LE MONDE DU DIMANCHE 16 ET LUNDI 17 .03.22014

PORT DU VOILE : LES
NOUVELLES CRISPATIONS
CLEMENCEAU, UNE
PASSION ASIATIQUE
Les mystères de l’avion
malaisien MH370
FRANCE – LIRE PAGE 10
CULTURE – LIRE PAGE 11
INTERNATIONAL – LIRE PAGE 6
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 - 70e année - N˚21511 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
SFR: les raisons de l’échec de Bouygues
t Enpréférant céder SFR àNumericable, Vivendi invoque des facteurs financiers, de management et de concurrence
t Un revers majeur pour Bouygues et pour Free, en dépit des interventions répétées du gouvernement
L
a bataille entre les grands acteurs des télécoms a
connu une issue fracassante, vendredi 14 mars, lorsque le conseil de surveillance de Vivendi a annoncé
sa décision d’entrer en « négociation exclusive pour trois
semaines» avec Altice, la maison mère de Numericable,
afin de lui céder SFR, le deuxième opérateur mobile français. L’offre de Numericable prévoit un paiement de
11,75 milliards d’euros à Vivendi, ainsi que l’attribution
de 32 % du capital de la nouvelle entité.
Le choix de Vivendi constitue un échec majeur pour
Bouygues, qui s’était pourtant rallié le soutien actif du
gouvernement. Arnaud Montebourg, le ministre du
redressement productif, a réagi dans la soirée en laissant entendre que le rapprochement SFR-Numericable
n’était pas entièrement acquis : « Des questions vont être
posées aux autorités de la concurrence européennes et
française », a-t-il commenté.
Il s’agit aussi d’un revers de taille pour Free, qui avait
conclu un accord avec Bouygues pour se porter acquéreur de son réseau en cas de succès dans la compétition
pour SFR.
L’offre de Numericable comportait plusieurs avantages aux yeux des dirigeants de Vivendi : un apport de
fonds de 450 millions d’euros supérieur à ce que proposait Bouygues, une meilleure disposition du management et des atouts pour obtenir le feu vert de l’Autorité
de la concurrence.
Se campant en David terrassant Goliath, le patron de
la holding Altice, Patrick Drahi, voit aboutir ses efforts. p
LIRE CAHIER ÉCO
CRIMÉE
MONTÉE
DES PÉRILS
t Le référendum du
16 mars vise à entériner
un rattachement à la
Russie. Les tensions
s’aggravent dans
l’est de l’Ukraine
LIRE PAGE 16
A Kerch (Crimée), un élu
local prorusse, Nikolaï
Valouev, avec des militants,
vendredi 14 mars.
MARIA TOURCHENKOVA POUR « LE MONDE »
UK price £ 1,80
LIRE PAGE 17
TÉLÉVISIONS
La télé est-elle
devenue «réac»?
a Les émissions de débat
politique aiment inviter
des conservateurs de tous
bords, prolixes sur les
sujets de société clivants
a Les responsables
de chaîne se défendent
d’une dérive «réac »
dans la course à l’audience
SUPPLÉMENT
A
près deux scrutins municipaux, en
2001 et en 2008, où il avait baissé la
voilure, le Front national étend son
implantation aux élections des 23 et
30 mars. L’étude du Monde dans les villes
de plus de 10 000 habitants montre
qu’avec 583 listes il bat son record de 1995
(439listes). Sur l’ensembledu pays, 596 listes du parti d’extrême droite ont été validées. Le FN n’est pas parvenu à remplir ses
objectifsauvu des résultats du scrutinprésidentiel de 2012. Sur les 255 villes de plus
de 10 000 habitants où Marine Le Pen
avait obtenu plus de 20 % des voix, il n’est
présent que dans 144. S’il a moins de listes
dans la proche banlieueparisienne, il n’est
absent que dans neuf départements. Son
maillage territorial est quasiment généralisé. p LIRE PAGES 8-9
Dans son essai Quand la France
s’éveillera, l’ex-directeur de
l’Organisation mondiale du commerce,
social-démocrate proclamé, s’interroge
sur les causes d’une dépression qui
conduit la France à ne pas exploiter
pleinement ses atouts.
Dans une interview au Monde, il appelle
François Hollande à aller plus loin
pour vaincre trois pathologies du pays:
chômage de masse, déficits publics
excessifs et compétitivité en voie
d’érosion. LIRE CAHIER ÉCO PAGE 5
de terrible approche »,
met en garde l’écrivain
Svetlana Alexievitch
Lors de sa conférence de presse
du mercredi 12mars, le nouveau
premier ministre italien, plus
jeune chef de gouvernement en
Europe, a présenté son plan
de relance, multipliant les
promesses et les additions,
télécommande en main. En Italie,
pour un leader de gauche, cette
conversion à la communication
est inédite. Matteo Renzi a
également surpassé, en bon
disciple, le maître Berlusconi.
Pour le Cavaliere, le coup est rude.
le parti d’extrême droite
accroît son ancrage territorial
Pascal Lamy ausculte
la « névrose » française
t « Quelque chose
Matteo Renzi renvoie
Silvio Berlusconi à la
préhistoire de la « com »
t Avec 596 listes validées,
ÉCONOMIE
LIRE NOS REPORTAGES
PAGES 2-3
ANALYSE
Municipales:
comment le
Front national
étend sa toile
SFR: l’ingérence inopportune de l’Etat
L
’affaire Vivendi-SFR montre sans doute jusqu’où la
puissance publique ne
doit pas – et ne peut pas –
aller. On ne peut que se réjouir
que l’Etat cherche à redonner sa
noblesse à l’industrie. Pendant
trop longtemps – une quinzaine
d’années –, le tissu économique
et social français a été livré à luimême, les gouvernements, de
droite comme de gauche, estimant qu’ils n’avaient pas à intervenir, à quelques exceptions
ÉDITORIAL
près, dans les stratégies de groupes industriels privés.
Arnaud Montebourg, le
bouillonnantministredu redressement productif, après des
débuts émaillés d’éclats souvent
contre-productifs, a réussi à
redonner du crédit à l’action de
l’Etat sur ce terrain. L’Etat stratège industriel, c’est une bonne
idée. Mais encore faut-il avoir
une stratégie. Or l’intervention
volontariste de M. Montebourg
dans le processus de vente du
second opérateur mobile français, SFR, a manqué de clarté
quant à ses motivations. Son
échec prend l’allure d’un camouflet pour le gouvernement.
Vendredi 14 mars, Vivendi,
société privée, a choisi de vendre
SFR à Altice, une société d’investissement cotée à la Bourse
d’Amsterdamquidétientnotamment le câblo-opérateurfrançais
Numericable. C’est son droit et
son choix, même si certains le
jugent contestable. Jusqu’à la
dernière minute, M. Montebourg a soutenu bec et ongles
l’offre concurrente déposée par
Bouygues et appuyée par Free. Il
a même fait preuve de légèreté
en déplorant, vendredi matin
surEurope1, lechoix ques’apprêtait à faire Vivendi avant même
que la décision soit connue…
Cette prise de position tranchée est d’autant plus étonnante
que les deux offres concurrentes
étaient toutes deux porteuses
d’incertitudessurl’emploiet l’investissement, n’en déplaise aux
protagonistes – et à la surenchère de promesses à laquelle ils se
sont livrés. Le projet Numericable est sans doute financièrement le plus périlleux. Celui présenté par Martin Bouygues était
socialement le plus risqué.
Faute d’avoir énoncé une politique industrielle claire en la
matière, des réflexes que l’on
croyait d’une autre époque ont
resurgi en quelques semaines.
Dans ce mariage, il semble que
les relations personnelles aient
joué un rôle plus important que
les raisons de fond.
Si l’idée sous-jacente de l’Etat
stratège était de sauver le soldat
Bouygues Telecom, l’opérateur
le plus affaibli par la guerre des
prix, c’est raté. Cela aurait mérité
d’être explicité. Surtout, cela
aurait justifié d’explorer différentes alternatives en amont,
sansattendre que surgissele projet Numericable-SFR, quasiment
bouclé d’avance.
Tétanisépar l’audaceinterventionniste du ministre du redressement productif, le gouvernement s’est jeté tête baissée dans
la gueule du loup. Vivendi en a
profité pour faire monter les
enchères. Au passage, ce résultat
va alourdir encore un peu plus la
dette qui entravera le nouveau
groupe.
Ce fiasco ministériel est
d’autant plus dommageable
qu’il a rendu totalement inaudible une autre initiative, beaucoup plus constructive. Les
plans de la « Nouvelle France
industrielle », pour lesquels
M. Montebourg a beaucoup
œuvré, étaient lancés en grande
pompe ce même 14 mars à Matignon. Il s’agit de concrétiser les
projets d’avenir dans 34 secteurs
industriels où l’Etat et les entreprises ont choisi de travailler
main dans la main. Un projet qui
dessine, là, une vraie stratégie. p
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2
international
0123
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Crimée: récit d’une annexion éclair
Sauf surprise, le référendum du 16mars devrait entériner le rattachement de la péninsule à la Russie
Chonhar
Envoyé spécial
C
’est une frontière, à n’en pas
douter. Au nord du bourg de
Chonhar, à une centaine de
mètres en amont d’une langue de
terre qui relie la péninsule de Crimée à l’Ukraine, un camion barre
la voie rapide. Autour : un champ
de mines fraîchement creusé, des
blocs de béton et des hommes en
armes.
Leresponsableduposte-frontière, Alexander, est un officier des
Berkout, les forces antiémeutes
qui ont mené la répression sanglante des manifestations de Kiev.
Il s’est replié, le 23 février, en Crimée avec ses hommes, au lendemain de la fuite de l’ancien président ukrainien, Viktor Ianoukovitch. « Nous protégeons la Crimée
contre ceux de Kiev. Toute la population est derrière nous. Regardez:
les gens nous apportent de la
nourriture.»
Ils étaient 400 Berkout stationnés en République autonome de
Crimée avant Maïdan. Leur chef à
Simferopol, la capitale régionale,
Iouri Abisov, affirme avoir doublé
ses effectifs depuis trois semaines.
La force a été démantelée partout
ailleurs en Ukraine.
Dimanche 16 mars, les Berkout
du poste-frontière voteront à
Chonhar en faveur du rattachement de la Crimée à la Russie, dans
un référendum dont le résultat
semble écrit d’avance. Alors se
posera la question de la réaction
de Moscou après ce vote. Le premier ministre de Crimée, Sergueï
Aksionov, homme de paille,
annonçait, vendredi 14 mars,
qu’un rattachement à la Fédération de Russie pourrait formellement prendre jusqu’à un an. Mais
dans les faits, la Crimée est déjà
russe.
Qui pouvait imaginer cela il y a
seulementtrois semaines ? La Russie a avancé si vite. Il y a d’abord
eu, lundi 24 février, la prise de la
mairie de Sébastopol, le grand
port de la mer Noire où est stationnée la flotte russe (25 000 hommes). Une foule rassemblée par un
parti sécessionniste, le Bloc russe,
faisait élire à la tête du conseil
municipal un homme d’affaires
du cru établi à Moscou, Alekseï
Tchaly.
Trois jours plus tard, un commando armé s’établissait avant
l’aube dans le Parlement régional
de Simferopol. Un nombre imprécis de députés y votait le soir, à
huis clos, le principe d’un référendum « sur l’autonomie ». Ils nommaient un quasi-inconnu à la tête
du gouvernement de région :
Sergueï Aksionov, homme d’affaires au passé trouble. A la tête du
parti Unité russe, il avait obtenu
4 % des suffrages aux élections
régionales de 2010.
Le lendemain, des soldats russes sans insigne prenaient le
contrôle de la péninsule sans tirer
un coup de feu. Dans la foulée, le
1ermars, VladimirPoutine demandait puis obtenait de la Douma
l’autorisationde déployer sestroupes dans toute l’Ukraine.
Ses soldats tiennent toujours
les routes de Crimée et les aéroports. Ils bloquent ou encerclent
les bases militaires ukrainiennes.
Jeudi 6 mars, le Parlement accélère les événements et annonce la
tenue d’un référendum sur le rattachement pur et simple à la Russie, ou un retour au statut d’autonomie élargie de la Crimée au sein
de l’Ukraine défini par la Constitution régionale de 1992.
La date en a été avancée deux
fois: du 25 mai au 30 mars, puis au
16 mars. Dix jours pour habiller
une prise de guerre en plébiscite
populaire.
Depuis, les soldats russes ont
laissé le premier rôle, dans les villes, à un assemblage hétéroclite de
milices et de forces de sécurité institutionnelles. Elles ont remplacé
«J'accorde peu d’intérêt à ceux qui gouvernent »
Ahmed Khalilov, 30 ans, imam
de la mosquée de Krasnoperekopsk:
« Je suis un Tatar de Crimée. Je n’irai
pas voter. Je reste en dehors de la
politique et je fais confiance aux
autorités musulmanes de Crimée,
quiconsidèrent le référendum comme illégitime. Cependant, 67 % de la
population est russophone et souhaite le rattachement. Le résultat semble
évident. Pour tout avouer, je n’ai
jamais voté de ma vie. Pour moi, peu
importe qui détient le pouvoir. Si
demain je me lève et que le drapeau
russe flotte sur le Parlement régional,
ça ne changera rien. Les gens conti-
nueront à travailler et à étudier. Le
plus important, c’est que nous échappions à la guerre. J’accorde peu d’intérêt à ceux qui gouvernent.»
Pendant une semaine, la photographe Maria Turchenkova a parcouru la Crimée pour « Le Monde».
La Russiemaintientsa menace
Des incidents meurtriers ont éclaté à Kharkiv et à
les canaux de six chaînes de télévision ukrainiennes par des chaînes
russes. Elles siègent dans un QG de
sécurité situé dans les bureaux du
premier ministre, à Simferopol.
Le patron de la police nommé
par Kiev le 22 février a tenu deux
heures sur son siège. Il a été remplacé par Sergueï Abisov, le petit
frère du chef des Berkout. Pendant
deux semaines, ses policiers
étaient surtout visibles dans les
Les soldats russes ont
laissé le premier rôle
à un assemblage
hétéroclite de milices
et de forces de sécurité
locales
campagnes, blottis derrière des
radars. Aujourd’hui, ils copinent
en ville avec les miliciens.
Le Parlement, le bureau du gouvernement, les bureaux de vote
et les lieux de manifestations sont
gardéspar des« volontaires», organisés les premiers temps autour
du parti de M. Aksionov, qui
s’est mué en un obscur Front de
Crimée.
Les cosaques locaux, force paramilitaire, ont reçu d’importants
renforts de Russie, où ils bénéficient d’une reconnaissance officielle du Kremlin. Un vice-commandant russe des Cosaques,
Nikolaï Pervakov, dirige les opéra-
tions entre Simferopol et Krasnodar, en Russie.
Jeudi 13 mars, des Cosaques en
armes et des soldats de la toute
nouvelle armée de la République
deCrimée avaientremplacéles soldats russes dans la base militaire
de Bakhtchissaraï,ville où la minorité musulmane tatare est nombreuse. Leurs chefs s’approchaient avec précaution de quelques dizaines d’officiers et de soldats ukrainiens désarmés toujours présents dans l’enceinte,
mines sombres, mutiques.
Le drapeau de Crimée flottait à
côté du drapeau ukrainien « jusqu’à ce que les officiers aient prêté
serment à l’armée de Crimée ou
quitté la région », expliquait, hilare, un patron local du Front de Crimée, Iouri Perchikov.
Le sort de ces soldats, qui tiennent encore une dizaine de bases,
doitêtre réglélundi, après l’annonce des résultats du référendum.
Selon M. Aksionov, ceux qui refuseront de faire allégeance« au peuple de Crimée » seront considérés
comme des groupes armés
illégaux.
Signe inquiétant : des journalistes sont battus, arrêtés, et dans la
nuit de jeudi à vendredi, trois
membres d’une colonne d’activistes soupçonnée de faire parvenir
de la nourriture aux soldats ukrainiens assiégés ont disparu dans
les rues de Simferopol.
L’organisation Human Rights
Watch a recensé trois autres dispa-
rus depuis le 9 mars. Ils sont détenus sans charges en Crimée dans
un lieu inconnu.
Anatoli Kovalsky et Andriy
Schekun, militants pro-Maïdan de
Sébastopol, ont été arrêtés par des
hommes en civil, le 9 mars, à la
gare de Simferopol, puis emmenés par des miliciens d’Unité russe.M. Aksionova affirmé qu’ilsresteraient aux mains des « forces
spéciales de Crimée » jusqu’au
référendum. L’hôpital militaire de
Simferopol a également été investi par des miliciens, lundi 10 mars.
Pour le moment, ces disparitions ne semblent pas concerner
les Tatars de Crimée (12 % de la
population), principaux soutiens
de Kiev dans la péninsule, qui ont
tout à perdre d’un rattachement à
la Russie.
Vendredi, Fazil Amzaev, représentant du Hizb ut-Tahrir, une
organisation islamiste interdite
en Russie qui revendique plusieurs milliers de membres en
Ukraine, rappelait dans un restaurant de Bakhtchissaraï que quelques Tatars se battent actuellement en Syrie aux côtés des rebelles. « Pour l’heure, les pro-Russes
essaient de mettre les Tatars de
leurcôté. S’ils échouent,le ton changera. Il n’y a pas d’organisations
terroristes en Crimée. Mais, si les
Russes se retournent contre la communauté, des jeunes se radicaliseront. Ce ne sera pasla peined’attendre qu’ils arrivent de l’étranger. » p
Louis Imbert
Moscou
Correspondante
L
a fièvre revancharde russe
s’arrêtera-t-elle à la Crimée ?
A Simferopol, la capitale de la
péninsule séparatiste qui organise dimanche 16 mars un référendum pour son rattachement à la
Russie, le « premier ministre » et
« commandant en chef » autoproclamé Sergueï Aksionov a
encouragé vendredi 14 mars les
russophonesde l’Est de l’Ukraine à
demander eux aussi leur intégration au voisin russe.
Plus le référendum approche,
plus les provocations meurtrières
se multiplient dans les bastions
russophones, alors que la Russie
continue de masser ses soldats en
Crimée et sur la frontière orientale
de l’Ukraine.
Deux personnes ont été tuées
dans la soirée de vendredi 14 mars
à Kharkiv, lorsque des militants
pro-russes, débarqués d’autobus
immatriculés à Dnipropetrovsk,
ont attaqué le siège de l’association culturelle ukrainienne Prosvita, dans le centre-ville.
Selon le parquet de Kharkiv, les
pro-russes ont attaqué plusieurs
bâtiments au prétexte d’en déloger des militants du groupuscule
nationaliste ukrainien Pravyi Sektor, qui s’y étaient installés. Des
armes ont été saisies et 30 personnes arrêtées dans les deux camps,
selon le ministère de l’intérieur.
Jeudi, des militants pro-russes
avaient attaqué un groupe de
manifestants pro-Ukrainiens à
Donetsk, sans que la police lève le
petit doigt pour les défendre. Dans
leséchauffourées,DmitriTcherniavski,22ans, militantdu partinationaliste Svoboda, a été tué de plusieurs coups de couteaux. Selon les
premiers éléments de l’enquête, le
jeune militant aurait été tué par
uncriminelde droitcommun,tout
juste sorti de prison.
Sergueï Tarouta, le nouveau
gouverneur de la région de
Donetsk, a accusé les Russes d’être
à l’origine de ces violences. Moscouélude, ne perdant pas uneoccasion de souligner que les autorités
de Kiev ne sont plus en mesure de
contrôler la situation.
Publié vendredi, au moment
même où le chef de la diplomatie
russe Sergueï Lavrov s’entretenait
à Londres avec son homologue
américain John Kerry à propos de
l’Ukraine, un communiqué du
ministère russe des affaires étrangères rendu clairement les intentions de Moscou : « Le 13 mars à
Donetsk, une tragédie s’est produite, le sang a coulé. Des groupuscules de l’extrême droite radicale
munisd’armes et de battes de baseball, venus d’autres régions
d’Ukraine, ont agressé des militants pacifiques descendus dans la
ruepour protestercontre le caractère destructeur des personnes qui
prétendent représenter le pouvoir
ukrainien. Il y a de nombreux blessés et un mort. » Blâmant la faibles-
0123
international
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
3
L’extrême droite ukrainienne,
cible inespérée pour Moscou
La visibilité sur Maïdan des groupuscules néonazis, ultraminoritaires,
nourrit la propagande russe contre le nouveau pouvoir à Kiev
Reportage
Kiev
Envoyé spécial
A
vec leurs visages masqués,
leurs ceinturons de WaffenSS, leurs croix gammées
peintes aux murs et leur manie de
saluer en dressant la main droite,
Igor Mosiychuk et les hommes en
tenue de camouflage qui l’entourent sont au cœur d’une violente
controverse internationale. Ce qui
ne semble pas l’indisposer : « Le
seul souci, dit-il, c’est la Crimée.
Sinon, la situation pour nous est
fantastique. Nous enrôlons plus de
combattants que jamais, et les
envoyons à l’est, chez les séparatistes [prorusses]. Une centaine rien
qu’aujourd’hui.»
Voilà deux semaines que trois
groupuscules radicaux de l’extrême droite ukrainienne ont investi,
sans demander de permission à
quiconque, le 7e étage de la mairie
deKiev, poussantles bureaux pour
pratiquer leurs entraînements ou
s’aménager des couchettes. On y
accède par une sorte de double
fond du bâtiment monumental, à
quelques centaines de mètres de la
placeMaïdan.A droite du hall principal, sur un mot de passe chuchoté,desgardesenarmesouvrentl’accès à un escalier dérobé.
Igor Mosiychuk, 153 kilos et la
mine réjouie, est l’un des dirigeants des Patriotes d’Ukraine, un
groupe paramilitaire néonazi. Un
vote au Parlement ukrainien le
24 février sur les détenus politiques l’a tiré de prison, où il purgeait depuis août 2011 une peine
de six ans pour « préparation d’actes terroristes ». « N’importe quoi,
dit-il. Le juge était corrompu. Notre
priorité,c’est de nous occuper de lui
et desautres affidésdel’ancienrégime. Mais l’invasionrusse en Crimée
détourne un peu notre attention,
c’est vraiment dommage. »
A côté de lui, le jeune Vyacheslav Horan, au visage anguleux, a le
même regret. Il est le fondateur de
Biely Molot (« marteau blanc »), un
groupuscule plus récent et plus
radical encore, spécialisé dans le
« nettoyage». « J’ai commencéil y a
un an, dit-il. Je postaissur VKontakte [le Facebook russe] des adresses
de gens corrompus, de casinos illégaux ou d’homosexuels. Après, je
recevais un message qui disait que
le problème était réglé, sans que je
sache qui l’avait fait, pour des raisonsde sécurité.Doncj’ai pasle chiffre exact de mes effectifs. Plusieurs
centaines. » Selon plusieurs
experts, les troupes de Biely Molot
sont plutôt quelques dizaines.
Les accusations
du Kremlin
conduisent les autres
formations politiques
ukrainiennes à nier
l’existence
de néonazis
Ces deux-là et leurs troupes de
chemises brunes sont précisément
les «fascistes», les «néonazis» etles
«antisémites» dont la propagande
du Kremlin prétend qu’ils composent l’essentiel des foules révolutionnairesquiontforcéledépartdu
président Ianoukovitch. Eux se gardent bien de le contredire: ils sont
ravis d’exagérer le rôle qu’ils ont
joué sur les barricades de Maïdan.
« La révolution ukrainienne est
nationale et démocratique, dit
Anton Shekhovtsov, chercheur au
UniversityCollege de Londres,spécialisé depuis des années dans les
mouvements d’extrême droite en
Ukraine. Les néonazis n’y ont joué
qu’un rôle marginal. Ils avaient
une certaine efficacité sur Maïdan
parce qu’ils formaientdes unités de
combat disciplinées, qui ont sans
doute sauvé la vie de nombreux
civils. Mais ce ne sont pas eux qui
ont fait tomber Ianoukovitch et ils
arméecontrel’Ukraine
Les pro-russes
ont attaqué plusieurs
bâtiments de Kharkiv
pour en déloger
des militants
de la coalition
Pravyi Sektor
La lecture faite par Moscou est
entotalecontradictionaveclaréalité. A Donetsk, comme à Kharkiv, ce
ne sont pas les manifestants proUkrainiensquiontattaquémaisles
pro-Russes,dont les rangs, selon les
témoins sur place, sont avant tout
composés de gopniki (voyous).
Ces dernièressemaines,leschaînes de la télévision publique russe
répètent à l’envi que les « fascistes » qui ont pris le pouvoir à Kiev
veulenten découdreavec lesrussophones de l’est du pays.
Les médias réticents à cette pensée unique, comme le blog de l’op-
Un militant d’extrême droite, le 7 mars, à la mairie de Kiev. MARI BASTASHEVSKI POUR « LE MONDE »
inespérée à la propagande russe.
Macha,unemilitanteukrainienne de gauche, est consciente de
l’étrangeté de ce reste d’union
sacrée. Il y a quelques mois, l’activitéprincipaledesgroupusculesnéonazis consistait à attaquer les groupes comme le sien. « J’ai plusieurs
fois été insultée et frappée par des
types que j’ai retrouvés à côté de
moi à Maïdan», dit-elle.
L’unedes raisonsqui expliquent
laprotectiondontbénéficientencore les néonazis ukrainiens est leur
appartenance à une coalition de
droite nationaliste, Pravyi Sektor,
formée aux premières heures de
Maïdan,ennovembre2013.Lacomposante principale en est le groupe
Tryzub (trident), que l’on dit modéré mais qui se réclame de la figure
controversée de Stepan Bandera
Les rabbins ukrainiens furieux contre Poutine
Les propos de Vladimir Poutine
sur la dimension « antisémite »
du « coup d’Etat » de Kiev ont
hérissé les juifs ukrainiens.
Vingt et un responsables de la
communauté juive ukrainienne,
dont les dirigeants du Vaad
(conseil des rabbins), ont
envoyé début mars une lettre
cinglante au président russe.
« Vladimir Vladimirovitch, vous
choisissez sciemment vos mensonges, écrivent-ils. (…) Vos certitudes sur la croissance de l’anti-
sémitisme en Ukraine (…) ne
correspondent à aucun fait. Peutêtre confondez-vous l’Ukraine et
la Russie, où les organisations juives ont constaté une recrudescence de l’antisémitisme l’an dernier. (…) Nous sommes parfaitement capables de protéger nos
droits. (…) Nous vous appelons à
ne pas intervenir dans les affaires internes de l’Ukraine, à ramener les forces russes là où elles
étaient et à cesser d’encourager
le séparatisme prorusse. »
(1909-1959), anticommuniste virulent qui, pendant la seconde guerre
mondiale, participa avec les nazis à
des massacres de juifs mais qui fut
ensuiteinternédansdescampsallemands, où ses deux frères trouvèrent la mort. C’est le leader de
Tryzub, Dmitro Iaroch, formateur
militaire de profession, qui dirige
PravyiSektor. Il a annoncésa candidature à la présidentielle du 25mai.
«Tryzub n’est pas une formation
fascisteniantisémite,estimeAnton
Shekhovtsov. C’est une droite
conservatrice et patriotique. » Il
n’empêche, la poétesse Diana
Kamliuk s’est affichée cette semaine dans une conférence de Dmitro
Iaroch, faisant la bise à tous ses gardes du corps. Elle est l’auteur d’un
dérapageantisémitesur lascènede
la place Maïdan et ses « poèmes »
ont d’étranges relents: « Allez jusqu’aubout/Nesuivezpaslesadjurations juives/Dans vos veines coule le
sang ukrainien d’hommes blancs.»
Difficile de prédire si Pravyi Sektor réussira sa mue en parti. Pour
l’instant, l’organisation négocie
avec le gouvernement provisoire
un statut de société de sécurité privée, afin de distribuer à ses membres des permis de port d’armes.
Toujours est-il que dans un paysage politique en pleine recomposition,le contextede l’annexion de la
Crimée par la Russie est favorable
aux nationalistes, et que, de l’avis
de la plupart des analystes, Pravyi
Sektorenseralepremierbénéficiaire, siphonnant les voix que l’autre
grand parti nationaliste, Svoboda,
avait engrangéesaux électionsparlementaires de 2012. « Les intentionsdevotepourSvobodasontpassées de 10 % à 4% pendant Maïdan,
estime Anton Shekhovtsov, et cela
vacontinuerdebaisser.QuantàPravyi Sektor, leur contribution a été
appréciée pendant la révolte, mais
voter pour eux est une autre chose.
