PORT DU VOILE : LES NOUVELLES CRISPATIONS CLEMENCEAU, UNE PASSION ASIATIQUE Les mystères de l’avion malaisien MH370 FRANCE – LIRE PAGE 10 CULTURE – LIRE PAGE 11 INTERNATIONAL – LIRE PAGE 6 Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 - 70e année - N˚21511 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède SFR: les raisons de l’échec de Bouygues t Enpréférant céder SFR àNumericable, Vivendi invoque des facteurs financiers, de management et de concurrence t Un revers majeur pour Bouygues et pour Free, en dépit des interventions répétées du gouvernement L a bataille entre les grands acteurs des télécoms a connu une issue fracassante, vendredi 14 mars, lorsque le conseil de surveillance de Vivendi a annoncé sa décision d’entrer en « négociation exclusive pour trois semaines» avec Altice, la maison mère de Numericable, afin de lui céder SFR, le deuxième opérateur mobile français. L’offre de Numericable prévoit un paiement de 11,75 milliards d’euros à Vivendi, ainsi que l’attribution de 32 % du capital de la nouvelle entité. Le choix de Vivendi constitue un échec majeur pour Bouygues, qui s’était pourtant rallié le soutien actif du gouvernement. Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, a réagi dans la soirée en laissant entendre que le rapprochement SFR-Numericable n’était pas entièrement acquis : « Des questions vont être posées aux autorités de la concurrence européennes et française », a-t-il commenté. Il s’agit aussi d’un revers de taille pour Free, qui avait conclu un accord avec Bouygues pour se porter acquéreur de son réseau en cas de succès dans la compétition pour SFR. L’offre de Numericable comportait plusieurs avantages aux yeux des dirigeants de Vivendi : un apport de fonds de 450 millions d’euros supérieur à ce que proposait Bouygues, une meilleure disposition du management et des atouts pour obtenir le feu vert de l’Autorité de la concurrence. Se campant en David terrassant Goliath, le patron de la holding Altice, Patrick Drahi, voit aboutir ses efforts. p LIRE CAHIER ÉCO CRIMÉE MONTÉE DES PÉRILS t Le référendum du 16 mars vise à entériner un rattachement à la Russie. Les tensions s’aggravent dans l’est de l’Ukraine LIRE PAGE 16 A Kerch (Crimée), un élu local prorusse, Nikolaï Valouev, avec des militants, vendredi 14 mars. MARIA TOURCHENKOVA POUR « LE MONDE » UK price £ 1,80 LIRE PAGE 17 TÉLÉVISIONS La télé est-elle devenue «réac»? a Les émissions de débat politique aiment inviter des conservateurs de tous bords, prolixes sur les sujets de société clivants a Les responsables de chaîne se défendent d’une dérive «réac » dans la course à l’audience SUPPLÉMENT A près deux scrutins municipaux, en 2001 et en 2008, où il avait baissé la voilure, le Front national étend son implantation aux élections des 23 et 30 mars. L’étude du Monde dans les villes de plus de 10 000 habitants montre qu’avec 583 listes il bat son record de 1995 (439listes). Sur l’ensembledu pays, 596 listes du parti d’extrême droite ont été validées. Le FN n’est pas parvenu à remplir ses objectifsauvu des résultats du scrutinprésidentiel de 2012. Sur les 255 villes de plus de 10 000 habitants où Marine Le Pen avait obtenu plus de 20 % des voix, il n’est présent que dans 144. S’il a moins de listes dans la proche banlieueparisienne, il n’est absent que dans neuf départements. Son maillage territorial est quasiment généralisé. p LIRE PAGES 8-9 Dans son essai Quand la France s’éveillera, l’ex-directeur de l’Organisation mondiale du commerce, social-démocrate proclamé, s’interroge sur les causes d’une dépression qui conduit la France à ne pas exploiter pleinement ses atouts. Dans une interview au Monde, il appelle François Hollande à aller plus loin pour vaincre trois pathologies du pays: chômage de masse, déficits publics excessifs et compétitivité en voie d’érosion. LIRE CAHIER ÉCO PAGE 5 de terrible approche », met en garde l’écrivain Svetlana Alexievitch Lors de sa conférence de presse du mercredi 12mars, le nouveau premier ministre italien, plus jeune chef de gouvernement en Europe, a présenté son plan de relance, multipliant les promesses et les additions, télécommande en main. En Italie, pour un leader de gauche, cette conversion à la communication est inédite. Matteo Renzi a également surpassé, en bon disciple, le maître Berlusconi. Pour le Cavaliere, le coup est rude. le parti d’extrême droite accroît son ancrage territorial Pascal Lamy ausculte la « névrose » française t « Quelque chose Matteo Renzi renvoie Silvio Berlusconi à la préhistoire de la « com » t Avec 596 listes validées, ÉCONOMIE LIRE NOS REPORTAGES PAGES 2-3 ANALYSE Municipales: comment le Front national étend sa toile SFR: l’ingérence inopportune de l’Etat L ’affaire Vivendi-SFR montre sans doute jusqu’où la puissance publique ne doit pas – et ne peut pas – aller. On ne peut que se réjouir que l’Etat cherche à redonner sa noblesse à l’industrie. Pendant trop longtemps – une quinzaine d’années –, le tissu économique et social français a été livré à luimême, les gouvernements, de droite comme de gauche, estimant qu’ils n’avaient pas à intervenir, à quelques exceptions ÉDITORIAL près, dans les stratégies de groupes industriels privés. Arnaud Montebourg, le bouillonnantministredu redressement productif, après des débuts émaillés d’éclats souvent contre-productifs, a réussi à redonner du crédit à l’action de l’Etat sur ce terrain. L’Etat stratège industriel, c’est une bonne idée. Mais encore faut-il avoir une stratégie. Or l’intervention volontariste de M. Montebourg dans le processus de vente du second opérateur mobile français, SFR, a manqué de clarté quant à ses motivations. Son échec prend l’allure d’un camouflet pour le gouvernement. Vendredi 14 mars, Vivendi, société privée, a choisi de vendre SFR à Altice, une société d’investissement cotée à la Bourse d’Amsterdamquidétientnotamment le câblo-opérateurfrançais Numericable. C’est son droit et son choix, même si certains le jugent contestable. Jusqu’à la dernière minute, M. Montebourg a soutenu bec et ongles l’offre concurrente déposée par Bouygues et appuyée par Free. Il a même fait preuve de légèreté en déplorant, vendredi matin surEurope1, lechoix ques’apprêtait à faire Vivendi avant même que la décision soit connue… Cette prise de position tranchée est d’autant plus étonnante que les deux offres concurrentes étaient toutes deux porteuses d’incertitudessurl’emploiet l’investissement, n’en déplaise aux protagonistes – et à la surenchère de promesses à laquelle ils se sont livrés. Le projet Numericable est sans doute financièrement le plus périlleux. Celui présenté par Martin Bouygues était socialement le plus risqué. Faute d’avoir énoncé une politique industrielle claire en la matière, des réflexes que l’on croyait d’une autre époque ont resurgi en quelques semaines. Dans ce mariage, il semble que les relations personnelles aient joué un rôle plus important que les raisons de fond. Si l’idée sous-jacente de l’Etat stratège était de sauver le soldat Bouygues Telecom, l’opérateur le plus affaibli par la guerre des prix, c’est raté. Cela aurait mérité d’être explicité. Surtout, cela aurait justifié d’explorer différentes alternatives en amont, sansattendre que surgissele projet Numericable-SFR, quasiment bouclé d’avance. Tétanisépar l’audaceinterventionniste du ministre du redressement productif, le gouvernement s’est jeté tête baissée dans la gueule du loup. Vivendi en a profité pour faire monter les enchères. Au passage, ce résultat va alourdir encore un peu plus la dette qui entravera le nouveau groupe. Ce fiasco ministériel est d’autant plus dommageable qu’il a rendu totalement inaudible une autre initiative, beaucoup plus constructive. Les plans de la « Nouvelle France industrielle », pour lesquels M. Montebourg a beaucoup œuvré, étaient lancés en grande pompe ce même 14 mars à Matignon. Il s’agit de concrétiser les projets d’avenir dans 34 secteurs industriels où l’Etat et les entreprises ont choisi de travailler main dans la main. Un projet qui dessine, là, une vraie stratégie. p DÉTAILLANT - GROSSISTE Vend aux particuliers MATELAS - SOMMIERS fixes ou relevables - toutes dimensions TRECA - TEMPUR - DUNLOPILLO - EPEDA - SIMMONS - STEINER - BULTEX... CANAPES - SALONS - RELAX CONVERTIBLES ouverture manuelle ou électrique pour couchage quotidien DIVA - STYLE HOUSE - NICOLETTI - BUROV - HOME SPIRIT - SITBEST... 50 av. d’Italie 75013 PARIS 247 rue de Belleville 75019 PARIS 148 av. 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Au nord du bourg de Chonhar, à une centaine de mètres en amont d’une langue de terre qui relie la péninsule de Crimée à l’Ukraine, un camion barre la voie rapide. Autour : un champ de mines fraîchement creusé, des blocs de béton et des hommes en armes. Leresponsableduposte-frontière, Alexander, est un officier des Berkout, les forces antiémeutes qui ont mené la répression sanglante des manifestations de Kiev. Il s’est replié, le 23 février, en Crimée avec ses hommes, au lendemain de la fuite de l’ancien président ukrainien, Viktor Ianoukovitch. « Nous protégeons la Crimée contre ceux de Kiev. Toute la population est derrière nous. Regardez: les gens nous apportent de la nourriture.» Ils étaient 400 Berkout stationnés en République autonome de Crimée avant Maïdan. Leur chef à Simferopol, la capitale régionale, Iouri Abisov, affirme avoir doublé ses effectifs depuis trois semaines. La force a été démantelée partout ailleurs en Ukraine. Dimanche 16 mars, les Berkout du poste-frontière voteront à Chonhar en faveur du rattachement de la Crimée à la Russie, dans un référendum dont le résultat semble écrit d’avance. Alors se posera la question de la réaction de Moscou après ce vote. Le premier ministre de Crimée, Sergueï Aksionov, homme de paille, annonçait, vendredi 14 mars, qu’un rattachement à la Fédération de Russie pourrait formellement prendre jusqu’à un an. Mais dans les faits, la Crimée est déjà russe. Qui pouvait imaginer cela il y a seulementtrois semaines ? La Russie a avancé si vite. Il y a d’abord eu, lundi 24 février, la prise de la mairie de Sébastopol, le grand port de la mer Noire où est stationnée la flotte russe (25 000 hommes). Une foule rassemblée par un parti sécessionniste, le Bloc russe, faisait élire à la tête du conseil municipal un homme d’affaires du cru établi à Moscou, Alekseï Tchaly. Trois jours plus tard, un commando armé s’établissait avant l’aube dans le Parlement régional de Simferopol. Un nombre imprécis de députés y votait le soir, à huis clos, le principe d’un référendum « sur l’autonomie ». Ils nommaient un quasi-inconnu à la tête du gouvernement de région : Sergueï Aksionov, homme d’affaires au passé trouble. A la tête du parti Unité russe, il avait obtenu 4 % des suffrages aux élections régionales de 2010. Le lendemain, des soldats russes sans insigne prenaient le contrôle de la péninsule sans tirer un coup de feu. Dans la foulée, le 1ermars, VladimirPoutine demandait puis obtenait de la Douma l’autorisationde déployer sestroupes dans toute l’Ukraine. Ses soldats tiennent toujours les routes de Crimée et les aéroports. Ils bloquent ou encerclent les bases militaires ukrainiennes. Jeudi 6 mars, le Parlement accélère les événements et annonce la tenue d’un référendum sur le rattachement pur et simple à la Russie, ou un retour au statut d’autonomie élargie de la Crimée au sein de l’Ukraine défini par la Constitution régionale de 1992. La date en a été avancée deux fois: du 25 mai au 30 mars, puis au 16 mars. Dix jours pour habiller une prise de guerre en plébiscite populaire. Depuis, les soldats russes ont laissé le premier rôle, dans les villes, à un assemblage hétéroclite de milices et de forces de sécurité institutionnelles. Elles ont remplacé «J'accorde peu d’intérêt à ceux qui gouvernent » Ahmed Khalilov, 30 ans, imam de la mosquée de Krasnoperekopsk: « Je suis un Tatar de Crimée. Je n’irai pas voter. Je reste en dehors de la politique et je fais confiance aux autorités musulmanes de Crimée, quiconsidèrent le référendum comme illégitime. Cependant, 67 % de la population est russophone et souhaite le rattachement. Le résultat semble évident. Pour tout avouer, je n’ai jamais voté de ma vie. Pour moi, peu importe qui détient le pouvoir. Si demain je me lève et que le drapeau russe flotte sur le Parlement régional, ça ne changera rien. Les gens conti- nueront à travailler et à étudier. Le plus important, c’est que nous échappions à la guerre. J’accorde peu d’intérêt à ceux qui gouvernent.» Pendant une semaine, la photographe Maria Turchenkova a parcouru la Crimée pour « Le Monde». La Russiemaintientsa menace Des incidents meurtriers ont éclaté à Kharkiv et à les canaux de six chaînes de télévision ukrainiennes par des chaînes russes. Elles siègent dans un QG de sécurité situé dans les bureaux du premier ministre, à Simferopol. Le patron de la police nommé par Kiev le 22 février a tenu deux heures sur son siège. Il a été remplacé par Sergueï Abisov, le petit frère du chef des Berkout. Pendant deux semaines, ses policiers étaient surtout visibles dans les Les soldats russes ont laissé le premier rôle à un assemblage hétéroclite de milices et de forces de sécurité locales campagnes, blottis derrière des radars. Aujourd’hui, ils copinent en ville avec les miliciens. Le Parlement, le bureau du gouvernement, les bureaux de vote et les lieux de manifestations sont gardéspar des« volontaires», organisés les premiers temps autour du parti de M. Aksionov, qui s’est mué en un obscur Front de Crimée. Les cosaques locaux, force paramilitaire, ont reçu d’importants renforts de Russie, où ils bénéficient d’une reconnaissance officielle du Kremlin. Un vice-commandant russe des Cosaques, Nikolaï Pervakov, dirige les opéra- tions entre Simferopol et Krasnodar, en Russie. Jeudi 13 mars, des Cosaques en armes et des soldats de la toute nouvelle armée de la République deCrimée avaientremplacéles soldats russes dans la base militaire de Bakhtchissaraï,ville où la minorité musulmane tatare est nombreuse. Leurs chefs s’approchaient avec précaution de quelques dizaines d’officiers et de soldats ukrainiens désarmés toujours présents dans l’enceinte, mines sombres, mutiques. Le drapeau de Crimée flottait à côté du drapeau ukrainien « jusqu’à ce que les officiers aient prêté serment à l’armée de Crimée ou quitté la région », expliquait, hilare, un patron local du Front de Crimée, Iouri Perchikov. Le sort de ces soldats, qui tiennent encore une dizaine de bases, doitêtre réglélundi, après l’annonce des résultats du référendum. Selon M. Aksionov, ceux qui refuseront de faire allégeance« au peuple de Crimée » seront considérés comme des groupes armés illégaux. Signe inquiétant : des journalistes sont battus, arrêtés, et dans la nuit de jeudi à vendredi, trois membres d’une colonne d’activistes soupçonnée de faire parvenir de la nourriture aux soldats ukrainiens assiégés ont disparu dans les rues de Simferopol. L’organisation Human Rights Watch a recensé trois autres dispa- rus depuis le 9 mars. Ils sont détenus sans charges en Crimée dans un lieu inconnu. Anatoli Kovalsky et Andriy Schekun, militants pro-Maïdan de Sébastopol, ont été arrêtés par des hommes en civil, le 9 mars, à la gare de Simferopol, puis emmenés par des miliciens d’Unité russe.M. Aksionova affirmé qu’ilsresteraient aux mains des « forces spéciales de Crimée » jusqu’au référendum. L’hôpital militaire de Simferopol a également été investi par des miliciens, lundi 10 mars. Pour le moment, ces disparitions ne semblent pas concerner les Tatars de Crimée (12 % de la population), principaux soutiens de Kiev dans la péninsule, qui ont tout à perdre d’un rattachement à la Russie. Vendredi, Fazil Amzaev, représentant du Hizb ut-Tahrir, une organisation islamiste interdite en Russie qui revendique plusieurs milliers de membres en Ukraine, rappelait dans un restaurant de Bakhtchissaraï que quelques Tatars se battent actuellement en Syrie aux côtés des rebelles. « Pour l’heure, les pro-Russes essaient de mettre les Tatars de leurcôté. S’ils échouent,le ton changera. Il n’y a pas d’organisations terroristes en Crimée. Mais, si les Russes se retournent contre la communauté, des jeunes se radicaliseront. Ce ne sera pasla peined’attendre qu’ils arrivent de l’étranger. » p Louis Imbert Moscou Correspondante L a fièvre revancharde russe s’arrêtera-t-elle à la Crimée ? A Simferopol, la capitale de la péninsule séparatiste qui organise dimanche 16 mars un référendum pour son rattachement à la Russie, le « premier ministre » et « commandant en chef » autoproclamé Sergueï Aksionov a encouragé vendredi 14 mars les russophonesde l’Est de l’Ukraine à demander eux aussi leur intégration au voisin russe. Plus le référendum approche, plus les provocations meurtrières se multiplient dans les bastions russophones, alors que la Russie continue de masser ses soldats en Crimée et sur la frontière orientale de l’Ukraine. Deux personnes ont été tuées dans la soirée de vendredi 14 mars à Kharkiv, lorsque des militants pro-russes, débarqués d’autobus immatriculés à Dnipropetrovsk, ont attaqué le siège de l’association culturelle ukrainienne Prosvita, dans le centre-ville. Selon le parquet de Kharkiv, les pro-russes ont attaqué plusieurs bâtiments au prétexte d’en déloger des militants du groupuscule nationaliste ukrainien Pravyi Sektor, qui s’y étaient installés. Des armes ont été saisies et 30 personnes arrêtées dans les deux camps, selon le ministère de l’intérieur. Jeudi, des militants pro-russes avaient attaqué un groupe de manifestants pro-Ukrainiens à Donetsk, sans que la police lève le petit doigt pour les défendre. Dans leséchauffourées,DmitriTcherniavski,22ans, militantdu partinationaliste Svoboda, a été tué de plusieurs coups de couteaux. Selon les premiers éléments de l’enquête, le jeune militant aurait été tué par uncriminelde droitcommun,tout juste sorti de prison. Sergueï Tarouta, le nouveau gouverneur de la région de Donetsk, a accusé les Russes d’être à l’origine de ces violences. Moscouélude, ne perdant pas uneoccasion de souligner que les autorités de Kiev ne sont plus en mesure de contrôler la situation. Publié vendredi, au moment même où le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov s’entretenait à Londres avec son homologue américain John Kerry à propos de l’Ukraine, un communiqué du ministère russe des affaires étrangères rendu clairement les intentions de Moscou : « Le 13 mars à Donetsk, une tragédie s’est produite, le sang a coulé. Des groupuscules de l’extrême droite radicale munisd’armes et de battes de baseball, venus d’autres régions d’Ukraine, ont agressé des militants pacifiques descendus dans la ruepour protestercontre le caractère destructeur des personnes qui prétendent représenter le pouvoir ukrainien. Il y a de nombreux blessés et un mort. » Blâmant la faibles- 0123 international Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 3 L’extrême droite ukrainienne, cible inespérée pour Moscou La visibilité sur Maïdan des groupuscules néonazis, ultraminoritaires, nourrit la propagande russe contre le nouveau pouvoir à Kiev Reportage Kiev Envoyé spécial A vec leurs visages masqués, leurs ceinturons de WaffenSS, leurs croix gammées peintes aux murs et leur manie de saluer en dressant la main droite, Igor Mosiychuk et les hommes en tenue de camouflage qui l’entourent sont au cœur d’une violente controverse internationale. Ce qui ne semble pas l’indisposer : « Le seul souci, dit-il, c’est la Crimée. Sinon, la situation pour nous est fantastique. Nous enrôlons plus de combattants que jamais, et les envoyons à l’est, chez les séparatistes [prorusses]. Une centaine rien qu’aujourd’hui.» Voilà deux semaines que trois groupuscules radicaux de l’extrême droite ukrainienne ont investi, sans demander de permission à quiconque, le 7e étage de la mairie deKiev, poussantles bureaux pour pratiquer leurs entraînements ou s’aménager des couchettes. On y accède par une sorte de double fond du bâtiment monumental, à quelques centaines de mètres de la placeMaïdan.A droite du hall principal, sur un mot de passe chuchoté,desgardesenarmesouvrentl’accès à un escalier dérobé. Igor Mosiychuk, 153 kilos et la mine réjouie, est l’un des dirigeants des Patriotes d’Ukraine, un groupe paramilitaire néonazi. Un vote au Parlement ukrainien le 24 février sur les détenus politiques l’a tiré de prison, où il purgeait depuis août 2011 une peine de six ans pour « préparation d’actes terroristes ». « N’importe quoi, dit-il. Le juge était corrompu. Notre priorité,c’est de nous occuper de lui et desautres affidésdel’ancienrégime. Mais l’invasionrusse en Crimée détourne un peu notre attention, c’est vraiment dommage. » A côté de lui, le jeune Vyacheslav Horan, au visage anguleux, a le même regret. Il est le fondateur de Biely Molot (« marteau blanc »), un groupuscule plus récent et plus radical encore, spécialisé dans le « nettoyage». « J’ai commencéil y a un an, dit-il. Je postaissur VKontakte [le Facebook russe] des adresses de gens corrompus, de casinos illégaux ou d’homosexuels. Après, je recevais un message qui disait que le problème était réglé, sans que je sache qui l’avait fait, pour des raisonsde sécurité.Doncj’ai pasle chiffre exact de mes effectifs. Plusieurs centaines. » Selon plusieurs experts, les troupes de Biely Molot sont plutôt quelques dizaines. Les accusations du Kremlin conduisent les autres formations politiques ukrainiennes à nier l’existence de néonazis Ces deux-là et leurs troupes de chemises brunes sont précisément les «fascistes», les «néonazis» etles «antisémites» dont la propagande du Kremlin prétend qu’ils composent l’essentiel des foules révolutionnairesquiontforcéledépartdu président Ianoukovitch. Eux se gardent bien de le contredire: ils sont ravis d’exagérer le rôle qu’ils ont joué sur les barricades de Maïdan. « La révolution ukrainienne est nationale et démocratique, dit Anton Shekhovtsov, chercheur au UniversityCollege de Londres,spécialisé depuis des années dans les mouvements d’extrême droite en Ukraine. Les néonazis n’y ont joué qu’un rôle marginal. Ils avaient une certaine efficacité sur Maïdan parce qu’ils formaientdes unités de combat disciplinées, qui ont sans doute sauvé la vie de nombreux civils. Mais ce ne sont pas eux qui ont fait tomber Ianoukovitch et ils arméecontrel’Ukraine Les pro-russes ont attaqué plusieurs bâtiments de Kharkiv pour en déloger des militants de la coalition Pravyi Sektor La lecture faite par Moscou est entotalecontradictionaveclaréalité. A Donetsk, comme à Kharkiv, ce ne sont pas les manifestants proUkrainiensquiontattaquémaisles pro-Russes,dont les rangs, selon les témoins sur place, sont avant tout composés de gopniki (voyous). Ces dernièressemaines,leschaînes de la télévision publique russe répètent à l’envi que les « fascistes » qui ont pris le pouvoir à Kiev veulenten découdreavec lesrussophones de l’est du pays. Les médias réticents à cette pensée unique, comme le blog de l’op- Un militant d’extrême droite, le 7 mars, à la mairie de Kiev. MARI BASTASHEVSKI POUR « LE MONDE » inespérée à la propagande russe. Macha,unemilitanteukrainienne de gauche, est consciente de l’étrangeté de ce reste d’union sacrée. Il y a quelques mois, l’activitéprincipaledesgroupusculesnéonazis consistait à attaquer les groupes comme le sien. « J’ai plusieurs fois été insultée et frappée par des types que j’ai retrouvés à côté de moi à Maïdan», dit-elle. L’unedes raisonsqui expliquent laprotectiondontbénéficientencore les néonazis ukrainiens est leur appartenance à une coalition de droite nationaliste, Pravyi Sektor, formée aux premières heures de Maïdan,ennovembre2013.Lacomposante principale en est le groupe Tryzub (trident), que l’on dit modéré mais qui se réclame de la figure controversée de Stepan Bandera Les rabbins ukrainiens furieux contre Poutine Les propos de Vladimir Poutine sur la dimension « antisémite » du « coup d’Etat » de Kiev ont hérissé les juifs ukrainiens. Vingt et un responsables de la communauté juive ukrainienne, dont les dirigeants du Vaad (conseil des rabbins), ont envoyé début mars une lettre cinglante au président russe. « Vladimir Vladimirovitch, vous choisissez sciemment vos mensonges, écrivent-ils. (…) Vos certitudes sur la croissance de l’anti- sémitisme en Ukraine (…) ne correspondent à aucun fait. Peutêtre confondez-vous l’Ukraine et la Russie, où les organisations juives ont constaté une recrudescence de l’antisémitisme l’an dernier. (…) Nous sommes parfaitement capables de protéger nos droits. (…) Nous vous appelons à ne pas intervenir dans les affaires internes de l’Ukraine, à ramener les forces russes là où elles étaient et à cesser d’encourager le séparatisme prorusse. » (1909-1959), anticommuniste virulent qui, pendant la seconde guerre mondiale, participa avec les nazis à des massacres de juifs mais qui fut ensuiteinternédansdescampsallemands, où ses deux frères trouvèrent la mort. C’est le leader de Tryzub, Dmitro Iaroch, formateur militaire de profession, qui dirige PravyiSektor. Il a annoncésa candidature à la présidentielle du 25mai. «Tryzub n’est pas une formation fascisteniantisémite,estimeAnton Shekhovtsov. C’est une droite conservatrice et patriotique. » Il n’empêche, la poétesse Diana Kamliuk s’est affichée cette semaine dans une conférence de Dmitro Iaroch, faisant la bise à tous ses gardes du corps. Elle est l’auteur d’un dérapageantisémitesur lascènede la place Maïdan et ses « poèmes » ont d’étranges relents: « Allez jusqu’aubout/Nesuivezpaslesadjurations juives/Dans vos veines coule le sang ukrainien d’hommes blancs.» Difficile de prédire si Pravyi Sektor réussira sa mue en parti. Pour l’instant, l’organisation négocie avec le gouvernement provisoire un statut de société de sécurité privée, afin de distribuer à ses membres des permis de port d’armes. Toujours est-il que dans un paysage politique en pleine recomposition,le contextede l’annexion de la Crimée par la Russie est favorable aux nationalistes, et que, de l’avis de la plupart des analystes, Pravyi Sektorenseralepremierbénéficiaire, siphonnant les voix que l’autre grand parti nationaliste, Svoboda, avait engrangéesaux électionsparlementaires de 2012. « Les intentionsdevotepourSvobodasontpassées de 10 % à 4% pendant Maïdan, estime Anton Shekhovtsov, et cela vacontinuerdebaisser.QuantàPravyi Sektor, leur contribution a été appréciée pendant la révolte, mais voter pour eux est une autre chose. Je ne leur donne pas plus de 5 %.» Dans sa tentative de recentrage, Pravyi Sektor aurait récemment exclu Biely Molot de ses rangs, ce que le fondateur du groupuscule néonazi dément: « Les décisions de la coalition sont collectives, rien de teln’a étéévoquéen comité»,déclare Vyacheslav Horan. Le parti de Dmitro Iaroch tente aussi de mettre en avant une organisation appelée Spilna Sprava (« cause commune ») qui prétend rassembler des dizaines de milliers de petits patrons nationalistes. Le responsable, Oleg Ahtyskyi, reçoit sous une tente de Maïdan. Il affirme se situer au centre droit de l’échiquierpolitique.