terminent par des pointsvirgules (les sous-alinéas par des virgules) et l’alinéa qui annonce un sous-alinéa se termine par les deux points. Dans la mesure du possible, marquer l’articulation des idées par l’emploi de motsliens (d’une part, d’autre part; ou bien, ou bien; soit, soit; à la fois, à la fois; à titre de; dans le cas de; si; relatif à; relativement à; par; par le fait que; ceux qui; concernant; s’il s’agit... ). Toujours commencer par la même structure syntaxique, c.-à-d. par des mots de même nature (substantifs, impératifs, locutions prépositives, participes présents). 202 Faire des membres de phrase, et éviter d’utiliser un seul mot par alinéa ou par sousalinéa. Il faut éviter la multiplication des alinéas. Le substantif au début de l’alinéa peut ne pas être accompagné de l’article. Éviter de terminer l’alinéa par un enjambement, c’est-à-dire de faire suivre l’alinéa d’une virgule et de continuer l’énoncé de la phrase. Il vaut mieux, après le dernier alinéa, mettre un point et faire une nouvelle phrase ou encore exprimer l’idée dans la phrase introductive. Si, toutefois, la phrase se poursuit après le dernier alinéa, ce dernier se termine par la virgule. Éviter d’introduire une phrase incidente à l’intérieur d’un alinéa. La traduction des articles à alinéas (et la remarque vaut également dans le cas de la rédaction) soulève souvent la difficulté de rendre en français les verbes que le législateur privilégie lorsqu’il s’agit d’énoncer des dispositions portant sur des pouvoirs déterminés propres à l’objet de la loi ou du règlement : “prescribing/prescribe”; “providing/provide” En français, il y aura intérêt, dans bien des cas, à préférer à prescrire ou à prévoir (voir ces mots), des verbes adaptés à la situation : adopter, assurer, attribuer, autoriser, classer, conclure, définir, désigner, déterminer, élaborer, énumérer, établir, fixer, formuler, indiquer, mettre en oeuvre, ordonner, pourvoir, préciser, régir, réglementer... Sous-alinéa est l’équivalent de “subparagraph”. Contrairement à celle de l’alinéa, la lettre indicative du sous-alinéa ne se met pas en italique et est placée entre parenthèses : le sous-alinéa 3(2)c)(i). Pour le sous-alinéa, la désignation littérale en caractère romain se prononce comme un nombre : le sous-alinéa 3(2)c)(iv) se prononce sous-alinéa 3-2-C-4. En légistique canadienne, la règle veut que les citations se fassent par mention du plus petit élément et indication des désignations numériques ou littérales dans l’ordre décroissant : on dira le sous-alinéa 3(2)c)(i) plutôt que le sous-alinéa (i) de l’alinéa c) du paragraphe (2) de l’article 3. ö DIVISION. ö ÉLÉMENTS DES LOIS. ö PARAGRAPHE. ö PRESCRIRE. 203 ö PRÉVOIR. ö SECTION. ALLÉGEANCE. 1) En droit, l’allégeance est une obligation de fidélité et d’obéissance à une nation, à un souverain. « La violation du devoir d’allégeance constituait au regard de la common law une trahison. » « Le greffier de la Chambre des communes prête et souscrit le serment d’allégeance devant le président; les autres membres du personnel de la Chambre prêtent et souscrivent à leur tour le serment d’allégeance devant le greffier. » Conformément à l’article 3 de la Loi sur les serments d’allégeance du Canada, il est loisible au député canadien qui a des convictions religieuses lui interdisant de prêter serment, ou qui n’a pas de convictions religieuses, d’y substituer une affirmation solennelle qu’on appelle aussi affirmation d’allégeance. Au Canada, certains titulaires d’une charge publique, maires, officiers publics, avocats, notaires et officiers ministériels (notamment les greffiers, commissaires, membres de la Gendarmerie royale du Canada, arpenteurs fédéraux et agents de police de compagnies de chemin de fer) doivent, avant de prendre leurs fonctions, prêter et souscrire le serment d’allégeance. Dans le cas d’un député, le serment a pour objet de lui permettre d’occuper son siège à la Chambre. Le serment d’allégeance n’existe pas en France. Au Canada, le serment d’allégeance peut procéder d’une initiative personnelle, d’une exigence légale ou d’une obligation imposée par une règle de droit. Le serment se prête devant l’autorité compétente dans les termes suivants, à l’exclusion de toute autre formule : « Je, ... , jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs. Ainsi Dieu me soit en aide. » 2) Allégeance se remplace fort bien dans certains contextes par fidélité, obéissance. Devoir obéissance à quelqu’un. Devoir obéissance et fidélité au souverain. Fidélité à toute épreuve, sans partage, jurée. Syntagmes 204 Affirmation solennelle d’allégeance. Devoir d’allégeance à la Couronne, envers la Couronne. Formule du serment d’allégeance. Prestation, souscription du serment d’allégeance devant l’autorité compétente, en présence de l’autorité compétente. Administrer, faire prêter le serment d’allégeance. Déférer le serment d’allégeance à qqn. Faire acte d’allégeance, affirmer son allégeance à la Reine. Faire une affirmation solennelle d’allégeance, faire prêter serment d’allégeance, recevoir l’affirmation d’allégeance. Prêter et signer, prêter et souscrire le serment d’allégeance. Porter sincère allégeance à Sa Majesté, porter vraie allégeance à l’autorité constituée, porter allégeance permanente à l’État. Recevoir le serment d’allégeance. ö SERMENT. ALLÉGUÉ, ÉE. PRÉSUMÉ, ÉE. PRÉTENDU, UE. 1) Il faut bien se garder de considérer les participes passés présumé et prétendu employés adjectivement comme des termes synonymes ou interchangeables. Par exemple, les syntagmes prétendu crime, prétendu transgresseur et crime présumé, présumé transgresseur ne signifient pas du tout la même chose. Ce qui est qualifié de prétendu découle d’une simple prétention juridique, qui existe, que l’on fait valoir et qui est opposable, dont l’adversaire peut discuter et que le tribunal, n’ayant pas établi le bien-fondé de l’assertion, n’a pas encore accordée. À l’appui, au soutien de ses prétentions, le litigant énonce des éléments de fait, lesquels sont dits allégués. Ce qui est qualifié de présumé a un sens beaucoup plus fort et découle d’une présomption légale ou légitime S née d’une preuve, d’un acte instrumentaire, d’un aveu, d’une situation factuelle, d’une circonstance aggravante, d’un fait notoire, d’une théorie admise, d’un indice ou d’une contestation ressortant d’une enquête, d’un serment S que l’on peut, certes, combattre par une preuve contraire, mais qui permet au juge de procéder à des inductions ou de former sa conviction. Lorsqu’il comparaît 205 en justice, le prévenu ne peut être décrit comme l’auteur [présumé] de l’infraction, mais plutôt comme le prétendu auteur ou l’auteur prétendu de l’infraction. Celui que l’on qualifie de prétendu innocent ou de prétendu coupable est considéré tel uniquement du fait de la force d’une affirmation dont le bien-fondé ou le mérite juridique reste à démontrer. Celui qui est présumé innocent ou présumé coupable est censé tel; on suppose que son innocence est reconnue par l’effet des choses; la culpabilité de l’accusé est donnée comme probable. De même en est-il s’agissant d’un inanimé. Prétendue fraude, fraude présumée. Contrairement au sens que l’usage courant donne au mot prétendu, ce qui est prétendu juridiquement ne l’est pas nécessairement à tort : seule la preuve pourra établir le bienfondé ou le mal-fondé de la prétention. 2) Prétendu et présumé sont le plus souvent antéposés puisqu’on entend généralement mettre l’accent sur le caractère de la personne ou de la chose ainsi qualifiée (prétendue arrestation, crainte, absence de signification, inconduite, torture, omission, violation; présumée illégalité, validité, rupture contractuelle). Toutefois, ils sont postposés quand il importe moins que l’on fasse porter l’insistance sur ce caractère (possession, détention, nuisance, obligation présumée). Ils sont antéposés ou postposés selon que l’exige l’euphonie ou une terminologie normalisée ou que le commandent les règles de la syntaxe. Prétendu titulaire, titulaire prétendu. Prétendu outrage, outrage prétendu. Prétendu viol, viol prétendu. Prétendu préjudice irréparable. Prétendu contrefacteur. Exercice réel ou prétendu (d’un droit, d’un pouvoir). Comportement criminel présumé ou prétendu. Concession, connaissance, fiducie réversive, habilité, possession, servitude par concession présumée. Fait, contrat présumé. Existence présumée (d’une chose). ö BIEN-FONDÉ. ö CONVICTION. ö LITIGANT. ö MÉRITE. ö PRÉSOMPTION. ö PRÉTENDU. ö PRÉTENTION. ALLIANCE. ALLIÉ. PARENTÉ. 206 L’alliance est le lien qui unit l’un des conjoints aux parents de l’autre : « C’est par le mariage que l’alliance s’établit entre chacun des époux et les parents de l’autre. ». Elle se distingue de la parenté, qui est le lien établi, soit par la nature entre des personnes qui descendent les unes des autres ou d’un auteur commun, soit par l’effet de la loi, p. ex. entre l’adoptant et l’adopté. Comme les personnes unies par alliance ne sont pas au sens strict des parents, l’expression parent par alliance est donc critiquable, bien qu’elle soit consacrée par l’usage. On lui préférera le terme allié. La proximité de l’alliance se détermine comme celle de la parenté. On y distingue la ligne directe, ascendante ou descendante, ainsi que la ligne collatérale. Les alliés au premier degré en ligne directe sont appelés beau-père, belle-mère, beau-fils ou gendre, belle-fille ou bru. Ceux du deuxième degré dans la ligne collatérale portent le nom de beau-frère et belle-soeur. Les alliés plus éloignés conservent l’indication du degré de parenté suivie de l’expression par alliance : cousin , oncle par alliance. Alliance et allié ont remplacé les termes vieillis affinité et affin, et ont été retenus par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law comme équivalents, en droit successoral de common law, des termes anglais “affinity” et “relative by affinity”. Syntagmes Le conjoint, le mariage qui produit, qui crée l’alliance, le lien d’alliance. Alliance légitime, naturelle, adoptive. Alliance, allié au premier, deuxième, troisième degré. Allié collatéral, en ligne collatérale, en ligne directe. Être allié au degré d’oncle et de neveu. Allié légitime naturel, adoptif. Être allié à qqn, être l’allié de qqn. ö AFFIN. ö PARENT. ö PARENTÉ. ALLOCATAIRE. ALLOCATION. 207 1) L’allocataire est le bénéficiaire d’une allocation. La Loi sur les allocations aux anciens combattants du Canada utilise d’une façon interchangeable allocataire et bénéficiaire pour une question de style. Allocataire d’une allocation n’étant pas très élégant, on dit bénéficiaire d’une allocation et allocataire d’une prestation. « Nulle allocation ne peut être cédée, aliénée ou transportée par l’allocataire, ni saisie en acquittement d’une créance contre lui. » 2) Allocation est un terme administratif. Dans la législation sociale, le législateur canadien prévoit que des prestations seront versées à diverses catégories de citoyens pour faire face à un besoin ou en guise de compensation ou de réparation : Loi sur les allocations familiales, Loi sur les allocations aux anciens combattants, Loi sur les pensions et allocations de guerre pour les civils. Allocations familiales, allocations sociales, allocations de soin et de subsistance, allocations civiles. Allocation s’emploie notamment en matière de pension de la fonction publique (allocation de cessation en espèces), à l’égard des forces canadiennes (allocation de traitement), pour la retraite des parlementaires (allocation de base, allocation de retraite) et à l’égard des civils détenus en temps de guerre (allocations civiles, allocation de détention). 3) Dans la législation fiscale, le terme allocation sert à former plusieurs syntagmes dont la construction est la suivante : a) le substantif est accompagné de la préposition à pour marquer l’idée de destination : allocation à la recherche, aux familles locataires pour le logement; b) le substantif est suivi de la préposition de, cette catégorie, la plus nombreuse, marquant le genre ou l’espèce : allocation d’ancien combattant, de conjoint, de formation des adultes, d’entretien des enfants, de retraite, de séparation, de représentation, d’hébergement, de repas, de cherté de vie, d’invalidité, de survivant; c) le substantif est accompagné de la préposition pour, le syntagme nominal marquant, au figuré, l’idée de destination : allocation pour frais de déplacement, pour frais de subsistance. 208 4) Allocation désigne aussi l’action d’allouer qqch. : « Le préjudice matériel permet d’obtenir l’allocation de dommages-intérêts. » « Un préjudice moral suffit pour justifier l’allocation de dommages-intérêts. » Syntagmes Allocation payée, versée à qqn ou à l’égard de qqn. Allocation payable. Demande d’allocation. Service (au sens de paiement), recouvrement des allocations. Cessation, suspension du paiement d’une allocation (et non [suspension d’une allocation]). Toucher, percevoir, recevoir une allocation. Accorder, payer, servir, verser une allocation. ö INDEMNITÉ. ö PRESTATION. ALLOCUTION. DISCOURS. 1) Dans l’usage courant, l’allocution est une harangue, une exhortation, un discours de peu d’étendue prononcé en public, généralement par un supérieur (un militaire, une autorité politique ou ecclésiastique) à ceux qu’il commande ou dirige, à tout le moins par une personne qui a le droit de prendre la parole. Par extension, l’allocution est un petit discours familier et de circonstance fait par une personnalité à un public précis. Elle s’oppose au discours, qui, lui, est un exposé d’idées d’une certaine longueur. « Je suis d’avis que les allocutions et les déclarations publiques de personnalités politiques de Terre-Neuve à ce sujet ne devraient pas être reçues en preuve... On ne peut pas dire qu’elles expriment l’intention de la Légistature. » « Dans une allocution prononcée devant le Lawyers Club de Toronto, le juge en chef McRuer, de la Haute Cour de Justice de l’Ontario, a déclaré... » 2) Dans le langage judiciaire, le terme allocution s’emploie pour le tribunal et non pour les parties plaidantes. L’allocution répond au mot anglais “speech” et est un terme non technique, lequel désigne les commentaires que formule le juge soit avant l’audience ou le procès (« Je l’ai signalé dans mon allocution préliminaire à l’audience. »), soit pendant l’instance (« Deux théories de la causalité ressortent de 209 l’analyse des allocutions des lords dans cette affaire. »). « Le juge devrait voir à ce que son allocution soit comprise de tout le jury. » 3) Brève, courte, petite allocution : expressions qui, pour certains, sont pléonastiques; mais tous les auteurs ne partagent pas cet avis. Syntagmes Adresser, faire, prononcer, commencer, terminer une allocution. Allocution inaugurale, préliminaire. ö EXPOSÉ. ö INTERVENTION. ö RÉSUMÉ. ALLONGE. 1) En droit, l’allonge désigne la feuille de papier collée ou attachée à un effet de commerce (chèque ou traite) lorsqu’il ne reste plus de place pour permettre qu’y soient portés de nouveaux endossements. Les deux exemples suivants sont tirés de la Loi sur les lettres de change du Canada : « L’endossement figurant sur une allonge ou sur une copie d’une lettre émise ou négociée dans un pays où les copies sont admises est réputé fait sur la lettre ellemême. » « Le paiement par intervention doit être attesté par un acte notarié d’intervention qui peut être annexé au protêt ou en former une allonge. » 2) Dans l’usage courant, le mot [allonge] servant à désigner la partie de bâtiment ajoutée à une maison pour l’agrandir est un canadianisme (construire une [allonge] pour agrandir le bâtiment = construire une aile, une annexe, un rajout). ö EXTENSION. ö RALLONGE. 210 ALLOUER. 1) Au sens strict d’accorder, allouer s’emploie surtout, dans le langage du droit, par rapport à une décision de justice et s’accompagne d’un complément désignant une somme d’argent (dommages-intérêts, prestation, indemnité). Dans l’exemple suivant, le verbe allouer aurait comme synonymes les verbes adjuger et accorder : « La Cour doit se prononcer sur le montant des dommages-intérêts à allouer pour des blessures très graves. » Allouer, au sens de tenir compte de, peut être accompagné de la préposition sur : « En accordant cette somme le juge a commis une erreur, car il n’a pas tenu compte des imprévus de la vie ni du rabais qui devait être alloué sur la valeur actuelle du capital immobilisé. » En construction impersonnelle : « Il est alloué à tout témoin qui se rend à la convocation de la Commission, dans le cadre de la procédure dont cette autorité est saisie, des indemnités dont le montant est fixé d’après le tarif en vigueur, pour les témoins en matière civile, à la cour supérieure de la province où cette procédure se déroule. » 2) Terme administratif, allouer se dit du fait pour l’État de verser des sommes à des citoyens (l’État alloue des pensions) ou, pour une autorité administrative, d’accorder, d’autoriser le paiement d’une somme en compensation de quelque chose (allouer cent dollars pour les frais de déplacement). 3) D’après les dictionnaires généraux, allouer a aussi le sens d’accorder un temps déterminé pour un certain travail. Allouer s’emploie alors au participe passé (temps alloué, période allouée). Mais pour que cet emploi soit correct, il faut que tout le temps alloué soit consacré au travail en question. Or, s’il s’agit d’une période à l’intérieur de laquelle se situe une démarche qui ne l’occupe pas du commencement à la fin, [allouer] est incorrect. Ainsi, le juge ne peut [allouer] un certain nombre de minutes aux avocats qu’il veut rencontrer dans son cabinet, mais il leur accorde, il leur donne tant de minutes. On ne dira pas : Fin de la période [allouée]... , mais Fin de la période prévue, réservée. Non pas [allouer] tant de semaines pour la signification à l’extérieur du pays, mais prévoir tant de semaines... 211 4) L’expression allouer des ressources est critiquée par certains. « De plus grands délais dans d’autres régions peuvent simplement signifier qu’on n’a pas [alloué] (dire plutôt : affecté) suffisamment de ressources pour répondre aux besoins existants. » 5) Au sens d’approuver, allouer ne s’emploie que pour des dépenses portées sur un compte. « Le fisc n’alloue que la moitié des frais indiqués dans la déclaration. » « Le conseil d’administration alloue les dépenses d’entretien supplémentaires que le directeur a indiquées sur son compte de frais. » 6) Le verbe anglais “to allow” a des sens que le français n’a pas. La liste suivante regroupe certains emplois fautifs : [allouer] un appel : accueillir, autoriser, recevoir un appel. [allouer] une demande : faire droit à une demande. [allouer] une réclamation : admettre, accueillir une réclamation. [allouer] un engagement (“recognizance”) : accueillir un engagement. [allouer] un délai : accorder, impartir, octroyer un délai. [allouer] une compensation : accorder une compensation. [allouer] une présomption : admettre une présomption. 7) L’expression allouer à une partie ses frais est vieillie. On dit aujourd’hui accorder, adjuger à une partie ses dépens. Syntagmes Allouer des dommages-intérêts, des intérêts, une indemnité, une somme, des crédits, une pension, une gratification en nature, un traitement. ö ACCORDER (S’). ö ALLOCATAIRE. ö OCTROI. ALORS QUE. PENDANT QUE. La locution conjonctive alors que est vieillie dans son sens temporel, sens qu’elle conserve encore dans la langue littéraire. On évitera d’employer cette locution au sens de lorsque ou quand : « Nous connaîtrons le verdict [alors que] le jury aura fini de 212 délibérer » (= « lorsque » ou « quand le jury aura fini de délibérer » ou « à l’issue des délibérations du jury. ») Alors que peut marquer un rapport de simultanéité entre deux actions (« Le prévenu est inculpé d’un acte criminel qui aurait été commis alors qu’il était en liberté. ») ou de circonstance (« Si une vacance survient au sein du conseil alors que l’élection suivante doit avoir lieu un mois plus tard... »). Il importe de bien distinguer l’idée de durée et celle de simultanéité dans l’emploi des locutions pendant que (sens : au cours de) et alors que (sens : au moment de) : « ... elle emploie une arme ou l’a sur sa personne pendant ou alors qu’elle commet ou tente de commettre l’infraction. » Alors que marque le plus souvent l’opposition, ce sens adversatif commandant l’indicatif ou le conditionnel; de plus, la locution est précédée de la virgule pour bien marquer le contraste de l’idée : « L’argumentation de la poursuite se tient, alors que la thèse de la défense me semble peu fondée. » Le sens adversatif de alors que peut être plus ou moins marqué; si ce sens est moins accentué, la virgule disparaît et alors que prend le sens de à un moment où au contraire, l’opposition étant renforcée par le sens temporel : « S’il apparaît ou s’il est prétendu que les débats doivent avoir lieu en chambre du conseil alors qu’ils se déroulent en audience publique... ». La locution peut être renforcée en disant alors même que. Cette dernière locution est suivie du conditionnel, elle marque l’opposition par rapport à une hypothèse et est synonyme de même si, quand même : « Si le jugement ordonnant l’expertise s’est également prononcé sur la compétence, la cour peut être saisie de la contestation sur la compétence alors même que les parties n’auraient pas formé contredit. » ö LORSQUE. ö QUAND. ALTÉRATION. ALTÉRER. 1) Le é du verbe altérer se change en è devant un e muet, sauf à l’indicatif futur et au conditionnel présent : altère, altéreront, altérerais. 213 2) Le verbe altérer et son substantif altération expriment quasi toujours une modification en mal par rapport à un état normal, un changement avec dégradation, alors que les termes anglais “to alter” et “alteration” se disent de tout changement, en bien ou en mal. On évitera en conséquence de dire : « L’auteur a fait des [altérations] à son texte. ». On dira : « L’auteur a apporté des modifications, des corrections à son texte. ». On ne dira pas d’un édifice qu’il est fermé [pour cause d’altérations], mais qu’il est fermé pour cause de réparations, de rénovation, de transformations. On se gardera d’écrire « L’ordre du jour de la réunion a dû [être altéré] »; on dira « L’ordre du jour de la réunion a dû être modifié, changé ». L’altération des conditions de vie, ou de la concurrence, d’une situation économique ou de l’environnement implique une dégradation. Il en est de même dans les exemples suivants : L’altération des marchandises en cours de transport. « La chaleur a altéré la viande. » « Les changements de température altèrent le vin. » Altération de la santé, des facultés physiques ou mentales d’une personne. « L’alcoolisme a altéré profondément sa personnalité. » « L’âge a altéré ses facultés. » « La colère altérait son jugement. » Altération des traits du visage, de la voix (provoquée par une émotion qui modifie profondément le comportement de la personne en question). « La peur altérait les traits de son visage. » « Le témoin a déclaré d’une voix altérée... » (“in a broken voice”). En traduction, altération dans ce contexte rendra le terme anglais “impairment”, qu’on évitera d’ailleurs de traduire, comme on l’a fait dans la Loi sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées du Nouveau-Brunswick et dans sa version fédérale équivalente, par [diminution de la puissance physique ou mentale]. 3) Le verbe altérer et son substantif altération indiquent également une modification qui a pour effet de falsifier, de dénaturer qqch., d’en fausser le sens ou la valeur, un changement fait dans le dessein de tromper : « Il faut entendre ici par ‘altération’ tout fait volontaire de l’homme qui aurait dénaturé la substance de l’acte. ». Rétablir un acte altéré. « Le demandeur doit démontrer que l’acte n’a point été altéré. » « La falsification est l’altération d’une pièce authentique, tandis que la contrefaçon est l’imitation frauduleuse d’un document authentique. » Altération des monnaies. Au figuré, le sens est le même : « Ce témoignage altère gravement la vérité. » « Ce compte rendu semble altérer la vérité, les faits. » 214 Dans ces différents exemples, les équivalents anglais seraient : “to distort”, “to tamper with”, et également, ainsi qu’en témoigne le paragraphe 366(2) du Code criminel canadien, “to alter” : « Faire un faux document comprend : a) l’altération, en quelque partie essentielle, d’un document authentique; ou l’article 145 de la Loi sur les lettres de change du Canada : « Est notamment substantielle toute altération : a) de la date; b) de la somme payable, c)... » « La lettre n’a pas été altérée. ». Barrement altéré par oblitération ou addition. Altérer le barrement d’un chèque. Altération essentielle et altération accidentelle (en matière de lettres de change). 4) Le mot altération désigne également l’élément altéré, le défaut : « Ces altérations sont facilement mises en évidence par l’observation du document en transparence. » 5) Ce n’est que très rarement qu’altération et altérer expriment un changement sans détérioration. On dira, par exemple, en linguistique : « Ces mots ont subi des altérations de sens. » « Le sens de ce terme s’est altéré au cours des siècles. ». Mais même dans ces contextes, l’altération sous-entend la détérioration, le manque de pureté. ALTERCATION. Il est abusif de parler d’une altercation pour décrire l’action de deux individus qui en viennent aux coups. L’altercation est uniquement verbale, c’est une prise de bec, une empoignade, une dispute, une discussion vive et soudaine. Le sens est le même pour le terme anglais “altercation”. Ainsi, dans l’exemple suivant, altercation est incorrect : « Celui qui frappe un antagoniste réduit à l’impuissance par les spectateurs de l’altercation n’est pas en état de légitime défense, puisqu’il n’était pas en péril. Au contraire, l’agression... ». Lorsque les paroles violentes sont absentes ou ne sont pas l’élément principal de la notion et qu’il y a absence de coups, on parle de querelle, de différend. Dans un contexte de voies de fait, on utilisera avec prudence ce mot altercation pour limiter sa portée à un échange de propos vifs. Pour exprimer l’idée d’agression, d’attaque violente, de personnes qui en viennent aux mains, on parlera, selon le contexte et le niveau de langue, d’une bousculade, d’un échange de coups, d’une 215 bataille, d’une bagarre, d’un combat, d’une lutte, d’une mêlée, d’une échauffourée, d’une rixe. ALTER EGO. Le terme alter ego est invariable. Cette locution latine signifie littéralement un autre moi, un second soi-même. Pour le profane, alter ego s’entend au sens propre d’une personne de confiance qui est chargée d’exercer une fonction par délégation, un bras droit, et, au sens figuré, il s’entend d’un ami inséparable, d’une âme soeur. Pour les juristes, alter ego est d’abord une théorie en matière de responsabilité du fait d’autrui (“vicarious liability”), plus précisément en cas de responsabilité personnelle des personnes morales et de responsabilité par délégation, ainsi qu’en cas d’infractions de type professionnel. Responsabilité personnelle par alter ego. « L’argument du demandeur fait appel, dans une certaine mesure, à ce que l’on a appelé quelquefois la théorie de l’alter ego, savoir qu’une compagnie, n’ayant en réalité qu’un seul actionnaire qui dirige toutes les activités de l’entreprise, constitue simplement l’alter ego de cet actionnaire. » La notion, relativement récente dans la jurisprudence canadienne, s’est développée devant la nécessité de tenir pour directement responsables les personnes morales agissant par l’intermédiaire d’une personne physique pour les actes accomplis par leur mandataire ou employé lorsque ce dernier agit comme alter ego. Ainsi, une société a été reconnue coupable de conspiration pour fraude dans le cas où deux de ses administrateurs avaient conspiré pour frauder une compagnie d’assurances. Le concept d’alter ego est souvent associé à celui d’âme dirigeante (“directing mind”) et s’applique même aux employés de l’État : « Selon l’appelant, le sous-ministre adjoint, tout comme le sous-ministre, est un alter ego du ministre... » Cette doctrine juridique trouve une application en droit maritime (au cours d’un voyage, le patron de navire est considéré comme l’alter ego de son commettant). Dans le droit de la preuve pénale, l’alter ego a trait à la question de la contraignabilité à témoigner, notamment lorsqu’il s’agit de savoir si l’aveu d’un mandataire ou d’un 216 préposé de l’assuré peut lui être opposable. « Le privilège que possède un accusé contre l’autoincrimination est un vieux droit de common law que n’a pas modifié la Loi sur la preuve au Canada... Il s’agit de savoir si un employé qui est considéré comme l’âme dirigeante d’une compagnie et son alter ego doit bénéficier du privilège de ne pas incriminer son employeur, alors que ce privilège lui aurait été refusé s’il avait été l’employé d’une personne physique. » Parfois dans la jurisprudence, le terme alter ego prend erronément le sens suivant : personne qui fait figurer son nom comme si elle agissait pour son propre compte, alors qu’en réalité elle n’intervient que comme mandataire d’une autre. Ce sens est celui du mot prête-nom, qui n’est pas un concurrent d’alter ego. ö PRÊTE-NOM. ALTERNATIF. SUBSIDIAIRE. ALTERNATIVE. ALTERNATIVEMENT. DILEMME. 1) Le substantif alternative désigne la faculté de choisir entre deux partis à prendre, l’option entre deux issues. Ainsi l’alternative présente-t-elle un choix entre deux termes, deux solutions. Le mot anglais “alternative” a ce sens également. Mais le plus souvent, il indique chacune des possibilités entre lesquelles il faut choisir, l’un des moyens qui s’offrent pour résoudre un problème. Il est donc incorrect d’employer en ce sens les tournures [choisir entre deux alternatives], [prendre la première alternative], [se décider pour une alternative], [se trouver devant une double alternative] plutôt que d’utiliser alternative au sens d’éventualité et de solution. La faute, venue d’un glissement de sens sous l’influence de l’anglais, est très répandue. Les meilleurs auteurs ont galvaudé ce vocable. 2) Il ne faut pas employer indifféremment alternative et dilemme (noter l’orthographe : mme). Alternative indique un choix entre deux possibilités et dilemme impose une seule conclusion à deux hypothèses contradictoires et, le plus souvent, fâcheuses, un choix très difficile ou impossible à résoudre, ou encore une situation qui impose un choix entre deux maux. Ainsi, l’exemple suivant illustre un emploi fautif du mot dilemme : « Son [dilemme] était de gagner sa cause ou de perdre la face. » : 217 il s’agit ici d’une alternative. L’exemple qui suit réunit les deux termes bien employés : « Mon client se trouve dans l’alternative suivante : ou il intente des poursuites contre son meilleur ami et il le blesse, ou il ne fait rien et continue de subir son préjudice; cette alternative est pour lui un douloureux dilemme. » 3) En contexte de traduction, on fera bien de distinguer les cas où le mot anglais “alternative” est pris comme nom (“to choose between these two alternatives”) ou comme adjectif (“an alternative proposal”). Si le sens du mot anglais correspond à celui du mot français, soit situation où deux choix seulement sont possibles, c’est par alternative qu’il sera naturel de traduire le mot anglais. Dans le cas contraire, le sens du mot anglais étant l’un des deux choix, le français offre des ressources variées : proposition, éventualité, possibilité, option, autre ou double suivis du substantif adéquat, ou encore solution de rechange, solution de remplacement ou solution de substitution. 4) L’article 590 du Code criminel canadien prévoit qu’un chef d’accusation n’est pas inadmissible du seul fait qu’il impute sous forme alternative plusieurs choses, actions ou omissions différentes. Une accusation est dite alternative lorsqu’elle présente le fait comme constituant soit telle infraction, soit telle autre infraction. Une accusation alternative comporte donc deux accusations. Il est incorrect de parler d’[accusations alternatives] pour viser les deux accusations comme le ferait l’anglais (“to lay alternative charges”). Ce serait un contresens en français de traduire par accusations [subsidiaires]. La solution est d’employer alternative au singulier : on pourra dire porter une accusation alternative, ou encore porter des accusations sous forme alternative. De même, en droit pénal français, il est interdit de poser des questions alternatives au jury. Les exemples qui suivent illustrent l’emploi correct du substantif alternative et de l’adjectif alternatif. « L’alternative dans une question est une des formes de la complexité : une question alternative ne peut être résolue au scrutin par un oui ou par un non. » « La jurisprudence tolère les questions alternatives sous certaines conditions; elle décide que la nullité n’est encourue que si l’alternative ne permet pas d’apprécier exactement la portée de la réponse. Si donc les conséquences pénales d’une déclaration de culpabilité résultant du premier ou du deuxième terme de l’alternative ne sont pas identiques, l’arrêt de condamnation rendu à la suite d’une 218 réponse affirmative du jury est frappé de nullité. » « Tandis que la Cour de cassation annule les arrêts correctionnels qui déclarent, sous forme alternative, que la chose détournée avait été remise au prévenu ‘à titre de mandat ou de dépôt’, elle admet que le jury peut être interrogé sous cette forme alternative. » En droit civil, une obligation est dite alternative lorsqu’elle a pour objet deux ou plusieurs prestations qui sont dues de telle sorte que le débiteur se libère entièrement en exécutant une seule d’entre elles. En droit successoral de common law, on nomme à juste titre legs alternatif soit la disposition de biens qui contient une alternative quant au destinataire de la chose léguée, soit le legs de l’une ou l’autre de deux choses, fait à une même personne. On appelle également [legs alternatif], et cette fois à tort, le second de deux legs alternatifs. Il serait plus juste dans le cas du second legs de parler de legs subsidiaire, de legs de remplacement ou de legs de substitution. Le plus souvent, c’est l’adjectif subsidiaire (ou l’adverbe subsidiairement, notamment en procédure) que retient le discours juridique. Sont dites subsidiaires, par exemple, les cautions, demandes, hypothèques, ordonnances ou prétentions offertes comme solution de remplacement. Dans ses plaidoiries, l’avocat plaidera à titre subsidiaire (“in the alternative”) ou subsidiairement (“alternatively”), pour le cas où ses prétentions principales ne seraient pas accueillies. Notons cependant que l’adjectif subsidiaire n’a pas le même sens que alternatif comme en témoignent les expressions demande alternative et demande subsidiaire de la procédure française. Une demande alternative est une demande tendant à deux fins dont l’une, si elle est admise par le juge, exclura l’autre. Une demande subsidiaire est formulée seulement pour le cas où la demande principale ne serait pas acceptée. L’adjectif subsidiaire ne conviendra donc pas dans le cas où les deux termes de l’alternative sont au même niveau. 5) L’adverbe alternativement peut s’employer dans le sens de à tour de rôle : « Le fardeau de la preuve se déplace au cours du procès et pèse alternativement sur chacune des parties. » « Le président sera alternativement un ouvrier ou un employé, ou un patron. » Syntagmes 219 Être devant une alternative, en face, en présence d’une alternative. Se trouver dans, devant une alternative, en présence d’une alternative. Hésiter devant une alternative. Placer quelqu’un dans, devant une alternative. Donner, laisser, offrir, proposer une alternative à quelqu’un. Imputer sous (la) forme alternative. Question alternative posée au jury, question posée sous la forme alternative. Responsabilité alternative. Prescription alternative annale. Présidence alternative. Dans la liste qui suit, le mot à proscrire ([alternative] ou [alternatif]) a été remplacé par l’expression correcte. Allégation subsidiaire. À titre subsidiaire. Autre mode de signification personnelle. Cause subsidiaire d’action. Certificat de remplacement. Conclusions subsidiaires. Contre-projet, contre-proposition, contre-rapport. Disposition subsidiaire. Exécuteur supplémentaire suppléant. Garantie de remplacement. Mesure de rechange. Ordonnance subsidiaire. Plan de rechange. Prétention subsidiaire. Recours distinct subsidiaire. Sanction de remplacement. Service de remplacement, service de substitution. Variante (dans un projet de traité ou un projet d’accord). ö SUBSIDIAIRE. A.M. P.M. 220 Les abréviations A.M. et P.M., que l’anglais a emprunté au latin (ante meridiem et post meridiem), n’existent pas en français. [11 A.M.] est une notation de l’heure qui vient du système anglais. En français, l’heure est indiquée généralement en fonction de la période de vingt-quatre heures. « Le Palais de justice est ouvert tous les jours de la semaine de 9 h à 17 h. » Parfois, pour éviter toute confusion possible, on ajoute les mots du matin ou du soir lorsque la notation de l’heure est faite en fonction d’une période de douze heures : « Le client s’est présenté au bureau à onze heures du soir. ». ö HEURE. AMENDEMENT. MODIFICATION. SOUS-AMENDEMENT. 1) Le terme amendement désigne une modification qui est proposée à un texte soumis à une assemblée délibérante, p. ex. à un projet de loi ou à une motion. « Le légiste et conseiller parlementaire incorpore les amendements aux projets de loi. » Après l’adoption du projet de loi ou de la motion, tout changement que l’on voudra apporter au texte sera qualifié de modification. On amende un projet de loi et on modifie une loi. On parlera donc de la procédure de modification de la Constitution du Canada, et non de la procédure d’[amendement]. Modification est toutefois le terme générique, et l’on pourra dire sans commettre de faute, mais avec moins de précision : modifier un projet de loi ou apporter des modifications au projet de loi. On peut modifier un amendement par la présentation d’un sous-amendement. Mais on utilisera aussi le mot modification dans ce contexte : « Chaque commissaire peut lui-même demander des modifications à ces amendements. » 2) Il y a lieu de noter qu’il est d’usage en français d’employer le terme amendement pour désigner les modifications apportées à la Constitution des États-Unis. Le Premier, le Quatorzième amendement. 3) La Convention de Vienne sur le droit des traités (articles 39 à 41) distingue les amendements (“amendments”) qui ont vocation à modifier certaines clauses d’un traité dans les rapports entre toutes les parties et les modifications (“modifications”) qui ne jouent qu’entre certaines parties au traité. 221 Syntagmes Apporter un amendement à un projet de loi, à une motion. Déposer, formuler, présenter un amendement. Accepter, discuter, modifier, rejeter, repousser, retirer un amendement. Exercer le droit d’amendement. Amendement, modification de fond, de forme, de coordination. Amendement de modification, amendement de suppression. Projet d’amendement. Auteur de l’amendement. Modification connexe (“related amendment”), modification corrélative (“consequential amendment”). Loi portant modification (ou loi modificative). ö MODIFICATEUR. ö MODIFICATION. ö MODIFIER. ö RECTIFICATIF. AMÉNITÉ. 1) L’emploi du terme [aménités] au pluriel pour désigner les attraits, les agréments, les avantages d’un lieu, d’un cadre de vie, est un calque de l’anglais “amenities”, qui, en ce sens, se rend selon le contexte par agréments, commodités, attraits (en urbanisme), équipements, installations. Au pluriel, aménités s’emploie par ironie ou par antiphrase (dire, échanger des aménités) au sens d’injurier, d’invectiver : « À la fin de ce procès houleux, les adversaires n’ont pas hésité à échanger des aménités. » Au singulier, aménité à un caractère littéraire et s’applique à une personne, à son amabilité, à sa douceur (aménité des manières, être plein d’aménité) ou à une chose (aménité de l’air, de la température) et s’utilise presque exclusivement avec les prépositions avec et sans : « Le tribunal a traité l’accusé sans aménité. » 2) Dans le droit des délits civils, il faut proscrire les termes [aménités de la vie] (“amenities of life”) et [perte d’aménités] (“loss of amenities”) et les remplacer par agréments de l’existence et perte d’agrément. 222 Dans la terminologie parlementaire, ce qu’on appelle parfois les « [aménités] du Parlement » sont, en bon français, les bons usages parlementaires ou les prérogatives du Parlement, ou encore les avantages du Parlement. AMIABLE. AMIABLEMENT. 1) Se dit de ce qui se fait par entente entre les parties, par voie de conciliation, sans procès, de gré à gré. Ainsi, deux personnes en litige peuvent s’entendre à l’amiable au lieu de saisir un tribunal de leur différend. L’arrangement souscrit par des adversaires qui se concilient sans recourir à une instance judiciaire statuant sur leur contentieux est un arrangement amiable. « Chaque fois que cela semblera possible et notamment lorsque aucune faute ne paraîtra clairement caractérisée, les solutions devront être recherchées en premier lieu sur le terrain amiable. » 2) Précédés d’un substantif et formant syntagme avec celui-ci, amiable et à l’amiable s’emploient indifféremment (résiliation amiable, à l’amiable d’un bail, règlement amiable, à l’amiable, vente amiable, à l’amiable). Cependant, on trouve le plus souvent amiable avec un substantif (constat amiable, exécution amiable) et à l’amiable avec un verbe ou un participe (régler une dette à l’amiable), la raison de ces constructions étant strictement grammaticale. 3) Amiable n’a pas le sens d’amical; le premier signifie par entente entre les parties, le second empreint d’amitié. Aussi est-il impropre de parler d’un [règlement amical] ou d’un [règlement hors cour] (en anglais “amicable settlement”, “out-of-court settlement”); il faut dire règlement amiable ou règlement extrajudiciaire. 4) Dans le vocabulaire de l’assurance, on trouve les expressions constat amiable, expertise amiable et contradictoire et tierce expertise amiable. 5) Le terme amiable sert à former certaines notions juridiques : le bornage amiable, procédure, normale en Angleterre, qui est opérée conventionnellement entre les parties lorsqu’elles sont d’accord tant sur la désignation du géomètre que sur les résultats du bornage, sans intervention d’une autorité judiciaire ou administrative quelconque; l’expertise amiable, mesure d’information confiée à un ou plusieurs techniciens par les parties, qui s’entendent sur leur choix et sur la mission à leur 223 confier; l’ordre amiable, entente de gré à gré intervenue entre créanciers hypothécaires et titulaires de charge à propos du partage amiable du produit de la vente du bien hypothéqué. 6) En position antéposée, amiable forme le terme amiable compositeur, en droit civil; la clause d’amiable compositeur prévoit que les arbitres reçoivent des parties la faculté de ne pas juger selon les règles du droit, mais en se fondant sur des critères d’équité et de convenance. L’amiable composition est la mission de statuer comme amiable compositeur. Ce terme se trouve d’ailleurs dans le nom du « Centre canadien d’arbitrage, de conciliation et d’amiable composition », à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa. 7) Amiablement est un terme juridique qui indique la façon dont un différend est réglé et s’oppose aux locutions par décision de justice ou par les armes. « Dans la pratique, les sentences arbitrales s’exécutent amiablement. » On dit plus souvent à l’amiable, qui est moins lourd stylistiquement. Régler un litige amiablement ou à l’amiable. Syntagmes Accord, arrangement, entente, règlement amiable. Concordat amiable. Constat amiable. Échange, expertise, liquidation, partage, transaction, résiliation amiable. Procédé, solution amiable. Procédure amiable (“mutual agreement procedure”). Traitement amiable des réclamations (par opposition au traitement administratif et pénal). Vente amiable ou vente de gré à gré par opposition à vente faite par voie de justice ou par voie d’enchères. Prononcer, statuer comme amiable compositeur. Traiter à l’amiable. Régler (une affaire, un litige) à l’amiable. Se séparer à l’amiable. ö EXPERTISE. ö GRÉ. 224 AMICUS CURIÆ. Locution latine, qui n’est pas nécessairement traduite dans la jurisprudence et la littérature juridique, dont les équivalents sont ami de la cour (Règles de procédure du Nouveau-Brunswick), intervenant bénévole (Règles de procédure civile de l’Ontario); on trouve parfois dans la doctrine allié du tribunal. La mission de l’amicus curiæ s’apparente à celle du témoin expert, du technicien appelé à se présenter devant le tribunal afin de fournir, en présence des parties intéressées, les observations propres à éclairer les juges dans leur recherche d’une solution au litige. « Le Barreau du Nouveau-Brunswick a prié la Cour de lui permettre d’intervenir à titre d’amicus curiæ, cette intervention étant faite en raison d’impératifs d’ordre public. » Cet ami de la cour n’est pas « convoqué », mais est « invité » à intervenir dans l’instance, ou demande lui-même au tribunal de l’entendre (en matière de faillite, par exemple). « Toute personne peut, avec la permission ou à l’invitation de la cour et sans devenir partie, intervenir dans l’instance en vue d’assister la cour à titre d’ami de la cour et d’y présenter une argumentation. » L’amicus curiæ n’intervient pas devant le tribunal au nom d’une partie : « L’avocat a fait remarquer à la Cour qu’il ne comparaissait pas pour le compte du témoin, mais afin de défendre les droits de celui-ci en tant qu’amicus curiæ. » Agir comme amicus curiæ, exprimer un avis en qualité d’amicus curiæ, comparaître à titre d’amicus curiæ. AMNISTIE. AMNISTIER. L’amnistie désigne l’acte du Souverain qui efface les condamnations déjà infligées ou empêche l’exercice de poursuites contre les auteurs de certains crimes (le plus souvent politiques). On peut amnistier une personne, un fait ou une infraction. Dérivés : amnistiable, amnistiant. 225 Syntagmes Amnistie complète, partielle, générale, totale. Décret, loi, ordonnance d’amnistie. Demande d’amnistie. Exercer le droit d’amnistie. Accorder une amnistie à qqn pour certains crimes, admettre qqn au bénéfice de l’amnistie. Bénéficier de l’amnistie. Faire bénéficier qqn de l’amnistie, faire bénéficier certains délits de l’amnistie. Étendre le bénéfice de l’amnistie à qqn, obtenir le bénéfice de l’amnistie, invoquer le bénéfice de l’amnistie. L’amnistie profite à certaines personnes. Crime, délit, fait amnistié, compris dans l’amnistie, couvert par l’amnistie, non amnistié. Infractions admises au bénéfice de l’amnistie, donnant lieu à amnistie, exclues du bénéfice de l’amnistie. Infractions qui échappent à l’amnistie. Le bénéficiaire de l’amnistie. Le bénéfice de l’amnistie est acquis, l’amnistie est acquise. Crimes, infractions amnistiables, prisonniers amnistiables. Mesure amnistiante. ö GRÂCE. ö PARDON. AMONT. AVAL. Ne pas confondre ces deux termes. L’amont est la partie supérieure d’un cours d’eau, la partie qui est la plus rapprochée de la source; l’aval est la partie inférieure d’un cours d’eau, le côté vers lequel il coule. En amont, en aval. AMORTIR. AMORTISSABLE. AMORTISSEMENT. DÉPRÉCIATION. 226 1) L’avocat est souvent appelé, dans le cadre de la pratique immobilière, à assurer le transfert à l’acheteur des biens d’une entreprise. Cette transaction l’oblige à se familiariser avec des termes très complexes de comptabilité, de fiscalité et de finance. Amortir et ses dérivés sont de ceux-là. Considérés du point de vue de la jurilinguistique, ces termes posent des difficultés touchant le sens, la syntaxe et, de façon générale, l’expression. a) Amortissement s’emploie : - en matière comptable, au sens de constatation dans les écritures de la perte subie sur la valeur des immobilisations qui se déprécient avec le temps de manière à permettre le renouvellement des biens amortis à l’expiration de la durée d’amortissement. Assiette de l’amortissement. Amortissement pour dépréciation. Méthode d’imputation axée sur l’amortissement. - en matière commerciale, au sens de reconstitution progressive du capital par le remboursement des sommes avancées pour l’achat d’un bien. Amortissement du capital ou du capital social. Amortissement financier. Amortissement des obligations. « Le gouverneur en conseil peut prévoir la création et la gestion d’un fonds d’amortissement pour toute émission de titres ou pour l’ensemble des titres émis. » - en matière fiscale, au sens de montant légalement autorisé, venant en déduction du bénéfice imposable, de la perte de valeur subie d’une façon définitive par une immobilisation. Amortissement linéaire sur cinq ans. Amortissement récupérable. Amortissement total. - en matière de finance, au sens de remboursement graduel d’une dette, extinction d’une dette par le paiement d’annuités. Amortissement d’un emprunt. Amortissement de la dette nationale. b) Dans les lois canadiennes, amortissement se trouve fréquemment employé dans les syntagmes compte, frais, taux d’amortissement : « La Commission doit fixer et percevoir les taux qui, en plus de payer l’ensemble des frais et dépenses d’exploitation, des intérêts sur les frais généraux et des frais d’amortissement, lui permettent d’alimenter des comptes de réserve, d’amortissement et d’excédent. » « Le taux d’amortissement applicable aux machines varie, mais 227 le plus souvent, le matériel de fabrication peut être complètement amorti suivant un taux décroissant. » c) S’il s’agit de désigner la somme qui, pour un exercice donné, découle de la répartition systématique du coût d’acquisition d’un bien, diminué de sa valeur résiduelle, sur la durée d’utilisation prévue de ce bien, il faut éviter de parler d’une [dépense d’amortissement] ou d’une [dépense de dépréciation]; dire amortissement ou amortissement de l’exercice. d) En France, le montant cumulatif des sommes imputées aux exercices écoulés depuis le début de l’utilisation du bien s’appelle l’amortissement accumulé; le terme en usage au Canada est amortissement cumulé, l’adjectif cumulé rendant mieux qu’accumulé le caractère abstrait de la notion. Le mot cumulé fait d’ailleurs partie du vocabulaire comptable général. Le terme [réserve pour dépréciation] apparaissant dans l’ancienne Loi sur l’administration financière (maintenant la Loi sur la gestion des finances publiques) du Canada pour traduire “reserve for depreciation” est incorrect; dire amortissement cumulé. e) Il convient de distinguer l’amortissement de la dépréciation. Ces deux termes se rencontrent ensemble généralement dans des séries du genre dépréciation, amortissement et épuisement (“depreciation, amortization and depletion”) ou dépréciation, amortissement, désuétude ou épuisement (“depreciation, amortization, obsolescence or depletion”). L’amortissement est la constatation comptable d’un amoindrissement irréversible de la valeur d’un élément d’actif résultant notamment de l’usage, du temps, de changement technique, tandis que la dépréciation, qu’elle soit physique ou fonctionnelle, est la perte de valeur subie par un bien pour différentes causes, cette perte, du point de vue comptable, étant la différence entre la valeur d’entrée et la valeur d’inventaire d’un élément d’actif (BT-174). D’après Sylvain, le terme anglais “amortization” est un générique qui ne s’emploie généralement que pour désigner l’amortissement des immobilisations incorporelles et l’extinction graduelle d’une dette à long terme. f) Dans le cas d’une hypothèque, l’amortissement (“redemption”) se rapproche de l’hypothèque de libération. 228 2) Locutions verbales a) Amortir une dette, une créance ou un emprunt signifie l’éteindre progressivement. Pour introduire le complément circonstanciel de durée, on emploie la préposition en ou sur : « L’État amortira cet emprunt en vingt-cinq ans. » ou « sur une période de vingt-cinq ans. » b) Amortir un matériel, de l’équipement, des biens signifie reconstituer par voie d’amortissement le capital d’un bien investi. « L’entreprise doit amortir son outillage. » Pour introduire le complément circonstanciel, on emploie la préposition sur (amortir sur immeubles) ou à : « Les biens mentionnés dans les diverses catégories de l’annexe II des Règlements de l’impôt sur le revenu peuvent être amortis à des taux différents selon la catégorie. » « Les bâtiments acquis après 1987 sont amortis au faible taux de 4 % par année. » c) Amortir une action signifie en rembourser le capital nominal à l’actionnaire et remplacer cette action par une action rachetable. Action amortie. Le terme titre amorti signifie titre venu à l’échéance. d) Amortir peut s’employer en construction absolue (« L’entreprise peut amortir d’un montant égal ») ou en construction pronominale (« Les frais de modernisation de l’usine s’amortiront par un meilleur rendement. »). Fraction amortie, non amortie du coût, de la valeur (ou : coût non amorti, valeur non amortie). 3) L’antonyme non amortissable s’écrit sans trait d’union puisque non est suivi d’un adjectif. « Du point de vue fiscal, les biens en immobilisation sont amortissables ou non amortissables. » « La terre est un bien non amortissable et les bâtiments sont des biens amortissables. » L’adjectif amortissable qualifie généralement des termes comme action, bien, capitalactions, coût, dette, durée, élément d’actif, emprunt, matériel, obligation, rente. Dette amortissable en cinq ans. « La durée amortissable ou durée de vie s’entend du nombre d’années sur lesquelles l’assiette de l’amortissement doit être répartie. » « Les biens amortissables sont regroupés en catégories dans l’annexe II des Règlements de l’impôt sur le revenu. » 229 Syntagmes Amortissement du capital (social), du coût en capital, d’une dette, des éléments d’actif, d’un emprunt, de l’escompte, de l’exercice, des frais d’établissement, d’une hypothèque, des immobilisations, de location-acquisition, des obligations, d’une prime. Amortissement à l’unité, en retard, par classes hétérogènes ou homogènes, pour dépréciation (usure, obsolescence... ), sur bâtiments. Amortissement accéléré et exceptionnel, comptable, constant, contractuel, cumulé, différé, dégressif, économique, financier, fiscal, fonctionnel, industriel, linéaire sur (ou en) cinq ans, périodique, progressif, proportionnel à l’utilisation, au rendement, à l’ordre numérique inversé des années, récupérable, total. Annuité, assiette, assurance, caisse, charges, coefficient, compte, coût, dates, déduction, durée, écritures comptables, fonds, montant, mesure, méthode, plan, politique, procédé, rythme, table ou tableau, unité d’amortissement. Valeur (nette) (des immobilisations) après amortissement. Calculer, effectuer, faire, pratiquer, répartir des amortissements. Constater des amortissements (dans les écritures). Constituer l’amortissement (à la clôture de l’exercice). ö DÉPRÉCIATION. AMOVIBILITÉ. AMOVIBLE. Amovible se dit du titulaire d’une charge ou d’une fonction qui peut être, selon le cas, remercié, congédié, déplacé ou destitué : un fonctionnaire amovible. « Si les juges étaient amovibles, la justice n’offrirait aucune garantie d’impartialité. » Il se dit aussi de la charge ou de la fonction elle-même : une charge, un emploi, une fonction, une place amovible. L’expression à titre amovible rend “during pleasure” : « Le Conseil nomme à titre amovible le personnel nécessaire à l’exécution des travaux de l’Ordre. » Amovibilité se dit du caractère d’un fonctionnaire ou d’une fonction qui est amovible : l’amovibilité des ministres, l’amovibilité des emplois. 230 Les termes amovibilité et amovible s’emploient beaucoup moins souvent que leurs antonymes inamovibilité et inamovible. ö INAMOVIBILITÉ. AMPLE. AMPLEMENT. 1) Dans l’usage courant, l’adjectif ample s’emploie notamment au sens de qui est abondant, par exemple dans les locutions pour (obtenir) de plus amples renseignements et donner ample matière à réflexion. On trouve ce sens dans le style judiciaire lorsqu’il s’agit d’exprimer au moyen de l’adverbe l’idée de l’ampleur de quelque chose : « Les faits sont amplement exposés dans les motifs du juge. » « Ce bref rappel historique démontre amplement que... » « Il y a amplement de jurisprudence à l’appui de cette proposition. » « La preuve suffit amplement à démontrer que... » 2) Le syntagme juridique ample informé entre dans la formation de la locution figée jusqu’à plus ample informé, qui signifie jusqu’à ce que des informations plus complètes aient été recueillies. Ce syntagme se retrouve en procédure française dans la locution ordonner un plus ample informé, qui signifie ordonner qu’un examen plus complet, qu’un informé soit effectué : « Le juge a renvoyé l’accusé jusqu’à plus ample informé. », c’est-à-dire jusqu’à ce que de nouveaux renseignements permettent de statuer sur son sort. On dit pour plus ample informé : « Pour plus ample informé, je vous envoie le document en question. ». Cette locution peut s’appliquer au sujet de la proposition principale (« Pour plus ample informé, l’avocat a demandé à son client de lui fournir plus de détail sur la transaction. ») ou au complément (« Pour plus ample informé (= pour que vous soyez mieux informé), je tenais à vous dire que... »). On dit aussi, dans un sens moins technique qu’en procédure française, jusqu’à plus ample informé : « Jusqu’à plus ample informé, l’avocat s’est refusé à toute déclaration. » 3) Ample peut s’employer au sens de meilleur. Ainsi, en matière de lettres de change, l’expression pour plus ample garantie signifie pour obtenir une meilleure garantie : « Lorsque l’accepteur d’une lettre suspend ses paiements avant son 231 échéance, le détenteur peut la faire protester pour plus ample garantie contre le tireur et les endosseurs. » AMPLIATIF, IVE. AMPLIATION. 1) L’adjectif ampliatif, et non [amplificatif], s’emploie dans deux sens : qui ajoute à ce qui a été dit dans un acte précédent (mémoire ampliatif) et qui réalise l’ampliation ou qui en résulte (acte ampliatif). L’ampliation, et non [amplification], est la copie officielle d’un document administratif ou juridique, revêtu du sceau du tribunal ou de la signature du fonctionnaire compétent. Copie certifiée conforme, double authentique, l’ampliation est un duplicata authentifié qui a valeur d’original. Ampliation d’un acte scellé, d’un arrêté, d’un testament. « Les lettres d’homologation ou d’administration, lettres successorales, ordonnances et autres actes, ainsi que leurs ampliations, font foi. » 2) La locution pour ampliation signifie copie certifiée conforme. Il s’agit d’une formule apparaissant sur les actes ampliatifs et indiquant que la formalité a été accomplie. Cette mention sera portée en haut ou en bas du document. ö COPIE. ö EXEMPLIFICATION. ö EXPÉDITION. ö EXTRAIT. ö MINUTE. ö ORIGINAL. ANACHRONIQUE. ANACHRONISME. En droit, on parle d’anachronisme dans le cas où des dispositions législatives, des règles de droit ou des notions sont désuètes ou hors d’usage. L’anachronisme se confond, par extension de sens, avec l’archaïsme. Ainsi, la Commission de réforme du droit du Canada a proposé l’abolition du crime de libelle diffamatoire dans son document de travail intitulé Le libelle diffamatoire surtout à cause de son caractère 232 désuet. « Les articles 611 et 612 du Code actuel, qui portent sur le moyen de défense spécial de justification en matière de libelle, sont anachroniques. » On qualifie d’anachroniques des termes employés relativement à une procédure (par exemple le verdict spécial de non-culpabilité pour aliénation mentale, on dirait aujourd’hui pour troubles mentaux), des termes employés dans les lois et dans les règles de procédure (par exemple, au Nouveau-Brunswick, la Loi portant suppression de terminologie archaïque dans les Lois du Nouveau-Brunswick et la règle 1.05 des Règles de procédure qui modernise la terminologie procédurale). Les anachronismes peuvent être un délit (« Le délit civil de complot en vue de nuire, même s’il n’est pas étendu de manière à comprendre un complot en vue d’accomplir des actes illégaux lorsqu’il y a une intention implicite de causer un préjudice, a été la cible de nombreuses critiques partout dans le monde de la common law. Comme l’indique si bien lord Diplock, il s’agit réellement d’un anachronisme commercial. »), ils peuvent être une théorie (« Ces observations laissent fortement entendre que la théorie de l’immunité de l’État dans le contexte de procédures de saisie-arrêt est un anachronisme lorsque l’État est le tiers saisi. »), une règle (« L’ancienne règle de common law selon laquelle le titulaire d’une charge à titre amovible peut être destitué sans motif et sans préavis est devenu un anachronisme. »), une exigence légale (« L’obligation d’apposer le sceau corporatif peut être considérée comme un anachronisme, ayant été abolie dans certaines lois provinciales. »), ou encore une expression (« Pour ce qui est de l’expression ‘sans excuse légitime’, le ministère public soutient qu’il s’agit d’un anachronisme ayant pour origine une ancienne disposition législative anglaise. ») Entaché d’anachronisme. Jugement, principe, règle, raisonnement anachronique. ANCILLAIRE. Adjectif à bannir du vocabulaire juridique. Son seul sens est qui se rapporte aux servantes; le terme ne s’emploie plus que dans certaines expressions : amours ancillaires, liaisons ancillaires. Il faut se garder d’employer ce mot en lui prêtant les acceptions de l’adjectif anglais “ancillary” : accessoire, auxiliaire, complémentaire, connexe, incident à, relié à, subordonné, subsidiaire, qui dépend de, qui relève de, qui se rattache à, qui sert à. 233 Ainsi, on dira qu’une activité est accessoire ou connexe à un métier, à un commerce. « Le point essentiel ayant été réglé, la Cour a décidé de ne pas tenir compte des questions accessoires ou secondaires » (et non des questions [ancillaires]). « Les cours au programme portent sur les différentes disciplines auxiliaires du droit. » En droit constitutionnel canadien, plus précisément en matière de qualification des lois, on ne parlera pas de la notion ou de la règle de l’[ancillarité], de compétences [ancillaires], de la théorie du pouvoir [ancillaire] ou de la doctrine [ancillaire], mais du principe de l’accessoire. On parle des compétences accessoires et de la théorie ou de la doctrine du pouvoir accessoire : pour la distinction à faire entre doctrine et théorie, voir DOCTRINE. De même, en droit successoral de common law, il faut éviter de qualifier d’[ancillaire] un administrateur ou un exécuteur testamentaire, mais on parlera d’un administrateur auxiliaire et d’un exécuteur testamentaire auxiliaire. Dans la liste qui suit, l’adjectif à proscrire a été remplacé par l’expression correcte. Accord accessoire. Activités accessoires ou secondaires. Disposition accessoire. Droit accessoire. Lettre de crédit complémentaire. Lettres d’administration, d’homologation auxiliaires. Ordonnance corrélative. Pouvoir accessoire (ou pouvoir législatif complémentaire ou encore pouvoir nécessairement incident). Prestation accessoire. Profession connexe. Service auxiliaire. Servitude accessoire. Théorie du pouvoir accessoire (on trouve aussi théorie du pouvoir auxiliaire et théorie du pouvoir complémentaire (“ancillary doctrine”). Travail accessoire (en administration publique et gestion). ö ACCESSOIRE. ö DOCTRINE. ANÉANTIR. ANÉANTISSEMENT. 234 Anéantir signifie réduire à néant, détruire, supprimer complètement. Dans le langage juridique, le verbe a le sens de faire disparaître entièrement tous les effets d’un acte, par exemple d’une loi, par l’abrogation, ou d’un acte de procédure, par la péremption. « La péremption est l’anéantissement des actes de procédure antérieurement accomplis lorsqu’un certain délai s’est écoulé sans qu’aucun acte ait été fait. » Anéantir un acte, une coutume, les effets d’un acte, un privilège, un usage. Anéantir la volonté. Le rédacteur ou la rédactrice aurait intérêt à recourir à ce terme tant par mesure d’économie linguistique que par souci de rigueur terminologique et de perfection de style; de longues périphrases peuvent souvent être retranchées et remplacées par le substantif anéantissement ou le verbe anéantir, notamment dans certains membres de phrases où il est question de rendre un acte de procédure nul et de nul effet parce qu’un certain délai s’est écoulé sans que rien n’ait été accompli : anéantissement des actes de procédure. ö ABOLIR. ö ANNIHILATION. ö RESCINDER. ANGLO-. L’élément anglo- dans un mot composé au pluriel reste invariable : les juristes angloaméricains. La graphie anglo suivie d’un adjectif et sans le trait d’union (jurisprudence anglosaxonne), quoique attestée par le Trésor de la langue française, n’est pas courante; il faut lui préférer la graphie avec le trait d’union : « La pensée juridique anglo-américaine est la pensée juridique commune à l’Angleterre et aux États-Unis d’Amérique. » ö BRITANNIQUE. ANGLOPHONE. FRANCOPHONE. Ces deux termes s’emploient comme substantifs : « Le comité se compose de cinq anglophones et de trois francophones. ». Les deux termes prennent la minuscule. Ils 235 s’appliquent généralement à des contextes où il est question de la langue parlée en raison du suffixe -phone (exception pour francophone au sens de qui est relatif à la francophonie : études, littératures francophones). Se disent de ceux et celles qui parlent l’anglais ou le français, dont la langue maternelle est l’une de ces langues ou dont la langue habituelle ou principale est l’une de ces langues et qui se considèrent de langue française ou anglaise, selon le cas. Anglophone et francophone se disent également d’une région où l’on parle ces langues. Dans tous les autres cas, on dira anglais ou français. Ainsi, on peut dire les avocats francophones, la majorité anglophone, la communauté francophone, mais on ne peut pas dire les juges d’ascendance [francophone] (mais les juges francophones), non pas les pays de droit [anglophone] (mais de droit anglais), non pas le droit [francophone] (mais le droit des pays francophones), non pas la culture [francophone] (mais la culture française). ö COMMUNAUTÉ. ö FRANCOPHONIE. ANGLO-SAXON. C’est une impropriété d’employer le terme anglo-saxon pour désigner le droit anglais, sauf comme référence historique au droit importé en Angleterre de la basse Germanie par les Angles, les Saxons et les Jutes jusqu’au XIe siècle, soit jusqu’à la Conquête normande de 1066. On fera bien d’éviter l’adjectif anglo-saxon dans des exemples comme ceux-ci : « L’astreinte est pour le droit français ce que l’outrage au tribunal est pour le droit [anglo-saxon] (= anglais). » « Au Canada, comme dans d’autres pays anglo-saxons... (= de tradition britannique ou anglo-normande). » ANIMUS. En fonction adverbiale, animus fait animo. Ce terme ou la locution qu’il sert à former se mettent en italique ou entre guillemets selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, ils sont en caractère romain. 236 Terme latin signifiant âme, esprit, et marquant une disposition d’esprit, une volonté (dans le cas de l’animal sauvage : un esprit, une habitude). Animus se joint au mot factum et corpore dans les locutions animus et factum (l’intention et l’acte ou le fait accompli) et animo et corpore (par l’intention et par l’acte physique). Le terme forme également une locution, animus quo (l’intention avec ou dans laquelle), ou des maximes animus hominis est anima scripti (« les actes instrumentaires devraient être interprétés si possible de façon à donner effet à l’intention des parties ») et animus ad se omne ducit (« le droit se préoccupe toujours de l’intention »). La jurisprudence, la doctrine, les communications spécialisées des juristes et les analyses juridiques utilisent ce terme à profusion; il sert à former de nombreuses locutions dérivées du droit civil, dont les plus connues sont animus donandi, animus necandi, animus possidendi, animus revocandi et animus testandi. « Alors que la donation est motivée par un animus donandi, l’abdication aurait pour cause l’animus derelinquendi. » « M. Cormier fonde sa réclamation sur le titre du bien en invoquant la possession. L’élément qui sert à déterminer la possession requise est l’animus possidendi, c’est-à-dire l’intention d’exclure de la possession les copropriétaires et autrui. » Exigence, question de l’animus. Évaluer, prouver l’animus. Avoir l’animus requis. Quoique le terme latin soit souvent conservé dans les textes consultés, il reste qu’il est préférable de traduire la locution latine. L’équivalent choisi sera une locution substantive ou une locution infinitive. Grammaticalement, la nature de l’intention est désignée par l’infinitif approprié ou par une épithète, lesquels serviront à définir la situation en cause ou à la qualifier. « Tel est le cas par exemple de l’erreur sur la personne de la victime d’un homicide volontaire. Si le meurtrier ou l’assassin se trompe de victime, il n’en a pas moins l’animus necandi (= l’intention de tuer) et demeure évidemment responsable. » Intention étant l’équivalent choisi par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law pour animus, les locutions latines figurant dans le tableau figurant aux pages suivantes auront les équivalents y mentionnés. ANIMUS ANIMUS INTENTION 237 cancellandi de canceller (voir ce mot), de détruire, de raturer (un testament) capiendi de capturer, de saisir contrahendi d’obliger en droit contrahendae societatis de former une société dedicandi de rendre publique (une voie privée), de consacrer à l’usage public (un bienfonds) defamandi de diffamer derelinquendi d’abandonner deserendi de déserter detinendi de détenir (pour autrui) differendi de différer, de reporter domini de se comporter en propriétaire donandi de gratifier, de donner intention libéraleN furandi de voler (des biens) gerendi de gérer injuriendi (variante : nocendi) de nuire lucrandi de faire un bénéfice, un gain manendi (variante : morandi) de demeurer, d’établir résidence (sans intention de retourner à son ancien domicile) necandi (variante : occidenti) de tuer novandi de nover, de remplacer (une obligation ancienne par un élément nouveau) possidendi de posséderN (un bien) 238 recipiendi de recevoir republicandi de republier restituendi de restituer retinetur possessio de garder possession revertendi (non revertendi) de retourner (de ne pas retourner) à son propriétaire), habitude, esprit de retour (pour un animal sauvage) : sa propension à revenir revocandi de révoquer (un testament), intention révocatoireN signandi de signer tenendi de conserver testandi de testerN N Indique que l’équivalent a été retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law. Toutes ces locutions n’ont pas la même importance, cela va sans dire. Elles sont regroupées ici par souci de commodité. ANNAL, ALE. ANNALITÉ. ANNUALITÉ. ANNUEL, ELLE. Pour ces mots, il faut prononcer les deux n : an-nal, an-nales, an-na-lité, an-nualité, an-nuel. Annal (deux n) est un terme juridique signifiant qui ne dure qu’un an. Fait annaux au pluriel. Ne pas confondre avec anal (un n). Droit annal (qui produit ses effets au bout d’un an). Location, possession, procuration annale. Délai annal de l’exécution testamentaire. Prescription annale : le substantif est annalité. Annalité de l’impôt (qu’on ne paiera que pour une année), d’une possession (qui ne dure qu’un an). L’annalité d’une location. Annuel, comme annal, signifie qui ne dure qu’un an. Charge annuelle. Mais annuel a un autre sens : qui revient chaque année, que l’on perçoit ou paie chaque année. Assemblée, fête, rente annuelle. Congé annuel. Le vote annuel de l’impôt. Le substantif est annualité. « Le principe de l’annualité de l’impôt veut que l’impôt soit 239 voté chaque année. » ANNALES. Annales est toujours féminin pluriel. Signifie, par extension, histoire, actes, faits, souvenirs relatifs à l’histoire de quelque chose : « Son nom restera dans les annales judiciaires. ». Les annales du crime. ANNEXE. ANNEXÉ, ÉE. ANNEXER. S’écrivent avec deux n. 1) En droit, l’annexe est une disposition jointe à un acte pour en compléter les énonciations ou encore un document, une pièce, une note que l’on joint à un acte quelconque. 2) Annexe se construit avec à ou de. Annexe à signifie document qui est joint à, qui est rattaché à : « Règlement constituant une annexe au règlement intérieur de l’établissement. ». Sous forme d’annexe à la Loi sur les banques. Comme annexe à ma lettre. Annexe de signifie pièce que comporte le document : Les annexes du dossier. Annexe A des Lois révisées du Canada (1985). Signifie également dispositions additives et complémentaires : Les annexes du traité. On dit en annexe à qqch. : Mettre, placer en annexe au rapport, le tableau qui figure en annexe à la présente étude. 3) Annexe s’emploie également comme adjectif et signifie qui se rapporte à l’objet principal et qui y est joint. Une note annexe. Les documents annexes du mémoire des avocats. Les pièces annexes d’un dossier. Dans le droit des biens de common law, l’adjectif annexe correspond au terme anglais “appendant” et forme plusieurs termes normalisés : bien annexe, profit annexe ou profit à prendre annexe, droit annexe. Annexé s’emploie comme adjectif dans acte annexé, qui n’est pas une annexe 240 proprement dite, mais un acte qui est joint à un document et qui en fait partie intégrante. « Les annexes et actes annexés font partie intégrante du présent accord. » L’expression [administration avec le testament annexé] en droit successoral de common law est une traduction littérale du latin administration “cum testamento annexo”. Le terme retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law est administration testamentaire. ö ANNEXE1. ö CÉDULE. ö CIö COMPLÉMENT. ö SUPPLÉMENT. ANNEXE1. APPENDICE. Appendice se prononce a-pin-dice et est masculin. Dans la langue de l’édition, l’appendice est un texte supplémentaire, qui est ajouté au corps d’un ouvrage et qui n’est pas essentiel à l’intégrité du document. C’est un supplément joint à la fin d’un ouvrage. Ne pas confondre appendice et annexe, ce dernier terme désignant un document qui complète un ouvrage. « L’acte de transfert est toujours accompagné d’une annexe A contenant la description du bien-fonds, ainsi que d’un certificat de notaire, d’un affidavit de passation par une corporation, attestant la passation de l’acte. » Généralement, l’appendice s’ajoute à un ouvrage considérable, tandis que l’annexe est jointe à un document plus court (loi, contrat, mémoire). Mais il arrive qu’un ouvrage comporte des appendices formés d’annexes et de textes divers : « Les Lois révisées du Canada (1985) comportent trois appendices, dont une annexe donnant la liste des textes et dispositions abrogés par elles. » ö ANNEXE. ö CÉDULE. ö COMPLÉMENT. ö SUPPLÉMENT. ANNEXION. ATTACHE. 241 1) Il faut se garder, sous l’influence de l’anglais “annexation”, de parler de l’[annexation] du Koweït, de l’[annexation] d’un territoire donné à une municipalité. [Annexation] n’existe pas en français. C’est annexion qu’il faut employer. Droit d’annexion. Annexion d’une région à une municipalité. Municipalité créée par annexion. 2) Dans le vocabulaire du droit des biens de la common law, le terme annexion est normalisé au Canada. Annexion au fonds dominant. La notion renvoie au covenant susceptible d’être annexé expressément au fonds dominant par indication adéquate dans l’acte formaliste. Pour ce qui concerne le moment où un accessoire fixe (“fixture”) devient partie intégrante du bien réel auquel il est fixé, le terme à utiliser est attache (“annexation to the wall”). Attache du meuble. Attache matérielle. ANNIHILATION. ANNIHILER. Annihiler : deux n. Ce verbe à le même sens qu’anéantir (voir ce mot) et signifie réduire à rien l’effet d’une chose, rendre de nul effet, supprimer totalement. Il est plus abstrait qu’anéantir et s’emploie le plus souvent, mais pas toujours, avec un complément désignant une chose non matérielle. « Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait de... » Annihilation d’un testament. « L’annihilation, c’est l’annulation d’un acte. » « Le décès du contractant annihile la clause du contrat » (= lui fait perdre tous ses effets). « Cas d’une volonté annihilée par la violence ou la menace de violence. » ö ABOLIR. ö ANÉANTIR. ö NUL. ö NULLITÉ. ö RESCINDER. 242 ANNOTATEUR, ANNOTATRICE. ANNOTATION. ARRÊTISTE. COMMENTAIRE. COMMENTATEUR, COMMENTATRICE. COMPILATEUR, COMPILATRICE. GLOSSATEUR, GLOSSATRICE. NOTE. 1) Une annotation peut être deux choses : une note d’arrêt ou une explication de texte. Annotation de la Loi sur l’urbanisme. Loi sur les jeunes contrevenants annotée de Nicholas Bala et Heino Lilles. L’annotateur est l’auteur d’une note d’arrêt : Annotateur d’un arrêt commenté à la Semaine juridique. Par extension, tout auteur d’une explication de texte juridique, en général en expliquant point par point la portée du texte, est un annotateur : le professeur Peter W. Hogg, auteur de l’Accord constitutionnel du lac Meech annoté, est, dans ce cas, un annotateur. 2) Le commentaire est l’analyse critique d’une loi, d’un code (commentaire législatif) ou d’un arrêt (commentaire de jurisprudence) : par exemple, les Commentaires sur le Code de procédure civile avec tableaux synoptiques et formules de Jacques Anctil. Le commentaire d’arrêt ou note de jurisprudence est un exercice proposé aux étudiants en droit les invitant à commenter une décision de justice, que ce soit un jugement ou un arrêt. Il y a lieu de distinguer cette sorte de commentaire de la note d’arrêt qui, oeuvre d’un juriste spécialisé dans un domaine du droit, figure à la suite de certains arrêts dans les recueils de jurisprudence. En France, on appelle l’auteur de cette note un arrêtiste, soit un juriste qui exprime son opinion dans des articles et des notes publiés par les revues juridiques et les recueils de jurisprudence. Puisque ces notes suivent dans les recueils les arrêts qu’elles commentent, on appelle leurs auteurs des arrêtistes, dont les plus célèbres sont, en France, Capitant, Ripert et Savatier. Ainsi, lorsqu’il publie Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Henri Capitant est un arrêtiste, selon une certaine terminologie, ou encore un commentateur de jurisprudence, puisqu’il commente des décisions de justice. Mais il ne viendrait pas à l’idée d’un juriste canadien de parler de Pierre Lemieux, auteur de l’ouvrage Les grands arrêts du contrôle judiciaire de l’administration, ou de Jacques Fortin et de Louise Viau, coauteurs du Recueil d’arrêts en droit pénal général, comme d’arrêtistes. Au Canada, ce sont des commentateurs, c’est-à-dire des auteurs qui font des commentaires de jurisprudence, souvent à des fins pédagogiques, 243 après avoir présenté un certain nombre d’arrêts de principe ressortissant à un domaine précis du droit. Le terme arrêtiste n’a pas le même sens au Canada. À la Cour suprême du Canada, l’arrêtiste de la Cour (“reporter of the Court”, d’après la Loi sur la Cour suprême du Canada) ou encore le registraire consigne l’opinion écrite des juges présents à l’audience, mais absents lors du prononcé du jugement. Le rédacteur de sommaires de décisions judiciaires (“Headnote Writer”) est également appelé arrêtiste. Sa fonction est de rédiger un sommaire, soit un résumé des faits pertinents d’une cause, une énumération des points de droit sur lesquels le tribunal a statué et une indication de la décision rendue. Dans un sens général, l’arrêtiste est un compilateur, un commentateur d’arrêts. Le terme est déjà attesté au XVIIIe siècle dans le Dictionnaire de Trévoux. Nos juristes canadiens auteurs de recueils d’arrêts sont aussi appelés des arrêtistes. 3) Compilateur et glossateur sont des termes vieillis qui relèvent de l’histoire du droit. Puisque la glose est une annotation faite sur le texte même, entre les lignes, pour expliquer un passage obscur ou intéressant, son auteur est un glossateur. Glose a toutefois une extension de sens (note explicative, interprétation critique) qui lui permet de rester vivant, bien que son emploi soit rare. Il en est de même de compilateur (auteur qui réunit en un seul corps des documents dispersés); en France, le mot est parfois synonyme de commentateur d’arrêts. ö ÉDITEUR. ö RÉSUMÉ. ANOMALIE. Le terme anomalie s’emploie en droit pénal canadien par rapport aux défenses d’aliénation mentale, d’automatisme (voir ce mot) et d’intoxication volontaire, ainsi que dans le contexte de la responsabilité atténuée. La jurisprudence et la doctrine parlent de l’anomalie physique ou mentale et de l’anomalie du comportement. « L’accusé souffrait, au moment du fait incriminé, d’une anomalie mentale affectant sérieusement sa capacité mentale. » 244 L’anomalie (“abnormality of the mind”) se définit comme une imperfection de la raison due à une maladie mentale. Si l’anomalie mentale ne constitue pas une aliénation mentale au sens de l’article 16 du Code criminel (dans le cas d’une anomalie du comportement, la psychopathie par exemple), elle échappe à l’application de ce dernier. Effet, formes de l’anomalie mentale. Provoquer une anomalie mentale. « L’anomalie mentale provoquée par une intoxication volontaire n’est pas une défense, quel que soit son résultat sur le comportement. » « La responsabilité atténuée (“diminished responsability”) est l’expression consacrée en droit anglais pour désigner l’effet d’une anomalie mentale sur l’accusation de meurtre. » ö AUTOMATISME. -ANT. La désignation des sujets du droit se fait notamment par la substantivation des participes présents. La transformation des participes en substantifs est une mesure d’économie linguistique qui permet d’éviter l’emploi de la périphrase et met en scène les protagonistes du droit en formalisant le rôle des acteurs. Pour résoudre la difficulté qui se présente lorsqu’il s’agit de déterminer la fonction véritable d’un actant, on se rappellera que, règle générale, le suffixe -ant marque la qualité d’agissant et de possédant, il désigne l’initiateur d’une action, le créateur d’un acte juridique. Ainsi, l’acceptant est la personne dont l’acceptation valide un contrat, l’appelant est la personne qui interjette appel, l’ayant droit est celui qui possède un droit, le déclarant est celui qui fait la déclaration, le défaillant est celui qui fait défaut, le déposant est celui qui fait la déposition, le dirigeant est celui qui assume la direction, l’intervenant est celui qui intervient dans un appel, qui y participe (en France, il peut intervenir en première instance), et le poursuivant est celui qui intente la poursuite. On peut également distinguer certains couples de sujets du droit à partir du suffixe ant. L’autorisant (“licensor”) est la personne qui accorde l’autorisation à la personne autorisée (“licensee”), le cédant (“assignee”) effectue la cession au cessionnaire (“assignee”), le commettant (“master”) est la personne qui exerce son autorité par rapport au préposé (“servant”), et l’occupant (“occupier”) est la personne qui réalise l’occupation par opposition au non-occupant (“non-occupier”). 