france - Free

LE VA-TOUT DE BOUYGUES
POUR ARRACHER SFR
CAHIER ÉCO – PAGES 2-3
DES CYBERESPIONS FRANÇAIS
DÉMASQUÉS PAR LE CANADA
INTERNATIONAL – PAGES 2-3
Samedi 22 mars 2014 - 70e année - N˚21516 - 3,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
LE FN ET LA CULTURE :
TOUT UN PROGRAMME
CULTURE & IDÉES – SUPPLÉMENT
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
Nicolas Sarkozy crie au complot
pour mobiliser la droite
Nicolas Ghesquière
Le génie de Vuitton
t A 42 ans, le créateur a pris la tête
de la plus grande maison de luxe du monde
t L’ancien président contre-attaque violemment dans «Le Figaro », à la veille des municipales
t Sa comparaison avec les écoutes de la Stasi est jugée «insupportable » par François Hollande
N
icolas Sarkozy a rompu le silence de
manière fracassante. A la veille des élections municipales, l’ex-chef de l’Etat
s’est adressé à ses partisans dans une tribune
publiée par Le Figaro vendredi 21 mars. Placé
sur écoutes téléphoniques judiciaires et soupçonné de trafic d’influence, l’ancien président
débute sa lettre par une série de dénégations:
« Je n’éprouve nul désir de m’impliquer aujour-
d’hui dans la vie politique de notre pays, je ne
suis animé par aucune velléité de revanche et ne
ressens nulle amertume ». Il prend la parole
pourdénoncerdes «coupstorduset desmanipulationsgrossières», attaque ManuelValls,Christiane Taubira et le Syndicat de la magistrature,
et cible François Hollande sans le nommer.
Ecouté dans le cadre d’une enquête sur le
financement supposé de sa campagne par Kad-
hafi en 2007, M. Sarkozy compare son sort à
celui des victimes de la Stasi, la police politique
de l’ex-RDA. François Hollande a répliqué que
« toute comparaison avec des dictatures est forcément révoltante ». La riposte de M. Sarkozy
vise à conforter ses soutiens auprès des militants de l’UMP, alors qu’une partie des barons
de la droite, dont Alain Juppé, veut empêcher
son retour en 2017. p LIRE PAGES 10-11
RUSSIE :
OBAMA
SANCTIONNE,
L’EUROPE
HÉSITE
M LE MAGAZINE DU « MONDE »
●
t Les proches
UNIQUEMENT ENFRANCE MÉTROPOLITAINE, ENBELGIQUE ET AULUXEMBOURG
collaborateurs de
Poutine sont interdits
de séjour aux
Etats-Unis et leurs
avoirs y sont bloqués
AUJOURD’HUI
L’armée française tue
quarante djihadistes
dans le nord du Mali
t L’UE signe un
accord politique avec
l’Ukraine, mais ne
vote pas de sanctions
économiques
contre la Russie
Les dirigeants
européens,
réunis
à Bruxelles,
le 20 mars.
LIRE PAGES 4 ET 6
YVES HERMAN/REUTERS
« La Naissance de
Vénus », de Botticelli
Nous poursuivons notre
exploration des chefs-d’œuvre
de la peinture. Cette semaine, un
tableau emblématique de Sandro
Botticelli, conservé à Florence.
EN VENTE EN KIOSQUES EN FRANCE
MÉTROPOLITAINE ET EN BELGIQUE
Jeux « olympiques »
dans le Grand Nord
La petite ville de Fairbanks,
en Alaska, accueille les 23es Jeux
arctiques d’hiver. Deux mille
athlètes s’affrontent jusqu’au
23mars au basket ou au volley,
mais aussi au « tiré d’oreille»
ou au « coup de pied en l’air »,
disciplines inuites. Notre
reporter, Simon Roger, raconte
ces Jeux méconnus. SUPPLÉMENT
Dans un rapport publié vendredi 21 mars pour la Journée mondiale de l’eau, l’ONU met en évidence «l’interdépendance eauénergie». Extraction de gaz ou
de pétrole, refroidissement des
centrales, production d’agrocarburants: les défis sont majeurs.
INTERNATIONAL – PAGE 6
PLANÈTE – PAGE 8
Washington-Moscou: grand coup de froid
L
a crise de Crimée est en
passe de créer entre les
Russes et les Occidentaux un moment de haute tension, comme il n’y en a pas
eu beaucoup depuis la fin de
l’Union soviétique.
Quelle que soit leur efficacité,
les sanctions annoncées, jeudi
20 mars à Washington, marquent un net durcissement du
ton des Etats-Unis à l’encontre de
la Russie. Elles ciblent certains
des plus proches collaborateurs
de Vladimir Poutine – son chef
ÉDITORIAL
SPORT & FORME
Depuis trois semaines, les
forces françaises ont lancé
plusieurs opérations contre
les combattants d’Al-Qaida au
Maghreb islamique. Plusieurs
cadres d’AQMI ont été tués,
dont Abdelwaheb Al-Harrachi,
le successeur d’Abou Zeid.
d’état-major, notamment – et la
banque Rossia, l’établissement
financierdel’entourageduprésident. Les uns et les autres voient,
s’ils en ont, leurs avoirs gelés aux
Etats-Unis,et limitéesleurspossibilités de transaction en dollars.
Réunis à Bruxelles, les vingthuit dirigeants de l’Union européenne devaient donner, vendredi 21 mars, un tour de vis supplémentaire aux sanctions, plutôt symboliques, qu’ils avaient
déjà prises. En revanche, la journée de jeudi a marqué un
sérieux coup de froid entre
Washington et Moscou – sans
doute un des moments les plus
conflictuels depuis 1991.
Ces vingt-trois ans peuvent se
diviser en trois périodes. La première court jusqu’en 1999. C’est
l’ère Eltsine. Elle fut marquée par
un pluralisme sans précédent,
en particulier médiatique,
même s’il servit des intérêts particuliers: un programme de privatisations manipulé, tronqué,
au bénéfice exclusif d’une poignéed’hommes proches du pouvoir, enrichis à grande vitesse.
Endettée jusqu’au cou, la Russie
est alors trop faible pour peser
sur la scène internationale. Pendant ce temps, les Etats-Unis
vivent dans la félicité économique des années Clinton.
L’arrivée de Vladimir Poutine
au pouvoir en 1999 marque le
début de la revanche intérieure
des servicesdesécurité, et enparticulier de l’ancien KGB. Au prix
d’une deuxièmeguerre de Tchétchénie aussi terrifiante que la
première, d’un démantèlement
de la chaîne de télévision privée
NTV, de l’emprisonnementpour
l’exemple de l’homme d’affaires
et opposant Mikhaïl Khodorkovski, un pouvoir vertical est instauré. Les libertés publiques se
réduisirent. La bureaucratie
devient la colonne vertébrale de
la corruption.
Les premiers grands désaccords avecles Etats-Unis se dessinèrent dans les Balkans, autour
de la guerre au Kosovo,jugée illégitime, puis de celle en Irak, malgré la collaboration contre le terrorisme islamiste dans l’après11-Septembre. Plus généralement, l’avancée de l’OTAN vers
ses frontières suscite la colère de
la Russie, qui se sent encerclée.
Une colère renforcée par les
« révolutions de couleur », en
Ukraine notamment, derrière
lesquelles Moscou imagine la
main de Washington.
En 2008, la guerre en Géorgie,
alliée de longue date des EtatsUnis, marque la première affirmation de la puissance russe à
l’extérieur de ses frontières. Cette nouvelle pente devient plus
raide avec le retour de M. Poutine au Kremlin, en 2012. Il impose sa vision de l’avenir de la Russie : recréer une zone de tutelle
autour du pays ; assumer une
attitude de revanche morale et
historique sur l’« humiliation »
de 1991…
L’annexion de la Crimée s’inscrit dans cette perspective. La
Russie se sent forte, cours élevés
du gaz et du pétrole aidant. Son
appareil militaire est en pleine
rénovation. Populaire à l’intérieur, M. Poutine n’aime rien
tant que s’opposer à l’extérieur.
Mais il n’est pas sûr qu’il sorte
renforcé d’un long affrontement avec les Etats-Unis. p
Un pacte millénaire, un mystère inexplicable,
pour la première fois en dehors d’Italie
Les joyaux
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2
international
0123
Samedi 22 mars 2014
Espionnage et surveillance
Paris,dustatut
devictime
aubanc
desaccusés
L
es informations révélées
grâce à Edward Snowden,
l’ex-consultant de l’Agence
de sécurité américaine (NSA), ont
mis au jour une constante. Au
nom de la lutte antiterroriste, les
Etats-Unis ont créé un vaste système d’espionnage et d’intrusion,
auxobjectifs bien éloignés de
ceux annoncés.
En premier lieu, il est apparu
qu’il existait bien une collecte
systématique et massive par la
NSA et ses proches alliés, notamment britanniques, des données
de communications dans le monde. Cette doctrine américaine, justifiée par des impératifs de sécurité, s’est étendue aux principales
démocraties occidentales. Mais
les moyens technologiques dont
disposent les Etats-Unis leur
offrent, selon les mots de Barack
Obama, des capacités illimitées.
Cette évolution porte, en
elle-même, des menaces pour les
libertés publiques et individuelles. Des risques que font également courir les géants d’Internet
qui entendent, pour des raisons
commerciales, mettre également
la main sur cet or numérique.
De nombreux pays, comme
la France ou l’Allemagne ont, par
ailleurs, vivement réagi, chacun
à sa manière, face à cette intrusion américaine dans leurs secrets
économiques ou politiques. Ils se
sont insurgés contre ces actes qui
portaient gravement atteinte aux
relations entre « pays amis ».
Paris et Berlin ont indiqué leur
souhait d’établir un code de bonne conduite avec Washington. Ce
projet de « no spy agreement»
semble être aujourd’hui dans les
limbes et aucune des capitales
concernées, pas plus que les EtatsUnis, n’évoquent plus l’urgence
de parvenir à un accord.
Les nouvelles révélations du
Monde apportent sans doute un
élément d’explication à ce surplace. Derrière les déclarations
officielles outragées se cachent
des pratiques tout aussi agressives de la part des victimes supposées. Souvent soupçonnés, les services secrets français paraissent
bien avoir développé leurs propres armes informatiques, qu’ils
utiliseraient contre l’Iran mais
aussi sur leur propre sol et contre
des pays amis, en Europe et en
Amérique du Nord. p
J. Fo. et M. U.
La France suspectée de cyberattaque
Les services secrets canadiens ont détecté une opération ciblant l’Iran, l’Europe et l’Afrique
L
aposturede victime affichée par la France
depuis les révélations
sur les activités de la
NSA à son encontre risque d’être de moins en
moins crédible. Les autorités françaises, qui aiment alerter l’opinion
sur les dangers qui menacent sans
cesse nos secrets d’Etat ou ceux de
nos secteurs stratégiques, ont été
prises la main dans le sac d’un
espionnage tous azimuts visant
des pays aussi bien amis que jugés
dangereux.
Les services secrets canadiens
suspectent en effet leurs homologues français d’être derrière une
vaste opération de piratage informatique, qui aurait débuté en
2009 et se poursuivrait toujours,
grâce à un implant espion.
L’attaque viserait en premier
lieu une demi-douzaine d’institutions iraniennes liées au programme nucléaire de ce pays. Elle
concernerait aussi, selon la note
interne que Le Monde a pu consulter, des cibles n’ayant aucun lien
directavec la luttecontre la prolifération nucléaire. Les services
secrets canadiens relèvent la présence de cet implant au Canada, en
Espagne, en Grèce, en Norvège ainsi qu’en Côte d’Ivoire et en Algérie.
Plus surprenant, cet espionnage
informatique d’Etat a été, selon les
Canadiens,utilisé contre des objectifs en France, ce qui constituerait
unesérieuseentorseaux règlesqui
prévalent sur le territoire de compétence des services secrets français. Le seul service disposant de
l’expertise technique capable de
conduire une telle opération, la
Directiongénéraledesécuritéextérieure (DGSE) n’agit, officiellement, qu’à l’extérieur de nos frontières. Souvent soupçonnée,
notamment par certains membres
de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), d’étendre ses actions en France, la DGSE a
toujours démenti.
Ledocumentrévélantcetteaffaire émane du Centre de la sécurité
des télécommunications du Canada(CSEC),lesservicessecretstechniques du pays. Il a été extrait des
archives de l’Agence nationale de
sécurité américaine (NSA), par son
ex-consultant Edward Snowden.
Daté de 2011, il semble avoir été
conçu pour exposer, au sein du
CSEC, les détails d’une traque
menée, avec succès, contre une
arme informatique offensive
ayant,danscecas,permisd’incriminer la France. Ce mémo didactique
fournit les caractéristiques techniques de l’implant et indique, avec
plus ou moins de précision, quelles
ont été les cibles avant de livrer son
verdict sur son propriétaire.
« Nous estimons, avec un degré
modéré de certitude, conclut le
CSEC, qu’il s’agit d’une opération
sur des réseaux informatiques soutenue par un Etat et mis en œuvre
par une agence française de renseignement.» Dans un univers où la
certitude absolue n’existe pas en
matière d’attribution d’attaque
informatique et où l’on retient,
généralement, plusieurs possibilités même si des soupçons sont
étayés, cette seule hypothèse, faisant un lien direct avec une puissance étatique, est assez rare. Une
conclusionquiad’ailleursétépartagéeaveclesquatreautresmembres
du cercle fermé appelé les « Five
Eyes» qui réunitlesservicessecrets
américains, britanniques, australiens, canadiens et néo-zélandais.
La chasse a débuté, d’après le
CSEC, en novembre 2009, lorsque
les experts canadiens ont détecté la
présence d’un implant suspect
dont le profil n’a cessé de se sophistiqueraufildesannées.Lesservices
secrets français se seraient intéressés, en priorité, à des cibles iraniennes intervenant à des niveaux
divers dans le processus d’obtention de la technologienucléaire par
Téhéran. Aux côtés du ministère
des affaires étrangères iranien,
apparaissent quatre institutions:
l’universitéde scienceet de technologie d’Iran, l’Organisation de
l’énergie atomique d’Iran, l’organisation pour la recherche iranienne
pour les sciences technologiques
(université Imam-Hossein, Téhéran) et l’université Malek-Ashtar
(Téhéran). Ces établissements sont
sous le contrôle strict des services
de sécurité iraniens.
Les services secrets français
sont loin d’être les seuls à travaillerainsi sur l’Iran. Leurs homologues israéliens et leurs proches
alliés américains en ont fait
depuis longtemps une priorité et
disposent de moyens techniques
importants. Selon une source
issuede la communautédu renseignement français, confirmée par
un diplomate en poste à Paris travaillant sur l’Iran, la France était,
jusqu’alors, davantage connue
pour tirer son information sur ce
pays des éléments transmis par
Tel-Aviv et Washington que de sa
collecte propre. « Que Paris puisse
Trois grandes familles de virus
Il existe une infinie variété de
programmes informatiques malveillants. On peut cependant en
distinguer trois grandes familles.
Les premiers peuvent être destinés à perturber le fonctionnement d’instruments physiques,
comme le programme Stuxnet,
qui avait pour but de saboter les
centrifugeuses de certaines instal-
lations nucléaires iraniennes. Il
s’agit des virus les plus évolués, et
les exemples de telles prouesses
technologiques sont rarissimes.
D’autres, plus discrets, visent à
intercepter des informations,
comme dans le cas de « Babar ».
Enfin, certains peuvent avoir comme finalité la suppression de
fichiers dans l’ordinateur-cible.
agir de manière autonome, et non
plus en “coauteur”, montre les progrès réalisés, entre 2006 et 2010,
par les Français en matière d’attaques informatiques grâce aux
investissements et aux embauches
faites par la direction technique de
la DGSE », ajoute l’une de ces deux
sources interrogées par Le Monde.
Désormais, selon le même
expert, la France serait donc à
même de rentrer dans une forme
de troc avec ses alliés. «Après avoir
collecté assez d’informations sensibles, on peut alors commencer à
Désormais, estime
un expert, la France
serait à même
d’entrer dans
une forme de troc
avec ses alliés
échangeravecnosamisaméricains,
britanniques, allemands ou israéliens, en se gardant de dévoiler les
moyens qui nous ont permis de les
trouver car, alliés ou pas, s’ils comprennent nos techniques, ils prennentdescontre-mesurespourseprotéger, ce qui nous contraint à développer de nouveaux outils informatiques, ce qui coûte de l’argent.»
Selon le CSEC, cet implant
espion a également été repéré
dans d’autres zones géographiques. Sous l’intitulé « anciennes
colonies françaises », les services
secrets canadiens citent la Côte
d’Ivoire et l’Algérie comme autres
cibles.Au-delà deson intérêtpolitique régional, Abidjan est en 2010
au cœur de la bataille présidentielle. La confrontation entre le président ivoirien sortant Laurent
Gbagbo et l’ex-premier ministre
Alassane Ouattara, sorti vainqueur à l’issue du second tour, en
novembre, plonge le pays dans
quatre mois de guerre civile.
Alger, pour sa part, a rompu le dia-
logue avec Paris fin 2009, alors
que le pays reste un acteur régional de première importance pour
la France,notammentsur les questions de sécurité.
Pour illustrer la variété des
cibles attribuées aux Français, le
CSEC mentionne d’autres pays où
a été détecté l’implant espion : l’Espagne, la Norvège et la France figurent parmi cette énumération
sans aucune autre précision. On
ne sait pas si ces objectifs ont un
lienavec la lutte contre la prolifération nucléaire ou s’ils sont visés
pour d’autres motifs. La Grèce,
elle,apparaîtavecla mention«possible lien avec l’Association financière européenne », et au registre
« Five Eyes », on apprend qu’un
média francophone canadien a
également été visé.
Si lesCanadiensnecitentque les
services secrets français comme
auteurs possibles de cette opération, ils affirment ne pas connaître
le nom exact de l’agence de renseignement qui l’aurait orchestrée.
Leshypothèsessontpourtantlimitées. Il pourrait s’agir en premier
lieu de la direction technique de la
DGSE, située boulevard Mortier,
dans le 20e arrondissement de
Paris,et surtoutdeses jeunesinformaticiens et hackeurs travaillant
au fortdeNoisy, à Romainville(Seine-Saint-Denis). L’armée, elle, dispose d’un pôle de cyberdéfense et
les armes offensives sont revendiquées dans le Livre blanc de la
défense de 2013, mais la liste des
objectifs renvoie davantage à un
service civil comme la DGSE.
Interrogée par Le Monde, la
DGSE s’est refusée à tout commentaire«surdesactivitésréellesousupposées». Le CSEC, en revanche, s’est
montré plus disert et a confirmé au
Monde que ce document émanait
bien de ses services, sans pour
autant rentrer dans le détail de cette chasse au logiciel espion. p
Jacques Follorou
et Martin Untersinger
0123
international
Samedi 22 mars 2014
Quand les Canadiens
partent en chasse de «Babar»
Découvert en 2009, le logiciel espion, identifié comme français, a muté.
Selon les services secrets du Canada, il a été modifié et «sophistiqué »
C
’est une véritable traque
qu’ont menée les services
secrets techniques canadiens du Centre de la sécurité des
télécommunications du Canada
(CSEC).Elle est relatée dansle document fourni au Monde par Edward
Snowden, dans lequel ils présentent leurs trouvailles. Avare
en détails, ce document permet
néanmoins de retracer l’enquête
qui a permis de pointer la France
du doigt.
Commedansune partiede chasse, ce sont des empreintes qui attirent en premier lieu l’attention
des services canadiens. La note
interne indique en effet que le
CSEC collecte quotidiennement et
automatiquement un certain
nombre de données sur Internet.
Cette masse de données est
ensuite digérée par un programme afin de détecter d’éventuelles
anomalies, comme une activité
inhabituelle ou le transfert anormal de fichiers. Dans cette gigantesque botte de foin, les espions
canadiens trouvent une aiguille :
des portions de code informatique, en provenanced’un programme non identifié, les intriguent.
Les limiers baptisent ce mystérieux objet « Snowglobe » (boule
à neige). Dès les premières pages,
le document explique que les
experts « sentent » que ce qu’ils
ont sous les yeux est destiné à
la « collecte de renseignements
étrangers».
Plus loin, ils assurent que
la nature et la localisation de ses
cibles « ne correspondent pas à de
la cybercriminalité» traditionnelle. Le mémo ajoute enfin qu’en
désossant le programme, les ingénieurs du CSEC ont conclu que cet
Stuxnet, le pionnier des « virus de guerre »
Stuxnet a été la première arme informatique révélée
au grand public. Découvert à la mi-2010 sur plusieurs
milliers d’ordinateurs dans le monde, ce virus n’était
néanmoins actif que sur un peu moins de 400 d’entre
eux, la plupart en Iran. Il n’était pas conçu pour intercepter des messages ou dérober des données bancaires, comme la plupart des virus, mais pour occasionner des dégâts matériels.
Stuxnet visait des composants des centrifugeuses
qui enrichissaient l’uranium dans la centrale nucléaire de Natanz, en Iran. Il modifiait leur vitesse de rotation, provoquant ainsi de graves dommages sur ces
mécaniques de précision. Un millier de
centrifugeuses, sur les 5 000 que comptait la centrale
de Natanz, auraient été rendues inutilisables.
Après des mois de supputations, l’origine de l’opération a été dévoilée en 2012 dans le livre Confront and
Conceal par David Sanger, un journaliste du New York
Times, qui affirme que Stuxnet était une œuvre
conjointe de la NSA et des services secrets israéliens.
Son nom de code : « Jeux olympiques ». Les avis
divergent sur l’impact réel de l’attaque sur l’avancée
du programme nucléaire iranien. Washington estime
qu’il a pris de dix-huit mois à deux ans de retard,
mais des experts ont contesté ce chiffre.
objet informatique, une fois
implanté sur sa cible, « collecte des
courriels provenant de comptes
spécifiques et ciblés ».
Le CSEC s’intéresse ensuite aux
serveurs infectés avec lesquels
communiquent ces programmes.
Ces serveurs, « des postes d’écoute », semblent tenir un rôle crucial,
puisqu’ilscontrôlent à distance les
logiciels « Snowglobe » qui infectent les ordinateurs visés. On comprend, à la lecture du document,
que, dans un premier temps, les
enquêteursdu CSEC ne sont parvenus à localiser qu’un seul de ces
postes d’écoute.
Le surnom
d’un développeur
du logiciel espion,
«Titi», niché parmi
les lignes de code,
est présenté
comme un
«diminutif français»
L’agence active alors ses grandes oreilles sur les réseaux pour
trouver des infrastructures similaires. Grâce à deux programmes
de surveillance, le CSEC se fait une
idée plus précise de l’implantation
et du fonctionnement de « ces postes d’écoute ». La présentation du
CSEC explique que ces « postes » se
nichent sur deux types de serveurs. Les premiers ne nécessitent
pas d’y rentrer par effraction. A
l’inversedudeuxièmetyped’infection, « parasitaire », selon les termes du document, où le « poste
d’écoute » cohabite avec d’autres
programmes qui lui sont totalement étrangers.
Sur ce point, les analystes du
CSEC paraissentperplexes.Ils n’arrivent pas à distinguer si ces « postes » sont installés dans les serveurs à l’insu de leurs propriétaires, par le biais d’un piratage, ou
bien si les assaillants ont procédé
par un « accès spécial ». Dans le
langage feutré des espions, cela
signifierait donc qu’une ordonnance juridique ou un partenariat
aurait été signé entre l’agence de
renseignement à l’origine de
« Snowglobe » et le propriétaire
d’un serveur, ce dernier étant
contraint d’ouvrir les portes de
son serveur pour héberger un de
ces « postes d’écoute ». Sans doute
un mélange des deux techniques,
conclut le CSEC.
Une fois cet ensemble de « postes d’écoute » repéré, les experts
canadiens concentrent leur surveillance sur l’un d’entre eux, à la
manière d’une planque policière.
Lorsque celui qui manipule le programme malveillant à distance s’y
connecte, les Canadiens profitent
d’un défaut de sécurité pour s’introduire discrètement dans ce
« poste d’écoute », à leur tour.
Les services canadiens relatent
ensuite leurs efforts pour trouver
l’identité de ce qui se cache derrière « Snowglobe ». Pour ce faire, ils
réunissent plusieurs éléments
troublants : le surnom d’un développeur du logiciel espion, « Titi »,
niché parmi les lignes de code, est
présenté comme « un diminutif
français».
Puis viennent des formulations
dans un anglais hasardeux au sein
de l’interface du logiciel, ou l’utilisation du kilo-octet comme unité de mesure, et non du kilobyte,
une unité propre au monde
anglophone.
Enfin, détail sans nul doute le
plus étonnant, qui pourrait, à certainségards, faire sourire,les Canadiens relèvent le nom donné au
programme espion par son développeur: «Babar», du nomducélèbre pachyderme imaginé par Jean
de Brunhoff. L’image d’un éléphant joyeux et gambadant trône
mêmeau beau milieu de la présentation top-secrète pour illustrer
cette découverte.
Ces éléments, ajoutés à la nature et l’origine des cibles du logiciel
mouchard, conduisent au final les
services canadiens à pointer du
doigt un suspect: la France.
Tous les indices retrouvés lors
del’enquête sont évoqués trèsprudemment par les Canadiens. Cette
prudence s’explique. L’attribution
d’une attaque informatique qui
dissimule son origine est un exercice extrêmement périlleux,
mêmepourles meilleursspécialistes. « Au mieux, il est possible
d’avoir une idée du niveau de son
adversaire, de savoir s’il dispose de
beaucoup de ressources et de
temps », confie un bon connaisseurdu sujet.En l’espèce,poursuitil, après avoir consulté une partie
de la présentation du CSEC, « c’est
un peu au-dessus de ce que l’on voit
habituellement».
L’appréciation est d’autant plus
ardue que les experts du CSEC ne
livrent aucune indication sur le
nombre d’ordinateurs infectés ni
ne disent si l’agence a pu tous les
identifier, pas plus qu’ils ne décrivent la manière dont le logiciel
espion procède pour intercepter
les courriels de ses cibles.
La présentation du CSEC s’achève sur un aveu. Le logiciel espion a
muté. Selon les experts canadiens,
une version améliorée, plus
« sophistiquée » de « Snowglobe »,
découverte mi-2010, et surnommée, cette fois-ci, « Snowman »
(bonhomme de neige), leur résistait encore au moment était rédigé
ce document. p
J. Fo et M. U.
3
Au Venezuela,le pouvoir
chavistevise désormais
les élusde l’opposition
Le durcissement de la répression compromet les
chances de dialogue et relance les protestations
Los Teques, Caracas
Envoyé spécial
L
a prison militaire de Ramo
Verde se trouve sur une colline, à proximité de la localité
de Los Teques, non loin de Caracas.
Un bloc sali par le temps. Derrière
le buste de Simon Bolivar, le
patriarche de l’indépendance, on
peut lire un slogan politique :
« Indépendance et patrie socialiste,
nous vivrons et vaincrons».
Jeudi 20 mars, Lilian Tintori,
petite blonde athlétique de 35 ans,
attend une heure avant de voir
enfin son mari, l’opposant Leopoldo Lopez, 42 ans, emprisonné
depuis un mois sous l’accusation
d’avoir organisé la manifestation
du 12 février, à Caracas, qui avait
fait trois morts. Depuis, les protestations n’ontpas cessé et leur bilan
s’élève aujourd’hui à une trentaine de morts.
Lilian a le droit de visiter le dirigeant du parti Volonté populaire
(VP, centre gauche) le jeudi et le
vendredi. Leopoldo Lopez est placé à l’isolement, dans une tour
réservée aux cachots. Maigre
consolation, le couple peut se voir
dans la minuscule cellule, qu’ils
appellent ironiquement leur
« foyer ». « Coach » de profession,
Lilian a organisé minutieusement
les activités de « Leo », privé de ses
tournées dans le Venezuela profond qui lui ont permis de s’implanter et d’enlever aux partisans
de l’ancien président Hugo Chavez
plusieurs municipalités.
L’unedes villesconquisesparVP
est San Cristobal, la capitale de
l’Etat de Tachira, frontalier de la
Colombie. C’est là que la contestationa commencé,débutfévrier,à la
suite d’une tentative de viol d’une
étudiante. Le cycle manifestationrépressionaensuiteétendulemouvement étudiant à tout le pays.
Mardi,le maire de San Cristobal,
Daniel Ceballos, est venu à Los
Teques participer à un meeting
pour la libération de Leopoldo
Lopez et des autres prisonniers
politiques. Devant la foule de jeunes et de gens de diverse condition, Lilian Tintoriparle d’une voix
ferme. En revanche, Daniel Ceballos a la voix cassée, épuisé par cinq
semaines de mobilisation, lorsqu’il lit le message envoyé par le
dirigeant emprisonné : « Le
Venezuela s’est éveillé, nous sommes du bon côté de l’histoire. »
Le lendemain, mercredi, Daniel
Ceballos a été arrêté par un commando du service de renseignement, le Sebin, en tenue de camouflage, casqué et cagoulé, portant
desarmes,mais sansordrejudiciaire. « Ce fut un enlèvement», assure
son avocate, Ana Leonor Acosta,
présente sur les lieux. Le sort subi
par Enzo Scarano, le maire de San
Diego (Etat de Carabobo, sur la
côte), a été encore plus expéditif :
amené devant la Cour suprême, il
a été condamné à dix mois et demi
de prison ferme et a été destitué de
son mandat. Son crime : ne pas
avoir évité les barricades.
Ces attaques contre des élus
locaux marquent une relance de la
répression. Après avoir délogé les
manifestantset démanteléles barricades sur les lieux d’affrontements à Caracas ou en province,
grâce à un déploiement de la garde
nationale, le gouvernement du
président Nicolas Maduro cible
désormais des dirigeants de l’opposition. Ainsi, l’Assemblée nationale a demandé à la Cour suprême
la levée de l’immunité parlementaire de la députée Maria Corina
Machado, qui est la bête noire des
chavistes.