« A cette invasion russe, dit-il, nous avons besoin de résister avec toutes les forces de notre société. » Homosexuels compris ? Silence embarrassé. « Euh… c’est une question compliquée. Disons que oui ; et on les mettra en première ligne. » p La minute ENVIRONNEMENT avec Donetsk, dans l’Est ukrainien se des autorités de Kiev, « incapables de contrôler la situation », le ministère ajoute que la Russie « se réservele droit de défendreses compatriotes et ses concitoyens en Ukraine». Minimisant la portée du communiqué,M.Lavrova expliquéque la Russie « n’a pas et ne peut avoir le projetd’envahirlesud-estdel’Ukraine » tout en rappelant une fois de plus que les autorités de Kiev « ne contrôlent pas » le pays. n’ont aucun avenir politique. » Pour lui, la propagande russe a pourtant marqué des points, parce que le mouvement révolutionnaire avait autre chose à faire ces dernières semaines que de soigner ses relations publiques. « Poutine est en train de gagner la guerre de l’information», regrette-t-il. Igor Mosiychuk, lui, est comblé par ce duel avec le président russe. « Poutine ne nous fait pas peur, crâne-t-il.Nous allons porter la révolution à Moscou. La Russie est bien plus faible que l’on croit, parce que ses racines historiques et spirituelles ne sont pas assez profondes et qu’elle est peuplée par trop de musulmans.» DanslaKievpost-révolutionnaire,lesgroupusculesd’extrêmedroite sont un non-dit qui devient embarrassant. D’abord, les accusations du Kremlin conduisent les autres formations politiques à nier l’existence de néonazis. Ensuite, personne ne veut égratigner la mémoiredeMaïdan,celled’unpeuple uni contre le président corrompu. Parce qu’ils ont tous combattu côteà côtesur Maïdan,néofascistes et gauchistes, juifs et militants pour les droits homosexuels, anarchistes et simples citoyens refusent pour l’instant de desserrer les rangs et d’écarter cette poignée de parias qui suscitent l’opprobre international et offrent une cible posant Alexeï Navalny, ont été fermés. Galina Timtchenko, la rédactrice en chef du site d’information Lenta.ru, propriété de l’oligarque Alexander Mamut, qui vit à Londres, a été mise à pied. Son crime ? Avoir diffusé le 10 mars l’interview d’un ultranationaliste ukrainien. Sur le terrain, Moscou continue d’envoyer des soldats et du matériel en Crimée. Un journaliste de Reuters a constaté vendredi qu’un navire de guerre russe, le Yamal 156, débarquait des camions, des soldats et au moins un véhicule blindé de transport de troupes non loin de Sébastopol. Une centaine de véhicules, dont descanons,avaientétéaperçusdernièrement dans le même secteur. D’après Vladislav Selezniov, un fonctionnaire du ministère ukrainien de la défense en Crimée, des témoinsontvu débarquerdesblindés russes à Kertch, ville située sur le détroit qui sépare la péninsule de la Fédération de Russie. Les gesticulations russes poussent l’Ukraine à chercher la protection de l’Alliance atlantique. Dans une interview accordée vendredi au quotidien ukrainien Den, Leonid Kravtchouk, qui fut président del’Ukrainede 1990 à 1994, a expliqué : « J’étais autrefois favorable à la neutralité du pays, à des relations privilégiées avec la Russie, or j’estime désormais que nous devons demander au plus vite à entrer dans l’OTAN. » p Marie Jégo Serge Michel PUBLICITÉ Quand les déchets produisent des légumes Acteur mondial dédié aux métiers de l’eau et des déchets, le groupe SUEZ ENVIRONNEMENT participe, par ses technologies et services innovants, à une croissance verte et durable. Illustration à Toulouse, où l’écopôle Econotre valorise les déchets en énergie pour chauffer de nouvelles serres maraîchères. A l’heure du développement durable, les déchets deviennent une ressource à part entière. C’est l’un des grands enjeux de l’économie circulaire et un axe de mobilisation pour SUEZ ENVIRONNEMENT. A Bessières, dans la région de Toulouse, l’écopôle Econotre illustre de façon emblématique la capacité d’innovation du groupe en matière de valorisation énergétique. Mis en service en 2001, pour le compte du syndicat mixte DECOSET, Econotre est un pôle multifilières qui regroupe plusieurs installations : un centre de tri des déchets issus de la collecte sélective, une unité de valorisation énergétique (UVE) qui produit de l’électricité, un centre de traitement et de valorisation des mâchefers, une plate-forme de compostage des déchets verts et quatre centres de transfert des déchets. De l’électricité à partir des déchets Grâce à ce complexe original, chaque année, 170 000 tonnes de déchets ménagers issus de 153 communes du nord du département sont valorisées sous forme d’énergie et transformées en électricité. Plus de 100 Gwh/an sont générés et 55 000 foyers éclairés. En 2014, DECOSET et SUEZ ENVIRONNEMENT vont aller plus loin, en récupérant l’énergie résiduelle de l’UVE au profit de la culture maraîchère : cette initiative permettra de produire de l’eau chaude et de chauffer 10 hectares de serres installées à proximité du site et destinées à la production de légumes. installation doublement respectueuse de l’environnement : elle permet à la fois de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et d’économiser de l’énergie en utilisant celle produite par le traitement des déchets. Le circuit court de distribution des fruits et légumes, destiné à une consommation de qualité et de proximité, contribue également à limiter l’impact carbone de cette filière locale. Des serres alimentées à l’énergie résiduelle Ce projet, qui s’achèvera en fin d’année, représente une nouvelle ère pour le traitement des déchets. Avec Econotre, on peut désormais parler de « valorisation énergétique et thermique ». L’impact sur l’environnement sera très concret : 2 400 tonnes de CO2 évitées, 5 300 tonnes d’équivalent pétrole économisées. Les serres aideront à dynamiser l’économie locale, en créant 100 emplois et en produisant chaque année 4 500 tonnes de légumes (tomates et concombres). Une n En France, la valorisation énergétique est la 3e source de production d’électricité renouvelable et la 4e source de production de chaleur renouvelable n 4.49 millions de tonnes de déchets transformées en énergie par SUEZ ENVIRONNEMENT grâce aux unités de valorisation énergétique exploitées par SITA en 2012 en France Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.emag.suez-environnement.com et sur la page Environnement du 4 0123 international Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Les Vingt-Huit finalisent leur riposte au coup de force de Moscou en Crimée L’Union européenne est déterminée à sanctionner de hauts responsables politiques russes Le «capitaine» Pascal Simbikangwa a été condamné à vingt-cinq ans de prison Bruxelles Bureau européen D es sanctions contre la Russie et un soutien appuyé à l’Ukraine: en contact étroit avec les Etats-Unis, les Européens tentent de faire front face au très probable rattachement de la Crimée à la Russie. Après deux semaines de tensions depuis le coup de force orchestrépar Vladimir Poutine,lesVingt-Huitredoutentleslendemains du référendum organisé dimanche 16 mars dans la petite République autonome des bords de la mer Noire. LesEuropéensn’ontpasétévraiment surpris que, à Londres, les ministres des affaires étrangères russe et américain, Sergueï Lavrov et John Kerry, ne parviennent pas à trouver un terrain d’entente lors d’une ultime tentative de dialogue, vendredi. Au-delàdu sort de la Crimée,qui leur paraît scellé, les Vingt-Huit tententdes’organiserpourmaintenir leur fragile unité et riposter à toute nouvelle escalade. Dès lundi 17 mars, les ministres des affaires étrangères doivent acter depuis Bruxelles une série de sanctions individuelles contre des personnalités d’ores et déjà jugées «Le vrai sujet au lendemain du référendum sera de savoir quoi faire avec la Russie» Un diplomate européen responsablesde l’interventionrusse en Crimée. Il s’agira de geler les avoirs d’une trentaine de personneset deles priverdevisas devoyage vers l’Union européenne (UE). La liste devrait être finalisée dimanche soir lors d’une réunion des ambassadeurs des Etats membres. Elle ne devrait comprendre aucun ministre du gouvernement de Vladimir Poutine, afin de laisser une chance à une issue politique négociée à l’amiable. « Il y aura des parlementaires, des membres des instances de sécurité, un haut responsable du ministère de la défen- L Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le 14 mars. BRENDAN SMIALOWSKI/REUTERS se », a indiqué, vendredi, un diplomate bruxellois. Des Russes, mais aussides Ukrainienspro-Russesen Crimée devraient être ciblés. Le référendum passé, tout dépendra ensuite de l’attitude de Vladimir Poutine. En cas d’annexiondéfinitiveetrapidedelaCrimée, d’incidents dans d’autres régions de l’Est ou de recours à la force par Moscou, les Européens se réservent la possibilité, au fil de la semaine prochaine, de compléter leur liste. Au pire, ils envisagent aussi, comme convenu lors du Conseil européen du 6 mars à Bruxelles, d’aller vers un nouveau train de sanctions, cette fois de nature économique. Les premières mesures pourraient être prises lors du Conseil européen des 20 et 21 mars. Il pourraits’agirdegelercertainestransactions financières ou les avoirs en Europe d’entreprises russes. Au passage, la Suède a aussi proposé d’envisager un embargo sur les livraisons d’armes, une perspective rejetée par la France. A ce jour, les Européens ont déjà suspendu – c’était le premier volet de leur politique de sanctions gra- duées – les discussions préparatoires au sommet du G8 de Sotchi en juin et gelé les négociations destinées à libéraliser les visas entre la Russie et l’Union européenne. En parallèle, chefs d’Etat et de gouvernementont décidéd’accélérer la signature de l’accord d’association avec l’Ukraine, à l’origine de la crise. La décision a été prise le 6 mars, en présence du premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk. Pour concilier les partisans d’une association la plus poussée possibleavec Kiev, Pologneen tête, et ceux qui veulent éviter toute provocation à l’égard de Moscou, comme l’Allemagne ou la France, il a été convenu de procéder en deux temps. Le volet politique de l’accord serasigné vendredi21 mars, lors du Conseil européen. Le volet commercial devrait attendre la tenue de l’élection présidentielle en Ukraine, le 25 mai. Il consiste pour l’essentiel à mettre en place un espace de libre-échange entre l’UE et l’Ukraine, une perspective qui inquiète la Russie. Sans attendre, les Vingt-Huit veulent cependant réduire les tarifs douaniers prélevés sur les produits ukrainiens, afin d’offrir de nouveaux débouchés à une économie au bord du gouffre. Ils ont aussi annoncé une aide financière de11 milliardsd’euros,et se concertent avec le Fonds monétaire international afin d’éviter la faillite du pays. L’idéeest deconforterles autorités provisoires, en particulier le premier ministre par intérim, dans leur face-à-face avec Vladimir Poutine.Et d’attendre la formation d’un gouvernement stable pour finaliser le travail. Il n’est pas exclu que le rythme soit encoreplus rapidesi la tension devait continuer à monter. Mais dans cette hypothèse, les Européens devraient surtout amplifier leurs sanctions contre Moscou. « Le vrai sujet lundi sera de savoir quoi faire avec la Russie, car le soutien à l’Ukraine est de toute façon engagé », remarque un diplomate. Si la situation devait encore se dégrader, « on renforcera les sanctions plutôt que de précipiter la mise en place de l’accord d’association », confie un haut responsable gouvernemental. p Philippe Ricard LesEstoniensminimisentla menacedu voisinrusse Moscou dispose de réseaux d’influence en Estonie par le biais de la communauté russophone Tallinn Envoyé spécial K alli avait 3 ans quand l’Estonie a été envahie par l’Union soviétique en 1940. Devant un supermarché de Lasnamäe, un quartier à très large majorité russophone à l’est de Tallinn, cette Estonienne n’est pas rassurée, à quelques jours du référendum du 16 mars sur le rattachement de la Crimée à la Russie. L’Estonie, petit pays balte de 1,3million d’habitants, est l’un des plus intégrés de la région, membre de l’Union européenne (UE) et de l’OTAN depuis 2004, de la zone euro depuis 2011. « Certains Russes du quartierveulent que l’armée russe revienne, dit Kalli. Mais ce sont des vieux, des nostalgiques», précise-t-elleaussitôt. « Poutineest devenu fou. Il a dit qu’il voulait restaurer les frontières de l’URSS », croit savoir Helmut Värs, un retraité estonien, ancien militaire de l’Armée rouge dans les années 1970. « Qu’il arrive en Estonie la même chose qu’en Crimée ? On ne sait jamais, dit-il. Mes nombreux amis russes sont du même avis que moi. Tout ça est fou.» «L’Estonie est estonienne et doit le rester », défend Valkov Vjatseslav. Ce Russe né en Sibérie en 1957, Rwanda: première condamnationpour génocide à Paris chômeur, est arrivé en Estonie en 1960, dont il ne parle toujours pas la langue. Même s’il trouve que la vie est dure pour les russophones, il apprécie, ici, «un pays démocratique et civilisé». République soviétique de 1944 à 1991, l’Estonie s’espère à l’abri des nouvelles poussées expansionnistes de Moscou. «Certains politiques tentent de nous persuaderque nous devons avoir peur de la Russie, mais Poutinen’aaucunintérêtici»,explique Alexander Kuzmin, jeune entrepreneurd’originerusso-ukrainienne arrivé enfant en Estonie. Influence des médias Près de 30 % de la population estonienne est dite russophone. Mais la part des citoyens russes est de plus en plus faible. Moscou est pourtant toujours à l’affût pour y exercer une influence. Eerik-Niiles Krossensaitquelquechose.Ancien responsable des services de sécurité estoniens, expert en sécurité et candidat aux élections européennes de mai, il a été accusé par Moscou d’avoir fomenté l’abordage de l’Arctic Sea, un navire marchand victime d’un mystérieux acte de piraterie en mer Baltique durant l’été 2009 avant que la marine russe n’intervienne. Les pirates, Estoniens et Letto- niens,sontdepuisenprisonenRussie. Sans fournir la moindre preuve,legouvernementrusseavaitlancécontreM.Krossunavisderecherche à quelques jours des élections municipales estoniennes de l’automne 2013. Ce dernier était alorscandidatà lamairie de Tallinn contre Edgar Savisaar, le maire sortant, président du Parti du centre, connucommeétantlepartidesrussophiles en Estonie et ayant des liensaveclepartideVladimirPoutine en Russie. M. Kross avait perdu l’élection. La police estonienne n’a jamais donné suite aux accusations russes. M. Kross avait conseillé les Géorgiens dans la crise qui les avait opposés à Moscou en 2008. «C’était une plaisanterie des Russes à mon égard», s’amuse-t-il. «Théoriquement,laminoritérusse en Estonie pourrait être manipulée par le Kremlin », estime M.Kross. En 2007, lorsque Tallinn a décidédedéplacerlastatuedebronzed’unsoldatsoviétique,desémeutes fomentées par des associations russes avaient provoqué la mort d’un manifestant et une forte tension. Durant quelques semaines, les sites de journaux, des principalesbanquesoudesinstitutionsgouvernementales avaient été la cible de puissantes cyberattaques rus- ses. Elles avaient entraîné, en 2008, lacréationducentredecyberdéfense de l’OTAN dans la capitale estonienne.Aujourd’hui,d’aprèslesservices de renseignements du pays, la Kapo, la Russie exerce son influence par le biais des médias et des écoles russophones. Les Russes ont créé à Tallinn un club de la presse pour les journalistes russophones, Impressum, qui, selon la Kapo, a de nombreuxrelais dans les médias, mobilisables en cas de crise. Deux associations sont aussi très actives. L’organisation « Estonie sans nazis», filiale de l’organisation russe Le monde sans nazis et de l’association Ecoles russes en Estonie, principaux relais de l’influencerusse dans le pays, organise des manifestations, dépose des plaintes en justice, fait du lobbying. « Nous devons être patients, et espérer qu’ils se libèrent de leur dépendance vis-à-vis des médias russes pour s’informer », répondon à la Kapo. Même Narva, la ville du nord-est du pays face à la frontière russe, peuplée à 90 % de russophones, n’inquiète plus vraiment. Eux savent que leur situation est plus enviable que celles de leurs frères russes de l’autre côté de la frontière. p Olivier Truc a France n’est plus un havre de paix et d’impunité pour les génocidaires rwandais. Vingt ansaprèsleterribletourbillonquia emporté ce petit pays des Grands Lacs dans la folie criminelle, la justice française a pour la première fois condamné, à vingt-cinq ans d’emprisonnement, au titre de la compétence universelle, un homme jugé pour avoir participé au génocide des Tutsi qui a fait, selon les estimations, entre 800 000 et un million de morts en 1994. Autermede sixannéesde procédure, six semaines d’audience et douze heures de délibéré, la cour d’assisesdeParisareconnu,vendredi14mars,PascalSimbikangwacoupable de génocide en apportant « un concours actif au fonctionnement des barrières meurtrières de Kigali, en fournissant des armes et endonnantdirectementdesinstructionspourquedesTutsisoientsystématiquement exécutés sur le champ, en vue de la destruction totale de ce groupe ethnique (…) dans le cadre d’un plan concerté». L’ancien capitaine de la garde présidentielle, reversé dans les services de renseignements après un accident de voiture qui l’a laissé paraplégique, a par ailleurs été condamné pour complicité de crime contre l’humanité pour les assassinats systématiques de Hutu de l’opposition « assimilés aux ennemis de l’intérieur». L’accouchement de ce verdict a été difficile, douloureux. De l’aveu même des parties civiles, le dossier d’accusationétait maigre.Les preuves matérielles de la culpabilité de l’accusé faisaient défaut, nombre de témoins directs ont montré des signes évidents de fragilité. Des incohérences d’emploi du temps ont obligé les procureurs à abandonner les accusations de crimes dans la région de Gisenyi, mais la cour d’assises, présidée par Olivier Leurent qui aura su tenir les débats avec une étonnante maîtrise du dossier, n’a finalement pas douté delaresponsabilitédePascalSimbikangwa dans le dernier génocide du XXe siècle. Le ministère public avait requis la perpétuité, la défense avait plaidé l’acquittement. Dans l’exposé de leurs motivations, très proches du réquisitoire de l’accusation, les juges ont considéré que par son logement de fonction, ses investissements dans la Radio Mille Collines (le principal média de la haine avant et surtout pendant le génocide), ses gardes armés, ses discours antitutsiou bien encore le commu- niqué de la Maison Blanche le classant parmi les personnes à même defairecesserlesmassacresenclenchés deux semaines plus tôt, le « capitaine » Simbikangwa était bien un dignitaire du régime, un baron du « Hutu Power» et non le personnage mineur, ratatiné sur lui-même, qu’il prétend être. Plusieurs jours avant la fin des débats, un bon connaisseur du Rwanda prédisait déjà que l’accusé serait condamné « pour l’ensemble de son œuvre », davantage que pour la certitude des crimes qu’il aurait fait commettre ou encouragédurantles 100joursde génocide. « Une décision juste » Personnage«flou», selon les termes mêmes de l’un de ses avocats, Fabrice Epstein, Pascal Simbikangwa semble aussi avoir été largement emporté par ses mensonges, ses revirements, ses ambiguïtés. Les témoignages des quelques Tutsi qu’il a sauvés ont aussi joué un rôle décisif. Certains ont vu des armes dans sa demeure, d’autres non, mais tous décrivent un homme puissant et influent auprès des ouvriers de la mort. A l’issue de cette dernière audience, le couple Gauthier, du Collectif des parties civiles pour le Rwanda qui depuis plus d’une décennie se bat pour faire juger les génocidaires installés en France, pouvaitenfin fairepart d’unesatisfaction longtemps attendue. «C’estun précédentimportant.Partout où ils sont, les génocidaires ne peuvent plus vivre dans l’impunité », déclarait Alain. « Ce n’est pas la fin, c’est le début, mais c’est l’aboutissement de quelque chose, c’est aussi la victoire de la justice », ajoutait son épouse, Dafroza, la voix nouéeparl’émotion,avant dequitter les lieux sous les applaudissements de leurs proches et de leurs soutiens. A l’extérieur, les yeux embués,AuréliaDevos, la vice-procureure, chef du pôle crimes contre l’humanité, se disait satisfaite d’« une décision juste ». A la lecture du verdict, Pascal Simbikangwa est resté impassible derrière les épaisses vitres de son box. Selon ses avocats qui ont dénoncé « un procès politique», un appel est plus que vraisemblable. La justice française n’en a pas fini avec le « capitaine» qui n’a pas vu un cadavre pendant les 100 jours de génocide. Ni avec les autres Rwandais suspectés d’avoir participé au crime des crimes. Vingt-sept dossiers attendent d’être jugés. p Cyril Bensimon Ce dimanche à 12h10 YOUSSOU NDOUR Artiste international et ministre du Gouvernement sénégalais répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE), Sophie Malibeaux (RFI), Charlotte Bozonnet (Le Monde). Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr 0123 0123 international & planète Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 5 Le Liban menacé de sécheresse chronique L’hiver, sec et très doux, a aggravé les pénuries d’eau douce que connaît régulièrement le pays Beyrouth Correspondance E ntre les garageset les immeubles qui ont remplacé les anciens champs de citronniers, à Jdeideh, une banlieue de l’estdeBeyrouth,leterrainquiabrite le puits privé géré par Abdallah ne paie pas de mine. L’homme et ses deux associés y réalisent pourtant de bonnes affaires. Depuis son bureau en préfabriqué, Abdallah, qui préfère ne donner que son prénom,observeleva-et-vient,inhabituel pour la saison, des camionsciternes venus s’alimenter au puits, dont l’eau est pompée à 45mètres de profondeur. « L’an dernier, à la même période, j’avais entre cinq et dix clients par jour. Cette année, jusqu’à trente camions-citernes se ravitaillent quotidiennement pour fournir compagnies et particuliers de Beyrouth », commente l’exploitant, qui possède également deux camions d’eau. Car l’hiver, sec et très doux, a aggravé les pénuries chroniques d’eau douce que connaît le Liban, avec des coupures particulièrement sévères l’été. Le recours des Beyrouthins au secteur privé pour remplir les citernes des toits de la capitale– l’eaupotable esten majorité consommée en bouteille – s’est donc accru. « La demande des hôtels est constante. Celle des particuliers se concentre entre juin et octobre. Mais, cette année, les besoins ont explosé : mon activité a tripléen février», attesteZiad Rachkidi, propriétaire de camionsciternes qui approvisionnent Beyrouth et ses alentours. Un réseau public vétuste Réputé riche en eau mais confronté à des problèmes de stockage, le Liban est desservi par un réseau public vétuste et pollué, dont les fuites sont évaluées à 40 %. L’alimentation des nappes souterraines souffre en outre, cette année, du manque de précipitations. « Nous sommes à 400 mm de pluie, soit environ 50 % de la moyenne saisonnière. Il faut remonter à l’hiver 1957-1958 pour retrouver des précipitations aussi faibles », indique Marc Wehaïbé, chefdu départementmétéode l’aéroport de Beyrouth. Les récentes averses de mars, qui ont donné lieu à des chutes de neige en montagne, « permettront difficilement de rattraper le déficit». Plusieurs experts considèrent que le Liban est menacé de sécheresse au cours des mois prochains, pénalisant le secteur agricole autantque les foyers. L’intensification du trafic de camions-citernes A Beyrouth, en mai 2013. En février, le trafic de camions-citernes s’est intensifié dans les rues de la ville. KRISTIAN BUUS/IN PICTURES/CORBIS témoigne déjà des difficultés. D’après un rapport de la Banque mondiale de 2003, moins de 700puits sont exploités par l’Etat, alors qu’il existe près de 50 000 puits privés dans le pays, dont 80 % sont illégaux. « Leur gestion est régie par des lois laxistes et obsolètes,datant de la périodeottomane, quand les puits étaient manuels, explique Roland Riachi, auteur d’une thèse sur l’économie de l’eau. Le secteur privé s’est développé avec la guerre civile [1975-1990]. Dans les années 1960-1970, on ne comptait que 2000puitsprivés.Faceàladésagrégation de l’Etat et des services durant le conflit, les Libanais ont cherchéà assurer leur autonomie. » Depuis, l’activité des distributeurs privés a perduré. « Ils participentà l’amenuisementdes ressources, en surexploitant les nappes depuis des décennies, décrit M. Riachi. Dans la région agricole de la plaine de la Bekaa, des puits pompent à plus de 300 mètres de profondeur, contre 10 mètres dans les années 1950. » Malgré les gains engrangés cet hiver, le secteur privé s’inquiète. « S’il n’y a pas plus de précipitations, l’eau des puits se raréfiera dès juin », redoute Ziad Rachkidi. Abdallah, le gérant de la source de Jdeideh, songe à augmenter ses tarifs. Rempli pour environ 20 dollars (14 euros), un camion-citerne de 30 m3 écoule d’ordinaire son stock entre 100 et 120 dollars. Face à la crise qui se profile, des Libanais dénoncent le manque d’anticipationde l’Etat.Des directives pour limiterle gaspillage(lavage des voitures, arrosage) ont été envoyées aux municipalités, assure Fadi Comair, directeur général des ressources hydrauliques et électriques au ministère de l’énergie et de l’eau. Les agriculteurs devraient aussi être rationnés. « Avec le changement climatique, la crise risque de se répéter dans le futur. Cela rend d’autant plus urgente une stratégie de gestion durable de l’eau, défend M.Comair. Nous avions élaboré un plandécennalen 2000,maissa réalisation a été entravée par les difficultés politiques. Le Liban ne peut pas vivre éternellement sur les puits et les citernes.» p Laure Stephan peugeot.fr (1) S E L R U S E M MÊ S E É P I U Q É SUR Portes Ouvertes les 15 et 16 mars (2) Consommation mixte (l/100 km) : 208 Style : de 3,3 à 4,5 ; 3008 Style : 4,8 ; 5008 Style : 4,7. Émissions de CO2 (g/km) : 208 Style : de 85 à 104 ; 3008 Style : 125 ; 5008 Style : 124. (1) Sous forme d’un avantage client minimum de 16,67 % sur le tarif TTC Peugeot conseillé du 03/03/2014, constitué d’une remise et d’une prime reprise d’un véhicule de plus de 8 ans destiné ou non à la casse. Offre non cumulable, réservée aux particuliers, valable du 03/03/2014 au 30/04/2014 pour toute commande d’un véhicule particulier Peugeot neuf, livré avant le 30/06/2014 dans le réseau Peugeot participant, à l’exception de Nouvelle 308, Nouveau Crossover 2008 et RCZ R. Valable sur 208 GTi et XY en stock. (2) Ouverture le dimanche selon autorisation préfectorale. 