france - Free

LUTTE CONTRE L’ALCOOL :
L’INCROYABLE VOYAGE
AUX ORIGINES DES MYTHES LE BACLOFÈNE AUTORISÉ
CULTURE & IDÉES – SUPPLÉMENT
Van Gogh et Artaud,
unis à la folie
FRANCE – PAGE 13
Samedi 15 mars 2014 - 70e année - N˚21510 - 3.80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
CULTURE – PAGE 14
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
Alerte à la pollution:
l’inaction des politiques
Christiane Taubira
Honnie ou adulée
t Du mariage pour tous aux écoutes de
Sarkozy, elle cristallise les passions politiques
t Plus de trente départements sont touchés par des nuages toxiques aux particules fines
t D’anciens ministres de l’écologie racontent leurs difficultés à agir face au poids des lobbies
I
l aura fallu attendre une semaine pour que
le gouvernement se décide à prendre de
timides mesures d’urgence, jeudi 13 mars,
afin de lutter contre la pollutionde l’air – exceptionnelle dans sa durée, son intensité et son
amplitude territoriale – qui plombe le ciel de
plus de trente départements français.Les transports en commun sont gratuits jusqu’à dimanche soir en région parisienne et dans d’autres
villes comme Caen ou Rouen.
Pourquoi un tel retard alors que ces nuages
toxiques de particules fines, classés par l’OMS
comme cancérigènes, réduisent l’espérance de
vie – de six à dix mois à Paris – des populations
et provoquentdes maladiesrespiratoireset vasculaires?
Marie-Béatrice Baudet et Pierre Le Hir
a LIRE LA SUITE P. 7 ET DÉBATS P. 18
LES ESPOIRS TRAHIS DE L’INSURRECTION SYRIENNE
t Après trois ans de conflit, Bachar Al-Assad sort renforcé d’une guerre qui a fait plus de 140000 morts LIRE PAGES 2-3
M LE MAGAZINE DU « MONDE »
●
UNIQUEMENTENFRANCEMÉTROPOLITAINE,ENBELGIQUEETAULUXEMBOURG
AUJOURD’HUI
Ukraine : Washington
cible les oligarques
A Alep, le 6 mars, après
une attaque aérienne des
forces gouvernementales.
FADI AL-HALABI/AFP
F1: un objectif,
arrêter Vettel
a Pilotes et organisateurs
veulent mettre fin
à la domination écrasante
du jeune Allemand,
quadruple champion
du monde SUPPLÉMENT
LE MUSÉE
DU « MONDE »
« Le Pont de Maincy »,
de Paul Cézanne
Nous poursuivons notre
exploration des chefs-d’œuvre
de la peinture. Cette semaine,
Le Pont de Maincy, toile
emblématique de Paul Cézanne.
EN VENTE EN KIOSQUES EN FRANCE
MÉTROPOLITAINE ET EN BELGIQUE
Dmitro Firtach, un industriel
ukrainien proche de Vladimir
Poutine, a été interpellé à Vienne, dans le cadre d’une enquête
ouverte par le FBI en 2006 et
relancée. Un avertissement
clair des Américains, à la veille
du référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie.
Bouygues et Numericable
se sont affrontés jusqu’à la
dernière minute, vendredi
14mars, avant l’ouverture du
conseil d’administration de
Vivendi. Celui-ci devait choisir
entre l’une ou l’autre société
pour le rachat de SFR. L’Etat a
plaidé en faveur de Bouygues.
INTERNATIONAL – PAGES 4 ET 21
CAHIER ÉCO – PAGE 5
Damas-Kiev: la nouvelle guerre froide
L
es Syriens vont-ils payer
pour les Ukrainiens ? Les
millions de Syriens victimes d’un conflit atroce
vont-ils, en plus, subir les contrecoups de l’affaire ukrainienne ?
La réponse est oui – hélas!
Posée en ces termes un tantinet simplistes, la question peut
semblerabsconse.En réalité,l’antagonisme croissant entre Moscou et Washington à propos des
événements de Kiev aura des
répercussions ailleurs.
Ce vendredi 14 mars, à deux
ÉDITORIAL
jours du « référendum » sur le
rattachement de la Crimée à la
Russie, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, rencontrait son
homologue russe, Sergeï Lavrov,
à Londres. Les deux hommes le
savent: l’issue du vote en Crimée
ne faisantpas de doute,Washington répliquera par des sanctions
(déjà annoncées) contre la Russie, et Moscou par des mesures
de représailles (déjà annoncées
elles aussi).
Sauf miracle politico-diplomatique,le thermomètrede l’antagonisme russo-américain va
monter. Le conflit syrien, où les
deux pays s’affrontent, par alliés
interposés, risque fort d’en subir
les conséquences.C’est peut-être
même déjà le cas. Le 18 février, au
moment où Kiev s’embrasait,
John Kerry accusait les Russes de
« doubler leur mise » en Syrie. Le
secrétaired’Etat jugeait que Moscou torpillait toute possibilité de
solution négociée en « livrant un
surcroît d’armements » au régime de Bachar Al-Assad.
Est-cetout à fait un hasard si le
programme de désarmement
chimique de la Syrie, sur lequel
Américains et Russes ont conclu
un accord, est au point mort
depuis trois mois?
Tout se passe comme du
temps de la guerre froide. Le
règlement des conflits régionaux, impliquant Moscou et
Washington, dépend très largement de la relation entre le
Kremlin et la Maison Blanche.
Entre Barack Obama et Vladimir
Poutine, elle est glaciale.
Sur le front syrien comme en
Ukraine, les Etats-Unis et la Russie sont dans des camps opposés.
Or la plupart des observateurs
n’imaginent pas que la tragédie
syrienne puisse prendre fin sans
une entente russo-américaine.
Pour l’heure, les Russes y font
obstacle.
A la « conférence de paix » de
Genève, qui s’est tenue en
février, et dont ils sont l’un des
parrains, ils ont laissé les repré-
sentants de Damas bloquer tout
dialogue avec ceux de la rébellion. A l’ONU, le Kremlin empêche toute condamnation, même
symbolique,des tueriesauxquelles se livre le régime.
Il y a fort à parier que le différend sur l’Ukraine accentue
l’« obstructionnisme » russe sur
la Syrie. Ainsi protégé, Bachar
Al-Assad marque des points. En
juin,ilentendorganiserunemascarade d’élections et se proclamer président pour un nouveau
mandat.
Il a donné à la guerre la forme
qu’il voulait : celle d’un affrontement entre le dernier bastion de
la laïcité dans la région et une
rébellion dominée par le djihadisme sunnite. Même si la situation sur le terrain est beaucoup
plus complexe.
Mais l’ensemble masque mal
la réalité en Syrie. Elle est celle
d’un régime, et d’un homme,
totalementaux mainsde ses parrains étrangers – l’encadrement
militaire iranien, quelque
6 000 combattants du Hezbollah libanais et les Russes. Bachar
Al-Assad n’a de marge de
manœuvre que celle qu’ils veulent bien lui consentir.
En ce sens, et pour leur malheur, les Syriens sont aussi les
otages de la situation à Kiev ou à
Sébastopol. p
© Dominique ESKENAZI
UK price £ 1,80
SPORT & FORME
Bataille acharnée
pour le rachat de SFR
Parquet de qualité
Collection Couleurs du Temps
Création française réalisée à Sèvres
w w w. e m o i s e t b o i s. co m
12, rue de Paris - 78 - Port-Marly
56, rue de Cambronne - Paris 15ème
33, bd du général Martial Valin - Paris 15ème
31, bd Richard Lenoir - Paris 11ème
14, rue de Wolfenbuttel - 92 - Sèvres
Ouverture prochaine : 42 bis av. du Bac - 94 - La Varenne St-Hilaire
Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 3,80 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,
Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 3,80 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA
10-32-2454
Cette entreprise
a fait certifier sa
chaîne de contrôle.
pefc-france.org
2
international
0123
Samedi 15 mars 2014
Syrie: la rébellion
engluée, trois ans après
le début de la guerre
L’opposition armée, affaiblie par ses propres divisions,
perd du terrain face aux troupes de Bachar Al-Assad
Amman
Envoyé spécial
C
’est l’histoire de trois déserteurssyriens, troishauts gradés idéalistes, qui ont cru
possible de renverser le régime,
qui se sont même vus participer à
la victoire finale et remâchent
aujourd’hui leur amertume, dans
les cafés d’Amman et d’Irbid, en
Jordanie. Le général Assad Al-Zoabi, 58 ans, une gloire de l’aviation
syrienne, le général Ahmed Tlass,
ancien responsable du carnet de
commandes de l’armée, et Abou
Al-Majd,le pseudonymed’un colonel de 41 ans qui dirigeait une usine d’assemblage de missiles.
De leur défection secrète à leur
marginalisation par les islamistes,
en passant par les combats sur le
front sud, les contacts avec les
espions occidentaux et les réunions de l’opposition à Istanbul, le
parcours de ces officiers en dit
long sur les promesses non tenues
de la révolution syrienne, trois ans
après son début, le 15 mars 2011.
Un luxueux appartement à
Dummar, la banlieue chic de
Damas, et dix soldats aux petits
soins pour sa famille : a priori, rien
ne prédisposaitle généralTlass, un
petit homme moustachu, à passer
à l’ennemi. Neveu de Moustapha
Tlass, ministre de la défense sous
Hafez Al-Assad, il menait une vie
de privilégié, comme la plupart
des membres de ce clan sunnite
coopté par le régime à dominante
alaouite de Bachar Al-Assad. « Le
président m’envoyait souvent rencontrer des dignitaires étrangers,
pour soigner son image de dirigeant éclairé», raconte le général.
Mais à l’instar de son cousin
Manaf, le fils de Moustapha,
aujourd’hui réfugié à Paris,
Ahmed Tlass désapprouve la violence déployée pour mater la
contestation. « Il était inconcevable pour moi de continuer à commander des armes, alors que je
savais qu’elles seraient employées
contre les manifestants», dit-il. Un
jour de juillet 2012, prétextant un
rendez-vouschez le dentiste,il renvoie son aide de camp, entasse sa
femme et ses cinq enfants dans
l’une de ses Mercedes de fonction,
et fonce jusqu’en Jordanie.
Pour Abou Al-Majd, un grand
gaillardaffable,ledéclicaeulieuun
soir de la fin de l’année 2011. A un
check-point, un soldat ouvre le feu
sur lui, le manquant de peu. « On
m’a dit que c’était une erreur de tir.
Moi je pense que c’était une tentative d’assassinat. J’étais le seul officier
sunnite de ma base, et mon rejet de
la répression était bien connu. »
Quelques jours plus tard, à la
faveur d’une permission, il envoie
sa famille à Irbid, de l’autre côté de
la frontière syro-jordanienne, et
rejoint les combattants de l’Armée
syrienne libre (ASL), la branche
modérée de l’insurrection, à Deraa.
« Je n’ai jamais aimé ce régime
d’opportunistes », confie Assad
Al-Zoabi. Son aura de pilote émérite – 3 000 heures de vol, ainsi
qu’une dizaine d’accrochages avec
des jets israéliens –, ne suffit pas à
contrebalancer la méfiance que lui
vaut son statut de sunnite. Exaspéré d’être traité comme «un citoyen
de troisième catégorie», il s’enfuit à
Amman début août2012.
Les anti-Assad
ont perdu le pari
du retournement
des forces armées,
facteur décisif dans
la chute de Ben Ali
et de Moubarak
A cette époque, la rébellion a le
vent en poupe. Quatre hauts responsables sécuritaires du régime
viennent de périr dans un attentat,
en plein cœur de Damas. Dans la
foulée, un détachement de l’ASL a
pénétrépour la première foisà l’intérieur de la capitale. Certes, les
troupes loyalistes ont facilement
repoussé cette offensive. Mais le
régime tremble sur ses bases,
d’autant plus que les défections se
multiplient.A la fin août, plusieurs
centaines d’officiers se réunissent
àIstanbul,autourdugénéralMohamed Al Haj Ali, le plus gradé de
tous les transfuges syriens.
« Il a été décidé d’unifier toutes
les brigades rebelles sous son commandement», se souvient Ahmed
Tlass,quiaparticipéàcerassemblement, patronné par la France et la
Turquie. « Malheureusement, ce
plan est tombé à l’eau quelques
semaines plus tard, en raison des
rivalités entre les bailleurs de fonds
de l’opposition », ajoute-t-il dans
une allusion à la lutte d’influence
entre le Qatar et l’Arabie saoudite.
Les ingérences s’intensifient dans
les mois suivant, accentuant l’éclatement de la rébellion, que mine
aussi l’afflux de djihadistes étrangers dans le nord du pays.
Le régime, lui, parvient à resserrer les rangs. Les officiers susceptibles de basculer sont enfermés
dans leur cantonnement, et leur
famille placée sous surveillance.
« A partir du début de l’année 2013,
le flot des défections s’est tari », se
remémore le général Al-Zoabi.
Insensiblement,les anti-Assadperdent le pari du retournement des
forces armées, facteur décisif dans
la chute de Zine El-Abidine Ben Ali
et Hosni Moubarak, les dictateurs
tunisien et égyptien. « Si nous
avions réussi à créer l’ossature
d’unearmée,nous aurions pususciter beaucoup plus de désertions,
notamment chez les officiers
alaouites», regrette Ahmed Tlass.
Circonstance atténuante, les
conditions de vie souvent précairesdes militairesexilés en Jordanie
n’incitent pas ceux qui hésitent à
sauterlepas.Si lesplusgradésd’entre eux ont été hébergés pendant
un temps dans des villas mises à
leur dispositionpar le roi Abdallah,
la plupart ne peuvent compter que
sur leurs économies ou sur l’aide
de leurs proches pour subsister.
« J’ai reçu quelques appels discrets
d’anciens collègues qui s’enquéraient de ma situation, assure
AhmedTlass,quioccupeunmodeste trois-pièces à Amman. Tout ce
quej’aipuleurpromettre,s’ilsdésertaient, c’est de partager avec eux
mon logement et ma nourriture.»
Une fois leur famille en sécurité, beaucoup d’officiers s’engagent sur le front sud. Ces nationalistes, parfois encore imprégnés
d’idéologie baasiste, se sentent
plus à l’aise dans la province de
Deraa, où le poids des tribus fait
obstacleà l’implantationdes djihadistes, que dans le nord, où les
extrémistes du Front Al-Nosra et
de l’Etat islamique en Irak et au
Levant (Da’ech) ont pris l’ascen-
Trois anciens militaires
de l’armée syrienne : le colonel
Abou Al-Majd et les généraux
Assad Al-Zoabi et Ahmed Tlass.
JULIEN MIGNOT POUR « LE MONDE »
dant sur l’ASL et les salafistes du
Front islamique. A l’hiver
2012-2013, les sponsors occidentaux de l’opposition s’accordent
sur un plan avec l’Arabie saoudite.
Objectif : attaquer Damas par le
sud. Des armes sont livrées, des
salaires distribués et des formations dispensées, sous la supervision du « MOC » (military operations command), la salle d’opérationsinstalléedans le QGdes services secrets jordaniens, à Amman.
Mais c’est trop peu, disent les
rebelles. « Mes hommes reçoivent
des salaires de misère, environ
7500livres syriennes [37 euros] tous
les deux mois, alors qu’une simple
bouteille de gaz coûte 3 000livres »,
soupire le colonel Abou Al-Majd.
Selon lui, les Etats-Unis s’opposent
à ce que des missiles sol-air leur
soient fournis, de peur qu’ils ne les
utilisent contre l’aviation israélienne, qui patrouille à proximité.
« Nous nous sentons de plus en
plus minoritaires, poursuit le colonel. Non seulement les Occidentaux
ne nous font pas confiance, mais au
sein de l’opposition, certains nous
voient toujours comme des agents
du régime. » L’époque où les déserteurs pensaient revenir en vainqueurs à Damas ressemble à un
Sûr de sa force, le régime prépare la réélection de Bachar Al-Assad en juin
ALORS QU’IL entre dans sa quatrième année, le conflit syrien n’offre
plus aucune perspective de règlement, ni militaire, ni politique, ni
diplomatique. Toutes les voies
ont été méthodiquement épuisées par les différents protagonistes. Depuis l’attaque chimique de
la Ghouta, le 21 août 2013, qui a
causé quelque 1500 morts, la perspective d’une intervention militaire occidentale est définitivement
enterrée, Barack Obama ayant
renoncé à une telle option
– malgré le franchissement, par le
régime de Bachar Al-Assad, de la
« ligne rouge» fixée par le président américain – au profit d’un
accord sur le démantèlement de
l’arsenal chimique syrien parrainé par Moscou et Washington.
Ce retournement majeur, qui
fait du gouvernement syrien le
garant du bon déroulement de
l’opération menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes
chimiques (OIAC), a vidé de leur
sens les pourparlers de Genève 2,
que le médiateur des Nations
unies et de la Ligue arabe, le diplo-
mate algérien Lakhdar Brahimi, a
péniblement mis sur pied au prix
d’un an d’efforts. Lancées le 22 janvier en Suisse, ces négociations se
sont achevées le 15 février, au sortir d’une deuxième session totalement infructueuse, la délégation
gouvernementale refusant d’aborder le volet de la transition.
« Manœuvres dilatoires »
Depuis, c’est l’impasse et le
néant. Lakhdar Brahimi, qui
devait informer vendredi l’Assemblée générale de l’ONU, tout comme le secrétaire général de l’organisation, Ban Ki-Moon, n’a pas
caché son pessimisme devant le
Conseil de sécurité, qui l’a entendu jeudi. Devant la presse,
Lakhdar Brahimi s’est dit « déçu »
par le « résultat plutôt modeste »
atteint à Genève 2, mais il a refusé
de blâmer l’une ou l’autre des parties. A huis clos, face aux 15 pays
membres, le diplomate a désigné
le régime syrien, qui a « donné la
nette impression d’employer des
manœuvres dilatoires» pour faire
capoter les négociations.
Dégagé de toute pression diplomatique, grâce à la protection
acharnée de la Russie, le régime
syrien n’a désormais plus que
deux choses en tête : la reconquête militaire, et la réélection de
Bachar Al-Assad, probablement
en juin, pour un nouveau mandat
de sept ans. L’organisation d’une
élection présidentielle « torpillerait », selon M. Brahimi, tout processus politique. Comment l’opposition pourrait-elle discuter d’un
processus de transition avec le
gouvernement, dans le cas d’une
élection jouée d’avance ? « Je doute fort que la réélection du président Assad pour un nouveau mandat de sept ans puisse mettre fin
aux souffrances du peuple
syrien», a martelé Lakhdar Brahimi devant le Conseil de sécurité.
A la suite de l’intervention du
diplomate, la France avait préparé
un projet de déclaration – qui n’a
pas la valeur contraignante d’une
résolution – soutenant l’approche
défendue par Lakhdar Brahimi.
Elle consiste à mener en parallèle
les négociations réclamées par
Damas sur la lutte contre le terrorisme, et celles réclamées par l’opposition pour la création d’un
organe gouvernemental de transition. Mais des heures de débats
n’ont pas eu raison de la résistance de la Russie, déterminée à bloquer toute initiative critique à
l’égard de son allié syrien. Aucune
déclaration commune n’a donc
pu être adoptée.
« Pendant ce temps, la Russie,
qui parie sur la victoire du régime
de Bachar al-Assad, continue d’envoyer de plus en plus d’armes en
Syrie », souligne une source diplomatique. Profitant de l’affaiblissement de la rébellion, rongée par
les luttes intestines entre les groupes djihadistes et les autres mouvements dans le nord du pays et
handicapée par les dissensions
entre le Qatar et l’Arabie saoudite,
ses deux principaux bailleurs de
fonds, le régime cherche à reprendre le massif du Qalamoun, qui
occupe une position stratégique
entre Damas et Homs. Il pourrait
ensuite tenter d’encercler les
rebelles dans Alep, toujours avec
l’aide de supplétifs du Hezbollah
libanais et de pasdaran (gardiens
de la révolution) iraniens, dont le
soutien ne faiblit pas.
Sans perspective ni efforts
pour en venir à bout, le drame
syrien se résume désormais à des
chiffres qui dépassent l’entendement. Au moins 140 000 morts ;
et, avec 2,5 millions de réfugiés
(sur 22 millions d’habitants), les
Syriens sont en train de devenir la
plus importante population de
réfugiés du monde, devant les
Afghans. Selon l’Unicef, le nombre d’enfants en danger en Syrie a
plus que doublé depuis l’an dernier, passant à 5, 5 millions.
Le prochain rendez-vous
syrien à l’ONU est la publication,
le 28 mars, du rapport du secrétaire général sur les efforts accomplis par le régime syrien en faveur
d’un meilleur accès de l’aide
humanitaire, depuis le vote de la
résolution 2239 en février. Mais
selon un diplomate, le texte se gardera bien de dénoncer Damas. p
Christophe Ayad et
Alexandra Geneste (à New York)
lointainrêve. A Alep, Damas, Homs
et Deraa, le front s’est figé. La
guerre d’usure entre loyalistes et
insurgés se double désormais
d’une lutte à mort entre Da’ech et
ses concurrents islamistes.
A quelques jours des trois ans de
la révolution, Assad Al-Zoabi, qui
s’est reconverti en commentateur
militaire,hésitaitàhonorerl’invitationdelachaînesaoudienneAl-Arabiya, basée à Dubaï. Abou Al-Majd
attendait la venue à Irbid du nouveau chef de l’ASL, le général Abdel
Ilah Al-Bachir, avant de repartir au
combat. Ahmed Tlass, de son côté,
réfléchissait à un nouveau projet :
la création d’une association destinée à secourir les familles de déserteurs dans le besoin. p
Benjamin Barthe
Trois ans de conflit
2011
15-16 mars : premières manifestations contre le régime à Damas
et Deraa, dans le sud du pays.
30 juillet : création de l’Armée
syrienne libre (ASL).
2012
1er mars : l’armée prend le contrôle
du quartier de Baba Amr, bastion
de la rébellion à Homs (centre).
30 juin : accord à Genève entre
les grandes puissances sur une
transition politique, qui maintient
le flou sur le sort d’Assad. Il n’a
jamais été appliqué.
11 novembre : création de la Coalition nationale de l’opposition.
2013
21 août : attaque chimique du régime contre des zones contrôlées
par les rebelles près de Damas.
14 septembre : accord russoaméricain sur le démantèlement
de l’arsenal chimique syrien.
2014
22 janvier-15 février : négociations entre représentants du
gouvernement et de l’opposition
sous l’égide de l’ONU, en Suisse.
0123
international
Samedi 15 mars 2014
3
A Gaza, le «systèmeD»
pouratténuerle blocus
d’Israëlet de l’Egypte
L’économie de la bande de Gaza, territoire
tenu par le Hamas, est au bord de l’asphyxie
Gaza
Envoyé spécial
C
Entre réfugiés de Homs, la solidarité est le gage de la survie
Amman
Envoyé spécial
C’est à la témérité de jeunes comme leur frère ou leur mari que
Homs doit son surnom de «capitale de la révolution ». Pendant des
mois, ils ont dansé et chanté leur
soif de liberté, en bravant les tirs
et les arrestations. Mais de cette
époque pleine de ferveur, Jumana,
Malak et Taj, trois réfugiées syriennes, assises dans le local d’une
association de charité d’Amman,
n’ont plus guère envie de parler.
« On ne pense à rien, sinon à nourrir notre famille, dit la première
qui tient sur ses genoux une fillette sans joie. On ne sait même pas
de quoi demain sera fait. On s’en
remet à Dieu, et c’est tout. »
Vêtues d’un jilbab sombre, ce
long manteau quasi réglementaire dans les milieux populaires,
elles s’avancent à tour de rôle vers
la table qui sert de guichet. C’est le
jour de la distribution du pécule,
100 à 150 dinars (100 à 150 euros),
selon la taille de la famille, de
quoi louer une ou deux pièces,
dans l’est d’Amman. « Je n’ai pas
les moyens de travailler, dit Jumana, 29 ans, qui vit seule avec ses
quatre enfants, sans nouvelles de
son mari, arrêté il y a un an par les
services de sécurité syrien. Sans
cette aide, je ne sais pas comment
nous aurions fait. »
L’initiative de l’association,
revient à Bassam Saffour, un
entrepreneur de Homs, qui a fait
fortune dans le marbre. A court de
commande, craignant pour la vie
de ses enfants, il s’installe en 2012
dans la capitale jordanienne. Il
n’est pas le seul. Chassés par l’artillerie syrienne, qui ravage des
pans entiers de leur ville, des milliers de Homsiotes déferlent chaque mois sur le poste frontière de
Ramtha. Selon M.Saffour, au
moins 50 000 familles originaires
de la cité martyre vivent aujourd’hui à Amman, parmi les
600000 Syriens réfugiés en Jordanie.
Les premiers mois, les donations pleuvent. De riches Arabes
du Golfe, émus par le calvaire de
leurs coreligionnaires, accourent
en Jordanie, où ils distribuent de
pleines liasses de billets. Mais l’étirement du conflit et quelques cas
de détournement d’argent ont raison de cette générosité spontanée. Entre-temps, l’aide internationale s’est mise en place. Mais le
Haut-Commissariat aux réfugiés
des Nations unies (HCR) peine à
suivre le rythme des arrivées.
Deux coupons de nourriture par
mois, d’un montant total de
24 euros: c’est tout ce qu’il offre
désormais aux réfugiés d’Amman. La dernière conférence des
donateurs, qui s’est tenue en janvier à Koweït, n’a généré que
2,4milliards de dollars de promesses, bien loin de l’objectif affiché
de 6,5milliards. Des besoins en Jordanie, estimés à 1,2 milliard pour
cette année par le HCR, seulement
15 % sont pour l’instant couverts.
« J’ai vite compris que nous ne
pourrions pas nous reposer sur la
communauté internationale,
explique Bassam. J’ai donc contacté des amis, des parents et des
ex-collègues, qui travaillent dans
le Golfe mais sont originaires de
Homs. Je les ai mis à contribution,
en jouant sur le sentiment de solidarité entre Syriens d’une même
ville.» Un pharmacien à Djedda,
un dentiste à Riyad, un homme
d’affaires au Koweït… : en deux
ans, plusieurs centaines de milliers de dollars ont été récoltées,
qui bénéficient à près de
6000 familles.
A côté d’actions de charité classique, comme la distribution d’allocations ou de vêtements, l’association investit dans l’éducation.
Un fonds de 300 000 dollars, collectés auprès de la diaspora homsiote d’Arabie saoudite, servira à
financer les études d’une centaine
de bacheliers. Deux des généreux
mécènes sont venus signer les
contrats en personne depuis Djedda. Dans le même registre, une
école a été louée l’été 2013, bus de
ramassage compris, pour organiser des cours de soutien. Sous l’afflux des réfugiés, les établissements jordaniens ont dû passer
au système de la double session :
une le matin, pour les élèves jordaniens et une l’après-midi pour
leurs camarades syriens. «Malheureusement, les enseignants jordaniens ne sont pas très motivés, dit
Malak. Le niveau de nos enfants risque de chuter. C’est leur futur qui
est en jeu. »
Grogne diffuse
La situation des réfugiés est
d’autant plus précaire que leur
présence pèse lourdement sur la
société jordanienne. Les cafés
d’Amman bruissent d’histoires
d’employés limogés et remplacés
par un Syrien payé deux fois
moins cher. Ou de locataires, mis
à la porte de leur appartement,
qui est aussitôt reloué à une
famille de réfugiés, à un montant
plus élevé. Sentant monter une
grogne diffuse, le gouvernement
jordanien s’efforce de restreindre
les arrivées. Le poste de Ramtha a
été de facto fermé, obligeant les
candidats à l’exil à emprunter un
point de passage plus à l’est,
Ruweiched, auquel on ne peut
accéder, facteur dissuasif supplémentaire, qu’en traversant des
zones aux mains du régime.
A l’aéroport d’Amman, les
contrôles sont devenus plus sévères. « Mes deux sœurs, qui avaient
pris un avion à Beyrouth pour me
rejoindre, ont été refoulées à leur
atterrissage par les moukhabarat
[services de renseignements] jordaniens», se lamente Jumana.
Pour dénicher de nouveaux
donateurs, Bassam organise régulièrement des galas de charité.
« Les gens qui ne payent pas alors
qu’ils le peuvent, perdent automatiquement notre respect, dit-il. Il
ne faut pas qu’ils comptent rentrer
chez eux quand la guerre sera
finie.» Un des contributeurs de
l’association, un célèbre chef de
tribu, risque cependant de lui faire défaut. Son cousin, resté à
Homs, a été récemment kidnappé
par des chabiha, des malfrats proAssad. Les membres de la famille
réfugiés à l’étranger ont dû se cotiser pour payer la rançon, fixée à
2,5millions de livres (20 000
euros). L’acharnement du régime
sur ses victimes ne connaît pas de
frontière. p
B. Ba.
e n’est qu’une question de
jours. La seule centrale électrique de Gaza va de nouveau s’arrêter. Elle aura bientôt
consommélecarburantachetégrâce au don de 10 millions de dollars
(7,21 millions d’euros) fait par le
Qatar fin 2013. Les Gazaouis vont
retrouver le régime sec de six ou
huit heures d’électricité par jour,
au lieu de douze actuellement. Ce
qui va poser autant de problèmes
au mécanicien Mahmoud Koanz
qu’à l’homme d’affaires Naïm
Al-Siksik.
Le premier est l’un des quelque
30 000 fonctionnaires – sur les
70000payésparl’Autoritépalestinienne dans la bande de Gaza –
interdits de travail par le Hamas
depuis sa prise du pouvoir en
2007. Son tort est d’avoir été
employédanslesservicesdesécurité contrôlés par le Fatah, principal
parti de l’Autorité palestinienne,
rival du Hamas. Mahmoud Koanz
perçoit, sans travailler, 1 500 shekels (311 euros) que Ramallah lui
fait parvenir chaque mois. Pour le
reste, il travaille au noir.
C’est un travail dangereux mais
trèsprisépourl’économiede pénurie que connaît l’étroite bande de
terre, asphyxiée par le double blocus d’Israël et de l’Egypte. Il transforme les moteurs à essence en
moteurs à gaz. Dans les rues de
Gaza, il y a moins de files d’attente
devant les stations-service, mais
plus de voitures à gazogène, polluantes et poussives. M. Koanz a
sept enfants, dont certains lui coûtent cher en frais de transports et
de scolarité à l’université Al-Azhar.
Comme beaucoup de Gazaouis,
il ne paie plus sa facture d’eau, et
n’a aucun espoir de rembourser sa
dette.Il a emménagédansune maison de bétonde Jabaliya, il y a deux
ans, sur la route côtière. « Ainsi,
explique-t-il, les loisirs des enfants
ne me coûtent pas cher : ils ont la
mer. » Chaque mois, vers le 20, il
n’a plus d’argent. Le supermarché
luifait crédit,une pratique courante à Gaza.