245 Le suffixe -ant s’oppose au suffixe -aire (voir cette entrée) : par exemple, dans le droit des biens, le baillant-mandant forme un couple avec le baillaire-mandataire, le covenantant avec le covenantaire, le recouvrant avec le recouvraire, le délaissant avec le délaissataire et le résignant avec le résignataire. Parfois, la distinction est établie entre le suffixe -ant et le générique destinataire suivi du complément approprié. Par exemple, dans le droit des contrats, l’offrant entre en scène avec le destinataire de l’offre. Enfin, là où on s’attendrait naturellement à trouver le suffixe -ant, celui-ci cède la place au générique auteur (voir ce mot) suivi de son complément : l’auteur du transfert traite avec le destinataire du transfert. ö -AIRE. ö CO-. ANTE(-)MORTEM. Ante mortem (on trouve aussi ante-mortem) s’emploie dans le droit de la preuve pénale en parlant de la déclaration faite peu de temps avant sa mort par une personne qui avait perdu tout espoir de survie et qui relate les circonstances de l’événement qui causera la mort. La « déclaration ante mortem » ou déclaration à l’article de la mort constitue une exception à l’interdiction du ouï-dire, le témoin n’ayant pas généralement une connaissance personnelle des faits qui sont l’objet de la déclaration recueillie du mourant. L’équivalent qu’a retenu pour cette locution le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law est déclaration du mourant. La locution ante mortem s’emploie en droit des successions de common law dans l’expression “ante mortem probate”, dont l’équivalent retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law est homologation du vivant du testateur. ANTI-. Ce préfixe signifie en échange, contre, à l’opposé, hostile à qqch., qui protège contre. La règle traditionnelle veut que les mots composés avec le préfixe anti- s’écrivent 246 généralement sans trait d’union, sauf dans certains cas, notamment lorsque le deuxième élément lexical commence par la voyelle i : anti-inflationniste. Anti- est suivi d’un substantif (antisémitisme), d’un adjectif (antiaérien) ou d’un verbe (antidater). Antialcoolisme. Anticonceptionnel. Anticoncurrentiel. Anticonstitutionnel (voir ANTICONSTITUTIONNEL). Antidumping. Antigouvernemental. Antigrève. Antiparasitaire. Antiparastase (figure de style qui consiste pour un accusé à apporter des raisons pour prouver qu’il devrait être plutôt loué que blâmé pour ce qu’on lui reproche d’avoir fait). Antiréglementaire. Antitrust (ce terme peut prendre la marque du pluriel si on considère l’idée de pluralité). ö ANTICONSTITUTIONNEL. ANTICIPATION. 1) La locution adverbiale par anticipation, qui signifie avant le temps, figure dans diverses expressions juridiques : dissolution par anticipation (d’une société), meuble par anticipation (en droit civil), avancement d’hoirie fait à un héritier par anticipation (“settlement of parties by anticipation”), paiement par anticipation, vente par anticipation (vente dans laquelle l’acheteur verse en une ou plusieurs fois une partie du prix du bien ou du service vendu avant que celui-ci ne lui soit fourni), délai d’anticipation ou terme d’anticipation (“term of prepayment” en droit commercial). Par anticipation s’accompagne d’un verbe : « L’acheteur pourra, s’il le désire, régler par anticipation les mensualités non encore échues. ». Engager des biens par anticipation. 2) Anticipation peut être suivi d’un complément de nom : « En cas d’anticipation de paiement... », mais la construction adjective est à préférer : « En cas de paiement anticipé... » 3) En droit, le terme anticipation (suivi de la préposition sur) désigne l’action de dépenser un revenu avant qu’il ne soit échu ou qu’il ne puisse être versé à son bénéficiaire. “Anticipation” en anglais a aussi ce sens, mais il est suivi de la préposition “of” et du complément : “the anticipation of a pension”. Ce syntagme peut être à l’origine de contresens, comme en témoigne le paragraphe 61(1) de la Loi sur les pensions (L.R.C. 1985) ainsi rédigé : « Commet un acte criminel... quiconque prête 247 ou donne... de l’argent ou du crédit... contre le transport, l’affectation, la saisie, le paiement par anticipation, la commutation ou le nantissement d’une pension (“anticipation of a pension”) ». Il ne s’agit pas ici du paiement d’une pension effectué d’avance, mais du fait pour un futur retraité de céder à l’avance une pension à laquelle il n’a pas encore droit (voir ANTICIPER). Il vise aussi un empiétement sur le bien ou les droits d’autrui, une usurpation : « C’est une anticipation sur ma terre, sur mes droits. ». Ce sens est aujourd’hui vieilli, on utilisera de préférence les termes empiétement ou usurpation. Dans le droit des brevets, le concept anglais de l’“anticipation” (c’est-à-dire le fait d’une divulgation publique antérieure ou d’une utilisation qui empêche une invention d’être considérée comme une nouveauté) se rend par le terme antériorité. En ce sens, “to be anticipatory” se rend, selon le contexte, par être destructif de nouveauté, avoir un effet destructif. 4) Tout comme anticiper, anticipation n’a pas le sens de prévision qu’a conservé son homonyme anglais. [En anticipation de] est un calque de l’anglais; l’expression correcte peut varier selon le contexte : en prévision de, dans l’optique de, dans la perspective de. On ne parlera pas d’un contrat [en anticipation d’un mariage], d’un document établi [en anticipation d’] un procès, mais d’un contrat conclu en prévision du mariage et d’un document établi en prévision d’un procès. On ne dira pas : « Cela dépasse toutes nos [anticipations]. », mais « Cela dépasse toutes nos prévisions. » (Voir ANTICIPER au point 2). 5) Dans le style administratif, on substituera à l’expression par anticipation d’autres termes comme d’avance ou le participe passé anticipé. Dans la correspondance, on écrira : « En vous remerciant d’avance, je vous prie... » ou « Avec mes remerciements anticipés ». ö ANTICIPER. ANTICIPÉ, ÉE. 1) Comme l’illustrent les points 2) et 5) de l’entrée précédente, le participe passé anticipé pourra se substituer à par anticipation dans le cas où le substantif exprime l’action de faire qqch. à l’avance : dissolution anticipée, liquidation anticipée d’une 248 société. Par contre, vente anticipée (qui voudrait dire vente faite à l’avance) ne pourrait remplacer vente par anticipation. Au titre intégral : Loi visant à faciliter le paiement par anticipation des récoltes correspond le titre abrégé : Loi sur le paiement anticipé des récoltes. 2) La Convention relative aux contrats de vente internationale de marchandises (article 71), récemment mise en oeuvre par le gouvernement fédéral et divers gouvernements provinciaux, emploie l’expression contravention anticipée, alors que la version anglaise de ce texte utilise le terme “anticipatory breach”. Anticipé signifiant qui est fait en prévision de qqch., il est difficile de parler d’une rupture anticipée dans le cas de l’“anticipatory breach”, terme qui, en droit des contrats, signifie non pas qu’une rupture du contrat est effectuée (comme l’est le paiement anticipé), mais qu’elle sera effectuée. Il conviendrait alors de trouver une dérivation nominale (le suffixe -ive, par exemple) qui rendrait le sens que renferme la notion : rupture anticipative. ANTICIPER. 1) Trois constructions sont possibles pour ce verbe : a) Construction transitive directe : accomplir qqch. avant le temps prévu : anticiper un paiement (c’est-à-dire payer d’avance), anticiper un remboursement. Prévoir la réaction de l’adversaire et s’y préparer en conséquence : « L’avocat du demandeur avait anticipé l’argumentation de son adversaire. » « Le législateur doit-il anticiper une quelconque réticence ou une incompréhension des juges en rédigeant ses lois? ». D’autres solutions s’offrent également : devancer ou prévenir une objection, aller au devant d’une objection. b) Construction transitive indirecte (avec la préposition sur) : compter sur ce qui n’existe pas encore et agir comme si on pouvait en disposer : « J’ai anticipé sur son acceptation. » « Il anticipe sur ses revenus, sur son héritage, sur sa fortune. » Remarquer que le verbe anglais “to anticipate” a aussi ce sens, mais il se construit avec un complément d’objet direct : “to anticipate the revenue of a 249 trust”, “to anticipate a pension”. Ce dernier syntagme, qui figure dans diverses lois canadiennes en matière de pensions de retraite, donne lieu à des anglicismes et parfois à des contresens. L’expression [anticiper] une prestation, à l’article 70 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, ne veut rien dire en français ou constituerait un anglicisme au sens de s’attendre à recevoir une prestation (voir ci-après), alors que ce qu’interdit l’article 70 est le fait pour le futur bénéficiaire d’une prestation de céder celle-ci à l’avance. Dire payer par anticipation au paragraphe 30(1) de la Loi sur les pensions (« Aucune pension ou allocation ne peut être transportée, grevée, saisie, payée par anticipation... ») aboutit à un contresens. Par contre, la solution escompter une prestation, retenue au paragraphe 65(1) de la Loi sur le régime de retraite du Canada, constitue un équivalent acceptable. Escompter, dans un sens aujourd’hui vieilli, veut dire : jouir d’avance, dépenser d’avance. Escompter son héritage signifie employer d’avance l’argent qu’on en attend. Empiéter sur, usurper : « Le fait pour une personne d’avoir, en labourant son champ, anticipé sur le terrain d’autrui peut motiver de la part du voisin une action en réintégration. ». Ce dernier emploi est aujourd’hui vieilli, on utilisera des verbes plus modernes comme empiéter sur, usurper, sans oublier que ceuxci ne peuvent se dire qu’à l’égard de choses appartenant à autrui. On empiète sur ce qui appartient à autrui, mais on anticipe sur ce qui est à soi. Aborder qqch. avant le temps prévu, devancer : « L’avocat demande au témoin de ne pas anticiper sur la suite des faits. » « Je ne veux pas anticiper sur les motifs que j’énoncerai plus tard. » c) Construction sans complément : ne pas devancer l’événement, respecter l’ordre logique des choses : « N’anticipons pas. » « Il faut savoir anticiper. » Prévoir la réaction de l’adversaire et s’y préparer en conséquence : « Cet avocat sait anticiper. » Dépenser qqch. d’avance : « Le droit anglais permettait aux parents désireux de doter leurs filles tout en les protégeant de leur mari de leur donner ou léguer des biens par le biais d’une fiducie sans qu’elles aient la faculté d’anticiper pendant le mariage. » 2) Un des sens courants du verbe “to anticipate” est “to expect” ou “to foresee”. Anticiper a perdu ce sens en français même si le Trésor de la langue française, citant 250 Bélisle, le recense : anticiper une grosse récolte. Il s’agit d’un anglicisme. On ne dira donc pas [anticiper] des bénéfices, mais prévoir, escompter des bénéfices, ni « J’[anticipe] que le ministère public fera appel », mais « Je prévois que le ministère public fera appel », ni « J’[anticipe] un échec des négociations salariales », mais, selon le contexte : « Je prévois, j’appréhende un échec des négociations salariales. » Équivalents possibles : Absence, hausse, péremption prévue. Demande prévue, prévisible. Effets probables. Frais envisagés, prévus. Rendement escompté du capital. Appréhender un échec. Ne pas prévoir de difficultés, ne pas s’attendre à des difficultés. « Les choses n’allèrent pas comme on l’avait espéré. » L’avocat envisage, espère, prévoit avoir gain de cause. ANTICONSTITUTIONNEL, ELLE. INCONSTITUTIONNEL, ELLE. Ces deux termes ne sont pas concurrents. Ils sont différents sur le plan sémantique : anticonstitutionnel signifie qui est hostile à la constitution politique du pays, qui est dirigé contre la constitution : disposition, manoeuvre anticonstitutionnelle; inconstitutionnel signifie qui n’est pas conforme à la constitution du pays : « Le règlement sera abrogé puisqu’il a été jugé inconstitutionnel. » (Voir ULTRA VIRES.) Demande, loi inconstitutionnelle. Acte inconstitutionnel. Être inconstitutionnel (de faire qqch.), d’une manière inconstitutionnelle (pour éviter inconstitutionnellement, qui ne s’emploie en général que pour créer un effet de style). ö CONSTITUTIONNALISER. ö INCONSTITUTIONNEL. ö ULTRA VIRES. ANTIDATER. POSTDATE. POSTDATER. Il arrive couramment que l’on emploie antidater dans le sens de postdater. L’emploi impropre du mot antidater peut avoir de sérieuses conséquences lorsqu’il s’agit d’un document mis en cause dans une procédure juridique. Antidater (le mot s’écrit sans trait d’union, voir ANTI-), c’est mettre sur un document 251 une date antérieure à la date véritable. « Les parties ont décidé qu’il serait plus indiqué d’antidater le contrat. » Antidater un acte, un chèque, une lettre. Postdater (le mot s’écrit sans trait d’union, voir POST-), c’est l’opération contraire qui consiste à mettre sur un document une date postérieure à la date réelle. Postdater un chèque, c’est obliger le porteur à ne l’encaisser qu’à la date inscrite. « La loi interditelle vraiment de postdater les chèques à la signature d’un bail? » « Le jugement ou ordonnance prennent effet à partir de cette date, sauf ordre contraire de la Cour ou si elle prescrit que le jugement soit antidaté ou postdaté. » Les substantifs sont antidate et postdate. Mettre une antidate (c’est-à-dire inscrire sur un document une date antérieure à la date véritable). « L’acte que l’on me remet porte une antidate. » ö ANTI-. ö POST-. ANTIGANG. GANG. GANGSTER. GANGSTÉRISME. MALFAITEUR, MALFAITRICE. L’américanisme gang (prononcer gangue et non [gagne]) tout comme ses dérivés antigang, gangster et gangstérisme sont depuis longtemps francisés, aussi se garderat-on de les italiciser dans un texte mis en caractère romain. Le mot gang est masculin : un gang. 1) Le gang désigne tout d’abord une organisation criminelle. Mais c’est aussi une bande, surtout de jeunes, organisée en un groupe de délinquants possédant son signe distinct et sa structure de commandement interne. Ces jeunes utilisent la violence et des activités illégales dans la poursuite de leurs fins criminelles en terrorisant les quartiers et en assurant par des confrontations avec d’autres gangs de rue la domination de leur territoire d’activité. Leur existence constitue une menace réelle à la sécurité civile. Chefs, membres de gangs. 2) Le mot antigang renvoie à la lutte livrée contre les gangs par le recours à des réglementations antigangs et à leurs moyens d’exécution : loi antigang, mesures pénales antigangs, brigade, division antigang. Lutte antigang. 252 3) Le ou la gangster est un malfaiteur, une malfaitrice membre d’une organisation criminelle. Gangster ne s’emploie pas pour un groupe de jeunes délinquants organisé en bande. Des gangsters. Le gangster doit être distingué du criminel de carrière qui exerce seul son activité criminelle. Gangsters coupables d’extorsion, d’intimidation, de corruption, de trafic d’influence, de voies de fait, de menaces. 4) Forme de banditisme, le gangstérisme s’entend des activités criminelles des gangsters. Les gangs se livrent à des actes de gangstérisme. Réseaux de gangstérisme. En 1997, le Code criminel du Canada assimilait l’infraction de terrorisme à un acte de gangstérisme et concevait le gangstérisme et les activités illégales qui lui sont communes comme une infraction. Infraction de gangstérisme. Répression du gangstérisme. Il prévoyait que les biens meubles et immeubles ayant servi à la perpétration d’un acte de gangstérisme étaient des biens infractionnels susceptibles d’une ordonnance de blocage et d’une ordonnance de confiscation. Il paraît indiqué de préciser ici que le blocage s’entend dans ce contexte de l’acte consistant aussi bien à interdire à quiconque de se départir du bien infractionnel et d’effectuer des opérations sur les droits qu’elle détient sur celui-ci qu’à l’obliger à le remettre à un administrateur nommé à cette fin. Infraction de participation aux activités d’un gang. Après abrogation des dispositions pertinentes se rapportant aux gangs, le législateur, conscient de l’ambiguïté créée par les deux acceptions du mot gang, a édicté de nouvelles dispositions et remplacé le mot gang par le terme descriptif organisation criminelle. Ce terme s’entend d’un groupe, quel que soit son mode d’organisation, se trouvant au Canada ou à l’étranger, dont l’un des objets principaux consiste à commettre des actes criminels, définis par le Code criminel ou une autre loi fédérale, passibles d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus et dont les membres ou certains d’entre eux commettent ou ont commis, au cours des cinq dernières années, une série d’actes criminels passibles d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus en vue de lui procurer ou de procurer à l’un de ses membres, même indirectement, un avantage matériel, notamment financier. On préférera dorénavant le terme organisation criminelle, s’agissant de crime organisé, au mot gang, par ailleurs tout à fait correct, reconnaissant toutefois que ce mot et ses dérivés risquent dans ce contexte d’évoquer l’idée d’un gang criminel de 253 rue, ce qui trahit la notion que le législateur entend exprimer en matière de lutte contre le crime organisé. Il demeure toutefois entendu que, si le contexte ne laisse place à aucune ambiguïté, l’emploi du mot gang ou de ses dérivés sera tout à fait justifié. « Les modifications proposées au Code criminel touchant les organisations criminelles instaurent trois nouvelles infractions et des peines rigoureuses qui portent sur divers degrés de participation à des gangs. » Participation aux activités d’une organisation criminelle (d’un gang). Infraction au profit d’une organisation criminelle (d’un gang). Charger une personne (membre d’un gang) de commettre une infraction. 5) En droit pénal français, le gang s’appelle association de malfaiteurs. Ce groupe est formé en vue de commettre des actes criminels contre la paix publique. Le Code pénal prévoit une disposition expresse concernant les associations de malfaiteurs, encore appelées groupes ou bandes de malfaiteurs. « Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. » Participation à une association de malfaiteurs. « Les peines prévues sont portées à sept ans d’emprisonnement et 200 000 Euros d’amende lorsque les infractions commises constituent les crimes ou délits de traite des êtres humains, d’extorsion ou d’association de malfaiteurs. » Ces malfaiteurs ont pour but commun la commission de crimes de droit commun ou de crimes politiques, les deux étant parfois réunis en actes criminels liés. « Notre Code entend par association de malfaiteurs toute réunion d’individus hiérarchiquement organisés et ayant pour but d’attaquer les personnes et les propriétés privées. Avant même d’avoir exécuté aucune attaque, l’association est criminelle par cela seul qu’elle s’est constituée dans un tel but. » « L’association de malfaiteurs, au sens de l’art. 265 C. pén., constitue un délit indépendant tant des crimes préparés ou commis par ses membres que des infractions caractérisées par certains des faits qui la concrétisent. » Incrimination, crime d’association de malfaiteurs. « Le crime d’association de malfaiteurs est consommé dès lors qu’a été réalisée, avec la volonté d’agir, une entente entre plusieurs individus dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés. » Malfaiteur, malfaitrice. 254 6) Les criminels professionnels ont choisi délibérément de mener une existence marquée au sceau de la criminalité et, de plus en plus et de façon envahissante, dans l’univers médiatique du cyberespace. En marge des règles sociales et au mépris des lois, ils font du crime un métier très lucratif. Souvent, pour faciliter l’exercice de leurs activités illégales ou pour s’enrichir rapidement et plus facilement, souvent encore parce qu’ils sont forcés de le faire, ils se réunissent en groupements afin de vivre du produit de leurs actes répréhensibles. Organisés en gang, ces malfaiteurs cherchent à créer un empire du crime, que ce soit dans leur ville, dans leur pays ou même à l’échelle internationale. Les législateurs entendant lutter contre ce fléau édictent des dispositions relatives aux infractions de gangstérisme en matière criminelle pour neutraliser les divers degrés de dangerosité de l’activité de gangstérisme qu’exercent les associations de malfaiteurs et les bandes criminelles motivées par l’enrichissement ou par des idéaux politiques ou le fanatisme religieux. Au Canada, les forces policières disposent de techniques légales pour réprimer le gangstérisme ou le crime organisé, dont la délation, l’infiltration, la filature, l’écoute électronique et la perquisition. ö BLOCAGE. ö CRIME. ö CYBERESPACE. ö DÉLATION. ö INFRACTIONNEL. ANTINOMIE. ANTINOMIQUE. En droit, l’antinomie est la contradiction réelle ou apparente entre deux lois ou deux règles de droit. Les ouvrages et les articles sur les antinomies en droit étudiées dans le cadre de la logique juridique et de l’interprétation des lois (notamment les études publiées par Chaïm Perelman) présentent de nombreux exemples de conflits entre deux textes légaux. Le meilleur exemple d’une antinomie est celui où un texte permet ou même ordonne une conduite qu’un autre texte interdit. Il convient de remarquer, toutefois, qu’il n’y a pas antinomie lorsque la loi prévoit qu’en pareil cas l’un de ces deux textes prévaudra et que cette primauté repose sur un principe que la loi énonce expressément (par exemple, en cas d’incompatibilité, la Charte prévaut). 255 Deux lois sont en conflit si l’application de l’une exclut explicitement ou implicitement l’autre. Côté établit une distinction entre conflit implicite et conflit explicite (voir CONFLIT). Il explique que deux techniques s’offrent au juge qui, placé devant deux lois apparemment antinomiques, doit résoudre la contradiction et harmoniser les deux textes : « Ou bien l’antinomie sera résorbée par l’interprétation des textes de manière à les concilier, ou bien la contradiction sera résolue en établissant la prédominance d’un texte sur l’autre. » « Le juge, sous peine de déni de justice, est obligé de résorber les antinomies. » Par extension, l’antinomie peut porter sur un conflit entre deux droits que reconnaît la loi. Dans l’usage courant, le mot s’emploie au sens de contradiction, d’opposition totale entre deux idées : « Il y a antinomie entre ces deux conceptions. » Syntagmes Antinomies apparentes, réelles, relatives, absolues. Cas d’antinomie. Existence d’une antinomie. Concilier, résorber, résoudre des antinomies. Éliminer l’antinomie. Former une antinomie. Être placé devant une antinomie. Caractère antinomique de deux lois. Éléments antinomiques. Principes, règles, textes antinomiques. ö CONFLIT. ö LACUNE. A PARI. 1) Ne pas mettre d’accent grave sur l’a. Se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, le terme est en caractère romain. 2) Locution latine signifiant par analogie, pour la même raison. « Pour quel motif accorderait-on cette faveur dans un cas, pour la refuser dans les autres? L’argument 256 a pari me semble avoir ici une force irrésistible. » Illustration du raisonnement ou de l’argument a pari : Un règlement municipal prescrit que les chiens doivent être tenus en laisse lorsqu’ils sont dans un lieu public. Suivant l’argument a pari, le guépard doit aussi être tenu en laisse puisque les raisons qui justifient l’application de la règle aux chiens (protection des personnes et des biens) justifient également son application au guépard. (Côté) 3) Les remarques qui ont été faites quant à l’emploi de la locution a contrario s’appliquent également à la locution a pari, avec cette seule réserve qu’a contrario n’est pas traduit, alors qu’a pari est souvent traduit par son équivalent par analogie. Pour le raisonnement a simili, voir l’une des formes du raisonnement a pari, à l’article A SIMILI. ö A CONTRARIO. ö A FORTIORI. ö A POSTERIORI. ö A PRIORI. ö A SIMILI. APATRIDE. APATRIDIE. Le mot apatride a un double genre : il est substantif et adjectif. Les apatrides, les populations, les enfants, les gens de mer apatrides. 1) Est apatride celui que l’État d’accueil reconnaît n’être ressortissant d’aucun pays et non celui qui se déclare tel. Avoir toujours été, devenir, se retrouver, rester, rendre apatride. Être apatride de naissance. Le droit international public distingue deux catégories, deux classes d’apatride : l’apatride de jure est celui qui est tel aux yeux de la loi applicable de l’État concerné, tandis que l’apatride de facto est celui au sujet duquel aucun État ne parvient à déterminer lequel lui a donné sa citoyenneté, sa nationalité. Ainsi, quiconque n’est officiellement citoyen d’un pays et ne peut justifier d’une nationalité est apatride. « Des millions de personnes dans le monde n’ont pas de nationalité : elles sont apatrides. » Se trouvant démuni de nationalité et dépourvu d’un permis de séjour ou, même, de 257 pièces d’identité, l’apatride – le « sans-pays » – ne peut invoquer quelque lien juridique que ce soit le reliant ou le rattachant à un État, aussi peut-on dire qu’étant sans identité juridique il vit littéralement dans un vide juridique. Il ne peut exercer comme être humain ses droits et ses libertés fondamentales et vit sous le joug d’un état civil de non-droit (se reporter à l’article DROIT, au point 27). Il devient difficile, parfois impossible, d’invoquer des droits fondamentaux et d’avoir accès à l’emploi, au logement, à l’éducation et aux soins de santé quand on est apatride. Incapable dans certains cas de prouver son identité ou son origine ethnique parce qu’il a dû fuir son pays ravagé par la guerre, le seul recours de l’apatride repose alors dans ce qu’on appelle la bonté du législateur et la bienveillance des organisations internationales. Des traités internationaux et des conventions internationales régissent la situation de l’apatride et des législations nationales, des textes de droit interne prévoient des mesures de protection destinées à procurer à l’apatride un statut juridique et à lui assurer l’exercice le plus large possible des droits de la personne et des libertés fondamentales. Convention relative au statut des apatrides (1954). Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961). Convention européenne sur la nationalité (1997). Loi sur la citoyenneté (Canada). Identification, assimilation (au sens d’une intégration de l’apatride dans la vie économique, sociale et culturelle de son nouveau pays), naturalisation, réinstallation des apatrides. Condition des apatrides. 2) Il ne faut pas confondre la situation juridique de l’apatride de celle du réfugié. Le premier est sans nationalité, alors que le second a une nationalité, une citoyenneté. Tous les apatrides ne sont pas nécessairement des réfugiés, lesquels ont dû fuir leur pays du fait de persécutions et de peur pour leur vie et leur sécurité. Tous deux jouissent de statuts distincts, même si la plupart des apatrides cherchent à obtenir le statut de réfugié dès leur arrivée dans le pays d’accueil. Bénéficiaire du statut de réfugié-apatride. Des personnalités célèbres et lauréats de prix Nobel ont joui de ce double statut : Albert Einstein, Alexandre Soljenitsyne et Elie Wiesel. 3) L’apatride statutaire n’est pas celui que la législation(“statute” en anglais) considère tel, ce qui constituerait un glissement de sens doublé d’un anglicisme sémantique, mais plutôt celui qui bénéficie de ce statut. Demandeur du statut d’apatride. Admission au statut d’apatride. Étranger sollicitant le statut d’apatride. « Le statut d’apatride est accordé par l’Office français de protection des réfugiés et 258 apatrides sous le contrôle juridictionnel du tribunal administratif. » 4) On se gardera bien de confondre les notions de statut d’apatride et de qualité d’apatride. S’il faut entendre par statut l’ensemble des règles qui déterminent la condition civile de l’apatride et le régime juridique qui le gouverne, s’agissant de sa qualité, on comprendra que cette notion désigne l’ensemble des éléments qui, une fois qu’ils sont établis et reconnus, constituent l’état de l’apatride et qui lui assurent une identité juridique. « La qualité d’apatride ne se présume pas. Elle doit être établie dans tous les éléments qui la déterminent par des preuves précises et sérieuses. » Par conséquent, l’obtention du statut d’apatride, autrement dit la reconnaissance officielle du fait qu’aucun pays ne considère la personne concernée comme son ressortissant, lui permet d’acquérir la qualité d’apatride, c’est-à-dire d’accéder à un état, à une situation juridique à laquelle la loi attache des effets de droit. 5) L’apatridie s’entend de la situation dans laquelle se trouve l’apatride. Cette situation est généralement provoquée, entre autres, par des événements politiques graves, des crises, des guerres, la disparition d’un État, la discrimination fondée sur la race ou les croyances religieuses, les conflits de lois concernant les nationalités (lois contradictoires sur le mariage), les successions d’États (l’ex-URSS, l’ex-Yougoslavie, la Turquie, la Syrie, le Vietnam), les transferts de souverainetés, les défaillances ou les lacunes des lois sur l’enregistrement des naissances ou leur inexistence, les applications rigoureuses du droit du sol (naître sur le territoire de l’État) et du droit du sang (obtenir la nationalité de ses parents) ou, enfin, la déchéance de nationalité (en tant que sanction infligée par l’État). Cas d’apatridie. « Au début des années 1990, plus de la moitié des apatrides vivant dans le monde ont perdu leur nationalité à la suite de l’éclatement de certains États créant des centaines de milliers de cas d’apatridie. » Poches, zones d’apatridie dans le monde. Incidence de l’apatridie. « C’est en Amérique latine que l’incidence de l’apatridie est la plus faible car la plupart des pays de cette région accordent la nationalité aux personnes nées sur leur territoire. » Prévention, protection, réduction, élimination de l’apatridie. Demande d’apatridie. Causes, reconnaissance de l’apatridie. Établir, prouver l’apatridie. Dès que l’apatride acquiert une nationalité ou réintègre sa nationalité d’origine, l’apatridie cesse d’exister. 259 ö BONTÉ. ö CONFLIT. ö DÉCHÉANCE. ö DROIT. ö ÉTAT. ö JUSTIFIER. ö LACUNE. ö QUALITÉ. ö STATUT. ö STATUTAIRE. ö VIDE. APO-. Préfixe signifiant loin, sur, à part, hors de. Apocryphe, apologie (voir ce mot), apostille (voir ce mot). ö APOLOGIE. ö APOSTILLE. APOLOGIE. EXCUSE. 1) On attribue à tort le sens d’excuse à apologie. Une apologie est une défense publique de qqn ou de qqch., un plaidoyer, une justification. Ainsi, on ne peut faire l’apologie de qqn que s’il est attaqué ou critiqué, on ne peut faire l’apologie d’une règle, d’un principe, d’une doctrine ou d’un concept que s’il est soumis à des attaques, à la dérision, etc. Apologie étant un synonyme de défense, il s’oppose au terme critique : « Contrairement à ce que prétendent certains auteurs de doctrine, la règle de droit existante n’est pas dénuée de tout fondement logique. La doctrine d’ailleurs n’a pas été unanime à la critique. L’apologie de la règle pour des raisons utilitaires ou de politique générale a été faite peu après l’arrêt Majewski par sir Rupert Cross dans Blackstone c. Bentham. » 260 2) Dans le droit de la diffamation, le concept anglais d’“apology” se rend par le terme excuses et non par [apologie]. « En matière de diffamation, les excuses constituent un moyen de défense partielle. » Publier, offrir, présenter des excuses complètes ou encore des excuses suffisantes (“full apology”). « Certains législateurs ont fait une concession aux médias en ce qui concerne la diffamation accidentelle. Ainsi, lorsqu’un journal ou une émission contient des propos diffamatoires, le défendeur peut faire valoir, pour réduire le montant des dommages-intérêts, que la publication a été faite sans intention de nuire et sans négligence grave, et qu’il a publié ou offert de publier des excuses complètes (et non [une apologie]) à la première occasion. » 3) En common law, les excuses ne constituaient pas un moyen de défense, mais avaient une incidence sur le montant des dommages-intérêts. Ce principe est maintenant codifié (voir par exemple la Loi sur la diffamation du Nouveau-Brunswick) : « Le défendeur peut prouver, pour réduire les dommages-intérêts, que le fait diffamatoire a été publié dans le journal, radiodiffusé ou télévisé, sans qu’il y ait eu négligence flagrante véritable et qu’avant l’introduction de l’action ou dès que possible après le début de l’action, le défendeur : a) a inséré dans le journal qui avait publié le fait diffamatoire une rétractation complète et honnête ainsi que des excuses suffisantes à l’égard de la diffamation » 4) En droit pénal français, le concept d’apologie du crime renvoie à la glorification d’un acte délictueux, à l’éloge public ou médiatique de crimes (meurtres, pillages, incendies, vols, crimes de guerre ou collaboration avec l’ennemi) : « Il a été inculpé de l’apologie du crime de meurtre. » ö DÉFENSE. ö DIFFAMATION. ö EXCUSE. ö JUSTIFICATION. ö RÉTRACTION. A POSTERIORI. 1) Se prononce a-pos-té-riori et s’écrit généralement sans accent grave sur le a. Certains mettent cependant l’accent grave parce qu’ils considèrent cette expression comme un emprunt francisé. Cet usage se répand aujourd’hui (voir A FORTIORI). Le terme a posteriori étant passé dans le langage courant, il reste en caractère romain. 261 2) A posteriori signifie postérieurement, acquis grâce à l’expérience, de l’effet à la cause. « Le raisonnement a posteriori procède de l’effet à la cause. » Son antonyme est a priori (voir ce mot). 3) S’emploie comme locution adverbiale : « J’estime qu’on ne saurait satisfaire à cette exigence en informant simplement a posteriori la personne concernée de la décision prise par la Commission. » « Il peut arriver que l’action déclaratoire soit détournée de son but et utilisée pour opérer un ‘renversement du contentieux’, en suscitant le contrôle judiciaire, non point a posteriori, mais à l’avance, avec la secrète pensée de légitimer une opération projetée. » A posteriori s’emploie également comme locution adjective : « Par un raisonnement a posteriori, le juge a imputé à l’appelante une faute pour l’usage licite qu’elle faisait d’un terrain qu’elle avait loué. » L’emploi d’a posteriori comme substantif (un a posteriori pour un jugement a posteriori) est rare. ö A FORTIORI. ö A PARI. ö A PRIORI. ö A SIMILI. APOSTILLE. Nom féminin. Se prononce a-pos-ti-ye. L’apostille est à la fois (1) la modification apportée à un document et (2) le signe qui indique qu’il y a eu modification. « Le contrat porte une apostille paraphée par les parties. » 1) L’apostille est une annotation, une note ou une adjonction placée au pied ou en marge d’un acte ou d’un document et faisant corps avec lui. Puisque l’addition peut être portée en marge du document, ce n’est pas un pléonasme de dire que « l’apostille a été mise au bas de l’acte ». 2) L’apostille est également une marque ou un signe (souvent une croix) tracé dans le corps du texte ou en marge et suivi de la modification apportée. Les parties seront 262 appelées à y apposer leurs initiales pour indiquer qu’elles ont pris connaissance de la modification. Cet usage est rare au Canada. On dit indifféremment apostille ou renvoi. Le verbe est apostiller. Syntagmes Ajouter, mettre une apostille. Parapher une apostille. Apostiller ou annoter le texte d’un acte, d’un contrat. Apostiller une requête. APPAREIL. ARSENAL. 1) Les expressions appareil des lois et appareil législatif s’emploient au sens d’ensemble des textes législatifs émanant d’une autorité, ou de recueil des lois. Elles peuvent désigner aussi la législation émanant d’une autorité dans un domaine particulier. L’expression arsenal législatif ajoute, par rapport à appareil législatif, l’idée d’un réservoir de principes juridiques, de munitions où puiser pour trouver des arguments, défendre un point de vue ou une position. 2) Arsenal s’utilise au figuré pour décrire un ensemble de textes ou d’arguments susceptibles d’étayer une thèse, de fournir des armes pour le débat : « Cet arrêt de principe est un véritable arsenal pour tout bon avocat. » « Le temps dont dispose la Chambre connaît une valeur nouvelle, à tel point que les mesures dilatoires sont devenues l’élément principal de l’arsenal des partis d’opposition. ». Arsenal d’articles de lois, d’arguments (on dit aussi panoplie d’arguments), d’idées, de jugements, de définitions, de droits. Dans les syntagmes arsenal des lois ou arsenal juridique, le mot arsenal signifie ce qui fournit des moyens d’action pour attaquer ou se défendre en invoquant des lois ou des principes de droit à son profit ou en se mettant à l’abri (voir ce mot) des lois ou des 263 prescriptions du droit : « En France, le droit d’auteur est renfermé dans deux lois : cet arsenal juridique se révèle inadapté aux particularités de la création en publicité. ». 3) L’appareil judiciaire ou appareil de justice, c’est l’ensemble des juges, les tribunaux, l’ordre judiciaire : « Sur la carte de la géographie judiciaire, dans le cadre des ressorts des cours d’appel, l’appareil judiciaire, animé d’un vaste mouvement de contraction, s’est replié sur les centres. » 4) Appareil et arsenal sont synonymes au sens de collection dans les expressions appareil des peines et arsenal des peines, cette dernière expression étant plus courante. 5) Dans le domaine des sciences politiques et sociales, dans le vocabulaire commercial, ainsi qu’en matière d’organisation policière et de système pénitentiaire, appareil s’emploie dans certaines expressions au sens d’ensemble des structures d’une organisation, de ses organismes, de son fonctionnement : appareil de l’État ou étatique, appareil du gouvernement ou gouvernemental (on dit aussi les rouages, la machine du gouvernement) ou appareil administratif. Appareil policier, pénitentiaire. 6) Dans le domaine de l’édition, le terme appareil critique (on dit tout aussi bien apparat critique) désigne soit l’ensemble des annotations qui accompagnent un texte original (par exemple dans les Codes Dalloz, chaque article d’un Code est assorti d’indications propres à en faciliter l’étude, de commentaires et de renvois pour tenir le juriste au courant des textes qui l’ont modifié ou complété), soit des ouvrages variés (traités, manuels, monographies et notes d’arrêt). Les références dans les ouvrages juridiques constituent des appareils critiques précieux. « Parfois, le seul moyen de connaître la doctrine est de se référer aux appareils critiques des travaux juridiques. » Appareil critique doctrinal, jurisprudentiel. APPAROIR. 1) Ce verbe, doublet du verbe apparaître, n’est usité à l’infinitif et à la troisième personne de l’indicatif présent que dans le langage du droit. 2) À l’infinitif, apparoir signifie être apparent, évident, manifeste, et s’emploie dans la locution juridique faire apparoir de son bon droit et ses variantes faire 264 apparoir de son droit, faire apparoir de son pouvoir (c’est-à-dire en montrer l’évidence, le faire constater, en faire la preuve). Ces locutions, sorties de l’usage, ne figurent plus que dans les traités savants. 3) À la forme impersonnelle, apparoir s’emploie dans trois constructions : il appert (« Comme il appert à la lecture des pièces déposées en preuve... »), il appert de (« Il appert de la preuve déposée... ») et il appert que (« Il appert que le défendeur est fondé à contester la demande. »). Notons à propos de ces constructions que la tournure il appert régit les prépositions de et par (Ainsi qu’il appert de cet acte ou Comme il appert par cet acte). L’expression s’il appert que fait souvent place en rédaction législative, selon les contextes, à des expressions comme s’il se révèle que, s’il paraît que et s’il devient évident que. Certains lexicographes signalent que la tournure il appert de... que... est archaïsante et qu’elle peut être remplacée par des tournures comme il ressort de... que... (« Il appert de l’examen des observations des parties que... » (= « Il ressort de l’examen des observations des parties... ») ou « L’examen des observations des parties révèle que... »). 4) Il appert marque l’évidence, l’apparence, mais non l’incertitude. La certitude ou la réalité est la marque de l’indicatif. « De l’examen du contrat, il appert que l’acheteur est (et non [soit]) fondé à contester la réclamation du vendeur. » « Du jugement rendu dans cette affaire, il appert que le divorce a été prononcé... » Apparoir étant strictement du domaine juridique et marquant la certitude, c’est commettre une double impropriété que d’employer il appert dans la langue courante avec l’idée d’un doute : « [Il appert] que l’accident a été causé par la chaussée glissante. » (= « L’accident aurait été causé par la chaussée glissante... » ou « La chaussée glissante serait à l’origine de l’accident. »). « [Il appert] que la cause sera entendue demain. » (= « Il paraît que... » ou « La cause sera, dit-on, entendue demain. »). 265 APPARTENANCE. APPARTENANT. 1) Comme substantif pluriel, appartenances est un terme juridique rare ou vieilli. Il désigne les biens qui dépendent d’un bâtiment principal (les appartenances d’un bien-fonds); on le trouve souvent accompagné du terme dépendances : « Vendre une maison avec toutes ses appartenances et dépendances, c.-à-d. avec tout ce qui se rattache au bien principal et forme avec lui une seule propriété. Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law a choisi les termes dépendance, dans le cas de biens réels : un bâtiment et ses dépendances; bien, droit dépendant; et accessoire, dans le cas de biens personnels comme équivalents de l’anglais “appurtenance”. Au figuré, appartenance s’emploie au sens d’adhésion, d’affiliation et signifie faire partie d’un groupe, d’une collectivité. Appartenance syndicale. Appartenance du Royaume-Uni à la communauté européenne. Lien, rapport d’appartenance. 2) Comme participe présent, appartenant entre dans la construction de plusieurs syntagmes : terre appartenant à la Couronne (on dit aussi terre de la Couronne), chose appartenant à autrui, dépôts appartenant à l’État et investissement appartenant à des étrangers (finance), navire appartenant à l’État (marine), structure appartenant à des tiers (gaz et pétrole). Comme adjectif, appartenant signifie qui appartient de droit à qqn et est vieilli dans l’usage courant. En français juridique, il est souvent variable, quoique le style juridique moderne laisse généralement le participe présent invariable. Une maison à lui appartenante. Les biens à lui appartenants. Deux choses mobilières appartenant à des maîtres différents. Il est intéressant de noter incidemment que le style juridique privilégie la construction du type à lui appartenant (au lieu de : appartenant à lui). ö ACCESSOIRE. ö DÉPENDANCE. 266 APPARTENIR. Deux p pour appartenir et ses dérivés. 1) Appartenir n’est pas un verbe transitif direct mais indirect (se construit avec à). « Les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent. » « Les biens qui n’ont pas de maîtres appartiennent à l’État. ». Il est incorrect de dire, sous l’influence de l’anglais : « Il [appartient] ce bien », on dit « Il est propriétaire de ce bien » « Ce bien lui appartient » ou, avec un peu moins de précision, « Il possède ce bien ». Se méfier de ce calque lorsque la construction est passive : « Les actions ou autres valeurs mobilières [appartenues par] l’Association... » (= qui appartiennent à l’Association, qui sont sa propriété). Non pas « Le bien [était appartenu] au contribuable », mais « appartenait au contribuable ». 2) Appartenir sert à former les locutions juridiques suivantes : appartenir de droit (c.-à-d. revenir à qqn en vertu d’un droit) ou sa variante appartenir de plein droit (c.à-d. à part entière); appartenir en propre : « ce bien m’appartient en propre »; appartenir à titre bénéficiaire. 3) Emploi impersonnel. La locution Il appartient à, utilisée dans un contexte d’obligation, de responsabilité imposée, s’emploie d’abord au sens de être du privilège de, être de la fonction de, être du devoir de, du droit de, être dans les attributions de, revenir à : « Il appartient au juge de statuer. » Cette tournure impersonnelle est moins impérative que la tournure il incombe à : « Il appartient au vendeur de fixer la date exacte de la délivrance. » « Il incombe à la partie défaillante de motiver son défaut. ». Voir l’exemple tiré des Mémoires du général De Gaulle qui réunit les deux emplois : « En fait, c’est aux États-Unis qu’appartenait la décision, puisque l’effort principal leur incombait dorénavant. ». Dans le style administratif : « Il vous appartiendra de donner à cette demande la suite qui convient. » En emploi impersonnel, appartenir sert à former plusieurs locutions juridiques : à qui il appartiendra ou pour le compte de qui il appartiendra (expression du droit des assurances qui signifie en faveur de tout bénéficiaire et qui est utilisée, par exemple, 267 dans le cas du souscripteur d’une assurance de responsabilité automobile qui stipule pour lui et pour tout conducteur autorisé); ainsi qu’il appartiendra, qui signifie selon qu’il sera convenable, selon ce qui conviendra; ce qu’il appartiendra s’emploie dans l’expression pour être statué ce qu’il appartiendra, expression surannée qui, selon Mimin, a droit de cité pour sa contraction; à tous ceux qu’il appartiendra (“to all whom it may concern”), qui signifie à tous ceux qu’une affaire concernera ou qui aurait intérêt à en prendre connaissance et qui correspond à la locution plus courante à qui de droit (dans le vocabulaire commercial et administratif). Remarquer que la formule liminaire ancienne À tous ceux qui par les présentes verront placée en tête de certains actes, forme suspecte correspondant à la formule anglaise “to whom these present may come” n’a pas exactement le même sens : elle vise tous les destinataires éventuels de l’acte juridique. ö DROIT. ö INCOMBER. APPEL. POURVOI. L’usage est de réserver le terme pourvoi aux appels portés devant la Cour suprême du Canada et, parfois aussi, devant les cours d’appel provinciales (au Québec notamment) et d’employer appel pour ceux qui sont portés devant une juridiction inférieure : Pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick qui a rejeté l’appel interjeté par l’accusé à l’encontre de sa déclaration de culpabilité relativement à une accusation d’agression sexuelle. Pourvoi accueilli. Les parties à un pourvoi sont appelées en France : demandeur au pourvoi et défendeur au pourvoi. Ces désignations n’ont pas cours au Canada, où on utilise les termes appelant et intimé. Pourvoi se construit avec la préposition contre (pourvoi contre un jugement), alors qu’appel commande la préposition de (appel d’un jugement). On évitera les formulations [appel contre, appel à l’encontre d’un jugement], mais ces prépositions sont correctes lorsque appel est suivi d’un participe passé : appel interjeté à l’encontre de..., appel formé contre un jugement ou lorsque le verbe l’exige : appel dirigé contre... À la voix active : on interjetera appel de qqch., on formera appel de qqch. Syntagmes 268 Pourvoi contre un arrêt. Pourvoi de plein droit. Pourvoi frappé d’appel. Exercer, former, introduire un pourvoi. Se pourvoir contre un jugement. Accueillir, rejeter un pourvoi, faire droit à un pourvoi. « Le pourvoi fait grief (ou reproche) à la décision d’avoir écarté la défense de nécessité. » Faire appel, former appel, interjeter appel, d’une décision. Introduire un appel. Introduction d’un appel. Déférer, porter un jugement en appel. Frapper une décision d’appel. Décision frappée d’appel, susceptible d’appel. Accueillir l’appel, faire droit à l’appel. Accueillir, recevoir qqn en (dans) son appel. « L’appel se forme par le dépôt d’un avis au greffe de la Cour d’appel. » Confirmer le jugement dont appel (on peut dire aussi : le jugement porté en appel ou le jugement attaqué). En appel. En cause d’appel. Sur appel. Griefs d’appel. Moyens d’appel. Invoquer un fait au soutien de son appel. « La décision du tribunal est sans appel. » ö APPELANT. ö APPELER. APPELABLE. Appelable est rare et s’emploie uniquement au sens de dont on peut appeler. Une action, une cause appelable (“appealable action”). On lui préférera susceptible d’appel ou sujet à appel. APPELANT, APPELANTE. S’écrit avec un seul l. S’emploie comme substantif et comme adjectif. L’appelant est l’auteur de l’appel, le demandeur à l’appel. La partie appelante. 269 Syntagmes L’appelant et l’intimé. L’appelant d’un jugement. « L’appelant, M. X., prétend que... » Se porter appelant. Être appelant d’un jugement, d’une décision, d’une sentence. ö APPEL. ö APPELER. APPELÉ, APPELÉE. Employé comme nom, appelé désigne la personne en faveur de qui un pouvoir de désignation ou d’attribution peut être exercé (“the object of a power”). Un appelé (“an object”), un non-appelé (“a non-object”). L’appelé à une succession. « ... l’abandon anticipé de la jouissance au profit des appelés ne pourra préjudicier aux créanciers du grevé antérieurs à l’abandon. » APPELER. Deux l devant e muet. J’appelle, j’appellerai, il a appelé, nous appelons. 1) S’emploie absolument. Le droit, la faculté d’appeler. « La poursuite a décidé de ne pas appeler. » 2) Avoir recours à un tribunal supérieur pour faire réformer le jugement d’un tribunal inférieur. Appeler d’un jugement, le frapper d’appel. Dans le langage du droit, la tournure [en appeler de] est pléonastique lorsqu’elle est suivie d’un complément indirect : [Il en a appelé de la décision]; dire « Il a appelé de la décision. » L’exemple suivant est correct (« Il en a appelé à la Cour suprême. »), car le pronom en ici tient lieu du complément indirect sous-entendu décision. Le pléonasme [en appeler de] devrait être évité, en dépit de l’effet stylistique que certains auteurs attribuent à l’emploi de cette locution, par exemple dans une phrase où l’expression répond au sentiment, telle la citation fréquemment relevée par les dictionnaires : « J’en appelle au roi de ce jugement inique. » 270 La locution en appeler à signifie recourir à, s’en remettre à : « La défense en appelle à la clémence du tribunal. » 3) Appeler a comme complément d’objet direct des personnes ou des choses. Appeler qqn à comparaître, à témoigner. Appeler (assigner, citer) qqn en justice, en témoignage, comme témoin. Appeler qqn à la barre, c’est-à-dire lui demander de comparaître. Faire appeler qqn devant le juge, citer, faire venir devant un juge, un tribunal, est synonyme de appeler en justice. Appeler une cause (c’est-à-dire lire tout haut devant un tribunal le nom des parties, afin que leurs avocats viennent plaider pour elles) : « On appellera sa cause à son tour de rôle. » Appeler en justice signifie intenter une action en justice contre qqn. « Les victimes ont appelé en justice le responsable de l’attentat. » 4) S’emploie également dans des locutions juridiques. Être appelé à une succession, c’est-à-dire être choisi, être désigné à une succession. Être appelé en cause, c’est-à-dire être mis en cause : avoir droit à un délai pour appeler en cause le débiteur principal. Être appelé en garantie. Appeler en garantie veut dire obliger le garant à intervenir dans une instance où se trouve poursuivie la personne à qui il doit garantie. « Le défendeur a appelé en garantie son codéfendeur poursuivi conjointement. » 5) Noter d’autres sens du verbe appeler, fréquents dans les textes juridiques. Attirer l’attention de qqn sur qqch. : « L’avocat appelle l’attention de la Cour sur son argument. », c’est-à-dire qu’il incite la Cour à y réfléchir. Rendre obligatoire, demander, requérir, sommer : « Cet argument appelle les observations suivantes : » « Face à un texte bilingue dont les deux versions appellent une interprétation différente, laquelle choisir? » « L’accusé est appelé à déclarer s’il récuse un juré... avant que le poursuivant ne soit appelé à déclarer s’il exige que le juré se tienne à l’écart. » Réclamer, nécessiter, commander : « Le crime appelle une sanction sévère. » 271 Être désigné : « Il est appelé à une charge, à un emploi, à exercer des fonctions. » 6) [Appeler] une réunion du conseil est un anglicisme; il faut dire convoquer une réunion du conseil, convoquer le conseil. ö APPEL. ö APPELANT. APPESANTIR (S’). ARRÊTER (S’). ATTARDER (S’). 1) S’appesantir s’emploie avec la préposition sur et comporte une nuance dépréciative lorsqu’il signifie en insistant trop longuement sur : s’appesantir sur un argument, sur des détails, sur un sujet : « Mon but n’est pas de m’appesantir sur cette question, pressé que je suis d’arriver à mon objet propre, la rétroactivité. » « Ne vous appesantissez pas sur les détails, allez à l’essentiel, lui recommanda le juge. » S’appesantir s’emploie également en construction absolue : « Pour être persuasif, il faut éviter de s’appesantir et rechercher la brièveté. » 2) S’arrêter s’emploie avec la préposition à ou sur, mais s’arrêter sur au sens d’étudier longuement qqch. peut également comporter une nuance dépréciative : « Je n’ai pas à m’arrêter à l’argumentation relative aux contradictions de la loi » (= à l’examiner, à en aborder l’étude) « Je n’ai pas à m’arrêter sur l’argumentation relative aux contradictions de la loi » (= à l’examiner trop longuement). S’arrêter à est dépréciatif dans la phrase : « Le tribunal ne s’arrêtera pas à ces considérations. ». Le plus souvent, ce verbe signifie simplement fixer son choix pour qqch. et la connotation est neutre : « Il ne sait à quelle solution s’arrêter » (= il ne sait quel parti prendre) « La décision à laquelle les parties contractantes se sont arrêtées » (= la décision qu’elles ont prise). 3) S’attarder à qqch. signifie prendre son temps pour fixer volontairement son esprit sur qqch., se consacrer momentanément à qqch. La connotation, parfois dépréciative lorsque le sens est gaspiller son temps à qqch. (par exemple s’attarder trop longuement sur qqch., s’attarder à des détails, s’attarder à des futilités), ne l’est pas toujours; ainsi, le membre de phrase : s’attarder à la relation des faits, à l’examen de la jurisprudence invoquée, signifie simplement se consacrer à cette activité. 272 4) S’arrêter à et s’attarder à, au contraire de s’appesantir, peuvent se construire avec l’infinitif : s’arrêter à exposer les faits de l’espèce, s’attarder à décrire les lieux du crime. ö ARRÊTER. APPLICABILITÉ. APPLICATION. Applicabilité désigne le caractère qui permet à une règle de droit d’être applicable, application a trait notamment à l’effet de cette règle de droit, à sa mise en oeuvre ou à son observation. Applicabilité est un terme récent créé au milieu du dix-neuvième siècle. Il s’utilise surtout dans le vocabulaire administratif et juridique. Les dictionnaires généraux ne lui consacrent d’ailleurs qu’une ligne ou deux; certains ne l’attestent pas. Dans le langage du droit, au contraire, le terme applicabilité est utilisé couramment. Applicabilité d’une clause, du droit canadien, d’une loi, d’une règle, d’un principe, d’une théorie. « Les requérants demandent à la Cour de déterminer l’applicabilité d’une clause d’ancienneté. » « À quel moment devrait-il être statué sur l’applicabilité de la règle relative aux déclarations de culpabilité multiples? » Les tribunaux sont appelés parfois à distinguer les deux termes à l’intention des parties au litige. Dans le cas d’une convention collective par exemple, la distinction entre applicabilité et application serait la suivante : « En matière d’applicabilité, ce n’est pas l’effet ou le contenu des dispositions particulières de la convention collective qui soit en cause, mais la question est de savoir si la convention dans son ensemble est susceptible de régir une situation donnée. La portée des dispositions particulières qui n’emportent pas l’applicabilité de l’ensemble de la convention particulière est matière d’interprétation et d’application réservée à la compétence de l’arbitre des griefs. » APPOINTEMENTS. APPOINTER. 1) Appointements ne s’emploie plus qu’au pluriel au sens de salaire fixe versé au mois ou à l’année à un employé permanent. Se dit particulièrement de la rémunération 273 d’un employé du commerce et de certaines industries, de l’employé de bureau; au Canada, il ne peut s’employer pour les fonctionnaires (on dit plutôt traitement) et pour les syndiqués (on dit plutôt salaire). Ainsi, les cadres d’une usine pourront recevoir des appointements, tandis que les ouvriers toucheront un salaire (horaire ou hebdomadaire). Donner, recevoir, tirer, toucher des appointements. 2) [Appointement] au sens de rendez-vous est un anglicisme : Avoir un rendezvous (et non un [appointement] chez son avocat. 3) Appointer est vieilli au sens de pourvoir d’une place, d’une fonction. L’employé n’a pas été [appointé], mais, selon les contextes, a été nommé, désigné. « Le bureau nommera (désignera, engagera) une autre secrétaire juridique. » Au sens moderne, appointer signifie verser des appointements à qqn, rétribuer par appointements. Appointer un commis. Être appointé par une firme. Être appointé au mois, à l’année. ö ÉMOLUMENTS. APPOSER. APPOSITION. RÉAPPOSER. RÉAPPOSITION. 1) Apposer a trois sens et s’emploie avec la préposition à ou sur : appliquer, mettre, poser de manière à laisser une empreinte durable (à qqch. ou sur qqch.) : « Le notaire a apposé son sceau sur le document. ». Inscrire, écrire, signer : « Il a apposé sa signature au document, sur le document. » « Les témoins ont apposé leur signature. ». Insérer : « Les parties ont apposé une condition à l’acte de transfert. » 2) En droit successoral de la common law, la réapposition du sceau (“resealing”) désigne l’action pour un tribunal d’apposer son sceau sur des lettres d’homologation ou des lettres d’administration délivrées dans une autre province ou dans un autre pays pour leur donner le même effet que si elles avaient été délivrées sur son territoire. 274 Syntagmes Apposer, faire apposer les scellés sur des effets, au domicile, dans la demeure, chez qqn. Réapposer le sceau. Autoriser, demander, requérir l’apposition des scellés. Procéder à l’apposition, provoquer l’apposition des scellés. Apposition des scellés. Lettres de réapposition de sceau. L’apposition a lieu, est constatée, est pratiquée. Procès-verbal d’apposition. ö SCEAU. ö SCELLÉ. APPRÉCIATION. DISCRÉTION. 1) La décision définitive que rend une juridiction devient, du fait de ce caractère définitif, insusceptible d’appel. Cette juridiction est dès lors revêtue par la loi d’une discrétion que l’on qualifie de souveraine, du pouvoir de décider comme bon lui semble. De par l’exercice de ce pouvoir absolu, elle statue souverainement en ce sens que sa souveraineté dans les matières que la loi confie à son pouvoir est incontestable : sa décision ne peut pas faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Le fait que cette décision échappe au contrôle d’une juridiction supérieure nous permet de parler d’un pouvoir souverain. Quand le juge de première instance constate l’existence des faits que les parties soumettent à son examen, cette constatation et l’évaluation des faits correspondent à une appréciation factuelle. Partie intégrante de son activité juridictionnelle, cette appréciation fait de lui un appréciateur souverain des faits et non [maître du fait]. Ainsi, la détermination des faits relève de l’appréciation souveraine du premier juge, lequel a vu et entendu les témoins et se trouve mieux à même d’apprécier la 275 crédibilité à accorder au témoignage de chacun. Aussi l’appelle-t-on pour cette raison le maître des faits. L’appréciation judiciaire comporte trois volets : l’appréhension des faits litigieux, leur évaluation, puis les constatations tirées de cet exercice intellectuel. La discrétion judiciaire, quant à elle, doit être comprise comme la faculté attribuée à l’autorité juridictionnelle d’opérer cette appréciation en décidant. Discrétion absolue de la juridiction d’appel. Par conséquent, on peut dire que le tribunal jouit de la liberté d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, lequel lui est confié légalement en tant que pouvoir discrétionnaire. Le pouvoir d’appréciation est un pouvoir d’examen, le pouvoir de discrétion étant un pouvoir de décision. « Le moyen de défense peut être soumis à l’appréciation et à la décision du jury. » Ce n’est pas le pouvoir d’appréciation qui est absolu ou souverain, mais l’appréciation elle-même : pouvoir d’appréciation souveraine. Le critère et le fondement du pouvoir d’appréciation souveraine reconnu au juge des faits reposent, en droit civil, sur l’intime conviction et, en common law, sur la prépondérance de la preuve et la cause probable, en matière civile, et sur la preuve hors de toute doute raisonnable, en matière pénale. Appréciation souveraine et libre appréciation sont des formules équivalentes. Pouvoir, liberté, marge d’appréciation. Ce qui est confié à l’appréciation du tribunal est, autrement dit, laissé ou abandonné à son appréciation. « L’impossibilité absolue d’agir est une incapacité de fait laissée à l’appréciation du tribunal. » (et non [à sa discrétion]). L’appréciation étant une forme d’arbitraire, on dit aussi de ce qui est abandonné à l’appréciation du juge qu’il est laissé à son arbitraire. Une autre formule qui traduit parfaitement le sens de la discrétion judiciaire se trouve dans l’énoncé d’une règle jurisprudentielle essentielle : l’appréciation de la preuve est laissée à la discrétion du juge. 276 Ainsi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire permet au tribunal d’apprécier la preuve. Ses conclusions sont fondées sur une appréciation des témoignages. Il tire une conclusion après appréciation d’un élément de preuve dans l’exercice de sa discrétion et, par exemple, sa décision d’écarter un élément de preuve relève d’un devoir découlant de ce pouvoir discrétionnaire. Il n’y a pas redondance dans la formule appréciation exclusive et souveraine : l’appréciation exclusive est celle qui n’appartient qu’à une seule autorité juridictionnelle, tandis que l’appréciation souveraine est celle qui est soustraite à tout recours en révision. Le pouvoir discrétionnaire est la faculté d’appréciation de la juridiction, soit celle qui lui confie l’entier pouvoir de se laisser convaincre et de décider sans qu’il y ait à son encontre possibilité d’intervention. « Cette appréciation relève généralement du pouvoir discrétionnaire du juge du procès. » Par exemple, le poids et l’effet qui sont accordés aux avantages d’un contrat seront laissés à l’appréciation du juge des faits : il lui revient, de par sa discrétion, de décider, dans le cadre de sa marge d’appréciation, de la nature de l’intention des parties contractantes. Par conséquent, la latitude de l’appréciation se manifeste dans l’examen des facteurs pertinents et le pouvoir discrétionnaire permet de modifier la situation des parties résultant de leur accord, de leur situation ou des circonstances. On le voit, le pouvoir d’appréciation du premier juge comporte en lui un difficile exercice judiciaire. Il dispose d’une large discrétion que lui a conférée le législateur. Pour sa part, la cour d’appel fera preuve de déférence, de retenue, à l’égard des conclusions factuelles qu’aura tirées le premier juge. Invoquant son pouvoir discrétionnaire, sa discrétion souveraine, elle n’interviendra et ne se fondera sur sa propre appréciation de la preuve que s’il a commis une erreur manifeste et dominante. 2) Dans la phrase suivante : « Selon la convention collective, pareille négociation n’est pas abandonnée à la complète discrétion des parties », l’idée ainsi exprimée est que la négociation que l’on souhaite entreprendre ne relève pas entièrement de la décision des parties. Si l’auteur de cette phrase a voulu dire que l’examen de cette 277 question de négociation ne relève pas entièrement des parties, il eût fallu qu’il écrivît : « ... n’est pas subordonnée à l’entier pouvoir d’appréciation des parties. » Le pouvoir discrétionnaire dont jouit un agent de police, par exemple, est lié à une prise de décision de sa part qui n’est pas strictement gouvernée par les règles légales du code de la route ou de la loi sur la police et son règlement d’application. Il comprend plutôt un élément significatif de discernement et de jugement personnel qui l’autorisera à donner un avertissement plutôt qu’une contravention ou à ne pas poursuivre un échange de renseignements ou une vérification. Le juge est investi du pouvoir discrétionnaire d’écarter les obstacles qui causeraient un retard dans le déroulement de la procédure. Ses prérogatives discrétionnaires sont des compétences ou des attributs qui se rattachent à des pouvoirs de décision. Il convient de préciser ici que sa discrétion n’est pas exercée de façon judiciaire ou judiciairement quand il fonde sa décision sur un mauvais principe de droit, sur une interprétation erronée des faits ou sur des considérations ou des motifs non pertinents. « Le juge a indiqué clairement que cette disposition confère au tribunal une discrétion qui doit être exercée de façon judiciaire par le juge de première instance. » Attribuer, conférer, donner une discrétion. Exercice conféré de la discrétion. « La compétence du médiateur parlementaire ne s’étend pas aux restrictions opérées dans l’exercice correct du pouvoir discrétionnaire conféré par le règlement pénitentiaire ou les consignes du ministre de l’Intérieur. » 3) La discrétion qui est conférée à une autorité publique est dite administrative, celle dont est investie une juridiction est judiciaire (la discrétion du juge) ou, précisément, juridictionnelle (la discrétion d’une cour en particulier), celle qu’exerce la police, policière, et ainsi de suite. 4) Il se peut que le pouvoir d’appréciation (ou d’examen) ne soit subordonné qu’à la seule volonté du décideur. En ce cas, on peut user d’une expression, telle l’appréciation discrétionnaire, qui réunit les deux éléments définitoires de l’appréciation et de la discrétion. « L’exercice des activités de transport public exige une autorisation administrative dont l’octroi et la révocation dépendent en partie d’une appréciation discrétionnaire. » Apprécier discrétionnairement. « Primauté du droit. Principe selon lequel toute décision doit être prise en application des principes de droit connus, sans possibilité d’en apprécier discrétionnairement l’application. » 278 « Il semble qu’il appartienne à la Cour d’apprécier discrétionnairement si la requête est incompatible avec les obligations internationales de l’État requis. » Apprécier souverainement et discrétionnairement. « Il appartient au juge administratif d’apprécier souverainement et discrétionnairement dans chaque cas qui lui est soumis s’il y a lieu d’ordonner le sursis à exécution. » « En droit, un employeur dispose a priori du pouvoir d’apprécier discrétionnairement l’opportunité de proposer à ses salariés d’effectuer des heures supplémentaires. » 5) L’appréciation à laquelle se livre le tribunal porte sur les divers éléments dont il est saisi. Appréciation de la valeur probante des éléments de preuve, de l’importance ou du mérite des arguments avancés, de la portée des stipulations contractuelles, des dommages, du préjudice, du risque, du danger, des témoignages, des contradictions relevées dans les dispositions, de la nature et de la qualité d’un acte, des circonstances, des conséquences à tirer des faits prouvés, de la constitutionnalité d’une mesure, d’une obligation de moyen, d’une attente raisonnable, de l’existence d’une faute, d’une conduite, d’une question qui lui est posée, de la suffisance, de la prépondérance de la preuve, des probabilités, de la raisonnabilité du doute, de la part de responsabilité de l’accusé, des faits, d’une notion, d’une cause, d’un vice de consentement, de la gravité d’une atteinte, et ainsi de suite. Critère, erreur, exercice, norme d’appréciation. Contrôle, modification, révision de l’appréciation. Démonstration d’une appréciation. Processus d’appréciation. Faire, effectuer, opérer, porter une appréciation. « Juger, c’est porter une appréciation sur les êtres ou les choses », Larousse, 1975. Procéder à une appréciation. Adopter une appréciation. Écarter, mettre de côté, remettre en question, contester une appréciation. Invoquer une appréciation, se fonder sur une appréciation. Guider, éclairer une appréciation. Fausser, obscurcir une appréciation. Soumettre (une défense, un moyen, ...) à l’appréciation (du jury). Substituer sa propre appréciation (à celle du juge de première instance). Étant une opération intellectuelle, l’appréciation est un processus mental plus avancé que celui qui résulte du simple fait de savoir, aussi est-on autorisé à employer des 279 tournures telles que au cours de, au milieu de l’appréciation. « Cette mention que fait le juge survient au milieu de son appréciation de la crédibilité de l’appelant. » Outre son caractère souverain, libre, l’appréciation peut être générale, globale, exclusive ou quasi exclusive, justifiée ou non, erronée, juste, réaliste ou non, raisonnable ou non, in abstracto ou in concreto, controversée, formelle, morale, décisive, pondérée, appropriée ou non, compétente, suffisante ou non, nouvelle, étroite, objective ou subjective. L’appréciation juridictionnelle relève des tribunaux en général, l’appréciation judiciaire relève exclusivement des tribunaux judiciaires, l’appréciation administrative s’exerce au sein des tribunaux administratifs ou ressortit aux évaluations auxquelles procèdent les officiers publics (registraires, greffiers) et les autorités publiques, telle l’appréciation ministérielle. L’appréciation juridique a rapport au droit. Domaine de l’appréciation juridique des faits. Méthode d’appréciation juridique (par la rationalité notamment). 6) L’appréciation commerciale relève du droit des sociétés et du droit des affaires. Elle s’applique à évaluer l’équité des décisions commerciales prises de bonne foi par les administrateurs dans l’exécution des fonctions pour lesquelles ils ont été élus. Il convient de distinguer le critère de l’appréciation commerciale de la règle de l’appréciation commerciale. Le premier vise à déterminer, par exemple, si un arrangement proposé est équitable et raisonnable compte tenu des intérêts de la société en cause et des parties intéressées, alors que la seconde exprime la nécessité de faire preuve de retenue à l’égard de l’appréciation qu’opèrent les administrateurs de ce qui sert le mieux les intérêts de leur société. 7) Dans un autre sens, la discrétion est la qualité que l’on exige, au même titre que la loyauté et la conscience, des personnes qui entrent dans certaines fonctions. Par exemple, elle fait partie des obligations professionnelles de l’officier public ou de l’auxiliaire de justice, de celles notamment de taire les secrets et les informations confidentielles qui viendront à sa connaissance dans l’exercice de leur charge, et elle figure dans les formules de serments et d’affirmations solennelles. « Je déclare solennellement que je remplirai les devoirs qui m’incombent dans l’exercice de ma 280 charge en toute loyauté, discrétion et conscience et que je ne divulguerai rien ni ne révélerai rien qui viendra à ma connaissance de ce fait sans y être dûment autorisé. » 8) La locution à la discrétion de signifie selon le bon vouloir, selon ce qui semble bon, au gré de, à la libre décision de. Elle s’emploie en droit pour désigner le discernement (sens étymologique du mot discrétion, de discretio en latin) de la personne appelée à faire un choix ou à rendre une décision ou encore à effectuer une nomination. Le bon vouloir de celui à qui est confié ce pouvoir discrétionnaire doit être mesuré et fondé sur la retenue et la bonne foi, la sagesse et la compétence. En ce sens, ce qui est attribué, laissé à la discrétion de quelqu’un est abandonné à son libre pouvoir et dépend de son entière faculté de décider. À l’unique discrétion de, à la seule discrétion de. « Si l’employeur détermine, à sa seule discrétion, qu’une condition d’emploi n’a pas été respectée, il lui appartiendra de décider des mesures à prendre. » Le recours au doublet syntagmatique permet de renforcer par l’emploi d’un second élément le sens du premier, comme dans l’exemple qui suit : « Vous reconnaissez que la société X pourra, à tout moment et pour tout motif ou sans motif, mettre fin à votre compte à sa seule et absolue discrétion. » ö CONVICTION. ö DÉFÉRENCE. ö DISCRÉTION. ö INSTANCE. ö INSUSCEPTIBLE. ö JUGE. ö JURIDICTION. ö PERTINENT. ö PRÉPONDÉRANCE. ö PREUVE. ö PROCÉDURE. ö SOUVERAIN. APPRÉHENDER. APPRÉHENSION. 1) Appréhender de est suivi de l’infinitif lorsque le sujet d’appréhender et celui du verbe complément désignent la même personne : « J’appréhende d’échouer dans mon appel ». Dans le cas contraire, la construction est appréhender que suivi du subjonctif : « J’appréhende qu’il ne réussisse dans son appel. » 281 Ce dernier exemple montre qu’appréhender que (tout comme les verbes exprimant une notion de crainte : craindre, redouter, trembler, avoir peur... ) se construit avec le subjonctif et est accompagné le plus souvent du ne explétif, sans valeur négative. Il convient toutefois de remarquer que si on désire que la chose se fasse ou si on craint qu’un événement ne se produise pas, le verbe au subjonctif exige obligatoirement ne... pas : « J’appréhende que la décision ne lui soit pas favorable » (= je désire qu’il ait gain de cause, je crains qu’il n’ait pas gain de cause). Dans le cas contraire, on emploie le ne explétif : « J’appréhende que la décision ne soit favorable au défendeur » (= je désire qu’il échoue, je crains qu’il ait gain de cause). 2) Suivi d’un complément de personne, appréhender est souvent employé en matière pénale comme synonyme d’arrêter (voir le cas de la personne appréhendée sans mandat au paragraphe 25(4) du Code criminel). La loi canadienne dit arrêter. Toutefois, appréhender met l’accent sur le fait de se saisir d’une personne, que celle-ci ait ou non commis une infraction, alors qu’arrêter insiste sur le fait de mettre une personne en état d’arrestation parce qu’elle a commis une infraction. On relève l’emploi d’appréhender dans les lois concernant la protection de l’enfance ou de personnes souffrant d’une maladie mentale. Les agents de la paix se voient conférer le pouvoir de les appréhender dans le cas où la protection de ces personnes le justifie, sans qu’elles aient nécessairement commis une infraction. 3) Dans le droit des biens, appréhender, suivi d’un complément d’objet, signifie se saisir de qqch., légalement ou illégalement : « Le chasseur dont la meute a mis une pièce de gibier sur ses fins peut appréhender cette dernière sur le terrain d’autrui aussi bien que sur son propre fonds. » « Cette prérogative confère à son bénéficiaire le droit d’appréhender les biens successoraux. » « La société demanderesse a présenté une requête au tribunal afin d’être autorisée à appréhender le véhicule gagé pour procéder à sa vente. » « L’intention frauduleuse existe dès lors que le prévenu a appréhendé la chose avec l’intention de se l’approprier, sachant qu’elle appartient à autrui. » 4) Appréhender s’utilise aussi en droit pénal et dans le droit de la responsabilité civile au sens de craindre, redouter qqch. Le paragraphe 34(2) et l’article 35 du Code criminel permettent à une personne attaquée de causer la mort de son agresseur dans certaines circonstances, notamment lorsqu’elle « a des motifs raisonnables 282 d’appréhender que la mort ou des lésions corporelles graves ne résultent de la violence avec laquelle l’attaque a en premier lieu été faite ». 5) On trouve également appréhender dans des textes juridiques au sens didactique de saisir qqch. par l’esprit, par la pensée : « Dans la mesure où la notion de faute ne peut être appréhendée de la même manière en droit pénal et en droit civil... » « Le psychiatre cherche à appréhender la personnalité du coupable. » 6) On dit appréhender un échec et non [anticiper un échec], puisque le verbe anticiper n’a pas le sens de prévoir, préjuger, espérer, appréhender, s’attendre à, de son homonyme anglais (voir ANTICIPATION). 7) Au participe passé employé adjectivement, appréhendé qualifie des substantifs exprimant un événement désagréable, un danger, une contestation, des conséquences malencontreuses. Il s’emploie au sens de pressenti par opposition à réel : (le risque appréhendé dans le droit des délits civils, la guerre, l’invasion ou l’insurrection, réelle ou appréhendée, dans l’ancienne Loi sur les mesures de guerre, le différend ou le conflit appréhendé, dans la Loi sur les relations industrielles du Nouveau-Brunswick, et la destruction, la défaillance ou l’effondrement réels ou appréhendés de tout ouvrage, dans la Loi sur l’énergie électrique du Nouveau-Brunswick. Dans le contexte d’une émeute, le Code criminel prévoit que les conséquences graves appréhendées justifient l’emploi de la force. Enfin, appréhendé cède parfois la place à présumé comme équivalent d’“apprehended”; aussi, dans la Loi sur le transport de marchandises par eau du Canada : « en cas de perte ou de dommages certains ou présumés » (“actual or apprehended”). 8) Les sens du substantif appréhension correspondent généralement à ceux du verbe appréhender. Les dictionnaires signalent, toutefois, qu’appréhension ne s’emploie plus aujourd’hui au sens d’arrestation, alors qu’“apprehension” en anglais a conservé ce sens. Les juristes ne suivront pas nécessairement cette évolution de l’usage courant en raison de la distinction possible entre appréhender et arrêter mentionnée ci-dessus, comme l’illustre l’intertitre précédant l’article 94 de la Loi sur la protection de l’enfance de l’Ontario : « Appréhension d’adolescents qui s’absentent 283 d’un lieu de garde sans permission ». 9) Les exemples qui suivent illustrent d’autres sens correspondant à ceux du verbe appréhender : a) Appréhender au sens propre : appréhension matérielle (fait de se saisir, de s’emparer de qqch.). « L’acquisition du gibier par le premier occupant n’implique pas nécessairement une appréhension manuelle. » « Le fait de tuer une pièce de gibier en transfère immédiatement la propriété au chasseur, indépendamment de toute appréhension. » « Le chasseur peut revendiquer la propriété d’un gibier trouvé mort sur le terrain d’autrui s’il peut rapporter la preuve que l’animal a été blessé gravement par lui-même et qu’il s’agissait d’une blessure telle que l’animal ne pouvait échapper à son appréhension. » « Le vol suppose comme premier élément essentiel l’appréhension de la chose. » b) Appréhender au sens figuré : appréhension intellectuelle (ou perception). Ainsi, dans le droit des délits civils, s’il est question de légitime défense, un élément nécessaire des voies de fait est l’appréhension suffisante ou raisonnable de voies de fait, du contact imminent (le sens ici étant la perception, l’“anticipation” en anglais, et non l’anxiété ou la peur). « Le sentiment de peur n’est pas nécessaire à l’existence de voies de fait; l’appréhension d’un contact désagréable est suffisante. » « Cependant, il est possible de susciter uniquement par des paroles l’appréhension d’un danger imminent et cela peut donner ouverture à des poursuites. » c) Appréhender au sens de craindre; dans ce cas, le mot crainte sera parfois utilisé comme équivalent de l’homonyme anglais “apprehension” dans certaines expressions juridiques. Ainsi, la Cour suprême du Canada s’est récemment prononcée sur le critère de la crainte raisonnable de partialité (“test of reasonable apprehension of bias”) et sur le critère de la crainte raisonnable de préjugé (“test of reasonable apprehension of prejudgment”). ö ANTICIPATION. ö ARRESTATION. ö ARRÊTER. 284 APPROBATION. AUTORISATION. Ces deux termes ne sont pas des concurrents. En principe, chacun s’utilise dans une situation juridique précise. L’approbation est postérieure à l’accomplissement de l’acte, elle est donnée après que l’acte a été accompli. Approbation donnée à un projet d’entente. « Cette acceptation étant toutefois subordonnée à l’approbation par Sa Majesté des conditions d’adhésion de la terre de Rupert au dominion du Canada. » « En l’espèce, rien n’indique que le juge du procès a tenu compte de la preuve incontestée, produite par la défense, que le film a reçu l’approbation unanime des commissions de censure. Il ne s’est pas arrêté à la question de l’importance des approbations en tant que preuve de la norme sociale d’acceptation. » L’autorisation étant la permission accordée d’accomplir un acte, elle est antérieure à son accomplissement. Autorisation de bâtir. « Je vous soumets ce règlement pour approbation. » « Votre autorisation m’est nécessaire pour pouvoir agir. » Dans l’exemple qui suit, les deux termes sont utilisés d’une façon qui illustre clairement la distinction à faire entre les deux notions. « La loi exigerait qu’une telle autorisation soit donnée par règlement et que le Règlement soit approuvé par le gouverneur en conseil. » « Les résolutions furent déclarées invalides, la Cour retenant comme motifs tant le défaut de procéder par voie de règlement que le défaut d’obtenir l’approbation. » La séparation entre les deux notions n’est pas toujours nette, puisqu’on trouve parfois dans des textes officiels le terme autorisation préalable, qui paraît à première vue pléonastique. En France, en matière de publication d’ouvrages périodiques ayant reçu l’agrément exprès des pouvoirs publics, l’autorisation préalable se produit lorsque l’Administration autorise la création de presse ou de l’agence de presse : « Depuis la loi du 26 octobre 1940, les entreprises productrices de films ne peuvent être créées sans l’autorisation préalable du Centre national de la cinématographie française. » En contexte de rédaction, si on désire que l’approbation soit préalable, il faut le dire expressément. L’idée d’approbation est à rapprocher de la notion de ratification d’un acte. Ce qui est approuvé ou ce qui est soumis pour approbation est assujetti au pouvoir 285 d’homologation d’un acte, soit celui de donner son accord à un acte accompli. Ce qui est autorisé, ce qui est soumis à une autorisation est assujetti à une permission qu’accorde une autorité de faire quelque chose. En ce sens, les formules fréquentes des textes de loi (préalablement approuvé, approuvé au préalable) confèrent aux termes utilisés un caractère d’antériorité, alors que des expressions comme autorisation donnée au préalable, au préalable autorisé paraissent redondantes. Cette distinction présente un intérêt certain en matière de contrôle de la validité d’un acte : « L’autorisation s’impose à l’esprit comme une condition intrinsèque de la validité de l’acte contrôlé et, de ce fait, indissociable des autres conditions de validité, alors que l’approbation se présente comme une condition extrinsèque à la validité de l’acte contrôlé, ce qui en permet la dissociation d’avec les autres conditions requises par la loi pour la validité d’un acte. » (Garant et Issalys) Syntagmes Approbation requise. Sous réserve de l’approbation (du ministre). Avec l’approbation (du gouverneur en conseil). Par voie d’approbation. Condition de l’approbation. Certificat d’approbation. Défauts d’approbation. Procédure d’approbation. Validité de l’approbation. Autorisation expresse, spéciale, judiciaire, exécutive, législative, illégale. Autorisation d’écoute électronique, d’interception des communications, d’acquisition d’armes à feu, de stérilisation. Autorisation du législateur, du Conseil. Autorisation d’appel. Expiration de l’autorisation. Vérification des autorisations. Requête en autorisation. Arme à autorisation restreinte. Défense d’autorisation. Demander, solliciter l’autorisation. 