6 0123 international Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Boeing777disparu: laMalaisieévoque l’«actiondélibérée» d’unepersonne Les recherches du vol de Malaysia Airlines se concentrent désormais sur l’océan Indien L l’Indonésie et le sud de l’océan Indien ». Il se refuse, cependant, à parler de « détournement » et n’écarte « aucune possibilité» sur les raisons qui ont pu conduire cet avion à se volatiliser par une nuit claire et sans émettre de signal de détresse. La Malaisie a annoncé samedi qu’elle suspendait ses recherches en mer de Chine méridionale. Le chef de l’aviation malaisienne, le général Rodzali Daud, avait indiqué, mercredi, que si les radars militaires avaient bien détecté les signauxd’unavionnon identifiése dirigeant vers l’océan Indien, il n’était pas « du tout certain » qu’il s’agisse du Boeing. Le vol MH 370 avait décollé de Kuala Lumpur à 0 h 40 le samedi 8 mars, en direction de Pékin. A 1 h 22, les 227 passagers et les 12membres d’équipage, atteignent l’altitude de croisière au nord de la Malaisie et au sud-ouest du Vietnam. C’est à ce momentque l’avion disparaît des écrans radars, au passage de témoin entre le contrôle aérien malaisien et vietnamien, dans la zone d’Igari. Le dernier signal enregistré, déclare, jeudi, le ministre malaisien des transports, HishammuddinHussein,estsignalé à 1 h 07 et indiquait « que tout était normal». Dans l’appareil, 14 nationalités différentessecôtoientmaisplus de la moitié des passagers sont chinois, 153. Quatre Français, une emystèrequientoureladisparition le 8 mars du Boeing777 de Malaysia Airlines, serait-il en voie d’être levé après sept jours de folles rumeurs ? Critiquées, notamment par leurs homologues chinoises, pour leur gestion jugée «chaotique» de la crise, les autoritésmalaisiennes,parla voixdupremier ministre, Najib Razak, ont fourni, samedi 15 mars, de nouveaux éléments qui pourraient étayerlathèsed’unpossibledétournement de l’appareil. Le périmètre des recherches ne cesse de grandir à mesure que le mystère s’épaissit Selon M. Razak, les « mouvements de l’avion [enregistrés pendant six heures après sa disparition des radars] sont compatibles avec l’action délibérée de quelqu’un à bord de l’avion». Cette personne, expérimentée, sachant éviter les radars civils, aurait donc pu prendre le contrôle du Boeing 777. Le premier ministre malaisien appuiesesdiressurlesrelevéseffectuésparunradarmilitaire.Lesdonnées satellites placent l’avion, selonlui,dansdeuxcorridorspossibles: «Entre le nord de la Thaïlande et le Kazakhstan ou entre le sud de Zones de recherches initiales Extension des zones de recherches THAÏLANDE Mer Vers Pékin Vendredi 14 mars : d’Andaman élargissement des recherches Mer de Possibles corridors CAMBODGE par la marine indienne Chine empruntés par l’avion dans le Golfe méridionale du Bengale Golfe de Plan de vol Iles Andaman Thaïlande habituel Iles Nicobar Détroit de Malacca Su Océan Indien at ra SOURCE : AFP Kuala Lumpur (Malaisie) Départ du vol pour Pékin Samedi 8 mars à 0 h 40* SINGAPOUR m 300 km Dernier contact radar Samedi 8 mars 1 h 22* * Heure locale I N D O N É S I E Dans le hall des départs à l’aéroport de Kuala Lumpur, le 13 mars. DAMIR SAGOLJ/REUTERS mère, sa fille, son fils et la petite amie de ce dernier reviennent du Club Med de Cherating Beach, sur la côte est de Malaisie. Le pilote, ZaharieAhmadShah, 53 ans, compte 18 000 heures de vol. C’est un foud’aviationquipossèdeunsimulateur de vol à son domicile. Son copilote Fariq Abdul Hamid, 27 ans, n’affiche que 2763 heures. Les premières recherches sont concentrées sur la zone d’Igari et sont essentiellement conduites par les Malaisiens et les Vietnamiens. En vain. Le périmètre exploré ne cesse de grandir à mesure que l’énigme s’épaissit. Jeudi et vendredi, sans clairement donner d’explications,M.Hishammuddinannonce que les recherches s’étendent vers l’est en mer de Chine méridionale, et vers l’ouest dans l’Océan indien, soit un diamètre de mille kilomètres. Vendredi soir, 57 navires et 48 avions de 13 pays sont mobilisés pour trouver des traces du vol. Ce changement d’échelle revient, selon le commandant William Marks, de la 7e flotte américaine, interrogé par CNN, « à passer d’un échiquier à un terrain de football».Lazone surveilléeest parcourue de routes maritimes très fréquentées et semée de nombreux débris. Les traces de carburant, les objets non identifiés, tout est sourced’espoirmaisnourritaussil’imagination. Le périmètre est si large qu’un site Internet américain spécialisé dans l’imagerie spatiale, Tomnod.com,profitede l’occasionpour sefaireconnaître,etinviteles internautes du monde entier à aider les autorités.Deuxmillionsdepersonnes se prêtent au jeu. Ils mêlent leurs interrogations à des témoignages directs comme celuide Mike McKay, un néo-zélandais travaillant sur une plateforme pétrolière qui dit avoir vu un avion « en feu, en un seul morceau » plonger dans la mer de Chine méridionale. Le Vietnam assurera n’avoir rien trouvé aux coordonnées fournies par l’intéressé. Cetteorientationdesrecherches versl’océanIndiens’inscrit,chronologiquement, après l’entrée en scène de sources américaines anonymes du Pentagone révélant l’existence de signaux émis par l’avion « pendant plusieurs heures » après sa disparition officielle. Une information, prudemment reprise, vendredi, par le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney : « D’après ce que je comprends, sur la base de nouvelles informations, pas nécessairementconcluantesmaisnouvelles,lazonedesrecherchesseraitélargie à l’océan Indien. » La Navy déroute deux de ses bâtiments, l’USSKiddetl’USSPinckneyverscette zone. Les enquêteursaméricains, cités sous couvertde l’anonymat,se fon- dent sur le fait que des données sont automatiquement transmises par les moteurs Rolls Royce, qui équipent le Boeing disparu, dans le cadre du système de communications ACARS. Ainsi, si les systèmes radios ont pu être intentionnellement coupés à bord, ce système de transmission automatique pourrait permettre de lever le mystère sur la destination de l’avion. «La faute n’est pas imputable au constructeur, l’avion a continué d’émettre» Antoine Hayem pilote de ligne et instructeur Ahmad Jauhari Yasha, directeur delaMalaysiaAirlines,répond,vendredi, avoir interrogé Boeing comme Rolls Royce et qu’ils avaient démenti avoir reçu ces données. Excédé,il enchaînait, «je vous le dis, une bonne fois pour toute, que la dernière transmission d’informations remonte à 1 heure 07, samedi ». Le ministre des transports malaisienrenchérissait:«RollsRoyce et Boeing sont ici, avec nous, à Kuala Lumpur et travaillent avec les enquêteurs, ces points n’ont jamais été évoqués». Antoine Hayem, pilote de ligne et instructeur français, qui avait évoqué,parmi les premiers,la piste des sondes pitot pour expliquer le crash, en 2009, de l’Airbus RioParis, ne s’étonne pas de cette contradiction. « Si les Américains sortent du bois, c’est qu’ils ont des choses. Le système de communications ACARS de l’avion a parlé. Boeingestdestinatairedesinformations émises par ses appareils. Ils ontanalysé.Lafauten’estpasimputable au constructeur, l’avion a continué d’émettre. » La Malaisie disait que les ACARS avaient cessé d’émettre. C’était faux. « La Malaisie a persisté à démentir pour des raisons d’honneur national, dans le passé, la France ou l’Egypte avaient fait de même pour des cas similaires», poursuit M.Hayem. Les autorités malaisiennes n’ont cessé, de fait, d’ajouter à la confusion. Pendant trois jours, elles assurent que les bagages de cinq passagers qui n’avaient pas embarqué ont été déchargés avant sondécollageavantd’ indiquerque tous les passagers enregistrés ont embarqué. Elles assuraient également que les familles qui affirmaient que les téléphones portablesdeleursprochessonnaienttoujours faisaientfausse route. Dansle même temps, le consul général de Kuala Lumpur, à Pékin, faisait le tour, jeudi, des ambassadesconcernées par la nationalité des victimes pour demander les numéros de téléphones des disparus… p Jacques Follorou SLOVAQUIE Lepremierministre,favori de l’électionprésidentielle BRATISLAVA. Les Slovaques se rendent aux urnes, samedi 15 mars, pour le premier tour de l’élection présidentielle dont le favori est l’actuel premier ministre, Robert Fico, du Parti socialdémocrate (Smer-SD). M. Fico, un ancien communiste de 49 ans, est l’un des quatorze prétendants. Sauf surprise, le premier tour sera suivi le 29 mars d’un second tour qui devrait opposer, selon les sondages, M. Fico à un millionnaire philanthrope, Andrej Kiska, 51 ans, un centriste sans parti. L’acteur Milan Knazko, figure de proue de la « révolution de velours» de 1989 qui a balayé le régime totalitaire, le jeune et ambitieux avocat Radoslav Prochazka et l’ancien chef chrétiendémocrate du Parlement Pavol Hrusovsky briguent aussi la présidence. Si M. Fico, premier ministre entre 2006 et 2010 et depuis 2012, sort victorieux du scrutin, son parti contrôlera à la fois la présidence, le Parlement et le gouvernement, une situation inédite depuis l’indépendance de la Slovaquie en 1993. – (AFP.) p Centrafrique La mission militaire européenne menacée, selon la France PARIS. Le lancement d’une opération militaire de l’Union européenne (UE) en Centrafrique, prévue la semaine prochaine, pourrait ne pas avoir lieu, ont déploré, vendredi 14 mars, les ministres français de la défense et des affaires étrangères. Dans une déclaration commune, Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius demandent à l’UE d’« assumer ses responsabilités en matière de sécurité internationale. La France appelle vigoureusement ses partenaires à s’en donner les moyens ». Les deux hommes ont estimé que « le compte n’y était pas ». L’objectif de l’opération de l’UE est de déployer de 800 à 1 000 militaires à Bangui au plus tard début avril. – (AFP.) france 0123 Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 7 Débat sur l’éducation au langage dès la crèche Martine Aubry veut expérimenter à Lille une méthode controversée, censée réduire les inégalités scolaires des psychologuesaméricainsBetty Hart et Todd Risley, l’a confortée dans son intuition: il faut agir dès la naissance. « Les auteurs expliquent qu’un enfant de 4 ans issu d’unefamilleaiséeaentendu30millions de mots de plus que s’il était né dans une famille pauvre, dit-elle. C’est d’une évidence absolue.» Le Carolina Abecedarian a été mis au point il y a quarante ans aux Etats-Unis. Son principe est de proposer des activités de stimulation Au Québec, des bénéfices ont été mis en évidence: meilleure réussite scolaire, emplois plus qualifiés... des enfants: interactions verbales très fréquentes, programmes densesdejeuxéducatifs,séancesquotidiennes de lecture interactive d’imagiers, prise en charge individualisée, etc. « C’est un programme qui a fait sespreuvesdansl’éveilet ledéveloppement de l’enfant, affirme Gilles Vaillancourt,responsablede la formation à la méthode Jeux d’enfantsau Québec. On leurapprend à apprendre. La parole prend une place fondamentale dans cette approche. » Des bénéfices à long terme ont été mis en évidence sur une centaine d’enfants issus de milieuxmodestes: meilleureréussite scolaire, emplois plus qualifiés, moins de consommation de cannabis et de grossesses adolescentes. Au Québec, un tiers de l’équivalentdes assistantesmaternelles a été formé. LerapportdeTerraNovaciteégalement en exemple le Parler bambin, lancé à Grenoble et adopté à Lille dans une dizaine de structures, qui repose sur la mise en place d’ateliers de langage pour les enfants qui ne parlent pas ou peu à 24 mois, et a montré des progrès « significatifs » dans l’étendue du vocabulaire et la longueur moyenne des phrases des enfants. Ces programmes et la promotion qu’en fait Terra Nova suscitent cependant des interrogations. Bernard Golse, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades, n’hésite pas à parler de « miroir aux alouettes ». Première critique : les résultats spectaculaires de Jeux d’enfants ontétémisen évidencesur unpetit nombredepersonnes,quiontgrandi dans un contexte précis (aux Etats-Unis il y a quarante ans) et n’ont pas été répliqués sur des échantillons plus importants. Mais la réserve majeure porte sur l’approche jugée trop simplis- Un centre de la petite enfance appliquant le programme Jeux d’enfants, au Québec, en 2010. SURUN/TENDANCE FLOUE te de ces méthodes. « Le langage, ça ne s’apprend pas, ça se construit, résume Anne Masson, orthophoniste à Marseille. Il se tisse dans une relation avec l’autre. » « C’est une acquisition qui a lieu dans l’intimité des familles, en lien étroit avec la personne qui procure les soins corporels », argumente Evelyne Lenoble, responsable du Centre de référence des troubles du langage des enfants à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Les « petits parleurs» ne se rencontrent en outre pas seulement dans les milieux défavorisés le plus souvent ciblés par ces programmes (ce n’est pas le cas à Lille). « Un environnement familial non sécurisant peut entraver l’entrée dans le langage, quel que soit le milieu, estime Pierre Suesser, président du Syndicat des médecins de protection maternelle et infantile.Desparents aiséssuroccu- pés peuvent n’avoir que peu d’échanges avec leurs enfants. » Les promoteurs se défendent de tout«bourragedecrâne».Lastimulation renforcée d’enfants qui, avant3ans,sontde «grandsbébés» inquiète cependant M.Suesser. «Le rythme de chaque enfant doit être respecté», affirme-t-il. Les pauses, les temps de rêverie sont nécessaires, selon lui. « Le langage naît dans le plaisir de celui qui parle et de celui qui écoute, renchérit M. Golse. Il ne suffit pas de tirer sur la corde pour que ça avance plus vite. » L’écueil serait que les mots appris à la crèche soient « récités» par les enfants quand on le leur demande, sans être assimilés ni répétés spontanément. « En attirant l’attention sur la compétence langagière, on risque de créer une anxiété de l’enfant sur sa propre parole, affirme en outre Sylviane Giampino, fondatrice de l’Associa- tion nationale des psychologues pour la petite enfance. Cela peut être contre-productif.» A Lille, une évaluation de l’expérimentationestprévueen lienavec des universitaires. Les spécialistes de la petite enfance réclament de leur côté un débat sur ces programmes et mettent en avant d’autres pistes pour réduire les inégalités scolaires, en particulier le soutien aux parents et l’amélioration du taux d’encadrement dans les crèches, afin que les adultes puissent avoirdesrelationsplusindividualisées avec les enfants. La réécriture du décret Morano sur l’accueil de la petite enfance est justement en cours. Mais le taux d’encadrement (un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas et un pour huit qui marchent) ne devrait pas être modifié. p Gaëlle Dupont et Laurie Moniez (à Lille) “UNE ŒUVRE ASSEZ MIRACULEUSE CAR À LA FOIS UNIVERSELLE ET D’UNE INVENTIVITÉ SANS LIMITES.” LE FILM DU MOIS - ★★★ - PREMIÈRE “UN PETIT CHEF-D’ŒUVRE DE FINESSE ET DE SENSIBILITÉ.” TÉLÉ CINÉ OBS “AUSSI BRILLANT QUE PROFONDÉMENT ÉMOUVANT.” ★★★★ ROLLING STONE “UN DES PLUS GRANDS FILMS DE L’ANNÉE.” ★★★★ STUDIO CINÉ LIVE “DRÔLE ET VIRTUOSE.” LES INROCKUPTIBLES JOAQUIN PHOENIX AMY ADAMS ROONEY MARA OLIVIA WILDE ET SCARLETT JOHANSSON ET DÈS AUJOURD’HUI EN AVANT-PREMIÈRE PRÈS DE CHEZ VOUS (liste des séances sur www.facebook.com/HER.lefilm) CRÉDITS NON CONTRACTUELS S i Martine Aubry est réélue aux municipales, Lille sera la première ville française à expérimenter une méthode qualifiée de «spectaculaire» pour réduire les inégalités scolaires, mais également contestée par certains spécialistes de la petite enfance : le Carolina Abecedarian (adapté au Québec sous le nom de Jeux d’enfants). La maire de Lille l’a annoncé au cours de sa campagne. Cette méthode a le vent en poupe: le think tank proche des socialistes Terra Nova en fait la promotion en janvier dans un rapport. Son credo : les lieux d’accueil de la petite enfance doivent être davantage ouverts aux milieux modestes et devenir un lieu éducatif à part entière. L’objectif est de réduire des inégalités qui se creusent dès les premiers mois de vie, en particulier dans l’acquisition du langage, et qui auront un impact sur la réussite scolaire. Ce sont les auteurs de ce rapport qui ont convaincu Mme Aubry d’expérimenter Jeux d’enfants dans deux crèches et un relais d’assistantes maternelles à Lille, à partir de septembre. Laquestiondes inégalitésscolaires taraude Mme Aubry depuis longtemps.LalecturedeTheEarlyCatastrophe [«La catastrophe précoce», étude parue dans la revue American Educator au printemps 2003], 8 0123 france Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Des listes FN présentes dans 87 départements en 2014 Hautsde-Seine 1995 30 Paris 23 20 SeineSt-Denis 25 Val-de-Marne Côtesd'Armor Orne Ille-etVilaine Morbihan Sarthe Maineet-Loire LoireAtlantique Marne Aube Loiret Loir-etCher Haute- Vosges Marne HauteSaône Côted'Or Yonne Indreet-Loire Nièvre Cher Vendée Présence de liste(s) FN dans le département Deux- Vienne Sèvres Charente Aucune liste FN 40 20 10 1 Puy-deDôme Corrèze 10 Nombre de listes FN par département Les cercles sont proportionnels au nombre de listes. A partir de dix, le nombre de listes est précisé. HauteVienne Cantal Dordogne Gironde Landes PyrénéesAtlantiques HautesPyrénées HauteGaronne Ariège Rhône Savoie HauteLoire Ardèche Aveyron Tarn 14 27 Lot Lot-etGaronne Tarn-etGers Garonne Terr. de Belfort HauteSavoie Ain Loire Haut-Rhin Doubs Jura Saône-etLoire Allier Indre Creuse CharenteMaritime 10 Bas-Rhin Meuse Meurtheet-Moselle d c Loir 2001 Moselle 16 b 11 14 Eure-eta Mayenne 20 Ardennes Aisne Oise Eure Calvados Finistère a - Val-d'Oise b - Yvelines c - Essonne d - Seine-et-Marne 20 Somme SeineMaritime Manche Nord Pas-de-Calais Lozère Hérault PyrénéesOrientales Isère Vaucluse Gard Aude Drôme 23 Bouchesdu-Rhône HautesAlpes Alpes-deHauteProvence 13 AlpesMaritimes 10 13 Var HauteCorse Corsedu-Sud Municipales: leFrontnational étend ses territoires Saufenbanlieueparisienne,le partid’extrêmedroitearenforcésonancragedepuis1995,avecunrecordde596listes L e Front national a (presque) réussi son premier pari : transformer aux élections municipales, en termes d’implantation, l’essai de Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2012. Avec 596 listes validées, il dépasse largement son record historique de 512 listes en 1995 et conforteainsi son ancrage territorial. Après les deux scrutins municipaux de 2001 et de 2008, lors desquels les conséquences de la scission avec les mégrétistes ainsi que ses déboires financiers l’avaient contraint à réduire la voilure (200listes en 2001, 119 en 2008), le FNse retrouvedenouveauensituation de jouer le rôle d’arbitre dans de nombreuses villes. S’il ne peut espérer conquérir, tout au plus, qu’une douzaine de municipalités – ce qui serait déjà pour lui un succès sans équivalent –, le parti vise aussi et surtout un objectif d’un millier de conseillers municipaux. Le nombre de villes où il sera en mesure de se maintenir au second tour, en duel, en triangulaire ou plus, sera un des enjeux majeurs de ces élections municipales. D’ores et déjà, cependant, ce qui est notable, c’est la nouvelle cartographie du parti d’extrême droite. Notre étude porte sur les villes de plus de 10 000 habitants (plus de 15 000 habitants dans le Nord et en Ile-de-France), soit 439 listes en 1995 et 583 en 2014 (arrondissements et secteurs de Paris, Lyon et Marseille inclus). Un net effondrement dans la proche banlieue parisienne Si on compare les zones d’implantation du FN entre 1995 et 2014, le plus spectaculaire est son affaissement dans la région parisienne, et plus particulièrementdans les départements de la petite couronne. En 1995, outre Paris, le FN présentait 23 listes dans les Hauts-de-Seine, 25 dans le Val-de-Marne et 30 en Seine-Saint-Denis. Les anciennes « banlieues rouges », minées par les fermetures d’usines, des taux dechômagesupérieursà lamoyenne nationale, la ghettoïsation et la dégradationdu cadrede vie, apportaient au parti d’extrême droite quelques-uns de ses meilleurs scores : 31,6 % à Clichy-sous-Bois, 28,4 % à Bondy, 26,4 % à Pierrefitte, 26,1% à Stains, 24,4 % à Saint-Denis ou au Blanc-Mesnil, 24,3 % à Sevran… Cela rien que pour la Seine-Saint-Denis. Aujourd’hui, dans ce département, le FN ne présente plus que 2listes,àNoisy-le-Grandetà Rosnysous-Bois. Un repli qui traduit probablement une profonde mutation sociologique en vingt ans. Le recul du FN dans la petite couronne, s’il estmoins marqué, se confirme aussi dans les Hauts-de-Seine, où il ne présente que 8 listes, et dans le Val-de-Marne, avec 11 listes. Ce décrochage reflète un déplacement de l’implantation du FN vers les secteurs périurbains et ruraux. Ce phénomène s’observe aussi, dans une moindre mesure, dans le Rhône, où le FN obtenait aussi des scoresélevés (35,2 % à Villefranchesur-Saône, 35,5 % à Saint-Priest, 31 % à Vaulx-en-Velin, 28 % à SaintFons, 27,5 % à Vénissieux…). Sa présencedans cedépartementest passée de 27 à 22 listes. Un maillage territorial quasi généralisé Rares sont les départe- ments métropolitains où le FN ne présente pas de liste : 9 seulement (Gers, Lot, Corrèze, Cantal, Lozère, Hautes-Alpes, Haute-Corse, HauteSaône et Jura). Il comble ainsi les poches où il était absent du terrain municipaldansl’ouestdelaFrance. Outre-mer, en revanche, le FN n’a réussiàbouclerque5listesàLaRéunion et une en Nouvelle-Calédonie. Incontestablement, cependant, le FN parvient à marquer l’extensionde son domaineélectoral.Géographiquement mais aussi en renforçant de manière significative ses zones de force. Tout d’abord dans le pourtour méditerranéen. Dans l’Hérault, il passe ainsi de 7 listes, en 1995, à 25 en 2014 ; dans le Gard de 7 à 12 ; dans les Bouchesdu-Rhône de 23 à 30 ; dans le Var de 13 à 34 ; dans les Alpes-Maritimes de 13 à 20. L’autreprogressionspectaculaire de son implantation se situe dans le Nord-Pas-de-Calais. Le FN présentait20 listes dans le Nord en 1995 ; il en a bouclé 29 cette année. Dans le Pas-de-Calais, c’est encore plusimpressionnantpuisqu’ilpasse de 7 à 26 listes, concrétisant ainsi sa méticuleuse stratégie de densification à partir de son fief d’Hénin-Beaumont. Il enregistre également de notables progrès en Seine-Maritime, département où se présente un de ses experts électoraux, Nicolas Bay, avec 20 listes déposées, contre7 en 1995. Ainsiqu’en Moselle, départementoù se présenteFlorianPhilippot,le brasdroitde Marine Le Pen, à Forbach. La progression est cependant moindre, de 8 listes en 1995 à 12 listes,sans commune mesure avec ce que pouvaient lui laisser espérer les scores obtenus par la présidente du FN à l’élection présidentielle. Un nombre de listes inférieur à son potentiel électoral Reste tou- tefois que le FN n’est pas parvenu totalement à remplir les objectifs qu’il s’était fixés au vu des résultats de l’élection présidentielle. Ainsi, sur les 255 villes de plus de 10 000 habitants où Marine Le Pen avait recueilli en 2012 plus de 20% des suffrages, il n’est parvenu à constituer une liste que dans 144 d’entre elles. Si l’on s’arrête aux 25 villes où elle avait obtenu plus de 30 %, le FN sera représenté aux municipales dans 18 communes. Un résultat balancé, par conséquent,pourleparti d’extrêmedroite. S’ilconcrétiselargementsa stratégie d’implantation et de formation d’une nouvelle génération de cadres locaux, il se heurte encore à d’importantesdifficultéspourparvenir à transformer son influence d’idées en offre électorale. p Patrick Roger L’éclatementde la droite pourrait profiter à l’extrême droite à Villers-Cotterêts Villers-Cotterêts (Aisne) Envoyé spécial Cela pourrait être l’une des surprises du premier tour des élections municipales. Villers-Cotterêts (Aisne), 10 000 habitants, est l’une de ces communes « gagnables» par le Front national. Beaucoup d’éléments sont réunis pour voir Franck Briffaut, le candidat du parti d’extrême droite, arriver en tête au soir du 23 mars dans la ville natale d’Alexandre Dumas : une équipe socialiste sortante un peu usée et dont Franck Briffaut compte attirer les déçus, une droite divisée en trois listes et un FN implanté qui a réuni plus de 31 % des voix au premier tour des législatives de 2012. Lors de la présidentielle, Marine Le Pen y a d’ailleurs devancé Nicolas Sarkozy. Ces résultats, c’est en grande partie grâce à Franck Briffaut que le parti d’extrême droite les obtient. M. Briffaut est un militant « à l’ancienne». Il a adhéré en 1977 au FN, quand ce n’était qu’un groupuscule radical, né cinq ans plus tôt de la volonté des néofascistes d’Ordre nouveau. De son mentor Jean-Pierre Stirbois – artisan de la percée du parti de Jean-Marie Le Pen à Dreux (Eure-et-Loir) en 1983 –, il a conservé l’obsession de l’implantation. « C’est ce qu’il faut faire. Quand un arbre n’a pas de racines, il tombe à la première tempête», justifie-t-il. Conducteur de travaux dans le génie militaire, cet ancien du 6e RPIMA s’est installé à VillersCotterêts en 1988. Elu en 1998 au conseil régional, il est candidat à chaque élection municipale depuis 1995. C’est dire si