Mahmoud Koanz est nostalgique de la période d’avant la seconde Intifada (2000). Il travaillait
alors comme mécanicien à TelAviv, avec un bon salaire. « Aujourd’hui, constate-t-il amèrement,
nous sommes isolés du monde
entier. L’Egypte et Israël punissent
toute la population de Gaza, sans
se rendre compte qu’ils poussent
les jeunes vers la lutte armée. »
Naïm Al-Siksik partage ce
constat. Il redoute les conséquences de l’arrêt programmé de la centrale électrique sur ses chaînes de
fabrication. Dans son secteur,
celui des tuyaux en PVC, il est le
numéro un de la bande Gaza. Ses
affaires étaient plutôt florissantes
avant que l’Egypte ne détruise les
tunnels de contrebande, par où
passait notamment le carburant.
« Mes ventes ont été divisées par
trois. Mon chiffre d’affaires est passé de 2,5 millions de dollars [1,8million d’euros] à 700 000 dollars »,
précise-t-il. Il a licencié 10 % de ses
150 salariés, tout en réduisant les
salaires de 20 %. Sans les mirobolants projets de travaux publics
financés par le Qatar, l’entreprise
Al-Siksik aurait mis la clef sous la
porte. « Nous espérons que la situation ne va pas encore se dégrader »,
résume l’homme d’affaires.
La courbe du chômage
devrait atteindre 43%
fin mars, contre 27%
début 2013
Or tout porte à croireque la bande de Gazava s’enfoncerdansla crise économique. L’inquiétude de
l’économiste Maher Al-Tabaa progresse avec la courbe du chômage.
Il devrait passer de 27 % début 2013
à 43 % à la fin du premier trimestre
2014. Sur un budget de quelque
850 millions de dollars, le gouvernement du Hamas doit faire face à
un déficit de 550millions.La périodeest donc à l’austérité.Fin décembre, pour la première fois depuis
six ans, le Mouvement de la résistance islamique a annulé les cérémonies marquant l’anniversaire
de sa création.
Sous la houlette du puissant
ministre de l’intérieur, Fathi
Hamad, un programme d’entraînement au tir par rayon laser et
simulation sur ordinateur a été
mis au point. Economies escomptées : 20 000 dollars par mois.
Quant aux 46 000 fonctionnaires
du gouvernement du Hamas, ils
ne reçoivent plus qu’entre 35 % et
50 % de leur salaire depuis octobre
2013. Sans l’aide alimentaire que
l’Office de secours et de travaux
des Nations unies pour les réfugiéspalestiniens(UNRWA)dispense chaque mois à quelque 1 million
de Gazaouis, ajoute l’économiste,
« la situation humanitaire serait
catastrophique, ce qu’elle risque de
devenir».
Le gouvernement « ne va pas
prendre le risque de faire rentrer de
l’argent par les quelques tunnels
qui fonctionnent encore, sachant
queces fondspeuventêtresaisispar
les Egyptiens », estime M. Tabaa.
Pour lui, comme pour la plupart
des observateurs à Gaza, les visées
stratégiques de l’Egypte rejoignent
celles d’Israël : asphyxier l’économie de Gaza, et porter un coup au
potentiel militaire du Hamas. p
Laurent Zecchini
14 | 31 MARS
nouvelle collection 2014
PARIS 3e *. 92-98, bd de Sébastopol • PARIS 12e *. 14-18, rue de Lyon • PARIS 7e *. 193, 197, 207, 213, bd St-Germain - service voiturier (de 14h à 19h) les samedis 15 et
22 mars • PARIS 17e *. 52, av. de la Gde-Armée - service voiturier (de 14h à 19h) les samedis 15 et 22 mars • ATHIS-MONS. RN 7 – 12-18, av. F. Mitterrand • CHEVREUSE.
90, rue Porte de Paris • COIGNIÈRES. RN 10 – 3, rue du pont d’Aulneau • DOMUS C. CIAL(1) / ROSNY-S/BOIS. 16, rue de Lisbonne • MAISONÉMENT C. CIAL / BOISSÉNART.
ZAC de la Plaine-du-Moulin-à-Vent – CESSON • HERBLAY / MONTIGNY-LES-C.(1) RN 14 – 17, 21, bd V. Bordier • MONTLHÉRY. RN 20 – La Ville-du-Bois • ORGEVAL. RN 13
SAINTE-GENEVIÈVE-DES-BOIS. ZAC de la Croix Blanche – Rue Hurepoix • SURESNES. 33, 39, bd H. Sellier • VAL D’EUROPE C. CIAL / SERRIS. 1, cours de la Garonne
VERSAILLES*. 6, rue au Pain (Place du Marché). (1) Magasin franchisé indépendant. Liste des magasins Roche Bobois de France participant à l’opération sur www.roche-bobois.com
OUVERTURES EXCEPTIONNELLES LES DIMANCHES 16, 23 et 30/03 (sauf * ouverts uniquement les 16 et 23/03).
4
0123
international
Samedi 15 mars 2014
L’arrestation d’un
oligarque, un signal
pour Moscou
L’Ukrainien prorusse Dmitro Firtach
a été interpellé à Vienne
L
’avertissement américain
adressé à Moscou est limpide : l’annexion de la Crimée
aura un prix. Dmitro Firtach, l’un
des hommes les plus riches
d’Ukraine, à la proximité historique avec Gazprom, se trouve sous
les verrous en Autriche. Cet intermédiaire incontournable dans le
secteur énergétique a été interpellé à Vienne, dans la nuit du mercredi12 au jeudi 13 mars. Cette mesure
s’inscritdans le cadre d’une enquête ancienne du FBI, ouverte en
2006 et opportunément réanimée, au sujet d’une usine de titane
en Inde. Selon l’un de ses proches,
l’homme d’affaires est soupçonné
d’avoir versé environ 18 millions
de dollars (13 millions d’euros) de
pots-de-vin à des responsables
politiquesdansl’Etatd’AndhraPradesh et au niveau national.
Une décision judiciaire sera prise rapidement sur une extradition
vers les Etats-Unis. L’arrestation de
M. Firtach est un avertissement
majeur aux élites russes, à trois
La menace
de sanctions
contre des dirigeants
proches
du régime russe
se précise
jours du référendum en Crimée,
devant confirmer sa prise de
contrôle par Moscou. La menace
de sanctions individuelles se
concrétise.
La cible choisie est très sensible
et influente. Dans les jours prochains, M. Firtach devait rencontrer à Paris l’un des hauts fonctionnaires de l’Elysée, selon son entourage. A la présidence, on nie tout
rendez-vous. Mais les opinions de
M. Firtach sont forcément guettées. Le 24 février, ses proches
conseillers étaient accueillis à Londres, au ministère des affaires
étrangères. D’autres rencontres
ont eu lieu à Bruxelles. M. Firtach
présente la particularité d’être très
introduit à Moscou, sans parler de
son influence en Ukraine.
Afin de tenir les régions de l’est,
déstabiliséespardes élémentsprorusses, le nouveau gouvernement
à Kiev a demandé aux oligarques
de s’impliquer. Igor Kolomoïski,
patron du groupe Privat, est ainsi
devenu gouverneur de Dnipropetrovsk. Au même moment, il y a
dix jours, Dmitro Firtach s’est vu
offrir le poste de premier ministre
de Crimée, confie au Monde un
haut responsable du Groupe DF,
quiréunittousles secteursd’activités de l’oligarque. « Firtach a refusé
car son métier n’est pas de faire de
la politique», dit-il.
Jeudi soir, ce responsable
jugeait que l’arrestation était un
« tir de semonce expéditif et désastreux, alors que Firtach est très
impliqué pour faire baisser la tension ». « Il est l’un des seuls à pouvoir parler à tout le monde.» Selon
ce proche, l’oligarque aurait été un
« catalyseur » parmi ses collègues
milliardaires pour faire pression
sur le président Ianoukovitch,
dans la soirée du 19 février, au lendemain de la première vague de
victimes sur Maïdan. Une pression
bien tardive et inefficace. « Mais le
Parlement n’aurait pas voté ensuite l’investiture du gouvernement
sans les 50 députés de [l’oligarque]
Rinat Akhmetov et nos 40, soit 90
membres du Parti des régions »,
souligne le haut cadre du groupe.
Le Groupe DF emploie près de
100 000 personnes en Ukraine et
se développe dans onze pays.
Impliquédanslesecteurde l’industrie chimique, de l’énergie et de
l’immobilier, il a racheté en 2013
l’Inter Media Group, holding de
médiasincluantla chaînede télévisionInter. Il est aussile plusimportant employeur de Crimée (près de
10 000 personnes dans le secteur
chimique), explique le dirigeant
du groupe. L’usine Crimean Titan
est localisée au nord de la péninsule, près de la ville d’Armiansk, tan-
«Nousne noussommesjamaissentisukrainiens»
Svetlana Chinkarouk, 40 ans,
cuisinière à Djankoï (nord de la Crimée):
« Le 26février, il y avait une manifestation de Tatars et on a dû monter la garde
près de la statue de Lénine, sur la place
principale. Cette nuit-là, des militaires
dis que la Crimean Soda Plant se
trouve à Krasnoperekopsk.
Dmitro Firtach a donc beaucoup à perdre, après la chute du
régime Ianoukovitch. Notamment
sa réputation, qu’il s’est efforcé de
polir.Son arrestationestparticulièrement suivie à Londres, où il a
développé un réseau d’obligés. Le
13 octobre 2013, avec sa femme
Lada, M. Firtach ouvrait la séance à
la Bourse de Londres, dans le cadre
d’un festival appelé « Les jours de
l’Ukraine en Grande-Bretagne »,
financéparsa fondationde bienfaisance.Enoctobre 2010,il avait donné6,7 millionsde dollarsà l’université de Cambridge pour financer
une chaire d’études ukrainiennes.
Le 8 décembre 2008, deux ans
après l’ouverture de l’enquête du
FBI, Dmitro Firtach était reçu à
l’ambassade américaine à Kiev. Il
russes sont venus. Maintenant, tout est
calme, nous attendons le référendum. La
majorité, ici, veut quitter l’Ukraine. Nous
ne nous sommes jamais sentis ukrainiens. Et le gouvernement n’a rien fait
pour nous. Je suis sûre que les investis-
n’était pas question, alors, de frapper les amis du régime russe au
portefeuille. L’entretien de deux
heures et demie avec l’ambassadeur William Taylor fit l’objet d’un
compte rendu passionnant, révélé
par WikiLeaks.
Selon le diplomate, M. Firtach a
reconnu ses liens passés avec SeimionMogilevitch,figure légendaire du crime organisé russe, « affirmant qu’il avait eu besoin au
départ de son approbation pour se
lancer dans les affaires ». Le haut
responsable de DF nie que le nom
de Mogilevitcheût été prononcéce
jour-là.
Agé de 48 ans, Dmitro Firtach
dispose d’un réseau et d’une expérience hors norme dans l’espace
post-soviétique. Copropriétaire de
la société suisse RosUkrEnergo
(RUE),Dmitro Firtach a été le parte-
Le réseau d’influence des oligarques russes irrigue Londres
Londres
Correspondant
Les Ukrainiens qui protestaient il
y a peu devant le siège londonien
de la banque russe VTB contre le
recyclage d’argent sale russe par
la City s’étaient trompés de cible.
Les manifestants auraient dû
viser la Bourse de Londres, symbole de l’emprise des oligarques russes installés dans la capitale britannique sur la vie économique et
politique du royaume.
Le réseau d’influence bâti par
les flibustiers des affaires venus
du froid explique les réticences
du gouvernement de Sa Majesté à
des sanctions économiques
contre la Russie. Sur les bords de
la Tamise, le pouvoir des Roman
Abramovitch, Len Blavatnik,
Alisher Usmanov, Oleg Deripaska,
Vladimir Potanine ou Alexander
Lebedev est à la hauteur de leur
fortune : imposant.
Le London Stock Exchange
accueille 70 sociétés russes couvrant de la finance aux transports
en passant par le secteur extractif
ou la distribution. «Les valeurs russes sont parmi les titres les plus
activement négociés. Il existe une
grosse demande de la part des
investisseurs institutionnels», souligne un porte-parole de la corbeille de Paternoster Square.
La Bourse se tient au centre
d’une toile d’araignée d’où rayonnent les institutions chères aux
oligarques: les banques d’affaires
Morgan Stanley et Crédit Suisse,
les marchés à terme, la Bourse des
métaux, le géant de l’assurance
Lloyd’s, les fonds de retraite et la
Banque européenne de reconstruction et de développement. Le
cercle des bureaux d’avocats, des
cabinets comptables ou des
consultants en relations publiques ou en sécurité est également
à leur disposition. Le cas échéant,
la City peut utiliser au profit des
entrepreneurs russes la trentaine
de paradis fiscaux de la Couronne, experts en lessive caustique
des fonds baladeurs.
«La pléthore d’argent russe attise les appétits de la City qui entend
s’en approprier une partie », déclare Philip Beresford, l’auteur du
classement des plus grosses fortunes du Sunday Times à propos de
la hausse, année après année, du
nombre de Russes « résidents non
domiciliés» outre-Manche. Ce
sésame fiscal permet d’être taxé
seulement sur les revenus générés au Royaume-Uni.
Surtout, les oligarques se sont
taillé un réseau d’influence unique que leurs détracteurs accusent d’être le sous-marin du
Kremlin pour retenir Londres face
à l’intransigeance russe en Crimée. Ce maillage serré est d’abord
dû aux liens des oligarques avec
leurs associés britanniques: responsables des firmes d’hydrocarbures BP et Shell, actifs en Russie
ou figures de la City. Il s’agit, par
exemple, du spéculateur Nat
Rothschild, de l’investisseur
minier Roddie Fleming ou des frères Reuben, qui ont fait fortune
dans le négoce de métaux russes.
En outre, les oligarques recrutent les stars du barreau, de la gestion de patrimoine ou des relations publiques. Les batailles
homériques que se livrent les nouveaux venus à propos de contrats
contestés devant les tribunaux
anglais procureraient 60 % des
revenus des juristes londoniens
provenant de contentieux commerciaux. Bruce Buck, le président du Chelsea FC, le club de football dont Roman Abramovitch est
le propriétaire, est cofondateur
du célèbre cabinet américain
d’avocats Skadden, Arps, Slate,
Meagher & Flom, principal
conseiller juridique du magnat.
Tony Blair, l’intermédiaire
Les self-made-men russes ont
aussi engagé à prix d’or des personnalités de l’establishment politique qui ont l’oreille des parlementaires de Westminster comme des hauts fonctionnaires de
Whitehall. Elevés à la pairie, les
anciens ministres David Owen,
Douglas Hurd ou Nigel Lamont
sont leurs ouvreurs de portes
patentés. L’ancien chef de gouvernement Tony Blair a servi d’intermédiaire entre la famille Kadhafi
et le patron de Rusal, Oleg Deripas-
ka, aussi proche de Lord Mandelson, ex-ministre travailliste et
ancien commissaire européen, à
l’entregent considérable. En 2011,
pour lever les doutes sur la transparence du groupe sidérurgique
russe Evraz lors de sa cotation à la
Bourse de Londres, Roman Abramovitch, l’actionnaire majoritaire, a choisi comme administrateur indépendant de l’aciériste Sir
Michael Peat, ancien directeur de
cabinet du prince Charles.
Pas étonnant, dans ces conditions, que les autorités britanniques évitent de poser des questions embarrassantes sur l’origine
quelque peu mystérieuse de la fortune des oligarques. Ceux-ci ont
pu racheter sans entrave des
clubs de football fleurons de la
Premier League. En raison du
poids de la City, le royaume
demeure une « vieille dame permissive », selon l’expression de
l’essayiste Anthony Sampson.
Les nouveaux riches russes raffolent de l’aristocratie britannique, qui sait profiter à bon escient
de leurs largesses. De nombreux
oligarques ont ainsi parrainé l’exposition « Houghton Hall Revisited » montrant des chefs-d’œuvre
venus essentiellement de l’Hermitage de Saint-Pétersbourg. Le président d’honneur de cette manifestation, en 2013, dans le château du
marquis de Cholmondeley, n’était
autre que le prince Charles. p
Marc Roche
seurs vont revenir quand nous serons en
Russie, et la Crimée se relèvera.»
Jusqu’au référendum du 16 mars,
la photographe Maria Turchenkova
parcourt la Crimée pour « Le Monde».
naire-clé de Gazprom pour les
livraisonsdegazen Ukraineen provenance d’Asie centrale, jusqu’à la
guerre du gaz déclenchée par la
Russie, à l’hiver 2009. Mais M. Firtach est vite retombé sur ses pieds,
diversifiant ses activités.
Originairede la régiondeTernopil, dans l’ouest de l’Ukraine,
Dmitro Firtach est arrivé en Russie
au début des années 1990. Pompier de formation, il avait débuté
dans le commerce de produits alimentaires. Mais c’est sa découverte du Turkménistan et des réseaux
gaziers qui va lui permettre de
bâtir sa fortune, à partir de 1993.
Gazcontreproduitsde consommation : le schéma est classique. Son
partenaire de l’époque s’appelle
Igor Makarov, le patron de la société Itera, aux liens étroits avec Gazprom. Lorsqu’au début des années
2000, Itera tombe en disgrâce aux
yeux du pouvoir poutinien,
Dmitro Firtach prend en charge le
circuit de livraison du gaz turkmène à destination de son pays,
l’Ukraine,à traverssasociétéEuralTransGas (ETG). A partir de 2004, il
s’associe avec Gazprom, dans
RosUkrEnergo, qui deviendra la
« machine à cash » du groupe DF.
Après la chute de Viktor
Ianoukovitch, dont la présidence
lui a été très favorable, le pire cauchemar de M. Firtach serait un
retour aux affaires – entamé en
coulisses – de son ennemie jurée,
Ioulia Timochenko. Celle-là même
qui, alors premier ministre, avait
attaqué ses positions sur le marché énergétique. Mais c’est des
Etats-Unis qu’est porté le premier
coup majeur contre ses intérêts. p
Piotr Smolar
Un manifestant tué dans des heurts à Donetsk
Un partisan de l’unité de l’Ukraine, âgé de 22 ans, a été tué, jeudi
13 mars, par des manifestants
prorusses lors de heurts à
Donetsk, dans l’Est russophone.
C’est le premier mort de la crise
ukrainienne depuis la prise de
contrôle de la Crimée par les forces russes. Selon le ministère
ukrainien de la santé, il aurait
été poignardé. Seize autres per-
sonnes ont été blessées. Les
heurts se sont produits dans la
soirée. Un millier de partisans de
Kiev s’étaient rassemblés dans
le centre de ce bastion minier.
Mais deux fois plus d’Ukrainiens
prorusses sont apparus, et certains d’entre eux ont réussi à
déborder le cordon de sécurité
de la police. Des heurts violents
ont alors commencé.
Executive masters
Formations diplômantes pour cadres et dirigeants
7Trajectoires
Dirigeants
Labour Economics
for Development
7Ressources humaines
7Gestion et politiques
du handicap
7Sociologie de l’entreprise
et stratégie de changement
7Dirigeant associatif
7Applied
7Communication
7Potentiel Afrique
7Gestion
et politiques
de santé
7Politiques
du vieillissement
et silver économie
7Management
publiques
des politiques
7Finance
d’entreprise et
marchés de capitaux
7Management
des médias
et du numérique
Réunion d’information
jeudi 27 mars à 19h
Sciences Po - 28, rue des Saints-Pères - 75007 Paris
Inscription sur www.sciencespo.fr/formation-continue
0123
international
Samedi 15 mars 2014
Portrait Le tribunal électoral a confirmé la victoire de Salvador Sanchez Ceren,
ALGÉRIE
l’ex-commandant du FMLN, avec un écart minime, face au candidat de la droite
De la guérilla à la présidence du Salvador
San Salvador
Envoyé spécial
E
lu sur le fil du rasoir, l’ancien
commandant guérillero Salvador Sanchez Ceren a été
confirmé comme futur président
du Salvador, jeudi 13 mars. Il
n’aura pas la tâche facile. Son
adversaire de droite Norman Quijano n’a pas reconnu sa victoire et
réclame un nouveau décompte
des voix « bulletin par bulletin».
Cette demande a été rejetée par
le tribunal électoral, qui, après
avoir vérifié tous les procès-verbaux du scrutin du dimanche
9 mars, a confirmé la victoire de
M. Sanchez Ceren avec 50,11 % des
voix, contre 49,89 % à son rival.
M. Quijano a appelé ses partisans à
« maintenir la pression », mais n’a
pas présenté de preuves à l’appui
de ses accusations de fraude.
Accusé par la droite d’être un
adepte du « socialisme du XXIe siècle » inventé par l’ancien président
vénézuélien Hugo Chavez, M.Sanchez Ceren répond que son modèle est « salvadorien » et se dit inspiré par l’exemple de José « Pepe »
Mujica, le président de l’Uruguay,
comme lui ancien guérillero.
Salvador Sanchez Ceren est né le
18 juin 1944 à Quezaltepeque,
à 20 km au nord-est de la capitale,
San Salvador, dans une famille
modeste. Neuvième des douze
enfants d’un menuisier et d’une
vendeuse au marché de la ville, il se
destineà l’enseignement,quiresterasa vocationtout aulong desa vie.
Instituteurà 19 ans,ils’engagedans
le syndicalisme et rejoint en 1972
les Forces populaires de libération
(FPL), une organisation issue d’une
scission du Parti communiste qui
lutte contre les gouvernements
putschistes se succédant dans
lapetiteRépubliquecentraméricaine. En 1980, il participe à la formation du Front Farabundo Marti de
libération nationale (FMLN),
regroupant cinq organisations
rebelles, qui lancent une offensive
armée contre le gouvernement.
Sous le nom de guerre de « commandant Leonel Gonzalez », il
rejoint les maquis de Chalatenango, dans le nord du pays, où de violents combats opposent l’armée et
la guérilla. Dans un de ses ouvrages, La guerra que no quisimos
(« La guerre que nous n’avons
pas voulue », non traduit), il expose les causes du conflit, qui a fait
plus de 75 000 morts et 12 000 disparus en douze ans.
La destruction des
armes de la guérilla,
qu’il supervise,
permet la légalisation
du FMLN
Elu secrétaire général des FPL
en 1983, il est l’un des commandants du FMLN désignés pour
négocier les accords de paix qui
mettent fin à la guerre civile, en
janvier 1992. La destruction des
armes de la guérilla, qu’il supervise, permet la légalisation du
REUTERS
FMLN, qui se transforme en parti
politique en décembre1992.
Elu député en 2000, il conserve
son siège jusqu’au 1er juin 2009. Il
devient alors vice-président de la
République grâce à la victoire d’un
journaliste populaire, Mauricio
Funes, que le FMLN a choisi comme candidat à la présidence. Chargé du ministère de l’éducation, il
lance un programme de distribution d’uniformes, de chaussures et
de matériel aux écoliers. Ce programmeluivaut unegrande popularité dans les familles modestes,
pour qui la rentrée est un cassetête financier.
Médiocre orateur, M. Sanchez
Ceren manque de charisme. Sa formation marxiste ne l’a pas empêché de rester un catholique fervent. « A la différence de Pepe Mujica, il est resté conventionnel», note
une militante du FMLN. « Il a la
maturité politique, l’amabilité, la
décence et l’honnêteté qui ont fait
défaut à l’actuel président Mauri-
5
cio Funes », affirme Salvador
Samayoa, ancien responsable de la
guérilla qui a participé à ses côtés à
la négociation des accords de paix.
Agé de 69 ans et de santé fragile,
M. Sanchez Ceren a choisi Oscar
Ortizpour le seconderà la vice-présidence. Maire populaire de Santa
Tecla, une municipalité proche de
la capitale, M. Ortiz, 52 ans, est un
ancien guérillero des FPL, populaire auprès des médias et des jeunes.
Pragmatique, il a lancé « un message de confiance et d’optimisme »
aux chefs d’entreprise qui ont soutenu le candidat de droite.
« Le Salvador est divisé en deux,
constatait le site El Faro le soir du
scrutin. Le message populaire est
clair : la seule voie est un accord
entre les deux extrêmes permettant
un projet négocié.» Surpris par leur
très faible avantage (0,22 point
d’écart, alors que les sondages en
prévoyaient plus de 10), MM. Sanchez Ceren et Ortiz ont multiplié
lesappelsaudialogueavecl’opposition de droite et le secteur privé.
Sans reprise de l’investissement
et sans création d’emplois, le gouvernement du FMLN ne pourra faire reculer la pauvreté, qui touche
40% de la population, ni la violence des maras, les gangs qui servent
de refuge aux jeunes désemparés.
Sa tâche s’annonce difficile alors
qu’une partie de la droite est tentée
par la contestation dans les rues et
que le patron des patrons, Jorge
Daboub,reprenait à son compte les
accusations de fraude peu après
l’annonce des résultats. p
Jean-Michel Caroit
Legouvernementremaniéen
vuede l’électionprésidentielle
ALGER. Le ministre algérien de l’énergie et des mines, Youcef
Yousfi, 72 ans, a été nommé, jeudi 13 mars, premier ministre par
intérim, en remplacement d’Abdelmalek Sellal, chargé de diriger
la campagne présidentielle d’Abdelaziz Bouteflika, une fonction
que M. Sellal avait déjà exercée lors des élections de 2004 et
2009. Le président sortant brigue un quatrième mandat pour le
prochain scrutin prévu le 17 avril. Deux anciens premiers ministres rejoignent l’entourage de M. Bouteflika: Ahmed Ouyahia,
61ans, a été nommé directeur de la présidence, et Abdelaziz Belkhadem, 68 ans, conseiller spécial du président. p
Les Etats-Unis transfèrent
un prisonnier de Guantanamo en Algérie
WASHINGTON. Le Pentagone a annoncé, jeudi 13 mars, avoir
transféré Ahmed Belbacha, 44 ans, un détenu de la prison de
Guantamano, vers son pays d’origine, l’Algérie, après douze ans
d’emprisonnement sans procès. M.Belbacha était soupçonné de
s’être rendu dans un camp d’entraînement d’Al-Qaida en Afghanistan. Il avait demandé en 2007 à un tribunal américain d’interdire son transfert en Algérie, arguant qu’il craignait d’y être victime de mauvais traitements. – (AFP.)
VENEZUELA
L’arméeoccupe
laville de Valencia
CARACAS. La police vénézuélienne a multiplié, jeudi 13 mars, les
perquisitions et interpellations d’opposants, après cinq semaines de contestation dans les rues. A Valencia, troisième ville du
Venezuela, le gouvernement a fait appel à l’armée pour reprendre le contrôle de plusieurs quartiers. Le président, Nicolas
Maduro, avait annoncé « des mesures drastiques », tout en réitérant ses appels au dialogue. « Personne n’accepte un monologue
ni les directives d’un gouvernement qui a décidé de résoudre la crise en faisant des morts, des blessés, des tortures, des arrestations,
des détenus », a répondu sur Twitter le dirigeant de l’opposition,
Henrique Capriles Radonski. Depuis le début des protestations,
on compte 28 morts et 400 blessés. – (AFP, EFE.) p
Royaume-Uni Le leader de l’opposition exclut
un référendum sur l’UE
LONDRES. Le leader de l’opposition travailliste, Ed Miliband, a
exclu, mercredi 12 mars, dans une tribune publiée par le Financial Times, la tenue, en cas de victoire du Labour aux élections
générales de 2015, d’un référendum sur une sortie de l’Union
européenne, à moins que le Royaume-Uni ne perde de nouveaux
pouvoirs au profit de Bruxelles. – (AFP.)
6
0123
international & planète
Rwanda : la défense
dePascal Simbikangwa
demandel’acquittement
Les avocats du capitaine rwandais jugé
pour génocide dénoncent un procès politique
D
outez et résistez. Ce sont en
substance les deux messages envoyés aux jurés, jeudi 13 mars, par les avocats de la
défense de Pascal Simbikangwa. A
la veille du verdict de la cour d’assises de Paris, Me Alexandra Bourgeot n’a pas démenti que ce procès, le premier d’un Rwandais en
France,lepremier sous le chefd’accusation de complicité de génocide, est « hors norme », mais elle a
considéré que la vice-procureure,
chef du pôle crimescontre l’humanité, Aurélia Devos, n’a bâti
« qu’un château de cartes ». La
veille, l’accusation avait requis la
réclusion criminelle à perpétuité,
l’avocat général Bruno Sturlese
n’ayant « trouvé aucun argument
solide pour atténuer le châtiment ».
L’ambition principale de la plaidoirie de M e Bourgeot fut
d’éveiller le doute dans l’esprit des
jurés sur la crédibilité des témoignages portés contre son client.
Dans ce procès sans victimes directes à la barre, ceux-ci sont la matière première de l’accusation, mais
l’avocate de la défense, pointant
ici « les mensonges » des uns, là « la
“lobotomisation”» d’autres, a lancé aux neuf juges – trois magistrats professionnels et six jurés
populaires –, « cela n’arrive jamais
d’avoir des témoins aussi fragiles.
On nous dit : “Il faut faire avec”.
Mais ce n’est pas possible. Vous
devez être suspicieux. »
Son confrère Fabrice Epstein a
repris la même antienne, tout en
dénonçant « la dictature intellectuelle» qui a régné pendant ces six
semaines d’audience, empêchant,
selon lui, toute remise en cause
des autorités rwandaises actuelles
ou des associations de rescapés
sous peine d’être taxé de « négationniste ». D’après lui, le portrait
de Pascal Simbikangwa a été dessiné à l’avance. « L’homme de l’ombre, l’exécuteur des basses œuvres.
On se croirait dans un roman, mais
qui ne passe pas le crible de la preuve… Tout ce que vous avez, c’est la
rumeur et la réputation.»
Plaidant l’acquittement de son
client, il a fustigé « les construc-
tions » de l’accusation qui veut un
« précédent », qui procède par
« déduction», alors qu’« il n’y a rien
de probant ». « La vérité c’est qu’il
faut un coupable à la hauteur de
l’infraction. Et comme c’est le premier, pas un petit coupable. Un très
méchant, un très puissant. » Or,
rappelle-t-il, « pour condamner il
faut des preuves pleines et entières,
éclatantes… Le doute doit profiter à
l’accusé, vous ne pouvez vous satisfaire de certitudes de complaisance. »
« Ne jugez pas la France »
L’exposé,non dénué d’éloquence, s’est alors fait plus politique.
« L’actionnaire majoritaire de ce
“pôle génocide”, c’est l’Etat français. Il faut du rendement, du
retour sur investissement. Il faut
quel’actionsoitau plus haut, laperpétuité. Sinon, l’Etat français ne
sera pas content et Kigali [la capitale rwandaise] non plus… On vous
demandede poser la premièrepierre de la traque des génocidaires. Ce
n’est pas vos affaires », tonne Fabrice Epstein. Il poursuit : « Vous ne
jugez pas la France de 1994 », dont
le rôle, vingt ans après le génocide
rwandais, quelque 800000 morts
en 100 jours, suscite toujours la
polémique.