286 Approbation, autorisation préalable. Donner une approbation, une autorisation. Consentir une approbation. Obtenir une approbation, recevoir une autorisation. Recevoir l’approbation, l’autorisation. Mettre à exécution une autorisation. Soumettre à l’approbation, à l’autorisation de la commission. Refuser, retirer son approbation, son autorisation. APPROPRIABLE. APPROPRIÉ, ÉE. 1) On relève les adjectifs appropriable et inappropriable au sens de susceptible ou non susceptible d’appropriation, ainsi que le substantif appropriabilité : « Mais il existe dans la nature un grand nombre de choses qui n’appartiennent réellement à personne, des choses qui n’ont pas de maître. Il y a lieu de s’en occuper au point de vue du droit, ... parce que la loi doit régler l’usage de celles qui sont en elles-mêmes inappropriables. ». Ces termes sont assez rares, l’expression susceptible (ou non susceptible) d’appropriation étant plus couramment utilisée. 2) L’adjectif approprié signifie en droit qui est devenu la propriété de qqn : « Choses appropriées et choses non appropriées. » « En définitive, l’occupation peut s’appliquer : à des choses non appropriées (res communes), gibier et poisson, choses abandonnées. ». Pour le participe passé, voir APPROPRIER (S’). 3) Approprié n’a pas en français tous les sens de son équivalent anglais “appropriate”. Selon le contexte, le rédacteur ou la rédactrice pourra choisir parmi une longue liste d’adjectifs, notamment : indiqué, conforme, convenable, pertinent, opportun, propre à, correct, bon, suffisant, satisfaisant, nécessaire, requis, exact, juste, justifié, légitime, utile, efficace, valable. ö APPROPRIER (S’). ö INAPPROPRIÉ. ö RES COMMUNES. 287 APPROPRIER (S’). 1) On ne dit pas, sous l’influence de l’expression s’emparer de qqch. [s’approprier de qqch.], mais s’approprier qqch. : « Celui qui trouve un objet n’a pas le droit de se l’approprier, il commet un vol s’il s’en empare. » Ne pas oublier non plus l’accord du participe passé. On écrit : Il a dû rendre les biens qu’il s’est appropriés frauduleusement. », mais « Ils se sont approprié les biens dont il n’avait que l’administration ». 2) S’approprier qqch. signifie se rendre propriétaire de qqch. et se prend le plus souvent en mauvaise part, cette acquisition de la propriété se faisant de façon indue : « Le vol simple consiste dans le seul fait de s’approprier le bien d’autrui, alors que le vol qualifié est une forme de vol aggravée par l’emploi de la violence. » « Commet un vol quiconque s’approprie malhonnêtement le bien d’autrui sans son consentement. » Le verbe approprier s’emploie aussi dans ce sens, mais cet emploi est assez rare ou syntagmatique : « L’intention d’approprier étant requise, les tribunaux peuvent faire les distinctions qui s’imposent entre la tentative et le crime consommé. » « La soustraction d’argent suppose normalement l’intention d’approprier. ». S’il y a un complément d’objet direct, la tournure pronominale s’approprier sera préférée. On le trouve également dans ce sens à la voix passive : « Bien que le gibier soit par nature une res nullius, il peut être approprié : il appartient au premier occupant. » « Les choses deviennent des ‘biens’ au sens juridique du mot, non pas lorsqu’elles sont ‘utiles’ à l’homme, mais lorsqu’elles sont ‘appropriées’. » 3) Approprier n’a pas le sens de son sosie anglais. Au sens anglais de mettre de côté une chose pour une fin particulière, c’est affecter qu’il convient d’employer et non [approprier]. Approprier qqch. à qqch. signifie adapter, rendre propre à une destination : approprier son discours aux circonstances, approprier les lois d’un peuple à ses moeurs. Affecter des terrains à la construction de routes. Affecter des sommes ou des crédits à un projet. « Lorsqu’il s’agit d’un contrat de vente sur description d’objets indéterminés ou futurs, la propriété des objets est transférée à l’acheteur au moment où des objets livrables sont affectés sans condition au contrat, ... » (et non [appropriés sans condition au contrat]). 288 ö AFFECTER. ö APPROPRIABLE. ö ARROGER (S’). APPROUVER. AUTORISER. 1) En termes de fréquence d’emploi, autoriser et ses dérivés s’emploient plus souvent qu’approuver et ses dérivés. Les deux verbes ne sont pas exactement synonymes. Pour la distinction à faire entre eux, voir APPROBATION. 2) Autoriser s’emploie avec la préposition à : « Les règlements administratifs autorisent le secrétaire général à signer les documents de l’Association en sa qualité de fondé de signature. » « Les précédents autorisent la Cour à statuer en ce sens. » 3) Certains linguistes affirment qu’il est incorrect de dire d’une chose qu’elle est autorisée, parce que, dit-on, on ne peut donner à une chose le pouvoir légal, le droit de faire quelque chose. Le verbe autoriser employé à la forme passive ne se rapporterait qu’à des êtres animés. Ainsi, on ne pourrait pas dire : « L’accès au bienfonds est autorisé. ». Cette règle ne tient guère. Il est parfaitement correct de dire : « La publication du document est autorisée par le ministre. », même si la forme active serait préférable le plus souvent. « Le stationnement alterné en hiver est autorisé par l’arrêté municipal pour permettre le déneigement des rues » (= « L’arrêté municipal autorise le stationnement alterné... »). 4) À la forme pronominale, la construction est s’autoriser de qqch. pour faire qqch. Le sujet du verbe est nécessairement une personne. S’autoriser de a comme synonymes : se recommander de, s’appuyer sur, se prévaloir de. « Le tribunal s’est autorisé d’une jurisprudence bien établie pour rendre jugement. » 5) Approuver signifie notamment qu’une autorité compétente accepte de donner son consentement à qqch. Cette approbation rend la chose exécutoire et définitive (tandis que l’autorisation ne fait que donner une permission sans plus d’engagement de la part de l’autorité administrative quant aux modalités de l’acte, parfois même quant à ses conséquences juridiques, quant à sa validité). 289 Le sujet d’approuver est toujours une personne ou un être qui a rapport à la personne. Approuver une action, c’est la sanctionner, approuver un document, c’est entériner son contenu (la mention lu et approuvé précédant les signatures dans un contrat indique que les parties ont pris connaissance de l’acte et en ont entériné la substance). On peut approuver une décision, une proposition, un projet, un programme, mais, en général, approuver sera fortement concurrencé ou même supplanté par confirmer, homologuer, ratifier, sanctionner, selon le complément employé. De plus, agréer exerce une forte concurrence sur approuver et tend à juste titre de plus en plus à le supplanter. À cause de l’influence de l’anglais “to approve”, approuver est entré dans la construction de termes critiquables (par exemple appareil de détection approuvé). On ne peut [approuver] un contrat, on l’agrée, de même on agrée plutôt qu’on [approuve] un instrument, une personne morale ou une méthode. (Voir AGRÉER) 6) Approuver s’emploie comme participe passé avec des noms de personne ou de chose. Approuvé qualifie généralement un substantif dont le texte dit qu’il est conforme à certaines conditions aux termes d’une décision administrative; généralement, le mot en question est dit approuvé pour l’application d’un article de la loi, par le ministre, ou encore parce qu’il bénéficie d’un engagement visé par une loi (par exemple prêt approuvé). 7) Approuvé et autorisé sont parfois pléonastiques lorsque l’idée d’agrément est déjà incluse dans le terme qu’on veut qualifier. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’un intermédiaire qui a reçu un droit exclusif de vente d’un produit dans une région donnée, le terme concessionnaire employé seul suffit pour rendre “authorized dealer” puisque l’idée d’autorisation accordée est liée à celle d’exclusivité. On évitera donc : fondé de pouvoir [autorisé], mandataire [autorisé] (“authorized agent”) (mais on pourra dire procureur fondé (“authorized proxy”) parce que le terme procureur employé seul sera ambigu) ou encore les délégués [autorisés] (“authorized representatives”), mais on pourra dire représentant autorisé parce que l’idée de représentation ne comprend pas celle d’habilitation. 8) Une dernière distinction est de mise. L’anglais utilise indifféremment “adopt” et “approve”; en français on emploie approuver lorsque l’objet de l’approbation n’appartient pas au sujet approbateur, n’émane pas ou ne relève pas de lui; ainsi, une association ne peut pas approuver ce qu’elle a fait elle-même, par exemple son propre rapport, mais elle peut faire approuver ses règlements administratifs par les membres ou approuver le rapport d’un autre organisme. 290 ö AGRÉER. ö AGRÉMENT. ö APPROBATION. ö CONFIRMATION. ö HOMOLOGATION. ö MANDAT. ö OPINER. ö PERMETTRE. ö RATIFICATION. ö SANCTION. APPUI. SOUTIEN. SUPPORT. Comme le signale Dagenais, appui et soutien se disent à la fois d’objets matériels ainsi que de personnes et d’objets non matériels : soutien, appui moral, financier, politique, soutien de famille, etc., alors que support, à la différence de son homonyme anglais, ne s’emploie que pour des choses matérielles. Le terme anglais “support” se rendra le plus souvent par appui ou soutien. 1) Le terme appui figure dans diverses expressions juridiques que le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law a retenues, notamment en droit des biens de common law : domaine d’appui, droit d’appui, servitude d’appui, droit, servitude d’appui latéral, droit, servitude d’appui sous-jacent, droit, servitude d’appui vertical. Il s’emploie aussi seul : « Le riverain sur le fonds duquel l’appui est réclamé. » 2) On rencontre fréquemment aussi la locution adverbiale à l’appui et la locution prépositive à l’appui de : Fournir des preuves, des documents à l’appui, donner des arguments à l’appui, produire un affidavit à l’appui. « À tout acte de procédure est annexé un dossier contenant les pièces et documents invoqués à l’appui. » Citer un fait à l’appui de son opinion, produire des preuves à l’appui d’une affirmation, invoquer une autorité à l’appui de sa position. « Le juge doit indiquer les éléments de preuve retenus à l’appui de sa décision. » « Le témoin doit fournir un motif à l’appui de son objection à la prestation du serment. » 3) Le terme soutien se substitue souvent à appui au sens figuré dans la locution au soutien de : « Les moyens sont les raisons de fait et de droit que les parties invoquent au soutien de leurs prétentions. » « On réserve le terme motifs pour désigner les 291 raisons de fait et de droit que le juge donne au soutien de sa décision. » « Apprécier les arguments développés au soutien de la demande en justice. » Cette substitution est également valable dans le cas du substantif : « Les motifs du jugement ne constituaient pas le soutien nécessaire du dispositif de la décision. » 4) Le Bescherelle mentionne la locution adverbiale au soutien employée absolument : « Fournir les pièces au soutien », mais elle est de nos jours beaucoup moins courante qu’à l’appui. 5) Soutien peut se construire avec un complément de nom désignant la chose ou la personne qui soutient ou qui est soutenue : bénéficier du soutien de l’Ordre des avocats, politique de soutien des prix agricoles. Ce mot peut aussi être suivi d’un complément de nom précédé de la préposition à, construction qui a l’avantage de dissiper l’ambiguïté que pourrait créer la construction avec la préposition de : le soutien au gouvernement; le soutien de l’opinion publique à la peine de mort. Il convient aussi, sous l’influence de l’anglais, d’éviter de dire : [soutien pour qqch., pour qqn]. Seule la construction avec la préposition à est correcte. 6) Le terme support, source de nombreux anglicismes dans les textes juridiques, n’est l’équivalent de son homologue anglais que si ce dernier vise un objet, un moyen matériel : support publicitaire; support visuel. Le sens figuré est aujourd’hui considéré comme vieilli : « Cette pratique trouve un support textuel dans l’article 1183. » « L’arrêt attaqué, manquant désormais de tout support légal, doit être annulé. ». Dans ces phrases, on substituera à support le terme fondement. Dans d’autres contextes, appui et soutien conviendront, comme il a été indiqué ci-dessus. APRÈS QUE. Après que se construit avec l’indicatif, ou avec le conditionnel s’il s’agit d’un fait éventuel, car l’action que la locution introduit étant un fait passé, donc connu, certain, l’indicatif est logique. « Le procès ne pourra commencer qu’après que les membres du jury auront été choisis. » On constate toutefois une forte tendance à construire après que avec le subjonctif par analogie avec la conjonction avant que qui, elle, introduisant un fait supposé, un acte projeté, donc un fait incertain, commande le subjonctif. En dépit de cette tendance, le 292 subjonctif devrait être évité après la locution après que. « Le juge suspendit la séance après que l’avocat de la défense [eût terminé] (= eut terminé) son contreinterrogatoire. » (Voir le Hanse à ce sujet.) Éviter l’erreur qui consiste à confondre le passé antérieur du verbe avoir (eut) et le plus-que-parfait du subjonctif du même verbe (eût). Puisque le verbe qui suit après que doit se mettre à l’indicatif, il ne faut pas mettre d’accent : « Après que le juge eut prononcé le jugement, les parties quittèrent la salle d’audience. » ö LORSQUE. A PRIORI. 1) S’écrit en deux mots et sans trait d’union (ses dérivés s’écrivent en un mot). Certains mettent l’accent grave sur le a parce qu’ils considèrent cette expression comme un emprunt francisé. « À mon avis, il serait inopportun et beaucoup trop restrictif d’exclure à priori certaines activités de la protection de l’alinéa 2b) de la Charte... ». Cet usage se répand aujourd’hui (voir A FORTIORI). Il vaut mieux ne pas mettre d’accent. Le terme a priori étant passé dans le langage courant, il reste en caractère romain. Il s’emploie comme locution adverbiale, comme locution adjectivale et comme substantif; dans ce dernier cas, il est invariable. 2) A priori signifie littéralement en partant de ce qui est avant, au préalable, de la cause à l’effet. « Le juge doit éviter d’avoir des idées a priori sur toute question dont il est saisi. » Son antonyme est a posteriori (voir ce mot). Couramment, il signifie au premier abord, avant toute expérience : « A priori, votre argumentation paraît intéressante. » Mayrand fait remarquer qu’a priori est plus radical que prima facie, qui suppose au moins un examen superficiel, tel que la lecture d’un document (voir PRIMA FACIE). 3) Comme locution adverbiale, a priori se place soit en tête de phrase (« A priori, nous posons que... »), soit au milieu de la phrase (« Contrairement au cas des héritiers, il n’y a pas, quant aux légataires, d’égalité établie a priori, d’ordre légal de succession. »), soit à la fin de la phrase (« Il est impossible de ne pas partir de ce qui était auparavant, de ce qui est reçu a priori. ») 293 Comme locution adjectivale, a priori qualifie des termes comme argument, conclusion, déduction, idée, raisonnement. « Le raisonnement a priori procède de la cause à l’effet. » « Tout se réduit donc à une question de fait à laquelle il paraît difficile de donner aucune solution a priori. » Comme substantif, a priori s’emploie au sens d’incertitudes, d’hypothèses : « Tout comme le juge, l’arbitre doit fonder son jugement sur autre chose que sur des a priori. » « Le tribunal ne peut se contenter d’a priori, il lui faut des certitudes. » ö A FORTIORI. ö A PARI. ö A POSTERIORI. ö A SIMILI. ö PRIMA FACIE. ARBITRABILITÉ. ARBITRABLE. L’adjectif arbitrable signifie qui peut être arbitré. Différend arbitrable. Le substantif arbitrabilité est un néologisme du vocabulaire des relations de travail qui désigne le caractère d’un cas soumis à un arbitre ou à un tribunal d’arbitrage rendant possible son examen et un jugement, c’est-à-dire la sentence arbitrale. « En cas de mésentente entre les parties relativement à la possibilité de soumettre un grief à l’arbitrage, l’une prétendant que le grief est arbitrable et l’autre soutenant le contraire, la question de l’arbitrabilité du grief doit être tranchée. » ARBITRAGE. 1) Se prend en deux sens : soit la procédure de règlement d’un différend par un ou plusieurs tiers, soit l’opération à laquelle procèdent les arbitres. 2) L’arbitrage est le mode de résolution des conflits dans trois branches principales du droit. En droit commercial international, pour trancher les conflits entre commerçants : « Le code d’arbitrage commercial, figurant à l’annexe de la Loi sur l’arbitrage commercial, est fondé sur la loi type adoptée par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international le 21 juin 1985. ». En droit international public, pour régler les conflits entre États : « L’arbitrage international a pour objet le règlement de litiges entre les États par des juges de leur choix et sur 294 la base du respect du droit. ». Dans le droit des relations de travail, pour résoudre les conflits collectifs de travail : « L’arbitrage des griefs est la procédure qui vise à recourir à un tiers aux parties contractantes d’une convention collective en vue de régler tout conflit à propos de l’interprétation de celle-ci ou pour régler tout grief de la part d’un employé qui s’estime lésé. » 3) En droit privé, on qualifie l’arbitrage d’obligatoire lorsqu’il résulte de la loi, de contractuel s’il émane d’un accord préalable des parties, de volontaire s’il est décidé à l’occasion même du litige. 4) On parle de tribunal d’arbitrage lorsqu’il est question de régler des conflits de droits et de conseil ou commission d’arbitrage lorsqu’il s’agit de conflits d’intérêts (Dion). On dit tout aussi bien conseil d’arbitrage que conseil arbitral. 5) Comme terme de finance, arbitrage désigne l’opération faite dans le but de profiter de la différence de cours de titres ou de devises existant à un moment donné entre plusieurs marchés (voir ARBITRER). Syntagmes Arbitrage civil, commercial, contractuel, conventionnel. Arbitrage juridique, politique. Arbitrage ad hoc (ou mieux : arbitrage temporaire ou spécial). Arbitrage juridictionnel. Arbitrage accéléré (“expedited arbitration”). Arbitrage obligatoire, principe de l’arbitrage obligatoire. Arbitrage exécutoire, non exécutoire. Arbitrage intégral d’intérêts, de droits. Arbitrage d’un tiers. Arbitrage d’une assemblée. Arbitrage des griefs ou arbitrage des réclamations. Arbitrage des salaires. Arbitrage des propositions finales (“final offer selection”). Arbitrage entre particuliers, entre États, entre organisations. Audience d’arbitrage. Avis d’arbitrage. Clause, convention d’arbitrage, modalités de l’arbitrage. Compromis d’arbitrage. 295 Engagement d’arbitrage. Règlement d’arbitrage. Réglementation de l’arbitrage. Pratique, régime, système d’arbitrage. Comité, conseil, commission, cour permanente d’arbitrage, tribunal d’arbitrage. Demande, frais d’arbitrage. Délai d’arbitrage. Mécanisme, procédure, processus d’arbitrage. Impartialité de l’arbitrage. Lieu, principe d’arbitrage. Renvoi à l’arbitrage. Litige résolu, tranché, réglé par l’arbitrage. Clause obligeant à l’arbitrage. Étape (et non [phase]) préliminaire à l’arbitrage. Demander l’arbitrage, aller en arbitrage. Soumettre à l’arbitrage, être soumis à l’arbitrage. Recourir, avoir recours à l’arbitrage. Utiliser l’arbitrage. S’adresser à l’arbitrage. Porter à l’arbitrage. S’en remettre à l’arbitrage. Imposer l’arbitrage obligatoire. Pratiquer l’arbitrage. Constituer l’arbitrage, procéder à l’arbitrage, organiser, poursuivre, terminer l’arbitrage. Régler, trancher par (voie d’) arbitrage, sans arbitrage. Fixer par arbitrage. Autoriser l’arbitrage, renvoyer (les parties) à l’arbitrage, déférer à l’arbitrage. Refuser l’arbitrage. Mettre en arbitrage. Inscrire au rôle d’arbitrage, inscrire pour arbitrage. Avoir le plein arbitrage, laisser à qqn le plein arbitrage. ö COMPROMIS. ARBITRAGE1. CLAUSE COMPROMISSOIRE. COMPROMIS. EXPERTISE. 1) Bien distinguer ces termes. (Voir d’abord ARBITRAGE) Le compromis (“submission”) est une convention postérieure au litige, tandis que la 296 clause compromissoire (“arbitration clause”) est une convention antérieure au litige, une promesse d’arbitrage. Le compromis est un contrat d’arbitrage, plus précisément une convention écrite par laquelle les parties prévoient soumettre à l’arbitrage leurs différends actuels ou futurs. En arbitrage international, le compromis d’arbitrage est un traité international qui détermine les éléments du conflit, la procédure de désignation des juges et leur pouvoir. La clause compromissoire est un accord par lequel les parties s’engagent, avant toute contestation, à soumettre à des arbitres les différends découlant du contrat. Cette clause de style dans un contrat stipule que « tout litige qui pourrait surgir de ce contrat sera réglé par arbitrage ». Ce que l’on appelle clause promissoire en droit privé est une clause d’arbitrage obligatoire en droit public. 2) En droit anglais, c’est le caractère juridictionnel qui distingue l’expertise de l’arbitrage. « Lorsqu’un litige est soumis à un tiers qui devra lui donner une solution après enquête, c’est-à-dire après avoir entendu des témoignages, il s’agit d’un arbitrage; mais si une question de valeur est soumise à un tiers afin d’obtenir son opinion personnelle sur ce seul point, il s’agit d’une expertise. » ö ARBITRAGE. ö EXPERTISE. ARBITRAGE2. CONCILIATION. MÉDIATION. TIERS ARBITRAGE. 1) Dans le droit des relations de travail au Canada, l’arbitrage (voir ce mot) est apparenté à la conciliation et à la médiation, mais il s’en distingue par le fait que la conciliation est l’étape préliminaire du règlement d’un conflit après l’échec des négociations, que la médiation est l’étape suivante, en cas d’échec de la conciliation, et que l’arbitrage est le recours ultime et décisif. La conciliation est, dans un conflit, une procédure d’intervention destinée à rapprocher les parties, à les aider à se mettre d’accord. C’est une recherche active de solution avec les parties. La médiation est, dans un conflit, une procédure d’intervention destinée à éviter que le grief soit porté à l’arbitrage. C’est une recherche active qui a pour but de persuader les parties d’accepter les propositions du médiateur. 297 L’étape de la médiation n’est pas obligatoire : « Tout différend entre les parties découlant de cette disposition sera réglé, sur requête d’une des parties, par la conciliation ou, en cas d’échec, par l’arbitrage. » « Au Canada, la coutume et, dans plusieurs cas, la loi exigent du médiateur qu’il prenne l’initiative de formuler des propositions et d’exercer des pressions sur les parties avant de les aider à s’entendre. En règle générale, on fait appel à un médiateur, la conciliation ayant échoué, pour éviter une grève ou un lock-out ou y mettre fin. » 2) Le tiers arbitrage est un mode de règlement qui permet de départager les arbitres en désaccord : « Lorsqu’il doit y avoir un tiers arbitrage, les arbitres divisés sont tenus de rédiger leurs avis distincts et motivés. ». La fonction du tiers arbitre tend à disparaître de plus en plus au Canada; la plupart des lois canadiennes prévoyant l’arbitrage reconnaissent le principe d’imparité de la composition du conseil, du comité, de la commission ou du tribunal arbitral, en fixant à trois (ou à un autre nombre impair) le nombre d’arbitres. « Lorsque le nombre total des arbitres ainsi nommés forme un nombre pair, ces arbitres doivent en nommer un autre. » ö CONCILIATEUR. ARBITRAL, ALE. ARBITRALEMENT. 1) Arbitral se prend en trois sens : a) Qui est rendu par un arbitre : décision, sentence arbitrale, jugement arbitral. b) Qui règle les conflits par l’arbitrage : procédure arbitrale. « Le mandat du tribunal arbitral prend fin avec la clôture de la procédure arbitrale. » c) Qui est composé d’arbitres librement choisis par les parties : collège, congrès, conseil, comité arbitral, autorité, commission, formation arbitrale. « Le tribunal arbitral statue ex aequo et bono ou en qualité d’amiable compositeur uniquement si les parties l’y ont expressément autorisé. » 2) Arbitralement (plus couramment par arbitrage) signifie par l’intermédiaire d’arbitres. Affaire jugée, tranchée, décidée arbitralement. 298 Syntagmes Affaire, décision, cause arbitrale. Décision, sentence arbitrale. Jugement arbitral. Rapport arbitral. Période arbitrale. Procédure arbitrale. Justice, institution, cour de justice arbitrale. Organe arbitral. Solution arbitrale des litiges. ARBITRE. SURARBITRE. TIERS ARBITRE. 1) Arbitre (“arbitrator”). Un, une arbitre. Au sens technique, l’arbitre est une personne agréée par les parties ou nommée pour régler un litige ou trancher un différend, ou une personne désignée par le tribunal. « Les parties sont convenues de soumettre leur litige à des arbitres. » « Les arbitres désignés par le tribunal ont procédé à l’examen du litige et lui ont donné une solution. » Au sens courant, l’arbitre est une personne prise pour juger sur une contestation, dans un débat, une dispute. Dans les contextes où il est question de l’arbitre, on rencontre fréquemment l’expression déport des arbitres; il s’agit de leur démission après acceptation, ce qui met fin au compromis. « Si l’arbitre récusé ne se déporte pas ou que l’autre partie n’accepte pas la récusation, le tribunal arbitral se prononce sur la récusation. » 2) Surarbitre (“umpire”) s’orthographie de deux façons : sans trait d’union, graphie la plus courante, ou avec le trait d’union (sur-arbitre). Le surarbitre, appelé aussi tiers arbitre, a pour fonction de départager les arbitres en cas de désaccord : « En cas de renvoi à deux arbitres, ceux-ci peuvent nommer à tout moment un surarbitre pendant la période où ils ont le pouvoir de rendre une sentence arbitrale. » « Si les deux arbitres ne peuvent s’entendre, le surarbitre peut immédiatement se charger du renvoi à la place des arbitres. » Cette fonction du surarbitre a disparu en France dans la nouvelle procédure civile en vertu du principe d’imparité de la composition du tribunal arbitral. Au Canada, ce principe n’est pas universel; toutefois, afin d’éviter l’impasse créée par l’égalité des 299 opinions au sein de la formation arbitrale, une disposition est prévue dans plusieurs lois fédérales et dans toutes les lois provinciales, qui reconnaît l’importance du nombre impair d’arbitres choisis : « Lorsque le nombre total des arbitres ainsi nommés forme un nombre pair, ces arbitres doivent en nommer un autre. ». Par exemple, à propos d’un conseil d’arbitrage, la disposition peut être ainsi rédigée : « Trois de ces personnes peuvent juger et régler tout cas ou différend commercial qui leur est volontairement soumis par les parties intéressées. » Il ne faut donc pas confondre le troisième arbitre avec le surarbitre. L’arbitre nommé pour former un nombre impair d’arbitres s’appelle parfois arbitre additionnel : « S’il arrive que les arbitres ainsi choisis forment un nombre pair et qu’ils soient incapables de s’accorder sur le choix de l’arbitre additionnel, ou négligent de s’accorder, le commissaire, après avoir été invité à le faire par les arbitres ainsi choisis, doit nommer l’arbitre additionnel. » Le surarbitre joue le rôle de président du tribunal arbitral en droit international : « Les puissances contractantes ne s’étant pas entendues sur le choix des arbitres, chacune d’elles a désigné deux arbitres, qui ont choisi ensemble un surarbitre qui a été de droit président du tribunal. » 3) Tiers arbitre (“third arbitrator”) s’orthographie avec ou sans le trait d’union, mais la deuxième graphie est plus courante. Le tiers arbitre est désigné pour mettre fin au partage qui divise les arbitres. On l’appelle aussi surarbitre. « Les parties ou les deux arbitres sont libres de nommer un surarbitre ou un tiers arbitre. » Il importe de distinguer le tiers arbitre du troisième arbitre. Le tiers arbitre a le caractère déterminé d’arbitre départiteur, tandis que le troisième arbitre est uniquement un autre membre du tribunal arbitral. « Le compromis prévoit la désignation d’un tiers arbitre. » Syntagmes Arbitre ad hoc (ou mieux arbitre spécial, arbitre temporaire). Arbitre officiel, permanent. Arbitre qualifié. 300 Arbitre unique (“single” ou “sole arbitrator”). Arbitre volontaire, forcé. Arbitre-président. Arbitre de différends ou de griefs. Désignation, nomination de l’arbitre. Saisine de l’arbitre. Décision, sentence, jugement de l’arbitre. Renvoi à l’arbitre. Compétence de l’arbitre. Les opérations ou les travaux des arbitres. Récusation, révocation des arbitres. L’arbitre statue, décide, règle, juge. Agréer un arbitre. Prendre qqn pour arbitre. S’en remettre à l’avis, à la décision de l’arbitre. Décider comme arbitre dans (en) un différend. Recourir au ministère d’arbitre. ARBITRAGISTE. ARBITRAGER. ARBITRER. 1) Arbitrer est transitif direct et signifie trancher un différend par un ou plusieurs particuliers appelés arbitres, agir, intervenir, juger en qualité d’arbitre. Arbitrer un différend, un litige. « La Commission peut faire enquête sur tout le litige et arbitrer, trancher, concilier ou régler de toute autre façon ce litige. » Le complément direct peut être des personnes; arbitrer des personnes, c’est rendre sa sentence arbitrale dans le différend qui les sépare. 2) Arbitrer s’emploie aussi au sens de décider, juger, trancher. S’en remettre à ce que le juge en arbitrera. Arbitrer une dépense, des frais, des dommages, une somme. Arbitrer a le sens d’estimer, d’évaluer dans la locution arbitrer un dommage à telle somme propre au vocabulaire des assurances. Comme terme de finance, arbitrer a le sens de faire un arbitrage entre qqch. : arbitrer des valeurs, des marchandises. 301 3) Arbitrer s’emploie comme pronominal : « Ces dommages peuvent s’arbitrer. » 4) À ne pas confondre arbitrer et arbitrager. Ce dernier verbe appartient au vocabulaire de la bourse et des banques. Arbitrager des changes. De création récente, il renvoie à l’opération de l’arbitragiste (“arbitrager”) consistant à acheter une valeur sur un marché pour la revendre simultanément sur un autre, à un cours qui lui rapportera un bénéfice. Dans le vocabulaire des banques, le “bank trader” est un arbitragiste s’il s’occupe des opérations de titre et un cambiste de la banque s’il s’occupe des opérations de change. ARGENT. AVANCE. COMPTANT. MONNAIE. SOMME. 1) Argent est un mot masculin toujours précédé de l’article défini (l’argent) ou de l’article partitif (de l’argent). Sous l’influence de l’anglais (“monies” ou “moneys”), certains ont tendance à mettre ce mot au pluriel. Argent ne se dit pas au pluriel, même si ce nombre était d’usage avant le dix-septième siècle et que les noms de matières peuvent prendre la marque du pluriel. On dit somme, fonds (en général), crédits, deniers publics (en matière budgétaire), capitaux, valeurs, moyens financiers (dans le vocabulaire économique). « Le Parlement a voté [les argents] (= les crédits) nécessaires. » « [Les argents] (= L’argent, Les sommes) que l’État affecte aux programmes sociaux ». Une somme étant une quantité déterminée d’argent et une avance étant une somme d’argent (prêt ou emprunt) que l’on verse par anticipation, on pourra, lorsque le contexte le permettra, omettre le mot argent et employer somme et avance absolument. « Je lui ai avancé une forte somme. » « La banque lui a consenti une avance. » Toutefois, en français juridique, l’avance peut être une avance d’objets et non d’argent; le contexte déterminera s’il faut préciser : ainsi, dans l’exemple « Le demandeur lui ayant consenti une avance... », il n’est pas clair s’il s’agit d’une avance d’argent ou d’une avance d’objets (voir AVANCE). 2) L’expression argent liquide signifie billets de banque ou pièces de monnaie et exclut les chèques, les traites et les cartes de crédit. « Désirez-vous payer par chèque, par carte de crédit ou en argent liquide? (ou encore : en espèces?) » 302 Monnaie ne peut s’employer pour argent liquide. Ne pas dire qu’on préfère payer par chèque plutôt qu’[en monnaie] : « Je préfère vous payer par chèque plutôt que de vous donner les mille dollars liquides que vous me réclamez. ». Monnaie (“change” en anglais) a le sens de billet ou de pièce de monnaie. Avoir la monnaie de cent dollars en billets de deux, de cinq, de dix dollars, ou en pièces de un dollar. « Gardez la monnaie! » 3) Certains terminologues soutiennent que l’expression argent comptant est vieillie et qu’il faut dire plutôt au comptant. L’expression est pourtant restée bien vivante et s’emploie notamment dans la locution moderne obtenir quelque chose moyennant argent comptant, c’est-à-dire moyennant finance. Ce qu’il faut savoir, toutefois, c’est que la locution paiement au comptant se dit du paiement en espèces ou du paiement par chèque. Ainsi, on fera bien, ayant à rendre la notion que l’anglais exprime par le terme “cash”, de ne pas confondre, d’une part, paiement au comptant et, d’autre part, paiement en argent liquide, paiement en espèces ou paiement en numéraire (voir ces termes). La confusion pourrait entraîner des conséquences sérieuses, dans un contrat, par exemple, ou dans un texte législatif. « Plutôt que d’acheter à crédit, on paie comptant ou en espèces. » Syntagmes Avancer, prêter de l’argent. Emprunter de l’argent. Prélever de l’argent. Rappeler de l’argent. Être à court d’argent. Avoir des embarras d’argent (= des difficultés financières). Avoir de l’argent en abondance (= être pécunieux). Faire, gagner de l’argent. Investir de l’argent. Déposer son argent en banque. Valeur en argent. Contrepartie en argent. ö AVANCE. ö CRÉDIT. ö DENIERS. ö ESPÈCES. ö FINANCE. ö FONDS. ö LIQUIDE. ö MONÉTAIRE. 303 ö NUMÉRAIRE. ö SOMME. ö VALEUR. ARGUENDO. Ce terme latin se rend en français, selon le cas, par pendant l’argumentation, lors du débat, devant nous (« En ce qui concerne les questions plus vastes magistralement couvertes dans le jugement du maître des rôles lord Denning, mais qui n’ont pas été débattues devant nous... ») ou par pour les besoins ou pour les fins de l’argumentation, de la discussion, du débat (« Admettons, pour les besoins du débat, que... »). ARGUER. Se prononce ar-gu-é et s’écrit maintenant sans tréma. 1) Arguer de qqch. Arguer que. (Donner comme prétexte, comme excuse, comme argument, invoquer, alléguer.) « Nous arguons de la force majeure. » « Il argue de son innocence pour obtenir la clémence du tribunal. » « J’argue de mon bon droit. » « Ils arguent que s’ils ont agi ainsi, c’est que vous les avez poussés à commettre pareille action. » « Il argue de ce fait qu’il est innocent. » Arguer du secret médical. Arguer du secret professionnel. Arguer de sa bonne foi. 2) Arguer sur qqch. (Débattre de, discuter.) « Les avocats arguent sur un fait. » 3) Arguer de qqch. (Tirer un argument, une conclusion d’un fait, d’un principe, déduire, inférer, conclure, établir avec évidence.) « Le juge ne peut rien arguer de ce témoignage. » « Qu’arguez-vous de cela? » 4) Arguer qqch. de qqch. Arguer de qqch. que... (Prétendre que qqch. est, par exemple, nul, irrégulier.) Arguer un acte, une pièce de faux, c’est-à-dire affirmer la fausseté de qqch., la falsification, la contrefaçon de qqch., en contester l’authenticité ou la sincérité. Les locutions juridiques argué de faux, argué de contrefaçon donnent lieu à des 304 emplois fautifs lorsqu’on les fait se rapporter au modèle ou à l’objet déposé ou breveté plutôt qu’à la copie, à l’objet poursuivi. Argué signifiant ici accusé, c’est la copie qui est arguée de contrefaçon. On ne dira pas d’une photographie contrefaite, imitée ou copiée qu’elle est [arguée de contrefaçon], puisque c’est la copie de la photographie qui l’est. C’est commettre un anglicisme que d’employer le verbe arguer en lui donnant le sens de “to argue”, soit argumenter, plaider. [Arguer] une cause (on dit plaider). De même, on évitera, dans la construction arguer que, de donner à ce verbe les sens de son quasihomonyme anglais “to argue”, qui signifie justifier, expliquer, soutenir, discuter, plaider, prétendre. Le tableau figurant aux pages suivantes énumère différentes façons d’exprimer en français les sens du verbe anglais “to argue”. ARGUER 1) In the Exchequer Court, the appeal was argued on the basis of an agreed statement of facts and issues. Devant la Cour de l’Échiquier, l’appel a été plaidé suivant un exposé conjoint des faits et des questions. 2) In my view, it cannot be seriously Selon moi, il ne peut être argued that... sérieusement soutenu que... 3) The applicants argue that they are Les requérants soutiennent qu’ils sont parties to the proceedings. parties à l’instance. 4) The defendant makes no such distinction and argues that the matter of jurisdiction goes to the warrant itself. La défenderesse ne fait pas cette distinction et prétend que la question de la compétence s’attache au mandat lui-même. 5) As an initial objection the plaintiff argued that... La demanderesse a d’abord répliqué en disant que... 6) The bill of lading, it is argued, provides for... Le connaissement, fait-on valoir, prévoit... 7) Selon le défendeur... Defendant argues that... 8) It was further argued in the appeal that... On a aussi invoqué comme argument dans le présent appel que... 305 9) Indeed, of all the grounds of law argued against the judgment... À la vérité, de tous les griefs de droit soulevés devant nous à l’encontre du jugement... 10) I should first deal with a preliminary point that was argued before as concerning the identity of the second party... Je dois d’abord examiner un point préliminaire qui a été soulevé devant la Cour au sujet de l’identité de la deuxième partie... 11) That would be the result if the interpretation argued for by the Crown is accepted. C’est ce qui arriverait si l’on devait accepter l’interprétation que le ministère public propose. 12) The Vaillancourt case was argued Le pourvoi Vaillancourt a été entendu on December 10, 1986. le 10 décembre 1986 ARGUMENT. ARGUMENTATION. ARGUMENTER. ARGUTIE. 1) Argument s’entend d’un raisonnement, d’une preuve dont on se sert pour établir l’exactitude d’une proposition juridique. Il n’a jamais le sens de discussion, dispute, altercation ou querelle qu’a son homonyme anglais “argument”. On commet donc un anglicisme lorsqu’on dit : [J’ai eu un argument avec mon conjoint] au lieu de : « J’ai eu une discussion, une altercation avec mon conjoint. » ou « Je me suis disputé, querellé avec mon conjoint. » 2) Si argument convient assez souvent pour rendre son homonyme anglais au sens de raisonnement à l’appui d’une affirmation, d’autres solutions exprimeront parfois mieux le sens du terme anglais : - Argumentation : “argument” a parfois un sens collectif (voir 5) ci-dessous). - Débat : politiser le débat « Lorsqu’un appel fait l’objet d’un débat sur le fond... » (“Where the merits of an appeal are fully argued...”) « La Cour d’appel peut statuer sur l’appel sans autre débat » (“The Court of Appeal may decide the appeal without further argument”). 306 les argume - Moyen : « Un autre moyen a été soulevé par l’appelant ». La distinction que le droit français fait entre nts et les moyens, c’est-à-dire les considérations de fait ou de droit d’où découlent certaines déductions juridiques par opposition aux simples arguments auxquels le juge n’est pas tenu de répondre, n’est guère appliquée dans la doctrine et la jurisprudence canadiennes. - Observations : « Je voudrais entendre vos observations sur ce point de droit. » - Plaidoirie, plaidoyer : « Les avocats ont été entendus en leurs plaidoiries. » (“The lawyers presented oral argument”). - Raisonnement : « Votre raisonnement n’est pas très clair. » - Thèse : « Pour appuyer sa thèse, l’avocate a invoqué... » 3) “For the sake of argument”, version anglicisée du terme latin arguendo (voir cette entrée) se rend par pour les besoins ou pour les fins de l’argumentation, de la discussion, du débat. 4) On relève parfois dans des textes juridiques français l’expression par argument de... où le participe passé tiré est sous-entendu : « C’est à tort qu’on a prétendu, par argument des dispositions de l’article 142, que la présomption d’absence... » « Un arrêt avait exigé les deux tiers des membres du conseil par argument de l’article 90 de la constitution de l’an 8. » 5) L’argumentation est l’ensemble des arguments présentés à l’appui d’une prétention. Comme le terme juridique anglais “argumentation” s’emploie d’ordinaire pour désigner l’action d’argumenter et non les arguments eux-mêmes, argumentation pourra s’employer pour rendre le pluriel anglais “argument” lorsqu’il a une valeur collective : « L’appelant qui désire présenter son argumentation par écrit sans comparaître en personne ni se faire représenter par un avocat doit l’indiquer dans son avis d’appel. » 6) Argumenter signifie développer des arguments pour ou contre qqch., mais il peut aussi se prendre en mauvaise part au sens de discuter sans fin sur des détails : « Il n’en finit plus d’argumenter. » 307 Il peut être suivi de la conjonction que : « L’avocat argumenta que l’accident était dû à une inattention du conducteur venant en sens inverse. ». Il y a lieu de noter qu’argumenter s’emploie bien moins souvent que son équivalent anglais “to argue that...” (voir ARGUER). Il conviendra donc de lui préférer d’autres verbes comme faire valoir, plaider, prétendre, soutenir. On évitera de dire sous l’influence de l’anglais [argumenter une cause, une affaire], on dira plaider une cause, une affaire. Seul le Grand Robert mentionne la construction transitive avec complément de chose, mais indique qu’elle est rare, tout en ne donnant qu’un exemple pour le participe passé : un article solidement argumenté. On pourra donc parler d’un dossier bien argumenté, d’un mémoire solidement argumenté. Argumenter s’emploie aussi dans les textes juridiques au sens de tirer argument de qqch., tirer une conséquence de qqch. Il peut être suivi de la préposition de : « Ils argumentent de l’article 420, qui dispose que... » ou de la locution prépositive de ce que : « D’autres auteurs, argumentant de ce qu’elles peuvent être mandataires, admettent, au contraire, que les femmes peuvent être chargées de cette fonction. » Ces constructions ont toutefois un air vieilli aujourd’hui. 7) Le terme argutie s’emploie toujours en mauvaise part, le plus souvent au pluriel. Le Dictionnaire du français contemporain le définit comme un raisonnement d’une subtilité excessive, dont on use en général pour dissimuler le vide de la pensée ou l’absence de preuve : « Les avocats multiplièrent les arguties juridiques pour retarder le procès. » Syntagmes Argument ad hominem, argument personnel. Argument a contrario, a fortiori, a pari. Argument de droit, de fait. Argument d’autorité, de texte, d’équité, d’opportunité. Argument principal, subsidiaire, surabondant. Argument extrajuridique. Argument concluant, convaincant, décisif, démonstratif, fort, invincible, irréfutable, irrésistible, péremptoire, pressant, puissant, solide, sans réplique, suprême. Argument de poids, de taille, argument massue. Argument à deux tranchants, contestable, faible, fragile. Argument captieux, subtil. Faux argument. 308 Faire un argument, apporter, produire un argument à l’appui d’une thèse. Aligner, avancer des arguments. Faire valoir, invoquer un argument, une argumentation. Arguments employés, mis en oeuvre par qqn. Arguments avancés, développés au soutien d’une thèse. Développer un argument. Recourir à un argument. Détruire, faire tomber un argument, réfuter un argument, répondre à un argument. Repousser un argument. Éluder un argument. Retenir un argument (« attendu que cet argument ne saurait être retenu »). Se rendre aux arguments de qqn. Tirer un argument de qqch., trouver un argument dans qqch. Être, se trouver à bout, à court d’arguments. Bonne, solide argumentation, argumentation serrée. Faiblesse, force, solidité d’un argument, d’une argumentation. Argumenter faiblement, avec vigueur, adroitement, habilement. Argumenter en faveur de qqn, de qqch., pour qqch., contre qqn ou qqch. Argumenter sur qqch. Argumenter qqch. adroitement, avec vigueur, faiblement, habilement. ö ARGUER. ö PRÉTENDRE. ö SOUTENIR. ARRÉRAGES. ARRIÉRÉS. 1) Ne pas dire ni écrire [arriérages]. Arrérages s’emploie presque toujours au pluriel. On le trouve cependant au singulier : « Si le montant de l’arrérage excède le montant prévu par la loi, la preuve du paiement doit se faire par écrit. » Ce mot désigne les termes échus ou à échoir d’une rente, d’une pension ou d’une redevance. À la différence d’arriéré, il n’implique pas nécessairement un retard. « Le crédirentier conserve son droit aux arrérages échus depuis moins de cinq ans et aux arrérages à échoir dans l’avenir. » En général, arrérages ne convient que très rarement pour rendre “arrears”, pour lequel on emploie le plus souvent arriéré comme équivalent (voir ci-après). 309 2) Le e dans la deuxième syllabe d’arriéré s’écrit avec un accent aigu et le mot se prononce comme il s’écrit. Ce terme s’emploie comme adjectif ou comme substantif. Réclamer une dette arriérée. Régler l’arriéré d’impôt. Payer l’arriéré d’intérêts. Arriéré désigne ce qui reste dû en raison d’un retard sur les délais de paiement convenus. Il sous-entend toujours un retard dans le paiement. On ne parlera donc pas des [arrérages de salaire], mais des arriérés de salaire. Par contre, on pourra dire, selon le cas : acquitter les arrérages d’une pension alimentaire (le débiteur n’est pas nécessairement en retard de paiement) et régler l’arriéré d’une pension alimentaire (le débiteur paie ce qu’il devait). À la différence du terme anglais “arrears” qui est presque toujours pluriel, arriéré s’emploie le plus souvent au singulier. Arriéré s’emploie aussi au figuré pour désigner ce qui est en retard (“backlog” en anglais) : « La cause première de l’arriéré judiciaire réside dans l’inflation des causes ne correspondant pas à un étoffement du cadre des magistrats. ». Résorber l’arriéré judiciaire. Syntagmes Les arrérages échus, dus, passés, en retard. Les arrérages à échoir, à venir. Verser des arrérages. Payer des arrérages. Acquitter les arrérages. Toucher des arrérages. Recevoir des arrérages. Servir au crédirentier les arrérages promis. Assurer le service des arrérages. Payer, liquider, régler, solder l’arriéré. Réclamer l’arriéré. Arriéré de loyer. Arriéré de dividende. Arriéré d’intérêts. Loyer arriéré. Dividende arriéré. Intérêts arriérés. ARRESTATION. ARRÊT. 310 1) Arrestation désigne soit l’action d’appréhender un coupable ou un suspect au nom de la loi ou de l’autorité, soit l’état d’une personne appréhendée. Arrêt n’a conservé ce sens d’action d’appréhender que dans quelques expressions : mandat d’arrêt, maison d’arrêt. Le Code criminel emploie le plus souvent mandat d’arrestation, on n’y relève que très rarement mandat d’arrêt (article 28), contrairement à l’usage constant de cette dernière expression, en France et en Belgique notamment : « Le juge a décerné un mandat d’arrêt contre X » ou « a décerné un mandat pour l’arrestation de X. » 2) En droit constitutionnel pénal, l’arrestation se distingue de la détention (voir DÉTENTION). 3) Même si Félix Leclerc l’a chanté : « Monsieur, vous êtes sous arrêt. », on évitera cet anglicisme ainsi que ses acolytes [être sous arrestation], [mettre qqn sous arrêt] et [mettre qqn sous arrestation]. On dira : être en état d’arrestation et mettre ou placer qqn en état d’arrestation, ou, plus simplement encore, arrêter qqn (voir cependant les observations sous le point 1) de l’entrée ARRÊTER). 4) En procédure pénale, le terme arrêt peut signifier la suspension d’une instance; ainsi, le procureur général peut ordonner l’arrêt des procédures en vertu de l’article 579. On relève aussi arrêt de la poursuite et arrêt des poursuites. 5) Le terme arrêt signifie également saisie-arrêt et se construit dans ce cas avec la préposition sur : faire, mettre arrêt sur le traitement de qqn. Il est préférable aujourd’hui de dire : faire une saisie-arrêt sur le traitement ou saisir-arrêter le traitement de qqn. 6) Dans le Code maritime canadien, l’expression “arrest of a ship” est rendue en français par saisie d’un navire et “seizure of a ship” par mise sous séquestre d’un navire (voir les articles 131-20 et 131-21). Syntagmes Arrestation arbitraire, illégale, légale, préventive, provisoire. Arrestation avec mandat, sans mandat. Arrestation faite aux termes d’un mandat. Arrestation par erreur. 311 Arrestation pour violation de la paix, pour omission de comparaître. Illégalité, légalité de l’arrestation. Motif de l’arrestation. Mesure, ordre d’arrestation. Ordonner l’arrestation de qqn. Être en état d’arrestation, être mis, être placé en état d’arrestation. Mettre, placer qqn en état d’arrestation. Arrêter qqn, faire arrêter qqn. Aider à une arrestation. Effectuer, faire, opérer une arrestation. Procéder à une arrestation. Éviter l’arrestation. ö APPRÉHENDER. ö ARRÊT. ö ARRÊTER. ö DÉTENTION. ö MANDAT. ARRÊT. JUGEMENT. 1) Dans son acception la plus large, le terme jugement désigne toute décision, le plus souvent définitive, rendue par une juridiction de l’ordre judiciaire (“a court”), y compris, par exemple, les arrêts de la Cour suprême du Canada. Jugement s’emploie aussi dans un sens plus restreint en français et s’oppose à d’autres termes comme arrêt, ordonnance, sentence (arbitrale), verdict (voir ces termes). Il désigne alors la décision d’un magistrat statuant comme juge unique en première instance. 2) On donne par contre le nom d’arrêts aux décisions des tribunaux les plus élevés dans la hiérarchie judiciaire : au Canada, la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel fédérale ou la Cour d’appel de chacune des provinces prononcent des arrêts. Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada. Il convient de remarquer, toutefois, que l’usage au Canada n’est pas entièrement fixé. Ainsi, le recueil de jurisprudence du Nouveau-Brunswick, intitulé Recueil des arrêts du Nouveau-Brunswick, reproduit les arrêts rendus par des juridictions supérieures ainsi que les jugements qui intéressent les tribunaux inférieurs. Il faut se garder, sous l’influence de l’anglais, qui ne dispose que du seul mot 312 “judgment”, d’abuser du mot jugement. Il convient de respecter la distinction que la langue française établit entre arrêt et jugement dans son sens restreint : « Pourvoi contre un arrêt (“judgment”) de la Cour d’appel de l’Ontario qui a rejeté l’appel interjeté contre un jugement (“judgment”) du juge Bordeleau, de la Cour provinciale. » Au Canada, les juges des juridictions collégiales comme la Cour suprême du Canada et les cours d’appel provinciales peuvent rendre une décision individuelle ou se joindre, en cas de diversité d’opinions, à celle de leur collègue ou de leurs collègues qui emporte leur conviction. On qualifiera d’arrêt l’ensemble de la décision de la juridiction en cause, mais on appellera jugement la décision rendue par un juge en particulier : « Dans le jugement que le juge Lamer a rendu dans l’arrêt Calder, ... ». On ne dirait pas ici : « Dans l’[arrêt] du juge Lamer... ». L’existence de deux équivalents pour “judgment” fait aussi qu’il n’est pas toujours possible de respecter à la lettre la distinction faite en français. Dans la version française du Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada, le terme arrêt est souvent utilisé comme désignation générique lorsque la Cour invoque des décisions judiciaires à l’appui d’un principe ou d’une solution qu’elle énonce même si cette décision émane d’une juridiction inférieure. Il y a lieu de noter aussi que le français, sans y être absolument obligé, tend à ajouter le terme arrêt avant d’indiquer l’intitulé de la cause invoquée ou examinée, alors que l’anglais se contente généralement de l’intitulé ou le fait suivre du mot “case” : “In Calder” (“in the Calder case”) = Dans l’arrêt Calder. Si le tribunal se contente d’examiner une autre décision pour comparer simplement les faits, on relèvera aussi la formulation dans l’affaire Calder. Arrêt peut aussi avoir un sens large comme dans les expressions commentaire d’arrêt et note d’arrêt. L’arrêt soumis à la réflexion de l’étudiant en droit ou analysé par l’arrêtiste peut parfois n’être qu’un simple jugement, mais on garde les désignations commentaire d’arrêt et note d’arrêt (voir ANNOTATEUR). Arrêt peut également servir d’équivalent pour rendre le mot “case” dans diverses expressions : - “leading case” = arrêt-clé, arrêt de principe, arrêt faisant jurisprudence. - “Leading cases in Administrative Law” = Les grands arrêts du droit administratif. 313 Syntagmes Prononcer, rendre un arrêt. Exécuter un arrêt. Obtenir un arrêt. Se pourvoir contre un arrêt. Statuer par voie d’arrêt. Arrêt d’espèce, arrêt-clé, arrêt de principe, arrêt faisant jurisprudence. Arrêt d’admission, d’annulation, de cassation, de rejet, de renvoi. Arrêt confirmatif, infirmatif. Arrêt attaqué. « Arrêt par lequel la Cour d’appel annule le jugement de première instance ». Commentaire d’arrêt, note d’arrêt. Recueil d’arrêts. Force exécutoire, obligatoire de l’arrêt. Le dispositif, les motifs de l’arrêt. Lecture de l’arrêt. L’arrêt constate l’existence, reconnaît le principe de qqch. ö DÉCISION. ö JUGEMENT. ö ORDONNANCE. ö POURVOI. ö SENTENCE. ö VERDICT. ARRÊTÉ. Ce terme s’emploie dans divers sens au Canada. 1) Il désigne au gouvernement fédéral et dans les provinces canadiennes la décision à portée générale ou individuelle prise par un ministre : « Les arrêtés du ministre en matière de lieux infectés prévalent sur les décisions incompatibles des autorités locales ». L’arrêté ministériel se distingue du décret (également appelé décret en conseil) qui est pris par le gouverneur général ou par le lieutenant-gouverneur en son conseil des ministres ou le lieutenant-gouverneur. Par souci de rigueur terminologique, on évitera l’appellation [arrêté en conseil] pour désigner ce dernier type de document. 314 2) Il désigne également au Manitoba et au Nouveau-Brunswick la décision (“by-law”) prise par une municipalité. Les législateurs ontarien et québécois ont quant à eux retenu l’expression règlement municipal comme équivalent. Les solutions manitobaine et néo-brunswickoise se justifiaient par le souci de conserver le terme règlement pour désigner les actes émanant du gouvernement provincial (“regulation”) et d’éviter ainsi les confusions que pourrait engendrer dans bon nombre de textes l’utilisation d’un seul terme français comme équivalent de deux concepts anglais différents. 3) Dans les lois du Canada, le générique “order” est rendu par les spécifiques arrêté, ordonnance ou décret en série synonymique, soit sous la forme du doublet arrêté et ordonnance, soit sous la forme du triplet décret, arrêté et ordonnance. Ce besoin du français juridique de couvrir par l’emploi de différents vocables une réalité que l’anglais désigne par un seul terme peut expliquer la confusion terminologique que présente parfois la version française. Ainsi, dans la Loi sur les grains du Canada, la disposition définitoire prévoit que le terme arrêté correspond dans la version anglaise au terme “order”. Or, la loi n’utilise que le terme ordonnance. De même, dans la Loi sur la production et la rationalisation de l’exploitation du pétrole et du gaz, arrêté et ordonnance sont interchangeables. Ce procédé de rédaction est à éviter. 4) L’arrêté désigne parfois aussi l’instruction ou l’ordre donné par un organisme gouvernemental; par exemple, la Commission canadienne des grains prend des arrêtés ou des ordonnances. 5) C’est le verbe prendre et le substantif prise qu’il convient d’employer avec le terme arrêté. On écrira donc : « Le ministre peut prendre un arrêté concernant l’attribution des logements aux personnes défavorisées. » « La situation a évolué depuis la prise de l’Arrêté de zonage par la municipalité. ». On relève également dans des textes français les expressions faire un arrêté et édicter un arrêté. Syntagmes Arrêté d’application, d’exécution, d’intervention (“control order”), de mise en commun (“pooling order”), d’union (“unitization order”). 315 Arrêté de production, de suspension immédiate, d’urgence. Arrêté de cessation d’un acte. Arrêté d’arpentage, de zonage. Arrêté définitif [et non [final], arrêté restrictif (ou ordonnance restrictive, ordonnance de ne pas faire). Arrêté du Conseil, de l’office local, du ministre. Arrêté portant approbation. ö ARRÊTER. ö DÉCRET. ö ÉDICTER. ö ORDRE. ö PRENDRE. ö RÈGLE. ARRÊTER. 1) La langue anglaise dispose des verbes “to arrest” et “to stop”, souvent rendus en français par le verbe arrêter, qui peut avoir le sens soit de mettre qqn en état d’arrestation, soit d’interrompre ou de retenir qqn ou qqch. dans l’accomplissement ou le développement de son action. L’emploi de cet équivalent unique pour exprimer les sens des deux verbes anglais ne pose en général pas de difficultés, le contexte lui-même dissipant d’ordinaire tout risque d’ambiguïté. Le paragraphe 213(1) du Code criminel prévoit par exemple ce qui suit : « Est coupable d’une infraction... quiconque, dans un endroit soit public soit situé à la vue du public et dans le but de se livrer à la prostitution ou de retenir les services sexuels d’une personne qui s’y livre : a) soit arrête ou tente d’arrêter un véhicule à moteur; b) ... ; c) soit arrête ou tente d’arrêter une personne ou, de quelque manière que ce soit, communique ou tente de communiquer avec elle. ». À l’égard d’une chose, aucun doute n’existe vu qu’il ne viendrait à l’idée de personne de mettre une chose en état d’arrestation. Dans le cas de personnes, le sens du verbe arrêter se dégagera parfois clairement du contexte, comme l’illustre l’exemple mentionné cidessus, ou même celui-ci : « La police a arrêté la foule. ». D’autres contextes risquent cependant de créer des ambiguïtés : « Un policier peut arrêter un individu et lui poser des questions lors d’une enquête. » « Les policiers ont le droit d’arrêter des automobilistes à des points de contrôle en vue de leur faire subir 316 un alcootest... et de vérifier les permis de conduire, les assurances et l’état mécanique des voitures. ». Veut-on dire que la police peut demander simplement à l’intéressé de s’arrêter ou bien qu’elle a le pouvoir de le mettre en état d’arrestation? Les droits que garantit la Charte canadienne des droits et libertés varieront de façon considérable selon qu’on se trouvera dans l’une ou l’autre situation. Dans la version française de l’arrêt R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1267, la Cour suprême du Canada a utilisé, pour bien marquer la distinction entre “to stop a person” et “to arrest a person”, le verbe interpeller : « Dans l’arrêt Hufsky, le conducteur avait été interpellé par un agent de police de faction à un point fixe de contrôle... », et le substantif interpellation : interpellation au hasard des automobilistes. Elle a également utilisé le verbe intercepter et le substantif interception pour des véhicules : « Par contre, l’interception au hasard d’un véhicule au cours d’une patrouille permettrait à un agent de police d’intercepter n’importe quel véhicule n’importe quand, n’importe où. » Dans le cas où l’emploi d’arrêter au sens de “to arrest” risque d’engendrer une ambiguïté, on recourra aux formulations plus explicites : mettre en état d’arrestation ou placer en état d’arrestation. 2) Arrêter s’emploie également dans les sens suivants : a) fixer, déterminer définitivement (arrêter un délai, une date, le rôle d’audience, les modalités de notre collaboration); b) adopter, prendre (arrêter des mesures, les dispositions d’application d’un texte, des règlements, des directives). Employé absolument, il signifie prendre des arrêtés (voir ARRÊTÉ) : « Le ministre arrête : » « Le conseil municipal arrête ce qui suit : ». Arrêter peut également se construire dans ce sens avec la conjonction que suivie de l’indicatif : « Le conseil a arrêté que la manifestation pourra se dérouler dans la ville le samedi entre dix heures et quatorze heures. » 3) Arrêter peut aussi avoir le sens de saisir-arrêter (voir SAISIE-ARRÊTER) : « La saisie-arrêt est un acte par lequel un créancier (le saisissant) saisit-arrête entre les mains d’un tiers (le tiers saisi) les deniers et effets appartenant à son débiteur (le saisi) et s’oppose à leur remise. » « Il en est ainsi alors que le tiers saisi détient la chose arrêtée ». Cet emploi étant rare aujourd’hui, il est préférable d’utiliser saisirarrêter. Il peut aussi avoir le sens de saisir par voie de justice : « Le juge a fait arrêter les exemplaires du livre. ». On dira aujourd’hui saisir. Il peut aussi signifier intercepter, 317 empêcher d’arriver à destination, et même saisir dans le vocabulaire administratif : « La police arrêtait les lettres qui lui étaient destinées. » « Un colis contenant des revues pornographiques a été arrêté à la douane. » 4) Le verbe arrêter se retrouve également dans l’expression arrêter les procédures : l’article 579 du Code criminel habilite le procureur général à « ordonner au greffier ou à tout autre fonctionnaire compétent du tribunal de mentionner au dossier que les procédures sont arrêtées sur son ordre... ». Autres syntagmes : arrêter les poursuites, arrêter le cours de la prescription (« La perte de la possession arrête le cours de la prescription. »). 5) Les anglicismes suivants sont fréquents dans des textes de droit commercial : [arrêter le paiement d’un chèque] et [arrêter un chèque] au lieu de faire opposition à un chèque, [arrêt de paiement] (pour signifier l’interdiction de paiement qu’ordonne la signature d’un chèque à la banque sur laquelle le chèque est tiré) au lieu de contreordre ou d’opposition. On dit alors que le chèque est frappé d’opposition. Arrêter un bilan, un état des créances, c’est le clore, le fermer. ö APPRÉHENDER. ö ARRESTATION. ö ARRÊT. ö ARRÊTÉ. ö INTERCEPTER. ö INTERPELLATION. ö SAISIE-ARRÊT. ARRÊTISTE. ö ANNOTATEUR. ARROGER (S’). 1) Ce verbe signifie s’attribuer qqch. sans y avoir droit. La nuance péjorative peut être marquée légèrement ou fortement par une caractérisation adverbiale (s’arroger indûment) ou par un complément circonstanciel (s’arroger à tort). 318 Mais puisque le sens de s’arroger implique un caractère arbitraire ou abusif, cette caractérisation ou ce complément circonstanciel frisera souvent la redondance. On évitera donc des tours comme s’arroger abusivement, indûment, illégitimement, sans raison, sauf pour produire un effet stylistique d’insistance ou de renforcement. Dans les textes juridiques, s’arroger seul suffit pour marquer le caractère irrégulier de l’attribution. S’arroger s’applique notamment à un droit, à un privilège, à une qualité, à un pouvoir, à un titre, à une autorité et à des fonctions. On dit s’arroger un droit sur qqn. 2) Le participe passé de ce verbe s’accorde, non avec son sujet, mais, comme c’est le cas d’un verbe conjugué avec l’auxiliaire avoir, avec le complément direct s’il est placé avant le verbe. Il faut donc écrire : « Les droits qu’elles se sont arrogés. » et « Elles se sont arrogé des droits. » ö APPROPRIER (S’). ARRONDISSEMENT DES NOMBRES. Dans des textes financiers ou techniques exigeant l’exécution de calculs avec nombres décimaux, le législateur autorise parfois l’arrondissement du résultat obtenu à l’unité ou à la décimale inférieure ou supérieure et précise également à laquelle la demi-unité doit se rattacher. 1) Le Guide canadien de rédaction législative française recommande les formulations suivantes pour la législation fédérale : « Les résultats formés de nombres décimaux sont arrêtés à l’unité, les résultats qui ont au moins cinq en première décimale étant arrondis à l’unité supérieure. » « Les résultats formés de nombres décimaux sont arrêtés à la deuxième décimale, les résultats qui ont au moins cinq en troisième décimale étant arrondis à la deuxième décimale supérieure. » 2) On trouvera ci-après un échantillon de formules relevées dans divers textes français : 319 a) Rattachement de la demi-unité à l’unité ou à la décimale supérieure - « La surface ainsi obtenue est arrondie au mètre carré le plus proche, la demi-unité étant arrondie à l’unité supérieure. » - « Le montant de la taxe est arrondi, le cas échéant, au franc supérieur ou au franc inférieur, selon que la fraction atteint ou n’atteint pas cinquante centimes. » - « Les fractions de moins de cent francs sont arrondies à la centaine supérieure ou inférieure suivant qu’elles atteignent au moins cinquante francs ou qu’elles sont inférieures à ce dernier montant. » - « ... les fractions de francs inférieures à 0,50 F étant négligées et celles de 0,50 F et au-dessus étant comptées pour 1 F. » b) Rattachement de la demi-unité à l’unité ou à la décimale inférieure - « Les fractions de centaines de kilogrammes sont comptées pour 100 kg ou sont négligées, selon qu’elles dépassent ou non cinquante kilogrammes. » - « Les fractions de centaines de kilos sont forcées ou négligées selon qu’elles dépassent ou non 50 kg. » ARSENAL. ö APPAREIL. ARTICLE (OMISSION DE L’). Le français juridique privilégie des formes d’expression propres à lui assurer sa spécificité. Curieusement, il puise bon nombre de ses procédés expressifs dans des formules figées, stéréotypées, définitives, dans des séries synonymiques (moins nombreuses, il est vrai, que celles de l’anglais juridique), dans des structures syntaxiques particulières, dans des locutions et expressions toutes faites, dans des idiotismes syntagmatiques qui, loin de paralyser l’énoncé dans une gangue, lui 320 insufflent parfois un rythme que certains disent poétique, que d’autres qualifient de mnémotechnique. Bien connaître ces tournures, recourir à bon escient à ces ressources linguistiques permet de formuler avec élégance les énoncés du droit, sans négliger la précision. Il ne s’agit pas ici de dresser une liste exhaustive de ces formes d’expression, mais de faire porter l’attention sur une curiosité grammaticale fréquente dans les textes, l’omission de l’article. Les cas où apparaît ce degré zéro de l’article sont variés. Ce peut être une préposition suivie du substantif (sauf avis, décret, erreur, cas, ...; sous condition, peine, réserve, serment, tutelle, ...; par ministère d’avocat, paroles, règlement, mise en commission, ...; sur déclaration, paiement, avis, notification, paiement, délivrance, dépôt, ...; contre paiement, remise, ...; jusqu’à annulation, ...; pour infraction, ...; après lecture, proclamation, ...); l’article peut être absent par ellipse, notamment dans des formules consacrées (outrage à magistrat), dans le style des notes marginales et des intertitres (assimilation à fonctionnaire) ou simplement devant l’adjectif indéfini (tous documents, ...). Outre les locutions verbales de la langue courante (par exemple, ajouter foi, donner lieu, faire défaut, prendre à témoin, prêter serment), il y a lieu de relever certains termes plus spécifiques, les mots-actes du droit, soit des verbes de la terminologie juridique où s’agglutinent en quelque sorte des substantifs (mainlevée, décharge, renonciation, libération, possession) sans déterminants. Souriaux et Lerat (Le langage du droit, P.U.F., 1975, p. 50 à 55) proposent une typologie des mots-actes, laquelle leur permet de les classer en performatifs (je donne pouvoir, je donne quittance, ...), constatifs officiels (il a élu domicile, il se met en possession, il se porte garant, ...) et décisions exécutoires, qu’elles soient normatives (expression de la loi ou de la réglementation) ou judiciaires (expression de décisions des tribunaux), qu’il conviendrait mieux peut-être d’appeler des déclaratifs. Sont dites performatives les constructions comprenant « le pronom personnel de la 1re personne et un verbe déclaratif-jussif au présent de l’indicatif », constatives officielles les constructions comprenant la troisième personne du singulier, au temps de l’énonciateur qualifié, et déclaratives, les constructions au présent et à la troisième personne, sauf dans le cas du nous officiel. 321 Empruntons-leur cette typologie pour y faire figurer toutes les locutions verbales juridiques ou parajuridiques que nous avons glanées ici et là et habituons-nous à omettre l’article dans les expressions et locutions juridiques qui suivent. Performatifs : devoir (honneur, respect, ...), donner (biens, ...), jurer (fidélité, ...), léguer (biens, ...), prêter (serment, ...), reconnaître (droit et compétence)... Constatifs : annexer (copie, ...), contenir (obligation certaine, ...), donner (ouverture, ...), dresser (constat, inventaire, procès-verbal, protêt, quittance, ...), élire (domicile, ...), emporter (libération, renonciation, ...), entraîner (déchéance, ...), faire (appel, défaut, droit, foi, fraude, jurisprudence, mainlevée, mention, obstacle, opposition, remise, ...), former (appel, opposition, partie, société, ...), fournir (caution, copie, ...), impliquer (renonciation, ...), interjeter (appel), opérer (décharge, mainlevée, transfert, ...), recevoir (communication, ...), rester (partie commune, ...), signifier (à domicile, à personne, ...), valoir (décision, délivrance, déni de justice, dénonciation et citation, libération, mention, possession, ...). Déclaratifs : avoir (compétence, droit, force et effet, jouissance, quotité, voix prépondérante, ...), (y) avoir lieu (à exécution provisoire, ...), accorder (mainlevée, ...), consentir (décharge, ...), délivrer (congé, ...), dénier (justice, ...), donner (à bail, acte, avis, caution, décharge, droit, force exécutoire, pouvoir, ...), exiger (restitution, ...), faire (droit, ...), porter (constitution, fixation, imposition, modification, octroi, ...), prendre (acte, effet, possession et contrôle, rang, ...), prononcer (mainlevée, ...), rendre (compte, jugement, justice, ...), se constituer (partie, avocat, ...). Combien de fois le traducteur apprenti ou le rédacteur frais émoulu de l’université ontils constaté avec surprise que la périphrase sur laquelle ils s’étaient littéralement consumés avait été rayée d’un beau trait de plume, à l’encre rouge ou bleue, au-dessus duquel n’apparaissait plus qu’un seul mot, lumineux, éclairant, tel mot-acte, venant ramasser leur style contourné et créer, comme par enchantement, l’effet tant recherché, l’effet Thémis : « En fait de meubles, la possession vaut titre. » ö DRESSER. ARTICULAT. ARTICULATION. ARTICULER. 322 1) En droit, l’articulation désigne soit l’énonciation écrite de faits, article par article, à l’appui d’une demande en justice (« L’articulation des griefs dans la procédure du divorce »), soit, et le mot devient alors pluriel, les faits énoncés dans la demande en justice (« Les articulations de la demande »). 2) Chacun des éléments de l’articulation, chacun des points d’un énoncé, s’appelle l’articulat. L’emploi de ce terme est rare. Selon les contextes, un articulat est un chef (dans un acte d’accusation) ou un moyen (dans un avis ou un mémoire d’appel). (Voir ces mots.) 3) Le verbe articuler s’emploie dans deux sens. Dans le premier sens, il signifie exprimer, formuler d’une façon générale des accusations, des conclusions, des griefs, ou avancer un fait; articuler est ici du langage courant : « Le représentant du syndicat a articulé une longue liste de griefs à l’encontre de l’employeur. ». Le deuxième sens du mot ajoute une nuance importante par rapport au premier sens : l’énonciation, la formulation s’effectue article par article, point par point (articuler des conclusions, articuler les moyens), et articuler est dans ce cas un terme juridique. « L’acte portant inscription de faux doit articuler avec précision les arguments que la partie invoque pour établir la falsification de l’acte. » « L’affidavit articule les faits attestés. » On évitera donc la redondance [articuler point par point], [articuler un à un]. ö CHEF. ö MOYEN. ARTICULÉ, ÉE. L’adjectif articulé, contrairement à son quasi-homonyme anglais “articulate”, ne peut s’appliquer à une personne; on ne peut pas qualifier les qualités d’éloquence d’une personne en disant que cette dernière est très [articulée]. Ainsi, plutôt que de qualifier un avocat d’[articulé], on utilisera une périphrase (qui s’exprime clairement, avec aisance, facilité, qui a une grande facilité d’élocution), un adjectif comme éloquent ou encore une image : bon orateur, bon tribun. « L’accusé semble [être suffisamment articulé] (= s’exprimer assez bien)... pour assumer sa propre défense. ». « Le juge est [extrêmement articulé] = s’exprime très clairement, il s’exprime à la perfection. » De plus, articulé ne peut s’appliquer à une chose qui a trait à l’éloquence d’une personne; ainsi, on ne peut pas dire de quelqu’un qu’il parle [d’une façon très articulée] pour dire qu’il parle distinctement, avec aisance, qu’il s’exprime avec une grande facilité. 323 A SIMILI. S’écrit sans accent grave sur l’a. Qualifie l’argument qui affirme l’application ou la non-application, à une autre espèce du même genre, de ce qui a été affirmé pour une espèce particulière. L’argument a simili, dont une des formes est l’argument a pari (voir cet article), s’oppose à l’argument a contrario. Si une loi édicte certaines dispositions relatives aux fils héritiers, par l’argument a simili on les étendra également aux filles; tandis que par l’argument a contrario on affirmera que ces dispositions ne s’appliquent pas aux personnes du sexe féminin (Perelman, 1976). On l’appelle aussi l’argument analogique. ö A CONTRARIO. ö A FORTIORI. ö A PARI. ASSAILLANT, ASSAILLANTE. ASSAILLIR. 1) À la différence d’[assaut] qui est un anglicisme dans le sens d’agression, d’attaque ou de voies de fait, le terme assaillant (au féminin : assaillante) s’utilise correctement pour désigner l’auteur d’une agression. Il figure d’ailleurs à l’alinéa 34(2)a) du Code criminel : « ... parce qu’il a des motifs raisonnables pour appréhender que la mort... ne résulte de la violence avec laquelle... l’assaillant poursuit son dessein; ». Il est aujourd’hui souvent remplacé par agresseur ou auteur de l’attaque (voir AGRESSER et ATTAQUABLE). 2) Assaillir. Conjugaison : J’assaille, nous assaillons, vous assaillez, ils assaillent; j’assaillais, nous assaillions; j’assaillis; j’assaillirais; que j’assaille, que nous assaillions, qu’ils assaillent; que j’assaillisse. Attention au futur : j’assaillirai et non j’[assaillerai]. Ce verbe ne figure pas dans le Code criminel, où on lui préfère attaquer et commettre des voies de fait. Son sens est également plus restreint qu’attaquer, il signifie attaquer 324 brusquement qqn avec violence, et dire assaillir brusquement, assaillir soudainement est pléonastique. De plus, l’action d’assaillir suppose plusieurs agresseurs (« Les manifestants ont assailli la victime pendant qu’elle prononçait son discours. »), mais on trouve des exemples où l’agresseur est unique (« Il a été assailli dans une rue déserte par un forcené »). Assaillir s’emploie aussi au figuré; son sens est alors accabler, harceler, importuner, et peut être suivi des prépositions de ou par, selon le cas : « L’avocat a été assailli de questions par les journalistes. » « Le débiteur était assailli par ses créanciers. » Son quasi-homonyme anglais “to assail” est parfois employé au sens figuré dans des textes juridiques : “The appellants assail the findings of the trial judge”. On utilisera dans ce contexte le verbe attaquer : « Les appelants attaquent les conclusions du juge du procès. » ö AGRESSER. ö ASSAUT. ö ATTAQUABLE. ASSASSIN. MEURTRIER, MEURTRIÈRE. TUEUR, TUEUSE. 1) Selon l’usage actuel, le substantif assassin n’a pas de forme féminine. On dira « C’est elle l’assassin. » « L’assassin était une femme. », ou on parlera d’une femme assassin, d’une assassin. Le Grand Robert et le Trésor enregistrent la forme assassine, qu’ils qualifient de rare et de littéraire. Le Grand Larousse la qualifie d’archaïque. Il s’agit d’un féminin convenablement formé qui devrait être remis en vigueur. Au Canada, on pourra lui substituer la meurtrière vu que les termes assassin et assassinat (voir ASSASSINAT) ne sont pas des termes de droit. Au Canada, assassin appartient au langage courant; il désigne la personne qui a commis un meurtre odieux ou qui a assassiné une personnalité. Assassin sadique. En France, il a aussi ce sens courant, mais il désigne en droit une personne qui a commis un meurtre avec préméditation ou guet-apens. L’article 303 du Code pénal français punit comme coupables d’assassinat « tous malfaiteurs quelle que soit leur dénomination, qui, pour l’exécution de leurs crimes, emploient des tortures ou commettent des actes de barbarie. » 325 2) L’adjectif assassin fait assassine au féminin. On évitera cet adjectif dans les textes juridiques au sens de qui assassine. Il appartient surtout à la langue littéraire : une audace assassine, une main assassine, une rage assassine. On lui substituera meurtrier, meurtrière. Il signifie également qui manifeste des intentions malveillantes : « Les déclarations assassines de dirigeants importants ont fait sortir le président de sa réserve. » 3) Les termes meurtrier et meurtrière s’emploient aussi comme substantifs et comme adjectifs. Le substantif meurtrier a un sens large, il désigne la personne qui a tué volontairement un être humain, y compris avec préméditation (voir ASSASSINAT). En droit français, meurtrier peut avoir un sens plus restreint et s’opposer à assassin. L’adjectif meurtrier signifie qui a commis un meurtre : un fils meurtrier, ou qui sert à commettre un meurtre, qui cause la mort : arme meurtrière, balle meurtrière. On préférera toutefois l’expression arme du crime pour rendre “murder weapon”. 4) Le mot tueur désigne celui qui tue, mais il s’emploie le plus souvent pour désigner celui qui a tué à plusieurs reprises ou un professionnel des assassinats, surtout dans l’expression tueur à gages (et non [à gage] (“hired killer”) : « Le tueur sadique s’est enfui sans laisser de traces. » « La mafia a envoyé une équipe de tueurs à gages. » 5) Les termes assassin, meurtrier et tueur pourront servir d’équivalents selon le contexte pour rendre “killer”. Les deux premiers conviendront également pour “murderer”. ö ASSASSINAT. ö ASSASSINER. ö HOMICIDE. ASSASSINAT. EXÉCUTION. MEURTRE. TUERIE. 1) Comme assassin, assassinat n’est pas non plus un terme juridique au Canada. Il figure depuis peu, toutefois, dans la définition crime contre l’humanité au paragraphe 7(3.76) du Code criminel, où il correspond à “murder”. Dans le langage du droit en France, l’assassinat désigne le meurtre commis avec préméditation ou guetapens. Dans le langage courant, il s’emploie aussi pour désigner un homicide non 326 prémédité, quand on veut insister sur son caractère odieux. Il y a lieu de noter aussi qu’assassinat a un sens plus large qu’“assassination” qui vise généralement le meurtre d’une personnalité (“the assassination of President Kennedy” = l’assassinat du président Kennedy). 2) Le Code criminel emploie le concept de meurtre (“murder”) et distingue le meurtre au premier degré du meurtre au deuxième degré. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada établit clairement qu’il ne s’agit pas de deux infractions distinctes et que la qualification de meurtre au premier degré ou de meurtre au deuxième degré ne s’applique que pour déterminer la peine d’emprisonnement à prononcer. La distinction entre ces deux catégories de meurtre n’est pas fondée sur l’intention, mais par exemple sur la commission du meurtre avec préméditation et de propos délibéré, sur l’identité de la victime (agent de la force publique, membre du personnel des prisons) ou sur la nature de l’infraction commise au moment de la perpétration du meurtre (détournement d’aéronef, agression sexuelle, enlèvement, prise d’otage, etc.). Le Code criminel réprime aussi ce que la jurisprudence et la doctrine dénomment le meurtre par imputation (“constructive murder”), concept dont le champ d’application s’est réduit comme une peau de chagrin au cours des dernières années depuis que la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelles plusieurs des dispositions du Code applicables en la matière. 3) Il convient par souci de rigueur d’éviter un glissement de sens du terme exécution, souvent employé dans les milieux journalistiques pour parler de la mise à mort d’otages. On parlera plutôt de meurtre ou d’assassinat (le meurtre, l’assassinat du ministre Pierre Laporte). L’exécution désigne en bon français la mise à mort d’un condamné conformément à une décision de justice. 4) Tuerie désigne l’action de tuer en masse, sauvagement : « C’est une vraie tuerie. » Le mot “killing” pose souvent un problème d’équivalence en français. On ne peut que rarement employer le mot tuerie qui, comme nous venons de le voir, a un sens trop restreint et trop fort. Selon le contexte, on utilisera homicide, fait de tuer, tuer, meurtre ou mort. 327 « Qualifier de meurtre l’homicide involontaire » (= “to characterize unintentional killing as murder”). « L’actus reus du meurtre est le fait de tuer une personne. » (= “The actus reus of murder is killing a person”). « C’est le quatrième meurtre dans la région. » (= “It is the fourth killing in the area”). « Un crime de violence entraînant la mort d’un être humain. » (= “A crime of violence resulting in the killing of a human being”). Syntagmes Commettre, perpétrer un assassinat, un meurtre sur la personne de qqn. Être coupable, se rendre coupable d’un assassinat, d’un meurtre. ö ASSASSIN. ö ASSASSINER. ö EXÉCUTION. ö HOMICIDE. ASSASSINER. EXÉCUTER. TUER. 1) Les observations formulées à propos d’assassin et d’assassinat valent aussi pour le verbe assassiner, qu’il convient de n’employer que pour le fait de commettre un meurtre odieux ou de tuer délibérément une personnalité (voir ASSASSINAT). 