les habitants le connaissent. Plutôt avenant, souriant et bavard, Franck Briffaut a un débit rapide. «J’ai toujours voté Le Pen, père ou fille. Leurs idées, c’est la vérité », lâche une Antillaise de 60 ans, sympathisante FN Intarissable sur les problèmes de la ville, il met en avant le fait qu’il travaille tous les jours dans le Val-de-Marne, et qu’il connaît donc les problèmes de ces «pendulaires» qui font quotidiennement l’aller-retour vers la capitale ou vers l’aéroport de Roissy, gros pourvoyeur d’emplois. « L’emploi local est marginal. Et dans le même temps, la population de la ville augmente du fait de la périurbanisation. Cela génère des tensions», explique-t-il. L’une des clés de l’élection sera l’attitude des trois listes de droite. Isabelle Vasseur, qui conduit une de ces listes, en binôme avec Yves Richard, cherche à dédramatiser. « Mes deux adversaires sont le FN et la gauche. A droite, nous avons des concurrents, insiste cette ancienne députée (UMP) de la circonscription entre 2007 et 2012. Cela peut être des réservoirs de voix, voire de fusion de listes. » Le candidat du FN fait, lui, campagne sur l’insécurité et l’emploi. Des thèmes au cœur des préoccupations de la population et qui ici emportent l’adhésion. « Je ne veux pas voir la Seine-Saint-Denis arriver à Villers-Cotterêts. J’ai quitté Saint-Denis à cause de l’insécurité », lâche une Antillaise de 60ans. Sympathisante de longue date du FN, elle affirme avoir «toujours voté Le Pen, père ou fille. Leurs idées, c’est la vérité ». Beaucoup de gens croisés sont méfiants et refusent de parler à la presse. Et quand ils acceptent, c’est sous la stricte condition de l’anonymat. Franck Briffaut, le candidat du FN à Villers-Cotterêts (Aisne), le 6 mars. CYRIL BITTON/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE » Ainsi cet homme de 51 ans, qui travaille à Roissy-Charles-de-Gaulle comme agent de piste. « Je pense que je vais voter pour M. Briffaut », confie-t-il, mettant en avant « l’insécurité, les incivilités, le communautarisme dans les cités». Il parle aussi de sa fille de 20 ans, obligée de partir de sa cité car « elle était harcelée par des gamins de 13-14 ans ». « Ma fille aussi, elle a viré FN ! », s’exclame-t-il en guise d’au revoir. Nombreux sont aussi les déçus de la gauche au pouvoir. Ils réclament « du changement». Et pour eux, cela s’incarne dans le FN. Résignés, ces Cotteréziens sont persuadés que, « de toute façon, ça ne peut pas être pire ». Un autre électeur de 68 ans, lui, se dit de gauche et jure qu’il vote socialiste tout le temps. Sauf cette fois-ci. « Il y a trop de gens que l’on n’aime pas, il y en a trop partout», lance-t-il, elliptique. Qui donc? « Vous le savez très bien… », répond-il sans plus de précisions. Lui n’est pas déçu du gouvernement. Mais quand il parle de sa ville, la sentence tombe : il veut « une alternative». p Abel Mestre 0123 2008 2014 20 11 26 20 29 10 16 12 15 22 12 14 12 25 10 A l’automne 2013, Laurent Lopez avait ravi le canton à la gauche L es élections à Brignoles (Var) « sont devenues un événement planétaire », s’agace Claude Gilardo, maire communiste de cette cité de 16000 habitants. Après l’élection le 13 octobre 2013 du frontiste Laurent Lopez à l’issue d’une cantonale partielle, la ville semble avoir retrouvé son calme. Les camions à antennes paraboliques ont quitté le centre, les hordes de journalistes, «dont des Russes et des Canadiens », s’en sont retournés, souffle le maire. Reste le nouveau conseiller général : Laurent Lopez n’a pas quitté ses habits de candidat. Il compte transformer son premier essai électoral et offrir la mairie au FN. Négligé par les états-majors, le résultat de la cantonale partielle a eu l’effet d’un électrochoc. Divisée il y a quelques mois, la gauche locale a été priée de former une liste unie.Communistesetsocialistesse sont rangés derrière Jean Broquier, conseiller municipal sortant non encarté.A la baguette, Claude Gilardo, qui conserve une place éligible sur la liste, mais passe doucement la main : « A 79 ans, j’ai un peu moins d’énergie.» A droite aussi, le mot d’ordre est de faire front et de mettre fin à l’hémorragie de l’électorat vers l’extrêmedroite.Aprèsdehouleusesnégociations, UDI et UMP brignolais se sont accordéespourfaire liste commune dès le premier tour. A la tête de cette liste, Josette Pons, députée UMP du Var. Raillée par sesadversairespour sonnomadisme électoral, la parlementaire est aussi vice-présidente du conseil général. Elle a été maire de Saint-Cyr-sur-Mer puis du Beausset avant de candidater à Brignoles. « Elle veut devenir l’héroïne qui a terrassé la bête immonde du FN et quitter la ville une fois l’élection terminée», ironisele candidatfrontiste. Mme Pons l’admet : hors de question de quitter sa ville de Saint-Cyr-sur-Mer. Mais en cas de victoire, elle promet de louer un appartement en ville. L’élection municipale sera donc, dès le premier tour, une triangulaire. Pour faire barrage à Laurent Lopez,quis’estimposéavecplusde 53 % des voix lors de la cantonale brignolaise, Jean Broquier, candidat de la gauche, se dit prêt à retirer 30 20 34 A Saint-Gilles, Gilbert Collard n’a «pas besoin de faire campagne» A Brignoles,le candidat frontisteveutrééditer soncoupd’octobre Brignoles (Var) Envoyé spécial 12 SOURCE : LE MONDE - INFOGRAPHIE LE MONDE 20 9 france Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 sa liste et à appeler à voter pour la candidateUMP,danslecasoùilarriverait derrière elle au premier tour. En échange, « je lui demande d’appelerà voter pourmoi dansle cas où je la devancerais», poursuit-il. « Si Josette Pons déclare dès maintenant qu’elle appellera à voter à gauche, elle se fera carboniser par son électorat!», s’esclaffe de son côté le candidat frontiste. Soucieusede ne pas envoyer son électorat dans les bras du candidat FN, la parlementaire est contrainte à des circonlocutions: « Si ma liste arrive en troisième position, je me retirerai et je demanderai aux électeurs de voter républicain. Mais, je ne peux quand même pas appeler à voterpour des communistes.Toutefois, la mairie sortante a des valeurs républicaines que le candidat Front national n’incarne pas.» A gauche, on compte sur une remobilisation de l’électorat après la Berezina de la dernière cantona- Négligé par les états-majors, le résultat de la cantonale partielle en 2013 a eu l’effet d’un électrochoc le. Des centaines de personnes se seraient inscrites sur les listes électorales lors du dernier trimestre 2013, selon le cabinet du maire. Quant à une sanction locale de la politiquedugouvernement,elle ne s’appliquerait pas à Brignoles, selonClaudeGilardo:«Celafaitcinquante ans que je suis communiste, et tout le monde ici sait le peu d’estime que j’ai pour les socialistes! » Laurent Lopez n’a, pour sa part, pasàforcerletrait.Surlegrandmarché de Brignoles, ils sont peu nombreux à refuser ses tracts. D’une élection à l’autre, les thèmes de campagne n’ont pas changé: lutte contre la paupérisation, le chômageet l’insécurité.Lors de ladernière séance plénière du conseil local de sécurité mi-décembre 2013, RaymondYeddou,sous-préfet,arappelé : « Le sentiment d’insécurité ressenti à Brignoles n’est pas corroboré par les statistiques. J’en conclus que certains clichés sont complaisamment entretenus. » On ne change pas une martingale gagnante. p Eric Nunès En 1989, la ville du Gard avait été la première de plus de 10000 habitants gérée par un maire FN Saint-Gilles (Gard) Envoyé spécial N ul doute que Marine Le Pen fera salle comble à SaintGilles (Gard), lundi 17 mars. Les supporteurs de la présidente du Front national ne manquent pas dans cette ville de 15 000 habitants qui l’avait placée en tête au premier tour de la présidentielle de 2012, avec 35,3 % des suffrages. Et qui, dans la foulée, avait largement contribuéà offrir au Rassemblement Bleu Marine (RBM) l’un de ses deux sièges de députés: Gilbert Collard avait obtenu 53,5 % des voix sur la commune, soit plus dedixpointsdemieuxquesonscore dans l’ensemble de la circonscription. Vingt-cinq ans après être devenue la première ville de plus de 10000 habitantsgérée par unmaire du Front national (de 1989 à 1992), Saint-Gilles pourrait bien basculer de nouveau à l’extrême droite. Les ingrédients sont là. Elu en 2010 à la faveur d’une division de la droite lors d’une municipale partielle, le maire PS, Alain Gaido, 65 ans, énumère quelques caractéristiques d’« une ville de misère » : un taux de chômage de 25 % ; les demandeurs d’emploi « les moins formés » du Languedoc-Roussillon ; le « record régional » de consommation de psychotropes. A quoi s’ajoutent des tensions communautaires et une délinquance face à laquelle, convient le maire, « il y a des progrès à faire». Dans un tel contexte, M. Collard peut, comme ce vendredi 14 mars au matin, se contenter de s’installer tranquillement à la terrasse d’un bistro, distillant quelques conseils de tous ordres à ceux qui s’approchent pour le consulter. « La campagne ? Quelle campagne? Je n’aipas besoin de faire campagne, la situation s’en charge », dit-il. D’un geste, il montre « l’emblématique» façade délabrée du café des Arts, où des Français d’origine maghrébine ont l’habitude de se retrouver. Pêle-mêle, il évoque les insultes proférées par « les trente à quarante personnes qui foutent la merde», l’abbatiale à restaurer, les cambriolages, un « ras-le-bol pas quantifiable», ainsi que sa volonté de « rétablir un peu d’ordre » et de «relancerle tourisme» en cetteporte de la Camargue. Bref, l’avocat médiatique, qui n’aime rien tant que les projec- teurset lescoups d’éclat,se contente ici d’un service minimum. Parce que la mairie de Saint-Gilles n’est certainement pas à la hauteur de ses ambitions, et parce qu’il est sûr de son fait. Lui dit-on que le FN fait de bons scores dans la commune, il s’empresse de rectifier : « C’est Collard qui fait de bons scores. » Et c’est le même qui pourrait en ce terrain conquis perdre des points, tant son ego semble le pousser à faire le vide autour de lui. Son bilan, à ce titre, est impressionnant. Lui dit-on que le FN fait de bons scores dans la commune, l’avocat s’empresse de rectifier: «C’est Collard qui fait de bons scores» Si Marine Le Pen fera salle comble, lundi, au moins trois personnes,et non des moindres,manqueront à l’appel : les trois derniers directeurs de campagne de l’avocat, qui ont en commun d’avoir exercé cette fonction et d’en être sortis passablement écœurés. Venir lundi ? « Oh, non, sûrement pas ! Je n’ai rien à faire là-bas », répond Patrick Fernandez. Militant au FN depuis près de trente ans, candidat à toutes les municipales à Vauvert (commune limitrophesituéeà l’ouestde SaintGilles) depuis la fin des années 1980, Patrick Fernandez avait proposé ses services à Gilbert Collard pour préparer les élections législatives de 2012. Selon son récit, après la victoire, le ton a changé. L’avocat, qui lui avait précédemment fait miroiter un poste d’attaché parlementaire, l’aurait accusé d’avoir transmis des informations à la candidate du Parti socialiste. D’autres accusations ont suivi. Puis un licenciement. M. Fernandezindique qu’il a été hospitalisépendantunesemaine, début 2013, après avoirtenté de mettre fin à ses jours. Venir lundi ? « Non. Je ne veux mettre personne mal à l’aise », dit Philippe Asencio. Ex-responsable régional du syndicat FO pénitentiaire, ce quadragénaire a dirigé la campagne de Gilbert Collard pendantquatre mois,jusqu’à la violente agression dont il a été victime dans un bar de Saint-Gilles, le 10 novembre 2013. Il a d’abord été soutenu, puis tenu à l’écart, avant d’avoir, dit-il, le sentiment d’être abandonné. Début février, il a fait savoir qu’il arrêtait la campagne. Le quotidien Midi libre a alors relevé un message qu’il avait posté sur son compte Facebook, où il soulignait que cette campagne lui avait « coûté la santé et beaucoup d’argent». Il y déplorait également que seuls« 6 % des colistierss’investissent pour leur commune », tandis que « 94 % des personnes» viendraient « pour l’argent et le pouvoir». « Syndrome post-traumatique », avait répliqué Gilbert Collard. Le député remet aujourd’hui en cause la version de l’agression subie par quelqu’un qu’il qualifie de « jusqu’au-boutiste». « On m’a dit qu’il avaittenu des propos racistes », indique M. Collard. Venir lundi? « Bien sûr que non. Jene me sens pasen sécuritéà SaintGilles », répond à son tour Alfred Mauro. Ami de vingt ans de M. Collard, cet ancien restaurateur marseillais, organisateur de salons littéraires, avait succédé à Philippe Asencio comme directeur de campagne. Il vient lui aussi de jeter l’éponge avec fracas. Dans un premier temps, il avait posté ce message sur Facebook : « Mes amis, je pars. Je ne peux plus travailler avec un homme qui a un surmoi démesuré, qui méprise ses collaborateurs et qui donne raison au dernier qui parle. Il se prend pour Machiavel mais se comporte commeTrissotin[du nomd’unpersonnage vaniteux de Molière]. » Le ton est encore monté lorsque M. Collard a publiquement affirmé avoir pris l’initiative de « virer » son directeur de campagne après avoir « reçu une lettre anonyme » lui apprenant qu’il avait été condamné « pour abandon de famille et pour violences envers les forces de l’ordre». « Non-paiement de pension alimentaire » – une affaire qui doit être jugée en appel – et « altercation verbale datant d’une dizaine d’années», a dû préciser M. Mauro. Ulcéré, M. Mauro était intarissable, jeudi 13 mars, sur cet « enfant gâté qui a horreur d’être quitté », et qui « vous larguerait aux chiens pour garder une chemise ». Sophie Legoff, jeune épouse de M. Mauro, que Gilbert Collard avait choisie comme mandataire financier, a également demandé à être démise de ses fonctions. Laliste Collardva-t-ellel’emporter ? « J’ai bien peur que oui… », répond M. Mauro, qui y figure en 5e position. p Jean-Baptiste de Montvalon Venez découvrir nos formations post-bac Mercredi 19 mars 2014 de 15h à 19h 9 rue d’Athènes - 75009 PARIS CINQ PROGRAMMES POST-BAC D’EXCELLENCE Bachelor in Business Administration (BBA) • Bachelor in Retail Management (ECAL) • BSc in International Business • CESEM • TEMA Enseignés sur les campus de Reims et Rouen Rencontre avec les directeurs et échange avec les étudiants Plus d’infos : Tél. 03 26 77 47 51 [email protected] www.neoma-bs.fr 10 0123 france Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Voile: après dix ans d’interdiction, de nouvelles tensions La loi de 2004 a fait disparaître les foulards des écoles, mais a accru les crispations dans la société Analyse A près quinze ans de débats ouverts en 1989 par la présencede jeunes filles musulmanes voilées dans un collège de Creil (Oise), la France promulguait, le 15mars 2004, la loi interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires. Si ce texte visait à préserver la neutralité religieuse dans les collèges etlycées,àfairedisparaîtredesclasses et des préaux les foulards des musulmanes ou les turbans des sikhs, à désamorcer certaines des tensions liées aux revendications identitaires dans l’école, alors l’objectif est atteint. Comme l’a rappelé l’Observatoiredelalaïcitédanssonpremierrapport d’étape en juin 2013, cette loi est respectée. Alors qu’à la rentrée 2004-2005, 639 cas d’élèves en infraction avec le texte étaient encore répertoriés, ils n’étaient plus que 3 – dont un sikh– à la rentrée scolaire suivante. Depuis 2008, les recours contre des décisions d’exclusion prononcées pour des atteintes de ce type à la laïcité ont totalement disparu. Dès la première année d’application, près de 90 % des élèves concerné(e)s avaientacceptéde retirerleursigne religieux. 96 élèves avaient quitté l’établissement pour l’enseignement privé ou à distance, et 47avaient été exclu(e)s. Aujourd’hui, le principe défendu par ce texte fait l’objet d’un quasi-consensus, à l’exception de quelques cercles militants qui en demandentl’abrogation.Endécembre 2013, la véhémence des réactionslorsdelapublicationd’unprérapportsur l’intégrationqui suggéraitderevenirsurcetteloiadémontré qu’elle faisait en quelque sorte partie du patrimoine national. Même la Cour européenne des droits de l’homme l’a confortée. En revanche, si le but de la loi était de dissuader les jeunes filles mineures de porter le foulard islamique, de faire barrage au communautarisme ou de limiter les tensions sur ce sujet dans la société, le bilan est plus mitigé. Chaque jour, des collégiennes et des lycéennes retirent leur voile devant les grilles de leur établissement, sans pour autant avoir renoncé à ce qu’elles considèrent comme un élément de leur pratique religieuse ou de leur identité. L’affichage d’une culture Vingt-cinq ans de polémiques 1989 Trois collégiennes voilées sont exclues de leur établissement à Creil (Oise). Face aux tensions, le ministre de l’éducation, Lionel Jospin, saisit le Conseil d’Etat, qui estime que le port de signes religieux n’est pas « en soi incompatible avec la laïcité ». 2003 Après des années de contentieux, le chef de l’Etat, Jacques Chirac, charge Bernard Stasi de diriger une commission sur l’application du principe de laïcité. Elle préconise, entre autres, de légiférer pour interdire les signes religieux « ostensibles » à l’école. 1994 Le successeur de M. Jospin, François Bayrou, publie une circulaire qui proscrit les « signes religieux ostentatoires ». De nouvelles exclusions sont prononcées. 2004 Le 15 mars, la loi est promulguée. Des collectifs, proches des associations musulmanes, se créent pour demander son abrogation. Manifestation à l’appel du Parti des musulmans de France, le 17 janvier 2004, à Paris, avant l’adoption de la loi. JULIEN DANIEL/MYOP musulmane assumée n’a pas régressé; une génération de jeunes musulmansnés,éduquésetsocialisés en France – rejointe par des convertis–a succédéàcelledeleurs parents, ancrés dans une pratique religieuse discrète. Enfin, si l’enseignement privé musulman n’a pas connu le boom annoncé, faute de moyens financiers et humains notamment, une trentaine de projetsd’établissementssont en cours. Mais la loi de 2004, les débats quil’ontaccompagnée,lesressentiments qu’elle a pu susciter chez une partie de la communauté musulmane ont surtout ouvert la voie à toute une série de crispationssurlavisibilitéduvoileislamique dans la société française. Et transformé en cibles privilégiées les femmes musulmanes, premières victimes d’actes et de propos anti-musulmans, selon les associations spécialisées dans la lutte contre l’islamophobie. Pour Jean Baubérot, qui en 2003 fut le seul membre de la commission Stasi –consacrée à l’application du principe de laïcité – à s’abstenir sur le principe d’une loi d’interdiction : «Les discussions autour de ce texte ontproduitundiscoursglobalsurla diabolisation du foulard ». « En réduisant le voile à un signe de soumission, les débats ont laissé enten- Si le but était de dissuader les jeunes filles de porter le foulard islamique ou de faire barrage au communautarisme, le bilan est mitigé dreques’ilfallaitl’interdirepourcette raison à l’école, il fallait le proscrire partout ailleurs. Cette loi a créé des envies de nouvelles lois», analyse-t-il aujourd’hui. De fait, ces dernières années, les exemplesencesensn’ontpasman- qué. Si les parlementaires se sont efforcésdenepassesituersurleterrain religieux mais sur celui de l’ordre public,ils ont voté en 2010 la loi interdisant le port du voile intégral dansl’espacepublic,lapremièredu genre en Europe. Après l’affaire de la crèche Babyloup, la question de l’interdiction du port du foulard s’estaussiposéedans les structures privées accueillant les jeunes enfants et les « personnes vulnérables ». Le débat s’est étendu aux entreprises privées en général. La droite a présenté une proposition de loi sur ce sujet. Le Front national est allé jusqu’à envisager l’interdiction du voile « dans la rue». En 2013, en écho à une volonté partagée par certains à droite et à gauche d’étendre la loi de 2004 à l’enseignement supérieur, le Haut Conseil à l’intégration, désormais disparu, a proposé le bannissement du voile dans les amphithéâtres et les salles de cours. A l’heure actuelle, le sort des mères d’élèves voilées souhaitant accompagner les sorties scolaires n’est toujours pas clair. Le ministère de l’éducation nationale s’opposeà leur participation,tandisque le Conseild’Etat,dansunerécenteétude, s’est montré plus nuancé. La jurisprudencepourrait encore évoluer. Dans les prochaines années, la justice aura vraisemblablement à se prononcer sur le port du voile dans les compétitions sportives… En vingt-cinq ans, le foulard islamique est devenu le symbole de la présence durable de croyants musulmans au sein d’une société de plus en plus sécularisée. Compris par une partie de l’opinion comme un signe de prosélytisme, instrumentalisé dans les débats sur l’islam ou l’intégration, il semble parfois réduire la réflexion sur la laïcité à des discussions sur la «neutralité d’apparence», quand il faudrait s’interroger sur « la laïcité de comportement», comme le souligne Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité. p Stéphanie Le Bars «J’enlevais mon foulard avant d’arriver au lycée, je n’allais pas arrêter mes études!» Témoignages Un maquillage léger met en valeur les grands yeux de Rym; sur ses cheveux, une épingle en strass retient un bandeau blanc et un voile bleu ; le tissu retombe en drapé sur une chemisette à rayures assortie, ajustée dans une longue jupe noire. On sent chez l’ étudiante en droit le soin du détail, le goût de la tenue impeccable. La jeune Toulousaine le reconnaît: la loi du 15 mars 2004, qui depuis dix ans interdit le port de signes religieux dans les établissements scolaires, lui est un peu «passée à côté ». Pourtant, venue témoigner lors d’un colloque organisé le 8 mars à Paris par le Comité 15mars et libertés, qui lutte pour l’abrogation de ce « texte injuste », Rym se dépeint en « victime indirecte». Son propre frère, avocat, l’avait prévenue qu’en se voilant elle allait « foutre [sa] vie en l’air». Dès la terminale, convaincue de sa foi et déterminée à s’afficher musulmane « pour changer l’ima- ge de l’islam dans la société française», Rym souhaitait se voiler. Mais, « à cause de la loi », la jeune fille, issue d’une famille peu pratiquante, décide d’attendre un an pour être «tranquille » à la fac, où ne s’applique pas l’interdiction. Aujourd’hui inscrite en master 1, Rym admet suivre sans problème les cours théoriques mais témoigne de sa difficulté à trouver des stages « avec son voile ». « J’ai cherché des avocats avec des noms à consonance [musulmane], mais même eux refusent. Ils sont dans une optique d’assimilation et ne veulent pas qu’une fille voilée les ramène à leur condition», assure-t-elle avec dépit. Et puis, constate-t-elle, « dans le contexte actuel, et notamment à Toulouse [ville de Mohamed Merah], le voile fait écho au radicalisme, même dans les familles musulmanes; il faut en permanence démonter les soupçons de fondamentalisme». Rym n’a pourtant pas renoncé à son «rêve » de devenir avocate. Et, si elle-même ne parvient pas à «plaider voilée dans un tribunal français», elle se dit qu’elle aura au moins fait un pas pour « celles qui suivent ». Médecine en Belgique C’est bien avant la terminale que la vie de Sara a basculé. La jeune fille fait partie de ces quelques dizaines d’élèves jusqu’auboutistes qui, après le vote de la loi, n’ont pas renoncé au port du foulard islamique, alors que la grande majorité des élèves acceptait, bon gré mal gré, de se dévoiler. Originaire d’un petit village des Vosges «sans musulmans», la collégienne, dont la mère et la sœur aînée étaient voilées, avait dès l’âge de 11 ans « décidé de préserver [sa] pudeur sous un voile ». Le début d’un « parcours du combattant», émaillé de « souffrances» mais « très formateur». « Je suis plus sûre de moi et de mes choix », lance-t-elle, bravache. «Quand la loi est passée, je portais un foulard fleuri noué sur la nuque, un peu comme un accessoi- re de mode», raconte la jeune femme de 21 ans, désormais sanglée dans un voile beige et strict lui enserrant le menton. « Après trois convocations au collège, mon père m’a dit de l’enlever mais j’ai refusé. Et j’ai été exclue. » S’ensuivent deux années au CNED puis, en 4e, une tentative d’expatriation en Syrie, pays d’origine de son père; cette expérience se solde au bout d’un an par un retour en France. «Dépression», puis de nouveau le CNED, et « le dilemme» du lycée. « Le CNEDconvient pour le collège, mais ensuite c’est trop compliqué d’étudier seule», estime la jeune femme, qui rêve de devenir médecin. Finalement, Sara passe son bac S au lycée Al-Kindi, à Décines (Rhône). Elle est aujourd’hui en deuxième année de médecine… en Belgique, où elle peut suivre ses stages voilée. « Mais mon but est de m’installer en France, pédiatre ou généticienne, et de soigner tout le monde. Je ne vois même pas pourquoi des patients seraient gênés par un bout de tissu sur mes cheveux. » Soumaya partage avec Sara et Rym une « incompréhension» face à la loi de 2004. Mais la jeune fille, originaire de Seine-SaintDenis, s’y est pliée « sans problème », comme la majorité de ses coreligionnaires. « J’ai décidé de porter le voile en seconde, à 16 ans. Mais la loi, c’est la loi, et je l’enlevais dans le bus avant d’arriver au lycée. Je n’allais pas arrêter mes études à cause de cette loi ! » Agée de 23 ans, Soumaya assure avoir « lu des livres sur la laïcité » mais n’a pas mieux compris « quel problème» posait son voile. « Pour une bonne cause » Désormais étudiante en orthoptie, la jeune fille, les cheveux couverts d’un voile bleu foncé avançant sur le front, affiche le même pragmatisme. « En cours, je le porte, pour les stages je l’enlève. Je fais mes prières le soir et, à la cantine, je mange du poisson. La viande [halal], il y en a à la maison ! » Elle conseille à ses cadettes d’adopter la même attitude. « Notre avenir mérite ce sacrifice. En plus, Dieu sait que l’on fait cela pour une bonne cause et on sera récompensé dans l’au-delà. » « Mais ce serait quand même bien qu’on nous laisse porter le voile », sourit la jeune fille. A 12 ans, Maryam n’a pas non plus l’intention d’enfreindre la loi: son foulard bleu, elle le porte « tout le temps, sauf au collège » de sa ville de province. « Mais quand je ne l’ai