Je ne leur donne pas plus de 5 %.»
Dans sa tentative de recentrage,
Pravyi Sektor aurait récemment
exclu Biely Molot de ses rangs, ce
que le fondateur du groupuscule
néonazi dément: « Les décisions de
la coalition sont collectives, rien de
teln’a étéévoquéen comité»,déclare Vyacheslav Horan.
Le parti de Dmitro Iaroch tente
aussi de mettre en avant une organisation appelée Spilna Sprava
(« cause commune ») qui prétend
rassembler des dizaines de milliers de petits patrons nationalistes. Le responsable, Oleg Ahtyskyi,
reçoit sous une tente de Maïdan. Il
affirme se situer au centre droit de
l’échiquierpolitique.« A cette invasion russe, dit-il, nous avons besoin
de résister avec toutes les forces de
notre société. » Homosexuels compris ? Silence embarrassé. « Euh…
c’est une question compliquée.
Disons que oui ; et on les mettra en
première ligne. » p
La minute ENVIRONNEMENT avec
Donetsk, dans l’Est ukrainien
se des autorités de Kiev, « incapables de contrôler la situation », le
ministère ajoute que la Russie « se
réservele droit de défendreses compatriotes et ses concitoyens en
Ukraine».
Minimisant la portée du communiqué,M.Lavrova expliquéque
la Russie « n’a pas et ne peut avoir le
projetd’envahirlesud-estdel’Ukraine » tout en rappelant une fois de
plus que les autorités de Kiev « ne
contrôlent pas » le pays.
n’ont aucun avenir politique. »
Pour lui, la propagande russe a
pourtant marqué des points, parce que le mouvement révolutionnaire avait autre chose à faire ces
dernières semaines que de soigner
ses relations publiques. « Poutine
est en train de gagner la guerre de
l’information», regrette-t-il.
Igor Mosiychuk, lui, est comblé
par ce duel avec le président russe.
« Poutine ne nous fait pas peur, crâne-t-il.Nous allons porter la révolution à Moscou. La Russie est bien
plus faible que l’on croit, parce que
ses racines historiques et spirituelles ne sont pas assez profondes et
qu’elle est peuplée par trop de
musulmans.»
DanslaKievpost-révolutionnaire,lesgroupusculesd’extrêmedroite sont un non-dit qui devient
embarrassant. D’abord, les accusations du Kremlin conduisent les
autres formations politiques à nier
l’existence de néonazis. Ensuite,
personne ne veut égratigner la
mémoiredeMaïdan,celled’unpeuple uni contre le président corrompu. Parce qu’ils ont tous combattu
côteà côtesur Maïdan,néofascistes
et gauchistes, juifs et militants
pour les droits homosexuels, anarchistes et simples citoyens refusent pour l’instant de desserrer les
rangs et d’écarter cette poignée de
parias qui suscitent l’opprobre
international et offrent une cible
posant Alexeï Navalny, ont été fermés. Galina Timtchenko, la rédactrice en chef du site d’information
Lenta.ru, propriété de l’oligarque
Alexander Mamut, qui vit à Londres, a été mise à pied. Son crime ?
Avoir diffusé le 10 mars l’interview
d’un ultranationaliste ukrainien.
Sur le terrain, Moscou continue
d’envoyer des soldats et du matériel en Crimée. Un journaliste de
Reuters a constaté vendredi qu’un
navire de guerre russe, le
Yamal 156,
débarquait
des
camions, des soldats et au moins
un véhicule blindé de transport de
troupes non loin de Sébastopol.
Une centaine de véhicules, dont
descanons,avaientétéaperçusdernièrement dans le même secteur.
D’après Vladislav Selezniov, un
fonctionnaire du ministère ukrainien de la défense en Crimée, des
témoinsontvu débarquerdesblindés russes à Kertch, ville située sur
le détroit qui sépare la péninsule
de la Fédération de Russie.
Les gesticulations russes poussent l’Ukraine à chercher la protection de l’Alliance atlantique. Dans
une interview accordée vendredi
au quotidien ukrainien Den, Leonid Kravtchouk, qui fut président
del’Ukrainede 1990 à 1994, a expliqué : « J’étais autrefois favorable à
la neutralité du pays, à des relations privilégiées avec la Russie, or
j’estime désormais que nous
devons demander au plus vite à
entrer dans l’OTAN. » p
Marie Jégo
Serge Michel
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Quand les déchets produisent des légumes
Acteur mondial dédié aux métiers de l’eau et des déchets, le groupe SUEZ ENVIRONNEMENT
participe, par ses technologies et services innovants, à une croissance verte et durable.
Illustration à Toulouse, où l’écopôle Econotre valorise les déchets en énergie pour chauffer
de nouvelles serres maraîchères.
A l’heure du développement durable, les
déchets deviennent une ressource à part
entière. C’est l’un des grands enjeux de l’économie circulaire et un axe de mobilisation
pour SUEZ ENVIRONNEMENT. A Bessières, dans la région de Toulouse, l’écopôle
Econotre illustre de façon emblématique la
capacité d’innovation du groupe en matière
de valorisation énergétique. Mis en service
en 2001, pour le compte du syndicat mixte
DECOSET, Econotre est un pôle multifilières qui regroupe plusieurs installations :
un centre de tri des déchets issus de la collecte sélective, une unité de valorisation
énergétique (UVE) qui produit de l’électricité, un centre de traitement et de valorisation des mâchefers, une plate-forme de
compostage des déchets verts et quatre
centres de transfert des déchets.
De l’électricité à partir des déchets
Grâce à ce complexe original, chaque année,
170 000 tonnes de déchets ménagers issus de
153 communes du nord du département sont
valorisées sous forme d’énergie et transformées
en électricité. Plus de 100 Gwh/an sont
générés et 55 000 foyers éclairés. En 2014,
DECOSET et SUEZ ENVIRONNEMENT
vont aller plus loin, en récupérant l’énergie
résiduelle de l’UVE au profit de la culture
maraîchère : cette initiative permettra
de produire de l’eau chaude et de chauffer
10 hectares de serres installées à proximité du
site et destinées à la production de légumes.
installation doublement respectueuse de
l’environnement : elle permet à la fois de
maîtriser les émissions de gaz à effet de serre
et d’économiser de l’énergie en utilisant celle
produite par le traitement des déchets. Le
circuit court de distribution des fruits et
légumes, destiné à une consommation de
qualité et de proximité, contribue également
à limiter l’impact carbone de cette filière
locale.
Des serres alimentées à
l’énergie résiduelle
Ce projet, qui s’achèvera en fin d’année, représente une nouvelle ère pour le traitement
des déchets. Avec Econotre, on peut désormais parler de « valorisation énergétique et
thermique ». L’impact sur l’environnement
sera très concret : 2 400 tonnes de CO2
évitées, 5 300 tonnes d’équivalent pétrole
économisées. Les serres aideront à dynamiser
l’économie locale, en créant 100 emplois et
en produisant chaque année 4 500 tonnes de
légumes (tomates et concombres). Une
n En France, la valorisation énergétique
est la 3e source de production d’électricité
renouvelable et la 4e source de production
de chaleur renouvelable
n 4.49 millions de tonnes de
déchets transformées en énergie par
SUEZ ENVIRONNEMENT grâce aux
unités de valorisation énergétique
exploitées par SITA en 2012 en France
Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.emag.suez-environnement.com et sur la page Environnement du
4
0123
international
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Les Vingt-Huit finalisent leur riposte
au coup de force de Moscou en Crimée
L’Union européenne est déterminée à sanctionner de hauts responsables politiques russes
Le «capitaine» Pascal Simbikangwa a été
condamné à vingt-cinq ans de prison
Bruxelles
Bureau européen
D
es sanctions contre la Russie et un soutien appuyé à
l’Ukraine: en contact étroit
avec les Etats-Unis, les Européens
tentent de faire front face au très
probable rattachement de la Crimée à la Russie. Après deux semaines de tensions depuis le coup de
force orchestrépar Vladimir Poutine,lesVingt-Huitredoutentleslendemains du référendum organisé
dimanche 16 mars dans la petite
République autonome des bords
de la mer Noire.
LesEuropéensn’ontpasétévraiment surpris que, à Londres, les
ministres des affaires étrangères
russe et américain, Sergueï Lavrov
et John Kerry, ne parviennent pas à
trouver un terrain d’entente lors
d’une ultime tentative de dialogue, vendredi.
Au-delàdu sort de la Crimée,qui
leur paraît scellé, les Vingt-Huit
tententdes’organiserpourmaintenir leur fragile unité et riposter à
toute nouvelle escalade.
Dès lundi 17 mars, les ministres
des affaires étrangères doivent
acter depuis Bruxelles une série de
sanctions individuelles contre des
personnalités d’ores et déjà jugées
«Le vrai sujet
au lendemain du
référendum sera
de savoir quoi faire
avec la Russie»
Un diplomate européen
responsablesde l’interventionrusse en Crimée. Il s’agira de geler les
avoirs d’une trentaine de personneset deles priverdevisas devoyage vers l’Union européenne (UE).
La liste devrait être finalisée
dimanche soir lors d’une réunion
des ambassadeurs des Etats membres. Elle ne devrait comprendre
aucun ministre du gouvernement
de Vladimir Poutine, afin de laisser
une chance à une issue politique
négociée à l’amiable. « Il y aura des
parlementaires, des membres des
instances de sécurité, un haut responsable du ministère de la défen-
L
Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le 14 mars. BRENDAN SMIALOWSKI/REUTERS
se », a indiqué, vendredi, un diplomate bruxellois. Des Russes, mais
aussides Ukrainienspro-Russesen
Crimée devraient être ciblés.
Le référendum passé, tout
dépendra ensuite de l’attitude de
Vladimir Poutine. En cas d’annexiondéfinitiveetrapidedelaCrimée, d’incidents dans d’autres
régions de l’Est ou de recours à la
force par Moscou, les Européens se
réservent la possibilité, au fil de la
semaine prochaine, de compléter
leur liste.
Au pire, ils envisagent aussi,
comme convenu lors du Conseil
européen du 6 mars à Bruxelles,
d’aller vers un nouveau train de
sanctions, cette fois de nature économique.
Les premières mesures pourraient être prises lors du Conseil
européen des 20 et 21 mars. Il pourraits’agirdegelercertainestransactions financières ou les avoirs en
Europe d’entreprises russes. Au
passage, la Suède a aussi proposé
d’envisager un embargo sur les
livraisons d’armes, une perspective rejetée par la France.
A ce jour, les Européens ont déjà
suspendu – c’était le premier volet
de leur politique de sanctions gra-
duées – les discussions préparatoires au sommet du G8 de Sotchi en
juin et gelé les négociations destinées à libéraliser les visas entre la
Russie et l’Union européenne.
En parallèle, chefs d’Etat et de
gouvernementont décidéd’accélérer la signature de l’accord d’association avec l’Ukraine, à l’origine
de la crise. La décision a été prise le
6 mars, en présence du premier
ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk.
Pour concilier les partisans
d’une association la plus poussée
possibleavec Kiev, Pologneen tête,
et ceux qui veulent éviter toute
provocation à l’égard de Moscou,
comme l’Allemagne ou la France, il
a été convenu de procéder en deux
temps.
Le volet politique de l’accord
serasigné vendredi21 mars, lors du
Conseil européen. Le volet commercial devrait attendre la tenue
de l’élection présidentielle en
Ukraine, le 25 mai. Il consiste pour
l’essentiel à mettre en place un
espace de libre-échange entre l’UE
et l’Ukraine, une perspective qui
inquiète la Russie.
Sans attendre, les Vingt-Huit
veulent cependant réduire les
tarifs douaniers prélevés sur les
produits ukrainiens, afin d’offrir
de nouveaux débouchés à une économie au bord du gouffre. Ils ont
aussi annoncé une aide financière
de11 milliardsd’euros,et se concertent avec le Fonds monétaire international afin d’éviter la faillite du
pays.
L’idéeest deconforterles autorités provisoires, en particulier le
premier ministre par intérim,
dans leur face-à-face avec Vladimir
Poutine.Et d’attendre la formation
d’un gouvernement stable pour
finaliser le travail.
Il n’est pas exclu que le rythme
soit encoreplus rapidesi la tension
devait continuer à monter. Mais
dans cette hypothèse, les Européens devraient surtout amplifier
leurs sanctions contre Moscou.
« Le vrai sujet lundi sera de savoir
quoi faire avec la Russie, car le soutien à l’Ukraine est de toute façon
engagé », remarque un diplomate.
Si la situation devait encore se
dégrader, « on renforcera les sanctions plutôt que de précipiter la
mise en place de l’accord d’association », confie un haut responsable
gouvernemental. p
Philippe Ricard
LesEstoniensminimisentla menacedu voisinrusse
Moscou dispose de réseaux d’influence en Estonie par le biais de la communauté russophone
Tallinn
Envoyé spécial
K
alli avait 3 ans quand l’Estonie a été envahie par l’Union
soviétique en 1940. Devant
un supermarché de Lasnamäe, un
quartier à très large majorité russophone à l’est de Tallinn, cette Estonienne n’est pas rassurée, à quelques jours du référendum du
16 mars sur le rattachement de la
Crimée à la Russie.
L’Estonie, petit pays balte de
1,3million d’habitants, est l’un des
plus intégrés de la région, membre
de l’Union européenne (UE) et de
l’OTAN depuis 2004, de la zone
euro depuis 2011. « Certains Russes
du quartierveulent que l’armée russe revienne, dit Kalli. Mais ce sont
des vieux, des nostalgiques», précise-t-elleaussitôt. « Poutineest devenu fou. Il a dit qu’il voulait restaurer
les frontières de l’URSS », croit
savoir Helmut Värs, un retraité
estonien, ancien militaire de l’Armée rouge dans les années 1970.
« Qu’il arrive en Estonie la même
chose qu’en Crimée ? On ne sait
jamais, dit-il. Mes nombreux amis
russes sont du même avis que moi.
Tout ça est fou.»
«L’Estonie est estonienne et doit
le rester », défend Valkov Vjatseslav. Ce Russe né en Sibérie en 1957,
Rwanda: première
condamnationpour
génocide à Paris
chômeur, est arrivé en Estonie en
1960, dont il ne parle toujours pas
la langue. Même s’il trouve que la
vie est dure pour les russophones,
il apprécie, ici, «un pays démocratique et civilisé».
République soviétique de 1944 à
1991, l’Estonie s’espère à l’abri des
nouvelles poussées expansionnistes de Moscou. «Certains politiques
tentent de nous persuaderque nous
devons avoir peur de la Russie, mais
Poutinen’aaucunintérêtici»,explique Alexander Kuzmin, jeune
entrepreneurd’originerusso-ukrainienne arrivé enfant en Estonie.
Influence des médias
Près de 30 % de la population
estonienne est dite russophone.
Mais la part des citoyens russes est
de plus en plus faible. Moscou est
pourtant toujours à l’affût pour y
exercer une influence. Eerik-Niiles
Krossensaitquelquechose.Ancien
responsable des services de sécurité estoniens, expert en sécurité et
candidat aux élections européennes de mai, il a été accusé par Moscou d’avoir fomenté l’abordage de
l’Arctic Sea, un navire marchand
victime d’un mystérieux acte de
piraterie en mer Baltique durant
l’été 2009 avant que la marine russe n’intervienne.
Les pirates, Estoniens et Letto-
niens,sontdepuisenprisonenRussie. Sans fournir la moindre preuve,legouvernementrusseavaitlancécontreM.Krossunavisderecherche à quelques jours des élections
municipales estoniennes de
l’automne 2013. Ce dernier était
alorscandidatà lamairie de Tallinn
contre Edgar Savisaar, le maire sortant, président du Parti du centre,
connucommeétantlepartidesrussophiles en Estonie et ayant des
liensaveclepartideVladimirPoutine en Russie. M. Kross avait perdu
l’élection.
La police estonienne n’a jamais
donné suite aux accusations russes. M. Kross avait conseillé les
Géorgiens dans la crise qui les avait
opposés à Moscou en 2008.
«C’était une plaisanterie des Russes
à mon égard», s’amuse-t-il.
«Théoriquement,laminoritérusse en Estonie pourrait être manipulée par le Kremlin », estime
M.Kross. En 2007, lorsque Tallinn a
décidédedéplacerlastatuedebronzed’unsoldatsoviétique,desémeutes fomentées par des associations
russes avaient provoqué la mort
d’un manifestant et une forte tension. Durant quelques semaines,
les sites de journaux, des principalesbanquesoudesinstitutionsgouvernementales avaient été la cible
de puissantes cyberattaques rus-
ses. Elles avaient entraîné, en 2008,
lacréationducentredecyberdéfense de l’OTAN dans la capitale estonienne.Aujourd’hui,d’aprèslesservices de renseignements du pays,
la Kapo, la Russie exerce son
influence par le biais des médias et
des écoles russophones.
Les Russes ont créé à Tallinn un
club de la presse pour les journalistes russophones, Impressum, qui,
selon la Kapo, a de nombreuxrelais
dans les médias, mobilisables en
cas de crise. Deux associations sont
aussi très actives. L’organisation
« Estonie sans nazis», filiale de l’organisation russe Le monde sans
nazis et de l’association Ecoles russes en Estonie, principaux relais de
l’influencerusse dans le pays, organise des manifestations, dépose
des plaintes en justice, fait du lobbying.
« Nous devons être patients, et
espérer qu’ils se libèrent de leur
dépendance vis-à-vis des médias
russes pour s’informer », répondon à la Kapo. Même Narva, la ville
du nord-est du pays face à la frontière russe, peuplée à 90 % de russophones, n’inquiète plus vraiment. Eux savent que leur situation est plus enviable que celles de
leurs frères russes de l’autre côté
de la frontière. p
Olivier Truc
a France n’est plus un havre
de paix et d’impunité pour les
génocidaires rwandais. Vingt
ansaprèsleterribletourbillonquia
emporté ce petit pays des Grands
Lacs dans la folie criminelle, la justice française a pour la première
fois condamné, à vingt-cinq ans
d’emprisonnement, au titre de la
compétence universelle, un homme jugé pour avoir participé au
génocide des Tutsi qui a fait, selon
les estimations, entre 800 000 et
un million de morts en 1994.
Autermede sixannéesde procédure, six semaines d’audience et
douze heures de délibéré, la cour
d’assisesdeParisareconnu,vendredi14mars,PascalSimbikangwacoupable de génocide en apportant
« un concours actif au fonctionnement des barrières meurtrières de
Kigali, en fournissant des armes et
endonnantdirectementdesinstructionspourquedesTutsisoientsystématiquement exécutés sur le
champ, en vue de la destruction
totale de ce groupe ethnique (…)
dans le cadre d’un plan concerté».
L’ancien capitaine de la garde
présidentielle, reversé dans les services de renseignements après un
accident de voiture qui l’a laissé
paraplégique, a par ailleurs été
condamné pour complicité de crime contre l’humanité pour les
assassinats systématiques de Hutu
de l’opposition « assimilés aux
ennemis de l’intérieur».
L’accouchement de ce verdict a
été difficile, douloureux. De l’aveu
même des parties civiles, le dossier
d’accusationétait maigre.Les preuves matérielles de la culpabilité de
l’accusé faisaient défaut, nombre
de témoins directs ont montré des
signes évidents de fragilité. Des
incohérences d’emploi du temps
ont obligé les procureurs à abandonner les accusations de crimes
dans la région de Gisenyi, mais la
cour d’assises, présidée par Olivier
Leurent qui aura su tenir les débats
avec une étonnante maîtrise du
dossier, n’a finalement pas douté
delaresponsabilitédePascalSimbikangwa dans le dernier génocide
du XXe siècle.
Le ministère public avait requis
la perpétuité, la défense avait plaidé l’acquittement. Dans l’exposé
de leurs motivations, très proches
du réquisitoire de l’accusation, les
juges ont considéré que par son
logement de fonction, ses investissements dans la Radio Mille Collines (le principal média de la haine
avant et surtout pendant le génocide), ses gardes armés, ses discours
antitutsiou bien encore le commu-
niqué de la Maison Blanche le classant parmi les personnes à même
defairecesserlesmassacresenclenchés deux semaines plus tôt, le
« capitaine » Simbikangwa était
bien un dignitaire du régime, un
baron du « Hutu Power» et non le
personnage mineur, ratatiné sur
lui-même, qu’il prétend être.
Plusieurs jours avant la fin des
débats, un bon connaisseur du
Rwanda prédisait déjà que l’accusé
serait condamné « pour l’ensemble
de son œuvre », davantage que
pour la certitude des crimes qu’il
aurait fait commettre ou encouragédurantles 100joursde génocide.
« Une décision juste »
Personnage«flou», selon les termes mêmes de l’un de ses avocats,
Fabrice Epstein, Pascal Simbikangwa semble aussi avoir été largement emporté par ses mensonges,
ses revirements, ses ambiguïtés.
Les témoignages des quelques Tutsi qu’il a sauvés ont aussi joué un
rôle décisif. Certains ont vu des
armes dans sa demeure, d’autres
non, mais tous décrivent un homme puissant et influent auprès des
ouvriers de la mort.
A l’issue de cette dernière
audience, le couple Gauthier, du
Collectif des parties civiles pour le
Rwanda qui depuis plus d’une
décennie se bat pour faire juger les
génocidaires installés en France,
pouvaitenfin fairepart d’unesatisfaction longtemps attendue.
«C’estun précédentimportant.Partout où ils sont, les génocidaires ne
peuvent plus vivre dans l’impunité », déclarait Alain. « Ce n’est pas la
fin, c’est le début, mais c’est l’aboutissement de quelque chose, c’est
aussi la victoire de la justice », ajoutait son épouse, Dafroza, la voix
nouéeparl’émotion,avant dequitter les lieux sous les applaudissements de leurs proches et de leurs
soutiens. A l’extérieur, les yeux
embués,AuréliaDevos, la vice-procureure, chef du pôle crimes
contre l’humanité, se disait satisfaite d’« une décision juste ».
A la lecture du verdict, Pascal
Simbikangwa est resté impassible
derrière les épaisses vitres de son
box. Selon ses avocats qui ont
dénoncé « un procès politique», un
appel est plus que vraisemblable.
La justice française n’en a pas fini
avec le « capitaine» qui n’a pas vu
un cadavre pendant les 100 jours
de génocide. Ni avec les autres
Rwandais suspectés d’avoir participé au crime des crimes. Vingt-sept
dossiers attendent d’être jugés. p
Cyril Bensimon
Ce dimanche à 12h10
YOUSSOU NDOUR
Artiste international et ministre du Gouvernement sénégalais
répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE),
Sophie Malibeaux (RFI), Charlotte Bozonnet (Le Monde).
Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr
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international & planète
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
5
Le Liban menacé
de sécheresse
chronique
L’hiver, sec et très doux, a aggravé les pénuries
d’eau douce que connaît régulièrement le pays
Beyrouth
Correspondance
E
ntre les garageset les immeubles qui ont remplacé les
anciens champs de citronniers, à Jdeideh, une banlieue de
l’estdeBeyrouth,leterrainquiabrite le puits privé géré par Abdallah
ne paie pas de mine. L’homme et
ses deux associés y réalisent pourtant de bonnes affaires. Depuis son
bureau en préfabriqué, Abdallah,
qui préfère ne donner que son prénom,observeleva-et-vient,inhabituel pour la saison, des camionsciternes venus s’alimenter au
puits, dont l’eau est pompée à
45mètres de profondeur.
« L’an dernier, à la même période, j’avais entre cinq et dix clients
par jour. Cette année, jusqu’à trente camions-citernes se ravitaillent
quotidiennement pour fournir
compagnies et particuliers de Beyrouth », commente l’exploitant,
qui possède également deux
camions d’eau.
Car l’hiver, sec et très doux, a
aggravé les pénuries chroniques
d’eau douce que connaît le Liban,
avec des coupures particulièrement sévères l’été. Le recours des
Beyrouthins au secteur privé pour
remplir les citernes des toits de la
capitale– l’eaupotable esten majorité consommée en bouteille –
s’est donc accru. « La demande des
hôtels est constante. Celle des particuliers se concentre entre juin et
octobre. Mais, cette année, les
besoins ont explosé : mon activité a
tripléen février», attesteZiad Rachkidi, propriétaire de camionsciternes qui approvisionnent
Beyrouth et ses alentours.
Un réseau public vétuste
Réputé riche en eau mais
confronté à des problèmes de stockage, le Liban est desservi par un
réseau public vétuste et pollué,
dont les fuites sont évaluées à
40 %. L’alimentation des nappes
souterraines souffre en outre, cette année, du manque de précipitations. « Nous sommes à 400 mm de
pluie, soit environ 50 % de la
moyenne saisonnière. Il faut
remonter à l’hiver 1957-1958 pour
retrouver des précipitations aussi
faibles », indique Marc Wehaïbé,
chefdu départementmétéode l’aéroport de Beyrouth. Les récentes
averses de mars, qui ont donné
lieu à des chutes de neige en montagne, « permettront difficilement
de rattraper le déficit».
Plusieurs experts considèrent
que le Liban est menacé de sécheresse au cours des mois prochains,
pénalisant le secteur agricole
autantque les foyers. L’intensification du trafic de camions-citernes
A Beyrouth, en mai 2013. En février, le trafic de camions-citernes s’est intensifié dans les rues de la ville. KRISTIAN BUUS/IN PICTURES/CORBIS
témoigne déjà des difficultés.
D’après un rapport de la Banque
mondiale de 2003, moins de
700puits sont exploités par l’Etat,
alors qu’il existe près de
50 000 puits privés dans le pays,
dont 80 % sont illégaux. « Leur gestion est régie par des lois laxistes et
obsolètes,datant de la périodeottomane, quand les puits étaient
manuels, explique Roland Riachi,
auteur d’une thèse sur l’économie
de l’eau. Le secteur privé s’est développé avec la guerre civile
[1975-1990]. Dans les années
1960-1970, on ne comptait que
2000puitsprivés.Faceàladésagrégation de l’Etat et des services
durant le conflit, les Libanais ont
cherchéà assurer leur autonomie. »
Depuis, l’activité des distributeurs privés a perduré. « Ils participentà l’amenuisementdes ressources, en surexploitant les nappes
depuis des décennies, décrit
M. Riachi. Dans la région agricole
de la plaine de la Bekaa, des puits
pompent à plus de 300 mètres de
profondeur, contre 10 mètres dans
les années 1950. »
Malgré les gains engrangés cet
hiver, le secteur privé s’inquiète.
« S’il n’y a pas plus de précipitations, l’eau des puits se raréfiera
dès juin », redoute Ziad Rachkidi.
Abdallah, le gérant de la source de
Jdeideh, songe à augmenter ses
tarifs. Rempli pour environ 20 dollars (14 euros), un camion-citerne
de 30 m3 écoule d’ordinaire son
stock entre 100 et 120 dollars.
Face à la crise qui se profile, des
Libanais dénoncent le manque
d’anticipationde l’Etat.Des directives pour limiterle gaspillage(lavage des voitures, arrosage) ont été
envoyées aux municipalités, assure Fadi Comair, directeur général
des ressources hydrauliques et
électriques au ministère de l’énergie et de l’eau. Les agriculteurs
devraient aussi être rationnés.
« Avec le changement climatique,
la crise risque de se répéter dans le
futur. Cela rend d’autant plus
urgente une stratégie de gestion
durable de l’eau, défend
M.Comair. Nous avions élaboré un
plandécennalen 2000,maissa réalisation a été entravée par les difficultés politiques. Le Liban ne peut
pas vivre éternellement sur les
puits et les citernes.» p
Laure Stephan
peugeot.fr
(1)
S
E
L
R
U
S
E
M
MÊ
S
E
É
P
I
U
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SUR
Portes Ouvertes les 15 et 16 mars
(2)
Consommation mixte (l/100 km) : 208 Style : de 3,3 à 4,5 ; 3008 Style : 4,8 ; 5008 Style : 4,7. Émissions de CO2 (g/km) : 208 Style : de 85 à 104 ; 3008 Style : 125 ; 5008 Style : 124. (1) Sous forme d’un avantage
client minimum de 16,67 % sur le tarif TTC Peugeot conseillé du 03/03/2014, constitué d’une remise et d’une prime reprise d’un véhicule de plus de 8 ans destiné ou non à la casse. Offre non cumulable, réservée
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6
0123
international
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Boeing777disparu:
laMalaisieévoque
l’«actiondélibérée»
d’unepersonne
Les recherches du vol de Malaysia Airlines
se concentrent désormais sur l’océan Indien
L
l’Indonésie et le sud de l’océan
Indien ». Il se refuse, cependant, à
parler de « détournement » et
n’écarte « aucune possibilité» sur
les raisons qui ont pu conduire cet
avion à se volatiliser par une nuit
claire et sans émettre de signal de
détresse.