2) Le verbe exécuter désigne notamment le fait de mettre à mort une personne conformément à une décision de justice. On se gardera donc d’en abuser pour qualifier, par exemple, la mise à mort de personnes sans aucune forme de procès (voir ASSASSINAT). Les cas d’enlèvement pourront faire exception : exécution d’un otage par ses ravisseurs. « Le ministre Pierre Laporte a été exécuté. » 3) Tuer est le verbe le plus neutre, il désigne le fait d’ôter la vie à quelqu’un de façon violente, volontairement ou involontairement. On ne l’emploie cependant pas pour l’exécution d’un condamné à mort. 4) En droit pénal strict, “to murder” correspond à commettre un meurtre : commettre un meurtre sur la personne d’un policier. Vu le peu de maniabilité de cette expression, on pourra également utiliser assassiner ou tuer tout en respectant les distinctions à faire entre ces deux verbes. 328 ö ASSASSIN. ö ASSASSINAT. ö HOMICIDE. ASSAUT. 1) Assaut est à bannir du vocabulaire juridique. Il s’emploie principalement dans le domaine militaire. Il pourrait s’appliquer à une action policière : « La gendarmerie a pris d’assaut la maison où les criminels s’étaient réfugiés. ». « On a mis en place le dispositif classique, avec tireurs d’élite, équipes d’assaut... tout autour de la maison. » 2) On ne dira pas, sous l’influence de l’anglais “assault” : « Le juge X a été reconnu coupable d’[assaut] sur la personne de sa femme. » « L’accusé a été déclaré coupable d’[assaut sexuel] sur la personne d’une jeune fille. ». Il faut, selon le contexte, employer les expressions applicables du Code criminel : a) Attaque (p. ex. : les articles 34 à 38 en matière de légitime défense) : « Quiconque a, sans justification, attaqué un autre, mais n’a pas commencé l’attaque dans l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves... » (article 35). b) Voies de fait (p. ex. : les articles 41 et 42, et 265 à 270) : « Exercer des voies de fait contre un agent de la paix, des voies de fait graves (“aggravated assault”) ». Voies de fait sur l’épouse, sur la conjointe. C’est le terme qui est également retenu en responsabilité civile délictuelle de common law où le terme anglais “assault” au sens strict désigne : “the intentional creation of the apprehension of imminent harmful or offensive contact”. Il peut y avoir voies de fait sans qu’il y ait contact physique avec la victime. c) Agression (p. ex. : les articles 265 à 273) : « Le présent article s’applique à toutes les espèces de voies de fait, y compris les agressions sexuelles, les agressions sexuelles armées, ... et les agressions sexuelles graves. » (paragraphe 265(2)). 329 d) Attentat : Les anciens articles 149 et 156 du Code criminel rendaient l’expression “indecent assault” par attentat à la pudeur. On corrigera ainsi les deux exemples fautifs ci-dessus : « Le juge X a été reconnu coupable de voies de fait sur la personne de sa femme. » « L’accusé a été déclaré coupable d’agression sexuelle sur la personne d’une jeune fille. » 3) La forme fautive [assaut et batterie] se rend par voies de fait et coups. L’emploi de batterie au sens d’échange de coups, de rixe, de querelle de gens qui se battent est archaïque et le crime de “battery” n’existe pas comme tel au Canada. La définition de voies de fait à l’article 265 du Code criminel reconnaît sans la consacrer la distinction établie par la common law entre les voies de fait (“assault”) et l’attaque ou l’agression (“battery”). ö AGRESSER. ö ASSAILLANT. ö ATTAQUABLE. ö ATTENTAT. ö VOIE DE FAIT. ASSERMENTATION. ASSERMENTER. 1) Le terme assermentation, couramment employé par les juristes au Canada et recensé dans les dictionnaires canadiens, ne figure dans aucun autre dictionnaire général. Il est d’un usage extrêmement rare dans les textes juridiques non canadiens. Parfaitement formé à partir du verbe assermenter, le substantif assermentation permet de disposer d’un mot pour la réception du serment par opposition à la prestation du serment elle-même. Il rend plus clairement pour la question des substantifs la distinction entre prêter serment et faire prêter serment. Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law l’a d’ailleurs normalisé comme équivalent de “swearing in”. Assermentation d’architectes, d’agents, des députés, des experts, de fonctionnaires, de gardiens, des jurés, de médecins, du nouveau cabinet, des nouveaux ministres, des témoins. Commissaire à l’assermentation (on dit plus souvent commissaire aux serments et commissaire à la prestation des serments). 330 2) Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été invoqués dans le cas d’assermenter (voir ci-dessous), on se gardera aujourd’hui d’employer assermentation pour des choses. Assermentation de créance est attesté; mais cette tournure est vieillie et rare en plus d’être illogique. 3) À la différence d’assermentation, le verbe assermenter figure dans les dictionnaires généraux au sens de faire prêter ou recevoir le serment de qqn ou de soumettre qqn à la formalité du serment. Au Canada, il s’emploie pour n’importe quel témoin ou partie à un procès : « Le juge avait assermenté l’accusé. » « Le greffier du tribunal assermente chaque membre du jury suivant l’ordre dans lequel les noms des jurés ont été tirés. » Les dictionnaires et ouvrages de doctrine européens limitent le plus souvent son emploi à la prestation de serment préalable à l’exercice de certaines professions ou fonctions ou à la réception du témoignage d’experts devant les tribunaux. Roland et Boyer (1983) définissent le terme assermenter comme le fait de recevoir le serment que la loi requiert pour l’exercice de certaines fonctions (avocats, notaires, huissiers, greffiers... ) et dont le contenu varie avec le devoir de la charge. Pour les témoignages devant les tribunaux, les dictionnaires répètent les exemples suivants : architecte assermenté, expert assermenté, médecin assermenté, témoin assermenté. Au Canada, l’usage général d’assermenter dans le sens de faire prêter serment à quelqu’un est correct. En s’adressant au témoin, le juge pourra dire : « Je vais vous assermenter. » ou « Je vais vous faire prêter serment. » 4) L’emploi moderne d’assermenter accompagné d’un complément de chose paraît condamnable. Le Bélisle mentionne cette tournure au sens d’attester qqch. sous serment. Le Trésor de la langue française et le Grand Robert indiquent que cette construction est rare et vieillie. Et même si Cornu mentionne dans son Vocabulaire juridique : « Se dit parfois de l’affirmation accompagnée d’un serment. », il est logiquement difficile de faire prêter serment à une déclaration. On se gardera donc de parler d’une dénonciation [assermentée], on dira : une dénonciation (faite) sous serment. ö COMMISSAIRE. ö PRESTATION. ö SERMENT. 331 ASSESSEUR, ASSESSEURE. Au Canada, les règles de pratique des tribunaux accordent au juge le pouvoir de nommer des assesseurs. 1) L’assesseur (comptable agréé, architecte, médecin) a pour fonction d’assister à l’audience afin d’aider le tribunal à apprécier une preuve techniquement complexe. « Le juge a bénéficié des conseils de deux assesseurs expérimentés. » « J’accepte l’opinion de l’assesseure selon laquelle les contrats à terme portant sur des titres financiers visaient la protection contre les effets de la fluctuation des taux d’intérêt. » La Cour peut demander, d’office ou à la demande de l’une des parties, l’aide d’assesseurs spécialement qualifiés, et entendre et juger une question, en tout ou en partie, avec leur aide. Le vicomte Simon ([1944] A.C. 1962, pages 70 et 71) a décrit les fonctions de l’assesseur dans un procès : c’est un expert que le juge peut consulter s’il a besoin d’aide pour comprendre les conséquences et le sens des définitions d’ordre technique. Il peut, au besoin, transmettre au juge des questions que ce dernier pourrait poser à un témoin expert dans le but de vérifier le point de vue du témoin ou de clarifier le sens de sa déposition. Le juge peut le consulter au besoin sur les conclusions techniques pouvant découler de faits établis ou sur la nature des divergences apparentes survenues entre les experts dans le domaine. « Lors d’une conférence préparatoire au procès, les procureurs des parties, vu les difficultés particulières que présentaient les faits dans cette affaire où on fait appel à des notions d’arpentage, de génie civil et à des us et coutumes en matière de construction de route, ont suggéré avec beaucoup d’à-propos de convenir du choix d’un assesseur, nommé conformément aux dispositions de l’article 492 des Règles de la Cour fédérale, pour assister le président du tribunal. M. Paul Savard, ingénieur-conseil de Québec, a été le choix spontané et unanime des parties, et j’ai ainsi pu bénéficier, tout au cours de l’enquête, de sa longue expérience en construction de route, de ses précieux conseils sur la compréhension technique de la preuve, des us et coutumes en pareille matière et de son appréciation globale de la preuve. » Le rôle de l’assesseur n’est pas de rendre témoignage, bien que parfois il soit assigné à comparaître par une partie à l’instance : « La défenderesse a par ailleurs fait entendre les deux assesseurs du tribunal disciplinaire de même que le directeur de l’établissement. ». Son avis est souvent sollicité par écrit : « Nous avons soumis une 332 question à trois volets à notre assesseur, qui a donné la réponse suivante : ... » En France, l’assesseur est notamment un juge dans une formation de jugement. Assesseur du président du tribunal. Juge assesseur. 2) La mission de l’assesseur ne doit pas être confondue avec celle de l’ami de la Cour (voir AMICUS CURIÆ.). À la différence de l’expert (voir cette entrée), l’assesseur ne procède à aucune expérience extrajudiciaire, sauf dans les cas autorisés par la loi. Ce n’est ni un témoin ni un participant à la procédure judiciaire. 3) Attention au danger d’anglicisme. L’“assessor” peut, dans certains cas, être un évaluateur (voir cette entrée) : évaluateur minier, évaluateur nommé aux termes de la partie II de la Loi sur l’indemnisation des dommages causés par des pesticides du Canada. La personne qui évalue une propriété pour en déterminer le chiffre d’imposition est un évaluateur ou un expert, et non un [assesseur]. 4) Dans la terminologie des assemblées délibérantes, le Comité consultatif de la normalisation et de la qualité du français à l’Université Laval a proposé assesseurconseil comme équivalent de “parliamentarian” pour décrire la personne qui assiste le président, son rôle étant de conseiller celui-ci lorsque le déroulement des débats pose des problèmes techniques difficiles. 5) Assesseur fait partie du vocabulaire des élections : le président d’un bureau de vote et ses assesseurs. Dérivés Assessoral (qui concerne l’assesseur). Assessorat ou assessoriat (qui concerne la charge d’assesseur). Syntagmes Assesseur comptable, médical, nautique. Assesseure spécialement qualifiée. Nomination d’assesseurs. Charge, fonction d’assesseur. Rôle de l’assesseure. 333 Avis, opinion de l’assesseur. Frais de l’assesseure. ö AMICUS CURIÆ. ö ÉVALUATEUR. ö EXPERT. ASSIETTE. Terme figurant dans diverses expressions juridiques : 1) Assiette d’une servitude : partie du fonds servant sur laquelle s’exerce ce droit réel. « Sans doute, à défaut d’entente entre les parties, le juge doit intervenir pour déterminer l’assiette de la servitude. » « L’action du propriétaire d’un fonds enclavé tendant à la fixation de l’assiette du passage ne peut être déclarée irrecevable par ce motif qu’il aurait pratiqué le passage avant la détermination de ladite assiette. » « Demander le changement de l’assiette de la servitude. » 2) Assiette d’une sûreté, d’une hypothèque : « On appelle ‘assiette d’une hypothèque’ les biens qui peuvent être englobés dans l’exercice de l’action hypothécaire. La détermination exacte de l’assiette de l’hypothèque a une grande importance pratique, parce qu’il est nécessaire de savoir au juste jusqu’où s’étend le gage du créancier hypothécaire. » 3) Assiette de l’impôt, assiette d’imposition : base sur laquelle l’impôt est calculé. « Le ministre des Affaires municipales détermine l’assiette de l’impôt foncier. » 4) Assiette d’une rente : Biens sur lesquels une rente est garantie. Syntagmes Assiette de l’amortissement. Assiette des cotisations. Assiette fiscale. Conditions d’assiette. Biens ayant leur assiette à. Ayant une assiette matérielle, ayant leur assiette fictive à. Déterminer, fixer l’assiette de qqch. 334 ASSIGNATION. ASSIGNÉ, ASSIGNÉE. ASSIGNER. 1) Au sens technique qu’a ce terme dans la procédure, l’assignation (ou assignation en justice) est une sommation à comparaître devant le tribunal pour être jugé, pour témoigner ou pour participer à un acte quelconque d’instruction. « Toute partie peut assigner le déclarant à comparaître devant le juge. » « Le procureur demande à l’arbitre qui préside l’enquête de procéder à l’assignation des personnes dont il lui présente la liste. » 2) Ce qu’on entend par la forme fautive [assignation des juges] est la désignation des juges pour l’instruction des causes; l’assignation des jurés (ou du jury) est la sommation faite à des personnes d’exercer les fonctions de juré. En bon français, assignation ne s’emploie avec un complément de personne qu’au sens de sommation; il est donc correct de parler de l’assignation des jurés ou de dire des jurés qu’ils sont assignés, mais dans le cas des juges, on devrait parler de l’assignation des causes aux juges. Par souci d’uniformité avec l’expression précédente, il serait préférable dans certains contextes de parler de l’assignation des procès aux juges : « Le contrôle judiciaire sur les questions mentionnées par le juge en chef Howland, savoir l’[assignation des juges] aux causes (= l’assignation des causes aux juges)... » « Les questions portant sur la composition d’un banc bénéficieraient normalement d’une immunité restreinte, mais permettre qu’elles soient posées dans les circonstances exceptionnelles de la présente affaire ne porterait pas atteinte au pouvoir des juges en chef en général d’[assigner des juges à des causes données] (= d’assigner à des juges des causes données). » 3) En droit administratif, la locution assignation à résidence désigne l’obligation faite à une personne (un immigrant par exemple) de résider en un lieu déterminé pendant une période précise. 4) En procédure, l’assignation à prévenu et l’assignation à témoin portent le nom de citation (voir cette entrée). Les lexicographes ne s’entendent pas sur la question de savoir s’il faut dire assignation à témoin ou assignation de témoin. On trouve les deux dans les lexiques consultés. Dans les textes, la confusion est la même : les Règles de procédure du NouveauBrunswick parlent d’une assignation à témoin, tandis que les Règles de procédure civile de l’Ontario préfèrent assignation de témoin. Généralement, assignation à est 335 suivi d’un infinitif (assignation à produire) et assignation de est suivi d’un substantif (assignation de juré). Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law a retenu les termes assignation de témoin (“witness summons” ou “subpoena” en anglais) et assignation à témoigner (“subpoena ad testificandum”). Notons que assignation comme témoin est correct. 5) En droit civil, assignation de parts est une locution confinée au domaine successoral. Elle désigne la détermination par un testateur ou un donateur de la part des biens attribués à chacun des bénéficiaires. 6) Délivrer, lancer, rédiger, signifier une assignation, et non [émettre]. « L’article 17 habilite un membre de la Commission à délivrer des assignations, à faire prêter serment et à interroger des témoins. » « Le Code criminel exige une dénonciation faite sous serment comme condition préalable à la délivrance d’une assignation. » 7) On ne peut dire [assignation d’un affidavit] ou [assignation de la défense] (“delivery of a reply”). Cet emploi incorrect s’explique par l’extension de sens que l’on donne au terme assignation dans certaines expressions (assignation à résidence par exemple), où assignation signifie injonction. On dira délivrance d’un affidavit (voir règle 31.06b) des Règles de procédure du Nouveau-Brunswick) et délivrance d’une réplique (voir règle 27.07(2)). 8) Le verbe assigner s’emploie surtout dans deux sens. Un sens technique, celui de sommer qqn de comparaître en justice ou, par extension, de sommer une personne de remplir les fonctions de juré (assigner les jurés), et un sens général, celui de déterminer, de fixer, d’attribuer une tâche, une place à qqn. « Les jurés peuvent être assignés d’après le paragraphe c1), de vive voix, si nécessaire. » 9) Dans le sens technique, assigner s’emploie en construction absolue : « Le demandeur peut assigner devant le tribunal du domicile du défendeur. » La construction la plus courante est assigner qqn à ou devant qqn ou qqch. Être assigné à un tribunal, à une Cour. Assigner qqn à un juge. Assigner qqn comme témoin. 10) Les lexicographes ne s’entendent pas sur la construction du verbe assigner pris au sens courant. Certains affirment qu’on peut assigner qqn à une tâche, d’autres, plus nombreux, soutiennent que cette construction est imitée de l’anglais ou qu’elle s’explique par l’analogie avec l’expression affecter qqn à une tâche. Ce sont ces 336 derniers qui ont raison. On assigne une tâche à qqn, une tâche est assignée à qqn. Les compléments utilisés le plus fréquemment dans ces constructions sont les mots date, heure, jour, contenu, tâche, fonction, destination. 11) Dans le vocabulaire commercial, assigner qqch. à qqch. ou sur qqch. signifie affecter, destiner un bien immeuble ou une recette déterminée à la libération d’une dette, ou au paiement d’une rente. « La dotation est l’action d’assigner un revenu à un service ou à un établissement d’utilité publique. » Assigner, c’est constituer, en parlant d’une dette ou d’une obligation à laquelle on attribue une garantie. Assigner une rente sur ses biens. 12) La personne qui est sommée de comparaître, le destinataire de l’assignation n’est pas un assignataire (celui-ci étant le bénéficiaire d’une assignation de parts), mais un assigné. L’assigné qui ne tient pas compte de la sommation est un assigné défaillant. L’assigné est également la personne (l’étranger visé par un ordre d’expulsion, par exemple) qui est tenue de résider en un endroit désigné pendant une période déterminée. Syntagmes Billet, bref, ordonnance d’assignation. Date, lieu, jour d’assignation. Pouvoir d’assignation. Assignation pour outrage au tribunal. Assignation introductive d’instance. Annulation, irrégularité, validité de l’assignation. Délivrer, lancer, signifier une assignation. L’assignation est donnée, est remise à l’assignée. Donner, envoyer, faire, signifier une assignation à qqn. Assigner un juré, un jury. Assigner un jury de vive voix, de mediate linguae (ou : jury mixte au Québec). ASSIMILABLE. ASSIMILATION. ASSIMILER. 337 S’écrit avec un seul l. 1) L’assimilation relève du raisonnement et de la logique juridiques. Très utile au législateur pour l’énoncé d’une règle de droit, au juge pour la motivation de sa décision et à l’avocat pour fonder un argument, le procédé de l’assimilation peut être considéré comme une technique qui permet d’établir une relation d’identité entre deux situations, deux qualités ou conditions, ou encore entre deux personnes semblables ou identiques pour les fins d’application du droit. « L’appelante justifie cette assimilation de l’accord à une transaction civile par le fait que ce règlement doit être déposé par l’arbitre au greffe... Elle prétend que l’entente est assimilable à la transaction de droit commun et qu’elle a donc force de chose jugée entre les parties. » 2) On appelle les deux éléments auxquels s’applique ce procédé l’assimilant (le sujet défini) et l’assimilé (l’objet défini). Dans les deux exemples qui suivent, l’accusé et le gouverneur en conseil sont les assimilants, tandis que le défendeur et le pouvoir exécutif sont les assimilés (« ‘accusé’ Est assimilé à l’accusé le défendeur. » « Je suis convaincu que le gouverneur en conseil ne doit pas être assimilé au pouvoir exécutif comme tel. »). 3) Le procédé de l’assimilation est fréquent dans les lois lorsqu’il s’agit d’énoncer une disposition relative à la capacité (attribution de pouvoirs) et à la présomption. Tel est le cas de la présomption circulaire : « La réclamation relative aux produits ou à la valeur du bien est assimilée à une réclamation relative au bien lui-même. » Par le procédé de l’assimilation, des personnes sont considérées arbitrairement comme semblables d’un certain point de vue, sans avoir souvent entre elles le moindre rapport naturel (des catégories de fonctionnaires sont assimilées à d’autres pour certains avantages). De même, des sommes sont assimilées à des recettes, les frais résultant d’une saisie sont assimilés aux créances de Sa Majesté et un employé est assimilé à un autre employé exerçant des fonctions équivalentes. Enfin, une personne morale est assimilée à une personne physique. Dans le droit des relations de travail, on dit de l’assimilation ou de la suppression du taux maintenu qu’elle s’applique dans le cas où le nouveau taux correspondant au poste reclassifié est égal ou supérieur au taux maintenu actuel. L’assimilation de postes (“jobbing”) est une technique de combinaison de deux postes identiques aux fins d’élaborer une description ou une classification de poste unique. 338 Dans le style des notes marginales, assimilation se construit avec à et omission de l’article : assimilation à fonctionnaire, l’expression elliptique signifiant qu’un groupe visé a le statut de fonctionnaire sans en avoir nécessairement le titre ni la fonction. C’est en ce sens qu’on emploie l’expression les fonctionnaires et assimilés. 4) Le verbe assimiler se construit avec la préposition à. On ne peut pas dire [assimiler avec]. Assimiler signifie généralement être considéré comme : « Le tarif douanier et les droits d’accise de la Colombie-Britannique sont assimilés à ceux du dominion. ». 5) Assimiler correspond, dans les dispositions définitoires, à comprendre ou viser, ou à l’expression s’entend notamment de. Il s’emploie dans les définitions illustratives ou extensives, appelées aussi définitions non limitatives (“includes”) par opposition aux définitions limitatives (“means”). La technique de l’assimilation sert dans les dispositions définitoires à écarter des doutes quant à certaines dénotations d’un concept (« ventes » Est assimilée à la vente l’offre de vente.), à ajouter au sens courant d’un mot un sens artificiel ou fictif, ou encore à préciser le sens d’un mot par souci de commodité en raison d’une situation juridique particulière (« loi provinciale » Y est assimilée une ordonnance du territoire du Yukon ou des Territoires du Nord-Ouest.). Elle sert également à étendre la signification d’un mot (« Sera assimilée à l’impossibilité physique l’impossibilité morale. »), à faire bénéficier certains groupes ou certaines catégories des bénéfices de la loi (en France, par exemple, les dispositions relatives à l’assimilation au salariat, à l’assimilation aux nationaux). Elle sert enfin à donner le même effet juridique à deux actions (« opposition » Est assimilé à l’opposition le fait d’invoquer qu’un transfert est ou serait illégal.) et, par souci d’économie, à éviter la répétition d’expressions telles que le titre d’une loi ou le nom d’un organisme. Ce souci d’économie se retrouve ailleurs que dans les définitions, où assimiler remplace avantageusement de longues expressions : « le produit de la vente étant assimilé aux biens saisis » (= étant traité comme si). 6) Dans la syntaxe de la disposition définitoire, assimiler peut occuper deux positions dans la phrase. Par inversion, il peut être placé au début de la phrase; il est alors précédé du pronom y (« modification » Y est assimilée la reconstruction, à l’exclusion de l’entretien.) ou du pronom personnel approprié (« association » Lui est assimilé un organisme visé au paragraphe 92(1).). Généralement, le sujet et le 339 complément se trouvant côte à côte ne sont pas séparés par la virgule (« action » Sont assimilées à l’action la demande reconventionnelle et la défense de compensation.). Assimilé peut se trouver en position normale, c’est-à-dire entre le sujet et le complément (« cotisation » Une nouvelle cotisation est assimilée à une cotisation.). Dans d’autres contextes, le verbe assimiler est suivi, dans l’ordre normal, lorsqu’il n’y a pas disparité dans la longueur des deux compléments d’objet, du complément direct d’abord, puis du complément indirect (« Bien qu’on ne puisse assimiler l’état d’aliéné (complément direct) à celui d’enfant (complément indirect), il y a manifestement un lien entre ces deux conditions aux fins du droit criminel. »). Lorsque le complément indirect est plus court que le complément direct, il vient en premier lieu, par souci d’équilibre de la phrase (« Le règlement dont le requérant conteste la validité en l’espèce assimile à une rémunération (complément indirect) les sommes payées ou payables (complément direct) à un prestataire au titre d’une pension provenant d’un emploi. »). 7) L’accord du participe passé assimilé dans une disposition définitoire peut présenter une difficulté : l’accord se fait avec le sujet puisque c’est l’auxiliaire être qui accompagne le participe; le sujet se trouve placé après le participe puisqu’il y a une inversion et est précédé de l’article défini (« ‘adresse’ Relativement à un lieu de résidence, bureau, bureau de scrutin ou autre local, est assimilé à l’adresse le code postal de la région où ils se trouvent. »). 8) L’adjectif assimilable peut s’appliquer à une personne comme à une chose : « Selon lui, un juge qui siège en matière d’extradition est assimilable au magistrat qui préside une enquête préliminaire en ce sens qu’il exerce les mêmes pouvoirs et applique à la preuve le même critère. » « Le juge à l’audience d’extradition se trouve dans une situation assimilable à celle du magistrat à l’enquête préliminaire. » Assimilable ayant le sens de semblable est accompagné parfois d’un adjectif (comparable) qui vient illustrer les deux sens complémentaires de l’identité juridique créée par la technique ou le procédé de l’assimilation, soit le semblable et le comparable : « Il nous paraît qu’une personne peut effectuer un travail pour autrui au sens de l’article 21 même si elle ne reçoit pas de rémunération, s’il existe, par ailleurs, entre celui qui fournit le travail et celui qui en bénéficie une relation assimilable ou comparable à celle résultant d’un contrat de louage de services. » 340 ö COMPRENDRE. ö DÉFINITIONS. ASSISTER. 1) Au sens d’aider, d’accompagner, de seconder, le participe passé assisté est suivi de la préposition de : « Assisté de son complice, l’accusé a vidé le contenu du tiroircaisse. » « Il était assisté de deux conseillers juridiques. » Toutefois, lorsqu’il est question d’une aide matérielle apportée à quelqu’un se trouvant dans le besoin, le sens commande l’emploi de la préposition par : « Il faut que les plus démunis soient assistés par les plus favorisés. » Dans la construction pronominale se faire assister, le verbe assister régit la préposition par tout aussi bien que la préposition de : « Le prévenu s’est fait assister de deux avocats. » « Le juge s’est fait assister par l’avocat dans la rédaction de l’ordonnance. » 2) Comme transitif direct, assister s’emploie au sens d’aider (un avocat assiste son client, assister d’office un accusé), mais il s’utilise surtout au sens de remplacer une personne frappée d’incapacité juridique en intervenant dans les actes qui la concernent : « Le curateur assiste le mineur. » « Les avocats inscrits à l’Aide juridique assistent en justice les personnes à faible revenu. » 3) Assister à la passation d’un acte (ou la forme elliptique assister à un acte) signifie être présent physiquement lors de la passation d’un acte. 4) Pour la distinction à faire entre aider et assister, notamment en droit pénal, voir AIDER. ö AIDER. ASSOCIÉ, ASSOCIÉE. Un cabinet d’avocats se compose souvent de “partners” et d’“associates”. Les premiers forment entre eux un “partnership” (une société de personnes). Ils dirigent la société, se partagent les profits qu’elle réalise et répondent conjointement et indéfiniment de 341 ses dettes. On les appelle associés en français. Les seconds sont des employés de la société. Ils travaillent contre rémunération souvent assortie d’un intéressement au chiffre d’affaires que chacun d’eux réalise. Il convient donc d’éviter le terme associé pour rendre “associate”, ce qui pourrait avoir pour effet d’exposer celui-ci au même régime de responsabilité que les vrais associés (“partners”). Un équivalent possible pour “associate” serait le terme collaborateur qui, en France et en Belgique, désigne un avocat exerçant tout ou partie de son activité dans un cabinet d’avocats, contre rémunération. Il est à noter, cependant, que le mot “associate” peut aussi s’employer dans un sens plus large et inclure les “partners” ainsi que d’autres personnes participant à l’activité de l’organisme en question. Dans ce cas, associé pourra convenir, car ce terme a aussi un sens large et peut viser toute personne unie à d’autres par une communauté d’intérêt ou de travail. “Associate” peut également avoir une connotation péjorative. On le rendra alors par complice, comparse, acolyte. ASSORTIR. Se conjugue comme finir et non comme sortir. Nous assortissons. Dans le style juridique, assortir s’emploie au sens de compléter, d’accompagner, et se construit avec la préposition de. « Il faut assortir le contrat d’une clause de sauvegarde. » Plainte assortie d’une demande de dommages-intérêts. ASSUMER. ASSURER. 1) Assumer signifie prendre à son compte, prendre sur soi, se charger de. On peut donc assumer une obligation, une responsabilité, un risque, ou assumer une charge, un emploi, une fonction, un rôle, une tâche. « Le tribunal lui a ordonné d’assumer entièrement la charge de l’éducation des enfants. » Pour nuancer l’expression de la pensée, il convient de maintenir la distinction 342 traditionnelle entre assumer (suivi d’un complément exprimant un point précis dans le temps) et les verbes exercer ou remplir : on assume une fonction le jour où l’on prend son poste; on l’exerce ou on la remplit par la suite. À cet égard, on distinguera aussi assumer et assurer. Le premier s’emploie, on l’a dit, lorsque le complément exprime un point précis dans la durée, un acte survenu à un certain moment, tandis que le second signifie avoir, accomplir, et le complément exprime une durée indéterminée, indéfinie. « Le président est le premier dirigeant de la commission; à ce titre, il en assure la direction et contrôle la gestion de son personnel. La présidence est assumée par le vice-président en cas d’absence ou d’empêchement du président ou de vacance de son poste. » « Le président [assume] (= assure) la direction du conseil. » 2) On donne souvent au verbe assumer des acceptions anglaises qu’il n’a pas en français, et on dit à tort : « Nous [assumons que] la Cour tiendra compte de nos arguments. », alors qu’il faut dire « Nous émettons l’hypothèse, posons en principe, postulons, présumons, supposons, tenons pour établi que la Cour ... ». [Assumer que (“to assume”)] et le substantif [assomption (“assumption”)] pris en ce sens ne se disent pas. 3) En responsabilité délictuelle, on parle de l’acceptation des risques et non de l’[assomption] des risques. Bien qu’on puisse assumer un risque, on dit plutôt accepter un risque. 4) Assumer ne se dit pas de ce qui comporte l’idée d’argent, de dette, de finance, de paiement. Ainsi, l’intimé ne pourra pas [assumer] les frais de l’appel, mais il les supportera, les prendra à sa charge. De même, le bureau d’avocats dira à ses clients de l’extérieur qu’il accepte ou qu’il paie les frais d’appel, et non qu’il les [assume]. 5) Notons qu’assumer s’emploie au sens de prendre à son compte, se charger de, avec un complément désignant un acte répréhensible, ses conséquences : assumer un délit, une faute, c’est s’en reconnaître coupable. 6) Sous la forme participiale, [assumé] se rencontre dans des constructions impersonnelles et comme épithète; dans le premier cas, il convient de le remplacer par les locutions être réputé ou être présumé, selon les contextes : « Il est présumé qu’elle est innocente. » « L’innocence est toujours présumée. » (= Il y a toujours présomption 343 d’innocence) « L’aide financière est réputée avoir été définitivement suspendue. »; dans le second cas, ce sont les concepts d’hypothèse, de théorie, de fiction qui permettront de trouver le mot juste : distance fictive, pondérée plutôt que distance [assumée], hausse retenue comme hypothèse plutôt que hausse [assumée]. De même, on ne dit pas un nom [assumé] (“assumed name”), mais un nom d’emprunt. « La personne qui signe une lettre d’un nom commercial ou d’un nom d’emprunt contracte les mêmes obligations que si elle l’avait signée de son propre nom. » La liste qui suit énumère les compléments les plus fréquents utilisés avec le verbe assumer, correctement ou incorrectement employé, et les équivalents verbaux proposés. Bien : prendre en charge Charge : assumer Compétence : exercer Contrat : souscrire Dette, endettement : prendre en charge Devoir : assumer, se charger de, s’engager Droit, qualité ou titre : s’attribuer, et péjor. s’arroger Engagement : assumer, prendre Fardeau du risque : accepter, assumer, prendre en charge Hypothèque : prendre en charge Nom : adopter, emprunter, prendre (un faux nom) Obligation(s) : accepter, assumer, prendre à son compte, prendre en charge Paiement : prendre en charge Perte : accepter, prendre en charge Pouvoir : assumer, exercer Propriété : entrer en possession, faire acte de propriétaire Responsabilité : accepter, assumer, engager, prendre, prendre en charge Risque(s) : accepter, prendre, prendre en charge ö PRÉSOMPTION. ö SUPPOSER. ASSURER ö ASSUMER. 344 ASTREINDRE. ASTREINTE. 1) En emploi transitif, le verbe astreindre, au sens d’assujettir, de contraindre, de forcer, d’obliger strictement qqn à qqch., se rencontre dans certaines tournures juridiques. Il est accompagné de la préposition à : le sujet peut être une personne (« L’avocat est astreint au secret professionnel. » « Les personnes astreintes au secret professionnel n’encourent aucune peine lorsqu’elles informent les autorités administratives chargées des actions sanitaires et sociales des sévices ou privations sur les mineurs. »), le sujet peut être des mots abstraits comme loi, règlement, ordonnance (« La loi astreint les contribuables à déclarer leur revenu. »). Astreindre s’emploie à la forme pronominale réfléchie au sens de s’imposer un effort : « Avant d’entendre la cause, le juge s’est astreint à relire toutes les pièces du dossier. » 2) Dans le vocabulaire des conventions collectives, on trouve parfois au Canada, mais plus souvent en France, le terme astreinte, lequel correspond, dans le cas d’un salarié, à une obligation de disponibilité ou à une période de disponibilité, c’est-à-dire à une période pendant laquelle le salarié ne doit pas quitter son domicile et doit être prêt à répondre aux appels de l’employeur. On emploie couramment au Canada les termes attente et disponibilité (en anglais, “stand-by”). Être d’astreinte, être en astreinte, heures d’astreinte, indemnité d’astreinte, période d’astreinte, prime d’astreinte, rémunération pour astreinte, rémunération d’heures d’astreinte, travailleur en astreinte. 3) Le terme astreinte désigne en droit civil français une condamnation pécuniaire prononcée à tant par jour de retard en vue d’amener le débiteur d’une obligation à s’exécuter. Syntagmes Astreinte compensatoire, définitive, comminatoire, provisoire, arbitraire. Condamner qqn à une astreinte, infliger une astreinte à qqn, prononcer une astreinte contre qqn. Déterminer le taux et la durée de l’astreinte, fixer l’astreinte à tant par jour. Liquider, réviser l’astreinte. 345 ö DISPONIBILITÉ. ATERMOIEMENT. ATERMOYER. 1) Atermoiement s’écrit avec ie et ne prend qu’un seul t dans la deuxième syllabe. Dans le langage courant, ce terme s’emploie surtout au pluriel au sens de tergiversation, de remise à plus tard d’une action. A un sens voisin de temporisation (voir TEMPORISATION), soit le défaut d’agir, par calcul, dans l’attente du moment propice, parfois en recourant à des moyens dilatoires (voir DILATOIRE). Raisons d’atermoiements. Chercher des atermoiements. « Nous ne pouvons plus nous permettre d’autres atermoiements, il faut prendre une décision maintenant. » Au singulier, atermoiement est un terme juridique qui appartient au droit commercial. Il désigne le délai accordé par un créancier à son débiteur pour lui permettre de se libérer. Le contrat d’atermoiement (appelé aussi concordat, pacte d’atermoiement) est un concordat amiable aux termes duquel le débiteur s’engage à régler toutes ses dettes, mais avec un certain retard, moyennant des garanties supplémentaires. La Loi sur la faillite prévoit que l’atermoiement (“extension of time”) peut être conclu aux termes d’une proposition appelée proposition concordataire (“proposal”). L’action de permettre à un débiteur de reporter le paiement de sa dette devenue exigible est appelée aujourd’hui le sursis de paiement (voir SURSEOIR) ou le report d’une dette (voir REPORT). Dans l’exemple suivant, atermoiement emprunte à la fois les sens courant et juridique du mot pour désigner une sorte d’entente amiable conclue avec qqn : « En cas de prestations payées en trop par suite de déclarations fausses ou trompeuses, la Commission jouit d’un délai additionnel pour examiner ces cas. En pareille occurrence, elle a le pouvoir additionnel d’infliger une pénalité administrative du triple du taux des prestations. On est loin ici de l’idée de conciliation et d’atermoiement avec les prestataires. » 2) Atermoyer. S’écrit avec un seul t. Change l’y en i devant un e muet : j’atermoie, 346 mais j’atermoyais. Signifie, dans le vocabulaire du droit commercial, accorder un délai de paiement. Atermoyer un paiement ou un règlement, c’est en prolonger les termes. Cette forme est signalée comme vieillie; on dit aujourd’hui surseoir au remboursement ou reporter le remboursement d’une dette. L’emploi pronominal s’atermoyer, qui forme la locution s’atermoyer avec ses créanciers, c’est-à-dire s’entendre avec eux pour reporter le règlement de la dette, est vieilli. On dirait aujourd’hui s’entendre avec ses créanciers pour, suivi de l’infinitif approprié. Syntagmes Atermoiement amiable, judiciaire. Atermoiements échelonnés. Atermoiement d’une lettre de change, atermoiement de dette. Contrat, concordat, pacte d’atermoiement. Intérêts d’atermoiement ou intérêts moratoires. Lettres d’atermoiement. Demander un atermoiement. Admettre, arranger un atermoiement. Moyennant un atermoiement. Atermoyer un paiement, un règlement. Payer le capital et atermoyer les intérêts ou le paiement des intérêts. ö CONCORDAT. ö DILATOIRE. ö MORATOIRE. ö REPORT. ö SURSEOIR. ö TEMPORISATION. ATTACHE. ö ANNEXION. ATTAQUABLE. ATTAQUE. ATTAQUÉ, ÉE. ATTAQUER. 347 1) Pour le sens concret du terme attaque et de ses dérivés, voir attaque ci-dessous. 2) Dans le langage du droit, attaquer s’emploie au figuré avec un complément de personne ou de chose. Avec un complément de personne, attaquer a deux sens : intenter une action en justice (« Le plaignant a attaqué en justice son employeur. ») et déposer contre qqn (« Il a attaqué son meilleur ami devant le tribunal »). Avec un complément de chose, attaquer signifie contester l’applicabilité, le bien-fondé, la validité d’un acte, d’une loi, remettre en question une procédure, une instance, arguer (de faux), combattre qqch. de façon appropriée, contester un droit. Attaquer un contrat entaché d’erreur. Attaquer un contrat pour cause de lésion. « La province a décidé d’attaquer la constitutionnalité de la loi. » « Le juge a attaqué de front le principe de l’acceptation du risque. » « Seuls le procureur général ou la personne qu’il autorise peuvent invoquer l’absence d’autorisation pour attaquer une poursuite. » « Le débiteur attaque les droits du créancier. » « L’intimé qui veut attaquer une partie du jugement contre laquelle l’appelant ne se pourvoit pas doit obtenir l’autorisation de former ce pourvoi incident. » La forme pronominale s’attaquer à s’emploie également en ce sens : « L’intimée s’attaque à la somme accordée par le premier juge à titre de profits et de frais incidents. » Attaquer signifie aussi chercher à diminuer, à détruire par la critique, critiquer la valeur de qqch., s’en prendre à qqch., et s’utilise dans des expressions comme attaquer les abus, les préjugés (le pronominal s’attaquer à s’emploie en ce sens), attaquer la thèse de la défense, attaquer le raisonnement de l’adversaire, attaquer la crédibilité du témoin, attaquer une opération, une transaction. Dans l’exemple suivant, attaquer est suivi du complément de personne et du complément de chose : « Le lord juge en chef Holt a déclaré : ‘Le jugement peut être attaqué suivant une procédure appropriée, mais je ne dois pas être attaqué pour mon jugement’. » 3) Le substantif attaque s’emploie en droit au sens figuré pour désigner notamment l’argumentation, la contestation que soulève une partie à l’instance : « L’attaque de l’appelant était axée principalement sur des moyens de procédure et de compétence. ». 348 Pour d’autres emplois du terme attaque au sens figuré, voir ce mot. Le terme juridique attaque indirecte (“collateral attack”) a trait à une contestation soulevée au cours d’une instance, visant à contester indirectement l’ordonnance d’une cour supérieure, dans le cas par exemple d’une autorisation d’écoute électronique. « La question de l’attaque indirecte peut se formuler de la façon suivante : en l’absence d’une requête en annulation de l’autorisation, un juge du procès peut-il, à ce titre, examiner la validité de cette autorisation afin de déterminer sa recevabilité en preuve? » « Le premier jugement avait donc été attaqué régulièrement au moyen d’une action directe. Le second jugement, n’ayant fait l’objet d’aucun appel ni d’aucune attaque indirecte, liait les parties. » 4) Attaqué se dit d’un acte, d’une décision, d’un jugement frappé d’appel et, par extension, de toute décision contre laquelle un recours a été exercé. Arrêt attaqué. Ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué. « La partie contre laquelle la Cour ou un autre tribunal a rendu un jugement peut demander à la Cour un sursis à l’exécution du jugement attaqué. » « Je suis d’avis d’accueillir la demande fondée sur l’article précité et d’annuler la décision attaquée. » 5) Attaquable signifie susceptible d’être contesté. Décision, ordonnance attaquable. Testament attaquable. ö ARGUER. ö ATTAQUE. ö CONTESTER. ATTAQUE. 1) En matière de légitime défense, attaque s’emploie souvent de façon interchangeable avec agression (pour la différence entre ces deux termes, voir AGRESSER). 2) Attaque peut être suivi de la préposition de. Mais cette construction risque de prêter à confusion si le complément est un être vivant : « L’attaque des policiers s’est produite peu après la manifestation. ». S’agit-il de l’attaque commise par les policiers ou de celle dont ils ont été victimes? La difficulté disparaîtra s’il s’agit d’un complément de chose, même si attaque vise aussi bien le fait d’attaquer que celui d’être 349 victime d’une attaque : l’attaque de la banque ou une attaque d’épilepsie. Pour lever l’ambiguïté, les textes juridiques ont recours à la préposition contre : « Plusieurs raisons ont été invoquées pour limiter la légitime défense à l’attaque contre les personnes. » « Toutefois, en cas d’attaque contre les biens, la proportion entre la défense et l’attaque doit être beaucoup plus rigoureuse ». On relève également la construction avec la préposition sur lorsque le verbe commettre ou perpétrer est utilisé ou est sous-entendu dans la phrase : « On qualifiera d’agression l’attaque commise sur un passant isolé par un seul homme ou un très petit groupe de malfaiteurs. » Dans son sens figuré de critiques contre qqch. ou de paroles ou écrits hostiles ou injurieux, on relève les constructions avec les prépositions contre (les attaques contre les témoins), envers (les attaques envers le chef de l’État) et, plus rarement, à (« Les lois antérieures de la presse ne prévoyant pas le cas d’attaque à la mémoire des morts, une grave controverse s’était élevée. »). Syntagmes Attaque à main armée. Attaque nocturne. Attaque dirigée contre une personne. Auteur de l’attaque, victime de l’attaque (également la personne attaquée). Commettre, perpétrer une attaque. Empêcher, prévenir une attaque. Éviter l’attaque. Repousser une attaque. Résister à une attaque, riposter à une attaque. Se défendre contre une attaque. ö AGRESSER. ö ASSAILLANT. ö ASSAUT. ö ATTAQUABLE. ö ATTENTAT. ö VOIE DE FAIT. 350 ATTEINDRE. Les lettres gn sont suivies d’un i à la première et à la deuxième personne du pluriel du subjonctif présent, notamment : que nous atteignions, que vous atteigniez. 1) Atteindre s’emploie d’abord temporellement au sens de parvenir à un point dans le temps (atteindre la majorité, l’âge de vingt et un ans). À la forme participiale, atteint s’emploie adjectivement au sens de troublé du point de vue mental : délinquant atteint d’un désordre mental, détenu atteint de maladie mentale, de psychose, de psychopathie sexuelle criminelle, d’aliénation mentale. 2) Il peut avoir le sens de causer un préjudice : acte arbitraire punissable qui atteint la Constitution. « L’auteur de la diffamation l’a faite dans l’intention d’atteindre l’honneur de la personne contre laquelle il l’a dirigée. » L’emploi transitif direct de la dernière partie de cet exemple est rare aujourd’hui, on utilisera de préférence porter atteinte à. 3) Il a souvent aussi le sens de frapper, d’être frappé de : « ... et cette nullité atteint par la suite le jugement qui s’appuie sur cette disposition pour relâcher le prévenu. » « Ainsi un contrat hypothécaire serait atteint d’une nullité absolue... ». Jugement atteint de péremption, atteint de nullité. 4) Dans un sens assez proche du précédent, en parlant d’une infraction, il peut signifier s’appliquer à et viser aussi bien une chose qu’une personne : « Ainsi, ce n’est plus seulement celui qui aurait porté les armes contre la France qu’atteignait l’article 75... » 5) Atteindre s’emploie à l’égard d’une chose ou d’une personne au sens d’affecter (voir ce mot), de viser : « Aucun recours civil pour un acte ou une omission n’est suspendu ou atteint du fait que l’acte ou l’omission constitue une infraction criminelle. » « Nul n’a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée, et un tel consentement n’atteint pas la responsabilité pénale d’une personne par qui la mort peut être infligée. » « Le syndic convoque immédiatement une assemblée des créanciers en adressant par courrier recommandé, à chaque créancier connu qu’atteint la proposition... » « La même prohibition atteint les magistrats en activité. » 351 6) On le retrouve aussi dans la locution archaïque être atteint et convaincu (p. ex. de vol, de meurtre), que l’on remplacera aujourd’hui par être coupable de vol, de meurtre. 7) Tous les ouvrages de grammaire condamnent la tournure être atteint par la limite d’âge. On dira : atteindre la limite d’âge ou parvenir à la limite d’âge. ATTEINTE. INVASION. 1) Selon les grammairiens, porter atteinte à s’emploie avec un complément de chose et nuire à avec un complément de personne : on dira donc porter atteinte à un privilège, mais nuire à autrui. 2) La locution verbale porter atteinte à signifie causer un préjudice, entraver, miner, affecter : porter atteinte aux lois, à l’équité. Elle s’oppose à l’expression subir une atteinte, laquelle a une valeur passive. 3) Atteinte s’emploie au figuré au sens de coup porté, d’outrage, d’attaque, de violation : ainsi, dans le vocabulaire parlementaire, atteinte à la Chambre (“reflection”) et atteinte au privilège de la Chambre (“breach of privilege”). 4) Atteinte figure dans diverses appellations d’infractions ou de délits en France et au Canada (voir plus bas). Le Code criminel canadien réprime les atteintes à la vie privée (“invasion of privacy”). Dans cet exemple, il faut éviter l’emploi du mot invasion, qui, en français, ne s’utilise que pour désigner la pénétration belliqueuse de forces armées d’un État sur un territoire ou l’action d’envahir ou de se répandre dangereusement. Le mot atteinte servira d’ordinaire d’équivalent aux termes anglais “infringement”, “injury”, “interference” et “trespass” : “infringement of a right” — atteinte à un droit. “infringement of national patent” — atteinte au brevet national. “interference with property” — atteinte à un bien. L’atteinte est une notion fondamentale du droit de la responsabilité civile délictuelle. Le terme entre dans la construction de nombreux syntagmes : atteinte à l’honneur, atteinte à la réputation, atteinte à la personne (« Un des actes délictuels les plus anciens reconnus par le droit médical anglais est celui de l’atteinte à la personne. »). Atteinte à la possession mobilière. Atteinte avec violence. Atteinte accidentelle. Bref d’atteinte. Bref d’atteinte sur cas 352 d’espèce. Commettre une atteinte. Syntagmes Auteur d’une atteinte. Commettre une atteinte. Atteinte portée à la propriété, porter atteinte à la propriété. Porter atteinte à l’autorité de la justice (en France comme équivalent de l’outrage au tribunal), aux intérêts de qqn, aux conditions de la concurrence. Atteinte à l’autonomie, au crédit, à la sûreté de l’État. Atteinte à la liberté de travail, au marché public. Atteinte à la crédibilité de l’accusé. Atteinte à l’intégrité du territoire. Atteinte à l’intégrité corporelle, physique. Atteinte aux intérêts personnels. Atteinte au droit moral, au droit d’auteur. Atteinte à la pudeur (voir ATTENTAT). Atteinte à la vie privée. Atteinte portée à la liberté des personnes, à la liberté individuelle, à la moralité, à la paix publique, à la possession mobilière. Atteinte accidentelle, rétroactive, intentionnelle, directe, indirecte. Atteinte matérielle, morale, corporelle, juridique. Action pour atteinte sur cas d’espèce (“action of trespass”), action en atteinte directe (“action on the case”, “action of trespass on the case” ou “trespass on the case”). ö ATTAQUABLE. ö ATTENTAT. ATTENANT, ANTE. CONTIGU, UË. CONTIGUÏTÉ. Dans contiguë et contiguïté, le tréma ne porte pas sur le u, mais sur la voyelle suivante. Attenant, contiguë et contiguïté se disent, au sens propre, d’un bâtiment, d’un bienfonds, d’une chose qui touche à une autre ou de deux choses qui se trouvent en contact. Des biens-fonds attenants, contigus. La contiguïté des terrains. Attenant exprime une relation de proximité et se dit surtout d’un bâtiment dépendant d’une chose principale, d’une chose considérée par rapport à une autre chose à laquelle 353 elle tient comme accessoire, alors que contigu se dit de deux choses qui se touchent immédiatement sur une grande distance, il suppose un contact. Des dépendances attenant au bâtiment principal. Lot contigu au chemin de halage. Attenant et contigu s’emploient soit avec un complément, lequel est précédé de la préposition à, soit absolument. Dans ce dernier cas, contigu est toujours au pluriel, le singulier serait un illogisme, tandis qu’attenant peut s’employer au singulier ou au pluriel. Ainsi, on ne peut pas dire : un lot [contigu] ou vendre le lot [contigu]. Éviter la construction [contigu avec]. « La propriété attenante à la résidence a été vendue séparément. » « La maison et le jardin attenant ont été vendus aux enchères. » « La salle d’audience est contiguë au greffe. » « Le géomètre a délimité les deux propriétés contiguës. » « Les deux propriétés attenantes ont été vendues un mois avant leur expropriation. » « Ces deux terrains sont contigus. » ö ADJACENT. ö MITOYEN. ATTENTAT. 1) Les dictionnaires et les grammaires indiquent qu’attentat se construit avec la préposition à, si le complément désigne une chose abstraite, et avec la préposition contre, s’il désigne une chose concrète ou une personne. Cette règle n’est toutefois pas toujours respectée. La préposition à s’est imposée dans certains syntagmes comme attentat à la pudeur, attentat aux mœurs, attentat à la vie; ces expressions sont elliptiques, la locution verbale portant atteinte étant sousentendue : attentat (portant atteinte) à la pudeur. Contre s’emploie systématiquement dans le cas d’une personne (attentat contre le chef de l’État). Dans le cas de choses abstraites, on trouve indifféremment les deux constructions dans les textes juridiques même si la construction avec la préposition contre est jugée vieillie (attentat à la sûreté de l’État, contre la sûreté de l’État; attentat à la vie de qqn, contre la vie de qqn; attentat à la liberté individuelle, contre la liberté du citoyen; attentat à la propriété, contre la propriété; attentat aux droits de l’individu, contre les droits de l’individu). Utilisé avec le substantif attentat, le verbe diriger exige la construction avec la préposition contre : attentat dirigé contre la sûreté extérieure de l’État, attentat dirigé contre la personne du souverain. 354 La construction avec la préposition sur est également possible avec certaines expressions : attentat à la pudeur sur une jeune fille, sur la personne d’un enfant. Dans ce cas, les verbes commettre ou perpétrer sont sous-entendus. Mais il est également possible de découper différemment l’expression et de dire attentat à la pudeur d’une personne du sexe masculin. La réforme des infractions sexuelles effectuée au début des années 1980 au Canada a fait disparaître l’appellation attentat à la pudeur. La préposition à s’emploie également pour indiquer le moyen grâce auquel l’attentat est perpétré : attentat à la bombe, à la dynamite, attentat au plastic. 2) Attentat se disant normalement pour des personnages importants, on emploiera agression dans les autres cas : commettre une agression contre qqn. Employé en ce sens, assaut, comme dans [assaut indécent] est un anglicisme (voir ASSAUT). 3) Il convient d’éviter la préposition de après attentat sous peine de commettre un contresens : L’attentat [du] président Reagan voudrait dire que le président Reagan était l’auteur de l’attentat. Syntagmes Auteur, victime d’un attentat. Danger, menaces, mesures d’attentat. Attentat criminel. Se rendre coupable d’un attentat. Déjouer, préparer un attentat. Attentat tenté, commis, perpétré, exécuté, consommé. ö ASSAUT. ATTENTATOIRE. Se construit avec la préposition à : « Le principe de modération exige que le moyen d’investigation le plus attentatoire à la vie privée ne soit choisi que dans les cas les plus graves. ». Acte attentatoire à la Constitution. Action attentatoire à l’autorité. Mesure attentatoire aux droits, à la liberté. 355 S’emploie surtout au sens de qui va contre l’autorité des principes inscrits dans la loi : jugement attentatoire à la loi. Attentatoire peut être remplacé, selon les contextes, par portant atteinte à, dérogatoire, dommageable, préjudiciable, opposé, contraire, injuste, hostile. ATTENTER. Aujourd’hui, ce verbe se construit presque toujours avec la préposition à : attenter à la vie de qqn, attenter à ses jours, attenter à l’honneur de qqn. Faits qui attentent à la pudeur. Les constructions avec les prépositions contre et sur sont vieillies, sauf avec les verbes commettre et perpétrer : commettre un attentat contre qqn. ATTÉNUANT, ANTE. ATTÉNUATION. ATTÉNUER. 1) Atténuant s’emploie dans deux syntagmes au sens de qui diminue la gravité de qqch. : 1) circonstance atténuante (le plus souvent au pluriel), soit le fait qui, atténuant la responsabilité de l’accusé, entraîne l’application d’une peine moins sévère à l’appréciation du juge, locution qui s’oppose à circonstance aggravante (voir AGGRAVANT); 2) excuse atténuante, c’est-à-dire qui entraîne une atténuation de la peine : excuse atténuante de minorité, excuse atténuante de provocation. 2) Atténuation a le sens d’adoucissement, d’affaiblissement, de diminution, de réduction. S’emploie dans les locutions atténuation des peines (ou de peine), soit la réduction de la peine infligée par rapport à celle qui était normalement encourue du fait de l’infraction, atténuation d’une condamnation, c’est-à-dire la diminution des charges qui pèsent sur un accusé : atténuation de faute, atténuation de faits. Dans le droit de la responsabilité civile délictuelle, on ne dit pas [atténuation des dommages], mais limitation des dommages-intérêts, limitation du préjudice pour rendre les termes anglais “mitigation of damages” ou “mitigation”. Le terme peine commande l’emploi d’allégement; et on dit réduction pour des dommages-intérêts, s’il n’est pas question de leur limitation : « La provocation constitue une circonstance pouvant justifier l’allégement de la peine; dans les affaires civiles, la provocation justifie une réduction des dommages-intérêts. » 356 Atténuation renvoie à une qualité, tandis que réduction renvoie à la quantité. Mimin dénonce [atténuation] du préjudice parce que, dit-il, l’équité comme le droit exigent la réparation exacte du préjudice. L’allocation peut être limitée (elle est alors inférieure à la demande), elle peut être réduite, mais elle n’est pas [atténuée]. En droit pénal canadien, on trouve le concept de l’atténuation de la responsabilité : « La jurisprudence reconnaît que l’anomalie mentale puisse être une cause d’atténuation de la responsabilité. » 3) Les remarques faites pour le substantif atténuation s’appliquent au verbe. Atténuer s’emploie au figuré : atténuer une peine, c’est la rendre moins grave. Atténuer la gravité d’un délit. « Les circonstances ont atténué le délit. » En droit pénal canadien, s’il s’agit de l’effet du plaidoyer sur la peine, on parle de la culpabilité atténuée par le plaidoyer (cette culpabilité s’oppose à la culpabilité aggravée). « Lorsqu’un plaidoyer de justification est invoqué et que l’accusé est déclaré coupable, le tribunal peut, en prononçant la sentence, considérer que la culpabilité de l’accusé est aggravée ou atténuée par le plaidoyer. » L’expression consacrée pour désigner l’effet d’une anomalie mentale (voir ANOMALIE) sur l’accusation de meurtre est celle de la responsabilité atténuée. (“diminished responsability” en anglais). Dans l’usage courant, atténuer s’emploie notamment au sens d’excuser (raisons qui atténuent une faute), d’aplanir (atténuer une difficulté, un désaccord) et de diminuer (atténuer les effets d’une maladie, les effets de la loi). ö AGGRAVANT. ö AGGRAVATION. ö AGGRAVER. ö ANOMALIE. ö MITIGATION. ATTERRISSEMENT. Orthographe : deux r. 357 Dans le droit des biens, on distingue l’atterrissement (“deposit of earth”), soit le dépôt de terre qui s’élève du lit d’un cours d’eau, de l’accroissement (voir ce mot), lorsque ce même dépôt de terre rejoint la rive. Ces deux termes sont parfois employés de façon interchangeable. « Les autres atterrissements qui se forment subitement ou qui s’élèvent au-dessus du lit sans adhérence à la rive s’appellent îles ou îlots, ou conservent même seulement le nom générique d’atterrissement. » ö ACCROISSEMENT. ATTESTATION. ATTESTER. 1) Le verbe attester a deux sens. Lorsque le sujet du verbe est une personne, attester signifie rendre témoignage d’un fait verbalement ou par écrit, certifier : « Le témoin atteste la vérité de sa déclaration » ou « atteste que sa déclaration est vraie. » « J’atteste avoir été directement le témoin de ces faits. » « L’avocat atteste la passation du testament. » Lorsque le sujet du verbe est une chose, attester signifie servir de témoignage, contester : « Ce document atteste la vérité des faits. » « Le bordereau attestant l’achat a été produit au procès comme pièce no 1. » « Sa conduite atteste sa bonne foi. » « C’est un fait attesté. » 2) Attester est toujours transitif direct. Il ne faut pas suivre l’habitude très répandue dans nos lois et notre jurisprudence, et qu’attestent certains dictionnaires, de considérer ce verbe comme un transitif indirect et dire, par exemple, attester [de] la validité du testament, attester [d’] une procédure. Cette faute s’explique par la contagion avec témoigner, synonyme d’attester, qui, lui, demande le de. Attester se construit avec une proposition introduite par que et non de ce que : « Le témoin atteste que la copie est conforme. » « Le défendeur atteste que l’accident s’est produit à minuit. » 3) L’attestation, c’est, d’une part, l’action d’affirmer l’existence, la réalité d’un fait (« À la demande de la partie rédactrice de l’acte, le témoin instrumentaire a procédé à l’attestation du document. ») et, d’autre part, l’écrit, la pièce qui certifie un fait : « La 358 clause ou formule d’attestation a été souscrite par le témoin instrumentaire et la clause ou formule de signature a été souscrite par le testateur. » Dans les formulaires, les déclarations, c’est attestation qui correspond à l’anglais “certification”. En droit fiscal, on parle de l’attestation des qualités d’un bien culturel aux fins de l’impôt sur le revenu et de l’attestation de conjoint (crédit d’impôt pour enfant). Ce qui distingue l’attestation du certificat, c’est que le premier terme désigne toute déclaration, toute affirmation, verbale ou écrite, alors que le second désigne l’attestation écrite, officielle ou dûment signée d’une personne autorisée. 4) [Attestateur] ou [attesteur] n’existent pas. Il s’agit de calques de l’anglais “attester” (ou de ses variantes “attestor”, “attestator” ou “attestant”). On trouve, selon les contextes, attestataire, auteur de l’attestation, certificateur, déposant, témoin, témoin certificateur et témoin instrumentaire. Syntagmes Attestation d’approbation, de bonne conduite. Attestation du jugement (“certificate of judgment”). Attestation de nomination, de signature. Attestation d’un contrat de vente, d’un document, d’un instrument. Attestation du résultat du scrutin (“certificate of court”). Attester un contrat, un privilège, une signature. Attester par affidavit, par signature, par témoin. Attester sous le sceau, sous serment. ö CERTIFICAT. ö DE CE QUE. ATTROUPEMENT. Le Code criminel du Canada définit l’attroupement illégal (“unlawful assembly”) comme la réunion de trois individus ou plus qui, dans l’intention d’atteindre un but commun, s’assemblent ou, une fois réunis, se conduisent de manière à faire craindre pour des motifs raisonnables qu’ils ne troublent la paix tumultueusement. Par exemple, 359 une émeute est un attroupement illégal qui a commencé à troubler la paix tumultueusement. Assemblée légitime devenue attroupement illégal. Participer à un attroupement illégal. Un attroupement a lieu. Synonyme : rassemblement tumultueux. Dans le langage juridique, attroupement ne s’applique qu’à des personnes. Dans l’usage courant, il se dit parfois des animaux. AUBAIN. Ce terme issu de l’époque féodale, que Pothier assimile, avec l’épave, aux serfs lorsque l’aubain ne se connaît pas de racines géographiques, a servi à désigner jusqu’à récemment, en droit international privé, l’étranger non naturalisé dans le pays où il demeure, la personne née dans un pays étranger et qui doit son allégeance à ce pays. Le terme est encore présent dans les premières éditions de nos traités administratifs : « Au Québec, bien que l’on ait tendance à accorder, dans le recrutement, une certaine préférence aux Canadiens résidant au Québec, les aubains peuvent être admis dans la fonction publique s’ils prêtent le serment d’allégeance requis... Au fédéral, par contre, la loi est formelle : les citoyens canadiens ont toujours ‘priorité’ d’admission sur les aubains. » Il est également présent dans les anciennes lois (Acte à l’effet de restreindre l’importation et l’emploi des aubains, Loi sur le travail des aubains), dans la Loi constitutionnelle de 1867, au point 25, à propos du pouvoir fédéral de légiférer en matière de naturalisation et d’aubains. Il s’emploie sous forme de doublet avec le terme étranger : « Il est illégal pour toute personne, compagnie, société ou corporation, de payer d’avance, de quelque manière, le transport, ou, par quelque moyen, d’aider, encourager ou solliciter l’importation ou l’immigration d’un aubain ou étranger au Canada... » (“alien or foreigner”). Tout comme son équivalent anglais “alien”, aubain est disparu presque entièrement des lois du Canada depuis l’avènement de la Charte des droits et libertés. On ne le trouve plus dans les lois sur la citoyenneté et l’immigration. ö ÉTRANGER. 360 ö FÉODAL. AUCUN. 1) De façon générale, aucun, adjectif indéfini ou pronom indéfini, se construit avec la particule ne ou la proposition sans en emploi négatif et appelle le singulier. « Aucune des personnes interrogées ne s’est étonnée du comportement de l’accusé. » « Je n’ai aucun doute sur la sincérité de son témoignage. » « Il l’a déclaré coupable sans aucune hésitation. » Noter qu’aucun employé avec sans peut se postposer pour ajouter à l’expression un accent d’insistance : « Il l’a déclaré coupable sans hésitation aucune ». Sans réserve aucune. Sans frais aucuns. Cependant, l’adjectif aucun se met au pluriel lorsqu’il est placé devant un substantif qui n’a pas de singulier (« Les parties ne supporteront aucuns frais. ») ou qui prend un sens particulier au pluriel (« L’acquéreur n’est tenu d’aucuns dommagesintérêts. »), mais on le trouve également au pluriel, dans le langage du droit, devant des noms quelconques, lorsque la phrase implique notamment une idée de répétition : « Le créancier n’a touché aucuns fruits. » « Aucuns arriérés de douaire, ni aucuns dommages-intérêts fondés sur ces arriérés, ne sont recouvrables. » Le pronom aucun ne se rencontre plus au pluriel que dans l’expression recherchée d’aucuns, qui signifie quelques-uns, plusieurs : « D’aucuns reconnaissent l’influence grandissante de la common law. » 2) L’adjectif aucun ayant une valeur négative, on ne peut employer les adverbes pas ou point dans la même proposition sans commettre une double négation; toutefois, on peut fort bien mettre plus ou jamais. « Le locataire n’a [pas] donné (= n’a donné) aucun préavis de son départ. » « Aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux. » « Il n’avait jamais lu aucun arrêt rédigé de la sorte. » Accompagné de la négation ne, aucun a la valeur négative de nul. Mais aucun et nul, en rédaction juridique, s’emploient surtout dans les interdictions et équivalent à aucune personne, personne ne, et sont au singulier. Nul s’emploie plus fréquemment que aucun en début de phrase : « Nul n’est tenu d’accepter une succession qui lui est échue. » « Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. » Mais aucun 361 dans cette position n’est pas rare : « Aucune action n’est reçue quant à la filiation d’un enfant qui n’est pas né viable. » Le verbe reste au singulier après plusieurs sujets introduits par aucun : « Aucune renonciation, aucune cession portant sur l’autorité parentale, ne peut avoir d’effet, si ce n’est en vertu d’un jugement dans les cas déterminés ci-dessus. » Aucun ayant une valeur positive dans des phrases impliquant une idée négative, on évitera d’employer la négation ne pour éviter l’illogisme : « Anéantissement des actes de procédure antérieurement accomplis lorsqu’un certain délai s’est écoulé sans qu’aucun acte ait été fait. » 3) Il sera souvent plus naturel de recourir à divers procédés d’expression (article défini singulier ou pluriel, tournure marquant l’interdiction, adjectif seul antéposé) pour remplacer la structure aucun + substantif + qui (ou participe présent)... ne peut : « Aucun médecin qui... ne peut... = « Les médecins qui... ne peuvent... » « Il est interdit aux médecins qui... de... » « Seuls les médecins qui... peuvent... » Aucun sera préférable là où l’article défini un rendrait mal l’idée d’universalité d’application : « Si un médecin ne peut constater le décès dans un délai raisonnable... » (= « Si aucun médecin... »). 4) Signalons que l’expression [en aucun temps] (= toujours, n’importe quand, à tout moment) est un calque de l’anglais “at any time” ou “at all times” : « Le juge nous recevra [en aucun temps] (= à quelque moment que ce soit, à tout moment, n’importe quand) ce matin. » « Le registraire doit [en aucun temps] (= toujours) tenir les registres appropriés. ». Pour la distinction essentielle et souvent mal comprise entre les locutions « à tout moment » et « en tout temps », voir MOMENT. ö MOMENT. ö NUL. AUDI ALTERAM PARTEM. 1) Littéralement “entends l’autre partie”. Cette maxime latine a comme variante “audiatur et altera pars” (c.-à-d. l’autre partie doit être entendue). 362 Cette locution se met entre guillemets ou en italique selon que le texte est manuscrit ou dactylographié. Si le texte est en italique, la maxime latine est en caractère romain. Maxime, règle, principe audi alteram partem. Dans la langue parlée, on trouve la forme elliptique : exigences de l’audi alteram partem. 2) Cette règle fondamentale de la common law tire son origine de la maxime : “No one is to be condemned, punished or deprived of his property in any judicial proceedings unless he has had an opportunity of being heard.” Elle relève de textes ou de principes de justice naturelle ou fondamentale et s’inspire de l’obligation de respecter l’équité dans la procédure. L’essence de la règle est d’assurer aux parties susceptibles d’être lésées par une décision le droit d’être entendues et de faire valoir des moyens de défense. Elle implique le droit de connaître les arguments qu’une partie peut présenter, mais également celui de pouvoir y répondre de façon efficace. Le droit d’être entendu implique aussi, dans certains cas et sans que la règle soit absolue, celui de produire des preuves à l’appui de ses prétentions, de faire entendre des témoins, d’être présent en personne à l’audience et d’y être représenté par un avocat, parfois même le droit de contre-interroger un témoin. La règle peut être restreinte dans certains cas et ces restrictions ont été créées par la common law et par la loi. 3) Nos juges ont parlé de cette règle en la qualifiant de principe sacré, de principe vénérable, de principe fondamental ou de principe le plus fondamental de la justice naturelle. La jurisprudence et la doctrine renvoient à cette règle en parlant du droit d’être entendu, du droit de se faire entendre, du droit d’être avisé ou informé, du droit de répliquer, de présenter une défense, ou la définissent ainsi : « On ne doit jamais statuer sur un litige quelconque sans avoir entendu les parties. » « Personne ne peut être condamné sans avoir eu l’occasion de se défendre. » « L’autre partie doit être entendue avant de déterminer ses droits et obligations. » « Toute personne a le droit sacré d’être entendue avant qu’un tribunal ne rende une décision qui affecte ses droits. » « C’est un principe bien établi que la règle audi alteram partem est une règle de justice naturelle que la common law a adoptée si fermement qu’elle s’applique à tous ceux qui remplissent des fonctions de nature 363 judiciaire et ne peut être exclue que de façon expresse. » « Depuis sa première formulation, cette règle vise essentiellement à donner aux parties une possibilité raisonnable de répliquer à la preuve présentée contre elles. » 4) Dans les textes législatifs, la règle est énoncée à l’aide de formules diverses allant des plus générales aux plus explicites. Voir l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits ou encore certaines dispositions du Code criminel : « ... la Cour d’appel, après avoir donné à l’appelant et à l’intimé la possibilité de se faire entendre... » « Le poursuivant a le droit de conduire personnellement sa cause, et le défendeur a le droit d’y faire une réponse et défense complète. » « Un accusé a le droit, après que la poursuite a terminé son exposé, de présenter, personnellement ou par avocat, une pleine réponse et défense. » La règle est on ne peut plus explicite en France, dans le Nouveau Code de procédure civile (« Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. ») et au Québec, dans le Code de procédure civile (« Il ne peut être prononcé sur une demande en justice sans que la partie contre laquelle elle est formée n’ait été entendue ou dûment appelée. »). AUDIENCE. AUDITION. 1) Le français juridique distingue les termes audience et audition. L’audience désigne la séance du tribunal (« L’audience aura lieu à 9 heures. »), alors que l’audition vise l’action, pour un juge, d’entendre qqn ou qqch. (« L’audition des témoins est fixée à 15 heures. »). Grammaticalement, audience se construit absolument, mais audition s’accompagne d’un complément de nom. On ne dira donc pas [lors de l’audition... ], mais « lors de l’audience », non pas [comparaître à l’audition], mais comparaître à l’audience, sauf, évidemment, le cas où le membre de phrase reprend l’antécédent. Notons également qu’il faut dire audience du tribunal, car [audition du tribunal] serait le fait d’entendre le tribunal. 2) Audience désigne aussi la réception où l’on admet qqn pour l’écouter : « L’avocat a demandé audience au juge de la Cour du Banc de la Reine. » 3) Dans la salle d’audience, on ne trouve pas des [auditeurs], mais l’assistance, le public, l’auditoire. C’est ce dernier terme qu’on emploie couramment pour désigner l’ensemble des personnes qui assistent à une audience. Les auditeurs et les auditrices 364 sont des personnes qui écoutent un discours, un récit, un concert, une émission de radio ou un cours. « Le juge a ordonné à l’huissier audiencier de faire évacuer l’auditoire de la salle. » 4) [Audience] au sens d’assistance, d’auditoire est vieilli et considéré au Canada comme un régionalisme, même si ce sens figure dans le Dictionnaire de l’Académie française. 5) D’après le Hanse, auditoire est archaïque pour désigner la salle où prend place l’auditoire ou la salle où siège un tribunal. On dit le prétoire, mais ce terme est plutôt d’un emploi littéraire. Dire salle d’audience. Syntagmes Audience à huis clos. Audience publique. Audience de fixation du rôle, de mise au rôle. Audience en privé. Audience ex parte. Ajournement, suspension de l’audience. Date, jour d’audience, date et lieu de l’audience. Feuille, registre d’audience. Huissier d’audience. Note, procès-verbal, rôle d’audience. Nouvelle audience. Reprise de l’audience. Délit d’audience (“misbehaving in court”). Salle d’audience. Police d’audience, police de l’audience. Jugement prononcé en audience publique. Appeler une cause à l’audience. Siéger en audience publique. Tenir audience, tenir une audience à huis clos. Lever, ouvrir, reprendre, suspendre l’audience. Présider une audience. Comparaître en personne à l’audience. Demander, obtenir, solliciter une audience. 365 Demander audience à qqn. Accorder, refuser une audience à qqn. Audition de témoins, de témoignages. Audition de la demande, de la motion, de la requête. Audition de l’appel. Audition des faits, des arguments. Audition d’un grief, d’une plainte. Audition d’une affaire, d’une action, d’une cause, d’une instance. Conférence préparatoire à l’audition de la motion. Ajourner l’audition d’une affaire. Procéder à l’audition des témoins. ö AUDIENCEMENT. ö AUDIENCIER. ö AUDIT. ö CAUSE. ö ÉVACUER. ö GREFFIER. ö INSTRUCTION. ö SALLE. AUDIENCEMENT. AUDIENCER. Néologismes juridiques. 1) Audiencer signifie mettre une cause au rôle pour la plaider à l’audience : « Les affaires pénales audiencées dans l’année devant cette juridiction ont subi un accroissement de trente pour cent. » 2) Le substantif audiencement, formé à partir du verbe, est rare : « En matière pénale, les délais d’audiencement sont de un à deux mois pour les détenus. » « On note que le goulot d’étranglement pour l’écoulement du rôle civil se situe, non au niveau des audiencements, mais au niveau de la mise en état des causes. ». AUDIENCIER, AUDIENCIÈRE. Ne s’emploie plus comme substantif. 366 L’adjectif audiencier signifie qui appelle les causes à l’audience. Il entre dans la formation de deux titres de fonctions d’auxiliaires de justice : l’huissier audiencier, “court usher” ou “crier” (on dit aussi huissier d’audience) (« L’huissier audiencier annonce l’entrée du juge dans la salle d’audience et maintient l’ordre durant les audiences. ») et le greffier audiencier (qu’on appelle le plus souvent le greffier) qui a pour fonction de dresser le procès-verbal de l’audience et de faire prêter serment (« Les témoins sont assermentés par le greffier audiencier. »). « On donne la qualification d’audienciers aux huissiers qui sont chargés du service des audiences pour les cours et tribunaux. » ö GREFFIER. AUDIT. AUDITER. AUDITEUR, AUDITRICE. Plusieurs lexicographes n’enregistrent pas les mots audit (prononcer le t) et auditer. Il est vrai qu’en comptabilité, ce n’est pas un [auditeur] qui vérifie les comptes, mais un vérificateur ou un expert-comptable. On dit que le vérificateur examine, vérifie les comptes, et non qu’il les [audite]. « Le vérificateur de la province (“Provincial Auditor”) est chargé de vérifier (“audit”) chaque année les comptes et les états financiers de la Commission. » Le fonctionnaire du Parlement chargé de vérifier les comptes publics vérificateur général, et non l’[auditeur général]. est le En droit des affaires, lorsqu’il est question non plus de l’expert-comptable, mais du juriste appelé à vérifier la structure et la situation juridiques d’une entreprise, les néologismes audit (des audits), auditer et auditeur, sous l’influence de l’anglais américain, s’emploient couramment en France en matière d’audit juridique, qui est la mission d’investigation confiée à un cabinet d’audit ou à un juriste-auditeur, aux termes d’un contrat d’audit, dans une mission ou un programme d’audit, de la situation juridique d’une entreprise. Au Canada, l’anglicisme audit et ses dérivés sont inutiles. C’est le terme vérification juridique qui désignera cette réalité nouvelle. Vérificateur, vérificatrice juridique. Juriste-vérificateur, juriste-vérificatrice. Cabinet de vérificateur juridique. Contrat, mission, programme de vérification juridique. Vérifier juridiquement. 367 ö AUDIENCE. ö VÉRIFICATEUR. AUTANT QUE. L’expression [en autant que] n’existe pas en français. Cet anglicisme peut notamment être remplacé par les locutions dans la mesure où, pourvu que, autant que et pour autant que. Il ne faut pas dire : « [En autant que] le demandeur est concerné... , » mais « En ce qui concerne le demandeur » ou « Quant au demandeur... », non pas [en autant que] faire se peut, mais si possible, autant que faire se peut. Autant que et pour autant que commandent soit l’indicatif ou le conditionnel, soit le subjonctif, ce dernier mode étant utilisé pour exprimer le doute ou l’incertitude. « Pour autant que je sache, l’accusé et le témoin ne se connaissent pas. » « Ces manoeuvres dilatoires, pour autant qu’elles se multiplieraient, pourraient entraver le cours de la justice. » « L’avocat a promis que son client comparaîtrait, autant que cette promesse dépendait de lui. » « Autant qu’il vous souvienne, étiez-vous à Montréal le jour du crime? » AUTHENTIFIER. AUTHENTIQUER. Attention à l’orthographe (authen... ). Ces deux verbes sont synonymes et signifient attester, rendre un acte authentique par une attestation officielle, garantir le caractère authentique d’un acte. Il faut se méfier ici des dictionnaires généraux et bilingues. Ils enregistrent différemment ces deux verbes. Certains n’attestent pas authentifier, mais selon d’autres, authentiquer est le verbe qu’il faut préférer à authentifier pour les textes juridiques. Dans l’évolution de la langue, authentiquer est apparu d’abord (au XIVe siècle) comme terme de droit (authentiquer un acte). Authentifier est apparu au XIXe siècle par nécessité, puisqu’il fallait créer un verbe distinct du terme juridique; aussi authentifier a signifié alors reconnaître pour authentique par expertise. Mais il a vite concurrencé authentiqué sur son propre domaine et a fini par le supplanter entièrement. 368 Aujourd’hui, authentiquer est vieilli. On le trouve encore dans nos lois (« Lorsque des dépositions sont prises par écrit, le juge de paix peut signer : a) soit à la fin de chaque déposition; b) soit à la fin de plusieurs ou de l’ensemble des dépositions, d’une manière indiquant que sa signature est destinée à authentiquer chaque déposition. »). On dira maintenant authentifié, certifié authentique, validé, légalisé... « Le sceau du tribunal est destiné à certifier et à authentifier ses actes de procédure. » Au Canada, en droit de la preuve, le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law a retenu le terme authentifier et ses deux dérivés authentification (“authentication” en anglais, [“authentification”] étant incorrect) et authentifiant : témoin authentifiant : « Les témoins appelés à comparaître ont tous authentifié le document qu’ont signé les témoins instrumentaires. » Syntagmes Authentifier une pièce, un acte, un document au procès. Authentifier les décès, les mariages, les naissances. Authentifier un contrat. AUTO-. Préfixe signifiant de soi-même. La tendance actuelle est d’écrire sans trait d’union les mots composés avec le préfixe auto-, même ceux dont le deuxième élément commence par une voyelle : autodestruction, autoaccusation. La liste qui suit regroupe les termes ainsi orthographiés dans les textes juridiques consultés : autoaccusation, autoapprovisionnement, autoconsommation, autocorroboration, autodéfense (voir ce mot), autodétermination, autodrome, autofinancement, autogestion, autographe, autoincrimination, autolimitation, autopropulsé, autorégulation, autorenouvellement, autoroute, autostop. AUTODÉFENSE. L’autodéfense désigne la défense assurée par ses propres moyens par un individu, un groupe social contre un danger quelconque, sans faire appel aux services de sécurité, 369 à la police. Il s’agit d’une défense préventive exercée par un individu ou un groupe armé : Cours d’autodéfense pour les femmes. Faits d’autodéfense. Groupe d’autodéfense. Organiser l’autodéfense. Par nécessité d’autodéfense. « D’où une nécessité ressentie par certains, inquiets de cette insécurité perçue... d’assurer euxmêmes la défense de leurs personnes comme de leurs biens, en ayant recours à cette forme de justice privée qu’est l’autodéfense et en acquérant des moyens individuels de protection. » « Quant aux manifestations d’autodéfense, elles sont souvent le fait de particuliers se sentant menacés, mais depuis quelques années on constate la création de diverses associations ou groupements de fait ou de droit. Ces sortes de ‘milices privées’, de ‘comités d’intervention et de vigilance’ ou de ‘groupes d’autodéfense’ qui tendent à se multiplier ne vont pas sans susciter certaines inquiétudes... » L’autodéfense se distingue de la légitime défense, cause de justification en droit pénal, qui, dans certains cas, autorise un individu à utiliser la force pour protéger sa personne ou celle d’autrui ou ses biens contre une attaque. ö DÉFENSE. AUTOMATISME. Se dit de l’état d’esprit d’une personne qui, bien que capable d’agir, n’est pas consciente de ce qu’elle fait. L’automatisme implique l’accomplissement d’une action involontaire inconsciente, l’esprit ne souscrivant pas à ce qui se fait (somnambulisme, amnésie temporaire ou autres formes d’inconscience). L’automatisme constitue un moyen de défense en droit pénal canadien et s’emploie par rapport aux moyens de défense fondés sur l’anomalie mentale (voir ANOMALIE), l’intoxication volontaire (voir INTOXICATION) et l’aliénation mentale (ou, comme appellation plus moderne, les troubles mentaux). « La jurisprudence a élaboré les conditions de recevabilité de la défense d’automatisme, qui nie toute responsabilité pénale du fait d’une anomalie mentale. » Cette défense a pour objet de montrer que l’accusé, au moment de l’infraction, agissait par automatisme et n’avait donc pas l’intention de commettre l’infraction. Elle s’applique généralement au cas de conduite dangereuse causée par un affaiblissement des facultés que l’accusé ne pouvait pas raisonnablement prévoir et non par une incapacité mentale. État d’automatisme. Automatisme démentiel. « Si l’exclusion de l’intoxication comme moyen de défense devait constituer une violation des droits que 370 la Constitution reconnaît à un accusé, ce ne serait que dans des cas d’extrême ébriété confinant à l’automatisme et cette violation serait justifiée en vertu de l’article un de la Charte. » « Puisqu’il s’agit d’une infraction d’intention générale, il s’ensuit que le moyen de défense fondé sur l’intoxication ne peut écarter l’élément moral de l’infraction. Il n’est pas encore déterminé cependant si l’intoxication qui entraînerait un état d’aliénation mentale ou d’automatisme pourrait écarter l’élément moral de cette infraction. » « Ainsi, l’accusé pourrait prétendre que sa condition mentale était telle qu’il n’agissait pas consciemment au moment où a été perpétré le crime reproché. Cette allégation s’apparente à celle d’automatisme démentiel, laquelle nie l’élément essentiel du caractère volontaire de l’actus reus en raison d’une cause interne, la maladie mentale de l’accusé. » On dit plaider l’automatisme et non [plaider automatisme]. « Dans l’arrêt anglais Harrison-Owen, l’accusé plaidait [automatisme] (= l’automatisme) à l’encontre d’une accusation de cambriolage. » ö ALTÉRATION. ö ANOMALIE. ö INTOXICATION. AUTOPSIE. AUTOPSIER. AUTOPSIQUE. AUTOPSISTE. 