pas, il me manque un truc », confie la collégienne, en jean et Converse roses. Sa mère, Bénédicte, est voilée depuis dixsept ans, sa sœur aînée, lycéenne, attend, selon sa mère, « d’être à l’université pour le porter, même si elle craint qu’on lui mette des bâtons dans les roues ». Maryam, elle, n’exclut pas un jour de «négocier» avec les responsables de son établissement le droit de conserver son voile tout le temps. Elle est scolarisée dans l’enseignement privé catholique. p S. L. B. culture 0123 Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 11 Georges Clemenceau, le Tigre asiatique Le Père la Victoire était aussi un esthète passionné par l’Orient. Le Musée Guimet a rassemblé sa collection Arts P aquebot Cordillère, octobre1920. A la comtesse d’Aunay, Georges Clemenceau écrit : « On nous promet de la brise dans l’océan Indien, pour le moment c’est la brioche au four. J’ai vu pire au Soudan. » Il poursuit : « Nous arrivons demain matin à Colombo. Nous aurons une belle journée à Ceylan. Coucher à Kandy, la capitale, invitation du gouverneur, etc. Quand je suis sur la dunette, fermant les yeux sur une chaise longue, vous savez à qui je pense. Ever. » Kandy, Sri Lanka, janvier 2014. La résidence du gouverneur anglais est devenue le Queen’s Hotel,et la chambre qu’occupaClemenceau est la plus courue. A Polonnâruvâ, cité monastique du XIIe siècle, les touristes, houspillés par les gardiens, rusent pour se faire photographier avec le grand Bouddha, comme l’homme d’Etat voilà près d’un siècle. Seuls les intimes et les collectionneurs, ses comparses Emile Guimet et Henri Cernuschi, ou les marchands comme Siegfried Bing, connaissaient la fascination pour l’Orient de Georges Clemenceau (1841-1929),le PèrelaVictoire,président du conseilqui signait, en 1919, le traité de paix à Versailles. Ce GeorgesClemenceau, éternel amoureux,globe-trotteurinfatigable, s’est embarqué pour un périple de six mois en Asie, à 80 ans, de Ceylan à Java, de Birmanie en Inde, qu’il a parcourue en tous sens sous le prétexte d’une chasse au tigre, pour rencontrer le bouddhisme et la civilisation des Veda. Comment est-il devenu ce grand collectionneur d’estampes japonaises, signéesHokusai,Hiroshigeou Utamaro, de bouddhas du Gandhara, de laques, masques et céramiques, et autres objets d’art asiatique ? Une passion secrète que le Musée Guimet, à Paris, dévoile dans une exposition inédite. Pudique et discret sur sa vie privée, républicain engagé, épris de démocratie et de justice, cofondateurdela Ligue desdroits del’homme (1898), l’ancien premier flic de France, admiré de Manuel Valls – membre de son fan-club, la Fondation Clemenceau –, ne faisait pas état de ce tropisme oriental. Pas plus que le journaliste à la plume acérée qui écrit des éditos cinglants à la « une » de ses journaux, La Justice, L’Aurore, L’Homme enchaîné, pour dénoncer le colonialisme, le racisme, l’antisémitisme, et qui publie le J’accuse… ! de Zola, prenant fait et cause pour Dreyfus. Moustache fournie et caractère impétueux, calotte tibétaine enfoncée jusqu’auxyeux, Clemenceau, dit « le Tigre », est tout cela, maispasseulement.C’estunesthè- Clemenceau à 80 ans, en 1921, devant l’un des trois bouddhas de Polonnâruvâ, à Ceylan (Sri Lanka), première étape de son périple de six mois en Asie . COLLECTION MUSÉE CLEMENCEAU te humaniste, amateur d’art au goût affûté : il fait acheter pour le Louvre, en 1891, les deux premières œuvres japonaises du musée, dont cet admirable méditant, sculpture en bois de cyprès, du XVIIe siècle. Et prête ses estampes pour la première exposition, en 1890, des maîtres japonais, à l’Ecole des beaux-arts. Le collectionneur passionné, impulsif, curieux de tout, nourri de civilisation grecque, est fasciné par l’Asie, ses cultures, ses religions. Il veut tout connaître, comprendre, s’approprier. Il dort peu et, dans l’intimité du 8, rue Franklin, appartement loué à deux pas du Trocadéro, le dos au feu de cheminée,il dévore dans la nuit la poésie, les ouvrages d’histoire, de géographie, de philosophie et les catalogues d’art. Ses livres, ses « grands amis » comme le Livre du thé, d’Okakura (1906), sont montrés à Guimet avec500kôgô,sur les3112qu’ilpossède. Ces petites boîtes à encens de la cérémonie du thé, discipline initiatique à l’art de la vie, symbolisent l’inachevé, l’imparfait, le perfectible. Et « L’imparfait, c’est l’absolu », clame Clemenceau dans un édito. « Il va falloir maintenant compter avec ces “frères” d’Asie qui nous ont précédés dans la civilisation», prévient-il, en visionnaire. Car c’est dans « ce grand répertoire de l’art humainque se contrôle, s’affine et se renouvelle notre esthétique occidentale». Il attrape le virus du « japonisme » au Quartier latin, avec les artistes. L’étudiant Saionji Kinmochi, fils d’une famille princièrede Kyoto, sera son « passeur». Le peintre Claude Monet, qu’il appelle « mon vieux cœur », devient son complice. Clemenceau obtiendra que ses Nymphéas soient exposées à l’Orangerie des Tuileries, à Paris. Fraternité des deux compères illustrée par le Bassin aux Nymphéas, provenant du Musée Folkwang d’Essen, dont les reflets chatoyants évoquent cette poudred’or que les artisansposent sur la laque pour accrocher la lumière. En 1865, à 24 ans, doctorat de médecine en poche, « l’indomptable » s’embarque pour New York, afin d’oublier une peine de cœur et fuir le Second Empire qu’il exècre. CorrespondantduTempset professeur de français et d’équitation, il y rencontre l’Asie au travers des populations immigrées. Quatre ans plus tard, devenu anglophone – une rareté pour l’époque et un atout – il est de retour. Médecin dans un dispensaire de Montmartre,ilenchaînelesmandats,de maire, puis de député. En 1892, il perd son siège, accusé (à tort) d’être mêlé au scandale de Panama. Privé de ses indemnités parlementaires, Clemenceau est contraint de vendre sa collection. La découverte, en 2005, des deux catalogues de ventes d’un amateur parisien anonyme (Clemenceau), donnent la mesure de sa collection : 3 000 estampes, 500 peintures, des dessins, éventails, livres, céramiques… partent aux enchères en 1894 pour 28955 francs. Cette révélation sera le pointde départdu projetd’exposition de Guimet. Spécialiste des arts décoratifs du musée parisien, Aurélie Samuel se mobilise alors pour réunir les œuvres dispersées. Trente musées prêteurs répondent à l’appel. Devant l’admirable tête de bouddha du Gandhara, en schiste blanc, la cocommissaire Amina Taha-Hussein Okada, chargée de l’Inde à Guimet, raconte l’excita- Matthieu Séguéla: «On a oublié l’homme de cultureen lui» Entretien Velours mordoré au mur, moquette cramoisie au sol, 5 000 livres serrés jusqu’aux plafonds, des estampes japonaises sur les cimaises, l’appartement de Clemenceau, 8, rue Franklin à Paris, est tel qu’il l’a quitté, mort dans son lit, le 24 novembre 1929. Un lieu « habité » comme s’il allait revenir d’une minute à l’autre, que Matthieu Séguéla affectionne, et qui se visite. Auteur de Clemenceau ou la tentation du Japon (CNRS Editions, 468 pages, 25 ¤), ce docteur en histoire, qui vit à Tokyo où il enseigne le français, est cocommissaire de l’exposition du Musée Guimet. Appuyé sur le billard, l’historien décrypte la fascination du « Grand bonhomme, davantage journaliste que politique ». La passion de Clemenceau pour l’Asie est inconnue en France ; comment l’expliquer ? On a enfermé Clemenceau dans la statue du Père la Victoire, on a oublié l’homme de culture, des esthétiques universelles, et sa définition des cultures extraeuropéennes que l’on veut amoindrir. Il a une analyse politique, philosophique, et un choc esthétique, quand il admire les estampes ou l’art bouddhique. Il est un des rares qui, en politique, a ces sensibilités. Il est aussi isolé dans ses choix de l’avant-garde du Japon et des impressionnistes. Seules les élites sacrifient au culte du Japonisme. Sa rencontre avec le jeune Saionji Kinmochi à son retour des Etats-Unis est-elle déterminante ? C’est une rencontre fondatrice. Clemenceau est devenu l’ami d’un homme de couleur, tel que l’on considère alors les Asiatiques, et partage avec lui les idées libérales, et plus encore. Elle a lieu à son retour des Etats-Unis, en 1870, alors que tous deux suivent les séminaires de droit d’Emile Accolas. Saionji, jeune aristocrate d’une grande famille de Kyoto, est un samouraï qui a coupé son chignon mais qui a encore des idées conservatrices. Clemenceau le convertit à la démocratie. Saionji lui traduit les poèmes qui sont dans sa bibliothèque. L’amitié d’une vie et un même parcours ? Clemenceau est son mentor, son modèle. Comme Clemenceau, Saionji fonde un journal. Tous deux seront chefs de leurs gouvernements respectifs. En 1907, ils signent une réconciliation qui rétablit de bonnes rela- tions entre le Japon et la France. En 1919, ils se retrouvent à la conférence de paix de Versailles, autour de la même table, comme deux vieux sages inquiets des tensions politiques et convaincus que seul un régime démocratique peut empêcher la guerre. Saionji est le père fondateur de la démocratie japonaise. Qu’admire Clemenceau de cet Orient ? Il admire le bouddhisme qui est une réforme de l’individu, par la méditation, la réflexion, l’autoanalyse qu’il pratiquera tout au long de sa carrière. Il n’y a pas de vérité révélée dans le bouddhisme, à la différence du christianisme, ce qui séduit le libre-penseur qu’est Clemenceau. Tout en étant anticlérical, il est passionné par les religions, il les étudie à l’aune de la philosophie. Sakyamuni (Bouddha) est toujours cité en premier. La dimension esthétique de l’art bouddhiste complète cette vision. L’influence des artistes et de leur japonisme a-t-elle compté ? Les artistes, Manet, Monet, Degas, prennent le relais et accompagnent cette symbiose. Clemenceau parle de l’influence de la gravure japonaise sur l’art de Manet. Chez Monet, il y a du japonisme végétal. L’espace est organisé par la lumière du soleil à chaque heure de la journée. Cette idée de l’impermanence séduit. Les chefs-d’œuvre arrivent par caisses entières du Japon. Saionji est capable d’expliquer chacune des pièces à son ami. Entre eux, c’est d’abord une amitié, des convergences de pensée philosophique et politique et l’admiration pour l’art de l’autre. p Propos recueillis par Fl. E. tion de Clemenceau, dans la passe de Khyber, à Peshawar, sur les traces d’Alexandre le Grand, alors qu’il retrouve « sa » Grèce dans le bouddhisme. Affaibli par un coup de froid, à Calcutta, les médecins le somment de rentrer en France. Sa réponse cingle : « Que je meure à Calcutta, que je meure à Paris, que je meure un mercredi, que je meure En 1891, Clemenceau fait acheter pour le Louvre les deux premières œuvres japonaises du musée un samedi, cela n’a aucune importance… Ou je mourrai ou je visiterai l’Inde.» Retour en mars1921. Il retrouve Bélébat, sa « bicoque », face à l’océan, à Saint-Vincent-sur-Jard, qu’il loue en Vendée, sa terre natale. A Monet, son « vieux fou » il écrit : « Me voilà donc installé dans maféeriede la terre,ducieletde l’oiseau… Votre petite flaque d’eau s’appelle ici l’Atlantique… » C’est à Marguerite Baldensperger, son dernier amour, qu’il avoue : « Quand Belébat vous tiendra, Bélébat vous gardera. » Devant la porte, deux renards en bronze veillent. Des figures protectrices de l’ère Meiji, qu’il a baptisées Pasteur et Rothschild. p Florence Evin Clemenceau, le Tigre et l’Asie. Musée national des arts asiatiques Guimet, 6, place d’Iéna, Paris 16e. Tél. : 01-56-52-53-00. Sauf le mardi, de 10 heures à 18 heures. De 7 ¤ à 9,50 ¤. Guimet.fr. Jusqu’au 16 juin. Du 5 juillet au 6 octobre, au Musée des arts asiatiques de Nice, puis du 25 octobre au 25 janvier 2015, à l’Historial de la Vendée, Les Lucs-sur-Boulogne. L’appartement parisien et la maison de Saint-Vincent-sur-Jard (Vendée), se visitent. Monuments-nationaux.fr 12 0123 culture Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Riccardo Muti célèbre les 80ans de sonorchestre L’Italien dirige quatre concerts de l’Orchestre national de France Musique C ’est sous la direction du chef d’orchestre italien Riccardo Muti que l’Orchestre national de France, cadet de nos deux orchestres radiophoniques (l’autre est l’Orchestre philharmonique de Radio France) a donné, le 13 mars, le coup d’envoi des quatreconcerts anniversaires qui marquent son inauguration, il y a 80 ans. Calmant les ovations finales d’un Théâtre des Champs-Elysées vent debout, le maestro a publiquement félicité l’orchestre, faisant un vibrant éloge de cet «ambassadeurdelaculturefrançaise en Europe » qu’il dirige « avec fidélité» depuis trente-quatreans. A l’heure où l’arrivée du nouveau président de Radio France, Mathieu Gallet, à la succession de Jean-Luc Hees en mai, réveille le spectre récurrent de la possible fusion des deux phalanges de la radio, c’est un message appuyé. Sera-t-il entendu ? Les musiciens espèrent beaucoup du dialogue avec M. Gallet, fin et boulimique mélomane, qui, en moins d’une semaine, peut entendre l’orchestre delaStaatskapelledeDresde,lesusnommé « National » suivi de son binôme, le « Philhar’», avant d’enchaîner avec Andris Nelsons à la tête du City of Birmingham SymphonyOrchestra(CBSO) et Michael Tilson Thomas au pupitre du San Francisco Symphony Orchestra. Mais revenons à notre Muti. Le maestro est l’une des rares sommités de la baguette à porter des programmesoriginauxet sansconcession. Certes, l’ouverture de Guillaume Tell, de Rossini (un hommage à la France, pour laquelle le compositeur italien écrivit cet opéra créé en 1829 à Paris) est un must des entrées en matière concertantes. C’est aussi un moyen radical de prendre le pouls d’une phalange tant les combinatoires instrumentaleslaissentpeudeplaceàl’improvisation, beaucoup à l’imagination Le chef mène cette épopée avec la fougue sereine d’un habitué des combats mélancolie flirtant avec la neurasthénie. Au pupitre, Muti en accompagnateur-né de la voix, distille les enchantements. Plusrareencore,en secondepartie,laSymphonien˚3 op.43deScriabine. Un « Poème divin » ou plutôt une longue péroraison prométhéenne en trois mouvements enchaînés, censée prouver non l’existence de Dieu mais de son rival, l’homme créateur. Cette fois, Riccardo Muti mène cette épopée démiurgique avec la fougue sereine d’un habitué des combats que l’on ne gagneque si l’on sait perdre, entre urgence vitale et prescience de l’au-delà. p Marie-Aude Roux Concert des 80 ans de l’Orchestre national de France, avec Bernarda Fink (soprano), Riccardo Muti (direction). Théâtre des Champs-Elysées, 15, avenue Montaigne, Paris 8e. Disponible à l’écoute sur Francemusique.com Le clarinettiste est en concert en France D ébridé et sauvage, David Krakauer stupéfie sur scène. Quand il fait surfer à une allure époustouflante sa clarinette sur la crête des aigus, c’est une exubérante bouffée de joie qui passe. Son très attrayant nouveau disque enregistré avec son groupe Ancestral Groove paraît presque sage, comparé avec ce dont il se montre capable face au public. Né à New York, en 1956, David Krakauer fait partie des agitateurs remarquabless’amusantà ébouriffer le klezmer, la musique juive ashkénaze d’Europe de l’Est. Une musique qui connaît un renouveau aux Etats-Unis à partir des années 1970 en croisant le jazz, puis se décline en voies multiples, rock, funk, hip-hop, électro… David Krakauer a déjà plus de 30 ans quand il commence à la jouer. Avantcela,il fréquentaitl’avantgarde du jazz, interprétait Brahms ou Schönberg. Quelque chose lui manquait, raconte le musicien : « Lorsque j’ai commencé à jouer du klezmer, j’entendais la voix de ma grand-mère, son accent yiddish. » En 1979, il découvre Dave Tarras (1897-1989), Ukrainien émigré à New York, l’un des fameux clarinettistes klezmer du XXe siècle. « Il ne jouait plus vraiment “bien” mais il avait un son incroyable.» Au milieu des années 1980, poursuit Krakauer, « il y a eu cette La petite salle parisienne s’est fait un nom grâce à ses choix de théâtre, de musique et de danse – de l’instrument soliste au quatuor de violoncelles, de la musique de chambre à l’harmonie à vent, sans parler bien sûr du grand tutti d’orchestre.Nulsymptômeinquiétant: le « National» est dansun soir de forme. Changement radical d’atmosphère avec Le Poème de l’amour et de la mer op.19, d’Ernest Chausson, plus présent à la discographie qu’au concert. Il faut une chanteuse aède, capable de mettre cette vaste mélodie française, élargie à la cantate, en tension avec une partition instrumentale riche d’un expressionnisme aérien et vénéneux. Bernarda Fink n’a pas une voix très projetée mais son phrasé racé épouse avec délicatesse les sinuositésd’untextefondésurune David Krakauer ébouriffe le klezmer Musique LaLogeà la bonne enseigne période extraordinaire, où avec Gorbatchev et la perestroïka, on sentait que l’Europe de l’Est allait s’ouvrir. Philip Roth publiait Writers from the Other Europe, on lisait Kundera, Gombrowitz et aussi Bruno Schultz. A New York, il y avait des concerts de clarinettistes bulgares, macédoniens, albanais, grecs… Je suis soudain devenu curieux pour tous ces possibles de la clarinette. Mon instrument pouvait m’emporter bien au-delà du jazz et du classique ». Essai concluant En 1985, dans l’Upper West Side, à Manhattan, où il habite, David Krakauer entend jouer des musiciens klezmer devant le delicatessen juif Zabars. Ceux-ci lui proposent de les rejoindre. Essai concluant. Huit mois plus tard, les Klezmatics, l’un des groupes pionniers du renouveau de la musique klezmer aux Etats-Unis dans les années 1980, le contactent. Il restera sept ans avec eux avant d’inventer sa propre histoire avec le klezmer. « Ma musique est une maison avec les portes grandes ouvertes. » p Patrick Labesse David Krakauer en concert : L’Alhambra, 21, rue Yves-Toudic, Paris 10e, le 15 mars ; Bourges, le 18 ; Vincennes, le 19 ; Montluçon, le 20 ; Clermont-Ferrand, le 21… Checkpoint 1 CD Label bleu/ L’autre distribution. La Loge, rue de Charonne, dans le 11e arrondissement de Paris. CLAIRE DEMOUTE Spectacle I l y a, au 77 de la rue de Charonne une cour magnifique, comme on en trouve dans le 11e arrondissement de Paris : pavée, avec d’anciens bâtiments industriels dotés de coursives. Dans cette cour, il y a un théâtre, qui ne se distinguerait pas des nombreuses petites salles de l’est de la capitale s’il ne commençait à faire parler de lui en grand : La Loge. Il n’est pas rare d’y croiser des programmateurs de haut vol, qui viennent « à la pêche » pour découvrir des metteurs en scène, des collectifs ou des auteurs, comme David Léon, dontun textetroublant, Un Batman dans ta tête, est présenté jusqu’au 21 mars. Le 30 mars, des plaids et des oreillers accueilleront les spectateurs,allongéspour unede cessiestes acoustiques dont le rituel, chaque dernier dimanche du mois, contribue à la réussite de La Loge, où théâtre, musique et danse se croisent allègrement. C’est une ruche, joyeuse, vivante, clairvoyante. Comme ses directeurs, Alice Vivier et Lucas Bonnifait. Tous les deux sont âgés de 31 ans. Alice Vivier en avait 21 et était étudiante en théâtre quand elle a créé sa première salle, dans une boutique de 20 m2, en face du Théâtre La Bruyère, dans le 9e arrondissement. Elle l’a appelée La Loge, et elle a appris le métier de directrice sur le tas. « Ça m’a tout de suite plu d’être en contact avec tous les métiers qui mènent à la création. J’avais envie de permettre à des jeunes deprésenter leurs spectacles et de se rencontrer.» LucasBonnifaitentre dans l’histoire parce qu’il vient à La Loge avec un spectacle, Cabaret martyr. Metteur en scène et comédien (on l’a vu en janvierà l’Odéon dans Platonov, mis en scène par Benjamin Porée),il ne pensait pas dirigerune salle. Sa rencontre avec Alice Vivier l’a mis sur le chemin et, aujourd’hui, c’est lui qui s’occupe de la programmationthéâtre de La Loge de la rue de Charonne. Cette salle, les deux l’ont ouverteen septembre2009.En 2008, Alice Vivier a vendu le fonds de commerce de la rue La Bruyère et, grâce à son père, agent immobilier qui s’est porté garant, elle a pu prendre en main la salle du 11e, un ancien studio d’enregistrement. « On voulait une salle plus grande, on trouvait fabuleux qu’il y ait 140 m2, et les gens nous disaient : “C’est petit.” Pour nous, c’était le Zénith ! » La salle occupe 90 m2, le reste compte même un petit bar. Les gradins ne sont pas tendres pour le dos, mais la programmation peut le faire oublier. Elle repose sur un principe simple : « Un jeune auteur contemporain qui a écrit un texte plutôt qu’un metteur en scène qui veut «Ontrouvait fabuleux qu’il y ait 140 m2, et les gens nous disaient: “C’est petit.” Pour nous, c’était le Zénith» Alice Vivier codirectrice monterLes Bonnes», ditLucasBonnifait. Les troupes perçoivent 50 % de la recette et disposent de la salle une semaine pour préparer leurs spectacles. « La Loge reçoit 15 000euros de la Ville de Paris. Les entrées représentent 70 % du budget. On arrive à être juste à l’équilibre», explique Alice Vivier. C’est déjà bien. Ce qui est mieux encore, c’est la place que s’est taillée La Loge. Sa réputation est née avec la musique, qui a valu à Alice Vivier, en 2013, d’être choisie, avec Olivier Poubelle et Renaud Barillet, pour reprendre Les Trois Baudets, à la demande de la Mairie de Paris, qui possède la salle. Rue deCharonne,lethéâtre vient maintenant en première ligne, et des liens ont été noués avec les salles en pointe, comme le Théâtre de Vanves(Hauts-de-Seine),qui développe des projets avec La Loge, et le Centquatre, à Paris, dont le théâtre sera partenaire pour le festival Impatience, en mai. En ce moment, c’est donc Un Batman dans ta tête qui se joue. Le comédien et la mise en scène font battre, jusqu’au vertige, le cœur de ce texte dont la matière pourrait être un cliché moderne, l’influence des jeux vidéo sur l’esprit d’un adolescent, si David Léon n’atteignait les zones où se nouent les troubles mortels d’une vie. C’est dur mais productif : remuant. p Brigitte Salino Un Batman dans ta tête, de David Léon, mise en scène : Hélène Soulié. Avec Thomas Blanchard. La Loge, 77, rue de Charonne, Paris 11e. Mo Charonne ou Voltaire. Tél.: 01-40-09-70-40. A 19 heures. De 10 ¤ à 16 ¤. Jusqu’au 21 mars. A Bayonne,les candidatsdansles arènes Les batailles culturelles des municipales 17/17 La gestion du site, propriété de la ville, divise Bayonne B ayonne, Bayonne, ville parfaite, fluviale, aérée d’entours sonores… » : comme dans les chansons des fêtes, Roland Barthes répète le nom de Bayonne.La ville se dédoubleà l’infini. Rive droite, rive gauche. Petit Bayonne, grand Bayonne. Rugby professionnel (l’Aviron Bayonnais), rugby militant (l’ASB). Aviron et nautique. Même les fêtes sont plusieurs. Ici, on ne dit ni « feria » ni « la fête », on fait les fêtes. Au volet culturel des listes en présence, les gros dossiers font l’objet d’un consensus à nuances: le statut de « scène nationale », le rôleduMuséeBasqueet de l’Histoire de Bayonne. Fermé depuis 2011, le Musée Bonnat doit subir des travauxà hauteurde 20millionsd’euros. Ce qui rend assez prudents tous les candidats. Même Sylvie Durruty (tête de liste UMP, adjointe sortante) s’étonne qu’il n’y ait pas de comité de pilotage. Quel que soit le choix, le 30 mars marquera un changement de style. En 1989, Jean Grenet entre au conseil municipal que conduit son père, Henri Grenet, depuis 1958. A la mort d’icelui, en 1993, le fils le remplace, est tête de liste en 1995, réélu régulièrement député des Pyrénées-Atlantiques et maire de Bayonne, et se retire cetteannée. Commeleur prédécesseur Maurice Delay, depuis 1945, les Grenet père et fils étaient chirurgiens.Longuetraditiond’exploration à ciel ouvert du corps électoral. Chaque liste a son lot d’aficionados de tradition taurine, d’amateurs occasionnels, d’indifférents et d’«anti» La culture, à Bayonne, relève de l’anthropologie plus que des idées courtes. Le chocolat, introduit par la communauté juive si importante depuis le XVIe siècle et implantéerive droite, est aussi fondamental que consensuel.Autre pôle, toujours rive droite, globalement plus populaire que la rive gauche, les trois salles d’un des cinémas d’art et d’essai les plus inventifs et créatifs de l’Hexagone, l’Autre Cinéma. Le local de la liste Baiona 2014, dirigée par Jean-Claude Iriart (liste abertzale de gauche), est situé rue Sainte-Catherine. Iriart partage la philosophie de Serge Noguez (Front de gauche) quant à la répartition des subventions directes. Pas d’argent public pour les clubsprofessionnels(rugby) ou les spectacles des arènes (concerts et spectacles taurins). Développer le réseau associatif et le lien social. Soutenir, comme la liste Bayonne ville ouverte menée par Henri Etcheto (Parti socialiste), les efforts de l’ASB (rugby populaire) en direction des cités rive droite, et particulièrement tonique dans la pratique du jeu féminin. Et les arènes ? Ellessont propriété de la ville. Symbole paradoxal, incontesté, elles ne sont pas implantéesen son centre, mais sur les hauteurs de Lachepaillet. Chaque liste a son lot (nuancé par la couleur politique) d’aficionados de tradition taurine, d’amateurs occasionnels, d’indifférents et d’antis. La gestion, maintenant? Sylvie Durruty désire conserver le statut de régie municipale. Ce statut garantit la plus grande indépendance d’initiative et a fait ses preuves, avec autant de rigueur que d’invention, dans les deux dernières années (bénéficiaires). Pour le socialiste Henri Etcheto, un constat s’impose : il y a eu dans les vingt dernières années un «trou de transmissionintergénérationnelle». Les traditions taurines, il n’est pas le seul à le prétendre, vont au-delà de la « corrida formelle à l’espagnole». Toutes sortes de pratiques illustrées dans les Landes voisines doivent trouver leur place. Et les arènes, s’ouvrir, ce qui est déjà le cas, à d’autres événements. « Pour autant, la gestion économique ne doit pas être imputée sur le budget de la ville. » Henri Etcheto plaide pour un terreau d’afición populaire, et, comme Jean-René Etchegaray (UDI-MoDem), pour une délégation de service public. Sans doute la solution créera-t-elle des budgets séparés, et vu les contestations dont fait l’objet la tauromachie, ce serait un éclaircissement. Mais au détriment du prix des places et de