La Malaisie a annoncé samedi
qu’elle suspendait ses recherches
en mer de Chine méridionale.
Le chef de l’aviation malaisienne, le général Rodzali Daud, avait
indiqué, mercredi, que si les radars
militaires avaient bien détecté les
signauxd’unavionnon identifiése
dirigeant vers l’océan Indien, il
n’était pas « du tout certain » qu’il
s’agisse du Boeing.
Le vol MH 370 avait décollé de
Kuala Lumpur à 0 h 40 le samedi
8 mars, en direction de Pékin. A
1 h 22, les 227 passagers et les
12membres d’équipage, atteignent
l’altitude de croisière au nord de la
Malaisie et au sud-ouest du Vietnam. C’est à ce momentque l’avion
disparaît des écrans radars, au passage de témoin entre le contrôle
aérien malaisien et vietnamien,
dans la zone d’Igari. Le dernier
signal enregistré, déclare, jeudi, le
ministre malaisien des transports,
HishammuddinHussein,estsignalé à 1 h 07 et indiquait « que tout
était normal».
Dans l’appareil, 14 nationalités
différentessecôtoientmaisplus de
la moitié des passagers sont
chinois, 153. Quatre Français, une
emystèrequientoureladisparition le 8 mars du Boeing777
de Malaysia Airlines, serait-il
en voie d’être levé après sept jours
de folles rumeurs ? Critiquées,
notamment par leurs homologues
chinoises, pour leur gestion jugée
«chaotique» de la crise, les autoritésmalaisiennes,parla voixdupremier ministre, Najib Razak, ont
fourni, samedi 15 mars, de nouveaux éléments qui pourraient
étayerlathèsed’unpossibledétournement de l’appareil.
Le périmètre
des recherches
ne cesse de grandir
à mesure que
le mystère s’épaissit
Selon M. Razak, les « mouvements de l’avion [enregistrés pendant six heures après sa disparition des radars] sont compatibles
avec l’action délibérée de quelqu’un
à bord de l’avion». Cette personne,
expérimentée, sachant éviter les
radars civils, aurait donc pu prendre le contrôle du Boeing 777.
Le premier ministre malaisien
appuiesesdiressurlesrelevéseffectuésparunradarmilitaire.Lesdonnées satellites placent l’avion,
selonlui,dansdeuxcorridorspossibles: «Entre le nord de la Thaïlande
et le Kazakhstan ou entre le sud de
Zones de recherches initiales
Extension des zones de recherches
THAÏLANDE
Mer
Vers Pékin
Vendredi 14 mars :
d’Andaman
élargissement
des recherches
Mer de
Possibles corridors CAMBODGE
par la marine indienne
Chine
empruntés par l’avion
dans le Golfe
méridionale
du Bengale
Golfe de
Plan de vol
Iles Andaman
Thaïlande
habituel
Iles Nicobar
Détroit
de Malacca
Su
Océan Indien
at
ra
SOURCE : AFP
Kuala Lumpur (Malaisie)
Départ du vol pour Pékin
Samedi 8 mars à 0 h 40*
SINGAPOUR
m
300 km
Dernier contact radar
Samedi 8 mars 1 h 22*
* Heure locale
I N D O N É S I E
Dans le hall des départs à l’aéroport de Kuala Lumpur, le 13 mars. DAMIR SAGOLJ/REUTERS
mère, sa fille, son fils et la petite
amie de ce dernier reviennent du
Club Med de Cherating Beach, sur
la côte est de Malaisie. Le pilote,
ZaharieAhmadShah, 53 ans, compte 18 000 heures de vol. C’est un
foud’aviationquipossèdeunsimulateur de vol à son domicile. Son
copilote Fariq Abdul Hamid, 27 ans,
n’affiche que 2763 heures.
Les premières recherches sont
concentrées sur la zone d’Igari et
sont essentiellement conduites
par les Malaisiens et les Vietnamiens. En vain. Le périmètre exploré ne cesse de grandir à mesure que
l’énigme s’épaissit. Jeudi et vendredi, sans clairement donner d’explications,M.Hishammuddinannonce que les recherches s’étendent
vers l’est en mer de Chine méridionale, et vers l’ouest dans l’Océan
indien, soit un diamètre de mille
kilomètres. Vendredi soir, 57 navires et 48 avions de 13 pays sont
mobilisés pour trouver des traces
du vol.
Ce changement d’échelle
revient, selon le commandant
William Marks, de la 7e flotte américaine, interrogé par CNN, « à passer
d’un échiquier à un terrain de football».Lazone surveilléeest parcourue de routes maritimes très fréquentées et semée de nombreux
débris. Les traces de carburant, les
objets non identifiés, tout est sourced’espoirmaisnourritaussil’imagination.
Le périmètre est si large qu’un
site Internet américain spécialisé
dans l’imagerie spatiale, Tomnod.com,profitede l’occasionpour
sefaireconnaître,etinviteles internautes du monde entier à aider les
autorités.Deuxmillionsdepersonnes se prêtent au jeu. Ils mêlent
leurs interrogations à des témoignages directs comme celuide
Mike McKay, un néo-zélandais travaillant sur une plateforme pétrolière qui dit avoir vu un avion « en
feu, en un seul morceau » plonger
dans la mer de Chine méridionale.
Le Vietnam assurera n’avoir rien
trouvé aux coordonnées fournies
par l’intéressé.
Cetteorientationdesrecherches
versl’océanIndiens’inscrit,chronologiquement, après l’entrée en scène de sources américaines anonymes du Pentagone révélant l’existence de signaux émis par l’avion
« pendant plusieurs heures » après
sa disparition officielle. Une information, prudemment reprise, vendredi, par le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney : « D’après
ce que je comprends, sur la base de
nouvelles informations, pas nécessairementconcluantesmaisnouvelles,lazonedesrecherchesseraitélargie à l’océan Indien. » La Navy
déroute deux de ses bâtiments,
l’USSKiddetl’USSPinckneyverscette zone.
Les enquêteursaméricains, cités
sous couvertde l’anonymat,se fon-
dent sur le fait que des données
sont automatiquement transmises par les moteurs Rolls Royce, qui
équipent le Boeing disparu, dans le
cadre du système de communications ACARS. Ainsi, si les systèmes
radios ont pu être intentionnellement coupés à bord, ce système de
transmission automatique pourrait permettre de lever le mystère
sur la destination de l’avion.
«La faute n’est pas
imputable au
constructeur, l’avion
a continué d’émettre»
Antoine Hayem
pilote de ligne et instructeur
Ahmad Jauhari Yasha, directeur
delaMalaysiaAirlines,répond,vendredi, avoir interrogé Boeing comme Rolls Royce et qu’ils avaient
démenti avoir reçu ces données.
Excédé,il enchaînait, «je vous le dis,
une bonne fois pour toute, que la
dernière transmission d’informations remonte à 1 heure 07, samedi ». Le ministre des transports
malaisienrenchérissait:«RollsRoyce et Boeing sont ici, avec nous, à
Kuala Lumpur et travaillent avec
les enquêteurs, ces points n’ont
jamais été évoqués».
Antoine Hayem, pilote de ligne
et instructeur français, qui avait
évoqué,parmi les premiers,la piste
des sondes pitot pour expliquer le
crash, en 2009, de l’Airbus RioParis, ne s’étonne pas de cette
contradiction. « Si les Américains
sortent du bois, c’est qu’ils ont des
choses. Le système de communications ACARS de l’avion a parlé.
Boeingestdestinatairedesinformations émises par ses appareils. Ils
ontanalysé.Lafauten’estpasimputable au constructeur, l’avion a
continué d’émettre. » La Malaisie
disait que les ACARS avaient cessé
d’émettre. C’était faux. « La Malaisie a persisté à démentir pour des
raisons d’honneur national, dans le
passé, la France ou l’Egypte avaient
fait de même pour des cas similaires», poursuit M.Hayem.
Les autorités malaisiennes
n’ont cessé, de fait, d’ajouter à la
confusion. Pendant trois jours,
elles assurent que les bagages de
cinq passagers qui n’avaient pas
embarqué ont été déchargés avant
sondécollageavantd’ indiquerque
tous les passagers enregistrés ont
embarqué. Elles assuraient également que les familles qui affirmaient que les téléphones portablesdeleursprochessonnaienttoujours faisaientfausse route. Dansle
même temps, le consul général de
Kuala Lumpur, à Pékin, faisait le
tour, jeudi, des ambassadesconcernées par la nationalité des victimes
pour demander les numéros de
téléphones des disparus… p
Jacques Follorou
SLOVAQUIE
Lepremierministre,favori
de l’électionprésidentielle
BRATISLAVA. Les Slovaques se rendent aux urnes, samedi
15 mars, pour le premier tour de l’élection présidentielle dont le
favori est l’actuel premier ministre, Robert Fico, du Parti socialdémocrate (Smer-SD). M. Fico, un ancien communiste de 49 ans,
est l’un des quatorze prétendants. Sauf surprise, le premier tour
sera suivi le 29 mars d’un second tour qui devrait opposer, selon
les sondages, M. Fico à un millionnaire philanthrope, Andrej Kiska, 51 ans, un centriste sans parti.
L’acteur Milan Knazko, figure de proue de la « révolution de
velours» de 1989 qui a balayé le régime totalitaire, le jeune et
ambitieux avocat Radoslav Prochazka et l’ancien chef chrétiendémocrate du Parlement Pavol Hrusovsky briguent aussi la présidence. Si M. Fico, premier ministre entre 2006 et 2010 et depuis
2012, sort victorieux du scrutin, son parti contrôlera à la fois la
présidence, le Parlement et le gouvernement, une situation inédite depuis l’indépendance de la Slovaquie en 1993. – (AFP.) p
Centrafrique La mission militaire européenne
menacée, selon la France
PARIS. Le lancement d’une opération militaire de l’Union européenne (UE) en Centrafrique, prévue la semaine prochaine, pourrait ne pas avoir lieu, ont déploré, vendredi 14 mars, les ministres
français de la défense et des affaires étrangères. Dans une déclaration commune, Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius demandent
à l’UE d’« assumer ses responsabilités en matière de sécurité internationale. La France appelle vigoureusement ses partenaires à
s’en donner les moyens ». Les deux hommes ont estimé que « le
compte n’y était pas ». L’objectif de l’opération de l’UE est de
déployer de 800 à 1 000 militaires à Bangui au plus tard début
avril. – (AFP.)
france
0123
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
7
Débat sur l’éducation
au langage dès la crèche
Martine Aubry veut expérimenter à Lille une méthode
controversée, censée réduire les inégalités scolaires
des psychologuesaméricainsBetty
Hart et Todd Risley, l’a confortée
dans son intuition: il faut agir dès
la naissance. « Les auteurs expliquent qu’un enfant de 4 ans issu
d’unefamilleaiséeaentendu30millions de mots de plus que s’il était né
dans une famille pauvre, dit-elle.
C’est d’une évidence absolue.»
Le Carolina Abecedarian a été
mis au point il y a quarante ans aux
Etats-Unis. Son principe est de proposer des activités de stimulation
Au Québec, des
bénéfices ont été mis
en évidence:
meilleure réussite
scolaire, emplois
plus qualifiés...
des enfants: interactions verbales
très fréquentes, programmes densesdejeuxéducatifs,séancesquotidiennes de lecture interactive
d’imagiers, prise en charge individualisée, etc.
« C’est un programme qui a fait
sespreuvesdansl’éveilet ledéveloppement de l’enfant, affirme Gilles
Vaillancourt,responsablede la formation à la méthode Jeux d’enfantsau Québec. On leurapprend à
apprendre. La parole prend une
place fondamentale dans cette
approche. » Des bénéfices à long
terme ont été mis en évidence sur
une centaine d’enfants issus de
milieuxmodestes: meilleureréussite scolaire, emplois plus qualifiés, moins de consommation de
cannabis et de grossesses adolescentes. Au Québec, un tiers de
l’équivalentdes assistantesmaternelles a été formé.
LerapportdeTerraNovaciteégalement en exemple le Parler bambin, lancé à Grenoble et adopté à
Lille dans une dizaine de structures, qui repose sur la mise en place
d’ateliers de langage pour les
enfants qui ne parlent pas ou peu à
24 mois, et a montré des progrès
« significatifs » dans l’étendue du
vocabulaire et la longueur moyenne des phrases des enfants.
Ces programmes et la promotion qu’en fait Terra Nova suscitent
cependant des interrogations. Bernard Golse, chef du service de
pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades, n’hésite pas à
parler de « miroir aux alouettes ».
Première critique : les résultats
spectaculaires de Jeux d’enfants
ontétémisen évidencesur unpetit
nombredepersonnes,quiontgrandi dans un contexte précis (aux
Etats-Unis il y a quarante ans) et
n’ont pas été répliqués sur des
échantillons plus importants.
Mais la réserve majeure porte
sur l’approche jugée trop simplis-
Un centre de la petite enfance appliquant le programme Jeux d’enfants, au Québec, en 2010. SURUN/TENDANCE FLOUE
te de ces méthodes. « Le langage,
ça ne s’apprend pas, ça se construit,
résume Anne Masson, orthophoniste à Marseille. Il se tisse dans
une relation avec l’autre. » « C’est
une acquisition qui a lieu dans l’intimité des familles, en lien étroit
avec la personne qui procure les
soins corporels », argumente
Evelyne Lenoble, responsable du
Centre de référence des troubles
du langage des enfants à l’hôpital
Sainte-Anne à Paris.
Les « petits parleurs» ne se rencontrent en outre pas seulement
dans les milieux défavorisés le
plus souvent ciblés par ces programmes (ce n’est pas le cas à
Lille). « Un environnement familial
non sécurisant peut entraver l’entrée dans le langage, quel que soit
le milieu, estime Pierre Suesser,
président du Syndicat des médecins de protection maternelle et
infantile.Desparents aiséssuroccu-
pés peuvent n’avoir que peu
d’échanges avec leurs enfants. »
Les promoteurs se défendent de
tout«bourragedecrâne».Lastimulation renforcée d’enfants qui,
avant3ans,sontde «grandsbébés»
inquiète cependant M.Suesser. «Le
rythme de chaque enfant doit être
respecté», affirme-t-il. Les pauses,
les temps de rêverie sont nécessaires, selon lui. « Le langage naît dans
le plaisir de celui qui parle et de celui
qui écoute, renchérit M. Golse. Il ne
suffit pas de tirer sur la corde pour
que ça avance plus vite. »
L’écueil serait que les mots
appris à la crèche soient « récités»
par les enfants quand on le leur
demande, sans être assimilés ni
répétés spontanément. « En attirant l’attention sur la compétence
langagière, on risque de créer une
anxiété de l’enfant sur sa propre
parole, affirme en outre Sylviane
Giampino, fondatrice de l’Associa-
tion nationale des psychologues
pour la petite enfance. Cela peut
être contre-productif.»
A Lille, une évaluation de l’expérimentationestprévueen lienavec
des universitaires. Les spécialistes
de la petite enfance réclament de
leur côté un débat sur ces programmes et mettent en avant d’autres
pistes pour réduire les inégalités
scolaires, en particulier le soutien
aux parents et l’amélioration du
taux d’encadrement dans les crèches, afin que les adultes puissent
avoirdesrelationsplusindividualisées avec les enfants.
La réécriture du décret Morano
sur l’accueil de la petite enfance est
justement en cours. Mais le taux
d’encadrement (un professionnel
pour cinq enfants qui ne marchent
pas et un pour huit qui marchent)
ne devrait pas être modifié. p
Gaëlle Dupont
et Laurie Moniez (à Lille)
“UNE ŒUVRE ASSEZ MIRACULEUSE CAR À LA FOIS UNIVERSELLE
ET D’UNE INVENTIVITÉ SANS LIMITES.”
LE FILM DU MOIS - ★★★ - PREMIÈRE
“UN PETIT CHEF-D’ŒUVRE DE FINESSE ET DE SENSIBILITÉ.”
TÉLÉ CINÉ OBS
“AUSSI BRILLANT QUE PROFONDÉMENT ÉMOUVANT.”
★★★★
ROLLING STONE
“UN DES PLUS GRANDS FILMS DE L’ANNÉE.”
★★★★
STUDIO CINÉ LIVE
“DRÔLE ET VIRTUOSE.”
LES INROCKUPTIBLES
JOAQUIN PHOENIX
AMY ADAMS
ROONEY MARA
OLIVIA WILDE
ET
SCARLETT JOHANSSON
ET DÈS AUJOURD’HUI EN AVANT-PREMIÈRE PRÈS DE CHEZ VOUS
(liste des séances sur www.facebook.com/HER.lefilm)
CRÉDITS NON CONTRACTUELS
S
i Martine Aubry est réélue
aux municipales, Lille sera la
première ville française à
expérimenter une méthode qualifiée de «spectaculaire» pour réduire les inégalités scolaires, mais également contestée par certains spécialistes de la petite enfance : le
Carolina Abecedarian (adapté au
Québec sous le nom de Jeux d’enfants). La maire de Lille l’a annoncé
au cours de sa campagne.
Cette méthode a le vent en poupe: le think tank proche des socialistes Terra Nova en fait la promotion en janvier dans un rapport.
Son credo : les lieux d’accueil de la
petite enfance doivent être davantage ouverts aux milieux modestes et devenir un lieu éducatif à
part entière.
L’objectif est de réduire des inégalités qui se creusent dès les premiers mois de vie, en particulier
dans l’acquisition du langage, et
qui auront un impact sur la réussite scolaire. Ce sont les auteurs de ce
rapport qui ont convaincu
Mme Aubry d’expérimenter Jeux
d’enfants dans deux crèches et un
relais d’assistantes maternelles à
Lille, à partir de septembre.
Laquestiondes inégalitésscolaires taraude Mme Aubry depuis longtemps.LalecturedeTheEarlyCatastrophe [«La catastrophe précoce»,
étude parue dans la revue American Educator au printemps 2003],
8
0123
france
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Des listes FN présentes dans 87 départements en 2014
Hautsde-Seine
1995
30
Paris
23 20
SeineSt-Denis
25
Val-de-Marne
Côtesd'Armor
Orne
Ille-etVilaine
Morbihan
Sarthe
Maineet-Loire
LoireAtlantique
Marne
Aube
Loiret
Loir-etCher
Haute- Vosges
Marne
HauteSaône
Côted'Or
Yonne
Indreet-Loire
Nièvre
Cher
Vendée
Présence de liste(s) FN
dans le département
Deux- Vienne
Sèvres
Charente
Aucune liste FN
40
20
10
1
Puy-deDôme
Corrèze
10
Nombre de listes FN
par département
Les cercles sont proportionnels
au nombre de listes. A partir de dix,
le nombre de listes est précisé.
HauteVienne
Cantal
Dordogne
Gironde
Landes
PyrénéesAtlantiques
HautesPyrénées
HauteGaronne
Ariège
Rhône
Savoie
HauteLoire
Ardèche
Aveyron
Tarn
14
27
Lot
Lot-etGaronne
Tarn-etGers Garonne
Terr. de
Belfort
HauteSavoie
Ain
Loire
Haut-Rhin
Doubs
Jura
Saône-etLoire
Allier
Indre
Creuse
CharenteMaritime
10
Bas-Rhin
Meuse Meurtheet-Moselle
d
c
Loir
2001
Moselle
16
b 11
14
Eure-eta
Mayenne
20
Ardennes
Aisne
Oise
Eure
Calvados
Finistère
a - Val-d'Oise
b - Yvelines
c - Essonne
d - Seine-et-Marne
20
Somme
SeineMaritime
Manche
Nord
Pas-de-Calais
Lozère
Hérault
PyrénéesOrientales
Isère
Vaucluse
Gard
Aude
Drôme
23
Bouchesdu-Rhône
HautesAlpes
Alpes-deHauteProvence
13
AlpesMaritimes
10
13
Var
HauteCorse
Corsedu-Sud
Municipales: leFrontnational étend ses territoires
Saufenbanlieueparisienne,le partid’extrêmedroitearenforcésonancragedepuis1995,avecunrecordde596listes
L
e Front national a (presque)
réussi son premier pari :
transformer aux élections
municipales, en termes d’implantation, l’essai de Marine Le Pen à
l’élection présidentielle de 2012.
Avec 596 listes validées, il dépasse
largement son record historique
de 512 listes en 1995 et conforteainsi son ancrage territorial.
Après les deux scrutins municipaux de 2001 et de 2008, lors desquels les conséquences de la scission avec les mégrétistes ainsi que
ses déboires financiers l’avaient
contraint à réduire la voilure
(200listes en 2001, 119 en 2008), le
FNse retrouvedenouveauensituation de jouer le rôle d’arbitre dans
de nombreuses villes. S’il ne peut
espérer conquérir, tout au plus,
qu’une douzaine de municipalités
– ce qui serait déjà pour lui un succès sans équivalent –, le parti vise
aussi et surtout un objectif d’un
millier de conseillers municipaux.
Le nombre de villes où il sera en
mesure de se maintenir au second
tour, en duel, en triangulaire ou
plus, sera un des enjeux majeurs
de ces élections municipales.
D’ores et déjà, cependant, ce qui
est notable, c’est la nouvelle cartographie du parti d’extrême droite.
Notre étude porte sur les villes de
plus de 10 000 habitants (plus de
15 000 habitants dans le Nord et
en Ile-de-France), soit 439 listes en
1995 et 583 en 2014 (arrondissements et secteurs de Paris, Lyon et
Marseille inclus).
Un net effondrement dans la proche banlieue parisienne Si on
compare les zones d’implantation
du FN entre 1995 et 2014, le plus
spectaculaire est son affaissement
dans la région parisienne, et plus
particulièrementdans les départements de la petite couronne. En
1995, outre Paris, le FN présentait
23 listes dans les Hauts-de-Seine,
25 dans le Val-de-Marne et 30 en
Seine-Saint-Denis. Les anciennes
« banlieues rouges », minées par
les fermetures d’usines, des taux
dechômagesupérieursà lamoyenne nationale, la ghettoïsation et la
dégradationdu cadrede vie, apportaient au parti d’extrême droite
quelques-uns de ses meilleurs scores : 31,6 % à Clichy-sous-Bois,
28,4 % à Bondy, 26,4 % à Pierrefitte,
26,1% à Stains, 24,4 % à Saint-Denis
ou au Blanc-Mesnil, 24,3 % à
Sevran… Cela rien que pour la Seine-Saint-Denis.
Aujourd’hui, dans ce département, le FN ne présente plus que
2listes,àNoisy-le-Grandetà Rosnysous-Bois. Un repli qui traduit probablement une profonde mutation sociologique en vingt ans. Le
recul du FN dans la petite couronne, s’il estmoins marqué, se confirme aussi dans les Hauts-de-Seine,
où il ne présente que 8 listes, et
dans le Val-de-Marne, avec 11 listes.
Ce décrochage reflète un déplacement de l’implantation du FN vers
les secteurs périurbains et ruraux.
Ce phénomène s’observe aussi,
dans une moindre mesure, dans le
Rhône, où le FN obtenait aussi des
scoresélevés (35,2 % à Villefranchesur-Saône, 35,5 % à Saint-Priest,
31 % à Vaulx-en-Velin, 28 % à SaintFons, 27,5 % à Vénissieux…). Sa présencedans cedépartementest passée de 27 à 22 listes.
Un maillage territorial quasi
généralisé Rares sont les départe-
ments métropolitains où le FN ne
présente pas de liste : 9 seulement
(Gers, Lot, Corrèze, Cantal, Lozère,
Hautes-Alpes, Haute-Corse, HauteSaône et Jura). Il comble ainsi les
poches où il était absent du terrain
municipaldansl’ouestdelaFrance.
Outre-mer, en revanche, le FN n’a
réussiàbouclerque5listesàLaRéunion et une en Nouvelle-Calédonie.
Incontestablement, cependant,
le FN parvient à marquer l’extensionde son domaineélectoral.Géographiquement mais aussi en renforçant de manière significative
ses zones de force. Tout d’abord
dans le pourtour méditerranéen.
Dans l’Hérault, il passe ainsi de
7 listes, en 1995, à 25 en 2014 ; dans
le Gard de 7 à 12 ; dans les Bouchesdu-Rhône de 23 à 30 ; dans le Var de
13 à 34 ; dans les Alpes-Maritimes
de 13 à 20.
L’autreprogressionspectaculaire de son implantation se situe
dans le Nord-Pas-de-Calais. Le FN
présentait20 listes dans le Nord en
1995 ; il en a bouclé 29 cette année.
Dans le Pas-de-Calais, c’est encore
plusimpressionnantpuisqu’ilpasse de 7 à 26 listes, concrétisant ainsi sa méticuleuse stratégie de densification à partir de son fief d’Hénin-Beaumont.
Il enregistre également de notables progrès en Seine-Maritime,
département où se présente un de
ses experts électoraux, Nicolas
Bay, avec 20 listes déposées,
contre7 en 1995. Ainsiqu’en Moselle, départementoù se présenteFlorianPhilippot,le brasdroitde Marine Le Pen, à Forbach. La progression est cependant moindre, de
8 listes en 1995 à 12 listes,sans commune mesure avec ce que pouvaient lui laisser espérer les scores
obtenus par la présidente du FN à
l’élection présidentielle.
Un nombre de listes inférieur à
son potentiel électoral Reste tou-
tefois que le FN n’est pas parvenu
totalement à remplir les objectifs
qu’il s’était fixés au vu des résultats de l’élection présidentielle.
Ainsi, sur les 255 villes de plus de
10 000 habitants où Marine Le
Pen avait recueilli en 2012 plus de
20% des suffrages, il n’est parvenu
à constituer une liste que dans 144
d’entre elles. Si l’on s’arrête aux
25 villes où elle avait obtenu plus
de 30 %, le FN sera représenté aux
municipales dans 18 communes.
Un résultat balancé, par conséquent,pourleparti d’extrêmedroite. S’ilconcrétiselargementsa stratégie d’implantation et de formation d’une nouvelle génération de
cadres locaux, il se heurte encore à
d’importantesdifficultéspourparvenir à transformer son influence
d’idées en offre électorale. p
Patrick Roger
L’éclatementde la droite pourrait profiter
à l’extrême droite à Villers-Cotterêts
Villers-Cotterêts (Aisne)
Envoyé spécial
Cela pourrait être l’une des surprises du premier tour des élections
municipales. Villers-Cotterêts
(Aisne), 10 000 habitants, est
l’une de ces communes « gagnables» par le Front national. Beaucoup d’éléments sont réunis pour
voir Franck Briffaut, le candidat
du parti d’extrême droite, arriver
en tête au soir du 23 mars dans la
ville natale d’Alexandre Dumas :
une équipe socialiste sortante un
peu usée et dont Franck Briffaut
compte attirer les déçus, une droite divisée en trois listes et un FN
implanté qui a réuni plus de 31 %
des voix au premier tour des législatives de 2012. Lors de la présidentielle, Marine Le Pen y a d’ailleurs
devancé Nicolas Sarkozy.
Ces résultats, c’est en grande
partie grâce à Franck Briffaut que
le parti d’extrême droite les
obtient. M. Briffaut est un militant « à l’ancienne». Il a adhéré en
1977 au FN, quand ce n’était qu’un
groupuscule radical, né cinq ans
plus tôt de la volonté des néofascistes d’Ordre nouveau.
De son mentor Jean-Pierre Stirbois – artisan de la percée du parti
de Jean-Marie Le Pen à Dreux
(Eure-et-Loir) en 1983 –, il a conservé l’obsession de l’implantation.
« C’est ce qu’il faut faire. Quand un
arbre n’a pas de racines, il tombe à
la première tempête», justifie-t-il.
Conducteur de travaux dans le
génie militaire, cet ancien du
6e RPIMA s’est installé à VillersCotterêts en 1988. Elu en 1998 au
conseil régional, il est candidat à
chaque élection municipale
depuis 1995. C’est dire si les habitants le connaissent. Plutôt avenant, souriant et bavard, Franck
Briffaut a un débit rapide.