Parmi les charges évoquées à
son encontre figurent l’incitation
à la violence, la trahison de la
patrie, le terrorisme et des homicides. « Elle doit payer devant la justice pour les crimes commis depuis
le 12 février », a déclaré le président
de l’Assemblée, Diosdado Cabello,
le numéro deux du régime. « S’ils
«S’ils croient
qu’en levant mon
immunité, ils vont
me faire taire, ils ne
me connaissent pas»
Maria Corina Machado
députée de l’opposition
croient qu’en me menaçant ou en
levant mon immunité, ils vont me
faire taire, ils ne me connaissent
pas », a-t-elle répondu sur son
compte Twitter.
M. Maduro persiste dans son
accusation de « putschistes », alors
que les opposants radicaux, comme Leopoldo Lopez ou Maria Corina Machado, prônent une issue
pacifique et constitutionnelle à la
crise. Si, au départ, l’opposition
était divisée, la répression l’a ressoudée. Elle refuse la main tendue
par un gouvernement qui emprisonne ses élus et réprime avec brutalité. « La libération des prisonnierspolitiquesestdevenueune exigence compréhensible par toutes
les couches de la société, également
frappéespar les pénuries et la flambée des prix », explique le politologue Carlos Romero.
Leopoldo Lopez avait appelé,
mardi, ses partisans à manifester
partout dans le pays, le samedi
22 mars. Il ne pouvait pas imaginer, alors, à quel point l’escalade
gouvernementale pourrait donnerunsecondsouffleauxprotestations. p
Paulo A. Paranagua
«Le Monde» fait appel à des experts
LE DOCUMENT qui permet aujourd’hui au Monde de révéler l’existence d’une campagne de surveillance mondiale, attribuée à la
France par les services canadiens,
est une pièce particulièrement
complexe à analyser.
Il s’agit d’un document de présentation interne, dont l’authenticité a été confirmée par les autorités
canadiennes, destiné à un parterre
de techniciens du Centre de la sécurité des télécommunications du
Canada (CSEC), l’équivalent local de
la NSA. Au sein du club très fermé
des services de renseignement
anglo-saxon, dit des «Five Eyes »
(Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Nouvelle-Zélande et Australie),
le CSEC est réputé pour son expertise en guerre informatique.
Des informaticiens de haut
niveau détaillent leurs travaux
sur un programme informatique
espion sophistiqué, qu’ils ont
décortiqué et analysé. Cette présentation est destinée à exposer à
leurs collègues leur méthode de
travail et leurs trouvailles, dans
le jargon des spécialistes de
l’intrusion informatique, souvent
abscons pour le néophyte,
mêlantexpressions techniques
et abréviations diverses.
C’est la première fois, depuis le
début du travail sur les documents fournis par l’ex-consultant
de la NSA Edward Snowden, que
Le Monde a à traiter un document
aussi technique. Pour décrypter
ce langage très particulier, Le Monde s’est entouré de deux experts
qui n’ont pas souhaité être cités.
Le premier est chargé de la protection des activités informatiques
cruciales d’une très grande entre-
prise française. Le second a
travaillé pour l’Etat français, à
un haut niveau de confidentialité,
sur les questions de sécurité
informatique.
Le Monde a également sollicité
des membres et des responsables
de services de renseignement, ainsi que des personnes œuvrant
dans des structures privées, pour
situer l’opération dans un environnement plus large, celui des
services secrets et des relations
entre Etats.
Ces personnes ont aidé Le Monde à comprendre le fonctionnement de « Babar ». Leur avis a permis d’appréhender le niveau de
complexité de ce programme.
Leurs remarques ont, enfin, étayé
les affirmations du CSEC
soulignant l’origine étatique
de cette attaque. p J. Fo et M. U .
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4
0123
international
Samedi 22 mars 2014
La crise ukrainienne
Washington cible les très
proches de Vladimir Poutine
Les nouvelles sanctions annoncées par les Etats-Unis s’appliquent
à des collaborateurs du président russe, mais aussi à des oligarques
Moscou
Correspondante
L
e président Barack Obama a
frappé fort, jeudi 20 mars, en
plaçant la garde prétorienne
du président russe, Vladimir Poutine, ainsi que la Banque Rossia qui
sert le clan, sur la liste des personnes et des sociétés sanctionnées
économiquement par les EtatsUnis.
Vingt personnes ont été ajoutées à la liste des onze individus
déjàciblés.Lesplusprochescollaborateurs de M. Poutine sont désormais interdits de séjour aux EtatsUnis,leursavoirssontbloqués: son
chefdecabinet,SergueïIvanov,l’adjoint de celui-ci, Alexeï Gromov,
l’administrateur des biens du
Kremlin,VladimirKojine,maisaussi ses vieux amis, devenus les nouveaux oligarques en vue comme
les frères Rotenberg, Iouri Kovaltchouk,VladimirIakounine,leprésident des chemins de fer, Sergueï
Narychkine, le président de la Douma, et le chef du renseignement
militaire, Igor Sergoun, ou encore
Guennadi Timtchenko.
Ces noms étaient apparus mercredi dans les colonnes du
NewYork Times. Ils étaient évoqués
dans une tribune intitulée « Comment punir Poutine », signée par
AlexeïNavalny,leblogueuranticorruption placé depuis peu aux
arrêts domiciliaires à Moscou.
Fait sans précédent, une banque
russe,labanqueRossia,17e établissement du pays avec 10 milliards de
dollars (7,2 milliards d’euros)
d’avoirs, a été interdite d’activité
auxEtats-Unis.SelonleTrésoraméricain, cet établissement, propriété
de Iouri Kovaltchouk, « sert de banque personnelle aux officiels russes».Activenotammentdanslesecteur de l’énergie, Rossia travaillait
avec de nombreux établissements
bancaires, aux Etats-Unis comme
en Europe. Les sanctions risquent
de l’affecter de façon irrémédiable.
La banque Rossia,
qui sert le clan
du président, a été
interdite d’activités
aux Etats-Unis
Quelques minutes après l’annonce des sanctions américaines,
la Russie publiait sa propre liste de
sanctionsvisanttroisconseillersde
M.Obama ainsi que des parlementaires, dont le sénateur conservateur John McCain. Cette riposte
n’aura aucun effet, car rares sont
les Américainsqui ont des comptes
à la première banque russe, la Sberbank, encore plus rares sont ceux
qui vont en vacances en Russie.
Dans la foulée, Barack Obama a
menacé Moscou d’aller plus loin et
de viser des « secteurs-clés» de son
économie.«LaRussiedoitcomprendre qu’une escalade supplémentaire ne fera que l’isoler davantage de
la communauté internationale »,
a-t-il souligné.
La 6e fortune russe vend des actifs avant les sanctions
Le milliardaire russe Guennadi
Timtchenko, proche de Vladimir
Poutine, a vendu l’ensemble de
ses parts dans la société suisse
de négoce d’hydrocarbures Gunvor un jour avant d’être sanctionné par Washington, a indiqué
l’entreprise jeudi 20 mars.
Le Trésor américain a affirmé
dans un communiqué que les
activités de M. Timtchenko dans
le secteur de l’énergie « sont
directement liées » au président
russe. Sixième fortune de Russie, selon le magazine Forbes,
M. Timtchenko a vendu mercredi
la totalité de ses actions dans
Gunvor, qu’il a cofondée, « anticipant de potentielles sanctions
économiques », a annoncé la
société sur son site Internet.
M. Timtchenko a vendu ses parts
à son partenaire d’affaires Torbjorn Tornqvist, qui est devenu
l’actionnaire majoritaire de la
société, avec 87 % des parts.
Gunvor a la « certitude » de pouvoir poursuivre ses opérations
sans être entravée par d’éventuelles sanctions.
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Après un séjour en Europe la
semaine prochaine dans le cadre
d’un sommet du G7 à La Haye, le
président américain se rendra en
Arabie saoudite, une visite prévue
de longue date. L’Arabie est le seul
pays producteur capable d’augmenter considérablement sa production d’un seul tour de vanne.
Une baisse du prix du baril serait
fatale à la Russie, dont les recettes
budgétaires dépendent de l’exportation des hydrocarbures.
Préoccupées par les risques de
telles sanctions, les agence de notation financière Standard & Poor’s
et Fitch ont abaissé jeudi à «négative» la perspective de solvabilité de
la Russie.
La liste des sanctions de l’Union
européenne, qui devait être dévoilée vendredi, « est assez proche de
celle des Etats-Unis», a prévenu le
présidentfrançais,FrançoisHollande. Les Occidentaux veulent
envoyer un signal fort aux Russes,
soupçonnés de vouloir faire main
basse sur d’autres régions d’Ukraine. Près de 100 000 soldats russes
ont été massés de l’autre côté de la
frontière (Briansk, Belgorod,
Koursk, Rostov-sur-le-Don).
Le ministre russe de la défense,
Sergueï Choïgou, a assuré par téléphone à son homologue américain, Chuck Hagel, jeudi, que son
armée n’avait aucune intention de
franchir la frontière. De telles assurances avaient été données juste
avant l’invasion de la péninsule.
Vladimir Poutine avait expliqué,
lors de sa conférence de presse du
4 mars à Sotchi, qu’il n’était « pas
question d’annexer la Crimée».
Un coup d’œil sur une carte suffit pour comprendreque la Crimée,
presqu’île reliée par un isthme
étroitàl’Ukraine,n’a aucuncontact
terrestre avec sa « nouvelle mère
patrie». Le pont que les Russes projettent de construire ne sera pas
opérationnel avant trois ans. Pour
consolider leurs positions, les Russes pourraient être tentés de s’emparer des régions de Donetsk et
d’Odessa. Cette dernière est toute
proche de l’enclave de Transnistrie,
en Moldavie. Prendre les ports
d’Odessa et de Nikolaevsk est
d’autant plus tentant qu’ils sont
l’épicentre du commerce des
armes ukrainiennes et surtout russes. C’est de là que partent les navires chargés d’équipements militaires vers la Syrie, l’Afrique, l’Asie. p
Marie Jégo
Barack Obama, lors de l’annonce des sanctions contre les Russes, le 20 mars, à la Maison Blanche. M. NGAN/AFP
L’Ukrainesigneunaccordpolitiqueavecl’UE
Bruxelles
Envoyés spéciaux
Une sanction politique contre Vladimir Poutine mais pas, à ce stade, de sanctions économiques
contre la Russie. C’est le message
lancé par les dirigeants européens
réunis à Bruxelles jeudi 20 et vendredi 21mars.
Vendredi matin, chefs d’Etat et
de gouvernement ont signé le
volet politique d’un accord d’association avec Kiev en présence du
premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk. Une manière d’arrimer ce pays au camp occidental en
reconnaissant son gouvernement
transitoire comme le représentant
légitime du pays, alors que Moscou vient d’annexer la Crimée.
L’Union européenne (UE) a ainsi
adressé une réponse politique au
coup de force de Moscou, mais évite de lancer des représailles conséquentes contre le régime de Vladimir Poutine.
Une inconnue demeure : la
nature de la riposte de la Russie à
ce qu’elle percevra comme une
provocation, tant l’enjeu de l’accord d’association est lourd de
symboles. La volte-face du précédent gouvernement ukrainien,
qui avait refusé in extremis de
signer cet accord, fin novembre 2013, a été l’étincelle qui a
conduit à la révolution de Maïdan
et à la fuite de l’ancien président
Viktor Ianoukovitch, le 22 février.
La signature de cet accord a permis aux Vingt-Huit d’afficher un
semblant d’unité car, sur le terrain
des sanctions économiques, les
divergences sont profondes. « Il ne
faut pas nous précipiter dans des
sanctions économiques» pour ne
«pas ajouter les difficultés aux difficultés», a souligné le premier
ministre belge, Elio Di Rupo.
«Nous nous inquiétons de la poursuite des provocations russes en
Ukraine et redoutons qu’elles ne
s’étendent à d’autres régions de
l’Europe», a au contraire dit le Suédois Fredrik Reinfeldt, pour mieux
appeler à des «mesures supplémentaires», y compris des sanctions
économiques.
Mesures symboliques
« En cas d’escalade, nous sommes prêts » à aller vers de telles
représailles, a résumé Angela Merkel. Pour l’instant, la Commission
a juste été mandatée pour examiner la faisabilité d’une liste de
« sanctions économiques ciblées»
en cas de nouvelle déstabilisation
de l’Ukraine. « On connaît les intérêts hétérogènes des Etats membres et les différentes perceptions
qui sont liées à l’Histoire, a reconnu le président du Parlement
européen, Martin Schulz. S’ajoutent à cela la dépendance économique considérable de certains Etats,
les intérêts financiers d’autres et la
situation de ceux qui veulent protéger leurs investissements.»
Les dirigeants européens ont
donc préféré accoucher de mesures plus symboliques que contraignantes. Ils ont décidé d’élargir
les sanctions individuelles à douze personnes. Cette liste, qui
devait être dévoilée vendredi,
s’ajoute à celle des vingt et un responsables russes et ukrainiens
mis à l’index en début de semaine. Elle devrait comporter le nom
de Dmitri Rogozine, vice-premier
ministre russe, ainsi que des gradés de la flotte de la mer Noire et
des responsables économiques,
selon une source diplomatique.
Il a aussi été convenu d’annuler
le sommet UE-Russie prévu en
juin, à Sotchi, et toutes les rencontres bilatérales avec Moscou
durant cette période. Enfin, l’UE
veut déployer en Ukraine une force d’observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Elle serait
chargée de faire en sorte que l’élection présidentielle du 25mai «puisse être libre, transparente et sous
contrôle international», a précisé
François Hollande. Si le blocage de
l’OSCE, dont la Russie est membre,
persiste, «l’Europe doit alors s’y
substituer d’ici quelques jours», a
ajouté le président français.
La réaction mesurée des Européens peut autant être interprétée
comme un avertissement à la Russie que comme un aveu de faiblesse. «Le message d’aujourd’hui est :
“ça suffit, ça ne peut plus se répéter
sans qu’il y ait des réactions sérieuses”», entend-on à Bruxelles.
Une façon de dire qu’il y a une
ligne rouge à ne pas franchir par le
Kremlin: pas d’intervention dans
l’est de l’Ukraine ni d’autres
annexions de territoire, alors que
le régime pro-russe de Transnistrie
réclame sa séparation de la Moldavie et son rattachement à la Fédération de Russie. Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de
l’OTAN, craignait, mercredi, que
Vladimir Poutine aille «au-delà de
la Crimée» et intervienne dans les
régions orientales de l’Ukraine. p
Philippe Ricard, Yves-Michel
Riols et Jean-Pierre Stroobants
La garde prétorienne du président russe
Guennadi
Timtchenko
Vladimir
Iakounine
Iouri
Kovaltchouk
Sergueï
Ivanov
Guennadi Timtchenko, 61 ans, né à
Leninakan, en Arménie, est un proche de Vladimir Poutine qui
détient de nombreux actifs dans
l’énergie: compagnie gazière Novatek, groupe pétrochimique Sibour,
opérateur Transoil. Son ascension
a débuté dans les années 2000
avec la société de négoce pétrolier
Gunvor, dont il n’est désormais
plus actionnaire. Sa fortune est
estimée par Forbes à 14 milliards
de dollars (10 milliards d’euros).
Président du conseil économique
de la chambre de commerce franco-russe, il a été fait chevalier de la
Légion d’honneur en juillet 2013. p
Vladimir Iakounine, 65 ans, né
dans l’oblast de Vladimir (Russie
centrale), a passé toute son enfance à Piarnou (Estonie), où son père
était garde-frontière (KGB). En
1977, il termine l’Académie du renseignement extérieur. Il aurait travaillé vingt-deux ans dans le renseignement. De 1985 à la chute de
l’URSS en 1991, il travaille à la
représentation soviétique à l’ONU
(New York). Familier de Vladimir
Poutine, il est nommé en 2005 à
la tête des chemins de fer de Russie. Le 1er octobre 2010, il a été fait
officier de la Légion d’honneur
par le président Nicolas Sarkozy. p
Iouri Kovaltchouk, 62 ans, né à
Saint-Pétersbourg, a fait fortune
dans l’immobilier, les médias et
surtout la banque (Rossia) depuis
que Vladimir Poutine est arrivé au
pouvoir. En 2008, se positionnant
en vue de la présidentielle de 2012,
il acquiert plusieurs télévisions et
journaux dont le quotidien Izvestia. Lui et son frère Mikhaïl joueront un rôle important dans le
démantèlement de l’Académie des
sciences de Russie décidé en 2013.
«L’Académie est immanquablement vouée à périr, tout comme
l’empire romain», confie-t-il au
site gazeta.ru le 29août 2013. p
Sergueï Ivanov, 61 ans, originaire
de Saint-Pétersbourg, général de
réserve, a fait toute sa carrière
dans le renseignement. Proche de
Poutine depuis les années 1980, il
a été ministre de la défense (2001 à
2007) puis vice-premier ministre.
Depuis décembre2011, il dirige l’administration présidentielle. Fin
2013, dans Komsomolskaïa Pravda,
il expliquait ainsi la faible participation aux municipales en Russie:
«En temps de paix, dans n’importe
quel pays, pas plus de 15% de la
population va voter. C’est une pratique standard, et, Dieu merci, nous
l’adoptons nous aussi.» p PHOTOS : DR
6
0123
international
Samedi 22 mars 2014
La crise ukrainienne
Derrière l’euphorie affichée, une autre
Crimée a peur de devenir russe
Les Criméens attachés à Kiev et la minorité tatare redoutent le passage sous l’autorité de Moscou
Plusde40djihadistesont
ététuésdanslenordduMali
parlesforcesfrançaises
Des cadres d’AQMI, dont le successeur d’Abou
Zeid, et «Barbe rouge» ont été éliminés
P
Des marins et officiers ukrainiens quittent la corvette « Khmelnitsky », saisie par les forces prorusses, jeudi 20 mars, à Sébastopol. A. LUBIMOV/AP
Simferopol (Crimée)
Envoyée spéciale
E
n Crimée, il y a aussi les
autres. Ceux qui ne veulent
pas être russes. Ceux qui se
résignent à rester, ceux qui pensent à partir. Ceux qui ne croient
pas que leur niveau de vie sera
plus élevé, la corruption éradiquée,les droitsde l’hommepréservés et la vie plus belle au pays de
VladimirPoutine.Ceux quine veulent pas envoyer leurs jeunes faire
leur service militaire pour la Russie au Daghestan et en Tchétchénie, alors qu’en Ukraine la
conscription vient d’être abolie.
Ceux qui n’acceptent pas qu’un
référendum qu’ils jugent truqué,
organisé sous la menace de troupes russes et de miliciens, leur
impose par le fait accompli une
nationalité qui n’est pas la leur.
Ceux qui, tatars, portent encore
dans leur chair le souvenir de la
déportation. Ceux qui, qu’ils
soient nés russes ou ukrainiens,
sont ukrainiens depuis la chute de
l’Union soviétique, fiers de leur
indépendance et simplement
chez eux, ici : à la fois en Crimée et
ukrainiens.
Non, la population de Crimée
n’est pas tout entière euphorique.
Le référendum du 16 mars sur le
rattachement de l’Ukraine à la Crimée a emporté l’adhésion des foules avec un score digne de l’URSS,
mais ils sont nombreux à avoir
refusé un vote selon eux illégal. Ce
fut le cas de la minorité tatare
musulmane, 12 % parmi les deux
millions d’habitants de Crimée,
qui, sauf exception, l’a boycotté.
Ce fut le cas des Criméens attachés
à l’Ukraine : 25 % de la population.
A Sébastopol comme à Simferopol, la capitale régionale, la fête est
continue. Les drapeaux de la Fédération de Russie sont agités par-
tout,des hommesen tenue militaire non identifiée, dont on ne sait
s’ils font partie de l’armée russe ou
de quelque milice, veillent partout
à la « sécurité». Les lettres du Parlement criméen d’Ukraine qui
ornaient le fronton en trois langues (ukrainien, russe et tatar) ont
été remplacées par l’inscription
« Parlement de la République de
Crimée», en russe uniquement.
Les 60 % de russophones-russophiles, effrayés par les événements de Maïdan, à Kiev, et le fantasme d’une invasion de « fascistes
ukrainiens », sont certes soulagés
et heureux. Mais la fête en Crimée
a son envers : ces 40 % d’habitants
consternés et désemparés par le
rattachement à la Russie. Ils ont
peur et ils ne s’expriment pas. Le
choix qui leur est offert est basique : rester en Crimée en acceptant d’être russes, ou partir.
En regardant à la télévision le
président Vladimir Poutine signer
le traité d’adhésion de la Crimée à
la Russie, mercredi 19 mars, Anya a
pleuré. Elle a ri aussi : « Quelle blague ! » Jusqu’à la signature du traité, elle voulait encore croire que le
président russe serait empêché
par les Etats-Unis et l’Union européenne d’aller jusqu’au bout. Elle
est née en Ukraine, se veut ukrainienne et a décidé qu’elle n’aurait
pas de passeport russe. Le jour où
il sera imposé, elle partira.
Ses parents font déjà leurs bagages, et pourtant son père, pasteur,
est né russe. Ils savent qu’ils perdront la maison dont ils ont hérité
« Ce n’était pas le rêve
pour nous en Ukraine,
mais avec la Russie,
ce sera pire. Bien pire»
Moustapha Asaba
responsable tatar
comme le magasin de vêtements
de sa mère, car dans la Crimée qui
n’est plus ukrainienne et pas encore russe, le vide juridique bloque le
marché immobilier. Ils savent
qu’ils partiront en perdant tout,
sauf leur nationalité ukrainienne :
la seule chose que le « putsch des
Russes», comme ils disent, ne leur
volera pas.
Les Tatars de Crimée, eux, ne
Des hommes armés à bord de corvettes ukrainiennes
Un groupe d’hommes armés
s’est emparé, jeudi 20 mars, de
la corvette ukrainiennes Ternopil à l’ancre à Sébastopol, a
annoncé le porte-parole du ministère ukrainien de la défense en
Crimée, Vladislav Seleznev.
« Des grenades assourdissantes
ont été utilisées lors de l’attaque
et on a entendu des rafales d’armes automatiques », a-t-il dit à
l’AFP, ajoutant qu’il ignorait le
sort de l’équipage, n’ayant pas
de liaison avec lui. Sur Facebook,
M. Seleznev avait expliqué que
des miliciens prorusses et des
soldats russes avaient bloqué
l’accès à la zone, tandis qu’un
bateau avec des hommes armés
s’approchait du Ternopil. Il n’a
pas précisé si les forces russes
s’étaient également emparées
du Slavoutitch, amarré non loin
du Ternopil. Selon l’AFP, la corvette Khmelnitsky serait aussi
tombée aux mains de forces prorusses. Un peu plus tôt jeudi, le
commandant de la flotte russe
en mer Noire, Alexandre Vitko,
était monté à bord du Slavoutitch dans l’intention de négocier une reddition.
s’en iront pas. Le nouveau gouvernement prorusse ne serait pourtant pas contre. Le vice-premier
ministre de Crimée, Roustam
Temirgaliev, l’a dit dans un entretien à l’agence russe Ria Novosti et
l’a répété à la télévision criméenne : « Nous avons demandé aux
Tatars de Crimée de libérer une
part de leurs terres, qui est requise
pour des besoins sociaux. »
A vrai dire, c’est une vieille histoire: les Tatarsde retourde déportation, à la fin de l’URSS, se sont
emparés de terres que les dirigeants successifs s’acharnent à
vouloir récupérer. Mais Moustapha Asaba, le chef du Majlis (organe de représentation des Tatars de
Crimée) dans la région de Belogorsk, n’est pas seul à redouter que
cette tentation ancienne soit mise
en œuvre à la manière forte par
Vladimir Poutine.
« Ce n’était pas le rêve pour nous
en Ukraine, explique M. Asaba,
mais avec la Russie, ce sera pire.
Bien pire. C’est une dictature, pas
une démocratie. Qu’est-ce qu’un
référendum organisé sous l’œil de
22 000 soldats russes où les questions ne te laissent aucun choix ?
Ces terres sont à nous. On ne laissera pas quiconque nous les prendre.
S’ils veulent un conflit avec nous, ils
l’auront. Il y aura du sang. »
Les premiers à partir en masse
seront les militaires ukrainiens
des bases de Crimée. Le grand
départ a commencé. Bilan provisoire: un mort – cet officier ukrainien tué par un paramilitaire à
Simferopol, mardi. Des bases et
des navires sont envahis, parfois
par des miliciens et des civils, parfois par des militaires. Kiev a autorisé la ripostearmée mais organise
le retrait des troupes. A quoi bon
un bain de sang pour une bataille
déjà perdue? p
Marion Van Renterghem
lus de quarante djihadistes
d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et ses affidés
ont été tués dans le nord du Mali
par les forces françaises, a annoncé, jeudi 20 mars, le ministre de la
défense, Jean-Yves Le Drian. Selon
nos informations, ce bilan, qui
s’inscrit dans le cadre de la lutte
antiterroriste engagée par la France au Sahel, a été obtenu ces trois
dernières semaines. Parmi les djihadistes ciblés lors de ces opérationsfigurentquelques« têtesd’affiche », dont Abdelwaheb Al-Harrachi, désigné comme le successeur d’Abou Zeid, l’un des principaux chefs d’AQMI, après la mort
de ce dernier en février2013.
Placée sous une bulle de surveillance
franco-américaine
depuis le déclenchement de l’opération « Serval », début 2013, et
ratissée au sol par les forces spéciales et l’armée française, la région
continue de voir transiter de nombreux groupes combattants. Il
s’agit « de petits groupes », au
mode d’action « léger », selon les
analyses de la défense, groupes
qui « tentent de reconstituer un
potentiel militaire ». Les opérations antiterroristes poursuivent
deux cibles prioritaires : AQMI et
Al-Mourabitoune, né de la fusion
en août 2013 des forces de Mokhtar
Belmokhtar, figure issue des rangs
d’AQMI, et du Mouvement pour
l’unicité et la jihad en Afrique de
l’Ouest (Mujao). Al-Mourabitoune
a été particulièrement touché par
les dernières opérations. Un de ses
porte-parole,Assem Al-Hajar, a été
tué. Hassan Ould Al-Khalil, nommé aussi Jelebib, l’homme de
confiance de Mokhtar Belmokhtar, avait déjà été tué par « Serval »
fin novembre2013.
Depuisdébut mars, deuxopérations successives ont de nouveau
permis d’éliminer des cadres
importants de la nébuleuse djihadiste. Le ministre de la défense a
confirmé jeudi la mort d’Omar
Ould Hamaha, un Arabe malien
surnommé « Barbe rouge ». Né en
juillet1963 à Kidal, il était l’un des
chefs djihadistes les plus en vue au
nord du Mali et l’un des plus
recherchés. Selon les services de
renseignement,cethommeappartenant à l’ethnie bérabiche serait
le beau-pèrede Mokhtar Belmokhtar. Il était lié, depuis peu, à Ansar
Al-Charia.
Al-Harrachi, le successeur
d’Abou Zeid, a quant à lui été tué
dans l’opération menée dans la
nuit du 5 mars, à l’aide de drones et
de frappes de Mirage 2000. Paris
ne donne pour l’heure pas d’information sur Abou Said Al-Djazaïri,
un spécialiste des transmissions,
également proche d’Abou Zeid.
Un autre cadre important de la
région, Abou Dardah, s’est pour sa
part rendu aux forces françaises,
avant d’être remis aux autorités
maliennes le 15 mars. Sous l’étiquette du Mujao, il a régné sur la
commune de Douentza, dans la
région de Mopti. Toujours équipé
d’une ceinture d’explosifs, il était
connu pour ravitailler les groupes
de Tombouctou en armes.
Un autre pilier malien du
Mujao, Aliou Mahamar Touré,
avaitdéjà étéarrêté.Ce dernier,ainsi que « Barbe rouge» et Abou Dardah, faisait partie de la liste des six
djihadistes recherchés lors de
l’opération « Hydre », déclenchée
en novembre 2013. La moitié a
donc été mise hors d’état de nuire.
L’objectif des forces françaises,
qui disent travailler en collaboration avec les commandements
américains des forces spéciales
(Socom) et de l’Afrique (Africom),
est clairement de démanteler les
katibas, les brigades de combattants, en frappantleur tête. Depuis
un an, les bases principales,logistiques ou de commandement, des
groupes djihadistes ont été détruites. Mais il n’est pas exclu que des
caches anciennes n’aient pas encore été trouvées, y compris dans
l’Amettetaï, le cœur du sanctuaire
d’AQMI dans le massif des Ifoghas,
et de nouveau points de stockage
de matériel ou d’armes sont régulièrement visés.
Des artificiers
d’Al-Qaida,
venus du Yémen,
voire du Pakistan,
ont bénéficié de l’aide
des Chabab somaliens
Les unités classiques de « Serval » sont donc chargées de déclencherdes opérationspour déstabiliser ces flux logistiques, tandis que
les forces spéciales et la DGSE opèrent contre les cadres des groupes.
Qualifiés de « furtifs », ces groupes
tentent toujours d’acheminer de
l’armement lourd vers le nord du
Mali. En témoigne la découverte
récente d’un système sol-air,
même si celui-ci était défectueux.
Plus inquiétant : des artificiers
d’Al-Qaida, venus du Yémen voire
du Pakistan, bénéficient de l’aide
des Chabab somaliens avant de
parvenir jusqu’aux frontières du
Mali et du Niger après avoir traversé l’est du continent. Des signes de
préparation d’attentats à la voiture piégée ont été repérés.