Enfin, s’adressant directement
aux jurés populaires, il les exhorte
à ne pas « se comporter en bons élèves», à ne pas « se laisser influencer
par le président » Olivier Leurent,
sous-entendant que celui-ci pourrait manipuler leur vote à des fins
politiques. « J’ai besoin de cinq
“non”. Ceux qui prennent des décisions héroïques sont ceux qui
disent non », conclut Me Epstein.
A la sortie de l’audience, alors
que quelques soutiens à Pascal
Simbikangwa et des membres des
parties civiles s’invectivent, un
avocat de la partie adverse reconnaît que la plaidoirie de Fabrice
Epstein a été brillante, mais qu’il a
éludéune question: commentl’accusé a-t-il pu pendant trois mois
ne pas voir un seul cadavre, alors
qu’il circulait régulièrement dans
Kigali ? p
Cyril Bensimon
DÉTAILLANT - GROSSISTE
Vend aux particuliers
MATELAS
- SOMMIERS
fixes ou relevables - toutes dimensions
TRECA - TEMPUR - DUNLOPILLO - EPEDA - SIMMONS - STEINER - BULTEX...
Les particules fines chinoises deviennent
un sujet de tensions avec le Japon
Tokyo critique Pékin tout en lui vendant des purificateurs d’air par milliers
Tokyo
Correspondance
I
l n’y a pas que les questions historiques et territoriales pour
empoisonnerlesrelationssinojaponaises.Il y a également les problèmesenvironnementaux,àcommencer par la pollution de l’air liée
aux rejets de particules fines, les
plus dangereuses pour la santé.
GraveenChineenraisondel’utilisation massive du charbon, et ne
connaissant pas les frontières, elle
touche régulièrement la péninsule
coréenne et le Japon. Le 26 février,
la concentration en particules a
dépassé dans l’ouest de l’Archipel
70 microgrammes par mètre cube,
niveau à partir duquel les habitants sont invités à rester chez eux.
Les pics de pollution se multiplient et les manifestations de
mécontentement également, dans
un pays aussi sensible aux questions environnementales qu’aux
mauvaises nouvelles venant de
Chine. Tokyo est d’autant moins
enclin à tolérer cette pollution
venue d’ailleurs, qu’il a lui même
fait des efforts dès les années1960
et 1970 pour limiter les effets
nocifssur lasantédeses infrastructures industrielles et de son parc
automobile. Les émissions des
véhicules diesel sont strictement
réglementées.
Aujourd’hui, chaque alerte s’accompagne d’appels à la coopération avec Pékin. En janvier, le président de la Banque asiatique de
développement, Takehiko Nakao,
a demandé aux deux voisins de
« mettre de côté leurs différends et
de travailler ensemble pour l’environnement».
Primes « de pollution »
La pollution aux particules
fines est le premier sujet traité sur
la page d’accueilde l’ambassade du
Japon en Chine. Outre des explicationsetuncomparatifentrelesnormesstrictesretenuesparlesAméricains et celles – plus souples – des
Chinois,lareprésentationdiplomatique multiplie les recommandations comme « porter un masque
spécial en cas de sortie » ou encore
« utiliser des purificateurs d’air à
domicile ». En octobre 2013, le
médecin de l’ambassade, Kazushi
Miyatake, conseillait lors d’un
séminaire consacré au sujet, de
prendre des vacances loin de la
Chine ou de changer de travail.
Le ministère japonais des affaires étrangères envisage des primes
« de pollution » pour le personnel
affecté en Chine. Un pas franchi le
13 mars par le géant nippon de
l’électronique Panasonic. Implanté en Chine depuis 1987, le groupe
serait la première entreprise de
l’Archipel à prendre une telle décision.Contacté,Nissanavoue«réfléchir à la question». Toyota n’a rien
prévu,mêmesi leconstructeurparticipeà des recherchessur lesparticules fines – classées cancérigènes
en2013 parl’Organisationmondiale de la santé – avec l’université
EDF veut protéger
ses personnels en Chine
CANAPES - SALONS - RELAX
CONVERTIBLES
ouverture manuelle ou électrique
pour couchage quotidien
DIVA - STYLE HOUSE - NICOLETTI - BUROV - HOME SPIRIT - SITBEST...
50 av. d’Italie
75013 PARIS
247 rue de Belleville
75019 PARIS
148 av. Malakoff
75016 PARIS
262 bd du Havre
95 PIERRELAYE
01 42 08 71 00 7j/7
Payez jusqu’à 10x sans frais - Livraison gratuite en France
Détails sur
www.mobeco.com
Samedi 15 mars 2014
Pour les plus de 400 collaborateurs qu’il emploie en Chine,
EDF vient de décider d’installer
des purificateurs d’air dans ses
bureaux. L’électricien français,
qui fait surtout appel à une maind’œuvre locale, ne compte sur
place qu’une vingtaine d’expatriés, en poste à Pékin, mais aussi à Shenzhen ou à Taishan, deux
villes situées dans la province du
Guangdong, au sud du pays, qui
ne connaît pas les problèmes de
« smog » dont souffre la capitale
chinoise. A Taishan, EDF mène,
avec le groupe français Areva, le
chantier de construction de
deux réacteurs nucléaires de
troisième génération (EPR).
Des Japonais à Osaka, à 2 250 kilomètres de Pékin, le 26 février. KYODO NEWS/AP
Tsinghua à Pékin. Honda aide
financièrement ses employés à
s’équiper de purificateurs d’air et
Canon distribue des masques.
Hitachi a fait savoir que certains de
ses expatriés renvoyaient leur
famille au Japon.
Dans le même temps, la pollution est une opportunité d’affaires
pour les industriels nippons. Les
Chinois achèteraient un million de
purificateurs chaque année. Sur
dix vendus dans le pays, quatre le
sont par les groupes nippons Panasonic, Daikin ou Sharp.
Panasonic, numéro deux du
marchéchinoisderrièrele néerlandais Philips, offre une gamme de
seize produits pour se protéger
contre les effets de la pollution. Ses
ventes devraient, pour la deuxième année de suite, afficher un
bond de 50 % à la fin de l’exercice
2013 qui s’achève fin mars. La production de son usine du Guangdong a augmenté de moitié.
Daikin, lui, prévoit de vendre
200000 purificateurs cette année,
2,5 fois plus qu’à l’exercice précédent. Le fabricant avoue : « La production n’est pas suffisante pour
répondre à la demande.» p
Philippe Mesmer
planète 7
0123
Samedi 15 mars 2014
Pollution de l’air: l’inertie
de la France depuis vingt ans
Des ministres de l’écologie, de droite comme de gauche, racontent
leurs difficultés à adopter des mesures structurelles au-delà de l’urgence
aaaSuite de la première page
Toutsimplementparce que le sujet
est explosif, surtout à l’approche
d’échéances électorales. S’y attaquer peut fédérer à la fois la colère
des automobilistes qui refusent
que leur liberté de circulation soit
entravéeet celle des constructeurs
quidéfendentlediesel,uneparticularité française puisque plus de
60 % des voitures particulières et
des véhicules utilitaires roulent au
gazole. A ce concert se joint aussi la
voix des agriculteurs dont les
engrais rejettent des oxydes d’azote, également toxiques.
Résultat: même pour des mesures d’urgence, dont tous les experts
conviennent qu’elles ne résolvent
en rien cette pollution chronique,
« il a fallu bâtir un consensus »
reconnaît Philippe Martin, ministre de l’écologie. « La gratuité des
transportsreprésente, rienquepour
l’Ile-de-France, un coût de 3 millions
d’euros par jour. Nous avons dû discuter entre tous les acteurs – Etat,
entreprises, maires – pour partager
ce fardeau.» « Après le gros pic de
pollution de décembre, raconte un
proche du dossier, le ministère a
voulu organiser une table ronde
avec plusieurs élus locaux… Ils ont
demandé qu’elle soit repoussée
après les municipales.»
En réalité, les ministres de l’écologie successifs, de droite comme
de gauche, se sont heurtés aux
mêmes difficultés. Sans jamais
apporter une réponse structurelle
à cet enjeu de santé publique. En
revenant,parexemple,surlafiscalité avantageuse dont bénéficie le
diesel, ou en créant des péages
urbains ou des zones où les véhicules les plus polluants sont interdits.
« Il n’y a jamais eu vraiment de
volonté politique de s’attaquer au
problème», constate Corinne Lepage, titulaire du portefeuille de
mai1995àjuin1997,danslegouvernement d’Alain Juppé. « J’ai ouvert
le bal en faisant voter la loi sur l’air
du 30 décembre 1996, première
transcription dans le droit français
de la directive européenne sur la
qualité de l’air, rappelle-t-elle. Cela
aurait pu être une bonne loi, si… elle
avait été appliquée, ce qui n’a
jamais été le cas. » En cause, « la
peurdes politiques,gauche etdroite
confondus, face au poids des lobbies». Alors que beaucoup de villes
européennes ont mis en place des
péages urbains et la circulation
alternée, « en France, on ne touche
pas à l’automobile», dit-elle.
Chantal Jouanno, secrétaire
d’Etatà l’écologie,de janvier2009 à
novembre2010, dans le gouvernement de François Fillon, déplore
«la solitude» d’un ministre de l’environnement : « J’avais lancé un
“plan particules” destiné à protéger
les sites les plus sensibles (écoles,
etc.). En tout et pour tout, je n’ai pu
mobiliser que 30 millions d’euros,
unepeccadille.» LasénatriceUDI de
Paris explique que «le ministère de
la santé s’associe du bout des lèvres
à ces démarches estimant que ce
n’est pas de son ressort.Celui de l’industrie tient à protéger constructeursautomobilesetconcessionnaires. Et à l’agriculture, pas question
de remetttreen cause les techniques
intensives…»
Delphine Batho, ministre de
l’écologie de Jean-Marc Ayrault jusqu’en juillet 2013, n’est pas plus
optimiste : « Les Français ont été
incités par une fiscalité avantageuse à se tourner vers le diesel, mais ce
choix se retourne aujourd’hui
contre nous, en termes de santé
publique mais aussi en termes
pour la santé de la pollution de l’air
sont provoquées hors de ces pics,
par la pollution quotidienne»,
explique Sylvia Medina, coordinatrice du programme de surveillance Air et santé de l’Institut de veille
sanitaire (InVS). La liste des maux
est longue: asthme, bronchite
chronique, cancer du poumon,
accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde ou encore problèmes placentaires. En octobre2013,
la pollution de l’air extérieur a été
classée parmi les « cancérogènes
certains» par l’Organisation mondiale de la santé.
Comme lors du dernier pic de
pollution, à la mi-décembre2013,
les particules fines en suspension
dans l’air sont émises par le trafic
routier (dont 70% provient, en Ilede-France, de la combustion du diesel), de l’industrie et de l’agriculture. Mais, à la différence du précédent épisode, les chauffages au
bois ne fonctionnent plus en raison de la hausse des températures.
«Ce pic de pollution est favorisé
par un phénomène d’inversion de
température, explique Charlotte
Songeur, ingénieur d’étude à AirParif, l’agence de surveillance de la
qualité de l’air en Ile-de-France. Le
sol refroidit fortement pendant la
nuit tandis que l’atmosphère se
réchauffe rapidement avec le soleil.
Les polluants se trouvent piégés
sous un couvercle d’air chaud.»
Acela s’ajoute une quasi-absence
de vents qui ne permet pas la dispersion des particules. «Cette situation est exceptionnelle de par sa
durée», estime l’experte.
Sans grande surprise, l’exposition à la pollution est plus forte à
proximité du trafic routier. Les
automobilistes sont donc les plus
touchés. « Loin de protéger les passagers des particules, l’habitacle a
plutôt tendance à l’accumuler»,
explique Géraldine Le Nir, ingénieur à AirParif. Le métro ne protège guère plus. Dans les lignes souterraines, les concentrations en
particules fines sont mêmes plus
importantes que dehors, à la fois
en raison de l’espace confiné mais
aussi du frottement des rames lorsqu’elles roulent et surtout freinent. Le bus s’en sort un peu
mieux en évitant davantage les
embouteillages grâce aux voies
réservées.
Restent les modes de transport
les moins nocifs: la marche à pied
et le vélo, en raison de l’absence
d’environnement confiné et de la
possibilité de s’éloigner du flux de
circulation via, par exemple, les
pistes cyclables. Et à condition de
pédaler à un rythme modéré pour
éviter l’hyperventilation et donc
l’inhalation excessive de polluants. p
«Les pics de pollution déclenchent surtout des crises d’asthme,
des irritations de la gorge et des
yeux. Mais 95% des conséquences
naientle problème dudiesel sans s’y
attaquer, pénalisant les plus pauvres».
Philippe Martin ne veut pas
entendre parler à nouveau « d’écologie punitive», celle qui taxe. Trop
dangereuxà la veille des municipales. « La lutte contre la pollution de
l’air est un sujet qui me tient à cœur.
Il y aura donc un volet sur ce sujet
dans la future loi sur la transition
énergétique. Et, après en avoir avertiArnaud[Montebourg], jevaisréunir bientôt les grands patrons de
l’automobilepourévoqueravec eux
l’évolution de leur production. »
Mais de la taxation du diesel, «il ne
sera pas question». p
Marie-Béatrice Baudet
et Pierre Le Hir
LES FILMS DU POISSON ET SAMPEK PRODUCTIONS PRÉSENTENT
La France pourrait être condamnée par la Cour de justice de
l’Union européenne à verser plusieurs millions d’euros par an
pour non-respect des seuils de
pollution de l’air. La procédure a
été lancée en 2011 par la Commission européenne. Le contentieux
porte sur onze agglomérations
ou régions dépassant le seuil
maximal de pollution plus de trente-cinq jours par an et qui
n’étaient pas dotés à cette date
de plan de protection de l’atmosphère. Le ministère de l’écologie assure que sept de ces plans
ont été adoptés et que les quatre
derniers le seront d’ici à juillet.
ON RESPIRE MAL dans une grande
partie de la France et cela dure. Le
niveau d’alerte, atteint à partir
d’une concentration de 80 microgrammes de PM10 (particules de
diamètre inférieur à 10 microns)
par mètre cube d’air, a encore été
dépassé, jeudi 13mars, dans plus
d’une trentaine de départements
de la moitié nord de l’Hexagone.
En Ile-de-France, le seuil de
100µg/m3 a été franchi. Dans une
vingtaine de départements, le
seuil d’information (à partir de
50µg/m3), a été déclenché pour la
neuvième journée de suite.
Quel est l’impact sanitaire ?
industriels », observe la députée
(PS) des Deux-Sèvres. « Dans mon
ministère, je me suis heurtée à une
inertie générale sur ce sujet. » Ellemême a renoncé, en septembre 2012, à mettre en place des
« zones d’action prioritaires pour
l’air». Ces espaces visant à interdire
aux véhicules les plus polluants
l’accès aux centres-villes « contour-
Paris bientôt
condamné par Bruxelles ?
‘‘ Un documentaire lumineux ’’ TÉLÉRAMA
‘‘ Un film fédérateur et républicain ’’ LES CAHIERS DU CINÉMA
‘‘ Une bande de gosses formidables ’’ LE JDD H H H
‘‘ Allez les voir, allez les écouter ’’ LE MONDE
LA COUR DE BABEL
Les poussières toxiques,
un mal chronique
un film de
Julie Bertuccelli
Quel mode de transport vaut-il
mieux privilégier ?
Audrey Garric
© ILLUSTRATION : CHRISTOPHE BLAIN
Pourquoi l’air est-il pollué
en hiver ?
Paris dans un brouillard de pollution, le 13 mars. RÉMY DE LA MAUVINIÈRE/AP
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
8
france
0123
Samedi 15 mars 2014
Manuel Valls, l’homme qui n’en savait rien
Le ministre de l’intérieur revendique avoir appris les écoutes de Nicolas Sarkzoy dans «Le Monde»
I
l n’a rien vu, rien entendu, rien
su. Manuel Valls campe sur sa
positionde départ: c’està la lecture du Monde du 7 mars que le
ministre de l’intérieur, à sa grande
stupéfaction,adécouvertl’existence d’écoutes téléphoniques visant
Nicolas Sarkozy (Le Monde du
14 mars). Christiane Taubira, JeanMarc Ayrault, François Hollande,
tous ont – plus ou moins – varié et
divergé dans leurs versions. Pas
lui. Son cabinet concède tout juste,
vendredi 14 mars, que M. Valls a
été informé des perquisitions du
4mars chez l’avocat de M. Sarkozy,
Thierry Herzog, et le premier avocat général près la Cour de cassation, Gilbert Azibert. Sans poser
plus de questions que ça.
Cela fait du ministre de l’intérieur, dans cette affaire, un véritable récidiviste de l’ignorance. Il
n’aurait,toutd’abord,pas étéinformédelamise enplace d’undispositif d’écoutes de l’ancien chef de
M. Valls atteint dans
ce dossier les limites
du «ni vu ni connu»
déjà expérimenté
au moment de
l’affaire Cahuzac
l’Etat en septembre2013, puis des
soupçons de trafic d’influence qui
sont nés des conversations interceptées entre le 28 janvier et le
11 février par les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières
et fiscales (OCLCIFF).
« Je n’avais pas à être informé de
l’existence de ces écoutes et encore
moins de leur contenu», répète au
Monde M. Valls. Il a été appuyé sur
ce point par Christian Lothion,
directeur central de la police judiciaire (DCPJ) jusqu’au 31 décembre
2013. « Les juges agissent en toute
indépendance, assure le ministre.
Ils avaient bien évidemment
conscience que l’affaire était très
sensible. Quand ils procèdent à des
écoutes, ils ne veulent pour rien au
Le ministre de l’intérieur à l’Elysée, le 17 février. « Je ne convoque pas chaque matin le DCPJ en demandant des informations sur les écoutes », dit-il au « Monde ». A. FACELLY/DIVERGENCE
monde que cela sorte. Les officiers
de police judiciaire qui travaillent
pour eux sont extrêmement sûrs. »
« Quand il n’y a pas de risque que le
ministre informe la personne mise
sur écoute, il n’y a pas de raison de
ne pas lui dire », relativise un haut
responsable policier.
Mais la non-information du
ministre ne s’arrête pas là, puis
qu’il n’aurait ensuite pas été averti
par Christiane Taubira lorsque celle-ci prend connaissance du dos-
sier, le 26 février. Et personne – ni
la ministre de la justice ni le premierministre,prévenuselonMatignon deux jours plus tard –
n’auraitjugébond’alerterle ministre de l’intérieur.
Seule concession, donc, le cabinet de M. Valls reconnaît avoir été
informé des perquisitions du
4 mars. « Quand un acte de procédure judiciaire va avoir un effet sur
l’ordre public, un retentissement
médiatique ou peut nécessiter des
mesures de surveillance, il est bien
évident que le ministre de l’intérieur est informé. On était prévenu,
assure-t-on place Beauvau. Mais
être prévenu de l’acte qui va avoir
lieu chez Untel, et savoir qu’il va
avoir lieu pour tel motif et pour tel
chef de poursuite, ce n’est pas la
même chose. »
Le problème, c’est qu’au ministère de l’intérieur, dans ce domaine, « rien n’est formalisé, car tout
est illégal », résume avec humour
Hollande dans le piège du contre-modèle sarkozyste
Analyse
Surtout, ne pas procéder comme
Nicolas Sarkozy. Ne rien faire qui
donne l’impression d’agir à sa
façon. Ne rien dire qui rappelle de
près ou de loin le personnage.
Une nouvelle fois, les événements
montrent qu’il s’agit là, dans l’écosystème « hollandais», d’un impératif catégorique.
Cette volonté quasi obsessionnelle de se démarquer de Nicolas
Sarkozy est ainsi pour beaucoup
dans la sidérante confusion qui a
saisi le sommet de l’Etat après que
Le Monde eut révélé, le 7 mars, le
placement sur écoutes de l’ancien
président de la République. C’est à
cette aune qu’il faut comprendre
la manière dont l’exécutif a réagi.
Cette réaction peut se résumer
ainsi: « Nous ne savions pas, nous
n’étions au courant de rien, nous
n’avions d’ailleurs pas à l’être.»
Voilà en substance ce qu’ont expliqué Jean-Marc Ayrault, Christiane
Taubira et Manuel Valls. La main
sur le cœur, tous ont juré que c’est
en lisant le journal qu’ils ont tout
découvert. Bel hommage à la presse ? Plutôt un fier aveu d’ignorance. En l’occurrence, ne pas savoir
était censé pour eux être une marque de vertu. La connaissance, à
l’inverse, aurait été suspecte.
En d’autres temps, l’échelle des
valeurs était tout autre. Quand, en
juin2005, en pleine affaire Clearstream, Nicolas Sarkozy fit son
retour place Beauvau après un
bref séjour au ministère de l’économie suivi de quelques mois à
l’extérieur du gouvernement, il
avait expliqué: « Je serai mieux
protégé au ministère de l’intérieur
que par les permanents de l’UMP.»
Plus tard, quand il était chef de
l’Etat, il n’était pas rare que l’exécutif fasse remonter des informations issues de procédures judiciaires, voire le reconnaisse. Exemple : ce communiqué du 22 septembre 2011 dans lequel l’Elysée
affirmait que, « s’agissant de l’affaire dite de Karachi, le nom du
chef de l’Etat n’apparaît dans
aucun des éléments du dossier».
Une phrase imprudente prouvant
que l’Elysée avait connaissance de
l’intégralité du dossier judiciaire.
« Dérives destructrices »
Pendant la campagne présidentielle, François Hollande a vivement condamné de telles pratiques. Dans son livre Changer de
destin (Robert Laffont, 2012),
publié deux mois avant le premier tour, il s’était engagé à y mettre un terme. « La présidence qui
était annoncée comme irréprochable est devenue irrespirable, tant
les interventions de toute nature
et à tous niveaux ont pesé sur le
cours des enquêtes policières et
judiciaires. Je mettrai fin, une fois
pour toutes, à ces dérives destructrices pour la confiance publique
et humiliantes pour les magistrats », écrivait le candidat du PS.
Deux ans plus tard, François
Hollande et les siens interprètent
cet engagement de façon maxima-
liste. Pour convaincre l’opinion
qu’ils n’interfèrent pas dans le
fonctionnement de la justice, ils
assurent qu’ils ne sont au courant
de rien. Ils confondent savoir et
agir. Ils sous-entendent que, pour
être honnête, il faut être ignorant.
Le problème est que cette ligne
de défense est intenable. Elle n’a
d’ailleurs pas tardé à se fissurer.
Après avoir juré le contraire,
M.Ayrault et Mme Taubira ont ainsi
reconnu qu’ils avaient eu connaissance des écoutes visant l’ancien
chef de l’Etat quelques jours avant
que Le Monde ne les révèle, ce qui
n’a rien de condamnable.
Ces aveux sont politiquement
dévastateurs. Ils minent la crédibilité d’un gouvernement qui en a
déjà fort peu. Ils démonétisent sa
parole. Cruel paradoxe: soucieuse
de se démarquer en tout point de
Nicolas Sarkozy, la gauche au pouvoir émousse elle-même les
armes qui lui permettraient de le
combattre. p
Thomas Wieder
un commissaire. Légalement,
l’autorité administrative ne doit
pas être informée des détails et de
l’avancement d’une enquête judiciaire. Le directeur général de la
police nationale (DGPN), le préfet
Claude Baland, s’est d’ailleurs aligné sur la position de son ministre : lui aussi n’a rien su jusqu’au
7 mars. En pratique, le DGPN et le
ministre sont pourtant informés
chaque jour d’affaires et de dossiers, dans un grand flou juridique. Sur le terrain, les enquêteurs
se trouventconfrontésà une triple
hiérarchie: juge d’instruction,parquet, police. « Tu es entre les trois et
tu jongles », explique l’un d’eux.
Dans l’entourage du ministre
de l’intérieur, les sorties médiatiques de l’ancienne patronne de la
PJ de 2004 à 2008, Martine Monteil,prochede Nicolas Sarkozy,irritent au plus au point. Mme Monteil
a jugé « invraisemblable » que le
ministre ne soit pas au courant.
« Il est inquiétant que le non-respect du droit apparaisse comme la
norme, y compris parfois dans la
presse. On en vient à s’étonner que
ce gouvernement n’utilise pas les
mêmes méthodes que ses prédécesseurs ! », juge le ministre. « C’est la
premièrefoisquej’entendsundirecteur central de la PJ laisser entendre
qu’il a violé la loi avec constance»,
appuie le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale,Jean-JacquesUrvoas(PS, Finistère), un proche de M. Valls.
Le ministre de l’intérieur
atteint dans ce dossier les limites
du « ni vu-ni connu » déjà expérimenté au moment de l’affaire
Cahuzac. Il était alors habilement
passé entre les gouttes, alors que
son collègue de l’économie, Pierre
Moscovici,vivaitdes semainesdifficiles. La stratégie avait à nouveau
été utilisée en début d’année lors
de la publicationpar Closerde photos révélant la relation du président avec l’actrice Julie Gayet, un
épisode qui avait posé la question
de la sécurité du chef de l’Etat.
A droite mais aussi à gauche, la
méthodeexaspère. « Il n’est jamais
au courant de rien. Cahuzac,
Gayet… Si le ministre de l’intérieur
n’est pas informé par le DCPJ qu’il y
a des écoutes, alors il ne sert à
rien », s’agace un vieil ami du chef
de l’Etat. « Qui peut le croire ? », a
demandé l’ancien premier ministre Alain Juppé. « On est en droit de
se demander comment Manuel
Valls n’est pas informé. C’est soit
qu’il a menti, soit qu’il est ridicule»,
a attaqué le patron de l’UMP, JeanFrançoisCopé, qui résume là lepiège tendu par l’opposition.
«Detoute façon, ilperd,diagnostique un dirigeant du PS. Soit il
était informé, et c’était le manipulateur. Soit il ne l’est pas, et on dit
qu’il est mauvais. Donc, il ne veut
pas semettredans l’épisode,ou plutôt, il s’en extrait. La com’de Valls,
c’est : circulez, il n’y a rien à voir. »
Mais le ministre de l’intérieur
est contraint d’assumer : « Je ne
convoquepas chaque matin le DCPJ
en demandant des informations
sur les écoutes. C’est le mondeà l’envers,onjettelasuspicionsurdespratiques saines. Il ne reste plus qu’une
alternative: “Soit on ment, soit on
est un imbécile.” Face à cela, il faut
garder son sang-froid. » Et laisser
passer, une fois de plus, l’orage. p
Laurent Borredon
et David Revault d’Allonnes
0123
france
Samedi 15 mars 2014
9
Jean-ClaudeMailly: «Le pacte
de responsabilitén’est
qu’unpactede complaisance»
Le secrétaire général de Force ouvrière durcit le ton
contre la politique économique du gouvernement
A
vant la journée d’actions
que FO organise, mardi
18 mars, avec la CGT, la FSU
et Solidaires, son secrétaire général, Jean-Claude Mailly, explique
sa stratégie. Il dénonce le pacte de
responsabilité après avoir refusé
de signer un relevé de conclusions
sur les contreparties aux baisses
de charges. Jeudi 13 mars, le
bureau national de la CFDT a décidé à l’unanimitéde ratifier ce texte
signé par la CFTC et la CFE-CGC.
« Marché de dupes », « pacte
austère d’unité nationale »…
Vous ne trouvez aucune vertu
au pacte de responsabilité ?
Non, sur la méthode et sur le
fond. Quand on parle de confiance, comme le président de la République l’a fait, on discute avec ses
interlocuteurs avant de lancer une
idée. Or, nous avons découvert le
pactede responsabilitéle31décembre. Quand on procède ainsi, on ne
peut pas parler de dialogue social.
Sur le fond, le président annonce
des allégements de charges pour
les entreprises d’un montant de
30 milliards d’euros et il demande
auxsyndicatset au patronatde discuter des contreparties en termes
d’emploi et de rémunération. Or,
personne ne peut imposer à une
«FOn’estpasdansune
oppositionpolitique.
Nousconsidéronsqu’il
n’yapaseuderupture
surlapolitique
économique»
entreprise d’augmenter ses effectifs ou ses salaires. Et quand je
regarde le relevé de conclusions,
cet objet juridique non identifié,
qu’est-ce qu’il y a comme engagements? Rien. C’est un recyclage de
l’agendasocialparitairede novembre 2013. Ce n’est donc qu’un pacte
de complaisance.
Vous refusez de prendre en compte « l’intérêt général » et de céder
aux « sirènes de la soi-disant responsabilité ». Mais quand la crise
économique et sociale est d’une
telle gravité, n’est-il pas nécessaire que le patronat, les syndicats
et l’Etat cherchent ensemble des
solutions ?
Nous ne sommes pas gestionnaires de l’intérêt général. Nous
n’avons pas vocation à gérer les
entreprises ou l’Etat. Nous représentons les intérêts matériels et
moraux des salariés. Cela ne veut
pasdire quenous ne nous préoccupons pas de la société. Quand nous
disons non au pacte, nous sommes responsables car nous sommes dans notre rôle syndical. La
responsabilitén’est pasd’êtrebénioui-oui. Penser, c’est aussi savoir
dire non. Nous sommes prêts à
chercher des solutions avec le
patronat, il n’y a pas de tabou.
Mais si l’objectif est d’arriver à un
diagnostic partagé, par exemple,
sur la réduction du coût du travail,
notre réponse est non.
Vous réclamez une autre politique basée sur la relance du pouvoir d’achat, le développement
des services publics et des investissements industriels. Vous
tenez pour nulle et non avenue la
réduction des déficits publics ?
Aujourd’hui, une bonne partie
des décisions relève de l’Europe.
Nous sommes européens, mais
nous sommes critiques sur la
manière dont l’Europe se
construit. Quand on a une monnaie commune, un Etat n’a plus la
mainmise sur la monnaie. Cela ne
veut pas dire qu’il n’a pas de marge
de manœuvre mais la France s’est
placée en situation de dépendance
ensignantlepactebudgétaireeuropéen. On met bien plus l’accent sur
les3 % de déficitbudgétairequesur
l’envolée de la dette publique. On
est dans une logique comptable.
Vous parlez de « résistance »,
de « défense » et de « maintien »
des acquis sociaux. Ne craignezvous pas de donner l’image
d’un syndicalisme préférant
le confort de l’immobilisme
à l’audace de la réforme ?
Non. Dans les périodes de crise,
une part importante de l’activité
syndicale est une activité de résistance. Résister, c’est un élément de
progrès. On n’accepte pas que les
salariés paient les conséquences
d’une crise dont ils ne sont pas responsables.L’austéritéest économiquement,socialementet démocratiquement suicidaire.
Vous êtes contre les réformes
de l’Etat-providence ?
Je n’aime pas cette formule. On
est dans une logique de réduction
coûte que coûte du déficit budgétaire sans se préoccuper de la protection sociale et des services
publics. Nous sommes très attachés aux valeurs de la République.