«J’ai toujours voté
Le Pen, père ou fille.
Leurs idées, c’est la
vérité », lâche une
Antillaise de 60 ans,
sympathisante FN
Intarissable sur les problèmes
de la ville, il met en avant le fait
qu’il travaille tous les jours dans
le Val-de-Marne, et qu’il connaît
donc les problèmes de ces «pendulaires» qui font quotidiennement
l’aller-retour vers la capitale ou
vers l’aéroport de Roissy, gros
pourvoyeur d’emplois. « L’emploi
local est marginal. Et dans le
même temps, la population de la
ville augmente du fait de la périurbanisation. Cela génère des tensions», explique-t-il.
L’une des clés de l’élection sera
l’attitude des trois listes de droite.
Isabelle Vasseur, qui conduit une
de ces listes, en binôme avec Yves
Richard, cherche à dédramatiser.
« Mes deux adversaires sont le FN
et la gauche. A droite, nous avons
des concurrents, insiste cette
ancienne députée (UMP) de la circonscription entre 2007 et 2012.
Cela peut être des réservoirs de
voix, voire de fusion de listes. »
Le candidat du FN fait, lui, campagne sur l’insécurité et l’emploi.
Des thèmes au cœur des préoccupations de la population et qui ici
emportent l’adhésion. « Je ne veux
pas voir la Seine-Saint-Denis arriver à Villers-Cotterêts. J’ai quitté
Saint-Denis à cause de l’insécurité », lâche une Antillaise de
60ans. Sympathisante de longue
date du FN, elle affirme avoir «toujours voté Le Pen, père ou fille.
Leurs idées, c’est la vérité ».
Beaucoup de gens croisés sont
méfiants et refusent de parler à la
presse. Et quand ils acceptent,
c’est sous la stricte condition de
l’anonymat.
Franck Briffaut, le candidat du FN à Villers-Cotterêts (Aisne), le 6 mars. CYRIL BITTON/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
Ainsi cet homme de 51 ans, qui
travaille à Roissy-Charles-de-Gaulle comme agent de piste. « Je pense que je vais voter pour M. Briffaut », confie-t-il, mettant en
avant « l’insécurité, les incivilités,
le communautarisme dans les
cités». Il parle aussi de sa fille de
20 ans, obligée de partir de sa cité
car « elle était harcelée par des
gamins de 13-14 ans ». « Ma fille
aussi, elle a viré FN ! », s’exclame-t-il en guise d’au revoir.
Nombreux sont aussi les déçus
de la gauche au pouvoir. Ils réclament « du changement». Et pour
eux, cela s’incarne dans le FN. Résignés, ces Cotteréziens sont persuadés que, « de toute façon, ça ne
peut pas être pire ».
Un autre électeur de 68 ans, lui,
se dit de gauche et jure qu’il vote
socialiste tout le temps. Sauf cette
fois-ci. « Il y a trop de gens que l’on
n’aime pas, il y en a trop partout»,
lance-t-il, elliptique. Qui donc?
« Vous le savez très bien… »,
répond-il sans plus de précisions.
Lui n’est pas déçu du gouvernement. Mais quand il parle de sa ville, la sentence tombe : il veut
« une alternative». p
Abel Mestre
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2008
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A l’automne 2013, Laurent Lopez avait ravi
le canton à la gauche
L
es élections à Brignoles (Var)
« sont devenues un événement planétaire », s’agace
Claude Gilardo, maire communiste de cette cité de 16000 habitants.
Après l’élection le 13 octobre 2013
du frontiste Laurent Lopez à l’issue
d’une cantonale partielle, la ville
semble avoir retrouvé son calme.
Les camions à antennes paraboliques ont quitté le centre, les hordes
de journalistes, «dont des Russes et
des Canadiens », s’en sont retournés, souffle le maire. Reste le nouveau conseiller général : Laurent
Lopez n’a pas quitté ses habits de
candidat. Il compte transformer
son premier essai électoral et offrir
la mairie au FN.
Négligé par les états-majors, le
résultat de la cantonale partielle a
eu l’effet d’un électrochoc. Divisée
il y a quelques mois, la gauche locale a été priée de former une liste
unie.Communistesetsocialistesse
sont rangés derrière Jean Broquier,
conseiller municipal sortant non
encarté.A la baguette, Claude Gilardo, qui conserve une place éligible
sur la liste, mais passe doucement
la main : « A 79 ans, j’ai un peu
moins d’énergie.»
A droite aussi, le mot d’ordre est
de faire front et de mettre fin à l’hémorragie de l’électorat vers l’extrêmedroite.Aprèsdehouleusesnégociations, UDI et UMP brignolais se
sont accordéespourfaire liste commune dès le premier tour.
A la tête de cette liste, Josette
Pons, députée UMP du Var. Raillée
par sesadversairespour sonnomadisme électoral, la parlementaire
est aussi vice-présidente du
conseil général. Elle a été maire de
Saint-Cyr-sur-Mer puis du Beausset avant de candidater à Brignoles. « Elle veut devenir l’héroïne qui
a terrassé la bête immonde du FN
et quitter la ville une fois l’élection
terminée», ironisele candidatfrontiste. Mme Pons l’admet : hors de
question de quitter sa ville de
Saint-Cyr-sur-Mer. Mais en cas de
victoire, elle promet de louer un
appartement en ville.
L’élection municipale sera donc,
dès le premier tour, une triangulaire. Pour faire barrage à Laurent
Lopez,quis’estimposéavecplusde
53 % des voix lors de la cantonale
brignolaise, Jean Broquier, candidat de la gauche, se dit prêt à retirer
30
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34
A Saint-Gilles, Gilbert Collard
n’a «pas besoin de faire campagne»
A Brignoles,le candidat
frontisteveutrééditer
soncoupd’octobre
Brignoles (Var)
Envoyé spécial
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SOURCE : LE MONDE - INFOGRAPHIE LE MONDE
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Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
sa liste et à appeler à voter pour la
candidateUMP,danslecasoùilarriverait derrière elle au premier tour.
En échange, « je lui demande d’appelerà voter pourmoi dansle cas où
je la devancerais», poursuit-il. « Si
Josette Pons déclare dès maintenant qu’elle appellera à voter à gauche, elle se fera carboniser par son
électorat!», s’esclaffe de son côté le
candidat frontiste.
Soucieusede ne pas envoyer son
électorat dans les bras du candidat
FN, la parlementaire est contrainte
à des circonlocutions: « Si ma liste
arrive en troisième position, je me
retirerai et je demanderai aux électeurs de voter républicain. Mais, je
ne peux quand même pas appeler à
voterpour des communistes.Toutefois, la mairie sortante a des valeurs
républicaines que le candidat Front
national n’incarne pas.»
A gauche, on compte sur une
remobilisation de l’électorat après
la Berezina de la dernière cantona-
Négligé par
les états-majors,
le résultat de la
cantonale partielle
en 2013 a eu l’effet
d’un électrochoc
le. Des centaines de personnes se
seraient inscrites sur les listes électorales lors du dernier trimestre
2013, selon le cabinet du maire.
Quant à une sanction locale de la
politiquedugouvernement,elle ne
s’appliquerait pas à Brignoles,
selonClaudeGilardo:«Celafaitcinquante ans que je suis communiste,
et tout le monde ici sait le peu d’estime que j’ai pour les socialistes! »
Laurent Lopez n’a, pour sa part,
pasàforcerletrait.Surlegrandmarché de Brignoles, ils sont peu nombreux à refuser ses tracts. D’une
élection à l’autre, les thèmes de
campagne n’ont pas changé: lutte
contre la paupérisation, le chômageet l’insécurité.Lors de ladernière
séance plénière du conseil local de
sécurité mi-décembre 2013, RaymondYeddou,sous-préfet,arappelé : « Le sentiment d’insécurité ressenti à Brignoles n’est pas corroboré
par les statistiques. J’en conclus que
certains clichés sont complaisamment entretenus. » On ne change
pas une martingale gagnante. p
Eric Nunès
En 1989, la ville du Gard avait été la première de plus de 10000 habitants gérée par un maire FN
Saint-Gilles (Gard)
Envoyé spécial
N
ul doute que Marine Le Pen
fera salle comble à SaintGilles (Gard), lundi 17 mars.
Les supporteurs de la présidente
du Front national ne manquent
pas dans cette ville de 15 000 habitants qui l’avait placée en tête au
premier tour de la présidentielle
de 2012, avec 35,3 % des suffrages.
Et qui, dans la foulée, avait largement contribuéà offrir au Rassemblement Bleu Marine (RBM) l’un
de ses deux sièges de députés: Gilbert Collard avait obtenu 53,5 %
des voix sur la commune, soit plus
dedixpointsdemieuxquesonscore dans l’ensemble de la circonscription.
Vingt-cinq ans après être devenue la première ville de plus de
10000 habitantsgérée par unmaire du Front national (de 1989 à
1992), Saint-Gilles pourrait bien
basculer de nouveau à l’extrême
droite. Les ingrédients sont là. Elu
en 2010 à la faveur d’une division
de la droite lors d’une municipale
partielle, le maire PS, Alain Gaido,
65 ans, énumère quelques caractéristiques d’« une ville de misère » :
un taux de chômage de 25 % ; les
demandeurs d’emploi « les moins
formés » du Languedoc-Roussillon ; le « record régional » de
consommation de psychotropes.
A quoi s’ajoutent des tensions
communautaires et une délinquance face à laquelle, convient le
maire, « il y a des progrès à faire».
Dans un tel contexte, M. Collard
peut, comme ce vendredi 14 mars
au matin, se contenter de s’installer tranquillement à la terrasse
d’un bistro, distillant quelques
conseils de tous ordres à ceux qui
s’approchent pour le consulter.
« La campagne ? Quelle campagne? Je n’aipas besoin de faire campagne, la situation s’en charge »,
dit-il.
D’un geste, il montre « l’emblématique» façade délabrée du café
des Arts, où des Français d’origine
maghrébine ont l’habitude de se
retrouver. Pêle-mêle, il évoque les
insultes proférées par « les trente à
quarante personnes qui foutent la
merde», l’abbatiale à restaurer, les
cambriolages, un « ras-le-bol pas
quantifiable», ainsi que sa volonté
de « rétablir un peu d’ordre » et de
«relancerle tourisme» en cetteporte de la Camargue.
Bref, l’avocat médiatique, qui
n’aime rien tant que les projec-
teurset lescoups d’éclat,se contente ici d’un service minimum. Parce
que la mairie de Saint-Gilles n’est
certainement pas à la hauteur de
ses ambitions, et parce qu’il est sûr
de son fait. Lui dit-on que le FN fait
de bons scores dans la commune,
il s’empresse de rectifier : « C’est
Collard qui fait de bons scores. »
Et c’est le même qui pourrait en
ce terrain conquis perdre des
points, tant son ego semble le
pousser à faire le vide autour de
lui. Son bilan, à ce titre, est impressionnant.
Lui dit-on que le FN
fait de bons scores
dans la commune,
l’avocat s’empresse
de rectifier:
«C’est Collard qui fait
de bons scores»
Si Marine Le Pen fera salle comble, lundi, au moins trois personnes,et non des moindres,manqueront à l’appel : les trois derniers
directeurs de campagne de l’avocat, qui ont en commun d’avoir
exercé cette fonction et d’en être
sortis passablement écœurés.
Venir lundi ? « Oh, non, sûrement pas ! Je n’ai rien à faire
là-bas », répond Patrick Fernandez. Militant au FN depuis près de
trente ans, candidat à toutes les
municipales à Vauvert (commune
limitrophesituéeà l’ouestde SaintGilles) depuis la fin des années
1980, Patrick Fernandez avait proposé ses services à Gilbert Collard
pour préparer les élections législatives de 2012.
Selon son récit, après la victoire,
le ton a changé. L’avocat, qui lui
avait précédemment fait miroiter
un poste d’attaché parlementaire,
l’aurait accusé d’avoir transmis
des informations à la candidate du
Parti socialiste. D’autres accusations ont suivi. Puis un licenciement. M. Fernandezindique qu’il a
été hospitalisépendantunesemaine, début 2013, après avoirtenté de
mettre fin à ses jours.
Venir lundi ? « Non. Je ne veux
mettre personne mal à l’aise », dit
Philippe Asencio. Ex-responsable
régional du syndicat FO pénitentiaire, ce quadragénaire a dirigé la
campagne de Gilbert Collard pendantquatre mois,jusqu’à la violente agression dont il a été victime
dans un bar de Saint-Gilles, le
10 novembre 2013. Il a d’abord été
soutenu, puis tenu à l’écart, avant
d’avoir, dit-il, le sentiment d’être
abandonné. Début février, il a fait
savoir qu’il arrêtait la campagne.
Le quotidien Midi libre a alors
relevé un message qu’il avait posté sur son compte Facebook, où il
soulignait que cette campagne lui
avait « coûté la santé et beaucoup
d’argent». Il y déplorait également
que seuls« 6 % des colistierss’investissent pour leur commune », tandis que « 94 % des personnes» viendraient « pour l’argent et le pouvoir».
« Syndrome
post-traumatique », avait répliqué Gilbert Collard. Le député remet aujourd’hui
en cause la version de l’agression
subie par quelqu’un qu’il qualifie
de « jusqu’au-boutiste». « On m’a
dit qu’il avaittenu des propos racistes », indique M. Collard.
Venir lundi? « Bien sûr que non.
Jene me sens pasen sécuritéà SaintGilles », répond à son tour Alfred
Mauro. Ami de vingt ans de M. Collard, cet ancien restaurateur marseillais, organisateur de salons littéraires, avait succédé à Philippe
Asencio comme directeur de campagne. Il vient lui aussi de jeter
l’éponge avec fracas.
Dans un premier temps, il avait
posté ce message sur Facebook :
« Mes amis, je pars. Je ne peux plus
travailler avec un homme qui a un
surmoi démesuré, qui méprise ses
collaborateurs et qui donne raison
au dernier qui parle. Il se prend
pour Machiavel mais se comporte
commeTrissotin[du nomd’unpersonnage vaniteux de Molière]. »
Le ton est encore monté lorsque
M. Collard a publiquement affirmé avoir pris l’initiative de
« virer » son directeur de campagne après avoir « reçu une lettre
anonyme » lui apprenant qu’il
avait été condamné « pour abandon de famille et pour violences
envers les forces de l’ordre».
« Non-paiement de pension alimentaire » – une affaire qui doit
être jugée en appel – et « altercation verbale datant d’une dizaine
d’années», a dû préciser M. Mauro.
Ulcéré, M. Mauro était intarissable, jeudi 13 mars, sur cet « enfant
gâté qui a horreur d’être quitté », et
qui « vous larguerait aux chiens
pour garder une chemise ». Sophie
Legoff, jeune épouse de M. Mauro,
que Gilbert Collard avait choisie
comme mandataire financier, a
également demandé à être démise
de ses fonctions.
Laliste Collardva-t-ellel’emporter ? « J’ai bien peur que oui… »,
répond M. Mauro, qui y figure en
5e position. p
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Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Voile: après dix ans
d’interdiction, de
nouvelles tensions
La loi de 2004 a fait disparaître les foulards des
écoles, mais a accru les crispations dans la société
Analyse
A
près quinze ans de débats
ouverts en 1989 par la présencede jeunes filles musulmanes voilées dans un collège de
Creil (Oise), la France promulguait,
le 15mars 2004, la loi interdisant le
port de signes religieux ostensibles
dans les établissements scolaires.
Si ce texte visait à préserver la neutralité religieuse dans les collèges
etlycées,àfairedisparaîtredesclasses et des préaux les foulards des
musulmanes ou les turbans des
sikhs, à désamorcer certaines des
tensions liées aux revendications
identitaires dans l’école, alors l’objectif est atteint.
Comme l’a rappelé l’Observatoiredelalaïcitédanssonpremierrapport d’étape en juin 2013, cette loi
est respectée. Alors qu’à la rentrée
2004-2005, 639 cas d’élèves en
infraction avec le texte étaient
encore répertoriés, ils n’étaient
plus que 3 – dont un sikh– à la rentrée scolaire suivante. Depuis
2008, les recours contre des décisions d’exclusion prononcées pour
des atteintes de ce type à la laïcité
ont totalement disparu. Dès la première année d’application, près de
90 % des élèves concerné(e)s
avaientacceptéde retirerleursigne
religieux. 96 élèves avaient quitté
l’établissement pour l’enseignement privé ou à distance, et
47avaient été exclu(e)s.
Aujourd’hui, le principe défendu par ce texte fait l’objet d’un quasi-consensus, à l’exception de quelques cercles militants qui en
demandentl’abrogation.Endécembre 2013, la véhémence des réactionslorsdelapublicationd’unprérapportsur l’intégrationqui suggéraitderevenirsurcetteloiadémontré qu’elle faisait en quelque sorte
partie du patrimoine national.
Même la Cour européenne des
droits de l’homme l’a confortée.
En revanche, si le but de la loi
était de dissuader les jeunes filles
mineures de porter le foulard islamique, de faire barrage au communautarisme ou de limiter les tensions sur ce sujet dans la société, le
bilan est plus mitigé. Chaque jour,
des collégiennes et des lycéennes
retirent leur voile devant les grilles
de leur établissement, sans pour
autant avoir renoncé à ce qu’elles
considèrent comme un élément de
leur pratique religieuse ou de leur
identité. L’affichage d’une culture
Vingt-cinq ans de polémiques
1989 Trois collégiennes voilées
sont exclues de leur établissement à Creil (Oise). Face aux tensions, le ministre de l’éducation,
Lionel Jospin, saisit le Conseil
d’Etat, qui estime que le port de
signes religieux n’est pas « en soi
incompatible avec la laïcité ».
2003 Après des années de
contentieux, le chef de l’Etat, Jacques Chirac, charge Bernard Stasi de diriger une commission sur
l’application du principe de laïcité. Elle préconise, entre autres, de
légiférer pour interdire les signes
religieux « ostensibles » à l’école.
1994 Le successeur de M. Jospin,
François Bayrou, publie une circulaire qui proscrit les « signes religieux ostentatoires ». De nouvelles exclusions sont prononcées.
2004 Le 15 mars, la loi est promulguée. Des collectifs, proches des
associations musulmanes, se
créent pour demander son abrogation.
Manifestation à l’appel du Parti des musulmans de France, le 17 janvier 2004, à Paris, avant l’adoption de la loi. JULIEN DANIEL/MYOP
musulmane assumée n’a pas
régressé; une génération de jeunes
musulmansnés,éduquésetsocialisés en France – rejointe par des
convertis–a succédéàcelledeleurs
parents, ancrés dans une pratique
religieuse discrète. Enfin, si l’enseignement privé musulman n’a pas
connu le boom annoncé, faute de
moyens financiers et humains
notamment, une trentaine de projetsd’établissementssont en cours.
Mais la loi de 2004, les débats
quil’ontaccompagnée,lesressentiments qu’elle a pu susciter chez
une partie de la communauté
musulmane ont surtout ouvert la
voie à toute une série de crispationssurlavisibilitéduvoileislamique dans la société française. Et
transformé en cibles privilégiées
les femmes musulmanes, premières victimes d’actes et de propos
anti-musulmans, selon les associations spécialisées dans la lutte
contre l’islamophobie. Pour Jean
Baubérot, qui en 2003 fut le seul
membre de la commission Stasi
–consacrée à l’application du principe de laïcité – à s’abstenir sur le
principe d’une loi d’interdiction :
«Les discussions autour de ce texte
ontproduitundiscoursglobalsurla
diabolisation du foulard ». « En
réduisant le voile à un signe de soumission, les débats ont laissé enten-
Si le but était de
dissuader les jeunes
filles de porter
le foulard islamique
ou de faire barrage au
communautarisme,
le bilan est mitigé
dreques’ilfallaitl’interdirepourcette raison à l’école, il fallait le proscrire partout ailleurs. Cette loi a créé
des envies de nouvelles lois», analyse-t-il aujourd’hui.
De fait, ces dernières années, les
exemplesencesensn’ontpasman-
qué. Si les parlementaires se sont
efforcésdenepassesituersurleterrain religieux mais sur celui de l’ordre public,ils ont voté en 2010 la loi
interdisant le port du voile intégral
dansl’espacepublic,lapremièredu
genre en Europe. Après l’affaire de
la crèche Babyloup, la question de
l’interdiction du port du foulard
s’estaussiposéedans les structures
privées accueillant les jeunes
enfants et les « personnes vulnérables ». Le débat s’est étendu aux
entreprises privées en général. La
droite a présenté une proposition
de loi sur ce sujet. Le Front national
est allé jusqu’à envisager l’interdiction du voile « dans la rue».
En 2013, en écho à une volonté
partagée par certains à droite et à
gauche d’étendre la loi de 2004 à
l’enseignement supérieur, le Haut
Conseil à l’intégration, désormais
disparu, a proposé le bannissement du voile dans les amphithéâtres et les salles de cours.
A l’heure actuelle, le sort des
mères d’élèves voilées souhaitant
accompagner les sorties scolaires
n’est toujours pas clair. Le ministère de l’éducation nationale s’opposeà leur participation,tandisque le
Conseild’Etat,dansunerécenteétude, s’est montré plus nuancé. La
jurisprudencepourrait encore évoluer. Dans les prochaines années, la
justice aura vraisemblablement à
se prononcer sur le port du voile
dans les compétitions sportives…
En vingt-cinq ans, le foulard islamique est devenu le symbole de la
présence durable de croyants
musulmans au sein d’une société
de plus en plus sécularisée. Compris par une partie de l’opinion
comme un signe de prosélytisme,
instrumentalisé dans les débats
sur l’islam ou l’intégration, il semble parfois réduire la réflexion sur
la laïcité à des discussions sur la
«neutralité d’apparence», quand il
faudrait s’interroger sur « la laïcité
de comportement», comme le souligne Jean-Louis Bianco, président
de l’Observatoire de la laïcité. p
Stéphanie Le Bars
«J’enlevais mon foulard avant d’arriver au lycée, je n’allais pas arrêter mes études!»
Témoignages
Un maquillage léger met en
valeur les grands yeux de Rym;
sur ses cheveux, une épingle en
strass retient un bandeau blanc et
un voile bleu ; le tissu retombe en
drapé sur une chemisette à rayures assortie, ajustée dans une longue jupe noire. On sent chez l’ étudiante en droit le soin du détail, le
goût de la tenue impeccable.
La jeune Toulousaine le reconnaît: la loi du 15 mars 2004, qui
depuis dix ans interdit le port de
signes religieux dans les établissements scolaires, lui est un peu
«passée à côté ». Pourtant, venue
témoigner lors d’un colloque organisé le 8 mars à Paris par le Comité
15mars et libertés, qui lutte pour
l’abrogation de ce « texte injuste »,
Rym se dépeint en « victime indirecte». Son propre frère, avocat,
l’avait prévenue qu’en se voilant
elle allait « foutre [sa] vie en l’air».
Dès la terminale, convaincue de
sa foi et déterminée à s’afficher
musulmane « pour changer l’ima-
ge de l’islam dans la société française», Rym souhaitait se voiler.
Mais, « à cause de la loi », la jeune
fille, issue d’une famille peu pratiquante, décide d’attendre un an
pour être «tranquille » à la fac, où
ne s’applique pas l’interdiction.
Aujourd’hui inscrite en master 1, Rym admet suivre sans problème les cours théoriques mais
témoigne de sa difficulté à trouver
des stages « avec son voile ». « J’ai
cherché des avocats avec des noms
à consonance [musulmane], mais
même eux refusent. Ils sont dans
une optique d’assimilation et ne
veulent pas qu’une fille voilée les
ramène à leur condition», assure-t-elle avec dépit.
Et puis, constate-t-elle, « dans le
contexte actuel, et notamment à
Toulouse [ville de Mohamed
Merah], le voile fait écho au radicalisme, même dans les familles
musulmanes; il faut en permanence démonter les soupçons de fondamentalisme». Rym n’a pourtant
pas renoncé à son «rêve » de devenir avocate. Et, si elle-même ne
parvient pas à «plaider voilée dans
un tribunal français», elle se dit
qu’elle aura au moins fait un pas
pour « celles qui suivent ».
Médecine en Belgique
C’est bien avant la terminale
que la vie de Sara a basculé. La
jeune fille fait partie de ces quelques dizaines d’élèves jusqu’auboutistes qui, après le vote de la
loi, n’ont pas renoncé au port du
foulard islamique, alors que la
grande majorité des élèves acceptait, bon gré mal gré, de se dévoiler. Originaire d’un petit village
des Vosges «sans musulmans», la
collégienne, dont la mère et la
sœur aînée étaient voilées, avait
dès l’âge de 11 ans « décidé de préserver [sa] pudeur sous un voile ».
Le début d’un « parcours du combattant», émaillé de « souffrances» mais « très formateur». « Je
suis plus sûre de moi et de mes
choix », lance-t-elle, bravache.
«Quand la loi est passée, je portais un foulard fleuri noué sur la
nuque, un peu comme un accessoi-
re de mode», raconte la jeune femme de 21 ans, désormais sanglée
dans un voile beige et strict lui
enserrant le menton. « Après trois
convocations au collège, mon père
m’a dit de l’enlever mais j’ai refusé.
Et j’ai été exclue. » S’ensuivent
deux années au CNED puis, en 4e,
une tentative d’expatriation en
Syrie, pays d’origine de son père;
cette expérience se solde au bout
d’un an par un retour en France.
«Dépression», puis de nouveau le
CNED, et « le dilemme» du lycée.
« Le CNEDconvient pour le collège, mais ensuite c’est trop compliqué d’étudier seule», estime la
jeune femme, qui rêve de devenir
médecin. Finalement, Sara passe
son bac S au lycée Al-Kindi, à Décines (Rhône). Elle est aujourd’hui
en deuxième année de médecine… en Belgique, où elle peut suivre ses stages voilée. « Mais mon
but est de m’installer en France,
pédiatre ou généticienne, et de soigner tout le monde. Je ne vois
même pas pourquoi des patients
seraient gênés par un bout de tissu
sur mes cheveux. »
Soumaya partage avec Sara et
Rym une « incompréhension»
face à la loi de 2004. Mais la jeune
fille, originaire de Seine-SaintDenis, s’y est pliée « sans problème », comme la majorité de ses
coreligionnaires. « J’ai décidé de
porter le voile en seconde, à 16 ans.
Mais la loi, c’est la loi, et je l’enlevais dans le bus avant d’arriver au
lycée. Je n’allais pas arrêter mes
études à cause de cette loi ! » Agée
de 23 ans, Soumaya assure avoir
« lu des livres sur la laïcité » mais
n’a pas mieux compris « quel problème» posait son voile.
« Pour une bonne cause »
Désormais étudiante en
orthoptie, la jeune fille, les cheveux couverts d’un voile bleu foncé avançant sur le front, affiche le
même pragmatisme. « En cours, je
le porte, pour les stages je l’enlève.
Je fais mes prières le soir et, à la
cantine, je mange du poisson. La
viande [halal], il y en a à la maison ! » Elle conseille à ses cadettes
d’adopter la même attitude.
« Notre avenir mérite ce sacrifice.
En plus, Dieu sait que l’on fait cela
pour une bonne cause et on sera
récompensé dans l’au-delà. »
« Mais ce serait quand même bien
qu’on nous laisse porter le voile »,
sourit la jeune fille.
A 12 ans, Maryam n’a pas non
plus l’intention d’enfreindre la
loi: son foulard bleu, elle le porte
« tout le temps, sauf au collège »
de sa ville de province. « Mais
quand je ne l’ai pas, il me manque
un truc », confie la collégienne, en
jean et Converse roses. Sa mère,
Bénédicte, est voilée depuis dixsept ans, sa sœur aînée, lycéenne,
attend, selon sa mère, « d’être à
l’université pour le porter, même si
elle craint qu’on lui mette des
bâtons dans les roues ». Maryam,
elle, n’exclut pas un jour de «négocier» avec les responsables de son
établissement le droit de conserver son voile tout le temps. Elle
est scolarisée dans l’enseignement privé catholique. p
S. L. B.
culture
0123
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
11
Georges Clemenceau, le Tigre asiatique
Le Père la Victoire était aussi un esthète passionné par l’Orient. Le Musée Guimet a rassemblé sa collection
Arts
P
aquebot Cordillère, octobre1920. A la comtesse d’Aunay, Georges Clemenceau
écrit : « On nous promet de la brise
dans l’océan Indien, pour le
moment c’est la brioche au four.