la qualité des spectacles. Or, l’attractivité de la ville, le renforcement de ses cultures sont au centre des préoccupations de toutes les listes. p Francis Marmande Fin 0123 culture & styles Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Au GrandRex,un «Rêve» choré-cinématographique Le duo Pietragalla-Derouault présente un spectacle débordant d’effets spéciaux 3D Danse O n y va pour le cinéma, pour les shows comiques, on n’y estjamaisallépourunspectacle de danse. Grâce à MarieClaudePietragalla,c’est chosefaite. Pour la première fois, le Grand Rex ouvre son plateau à l’art chorégraphique. Et le fait savoir ! Sur l’immense façade de l’immeuble beau comme une pièce montée, les noms de Pietragalla et Derouault, son mari, danseur et complice de création, étincellent à tout va, façonBroadwaysurlesGrandsBoulevards, ce qui est unique dans le contexte chorégraphique français. Sur les trottoirs, les queues de spectateurs se croisent : près de 1 800 tickets à vendre chaque soir jusqu’au 29 mars ! La danseuse étoile de l’Opéra de Paris (1990-1998), chorégraphe indépendante depuis dix ans, ne fait rien comme tout le monde et tire parfaitement son épingle du jeu. Non seulement elle possède ce statutrienqu’àelledevedetteultrapopulaire que l’émission « Danse avec les stars », sur TF1, a amplifié, mais elle assume un geste artistique grand public qui a contribué à élargir son cercle de fans. Et toujours, depuis quinze ans, en collaboration avec le danseur et chorégraphe Julien Derouault. Après le Théâtre Mogador, le Palace, le Palais des congrès, la voilà donc au Grand Rex. Un circuit de salles parisiennes inhabituel même pour le registre auquel émargent Pietragalla et Derouault. Et il faut reconnaître que le Grand Rex colle impeccablement à leur nouveau spectacle, un duo intitulé M. & Mme Rêve, fiction choré-cinématographiquedébordant d’effets spéciaux 3D qui en mettent plein les mirettes dans le meilleur sens du terme. Entre immense jeu vidéo et saga fantastique immersive, sur une bande-son du DJ Laurent Garnier, ce pas de deux intimiste au premier abord, inspiré par l’œuvre d’Eugène Ionesco, est inversement proportionnel au décor virtuel sans cesse mouvant qui se déploie « Sans titre », 2008 (détail). ATELIER MICHAEL WOOLWORTH Etrange endroit pour une exposition: une imprimerie. Endroit logique car c’est celle où Djamel Tatah vient travailler sur papier depuis 2006. Ce sont donc huit ans d’estampes qui sont aux murs. Elles ont été obtenues selon des techniques originales que Michael Woolworth a mises au point pour être Gastronomie Ancien second de cuisiniers-artistes tels Alain Passard et Marc Veyrat, le chef normand ose, dans son nouveau restaurant parisien, toutes les audaces culinaires. Avec succès Les jeux chromatiques de David Toutain comme un tapis volant pendant une heure trente. Les murs du salon se déchirent et s’effondrent; un champd’arbres passe en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire par toutes les couleurs des saisons ; des météorites envahissent l’espace… Les paysages surgissent les uns des autres et s’hybrident dans un vertige visuel. Près de deux ans de travail d’une dizained’expertsdeDassaultSystèmesont éténécessairespourfinaliser les projections sur quatre écrans dont celui du sol, véritable membrane vivante. Rien de réel sur le plateau, à l’exception de deux lits, deux fauteuils et deux chaises,soclesdérisoiresd’unvoyagehallucinantàlamesuredelaprolifération des images mentales de Ionesco. Tempête sous un crâne et Les paysages surgissent les uns des autres et s’hybrident dans un vertige visuel une armée de rhinocéros bat le pavé devant nous grâce au miracle numérique. Et la danse expressive, un peu répétitive, de Pietragalla et Derouault de résister à cette attaque massive et captivante. Blessée à la hanche, Pietragalla, qui travaille sur ce projet depuis 2012, a dû céder son rôle à la dernière minute à la danseuse étoile de l’Opéra de Paris Clairemarie Osta, qui relèvejoliment le défi de ce partenariat millimétré avec la haute technologie. A la fin du spectacle, Pietragalla,laissantsesbéquillesen coulisses,a salué le public,appuyée sur un tabouret haut. Classe et souriante, envers et contre tout. p Rosita Boisseau M. & Mme Rêve, de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault. Grand Rex, 1, bd Poissonnière, Paris 2e. Du 12 au 29 mars, 20 h 30. Tél. : 0 892 683 622. De 19 ¤ à 83 ¤. Puis en tournée : 1er avril, Montpellier ; du 3 au 5 avril, Lyon ; 16 avril, Toulouse… GALERIES Djamel Tatah Atelier Michael Woolworth 13 au plus près de l’œuvre de Tatah. La lithographie et le bois gravé y sont souvent associés, sur des surfaces préalablement préparées. La ligne de Tatah y fait naître des visages et des corps. Ce sont parfois de purs dessins, que l’on aimerait voir accrochés en compagnie de ceux de Matisse. Ou ce sont de grandes ou de très grandes planches teintées par des passages successifs de couleurs et c’est alors plutôt avec Munch qu’elles devraient partager une exposition. S’y retrouvent les figures qui habitent les peintures de Tatah, ces adolescents silencieux et songeurs, une femme âgée qui médite, un corps dont on ne sait s’il tombe ou s’envole, un autre pris derrière des barreaux. Ce sont des allégories, mais vivantes et actuelles. p Philippe Dagen Œuvre(s) sur papier. Atelier Michael Woolworth, 2, rue de la Roquette, cour Février, Paris 11e. Tél. : 01-40-21-03-41. De lundi à vendredi à 9 h 30 - 18 h 30 et sur rendez-vous samedi et dimanche. Jusqu’au 3 mai. Patrimoine Reconstruction au Mali des mausolées de terre de Tombouctou sous l’égide de l’Unesco Vendredi 14 mars, la reconstruction des mausolées de Tombouctou (Mali), endommagés, en juillet 2012, par des groupes insurgés armés, a été confiée à des maçons locaux, sous la supervision de l’imam de Djingareyber. Le projet est financé par le Mali et l’Unesco avec le concours d’Andorre, du royaume de Bahreïn, de la Croatie, de l’île Maurice et bénéficie du soutien logistique de la force des Nations unies déployée au Mali, la Minusma. Ces édifices complexes en terre témoignent de l’âge d’or de Tombouctou, centre économique, intellectuel et spirituel aux XVe et XVIe siècles. p Florence Evin WILD CARROT C ’est merveilleux, un restaurant. » Sur le pas de sa cuisine,DavidToutains’enchante comme un chef débutant des poignées de main données à des clients tout émoustillés par la rafale d’oursin au café, d’anguille au sésame noir, d’huître au kiwi et mousse de chou-fleur/chocolat blanc/noix de coco qui fit office de dîner.Aprèstout,cetétablissement aux grandes baies vitrées, ouvert rue Surcouf (Paris 7e), depuis le 23 décembre2013, est sa première adresse de cuisinier-propriétaire. Si le lieu affiche complet depuis son lancement, c’est aussi parce que ce Normand au physique de jeune premier possède déjà un impressionnant CV. Ancien second de cuisiniersartistes tels Alain Passard et Marc Veyrat, passé par des fourneaux aussi brûlants que ceux de Bernard Pacaud,àl’Ambroisie(Paris4e),Pierre Gagnaire (Paris 8e) ou Andoni Luis Aduriz, le magicien de Mugaritz, au Pays basque espagnol, ce talent précoce a accroché la lumière dès sa première place de chef, en 2011,auservicedel’Agapé-Substance. Parmi les premiers journalistes à repérer cet inventif dans ce minuscule restaurant de la rue Mazarine, l’équipe d’Omnivore le célébra dans son guide, avant de l’inviter sur la scène de son festival culinaire. Il y a un peu moins de dix ans, accompagnant alors Marc Veyrat, lors de cet événement, David Toutain s’était dit qu’une apparition sur cette scène en son nom serait un aboutissement. Après une première consécra- tion comme chef de l’Agapé, le voici programmé le 16 mars, à la Mutualité à Paris, pour l’édition 2014 du festival Omnivore, trois mois après le lancement du restaurant David Toutain, par ailleurs consacré « Ouverture de l’année » dans l’Omnivore FoodBook. Entresondépartdel’Agapé-Substance et ses débuts rue Surcouf, le cuisinier a voyagé. Un périple en famille – avec son épouse américaine, Thaï, et leur fils de 3 ans, Aiden – pours’oxygénerets’enrichirderencontres avant le grand saut. Dans l’épure de sa nouvelle salle – verre, ciment et bois brut –, on pourra deviner l’effet de séjours au Japon, et la façon dont la nouvelle vague culinaire nordique aime concilier modernisme et rudesse végétale, rigueur et décontraction. Dans l’étroit Agapé, les clients se serraient autour d’une longue table d’hôte débouchant sur une cuisine ouverte d’où Toutain envoyait une volée de vingtcinq mini-plats, tel un jongleur multipliant balles et figures. Accueillant autant de couverts (une vingtaine), dans un espace plus zen et spacieux, le chef et sa petite équipe resserrent aujourd’hui la performance autour d’une douzaine d’assiettes par menu. « Nous recherchons moins la démonstration, analyse le chef de 33 ans. A la frustration de plats terminésendeuxcuillerées,nouspréférons quelque chose de plus généreux et gourmand.» Le principe reste celui de menus « carte blanche» (à 68 et 98 euros, Saint-jacques contisée à la truffe et jaune d’œuf fumé. THAI TOUTAIN 158 euros pour un accord mets/vins et 42 euros les trois plats du déjeuner) laissée à l’inspiration du cuisinier. On s’attable chez lui pour se laisser surprendre au rythme d’étincelles contant son parcours et sa sensibilité. La première assiette éveille et trouble déjà nos sens. Parmi ces fausses bûchettes et vraies branches entremêlées, où se trouvent les salsifis ? Asséché en surface, le légume camoufle son moelleux et sa saveur confite, révélés au contactaérien d’un dôme de mousse de panais au chocolat blanc posé sur des galets de pierre et d’argile. Entrée ou dessert ? Les frontières s’effacent, comme avec cet œuf cuit à 63 ºC pendant 45 minutes pour un mollet idéal, niché au creux d’une douce émulsion de maïs, nappé d’un filé de caramel au carvi et saupoudré de fleur de sel. Asséché en surface, le salsifi camoufle son moelleux et sa saveur confite Dans un livre d’entretiens, La Cuisine de David Toutain (Ed. Argol, 222p., 30euros), le cuisinier raconte combien l’ont marqué des personnalités comme Passard, Veyrat ou Andoni Luis Aduriz. Du premier, ce fils d’ouvriers et petit-fils d’agriculteurs a gardé une fibre légumière, à l’écoute de son instinct. La cuisine herbacée et florale du second – retranscrite, par exemple, dans le ruban craquant de livè- che, parsemé de mini-feuilles et fleurs – l’a aussi impressionné par son obsession d’accorder le contenu d’une assiette à son contenant (la vaisselle de David Toutain a été imaginée pour le restaurant, avec, entre autres, la céramiste belge Bénédicte Payen). Une obsession partagée par le Basque Aduriz dont le Normand admire le perfectionnisme conceptuel. De ces cuisiniers créateurs, il a aussi appris à se laisser guider par les associations chromatiques. Des plats comme l’oursin au sabayon de café (détonant mariage entre la puissance iodée et l’amertume de l’espresso), le carpaccio de cerf aux fruits rouges ont souvent été suscités par des associations de couleurs, dont il a ensuite constaté la pertinence gustative. Même chose pour la blancheur des gnocchis d’eau de parmesan aux noisettes fraîches et yuba (peau de tofu), dont la gelée fondante rappelle ce que Toutain a retenu des recherches « moléculaires» de la cuisine espagnole. Les audaces ont parfois des ratés, comme ces morceaux de pommes de terre entourés de poudre d’argile, à la texture terreuse. Mais l’ensemble étonne et régale. La cuisine de David Toutain a-t-elle pour autant trouvé son identité ? «Pasencore,estimel’intéressé.Toute une maison est à construire. Je n’en suis qu’aux fondations». p Stéphane Davet David Toutain. 29, rue Surcouf, Paris 7e. Tél.: 01-45-50-11-10. Fermé samedi et dimanche. davidtoutain.com. Omnivore, vigie gourmande AVEC leurs confrères concurrents du Fooding, les journalistes à l’origine d’Omnivore ont décrypté et promu en précurseurs, au début des années 2000, le renouvellement de la scène culinaire internationale. Racheté en 2013 par lGLEvents, Omnivore reste fidèle à son poste de vigie gourmande. Après le lancement d’un magazine, c’est un festival qui est devenu, à partir de 2006, le plus précieux outil de ces militants de la « jeune cuisine». Inspiré par les rencontres culinaires de SaintSébastien, au Pays basque espagnol, cet événement mise sur les performances scéniques d’une sélection de chefs avides d’échanges entre professionnels et avec le public. D’abord organisé au Havre, puis à Deauville, avant de s’installer à Paris, à la Maison de la Mutualité, ce festival exporte désormais son concept à l’étranger – New York, Montréal, Istanbul, Mos- cou… –, au point de se baptiser le World Omnivore Tour. Du dimanche16 au mardi 18mars, Omnivore accueillera performances, débats, marché de producteurs, espaces dégustation, etc., retrouvant sur sa scène des compagnons de route historiques – dont Jean-François Piège, distingué créateur de l’année par leur guide L’Omnivore Food-Book, et les forces vives d’une cuisine toujours plus mondialisée. Même si l’équipe dit refuser de tomber dans le piège des tendances. « Nous ne cherchons pas à imposer une image de la cuisine contemporaine», promet Luc Dubanchet, fondateur-directeur d’Omnivore. p S. D. World Omnivore Tour. Maison de la Mutualité, 24, rue Saint-Victor, Paris 5e. Du 16 au 18 mars. De 9 h 30 à 19 heures. 40 ¤ ou 109 ¤ le passe 3jours. Omnivore.fr. OPTION ART | OPTION DESIGN CONCOURS D’ENTRÉE : 12, 13, 14 MAI COMMISSION D’ÉQUIVALENCE : 15 & 16 MAI CLASSE PRÉPARATOIRE PUBLIQUE DATE LIMITE D’INSCRIPTION : VEN 23 MAI Interprétariat FR/LSF, pour les candidats sourds et malentendants www.esadmm.fr Graphisme : ESADMM, d’aprés une création originale de Camille Lamy, 4e année design JOURNÉES PORTES OUVERTES VEN 21 SAM 22 MARS 2014 14 0123 disparition & carnet Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Ministre britannique Tony Benn Ÿ$ )KÁË$º zɾ ýÁKË&¾ @²@Ë$Í$˺¾ šK÷¾¾KË($¾• GKǺ<Í$¾• "÷KËBK÷ìì$¾• ÍKÁ÷Ký$¾• KËË÷²$Á¾K÷Á$¾ &$ ËK÷¾¾KË($ .²÷¾ &$ &@(>¾• Á$Í$Á(÷$Í$˺¾• Í$¾¾$¾• (ÉË&Éì@KË($¾• úÉÍÍKý$¾• KËË÷²$Á¾K÷Á$¾ &$ &@(>¾• ¾É¶²$Ë÷Á¾ )ÉììÉĶ$¾• (ÉË"@Á$Ë($¾• ¾@Í÷ËK÷Á$¾• ºKGì$¾}ÁÉË&$¾• ÇÉÁº$¾}ɶ²$Áº$¾• "ÉÁ¶Í¾• óɶÁË@$¾ &L@º¶&$¾ ‚ɶº$ËKË($¾ &$ Í@ÍÉ÷Á$• ºú>¾$¾• ©&…{ °‰Çɾ÷º÷É˾• ²$ÁË÷¾¾Ký$¾• ¾÷ýËKº¶Á$¾• ì$(º¶Á$¾• (ÉÍͶË÷(Kº÷É˾ &÷²$Á¾$¾ ¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R „e ]W bU bU bU „e ]W bU be `Z Xx)0T',3,%vKNXN'T‡R) AU CARNET DU «MONDE» Naissances Claude LEMESLE, en union avec Françoise LEMESLE, a le plaisir d’annoncer la naissance de ses quatrième, cinquième et sixième arrière-petits-enfants, Armelle, Laurianne et Victor JUSSEAU, Constance, le 13 janvier 2014, En 2003. PETERS MACDIARMID/REUTERS A nthony Wedwood Benn, mort le 14 mars à Londres à l’âge de 88 ans, faisait partie du décor de la politique britannique, immuable, fidèle à lui-même et à sa légende. Avec son regard éclairé et perçant, sa prestance et son éternelle pipe aux lèvres, ce croisé de l’aile gauche du Parti travailliste se définissait comme un « socialiste fier de l’être ». Eduqué dans un collège privé, moulé à Oxford, le tribun passionné était avant tout un rebelle. De son père, un homme politique travailliste nommé à la Chambre des lords, prochede Gandhi,il avait hérité un anticolonialisme chronique et un attachement aux nationalisations. 3 avril 1925 Naissance à Londres 1950 Député de Bristol 1964 Ministre des postes 2001 Quitte le Parlement 14 mars 2014 Mort à Londres Au sein du Labour, la carrière de cet ancien vicomte, qui abandonne son titre héréditaire pour devenir député de Bristol, dans le SudOuestanglais,estfulgurante.Député à 25 ans,l’ex-pilotede la RoyalAir Force pendant la guerre est ministre des postes à 35 ans puis de la technologie dans le premier gouvernement Wilson, de 1964 à 1970. Il tente de faire remplacer sur les timbres l’effigie d’Elizabeth II par celle des rois et reines d’Angleterre depuis Guillaume le Conquérant – un projet avorté. Lors du retour du Labour aux affaires en 1974, il est chargé des portefeuilles-clés de l’industrie puis de l’énergie. Le 18 juin 1975, lorsde la livraisonà la raffinerieBP du premier pétrole extrait de la mer du Nord, Benn ouvre le robinet par où se déverse l’or noir assurant l’indépendance énergétique du Royaume-Uni. Poursortirl’économiedel’ornière, Benn contre-attaque sur deux plans, la relance des investissementsetlatentativederestructuration industrielle. Mais les grandes grèves de 1978 l’empêchent d’en finir avec le mal anglais, le « stop and go » ou l’alternance des phases d’expansion et de dépression. Hostile au projet européen, qu’il juge centralisé, bureaucratique et dominé par l’Allemagne, Benn fait campagneen faveur du « non » lors du référendum sur l’adhésion britannique à l’UE, organisé en 1975. Après la victoire de Thatcher en 1979, Tony Benn décline l’offre de l’ancien premier ministre et leaderdu Labour, James Callaghan,de siéger au sein de son cabinetfantôme. Devenu le porte-drapeau du socialisme autogestionnaire proche des thèses du Ceres français, il échoue à devenir le numéro deux du Labour en 1981 en raison de l’hostilité du groupe parlementaire et des syndicats envers ce personnage féru de morale. Par la suite, ce formidable orateur prend des positions qui lui valent une réputation de gauchiste sectaire. Son hostilité à la guerre des Malouines en 1982, sa campagne en faveur de l’abolition de la Chambre des lords, de la réunification de l’Irlande et de la sortie de l’UE, ainsi que son soutien à la grève des mineurs en 1984-1985, en font une cible de la presse populaire de droite. Mais le recentrage du Parti travailliste sous la houlette de Neil Kinnock, John Smith et surtout Tony Blair marque la fin de sa vie politique active. L’épreuve du pouvoir a radicalisé le chouchou des militants. En 2001, Benn quitte la Chambre des communes pour se consacrer aux campagnessurle terrain et au journalisme.Ce pacifiste,qui avait soutenula campagnepour le désarmement nucléaire unilatéral dans les années 1950, est un fervent opposant aux guerres en Irak et en Afghanistan. Cet esseulé se bat autantcontre la droite, qu’il méprise, que contre le blairisme, qu’il vomit. « L’idée que la politique est une affaire de charisme et de relations publiques est idiote. C’est la confiancequi importe », confie-t-il, l’œil bleu étiré de malice. En 2007, dans le cadre d’une enquête sur Elizabeth II, Le Monde a rencontré Benn, alors la figure de proue des abolitionnistes de la monarchie, dans sa maison décrépie d’Holland Park. A ses yeux, la monarchieétait l’armaturecentrale d’un pouvoir antidémocratique: « Je n’attaque pas la personne du monarque. Ce serait vulgaire et inconvenantpour lareine, une femme pas très intéressante, mais qui n’a pas choisi sa fonction. » L’ancien ministre, qui n’a jamais su résister au plaisir de balancer une rosserie bien troussée, s’était toutefois montré favorable au maintien de la souveraine à Buckingham Palace après la promulgation de la République, « comme îcône touristique». p Marc Roche chez Matthieu et Coline LEGEAY, Gustave, le 14 février 2014, chez ont la tristesse de faire part du décès, survenu le mercredi 12 mars 2014, dans sa soixante-douzième année, de Mme Michèle BÉGUIN, née SACHET, maître de conférences de géographie en retraite à l’université de Paris 1 - Panthéon Sorbonne, et vous prient d’assister ou de vous unir d’intention à la cérémonie qui aura lieu en l’église Saint-Joseph de Montrouge, 101, avenue Jean-Jaurès, le mercredi 19 mars, à 10 heures. La cérémonie religieuse sera suivie d’une cérémonie civile au crématorium du Val-de-Bièvre, à Arcueil (12 heures à 12 h 30). La famille remercie chaleureusement tout le personnel soignant de la Maison médicale Jeanne-Garnier et de l’hôpital de jour de neurologie à la Pitié-Salpétrière, le réseau Osmose, le docteur Navarro, le docteur Idbaih et le docteur Chatelon. Cet avis tient lieu de faire-part. Ni fleurs, ni couronnes mais des dons peuvent être faits à l’ARTC. La famille rappelle à votre souvenir la disparition de son époux, Jacques BÉGUIN, survenue le 10 octobre 2013. Véronique Desrosières, 10, rue des Frigos, 75013 Paris. le 21 août 2013, chez Véronique et Grégoire Desrosières, Matthieu Béguin et Tiffany Meagher, Raphaël et Victor Desrosières, ses enfants et petits-fils, Annick, Jean-Pierre et Jacques, sa sœur et ses frères, Ses belles-sœurs et beaux-frères Et toute sa famille, Claude et Evelyne Mayrargue, Françoise et Alain Perl, Jean-Pierre et Joëlle Mayrargue, Nicole Simon, Arnaud Mayrargue et Rosine Gamblin, ses neveux et nièces, Ses douze petits-neveux et nièces, Ses quinze arrière-petits-neveux et nièces, ont la tristesse de faire part du décès de Franceline BLOCH, Julie et Marc ALFF. dite Moulin, Anniversaire de naissance Cent ans, joyeux anniversaire survenu le 11 mars 2014, dans sa quatre-vingt-quinzième année. Elle a fait don de son corps à la Faculté de médecine de Paris. Fernande ! [email protected] Marie-Claude, Gilles, David « Ukaleq », Mathieu. Décès La Fondation du patrimoine, Charles de Croisset, son président, Les membres du conseil d’administration, François-Xavier Bieuville, son directeur général, Olivier Gronier, délégué régional de Basse-Normandie, L’ensemble des collaborateurs et bénévoles, ont la tristesse d’apprendre la disparition de Thierry AVELINE de ROSSIGNOL. Bordeaux. Strasbourg. Paris. Les familles Cante, Meyrignac, Larroque, Boulois et alliées, font part avec tristesse du décès de Madeleine CANTE, née BERGER, survenu le 24 février 2014, à l’âge de quatre-vingt-seize ans. « La Mort c’est la beauté, c’est l’éclair vif du sabre. » Léo Ferré. Le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Le directeur de l’UFR mathématiques et informatique Et la communauté universitaire, Ils s’associent à la peine de sa famille et de ses proches. ont la tristesse de faire part du décès, le 6 mars 2014, de Passionné de culture, attaché à son Perche natal, Thierry Aveline de Rossignol s’est proposé en 1999 pour créer la délégation régionale de la Fondation du patrimoine en Basse-Normandie. Mme Yvonne GIRARD, En treize ans, il a su construire cette délégation et la développer avec succès sur l’ensemble des trois départements. Initiateur des actions de mécénat populaire dans l’Orne, il est également à l’origine de la manifestation Pierres en Lumières qui contribue chaque année à embellir le patrimoine bas-normand. Jusqu’à ses derniers moments, il a mis sa créativité, sa force de caractère et son esprit d’entreprise au service des acteurs du patrimoine, communes, associations, collectivités territoriales. Claude, Nicole Couot, Denise, Lucien et Cécile, Michel, Hélène Bass, ses neveux, Jean-Noël et Anne-Marie, Odile, Cécile, Bertrand et Armelle, Nicolas et Olivier, Samuel, Tudor et Aaron, Laurie et Mario, ses petits-neveux Claire Quélennec, Raphaël Delarue, Annie Parouty, ses filleuls, ont la tristesse de faire part du décès de Geneviève BASS. Les obsèques auront lieu au crématorium de Beaurepaire (Isère), le lundi 17 mars 2014, à 15 h 30. 32, square Clignancourt, 75018 Paris. maitre de conférences en informatique. Ils expriment à sa famille leurs sentiments de condoléances. Simone Granet, son épouse, Anne-Marie et Régis Allain-Granet, Françoise et Bernard Abate, ses enfants, Vincent, Sandrine et Sacha, Laure, Fabrice, Renaud, ses petits-enfants, Nina, son arrière-petite fille, Janine, Jean-Pierre et Jean-Marc Granet Bouffartigue, Toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de Robert GRANET, ancien directeur à la Banque de France, Paris. Crémeaux (Loire). Dominique et Marie-Hélène Groult, son fils et sa belle-fille, Marie-Eliane Chesneau, sa fille, Emilie et Jean-François Sili, Christine Groult, Julien Chesneau, ses petits-enfants, Romain et Maël Sili, ses arrière-petits-enfants, Paul et Janine Périchon, son beau-frère et sa belle-sœur, ont la douleur de faire part du décès de Claude GROULT, ancien élève de l’ENA (promotion Vauban), ancien conseiller commercial, survenu à Paris le 14 mars 2014, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Ses obsèques seront célébrées le mardi 18 mars, à 14 h 30, en l’église de Crémeaux. Cet avis tient lieu de faire-part. Etoutteville (Seine-Maritime). Londres. Paris. Sa famille Et ses amis ont la grande tristesse de faire part du décès de Michel HUILLARD, documentariste, Anne-Marie et Régis Allain-Granet, 13, boulevard du Général-Leclerc, 77300 Fontainebleau. Françoise et Bernard Abate, 15, rue Royer-Collard, 75005 Paris. Pierre Soubeyran Et toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de Marie SOUBEYRAN, née DESMONTS, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. La cérémonie religieuse a eu lieu le jeudi 13 mars 2014, dans l’intimité familiale. Anniversaire Le 17 mars 2014 Catherine FOREST, décédée le 22 juillet 2013, aurait fêté son soixantième anniversaire. Une pensée est demandée à ceux qui l’ont connue. Elisa, Clara, Christian Forest. Souvenir Au docteur Jean-Louis FRASCA, survenu le 24 février 2014, à l’âge de quatre-vingts ans. tué à trente-six ans, le samedi 14 septembre 1996. Inhumé dans l’intimité, il repose aux côtés de son fils, Jean-Jacques Baudouin-Gautier, son ami. Stéphane, décédé en 1989. Paris. Buenos Aires (Argentine). Sacha et Aimie, Mylène, Lili, Roman, Moises, Eduardo, La famille Et les amis, choqués et émus par la disparition de notre immense et adoré Alex IKONICOFF, Conférences Les Amphis de l’AJEF Europe : le difficile partage des compétences entre les Etats et l’Union, le mercredi 19 mars 2014, à 20 heures, conférence de Sylvie Goulard, eurodéputée et Mario Monti, ancien président du Conseil italien, père, frère, fils, ami et avocat, lycée Louis-le-Grand, Paris 5e. à l’âge de quarante-neuf ans, après trois ans de combat contre la maladie (et l’erreur médicale), il laisse un grand vide mais aussi une intense lumière. Informations : [email protected] L’inhumation aura lieu au cimetière parisien de Pantin, le mardi 18 mars 2014, à 15 h 30. [email protected] Orléans. Paris. Grenoble. Bruxelles. Ses parents, Ses enfants et leur mère, Son frère et sa famille, Sa tante et ses cousins Et tous ceux qui l’ont aimé, ont la douleur de faire part du décès de François-Hugues PARENT, directeur du centre culturel La Passerelle à Fleury-les-Aubrais, survenu le 10 mars 2014, à Orléans. Stéphan, Florian et Guy, ont la tristesse d’annoncer le décès de leur maman et ex-épouse, Angélique HIRSCH-PELLISSIER. Elle leur manque cruellement. La cérémonie aura lieu le lundi 17 mars 2014, à 10 h 30, en la Coupole du crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e. Conférence-débat autour du dernier livre de Jacques Le Goff, Découper l’histoire en tranches. Qu’est-ce qu’une période historique ? le mercredi 19 mars 2014, de 19 heures à 21 heures. Interventions de : Etienne Anheim, Patrick Boucheron, Christian Lamouroux et Silvia Sebastiani. EHESS, 105, boulevard Raspail, Paris 6e. Entrée libre, accueil à partir de 18 h 30. Inscription indispensable auprès de www.ehess.fr/fr/decouper-l-histoire/ Communication diverse Centre Communautaire de Paris : Journées du judaïsme marocain. Lundi 17 mars 2014, à 19 heures, ouverture solennelle. 