1) L’autopsie est l’examen et l’ouverture d’un cadavre pour en étudier les lésions, effectuer des prélèvements et aboutir au diagnostic dans le but de rechercher les causes de la mort. On distingue l’autopsie scientifique, ou hospitalière, et l’autopsie médicolégale, aussi appelée autopsie judiciaire en France parce qu’elle est faite à la demande de l’Autorité judiciaire. Plusieurs dictionnaires recommandent le terme nécropsie, plus précis selon eux. Force est toutefois de constater que l’usage a consacré très nettement autopsie. 2) Le Trésor de la langue française signale le substantif autopsiste : médecin qui pratique des autopsies. Notons également l’emploi de l’adjectif autopsique : « On conçoit l’utilité d’une telle procédure au cas où le résultat autopsique est capital pour une enquête en cours... ». Cet adjectif peut aisément se remplacer par de l’autopsie. 371 On parle également d’une contre-autopsie : « Il faut se rappeler qu’une autopsie ne peut se faire bien qu’une seule fois; toute contre-autopsie risque d’être d’interprétation délicate sinon impossible. » Lorsqu’on parle des instruments de chirurgie servant à l’autopsie, les prépositions pour ou à accompagnent généralement le mot autopsie : aiguille pour autopsie, burin pour autopsie, ciseau à autopsie, couteau pour (ou à) autopsie, trousse pour l’autopsie. 3) On évitera, sous l’influence de l’anglais et pour éviter la redondance, de parler d’un [examen post mortem] du cadavre. C’est autopsie qu’il convient d’employer puisque post mortem signifie après la mort. On peut également utiliser une périphrase. « Selon le médecin légiste qui a procédé à l’examen de l’enfant après son décès, sa mort était due à des complications... » 4) Le terme autopsie s’emploie aussi au figuré au sens d’analyse rétrospective d’un événement pour en évaluer les causes et les effets : « Les avocats du cabinet se sont réunis pour faire l’autopsie (et non [le post mortem]) de la cause perdue devant le plus haut tribunal du pays. » Le film “Anatomy of a Murder” d’Otto Preminger s’intitulait en français Autopsie d’un meurtre. On évitera encore une fois le latinisme post mortem [post-mortem] dans ce contexte. Voir également le titre de l’article d’André-Jean Arnaud : Autopsie d’un juge, étude sémiologique de la jurisprudence aixoise en matière de divorce, où le terme autopsie signifie analyse minutieuse et approfondie du style d’un auteur. Syntagmes Effectuer, faire, pratiquer une autopsie, procéder à une autopsie. Effectuer, faire l’autopsie de qqn, du cadavre, du corps de qqn, d’un animal. Ordonner une autopsie. Autorisation, demande d’autopsie, procès-verbal, rapport d’autopsie, table d’autopsie. L’autopsie établit que, révèle que... Autopsier qqn, le cadavre, le corps de qqn. ö POST MORTEM. 372 AUTORISÉ, ÉE. 1) L’adjectif autorisé (“authorized”) s’emploie le plus souvent dans les deux sens suivants : a) qui a reçu autorisation ou autorité : par exemple l’aveu autorisé (“authorized admission”), soit l’aveu que fait une personne autorisée par une partie à l’instance, ou encore la personne autorisée par le ministre dans les définitions de lois du Canada, ou encore l’agent autorisé; b) qui est permis, admis, accepté, ou qui est conforme aux modalités réglementaires : par exemple l’explosif autorisé, l’arme autorisée, la publication autorisée par la loi. Parfois autorisé est sous-entendu lorsque le contexte le permet : fouille (“authorized search”). 2) Autorisé (“authoritative”) signifie également qui s’impose par ses mérites, sa valeur, sa situation, qui émane d’une personne qui fait autorité, qui est revêtu d’autorité, qui est digne de créance. Autorisé s’emploie alors avec des mots comme avis, conseil, source, article, ouvrage, analyse, récit. Il a pour synonymes des adjectifs comme influent, compétent, reconnu, reçu, fondé, qualifié ou des locutions adjectives comme qui fait foi (document qui fait foi), qui fait autorité (principe qui fait autorité). « En matière d’expertise, le tribunal peut, à son appréciation, prendre des avis autorisés. » « Nous tenons ces renseignements d’une source autorisée » (ou de bonne bouche). Pour les personnes, autorisé pris en ce dernier sens s’emploie dans la tournure être autorisé à faire qqch., c’est-à-dire être en droit de faire qqch. « Le demandeur est autorisé à affirmer que... » « Le témoin se croit autorisé à déclarer que... » 3) Autorisé et approuvé ne sont pas des concurrents. Bien que certaines lois utilisent les deux termes de façon interchangeable, il reste que chacun entraîne des effets juridiques distincts. Voir à ce sujet APPROBATION. ö APPROBATION. AUTORITÉ (ARGUMENT D’). La logique juridique s’intéresse d’une façon particulière à la topique étudiée dans la législation, la jurisprudence et la doctrine. Elle présente des catalogues de lieux communs où viennent puiser avocats, magistrats et auteurs. 373 Ces lieux se présentent sous le double aspect de l’argument ou du point de vue, lequel, pris en considération, donnera lieu lui-même à des arguments. Ces arguments se retrouvent dans toutes les branches du droit. Un de ces arguments est l’argument d’autorité, qui consiste, dans la plaidoirie, la motivation des tribunaux ou l’exposé doctrinal, à utiliser les actes ou les jugements d’une personne ou d’un groupe de personnes comme moyen de preuve en faveur d’une thèse. Cette sorte d’argument sous-entend que les autorités invoquées sont infaillibles, que l’argument s’appuie sur le consentement universel ou sur celui du plus grand nombre. L’importance du précédent à cet égard est fondamentale en common law. Les autorités invoquées sont tantôt l’avis unanime de la Cour, l’opinion générale, tantôt certaines catégories de juristes (les auteurs, les magistrats, qualifiés d’éminents (et non de [savants]), les experts ou un type particulier de justiciable, modèle de référence : notamment la personne raisonnable ou prudente (en common law) et le bon père de famille (en droit civil). Parfois l’autorité est impersonnelle (il est maintenant établi en droit), parfois ce sera un principe généralement reconnu (l’autorité de la chose jugée, voir cette entrée), ou le droit lui-même, la common law, traduits dans des maximes ou adages. ö AUTORITÉ (DE LA CHOSE JUGÉE). ö LIEUX COMMUNS. AUTORITÉ (DE LA CHOSE JUGÉE). Principe applicable en matière pénale et en matière civile. 1) Le principe de l’autorité de la chose jugée (“protection against double jeopardy” ou “double jeopardy concept”, expressions traduites dans une décision de la Cour suprême du Canada par concept de double péril) est fondamental dans le système de justice pénale au Canada. Il a pour objet d’empêcher que la poursuite tente à plusieurs reprises et par tous les moyens de faire déclarer une personne coupable de la même infraction, l’exposant ainsi à un harcèlement injustifié. 374 Cette règle veut qu’une personne inculpée d’un crime ne puisse en être déclarée coupable qu’une seule fois et ne puisse être punie qu’une seule fois pour l’avoir commis. Le Code criminel du Canada prévoit l’application de ce principe dans ses dispositions qui établissent les moyens d’irrecevabilité appelés plaidoyers spéciaux d’autrefois acquit et d’autrefois convict (voir AUTREFOIS ACQUIT) et celles interdisant le fractionnement abusif des inculpations fondées sur les mêmes faits. La common law reconnaît d’autres moyens de défense ayant trait au principe de l’autorité de la chose jugée : la règle relative aux déclarations de culpabilité multiples, celle qui a trait aux jugements incompatibles (“issue estoppel”) et la notion de “res judicata” (chose jugée). La Constitution prévoit également une protection à cet égard. Deux maximes sont invoquées dans le cadre de ce principe : Nul ne doit être poursuivi deux fois pour une seule et même cause (“nemo debet bis vexari pro una et eadem causa”) et Nul ne doit être puni deux fois pour la même infraction (“nemo debet bis puniri pro uno delicto”). 2) L’autorité de la chose jugée en matière civile se fonde sur le principe d’ordre public qui tend à écarter la contradiction des décisions judiciaires sur une question litigieuse entre les mêmes parties. « L’intérêt public exige qu’on ne puisse plus remettre en question ce qui, suivant l’expression classique, est passé en force de chose jugée. » Ce principe de la présomption irréfragable de validité des jugements a pour conséquence que l’autorité de la chose jugée existe même dans le cas où le jugement est entaché d’erreur. Ce qui a ou ce qui acquiert l’autorité de la chose jugée est un jugement, une décision judiciaire : « L’avocat du vendeur a répondu que le jugement enregistré avait parfait le titre et qu’il avait acquis l’autorité de la chose jugée. » « Le jugement contentieux a donc un caractère définitif et l’autorité de la chose jugée entre les parties. » Syntagmes Règles du droit pénal relatives à l’autorité de la chose jugée. Invoquer l’autorité de la chose jugée, le principe de l’autorité de la chose jugée. 375 Avoir, acquérir l’autorité de la chose jugée. Faire abstraction, tenir compte de l’autorité de la chose jugée. Avoir le caractère de l’autorité de la chose jugée. Acquérir l’autorité de la chose jugée vis-à-vis de qqn, à l’encontre de qqn. Constituer autorité de la chose jugée. ö AUTREFOIS ACQUIT. ö CHOSE. AUTRE. L’expression et autres s’utilise pour désigner de façon abrégée ceux ou celles qui ont un intérêt avec qqn dans un procès : « Tesson c. Bouffard et autres ». Elle se met au singulier s’il n’y a qu’une seule partie ayant un intérêt commun avec celle dont le nom est mentionné : « Dutertre et autre c. Thibodeau et autres ». D’après les Règles de procédure du Nouveau-Brunswick, l’intitulé de l’instance peut être abrégé, sauf dans un acte introductif d’instance, lorsque de nombreuses parties sont en cause, pour n’indiquer que le nom de la première partie de chaque côté, suivi des mots et autres. Éviter Gendron [et d’autres]. ö ET AL. AUTREFOIS ACQUIT. AUTREFOIS CONVICT. Convict se prononce con-vickt. 1) Les deux termes s’emploient dans le cas où un accusé fait valoir qu’il a déjà été jugé (soit qu’il ait été acquitté : autrefois acquit, soit qu’il ait été condamné : autrefois convict) pour l’acte incriminé et qu’il ne peut être jugé deux fois pour la même infraction. « Un accusé peut invoquer avec succès le moyen de défense d’autrefois acquit chaque fois qu’il établit que cette même question l’a antérieurement mis en péril devant une cour compétente et que celle-ci a rendu en sa faveur une décision d’acquittement ou de rejet des accusations. » 376 2) Autrefois acquit et autrefois convict sont des locutions de la common law qu’a retenues l’usage du français juridique (ces termes viennent du Law French). Aucune raison ne justifie leur mise en italique dans les textes imprimés. Invoquer la défense, les moyens de défense, le plaidoyer d’autrefois acquit et d’autrefois convict. Plaidoyers spéciaux d’autrefois acquit ou d’autrefois convict : « Lorsqu’une contestation sur une défense d’autrefois acquit ou d’autrefois convict à l’égard d’un chef d’accusation est jugée... , le juge rend un jugement libérant l’accusé de ce chef d’accusation. » 3) La tournure elliptique verbale plaider autrefois acquit (ou convict) avec omission de l’article relève de la langue parlée. Le style juridique préfère plaider la défense d’autrefois acquit ou recourt à la tournure substantive le plaidoyer d’autrefois convict. ö PÉRIL. ö PLAIDER. AVAL. AVALISER. AVALISEUR, AVALISEURE. AVALISTE. 1) Aval fait avals au pluriel (« Ses avals sont bons. »). Ce terme du vocabulaire du droit commercial serait une abréviation graphique de la formule à valoir (voir ÀVALOIR). L’aval est une garantie donnée par une personne de payer un effet si le signataire de l’effet fait défaut. « Le témoin a longuement parlé des lenteurs à obtenir paiement de la Demande de paiement provisoire no 4, produite en décembre 1974, qui n’aurait reçu l’aval de l’ingénieur que le 21 mai 1975. » 2) Par extension, l’expression donner son aval en est venue à signifier se porter garant d’un projet quelconque, puis, plus généralement, accepter, autoriser, donner son appui, son accord. En ce sens, l’aval est donné à un principe, à une recommandation, à une pratique, à une conclusion, à une opinion, à un obiter, à une activité. Donner (expressément) son aval à une chose, à une activité, à un principe, à une thèse, à un jugement. « Si notre Cour devait donner son aval à la surveillance électronique sans mandat... » « Il s’agit de l’arrêt Canadian Pacific Ltée c. Gill... dans lequel notre Cour, étant saisie d’un litige résultant d’un accident mortel, a expressément donné son aval aux principes énoncés dans l’arrêt Perry. » « Dans une série d’arrêts concernant des mesures législatives prises par des régimes provinciaux répressifs, la Cour suprême a donné son aval à la thèse selon laquelle le droit d’exprimer des idées 377 politiques ne pouvait être limité par les législateurs provinciaux. » « Le lord chancelier Finlay a lui aussi donné son aval au jugement du juge Bray. » La tournure donner son aval peut varier : avoir, mériter, recevoir l’aval. Le sujet peut être une personne, le sens étant ici recevoir caution : recevoir l’aval des collègues de la profession, ou une chose : « Ces obiter n’ont eu l’aval que de quatre des huit juges qui ont participé à l’arrêt Vaillancourt. » « Il a soutenu que le principe suivant lequel les titulaires de droits peuvent exercer ces droits comme bon leur semble a reçu l’aval de notre Cour. » « En 1958, cette recommandation recevait l’aval du représentant régional du Service des remises de peines du ministère de la Justice. » 3) L’expression connaître l’aval de qqn au sens de recevoir sa reconnaissance, son appui, sa caution, est rare, mais tout à fait correcte : « ... même si pareille pratique n’a jamais connu l’aval des instances judiciaires au Canada. » 4) Le verbe avaliser a les deux sens du substantif, soit le sens technique du droit commercial et le sens courant d’accorder ou de recevoir une caution, un appui : « Il ressort en outre de cet argument qu’en ne concluant pas que le régime de Safeway est discriminatoire, on saperait un des objectifs des lois antidiscrimination. On le ferait en avalisant une des façons les plus marquées de désavantager les femmes dans notre société. Ce serait avaliser l’imposition aux femmes d’une part disproportionnée des coûts de la grossesse. » 5) La personne qui donne son aval (au sens technique) est un avaliseur, une avaliseure. La forme avaliste est attestée également, mais il convient de remarquer qu’elle apparaît surtout lorsque l’aval n’est pas pris au sens de garantie de paiement. Syntagmes Aval de garantie. Bordereau d’aval. Donneur d’aval. Pour aval. Bon pour aval. Donner sa garantie par un aval. Fournir un aval. Mettre son aval au bas d’une lettre de change. Signer une lettre par aval. Souscrire un aval. ö À-VALOIR. À-VALOIR. À VALOIR. 378 Le substantif à-valoir est invariable et signifie paiement partiel anticipé, en déduction d’une somme due. Contrairement à son synonyme acompte (qui s’écrit en un seul mot), à-valoir prend le trait d’union. Verser un à-valoir sur une créance. « L’éditeur refuse, pour l’instant, de divulguer le montant de l’à-valoir qui sera versé à Nelson Mandela pour ses mémoires. » « Au moment de la passation des commandes, des à-valoir ont été versés. » Distinguer le substantif à-valoir de la locution à valoir sans trait d’union et signifiant en constituant une somme dont la valeur est à déduire d’un tout : « Ces cent dollars sont à valoir sur le prix de la commande. ö À COMPTE. AVANCE. 1) Comme plusieurs termes français, avance n’a pas le même sens suivant qu’il est singulier ou pluriel. Au singulier, il a un sens général : somme versée à une personne pour lui permettre d’effectuer des dépenses à justifier, et un sens commercial : somme à valoir sur le prix d’un contrat, de services ou de marchandises, versée avant que le contrat ne soit exécuté, les services rendus ou les marchandises livrées. Au pluriel, avance s’emploie surtout au sens financier de somme prêtée par une entreprise, de fonds investis dans une société. 2) Le terme avance d’argent n’est pas pléonastique puisqu’en français juridique, avancer ne sous-entend pas uniquement de l’argent; ce peut être de l’argent, mais des objets aussi. Avance d’argent a comme synonymes, selon les contextes, avance de caisse, avance de fonds, avance de trésorerie et crédit de trésorerie. Il faut éviter autant que possible le calque [avance comptable] (“accountable advance”) (on le trouve dans le Règlement sur les avances comptables) et dire avance à justifier puisque le terme “accountable” n’a pas le sens de qui fait partie d’une comptabilité ou 379 qui est déterminé par les techniques comptables, mais plutôt qui doit rendre compte : le bénéficiaire de l’avance doit rendre compte de l’utilisation de la somme ou la rembourser. 3) Le terme avance se construit avec la préposition de ou sur, le plus souvent par omission de l’article, avec l’expression à valoir sur, la locution prépositive à titre de (avant ou après le mot) ou l’adverbe contre. Demander une avance de voyage, une avance sur traitement, sur pension, sur pension alimentaire, sur marché, sur police d’assurance, sur titres, sur nantissement de titres, sur marchandises. « Des avances peuvent être faites à un camionneur sur les subventions autorisées en conformité avec le présent article. » Avance à valoir sur le règlement. Avance à titre de provision. « Verser une somme à titre d’avance sur le règlement. » Avance contre garantie. 4) Dans le membre de phrase faire ou consentir une avance à qqn, si le terme avance est employé seul, il est préférable de postposer le complément indirect : « La demanderesse a consenti une avance au défendeur. ». Si le mot avance est déterminé, il est préférable d’antéposer le complément indirect, surtout lorsque le complément d’objet direct est plus long : « La demanderesse a consenti au défendeur une avance de mille dollars. » Syntagmes Avance en cours. Avance de fonds de roulement. Avance de petite caisse. Avance sur loyer, sur fonds de placement. Avance à justifier (ou soumise à justification). Avance non soumise à justification. Avance consentie. Avance garantie. Avance bancaire. Avance fixe. Avance de droits (propriété intellectuelle). Avances à la caisse de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. Bénéficiaire d’une avance. Grand livre des avances. Contrat d’avance d’honoraires (“retainer contract”, sens particulier : contrat de services juridiques). Rembourser une avance. Demander une avance. Faire, consentir une avance. 380 ö À COMPTE. ö ANTICIPATION. ö AVANCE1. ö AVANCE (À L’). ö CRÉDIT. ö FONDS. ö MASSE. ö PRÊT. AVANCE (À L’). (D’). (EN). (PAR). Les locutions adverbiales à l’avance, d’avance et par avance sont synonymes et signifient avant le moment fixé. D’avance s’emploie couramment, à l’avance est tout aussi correct et courant dans l’usage moderne, et par avance est littéraire. Payer d’avance, savoir à l’avance, notifier par avance. « Vous remerciant d’avance, je vous prie d’agréer, Madame la juge... » « Son avocat lui a demandé de l’aviser deux jours à l’avance. » Il faut éviter le pléonasme qui consiste à employer ces locutions avec certains verbes formés du préfixe pré- (prévenir, prévoir, prédire, pressentir) ou avec le verbe retenir, tous ces verbes connotant l’idée d’anticipation. En avance s’emploie en construction attribut et signifie avant l’heure prévue ou le moment prévu : être en avance (« La réunion s’est achevée en avance sur l’horaire. » « Quand je suis arrivé à son bureau, mon avocat n’était pas là, j’étais en avance. »). AVANCE1. AVANCE (OU) AVANCEMENT D’HOIRIE. AVANCEMENT. 1) Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law a fixé les emplois suivants : en droit successoral, mais aussi dans le droit des biens, avance et avancement se disent d’une avance d’argent ou de biens qui sera déduite de la part d’un héritier dans une succession. Le don ainsi effectué est fait à titre d’avancement pour établir un enfant dans le monde. On parle dans ce contexte de l’établissement de fortune. En ce sens, le terme avancement est la forme abrégée du syntagme avancement dans le monde (“advancement in the world”). Le don étant considéré comme une part à recevoir de la succession, on parlera d’avancement de part ou d’avance de part (“advancement by portion”). Présomption d’avancement. 381 Bénéficiaire de l’avancement. Avancement ou avance de part sont synonymes d’avancement ou d’avance d’hoirie (“advancement”). On appelle avance d’hoirie ou avancement d’hoirie ce qui est donné par avance sur un héritage. Les deux formes existent, bien que la seconde soit plus courante. Pouvoir d’avancement d’hoirie. Présomption d’avancement d’hoirie. Avancement est la forme abrégée normalisée au Canada, hoirie étant vieilli. Locutions : en avancement d’hoirie et par avancement d’hoirie, la première construction étant plus courante de nos jours. Donner en, par avancement d’hoirie. Donataire ordinaire en, par avancement d’hoirie. Don en, par avancement d’hoirie. Libéralité faite à titre d’avancement d’hoirie. Enfant doté en avancement d’hoirie. 2) En common law, avance et avancement s’emploient aussi au sens d’avances consenties sur le capital d’un fonds dans lequel un mineur a un intérêt, soit dévolu, soit par inférence, soit éventuel. En ce sens, liés au domaine des fiducies, ces termes sont utilisés en relation avec la notion de pouvoir d’avancement. Pouvoir d’avancer. Dans le droit des fiducies, on a établi quatre chefs de charité (“four heads of charity”), c’est-à-dire quatre objectifs philanthropiques considérés comme charitables aux fins du droit privé. Ce sont le soulagement de la pauvreté, l’avancement de la religion (on trouve aussi promotion de la religion), l’avancement de l’instruction (même remarque) et des fins apportant un bénéfice à la collectivité. 3) En droit du travail, il convient de distinguer l’avancement, qui est la progression d’un employé dans la hiérarchie d’une organisation, de la promotion, qui est l’avancement d’un employé à un poste supérieur à celui qu’il occupait précédemment. Processus d’avancement. Promotion interne, promotion au mérite. 4) Au sens de progrès, avancement s’emploie notamment dans l’expression avancement des travaux. Le terme [rapport de progrès (en anglais : “progress report”)] est un anglicisme, on le remplacera donc par l’un des équivalents suivants : compte rendu d’activités, compte rendu du progrès réalisé, compte rendu des résultats obtenus, rapport périodique, rapport sur l’activité en cours, rapport sur l’évolution de la situation, rapport sur l’état d’avancement des travaux. 5) Dans le domaine moral, l’avancement s’emploie au sens d’amélioration, de développement, d’élévation, de perfectionnement, et s’applique tant aux personnes 382 qu’aux choses : avancement de la jeunesse, avancement du bilinguisme, des connaissances, des techniques. ö AVANCE. ö PROMOTION. AVANCER. Le c prend la cédille devant les lettres a et o. 1) Ce verbe s’emploie au figuré au sens de mettre en avant, présenter (comme vrai), proposer, affirmer : avancer un argument, une idée, une opinion, une hypothèse. « L’avocat du demandeur avança d’abord que... » Une idée d’incertitude, de doute connote l’utilisation de ce terme (« Voulez-vous des preuves de ce que j’avance? » « Faut-il accepter la version des faits avancés par la poursuite? »). À la forme pronominale, s’avancer signifie notamment aller trop loin dans ses propos (« Il s’est avancé inconsidérément lorsqu’il a tenu ce propos. »), se risquer (« Il s’avance trop en affirmant cela. »); de plus, avancer a aussi le sens péjoratif de prétendre indûment (« et non pas, comme l’ont avancé certains auteurs... »). On fera bien d’éviter l’emploi de ce verbe dans des contextes où aucun doute n’est permis, où règne la certitude (« À la fin de sa plaidoirie, elle a affirmé (et non pas [avancé]) que son client était innocent. »). 2) En matière successorale, on peut avancer de l’argent ou des biens à qqn, mais, à la différence de l’anglais, on ne peut [avancer] qqn au sens de le faire bénéficier d’une avance, d’un avancement de part. “The person advanced” se rendra par la personne qui a bénéficié d’une avance, d’un avancement ou par la personne avantagée. Le membre de phrase “Any child advanced by the intestate in his life by portion” pourra se rendre par : « L’enfant auquel l’intestat a fait un avancement de part de son vivant ». ö AVANCE. AVANTAGE. 383 1) Le mot avantage est parfois utilisé à mauvais escient sous l’influence de l’anglais. Ainsi, on ne peut en français [prendre avantage] de quelque chose, on en tire avantage, on en profite. « En common law, il est bien établi que, même si elle n’est pas liée par une loi, la Couronne peut tirer avantage de ces dispositions, à moins d’une interdiction expresse ou implicite de le faire. » On peut dire également se prévaloir, bénéficier, profiter des avantages de qqch. Il convient de noter que prendre l’avantage sur qqn est tout à fait correct pour exprimer l’idée d’une lutte : « À la fin de la première semaine des débats, la défense a pris l’avantage sur la poursuite. ». Pour la rédaction des jugements, on évitera, entre autres, la tournure « [J’ai eu l’avantage de] lire les motifs de jugement rédigés par mon collègue. ». Dans cet emploi, avantage a la valeur de tirer avantage de qqch., en tirer un bénéfice ou un profit. Or, avoir l’avantage de (et l’infinitif), comme dans l’exemple cité, signifie tirer de qqch. une supériorité par rapport à qqn d’autre. Il faudra écrire ou dire : « J’ai eu le bénéfice de lire, j’ai eu le privilège de lire... » ou encore « J’ai lu avec profit... ». 2) À l’avantage de qqn signifie de manière à lui donner une supériorité : « La poursuite judiciaire s’est terminée (a tourné) à son avantage : il a eu gain de cause. » 3) Ne pas confondre d’avantage, c’est-à-dire de bénéfice (« Il a profité d’avantages particuliers. ») et davantage, c’est-à-dire beaucoup plus (« Le demandeur est hostile, mais le défendeur l’est davantage. »). 4) L’utilisation du mot avantage dans certaines formules de politesse est vieillie ou ironique : « Nous avons l’[avantage] de vous informer du dépôt de votre requête en annulation. ». L’avocat devrait dire simplement : « Nous vous informons du dépôt de votre requête en annulation. ». AVANT-PROJET. Au pluriel : des avant-projets. 384 L’avant-projet c’est la rédaction provisoire d’un texte (loi, règlement, contrat, etc.) pour servir de base à une première discussion en vue de l’élaboration d’un projet. Syntagmes Avant-projet de loi (“draft bill”, “draft legislation”, “first draft”), avant-projet de contrat, de règlement. Rédiger, dresser un avant-projet. ö BILL. AVARIABLE. AVARIE. AVARIÉ, ÉE. AVARIER. 1) Avarie est féminin. C’est un terme de marine qui appartient à deux branches du droit : le droit maritime et le droit commercial. En droit maritime, il signifie dommage matériel survenu à un navire ou à sa cargaison depuis le départ ou le chargement jusqu’à l’arrivée ou au déchargement (avaries matérielles ou avaries-dommages) : « L’avarie s’est produite dans les eaux canadiennes. ». Par extension, avarie renvoie aux frais exposés pour éviter ou réparer ces dommages (avaries-frais). On fait une distinction entre les avaries communes ou grosses (“general average”), qui sont à la charge commune du propriétaire du navire et des propriétaires des marchandises (« Les avaries communes seront réglées, déclarées et réparties... en conformité avec les règles d’York et d’Anvers. ») et les avaries particulières ou simples (“particular average”), dépenses supportées par le propriétaire de la chose qui a subi le dommage ou occasionné la dépense, par exemple les accidents inévitables résultant d’une collision, d’un naufrage ou d’un échouage. L’alinéa 22(2)e) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que la Section de première instance a compétence à l’égard d’une demande de règlement pour l’avarie ou la perte d’un navire, notamment l’avarie ou la perte de la cargaison. « La règle D avait pour effet de garder intacts les recours possibles contre une partie dont la faute a causé le sinistre d’avarie commune qui, à son tour, a donné lieu à la dépense ou au sacrifice d’avarie commune; elle n’a pas d’autre effet sur la loi régissant la contribution 385 d’avarie commune. » Être en avarie signifie s’arrêter le temps de réparer le navire. En droit commercial, on entend par avaries les dommages survenus à des marchandises au cours de l’exécution d’un contrat de transport. 2) Le participe avarié, en plus de s’employer dans le sens technique mentionné cidessus, s’utilise en parlant de ce qui est endommagé : « Un sinistre maritime est censé avoir lieu lorsqu’un navire est avarié dans les eaux canadiennes. », ou détérioré : Objets, biens, aliments avariés. 3) Le verbe avarier s’emploie au sens de causer une avarie à qqch., l’endommager (« La tempête a avarié le navire. ») de même qu’au sens de détériorer des marchandises périssables (« L’eau a avarié toutes les denrées alimentaires. »). Il s’emploie à la forme pronominale dans ce dernier sens : viandes qui se sont avariées. 4) Certains dictionnaires accueillent l’adjectif avariable au sens de ce qui peut être endommagé par les avaries. Syntagmes Avaries-frais, avaries-dommages. Avaries à la cargaison, avaries de la cargaison. Avarie de route. Avarie des objets confiés, de bagages enregistrés, de marchandises. Avarie par eau de mer, par eau douce. Avarie payable sans égard à la franchise. Avarie causée, occasionnée par qqch. (par le temps, par un autre changement); avarie causée à qqch. (à des filets de pêche... ). Avarie attribuable, imputable à qqch. (à l’eau... ), à qqn (aux appelantes... ). Avarie influant sur l’état de navigabilité. Avarie résultant de délits. Avarie frappant le navire. Avec avarie particulière. Action d’avarie. Chef d’avarie commune. 386 Classement d’avarie. Clause de franc d’avarie particulière. Compromis d’avarie. Contribution d’avarie commune. Coût, frais d’avarie. Déclaration d’avarie. Dépôt d’avarie. Franc d’avarie. Menues avaries. Réclamation d’avarie, réclamation d’avarie commune, réclamation pour avaries. Règlement d’avarie commune. Réparation des avaries. Répartiteur d’avaries. Responsabilité de l’avarie. Sinistre ou événement d’avarie commune. Théorie des avaries communes. Perte d’avarie commune. En état d’avarie. Avoir une avarie de qqch. (de machines, de moteurs, d’eau à la cargaison... ), dans qqch. (sa coque, sa mâture, son grément... ). Admettre en avarie commune. Être garant des avaries. Calculer, évaluer l’étendue des avaries. Réparer les avaries. Éprouver, subir une avarie. Contribuer à l’avarie commune. Être avarié par cas fortuit ou force majeure. Fret, navire avarié. Avarié par qqch. (par l’eau de mer... ). AVENU, UE. Dans le langage du droit, ce vocable, dérivé du verbe advenir et signifiant considéré comme existant, comme ayant existé, s’emploie dans la locution nul et non avenu, 387 quasi-synonyme des locutions nul et de nul effet, nul et sans effet. « Si le recours est fondé, la Cour de justice déclare nul et non avenu l’acte contesté. » Les locutions nul et non avenu et nul et de nul effet soulèvent la question de la tautologie. Les juristes civilistes sont plutôt d’avis que la redondance n’est qu’apparente, tandis que les juristes de la common law en français n’y voient qu’une répétition du même concept de nullité. Ainsi, après avoir défini la locution nul et non avenu (« Dépourvu de valeur juridique comme ne répondant pas aux exigences de la loi (nul) et, comme tel, insusceptible de produire tout effet de droit (non avenu). »), les juristes civilistes Roland et Boyer (1983) expliquent pourquoi l’expression n’est pas redondante : « La nullité entraînant de soi l’inefficacité, l’expression est à première vue redondante; en réalité, malgré l’usage sans nuance du législateur, le non avenu entache le nul d’un caractère irrémédiable qui n’est pas la suite nécessaire de la seule nullité. ». Pour les juristes de common law, la locution correspondante en droit anglais “null and void” est pure redondance (Black) et s’explique par l’influence du français (ici le mot nul) dans l’histoire de la formation du droit anglais (Mellinkoff, Dickerson, Weihofen). Pour Garner, ce doublet est un cliché inoffensif dont le premier élément (“null”) a pour seule fonction de renforcer le second (“void”). Bien qu’il paraisse aller de soi qu’il faille remplacer les archaïsmes pléonastiques (tautologie) à l’aide du procédé de la contraction (voir SÉRIES SYNONYMIQUES), la contraction est moins indiquée quand l’expression tautologique fait partie de l’usage courant, comme c’est le cas pour les locutions pur et simple, fait et cause, forme et teneur, plein et entier, nul et non avenu, risques et périls, voies et moyens. ö EFFET. ö NUL. ö NULLITÉ. ö SÉRIES SYNONYMIQUES. AVÉRER. Le é se change en è devant une syllabe muette, sauf à l’indicatif futur et au conditionnel présent. Il s’avère, mais il s’avérerait. 388 Le participe passé s’accorde avec le sujet : « Les allégations du demandeur se sont avérées (ou : révélées, sont apparues) inutiles. » 1) Avérer, vieilli, est surtout utilisé aujourd’hui au participe passé; il signifie établi comme vrai, reconnu vrai. « Il est avéré (= évident, acquis) que le demandeur a fait preuve de diligence. » « Si l’assigné ne comparaît pas ou refuse de répondre après avoir comparu, il en sera dressé procès-verbal sommaire, et les faits pourront être tenus pour avérés. » Avérer s’emploie parfois comme adjectif : « C’est un criminel avéré » (= reconnu comme tel). 2) S’avérer s’emploie au mode impersonnel et signifie être reconnu vrai, être confirmé : « Il s’est avéré que (= il est apparu comme certain que) le témoin s’était parjuré. » « Il s’avère que la signature est fausse. » Suivi d’un attribut du sujet, s’avérer signifie se montrer vraiment, ou apparaître, se révéler : « La clause finale du contrat s’est avérée inapplicable. », et il est préférable de ne pas employer ce verbe avec les adjectifs vrai, certain, exact ou avec les adjectifs faux, erroné, non fondé pour ne pas créer de pléonasme, dans le premier cas, ou de contradiction, dans le second cas : « Les faits décrits [se sont avérés] vrais. », dire : « Les faits décrits se sont révélés exacts. » « L’assertion du témoin [s’est avérée] fausse. », dire « s’est révélée fausse. » 3) S’avérer employé sans attribut au sens de se manifester, apparaître fondé, est littéraire : « L’habileté de l’avocat s’est avérée (= s’est manifestée) au cours du procès. » « Son soupçon s’est avéré (= est apparu fondé). » En outre, l’emploi de s’avérer suivi d’un nom est critiqué : « Le procès [s’est avéré] l’événement de l’année. », dire « est apparu comme »; de même est critiqué l’emploi de s’avérer suivi d’un infinitif : « Le juré [s’est avéré] faire partie d’une organisation criminelle. », dire, par exemple, « Le juré, a-t-on constaté, fait partie d’une organisation criminelle. ». AVEU. 1) L’anglais “admission”, au sens de déclaration faite par une partie ou attribuable à celle-ci et qui lui est défavorable, correspond dans le droit de la preuve au terme français aveu, et non à son sosie français admission (voir ce mot). Pour la liste des 389 termes formés avec aveu et correspondant à l’anglais “admission”, voir la rubrique Syntagmes ci-dessous. 2) Pour la distinction entre aveu et confession, aveu et reconnaissance, se reporter à ces entrées. 3) De l’aveu de, formule souvent employée en incise, signifie selon le témoignage de, selon les dires de, ainsi que le reconnaît... : « Il est certain, de l’aveu même de l’accusé, que la victime était venue lui rendre visite la journée même. ». De l’aveu de tous. 4) Passer aux aveux, passer des aveux. On relève ces deux formulations dans la littérature. Il semble, toutefois, que la première soit préférable et qu’il conviendrait d’éviter [passer des aveux] et de la remplacer par d’autres formulations telles que faire des aveux ou, plus simplement encore, avouer. 5) À noter aussi le syntagme entrer dans la voie des aveux : « Ses complices entrèrent rapidement dans la voie des aveux. » « Les deux compères se décidèrent à entrer dans la voie des larges aveux. ». À certains qui considèrent qu’il s’agit là d’une périphrase inutile, Dupré fait remarquer que cette expression ne doit pas être employée dans le sens d’avouer, mais qu’elle est utile pour indiquer qu’une personne, en disant certaines choses qui ne sont pas encore des aveux, ne va pas tarder à en venir aux aveux proprement dits. Syntagmes Aveu autorisé. Aveu tacite, aveu incident. Aveu sur une question de fait, de droit. Aveu de culpabilité. Aveu mixte. Aveux forcés, sincères, spontanés. Aveu complexe. Aveu conditionnel, pur et simple, qualifié. Aveu extrajudiciaire. Aveu contre intérêt (ou aveu préjudiciable à son auteur). Aveu d’actes punissables. Aveu par personne interposée. 390 Aveu par représentation. Aveu par coïntéressé. Aveu par délégué. Aveu du coconspirateur. Aveu résultant du silence. Aveu verbal. Auteur de l’aveu (voir AVOUANT). Demande d’aveux. Jugement sur aveu. Preuve par l’aveu. Procès-verbal d’aveux. Aveu mensonger. Aveu récognitif. Aveu informel, aveu formel. Faire un aveu, des aveux à qqn. Faire l’aveu d’un crime, d’une dette. Faire des aveux complets. Arracher, extorquer des aveux à qqn. Obtenir, rechercher des aveux. Recevoir de faux aveux. Tirer un aveu, des aveux de qqn. Provoquer l’aveu de qqn. Enregistrer, recueillir les aveux de qqn. Constater un aveu par procès-verbal. Retenir des aveux contre qqn. Rétracter, révoquer, répudier des aveux, revenir sur ses aveux, se rétracter de certains aveux. Confirmer ses aveux, persister dans ses aveux, réitérer ses aveux. Invoquer l’aveu. Vérifier la sincérité d’un aveu. Être condamné sur son seul aveu. Diviser, scinder l’aveu. L’aveu est divisible, indivisible. ö AVEU1. ö AVEU2. ö AVOUANT. ö AVOUER. ö CONFESSER. ö RECONNAISSANCE. ö SERMENT. 391 AVEU1. CONFESSION. RECONNAISSANCE. Si Pothier écrivait encore au XVIIIe siècle : « La confession est ou judiciaire ou extrajudiciaire. » dans une section de son ouvrage intitulé De la confession, il n’en reste pas moins clair que le terme français confession est presque disparu du langage du droit. Il convient de l’éviter et de lui substituer le terme aveu, sous réserve toutefois d’un usage particulier. Aussi, en droit pénal canadien, le terme confession a été conservé pour rendre le terme anglais “confession”, qu’il faut nécessairement distinguer d’“admission”. Le terme “confession” renvoie à une catégorie particulière d’“admission” en ce qu’elle est faite à une personne en situation d’autorité. Le vocabulaire normalisé du droit de la preuve a retenu confession pour “confession” et aveu pour “admission”. En dehors de ce contexte, on évitera le mot confession en français juridique. Par exemple, l’expression “confession of guilt”, synonyme d’“admission of guilt”, a pour équivalent aveu de culpabilité, terme qu’a retenu le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law. Confession appartient principalement aujourd’hui au domaine religieux (le sceau, le secret de la confession). AVEU2 ET RECONNAISSANCE. Ces deux termes ne sont pas interchangeables. Par l’aveu, l’avouant (voir ce mot) reconnaît pour vrai un fait de nature à produire à son détriment des conséquences juridiques. Aussi l’aveu procédera-t-il d’une nécessité, alors que la reconnaissance ne produit pas de conséquences défavorables. Tandis que l’aveu implique une contrainte physique ou morale, pouvant aller jusqu’à la torture, une action extérieure ou intérieure (celle d’un tiers, de la partie adverse, de la police, d’une autorité judiciaire), en somme un acte fait à contrecoeur (« Il a fini par faire des aveux complets. »), la reconnaissance évoque un acte fait plus librement, par un accord de volontés, ou une simple vérification. Proclamer la reconnaissance d’un État. Reconnaissance de paternité. Reconnaissance des services rendus. Reconnaissance d’écriture. 392 Dans la langue du Palais, l’aveu désigne pour une partie la reconnaissance d’un élément qui lui est défavorable ou, du moins, qui est favorable à la thèse de la partie adverse (aveu préjudiciable, aveu concédant jugement), alors que la reconnaissance exclut ce caractère de contrainte (sans aucune reconnaissance préjudiciable). Ainsi, l’aveu (“admission” en anglais) est souvent la reconnaissance de certains faits pénibles à avouer (aveu d’impuissance), d’une faute, d’une infraction (aveu d’un crime), terme apparaissant dans des contextes négatifs. Au contraire, la reconnaissance (“acknowledgment”, “recognition”) constate, sans affectivité, une situation neutre ou un simple concept; le mot apparaît dans des contextes positifs (reconnaissance de l’exactitude, de l’authenticité, de la légitimité, de l’exclusivité de qqch., reconnaissance d’un droit, d’un pouvoir, d’une autorité). Ce contexte neutre explique que la reconnaissance s’appliquera naturellement à des termes de finance. Ainsi, en droit successoral, aveu d’actif, ou dans le vocabulaire commercial, reconnaissance de dette, reconnaissance d’une promesse. ö AVEU1. ö AVOUANT. ö RECONNAISSANCE. AVEUGLEMENT. Ne pas confondre avec aveuglément qui est l’adverbe. En droit pénal canadien, l’aveuglement volontaire, parfois aussi appelé aveuglement délibéré, désigne le fait pour une personne de se fermer volontairement les yeux devant la réalité et de s’abstenir de vérifier certains faits parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Son ignorance intentionnelle ou son aveuglement volontaire équivaut à la connaissance. La Cour suprême du Canada a distingué ainsi l’aveuglement volontaire de l’insouciance : « L’aveuglement volontaire diffère de l’insouciance parce que, alors que l’insouciance comporte la connaissance d’un danger ou d’un risque et la persistance dans une conduite qui engendre le risque que le résultat prohibé se produise, l’aveuglement volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le 393 besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Elle préfère rester dans l’ignorance. La culpabilité dans le cas d’insouciance se justifie par la prise de conscience du risque et par le fait d’agir malgré celui-ci, alors que dans le cas d’aveuglement volontaire, elle se justifie par la faute que commet l’accusé en omettant délibérément de se renseigner lorsqu’il sait qu’il a des motifs de le faire. » La formulation “to be wilfully blind to something”, qui figure régulièrement dans les textes traitant de l’aveuglement volontaire, pose des problèmes d’équivalence. On relève les tournures suivantes dans divers arrêts de la Cour suprême du Canada : « L’accusé s’est fermé volontairement (délibérément) les yeux devant la réalité... devant l’évidence... sur le risque... a refusé délibérément de voir le risque. » Syntagmes Aveuglement volontaire à l’égard de qqch., face à qqch., sur qqch. Théorie de l’aveuglement volontaire. ö INSOUCIANCE. AVEUGLETTE (À L’). Locution adverbiale utilisée en droit canadien de la preuve dans les expressions interroger à l’aveuglette et interrogatoire à l’aveuglette, qui désignent le fait pour une partie d’interroger sans motif précis et au hasard un témoin ou un candidat-juré pour essayer de découvrir des éléments favorables à la cause défendue ou justifiant la récusation du candidat-juré. Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law n’a pas retenu les termes interroger à l’aventure et interrogatoire à l’aventure. Le Vocabulaire bilingue de la common law en droit de la preuve mentionne aussi aller à la pêche, expression qui signifie chercher à obtenir, à trouver (généralement sans méthode). Cet équivalent appartient à la langue orale des débats judiciaires : « Cessez d’aller à la pêche. » 394 AVIS. AVISER. NOTIFICATION. NOTIFIER. 395 1) Contrairement à avis qui s’emploie également comme terme de la langue générale, notification est un terme essentiellement administratif et juridique. Pour les verbes, l’emploi est différent : aviser et notifier s’emploient tous deux dans la langue générale et dans le vocabulaire administratif, mais seul notifier est un terme de droit. Pour cette raison, aviser, avertir, faire connaître, informer tendront à supplanter notifier dans des contextes où l’idée d’avertissement est présente, mais sans l’exigence des formes légales : aviser les personnes intéressées, informer les parents, alerter la police, signaler à la direction, saisir les autorités, ou les verbes signifier, se communiquer, prévenir, porter à la connaissance de. « On lui signifia de partir immédiatement. » « Les autorités fiscales des États se communiqueront toutes modifications importantes apportées à leur législation fiscale. » « L’autorité sanitaire prévient le ministre. » « La dénonciation par l’une des parties contractantes devra être portée, par lettre recommandée, à la connaissance des autres parties contractantes. » Les textes consultés emploient souvent de façon interchangeable intimer, notifier et signifier (voir INTIMER). 2) Le vocabulaire administratif n’établit souvent aucune différence entre les termes avis et notification. On les considère comme des synonymes. Mais dans un texte juridique, il faudra les distinguer, considérant que le second ajoute au premier l’idée que la communication ou l’avertissement doit être fait expressément ou dans les formes légales. L’usage de ces deux mots dans les lois, dans la doctrine et dans la procédure semble ne pas contredire cette règle. Avis d’acceptation et notification de l’acceptation (dans le droit des contrats). Dans certaines lois du Canada, la notification, définie comme l’envoi d’un acte de procédure, est réputée à tous égards valoir concession effectuée par lettres patentes en faveur de qqn : « La notification vaut concession effectuée par lettres patentes délivrées sous le grand sceau. ». Adressée dans les conditions prévues par la loi, elle est établie en la forme réglementaire fixée par une autorité (le gouverneur en conseil par exemple). 3) On avise qqn de qqch., mais on notifie qqch. à qqn : « Le présent accord demeurera en vigueur jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date à laquelle l’un des deux Gouvernements aura notifié par écrit à l’autre gouvernement son intention d’y mettre fin. » 396 La construction [notifier] qqn est un anglicisme; on dit avertir, aviser, prévenir qqn : « Il faudra [les] notifier de la décision rendue (= leur notifier la décision rendue) ». Pour bien se rappeler la règle grammaticale, retenir l’exemple suivant : « Il avise Pierre de la décision. » « Il notifie à Pierre la décision. » AVIS. AVISER. PRÉAVIS. PRÉAVISER. 1) À la différence de préavis, avis n’est pas suivi, règle générale, d’un complément de durée : non pas donner un [avis] de dix jours, mais donner un préavis de dix jours. 2) Avis peut être suivi : a) d’un complément de nom introduit par de et marquant l’objet de l’avis (avis d’audience) ou sa provenance (avis de la Commission); b) d’un complément introduit par la préposition à (avis à la personne qui reçoit signification en qualité d’associé); c) d’un participe présent (avis prescrivant la remise d’un état des frais pour calcul des dépens, avis requérant un procès avec jury); d) d’un adjectif (avis écrit de protestation, avis signé, avis public, suffisant, conforme, favorable, négatif, spécial, rectificatif, raisonnable, télégraphique, régulier, introductif d’instance, de première cotisation, consultatif, scellé, contradictoire); e) d’un infinitif (avis de comparaître); f) d’une locution (avis en termes généraux, avis sous pli recommandé). 3) Avis s’emploie au sens général d’opinion, de conseil, d’avertissement, de renseignement (donner son avis sur une question, demander l’avis de la Cour, demander l’avis des experts, donner avis au public). Demander un avis (et non une [opinion]) à un avocat, à un juriste, c’est lui demander une consultation ou un rapport sur une question particulière. L’avis demandé est juridique et non pas [légal]. On ne dit pas [à son opinion], mais à son avis. Le contexte justifiera souvent l’emploi d’un terme plus précis qu’avis : convocation, communiqué, délai. « La convocation à l’assemblée extraordinaire doit être adressée trente jours au moins avant la date de la réunion. » « Le fait de n’avoir pas joui d’un délai suffisant... » 4) Éviter la rencontre du nom avis et du verbe aviser : « Le présent avis a pour objet d’[aviser] les personnes intéressées... » (= le présent avis s’adresse à toutes les personnes intéressées). 397 5) Aviser est souvent supplanté par ses synonymes informer, mettre en demeure, prévenir. « Le public est informé que... » « La Commission met tous les intéressés en demeure de lui présenter leurs observations dans le délai susindiqué. » « À charge par celui qui voudrait faire cesser l’effet du présent contrat de prévenir l’autre de son intention à cet égard... » Dans le style administratif, un supérieur avise un inférieur de qqch., mais un subordonné porte qqch. à la connaissance de son supérieur. 6) Le mot préavis désigne d’abord la formalité de notification préalable : « Le contrat peut être résilié par l’une ou l’autre partie sur préavis écrit de trois mois. ». Le terme a pris un sens particulier et a fini par signifier l’acte instrumentaire lui-même, le document correspondant : « Après m’être attaqué au problème de l’ancienneté, j’examinerai avec attention celui que pose la computation du délai mentionné au préavis. ». Par extension, le préavis est le délai d’attente (appelé délai de prévenance) entre le moment de la notification et la date à laquelle s’applique l’objet de la notification (délai de préavis). Préavis s’emploie en construction absolue (« La banque avait le droit de rappeler le prêt sur demande et de réaliser ses garanties sans préavis. ») ou avec un complément marquant soit l’objet du préavis (préavis de congé), soit la durée (préavis de six mois). Ses domaines d’emploi, en termes de fréquence, sont surtout le droit du travail, la législation relative à la fonction publique et les services d’utilité publique. Contrairement à l’avis, qui n’a pas nécessairement à être donné par avance, le préavis est un avertissement qui, suivant les dispositions d’une loi ou les stipulations d’une entente, doit obligatoirement être donné dans un délai prescrit et selon des modalités déterminées. La difficulté est que les textes utilisent souvent de façon interchangeable les termes avis et préavis. La nuance de période préalable que présente le mot préavis est importante. Le préavis étant un avis préalable d’intention (par exemple de résilier un contrat ou de licencier un employé), c’est avec le mot préavis que le complément de durée sera d’ordinaire employé. Certains linguistes ont critiqué la construction un préavis de dix jours parce qu’au sens strict, le préavis est une notification d’un fait à venir et non d’une durée. Mais l’usage admet, par le jeu de l’hypallage ou de l’ellipse, la construction préavis suivi du complément de durée. Si on doute toujours de la correction du terme, on peut dire un 398 délai de préavis de dix jours. [Notice] au sens d’avis, de préavis, de notification, d’avertissement est un anglicisme. Préaviser s’emploie en droit au sens de donner préavis à qqn, mais cet emploi est rare. ö DÉLAI. ö NOTIFICATION. AVISEUR, AVISEURE. Ce terme, qui existait en vieux français au sens de celui qui se connaît parfaitement à quelque chose, ne figure dans aucun des grands dictionnaires de langue française, à l’exception du Bélisle. Il ne peut s’employer aujourd’hui pour désigner un conseiller. Les expressions [aviseur légal] et [aviseur juridique] sont des anglicismes à bannir, qu’il convient de remplacer par conseiller juridique. On ne dit pas un [conseil aviseur], mais un conseil consultatif. Le mot aviseur existe toutefois; il désigne par euphémisme un délateur dans le vocabulaire des douanes françaises. « Profession : délateur. Ou plutôt ‘aviseur’, selon la pudique terminologie des douaniers français. » « Les aviseurs communiquent avec les douaniers sous un nom de code. » ö CONSEIL. ö INDICATEUR. ö JURIDIQUE. ö LÉGAL. AVORTÉE. AVORTEUR, AVORTEUSE. 1) Le Trésor de la langue française mentionne le substantif avortée pour désigner une femme qui a subi un avortement : « La légalisation de l’avortement a fait diminuer le nombre d’avortées clandestines. ». 2) On relève aussi avorteur et avorteuse : « Le Code pénal est particulièrement sévère à l’égard des avorteurs habituels. » 399 ö AVORTEMENT. AVORTEMENT. AVORTER. 1) L’avortement désigne l’expulsion naturelle ou provoquée d’un foetus avant terme. L’avortement naturel ou spontané est habituellement appelé fausse couche (terme du langage courant qui ne devrait pas s’employer dans les écrits juridiques ou scientifiques). Le Code criminel emploie les termes “abortion” et “miscarriage” comme équivalents d’avortement (article 287). En droit pénal, le législateur réprime l’avortement provoqué volontairement ou fixe les conditions dans lesquelles celui-ci est autorisé. En France, l’avortement est aussi appelé par euphémisme interruption volontaire de la grossesse, particulièrement lorsqu’il est autorisé par la loi. L’avortement se distingue de l’infanticide, qui est le fait de causer la mort d’un enfant nouveau-né (article 233 du Code criminel). Pour les formes d’avortement, voir Syntagmes ci-dessous. 2) Les opposants à l’avortement (“antiabortionist” ou “pro-life”) et les défenseurs de l’avortement ou les partisans de l’avortement (“proabortionist” ou “pro-choice”) ne partagent pas les mêmes idées sur l’avortement. On dit parfois des premiers qu’ils font partie du mouvement antiavortement. 3) L’expression avortement criminel est tombée en désuétude. L’avortement peut être soit légal (s’il est pratiqué en conformité avec les lois), soit illégal dans le cas contraire. Les juristes ne suivront pas nécessairement cette évolution de la langue puisque certaines expressions (voir les syntagmes ci-après) sont des termes consacrés dans le langage juridique, notamment dans le vocabulaire jurisprudentiel. Plutôt qu’avortement sur demande, on dit avortement libre. 4) Avortement s’emploie aussi au figuré : avortement d’un plan, d’un projet. 5) Les sens du verbe avorter correspondent à ceux d’avortement. Avorter s’emploie aussi au figuré au sens d’échouer, de ne pas aboutir : « Nombreuses sont les poursuites qui ont avorté en raison de défectuosités mineures d’ordre technique. ». 6) Dans ses deux sens, avorter donne souvent lieu à des constructions vicieuses en français : employé seul, avorter ne peut jamais être suivi d’un complément d’objet direct. Il est correct de dire : « Elle a avorté. » « Le procès a avorté. ». Mais, on ne 400 peut jamais [avorter qqn ni qqch.]. On fait avorter qqn ou qqch. On ne dira donc pas : « Faut-il [avorter] les handicapées mentales? » ni « L’intervention de la police a [avorté] son projet d’attaque de la banque. », mais « Faut-il faire avorter les handicapées mentales? » et « L’intervention de la police a fait avorter son projet d’attaque de la banque. » On ne parlera pas non plus de l’[intention d’avorter], mais, selon le cas, de l’intention de faire avorter ou de l’intention de se faire avorter. La construction pronominale s’[avorter] est également jugée incorrecte. Il faut dire : « Elle s’est fait avorter. » 7) Le Littré indique que le verbe avorter se conjugue avec l’auxiliaire avoir quand on veut exprimer l’acte même et avec l’auxiliaire être quand on veut exprimer l’état. La construction avec être est cependant rare aujourd’hui. 8) Le verbe anglais “to abort” peut être suivi d’un complément d’objet direct et avoir le sens de “to terminate prematurely”. Par exemple, “to abort an investigation” pourra se rendre par abandonner, arrêter, interrompre une enquête ou mettre fin à une enquête. Ce verbe anglais peut également avoir le sens de faire échouer. 9) L’adjectif avorté s’emploie aussi au figuré dans le sens de qui a échoué : tentative avortée d’assassinat. Syntagmes Avortement clandestin, illégal, légal. Avortement libre (plutôt qu’avortement sur demande). Avortement précoce, tardif. Avortement incomplet. Avortement accidentel, naturel, spontané. Avortement provoqué, avortement provoqué criminel, avortement provoqué médical. Avortement souhaité. Avortement volontaire, involontaire. Avortement chirurgical, eugénique, génétique, médical, médicalisé, obstétrical. Avortement thérapeutique (sur avis médical et selon les formalités légales). Avortement septique (associé à une infection). Avortement par aspiration, par curetage. Avortements à répétitions, avortement habituel, avortement de convenance. 401 Menace d’avortement. Candidate à l’avortement. Centre d’avortement. Comité de l’avortement thérapeutique (Code criminel). Crime d’avortement. Décriminalisation, dépénalisation, légalisation, libéralisation de l’avortement. Décriminaliser, dépénaliser, légaliser, libéraliser l’avortement. Répression de l’avortement, réprimer l’avortement. Droit à l’avortement. Avoir un avortement, subir un avortement. Obtenir, provoquer son propre avortement. Pratiquer un avortement sur qqn, procéder à un avortement, procurer un avortement à une femme enceinte, procurer l’avortement d’une personne du sexe féminin, provoquer un avortement chez une femme, provoquer l’avortement de qqn. La femme qui se procure un avortement à elle-même... Effectuer, réaliser un avortement. Commettre un avortement criminel, perpétrer un avortement, se rendre coupable d’un avortement. Tentative d’avortement, consommation de l’avortement, avortement consommé. Conseiller un avortement, provoquer qqn à l’avortement, provocation à l’avortement. Actes qui ont amené, produit, provoqué l’avortement, actes de nature à provoquer l’avortement. Avortement procuré par des breuvages, des médicaments, des remèdes. Rapport d’avortements (nombre d’avortements par naissance, en démographie). ö ABORTIF. ö AVORTÉE. ö INFANTICIDE. AVOUANT, AVOUANTE. Terme non recensé dans les dictionnaires usuels, parfois employé dans les textes juridiques pour désigner l’auteur d’un aveu : « Quelle est l’étendue de cette force probante? S’applique-t-elle à toutes les déclarations de l’avouant, indistinctement? » « L’avouante pouvait rétracter son aveu. » « Naturellement la preuve de l’erreur incombe à l’avouant qui se targue de la rétractation ». 402 ö AVEU. AVOUER. 1) Verbe qu’il convient d’utiliser au lieu de [confesser] sous l’influence de l’anglais “to confess”. Confesser n’appartient plus aujourd’hui au langage juridique français (voir AVEU et CONFESSION). Même en matière pénale, à la différence du concept de confession, on utilisera avouer : « L’accusé a avoué son crime aux policiers. » 2) En procédure civile, on utilisera admettre un fait, même si le substantif anglais correspondant, “admission”, est, en français, un aveu. 3) Avouer s’emploie absolument au sens de faire des aveux : « Pressé de questions, le prévenu a fini par tout avouer. » « L’avocat lui a fait comprendre qu’il serait préférable d’avouer. » 4) Avouer qqn ne se dit qu’en langage juridique dans la locution avouer un enfant (on dit aussi avouer un enfant pour fils, pour fille, pour sa soeur... ). Avouer qqch., au sens de s’en reconnaître l’auteur, s’emploie dans la locution avouer un écrit, un ouvrage, une œuvre. 5) Le verbe avouer s’emploie à la forme pronominale. S’avouer est alors suivi d’un adjectif (s’avouer coupable de meurtre), ou d’un substantif (s’avouer le meurtrier, le responsable). ö ADMETTRE. ö AVEU. ö AVOUANT. ö AVOUER. ö CONFESSER. ö CONFESSION. AXIOME. ö MAXIME. 403 AYANT. 1) Le participe présent du verbe avoir permet de créer des noms composés dans lesquels les substantifs formés à l’aide du mot ayant désignent des intervenants dans des opérations juridiques. Pour exprimer la pluralité, ayant, demeurant malgré tout un verbe, se met au pluriel du fait de l’usage, archaïsme conservé par la pratique, contrairement aux règles grammaticales ordinaires. Les substantifs qui l’accompagnent gardent la marque du singulier, laquelle se justifie par le sens. Des ayants droit, des ayants cause. Le trait d’union est facultatif dans ces exemples, mais il faut s’empresser d’ajouter que l’usage nettement dominant omet le trait d’union, faisant d’ayant-droit et d’ayant-cause des formes orthographiques obsolètes. 2) La disposition qui suit et qui sert d’illustration harmonise le droit fédéral canadien (ayant droit) avec le droit civil (ayant cause) et fait application de la règle grammaticale et orthographique précitée. « La concession de l’État octroyée à une personne décédée ou à son nom n’est pas nulle de ce fait; toutefois, le titre sur l’immeuble ou le bien réel est dévolu aux héritiers, ayants droit ou ayants cause, légataires ou légataires à titre particulier, ou autres représentants légaux du défunt, conformément aux lois en vigueur dans la province de situation du bien, comme si la concession avait été octroyée de son vivant. » Dans le droit des biens et en droit successoral, l’opération de reddition de compte qui met en présence divers intervenants tels que l’administrateur successoral ou l’exécuteur testamentaire – tous investis, de par leur mission, de l’accomplissement au nom des intéressés des actes de gestion et de la reddition de compte de leur activité – se réalise lorsque le mandataire ou quiconque a géré les biens ou les intérêts en question présente son compte de gestion (sommes dépensées, sommes encaissées, opérations diverses) au mandant ou au représentant de celui-ci. Le rendant compte chargé de la reddition de compte fait rapport à l’ayant compte ou, le cas échéant, aux ayants compte. Un ayant compte, une ayant compte. ö AYANT CAUSE. ö AYANT DROIT. ö OBSOLÈTE. AYANT CAUSE. AYANT DROIT. Ces deux termes s’écrivent sans trait d’union et font au pluriel : ayants cause et ayants 404 droit. On dit une ayant cause, une ayant droit. 1) Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law a retenu ayant droit pour rendre le substantif “assign” : « Le présent contrat lie le preneur et ses ayants droit. » 2) Dans certaines lois du Canada, l’ayant droit (“qualified person”) est la personne, y compris un fiduciaire, qui est admissible à une subvention suivant les règlements. Ayant cause et ayant droit sont synonymes et, en termes d’occurrence, ayant droit est d’une utilisation plus fréquente. « Le ministre peut, aux conditions qu’il détermine, reconnaître la qualité d’ayant droit à tout associé d’une société de personnes quant aux coûts ou frais admissibles engagés par la société. » « Pour les oeuvres anonymes ou pseudonymes, l’éditeur dont le nom est indiqué sur l’ouvrage est fondé à sauvegarder les droits appartenant à l’auteur. Il est, sans autres preuves, réputé ayant cause de l’auteur anonyme ou pseudonyme. » 3) Ayant droit fait souvent partie de doublets et de triplets ou de formules figées : héritiers et ayants droit, les exécuteurs testamentaires et leurs ayants droit respectifs, leurs associés, successeurs et ayants droit. « La présente cession lie et avantage les parties au présent acte, leurs successeurs et ayants droit. » 4) En matière sociale, l’ayant droit ou l’allocataire désigne la personne qui a droit à une prestation sociale. Les ayants droit à une prestation. Dagenais fait remarquer qu’une personne à charge qui, à ce titre, a des droits à quelque chose est désignée également par le nom d’ayant droit, mais que ces deux termes ne sont pas pour autant synonymes : « Deux de mes enfants à charge ont cessé d’être des ayants droit. » Ayant droit s’emploie également au sens de bénéficiaire en matière d’assurance (celui ou celle qui, en vertu d’un lien de parenté ou autre, a droit aux mêmes prestations que l’assuré ou au règlement de l’assurance) : l’ayant droit d’un participant, et en matière de finance (l’ayant droit (absolu) au dividende, à la matière du dividende). Il convient d’éviter dans ces contextes le pléonasme [ayant droit admissible]. 5) En droit civil, le terme ayant cause désigne la personne qui tient un droit ou une obligation d’une personne dénommée son auteur. Ayant droit s’entend d’une personne 405 ayant par elle-même ou par son auteur vocation à exercer un droit. Mais dans la pratique, il est souvent employé comme synonyme d’ayant cause. AYANT DROIT. ö ALLOCATAIRE. ö AYANT CAUSE. ö BÉNÉFICIAIRE. ö CHARGE. AZIMUT. Pour la prononciation, bien faire entendre le t. Ce terme est masculin et fait azimuts au pluriel : « Le plan de lotissement doit montrer les azimuts et les distances ». L’adjectif est azimutal, azimutale. Plan azimutal. Contrairement à l’anglais qui écrit toujours “azimuth” avec un h, le français a une forte tendance à écrire le mot sans h (à la différence de zénith, par exemple). Azimut astronomique, géodésique, magnétique. « Dans la désignation suivante, tous les azimuts sont basés sur le point nord du système de coordonnées de la province du Nouveau-Brunswick. » « De là selon l’azimut cent vingt degrés, quarante-neuf minutes, deux secondes. » 406 BACCALAURÉAT. On dit le baccalauréat en droit, et non le baccalauréat [de] droit. L’abréviation est LL. B. (Remarquer l’espace devant la dernière lettre et les points abréviatifs; cette forme d’écriture permet d’éviter la confusion entre l’abréviation marquant la discipline et l’abréviation marquant le grade.) Elle correspond à l’expression latine Legum Baccalaureus. Pour les autres diplômes usuels en droit, les abréviations (toutes en majuscules avec l’espace) sont les suivantes : LL. D. (le doctorat en droit), LL. M. (la maîtrise en droit) et LL. L. (la licence en droit) : elles correspondent aux expressions latines Legum Doctor, Legum Magister et Legum Licentiatus. Les lettres LL. indiquent la discipline (legum signifie des lois) et B., D., L. et M., le titre ou grade. Ces grades universitaires sont conférés à des étudiants et à des étudiantes en droit (et non [de] droit) qui deviennent ainsi des bacheliers et des bachelières en droit, des docteurs et des docteures en droit (et non des [doctoresses]), des licenciés et des licenciées en droit et des maîtres en droit (et non des [maîtresses] pour les femmes titulaires de ce grade). Ces personnes seront titulaires (et non [détentrices]) d’un tel diplôme. Pour la distinction qu’il y a lieu de faire entre détenteur et titulaire, voir DÉTENTEUR. Pour une liste des principales abréviations et des sigles utilisés en français juridique, voir LANGAGE ABRÉVIATIF. ö DÉTENTEUR. ö LANGAGE ABRÉVIATIF. 407 BAGAGE. BAGAGERIE. BAGAGISTE. Attention à l’orthographe : le mot bagage n’a en français qu’un seul g à la dernière syllabe, contrairement au terme anglais “baggage”. S’emploie surtout au pluriel au sens propre de malles, valises, sacs, mais le singulier n’est pas rare : « Je n’ai qu’un bagage à main. » « Je n’ai pour tout bagage que ce sac. » « Chacun de ces bagages est très léger. » Un seul bagage enregistré. 1) La personne préposée aux bagages, dans un hôtel, une gare, un aéroport, est un ou une bagagiste; la bagagerie est l’endroit où l’on entrepose les bagages encombrants. 2) En droit, le transport des bagages est considéré comme faisant l’objet d’un contrat de transport de marchandises entre le transporteur et le voyageur. Ce contrat est distinct du contrat de transport du voyageur. Contrat de transport des bagages. Dans le droit des transports terrestres, maritimes et aériens, on définit généralement les bagages suivant deux acceptions : au sens ordinaire, les bagages sont ceux que le voyageur emporte, qu’il enregistre, qu’il confie à son transporteur ou qu’il garde avec lui. Ce sont essentiellement ses effets personnels. « Bagages désigne les articles et effets personnels d’un passager nécessaires ou destinés à son habillement, son usage, son confort ou sa commodité au cours de son voyage. » La définition du terme indique généralement la nature de l’objet, sa destination et les circonstances de son utilisation. Les bagages que le voyageur transporte avec lui sont des bagages à main : « Les voyageurs sont autorisés à se munir de bagages à main à titre gratuit. » Le problème juridique qu’ils posent est celui de la responsabilité du transporteur en cas de perte, d’avarie ou de vol. Pour ce qui concerne les bagages enregistrés, il y a véritablement contrat. Le transporteur prend les bagages en charge, comme il le fait dans le cas des marchandises. Il contracte l’obligation de déplacer les bagages dans les conditions prévues et il en est responsable jusqu’à leur livraison. Responsabilité à l’égard des, relative aux bagages enregistrés. « Le propriétaire des bagages enregistrés dégage le transporteur de toute responsabilité. » « Le voyageur reconnaît les conditions auxquelles le transporteur accepte d’acheminer les bagages. » 408 3) On dit bien avarie de bagages : aussi n’y a-t-il pas lieu de considérer comme anacoluthe la formule figée destruction, perte ou avarie de bagages : « Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés ou de marchandises lorsque l’événement qui a causé le dommage s’est produit pendant le transport aérien. » « La responsabilité du transporteur pour perte ou avarie de bagages causées directement ou indirectement par le fait, la négligence ou l’omission du transporteur est limitée à cent dollars par passager. » Avarie aux bagages se dit par ellipse : avarie causée, survenue aux bagages. On dit chariot à bagages (et non [de] bagages), fourgon à bagages (et non [de] bagages). L’action pour le transporteur de déplacer les bagages, de les charger ou décharger est la manutention des bagages, et non leur [maniement]. Syntagmes Bagage à bord du navire, bagage en cours d’embarquement. Bagage à la consigne. Bagage à main. Bagage de cabine. Bagages de passagers par mer. Bagages de touristes, des voyageurs. Bagages enregistrés. Bagages en transport aérien. Bagages gratuits. Bagages importés. Bagages non réclamés et éliminés. Bagages personnels. Bagages principaux, bagages secondaires. Bagages reçus en mauvais état, bagages mal emballés. Bagages taxables. Acceptation des bagages. Admission des bagages. Appareil électronique d’inspection des bagages. Avarie, détérioration, endommagement, perte de bagages. Bulletin de bagages. Chargement, déchargement des bagages. Coffre, compartiment à bagages. 409 Colis de bagages. Contrôle des bagages. Destruction des bagages. Détournement des bagages. Dommage (apparent) aux bagages. Enregistrement des bagages. État des bagages. Examen des bagages. Excédent de bagages. Fouille des bagages. Frais d’entreposage des bagages. Garde, manutention des bagages. Inspection des bagages. Livraison des bagages. Nature des bagages. Pesage des bagages. Politique en matière de bagages. Préposé (principal) aux bagages. Réception des bagages (à la gare de destination). Responsabilité (du transporteur) à l’égard des bagages. Retard des bagages. Ticket de bagages. Transport des bagages, transport aérien, maritime, terrestre (des bagages à main et des bagages enregistrés). Valeur affichée, déclarée des bagages. Vérification des bagages. Vice propre des bagages. Visite des bagages. Vol de bagages. Conserver la garde des bagages. Déplacer les bagages. Faire emporter ses bagages. Faire expédier des bagages. Livrer des bagages. Mettre ses bagages à la consigne. Prendre (en) charge des bagages. 410 Réclamer ses bagages dès l’arrivée. Voyager avec, sans bagages. BAGARRE. BATAILLE. 1) L’article 265 du Code criminel du Canada prévoit notamment que quiconque, d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement commet des voies de fait ou se livre à une attaque ou à une agression. Au Canada, les jugements rendus dans les affaires de bagarres à coups de poing entre adversaires consentants varient énormément tant sur le plan du résultat que sur celui du raisonnement. Mais les tribunaux n’en ont pas moins statué que la plupart des bagarres ou batailles, sauf les accrochages mineurs, sont illégales parce qu’il n’est pas dans l’intérêt public que les gens s’infligent ou tentent de s’infliger mutuellement de véritables lésions corporelles sans raison valable, peu importe si l’acte a été commis en privé ou en public. « Quiconque cause des lésions corporelles ou a l’intention d’en causer se livre à des voies de fait. Cela veut dire que la plupart des bagarres sont illégales, indépendamment du consentement. » 2) Dans le Code de discipline militaire, le législateur canadien prévoit qu’un officier peut, sans mandat, effectuer ou ordonner l’arrestation d’un officier de grade supérieur impliqué dans une querelle, une bagarre ou une situation de désordre. Pour le concept juridique d’implication, voir ce mot. 3) Dans les expressions au singulier bagarre à coups de poing et bataille à coups de couteau, il y a lieu de remarquer que le sens veut que seul le mot coup prenne la marque du pluriel; mais on écrira bataille à couteaux tirés. « Existe-t-il en common law des limites quant au consentement applicables à une bagarre à coups de poing ou à une bataille à coups de couteau lorsque des lésions corporelles sont voulues ou causées? » 4) Les participants à ces confrontations violentes sont appelés des adversaires, des antagonistes ou, simplement, des parties. « La victime a été tuée par l’accusé dans une bagarre à coups de poing entre adversaires consentants. » « La bagarre a dégénéré en bataille généralisée entre les alliés des adversaires respectifs. » 411 5) Au figuré, bataille s’emploie au sens de contestation, d’affrontement, dans des expressions comme bataille juridique, bataille judiciaire, bataille devant les tribunaux. Bataille livrée relativement à une question. Engager une longue bataille judiciaire. S’engager devant le tribunal dans une bataille de dictionnaires. Se livrer à une longue série de batailles juridiques âprement disputées. « D’où le dilemme qui a donné lieu à l’incessante bataille judiciaire autour de la différence entre décision de politique et décision opérationnelle. » « L’intimé fut au premier rang d’une longue bataille juridique entre Indiens de la Côte et l’État de Washington. » 6) À propos d’un argument ou d’une thèse, la locution cheval de bataille se dit d’un argument continuel et favori : « Son principal cheval de bataille dans ce genre de litige est la Charte. » Les syntagmes qui suivent sont les mêmes pour le mot bataille. Syntagmes Bagarre aux poings. Bagarre de rue, de bar, de cour d’école. Bagarre engagée avec un adversaire. Bagarre entre (des) parties consentantes. Bagarre furieuse, violente, sanglante, tragique. Bagarre loyale (à coups de poing). Bagarre mineure. Bagarre privée, publique. Affaire de bagarre à coups de couteau. Blessures survenues par suite d’une bagarre. Consentement donné à une bagarre. Coup assené pendant la bagarre. Nature spontanée des bagarres. Preuve du consentement à se battre à coups de poing. Assister, participer à une bagarre. Dégénérer en bagarre générale. Essayer de mettre fin à une bagarre. Intervenir dans une bagarre pour y mettre fin. Proscrire les bagarres entre adversaires consentants. 412 Provoquer une bagarre. Troubler la paix par une bagarre. Il y a eu (une) bagarre. Il s’ensuivit une bagarre. La bagarre a commencé, s’est poursuivie. La bagarre a eu lieu, a éclaté, a abouti à, s’est terminée par. ö ALTERCATION. ö COMBAT. ö IMPLICATION. BAIL. Ce mot ne prend pas d’accent. Fait baux au pluriel. 1) Le bail est l’action de bailler, c’est-à-dire de donner à bail (plus rarement de donner en bail) : voir BAILLER. C’est un contrat (de location ou de louage) par lequel la partie qui détient la propriété d’un bien (le bailleur ou le propriétaire) en cède l’usage ou la jouissance à une partie (le preneur ou le locataire) moyennant un prix convenu (le loyer), pour une durée, déterminée ou non, conformément aux stipulations du contrat ou aux conditions légales. 2) Bail et baillement sont deux réalités juridiques différentes (voir BAILLEMENT). Bail s’entend proprement a) du contrat lui-même, ou, par métonymie, b) de la somme payée aux termes de ce contrat ou c) de l’écrit rédigé pour constater le contrat (cet emploi relève surtout de la langue usuelle). 3) Phraséologie. Une fois l’offre de bail acceptée, les parties peuvent prévoir un projet de bail, qui donnera lieu, devant l’avocat ou le notaire, à l’établissement en bonne et due forme d’un bail. Généralement, le bail est établi en double exemplaire; il est dressé ou rédigé, puis les parties le concluent ou le signent; lorsque toutes les formalités réglementaires sont remplies, le bail est valablement passé. Il est intervenu entre le bailleur et le preneur. Le bail peut commencer par un préambule. Le corps de l’acte renferme des clauses ou des dispositions; puisque c’est un contrat, on dira qu’il stipule. S’il vise plusieurs 413 biens, l’un d’eux pourra être libre de bail. Le bail a un objet (un immeuble d’habitation, par exemple) et il pourra devoir être exécuté (installer un ascenseur); il prévoit des conditions (se réserver la faculté d’acheter l’immeuble) et des modalités (relatives au paiement du loyer). Les parties fixeront le prix du bail et sa durée. Il pourra être déclaré inopposable au bailleur. Des droits seront conférés par le bail, des obligations en découleront. Le bail est accordé, consenti ou octroyé. Il prend effet ou entre en vigueur à une date de commencement et expire à une date de fin de bail, ou cesse de plein droit à l’arrivée du terme. Il se poursuit ou continue par reconduite ou reconduction; il se perpétue jusqu’au partage; il peut être modifié ou reporté. Il se proroge ou se résilie. Le bail est susceptible de contestations et peut être dénoncé. Le tribunal examinera la preuve du bail, interprétera le bail et pourra prononcer sa nullité; on dira alors que le bail est frappé de nullité. Pour compléter ce survol phraséologique, voir la liste de syntagmes ci-après. 4) Une cession de bail est un transfert par le preneur à un cessionnaire du contrat de bail existant entre le bailleur et le preneur ainsi que de tous les droits et obligations qui résultent du bail; une cession à bail, quant à elle, est un transfert par le bailleur au preneur d’un bien visé au contrat de bail. Ne pas confondre non plus avec la cessionbail (voir CESSION). Pour éviter toute ambiguïté, la locution cession à bail et son dérivé verbal céder à bail ne se disjoignent pas : cession à bail des terres, céder à bail un bien breveté (et non [cession des terres à bail] ni [céder un bien breveté à bail]). 5) Au Canada, le bail qui est établi sans formalités ou qui n’est pas établi dans les formes réglementaires s’appelle bail non solennel plutôt que [bail informel]. 6) En France, le droit au bail est le prix payé au preneur antérieur ou au propriétaire par l’acquéreur d’un fonds de commerce en contrepartie de l’intérêt que présente un local à usage commercial. Au Canada, le droit au bail est la faculté que possède l’occupant d’un immeuble ou d’un local de se maintenir dans les lieux au delà de la durée du titre en vertu duquel il occupe les lieux et d’obtenir aussi, à certaines conditions, un bail ou le renouvellement du bail. Titulaire du droit au bail. À ne pas 414 confondre avec le droit de bail, qui est la somme que paie le preneur au bailleur au moment fixé au contrat de bail. Syntagmes Bail + à + substantif Bail à cheptel. Bail à complant. Bail à convenant. Bail à construction. Bail à court terme, à long terme, à terme certain, à terme d’années, à terme déterminé, à terme fixe, à terme indéterminé (on dit terme ou durée). Bail à culture perpétuelle. Bail à discrétion (“lease at will”). Bail à domaine, à domaine congéable. Bail à ferme. Bail à longues années. Bail à loyer. Bail à loyer brut (et non [bail brut] “gross lease”), fixe, hypernet, net, proportionnel (“percentage lease”), supernet, variable (et non [bail gradué], “graduated lease”). Bail à métairie. Bail à métayage. Bail à moisson. Bail à nourriture. Bail à pâturage. Bail à perpétuité. Bail à pourcentage. Bail à rente, à rente foncière. Bail à usage professionnel. Bail à vente. Bail à vie. Bail + à + verbe Bail à céder. Bail à louer, à sous-louer. 