LE VA-TOUT DE BOUYGUES POUR ARRACHER SFR CAHIER ÉCO – PAGES 2-3 DES CYBERESPIONS FRANÇAIS DÉMASQUÉS PAR LE CANADA INTERNATIONAL – PAGES 2-3 Samedi 22 mars 2014 - 70e année - N˚21516 - 3,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- LE FN ET LA CULTURE : TOUT UN PROGRAMME CULTURE & IDÉES – SUPPLÉMENT Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède Nicolas Sarkozy crie au complot pour mobiliser la droite Nicolas Ghesquière Le génie de Vuitton t A 42 ans, le créateur a pris la tête de la plus grande maison de luxe du monde t L’ancien président contre-attaque violemment dans «Le Figaro », à la veille des municipales t Sa comparaison avec les écoutes de la Stasi est jugée «insupportable » par François Hollande N icolas Sarkozy a rompu le silence de manière fracassante. A la veille des élections municipales, l’ex-chef de l’Etat s’est adressé à ses partisans dans une tribune publiée par Le Figaro vendredi 21 mars. Placé sur écoutes téléphoniques judiciaires et soupçonné de trafic d’influence, l’ancien président débute sa lettre par une série de dénégations: « Je n’éprouve nul désir de m’impliquer aujour- d’hui dans la vie politique de notre pays, je ne suis animé par aucune velléité de revanche et ne ressens nulle amertume ». Il prend la parole pourdénoncerdes «coupstorduset desmanipulationsgrossières», attaque ManuelValls,Christiane Taubira et le Syndicat de la magistrature, et cible François Hollande sans le nommer. Ecouté dans le cadre d’une enquête sur le financement supposé de sa campagne par Kad- hafi en 2007, M. Sarkozy compare son sort à celui des victimes de la Stasi, la police politique de l’ex-RDA. François Hollande a répliqué que « toute comparaison avec des dictatures est forcément révoltante ». La riposte de M. Sarkozy vise à conforter ses soutiens auprès des militants de l’UMP, alors qu’une partie des barons de la droite, dont Alain Juppé, veut empêcher son retour en 2017. p LIRE PAGES 10-11 RUSSIE : OBAMA SANCTIONNE, L’EUROPE HÉSITE M LE MAGAZINE DU « MONDE » ● t Les proches UNIQUEMENT ENFRANCE MÉTROPOLITAINE, ENBELGIQUE ET AULUXEMBOURG collaborateurs de Poutine sont interdits de séjour aux Etats-Unis et leurs avoirs y sont bloqués AUJOURD’HUI L’armée française tue quarante djihadistes dans le nord du Mali t L’UE signe un accord politique avec l’Ukraine, mais ne vote pas de sanctions économiques contre la Russie Les dirigeants européens, réunis à Bruxelles, le 20 mars. LIRE PAGES 4 ET 6 YVES HERMAN/REUTERS « La Naissance de Vénus », de Botticelli Nous poursuivons notre exploration des chefs-d’œuvre de la peinture. Cette semaine, un tableau emblématique de Sandro Botticelli, conservé à Florence. EN VENTE EN KIOSQUES EN FRANCE MÉTROPOLITAINE ET EN BELGIQUE Jeux « olympiques » dans le Grand Nord La petite ville de Fairbanks, en Alaska, accueille les 23es Jeux arctiques d’hiver. Deux mille athlètes s’affrontent jusqu’au 23mars au basket ou au volley, mais aussi au « tiré d’oreille» ou au « coup de pied en l’air », disciplines inuites. Notre reporter, Simon Roger, raconte ces Jeux méconnus. SUPPLÉMENT Dans un rapport publié vendredi 21 mars pour la Journée mondiale de l’eau, l’ONU met en évidence «l’interdépendance eauénergie». Extraction de gaz ou de pétrole, refroidissement des centrales, production d’agrocarburants: les défis sont majeurs. INTERNATIONAL – PAGE 6 PLANÈTE – PAGE 8 Washington-Moscou: grand coup de froid L a crise de Crimée est en passe de créer entre les Russes et les Occidentaux un moment de haute tension, comme il n’y en a pas eu beaucoup depuis la fin de l’Union soviétique. Quelle que soit leur efficacité, les sanctions annoncées, jeudi 20 mars à Washington, marquent un net durcissement du ton des Etats-Unis à l’encontre de la Russie. Elles ciblent certains des plus proches collaborateurs de Vladimir Poutine – son chef ÉDITORIAL SPORT & FORME Depuis trois semaines, les forces françaises ont lancé plusieurs opérations contre les combattants d’Al-Qaida au Maghreb islamique. Plusieurs cadres d’AQMI ont été tués, dont Abdelwaheb Al-Harrachi, le successeur d’Abou Zeid. d’état-major, notamment – et la banque Rossia, l’établissement financierdel’entourageduprésident. Les uns et les autres voient, s’ils en ont, leurs avoirs gelés aux Etats-Unis,et limitéesleurspossibilités de transaction en dollars. Réunis à Bruxelles, les vingthuit dirigeants de l’Union européenne devaient donner, vendredi 21 mars, un tour de vis supplémentaire aux sanctions, plutôt symboliques, qu’ils avaient déjà prises. En revanche, la journée de jeudi a marqué un sérieux coup de froid entre Washington et Moscou – sans doute un des moments les plus conflictuels depuis 1991. Ces vingt-trois ans peuvent se diviser en trois périodes. La première court jusqu’en 1999. C’est l’ère Eltsine. Elle fut marquée par un pluralisme sans précédent, en particulier médiatique, même s’il servit des intérêts particuliers: un programme de privatisations manipulé, tronqué, au bénéfice exclusif d’une poignéed’hommes proches du pouvoir, enrichis à grande vitesse. Endettée jusqu’au cou, la Russie est alors trop faible pour peser sur la scène internationale. Pendant ce temps, les Etats-Unis vivent dans la félicité économique des années Clinton. L’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 1999 marque le début de la revanche intérieure des servicesdesécurité, et enparticulier de l’ancien KGB. Au prix d’une deuxièmeguerre de Tchétchénie aussi terrifiante que la première, d’un démantèlement de la chaîne de télévision privée NTV, de l’emprisonnementpour l’exemple de l’homme d’affaires et opposant Mikhaïl Khodorkovski, un pouvoir vertical est instauré. Les libertés publiques se réduisirent. La bureaucratie devient la colonne vertébrale de la corruption. Les premiers grands désaccords avecles Etats-Unis se dessinèrent dans les Balkans, autour de la guerre au Kosovo,jugée illégitime, puis de celle en Irak, malgré la collaboration contre le terrorisme islamiste dans l’après11-Septembre. Plus généralement, l’avancée de l’OTAN vers ses frontières suscite la colère de la Russie, qui se sent encerclée. Une colère renforcée par les « révolutions de couleur », en Ukraine notamment, derrière lesquelles Moscou imagine la main de Washington. En 2008, la guerre en Géorgie, alliée de longue date des EtatsUnis, marque la première affirmation de la puissance russe à l’extérieur de ses frontières. Cette nouvelle pente devient plus raide avec le retour de M. Poutine au Kremlin, en 2012. Il impose sa vision de l’avenir de la Russie : recréer une zone de tutelle autour du pays ; assumer une attitude de revanche morale et historique sur l’« humiliation » de 1991… L’annexion de la Crimée s’inscrit dans cette perspective. La Russie se sent forte, cours élevés du gaz et du pétrole aidant. Son appareil militaire est en pleine rénovation. Populaire à l’intérieur, M. Poutine n’aime rien tant que s’opposer à l’extérieur. Mais il n’est pas sûr qu’il sorte renforcé d’un long affrontement avec les Etats-Unis. p Un pacte millénaire, un mystère inexplicable, pour la première fois en dehors d’Italie Les joyaux de San Gennaro OUVERT - Tous les jours de 10h30 à 19h NOCTURNE - Le vendredi jusqu’à 21h30 59-61 rue de Grenelle Paris 7e Rue du Bac Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 3,80 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 3,80 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA ★ Bronx Agence. Photos : Matteo Treglia, Mitre de San Gennaro, 1713 - Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro © Matteo D’Eletto ; Pierre-Jacques Volaire, L’éruption du Vésuve, 1771 - Le Havre, Musée d’Art Moderne André Malraux – MuMA © Florian Kleinefenn. UK price £ 1,80 LE MUSÉE DU « MONDE » Eau et énergie, unis pour le meilleur et pour le pire 2 international 0123 Samedi 22 mars 2014 Espionnage et surveillance Paris,dustatut devictime aubanc desaccusés L es informations révélées grâce à Edward Snowden, l’ex-consultant de l’Agence de sécurité américaine (NSA), ont mis au jour une constante. Au nom de la lutte antiterroriste, les Etats-Unis ont créé un vaste système d’espionnage et d’intrusion, auxobjectifs bien éloignés de ceux annoncés. En premier lieu, il est apparu qu’il existait bien une collecte systématique et massive par la NSA et ses proches alliés, notamment britanniques, des données de communications dans le monde. Cette doctrine américaine, justifiée par des impératifs de sécurité, s’est étendue aux principales démocraties occidentales. Mais les moyens technologiques dont disposent les Etats-Unis leur offrent, selon les mots de Barack Obama, des capacités illimitées. Cette évolution porte, en elle-même, des menaces pour les libertés publiques et individuelles. Des risques que font également courir les géants d’Internet qui entendent, pour des raisons commerciales, mettre également la main sur cet or numérique. De nombreux pays, comme la France ou l’Allemagne ont, par ailleurs, vivement réagi, chacun à sa manière, face à cette intrusion américaine dans leurs secrets économiques ou politiques. Ils se sont insurgés contre ces actes qui portaient gravement atteinte aux relations entre « pays amis ». Paris et Berlin ont indiqué leur souhait d’établir un code de bonne conduite avec Washington. Ce projet de « no spy agreement» semble être aujourd’hui dans les limbes et aucune des capitales concernées, pas plus que les EtatsUnis, n’évoquent plus l’urgence de parvenir à un accord. Les nouvelles révélations du Monde apportent sans doute un élément d’explication à ce surplace. Derrière les déclarations officielles outragées se cachent des pratiques tout aussi agressives de la part des victimes supposées. Souvent soupçonnés, les services secrets français paraissent bien avoir développé leurs propres armes informatiques, qu’ils utiliseraient contre l’Iran mais aussi sur leur propre sol et contre des pays amis, en Europe et en Amérique du Nord. p J. Fo. et M. U. La France suspectée de cyberattaque Les services secrets canadiens ont détecté une opération ciblant l’Iran, l’Europe et l’Afrique L aposturede victime affichée par la France depuis les révélations sur les activités de la NSA à son encontre risque d’être de moins en moins crédible. Les autorités françaises, qui aiment alerter l’opinion sur les dangers qui menacent sans cesse nos secrets d’Etat ou ceux de nos secteurs stratégiques, ont été prises la main dans le sac d’un espionnage tous azimuts visant des pays aussi bien amis que jugés dangereux. Les services secrets canadiens suspectent en effet leurs homologues français d’être derrière une vaste opération de piratage informatique, qui aurait débuté en 2009 et se poursuivrait toujours, grâce à un implant espion. L’attaque viserait en premier lieu une demi-douzaine d’institutions iraniennes liées au programme nucléaire de ce pays. Elle concernerait aussi, selon la note interne que Le Monde a pu consulter, des cibles n’ayant aucun lien directavec la luttecontre la prolifération nucléaire. Les services secrets canadiens relèvent la présence de cet implant au Canada, en Espagne, en Grèce, en Norvège ainsi qu’en Côte d’Ivoire et en Algérie. Plus surprenant, cet espionnage informatique d’Etat a été, selon les Canadiens,utilisé contre des objectifs en France, ce qui constituerait unesérieuseentorseaux règlesqui prévalent sur le territoire de compétence des services secrets français. Le seul service disposant de l’expertise technique capable de conduire une telle opération, la Directiongénéraledesécuritéextérieure (DGSE) n’agit, officiellement, qu’à l’extérieur de nos frontières. Souvent soupçonnée, notamment par certains membres de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), d’étendre ses actions en France, la DGSE a toujours démenti. Ledocumentrévélantcetteaffaire émane du Centre de la sécurité des télécommunications du Canada(CSEC),lesservicessecretstechniques du pays. Il a été extrait des archives de l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA), par son ex-consultant Edward Snowden. Daté de 2011, il semble avoir été conçu pour exposer, au sein du CSEC, les détails d’une traque menée, avec succès, contre une arme informatique offensive ayant,danscecas,permisd’incriminer la France. Ce mémo didactique fournit les caractéristiques techniques de l’implant et indique, avec plus ou moins de précision, quelles ont été les cibles avant de livrer son verdict sur son propriétaire. « Nous estimons, avec un degré modéré de certitude, conclut le CSEC, qu’il s’agit d’une opération sur des réseaux informatiques soutenue par un Etat et mis en œuvre par une agence française de renseignement.» Dans un univers où la certitude absolue n’existe pas en matière d’attribution d’attaque informatique et où l’on retient, généralement, plusieurs possibilités même si des soupçons sont étayés, cette seule hypothèse, faisant un lien direct avec une puissance étatique, est assez rare. Une conclusionquiad’ailleursétépartagéeaveclesquatreautresmembres du cercle fermé appelé les « Five Eyes» qui réunitlesservicessecrets américains, britanniques, australiens, canadiens et néo-zélandais. La chasse a débuté, d’après le CSEC, en novembre 2009, lorsque les experts canadiens ont détecté la présence d’un implant suspect dont le profil n’a cessé de se sophistiqueraufildesannées.Lesservices secrets français se seraient intéressés, en priorité, à des cibles iraniennes intervenant à des niveaux divers dans le processus d’obtention de la technologienucléaire par Téhéran. Aux côtés du ministère des affaires étrangères iranien, apparaissent quatre institutions: l’universitéde scienceet de technologie d’Iran, l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran, l’organisation pour la recherche iranienne pour les sciences technologiques (université Imam-Hossein, Téhéran) et l’université Malek-Ashtar (Téhéran). Ces établissements sont sous le contrôle strict des services de sécurité iraniens. Les services secrets français sont loin d’être les seuls à travaillerainsi sur l’Iran. Leurs homologues israéliens et leurs proches alliés américains en ont fait depuis longtemps une priorité et disposent de moyens techniques importants. Selon une source issuede la communautédu renseignement français, confirmée par un diplomate en poste à Paris travaillant sur l’Iran, la France était, jusqu’alors, davantage connue pour tirer son information sur ce pays des éléments transmis par Tel-Aviv et Washington que de sa collecte propre. « Que Paris puisse Trois grandes familles de virus Il existe une infinie variété de programmes informatiques malveillants. On peut cependant en distinguer trois grandes familles. Les premiers peuvent être destinés à perturber le fonctionnement d’instruments physiques, comme le programme Stuxnet, qui avait pour but de saboter les centrifugeuses de certaines instal- lations nucléaires iraniennes. Il s’agit des virus les plus évolués, et les exemples de telles prouesses technologiques sont rarissimes. D’autres, plus discrets, visent à intercepter des informations, comme dans le cas de « Babar ». Enfin, certains peuvent avoir comme finalité la suppression de fichiers dans l’ordinateur-cible. agir de manière autonome, et non plus en “coauteur”, montre les progrès réalisés, entre 2006 et 2010, par les Français en matière d’attaques informatiques grâce aux investissements et aux embauches faites par la direction technique de la DGSE », ajoute l’une de ces deux sources interrogées par Le Monde. Désormais, selon le même expert, la France serait donc à même de rentrer dans une forme de troc avec ses alliés. «Après avoir collecté assez d’informations sensibles, on peut alors commencer à Désormais, estime un expert, la France serait à même d’entrer dans une forme de troc avec ses alliés échangeravecnosamisaméricains, britanniques, allemands ou israéliens, en se gardant de dévoiler les moyens qui nous ont permis de les trouver car, alliés ou pas, s’ils comprennent nos techniques, ils prennentdescontre-mesurespourseprotéger, ce qui nous contraint à développer de nouveaux outils informatiques, ce qui coûte de l’argent.» Selon le CSEC, cet implant espion a également été repéré dans d’autres zones géographiques. Sous l’intitulé « anciennes colonies françaises », les services secrets canadiens citent la Côte d’Ivoire et l’Algérie comme autres cibles.Au-delà deson intérêtpolitique régional, Abidjan est en 2010 au cœur de la bataille présidentielle. La confrontation entre le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo et l’ex-premier ministre Alassane Ouattara, sorti vainqueur à l’issue du second tour, en novembre, plonge le pays dans quatre mois de guerre civile. Alger, pour sa part, a rompu le dia- logue avec Paris fin 2009, alors que le pays reste un acteur régional de première importance pour la France,notammentsur les questions de sécurité. Pour illustrer la variété des cibles attribuées aux Français, le CSEC mentionne d’autres pays où a été détecté l’implant espion : l’Espagne, la Norvège et la France figurent parmi cette énumération sans aucune autre précision. On ne sait pas si ces objectifs ont un lienavec la lutte contre la prolifération nucléaire ou s’ils sont visés pour d’autres motifs. La Grèce, elle,apparaîtavecla mention«possible lien avec l’Association financière européenne », et au registre « Five Eyes », on apprend qu’un média francophone canadien a également été visé. Si lesCanadiensnecitentque les services secrets français comme auteurs possibles de cette opération, ils affirment ne pas connaître le nom exact de l’agence de renseignement qui l’aurait orchestrée. Leshypothèsessontpourtantlimitées. Il pourrait s’agir en premier lieu de la direction technique de la DGSE, située boulevard Mortier, dans le 20e arrondissement de Paris,et surtoutdeses jeunesinformaticiens et hackeurs travaillant au fortdeNoisy, à Romainville(Seine-Saint-Denis). L’armée, elle, dispose d’un pôle de cyberdéfense et les armes offensives sont revendiquées dans le Livre blanc de la défense de 2013, mais la liste des objectifs renvoie davantage à un service civil comme la DGSE. Interrogée par Le Monde, la DGSE s’est refusée à tout commentaire«surdesactivitésréellesousupposées». Le CSEC, en revanche, s’est montré plus disert et a confirmé au Monde que ce document émanait bien de ses services, sans pour autant rentrer dans le détail de cette chasse au logiciel espion. p Jacques Follorou et Martin Untersinger 0123 international Samedi 22 mars 2014 Quand les Canadiens partent en chasse de «Babar» Découvert en 2009, le logiciel espion, identifié comme français, a muté. Selon les services secrets du Canada, il a été modifié et «sophistiqué » C ’est une véritable traque qu’ont menée les services secrets techniques canadiens du Centre de la sécurité des télécommunications du Canada (CSEC).Elle est relatée dansle document fourni au Monde par Edward Snowden, dans lequel ils présentent leurs trouvailles. Avare en détails, ce document permet néanmoins de retracer l’enquête qui a permis de pointer la France du doigt. Commedansune partiede chasse, ce sont des empreintes qui attirent en premier lieu l’attention des services canadiens. La note interne indique en effet que le CSEC collecte quotidiennement et automatiquement un certain nombre de données sur Internet. Cette masse de données est ensuite digérée par un programme afin de détecter d’éventuelles anomalies, comme une activité inhabituelle ou le transfert anormal de fichiers. Dans cette gigantesque botte de foin, les espions canadiens trouvent une aiguille : des portions de code informatique, en provenanced’un programme non identifié, les intriguent. Les limiers baptisent ce mystérieux objet « Snowglobe » (boule à neige). Dès les premières pages, le document explique que les experts « sentent » que ce qu’ils ont sous les yeux est destiné à la « collecte de renseignements étrangers». Plus loin, ils assurent que la nature et la localisation de ses cibles « ne correspondent pas à de la cybercriminalité» traditionnelle. Le mémo ajoute enfin qu’en désossant le programme, les ingénieurs du CSEC ont conclu que cet Stuxnet, le pionnier des « virus de guerre » Stuxnet a été la première arme informatique révélée au grand public. Découvert à la mi-2010 sur plusieurs milliers d’ordinateurs dans le monde, ce virus n’était néanmoins actif que sur un peu moins de 400 d’entre eux, la plupart en Iran. Il n’était pas conçu pour intercepter des messages ou dérober des données bancaires, comme la plupart des virus, mais pour occasionner des dégâts matériels. Stuxnet visait des composants des centrifugeuses qui enrichissaient l’uranium dans la centrale nucléaire de Natanz, en Iran. Il modifiait leur vitesse de rotation, provoquant ainsi de graves dommages sur ces mécaniques de précision. Un millier de centrifugeuses, sur les 5 000 que comptait la centrale de Natanz, auraient été rendues inutilisables. Après des mois de supputations, l’origine de l’opération a été dévoilée en 2012 dans le livre Confront and Conceal par David Sanger, un journaliste du New York Times, qui affirme que Stuxnet était une œuvre conjointe de la NSA et des services secrets israéliens. Son nom de code : « Jeux olympiques ». Les avis divergent sur l’impact réel de l’attaque sur l’avancée du programme nucléaire iranien. Washington estime qu’il a pris de dix-huit mois à deux ans de retard, mais des experts ont contesté ce chiffre. objet informatique, une fois implanté sur sa cible, « collecte des courriels provenant de comptes spécifiques et ciblés ». Le CSEC s’intéresse ensuite aux serveurs infectés avec lesquels communiquent ces programmes. Ces serveurs, « des postes d’écoute », semblent tenir un rôle crucial, puisqu’ilscontrôlent à distance les logiciels « Snowglobe » qui infectent les ordinateurs visés. On comprend, à la lecture du document, que, dans un premier temps, les enquêteursdu CSEC ne sont parvenus à localiser qu’un seul de ces postes d’écoute. Le surnom d’un développeur du logiciel espion, «Titi», niché parmi les lignes de code, est présenté comme un «diminutif français» L’agence active alors ses grandes oreilles sur les réseaux pour trouver des infrastructures similaires. Grâce à deux programmes de surveillance, le CSEC se fait une idée plus précise de l’implantation et du fonctionnement de « ces postes d’écoute ». La présentation du CSEC explique que ces « postes » se nichent sur deux types de serveurs. Les premiers ne nécessitent pas d’y rentrer par effraction. A l’inversedudeuxièmetyped’infection, « parasitaire », selon les termes du document, où le « poste d’écoute » cohabite avec d’autres programmes qui lui sont totalement étrangers. Sur ce point, les analystes du CSEC paraissentperplexes.Ils n’arrivent pas à distinguer si ces « postes » sont installés dans les serveurs à l’insu de leurs propriétaires, par le biais d’un piratage, ou bien si les assaillants ont procédé par un « accès spécial ». Dans le langage feutré des espions, cela signifierait donc qu’une ordonnance juridique ou un partenariat aurait été signé entre l’agence de renseignement à l’origine de « Snowglobe » et le propriétaire d’un serveur, ce dernier étant contraint d’ouvrir les portes de son serveur pour héberger un de ces « postes d’écoute ». Sans doute un mélange des deux techniques, conclut le CSEC. Une fois cet ensemble de « postes d’écoute » repéré, les experts canadiens concentrent leur surveillance sur l’un d’entre eux, à la manière d’une planque policière. Lorsque celui qui manipule le programme malveillant à distance s’y connecte, les Canadiens profitent d’un défaut de sécurité pour s’introduire discrètement dans ce « poste d’écoute », à leur tour. Les services canadiens relatent ensuite leurs efforts pour trouver l’identité de ce qui se cache derrière « Snowglobe ». Pour ce faire, ils réunissent plusieurs éléments troublants : le surnom d’un développeur du logiciel espion, « Titi », niché parmi les lignes de code, est présenté comme « un diminutif français». Puis viennent des formulations dans un anglais hasardeux au sein de l’interface du logiciel, ou l’utilisation du kilo-octet comme unité de mesure, et non du kilobyte, une unité propre au monde anglophone. Enfin, détail sans nul doute le plus étonnant, qui pourrait, à certainségards, faire sourire,les Canadiens relèvent le nom donné au programme espion par son développeur: «Babar», du nomducélèbre pachyderme imaginé par Jean de Brunhoff. L’image d’un éléphant joyeux et gambadant trône mêmeau beau milieu de la présentation top-secrète pour illustrer cette découverte. Ces éléments, ajoutés à la nature et l’origine des cibles du logiciel mouchard, conduisent au final les services canadiens à pointer du doigt un suspect: la France. Tous les indices retrouvés lors del’enquête sont évoqués trèsprudemment par les Canadiens. Cette prudence s’explique. L’attribution d’une attaque informatique qui dissimule son origine est un exercice extrêmement périlleux, mêmepourles meilleursspécialistes. « Au mieux, il est possible d’avoir une idée du niveau de son adversaire, de savoir s’il dispose de beaucoup de ressources et de temps », confie un bon connaisseurdu sujet.En l’espèce,poursuitil, après avoir consulté une partie de la présentation du CSEC, « c’est un peu au-dessus de ce que l’on voit habituellement». L’appréciation est d’autant plus ardue que les experts du CSEC ne livrent aucune indication sur le nombre d’ordinateurs infectés ni ne disent si l’agence a pu tous les identifier, pas plus qu’ils ne décrivent la manière dont le logiciel espion procède pour intercepter les courriels de ses cibles. La présentation du CSEC s’achève sur un aveu. Le logiciel espion a muté. Selon les experts canadiens, une version améliorée, plus « sophistiquée » de « Snowglobe », découverte mi-2010, et surnommée, cette fois-ci, « Snowman » (bonhomme de neige), leur résistait encore au moment était rédigé ce document. p J. Fo et M. U. 3 Au Venezuela,le pouvoir chavistevise désormais les élusde l’opposition Le durcissement de la répression compromet les chances de dialogue et relance les protestations Los Teques, Caracas Envoyé spécial L a prison militaire de Ramo Verde se trouve sur une colline, à proximité de la localité de Los Teques, non loin de Caracas. Un bloc sali par le temps. Derrière le buste de Simon Bolivar, le patriarche de l’indépendance, on peut lire un slogan politique : « Indépendance et patrie socialiste, nous vivrons et vaincrons». Jeudi 20 mars, Lilian Tintori, petite blonde athlétique de 35 ans, attend une heure avant de voir enfin son mari, l’opposant Leopoldo Lopez, 42 ans, emprisonné depuis un mois sous l’accusation d’avoir organisé la manifestation du 12 février, à Caracas, qui avait fait trois morts. Depuis, les protestations n’ontpas cessé et leur bilan s’élève aujourd’hui à une trentaine de morts. Lilian a le droit de visiter le dirigeant du parti Volonté populaire (VP, centre gauche) le jeudi et le vendredi. Leopoldo Lopez est placé à l’isolement, dans une tour réservée aux cachots. Maigre consolation, le couple peut se voir dans la minuscule cellule, qu’ils appellent ironiquement leur « foyer ». « Coach » de profession, Lilian a organisé minutieusement les activités de « Leo », privé de ses tournées dans le Venezuela profond qui lui ont permis de s’implanter et d’enlever aux partisans de l’ancien président Hugo Chavez plusieurs municipalités. L’unedes villesconquisesparVP est San Cristobal, la capitale de l’Etat de Tachira, frontalier de la Colombie. C’est là que la contestationa commencé,débutfévrier,à la suite d’une tentative de viol d’une étudiante. Le cycle manifestationrépressionaensuiteétendulemouvement étudiant à tout le pays. Mardi,le maire de San Cristobal, Daniel Ceballos, est venu à Los Teques participer à un meeting pour la libération de Leopoldo Lopez et des autres prisonniers politiques. Devant la foule de jeunes et de gens de diverse condition, Lilian Tintoriparle d’une voix ferme. En revanche, Daniel Ceballos a la voix cassée, épuisé par cinq semaines de mobilisation, lorsqu’il lit le message envoyé par le dirigeant emprisonné : « Le Venezuela s’est éveillé, nous sommes du bon côté de l’histoire. » Le lendemain, mercredi, Daniel Ceballos a été arrêté par un commando du service de renseignement, le Sebin, en tenue de camouflage, casqué et cagoulé, portant desarmes,mais sansordrejudiciaire. « Ce fut un enlèvement», assure son avocate, Ana Leonor Acosta, présente sur les lieux. Le sort subi par Enzo Scarano, le maire de San Diego (Etat de