20 heures : leçon « Le Maroc d’aujourd’hui face aux défis contemporains ? », par S.E Chakib Benmoussa, animée par Albert Sasson. Programme détaillé sur: www.centrecomparis.com Tél. : 01 53 20 52 52. 119, rue La Fayette, 75010 Paris. Le Carnet Annoncez vos événements culturels survenu le 13 mars 2014 à Paris. La cérémonie d’adieu aura lieu le mercredi 19 mars, à 14 h 15, dans la salle du dernier hommage au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Lyon. Pour toute information : 01 57 28 28 28 01 57 28 21 36 [email protected] Tarif : 29 € TTC Prix à la ligne Signatures Projections-débats Lectures Communications diverses 0123 météo & jeux Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 0 à 5° -5 à 0° 5 à 10° 10 à 15° 10 25 Dimanche 16 mars De nouveau très printanier 15 à 20° AEn Europe 6 12 40 km/h 5 14 7 13 Rennes 3 17 Metz 1005 D Besançon 3 18 Nantes 5 17 3 17 Dijon Poitiers Dublin D A Limoges 4 16 Lyon 0 6 101 17 Madrid Lisbonne Lisbonne 8 15 Montpellier Toulouse 7 17 Nice Marseille 11 22 10 18 9 21 Températures à l’aube 1 22 l’après-midi Bénédicte Coeff. de marée 47 Quelques nuages bas pourront masquer le soleil durant une partie de la matinée du sud de l'Aquitaine à la région Rhône-Alpes ainsi que sur les côtes bretonnes. Sinon, le soleil retrouvera rapidement ses droits, malgré quelques grisailles localement. Il fera assez beau voire très ensoleillé dans l'après-midi. Les températures retrouveront des valeurs nettement supérieures aux normales de saison. Jours suivants Mardi Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est 7 18 Lever 19h01 Coucher 06h37 Lever 07h01 Coucher 18h56 Aujourd’hui Thalweg Lundi 3 14 6 14 8 14 6 15 5 18 4 19 5 20 5 20 5 19 9 18 Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik assezensoleillé assezensoleillé bienensoleillé enpartieensoleillé pluiemodérée assezensoleillé bienensoleillé averseséparses enpartieensoleillé averseséparses enpartieensoleillé enpartieensoleillé nuageux averseséparses pluieetneige beautemps beautemps assezensoleillé bienensoleillé assezensoleillé beautemps cielcouvert assezensoleillé faibleneige averseséparses faibleneige 8 12 12 5 8 4 7 3 8 4 6 6 -3 8 0 11 10 2 7 6 5 2 12 -1 3 2 11 16 19 12 10 12 16 13 14 10 12 11 2 12 8 15 21 16 19 14 24 5 19 3 9 4 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb Alger bienensoleillé Amman bienensoleillé Bangkok assezensoleillé Beyrouth assezensoleillé Brasilia soleil,oragepossible Buenos Aires bienensoleillé Dakar assezensoleillé Djakarta pluiesorageuses Dubai beautemps Hongkong assezensoleillé Jérusalem bienensoleillé Kinshasa soleil,oragepossible Le Caire bienensoleillé Mexico beautemps Montréal assezensoleillé Nairobi assezensoleillé 1015 Beyrouth A Jérusalem -1 8 5 -2 -2 7 0 5 -2 5 1 18 15 2 2 18 7 13 1 19 8 7 27 14 17 17 20 26 22 18 8 22 14 13 -17 17 18 19 37 21 28 27 24 30 23 22 18 32 27 26 -10 26 New Delhi beautemps assezensoleillé New York bienensoleillé Pékin assezensoleillé Pretoria beautemps Rabat Rio de Janeiro soleil,oragepossible assezensoleillé Séoul Singapour pluiesorageuses soleil,oragepossible Sydney bienensoleillé Téhéran bienensoleillé Tokyo assezensoleillé Tunis Washington pluieetneige Wellington enpartieensoleillé 18 32 -1 4 4 16 14 25 8 23 25 34 4 12 26 32 21 28 4 14 6 17 12 16 1 8 19 21 pluiesorageuses bienensoleillé bienensoleillé pluiesorageuses beautemps soleil,oragepossible 24 30 24 27 21 27 28 30 23 28 26 31 Outremer Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis Météorologue en direct au 0899 700 713 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h Mercredi Jeudi 10 14 8 14 9 16 11 14 5 14 6 13 7 14 5 16 7 17 4 19 “Connaître les religions pour comprendre le monde” 9 21 11 20 6 19 CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX Motscroisés n˚14-064 3 giboulées bienensoleillé enpartieensoleillé assezensoleillé giboulées bienensoleillé faiblepluie enpartieensoleillé assezensoleillé bienensoleillé Dans le monde 6 16 2 D Tripoli Tripoli Le Caire 6 15 Les jeux 1 Front froid En Europe Ajaccio 65 km/h Ankara Athènes Tunis Tunis Dépression Occlusion 1005 Istanbul Rabat Front chaud Bucarest -10 degrés à Montréal où l’hiver fait le yo-yo Perpignan 12 20 D Odessa Sofia Rome Barcelone Barcelone Kiev 0 101 A Biarritz 5 102 Alger Anticyclone Zagreb Belgrade 985 995 Budapest 20 10 4 16 A 6 17 Munich Vienne Milan Séville Grenoble Bordeaux Copenhague Berne 1030 10 25 3 16 Paris 2 1 10 0 D Moscou Minsk Amsterdam Berlin Varsovie Prague Bruxelles 1030 Londres 10 Chamonix T Clermont-Ferrand 101 5 102 0 102 5 5 97 St-Pétersbourg Riga Edimbourg 5 4 17 2 18 20 km/h 1 10 Strasbourg 5 18 5 16 Helsinki Oslo Stockholm Châlonsen-champagne Orléans 5 16 20 km/h 995 www.meteonews.fr 6 17 Société Ne bridons pas la jeunesse 5 99 4 16 5 14 Courriels > 40° A 1005 PARIS Caen Brest 35 à 40° D Amiens Rouen 30 à 35° Reykjavik 6 16 50 km/h 25 à 30° 990 16.03.2014 12h TU Lille Cherbourg 20 à 25° 98 5 < -5° 4 5 6 7 z Découvre notre nouvelle formule 9 Solution du n˚14-063 10 1 1 12 Episode 10. Invités : Corneille, Pascal Obispo, Hélène Ségara, Elodie Frégé, Kylie Minogue... 23.25 The Voice. « La Suite ». 0.35 Les Experts : Miami. Série. Impôt meurtrier V. L’Insigne du crime U (saison 3, ép. 19 et 20/24, 155 min). FRANCE 2 IV 20.45 Les Années bonheur. Invités : Jean-Patrick Capdevielle, Pascal Obispo, Liz McComb, Salvatore Adamo, Luz Casal... 23.05 On n’est pas couché. Invités: Martine Monteil ; Edwy Plenel; Jean-Pierre Mocky ; Manu Payet, Jean-François Cayrey et Anaïs Demoustier ; Gaël Faure (180 min). V VI VII FRANCE 3 VIII 20.45 Belinda et moi. IX Euro Millions X Solution du n° 14 - 063 I. Décomplexent. II. Inutiles. Hie. III. Stridents. Br. IV. Crétins. Ader. V. OE. Frôla. VI. Ute. Pelé. Dûs. VII. Respirations. VIII. Entre. Tar. Gé. IX. Uu. Ecot. Agée. X. Réitérations. Samedi 15 mars TF 1 III Horizontalement L’éditorial « Pacte de responsabilité: une obligation de résultats» (Le Monde du 3 mars) nous l’affirme: il ne faut pas que les partenaires « se défaussent de leurs responsabilités». Comment ne pas voir l’incohérence foncière de cette injonction? D’une part, il nous est affirmé que l’enjeu est capital, mais, d’autre part, l’exécutif s’en remet pour sa réalisation à un accord improbable entre des partenaires aux objectifs irréconciliables, qui n’ont reçu aucun mandat pour le faire et dont la légitimité démocratique est éminemment contestable. La qualité des personnes n’est pas en cause, mais le sort du pays ne peut pas reposer sur les décisions du Medef et de syndicats de salariés représentant moins de 10% des salariés! Si risque de défausse il y a, c’est uniquement à l’exécutif qu’on le doit. C’est au gouvernement, nommé par le président, et soutenu par la majorité parlementaire démocratiquement élue, qu’il incombe de prendre les mesures aptes à assurer le redressement économique du pays. Il pourrait commencer par annuler la calamiteuse réforme des 35heures votée avec enthousiasme par la « gauche plurielle » de Lionel Jospin, qui a imposé au pays une hausse de 11 % du coût du travail – soit le double de ce que l’allégement des cotisations familiales envisagé dans le pacte représente – et qui marque le point de départ du marasme économique dans lequel la France est plongée depuis douze ans… ! Dominique Brun, Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) 20.55 The Voice, la plus belle voix. II Horizontalement Politique Pacte de responsabilité et poursuite de l’incohérence Les soirées télé I I. Rien ne tient droit chez lui, ni le corps ni l’esprit. II. Bien trop petit. Ne supportât pas la lumière en face. III. Domaine de culture. Dame du monde. IV. Réduit tout le monde au silence. Part de gâteau. Ses réserves servent de garantie. V. Renforcent la théorie. Un peu d’attention. Un fondateur d’AbstractionCréation. VI. Découpage en ville. Aventure hasardeuse. VII. Pour une bonne pêche. Evitent ampoules et brûlures en mains. VIII. Tendre attache. Pièces de charrue. IX. Négation. Règle. Epidermique. X. Rencontres brutales. Le plus jeune candidat aux municipales de 2014 en France se présente à Besançon: Ismaël Boudjekada. Voilà qui devrait réjouir tous ceux qui font de la jeunesse une priorité, tous ceux qui affirment que la jeunesse incarne l’avenir de notre société. On était en droit d’attendre des encouragements, des louanges pour son courage. Patatras! Ce n’est qu’un concert de critiques. Ceux-ci critiquent son âge avec condescendance: « Comment, un gosse de 18 ans, candidat ! Mais, il n’a rien à dire, rien à proposer.» D’autres lui contestent le droit de s’exprimer publiquement, au motif qu’il n’a pas d’expérience. Certains médias opèrent une forme de sélection entre les candidats pour justifier leur refus de l’inviter, alors que, dans une démocratie, ce sont les électeurs qui sélectionnent, pas les médias. Que ce jeune candidat soit contraint d’entamer une grève de la faim pour bénéficier des mêmes droits que les autres est proprement scandaleux. Au fond, on aime bien la jeunesse, à condition qu’elle ne dérange pas, qu’elle ne pose pas de question, qu’elle reste à sa place. Pour ma part, je préfère une jeunesse qui s’engage, qui s’exprime, qui prend parti, plutôt qu’une jeunesse indifférente, résignée. Etaient-ils irresponsables, ces jeunes lycéens de 17 ans qui s’étaient engagés dans la Résistance? Ils ont écouté leurs convictions. Il avait à peine 17 ans, ce jeune lycéen, quand il décrivit la dérive d’un bateau ivre. ArthurRimbaud aurait-il écrit Le Bateau ivre s’il avait choisi le confort de l’indifférence ? On ne juge pas l’engagement de la jeunesse à l’aune de ses propres convictions ou de ses peurs. Encourager la jeunesse à prendre des responsabilités, à s’engager, est un devoir. C’est pourquoi je salue et soutiens l’initiative d’Ismaël Boudjekada. Jacques Vuillemin, Besançon [email protected] http://médiateur.blog.lemonde.fr Sudoku n˚14-064 8 Verticalement 1. Risque de couper les bras. 2. Donne des modèles. 3. Mérite souvent le détour. Permet les petites phrases. 4. Perdît de vue. Quart de tour. 5. Preuves de règlements. 6. Dieu solaire. Est à terre. 7. Sur place. Décolle à la verticale. 8. Garde les meilleurs crus à l’abri. Bar. 9. Personnel. Prit les bonnes mesures sur le terrain. 10. Base alimentaire. S’accrochent par en haut. Réunion ouverte à tous. 11. Remettre bien au propre. Ecrit l’histoire au jour le jour. 12. Ont pris beaucoup trop de temps. Philippe Dupuis Verticalement 1. Discoureur. 2. Entretenue. 3. Cure. Est. 4. Otite. Prêt. 5. Midi. Pièce. 6. Plénier. Or. 7. Lens. Latta. 8. Est. Fêta. 9. Sar. Irai. 10. Ah. Dodo. Go. 11. Nibelungen. 12. Terrassées. Résultats du tirage du vendredi 14 mars. 6, 24, 25, 27, 30, 5 e et 9 e Rapports : 5 numéros et e e : 129 384 564,00 ¤ ; 5 numéros et e : 367 715,30 ¤ ; 5 numéros : 50 470,70 ¤ ; 4 numéros et e e : 3 404 ,70 ¤ ; 4 numéros et e : 183,10 ¤ ; 4 numéros : 100,20 ¤ ; 3 numéros et e e : 45,80 ¤ ; 3 numéros et e : 12,70 ¤ ; 3 numéros : 11,80 ¤ ; 2 numéros et e e : 14,70 ¤ ; 2 numéros et e : 7,20 ¤ ; 2 numéros : 4,10 ¤ ; 1 numéro et e e : 7,90 ¤. Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: [email protected]. 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Avec Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Vladimir Mashkov (Fr. - Rus., 2011). 0.25 Le Barbier de Séville. Opéra-bouffe de Rossini. Par l’Orchestre de Picardie, dir. Antonello Allemandi. Avec Taylor Stayton, Tiziano Bracci (155 min). CANAL + 20.55 The Place Beyond the Pines p Film Derek Cianfrance. Avec Ryan Gosling, Bradley Cooper, Rose Byrne (EU, 2012) U. 23.10 Jour de foot. Magazine. Ligue 1 (29e journée, 60 min). FRANCE 5 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen 15 Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») 20.37 Echappées belles. Inde : planète Bombay. Magazine. 22.10 La Menace d’un mégaséisme. [2/2] Alerte Tsunami. Documentaire (2013). 23.01 L’Œil et la Main (25 min). ARTE 20.45 L’Aventure humaine. La Cité pirate. Documentaire (GB, 2011). 22.25 L’Ile de Robinson et l’or inca (coprod. 2010). 23.20 Trop jeune pour mourir. [2/4] Vladimir Vyssotski : l’excès de vie. 0.10 Tracks. Magazine (45 min). M6 20.50 Hawaï 5-0. Série. Ua Nalohia (S4, ép. 7, inédit ). Olelo Ho’Opa’ I Make. Hana I Wa’Ia (S3, 13 et 14/24) ; Ua hopu. Ua hala (S2, ép. 22 et 23/23) U (255 min). Dimanche 16 mars TF 1 20.55 L’Enquête corse. Film Alain Berbérian. Avec Christian Clavier, Jean Reno, Caterina Murino (France, 2004). 22.45 Esprits criminels. Série. Après la pause. Tueur d’enfants. La Règle des trois (S2, ép. 5 à 7/23, 150 min) V. FRANCE 2 20.45 Green Zone pp Film Paul Greengrass. Avec Matt Damon, Greg Kinnear, Brendan Gleeson (coprod., 2010) V. 22.45 Faites entrer l’accusé. Affaires de femmes U. Magazine. 0.22 Histoires courtes (70 min). FRANCE 3 20.45 Inspecteur Lewis. Série. La Complexité du monde U (S7, ép. 2, inédit) ; Le Sommeil éternel U (S4, 4/4, audio.). 23.45 Météo, Soir 3. 0.15 Mogli pericolose p Film Luigi Comencini. Avec Sylva Koscina, Renato Salvatori (Italie, 1958, v.o., 100 min). CANAL + 21.00 Football. Ligue 1 (29e journée) : Paris-SG - Saint-Etienne. 22.55 Canal Football Club. Le Debrief. 23.15 L’Equipe du dimanche (50 min). FRANCE 5 20.42 Le Doc du dimanche. Grande distribution. Promos, prix cassés, qui paie l’addition ? Documentaire (2014). 21.34 Cartes de fidélité, fidèle un jour, fiché toujours. Documentaire. 22.31 La Case du siècle. La Guerre d’Hollywood 1939-1945. [3/3] Sur tous les fronts. Documentaire U. 23.25 La Grande Librairie. Invités : Gilbert Sinoué, Frédérique Deghelt... (60 min). ARTE 20.45 Un papillon sur l’épaule pp Film Jacques Deray. Avec Lino Ventura, Claudine Auger, Paul Crauchet (France, 1978). 22.20 Gunter Sachs, un flamboyant gentleman. Documentaire. 23.10 Elektra. Opéra de Richard Strauss. Dir. Esa-Pekka Salonen (2013, 115 min). M6 20.50 Zone interdite. Femmes : enquête sur les nouvelles victimes de l’alcool. Magazine U. 23.00 Maman est en prison : l’absente. Documentaire (2014, 115 min). 16 décryptages 0123 Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Référendum La propagande du Kremlin a un effet redoutable sur une population russe qui reprend les pires clichés nationalistes honteux La Crimée prise en otage Peter Ricketts Ambassadeur du Royaume-Uni en France O n ne peut faire un vrai choix avec un revolver sur la tempe. Pourtant, dimanche 16 mars, on demandera aux habitants de la Crimée d’opérer un choix impossible: seprononcer pourl’assujettissement à la Russie ou en faveur de l’indépendance – mais sans la moindre garantie que la Russie manifeste dans l’avenir un plus grand respect pour la souveraineté d’une Crimée indépendante qu’elle ne le fait aujourd’hui pour l’intégrité territoriale d’une Ukraine indépendante. La Russie a manifestement veillé à mettre toutes les chances de son côté. C’est une sorte de pile ou face joué d’avance : face, c’est la Russie qui gagne ; pile, c’est la Crimée qui perd. Il ne fait absolument aucun doute que cetteconsultation– quel que soitson résultat – est à la fois illégale et inconstitutionnelle. La constitution ukrainienne est en effet extrêmement claire : un tel scrutin ne peut être organisé qu’à la demande de 3 millions de citoyens ; il doit se dérouler sur l’ensemble du territoire ukrainien ; enfin,ilne peutêtredécidéque par le Parlement ukrainien. Aucune de ces conditions n’est respectée. Le résultat du vote sera donc illégitime. Comment pourrait-il en être autrement d’un scrutin organisé à l’ombre des troupes russes, dans une région sous occupation militaire? Ni libre ni transparent Ce genre de question devrait être réglé par des référendums libres, honnêtes et organisés selon la loi – comme ce sera le cas en Ecosse dans quelques mois. Or le référendum prévu en Crimée ce dimanche ne sera ni libre ni transparent. Depuis une vingtaine d’années, nous nous sommes efforcés d’oublier la tension et la méfiance de la guerre froide, et de reconnaître l’importante et positive contribution que la Russie apporte à la communauté internationale – et à la prospérité de tous ses peuples. Un ensemble d’institutions et d’accords internationaux a été mis en place tant pour éviter de reproduire les âpres confrontations du passé que pour résoudre pacifiquement les querelles. Des organisations telles que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou le Conseil de l’Europe, dont la Russie est membre à part entière, sont là pour aider les Etats à régler les questions d’autodétermination et à défendre les droits des minorités. Pour sa part, l’OSCE – gardienne de l’intégrité des processus électoraux – a déclaré que le référendum est illégal et qu’elle n’enverra pas d’observateurs sur place. Il n’est cependant pas trop tard. La Russie peut encore utiliser ces institutions, s’engagersérieusementdans la voie diplomatique et trouver une solution pacifique. Nous exhortons le président Poutine à utiliser son autorité pour le bien de la Crimée, de l’Ukraine, de l’Europe et de la Russie, et à mettre fin à cette crise. Le premier pas essentiel que Moscou pourrait effectuer dans cette direction serait de s’abstenir de reconnaître le résultat de la farce référendaire en Crimée. Le vote n’aura, après tout, aucun effet juridique. Il n’aura aucune force morale. Et son résultat ne sera pas reconnu par la communauté internationale. Ce référendum ne devrait tout simplement pas avoir lieu. p Traduit de l’anglais par Gilles Berton f Sur Lemonde.fr Lisez également les tribunes d’Alain Pellet, professeur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-la Défense, « Crimée : une invasion, un référendum, une sécession ? » et de Nicolas Roche, chercheur, spécialiste des questions nucléaires, « L’interventionnisme de M. Poutine en Ukraine remet en cause l’ordre nucléaire ». Poutine et les bas instincts E n Crimée, des troupes russes sont en train de creuser des tranchées. Les autorités locales, sous la menace des mitraillettes, se dépêchent de rattacher la péninsule à la Russie. La cote de popularité de Vladimir Poutine grimpe en flèche. Avant cette occupation, il y avait 27 % de gens satisfaits de l’action du président russe, maintenant, c’est 67 % de la population. Après de longues années d’humiliation, tout le monde voudrait une « petite guerre victorieuse ». Tout le monde a envie d’une revanche depuis 1991, depuis le démantèlement de l’URSS. Ce qui est frappant, c’est que même la jeunesse est contaminée par ces ambitions impérialistes. « Poutine, c’est un sacré mec, il est top ! » Voilà la première chose que j’ai entendue à la gare, à Moscou. « Sébastopol est une ville russe! La Crimée doit être à nous ! » On parle de Poutine… De l’autocratie… Mais une autocratie n’existe pas dans le vide. C’est d’un Poutine collectif qu’il faut parler. A la Douma, l’envoi de troupes sur le territoire de la Crimée a été voté à l’unanimité par les sénateurs. La télévision et les journaux ont entamé docilement une guerremédiatiquecontrele nouveau pouvoir à Kiev: il s’est produit un coup d’Etat nazi, ce sont des fascistes qui gouvernent à Kiev, il y a des centaines de réfugiés aux frontières de l’Ukraine occidentale, partout, on assiste à des pogroms de juifs et à des destructions d’églises orthodoxes, il est interdit de parler russe. Les russophones sont devenus des gens de second ordre… Voilà ce que le spectateur russe entend jour après jour. On est en train de faire du lavage de cerveaux. A Lviv, en Ukraine occidentale, pendant une journée, toute la ville a parlé russe, voulant ainsi démontrer que « la vérité est lapremièrevictimed’une guerre».Le schisme qui divise la société russe est partout – sur Internet, au travail, au sein des familles, dans la rue. La Crimée, c’est un thème très sensible. Elle a été tatare jusqu’au XVIIIe siècle, et russe du XVIIIe au XXe siècle. Alors la Crimée est à nous, Khrouchtchev nous l’a prise injustement pour en faire cadeau à l’Ukraine, un jour où il avait trop bu. Quand on pense à toutes les tombes de Russes qu’il y a là-bas ! Et les avis se polarisent – depuis « Sauvons nos frères ! » jusqu’à « Faudrait leur balancer quelques bombes atomiques sur la gueule, à ces connards d’Ukrainiens! ». Non loin de la place Rouge, j’ai assisté à la scène suivante: deux jeunes gens brandissaient une pancarte sur laquelle était écrit : « Combien d’enfants, de frères et de voisins êtes-vous prêts à enterrer pour que la Crimée fasse partie de la Russie ? » Devant moi, ces garçons se sont fait traiter de fascistes, de partisans de Bandera (le nationalisteukrainien qui a collaboré avec Hitler), de larbins des Américains. On les couvrait d’injures. Des vieilles femmes leur crachaient dessus. On a mis leur pancarteen pièces.Les genscriaient: «Sébastopol est une ville russe ! », « Ceux à qui ça plaît pas en Russie, ils n’ont qu’à aller en Israël ! », « Si la Russie ne s’occupe pas de la Crimée, c’est les Américains qui vont le faire ! ». Des types en vestes fourrées avec d’énormes croix sur la poitrine sont allés chercher des gars des forces spéciales : « Emmenezces pauvres débilesaucommissariat, sinon nous, on va finir par les lyncher! » Un car de police est arrivé et ils ont emmené les jeunesgens. Il y avait des femmes prêtes à témoigner qu’ils hurlaient des obscénités et frappaient des vieillards. Poutine a misé sur les instincts les plus bas, et il a gagné. Même s’il disparaissait demain, comment ferions-nous pour échapper à nous-mêmes? J’ai assisté à deux meetings, un pour la guerre, et un contre la guerre. Celui en faveur de la victoire en Crimée avait rassemblé20000 personnesavec despancartes: « L’esprit russe est invincible! », « On ne laissera pas la Crimée aux Américains ! », « L’Ukraine, la liberté, Poutine ! ». Des Te Deum, des prêtres, des processions avec des bannières, des discours pathétiques – quelque chose de complètement archaïque.Le discoursd’un des orateursa suscité une tempête d’ovations: « Tous les points stratégiques de Crimée sont aux mains des Svetlana Alexievitch MARGARITA KABAKOVA Née en 1948 en Ukraine, elle a fait des études de journalisme en Biélorussie. Sa première publication, « La guerre n’a pas un visage de femme », en 1985, sur la seconde guerre mondiale, dénoncée comme « antipatriotique, naturaliste, dégradante » mais soutenue par Gorbatchev, est un best-seller. Chaque nouveau livre crée un scandale, comme « Les Cercueils de zinc », en 1989, sur la guerre d’Afghanistan (Christian Bourgois, 2002). Elle a reçu le Prix du meilleur livre de l’année 2013 pour « La Fin de l’homme rouge », Actes Sud troupes russes ! Les organes du gouvernement local et toutes les bases militaires sont bloqués… Les gares, les aéroports et les centres de communication sont sous contrôle…» J’ai regardé autour de moi : sur les visages, de la fureur, de la haine. Comment tout cela est-il conciliable avec les vêtementsde bonnequalité,avecles voitures ultramodernes et les cafés, avec des vacances à Miami et en Italie ? Au meeting contre la guerre, il n’y avait que quelques milliers de personnes qui avançaient en scandant : « Oui à la paix ! Non à la guerre! » Les passants, sur les trottoirs, leur criaient : « Pauvres connards ! Vous êtes des ennemis de la Russie ! Vous voulez quoi ? Qu’il y ait une base de l’OTAN à Sébastopol? » Il y avait deux personnes à côté de moi, leurs yeux étaient injectés de sang…Dansdes momentspareils,je repense aux images montrant l’entrée des troupes russesen Crimée: descamionsmilitaires, des véhicules blindés, des chars d’assaut. Les soldats sont assis sur leurs tanks avec des magnétophones hurlant à pleins tubes une chanson d’Ivan Dorn, le célèbre chanteur et présentateur de télévision ukrainien : « Voilà les fêtes qui approchent! Voilà les fêtes qui approchent! » Ces gars de Riazan, de Tver et de Sibérie n’avaient pas d’argent pour venir en Crimée comme touristes, alors ils sont venus sur des blindés. J’ai déjà vu cela quelque part – pendant la guerre d’Afghanistan. C’est le même mensonge, le même discours imperturbable des dictateurs: « A la demande du gouvernement afghan… Nous avons envoyé un contingent limité de l’armée soviétique… Nos troupes sont entréesen Afghanistanpour que les Américains n’y entrent pas… Nos frontières sont verrouillées… » Des décennies plus tard, c’estle mêmescénarioquise répète.La patterusse. Lamême qu’enAbkhazie,en Géorgie… Quelque chose de terrible approche, quelquechose de sanglant.J’ai un pèrebiélorusse et une mère ukrainienne. C’est le cas de beaucoup de gens. Nous avons vécu trois cents ans dans le même pays. Tout s’est mélangé : les familles, les cultures. Nous avons traversé ensemble la première et la seconde guerre mondiale. Une guerre entre la Russie et l’Ukraine, c’est ce quenouspouvonsimaginerdepluseffroyable. Il n’y aura pas d’étrangers dans cette guerre. Pas de vainqueurs non plus. J’ai de la famille en Ukraine occidentale (dans la région d’Ivano-Frankivsk, dans l’ouest du pays) et en Ukraine orientale Une guerre entre la Russie et l’Ukraine, c’est ce que nous pouvons imaginer de plus effroyable. Il n’y aura pas d’étrangers dans cette guerre. Pas de vainqueurs non plus (dans la région de Vinnytsia). On m’écrit d’Ukraine orientale : « Il y a eu un coup d’Etat chez nous. Bandera est redevenu un héros. Ce qui nous fait le plus peur, c’est de voir débarquer les nationalistes ukrainiens. » Et ceux d’Ukraine occidentale me disent au téléphone : « On a peur de Poutine. » Aujourd’hui, des