415 Bail + de + complément de durée Bail de six ans, de neuf ans, de quatre-vingt-dix-neuf ans. Bail + adjectif Bail actuel (“present lease”). Bail administratif. Bail agricole, rural. Bail anglais, français. Bail annuel. Bail antérieur. Bail aquacole. Bail authentique. Bail commercial. Bail concomitant ou concurrent. Bail conditionnel. Bail conjoint. Bail conventionnel. Bail dérogatoire (ou à clause dérogatoire). Bail domanial. Bail écrit. Bail emphytéotique. Bail exceptionnel (ou d’exception). Bail exécutoire. Bail financier. Bail foncier (“ground lease”), immobilier, mobilier. Bail franc (“freehold lease”). Bail gouvernemental. Bail gratuit. Bail hebdomadaire, mensuel, semestriel, trimestriel, annuel. Bail héréditaire. Bail huîtrier. Bail initial, originaire, primitif. Bail irrévocable. Bail judiciaire, législatif. 416 Bail locatif. Bail minier. Bail mixte. Bail net, supernet, hypernet. Bail non résidentiel, résidentiel. Bail non solennel, solennel. Bail notarié (et non [bail notarial]). Bail oral (“oral” ou “verbal lease”), verbal (“parol lease”). Bail ordinaire. Bail périodique. Bail perpétuel. Bail précaire. Bail principal, secondaire (ou contrat de sous-location). Bail professionnel. Bail prolongé. Bail réciproque. Bail reconductible, reconduit d’année en année. Bail réel. Bail renouvelable à perpétuité. Bail résiliable. Bail réversif. Bail tacite. Bail type. Bail urbain. Bail viager. Bail + de + substantif (ou locution) Bail d’appartement, d’habitation, de locaux, de logement. Bail d’exploitation (minière,...). Bail d’immeubles. Bail de chasse, de pêche. Bail de coopérative. Bail de droits miniers, de droits souterrains, d’exploitation minière, de mine, de prospection minière. Bail de gré à gré. Bail de location, de sous-location, de location-acquisition. Bail de locaux (à usage d’habitation). 417 Bail de marché. Bail de pâturage. Bail de rang antérieur (“superior lease”). Bail des biens de l’État. Bail des établissements publics. Bail de surface. Bail de terrains, de terres publiques. Bail + avec + complément Bail avec clause de réévaluation. Bail avec option d’achat. Bail + en + complément Bail en années. Bail en common law (“legal lease”), en equity (“equitable lease”). Bail en nature. Bail en premier détachement. Bail en réversion. Bail + par + complément Bail par anticipation (“future lease”). Bail par préclusion (“lease by estoppel”). Bail par tacite reconduction. Bail par tolérance. Bail + pour + complément Bail pour des fins autres que résidentielles. Bail pour la jouissance tranquille des lieux loués. Bail pour une durée calculée en années. 418 Bail pour une ou plusieurs vies. Bail + trait d’union + substantif Bail-délaissement (“lease and release”). Bail-vente. Substantif + trait d’union + bail Cession-bail. Crédit-bail. Prêt-bail. Sous-bail. Substantif + de + bail Acheteur, acquéreur du bail. Année de bail. Annulation, rescision de bail. Bénéficiaire du bail. Cause du bail. Cessation, extinction de bail. Cession, concession, cessionnaire, concessionnaire du bail. Circonstances du bail. Confirmation, ratification du bail. Contenu du bail. Continuation du bail. Contrat, convention de bail. Copie, exemplaire du bail. Délivrance du bail. Demandeur du bail. Durée (initiale, minimale, maximale) du bail. Enregistrement du bail. Exigences du bail. Formation du bail. Forme du bail. 419 Formule (réglementaire, type) de bail. Interprétation du bail. Langue du bail. Libellé du bail. Mode de bail. Négociation du bail. Période (écoulée, non écoulée) du bail. Perpétuité du bail. Présomption de bail. Prise d’effet du bail. Prise du bail. Prolongation, prorogation du bail. Qualification du bail. Reconduction du bail. Réduction du bail. Renouvellement de bail. Reprise du bail. Répudiation du bail. Résolution du bail. Rupture, violation (fondamentale) du bail. Statut du bail. Sortes, types de baux. Suspension du bail. Terme du bail. Titulaire du bail. Valeur (marchande) du bail. Validité du bail. Vendeur du bail. Substantif + à bail Acte de transfert, de transport à bail. Bien à bail (“leasehold property”). Cession, concession à bail. Condominium à bail. Cotenance à bail (“concurrent tenancy”). Domaine à bail. Donneur à bail. 420 Droit de tenure à bail. Fonds à bail (“leasehold land”). Intérêt à bail. Locataire, location, sous-locataire, sous-location à bail (agricole, commerciale, en common law, en equity, franche : “freehold lease”, par préclusion). Octroi à bail. Preneur à bail. Propriétaire, propriété à bail. Tenance à bail (commerciale, commune, conjointe, par préclusion, unitaire). Tenant à bail Tènement à bail. Tenure à bail. Terre, territoire à bail. Titre à bail. Transport à bail (actuel, réciproque, verbal). Substantif + par bail Transport par bail. Transport par bail et délaissement. Substantif + à fin de bail Contrat, convention à fin de bail. Substantif + pour bail Transport pour bail. Adjectif + bail Nouveau bail. Premier, deuxième, troisième ... bail. Simple bail. 421 Verbe + bail Accepter un bail. Acheter, acquérir un bail. Annuler, rompre un bail. Approuver un bail. Assujettir un bail (à des conditions). Avoir, détenir, posséder un bail. Céder, concéder un bail. Contracter un bail. Contenir au bail. Contrevenir à un bail, violer un bail. Convenir par bail. Délivrer un bail. Diviser un bail. Faire un bail. Indiquer au bail. Invalider un bail. Maintenir un bail en vigueur. Mettre fin au bail. Négocier un bail. Prolonger un bail. Ratifier un bail (par une loi spéciale). Reconduire un bail. Régir un bail. Renoncer à un bail. Renouveler un bail. Révoquer un bail. Se conformer au bail. Sous-louer un bail. Verbe + à bail Céder, concéder, donner à bail. Louer, sous-louer à bail. Prendre, reprendre à bail. Tenir à bail. 422 Transférer, transporter à bail. Locution + bail Au cours du bail, en cours de bail. Au terme du bail (c.-à-d. à la fin du bail), aux termes du bail (c.-à-d. d’après, selon le bail). ö BAILLAIRE. ö BAILLEMENT. ö BAILLER. ö BAILLEUR. ö CESSION. BAILLAIRE. BAILLANT, BAILLANTE. 1) Les néologismes baillaire et baillant ont été retenus par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law dans le cadre de ses travaux terminologiques en droit des biens. Le baillant et le baillaire sont mis en présence dans l’opération juridique que constitue le baillement (voir ce mot); dans le cas d’un bail, les actants sont le bailleur et le preneur (voir BAIL et BAILLEUR). Pour respecter la structure terminologique de la common law et le contenu notionnel des termes, le Comité a choisi les équivalents baillant, substantif formé du participe présent du verbe bailler (voir ce mot), cette dérivation suffixale étant fréquente dans le langage juridique pour créer des noms d’agent, et baillaire, néologisme formé à l’aide du suffixe -aire, lequel désigne généralement le destinataire de l’action. 2) Au Canada, dans le droit des biens en régime de common law, l’auteur du baillement (en anglais “bailor” ou “bailer”) est le baillant ou la baillante, qui est titulaire des droits de propriété sur la chose baillée dont une autre personne, le ou la baillaire (en anglais “bailee”), a la possession provisoire. Devoir du baillaire. Responsabilité, obligations du baillaire. « La baillante des biens a en l’espèce un droit d’action contre la baillaire qui les a endommagés par négligence. » « La Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick a affirmé qu’un baillaire rémunéré est responsable des biens perdus ou endommagés, sauf s’il peut démontrer que la perte était attribuable à un accident inévitable, à un vice inhérent à l’objet ou à une autre cause externe, et non à un manque de soin de sa part. » 423 Dans le cas où une suite de baillements est en cause, le premier baillaire est dit baillaire primitif; la même remarque s’applique pour le baillant. La liste qui suit énumère les termes recommandés par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law. baillaire “bailee” baillaire de droit et non [en droit]) “constructive bailee” baillaire de fait “actual bailee” baillaire gratifié “gratuitous bailee” baillaire involontaire “involuntary bailee” baillaire-locataire “conductor” baillaire-mandataire “mandatory” baillaire rémunéré “bailee for hire”, “bailee for reward” ou “lucrative bailee” baillant “bailer” ou “bailor” baillant-loueur “locator” baillant-mandant “mandator” quasi-baillaire “quasi-bailee” ö BAIL. ö BAILLEMENT. ö BAILLER. ö BAILLEUR. BAILLEMENT. DÉPÔT. DÉTENTION. GARDE. Le terme juridique baillement ne prend pas l’accent circonflexe sur le a. 1) En common law, le baillement (“bailment” en anglais) est essentiellement la remise d’une chose. C’est une catégorie spécifique qui groupe tous les cas où une 424 personne remet un bien à une autre à charge de restitution ultérieure; la notion ne vise que les biens personnels corporels. Plus spécifiquement, le terme anglais “bailment” désigne la possession légitime de biens par quelqu’un qui n’est pas le propriétaire, autrement dit l’action de séparer la propriété et la possession de ces biens ou l’état de séparation que produit cette action. En l’absence d’un consentement exprès (par exemple oublier son parapluie au domicile d’un ami), le droit anglais estime que l’obligation naît du simple fait de la possession involontaire du bien d’autrui. Lorsqu’il y a baillement, deux sujets sont mis en présence : le titulaire du droit de propriété sur la chose (le baillant) et le possesseur légitime de la chose (le baillaire). Cette distinction s’opère en droit par le transfert de la possession. 2) Au Canada, le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law propose de rendre cette notion par le vieux mot français baillement. L’entrée du mot dans notre langage juridique étant très récente, on ne peut invoquer beaucoup de constats d’usage. Toutefois, le mot apparaît petit à petit dans notre jurisprudence, mais on confond souvent baillement avec des notions voisines comme dépôt, détention ou garde. Le dépôt (voir ce mot) en droit anglais, différent du dépôt français de droit civil, est l’acte juridique par lequel le bien d’autrui est confié à une personne qui s’engage à le conserver et à le remettre en nature (“deposit” en anglais). Contrairement aux notions de garde ou de détention (voir ces mots), qui désignent le simple fait de détenir un objet ou un chatel (voir ce mot) pour quelqu’un d’autre (“custody” en anglais), le baillement renferme comme élément essentiel, on l’a dit, le transfert de la possession juridique de la chose, indépendamment de la propriété. 3) Strictement parlant, le baillement et les obligations qui en découlent ne relèvent pas du droit des contrats. Il peut donc y avoir baillement sans contrat. Mais, comme l’aspect contractuel peut toujours être présent si une contrepartie est prévue dans l’opération en cause, des mots et des expressions propres au droit des contrats pourront accompagner la notion : contrat de baillement, stipulations du baillement, résilier le baillement. « Le baillement est intervenu entre A et B. » « Le baillement passé est valable. » « Le baillement énonçait de nombreuses stipulations. » Plusieurs contrats de baillement stipulent que le baillaire a le droit de sous-traiter le baillement; cette sous-traitance donne lieu à un contrat de sous-baillement. 425 4) L’opération juridique que constitue le baillement peut s’effectuer de multiples façons. Les catégories de baillement et la responsabilité du baillaire (voir ce mot) ont été clairement exposées dès le début du 18e siècle dans l’arrêt Coggs c. Bernard. On distingue au moins huit espèces de baillement. Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law, dans un effort visant à respecter la structure terminologique de la common law et les traits sémantiques des termes français, propose une série d’équivalents français pour rendre les termes techniques de la famille du “bailment” anglais. À titre d’exemples, le baillement dans le cadre duquel le baillaire reçoit une compensation pour les services qu’il rend est le baillement rémunéré. Par opposition, le baillement dans lequel il ne reçoit pas d’autre compensation que la possession de la chose qui lui est remise est un baillement non rémunéré ou baillement gratuit. Le baillement de droit, le baillement involontaire et le quasi-baillement visent la situation où une personne a acquis la possession d’objets d’autrui, sans consentement mutuel et sans acte illégitime. Enfin, le baillement révocable à l’appréciation du baillant est le baillement à discrétion. La liste qui suit énumère les équivalents normalisés à ce jour. baillement “bailment” baillement à discrétion “bailment at will” baillement de droit “constructive bailment” baillement de fait “actual bailment” baillement gratuit “gratuitous bailment” baillement involontaire “involuntary bailment” baillement-mandat “mandate” ou “mandatum” baillement rémunéré “bailment for hire”, “bailment for reward” ou “lucrative bailment” quasi-baillement “quasi-bailment” Syntagmes Baillement à avantage mutuel. Baillement en faveur du baillant. 426 Catégories, espèces de baillement. Conditions du baillement. Droit applicable au baillement, droit du baillement (et non [droit des baillements]). Extinction du baillement. Sous-baillement par le baillaire. Consentir au baillement. Constituer, créer un baillement, un sous-baillement. ö BAILLAIRE. ö CHATEL. ö DÉPÔT. ö DÉTENTION. ö GARDE. ö LOCATIO. BAILLER. 1) Ne pas confondre bailler avec bâiller et bayer. Bailler et bayer se prononcent de la même façon; il faut faire sentir le a long dans bâiller. À la première et à la deuxième personne du pluriel de l’indicatif imparfait et du subjonctif présent, il faut mettre le i devant la désinence : nous baillions, que vous bailliez. Bailler, sans accent circonflexe sur le a, est vieilli au sens de donner (bailler son héritage) ou de fournir, prêter, procurer de l’argent, même si le substantif est resté bien vivant dans l’expression bailleur ou bailleuse de fonds. Bailler des fonds, bailler de l’argent à quelqu’un. 2) Seul bailler est réservé au langage juridique. Il désigne le fait pour le bailleur ou la bailleresse (voir BAILLEUR) d’accorder un bail, de donner en location. Bailler par contrat, bailler par testament. En ce sens, il est concurrencé par les locutions verbales donner à bail et faire bail. 427 Dérivé de bail (voir ce mot), bailler marque l’action pour le bailleur ou la bailleresse de remettre au preneur ou à la preneuse un bien en location. Bailler un bien; immeuble baillé. « Le bailleur est tenu de garantir le preneur et de le faire jouir de l’immeuble baillé pendant tout le temps légalement convenu. » En France, le mot entre dans des expressions relatives au contrat de cheptel, comme bailler à cheptel (fait pour le bailleur de remettre en location au fermier un fonds de bétail à un tiers à charge de le garder et de le nourrir), au fermage, comme bailler à ferme (fait pour le propriétaire de concéder au fermier l’usage et la jouissance d’un bien rural moyennant une redevance indépendante des résultats de l’exploitation), et au métayage, comme bailler à métayage (fait pour le bailleur de donner en location au métayer un fonds rural à charge de l’exploiter moyennant partage des fruits et des pertes). Au Canada, bailler s’emploie en régime de common law dans le droit applicable au baillement (voir à cette entrée le concept juridique de baillement, qu’il faut distinguer de celui de dépôt); c’est le fait pour le baillant ou la baillante de confier la garde d’un bien à un ou à une baillaire (voir BAILLAIRE). Bailler un chatel, une chose, un objet. « Tant que le baillaire utilise l’objet baillé conformément aux conditions du baillement, il répond au baillant de la moindre négligence et doit exercer le degré de diligence le plus élevé en ce qui concerne le chatel baillé. » ö BAIL. ö BAILLAIRE. ö BAILLEMENT. ö BAILLEUR. BAILLEUR, BAILLERESSE. Bailleur est substantif et adjectif. 1) Dans le cas d’un bail (voir ce mot), les actants sont le bailleur ou la bailleresse (le propriétaire qui loue son bien, qui accorde un bail ou donne à bail ou en location) et le preneur ou la preneuse (à bail). Il ne faut pas confondre le bailleur avec le baillaire ou avec le baillant (voir BAILLAIRE), termes apparentés au baillement. 428 Les termes bailleur et bailleresse (ou donneur et donneuse à bail) ont été retenus au Canada par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law. La liste qui suit énumère les termes recommandés par le Comité. bailleur, bailleresse “lessor” bailleur conjoint “joint lessor” bailleur immédiat “immediate lessor” bailleur primitif “original lessor” bailleur principal “head lessor” cobailleur “co-lessor” réversion de bailleur “leasehold reversion” sous-bailleur “sub-lessor” ou “under-lessor” 2) La forme féminine bailleresse est réservée au langage juridique (tout comme acquéresse, demanderesse, venderesse). Dans l’usage courant, la forme féminine est bailleuse; la bailleuse de fonds est la personne qui fournit des capitaux à une entreprise. Ce n’est que dans la langue familière que bailleur de fonds s’applique à une personne qui avance de l’argent à un particulier. 3) Un particulier est un bailleur individuel, tandis qu’une personne morale est un bailleur social. « Le litige oppose un bailleur individuel à un locataire réputé insolvable. » « Premier propriétaire de HLM en France, cette filiale de la Caisse des dépôts est aussi le plus gros bailleur social de la région parisienne. » ö BAIL. ö BAILLAIRE. BALANCE. 1) La balance de Thémis est le symbole de la Justice. La justice aime beaucoup les symboles. La balance et l’épée traduisent deux conceptions fondamentales du droit : un droit juste et pur (serein) et un droit fort 429 (vengeur). « Le droit n’est pas une pure théorie, mais une force vive. Aussi la justice tient-elle d’une main la balance au moyen de laquelle elle pèse le droit, et de l’autre l’épée. » « Rendre la justice implique l’exercice de deux pouvoirs : le pouvoir de dire le droit (statuer) et celui de commander (faire exécuter la décision). La balance donne l’image de cette dualité : un glaire (exécution) en sépare les deux plateaux (dire le droit). » (Sourioux). La pensée juridique associe intimement dans les décisions judiciaires et la théorie du droit le symbole des balances de la justice à l’idée que l’adjudication consiste à soupeser des intérêts contraires. Ainsi, la justice est rendue lorsque le plateau de la balance penche du côté de la partie dont la force probante de la cause est la meilleure. Le juge est censé trancher en faveur des arguments qui ont le plus de poids (voir ce mot), une fois que tous les intérêts pertinents ont été placés dans la balance. Son rôle est donc de balancer (voir ce mot) des intérêts. Sa fonction correspond précisément à ce qu’on a appelé la pesée des actes. L’image de la balance n’est pas neuve. Depuis l’Antiquité, elle représente l’idée de la justice rendue. Aristote disait que le juge maintient la balance égale entre deux parties. Dans la symbolique chrétienne, elle illustre l’idée du jugement divin : « La justice céleste tient une balance dans ses mains. » Les textes sacrés parlent de la balance du Jugement dernier. Au 18e siècle, le grand juriste anglais Blackstone utilise l’image de la balance pour souligner l’importance que les tribunaux accordent au respect de la règle du précédent : « Car c’est une règle établie de s’en tenir aux décisions antérieures lorsque les mêmes points de contestation se représentent, tant pour maintenir ferme et égale la balance de la justice, et l’empêcher de se mouvoir en divers sens avec l’opinion de chaque juge nouveau. » L’image sera reprise à diverses fins dans les textes modernes, notamment, au Canada, pour exprimer l’idée que la Cour suprême doit conserver une attitude souple par rapport à l’évolution de la common law. Au centre de la pensée juridique se trouve l’idée que les tribunaux ont le devoir de tout peser dans une balance exacte. Cette notion fondamentale est présente dans maintes décisions de justice où sont mis en présence les principes de la recherche de l’équilibre dans l’adjudication et du respect des droits des parties. 430 2) Expression linguistique Le processus de décision judiciaire est très complexe et infiniment varié; il a pourtant donné lieu à la métaphore de la balance, venue simplifier, à l’excès sans doute, la nature et l’objet de ce processus. Comment cette image, que Sourioux appelle, avec celle du glaive (voir ce mot), un instrument-symbole du droit ou encore un outil de l’activité juridique, trouve-t-elle son expression linguistique dans le langage du droit ? L’idée est rendue soit par l’utilisation du terme balance lui-même, employé seul ou dans des locutions substantives ou verbales, soit par une variété de tours dont nous énumérerons les principaux éléments ci-après. A. Emploi figuré Le sens du mot balance dans cet emploi correspond aux notions d’égalité, d’équilibre, de justice, d’harmonie, de dosage, d’importance relative, d’adéquation entre deux réalités, de juste appréciation des choses. Balance de l’équité, du jugement, de la raison. Balance des forces (comparaison entre deux situations faisant ressortir leurs rapports) : « Cette crise que vit notre système de justice est défavorable à la balance des forces en présence » (= à leur équilibre). B. Locutions verbales 1. Mettre (deux choses) en balance ou dans la balance. Comparer les mérites, examiner, opposer, faire entrer en ligne de compte. Préposition avec « La gravité de l’infraction doit être mise dans la balance avec ce qu’il y a de bon dans la fin poursuivie. » Conjonction et « Le Québec est un État démocratique qui met en balance les droits des minorités et ceux de la majorité. » 431 « Si l’on met en balance l’intérêt de l’administration de la justice et les droits de l’accusé, il faut écarter la déclaration présumée. » Construction absolue « Ce qu’il peut y avoir de répréhensible dans le moyen proposé doit être mis dans la balance d’une manière équitable. » « Dans le bilan, l’actif et le passif sont mis en balance. » 2. Mettre (une chose) dans la balance. « Il faut aussi mettre dans l’autre bassin de la balance les inconvénients qui peuvent en résulter. » 3. Entrer, faire entrer dans la ou en balance a) Intervenir dans un jugement, dans une comparaison, entrer en jeu, se comparer. « Ses droits peuvent-ils entrer en balance avec les miens? » b) Prévaloir sur, avoir préséance sur, l’emporter sur. « Aucune considération ne peut entrer en balance avec la nécessité de repousser un agresseur. » 4. Être (mis) en balance : être comparé. « Il n’y a pas lieu de mettre en balance le passé de l’accusé et sa conduite actuelle. » 5. Laisser en balance Laisser dans l’indécision, en suspens. « On ne peut laisser en balance toutes ces affaires à régler. » 6. Jeter dans ou sur le plateau de la balance; mettre un poids dans la balance; 432 ajouter qqch. dans la balance. Faire intervenir un argument dans l’examen, le jugement d’une question; peser à l’aide d’un argument décisif; déterminer; faire ou dire qqch. qui doit emporter la décision; faire entrer en ligne de compte. « Le procès est venu jeter dans la balance tout le poids de la preuve recueillie contre lui. » « On peut maintenant ajouter dans la balance, en faveur de l’accusé, le pouvoir discrétionnaire du juge. » 7. Peser dans la balance Apprécier, compter pour qqch., évaluer, avoir une importance particulière, peser le pour et le contre; être d’une grande importance, d’un grand poids (v. le cliché : argument qui n’a pas pesé lourd dans la balance). « Des juges incorruptibles qui pèsent dans la même balance et le pauvre et le riche. » 8. Faire pencher la balance en faveur de, du côté de ou contre qqn ou qqch. Être décisif, l’emporter, faire prévaloir, décider en sa faveur, prendre parti pour; apporter à qqn des raisons de décider dans un sens donné des arguments en faveur de qqch. « Lorsqu’il y a manquement, la balance penche en faveur de la personne lésée. » 9. Maintenir ou tenir la balance égale (ou en équilibre) entre deux parties Se montrer équitable, impartial, juste; ne favoriser aucune des parties en présence, être objectif devant deux personnes. « L’arbitre est obligé de tenir la balance égale entre les deux adversaires. » « L’équivoque est le vice le plus fréquemment invoqué devant les tribunaux; il 433 leur permet de tenir la balance égale entre les deux parties. » 10. Maintenir ou rétablir une balance Conserver une proportion. « La justice est traditionnellement considérée comme devant maintenir ou rétablir une balance ou une proportion. » 11. Faire une balance de deux choses : évaluer en comparant, établir l’équilibre, peser le pour et le contre. « Il y a une balance à faire des avantages et des inconvénients de cette clause. » 12. Se trouver sur un plateau de la balance « J’ai traité de l’intérêt qu’a le gouvernement à imposer des restrictions à l’utilisation de différents forums à des fins d’expression publique. Sur l’autre plateau de la balance se trouve l’intérêt qu’a le citoyen à communiquer efficacement son message au public. » 13. Rompre la balance ou l’équilibre « Si la balance est rompue en faveur de la première, c’est elle qui l’emporte. » 14. Être, demeurer, rester en balance (langue classique) Être dans l’incertitude, l’indécision, l’hésitation, être en suspens. « Ces considérations tiennent mon esprit en balance. » « Il est en balance ne sachant à quoi se résoudre. » 15. Emporter la balance (langue classique). Provoquer une décision, mettre fin à l’incertitude. « Cette raison emporte la balance. » 434 C. Quasi-synonymes 1. Locutions verbales formées avec le mot équilibre Apporter un critère d’équilibre « La Loi constitutionnelle de 1982 apporte un nouveau critère d’équilibre. » Être en état d’équilibre « Tout le problème des droits intellectuels consiste à trouver le point exact où ces droits et ceux du public sont en état d’équilibre. » Établir (un juste, un strict) équilibre (un équilibre prudent) « Dans ce domaine du droit, un équilibre a été établi entre des intérêts contradictoires. » « Les rédacteurs du Code d’instruction criminelle avaient voulu établir un strict équilibre entre les deux pouvoirs opposés. » « Cette règle établit entre les valeurs fondamentales de notre système un équilibre qui satisfait aux exigences institutionnelles. » Trouver le point d’équilibre (ou : un équilibre) entre deux choses « Dans l’exercice de ce pouvoir discriminatoire, il faut trouver le point d’équilibre entre les intérêts de l’État et ceux des particuliers. » Atteindre, viser un certain équilibre Rechercher l’équilibre Perturber l’équilibre « Il faut éviter de perturber le juste équilibre entre l’action judiciaire et l’action législative. » Composer un équilibre 435 « Analysons les différents intérêts qui composent cet équilibre. » Maintenir un équilibre Examen du juste équilibre à maintenir en vertu de l’article 7. Préserver l’équilibre Préserver l’équilibre contractuel des parties. Réaliser l’équilibre Rétablir un équilibre (rompu) « Le thème de l’enrichissement sans cause a pour but de rétablir un équilibre injustement rompu entre deux patrimoines. » 2. Soupeser « Après avoir soupesé tous les facteurs, le juge a rendu sa décision. » « Le tribunal doit soupeser les intérêts en jeu. » « Cet aspect de la disposition législative doit être soupesé par rapport à l’importance de l’objectif poursuivi. » 3. Apprécier « Savoir en apprécier les objectifs et les intérêts » 4. Pondérer, (processus de) pondération « La pondération des intérêts est essentielle à tout le processus de l’attribution des mandats de perquisition. » « Notre Cour a dit, à plusieurs reprises, que dans l’étude de la question de la justice fondamentale, elle est engagée dans un processus de pondération. » 3. En droit canadien, l’emploi du mot balance constitue un anglicisme dans trois expressions : [balance des inconvénients], [balance des probabilités] et [balance de la 436 preuve]. Ces expressions correspondent respectivement aux locutions anglaises “balance of convenience”, “balance of probabilities” et “balance of evidence”. a) En common law, le principe appelé “balance of convenience” entre en jeu lorsque le tribunal saisi d’une requête en injonction est appelé à comparer les avantages que l’octroi de l’injonction demandée comporterait pour le requérant avec le préjudice que le prononcé de l’injonction ferait subir à l’intimé, autrement dit lorsqu’il est appelé à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand inconvénient selon qu’il prononce l’injonction ou qu’il refuse de l’accorder. Avant de décider de faire droit à la requête et de prononcer l’injonction sollicitée, le juge tranche donc la question de la prépondérance des inconvénients. L’expression [balance des inconvénients] constitue un calque de l’anglais. En France, la situation qui correspond le plus à celle que nous venons d’évoquer est celle dans laquelle le tribunal est appelé à juger en opportunité (c.à-d. en se prononçant sur l’opportunité d’une mesure ou d’une décision), par appréciation des intérêts en présence. b) Il est intéressant de constater que la notion de prépondérance des inconvénients est souvent rendue dans les recueils de jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour suprême du Canada par des tournures diverses. En voici quelques-unes : « Lorsqu’elle examine la question de l’équilibre entre les avantages et les inconvénients, la Cour... » « C’est quand il n’est pas certain que soient suffisants les dommages-intérêts recouvrables par les parties que [le tribunal doit] rechercher la décision comportant le plus d’incidences favorables. » « La question du plus grand préjudice se pose à la Cour. » « Le tribunal doit poursuivre son examen pour déterminer s’il convient davantage d’accorder ou de refuser le recours interlocutoire... » « ...la répartition des inconvénients... » « ...les avantages réciproques de toutes les parties [...] » 437 c) L’expression [balance de la preuve] est impropre. On doit la remplacer par prépondérance de la preuve ou par preuve prépondérante. Dans ce contexte, la prépondérance de la preuve se définit comme la supériorité des preuves d’une partie, emportant la conviction du juge. On ne peut pas dire : [Il a été prouvé par prépondérance de la preuve]. On dit plutôt : Il a été établi par une preuve prépondérante. d) Le mot balance est également impropre dans la locution [balance des probabilités], qui constitue un calque de l’anglais “balance of probabilities”. Prépondérance des probabilités doit rendre cette expression anglaise. On peut diviser en deux catégories les domaines dans lesquels la locution “balance of probabilities” est employée : le domaine de la preuve, dans lequel l’expression la plus courante est celle de “proof on a balance of probabilities”, et elle se rend par preuve prépondérante, et non par [preuve selon la balance des probabilités] : « Le requérant a convaincu le tribunal, selon une preuve prépondérante, que... »; le domaine du langage juridique en général, et la locution peut alors se rendre de diverses manières en français : compte tenu des probabilités, selon toute vraisemblance, vraisemblablement, probablement, selon toute(s) probabilité(s). 4) Emplois particuliers a) Économie politique et comptabilité. Le mot balance est correctement employé lorsqu’il évoque l’idée d’un équilibre, d’une mise en comparaison, d’une récapitulation, d’une confrontation, d’une harmonisation ou d’une équivalence d’un état ou de comptes. [Balance] est un anglicisme à proscrire lorsque le mot évoque plutôt l’idée d’une différence établie à la suite d’une opération comptable. Ainsi, le terme balance d’un compte est correct quand il renvoie à l’équivalence des sommes du crédit et du débit par l’ajout d’un solde à la somme la moins élevée, mais incorrect s’il est employé au sens de solde d’un compte. L’expression balance canadienne des paiements internationaux est correcte puisqu’elle désigne l’enregistrement systématique des opérations économiques 438 qui ont lieu entre les résidents canadiens et le reste du monde au cours d’une période. Établir la balance entre le débit et le crédit. Balance du commerce. Balance commerciale créditrice, déficitaire, excédentaire, favorable, passive, active. Balance de vérification. Balance des fournisseurs, des clients. Balance de biens et de services. Balance des opérations courantes ou en capital. On dit bien le solde de la balance des paiements, car c’est après avoir établi l’équilibre (donc la balance) des paiements qu’apparaîtra le solde qui résume la situation de la balance et qui permet de la juger. Conditions de la balance des paiements. Le législateur définit correctement le solde du compte de l’Office canadien des provendes lorsqu’il prévoit qu’il représente la différence entre le total des paiements portés à son débit et le total des montants portés à son crédit. Solde débiteur, créditeur. Solde actif, passif, déficitaire, de caisse disponible, en banque, excédentaire, nouveau. Solde du compte courant. Report du solde (et non [balance reportée]). Solde à reporter. Solde reporté à l’exercice suivant. Paiement pour solde. Selon les contextes, les termes reliquat, résidu, appoint, surplus remplacent avantageusement le terme solde. b) Par extension, le mot [balance] employé hors de la construction juridique de la sphère financière est un anglicisme. On parlera de la différence, du reste, du restant, du complément, selon le cas. c) Le terme [balance du pouvoir] se rencontre dans le langage parlementaire, en droit international et dans le vocabulaire des relations industrielles. Dans le premier cas, le terme critiqué évoque l’idée qu’un groupe de députés ou un parti détient le nombre de voix nécessaires pour mettre le gouvernement en minorité en votant avec un autre parti, devenant ainsi l’arbitre de la situation. Ce groupe est appelé groupe qui commande l’équilibre des partis, et il ne détient pas la [balance du pouvoir], mais il assure l’équilibre des partis. On parle à ce sujet de la politique de la bascule (voir BASCULER). 439 Dans le deuxième cas, le terme renvoie à la notion de distribution et d’opposition des forces, formant un système, de sorte qu’aucun pays belligérant ne soit en position, seul ou uni avec d’autres, d’imposer sa volonté à un autre pays ou de s’opposer à son indépendance. On ne parle pas de la [balance du pouvoir], mais, selon la documentation consultée, de la balance des pouvoirs ou de la balance des forces, de l’équilibre des forces ou de l’équilibre des puissances. Dans le troisième cas, le terme renvoie à la capacité que possède une personne ou un petit groupe de donner le pouvoir à un groupe plus important en lui accordant l’appui dont il a besoin pour obtenir la prépondérance. Équilibre des pouvoirs serait préférable au terme critiqué. d) En contexte de traduction, l’expression anglaise “on balance” se traduit notamment par les locutions tout bien pesé, tout compte fait, à tout prendre, en dernière analyse et en fin de compte. ö BALANCER. ö BASCULER. ö PESER. ö POIDS. BALANCER. CONTREBALANCER. Ces verbes prennent une cédille sous le c devant a et o. 1) Balancer est vieilli au figuré lorsqu’il est employé dans les sens suivants : a) Mettre en équilibre, comparer, opposer, peser (balancer le pour et le contre) : on dit mettre en balance; « Selon la formule du juge fédéral américain Benjamin N. Cardozo, le juge est invité à balancer (= à peser) ses ingrédients, sa philosophie, sa logique, ses analogies, son histoire, ses coutumes, son sens du juste et tout le reste; puis, ajoutant un peu ici et soustrayant un peu là-bas, il doit déterminer aussi sagement que possible le poids qui décidera la balance. » b) Compenser, contrebalancer, corriger, égaler en importance (force qui en balance une autre) : on dit neutraliser. 440 c) Être incertain (« Ils étaient en balance. ») : on dit hésiter. Balancer s’emploie couramment dans le style commercial et en comptabilité : date où sont balancés les comptes de la compagnie chaque année. « Les administrateurs font tenir et font dresser et balancer un compte fidèle, exact et détaillé des sommes perçues et reçues par la compagnie. » 2) Contrebalancer s’écrit sans trait d’union. Signifie faire contrepoids : « Le droit en matière de concurrence a voulu prévoir des sanctions susceptibles de contrebalancer l’incitation à faire fi de la loi qui pourrait par ailleurs entraîner la faible probabilité de la tenue d’une inspection. » Le verbe peut signifier également faire contrepoids à qqch., compenser une action ou un comportement soit par une action dont l’effet est contraire, soit par un comportement opposé : « Ces désavantages contrebalancent les avantages énumérés ici » (= font contrepoids à ces avantages). Le Code canadien du travail prévoit que l’arbitre du Tribunal du travail, s’il décide que le congédiement d’un employé est injuste, peut enjoindre à l’employeur de prendre toute mesure qu’il juge équitable de lui imposer et qui est de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier. ö BALANCE. BALISAGE. BALISE. BALISER. 1) Au sens concret, la balise est un dispositif de signalisation fixe (par opposition à la bouée, qui est flottante) destiné à guider navires ou avions. Elle a une double fonction : elle signale les endroits dangereux et indique la route à suivre. Ainsi, on jalonne un port ou un aérodrome au moyen de balises. Placer, poser des balises. Indiquer par des balises. Phares, bouées et balises, propriété de Sa Majesté. Entretien des balises. Balise abandonnée, tombant en ruine. Abattre, enlever une balise. Faire l’inspection, l’examen d’une balise. 2) Le balisage désigne l’action de poser des balises ou autres signaux indicateurs. Balisage des côtes. Balisage diurne, nocturne. Employés du balisage. 441 Baliser désigne le fait de garnir de balises un couloir de circulation aérienne ou navale. Baliser un canal, une piste d’atterrissage. Par extension, le balisage a des applications en matière de circulation ferroviaire ou routière ou dans certains domaines d’activités. Baliser un tracé de route, une pente de ski. 3) En droit aérien, la balise joue un rôle déterminant en ce qui concerne les dommages causés par le heurt d’un aéronef avec un obstacle, par exemple un câble de transmission électrique. Balisage aérien. Servitude de balisage. Aussi, la servitude aéronautique de balisage est l’obligation de pourvoir certains obstacles et certains emplacements de dispositifs visuels ou radio-électriques, afin d’assurer la sécurité de la circulation des aéronefs. Défaut de balisage aérien. Faute constituée par le défaut de balisage. De même, dans le droit du transport maritime : « Réclamations relatives aux dommages causés au chalut d’un navire qui s’était emmêlé dans un puits de gaz non balisé sur le lac Érié. » 4) La balise est aussi un émetteur radio-électrique qui permet au pilote d’un navire ou d’un avion de se diriger ou de signaler sa position. Cet émetteur est employé par la police dans la surveillance électronique, notamment pour surveiller chacun des déplacements d’un individu ou d’un véhicule. Ce prolongement rudimentaire de la surveillance visuelle effectuée à l’aide de la caméra vidéo ou du dispositif de surveillance qui intercepte clandestinement les communications privées sert aux enquêtes policières. Selon la force du signal, la police peut déterminer approximativement l’emplacement de l’objet sur lequel se trouve le dispositif. Apposition d’une balise. « Le ministère public a tenté d’introduire la preuve des allées et venues de l’accusé, obtenue grâce à un dispositif de surveillance électronique (une balise) dissimulé dans sa voiture. » Installer, utiliser une balise. Recourir à une balise. Se servir d’une balise. Les tribunaux ont défini ainsi ce dispositif électronique : « Une balise est un poste émetteur, ordinairement à piles, qui émet périodiquement des signaux pouvant être captés par un récepteur. » La balise émet un signal radio qui peut être capté sur une distance de quelques mètres par un récepteur à balayage de la police. Balise dissimulée. Surveillance d’un véhicule au moyen d’une balise. 442 Une question qu’ont dû trancher les tribunaux canadiens et américains était de savoir si l’installation de la balise dans un véhicule constituait une fouille abusive au sens de la Charte canadienne des droits et libertés ou au sens du 4e Amendement, selon le cas. Les tribunaux américains ont statué que cette forme de surveillance d’un véhicule sur une voie publique au moyen d’une balise n’était pas une fouille ou une saisie puisqu’elle ne déjoue aucune attente légitime en matière de respect de la vie privée. La Cour suprême du Canada, au contraire, a statué qu’une telle installation constitue une fouille abusive au sens de l’article 8 de la Charte, mais que l’acte d’intrusion était mineur, puisque l’attente en matière de respect de la vie privée dans un véhicule à moteur est beaucoup moindre que celle qui existe à l’intérieur d’une résidence ou d’un bureau. 5) Dans le style judiciaire, le mot forme de nombreuses expressions métaphoriques : s’aligner sur des balises (établies), fixer des balises (procédurales relatives à une obligation). « Je considère qu’il y a lieu de fixer, en droit québécois, des balises pour guider la magistrature dans l’évaluation des dommages en matière de diffamation. » Le contexte métaphorique dénote souvent l’idée d’un parcours ardu parmi des obscurités ou des ambiguïtés que le juge doit entreprendre dans des textes pour éclairer sa décision : « Par l’utilisation des termes lorsque le contexte l’exige, le législateur a simplement prévu un enchaînement syntaxique nécessaire. Il n’a pas lancé les juges dans un périple sans balises à travers divers articles de loi. » 6) En emploi métaphorique, le mot indique également l’idée de critères servant à déterminer les aspects juridiques d’une situation : « Il est indubitable qu’un article du Code criminel créant une infraction doit prévoir des balises suffisantes pour prédire les conséquences juridiques d’un comportement donné, mais une loi ou un texte législatif ne peut faire plus que d’établir des lignes de démarcation qui délimitent une sphère de risque. » Cette idée de limite s’exprime dans des expressions (exercer une activité hors de certaines balises; s’en tenir à des balises; franchir des balises) ou dans des énoncés complets : « Les appelants devront demeurer à l’intérieur d’étroites balises qu’ils ne pourront franchir sans s’exposer à être tenus de modifier leur tir. » « C’est le balisage du comportement et non pas son orientation absolue qui est l’objectif approprié de la loi. » 443 Parfois le mot dénote soit une condition (« Cette double immunité constitue l’une des balises essentielles au fonctionnement d’un système de gouvernement fédéral. »), soit l’idée d’un fondement, d’une base (« La jurisprudence française appuyée par la doctrine a bien établi les balises de la théorie du droit à réparation de la perte d’une chance... »). 7) Dans le droit du travail, les balises sont des bornes à l’intérieur desquelles certains éléments peuvent augmenter : balises des prix, balises des profits, balises des revenus, balises salariales. BAN. Le mot ban (sans c à la fin) est un terme de droit féodal qui évoque trois idées dominantes : celle de proclamation publique, celle de bannissement ou d’exclusion par décision d’une autorité et celle d’un ensemble de personnes qui appuient quelqu’un ou quelque chose ou qui participent à quelque chose. Ces idées se trouvent exprimées dans des locutions juridiques. 1) Bans de mariage. Dans le cas de la proclamation publique, le mot ban s’utilise surtout aujourd’hui par extension, au sens de proclamation solennelle, et désigne la publication d’une promesse de mariage. Il s’emploie le plus souvent au pluriel, mais le singulier rend l’idée qu’en principe, il y a deux ou trois annonces publiques. « Tout mariage doit être célébré dans les trois mois suivant la deuxième publication des bans ou la délivrance d’une licence. » « La publication des bans se fait à l’église, le dimanche, au cours du service religieux. » Afficher les bans (de mariage). Publier le premier ban, le deuxième ban, le troisième ban. Au Québec, la loi exige la publication d’un avis de mariage, plutôt que la proclamation des bans, comme condition de validité du mariage. [Acheter des bans] (en anglais “to get a marriage licence”) est une expression suspecte que l’on trouve de plus en plus rarement au Québec puisque la publication des bans ne peut se substituer à la licence de mariage : « Aucune disposition de la présente loi ne doit être interprétée de façon à empêcher la publication des bans selon l’usage de l’église ou de la confession religieuse de l’ecclésiastique qui entend célébrer la cérémonie du mariage, mais une telle publication des bans ne remplace pas la licence 444 de mariage. » On distingue parfois les expressions publier les bans et proclamer les bans, la première expression renvoyant à l’annonce de l’intention de mariage et la seconde mettant plutôt l’accent sur l’annonce, faite à haute voix, de cette intention : « Avant que ne soient publiés des bans, quiconque a l’intention de se marier fait personnellement et séparément une déclaration solennelle, en la forme réglementaire, devant l’ecclésiastique qui doit proclamer les bans. » Certificat de publication des bans. « La personne ou les personnes qui publient les bans en attestent la publication au moyen de la formule prescrite. » Dans le cas où il y a autorisation de ne pas publier les bans, contrairement à ce qui est prescrit, on parle d’une dispense de bans. 2) Rupture de ban. Idée d’exclusion. Cette locution venue de l’ancien droit pénal français (condamné en rupture de ban) renvoie au crime commis par celui qui rompt son ban, c’est-à-dire qui contrevient à une peine d’exil en revenant sur le territoire de sa patrie. Aujourd’hui, le Code pénal emploie le terme bannissement (voir BANNI). Au sens moderne, on dit, au figuré et en construction absolue ou non, être en rupture de ban (avec) au sens de changer de profession : avocat en rupture de ban, ou au sens plus général d’être affranchi des contraintes de son état. 3) Au ban de. Idée d’exclusion. Être au ban de l’opinion publique. Mettre qqn au ban de la société. Cette dernière locution est vieillie au sens de condamnation à l’exil. Aujourd’hui, la locution s’emploie au sens de mettre à l’index. Déclarer quelqu’un indigne, le dénoncer au mépris, c’est le mettre au ban de la société. Sur le plan international, la locution s’applique à des États : « L’Iraq a été mise au ban des nations. » 4) Le ban et l’arrière-ban. Idée d’un ensemble de personnes. Cette locution renvoie à l’idée d’un groupe de personnes rassemblées, la totalité de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, constituent un ensemble et dont on peut espérer du secours. Appeler, convoquer le ban et l’arrière-ban. La locution a permis de former dans le vocabulaire du langage parlementaire, pour désigner un simple député, l’expression député de l’arrière-ban (ou député de l’arrière-plan). Pour l’anglais, l’idée évoquée est celle de siège (dans la Chambre des communes britannique, les ministres prennent place sur un banc devant les pupitres des autres députés, d’où l’expression “backbencher” pour désigner ces derniers), alors que le français renvoie plutôt à celle d’un ensemble de personnes; pour cette raison, on écrit ban sans c. 445 5) Ban. Idée de proclamation. En France, dans les usages ruraux, les bans sont des arrêtés municipaux édictés par le maire d’une commune fixant le moment à partir duquel on pourra procéder à certaines récoltes. Les infractions aux bans sont des contraventions. Bans de fauchaison, de fenaison, de moisson, de ramée, de vendanges. « Seront punis d’amende ceux qui auront contrevenu aux bans de vendanges ou autres bans autorisés par les règlements. » 6) L’homonyme anglais “ban” se rend, selon le contexte, par interdiction ou nonpublication. ö BANNI. BANALISATION. BANALISER. 1) Emploi figuré. Banalisation de la Charte. La question de la banalisation de la Charte canadienne des droits et libertés est fréquemment soulevée. Tous reconnaissent d’emblée l’importance du principe général formulé parfois sous la forme d’un avertissement lapidaire : « Il faut éviter de banaliser la Charte. » Dans cet emploi, le verbe banaliser signifie supprimer tout caractère distinctif du texte ou des droits qu’il reconnaît, le dépouiller de tout contenu substantiel. Banalisation des droits. Banalisation générale de la liberté d’expression. « L’appelant a affirmé que recourir à l’article un de la Charte reviendrait à banaliser les droits fondamentaux qu’elle garantit. » En un sens plus particulier, la banalisation peut être le fait de donner au principe consacré de la liberté d’expression, par exemple, un champ trop général qui dépasse l’expression politique et, peut-être aussi, l’expression artistique et culturelle. De même, le fait d’élargir inconsidérément la portée d’un critère peut conduire à la banalisation d’un principe garanti : « Le critère qui sert à déterminer si une peine est beaucoup trop longue est, à bon droit, strict et exigeant. Un critère moindre tendrait à banaliser la Charte. » Tout ce qui diminue l’importance, la valeur ou l’intérêt d’une règle édictée, rend insignifiante ou dérisoire une mesure ou une sanction adoptée, atténue l’unicité ou l’originalité d’une disposition ou entraîne son avilissement ou sa dilution mettra 446 inévitablement en mouvement le phénomène de la banalisation : « On ne saurait, sans les banaliser, conclure que les dispositions invoquées s’appliquent au simple quantum de rémunération pour services rendus. » Enfin, la banalisation pourra être la conséquence de l’assujettissement de plusieurs infractions à une seule disposition : « Toutes les infractions de nature réglementaire imposent une certaine limite à la liberté au sens large. Mais je crois que ce serait banaliser la Charte que d’assujettir toutes ces infractions à l’article 7 comme des violations du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, même si elles peuvent être maintenues en vertu de l’article un. » 2) Emploi concret. a) Banalisation d’un agent ou d’une voiture de police. La banalisation est, dans ce cas, l’opération qui a pour but de supprimer, pour une chose, tous les signes extérieurs distinctifs et, pour une personne, de lui faire porter un habillement particulier ou commun, selon le cas, afin de dissimuler sa véritable identité. Ainsi, la banalisation d’une voiture de police est l’opération qui consiste à enlever toutes marques distinctives sur le véhicule, à lui faire perdre tous ses signes extérieurs le signalant comme appartenant à la police. L’utilisation de voitures banalisées (on dit aussi voitures-pièges) et le recours aux agents banalisés (en anglais “undercover agents”) servent à réprimer certaines infractions au code de la route ou au code criminel. « Ce soir-là, l’agente, membre de l’escouade des moeurs, travaillant comme agente banalisée, jouait le rôle d’une prostituée. Assis dans une auto-patrouille banalisée, stationnée tout près de là, se trouvaient deux autres agents. » « Dans l’arrêt Hébert, il s’agissait d’établir la recevabilité d’éléments de preuve obtenus par un policier banalisé qui s’était fait passer pour un codétenu. » b) Banalisation d’un bâtiment. L’opération peut consister à mettre un bâtiment administratif (les exemples relevés ont trait, bien souvent, à des centres universitaires) sous le régime du droit commun. Ainsi la banalisation d’un campus a-t-elle pour but de restituer aux autorités de droit commun le pouvoir de police. c) Banalisation d’un aéronef. 447 En droit aérien, plus précisément en matière d’exploitation internationale, la banalisation (voir AÉRONEF) est une formule de coopération entre compagnies aériennes. Elle est définie comme l’utilisation par une entreprise exploitant un service international en vertu d’un accord ou d’une autorisation officielle d’un aéronef appartenant à une entreprise étrangère et immatriculé dans un État étranger, avec ou sans avantage. « La banalisation est réalisée avec des aéronefs loués sans équipage; c’est le preneur qui le fournit. » La banalisation peut également exister en droit interne entre compagnies relevant d’un même État et aéronefs relevant d’un même pavillon. Elle résulte d’une convention de location ou d’une convention d’affrètement. « Ayant pris la qualité de transporteur dans les billets de passage ou dans les lettres de transport aérien, la compagnie demanderesse a fait exécuter le contrat par un aéronef banalisé appartenant à la compagnie défenderesse, transporteur de fait au sens de la Convention de Guadalajara. » Banalisation des aéronefs. Aéronefs banalisés. Opérations de banalisation. Accord de banalisation. d) Banalisation d’un site. Dans le droit des transports, on dit d’une voie de circulation générale empruntée par des véhicules de transport en commun que c’est un site banalisé. On dit aussi site banal. Le terme correspond à l’anglais “non-reserved lane” ou “public street shared right-of-way”. Autobus, tramway en site banalisé. Transport en commun en site banalisé. e) Banalisation d’une licence. En droit administratif, la banalisation des licences est l’affectation des licences de transport ou de location à une entreprise, et non plus à tel ou tel véhicule déterminé. L’entreprise peut utiliser une licence banalisée avec n’importe quel véhicule de son parc de tonnage correspondant. f) Banalisation d’un produit ou d’un marché. En droit commercial, la banalisation d’un marché se définit comme l’ensemble des actions commerciales et des phénomènes économiques qui rapprochent le couple marché-produit des conditions de vente d’un produit banal. Les produits banals (en anglais “non-durable goods”, “commodity products”, “current goods” 448 ou “convenience goods”) sont des articles d’achat courant et de grande diffusion qui se distinguent des produits animaux. Ce sont des biens de grande consommation, des biens banals, détruits à court terme. On dit aussi d’eux que ce sont des articles d’usage, de menus articles, des articles ou produits courants. La banalisation des produits fabriqués industriellement comprend la diffusion du savoir-faire de leur fabrication et l’apprentissage de leur utilisation. g) Banalisation des déchets industriels. En ce sens, on parle, dans le droit de l’environnement, des déchets industriels banals comme résultant d’une activité industrielle, mais assimilables à des déchets de consommation ou à des ordures ménagères. BANC. COLLÈGE. FORMATION. MAGISTRATURE. 1) Il faut distinguer l’orthographe et le sens des mots ban et banc. Ban est synonyme de bannissement et correspond au verbe bannir. Il s’emploie dans des expressions toutes faites comme mettre au ban de la société, être en rupture de ban, publier les bans (voir BAN). Le c de banc ne se prononce pas et la liaison ne se fait pas : un banc élevé se prononce un ban élevé, sauf avec le s : des bancs élevés se prononce des ban-z-élevés. 2) Au Canada, de nombreux juristes ont tendance à employer abusivement le mot banc. En français, ce mot n’a pas le même champ sémantique que son équivalent anglais “bench”. Il ne s’emploie que dans un sens concret pour désigner un long siège sur lequel peuvent s’asseoir plusieurs personnes à la fois. « Le tribunal a invité les six hommes et les six femmes à s’approcher du banc des jurés. » « Les accusés sont assis sur un banc au tribunal. » 3) Pour désigner le lieu où le juge se tient assis, il convient davantage de parler de siège, mot avec lequel la langue juridique a formé le verbe siéger. « Le juge Tremblay siégera à Campbellton la semaine prochaine. » 4) Pour désigner la magistrature, [banc] est un anglicisme à proscrire. En effet, en français juridique, le mot banc n’a pas le sens abstrait que l’anglais donne au mot “bench” lorsqu’il désigne le corps judiciaire en général ou l’ensemble des juges qui 449 composent une juridiction donnée. C’est pour des raisons historiques qu’il existe dans certaines provinces canadiennes une Cour du Banc de la Reine. L’expression “Court of Queen’s Bench” remonte à l’époque où, en Angleterre, le souverain présidait en personne les audiences. Autrefois, les juges s’assoyaient sur un banc pour instruire les causes, ce qui expliquerait le mot “bench”. « Me Chiasson a accédé à la magistrature en 1968. » « L’avocat Bélanger vient d’être nommé juge à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick. » Remarquer que banc ici s’écrit avec la majuscule généralement, mais on trouve aussi la minuscule : Cour du banc de la Reine. L’usage est d’employer la majuscule. 5) Par ailleurs, l’expression [jugement rendu sur le banc] est un calque de l’anglais “judgment delivered from the bench”. On relève pourtant en Belgique l’emploi de l’expression [jugement rendu sur les bancs]. Il ne semble pas conseillé d’adopter ce régionalisme. Au Canada, pour qualifier la décision communiquée séance tenante, sans désemparer, sans délibéré, dès la clôture des débats, sur le siège, on parlera plutôt de jugement prononcé à l’audience, de jugement rendu oralement à l’audience ou, comme on dit en France, de jugement rendu sur le siège. « Le juge a décidé de prononcer son jugement à l’audience au lieu de le rédiger. » « La Cour a décerné un mandat d’arrêt à l’audience. » 6) Pour désigner l’ensemble des juges qui forment un tribunal, on emploie le mot collège ou l’expression formation collégiale, ou le mot tribunal simplement. « La Commission siège normalement en collèges de trois membres. » « La Cour provinciale siège à juge unique, tandis que la Cour d’appel siège en formations collégiales de trois juges. » « Le tribunal qui a jugé l’affaire comprenait un juge qui avait été procureur général de la Nouvelle-Écosse. » « Tant que la Cour suprême du Canada n’en aura pas décidé autrement, notre Cour doit se conformer au raisonnement suivi par une formation collégiale de la Division d’appel dans l’arrêt Roberts. » 7) L’expression [en banc] employée pour indiquer que plusieurs juges d’une même juridiction siègent ensemble pour former la cour est à éviter. Il faut employer plutôt les termes collège ou formation. « Cette affaire a été entendue par une formation de cinq juges de la Cour suprême du Canada. » Par ailleurs, lorsqu’on veut dire qu’une affaire a été entendue par tous les membres d’un même tribunal, il convient d’employer l’expression formation plénière. « L’affaire a été entendue par la formation plénière de la Cour suprême du Canada. » 450 8) Le mot magistrature s’emploie pour désigner à la fois la charge de juge et le corps judiciaire en général ou l’ensemble des juges. 9) En emploi métaphorique, banc forme la locution banc des accusés, qui signifie sur la sellette : « Le droit, écrivait Paul Orianne, est aujourd’hui au banc des accusés. » ö BAN. ö COLLÈGE. ö MAGISTRATURE. ö SIÈGE. ö TRIBUNAL BANCAIRE. BANQUE. CAISSE. L’adjectif bancaire s’écrit avec un c, même si certains l’orthographient banquaire en faisant observer que ce mot est dérivé de banque et de banquier. Le c se justifie par l’étymologie du mot banque, qui a banc pour radical. Bancaire signifie qui a rapport aux banques, aux opérations de banque. Droit bancaire. Exercice de la profession bancaire. « Le banquier se livre à l’exercice de la profession bancaire; il exerce l’activité bancaire. » Voici une liste partielle des cooccurrents les plus courants de bancaire. Acceptation bancaire ou de banque. Actif bancaire. Avance bancaire. Avis bancaire. Carnet ou livret bancaire ou de banque. Carte bancaire ou de banque. Caution ou cautionnement bancaire ou de banque. Chèque bancaire (tiré sur une banque). Commis ou commise bancaire ou de banque (le féminin commise est virtuel). Commission bancaire ou de banque. Compte bancaire ou compte en banque (et non [compte de banque]; un compte est ouvert dans une banque). Conditions bancaires ou de banque. 451 Contrat bancaire. Crédit bancaire ou de banque (c’est un crédit accordé par une banque). Débenture bancaire ou de banque. Déclaration bancaire ou de banque. Dépôt bancaire ou en banque (et non [dépôt de banque]; par exemple un dépôt bancaire de valeurs mobilières ou un dépôt de valeurs mobilières en banque). Document bancaire. Employé ou employée de banque (et non [employé bancaire]). Emprunt bancaire ou de banque. Endossement bancaire (et non [endossement de banque]). Établissement, institution bancaire ou de banque (établissement désigne la réalité concrète, tandis qu’institution désigne l’entité abstraite). Faillite bancaire. Financement bancaire. Frais bancaires ou de banque (ce sont des frais administratifs). Garantie bancaire ou de banque (mais on dit lettre bancaire de garantie). Guichet automatique bancaire. Législation bancaire (pour un ensemble de lois, mais loi sur les banques pour une seule loi). Mandat bancaire ou de banque. Messageries bancaires ou de banque. Monnaie bancaire ou de banque. Opération bancaire (qui se fait dans une banque ou par son intermédiaire; les opérations qui s’effectuent entre plusieurs banques sont des opérations entre banques ou opérations interbanques). Organisation bancaire. Pratique bancaire. Procédures bancaires. Reçu bancaire. Références bancaires (qu’une entreprise donne dans sa publicité à propos des banques avec qui elle fait affaire). Régime bancaire. Registre bancaire ou de banque. Relevé bancaire ou de banque. Secteur bancaire ou des banques. Service bancaire ou de banque. Succursale bancaire ou de banque. Système bancaire ou des banques. 452 Taux bancaire (et taux interbanques). Terminal bancaire ou de banque. Traite bancaire ou de banque. Virement bancaire ou de banque. 3) Une banque est un établissement dont les activités consistent essentiellement à accorder des prêts, à recevoir des dépôts et à gérer des fonds. Au Canada, les banques à charte fédérale sont des institutions qui relèvent du ministre fédéral des Finances. Elles sont légalement tenues de se doter d’une charte fédérale, sorte d’acte constitutif qui définit les obligations que leurs propriétaires doivent remplir. La plupart appartiennent à l’une ou l’autre des six grandes banques à charte canadiennes, dont la raison sociale française est la suivante (noter l’emploi des majuscules et des minuscules) : la Banque de Montréal, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Toronto-Dominion, la Banque Nationale du Canada, la Banque canadienne impériale de commerce et la Banque Royale du Canada. Elles sont seules à faire des opérations bancaires. Elles se distinguent des caisses populaires, qu’on appelle aussi caisses d’épargne et de crédit. Les banques appartiennent à des particuliers, tandis que les caisses populaires sont la propriété collective de leurs membres. Les caisses populaires se donnent une mission sociale en accordant aux petits épargnants un meilleur accès au crédit. Une institution bancaire de ce genre est dirigée par un directeur ou une directrice, et non par un [gérant] ou une [gérante]. 4) En France, il existe trois catégories de banques : a) les banques de dépôt, dont la mission consiste surtout à faire des opérations de crédit et à recevoir des dépôts de fonds de la part du public; b) les banques d’affaires, qui ne peuvent recevoir du public de dépôts à court terme; elles sont spécialisées dans les investissements industriels à moyen terme et à long terme; c) les banques de crédit à long terme et à moyen terme, dont l’activité principale consiste à recevoir des dépôts à terme pour des périodes d’au moins deux ans et à accorder des prêts d’une durée d’au moins deux ans. 5) La banque centrale (s’écrit souvent avec une majuscule à banque) détient dans chaque pays le monopole de l’émission des billets de banque. Banque émettrice. Banque d’émission de l’État intéressé. La Banque du Canada. 6) Le mot banque demeure invariable dans l’expression billets de banque, que l’on 453 définit, au Canada, comme un effet négociable émis par la Banque du Canada, qui a cours légal et qui est destiné à être employé comme argent. 7) [Jour bancaire] est à proscrire comme anglicisme (“banking day”); on dit jour ouvrable : obtenir une hypothèque de premier rang dans un délai de dix jours ouvrables. Syntagmes Acceptation de banque. Accords bancaires ou accords interbancaires. Agent ou agente de banque. Aval de banque. Banque accréditée, affiliée, agréée ou habilitée, associée, issue de la fusion (et non [amalgamée]), notificatrice. Banque de virement. Commerce de banque. Curateur ou curatrice bancaire. Inspecteur ou inspectrice de banque. Liste des banques. Négociable en banque (et non [à une banque]). Reconnaissance de la banque. Société de banque Solde en banque. Taux d’escompte hors banque. Valeurs en banque. BANDE. Ce mot est soit d’origine francique, il signifie alors lien, soit d’origine germanique, et il signifie étendard. Dans le premier cas, on trouve de nombreuses acceptions du mot dans le langage juridique : en droit judiciaire (bande vidéo; bande magnétoscopique), en droit des biens (bande de terre, de terrain, ou parcelle), dans le Code de la route (bande ou voie de circulation; en France, bande réservée aux véhicules lents; bande d’arrêt d’urgence ou bande de stationnement : stationner sur la bande d’arrêt d’urgence). 454 Dans le second cas, bande s’emploie péjorativement en droit pénal, en matière d’infractions collectives (bande de malfaiteurs; bande criminelle de jeunes délinquants, de gangsters, d’assassins, de voyous, d’adolescents; la bande armée constituée en vue de troubler l’État). Pour désigner des autochtones, bande n’a aucune connotation péjorative; le mot s’entend d’un groupe ou d’une collectivité de personnes unies par des affinités ou des intérêts communs (bande indienne, bande d’Indiens; liste de bande; chef, conseil, coutume de la bande). Le mot s’écrit avec la minuscule. BANDEAU. L’emploi imagé du terme sert généralement à évoquer l’idée de l’aveuglement : avoir un bandeau sur les yeux signifie être aveuglé sur quelque chose, refuser d’admettre, de comprendre la vérité, ne rien voir ni comprendre. Aussi mettre, placer un bandeau sur les yeux de qqn, c’est l’abuser, et arracher, faire tomber, ôter le bandeau des yeux de qqn signifie lui ouvrir les yeux, lui révéler la vérité, la lui faire admettre. C’est en ce sens que se sont créées les métaphores du bandeau de l’erreur, du bandeau de la crédibilité, du bandeau de la superstition et du bandeau de l’ignorance. Toutefois, comme symbole juridique, le bandeau a un sens opposé. Thémis, la déesse de la Justice, est représentée avec un bandeau sur les yeux pour marquer que la justice doit être impartiale, et non qu’elle doit être aveugle. BANDIT. BANDITISME. BRIGAND. BRIGANDAGE. 1) Bandit et brigand (de même que leur quasi-synonyme malfaiteur) n’ont pas de forme féminine. « Elle a été traitée de bandit de grand chemin. » Les féminins bandite et brigande sont si rares qu’ils ne se sont pas vraiment imposés dans l’usage. 2) Dans le domaine de la criminalité, le banditisme est le recours brut à des actes de violence grave afin d’obtenir un profit immédiat et important. Les formes les plus communes de banditisme sont les attaques à main armée, les assassinats, les détournements d’avion, les enlèvements et les prises d’otage. Trois critères définissent généralement le banditisme : la violence souvent extrême contre les personnes, le professionnalisme et le support matériel et psychologique d’un groupe. 455 Aussi, en France, les auteurs d’actes de banditisme entrent-ils dans les catégories suivantes : les malfaiteurs réunis en bande organisée, les auteurs de vols qualifiés commis avec port d’armes, les malfaiteurs qui font usage d’explosifs, les auteurs d’extorsion de fonds, d’homicides volontaires. Lutte contre le banditisme. « La loi française de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse interdit de présenter sous un jour favorable le banditisme. » Apologie du banditisme. 3) Le terme banditisme entre en concurrence avec brigandage. Acte de brigandage. Combattre, réprimer, supprimer le brigandage. Se livrer à des brigandages. Le brigandage, tout comme le banditisme, s’exerce le plus souvent par des malfaiteurs réunis en bandes organisées. Le Code pénal français prévoit une série de dispositions relatives aux diverses formes de brigandage : attentats contre la sécurité de l’État, organisation de bandes armées concertées, association de malfaiteurs, action concertée à force ouverte avec violences par groupe, vol en réunion et en armes, bande de pillards. Exercer des brigandages contre la sûreté de l’État. 4) Il y a lieu de remarquer que bandit et brigand, contrairement à banditisme et brigandage, vieillissent et sont de plus en plus supplantés par des termes comme malfaiteur, et gangster dans la langue générale, même s’ils ne sont pas tout à fait synonymes. ö CRIMINALITÉ. ö MALFAITEUR. BANG. En français, le a se prononce comme dans vent. 1) Le mot n’étant pas entré de plain-pied dans la nomenclature générale du vocabulaire juridique, il se guillemète ou s’italicise souvent; on note dans la documentation une nette tendance à l’écrire en caractère romain. 456 Bang est une interjection, mais c’est aussi un nom commun. La règle grammaticale de l’accord en nombre voudrait que le pluriel fût invariable; toutefois, l’usage actuel et la grande majorité des auteurs ne la suivent pas. On écrira des bangs. 2) Dans l’usage courant, l’onomatopée imite la détonation que produit un coup de feu, le bruit que fait une porte que l’on ferme violemment. Dans le langage du droit, bang s’utilise comme substantif uniquement et imite la déflagration que cause le franchissement du mur du son : le bang des avions à réaction. L’onde sonore peut se multiplier de sorte qu’un même endroit peut être touché à deux reprises par elle : cela cause ce que l’on appelle le double bang ou le bang bang. Parfois l’onde se focalise en se concentrant sur un point : il en résulte une onde de choc plus intense encore : c’est le super bang. 3) Dans le droit de la responsabilité civile, notamment dans le droit contre le bruit, et en droit aérien, plus particulièrement encore dans le droit de la responsabilité aérienne, le bang sonique (“sonic bang” ou “sonic boom” en anglais) est lié au vol supersonique des avions militaires. Il cause à terre des dommages donnant lieu à des actions en dommages-intérêts (effondrement de murs ou de toitures, chutes de plâtre ou de parties de plafonds, lézardes dans les cloisons, bris de vitres, dommages subis par les cathédrales, les monuments, les barrages et les installations industrielles, incidents cardiaques, frayeur des animaux...). Ces préjudices diffèrent cependant des dommages permanents causés par le bruit des aéronefs en vol subsonique de croisière qui mettent en jeu un principe de responsabilité différent. Les victimes d’un bang peuvent être des humains ou des animaux; le bang cause aussi des dommages aux biens. « Dans le cas d’un bang, la détonation constitue le fait dommageable, le dommage consiste dans les troubles corporels ou dans les dégâts matériels qui en sont résultés. » En France, les recours sont faits au titre du Code de l’aviation civile; au Canada, ils sont exercés en vertu de la réglementation aérienne issue de la Loi sur l’aéronautique et de la Loi sur la défense nationale. La jurisprudence sur le bang est abondante en France. Les deux extraits d’attendus suivants illustrent l’emploi du mot en contexte : « Attendu qu’après avoir relevé que les époux... avaient, un matin, remarqué que d’importantes lézardes étaient apparues dans leur maison, les mettant dans l’obligation d’évacuer les lieux, l’arrêt constate que la veille, dans la soirée, un bang supersonique particulièrement violent avait été 457 entendu par tous les habitants du village... » « Le tribunal a relevé que l’effondrement du mur s’était produit aussitôt après que plusieurs bangs imputables à un appareil dont l’État français était responsable s’étaient fait entendre. » Dérivés : baby bang, big bang. 4) Dans le droit des sociétés, plus particulièrement dans le vocabulaire de la bourse, le big bang renvoie à la transformation en profondeur d’un marché boursier (p. ex. celui de New York en 1973, celui de Londres en 1986). Ce phénomène boursier se définit comme la réglementation de la bourse, et, par extension, comme toute déréglementation ou libéralisation de grande envergure (big bang) ou de petite envergure (baby bang). Syntagmes Bang assourdi (“muffled boom” en anglais), bang neutralisé (“bang-less boom”). Bang, bang sonique, bang supersonique, détonation, et non [détonement], balistique ou détonation transsonique. Bang consécutif à un passage d’avion à vitesse supersonique; bang causé, provoqué par le passage d’un aéronef supersonique. Bang de focalisation. Bang imputable à un avion militaire, à un vol supersonique. Bang perçu, ressenti, entendu en un lieu. Bang sur un mur. Ambiance de bang sonique. Antériorité, simultanéité du bang. Assurance contre les bangs ou assurance des dommages consécutifs au franchissement du mur du son. Avions auteurs, générateurs de bangs. Avertisseur automatique du bang sonique; contrôleur automatique du bang sonique ou du niveau du bang local. Bande de terrain soumise au bang. Bruit du bang. Comité sur le bang sonique (organe de l’OACI). Contentieux des bangs supersoniques. Couloir, et non [corridor] du bang sonique. Dégâts causés par les bangs. 458 Dommages consécutifs au bang sonique ou impact supersonique, impact de la percée du mur du son. Dommages du fait des bangs. Durée totale de la signature du bang. Effets du bang sonique. Empreinte au sol du bang sonique. Exposition unitaire au bang sonique. Focalisation du bang sonique. Intensité, fréquence, violence du bang. Onde de pression de bang sonique. Premier, deuxième, dernier bang. Preuve du bang sonique, de la réalité du bang, d’un lien de causalité entre le bang et le dommage. Rayon sonique du bang. Relation de cause à effet bang-dommage. Résonance induite par le bang (“post-boom ringing” en anglais). Responsabilité du fait des bangs. Simple bang. Signature de, du bang Suppression du bang. Tapis de bang sonique ou tapis supersonique; débordement du tapis de bang. Tolérance au bang sonique. Victimes d’un bang sonique. Zone de perception du bang. Zone de simple bang, de double bang. Causer, engendrer, produire, provoquer un bang sonique. Être à l’épreuve des bangs soniques. Être sensible au bang sonique. Être sous le coup d’un bang , être exposé au bang sonique. Percevoir, ressentir, subir un bang sonique. ö BRUIT. BANNI, BANNIE. BANNIR. BANNISSEMENT. Bannir et ses dérivés s’écrivent avec deux n. 459 1) Dans le Code pénal français, le bannissement, comme la dégradation civique, est une peine infamante. Elle consiste, pour un crime politique, à interdire au condamné l’accès du territoire national. C’est un acte de l’autorité judiciaire qui tombe en désuétude. « Quiconque aura été condamné au bannissement sera transporté, par ordre du Gouvernement, hors du territoire de la République. » Expiration du bannissement. Bannir du territoire. Le substantif bannissement désigne donc trois choses : c’est l’action de bannir (on l’a vu dans la citation précédente), le résultat de cette action (« Le bannissement emporte la dégradation civique. ») et la durée du bannissement (« Le bannissement sera de dix ans. ») Bannissement temporaire, perpétuel. Bannissement à temps ou à vie. Bannissement prononcé, proclamé contre qqn. Infraction à la sentence de bannissement. Être puni du bannissement. 2) Le banni coupable de rupture de ban est frappé de la détention criminelle. Le banni en rupture de ban est une personne expulsée de sa patrie ou de son lieu de résidence. Mettre au ban signifie exclure (voir BAN). 3) Au Canada, le droit d’un citoyen canadien de choisir librement d’entrer au pays, d’y demeurer ou d’en sortir est reconnu au paragraphe 6(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. À première vue, le bannissement de ce citoyen enfreint ce droit, auquel il ne peut être porté atteinte que si cette violation est justifiée comme nécessaire pour réaliser un objectif raisonnable de l’État. Ce droit garanti par la Charte aurait été formulé différemment si on avait voulu qu’il protégeât seulement contre l’expulsion, le bannissement ou l’exil. Il vise à protéger contre l’exil et le bannissement, qui ont pour objet l’exclusion de la participation à la communauté nationale. « L’avocat a soutenu que le paragraphe 6(1) de la Charte ne devrait s’appliquer que si un citoyen canadien est menacé d’exil, de bannissement ou d’expulsion, ou que si une action gouvernementale a pour effet de priver arbitrairement ou totalement un citoyen de son droit de demeurer au Canada. L’extradition ne vise pas à porter atteinte à ce droit, elle est de nature temporaire et n’a aucune incidence sur la citoyenneté. Elle existe dans notre pays depuis plus d’un siècle. » Il y a lieu de comparer les emplois de chacun des termes de la série synonymique bannir, déporter, exiler, expatrier, expulser, extrader. Les nuances sont parfois importantes; par exemple : « Je considère que l’extradition tient beaucoup plus de l’application du droit criminel interne que la déportation. Elle ne constitue pas à proprement parler un bannissement de nos frontières comme c’est le cas de la 460 déportation. » 4) Au figuré, bannir s’emploie au sens de ne pas admettre, d’écarter, de rejeter définitivement, d’exclure de propos délibéré quelque chose ou quelqu’un que l’on considère néfaste ou nuisible, et appartient au style soutenu. Bannir une publication. « L’intimé a soutenu que le texte vise non pas à bannir de la route les mauvais conducteurs, mais à punir les individus qui, étant déchus du droit de conduire, décident simplement de conduire. » Le sens juridique est celui d’interdiction, de prohibition. Bannir un usage, une coutume. « Au Canada, les filets à monofil ont été bannis de la pêche du saumon au filet maillant sur la côte du Pacifique depuis 1956. » « La notion de cause de la demande était devenue si controversée que les auteurs du nouveau code l’en ont bannie. » Le complément de bannir a souvent rapport à la langue. Bannir un mot de son vocabulaire. « Le juge se doit de toujours rechercher le terme exact et de bannir de sa langue les incorrections. » « Il faut bannir tous les archaïsmes que l’on trouve dans le langage du droit. » ö BAN. ö DÉPORTATION. ö EXIL. ö EXPATRIATION. ö EXPULSION. ö EXTRADITION. ö PROHIBITION. ö PROSCRIPTION. BANQUEROUTE. DÉCONFITURE. FAILLITE. Dans le langage juridique, ces trois mots ne sont pas interchangeables. Une banqueroute est une faillite qui s’accompagne de fautes particulièrement graves commises dans le but d’abuser des créanciers (détournement de fonds, spéculation, fraude fiscale). C’est un délit puni par la loi française; la banqueroute n’existe pas en droit canadien. Banqueroute simple, banqueroute frauduleuse. Le banquier qui a consenti des découverts trop importants à une entreprise en difficulté peut être accusé de complicité de banqueroute. La personne qui fait banqueroute est un banqueroutier 461 ou une banqueroutière. Au Canada, la faillite est l’état du commerçant dont un tribunal constate qu’il a cessé ses paiements sans avoir commis d’actes criminels ou délictueux. Faillite personnelle, faillite frauduleuse. Faillite commerciale. Faillite internationale. La personne qui fait faillite s’appelle un failli ou une faillie. Ce mot s’emploie aussi comme adjectif : une commerçante faillie. Pour le juriste québécois, la faillite peut être l’état du commerçant qui a cessé ses paiements (droit civil québécois) ou l’état d’une personne déclarée faillie en vertu de la loi fédérale sur la faillite. Le verbe faillir est très rarement employé dans le sens de faire faillite. Déclarer faillite. Devenir en faillite. Se mettre en faillite; mettre quelqu’un en faillite. « Le débiteur a été déclaré en état de faillite. » La déconfiture, c’est, dans l’usage courant et en droit, l’état d’insolvabilité d’un débiteur non commerçant. La déconfiture de qqn. Être en déconfiture. Dans la Loi sur la concurrence, le législateur canadien prévoit que le tribunal qui détermine si un fusionnement, réalisé ou proposé, empêche ou diminue sensiblement la concurrence peut tenir compte notamment de la déconfiture réelle ou vraisemblable de tout ou partie de l’entreprise d’une partie au fusionnement. Régime, système de déconfiture. « Le régime de déconfiture s’avère utile en matière de faillite internationale. » Les syntagmes ci-après ont été relevés dans la documentation canadienne pertinente sur le droit de la faillite. Syntagmes Acte de faillite. Actif, patrimoine de la faillite. Administration de la faillite. Année d’imposition préfaillite. Avis de faillite. Cas de faillite. Cession de faillite. Contribuable en faillite. Créancier de la faillite. 462 Déclaration de faillite, déclaration postfaillite. Déclaration de revenus préfaillite. Documents de faillite. État de faillite. Législation, loi sur la faillite. Mise en faillite (d’un débiteur). Personne en faillite. Procédure de (la) faillite, processus de faillite. Remboursement postfaillite. Requête de faillite. Surintendant des faillites. Syndic de faillite. Système de faillite. Faillite d’affaires, de consommateur. Faillite forcée (être le sujet d’une ordonnance de faillite). Faillite volontaire (faire cession de ses biens). Commettre un acte de faillite. Déclarer la faillite (forcée) de qqn. Forcer (un débiteur insolvable) à la faillite. Provoquer une faillite. Se trouver dans un cas de faillite. ö INSOLVABILITÉ. BAPTÊME. BAPTISMAL, ALE. BAPTISTAIRE. BAPTISTÈRE. 1) Attention à l’orthographe du mot baptême et de ses dérivés, et à leur prononciation : le p est muet, mais le s se prononce. Les mots baptistaire et baptistère sont des homonymes. Baptistaire désigne un acte de baptême ou, plus rarement, le registre dans lequel sont inscrits les baptêmes. Il est parfois employé comme adjectif au sens de qui constate le baptême (un extrait baptistaire). Le Code criminel du Canada prévoit que la personne qui détruit, maquille ou détériore illégalement un registre de baptême est coupable d’un acte criminel et 463 passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans. Le baptistère est un petit édifice qui est élevé près d’une cathédrale et qui sert à l’administration du baptême. Par extension, il désigne la chapelle des fonts baptismaux. Attention à l’orthographe (fonts et non [fonds]) et au sens de l’expression fonts baptismaux. Le mot fonts désigne le bassin destiné à l’eau du baptême. Les mots acte de baptême, certificat de baptême, extrait de baptême et baptistaire (1er sens) sont synonymes. La plupart des auteurs consultés soulignent, toutefois, que baptistaire est sorti de l’usage et qu’il est remplacé par extrait de baptême ou acte de baptême; certificat de baptême est critiqué. Le nom de baptême est le prénom que reçoit celui ou celle qui est baptisé. 2) Le verbe baptiser a donné lieu à la création de certaines locutions juridiques : baptiser le temps (fixer le délai); baptiser possession contraire (alléguer une possession contraire à celle que revendique l’autre partie). 