Carabobo, sur la côte), a été encore plus expéditif : amené devant la Cour suprême, il a été condamné à dix mois et demi de prison ferme et a été destitué de son mandat. Son crime : ne pas avoir évité les barricades. Ces attaques contre des élus locaux marquent une relance de la répression. Après avoir délogé les manifestantset démanteléles barricades sur les lieux d’affrontements à Caracas ou en province, grâce à un déploiement de la garde nationale, le gouvernement du président Nicolas Maduro cible désormais des dirigeants de l’opposition. Ainsi, l’Assemblée nationale a demandé à la Cour suprême la levée de l’immunité parlementaire de la députée Maria Corina Machado, qui est la bête noire des chavistes. Parmi les charges évoquées à son encontre figurent l’incitation à la violence, la trahison de la patrie, le terrorisme et des homicides. « Elle doit payer devant la justice pour les crimes commis depuis le 12 février », a déclaré le président de l’Assemblée, Diosdado Cabello, le numéro deux du régime. « S’ils «S’ils croient qu’en levant mon immunité, ils vont me faire taire, ils ne me connaissent pas» Maria Corina Machado députée de l’opposition croient qu’en me menaçant ou en levant mon immunité, ils vont me faire taire, ils ne me connaissent pas », a-t-elle répondu sur son compte Twitter. M. Maduro persiste dans son accusation de « putschistes », alors que les opposants radicaux, comme Leopoldo Lopez ou Maria Corina Machado, prônent une issue pacifique et constitutionnelle à la crise. Si, au départ, l’opposition était divisée, la répression l’a ressoudée. Elle refuse la main tendue par un gouvernement qui emprisonne ses élus et réprime avec brutalité. « La libération des prisonnierspolitiquesestdevenueune exigence compréhensible par toutes les couches de la société, également frappéespar les pénuries et la flambée des prix », explique le politologue Carlos Romero. Leopoldo Lopez avait appelé, mardi, ses partisans à manifester partout dans le pays, le samedi 22 mars. Il ne pouvait pas imaginer, alors, à quel point l’escalade gouvernementale pourrait donnerunsecondsouffleauxprotestations. p Paulo A. Paranagua «Le Monde» fait appel à des experts LE DOCUMENT qui permet aujourd’hui au Monde de révéler l’existence d’une campagne de surveillance mondiale, attribuée à la France par les services canadiens, est une pièce particulièrement complexe à analyser. Il s’agit d’un document de présentation interne, dont l’authenticité a été confirmée par les autorités canadiennes, destiné à un parterre de techniciens du Centre de la sécurité des télécommunications du Canada (CSEC), l’équivalent local de la NSA. Au sein du club très fermé des services de renseignement anglo-saxon, dit des «Five Eyes » (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Nouvelle-Zélande et Australie), le CSEC est réputé pour son expertise en guerre informatique. Des informaticiens de haut niveau détaillent leurs travaux sur un programme informatique espion sophistiqué, qu’ils ont décortiqué et analysé. Cette présentation est destinée à exposer à leurs collègues leur méthode de travail et leurs trouvailles, dans le jargon des spécialistes de l’intrusion informatique, souvent abscons pour le néophyte, mêlantexpressions techniques et abréviations diverses. C’est la première fois, depuis le début du travail sur les documents fournis par l’ex-consultant de la NSA Edward Snowden, que Le Monde a à traiter un document aussi technique. Pour décrypter ce langage très particulier, Le Monde s’est entouré de deux experts qui n’ont pas souhaité être cités. Le premier est chargé de la protection des activités informatiques cruciales d’une très grande entre- prise française. Le second a travaillé pour l’Etat français, à un haut niveau de confidentialité, sur les questions de sécurité informatique. Le Monde a également sollicité des membres et des responsables de services de renseignement, ainsi que des personnes œuvrant dans des structures privées, pour situer l’opération dans un environnement plus large, celui des services secrets et des relations entre Etats. Ces personnes ont aidé Le Monde à comprendre le fonctionnement de « Babar ». Leur avis a permis d’appréhender le niveau de complexité de ce programme. Leurs remarques ont, enfin, étayé les affirmations du CSEC soulignant l’origine étatique de cette attaque. p J. Fo et M. U . 14 | 31 MARS nouvelle collection 2014 PARIS 12e *. 14-18, rue de Lyon • PARIS 3e *. 92-98, bd de Sébastopol • PARIS 7e *. 193, 197, 207, 213, bd St-Germain – service voiturier (de 14h à 19h) le samedi 22 mars • PARIS 17e *. 52, av. de la Gde-Armée – service voiturier (de 14h à 19h) le samedi 22 mars • ATHIS-MONS. RN 7 – 12-18, av. F. Mitterrand • CHEVREUSE. 90, rue Porte de Paris • COIGNIÈRES. RN 10 – 3, rue du pont d’Aulneau • DOMUS C. CIAL(1) / ROSNY-S/BOIS. 16, rue de Lisbonne • MAISONÉMENT C. CIAL / BOISSÉNART. ZAC de la Plaine-du-Moulin-à-Vent – CESSON • HERBLAY / MONTIGNY-LES-C.(1) RN 14 – 17, 21, bd V. Bordier • MONTLHÉRY. RN 20 – La Ville-du-Bois • ORGEVAL. RN 13 SAINTE-GENEVIÈVE-DES-BOIS. ZAC de la Croix Blanche – Rue Hurepoix • SURESNES. 33, 39, bd H. Sellier • VAL D’EUROPE C. CIAL / SERRIS. 1, cours de la Garonne VERSAILLES*. 6, rue au Pain (Place du Marché). (1) Magasin franchisé indépendant. Liste des magasins Roche Bobois de France participant à l’opération sur www.roche-bobois.com OUVERTURES EXCEPTIONNELLES LES DIMANCHES 23 et 30/03 (sauf * ouverts uniquement le 23/03). 4 0123 international Samedi 22 mars 2014 La crise ukrainienne Washington cible les très proches de Vladimir Poutine Les nouvelles sanctions annoncées par les Etats-Unis s’appliquent à des collaborateurs du président russe, mais aussi à des oligarques Moscou Correspondante L e président Barack Obama a frappé fort, jeudi 20 mars, en plaçant la garde prétorienne du président russe, Vladimir Poutine, ainsi que la Banque Rossia qui sert le clan, sur la liste des personnes et des sociétés sanctionnées économiquement par les EtatsUnis. Vingt personnes ont été ajoutées à la liste des onze individus déjàciblés.Lesplusprochescollaborateurs de M. Poutine sont désormais interdits de séjour aux EtatsUnis,leursavoirssontbloqués: son chefdecabinet,SergueïIvanov,l’adjoint de celui-ci, Alexeï Gromov, l’administrateur des biens du Kremlin,VladimirKojine,maisaussi ses vieux amis, devenus les nouveaux oligarques en vue comme les frères Rotenberg, Iouri Kovaltchouk,VladimirIakounine,leprésident des chemins de fer, Sergueï Narychkine, le président de la Douma, et le chef du renseignement militaire, Igor Sergoun, ou encore Guennadi Timtchenko. Ces noms étaient apparus mercredi dans les colonnes du NewYork Times. Ils étaient évoqués dans une tribune intitulée « Comment punir Poutine », signée par AlexeïNavalny,leblogueuranticorruption placé depuis peu aux arrêts domiciliaires à Moscou. Fait sans précédent, une banque russe,labanqueRossia,17e établissement du pays avec 10 milliards de dollars (7,2 milliards d’euros) d’avoirs, a été interdite d’activité auxEtats-Unis.SelonleTrésoraméricain, cet établissement, propriété de Iouri Kovaltchouk, « sert de banque personnelle aux officiels russes».Activenotammentdanslesecteur de l’énergie, Rossia travaillait avec de nombreux établissements bancaires, aux Etats-Unis comme en Europe. Les sanctions risquent de l’affecter de façon irrémédiable. La banque Rossia, qui sert le clan du président, a été interdite d’activités aux Etats-Unis Quelques minutes après l’annonce des sanctions américaines, la Russie publiait sa propre liste de sanctionsvisanttroisconseillersde M.Obama ainsi que des parlementaires, dont le sénateur conservateur John McCain. Cette riposte n’aura aucun effet, car rares sont les Américainsqui ont des comptes à la première banque russe, la Sberbank, encore plus rares sont ceux qui vont en vacances en Russie. Dans la foulée, Barack Obama a menacé Moscou d’aller plus loin et de viser des « secteurs-clés» de son économie.«LaRussiedoitcomprendre qu’une escalade supplémentaire ne fera que l’isoler davantage de la communauté internationale », a-t-il souligné. La 6e fortune russe vend des actifs avant les sanctions Le milliardaire russe Guennadi Timtchenko, proche de Vladimir Poutine, a vendu l’ensemble de ses parts dans la société suisse de négoce d’hydrocarbures Gunvor un jour avant d’être sanctionné par Washington, a indiqué l’entreprise jeudi 20 mars. Le Trésor américain a affirmé dans un communiqué que les activités de M. Timtchenko dans le secteur de l’énergie « sont directement liées » au président russe. Sixième fortune de Russie, selon le magazine Forbes, M. Timtchenko a vendu mercredi la totalité de ses actions dans Gunvor, qu’il a cofondée, « anticipant de potentielles sanctions économiques », a annoncé la société sur son site Internet. M. Timtchenko a vendu ses parts à son partenaire d’affaires Torbjorn Tornqvist, qui est devenu l’actionnaire majoritaire de la société, avec 87 % des parts. Gunvor a la « certitude » de pouvoir poursuivre ses opérations sans être entravée par d’éventuelles sanctions. PARIS 15e A la Française Le savoir-faire Un savoir-faire reconnu au service du confort et de l’esthétique, un choix de cuirs unique, parmi les plus beaux du monde. Labels NF Prestige et Entreprise du Patrimoine Vivant. Offres exceptionnelles de printemps ! 2 CANAPÉS, LITERIE , MOBILIE 0M R : 3 00 I D’ENV ES ! www.topper.fr 7J/7 • M° BOUCICAUT • P. GRATUIT Canapés : 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40 Literie : 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10 Mobilier : 145 rue St-Charles, 01 45 75 06 61 Meubles Gautier : 147 rue St-Charles, 01 45 75 02 81 Après un séjour en Europe la semaine prochaine dans le cadre d’un sommet du G7 à La Haye, le président américain se rendra en Arabie saoudite, une visite prévue de longue date. L’Arabie est le seul pays producteur capable d’augmenter considérablement sa production d’un seul tour de vanne. Une baisse du prix du baril serait fatale à la Russie, dont les recettes budgétaires dépendent de l’exportation des hydrocarbures. Préoccupées par les risques de telles sanctions, les agence de notation financière Standard & Poor’s et Fitch ont abaissé jeudi à «négative» la perspective de solvabilité de la Russie. La liste des sanctions de l’Union européenne, qui devait être dévoilée vendredi, « est assez proche de celle des Etats-Unis», a prévenu le présidentfrançais,FrançoisHollande. Les Occidentaux veulent envoyer un signal fort aux Russes, soupçonnés de vouloir faire main basse sur d’autres régions d’Ukraine. Près de 100 000 soldats russes ont été massés de l’autre côté de la frontière (Briansk, Belgorod, Koursk, Rostov-sur-le-Don). Le ministre russe de la défense, Sergueï Choïgou, a assuré par téléphone à son homologue américain, Chuck Hagel, jeudi, que son armée n’avait aucune intention de franchir la frontière. De telles assurances avaient été données juste avant l’invasion de la péninsule. Vladimir Poutine avait expliqué, lors de sa conférence de presse du 4 mars à Sotchi, qu’il n’était « pas question d’annexer la Crimée». Un coup d’œil sur une carte suffit pour comprendreque la Crimée, presqu’île reliée par un isthme étroitàl’Ukraine,n’a aucuncontact terrestre avec sa « nouvelle mère patrie». Le pont que les Russes projettent de construire ne sera pas opérationnel avant trois ans. Pour consolider leurs positions, les Russes pourraient être tentés de s’emparer des régions de Donetsk et d’Odessa. Cette dernière est toute proche de l’enclave de Transnistrie, en Moldavie. Prendre les ports d’Odessa et de Nikolaevsk est d’autant plus tentant qu’ils sont l’épicentre du commerce des armes ukrainiennes et surtout russes. C’est de là que partent les navires chargés d’équipements militaires vers la Syrie, l’Afrique, l’Asie. p Marie Jégo Barack Obama, lors de l’annonce des sanctions contre les Russes, le 20 mars, à la Maison Blanche. M. NGAN/AFP L’Ukrainesigneunaccordpolitiqueavecl’UE Bruxelles Envoyés spéciaux Une sanction politique contre Vladimir Poutine mais pas, à ce stade, de sanctions économiques contre la Russie. C’est le message lancé par les dirigeants européens réunis à Bruxelles jeudi 20 et vendredi 21mars. Vendredi matin, chefs d’Etat et de gouvernement ont signé le volet politique d’un accord d’association avec Kiev en présence du premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk. Une manière d’arrimer ce pays au camp occidental en reconnaissant son gouvernement transitoire comme le représentant légitime du pays, alors que Moscou vient d’annexer la Crimée. L’Union européenne (UE) a ainsi adressé une réponse politique au coup de force de Moscou, mais évite de lancer des représailles conséquentes contre le régime de Vladimir Poutine. Une inconnue demeure : la nature de la riposte de la Russie à ce qu’elle percevra comme une provocation, tant l’enjeu de l’accord d’association est lourd de symboles. La volte-face du précédent gouvernement ukrainien, qui avait refusé in extremis de signer cet accord, fin novembre 2013, a été l’étincelle qui a conduit à la révolution de Maïdan et à la fuite de l’ancien président Viktor Ianoukovitch, le 22 février. La signature de cet accord a permis aux Vingt-Huit d’afficher un semblant d’unité car, sur le terrain des sanctions économiques, les divergences sont profondes. « Il ne faut pas nous précipiter dans des sanctions économiques» pour ne «pas ajouter les difficultés aux difficultés», a souligné le premier ministre belge, Elio Di Rupo. «Nous nous inquiétons de la poursuite des provocations russes en Ukraine et redoutons qu’elles ne s’étendent à d’autres régions de l’Europe», a au contraire dit le Suédois Fredrik Reinfeldt, pour mieux appeler à des «mesures supplémentaires», y compris des sanctions économiques. Mesures symboliques « En cas d’escalade, nous sommes prêts » à aller vers de telles représailles, a résumé Angela Merkel. Pour l’instant, la Commission a juste été mandatée pour examiner la faisabilité d’une liste de « sanctions économiques ciblées» en cas de nouvelle déstabilisation de l’Ukraine. « On connaît les intérêts hétérogènes des Etats membres et les différentes perceptions qui sont liées à l’Histoire, a reconnu le président du Parlement européen, Martin Schulz. S’ajoutent à cela la dépendance économique considérable de certains Etats, les intérêts financiers d’autres et la situation de ceux qui veulent protéger leurs investissements.» Les dirigeants européens ont donc préféré accoucher de mesures plus symboliques que contraignantes. Ils ont décidé d’élargir les sanctions individuelles à douze personnes. Cette liste, qui devait être dévoilée vendredi, s’ajoute à celle des vingt et un responsables russes et ukrainiens mis à l’index en début de semaine. Elle devrait comporter le nom de Dmitri Rogozine, vice-premier ministre russe, ainsi que des gradés de la flotte de la mer Noire et des responsables économiques, selon une source diplomatique. Il a aussi été convenu d’annuler le sommet UE-Russie prévu en juin, à Sotchi, et toutes les rencontres bilatérales avec Moscou durant cette période. Enfin, l’UE veut déployer en Ukraine une force d’observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Elle serait chargée de faire en sorte que l’élection présidentielle du 25mai «puisse être libre, transparente et sous contrôle international», a précisé François Hollande. Si le blocage de l’OSCE, dont la Russie est membre, persiste, «l’Europe doit alors s’y substituer d’ici quelques jours», a ajouté le président français. La réaction mesurée des Européens peut autant être interprétée comme un avertissement à la Russie que comme un aveu de faiblesse. «Le message d’aujourd’hui est : “ça suffit, ça ne peut plus se répéter sans qu’il y ait des réactions sérieuses”», entend-on à Bruxelles. Une façon de dire qu’il y a une ligne rouge à ne pas franchir par le Kremlin: pas d’intervention dans l’est de l’Ukraine ni d’autres annexions de territoire, alors que le régime pro-russe de Transnistrie réclame sa séparation de la Moldavie et son rattachement à la Fédération de Russie. Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l’OTAN, craignait, mercredi, que Vladimir Poutine aille «au-delà de la Crimée» et intervienne dans les régions orientales de l’Ukraine. p Philippe Ricard, Yves-Michel Riols et Jean-Pierre Stroobants La garde prétorienne du président russe Guennadi Timtchenko Vladimir Iakounine Iouri Kovaltchouk Sergueï Ivanov Guennadi Timtchenko, 61 ans, né à Leninakan, en Arménie, est un proche de Vladimir Poutine qui détient de nombreux actifs dans l’énergie: compagnie gazière Novatek, groupe pétrochimique Sibour, opérateur Transoil. Son ascension a débuté dans les années 2000 avec la société de négoce pétrolier Gunvor, dont il n’est désormais plus actionnaire. Sa fortune est estimée par Forbes à 14 milliards de dollars (10 milliards d’euros). Président du conseil économique de la chambre de commerce franco-russe, il a été fait chevalier de la Légion d’honneur en juillet 2013. p Vladimir Iakounine, 65 ans, né dans l’oblast de Vladimir (Russie centrale), a passé toute son enfance à Piarnou (Estonie), où son père était garde-frontière (KGB). En 1977, il termine l’Académie du renseignement extérieur. Il aurait travaillé vingt-deux ans dans le renseignement. De 1985 à la chute de l’URSS en 1991, il travaille à la représentation soviétique à l’ONU (New York). Familier de Vladimir Poutine, il est nommé en 2005 à la tête des chemins de fer de Russie. Le 1er octobre 2010, il a été fait officier de la Légion d’honneur par le président Nicolas Sarkozy. p Iouri Kovaltchouk, 62 ans, né à Saint-Pétersbourg, a fait fortune dans l’immobilier, les médias et surtout la banque (Rossia) depuis que Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir. En 2008, se positionnant en vue de la présidentielle de 2012, il acquiert plusieurs télévisions et journaux dont le quotidien Izvestia. Lui et son frère Mikhaïl joueront un rôle important dans le démantèlement de l’Académie des sciences de Russie décidé en 2013. «L’Académie est immanquablement vouée à périr, tout comme l’empire romain», confie-t-il au site gazeta.ru le 29août 2013. p Sergueï Ivanov, 61 ans, originaire de Saint-Pétersbourg, général de réserve, a fait toute sa carrière dans le renseignement. Proche de Poutine depuis les années 1980, il a été ministre de la défense (2001 à 2007) puis vice-premier ministre. Depuis décembre2011, il dirige l’administration présidentielle. Fin 2013, dans Komsomolskaïa Pravda, il expliquait ainsi la faible participation aux municipales en Russie: «En temps de paix, dans n’importe quel pays, pas plus de 15% de la population va voter. C’est une pratique standard, et, Dieu merci, nous l’adoptons nous aussi.» p PHOTOS : DR 6 0123 international Samedi 22 mars 2014 La crise ukrainienne Derrière l’euphorie affichée, une autre Crimée a peur de devenir russe Les Criméens attachés à Kiev et la minorité tatare redoutent le passage sous l’autorité de Moscou Plusde40djihadistesont ététuésdanslenordduMali parlesforcesfrançaises Des cadres d’AQMI, dont le successeur d’Abou Zeid, et «Barbe rouge» ont été éliminés P Des marins et officiers ukrainiens quittent la corvette « Khmelnitsky », saisie par les forces prorusses, jeudi 20 mars, à Sébastopol. A. LUBIMOV/AP Simferopol (Crimée) Envoyée spéciale E n Crimée, il y a aussi les autres. Ceux qui ne veulent pas être russes. Ceux qui se résignent à rester, ceux qui pensent à partir. Ceux qui ne croient pas que leur niveau de vie sera plus élevé, la corruption éradiquée,les droitsde l’hommepréservés et la vie plus belle au pays de VladimirPoutine.Ceux quine veulent pas envoyer leurs jeunes faire leur service militaire pour la Russie au Daghestan et en Tchétchénie, alors qu’en Ukraine la conscription vient d’être abolie. Ceux qui n’acceptent pas qu’un référendum qu’ils jugent truqué, organisé sous la menace de troupes russes et de miliciens, leur impose par le fait accompli une nationalité qui n’est pas la leur. Ceux qui, tatars, portent encore dans leur chair le souvenir de la déportation. Ceux qui, qu’ils soient nés russes ou ukrainiens, sont ukrainiens depuis la chute de l’Union soviétique, fiers de leur indépendance et simplement chez eux, ici : à la fois en Crimée et ukrainiens. Non, la population de Crimée n’est pas tout entière euphorique. Le référendum du 16 mars sur le rattachement de l’Ukraine à la Crimée a emporté l’adhésion des foules avec un score digne de l’URSS, mais ils sont nombreux à avoir refusé un vote selon eux illégal. Ce fut le cas de la minorité tatare musulmane, 12 % parmi les deux millions d’habitants de Crimée, qui, sauf exception, l’a boycotté. Ce fut le cas des Criméens attachés à l’Ukraine : 25 % de la population. A Sébastopol comme à Simferopol, la capitale régionale, la fête est continue. Les drapeaux de la Fédération de Russie sont agités par- tout,des hommesen tenue militaire non identifiée, dont on ne sait s’ils font partie de l’armée russe ou de quelque milice, veillent partout à la « sécurité». Les lettres du Parlement criméen d’Ukraine qui ornaient le fronton en trois langues (ukrainien, russe et tatar) ont été remplacées par l’inscription « Parlement de la République de Crimée», en russe uniquement. Les 60 % de russophones-russophiles, effrayés par les événements de Maïdan, à Kiev, et le fantasme d’une invasion de « fascistes ukrainiens », sont certes soulagés et heureux. Mais la fête en Crimée a son envers : ces 40 % d’habitants consternés et désemparés par le rattachement à la Russie. Ils ont peur et ils ne s’expriment pas. Le choix qui leur est offert est basique : rester en Crimée en acceptant d’être russes, ou partir. En regardant à la télévision le président Vladimir Poutine signer le traité d’adhésion de la Crimée à la Russie, mercredi 19 mars, Anya a pleuré. Elle a ri aussi : « Quelle blague ! » Jusqu’à la signature du traité, elle voulait encore croire que le président russe serait empêché par les Etats-Unis et l’Union européenne d’aller jusqu’au bout. Elle est née en Ukraine, se veut ukrainienne et a décidé qu’elle n’aurait pas de passeport russe. Le jour où il sera imposé, elle partira. Ses parents font déjà leurs bagages, et pourtant son père, pasteur, est né russe. Ils savent qu’ils perdront la maison dont ils ont hérité « Ce n’était pas le rêve pour nous en Ukraine, mais avec la Russie, ce sera pire. Bien pire» Moustapha Asaba responsable tatar comme le magasin de vêtements de sa mère, car dans la Crimée qui n’est plus ukrainienne et pas encore russe, le vide juridique bloque le marché immobilier. Ils savent qu’ils partiront en perdant tout, sauf leur nationalité ukrainienne : la seule chose que le « putsch des Russes», comme ils disent, ne leur volera pas. Les Tatars de Crimée, eux, ne Des hommes armés à bord de corvettes ukrainiennes Un groupe d’hommes armés s’est emparé, jeudi 20 mars, de la corvette ukrainiennes Ternopil à l’ancre à Sébastopol, a annoncé le porte-parole du ministère ukrainien de la défense en Crimée, Vladislav Seleznev. « Des grenades assourdissantes ont été utilisées lors de l’attaque et on a entendu des rafales d’armes automatiques », a-t-il dit à l’AFP, ajoutant qu’il ignorait le sort de l’équipage, n’ayant pas de liaison avec lui. Sur Facebook, M. Seleznev avait expliqué que des miliciens prorusses et des soldats russes avaient bloqué l’accès à la zone, tandis qu’un bateau avec des hommes armés s’approchait du Ternopil. Il n’a pas précisé si les forces russes s’étaient également emparées du Slavoutitch, amarré non loin du Ternopil. Selon l’AFP, la corvette Khmelnitsky serait aussi tombée aux mains de forces prorusses. Un peu plus tôt jeudi, le commandant de la flotte russe en mer Noire, Alexandre Vitko, était monté à bord du Slavoutitch dans l’intention de négocier une reddition. s’en iront pas. Le nouveau gouvernement prorusse ne serait pourtant pas contre. Le vice-premier ministre de Crimée, Roustam Temirgaliev, l’a dit dans un entretien à l’agence russe Ria Novosti et l’a répété à la télévision criméenne : « Nous avons demandé aux Tatars de Crimée de libérer une part de leurs terres, qui est requise pour des besoins sociaux. » A vrai dire, c’est une vieille histoire: les Tatarsde retourde déportation, à la fin de l’URSS, se sont emparés de terres que les dirigeants successifs s’acharnent à vouloir récupérer. Mais Moustapha Asaba, le chef du Majlis (organe de représentation des Tatars de Crimée) dans la région de Belogorsk, n’est pas seul à redouter que cette tentation ancienne soit mise en œuvre à la manière forte par Vladimir Poutine. « Ce n’était pas le rêve pour nous en Ukraine, explique M. Asaba, mais avec la Russie, ce sera pire. Bien pire. C’est une dictature, pas une démocratie. Qu’est-ce qu’un référendum organisé sous l’œil de 22 000 soldats russes où les questions ne te laissent aucun choix ? Ces terres sont à nous. On ne laissera pas quiconque nous les prendre. S’ils veulent un conflit avec nous, ils l’auront. Il y aura du sang. » Les premiers à partir en masse seront les militaires ukrainiens des bases de Crimée. Le grand départ a commencé. Bilan provisoire: un mort – cet officier ukrainien tué par un paramilitaire à Simferopol, mardi. Des bases et des navires sont envahis, parfois par des miliciens et des civils, parfois par des militaires. Kiev a autorisé la ripostearmée mais organise le retrait des troupes. A quoi bon un bain de sang pour une bataille déjà perdue? p Marion Van Renterghem lus de quarante djihadistes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et ses affidés ont été tués dans le nord du Mali par les forces françaises, a annoncé, jeudi 20 mars, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian. Selon nos informations, ce bilan, qui s’inscrit dans le cadre de la lutte antiterroriste engagée par la France au Sahel, a été obtenu ces trois dernières semaines. Parmi les djihadistes ciblés lors de ces opérationsfigurentquelques« têtesd’affiche », dont Abdelwaheb Al-Harrachi, désigné comme le successeur d’Abou Zeid, l’un des principaux chefs d’AQMI, après la mort de ce dernier en février2013. Placée sous une bulle de surveillance franco-américaine depuis le déclenchement de l’opération « Serval », début 2013, et ratissée au sol par les forces spéciales et l’armée française, la région continue de voir transiter de nombreux groupes combattants. Il s’agit « de petits groupes », au mode d’action « léger », selon les analyses de la défense, groupes qui « tentent de reconstituer un potentiel militaire ». Les opérations antiterroristes poursuivent deux cibles prioritaires : AQMI et Al-Mourabitoune, né de la fusion en août 2013 des forces de Mokhtar Belmokhtar, figure issue des rangs d’AQMI, et du Mouvement pour l’unicité et la jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Al-Mourabitoune a été particulièrement touché par les dernières opérations. Un de ses porte-parole,Assem Al-Hajar, a été tué. Hassan Ould Al-Khalil, nommé aussi Jelebib, l’homme de confiance de Mokhtar Belmokhtar, avait déjà été tué par « Serval » fin novembre2013. Depuisdébut mars, deuxopérations successives ont de nouveau permis d’éliminer des cadres importants de la nébuleuse djihadiste. Le ministre de la défense a confirmé jeudi la mort d’Omar Ould Hamaha, un Arabe malien surnommé « Barbe rouge ». Né en juillet1963 à Kidal, il était l’un des chefs djihadistes les plus en vue au nord du Mali et l’un des plus recherchés. Selon les services de renseignement,cethommeappartenant à l’ethnie bérabiche serait le beau-pèrede Mokhtar Belmokhtar. Il était lié, depuis peu, à Ansar Al-Charia. Al-Harrachi, le successeur d’Abou Zeid, a quant à lui été tué dans l’opération menée dans la nuit du 5 mars, à l’aide de drones et de frappes de Mirage 2000. Paris ne donne pour l’heure pas d’information sur Abou Said Al-Djazaïri, un spécialiste des transmissions, également proche d’Abou Zeid. Un autre cadre important de la région, Abou Dardah, s’est pour sa part rendu aux forces françaises, avant d’être remis aux autorités maliennes le 15 mars. Sous l’étiquette du Mujao, il a régné sur la commune de Douentza, dans la région de Mopti. Toujours équipé d’une ceinture d’explosifs, il était connu pour ravitailler les groupes de Tombouctou en armes. Un autre pilier malien du Mujao, Aliou Mahamar Touré, avaitdéjà étéarrêté.Ce dernier,ainsi que « Barbe rouge» et Abou Dardah, faisait partie de la liste des six djihadistes recherchés lors de l’opération « Hydre », déclenchée en novembre 2013. La moitié a donc été mise hors d’état de nuire. L’objectif des forces françaises, qui disent travailler en collaboration avec les commandements américains des forces spéciales (Socom) et de l’Afrique (Africom), est clairement de démanteler les katibas, les brigades de combattants, en frappantleur tête. Depuis un an, les bases principales,logistiques ou de commandement, des groupes djihadistes ont été détruites. Mais il n’est pas exclu que des caches anciennes n’aient pas encore été trouvées, y compris dans l’Amettetaï, le cœur du sanctuaire d’AQMI dans le massif des Ifoghas, et de nouveau points de stockage de matériel ou d’armes sont régulièrement visés. Des artificiers d’Al-Qaida, venus du Yémen, voire du Pakistan, ont bénéficié de l’aide des Chabab somaliens Les unités classiques de « Serval » sont donc chargées de déclencherdes opérationspour déstabiliser ces flux logistiques, tandis que les forces spéciales et la DGSE opèrent contre les cadres des groupes. Qualifiés de « furtifs », ces groupes tentent toujours d’acheminer de l’armement lourd vers le nord du Mali. En témoigne la découverte récente d’un système sol-air, même si celui-ci était défectueux. Plus inquiétant : des artificiers d’Al-Qaida, venus du Yémen voire du Pakistan, bénéficient de l’aide des Chabab somaliens avant de parvenir jusqu’aux frontières du Mali et du Niger après avoir traversé l’est du continent. Des signes de préparation d’attentats à la voiture piégée ont été repérés. Surtout, des chefs djihadistes échappent encore à la traque. C’est le cas de Mokhtar Belmokhtar, devenu l’ennemi numéro un depuis la sanglante prise d’otages qu’il a dirigée, en janvier 2013, sur le site gazier du sud algérien de Tigantourine, près d’In Amenas, mais aussi de Djamel Okacha, alias Yahia Abou Al-Hammam, émir d’AQMI au Sahel, ou bien encore d’Abdelkrim Al-Targui. Le Touareg le plus connu d’AQMI, apparenté à Iyad ag Ghali, l’islamiste d’Ansar Eddine, est notamment soupçonné d’avoir tué l’otage français Michel Germaneau en juillet 2010. En parallèle, depuis le 11 mars, les forces algériennes ont éliminé huit djihadistes dans le nord de l’Algérie, où se trouve la direction d’AQMI. L’un des conseillers militaires d’Abdelmalek Droukdal, l’émir d’AQMI, aurait été tué lors de ces opérations sans coordinationavec celles menées par la France au Sahel. p Jean Jaurès Un prophète socialiste Un hors-série du Monde - 7,90 € - En kiosque et sur lemonde.fr/boutique Nathalie Guibert et Isabelle Mandraud a c être accessible. d b comme Anniversaire. 