J’ai vu pire au Soudan. » Il poursuit : « Nous arrivons demain
matin à Colombo. Nous aurons une
belle journée à Ceylan. Coucher à
Kandy, la capitale, invitation du
gouverneur, etc. Quand je suis sur
la dunette, fermant les yeux sur
une chaise longue, vous savez à qui
je pense. Ever. »
Kandy, Sri Lanka, janvier 2014.
La résidence du gouverneur
anglais est devenue le Queen’s
Hotel,et la chambre qu’occupaClemenceau est la plus courue.
A Polonnâruvâ, cité monastique
du XIIe siècle, les touristes, houspillés par les gardiens, rusent pour
se faire photographier avec le
grand Bouddha, comme l’homme
d’Etat voilà près d’un siècle.
Seuls les intimes et les collectionneurs, ses comparses Emile
Guimet et Henri Cernuschi, ou les
marchands comme Siegfried Bing,
connaissaient la fascination pour
l’Orient de Georges Clemenceau
(1841-1929),le PèrelaVictoire,président du conseilqui signait, en 1919,
le traité de paix à Versailles.
Ce GeorgesClemenceau, éternel
amoureux,globe-trotteurinfatigable, s’est embarqué pour un périple de six mois en Asie, à 80 ans, de
Ceylan à Java, de Birmanie en Inde,
qu’il a parcourue en tous sens sous
le prétexte d’une chasse au tigre,
pour rencontrer le bouddhisme et
la civilisation des Veda. Comment
est-il devenu ce grand collectionneur d’estampes japonaises,
signéesHokusai,Hiroshigeou Utamaro, de bouddhas du Gandhara,
de laques, masques et céramiques,
et autres objets d’art asiatique ?
Une passion secrète que le Musée
Guimet, à Paris, dévoile dans une
exposition inédite.
Pudique et discret sur sa vie privée, républicain engagé, épris de
démocratie et de justice, cofondateurdela Ligue desdroits del’homme (1898), l’ancien premier flic de
France, admiré de Manuel Valls –
membre de son fan-club, la Fondation Clemenceau –, ne faisait pas
état de ce tropisme oriental. Pas
plus que le journaliste à la plume
acérée qui écrit des éditos cinglants à la « une » de ses journaux,
La Justice, L’Aurore, L’Homme
enchaîné, pour dénoncer le colonialisme, le racisme, l’antisémitisme, et qui publie le J’accuse… ! de
Zola, prenant fait et cause pour
Dreyfus.
Moustache fournie et caractère
impétueux, calotte tibétaine
enfoncée jusqu’auxyeux, Clemenceau, dit « le Tigre », est tout cela,
maispasseulement.C’estunesthè-
Clemenceau à 80 ans, en 1921, devant l’un des trois bouddhas de Polonnâruvâ, à Ceylan (Sri Lanka), première étape de son périple de six mois en Asie . COLLECTION MUSÉE CLEMENCEAU
te humaniste, amateur d’art au
goût affûté : il fait acheter pour le
Louvre, en 1891, les deux premières œuvres japonaises du musée,
dont cet admirable méditant,
sculpture en bois de cyprès, du
XVIIe siècle. Et prête ses estampes
pour la première exposition, en
1890, des maîtres japonais, à l’Ecole des beaux-arts.
Le collectionneur passionné,
impulsif, curieux de tout, nourri
de civilisation grecque, est fasciné
par l’Asie, ses cultures, ses religions. Il veut tout connaître, comprendre, s’approprier. Il dort peu
et, dans l’intimité du 8, rue Franklin, appartement loué à deux pas
du Trocadéro, le dos au feu de cheminée,il dévore dans la nuit la poésie, les ouvrages d’histoire, de géographie, de philosophie et les catalogues d’art.
Ses livres, ses « grands amis »
comme le Livre du thé, d’Okakura
(1906), sont montrés à Guimet
avec500kôgô,sur les3112qu’ilpossède. Ces petites boîtes à encens de
la cérémonie du thé, discipline initiatique à l’art de la vie, symbolisent l’inachevé, l’imparfait, le perfectible. Et « L’imparfait, c’est l’absolu », clame Clemenceau dans un
édito.
« Il va falloir maintenant compter avec ces “frères” d’Asie qui nous
ont précédés dans la civilisation»,
prévient-il, en visionnaire. Car
c’est dans « ce grand répertoire de
l’art humainque se contrôle, s’affine et se renouvelle notre esthétique
occidentale». Il attrape le virus du
« japonisme » au Quartier latin,
avec les artistes. L’étudiant Saionji
Kinmochi, fils d’une famille princièrede Kyoto, sera son « passeur».
Le peintre Claude Monet, qu’il
appelle « mon vieux cœur »,
devient son complice. Clemenceau obtiendra que ses Nymphéas
soient exposées à l’Orangerie des
Tuileries, à Paris. Fraternité des
deux compères illustrée par le Bassin aux Nymphéas, provenant du
Musée Folkwang d’Essen, dont les
reflets chatoyants évoquent cette
poudred’or que les artisansposent
sur la laque pour accrocher la
lumière.
En 1865, à 24 ans, doctorat de
médecine en poche, « l’indomptable » s’embarque pour New York,
afin d’oublier une peine de cœur et
fuir le Second Empire qu’il exècre.
CorrespondantduTempset professeur de français et d’équitation, il y
rencontre l’Asie au travers des
populations immigrées. Quatre
ans plus tard, devenu anglophone
– une rareté pour l’époque et un
atout – il est de retour. Médecin
dans un dispensaire de Montmartre,ilenchaînelesmandats,de maire, puis de député. En 1892, il perd
son siège, accusé (à tort) d’être
mêlé au scandale de Panama. Privé
de ses indemnités parlementaires,
Clemenceau est contraint de vendre sa collection.
La découverte, en 2005, des
deux catalogues de ventes d’un
amateur parisien anonyme (Clemenceau), donnent la mesure de
sa collection : 3 000 estampes, 500
peintures, des dessins, éventails,
livres, céramiques… partent aux
enchères en 1894 pour
28955 francs. Cette révélation sera
le pointde départdu projetd’exposition de Guimet. Spécialiste des
arts décoratifs du musée parisien,
Aurélie Samuel se mobilise alors
pour réunir les œuvres dispersées.
Trente musées prêteurs répondent à l’appel.
Devant l’admirable tête de
bouddha du Gandhara, en schiste
blanc, la cocommissaire Amina
Taha-Hussein Okada, chargée de
l’Inde à Guimet, raconte l’excita-
Matthieu Séguéla: «On a oublié l’homme de cultureen lui»
Entretien
Velours mordoré au mur,
moquette cramoisie au sol,
5 000 livres serrés jusqu’aux plafonds, des estampes japonaises
sur les cimaises, l’appartement
de Clemenceau, 8, rue Franklin à
Paris, est tel qu’il l’a quitté, mort
dans son lit, le 24 novembre 1929.
Un lieu « habité » comme s’il
allait revenir d’une minute à
l’autre, que Matthieu Séguéla
affectionne, et qui se visite.
Auteur de Clemenceau ou la tentation du Japon (CNRS Editions,
468 pages, 25 ¤), ce docteur en histoire, qui vit à Tokyo où il enseigne le français, est cocommissaire de l’exposition du Musée Guimet. Appuyé sur le billard, l’historien décrypte la fascination du
« Grand bonhomme, davantage
journaliste
que politique ».
La passion de Clemenceau pour
l’Asie est inconnue en France ;
comment l’expliquer ?
On a enfermé Clemenceau
dans la statue du Père la Victoire,
on a oublié l’homme de culture,
des esthétiques universelles, et
sa définition des cultures extraeuropéennes que l’on veut
amoindrir. Il a une analyse politique, philosophique, et un choc
esthétique, quand il admire les
estampes ou l’art bouddhique. Il
est un des rares qui, en politique,
a ces sensibilités. Il est aussi isolé
dans ses choix de l’avant-garde
du Japon et des impressionnistes.
Seules les élites sacrifient au
culte du Japonisme.
Sa rencontre avec le jeune
Saionji Kinmochi à son retour
des Etats-Unis
est-elle déterminante ?
C’est une rencontre fondatrice.
Clemenceau est devenu l’ami
d’un homme de couleur, tel que
l’on considère alors les Asiatiques, et partage avec lui les idées
libérales, et plus encore. Elle a
lieu à son retour des Etats-Unis,
en 1870, alors que tous deux suivent les séminaires de droit
d’Emile Accolas. Saionji, jeune
aristocrate d’une grande famille
de Kyoto, est un samouraï qui a
coupé son chignon mais qui a
encore des idées conservatrices.
Clemenceau le convertit à la
démocratie. Saionji lui traduit
les poèmes qui sont dans
sa bibliothèque.
L’amitié d’une vie
et un même parcours ?
Clemenceau est son mentor,
son modèle. Comme Clemenceau, Saionji fonde un journal.
Tous deux seront chefs de leurs
gouvernements respectifs. En
1907, ils signent une réconciliation qui rétablit de bonnes rela-
tions entre le Japon et la France.
En 1919, ils se retrouvent à la
conférence de paix de Versailles,
autour de la même table, comme
deux vieux sages inquiets des tensions politiques et convaincus
que seul un régime démocratique peut empêcher la guerre.
Saionji est le père fondateur de la
démocratie japonaise.
Qu’admire Clemenceau
de cet Orient ?
Il admire le bouddhisme qui
est une réforme de l’individu, par
la méditation, la réflexion, l’autoanalyse qu’il pratiquera tout au
long de sa carrière. Il n’y a pas de
vérité révélée dans le bouddhisme, à la différence du christianisme, ce qui séduit le libre-penseur
qu’est Clemenceau. Tout en étant
anticlérical, il est passionné par
les religions, il les étudie à l’aune
de la philosophie. Sakyamuni
(Bouddha) est toujours cité en
premier. La dimension esthétique de l’art bouddhiste complète
cette vision.
L’influence des artistes et de
leur japonisme a-t-elle compté ?
Les artistes, Manet, Monet,
Degas, prennent le relais et
accompagnent cette symbiose.
Clemenceau parle de l’influence
de la gravure japonaise sur l’art
de Manet. Chez Monet, il y a du
japonisme végétal. L’espace est
organisé par la lumière du soleil
à chaque heure de la journée. Cette idée de l’impermanence
séduit.
Les chefs-d’œuvre arrivent par
caisses entières du Japon. Saionji
est capable d’expliquer chacune
des pièces à son ami. Entre eux,
c’est d’abord une amitié, des
convergences de pensée philosophique et politique et l’admiration pour l’art de l’autre. p
Propos recueillis par Fl. E.
tion de Clemenceau, dans la passe
de Khyber, à Peshawar, sur les traces d’Alexandre le Grand, alors
qu’il retrouve « sa » Grèce dans le
bouddhisme. Affaibli par un coup
de froid, à Calcutta, les médecins le
somment de rentrer en France. Sa
réponse cingle : « Que je meure à
Calcutta, que je meure à Paris, que
je meure un mercredi, que je meure
En 1891, Clemenceau
fait acheter pour
le Louvre les deux
premières œuvres
japonaises du musée
un samedi, cela n’a aucune importance… Ou je mourrai ou je visiterai
l’Inde.»
Retour en mars1921. Il retrouve
Bélébat, sa « bicoque », face à
l’océan, à Saint-Vincent-sur-Jard,
qu’il loue en Vendée, sa terre natale. A Monet, son « vieux fou » il
écrit : « Me voilà donc installé dans
maféeriede la terre,ducieletde l’oiseau… Votre petite flaque d’eau
s’appelle ici l’Atlantique… » C’est à
Marguerite Baldensperger, son
dernier amour, qu’il avoue :
« Quand Belébat vous tiendra, Bélébat vous gardera. » Devant la porte, deux renards en bronze
veillent. Des figures protectrices
de l’ère Meiji, qu’il a baptisées Pasteur et Rothschild. p
Florence Evin
Clemenceau, le Tigre et l’Asie. Musée
national des arts asiatiques Guimet,
6, place d’Iéna, Paris 16e.
Tél. : 01-56-52-53-00. Sauf le mardi, de
10 heures à 18 heures. De 7 ¤ à 9,50 ¤.
Guimet.fr. Jusqu’au 16 juin. Du 5 juillet
au 6 octobre, au Musée des arts asiatiques de Nice, puis du 25 octobre au
25 janvier 2015, à l’Historial de la Vendée, Les Lucs-sur-Boulogne. L’appartement parisien et la maison de Saint-Vincent-sur-Jard (Vendée), se visitent.
Monuments-nationaux.fr
12
0123
culture
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Riccardo Muti célèbre
les 80ans de sonorchestre
L’Italien dirige quatre concerts
de l’Orchestre national de France
Musique
C
’est sous la direction du chef
d’orchestre italien Riccardo
Muti que l’Orchestre national de France, cadet de nos
deux orchestres radiophoniques
(l’autre est l’Orchestre philharmonique de Radio France) a donné, le
13 mars, le coup d’envoi des quatreconcerts anniversaires qui marquent son inauguration, il y a
80 ans. Calmant les ovations finales d’un Théâtre des Champs-Elysées vent debout, le maestro a
publiquement félicité l’orchestre,
faisant un vibrant éloge de cet
«ambassadeurdelaculturefrançaise en Europe » qu’il dirige « avec
fidélité» depuis trente-quatreans.
A l’heure où l’arrivée du nouveau président de Radio France,
Mathieu Gallet, à la succession de
Jean-Luc Hees en mai, réveille le
spectre récurrent de la possible
fusion des deux phalanges de la
radio, c’est un message appuyé.
Sera-t-il entendu ? Les musiciens
espèrent beaucoup du dialogue
avec M. Gallet, fin et boulimique
mélomane, qui, en moins d’une
semaine, peut entendre l’orchestre
delaStaatskapelledeDresde,lesusnommé « National » suivi de son
binôme, le « Philhar’», avant d’enchaîner avec Andris Nelsons à la
tête du City of Birmingham SymphonyOrchestra(CBSO) et Michael
Tilson Thomas au pupitre du San
Francisco Symphony Orchestra.
Mais revenons à notre Muti. Le
maestro est l’une des rares sommités de la baguette à porter des programmesoriginauxet sansconcession. Certes, l’ouverture de Guillaume Tell, de Rossini (un hommage à
la France, pour laquelle le compositeur italien écrivit cet opéra créé en
1829 à Paris) est un must des
entrées en matière concertantes.
C’est aussi un moyen radical de
prendre le pouls d’une phalange
tant les combinatoires instrumentaleslaissentpeudeplaceàl’improvisation, beaucoup à l’imagination
Le chef mène cette
épopée avec la fougue
sereine d’un habitué
des combats
mélancolie flirtant avec la neurasthénie. Au pupitre, Muti en accompagnateur-né de la voix, distille les
enchantements.
Plusrareencore,en secondepartie,laSymphonien˚3 op.43deScriabine. Un « Poème divin » ou plutôt
une longue péroraison prométhéenne en trois mouvements
enchaînés, censée prouver non
l’existence de Dieu mais de son
rival, l’homme créateur. Cette fois,
Riccardo Muti mène cette épopée
démiurgique avec la fougue sereine d’un habitué des combats que
l’on ne gagneque si l’on sait perdre,
entre urgence vitale et prescience
de l’au-delà. p
Marie-Aude Roux
Concert des 80 ans de l’Orchestre
national de France, avec Bernarda Fink
(soprano), Riccardo Muti (direction).
Théâtre des Champs-Elysées, 15, avenue Montaigne, Paris 8e. Disponible à
l’écoute sur Francemusique.com
Le clarinettiste est en concert en France
D
ébridé et sauvage, David
Krakauer stupéfie sur scène. Quand il fait surfer à
une allure époustouflante sa clarinette sur la crête des aigus, c’est
une exubérante bouffée de joie
qui passe. Son très attrayant nouveau disque enregistré avec son
groupe Ancestral Groove paraît
presque sage, comparé avec ce
dont il se montre capable face au
public.
Né à New York, en 1956, David
Krakauer fait partie des agitateurs
remarquabless’amusantà ébouriffer le klezmer, la musique juive
ashkénaze d’Europe de l’Est. Une
musique qui connaît un renouveau aux Etats-Unis à partir des
années 1970 en croisant le jazz,
puis se décline en voies multiples,
rock, funk, hip-hop, électro… David
Krakauer a déjà plus de 30 ans
quand il commence à la jouer.
Avantcela,il fréquentaitl’avantgarde du jazz, interprétait Brahms
ou Schönberg. Quelque chose lui
manquait, raconte le musicien :
« Lorsque j’ai commencé à jouer du
klezmer, j’entendais la voix de ma
grand-mère, son accent yiddish. »
En 1979, il découvre Dave Tarras
(1897-1989), Ukrainien émigré à
New York, l’un des fameux clarinettistes klezmer du XXe siècle. « Il
ne jouait plus vraiment “bien”
mais il avait un son incroyable.»
Au milieu des années 1980,
poursuit Krakauer, « il y a eu cette
La petite salle parisienne s’est fait un nom grâce à ses choix de théâtre, de musique et de danse
– de l’instrument soliste au quatuor de violoncelles, de la musique
de chambre à l’harmonie à vent,
sans parler bien sûr du grand tutti
d’orchestre.Nulsymptômeinquiétant: le « National» est dansun soir
de forme.
Changement radical d’atmosphère avec Le Poème de
l’amour et de la mer op.19, d’Ernest
Chausson, plus présent à la discographie qu’au concert. Il faut une
chanteuse aède, capable de mettre
cette vaste mélodie française, élargie à la cantate, en tension avec une
partition instrumentale riche d’un
expressionnisme aérien et vénéneux. Bernarda Fink n’a pas une
voix très projetée mais son phrasé
racé épouse avec délicatesse les
sinuositésd’untextefondésurune
David Krakauer
ébouriffe le klezmer
Musique
LaLogeà la bonne enseigne
période extraordinaire, où avec
Gorbatchev et la perestroïka, on
sentait que l’Europe de l’Est allait
s’ouvrir. Philip Roth publiait Writers from the Other Europe, on
lisait Kundera, Gombrowitz et aussi Bruno Schultz. A New York, il y
avait des concerts de clarinettistes
bulgares, macédoniens, albanais,
grecs… Je suis soudain devenu
curieux pour tous ces possibles de
la clarinette. Mon instrument pouvait m’emporter bien au-delà du
jazz et du classique ».
Essai concluant
En 1985, dans l’Upper West Side,
à Manhattan, où il habite, David
Krakauer entend jouer des musiciens klezmer devant le delicatessen juif Zabars. Ceux-ci lui proposent de les rejoindre. Essai
concluant. Huit mois plus tard, les
Klezmatics, l’un des groupes pionniers du renouveau de la musique
klezmer aux Etats-Unis dans les
années 1980, le contactent. Il restera sept ans avec eux avant d’inventer sa propre histoire avec le klezmer. « Ma musique est une maison
avec les portes grandes ouvertes. » p
Patrick Labesse
David Krakauer en concert :
L’Alhambra, 21, rue Yves-Toudic,
Paris 10e, le 15 mars ; Bourges, le 18 ;
Vincennes, le 19 ; Montluçon, le 20 ;
Clermont-Ferrand, le 21…
Checkpoint 1 CD Label bleu/
L’autre distribution.
La Loge, rue de Charonne, dans le 11e arrondissement de Paris. CLAIRE DEMOUTE
Spectacle
I
l y a, au 77 de la rue de Charonne une cour magnifique, comme on en trouve dans le
11e arrondissement de Paris :
pavée, avec d’anciens bâtiments
industriels dotés de coursives.
Dans cette cour, il y a un théâtre,
qui ne se distinguerait pas des
nombreuses petites salles de l’est
de la capitale s’il ne commençait à
faire parler de lui en grand : La
Loge. Il n’est pas rare d’y croiser
des programmateurs de haut vol,
qui viennent « à la pêche » pour
découvrir des metteurs en scène,
des collectifs ou des auteurs, comme David Léon, dontun textetroublant, Un Batman dans ta tête, est
présenté jusqu’au 21 mars.
Le 30 mars, des plaids et des
oreillers accueilleront les spectateurs,allongéspour unede cessiestes acoustiques dont le rituel, chaque dernier dimanche du mois,
contribue à la réussite de La Loge,
où théâtre, musique et danse se
croisent allègrement. C’est une
ruche, joyeuse, vivante, clairvoyante. Comme ses directeurs,
Alice Vivier et Lucas Bonnifait.
Tous les deux sont âgés de
31 ans. Alice Vivier en avait 21 et
était étudiante en théâtre quand
elle a créé sa première salle, dans
une boutique de 20 m2, en face du
Théâtre La Bruyère, dans le
9e arrondissement. Elle l’a appelée
La Loge, et elle a appris le métier de
directrice sur le tas. « Ça m’a tout
de suite plu d’être en contact avec
tous les métiers qui mènent à la
création. J’avais envie de permettre
à des jeunes deprésenter leurs spectacles et de se rencontrer.»
LucasBonnifaitentre dans l’histoire parce qu’il vient à La Loge
avec un spectacle, Cabaret martyr.
Metteur en scène et comédien (on
l’a vu en janvierà l’Odéon dans Platonov, mis en scène par Benjamin
Porée),il ne pensait pas dirigerune
salle. Sa rencontre avec Alice
Vivier l’a mis sur le chemin et,
aujourd’hui, c’est lui qui s’occupe
de la programmationthéâtre de La
Loge de la rue de Charonne.
Cette salle, les deux l’ont ouverteen septembre2009.En 2008, Alice Vivier a vendu le fonds de commerce de la rue La Bruyère et, grâce
à son père, agent immobilier qui
s’est porté garant, elle a pu prendre en main la salle du 11e, un
ancien studio d’enregistrement.
« On voulait une salle plus grande,
on trouvait fabuleux qu’il y ait
140 m2, et les gens nous disaient :
“C’est petit.” Pour nous, c’était le
Zénith ! » La salle occupe 90 m2, le
reste compte même un petit bar.
Les gradins ne sont pas tendres
pour le dos, mais la programmation peut le faire oublier.
Elle repose sur un principe simple : « Un jeune auteur contemporain qui a écrit un texte plutôt
qu’un metteur en scène qui veut
«Ontrouvait
fabuleux qu’il y ait
140 m2, et les gens
nous disaient:
“C’est petit.”
Pour nous,
c’était le Zénith»
Alice Vivier
codirectrice
monterLes Bonnes», ditLucasBonnifait. Les troupes perçoivent 50 %
de la recette et disposent de la salle
une semaine pour préparer leurs
spectacles. « La Loge reçoit
15 000euros de la Ville de Paris. Les
entrées représentent 70 % du budget. On arrive à être juste à l’équilibre», explique Alice Vivier.
C’est déjà bien. Ce qui est mieux
encore, c’est la place que s’est
taillée La Loge. Sa réputation est
née avec la musique, qui a valu à
Alice Vivier, en 2013, d’être choisie,
avec Olivier Poubelle et Renaud
Barillet, pour reprendre Les Trois
Baudets, à la demande de la Mairie
de Paris, qui possède la salle. Rue
deCharonne,lethéâtre vient maintenant en première ligne, et des
liens ont été noués avec les salles
en pointe, comme le Théâtre de
Vanves(Hauts-de-Seine),qui développe des projets avec La Loge, et le
Centquatre, à Paris, dont le théâtre
sera partenaire pour le festival
Impatience, en mai.
En ce moment, c’est donc Un
Batman dans ta tête qui se joue. Le
comédien et la mise en scène font
battre, jusqu’au vertige, le cœur de
ce texte dont la matière pourrait
être un cliché moderne, l’influence des jeux vidéo sur l’esprit d’un
adolescent, si David Léon n’atteignait les zones où se nouent les
troubles mortels d’une vie. C’est
dur mais productif : remuant. p
Brigitte Salino
Un Batman dans ta tête, de David Léon,
mise en scène : Hélène Soulié. Avec Thomas Blanchard. La Loge, 77, rue de Charonne, Paris 11e. Mo Charonne ou Voltaire.
Tél.: 01-40-09-70-40. A 19 heures.
De 10 ¤ à 16 ¤. Jusqu’au 21 mars.
A Bayonne,les candidatsdansles arènes
Les batailles culturelles des municipales 17/17 La gestion du site, propriété de la ville, divise
Bayonne
B
ayonne, Bayonne, ville parfaite, fluviale, aérée d’entours sonores… » : comme
dans les chansons des fêtes,
Roland Barthes répète le nom de
Bayonne.La ville se dédoubleà l’infini. Rive droite, rive gauche. Petit
Bayonne, grand Bayonne. Rugby
professionnel (l’Aviron Bayonnais), rugby militant (l’ASB). Aviron et nautique. Même les fêtes
sont plusieurs. Ici, on ne dit ni
« feria » ni « la fête », on fait les
fêtes.
Au volet culturel des listes en
présence, les gros dossiers font
l’objet d’un consensus à nuances:
le statut de « scène nationale », le
rôleduMuséeBasqueet de l’Histoire de Bayonne. Fermé depuis 2011,
le Musée Bonnat doit subir des travauxà hauteurde 20millionsd’euros. Ce qui rend assez prudents
tous les candidats. Même Sylvie
Durruty (tête de liste UMP, adjointe sortante) s’étonne qu’il n’y ait
pas de comité de pilotage.
Quel que soit le choix, le
30 mars marquera un changement de style. En 1989, Jean Grenet
entre au conseil municipal que
conduit son père, Henri Grenet,
depuis 1958. A la mort d’icelui, en
1993, le fils le remplace, est tête de
liste en 1995, réélu régulièrement
député des Pyrénées-Atlantiques
et maire de Bayonne, et se retire
cetteannée. Commeleur prédécesseur Maurice Delay, depuis 1945,
les Grenet père et fils étaient
chirurgiens.Longuetraditiond’exploration à ciel ouvert du corps
électoral.
Chaque liste a son lot
d’aficionados
de tradition taurine,
d’amateurs
occasionnels,
d’indifférents
et d’«anti»
La culture, à Bayonne, relève de
l’anthropologie plus que des idées
courtes. Le chocolat, introduit par
la communauté juive si importante depuis le XVIe siècle et implantéerive droite, est aussi fondamental que consensuel.Autre pôle, toujours rive droite, globalement plus
populaire que la rive gauche, les
trois salles d’un des cinémas d’art
et d’essai les plus inventifs et créatifs de l’Hexagone, l’Autre Cinéma.
Le local de la liste Baiona 2014,
dirigée par Jean-Claude Iriart (liste
abertzale de gauche), est situé rue
Sainte-Catherine. Iriart partage la
philosophie de Serge Noguez
(Front de gauche) quant à la répartition des subventions directes.
Pas d’argent public pour les
clubsprofessionnels(rugby) ou les
spectacles des arènes (concerts et
spectacles taurins). Développer le
réseau associatif et le lien social.
Soutenir, comme la liste Bayonne
ville ouverte menée par Henri
Etcheto (Parti socialiste), les
efforts de l’ASB (rugby populaire)
en direction des cités rive droite, et
particulièrement tonique dans la
pratique du jeu féminin.
Et les arènes ? Ellessont propriété de la ville. Symbole paradoxal,
incontesté, elles ne sont pas
implantéesen son centre, mais sur
les hauteurs de Lachepaillet. Chaque liste a son lot (nuancé par la
couleur politique) d’aficionados
de tradition taurine, d’amateurs
occasionnels, d’indifférents et
d’antis.
La gestion, maintenant? Sylvie
Durruty désire conserver le statut
de régie municipale. Ce statut
garantit la plus grande indépendance d’initiative et a fait ses preuves, avec autant de rigueur que
d’invention, dans les deux dernières années (bénéficiaires).
Pour le socialiste Henri Etcheto,
un constat s’impose : il y a eu dans
les vingt dernières années un
«trou de transmissionintergénérationnelle». Les traditions taurines,
il n’est pas le seul à le prétendre,
vont au-delà de la « corrida formelle à l’espagnole». Toutes sortes de
pratiques illustrées dans les Landes voisines doivent trouver leur
place. Et les arènes, s’ouvrir, ce qui
est déjà le cas, à d’autres événements.
« Pour autant, la gestion économique ne doit pas être imputée sur
le budget de la ville. » Henri Etcheto plaide pour un terreau d’afición
populaire, et, comme Jean-René
Etchegaray (UDI-MoDem), pour
une délégation de service public.