L’égalité républicaine, c’est l’égalité de droits. Nous sommes prêts à
débattre sur le financement des
allocations familiales. Mais, là on
annonce une baisse des cotisations patronales sans aucun débat.
On nous dit que cela n’aura pas
d’incidence sur les prestations, eh
bien j’en doute.
FO a offert longtemps l’image
d’un syndicalisme prompt à
signer des accords. Aujourd’hui,
vous faites la grève du stylo ?
On ne fait pas la grève du stylo.
Je suis un homme tranquille, je
n’ose pas dire une force tranquille
mais pourquoi pas ? Nous sommes partisans de la négociation
car c’est un élément de l’indépendance syndicale. Nous ne rentrons
jamais dans une négociation en
disant qu’on va signer ou non. Ce
qui compte c’est le contenu de l’accord.
La mobilisation du 18 mars estelle dirigée contre le pacte de
«La CFDT a un côté
syndicat officiel»
La CGT est votre nouvelle
meilleure amie ?
Non, l’histoire est tenace.
Quand nos positions concordent
avec celles d’autres confédérations, on est dans l’action commune. Cela n’anticipe en rien je ne sais
quelle recomposition du paysage
syndical.
Et de son côté, la CFDT
est-elle votre adversaire ?
Ce n’est pas un adversaire,
mais elle a un côté syndicat officiel. Elle tamponne tout, c’est son
choix. Depuis l’élection présidentielle, elle n’a rien refusé.
Votre prédécesseur à la tête de
Force ouvrière, André Bergeron,
parlait à son sujet
de « parti syndical »…
Ce n’était pas une mauvaise formule. La CFDT pense qu’elle peut
gérer les entreprises aussi bien
que les patrons et l’Etat aussi bien
que les politiques. Ils sont cogestionnaires, dans une logique d’intérêt général. On ne pratique pas
le même syndicalisme. p
responsabilité alors que la CGT
et la FSU étaient réticentes ?
Dans l’appel, il y a une critique
du pacte de responsabilité. L’accent est mis sur l’emploi, le pouvoir d’achat, la protection sociale
et les services publics mais tout est
lié. FO va confirmer son opposition au pacte de responsabilité.
En 2013, vous avez manifesté
avec la CGT contre l’accord sur
l’emploi et la réforme des retraites avec un faible écho. Ne craignez-vous pas qu’il en soit de
même le 18 mars, surtout à cinq
jours du scrutin municipal ?
Je suis assez optimiste car il y a
plus d’appels à des grèves et à des
manifestations que d’habitude. A
un moment donné, quand trop
c’est trop, il faut qu’il y ait une
Jean-Claude Mailly, à l’Elysée, le 21 janvier. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH POLITICS POUR « LE MONDE »
expression sociale, c’est mieux
pour la démocratie.
Pour vous, M. Hollande a-t-il pris
des mesures positives ?
FO n’est pas dans une logique
d’oppositionpolitique.Nousconsidérons qu’il n’y a pas eu de rupture
sur la politique économique. On a
obtenu des choses – un nouveau
commissariat au Plan, le crédit
d’impôt pour les syndiqués, les
mesures sur les stages ou les travailleurs détachés. Mais le président a eu tort de parler de compro-
mis historique. L’histoire se juge
après, pas avant. p
Propos recueillis par
Michel Noblecourt
n Sur Lemonde.fr
Lire l’entretien en intégralité.
10
0123
france
Samedi 15 mars 2014
Jean-FrançoisCopé
un peuplusaffaibli
à la têtede l’UMP
Les sondeurs dans le brouillard
à moins de dix jours des municipales
J
L
Déjà contesté au sein du parti, le dirigeant
doit faire face à une enquête préliminaire
ean-François Copé pensait pouvoir bénéficier d’un peu de répit
avant les élections municipales.
Après s’être retrouvé dans l’œil du
cyclone début mars pour des accusations de favoritisme, le président de l’UMP avait vu ses ennuis
passer au second plan avec la révélation, le 7 mars, des affaires
concernant Nicolas Sarkozy. Partant du principe qu’un sujet chasse l’autre, M. Copé était repassé à
l’offensive ces derniers jours. Dans
l’affaire des écoutes de l’ex-président, il dénonçait « un espionnage
politique» de la part du gouvernement et réclamait la démission de
la ministre de la justice, Christiane
Taubira. Celui qui se pose en chef
de l’opposition retrouvait des couleurs.
Mais patatras! Jeudi 13 mars, Le
Monde révèle que le parquet de
Paris a ordonné huit jours plus tôt
une enquête préliminaire le visant
implicitement. Son objectif : vérifier s’il a favorisé la société Bygmalion, fondée par ses proches, pour
l’organisation de meetings de la
campagne présidentielle de 2012,
comme l’en accuse Le Point.
M. Copé minimise la portée de
cette enquête judiciaire. « J’en
« C’est une chose de
vouloir mon départ
par jalousie, cela
en est une autre
de trouver
une alternative »
Jean-François Copé
président de l’UMP
prends acte. C’est une opportunité
de montrer que notre gestion est
tout à fait rigoureuse, après avoir
étégravementsalieparune campagnede presse »,affirme-t-ilauMonde. Persuadé que l’annonce de cette enquête vise à nuire à la droite
dix jours avant le premier tour des
municipales, son entourage accuseMichelSapind’enavoirétéinformé à l’avance. Le ministre a évoqué jeudi matin sur Europe 1 des
« juges » qui « continueront à faire
leur travail » au sujet de M. Copé.
Au-delàde la polémique,la révélation de cette procédure judiciaire tombe mal pour le numéro un
de l’UMP. L’épisode peut avoir un
effet démobilisateur sur les électeursde droiteavant les municipales, alors que M. Copé mise sur une
victoire de son camp pour légitimer sa position à la tête du parti.
Unepositiondeplusen plusfragilisée.
Au sein du parti, beaucoup le
jugent « carbonisé», estimant que
sa mise en cause dans l’affaire Bygmalion l’affaiblit un peu plus.
« Son image est sulfureuse, assène
un de ses opposants internes.
Après être passé pour le tricheur
face à Fillon, il passe maintenant
pour un magouilleur.»
Leprincipalintéressélepaienettementdans les sondages, oùil reste scotché dans les profondeurs
des baromètres de popularité. Sa
cote – déjà très basse – chute de six
points dans le tableau de bord
IFOP-Paris Match diffusé le
11 mars. De 37 % de bonnes opinions, il passe à 31 %.
Plus grave : il perd sept points
chez les sympathisants UMP, son
cœur de cible. « C’est un dégât
d’opinion préoccupant pour JeanFrançois Copé, qui reste le malaimé des sondages », observe Frédéric Dabi, directeur général
adjoint de l’IFOP.
« Tout cela doit être remis en
perspective », relativise M. Copé.
Celui qui n’a pas renoncé à ses
ambitions élyséennes pour 2017
compare son parcours à celui d’illustres chefs d’Etat : « Dans l’histoire de notre pays, des leaders de premierplan telsClemenceau,de Gaulle, Chirac ou Sarkozy ont aussi
connu des campagnes de presse
contre eux et des cotes de popularités moins bonnes ensuite. »
Sauf que certains, à l’UMP, se
demandent si le parti peut garder à
sa tête le dirigeant le plus impopulaire de l’opposition jusqu’à la fin
de son bail, prévu en novembre 2015. Ses rivaux internes, qui
n’ont jamais vraiment reconnu sa
légitimité, rêvent de le déloger
avant. « On ne peut pas rester avec
un président si impopulaire», tranche un filloniste. Même un copéiste se demande « comment un chef
departi aussidémonétisépeuttenir
jusqu’aux régionales de 2015 ».
François Fillon et ses soutiens
projettent de mettre la pression
sur M. Copé après les municipales.
L’ex-premier ministre a prévenu
que son meilleur ennemi devrait
« s’expliquer » sur sa gestion des
finances, laissant entrevoir là une
réouverture de la guerre des chefs
qui a failli provoquer une scission
dupartifin2012.«L’ampleurdecette opération anti-Copé dépendra
du score de l’UMP aux municipales », analyse un poids lourd de la
droite.
LesmenacesducampFillonlaissent M. Copé de marbre. Ce dernier
exclut de quitter sa citadelle assiégée après avoir bataillé si dur pour
la conquérir. Il assure qu’il ne
démissionnerapas et rappelle qu’il
a été « confirmé dans [s]es fonctions par 93 % des militants en
juin ». « Avec moi, la maison est
tenue», prétend-t-il.« Copéne capitulera jamais. Il se suicidera dans
son bunker», enrage un filloniste.
Le numéro un de l’UMP s’estime protégé par le manque de prétendants à sa succession, ne
voyant pas qui pourrait le remplacer : « C’est une chose de vouloir
mon départ par jalousie, cela en est
une autre de trouver une alternative.» Ses rivaux y verront, en creux,
le portrait d’un président par
défaut. p
Alexandre Lemarié
MUNICIPALES
A Paris,Anne Hidalgo
menacéeparl’abstention
Un sondage CSA pour BFMTV, Orange et Le Figaro, publié jeudi
13 mars, montre une certaine démobilisation à gauche pour les
municipales à Paris. Dans l’électorat de la candidate PS, Anne
Hidalgo, 49 % de personnes interrogées se déclarent certaines
d’aller voter. Un chiffre en baisse de 5 points par rapport à janvier. La participation de l’électorat de la candidate UMP, Nathalie
Kosciusko-Morizet, resterait stable à 60% (– 1 point). Le sondage
a été réalisé par Internet du 10 au 12mars auprès d’un échantillon représentatif de 802 personnes âgées de 18 ans et plus. p
Justice « Mur des cons » : la présidente
du Syndicat de la magistrature mise en examen
Françoise Martres, la présidente du Syndicat de la magistrature,
a été mise en examen le 17 février pour « injures publiques » par
la doyenne des juges, Sylvia Zimmermann, dans l’affaire du
« mur des cons », ce panneau de photos de personnalités affiché
dans les locaux du syndicats.
L’importance et les effets du vote FN et de l’abstention, notamment, sont difficiles à jauger
es sondages se suivent, ville
après ville, à un rythme de
plus en plus effréné à mesure
que se rapprochent les élections
municipales des 23 et 30 mars.
Que faut-il retenir de tous ces instantanés? Permettent-ils de dessiner une tendance générale ?
Décryptage avec les sondeurs, qui
se montrent très prudents.
Une « vague bleue » ? «Ilyaobjectivement des indicateurs nationaux très mauvais pour la gauche.
La popularité de l’exécutif est au
plus bas. On observe, en réponse à
nos questions, une forte volonté de
sanctionner, à travers les municipales, sa politique », constate Frédéric
Dabi, directeur général adjoint de
l’IFOP.
Pour autant, faut-il s’attendre à
une « vague bleue » ? Rien n’est
moinssûr. « C’est trèsdifficileà évaluer », tempère M. Dabi. « Jamais
lesélectionsmunicipalesn’ontsemblé aussi locales », constate JeanMarc Lech, coprésident d’Ipsos. « Il
n’y a pas de tendance claire », juge
Yves-Marie Cann, directeur chargé
de l’opinion chez CSA. « Il n’y aura
pas de raz-de-marée», estime aussi Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Bref : à quelques jours du premier tour, le
brouillard reste épais, même si la
droite devrait regagner du terrain.
La présence probable du Front
national au second tour dans de
nombreuses villes est pour beaucoup dans ce grand flou. « Le FN se
présente dans près de 600 villes et
la barre du maintien au second
tour n’est plus qu’à 10 % des suffrages exprimés. Le FN peut jouer le
rôle d’amortisseur pour la gauche », constate M. Dabi.
« La tendance devrait être à une
érosionde la gaucheet à unestabilité pour l’UMP. La droite va pâtir du
nombre nettement plus élevé qu’en
2008 de listes du FN, qui mordent
surtout sur son électorat traditionnel», appuie M. Cann. Dans certaines villes phares, le rôle clé du FN
semble ainsi évident. « A Strasbourg, s’il est au second tour, il mettra en grande difficulté l’UMP, dans
l’une des élections les plus observées», illustre M.Cann.
Où en est, justement, le parti de
Marine Le Pen ? « En février, on a
observé un tassement des intentions de vote en faveur du FN, qui
semblait profiter à l’UMP. Mais
dans nos derniers sondages, cela ne
se confirme pas», prévientM. Dabi.
« L’électorat FN est le plus sensible
auxquestionsnationales.Lasuccession des affaires, en ce moment,
peut être de nature à consolider ce
vote», estime M. Teinturier.
L’abstention va-t-elle arbitrer le
scrutin ? La question de « l’absten-
tion différentielle», ou la capacité
de chaque camp à mobiliser plus
que l’autre son réservoir d’électeurs, s’annonce déterminante.
«D’aprèsce quel’on observeaujourd’hui – cela peut bouger –, on pourrait dépasser le record absolu d’abstention pour des municipales. Dans
plusieurs grandes villes, elle peut
dépasser 50% », juge M.Teinturier.
Qui, de la droite ou de la gauche,
saura le mieux persuader ses sympathisants de se rendre aux urnes,
dans un climat global de rejet des
politiques ? Cette question est
d’autant plus sensible lorsque la
participationest faible. «La mobilisation a été la clé de toutes les grandes “vagues”, comme celle pour la
droite en 2008 ou la gauche en
2010 », rappelle M. Dabi. A priori,
les sondeurs donnent pour l’instant un assez net avantage, en la
matière,à la droite, souventde l’ordre de 4 à 5 points. « Il y a, globale-
ment, de bons chiffres de mobilisation de l’électorat UMP. Mais il y a
de grandes variations locales »,
tempère M. Teinturier.
Autreincertitude : la succession
d’affaires (Copé, Buisson, Sarkozy)
peut-elle peser sur les votes ?
« C’est difficile à dire mais je ne le
crois pas. C’est un vote avant tout
local », estime M. Teinturier. « Les
affaires ne modifient pas les rapports de force, mais elles peuvent
jouer sur la mobilisation», pointe
cependant M. Dabi. Le climat délétère des affaires, avec son lot de
rebondissementsquotidiens,ajoute aux incertitudes.
Les sondages municipaux sontils fiables ? Les échantillons sur
lesquels se fondent les sondages
municipaux sont souvent plus
réduitsqueceuxutilisés,parexemple,pendantlaprésidentielle:environ 600 personnes interrogées
contre 1 000. La fameuse « marge
d’erreur» s’en trouve mécaniquement – un peu – augmentée,
même si cette jauge à 600 sondés
demeure pertinente selon la Commission des sondages, l’instance
de contrôle du secteur.
Autre souci, l’évaluation de la
mobilisation est, reconnaissent
les sondeurs, moins fiable que cel-
le des intentions de vote. « C’est le
point que les sondages ont le plus
de difficulté à mesurer, alors que
cela peut impacter fortement le
résultat final. L’abstention fragilise
les outils de mesure », prévient
M.Teinturier.
La prévision des seconds tours,
alors que les résultats des premiers ne sont pas connus, demeure elle aussi très fragile. « L’ordre
d’arrivéeau premier tourest fondamental,avecunavantageaucandidat arrivé en tête. Il y a un effet “vote utile” au second tour », rappelle
M.Dabi. « L’une des principales difficultés est d’évaluer la qualité des
reports de voix, entre listes de gauche comme entre listes de droite »,
poursuit M. Cann. D’autant que
ces reports peuvent dépendre de
négociations locales compliquées,
qui n’ont pas encore eu lieu…
Enfin, dernier écueil, pour les
municipales, le nombre de sondages réalisés par ville est sans commune mesure avec celui des études menées sur une élection présidentielle. « Il n’y a pas de séries »,
relèveM. Dabi.Si, en 2008,les instituts de sondages avaient donné
des estimations plutôt satisfaisantes, ce ne fut pas le cas en 2001,
mauvais cru pour les sondeurs. p
Pierre Jaxel-Truer
M.Mennuccienquêtede«symboled’intégrité»àMarseille
S’il est élu maire, le candidat PS ferait de Laurence Vichnievsky, l’ex-juge, sa première adjointe
Marseille
Correspondance
P
atrickMennucciauramisplusieursmois à convaincreLaurence Vichnievsky de le
rejoindre. Mais le candidat PS à la
mairie de Marseille n’a pas traîné
pour exploiter à fond la présence à
ses côtés de la magistrate qui, avec
Eva Joly, a instruit l’affaire Elf dans
les années 1990.
Le 13 mars, en présentant les
mesuresqu’ilprendraitdanslessix
mois s’il était élu, M. Mennucci a
fait une annonce très symbolique:
il fera de Mme Vichnievsky sa premièreadjointes’il l’emporte.« C’est
un choix de clarté à l’égard des Marseillais, a-t-il expliqué. Mme Vichnievsky est un symbole d’intégrité et le
signequelechangementestenmarche du côté de nos listes.»
Coup médiatique pensé de longue date ou volonté soudaine de
créer un déclic dans une campagnequi a dumal à convaincre?Laurence Vichnievsky,qui a rejoint les
listes PS-EELV il y a dix jours, refuse d’entrer dans ce débat. « J’ai
beaucoup réfléchi avant de m’engager auprès de Patrick Mennucci,
précise-t-elle. Il n’y a eu aucune
négociation, aucune demande de
ma part. Mais il était clair, pour lui
comme pour moi, que je n’envisageais pas de faire de la figuration. »
Avocate générale près la cour
d’appel de Paris, Mme Vichnievsky
vit entre la capitale et Marseille
depuis 2010. Elue au conseil régional PACA, écologiste sans étiquette siégeant avec le groupe EELV,
c’est à la région qu’elle a appris à
connaître le député PS, dont elle
disait, il y a six mois, apprécier « les
qualités de travail et de rigueur».
Si Mme Vichnievsky refuse de se
voir comme le futur «gendarmede
la mairie », sa présence est une
aubaine pour le PS marseillais.
Plombésparles multiplesmises en
examen du président du conseil
général des Bouches-du-Rhône,
Jean-Noël Guérini, mais aussi par
la condamnation, en mai 2013, de
la députée Sylvie Andrieux à un an
de prison ferme pour détournements de fonds publics, dont elle a
fait appel – le procès est prévu en
juin–,lessocialistesmarseillaispeinent à se débarrasser d’une réputation de clientélisme.
Dès qu’il le peut, le sénateur et
maire UMP Jean-Claude Gaudin
rappelle que ses principaux adver-
saires « doivent tout à M. Guérini »,
et « qu’à Marseille, les affaires sont
plutôt chez les socialistes ». La candidature de Pape Diouf, qui peut
coûter des voix à la gauche, s’est
construite,elle, sur la volontéd’apporter « de l’éthique au cœur des
finances publiques».
« Tout est clair »
Au printemps 2013, dès le lancement des primaires, Patrick Mennucci et la ministre Marie-Arlette
Carlottiontpourtantfaitdel’installation d’une nouvelle gouvernance
pour Marseille et de la lutte contre
le clientélisme deux de leurs thèmes principaux. Le 28 février,
Mme Carlotti, candidate PS-EELV
dans le 3e secteur, a demandéà tous
ses colistiers de signer une charte
d’éthique. Autre symbole, plus discret : les fondateurs du groupe
Renouveau PS 13, Laurent Lhardit
et Pierre Orsatelli, pourfendeurs
du « système Guérini» depuis 2011,
ont trouvé place sur les listes.
Ces messages se trouvent considérablementtroubléspar les déclarations de plusieurs adjoints d’arrondissement de Patrick Mennucci, l’accusant dans la presse d’avoir
géréles candidaturesde «façon cla-
nique» et d’accueillir, pour préserver les équilibres locaux, « des
guérinistes sur ses listes ».
« Avec ma nomination, tout est
clair, riposte Laurence Vichnievsky. On tourne la page ! » Quatre
jours auparavant, en marge d’un
meeting sur le Vieux-Port, elle
concédait pourtant que « les signes
de changement étaient plus nombreux dans le programme de
M. Mennucci que sur ses listes ».
Aujourd’hui,lamagistratepréfère s’en tenir aux mesures annoncéespar son candidat: «La transparence des finances municipales, la
findelacogestiondelavilleavecForce ouvrière, la disparition du “finiparti” [usage permettant aux
éboueurs de quitter leur travail
sitôt leur tournée terminée] sont
autant de points sur lesquels je ne
transigerai pas.» «Pas sûr que cette
annonce nous fasse gagner beaucoup de voix dans les cités, s’amusait, jeudi, un cadre du PS marseillais. Mais, pour tous les électeurs
de gauche qui hésitaient à croire
que Patrick Mennucci veut vraiment changer les méthodes, la présence de Mme Vichnievsky est une
garantie.» p
Gilles Rof
GRAND PRIX D’AUSTRALIE
16 MARS 2014
Pour la troisième année
Total soutient Romain Grosjean
pour sa saison F1TM
Vivez la #F1 en live,
suivez @F1TotalOfficiel !
Committed to better energy : Engagé pour une énergie meilleure.
Total F1
FAIRE
CONFIANCE
AU TALENT
12
0123
france
Samedi 15 mars 2014
Enseignement du «genre»:
malaise au sein des écoles catholiques
L’«alchimiste» indiende
Tremblayqui transformait
l’argentde la drogueen or
La police vient de démanteler l’un des plus gros Trois directeurs diocésains ont adressé une lettre à leurs établissements exprimant leur inquiétude
réseaux de blanchiment de trafic de stupéfiants
C
omment, en une semaine,
l’argent du cannabis marocain vendu en France se
transforme-t-il en or sur les étals
desmarchésde Madras?Un «alchimiste » indien, domicilié en SeineSaint-Denis, a trouvé la recette. Les
enquêteurs de la police judiciaire
(PJ) viennent de lui arracher son
grimoire. Après dix mois d’enquête, ils ont ainsi fait tomber l’un des
plus importants réseaux de blanchiment d’argent de la drogue
jamais démantelés en France.
Les policiers l’appellent « l’Indien». Dans son modeste appartement de Tremblay-en-France, ce
chômeur de 32 ans originaire du
Tamil Nadu vivait chichement
depuis des années, ne se déplaçant
qu’en métro ou dans une voiture
hors d’âge. Derrière sa routine discrète de bon père de famille, Sayed,
à la tête d’une galaxie de sociétés
écrans basées à Dubaï, Tanger,
Madras, Bangkok et Hongkong,
brassait des dizaines de millions
d’euros. Il a été mis en examen
pour « blanchiment de stupéfiants », jeudi 13 mars, ainsi que
neuf membres de son réseau, a
annoncé le procureur de la République de Paris, François Molins.
En France, le marché du cannabis est estimé à 3 milliards d’euros
annuels, un flux permanent de
liquidités que les grands trafiquants marocains s’empressent de
blanchir au plus bas coût. Ils délèguent cette mission à une poignée
de « banquiers» établis à Tanger ou
Casablanca, chargés de contacter
les « blanchisseurs » les moins
chers.Le secteur est très concurrentiel.Sayedn’avaitpasd’équivalent:
il ne prenait pas de commission.
Bijoux et café moulu
Depuis au moins quatre ans, il
récupérait le fruit de la vente du
cannabis auprès de « collecteurs »
français opérant pour des trafiquants marocains. Il se chargeait
de l’acheminer à Bruxelles dans
des sacs de sport remplis de billets.
Une partie de cet argent était réinvestie dans de l’or, fourni par un
fondeur anversois. Trois fois par
semaine, des « porteurs » indiens
s’envolaient pour Dubaï avec des
sacs de billets ou quelques kilos de
D
ifficile, pour l’enseignementcatholique,dese tenir
à l’écart de la polémique sur
le « genre». Même si ses 8 300 établissements, qui accueillent 2millions d’enfants, ne sont pas concernés par les « ABCD de l’égalité» – le
dispositifdeluttecontrelesinégalités filles-garçons qui a alimenté,
ces dernières semaines, les
rumeurs les plus folles ; même si
son secrétaire général, Pascal Balmand, a misé sur la discrétion
depuis que des groupes extrémistes combattent l’« invasion» d’une
prétendue « théorie du genre » à
l’école,la controversevientderefaire surface au niveau local.
Trois documents que Le Monde
s’est procurés, signés de hauts
cadres de l’enseignement catholique – les directeurs diocésains de
Laval, Saint-Etienne et Avignon –
rappellent que l’inquiétude existe
dans ces écoles associées au service
public de l’éducation mais qui sont
aussi sous la cotutelle des évêques.
Les missives ont beau n’émaner
que de trois directeurs diocésains
sur 85, elles ont semé « un certain
malaise sur le terrain », reconnaît
Bruno Lamour, secrétaire général
de la FEP-CFDT, majoritaire parmi
métal jaune, déclarés à la douane
grâce à de fausses factures émises
par les sociétés de Sayed.
A Dubaï, une partie du liquide
était déposée dans des bureaux de
change contrôlés par les « banquiers» marocains, l’autre injectée
dans le circuit bancaire ou investie
dans l’immobilier. Mais c’est grâce
à l’or que « l’Indien » a établi son
empire. Fondu, transformé en
bijoux, le métal était acheminé au
cou et aux oreilles de « porteurs »
par avion, direction Madras. Une
autre partie, réduite en poudre,
prenait la route, via la Birmanie,
dans des boîtes de café moulu.
La marchandise pénétrait ainsi
enInde,premierimportateurmondial d’or, sans s’acquitter de la TVA.
L’argent de la drogue se retrouvait
transmutéen métaljaune etvendu
au cours local sur les marchés du
Tamil Nadu. Sayed se rétribuait en
empochant le delta de la TVA, soit
10% de la valeur de la cargaison. En
garde à vue, il a timidement admis
avoir recyclé 36 millions d’euros
depuis 2010. Les enquêteurs évoquent volontiers la somme de
200millionsd’euros par an. «Sur le
plan criminologique, c’est génial »,
s’extasie-t-on au parquet de Paris.
Cette enquête, baptisée « Rétrovirus», est le second volet de l’opération«Virus», déclenchéeenoctobre 2012 par la Direction centrale
de la police judiciaire. Ce premier
coup de filet avait mis au jour un
réseau de blanchiment extrêmementsophistiqué,estiméà 170millions d’euros par an. Le stratagème
consistait alors à remettre l’argent
de la drogue à des fraudeurs fiscaux désireux de profiter de leurs
liquidités en France, qui mettaient
en échange la contre-valeur de
leurs comptes bancaires suisses à
la disposition des trafiquants.
C’estun des « collecteurs» interpellés dans l’affaire « Virus » qui a
orienté les enquêteurs vers « l’Indien». Ils ont découvert une structurede blanchimentparallèled’apparence plus rudimentaire – sacs
de billets, importation frauduleuse de matières premières –, dont
l’ampleur,à quelques saisies douanières près, avait jusqu’ici échappé aux radars. p
les 140 000 professeurs du privé.
Du côté du secrétariat général de
l’enseignement catholique, à Paris,
où l’on ne veut pas s’exprimer
avant les municipales – «par crainte d’une récupération» –, on se borne à rappeler que «l’école privée ne
fonctionne pas de manière centralisée ». Façon de dire que ces lettres
n’engagent que leurs signataires.
Sur bien des points, ces courriers adressés à la communauté
éducative (principaux, professeurs, parents…) se ressemblent.
Deux sont quasi-identiques. Ton
ferme, distinction appuyée entre
ce quirelève des « études de genre »
et de la « théorie du genre »… et rappel du projet de l’école catholique
qui suit les préceptes de l’Eglise.
Dans les lettres émanant d’Avignon et de Saint-Etienne, la
condamnationdes ABCDde l’égalité est explicite, même s’ils ne sont
pas nommés. « La lutte contre les
inégalités annoncée par le ministère (…) part d’un présupposé qu’il
existe au sein des établissements
scolaires des conflits fréquents
entre filles et garçons, écrivent les
directeurs diocésains Thierry
Aillet et François-Xavier Clément.
Nous pensons qu’il serait grave
d’obérerl’équilibredes enfants avec
leprétextede cesprétendusconflits,
en ouvrant un chemin de confusion
autour de la construction de leur
identité féminine ou masculine.»
Plus nuancé, Philippe Paré de
Laval, écrit : « Les études sur le
genre peuvent poser des questions
légitimes et intéressantes et nous
sommes appelés à nous en servir.
(…) Cependant, le passage voulu
«Les milieux institués
catholiques
sont dans une
valse-hésitation»
Claude Lelièvre
historien
par certains de l’étude sur le genre
à l’imposition à tous de la théorie
du genre dans sa version la plus
radicale opère un glissement que
nous ne pouvons soutenir.»
La controverse sur la littérature
jeunesse n’est pas éludée :
MM. Aillet et Clément appellent
au « discernement» face à certains
ouvrages « dont le titre suggestif
cachedifficilementl’intentionidéologique ». M. Aillet cite, entre
Les mésaventures du film «Tomboy»
DÉBUT FÉVRIER, le collège privé
catholique Saint-Martin d’Angers
s’est attiré une notoriété dans la
presse locale et sur les réseaux
sociaux dont il se serait bien passé. Son directeur a décidé de reporter la projection du film Tomboy
prévue pour ses élèves de 4e, le
4février. Un mois après, Alain
Bizon ne souhaite plus s’exprimer sur le sujet. Et la direction diocésaine d’Angers se borne à rappeler que le chef d’établissement,
suite à des « pressions extérieures », a déposé une main courante.
« Un père d’élève et un représentant de la Manif pour tous étaient
venus menacer d’empêcher la projection, invoquant la théorie du
genre », raconte une mère d’élève,
indignée que « des parents
veuillent ainsi peser sur les contenus enseignés». Le directeur a,
selon elle, préféré « temporiser».
Les enseignants, eux, ont choisi
Soren Seelow
d’exercer leur droit de retrait,
raconte la jeune femme. « Ils ont
gardé les enfants en classe, sans faire cours. La semaine d’après, le
film a pu être reprogrammé.»
« Motifs fantasmés »
Le 28février, Mgr Emmanuel Delmas, évêque d’Angers, a déploré la
projection de Tomboy dans les établissements privés de la ville. « Il
est objectivement contraire au projet éducatif de l’enseignement
catholique», a-t-il affirmé. Ce qui
fait sortir de ses gonds le syndicat
d’enseignants du privé FEP-CFDT.
«La branche dure du catholicisme
se crispe pour des motifs infondés,
fantasmés», lâche Pierrick Dima,
secrétaire départemental. « Il faut
avoir vu le film avant de le critiquer
et d’oser remettre en cause un support que l’éducation nationale a
sélectionné.»
L’émotion est palpable à l’asso-
ciation Les Enfants du cinéma, qui
coordonne le dispositif « Ecole et
cinéma». «Les annulations étaient
marginales lorsque le film, sorti en
2011, est entré dans le catalogue»,
explique le délégué général, Eugène Andréanszky. « Mais à l’automne 2013, dans le contexte postmariage pour tous, ça a commencé
à coincer». Le distributeur Pyramide évoque des « annulations politiques», «surtout avec les établissements privés».