Surtout, des chefs djihadistes
échappent encore à la traque. C’est
le cas de Mokhtar Belmokhtar,
devenu l’ennemi numéro un
depuis la sanglante prise d’otages
qu’il a dirigée, en janvier 2013, sur
le site gazier du sud algérien de
Tigantourine, près d’In Amenas,
mais aussi de Djamel Okacha, alias
Yahia Abou Al-Hammam, émir
d’AQMI au Sahel, ou bien encore
d’Abdelkrim Al-Targui. Le Touareg
le plus connu d’AQMI, apparenté à
Iyad ag Ghali, l’islamiste d’Ansar
Eddine, est notamment soupçonné d’avoir tué l’otage français
Michel Germaneau en juillet 2010.
En parallèle, depuis le 11 mars,
les forces algériennes ont éliminé
huit djihadistes dans le nord de
l’Algérie, où se trouve la direction
d’AQMI. L’un des conseillers militaires d’Abdelmalek Droukdal,
l’émir d’AQMI, aurait été tué lors
de ces opérations sans coordinationavec celles menées par la France au Sahel. p
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8 planète
0123
Samedi 22 mars 2014
Le boom de l’énergie
menace les ressources en eau
Les Nations unies s’inquiètent des pressions sur la ressource hydrique
provoquées par la croissance économique mondiale
P
our rendre l’eau accessible –
c’est-à-direla pomper,la traiter, la transporter, la distribuer – il faut de l’énergie. Et, pour
fournir de l’énergie, il faut de l’eau,
beaucoup d’eau même : 600 milliards de mètres cubes par an. Ces
deux ressources sont intrinsèquement liées « pour le meilleur et
pour le pire », prévient l’ONU dans
son cinquième rapport mondial
sur« La mise en valeurdes ressources en eau », rendu public le
21mars, à Tokyo.
A la veille de la Journée mondiale de l’eau, plutôt que de dresser le
tableau traditionnel des régions
pauvres de la planète où les populations n’ont pas accès à l’eau, les
Nationsuniesont décidé,cettefoisci, de se concentrer sur l’interdépendance eau-énergie, annonçant
des « défis majeurs ». Le « bien-être
humain » en dépend tout comme
le développement (durable ou
pas), expliquent les experts des 31
entités de l’ONU-Eau qui ont travaillé sur le rapport.
Certes, l’agriculture reste de loin
Soif d’énergie
ue
on
200 à
2 000 0 à
500
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Gaz d
Pétro
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300 à 100 à
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ÉQUIVALENT
PÉTROLE
DE COMBUSTIBLE
(ESTIMATIONS)
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2 000 à
9 millions
SOURCE : AIE
l’activité la plus consommatrice
d’eau puisqu’elle capte 70 % de la
ressource,àcompareraux10%destinés aux usages domestiques.
Mais cette proportion pourrait
diminuer à condition, insistent les
spécialistes, de réaliser des progrès
dans l’irrigation notamment, pour
limiterlesgaspillages.En revanche,
croissancemondialeoblige–démographiqueetéconomique–,l’indus-
Au rythme actuel,
il faudrait trouver
55% d’eau en plus
d’ici à 2050 pour
répondre à l’ensemble
des besoins
trie est appelée à peser de plus en
plus lourd sur les prélèvements
hydriques. Or les trois quarts des
20 % d’eau qui lui reviennent servent à produire de l’énergie.
Déjà, aux Etats-Unis et dans certains pays d’Europe du Nord, l’eau
utilisée pour faire fonctionner les
centrales thermiques pèse autant,
voire plus (50 %) que celle captée
par l’agriculture. Ce pourcentage
tombe à 10 %, environ, en Chine.
Mais qu’en sera-t-il dans quelques
années? On s’attend en effet à voir
grimper la demande en électricité
de 70 % d’ici à 2035 pour combler
majoritairement les besoins des
deux géants d’Asie, la Chine et l’Inde.
Qu’il s’agisse d’extraire charbon, gaz, pétrole ou d’irriguer
maïs et colza destinés à être transformés en agrocarburants, ou
encore de refroidir des centrales
thermiques et nucléaires qui fournissent 80 % de l’électricité mondiale, l’industrie va devoir composer avec une ressource qui se raréfie. Dans plusieurs régions du globe, des nappes phréatiques ont vu
leur niveau baisser ou leurs eaux
devenir saumâtres.
Déjà, un aquifère sur cinq est
surexploité aujourd’hui et ne
renouvelle plus ses réserves. D’ici
à 2050, alerte l’ONU, 2,3 milliards
de personnes vivront dans des
zones soumises à un stress hydrique sévère, surtout en Afrique du
Nord et en Asie.
Le secteur de l’énergie ne sera
pas épargné.En août 2012, la sécheresse qui a sévi dans plus de la moitié des Etats-Unis a opposé fermiers qui essayaient de préserver
leurs ressources hydrauliques et
industrielsdu gaz de schiste empêchés de réaliser des fracturations
hydrauliques pour aller chercher
le pétrole. Une pénurie que subissent déjà de nombreuxgrandsbarrages dans le monde.
En France,descentralesnucléaires installées le long du Rhône ont
dû freiner leur activité au cours
d’épisodes caniculaires: la chaleur
des eaux du fleuve rendait plus
complexe le refroidissement des
réacteurs.
Le changement climatique, qui
provoque aussi une surexploitation des aquifères, va accentuer les
menaces et les coûts financiers. La
Californie s’inquiète du montant
de la facture énergétique nécessaire au fonctionnementdes dix-sept
usines de dessalement qu’elle a
prévu de construire, afin de remédier à la pénurie en eau potable.
Et ce cercle infernal n’est pas
prêt de s’arrêter. La consommation énergétique mondiale a crû
de 186 % en quarante ans. Depuis
les années 1980, l’homme prélève
1 % de ressource hydrique supplémentaire chaque année. Au rythme qui se dessine actuellement, il
faudrait trouver 55 % d’eau en plus
d’ici à 2050 pour répondre à l’ensemble des besoins.
Des opposants à la technique de la fracturation hydraulique manifestent à New York, le 20 mars. D. EMMERT/AFP
Si les modes de production
d’énergie, de chauffage, de carburant ne sont pas tous aussi gourmands en eau, ce sont les plus
3,5 milliards d’humains n’ont pas accès à une source sûre
768 millions d’humains n’ont
pas accès à une source d’eau
améliorée, c’est-à-dire un point
d’approvisionnement qui ne soit
pas partagé avec des animaux.
3,5 milliards de personnes privées du droit à l’eau : c’est l’autre
indicateur retenu par l’ONU pour
estimer cette fois la proportion
de gens qui ne bénéficient
pas d’une eau sûre, propre,
accessible et abordable.
1,3 milliard de personnes ne
sont pas raccordées à l’électricité. L’Afrique subsaharienne est la
seule région où ce nombre risque
de croître à l’avenir. Dans le monde, absence d’eau et d’énergie se
cumulent souvent.
50 milliards de dollars par an
(36 milliards d’euros) seraient
nécessaires pour que chacun ait
l’électricité. Il faudrait le double
pour que chacun ait accès à l’eau.
« hydro-intenses » qui devraient
continuer à dominer, selon l’Agence internationale de l’énergie.
« Nous allons vers davantage, de
gaz de schiste et de sables bitumineux,résumeRichardConnor,principalauteurdurapport.Plusd’agrocarburants également. On en fait
partout, y compris dans les régions
où il est nécessaire d’irriguer! »
En dépit des ses grands besoins
en eau et de sa capacité à la polluer,
le charbon devrait conserver sa
premièreplace dans la régionAsiePacifique. Les experts notent que
15 à 18 milliards de m3 d’eau douce
sont contaminés chaque année
par la production de combustibles
fossiles. « Le risque de conflit entre
les centrales énergétiques, les
Dans les campagnes indiennes, les effets pervers d’une électricité gratuite
New Delhi
Correspondance
L’électricité gratuite ou à tarif
réduit dont bénéficient de nombreux agriculteurs indiens pour
irriguer leurs cultures, à l’aide de
pompes motorisées, accélère
l’épuisement des nappes phréatiques. Au rythme actuel, la Banque
mondiale prévoit que 60 % de ces
nappes seront dans une situation
« critique» d’ici vingt ans. L’agriculture consomme à elle seule
85 % de l’eau extraite du sous-sol
et le cinquième de l’électricité
générée dans le pays.
Dans les années 1970, l’irrigation souterraine a permis à l’Inde
d’accomplir sa révolution verte et
d’atteindre l’autosuffisance alimentaire grâce au bond des gains
de productivité. Dans les décen-
nies qui suivirent, les gouvernements de nombreux Etats indiens
subventionnèrent le prix de l’électricité au nom du développement,
et pour des raisons électorales. Sur
presque tout le territoire, les agriculteurs équipés d’une pompe
motorisée peuvent exploiter une
eau disponible à tout moment,
sans limite et gratuitement.
Les conséquences peuvent être
dramatiques. «Les politiques de
subvention des prix de l’électricité
encouragent une consommation
excessive d’eau, provoquant une
dégradation des sols et un déséquilibre dans les éléments nutritifs de la
terre, lesquels affectent la productivité et les revenus agricoles», peuton lire dans un rapport publié en
février2014 par l’Institut international du développement durable.
Le recours à l’irrigation souter-
raine a aussi creusé les inégalités.
Seuls les plus riches peuvent
financer l’achat de pompes et le
creusement de puits profonds.
Les autres doivent leur acheter
l’eau, abandonnant parfois les systèmes d’irrigation traditionnels
de surface, comme les canaux.
Dans un rapport de 2007, le Commissariat au plan indien a reconnu que « les subventions de l’énergie ont aidé les paysans aisés et
n’ont pas bénéficié aux pauvres ».
Des économistes proposent de
faire payer la consommation
d’électricité aux agriculteurs pour
sauver les nappes phréatiques.
Mais cette mesure les fragiliserait
alors que le secteur est déjà en crise. Entre 15000 et 20000 paysans
se suicident chaque année. Au
milieu des années 2000, l’Etat du
Bengale-Occidental a entrepris de
leur facturer la consommation
d’eau en installant des compteurs
chez eux. Quant au Gujarat, il a
rationné la distribution d’électricité. Dans chaque cas, les paysans les
plus marginaux ont dû payer une
eau plus chère, car plus rare.
Irrigation de surface
Des chercheurs avancent
d’autres solutions, comme l’irrigation de surface, en améliorant par
exemple la récolte d’eau de pluie
pendant la mousson, ainsi que
son stockage. D’autres techniques
d’irrigation peuvent aussi être
généralisées, comme celle du goutte-à-goutte, qui permet d’économiser jusqu’à 70 % de la consommation d’eau pour un rendement
identique. Le meilleur moyen de
stopper la surexploitation des
nappes phréatiques consiste à
cultiver des récoltes adaptées aux
sols et aux conditions climatiques
locales. En 2013, le gouvernement
indien a ainsi encouragé les agriculteurs à cultiver du maïs à la place du riz pour soulager les aquifères du nord du pays. Le gouvernement peut aussi favoriser les
cultures faiblement consommatrices en eau en augmentant leur
prix minimum de soutien.
Quelle que soit la solution retenue, l’« Etat doit jouer un rôle plus
important», insistent les chercheurs Olivier Charnoz et Ashwini Swain, auteurs d’un rapport de
l’Agence française de développement publié en 2012 sur le sujet,
en adoptant une approche plus
globale et en aidant les agriculteurs à optimiser leur consommation d’eau. p
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autres utilisateurs de ressources en
eauet les défenseursde l’environnement est croissant », estiment-ils.
Les regards des experts se tournent alors vers les énergies renouvelables. Hormis les 16 % apportés
par l’hydroélectricité,leur partreste des plus modestes. Certes, le
solaire, l’éolien et la géothermie
ont beau être « sans conteste » les
plus économes en eau et « les plus
durables », leur production intermittente d’électricité reste un obstacle à leur développement.
Si ces technologies progressent
– le secteur photovoltaïque a augmenté de 42 % depuis 2000, le
solaire de 27 % –, la tendance n’est
pas prête de s’inverser, tant que la
question du stockage de l’électricité n’est pas réglée. Et que les combustibles fossibles restent fortement subventionnés au niveau
mondial (380 milliards d’euros en
2012).
In fine, l’ONU souligne à quel
point l’eau, considérée comme un
don de la nature, est galvaudée.
Son prix d’abord, ne reflète pas sa
valeur. Quant à sa gestion, deux
logiquess’opposent: celledes gouvernements qui l’abordent essentiellement en termes de santé
publique et de bien-être. Et celle
des industriels de l’énergie pressés
derépondreà la demandemondiale d’électricité.
« L’interdépendancedes ressources en eau et en énergie appelle de
la part de tous les acteurs une coopération beaucoup plus étroite, car
il est clair qu’il n’y aura pas de développement durable tant qu’il n’y
aura pas de meilleur accès à l’eau
et à l’énergie pour tous », affirme la
directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova. p
Martine Valo
10
france
0123
Samedi 22 mars 2014
Affaires: pourquoi
Sarkozy déclare la guerre
L’ancien président a décidé de contre-attaquer en mettant
en cause le pouvoir socialiste, les juges et les médias
Q
uand Nicolas Sarkozy reprendrala parole,ce serapour parler aux Français. Sa première
intervention ne devra pas être
consacrée aux affaires », répétait
son entourage depuis sa mise en
examen dans l’affaire Bettencourt, en mars 2013. Un an après,
l’ex-président a finalement craqué. Nicolas Sarkozy a décidé de
sortir de sa réserve, dans une tribune au Figaro du 21 mars, pour tenter de s’extirper de la séquence
négative dans laquelle il est plongé depuis trois semaines.
En cause: l’affaire Buisson et celle des écoutes pour laquelle une
information judiciaire pour trafic
d’influence et violation du secret
de l’instruction a été ouverte. La
pression était devenue trop forte.
« Il a jugé que les bornes étaient
dépassées lorsque des premiers
extraits des écoutes judiciaires ont
été diffusés » par Mediapart, le
18 mars, explique l’un de ses
conseillers. Plus question de poursuivre la stratégie du mépris par le
silence, prônée par ses proches.
«Comme on part pour un feuilleton
de plusieurs mois, il ne pouvait pas
ne pas réagir», justifie l’un d’eux.
L’ex-président a donc répliqué
pour préserver toutes ses chances
de représenter son camp à la présidentielle. « J’ai longuement hésité
avant de prendre la parole » mais,
« je crois qu’il est aujourd’hui de
mon devoir de rompre ce silence »,
écrit-il dans sa longue tribune intitulée « Ce que je veux dire aux
Français», publiée dans Le Figaro.
Le ton est grave. Dans ce texte qu’il
a écrit lui-même, l’ex- chef de l’Etat
expliqueavoir étécontraintde réagir publiquement car « des principes sacrés de notre République sont
foulés aux pieds».
Tout au long de son réquisitoire, Nicolas Sarkozy s’en prend aux
juges, aux médias et au pouvoir
socialiste. Le style est direct, sans
concession. Du traitement de l’affaire de Karachi, à celle du présumé financement libyen de sa campagne de 2007, en passant par le
rejet de ses comptes de 2012, l’ex-
DU 15 MARS AU 23 AVRIL
DES OFFRES
EXCEPTIONNELLES
SUR 600 M2 !
président fustige les méthodes de
la justice, accusée de pratiquer un
« ciblage de [s] a personne ». Il
reproche à l’institution, comme
aux médias, d’avoir« complaisamment répandue» de la « boue » sur
lui. Il charge la presse, qui aurait
publié « des milliers d’articles à
charge» contre lui.
« Sarko se berlusconise», ironise
un ex-ministre UMP. Mais c’est
surtout sa mise sur écoute qu’il ne
digère pas. Dans cette tribune au
vitriol, il n’hésite pas à comparer
les
prétendues
méthodes
employées contre lui à celles de
« la Stasi », police politique de l’exRDA.
L’ex-président laisse entendre
que le pouvoir socialiste serait à la
manœuvre pour lui nuire, en s’indignant que les écoutes de ses
conversations avec des responsables politiques ou avec son avocat
Une popularité
qui chute, des
militants écœurés…
L’heure lui a paru
trop grave pour ne pas
remonter sur le ring
fassent « l’objet de retranscriptions
écrites dont on imagine aisément
qui en sont les destinataires ! » Et
d’insister: « Je refuse que la vie politique française ne fasse place
qu’aux coups tordus et aux manipulations grossières. »
M. Sarkozy reprend à son compte la théorie du complot propagée
par ses soutiens,en accusant – sans
le nommer – François Hollande de
tout faire pour empêcher son
retour en 2017. Il lance même un
avertissement: « A tous ceux qui
auraient à redouter mon retour,
qu’ils soient assurés que la meilleurefaçon del’éviter seraitque je puisse vivre ma vie simplement, tranquillement… au fond comme un
citoyen “normal”», écrit-il.
Il assure n’éprouver « nul désir
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Nicolas Sarkozy, lors d’une conférence à Berlin, le 28 février. CLEMENS BILAN/AFP
«Jenepeuxaccepterd’êtreendessousdeslois»
Verbatim Extraits de la tribune de Nicolas Sarkozy au «Figaro» du 21mars
Y
Il est aujourd’hui
de mon devoir de
rompre ce silence.
Si je le fais, c’est parce que des
principes sacrés de notre République sont foulés aux pieds avec
une violence inédite (…).
Qui aurait pu imaginer que,
dans la France de 2014, le droit au
respect de la vie privée serait
bafoué par des écoutes téléphoniques? Le droit au secret des
conversations entre un avocat et
son client volontairement ignoré ? La proportionnalité de la
réponse pénale, au regard de la
qualité des faits supposés, violée ?
La présomption d’innocence désacralisée? La calomnie érigée en
méthode de gouvernement? La
justice de la République instrumentalisée par des fuites opportunément manipulées ? (…)
Voici que j’apprends par la presse que tous mes téléphones sont
écoutés depuis maintenant huit
mois. Les policiers n’ignorent
donc rien de mes conversations
intimes avec ma femme, mes
enfants, mes proches. Les juges
entendent les discussions que j’ai
avec les responsables politiques
français et étrangers. Les conversations avec mon avocat ont été
enregistrées sans la moindre
gêne. L’ensemble fait l’objet de
retranscriptions écrites dont on
imagine aisément qui sont les destinataires! (…)
Aujourd’hui encore, toute personne qui me téléphone doit
savoir qu’elle sera écoutée. Vous
lisez bien. Ce n’est pas un extrait
du merveilleux film La Vie des
autres sur l’Allemagne de l’Est et
les activités de la Stasi [la police
politique qui officiait en RDA jusqu’à la chute du mur de Berlin]. Il
ne s’agit pas des agissements de
tel dictateur dans le monde à l’en-
droit de ses opposants. Il s’agit de
la France. (…)
Je sais, la ministre de la justice
n’était pas au courant, malgré
tous les rapports qu’elle a demandés et reçus. Le ministre de l’Intérieur n’était pas au courant, malgré les dizaines de policiers affectés à ma seule situation. De qui se
moque-t-on? On pourrait en rire
s’il ne s’agissait de principes républicains si fondamentaux. Décidément, la France des droits de
l’homme a bien changé. (…)
Envers et contre tout, je garde
confiance dans l’institution judiciaire, dans l’impartialité de l’immense majorité des juges, dans la
capacité de la justice à ne pas se
laisser instrumentaliser. (…)
Je veux affirmer que je n’ai
jamais demandé à être au-dessus
des lois, mais que je ne peux
accepter d’être en dessous de celles-ci.» p
Des moyens d’investigation renforcés par l’ex-chef de l’Etat
La signature d’un grand fabricant français
Fabrication française
499€
vie politique de notre pays » mais
donne toutefois l’impression de
vouloir installer l’idée d’un match
retour inévitable avec M. Hollande, dans l’espoir d’étouffer la
concurrence à droite.
Les mots choisis sont volontairement violents et marquent un
retour à la stratégie du clivage et
du rapport de force. Loin du profil
rassembleuret apaiséque l’ex-président s’efforçait d’incarner ces
derniers mois, M. Sarkozy veut
frapper les esprits pour s’insurger
contrecequ’ilestimeêtreun acharnement. Avec son « appel à la
conscience », M. Sarkozy prend
une nouvelle fois les Français à
témoin, espérant susciter un
réflexe de solidarité à son égard.
« A ceux qui me sont attachés, je
veux dire que je n’ai jamais trahi
leur confiance », jure-t-il, afin de
souder l’électorat UMP autour de
lui au moment où il traverse une
zone de fortes turbulences.
Sa cote de popularité chute
dans les sondages, des militants se
disent écœurés par les affaires, ses
rivaux à l’UMP – trop heureux de
le voir en difficulté – ne se pressent
pas pour le défendre… L’heure lui a
paru trop grave pour ne pas
remontersur le ring pour se défendre.Au risquede laissertransparaître la fébrilité et le sentiment d’inquiétude qui l’a envahi ces dernières semaines, avec l’accumulation
de mauvaises nouvelles. « C’est
dur. Beaucoup de choses sortent»,
souffle un proche.
Lechoixdutiming n’estpas anodin : Nicolas Sarkozy a choisi de
jouer son va-tout à deux jours du
premier tour des municipales.
Autrement dit, juste avant la probable réélection triomphale
d’Alain Juppé – son concurrent le
plus menaçant – à Bordeaux dès le
premier tour. M. Sarkozy ne souhaitait pas continuer à encaisser
sans rien dire, au moment où le
chiraquienprogressedans l’électorat de droite et affiche un profil
plus rassembleur.
«A partir de dimanche,ça va être
le début de la séquence Juppé. Il va y
en avoir que pour lui dans les
médias, redoute un fidèle de l’exprésident.Danscecontexte,Nicolas
Sarkozy ne pouvait pas continuer à
prendre des coups tous les jours et
assister ébahi à la montée en puissance de Juppé sans réagir.» p
Analyse
La comparaison, dans la tribune de
Nicolas Sarkozy publiée vendredi
21 mars par Le Figaro, du système
judiciaire français avec « les activités de la Stasi » en Allemagne de
l’Est, pour outrée qu’elle soit, doit
quelque chose à l’action de l’ex-président de la République qui a fait
son possible pour élargir les pouvoirs de la police et du parquet, statutairement lié à l’exécutif.
C’est Nicolas Sarkozy qui a fait
adopter la rétention de sûreté en
2008: elle interdit à certains détenus d’être libérés lorsqu’il a terminé sa peine. Ministre de l’intérieur,
il a autorisé en 2006 les policiers a
saisir, sans le contrôle d’un juge,
les données de connexion des opérateurs téléphoniques. La loi Perben2, largement écrite Place Beauvau, a permis aux policiers de placer des micros ou des caméras
dans les voitures ou chez les gens à
leur insu, et la garde à vue a été
étendue à 96 heures.
En 2008, le fichier Edvige autorisait les services de renseignements
à collecter des informations sur
tous les militants politiques, asso-
ciatifs ou syndicaux, et sur toute
personne ou groupe simplement
«susceptible de porter atteinte à
l’ordre public».
Surtout, l’ancien chef de l’Etat a
donné à la Direction générale de la
sécurité extérieure (DGSE, les services secrets), à partir de 2008, des
moyens colossaux d’écoute et de
surveillance d’Internet, sans autre
contrôle que celui du coordonateur du renseignement, un proche
du chef de l’Etat.
Des écoutes légales
M. Sarkozy s’indigne de la violation du secret de l’instruction,
mais c’est bien un communiqué
de l’Elysée qui indiquait en 2011
que « s’agissant de l’affaire dite de
Karachi, le nom du chef de l’Etat
n’apparaît dans aucun des éléments du dossier », reconnaissant
ainsi que le président avait eu
accès au contenu de l’instruction.
Dans la République, ajoute sans
plaisanter l’ancien président, « on
n’écoute pas les journalistes, pas
davantage que les avocats dans
l’exercice de leurs fonctions ». Bernard Squarcini, l’ancien directeur
central du renseignement inté-
rieur, a été jugé le 18 février pour
avoir demandé les fadettes d’un
journaliste du Monde, dont 490
conversations ont été par ailleurs
écoutées sur ordre d’un juge en
mars2009.
Les écoutes de Nicolas Sarkozy
sont, sur un plan juridique, parfaitement légales : si la peine encourue est égale ou supérieure à deux
ans – le trafic d’influence est sanctionné d’une peine maximale de
cinq ans, le juge d’instruction
peut, « lorsque les nécessités de l’information l’exigent» ordonner des
interceptions, sans recours possible. Le juge peut aussi écouter un
avocat – à condition de prévenir
son bâtonnier (une loi du 10mars
2004, Nicolas Sarkozy était alors
ministre de l’intérieur), mais la
retranscription de la conversation
d’un avocat avec son client n’est
possible que si elle est « de nature
à faire présumer la participation
de l’avocatà une infraction».
Personne ne connaît précisément les éléments qu’ont les deux
juges d’instruction, saisis par le
parquet national financier d’un
possible trafic d’influence qui vise
notamment Nicolas Sarkozy, Me
Thierry Herzog et Gilbert Azibert,
un premier avocat général à la
Cour de cassation.
Que Gilbert Azibert ait ou non
exercé une influence sur ses collègues de la chambre criminelle lors
de l’affaire des agendas ou qu’il
l’ait seulement laissé croire, importe peu. Que le gouvernement
monégasque « ait solennellement
déclaré qu’il n’y avait jamais eu la
moindre intervention», comme le
souligne Nicolas Sarkzoy, n’y change rien.
Le fait « de solliciter ou
d’agréer» « des offres, des promesses» pour abuser de «son influence réelle ou supposée» suffit à établir le trafic d’influence. Or, les
conversations surprises par les
policiers, Me Herzog dit le 5 février
qu’il vient d’avoir « Gilbert», qui
aurait rendez-vous le jour même
«avec un des conseillers» en charge de l’affaire des agendas « pour
bien lui expliquer», et qu’il souhaitait obtenir un poste à Monaco.
Nicolas Sarkozy se dit prêt à
l’aider, mais son avocat avait déjà
rassuré le magistrat: « Tu rigoles,
avec ce que tu fais…» p
Franck Johannès
0123
france
Samedi 22 mars 2014
11
Hollande et Ayrault ripostent sur le terrain de la morale
Echaudés par leurs récents cafouillages dans l’affaire des écoutes, les dirigeants de l’exécutif ont cette fois organisé la contre-offensive à M.Sarkozy
O
n ne les y reprendra pas à
deux fois. Douchés par l’expérience de la semaine passée, qui avait vu les amis de Nicolas
Sarkozy parvenir pour quelques
jours à détourner l’attention du
fond du dossier judiciaire pour faire peser le soupçon sur un gouvernement suspecté d’« espionnage
d’Etat», les dirigeants de l’exécutif
ont pris garde, cette fois, à ne pas
tomber dans le piège politique. A
peine le contenu de la tribune dans
Le Figaro de l’ancien chef de l’Etat
était-il connu, jeudi 20 mars en fin
de journée, que la riposte s’organisait sur le fond et la forme, afin
d’éviterles désastreuxcafouillages
de la semaine dernière.
Certes, les socialistes s’attendaient à une nouvelle contreoffensive de la part de M. Sarkozy.
Mais ils ont bel et bien été cueillis à
froid par les premiers extraits de la
missive en forme de missile
envoyé par l’ancien président.
Depuis Bruxelles, où il participait
au Conseileuropéen,FrançoisHollande, pas franchement ravi
d’avoir à se livrer à l’exercice, s’est
ainsi vu contraint de commenter
lacharge deson prédécesseurcomparant les écoutes judiciaires aux
méthodes de la Stasi, la police politique de l’ex-RDA.
« Notre pays est un pays démocratique, un pays qui est fier d’être
reconnu comme celui des droits de
l’Hommeoùla justice,en toutcas j’y
veille depuis que je suis président de
la République, peut agir en toute
indépendance», a répliqué M. Hollande, soucieux de couper court à
l’argumentation de son ancien
rival de 2012. « Laisser penser que
notre pays, notre République puisse
ne pas être fondée sur les libertés,
c’est introduire un doute qui n’a pas
sa place, et toute comparaison avec
des dictatures est forcément insupportable », a-t-il martelé, soulignant qu’il n’y avait « plus d’interventionsdanslesaffairesindividuelles». Façon de renvoyer M. Sarkozy
aux turpitudes supposées de son
propre exercice du pouvoir.
De fait, la réplique gouvernementale a été, sur le fond, rapidement planifiée. Il s’est agi de s’attaquer au cœur de l’argumentaire
«Le Figaro» et ces affaires
qui éclaboussentl’UMP
L’ancien chef de l’Etat a choisi le journal
de droite pour publier sa réplique
I
l la propose, on la prend… » Le
directeur du Figaro, Alexis Brézet, résume la publication par
son journal de la tribune de Nicolas
Sarkozy. Quand on est un média de
droite, couvrir son camp n’est pas
toujours aisé. Peut-être encore
davantagequand onapprend,dans
un passage des enregistrements
réalisés par un conseiller de l’exprésident, que l’ancien directeur
dujournalétaitcontactépoursefaire suggérer des angles.
Patrick Buisson avait ainsi joint
Etienne Mougeotte, le 27 février
2011, jour de remaniement ministériel, en plein « printemps arabe ». Le but : lui suggérer « de faire
passerdansle titre l’idée de lanécessité de s’adapter aux circonstances
nouvelles ». Le lendemain, en
« une » du quotidien, on lisait :
« Un gouvernement fortement
remanié : la stratégie de Sarkozy
face aux défis du monde arabe ».
« Que des conseillers appellent
unjournalpourtransmettredeséléments d’un discours, ce n’est pas
trèsnouveau»,relativiseAlexisBrézet, qui a succédé à Etienne Mougeotte à la tête du Figaro en
juillet 2012. « A l’époque de Mougeotte, il y avait eu des protestations publiques dénonçant la proximité du journal avec Sarkozy »,
raconte un journaliste. Le 9 février
2012, la Société des rédacteurs du
Figaro était allée jusqu’à adopter à
l’unanimité une motion affirmant
que leur « journal d’opinion n’est
pas le bulletin d’un parti, d’un gouvernement ou d’un président de la
République».