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A la veille de la Journée mondiale de l’eau, plutôt que de dresser le tableau traditionnel des régions pauvres de la planète où les populations n’ont pas accès à l’eau, les Nationsuniesont décidé,cettefoisci, de se concentrer sur l’interdépendance eau-énergie, annonçant des « défis majeurs ». Le « bien-être humain » en dépend tout comme le développement (durable ou pas), expliquent les experts des 31 entités de l’ONU-Eau qui ont travaillé sur le rapport. Certes, l’agriculture reste de loin Soif d’énergie ue on 200 à 2 000 0 à 500 Charb iste e sc h le Gaz d Pétro se l Biodie Et h a n ol 300 à 100 à 5 000 5 000 lassiq 1 000 à 1 million QUANTITÉ D’EAU EN LITRES POUR EXTRAIRE UNE TONNE ÉQUIVALENT PÉTROLE DE COMBUSTIBLE (ESTIMATIONS) Gaz c 2 000 à 9 millions SOURCE : AIE l’activité la plus consommatrice d’eau puisqu’elle capte 70 % de la ressource,àcompareraux10%destinés aux usages domestiques. Mais cette proportion pourrait diminuer à condition, insistent les spécialistes, de réaliser des progrès dans l’irrigation notamment, pour limiterlesgaspillages.En revanche, croissancemondialeoblige–démographiqueetéconomique–,l’indus- Au rythme actuel, il faudrait trouver 55% d’eau en plus d’ici à 2050 pour répondre à l’ensemble des besoins trie est appelée à peser de plus en plus lourd sur les prélèvements hydriques. Or les trois quarts des 20 % d’eau qui lui reviennent servent à produire de l’énergie. Déjà, aux Etats-Unis et dans certains pays d’Europe du Nord, l’eau utilisée pour faire fonctionner les centrales thermiques pèse autant, voire plus (50 %) que celle captée par l’agriculture. Ce pourcentage tombe à 10 %, environ, en Chine. Mais qu’en sera-t-il dans quelques années? On s’attend en effet à voir grimper la demande en électricité de 70 % d’ici à 2035 pour combler majoritairement les besoins des deux géants d’Asie, la Chine et l’Inde. Qu’il s’agisse d’extraire charbon, gaz, pétrole ou d’irriguer maïs et colza destinés à être transformés en agrocarburants, ou encore de refroidir des centrales thermiques et nucléaires qui fournissent 80 % de l’électricité mondiale, l’industrie va devoir composer avec une ressource qui se raréfie. Dans plusieurs régions du globe, des nappes phréatiques ont vu leur niveau baisser ou leurs eaux devenir saumâtres. Déjà, un aquifère sur cinq est surexploité aujourd’hui et ne renouvelle plus ses réserves. D’ici à 2050, alerte l’ONU, 2,3 milliards de personnes vivront dans des zones soumises à un stress hydrique sévère, surtout en Afrique du Nord et en Asie. Le secteur de l’énergie ne sera pas épargné.En août 2012, la sécheresse qui a sévi dans plus de la moitié des Etats-Unis a opposé fermiers qui essayaient de préserver leurs ressources hydrauliques et industrielsdu gaz de schiste empêchés de réaliser des fracturations hydrauliques pour aller chercher le pétrole. Une pénurie que subissent déjà de nombreuxgrandsbarrages dans le monde. En France,descentralesnucléaires installées le long du Rhône ont dû freiner leur activité au cours d’épisodes caniculaires: la chaleur des eaux du fleuve rendait plus complexe le refroidissement des réacteurs. Le changement climatique, qui provoque aussi une surexploitation des aquifères, va accentuer les menaces et les coûts financiers. La Californie s’inquiète du montant de la facture énergétique nécessaire au fonctionnementdes dix-sept usines de dessalement qu’elle a prévu de construire, afin de remédier à la pénurie en eau potable. Et ce cercle infernal n’est pas prêt de s’arrêter. La consommation énergétique mondiale a crû de 186 % en quarante ans. Depuis les années 1980, l’homme prélève 1 % de ressource hydrique supplémentaire chaque année. Au rythme qui se dessine actuellement, il faudrait trouver 55 % d’eau en plus d’ici à 2050 pour répondre à l’ensemble des besoins. Des opposants à la technique de la fracturation hydraulique manifestent à New York, le 20 mars. D. EMMERT/AFP Si les modes de production d’énergie, de chauffage, de carburant ne sont pas tous aussi gourmands en eau, ce sont les plus 3,5 milliards d’humains n’ont pas accès à une source sûre 768 millions d’humains n’ont pas accès à une source d’eau améliorée, c’est-à-dire un point d’approvisionnement qui ne soit pas partagé avec des animaux. 3,5 milliards de personnes privées du droit à l’eau : c’est l’autre indicateur retenu par l’ONU pour estimer cette fois la proportion de gens qui ne bénéficient pas d’une eau sûre, propre, accessible et abordable. 1,3 milliard de personnes ne sont pas raccordées à l’électricité. L’Afrique subsaharienne est la seule région où ce nombre risque de croître à l’avenir. Dans le monde, absence d’eau et d’énergie se cumulent souvent. 50 milliards de dollars par an (36 milliards d’euros) seraient nécessaires pour que chacun ait l’électricité. Il faudrait le double pour que chacun ait accès à l’eau. « hydro-intenses » qui devraient continuer à dominer, selon l’Agence internationale de l’énergie. « Nous allons vers davantage, de gaz de schiste et de sables bitumineux,résumeRichardConnor,principalauteurdurapport.Plusd’agrocarburants également. On en fait partout, y compris dans les régions où il est nécessaire d’irriguer! » En dépit des ses grands besoins en eau et de sa capacité à la polluer, le charbon devrait conserver sa premièreplace dans la régionAsiePacifique. Les experts notent que 15 à 18 milliards de m3 d’eau douce sont contaminés chaque année par la production de combustibles fossiles. « Le risque de conflit entre les centrales énergétiques, les Dans les campagnes indiennes, les effets pervers d’une électricité gratuite New Delhi Correspondance L’électricité gratuite ou à tarif réduit dont bénéficient de nombreux agriculteurs indiens pour irriguer leurs cultures, à l’aide de pompes motorisées, accélère l’épuisement des nappes phréatiques. Au rythme actuel, la Banque mondiale prévoit que 60 % de ces nappes seront dans une situation « critique» d’ici vingt ans. L’agriculture consomme à elle seule 85 % de l’eau extraite du sous-sol et le cinquième de l’électricité générée dans le pays. Dans les années 1970, l’irrigation souterraine a permis à l’Inde d’accomplir sa révolution verte et d’atteindre l’autosuffisance alimentaire grâce au bond des gains de productivité. Dans les décen- nies qui suivirent, les gouvernements de nombreux Etats indiens subventionnèrent le prix de l’électricité au nom du développement, et pour des raisons électorales. Sur presque tout le territoire, les agriculteurs équipés d’une pompe motorisée peuvent exploiter une eau disponible à tout moment, sans limite et gratuitement. Les conséquences peuvent être dramatiques. «Les politiques de subvention des prix de l’électricité encouragent une consommation excessive d’eau, provoquant une dégradation des sols et un déséquilibre dans les éléments nutritifs de la terre, lesquels affectent la productivité et les revenus agricoles», peuton lire dans un rapport publié en février2014 par l’Institut international du développement durable. Le recours à l’irrigation souter- raine a aussi creusé les inégalités. Seuls les plus riches peuvent financer l’achat de pompes et le creusement de puits profonds. Les autres doivent leur acheter l’eau, abandonnant parfois les systèmes d’irrigation traditionnels de surface, comme les canaux. Dans un rapport de 2007, le Commissariat au plan indien a reconnu que « les subventions de l’énergie ont aidé les paysans aisés et n’ont pas bénéficié aux pauvres ». Des économistes proposent de faire payer la consommation d’électricité aux agriculteurs pour sauver les nappes phréatiques. Mais cette mesure les fragiliserait alors que le secteur est déjà en crise. Entre 15000 et 20000 paysans se suicident chaque année. Au milieu des années 2000, l’Etat du Bengale-Occidental a entrepris de leur facturer la consommation d’eau en installant des compteurs chez eux. Quant au Gujarat, il a rationné la distribution d’électricité. Dans chaque cas, les paysans les plus marginaux ont dû payer une eau plus chère, car plus rare. Irrigation de surface Des chercheurs avancent d’autres solutions, comme l’irrigation de surface, en améliorant par exemple la récolte d’eau de pluie pendant la mousson, ainsi que son stockage. D’autres techniques d’irrigation peuvent aussi être généralisées, comme celle du goutte-à-goutte, qui permet d’économiser jusqu’à 70 % de la consommation d’eau pour un rendement identique. Le meilleur moyen de stopper la surexploitation des nappes phréatiques consiste à cultiver des récoltes adaptées aux sols et aux conditions climatiques locales. En 2013, le gouvernement indien a ainsi encouragé les agriculteurs à cultiver du maïs à la place du riz pour soulager les aquifères du nord du pays. Le gouvernement peut aussi favoriser les cultures faiblement consommatrices en eau en augmentant leur prix minimum de soutien. Quelle que soit la solution retenue, l’« Etat doit jouer un rôle plus important», insistent les chercheurs Olivier Charnoz et Ashwini Swain, auteurs d’un rapport de l’Agence française de développement publié en 2012 sur le sujet, en adoptant une approche plus globale et en aidant les agriculteurs à optimiser leur consommation d’eau. p Le vrai pouvoir du cinéma est dans Julien Bouissou France Culture Papiers n°9 disponible en kiosque et en librairie Histoire • Philosophie • Société • Culture autres utilisateurs de ressources en eauet les défenseursde l’environnement est croissant », estiment-ils. Les regards des experts se tournent alors vers les énergies renouvelables. Hormis les 16 % apportés par l’hydroélectricité,leur partreste des plus modestes. Certes, le solaire, l’éolien et la géothermie ont beau être « sans conteste » les plus économes en eau et « les plus durables », leur production intermittente d’électricité reste un obstacle à leur développement. Si ces technologies progressent – le secteur photovoltaïque a augmenté de 42 % depuis 2000, le solaire de 27 % –, la tendance n’est pas prête de s’inverser, tant que la question du stockage de l’électricité n’est pas réglée. Et que les combustibles fossibles restent fortement subventionnés au niveau mondial (380 milliards d’euros en 2012). In fine, l’ONU souligne à quel point l’eau, considérée comme un don de la nature, est galvaudée. Son prix d’abord, ne reflète pas sa valeur. Quant à sa gestion, deux logiquess’opposent: celledes gouvernements qui l’abordent essentiellement en termes de santé publique et de bien-être. Et celle des industriels de l’énergie pressés derépondreà la demandemondiale d’électricité. « L’interdépendancedes ressources en eau et en énergie appelle de la part de tous les acteurs une coopération beaucoup plus étroite, car il est clair qu’il n’y aura pas de développement durable tant qu’il n’y aura pas de meilleur accès à l’eau et à l’énergie pour tous », affirme la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova. p Martine Valo 10 france 0123 Samedi 22 mars 2014 Affaires: pourquoi Sarkozy déclare la guerre L’ancien président a décidé de contre-attaquer en mettant en cause le pouvoir socialiste, les juges et les médias Q uand Nicolas Sarkozy reprendrala parole,ce serapour parler aux Français. Sa première intervention ne devra pas être consacrée aux affaires », répétait son entourage depuis sa mise en examen dans l’affaire Bettencourt, en mars 2013. Un an après, l’ex-président a finalement craqué. Nicolas Sarkozy a décidé de sortir de sa réserve, dans une tribune au Figaro du 21 mars, pour tenter de s’extirper de la séquence négative dans laquelle il est plongé depuis trois semaines. En cause: l’affaire Buisson et celle des écoutes pour laquelle une information judiciaire pour trafic d’influence et violation du secret de l’instruction a été ouverte. La pression était devenue trop forte. « Il a jugé que les bornes étaient dépassées lorsque des premiers extraits des écoutes judiciaires ont été diffusés » par Mediapart, le 18 mars, explique l’un de ses conseillers. Plus question de poursuivre la stratégie du mépris par le silence, prônée par ses proches. «Comme on part pour un feuilleton de plusieurs mois, il ne pouvait pas ne pas réagir», justifie l’un d’eux. L’ex-président a donc répliqué pour préserver toutes ses chances de représenter son camp à la présidentielle. « J’ai longuement hésité avant de prendre la parole » mais, « je crois qu’il est aujourd’hui de mon devoir de rompre ce silence », écrit-il dans sa longue tribune intitulée « Ce que je veux dire aux Français», publiée dans Le Figaro. Le ton est grave. Dans ce texte qu’il a écrit lui-même, l’ex- chef de l’Etat expliqueavoir étécontraintde réagir publiquement car « des principes sacrés de notre République sont foulés aux pieds». Tout au long de son réquisitoire, Nicolas Sarkozy s’en prend aux juges, aux médias et au pouvoir socialiste. Le style est direct, sans concession. Du traitement de l’affaire de Karachi, à celle du présumé financement libyen de sa campagne de 2007, en passant par le rejet de ses comptes de 2012, l’ex- DU 15 MARS AU 23 AVRIL DES OFFRES EXCEPTIONNELLES SUR 600 M2 ! président fustige les méthodes de la justice, accusée de pratiquer un « ciblage de [s] a personne ». Il reproche à l’institution, comme aux médias, d’avoir« complaisamment répandue» de la « boue » sur lui. Il charge la presse, qui aurait publié « des milliers d’articles à charge» contre lui. « Sarko se berlusconise», ironise un ex-ministre UMP. Mais c’est surtout sa mise sur écoute qu’il ne digère pas. Dans cette tribune au vitriol, il n’hésite pas à comparer les prétendues méthodes employées contre lui à celles de « la Stasi », police politique de l’exRDA. L’ex-président laisse entendre que le pouvoir socialiste serait à la manœuvre pour lui nuire, en s’indignant que les écoutes de ses conversations avec des responsables politiques ou avec son avocat Une popularité qui chute, des militants écœurés… L’heure lui a paru trop grave pour ne pas remonter sur le ring fassent « l’objet de retranscriptions écrites dont on imagine aisément qui en sont les destinataires ! » Et d’insister: « Je refuse que la vie politique française ne fasse place qu’aux coups tordus et aux manipulations grossières. » M. Sarkozy reprend à son compte la théorie du complot propagée par ses soutiens,en accusant – sans le nommer – François Hollande de tout faire pour empêcher son retour en 2017. Il lance même un avertissement: « A tous ceux qui auraient à redouter mon retour, qu’ils soient assurés que la meilleurefaçon del’éviter seraitque je puisse vivre ma vie simplement, tranquillement… au fond comme un citoyen “normal”», écrit-il. Il assure n’éprouver « nul désir de s’impliquer aujourd’hui dans la LIT 140 X 190 1329€ DOVEA PARIS 15e 1095€ dont 4,50€ d’éco-participation Séjour, salle à manger, bureau, bibliothèque, chambre adulte et junior, dressing... Alexandre Lemarié Dovea : L156 x H105 x P 209 - Demoiselle : finition chêne gris patiné uni taupe, L109 x H111 x P199 - Prix hors literie et hors livraison LIT 90 X 190 DEMOISELLE 439€ dont 2,50€ d’éco-participation CANAPÉS, LITERIE, M 3 000 OBILIER : ! NVIES M2 D’E www.topper.fr 7J/7 • M° BOUCICAUT • P. GRATUIT Canapés : 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40 Literie : 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10 Mobilier : 145 rue Saint-Charles, 01 45 75 06 61 Meubles Gautier : 147 rue Saint-Charles, 01 45 75 02 81 Nicolas Sarkozy, lors d’une conférence à Berlin, le 28 février. CLEMENS BILAN/AFP «Jenepeuxaccepterd’êtreendessousdeslois» Verbatim Extraits de la tribune de Nicolas Sarkozy au «Figaro» du 21mars Y Il est aujourd’hui de mon devoir de rompre ce silence. Si je le fais, c’est parce que des principes sacrés de notre République sont foulés aux pieds avec une violence inédite (…). Qui aurait pu imaginer que, dans la France de 2014, le droit au respect de la vie privée serait bafoué par des écoutes téléphoniques? Le droit au secret des conversations entre un avocat et son client volontairement ignoré ? La proportionnalité de la réponse pénale, au regard de la qualité des faits supposés, violée ? La présomption d’innocence désacralisée? La calomnie érigée en méthode de gouvernement? La justice de la République instrumentalisée par des fuites opportunément manipulées ? (…) Voici que j’apprends par la presse que tous mes téléphones sont écoutés depuis maintenant huit mois. Les policiers n’ignorent donc rien de mes conversations intimes avec ma femme, mes enfants, mes proches. Les juges entendent les discussions que j’ai avec les responsables politiques français et étrangers. Les conversations avec mon avocat ont été enregistrées sans la moindre gêne. L’ensemble fait l’objet de retranscriptions écrites dont on imagine aisément qui sont les destinataires! (…) Aujourd’hui encore, toute personne qui me téléphone doit savoir qu’elle sera écoutée. Vous lisez bien. Ce n’est pas un extrait du merveilleux film La Vie des autres sur l’Allemagne de l’Est et les activités de la Stasi [la police politique qui officiait en RDA jusqu’à la chute du mur de Berlin]. Il ne s’agit pas des agissements de tel dictateur dans le monde à l’en- droit de ses opposants. Il s’agit de la France. (…) Je sais, la ministre de la justice n’était pas au courant, malgré tous les rapports qu’elle a demandés et reçus. Le ministre de l’Intérieur n’était pas au courant, malgré les dizaines de policiers affectés à ma seule situation. De qui se moque-t-on? On pourrait en rire s’il ne s’agissait de principes républicains si fondamentaux. Décidément, la France des droits de l’homme a bien changé. (…) Envers et contre tout, je garde confiance dans l’institution judiciaire, dans l’impartialité de l’immense majorité des juges, dans la capacité de la justice à ne pas se laisser instrumentaliser. (…) Je veux affirmer que je n’ai jamais demandé à être au-dessus des lois, mais que je ne peux accepter d’être en dessous de celles-ci.» p Des moyens d’investigation renforcés par l’ex-chef de l’Etat La signature d’un grand fabricant français Fabrication française 499€ vie politique de notre pays » mais donne toutefois l’impression de vouloir installer l’idée d’un match retour inévitable avec M. Hollande, dans l’espoir d’étouffer la concurrence à droite. Les mots choisis sont volontairement violents et marquent un retour à la stratégie du clivage et du rapport de force. Loin du profil rassembleuret apaiséque l’ex-président s’efforçait d’incarner ces derniers mois, M. Sarkozy veut frapper les esprits pour s’insurger contrecequ’ilestimeêtreun acharnement. Avec son « appel à la conscience », M. Sarkozy prend une nouvelle fois les Français à témoin, espérant susciter un réflexe de solidarité à son égard. « A ceux qui me sont attachés, je veux dire que je n’ai jamais trahi leur confiance », jure-t-il, afin de souder l’électorat UMP autour de lui au moment où il traverse une zone de fortes turbulences. Sa cote de popularité chute dans les sondages, des militants se disent écœurés par les affaires, ses rivaux à l’UMP – trop heureux de le voir en difficulté – ne se pressent pas pour le défendre… L’heure lui a paru trop grave pour ne pas remontersur le ring pour se défendre.Au risquede laissertransparaître la fébrilité et le sentiment d’inquiétude qui l’a envahi ces dernières semaines, avec l’accumulation de mauvaises nouvelles. « C’est dur. Beaucoup de choses sortent», souffle un proche. Lechoixdutiming n’estpas anodin : Nicolas Sarkozy a choisi de jouer son va-tout à deux jours du premier tour des municipales. Autrement dit, juste avant la probable réélection triomphale d’Alain Juppé – son concurrent le plus menaçant – à Bordeaux dès le premier tour. M. Sarkozy ne souhaitait pas continuer à encaisser sans rien dire, au moment où le chiraquienprogressedans l’électorat de droite et affiche un profil plus rassembleur. «A partir de dimanche,ça va être le début de la séquence Juppé. Il va y en avoir que pour lui dans les médias, redoute un fidèle de l’exprésident.Danscecontexte,Nicolas Sarkozy ne pouvait pas continuer à prendre des coups tous les jours et assister ébahi à la montée en puissance de Juppé sans réagir.» p Analyse La comparaison, dans la tribune de Nicolas Sarkozy publiée vendredi 21 mars par Le Figaro, du système judiciaire français avec « les activités de la Stasi » en Allemagne de l’Est, pour outrée qu’elle soit, doit quelque chose à l’action de l’ex-président de la République qui a fait son possible pour élargir les pouvoirs de la police et du parquet, statutairement lié à l’exécutif. C’est Nicolas Sarkozy qui a fait adopter la rétention de sûreté en 2008: elle interdit à certains détenus d’être libérés lorsqu’il a terminé sa peine. Ministre de l’intérieur, il a autorisé en 2006 les policiers a saisir, sans le contrôle d’un juge, les données de connexion des opérateurs téléphoniques. La loi Perben2, largement écrite Place Beauvau, a permis aux policiers de placer des micros ou des caméras dans les voitures ou chez les gens à leur insu, et la garde à vue a été étendue à 96 heures. En 2008, le fichier Edvige autorisait les services de renseignements à collecter des informations sur tous les militants politiques, asso- ciatifs ou syndicaux, et sur toute personne ou groupe simplement «susceptible de porter atteinte à l’ordre public». Surtout, l’ancien chef de l’Etat a donné à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, les services secrets), à partir de 2008, des moyens colossaux d’écoute et de surveillance d’Internet, sans autre contrôle que celui du coordonateur du renseignement, un proche du chef de l’Etat. Des écoutes légales M. Sarkozy s’indigne de la violation du secret de l’instruction, mais c’est bien un communiqué de l’Elysée qui indiquait en 2011 que « s’agissant de l’affaire dite de Karachi, le nom du chef de l’Etat n’apparaît dans aucun des éléments du dossier », reconnaissant ainsi que le président avait eu accès au contenu de l’instruction. Dans la République, ajoute sans plaisanter l’ancien président, « on n’écoute pas les journalistes, pas davantage que les avocats dans l’exercice de leurs fonctions ». Bernard Squarcini, l’ancien directeur central du renseignement inté- rieur, a été jugé le 18 février pour avoir demandé les fadettes d’un journaliste du Monde, dont 490 conversations ont été par ailleurs écoutées sur ordre d’un juge en mars2009. Les écoutes de Nicolas Sarkozy sont, sur un plan juridique, parfaitement légales : si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans – le trafic d’influence est sanctionné d’une peine maximale de cinq ans, le juge d’instruction peut, « lorsque les nécessités de l’information l’exigent» ordonner des interceptions, sans recours possible. Le juge peut aussi écouter un avocat – à condition de prévenir son bâtonnier (une loi du 10mars 2004, Nicolas Sarkozy était alors ministre de l’intérieur), mais la retranscription de la conversation d’un avocat avec son client n’est possible que si elle est « de nature à faire présumer la participation de l’avocatà une infraction». Personne ne connaît précisément les éléments qu’ont les deux juges d’instruction, saisis par le parquet national financier d’un possible trafic d’influence qui vise notamment Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog et Gilbert Azibert, un premier avocat général à la Cour de cassation. Que Gilbert Azibert ait ou non exercé une influence sur ses collègues de la chambre criminelle lors de l’affaire des agendas ou qu’il l’ait seulement laissé croire, importe peu. Que le gouvernement monégasque « ait solennellement déclaré qu’il n’y avait jamais eu la moindre intervention», comme le souligne Nicolas Sarkzoy, n’y change rien. Le fait « de solliciter ou d’agréer» « des offres, des promesses» pour abuser de «son influence réelle ou supposée» suffit à établir le trafic d’influence. Or, les conversations surprises par les policiers, Me Herzog dit le 5 février qu’il vient d’avoir « Gilbert», qui aurait rendez-vous le jour même «avec un des conseillers» en charge de l’affaire des agendas « pour bien lui expliquer», et qu’il souhaitait obtenir un poste à Monaco. Nicolas Sarkozy se dit prêt à l’aider, mais son avocat avait déjà rassuré le magistrat: « Tu rigoles, avec ce que tu fais…» p Franck Johannès 0123 france Samedi 22 mars 2014 11 Hollande et Ayrault ripostent sur le terrain de la morale Echaudés par leurs récents cafouillages dans l’affaire des écoutes, les dirigeants de l’exécutif ont cette fois organisé la contre-offensive à M.Sarkozy O n ne les y reprendra pas à deux fois. Douchés par l’expérience de la semaine passée, qui avait vu les amis de Nicolas Sarkozy parvenir pour quelques jours à détourner l’attention du fond du dossier judiciaire pour faire peser le soupçon sur un gouvernement suspecté d’« espionnage d’Etat», les dirigeants de l’exécutif ont pris garde, cette fois, à ne pas tomber dans le piège politique. A peine le contenu de la tribune dans Le Figaro de l’ancien chef de l’Etat était-il connu, jeudi 20 mars en fin de journée, que la riposte s’organisait sur le fond et la forme, afin d’éviterles désastreuxcafouillages de la semaine dernière. Certes, les socialistes s’attendaient à une nouvelle contreoffensive de la part de M. Sarkozy. Mais ils ont bel et bien été cueillis à froid par les premiers extraits de la missive en forme de missile envoyé par l’ancien président. Depuis Bruxelles, où il participait au Conseileuropéen,FrançoisHollande, pas franchement ravi d’avoir à se livrer à l’exercice, s’est ainsi vu contraint de commenter lacharge deson prédécesseurcomparant les écoutes judiciaires aux méthodes de la Stasi, la police politique de l’ex-RDA. « Notre pays est un pays démocratique, un pays qui est fier d’être reconnu comme celui des droits de l’Hommeoùla justice,en toutcas j’y veille depuis que je suis président de la République, peut agir en toute indépendance», a répliqué M. Hollande, soucieux de couper court à l’argumentation de son ancien