«Dans le Maine-et-Loire,
reprend M.Andréanszky, face aux
pressions, même les enseignants les
plus convaincus de l’intérêt du film
se mettent à redouter une surréaction de parents.» Sa crainte: que
Tomboy, «l’un de ces rares films
contemporains à hauteur d’enfant», soit « fragilisé» au point que
«plus personne ne veuille le programmer» à la rentrée 2014. p
M. Ba.
autres, Tous à poil !, contre lequel
l’UMP est partie en croisade en
février. Mais c’est Tomboy (2011)
film de Céline Sciamma salué par
la critique, qui fait partie depuis
2012du programme« Ecoleetcinéma », qui s’attire les foudres de
deux signataires sur trois. « Nous
ne pouvons pas accepter de relayer
la proposition“pédagogique”à destination des écoliers et collégiens
du film Tomboy. » En un an, celuici a été projeté à 46 800 élèves de
CE2, CM1 et CM2. Des projections
ont été annulées (15 classes à Paris
en 2013).
« Toute la question est de savoir
si ces courriers sont l’expression
d’une opinion, une pièce versée au
débat, ou si l’on est face à l’imposition d’une pensée unique », relève
Bruno Lamour, de la FEP-CFDT. S’il
manielanuance,ilnecachepasson
embarras: « On interviendrait alors
surunespaced’enseignementsacralisé par les programmes. Que ce soit
lechapitre“Devenirhommeoufemme”enSVTen1re ouledispositif“Ecole et cinéma”, ça ne se conteste
pas ! » Sur ces questions, « les collègues sont partagés. On n’est ni tous
pour, ni tous contre. Il y a une masse
silencieuse, et beaucoup qui ne se
sentent pas concernés…»
Dans un éditorial diffusé en
interne en février, le secrétaire
général, Pascal Balmand, a rappelé
quelques idées fortes: « Les parents
sont les premiers éducateurs de
leursenfants.(…) Ladéfensedel’égale dignité de toute personne humaine et le respect de l’altérité conduisent à refuser tout recours idéologique à une théorie du genre. (…) C’est
aux enseignants et éducateurs
qu’incombe, sous l’autorité du chef
d’établissement, la responsabilité
de ce qui est transmis aux enfants.»
« Les milieux institués catholiquessontdansunevalse-hésitation,
analyse l’historien Claude Lelièvre,
d’autant qu’ils disposent désormais
dedeuxtextesderéférenceenmatière d’éducation sexuelle.» A une circulaire ministérielle de 2003 qui a
rendu obligatoires, dans le public
et le privé sous contrat, trois séances annuelles d’éducation à la
sexualité, s’ajoute un « guide »
qu’ils ont eux-mêmes promulgué
en 2010. Difficile, dans ces conditions, d’éviter les tiraillements. p
&
tent
n
e
s
é
pr
L
I
r
V
A
2
1
4
1
Du
0
2
I
A
N!
M
o
I
t
4
P
E
Au
’EXC
© andyparant.com
Es D
N
I
A
iL
M
20 avr
3 sE
nche
r
séjou
t
r
u
o
tir de
r
a
p
à
C
219 €
ne*
rson
e
p
r
pa
com
hotice.
disereww.val
s sur w
ndition
co
ir
Vo
ES
N
U
Rt gratuit
BBCoB
nCer
Dima
Mattea Battaglia
0123
13
france
Samedi 15 mars 2014
Alcoolisme: feu vert officiel à la prescription de baclofène
L’Agence du médicament fournit aux médecins un cadre pour délivrer la molécule, déjà utilisée par 100000 patients. Une décision très attendue
L
es médecins ne seront plus
seuls face à la prescription de
baclofène pour traiter la
dépendance à l’alcool. L’Agence
nationale de sécurité du médicament (ANSM) a détaillé, vendredi
14 mars, la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) qu’elle
a décidé d’octroyer dans cette indication – elle sera effective dans les
toutprochains jours.C’est une première: jusque-là, le baclofène était
prescrit aux patients alcooliques
en dehors de son indication initiale, par des médecins assumant
seuls les risques en cas de problème. « Ils seront désormais accompagnés », explique Florent PérinDureau,responsabledu pôlemédicaments du système nerveux central de l’agence. Autorisé en 1974,
ce myorelaxant était indiqué dans
le traitement des spasmes musculaires, à des doses de 30 à 80 mg
par jour. Mais pas pour guérir de
l’alcool. Or il est aujourd’hui déjà
utilisé dans cet objectif par quelque 100 000 patients, et prescrit
par près de 10 000 médecins. Pour
eux tous, la décision de l’ANSM est
une victoire. « Cette annonce
conclut six ans d’efforts », résume
SylvieImbert, présidentede l’association Baclofène.
L’ANSM a retenu deux indicationsassezlargespourles prescripteurs : la diminution de la consommation et le maintien de l’abstinence après l’obtention du sevrage (suite à une hospitalisation par
exemple). La prescription ne devra
intervenir qu’après échec des traitements déjà autorisés. Les
patients déjà sous baclofène continueront logiquement d’être ainsi
traités. Tous les médecins (généraliste, psychiatre…) pourront prescrire la molécule. L’agence insiste
sur le nécessaire suivi psychosocialdu patientet l’expérience du
médecin en matière d’alcoolisme.
La décision était très attendue
par les défenseurs comme par les
détracteurs de ce médicament qui
défraye la chronique depuis cinq
ans. Tout particulièrement les
dosesrecommandéeset les contreindications. La prescription devra
être progressive. Au-delà de
120 mg par jour, le médecin devra
prendre l’avis d’un confrère.
Au-delà de 180 mg, il devra organiser une discussion collégiale. Le
baclofène est contre-indiqué pour
les malades atteints d’épilepsie
graveou de pathologiespsychiatriques sévères (schizophrénie, bipolarité et certaines dépressions...),
dufait deses possibleseffetssecondaires. Ce qui pourrait décevoir.
La RTU est valable pour trois
ans. Une autorisation de mise sur
le marché (AMM) pourrait intervenir par la suite dans cette nouvelle
indication, mais pour l’heure, les
données ne sont pas, aux yeux de
l’ANSM, suffisantes pour démontrer un rapport bénéfice-risque
favorable. Les patients seront
recensésdansunfichier,ce quipermettra de suivre de près les effets
secondaires, jusqu’ici peu notifiés.
Avant de donner son feu vert,
l’ANSM avait donc besoin d’un
accorddela Commissionnationale
informatique et libertés (CNIL). Ce
qu’elle a obtenu, jeudi 13 mars. Un
portail Internet sera ouvert pour
guider prescripteurs et patients.
L’addiction à l’alcool concerne
environ2 millionsde personnesen
France et causerait 45 000 décès
par an. Le baclofène agit notamment sur le « craving», l’envie irrésistible de boire. C’est le médecin
Olivier Ameisen, décédé en 2013,
«C’est une grande partie de ma vie que j’ai perdue»
qui a expérimenté sur lui-même le
baclofène, qui l’a guéri. La publication de ses travaux, en 2004, était
passée inaperçue. Pas son livre, Le
Dernier Verre (Denoël), paru en
2008. Des alcooliques l’essayent,
deviennent indifférents à l’alcool,
et relatent sur Internet leurs expériences. De plus en plus de médecins le prescrivent. D’autres restent sceptiques, voire critiques.
Pas la panacée
Les chiffres montrent l’engouement, et des résultats intéressants.
Entre 2007 et 2012, le nombre de
patients qui se sont fait rembourser des boîtes de baclofène a presque doublé. L’explosion des ventes a conduit l’ANSM à s’auto-saisie. Fin 2013, l’Association nationale de prévention en alcoologie et
addictologie a mené une enquête
auprès de 1 200 patients de son
réseau de soins : 9,3 % avaient pris
du baclofène au cours des douze
mois précédents. Parmi les 700
déclarant prendre un traitement
médicamenteuxle jourdel’enquête, 11,6 % prenaient du baclofène ;
un peu moins de la moitié (43 %)
d’entre eux étaient abstinents.
Pour le docteur de Beaurepaire,
chef de pôlede psychiatrieà l’hôpital Paul-Guiraud (Villejuif), défenseur et prescripteur de la molécule, le baclofène n’est rien d’autre
qu’une « révolution », car « on ne
savait pas jusqu’ici soigner les per-
sonnes dépendantes de l’alcool ».
La palette de médicaments est
en effet limitée. L’acamprosate
(Aotal) et la naltrexone (Revia), les
deux produits les plus prescrits,
refrènent l’envie de boire et aident
au maintien de l’abstinence.
Quant à la molécule la plus ancienne, le disulfirame (Espéral), c’est
une « arme de dissuasion», provoquant des symptômes désagréables en cas d’absorption simultanée d’alcool.
« Les médicaments font partie
de la panoplie qui peut aider les
gens à lutter contre leur addiction
mais une thérapie ne peut reposer
exclusivement sur la prise d’un
médicament», explique Bertrand
Nalpas, directeur de recherche à
l’Insermet alcoologue,qui ne prescrit pas de baclofène car il estime
que les données objectives concernant son efficacité et sa tolérance
sont encore insuffisantes.
Tous savent que le baclofène
n’est pas la panacée. Il ne fonctionne pas pour tous les patients, et les
effets indésirables (risques de suicide et de décompensation,épilepsie, chutes, etc.) sont nombreux.
Jusqu’ici, c’est en France que le
baclofène était le plus prescrit
contre la dépendance à l’alcool.
Ailleurs cependant, des médecins
commencent aussi à suivre la voie
d’Olivier Ameisen. p
Laetitia Clavreul
et Pascale Santi
La deuxième vie d’un médicament commercialisé en 1974
1974 Le baclofène est autorisé
dans le traitement des contractures musculaires. Commercialisé
sous le nom de Liorésal (puis en
génériques), ce myorelaxant est
une molécule de synthèse dérivée
de l’acide gamma-aminobutyrique, un neurotransmetteur présent dans le corps et servant à inhiber le système nerveux central.
Mélanie, 61 ans, avait multiplié les thérapies pour tenter de se défaire de sa dépendance à l’alcool. NICOLAS KRIEF/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
Témoignage
Quand Mélanie (un prénom d’emprunt) entend son mari monter à
l’étage, où elle a son petit bureau,
elle se demande encore parfois si
elle a bien caché les bouteilles. Il
n’y en a plus, pourtant, depuis
2012, date à laquelle elle a testé le
baclofène, ce décontractant musculaire qui peut couper l’envie de
boire. Pendant trente ans, la
dépendance à l’alcool a fait partie
de son quotidien.
Cette très jolie femme de 61 ans
a donné rendez-vous au bar d’un
hôtel chic, non loin de Paris. Un
lieu en adéquation avec son style
élégant et son milieu aisé. Cette
Allemande a connu une belle carrière dans sa jeunesse, avant de
rencontrer, au sein de la société
informatique où elle travaillait,
un cadre venu de France. Elle le
suit et retrouve des postes grâce à
sa bonne maîtrise de l’anglais,
puis préfère rester au foyer et se
consacrer à la musique.
L’image est lisse, rien ne laisse
deviner l’envers du décor. « Mon
mari dit que j’ai deux personnalités, la sobre et l’autre», résume-t-elle. Une part sombre, qui lui
a fait développer bien des stratégies pour boire en toute discrétion ou faire semblant de ne pas
avoir oublié la conversation de la
veille, qui a mal tourné. Durant les
dernières années, elle buvait deux
bouteilles et demi de vin par soir.
Quand elle commençait, elle ne
pouvait plus s’arrêter. Jamais elle
n’a bu seule devant son homme:
« Il aurait voulu en discuter, cela
m’aurait gâché le plaisir. » Il a supporté les soirées où elle se saoulait
devant ses collègues, la crainte à
chaque voyage d’affaires. Un jour,
alors qu’il était parti raccompagner un ami, elle s’est cassé le col
du fémur, devant la maison.
En public, Mélanie savait se
tenir, n’était pas agressive. C’était
parfois différent à la maison. Pendant vingt-six ans, son mari l’a
soutenue, c’était pourtant « de
pire en pire ». « C’est un amour.»
Elle le sait inquiet: « Parfois, il n’arrive pas à croire que c’est définitif,
que le miracle est arrivé. »
Mélanie commence à boire
avec des proches, à 17 ans, après
avoir quitté le domicile familial.
Elle travaille quelques années
dans une compagnie aérienne,
puis devient barmaid dans une
discothèque. Elle aime « l’atmosphère de la nuit ». Cigarettes à
gogo, verres offerts par les clients,
un peu de cocaïne. C’est l’époque
où elle boit « de la bière pour la
soif, de l’alcool fort pour le plaisir». Vers 30 ans, elle arrête,
devient assistante de direction.
S’alcoolise le soir. Elle se marie,
arrive en France, veut en finir
avec ses addictions. Elle réussit…
« sauf pour l’alcool ». « Je ne parlais
pas français, j’avais le mal du
pays. J’avais pitié de moi-même et
plein de bonnes raisonsde boire. »
Arrêter, elle l’a fortement voulu. Elle tenait trois jours, jamais
plus. Elle égrène les thérapies suivies. La première thérapeute ne
connaissait rien à l’alcool. Elle
avait été conseillée par leur médecin, contacté par son mari « après
un breakdown». Trois autres
n’ont pas été concluantes: « Une
fois que j’avais vidé mon sac, ça
tournait en rond. J’attendais qu’on
me pose LA question à laquelle je
n’avais jamais pensé, qu’il y ait un
déclic. Cela n’a pas été le cas. » On
lui prescrivait alors des médicaments, « Aotal, Valium, Lysanxia ». Sans succès.
Elle n’a jamais cru aux cures.
Trop de risques de rechute. «Je
savais que ce n’était pas le sevrage
corporel qui pourrait me sauver. En
vacances, je ne pouvais pas boire
C’est la délivrance:
«Je n’ai plus envie
de boire. J’étais même
un peu dégoûtée»
sans être vue, mon corps était
clean. Mais ma tête ne suivait pas. »
Elle a tenté l’hypnose, qui lui a permis d’arrêter le whisky. Pas le vin.
Jusqu’en mai 2012, où elle
découvre le baclofène. Pas grâce à
un médecin, mais dans un dossier
du Nouvel Observateur, dans
lequel est interrogé le psychiatre
Bernard Granger, qui en prescrit.
« Au premier rendez-vous, je lui ai
dit directement: j’ai tout essayé, je
suis là pour avoir du baclofène.»
Elle l’aura en juin.
Elle commence par un comprimé, puis plus. Pendant deux
mois, cela n’a aucun impact sur sa
consommation. Elle est fatiguée, a
quelques vertiges. C’était déjà le
cas avant. Elle persiste, et le
19 août, c’est la délivrance: « Je
n’ai plus eu envie de boire, j’étais
même un peu dégoûtée. » Elle prenait 5 comprimés trois fois par
jour, soit 150 mg. Un an après, elle
était à 180. Elle est depuis redescendue à 90. Il lui arrive de boire
un verre avec son mari. « Du vin
rouge, parce que c’est bon pour la
santé !, s’amuse-t-elle. Mais je n’ai
pas envie de me saouler. » Même
en cas de tristesse, ce n’est plus la
solution.
Elle a lu Le Dernier Verre, du docteur Ameisen. « Ce livre m’a fait
pleurer, parce que je me suis retrouvée et sentie comprise.» Elle avait
jusque-là réussi à raconter son
épreuve avec sang-froid, et laisse
d’un coup échapper des larmes.
Jamais elle n’a parlé de sa dépendance à quiconque – seuls sa
famille et ses amis allemands
savent. « En France, l’alcoolisme est
vu comme une lâcheté, et les gens
croient qu’il existe pour tous une
prise en charge thérapeutique.»
Elle remercie son corps de ne
jamais l’avoir lâchée, et dit simplement que son existence est devenue « beaucoup plus facile» :
« C’est une grande partie de ma vie
que j’ai perdue. Il y a trente ans de
trous noirs.» Le couple n’a pas eu
d’enfants. « Je ne crois pas que cela
aurait été compatible avec la maladie», glisse-t-elle. L’envie d’ivresse
a disparu, mais elle se définit «toujours comme alcoolique ». Peutêtre prendra-t-elle du baclofène à
vie. En allant comme aujourd’hui
le chercher « à la pharmacie ». Pas
à « sa » pharmacie, pour éviter
questions et réflexions. p
L. Cl.
2009 Renaud de Beaurepaire
(hôpital Paul-Guiraud de Villejuif,
Val-de-Marne) publie une étude
d’observation. Après un an de traitement à des doses croissantes et
personnalisées (147 mg/jour en
moyenne), 50 % des 100 patients
testés sont abstinents ou boivent
une quantité modérée d’alcool.
2004 Le cardiologue Olivier Ameisen publie dans la revue scientifique Alcohol and Alcoholism un
article dans lequel il analyse sa
propre délivrance de l’alcool avec
le baclofène. Il avait été inspiré par
un paraplégique qui avait ainsi surmonté son addiction à la cocaïne.
2012 Deux essais cliniques sont
lancés : Bacloville, étude comparative contre placebo, par l’AP-HP
auprès de 320 patients, et Alpadir,
auprès de 316. A l’issue de ce dernier, son promoteur, le laboratoire
Ethypharm, pourrait demander
une autorisation de mise sur le
marché pour cette indication.
2008 M. Ameisen publie Le Dernier Verre (Denoël, 298 p., 19,25 ¤),
dans lequel il décrit sa guérison.
2013 L’ANSM réfléchit à une
recommandation temporaire
d’utilisation pour l’alcoolisme.
A la Française
pariS 15e
Le savoir-faire
Un savoir-faire reconnu au service du
confort et de l’esthétique, un choix de cuirs
unique, parmi les plus beaux du monde.
Labels NF Prestige et Entreprise du
Patrimoine Vivant.
en mars, offres
exceptionnelles
2
Canapés, literie
, mobilie
0m
r : 3 00
i
d’env
es !
www.topper.fr
7j/7 • M° Boucicaut • P. gratuit
Canapés : 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40
Literie : 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10
Mobilier : 145 rue St-Charles, 01 45 75 06 61
Meubles Gautier : 147 rue St-Charles, 01 45 75 02 81
14
culture
0123
Samedi 15 mars 2014
Van GoghArtaud,
l’électrochoc
Au Musée d’Orsay, réflexion sur la
proximitéentre le poète et le peintre
Art
L
e 24 janvier 1947 s’ouvre au
Musée de l’Orangerie à Paris
une rétrospective Vincent
Van Gogh (1853-1890). Le galeriste
Pierre Loeb suggère à Antonin
Artaud, libéré l’année précédente
de l’asile de Rodez, où il était enfermé depuis 1943,d’écrire sur le peintre. Artaud (1896-1948), qui a plusieurstextesencoursets’estvuproposer par Gallimard une édition de
ses œuvres complètes, ne lui prête
guère attention.
Maislaparutiond’undesinnombrables livres rédigés par des psychiatressurVanGogh,celuideFrançois-Joachim Beer, Du démon de
Van Gogh, le met en fureur. Le
2 février, il visite l’exposition en
compagnie de Paule Thévenin.
Entre le 8février et le 3 mars, il écrit
en partie et dicte pour l’autre part
Van Gogh, le suicidé de la société,
qui sort en librairie en décembre.
Entre-temps, en juillet, Pierre Loeb
a montré dans sa galerie les Portraits et dessins d’Artaud.
Telles sont les circonstances de
la conjonction entre le peintre et le
poète, et l’argument sur lequel l’exposition qui se tient à Orsay est
conçue. Ce n’est donc pas une de
ces rencontres chics entre deux
noms illustres, comme les musées
aiment à en organiser parfois pour
accroître leur fréquentation, mais
une véritable réflexion. Isabelle
Cahn,la commissaire,a construit le
parcours au plus près du livre, proposant de revoir quarante-cinq
Van Gogh avec les mots d’Artaud
en tête et une dizaine de dessins
d’Artaud dans la proximité de Van
Gogh. L’accrochage est un modèle
du genre et la scénographie d’une
sobriété rare en ces lieux, de sorte
que rien ne vient gêner l’observation des œuvres.
Celles-ci, pour la plupart, sont
trèsconnues.Ellesviennentdescollections du Musée d’Orsay, du Van
Gogh Museum d’Amsterdam, du
Metropolitan de New York, du
Kröller-Müller d’Otterlo, de la
National Gallery de Washington,
du Folkwang Museum d’Essen. Il
n’y a dans l’exposition que peu de
Van Gogh rarement exposés, issus
de collections privées. Il en est de
même des Artaud, dessins « fous »,
portraits et autoportraits. Mais
cela n’a aucune importance, car un
VanGogh,mêmerevupourlaénième fois, demeure inépuisable et
Antonin Artaud, « Autoportrait », décembre 1947.
Vincent Van Gogh, « Portrait de l’artiste », août-septembre 1889.
CENTRE POMPIDOU, MNAM-CCI, RMN-GRAND PALAIS/PHILIPPE MIGEAT/ADAGP/PARIS 2014
NATIONAL GALERY OF ART, WASHINGTON
imprévisible. Il en est de même
d’un Artaud.
Il y a certes des données utiles à
l’analyse. La date d’exécution n’est
pas négligeable, selon que le peintre est à Arles ou à l’asile de SaintRémy ou à Auvers ; et selon que le
poète est à l’asile de Rodez et accablé d’électrochocs ou dans son
pavillon d’Ivry-sur-Seine, libre de
S
R
U
E
D
N
E
L
SP
DE
OC
R
A
M
DU
S
E
IQU ÉE
T
N
ES A TERRAN
Z
N
BRO E MÉDI
ET D
AR
12 M
MUCEM.ORG
En coproduction avec
S
N
ITIO
S
O
EXP ÛT 2014
AO de du J4
- 25
a
lan
ille
1 esp 2 Marse
1300 M.ORG
CE
MU
© Ministère de la culture, Royaume du Maroc. Photo : MuCEM/Yves Inchierman
Avec le soutien de
ses actes, quoique malade – il
meurt le 4 mars 1948, un an après
sa visite à l’Orangerie. L’histoire de
l’art est aussi nécessaire. Pour Van
Gogh, c’est celle de ses relations
avec l’impressionnisme et le néoimpressionnismeparisiens,dupassageparlejaponisme,desconversations avec Signac et, surtout, avec
Gauguin pendant leurs semaines
arlésiennes.C’est celle de ses visites
dans les musées, à Amsterdam, à
Paris, à Montpellier. La mémoire
visuelle d’Artaud inclut Holbein
autant qu’Ingres et Balthus autant
que Picasso, l’art aztèque autant
que l’art océanien, découvert avec
les surréalistes.
On ne peut pas plus négliger
leurs lectures – Baudelaire, Zola et
lesnaturalistespourVanGogh,toute la littérature pour Artaud– et la
sienne, du Théâtre de la cruauté à
ArtaudleMômo.Ni,nonplus,lacorrespondance de Van Gogh, dont on
nedira jamaistrop combienelle est
exceptionnelle. Tous deux sont,
quoiquedansdesproportionsdifférentes,écrivainsetartistes,indissociablement.
Ces éléments sont présentsdans
l’exposition,quine néglige pasnon
plus Artaud acteur pour des films
de Marcel Lherbier, Abel Gance ou
Raymond Bernard. Mais rien de
tout cela ne réduit l’étrangetéabsolue de ses dessins. Ceux de Rodez
sont parcourus de lignes de force
foudroyantes, entre lesquelles
apparaissent des têtes et des parties de corps, parfois marqués de
taches, parfois percés de clous. Un
symbolisme propre à Artaud s’y
déchiffreà peuprès, maison ne sait
pas pour autant comment ces dessins transmettent avec une telle
intensité la sensation de la souffrance physique. D’une souffrance
insupportable que le dessin rend
peut-être un peu moins intolérable, le temps de son exécution.
Quant aux portraits, c’est, si l’on
peut dire, simple : un homme qui
n’a presque jamais essayé de représenter des visages réalise en quelques mois une suite de têtes au
crayon comme il n’en existe aucune autre comparable, pas même
chez Picasso ou Giacometti. Commentcemomenta-t-ilétépossible?
Et comment Van Gogh peint-il
unpaysagetoutenspirales,serpentins, cercles et points dans lequel le
regard ne se perd pas ? Ses gestes
peuvent paraître frénétiques et
compulsifs, mais ils définissent un
espace et des lignes d’une parfaite
clarté. Les harmonies chromatiques se construisent. « Si juste, si
amoureusement si juste », écrit
Artaud de la couleur de Van Gogh,
ce que chaque toile confirme.
Obstinément et voluptueusement, l’œil scrute ces surfaces acci-
Ce n’est pas
une de ces rencontres
chics entre deux
noms illustres,
comme les musées
aiment à en organiser
dans les périodes de crise les plus
aiguës. Il faut donc admettre qu’en
lui,une intensitépsychique,quiest
allée parfois jusqu’à l’extrême
– automutilation, incohérence –,
s’estinscritedansladuréeetlerythme régulier d’une création artistique qui maîtrisait cette intensité
terrible en la changeant en dessin
et en couleurs. « Méfiez-vous des
beaux paysages de Van Gogh tourbillonnants et pacifiques, convulsés
et pacifiés. C’est la santé entre
deuxreprisesdela fièvrechaudequi
va passer. C’est la fièvre entre
deuxreprises d’une insurrection de
bonne santé. » Il n’y a pas de plus
juste définition que celle-ci, d’Artaud évidemment: « La peinture de
Van Gogh armée et de fièvre et de
bonne santé. » p
vement, quel sens impeccable de la
composition contient les impulsions qui vivent en lui.
On en revient à l’énigme centrale. « Délire » ou « génie » n’expliquent rien, d’autant moins que
Van Gogh ne pouvait travailler
Van Gogh/Artaud. Le suicidé de la société, Musée d’Orsay, 1, rue de la Légiond’Honneur, Paris 7e. Du mardi au dimanche de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à
21 h 45. Entrée : de 8,50 ¤ à 11 ¤.
musee-orsay.fr. Jusqu’au 6 juillet.
dentées, suit les ondulations des
touches, éprouve l’épaisseur surprenante de certains empâtements, et, à l’inverse, la légèreté
elliptique des dessins à l’encre –les
plus admirables paysages en noir
etblanc detoutl’art occidentalsans
doute. On voit comment Van Gogh
peint, mais on ne comprend pas
comment il y réussit, ce qui le fait
continuer ou suspendre son mou-
philippe dagen
La comédie musicale des contes de fées
Into the Woods
Musique et Lyrics
Livret
Stephen Sondheim
James Lapine
Nouvelle production du Théâtre du Châtelet,
en anglais, surtitré
Direction musicale
David Charles Abell
Mise en scène
Lee Blakeley
Orchestre de
Chambre de Paris
Du 1er au 12
avril 2014
www.chatelet-theatre.com
01 40 28 28 40
0123
culture
Samedi 15 mars 2014
Julien Doré offre son corps insaisissable
Le chanteur casse-cou a joué à cache-cache avec le public des Folies-Bergère, à Paris
Chanson
A
u balcon des Folies-Bergère,
où Julien Doré a greffé une
passerelle en Plexiglas qui
lui permet de jouer les casse-cou,
c’est un jeu de cache-cache. Le
chanteur court, grimpe, les smartphones s’épuisent à vouloir le cerner. Il est insaisissable. Gustave
Doré, le peintre et illustrateur
(1832-1883), confie son arrièrearrière-arrière-petit-neveu Julien,
jouait du violon et aimait
accueillir ses invités en se suspendant aux lustres. Où se niche la
génétique!
Le jeudi 13 février, au premier
de ses concerts parisiens, le numéro de voltige se joue en chantant,
avec le public, Paris-Seychelles,
titre extrait de Løve, paru fin 2013.
Cet album très « dance » présente
l’avantage d’être une manne de
thèmes rythmés, mélodiques,
avec nombreuxrefrains ou leitmotivs en anglais. Il le transpose en
scène, aidé de six musiciens d’une
belle épaisseur sonore, dont
l’auteur-compositeur
Arman
Méliès à la guitare (aucun lien de
parenté avec le plasticien Arman,
ni avec le cinéaste Georges Méliès,
mais un pseudonyme adopté par
admiration pour ces deux artistes). Arman Méliès est tatoué, il est
original, il fut un des complices
d’Alain Bashung, et il a apporté à
Julien Doré quelques très belles
chansons, telle Mon apache (« Une
flèche en plein cœur un ciel à la
dérive/Et je meurs de nous survivre »), interprétée avec sentiment
aux rappels.
Du sentiment, Julien Doré,
31 ans, n’en a pas toujours, tout
occupé qu’il est à mettre les pièces
d’un étrange puzzle en place. Il est
caméléon, capable d’exagérations
(réverbération,nappesde synthéti-
seurs), d’intermèdes d’une naïveté
toute télévisuelle et de plongées
romantiques soudaines chez ses
camarades de jeu – Benjamin Biolay pour Hôtel Thérèse (avec tambourins), Marc Lavoine pour Bleu
Canard, etc. Après être sorti vainqueur de « La Nouvelle Star » en
2007, Julien Doré avait publié un
premier album, Ersatz (2008).
La légèreté en biais
Il en a gardé un titre presque
« bruelien » dans sa tonalité, Les
Limites (« Je dépasse aisément toutes les limites quand je
commence/Je consomme énormément le but est de ressentir les
choses/Alors je dépasse et j’aime en
faire des tonnes, ça irrite/Les bravesgens pleins de raison qui respectent les limites»).
MaisJulienDoré n’apas lescompétences requises pour figurer,
commePatrickBruel,le«grandfrère » ou l’homme câlin. Lui a le
corps offert, la danse déhanchée,
la légèreté en biais. Sur scène, c’est
un monde d’hommes. Des trentenaires (la tranche d’âge du public
des Folies-Bergère) bien mis, très
fashion – quatre des six musiciens
portent la barbe, marque de reconnaissance très en vogue. La femme
y est inscrite en creux. De jeunes
lycéennes convoquées en chorale
pour appuyer Platini arrivent à
point nommé pour combler cette
absencenostalgique.Ellessont longuement applaudies. Julien Doré
aussi, quand il revient au finale,
seul à la guitare, chantant I Need
Someone, les musiciens font les
chœurs a cappella, c’est joli. Tout
avait commencé avec une explosion de fumée et de lumières rouge sang pour le technoïde Viborg,
et tout finit en ukulélé. p
Véronique Mortaigne
Julien Doré. Aux Folies-Bergère jusqu’au 15 mars (complet), puis en tournée française jusqu’au 30 juin.
A l’Olympia, à Paris, en novembre.