Rien de tel de nos jours. « Les
affaires de la droite, on les traite. Je
ne vois pas de problème particulier », assure Stéphane DurandSouffland, responsable de la Société des rédacteurs. Le scandale des
enregistrements Buisson a occupé
deux pages jeudi 6 mars. L’affaire
des écoutes de Nicolas Sarkozy a
fait l’objet de plusieurs manchettes. « On a insisté sur l’indignation
suscitée chez les avocats par l’affaire, mais c’est un vrai angle », commente M. Durand-Souffland. Dans
l’affaire des surfacturations supposées de prestations à l’UMP, Le
Figaro a même dénoncé « l’erreur
tactique » faite par Jean-François
Copé avec sa riposte médiatique.
Un cas reste à part: celui du propriétaire du journal, Serge Dassault, visé par l’enquête sur des
achatsdevoteprésumésdanssaville de Corbeil-Essonnes. En septembre2013, un journaliste s’est porté
volontaire pour écrire sur l’affaire
touchant le sénateur UMP, connu
pour appeler les directeurs de son
journal plusieurs fois par jour.
« Depuis l’arrivée d’Alexis Brézet, Le Figaroa uneligne moinspartisane », se félicite un journaliste.
Le directeur du quotidien a marqué des points en interne fin 2012,
pendant la bataille fratricide entre
Jean-François Copé et François
Fillon, quand il a brocardé ces
« branquignols de la droite » : « Que
cesse – et vite – ce pitoyable feuilleton », avait-il intimé en « une ».
« Fondamentaux »
Le changement d’orientation
recèle un paradoxe. « La ligne du
journal est moins partisane mais
plusidéologique»,décrypteunjournaliste. Des élus UMP ont bien noté
une évolution : « C’est devenu un
journal ultraconservateur sur les
sujets de société et régaliens. » Le
nombre de couvertures consacrées
aux opposants au mariage homosexuel a suscité une question de la
Société des rédacteurs, curieuse de
savoir si ce choix était alimenté par
une hausse des ventes. La direction
a répondu par la négative, tout en
soulignant les très bons scores les
jours de manifestations.
Derrière ces questions sur
l’orientation éditoriale, on retrouve l’ombre de M. Buisson. Alexis
Brézet le connaît depuis l’époque
de Valeurs actuelles, l’hebdomadaire que Patrick Buisson a dirigé et où
lui-même a travaillé de 1987 à
2000. M. Brézet nie défendre une
ligne unique mais assume une
orientation personnelle: « J’ai toujourspenséqu’unedroitequioublierait ses fondamentaux de droite
libérerait un espace pour le FN.»
PourcertainsauFigaro,ily a surtout un risque de déséquilibre
dans la ligne du journal. Et de pointerdes voixcommecelle du chroniqueur Eric Zemmour, mais aussi
certaines plumes de Figaro Vox. Ce
site de débats, lancé en février, est
chapeauté par Vincent Trémolet
de Villers, coauteur d’un livre sur
la « révolution des valeurs » engendrée par La Manif pour tous (Et la
France se réveilla, éditions du Toucan).On trouve parmi les contributeurs Maxime Tandonnet, ancien
conseiller immigration de Nicolas
Sarkozy, Laurent Obertone, auteur
de La France Orange mécanique
(Ring), ou Gilles-William Goldnadel, désormais connu comme
l’avocat de Patrick Buisson. p
Alexandre Piquard
sarkozyste, mais aussi à son point
faible : sa tentative de se situer sur
le terrain de la morale, des « principes sacrés de notre République » et
de l’« absence de scrupule » supposée du pouvoir socialiste. D’où une
volonté à gauche de ramener le
débat sur le dossier judiciaire luimême : « Quand l’écume médiatique retombe, il reste la vague judi-
Dès jeudi soir,
l’Elysée et Matignon
ontsonné le rappel
des poids lourds
du gouvernement
et de la majorité
ciaire, politique et morale », indique un proche du chef de l’Etat. Ce
qu’à l’Elysée l’on résumait vendredi matin d’une lapidaire formule :
«Les faitssont têtus. Et la justice reste indépendante.»
Dès jeudi soir, l’Elysée et Matignon ont donc sonné le rappel des
poids lourds du gouvernement et
dela majorité,calant l’argumentaire sur cette ligne et dépêchant les
ténors sur les matinales. Avec un
impératif: faire preuve de clarté,
contrairementà ce qu’il s’étaitpassé quelques jours plus tôt, quand
le président, le premier ministre et
les ministres de la justice et de l’intérieur avaient été placés sur le
grillpar l’UMP.«La semainedernière, ceux qui pensaient que la droite
était morte de ses divisions, en ont
été pour leurs frais. On a vu qu’elle
était capable de se remobiliser
quand l’heure est grave et de chasser en meute », confie un conseiller
de l’exécutif qui ajoute: « Pas question cette fois de retomber dans le
même piège. »
Dans un communiqué, JeanMarc Ayrault a aussitôt qualifié de
« grave faute morale » le fait pour
l’ancien chef de l’Etat de « mettre
en cause l’honneur de la justice et
de la police ». Le premier ministre,
comme le président, juge « insupportable » la « comparaison entre
la Républiquefrançaise et l’Allemagne de l’Est ». « Je n’entends pas
accepter cette injure », a réagi de
son côté la garde des sceaux, Christiane Taubira.
Manuel Valls, lui, a disputé le
terrain du droit à celui qui, dix ans
plus tôt,l’avait précédéplaceBeauvau. « J’ai le sentiment en lisant ce
texte que Nicolas Sarkozy, pris par
une formede rage,veut tout détruire pour se protéger », a déclaré le
ministre de l’intérieur vendredi
matin sur Europe 1, ajoutant
éprouver « un grand malaise » face
aux « paroles de division » et aux
« mots violents et outranciers qui
traduisent une absence de sérénité
et de mesure».
Autre poids lourd du gouvernement, Michel Sapin, a dénoncé « la
violence sous [la] plume » et le
« coup d’Etat verbal contre les institutions » de M. Sarkozy, digne
selon lui de « Berlusconi». Responsables du parti et du groupe socialiste ont également été associés.
Bruno Le Roux, président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, a jugé « pitoyable» la « contreoffensive grossière » de Nicolas
Sarkozy. « Cette lettre est un avis de
panique », a fustigé le député PS
(Essonne) Thierry Mandon, porteparole du groupe. Pour le premier
secrétaire du PS, Harlem Désir, la
réaction de l’ancien chef de l’Etat
est une « irruption violente dans le
débat politique, à 48 heures des
élections municipales».
La contre-offensive en disqualification politique a donc fusé de
toutes parts. Et à grande vitesse. Ce
qui dénotede l’importancede l’enjeu. Certes, un proche du président
assure ne voir dans la charge de
M.Sarkozy qu’« un délire politique,
une tentative maladroite et complètement vaine de renverser une
situation. Il est obligé de le faire luimême car personne d’autre ne
l’aurait fait. Il est isolé dans cette
affaire. Son cas n 'est plus défendable. » Mais le niveau de mobilisation dans l’exécutif, la majorité et
au PS, tout comme l’intensité de la
riposte, montrent que l’adversaire
et sa charge, à la veille des municipales, première élection intermédiaire du quinquennat Hollande,y
est prise très au sérieux.
Bastien Bonnefous et
David Revault d’Allonnes
12
0123
france
Samedi 22 mars 2014
SOCIAL
Les agentsde Bercymanifestent
contreles suppressionsde postes
Plusieurs milliers de fonctionnaires du ministère de l’économie
(6 000 selon les organisateurs, 2 800 d’après la police) ont manifesté, jeudi 20mars à Paris, à l’appel des syndicats CFDT, CGT, FO,
Solidaires et UNSA-Douanes. Ils entendaient dénoncer « l’enterrement de la douane» et la dégradation de leurs conditions de travail, liée aux réductions d’effectifs et aux fermetures de services.
« Avec 30 000 emplois perdus depuis 2002, et des moyens budgétaires en baisse, ce n’est pas tenable. Nous envisageons clairement
des suites à cette action», a déclaré Vincent Drezet, secrétaire
général du syndicat Solidaires Finances publiques. Pour les syndicats, cette journée, qui réunissait les agents des douanes, des
finances publiques et de la direction générale de la concurrence,
« témoigne du contexte dramatique dans lequel se trouvent nos
administrations». – (AFP.) p
Plusieurs milliers d’intermittents du spectacle
défilent pour défendre l’avenir de leur régime
Les intermittents du spectacle se sont mobilisés, jeudi 20 mars à
Paris et en province, pour maintenir la pression sur le patronat à
l’heure d’ultimes négociations sur l’assurance-chômage qui décidera de l’avenir de leur régime. Plusieurs dizaines d’entre eux
ont investi l’Opéra-Garnier à Paris.– (AFP.)
Faits divers Un homme tué près de Marseille
Un homme de 29 ans, connu des services de police, a été abattu,
jeudi 20 mars, de plusieurs balles de kalachnikov à Vitrolles, près
de Marseille. Il s’agit du cinquième mort par balles depuis le
début de l’année dans la région de Marseille. Selon la préfecture,
celle-ci a connu 17 règlements de comptes en 2013. – (AFP.)
Municipales Exclusion de syndicalistes
CGT et CFDT inscrits sur des listes FN
La CGT de Côte-d’Or a exclu deux de ses adhérentes inscrites sur
des listes du Front national (FN) pour les élections municipales à
Dijon et Chenôve, a-t-on appris, jeudi 20mars, auprès du syndicat. Mardi, la CFDT Métallurgie-Somme-Amiens avait pris une
décision identique à l’encontre d’un de ses adhérents, présent
sur la liste FN pour les municipales à Péronne. – (AFP.)
Discrimination Une application Internet
contre les contrôles d’identité jugés abusifs
Le collectif « Stop le contrôle au faciès » a lancé, jeudi 20 mars,
une « Web appli » sur laquelle les personnes pourront déclarer
les contrôles d’identité jugés abusifs. L’application permettra,
selon ses initiateurs, de « garder une trace » des contrôles, en
cas de litiges ultérieurs, et de disposer d’une base de données
« systématisées» pour identifier si des lieux ou des agents
posent problème. – (AFP.)
Le contrôle des écoutes administratives
au cœur de manœuvres politiques
Le bâtonnier de Paris propose d’élargir le rôle de la commission de contrôle aux écoutes judiciaires
E
n pleine polémique sur les
écoutes de Nicolas Sarkozy, le
bâtonnier de Paris a proposé,
jeudi 20 mars, que la Commission
nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui est
chargée de vérifier la légalité des
écoutes téléphoniques des services
de renseignement, étende ses compétences aux écoutes judiciaires.
En décembre 2013, cette commission avait, au contraire, été jugée
illégitime par nombre d’acteurs du
Webpourcontrôlerl’accèsauxdonnées de connexion par les services.
Jamais la CNCIS n’a autant été au
cœur de l’actualité.
Il ne s’agit pas d’un hasard : cette institution originale est à un
tournant de son histoire. Conçue à
une époque, en 1991, où France
Télécom détenait le monopole des
communications électroniques et
où Internet n’existait pas, elle est
aujourd’hui confrontée à l’explosion des modes de communication et de leur potentielle surveillance. Après la révélation par
LeMonde d’unesurveillancedu trafic sur le Web par la direction générale de la sécurité extérieure
(DGSE), en juillet 2013, la mise au
jour des liens étroits entre ce service et l’héritier de France Télécom,
Orange, pose à nouveau la question du rôle et des moyens de ce
gendarme des grandes oreilles.
La CNCIS, autorité administrative indépendante, exerce un
contrôle a priori sur les demandes
d’écoutes transmises par les services de renseignement, par le biais
21-24
MARS 2014
dupremier ministre,puisune vérification lors de leur exécution.
Pour les données de connexion, la
loi prévoit une procédure unique
à partir du 1er janvier 2015, avec
l’autorisation préalable d’une personnalité nommée par la CNCIS,
quisecharged’effectueruncontrôle sur les opérations en cours.
Mais avec quels moyens ?
Aujourd’hui,les écoutestéléphoniques elles-mêmes ne constituent
plus l’essentiel de l’activité de la
Commission.Lenombrededemandes d’interceptions téléphoniques
traitées est stable, autour de 6000
et contingenté : pas plus de 1 840
« objectifs» ne peuvent être traités
simultanément. L’accès aux données de connexion, lui, est d’une
tout autre ampleur : près de
230 000 demandes en 2012, en
hausse de 6 % par rapport à 2011.
Face à cette explosion, les effectifs permanents de la commission
sont… de 5 personnes : un président,undéléguégénéral,unmagistrat judiciaire et deux secrétaires.
Chargés du contrôle quotidien, ils
assurent une permanence 24 heures sur 24 pour les demandes en
urgence absolue (622 en 2012), auxquelles une réponse est donnée en
une heure. Les cas particuliers sont
examinésparleprésident,unparlementaire de la majorité et un autre
de l’opposition.
Survie et crédibilité en jeu
Sur ces cas, la Commission est
aussiexigeantequesouple.Demandederenseignementscomplémentaires,limitationdeladuréed’écoute(quatre moisrenouvelables),voire avis défavorable ou demande
d’interruption sont régulièrement
utilisés. Mais la CNCIS, qui entretient un dialogue constant avec les
services, sait aussi jouer avec les
motifs d’autorisation prévus par la
loi de 1991: sécurité nationale, sauvegarde du potentiel scientifique
et économique, prévention du terrorisme, criminalité et délinquance organisées, reconstitution ou
maintien de groupements dissous.
Dans son dernier rapport d’activité,leprésidentde laCommission,
Hervé Pelletier, réclame « un
accroissement des compétences et
moyens» de son autorité. La CNCIS
y joue sa survie et sa crédibilité,
alors que les grandes manœuvres
autourd’uneloi-cadresurlesactivités de renseignements ont débuté,
entre l’Elysée, Matignon, l’Assemblée nationale et le Sénat.
Le rapport parlementaire
Urvoas-Verchèredemai2013préconisaitd’utiliserlacommissioncomme base pour créer une commissiondecontrôledesactivitésderenseignement. M. Pelletier est aussi
favorable à « un accroissement du
champ de compétences de la CNCIS
vers d’autres techniques spéciales
d’enquête telles que l’infiltration, la
sonorisation, la captation d’images
ou de données informatiques, dont
l’usagen’estpourl’instant,enmatière administrative, pas prévu par les
textes». Le débat pourrait être tranché avant la fin de l’année. p
Laurent Borredon
L’Etat centralise les interceptions judiciaires
Claudia Pineiro
William Boyd
© S. Bassouls
Qiu Xiaolong
Sorj Chalandon
© Laurence Reynaert
© J.F. Paga / Grasset
Alaa El Aswany
© T. Leighton
© T. Rajic
Pierre Lemaître
© M. Melki - Actes Sud
© J.F. Pagat - Grasset
Karine Tuil
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PARTENAIRES OFFICIELS
L’ENDROIT n’est pas particulièrement émouvant. Un bunker enterré six pieds sous terre dans le vaste campus de Thales à Elancourt,
dans les Yvelines, à l’abri théorique d’un crash d’avion, sauf pour
les pelouses. Vingt armoires grillagées d’où sortent une poignée de
câbles, et qui clignotent tranquillement dans un silence de cabinet
d’avocat qui se saurait sur écoute.
C’est la toute nouvelle plate-forme nationale d’interceptions judiciaires (PNIJ), qui centralisera, à
partir du 1er avril, une partie des
écoutes judiciaires, avant de généraliser le système à l’été.
Cet équipement est, techniquement, un progrès. Jusqu’ici, les
juges d’instruction délivraient
une commission rogatoire à un
service d’enquêteurs, qui louait à
son tour une petite centrale
d’écoutes à un partenaire privé, et
les policiers travaillaient dans des
conditions de discrétion discutables. Les juges n’étaient jamais certains que dans les numéros à écouter ne s’était pas glissés un intrus
qui intéressait discrètement une
autre enquête. Rien n’était vraiment prévu sur la durée de conservation des données.
Le juge aura désormais les
moyens, grâce à une carte à puce
sécurisée, de suivre sur son ordinateur l’ensemble des écoutes ordonnées et pas seulement les passages
signalés par les enquêteurs. C’est
un peu formel: les magistrats ne
vont pas passer leurs nuits à réécouter les conversations, mais ces
écoutes, placées sous scellés, pourront en cas de contestation être utiles à la défense.
Il y avait un autre souci: le coût.
450000 réquisitions judiciaires
avaient été ordonnées en 2006,
650000 en 2012 (+44 %). Une
réquisition comprend plusieurs
éléments: les «prestations
annexes», comme les fadettes, les
facturations téléphoniques
détaillées (5500000 en 2012, 22%
de plus qu’en 2006), 35 000 interceptions proprement dites (+ 75%)
et 12 000 demandes de géolocalisation. Le coût de ces réquisitions
représente 36,5millions d’euros en
2012, près de 45 millions pour 2013.
Un dispositif contesté
D’où l’idée de centraliser – et de
sécuriser – les moyens. La délégation du système à Thales, avec son
logiciel d’interception Spyder,
revient sur quatre ans à 42 millions d’euros, puis 10 à 12 millions
par an. Mais le ministère entend
faire baisser de 30 % le coût facturé par les opérateurs téléphoniques. « En deux ans, l’investissement est rentabilisé, se félicite
Richard Duban, le responsable de
la délégation aux interceptions
judiciaires de la chancellerie, et
nous économisons 130 équivalents
temps plein grâce au système. »
Le dispositif reste cependant
contesté. D’abord parce qu’il délègue au privé une activité régalienne par excellence. Thales a gagné
l’appel d’offres en 2010, contre
trois concurrents, mais aucun site
du ministère de la justice ne
convenait pour des raisons techniques. Le ministère de l’intérieur
ne tenait pas à l’accueillir et les
sites du ministère de la défense
nécessitaient des travaux lourds.
Toutes les précautions semblent être prises pour que ni Thales ni la chancellerie ne puissent
mettre le nez dans ces écoutes.
Quand l’enquête est close, les
écoutes sont basculées dans un
coffre-fort électronique puis effacées de la partie exploitation, et
les traces électroniques disparaissent au bout de cinq ans. Un comité de contrôle, présidé par un
magistrat honoraire, surveillera
le système.
La PNIJ ne se veut pas de surcroît une super-centrale d’écoutes, mais « un système d’informations critiques», parfaitement évolutif. La cuirasse est évidemment
pleine de défauts : qu’est-ce qui
empêchera un juge de donner son
code personnel d’accès à son greffier, ou un des 60 000 officiers de
police judiciaire d’abuser de son
accès? Mais dorénavant, il y laissera une trace et pourra être retrouvé. p
Franck Johannès
0123
france
Samedi 22 mars 2014
Trois«enfantssauvages»
découvertsdans
unlogementàLaCourneuve
13
Front républicain: l’UMP dénonce
la «vieille ficelle» du premier ministre
LeDéfenseurdesdroitsvarechercherd’éventuels M.Ayrault a appelé jeudi les «républicains» à «tout faire» pour éviter l’élection de maires FN
dysfonctionnementsdesservicessociaux
a fonctionné pour le dernier
enfantde ce couple,mais qu’en estil des aînés, dont les troubles font
soupçonner une maltraitance
ancienne ? Ils seraient pourtant
nés en France et à l’hôpital.
Or une naissance dans une
maternité accroît les chances de
repérer les difficultés et de déclencher des alertes auprès de la PMI ou
des services sociaux. Mais les critèresvarientselonlesendroits.« Chaque département est maître de sa
politique et définit des critères de
vulnérabilité: première grossesse,
grossesse pathologique, bénéficiaires de RSA, absence de déclaration
de grossesse, explique Marie-Agnès
Féret, chargée d’études enfance
famille à l’Observatoire de l’action
sociale décentralisée. Ces critères
peuvent déclencher une visite à
domicile.MaisenSeine-Saint-Denis,
les services font face à une masse
considérable de dossiers.»
Pendant cinq ans,
aucun des occupants
des 301 logements
de l’immeuble
n’avait vu
les deux aînés
Chaque année, 28 000 naissances sont déclarées dans le département. Selon le conseil général,
8 000 enfants de moins de 18 ans
sont suivis par les services de
l’aide sociale à l’enfance. La CRIP a
enregistré 3 600 signalements en
2013, qui ont abouti à 800 placements en urgence.
Des cas tels que celui découvert
à La Courneuve sont exceptionnels, même si plusieurs affaires
similaires ont été révélées récemment : celle du bébé dissimulé
dans un coffre par sa mère pendantdeuxanset découvertenoctobre 2013 en Dordogne, celle des
« enfants de la cave », deux garçons qui avaient passé trois ans
dans une cave à Pavillons-sousBois (Seine-Saint-Denis), mise au
jour en avril 2013 ou celle de quatre adolescents, reclus trois ans à
leur domicile de Saint-Nazaire, et
qui vient d’être jugée.
SielleresterareenFrance,lamaltraitance des enfants est un phénomène non négligeable.Les derniers
chiffres disponibles, qui datent
d’une dizaine d’années, évaluent à
près de 20 000 le nombre d’enfants maltraités signalés chaque
année. Dans cette catégorie figurent plusieurs types de maltraitance: coups, maltraitance psychologique, abus sexuels, délaissement. Les maladies psychiatriques,
qui empêchent les parents de se
rendre compte de l’état de leurs
enfants, la dépression, l’usage de
drogues, l’isolement social et familial, l’absence de confiance envers
l’extérieur… peuvent éclairer de
tels comportements.
Le passé des parents joue également un rôle. « S’ils n’ont pas
connu l’attention pour eux, ils peuventne pas être en mesuredela porter à autrui, affirme le pédopsychiatre Daniel Rousseau, qui travaille dans une pouponnière de
l’aide sociale à l’enfance à Angers.
On ne parle pas une langue qu’on
n’a pas apprise. » « Les carences
intrafamiliales sont souvent le fait
de parents qui ont des histoires très
traumatiques et ont du mal à se
représenter ce dont l’enfant a
besoin », estime Romain Dugravier, pédopsychiatre à l’hôpital
Sainte-Anne à Paris. Dans l’affaire
de La Courneuve, les informations
sur la famille sont encore trop parcellaires pour pouvoir avancer
une explication. p
Gaëlle Dupont,
Catherine Rollot
et Soren Seelow
J
Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à Matignon, le 16 février. BRUNO LÉVY/DIVERGENCE
Si le PS ne dévie pas de sa ligne
face au risque FN, Solférino sait
qu’à l’occasion des municipales la
consigne nationale du front républicain peut mal passer auprès de
ses troupes, notamment dans le
sud-est. Dans ces territoires, les
militants socialistes pourraient
refuser de se désister en faveur de
l’UMP en cas de triangulaires avec
le FN, alors qu’ils renvoient dos à
dos les candidats de la droite et de
l’extrême droite.
En s’adressant aux « républicains », le premier ministre tente
de déplacer le débat dans le camp
Fréjus pourrait tomber
dans le giron du FN
Fréjus (Var)
Envoyé spécial
Le Front national en est persuadé:
Fréjus (Var) va basculer dans son
escarcelle. Cette ville de plus de
50000 habitants serait une belle
prise pour le parti d’extrême droite. Son candidat, David Rachline,
est donné favori par tous les sondages. Dans l’ancien fief de François
Léotard, qui vote massivement et
historiquement à droite, la gauche
n’a que peu d’espoirs de peser.
Et le FN pourrait bénéficier des
divisions de la droite, qui part avec
trois listes : celle du maire sortant
Elie Brun – condamné en janvier à
cinq ans d’interdiction de droits
civiques pour prise illégale d’intérêt, il a fait appel pour pouvoir se
présenter –, une liste UMP-UDI
conduite par un ancien adjoint,
Philippe Mougin et une dernière
(divers droite) par Philippe Michel.
Implanté dans la ville depuis
2008, David Rachline, lui, est
conseiller municipal sortant. Lors
des cantonales de 2011, il avait fait
le meilleur score de son parti sur
l’ensemble du territoire, 39,37 %.
« Il faut tout changer ici »
C’est pour cela que Fréjus a été
une étape dans le tour de France de
Marine Le Pen. Mardi 18mars, l’ancienne prétendante à l’Elysée est
venue soutenir son candidat en
tenant un meeting dans un gymnase de la ville. Plus de mille personnes se sont serrées pour écouter la
présidente du FN. Le lendemain,
sur le marché, tout le monde ne
parlait que de ça.
A 26 ans, David Rachline est
déjà un vieux briscard de la politique. Il s’est engagé très jeune à l’extrême droite, d’abord chez les
« nationalistes révolutionnaires»,
puis au FN où il a été proche
d’Alain Soral. Aujourd’hui, il jure
qu’il n’est loyal qu’aux Le Pen. Ce
bon vivant a axé sa campagne sur
les finances de la ville et ce qu’il
appelle le « copinage» des élus sortants. « Fréjus est en situation de
faillite, elle est paralysée financièrement. Il faut un grand plan d’assainissement des finances pour lancer
des projets», argumente-t-il.
M.Rachline se veut rassurant et
joue de sa bonhomie. «Nous ne
toucherons pas aux centres
sociaux, au contraire, nous les renforcerons», dit-il à deux travailleuses sociales inquiètes. Il assure
qu’il ne touchera pas au financement des associations alors que le
FN a fait de la chasse à ces subventions un thème national. L’insécurité n’est pas non plus mise en
avant dans ses tracts. «Nous ne
sommes pas à Marseille, explique-t-il.Mais on a une ville préservée et l’enjeu est de garder cette
qualité de vie, pas de régresser.»
M.Rachline s’adapte. Lui qui a été
formé par un courant de l’extrême
droite qui ne fait pas de l’islam l’ennemi principal – voire en fait un
potentiel allié – n’en réclame pas
moins un référendum sur la
construction de la mosquée.
Beaucoup de Fréjusiens le
voient déjà à la mairie. Comme
dans nombre de villes où le FN
pourrait gagner, ils réclament
« un changement ». « Il faut tout
changer ici. Fréjus est devenue une
ville morte », se lamente ainsi une
commerçante de 71 ans. Un autre
passant de 58 ans, Jean-Claude,
abonde : « Rachline peut gagner.
On en a ras le bol des affaires. La
ville est mal administrée, ils fonctionnent entre copains. »
Mais tous les Fréjusiens ne sont
pas séduits. Ainsi Barbara, 41 ans et
commerçante. Cette électrice de
gauche ne se gêne pas pour
rabrouer David Rachline lorsque
celui-ci lui tend un tract. «J’espère
qu’il ne passera pas. Il est jeune et il
est du FN. Ce serait très mauvais
pour notre image», assure-t-elle. p
Abel Mestre
de l’UMP. Dans son « appel »,
M.Ayrault a mis la pression sur les
responsablesde l’opposition,en les
défiantd’adopterà leur tourlastratégie du front républicain.« On verra dès dimanche soir ce que l’UMP
sera capable de faire. Est-ce qu’elle
adhérera à l’appel que je lance ?», a
demandé le premier ministre.
« Hors de question »
En réponse, l’UMP l’a d’ores et
déjà rejeté. « Jean-Marc Ayrault, en
faisant cela, adresse un message
très clair : il nous explique qu’il souhaite que le Front national fasse le
score le plus élevé possible pour
pouvoir, grâce à cela, s’exonérer de
toute responsabilité et nous ressortir la vieille ficelle de la République
en danger », a rétorqué le président du parti, Jean-François Copé,
au Talk Orange-Le Figaro, ajoutant
que pour l’UMP, il est « hors de
question » d’appeler à voter pour
le PS ou le FN au second tour.
Le parti gaulliste campe toujours sur le « ni-ni », position défi-
nie par Nicolas Sarkozy puis reprise par M. Copé, qui consiste à ne
prendre parti ni pour le FN ni pour
le front républicain dans les cas où
un candidat de gauche se retrouve
seul face à un candidat lepéniste.
François Fillon est revenu à cette
ligne, après avoir conseillé en septembre 2013 de voter pour « le
moins sectaire » des candidats.
MêmeAlain Juppé, longtempspartisandu frontrépublicain, s’est rallié au « ni-ni ». A l’UMP, seuls quelques modérés contestent et restent adeptes du front républicain,
comme Dominique Bussereau.
La question de l’attitude à adopter face au FN demeure un cassetête pour l’UMP, où l’on craint que
des candidats nouent des alliances
locales avec l’extrême droite, malgré les menaces de sanction de la
direction,notammentdans le SudEst. Un bureau politique de l’UMP
est prévu lundi 24 mars, à 15 heures, pour trancher ce dilemme. p
Bastien Bonnefous
et Alexandre Lemarié
Ciné-Tamaris présente
Cléo
de
5à7
un film de
Agnès Varda
avec
Corinne Marchand
Antoine Bourseiller
Musique de
Michel Legrand
VERSION RESTAURÉE
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
photographie © agnès varda Graphiste : Aurélien Bony 2014
C
omment quatre enfants
déclarés à l’état civil ont-ils
pu passer à travers les
mailles du filet de toutes les institutions pendant plusieurs
années ? C’est la principale question qui se pose depuis que RTL a
révélé, jeudi 20 mars, le cas d’une
fratrie qui vivait recluse, dans une
barre HLM de la cité des 4 000, à La
Courneuve (Seine-Saint-Denis).
Il a fallu la naissance du quatrième enfant d’un couple d’origine
indienne pour que la police découvrecequi secachaitdepuis2008 au
7e étage de la tour du Mail de Fontenay. Trois enfants, des garçons de 2,
5 et 6 ans, privés de soins, d’école et
de tout suivi médical depuis leur
naissance, partageaient dans le
dénuement le plus complet une
pièce d’un appartement de 85 m2.
Selon une source judiciaire, aucun
signede la présenced’enfanten bas
âge dans l’appartement, à l’exception d’un lit pliant de bébé. Aucun
jouet. La baignoire ne semble pas
avoir servi depuis des mois. Pendant plus de cinq ans, aucun des
occupants des 301 logements de
l’immeuble n’avait jamais vu les
deux aînés.