rival de 2012. « Laisser penser que notre pays, notre République puisse ne pas être fondée sur les libertés, c’est introduire un doute qui n’a pas sa place, et toute comparaison avec des dictatures est forcément insupportable », a-t-il martelé, soulignant qu’il n’y avait « plus d’interventionsdanslesaffairesindividuelles». Façon de renvoyer M. Sarkozy aux turpitudes supposées de son propre exercice du pouvoir. De fait, la réplique gouvernementale a été, sur le fond, rapidement planifiée. Il s’est agi de s’attaquer au cœur de l’argumentaire «Le Figaro» et ces affaires qui éclaboussentl’UMP L’ancien chef de l’Etat a choisi le journal de droite pour publier sa réplique I l la propose, on la prend… » Le directeur du Figaro, Alexis Brézet, résume la publication par son journal de la tribune de Nicolas Sarkozy. Quand on est un média de droite, couvrir son camp n’est pas toujours aisé. Peut-être encore davantagequand onapprend,dans un passage des enregistrements réalisés par un conseiller de l’exprésident, que l’ancien directeur dujournalétaitcontactépoursefaire suggérer des angles. Patrick Buisson avait ainsi joint Etienne Mougeotte, le 27 février 2011, jour de remaniement ministériel, en plein « printemps arabe ». Le but : lui suggérer « de faire passerdansle titre l’idée de lanécessité de s’adapter aux circonstances nouvelles ». Le lendemain, en « une » du quotidien, on lisait : « Un gouvernement fortement remanié : la stratégie de Sarkozy face aux défis du monde arabe ». « Que des conseillers appellent unjournalpourtransmettredeséléments d’un discours, ce n’est pas trèsnouveau»,relativiseAlexisBrézet, qui a succédé à Etienne Mougeotte à la tête du Figaro en juillet 2012. « A l’époque de Mougeotte, il y avait eu des protestations publiques dénonçant la proximité du journal avec Sarkozy », raconte un journaliste. Le 9 février 2012, la Société des rédacteurs du Figaro était allée jusqu’à adopter à l’unanimité une motion affirmant que leur « journal d’opinion n’est pas le bulletin d’un parti, d’un gouvernement ou d’un président de la République». Rien de tel de nos jours. « Les affaires de la droite, on les traite. Je ne vois pas de problème particulier », assure Stéphane DurandSouffland, responsable de la Société des rédacteurs. Le scandale des enregistrements Buisson a occupé deux pages jeudi 6 mars. L’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy a fait l’objet de plusieurs manchettes. « On a insisté sur l’indignation suscitée chez les avocats par l’affaire, mais c’est un vrai angle », commente M. Durand-Souffland. Dans l’affaire des surfacturations supposées de prestations à l’UMP, Le Figaro a même dénoncé « l’erreur tactique » faite par Jean-François Copé avec sa riposte médiatique. Un cas reste à part: celui du propriétaire du journal, Serge Dassault, visé par l’enquête sur des achatsdevoteprésumésdanssaville de Corbeil-Essonnes. En septembre2013, un journaliste s’est porté volontaire pour écrire sur l’affaire touchant le sénateur UMP, connu pour appeler les directeurs de son journal plusieurs fois par jour. « Depuis l’arrivée d’Alexis Brézet, Le Figaroa uneligne moinspartisane », se félicite un journaliste. Le directeur du quotidien a marqué des points en interne fin 2012, pendant la bataille fratricide entre Jean-François Copé et François Fillon, quand il a brocardé ces « branquignols de la droite » : « Que cesse – et vite – ce pitoyable feuilleton », avait-il intimé en « une ». « Fondamentaux » Le changement d’orientation recèle un paradoxe. « La ligne du journal est moins partisane mais plusidéologique»,décrypteunjournaliste. Des élus UMP ont bien noté une évolution : « C’est devenu un journal ultraconservateur sur les sujets de société et régaliens. » Le nombre de couvertures consacrées aux opposants au mariage homosexuel a suscité une question de la Société des rédacteurs, curieuse de savoir si ce choix était alimenté par une hausse des ventes. La direction a répondu par la négative, tout en soulignant les très bons scores les jours de manifestations. Derrière ces questions sur l’orientation éditoriale, on retrouve l’ombre de M. Buisson. Alexis Brézet le connaît depuis l’époque de Valeurs actuelles, l’hebdomadaire que Patrick Buisson a dirigé et où lui-même a travaillé de 1987 à 2000. M. Brézet nie défendre une ligne unique mais assume une orientation personnelle: « J’ai toujourspenséqu’unedroitequioublierait ses fondamentaux de droite libérerait un espace pour le FN.» PourcertainsauFigaro,ily a surtout un risque de déséquilibre dans la ligne du journal. Et de pointerdes voixcommecelle du chroniqueur Eric Zemmour, mais aussi certaines plumes de Figaro Vox. Ce site de débats, lancé en février, est chapeauté par Vincent Trémolet de Villers, coauteur d’un livre sur la « révolution des valeurs » engendrée par La Manif pour tous (Et la France se réveilla, éditions du Toucan).On trouve parmi les contributeurs Maxime Tandonnet, ancien conseiller immigration de Nicolas Sarkozy, Laurent Obertone, auteur de La France Orange mécanique (Ring), ou Gilles-William Goldnadel, désormais connu comme l’avocat de Patrick Buisson. p Alexandre Piquard sarkozyste, mais aussi à son point faible : sa tentative de se situer sur le terrain de la morale, des « principes sacrés de notre République » et de l’« absence de scrupule » supposée du pouvoir socialiste. D’où une volonté à gauche de ramener le débat sur le dossier judiciaire luimême : « Quand l’écume médiatique retombe, il reste la vague judi- Dès jeudi soir, l’Elysée et Matignon ontsonné le rappel des poids lourds du gouvernement et de la majorité ciaire, politique et morale », indique un proche du chef de l’Etat. Ce qu’à l’Elysée l’on résumait vendredi matin d’une lapidaire formule : «Les faitssont têtus. Et la justice reste indépendante.» Dès jeudi soir, l’Elysée et Matignon ont donc sonné le rappel des poids lourds du gouvernement et dela majorité,calant l’argumentaire sur cette ligne et dépêchant les ténors sur les matinales. Avec un impératif: faire preuve de clarté, contrairementà ce qu’il s’étaitpassé quelques jours plus tôt, quand le président, le premier ministre et les ministres de la justice et de l’intérieur avaient été placés sur le grillpar l’UMP.«La semainedernière, ceux qui pensaient que la droite était morte de ses divisions, en ont été pour leurs frais. On a vu qu’elle était capable de se remobiliser quand l’heure est grave et de chasser en meute », confie un conseiller de l’exécutif qui ajoute: « Pas question cette fois de retomber dans le même piège. » Dans un communiqué, JeanMarc Ayrault a aussitôt qualifié de « grave faute morale » le fait pour l’ancien chef de l’Etat de « mettre en cause l’honneur de la justice et de la police ». Le premier ministre, comme le président, juge « insupportable » la « comparaison entre la Républiquefrançaise et l’Allemagne de l’Est ». « Je n’entends pas accepter cette injure », a réagi de son côté la garde des sceaux, Christiane Taubira. Manuel Valls, lui, a disputé le terrain du droit à celui qui, dix ans plus tôt,l’avait précédéplaceBeauvau. « J’ai le sentiment en lisant ce texte que Nicolas Sarkozy, pris par une formede rage,veut tout détruire pour se protéger », a déclaré le ministre de l’intérieur vendredi matin sur Europe 1, ajoutant éprouver « un grand malaise » face aux « paroles de division » et aux « mots violents et outranciers qui traduisent une absence de sérénité et de mesure». Autre poids lourd du gouvernement, Michel Sapin, a dénoncé « la violence sous [la] plume » et le « coup d’Etat verbal contre les institutions » de M. Sarkozy, digne selon lui de « Berlusconi». Responsables du parti et du groupe socialiste ont également été associés. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, a jugé « pitoyable» la « contreoffensive grossière » de Nicolas Sarkozy. « Cette lettre est un avis de panique », a fustigé le député PS (Essonne) Thierry Mandon, porteparole du groupe. Pour le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, la réaction de l’ancien chef de l’Etat est une « irruption violente dans le débat politique, à 48 heures des élections municipales». La contre-offensive en disqualification politique a donc fusé de toutes parts. Et à grande vitesse. Ce qui dénotede l’importancede l’enjeu. Certes, un proche du président assure ne voir dans la charge de M.Sarkozy qu’« un délire politique, une tentative maladroite et complètement vaine de renverser une situation. Il est obligé de le faire luimême car personne d’autre ne l’aurait fait. Il est isolé dans cette affaire. Son cas n 'est plus défendable. » Mais le niveau de mobilisation dans l’exécutif, la majorité et au PS, tout comme l’intensité de la riposte, montrent que l’adversaire et sa charge, à la veille des municipales, première élection intermédiaire du quinquennat Hollande,y est prise très au sérieux. Bastien Bonnefous et David Revault d’Allonnes 12 0123 france Samedi 22 mars 2014 SOCIAL Les agentsde Bercymanifestent contreles suppressionsde postes Plusieurs milliers de fonctionnaires du ministère de l’économie (6 000 selon les organisateurs, 2 800 d’après la police) ont manifesté, jeudi 20mars à Paris, à l’appel des syndicats CFDT, CGT, FO, Solidaires et UNSA-Douanes. Ils entendaient dénoncer « l’enterrement de la douane» et la dégradation de leurs conditions de travail, liée aux réductions d’effectifs et aux fermetures de services. « Avec 30 000 emplois perdus depuis 2002, et des moyens budgétaires en baisse, ce n’est pas tenable. Nous envisageons clairement des suites à cette action», a déclaré Vincent Drezet, secrétaire général du syndicat Solidaires Finances publiques. Pour les syndicats, cette journée, qui réunissait les agents des douanes, des finances publiques et de la direction générale de la concurrence, « témoigne du contexte dramatique dans lequel se trouvent nos administrations». – (AFP.) p Plusieurs milliers d’intermittents du spectacle défilent pour défendre l’avenir de leur régime Les intermittents du spectacle se sont mobilisés, jeudi 20 mars à Paris et en province, pour maintenir la pression sur le patronat à l’heure d’ultimes négociations sur l’assurance-chômage qui décidera de l’avenir de leur régime. Plusieurs dizaines d’entre eux ont investi l’Opéra-Garnier à Paris.– (AFP.) Faits divers Un homme tué près de Marseille Un homme de 29 ans, connu des services de police, a été abattu, jeudi 20 mars, de plusieurs balles de kalachnikov à Vitrolles, près de Marseille. Il s’agit du cinquième mort par balles depuis le début de l’année dans la région de Marseille. Selon la préfecture, celle-ci a connu 17 règlements de comptes en 2013. – (AFP.) Municipales Exclusion de syndicalistes CGT et CFDT inscrits sur des listes FN La CGT de Côte-d’Or a exclu deux de ses adhérentes inscrites sur des listes du Front national (FN) pour les élections municipales à Dijon et Chenôve, a-t-on appris, jeudi 20mars, auprès du syndicat. Mardi, la CFDT Métallurgie-Somme-Amiens avait pris une décision identique à l’encontre d’un de ses adhérents, présent sur la liste FN pour les municipales à Péronne. – (AFP.) Discrimination Une application Internet contre les contrôles d’identité jugés abusifs Le collectif « Stop le contrôle au faciès » a lancé, jeudi 20 mars, une « Web appli » sur laquelle les personnes pourront déclarer les contrôles d’identité jugés abusifs. L’application permettra, selon ses initiateurs, de « garder une trace » des contrôles, en cas de litiges ultérieurs, et de disposer d’une base de données « systématisées» pour identifier si des lieux ou des agents posent problème. – (AFP.) Le contrôle des écoutes administratives au cœur de manœuvres politiques Le bâtonnier de Paris propose d’élargir le rôle de la commission de contrôle aux écoutes judiciaires E n pleine polémique sur les écoutes de Nicolas Sarkozy, le bâtonnier de Paris a proposé, jeudi 20 mars, que la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui est chargée de vérifier la légalité des écoutes téléphoniques des services de renseignement, étende ses compétences aux écoutes judiciaires. En décembre 2013, cette commission avait, au contraire, été jugée illégitime par nombre d’acteurs du Webpourcontrôlerl’accèsauxdonnées de connexion par les services. Jamais la CNCIS n’a autant été au cœur de l’actualité. Il ne s’agit pas d’un hasard : cette institution originale est à un tournant de son histoire. Conçue à une époque, en 1991, où France Télécom détenait le monopole des communications électroniques et où Internet n’existait pas, elle est aujourd’hui confrontée à l’explosion des modes de communication et de leur potentielle surveillance. Après la révélation par LeMonde d’unesurveillancedu trafic sur le Web par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), en juillet 2013, la mise au jour des liens étroits entre ce service et l’héritier de France Télécom, Orange, pose à nouveau la question du rôle et des moyens de ce gendarme des grandes oreilles. La CNCIS, autorité administrative indépendante, exerce un contrôle a priori sur les demandes d’écoutes transmises par les services de renseignement, par le biais 21-24 MARS 2014 dupremier ministre,puisune vérification lors de leur exécution. Pour les données de connexion, la loi prévoit une procédure unique à partir du 1er janvier 2015, avec l’autorisation préalable d’une personnalité nommée par la CNCIS, quisecharged’effectueruncontrôle sur les opérations en cours. Mais avec quels moyens ? Aujourd’hui,les écoutestéléphoniques elles-mêmes ne constituent plus l’essentiel de l’activité de la Commission.Lenombrededemandes d’interceptions téléphoniques traitées est stable, autour de 6000 et contingenté : pas plus de 1 840 « objectifs» ne peuvent être traités simultanément. L’accès aux données de connexion, lui, est d’une tout autre ampleur : près de 230 000 demandes en 2012, en hausse de 6 % par rapport à 2011. Face à cette explosion, les effectifs permanents de la commission sont… de 5 personnes : un président,undéléguégénéral,unmagistrat judiciaire et deux secrétaires. Chargés du contrôle quotidien, ils assurent une permanence 24 heures sur 24 pour les demandes en urgence absolue (622 en 2012), auxquelles une réponse est donnée en une heure. Les cas particuliers sont examinésparleprésident,unparlementaire de la majorité et un autre de l’opposition. Survie et crédibilité en jeu Sur ces cas, la Commission est aussiexigeantequesouple.Demandederenseignementscomplémentaires,limitationdeladuréed’écoute(quatre moisrenouvelables),voire avis défavorable ou demande d’interruption sont régulièrement utilisés. Mais la CNCIS, qui entretient un dialogue constant avec les services, sait aussi jouer avec les motifs d’autorisation prévus par la loi de 1991: sécurité nationale, sauvegarde du potentiel scientifique et économique, prévention du terrorisme, criminalité et délinquance organisées, reconstitution ou maintien de groupements dissous. Dans son dernier rapport d’activité,leprésidentde laCommission, Hervé Pelletier, réclame « un accroissement des compétences et moyens» de son autorité. La CNCIS y joue sa survie et sa crédibilité, alors que les grandes manœuvres autourd’uneloi-cadresurlesactivités de renseignements ont débuté, entre l’Elysée, Matignon, l’Assemblée nationale et le Sénat. Le rapport parlementaire Urvoas-Verchèredemai2013préconisaitd’utiliserlacommissioncomme base pour créer une commissiondecontrôledesactivitésderenseignement. M. Pelletier est aussi favorable à « un accroissement du champ de compétences de la CNCIS vers d’autres techniques spéciales d’enquête telles que l’infiltration, la sonorisation, la captation d’images ou de données informatiques, dont l’usagen’estpourl’instant,enmatière administrative, pas prévu par les textes». Le débat pourrait être tranché avant la fin de l’année. p Laurent Borredon L’Etat centralise les interceptions judiciaires Claudia Pineiro William Boyd © S. Bassouls Qiu Xiaolong Sorj Chalandon © Laurence Reynaert © J.F. Paga / Grasset Alaa El Aswany © T. Leighton © T. Rajic Pierre Lemaître © M. Melki - Actes Sud © J.F. Pagat - Grasset Karine Tuil Andreï Kourkov © A. Lopes Maylis de Kerangal © P. Matsas-/Opal IPM © C. Hélie Gallimard PLUS D’AUTEURS QUE PARTOUT AILLEURS, VENEZ LES RENCONTRER ! Philippe Jaenada Liste complète sur www.salondulivreparis.com AVEC LE SOUTIEN DE BILLETS EN VENTE : WWW.SALONDULIVREPARIS.COM - WWW.FNAC.COM - WWW.FRANCEBILLET.COM PARIS, PORTE DE VERSAILLES ★Bronx (Paris) - www.bronx.fr PARTENAIRES OFFICIELS L’ENDROIT n’est pas particulièrement émouvant. Un bunker enterré six pieds sous terre dans le vaste campus de Thales à Elancourt, dans les Yvelines, à l’abri théorique d’un crash d’avion, sauf pour les pelouses. Vingt armoires grillagées d’où sortent une poignée de câbles, et qui clignotent tranquillement dans un silence de cabinet d’avocat qui se saurait sur écoute. C’est la toute nouvelle plate-forme nationale d’interceptions judiciaires (PNIJ), qui centralisera, à partir du 1er avril, une partie des écoutes judiciaires, avant de généraliser le système à l’été. Cet équipement est, techniquement, un progrès. Jusqu’ici, les juges d’instruction délivraient une commission rogatoire à un service d’enquêteurs, qui louait à son tour une petite centrale d’écoutes à un partenaire privé, et les policiers travaillaient dans des conditions de discrétion discutables. Les juges n’étaient jamais certains que dans les numéros à écouter ne s’était pas glissés un intrus qui intéressait discrètement une autre enquête. Rien n’était vraiment prévu sur la durée de conservation des données. Le juge aura désormais les moyens, grâce à une carte à puce sécurisée, de suivre sur son ordinateur l’ensemble des écoutes ordonnées et pas seulement les passages signalés par les enquêteurs. C’est un peu formel: les magistrats ne vont pas passer leurs nuits à réécouter les conversations, mais ces écoutes, placées sous scellés, pourront en cas de contestation être utiles à la défense. Il y avait un autre souci: le coût. 450000 réquisitions judiciaires avaient été ordonnées en 2006, 650000 en 2012 (+44 %). Une réquisition comprend plusieurs éléments: les «prestations annexes», comme les fadettes, les facturations téléphoniques détaillées (5500000 en 2012, 22% de plus qu’en 2006), 35 000 interceptions proprement dites (+ 75%) et 12 000 demandes de géolocalisation. Le coût de ces réquisitions représente 36,5millions d’euros en 2012, près de 45 millions pour 2013. Un dispositif contesté D’où l’idée de centraliser – et de sécuriser – les moyens. La délégation du système à Thales, avec son logiciel d’interception Spyder, revient sur quatre ans à 42 millions d’euros, puis 10 à 12 millions par an. Mais le ministère entend faire baisser de 30 % le coût facturé par les opérateurs téléphoniques. « En deux ans, l’investissement est rentabilisé, se félicite Richard Duban, le responsable de la délégation aux interceptions judiciaires de la chancellerie, et nous économisons 130 équivalents temps plein grâce au système. » Le dispositif reste cependant contesté. D’abord parce qu’il délègue au privé une activité régalienne par excellence. Thales a gagné l’appel d’offres en 2010, contre trois concurrents, mais aucun site du ministère de la justice ne convenait pour des raisons techniques. Le ministère de l’intérieur ne tenait pas à l’accueillir et les sites du ministère de la défense nécessitaient des travaux lourds. Toutes les précautions semblent être prises pour que ni Thales ni la chancellerie ne puissent mettre le nez dans ces écoutes. Quand l’enquête est close, les écoutes sont basculées dans un coffre-fort électronique puis effacées de la partie exploitation, et les traces électroniques disparaissent au bout de cinq ans. Un comité de contrôle, présidé par un magistrat honoraire, surveillera le système. La PNIJ ne se veut pas de surcroît une super-centrale d’écoutes, mais « un système d’informations critiques», parfaitement évolutif. La cuirasse est évidemment pleine de défauts : qu’est-ce qui empêchera un juge de donner son code personnel d’accès à son greffier, ou un des 60 000 officiers de police judiciaire d’abuser de son accès? Mais dorénavant, il y laissera une trace et pourra être retrouvé. p Franck Johannès 0123 france Samedi 22 mars 2014 Trois«enfantssauvages» découvertsdans unlogementàLaCourneuve 13 Front républicain: l’UMP dénonce la «vieille ficelle» du premier ministre LeDéfenseurdesdroitsvarechercherd’éventuels M.Ayrault a appelé jeudi les «républicains» à «tout faire» pour éviter l’élection de maires FN dysfonctionnementsdesservicessociaux a fonctionné pour le dernier enfantde ce couple,mais qu’en estil des aînés, dont les troubles font soupçonner une maltraitance ancienne ? Ils seraient pourtant nés en France et à l’hôpital. Or une naissance dans une maternité accroît les chances de repérer les difficultés et de déclencher des alertes auprès de la PMI ou des services sociaux. Mais les critèresvarientselonlesendroits.« Chaque département est maître de sa politique et définit des critères de vulnérabilité: première grossesse, grossesse pathologique, bénéficiaires de RSA, absence de déclaration de grossesse, explique Marie-Agnès Féret, chargée d’études enfance famille à l’Observatoire de l’action sociale décentralisée. Ces critères peuvent déclencher une visite à domicile.MaisenSeine-Saint-Denis, les services font face à une masse considérable de dossiers.» Pendant cinq ans, aucun des occupants des 301 logements de l’immeuble n’avait vu les deux aînés Chaque année, 28 000 naissances sont déclarées dans le département. Selon le conseil général, 8 000 enfants de moins de 18 ans sont suivis par les services de l’aide sociale à l’enfance. La CRIP a enregistré 3 600 signalements en 2013, qui ont abouti à 800 placements en urgence. Des cas tels que celui découvert à La Courneuve sont exceptionnels, même si plusieurs affaires similaires ont été révélées récemment : celle du bébé dissimulé dans un coffre par sa mère pendantdeuxanset découvertenoctobre 2013 en Dordogne, celle des « enfants de la cave », deux garçons qui avaient passé trois ans dans une cave à Pavillons-sousBois (Seine-Saint-Denis), mise au jour en avril 2013 ou celle de quatre adolescents, reclus trois ans à leur domicile de Saint-Nazaire, et qui vient d’être jugée. SielleresterareenFrance,lamaltraitance des enfants est un phénomène non négligeable.Les derniers chiffres disponibles, qui datent d’une dizaine d’années, évaluent à près de 20 000 le nombre d’enfants maltraités signalés chaque année. Dans cette catégorie figurent plusieurs types de maltraitance: coups, maltraitance psychologique, abus sexuels, délaissement. Les maladies psychiatriques, qui empêchent les parents de se rendre compte de l’état de leurs enfants, la dépression, l’usage de drogues, l’isolement social et familial, l’absence de confiance envers l’extérieur… peuvent éclairer de tels comportements. Le passé des parents joue également un rôle. « S’ils n’ont pas connu l’attention pour eux, ils peuventne pas être en mesuredela porter à autrui, affirme le pédopsychiatre Daniel Rousseau, qui travaille dans une pouponnière de l’aide sociale à l’enfance à Angers. On ne parle pas une langue qu’on n’a pas apprise. » « Les carences intrafamiliales sont souvent le fait de parents qui ont des histoires très traumatiques et ont du mal à se représenter ce dont l’enfant a besoin », estime Romain Dugravier, pédopsychiatre à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Dans l’affaire de La Courneuve, les informations sur la famille sont encore trop parcellaires pour pouvoir avancer une explication. p Gaëlle Dupont, Catherine Rollot et Soren Seelow J Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à Matignon, le 16 février. BRUNO LÉVY/DIVERGENCE Si le PS ne dévie pas de sa ligne face au risque FN, Solférino sait qu’à l’occasion des municipales la consigne nationale du front républicain peut mal passer auprès de ses troupes, notamment dans le sud-est. Dans ces territoires, les militants socialistes pourraient refuser de se désister en faveur de l’UMP en cas de triangulaires avec le FN, alors qu’ils renvoient dos à dos les candidats de la droite et de l’extrême droite. En s’adressant aux « républicains », le premier ministre tente de déplacer le débat dans le camp Fréjus pourrait tomber dans le giron du FN Fréjus (Var) Envoyé spécial Le Front national en est persuadé: Fréjus (Var) va basculer dans son escarcelle. Cette ville de plus de 50000 habitants serait une belle prise pour le parti d’extrême droite. Son candidat, David Rachline, est donné favori par tous les sondages. Dans l’ancien fief de François Léotard, qui vote massivement et historiquement à droite, la gauche n’a que peu d’espoirs de peser. Et le FN pourrait bénéficier des divisions de la droite, qui part avec trois listes : celle du maire sortant Elie Brun – condamné en janvier à cinq ans d’interdiction de droits civiques pour prise illégale d’intérêt, il a fait appel pour pouvoir se présenter –, une liste UMP-UDI conduite par un ancien adjoint, Philippe Mougin et une dernière (divers droite) par Philippe Michel. Implanté dans la ville depuis 2008, David Rachline, lui, est conseiller municipal sortant. Lors des cantonales de 2011, il avait fait le meilleur score de son parti sur l’ensemble du territoire, 39,37 %. « Il faut tout changer ici » C’est pour cela que Fréjus a été une étape dans le tour de France de Marine Le Pen. Mardi 18mars, l’ancienne prétendante à l’Elysée est venue soutenir son candidat en tenant un meeting dans un gymnase de la ville. Plus de mille personnes se sont serrées pour écouter la présidente du FN. Le lendemain, sur le marché, tout le monde ne parlait que de ça. A 26 ans, David Rachline est déjà un vieux briscard de la politique. Il s’est engagé très jeune à l’extrême droite, d’abord chez les « nationalistes révolutionnaires», puis au FN où il a été proche d’Alain Soral. Aujourd’hui, il jure qu’il n’est loyal qu’aux Le Pen. Ce bon vivant a axé sa campagne sur les finances de la ville et ce qu’il appelle le « copinage» des élus sortants. « Fréjus est en situation de faillite, elle est paralysée financièrement. Il faut un grand plan d’assainissement des finances pour lancer des projets», argumente-t-il. M.Rachline se veut rassurant et joue de sa bonhomie. «Nous ne toucherons pas aux centres sociaux, au contraire, nous les renforcerons», dit-il à deux travailleuses sociales inquiètes. Il assure qu’il ne touchera pas au financement des associations alors que le FN a fait de la chasse à ces subventions un thème national. L’insécurité n’est pas non plus mise en avant dans ses tracts. «Nous ne sommes pas à Marseille, explique-t-il.Mais on a une ville préservée et l’enjeu est de garder cette qualité de vie, pas de régresser.» M.Rachline s’adapte. Lui qui a été formé par un courant de l’extrême droite qui ne fait pas de l’islam l’ennemi principal – voire en fait un potentiel allié – n’en réclame pas moins un référendum sur la construction de la mosquée. Beaucoup de Fréjusiens le voient déjà à la mairie. Comme dans nombre de villes où le FN pourrait gagner, ils réclament « un changement ». « Il faut tout changer ici. Fréjus est devenue une ville morte », se lamente ainsi une commerçante de 71 ans. Un autre passant de 58 ans, Jean-Claude, abonde : « Rachline peut gagner. On en a ras le bol des affaires. La ville est mal administrée, ils fonctionnent entre copains. » Mais tous les Fréjusiens ne sont pas séduits. Ainsi Barbara, 41 ans et commerçante. Cette électrice de gauche ne se gêne pas pour rabrouer David Rachline lorsque celui-ci lui tend un tract. «J’espère qu’il ne passera pas. Il est jeune et il est du FN. Ce serait très mauvais pour notre image», assure-t-elle. p Abel Mestre de l’UMP. Dans son « appel », M.Ayrault a mis la pression sur les responsablesde l’opposition,en les défiantd’adopterà leur tourlastratégie du front républicain.