Les batailles culturelles des municipales 16/18 L’ex-maison d’arrêt devrait s’ouvrir à l’art
C
’est la face cachée du Palais
des papes. Installée dans le
dos du colosse médiéval, à
l’ombre venteuse du jardin du
Rocher des Doms, l’ex-prison Sainte-Anne d’Avignon fut longtemps
oubliée. 10 000 m2 au cœur d’un
centre-ville classé au Patrimoine
mondial.Uneplaieouverte.Uncasse-tête. Désaffecté depuis 2003, le
centrededétention,bâtiauXIXe siècle sur l’ancien hospice des insensés, attend toujours que se dessine
Seul en scène à la MC93 de Bobigny, l’acteur
haïtien incarne le personnage mythique
M
Agitationautourdel’ancienneprisond’Avignon
Avignon
Jean-RenéLemoine se glisse
dans la peau de Médée
Théâtre
Jeudi 13 mars, aux Folies-Bergère. DAVID WOLFF-PATRICK
son avenir, dans l’indifférence. Jusqu’à récemment.
Il a fallu qu’un « estranger » s’y
intéresse pour que les candidats
aux municipales se mettent à rivaliser d’imagination à son sujet.
Enfin, relativement. Fermée pour
travaux d’agrandissement jusqu’en juin 2015, la collection Lambert, centre d’art implanté par le
galeriste parisien Yvon du même
nom, avait besoin d’une solution
de repli pour continuer à exposer.
Investir une prison humide, délabrée, chargée de douleur ? Cela
Conférence
Barbara
Cassin
Plus d’une langue
Le paradigme de la
traduction
Le mercredi
19 mars 2014
à 19 h 00.
Fondation Calouste Gulbenkian - Délégation en France
39, bd de la Tour-Maubourg, 75007 Paris / www.gulbenkian-paris.org
Facebook : Centre Calouste Gulbenkian
Twitter : @GulbenkianParis
paraît insensé. Mais, dès la première visite, le directeur de la collection, Eric Mézil, saisit la puissance
du lieu.
Il mène un combat pour réaliser
son projet, faisant même intervenir le ministre de l’intérieur,
Manuel Valls, afin de convaincre
les tutelles. A la mi-mai s’ouvrira
une vaste exposition, « La disparitiondeslucioles», dontunchapitre
est consacré à la mémoire du site.
« Plus personne ne parlait de cette
prison. Avant que la mairie et nous
ne la remettions aux normes de
sécurité, c’était Beyrouth, et sans
notreprojet,ellen’auraitsansdoute
jamais été un enjeu, remarque-t-il.
Maintenant tout le monde s’agite.»
Hôtel de luxe
Sainte-Anne avait déjà aiguisé
les appétits. Cédée par l’Etat à la
mairie,elle avait failli se métamorphoser en hôtel de luxe. L’idée
avait fait grincer quelques dents et
fut abandonnée. Retour à la case
départ. Aux candidats d’affûter
leurs arguments. Même si, « pour
la prison, toutes les propositions se
ressemblent», regretteun observateur. Alors que le MoDem la rêve
en école nationale de théâtre, la
socialiste Cécile Helle, favorite
dans les sondages, imagine un
pôle « emblématique et hautement structurant».
Dans l’un des bâtiments existants,unefricheculturellepourjeunes artistes et artisans, avec salles
d’exposition ; de nouvelles
constructions seraient dévolues à
unerésidenceoùsemêleraientétudiants et personnes âgées ; enfin,
une salle des congrès serait
construite, accueillant 1 000 personnes.
Idée absurde, car irréalisable,
selon le Front national. Son candidat,PhilippeLottiaux,imagineplutôt « déménager dans la prison les
archivesdépartementales,quioccu-
pent 4 000 m2 du Palais des papes,
pour installer à leur place cette salle
des congrès ». Quant à Sainte-Anne,
cette « verrue » ? Il la voit comme
«un lieu d’animation et de vie, avec
ateliers pour les métiers d’art et
espacedédiéauxcultureseuropéennes, avec expositions, performances, bar et cuisine locale ».
A considérer le programme de
l’UMP-UDI Bernard Chaussegros,
poulain de la maire, Marie-Josée
Roig, un étonnant consensus se
dégage: « Nous en ferons le lieu du
“mieux-vivre-ensemble”, avec des
logements étudiants, une crèche,
des espaces dédiés à la création
contemporaine, à l’artisanat d’art,
et un réfectoire où des débats, des
concerts et des expositions seront
organisés. » Centre névralgique
auquel s’ajouteraient trois nouveaux lieux consacrés à la création
(l’ancienne caserne de la rue Carreterie, la chapelle des Corps-Saints,
et un site extra-muros consacré
aux arts urbains).
Bref,presquele même programme, et pour tous une même question : comment trouver les 30 millions à 50 millions d’euros nécessairesà laréhabilitation?Enréponse, le Front de gauche revendique
la modestie : « La ville ne peut se
permettre quelque chose d’énorme, le site sera dédié à l’expérimentation. » Modestie de moyens,
mais pas d’ambition: « Ce lieu qui
a privé de liberté pendant des
années sera dédié à la liberté, dans
le domaine culturel comme économique », poursuit le candidat
André Castelli. Nommé NelsonMandela, le lieu serait au cœur
d’« un triangle de la République
auquel s’adjoindraient les espaces
Egalité et Fraternité ». Une autre
forme de triangulaire… p
Emmanuelle Lequeux
Prochain article :
Les arènes de Bayonne.
15
édée, c’est moi », pourrait
dire cet homme seul au
centre d’un cercle de
lumière. Offert dans sa solitude
radicale, au milieu de la scène,
comme pouvaient l’être les grandes chanteuses noires, Aretha
Franklin, Billie Holiday ou Nina
Simone. Cet homme-là est haïtien
(de Paris), auteur, metteur en scène et acteur. Il s’appelle Jean-René
Lemoine. Médée la barbare, la
réprouvée,la sacrilège, parlepar sa
bouche, par son corps, et c’est un
sacré moment de théâtre qui se
passe à la MC93 de Bobigny (SeineSaint-Denis).
L’hommeest seul,dans une profondeur de nuit antique ou caraïbe qu’il porte comme une peau. Il
est vêtu d’un pantalon de costume
et, en haut, d’une tunique drapée
d’héroïne de tragédie ou de chanteuse de music-hall. Mi-homme,
mi-femme. Infinie douceur pour
faire sortir les mots sauvages de
Médée la sorcière, la meurtrière,
l’étrangère irréductible – des mots
queJean-René Lemoinea écritsluimême, des mots d’aujourd’hui.
« Médée, c’est moi » : en s’emparant du mythe, Jean-René Lemoine en fait une affaire totalement
personnelle, qui parle de l’exil
– pas au sens social ou politique,
mais au sens mental, existentiel –,
du désir dans sa dimension la plus
innommable, du meurtre.
Médée est à la fois la femme qui
ne peut se reconnaître que dans le
regard de l’homme – « Je n’ai
d’autre terre maintenant que ton
corps», dit-elleà Jason– et unefemme forte, agissante, même si elle
agit par le meurtre. Ni femme ni
homme,ditd’elleJean-RenéLemoine, ou plutôt très femme et très
homme, en des contrastes que l’acteur-performeur offre de manière
pure, nette : corps masculin, musclé, visage féminin aux grands
yeux, aux longs cils. Corps tendu,
bandé, et gestes des bras féminissimes, stylisés comme ceux d’une
créature de cabaret. Le féminin
comme le masculin sont des terres
dont on est toujours en exil.
Moment saisissant
Ainsi Jean-René Lemoine nous
emmène-t-il dans ce voyage initiatique halluciné, qui ramène la tragédie à son essence la plus pure :
une traversée des pulsions. Nul
besoin, pour cela, de ravager la scène et d’en faire un champ de
bataille, comme c’est souvent le
cas au théâtre ces dernières
années. Des mots – concrets, crus,
tendus comme un arc – qui passent par un corps, l’univers sonore
composé par Romain Kronenberg,
et tout est là.
La noyade de ses enfants par
Médée, moment particulièrement
saisissant. Le meurtre de Créuse, la
nouvelle femme de Jason. Et le
retour au pays natal de Médée,
libre,seule,impie,impunie,àlarencontre de son père mourant, qui ne
lui pardonnera pas. La tragédie ne
donne pas de leçons de morale. p
Fabienne Darge
Médée, poème enragé, de et par JeanRené Lemoine. Création musicale :
Romain Kronenberg. MC93, 9, bd Lénine, Bobigny (Seine-Saint-Denis). Tél. :
01-41-60-72-72. Mardi à 19 h 30, lundi,
vendredi et samedi à 20 h 30, dimanche
à 15 h 30, jusqu’au 23 mars. De 9 ¤
à 29 €.. Durée : 1 h 30.
Patrimoine
MohenjoDaro,cité millénaire,
menacée
Les ruines de Mohenjo Daro (2500-1900 avant J.-C.), Patrimoine
mondial de l’Unesco depuis 1980, dans la province du Sind, dans
le sud du Pakistan, sont menacées de disparition. Les importants
vestiges de cette cité millénaire de la vallée de l’Indus, seul témoignage d’une métropole datant de l’âge du bronze, qui a exercé
une influence décisive sur l’urbanisation du sous-continent
indien, sont à la merci des cristaux de sel qui réduisent la brique
en poussière. Seul un tiers du site a été excavé. p Florence Evin
pariS 15e
VOTRE BIEN-ÊTRE COMMENCE ICI
Sur 500 m2 :
André Renault, Bultex,
Epéda, Sealy,Simmons,
Stearns & Foster,
Swiss Confort, Swiss Line,
Tempur, Tréca, Trump...
Offres
exceptionnelles
sur les plus grandes marques de literie
Canapés, literie, m
3 000
obilier :
!
nvies
m2 d’e
www.topper.fr
7j/7 • M° Boucicaut • P. gratuit
Canapés : 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40
Literie : 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10
Mobilier : 145 rue Saint-Charles, 01 45 75 06 61
Meubles Gautier : 147 rue Saint-Charles, 01 45 75 02 81
16
0123
disparition & carnet
Economiste
et anthropologue
Samedi 15 mars 2014
Ses anciens collègues et amis
du Lycée de Chantilly
§, )SÉÓ,Â
Jacques Weber
‚ÑÆ 'ÉSÓ.Æ GºGÓ,Õ,ÓÂÆ
¢S"ÆÆSÓ0,Æ„ OSÏÂCÕ,Æ„
*"SÓIS"ôô,Æ„ ÕSÉ"S',Æ
.º"Æ ., .G0EÆ„
É,Õ,É0",Õ,ÓÂÆ„ Õ,ÆÆ,Æ„
0ÑÓ.ÑôGSÓ0,Æ„ $ÑÕÕS',Æ„
ÆѾº,Ó"ÉÆ
)ÑôôÑ̾,Æ„ 0ÑÓ*GÉ,Ó0,Æ„
ÆGÕ"ÓS"É,Æ„ ÂSOô,Æ‚ÉÑÓ.,Æ„
ÏÑÉÂ,ƂѾº,ÉÂ,Æ„ *ÑɾÕÆ„
ÏÉÑû,0Â"ÑÓÆ‚.GOSÂÆ„
SÆÆ,ÕOôG,Æ 'GÓGÉSô,Æ
ŠÑ¾Â,ÓSÓ0,Æ ., ÕGÕÑ"É,„
Â$EÆ,Æ„ ±&•
¸‘ÏÑÆ"Â"ÑÓÆ„ º,ÉÓ"ÆÆS',Æ„
Æ"'ÓS¾É,Æ„ .G."0S0,Æ„
0ÑÕÕ¾Ó"0SÂ"ÑÓÆ ."º,ÉÆ,Æ
ª0&) .0&$V7 20&) (+{2)5V((+V
$0) {2202[V) M{ $VPMMV
.0&+ MV MV2XV5{P2 V
c .¾ ô¾Ó." S¾ º,Ó.É,." û¾Æ̾[s j\ $ d~
•ûѾÉÆ *GÉ"GÆ 0ÑÕÏÉ"ÆŠ
c ô, ."ÕSÓ0$, ., U $,¾É,Æ s jg $ d~
ont la tristesse de faire part du décès de
Claude DOMENECH.
Homme de culture et militant engagé,
il a su transmettre sa passion de la
littérature et du théâtre à des générations
d’élèves.
L’équipe du Festival théâtral
de Coye-la-Forêt
a la tristesse de faire part du décès
de notre ami,
Le 15 mars 2004,
En 2010. HERMANCE TRIAY/OPALE
L
’économiste et anthropologue Jacques Weber est mort
jeudi 6mars des suites d’une
longue maladie à l’âge de 67 ans. Il
était né à Yaoundé, au Cameroun,
où son père possédait une scierie.
Il gardera de cette jeunesse tropicale et des multiples pérégrinations à l’intérieur d’un pays dont il
connaissait plusieurs langues, un
1947 Naissance à Yaoundé
1983 Entre à l’Ifremer, institut
de recherche sur la mer
1993 Intègre le Cirad, centre
de recherche agronomique
2002 Dirige l’Institut français
de la biodiversité
2010-2013 Préside l’association Les Petits Débrouillards
6 mars 2014 Mort
regard décalé, toujours prompt à
interroger ce qu’il appelait « le
prêt-à-penser », surtout quand il
s’agissait d’économie du développement.
C’est ainsi qu’il consacre une
grande partie de ses recherches
aux différentes conceptions de la
richesse, à son usage et à la façon
dont les sociétés choisissent de la
faire circuler.
Jacques Weber, pour qui cette
équation définit « la durabilité
d’une société », initiera ce travail
au Cameroun auprès des communautés villageoises vivant de la
culture du cacao.
La gestion des ressources naturelles est son autre préoccupation.
Il fait entrer cet impératif au cœur
de l’Institut français de recherche
pour l’exploitation de la mer (Ifremer), qu’il intègre en 1983 en
créant un département d’économie, à une époque où la question
de l’épuisement des stocks halieutiques ne se pose pas encore de
façon aiguë.
Puis en 1993, c’est au Centre de
coopération internationale en
recherche agronomique pour le
développement (Cirad) qu’il monteune unitéde recherchesurlagestion des ressources renouvelables
et de l’environnement (Green), en
collaboration avec l’agronome
Michel Griffon.
Ses réflexions sont alors
influencées par le travail de l’économiste américaine Elinor
Ostrom sur l’utilisation des biens
communs. Il contribue à faire
connaîtreen Francecelle qui severra décerner le prix Nobel d’économie en 2009.
Au Cirad, il promeut ainsi le
transfert de la gestion des ressources naturelles aux communautés
locales et réussit à convaincre le
gouvernement de Madagascar de
tenter l’expérience. Cela se traduira, en 1996, par l’adoption de la loi
Gelose (gestion locale sécurisée),
toujours en vigueur.
Cet itinéraire le porte à la tête de
l’Institut français de la biodiversité en 2002. Il fait partie de ceux qui
contribuent à faire émerger l’idée
d’un GIEC de la biodiversité, que
portera le gouvernement français
dans les instances internationales.
Jusqu’à la création de la plate-forme intergouvernementale sur la
biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) en 2012.
L’évaluation de la biodiversité
et des services irremplaçables
qu’elle rend aux sociétés humaines sont pour lui un préalable
incontournable pour que puisse
être prise en compte la valeur du
« capital naturel », jusqu’à présent
négligé par les modèles économiques.
Avec Robert Barbault, l’un de
ses autres compagnons de route,
disparu en décembre 2013, Jacques Weber publiera en 2010 La
vie, quelle entreprise ! Pour une
révolution écologique de l’économie (Seuil).
Cette proposition trouvera
écho auprès des entreprises
regroupées au sein de l’association OREE (Organisation pour le
respect de l’environnement dans
l’entreprise), à travers l’élaboration d’une nouvelle forme de
comptabilité qui intègre les flux
entrants et sortants de matières
vivantes dans le bilan des sociétés.
Une grande disponibilité
Dans ce cheminement entre
sphères intellectuelles et acteurs
de terrain, il s’investit aussi dans la
vie associative pour rapprocher la
science des citoyens. Il sera
entre2010 et 2013 présidentde l’association Les Petits Débrouillards,
premier réseau national d’éducation au développement durable.
Jacques Weber n’a pas mené une
carrière académique classique,
trop gourmand de rencontres et
d’échanges pour accepter les
contraintes d’une ascèse forcée. Sa
grandedisponibilitélaisseracependant un souvenir à des générations
de chercheurs et d’étudiants.
En juin 2013, à la manière des
« mélanges » propres aux publications scientifiques, plusieurs amis
lui avaient fait la surprise de
publier quelques-uns de ses textes
commentéspardesconfrèresscientifiques.Letitrerésumelagénérosité et l’ouverture de celui qui vient
dedisparaître:Rendrepossible: Jacques Weber, itinéraire d’un économiste passe-frontières (Ed. Quæ). p
Laurence Caramel
AU CARNET DU «MONDE»
Naissance
Yasmine et Simon AUQUIER
partagent avec
Adèle,
la joie d’annoncer la naissance
de leur fils,
Andrea,
le 29 janvier 2014, à Casablanca.
Décès
Claude, Nicole Couot, Denise, Lucien
et Cécile, Michel, Hélène Bass,
ses neveux,
Jean-Noël et Anne-Marie, Odile,
Cécile, Bertrand et Armelle, Nicolas
et Olivier, Samuel,
Tudor et Aaron, Laurie et Mario,
ses petits-neveux
Claire Quélennec, Raphaël Delarue,
Annie Parouty,
ses filleuls,
ont la tristesse de faire part du décès de
Geneviève BASS.
Les obsèques auront lieu au
crématorium de Beaurepaire (Isère),
le lundi 17 mars 2014, à 15 h 30.
32, square Clignancourt,
75018 Paris.
Mme Clémentine Bouly,
son épouse,
Mme Claudette Magnot,
sa fille,
Mme Florence Ogilvy-Magnot,
sa petite-fille,
ont la tristesse de faire part du décès de
M. Louis BOULY,
à Caluire,
dans sa quatre-vingt-treizième année.
Une cérémonie a eu lieu ce vendredi
14 mars 2014, à 11 heures, au crématorium
de Lyon Guillotière (salle basse).
Frédérique Charmasson,
sa fille,
Gayaz Charmasson,
son fils,
Ses petits-enfants,
Sa famille
Et ses amis,
ont l’immense douleur d’annoncer que
Franc CHARMASSON,
nous a quittés le lundi 10 mars 2014,
à l’âge de soixante-douze ans.
La cérémonie d’adieu aura lieu le
lundi 17 mars, à 10 h 15, au crématorium
d’Avignon, 1483, chemin du Lavarin.
Nous nous réunirons dans sa maison
après la cérémonie.
Le Monde organise,
à l’occasion de la sortie du hors-série
Jean Jaurès, un prophète socialiste,
une visite privée de l’exposition
qui lui est consacrée,
le jeudi 20 mars 2014,
de 18 heures à 21 heures,
Jacqueline de SILGUY
nous quittait.
Une messe sera célébrée à son intention,
le samedi 15 mars 2014, à 17 heures,
à Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, 92, rue
Saint-Dominique, Paris 7e.
aux Archives nationales,
60, rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e.
Conférences
Pour y participer,
munissez-vous de l’invitation publiée
en page 2 du hors-série Jaurès,
actuellement en vente.
Claude DOMENECH.
Fils de réfugié républicain espagnol,
d’origine catalane, Claude Domenech,
enseignant et passeur de culture, était un
homme d’engagement et de passion.
Formé au théâtre du Campagnol,
metteur en scène de théâtre, il était
le fondateur et l’animateur du théâtre
de la Lucarne.
Il a été, en tant qu’élu municipal,
à l’origine du Centre culturel de Coye-laForêt.
Il y a trente-trois ans, il fut l’initiateur
de notre Festival.
Il a définitivement quitté la scène
le lundi 10 mars dans l’après-midi.
Conférence de Michel Arrivé
« Les mots dans le rêve »,
lundi 17 mars 2014, à 16 heures,
salle Beckett,
45, rue d’Ulm, Paris 5e.
Entrée libre
dans la limite des places disponibles.
Le président de l’université
Paris 1 Panthéon-Sorbonne,
Le directeur de l’UFR
mathématiques et informatique
Et la communauté universitaire,
ont la tristesse de faire part du décès,
le 6 mars 2014, de
Mme Yvonne GIRARD,
Ils expriment à sa famille leurs
sentiments de condoléances.
François JACQUIN
a choisi de nous quitter à Lyon,
le 10 mars 2014.
Simone Jacquin,
son épouse,
Claire Jacquin et Philippe Detroy,
Denis et Françoise Jacquin,
Anne et Alain Dupont,
ses enfants,
Thomas Zimmermann,
Florence et Pierre Jacquin,
Kim Dupont et Hamid Lamraoui,
Margot Dupont et Raphaël Babeau,
ses petits-enfants,
Armelle Jacquin,
Noëlle Nedelcu,
Jean-Pierre et Jacqueline Jacquin,
Bernadette Sers,
son frère et ses soeurs
et leurs enfants,
Tous ses amis,
sont tristes, mais respectent sa décision.
La cérémonie d’adieu, suivie
de la crémation, aura lieu le lundi 17 mars,
à 11 h 30, au crématorium de Bron,
161, boulevard de l’Université.
Plutôt que des fleurs, des dons
à l’Association pour le droit de mourir
dans la dignité.
Nicole-Claude MATHIEU,
féministe,
anthropologue à l’EHESS,
Depuis 1990,
le week-end de la manifestation annuelle
les Carrefours de la pensée
qui se déroule au Mans, au mois de mars,
est devenu un rendez-vous incontournable
pour les personnes qui s’intéressent
aux questions sociales, économiques
et géopolitiques.
La 24e édition, les 21 et 22 mars 2014,
a pour thème : Inégalités : une fatalité ?
Elle offre deux jours de conférences
gratuites et de discussions accessibles
à tous, une exposition
« Oubliés de nos campagnes »,
coorganisée avec le Secours Catholique,
un film : « Rêves d’or »
de Diego Quemada-Diez.
Le programme détaillé est accessible
sur le site
carrefoursdelapensee.univ-lemans.fr
Espace analytique
La psychanalyse
face au monde contemporain
maitre de conférences en informatique.
³0&+ (0&(V P2T0+5{(P02 V
ˆi a[ fY fY fY
ˆi a[ fY fi d^
[{+2V(05.&yMP[P(V‹T+
En partenariat
avec les Archives nationales
et la Fondation Jean Jaurès,
Anniversaire de décès
Conférence publique
« Enjeux et Perspectives »
Le samedi 22 mars 2014, à 14 h 30,
avec Roger-Pol Droit, journaliste,
chercheur au CNRS,
enseignant et écrivain
Monique Atlan, journaliste et animatrice,
Quel humain pour demain ?
Entrée libre.
Grand Temple
de la Grande Loge de France,
8, rue Puteaux, Paris 17e.
Séminaire
L’Institut hospitalier de psychanalyse
de Sainte-Anne et la
Société de psychanalyse freudienne
Dans le cadre du séminaire
« Psychanalyse et psychiatrie,
aujourd’hui et demain »,
le docteur Françoise Gorog et le
professeur Patrick Guyomard recevront
le professeur François Ansermet,
pédopsychiatre, psychanalyste (ECF),
directeur du Département académique
de psychiatrie, Université de Genève,
et Monique David-Ménard,
philosophe, psychanalyste (SPF),
Centre d’études du vivant, Paris-Diderot,
le mardi 25 mars 2014, à 21 heures,
à l’hôpital Sainte-Anne,
amphithéâtre Morel,
1, rue Cabanis, Paris 14e.
Entrée libre sur inscription auprès de
Mme Sophie Rigaud : 01 45 65 80 88
ou [email protected]
22 et 23 mars 2014,
Centre universitaire des Saints-Pères,
amphithéâtre Binet,
45, rue des Saints-Pères, Paris 6e,
avec
Jean-Claude Aguerre, Paul-Laurent
Assoun, André Burguière,
Gisèle Chaboudez, Judith Cohen-Solal,
Frédéric de Rivoyre, Olivier Douville,
Raphaël Draï, Sylviane Giampino,
Isabelle Guillamet, Robert Higgins,
Christian Hoffmann, Georgy Katzarov,
Patrick Landman, Didier Lauru,
Serge Lesourd, Patrick Linx, Silvia Lippi,
Pierre Marie, Dominique Mehl,
Vannina Micheli-Rechtman,
Jean-Jacques Moscovitz,
Laurent Mucchielli,
Marc Papon, Michelle Perrot,
Claude-Noële Pickmann,
Jean-Louis Poitevin, José Polard,
Gérard Pommier, Ouriel Rosenblum,
Jacques Sédat, Manya Steinkoller,
Marie-Laure Susini, Myriam Szejer,
Bernard Toboul,
Dominique Tourres-Landman,
Alain Vanier, Catherine Vanier,
Markos Zafiropoulos,
Entrée : 100 € (étudiants 30 €)
Tél. : 01 47 05 23 09.
[email protected]
Centre communautaire de Paris,
journées du judaïsme marocain
du 17 au 31 mars 2014, expositions,
films, leçons, tables-rondes, témoignages,
chabbat plein, concerts.
Programme détaillé sur
www.centrecomparis.com
Tél. : 01 53 20 52 52.
119, rue La Fayette, Paris 10e.
Communications diverses
est morte.
Elle a été incinérée ce vendredi 14 mars,
à 11 h 45, au crématorium du cimetière
du Père-Lachaise, Paris 20e.
« Quand céder n’est pas consentir »
Orléans. Paris. Grenoble. Bruxelles.
Ses parents,
Ses enfants
et leur mère,
Son frère
et sa famille,
Sa tante
et ses cousins
Et tous ceux qui l’ont aimé,
Journée scientifique du CIDE
« Féminin, Folie, Adolescence »
le samedi 5 avril 2014, à 9 heures.
Auditorium, conservatoire Niedermeyer
à Issy-les-Moulineaux.
« Le sens du symptôme dépend
de l’avenir du réel, donc (...)
de la réussite de la psychanalyse ».
J. Lacan, La Troisième, 1974.
Renseignements et inscriptions :
CIDE Ville-d’Avray
www.centre-du-parc-de-st-cloud.org
mail : [email protected]
SOS AMITIE
qui est à l’écoute 24 heures sur 24
de toute personne en situation
de solitude, d’angoisse et de mal-être
recherche
DES ÉCOUTANT(E)S BÉNÉVOLES
pour ses sept lieux d’écoute
à Paris et en Ile-de-France.
Disponibilité souhaitée
de quelques heures par semaine,
le jour, le soir, la nuit ou le week-end.
Formation assurée.
Écrire à SOS Amitié Idf
7, rue Heyrault, 92100 Boulogne.
Email : [email protected]
ont la douleur de faire part du décès de
ßX /}+2X(
François-Hugues PARENT,
directeur du centre culturel
La Passerelle à Fleury-les-Aubrais,
survenu le 10 mars 2014, à Orléans.
La grande famille du Théâtre
Et ses proches,
3$P) ZX Zç]æ)• ]02Z0Mç}2]X)•
+X5X+]PX5X2()• R055}TX)•
}$P) ZX 5X))X
ont l’immense tristesse de faire part
de la disparition de
Mme Jacqueline
TOUBIANA-TABBAH,
dite Catherine SELLERS,
survenue le 9 mars 2014,
à l’âge de quatre-vingt-sept ans.
Elle a rejoint son mari
Pierre TABARD
qui lui manquait tant.
Les obsèques ont eu lieu le jeudi
13 mars, à 14 h 30, au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise, 71, rue
des Rondeaux, à Paris 20e, dans la salle
de la Coupole.
¶0&+ (0&(X P2V0+5}(P02 \
Žo ga l_ l_ l_
Žo ga l_ lo jd
]}+2X(65.&{MP]P(X‘V+
°}+PV \ NJuJo ! °°/ ¶+Pó õ M} MPT2X
0123
météo & jeux
Samedi 15 mars 2014
0 à 5°
5 à 10°
6 13
PARIS
9 15
6 14
6 16
Nantes
1020
4 14
5 15
T
Clermont-Ferrand
4 14
4 14
30 km/h
6 15
Dijon
Poitiers
Limoges
A
Lyon
0
6
101 16
8 14
Montpellier
Toulouse
7 17
8 18
7 19
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Dimanche
Samedi, les hautes pressions se décaleront
vers l'Océan Atlantique. Cela nous
canalisera un léger flux de nord-ouest plus
humide et moins chaud sur la France. Des
nuages circuleront notamment sur la
moitié Nord où quelques gouttes ne seront
pas exclues vers les frontières du Nord-Est.
Des grisailles matinales se dissiperont
généralement par ailleurs. Températures
en baisse surtout sur le quart Nord-Est.
Retour du soleil dès dimanche en général.
Jours suivants
Lundi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Nord-Est
Sud-Ouest
Sud-Est
Mardi
8 17
Lever 17h57
Coucher 06h12
Lever 07h03
Coucher 18h54
Aujourd’hui
Ajaccio
65 km/h
Anticyclone
D
Front froid
Occlusion
Thalweg
6 17
6 14
7 16
3 18
7 15
5 16
6 18
7 17
7 17
7 17
assezensoleillé
7 10
beautemps
9 15
assezensoleillé
10 19
averseséparses
6 18
averseséparses
5 8
enpartieensoleillé 2 12
averseséparses
7 12
assezensoleillé
6 18
bienensoleillé
6 18
averseséparses
3 9
assezensoleillé
4 14
enpartieensoleillé 6 11
neigesoutenue
1 2
beautemps
9 13
assezensoleillé
3 17
11 13
averseséparses
10 21
beautemps
3 16
assezensoleillé
7 18
assezensoleillé
4 9
averseséparses
5 21
beautemps
enpartieensoleillé 1 9
12 19
beautemps
0 5
assezensoleillé
4 7
averseséparses
3 7
fortepluie
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
pluiemodérée
beautemps
beautemps
pluieetneige
pluieetneige
bienensoleillé
averseséparses
assezensoleillé
faiblepluie
nuageux
Alger
aversesmodérées
Amman
bienensoleillé
Bangkok
soleil,oragepossible
Beyrouth
bienensoleillé
Brasilia
soleil,oragepossible
Buenos Aires aversesmodérées
Dakar
bienensoleillé
Djakarta
pluiesorageuses
Dubai
soleil,oragepossible
Hongkong assezensoleillé
Jérusalem bienensoleillé
Kinshasa
soleil,oragepossible
Le Caire
beautemps
Mexico
beautemps
Montréal
pluieetneige
Nairobi
soleil,oragepossible
A
Le Caire
Beyrouth
Jérusalem
4
9
3
2
2
8
5
7
4
7
6
17
19
5
5
17
9
15
6
18
11
6
28
13
18
18
20
26
24
16
6
23
8
12
1
16
15
14
36
19
28
26
24
30
27
20
12
34
20
25
3
26
New Delhi assezensoleillé
averseséparses
New York
beautemps
Pékin
bienensoleillé
Pretoria
beautemps
Rabat
Rio de Janeiro soleil,oragepossible
beautemps
Séoul
Singapour pluiesorageuses
soleil,oragepossible
Sydney
enpartieensoleillé
Téhéran
assezensoleillé
Tokyo
enpartieensoleillé
Tunis
Washington bienensoleillé
Wellington averseséparses
16 29
5 11
5 21
12 24
9 21
24 33
0 11
26 32
21 30
7 11
4 10
13 15
5 16
16 19
soleil,oragepossible
bienensoleillé
bienensoleillé
couvertetorageux
bienensoleillé
soleil,oragepossible
24 30
24 27
18 27
26 30
23 28
26 31
Outremer
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
Météorologue en direct
au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
Mercredi
6
16
8
14
8
14
9
16
2
14
5
14
6
13
5
20
5
16
7
17
“Connaître les religions
pour comprendre le monde”
11
23
9
21
11
20
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
5
6
7
z
Découvre
notre
nouvelle
formule
Sudoku n˚14-063
Motscroisés n˚14-063
4
D
102
0
1015
Tripoli
Tripoli
Dans le monde
6
15
3
A
Alger
D
7
15
2
15
0
Istanbul 1
Athènes
Tunis
Tunis
Dépression
Front chaud
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
Les jeux
1
20
1010
Bucarest
Ankara
Rabat
En Europe
12 21
Sofia
Rome
10
05
10
Odessa
3 degrés à Montréal où l’hiver s’évacue lentement
Perpignan
Louise
Coeff. de marée 47
5
1025
Nice
Marseille
9 22
Budapest
Zagreb
Belgrade
Barcelone
Barcelone
Séville
A
Biarritz
995
Kiev
Lisbonne
Lisbonne
4 16
8 16
Berne
Munich Vienne
Madrid
D
975
Bruxelles
Paris
1030
-4 12
Moscou
Amsterdam Berlin
Varsovie
Prague
Londres
Milan
Chamonix
St-Pétersbourg
D
Minsk 985
A
Grenoble
Bordeaux
30 km/h
1035
Besançon
7 16
Copenhague
Dublin
4 12
Orléans
7 16
Yeux revolver
Helsinki
Oslo
Stockholm
Edimbourg
1030
Strasbourg
p a r R ena ud Ma cha r t
Riga
1025
4 10
C'EST À VOIR | CHRONIQUE
> 40°
995
10
05
1015
1020
Metz
1005
35 à 40°
D
1005
Châlonsen-champagne
Caen
Rennes
30 à 35°
8
9
Solution du n˚14-062
TF 1
Bon anniversaire Les Enfoirés. Avec Tina Arena,
Jean-Louis Aubert, .