3) Dans la langue courante, on rencontre plusieurs expressions formées à partir du mot baptême pour désigner une initiation, une première expérience : baptême du feu (première participation à un combat), baptême du sang (martyre), baptême d’orateur (premier discours au parlement). Le baptême de l’air, appelé désormais vol d’initiation, est offert par certaines entreprises aéronautiques contre rémunération. Il a alors le caractère du contrat de transport de personnes. S’il est offert gratuitement, c’est un transport bénévole. Recevoir le baptême de l’air (sur justification du paiement de la cotisation au club). Donner gratuitement un baptême de l’air. BARATERIE. 1) Se prononce ba-ra-trie. S’écrit avec un seul r (bara-), contrairement à son correspondant anglais (“barratry”), et un seul t, en dépit de l’attestation des deux graphies baraterie et baratterie qu’enregistrent certains dictionnaires. 2) Ne pas confondre baraterie et batterie. Le second terme est un archaïsme au sens 464 d’échange de coups, de rixe, de querelle de gens qui se battent, et le crime appelé en anglais “battery” n’existe pas comme tel au Canada. Voir ASSAUT et VOIE DE FAIT. 3) Le terme est attesté depuis le 14e siècle. Baraterie (ou sa variante barterie) avait alors le sens de tromperie. Jusqu’à la fin du 17e siècle, les dérivés du mot étaient en usage dans la langue de la procédure ou du palais. Étymologiquement, un groupe de termes se rattachait à l’italien “barrataria” (fraude) et un autre groupe, à l’italien “baretta” (chicane) : barat (tromperie, ruse, fourberie), barate (confusion, agitation, embarras, ruse), baratement (fraude, tromperie), barateor et le féminin barateresse (trompeur, fraudeur, fripon, chicaneur), barateus (trompeur, frauduleux), barateusement et barateressement (frauduleusement, par fraude, en trompant) et barater (tromper, frauder, chicaner, décevoir). Ces termes correspondaient en anglais, selon leur étymologie, soit au crime de “baratry” (acte fraduleux commis par le capitaine d’un navire), soit à l’infraction de “barretry” (abus des contestations et des chicanes). Ainsi, l’étymologie du mot dégage deux sens : le premier, celui de fraude, le deuxième, celui de chicane. 4) Premier sens : fraude, tromperie. Notre langage du droit a conservé le terme baraterie dans ce premier sens. Il désigne généralement, en droit maritime, la fraude que commet le capitaine, le maître ou patron d’un navire, au préjudice des armateurs ou des assureurs. On le voit, l’emploi du mot se rattache surtout au domaine des assurances maritimes. Le droit français et le droit anglais distinguent le sens à donner au mot. En droit français, la baraterie comprend toutes les fautes du capitaine, de quelque nature qu’elles soient, et s’étend à la négligence ou à l’impéritie, tandis qu’en droit anglais, “barratry” a un sens plus étroit et ne comprend que les seuls actes intentionnellement frauduleux ou criminels. Cela dit, le terme est archaïsant en France. Le Code de commerce en son article 353 employait encore récemment le terme : « L’assureur n’est point tenu des prévarications et fautes du capitaine et de l’équipage, connues sous le nom de baraterie de patron, s’il n’y a convention contraire. » Aujourd’hui, on parle plutôt de la faute du capitaine. Au Canada, le terme est conservé, car le délaisser serait perdre une nuance utile. Les prévarications sont des actes de détérioration volontaire du navire ou de sa cargaison par le capitaine fraudeur aux dépens des assureurs, de l’armateur ou des chargeurs 465 (baraterie du patron, baraterie du capitaine, en anglais “barratry of the master”). Mais la baraterie s’étend également aux actes commis par les membres de l’équipage, lorsqu’ils sont les préposés du capitaine, ou conjointement par le capitaine et son équipage, le plus souvent en vue de toucher la prime d’assurance (baraterie de l’équipage). « La baraterie est tout acte de prévarication volontaire du maître ou de l’équipage qui cause une perte aux propriétaires ou aux affréteurs. » Les actes de baraterie ne se limitent pas au simple fait de causer volontairement le naufrage du navire. Ils se rapportent le plus souvent au vol du navire ou à la contrebande quand elle est le fait du capitaine, ou à d’autres infractions (abordage fautif, échouement volontaire sans motif plausible, incendie par négligence, arrimage défectueux, chargement excessif, opérations fautives d’embarquement et de débarquement, déviation inutile, vente sans nécessité de marchandises par le capitaine en cours de voyage, violations de blocus en temps de guerre pour livrer le bateau à l’ennemi...). Pour qu’il y ait baraterie, deux éléments doivent être présents : (1) une intention malveillante (peu importe les mobiles de l’acte) ou une faute volontaire du capitaine ou de ses préposés et (2) l’acte doit être commis contre les intérêts de l’armateur. Auteur d’un acte de baraterie. Être coupable de baraterie. Perte du fait de la baraterie. « Le marin s’est rendu coupable de baraterie. » Dans les lois canadiennes sur l’assurance maritime, la baraterie est assimilée aux périls de mer : « Une déviation ou un retard dans la poursuite du voyage indiqué dans la police est excusable... lorsqu’ils sont dus à la baraterie du capitaine ou de l’équipage, si la baraterie est l’une des fortunes couvertes. » 5) Deuxième sens : agitation, chicane. En common law, l’infraction de “barratry” consistait en une incitation fréquente aux litiges, à un abus du droit d’ester en justice ou de plaider. Le “barrator” excitait aux procès, poussait à la chicane en troublant la paix, répandait de fausses rumeurs et des calomnies de façon à faire croître la discorde et les troubles en incitant les voisins à se quereller entre eux. Cette notion de fréquence de l’acte explique que l’on parlait de “common barratry”, pratique consistant à appuyer indûment une partie à intenter une ou des actions en justice dans le but de partager les fruits du jugement. 466 6) En droit écossais, est appelée “barratry” l’infraction consistant à corrompre un juge. On parle en droit français de vénalité, du juge vénal. En droit canadien, l’infraction qui consiste à corrompre un juge tombe dans la catégorie de la corruption de fonctionnaires judiciaires et du trafic d’influence. À distinguer de la concussion et de la subornation (voir ces mots). 7) En droit canonique, la baraterie se rapproche de la simonie des ecclésiastiques qui vont à l’étranger acheter des bénéfices pour être nommés à un office ecclésiastique (provision simoniaque d’un office) et qui administrent un sacrement avec l’intention délibérée d’acheter ou de vendre le sacrement pour un prix temporel, quels qu’en soient le contenu, la valeur ou le montant (réalisation d’un sacrement avec un accord simoniaque). 8) La documentation contient un emploi par extension et au figuré du mot au sens de vol éhonté, notamment dans le droit de la propriété industrielle : la baraterie de la contrefaçon. ö ASSAUT. ö CHAMPARTIE. ö CHICANE. ö CONCUSSION. ö SUBORNATION. ö VÉNAL. ö VOIE DE FAIT. BARBARIE. L’article 303 du Code pénal français assimile à l’assassinat et rend passible de la mort tout crime quel qu’il soit commis avec emploi de tortures ou actes de barbarie. Commettre des actes de barbarie. BARBARISME. PATAQUÈS. SOLÉCISME. Le barbarisme est une faute de vocabulaire; l’emploi est jugé fautif au regard de la forme ou du sens du mot (barbarisme de mot). Ainsi le mot forgé, déformé sous l’influence d’une autre langue (ici l’anglais et le latin) ou par l’effet de la méconnaissance du langage du droit ou de l’histoire du droit, ou de l’ignorance de la forme correcte, ainsi que l’incorrection, l’impropriété et même le mot mal prononcé 467 (barbarisme de prononciation) seront, à des degrés divers, des barbarismes : [dilemne] au lieu de dilemme, [pécunière] au lieu de pécuniaire, [rénumérer] au lieu de rémunérer. Faire un barbarisme sera donc employer un mot qui n’existe pas, donner à un mot un sens qu’il n’a pas, employer erronément une conjugaison ou une déclinaison, recourir de façon irréfléchie à certains dérivés non admis par l’usage ou construire un mot à l’aide d’un préfixe ou d’un suffixe incorrect. Il y a lieu de distinguer le barbarisme du pataquès, qui est l’emploi d’un mot, d’un auxiliaire, pour un autre mot ou un autre auxiliaire qui lui ressemble : [lors de l’audition] au lieu de lors de l’audience, [acceptation d’un mot] au lieu d’acception d’un mot, [sans exception de personne] au lieu de sans acception de personne, [carambolage] au lieu de carambouillage, en droit commercial. Voir PATAQUÈS. Le solécisme est une faute contre la syntaxe ou l’ordre des mots dans la phrase : l’emploi incorrect d’une préposition, d’une conjonction, d’un pronom relatif sera dénoncé comme faute de construction ou solécisme ([Il en a appelé de la décision] au lieu de Il a appelé de la décision; [connaître une affaire] au lieu de connaître d’une affaire). Les exemples de barbarismes et de solécismes sont, hélas, très nombreux dans nos textes juridiques. Les fautes les plus pernicieuses se trouvent sous les meilleures plumes et dans les textes officiels. Puisque les personnes qui les commettent en sont inconscientes, elles ne pourraient pas les trouver dans notre ouvrage à leur ordre alphabétique. Aussi devons-nous les regrouper dans une liste, au demeurant fort incomplète, dont la consultation permettra à chacun de s’assurer qu’il ne pourrait être l’auteur de ces expressions vicieuses. 468 FORME FAUTIVE OU CRITIQUABLE FORME CORRECTE A [Abandonnement] d’enfant, de famille, de foyer, de poste Abandon [Abatement] de capital, d’impôt Abattement Acte, renonciation [abdicatoire] abdicatif, abdicative [Abolissement] de la peine de mort Abolition Loi [abolitoire] abolitive [Abornage] Abornement [Abrévier] la durée de l’instance Abréger Il était [absent de] l’audience absent au moment de L’accusé a été [absous] absout [L’absout] L’absous, l’absoute [Abus] d’enfant Mauvais traitements; sévices Il [s’est accaparé] des biens Il a accaparé les biens [Accès de] l’information, [du] dossier Accès à, au [Acceuillir] l’appel Accueillir Accident [de] travail du 469 Trouver [une accommodation] un accommodement [Accomplir] une mauvaise action Commettre [Être d’accord avec] les motifs, l’avis, une décision Souscrire aux motifs; partager l’avis; se rallier à une décision Ce legs [accroît à la part de qqn] accroît la part de qqn Son patrimoine [est accru] s’est accru Intérêts [accrus] courus [Acheter de] qqn; [acheter] un billet, un permis; Acheter à, chez, auprès de; prendre; souscrire [acheter] une assurance Donner [une à compte] un acompte Biens [acquéris] acquis [Par acquis] de conscience; tenir [pour acquit] Par acquit; pour acquis [Les actifs] nets L’actif [Addendum] Addenda [Addition] d’hérédité Adition [Addresse] Adresse Somme [adéquate] suffisante [Adhérence] à une association Adhésion Admettons qu’elle [est] légale soit 470 ... [ce qui va advenir de] lui, [ce qui [adviendra de] ... ce qu’il va advenir de lui, ce qu’il adviendra de lui lui [Aéropage] de juges Aréopage [À être exécuté] À exécuter Clauses [afférantes du] contrat afférentes au [Affiant] Auteur de l’affidavit Il a témoigné [afin qu’il puisse] afin de pouvoir [A forciori] A fortiori [L’agenda] de la conférence; [l’agenda] du L’ordre du jour; le programme gouvernement Circonstances [agravantes] aggravantes À l’[agrégation] de l’acheteur agréation Plaidoirie [agressive] énergique, persuasive Les appelants vivaient [aisément]; il a présenté dans l’aisance; avec aisance [aisément] ses observations au tribunal Verser [un aliment] des aliments L’heure qui reste vous sera [allouée] accordée, réservée [Dans l’alternative] Subsidiairement, subsidaire Ils [ont l’alternative de] ne pas poursuivre ont le choix, peuvent choisir de [Amalgamation] de deux sociétés Fusion à titre 471 La loi a été [amendée] modifiée Il a [amené] ses dossiers; l’accusé a été [amené] en apporté; conduit, emmené prison [Amicus curiale] Amicus curiæ, amicus curialis Annexe [établi] établie Apostille [fait] en marge du contrat faite [Il appartient ce bien] Ce bien lui appartient [En appeler de] la décision Appeler de, interjeter appel de, former appel à l’encontre de [Appellant] Appelant [S’approprier de qqch.] S’approprier qqch. [Aréoport]; [aréonef] Aéroport; aéronef Prélever [des argents] de l’argent, des sommes Il argue [son] innocence de son [Arhes] Arrhes [Argumentation] a contrario Argument Les termes [s’arréagent] s’arréragent [Arrérages] de salaire Arriérés Le montant [des arriérages] de l’arriérage [Mettre qqn sous arrêt] Arrêter qqn, mettre qqn en état d’arrestation 472 Résolution d’[assentiment] agrément Dénonciation [assermentée] (faite) sous serment Assignation comparaître] [à témoin]; assignation [de de témoin; à comparaître [Il a été assigné à cette fonction] Cette fonction lui a été assignée, il a été affecté à cette fonction Loi sur l’[assise] accise La Cour d’[Assise] assises Il était assisté [par] deux conseillers de [Porter atteinte à] autrui Nuire à [Attester de la validité] du testament; [attester de ce Attester la validité; attester que que] Audi [alterem partam] alteram partem Aucun [sera]; [aucun] dépens, sans frais [aucun] ne sera; aucuns La date de l’[audition]; [audition] sur le audience; enquête cautionnement En cas de manifestation de l’[audience] auditoire [Aurait ou aurait pu aboutir] Aurait abouti ou aurait pu aboutir [Autentifier] un acte Authentifier Cette nouvelle [s’est avérée] fausse s’est révélée [Aviseur] juridique Conseiller 473 Des [ayant causes], des [ayant droits] ayants cause, ayants droit B Enregistrement des [baggages] bagages [Bâiller] Bailler, donner à bail Calculer [la balance] le solde; le reliquat; le reste Être [sur le banc]; monter [sur le banc]; jugement Être magistrat, siéger au tr ib u nal; accéder à la rendu [sur le banc] magistrature, être nommé juge; sur le siège, sans délibéré Annoncer les [bancs] de mariage bans [Le barbarisme] de la peine capitale La barbarie Acte de [barbarerie] barbarie [Pour le bénéfice de] À l’intention de, en faveur de, au profit de [Bénéfices]; [bénéfices marginaux] Indemnités, prestations; avantages sociaux Le [bien fondé] de la prétention; la décision est bien-fondé; bien fondée [bien-fondée] [Blanc de chèque] Formule de chèque [Blanc] de mémoire Trou de mémoire, absence, défaillance de mémoire 474 Abus de [blanc seing] blanc-seing [Boîte] aux témoins Barre (des témoins) [Bonus] Prime, gratification, indemnité C Année [de calendrier] civile [Cancellation] de la séance Annulation En sa [capacité] de qualité [Casser] un bail Résilier, violer [À cause de] ses efforts, il a été récompensé Grâce à Punir, réprimer [causuellement] casuellement [Céder] la garde Accorder Liste figurant à la [cédule] annexe [Certificat] de naissance Acte, extrait [Cession] de paiements Cessation [Cette Cour] La, notre Cour (et non [la présente]) Juge [en chambre] en cabinet [Champs] d’application Champ 475 Lord [chancellier] chancelier (mais chancellerie) Il [a de bonnes chances] d’être condamné risque fort [Changement de venue] Renvoi [Chapître] (d’une loi); d’une association Chapitre; section, division Dix dollars [chaque] chacun Avoir une [charge] contre soi; la [charge] du procureur; la [charge] du juge au jury accusation; le réquisitoire La [chartepartie] charte-partie [Ci-bas; Ci-haut mentionné] Ci-dessous; susmentionné Numéro [civique] de voirie [Classement] des infractions Classification J’étais [clerc] dans ce bureau d’avocats stagiaire Erreur [cléricale] d’écritures Faire [sa cléricature] son stage en droit [Clinique juridique] Cours pratique, stage [Clôturer] le débat Clore [Coercion] Coercition [Collecter] une créance Recouvrer ci-dessus, 476 [Comme question de fait] À vrai dire, à la vérité, en réalité, en fait, effectivement, de fait [Commençant le] 1er du mois À compter du, à partir du Commissaire [des] langues officielles, des incendies aux [Commuation] de peine Commutation Conjoint, mariage, union [de common law] de fait; union libre Affaire [communiquable] communicable [Comparé] à l’an passé Comparativement, à comparer La Cour [est compétente d’entendre] la présente a compétence pour entendre; a la compétence de; a compétence affaire; [a la compétence pour]; [a pour compétence de] Prestation [compensatrice] compensatoire [Compenser] les défendeurs [pour] leurs pertes; compenser [pour] le manque à gagner Compenser les défendeurs de leurs pertes, compenser les pertes des défendeurs; compenser le manque à gagner Comploter [pour] commettre un crime de Assurance [compréhensive] globale, tous risques, multirisque, multiple [Il est compréhensif que] Il est compréhensible [Compte-rendu] Compte rendu 477 Il [conclue]; [concluer] conclut; conclure [Conduire] une enquête Faire, mener Être [confusionné] confus La [conjecture] actuelle; faire des [conjonctures] conjoncture; conjectures Il [connait] connaît Aveux [conséquents] considérables [Pour aucune considération] À aucun prix, pour quelque motif que ce soit, pour rien au monde, sous aucun prétexte [La constitution] de l’Association Les statuts (constitutifs) [Contracteur] indépendant Entrepreneur La [contreverse] controverse Le [contumace]; la [contumax] Le contumax (l’individu); la contumace Travaux [à contrat] à forfait [Contribuer] cent dollars Contribuer pour; fournir [Au delà de notre contrôle] Indépendant de notre volonté [À la convenance du tribunal] Dès que le tribunal le jugera bon, le jugera indiqué Le tribunal demande la [coopération] des avocats collaboration, bonne volonté [Une copie] de la loi Le texte, un exemplaire 478 [Corriger] un compte Redresser Biens [couverts] d’une hypothèque grevés [Créditeur] Créancier Curateur [des] biens et [de] la personne aux, à D [Datation] en paiement; dation [de] paiement Dation; en [À date] À ce jour, jusqu’à maintenant, jusqu’à présent, jusqu’ici Verser [au débat] aux débats Les [déboursés] de l’avocat débours [Le déclenchement] de la procédure La mise en branle C’est de cela [dont] il s’agit qu’il [De] commun accord D’un [Le déductible] est de cent dollars La franchise Condition [défaillante] défaillie Le procès aura [définitivement] lieu demain sans aucun certainement [En définitif] En définitive [Défrayer] les dépenses Payer Programme de [déjuridisation] déjudiciarisation doute, très 479 [Il a été demandé] de se lever On lui a demandé Il a été arrêté à la suite d’une [démonstration] manifestation [Démotion] Rétrogradation [Dénominations] de dix dollars; [dénominations Billets, coupures; églises, confessions religieuses] [Dénudé] de tout bon sens Dénué [Dépendant] de l’intention Selon Condamné aux [dépends] dépens Empêchement [dérimant] au mariage dirimant [Désaisir] qqn de ses biens; le [désaisissement]; le Dessaisir; dessaisi [déssaisi] religion, dessaisissement; Le [désinteressement] de l’accusé, de la victime; désintérêt; désintéressement des créanciers Le [détenteur] de la police titulaire [Dette préférentielle] Créance privilégiée [Être en devoir] Être en fonction, de service, en service Régler un [différent] différend Être placé devant un [dilemne] dilemme [Dilligence] Diligence [Discrimination en matière de] prix Disparité de 480 [Disposer] d’une affaire, d’un problème, d’une Régler, réfuter difficulté; d’un différend; d’une objection résoudre; trancher; Régler [une dispute] un conflit, un différend [Disqualification] d’un magistrat Déchéance [Divorcer qqn] Divorcer d’avec, avec Marché [domestique] intérieur [Les douanes] La douane Arriérés de [douère] douaire Mesures, moyens [drastiques] radicaux, draconiens [Il a le] droit au bénéfice; [il a] droit de] bénéficier Il a droit au; il a le droit de [Dû] à un fâcheux accident; [dû au fait que] Par suite de, à cause de, en raison de; du fait que Somme [dûe]; sommes [dûes] due; dues [Devenir dû] Échoir Les deux premiers mois [d’un] accident qui suivent un [Dûement] Dûment [Duplication] Double emploi; chevauchement [Dr Leblanc] a témoigné; [Dr Glanville William] a écrit Le docteur Leblanc; Glanville William E [Ect.] Etc. 481 La loi [deviendra effective] entrera en vigueur La preuve [à l’effet que] selon laquelle, établissant que, Servitude d’[égoûts] égout Le juge lui a demandé [d’élaborer] de préciser sa pensée Être [éligible] à un emploi; à une prestation admissible, qualifié; avoir droit à [Émander] le jugement attaqué Émender [Émettre] un acte judiciaire Établir, délivrer, remettre Les [émigrés] qui arrivent au pays; Loi sur immigrés; immigration l’[émigration] La réforme est [éminente] imminente Un [émoluement] émolument Mettre [l’emphase] sur l’accent, l’insistance Être [à l’emploi de] au service de Il [s’en] attendait s’y [En autant que] Pour autant que, d’autant que, dans la mesure où [Enchâsser] dans la Constitution Inscrire, constitutionnaliser L’accusé a [encouru] des frais judiciaires engagé, exposé, supporté [Endosser] une décision, une opinion Souscrire à, approuver [En égard] aux circonstances Eu égard 482 [Le verdict en est un de] culpabilité C’est un verdict de Tout ce qui [s’en était suivi] s’était ensuivi, avait suivi Enjoindre [le] demandeur au Arrêté, plan d’[enlignement] alignement [En outre de cela] Outre cela, en outre Demander des renseignements dont [s’enquerrerait] s’enquerrait [En plus,] En outre; en plus de Marque, modèle [enregistré]; lettre [enregistrée], déposé, breveté; recommandée; inscrire [enregistrer] une personne [Enregistrements] d’un véhicule Certificat d’immatriculation [En] statuant comme elle l’a fait, [je] suis d’avis que En statuant ..., la Cour a, selon moi ... [Entâché] d’abus Entaché [Entre-aide] judiciaire Entraide Les [entrées] dans un livre écritures Instance en [entreplaidoirie] entreplaiderie [Entrer en contrat avec qqn] Conclure un contrat avec qqn Tout citoyen a le droit [d’entrer, de demeurer ou de sortir du Canada] d’enter au Canada, demeurer ou d’en sortir [Énumération] des électeurs Recensement d’y 483 Demande [en vertu de] présentée en vertu de Il [envoira] enverra [Envoyer à son procès] Inculper, mettre en accusation, renvoyer devant le tribunal [L’équité] dans une compagnie Les capitaux, les avoirs, la valeur réelle [Une] escompte Un Payer en [espèce] espèces [Un] estampille Une [Un estimé] Une estimation, une évaluation [Pierre et/ou Paul] Pierre ou Paul, ou les deux Accusé [d’évasion fiscale] de fraude fiscale [À tout événement] De toute manière, quoi qu’il en soit Le tribunal veut vous [éviter] des ennuis épargner Ex abundatia [cautela] cautelae [Examen] du témoin Interrogation [Exciper sa] bonne foi Exciper de [Exercer] une doctrine Appliquer [Expertise] (pour une compagnie); (pour une Sa spécialité; ses connaissances techniques personne) 484 Abrogation [exprès] expresse [L’extension] aux provinces Le rattachement F Des [facilités] installations Des [fatalités] accidents mortels [Favoriser] une solution Être favorable à, être en faveur de, être pour, approuver Son témoignage est [fiable] crédible, on peut se fier à son témoignage Texte [final] définitif, sans appel Il a été [finalement] acquitté définitivement [Finaliser] Mettre au point, parachever, mettre la dernier main à, réaliser [Année fiscale] Exercice, année financière Bailleur de [fond] fonds Loi [en force]; [avoir force de] contrat en vigueur; tenir lieu de [Forger] une signature Contrefaire, imiter [Formaliser] un acte Mettre en forme [Formuler] un complot Former Consommer, [fusse] par omission fût-ce 485 G [Gazette officielle] Journal officiel La transformation du droit [génère] des problèmes engendre [Gérant] de banque, de caisse populaire Directeur Être [grâcié] gracié H [Le] huissier; acte [de] huissier L’huissier; d’ À la barre, le témoin était comme [hynoptisé] hypnotisé I [D’ici] demain D’ici à [S’identifier] Se nommer, révéler son identité Le tribunal [n’est pas sans ignorer] n’est pas sans savoir [Illécéité] de la cause du contrat Illicéité [Imposition] d’une peine, d’une sentence Application, infliction, prononcé Ad [impossible] nemo tenetur impossibile Il est impossible [pour] les défendeurs aux Exécution [impratiquable] impraticable [Être sous l’impression] Avoir l’impression 486 Peine [inappropriée] peu appropriée [Incidemment] Au fait, soit dit en passant [Incorporation] d’une société Constitution Réclamation [indûe]; réclamer [induement] indue; indûment Accident [industriel] de travail, professionnel Peine [infâmante] infamante [Inférioriser] Considérer comme inférieur, rabaisser Être [sous l’influence] de l’alcool sous l’effet Infraction [sommaire] punissable sommaire [Ingrédients] du droit Éléments [Initier] une action Entamer, introduire, intenter Partie [intégrale] du contrat intégrante Avec intérêts [à] dix pour cent de [Interjetter] appel Interjeter Aux effets [interreliés] intimement liés, réciproques Inter [vivo] vivos [Introduire] un amendement Présenter [Investiguer] Examiner, étudier, enquêter sur par procédure 487 Points de vue [irréconciliables] inconciliables Somme [irrecouvrable] irrécouvrable Item Article, élément, point, poste, question, sujet J [Être sous la juridiction] d’un ministère Relever La [juridiction] de la province compétence, autorité Tendance [jurisprudencielle] jurisprudentielle L Vous [laisserez savoir à] la Cour informerez juridique; d’avocat; judiciaires; Service [légal]; honoraires [légaux]; professions [légales] (des magistrats et auxiliaires en common law de justice); droit [légal] Cette [législation] prévoit que loi [La législature] a décidé que Le législateur La tendance moderne [légitimise] cet acte légitime [Lever] un grief Exprimer, formuler, présenter Poursuivre qqn pour [libelle] diffamation [L’article se lit comme suit] Texte de l’article; l’article 488 dispose, prévoit [Loger] un appel; un grief, une plainte Interjeter appel; formuler, présenter déposer, M Il a [manqué] être tué failli État [marital] matrimonial Témoin [matériel] oculaire, important En matière [des] droits de la personne de [Maturité] d’un billet, d’une police Échéance [Au meilleur de ma connaissance] Autant que je sache, autant que je m’en souvienne [Au meilleur de ses capacités] De son mieux, dans la pleine mesure de ses moyens Contraire [aux meilleurs intérêts] de l’enfant aux intérêts supérieurs, fondamentaux, primordiaux [Mépris de cour] Outrage au tribunal, à magistrat Le [mérite] de sa cause; [à son mérite]; [au mérite] bien-fondé; sur le fond; au fond [Minutes]; [livre des minutes]; les [minutes du Procès-verbal; registre des procès-verbaux, des procès] délibérations; la transcription des témoignages Toute [modification à la loi] Modification de la loi, apportée à la loi 489 [Monétaire] D’argent, salarial, pécuniaire, financier (monétaire veut dire relatif à la monnaie : clause, dévaluation, système monétaire) [Monnaie de papier] Papier-monnaie [Motif] d’appel Moyen [Mutandis mutatis] Mutatis mutandis N Le locataire [n’a pas donné aucun] préavis n’a donné aucun [Nomination] d’un candidat Investiture Mise en [nomination] candidature Bénéficiaire [non révocable] à titre irrévocable Contrat [non transférable] incessible [Notice] Avis; congé; démission [Notifier qqn de qqch.] Notifier qqch. à qqn [Nul est] tenu Nul n’est O 490 [Je m’objecte], Votre Honneur; [s’objecter] à la production d’une preuve Objection; s’opposer [Occurrence] du risque Réalisation, survenance [En l’occurence] En l’occurrence [Offense]; [offense contre]; [offense alléguée] Infraction, délit; infraction à; infraction reprochée [Opinion légale] Avis, consultation juridique [Je suis d’opinion] Je suis d’avis, j’estime, je pense Lui donner l’[opportunité] de faire qqch. Lui donner l’occasion, possibilité de faire qqch. [Opposant] Adversaire [En bon ordre]; être [en ordre]; être [hors d’ordre]; [soulever un point d’ordre]; [par ordre de la Cour] En bon état; en règle; déroger au règlement, non recevable, irrecevable, antiréglementaire, irrégulier; invoquer le règlement, faire appel, en appeler au règlement; par autorité de justice P Aller de [paire]; nos [paires]; au [paire] pair; pairs; pair [Pallier à un] inconvénient, un obstacle Pallier un Apposer [sa] paraphe son [Parrainnage] Parrainage la 491 Avoir des [parts] dans une compagnie actions [De part] la loi De par Participer [dans] la discussion à [Passé dû] Échu, en souffrance, arriéré [Passer] une loi; un règlement Adopter, voter; prendre [Patronage] Favoritisme ou népotisme [Paver la voie à] Ouvrir la voie à, préparer le terrain pour [Payeur de taxes] Contribuable [Payment] Paiement [Pécunier] Pécuniaire [Pénitenciaire] Pénitentiaire La jurisprudence pertinente [à] la cause par rapport à, quant à Plaider [folie] la folie [Plannification] Planification [Le deuxième plus important arrêt] Le deuxième arrêt le plus important, le deuxième arrêt en importance [Plus souvent qu’autrement] La plupart du temps, le plus souvent [Faire son point] Faire prévaloir son point de vue, démontrer son avancé, 492 convaincre ses interlocuteurs [Au point de vue] infractions Au point de vue des Les [possessions] du défendeur affaires, effets [Possiblement] Peut-être [Pourcent] Pour cent [Pour votre information] À titre d’information Praeter [legam] legem [Préemption] d’instance Péremption préemption) Actions [préférentielles] privilégiées Sans préjudice [aux] questions; [aux] héritiers des; pour les [Prendre avantage] de Profiter, se prévaloir Prendre [avis] acte [Prendre des procédures contre] Intenter un procès à, contre, engager des poursuites, poursuivre (en justice), entamer une action en justice [Prendre] en délibéré Mettre [Prendre] pour acquis Tenir [Prérequis] Condition préalable [La présente Cour] La, notre Cour (mais droit de 493 [Prévenir une infraction de se commettre] Prévenir la commission d’une infraction Procéder [à envoyer une] mise en demeure à l’envoi d’une Les désavantages que [procure] ce principe présente (ou les désavantages de ce principe) [Promaire] Maire suppléant Billet [promissoire] à ordre Être protégé [des] criminels contre les Juge [puiné] puîné Peine d’emprisonnement [purgé] purgée [Pyromaniaque] Pyromane Q Le demandeur a été blessé [quand] son véhicule après que [Quasi contrat]; [quasi-contractuel] Quasi-contrat; quasi contractuel La chose [que] j’ai besoin dont [Quelque] soit la définition Quelle que [Questionner] qqch. Examiner, discuter, mettre en doute, s’interroger sur, poser des questions au sujet de qqch., vérifier que 494 [Quoiqu’il] en soit Quoi qu’il R [Race] humaine Espèce [Rappeler] une loi Abroger Rapport [de progrès] sur l’état d’avancement des travaux [Rex] nullius Res [Rapporter] qqn aux autorités Dénoncer, signaler [Faire une réclamation] Présenter une demande de règlement Réclamer qqch. [de] qqn à [Réconcilier] des comptes Apurer, rapprocher [Recouvrer] une fraude; recouvrer une somme [de] Recouvrir; auprès de qqn [Recouvrir] une créance, des sommes Recouvrer Vice [rédibitoire] rédhibitoire [Rédition] de compte Reddition [Nous vous référons] à votre mémoire Nous vous renvoyons, nous vous prions de vous reporter 495 Il a [référé aux] articles suivants cité, mentionné, fait allusion aux Il lui a [référé] ce dossier; il a [référé] la question confié; soumis, déféré au tribunal [Régistre] Registre [Réhabilitation] du détenu Réadaptation, redressement ou réinsertion sociale (selon le cas) [Relevé] de déchéance Relèvement [Relèvement] de forclusion Relevé [Rencontrer] des conditions, des exigences Respecter, remplir [Rénumération] Rémunération [Renverser] une décision, un jugement Casser, infirmer, réformer [Représentations] sur la sentence Observations Requête [de] divorce en Le [résidu] d’un compte reliquat Action en (rescission) rescision Il [risque] d’avoir gain de cause court la chance, pourrait fort bien Percevoir des [royautés] redevances, droits d’auteur S 496 [À la satisfaction] du tribunal; je suis [satisfait] que l’appréciation; convaincu Votre [Seigneurerie] Seigneurie [Séniorité] Ancienneté Nul n’est [sensé] ignorer la loi censé Détermination de la [sentence]; [sentences concurrentes]; [sentence] de dix ans de prison; [sentence suspendue] peine; confusion des peines; peine; condamnation avec sursis [Sequestre] Séquestre [Servir] une peine; une ordonnance Purger; signifier Faire subir [un sévice] cruel des sévices Le [site] de construction chantier Ad [solemnitem] solemnitatem [Solutionner] ces questions Résoudre, trouver une solution à Dépenses [somptueuses] somptuaires [Nous soumettons que] Nous affirmons, prétendons, soutenons que; selon nous Soumissioner [pour] des travaux des Projet [sous] discussion; plan [sous] étude; proposition [sous] examen en; à l’; à l’ [Souscrire à une] police Souscrire une [Spécifications] du contrat; des travaux à forfait Stipulations; cahier des charges, 497 devis [Statut] civil; les [statuts] et règlement État; lois [Statut] quo Statu Conditions, dispositions, infractions [statutaires] légales, prévues par la loi, d’origine législative La loi [stipule] que énonce, dispose, prévoit Être [sujet à] une loi; sujet à assujetti à, régi par, soumis à; sous réserve de, moyennant [Sur] bénéfice d’inventaire Sous Siéger [sur le] comité; [être sur le] jury au; être membre du, faire partie du [En sus] de cette décision En plus T [Tant qu’] à lui Quant à lui, d’après lui, à son avis [Technicalité] Détail technique, question de forme, détail d’ordre pratique, point de détail Le défendeur a acheté la voiture [tel que] tel quel [Tel que] prévu Tel qu’il est Ils [tendent] de convaincre la Cour tentent 498 Être [tenu] responsable tenu pour Il est tenu [aux] pertes subies des En [terme] de; [terme]; [terme de livraison] termes; durée des fonctions, mandat, période de validité, session; délai de livraison [Termes] d’un contrat; [termes de référence]; [termes et conditions] Conditions; attributions, mandat; modalités, conditions générales Le [test de] l’arrêt critère établi dans [Transfèrement] de biens Transfert [Transfert] de détenu Transfèrement [Transiger] avec qqn Faire des affaires, traiter (une opération) avec qqn Il a été [trouvé] coupable reconnu 499 U Le défendeur [est un] arpenteur; l’agression sexuelle, [une infraction] prévue au Code criminel; le jury a trouvé Henri [un bon] témoin est arpenteur; infraction prévue; bon témoin V [Vacance judiciaire] Vacances judiciaires Droit de [véto] veto Possession [viciée] vicieuse Acte [vicieux] vicié ultra [virès] vires [vis-à-vis] la Charte vis-à-vis de [Voie] consultative, délibérative Voix peu d’offres, [voir] pas du tout voire un [voteur] votant [Vraie] copie Copie conforme [Vue] la Loi Vu 500 Y Tenant compte de l’état mental de l’accusé, [y inclus de] notamment de ö PATAQUÈS. ö SOLÉCISME. BARÈME. 1) Attention à l’orthographe de ce mot, qui s’écrit avec un accent grave (et non un accent circonflexe) sur le premier e et avec un seul r, même si le mot vient du nom du mathématicien François Barrême. 2) Au sens général, barème désigne tout recueil de tableaux ou de données numériques donnant le résultat de certains calculs. Le barème de l’impôt. Barème des intérêts. Dans un sens plus particulier, le terme désigne une table ou un répertoire de prix fixés, de droits à acquitter, de salaires à recevoir. Dans la rémunération du travail par exemple, le tableau qui indique les taux de salaire en ordre croissant est le barème des salaires. On l’appelle également échelle des salaires ou de rémunération, échelle salariale, grille ou tarif de rémunération, et non [cédule des salaires], “wage” ou “salary schedule” en anglais. « Établir des barèmes indiquant les tarifs de la rémunération ou des allocations payables; ces barèmes peuvent prévoir un tarif quotidien ou une échelle d’honoraires, ainsi que des indemnités pour frais. » Barème ou tarif admis établissant ou prévoyant les montants qui peuvent être appliqués par un titulaire pour tout service. Barème des traitements, de paiement. Barème de consommation. Barème du prix des légumes. Fixation d’un barème indicatif. Barème d’indemnisation. « Le président et les autres administrateurs n’ont droit à aucune autre rémunération, mais peuvent être indemnisés, selon le barème fixé par règlement administratif du conseil, des frais de déplacement et de séjour entraînés par l’accomplissement des fonctions qui leur sont confiées en application de la présente loi. » Barème d’application. « La Commission fixe par ordonnance un barème d’application pour le calcul de la somme forfaitaire. » 501 3) Il est très important de souligner qu’on ne peut employer le terme barème pour autre chose que des chiffres (le plus souvent des sommes d’argent). « Le juge a expliqué aux jurés le barème applicable en matière d’indemnisation, c’est-à-dire les sommes qu’ils pouvaient accorder à la victime. » Ainsi, on commet une erreur lorsqu’on parle du [barème des peines] applicable à une série de crimes déterminés. Il faut alors parler de l’éventail des peines ou employer une tournure différente. « La durée des peines prévue pour ce crime varie de trois à cinq ans. » Syntagmes Barème annuel. Barème applicable aux contributions. Barème de référence. Barème de rémunération. Barème des dividendes. Variations des barèmes de dividendes. Déclaration de dividendes faite conformément au barème en vigueur. Barème des droits exigibles. Barème des prix, des salaires. Barème des taux de fret. Barème d’imposition, barème de base. Barème national fixé. Appliquer le barème. Consulter le barème. Établir, fixer, mettre en place un barème. ö ÉCHELLE. ö TARIF. BARON, BARONNE. 1) En Angleterre, avant les lois sur l’organisation judiciaire de 1873 et 1875, les juges de la Cour de l’Échiquier (fusionnée avec la Division du Banc de la Reine en 1881) étaient appelés barons et le juge en chef s’appelait le lord baron en chef de 502 l’Échiquier. Les juges titulaires de ces titres au moment de l’adoption de ces lois les ont conservés jusqu’à la fin de leur charge. Le baron Alderson, de la Cour de l’Échiquier; les barons Pigott, Parke, Bramwell et Watson; les barons en chef Pollock, Palles et Kelly. Remarquer la minuscule attachée à un titre de noblesse : baron, vicomte, lord. 2) Baron forme également les vieux termes baron et fima et covert-baron de l’ancien droit. Le baron était alors le chef de la communauté conjugale, le seigneur du ménage. La règle selon laquelle la femme était inhabile à témoigner contre son mari ou en sa faveur découlait naturellement de la place juridique qu’elle occupait à cette époque. Du fait du mariage, elle perdait son identité juridique propre. Le juriste anglais Blackstone décrit ainsi le statut juridique de la femme mariée : « par le mariage, l’homme et la femme deviennent une seule personne aux yeux de la loi; c’est-à-dire que l’être même ou l’existence légale de la femme est suspendue pendant le mariage, ou du moins incorporée et renfermée dans celle du mari, sous la protection, l’abri, le couvert duquel elle agit en tout point : aussi l’appelle-t-on dans le vieux français de nos lois une femme-covert, foemina viro co-operta; on la désigne par l’expression covert-baron, comme étant sous la protection et l’influence de son mari, de son baron ou seigneur; et son état pendant le mariage est appelé sa coverture. » 3) Dans le langage familier, baron s’emploie au figuré au sens de personnage important; il se prend le plus souvent en mauvaise part : baron de la presse, de la finance. Par métaphore, il désigne la catégorie des criminels qui se trouvent au haut de la hiérarchie des trafiquants de drogue : « Les barons de la drogue sont des magnats de la pègre. » ö LORD. ö VICOMTE. BARRAGE. BARRER. 1) Le verbe barrer s’emploie au sens de bloquer l’accès, rendre un passage inaccessible, interdire l’entrée dans un lieu; on peut donc dire barrer une rue pour signifier que la voie est fermée à la circulation dans les deux sens. Chemin, passage barré. Route, rue barrée. 503 Concrètement, le barrage est l’obstacle placé en travers de la voie. Ce peut être un inanimé (une barrière, une voiture de police) ou un animé (un agent de police). Le barrage de police est un cordon de policiers interdisant l’accès à un lieu ou encore un groupe de policiers postés en un lieu pour vérifier l’identité des automobilistes. Dresser, établir un barrage. Franchir un barrage. « Un automobiliste inattentif force, de nuit, un barrage de police dressé pour stopper des malfaiteurs. » 2) Barrage s’emploie dans nos lois au sens d’installation (par exemple les ouvrages hydrauliques érigés sous l’autorité d’une loi) ou d’obstacle (par exemple l’utilisation de barrages pour prendre du poisson). En ce dernier sens, le Code criminel du Canada prévoit que quiconque met volontairement le feu à un barrage flottant est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans. 3) Au sens de biffer, rayer, raturer, barrer signifie annuler d’un trait de plume. Barrer un mot dans un texte, un nom sur une liste. Barrer une clause dans une convention, c’est la supprimer, d’un trait oblique par exemple. Voir les emplois du synonyme biffer à l’article BIFFAGE. Voir également RADIATION pour la distinction à faire entre radier et rayer. 4) Par analogie avec la locution tir de barrage employée dans le vocabulaire de la technique militaire, barrage s’utilise au figuré dans des expressions comme barrage de questions (« L’accusé a été soumis à un véritable barrage de questions. ») ou barrage d’accusations (en anglais “array of charges” ) : « Mis en présence d’un barrage d’accusations, l’accusé mal informé risque d’accepter un compromis défavorable au lieu de courir le risque de subir un procès. » Les locutions faire barrage à et faire obstacle à sont synonymes; elles signifient empêcher d’agir. « Le législateur a voulu, là encore, faire barrage au danger des motivations de style. » L’emploi figuré du terme barrage correspond aux images de l’avalanche ou de la cascade pour ce qui concerne les poursuites ou les demandes inconsidérées (“avalanche” et “floodgates” en anglais). « Il convenait d’établir un barrage contre les demandes inconsidérées. » Plus généralement, le barrage est un obstacle à surmonter, une étape à franchir : « Comment méconnaître que cette révolution dans la responsabilité civile doit encore franchir le barrage de la seconde Chambre civile, celle qui juge de la responsabilité en général. » L’image du barrage infranchissable est un cliché : « Les arrêts précédents de la Cour ne constituaient-ils pas un barrage 504 infranchissable? » « L’autorité de la chose jugée était un barrage infranchissable, qui garantissait l’État contre toute action en responsabilité dans ce domaine. » Constituer, édifier un barrage. ö BARREMENT. ö BIFFAGE. ö RADIATION. BARRE. 1) Au sens concret et par extension, une barre est un obstacle naturel formé d’un amas de sable, de roches, de bois, de terre et autres matières constituant une barrière naturelle nécessaire à l’existence d’un port public ou une protection naturelle à l’embouchure d’un fleuve. Échouement sur une barre. Le Code criminel du Canada dispose que l’enlèvement volontaire d’une barre naturelle sans permission est un acte criminel et rend son auteur passible d’un emprisonnement maximal de deux ans. 2) Barre désigne la barrière de séparation qui se trouve entre l’enceinte où siègent les membres d’un tribunal, d’une assemblée politique, et la partie réservée au public. Dans le domaine juridique, le mot désigne plus précisément la barrière qui séparait jadis les juges du public dans la salle d’audience. « L’adjoint de l’avocat ou avocat plaidant adjoint (qu’on appelle “junior barrister” en anglais) est admis à plaider en deçà de la barre. » 3) Le mot en est venu à désigner, par métonymie et par opposition à l’enceinte publique de la salle d’audience, l’enceinte à l’intérieur de laquelle plaident les avocats, comparaissent les témoins et siège le jury. « Il en est ressorti qu’au moment où le président du jury s’était adressé au juge, l’un des jurés avait franchi la barre et se trouvait dans la partie publique de la salle d’audience. » On dit la barre des témoins, et non la [barre aux témoins] ou la [barre de témoin]. « On ne peut demander à un accusé, encore moins le contraindre, de venir à la barre des témoins ou de répondre à des questions incriminantes. S’il choisit de témoigner, il perd évidemment cette protection. » Cette barre n’existe que dans la procédure française. En common law, le terme serait plus imagé que technique. 505 La barre est la forme métonymique du terme barre des témoins. Déclaration faite à la barre. Comportement du témoin à la barre. Conduite immédiate à la barre ou présentation à la barre (procédure de l’instruction préparatoire). « À la barre, il ne se souvenait plus s’il avait demandé à parler à l’appelant. » « Les techniciens se sont affrontés à la barre dans des discussions aigres-douces qui déconsidéraient les experts officiels aux yeux du public et, avec eux, la justice pénale qui fonde ses décisions sur leur avis. » 4) Traduire quelqu’un à la barre, c’est le poursuivre. La locution à sa barre signifie, lorsqu’elle s’applique à un juge ou à un tribunal, qui est traduit devant lui. « Sans doute le juge doit-il être saisi pour statuer, et il ne peut en principe statuer que sur les faits qui lui sont soumis (saisine in rem) et même, au stade du jugement, à l’égard des seules personnes qui sont traduites à sa barre (saisine in personam). » « Le tribunal peut statuer sur l’affaire après les débats qui s’instaurent à sa barre. » Parties présentes à leur barre (= présentes devant les juridictions de jugement). À la barre signifie devant la juridiction concernée. Ainsi, à propos de la composition du tribunal correctionnel : « Si le nombre de trois ne pouvait être atteint, le tribunal, après avoir constaté qu’aucun des autres magistrats de la juridiction ne pouvait assurer le remplacement, se compléterait par l’avocat le plus ancien à la barre. » 5) Il faut éviter d’employer les anglicismes [boîte des témoins] (“witness box”, “stand” ou “witness chair”) à la place de barre des témoins et [prendre la barre] au lieu de venir à la barre ou se présenter à la barre. « Lorsqu’un défendeur se présente à la barre, sa réputation l’accompagne. » Voir BOÎTE. 6) Au figuré, barre forme l’expression coup de barre, utilisée dans le style judiciaire pour désigner un brusque changement d’orientation dans la jurisprudence, la modification soudaine d’un principe établi, la tendance nouvelle que fait naître un arrêt de principe. Donner un coup de barre. « Il semble que le coup de barre ait été donné en la matière par la Cour d’appel dans son arrêt clé. » 7) Barre s’emploie aussi pour désigner, à propos du chèque barré, le double trait apposé sur un chèque. Barres parallèles. Barres indélébiles. Chèque marqué d’une ou de plusieurs barres. Tirer, tracer une barre en travers d’un chèque. Intercaler une mention dans les barres. Nom du banquier mentionné entre les barres. (Voir BARREMENT) 506 Syntagmes Barre du tribunal. Aller, paraître à la barre (des témoins). Amener (quelqu’un) à la barre. Appeler (quelqu’un) à la barre (des témoins). Déposer, témoigner à la barre. Entendre (quelqu’un) à la barre. Être appelé, cité à la barre (des témoins). Être, comparaître, se tenir à la barre (des témoins). S’avancer, se présenter à la barre (des témoins). Venir à la barre (“take the stand” en anglais). ö BARREAU. ö BARREMENT. ö BOÎTE. BARREAU. 1) Comme le mot barre, barreau désignait d’abord, dans un sens concret, l’espace, autrefois fermé par une barrière, qui est réservé aux avocats dans la salle d’audience. 2) Ce terme désigne maintenant, au figuré, la profession d’avocat. « Ces étudiants en droit se destinent au barreau. » L’éloquence du barreau. 3) Dans son sens le plus courant, barreau s’entend d’abord de la corporation professionnelle des avocats dont seuls les membres, lorsqu’ils sont inscrits au tableau de l’ordre des avocats (c’est-à-dire la liste officielle des membres en règle du barreau), peuvent exercer la profession d’avocat. Barreau d’inscription. Ressort du barreau. Dans un sens plus particulier, le terme désigne le corps professionnel formé des avocats d’un territoire déterminé. Être admis au barreau. Être inscrit à, dans un barreau. Le barreau de Moncton. Le barreau de Paris. Fait barreaux au pluriel. « L’objet des droits de plaidoirie est de financer la Caisse nationale des barreaux français. » 507 4) Au Canada, le terme barreau désigne à la fois la corporation professionnelle regroupant tous les avocats d’une province (le Barreau du Québec) et ceux des différentes sections régionales qui composent ce corps (le barreau de Trois-Rivières). 5) En France, on appelle barreau l’ensemble des avocats inscrits auprès d’un tribunal de grande instance ou d’une cour d’appel et constituant l’ordre des avocats auprès de cette juridiction. Le rattachement de l’avocat à un barreau dépend, en France, du tribunal dont il relève et, au Canada, de la région à laquelle il appartient. 6) L’usage est flottant en ce qui concerne l’emploi de la majuscule ou de la minuscule à la première lettre de ce mot. Il s’écrit toutefois le plus souvent avec une minuscule lorsque, désignant un corps professionnel, il renvoie à une de ses divisions (le barreau de Québec) et avec la majuscule lorsqu’il désigne la corporation professionnelle (le Barreau du Québec). « Au Québec, le barreau constitue une corporation professionnelle appelée Barreau du Québec. Il est présidé par le bâtonnier. » 7) Au Nouveau-Brunswick, la Loi sur l’Association des avocats est devenue en 1986 la Loi sur le Barreau. La Loi modifiant la Loi sur le Barreau, chapitre 74 des Lois de 1990, prévoit à son alinéa 10(1)c) que l’avocat d’une autre province peut être autorisé à « comparaître en qualité d’avocat dans la province dans le cadre d’une action... lorsque ... l’avocat ... est membre en règle du barreau d’une autre province canadienne ou d’un territoire canadien. » 8) Les termes ordinairement réservés à l’ordre judiciaire tels juridiction, ressort... s’emploient pour le barreau. « Traditionnellement les avocats doivent faire une visite de courtoisie au bâtonnier lorsqu’ils plaident devant une juridiction extérieure au ressort du barreau. » Syntagmes Appartenance au barreau. Avocat inscrit au barreau. Cours du barreau. École de droit reconnue par le barreau. École du barreau. L’éloquence du barreau. 508 Radiation du barreau. Avoir des années d’ancienneté au barreau. Entrer au barreau. Être admis au barreau, être reçu au barreau. Être membre du barreau. Être radié du barreau. Se destiner au barreau. Se faire inscrire au barreau. ö BARRE. ö BÂTONNAT. ö ORDRE. ö PRÉTOIRE. BARREMENT. BARRER. DÉBARRER. REBARRER. 1) Barrer un chèque, c’est y tracer deux traits parallèles en diagonale afin qu’il ne puisse être encaissé que par l’intermédiaire d’une banque ou d’un établissement de crédit. Les barres parallèles sont apposées au recto, et non au verso. Cette apposition a pour fin essentielle d’empêcher l’encaissement du chèque par un porteur illégitime. Le barrement (et non le [barrage]) du chèque est l’action de le barrer. C’est une instruction donnée à la banque de payer le montant du chèque soit à une banque quelconque, soit à une banque désignée; une fois l’opération accomplie, le but du barrement a été entièrement atteint. La Loi sur les lettres de change (Canada) établit deux modes de barrement : le barrement général et le barrement spécial. Est à barrement général le chèque dont le recto est traversé obliquement par deux lignes parallèles comportant entre elles la mention banque, accompagnée ou non des mots non négociable ou de deux lignes parallèles, simplement ou avec les mots non négociable, tandis qu’est à barrement spécial et au nom d’une banque le chèque qui porte en travers de son recto le nom de cette banque, accompagné ou non des mots non négociable. Il y a lieu d’ajouter deux autres modes de barrement : le barrement par la formule « non négociable », lorsque ces mots sont écrits en travers du chèque, et le barrement au compte du bénéficiaire, lorsque ces mots sont écrits en travers du chèque, 509 accompagnés ou non du nom du banquier. Au Canada, l’antonyme du verbe barrer est débarrer : « Le tireur peut débarrer un chèque en écrivant entre les lignes obliques les mots ‘payez comptant’ et en les paraphant. » On trouve dans la documentation européenne le verbe rebarrer pris en ce sens : « Le banquier peut rebarrer un chèque barré spécialement au nom d’un autre banquier pour l’encaissement. » Le débarrement est la suppression des barres d’un chèque barré ou encore le fait de changer un chèque barré en chèque non barré. 2) Barrer signifie rayer, supprimer, biffer : « Il suffit de barrer les mentions inutilisées ou de les compléter en tant que de besoin. » Syntagmes Barrement autorisé. Barrement émanant du tireur ou du porteur. Barrement en blanc. Barrement nominatif. Barrement oblitéré. Barrement par oblitération ou addition. Ajout, addition, adjonction au barrement. Altération, effacement, modification, oblitération du barrement. Biffage, suppression du barrement. Chèque avec barrement général ou spécial. Chèque barré au moyen d’une formule, au moyen de barres. Chèque barré au nom d’une banque. Chèque barré au porteur, chèque au porteur non barré. Chèque barré, chèque non barré. Chèque barré d’avance ou prébarré. Chèque barré de manière générale ou spéciale. Chèque barré généralement, spécialement. Chèque marqué d’un barrement. Chèque portant un barrement effacé. Circulation du chèque barré. Droit anglais, droit canadien, droit français du barrement, en matière de barrement. 510 Effets du barrement. Méthode, mode du barrement. Pratique du barrement. Usage du chèque barré. Altérer, effacer le barrement. Annuler, révoquer le barrement. Convertir, transformer le barrement général en barrement spécial (mais non inversement). Effectuer, faire le barrement d’un chèque, procéder au barrement d’un chèque. BARRIÈRE. 1) En emploi métaphorique, ce terme peut signifier tout obstacle ou empêchement à quelque chose, ou le contraire, tout ce qui offre une protection contre quelque chose. « La barrière juridique s’est révélée bien fragile au contact de la marée montante des pollutions. » « La jurisprudence a tenté d’élever une autre barrière contre la multiplication des actions. » Cette barrière peut être une condition, une exigence ou une limite faisant entrave à l’exercice d’un droit ou d’une liberté : « Les droits garantis par la Charte érigent autour de chaque individu, pour parler métaphoriquement, une barrière invisible que l’État ne sera pas autorisé à franchir. Le rôle des tribunaux consiste à délimiter, petit à petit, les dimensions de cette barrière. » Elle peut également consister en une limite séparant deux procédures : « La barrière existant entre l’instruction et le jugement tend à devenir perméable, et le droit des majeurs se rapproche ainsi de celui des mineurs, qui ne fait plus une distinction nette entre les deux phases de la procédure criminelle. » 2) Au sens propre et dans la langue du Palais, la barrière est la barre (voir ce mot) d’un tribunal derrière laquelle sont appelés les témoins et où plaident les avocats. Le terme n’est cependant pas courant. 3) Dans le droit des biens, le mot désigne toute entrave matérielle à l’accès d’un immeuble; par exemple, la barrière est ce qui empêche l’occupant d’une terre aboutissant à un chemin public ou à un cours d’eau d’y avoir libre accès ou d’avoir 511 accès à son immeuble à partir du chemin ou du cours d’eau. L’expression barrières contre la mer se dit du cas où l’occupant d’une terre s’expose à ce qu’une injonction lancée à la requête du ministère public lui interdise d’enlever une barrière qui protège une autre terre contre l’invasion de la mer. 4) On appelle barrière en droit commercial toute interdiction, restriction (sous forme de droits, de taxes ou de formalités administratives), qui s’oppose à la libre circulation ou au libre-échange des biens et des personnes entre les États. Dans un sens particulier, les barrières à l’entrée d’un marché se définissent comme l’ensemble des facteurs qui entravent l’accès à un marché libre. Selon que ces facteurs sont plus restrictifs qu’ils ne devraient, on parle de la hauteur des barrières. Toute entrave au commerce, sous quelque forme qu’elle soit, est une barrière : barrières douanières, barrières tarifaires, non tarifaires (au commerce international), barrières interprovinciales au commerce, barrières fiscales, barrières commerciales : « Les États membres entendent contribuer à la réduction des barrières douanières. » « Il y aurait lieu de remplacer l’article 121 de la Constitution de 1867 par une nouvelle disposition empêchant l’érection de barrières au commerce interprovincial. » Barrière économique, barrière contingentaire (“quota barrier” en anglais). En matière de développement international, le terme barrières non tarifaires (pas de trait d’union après non) s’emploie à propos de mesures autres que les tarifs douaniers, prises par un gouvernement ou une entreprise privée pour limiter les importations. Elles sont appliquées afin de protéger les industries locales contre la concurrence créée par les importations et comprennent les quotas à l’importation, les avantages fiscaux pour les industries touchées par cette concurrence, les frais de douane et l’application de normes de santé ou de sécurité trop sévères. 5) Dans le droit de la concurrence, les concepts de double barrière et de simple barrière renvoient à la théorie selon laquelle, d’une part, une activité n’est légitime que si sa licéité est admise tant par le droit communautaire que par le droit national applicable (double barrière) ou, d’autre part, une telle activité tombant dans le champ d’application du droit communautaire ne peut être examinée au regard du droit national (simple barrière). 6) En France, le Code de la route prévoit l’établissement de barrières de dégel par des autorités publiques (préfets, présidents de conseil général et maires, selon le cas), lesquelles fixent les conditions de circulation sur les routes ou sections de routes 512 soumises aux barrières de dégel. Ces barrières délimitent les tronçons de route momentanément interdits à la circulation des poids lourds, en cas de dégel, ou, plus généralement, elles émanent d’interdictions administratives de circulation faites à certains véhicules pendant la période de dégel. Syntagmes Barrière infranchissable, insurmontable. Barrière entre une chose et une autre chose. Dresser, élever, ériger, établir, interposer, mettre une barrière entre deux choses. Être arrêté par une barrière. Franchir, rompre les barrières. Opposer une barrière à, contre qqch. ö BARRE. BASCULER. Pour exprimer l’idée qu’une chose passe brusquement d’un état à un autre de façon irréversible, l’emploi du verbe basculer permet de créer une image évocatrice qui donne au style du relief et du nerf. On trouve surtout le verbe dans la locution faire basculer. L’action peut être dirigée contre autrui ou vers soi : le sens est alors faire pencher. « Ces derniers éléments de preuve, non contredits, ont fait nettement basculer la balance contre la thèse avancée par la défense. » « À aucun moment l’avocat n’a paru capable de faire basculer à son avantage la thèse de son adversaire. » Le complément du verbe est souvent le mot équilibre : « La moindre contestation peut faire basculer ce fragile équilibre. » « Cet arrêt risque de faire basculer l’équilibre jurisprudentiel. » L’expression faire basculer la justice (à la suite d’une erreur judiciaire notamment) signifie provoquer un renversement, emporter une décision contraire. ö BALANCE. 513 BASE. BASER (SE). 1) Au figuré, le mot base a deux sens courants, c’est soit un élément fondamental sur lequel repose quelque chose (en ce sens le pluriel et le singulier s’emploient indifféremment), soit le point de départ, le point d’appui de quelque chose. Toutes les occurrences rencontrées dans la documentation relèvent de ces deux emplois. 2) Certains puristes admettent à contrecoeur le verbe baser à la forme transitive, mais condamnent la forme pronominale. Ils préfèrent à se baser des verbes ou des locutions verbales comme se fonder sur, tabler sur, compter sur, s’appuyer sur ou prendre pour base. L’Académie n’admet pas l’emploi de baser au sens de fonder. Elle préfère « Je fonde mon raisonnement sur » à « Je base mon raisonnement sur ». Mais l’usage n’a suivi ni l’Académie ni les puristes. 3) Base au figuré n’est pas fautif, mais on l’utilise trop par contagion avec l’anglais. Si possible, remplacer le mot, lorsqu’il fait partie d’une expression, par un seul mot (sur une base annuelle = annuellement) ou pour varier le style, utiliser plutôt l’un des nombreux quasi-synonymes suivants : appui, assiette, assise, centre, clé de voute, condition, fond, fondement, origine, pierre angulaire, pivot, point d’appui, point de départ, principe, règle, siège, source, soutien, support. 4) Dans le vocabulaire politique, la base est l’ensemble des militants d’un parti, d’un syndicat. Consulter la base. SOMMAIRE BASE. BASER. I. BASE 1. a) b) Substantif premier sens deuxième sens 514 (i) (ii) sens usuel sens économique 2. a) b) Base (suivi du complément de nom) sens usuel sens économique 3. a) b) Base (suivi de l’adjectif) sens usuel sens économique 4. a) b) c) d) e) f) g) h) i) j) k) l) Verbe (suivi de base) Asseoir sur une ou des bases Donner une base Édifier sur une base Établir sur une ou des bases Établir les bases Former la ou les bases Intervenir sur une base Jeter les bases. Porter sur une base Prendre pour base Reposer sur une ou des bases Autres verbes 5. a) b) Substantif (suivi de base) sens usuel sens économique 6. a) b) c) d) e) Locutions À base de À la base À la base de Par la base Sur la base de (i) sens usuel (ii) sens économique Sur une base (suivi d’un adjectif ou d’un substantif) f) 515 (i) (ii) 7. a) sens usuel sens économique b) Locutions verbales Servir de base (i) sens usuel (ii) sens économique Jeter les bases II. BASER 1. 2. Forme transitive. Voix active ou passive Forme pronominale ****** I. BASE 1. Substantif b) premier sens : ensemble des éléments, principes, règles sur lesquels repose quelque chose « Les motifs constituent la base de la décision. » (= le fondement) « Trois observations me permettront d’exprimer la base de mes objections à ce sujet. » (= l’essentiel) « La base de son opinion n’a aucun fondement sérieux. » (= justification) « Sa théorie comporte des bases sûres, solides, inébranlables. » (= principes) « Le procès-verbal est la base de la poursuite. » (= la source) 516 b) deuxième sens : point de départ pour l’examen d’une question, la prise d’une décision (i) sens usuel « Le juge n’a pas vérifié que ces inculpations trouvent dans la loi et dans les faits une base suffisante. » (= un soutien) « Des précisions doivent être fournies sur cet appel principal, base de l’appel incident. » (= fondement) « Il y a lieu d’établir d’abord les bases de l’accord. » (= les conditions) « Les auteurs ont arrêté les bases de l’ouvrage. » (= le corpus, les sources) (ii) sens économique « Il y a lieu de préciser au préalable les bases sur lesquelles les indemnités seront calculées. » (= le taux) 2. Base (suivi du complément de nom) Signifie point de départ de quelque chose. Ainsi, dans l’expression base d’opérations, le terme base est pris au sens de point de départ d’une opération militaire. « Il est interdit aux belligérants de faire des ports et des eaux neutres la base d’opérations navales contre leurs adversaires. » De même, base de discussion désigne l’énoncé de certains principes, règles ou propositions destinés à servir de point de départ à un examen en commun. Établir des bases de discussion. On rencontre dans la documentation bilingue de nombreux exemples de cette construction. Au sens usuel, l’idée exprimée est celle de fondement, au sens économique, celle de point de départ d’un calcul, de taux ou tarif. a) sens usuel Base d’action Base d’appui Base de départ (“cause of action”) (“basis of support” ou “supporting base”) (“starting point”) 517 Base de soutien b) (“basis of support” ou “supporting base”) sens économique Base d’allocation pour épuisement Base de calcul Base de données sur l’effectif Base d’évaluation Base de frais entre parties Base de frais entre avocat et client Base du taux de rémunération 3. (“depletion base”) (“base of computation”) (“personal data pool”) (“valuation base”) (“party and party basis”) (“solicitor and client basis”) (“payrate basis”) Base (suivi de l’adjectif) Indépendamment du sens concret de territoire ou terrain (base aérienne, base militaire, base navale, base sous-marine), le mot base au figuré prend notamment le sens de justification. Ainsi, le défaut ou l’absence ou encore le manque de base légale à propos d’un moyen signifie que la motivation d’un jugement est insuffisante. Encourir le grief de défaut de base légale. Ne pas donner de base légale à une décision. « La Cour d’appel a ainsi privé sa décision de base légale. » « Le défaut de base légale (qui constitue un moyen de fond tiré d’une insuffisance des motifs) donne lieu à cassation tout autant que le défaut de motifs (constitutif d’un vice de forme). » a) sens usuel « Sur quelle base juridique peut-il intenter une action contre lui? » (= fondement) « La jurisprudence a varié en ce qui concerne la base juridique à donner à cette solidarité. » (= justification en droit) « Le droit canadien peut-il fournir une base juridique suffisamment efficace pour prévenir et combattre la propagande haineuse? » (= des principes) « La solution de ces questions constitue un élément indispensable de la décision répressive, faute duquel la condamnation ou l’acquittement manquerait de base 518 logique : ce qui a été jugé à cet égard a nécessairement autorité sur le civil. » (= justification) « La loi a réglementé ce domaine sur des bases nouvelles. » (= principes) « Tous les règlements intervenus entre eux se faisaient sur une base multilatérale. » (= rapports) « Le visa, qui figure au début du préambule d’un acte réglementaire et qui est introduit par la formule ‘ Vu...’ sert à indiquer la base juridique de l’acte . » (= le fondement) « Au Canada, le Parlement et les assemblées législatives provinciales et territoriales sont également habiles, sur différentes bases constitutionnelles, à légiférer en matière de lutte contre la pollution. » (= règles) Base contractuelle Base conventionnelle Base expérimentale Base permanente Base temporaire b) (“contractual basis”) (“conventional basis”) (“experimental basis”) (“permanent basis”) (“temporary basis”) sens économique Base comptable Base économique Base fixe Base forfaitaire Base initiale (d’une fiducie) Base pluriannuelle (et non [multiannuelle]) Base réelle Base régulière et continue 4. Verbe (suivi de base) a) Asseoir sur une ou des bases (“basic receipt”) (“economic basis”) (“fixed basis”) (“presumptive basis”) (“initial base of a trust”) (“multi-year basis”) (“impersonal basis”) (“regular and continuous basis”) 519 « On constate cependant chez le législateur moderne une tendance vers l’organisation d’une véritable propriété mobilière, qui s’asseoit sur d’autres bases. » b) Donner une base « Cette idée que la propriété est une institution de droit civil donnerait une base bien fragile au droit de propriété. » c) Édifier sur une base « On ne peut, sans méconnaître la réalité, tenir compte de la construction juridique que la jurisprudence a dû édifier sur la base de textes. » d) Établir sur une ou des bases « Bien fondé signifie établi sur de justes bases. » e) Établir les bases « C’est d’un commun accord qu’ils ont établi les bases des futures négociations. » f) Former la ou les bases « L’existence de fait forme la base commune de l’action pénale et de l’action civile. » g) Intervenir sur une base « Malgré le respect que je dois aux tenants de la thèse contraire, je ne vois pas sur quelle base nous serions justifiés d’intervenir dans la décision attaquée. » h) Jeter les bases. Ex. : Jeter les bases solides d’une formation organisée. (Voir Locutions verbales, 7b) ci-après) i) Porter sur une base 520 « Tout ce raisonnement porte sur une base fausse. » j) Prendre pour base « Il est remarquable qu’une décision prenne pour base l’analyse juridique d’un contrat que la loi ne définit pas. » k) Reposer sur une ou des bases « L’esprit de la convention repose sur une base de réciprocité et d’avantages mutuels. » l) Autres verbes Affermir, assurer, élargir, renforcer la base de quelque chose, découvrir, fournir, trouver la base de quelque chose, constituer, faire la base de quelque chose, servir de base à : « Les prescriptions administratives servent de base à la poursuite. » Établir la situation de fait servant de base au moyen. 5. Substantif (suivi de base) Au sens usuel, la base est souvent le point de départ de quelque chose (« Ligne de base désigne ce qui sert de point de départ pour le calcul de l’étendue d’un territoire. »), ce qui est essentiel (services de base), le plus important ou fondamental (vocabulaire de base), élémentaire (principe de base), principal (« Il faut décrire le contexte de base. » « Mes remarques préliminaires s’appuient sur les données de base de la loi. »); au sens économique, de base signifie par rapport à (« Le salaire, traitement ou taux de base est le salaire que reçoit un employé par rapport à un taux horaire déterminé. ») ou qui sert de référence (année, taux, période de base). a) sens usuel Arrêt de base (ou arrêt clé, Arrêt de principe) Contrat de base ou contrat principal Idées de base Indemnités de base (“leading case”) (“main contract”) (“basic ideas”) (“basic compensation”) 521 Prestation de base Produits de base b) (“basic benefit”) (“basic products”) sens économique Allocation de base Contingent de base Droit de base Salaire de base Solde de base Tarif de base Taxe de base 6. Locutions a) À base de (“basic allowance”) (“basic quota”) (“basic duty”) (“basic pay” ou “basic wage”) (“basic wage”) (“basic rate”) (“basic charge”) Cette locution prépositive n’est attestée dans les dictionnaires généraux qu’au sens concret de entrant dans la composition de. Le langage juridique l’utilise pourtant au figuré au sens de qui repose sur. Infraction à base de fraude. Régime de responsabilité à base de faute prouvée ou présumée. Responsabilité à base de risque ou de garantie et d’obligation de sécurité. « La règle de droit est à base d’altérité. » « Ce régime à base de risque est prôné par la doctrine française. » « L’aide juridique est un système de protection à base de solidarité. » b) À la base Ne s’emploie qu’au sens économique : abattement à la base (“basic abatement”), exemption à la base (“basic deduction”). c) À la base de Signifie être à l’origine, à la source de quelque chose. 522 « À la base du droit d’auteur figure le droit moral, lequel fait partie des droits de la personnalité. » « La liberté d’association est à la base même de la Loi sur les relations du travail. » « Un des principes à la base de l’organisation des infractions prévues au Code est d’assurer une consultation facile. » « Cette obligation de sécurité, qui était à la base de la législation primitive, a été étendue à d’autres activités. » « À la base de cet arrêt il y a le désir d’empêcher que le second acquéreur ne puisse trouver dans une revente un moyen facile de dépouiller le premier acquéreur. » d) Par la base Ne s’emploie que dans la locution pécher par la base : « Ce raisonnement pèche par la base » (= son principe est faux). e) Sur la base de Cette locution est fréquemment utilisée dans le langage juridique comme référence ou comme point de départ de quelque chose. Selon les contextes, pour varier l’expression, on aura recours aux prépositions, selon ou suivant, ou aux expressions et locutions équivalentes : d’après, en fonction de, en vertu de, conformément à, en conformité avec, en proportion de, au prorata de, à l’échelle de, à raison de, en considération de, en application de, par application de, en conséquence de, en tenant compte de, compte tenu de, sur la foi de, sur le fondement de, aux termes de, dans le cadre de, sous le régime de, en exécution de, selon les modalités de, au titre de, au point de vue de. (i) sens usuel « C’est sur la base de ces principes que sont prévus les recours possibles en cas de violation des droits fondamentaux prévus dans la Charte. » (= en fonction de) 523 « C’est sur la base du titre translatif que doivent être réglés les rapports du défendeur avec le revendiquant. » (= en se reportant.) « On s’attend à ce que dans un code appuyé sur des principes, le choix des groupes à protéger se fasse sur la même base. » (= en tenant compte de la même règle) « Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l’entente conclue le 28 août 1992? » (= sur le fondement de) « L’exigence de la mens rea dans les infractions criminelles est tellement fondamentale qu’on ne peut la supprimer, depuis l’avènement de la Charte, sur la base d’une politique de droit prétorien. » (= en invoquant) « Les griefs sont formulés sur la base de la convention. » (= par application de) « La jurisprudence a dû édifier la construction juridique sur la base de ces textes. » (= en s’éclairant) « La Cour a annulé cette clause du contrat sur la base de l’article 75. » (= en vertu de) « L’accusé a été condamné sur la base de ces accusations. » (= en regard de) « L’action en justice a été intentée sur la base des dispositions du Code. » (= sous le régime) « La décision a été prononcée sur la base de la non-existence d’une loi pénale. » (= en tenant compte) « Il est interdit de refuser d’engager une personne sur la base de critères de choix différents selon le sexe ou la situation de famille. » (= en s’autorisant) « La nullité des clauses aurait été mieux fondée si la Cour s’était bornée à raisonner sur la base de la théorie générale des obligations. » (= en s’appuyant sur) 524 « La Cour supérieure a accueilli l’action et condamné le Gouvernement sur la base d’une responsabilité sans faute découlant d’un état de nécessité et fondée sur l’article 1057 C. c. » (= en invoquant) « Le ministre peut consulter la commission sur la base d’une enquête. » (= dans le cadre) (ii) sens économique « La répartition de l’indemnité entre les locateurs responsables se fait sur la base de la valeur locative des différents locaux occupés par chacun d’eux. » (= à raison de) « Le contrôle des recettes s’effectue sur la base des constatations comme des versements des recettes à la Communauté. » (= par référence à) « Tous ces procès lui ont rapporté, sur la base de mille dollars en moyenne chacun, une petite fortune. » (= en comptant) « Les employés sont payés sur la base de trente-cinq heures par semaine. » (= à raison de) f) Sur une base (suivi d’un adjectif ou d’un substantif) (i) sens usuel « On ne doit pas comprendre, parmi les simples améliorations qui donnent lieu à un règlement d’impenses sur les bases indiquées ci-dessus, les constructions que le possesseur a pu élever sur le fond. » (= aux conditions) « Le législateur s’est préoccupé d’organiser sur des bases plus rationnelles la propriété immobilière. » (= en fonction d’un régime) « Les documents sont communiqués sur une base confidentielle. » (= à titre) « Il ne m’appartient pas de dire si, sur cette base, l’affaire est bien décidée. » (= pour ces motifs) 525 « Le droit d’établissement est réglé conformément aux dispositions et par application des procédures prévues au chapitre relatif au droit d’établissement et sur une base non discriminatoire. » (= des principes) (ii) sens économique « La prise en compte s’effectue sur une base forfaitaire globale. » « Les intervenants sont rémunérés sur une base forfaitaire. » 7. Locutions verbales a) Servir de base S’emploie au sens de justifier, fonder, appuyer, établir. (i) sens usuel « Dans le cas d’une expropriation, le juge de paix est compétent à l’effet de constater la possession annale du demandeur, qui servira de base au règlement de l’indemnité due. » « Ce revirement est la conséquence logique de l’idée qui sert de base à la responsabilité du concessionnaire au regard des dommages causés à la surface. » « D’abord bien fondée au moment où elle a été rendue, la décision a ensuite perdu son fondement par l’effet de la décision qui lui servait de base. » « Il appartient sans doute au juge seul d’examiner, au besoin d’office, si le texte pénal servant de base aux poursuites s’applique bien aux faits retenus. » « Voici l’énoncé des faits qui ont servi de base à la diffamation. » « L’exception préjudicielle n’est recevable que si elle est de nature à retirer au fait qui sert de base à la poursuite le caractère d’une infraction. » (ii) sens économique 526 « Le titre établi sert de base au paiement exigé. » « Les cotisations sur les rémunérations serviront de base au calcul. » b) Jeter les bases S’emploie au sens d’asseoir, d’établir, de planifier. « L’objectif de la conférence consiste à jeter les bases devant mener à la création d’un jugement de transition représentatif. » II. BASER Le verbe baser n’est usité qu’au figuré. S’emploie au sens de faire reposer sur, fonder, appuyer. 1. Forme transitive. Voix active ou passive. « Elle base sa réclamation sur le document déposé en preuve. » (= appuie) « Cette constatation ne prend pas appui sur la preuve et les procureurs de l’intimé se sont d’ailleurs bien gardés de baser leur argumentation là-dessus. » (= fonder) « C’est ce qu’admet une jurisprudence récente, basée sur l’interprétation de l’article en cause. » (= qui recourt) « Cette distinction est difficile à justifier et est basée uniquement sur l’ancienne version. » (= s’appuie) « Le système est basé sur des faits incontestables. » (= repose sur) « Ces hypothèses ne sont basées sur aucun fondement juridique. » (= échafaudées) 2. Forme pronominale 527 « Partout où cette cause destructive de la possession n’est pas reconnue, le juge doit admettre l’existence de la possession en se basant sur le fait extérieurement visible du rapport possessoire. » (= en se fondant sur) « Le tribunal entend l’appel en se basant sur le dossier du tribunal dont la décision est attaquée. » (= en se reportant) « Le juge ne peut statuer en la matière en se basant sur des motifs tirés exclusivement du fond du droit. » (= en prenant appui sur) « Il faut se baser sur le droit positif. » (= avoir recours) « La Commission est habilitée à déterminer qui sont des employés au sens de la Loi. Pour ce faire, elle doit se baser sur la réalité juridique des relations telle qu’elle-même la perçoit. » (= s’en remettre) BASOCHE. BASOCHIEN, BASOCHIENNE. Historiquement, la basoche est une association qui regroupait les clercs du Parlement de Paris. Aujourd’hui, le terme est vieilli et se prend en mauvaise part pour désigner deux choses : soit l’ensemble des gens de loi ou de justice, soit les traits particuliers et les moeurs de cette catégorie de personnes. Gens de basoche. Appartenir à la basoche. Habitudes de la basoche. L’emploi le plus fréquent demeure associé toutefois au caractère rebutant du langage du droit. « Hélas, pour une part qui n’est pas moins grande, la basoche est responsable du caractère ésotérique de son langage. » Les termes de basoche (“legal jargon” ou “legaleese” en anglais), la langue de la basoche, l’argot de basoche, c’est l’héritage archaïque du langage judiciaire, le vocabulaire vieilli propre aux gens de robe : usage du latin, archaïsmes pléonastiques et barbarismes. Barbarisme de baroche. « ‘Prononce le divorce d’entre les époux’ est un barbarisme de basoche. » (Mimin) Le dérivé basochien, ayant également ce sens dépréciatif, s’emploie comme adjectif (langue basochienne, attitudes basochiennes) et comme substantif (avoués, notaires, huissiers et basochiens). 528 BASTION. PALLADIUM. REMPART. Dans la rhétorique judiciaire, ces mots s’emploient surtout pour rendre, dans le contexte des garanties constitutionnelles et des droits reconnus dans la Charte canadienne des droits et libertés, l’idée d’une entité abstraite qui assure la sauvegarde d’une valeur; c’est une barrière invisible érigée autour de chaque individu et que l’État ou quiconque n’est pas autorisé à franchir. Le rôle des tribunaux à cet égard est de limiter les dimensions de cette barrière. C’est notamment dans ce contexte que sont utilisés métaphoriquement des termes comme bastion, palladium et rempart. 1) Comme les termes rempart et palladium dont il est synonyme, bastion exprime l’idée d’une garantie, d’une sauvegarde; à ce titre, on le trouve fréquemment employé dans des textes relatifs à la Charte canadienne des droits et libertés, où il évoque, avec les termes auxquels il est associé, une valeur fondamentale (liberté, vie privée...), un système ou un droit. « La résidence d’une personne constitue un bastion de la vie privée. » « Les jurys sont, et ce, depuis des siècles un bastion de notre système démocratique et une garantie de nos libertés fondamentales. » « La personne accusée devra toujours avoir droit au bastion inattaquable de la common law, soit le droit de connaître les détails de l’accusation et celui de garder le silence jusqu’à ce que l’accusation ait établi sa preuve. » La métaphore du bastion en introduit souvent une autre lorsqu’elle évoque l’idée de la sécurité de la maison de chacun, traduite par le concept du château, de la forteresse imprenable, inattaquable. Cette métaphore du château est associée intimement au principe fermement inscrit dans le droit et posé dans l’arrêt Semayne en 1604, devenu depuis lors un adage fréquemment cité : « La maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse. » (Voir CHÂTEAU) Bastion s’emploie dans des constructions comme : le dernier bastion en matière de ou contre; faire tomber un dernier bastion; former les principaux bastions de qqch.; constituer le bastion de qqch.; abandonner un à un les bastions de qqch. « Un des principaux bastions du droit criminel est le droit de se taire. » « Ce bastion de la common law était assujetti aux lois fédérales. » 2) L’image du rempart, tout comme celle du bastion, sert à illustrer le principe de l’inviolabilité de la personne contre les forces menaçantes de l’extérieur : « L’inviolabilité du foyer est l’un des fondements de notre société libre. Ce concept constitue depuis longtemps le rempart contre la tyrannie de l’État. » 529 Le rempart est construit pour assurer une protection contre les menaces à l’inviolabilité de la personne, de la vie privée et des libertés individuelles : « Depuis des siècles, la common law a été le fer de lance de la protection des libertés individuelles. Les doctrines de l’inviolabilité de la personne et du domicile ont peu à peu été érigées en remparts contre les abus du pouvoir de l’État. » Il assure la défense de la liberté sous toutes ses formes. Sous cet angle, une institution comme le jury est considérée comme le rempart des libertés individuelles : « Le jury peut servir de dernier rempart contre les lois oppressives ou leur application. » Rempart s’emploie dans des constructions similaires à celles du mot bastion : Ériger quelque chose en rempart contre quelque chose; être le rempart de quelque chose; servir de dernier rempart contre quelque chose; jouer le rôle de rempart contre quelque chose. 