Sans doute la solution créera-t-elle des budgets séparés, et vu
les contestations dont fait l’objet
la tauromachie, ce serait un éclaircissement. Mais au détriment du
prix des places et de la qualité des
spectacles. Or, l’attractivité de la
ville, le renforcement de ses cultures sont au centre des préoccupations de toutes les listes. p
Francis Marmande
Fin
0123
culture & styles
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Au GrandRex,un «Rêve»
choré-cinématographique
Le duo Pietragalla-Derouault présente
un spectacle débordant d’effets spéciaux 3D
Danse
O
n y va pour le cinéma, pour
les shows comiques, on n’y
estjamaisallépourunspectacle de danse. Grâce à MarieClaudePietragalla,c’est chosefaite.
Pour la première fois, le Grand Rex
ouvre son plateau à l’art chorégraphique. Et le fait savoir ! Sur l’immense façade de l’immeuble beau
comme une pièce montée, les
noms de Pietragalla et Derouault,
son mari, danseur et complice de
création, étincellent à tout va,
façonBroadwaysurlesGrandsBoulevards, ce qui est unique dans le
contexte chorégraphique français.
Sur les trottoirs, les queues de
spectateurs se croisent : près de
1 800 tickets à vendre chaque soir
jusqu’au 29 mars !
La danseuse étoile de l’Opéra de
Paris (1990-1998), chorégraphe
indépendante depuis dix ans, ne
fait rien comme tout le monde et
tire parfaitement son épingle du
jeu. Non seulement elle possède ce
statutrienqu’àelledevedetteultrapopulaire que l’émission « Danse
avec les stars », sur TF1, a amplifié,
mais elle assume un geste artistique grand public qui a contribué à
élargir son cercle de fans. Et toujours, depuis quinze ans, en collaboration avec le danseur et chorégraphe Julien Derouault.
Après le Théâtre Mogador, le
Palace, le Palais des congrès, la voilà donc au Grand Rex. Un circuit de
salles parisiennes inhabituel
même pour le registre auquel
émargent Pietragalla et Derouault.
Et il faut reconnaître que le Grand
Rex colle impeccablement à leur
nouveau spectacle, un duo intitulé
M. & Mme Rêve, fiction choré-cinématographiquedébordant d’effets
spéciaux 3D qui en mettent plein
les mirettes dans le meilleur sens
du terme.
Entre immense jeu vidéo et saga
fantastique immersive, sur une
bande-son du DJ Laurent Garnier,
ce pas de deux intimiste au premier abord, inspiré par l’œuvre
d’Eugène Ionesco, est inversement
proportionnel au décor virtuel
sans cesse mouvant qui se déploie
« Sans titre », 2008 (détail).
ATELIER MICHAEL WOOLWORTH
Etrange endroit pour une exposition: une imprimerie. Endroit logique car c’est celle où Djamel Tatah
vient travailler sur papier depuis
2006. Ce sont donc huit ans d’estampes qui sont aux murs. Elles
ont été obtenues selon des techniques originales que Michael Woolworth a mises au point pour être
Gastronomie Ancien second de cuisiniers-artistes tels Alain Passard et Marc Veyrat, le chef
normand ose, dans son nouveau restaurant parisien, toutes les audaces culinaires. Avec succès
Les jeux chromatiques de David Toutain
comme un tapis volant pendant
une heure trente.
Les murs du salon se déchirent
et s’effondrent; un champd’arbres
passe en moins de temps qu’il n’en
faut pour le dire par toutes les couleurs des saisons ; des météorites
envahissent l’espace… Les paysages surgissent les uns des autres et
s’hybrident dans un vertige visuel.
Près de deux ans de travail d’une
dizained’expertsdeDassaultSystèmesont éténécessairespourfinaliser les projections sur quatre
écrans dont celui du sol, véritable
membrane vivante. Rien de réel
sur le plateau, à l’exception de
deux lits, deux fauteuils et deux
chaises,soclesdérisoiresd’unvoyagehallucinantàlamesuredelaprolifération des images mentales de
Ionesco. Tempête sous un crâne et
Les paysages
surgissent les uns
des autres
et s’hybrident
dans un vertige visuel
une armée de rhinocéros bat le
pavé devant nous grâce au miracle
numérique. Et la danse expressive,
un peu répétitive, de Pietragalla et
Derouault de résister à cette attaque massive et captivante.
Blessée à la hanche, Pietragalla,
qui travaille sur ce projet depuis
2012, a dû céder son rôle à la dernière minute à la danseuse étoile de
l’Opéra de Paris Clairemarie Osta,
qui relèvejoliment le défi de ce partenariat millimétré avec la haute
technologie. A la fin du spectacle,
Pietragalla,laissantsesbéquillesen
coulisses,a salué le public,appuyée
sur un tabouret haut. Classe et souriante, envers et contre tout. p
Rosita Boisseau
M. & Mme Rêve, de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault. Grand Rex,
1, bd Poissonnière, Paris 2e. Du 12 au
29 mars, 20 h 30. Tél. : 0 892 683 622.
De 19 ¤ à 83 ¤. Puis en tournée : 1er avril,
Montpellier ; du 3 au 5 avril, Lyon ;
16 avril, Toulouse…
GALERIES
Djamel Tatah
Atelier Michael Woolworth
13
au plus près de l’œuvre de Tatah.
La lithographie et le bois gravé y
sont souvent associés, sur des surfaces préalablement préparées. La
ligne de Tatah y fait naître des visages et des corps. Ce sont parfois de
purs dessins, que l’on aimerait
voir accrochés en compagnie de
ceux de Matisse. Ou ce sont de
grandes ou de très grandes planches teintées par des passages successifs de couleurs et c’est alors plutôt avec Munch qu’elles devraient
partager une exposition. S’y retrouvent les figures qui habitent les
peintures de Tatah, ces adolescents silencieux et songeurs, une
femme âgée qui médite, un corps
dont on ne sait s’il tombe ou s’envole, un autre pris derrière des barreaux. Ce sont des allégories, mais
vivantes et actuelles. p
Philippe Dagen
Œuvre(s) sur papier. Atelier Michael
Woolworth, 2, rue de la Roquette, cour
Février, Paris 11e. Tél. : 01-40-21-03-41.
De lundi à vendredi à 9 h 30 - 18 h 30 et
sur rendez-vous samedi et dimanche.
Jusqu’au 3 mai.
Patrimoine Reconstruction au Mali des mausolées
de terre de Tombouctou sous l’égide de l’Unesco
Vendredi 14 mars, la reconstruction des mausolées de
Tombouctou (Mali), endommagés, en juillet 2012, par des groupes insurgés armés, a été confiée à des maçons locaux, sous la
supervision de l’imam de Djingareyber. Le projet est financé par
le Mali et l’Unesco avec le concours d’Andorre, du royaume de
Bahreïn, de la Croatie, de l’île Maurice et bénéficie du soutien
logistique de la force des Nations unies déployée au Mali, la
Minusma. Ces édifices complexes en terre témoignent de l’âge
d’or de Tombouctou, centre économique, intellectuel et spirituel
aux XVe et XVIe siècles. p Florence Evin
WILD CARROT
C
’est merveilleux, un restaurant. » Sur le pas de sa cuisine,DavidToutains’enchante
comme un chef débutant des poignées de main données à des
clients tout émoustillés par la rafale d’oursin au café, d’anguille au
sésame noir, d’huître au kiwi et
mousse de chou-fleur/chocolat
blanc/noix de coco qui fit office de
dîner.Aprèstout,cetétablissement
aux grandes baies vitrées, ouvert
rue Surcouf (Paris 7e), depuis le
23 décembre2013, est sa première
adresse de cuisinier-propriétaire.
Si le lieu affiche complet depuis
son lancement, c’est aussi parce
que ce Normand au physique de
jeune premier possède déjà un
impressionnant CV.
Ancien second de cuisiniersartistes tels Alain Passard et Marc
Veyrat, passé par des fourneaux
aussi brûlants que ceux de Bernard
Pacaud,àl’Ambroisie(Paris4e),Pierre Gagnaire (Paris 8e) ou Andoni
Luis Aduriz, le magicien de Mugaritz, au Pays basque espagnol, ce
talent précoce a accroché la lumière dès sa première place de chef, en
2011,auservicedel’Agapé-Substance. Parmi les premiers journalistes
à repérer cet inventif dans ce
minuscule restaurant de la rue
Mazarine, l’équipe d’Omnivore le
célébra dans son guide, avant de
l’inviter sur la scène de son festival
culinaire. Il y a un peu moins de
dix ans, accompagnant alors Marc
Veyrat, lors de cet événement,
David Toutain s’était dit qu’une
apparition sur cette scène en son
nom serait un aboutissement.
Après une première consécra-
tion comme chef de l’Agapé, le voici programmé le 16 mars, à la
Mutualité à Paris, pour l’édition
2014 du festival Omnivore,
trois mois après le lancement du
restaurant David Toutain, par
ailleurs consacré « Ouverture de
l’année » dans l’Omnivore FoodBook.
Entresondépartdel’Agapé-Substance et ses débuts rue Surcouf, le
cuisinier a voyagé. Un périple en
famille – avec son épouse américaine, Thaï, et leur fils de 3 ans, Aiden –
pours’oxygénerets’enrichirderencontres avant le grand saut. Dans
l’épure de sa nouvelle salle – verre,
ciment et bois brut –, on pourra
deviner l’effet de séjours au Japon,
et la façon dont la nouvelle vague
culinaire nordique aime concilier
modernisme et rudesse végétale,
rigueur et décontraction.
Dans l’étroit Agapé, les clients se
serraient autour d’une longue
table d’hôte débouchant sur une
cuisine ouverte d’où Toutain
envoyait une volée de vingtcinq mini-plats, tel un jongleur
multipliant balles et figures.
Accueillant autant de couverts
(une vingtaine), dans un espace
plus zen et spacieux, le chef et sa
petite équipe resserrent aujourd’hui la performance autour d’une
douzaine d’assiettes par menu.
« Nous recherchons moins la
démonstration, analyse le chef de
33 ans. A la frustration de plats terminésendeuxcuillerées,nouspréférons quelque chose de plus généreux et gourmand.»
Le principe reste celui de menus
« carte blanche» (à 68 et 98 euros,
Saint-jacques contisée à la truffe et jaune d’œuf fumé. THAI TOUTAIN
158 euros pour un accord
mets/vins et 42 euros les trois plats
du déjeuner) laissée à l’inspiration
du cuisinier. On s’attable chez lui
pour se laisser surprendre au rythme d’étincelles contant son parcours et sa sensibilité.
La première assiette éveille et
trouble déjà nos sens. Parmi ces
fausses bûchettes et vraies branches entremêlées, où se trouvent
les salsifis ? Asséché en surface, le
légume camoufle son moelleux et
sa saveur confite, révélés au
contactaérien d’un dôme de mousse de panais au chocolat blanc posé
sur des galets de pierre et d’argile.
Entrée ou dessert ? Les frontières
s’effacent, comme avec cet œuf
cuit à 63 ºC pendant 45 minutes
pour un mollet idéal, niché au
creux d’une douce émulsion de
maïs, nappé d’un filé de caramel au
carvi et saupoudré de fleur de sel.
Asséché en surface,
le salsifi camoufle
son moelleux et
sa saveur confite
Dans un livre d’entretiens, La
Cuisine de David Toutain (Ed. Argol,
222p., 30euros), le cuisinier raconte combien l’ont marqué des personnalités comme Passard, Veyrat
ou Andoni Luis Aduriz. Du premier, ce fils d’ouvriers et petit-fils
d’agriculteurs a gardé une fibre
légumière, à l’écoute de son instinct. La cuisine herbacée et florale
du second – retranscrite, par exemple, dans le ruban craquant de livè-
che, parsemé de mini-feuilles et
fleurs – l’a aussi impressionné par
son obsession d’accorder le contenu d’une assiette à son contenant
(la vaisselle de David Toutain a été
imaginée pour le restaurant, avec,
entre autres, la céramiste belge
Bénédicte Payen). Une obsession
partagée par le Basque Aduriz dont
le Normand admire le perfectionnisme conceptuel.
De ces cuisiniers créateurs, il a
aussi appris à se laisser guider par
les associations chromatiques. Des
plats comme l’oursin au sabayon
de café (détonant mariage entre la
puissance iodée et l’amertume de
l’espresso), le carpaccio de cerf aux
fruits rouges ont souvent été suscités par des associations de couleurs, dont il a ensuite constaté la
pertinence gustative. Même chose
pour la blancheur des gnocchis
d’eau de parmesan aux noisettes
fraîches et yuba (peau de tofu),
dont la gelée fondante rappelle ce
que Toutain a retenu des recherches « moléculaires» de la cuisine
espagnole.
Les audaces ont parfois des
ratés, comme ces morceaux de
pommes de terre entourés de poudre d’argile, à la texture terreuse.
Mais l’ensemble étonne et régale.
La cuisine de David Toutain a-t-elle
pour autant trouvé son identité ?
«Pasencore,estimel’intéressé.Toute une maison est à construire. Je
n’en suis qu’aux fondations». p
Stéphane Davet
David Toutain. 29, rue Surcouf, Paris 7e.
Tél.: 01-45-50-11-10. Fermé samedi et
dimanche. davidtoutain.com.
Omnivore, vigie gourmande
AVEC leurs confrères concurrents
du Fooding, les journalistes à l’origine d’Omnivore ont décrypté et
promu en précurseurs, au début
des années 2000, le renouvellement de la scène culinaire internationale. Racheté en 2013 par
lGLEvents, Omnivore reste fidèle
à son poste de vigie gourmande.
Après le lancement d’un magazine, c’est un festival qui est devenu, à partir de 2006, le plus précieux outil de ces militants de la
« jeune cuisine». Inspiré par les
rencontres culinaires de SaintSébastien, au Pays basque espagnol, cet événement mise sur les
performances scéniques d’une
sélection de chefs avides d’échanges entre professionnels et avec le
public. D’abord organisé au Havre,
puis à Deauville, avant de s’installer à Paris, à la Maison de la Mutualité, ce festival exporte désormais
son concept à l’étranger – New
York, Montréal, Istanbul, Mos-
cou… –, au point de se baptiser le
World Omnivore Tour.
Du dimanche16 au mardi
18mars, Omnivore accueillera
performances, débats, marché de
producteurs, espaces dégustation,
etc., retrouvant sur sa scène des
compagnons de route historiques
– dont Jean-François Piège,
distingué créateur de l’année par
leur guide L’Omnivore Food-Book,
et les forces vives d’une cuisine
toujours plus mondialisée. Même
si l’équipe dit refuser de tomber
dans le piège des tendances.
« Nous ne cherchons pas à imposer
une image de la cuisine
contemporaine», promet Luc
Dubanchet, fondateur-directeur
d’Omnivore. p
S. D.
World Omnivore Tour. Maison de la
Mutualité, 24, rue Saint-Victor, Paris 5e. Du
16 au 18 mars. De 9 h 30 à 19 heures. 40 ¤
ou 109 ¤ le passe 3jours. Omnivore.fr.
OPTION ART | OPTION DESIGN
CONCOURS D’ENTRÉE : 12, 13, 14 MAI
COMMISSION D’ÉQUIVALENCE : 15 & 16 MAI
CLASSE PRÉPARATOIRE PUBLIQUE
DATE LIMITE D’INSCRIPTION : VEN 23 MAI
Interprétariat FR/LSF, pour les candidats
sourds et malentendants
www.esadmm.fr
Graphisme : ESADMM, d’aprés une création
originale de Camille Lamy, 4e année design
JOURNÉES
PORTES
OUVERTES
VEN 21 SAM 22
MARS 2014
14
0123
disparition & carnet
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Ministre britannique
Tony Benn
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AU CARNET DU «MONDE»
Naissances
Claude LEMESLE,
en union avec
Françoise LEMESLE,
a le plaisir d’annoncer la naissance
de ses quatrième, cinquième et sixième
arrière-petits-enfants,
Armelle,
Laurianne et Victor JUSSEAU,
Constance,
le 13 janvier 2014,
En 2003. PETERS MACDIARMID/REUTERS
A
nthony Wedwood Benn,
mort le 14 mars à Londres à
l’âge de 88 ans, faisait partie
du décor de la politique britannique, immuable, fidèle à lui-même
et à sa légende. Avec son regard
éclairé et perçant, sa prestance et
son éternelle pipe aux lèvres, ce
croisé de l’aile gauche du Parti travailliste se définissait comme un
« socialiste fier de l’être ». Eduqué
dans un collège privé, moulé à
Oxford, le tribun passionné était
avant tout un rebelle. De son père,
un homme politique travailliste
nommé à la Chambre des lords,
prochede Gandhi,il avait hérité un
anticolonialisme chronique et un
attachement aux nationalisations.
3 avril 1925 Naissance
à Londres
1950 Député de Bristol
1964 Ministre des postes
2001 Quitte le Parlement
14 mars 2014 Mort à Londres
Au sein du Labour, la carrière de
cet ancien vicomte, qui abandonne
son titre héréditaire pour devenir
député de Bristol, dans le SudOuestanglais,estfulgurante.Député à 25 ans,l’ex-pilotede la RoyalAir
Force pendant la guerre est ministre des postes à 35 ans puis de la
technologie dans le premier gouvernement Wilson, de 1964 à 1970.
Il tente de faire remplacer sur les
timbres l’effigie d’Elizabeth II par
celle des rois et reines d’Angleterre
depuis Guillaume le Conquérant
– un projet avorté.
Lors du retour du Labour aux
affaires en 1974, il est chargé des
portefeuilles-clés de l’industrie
puis de l’énergie. Le 18 juin 1975,
lorsde la livraisonà la raffinerieBP
du premier pétrole extrait de la
mer du Nord, Benn ouvre le robinet par où se déverse l’or noir assurant l’indépendance énergétique
du Royaume-Uni.
Poursortirl’économiedel’ornière, Benn contre-attaque sur deux
plans, la relance des investissementsetlatentativederestructuration industrielle. Mais les grandes
grèves de 1978 l’empêchent d’en
finir avec le mal anglais, le « stop
and go » ou l’alternance des phases
d’expansion et de dépression.
Hostile au projet européen, qu’il
juge centralisé, bureaucratique et
dominé par l’Allemagne, Benn fait
campagneen faveur du « non » lors
du référendum sur l’adhésion britannique à l’UE, organisé en 1975.
Après la victoire de Thatcher en
1979, Tony Benn décline l’offre de
l’ancien premier ministre et leaderdu Labour, James Callaghan,de
siéger au sein de son cabinetfantôme. Devenu le porte-drapeau du
socialisme autogestionnaire proche des thèses du Ceres français, il
échoue à devenir le numéro deux
du Labour en 1981 en raison de
l’hostilité du groupe parlementaire et des syndicats envers ce personnage féru de morale.
Par la suite, ce formidable orateur prend des positions qui lui
valent une réputation de gauchiste
sectaire. Son hostilité à la guerre
des Malouines en 1982, sa campagne en faveur de l’abolition de la
Chambre des lords, de la réunification de l’Irlande et de la sortie de
l’UE, ainsi que son soutien à la grève des mineurs en 1984-1985, en
font une cible de la presse populaire de droite. Mais le recentrage du
Parti travailliste sous la houlette de
Neil Kinnock, John Smith et surtout Tony Blair marque la fin de sa
vie politique active.
L’épreuve du pouvoir a radicalisé le chouchou des militants. En
2001, Benn quitte la Chambre des
communes pour se consacrer aux
campagnessurle terrain et au journalisme.Ce pacifiste,qui avait soutenula campagnepour le désarmement nucléaire unilatéral dans les
années 1950, est un fervent opposant aux guerres en Irak et en
Afghanistan. Cet esseulé se bat
autantcontre la droite, qu’il méprise, que contre le blairisme, qu’il
vomit. « L’idée que la politique est
une affaire de charisme et de relations publiques est idiote. C’est la
confiancequi importe », confie-t-il,
l’œil bleu étiré de malice.
En 2007, dans le cadre d’une
enquête sur Elizabeth II, Le Monde
a rencontré Benn, alors la figure de
proue des abolitionnistes de la
monarchie, dans sa maison décrépie d’Holland Park. A ses yeux, la
monarchieétait l’armaturecentrale d’un pouvoir antidémocratique: « Je n’attaque pas la personne
du monarque. Ce serait vulgaire et
inconvenantpour lareine, une femme pas très intéressante, mais qui
n’a pas choisi sa fonction. » L’ancien ministre, qui n’a jamais su
résister au plaisir de balancer une
rosserie bien troussée, s’était toutefois montré favorable au maintien de la souveraine à Buckingham Palace après la promulgation de la République, « comme
îcône touristique». p
Marc Roche
chez
Matthieu et Coline LEGEAY,
Gustave,
le 14 février 2014,
chez
ont la tristesse de faire part du décès,
survenu le mercredi 12 mars 2014,
dans sa soixante-douzième année, de
Mme Michèle BÉGUIN,
née SACHET,
maître de conférences de géographie
en retraite à l’université
de Paris 1 - Panthéon Sorbonne,
et vous prient d’assister ou de vous unir
d’intention à la cérémonie qui aura lieu
en l’église Saint-Joseph de Montrouge,
101, avenue Jean-Jaurès, le mercredi
19 mars, à 10 heures.
La cérémonie religieuse sera suivie
d’une cérémonie civile au crématorium
du Val-de-Bièvre, à Arcueil (12 heures
à 12 h 30).
La famille remercie chaleureusement
tout le personnel soignant de la Maison
médicale Jeanne-Garnier et de l’hôpital
de jour de neurologie à la Pitié-Salpétrière,
le réseau Osmose, le docteur Navarro,
le docteur Idbaih et le docteur Chatelon.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Ni fleurs, ni couronnes mais des dons
peuvent être faits à l’ARTC.
La famille rappelle à votre souvenir
la disparition de son époux,
Jacques BÉGUIN,
survenue le 10 octobre 2013.
Véronique Desrosières,
10, rue des Frigos,
75013 Paris.
le 21 août 2013,
chez
Véronique et Grégoire Desrosières,
Matthieu Béguin et Tiffany Meagher,
Raphaël et Victor Desrosières,
ses enfants et petits-fils,
Annick, Jean-Pierre et Jacques,
sa sœur et ses frères,
Ses belles-sœurs et beaux-frères
Et toute sa famille,
Claude et Evelyne Mayrargue,
Françoise et Alain Perl,
Jean-Pierre et Joëlle Mayrargue,
Nicole Simon,
Arnaud Mayrargue et Rosine Gamblin,
ses neveux et nièces,
Ses douze petits-neveux et nièces,
Ses quinze arrière-petits-neveux
et nièces,
ont la tristesse de faire part du décès de
Franceline BLOCH,
Julie et Marc ALFF.
dite Moulin,
Anniversaire de naissance
Cent ans, joyeux anniversaire
survenu le 11 mars 2014,
dans sa quatre-vingt-quinzième année.
Elle a fait don de son corps à la Faculté
de médecine de Paris.
Fernande !
[email protected]
Marie-Claude, Gilles,
David « Ukaleq », Mathieu.
Décès
La Fondation du patrimoine,
Charles de Croisset,
son président,
Les membres
du conseil d’administration,
François-Xavier Bieuville,
son directeur général,
Olivier Gronier,
délégué régional de Basse-Normandie,
L’ensemble des collaborateurs
et bénévoles,
ont la tristesse d’apprendre la disparition
de
Thierry
AVELINE de ROSSIGNOL.
Bordeaux. Strasbourg. Paris.
Les familles Cante, Meyrignac,
Larroque, Boulois et alliées,
font part avec tristesse du décès de
Madeleine CANTE,
née BERGER,
survenu le 24 février 2014,
à l’âge de quatre-vingt-seize ans.
« La Mort c’est la beauté,
c’est l’éclair vif du sabre. »
Léo Ferré.
Le président de l’université
Paris 1 Panthéon-Sorbonne,
Le directeur de l’UFR
mathématiques et informatique
Et la communauté universitaire,
Ils s’associent à la peine de sa famille
et de ses proches.
ont la tristesse de faire part du décès,
le 6 mars 2014, de
Passionné de culture, attaché à son
Perche natal, Thierry Aveline de Rossignol
s’est proposé en 1999 pour créer la
délégation régionale de la Fondation du
patrimoine en Basse-Normandie.
Mme Yvonne GIRARD,
En treize ans, il a su construire cette
délégation et la développer avec succès
sur l’ensemble des trois départements.
Initiateur des actions de mécénat
populaire dans l’Orne, il est également
à l’origine de la manifestation Pierres
en Lumières qui contribue chaque année
à embellir le patrimoine bas-normand.
Jusqu’à ses derniers moments, il a mis
sa créativité, sa force de caractère et son
esprit d’entreprise au service des acteurs
du patrimoine, communes, associations,
collectivités territoriales.
Claude, Nicole Couot, Denise, Lucien
et Cécile, Michel, Hélène Bass,
ses neveux,
Jean-Noël et Anne-Marie, Odile,
Cécile, Bertrand et Armelle, Nicolas
et Olivier, Samuel,
Tudor et Aaron, Laurie et Mario,
ses petits-neveux
Claire Quélennec, Raphaël Delarue,
Annie Parouty,
ses filleuls,
ont la tristesse de faire part du décès de
Geneviève BASS.
Les obsèques auront lieu au
crématorium de Beaurepaire (Isère),
le lundi 17 mars 2014, à 15 h 30.
32, square Clignancourt,
75018 Paris.
maitre de conférences en informatique.
Ils expriment à sa famille leurs
sentiments de condoléances.
Simone Granet,
son épouse,
Anne-Marie et Régis Allain-Granet,
Françoise et Bernard Abate,
ses enfants,
Vincent, Sandrine et Sacha, Laure,
Fabrice, Renaud,
ses petits-enfants,
Nina,
son arrière-petite fille,
Janine, Jean-Pierre et Jean-Marc Granet
Bouffartigue,
Toute sa famille,
ont la tristesse de faire part du décès de
Robert GRANET,
ancien directeur
à la Banque de France,
Paris. Crémeaux (Loire).
Dominique et Marie-Hélène Groult,
son fils et sa belle-fille,
Marie-Eliane Chesneau,
sa fille,
Emilie et Jean-François Sili,
Christine Groult, Julien Chesneau,
ses petits-enfants,
Romain et Maël Sili,
ses arrière-petits-enfants,
Paul et Janine Périchon,
son beau-frère et sa belle-sœur,
ont la douleur de faire part du décès de
Claude GROULT,
ancien élève de l’ENA
(promotion Vauban),
ancien conseiller commercial,
survenu à Paris le 14 mars 2014,
à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.
Ses obsèques seront célébrées
le mardi 18 mars, à 14 h 30, en l’église
de Crémeaux.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Etoutteville (Seine-Maritime).
Londres. Paris.
Sa famille
Et ses amis
ont la grande tristesse de faire part
du décès de
Michel HUILLARD,
documentariste,
Anne-Marie et Régis Allain-Granet,
13, boulevard du Général-Leclerc,
77300 Fontainebleau.
Françoise et Bernard Abate,
15, rue Royer-Collard,
75005 Paris.
Pierre Soubeyran
Et toute sa famille,
ont la tristesse de faire part du décès de
Marie SOUBEYRAN,
née DESMONTS,
à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
La cérémonie religieuse a eu lieu
le jeudi 13 mars 2014, dans l’intimité
familiale.
Anniversaire
Le 17 mars 2014
Catherine FOREST,
décédée le 22 juillet 2013,
aurait fêté son soixantième anniversaire.
Une pensée est demandée à ceux
qui l’ont connue.
Elisa, Clara, Christian Forest.
Souvenir
Au
docteur Jean-Louis FRASCA,
survenu le 24 février 2014,
à l’âge de quatre-vingts ans.
tué à trente-six ans,
le samedi 14 septembre 1996.
Inhumé dans l’intimité, il repose
aux côtés de son fils,
Jean-Jacques Baudouin-Gautier,
son ami.
Stéphane,
décédé en 1989.
Paris. Buenos Aires (Argentine).
Sacha et Aimie,
Mylène, Lili, Roman, Moises, Eduardo,
La famille
Et les amis,
choqués et émus par la disparition
de notre immense et adoré
Alex IKONICOFF,
Conférences
Les Amphis de l’AJEF
Europe : le difficile partage des
compétences entre les Etats et l’Union,
le mercredi 19 mars 2014, à 20 heures,
conférence
de Sylvie Goulard, eurodéputée
et Mario Monti,
ancien président du Conseil italien,
père, frère, fils, ami et avocat,
lycée Louis-le-Grand, Paris 5e.