23.45 Les Restos du cœur : c’est pas bientôt fini ?
Emission spéciale. Invité : Olivier Berthe.
1.15 Reportages. Magazine (115 min).
II
FRANCE 2
III
20.45 Boulevard du Palais.
IV
Série. Trop jeune pour toi. Avec Anne Richard.
22.25 Ce soir (ou jamais !). Magazine.
0.00 La Parenthèse inattendue.
V
Magazine. Invités : Jean-Christophe Rufin,
Louis Chedid et Alice Pol (108 min).
VI
FRANCE 3
VII
20.45 Thalassa.
VIII
IX
I. Nous évitent de rester coincés.
II. Ne rendront pas le moindre
service. Ecrase en frappant.
III. Risquent de percer les feuilles.
Le brome. IV. Encore plus bêtes
quand ils sont en bandes.
Le premier à monter dans un
avion. V. Points en opposition.
Passa au plus près. VI. Indien
du Colorado. A très froid. Devront
être rendus. VII. Assurent
la ventilation à l’intérieur.
VIII. Franchit le pas. Luth persan.
Une des premières à sortir
du Chaos. IX. Doublé dans le tutu.
Participation individuelle. Déjà
bien avancée. X. Répétitions.
Solution du n° 14 - 062
Horizontalement
I. Accentuation. II. Formée. Lance.
III. Friperie. Ccc. IV. Idée. Elne. Ue.
V. Risses. Claps. VI. Ma. Traboules.
VII. Alpes. Endura. VIII. Tir. Eon.
En. IX. Itération. Or. X. Fessues.
Tune.
Vendredi 14 mars
20.55 Restos du cœur.
I
Horizontalement
I
nvitée au « Grand Journal » de
Canal+, jeudi 13 mars, Christiane Taubira y montra cet œil
dont on ne doit pas toujours
trouver agréable qu’il vous tance.
La garde des sceaux a beau être
« dans la tourmente», accusée
d’avoir menti au sujet de sa
connaissance du dossier des écoutes téléphoniques de l’ancien président de la République Nicolas
Sarkozy, ses yeux revolver n’ont
pas perdu de leur inflexible
superbe et de leur puissance de
frappe.
Ce regard se colore de nuances
variées pourtant : Jean-Michel
Aphatie (dont la ministre ne cessa
de dénoncer l’acharnement à son
endroit depuis une semaine sur le
plateau du « Grand Journal ») eut
droit à un rayon laser cryogénisant ; Nana Mouskouri, deuxième
invitée principale du « Grand
Journal », à une expression de
complicité amicale et fraternelle.
Ces billes noires, qui font tellement penser aux yeux de Pablo
Picasso, ont même été gagnées
par un voile d’émotion lorsque le
chroniqueur littéraire Augustin
Trapenard et Antoine de Caunes
prononcèrent de jolis
compliments sur la qualité de
langue de Paroles de liberté (Flammarion, 140 p., 12 euros), l’ouvrage
qu’elle écrivit au cours de « cinq
nuits fiévreuses » en décembre 2013.
C’était l’occasion pour
Christiane Taubira, dans une
émission au public varié et nombreux, de remettre à plat, simplement et sincèrement, le dossier
d’accusation ou de suspicion à
son endroit et d’expliquer qu’elle
avait « menti en bien» par crainte
que, chez ceux qui ignorent les
Les soirées télé
10 1 1 12
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
X
Verticalement
1. Se lance dans de trop grands
développements. 2. N’a donc
pas besoin de travailler. 3. Pour
retrouver la forme. Point matinal.
4. Le feu dans les feuilles. Peut
se lancer. 5. Coupe la journée.
Bouche-trou. 6. Sans oublier
personne. Donne toujours soif.
7. Nouvelle adresse pour le
Louvre. Couvrit de lames.
8. Auxiliaire. Accueillit
chaleureusement. 9. Pêché
en Méditerranée. Me rendrai.
10. Interjection. Espèce disparue.
Stratégie en noir et blanc.
11. Nains germaniques.
12. Abattues.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Affirmatif. 2. Cordialité.
3. Cries. Prés. 4. Empeste. 5. Née.
Erseau. 6. Teresa. Oté. 7. Il. Bénis.
8. Alençon. 9. Ta. Eludent.
10. INC. Alun. 11. Occuper. On.
12. Nécessaire.
17
985
7 14
7 14
9 14
www.meteonews.fr
Amiens
Rouen
Brest
25 à 30°
D15.03.2014 12h TU
995
Reykjavik
D 1000
Lille
40 km/h
9 13
20 à 25°
995
7 14
30 km/h
15 à 20°
En Europe
Samedi 15 mars
Un peu moins beau
Cherbourg
10 à 15°
98
-5 à 0°
1015
< -5°
écrans
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00
Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;
par courrier électronique: [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤
Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: [email protected]
Médiateur: [email protected]
Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier:
http://immo.lemonde.fr
Documentation: http ://archives.lemonde.fr
Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40
Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60
Magazine. Des animaux si proches de nous.
Au sommaire : Luna, l’orque qui aimait
les hommes ; La Planète des pieuvres...
22.35 Météo, Soir 3.
23.05 Docs interdits.
Les Pouponnières du IIIe Reich. Documentaire.
0.00 Si près de chez vous (50 min).
CANAL +
La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire
des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037
20.55 L’homme qui rit
Film Jean-Pierre Améris. Avec Gérard Depardieu,
Marc-André Grondin (France, 2012) U.
22.25 Happiness Therapy pp
Film David O. Russell. Avec Bradley Cooper,
Jennifer Lawrence, Robert De Niro (EU, 2012) U.
0.25 Dead Man Down
Film Niels Arden Oplev (EU, 2013, 115 min) V.
Imprimerie du « Monde »
12, rue Maurice-Gunsbourg,
94852 Ivry cedex
20.39 On n’est pas que des cobayes !
Président : Louis Dreyfus
Directrice générale :
Corinne Mrejen
PRINTED IN FRANCE
80, bd Auguste-Blanqui,
75707 PARIS CEDEX 13
Tél : 01-57-28-39-00
Fax : 01-57-28-39-26
Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
FRANCE 5
Mission : piloter une moto sur de la glace ;
Peut-on trouver chaussure à son pied...(saison 3).
22.25 C dans l’air. Magazine.
23.38 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE
20.50 Just Like a Woman.
Téléfilm. Rachid Bouchareb. Avec Sienna Miller,
Golshifteh Farahani (coprod., 2012, audio.).
22.35 Semences : les gardiens
de la biodiversité. Documentaire (2013).
23.30 Sepideh, un ciel plein d’étoiles
Film Brit Madsen. Documentaire (2012, 90 min).
M6
20.50 NCIS : enquêtes spéciales.
Série. Sous le radar (S11, 3/24, inédit) U ;
Enquête exceptionnelle. Le Visage du diable.
La Veuve noire. La Chimère (S5, 3 à 6/19) U.
1.05 New Girl. Série (S1, 7-8/24, 50 min).
rouages judiciaires ordinaires,
l’on confonde sa connaissance du
dossier, comme il se doit en
pareille situation, et de possibles
pressions sur la justice.
Au lieu de quoi, Mme Taubira
s’enferra dans une joute
personnelle et rancunière avec
Aphatie et finit par lui opposer
des arguments dont la faiblesse
n’est pas digne de la finesse
habituelle qu’elle témoigne: « Je
n’ai pas souvenir d’une telle obstination et d’une telle violence des
journalistes contre la droite… »
Visiblement agacée, cinglante et
hautaine, Mme Taubira finit même,
comme Jean-Marc Ayrault dans
l’embarras au début de cette
affaire, par s’emmêler les pédales
et par produire un lapsus sinon
Visiblement agacée,
cinglante et hautaine,
Mme Taubira finit par
s’emmêler les pédales
révélateur, du moins amusant :
« Dans ce pays, l’UMP définit les
lignes électorales», immédiatement corrigé par « lignes
éditoriales».
Alors qu’on apprenait, à la fin
de la première partie du « Grand
Journal », dont Nana Mouskouri
venait de rejoindre le plateau, que
Christiane Taubira avait écrit des
textes de chansons, il lui fut
demandé de confirmer qu’elle ne
les laisserait pas paraître tant
qu’elle serait « aux affaires».
« Aux affaires? Vous voulez dire
aux responsabilités! », rétorqua la
garde des sceaux, retrouvant in
fine sa précision lexicale et son
humour délicieusement acide. p
Samedi 15 mars
TF 1
20.55 The Voice, la plus belle voix.
Episode 10. Invités : Corneille, Pascal Obispo,
Hélène Ségara, Elodie Frégé, Kylie Minogue...
23.25 The Voice. « La Suite ».
0.35 Les Experts : Miami.
Série. Impôt meurtrier V. L’Insigne du crime U
(saison 3, ép. 19 et 20/24, 155 min).
FRANCE 2
20.45 Les Années bonheur.
Invités : Jean-Patrick Capdevielle, Pascal Obispo,
Liz McComb, Salvatore Adamo, Luz Casal...
23.05 On n’est pas couché. Talk-show
présenté par Laurent Ruquier (180 min).
FRANCE 3
20.45 Belinda et moi.
Téléfilm. Thierry Binisti. Avec Line Renaud,
Alexandre Styker, Valérie Ancel (Fr., 2014, audio.).
22.15 Météo, Soir 3.
22.40 Raspoutine.
Téléfilm. Josée Dayan. Avec Gérard Depardieu,
Fanny Ardant, Vladimir Mashkov (Fr. - Rus., 2011).
0.25 Le Barbier de Séville.
Opéra-bouffe de Rossini. Par l’Orchestre
de Picardie, dir. Antonello Allemandi.
Avec Taylor Stayton, Tiziano Bracci (155 min).
CANAL +
20.55 The Place Beyond the Pines p
Film Derek Cianfrance. Avec Ryan Gosling,
Bradley Cooper, Rose Byrne (EU, 2012) U.
23.10 Jour de foot. Ligue 1 (29e journée).
0.10 Flight pp
Film Robert Zemeckis. Avec Denzel Washington,
John Goodman (EU, 2012, 135 min) V.
FRANCE 5
20.35 Echappées belles.
Inde : planète Bombay. Magazine.
22.10 La Menace d’un mégaséisme.
[2/2] Alerte Tsunami. Documentaire (2013).
23.00 L’Œil et la Main (25 min).
ARTE
20.45 L’Aventure humaine.
La Cité pirate. Documentaire (GB, 2011).
22.25 L’Ile de Robinson et l’or inca (coprod. 2010).
23.20 Trop jeune pour mourir.
[2/4] Vladimir Vyssotski : l’excès de vie.
0.10 Tracks. Magazine (45 min).
M6
20.50 Hawaï 5-0.
Série. Ua Nalohia (S4, ép. 7, inédit ). Olelo Ho’Opa’
I Make. Hana I Wa’Ia (S3, 13 et 14/24) ; Ua hopu.
Ua hala (S2, ép. 22 et 23/23) U (255 min).
18
décryptages
0123
Samedi 15 mars 2014
La mise sur écoute constitue une intrusion grave, il faut mieux l’encadrer
Jean-Pierre Bérard
Conseiller d’Etat honoraire
E
couter quelqu’un sans qu’il le
sache pour découvrir ses pensées intimes, ses projets secrets,
est une tentation à laquelle
échappent difficilement les personnes ayant d’importantes responsabilités,que ce soitun préfetdepolice
pendant les années 1950 ou un président
de la République pendant les années 1980.
Depuis, les écoutes téléphoniques ont
fait l’objet de dispositions législatives qui
auraient dû régler ce problème. Mais le
scandale actuel des écoutes d’un avocat et
de son client, ancien président de la République, repose la question ainsi que celle
de l’indépendance de la magistrature.
Les dispositions des articles 100 et suivants du code de procédure pénale prévoient que le juge d’instruction peut prescrire des écoutes téléphoniques en précisant l’information qui les motive. Cette
décision est prise pour une durée de quatre mois renouvelable dans les mêmes
conditions de forme et de durée.
Un avocat doit pouvoir s’entretenir en
toute confidentialité avec son client afin
de préserver les droits de la défense. Il ne
bénéficie, cependant, d’aucune impunité
et peut faire l’objet d’écoutes si le juge
d’instruction suppose qu’il a commis une
infraction.
Si l’article 100-5 du code de procédure
affirme « qu’à peine de nullité ne peuvent
être transcrites les correspondances avec
un avocat relevant de l’exercice des droits
de la défense », cette transcription est licite
si elle est de nature à faire présumer la participationde cetavocat à des faits constitutifs d’une infraction.
Mais le bâtonnier et le vice-bâtonnier
ont eu raison de rappeler « qu’il y a une différence entre le fait de mettre sur écoute un
avocat soupçonné d’avoir commis un délit
et celle de profiter d’écoutes ordonnées à
d’autres fins pour glaner des informations
sans rapport avec l’enquête initiale ».
C’est ce qui vient de se produirepour les
écoutes ordonnées à la suite d’une information ouverte en février 2013 concernant le financementde la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy, qui ont
permis de diffuser dans la presse des propos concernant l’affaire Bettencourt et de
justifier la perquisition des bureaux et
domiciles de Me Herzog.
Le placement sur écoute ne peut être
ordonné que sur la présomption d’une
infraction déterminée ayant entraîné
l’ouverturede l’informationdontlemagistrat est saisi. L’écoute n’a pas été ordonnée
sur la présomption d’une infraction
qu’aurait commise Me Herzog, mais sur la
présomption d’un financement délictueux d’une campagne électorale.
A la date à laquelle le juge d’instruction
a prescrit cette écoute, était-il en possession d’indices de participation de cet avocat à une activité délictueuse? La chambre
criminelle de la Cour de cassation (15 janvier 1997) a, dans ce cas, annulé les écoutes.
Enrevanche,le 1er octobre 2003,la chambre criminelle a admis que sont licites des
écoutes « dont le contenu est de nature à
faire présumer la participation d’un avo-
L’exploitation d’une
information sans rapport
avec l’enquête initiale
ne peut que provoquer
un malaise qui nuit
à la justice
cat à des faits constitutifs d’une infraction,
fussent-ils étrangers à la saisine du juge
d’instruction».
Lamisesur écouteestune intrusiongrave dans la vie privée. Elle devrait être
exceptionnelle, limitée dans le temps, justifiée précisément et bien cadrée. Son
exploitation, surtout dans le cas d’écoutes
se prolongeant à la suite de nombreux
renouvellements,devrait être limitée uniquement à son objet, tel qu’il résulte des
« nécessités de l’information» (article100).
La longueur exceptionnelle des écoutes, l’exploitation d’une information sans
rapport avec l’enquête initiale ne peuvent
que provoquerun malaisequi nuit à la justice,dont certains,à tort,contestentl’indépendance, aux institutions politiques et
aux médias.
On pourrait craindre des dérives destinées à assouvir une curiosité malsaine ou
une vindicte à l’égard d’une personne
dont on attend ou on espère qu’un jour ou
l’autre elle finira par commettre une
infraction,sans mêmeque celle-ci soit nettement définie.
Pour faciliter la répression de futures
infractions, il pourrait être envisagé de
mettre sur écoute permanente la totalité
d’une catégorie de personnes dont on présumerait que, en raison d’une activité spécifique, elles seraient tentées de commettre une quelconque infraction. Les progrès techniques actuels peuvent le permettre.Les services d’investigationaméricains procèdent bien à des écoutes dans le
monde entier.
Il faut donc mieux encadrer les écoutes
téléphoniques qui ne sont contrôlées qu’a
posteriori, au moins en soumettant leur
renouvellement à une décision de magistrats autres que le juge d’instruction
concerné et en bornant leur utilisation
par la stricte limite de l’enquête initiale.
Une propension de plus en plus développée à publier des informations confidentielles sur le déroulement d’une ins-
truction, une tendance des magistrats ou
de leurs organes représentatifs à exprimer des opinions politiques, qu’elles
soientde gaucheou de droite, aggravent le
malaise.
Une autre mesure est nécessaire pour
assurer l’indépendance de la justice et la
protéger : sanctionner très sévèrement
toute personne à l’origine d’une fuite
concernant les éléments confidentiels de
la procédure.
Ces fuites sur des momentsde procédure où rien n’est encore tranché ne peuvent
que nourrir des suppositions, des malentendus et faciliter des campagnes politiques vaines et désastreuses pour le respect de nos institutions et de nos médias.
Il faudraitquedans l’espritpublicde telles divulgationssoient aussisales, honteuses que celles d’un corbeau, que leur
auteur, qui ne peut être que proche de
l’institution judiciaire puisqu’il a eu accès
à ces pièces confidentielles, soit activement recherché et gravement sanctionné,
ce qui n’est pas le cas.
Ces deux mesures sont complémentaires. Les pouvoirs du juge d’instruction
sont importants.
Il faut lui permettre de les exercer dans
lasérénité et l’indépendance, touten assurant un contrôle nécessaire par l’institution judiciairedes décisionsgraves et strictement encadrées de mise sur écoute et en
assurant sévèrement la confidentialité de
sa démarche. p
Contrela pollution, il est urgent d’agir N’oublions pas les livresspoliés!
L’immobilisme n’a que trop duré
La face cachée du pillage nazi
mais aussimétaboliques, vasculaires et neurologiques. En 2013, le
Centre international de recherche
sur le cancer a classé la pollution
atmosphérique parmi les cancérigènes avérés.
Des études récentes suggèrent
que l’exposition au début de la vie
peut affecter de manière significative la santé dans la vie adulte, et
que l’effet de la pollution atmosphérique sur la grossesse peut
être comparableà celui du tabagisme passif. La pollution de l’air
réduit l’espérance de vie de chaque citoyen européen de huit
mois et demi en moyenne.
Isabella AnnesiMaesano
Directrice de recherche
à l’Inserm
D
epuis quelques
jours, la France est
touchée par une
vague anticyclonique et un épisode
de pollution atmosphérique. L’existence d’un lien
entre la présence d’un anticyclone
et les pics de pollution fait désormais partie du domaine des
connaissances communes : l’absence de vent et de pluie en cas de
conditionsanticycloniquesne permet pas la dispersion des polluants atmosphériques.
De ce fait, dans plusieurs villes
françaises les niveaux des principaux polluants de l’air dépassent
de façon importanteceux préconisés par l’Organisation mondiale
de la santé (OMS). Un nombre
croissant de preuves scientifiques
suggère que la pollution de l’air
est plus nocive qu’on ne le pensait
auparavant.Elle est à l’origine non
seulement d’un excès de morbidité et mortalité cardiopulmonaires
Des pics plus fréquents
Les données de l’Agence environnementale européenne indiquent une tendance à la diminution des émissions en tonnes des
particules en suspension pour la
période 1990- 2012 en Europe et,
plus particulièrement, en France.
Cependant, il s’agit d’émissions
qui sont calculées à partir des sources prévues, ce qui peut conduire à
leur sous-estimation.
Aucune tendance à la diminution n’est observée lorsqu’on
considère les concentrations
mesurées en microgramme par
mètre cube d’air de façon objective à l’aide des stations de sur-
Suivez leS académicienS
www.lemonde.fr/blogs/monde-academie/
LE MONDE
ACADÉMIE
en partenariat avec
et
veillance de la qualité de l’air ou
de modèles plus sophistiqués permettant de mesurer la pollution
de proximité, au trafic véhiculaire
par exemple.
La tendance à long terme, en
l’absence d’adoption de mesures
de réduction des émissions, est à
une augmentation de la fréquence des pics de pollution atmosphérique en raison, entre autres, des
changements climatiques.
Il faut donc adopter de façon
urgente des mesures pour réduire
les émissions liées aux transports.
Elles doivent porter sur la mise en
place et surtout le respect des normes « Euro» ainsi que sur le renouvellement du parc automobile,
dont celui des transports publics,
en faveur de véhicules moins polluants.
Avec certains collègues de la
Société européenne respiratoire
nous recommandons une mesure
de type économique : l’adoption
d’une taxe automobile progressive en fonction de la puissance, du
volume et du type de véhicule,
afin de tenir compte du potentiel
d’émission et de congestion du
véhicule. En fonction de leur topographie, les villes doivent prendre
des mesures adaptées.
La fermeture des centres
urbains à la circulation automobile convient aux villes comme
Paris, denses, dont les rues sont
étroites. Mais les citoyens doivent
pour cela prendre conscience de
l’utilité de ces mesures, notamment reconnaître l’intérêt d’utiliser les moyens de transports
publics ou alternatifs (vélo…), des
comportements qui doivent être
encouragés par des choix politiques.
Malheureusement, ces mesures ont rarement été adoptées en
France. Or bien que les exemples
ne soient pas nombreux, les expériences tentées par Milan et Stockholm montrent qu’une réduction
significative de la pollution a été
obtenue en diminuant la circulation automobile de façon coercitive.
Une réduction de la pollution
atmosphérique est essentielle
non seulement pour la santé des
êtres humains, des animaux et de
la végétation mais aussi pour limiter l’effet des gaz de serreresponsable des changements climatiques
et des effets associés. p
Martine Poulain
Conservatrice des bibliothèques
L
a remise à leurs ayants droit par la
ministre de la culture de trois
tableaux spoliés, la sortie en France du film de George Clooney,
Monuments Men, remettent sur le
devant de la scène un des aspects
sous-évalué de la barbarie nazie : la spoliation, singulièrement en France, de milliers
de tableaux, sauvagement arrachés par les
services du Reich à leurs légitimes propriétaires, majoritairement juifs.
On estime que 61 233 œuvres d’art revinrent en France ; après de difficiles recherches des caches nazies, qui changèrent au
cours de la guerre, grâce aussi à des Monuments Women, telle Rose Valland, attachée
de conservation au Jeu de paume, 45 000
œuvres purent, entre fin 1944 et fin 1949,
être rendues à leurs possesseurs, si du
moins ceux-ci étaient encore en vie. Très
vite, en ce domaine comme dans d’autres
(la collaboration, par exemple…), les ordres
furent de tourner la page. Les commissions
de restitution, dotées de moyens dérisoires,
Le vol (ou la destruction, c’est selon)
de tableaux ne fut pas le seul signe
de la volonté de puissance des nazis
sur les choses de l’âme et de l’esprit
sont obligées d’interrompre leurs activités.
Avec une rapidité coupable, plusieurs milliers d’œuvres restantes sont dispersées par
l’administration des Domaines et 2 000
mises en dépôt, sous le sigle MNR (Musées
nationaux récupération), dans les grands
musées français. Puis, rien, ou presque…
Réjouissons-nous alors que l’opiniâtreté de certains héritiers, l’engagement de
chercheurset de professionnels,la détermination de certains responsables politiques,
dont Corinne Bouchoux, sénatrice (EELV)
duMaine-et-Loire,quiappelle dansson rapport de janvier à redoubler d’efforts et à
poursuivreles restitutions,aient contribué
à lever le voile sur cette amnésie douteuse.
Martine Poulain
Signe de la hiérarchie symbolique des
est l’auteure de
arts, on se préoccupe, presque toujours,
Livres pillés,
des peintures (de maîtres). Mais si l’on ne
lectures
veut pas, une nouvelle fois, reconstruire
surveillées. Les
une mémoire partielle, il faut rappeler que
bibliothèques
le vol (ou la destruction, c’est selon) de
françaises sous
tableauxne fut pas le seul signe de la volonl’Occupation,
té de puissance des nazis sur les choses de
Gallimard, « Folio
l’âme et de l’esprit : sculptures, objets d’art,
Histoire», 2013.
mobiliers, instruments de musique, archives, livres furent pourchassés avec autant
¶
de détermination et de violence que le
furent ceux qui les possédaient.
Eliminer les êtres ne suffisait pas, il
importait de détruire ce qui avait constitué
leur vie, façonné leur existence, structuré
leur histoire, instruit leur esprit. Selon une
planification implacable et préparée dès le
milieu des années 1930 par les idéologues
nazis et leurs espions, au moins 5 et peutêtre 10 millions de livres ont été saisis en
France dans des centaines d’institutions et
chez des milliers de familles, juives dans
leur immense majorité, mais aussi francmaçonnes,slaves, résistantes,protestantes
parfois(l’histoire del’émigrationhuguenote devenant elle aussi faire-valoir du Reich)
ou simplement républicaines.
Guère plus de 1 million de ces livres ont
été retrouvés, en France ou en Allemagne,
au prix d’efforts gigantesques, des milliers
de caisses revenant par wagons entiers :
ensembles parfois intacts, plus souvent
dépareillés, morcelés, voire méconnaissables après les multiples tris que leur firent
subirles occupants,en Franceou en Allemagne. Des tris qui pour nombreux qu’ils
furent ne doivent rien au hasard, aucun
ouvrage du poète et écrivain allemand
Heinrich Heine (1797-1856) n’étant par
exemple revenu d’Allemagne : ils y ont
tous été détruits. « La perte de mes livres
m’a enlevé le goût de vivre durant plusieurs
semaines », témoigne la journaliste Louise
Weiss; « C’est un coup terrible, une amputation, à n’en plus se relever », déplore l’historien Boris Souvarine ; et le romancier
André Maurois : « Dans mon bureau, les
rayonsque j’avais, en quaranteannées,remplis de livres choisis avec amour, sont maintenant vides. Ne trouvant pas l’homme, la
Gestapo a pris la bibliothèque.»
Une femme, la bibliothécaire Jenny Delsaux, dotée de moyens dérisoires, consacra
cinq ans de sa vie, au sein de la sous-commission des livres à la récupération artistique, à tenter de restituer leurs livres aux
spoliés. Mais là encore, et pour des raisons
politiques, le travail fut interrompu trop
vite : 300 000 livres parmi les retrouvés
furentvendusau poidset 15000,dont quelques centaines de documents précieux ou
rares (manuscrits, estampes, livres
anciens), déposés dans des bibliothèques
patrimoniales ou ayant souffert de la
guerre. Ils y sont toujours et nul ne connaît
plus leur histoire ni des mains de qui ils
furent arrachés… Il est encore temps de
nourrir cette mémoire et de retrouver une
partie de ces bibliothèques. L’effort à fournir n’est pas surhumain. Il demande une
volonté de savoir et de faire savoir, un travail d’analyse et de recherche de provenance tout à fait classique, une coopération
européenneapte à restituer l’immensecartographie de ces errances forcées. p
0123
analyses
Samedi 15 mars 2014
19
Unedic : les précaires otages de la négociation ?
ANALYSE
par Jean-Baptiste Chastand
Service Politique
A
lors que la négociation sur l’assurance-chômage devait se terminer jeudi 13 mars, le patronat a
demandé, lundi 10 mars, aux syndicats de reporter l’échéance au
20mars. Officiellement, le Medef
assure que ses équipes sont trop accaparées par
le pacte de responsabilité, et l’Unedic ne serait
pas en mesure de chiffrer toutes les options de
réforme sur la table. Mais la journée de mobilisationde la CGT et de FO,le 18 mars, alors que les
intermittents sont déjà dans la rue, pousse
également le patronat et la CFDT à temporiser.
Car une négociation, c’est toujours une grande part de théâtre, de jeux de posture et aussi de
politique.La maîtrise de l’agenda médiatiqueest
cruciale. En proposant d’emblée de supprimer le
régime des intermittents du spectacle, le Medef
a parfaitement réussi son coup. Depuis le début
de la négociation, on ne parle plus que du sort de
la centaine de milliers d’intermittents indemnisés par l’assurance-chômage, tandis que celui
des autres chômeurs est passé au second plan.
Le patronat sait que la suppression pure et
simpledesannexes8 et 10 de la conventiond’as-
surance-chômage – qui régissent les intermittents – est parfaitement inacceptable pour les
syndicats. Mais il avait besoin que l’attention se
focalise sur ce point. En échange d’un recul sur
sa revendication, il compte obtenir des concessions syndicales sur les autres sujets en discussion, notamment les règles d’indemnisation
des autres précaires. Voire instaurer l’idée que
les droits des chômeurs puissent diminuer, si
l’économie s’améliore.
Ce grand jeu a déjà fait une victime : la
simplification des règles d’indemnisation.
Alors que ce sujet était censé être un des
principaux points de discussion, il est désormais loin des radars. Il y a pourtant à peine plus
d’un an, l’immolation d’un intérimaire devant
une agence Pôle emploi à Nantes avait alerté
l’opinion sur les dramatiques conséquences
que pouvaient avoir certaines règles de l’Unedic. Incompréhensibles pour la plupart des
chômeurs, et pour une bonne partie des
conseillers de Pôle emploi, ces règles devaient
être simplifiées, avaient alors promis syndicats
et patronat.