Selonle conseilgénéraldeSeineSaint-Denis, l’alerte a été donnée
par l’hôpital Delafontaine à SaintDenis où la mère se présente le
1er janvier pour accoucher de son
quatrièmeenfant,unefille.L’absencedesuivimédicalpendantsagrossesse et le peu d’intérêt de la jeune
accouchée pour son nouveau-né
interpellent les soignants. Avertie,
la Protection maternelle et infantile (PMI) convoque le père, âgé de 34
ans quelques jours plus tard.
Les deux enfants les plus âgés,
qui présentent des troubles
majeursdudéveloppement,neparlent pas, ne marchent pas et souffrent de fortes carences alimentaires. Ces « enfants sauvages »,
selonles mots des enquêteurs,sont
alors admis à l’hôpital Jean-Verdier
de Bondy. Le 17 janvier, l’affaire
remonte à la Cellule de recueil des
informations
préoccupantes
(CRIP), un service départemental
chargé de centraliser et d’évaluer
les informations concernant les
mineurs en danger.
Fin janvier, la sûreté départementale est saisie de l’enquête. Mis
enexamenle13févrierpour«privation de soins par ascendant », les
parents sont incarcérés. Les deux
aînésont étéplacésdansun établissement spécialisé, les deux plus
petits sont en famille d’accueil.
Jeudi, le Défenseur des droits,
Dominique Baudis, s’est saisi de
l’affaireafin de déterminerd’éventuels dysfonctionnementsdes services sociaux. Le système d’alerte
usqu’à présent, il s’était tenu à
l’écart du débat des municipales. Jean-Marc Ayrault avait bien
effectué quelques déplacements
ciblés, mais le premier ministre,
prenant soin de ne pas « nationaliser » le scrutin, ne s’était guère
exprimé sur le sujet.
Jeudi 20 mars, à trois jours du
premier tour, le chef du gouvernementestsortidesaréserveenrelançant la thématique du « front républicain» face au FN, qui compte sur
ce scrutin pour réaliser des scores
historiques. « Les républicains
devraient tout faire pour qu’il n’y
ait aucune possibilité qu’il y ait un
maireFrontnationaldansunecommune de France », a déclaré
M.Ayrault sur RadioJ.
Cet appel lancé à la classe politique à quelques heures du vote est
surtout un moyen pour le premier
ministre de mobiliser l’électorat
socialiste, alors que le risque d’abstention est fort, notamment à gauche, et que le FN pourrait provoquer près de 200 triangulaires. « Le
scrutin municipal est à enjeu local,
mais dès lors qu’existe la perspective d’un vote FN élevé, il est normal
que le premier ministre s’en empare», explique Matignon.
Lespropos duchef dugouvernement ont immanquablement fait
réagir le parti de Marine Le Pen.
«Merci à M. Ayrault qui admet que
le seul adversaire du système, c’est
le FN», a publié jeudi la présidente
du FN sur son compte Twitter. Le
secrétaire général du parti, Steeve
Briois, candidat à Hénin-Beaumont(Pas-de-Calais),avu dansl’appel du premier ministre « le signal
du rassemblement de l’UMPS».
14
0123
france
Samedi 22 mars 2014
Juppé-Bayrou, un flirt
qui intrigue et agace
A
ffichage de circonstance
ou alliance durable, prémices d’une recomposition
de la droite ? Depuis le début de la
campagne des municipales, François Bayrou et Alain Juppé rivalisent, l’un pour l’autre, de mots
doux. Au risque, à quelques jours
du scrutin, d’être débordés par
tant d’enthousiasme.
Dès septembre2013, le maire de
Bordeaux, contre l’avis de la direction de l’UMP, a soutenu la candidature du centriste à Pau. Le
10novembre, en Dordogne, les
deux hommes ont insisté sur la
nécessité de « rassembler» les
« familles politiques de la droite et
du centre ». Le 8 mars, M.Juppé a
tenu meeting à Pau, pour soutenir
son « ami»… Pour les deux hommes, voisins aquitains, il s’agit
d’intérêts partagés bien compris.
Après son vote pour M.Hollande à la présidentielle, qui lui avait
valu une déroute aux législatives
dans les Pyrénées-Atlantiques,
M.Bayrou avait besoin, à Pau,
d’une onction de droite pour se faire élire. M.Juppé, lui, gouverne à
Bordeaux avec le MoDem, qui
peut l’aider à reconquérir la communauté urbaine, aujourd’hui
socialiste. Et ces deux agrégés de
lettres – classiques pour le premier, modernes pour le second –
nourrissent depuis longtemps
une certaine estime réciproque.
Mais leur « flirt » a semblé ces
derniers jours s’emballer, au risque d’apparaître politiquement
un peu grossier. Le 8 mars, avant
leur meeting commun, M. Bayrou a glissé que « soutenir Juppé
en 2017 est une idée plausible». En
affirmant, cette semaine, qu’il
« n’envisage pas» lui-même de se
représenter à l’Elysée, le Béarnais
a rouvert la boîte de Pandore des
spéculations. Mercredi, le vice-
président du MoDem, Robert
Rochefort, s’est plu à enfoncer le
clou: « Si Alain Juppé devait devenir le leader d’un renouveau dans
une continuité d’une droite républicaine, il est assez vraisemblable
que nous pourrions peut-être envisager des choses avec lui. »
Il n’en fallait pas plus pour que
se propage l’idée d’un «pacte
d’Aquitaine»: Juppé, au zénith
dans les sondages, à l’Elysée et Bayrou à Matignon, unis pour faire
barrage à Nicolas Sarkozy…
« C’est moi qui décide »
Las, le «timing » incontrôlé de
cet emballement est des plus
embarrassants. Municipales obligent, MM. Bayrou et Juppé ne cessent de répéter que l’horizon de
leurs ambitions s’arrête à leur ville. Sur Twitter, jeudi, le maire de
Bordeaux a tenté d’éteindre l’incendie: « Je remercie François Bayrou de sa sollicitude mais c’est moi
qui décide de ce que je fais. Nous
sommes en 2014 ». Joint par Le
Monde, M. Bayrou botte en touche: « Alain Juppé est concentré
sur Bordeaux comme je le suis sur
Pau. Nous ne voulons pas nous laisser distraire de cet engagement.»
Au-delà du raté de communication, cet axe Juppé-Bayrou suscite
une levée de boucliers tant au siège de l’UMP que chez les sarkozystes. « Juppé a évidemment “dealé”
avec Bayrou en lui promettant
Matignon ou un gros ministère s’il
bénéficie de son soutien pour partir à la conquête de l’Elysée», affirme un fidèle de l’ex-président. « Le
jeu personnel de Juppé n’est pas
bien perçu. Pour les militants, il s’allie avec “le traître”, qui a fait perdre Sarkozy en 2012», assure un
proche de Jean-François Copé. p
Pierre Jaxel-Truer
et Alexandre Lemarié
La gaucheen difficulté
à Amiens
La droite rêve de reconquérir cette ville perdue
en 2008 et marquée par la gestion centriste
Amiens
Envoyée spéciale
L
e Parti socialiste, qui a
conquis Amiens en 2008 en
battant Gilles de Robien, maire centristede la ville pendant quatorze ans, compte sur le projet de
tramway de son candidat, Thierry
Bonté, pour conserver la ville. Successeur potentiel du sortant Gilles
Demailly, qui ne se représente pas,
M. Bonté est soutenu par le PCF et
EELV, mais la droite s’oppose à son
projet et la population se montre
très réticente.
Dans le dessein du candidat
socialiste, une ligne de tramway de
10 km relierait le nord au sud de la
ville d’ici à 2018 pour un coût qu’il
estimeà environ200millionsd’euros. L’ancien journaliste de France 3 Picardie, élu chargé des transports à Amiens Métropole depuis
2009, plaide sans relâche en faveur
de son projet face à ses nombreux
détracteurs, qui, selon une enquête
Ipsos, restent majoritaires (54%).
Brigitte Fouré, tête de liste UDIUMP et ancienne maire de la ville
de2002à2007,dénoncelesnuisances qu’entraînerait pendant deux
ans le chantier du tram et s’alarme
de la « hausse de la fiscalité sur les
entreprises» pour financer les travaux. Candidat du Front national,
Yves Dupille estime qu’il y a
«d’autres priorités comme les aides
sociales et la sécurité». Pour Cédric
Maisse, candidat du Parti de gauche, le « tracé du tram que propose
M. Bonté n’est pas le bon et le plan
de financement n’est pas assuré».
Face à ces critiques, M. Bonté
tente de réorienter le débat sur les
enjeux sociaux : « Nous sommes
les seuls à proposer des mesures
concrètes pour le logement, l’acces-
sion sociale à la propriété ou contre
l’échec scolaire. »
Pour faire pièce au positionnementcentristede son adversaire,le
PS dénonce l’alliance de Mme Fouré
avec Alain Gest, député UMP de la
Somme, numéro deux sur la liste
de la candidate de droite, qui lui a
promis la présidence de la métropole en cas de victoire. M. Gest sera
« tout-puissant puisque 80 % des
compétencesdelavilleontététransféréesàlacommunautéd’agglomération. Mme Fouré sera une maire
sous le boisseau », assure M. Bonté,
qui envisage, lui, d’exercer à la fois
les fonctions de maire et de président de l’agglomération.
Le FN vise la triangulaire
Mme Fouré sourit à cette attaque.
Elue municipale, longtemps chargée des quartiers sensibles de la ville, cette juriste réputée pour avoir
« la fibre sociale » prétend vouloir
être « une maire qui rassure et qui
protège».
Reste l’inconnue du vote FN.
Dans la préfecture de la Somme,
marquée par l’annonce, en janvier,de la fermeturedusitede Goodyear, le parti frontiste espère
imposer une triangulaire au
second tour en convainquant
notamment une partie de l’électorat populaire. Son candidat,
M. Dupille, se dit « étonné de l’accueil favorable qu’il reçoit dans les
quartiers populaires».
La déception des laissés pour
compte de Goodyear peut-elle
favoriser un vote de défiance? « Ils
ne voteront pas FN », veut croire
Didier Hérisson. Ce syndicaliste
CGT dans l’usine qui employait
1 000 personnes figure sur la liste
du Parti de gauche. p
Béatrice Jérôme
Malgré la parité, à peine 14% des villes
sont dirigées par une femme
Pour le scrutin municipal du 23mars, quatre listes sur cinq seront conduites par un homme
C
onnaissez-vous
Odette
Roux ? Cette résistante,
membreduParticommuniste, fut la première femme, en 1945,
à l’âge de 28 ans, à devenir maire,
aux Sables-d’Olonne(Vendée). Elle
est décédée il y a moins de deux
mois, le 30 janvier, dans le plus
strict anonymat.
Soixante-dix ans après l’ordonnance du 5 octobre 1944 qui accorda le droit de vote et d’éligibilité
aux femmes, il n’est certes plus
nécessaire d’avoir fait ses armes
dans la Résistance pour accéder au
fauteuil de maire si l’on est une
femme. Mais, en dépit de la loi du
6 juin 2000 « tendant à favoriser
l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
fonctions électives », cela reste… un
parcours du combattant.
Si la loi, en effet, oblige à déposer aux élections municipales des
listes composées alternativement
de candidats de chaque sexe, la
tête de liste – qui, dans la pratique,
s’impose comme le futur maire
potentiel – revient, dans la majorité des cas, à un homme. Cette
année encore, sur les 4 095 listes
enregistrées dans les communes
de plus de 10 000 habitants, une
sur cinq seulement est conduite
par une femme.
La loi peut être un levier pour
favoriser l’égalité mais, en matière
électorale, le rôle des partis, qui,
selon la Constitution, « concourent à l’expression du suffrage »,
reste déterminant. C’est à eux, en
leur sein, selon les modalités dont
ils se dotent, qu’il revient de décerner les investitures. Et l’écrémage,
à ce niveau,est rédhibitoire.Lacouleur politique, pour le coup, est
secondaire. Le plafond de verre se
situe exactement à la même hauteur pour le PS, l’UMP, l’UDI ou le
FN : tous présentent entre 16 % et
18% de femmesen tête deliste. Parmi les formations les plus représentées, seules les listes écologistes (34 %) et du Front de gauche
(29 %) accordent une part plus
avantageuse aux femmes.
Le résultat, en termes de représentation des femmes dans les
conseils municipaux, est inéluctable. Grâce à la loi de 2000, les femmes représentent 34,8 % des élus
dans les conseils municipaux,
maiselles nesont que 13,9% à exercer la fonction de maire. Moins de
10 % des villes de plus de
Un tiers de femmes dans les conseils municipaux
PART DES FEMMES PARMI LES ÉLUS
MUNICIPAUX, EN %
Conseillers municipaux
1983
34,8
Maires
PART DES FEMMES PARMI LES CONSEILLERS MUNICIPAUX SELON LA TAILLE
DE LA COMMUNE, EN %
3,1
0,7
1947
21,5
13,9
10,9
8,3
34,8
32,2
21,7
14
48,8
48,3
2008
22,8
14
12,9
5,5
2,4
2,8
2008
Moins de
3 500 habitants
3 500 à
30 000 habitants
Plus de
30 000 habitants
CHAMP : FRANCE MÉTROPOLITAINE
3 500 habitants ont une femme
maire. Quand on passe aux villes
de plus de 100 000 habitants, elles
ne sont plus que six : Hélène Mandroux (PS) à Montpellier, Martine
Aubry (PS) à Lille, Adeline Hazan
(PS) à Reims, Maryse JoissainsMasini (UMP) à Aix-en-Provence,
Dominique Voynet (EELV) à Montreuil et Huguette Bello (PLR) à
Les femmes sont
sous-représentées
pour les mandats et
fonctions électives qui
ne sont pas soumis
àl’obligation paritaire
Saint-Paul, à la Réunion. Une seule
certitude, la capitale, Paris, sera
pour la première fois dirigée par
une femme à l’issue des prochaines élections municipales.
Le résultat est encore plus
confondant dans les établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) – les
« intercos » –, dont les conseillers
communautaires étaient, jusqu’à
présent, désignés par les conseils
municipaux. Les femmes y repré-
sentent 28 % des conseillers mais
7,2 % seulement des EPCI sont présidés par une femme.
Ainsi, de manière nette, s’opère
une distinction entre féminisation etpartagedu pouvoir. La sousreprésentationdesfemmes persiste pour les mandats et fonctions
électives qui ne sont pas soumis à
l’obligation paritaire. Sans parler
des inévitables attributions de
délégations répondant, encore, à
de supposées compétences particulières: les femmes à la scolarité
ou à la culture, aux hommes les
finances ou l’urbanisme, malgré la
loi du 31 janvier 2007 qui a introduit la parité dans les exécutifs
municipaux.
Petità petit,cependant,les avancées vers une reconnaissance de la
place des femmes dans les institutions politiques se consolident.
Ces élections municipales vont
marquer l’entrée en vigueur de
nouvelles dispositions issues de la
loidu 17mai 2013 qui vont,mécaniquement, augmenter la proportion de femmes élues dans les
conseils municipaux et dans les
« intercos ».
Tout d’abord, le seuil de population à partir duquel s’applique
l’obligation de présenter des listes
Ensemble
des communes
SOURCE : INSEE
paritaires a été abaissé de 3 500 à
1 000 habitants. Ce sont environ
20000 femmes qui vont faire leur
entrée aux conseils municipaux
dans ces communes.
L’autre nouveauté de ce scrutin
tient dans le jumelage entre le
vote pour les conseils municipaux
et la désignation des conseillers
communautaires. Sur le même
bulletin de vote figureront donc la
liste des candidats au conseil
municipal et, parmi eux, celle des
candidats « fléchés », appelés à siéger également à l’« interco », avec
une obligation de parité pour les
deux listes.
D’autres dispositions visant à
imposer l’« égalité réelle» entre les
hommes et les femmes figurant
dans le projet de loi adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 janvier 2014 – telles que
la parité entre le maire et son premier adjoint – ne pourront s’appliquer dès ce scrutin. De même que
la mise en application du noncumulentre un mandatparlementaire et une fonction exécutive
locale. Elle ne deviendra effective
que pour les prochains scrutins, à
partir de 2017 et ce sera, pour la
parité, un saut décisif. p
Patrick Roger
A Aix, Maryse Joissains (UMP), joue «seule contre tous»
Marseille
Correspondant
La gauche va-t-elle ravir l’élégante
Aix-en-Provence après deux mandats de la tonitruante maire UMP
Maryse Joissains-Masini? A l’approche du premier tour, Edouard
Baldo, le candidat socialiste, y croit
plus que jamais. Un sondage IFOP,
publié le 17 mars, montre que le
vainqueur des primaires PS pourrait bénéficier, entre les deux
tours, d’un réservoir de voix plus
important que celui de sa rivale.
En compilant son score à celui
des Verts, du centre-gauche, du
Front de gauche et de la liste
« citoyenne» de l’ex-bâtonnier
Jean-Louis Keita, M.Baldo passerait les 47%. Ce qui, en cas de triangulaire avec le FN, serait synonyme de victoire face à une Maryse
Joissains, annoncée à 33% au premier tour et qui reste, à 71 ans, plus
que jamais drapée dans une posture « seule contre tous» : « C’est ce
que je sentais depuis le début, assure M. Baldo, 67ans. Il y a ma liste et
celle de Mm eJoissains. Les autres restent périphériques.»
Aix l’universitaire, 142000 habitants, a connu une campagne très
florentine « entre élus du sérail». A
droite, contre la sortante, l’UDI
Bruno Genzana mène une liste où
l’on retrouve 27 membres de
l’UMP, dont le premier adjoint de
Mme Joissains, Jean Chorro. A gauche, EELV part en autonome. Le
MoDem François-Xavier de Peretti, soutenu par l’ancien candidat
socialiste Alexandre Medvedowsky, conduit un rassemblement de
centre-gauche où figurent des personnalités locales.
Pendant plusieurs semaines,
MM. de Peretti et Genzana, élus fortement implantés, ont espéré
devancer Mme Joissains-Masini au
premier tour. Le sondage IFOP en
les créditant respectivement de
10% et 9 % des intentions de vote,
les a renvoyés au statut de forces
d’appoint: «Ce sondage est faux et
ne reflète pas les remontées du terrain, remâche, agacé, FrançoisXavier de Peretti. Maryse Joissains
n’a jamais été aussi affaiblie et on
lui donne encore 33% des voix?»
A la permanence de Bruno Genzana, la déception flotte aussi: «Il
semble qu’une partie de l’électorat
aixois traditionnel ne se décide pas
à choisir l’alternative à droite que
je représente…» Apprécié par les
barons UMP du département, que
Mme Joissains irrite souvent, l’homme s’inquiète pour l’entre-deuxtours. Il sait que sa liste a été prise
comme une « trahison» par
Mme Joissains: «Ne pas bâtir au
second tour une alliance serait
jouer Aix à la roulette russe.»
«Moi, je ne fusionne avec personne, s’enflamme Mme Joissains. Cela
devrait être interdit! Cela peut être
un mariage de raison, mais, Genzana, je ne l’aime pas. Et faut pas que
je compte sur lui pour travailler…»
En visite de quartier, la sortante
fait campagne « sur le terrain et sur
les nerfs ». « Ils attaquent tous ma
personne et pas mon bilan,
juge-t-elle. Et les Aixois le savent.»
« Elle ne lâche rien »
Les habitants qui la saluent lui
parlent prothèse de hanche ou chutes sur le trottoir. « Maryse» déroule en retour ses thèmes: bonne gestion, défense des Aixois, expérience. A l’une, elle dit: « Je gère l’argent au sou près comme toutes les
femmes.» « Elle ne lâche rien»,
savoure Jean-Christophe Grossi,
un de ses jeunes adjoints. Au vol,
l’élue UMP attrape la main d’une
passante qu’elle reconnaît et lui
glisse: «Tu dis bien à ta belle-mère
qu’il faut qu’elle prie…»
Comparé à l’éruptive Maryse
Joissains, le socialiste Edouard Baldo a tout du moine bouddhiste.
Cet homme mince et chauve apparaît moins réservé qu’au début de
sa campagne, mais il contrôle son
vocabulaire et ses émotions. Avo-
cat d’affaires, il a connu Mme Joissains à la faculté de droit avant
une carrière internationale qui l’a
tenu éloigné des élections aixoises. Il dénonce le programme de
celle-ci « qui tient sur dix pages» et
ses échecs: «Quand des classes ferment chaque année, cela prouve
que les jeunes parents n’ont plus les
moyens de se loger dans une ville
devenue trop chère…»
Fin décembre2013, lorsque sa
rivale UMP a été gardée à vue pour
une affaire de trafic d’influence et
détournement de fonds publics, il
n’a pas crié au scandale. Mais a
signé plus tard, avec tous ses colistiers, la charte éthique Anticor. Sur
la métropole Aix-Marseille, à
laquelle Mme Joissains voue une
opposition viscérale, il joue le bon
sens: « C’est une loi aujourd’hui. Et
pour qu’elle profite aux Aixois, il
faut que nous en soyons la locomotive plutôt que de la subir.»
Même si quatre des cinq premiers de sa liste ont plus de soixante ans, il entend incarner le «changement politique ». Et parle déjà
d’une « union évidente» avec les
autres listes de gauche. Sa seule
inquiétude? Que Maryse Joissains
morde, d’une manière ou d’une
autre, sur les 10% dont le FN est crédité au premier tour. p
Gilles Rof
culture
0123
Samedi 22 mars 2014
15
Olivier Py dévoile son premier Festival d’Avignon
Le nouveau directeur met l’accent sur un retour aux textes, une baisse des tarifset le théâtre jeune public
Avignon
(Envoyée spéciale)
A
quoi sait-on qu’un nouveau
directeur arrive au Festival
d’Avignon ? A une nappe
qui recouvre la table où il donne sa
premièreconférencedepresse.Cette nappe, Olivier Py l’a voulue
jaune. Comme l’affiche, signée de
l’artiste Alexandre Singh, qui présentera son premier spectacle, The
Humans. On y voit un homme qui
regarde une statue de pierre dont
émerge une fleur. « Rassurez-vous,
ce jeune homme, ce n’est pas moi.
Mon narcissisme a quand même
des limites », a précisé, en souriant,
le successeur d’Hortense Archambault et Vincent Baudriller.
Mais il n’a pas insisté sur les
trois clefs, que le fondateur du Festival, Jean Vilar, avait choisies comme emblème et qui apparaissent
elles aussi sur l’affiche, en rouge.
Marie-Josée Roig, la maire (UMP)
d’Avignon, qui ne se représente
pas,s’enétait chargée,ensaluant la
présence d’un artiste à la direction
du Festival, ce qui n’était pas arrivé
depuis… Jean Vilar. De ce point de
vue, Olivier Py ouvre une voie.
Ce n’est pas la seule, comme en
témoignela 68e édition du Festival,
qui se tiendra du 4 au 27 juillet.
Retour aux textes, avec quatorze
auteurs vivants et de nombreux
classiques, de Shakespeare à
Kleist;baisse de certainstarifs ;forte présence du théâtre jeune
public ; ouverture d’un lieu « de
convivialité et de pensée » : tels
sont les axes majeurs de l’an premier de l’ère Olivier Py, qui, par
ailleurs, fait la part belle à l’émergence et parcourt le monde.
Parce que Avignon coûte cher
aux spectateurs, surtout aux jeunes, certains prix vont baisser :
dans la Cour d’honneur, la première catégorie passe de 40 à 38 euros,
et le strapontinde25 à 20 euros.Les
moins de 26 ans pourront bénéficier d’un abonnement : quatre
spectacles pour 40 euros. Il y aura
égalementun abonnementspécial
« grands spectateurs» : à partir du
cinquième spectacle, ils bénéficieront du tarif réduit. « Nous espérons pouvoir proposer 10 000 places pour ces abonnements, explique Paul Rondin, le directeur délégué du Festival. Mais l’impact économique est tel que je préfère rester
prudent.»
«Lesparentsvontauthéâtreparce que leurs enfants les y emmènent», dit Olivier Py, très sensible à
la question du renouvellement du
public. Pour que cela soit, une salle
Olivier Py a présenté le programme de la 58e édition du Festival, jeudi 20 mars, à Avignon. BERTRAND LANGLOIS/AFP
sera consacrée pendant toute la
durée du Festival au théâtre jeune
public : la Chapelle des PénitentsBlancs, où seront présentés Falstafe, de Valère Novarina, mis en scène par Lazare Herson-Macarel,
Le«in»etle«off»fontcalendriercommun
CET ÉTÉ, LES FESTIVALS « in » et
« off » d’Avignon auront quasiment le même calendrier : du 4 au
27 juillet pour le premier, du 5 au
27 juillet pour le second. Une petite révolution. Depuis plusieurs
années, ces deux moments théâtraux commençaient et se terminaient à des dates décalées, renforçant la frontière entre le rendezvous « officiel» et la jungle « officieuse», ne facilitant ni la vie des
compagnies et des salles du « off »
ni celle du public, la clôture du
« in » étant vécue comme la fin du
Festival, alors que des centaines
de spectacles se jouaient encore
dans le « off ».
« Nous nous sommes rangés au
calendrier du “in” pour faire preuve de bonne volonté», résume
Greg Germain, président de l’association Avignon Festival &Compagnies (AF & C), qui coordonne l’of-
fre du « off ». Il militait depuis
longtemps pour une harmonisation du calendrier et n’a jamais
caché être « heureux» de voir Olivier Py – qui a commencé sa carrière comme acteur dans le « off» en
1985 – nommé, fin 2013, directeur
du Festival « in » d’Avignon.
« Nos amis du “off” ont calé
leurs dates sur les nôtres, ils l’ont
fait par intelligence: c’est parfait,
on en rêvait, cet ajustement est
une évidence. Il n’y a ni guerre, ni
peur, ni question de territoire, ni
mépris, ni déni», insiste Paul Rondin, directeur délégué du « in »,
pour qui « il n’y a pas un “off”,
mais des “off” ; du one-man-show
jusqu’aux artistes qui ne sont pas
retenus dans le “in” et qui vont
jouer dans le “off”. »
Car ce festival « parallèle», avec
ses quelque 1 200 spectacles,
regroupe aussi bien des mar-
chands de salles, qui profitent de
la manifestation pour louer à des
compagnies des lieux à prix d’or,
que des théâtres qui ont déjà
acquis une certaine réputation.
« Ouf ! Enfin ! C’était la moindre
des choses, lâche Alain Timar,
directeur du Théâtre des Halles,
membre des Scènes d’Avignon
(label créé dans le « off » en 2003).
Il faudrait aller plus loin, et que les
associations, la ville, l’Etat et les
partenaires réfléchissent à une
nouvelle organisation du Festival
dans son ensemble. »
Greg Germain est plus tempéré. « Ce n’est pas embrassons-nous,
Folleville! Nous prenons un risque,
car le public du “off” arrive entre le
7 et le 9 juillet, après la fin de l’année scolaire.» Son calendrier
idéal? « Du 8 au 31juillet », dit-il.
L’année prochaine, peut-être ? p
Même les chevaliers tombent dans
l’oubli, de Gustave Akakpo, mis en
scène par MatthieuRoy, et La Jeune
fille, le diable et le moulin, un spectacle d’Olivier Py qui a déjà été
beaucoup joué.
Le directeur fera, par ailleurs,
une création à la FabricA, Orlando
ou l’Impatience, et il mettra en scène Vitrioli, de Yannis Mavritsakis,
au gymnase Paul-Giéra. Mais il ne
serapasprésentdanslaCourd’honneur, où le Festival commencera
avec Le Prince de Hombourg, de
Kleist,danslamise enscènede l’Ita-
lien Giorgio Barberio Corsetti avec
Xavier Gallais dans le rôle-titre. Ce
spectacle sera présenté du 4 au
13 juillet, pour qu’un large public
puisse venir.
De la Roumanie au Brésil
Olivier Py avait annoncé qu’il y
auraitdessériesplus longuesà Avignon, où souvent le public est frustré parce que les spectacles sont
complets. Il ne le fait cette année
que dans les salles où la jauge est
importante, soit, outre la Cour
d’honneur et la FabricA, la Carrière
de Boulbon, où l’on pourra voir un
Mahabharata,vingt-septansaprès
celui, mythique, de Peter Brook,
qui durait douze heures. Celui-ci
durera une heure quarante-cinq et
il est signé du Japonais Satoshi
Miyagi.Mais il y aura quand même
un marathon de dix-huit heures :
l’intégrale d’Henry VI, de Shakespeare, mise en scène par Thomas
Jolly à la FabricA.
Côté français, notons la présence de l’auteure Lydie Dattas, à qui
un cycle de lectures est consacré,
ainsi que de Claude Régy, MarieJosée Malis, la nouvelle directrice
du Théâtre de la Commune, à
Aubervilliers, Christian Schiaretti,
Denis Guénoun, Michel Raskine…
Côté étranger, on ira de la Roumanie, avec Gianina Carbunariu,
au Brésil, avec Antonio Araujo, en
passantparl’Italie,avecEmmaDante, la Belgique, avec FabriceMurgia,
JosseDePauwetKrisDefoort,l’Allemagne, avec Antu Romero Nunes,
le Chili, avec Marco Layera. La danse,aussi, vientde tousles horizons:
Robyn Orlin, d’Afrique du Sud,
Arkadi Zaides, d’Israël, Julie Nioche
et Thomas Lebrun, de France…
En musique, il y aura un spectacle du Belge Alain Platel, un cabaret
venuduCaireetunconcertdugroupederockLesTêtesRaides,enclôture du Festival, dans la Cour d’honneur. Et donc, pendant toute la
durée de l’édition, le public pourra
se retrouver, de 10 heures à minuit,
àlafacultédessciences,pourdébattre. Parce que « la culture, c’est la
politique, et la politique, c’est la
culture», dit Olivier Py. p
Brigitte Salino
Sandrine Blanchard
RECIDIVE PRÉSENTE
HOLLYWOOD. SEXE. POUVOIR.
l e n o u ve au f i l m d e
PAR LES CRÉATEURS DE
TAXI DRIVER
&
AMERICAN PSYCHO
KIYOSHI KUROSAWA
UN FILM DE
CRÉDITS NON CONTRACTUELS.