« On verra dès dimanche soir ce que l’UMP sera capable de faire. Est-ce qu’elle adhérera à l’appel que je lance ?», a demandé le premier ministre. « Hors de question » En réponse, l’UMP l’a d’ores et déjà rejeté. « Jean-Marc Ayrault, en faisant cela, adresse un message très clair : il nous explique qu’il souhaite que le Front national fasse le score le plus élevé possible pour pouvoir, grâce à cela, s’exonérer de toute responsabilité et nous ressortir la vieille ficelle de la République en danger », a rétorqué le président du parti, Jean-François Copé, au Talk Orange-Le Figaro, ajoutant que pour l’UMP, il est « hors de question » d’appeler à voter pour le PS ou le FN au second tour. Le parti gaulliste campe toujours sur le « ni-ni », position défi- nie par Nicolas Sarkozy puis reprise par M. Copé, qui consiste à ne prendre parti ni pour le FN ni pour le front républicain dans les cas où un candidat de gauche se retrouve seul face à un candidat lepéniste. François Fillon est revenu à cette ligne, après avoir conseillé en septembre 2013 de voter pour « le moins sectaire » des candidats. MêmeAlain Juppé, longtempspartisandu frontrépublicain, s’est rallié au « ni-ni ». A l’UMP, seuls quelques modérés contestent et restent adeptes du front républicain, comme Dominique Bussereau. La question de l’attitude à adopter face au FN demeure un cassetête pour l’UMP, où l’on craint que des candidats nouent des alliances locales avec l’extrême droite, malgré les menaces de sanction de la direction,notammentdans le SudEst. Un bureau politique de l’UMP est prévu lundi 24 mars, à 15 heures, pour trancher ce dilemme. p Bastien Bonnefous et Alexandre Lemarié Ciné-Tamaris présente Cléo de 5à7 un film de Agnès Varda avec Corinne Marchand Antoine Bourseiller Musique de Michel Legrand VERSION RESTAURÉE ACTUELLEMENT AU CINÉMA photographie © agnès varda Graphiste : Aurélien Bony 2014 C omment quatre enfants déclarés à l’état civil ont-ils pu passer à travers les mailles du filet de toutes les institutions pendant plusieurs années ? C’est la principale question qui se pose depuis que RTL a révélé, jeudi 20 mars, le cas d’une fratrie qui vivait recluse, dans une barre HLM de la cité des 4 000, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Il a fallu la naissance du quatrième enfant d’un couple d’origine indienne pour que la police découvrecequi secachaitdepuis2008 au 7e étage de la tour du Mail de Fontenay. Trois enfants, des garçons de 2, 5 et 6 ans, privés de soins, d’école et de tout suivi médical depuis leur naissance, partageaient dans le dénuement le plus complet une pièce d’un appartement de 85 m2. Selon une source judiciaire, aucun signede la présenced’enfanten bas âge dans l’appartement, à l’exception d’un lit pliant de bébé. Aucun jouet. La baignoire ne semble pas avoir servi depuis des mois. Pendant plus de cinq ans, aucun des occupants des 301 logements de l’immeuble n’avait jamais vu les deux aînés. Selonle conseilgénéraldeSeineSaint-Denis, l’alerte a été donnée par l’hôpital Delafontaine à SaintDenis où la mère se présente le 1er janvier pour accoucher de son quatrièmeenfant,unefille.L’absencedesuivimédicalpendantsagrossesse et le peu d’intérêt de la jeune accouchée pour son nouveau-né interpellent les soignants. Avertie, la Protection maternelle et infantile (PMI) convoque le père, âgé de 34 ans quelques jours plus tard. Les deux enfants les plus âgés, qui présentent des troubles majeursdudéveloppement,neparlent pas, ne marchent pas et souffrent de fortes carences alimentaires. Ces « enfants sauvages », selonles mots des enquêteurs,sont alors admis à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy. Le 17 janvier, l’affaire remonte à la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP), un service départemental chargé de centraliser et d’évaluer les informations concernant les mineurs en danger. Fin janvier, la sûreté départementale est saisie de l’enquête. Mis enexamenle13févrierpour«privation de soins par ascendant », les parents sont incarcérés. Les deux aînésont étéplacésdansun établissement spécialisé, les deux plus petits sont en famille d’accueil. Jeudi, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, s’est saisi de l’affaireafin de déterminerd’éventuels dysfonctionnementsdes services sociaux. Le système d’alerte usqu’à présent, il s’était tenu à l’écart du débat des municipales. Jean-Marc Ayrault avait bien effectué quelques déplacements ciblés, mais le premier ministre, prenant soin de ne pas « nationaliser » le scrutin, ne s’était guère exprimé sur le sujet. Jeudi 20 mars, à trois jours du premier tour, le chef du gouvernementestsortidesaréserveenrelançant la thématique du « front républicain» face au FN, qui compte sur ce scrutin pour réaliser des scores historiques. « Les républicains devraient tout faire pour qu’il n’y ait aucune possibilité qu’il y ait un maireFrontnationaldansunecommune de France », a déclaré M.Ayrault sur RadioJ. Cet appel lancé à la classe politique à quelques heures du vote est surtout un moyen pour le premier ministre de mobiliser l’électorat socialiste, alors que le risque d’abstention est fort, notamment à gauche, et que le FN pourrait provoquer près de 200 triangulaires. « Le scrutin municipal est à enjeu local, mais dès lors qu’existe la perspective d’un vote FN élevé, il est normal que le premier ministre s’en empare», explique Matignon. Lespropos duchef dugouvernement ont immanquablement fait réagir le parti de Marine Le Pen. «Merci à M. Ayrault qui admet que le seul adversaire du système, c’est le FN», a publié jeudi la présidente du FN sur son compte Twitter. Le secrétaire général du parti, Steeve Briois, candidat à Hénin-Beaumont(Pas-de-Calais),avu dansl’appel du premier ministre « le signal du rassemblement de l’UMPS». 14 0123 france Samedi 22 mars 2014 Juppé-Bayrou, un flirt qui intrigue et agace A ffichage de circonstance ou alliance durable, prémices d’une recomposition de la droite ? Depuis le début de la campagne des municipales, François Bayrou et Alain Juppé rivalisent, l’un pour l’autre, de mots doux. Au risque, à quelques jours du scrutin, d’être débordés par tant d’enthousiasme. Dès septembre2013, le maire de Bordeaux, contre l’avis de la direction de l’UMP, a soutenu la candidature du centriste à Pau. Le 10novembre, en Dordogne, les deux hommes ont insisté sur la nécessité de « rassembler» les « familles politiques de la droite et du centre ». Le 8 mars, M.Juppé a tenu meeting à Pau, pour soutenir son « ami»… Pour les deux hommes, voisins aquitains, il s’agit d’intérêts partagés bien compris. Après son vote pour M.Hollande à la présidentielle, qui lui avait valu une déroute aux législatives dans les Pyrénées-Atlantiques, M.Bayrou avait besoin, à Pau, d’une onction de droite pour se faire élire. M.Juppé, lui, gouverne à Bordeaux avec le MoDem, qui peut l’aider à reconquérir la communauté urbaine, aujourd’hui socialiste. Et ces deux agrégés de lettres – classiques pour le premier, modernes pour le second – nourrissent depuis longtemps une certaine estime réciproque. Mais leur « flirt » a semblé ces derniers jours s’emballer, au risque d’apparaître politiquement un peu grossier. Le 8 mars, avant leur meeting commun, M. Bayrou a glissé que « soutenir Juppé en 2017 est une idée plausible». En affirmant, cette semaine, qu’il « n’envisage pas» lui-même de se représenter à l’Elysée, le Béarnais a rouvert la boîte de Pandore des spéculations. Mercredi, le vice- président du MoDem, Robert Rochefort, s’est plu à enfoncer le clou: « Si Alain Juppé devait devenir le leader d’un renouveau dans une continuité d’une droite républicaine, il est assez vraisemblable que nous pourrions peut-être envisager des choses avec lui. » Il n’en fallait pas plus pour que se propage l’idée d’un «pacte d’Aquitaine»: Juppé, au zénith dans les sondages, à l’Elysée et Bayrou à Matignon, unis pour faire barrage à Nicolas Sarkozy… « C’est moi qui décide » Las, le «timing » incontrôlé de cet emballement est des plus embarrassants. Municipales obligent, MM. Bayrou et Juppé ne cessent de répéter que l’horizon de leurs ambitions s’arrête à leur ville. Sur Twitter, jeudi, le maire de Bordeaux a tenté d’éteindre l’incendie: « Je remercie François Bayrou de sa sollicitude mais c’est moi qui décide de ce que je fais. Nous sommes en 2014 ». Joint par Le Monde, M. Bayrou botte en touche: « Alain Juppé est concentré sur Bordeaux comme je le suis sur Pau. Nous ne voulons pas nous laisser distraire de cet engagement.» Au-delà du raté de communication, cet axe Juppé-Bayrou suscite une levée de boucliers tant au siège de l’UMP que chez les sarkozystes. « Juppé a évidemment “dealé” avec Bayrou en lui promettant Matignon ou un gros ministère s’il bénéficie de son soutien pour partir à la conquête de l’Elysée», affirme un fidèle de l’ex-président. « Le jeu personnel de Juppé n’est pas bien perçu. Pour les militants, il s’allie avec “le traître”, qui a fait perdre Sarkozy en 2012», assure un proche de Jean-François Copé. p Pierre Jaxel-Truer et Alexandre Lemarié La gaucheen difficulté à Amiens La droite rêve de reconquérir cette ville perdue en 2008 et marquée par la gestion centriste Amiens Envoyée spéciale L e Parti socialiste, qui a conquis Amiens en 2008 en battant Gilles de Robien, maire centristede la ville pendant quatorze ans, compte sur le projet de tramway de son candidat, Thierry Bonté, pour conserver la ville. Successeur potentiel du sortant Gilles Demailly, qui ne se représente pas, M. Bonté est soutenu par le PCF et EELV, mais la droite s’oppose à son projet et la population se montre très réticente. Dans le dessein du candidat socialiste, une ligne de tramway de 10 km relierait le nord au sud de la ville d’ici à 2018 pour un coût qu’il estimeà environ200millionsd’euros. L’ancien journaliste de France 3 Picardie, élu chargé des transports à Amiens Métropole depuis 2009, plaide sans relâche en faveur de son projet face à ses nombreux détracteurs, qui, selon une enquête Ipsos, restent majoritaires (54%). Brigitte Fouré, tête de liste UDIUMP et ancienne maire de la ville de2002à2007,dénoncelesnuisances qu’entraînerait pendant deux ans le chantier du tram et s’alarme de la « hausse de la fiscalité sur les entreprises» pour financer les travaux. Candidat du Front national, Yves Dupille estime qu’il y a «d’autres priorités comme les aides sociales et la sécurité». Pour Cédric Maisse, candidat du Parti de gauche, le « tracé du tram que propose M. Bonté n’est pas le bon et le plan de financement n’est pas assuré». Face à ces critiques, M. Bonté tente de réorienter le débat sur les enjeux sociaux : « Nous sommes les seuls à proposer des mesures concrètes pour le logement, l’acces- sion sociale à la propriété ou contre l’échec scolaire. » Pour faire pièce au positionnementcentristede son adversaire,le PS dénonce l’alliance de Mme Fouré avec Alain Gest, député UMP de la Somme, numéro deux sur la liste de la candidate de droite, qui lui a promis la présidence de la métropole en cas de victoire. M. Gest sera « tout-puissant puisque 80 % des compétencesdelavilleontététransféréesàlacommunautéd’agglomération. Mme Fouré sera une maire sous le boisseau », assure M. Bonté, qui envisage, lui, d’exercer à la fois les fonctions de maire et de président de l’agglomération. Le FN vise la triangulaire Mme Fouré sourit à cette attaque. Elue municipale, longtemps chargée des quartiers sensibles de la ville, cette juriste réputée pour avoir « la fibre sociale » prétend vouloir être « une maire qui rassure et qui protège». Reste l’inconnue du vote FN. Dans la préfecture de la Somme, marquée par l’annonce, en janvier,de la fermeturedusitede Goodyear, le parti frontiste espère imposer une triangulaire au second tour en convainquant notamment une partie de l’électorat populaire. Son candidat, M. Dupille, se dit « étonné de l’accueil favorable qu’il reçoit dans les quartiers populaires». La déception des laissés pour compte de Goodyear peut-elle favoriser un vote de défiance? « Ils ne voteront pas FN », veut croire Didier Hérisson. Ce syndicaliste CGT dans l’usine qui employait 1 000 personnes figure sur la liste du Parti de gauche. p Béatrice Jérôme Malgré la parité, à peine 14% des villes sont dirigées par une femme Pour le scrutin municipal du 23mars, quatre listes sur cinq seront conduites par un homme C onnaissez-vous Odette Roux ? Cette résistante, membreduParticommuniste, fut la première femme, en 1945, à l’âge de 28 ans, à devenir maire, aux Sables-d’Olonne(Vendée). Elle est décédée il y a moins de deux mois, le 30 janvier, dans le plus strict anonymat. Soixante-dix ans après l’ordonnance du 5 octobre 1944 qui accorda le droit de vote et d’éligibilité aux femmes, il n’est certes plus nécessaire d’avoir fait ses armes dans la Résistance pour accéder au fauteuil de maire si l’on est une femme. Mais, en dépit de la loi du 6 juin 2000 « tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », cela reste… un parcours du combattant. Si la loi, en effet, oblige à déposer aux élections municipales des listes composées alternativement de candidats de chaque sexe, la tête de liste – qui, dans la pratique, s’impose comme le futur maire potentiel – revient, dans la majorité des cas, à un homme. Cette année encore, sur les 4 095 listes enregistrées dans les communes de plus de 10 000 habitants, une sur cinq seulement est conduite par une femme. La loi peut être un levier pour favoriser l’égalité mais, en matière électorale, le rôle des partis, qui, selon la Constitution, « concourent à l’expression du suffrage », reste déterminant. C’est à eux, en leur sein, selon les modalités dont ils se dotent, qu’il revient de décerner les investitures. Et l’écrémage, à ce niveau,est rédhibitoire.Lacouleur politique, pour le coup, est secondaire. Le plafond de verre se situe exactement à la même hauteur pour le PS, l’UMP, l’UDI ou le FN : tous présentent entre 16 % et 18% de femmesen tête deliste. Parmi les formations les plus représentées, seules les listes écologistes (34 %) et du Front de gauche (29 %) accordent une part plus avantageuse aux femmes. Le résultat, en termes de représentation des femmes dans les conseils municipaux, est inéluctable. Grâce à la loi de 2000, les femmes représentent 34,8 % des élus dans les conseils municipaux, maiselles nesont que 13,9% à exercer la fonction de maire. Moins de 10 % des villes de plus de Un tiers de femmes dans les conseils municipaux PART DES FEMMES PARMI LES ÉLUS MUNICIPAUX, EN % Conseillers municipaux 1983 34,8 Maires PART DES FEMMES PARMI LES CONSEILLERS MUNICIPAUX SELON LA TAILLE DE LA COMMUNE, EN % 3,1 0,7 1947 21,5 13,9 10,9 8,3 34,8 32,2 21,7 14 48,8 48,3 2008 22,8 14 12,9 5,5 2,4 2,8 2008 Moins de 3 500 habitants 3 500 à 30 000 habitants Plus de 30 000 habitants CHAMP : FRANCE MÉTROPOLITAINE 3 500 habitants ont une femme maire. Quand on passe aux villes de plus de 100 000 habitants, elles ne sont plus que six : Hélène Mandroux (PS) à Montpellier, Martine Aubry (PS) à Lille, Adeline Hazan (PS) à Reims, Maryse JoissainsMasini (UMP) à Aix-en-Provence, Dominique Voynet (EELV) à Montreuil et Huguette Bello (PLR) à Les femmes sont sous-représentées pour les mandats et fonctions électives qui ne sont pas soumis àl’obligation paritaire Saint-Paul, à la Réunion. Une seule certitude, la capitale, Paris, sera pour la première fois dirigée par une femme à l’issue des prochaines élections municipales. Le résultat est encore plus confondant dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – les « intercos » –, dont les conseillers communautaires étaient, jusqu’à présent, désignés par les conseils municipaux. Les femmes y repré- sentent 28 % des conseillers mais 7,2 % seulement des EPCI sont présidés par une femme. Ainsi, de manière nette, s’opère une distinction entre féminisation etpartagedu pouvoir. La sousreprésentationdesfemmes persiste pour les mandats et fonctions électives qui ne sont pas soumis à l’obligation paritaire. Sans parler des inévitables attributions de délégations répondant, encore, à de supposées compétences particulières: les femmes à la scolarité ou à la culture, aux hommes les finances ou l’urbanisme, malgré la loi du 31 janvier 2007 qui a introduit la parité dans les exécutifs municipaux. Petità petit,cependant,les avancées vers une reconnaissance de la place des femmes dans les institutions politiques se consolident. Ces élections municipales vont marquer l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions issues de la loidu 17mai 2013 qui vont,mécaniquement, augmenter la proportion de femmes élues dans les conseils municipaux et dans les « intercos ». Tout d’abord, le seuil de population à partir duquel s’applique l’obligation de présenter des listes Ensemble des communes SOURCE : INSEE paritaires a été abaissé de 3 500 à 1 000 habitants. Ce sont environ 20000 femmes qui vont faire leur entrée aux conseils municipaux dans ces communes. L’autre nouveauté de ce scrutin tient dans le jumelage entre le vote pour les conseils municipaux et la désignation des conseillers communautaires. Sur le même bulletin de vote figureront donc la liste des candidats au conseil municipal et, parmi eux, celle des candidats « fléchés », appelés à siéger également à l’« interco », avec une obligation de parité pour les deux listes. D’autres dispositions visant à imposer l’« égalité réelle» entre les hommes et les femmes figurant dans le projet de loi adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 janvier 2014 – telles que la parité entre le maire et son premier adjoint – ne pourront s’appliquer dès ce scrutin. De même que la mise en application du noncumulentre un mandatparlementaire et une fonction exécutive locale. Elle ne deviendra effective que pour les prochains scrutins, à partir de 2017 et ce sera, pour la parité, un saut décisif. p Patrick Roger A Aix, Maryse Joissains (UMP), joue «seule contre tous» Marseille Correspondant La gauche va-t-elle ravir l’élégante Aix-en-Provence après deux mandats de la tonitruante maire UMP Maryse Joissains-Masini? A l’approche du premier tour, Edouard Baldo, le candidat socialiste, y croit plus que jamais. Un sondage IFOP, publié le 17 mars, montre que le vainqueur des primaires PS pourrait bénéficier, entre les deux tours, d’un réservoir de voix plus important que celui de sa rivale. En compilant son score à celui des Verts, du centre-gauche, du Front de gauche et de la liste « citoyenne» de l’ex-bâtonnier Jean-Louis Keita, M.Baldo passerait les 47%. Ce qui, en cas de triangulaire avec le FN, serait synonyme de victoire face à une Maryse Joissains, annoncée à 33% au premier tour et qui reste, à 71 ans, plus que jamais drapée dans une posture « seule contre tous» : « C’est ce que je sentais depuis le début, assure M. Baldo, 67ans. Il y a ma liste et celle de Mm eJoissains. Les autres restent périphériques.» Aix l’universitaire, 142000 habitants, a connu une campagne très florentine « entre élus du sérail». A droite, contre la sortante, l’UDI Bruno Genzana mène une liste où l’on retrouve 27 membres de l’UMP, dont le premier adjoint de Mme Joissains, Jean Chorro. A gauche, EELV part en autonome. Le MoDem François-Xavier de Peretti, soutenu par l’ancien candidat socialiste Alexandre Medvedowsky, conduit un rassemblement de centre-gauche où figurent des personnalités locales. Pendant plusieurs semaines, MM. de Peretti et Genzana, élus fortement implantés, ont espéré devancer Mme Joissains-Masini au premier tour. Le sondage IFOP en les créditant respectivement de 10% et 9 % des intentions de vote, les a renvoyés au statut de forces d’appoint: «Ce sondage est faux et ne reflète pas les remontées du terrain, remâche, agacé, FrançoisXavier de Peretti. Maryse Joissains n’a jamais été aussi affaiblie et on lui donne encore 33% des voix?» A la permanence de Bruno Genzana, la déception flotte aussi: «Il semble qu’une partie de l’électorat aixois traditionnel ne se décide pas à choisir l’alternative à droite que je représente…» Apprécié par les barons UMP du département, que Mme Joissains irrite souvent, l’homme s’inquiète pour l’entre-deuxtours. Il sait que sa liste a été prise comme une « trahison» par Mme Joissains: «Ne pas bâtir au second tour une alliance serait jouer Aix à la roulette russe.» «Moi, je ne fusionne avec personne, s’enflamme Mme Joissains. Cela devrait être interdit! Cela peut être un mariage de raison, mais, Genzana, je ne l’aime pas. Et faut pas que je compte sur lui pour travailler…» En visite de quartier, la sortante fait campagne « sur le terrain et sur les nerfs ». « Ils attaquent tous ma personne et pas mon bilan, juge-t-elle. Et les Aixois le savent.» « Elle ne lâche rien » Les habitants qui la saluent lui parlent prothèse de hanche ou chutes sur le trottoir. « Maryse» déroule en retour ses thèmes: bonne gestion, défense des Aixois, expérience. A l’une, elle dit: « Je gère l’argent au sou près comme toutes les femmes.» « Elle ne lâche rien», savoure Jean-Christophe Grossi, un de ses jeunes adjoints. Au vol, l’élue UMP attrape la main d’une passante qu’elle reconnaît et lui glisse: «Tu dis bien à ta belle-mère qu’il faut qu’elle prie…» Comparé à l’éruptive Maryse Joissains, le socialiste Edouard Baldo a tout du moine bouddhiste. Cet homme mince et chauve apparaît moins réservé qu’au début de sa campagne, mais il contrôle son vocabulaire et ses émotions. Avo- cat d’affaires, il a connu Mme Joissains à la faculté de droit avant une carrière internationale qui l’a tenu éloigné des élections aixoises. Il dénonce le programme de celle-ci « qui tient sur dix pages» et ses échecs: «Quand des classes ferment chaque année, cela prouve que les jeunes parents n’ont plus les moyens de se loger dans une ville devenue trop chère…» Fin décembre2013, lorsque sa rivale UMP a été gardée à vue pour une affaire de trafic d’influence et détournement de fonds publics, il n’a pas crié au scandale. Mais a signé plus tard, avec tous ses colistiers, la charte éthique Anticor. Sur la métropole Aix-Marseille, à laquelle Mme Joissains voue une opposition viscérale, il joue le bon sens: « C’est une loi aujourd’hui. Et pour qu’elle profite aux Aixois, il faut que nous en soyons la locomotive plutôt que de la subir.» Même si quatre des cinq premiers de sa liste ont plus de soixante ans, il entend incarner le «changement politique ». Et parle déjà d’une « union évidente» avec les autres listes de gauche. Sa seule inquiétude? Que Maryse Joissains morde, d’une manière ou d’une autre, sur les 10% dont le FN est crédité au premier tour. p Gilles Rof culture 0123 Samedi 22 mars 2014 15 Olivier Py dévoile son premier Festival d’Avignon Le nouveau directeur met l’accent sur un retour aux textes, une baisse des tarifset le théâtre jeune public Avignon (Envoyée spéciale) A quoi sait-on qu’un nouveau directeur arrive au Festival d’Avignon ? A une nappe qui recouvre la table où il donne sa premièreconférencedepresse.Cette nappe, Olivier Py l’a voulue jaune. Comme l’affiche, signée de l’artiste Alexandre Singh, qui présentera son premier spectacle, The Humans. On y voit un homme qui regarde une statue de pierre dont émerge une fleur. « Rassurez-vous, ce jeune homme, ce n’est pas moi. Mon narcissisme a quand même des limites », a précisé, en souriant, le successeur d’Hortense Archambault et Vincent Baudriller. Mais il n’a pas insisté sur les trois clefs, que le fondateur du Festival, Jean Vilar, avait choisies comme emblème et qui apparaissent elles aussi sur l’affiche, en rouge. Marie-Josée Roig, la maire (UMP) d’Avignon, qui ne se représente pas,s’enétait chargée,ensaluant la présence d’un artiste à la direction du Festival, ce qui n’était pas arrivé depuis… Jean Vilar. De ce point de vue, Olivier Py ouvre une voie. Ce n’est pas la seule, comme en témoignela 68e édition du Festival, qui se tiendra du 4 au 27 juillet. Retour aux textes, avec quatorze auteurs vivants et de nombreux classiques, de Shakespeare à Kleist;baisse de certainstarifs ;forte présence du théâtre jeune public ; ouverture d’un lieu « de convivialité et de pensée » : tels sont les axes majeurs de l’an premier de l’ère Olivier Py, qui, par ailleurs, fait la part belle à l’émergence et parcourt le monde. Parce que Avignon coûte cher aux spectateurs, surtout aux jeunes, certains prix vont baisser : dans la Cour d’honneur, la première catégorie passe de 40 à 38 euros, et le strapontinde25 à 20 euros.Les moins de 26 ans pourront bénéficier d’un abonnement : quatre spectacles pour 40 euros. Il y aura égalementun abonnementspécial « grands spectateurs» : à partir du cinquième spectacle, ils bénéficieront du tarif réduit. « Nous espérons pouvoir proposer 10 000 places pour ces abonnements, explique Paul Rondin, le directeur délégué du Festival. Mais l’impact économique est tel que je préfère rester prudent.» «Lesparentsvontauthéâtreparce que leurs enfants les y emmènent», dit Olivier Py, très sensible à la question du renouvellement du public. Pour que cela soit, une salle Olivier Py a présenté le programme de la 58e édition du Festival, jeudi 20 mars, à Avignon. BERTRAND LANGLOIS/AFP sera consacrée pendant toute la durée du Festival au théâtre jeune public : la Chapelle des PénitentsBlancs, où seront présentés Falstafe, de Valère Novarina, mis en scène par Lazare Herson-Macarel, Le«in»etle«off»fontcalendriercommun CET ÉTÉ, LES FESTIVALS « in » et « off » d’Avignon auront quasiment le même calendrier : du 4 au 27 juillet pour le premier, du 5 au 27 juillet pour le second. Une petite révolution. Depuis plusieurs années, ces deux moments théâtraux commençaient et se terminaient à des dates décalées, renforçant la frontière entre le rendezvous « officiel» et la jungle « officieuse», ne facilitant ni la vie des compagnies et des salles du « off » ni celle du public, la clôture du « in » étant vécue comme la fin du Festival, alors que des centaines de spectacles se jouaient encore dans le « off ». « Nous nous sommes rangés au calendrier du “in” pour faire preuve de bonne volonté», résume Greg Germain, président de l’association Avignon Festival &Compagnies (AF & C), qui coordonne l’of- fre du « off ». Il militait depuis longtemps pour une harmonisation du calendrier et n’a jamais caché être « heureux» de voir Olivier Py – qui a commencé sa carrière comme acteur dans le « off» en 1985 – nommé, fin 2013, directeur du Festival « in » d’Avignon. « Nos amis du “off” ont calé leurs dates sur les nôtres, ils l’ont fait par intelligence: c’est parfait, on en rêvait, cet ajustement est une évidence. Il n’y a ni guerre, ni peur, ni question de territoire, ni mépris, ni déni», insiste Paul Rondin, directeur délégué du « in », pour qui « il n’y a pas un “off”, mais des “off” ; du one-man-show jusqu’aux artistes qui ne sont pas retenus dans le “in” et qui vont jouer dans le “off”. » Car ce festival « parallèle», avec ses quelque 1 200 spectacles, regroupe aussi bien des mar- chands de salles, qui profitent de la manifestation pour louer à des compagnies des lieux à prix d’or, que des théâtres qui ont déjà acquis une certaine réputation. « Ouf ! Enfin ! C’était la moindre des choses, lâche Alain Timar, directeur du Théâtre des Halles, membre des Scènes d’Avignon (label créé dans le « off » en 2003). Il faudrait aller plus loin, et que les associations, la ville, l’Etat et les partenaires réfléchissent à une nouvelle organisation du Festival dans son ensemble. » Greg Germain est plus tempéré. « Ce n’est pas embrassons-nous, Folleville! Nous prenons un risque, car le public du “off” arrive entre le 7 et le 9 juillet, après la fin de l’année scolaire.» Son calendrier idéal? « Du 8 au 31juillet », dit-il. L’année prochaine, peut-être ? p Même les chevaliers tombent dans l’oubli, de Gustave Akakpo, mis en scène par MatthieuRoy, et La Jeune fille, le diable et le moulin, un spectacle d’Olivier Py qui a déjà été beaucoup joué. Le directeur fera, par ailleurs, une création à la FabricA, Orlando ou l’Impatience, et il mettra en scène Vitrioli, de Yannis Mavritsakis, au gymnase Paul-Giéra. Mais il ne serapasprésentdanslaCourd’honneur, où le Festival commencera avec Le Prince de Hombourg, de Kleist,danslamise enscènede l’Ita- lien Giorgio Barberio Corsetti avec Xavier Gallais dans le rôle-titre. Ce spectacle sera présenté du 4 au 13 juillet, pour qu’un large public puisse venir. De la Roumanie au Brésil Olivier Py avait annoncé qu’il y auraitdessériesplus longuesà Avignon, où souvent le public est frustré parce que les spectacles sont complets. Il ne le fait cette année que dans les salles où la jauge est importante, soit, outre la Cour d’honneur et la FabricA, la Carrière de Boulbon, où l’on pourra voir un Mahabharata,vingt-septansaprès celui, mythique, de Peter Brook, qui durait douze heures. Celui-ci durera une heure quarante-cinq et il est signé du Japonais Satoshi Miyagi.Mais il y aura quand même un marathon de dix-huit heures : l’intégrale d’Henry VI, de Shakespeare, mise en scène par Thomas Jolly à la FabricA. Côté français, notons la présence de l’auteure Lydie Dattas, à qui un cycle de lectures est consacré, ainsi