à l’âge de quarante-neuf ans, après trois
ans de combat contre la maladie (et l’erreur
médicale), il laisse un grand vide mais
aussi une intense lumière.
Informations : [email protected]
L’inhumation aura lieu au cimetière
parisien de Pantin, le mardi 18 mars 2014,
à 15 h 30.
[email protected]
Orléans. Paris. Grenoble. Bruxelles.
Ses parents,
Ses enfants
et leur mère,
Son frère
et sa famille,
Sa tante
et ses cousins
Et tous ceux qui l’ont aimé,
ont la douleur de faire part du décès de
François-Hugues PARENT,
directeur du centre culturel
La Passerelle à Fleury-les-Aubrais,
survenu le 10 mars 2014, à Orléans.
Stéphan, Florian et Guy,
ont la tristesse d’annoncer le décès
de leur maman et ex-épouse,
Angélique
HIRSCH-PELLISSIER.
Elle leur manque cruellement.
La cérémonie aura lieu le lundi 17 mars
2014, à 10 h 30, en la Coupole du
crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e.
Conférence-débat
autour du dernier livre
de Jacques Le Goff,
Découper l’histoire en tranches.
Qu’est-ce qu’une période historique ?
le mercredi 19 mars 2014,
de 19 heures à 21 heures.
Interventions de : Etienne Anheim,
Patrick Boucheron, Christian Lamouroux
et Silvia Sebastiani.
EHESS, 105, boulevard Raspail, Paris 6e.
Entrée libre, accueil à partir de 18 h 30.
Inscription indispensable auprès de
www.ehess.fr/fr/decouper-l-histoire/
Communication diverse
Centre Communautaire de Paris :
Journées du judaïsme marocain.
Lundi 17 mars 2014, à 19 heures,
ouverture solennelle. 20 heures : leçon
« Le Maroc d’aujourd’hui face aux défis
contemporains ? », par S.E Chakib
Benmoussa, animée par Albert Sasson.
Programme détaillé sur:
www.centrecomparis.com
Tél. : 01 53 20 52 52.
119, rue La Fayette, 75010 Paris.
Le Carnet
Annoncez
vos événements
culturels
survenu le 13 mars 2014 à Paris.
La cérémonie d’adieu aura lieu
le mercredi 19 mars, à 14 h 15, dans la
salle du dernier hommage au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.
Lyon.
Pour toute information :
01 57 28 28 28
01 57 28 21 36
[email protected]
Tarif : 29 € TTC Prix à la ligne
Signatures
Projections-débats
Lectures
Communications
diverses
0123
météo & jeux
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
0 à 5°
-5 à 0°
5 à 10°
10 à 15°
10
25
Dimanche 16 mars
De nouveau très printanier
15 à 20°
AEn Europe
6 12
40 km/h
5 14
7 13
Rennes
3 17
Metz
1005
D
Besançon
3 18
Nantes
5 17
3 17
Dijon
Poitiers
Dublin
D
A
Limoges
4 16
Lyon
0
6
101 17
Madrid
Lisbonne
Lisbonne
8 15
Montpellier
Toulouse
7 17
Nice
Marseille
11 22
10 18
9 21
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Bénédicte
Coeff. de marée 47
Quelques nuages bas pourront masquer le
soleil durant une partie de la matinée du
sud de l'Aquitaine à la région Rhône-Alpes
ainsi que sur les côtes bretonnes. Sinon, le
soleil retrouvera rapidement ses droits,
malgré quelques grisailles localement. Il
fera assez beau voire très ensoleillé dans
l'après-midi.
Les températures retrouveront des valeurs
nettement supérieures aux normales de
saison.
Jours suivants
Mardi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Nord-Est
Sud-Ouest
Sud-Est
7 18
Lever 19h01
Coucher 06h37
Lever 07h01
Coucher 18h56
Aujourd’hui
Thalweg
Lundi
3 14
6 14
8 14
6 15
5 18
4 19
5 20
5 20
5 19
9 18
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
assezensoleillé
assezensoleillé
bienensoleillé
enpartieensoleillé
pluiemodérée
assezensoleillé
bienensoleillé
averseséparses
enpartieensoleillé
averseséparses
enpartieensoleillé
enpartieensoleillé
nuageux
averseséparses
pluieetneige
beautemps
beautemps
assezensoleillé
bienensoleillé
assezensoleillé
beautemps
cielcouvert
assezensoleillé
faibleneige
averseséparses
faibleneige
8
12
12
5
8
4
7
3
8
4
6
6
-3
8
0
11
10
2
7
6
5
2
12
-1
3
2
11
16
19
12
10
12
16
13
14
10
12
11
2
12
8
15
21
16
19
14
24
5
19
3
9
4
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
Alger
bienensoleillé
Amman
bienensoleillé
Bangkok
assezensoleillé
Beyrouth
assezensoleillé
Brasilia
soleil,oragepossible
Buenos Aires bienensoleillé
Dakar
assezensoleillé
Djakarta
pluiesorageuses
Dubai
beautemps
Hongkong assezensoleillé
Jérusalem bienensoleillé
Kinshasa
soleil,oragepossible
Le Caire
bienensoleillé
Mexico
beautemps
Montréal
assezensoleillé
Nairobi
assezensoleillé
1015
Beyrouth
A
Jérusalem
-1
8
5
-2
-2
7
0
5
-2
5
1
18
15
2
2
18
7
13
1
19
8
7
27
14
17
17
20
26
22
18
8
22
14
13
-17
17
18
19
37
21
28
27
24
30
23
22
18
32
27
26
-10
26
New Delhi beautemps
assezensoleillé
New York
bienensoleillé
Pékin
assezensoleillé
Pretoria
beautemps
Rabat
Rio de Janeiro soleil,oragepossible
assezensoleillé
Séoul
Singapour pluiesorageuses
soleil,oragepossible
Sydney
bienensoleillé
Téhéran
bienensoleillé
Tokyo
assezensoleillé
Tunis
Washington pluieetneige
Wellington enpartieensoleillé
18 32
-1 4
4 16
14 25
8 23
25 34
4 12
26 32
21 28
4 14
6 17
12 16
1 8
19 21
pluiesorageuses
bienensoleillé
bienensoleillé
pluiesorageuses
beautemps
soleil,oragepossible
24 30
24 27
21 27
28 30
23 28
26 31
Outremer
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
Météorologue en direct
au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
Mercredi Jeudi
10
14
8
14
9
16
11
14
5
14
6
13
7
14
5
16
7
17
4
19
“Connaître les religions
pour comprendre le monde”
9
21
11
20
6
19
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
Motscroisés n˚14-064
3
giboulées
bienensoleillé
enpartieensoleillé
assezensoleillé
giboulées
bienensoleillé
faiblepluie
enpartieensoleillé
assezensoleillé
bienensoleillé
Dans le monde
6
16
2
D
Tripoli
Tripoli
Le Caire
6
15
Les jeux
1
Front froid
En Europe
Ajaccio
65 km/h
Ankara
Athènes
Tunis
Tunis
Dépression
Occlusion
1005
Istanbul
Rabat
Front chaud
Bucarest
-10 degrés à Montréal où l’hiver fait le yo-yo
Perpignan
12 20
D
Odessa
Sofia
Rome
Barcelone
Barcelone
Kiev
0
101
A
Biarritz
5
102
Alger
Anticyclone
Zagreb
Belgrade
985
995
Budapest
20
10
4 16
A
6 17
Munich Vienne
Milan
Séville
Grenoble
Bordeaux
Copenhague
Berne
1030
10
25
3 16
Paris
2
1 10 0
D
Moscou
Minsk
Amsterdam Berlin
Varsovie
Prague
Bruxelles
1030
Londres
10
Chamonix
T
Clermont-Ferrand
101
5
102
0
102
5
5
97
St-Pétersbourg
Riga
Edimbourg
5
4 17
2 18
20 km/h
1
10
Strasbourg
5 18
5 16
Helsinki
Oslo
Stockholm
Châlonsen-champagne
Orléans
5 16
20 km/h
995
www.meteonews.fr
6 17
Société Ne bridons pas la jeunesse
5
99
4 16
5 14
Courriels
> 40°
A
1005
PARIS
Caen
Brest
35 à 40°
D
Amiens
Rouen
30 à 35°
Reykjavik
6 16
50 km/h
25 à 30°
990
16.03.2014 12h TU
Lille
Cherbourg
20 à 25°
98
5
< -5°
4
5
6
7
z
Découvre
notre
nouvelle
formule
9
Solution du n˚14-063
10 1 1 12
Episode 10. Invités : Corneille, Pascal Obispo,
Hélène Ségara, Elodie Frégé, Kylie Minogue...
23.25 The Voice. « La Suite ».
0.35 Les Experts : Miami.
Série. Impôt meurtrier V. L’Insigne du crime U
(saison 3, ép. 19 et 20/24, 155 min).
FRANCE 2
IV
20.45 Les Années bonheur.
Invités : Jean-Patrick Capdevielle, Pascal Obispo,
Liz McComb, Salvatore Adamo, Luz Casal...
23.05 On n’est pas couché.
Invités: Martine Monteil ; Edwy Plenel; Jean-Pierre
Mocky ; Manu Payet, Jean-François Cayrey
et Anaïs Demoustier ; Gaël Faure (180 min).
V
VI
VII
FRANCE 3
VIII
20.45 Belinda et moi.
IX
Euro Millions
X
Solution du n° 14 - 063
I. Décomplexent. II. Inutiles.
Hie. III. Stridents. Br. IV. Crétins.
Ader. V. OE. Frôla. VI. Ute. Pelé.
Dûs. VII. Respirations. VIII. Entre.
Tar. Gé. IX. Uu. Ecot. Agée.
X. Réitérations.
Samedi 15 mars
TF 1
III
Horizontalement
L’éditorial « Pacte de responsabilité: une obligation de résultats»
(Le Monde du 3 mars) nous l’affirme: il ne faut pas que les partenaires
« se défaussent de leurs responsabilités». Comment ne pas voir l’incohérence foncière de cette injonction? D’une part, il nous est affirmé que
l’enjeu est capital, mais, d’autre part, l’exécutif s’en remet pour sa réalisation à un accord improbable entre des partenaires aux objectifs irréconciliables, qui n’ont reçu aucun mandat pour le faire et dont la légitimité démocratique est éminemment contestable. La qualité des personnes n’est pas en cause, mais le sort du pays ne peut pas reposer sur les
décisions du Medef et de syndicats de salariés représentant moins de
10% des salariés! Si risque de défausse il y a, c’est uniquement à l’exécutif qu’on le doit. C’est au gouvernement, nommé par le président, et soutenu par la majorité parlementaire démocratiquement élue, qu’il
incombe de prendre les mesures aptes à assurer le redressement économique du pays. Il pourrait commencer par annuler la calamiteuse réforme des 35heures votée avec enthousiasme par la « gauche plurielle » de
Lionel Jospin, qui a imposé au pays une hausse de 11 % du coût du travail
– soit le double de ce que l’allégement des cotisations familiales envisagé dans le pacte représente – et qui marque le point de départ du marasme économique dans lequel la France est plongée depuis douze ans… !
Dominique Brun, Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
20.55 The Voice, la plus belle voix.
II
Horizontalement
Politique Pacte de responsabilité
et poursuite de l’incohérence
Les soirées télé
I
I. Rien ne tient droit chez lui, ni le
corps ni l’esprit. II. Bien trop petit.
Ne supportât pas la lumière en
face. III. Domaine de culture.
Dame du monde. IV. Réduit
tout le monde au silence. Part
de gâteau. Ses réserves servent
de garantie. V. Renforcent
la théorie. Un peu d’attention.
Un fondateur d’AbstractionCréation. VI. Découpage en ville.
Aventure hasardeuse. VII. Pour
une bonne pêche. Evitent
ampoules et brûlures en mains.
VIII. Tendre attache. Pièces
de charrue. IX. Négation. Règle.
Epidermique. X. Rencontres
brutales.
Le plus jeune candidat aux municipales de 2014 en France se présente à
Besançon: Ismaël Boudjekada. Voilà qui devrait réjouir tous ceux qui
font de la jeunesse une priorité, tous ceux qui affirment que la jeunesse
incarne l’avenir de notre société. On était en droit d’attendre des encouragements, des louanges pour son courage. Patatras! Ce n’est qu’un
concert de critiques. Ceux-ci critiquent son âge avec condescendance:
« Comment, un gosse de 18 ans, candidat ! Mais, il n’a rien à dire, rien à
proposer.» D’autres lui contestent le droit de s’exprimer publiquement,
au motif qu’il n’a pas d’expérience. Certains médias opèrent une forme
de sélection entre les candidats pour justifier leur refus de l’inviter,
alors que, dans une démocratie, ce sont les électeurs qui sélectionnent,
pas les médias. Que ce jeune candidat soit contraint d’entamer une grève de la faim pour bénéficier des mêmes droits que les autres est proprement scandaleux. Au fond, on aime bien la jeunesse, à condition qu’elle
ne dérange pas, qu’elle ne pose pas de question, qu’elle reste à sa place.
Pour ma part, je préfère une jeunesse qui s’engage, qui s’exprime, qui
prend parti, plutôt qu’une jeunesse indifférente, résignée. Etaient-ils
irresponsables, ces jeunes lycéens de 17 ans qui s’étaient engagés dans la
Résistance? Ils ont écouté leurs convictions. Il avait à peine 17 ans, ce
jeune lycéen, quand il décrivit la dérive d’un bateau ivre. ArthurRimbaud aurait-il écrit Le Bateau ivre s’il avait choisi le confort de l’indifférence ? On ne juge pas l’engagement de la jeunesse à l’aune de ses propres convictions ou de ses peurs. Encourager la jeunesse à prendre des
responsabilités, à s’engager, est un devoir. C’est pourquoi je salue et soutiens l’initiative d’Ismaël Boudjekada.
Jacques Vuillemin, Besançon
[email protected] http://médiateur.blog.lemonde.fr
Sudoku n˚14-064
8
Verticalement
1. Risque de couper les bras.
2. Donne des modèles. 3. Mérite
souvent le détour. Permet les
petites phrases. 4. Perdît de vue.
Quart de tour. 5. Preuves de
règlements. 6. Dieu solaire. Est
à terre. 7. Sur place. Décolle à la
verticale. 8. Garde les meilleurs
crus à l’abri. Bar. 9. Personnel. Prit
les bonnes mesures sur le terrain.
10. Base alimentaire. S’accrochent
par en haut. Réunion ouverte à
tous. 11. Remettre bien au propre.
Ecrit l’histoire au jour le jour.
12. Ont pris beaucoup trop de
temps.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Discoureur. 2. Entretenue.
3. Cure. Est. 4. Otite. Prêt. 5. Midi.
Pièce. 6. Plénier. Or. 7. Lens. Latta.
8. Est. Fêta. 9. Sar. Irai. 10. Ah.
Dodo. Go. 11. Nibelungen.
12. Terrassées.
Résultats du tirage du vendredi 14 mars.
6, 24, 25, 27, 30, 5 e et 9 e
Rapports : 5 numéros et e e : 129 384 564,00 ¤ ;
5 numéros et e : 367 715,30 ¤ ; 5 numéros : 50 470,70 ¤ ;
4 numéros et e e : 3 404 ,70 ¤ ; 4 numéros et e : 183,10 ¤ ;
4 numéros : 100,20 ¤ ;
3 numéros et e e : 45,80 ¤ ; 3 numéros et e : 12,70 ¤ ;
3 numéros : 11,80 ¤ ;
2 numéros et e e : 14,70 ¤ ; 2 numéros et e : 7,20 ¤ ;
2 numéros : 4,10 ¤ ; 1 numéro et e e : 7,90 ¤.
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00
Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;
par courrier électronique: [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤
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Médiateur: [email protected]
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Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40
Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60
La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire
des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037
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12, rue Maurice-Gunsbourg,
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80, bd Auguste-Blanqui,
75707 PARIS CEDEX 13
Tél : 01-57-28-39-00
Fax : 01-57-28-39-26
Téléfilm. Thierry Binisti. Avec Line Renaud,
Alexandre Styker, Valérie Ancel (Fr., 2014, audio.).
22.15 Météo, Soir 3.
22.40 Raspoutine.
Téléfilm. Josée Dayan. Avec Gérard Depardieu,
Fanny Ardant, Vladimir Mashkov (Fr. - Rus., 2011).
0.25 Le Barbier de Séville.
Opéra-bouffe de Rossini. Par l’Orchestre
de Picardie, dir. Antonello Allemandi.
Avec Taylor Stayton, Tiziano Bracci (155 min).
CANAL +
20.55 The Place Beyond the Pines p
Film Derek Cianfrance. Avec Ryan Gosling,
Bradley Cooper, Rose Byrne (EU, 2012) U.
23.10 Jour de foot.
Magazine. Ligue 1 (29e journée, 60 min).
FRANCE 5
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Président : Louis Dreyfus
Directrice générale :
Corinne Mrejen
15
Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
20.37 Echappées belles.
Inde : planète Bombay. Magazine.
22.10 La Menace d’un mégaséisme.
[2/2] Alerte Tsunami. Documentaire (2013).
23.01 L’Œil et la Main (25 min).
ARTE
20.45 L’Aventure humaine.
La Cité pirate. Documentaire (GB, 2011).
22.25 L’Ile de Robinson et l’or inca (coprod. 2010).
23.20 Trop jeune pour mourir.
[2/4] Vladimir Vyssotski : l’excès de vie.
0.10 Tracks. Magazine (45 min).
M6
20.50 Hawaï 5-0.
Série. Ua Nalohia (S4, ép. 7, inédit ). Olelo Ho’Opa’
I Make. Hana I Wa’Ia (S3, 13 et 14/24) ; Ua hopu.
Ua hala (S2, ép. 22 et 23/23) U (255 min).
Dimanche 16 mars
TF 1
20.55 L’Enquête corse.
Film Alain Berbérian. Avec Christian Clavier,
Jean Reno, Caterina Murino (France, 2004).
22.45 Esprits criminels.
Série. Après la pause. Tueur d’enfants.
La Règle des trois (S2, ép. 5 à 7/23, 150 min) V.
FRANCE 2
20.45 Green Zone pp
Film Paul Greengrass. Avec Matt Damon, Greg
Kinnear, Brendan Gleeson (coprod., 2010) V.
22.45 Faites entrer l’accusé.
Affaires de femmes U. Magazine.
0.22 Histoires courtes (70 min).
FRANCE 3
20.45 Inspecteur Lewis.
Série. La Complexité du monde U (S7, ép. 2,
inédit) ; Le Sommeil éternel U (S4, 4/4, audio.).
23.45 Météo, Soir 3.
0.15 Mogli pericolose p
Film Luigi Comencini. Avec Sylva Koscina,
Renato Salvatori (Italie, 1958, v.o., 100 min).
CANAL +
21.00 Football.
Ligue 1 (29e journée) : Paris-SG - Saint-Etienne.
22.55 Canal Football Club. Le Debrief.
23.15 L’Equipe du dimanche (50 min).
FRANCE 5
20.42 Le Doc du dimanche.
Grande distribution. Promos, prix cassés,
qui paie l’addition ? Documentaire (2014).
21.34 Cartes de fidélité, fidèle
un jour, fiché toujours. Documentaire.
22.31 La Case du siècle.
La Guerre d’Hollywood 1939-1945.
[3/3] Sur tous les fronts. Documentaire U.
23.25 La Grande Librairie. Invités :
Gilbert Sinoué, Frédérique Deghelt... (60 min).
ARTE
20.45 Un papillon sur l’épaule pp
Film Jacques Deray. Avec Lino Ventura,
Claudine Auger, Paul Crauchet (France, 1978).
22.20 Gunter Sachs,
un flamboyant gentleman. Documentaire.
23.10 Elektra. Opéra de Richard Strauss.
Dir. Esa-Pekka Salonen (2013, 115 min).
M6
20.50 Zone interdite.
Femmes : enquête sur les nouvelles victimes
de l’alcool. Magazine U.
23.00 Maman est en prison :
l’absente. Documentaire (2014, 115 min).
16
décryptages
0123
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Référendum La propagande du Kremlin a un effet redoutable sur une
population russe qui reprend les pires clichés nationalistes
honteux
La Crimée
prise en otage
Peter Ricketts
Ambassadeur du Royaume-Uni
en France
O
n ne peut faire un vrai
choix avec un revolver sur
la tempe. Pourtant, dimanche 16 mars, on demandera aux habitants de la Crimée d’opérer un choix
impossible: seprononcer pourl’assujettissement à la Russie ou en faveur de l’indépendance – mais sans la moindre garantie
que la Russie manifeste dans l’avenir un
plus grand respect pour la souveraineté
d’une Crimée indépendante qu’elle ne le
fait aujourd’hui pour l’intégrité territoriale d’une Ukraine indépendante.
La Russie a manifestement veillé à mettre toutes les chances de son côté. C’est
une sorte de pile ou face joué d’avance :
face, c’est la Russie qui gagne ; pile, c’est la
Crimée qui perd.
Il ne fait absolument aucun doute que
cetteconsultation– quel que soitson résultat – est à la fois illégale et inconstitutionnelle. La constitution ukrainienne est en
effet extrêmement claire : un tel scrutin
ne peut être organisé qu’à la demande de
3 millions de citoyens ; il doit se dérouler
sur l’ensemble du territoire ukrainien ;
enfin,ilne peutêtredécidéque par le Parlement ukrainien. Aucune de ces conditions
n’est respectée.
Le résultat du vote sera donc illégitime.
Comment pourrait-il en être autrement
d’un scrutin organisé à l’ombre des troupes russes, dans une région sous occupation militaire?
Ni libre ni transparent
Ce genre de question devrait être réglé
par des référendums libres, honnêtes et
organisés selon la loi – comme ce sera le
cas en Ecosse dans quelques mois. Or le
référendum prévu en Crimée ce dimanche ne sera ni libre ni transparent.
Depuis une vingtaine d’années, nous
nous sommes efforcés d’oublier la tension et la méfiance de la guerre froide, et
de reconnaître l’importante et positive
contribution que la Russie apporte à la
communauté internationale – et à la prospérité de tous ses peuples.
Un ensemble d’institutions et d’accords internationaux a été mis en place
tant pour éviter de reproduire les âpres
confrontations du passé que pour résoudre pacifiquement les querelles. Des organisations telles que l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe
(OSCE) ou le Conseil de l’Europe, dont la
Russie est membre à part entière, sont là
pour aider les Etats à régler les questions
d’autodétermination et à défendre les
droits des minorités.
Pour sa part, l’OSCE – gardienne de l’intégrité des processus électoraux – a déclaré que le référendum est illégal et qu’elle
n’enverra pas d’observateurs sur place.
Il n’est cependant pas trop tard. La Russie peut encore utiliser ces institutions,
s’engagersérieusementdans la voie diplomatique et trouver une solution pacifique.
Nous exhortons le président Poutine à
utiliser son autorité pour le bien de la Crimée, de l’Ukraine, de l’Europe et de la Russie, et à mettre fin à cette crise.
Le premier pas essentiel que Moscou
pourrait effectuer dans cette direction
serait de s’abstenir de reconnaître le résultat de la farce référendaire en Crimée. Le
vote n’aura, après tout, aucun effet juridique. Il n’aura aucune force morale. Et son
résultat ne sera pas reconnu par la communauté internationale. Ce référendum
ne devrait tout simplement pas avoir
lieu. p
Traduit de l’anglais par Gilles Berton
f Sur Lemonde.fr Lisez également les
tribunes d’Alain Pellet, professeur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-la Défense, « Crimée :
une invasion, un référendum, une sécession ? »
et de Nicolas Roche, chercheur, spécialiste des
questions nucléaires, « L’interventionnisme de
M. Poutine en Ukraine remet en cause l’ordre
nucléaire ».
Poutine et les bas instincts
E
n Crimée, des troupes russes
sont en train de creuser des
tranchées. Les autorités locales, sous la menace des
mitraillettes, se dépêchent de
rattacher la péninsule à la Russie. La cote de popularité de Vladimir Poutine grimpe en flèche. Avant cette occupation, il y avait 27 % de gens satisfaits de l’action du président russe, maintenant, c’est
67 % de la population. Après de longues
années d’humiliation, tout le monde voudrait une « petite guerre victorieuse ».
Tout le monde a envie d’une revanche
depuis 1991, depuis le démantèlement de
l’URSS. Ce qui est frappant, c’est que
même la jeunesse est contaminée par ces
ambitions impérialistes. « Poutine, c’est
un sacré mec, il est top ! » Voilà la première
chose que j’ai entendue à la gare, à Moscou. « Sébastopol est une ville russe! La Crimée doit être à nous ! »
On parle de Poutine… De l’autocratie…
Mais une autocratie n’existe pas dans le
vide. C’est d’un Poutine collectif qu’il faut
parler. A la Douma, l’envoi de troupes sur
le territoire de la Crimée a été voté à l’unanimité par les sénateurs. La télévision et
les journaux ont entamé docilement une
guerremédiatiquecontrele nouveau pouvoir à Kiev: il s’est produit un coup d’Etat
nazi, ce sont des fascistes qui gouvernent à
Kiev, il y a des centaines de réfugiés aux
frontières de l’Ukraine occidentale, partout, on assiste à des pogroms de juifs et à
des destructions d’églises orthodoxes, il
est interdit de parler russe. Les russophones sont devenus des gens de second
ordre… Voilà ce que le spectateur russe
entend jour après jour. On est en train de
faire du lavage de cerveaux.
A Lviv, en Ukraine occidentale, pendant
une journée, toute la ville a parlé russe,
voulant ainsi démontrer que « la vérité est
lapremièrevictimed’une guerre».Le schisme qui divise la société russe est partout –
sur Internet, au travail, au sein des
familles, dans la rue. La Crimée, c’est un
thème très sensible. Elle a été tatare jusqu’au XVIIIe siècle, et russe du XVIIIe au
XXe siècle. Alors la Crimée est à nous,
Khrouchtchev nous l’a prise injustement
pour en faire cadeau à l’Ukraine, un jour
où il avait trop bu. Quand on pense à toutes les tombes de Russes qu’il y a là-bas ! Et
les avis se polarisent – depuis « Sauvons
nos frères ! » jusqu’à « Faudrait leur balancer quelques bombes atomiques sur la
gueule, à ces connards d’Ukrainiens! ».
Non loin de la place Rouge, j’ai assisté à
la scène suivante: deux jeunes gens brandissaient une pancarte sur laquelle était
écrit : « Combien d’enfants, de frères et de
voisins êtes-vous prêts à enterrer pour que
la Crimée fasse partie de la Russie ? »
Devant moi, ces garçons se sont fait traiter
de fascistes, de partisans de Bandera (le
nationalisteukrainien qui a collaboré avec
Hitler), de larbins des Américains. On les
couvrait d’injures. Des vieilles femmes
leur crachaient dessus. On a mis leur pancarteen pièces.Les genscriaient: «Sébastopol est une ville russe ! », « Ceux à qui ça
plaît pas en Russie, ils n’ont qu’à aller en
Israël ! », « Si la Russie ne s’occupe pas de la
Crimée, c’est les Américains qui vont le faire ! ». Des types en vestes fourrées avec
d’énormes croix sur la poitrine sont allés
chercher des gars des forces spéciales :
« Emmenezces pauvres débilesaucommissariat, sinon nous, on va finir par les lyncher! » Un car de police est arrivé et ils ont
emmené les jeunesgens. Il y avait des femmes prêtes à témoigner qu’ils hurlaient
des obscénités et frappaient des vieillards.
Poutine a misé sur les instincts les plus
bas, et il a gagné. Même s’il disparaissait
demain, comment ferions-nous pour
échapper à nous-mêmes?