PAUL SCHRADER
UN SCÉNARIO DE
BRET EASTON ELLIS
LINDSAY LOHAN
JAMES DEEN
THE CANYONS
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
SHOKUZAI
TOKYO SONATA
16
0123
culture
Samedi 22 mars 2014
Zarsanga, la voix d’or pachtoune
Fannyde Chaillé
etPierreAlferijonglent
avecles mauxdu couple
La chanteuse pakistanaise sera au Théâtre de la Ville, à Paris, samedi 22mars
Musique
La chorégraphe et l’auteur présentent
«Répète», une comédie conjugale malicieuse
J
’ai commencé à chanter quand
je gardais les moutons dans les
champs », explique Zarsanga,
un nom pachtoun qui signifie
«branched’or». Cettefemme-brindille,d’uneminceurprotégéeetélégante, est née il y a une soixantaine
d’années dans un village pakistanais,ducôtédeBannu,à unecentaine de kilomètres au sud de Peshawar, capitale de la province du
Khyber Pakhtunkhwa. Bannu est
la « ville des fleurs », où les
Moghols plantèrent des arbres, des
forts et des mosquées, avant que
les sikhsne les rasentau tout début
du XIXe siècle.
Qui songea le premier à comparer l’enfant fragile, petite nomade
à la peau très noire, à une précieuse
branche d’arbre ? Zarsanga trouve
la question vaine : depuis sa vie
nomade sous la tente, beaucoup
d’eau a coulé sous les ponts, elle est
devenue star en son pays. Sous
l’eau, d’ailleurs, elle a perdu ses
biens et sa maison lors des inondations de 2010 (15 millions de sinistrés). Elle a eu six enfants, et ses terrains de jeux préférés, prairies et
scènes, mariages et célébrations,
ont été démembrés par les guerres.
Le Khyber Pakhtunkhwa a été
pris en tenaille entre les militants
du TTP, le mouvement taliban
pakistanais, et l’armée. « Les déplacementsdepopulationontétémassifs,en particulierversles villes »,dit
Mariam Abou Zahab, chercheuse
et enseignante à l’Institut national
deslangueset civilisationsorientales (Inalco), spécialiste de la région.
A l’évocation de ces coups du sort
politiques, Zarsanga renverse les
yeux, se ferme au monde extérieur
pourpuiserenelled’antiqueschansons d’amour et de gloire, des tranches d’épopées guerrières, ciment
de l’unité des quatre tribus mythiques qui fondèrent son peuple.
Zarsanga chante, encore, toujours. Elle est « la voix pachtoune»
et personne n’y touche. Elle est
venue en France une première fois
en 1989, invitée au Festival d’Avignon,puis au Théâtre de la Ville, où
elle chantera le samedi 22 mars,
accompagnée par le joueur de
rubâb afghan Ghulâm Hussein. A
partir de 2008, « les musiciens ont
eu de gros problèmes, poursuit
Mariam Abou Zahab. Beaucoup
sont partis vers Karachi, certains
Théâtre
L
Zarsanga en concert, accompagnée par le joueur de rubâb Ghulâm Hussein. KAMROUZ
ont changé de métier. Puis, tout est
reparti sur le mode de la résistance
par la poésie et le chant. Les Pachtouns adorent la musique, mais,
pour eux, le chanteur appartient à
une caste basse, et la chanteuse est
une prostituée. Or, il existe aujourd’hui une nouvelle génération de
jeunes éduqués, ayant étudié à
l’étranger, et désireux de changer
l’image du Pachtoun» – le guerrier
« Elle est si mince !
Noire, austère, et elle
ne met pas sa
féminité en exergue »
Soudabeh Kia
programmatrice
enturbanné, portant fusil, infiltré
par la drogue, la CIA et Al-Qaida.
LesPachtouns,ultimesgardiens
des cols, ces « passes » ouvrant la
route vers l’Indus, sont des coriaces. « Ils ont un mauvais tempérament, écrivaitMarco Polo vers 1275.
Ils sont très versés dans la magie et
l’invocation des démons.» Les cheveux à peine occultés sous des voi-
les brodés, Zarsanga porte dans un
souffle discret les valeurs poétiques des Pachtouns.
Les mariages et les fêtes se font
rares dans la zone tribale que la
chanteuse traverse sereinement,
se glissant entre les mailles d’un
filet rigoriste. Zarsanga chante
plus souvent en Afghanistan, jugé
plus sûr. « Elle est si mince ! Noire,
austère,et elle ne met pas sa féminité en exergue», explique Soudabeh
Kia, la programmatrice qui l’a
découverte dans les années 1980,
et à qui « Branche d’or » délègue
toutequestiontenantau rôle qu’elle joue au Pakistan et en Afghanistan. Mme Kia a ainsi, raconte-t-elle,
assisté à son triomphe, fin 2013,
dans une grande salle huppée d’Islamabad, la capitale du Pakistan,
éloignéedeszonestribalesdunordouest. La musique de Zarsanga
s’écouteaussisurlestélévisionsdiffusées en pachto depuis le golfe
Arabo-Persique.
« L’espace pachtoun est très large, explique Mariam Abou Zahab.
Il y a eu une forte émigration vers
les pays du Golfe dans les années
1970. A Dubai ou Abou Dhabi, ils
ont conservé un statut particulier,
basé sur la fierté et le lien tribal. »
Zarsanga chante, précise-t-elle,
pour « ceux qui n’ont pas pu rester
au Pakistan », ces chants anciens
dont elle détient la mémoire, presqueseule. Elleleurrappellelabeauté des arbres, le parfum des fleurs,
les routes poussiéreuses et escarpées,le bétailet les amantsséparés.
Jeune, presque enfant encore,
Zarsanga avait été enlevée par son
futur mari, un homme à qui elle
n’était pas destinée par sa famille,
mais qui était tombé en extase
devant sa voix. Des menaces, elle
n’en a jamais reçu. Elle est prudente cependant. En juin 2012, sa jeune
et populaire collègue, Ghazala
Javed, 24 ans, une Pachtoune
aimant danser et chanter sur des
synthétiseurs bien plus kitsch, a
été assassinée par son ex-mari. Elle
avaitdemandéle divorce.Au Pakistan, pays contradictoire, mille cassettes peuvent fleurir tandis qu’on
tue des musiciens. p
Véronique Mortaigne
En concert : le 22 mars à 17 heures, au
Théâtre de la Ville, 2, place du Châtelet,
Paris 4e. 21 ¤.
Theatredelaville-paris. com
es troubles merveilleux du
langage lorsque rien ne va de
soi, ni l’alphabet,ni le vocabulaire, encore moins la syntaxe,
font bouillirles neuronesde la chorégrapheet metteuseenscèneFanny de Chaillé. De plus en plus tournée vers le théâtreet la performance, elle a pris pour complices de
mots croisés le dictionnaire Le
Robert ou des écrivains comme
Georges Perec (1936-1982) et
aujourd’hui Pierre Alferi. Après
une première collaboration avec
Alferi pour le spectacle Coloc, petite forme en grande forme présentée au Théâtrede la Cité internationale, à Paris, du 6 au 18 février, elle
vient de créer une nouvelle pièce
avec lui intitulée Répète, à l’affiche
du festival Concordan(s)e, qui programmequatreduos chorégrapheauteur dans une vingtaine de
lieux en France.
Assis face à face de chaque côté
d’unetable,FannydeChailléetPierre Alferi remettent donc le couvert
en jouant le vieux couple dont la
routine du quotidien est aussi celle
du langage, les deux ensemble faisant le lit des scènes de ménage. Se
connaître par cœur jusqu’à anticiperce quel’autreva direoufinirses
phrases donne lieu à une comédie
conjugale réglée à la croche près
qui souffle un méchant coup de
froid sur la gonflette sentimentale.
Sur ce terrain, Fanny de Chaillé
et Pierre Alferi se révèlent de parfaits duettistes, tirant un air plutôt
drôle et acidulé. Ils renvoient aussi
leur pas de deux à une partition de
base commune à tous les couples
que chacun s’approprie en l’ornementant à sa façon. Et c’est drôle de
se voir et s’entendre (ou presque)
danslesdifférentessituationségrenées par les deux protagonistes.
Louvoyer entre fiction et réalité,
jouer pour de vrai et y croire pour
de faux (ou le contraire), épaissir
les lignes de vie et de répliques de
mille et une associations d’idées
qui se précipitent dans la tête au
moment où l’on parle et agit est
l’un des sports préférés de Fanny
deChailléetPierreAlferidansRépè-
te.Avectoujourscetteobsessionclinique et ludique du mot, de son
sens et de sa matière sonore, de sa
galaxie sémantique, qui fait parfois presque passer le français pour
une langue étrangère.
Dans le précédent spectacle,
Coloc (comme colloque ou colocation), pièce pour deux hommes,
bientôt en tournée en France, Fanny de Chaillé jouait avec l’aspect
visueletplastiqued’untexted’Alferi. Sur de grands cartons, chaque
phrase était déconstruite, hachée
menuenphonèmesdefaçonàréinventerd’autres termesparfoissans
queue ni tête. Style SMS tronqué,
traduction phonétique ou « googlisée» jusqu’à produire une nouvelle langue alambiquée à lire à
haute voix.
C’est drôle de se voir
et s’entendre dans
les différentes
situations égrenées
par les protagonistes
Coloc comme Répète sont
deux performances malicieuses,
faussement désinvoltes, elliptiques parce que c’est aussi entre les
mots que se faufile le sens. Elles
obligent le spectateur à une gymnastique mentale réjouissante,
entrevérificationdesescircuitslinguistiques et jonglage avec son
vocabulaire, sens et non-sens accolés sur les deux faces de la même
médaille. Au risque de ne plus
savoir ce que l’on est censé comprendre. Entre lire, dire et écouter,
le langage est toujours codé. p
Rosita Boisseau
Répète, de et avec Fanny de Chaillé et
Pierre Alferi. Concordan(s)e. 22 mars,
médiathèque Hermeland, Saint-Herblain
(Loire-Atlantique) ; 29 mars, bibliothèque Marguerite-Audoux, Paris 3e ; 2 avril,
bibliothèque André-Malraux, Les Lilas
(Seine-Saint-Denis) ; 3 avril, La Maison
rouge, Paris 12e ; 6 avril, Cneai, Chatou
(Yvelines) ; 8 avril, Maison de la poésie,
Paris 3e ; 25 mai, Festival Nouvelles, Pôle
Sud, Strasbourg. Concordanse.com
Untableauvoléattribuéà Rembrandtretrouvéà Nice
«L’Enfant à la bulle de savon» avait été dérobé en 1999 dans le Musée de Draguignan
Art
L
’Enfant à la bulle de savon, un
tableau attribué à Rembrandt, a été récupéré par la
police le 18 mars à Nice après près
de quinze ans de cavale. C’est le
14juillet 1999, pendant le défilé de
la Fête nationale, que des voleurs
avaient pénétré dans la bibliothèque municipale de Draguignan
(Var)puis dans le musée contigu et
s’étaient emparés de cette unique
œuvre, une toile attribuée à Rembrandt. L’alarme avait sonné mais
les policiers étaient arrivés trop
tard.
La toile avait été saisie au château de Valbelle (Alpes-Maritimes)
durant la Révolution française et
déposée au musée en 1794. C’était
le chef-d’œuvre de sa collection,
en raison de son auteur supposé.
De format moyen, 60 centimètres
sur 49, le tableau représente un
adolescent coiffé d’un béret, une
lourde chaîne dorée autour du
cou, une bulle de savon intacte
posée dans sa main droite.
Que l’œuvre soit dans la manièredu Hollandaisnefait aucundoute. Qu’elle soit autographe est bien
moins certain, ne serait-ce qu’en
raison de la façon, trop appliquée
et laborieuse, avec laquelle étoffes
et chaînessont imitéeset du traitement du visage, à l’expression
«L’Enfant à la bulle de savon ». ARCHIVES DU MUSÉE DE DRAGUIGNAN/MAX PPP
banale. L’estimation qui a circulé
évalue l’œuvre entre 3,5 millions
et 4 millions d’euros. Elle pourrait
serévéler trèsexagérée, si l’attributionau maître était, commeil semble probable, abandonnée au pro-
fit d’un « élève » ou d’un « imitateur ». Ce dernier pourrait avoir
peint le tableau dans le style de
Rembrandt au XVIIIe siècle plutôt
qu’au XVIIe, aussi bien en France
qu’aux Pays-Bas. La notoriété du
maître était de nature à susciter
des imitations.
Aussitôtaprès le vol, aucun indicen’avaitpermisderetrouverlapiste du tableau. Mais, le 18mars, dans
l’après-midi, agissant « d’après un
renseignement anonyme selon
lequel un Rembrandt devait être
vendu à Nice », comme le précise
Stéphane Gauffeny, patron de l’Office central de lutte contre le trafic
des biens culturels (OCBC), les inspecteurs de l’OCBC ont interpellé
en possession de l’œuvre deux
hommes qui s’apprêtaient à la
revendre. Nés en 1961 et 1968, ils
étaient déjà connus pour des faits
de petite délinquance. L’un d’eux
aurait été auparavant assureur.
L’ex-directeurdu Musée de Draguignan, Régis Fabre, et son actuelle directrice, Jeanine Bussières, se
sont rendus à la police judiciaire
de Nice jeudi 20 mars pour reconnaître la toile. Après cette formalité, L’Enfant à la bulle de savon sera
restitué au musée municipal.
Dans l’état actuel de l’enquête,
rien ne permet d’affirmer que les
deux hommes interpellés pour
recel seraient ceux-là mêmes qui
s’étaient emparés de l’œuvre, souligne Stéphane Gauffeny. « Nous
n’en sommes qu’au tout début de
l’enquête, avec un long travail
devant nous », conclut-il. p
Philippe Dagen
La comédie musicale des contes de fées
Into the Woods
Musique et Lyrics
Livret
Stephen Sondheim
James Lapine
Nouvelle production du Théâtre du Châtelet,
en anglais, surtitré
Direction musicale
David Charles Abell
Mise en scène
Lee Blakeley
Orchestre de
Chambre de Paris
Du 1er au 12
avril 2014
www.chatelet-theatre.com
01 40 28 28 40
0123
disparitions & carnet
Samedi 22 mars 2014
Ancien président d’EDF
Pierre Delaporte
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En 1991. DIDIER MAILLAC/REA
P
ierre Delaporte puisait
volontiers chez le poète
Lautréamont pour décrire le
groupe EDF avec un sens de l’humour consommé qui trahissait
aussi sa culture : le fruit de « l’accouplement long, chaste et
hideux » des ingénieurs des Ponts
et de la CGT. Ce polytechnicien en
savait quelque chose puisqu’il
était lui-même issu de ce corps
prestigieux et qu’il présida aux
destinées du géant de l’électricité
entre 1987 et 1992. M. Delaporte est
mort à Paris, lundi 17 mars, à l’âge
de 85 ans.
1928 Naissance à Paris
1979 Nommé directeur général
de Gaz de France
1987 Nommé président d’EDF
17 mars 2014 Mort à Paris
Simple, humain et plein d’humour : c’est de cet homme, né en
1928 à Paris, que se souviennent de
nombreux collaborateurs, proches ou lointains. « C’était un vrai
homme, droit et courageux, qui
aimait la vie et les gens, et qui
savait diriger avec autant d’humanité que de clarté. Je ne connais pas
d’avis contraire », souligne son
ami Pierre Daurès, qui fut un proche collaborateur à Gaz de France
(GDF) avant d’assurer la direction
générale d’EDF après le départ de
M. Delaporte. « Il avait la chose
publique et l’intérêt général chevillés au corps », ajoute-t-il, mettant ses pas dans ceux de ses illustres prédécesseurs Pierre Guillaumat, Pierre Massé, Paul Delouvrier
et Marcel Boiteux, auquel il va succéder en 1987.
Le début de la carrière de
M. Delaporte est celle, assez classique, d’un X-Ponts des « trente glorieuses ». Entre1954 et 1959, il s’investit dans la construction de la
zone industrielle de Mers-El-Kébir
enAlgérie,quand laFranceva encore de Dunkerque à Tamanrasset.
Puis il dirige le port de Dieppe jusqu’en 1964 avant de faire une longue carrière dans différents ministères (travaux publics, équipement, transports) marquée par
quelques passages dans les cabinets ministériels.
En 1972, il entre dans le monde
de l’énergie. Directeur général
adjoint de GDF, il en devient directeur général en 1979. A l’époque, il
faut gérer l’après-choc pétrolier de
1973 et la fin programmée du gisement français de Lacq. C’est lui qui
négocie – et renégocie – les grands
contrats gaziers que la France
signe avec l’Algérie, l’URSS, les
Pays-Bas et la Norvège. C’est fort
de ses bons résultats industriels et
financiers chez GDF que le gouvernement de Jacques Chirac le nomme président d’EDF en avril 1987.
Difficile de succéder à la figure
tutélaire de Marcel Boiteux, maître d’œuvre de l’ambitieux programme électro-nucléaire décidé
par le gouvernement de Pierre
Messmer en 1973. Difficile, aussi,
d’arriver dans une maison accusée
d’être une « forteresse» et un « Etat
dans l’Etat » où se décide la politique énergétique du pays, mais fragilisée par un climat social dégradé, des grèves parfois dures, un
endettement colossal, un réseau
de distribution défaillant et, pour
ne rien arranger, un regain antinucléaire né de la catastrophe de
Tchernobyl
survenue
en
avril1986.
Avec Jean Bergougnoux nommé en même temps à la direction
générale, ils vont former un tandem « parfaitement complémentaire », selon ce dernier. « Il faisait
spontanément confiance et il
savait même assumer les erreurs
des autres, se souvient-il. Ces cinq
années avec lui furent les plus belles de ma carrière.» Il savait aussi,
selon ses amis, dynamiser les équipes de direction et il a créé la bonne distance entre l’entreprise et
l’Etat, alors actionnaire à 100 %.
Communiquant hors pair
M.Delaportedoitd’abordpréparer le monopole public à la libéralisation du marché de l’énergie
concoctée par Bruxelles. « Il fallait
mettre EDF dans la logique d’une
entreprise qui a des clients et non
plus des abonnés », se souvient
M. Bergougnoux. Il y prépare les
agents et les cadres en douceur,
avec un sens avéré des relations
humaines et un talent de communicant hors pair. Le patron d’EDF
avait une autre idée forte, ajoute-t-il : « Sortir l’entreprise de son
carcan hexagonal. » Ce qu’il fera
en se tournant vers le RoyaumeUni, l’Allemagne et l’Argentine,
tout en poursuivant la coopération nucléaire avec la Chine.
M. Delaporte considérait que la
production d’EDF, à 80 % d’origine
nucléaire, était un atout irremplaçable pour l’économie française et
la compétitivité de son industrie.
Il avait notamment défendu l’implantation de l’usine Pechiney à
Dunkerque. Il enrageait de voir
qu’en dépit d’un prix de l’électricité parmi les plus bas d’Europe, les
industries
électro-intensives
étaient à la peine.
M. Bergougnoux se souvient
que l’ancien patron d’EDF, déjà
malade, s’était battu en 2012-2013,
à sa mesure, pour sauver l’usine
d’aluminium de Saint-Jean-deMaurienne (Savoie) menacée de
fermeture par le groupe minier
Rio Tinto. Comme une ultime
preuvede sonindéfectibleattachement à son pays et à l’intérêt général. p
Jean-Michel Bezat
¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R
„e ]W bU bU bU
„e ]W bU be `Z
Xx)0T',3,%vKNXN'T‡R)
AU CARNET DU «MONDE»
Naissance
Samueline et Denis DECRAENE
ont la joie d’annoncer la naissance
de leur cinquième petit-enfant,
Merina,
Claire, Reine, Pauline, Marie,
le 18 mars 2014.
partagent le bonheur de
Aude et Pierre,
sa maman, son papa.
Michel Farrugia,
son mari,
Julien Farrugia,
Clelia et Joseph Cosentino,
Romain et Ksenia Farrugia,
ses enfants,
Dante et Amedeo Cosentino,
ses petits-fils,
Elisabeth Birnbaum,
sa mère,
Walter et Gemma Koller,
Rupert et Iris Birnbaum,
Johann et Angelika Birnbaum,
ses frères et belles-sœurs,
Les familles Farrugia, Audri, Desperiez,
Floriot, Ruggieri et Spiteri,
ont entouré jusqu’à son dernier souffle,
leur très chère
Margit FARRUGIA,
née KOLLER,
décédée le 19 mars 2014,
dans sa soixante-douzième année.
La cérémonie religieuse aura lieu
le mardi 25 mars, à 10 h 30, en l’église
Notre-Dame-de-l’Arche-d’Alliance,
81, rue d’Alleray, Paris 15 e , suivie
de l’inhumation au cimetière parisien
d’Ivry-sur-Seine.
1 bis, rue d’Arsonval,
75015 Paris.
Sa famille,
Ses amis,
L’équipe du théâtre Tristan Bernard,
Mireille
GALLIENNE SAIOVICI,
survenu le 18 mars 2014,
à son domicile.
Rachel, Pauline, Roland et Samuel,
ses arrière-grands-parents.
Décès
Antoine et Vincent Bourdin,
ses fils,
Mme François Oudin,
sa mère,
François Piuzzi,
son compagnon,
Catherine Hill-Bernard,
Marianne Debré, Louise Oudin,
Hélène Cémélli-Petit-Perrin,
ses sœurs,
leurs maris et leurs enfants,
Hervé Bourdin,
le père de ses enfants,
Toute sa famille
Et ses amis,
ont le regret de faire part du décès de
Jeanne BOURDIN,
née OUDIN,
le 12 juillet 1950,
adjointe au maire de Cachan,
conseillère communautaire
du Val-de-Bièvre,
généreuse, militante, aimante,
survenu le 16 mars 2014.
Les familles Karagueuzian, Dejonghe,
Bertrand, Depogne, Davaine
font part, avec tristesse, du décès de
Eugène DAVAINE,
secrétaire général du syndicat
des fabricants de Genièvre,
président honoraire du syndicat
des vins et spiritueux du Nord,
président honoraire du tribunal
de commerce de Valenciennes,
ont la tristesse de faire part du décès de
Claude GARRIDO.
Une cérémonie sera célébrée le samedi
22 mars, à 10 h 45, en la Salle de
cérémonie, 55, cours Lamarque-dePlaisance, à Arcachon, suivie de
l’inhumation au cimetière de la Teste-deBuch.
avec les artistes de la galerie,
le jeudi 27 mars 2014,
de 16 heures à 21 heures,
Laurent PARLIER,
06000 Nice.
survenu le 19 mars 2014.
www.galerie-depardieu.com
La cérémonie religieuse sera célébrée
le lundi 24 mars, à 10 h 30, en l’Eglise
protestante unie de l’Etoile, 54, avenue
de la Grande-Armée, Paris 17e.
L’inhumation aura lieu au cimetière
protestant de Montpellier, le mardi
25 mars, à 10 h 30.
Anniversaire de décès
Toute la famille Josephson
se souvient de
Edmond OXEDA,
3 mars 1911 - 20 mars 1994.
Conférences
Semaine de la culture italienne,
du lundi 24 au samedi 29 mars 2014,
45, rue d’Ulm, Paris 5e.
Programme complet sur le site
www.semaine-italienne.ens.fr
Conférence
samedi 29 mars 2014, à 16 heures,
(réservation obligatoire).
L’art du thé chinois :
conférence-dégustation par Yu Zhou.
www.maisondelachine.fr
76, rue Bonaparte, Paris 6e.
Tél. : 01 40 51 95 17.
[email protected]
Communications diverses
Espace analytique
La psychanalyse
face au monde contemporain
22 et 23 mars 2014,
Centre universitaire des Saints-Pères,
amphithéâtre Binet,
45, rue des Saints-Pères, Paris 6e,
avec
Jean-Claude Aguerre, Paul-Laurent
Assoun, André Burguière,
Gisèle Chaboudez, Judith Cohen-Solal,
Frédéric de Rivoyre, Olivier Douville,
Raphaël Draï, Sylviane Giampino,
Isabelle Guillamet, Robert Higgins,
Christian Hoffmann, Georgy Katzarov,
Patrick Landman, Didier Lauru,
Serge Lesourd, Patrick Linx, Silvia Lippi,
Pierre Marie, Dominique Mehl,
Vannina Micheli-Rechtman,
Jean-Jacques Moscovitz,
Laurent Mucchielli,
Marc Papon, Michelle Perrot,
Claude-Noële Pickmann,
Jean-Louis Poitevin, José Polard,
Gérard Pommier, Ouriel Rosenblum,
Jacques Sédat, Manya Steinkoller,
Marie-Laure Susini, Myriam Szejer,
Bernard Toboul,
Dominique Tourres-Landman,
Alain Vanier, Catherine Vanier,
Markos Zafiropoulos,
Entrée : 100 € (étudiants 30 €)
Tél. : 01 47 05 23 09.
[email protected]
Forum
Cet avis tient lieu de faire-part.
Laure Garrido,
sa fille
et son conjoint,
Eva,
sa petite-fille,
Liliane,
sa compagne,
La famille Garrido,
Parents et amis,
Vernissage d’ouverture du nouvel espace
6, rue du Docteur Jacques Guidoni,
Arcachon. Paris.
Oegstgeest (Pays-Bas).
12, rue du Hainaut,
75019 Paris.
Vernissage
ont la tristesse de faire part du décès de
Des dons peuvent être faits
à l’Association pour la recherche
sur la sclérose latérale amyotrophique
(ARSLA), 75, avenue de la République,
75011 Paris.
Un recueillement aura lieu le mardi
25 mars, à 11 h 45, au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise, 71, rue
des Rondeaux, Paris 20e.
Une pensée pour
Philippe Davaine,
91, rue de la Citadelle,
94110 Arcueil.
« A présent, tu peux voguer, barque,
Au clair de lune,
Et dans le sein de la mer
Te laisser bercer sans limites. »
Johann Mayrhofer.
Nancy Parlier,
son épouse,
Valérie Parlier,
Guilhem et Sophie Parlier,
Vincent et Elisabeth Parlier,
Caroline et Stéphane Cuau,
Delphine et Hervé
Castres Saint Martin,
ses enfants,
Marie (†), Coline, Samuel, Simon,
Guillaume, Arthur, Antoine, Louis,
Jules, Charles, Pierre, Benjamin,
Adrien et Max,
ses petits-enfants,
Dino et Elna Parlier,
Jacques et Françoise Parlier,
ses frères,
ont la douleur de faire part du décès de
Ange, Ursula, David,
leurs enfants
et Stéphane, Jean-Philippe, Pauline,
leurs conjoints,
survenu le lundi 17 mars 2014,
dans sa centième année.
« Du kannst in Mondesstrahlen
Nun, meine Barke, wallen,
Und aller Schranken los,
Wiegt dich des Meeres Schoss. »
17
France Culture
présente
L’année vue par... l’histoire,
le samedi 29 mars 2014,
de 9 h 30 à 18 h 30,
Grand amphithéâtre de La Sorbonne,
47, rue des Ecoles, Paris 5e.
5 tables-rondes avec notamment
Arlette Farge, Jul, Henry Laurens,
Olivier Mongin
et une leçon de clôture de Mona Ozouf.
Entrée libre sur inscription
[email protected]
ou 01 56 40 10 57.
Programme sur franceculture.fr
SOS AMITIE
qui est à l’écoute 24 heures sur 24
de toute personne en situation
de solitude, d’angoisse et de mal-être
recherche
DES ÉCOUTANT(E)S BÉNÉVOLES
pour ses sept lieux d’écoute
à Paris et en Ile-de-France.
Disponibilité souhaitée
de quelques heures par semaine,
le jour, le soir, la nuit ou le week-end.
Formation assurée.
Écrire à SOS Amitié Idf
7, rue Heyrault, 92100 Boulogne.
Email : [email protected]
Le Carnet
Roses blanches souhaitées.
Barr (Bas-Rhin).
M. Michel Hedouin,
son époux,
informe du décès de
Mme Charlotte HEDOUIN,
née FISCHER,
directrice d’école
de l’Éducation nationale,
chevalier
dans l’ordre des Palmes académiques,
ancien membre
du conseil municipal de Barr,
survenu le 18 mars 2014,
dans sa quatre-vingt-septième année.
Selon sa volonté, son corps a été
incinéré.
La cérémonie religieuse aura lieu
le jeudi 27 mars, à 14 h 30, en l’église
protestante de Barr.
Annoncez
vos événements
culturels
Pour toute information :
01 57 28 28 28
01 57 28 21 36
[email protected]
Tarif : 29 € TTC Prix à la ligne
Signatures
Projections-débats
Lectures
Communications
diverses
18
météo & jeux
< -5°
0 à 5°
-5 à 0°
5 à 10°
10 à 15°
Samedi 22 mars
Fortes pluies dans le quart Sud-Est
Cherbourg
70 km/h
7 9
70 km/h
5
8 13
9
Rennes
8 10
9 10
8 10
3 8
Lyon
A
Grenoble
Montpellier
Nice
Marseille
12 13
10 11
10 14
12 14
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Léa
Coeff. de marée 73
Dimanche
Un temps très perturbé régnera sur l'ensemble
du pays. Un axe pluvieux actif arrosera
copieusement les régions situées entre PACA
et Rhône-Alpes jusqu'aux Vosges et au Jura.
Sur le reste du pays, un ciel de traîne
s'imposera, entre averses et éclaircies. Elles
pourront prendre localement un caractère
orageux vers les côtes et dans l'intérieur des
terres du Nord-Ouest. Les températures
baisseront encore avec 9 degrés le long de la
Manche et un jusqu'à 16 degrés en Corse.