3) Le palladium (p minuscule et s au pluriel) est moins courant; il s’emploie, par analogie, au sens d’entité garante de la conservation de nos droits, qui assure la sauvegarde ou la survie d’une institution, d’une valeur. Dans le contexte de la Constitution, le terme évoque l’idée d’une protection des libertés garanties. Appliqué au jury, l’emploi remonte à l’adage anglais selon lequel « le procès par jury est le palladium de nos droits civils ». Blackstone a écrit à ce sujet : « Les libertés d’Angleterre ne pourront donc que subsister tant que ce palladium restera sacré et inviolé, à l’abri non seulement de toute attaque directe (que nul n’oserait même entreprendre), mais aussi de toutes machinations secrètes susceptibles de le saper et de le miner par l’instauration de méthodes nouvelles. » ö CHÂTEAU. ö GARANTIE. BÂTIMENT. BÂTISSE. ÉDIFICE. IMMEUBLE. PLACE. Ces cinq termes comportent certaines différences de sens et d’emploi qu’il convient de souligner. 1) Bâtiment est un terme générique qu’on emploie pour désigner toute construction, généralement d’une certaine importance, utilisée ou destinée à être 530 utilisée pour abriter ou recevoir des personnes, des choses ou des animaux. « Les bâtiments de l’hôpital Sacré-Coeur sont en pierre. » Code national du bâtiment du Canada. 2) Il est intéressant de constater qu’il arrive souvent aux tribunaux d’étendre le champ sémantique de certains mots dans le but de les faire entrer dans le champ d’application de la loi. Ainsi, la Cour suprême du Canada assimile les ponts, les réseaux d’éclairage électrique et les canalisations souterraines à des bâtiments pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu. 3) Le terme bâtiment désigne par analogie un bateau de fort tonnage. Bâtiment de mer, bâtiment de guerre. Bâtiment inscrit (“recorded vessel” en anglais); bâtiment de pêche (“fishing vessel”). Bâtiment de commerce, bâtiment de plaisance. « Pour qu’il y ait abordage, le heurt matériel de deux bâtiments est nécessaire. » 4) Le mot bâtisse comporte deux acceptions : dans un premier sens, il désigne le gros oeuvre d’un bâtiment, c’est-à-dire les fondations, les murs et la toiture; dans un sens péjoratif, il désigne une construction sans valeur esthétique. « Les grandes bâtisses de cette rue déparent le quartier. » 5) On détourne le sens du mot bâtisse lorsqu’on l’emploie à la place du terme édifice pour désigner une construction ayant une valeur architecturale ou une certaine importance. Ainsi, au lieu de dire [les bâtisses du Parlement], il convient de parler de l’édifice du Parlement. 6) L’édifice est un ouvrage remarquable par son architecture ou sa taille ou une construction caractéristique de la fonction qu’elle abrite. L’édifice de la Cour suprême. Les édifices publics du gouvernement du Canada. L’édifice de la Sun Life, à Montréal. L’édifice de Radio-Canada. Mais en droit, l’édifice est une construction; c’est un terme technique qui désigne tout bâtiment ou travail d’art construit par assemblages de matériaux incorporés au sol, ou, d’après la définition de Planiol, « tout assemblage de matériaux consolidés à demeure, soit à la surface du sol, soit à l’intérieur ». Pour un complément d’information, voir ÉDIFICE. 7) Immeuble est un terme générique qui désigne tout bâtiment urbain divisé en appartements pour particuliers ou aménagé en bureaux. « Elle habite un immeuble d’habitation. » « Cet immeuble compte deux cabinets d’avocats, un cordonnier et un 531 cabinet d’experts comptables. » Immeuble à usage de bureaux, immeuble commercial, résidentiel. 8) Au Canada, on emploie souvent à tort le mot [place] pour désigner un édifice commercial ou un gratte-ciel. La [Place] Montréal Trust, à Montréal. La [Place] l’Assomption, à Moncton, au lieu de complexe. Une place est un espace découvert, un lieu public plus ou moins étendu, généralement entouré de constructions : la Place royale, à Québec. Syntagmes Bâtiments adjacents, attenants, contigus. Bâtiment agricole, commercial, scolaire, bâtiment de pêche, de protection civile. Bâtiment clos. Bâtiment construit in situ, préfabriqué en usine. Bâtiment existant, neuf. Bâtiment mobile, modulaire. Accès à un bâtiment. Aires d’un bâtiment. Charges d’un bâtiment. Classification des bâtiments ou parties de bâtiments. Composants du bâtiment. Conception, modification du bâtiment. Construction, démolition, déplacement, enlèvement, reconstruction, réfection, transformation du bâtiment. Dimensions du bâtiment. Éléments (permanents, structuraux) d’un bâtiment. Élévation d’un bâtiment. Équipement (d’entretien, technique) d’un bâtiment. Étage d’un bâtiment. Fondation d’un bâtiment. Grands, petits bâtiments. Hauteur de bâtiment. Inspecteur des bâtiments. Issues du bâtiment. Parties (extérieures) d’un bâtiment. Protection du bâtiment (contre quelque chose). 532 Surface du bâtiment. Usage (dominant, prévu, principal, réel) des bâtiments. ö CONSTRUCTION. ö ÉDIFICE. ö IMMEUBLE. ö OUVRAGE. ö STRUCTURE. BÂTONNAT. Attention à l’orthographe de ce mot, qui prend un accent circonflexe sur le a et deux n. 1) Dérivé de bâton et bâtonnier, bâtonnat désigne, dans son sens général, la charge de bâtonnier. « Me Jutras a accepté le bâtonnat du Barreau de Toronto. » Dans un sens plus particulier, il désigne la durée du mandat, des fonctions du bâtonnier. « Le bâtonnat a normalement une durée d’un an. » 2) Bâtonnable signifie qui peut être élu bâtonnier. ö BARREAU. BATTOLOGIE. PLÉONASME. La battologie est la répétition inutile d’une même idée. Le terme est vieilli selon l’Académie. Ce qui la distingue de ces formes de la redondance que sont la tautologie, la périssologie et le pléonasme vicieux est que la répétition de l’idée est absurde ou ridicule et que la figure est toujours péjorative. La battologie fait railler (« Le témoin oculaire a tout vu », « Le cadavre était bien mort », « L’accusé assis s’est levé »...), tandis que le pléonasme fait sourire [comme par exemple] [ainsi donc], [ce qui entraîne, par conséquent]. » Le juge juge, le président préside, une construction construite, une borne qui borne le terrain, prouver, sur preuve prépondérante. Il n’est pas toujours facile de faire cette différence. Mimin a relevé des exemples de battologie (aux dires de ses propres déclarations, dans l’intention de nuire et dans un mauvais dessein), mais parmi eux un grand nombre sont de simples pléonasmes 533 (Il résulte qu’il est constant que; demande suffisamment justifiée; préciser nettement; dans un litige où il était partie en cause; devoirs et obligations; tenir compte de l’ambiance et de l’atmosphère; librement et volontairement; parvenir à obtenir. Puisque le pléonasme n’est pas seulement une figure vicieuse, mais qu’il est également un procédé de style réservé aux grands écrivains selon bon nombre d’auteurs, c’est à l’article PLÉONASME que seront traités les emplois répétitifs du langage du droit. ö BARBARISME. ö CACOLOGIE. ö PLÉONASME. ö SOLÉCISME. BATTRE. La rhétorique judiciaire recourt fréquemment aux images de la guerre, du combat, de l’affrontement pour évoquer surtout le face à face des plaideurs représentés par leurs procureurs (Voir BAGARRE, COMBAT et LUTTE). Au sens propre, le verbe battre signifie frapper de projectiles (battre les positions ennemies). Au figuré, cet emploi se trouve attesté dans la documentation par des tournures telles : « La défense commença à battre les prétentions de l’adversaire. » Autre exemple : La locution battre en brèche signifie proprement tirer avec de l’artillerie afin de créer une ouverture dans les positions ennemies. Au figuré, la locution a surtout le sens de combattre avec succès (battre en brèche les idées reçues). Si on veut décrire la force de l’argumentation utilisée pour démolir une doctrine, une théorie, une thèse ou une affirmation de l’adversaire, on se servira avec profit de cette locution. Battre un argument en brèche, ce sera l’attaquer et le détruire. « L’avocate a déposé suffisamment de jurisprudence pour battre en brèche le bien-fondé d’une coutume qui ne saurait avoir de validité à l’encontre des dispositions claires du Code civil sur la responsabilité du mandataire. » ö BAGARRE. ö COMBAT. ö LUTTE. BEAU-. 534 1) L’épithète beau exprimant des relations de parenté par alliance ou d’un second mariage forme des mots composés qui s’écrivent avec le trait d’union et prennent la marque du pluriel aux deux éléments : beau-frère; beaux-pères; belle-mère; bellesfamilles. Beau-fils ou belle-fille par remariage. Beau-père par remariage. 2) On distingue dans l’alliance les mêmes lignes et les mêmes degrés que dans la parenté. Les alliés sont désignés en faisant suivre de l’expression par alliance l’indication du degré de parenté. Pour les alliés les plus proches, beau précède l’indication de la parenté : beau-fils, beau-père. Dans le langage courant, ces termes désignent respectivement l’enfant du premier mariage et le second mari de la mère; de même les expressions correspondantes belle-fille et belle-mère. Pour dénommer le beau-fils et la belle-fille, deux désignations sont propres aux alliés : gendre et bru. 3) Le français présente de nombreuses imperfections; l’une d’elles s’appelle l’ambiguïté, qui se dit d’une séquence linguistique qui peut être interprétée de différentes manières. Ainsi l’ambiguïté sémantique, surtout en droit, peut être source de grande confusion. Le verbe pouvoir signifie tout à la fois faculté ou permission (« Tu peux te marier »), louer peut vouloir dire donner en location ou prendre en location (« Les biens qu’il a loués »), acheter à peut vouloir dire acheter auprès de quelqu’un ou acheter pour quelqu’un (« Le demandeur avait acheté au défendeur le bien contesté. ») En matière de parenté, beau-père et belle-mère sont affectés de la même ambiguïté. Si on dit : Le beau-père du demandeur, veut-on parler du père de sa femme (le demandeur est marié) ou du deuxième mari de sa mère (elle s’est remariée après son veuvage ou son divorce)? Les deux emplois sont usités et, lorsqu’il y a un doute par insuffisance de contexte, il ne faut pas hésiter à recourir à une construction susceptible de lever toute ambiguïté. On fera de même pour la belle-mère du demandeur par exemple : parle-t-on de la mère de la femme du demandeur ou de la deuxième femme de son père? La liste qui suit présente les mots composés et leurs emplois selon le point de vue de la désignation. Beau-fils : fils par alliance Pour un conjoint, le fils que l’autre conjoint a eu d’un précédent mariage. 535 Pour le père et la mère, le mari d’une fille. L’emploi de beau-fils pour gendre est rare. Beau-frère : frère par alliance Pour un conjoint, le frère de l’autre conjoint. Pour le frère et la soeur, le mari d’une soeur. Plus rarement et par extension, le mari d’une belle-soeur. Beau-père : père par alliance Pour un conjoint, le père de l’autre conjoint. Pour le fils et la fille, celui avec lequel la mère s’est remariée. Beaux-parents : Pour un conjoint, les parents (père et mère) de l’autre conjoint. Belle-famille : Pour un conjoint, la famille de l’autre conjoint. Belle-fille : fille par alliance Pour un conjoint, la fille que l’autre conjoint a eue d’un précédent mariage. Pour le père et la mère, la femme d’un fils (bru). Belle-mère : mère par alliance Pour un conjoint, la mère de l’autre conjoint. Pour les enfants d’un premier mariage, la seconde femme de leur père. Belle-soeur : soeur par alliance Pour un conjoint, la soeur de l’autre conjoint. Pour le frère et la soeur, la femme d’un frère. Plus rarement et par extension, la femme d’un beau-frère. ö CONSANGUIN. ö DEGRÉ. ö DEMI-. ö DESCENDANCE. ö GÉNÉALOGIE. ö GERMAIN. ö HÉRÉDITÉ. ö LIGNAGE. 536 ö PARENT. ö UTÉRIN. BELLIGÉRANCE. BELLIGÉRANT, BELLIGÉRANTE. Le suffixe prend le a contrairement à l’anglais (“belligerent”). Belligérance vient du latin “bellum” qui signifie guerre. 1) En droit international public, la belligérance est définie comme la situation d’un État ou d’une collectivité insurgée qui participe à une guerre ou à une insurrection, selon le cas, et dont la qualité est reconnue à la force armée à certaines conditions appelées conditions de belligérance. Le belligérant est la nation en guerre ou le sujet de la puissance hostile par opposition à la nation ou au sujet neutre. « Il est interdit aux belligérants de faire des ports et des eaux neutres la base d’opérations navales contre leurs adversaires. » La notion de reconnaissance de belligérance s’utilise dans le cas où, à l’occasion d’une guerre civile, des États sont forcés, pour protéger leurs intérêts, d’entrer en relation avec les rebelles, si ces derniers contrôlent effectivement une partie importante du territoire de l’État. Dans ce cas, ils peuvent accorder aux rebelles une reconnaissance limitée ou partielle comme belligérants. Cette reconnaissance comporte l’attribution de droits qui doivent être exercés durant un conflit armé; ce sont des droits de belligérance (par exemple les règles qui obligent les nations ou les puissances belligérantes à ne pas tuer les civils ou à assurer des traitements humains aux prisonniers de guerre). Il peut leur être accordé de surcroît d’autres droits (celui de faire la guerre sur la haute mer, par exemple) qui sont compris dans le statut de belligérant. « En 1942, quand le gouvernement américain étendit son système d’aide prêt-bail au mouvement de De Gaulle, ce mouvement obtint le statut de belligérant. » Exercice d’un droit de belligérant. Se considérer en état de belligérance signifie être en guerre civile ou en guerre contre un autre État, et l’antonyme est se considérer en état de non-belligérance, être neutre. 2) Dans la rhétorique de la procédure judiciaire, les rapports entre les parties à 537 l’instance sont décrits comme des rapports d’affrontement et de combat. Aussi les images relatives à la guerre seront-elles fréquentes : attaquer une décision, poursuivre quelqu’un, engager un procès (comme on dirait engager les hostilités), gagner ou perdre un procès où les parties sont des adversaires. On trouve dans le style des jugements un emploi métaphorique de la notion de belligérance que n’attestent pas les dictionnaires : les plaideurs seront des belligérants, les avocats des parties émettront des opinions belligérantes. ö BELLIQUEUX. BELLIQUEUX, EUSE. Du latin “bellicosus” (guerrier) et “bellum” (guerre), cet adjectif s’emploie surtout pour qualifier le comportement d’une partie, d’un plaideur, d’un avocat, et signifie qui recherche la dispute, la confrontation. Il s’applique à des personnes comme à des choses. Air, caractère, esprit, instinct belliqueux, ardeur, déclaration, humeur belliqueuse. Il n’est pas incorrect de dire : « L’avocat de la défense s’est montré très belliqueux dans sa plaidoirie », mais pour varier l’expression, on peut fort bien parler d’un avocat batailleur, agressif ou même hostile. D’une rencontre ou d’une réunion violente, houleuse entre des parties, on dira d’une autre manière que, loin d’avoir été pacifique ou paisible, elle était belliqueuse. Se méfier du faux ami belligérant (voir BELLIGÉRANCE). « L’appelant a adopté un comportement belliqueux au moment de son arrestation. » (“belligerent” en anglais). De même, « Il s’est montré belliqueux », et non [belligérant]. « À un certain moment il est devenu batailleur », ou encore « Il a parfois une attitude belliqueuse envers les avocats ». ö BELLIGÉRANCE. BÉNÉFICE. Attention à l’orthographe de ce mot, qui s’écrit bénéfice et non [bénifice]. 538 1) Le terme bénéfice ne s’emploie pas dans le même sens et dans les mêmes contextes que le terme avantage. Ce dernier évoque la supériorité d’une chose ou d’une personne par rapport à une autre, tandis que le terme bénéfice s’entend, dans le langage juridique, d’un droit, d’une prérogative, d’une faveur, voire d’un privilège que la loi accorde à quelqu’un. « Le bénéfice juridique recherché était la propriété de l’immeuble. » Enlever à quelqu’un le bénéfice de quelque chose. « La décision rendue est venue enlever à l’intéressé le bénéfice de l’amnistie. » Conserver le bénéfice (de la libéralité). Maintenir le bénéfice (du système de publicité). Réclamer le bénéfice (d’une assurance). S’assurer le bénéfice (du retour légal). Bénéfice d’inventaire. En droit civil, en matière de successions, le bénéfice d’inventaire est le droit pour l’héritier ou le successeur universel de n’être tenu des dettes de la succession que jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’il a recueillis et d’éviter la confusion de ses biens personnels et de ceux de la succession. Obtenir le bénéfice d’inventaire. Se prévaloir du bénéfice d’inventaire. L’héritier n’acceptera une succession que sous bénéfice d’inventaire, c’est-à-dire uniquement après en avoir fait inventorier la teneur. L’adverbe bénéficiairement s’emploie en ce sens : « La succession a été acceptée bénéficiairement. » (= sous bénéfice d’inventaire). L’antonyme de cette locution est sans bénéfice d’inventaire. Bénéfice de discussion. En droit civil, en matière de sûretés, le bénéfice de discussion est un droit qui appartient à la caution et grâce auquel elle peut écarter temporairement les poursuites contre elle jusqu’à preuve faite de l’insolvabilité du débiteur principal. Opposer, soulever le bénéfice de discussion. Jouir du, perdre le bénéfice de discussion. « La caution perd le bénéfice de discussion lorsque le débiteur est notoirement insolvable ou déclaré en état de faillite. » Bénéficiaires du bénéfice de discussion est pléonastique; on trouve [titulaires] du bénéfice de discussion, ce qui est impropre. Exercice du bénéfice de discussion. Invoquer les bénéfices de discussion et de division. On peut comparer le bénéfice de discussion de la caution avec l’exception de discussion du tiers détenteur hypothécaire (on se reportera à DISCUSSION). Le bénéfice de division est le droit accordé aux cautions d’un débiteur pour une même dette d’exiger que le créancier divise son action et la réduise à la part de chaque caution. « Le bénéfice de division peut être invoqué en tout état de cause. » « L’article 1946 du Code civil du Québec ne distingue pas si le bénéfice de division doit profiter aux cautions de dettes civiles ou commerciales. » Mise en oeuvre du bénéfice de division. Opposer à qqn le bénéfice de division. 539 Bénéfice de subrogation. C’est le droit que la loi accorde à la caution ou au tiers détenteur de faire rejeter l’action du créancier qui a rendu impossible la subrogation dans ses droits et recours. Conditions du bénéfice de subrogation. Le bénéfice de cession d’actions est synonyme de bénéfice de subrogation; l’expression désigne le bénéfice de la subrogation légale dans les droits du créancier accordé à la caution qui a payé la dette. 2) Bénéfice de la bonne foi; du doute raisonnable. Bénéfice des circonstances atténuantes. Accorder à un débiteur le bénéfice d’un délai de grâce. « La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi. » Exclure quelqu’un du bénéfice de la loi. « Cette exigence porte-t-elle atteinte au droit à l’égalité devant la loi et au droit à l’égalité de bénéfice et de protection égale de la loi? » Renoncer au bénéfice de la réparation forfaitaire. 3) En français, on emploie généralement le mot bénéfice au figuré pour désigner des concepts abstraits. Ainsi, on ne peut pas dire « Le déneigement gratuit est l’un des [bénéfices] de mon bail »; il faut dire « Le déneigement gratuit est l’un des avantages de mon bail. » C’est pourquoi on commet une faute lorsque, sous l’influence de l’anglais “benefit”, on emploie bénéfice au sens d’indemnité ou de prestation (en nature ou en espèces) tendant à améliorer la situation de qqn. La part de la rémunération accordée à un employé en sus de son salaire (assurancechômage, congés payés, allocations de repas) s’appelle avantages sociaux ou compléments sociaux (en anglais “marginal benefits”). La somme versée dans le cadre d’un régime d’assurance-chômage s’appelle prestations d’assurance-chômage (“unemployment insurance benefits”) et les prestations versées aux termes d’un contrat d’assurance à caractère indemnitaire s’appellent indemnités (“benefits”). 4) Dans le domaine commercial, on emploie indifféremment les termes profit et bénéfice pour désigner le gain réalisé dans le cadre d’une entreprise. Les antonymes sont déficit ou perte. 540 5) [Pour le bénéfice de] est un calque de l’anglais “for the benefit of”. En français, on organise une collecte de fonds au bénéfice de(s) ou au profit de(s) personnes handicapées (et non [pour le bénéfice des] personnes handicapées); on agit au bénéfice général d’autrui; on communique un avis public à l’intention de la population. 6) La locution prépositive sous le bénéfice de signifie en s’assurant l’avantage de, sous réserve de. « Sous le bénéfice de ces observations, j’accepte votre recommandation. » « Sous le bénéfice de ces arguments, la Cour a formulé ses motifs. » En France, on trouve la formule consacrée Sous le bénéfice de ces observations dans les rapports d’étude des propositions de loi : « Sous le bénéfice de ces observations, la commission des Lois constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration générale de la République vous propose d’adopter sans modification la proposition de loi (no 1197) modifiée par le Sénat. » Syntagmes Bénéfice(s) avant (après) impôt(s). Bénéfice brut, net. Bénéfice du doute. Bénéfice des circonstances atténuantes. Bénéfice de la loi. Accorder, conférer, posséder un bénéfice. Être déchu d’un bénéfice. Faire, réaliser des bénéfices. Participer aux bénéfices (d’une entreprise). ö BÉNÉFICIAIRE. ö DISCUSSION. ö INVENTAIRE. ö PROFIT. BÉNÉFICIAIRE. 1) Le bénéficiaire est celui qui jouit d’un droit, d’un avantage, d’un privilège ou d’une faveur quelconque. Bénéficiaire d’une rente, d’une pension de retraite, d’une assurance-vie. Le mot peut être employé comme substantif ou comme adjectif. Être le bénéficiaire d’un jugement, d’une mesure de protection, d’une pension alimentaire. 541 Acceptation bénéficiaire. Héritier bénéficiaire. Solde bénéficiaire. Les parties bénéficiaires. 2) Bénéficiaire est souvent utile pour remplacer de longues périphrases du type la personne qui a droit au bénéfice de... Par exemple le bénéficiaire d’une police d’assurance (soit la personne — assuré ou tiers désigné par lui — qui a droit au paiement d’une somme en cas de survenance du risque). Il convient de noter que le français dispose d’une série de mots techniques, formés à l’aide du suffixe -aire surtout, pour désigner divers types de bénéficiaires : attributaire : adjudicataire : allocataire : assignataire : loti : nanti : prestataire : réservataire : le bénéficiaire d’une attribution le bénéficiaire d’une adjudication le bénéficiaire d’une allocation le bénéficiaire d’une assignation de parts le bénéficiaire d’un lotissement le bénéficiaire d’un nantissement le bénéficiaire d’une prestation le bénéficiaire d’une réservation 3) Il faut établir une distinction entre le bénéficiaire et le destinataire : le premier reçoit effectivement un bénéfice, tire avantage de quelque chose, alors que le second, loin de recevoir nécessairement un avantage, peut même être assujetti à des obligations. 4) On peut être titulaire d’un droit à titre de bénéficiaire des biens de qqn ou à titre de bénéficiaire dans les biens de qqn; ces deux expressions ne sont pas synonymes. Être bénéficiaire des biens signifie être bénéficiaire de tous les biens et être bénéficiaire dans les biens est plus restrictif. ö AYANT CAUSE. ö BÉNÉFICE. ö DESTINATAIRE. ö DÉTENTEUR. ö TITULAIRE. BÉNÉFICIER. PROFITER. 542 Bénéficier signifie exclusivement tirer profit de, profiter d’un avantage. Bénéficier des circonstances atténuantes. Bénéficier de la mansuétude du jury. Bénéficier d’un procès avec jury. « Les instigateurs ont bénéficié d’une décision de non-lieu. » « Les héritiers ne bénéficieront plus de ces avantages. Pour les en faire bénéficier, la Cour s’est servie d’un biais, les stipulations pour autrui. » Bénéficier ne signifie pas être favorable, comme dans la phrase « La décision rendue par la Cour [a bénéficié] à toutes les victimes de cet acte criminel. » La construction avec la préposition à est condamnée. Ainsi, au lieu de dire « Cette loi [bénéficie à] tous les revendicateurs du statut de réfugié », il faut dire « Cette loi profite à tous les revendicateurs du statut de réfugié ». Selon l’Académie française, le verbe bénéficier ne peut avoir pour sujet que la personne ou la chose qui bénéficie. Il faut dire « Vous bénéficiez de cette mesure » et non « Cette mesure [vous bénéficie]. » Seul le verbe profiter peut se construire avec la préposition à, comme on l’a vu dans l’exemple précédant. » BÉNÉVOLAT. BÉNÉVOLE. VOLONTAIRE. 1) Bénévolat désigne deux choses : a) l’état de la personne qui exerce une activité sans y être obligée et gratuitement, b) l’activité accomplie sans obligation et à titre gratuit. Encourager, pratiquer le bénévolat. « De nombreux projets sociaux sont réalisés grâce au bénévolat. » 2) Bénévole s’emploie comme adjectif et comme substantif. L’adjectif qualifiant une personne qui manifeste de la bonne volonté, de la bienveillance, qui est favorablement disposée, est sorti de l’usage : « Il a prononcé une plaidoirie devant un auditoire bénévole. » (= devant un auditoire bienveillant). « Le tribunal a écouté les deux parties avec un intérêt bénévole. » (= avec bienveillance). 3) Au figuré, l’adjectif est employé comme synonyme de bienfaisant pour désigner une entité, un être inanimé qui exerce une influence bénéfique sur les êtres. Cet usage est littéraire : une justice bénévole. 4) Bénévole désigne également la personne qui bénéficie de la bienveillance d’une autorité et, par extension, celle qui est admise volontiers dans une assemblée tout en n’en faisant pas partie. « Le cours de droit constitutionnel donné par ce professeur est si intéressant que six auditeurs bénévoles y assistent. » Au Québec, on dit six 543 auditeurs, ailleurs au Canada et dans la francophonie, on trouve six auditeurs libres. 5) Un acte bénévole est toujours gratuit. On prendra donc garde d’employer des tournures qui laissent entendre qu’une personne agit à titre gratuit (pour la différence entre les locutions à titre gratuit et à titre gracieux, voir GRACIEUX), alors qu’on veut simplement dire qu’elle consent volontiers à faire quelque chose pour une autre. Ainsi, au lieu de : « L’avocat agissait [à titre bénévole] » (ce qui laisserait entendre qu’il ne voulait pas se faire payer par son client), on préférera : « L’avocat agissait à titre d’ami de la cour ou d’amicus curiæ. » 6) Dans un deuxième sens, l’adjectif désigne, en parlant d’une personne, celle qui fournit obligeamment un service, qui remplit de bonne grâce et sans but lucratif des tâches librement ou spontanément choisies, ou, en parlant de choses, la tâche ou le travail qu’inspire le seul bon vouloir, sans obligation, à titre gracieux, par civisme ou par dévouement. C’est le sens moderne le plus courant. Ainsi, le travailleur bénévole accomplit une activité sans rémunération. Action bénévole, infirmier bénévole. Mandataire bénévole (“unpaid agent” en anglais). Mimin considère que transporteur bénévole est mal venu pour marquer le cas du transport à titre gracieux. Bénévole désigne une qualité du transporteur, non rétribué en désigne une autre. Est bénévole ce qui se fait de bonne grâce; aussi, c’est le passager qui est bénévole (sauf le cas d’enlèvement), que le transport soit onéreux ou gracieux. Il ajoute : « Si vous voulez faire entendre que ce passager est transporté à titre gracieux, sans contrepartie, c’est le voiturier qu’il faut qualifier de bénévole. » Cependant, la documentation atteste l’emploi généralisé de l’adjectif dans ce sens indiqué : le transporteur bénévole s’entend par opposition à celui qui se fait payer, le transport bénévole s’entend du transport gratuit. « Le transport bénévole comporte-t-il un élément contractuel? » « La jurisprudence relative aux transporteurs bénévoles montre la fréquence de ces cas, singulièrement enbarrassants, si l’on crée une cloison étanche entre le transport à titre onéreux et le transport gratuit. » Transport, transporté, transporteur bénévole. Caractère strictement bénévole du transport. Participant bénévole à un acte de dévouement. 7) Certains condamnent encore l’emploi de l’adjectif, usage fréquent dans nos lois, avec un nom de chose : mission, travail bénévole. Toutefois, le processus linguistique courant par lequel on étend l’emploi du qualificatif appliqué à la personne (collaboratrice bénévole) aux actes qu’elle accomplit (collaboration bénévole) justifie 544 cet emploi. La langue soignée préférera souvent des épithètes de niveau plus soutenu : aide désintéressée, service gratuit. 8) Le substantif bénévole s’entend de la personne qui rend un service volontairement, sans en tirer un profit. 9) Volontaire est un quasi-synonyme de bénévole et n’est pas un anglicisme. La distinction qu’il faut faire entre les deux mots tourne principalement autour de la notion clé de rémunération pour services rendus. Un volontaire peut accepter d’accomplir une tâche, mais pas nécessairement à titre gratuit. Ainsi, dans le cadre de son travail, une personne peut se porter volontaire pour une mission ou un projet que d’autres refusent; elle pourra alors exiger une rétribution ou des conditions avant de s’engager, alors que le bénévole n’attachera aucune condition à son intervention. En outre, ce dernier offre spontanément ses services sans qu’on le lui demande, tandis que le volontaire répond généralement à une demande de service. 10) Quasi-synonymes : complaisant, désintéressé, gracieux, gratuit, non rétribué. Acte de complaisance (acte de pure courtoisie, acte de dévouement). Transport d’une personne par pure complaisance. « Les tribunaux ont compris l’impossibilité d’appliquer à l’automobiliste complaisant qui transporte un ami ou un passant la responsabilité de plein droit dont le frapperait, en l’absence de convention, l’article 1384. » « L’automobiliste qui fait monter un auto-stoppeur à bord de sa voiture lui rend un service non rétribué en fait de transport gracieux. » « Notre véhicule étant en panne, le demandeur nous a offert son aide désintéressée. » Antonymes : intéressé, onéreux, rétribué. ö AMICUS CURIÆ. ö GRACIEUX. ö VOLONTAIRE. BESOIN. 1) Le besoin étant défini comme la prise de conscience d’un manque, une exigence que doit remplir un être vivant, il paraît naturel de n’employer la locution verbale avoir 545 besoin de qu’avec un sujet désignant un être vivant. Aussi, au sens d’éprouver la nécessité de qqch., la locution ne pourrait s’employer qu’avec un sujet animé. On trouve pourtant dans la documentation, et sous les meilleures plumes, avoir besoin de avec un sujet abstrait au sens de devoir : « La possession a besoin d’être appuyée sur un titre pour devenir efficace. » « Le recours pour excès de pouvoir est ouvert, sans avoir besoin d’être prévu par un texte, contre tout acte d’une autorité administrative investie d’un pouvoir de décision. » Cette tournure familière ne convient pas au langage soigné et il vaut mieux éviter l’emploi de la locution avec un sujet non vivant. On la remplacera soit par une tournure impersonnelle comme il est nécessaire de, il serait bon de, il convient de, il y a lieu de, soit par le verbe devoir tout simplement. « Dans l’examen des titres de propriété qu’exige l’opération de bornage, les titres produits n’ont pas besoin d’être communs aux deux parties » (= il n’est pas nécessaire que les titres produits soient communs aux deux parties). 2) On sait qu’il ne faut pas dire « Les documents [qu’] il a besoin », mais « Les documents dont il a besoin » parce que la locution verbale avoir besoin veut un complément précédé de la préposition de. Puisqu’on a besoin de quelque chose, le pronom relatif à employer est dont. La difficulté se trouve ailleurs. Lorsque le complément indirect introduit par de est antécédent, on ne peut employer dont sous peine de commettre un solécisme ou une faute de syntaxe. On ne dira donc pas « C’est de ces documents [dont] il a besoin pour sa plaidoirie. », mais « C’est de ces documents qu’il a besoin pour sa plaidoirie. » « C’est de bonnes lois que nous avons besoin. » 3) L’emploi de la préposition de ou en devant le complément déterminatif du substantif besoin (au singulier ou au pluriel) est régi par la règle suivante : la construction besoin de suivie d’un substantif sans article s’emploie si besoin est accompagné d’un déterminant marquant la nature ou l’objet du manque ou de l’exigence : besoin de justice, d’argent, de fonds, de formation, de fonctionnement, d’autonomie; besoins de capital, de liquidités. La construction besoin en suivi d’un substantif sans article s’emploie quant à elle si besoin est accompagné d’un déterminant marquant l’origine ou le domaine du manque ou de l’exigence : besoin en dotation, en personnel, en main-d’oeuvre, en perfectionnement, en ressources, en recherche, besoins en capital. Ainsi, un besoin de formation est un besoin dont l’objet est la formation, et un besoin en formation est un besoin en matière de formation. 546 4) La locution besoins et facultés s’emploie en matière de contribution alimentaire et correspond à l’anglais “needs and means” : « La contribution attribuée à l’exconjoint du défunt est fixée compte tenu des besoins et facultés du créancier. » 5) Il faut bien distinguer les deux locutions juridiques le besoin de la cause et pour les besoins de la cause. Le besoin de la cause désigne ce qu’il faut dire à l’appui de la cause que l’on défend, et la locution est neutre. La locution figurée pour les besoins de la cause (et sa variante en jurisprudence pour les besoins du procès plaidé) se prend en bonne part ou en mauvaise part. Elle est méliorative au sens d’accomplir les actes que nécessitent les circonstances d’une situation, d’un événement, d’une opération, d’une espèce. « Le procès a été reporté pour les besoins de la cause. » La locution est péjorative lorsqu’elle sous-entend le recours à une tromperie, à un mensonge, à une ruse, à un subterfuge, à un faux. Document fabriqué, forgé de toutes pièces, témoignage produit pour les besoins de la cause. Par extension, on dit pour les besoins de l’affaire, de la situation en question, des circonstances. 6) En matière d’aide sociale, il faut éviter le calque besoin [de base] (“basic requirements“ en anglais); la nourriture, le logement, les vêtements, le combustible, les services d’utilité publique, les fournitures ménagères et les services répondant aux besoins personnels font partie de ce que l’on appelle les besoins fondamentaux. 7) La locution adverbiale au besoin (ou ses variantes en cas de besoin, si besoin est et en tant que de besoin) et la locution synonyme en cas de nécessité signifient s’il le faut, si nécessaire (intenter un procès au besoin, déléguer des pouvoirs en tant que de besoin), ou quand il le faut (payer au besoin) et s’emploient dans le cas où une situation demande qu’il soit mis fin à un manque. Selon les besoins : « La Commission tient ses réunions aux date, heure et lieu choisis par le président selon les besoins. » Pour les besoins peut signifier aux fins de (pour les besoins de la liquidation, pour les besoins du régime d’assurance), pour réaliser les objets d’un texte (pour les besoins de la présente loi) ou conformément à, au titre de (désigner les professionnels de la santé pour les besoins de l’article 10). 8) La tournure impersonnelle Il n’est besoin de est fréquente en rédaction législative; elle remplace avantageusement la tournure il n’est pas nécessaire, et est suivie d’une négation; si elle précède une proposition affirmative, on dit Il n’est pas besoin de : « Il n’est besoin de nul acte ni de nulle procédure postérieure à la perpétration pour donner effet à la confiscation. » « Il n’est pas besoin d’intenter une procédure postérieure à la perpétration pour donner effet à la confiscation. » 547 9) Au fur et à mesure des besoins est une formule figée que l’on trouve surtout dans les dispositions financières : « Sont affectés à l’application de la présente loi, pour l’exercice se terminant le 31 mars 1993, cent millions de dollars à prélever sur le Trésor au fur et à mesure des besoins. » 10) Les cooccurrents verbaux les plus courants de besoin sont des transitifs directs (remplir des besoins) ou indirects (faire face à, répondre à, subvenir à, pourvoir à des besoins). Satisfaire est transitif et intransitif, mais attention à la nuance de sens dans chacun de ces cas : satisfaire des besoins signifie simplement les remplir, les contenter, tandis que satisfaire à des besoins ajoute à cette idée le sens de réagir efficacement en présence des besoins, la réaction du sujet étant sentie comme une exigence. « En engageant cette poursuite en justice, il satisfaisait son besoin de vengeance. » « Il y a lieu de satisfaire aux besoins les plus immédiats du ministère. » 11) Pour l’emploi de la locution pour valoir partout que de besoin, voir VALOIR. ö VALOIR. BESTIAUX. BÉTAIL. 1) Certains dictionnaires signalent erronément que bestiaux est le pluriel de bétail. Ces deux termes étant étymologiquement dérivés de mots différents, ils ne peuvent être placés en rapport de nombre. Grevisse l’affirme clairement : « Ni pour la forme ni pour le sens, bestiaux ne peut être regardé comme le pluriel de bétail. » Bestiaux, donc, n’a pas de singulier et bétail, nom collectif, n’a pas de pluriel. Puisque bétail est un nom collectif, il ne peut s’employer avec l’article un que s’il est accompagné d’une épithète : un bétail empoisonné. 2) Pour la vérification du sens de ces deux mots, la recherche lexicographique doit s’appuyer sur une lecture attentive des ouvrages de langue, puisque la seule consultation des dictionnaires généraux pourrait nous amener à conclure à tort que les deux mots sont synonymes. De plus, le sens du mot bétail dans la langue usuelle et le sens technique du mot en droit sont, pour le moins, différents. 548 Dans l’usage courant, bétail désigne les animaux de la ferme, la volaille exceptée. Nom collectif, il se dit de l’ensemble des bêtes d’élevage que compte une exploitation agricole. Le bétail se divise en gros bétail (chevaux, ânes, mulets, vaches, boeufs) et petit bétail (moutons, chèvres, porcs), le terme menu bétail étant sorti de l’usage. Contrairement à bétail, le mot bestiaux désigne non pas le genre, mais les individus. Hanse rappelle que pour désigner individuellement les bestiaux, en doit dire, au singulier, une bête, et, au pluriel, plusieurs bestiaux ou plusieurs bêtes. Bestiaux employé seul tend à désigner simplement le gros bétail et cède de plus en plus la place à bétail, sauf dans des expressions figées comme marché aux bestiaux, passage à bestiaux ou wagons à bestiaux. Dans le langage du droit, les définitions législatives de bétail sont extensives, c’est-àdire qu’elles ajoutent au sens ordinaire du mot un champ sémantique beaucoup plus englobant. Ainsi, le législateur canadien a prévu dans la Loi sur les banques une définition du mot qui permet de tenir compte de tous les cas où les prêts aux exploitations agricoles pourraient être consentis. Sont donc compris parmi le bétail les chevaux et autres animaux de la race chevaline, les bovins, ovins et autres ruminants, les porcs, volailles, et même les abeilles et les animaux à fourrure. Pour un examen de cette technique de rédaction législative, voir DÉFINITION. 3) Le bétail confié par contrat à quelqu’un pour l’entretenir est le cheptel (voir ce mot), lequel désigne, par extension, l’ensemble des bestiaux d’une exploitation agricole importante, d’une région ou d’un pays. 4) Il ne faut pas confondre le bétail errant (celui qui circule au hasard, sans guide, dans les champs ou sur les chemins) et le bétail transhumant (celui qui change de pacage, qui va paître en montagne pendant l’été). Bétail qui transhume. Troupeaux transhumant. 5) Plusieurs domaines du droit traitent du sujet du bétail : le commerce (vente aux enchères, marché, commercialisation), la santé publique et l’environnement (contrôle des pesticides, classement des produits naturels), les assurances (assurance contre la mortalité du bétail) et la circulation routière (obligation d’accompagner les bestiaux isolés ou en troupeaux circulant sur une route). 549 Dans le droit des délits en régime de common law, la règle de l’intrusion du bétail (“cattle-trespass rule” en anglais) gouverne les cas où le propriétaire doit veiller à ce que ses bêtes ne se trouvent pas sur les terres d’autrui. 6) Au Canada, le Code criminel en son article 338 prévoit certaines infractions punissables d’un emprisonnement maximal de cinq ans, relatives à la prise, à la détention ou à la possession frauduleuse de bestiaux trouvés errants, ou à l’apposition ou à l’altération de marques mises sur les bestiaux, au vol des bestiaux, à la preuve de leur propriété et à la présomption découlant de la possession; l’article 444 crée l’infraction qui consiste à tuer, mutiler, blesser, empoisonner ou estropier des bestiaux, ou à placer du poison de telle manière qu’il puisse être facilement consommé par eux. 7) Dans le bail à cheptel, la remise par une partie à l’autre d’un fonds de bétail signifie la remise d’un ensemble d’animaux susceptibles de croît ou de profit pour l’agriculteur : « Le bail à cheptel est un contrat par lequel l’une des parties donne à l’autre un fonds de bétail pour le garder, le nourrir et le soigner, sous les conditions convenues entre elles. » Syntagmes Bétail de race. Bétail destiné à la vente pour abattage. Bétail du propriétaire. Bétail malade, blessé ou présentant quelque autre anormalité. Bétail pesé et classé. Bétail rassemblé en vue de la vente. Bétail sur pied. Acheteur, vendeur de bétail. Aliments du bétail. Assurance contre la mortalité du bétail. Assurance du bétail. Catégorie de bétail. Classement du bétail. Commerce du bétail. Commercialisation du bétail. Commissaire au bétail. Destruction du bétail. 550 Détention de produits du bétail. Détournement (de la valeur) du bétail. Échantillon de produits du bétail. Élevage du bétail. Fonds de bétail. Gale des bestiaux. Identification, description du bétail. Livraison de bétail. Maladie déclarable du bétail. Marchand de bétail. Marché du bétail sur pied (on dit aussi : marché en vif). Marquage du bétail. Marque pour bétail. Mesures destinées à encourager l’élevage du bétail. Parc à bestiaux. Pièces, têtes de bétail (on dit aussi : effectif du cheptel). Poids du bétail. Prix (de vente) du bétail. Prix des bestiaux. Produit, sous-produit du bétail. Produits du bétail fabriqués, emballés, estampillés, étiquetés, marqués, expédiés, transportés. Registres, dossiers ou autres documents relatifs au bétail. Santé, bien-être et soin du bétail. Vente à l’encan, aux enchères du bétail. Abattre le bétail, des bestiaux. Acheter, vendre du bétail. Enlever (à ses frais) le bétail. Entreposer, transporter du bétail. Examiner, inspecter, marquer le bétail. Payer le bétail. Saisir, déplacer, tenir, détenir du bétail, en disposer. ö CHEPTEL. ö DÉFINITION. BI-. BIS-. 551 Le préfixe bi- se présente aussi sous la forme bis- (bisannuel, bisaïeul). Il signifie deux ou double et il s’agglutine au deuxième élément lexical (biprofessionnel, biadmissible, terme bisémique). Règlement binational. Lorsque l’initiale du deuxième élément est s, il y a, pour certains mots, redoublement de la consonne : année bissextile, mais pas pour tous : la graphie bissexuel cède le terrain à la graphie bisexuel. Cet élément lexical, appelé base, peut former un adjectif (acte bilatéral), un substantif (bijuridisme) ou un verbe (bifurquer). La particule initiale sert à créer plusieurs mots composés du vocabulaire juridique qui indiquent la répétition ou la duplication : biculturalisme, bigamie, binational, bipartite. Certains, exprimant la périodicité ou la durée, ou les deux, soulèvent des ambiguïtés. Ils seront traités à leur ordre alphabétique; on peut dès à présent retenir ceci à propos des mots suivants : bicentenaire : comme substantif, signifie le deuxième centenaire d’un événement, et comme adjectif, qui a deux cents ans; biennal : est synonyme de bisannuel; comme substantif, signifie qui a lieu tous les deux ans (La Biennale agricole), et comme adjectif, qui dure deux ans (programme biennal); bihebdomadaire : qui a lieu ou paraît deux fois par semaine; bimensuel : qui a lieu deux fois par mois; biquotidien : qui se produit ou qui se fait deux fois par jour (relevé biquotidien; dépôt biquotidien des formulaires réglementaires); bimestriel : qui a lieu tous les deux mois; bisannuel : qui a lieu tous les deux ans (rencontre bisannuelle); qui dure deux ans (plante bisannuelle). ö BICENTENAIRE. ö BIENNAL. ö BIHEBDOMADAIRE. ö BIMENSUEL. ö BISANNUEL. ö CENTENNAL. ö DÉCENNAL. 552 ö QUADRI-. ö QUINQUENNAL. ö TRI-. BIAIS. MOYEN. L’expression par le biais a suscité un certain débat. Peut-elle s’employer avec une valeur neutre au sens de moyen d’atteindre un but ou a-t-elle toujours un sens péjoratif? 1) La locution prépositive par le biais a d’abord une valeur neutre lorsqu’elle signifie sous l’angle de, sous l’aspect de, du point de vue de. Cet emploi ne fait pas problème. Examiner une question par le biais des principes établis. « L’avocat a soutenu que c’est par ce biais qu’il fallait considérer la question. » « Il nous faut cerner de plus près, a dit le juge, le traitement jurisprudentiel des motifs d’intervention de la Cour par le biais de son pouvoir de contrôle et de surveillance. » 2) La deuxième acception présente une difficulté d’emploi. Par le biais de peut d’abord avoir une valeur péjorative (s’il signifie par un moyen indirect ou détourné) ou méliorative (s’il signifie par un moyen habile ou ingénieux). Le mot biais signifie moyen de résoudre une difficulté : « On pourrait considérer a priori qu’il s’agit d’une décision d’espèce, la Cour s’étant efforcée de trouver un biais pour admettre une indemnisation jugée opportune. » Ce sens se retrouve dans les expressions prendre un biais, recourir à un biais, c’est-à-dire à un moyen indirect, pour résoudre une difficulté ou atteindre un but; il donne à la locution une nuance qui la distingue nettement d’une locution qui lui serait correspondante, par le moyen de, où l’idée dominante est le caractère direct de la mesure prise. Si une partie introduit une procédure par la délivrance d’un avis de requête, la voie choisie, conforme aux règles de procédure, étant directe, c’est par le moyen d’un avis de requête et non [par le biais] d’un avis de requête qu’elle le fait. De même, l’employeur qui entend récompenser un employé méritant peut choisir de le faire directement, au moyen d’une augmentation de salaire, ou, d’une façon détournée ou indirecte, par le biais d’une indemnité spéciale. Ainsi, on ne dira pas : « [Par le biais de] sa demande reconventionnelle, l’appelante demande à la Cour d’ordonner la radiation des marques précitées. » (On dira plutôt Dans ou Par sa demande reconventionnelle, ou encore Aux termes de sa demande reconventionnelle.) On ne dira 553 pas non plus : « Il a obtenu cette somme [par le biais d’] un prêt », mais au moyen d’un prêt. La locution peut aussi avoir une valeur neutre, mais elle conserve malgré tout ce sens de voie directe. Ainsi, dans la phrase « Le droit français admet que la victime puisse mettre elle-même en mouvement l’action publique par le biais de son action civile », par le biais de est bien employé puisque la victime met indirectement en branle l’action publique étant donné que c’est toujours le ministère public qui est partie principale au procès conformément au Code de procédure pénale français. « On peut agir, indirectement, par voie d’exception, devant le juge répressif lui-même; ce biais intéresse très directement le droit criminel. » 3) Les deux exemples qui suivent illustrent, l’un, l’emploi correct, l’autre, l’emploi incorrect de la locution. Dans le premier, l’opposition de sens est bien marquée par le rapprochement de la locution et de l’adverbe : « Pour le prestataire, la voie normale de contester les décisions de la Commission, c’est d’abord l’appel devant un conseil arbitral, ensuite devant un juge-arbitre, et, de là, devant la Cour par le biais de l’article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, ou directement du conseil arbitral à la Cour fédérale d’appel. » Au contraire, dans l’exemple qui va suivre, le rapprochement des deux mots est impropre puisque leur sens est incompatible. Ce rapprochement incongru produit une figure, appelée diversement par les linguistes oxymoron, antilogie ou paradoxisme, où la complémentarité syntaxique (ici verbe + adverbe + locution prépositive) est niée par une antonymie : « La requérante cherche à obtenir indirectement, eu égard à l’ordonnance du 18 décembre 1990, ce qu’elle n’aurait pu obtenir directement par le biais de procédures prescrites par les règles. » Il eût fallu écrire : « ...ce qu’elle n’aurait pu obtenir directement au moyen (ou par le jeu ou sur le terrain) des procédures prescrites par les règles. » Pour conclure, retenons que la locution par le biais de au sens de moyen d’atteindre un but doit être distinguée de la locution par le moyen de. BICAMÉRAL, ALE. BICAMÉRALISME. BICAMÉRISME. BICAMÉRISTE. Du latin bis (deux fois) et camera (chambre). En droit constitutionnel, à propos de l’exercice de la fonction législative, le bicamérisme désigne le système politique à deux assemblées : par exemple, au Canada, 554 la Chambre des communes et le Sénat. « Pour l’exercice de la fonction législative, une seule assemblée peut suffire. Toutefois, il arrive souvent que deux assemblées soient jointes l’une à l’autre pour exercer de concert la fonction législative. Cette adjonction de deux chambres s’appelle le bicamérisme. » Certains dictionnaires n’attestent pas la forme bicaméralisme, d’autres admettent les deux formes comme vedette, leur attribuant ainsi la même signification. En réalité, il faut, comme le fait le Grand Larousse Encyclopédique, distinguer les deux termes : le bicaméralisme est une doctrine qui préconise le bicamérisme, système constitutionnel dans lequel le parlement est composé de deux chambres. On dit un ou une bicamériste pour désigner la personne qui est partisane de ce système politique. Bicaméral signifie qui est fondé sur l’existence de deux assemblées politiques. Principe, régime bicaméral. Le monocamérisme est un système d’organisation parlementaire qui consiste à confier le pouvoir législatif à une seule assemblée. ö BI-. BICENTENAIRE. Ce terme, longtemps critiqué (on lui préférait deuxième centenaire), est maintenant bien établi dans l’usage. Il s’emploie comme substantif et comme adjectif. Comme substantif, il signifie le deuxième centenaire ou le deux centième anniversaire d’un événement (le bicentenaire de la Confédération). Comme adjectif, il signifie qui a deux cents ans. Les mêmes remarques s’appliquent pour tricentenaire. ö BI-. BIEN. 1) Le bien, au regard du droit, peut être une chose physique qu’on possède (un bien corporel, matériel, tangible : ma voiture, par exemple), ce peut être un droit ou un intérêt dont on est bénéficiaire (un bien incorporel, immatériel, intangible : un fonds de commerce ou la créance que j’ai sur mon débiteur), ce peut être également la 555 relation juridique qui s’établit entre le titulaire d’un droit et l’objet sur lequel s’exerce ce droit (le droit de propriété). Plus généralement, un bien est ce dont on peut disposer et qui peut nous appartenir. 2) Attention de ne pas confondre les notions de bien personnel et de bien réel. Elles correspondent largement à la dichotomie civiliste bien meuble et bien immeuble. (En revanche, la common law n’ignore pas la dichotomie mobilier / immobilier, par exemple en droit international privé.) Comme leur nom l’indique, les biens meubles sont des choses (voir CHOSE) susceptibles d’être déplacées, les biens immeubles, celles qui ne le peuvent pas. Le critère de distinction est physique et se trouve dans la possibilité de déplacement. Tous les biens, tant corporels qu’incorporels, sont soit immeubles (par nature, par destination ou par l’objet auquel ils s’attachent), soit meubles (par nature ou par détermination de la loi). Les biens consomptibles se détruisent au premier usage contrairement aux biens non consomptibles. Les biens fongibles sont déterminés par leur nombre, leur poids ou leur mesure, ils se consomment par l’usage et sont interchangeables dans un paiement, tandis que les autres sont non fongibles. Certains biens sont privés, d’autres ont un caractère public. Le Code civil distingue les biens qui appartiennent aux particuliers de ceux qui appartiennent à l’État et aux collectivités publiques. Les biens indivis, qu’il ne faut pas confondre avec les biens indivisibles que sont les biens non partageables en nature, sont la propriété de plusieurs copropriétaires (à la suite d’une succession, très souvent). Les autres sont appelés biens divis. En droit anglais, les biens réels sont l’ensemble des intérêts que l’on possède sur un bien-fonds (voir ce mot), tandis que les biens personnels s’entendent de toutes choses (objets ou marchandises). Les biens réels se divisent en deux catégories : les héritages corporels et les héritages incorporels (voir HÉRITAGE); il en est de même des biens personnels, qui regroupent les chatels réels (un contrat de bail et les produits non coupés de la terre, par exemple) et les chatels personnels (les choses possessoires ou biens tangibles et les choses non possessoires ou biens intangibles comme un brevet ou un droit d’auteur) : voir CHATEL et CHOSE. En common law, les biens réels sont ceux qui, autrefois, étaient recouvrables en justice au moyen d’une action réelle (catégorie qui correspond, en gros, aux biens immobiliers de la tradition civiliste), et les biens personnels (ou chatels) sont ceux qui étaient recouvrables au moyen d’une action personnelle (y compris les baux). 556 3) Langage des biens. Un bien est acquis ou il est aliéné (ou cédé par aliénation) soit à titre gratuit (par donation ou par legs), soit à titre onéreux (par cession ou par vente). Le bien est aliéné lorsqu’on s’en départit, par vente, location, cession ou autrement. On dit d’un bien qu’il a une qualité juridique (par exemple l’aliénabilité du bien), il peut faire l’objet d’une opération juridique telle l’aliénation (bien aliénable), laquelle aura un auteur (l’aliénateur, l’aliénatrice) et un ou une bénéficiaire (l’aliénataire). Le bien acquerra alors un état (bien aliéné). Certains biens corporels ont une contenance (en parlant d’un terrain, c’est sa superficie), mais tous ont une consistance (c’est leur description). On possède un bien, on en jouit. On peut le transmettre, on le lègue ([léguer un bien par testament] est tautologique). Le bien existe dans les mains des légataires universels. On nomme parfois un curateur (une curatrice) ou un tuteur (une tutrice) aux biens (d’un enfant, par exemple), et non [des] biens, mais on peut devenir fiduciaire des biens de cette personne. Les biens sont alors commis à leur charge. Un bien hypothéqué est dit frappé d’hypothèque ou grevé d’hypothèque. Une servitude peut grever un bien immeuble. Il y a atteinte à la sécurité d’un bien ou attentat au bien lorsqu’on crée un danger pour ce bien. Étant en péril ou dans une situation dangereuse, le bien est dit menacé. En cas de contestation, on procède au séquestre ou à la mise sous séquestre du bien. En cas de faillite, il y a lieu de faire l’inventaire de tous les biens composant la masse de la faillite. On a un droit (actuel ou futur, acquis ou éventuel) sur un bien : « On peut avoir sur les biens ou un droit de propriété ou un simple droit de jouissance, ou seulement des servitudes à prétendre. » On peut régler le sort des biens de diverses manières. Par exemple on fait volontairement sortir un bien de son patrimoine au moyen d’un acte de disposition. Les biens demeurent dans la succession ou passent à la succession. En droit civil, en parlant de l’apport en communauté, on dit que les biens entrent en communauté ou qu’ils sont tombés dans la communauté de chacun des conjoints. 557 La liste qui suit ajoute un certain nombre de syntagmes à ce bref aperçu de la phraséologie du bien juridique, tant en droit civil qu’en common law. Syntagmes Bien + adjectif ou participe Bien abandonné. Bien acquis. Bien adjugé (à l’enchérisseur, au soumissionnaire). Bien administré, géré. Bien (rural) affermé. Bien agricole, rural. Bien amortissable, non amortissable. Bien amovible, inamovible. Bien annexe. Bien (d’autrui) approprié. Bien assurable, assuré. Bien collectif. Biens communs, propres (dans la communauté du mariage). Bien complémentaire. Bien condominial. Bien conjoint. Bien conjugal, matrimonial. Bien culturel. Bien déféré. Bien délaissé, laissé. Bien dépendant, indépendant. Bien déterminé, indéterminé. Bien direct, indirect. Bien disponible, indisponible. Bien domanial, public, privé. Bien durable, non durable, permanent, non permanent. Bien donné. Bien égaré, perdu. Bien emphytéotique. Bien engagé. 558 Biens ennemis. Biens étrangers. Bien exclu (de la communauté). Bien exploité, inexploité. Bien fabriqué, manufacturé. Bien familial (net). Bien fiduciaire. Bien foncier. Bien franc. Bien frugifère, non frugifère. Bien futur, à venir. Bien gagé. Bien héréditaire. Bien immobilisé. Bien imposable, non imposable. Bien incorporé (au domaine). Bien individualisé. Bien industriel. Biens instrumentaux. Bien intermédiaire. Bien inventorié. Bien libre (d’hypothèque, de servitude). Bien légué. Bien licite, illicite. Bien liquidé, non liquidé. Bien litigieux. Bien maintenu (sous séquestre). Bien médical. Bien militaire. Bien minier. Bien mixte. Bien national. Bien neutre. Bien oisif. Bien onéreux. Bien patrimonial. Bien périssable, non périssable. Bien permanent. 559 Bien pillé, volé. Bien prélevé. Bien prescriptible, imprescriptible. Bien présent. Bien privatif. Bien productif, improductif. Biens propres (du mari, de la femme). Bien pur, impur. Bien réquisitionné. Bien résidentiel, non résidentiel. Bien séquestré. Bien sinistré. Bien social. Bien spécial. Bien stérile. Bien substituable. Bien successoral. Bien tenant. Bien transmissible (par héritage). Bien unique. Bien vendu (judiciairement). Bien + de + complément Bien de l’absent. Bien d’apport. Bien d’autrui. Bien de circulation. Bien de communauté. Bien de consommation. Bien de la Couronne. Bien du domaine privé, public. Bien de l’entreprise. Bien d’équipement. Bien d’État. Bien de la famille. Bien d’héritage, de l’hérédité. 560 Bien d’investissement. Bien de mainmorte. Bien d’une municipalité. Bien de production. Bien de remplacement. Bien de retour. Bien d’une société. Bien de la succession. Bien d’usufruit. Bien + à + substantif Bien à l’abandon. Bien à bail. Bien à charge. Bien à ferme (héréditaire). Bien à garde (légale). Bien + à + infinitif Bien à sauvegarder. Bien à venir. Bien + en + substantif Bien en fiducie. Bien en litige. Bien en nature. Bien en propriété franche. Bien en rente. Bien en tenure franche. Bien en viager. Bien + sous + substantif 561 Bien sous contrôle. Bien sous séquestre. Bien sous tutelle. Substantif + de + bien Acceptation du bien. Achat, acquisition du bien. Administration, gestion du bien. Affectation, désaffectation du bien. Aliénation, disposition (avoir la libre disposition) du bien. Appréhension des biens. Appropriation des biens. Bénéficiaire des (ou dans les) biens (voir BÉNÉFICIAIRE). Caractéristique, description du bien. Cession, concession du bien. Classement, déclassement, classification des biens. Communauté, séparation (conventionnelle, judiciaire) de biens. Confiscation des biens. Confusion des biens (personnels et successoraux). Conservation, entretien des biens. Contenance, consistance des biens. Contrôle, garde du bien. Copropriété, propriété du bien. Défense, protection du bien. Dessaisissement des biens. Destination, emploi; utilisation, usage du bien. Dévolution des biens (au décès du propriétaire). Dissimulation du bien. Distribution (équitable, expéditive, non coûteuse) des biens. Division, partage, répartition des biens (familiaux, matrimoniaux). Donation des biens. Droit des biens (en common law, en régime civiliste). Engagement du bien. Estimation, évaluation du bien. État du bien. Exploitation du bien. 562 Extinction du bien. Fouille du bien. Fourniture de biens. Immobilisation de biens (mobiliers). Indemnisation de biens. Insuffisance, suffisance des biens (du débiteur). Intégralité des biens. Inventaire des biens (de la succession). Jouissance (immédiate, future) du bien. Marchand de biens. Masse des biens (du patrimoine). Nature, origine des biens. Perte des biens. Production de biens. Propriété (en common law, en equity) du bien. Provenance du bien. Qualité, quantité des biens. Quote-part des biens. Réalisation du bien. Remplacement, substitution du bien. Rendement du bien. Restitution du bien. Retour du bien (au concédant). Saisie, saisie-gagerie du bien. Saisine du bien. Servitude sur un bien. Situation des biens (loi de la). Spoliation du bien. Transfert, transport du bien (pour son propre usage). Utilité, valeur (marchande) du bien. Universalité des biens (transmis). Vente du bien. Verbe + bien Abandonner un bien. Acheter, acquérir un bien. 563 Administrer, gérer un bien. Affecter un bien (à la garantie d’une dette). Aliéner un bien, disposer, se départir de ses biens. Approprier un bien. Attribuer un bien. Avoir la propriété d’un bien, posséder un bien. Cacher, dissimuler un bien. Céder, concéder un bien. Confisquer, saisir un bien. Conserver un bien. Décrire un bien. Déférer un bien. Dégrader, détériorer, endommager un bien. Délaisser, laisser un bien. Déplacer, enlever, retirer, soustraire un bien (des mains de qqn). Dessaisir qqn de ses biens. Détenir un bien. Détourner un bien (de sa destination). Détruire un bien. Délapider, dissiper des biens. Donner des biens. Engager les biens (de l’absent). Estimer, évaluer des biens. Examiner, inspecter des biens. Exploiter un bien. Exproprier un bien. Faire cession de ses biens. Faire entrer un bien (dans la communauté). Faire perdre un bien. Faire remise d’un bien. Faire valoir un bien. Garder un bien. Grever un bien. Hypothéquer un bien. Jouir, user de son bien. Léguer un bien. Libérer des biens (saisis-arrêtés). Liquider des biens. 564 Livrer un bien. Louer, sous-louer un bien. Mettre un bien (sous main de justice). Nantir un bien. Négocier un bien. Occuper un bien. Prendre à bail un bien. Prendre possession d’un bien. Protéger les biens (de l’absent). Réaliser un bien. Réclamer, revendiquer un bien. Remettre, restituer un bien (en état). Remplacer, substituer un bien. Rendre un bien (à son propriétaire légitime). Retenir (en nature) un bien (jusqu’au paiement). Réunir des biens. Saisir, saisir-arrêter des biens. Sauvegarder un bien. S’immiscer dans un bien. Tenir un bien (pour l’usage de qqn). Transférer, transporter un bien. Veiller sur un bien. Vendre un bien. ö BÉNÉFICIAIRE. ö BIEN-FONDS. ö BONA VACANTIA. ö CHATEL. ö CHOSE. ö DOMAINE. ö HÉRITAGE. ö PATRIMOINE. BIEN-ÊTRE. Est invariable : des bien-être. Prend la majuscule au premier élément seulement lorsqu’il fait partie d’une appellation officielle : le ministère de la Santé et du Bien-être social. 565 1) L’anglicisme [bien-être social] au sens d’assistance, d’aide, est à proscrire; on dit recevoir de l’aide sociale, et non recevoir du [bien-être social]. Être bénéficiaire de l’aide sociale. Pour éviter le ton de condescendance et de charité, on emploie aide de préférence à assistance lorsque celle-ci est fournie par une collectivité. Recevoir des prestations d’aide sociale. 2) Bien-être s’emploie surtout avec des compléments de nom : bien-être des citoyens, de la collectivité, de l’enfance. Le mot est généralement qualifié par les épithètes collectif, économique, public, social (s’agissant d’une collectivité), physique, psychique, psychologique (s’agissant d’une personne). 3) Dans le domaine juridique, bien-être est surtout utilisé en droit de la famille et en droit pénal. « En droit de la famille, la notion de bien-être de l’enfant est une notion clé en matière de garde. » Infractions contre le bien-être public (par rapport aux infractions criminelles et aux infractions de responsabilité absolue). Syntagmes Atteinte au bien-être (social). État de bien-être (collectif). Importance du bien-être (général de l’enfant). Promotion du bien-être (moral). Risque pour le bien-être (religieux). Assurer le bien-être (matériel). Avoir une incidence sur le bien-être (public). Compromettre le bien-être (des travailleurs). Déterminer le bien-être (du mineur). Favoriser le bien-être (des citoyens). Mettre le bien-être (collectif) en danger. Nuire au bien-être (d’un groupe ethnique). Protéger le bien-être (de la femme). Troubler le bien-être (du voisinage). Veiller au bien-être (commun). Viser le bien-être (des plus démunis). 566 BIENFAISANCE. BIENFAIT. Bienfaisance se prononce bien-fe-sance. 1) En droit, le terme bienfaisance s’emploie en parlant des oeuvres destinées à faire du bien dans un intérêt social, ou consacrées au service à rendre et au résultat de cette action. Société de bienfaisance dotée de la personnalité morale; à des fins de charité ou de bienfaisance. Association, établissement, oeuvres, société de bienfaisance. 2) Le contrat de bienfaisance a pour objet d’assurer à quelqu’un un avantage gratuit (on dit en ce sens contrat à titre gratuit). Cornu en donne une définition plus spécifique : sorte de contrat à titre gratuit dans lequel l’une des parties, sans transférer à l’autre un élément de son patrimoine, lui rend cependant un service (dans une intention bénévole et sans contre-partie). Par exemple, le prêt d’argent sans intérêt, le prêt à usage, le dépôt gratuit. 3) Éthique juridique. En droit médical, plus particulièrement dans le domaine de l’expérimentation biomédicale sur l’être humain, la réglementation doit être assise sur des principes éthiques et juridiques, notamment sur le principe éthique de la bienfaisance : il s’agit de protéger le sujet qui se prête à l’expérimentation contre les dangers que pourrait entraîner sa participation à l’expérience. En ce sens, le bienfait s’entend d’un avantage escompté par rapport à un risque couru; par exemple, le majeur peut aliéner entre vifs une partie de son corps ou se soumettre à une expérimentation, pourvu que le risque couru ne soit pas hors de proportion avec le bienfait qu’il espère en tirer. « Les droits québécois et français posent deux conditions fondamentales à la légalité de l’expérimentation : l’obtention du consentement du sujet et la proportionnalité du risque couru par rapport au bienfait espéré. » Dans le domaine de ce qu’il est convenu d’appeler la théorie de la justice génétique, on parle du patrimoine génétique et de la dignité humaine, ainsi que du principe de la médecine et de la génétique humaines, qu’on désigne par le terme de bienfaisance : cette justice doit assurer le respect du bien-être individuel ou collectif des autres en servant leurs intérêts. La bienfaisance (ou la bonté, la bienveillance, la charité) est un principe éthique en vertu duquel on doit faire le bien ou aider autrui à combler leurs aspirations légitimes. « L’application du principe de bienfaisance requiert que l’on soupèse les bienfaits et les préjudices que nos actions peuvent causer à autrui. » 4) Au sens d’aide, de secours, d’assistance bénévole, la bienfaisance, acte 567 désintéressé, est à l’origine du mouvement, créé au 18e siècle par André-Jean Boucher d’Argis, l’Association de bienfaisance judiciaire, dont le but était d’assurer la défense gratuite aux pauvres et d’indemniser ceux qui, ayant été accusés, décrétés coupables et emprisonnés, ont ensuite obtenu des jugements absolutoires. Dans ce qui est devenu le principe reconnu de l’aide judiciaire, les juristes éclairés s’inspiraient des principes philosophiques du siècle des Lumières pour favoriser dans l’administration de la justice des actes de bienfaisance, notamment la bienfaisance des avocats représentant bénévolement les plus démunis et la bienfaisance des magistrats qui permettait à ces derniers de jouir de la satisfaction d’avoir rendu justice à ceux qui n’étaient pas en état de la leur demander. 5) Activité juridique. Au sens de bénéfice, d’avantage ou de privilège, la bienfaisance, action heureuse, est l’acte de procurer un traitement avantageux ou de dispenser une faveur; c’est ainsi que l’on dit que la reconnaissance de droits et l’interdiction de discrimination sont des bienfaits de la loi. Assurer aux citoyens les bienfaits des lois. Les bienfaits de l’intervention judiciaire, de la règle du respect des précédents, de l’adoption pour l’enfant. Acte de bienfaisance. « Il répugne à certains de qualifier le cautionnement comme un contrat à titre gratuit : la caution ne fait pas un acte de bienfaisance envers le créancier. D’autres le considèrent tel puisque le service rendu par la caution au débiteur est plutôt un geste d’ami. » 6) Le bienfait est soit un avantage reçu, dispensé, soit l’action bienfaisante que procure cet avantage. Perte, par le bénéficiaire d’un terme suspensif, du bienfait de la prorogation du délai d’exécution. Syntagmes Acte, activité de bienfaisance. À des fins de charité ou de bienfaisance. Association de bienfaisance ou de secours mutuel. Caisse fiduciaire de bienfaisance. Dans un but de bienfaisance. Entreprise à vocation d’organisme religieux ou de bienfaisance. Établissement de bienfaisance. Fonds de bienfaisance (de l’armée). Geste de bienfaisance. Institution de bienfaisance. Oeuvre de bienfaisance. Organisme de bienfaisance, visant un but de bienfaisance. 568 Timbre de bienfaisance (non postal). ö CHARITABLE. BIEN-FONDÉ. MAL-FONDÉ. 1) Ces deux mots peuvent s’employer comme substantifs (le bien-fondé, le malfondé d’une demande) et comme adjectifs (une prétention bien fondée, mal fondée). Dans le premier cas, ils prennent un tiret, mais pas dans le second. Examiner le bienfondé d’une prétention. « L’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter du bien-fondé de cette prétention. » Rejeter un appel comme mal fondé ou l’accueillir comme bien fondé. « Le juge estimant cette prétention mal fondée l’a rejetée. » Pour déterminer s’il s’agit du substantif ou de l’adjectif, il suffit de vérifier si le terme est précédé de l’article ou de l’adjectif possessif ou démonstratif; si oui, le trait d’union est de rigueur : le bienfondé, être bien fondé à suivi de l’infinitif, être jugé mal fondé. « L’affaire devrait être renvoyée au juge pour qu’il examine le bien-fondé des moyens que la Cour d’appel a déjà jugés non fondés. » « Chaque affaire doit être jugée selon son bien-fondé. » Au pluriel, seul le deuxième élément du terme employé comme substantif prend un s : des bien-fondés. 2) Bien-fondé est suivi d’un complément de nom; la construction avec l’infinitif ne se justifie pas grammaticalement. « Notre Cour a soupesé [le bien-fondé d’accroître] l’accès aux tribunaux par rapport à la nécessité d’économiser ses ressources judiciaires limitées. » (= a soupesé le besoin d’accroître ou a soupesé le bien-fondé de la décision d’accroître.) 3) Le bien-fondé d’une demande, d’une prétention, c’est sa conformité aux règles de droit qui lui sont applicables. Démontrer le bien-fondé d’une demande, c’est prouver l’existence des éléments susceptibles de la fonder. Examiner (contester, discuter) le bien-fondé d’une demande, d’un moyen, d’une plainte, d’une réclamation, d’une requête, d’une revendication. Dans le cas contraire, la prétention est mal fondée ou non fondée, ou elle est sans bien-fondé, elle est dénuée ou dépourvue de tout fondement. 569 4) Il faut éviter de confondre les mots bien-fondé et fond. Le bien-fondé porte sur la valeur intrinsèque (d’une demande, d’une décision), sur sa légitimité (« Le droit de la responsabilité délictuelle n’est pas le laboratoire approprié pour tester le bienfondé de décisions sociales, politiques ou économiques. »), tandis que le fond porte sur le contenu essentiel du droit (par opposition à la forme ou à la procédure). Examiner le bien-fondé d’une demande en justice, c’est vérifier si elle est justifiée en fait et en droit; examiner le fond d’une demande en justice (statuer au fond sur une demande), c’est en examiner les éléments propres à la substance du droit ou à la situation juridique en cause. Pour plus de précisions sur la notion de fond, voir ce terme. 5) On doit éviter l’anglicisme [mérite] lorsqu’on veut parler du fond ou du bienfondé (d’une cause, d’un texte, etc.). « Nous devrions éviter de nous prononcer sur le bien-fondé ou la sagesse des lois, a déclaré le juge. » (et non [sur les mérites] des lois). Pour plus de précisions sur l’emploi du mot mérite, voir ce mot. Syntagmes Bien-fondé et crédibilité (d’un témoignage). Bien-fondé et légalité (d’une exigence). Bien-fondé et exactitude (d’une affirmation). Bien-fondé et suffisance (d’une thèse). Bien-fondé relatif (de mesures prises). Appréciation du bien-fondé. Attestation du bien-fondé. Critère du bien-fondé. Débat sur le bien-fondé. Évaluation (équitable) du bien-fondé. Faits établissant le bien-fondé. Reconnaissance du bien-fondé. Le bien-fondé d’une demande, d’un montant, d’une réclamation, d’un recours, d’une requête, d’une revendication, d’une affirmation, d’une allégation, d’un argument, d’une mention, d’un moyen, d’une objection, d’une observation, d’une opinion, d’un plaidoyer, d’une position, d’une présomption, d’une prétention, de la question de fond, d’un raisonnement, d’une théorie. Le bien-fondé (de la validité) d’un arrêt, d’une décision, d’un jugement, d’un motif, d’un principe, d’une règle, d’un règlement. 570 Le bien-fondé des conclusions d’un tribunal, d’une interprétation, de l’intervention de la Cour. Le bien-fondé de l’appel, de la cause, de l’espèce, du pourvoi. Le bien-fondé d’une accusation, d’un acquittement, d’un grief, d’une plainte, d’un soupçon. Le bien-fondé du caractère suffisant de la preuve, d’une invalidation, d’une preuve, de la résiliation d’un contrat. Le bien-fondé d’une autorisation, de l’exercice d’un pouvoir, d’une démarche, d’une désignation, d’une politique, d’une pratique, d’un projet, d’un processus, d’un usage. Le bien-fondé d’une déclaration de culpabilité, d’une mise en liberté sous caution, du verdict. Le bien-fondé d’une détention, d’une saisie. Le bien-fondé d’une récusation. Sans égard à son bien-fondé. Sans conclusion sur le bien-fondé (de l’allégation). Suivant le bien-fondé. Sur preuve du bien-fondé (en l’espèce). Accepter le bien-fondé. Analyser le bien-fondé. Apprécier le bien-fondé. Conclure au bien-fondé. Confirmer le bien-fondé. Considérer (avec diligence) le bien-fondé. Constater le bien-fondé. Croire au bien-fondé. Débattre le bien-fondé. Décider du bien-fondé. Démontrer le bien-fondé. Déterminer le bien-fondé. Discuter le bien-fondé. Douter du bien-fondé. Enquêter sur le bien-fondé. Établir le bien-fondé. (léger pléonasme) Examiner le bien-fondé. Faire valoir le bien-fondé. Garantir le bien-fondé. 571 Insister sur le bien-fondé. Juger au bien-fondé. Nier le bien-fondé. Partager le bien-fondé. Persuader du bien-fondé. Plaider le bien-fondé. Reconnaître le bien-fondé. Réviser le bien-fondé. S’assurer du bien-fondé. S’attacher sur le bien-fondé. S’attarder sur le bien-fondé. S’enquérir sur le bien-fondé. Se pencher sur le bien-fondé. Se prononcer sur le bien-fondé. S’intéresser au bien-fondé. Se préoccuper du bien-fondé. Soulever le bien-fondé. Soutenir le bien-fondé. Vérifier le bien-fondé. Aller au delà du bien-fondé. Avoir un doute quant au bien-fondé. Avoir un droit de regard sur le bien-fondé. Être convaincu du bien-fondé. Être dénué de bien-fondé. Être entendu sur le bien-fondé. Être jugé selon le bien-fondé. Être laissé dans le doute quant au bien-fondé. Exprimer une opinion contraire sur le, quant au bien-fondé. Mettre en doute le bien-fondé. N’avoir aucun doute sur le bien-fondé. Obtenir une conclusion sur le, une décision au sujet du bien-fondé. Porter un jugement sur le bien-fondé. Présenter des arguments sur le bien-fondé. Remettre en question le bien-fondé. Rendre une décision sur le bien-fondé. Retenir (en appel) le bien-fondé. 572 Trancher toute incertitude quant au bien-fondé. ö FOND. ö FONDÉ. ö FONDEMENT. ö LÉGITIMITÉ. ö MÉRITE. ö RECEVABILITÉ. BIEN-FONDS. Ce mot est formé par l’apposition de deux substantifs : bien (au sens de chose matérielle) et fonds (au sens d’immeuble). Bien est employé comme substantif et non comme adverbe préfixe (ce qui n’est pas le cas des mots bien-fondé, bien-être et bienjugé, dans lesquels bien est adverbe); c’est pourquoi il s’accorde au pluriel (un bienfonds/des biens-fonds). Bien-fonds s’écrit en deux mots et avec un trait d’union. Le Littré recense aussi la graphie bienfonds. Compte tenu de la soudure des mots composés que préconisent le Conseil supérieur de la langue française et l’Académie française dans le cadre de la réforme de l’orthographe, on peut penser à bon droit que cette graphie pourrait finir par s’imposer. Plusieurs dictionnaires, dont le Dictionnaire de l’Académie, affirment que ce mot s’emploie le plus souvent au pluriel. Cette affirmation ne vaut que pour la langue générale (être riche en biens-fonds; placer sa fortune en biens-fonds). Dans le langage juridique, le mot s’emploie autant au singulier qu’au pluriel. 1) Il est curieux de constater que les dictionnaires généraux ne consacrent qu’un très bref article à bien-fonds et que la plupart des dictionnaires juridiques français ne le recensent pas. La terminologie juridique européenne préfère les termes fonds et immeuble (par nature) au mot bien-fonds et semble utiliser ce mot surtout dans le domaine du cadastre, au sens de terrain ayant fait l’objet d’un arpentage. Pourquoi l’usage a-t-il voulu qu’en Europe, un terme juridique bien formé comme bien-fonds en vienne à recevoir une interprétation aussi limitative? Au Canada, l’usage du mot est plus répandu; on le trouve partout dans les lois, la doctrine et la jurisprudence. 2) On ne doit pas confondre bien-fonds avec fonds de terre, fonds, terre et terrain. 573 Ce ne sont pas des synonymes. Le terme bien-fonds désigne à la fois le terrain et le bâti (c’est-à-dire les bâtiments construits sur le terrain), tandis que les autres termes ne désignent que le sol. 3) L’emploi du mot bien-fonds intéresse de façon particulière les traducteurs et les traductrices qui doivent trouver l’équivalent français des termes anglais “land” ou “lands” et “real estate” ou “real property”, “landed” ou “immoveable property”, “tenement” ou “chattel”. La consultation des versions bilingues des lois du fédéral et de provinces canadiennes révèle que “land” est indifféremment rendu par bien-fonds ou par terrain. Doit-on en conclure pour autant que ces deux termes sont interchangeables en common law? Le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law ne donne bien-fonds comme équivalent de “land” que dans l’acception juridique la plus restreinte de ce dernier terme. Comme terme générique, “land” ne désigne que le sol. On se gardera donc de traduire indifféremment “land” par bien-fonds ou par terrain en s’assurant que le terme anglais désigne à la fois le fonds de terre et les bâtiments y érigés. Syntagmes Achat, acquisition d’un bien-fonds. Accès à un bien-fonds. Adjonction, annexion au bien-fonds. Action en recouvrement de bien-fonds. Administration du bien-fonds. Aliénation du bien-fonds (en fief simple). Amélioration (apportée) au bien-fonds. Apparence du bien-fonds. Atteinte (préjudiciable) à un bien-fonds. Bailleur d’un bien-fonds. Bien annexé au bien-fonds. Bien-fonds adjacent, attenant, voisin. Bien-fonds assujetti à une charge. Biens-fonds contigus. Bien-fonds décrit (dans l’acte). Bien-fonds de famille; bien-fonds familial. 574 Bien-fonds désigné (comme la parcelle). Bien-fonds enregistré. Bien-fonds exproprié. Bien-fonds grevé (de droits successifs, de servitudes). Bien-fonds légué, transmissible. Bien-fonds loti. Bien-fonds (faisant l’) objet d’un bail, d’une fiducie. Bien-fonds submergé. Bien-fonds utilisé (à des fins commerciales). Bien-fonds visé (par les actes translatifs). Cession (directe) d’un bien-fonds (acte de). Charge grevant le bien-fonds. Concession de bien-fonds. Confiscation du bien-fonds. Contenance du bien-fonds. Cotisation, taxe se rattachant au bien-fonds. Dégradation (avantageuse, volontaire, par omission, en equity) du bien-fonds. Description du bien-fonds. Désignation du bien-fonds (et non [identification]). Division, répartition du bien-fonds. Dommages (matériels), préjudice au bien-fonds. Droit, intérêt sur un bien-fonds. Engagement rattaché au bien-fonds. Expropriation du bien-fonds. Façade du bien-fonds. Hypothèque grevant un bien-fonds ou hypothèque sur un bien-fonds. Jouissance (immédiate, future) du bien-fonds. Limites du bien-fonds. Locataire du bien-fonds. Loyer applicable au bien-fonds. Loyers et profits attribuables au bien-fonds. Mise en valeur du bien-fonds. Occupant, occupante, occupation du bien-fonds. Partie, portion (restante) du bien-fonds. Possession (effective) du bien-fonds. Propriétaire, propriété (véritable, en fief simple, en equity, en common law (et non [légale] : “legal ownership”) d’un bien-fonds. 575 Recours contre un bien-fonds. Recouvrement de bien-fonds. Revenu attribuable à un bien-fonds. Revendication de bien-fonds. Superficie du bien-fonds. Tenant (en common law) du bien-fonds. Titre de bien-fonds (et non [titre au bien-fonds] : “Title to lands”); titre de propriété du bien-fonds. Transfert du bien-fonds. Transport du bien-fonds (acte de). Usage (normal, naturel, ordinaire) d’un bien-fonds. Utilisation (abusive, à des fins agricoles, optimale) d’un bien-fonds. Valeur (marchande, résiduaire) du bien-fonds. Vente, revente d’un bien-fonds. Zonage du bien-fonds. Acheter, acquérir un bien-fonds. Affecter l’intégrité du bien-fonds. Affecter un bien-fonds (à la garantie de remboursement d’une dette, à la succession des générations). Aliéner un bien-fonds. Améliorer le bien-fonds. Aménager un bien-fonds. Annexer à un bien-fonds. Attribuer une valeur au bien-fonds. Avoir accès à un bien-fonds. Avoir la saisine du bien-fonds. Céder, concéder un bien-fonds. Confisquer un bien-fonds. Contrôler le sort du bien-fonds. Dégrader, endommager le bien-fonds. Détenir une hypothèque sur le bien-fonds. Disposer d’un bien-fonds (par testament). Diviser, répartir le bien-fonds. Entrer, pénétrer, se rendre sur un bien-fonds. Étendre le bien-fonds. Être propriétaire, être tenant d’un bien-fonds. Être titulaire d’un droit ou d’un in
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