J’ai assisté à deux meetings, un pour la
guerre, et un contre la guerre. Celui en
faveur de la victoire en Crimée avait rassemblé20000 personnesavec despancartes: « L’esprit russe est invincible! », « On ne
laissera pas la Crimée aux Américains ! »,
« L’Ukraine, la liberté, Poutine ! ». Des Te
Deum, des prêtres, des processions avec
des bannières, des discours pathétiques –
quelque chose de complètement archaïque.Le discoursd’un des orateursa suscité
une tempête d’ovations: « Tous les points
stratégiques de Crimée sont aux mains des
Svetlana Alexievitch
MARGARITA KABAKOVA
Née en 1948 en Ukraine, elle a fait des études de
journalisme en Biélorussie. Sa première publication,
« La guerre n’a pas un visage de femme », en 1985,
sur la seconde guerre mondiale, dénoncée comme
« antipatriotique, naturaliste, dégradante » mais
soutenue par Gorbatchev, est un best-seller. Chaque
nouveau livre crée un scandale, comme « Les Cercueils de
zinc », en 1989, sur la guerre d’Afghanistan (Christian
Bourgois, 2002). Elle a reçu le Prix du meilleur livre de
l’année 2013 pour « La Fin de l’homme rouge », Actes Sud
troupes russes ! Les organes du gouvernement local et toutes les bases militaires
sont bloqués… Les gares, les aéroports et les
centres de communication sont sous
contrôle…» J’ai regardé autour de moi : sur
les visages, de la fureur, de la haine. Comment tout cela est-il conciliable avec les
vêtementsde bonnequalité,avecles voitures ultramodernes et les cafés, avec des
vacances à Miami et en Italie ?
Au meeting contre la guerre, il n’y avait
que quelques milliers de personnes qui
avançaient en scandant : « Oui à la paix !
Non à la guerre! » Les passants, sur les trottoirs, leur criaient : « Pauvres connards !
Vous êtes des ennemis de la Russie ! Vous
voulez quoi ? Qu’il y ait une base de l’OTAN
à Sébastopol? » Il y avait deux personnes à
côté de moi, leurs yeux étaient injectés de
sang…Dansdes momentspareils,je repense aux images montrant l’entrée des troupes russesen Crimée: descamionsmilitaires, des véhicules blindés, des chars d’assaut. Les soldats sont assis sur leurs tanks
avec des magnétophones hurlant à pleins
tubes une chanson d’Ivan Dorn, le célèbre
chanteur et présentateur de télévision
ukrainien : « Voilà les fêtes qui approchent! Voilà les fêtes qui approchent! » Ces
gars de Riazan, de Tver et de Sibérie
n’avaient pas d’argent pour venir en Crimée comme touristes, alors ils sont venus
sur des blindés. J’ai déjà vu cela quelque
part – pendant la guerre d’Afghanistan.
C’est le même mensonge, le même discours imperturbable des dictateurs: « A la
demande du gouvernement afghan…
Nous avons envoyé un contingent limité
de l’armée soviétique… Nos troupes sont
entréesen Afghanistanpour que les Américains n’y entrent pas… Nos frontières sont
verrouillées… » Des décennies plus tard,
c’estle mêmescénarioquise répète.La patterusse. Lamême qu’enAbkhazie,en Géorgie…
Quelque chose de terrible approche,
quelquechose de sanglant.J’ai un pèrebiélorusse et une mère ukrainienne. C’est le
cas de beaucoup de gens. Nous avons vécu
trois cents ans dans le même pays. Tout
s’est mélangé : les familles, les cultures.
Nous avons traversé ensemble la première et la seconde guerre mondiale. Une
guerre entre la Russie et l’Ukraine, c’est ce
quenouspouvonsimaginerdepluseffroyable. Il n’y aura pas d’étrangers dans cette
guerre. Pas de vainqueurs non plus.
J’ai de la famille en Ukraine occidentale
(dans la région d’Ivano-Frankivsk, dans
l’ouest du pays) et en Ukraine orientale
Une guerre entre
la Russie et l’Ukraine,
c’est ce que nous pouvons
imaginer de plus
effroyable. Il n’y
aura pas d’étrangers
dans cette guerre. Pas
de vainqueurs non plus
(dans la région de Vinnytsia). On m’écrit
d’Ukraine orientale : « Il y a eu un coup
d’Etat chez nous. Bandera est redevenu un
héros. Ce qui nous fait le plus peur, c’est de
voir débarquer les nationalistes ukrainiens. » Et ceux d’Ukraine occidentale me
disent au téléphone : « On a peur de Poutine. »
Aujourd’hui, des amis m’ont écrit que
c’était la mobilisation générale chez eux,
en Ukraine, que sur le Krechtchatik, le
grand boulevard de Kiev, il y avait des gens
avec des armes, en tenue de camouflage.
Des roulements de tambour. « Mais qu’estce que vous allez faire ? – On va étriper les
Triangulairespar Cagnat
Russes, pour la Crimée. » C’est terrifiant !
On ne comprend pas… C’est comme chez
Tolstoï : personne ne veut cette guerre,
mais elle approche à grands pas.
Pourtant, même dans des moments
pareils, les Ukrainiens savent rire. On
racontede nouvelleshistoiresdrôles.Quelqu’un demande à Ianoukovitch : « Comment ça se fait que Poutine s’en prenne à
l’Ukraine? – C’est moi qui le lui ai demandé.
– Et comment ça vous est venu à l’idée ? –
C’est lui qui me l’a demandé. »
L’ancien colonel du KGB caresse l’idée
de rester dans l’histoire comme le rassembleur des terres russes. Pour lui, Kiev est la
« mère des villes russes». Comme disent les
vieilles chroniques: « C’est là qu’est née la
Russie.» Il y a des gens, au Kremlin, qui ont
l’impression que Donetsk et Kharkiv, c’est
aussi la Russie. Les habitants de la Crimée
auraient très bien pu voter leur rattachement à la Russie sans que Moscou le leur
souffle, parce que les Russes sont une
majorité là-bas. Mais, visiblement, le
Kremlin aime bien jouer les gros bras. Distiller la peur.
Là-bas, au Kremlin, ils n’arrivent pas à
croire que ce qui s’est produit en Ukraine,
ce n’est pas un coup d’Etat nazi, mais une
révolution populaire. Une révolution
juste. Les Ukrainiens ont vu les propriétés
abandonnées de ces messieurs qui se sont
offert des cuvettes de cabinet plaquées or.
Ils pensaient, comme la nomenklatura de
l’époque soviétique, que le pouvoir peut
tout se permettre, qu’il n’a pas à répondre
devant la société. Mais, en vingt ans, les
gens ont changé. Du premier Maïdan est
sorti un deuxième Maïdan. Les gens ont
fait une deuxième révolution, maintenant, l’important, c’est que les politiques
ne la ratent pas encore une fois.
Pas très loin de chez moi, à Minsk, il y a
un monument au poète ukrainien Tarass
Chevtchenko. Chaque matin, il est recouvert de fleurs et de cierges qui brûlent. Les
premiers jours, on verbalisait les gens qui
venaient là, on les embarquait et on les
emmenaitau commissariat.Ils étaient des
dizaines à ce moment-là, mais maintenant ils sont des centaines. Les policiers ne
peuvent pas arrêter tout le monde, alors le
matin ils arrivent avec un camion et ils
arrêtentles fleurs.Maisjesais que,le lendemain matin, il y aura de nouvelles fleurs.
Poutine a enterré mes espoirs. Mes
espoirs des années 1990, mes espoirs
d’une Russie européenne. Les Ukrainiens,
nous devons les envier. p
Traduit du russe par Sophie Benech
0123
17
analyses
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
Renzi renvoie Berlusconi à la préhistoire de la « com’ »
par Philippe Ridet
Correspondant à Rome
J
usqu’alors, un simple coup d’œil sur l’état
civil suffisait pour mesurer la différence de
génération entre Silvio Berlusconi, né en
septembre1936, et Matteo Renzi, né en janvier1975. Depuis mercredi 12 mars, date de
la conférence de presse du nouveau premier ministre, au cours de laquelle il a présenté
un plan de relance de près de 90 milliards d’euros,cestrente-neufansdedifférenceontétémultipliés – au moins– par deux.
Si le Cavaliere a fait entrer la politique dans
l’ère de la communication par l’entremise
notamment de son empire audiovisuel, le plus
jeune chef de gouvernement d’Europe – qui
devait rencontrer, samedi 15 mars, François Hollande à Paris avant de se rendre à Berlin – a surpassé, en bon disciple, le travail du maître.
Multipliant les promesses et les additions,
télécommande en main pour faire défiler les slides de sa présentation comme on montre ses
photos de vacances, faisant pleuvoir les milliards comme à Gravelotte, s’engageant à changer le visage institutionnel du pays – disparition
du Sénat dans sa forme actuelle –, blaguant avec
les journalistes, passant par-dessus eux pour
s’adresser, face caméra « aux Italiens qui
[l]’écoutent devant leur télévision», il a démontré qu’il n’avait rien à envier à M. Berlusconi.
Passant de l’infiniment grand – « 10 milliards
debaissed’impôtspour10 millionsd’Italiens» –à
l’infiniment petit – « une institutrice pourra
s’acheter quelques livres en plus, un instituteur
pourra emmener sa famille au restaurant une
foispar mois» –, maniantl’auto-ironie– «approchez messieurs-dames! » – pour bien montrer
qu’iladéjàanticipélescritiquesqui luiserontfaites, M. Renzi a renvoyé, ce jour-là, M. Berlusconi
à une sorte de préhistoire de la communication.
« Si je n’y arrive pas... »
Nombreux sont les Italiens à qui est revenu
en mémoire le 8 mai 2001, lorsque sur le plateau d’une célèbre émission de débat politique
sur Rai 1 le « Caïman » avait signé devant eux un
« contrat » dans lequel il s’engageait à effectuer
cinq réformesd’envergure,précisant que si une
seule d’entre elles n’était pas conduite à son terme il quitterait la scène. M. Renzi a repris l’argument à son compte. « Si je n’y arrive pas, a-t-il
dit, je considérerais non seulement mon expérience gouvernementale, mais également ma
carrière politique comme terminées.»
La comparaison entre les deux hommes
– unis dans le surnom de « Renzusconi» donné
parfois au premier ministre – se trouve donc
tout à fait justifiée. « Pourtant, écrit Massimo
Gramellini dans La Stampa du 13 mars, le
contrat de Berlusconi nous a semblé plein de
poussière comme s’il avait été signé sur le
bureau d’Alcide De Gasperi » (président du
conseil de 1945 à 1953).
Pour le Cavaliere, qui a toujours pris soin de
masquer son âge grâce aux liftings, aux
implantscapillaireset à la fréquentationde jouvencelles, le coup est rude. Lui qui prononce
Google comme s’il s’agissait d’un romancier
russe découvre que son successeur a déjà trouvé le « hashtag » de sa conférence de presse
avant qu’elle ne commence ; lui qui n’allume
jamais un ordinateur voit le nouveau premier
ministreposer sursa table au bancdugouvernement un iPhone, un iPad et un Mac Book (bref,
toute la gamme Apple); lui qui ne fait confiance
qu’auxquotidiens,aux magazineset aux télévisions qu’il administre assiste impuissant à la
« Renzimania» qui contamine les médias transalpins.
Alors qu’il envisage toujours, malgré son
expulsion du Parlement pour six ans à la suite
de sa condamnation définitive pour fraude fiscale, de revenir un jour au pouvoir, le voilà le
plus souvent relégué dans les pages intérieures
des journaux. Fournisseur de contenus, M. Renzi a pris le meilleur sur le diffuseur…
Pour un leader de gauche, même si Matteo
Renzi a fait ses classes dans les mouvements de
jeunesse du Parti populaire italien, héritier de
la Démocratie chrétienne, et le scoutisme, cette
conversion à la communication est inédite. Elle
est un fait aussi bien générationnel que politique.Longtemps, la gaucheitalienne, génétiquement liée au Parti communisteitalien, a fait primer le travail d’enracinement sur le terrain et
l’action militante sur le charisme du chef. Le
« nous » d’une équipe dirigeante, contre le « je »
de l’hommeseul au pouvoir.Cettemarqueidentitaire est devenue une sorte d’« impératif
moral » lorsque Silvio Berlusconi est parvenu
au pouvoir. La gauche et ses leaders se devaient
d’être sérieux, ne promettre que ce qui était
tenable, compassés au point d’être gris pour
mieux contraster avec la faconde et la démagogie du magnat des médias.
Pierluigi Bersani, l’ancien secrétaire du Parti
démocrate, « non vainqueur» des élections de
février 2013, et Enrico Letta, l’ex-président du
conseil éconduit par un putsch de palais
conduit par Matteo Renzi, passeront peut-être
un jour pour les derniers avatars de cette lignée
de leaders interchangeables.
A présent que le crépuscule du Cavaliere est
amorcé, le nouveau chef de file de la gauche
peut arracher les armes de la communication
– et des promesses hasardeuses – des mains de
sonadversaire,en y ajoutant les siennes: la maîtrise des réseaux sociaux et la diffusion virale
des messages. Et si c’était aussi cela cette svolta
buona (« bon tournant ») annoncée par le nouveau président du conseil ? p
[email protected]
PLANÈTE | CHRONIQUE
Jean Jaurès
Un prophète socialiste
Figure essentielle de l’histoire de la gauche et fondateur du socialisme moderne, Jean Jaurès fut
un des premiers « indignés ». Tribun, écrivain, philosophe, journaliste, mais aussi député, militant
politique, théoricien, cet homme engagé, républicain jusqu’au plus profond de l’âme, combattit toute
sa vie l’hypocrisie sociale, l’injustice économique et la guerre… Pourtant, aujourd’hui, même une
partie de la droite et de l’extrême droite tentent de se l’approprier. Comme si, au-delà des clivages
idéologiques, Jaurès appartenait désormais à notre patrimoine.
« Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? », chantait Brel. A l’occasion du centième anniversaire de son
assassinat, qui annonçait la tragédie de 14-18, Le Monde cherche à répondre à cette question…
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Le nucléaire et la vie
V
oilà trois ans, le 11 mars 2011,
le séisme de Tohoku précipitait un grand tsunami sur la
centrale de Fukushima-1, plaçant
hors de contrôle ses réacteurs
nucléaires. Devant le monde stupéfait s’engageait ce qui peut être
interprété comme un conflit entre
les hommes et leurs machines.
Des soldats sont envoyés sur le
front, des civils sont évacués, des
territoires entiers sont perdus.
Quant aux envoyés spéciaux, ils
reviennent sidérés par le désarroi
des combattants, par le spectacle
grandiose et glaçant des réservoirs
géants d’eau radioactive, par les
sacs de terre contaminée qui jalonnent les routes, par les villes désertées réinvesties par la nature,
offrant aux visiteurs des paysages
urbains de post-Apocalypse.
Qui, ayant la pleine conscience
de ce qui se produit dans la préfecture de Fukushima, pourrait raisonnablement continuer à plaider la
cause du nucléaire civil ? Pourtant,
malgré les terres perdues, malgré la
détresse des quelque 150000 sinistrés japonais dont la plupart ne
retourneront pas chez eux, le
nucléaire demeure au centre d’un
conflit d’opinions. C’est ce
qu’Ulrich Beck décrivait dans La
Société du risque (1986) comme l’affrontement entre «rationalité sociale» et « rationalité scientifique ».
La première nous incite à nous
détourner d’une technologie à ce
point capable de s’émanciper de
ses maîtres et de les menacer durablement. Quant à la seconde, elle
pourrait être illustrée par cette étude signée par Pushker Kharecha et
James Hansen (Goddard Institute
for Space Studies, NASA), publiée
voilà un an par la revue Environmental Science & Technology et
passée en France tout à fait inaperçue. Les deux spécialistes de sciences de l’atmosphère ont calculé
(avec une belle marge d’incertitu-
de) qu’entre1971 et 2009, l’énergie
nucléaire avait évité environ
1,84million de morts prématurées
dans le monde. Ce sont les dégâts
sanitaires qui auraient été provoqués par les émissions polluantes
issues de la production de la
même quantité d’énergie, produite à partir du mix moyen
charbon/gaz – les auteurs estiment que les énergéticiens
auraient opté pour les solutions
les moins chères et n’auraient
donc pas utilisé l’éolien ou le solaire. Outre les vies épargnées, environ 64milliards de tonnes de
dioxyde de carbone (CO2), principale cause du changement climatique, n’ont pas été émises. Soit un
an et demi d’émissions mondiales
à leur niveau (record) de 2013.
L’énergie nucléaire
aurait évité, entre
1971 et 2009, environ
1,84 million de morts
prématurées
dans le monde
Dans le même temps, le nucléaire civil a aussi eu un coût en termes de vies humaines. Mais en
compilant l’ensemble des données disponibles, MM. Kharecha
et Hansen estiment que ce coût a
été environ 350 fois inférieur au
« gain » calculé sur la même période… Pour la France, M. Kharecha
précise qu’« entre 1971 et 2009,
l’énergie nucléaire a permis d’éviter environ 290 000 morts prématurées ». Cela n’ôte rien aux graves
risques potentiels posés par le
nucléaire. Mais cela permet de les
mettre en regard des risques certains que représente la combustion des énergies fossiles. p
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0123
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Obama a prononcé,
a Le grand
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Avec espoir et dû. Elle doit se mériter.
avait lui même King ou John Kennedy,
pendant cent la suspension
des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde,
(…)
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il
placé la barre
responsable
vingt
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elle
de plus les courants bravons une fois
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très haut. Le l’arme nucléaire, d’un
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glacials et endurons
cain-américain
Pages 6-7
les tempêtes à
postérité, mais
afri- le chanteur
page 2
et l’éditorial
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de 47 ans.
venir. » Traduction
il fera date pour pas à la
Harry Belafonte… Bacall,
du discours
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miste Alan Greenspan.
Lire la suite
et l’écono- a It’s the economy...
des Etats-Unis.
44 président
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Il faudra à la
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taraude : qu’est-ce Une question
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beaucoup d’imagination
Corine Lesnes
pour sortir de
que cet événement
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Obama
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3
qui secoue la
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les troupes
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page 13
d’Irak d’ici
à mai 2010.
Trop rapide,
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Education
L’avenir de
Xavier Darcos
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ANALYSE
Ruines, pleurs
et deuil :
dans Gaza dévasté
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« Mission terminée
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de
REPORTAGE
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considérera qu’il se
GAZA
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et Xavier Darcos.
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Page 10
l’air
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Automobile
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équivalent à
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19
27 000 profs
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d’ici à 2012.
14
Edition
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Barthes,
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le 10 janvier.
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plus innovante.
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les foudres
Michel Bôle-Richard
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18
0123
0123
Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014
L’AIR DU TEMPS | CHRONIQUE
pa r F l o r e n c e A u b e n a s
Les filles de chez Jeannette
L
A CAEN,
DEPUIS
QUINZE
JOURS, LES
OUVRIERS
OCCUPENT
LA
BISCUITERIE
es hommes ont droit à un sac de gâteaux
par semaine. Les femmes, non. Elles travaillent à la chaîne, toutes. Les hommes
sont pâtissiers ou s’occupent de la maintenance. Ils sont payés plus que les femmes, même le
petit David, le dernier embauché. Au début, on
l’a mis à la chaîne, lui aussi, mais pour quelques
mois seulement, une sorte de bizutage. Il touchait 10,21euros de l’heure, davantage que les
filles tout de même, y compris celles qui ont
plus de trente-cinq ans de maison.
Dans la cour de l’usine, assis autour d’une
grande table, les hommes se défendent, sur le
ton de la blague: « On est plus qualifiés, c’est
tout.» Les femmes plissent les yeux dans le
soleil, sans s’offusquer. « Cela a toujours été
comme ça, non? », dit l’une. Et sa collègue, forçant la voix: «Une fois, je l’ai dit au patron: je
vais m’en faire greffer une paire, j’aurai peutêtre une augmentation.» Ça rigole autour, une
bonhomie paisible, puis on passe à autre chose,
«parce qu’on ne va pas en faire tout un plat».
A Caen, depuis quinze jours, les ouvriers
occupent la biscuiterie Jeannette, 38 personnes
en tout, des femmes pour l’essentiel. Plus d’un
siècle durant, on y a fabriqué des « madeleines
pur beurre» avant la mise en liquidation judi-
ciaire cet hiver. Le 20février, les machines
devaient être vendues aux enchères, la rue était
pleine de camions, des bulgares. Le bruit se met
à courir qu’un homme d’affaires algérien cherche à acheter la fameuse recette des madeleines. Des filles se récrient: «Jamais on ne la donnera.» Et quelqu’un, main sur le cœur: « Même
pour 10000 euros.»
Ce jour-là, le commissaire-priseur finit par
renoncer à la vente. Curieux tout de même:
«Est-ce que vous allez me prendre en otage?»
Françoise, qui est déléguée CGT, en est restée
tout interdite. «C’est pas notre style.» Mais l’occupation est décidée, une révolution dans l’histoire de Jeannette.
La biscuiterie a longtemps tourné sans syndicat. A l’embauche, c’était d’ailleurs la seule question: «Vous ne faites pas de politique, au
moins? On ne veut pas de ça ici.» Ensuite, on
recevait la blouse et on commençait le lendemain. Jeannette, c’était pour la vie, la plupart
des ouvrières ont plus de trente ans de service.
A table, dans l’usine occupée, la nostalgie
monte en vapeur légère avec la chaleur et le
mousseux, qu’apportent des sympathisants,
une ambiance de repas de famille.
«Tu te souviens de Jocelyne? On la raccompa-
gnait à la maison parce que son mari l’attendait
avec une carabine.
– Qu’est-ce qu’elle a pu pleurer, quand il est
mort! C’était le bon temps.»
Depuis les années 1980, les changements de
propriétaire alternent avec les plans sociaux.
Les premiers licenciements, en 1986, ont ciblé
les mères-de-trois-enfants-et-plus« parce qu’on
a de quoi s’occuper chez soi quand on a une
famille nombreuse». En grandissant, la troisième fille de Geneviève s’en est voulu, elle répétait: «Tu as été virée, c’est ma faute.» Finalement, la mère a été reprise autour de l’an 2000,
quand on croyait que la biscuiterie allait repartir en produisant pour la grande distribution
sous des marques génériques.
Convoyeuse de fonds
A la fin 2013, les chefs de ligne ont été convoqués par la direction. Il s’agissait de se montrer
fort et de doper le moral des troupes. On achèterait des machines neuves, on redorerait la marque, on déménagerait à Falaise, à 35 km. Les
filles s’organisaient déjà pour le covoiturage,
quand le financement a capoté. «Je n’ai pas osé
l’annoncer à la famille, au début», dit MarieClaire, embauchée à 16ans, comme tout le monde. «J’avais honte de ne plus avoir de sous pour
mettre à manger sur la table. Finalement, je l’ai
dit à ma fille qui l’a dit à mon mari.»
Les premiers jours après la fermeture, MarieClaire continue à venir chez Jeannette à 6heures du matin comme d’habitude. Elles se retrouvent à plusieurs, circulant au milieu des machines arrêtées, sans arriver à croire que « les gens
de là-haut ont pu leur faire ça». Elles montent
dans les étages déserts: les « bureaux» – ici,
T’asfaitquoi,commeétudes?
– Croque-mort !
N
e dites pas à ma mère que
je suis croque-mort, elle
me croit diplômé de ParisDauphine. Bientôt, ce sera vrai :
l’université lance, le 24 mars, un
diplôme universitaire de « business manager funéraire ». Une
première dans le secteur. Cette
formation, qui existe en langue
anglaise, était totalement absente en français.
« Nous sommes confrontés à la
génération du baby-boom. Et
dans un contexte de transmission
et de pérennisation des entreprises, nous devons former la relève
dans un marché devenu ces dernières années hyper-concurrentiel », indique Philippe Martineau, directeur général du Choix
funéraire, un réseau coopératif
d’environ 700 points de vente, à
l’origine de ce cursus. Jusqu’à présent, il existait par décret une formation de 140 heures obligatoires plutôt théorique. Celle-ci sera
vraiment managériale.
Au menu : dix sessions de trois
jours par mois et un stage de cinq
jours obligatoire dans une entreprise funéraire autre que le Choix
funéraire. Sur le plan des cours:
le parfait croque-mort de demain
saura gérer sa petite entreprise et
le personnel qui va avec. Il sera
évidemment un pro du marketing, de l’animation d’une équipe, de la vente…
Mais pas seulement. Sociologie et anthropologie sont aussi
au programme. « Il y a tout un travail sur l’absence, sur la connaissance du mécanisme freudien du
travail du deuil qu’un professionnel doit aussi avoir», souligne Philippe Martineau.
L’université Paris-Dauphine
organise même une visite au
Musée du quai Branly, à Paris,
pour potasser les représentations
symboliques de la mort et des
décès à travers le temps. Lors-
qu’ils auront soutenu leur projet
professionnel, les étudiants partiront, comme les Compagnons, à
travers la France: cinq ou six stages de dix jours afin de valider
leurs acquis, de mettre en pratique la théorie mais aussi d’appréhender le travail de deuil, que
l’on habite dans le Pays basque, le
nord ou l’est de la France.
Tests de personnalité
La première promotion compte quatorze étudiants. Les deux
tiers des inscrits ont moins de
30ans. Le plus jeune a 22 ans, le
plus âgé 45. Chacun possède un
minimum de deux ans d’expérience dans le secteur du funéraire ou un niveau d’études bac + 2.
Ils viennent d’univers très différents : informatique, bancaire…
Ils ont été minutieusement sélectionnés après des tests de personnalité. Il est ainsi essentiel de
savoir se préserver face à la mort
des autres. En clair, ne pas porter
leur deuil.
Certes le métier de croquemort ne connaît pas la crise, mais
son image ne fait pas vraiment
rêver. Cette formation suscitera-t-elle des vocations? « L’image
morbide du croque-mort est totalement dépassée. Le monde des
pompes funèbres a énormément
évolué», affirme Philippe Martineau. Depuis dix ans, le métier
s’est beaucoup ouvert aux jeunes, mais aussi aux femmes.
Dès la deuxième session, ce
diplôme universitaire sera
ouvert à d’autres entreprises de
pompes funèbres. Le Choix funéraire en a été l’instigateur, mais
ne compte pas en avoir l’exclusivité. Coût pédagogique sur dixhuit mois : 10 000euros. L’entreprise a aussi prévu de payer les
frais d’hébergement de ses étudiants. p
Nathalie Brafman
Société éditrice du « Monde » SA
Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède
Directeur délégué des rédactions Vincent Giret
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Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président
pTirage du Monde daté samedi 15 mars 2014 : 338 738 exemplaires.
c’est comme ça qu’on appelle les cadres – ont
tout laissé sens dessus dessous. Alors elles nettoient, pour ne pas avoir l’air de « souillons» au
cas où quelqu’un viendrait, retrouvant les gestes de ces moments-là, quand les patrons
disaient à l’annonce du énième audit: « Allez,
mesdames, donnez un coup de peinture pour
que la boîte ait belle allure.»
La résistance des « Jeannette» a provoqué un
élan de solidarité à Caen, la mairie a fait livrer
des paupiettes. Franck Merouze, responsable
CGT à Caen, évoque plusieurs repreneurs.
Pendant ce temps-là, des salariés commencent à être convoqués à Pôle emploi.
Catherine en revient. «Moi, je suis tombée
sur quelqu’un de gentil, Kevin.»
Régine se verrait bien convoyeuse de fonds.
«Vous avez vu la Volvo à 33000 euros, garée
devant l’usine? C’est la mienne.» Et si elle passait son permis 44-tonnes? «Mon conseiller n’a
pas été jusqu’à me dire qu’on est trop vieilles…»
Rosa, on lui a proposé «quelque chose dans
les steaks hachés à Colombelles», dans la banlieue de Caen. Il faut un CV, une lettre de motivation. Elle s’affole: «Je vais demander à ma
sœur.»
Le chef de la maintenance arrive. « Pôle
emploi a déjà trois places pour moi, bien payées.
Je leur ai dit : calmez-vous, je suis en grève.» Il
consulte le tour de garde pour l’occupation de
l’usine. « Dites, les filles, vous qui n’avez rien,
vous ne pouvez pas faire les permanences à ma
place?» Elles sont en train de débarrasser la
table. L’une répond, comme on parle à un
enfant: « T’en fais pas.» Et il s’en va. p
[email protected]
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allemand – Capital social : 318 279 200 € – Succursale France : Paris Nord 2 – 22 av. des Nations 93420 Villepinte – RCS Bobigny 451 618 904 –
ORIAS : 08 040 267 (www.orias.fr). (2) Selon autorisation préfectorale et réseau participant. Das Auto. : La Voiture.
Cycle mixte (l/100 km) : 5,3. Rejets de CO2 (g/km) : 138.
2