Jours suivants
Lundi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Sud-Est
4 11
3 10
5 11
3 12
3 11
2
9
5 13
3 11
4 10
8 15
Mercredi
0
11
5
13
4
12
3
12
3
11
4
11
1
11
-2
11
0
11
4
12
7
13
5
12
4
14
5
15
5
12
Nord-Est
Sud-Ouest
Mardi
8 16
Lever 00h33
Coucher 09h53
Lever 06h49
Coucher 19h05
Aujourd’hui
3
4
5
Rabat
Occlusion
Thalweg
averseséparses
bienensoleillé
enpartieensoleillé
beautemps
averseséparses
pluiemodérée
aversesmodérées
bienensoleillé
beautemps
averseséparses
bienensoleillé
assezensoleillé
assezensoleillé
beautemps
bienensoleillé
assezensoleillé
assezensoleillé
enpartieensoleillé
averseséparses
aversesmodérées
assezensoleillé
enpartieensoleillé
beautemps
averseséparses
averseséparses
enpartieensoleillé
5
10
13
9
6
7
6
9
7
5
2
1
1
10
6
14
10
8
2
7
10
1
16
2
8
-2
LILLE
7
Athènes
Beyrouth
Tripoli
Tripoli
1015
Le Caire
Jérusalem
D
9
18
18
22
13
9
10
20
18
8
9
7
5
13
17
15
15
16
10
10
16
10
23
5
17
1
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
averseséparses
bienensoleillé
beautemps
assezensoleillé
assezensoleillé
bienensoleillé
assezensoleillé
bienensoleillé
assezensoleillé
bienensoleillé
Dans le monde
Alger
assezensoleillé
Amman
beautemps
Bangkok
soleil,oragepossible
Beyrouth
bienensoleillé
Brasilia
soleil,oragepossible
Buenos Aires beautemps
Dakar
bienensoleillé
Djakarta
pluiesorageuses
Dubai
bienensoleillé
Hongkong assezensoleillé
Jérusalem beautemps
Kinshasa
soleil,oragepossible
Le Caire
beautemps
Mexico
bienensoleillé
Montréal
giboulées
soleil,oragepossible
Nairobi
4
12
4
2
1
12
8
7
7
8
9
17
20
8
6
19
19
20
16
19
11
12
27
20
19
8
20
27
25
18
10
23
13
15
-7
14
20
23
33
24
26
19
22
30
28
21
22
30
26
29
0
28
New Delhi beautemps
nuageux
New York
beautemps
Pékin
assezensoleillé
Pretoria
assezensoleillé
Rabat
Rio de Janeiro soleil,oragepossible
beautemps
Séoul
Singapour assezensoleillé
soleil,oragepossible
Sydney
beautemps
Téhéran
bienensoleillé
Tokyo
assezensoleillé
Tunis
Washington enpartieensoleillé
Wellington bienensoleillé
Outremer
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
pluiesorageuses
assezensoleillé
assezensoleillé
pluiesorageuses
assezensoleillé
couvertetorageux
17 33
5 13
8 22
15 24
9 19
26 30
2 13
25 31
19 30
11 18
4 12
12 20
8 18
14 17
26
27
23
27
26
27
29
27
29
28
27
30
Météorologue en direct
au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
présente
MARSEILLE
6
Istanbul
Tunis
Tunis
Dépression
Front froid
A
102
0
PARIS
Motscroisés n˚14-069
2
A
D
Front chaud
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
Les jeux
1
Anticyclone
En Europe
Ajaccio
60 km/h
Bucarest
Sofia
SERBIE LA GRANDE DOUCEUR PERSISTE : 22 DEGRÉS À BELGRADE
Perpignan
11 12
1015
Ankara
Séville
Alger
A
10 12
Barcelone
Barcelone
8 12
Toulouse
Rome
Kiev
Odessa
Lisbonne
Lisbonne
9 13
Biarritz
Budapest
Zagreb
Belgrade
Madrid
0
10
101 11
Bordeaux
60 km/h
Munich Vienne
Milan
10
25
Moscou
Copenhague
Berne
10
20
Chamonix
T
Clermont-Ferrand
Riga
Bruxelles
100
5
10 Paris
10
9 10
St-Pétersbourg
Minsk
Amsterdam Berlin
Varsovie
Prague
100
Londres
0
9 10
8 13
Limoges
995
Dublin
990
Helsinki
Oslo
Stockholm
0
98
Edimbourg
Strasbourg
Dijon
Poitiers
60 km/h
D
Besançon
6 11
Le pire de l’Empire
Reykjavik
9 11
7 13
Nantes
C'EST À VOIR | CHRONIQUE
> 40°
D
985
985
Orléans
5 11
22.03.2014 12h TU
Metz
1005
35 à 40°
Dimanche 23 mars à partir de 16 heures
Suivez la soirée électorale
en direct sur Le Monde.fr
Sudoku n˚14-069
8
9
Solution du n˚14-068
TF 1
10 1 1 12
tout est permis avec Arthur.
Invités : Jérôme Commandeur, Virginie Hocq,
Philippe Candeloro, Gil Alma, Claudia Tagbo...
23.30 Spécial Bêtisier. Le Grand Bêtisier.
1.20 Confessions intimes (100 min).
FRANCE 2
III
20.47 Caïn.
IV
Série. Suicide U. Ornella (S2, ép. 1 et 2/8).
Avec Bruno Debrandt, Julie Delarme (inédit).
22.35 Ce soir (ou jamais !).
Magazine présenté par Frédéric Taddeï.
0.10 La Parenthèse inattendue.
Magazine. Invités : Laure Manaudou,
Patrick Bosso, Antoine Duléry (125 min).
V
VI
VII
FRANCE 3
VIII
IX
X
Solution du n° 14 - 068
Horizontalement
I. Antidérapant. II. Péan. Penseur.
III. Etrécir. Créa. IV. Stères. Che.
V. Aorte. Alerta. VI. NY. Crânais.
VII. Térébrant. Gs. VIII. Eue. Ris.
Suri. IX. Usine. Aï. Née.
X. Rentabiliser.
Vendredi 21 mars
20.55 Vendredi,
II
Horizontalement
J
-one est une chaîne que j’ai toujours regardée de très loin, car
il me semblait qu’on n’y parlait
que de mangas, de séries animées
ou de jeux vidéo pour lesquels je
n’ai pas le moindre commencement d’un soupçon d’intérêt. Car
ce canal est tout entier consacré à
la culture populaire nippone, et
en particulier à des jeux qui me
laissent chaque fois pantois d’incrédulité.
Il y a quelques semaines, j’ai ainsi vu un concours de bambins
qu’on faisait courir sur une piste
ou qu’on forçait à manger différents plats aux ingrédients vaguement mystérieux et inquiétants,
encouragés par des mères hystériques et vociférantes.
Autre type de récréation, pour
adultes cette fois, souvent diffusé
l’après-midi: une machine infernale est installée sur une tournette et munie de bras horizontaux
placés à différentes hauteurs. Le
défi consiste à marcher à contresens de la rotation et de parvenir à
éviter l’un de ces obstacles qui précipitent violemment par terre le
malheureux candidat.
Le tout est commenté par des
animateurs qui se saluent respectueusement mais qui produisent
le plus souvent une sorte de bande sonore digne d’un théâtre de
kabuki. La langue japonaise étant
ce qu’elle paraît à nos oreilles, on
dirait que les protagonistes
s’adressent des noms d’oiseaux
assortis de grondements sourds,
de glissendos glapis et d’interjections haut perchées.
D’où l’impression assez comique, quand on ferme les yeux
quelques instants, d’entendre la
récitation parlée-chantée du Pierrot lunaire d’Arnold Schoenberg
Les soirées télé
I
I. Issue de secours quand tout
commence à mal tourner.
II. Même sèche, elle s’occupe
des enfants. Joueur de syrinx.
III. Engin de terrassement. Bien
moins chaud, pas encore froid.
IV. Sent la résine. Admise.
Romains de Tivoli. V. Ecrase tout
au passage. Interjection. Transport
collectif. VI. Mis en bon ordre.
Trouva la bonne mesure.
VII. Bout de banc. Frappe
brutalement. VIII. Introduction
musicale. Rusées mais tordues.
IX. Attend les cierges à l’église.
Xénophane ou Zénon. X. Petites
malices sans grande méchanceté.
Samedi 22 mars 2014
p a r R ena ud Ma cha r t
D
7 11
PARIS
4 11
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0123
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0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Verticalement
1. A sorti ses plus beaux habits.
2. Adaptés pour fermer. 3. Se
manifeste spontanément. Espace
vert en remontant. 4. Dada et
surréaliste. Très fatigué. Sur
la portée. 5. Un peu d’avance pour
assurer l’arrivée en nombre.
6. N’est pas toujours sûr. Facilite
la traversée. 7. Entrent dans
l’action. Les bêtes de la ferme.
8. Ne lâchera rien. Sème les vents
et les tempêtes. 9. Fin de partie.
Résister au temps. 10. Essence
tropicale. Renforçai l’intérêt.
11. Fis disparaître. De juin
à septembre. 12. Fisses perdre
la tête.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Apesanteur. 2. Nettoyeuse.
3. Tarer. Rein. 4. Inertie. Nt.
5. CEE. Brea. 6. Epis. Cri. 7. RER.
Arasai. 8. An. Clan. Il. 9. Pschents.
10. Aérera. Uns. 11. Nue. Tigrée.
12. Tracassier.
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
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Directrice générale :
Corinne Mrejen
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Tél : 01-57-28-39-00
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Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
20.45 Thalassa.
Lisbonne, au pays bleu. Magazine.
Présenté par Georges Pernoud.
22.35 Météo, Soir 3.
23.10 Mussolini- Hitler.
L’Opéra des assassins. Documentaire.
Jean-Christophe Rosé (2012).
0.45 Si près de chez vous (55 min).
CANAL +
20.55 Jack le chasseur de géants p
Film Bryan Singer. Avec Nicholas Hoult, Stanley
Tucci, Ewan McGregor (Etats-Unis, 2013).
22.45 Avengers pp
Film Joss Whedon. Avec Robert Downey Jr,
Chris Hemsworth (EU, 2012, 140 min) U.
FRANCE 5
20.37 On n’est pas que des cobayes !
Magazine. Au sommaire : Défi : Escalader un mur
de glace ! Peut-on faire une bulle carrée ?
22.24 C dans l’air. Magazine.
23.37 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE
20.50 Skin p
Film Anthony Fabian. Avec Sophie Okonedo,
Sam Neill, Alice Krige (GB - Af. S., 2008).
22.35 Contrôler le génome.
Une ambition sans limite ? Documentaire (2013).
23.30 La Mélodie du boucher (2012).
0.20 Court-circuit. Magazine (55 min).
M6
20.50 NCIS.
Série. De l’existence de la femme... (S11, ép. 4,
inédit) U ; Requiem. Erreur sur la cible. Un garçon
d’exception. Super-soldat (S5, ép. 7 à 10/19) U.
1.10 New Girl. Série (S1, 9-10/24, 55 min).
en version nippone.
Une amie m’a transmis récemment le lien d’une vidéo disponible sur YouTube (http://www.youtube.com/watch?feature=related
& v = KWwjl0zuaaE). On y voit, filmé il y a probablement une vingtaine d’années, le grand acteur
Bando Tamasaburo, aujourd’hui
âgé de 64 ans. Cet éminent artiste,
qui se produit toujours dans des
rôles de femme, est là-bas doté du
très vénérable statut de trésor
national vivant. L’émission, dont
il est l’invité d’honneur, a tout
l’air d’une séance façon « Gym
Tonic » de Véronique et Davina,
en moins déshabillé.
L’acteur enseigne à quelques
hommes un peu gourds les exercices d’assouplissement auxquels il
Ce qui frappe surtout,
c’est l’absence totale
de délicatesse de ces
programmes japonais
s’astreint. Evidemment, les
cobayes parviennent bien difficultueusement à reproduire les mouvements enseignés. Ils se coincent
le dos ou se tordent le bras et réagissent par une symphonie de borborygmes et de rires gras qui semblent laisser Tamasaburo légèrement mal à l’aise.
Ce qui frappe surtout, c’est l’absence totale de délicatesse de ces
programmes télévisés, alors que
la culture japonaise est, on le sait,
l’une des plus raffinées qui soient.
C’est qu’il doit en aller là-bas comme ici: il ne faut sûrement pas jauger le degré de civilisation d’un
pays à sa télévision. A moins que…
p
Samedi 22 mars
TF 1
20.55 The Voice, la plus belle voix.
Episode 11. Présenté par Nikos Aliagas.
23.25 The Voice. « La suite ».
0.35 Les Experts : Miami.
Série. Dernier match U. Sur les pas du tueur W
Révélations U (S3, ép. 22 et 24/24, 150 min).
FRANCE 2
20.45 Serge Lama, le grand show.
Variétés. Invités : Patrick Bruel, Charles Aznavour,
Laurent Gerra, Tal, Patrick Fiori, Bénabar...
23.05 On n’est pas couché. Talk-show
présenté par Laurent Ruquier (180 min).
FRANCE 3
20.45 Deux petites filles en bleu.
Téléfilm. Jean-Marc Thérin. Avec Christine Citti,
Yann Sundberg (France, 2013, audio.) U.
22.15 Météo, Soir 3.
22.40 Le Grand Georges.
Téléfilm. François Marthouret. Avec Xavier
Gallais, Marie Denarnaud (France, 2012, audio).
0.20 Appassionata - Les Troyens.
[1 et 2/2]. La Prise de Troie. Les Troyens à Carthage. Opéra de Berlioz. Dir. Antonio Pappano.
Avec Anna Caterina Antonacci (255min).
CANAL +
20.55 11.6 p
Film Philippe Godeau. Avec François Cluzet,
Bouli Lanners, Corinne Masiero (Fr., 2013).
22.35 Jour de rugby. Top 14 (22e journée).
23.15 Jour de foot. L 1 (30e journée).
0.10 Queens of the Stone Age
au Zénith de Paris. Concert (2013, 105 min).
FRANCE 5
20.35 Echappées belles.
Bienvenue en Alsace ! Magazine.
22.10 Visages du littoral. [4/4] Bretagne.
23.00 L’Œil et la Main. La Clé des sons.
23.30 Superstructures.
Le Grand Bouddha. Documentaire (45 min).
ARTE
20.50 L’Aventure humaine.
Les Jardins suspendus de Babylone (GB, 2013).
21.40 B... comme Babylone. Documentaire.
22.40 San Francisco.
La Bande-son d’une ville. Documentaire (2013).
23.40 Tracks. Magazine (40 min).
M6
20.50 Hawaï 5-0.
Série. Akanahe (S4, ép. 8, inédit) U ; Le Crochet.
Kekoa (S3, 15 et 16/24) U ; Aloha. Ohana (S1,
ép. 1 et 2/24) U. Avec Alex O’Loughlin (250 min).
décryptages
0123
Samedi 22 mars 2014
19
Prix littéraires, auteurs francophones, grandes maisons… tout passe
par Paris, au détriment des auteurs étrangers qui diffusent notre langue
Mondialisons l’édition française!
D
ans le monde, 6 000 langues sont parlées. Peu
bénéficient d’un marché
du livre. Le bassin linguistique francophone est, à ce
jour, en termes de locuteurs, le cinquième au monde après les
bassins chinois (Chine, Singapour,
Taïwan), anglophone (Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie, Canada, NouvelleZélande, Inde, Afrique), hispanophone
(Espagne, Amérique latine) et hindi (Inde,
Pakistan). Cela engendre des responsabilités en termes de transmission des savoirs.
Comment les marchés du livre dans les
quatre bassins linguistiques postcoloniaux (l’anglais, l’espagnol, le français et
le portugais) sont-ils structurés ? Comment évoluent-ils à l’ère de l’Internet, de
l’accélération des échanges, de la circulation de l’écrit et des idées, des personnes
et des relations culturelles et commerciales entre anciennes puissances coloniales
et pays anciennement colonisés ? Les
situations sont fort différentes, d’une ère
linguistique à une autre.
Le marché du livre anglophone,au marketing sans état d’âme, est le plus développé. Il demeure leader en termes de professionnalisme, d’innovation et de création
de tendances lourdes. Le marché hispanophone est très dynamique du fait d’une
croissance du niveau de vie en Amérique
latine et de politiques publiques du livre
et de la lecture. Ce sont des marchés vastes, en forte expansion, commercialement très actifs, où se côtoient grands
groupes transnationaux et structures
indépendantes. Ces marchés étaient préparés à l’émergence d’une classe moyenne « consommatrice» de livres, parce que
les groupes occidentaux s’y sont implantés très tôt. Ils y ont développé des filiales,
formé des professionnels et favorisé un
transfert de compétences. Ces maisons
fonctionnent aujourd’hui comme des
entités locales, autonomes sur le plan éditorial et commercial.
La délocalisation
du commerce du livre
hors de ses grands
centres historiques s’est
faite au profit de tous
Ainsi retrouve-t-on en Inde, en Afrique
du Sud et en Australie des groupes anglosaxons comme Penguin, Random House,
HarperCollins, Macmillan ; en Amérique
latine Planeta,Santillana, Random HouseMondadori. Au Brésil, dont le marché éditorial s’est historiquement dissocié du
marché portugais, se sont également
implantéesdes filiales espagnolesprésentant les mêmes caractéristiques opérationnelles.
Ce fort ancrage a stimulé ces marchés
du livre émergents, provoquant une augmentation très nette de l’offre éditoriale
et suscitant, comme en réaction, la création de groupes nationaux et la multiplication de structures indépendantes très
innovantes (Seagull Books en Inde, Sexto
Piso au Mexique, Cosac Naify au Brésil par
exemple) qui sont devenues des modèles.
En règle générale, contrairement à des
idées reçues, la coexistence des groupes et
des indépendants crée de la « bibliodiversité ».
La délocalisation du commerce du
livre hors de ses grands centres historiques ne s’est pas faite au détriment des
uns mais au profit de tous, y compris des
auteurs, plus présents sur l’ensemble des
marchés.
Au lieu d’exporter des livres depuis
l’Europe, on exporte des droits de publication depuis n’importe quel centre, européen, asiatique, sud-américain, etc. Le
marché des droits s’est internationalisé,
décentralisé, accéléré, professionnalisé et
l’on sait aujourd’hui qu’il ne peut y avoir
de marché du livre dynamique sans un
marché des droits dynamique.
Là encore, les Anglo-Saxons étaient
mieux préparés ; voilà maintenant des
décennies qu’ils ont tissé un réseau
d’agents et de sous-agents particulièrement efficaces, présents dans le monde
Pierre Astier
Fonde la revue littéraire « Le Serpent à plumes » en 1988,
qui deviendra une maison d’édition en 1993.
En 2006, il crée avec Laure Pécher l’agence littéraire Astier-Pécher.
Il dirige la collection de nouvelles « Miniatures » chez Magellan & Cie.
Laure Pécher
Crée, en 2002, la collection des « Classiques du monde » chez Zoé.
Elle est l’auteur du « Droits d’auteur en usage en Europe »,
avec Pierre Astier (Le Motif, octobre 2010)
et de « Premier roman, mode d’emploi » (Zoé, 2012).
entier. Les hispanophones les ont imités.
Le marché francophone, historiquement
très professionnel et créatif, demeure fortement centralisé à Paris, alors qu’il comprendra,selon les prévisionsdémographiques, quelque 700 millions de locuteurs
au milieu du XXIe siècle. On y annonce
une explosion de la demande, alors que
l’offre y fait défaut.
Etrangement, les éditeurs français ont
peu investi dans l’espace francophone
comme s’il devait ne jamais se développer. Le marché du livre francophone est
très cloisonné, très « modèle ancien ». Les
grands groupes français ont continué
d’exporter leurs livres, négligeant de
transférer leur savoir-faire. Aucun des
groupes, aucune des grandes maisons
françaises (Gallimard, Grasset, Le Seuil,
Albin Michel, etc.) n’est présente dans la
sphère francophone comme entité éditoriale autonome, hormis quelques exceptions : Hachette Antoine (Liban), Bayard
Jeunesse Canada ou Flammarion Québec.
La circulation des livres continue donc
de se faire à sens unique, depuis la France
vers la Suisse, la Belgique, le Canada ;
depuis l’ancienne puissance coloniale, la
France, vers ses anciennes colonies d’Afrique, de la Caraïbe et de l’océan Indien.
Plus préoccupant : les « grands noms » de
la littérature francophone ont été aspirés
par ce centre. On importe les talents, on
exporte les livres, mais on n’exporte ni les
labels ni les droits. Pourquoi ?
Pourquoi un groupe comme Hachette
s’est-il implanté en Amérique du Sud, en
Inde (Hachette Latinoamerica et Hachette
India), en Chine, en Russie et quasiment
pas dans l’espace francophone? Hachette
Livre International est certes présent en
Afrique mais avant tout comme structure
de diffusion. Et, quand Gallimard crée [en
2014] une maison d’édition au Québec,
elle lui donne un autre nom, comme si les
grands labels parisiens devaient demeurer parisiens.
Idem pour les créateurs. Les auteurs
publiés par les grandes maisons parisiennes ne peuvent l’être par d’autres. Vendre
les droits d’édition en langue française à
l’intérieur de l’espace francophone est
encore difficile. Résultat : si les auteurs
francophones suisses, belges, québécois,
africains,nord-africains,antillais, moyenorientaux ou originaires de l’océan
Indien sont disponiblesdans l’espacefran-
Planisphère éditorial par grande langue
Langue majoritaire
Chinois
Anglais
Allemand
Japonais
Espagnol
Arabe
Hindi
Russe
Portugais
Français
Nombre d’éditeurs classés parmi les 60 premiers mondiaux d’après leurs revenus en 2012, par pays
un éditeur classé parmi les 60 premiers
Norvège
Danemark
Pays-Bas
Canada
Finlande
Suède
Russie
Royaume-Uni
France
Allemagne
Italie
Etats-Unis
Espagne
Chine
Japon
Corée du Sud
Brésil
SOURCES : THEODORA.COM/MAP ; PUBLISHERSWEEKLY.COM
Au Québec, les premiers pas d’un pionnier
LE QUÉBEC: près de trois fois la France en
superficie, et plus de 8 millions d’habitants francophones. A titre de comparaison, on estime à 4,2 millions le nombre de
francophones en Belgique. Le Québec
représente donc un marché du livre attractif. Les maisons d’édition françaises le
savent, elles y exportent leur production.
Cela n’empêche pas les éditeurs québécois
d’exister et, pour certains, comme Boréal,
Leméac, L’Hexagone, Lux Editeur, XYZ,
Mémoire d’encrier ou d’autres, d’être présents sur la scène éditoriale internationale. Dans ce paysage bien clivé, offre
française/offre québécoise, deux maisons
font le grand écart: Bayard Jeunesse Canada et Flammarion Québec.
Deux expériences similaires à celles
pratiquées par les Anglo-Saxons et les Hispaniques, puisque ces maisons ont gardé
le label des maisons mères françaises tout
en veillant à leur indépendance. Flammarion Québec est éditorialement autonome, propriété du groupe éponyme (lui-
même propriété de Madrigall SA). Louise
Loiselle, qui la dirige, est une Québécoise,
comme les trois autres personnes qui
constituent son équipe. Elle y développe
une ligne éditoriale propre, pour moitié
des auteurs québécois, pour moitié des
œuvres traduites. Les relations avec la maison mère française y sont souples, une
fois les comptes rendus – et les comptes
sont bons –, le reste relève de son entière
discrétion.
Un cas isolé de déclinaison
La présence de la marque au Québec est
emblématique d’une volonté, d’une prudence et d’un principe de réalité commerciale de la part des dirigeants de Flammarion. En 1950 est ouverte à Montréal la
grande librairie Flammarion, haut lieu de
référence de la culture française. En 1972,
la maison parisienne se dote outre-Atlantique d’une plate-forme de distribution, la
Socadis, qui offre aux librairies et grandes
surfaces québécoises une livraison en
24heures des ouvrages de centaines d’éditeurs. Deux ans plus tard, en créant les éditions Flammarion ltée, le groupe s’organise afin de promouvoir ses ouvrages localement. En 1998, un nouveau pas est franchi
avec la création de la maison d’édition
Flammarion Québec. Quinze ans plus
tard, la maison édite une vingtaine de nouveaux titres chaque année.
Ce cas de déclinaison d’une marque
française reste isolé, en dépit de son succès. Gallimard a annoncé la création d’une
autre maison au Québec, mais elle ne portera pas le nom de la maison mère. Comme en écho à cette présence française au
Québec, qui peut être vécu comme un
impérialisme éditorial par certains, a
répondu l’ouverture d’un bureau à Paris
de Lux Editeur, petit éditeur indépendant
de sciences humaines québécois, soucieux de publier et diffuser ses livres hors
les seules frontières du Canada. Preuve
que les échanges à l’intérieur d’une ère linguistique peuvent être à double sens. p
cophone, c’est grâce au passage obligé par
Paris.
Autrement dit, s’ils sont disponibles
dans leur propre pays, ce sera dans les
bibliothèques tant les prix de vente sont
inadaptés aux réalités économiques
nationales. Quant aux autres auteurs,
non moins talentueux, ceux qui sont
publiés dans leur pays, ils doivent se
contenter du marché local.
On peut et on doit s’émerveiller du travail accompli par de petites structureséditoriales indépendantes comme Elyzad ou
Ceres (en Tunisie), Barzakh ou Chihab (en
Algérie), Editions d’en bas ou Bernard
Campiche (en Suisse), Ecosociété, Lux ou
XYZ (au Canada), Jeunes Malgaches (à
Madagascar), Luce Wilquin ou Maelström
(en Belgique), Le Fennec ou Tarik (au
Maroc), Dar Al-Farabi (au Liban), Donniya
ou Jamana (au Mali), les Presses universitaires d’Afrique ou Ifrikya (au Cameroun),
les NEA (au Sénégal), les NEI (en Côte
d’Ivoire), etc. qui se sont développées et
finissent par exister sans Paris.
Les médias hexagonaux demeurent
peu ou prou indifférents à cette production francophone plus célèbre outreAtlantique, à New York ou à Boston, qu’à
Paris ; les prix littéraires parisiens les
méconnaissent, hormis quelques exceptions comme les Editions Zoé (Suisse) pré-
Si les auteurs
francophones sont
disponibles dans leur
propre pays, c’est dans
les bibliothèques tant
les prix sont inadaptés
aux réalités
économiques nationales
sentes sur les listes depuis quelques
années, et les libraires français en ignorent bien souvent jusqu’à l’existence.
C’est un fait que personne ne relève
jamais, préoccupant pour l’ouverture
d’esprit des élites et des décideurs chargés
de cet outil porteur de culture qu’est le
livre, et navrant pour les stratégies des
groupes éditoriaux.
Ceux-ci, diffuseurs d’écrit et de pensée
dans une langue, la langue française,
auraient-ils renoncé à leur mission première, celle de propager le savoir et d’apporter l’éducation au plus grand nombre ? Quelles sont à terme les conséquences de la non-implication des éditeurs
français dans ce vaste marché qui pourrait leur échapper?
De nombreux pays, en particulier
d’Afrique, risquent de passer d’une absence de marché du livre structuré à un marché numérique entièrement entre les
mains des géants désormais célèbres de
l’Internet.
Les auteurs africains et antillais, qui
résident plus souvent aux Etats-Unis ou
au Canada qu’en France, cherchent dorénavant à confier la gestion de leurs droits
aux agents littéraires en Afrique du Sud,
enEspagne ou aux Etats-Unis.Il est à craindre que les grands labels éditoriaux français se trouvent ainsi marginalisés dans
un marché de langue française qui aura
appris à se passer d’eux.
Entermes d’échanges,de relationscommerciales équitables et respectueuses, de
formation, de pédagogie du « travailler
ensemble », ce dont tout le monde a
besoin, particulièrement dans le marché
francophone, tout reste à faire. Le marché
du livre francophone est un grand espace
de création, un grand réservoir de lecteurs, très peu travaillé.
Il est urgent de se défaire des vieilles
mentalités. Parce que les échanges se sont
accrus, parce que la formation des uns par
les autres s’est accentuée (combien d’Indiens ont fait de longs séjours dans les
maisons d’édition anglaises, combien de
Nigérians se sont formés aux Etats-Unis,
combien d’Argentins ont fait leur apprentissage à Barcelone ?), parce que le commerce des droits s’est décentralisé.
Le marché français reste-t-il trop préoccupé de son centre pour voir se profiler l’avenir? p
20
0123
analyses
Samedi 22 mars 2014
Le crépuscule du populisme latino-américain
ANALYSE
par Paulo A. Paranagua
Service International
L
’Amérique latine connaît la fin d’un
cycle, celui du renouveau du populisme. L’histoire contemporaine de la
région avait été marquée par un premiercyclepopulistedanslestroisprincipaux pays : le Brésil, avec la dictature
de Getulio Vargas (1930-1945), le Mexique, avec
la présidence du général Lazaro Cardenas
(1934-1940), et l’Argentine, avec le régime du
général Juan Domingo Peron (1946-1955), sans
oublier des expériences dans d’autres nations.
La résurgence du nationalisme populiste est
associée au lieutenant-colonel Hugo Chavez, au
pouvoir au Venezuela entre 1999 et 2013, et à
son « socialisme du XXIe siècle ». Cependant, le
populisme est une tentation récurrente des forces politiques latino-américaines, qui ne sont
pas forcément situées à gauche. Ainsi, l’ancien
président colombien Alvaro Uribe (2002-2010),
figure de la droite dure, n’était pas différent de
sonhomologuevénézuéliendans samanière de
gouverner et d’établir un rapport direct avec
l’opinion à travers les médias, sans passer par
les médiations politiques traditionnelles.