que de Claude Régy, MarieJosée Malis, la nouvelle directrice du Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, Christian Schiaretti, Denis Guénoun, Michel Raskine… Côté étranger, on ira de la Roumanie, avec Gianina Carbunariu, au Brésil, avec Antonio Araujo, en passantparl’Italie,avecEmmaDante, la Belgique, avec FabriceMurgia, JosseDePauwetKrisDefoort,l’Allemagne, avec Antu Romero Nunes, le Chili, avec Marco Layera. La danse,aussi, vientde tousles horizons: Robyn Orlin, d’Afrique du Sud, Arkadi Zaides, d’Israël, Julie Nioche et Thomas Lebrun, de France… En musique, il y aura un spectacle du Belge Alain Platel, un cabaret venuduCaireetunconcertdugroupederockLesTêtesRaides,enclôture du Festival, dans la Cour d’honneur. Et donc, pendant toute la durée de l’édition, le public pourra se retrouver, de 10 heures à minuit, àlafacultédessciences,pourdébattre. Parce que « la culture, c’est la politique, et la politique, c’est la culture», dit Olivier Py. p Brigitte Salino Sandrine Blanchard RECIDIVE PRÉSENTE HOLLYWOOD. SEXE. POUVOIR. l e n o u ve au f i l m d e PAR LES CRÉATEURS DE TAXI DRIVER & AMERICAN PSYCHO KIYOSHI KUROSAWA UN FILM DE CRÉDITS NON CONTRACTUELS. PAUL SCHRADER UN SCÉNARIO DE BRET EASTON ELLIS LINDSAY LOHAN JAMES DEEN THE CANYONS ACTUELLEMENT AU CINÉMA SHOKUZAI TOKYO SONATA 16 0123 culture Samedi 22 mars 2014 Zarsanga, la voix d’or pachtoune Fannyde Chaillé etPierreAlferijonglent avecles mauxdu couple La chanteuse pakistanaise sera au Théâtre de la Ville, à Paris, samedi 22mars Musique La chorégraphe et l’auteur présentent «Répète», une comédie conjugale malicieuse J ’ai commencé à chanter quand je gardais les moutons dans les champs », explique Zarsanga, un nom pachtoun qui signifie «branched’or». Cettefemme-brindille,d’uneminceurprotégéeetélégante, est née il y a une soixantaine d’années dans un village pakistanais,ducôtédeBannu,à unecentaine de kilomètres au sud de Peshawar, capitale de la province du Khyber Pakhtunkhwa. Bannu est la « ville des fleurs », où les Moghols plantèrent des arbres, des forts et des mosquées, avant que les sikhsne les rasentau tout début du XIXe siècle. Qui songea le premier à comparer l’enfant fragile, petite nomade à la peau très noire, à une précieuse branche d’arbre ? Zarsanga trouve la question vaine : depuis sa vie nomade sous la tente, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, elle est devenue star en son pays. Sous l’eau, d’ailleurs, elle a perdu ses biens et sa maison lors des inondations de 2010 (15 millions de sinistrés). Elle a eu six enfants, et ses terrains de jeux préférés, prairies et scènes, mariages et célébrations, ont été démembrés par les guerres. Le Khyber Pakhtunkhwa a été pris en tenaille entre les militants du TTP, le mouvement taliban pakistanais, et l’armée. « Les déplacementsdepopulationontétémassifs,en particulierversles villes »,dit Mariam Abou Zahab, chercheuse et enseignante à l’Institut national deslangueset civilisationsorientales (Inalco), spécialiste de la région. A l’évocation de ces coups du sort politiques, Zarsanga renverse les yeux, se ferme au monde extérieur pourpuiserenelled’antiqueschansons d’amour et de gloire, des tranches d’épopées guerrières, ciment de l’unité des quatre tribus mythiques qui fondèrent son peuple. Zarsanga chante, encore, toujours. Elle est « la voix pachtoune» et personne n’y touche. Elle est venue en France une première fois en 1989, invitée au Festival d’Avignon,puis au Théâtre de la Ville, où elle chantera le samedi 22 mars, accompagnée par le joueur de rubâb afghan Ghulâm Hussein. A partir de 2008, « les musiciens ont eu de gros problèmes, poursuit Mariam Abou Zahab. Beaucoup sont partis vers Karachi, certains Théâtre L Zarsanga en concert, accompagnée par le joueur de rubâb Ghulâm Hussein. KAMROUZ ont changé de métier. Puis, tout est reparti sur le mode de la résistance par la poésie et le chant. Les Pachtouns adorent la musique, mais, pour eux, le chanteur appartient à une caste basse, et la chanteuse est une prostituée. Or, il existe aujourd’hui une nouvelle génération de jeunes éduqués, ayant étudié à l’étranger, et désireux de changer l’image du Pachtoun» – le guerrier « Elle est si mince ! Noire, austère, et elle ne met pas sa féminité en exergue » Soudabeh Kia programmatrice enturbanné, portant fusil, infiltré par la drogue, la CIA et Al-Qaida. LesPachtouns,ultimesgardiens des cols, ces « passes » ouvrant la route vers l’Indus, sont des coriaces. « Ils ont un mauvais tempérament, écrivaitMarco Polo vers 1275. Ils sont très versés dans la magie et l’invocation des démons.» Les cheveux à peine occultés sous des voi- les brodés, Zarsanga porte dans un souffle discret les valeurs poétiques des Pachtouns. Les mariages et les fêtes se font rares dans la zone tribale que la chanteuse traverse sereinement, se glissant entre les mailles d’un filet rigoriste. Zarsanga chante plus souvent en Afghanistan, jugé plus sûr. « Elle est si mince ! Noire, austère,et elle ne met pas sa féminité en exergue», explique Soudabeh Kia, la programmatrice qui l’a découverte dans les années 1980, et à qui « Branche d’or » délègue toutequestiontenantau rôle qu’elle joue au Pakistan et en Afghanistan. Mme Kia a ainsi, raconte-t-elle, assisté à son triomphe, fin 2013, dans une grande salle huppée d’Islamabad, la capitale du Pakistan, éloignéedeszonestribalesdunordouest. La musique de Zarsanga s’écouteaussisurlestélévisionsdiffusées en pachto depuis le golfe Arabo-Persique. « L’espace pachtoun est très large, explique Mariam Abou Zahab. Il y a eu une forte émigration vers les pays du Golfe dans les années 1970. A Dubai ou Abou Dhabi, ils ont conservé un statut particulier, basé sur la fierté et le lien tribal. » Zarsanga chante, précise-t-elle, pour « ceux qui n’ont pas pu rester au Pakistan », ces chants anciens dont elle détient la mémoire, presqueseule. Elleleurrappellelabeauté des arbres, le parfum des fleurs, les routes poussiéreuses et escarpées,le bétailet les amantsséparés. Jeune, presque enfant encore, Zarsanga avait été enlevée par son futur mari, un homme à qui elle n’était pas destinée par sa famille, mais qui était tombé en extase devant sa voix. Des menaces, elle n’en a jamais reçu. Elle est prudente cependant. En juin 2012, sa jeune et populaire collègue, Ghazala Javed, 24 ans, une Pachtoune aimant danser et chanter sur des synthétiseurs bien plus kitsch, a été assassinée par son ex-mari. Elle avaitdemandéle divorce.Au Pakistan, pays contradictoire, mille cassettes peuvent fleurir tandis qu’on tue des musiciens. p Véronique Mortaigne En concert : le 22 mars à 17 heures, au Théâtre de la Ville, 2, place du Châtelet, Paris 4e. 21 ¤. Theatredelaville-paris. com es troubles merveilleux du langage lorsque rien ne va de soi, ni l’alphabet,ni le vocabulaire, encore moins la syntaxe, font bouillirles neuronesde la chorégrapheet metteuseenscèneFanny de Chaillé. De plus en plus tournée vers le théâtreet la performance, elle a pris pour complices de mots croisés le dictionnaire Le Robert ou des écrivains comme Georges Perec (1936-1982) et aujourd’hui Pierre Alferi. Après une première collaboration avec Alferi pour le spectacle Coloc, petite forme en grande forme présentée au Théâtrede la Cité internationale, à Paris, du 6 au 18 février, elle vient de créer une nouvelle pièce avec lui intitulée Répète, à l’affiche du festival Concordan(s)e, qui programmequatreduos chorégrapheauteur dans une vingtaine de lieux en France. Assis face à face de chaque côté d’unetable,FannydeChailléetPierre Alferi remettent donc le couvert en jouant le vieux couple dont la routine du quotidien est aussi celle du langage, les deux ensemble faisant le lit des scènes de ménage. Se connaître par cœur jusqu’à anticiperce quel’autreva direoufinirses phrases donne lieu à une comédie conjugale réglée à la croche près qui souffle un méchant coup de froid sur la gonflette sentimentale. Sur ce terrain, Fanny de Chaillé et Pierre Alferi se révèlent de parfaits duettistes, tirant un air plutôt drôle et acidulé. Ils renvoient aussi leur pas de deux à une partition de base commune à tous les couples que chacun s’approprie en l’ornementant à sa façon. Et c’est drôle de se voir et s’entendre (ou presque) danslesdifférentessituationségrenées par les deux protagonistes. Louvoyer entre fiction et réalité, jouer pour de vrai et y croire pour de faux (ou le contraire), épaissir les lignes de vie et de répliques de mille et une associations d’idées qui se précipitent dans la tête au moment où l’on parle et agit est l’un des sports préférés de Fanny deChailléetPierreAlferidansRépè- te.Avectoujourscetteobsessionclinique et ludique du mot, de son sens et de sa matière sonore, de sa galaxie sémantique, qui fait parfois presque passer le français pour une langue étrangère. Dans le précédent spectacle, Coloc (comme colloque ou colocation), pièce pour deux hommes, bientôt en tournée en France, Fanny de Chaillé jouait avec l’aspect visueletplastiqued’untexted’Alferi. Sur de grands cartons, chaque phrase était déconstruite, hachée menuenphonèmesdefaçonàréinventerd’autres termesparfoissans queue ni tête. Style SMS tronqué, traduction phonétique ou « googlisée» jusqu’à produire une nouvelle langue alambiquée à lire à haute voix. C’est drôle de se voir et s’entendre dans les différentes situations égrenées par les protagonistes Coloc comme Répète sont deux performances malicieuses, faussement désinvoltes, elliptiques parce que c’est aussi entre les mots que se faufile le sens. Elles obligent le spectateur à une gymnastique mentale réjouissante, entrevérificationdesescircuitslinguistiques et jonglage avec son vocabulaire, sens et non-sens accolés sur les deux faces de la même médaille. Au risque de ne plus savoir ce que l’on est censé comprendre. Entre lire, dire et écouter, le langage est toujours codé. p Rosita Boisseau Répète, de et avec Fanny de Chaillé et Pierre Alferi. Concordan(s)e. 22 mars, médiathèque Hermeland, Saint-Herblain (Loire-Atlantique) ; 29 mars, bibliothèque Marguerite-Audoux, Paris 3e ; 2 avril, bibliothèque André-Malraux, Les Lilas (Seine-Saint-Denis) ; 3 avril, La Maison rouge, Paris 12e ; 6 avril, Cneai, Chatou (Yvelines) ; 8 avril, Maison de la poésie, Paris 3e ; 25 mai, Festival Nouvelles, Pôle Sud, Strasbourg. Concordanse.com Untableauvoléattribuéà Rembrandtretrouvéà Nice «L’Enfant à la bulle de savon» avait été dérobé en 1999 dans le Musée de Draguignan Art L ’Enfant à la bulle de savon, un tableau attribué à Rembrandt, a été récupéré par la police le 18 mars à Nice après près de quinze ans de cavale. C’est le 14juillet 1999, pendant le défilé de la Fête nationale, que des voleurs avaient pénétré dans la bibliothèque municipale de Draguignan (Var)puis dans le musée contigu et s’étaient emparés de cette unique œuvre, une toile attribuée à Rembrandt. L’alarme avait sonné mais les policiers étaient arrivés trop tard. La toile avait été saisie au château de Valbelle (Alpes-Maritimes) durant la Révolution française et déposée au musée en 1794. C’était le chef-d’œuvre de sa collection, en raison de son auteur supposé. De format moyen, 60 centimètres sur 49, le tableau représente un adolescent coiffé d’un béret, une lourde chaîne dorée autour du cou, une bulle de savon intacte posée dans sa main droite. Que l’œuvre soit dans la manièredu Hollandaisnefait aucundoute. Qu’elle soit autographe est bien moins certain, ne serait-ce qu’en raison de la façon, trop appliquée et laborieuse, avec laquelle étoffes et chaînessont imitéeset du traitement du visage, à l’expression «L’Enfant à la bulle de savon ». ARCHIVES DU MUSÉE DE DRAGUIGNAN/MAX PPP banale. L’estimation qui a circulé évalue l’œuvre entre 3,5 millions et 4 millions d’euros. Elle pourrait serévéler trèsexagérée, si l’attributionau maître était, commeil semble probable, abandonnée au pro- fit d’un « élève » ou d’un « imitateur ». Ce dernier pourrait avoir peint le tableau dans le style de Rembrandt au XVIIIe siècle plutôt qu’au XVIIe, aussi bien en France qu’aux Pays-Bas. La notoriété du maître était de nature à susciter des imitations. Aussitôtaprès le vol, aucun indicen’avaitpermisderetrouverlapiste du tableau. Mais, le 18mars, dans l’après-midi, agissant « d’après un renseignement anonyme selon lequel un Rembrandt devait être vendu à Nice », comme le précise Stéphane Gauffeny, patron de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), les inspecteurs de l’OCBC ont interpellé en possession de l’œuvre deux hommes qui s’apprêtaient à la revendre. Nés en 1961 et 1968, ils étaient déjà connus pour des faits de petite délinquance. L’un d’eux aurait été auparavant assureur. L’ex-directeurdu Musée de Draguignan, Régis Fabre, et son actuelle directrice, Jeanine Bussières, se sont rendus à la police judiciaire de Nice jeudi 20 mars pour reconnaître la toile. Après cette formalité, L’Enfant à la bulle de savon sera restitué au musée municipal. Dans l’état actuel de l’enquête, rien ne permet d’affirmer que les deux hommes interpellés pour recel seraient ceux-là mêmes qui s’étaient emparés de l’œuvre, souligne Stéphane Gauffeny. « Nous n’en sommes qu’au tout début de l’enquête, avec un long travail devant nous », conclut-il. p Philippe Dagen La comédie musicale des contes de fées Into the Woods Musique et Lyrics Livret Stephen Sondheim James Lapine Nouvelle production du Théâtre du Châtelet, en anglais, surtitré Direction musicale David Charles Abell Mise en scène Lee Blakeley Orchestre de Chambre de Paris Du 1er au 12 avril 2014 www.chatelet-theatre.com 01 40 28 28 40 0123 disparitions & carnet Samedi 22 mars 2014 Ancien président d’EDF Pierre Delaporte ž# )JÀÊ#¹ yȽ üÀJÊ%½ ?±?Ê#Ì#ʹ½ ™Jö½½JÊ'#½~ FJƹ;Ì#½~ "öJÊAJöëë#½~ ÌJÀöJü#½~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# ÊJö½½JÊ'#~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# ÌJÀöJü# .±ö½ %# %?'=½~ À#Ì#À'ö#Ì#ʹ½~ Ì#½½#½~ 'ÈÊ%Èë?JÊ'#½~ ùÈÌÌJü#½~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# %?'=½~ ½Èµ±#ÊöÀ½ )ÈëëÈõ#½~ 'ÈÊ"?À#Ê'#½~ ½?ÌöÊJöÀ#½~ ¹JFë#½|ÀÈÊ%#½~ ÆÈÀ¹#½|ȵ±#À¹#½~ "ÈÀµÌ½~ òȵÀÊ?#½ %J?¹µ%#½~ 'ÈÊüÀ=½~ ÆÀÈò#'¹öÈʽ|%?FJ¹½~ ÊÈÌöÊJ¹öÈʽ~ J½½#ÌFë?#½ ü?Ê?ÀJë#½ •Èµ¹#ÊJÊ'#½ %# Ì?ÌÈöÀ#~ ¹ù=½#½~ ¨&„~ %ö½¹öÊ'¹öÈʽ~ "?ëö'ö¹J¹öÈʽ ¯ˆÆȽö¹öÈʽ~ ±#ÀÊö½½Jü#½~ ½öüÊJ¹µÀ#½~ %?%ö'J'#½~ ë#'¹µÀ#½~ 'ÈÌ̵Êö'J¹öÈʽ %ö±#À½#½ En 1991. DIDIER MAILLAC/REA P ierre Delaporte puisait volontiers chez le poète Lautréamont pour décrire le groupe EDF avec un sens de l’humour consommé qui trahissait aussi sa culture : le fruit de « l’accouplement long, chaste et hideux » des ingénieurs des Ponts et de la CGT. Ce polytechnicien en savait quelque chose puisqu’il était lui-même issu de ce corps prestigieux et qu’il présida aux destinées du géant de l’électricité entre 1987 et 1992. M. Delaporte est mort à Paris, lundi 17 mars, à l’âge de 85 ans. 1928 Naissance à Paris 1979 Nommé directeur général de Gaz de France 1987 Nommé président d’EDF 17 mars 2014 Mort à Paris Simple, humain et plein d’humour : c’est de cet homme, né en 1928 à Paris, que se souviennent de nombreux collaborateurs, proches ou lointains. « C’était un vrai homme, droit et courageux, qui aimait la vie et les gens, et qui savait diriger avec autant d’humanité que de clarté. Je ne connais pas d’avis contraire », souligne son ami Pierre Daurès, qui fut un proche collaborateur à Gaz de France (GDF) avant d’assurer la direction générale d’EDF après le départ de M. Delaporte. « Il avait la chose publique et l’intérêt général chevillés au corps », ajoute-t-il, mettant ses pas dans ceux de ses illustres prédécesseurs Pierre Guillaumat, Pierre Massé, Paul Delouvrier et Marcel Boiteux, auquel il va succéder en 1987. Le début de la carrière de M. Delaporte est celle, assez classique, d’un X-Ponts des « trente glorieuses ». Entre1954 et 1959, il s’investit dans la construction de la zone industrielle de Mers-El-Kébir enAlgérie,quand laFranceva encore de Dunkerque à Tamanrasset. Puis il dirige le port de Dieppe jusqu’en 1964 avant de faire une longue carrière dans différents ministères (travaux publics, équipement, transports) marquée par quelques passages dans les cabinets ministériels. En 1972, il entre dans le monde de l’énergie. Directeur général adjoint de GDF, il en devient directeur général en 1979. A l’époque, il faut gérer l’après-choc pétrolier de 1973 et la fin programmée du gisement français de Lacq. C’est lui qui négocie – et renégocie – les grands contrats gaziers que la France signe avec l’Algérie, l’URSS, les Pays-Bas et la Norvège. C’est fort de ses bons résultats industriels et financiers chez GDF que le gouvernement de Jacques Chirac le nomme président d’EDF en avril 1987. Difficile de succéder à la figure tutélaire de Marcel Boiteux, maître d’œuvre de l’ambitieux programme électro-nucléaire décidé par le gouvernement de Pierre Messmer en 1973. Difficile, aussi, d’arriver dans une maison accusée d’être une « forteresse» et un « Etat dans l’Etat » où se décide la politique énergétique du pays, mais fragilisée par un climat social dégradé, des grèves parfois dures, un endettement colossal, un réseau de distribution défaillant et, pour ne rien arranger, un regain antinucléaire né de la catastrophe de Tchernobyl survenue en avril1986. Avec Jean Bergougnoux nommé en même temps à la direction générale, ils vont former un tandem « parfaitement complémentaire », selon ce dernier. « Il faisait spontanément confiance et il savait même assumer les erreurs des autres, se souvient-il. Ces cinq années avec lui furent les plus belles de ma carrière.» Il savait aussi, selon ses amis, dynamiser les équipes de direction et il a créé la bonne distance entre l’entreprise et l’Etat, alors actionnaire à 100 %. Communiquant hors pair M.Delaportedoitd’abordpréparer le monopole public à la libéralisation du marché de l’énergie concoctée par Bruxelles. « Il fallait mettre EDF dans la logique d’une entreprise qui a des clients et non plus des abonnés », se souvient M. Bergougnoux. Il y prépare les agents et les cadres en douceur, avec un sens avéré des relations humaines et un talent de communicant hors pair. Le patron d’EDF avait une autre idée forte, ajoute-t-il : « Sortir l’entreprise de son carcan hexagonal. » Ce qu’il fera en se tournant vers le RoyaumeUni, l’Allemagne et l’Argentine, tout en poursuivant la coopération nucléaire avec la Chine. M. Delaporte considérait que la production d’EDF, à 80 % d’origine nucléaire, était un atout irremplaçable pour l’économie française et la compétitivité de son industrie. Il avait notamment défendu l’implantation de l’usine Pechiney à Dunkerque. Il enrageait de voir qu’en dépit d’un prix de l’électricité parmi les plus bas d’Europe, les industries électro-intensives étaient à la peine. M. Bergougnoux se souvient que l’ancien patron d’EDF, déjà malade, s’était battu en 2012-2013, à sa mesure, pour sauver l’usine d’aluminium de Saint-Jean-deMaurienne (Savoie) menacée de fermeture par le groupe minier Rio Tinto. Comme une ultime preuvede sonindéfectibleattachement à son pays et à l’intérêt général. p Jean-Michel Bezat ¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R „e ]W bU bU bU „e ]W bU be `Z Xx)0T',3,%vKNXN'T‡R) AU CARNET DU «MONDE» Naissance Samueline et Denis DECRAENE ont la joie d’annoncer la naissance de leur cinquième petit-enfant, Merina, Claire, Reine, Pauline, Marie, le 18 mars 2014. partagent le bonheur de Aude et Pierre, sa maman, son papa. Michel Farrugia, son mari, Julien Farrugia, Clelia et Joseph Cosentino, Romain et Ksenia Farrugia, ses enfants, Dante et Amedeo Cosentino, ses petits-fils, Elisabeth Birnbaum, sa mère, Walter et Gemma Koller, Rupert et Iris Birnbaum, Johann et Angelika Birnbaum, ses frères et belles-sœurs, Les familles Farrugia, Audri, Desperiez, Floriot, Ruggieri et Spiteri, ont entouré jusqu’à son dernier souffle, leur très chère Margit FARRUGIA, née KOLLER, décédée le 19 mars 2014, dans sa soixante-douzième année. La cérémonie religieuse aura lieu le mardi 25 mars, à 10 h 30, en l’église Notre-Dame-de-l’Arche-d’Alliance, 81, rue d’Alleray, Paris 15 e , suivie de l’inhumation au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine. 1 bis, rue d’Arsonval, 75015 Paris. Sa famille, Ses amis, L’équipe du théâtre Tristan Bernard, Mireille GALLIENNE SAIOVICI, survenu le 18 mars 2014, à son domicile. Rachel, Pauline, Roland et Samuel, ses arrière-grands-parents. Décès Antoine et Vincent Bourdin, ses fils, Mme François Oudin, sa mère, François Piuzzi, son compagnon, Catherine Hill-Bernard, Marianne Debré, Louise Oudin, Hélène Cémélli-Petit-Perrin, ses sœurs, leurs maris et leurs enfants, Hervé Bourdin, le père de ses enfants, Toute sa famille Et ses amis, ont le regret de faire part du décès de Jeanne BOURDIN, née OUDIN, le 12 juillet 1950, adjointe au maire de Cachan, conseillère communautaire du Val-de-Bièvre, généreuse, militante, aimante, survenu le 16 mars 2014. Les familles Karagueuzian, Dejonghe, Bertrand, Depogne, Davaine font part, avec tristesse, du décès de Eugène DAVAINE, secrétaire général du syndicat des fabricants de Genièvre, président honoraire du syndicat des vins et spiritueux du Nord, président honoraire du tribunal de commerce de Valenciennes, ont la tristesse de faire part du décès de Claude GARRIDO. Une cérémonie sera célébrée le samedi 22 mars, à 10 h 45, en la Salle de cérémonie, 55, cours Lamarque-dePlaisance, à Arcachon, suivie de l’inhumation au cimetière de la Teste-deBuch. avec les artistes de la galerie, le jeudi 27 mars 2014, de 16 heures à 21 heures, Laurent PARLIER, 06000 Nice. survenu le 19 mars 2014. www.galerie-depardieu.com La cérémonie religieuse sera célébrée le lundi 24 mars, à 10 h 30, en l’Eglise protestante unie de l’Etoile, 54, avenue de la Grande-Armée, Paris 17e. L’inhumation aura lieu au cimetière protestant de Montpellier, le mardi 25 mars, à 10 h 30. Anniversaire de décès Toute la famille Josephson se souvient de Edmond OXEDA, 3 mars 1911 - 20 mars 1994. Conférences Semaine de la culture italienne, du lundi 24 au samedi 29 mars 2014, 45, rue d’Ulm, Paris 5e. Programme complet sur le site www.semaine-italienne.ens.fr Conférence samedi 29 mars 2014, à 16 heures, (réservation obligatoire). L’art du thé chinois : conférence-dégustation par Yu Zhou. www.maisondelachine.fr 76, rue Bonaparte, Paris 6e. Tél. : 01 40 51 95 17. [email protected] Communications diverses Espace analytique La psychanalyse face au monde contemporain 22 et 23 mars 2014, Centre universitaire des Saints-Pères, amphithéâtre Binet, 45, rue des Saints-Pères, Paris 6e, avec Jean-Claude Aguerre, Paul-Laurent Assoun, André Burguière, Gisèle Chaboudez, Judith Cohen-Solal, Frédéric de Rivoyre, Olivier Douville, Raphaël Draï, Sylviane Giampino, Isabelle Guillamet, Robert Higgins, Christian Hoffmann, Georgy Katzarov, Patrick Landman, Didier Lauru, Serge Lesourd, Patrick Linx, Silvia Lippi, Pierre Marie, Dominique Mehl, Vannina Micheli-Rechtman, Jean-Jacques Moscovitz, Laurent Mucchielli, Marc Papon, Michelle Perrot, Claude-Noële Pickmann, Jean-Louis Poitevin, José Polard, Gérard Pommier, Ouriel Rosenblum, Jacques Sédat, Manya Steinkoller, Marie-Laure Susini, Myriam Szejer, Bernard Toboul, Dominique Tourres-Landman, Alain Vanier, Catherine Vanier, Markos Zafiropoulos, Entrée : 100 € (étudiants 30 €) Tél. : 01 47 05 23 09. [email protected] Forum Cet avis tient lieu de faire-part. Laure Garrido, sa fille et son conjoint, Eva, sa petite-fille, Liliane, sa compagne, La famille Garrido, Parents et amis, Vernissage d’ouverture du nouvel espace 6, rue du Docteur Jacques Guidoni, Arcachon. Paris. Oegstgeest (Pays-Bas). 12, rue du Hainaut, 75019 Paris. Vernissage ont la tristesse de faire part du décès de Des dons peuvent être faits à l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (ARSLA), 75, avenue de la République, 75011 Paris. Un recueillement aura lieu le mardi 25 mars, à 11 h 45, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, 71, rue des Rondeaux, Paris 20e. Une pensée pour Philippe Davaine, 91, rue de la Citadelle, 94110 Arcueil. « A présent, tu peux voguer, barque, Au clair de lune, Et dans le sein de la mer Te laisser bercer sans limites. » Johann Mayrhofer. Nancy Parlier, son épouse, Valérie Parlier, Guilhem et Sophie Parlier, Vincent et Elisabeth Parlier, Caroline et Stéphane Cuau, Delphine et Hervé Castres Saint Martin, ses enfants, Marie (†), Coline, Samuel, Simon, Guillaume, Arthur, Antoine, Louis, Jules, Charles, Pierre, Benjamin, Adrien et Max, ses petits-enfants, Dino et Elna Parlier, Jacques et Françoise Parlier, ses frères, ont la douleur de faire part du décès de Ange, Ursula, David, leurs enfants et Stéphane, Jean-Philippe, Pauline, leurs conjoints, survenu le lundi 17 mars 2014, dans sa centième année. « Du kannst in Mondesstrahlen Nun, meine Barke, wallen, Und aller Schranken los, Wiegt dich des Meeres Schoss. » 17 France Culture présente L’année vue par... l’histoire, le samedi 29 mars 2014, de 9 h 30 à 18 h 30, Grand amphithéâtre de La Sorbonne, 47, rue des Ecoles, Paris 5e. 5 tables-rondes avec notamment Arlette Farge, Jul, Henry Laurens, Olivier Mongin et une leçon de clôture de Mona Ozouf. Entrée libre sur inscription [email protected] ou 01 56 40 10 57. Programme sur franceculture.fr SOS AMITIE qui est à l’écoute 24 heures sur 24 de toute personne en situation de solitude, d’angoisse et de mal-être recherche DES ÉCOUTANT(E)S BÉNÉVOLES pour ses sept lieux d’écoute à Paris et en Ile-de-France. Disponibilité souhaitée de quelques heures par semaine, le jour, le soir, la nuit ou le week-end. Formation assurée. Écrire à SOS Amitié Idf 7, rue Heyrault, 92100 Boulogne. Email : [email protected] Le Carnet Roses blanches souhaitées. Barr (Bas-Rhin). M. Michel Hedouin, son époux, informe du décès de Mme Charlotte HEDOUIN, née FISCHER, directrice d’école de l’Éducation nationale, chevalier dans l’ordre des Palmes académiques, ancien membre du conseil municipal de Barr, survenu le 18 mars 2014, dans sa quatre-vingt-septième année. Selon sa volonté, son corps a été incinéré. La cérémonie religieuse aura lieu le jeudi 27 mars, à 14 h 30, en l’église protestante de Barr. Annoncez vos événements culturels Pour toute information : 01 57 28 28 28 01 57 28 21 36 [email protected] Tarif : 29 € TTC Prix à la ligne Signatures Projections-débats Lectures Communications diverses 18 météo & jeux < -5° 0 à 5° -5 à 0° 5 à 10° 10 à 15° Samedi 22 mars Fortes pluies dans le quart Sud-Est Cherbourg 70 km/h 7 9 70 km/h 5 8 13 9 Rennes 8 10 9 10 8 10 3 8 Lyon A Grenoble Montpellier Nice Marseille 12 13 10 11 10 14 12 14 Températures à l’aube 1 22 l’après-midi Léa Coeff. de marée 73 Dimanche Un temps très perturbé régnera sur l'ensemble du pays. Un axe pluvieux actif arrosera copieusement les régions situées entre PACA et Rhône-Alpes jusqu'aux Vosges et au Jura. Sur le reste du pays, un ciel de traîne s'imposera, entre averses et éclaircies. Elles pourront prendre localement un caractère orageux vers les côtes et dans l'intérieur des terres du Nord-Ouest. Les températures baisseront encore avec 9 degrés le long de la Manche et un jusqu'à 16 degrés en Corse. Jours suivants Lundi Nord-Ouest Ile-de-France Sud-Est 4 11 3 10 5 11 3 12 3 11 2 9 5 13 3 11 4 10 8 15 Mercredi 0 11 5 13 4 12 3 12 3 11 4 11 1 11 -2 11 0 11 4 12 7 13 5 12 4 14 5 15 5 12 Nord-Est Sud-Ouest Mardi 8 16 Lever 00h33 Coucher 09h53 Lever 06h49 Coucher 19h05 Aujourd’hui 3 4 5 Rabat Occlusion Thalweg averseséparses bienensoleillé enpartieensoleillé beautemps averseséparses pluiemodérée aversesmodérées bienensoleillé beautemps averseséparses bienensoleillé assezensoleillé assezensoleillé beautemps bienensoleillé assezensoleillé assezensoleillé enpartieensoleillé averseséparses aversesmodérées assezensoleillé enpartieensoleillé beautemps averseséparses averseséparses enpartieensoleillé 5 10 13 9 6 7 6 9 7 5 2 1 1 10 6 14 10 8 2 7 10 1 16 2 8 -2 LILLE 7 Athènes Beyrouth Tripoli Tripoli 1015 Le Caire Jérusalem D 9 18 18 22 13 9 10 20 18 8 9 7 5 13 17 15 15 16 10 10 16 10 23 5 17 1 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb averseséparses bienensoleillé beautemps assezensoleillé assezensoleillé bienensoleillé assezensoleillé bienensoleillé assezensoleillé bienensoleillé Dans le monde Alger assezensoleillé Amman beautemps Bangkok soleil,oragepossible Beyrouth bienensoleillé Brasilia soleil,oragepossible Buenos Aires beautemps Dakar bienensoleillé Djakarta pluiesorageuses Dubai bienensoleillé Hongkong assezensoleillé Jérusalem beautemps Kinshasa soleil,oragepossible Le Caire beautemps Mexico bienensoleillé Montréal giboulées soleil,oragepossible Nairobi 4 12 4 2 1 12 8 7 7 8 9 17 20 8 6 19 19 20 16 19 11 12 27 20 19 8 20 27 25 18 10 23 13 15 -7 14 20 23 33 24 26 19 22 30 28 21 22 30 26 29 0 28 New Delhi beautemps nuageux New York beautemps Pékin assezensoleillé Pretoria assezensoleillé Rabat Rio de Janeiro soleil,oragepossible beautemps Séoul Singapour assezensoleillé soleil,oragepossible Sydney beautemps Téhéran bienensoleillé Tokyo assezensoleillé Tunis Washington enpartieensoleillé Wellington bienensoleillé Outremer Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis pluiesorageuses assezensoleillé assezensoleillé pluiesorageuses assezensoleillé couvertetorageux 17 33 5 13 8 22 15 24 9 19 26 30 2 13 25 31 19 30 11 18 4 12 12 20 8 18 14 17 26 27 23 27 26 27 29 27 29 28 27 30 Météorologue en direct au 0899 700 713 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h présente MARSEILLE 6 Istanbul Tunis Tunis Dépression Front froid A 102 0 PARIS Motscroisés n˚14-069 2 A D Front chaud Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik Les jeux 1 Anticyclone En Europe Ajaccio 60 km/h Bucarest Sofia SERBIE LA GRANDE DOUCEUR PERSISTE : 22 DEGRÉS À BELGRADE Perpignan 11 12 1015 Ankara Séville Alger A 10 12 Barcelone Barcelone 8 12 Toulouse Rome Kiev Odessa Lisbonne Lisbonne 9 13 Biarritz Budapest Zagreb Belgrade Madrid 0 10 101 11 Bordeaux 60 km/h Munich Vienne Milan 10 25 Moscou Copenhague Berne 10 20 Chamonix T Clermont-Ferrand Riga Bruxelles 100 5 10 Paris 10 9 10 St-Pétersbourg Minsk Amsterdam Berlin Varsovie Prague 100 Londres 0 9 10 8 13 Limoges 995 Dublin 990 Helsinki Oslo Stockholm 0 98 Edimbourg Strasbourg Dijon Poitiers 60 km/h D Besançon 6 11 Le pire de l’Empire Reykjavik 9 11 7 13 Nantes C'EST À VOIR | CHRONIQUE > 40° D 985 985 Orléans 5 11 22.03.2014 12h TU Metz 1005 35 à 40° Dimanche 23 mars à partir de 16 heures Suivez la soirée électorale en direct sur Le Monde.fr Sudoku n˚14-069 8 9 Solution du n˚14-068 TF 1 10 1 1 12 tout est permis avec Arthur. Invités : Jérôme Commandeur, Virginie Hocq, Philippe Candeloro, Gil Alma, Claudia Tagbo... 