amis m’ont écrit que c’était la mobilisation générale chez eux, en Ukraine, que sur le Krechtchatik, le grand boulevard de Kiev, il y avait des gens avec des armes, en tenue de camouflage. Des roulements de tambour. « Mais qu’estce que vous allez faire ? – On va étriper les Triangulairespar Cagnat Russes, pour la Crimée. » C’est terrifiant ! On ne comprend pas… C’est comme chez Tolstoï : personne ne veut cette guerre, mais elle approche à grands pas. Pourtant, même dans des moments pareils, les Ukrainiens savent rire. On racontede nouvelleshistoiresdrôles.Quelqu’un demande à Ianoukovitch : « Comment ça se fait que Poutine s’en prenne à l’Ukraine? – C’est moi qui le lui ai demandé. – Et comment ça vous est venu à l’idée ? – C’est lui qui me l’a demandé. » L’ancien colonel du KGB caresse l’idée de rester dans l’histoire comme le rassembleur des terres russes. Pour lui, Kiev est la « mère des villes russes». Comme disent les vieilles chroniques: « C’est là qu’est née la Russie.» Il y a des gens, au Kremlin, qui ont l’impression que Donetsk et Kharkiv, c’est aussi la Russie. Les habitants de la Crimée auraient très bien pu voter leur rattachement à la Russie sans que Moscou le leur souffle, parce que les Russes sont une majorité là-bas. Mais, visiblement, le Kremlin aime bien jouer les gros bras. Distiller la peur. Là-bas, au Kremlin, ils n’arrivent pas à croire que ce qui s’est produit en Ukraine, ce n’est pas un coup d’Etat nazi, mais une révolution populaire. Une révolution juste. Les Ukrainiens ont vu les propriétés abandonnées de ces messieurs qui se sont offert des cuvettes de cabinet plaquées or. Ils pensaient, comme la nomenklatura de l’époque soviétique, que le pouvoir peut tout se permettre, qu’il n’a pas à répondre devant la société. Mais, en vingt ans, les gens ont changé. Du premier Maïdan est sorti un deuxième Maïdan. Les gens ont fait une deuxième révolution, maintenant, l’important, c’est que les politiques ne la ratent pas encore une fois. Pas très loin de chez moi, à Minsk, il y a un monument au poète ukrainien Tarass Chevtchenko. Chaque matin, il est recouvert de fleurs et de cierges qui brûlent. Les premiers jours, on verbalisait les gens qui venaient là, on les embarquait et on les emmenaitau commissariat.Ils étaient des dizaines à ce moment-là, mais maintenant ils sont des centaines. Les policiers ne peuvent pas arrêter tout le monde, alors le matin ils arrivent avec un camion et ils arrêtentles fleurs.Maisjesais que,le lendemain matin, il y aura de nouvelles fleurs. Poutine a enterré mes espoirs. Mes espoirs des années 1990, mes espoirs d’une Russie européenne. Les Ukrainiens, nous devons les envier. p Traduit du russe par Sophie Benech 0123 17 analyses Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 Renzi renvoie Berlusconi à la préhistoire de la « com’ » par Philippe Ridet Correspondant à Rome J usqu’alors, un simple coup d’œil sur l’état civil suffisait pour mesurer la différence de génération entre Silvio Berlusconi, né en septembre1936, et Matteo Renzi, né en janvier1975. Depuis mercredi 12 mars, date de la conférence de presse du nouveau premier ministre, au cours de laquelle il a présenté un plan de relance de près de 90 milliards d’euros,cestrente-neufansdedifférenceontétémultipliés – au moins– par deux. Si le Cavaliere a fait entrer la politique dans l’ère de la communication par l’entremise notamment de son empire audiovisuel, le plus jeune chef de gouvernement d’Europe – qui devait rencontrer, samedi 15 mars, François Hollande à Paris avant de se rendre à Berlin – a surpassé, en bon disciple, le travail du maître. Multipliant les promesses et les additions, télécommande en main pour faire défiler les slides de sa présentation comme on montre ses photos de vacances, faisant pleuvoir les milliards comme à Gravelotte, s’engageant à changer le visage institutionnel du pays – disparition du Sénat dans sa forme actuelle –, blaguant avec les journalistes, passant par-dessus eux pour s’adresser, face caméra « aux Italiens qui [l]’écoutent devant leur télévision», il a démontré qu’il n’avait rien à envier à M. Berlusconi. Passant de l’infiniment grand – « 10 milliards debaissed’impôtspour10 millionsd’Italiens» –à l’infiniment petit – « une institutrice pourra s’acheter quelques livres en plus, un instituteur pourra emmener sa famille au restaurant une foispar mois» –, maniantl’auto-ironie– «approchez messieurs-dames! » – pour bien montrer qu’iladéjàanticipélescritiquesqui luiserontfaites, M. Renzi a renvoyé, ce jour-là, M. Berlusconi à une sorte de préhistoire de la communication. « Si je n’y arrive pas... » Nombreux sont les Italiens à qui est revenu en mémoire le 8 mai 2001, lorsque sur le plateau d’une célèbre émission de débat politique sur Rai 1 le « Caïman » avait signé devant eux un « contrat » dans lequel il s’engageait à effectuer cinq réformesd’envergure,précisant que si une seule d’entre elles n’était pas conduite à son terme il quitterait la scène. M. Renzi a repris l’argument à son compte. « Si je n’y arrive pas, a-t-il dit, je considérerais non seulement mon expérience gouvernementale, mais également ma carrière politique comme terminées.» La comparaison entre les deux hommes – unis dans le surnom de « Renzusconi» donné parfois au premier ministre – se trouve donc tout à fait justifiée. « Pourtant, écrit Massimo Gramellini dans La Stampa du 13 mars, le contrat de Berlusconi nous a semblé plein de poussière comme s’il avait été signé sur le bureau d’Alcide De Gasperi » (président du conseil de 1945 à 1953). Pour le Cavaliere, qui a toujours pris soin de masquer son âge grâce aux liftings, aux implantscapillaireset à la fréquentationde jouvencelles, le coup est rude. Lui qui prononce Google comme s’il s’agissait d’un romancier russe découvre que son successeur a déjà trouvé le « hashtag » de sa conférence de presse avant qu’elle ne commence ; lui qui n’allume jamais un ordinateur voit le nouveau premier ministreposer sursa table au bancdugouvernement un iPhone, un iPad et un Mac Book (bref, toute la gamme Apple); lui qui ne fait confiance qu’auxquotidiens,aux magazineset aux télévisions qu’il administre assiste impuissant à la « Renzimania» qui contamine les médias transalpins. Alors qu’il envisage toujours, malgré son expulsion du Parlement pour six ans à la suite de sa condamnation définitive pour fraude fiscale, de revenir un jour au pouvoir, le voilà le plus souvent relégué dans les pages intérieures des journaux. Fournisseur de contenus, M. Renzi a pris le meilleur sur le diffuseur… Pour un leader de gauche, même si Matteo Renzi a fait ses classes dans les mouvements de jeunesse du Parti populaire italien, héritier de la Démocratie chrétienne, et le scoutisme, cette conversion à la communication est inédite. Elle est un fait aussi bien générationnel que politique.Longtemps, la gaucheitalienne, génétiquement liée au Parti communisteitalien, a fait primer le travail d’enracinement sur le terrain et l’action militante sur le charisme du chef. Le « nous » d’une équipe dirigeante, contre le « je » de l’hommeseul au pouvoir.Cettemarqueidentitaire est devenue une sorte d’« impératif moral » lorsque Silvio Berlusconi est parvenu au pouvoir. La gauche et ses leaders se devaient d’être sérieux, ne promettre que ce qui était tenable, compassés au point d’être gris pour mieux contraster avec la faconde et la démagogie du magnat des médias. Pierluigi Bersani, l’ancien secrétaire du Parti démocrate, « non vainqueur» des élections de février 2013, et Enrico Letta, l’ex-président du conseil éconduit par un putsch de palais conduit par Matteo Renzi, passeront peut-être un jour pour les derniers avatars de cette lignée de leaders interchangeables. A présent que le crépuscule du Cavaliere est amorcé, le nouveau chef de file de la gauche peut arracher les armes de la communication – et des promesses hasardeuses – des mains de sonadversaire,en y ajoutant les siennes: la maîtrise des réseaux sociaux et la diffusion virale des messages. Et si c’était aussi cela cette svolta buona (« bon tournant ») annoncée par le nouveau président du conseil ? p [email protected] PLANÈTE | CHRONIQUE Jean Jaurès Un prophète socialiste Figure essentielle de l’histoire de la gauche et fondateur du socialisme moderne, Jean Jaurès fut un des premiers « indignés ». Tribun, écrivain, philosophe, journaliste, mais aussi député, militant politique, théoricien, cet homme engagé, républicain jusqu’au plus profond de l’âme, combattit toute sa vie l’hypocrisie sociale, l’injustice économique et la guerre… Pourtant, aujourd’hui, même une partie de la droite et de l’extrême droite tentent de se l’approprier. Comme si, au-delà des clivages idéologiques, Jaurès appartenait désormais à notre patrimoine. « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? », chantait Brel. A l’occasion du centième anniversaire de son assassinat, qui annonçait la tragédie de 14-18, Le Monde cherche à répondre à cette question… Dans ce hors-série, une INVITATION à la VISITE PRIVÉE de l’exposition JAURÈS, le 20 mars, aux Archives nationales « JEAN JAURÈS, UN PROPHÈTE SOCIALISTE », un hors-série du Monde 7,90 € - En kiosque et sur lemonde.fr/boutique FOURNISSEUR DE CONTENUS, M. RENZI A PRIS LE MEILLEUR SUR LE DIFFUSEUR… p a r St ép ha ne Fo uca r t Le nucléaire et la vie V oilà trois ans, le 11 mars 2011, le séisme de Tohoku précipitait un grand tsunami sur la centrale de Fukushima-1, plaçant hors de contrôle ses réacteurs nucléaires. Devant le monde stupéfait s’engageait ce qui peut être interprété comme un conflit entre les hommes et leurs machines. Des soldats sont envoyés sur le front, des civils sont évacués, des territoires entiers sont perdus. Quant aux envoyés spéciaux, ils reviennent sidérés par le désarroi des combattants, par le spectacle grandiose et glaçant des réservoirs géants d’eau radioactive, par les sacs de terre contaminée qui jalonnent les routes, par les villes désertées réinvesties par la nature, offrant aux visiteurs des paysages urbains de post-Apocalypse. Qui, ayant la pleine conscience de ce qui se produit dans la préfecture de Fukushima, pourrait raisonnablement continuer à plaider la cause du nucléaire civil ? Pourtant, malgré les terres perdues, malgré la détresse des quelque 150000 sinistrés japonais dont la plupart ne retourneront pas chez eux, le nucléaire demeure au centre d’un conflit d’opinions. C’est ce qu’Ulrich Beck décrivait dans La Société du risque (1986) comme l’affrontement entre «rationalité sociale» et « rationalité scientifique ». La première nous incite à nous détourner d’une technologie à ce point capable de s’émanciper de ses maîtres et de les menacer durablement. Quant à la seconde, elle pourrait être illustrée par cette étude signée par Pushker Kharecha et James Hansen (Goddard Institute for Space Studies, NASA), publiée voilà un an par la revue Environmental Science & Technology et passée en France tout à fait inaperçue. Les deux spécialistes de sciences de l’atmosphère ont calculé (avec une belle marge d’incertitu- de) qu’entre1971 et 2009, l’énergie nucléaire avait évité environ 1,84million de morts prématurées dans le monde. Ce sont les dégâts sanitaires qui auraient été provoqués par les émissions polluantes issues de la production de la même quantité d’énergie, produite à partir du mix moyen charbon/gaz – les auteurs estiment que les énergéticiens auraient opté pour les solutions les moins chères et n’auraient donc pas utilisé l’éolien ou le solaire. Outre les vies épargnées, environ 64milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2), principale cause du changement climatique, n’ont pas été émises. Soit un an et demi d’émissions mondiales à leur niveau (record) de 2013. L’énergie nucléaire aurait évité, entre 1971 et 2009, environ 1,84 million de morts prématurées dans le monde Dans le même temps, le nucléaire civil a aussi eu un coût en termes de vies humaines. Mais en compilant l’ensemble des données disponibles, MM. Kharecha et Hansen estiment que ce coût a été environ 350 fois inférieur au « gain » calculé sur la même période… Pour la France, M. Kharecha précise qu’« entre 1971 et 2009, l’énergie nucléaire a permis d’éviter environ 290 000 morts prématurées ». Cela n’ôte rien aux graves risques potentiels posés par le nucléaire. Mais cela permet de les mettre en regard des risques certains que représente la combustion des énergies fossiles. p [email protected] 0123 Les Unes du Monde ACCÉDEZ À L’INTÉGRALITÉ DES « UNES » DU MONDE ET RECEVEZ CELLE DE VOTRE CHOIX ENCADRÉE Encyclopéd ie Universalis www.lemond e.fr 65 e Année - N˚19904 - 1,30 ¤ France métropolitaine L’investiture de Barack Nouvelle édition Tome 2-Histoire --- Jeudi 22 janvier Uniquement 2009 Fondateur Premières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension : Hubert Beuve-Méry En plus du « en France - Directeur Monde » métropolitaine : Eric Fottorino Obama des audiences à Guantanam o Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne un sur le ; ambitions s’est arrêtée de Barack Obama en 2008, a Feuille force d’invoquer presque modeste. moment qu’elle de route. « pendant et de nouveau la première décision d’un rassembleur ; n’est A vivre : était en train Abraham La grandeur Martin Luther l’accession de la nouvelle jamais un administration: de du 18 les festivités de l’investiture, Lincoln, au poste au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice les rencontres glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment les hauts gradés de l’armée. D Education L’avenir de Xavier Darcos UK price £ 1,40 ANALYSE Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévasté e « Mission terminée »: le ministre de REPORTAGE ne cache pas l’éducation considérera qu’il se GAZA bientôt en ENVOYÉ SPÉCIAL disponibilité pour ans les rues tâches. L’historien d’autres de Jabaliya, les enfants ont de l’éducation trouvé veau divertissement.un nouClaude Lelièvre explique lectionnent les éclats d’obusIls colmissiles. Ils comment la et de déterrent du rupture s’est sable des morceaux d’une faite entre les enseignants qui s’enflamment fibre compacte et Xavier Darcos. immédiatement au contact de Page 10 l’air D Automobile Fiat : objectif Chrysler et qu’ils tentent difficilement d’éteindre avec pieds. « C’est du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. » Surlesmursdecette rue,destracesnoirâtressont boutique. bes ont projeté visibles.Lesbom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa incendié pas. « Bonus Les banquiers ont cédé 25 KRN, Pays-Bas Enquête page Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu françaises qu’ilsdes banques renoncent à la « part variable de leur rémunération ». En contrepartie, les banques pourront bénéficier d’une aide de l’Etat de 10,5 d’euros. Montantmilliards équivalent à celle accordée fin 2008. Page 19 27 000 profs partiront chaque année à la retraite, d’ici à 2012. 14 Edition Dites bien aux une fabrique de Au bord de dirigeants papier. « C’est petite des nations occidentales la mièrefoisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation morts trente- Qu’ici, il n’y a jamais pour rien. l’Américain semaines, s’exclame Mohammedisraélienne », roquettes. eu de tirs de Chrysler Que c’est Abed négocie l’entrée bo. Dans son costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland Rehbi Hussein de 35 %. L’Italie à hauteur devant par Barthes, Heid. un magasin, une bombe mains, de cette bonne se réjouit Ils étaient il tient une Entre ses mort en 1980, le 10 janvier. enflamme feuille venus s’approvisionner papier avec pour l’économienouvelle tous les noms de le cercle de ses pendant disciples. des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés, ainsi Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère que leur Le demi-frère de son côté, aura tre aux Gazaouis permet- reprises, à plusieurs l’écrivain, qui accès à une comme en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. der qu’ils sont pour se persua- la publication, plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le de l’ancien Algérie 80 DA, métallique éditeur de Barthes, Allemagne 2,00 Lire la suite de la ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche page 2,00 ¤, Belgique et Débats page 5 François Wahl. 1,40 ¤, Cameroun Maroc 10 DH, 1 500 F CFA, 17 Page Norvège Barthes, la polémique 20 Le livre-enquête incontournable pour alimenter sur l’avenir de le débat l’école. Canada 2,00 ¤, Portugal3,95 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie cont. 2,00 ¤, un éditeur 18,50 Kn, Danemark Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 derrière l’écran 500 F CFA, Slovénie 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,20 ¤, Suède > www.arteboutiqu 2,50 ¤, Gabon 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1 500 F CFA, Grande-Bretagne e.com 1,9 DT, Turquie 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, USA 2,20 ¤, Hongrie 3,95 $, Afrique 650 HUF, Irlande CFA autres 2,00 ¤, Italie 1 500 F CFA, 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique 18 0123 0123 Dimanche 16 - Lundi 17 mars 2014 L’AIR DU TEMPS | CHRONIQUE pa r F l o r e n c e A u b e n a s Les filles de chez Jeannette L A CAEN, DEPUIS QUINZE JOURS, LES OUVRIERS OCCUPENT LA BISCUITERIE es hommes ont droit à un sac de gâteaux par semaine. Les femmes, non. Elles travaillent à la chaîne, toutes. Les hommes sont pâtissiers ou s’occupent de la maintenance. Ils sont payés plus que les femmes, même le petit David, le dernier embauché. Au début, on l’a mis à la chaîne, lui aussi, mais pour quelques mois seulement, une sorte de bizutage. Il touchait 10,21euros de l’heure, davantage que les filles tout de même, y compris celles qui ont plus de trente-cinq ans de maison. Dans la cour de l’usine, assis autour d’une grande table, les hommes se défendent, sur le ton de la blague: « On est plus qualifiés, c’est tout.» Les femmes plissent les yeux dans le soleil, sans s’offusquer. « Cela a toujours été comme ça, non? », dit l’une. Et sa collègue, forçant la voix: «Une fois, je l’ai dit au patron: je vais m’en faire greffer une paire, j’aurai peutêtre une augmentation.» Ça rigole autour, une bonhomie paisible, puis on passe à autre chose, «parce qu’on ne va pas en faire tout un plat». A Caen, depuis quinze jours, les ouvriers occupent la biscuiterie Jeannette, 38 personnes en tout, des femmes pour l’essentiel. Plus d’un siècle durant, on y a fabriqué des « madeleines pur beurre» avant la mise en liquidation judi- ciaire cet hiver. Le 20février, les machines devaient être vendues aux enchères, la rue était pleine de camions, des bulgares. Le bruit se met à courir qu’un homme d’affaires algérien cherche à acheter la fameuse recette des madeleines. Des filles se récrient: «Jamais on ne la donnera.» Et quelqu’un, main sur le cœur: « Même pour 10000 euros.» Ce jour-là, le commissaire-priseur finit par renoncer à la vente. Curieux tout de même: «Est-ce que vous allez me prendre en otage?» Françoise, qui est déléguée CGT, en est restée tout interdite. «C’est pas notre style.» Mais l’occupation est décidée, une révolution dans l’histoire de Jeannette. La biscuiterie a longtemps tourné sans syndicat. A l’embauche, c’était d’ailleurs la seule question: «Vous ne faites pas de politique, au moins? On ne veut pas de ça ici.» Ensuite, on recevait la blouse et on commençait le lendemain. Jeannette, c’était pour la vie, la plupart des ouvrières ont plus de trente ans de service. A table, dans l’usine occupée, la nostalgie monte en vapeur légère avec la chaleur et le mousseux, qu’apportent des sympathisants, une ambiance de repas de famille. «Tu te souviens de Jocelyne? On la raccompa- gnait à la maison parce que son mari l’attendait avec une carabine. – Qu’est-ce qu’elle a pu pleurer, quand il est mort! C’était le bon temps.» Depuis les années 1980, les changements de propriétaire alternent avec les plans sociaux. Les premiers licenciements, en 1986, ont ciblé les mères-de-trois-enfants-et-plus« parce qu’on a de quoi s’occuper chez soi quand on a une famille nombreuse». En grandissant, la troisième fille de Geneviève s’en est voulu, elle répétait: «Tu as été virée, c’est ma faute.» Finalement, la mère a été reprise autour de l’an 2000, quand on croyait que la biscuiterie allait repartir en produisant pour la grande distribution sous des marques génériques. Convoyeuse de fonds A la fin 2013, les chefs de ligne ont été convoqués par la direction. Il s’agissait de se montrer fort et de doper le moral des troupes. On achèterait des machines neuves, on redorerait la marque, on déménagerait à Falaise, à 35 km. Les filles s’organisaient déjà pour le covoiturage, quand le financement a capoté. «Je n’ai pas osé l’annoncer à la famille, au début», dit MarieClaire, embauchée à 16ans, comme tout le monde. «J’avais honte de ne plus avoir de sous pour mettre à manger sur la table. Finalement, je l’ai dit à ma fille qui l’a dit à mon mari.» Les premiers jours après la fermeture, MarieClaire continue à venir chez Jeannette à 6heures du matin comme d’habitude. Elles se retrouvent à plusieurs, circulant au milieu des machines arrêtées, sans arriver à croire que « les gens de là-haut ont pu leur faire ça». Elles montent dans les étages déserts: les « bureaux» – ici, T’asfaitquoi,commeétudes? – Croque-mort ! N e dites pas à ma mère que je suis croque-mort, elle me croit diplômé de ParisDauphine. Bientôt, ce sera vrai : l’université lance, le 24 mars, un diplôme universitaire de « business manager funéraire ». Une première dans le secteur. Cette formation, qui existe en langue anglaise, était totalement absente en français. « Nous sommes confrontés à la génération du baby-boom. Et dans un contexte de transmission et de pérennisation des entreprises, nous devons former la relève dans un marché devenu ces dernières années hyper-concurrentiel », indique Philippe Martineau, directeur général du Choix funéraire, un réseau coopératif d’environ 700 points de vente, à l’origine de ce cursus. Jusqu’à présent, il existait par décret une formation de 140 heures obligatoires plutôt théorique. Celle-ci sera vraiment managériale. Au menu : dix sessions de trois jours par mois et un stage de cinq jours obligatoire dans une entreprise funéraire autre que le Choix funéraire. Sur le plan des cours: le parfait croque-mort de demain saura gérer sa petite entreprise et le personnel qui va avec. Il sera évidemment un pro du marketing, de l’animation d’une équipe, de la vente… Mais pas seulement. Sociologie et anthropologie sont aussi au programme. « Il y a tout un travail sur l’absence, sur la connaissance du mécanisme freudien du travail du deuil qu’un professionnel doit aussi avoir», souligne Philippe Martineau. L’université Paris-Dauphine organise même une visite au Musée du quai Branly, à Paris, pour potasser les représentations symboliques de la mort et des décès à travers le temps. Lors- qu’ils auront soutenu leur projet professionnel, les étudiants partiront, comme les Compagnons, à travers la France: cinq ou six stages de dix jours afin de valider leurs acquis, de mettre en pratique la théorie mais aussi d’appréhender le travail de deuil, que l’on habite dans le Pays basque, le nord ou l’est de la France. Tests de personnalité La première promotion compte quatorze étudiants. Les deux tiers des inscrits ont moins de 30ans. Le plus jeune a 22 ans, le plus âgé 45. Chacun possède un minimum de deux ans d’expérience dans le secteur du funéraire ou un niveau d’études bac + 2. Ils viennent d’univers très différents : informatique, bancaire… Ils ont été minutieusement sélectionnés après des tests de personnalité. Il est ainsi essentiel de savoir se préserver face à la mort des autres. En clair, ne pas porter leur deuil. Certes le métier de croquemort ne connaît pas la crise, mais son image ne fait pas vraiment rêver. Cette formation suscitera-t-elle des vocations? « L’image morbide du croque-mort est totalement dépassée. Le monde des pompes funèbres a énormément évolué», affirme Philippe Martineau. Depuis dix ans, le métier s’est beaucoup ouvert aux jeunes, mais aussi aux femmes. Dès la deuxième session, ce diplôme universitaire sera ouvert à d’autres entreprises de pompes funèbres. Le Choix funéraire en a été l’instigateur, mais ne compte pas en avoir l’exclusivité. Coût pédagogique sur dixhuit mois : 10 000euros. L’entreprise a aussi prévu de payer les frais d’hébergement de ses étudiants. p Nathalie Brafman Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président pTirage du Monde daté samedi 15 mars 2014 : 338 738 exemplaires. c’est comme ça qu’on appelle les cadres – ont tout laissé sens dessus dessous. Alors elles nettoient, pour ne pas avoir l’air de « souillons» au cas où quelqu’un viendrait, retrouvant les gestes de ces moments-là, quand les patrons disaient à l’annonce du énième audit: « Allez, mesdames, donnez un coup de peinture pour que la boîte ait belle allure.» La résistance des « Jeannette» a provoqué un élan de solidarité à Caen, la mairie a fait livrer des paupiettes. Franck Merouze, responsable CGT à Caen, évoque plusieurs repreneurs. Pendant ce temps-là, des salariés commencent à être convoqués à Pôle emploi. Catherine en revient. «Moi, je suis tombée sur quelqu’un de gentil, Kevin.» Régine se verrait bien convoyeuse de fonds. «Vous avez vu la Volvo à 33000 euros, garée devant l’usine? C’est la mienne.» Et si elle passait son permis 44-tonnes? «Mon conseiller n’a pas été jusqu’à me dire qu’on est trop vieilles…» Rosa, on lui a proposé «quelque chose dans les steaks hachés à Colombelles», dans la banlieue de Caen. Il faut un CV, une lettre de motivation. Elle s’affole: «Je vais demander à ma sœur.» Le chef de la maintenance arrive. « Pôle emploi a déjà trois places pour moi, bien payées. Je leur ai dit : calmez-vous, je suis en grève.» Il consulte le tour de garde pour l’occupation de l’usine. « Dites, les filles, vous qui n’avez rien, vous ne pouvez pas faire les permanences à ma place?» Elles sont en train de débarrasser la table. L’une répond, comme on parle à un enfant: « T’en fais pas.» Et il s’en va. p [email protected] volkswagen.fr Offre réservée à toi, toi, toi et toi aussi là-bas, enfin à tout le monde quoi. 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