Sous l’influence de Chavez, la pulsion popu-
liste s’est manifestée dans un autre pays pétrolier, l’Equateur, sous la présidence de Rafael Correa depuis 2007, et dans un pays gazier, la Bolivie, sous la présidence d’Evo Morales depuis
2006. Mais on la retrouve au sein du centre gaucheau Brésil,endépit desgrandséquilibresrétablis et respectés depuis vingt ans. Ainsi, la
condamnation pour corruption politique de
l’ancien bras droit du président Luiz Inacio Lula
da Silva, José Dirceu, et d’autres personnalités, a
montré un Parti des travailleurs (PT, la formation présidentielle) divisé à propos de la gestion
du scandale, même si Dilma Rousseff tente de
maintenir le cap en vue de sa réélection en 2014.
La disparition d’Hugo Chavez, en mars 2013,
marque un tournant. Un an après, la crise au
Venezuela est à la fois économique, sociale et
institutionnelle. Véritable animal politique,
Hugo Chavez avait la capacité de transformer
les revers en victoire, de retomber sur ses pieds.
En revanche, son successeur, Nicolas Maduro,
parvientà dévoyer le moindre succès.Elu de justesse en avril 2013, il a raté l’occasion de stabiliser la situation par un recentrage au centre gauche et le dialogue avec l’opposition.
Le 8 décembre 2013, les municipales confirmaient l’érosion de l’électorat chaviste, passé de
59 % des voix aux élections locales et régionales
de2008,à49%aprèsledécèsduchefcharismatique de la « révolution bolivarienne ». Pour la
deuxième fois, M. Maduro laisse passer l’occasionde tendrela mainaux nouveauxélusetpré-
fère l’invective, comme son rival, le numéro
deux du régime, le capitaine Diosdado Cabello,
président de l’Assemblée nationale. Résultat :
deuxmoisplustard,c’estl’explosiondesmécontentements, qui n’est pas près de s’éteindre.
La fragmentation du péronisme
La crise du populisme est sensible dans
d’autres nations. En Equateur, le président Correa, partisan de la démocratie plébiscitaire,
vient de subir sa première défaite électorale, le
23 février, lorsque ses candidats ont perdu le
contrôle des grandes villes, à l’instar des chavistes au Venezuela. En Argentine, le péronisme,
véritablematriceduchavisme,connaîtunefragmentation inédite depuis l’élection de Nestor
Kirchner,en 2003.Les électionslégislativesd’octobre 2013 ont mis fin à la possibilité d’une
seconde réélection de sa veuve, Cristina Kirchner. Le prochain président argentin sera peutêtre péroniste, mais il ne sera plus issu des rangs
des Kirchner, grands obligés de Chavez.
Le crépuscule du populisme résulte d’un
essoufflement de leur modèle dirigiste de l’économie. L’inflation de 56 % au Venezuela et de
30 % en Argentine sont les symptômes d’un
dérèglement plus général. L’économie colombienne a dépassé l’Argentine, la vénézuélienne
est la lanterne rouge de la région.
L’épuisementdumodèlepopulisteest confirmé par la politique mise en œuvre par le Parti
révolutionnaire institutionnel (PRI) au Mexi-
LA CRISE DU
POPULISME
RÉSULTE
D’UN
ESSOUFFLEMENT DE
LEUR
MODÈLE
DIRIGISTE
DE
L’ÉCONOMIE
[email protected]
POLITIQUE | CHRONIQUE
MUNICIPALES
p a r Fr a nço i s e Fr es so z
L’ultime rempart
LUNDI 24 MARS
0123
ÉDITION SPÉCIALE
Les résultats détaillés ville par ville*.
Les analyses et les enjeux du second tour
que. Lors de la première annéede sonmandat, le
président Enrique Peña Nieto, arrivé au pouvoir
en décembre 2012, a choisi la voie des réformes
longtemps bloquées par le PRI lui-même au
Congrès.L’éducation,lafiscalité,les télécommunications, la législation électorale et surtout
l’énergie, sont autant de chantiers abordés en
dépit des réticences d’une partie de la gauche,
pour qui le pétrole relève de l’identité nationale
plutôt que de l’économie.
Le tournant entamé par l’Amérique latine ne
profitepasforcémentauxconservateurs.Certes,
au Honduras, la candidate populiste à la présidentielle de 2013 a été battue par la droite.Toutefois, au Chili, l’alternance a profité au centre gauche, qui revient aux affaires après la parenthèse
Piñera. La socialiste Michelle Bachelet a intégré
les communistes dans sa Nouvelle Majorité,
mais devra satisfaire des demandes délaissées
pendant sa première présidence (2006-2010),
telles l’éducation et l’environnement.
Le déclin du populisme pourrait rebattre les
cartes de l’intégration régionale, mise à mal par
l’idéologie et des forces centrifuges. Face au bloc
des pays tournés vers le Pacifique, le Brésil
devrait relancer ses liens avec l’Europe à l’occasiondes négociationsentre l’Unioneuropéenne
etleMercosur– l’uniondouanièresud-américaine –, affranchi des résistances de l’Argentine et
du Venezuela. p
CAHIER
SPÉCIAL
DE 24 PAGES
D
e toutes les figures politiques, le maire est celle qui
résiste le mieux. Une grosse
majorité de Français lui fait encore confiance, alors que le député
est tombé nettement au-dessous
de la moyenne, sans parler de
l’exécutif national, qui a très vite
plongé dans des abîmes d’impopularité. Dimanche 23 mars, à l’occasion du premier tour des élections
municipales, c’est la résistance du
maire qui sera testée, sa capacité à
faire fi de la défiance politique qui
ne cesse de monter au point de
«ronger la démocratie», comme le
dit Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos.
La responsabilité de l’édile est
lourde: le maire est devenu l’ultime rempart d’un système qui
prend l’eau de toutes parts. Sa solitude est extrême: il doit se battre
seul car, du côté du national, il n’a
plus aucune aide. Non seulement
les caisses sont vides, mais les affaires s’accumulent, jetant une lumière crue sur le comportement de
Nicolas Sarkozy, qui rêvait en
2007 d’être le sauveur du pays et
ressemble aujourd’hui à un aventurier aux abois. L’actuel président
de la République assiste au naufrage de son prédécesseur en jurant
qu’il n’y est pour rien mais sans se
départir du soupçon d’ingérence
que des décennies de pratiques au
sommet de l’Etat ont accrédité.
Les juges font leur travail mais à
coups d’écoutes téléphoniques qui
inquiètent les avocats. Et c’est comme si toutes les institutions, désacralisées, devaient lutter pour leur
survie sur fond d’attaques éclair
qui déportent chaque jour un peu
plus les digues de la présomption
d’innocence, du secret professionnel et du secret de l’instruction. De
ce naufrage, le maire se tient à
l’écart. Sa campagne est locale, ses
arguments sont tournés vers la vie
quotidienne: il est proche de ses
administrés, veut améliorer l’emploi, le cadre de vie, la sécurité, les
transports. Son bilan est honorable mais il n’échappe pas à ce qui a
fini par user le national: la croissance trop faible pour financer les
investissements d’avenir; les
impôts trop élevés au regard du
service rendu; le chômage trop
fort pour garantir le vivre-ensemble. Et, pour couronner le tout, la
montée de l’individualisme qui
transforme le citoyen en un
consommateur exigeant, inassouvi et de plus en plus boudeur.
Dimanche, le niveau de la participation dira si le maire résiste ou
non au mauvais vent démocratique, mais ce ne sera pas son seul
combat, car le Front national est à
l’offensive. Il veut faire turbuler le
système en partant de la base
Dimanche, le niveau
de la participation
dira si le maire résiste
ou non au mauvais
vent démocratique
pour aller vers le sommet. C’est la
stratégie de Marine Le Pen, qui
n’était pas celle de son père. Avec
597listes déposées dans 409 villes
de plus de 10 000 habitants, le FN
n’a jamais été aussi présent. Il
n’est pas certain de gagner des villes, mais il est sûr de peser dans
l’entre-deux-tours et de compter
dans le jeu municipal.
Et cette simple assurance renforce un peu plus le malaise national,
car la droite voit s’éloigner la perspective d’une franche reconquête,
tandis que la gauche ne peut espérer limiter la casse qu’avec l’aide
des triangulaires. Le piège est
imparable. p
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0123
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20 janvier,
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montré. Une
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avait lui même King ou John Kennedy,
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(…)
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il
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elle
de plus les courants bravons une fois
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de Guantanamo. jours des audiences
passera probablement
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Pages 6-7
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postérité, mais
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page 2
et l’éditorial
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miste Alan Greenspan.
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des Etats-Unis.
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page 13
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Trop rapide,
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Education
L’avenir de
Xavier Darcos
« Mission
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Les Unes du Monde
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le ministre
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ne cache pas l’éducation
considérera qu’il se
bientôt en
disponibilité
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tâches. L’historien d’autres
de l’éducation
Claude
Lelièvre explique
Ruines, pleurs
et deuil :
dans Gaza dévasté
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REPORTAGE
GAZA
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Les banquiers
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0123
enquête
Samedi 22 mars 2014
21
Bruno Julliard, ancien président de
l’UNEF, adjoint à la culture du maire de
Paris, porte-parole d’Anne Hidalgo, est
candidat aux prochaines municipales.
STÉPHANE LEMOUTON/ABACA
Benoît Floc’h
A
l’entrée du marché SaintMarc de Rouen, Jean-Baptiste Prévost a l’assurance des
habitués. Vêtu d’un coupevent rouge frappé du nom
du maire socialiste sortant,
il se précipite, tract à la main, sur un jeune
couple. Il fait beau et chaud pour un
dimanche de mars ; un accordéon donne à
la scène des airs de bal musette. Tout juste
trentenaire mais déjà ancien président de
l’Union nationale des étudiants de France
(UNEF) de 2007 à 2011, Jean-Baptiste Prévost, membre du cabinet de la ministre de
l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, est 33e sur la liste d’Yvon Robert. Les
municipales, c’est l’épreuve du feu, sa première campagne pour un mandat politique.
Depuis quelques mois, le jeune homme
jongle avec ses agendas ministériel et électoral. Le jeudi, souvent, mais aussi le weekend, il débarque à Rouenpour une réunion
publique,un tourde villeàvéloaveclemaire ou du porte-à-porte. « Quand les équipes
de la présidentielle de 2012 ont redécouvert
le porte-à-porte, ironise-t-il, elles ont dit :
“Onimporte la méthodeObama.” A l’UNEF,
onl’a fait pendantdix ans dansles citésuniversitaires…»
La méthode UNEF. Comme Jean-Baptiste Prévost, d’autres anciens responsables
du syndicat étudiant sont ces jours-ci en
campagne, appliquant leur militantisme
de terrain. Bruno Julliard (président de
2005 à 2007) et Karl Stoeckel sont candidats à Paris, sur les listes d’Anne Hidalgo.
Yassir Fichtali (président de 2001 à 2005)
se présente à Saint-Ouen, Mathieu Hanotin à Saint-Denis. Mais il y a aussi Tania
Assouline et Anne Delbende à Montreuil,
TristanLahais à Rennes, Michael Delafosse
à Montpellier, Benjamin Vételé à Blois… La
liste n’est pas exhaustive.
Carc’esttoute une générationUNEF,celle des années 2002-2012, qui tente aujourd’hui de prendre le pouvoir dans les mairies, au Parlement ou dans les cabinets
ministériels… « C’est d’abord l’histoire
d’une bande de potes », assure Jean-Baptiste Prévost. Ils partent en vacances ensemble, sont parrains de leurs enfants respectifs et se retrouvent pour les fêtes d’anniversaire. Beaucoup étaient, le 9 février,
chez Bruno Julliard pour ses 33 ans. Quelquesjours plus tôt, le 17 janvier, ils fêtaient
la « dépendaison de crémaillère » de
l’UNEF. Tout un symbole: le 112, boulevard
de Belleville, à Paris, c’est le siège du syndicat depuis 2001. C’est là que la « bande de
potes » s’est formée au combat syndical,
avant d’accéder aux ors de la République.
La génération 2002-2012
a une cohésion
particulière, qu’elle doit
au «traumatisme
fondateur» du 21avril
2002: l’accession
de Jean-Marie Le Pen
au second tour de
l’élection présidentielle
Certes, les mobilisations exceptionnelles (Mai 68, le projet Devaquet en 1986 ou
le contrat d’insertion professionnelle en
1994) ont marqué le militantisme étudiant. Mais la génération 2002-2012 a une
cohésion particulière, qu’elle doit au
« traumatisme fondateur » du 21 avril
2002: l’accession de Jean-Marie Le Pen au
second tour de l’élection présidentielle.
«Les jeunes ont massivement relevé la tête,
estimeBrunoJulliard.Une nouvellegénération de militants est entrée à l’UNEF. Le syndicat a réussi à s’unir, faisant fi des luttes
intestines, dans cette bataille contre l’extrême droite. » Lycéens ou étudiants de gauche, ils découvrent que le corps électoral
peut ruer dans les brancards. « C’est le
déclenchement de mon engagement,
UNEF
Repaire
de politiques
raconte Jean-Baptiste Prévost. J’ai participé aux manifestations étudiantes à Rouen.
Etj’airéalisé, surtout,le dangerpour lagauche de rompre avec les classes populaires.»
Ce sera leur obsession: comprendre les
aspirations du « mouvement social », et
les porter. « En 2002, poursuit Jean-Baptiste Prévost, la droite prend le pouvoir pour
dix ans et l’UNEF se met en mode défensif
pour empêcher que les étudiants ne perdent des droits.»
L’épreuve de force survient quatre ans
plus tard. Car cette génération UNEF, c’est
aussi celle du 10 avril 2006. Ce jour-là, le
premier ministre, Dominique de Villepin,
annonce que « les conditions ne sont pas
réunies » pour l’application du « contrat
première embauche». Le CPE était supposé favoriser l’embauche de jeunes en autorisant l’employeur à rompre le contrat de
travail dans les deux premières années
sans avoir à donner de motif. Le mouvement étudiant a balayé la réforme, pourtant votée par le Parlement.
«Ce futunevraieépreuvemilitante,exténuante, difficile et exaltante, dit Jean-Baptiste Prévost. Cela a beaucoup renforcé nos
liens avec Bruno, qui était alors président.
Maisc’est aussiuneleçonpolitique: le mouvement social doit trouver sa place au PS,
car l’engagement politique ne peut pas se
retrancher dans sa tour d’ivoire. »
L’épreuvea durci le cuir des jeunes militants. L’UNEF est une redoutable école de
militantisme. Elle offre une formation
idéologique rigide, apprend à lancer une
pétition, à organiser une manifestation, à
structurer un discours devant un amphi, à
négocier avec un gouvernement. « Cela
donne une assurance que l’on garde toute
sa vie», confie Yassir Fichtali, président de
2001 à 2005. Avec le CPE, le mouvement
s’accélère. Il faut prendre des décisions
rapidement, organiser la mobilisation
sans ruiner l’UNEF. « J’étais trésorier, je
Nombre d’anciens
responsables
du syndicat étudiant
sont aujourd’hui
en campagne
pour les élections
municipales.
Appliquant
les méthodes
apprises
dans cette école
du militantisme
peux vous dire qu’on jouait notre peau »,
raconte Jean-Baptiste Prévost.
En quelques semaines, les responsables
du syndicat apprennent à faire bon usage
des médias. « En apparence, les portes de
l’UNEF étaient ouvertes tout le temps, se
souvient Bruno Julliard. En réalité, nous
avons parfois tout fait pour éviter que les
médiasvoientcertains aspectsde la mobilisation.» Pour évoquer des sujets sensibles
sans éveiller la curiosité, ils inventent des
codessecrets.Alorsqu’ilseplaintdu«silence du gouvernement » devant un journaliste, Bruno Julliard est justement appelé
par…un conseillerdeMatignon,Gonzague
de Pirey. Quand il raccroche, il lâche à un
comparse de l’UNEF : « J’ai eu des nouvelles
des gonzes… Elles me rappellent ce soir…»
BrunoJulliard apprend à affronter JeanFrançois Copé, porte-parole du gouvernement, sur les plateaux de télévision, à ne
pas se laisser balader par Nicolas Sarkozy,
alors ministre de l’intérieur. Il faut aussi
recadrer les ardeurs des anciens de l’UNEF
devenus responsables du PS, comme
Julien Dray ou Jean-Christophe Cambadélis. Bruno Julliard rappelle alors à François Hollande, premier secrétaire, qu’il
doit « tenir ses troupes».
Adjoint à la culture du maire de Paris
depuis 2012, devenu l’un des porte-parole
d’Anne Hidalgo, candidate à la Mairie de
Paris, il a gardé l’habitude de monter au
filet. Exemples de ses tweets: « En l’absence de Paul Bismuth, NKM fait de la retape
pour remplir son meeting ce soir : spam
Facebook + SMS à la chaîne… Fébrilité ? »
(19mars) ou « Pour la 98e fois, là vraiment,
la dynamique de campagne d’NKM est lancée. Bon certes dans une salle à moitié vide,
sans projet et sans équipe» (10 février)…
« On s’est formés dans l’opposition, pas
dans le confort du pouvoir, affirme
Raphaël Chambon, aujourd’hui directeur
adjoint du cabinet du ministre des transports, Frédéric Cuvillier. C’est une éducation militante qui habitue à la dureté du
combat tout en restant ferme sur les principes. Voyez la crise que l’UNEF a traversée
dans les années 1990 parce qu’elle avait
péché par proximité avec le pouvoir politique de gauche. Elle en a perdu son indépendance.»
Autre caractéristique de cette génération : elle a rompu avec les aînés socialistes. « C’est une génération qui refuse les
mentors », poursuit Raphaël Chambon.
Yassir Fichtali se souvient : « La rupture
avec Julien Dray est intervenue assez vite
après mon élection. Nous n’avions pas
envie d’être un élément dans un dispositif
politique visant à canaliser les mouvements de jeunesse. »
Une rupture qui n’a rien de définitif.
Après l’UNEF – « l’ENA buissonnière», plaisante Jean-Baptiste Prévost –, beaucoup
choisissent… le PS, comme Bruno Julliard
qui se dit « aubryste », voire la gauche du
PS. Nombreux sont ceux qui se reconnaissent en Benoît Hamon, faisant de lui un
« tuteur » de facto de l’UNEF. La plupart
confient en effet leurs «gros doutes» sur la
politique menée par le président de la
République. « C’est grâce à eux que François Hollande a été élu, rappelle Pouria
Amirshahi, président de l’UNEF de 1994 à
1998, député socialiste des Français de
l’étranger. Ils se sentent floués et ils ont raison.»
S
’ils doutent, ils se montrent bons soldats et jurent vouloir le succès de la
gauche. « On n’a pas envie que les
combats que nous avons menés pendant
dix ans passent par pertes et profits », résume BrunoJulliard. Si bien que la « bande de
potes » de l’UNEF est chaque été fidèle au
rendez-vous de l’université d’été du PS à
La Rochelle, après des vacances rituelles
dans une maison louée, en Italie, au Portugal ou en Dordogne.
Là, ils se lèvent tôt, visitent les sites des
environs puis se retrouvent en fin d’aprèsmidi. « On joue alors au Trivial Pursuit et
au Risk, un jeu de stratégiedontle but est de
conquérirlemonde,sourit IsabelleDumestre, ancienne de l’UNEF. On s’engueule toujours parce que personne n’aime perdre.
Sans conséquence. D’ailleurs, on parle de
racheteruneferme àrestaurerdansla Creuse. On discute jusque très tard dans la nuit,
on refait le monde. »
Il faut pourtant commencer par gagner
les municipales sur des sujets plus terre à
terre. Au marché Saint-Marc de Rouen,
Jean-Baptiste Prévost et le maire se font
interpellerpar un hommequise plaint des
passages piétons effacés devant la gare.
Yvon Robert tente de rassurer cet électeur
potentiel, qui demeure sceptique. JeanBaptiste Prévost dégaine une brochure :
« C’est notre programme ! Vous verrez ce
qu’on propose pour la voirie. » Refaire le
monde attendra: « Y a à faire, pour la voirie», grommelle le monsieur. p
22
0123
0123
Samedi 22 mars 2014
CULTURE | CHRONIQUE
pa r M i c h e l G u e r r i n
Un engagement à hauts risques
P
QUAND
CHANTEURS,
COMÉDIENS
OU METTEURS
EN SCÈNE
N’HÉSITENT
PAS À
SOUTENIR
LES
POLITIQUES
as facile de savoir ce qu’un chanteur, un
comédien ou un directeur de théâtre
apporte à un candidat qu’il soutient aux
élections municipales. Et ce qu’il risque. Ça
dépend. Il y a un an, le site Atlantico s’est
demandé si, pour un artiste, s’afficher avec un
candidat de droite était un «suicide commercial». Ainsi Faudel, Doc Gyneco et Enrico
Macias ont perdu une partie de leur public
après avoir soutenu Sarkozy à la présidentielle
de 2007. Constatons juste que le troisième soutient aujourd’hui Hidalgo à Paris.
Du reste, dans la capitale, ça ne se bouscule
pas derrière NKM. Citons Carla Bruni-Sarkozy
ou Didier Barbelivien. La candidate a bien dîné
avec Richard Berry, Fanny Ardant, Nathalie
Baye ou Claude Lelouch, l’ambiance était
«détendue», Patrick Bruel serait bien venu s’il
n’avait pas eu un tournoi de poker, mais LouisMichel Colla, le directeur du Théâtre des Mathurins, qui a réuni les convives, a pris soin de préciser: « Cela ne signifie pas qu’ils partagent forcément les idées de NKM.»
Il y a bien Depardieu qui s’affiche aux côtés
de Sarkozy ou de Poutine, tant il n’a peur de
rien sauf de lui-même. On pensait pouvoir ajouter Dany Boon, qui dit du bien d’une candidate
Ankara interdit Twitter
pour faire taire les critiques
L
a Turquie a rejoint la Corée
du Nord, le Turkménistan,
Cuba ou l’Iran sur la carte
des pays qui censurent les
réseaux sociaux. Dans la nuit de
jeudi à vendredi, les autorités ont
progressivement bloqué tout
accès à Twitter. Si plusieurs utilisateurs continuent d’être actifs
grâce à des systèmes permettant
de contourner l’interdiction, reste
qu’il ne leur est plus possible de
tweeter ouvertement.
Le premier ministre, Recep
Tayyip Erdogan, a donc mis sa
menace à exécution, à huit jours
d’un scrutin municipal déterminant pour son avenir politique.
Quelques heures plus tôt, devant
ses partisans rassemblés pour un
meeting électoral, il avait lancé:
« Nous allons supprimer Twitter.
Je me moque des réactions de la
communauté internationale. Ils
verront la force de la Turquie.»
La Turquie, deuxième utilisatrice au monde du site de micromessagerie, se réveille assommée par
cette nouvelle offensive liberticide, qui pourrait bien raviver la
mobilisation citoyenne dans le
pays. Les rares médias indépendants qu’il reste indiquent aux
internautes comment contourner le blocage. La Commission
européenne a dénoncé vendredi
matin un acte de « censure», « inutile et lâche».
Les conséquences pourraient
être graves pour la Turquie, estime Marc Piérini, ancien ambassadeur de l’Union européenne à
Ankara et analyste pour la Fondation Carnegie. « En toute logique,
l’UE devrait suspendre les négociations d’adhésion jusqu’à ce que la
liberté d’expression soit restaurée.
Nous allons voir si elle va le faire»,
observe-t-il.
Les diatribes du premier ministre contre les réseaux sociaux se
sont multipliées depuis l’érup-
tion d’un vaste mouvement de
contestation autour de la place
Taksim, au printemps 2013. Très
populaire, Twitter est apparu
pour beaucoup, ces derniers
mois, comme une source d’information capitale, face aux médias
traditionnels, inféodés au pouvoir. Le contrôle de l’Internet a été
renforcé par le vote, le 5février,
d’une loi qui permet de bloquer
par simple décision administrative, n’importe quel site jugé subversif. La censure de Twitter est la
première conséquence de cette
législation.
Secrets de famille
Même si le président de la
République, Abdullah Gül, a écarté cette hypothèse vendredi,
d’autres interdictions devraient
suivre, contre Facebook et YouTube, déjà menacés début mars.
« Nous sommes résolus à ne pas
laisser le peuple turc être esclave
de YouTube et de Facebook», a
déclaré Recep Tayyip Erdogan.
« Cette mesure n’a rien à voir
avec la liberté, a insisté le chef du
gouvernement. La liberté n’autorise pas l’intrusion dans la vie privée
de qui que ce soit ou la révélation
des secrets d’Etat.»
A l’aide de ce verrouillage des
moyens d’information, le gouvernement turc tente d’étouffer la
diffusion d’enregistrements téléphoniques clandestins compromettants. Ces bandes, qui apportent chaque jour de nouveaux
détails sur les affaires présumées
de corruption qui cernent le premier ministre et son entourage,
sont mises en ligne depuis décembre, par l’intermédiaire des comptes Twitter. Des secrets de famille
que Recep TayyipErdogan prend
visiblement au sérieux. Sa réaction ressemble à un aveu. p
de la liste UMP à Armentières (Nord). Mais c’est
sa maman. Il y a le cas du cinéaste Abdellatif
Kechiche, qui adore se faire détester. Palme d’or
à Cannes pour La Vie d’Adèle, marqué à gauche,
soutien de François Hollande en 2012, il défend
cette fois les couleurs d’un UMP dur, Christian
Estrosi, maire sortant à Nice, ville où il a grandi.
Pour trois raisons, qu’il a confiées au site
Rue89: le candidat UMP « est le meilleur rempart contre le FN », il a rendu « la vie plus agréabledans les quartiers» et sa porte-parole de campagne est «une femme d’une grande beauté».
C’est plus balisé à gauche. Ritualisé, même.
A chaque élection, les ténors des grandes villes
affichent un « comité de soutien» impressionnant. Anne Hidalgo n’y déroge pas. D’accord, le
président de ce comité est le mathématicien
Cédric Villani, mais derrière on trouve Julie
Gayet, de vieux briscards de la gauche comme
Lio, Pierre Arditi, Jacques Higelin, Agnès Jaoui,
Cédric Klapisch, Jean-Pierre Marielle, Claudia
Cardinale, Roland Castro, Jeanne Moreau, Bernard Murat, Charles Berling, Jacques Weber…,
mais aussi quelques membres de la nouvelle
génération comme Alex Beaupain, Blanca Li,
Matali Crasset, Valérie Donzelli.
Battue sur ce terrain, NKM a contre-attaqué
sur un autre, fin janvier, en pointant les soutiens de Mme Hidalgo qui ont reçu des subventions de la Ville. Bref, elle dénonce un conflit
d’intérêts. Le remuant Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point, est particulièrement visé pour avoir reçu près de 2,4 millions
d’euros d’aides en 2012, à des titres divers.
Réponse d’un proche d’Hidalgo: « Si on doit
leur interdire de s’engager parce qu’ils touchent
des subventions publiques, on en fait des
citoyens de seconde zone.»
Débat légitime, quand on sait que l’offre
culturelle en France repose beaucoup sur la subvention. Des milliers de personnes en dépendent, et il serait étrange que, pour cette raison,
elles ne puissent afficher des convictions politiques. D’un autre côté, on a pu voir certains
acteurs culturels, surtout dans des villes
moyennes, et là où leur modèle économique
est fragile, se taire ou aller contre leurs convictions pour ne pas subir les foudres d’un élu.
« Respect des choix et des opinions »
Christine Albanel avait nourri le débat à l’été
2007. La ministre de la culture venait de lire
l’éditorial publié dans une plaquette du Théâtre du Granit, à Belfort. Et notamment cette
phrase qui, mise dans son contexte, avait plus
d’humour que lorsqu’on l’isole ici: « L’élection
de Sarkozy peut avoir des conséquences désastreuses sur nos existences.» Mme Albanel, scandalisée, avait répondu au directeur du Granit, Henri Taquet: «Un théâtre investi d’une mission de
service public et financé par l’Etat et les autres
collectivités doit à son public le respect des choix
et des opinions démocratiquement exprimés.»
Le monde du spectacle, relayé par la secrétaire
nationale du PS chargée de la culture, qui s’appelait Anne Hidalgo, s’en était alors pris à la
ministre pour défendre Henri Taquet.
Ce joli monde, on l’a peu entendu lors d’une
polémique qui vient de surgir à Rennes, en pleine campagne des municipales. François
LePillouër, directeur du Théâtre national de
Bretagne (TNB), a décidé de soutenir la candidate socialiste à la mairie, Nathalie Appéré. C’est
son choix, déjà exprimé lors d’autres élections,
et il n’y a rien à redire. En revanche, la façon
dont il s’est exprimé cette fois a choqué. Patron
du TNB depuis 1994, où il reçoit une subvention de la ville de 3 millions d’euros par an,
M.LePillouër n’a pas hésité à envoyer un mail
aux 14000 abonnés du théâtre dans lequel il
dit tout le bien qu’il pense de la municipalité PS
sortante. Indéfendable.
Les autres candidats, de l’UMP aux Verts, ont
dénoncé un «usage frauduleux d’un listing
d’abonnés pour faire passer un message politique». Même la socialiste Nathalie Appéré
«condamne» la forme de cet encombrant soutien, le qualifiant d’«inopportun ».
Il n’y a qu’une personne qu’on n’a pas entendue, c’est Aurélie Filippetti. Le ministère de la
culture finance pourtant le TNB. C’est même un
fleuron de l’Etat. Il est vrai que M.LePillouër,
dont le bilan est jugé bon, est un personnage
redouté, qui a tétanisé pas mal de monde au
ministère. Ce négociateur raide fut pendant
sixans le patron du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, qui ne cesse de
dénoncer le désengagement de l’Etat dans la
culture. Désengagement, c’est le mot. p
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LE FILM PHÉNOMÈNE
plébiscité par la presse et le public
déjà 500.000 spectateurs
ALLOCINÉ
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PRESSE
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SPECTATEURS
Guillaume Perrier
(Istanbul, correspondance)
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un film de
Pawel Pawlikowski
actuellement au cinéma
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