23.30 Spécial Bêtisier. Le Grand Bêtisier. 1.20 Confessions intimes (100 min). FRANCE 2 III 20.47 Caïn. IV Série. Suicide U. Ornella (S2, ép. 1 et 2/8). Avec Bruno Debrandt, Julie Delarme (inédit). 22.35 Ce soir (ou jamais !). Magazine présenté par Frédéric Taddeï. 0.10 La Parenthèse inattendue. Magazine. Invités : Laure Manaudou, Patrick Bosso, Antoine Duléry (125 min). V VI VII FRANCE 3 VIII IX X Solution du n° 14 - 068 Horizontalement I. Antidérapant. II. Péan. Penseur. III. Etrécir. Créa. IV. Stères. Che. V. Aorte. Alerta. VI. NY. Crânais. VII. Térébrant. Gs. VIII. Eue. Ris. Suri. IX. Usine. Aï. Née. X. Rentabiliser. Vendredi 21 mars 20.55 Vendredi, II Horizontalement J -one est une chaîne que j’ai toujours regardée de très loin, car il me semblait qu’on n’y parlait que de mangas, de séries animées ou de jeux vidéo pour lesquels je n’ai pas le moindre commencement d’un soupçon d’intérêt. Car ce canal est tout entier consacré à la culture populaire nippone, et en particulier à des jeux qui me laissent chaque fois pantois d’incrédulité. Il y a quelques semaines, j’ai ainsi vu un concours de bambins qu’on faisait courir sur une piste ou qu’on forçait à manger différents plats aux ingrédients vaguement mystérieux et inquiétants, encouragés par des mères hystériques et vociférantes. Autre type de récréation, pour adultes cette fois, souvent diffusé l’après-midi: une machine infernale est installée sur une tournette et munie de bras horizontaux placés à différentes hauteurs. Le défi consiste à marcher à contresens de la rotation et de parvenir à éviter l’un de ces obstacles qui précipitent violemment par terre le malheureux candidat. Le tout est commenté par des animateurs qui se saluent respectueusement mais qui produisent le plus souvent une sorte de bande sonore digne d’un théâtre de kabuki. La langue japonaise étant ce qu’elle paraît à nos oreilles, on dirait que les protagonistes s’adressent des noms d’oiseaux assortis de grondements sourds, de glissendos glapis et d’interjections haut perchées. D’où l’impression assez comique, quand on ferme les yeux quelques instants, d’entendre la récitation parlée-chantée du Pierrot lunaire d’Arnold Schoenberg Les soirées télé I I. Issue de secours quand tout commence à mal tourner. II. Même sèche, elle s’occupe des enfants. Joueur de syrinx. III. Engin de terrassement. Bien moins chaud, pas encore froid. IV. Sent la résine. Admise. Romains de Tivoli. V. Ecrase tout au passage. Interjection. Transport collectif. VI. Mis en bon ordre. Trouva la bonne mesure. VII. Bout de banc. Frappe brutalement. VIII. Introduction musicale. Rusées mais tordues. IX. Attend les cierges à l’église. Xénophane ou Zénon. X. Petites malices sans grande méchanceté. Samedi 22 mars 2014 p a r R ena ud Ma cha r t D 7 11 PARIS 4 11 30 à 35° EnAEurope 995 990 Châlonsen-champagne Caen Brest 25 à 30° 10 25 1005 6 11 6 11 20 à 25° www.meteonews.fr Amiens Rouen 15 à 20° 10 15 Lille 6 11 0123 écrans 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Verticalement 1. A sorti ses plus beaux habits. 2. Adaptés pour fermer. 3. Se manifeste spontanément. Espace vert en remontant. 4. Dada et surréaliste. Très fatigué. Sur la portée. 5. Un peu d’avance pour assurer l’arrivée en nombre. 6. N’est pas toujours sûr. Facilite la traversée. 7. Entrent dans l’action. Les bêtes de la ferme. 8. Ne lâchera rien. Sème les vents et les tempêtes. 9. Fin de partie. Résister au temps. 10. Essence tropicale. Renforçai l’intérêt. 11. Fis disparaître. De juin à septembre. 12. Fisses perdre la tête. Philippe Dupuis Verticalement 1. Apesanteur. 2. Nettoyeuse. 3. Tarer. Rein. 4. Inertie. Nt. 5. CEE. Brea. 6. Epis. Cri. 7. RER. Arasai. 8. An. Clan. Il. 9. Pschents. 10. Aérera. Uns. 11. Nue. Tigrée. 12. Tracassier. Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: [email protected] Médiateur: [email protected] Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60 La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») 20.45 Thalassa. Lisbonne, au pays bleu. Magazine. Présenté par Georges Pernoud. 22.35 Météo, Soir 3. 23.10 Mussolini- Hitler. L’Opéra des assassins. Documentaire. Jean-Christophe Rosé (2012). 0.45 Si près de chez vous (55 min). CANAL + 20.55 Jack le chasseur de géants p Film Bryan Singer. Avec Nicholas Hoult, Stanley Tucci, Ewan McGregor (Etats-Unis, 2013). 22.45 Avengers pp Film Joss Whedon. Avec Robert Downey Jr, Chris Hemsworth (EU, 2012, 140 min) U. FRANCE 5 20.37 On n’est pas que des cobayes ! Magazine. Au sommaire : Défi : Escalader un mur de glace ! Peut-on faire une bulle carrée ? 22.24 C dans l’air. Magazine. 23.37 Entrée libre. Magazine (20 min). ARTE 20.50 Skin p Film Anthony Fabian. Avec Sophie Okonedo, Sam Neill, Alice Krige (GB - Af. S., 2008). 22.35 Contrôler le génome. Une ambition sans limite ? Documentaire (2013). 23.30 La Mélodie du boucher (2012). 0.20 Court-circuit. Magazine (55 min). M6 20.50 NCIS. Série. De l’existence de la femme... (S11, ép. 4, inédit) U ; Requiem. Erreur sur la cible. Un garçon d’exception. Super-soldat (S5, ép. 7 à 10/19) U. 1.10 New Girl. Série (S1, 9-10/24, 55 min). en version nippone. Une amie m’a transmis récemment le lien d’une vidéo disponible sur YouTube (http://www.youtube.com/watch?feature=related & v = KWwjl0zuaaE). On y voit, filmé il y a probablement une vingtaine d’années, le grand acteur Bando Tamasaburo, aujourd’hui âgé de 64 ans. Cet éminent artiste, qui se produit toujours dans des rôles de femme, est là-bas doté du très vénérable statut de trésor national vivant. L’émission, dont il est l’invité d’honneur, a tout l’air d’une séance façon « Gym Tonic » de Véronique et Davina, en moins déshabillé. L’acteur enseigne à quelques hommes un peu gourds les exercices d’assouplissement auxquels il Ce qui frappe surtout, c’est l’absence totale de délicatesse de ces programmes japonais s’astreint. Evidemment, les cobayes parviennent bien difficultueusement à reproduire les mouvements enseignés. Ils se coincent le dos ou se tordent le bras et réagissent par une symphonie de borborygmes et de rires gras qui semblent laisser Tamasaburo légèrement mal à l’aise. Ce qui frappe surtout, c’est l’absence totale de délicatesse de ces programmes télévisés, alors que la culture japonaise est, on le sait, l’une des plus raffinées qui soient. C’est qu’il doit en aller là-bas comme ici: il ne faut sûrement pas jauger le degré de civilisation d’un pays à sa télévision. A moins que… p Samedi 22 mars TF 1 20.55 The Voice, la plus belle voix. Episode 11. Présenté par Nikos Aliagas. 23.25 The Voice. « La suite ». 0.35 Les Experts : Miami. Série. Dernier match U. Sur les pas du tueur W Révélations U (S3, ép. 22 et 24/24, 150 min). FRANCE 2 20.45 Serge Lama, le grand show. Variétés. Invités : Patrick Bruel, Charles Aznavour, Laurent Gerra, Tal, Patrick Fiori, Bénabar... 23.05 On n’est pas couché. Talk-show présenté par Laurent Ruquier (180 min). FRANCE 3 20.45 Deux petites filles en bleu. Téléfilm. Jean-Marc Thérin. Avec Christine Citti, Yann Sundberg (France, 2013, audio.) U. 22.15 Météo, Soir 3. 22.40 Le Grand Georges. Téléfilm. François Marthouret. Avec Xavier Gallais, Marie Denarnaud (France, 2012, audio). 0.20 Appassionata - Les Troyens. [1 et 2/2]. La Prise de Troie. Les Troyens à Carthage. Opéra de Berlioz. Dir. Antonio Pappano. Avec Anna Caterina Antonacci (255min). CANAL + 20.55 11.6 p Film Philippe Godeau. Avec François Cluzet, Bouli Lanners, Corinne Masiero (Fr., 2013). 22.35 Jour de rugby. Top 14 (22e journée). 23.15 Jour de foot. L 1 (30e journée). 0.10 Queens of the Stone Age au Zénith de Paris. Concert (2013, 105 min). FRANCE 5 20.35 Echappées belles. Bienvenue en Alsace ! Magazine. 22.10 Visages du littoral. [4/4] Bretagne. 23.00 L’Œil et la Main. La Clé des sons. 23.30 Superstructures. Le Grand Bouddha. Documentaire (45 min). ARTE 20.50 L’Aventure humaine. Les Jardins suspendus de Babylone (GB, 2013). 21.40 B... comme Babylone. Documentaire. 22.40 San Francisco. La Bande-son d’une ville. Documentaire (2013). 23.40 Tracks. Magazine (40 min). M6 20.50 Hawaï 5-0. Série. Akanahe (S4, ép. 8, inédit) U ; Le Crochet. Kekoa (S3, 15 et 16/24) U ; Aloha. Ohana (S1, ép. 1 et 2/24) U. Avec Alex O’Loughlin (250 min). décryptages 0123 Samedi 22 mars 2014 19 Prix littéraires, auteurs francophones, grandes maisons… tout passe par Paris, au détriment des auteurs étrangers qui diffusent notre langue Mondialisons l’édition française! D ans le monde, 6 000 langues sont parlées. Peu bénéficient d’un marché du livre. Le bassin linguistique francophone est, à ce jour, en termes de locuteurs, le cinquième au monde après les bassins chinois (Chine, Singapour, Taïwan), anglophone (Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie, Canada, NouvelleZélande, Inde, Afrique), hispanophone (Espagne, Amérique latine) et hindi (Inde, Pakistan). Cela engendre des responsabilités en termes de transmission des savoirs. Comment les marchés du livre dans les quatre bassins linguistiques postcoloniaux (l’anglais, l’espagnol, le français et le portugais) sont-ils structurés ? Comment évoluent-ils à l’ère de l’Internet, de l’accélération des échanges, de la circulation de l’écrit et des idées, des personnes et des relations culturelles et commerciales entre anciennes puissances coloniales et pays anciennement colonisés ? Les situations sont fort différentes, d’une ère linguistique à une autre. Le marché du livre anglophone,au marketing sans état d’âme, est le plus développé. Il demeure leader en termes de professionnalisme, d’innovation et de création de tendances lourdes. Le marché hispanophone est très dynamique du fait d’une croissance du niveau de vie en Amérique latine et de politiques publiques du livre et de la lecture. Ce sont des marchés vastes, en forte expansion, commercialement très actifs, où se côtoient grands groupes transnationaux et structures indépendantes. Ces marchés étaient préparés à l’émergence d’une classe moyenne « consommatrice» de livres, parce que les groupes occidentaux s’y sont implantés très tôt. Ils y ont développé des filiales, formé des professionnels et favorisé un transfert de compétences. Ces maisons fonctionnent aujourd’hui comme des entités locales, autonomes sur le plan éditorial et commercial. La délocalisation du commerce du livre hors de ses grands centres historiques s’est faite au profit de tous Ainsi retrouve-t-on en Inde, en Afrique du Sud et en Australie des groupes anglosaxons comme Penguin, Random House, HarperCollins, Macmillan ; en Amérique latine Planeta,Santillana, Random HouseMondadori. Au Brésil, dont le marché éditorial s’est historiquement dissocié du marché portugais, se sont également implantéesdes filiales espagnolesprésentant les mêmes caractéristiques opérationnelles. Ce fort ancrage a stimulé ces marchés du livre émergents, provoquant une augmentation très nette de l’offre éditoriale et suscitant, comme en réaction, la création de groupes nationaux et la multiplication de structures indépendantes très innovantes (Seagull Books en Inde, Sexto Piso au Mexique, Cosac Naify au Brésil par exemple) qui sont devenues des modèles. En règle générale, contrairement à des idées reçues, la coexistence des groupes et des indépendants crée de la « bibliodiversité ». La délocalisation du commerce du livre hors de ses grands centres historiques ne s’est pas faite au détriment des uns mais au profit de tous, y compris des auteurs, plus présents sur l’ensemble des marchés. Au lieu d’exporter des livres depuis l’Europe, on exporte des droits de publication depuis n’importe quel centre, européen, asiatique, sud-américain, etc. Le marché des droits s’est internationalisé, décentralisé, accéléré, professionnalisé et l’on sait aujourd’hui qu’il ne peut y avoir de marché du livre dynamique sans un marché des droits dynamique. Là encore, les Anglo-Saxons étaient mieux préparés ; voilà maintenant des décennies qu’ils ont tissé un réseau d’agents et de sous-agents particulièrement efficaces, présents dans le monde Pierre Astier Fonde la revue littéraire « Le Serpent à plumes » en 1988, qui deviendra une maison d’édition en 1993. En 2006, il crée avec Laure Pécher l’agence littéraire Astier-Pécher. Il dirige la collection de nouvelles « Miniatures » chez Magellan & Cie. Laure Pécher Crée, en 2002, la collection des « Classiques du monde » chez Zoé. Elle est l’auteur du « Droits d’auteur en usage en Europe », avec Pierre Astier (Le Motif, octobre 2010) et de « Premier roman, mode d’emploi » (Zoé, 2012). entier. Les hispanophones les ont imités. Le marché francophone, historiquement très professionnel et créatif, demeure fortement centralisé à Paris, alors qu’il comprendra,selon les prévisionsdémographiques, quelque 700 millions de locuteurs au milieu du XXIe siècle. On y annonce une explosion de la demande, alors que l’offre y fait défaut. Etrangement, les éditeurs français ont peu investi dans l’espace francophone comme s’il devait ne jamais se développer. Le marché du livre francophone est très cloisonné, très « modèle ancien ». Les grands groupes français ont continué d’exporter leurs livres, négligeant de transférer leur savoir-faire. Aucun des groupes, aucune des grandes maisons françaises (Gallimard, Grasset, Le Seuil, Albin Michel, etc.) n’est présente dans la sphère francophone comme entité éditoriale autonome, hormis quelques exceptions : Hachette Antoine (Liban), Bayard Jeunesse Canada ou Flammarion Québec. La circulation des livres continue donc de se faire à sens unique, depuis la France vers la Suisse, la Belgique, le Canada ; depuis l’ancienne puissance coloniale, la France, vers ses anciennes colonies d’Afrique, de la Caraïbe et de l’océan Indien. Plus préoccupant : les « grands noms » de la littérature francophone ont été aspirés par ce centre. On importe les talents, on exporte les livres, mais on n’exporte ni les labels ni les droits. Pourquoi ? Pourquoi un groupe comme Hachette s’est-il implanté en Amérique du Sud, en Inde (Hachette Latinoamerica et Hachette India), en Chine, en Russie et quasiment pas dans l’espace francophone? Hachette Livre International est certes présent en Afrique mais avant tout comme structure de diffusion. Et, quand Gallimard crée [en 2014] une maison d’édition au Québec, elle lui donne un autre nom, comme si les grands labels parisiens devaient demeurer parisiens. Idem pour les créateurs. Les auteurs publiés par les grandes maisons parisiennes ne peuvent l’être par d’autres. Vendre les droits d’édition en langue française à l’intérieur de l’espace francophone est encore difficile. Résultat : si les auteurs francophones suisses, belges, québécois, africains,nord-africains,antillais, moyenorientaux ou originaires de l’océan Indien sont disponiblesdans l’espacefran- Planisphère éditorial par grande langue Langue majoritaire Chinois Anglais Allemand Japonais Espagnol Arabe Hindi Russe Portugais Français Nombre d’éditeurs classés parmi les 60 premiers mondiaux d’après leurs revenus en 2012, par pays un éditeur classé parmi les 60 premiers Norvège Danemark Pays-Bas Canada Finlande Suède Russie Royaume-Uni France Allemagne Italie Etats-Unis Espagne Chine Japon Corée du Sud Brésil SOURCES : THEODORA.COM/MAP ; PUBLISHERSWEEKLY.COM Au Québec, les premiers pas d’un pionnier LE QUÉBEC: près de trois fois la France en superficie, et plus de 8 millions d’habitants francophones. A titre de comparaison, on estime à 4,2 millions le nombre de francophones en Belgique. Le Québec représente donc un marché du livre attractif. Les maisons d’édition françaises le savent, elles y exportent leur production. Cela n’empêche pas les éditeurs québécois d’exister et, pour certains, comme Boréal, Leméac, L’Hexagone, Lux Editeur, XYZ, Mémoire d’encrier ou d’autres, d’être présents sur la scène éditoriale internationale. Dans ce paysage bien clivé, offre française/offre québécoise, deux maisons font le grand écart: Bayard Jeunesse Canada et Flammarion Québec. Deux expériences similaires à celles pratiquées par les Anglo-Saxons et les Hispaniques, puisque ces maisons ont gardé le label des maisons mères françaises tout en veillant à leur indépendance. Flammarion Québec est éditorialement autonome, propriété du groupe éponyme (lui- même propriété de Madrigall SA). Louise Loiselle, qui la dirige, est une Québécoise, comme les trois autres personnes qui constituent son équipe. Elle y développe une ligne éditoriale propre, pour moitié des auteurs québécois, pour moitié des œuvres traduites. Les relations avec la maison mère française y sont souples, une fois les comptes rendus – et les comptes sont bons –, le reste relève de son entière discrétion. Un cas isolé de déclinaison La présence de la marque au Québec est emblématique d’une volonté, d’une prudence et d’un principe de réalité commerciale de la part des dirigeants de Flammarion. En 1950 est ouverte à Montréal la grande librairie Flammarion, haut lieu de référence de la culture française. En 1972, la maison parisienne se dote outre-Atlantique d’une plate-forme de distribution, la Socadis, qui offre aux librairies et grandes surfaces québécoises une livraison en 24heures des ouvrages de centaines d’éditeurs. Deux ans plus tard, en créant les éditions Flammarion ltée, le groupe s’organise afin de promouvoir ses ouvrages localement. En 1998, un nouveau pas est franchi avec la création de la maison d’édition Flammarion Québec. Quinze ans plus tard, la maison édite une vingtaine de nouveaux titres chaque année. Ce cas de déclinaison d’une marque française reste isolé, en dépit de son succès. Gallimard a annoncé la création d’une autre maison au Québec, mais elle ne portera pas le nom de la maison mère. Comme en écho à cette présence française au Québec, qui peut être vécu comme un impérialisme éditorial par certains, a répondu l’ouverture d’un bureau à Paris de Lux Editeur, petit éditeur indépendant de sciences humaines québécois, soucieux de publier et diffuser ses livres hors les seules frontières du Canada. Preuve que les échanges à l’intérieur d’une ère linguistique peuvent être à double sens. p cophone, c’est grâce au passage obligé par Paris. Autrement dit, s’ils sont disponibles dans leur propre pays, ce sera dans les bibliothèques tant les prix de vente sont inadaptés aux réalités économiques nationales. Quant aux autres auteurs, non moins talentueux, ceux qui sont publiés dans leur pays, ils doivent se contenter du marché local. On peut et on doit s’émerveiller du travail accompli par de petites structureséditoriales indépendantes comme Elyzad ou Ceres (en Tunisie), Barzakh ou Chihab (en Algérie), Editions d’en bas ou Bernard Campiche (en Suisse), Ecosociété, Lux ou XYZ (au Canada), Jeunes Malgaches (à Madagascar), Luce Wilquin ou Maelström (en Belgique), Le Fennec ou Tarik (au Maroc), Dar Al-Farabi (au Liban), Donniya ou Jamana (au Mali), les Presses universitaires d’Afrique ou Ifrikya (au Cameroun), les NEA (au Sénégal), les NEI (en Côte d’Ivoire), etc. qui se sont développées et finissent par exister sans Paris. Les médias hexagonaux demeurent peu ou prou indifférents à cette production francophone plus célèbre outreAtlantique, à New York ou à Boston, qu’à Paris ; les prix littéraires parisiens les méconnaissent, hormis quelques exceptions comme les Editions Zoé (Suisse) pré- Si les auteurs francophones sont disponibles dans leur propre pays, c’est dans les bibliothèques tant les prix sont inadaptés aux réalités économiques nationales sentes sur les listes depuis quelques années, et les libraires français en ignorent bien souvent jusqu’à l’existence. C’est un fait que personne ne relève jamais, préoccupant pour l’ouverture d’esprit des élites et des décideurs chargés de cet outil porteur de culture qu’est le livre, et navrant pour les stratégies des groupes éditoriaux. Ceux-ci, diffuseurs d’écrit et de pensée dans une langue, la langue française, auraient-ils renoncé à leur mission première, celle de propager le savoir et d’apporter l’éducation au plus grand nombre ? Quelles sont à terme les conséquences de la non-implication des éditeurs français dans ce vaste marché qui pourrait leur échapper? De nombreux pays, en particulier d’Afrique, risquent de passer d’une absence de marché du livre structuré à un marché numérique entièrement entre les mains des géants désormais célèbres de l’Internet. Les auteurs africains et antillais, qui résident plus souvent aux Etats-Unis ou au Canada qu’en France, cherchent dorénavant à confier la gestion de leurs droits aux agents littéraires en Afrique du Sud, enEspagne ou aux Etats-Unis.Il est à craindre que les grands labels éditoriaux français se trouvent ainsi marginalisés dans un marché de langue française qui aura appris à se passer d’eux. Entermes d’échanges,de relationscommerciales équitables et respectueuses, de formation, de pédagogie du « travailler ensemble », ce dont tout le monde a besoin, particulièrement dans le marché francophone, tout reste à faire. Le marché du livre francophone est un grand espace de création, un grand réservoir de lecteurs, très peu travaillé. Il est urgent de se défaire des vieilles mentalités. Parce que les échanges se sont accrus, parce que la formation des uns par les autres s’est accentuée (combien d’Indiens ont fait de longs séjours dans les maisons d’édition anglaises, combien de Nigérians se sont formés aux Etats-Unis, combien d’Argentins ont fait leur apprentissage à Barcelone ?), parce que le commerce des droits s’est décentralisé. Le marché français reste-t-il trop préoccupé de son centre pour voir se profiler l’avenir? p 20 0123 analyses Samedi 22 mars 2014 Le crépuscule du populisme latino-américain ANALYSE par Paulo A. Paranagua Service International L ’Amérique latine connaît la fin d’un cycle, celui du renouveau du populisme. L’histoire contemporaine de la région avait été marquée par un premiercyclepopulistedanslestroisprincipaux pays : le Brésil, avec la dictature de Getulio Vargas (1930-1945), le Mexique, avec la présidence du général Lazaro Cardenas (1934-1940), et l’Argentine, avec le régime du général Juan Domingo Peron (1946-1955), sans oublier des expériences dans d’autres nations. La résurgence du nationalisme populiste est associée au lieutenant-colonel Hugo Chavez, au pouvoir au Venezuela entre 1999 et 2013, et à son « socialisme du XXIe siècle ». Cependant, le populisme est une tentation récurrente des forces politiques latino-américaines, qui ne sont pas forcément situées à gauche. Ainsi, l’ancien président colombien Alvaro Uribe (2002-2010), figure de la droite dure, n’était pas différent de sonhomologuevénézuéliendans samanière de gouverner et d’établir un rapport direct avec l’opinion à travers les médias, sans passer par les médiations politiques traditionnelles. Sous l’influence de Chavez, la pulsion popu- liste s’est manifestée dans un autre pays pétrolier, l’Equateur, sous la présidence de Rafael Correa depuis 2007, et dans un pays gazier, la Bolivie, sous la présidence d’Evo Morales depuis 2006. Mais on la retrouve au sein du centre gaucheau Brésil,endépit desgrandséquilibresrétablis et respectés depuis vingt ans. Ainsi, la condamnation pour corruption politique de l’ancien bras droit du président Luiz Inacio Lula da Silva, José Dirceu, et d’autres personnalités, a montré un Parti des travailleurs (PT, la formation présidentielle) divisé à propos de la gestion du scandale, même si Dilma Rousseff tente de maintenir le cap en vue de sa réélection en 2014. La disparition d’Hugo Chavez, en mars 2013, marque un tournant. Un an après, la crise au Venezuela est à la fois économique, sociale et institutionnelle. Véritable animal politique, Hugo Chavez avait la capacité de transformer les revers en victoire, de retomber sur ses pieds. En revanche, son successeur, Nicolas Maduro, parvientà dévoyer le moindre succès.Elu de justesse en avril 2013, il a raté l’occasion de stabiliser la situation par un recentrage au centre gauche et le dialogue avec l’opposition. Le 8 décembre 2013, les municipales confirmaient l’érosion de l’électorat chaviste, passé de 59 % des voix aux élections locales et régionales de2008,à49%aprèsledécèsduchefcharismatique de la « révolution bolivarienne ». Pour la deuxième fois, M. Maduro laisse passer l’occasionde tendrela mainaux nouveauxélusetpré- fère l’invective, comme son rival, le numéro deux du régime, le capitaine Diosdado Cabello, président de l’Assemblée nationale. Résultat : deuxmoisplustard,c’estl’explosiondesmécontentements, qui n’est pas près de s’éteindre. La fragmentation du péronisme La crise du populisme est sensible dans d’autres nations. En Equateur, le président Correa, partisan de la démocratie plébiscitaire, vient de subir sa première défaite électorale, le 23 février, lorsque ses candidats ont perdu le contrôle des grandes villes, à l’instar des chavistes au Venezuela. En Argentine, le péronisme, véritablematriceduchavisme,connaîtunefragmentation inédite depuis l’élection de Nestor Kirchner,en 2003.Les électionslégislativesd’octobre 2013 ont mis fin à la possibilité d’une seconde réélection de sa veuve, Cristina Kirchner. Le prochain président argentin sera peutêtre péroniste, mais il ne sera plus issu des rangs des Kirchner, grands obligés de Chavez. Le crépuscule du populisme résulte d’un essoufflement de leur modèle dirigiste de l’économie. L’inflation de 56 % au Venezuela et de 30 % en Argentine sont les symptômes d’un dérèglement plus général. L’économie colombienne a dépassé l’Argentine, la vénézuélienne est la lanterne rouge de la région. L’épuisementdumodèlepopulisteest confirmé par la politique mise en œuvre par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au Mexi- LA CRISE DU POPULISME RÉSULTE D’UN ESSOUFFLEMENT DE LEUR MODÈLE DIRIGISTE DE L’ÉCONOMIE [email protected] POLITIQUE | CHRONIQUE MUNICIPALES p a r Fr a nço i s e Fr es so z L’ultime rempart LUNDI 24 MARS 0123 ÉDITION SPÉCIALE Les résultats détaillés ville par ville*. Les analyses et les enjeux du second tour que. Lors de la première annéede sonmandat, le président Enrique Peña Nieto, arrivé au pouvoir en décembre 2012, a choisi la voie des réformes longtemps bloquées par le PRI lui-même au Congrès.L’éducation,lafiscalité,les télécommunications, la législation électorale et surtout l’énergie, sont autant de chantiers abordés en dépit des réticences d’une partie de la gauche, pour qui le pétrole relève de l’identité nationale plutôt que de l’économie. Le tournant entamé par l’Amérique latine ne profitepasforcémentauxconservateurs.Certes, au Honduras, la candidate populiste à la présidentielle de 2013 a été battue par la droite.Toutefois, au Chili, l’alternance a profité au centre gauche, qui revient aux affaires après la parenthèse Piñera. La socialiste Michelle Bachelet a intégré les communistes dans sa Nouvelle Majorité, mais devra satisfaire des demandes délaissées pendant sa première présidence (2006-2010), telles l’éducation et l’environnement. Le déclin du populisme pourrait rebattre les cartes de l’intégration régionale, mise à mal par l’idéologie et des forces centrifuges. Face au bloc des pays tournés vers le Pacifique, le Brésil devrait relancer ses liens avec l’Europe à l’occasiondes négociationsentre l’Unioneuropéenne etleMercosur– l’uniondouanièresud-américaine –, affranchi des résistances de l’Argentine et du Venezuela. p CAHIER SPÉCIAL DE 24 PAGES D e toutes les figures politiques, le maire est celle qui résiste le mieux. Une grosse majorité de Français lui fait encore confiance, alors que le député est tombé nettement au-dessous de la moyenne, sans parler de l’exécutif national, qui a très vite plongé dans des abîmes d’impopularité. Dimanche 23 mars, à l’occasion du premier tour des élections municipales, c’est la résistance du maire qui sera testée, sa capacité à faire fi de la défiance politique qui ne cesse de monter au point de «ronger la démocratie», comme le dit Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. La responsabilité de l’édile est lourde: le maire est devenu l’ultime rempart d’un système qui prend l’eau de toutes parts. Sa solitude est extrême: il doit se battre seul car, du côté du national, il n’a plus aucune aide. Non seulement les caisses sont vides, mais les affaires s’accumulent, jetant une lumière crue sur le comportement de Nicolas Sarkozy, qui rêvait en 2007 d’être le sauveur du pays et ressemble aujourd’hui à un aventurier aux abois. L’actuel président de la République assiste au naufrage de son prédécesseur en jurant qu’il n’y est pour rien mais sans se départir du soupçon d’ingérence que des décennies de pratiques au sommet de l’Etat ont accrédité. Les juges font leur travail mais à coups d’écoutes téléphoniques qui inquiètent les avocats. Et c’est comme si toutes les institutions, désacralisées, devaient lutter pour leur survie sur fond d’attaques éclair qui déportent chaque jour un peu plus les digues de la présomption d’innocence, du secret professionnel et du secret de l’instruction. De ce naufrage, le maire se tient à l’écart. Sa campagne est locale, ses arguments sont tournés vers la vie quotidienne: il est proche de ses administrés, veut améliorer l’emploi, le cadre de vie, la sécurité, les transports. Son bilan est honorable mais il n’échappe pas à ce qui a fini par user le national: la croissance trop faible pour financer les investissements d’avenir; les impôts trop élevés au regard du service rendu; le chômage trop fort pour garantir le vivre-ensemble. Et, pour couronner le tout, la montée de l’individualisme qui transforme le citoyen en un consommateur exigeant, inassouvi et de plus en plus boudeur. Dimanche, le niveau de la participation dira si le maire résiste ou non au mauvais vent démocratique, mais ce ne sera pas son seul combat, car le Front national est à l’offensive. Il veut faire turbuler le système en partant de la base Dimanche, le niveau de la participation dira si le maire résiste ou non au mauvais vent démocratique pour aller vers le sommet. C’est la stratégie de Marine Le Pen, qui n’était pas celle de son père. Avec 597listes déposées dans 409 villes de plus de 10 000 habitants, le FN n’a jamais été aussi présent. Il n’est pas certain de gagner des villes, mais il est sûr de peser dans l’entre-deux-tours et de compter dans le jeu municipal. Et cette simple assurance renforce un peu plus le malaise national, car la droite voit s’éloigner la perspective d’une franche reconquête, tandis que la gauche ne peut espérer limiter la casse qu’avec l’aide des triangulaires. Le piège est imparable. p [email protected] 0123 Les 1 000 plus grandes villes UN NUMÉRO EXCEPTIONNEL À CONSERVER EN VENTE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX ACCÉDEZ À L’INTÉGRALITÉ DES « UNES » DU MONDE ET RECEVEZ CELLE DE VOTRE CHOIX ENCADRÉE Encyclopéd ie Universalis www.lemond e.fr 65 e Année - N˚19904 - 1,30 ¤ France métropolitaine L’investiture de Barack Nouvelle édition Tome 2-Histoire --- Jeudi 22 janvier Uniquement 2009 Fondateur Premières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension : Hubert Beuve-Méry En plus du « en France - Directeur Monde » métropolitaine : Eric Fottorino Obama des audiences à Guantanam o Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne un sur le ; ambitions s’est arrêtée de Barack Obama en 2008, a Feuille force d’invoquer presque modeste. moment qu’elle de route. « pendant et de nouveau la première décision d’un rassembleur ; n’est A vivre : était en train Abraham La grandeur Martin Luther l’accession de la nouvelle jamais un administration: de du 18 les festivités de l’investiture, Lincoln, au poste au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice les rencontres glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment hauts gradés de l’armée. Enquête les D Education L’avenir de Xavier Darcos « Mission UK price £ 1,40 * Les Unes du Monde terminée » : le ministre de ne cache pas l’éducation considérera qu’il se bientôt en disponibilité pour tâches. L’historien d’autres de l’éducation Claude Lelièvre explique Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévasté e REPORTAGE GAZA Bonus Les banquiers ont cédé Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu ENVOYÉ SPÉCIAL D page 19 27 000 profs partiront chaque année à la retraite, d’ici à 2012. ans les rues de Jabaliya, françaises qu’ilsdes banques les enfants ont trouvé renoncent veau divertissement.un nouà la « part variable lectionnent de leur rémunération les éclats d’obusIls colmissiles. Ils et de ». déterrent du En contrepartie, sable des morceaux d’une les banques qui s’enflamment fibre compacte pourront immédiatement bénéficier d’une au contact de l’air et qu’ils aide difficilement tentent de l’Etat de d’éteindre avec 10,5 pieds. « C’est d’euros. Montantmilliards du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. » équivalent à Surlesmursdecette celle accordée fin 2008. Page rue,destracesnoirâtressont boutique. 14 bes ont projeté visibles.Lesbom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa pas. « Dites fabrique de incendié une petite des bien aux dirigeants Au bord de papier. « C’est nations occidentales la mièrefoisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation morts pour trenterien. l’Américain semaines, israélienne », Qu’ici, il n’y a jamais s’exclame Mohammed eu de tirs de Chrysler roquettes. Que Abed négocie l’entrée bo. Dans son c’est costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland Rehbi Hussein de 35 %. L’Italie à hauteur devant par Barthes, Heid. Entre un magasin, une bombe mains, mort ses de cette bonne se réjouit Ils étaient il le 10 janvier. tient une en 1980, enflamme feuille venus s’approvisionner papier avec pour l’économienouvelle tous les noms de le cercle de ses pendant disciples. des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés, ainsi Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère que leur Le demi-frère de son côté, aura tre aux Gazaouis permet- reprises, à plusieurs l’écrivain, qui accès à une comme en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. der qu’ils sont pour se persua- la publication, plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 Le livre-enquête éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le incontournable de l’ancien Algérie 80 DA, métallique éditeur de Barthes, pour alimenter Allemagne 2,00 Lire la suite ¤, Antilles-Guyane de la sur l’avenir le débat 2,00 ¤, page comment la rupture s’est faite entre les enseignants et Xavier Darcos. Page 10 Automobile Fiat : objectif Chrysler Edition Barthes, la polémique Autriche 2,00 et Débats page 5 17 François Wahl. de l’école. ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun Maroc 10 DH, 1 500 Norvège 25 KRN, Pays-Bas F CFA, Canada 3,95 $, Côte 2,00 ¤, Portugal d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie cont. 2,00 ¤, un éditeur 18,50 Kn, Danemark Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 derrière l’écran 500 F CFA, Slovénie 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,20 ¤, Suède > www.arteboutiqu 2,50 ¤, Gabon 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1 500 F CFA, Grande-Bretagne e.com 1,9 DT, Turquie 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, USA 2,20 ¤, Hongrie 3,95 $, Afrique 650 HUF, Irlande CFA autres 2,00 ¤, Italie 1 500 F CFA, 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Page 20 RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique 0123 enquête Samedi 22 mars 2014 21 Bruno Julliard, ancien président de l’UNEF, adjoint à la culture du maire de Paris, porte-parole d’Anne Hidalgo, est candidat aux prochaines municipales. STÉPHANE LEMOUTON/ABACA Benoît Floc’h A l’entrée du marché SaintMarc de Rouen, Jean-Baptiste Prévost a l’assurance des habitués. Vêtu d’un coupevent rouge frappé du nom du maire socialiste sortant, il se précipite, tract à la main, sur un jeune couple. Il fait beau et chaud pour un dimanche de mars ; un accordéon donne à la scène des airs de bal musette. Tout juste trentenaire mais déjà ancien président de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) de 2007 à 2011, Jean-Baptiste Prévost, membre du cabinet de la ministre de l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, est 33e sur la liste d’Yvon Robert. Les municipales, c’est l’épreuve du feu, sa première campagne pour un mandat politique. Depuis quelques mois, le jeune homme jongle avec ses agendas ministériel et électoral. Le jeudi, souvent, mais aussi le weekend, il débarque à Rouenpour une réunion publique,un tourde villeàvéloaveclemaire ou du porte-à-porte. « Quand les équipes de la présidentielle de 2012 ont redécouvert le porte-à-porte, ironise-t-il, elles ont dit : “Onimporte la méthodeObama.” A l’UNEF, onl’a fait pendantdix ans dansles citésuniversitaires…» La méthode UNEF. Comme Jean-Baptiste Prévost, d’autres anciens responsables du syndicat étudiant sont ces jours-ci en campagne, appliquant leur militantisme de terrain. Bruno Julliard (président de 2005 à 2007) et Karl Stoeckel sont candidats à Paris, sur les listes d’Anne Hidalgo. Yassir Fichtali (président de 2001 à 2005) se présente à Saint-Ouen, Mathieu Hanotin à Saint-Denis. Mais il y a aussi Tania Assouline et Anne Delbende à Montreuil, TristanLahais à Rennes, Michael Delafosse à Montpellier, Benjamin Vételé à Blois… La liste n’est pas exhaustive. Carc’esttoute une générationUNEF,celle des années 2002-2012, qui tente aujourd’hui de prendre le pouvoir dans les mairies, au Parlement ou dans les cabinets ministériels… « C’est d’abord l’histoire d’une bande de potes », assure Jean-Baptiste Prévost. Ils partent en vacances ensemble, sont parrains de leurs enfants respectifs et se retrouvent pour les fêtes d’anniversaire. Beaucoup étaient, le 9 février, chez Bruno Julliard pour ses 33 ans. Quelquesjours plus tôt, le 17 janvier, ils fêtaient la « dépendaison de crémaillère » de l’UNEF. Tout un symbole: le 112, boulevard de Belleville, à Paris, c’est le siège du syndicat depuis 2001. C’est là que la « bande de potes » s’est formée au combat syndical, avant d’accéder aux ors de la République. La génération 2002-2012 a une cohésion particulière, qu’elle doit au «traumatisme fondateur» du 21avril 2002: l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle Certes, les mobilisations exceptionnelles (Mai 68, le projet Devaquet en 1986 ou le contrat d’insertion professionnelle en 1994) ont marqué le militantisme étudiant. Mais la génération 2002-2012 a une cohésion particulière, qu’elle doit au « traumatisme fondateur » du 21 avril 2002: l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. «Les jeunes ont massivement relevé la tête, estimeBrunoJulliard.Une nouvellegénération de militants est entrée à l’UNEF. Le syndicat a réussi à s’unir, faisant fi des luttes intestines, dans cette bataille contre l’extrême droite. » Lycéens ou étudiants de gauche, ils découvrent que le corps électoral peut ruer dans les brancards. « C’est le déclenchement de mon engagement, UNEF Repaire de politiques raconte Jean-Baptiste Prévost. J’ai participé aux manifestations étudiantes à Rouen. Etj’airéalisé, surtout,le dangerpour lagauche de rompre avec les classes populaires.» Ce sera leur obsession: comprendre les aspirations du « mouvement social », et les porter. « En 2002, poursuit Jean-Baptiste Prévost, la droite prend le pouvoir pour dix ans et l’UNEF se met en mode défensif pour empêcher que les étudiants ne perdent des droits.» L’épreuve de force survient quatre ans plus tard. Car cette génération UNEF, c’est aussi celle du 10 avril 2006. Ce jour-là, le premier ministre, Dominique de Villepin, annonce que « les conditions ne sont pas réunies » pour l’application du « contrat première embauche». Le CPE était supposé favoriser l’embauche de jeunes en autorisant l’employeur à rompre le contrat de travail dans les deux premières années sans avoir à donner de motif. Le mouvement étudiant a balayé la réforme, pourtant votée par le Parlement. «Ce futunevraieépreuvemilitante,exténuante, difficile et exaltante, dit Jean-Baptiste Prévost. Cela a beaucoup renforcé nos liens avec Bruno, qui était alors président. Maisc’est aussiuneleçonpolitique: le mouvement social doit trouver sa place au PS, car l’engagement politique ne peut pas se retrancher dans sa tour d’ivoire. » L’épreuvea durci le cuir des jeunes militants. L’UNEF est une redoutable école de militantisme. Elle offre une formation idéologique rigide, apprend à lancer une pétition, à organiser une manifestation, à structurer un discours devant un amphi, à négocier avec un gouvernement. « Cela donne une assurance que l’on garde toute sa vie», confie Yassir Fichtali, président de 2001 à 2005. Avec le CPE, le mouvement s’accélère. Il faut prendre des décisions rapidement, organiser la mobilisation sans ruiner l’UNEF. « J’étais trésorier, je Nombre d’anciens responsables du syndicat étudiant sont aujourd’hui en campagne pour les élections municipales. Appliquant les méthodes apprises dans cette école du militantisme peux vous dire qu’on jouait notre peau », raconte Jean-Baptiste Prévost. En quelques semaines, les responsables du syndicat apprennent à faire bon usage des médias. « En apparence, les portes de l’UNEF étaient ouvertes tout le temps, se souvient Bruno Julliard. En réalité, nous avons parfois tout fait pour éviter que les médiasvoientcertains aspectsde la mobilisation.» Pour évoquer des sujets sensibles sans éveiller la curiosité, ils inventent des codessecrets.Alorsqu’ilseplaintdu«silence du gouvernement » devant un journaliste, Bruno Julliard est justement appelé par…un conseillerdeMatignon,Gonzague de Pirey. Quand il raccroche, il lâche à un comparse de l’UNEF : « J’ai eu des nouvelles des gonzes… Elles me rappellent ce soir…» BrunoJulliard apprend à affronter JeanFrançois Copé, porte-parole du gouvernement, sur les plateaux de télévision, à ne pas se laisser balader par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur. Il faut aussi recadrer les ardeurs des anciens de l’UNEF devenus responsables du PS, comme Julien Dray ou Jean-Christophe Cambadélis. Bruno Julliard rappelle alors à François Hollande, premier secrétaire, qu’il doit « tenir ses troupes». Adjoint à la culture du maire de Paris depuis 2012, devenu l’un des porte-parole d’Anne Hidalgo, candidate à la Mairie de Paris, il a gardé l’habitude de monter au filet. Exemples de ses tweets: « En l’absence de Paul Bismuth, NKM fait de la retape pour remplir son meeting ce soir : spam Facebook + SMS à la chaîne… Fébrilité ? » (19mars) ou « Pour la 98e fois, là vraiment, la dynamique de campagne d’NKM est lancée. Bon certes dans une salle à moitié vide, sans projet et sans équipe» (10 février)… « On s’est formés dans l’opposition, pas dans le confort du pouvoir, affirme Raphaël Chambon, aujourd’hui directeur adjoint du cabinet du ministre des transports, Frédéric Cuvillier. C’est une éducation militante qui habitue à la dureté du combat tout en restant ferme sur les principes. Voyez la crise que l’UNEF a traversée dans les années 1990 parce qu’elle avait péché par proximité avec le pouvoir politique de gauche. Elle en a perdu son indépendance.» Autre caractéristique de cette génération : elle a rompu avec les aînés socialistes. « C’est une génération qui refuse les mentors », poursuit Raphaël Chambon. Yassir Fichtali se souvient : « La rupture avec Julien Dray est intervenue assez vite après mon élection. Nous n’avions pas envie d’être un élément dans un dispositif politique visant à canaliser les mouvements de jeunesse. » Une rupture qui n’a rien de définitif. Après l’UNEF – « l’ENA buissonnière», plaisante Jean-Baptiste Prévost –, beaucoup choisissent… le PS, comme Bruno Julliard qui se dit « aubryste », voire la gauche du PS. Nombreux sont ceux qui se reconnaissent en Benoît Hamon, faisant de lui un « tuteur » de facto de l’UNEF. La plupart confient en effet leurs «gros doutes» sur la politique menée par le président de la République. « C’est grâce à eux que François Hollande a été élu, rappelle Pouria Amirshahi, président de l’UNEF de 1994 à 1998, député socialiste des Français de l’étranger. Ils se sentent floués et ils ont raison.» S ’ils doutent, ils se montrent bons soldats et jurent vouloir le succès de la gauche. « On n’a pas envie que les combats que nous avons menés pendant dix ans passent par pertes et profits », résume BrunoJulliard. Si bien que la « bande de potes » de l’UNEF est chaque été fidèle au rendez-vous de l’université d’été du PS à La Rochelle, après des vacances rituelles dans une maison louée, en Italie, au Portugal ou en Dordogne. Là, ils se lèvent tôt, visitent les sites des environs puis se retrouvent en fin d’aprèsmidi. « On joue alors au Trivial Pursuit et au Risk, un jeu de stratégiedontle but est de conquérirlemonde,sourit IsabelleDumestre, ancienne de l’UNEF. On s’engueule toujours parce que personne n’aime perdre. Sans conséquence. D’ailleurs, on parle de racheteruneferme àrestaurerdansla Creuse. On discute jusque très tard dans la nuit, on refait le monde. » Il faut pourtant commencer par gagner les municipales sur des sujets plus terre à terre. Au marché Saint-Marc de Rouen, Jean-Baptiste Prévost et le maire se font interpellerpar un hommequise plaint des passages piétons effacés devant la gare. Yvon Robert tente de rassurer cet électeur potentiel, qui demeure sceptique. JeanBaptiste Prévost dégaine une brochure : « C’est notre programme ! Vous verrez ce qu’on propose pour la voirie. » Refaire le monde attendra: « Y a à faire, pour la voirie», grommelle le monsieur. p 22 0123 0123 Samedi 22 mars 2014 CULTURE | CHRONIQUE pa r M i c h e l G u e r r i n Un engagement à hauts risques P QUAND CHANTEURS, COMÉDIENS OU METTEURS EN SCÈNE N’HÉSITENT PAS À SOUTENIR LES POLITIQUES as facile de savoir ce qu’un chanteur, un comédien ou un directeur de théâtre apporte à un candidat qu’il soutient aux élections municipales. Et ce qu’il risque. Ça dépend. Il y a un an, le site Atlantico s’est demandé si, pour un artiste, s’afficher avec un candidat de droite était un «suicide commercial». Ainsi Faudel, Doc Gyneco et Enrico Macias ont perdu une partie de leur public après avoir soutenu Sarkozy à la présidentielle de 2007. Constatons juste que le troisième soutient aujourd’hui Hidalgo à Paris. Du reste, dans la capitale, ça ne se bouscule pas derrière NKM. Citons Carla Bruni-Sarkozy ou Didier Barbelivien. La candidate a bien dîné avec Richard Berry, Fanny Ardant, Nathalie Baye ou Claude Lelouch, l’ambiance était «détendue», Patrick Bruel serait bien venu s’il n’avait pas eu un tournoi de poker, mais LouisMichel Colla, le directeur du Théâtre des Mathurins, qui a réuni les convives, a pris soin de préciser: « Cela ne signifie pas qu’ils partagent forcément les idées de NKM.» Il y a bien Depardieu qui s’affiche aux côtés de Sarkozy ou de Poutine, tant il n’a peur de rien sauf de lui-même. On pensait pouvoir ajouter Dany Boon, qui dit du bien d’une candidate Ankara interdit Twitter pour faire taire les critiques L a Turquie a rejoint la Corée du Nord, le Turkménistan, Cuba ou l’Iran sur la carte des pays qui censurent les réseaux sociaux. Dans la nuit de jeudi à vendredi, les autorités ont progressivement bloqué tout accès à Twitter. Si plusieurs utilisateurs continuent d’être actifs grâce à des systèmes permettant de contourner l’interdiction, reste qu’il ne leur est plus possible de tweeter ouvertement. Le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a donc mis sa menace à exécution, à huit jours d’un scrutin municipal déterminant pour son avenir politique. Quelques heures plus tôt, devant ses partisans rassemblés pour un meeting électoral, il avait lancé: « Nous allons supprimer Twitter. Je me moque des réactions de la communauté internationale. Ils verront la force de la Turquie.» La Turquie, deuxième utilisatrice au monde du site de micromessagerie, se réveille assommée par cette nouvelle offensive liberticide, qui pourrait bien raviver la mobilisation citoyenne dans le pays. Les rares médias indépendants qu’il reste indiquent aux internautes comment contourner le blocage. La Commission européenne a dénoncé vendredi matin un acte de « censure», « inutile et lâche». Les conséquences pourraient être graves pour la Turquie, estime Marc Piérini, ancien ambassadeur de l’Union européenne à Ankara et analyste pour la Fondation Carnegie. « En toute logique, l’UE devrait suspendre les négociations d’adhésion jusqu’à ce que la liberté d’expression soit restaurée. Nous allons voir si elle va le faire», observe-t-il. Les diatribes du premier ministre contre les réseaux sociaux se sont multipliées depuis l’érup- tion d’un vaste mouvement de contestation autour de la place Taksim, au printemps 2013. Très populaire, Twitter est apparu pour beaucoup, ces derniers mois, comme une source d’information capitale, face aux médias traditionnels, inféodés au pouvoir. Le contrôle de l’Internet a été renforcé par le vote, le 5février, d’une loi qui permet de bloquer par simple décision administrative, n’importe quel site jugé subversif. La censure de Twitter est la première conséquence de cette législation. Secrets de famille Même si le président de la République, Abdullah Gül, a écarté cette hypothèse vendredi, d’autres interdictions devraient suivre, contre Facebook et YouTube, déjà menacés début mars. « Nous sommes résolus à ne pas laisser le peuple turc être esclave de YouTube et de Facebook», a déclaré Recep Tayyip Erdogan. « Cette mesure n’a rien à voir avec la liberté, a insisté le chef du gouvernement. La liberté n’autorise pas l’intrusion dans la vie privée de qui que ce soit ou la révélation des secrets d’Etat.» A l’aide de ce verrouillage des moyens d’information, le gouvernement turc tente d’étouffer la diffusion d’enregistrements téléphoniques clandestins compromettants. Ces bandes, qui apportent chaque jour de nouveaux détails sur les affaires présumées de corruption qui cernent le premier ministre et son entourage, sont mises en ligne depuis décembre, par l’intermédiaire des comptes Twitter. Des secrets de famille que Recep TayyipErdogan prend visiblement au sérieux. Sa réaction ressemble à un aveu. p de la liste UMP à Armentières (Nord). Mais c’est sa maman. Il y a le cas du cinéaste Abdellatif Kechiche, qui adore se faire détester. Palme d’or à Cannes pour La Vie d’Adèle, marqué à gauche, soutien de François Hollande en 2012, il défend cette fois les couleurs d’un UMP dur, Christian Estrosi, maire sortant à Nice, ville où il a grandi. Pour trois raisons, qu’il a confiées au site Rue89: le candidat UMP « est le meilleur rempart contre le FN », il a rendu « la vie plus agréabledans les quartiers» et sa porte-parole de campagne est «une femme d’une grande beauté». C’est plus balisé à gauche. Ritualisé, même. A chaque élection, les ténors des grandes villes affichent un « comité de soutien» impressionnant. Anne Hidalgo n’y déroge pas. D’accord, le président de ce comité est le mathématicien Cédric Villani, mais derrière on trouve Julie Gayet, de vieux briscards de la gauche comme Lio, Pierre Arditi, Jacques Higelin, Agnès Jaoui, Cédric Klapisch, Jean-Pierre Marielle, Claudia Cardinale, Roland Castro, Jeanne Moreau, Bernard Murat, Charles Berling, Jacques Weber…, mais aussi quelques membres de la nouvelle génération comme Alex Beaupain, Blanca Li, Matali Crasset, Valérie Donzelli. Battue sur ce terrain, NKM a contre-attaqué sur un autre, fin janvier, en pointant les soutiens de Mme Hidalgo qui ont reçu des subventions de la Ville. Bref, elle dénonce un conflit d’intérêts. Le remuant Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point, est particulièrement visé pour avoir reçu près de 2,4 millions d’euros d’aides en 2012, à des titres divers. Réponse d’un proche d’Hidalgo: « Si on doit leur interdire de s’engager parce qu’ils touchent des subventions publiques, on en fait des citoyens de seconde zone.» Débat légitime, quand on sait que l’offre culturelle en France repose beaucoup sur la subvention. Des milliers de personnes en dépendent, et il serait étrange que, pour cette raison, elles ne puissent afficher des convictions politiques. D’un autre côté, on a pu voir certains acteurs culturels, surtout dans des villes moyennes, et là où leur modèle économique est fragile, se taire ou aller contre leurs convictions pour ne pas subir les foudres d’un élu. « Respect des choix et des opinions » Christine Albanel avait nourri le débat à l’été 2007. La ministre de la culture venait de lire l’éditorial publié dans une plaquette du Théâtre du Granit, à Belfort. Et notamment cette phrase qui, mise dans son contexte, avait plus d’humour que lorsqu’on l’isole ici: « L’élection de Sarkozy peut avoir des conséquences désastreuses sur nos existences.» Mme Albanel, scandalisée, avait répondu au directeur du Granit, Henri Taquet: «Un théâtre investi d’une mission de service public et financé par l’Etat et les autres collectivités doit à son public le respect des choix et des opinions démocratiquement exprimés.» Le monde du spectacle, relayé par la secrétaire nationale du PS chargée de la culture, qui s’appelait Anne Hidalgo, s’en était alors pris à la ministre pour défendre Henri Taquet. Ce joli monde, on l’a peu entendu lors d’une polémique qui vient de surgir à Rennes, en pleine campagne des municipales. François LePillouër, directeur du Théâtre national de Bretagne (TNB), a décidé de soutenir la candidate socialiste à la mairie, Nathalie Appéré. C’est son choix, déjà exprimé lors d’autres élections, et il n’y a rien à redire. En revanche, la façon dont il s’est exprimé cette fois a choqué. Patron du TNB depuis 1994, où il reçoit une subvention de la ville de 3 millions d’euros par an, M.LePillouër n’a pas hésité à envoyer un mail aux 14000 abonnés du théâtre dans lequel il dit tout le bien qu’il pense de la municipalité PS sortante. Indéfendable. Les autres candidats, de l’UMP aux Verts, ont dénoncé un «usage frauduleux d’un listing d’abonnés pour faire passer un message politique». Même la socialiste Nathalie Appéré «condamne» la forme de cet encombrant soutien, le qualifiant d’«inopportun ». Il n’y a qu’une personne qu’on n’a pas entendue, c’est Aurélie Filippetti. Le ministère de la culture finance pourtant le TNB. C’est même un fleuron de l’Etat. Il est vrai que M.LePillouër, dont le bilan est jugé bon, est un personnage redouté, qui a tétanisé pas mal de monde au ministère. Ce négociateur raide fut pendant sixans le patron du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, qui ne cesse de dénoncer le désengagement de l’Etat dans la culture. Désengagement, c’est le mot. p [email protected] LE FILM PHÉNOMÈNE plébiscité par la presse et le public déjà 500.000 spectateurs ALLOCINÉ '''' PRESSE ' ''' SPECTATEURS Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance) Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. 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