Mais la négociation approche de son terme
et le sujet a à peine été effleuré. La CFDT ne veut,
pour l’instant, parler que des droits rechargeables. Sur le papier, ils doivent permettre à tous
les chômeurs de ne pas voir leur indemnisation
baisser s’ils reprennent un travail, comme c’est
parfois le cas actuellement. Mais ce n’est
qu’une partie du problème et, surtout, la solu-
POLITIQUE | CHRONIQUE
par Françoise Fressoz
Le vice et la vertu
C
’était pourtant si simple :
le vice et la vertu. Le vice :
Nicolas Sarkozy, « une affaire par jour » ou presque, comme
le dit un ministre.
La vertu : François Hollande,
incarnation d’une « République
irréprochable », ainsi que le proclamait le candidat pendant la
campagne présidentielle.
Mercredi 12 mars, en conseil
des ministres, le président a tout
fait pour donner corps à son slogan. Il a défendu la présomption
d’innocence, le secret de l’instruction, la séparation des pouvoirs,
l’indépendance de la justice.
Mais pour que son plaidoyer
soit parfaitement crédible, il fallait maintenir l’illusion d’une
parfaite étanchéité entre le pouvoir et les juges, il fallait que le
président de la République
découvre tout dans la presse,
comme ses concitoyens, qu’il ne
sache rien avant eux de l’activité
des juges à l’encontre de son prédécesseur : la mise sur écoute de
Nicolas Sarkozy dans le cadre
d’une enquête sur le financement de sa campagne en 2007,
puis l’ouverture d’une information judiciaire pour trafic d’influence concernant l’affaire Bettencourt.
D’où le mensonge de la garde
des sceaux, Christiane Taubira,
rapidement mis à jour, car il
était en réalité impossible que
dans ce genre d’affaires le pouvoir ne sache rien. Il avait luimême fixé les règles de la procédure. Du coup, la belle histoire
ne tient plus : ce n’est plus la vertu contre le vice, mais une
bataille politique, le énième épisode du match Sarkozy-Hollande, un feuilleton à rebondissements qui menace d’empoisonner tout le quinquennat.
Nicolas Sarkozy a beau être
atteint par l’avalanche d’affaires
qui lui tombe sur la tête, sa
pugnacité est intacte. Il joue sa
survie politique. Il se battra jusqu’au bout, en prenant, comme à
chaque fois, la posture commode
de la victime. Victime des juges,
victime du pouvoir, victime de
tous ceux qui rêvent de l’abattre.
Et, ce faisant, il galvanise ses troupes et force son camp à faire
corps derrière lui, François Fillon
compris, qui, à propos des écoutes, évoque à présent « un règlement de comptes pas digne d’un
Etat de droit ».
François Hollande n’est pas
atteint dans sa probité. Personne
ne l’accuse de manipuler la justice, mais son innocence en a
pris un coup. Le président de la
République savait, donc il était
susceptible de… C’est le poison
du soupçon, d’autant plus difficile à combattre que les règles du
jeu sont inégales.
A partir du moment où la gauche se pare d’un manteau de ver-
tion préconisée par la CFDT n’est pas d’une très
grande simplicité. Qu’importe ! Le sujet est
crucial pour la stratégie de la CFDT, qui a obtenu
cette contrepartie dans le cadre de l’accord
nationalsur la sécurisationdel’emploidu 11janvier 2013. De son côté, le Medef a inutilement
tendules négociationsen mettantcomme préalable la suppression des annexes 8 et 10, mais
aussi celle qui concerne les intérimaires. Avec
un objectif: mettre l’Etat devant ses responsabilités s’il tient à tout prix au régime des intermittents. La CGT, qui ne compte pas, de toute façon
signer l’accord, est hors jeu.
L’intérêt des chômeurs
Pas sûr que le gros million de chômeurs qui
reprennentchaquemoisune activité pour quelques jours ou quelques heures et qui doivent
jongler avec les règles comprennent bien ce jeu
de théâtre propre à chaque négociation sociale.
Empêtrés dans des enjeux politiques supérieurs, les négociateurs syndicaux et patronauxmontrentà nouveauqu’ils ont parfoistendance à oublier l’intérêt des chômeurs. « La
méthode actuelle pousse à ne se focaliser que sur
quelques sujets médiatiques », reconnaît Patricia Ferrand, présidente (CFDT) de l’Unedic.
Le risque est que les partenaires sociaux
voient leur légitimité érodée, alors que l’Unedic
est un des derniers bastions du paritarisme.
« La négociation sociale reste la bonne méthode», défend Mme Ferrand, en estimant que, pour
corriger ces défauts, « il faudrait discuter des
points les plus techniques en amont, dans le
cadre de groupes techniques paritaires, en prenant du temps ». Cela n’a pourtant pas été le cas
jusqu’ici, alors que les dates de la négociation
sont calées depuis plusieurs mois.
Le Précis de l’indemnisation, édité par
l’Unedic et censé résumer les règles, fait plus de
300 pages. Simplifier suppose de regarder règle
par règle celles qui peuvent être supprimées,
amendées ou maintenues. La convention prévoit, par exemple, encore une annexe spécifique pour les dockers, alors qu’aucun d’entre
eux n’est au chômage. Un travail ingrat qui ne
peut en aucun cas être fait dans le cadre d’une
négociationde quelques semaines.Syndicats et
patronat devraient, à ce titre, au moins doter
l’Unedic d’une organisation plus agile qui permette d’adapter les règles au fil de l’eau en fonction des remontées du terrain, et non pas tous
les deux ans lors de négociations théâtralisées.
Des sites Internet de conseils aux chômeurs,
en prise directe avec les préoccupations des
5 millions de personnes inscrites à Pôle emploi,
existent déjà et font figure de très bon baromètre du terrain. Il suffirait d’écouter un peu plus
les préoccupations qui remontent à travers ces
forums. Cela suppose de changer de méthode
en profondeur, mais la légitimitéde l’Unedic en
tant qu’organisme paritaire en dépend. p
DEPUIS LE
DÉBUT DE LA
NÉGOCIATION,
ON NE PARLE
PLUS QUE DU
SORT DE LA
CENTAINE
DE MILLIERS
D’INTERMITTENTS
[email protected]
Jean Jaurès
Un prophète socialiste
La belle histoire
ne tient plus. C’est
une bataille politique,
le énième épisode
du match SarkozyHollande, qui menace
d’empoisonner
tout le quinquennat
tu, elle se paralyse politiquement : la présomption d’innocence lui interdit d’exploiter les
affaires, l’indépendance de la justice d’en commenter les étapes.
Elle est condamnée au silence. Et
lorsqu’elle a le malheur d’y déroger, elle se piège elle-même.
En face, il n’existe pas de tels
scrupules. La droite a parfois
milité pour l’indépendance de la
justice, mais jamais elle n’a voulu couper le cordon. Face aux
juges, Nicolas Sarkozy mène un
combat 100 % politique, dénué
de toute connotation morale. Et
chaque fois qu’il paraît coulé, il
ressurgit comme le diable sortant de sa boîte. p
[email protected]
RECTIFICATIFS & PRÉCISIONS
a Affaire Buisson Dans l’article « Le dictaphone a enregistré l’entou-
rage de l’ex-chef de l’Etat “à l’insu de Patrick Buisson” » (Le Monde du
12 mars), consacré aux deux procès pour violation de la vie privée
intentés après la publication de ces enregistrements, c’est par erreur
que nous avons écrit que Le Canard enchaîné avait transmis au tribunal la transcription des enregistrements dont il disposait. L’hebdomadaire n’a évidemment transmis que les extraits concernant la vie privée, qu’il avait justement choisi de ne pas publier.
Figure essentielle de l’histoire de la gauche et fondateur du socialisme moderne, Jean Jaurès fut
un des premiers « indignés ». Tribun, écrivain, philosophe, journaliste, mais aussi député, militant
politique, théoricien, cet homme engagé, républicain jusqu’au plus profond de l’âme, combattit toute
sa vie l’hypocrisie sociale, l’injustice économique et la guerre… Pourtant, aujourd’hui, même une
partie de la droite et de l’extrême droite tentent de se l’approprier. Comme si, au-delà des clivages
idéologiques, Jaurès appartenait désormais à notre patrimoine.
« Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? », chantait Brel. A l’occasion du centième anniversaire de son
assassinat, qui annonçait la tragédie de 14-18, Le Monde cherche à répondre à cette question…
Dans ce hors-série, une INVITATION à la VISITE PRIVÉE
de l’exposition JAURÈS, le 20 mars, aux Archives nationales
« JEAN JAURÈS, UN PROPHÈTE SOCIALISTE », un hors-série du Monde
7,90 € - En kiosque et sur lemonde.fr/boutique
20
0123
dialogues
Samedi 15 mars 2014
Génération
«pure paper»
Médiateur
Pascal Galinier
M
arre, marre, marre de
votre antisarkozysme
obsessionnel! » C’est
un cri du cœur, plus
qu’un coup de gueule,
que nous envoie cette
lectrice de Sausset-les-Pins (Bouches-duRhône). Elle répond à la précédente chronique de cette page Dialogues (Le Monde
daté 9-10mars). Le médiateur y suggérait
aux lecteurs de nous faire part de leurs
attentes. Plusieurs d’entre eux nous ont
pris au mot. Dont cette «fidèle lectrice» de
longue date – qui précise dans sa belle lettre manuscrite: « Merci de me lire sans
publier.»
Désolé de vous trahir, Mme l’abonnée
fidèle et anonyme revendiquée… «Vous
avez voulu me consulter, c’était à vos risques et périls…», écrivez-vous. Vous avez
voulu nous écrire, c’était à vos risques et
périls, pourrions-nous vous répondre…
Mais que nous dites-vous donc qui justifie cet échange aigre-doux? «Il arrivera certainement un jour où l’ancien président
sera condamné d’une manière avérée.
Alors là vous pourrez en informer le lecteur.
Jusqu’ici c’est un ancien président qui
appartient au passé.» Et pour faire bonne
mesure, vous vouez François Hollande
aux mêmes gémonies, persuadée que
vous êtes qu’il ne sera pas candidat en
2017, « au vu de ses petits sondages actuels
bien cachés au bas de vos pages en petits
caractères…».
Nous n’aurons pas l’outrecuidance de
vous rappeler que ces «petits sondages»,
qui mesurent la descente aux enfers de
François Hollande dans l’estime des Français, loin d’être «bien cachés» dans ces
colonnes, donnent au contraire lieu à
moult articles et même à quelques titres
de « une» – ce qui nous est vertement
reproché par d’autres que vous.
teurs conditionnés qui trouveront dans ce texte des motifs
pour justifier leur indignation traditionnelle.
Alain Coulon, Paris
Courrier
CENTRAFRIQUE
Pourl’engagementde la France
J’ai vécu cinq ans en Centrafrique entre 1966 et 1971. J’étais élève au
lycée Barthélémy-Boganda, à Bangui. Même si je comprends les réticences de l’opinion publique française qui a toujours en tête les frasques de
Bokassa et qui est frappée par les atrocités commises par les deux
camps en Centrafrique, je saisis moins la retenue de certains politiques.
Je suis l’auteur d’une thèse sur l’Union africaine et l’élaboration d’un
droit régional de la guerre civile soutenue en 1980 à l’université ParisXI. Il n’y a pas de « piège» pour la France, le conflit centrafricain est
d’une nature particulière, qui requiert une approche, un traitement particulier sur un long terme. La France se doit d’intervenir du fait de son
histoire commune avec une partie du continent africain et de l’image
qu’elle renvoie au sein des nations en matière de défense des droits de
l’homme. La France de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen n’est ni la Suède ni la Suisse…, des Etats souvent cités en modèles. Ce sont, en fait, des modèles de prudence et de neutralité. La France,
quant à elle, a un destin qui la dépasse et qui fait d’elle une exception
dans le concert des nations.
Patrick David,
Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine)
Ukraine
Une démarche salutaire
Je remercie Le Monde d’avoir eu le
courage de publier la tribune
d’Yves Roucaute: « La Crimée est
russe depuis quatre siècles ! Il faut
lui permettre de devenir indépendante » (Le Monde du 12 mars).
Loin d’être en plein accord avec
toutes les positions de l’auteur, je
me réjouis de lire un texte qui ose
s’échapper d’une pensée considérée comme « politiquement cor-
Prenez Noël Jarrige (Paris). «Que vous
ayez le droit de critiquer les actes politiques
de François Hollande, bien sûr – c’est même
votre devoir de nous en informer avec des
arguments solides, nous écrit-il. Mais que
vous mettiez ces actes politiques, sous prétexte que vous les jugez en échec, en parallèle à des actes de délinquance, là vous quittez le domaine de l’information intelligente pour entrer dans celui de la basse polémique, de la mauvaise foi.» En cause: notre
éditorial titré « Marine Le Pen peut se frotter les mains» après l’affaire des enregistrements de Nicolas Sarkozy par Patrick
Buisson (Le Monde du 6mars).
«Cet éditorial ne visait nullement à mettre “dans le même sac” la gauche au pouvoir
et l’opposition de droite, répond Gérard
Courtois, directeur éditorial, mais à noter
que les turpitudes de la droite, d’une part,
l’impuissance du gouvernement face au chômage et à la stagnation de l’économie,
d’autre part, ne pouvaient que favoriser la
défiance des Français à l’égard des responsables politiques. Et apporter, peu ou prou, de
l’eau au moulin du Front national. »
Nos lecteurs sont exigeants. Nous ne
saurions nous en plaindre, fussent-ils parfois virulents. Ce qu’ils attendent de nous?
Notre très en verve lectrice de Sausset-lesPins à son idée : «Un journal tourné vers
l’avenir, qui nous explique les enjeux du
futur, qui ne ressasse pas éternellement les
mêmes turpitudes passées.»
Alors, parlons d’avenir. Du nôtre. Du
vôtre, chers lecteurs, avec qui nous avons
partie liée. Savez-vous que 61% d’entre
recte » mais « philosophiquement
sclérosante», laquelle ayant tendance à envahir les colonnes de
notre quotidien. Voilà enfin un
texte qui s’écarte du « prêchi-prêcha » traditionnel et qui s’affranchit des barrières « bien-pensantes ». L’auteur n’hésite pas à renverser la table et à soutenir un
point de vue que d’aucuns qualifieront d’« indéfendable». Attendez-vous à recevoir une volée de
critiques en provenance de lec-
Les leçons de l’Histoire
Que ce soit sous les auspices de
l’ONU ou de la SDN, l’Histoire
continue hélas comme avant.
On peut toutefois espérer qu’en
Ukraine cela se passera mieux
qu’entre l’Irlande et l’Angleterre
et que cela se passera plutôt comme la scission de la Tchécoslovaquie. Ne parlons pas des guerres
meurtrières qui ont abouti à un
morcellement de la Yougoslavie
en une demi-douzaine d’Etats et
auquel ont beaucoup contribué
des Etats européens qui aujourd’hui se veulent rassembleurs.
Quant à l’indignation de Barack
Obama vis-à-vis de l’ingérence de
Vladimir Poutine, n’a-t-il pas le
souvenir des guerres déclenchées
par ses prédécesseurs, de leur
intervention à Panama, de leur
soutien au débarquement des exilés cubains dans la baie des
Cochons, du rôle de la CIA dans le
coup d’Etat d’Augusto Pinochet?
Paul Vincent, Paris
Syrie
Une enquête essentielle
Merci au Monde pour la publication de son enquête « Syrie : le
viol, arme de destruction massive » (Le Monde du 6 mars) et de
continuer inlassablement à
vous nous lisent d’ores et déjà et sur le
papier et sur le Web? La révolution
bimédia est en marche, nous le disions ici
même la semaine dernière. Oui mais…
«Partie majoritaire dont je ne fais pas partie», s’agace Grégory Charles-Bernard (Grenoble). Lui appartient manifestement aux
21% qui ne lisent nos éditions que sur
papier. Comme Ivan Dabrigeon (Paris),
pour qui « les solutions digitales ou dématérialisées dont on nous promet la lune, les
monts et les merveilles, tous ces ersatz de
solutions n’y pourront rien changer! »
U
ne «génération “pure paper» » en
somme, si l’on ose ce néologisme
sur le mode des « pure players» du
Web… Une génération qui a des idées très –
trop? – arrêtées. Qui les énonce sans fard,
non sans talent parfois. « Fidèle lecteur
abonné de la version papier», Jean-Joël
Blanc (Grenoble) « prend la plume – enfin,
le clavier – pour clamer haut et fort [son]
désir absolu de voir notre journal poursuivre sa destinée, continuer à publier ces merveilles de suppléments où l’on apprend toujours quelque chose, offrir au public une vertigineuse panoplie du monde d’aujourd’hui avec ses doutes et ses progrès…»
Moins lyrique, Didier Williame, de Gifsur-Yvette (Essonne); et plus pragmatique: «Le numérique, c’est pour être au courant. Le papier, c’est pour prendre le temps
de comprendre.» «J’attendrai la prochaine
nouvelle version pour monter sur mes
grands chevaux», promet Victor Davet
(Versailles). Mais dans son « premier cour-
dénoncer les actes de torture et de
barbarie.
Sandrine Blondel
Envermeu (Seine-Maritime)
Société
Une réalité plus complexe
Quel plaisir à la lecture des tribunes de Jean-Pierre Rosenczveig
(« Vivement une vraie politique
de l’enfance ! ») et de Pierre-Louis
Rémy (« La gauche ne doit pas laisser les valeurs familiales à la droite ») dans Le Monde du 19 février.
Une bouffée d’air frais, de recul,
d’équilibre, de place laissée à la
Raison avec un grand R au milieu
des tribunes accordées par Le Monde aux partisans à tous crins de
l’homoparentalité, de la PMA
pour les couples d’homosexuelles
et de la GPA. Merci à Pierre-Louis
Rémy de dire haut et fort qu’il y a
des gens de gauche défavorables à
l’homoparentalité, à la PMA pour
les couples d’homosexuelles et à
la GPA. Qu’il y a des gens de gauche qui pensent encore que la
famille traditionnelle avec père et
mère reste l’espace idéal pour la
construction d’un enfant, même
avec ses imperfections. Quarante
ans que je vote à gauche et deux
ans que je dois supporter cette
assimilation systématique de la
part de la presse : être de gauche,
c’est être pour ces réformes sociétales, et être de droite, c’est être
contre. Comme si les choses
étaient aussi simples!
Françoise Côme, Bayonne
rier des lecteurs en vingt ans de lecture», il
ne peut s’empêcher de piaffer: «Pendant
que je vous tiens, j’en profite pour vous asséner quelques remarques générales d’un
homme blanc de 35ans, Parisien, CSP +
dans le secteur public, lecteur préférant le
papier, autant dire pas franchement représentatif, mais acheteur constant.»
Agacé lui aussi par «la chasse au
Sarko», Louis Moussard (Rochefort-en-Yvelines) n’ignore pas le «contexte général
défavorable à la presse écrite ». D’où sa
mise en garde contre un syndrome Libération: «Désertion de lecteurs qui ne partagent plus la ligne que leur assène plus ou
moins le journal; journalistes jaloux de
leur indépendance éditoriale au point d’en
être aveuglés; actionnaires qui ne seront
pas toujours des mécènes mais imposeront
tôt ou tard une stratégie plus ou moins dictée par le business…»
Quant à la participation active des lecteurs par le biais du numérique, que
saluent nombre d’internautes, c’est paradoxalement l’un des plus fidèles d’entre
eux, Claude Bachelier (Allevard, Isère), qui
nous met en garde: «Ne renversez pas les
rôles. Nous sommes vos lecteurs, vous êtes
nos journalistes. C’est votre boulot, votre
job et votre honneur. Continuez à le porter
en bandoulière, et nous resterons à vos
côtés. Par le papier ou par l’ordi.» On ne
saurait mieux résumer notre ambition.p
[email protected]
Mediateur.blog.lemonde.fr
@pasgalinier
Féminisme
L’origine du 8-Mars
La date du 8mars n’est qu’une officialisation et non l’instauration
de la journée de commémoration
des luttes de femmes par l’ONU
en 1977, comme l’indique l’éditorial « Egalité femmes-hommes: le
levier de la loi » (Le Monde du
8 mars). L’origine première et véritable remonte à la conférence des
femmes socialistes de 1910, à la
demande de Clara Zetkin ; toutes
les femmes présentes votèrent
pour faire de cette journée une
journée de référence pour les
revendications de leurs droits.
Puis, en 1917, la grève des ouvrières de Saint-Pétersbourg le 8 mars
« solidifia » cette date.
Michelle Colmard-Drouault,
Paris
Politique
Parole démocratique
Comme le précise l’éditorial
« Marine Le Pen peut se frotter les
mains…» (Le Monde du 6 mars), le
scandale des écoutes de Patrick
Buisson peut favoriser dans l’opinion le développement d’un
« tous tordus » au sujet de la classe politique française. Toutefois,
c’est aussi au langage des individus qui gravitent autour de nos
dirigeants qu’il faut s’intéresser.
Qu’entend-on dans ces enregistrements? Des pédants qui jouissent
de leurs chicaneries. Des Versaillais trop heureux de faire partie de la cour. Comme à l’accoutumée, les conseillers expliquent les
erreurs du prince par la bêtise et
l’inculture des autres petits marquis.
On moque les mœurs de ses
consanguins et de leurs favorites.
Tristes sires. Le discours anti-élite
n’a malheureusement pas pour
seul fondement la démagogie de
quelques extrémistes. Il repose
aussi sur des habitudes profondément ancrées dans une partie de
notre classe politique, dont les
codes « vieille France » sont des
marqueurs d’intégration et d’exclusion.
Quand les effets de manches, les
saillies, les intuitions de quelques
conseillers sont considérés avec
intérêt par un chef d’Etat, c’est
tout un pays qu’on fourvoie. Nos
représentants élus doivent adopter une langue démocratique qui
nous permette de comprendre et
d’intégrer le monde contemporain. Buisson et comparses n’ont
pas cette ambition.
Pierre-Marc Barrault,
Bucarest, Roumanie
Gouvernement réduit
Professeur émérite à l’université
Paris-XII, avocat à la Cour, j’apporte une précision à la chronique
« Le serpent de mer du remaniement» (Le Monde du 5 mars).
Citant les équipes ministérielles
« comptant moins de 30 ministres
et secrétaires d’Etat depuis 1958 »,
Gérard Courtois omet de mentionner le gouvernement formé par
Michel Debré le 8 janvier 1959.
Celui-ci ne comprenait, en effet,
que 27 membres (le premier
ministre, 20 ministres et 6 secrétaires d’Etat). Ce chiffre se trouva
réduit à 25 après le remaniement
du 5 février 1960 (le premier
ministre, 20 ministres et 4 secrétaires d’Etat). Il y eut encore
moins de 30 membres après le
remaniement du 24 août 1961 (le
premier ministre, 20 ministres et
7 secrétaires d’Etat). Par ailleurs, le
troisième gouvernement Messmer (27 février-27mai 1974) ne
comprenait que 29 membres (le
premier ministre, 15 ministres et
13 secrétaires d’Etat).
Daniel Amson, Paris
Sport
Si j’étais entraîneur…
On dit toujours, dans les milieux
du foot, qu’il y a autant de sélectionneurs que de supporteurs…
Ayant, comme on dit, « visionné»
trois matchs de l’équipe de France
dans le Tournoi des six nations, je
vais me risquer à jouer à ce jeu
pour le rugby.
Si j’étais entraîneur, ou seulement capitaine, de l’équipe, je
m’interrogerais sur son jeu sans
imagination, sur ces attaques téléphonées ou ces percussions sans
fin…, mais je ne sais pas si je trouverais des solutions ; l’imagination, ça ne se commande pas ! Je
ferais des remarques, mais pas de
reproches sur les nombreuses fautes – fautes de main, en-avant,
légers hors-jeu, coup de pied
direct en touche – qui, dans le feu
du jeu et sous la pression, font
souvent perdre le bénéfice d’efforts aussi importants que finalement vains.
En revanche, que penser de ces
erreurs – lancer hasardeux ou touche pas droite –, cadeaux instantanés à l’adversaire ? Que dire de ces
fautes délibérées (?), mauvaise
introduction à la mêlée, conservation du ballon après placage, qui
au mieux coûtent une belle touche pour l’adversaire, au pire les
trois points du coup franc… Que
dire de ces longs coups de pied
dans l’axe du terrain, qui, compte
tenu de l’adresse des joueurs
actuels, mènent invariablement à
de fort belles contre-attaques,
avec trente mètres de champ
pour le joueur adverse?
Mais, comme d’habitude, critiquer les erreurs est sans doute
plus facile que de trouver la solution !
Georges Quézel-Ambrunaz
Saint-Alban-des-Villards
(Savoie)
[email protected] :
http ://médiateur.blog.lemonde.fr
0123
enquête
Samedi 15 mars 2014
21
Louis Imbert
Sevastianovska (Crimée)
Envoyé spécial
L
éna et Meriem sont voisines.
Elles vivent depuis vingt-cinq
ans d’un côté et de l’autre de
l’unique rue, à nids-de-poule,
du village de Sevastianovska. Le
bourg de 140 familles s’étend
dans un repli de terrain à l’écart de la route
qui relie le port de Sébastopol à la capitale
delaRépubliqueautonomedeCrimée,Simferopol. Léna Javoronkova, 66 ans, est Russe et orthodoxe; Meriem Bolatova, 75 ans,
Tatare et musulmane. Toutes deux sont
nées à quelques kilomètres d’ici et, jusquelà, elles s’entendaient à merveille.
Mais vendredi 28 février, l’armée russe
est passée sur la route de Simferopol. En
une journée et sans tirer un coup de feu,
elle a occupé la péninsule ukrainienne. Le
lendemain, on croisait les deux femmes
autour de la barrière du jardinet de Léna.
Meriem, visage rond sous un foulard de
laine jaune, s’indignait: « Pourquoi ils viennent, les Russes? Ce n’est pas leur pays! »
A Sevastianovska,
village équipé
depuis 2009 de
conduites de gaz
posées grâce à une
aide du Canada
(en haut). A gauche,
Meriem Bolatova,
une Tatare opposée
au rattachement de
la Crimée à la Russie.
A droite,
des hommes
patrouillent pour
éviter les violences.
«Tu ne veux pas qu’on
soit russe ? Mais tu
verras, le mois prochain,
on te coupera ta pension!
Tu seras assise sur
ton cul nu! »
Sous son fichu de coton blanc à fleurs
roses, le rouge est vite monté aux joues de
Léna. La Russie va « nous protéger», a-t-elle
répliqué. Et elle a dénoncé ces « fascistes»
qui, à Kiev, le 22 février, ont acculé le président Ianoukovitch à la fuite. Les héritiers
de ceux qui, en 1942, ont tué son oncle, soldat de l’Armée rouge… Là-bas, à l’ouest,
l’Ukraine est ruinée, a-t-elle encore asséné,
et seul l’argent russe peut sauver le pays.
« Tu ne veux pas qu’on soit russe ? Mais tu
verras, le mois prochain, on te coupera ta
pension! Tuseras assise sur ton cul nu! » Les
voisins ont séparé les deux femmes.
Depuis, Meriem et Léna ne se parlent
plus. Dimanche, Léna ira voter en faveur
du rattachement de la Crimée à la Russie,
dans un référendum organisé par le gouvernement fantoche mis en place par Moscou. En attendant, elle vit cloîtrée devant
son téléviseur. Elle regarde les chaînes russes, surtout Rossia 24: « Il n’y a qu’eux qui
ne mentent pas. » « Plus personne ne me
parleauvillage»,dit-elle,saufquelquesvoisins russes, minoritaires. Elle téléphone
souvent à son fils, acteur, ancien résident
du Théâtre Gorki de Simferopol, parti tentersa chanceàKiev.S’ildécrocheson portable dans la rue, elle lui demande de ne pas
parler russe, «sinon, il pourrait être tué ».
Meriem, elle, n’ira pas voter. Les autorités tatares, qui défendent le nouveau pouvoir de Kiev, ont appelé au boycott.
Meriem ne sort pas plus de chez elle que
Léna et les chaînes russes la font pleurer.
Elle préfère l’antenne tatare de Crimée,
ATR.Elle montre,au murdusalonde sa belle maison de trois étages, les huit portraits
de ses arrière-petits-enfants. « Ici c’est chez
nous. Moi je vais mourir d’une façon ou
d’une autre, mais mes enfants, qu’est-ce
qu’il va leur arriver?»
Pour comprendre ce qui divise aujourd’hui Meriem et Léna, il faut remonter à
leur enfance. Le 18 mai 1944, Meriem a
5 ans quand les Tatars de Crimée
(218000 recensés avant la seconde guerre
mondiale) sont déportés en Asie centrale,
sur décret de Staline, pour avoir « collaboré
avec les autorités d’occupation allemandes». Des dizaines de milliers de personnes
meurent durant le voyage et dans les mois
suivants. Onze mille sont envoyées en
camp de travail. Léna, elle, naît quatre ans
plus tard, sur une terre vidée de ce peuple,
pourtant installé là juste après les invasions mongoles du XIIIe siècle, et qui ne
vivait sous domination russe que depuis le
milieu du XIXe siècle.
Pendant la guerre, 20 000 déserteurs
tatars auraient rejoint la Wehrmacht, un
chiffre jugé exagéré par les historiens
tatars. « Les Allemands avaient laissé ouvrir
en Crimée des journaux, des théâtres, des
mosquées, pour gagner la sympathie des
Tatars. Ils ont pu être perçus par certains
comme des libérateurs », rappelle Elmira
Muratova, professeure de sciences politiques à l’université Taurida Vernadsky de
Simferopol.
Le mari de Meriem, Rujdi, avait 10 ans
quandilestarrivéenOuzbékistan.Ilsesouvient des « quarante degrés» qui régnaient
dans ce coin de steppe à 60 kilomètres de
Tachkent. «Il n’y avait rien pour construire
LORIS SAVINO POUR « LE MONDE »
Crimée
Ladéchirure
des Tatars
une maison. On a creusé des tranchées et on
a posé des bâches par-dessus. » Il parle de
faim et de melons avariés, du manque
d’eau, des dysenteries, des morts qu’on
enterrait en empruntant un morceau de
métal aux Ouzbeks « parce qu’on n’avait
même pas apporté une pelle ».
Meriem et Rujdi ont travaillé dans une
des quatre fermes du sovkhoze local. Rujdi
conduisait un tracteur, cultivait le maïs et
le fourrage pour 300 à 400 vaches et quelques chevaux. Meriem opérait à la laiterie.
« On avait nos jardins, nos serres, comme
ici. » A Sevastianovska, peu de villageois
ont aujourd’hui un travail: ils vivent d’expédients, de petites pensions et des légumes plantés dans les jardins.
Quand,en 1989, les Tatarsont étéautorisés à revenir en Crimée, le fils de Meriem,
Ruslan, n’a pas hésité. « On restait des
citoyens de seconde zone. J’ai passé les examens de la faculté polytechnique de Tachkent avec un copain ouzbek. Pendant
dix ans, je lui avais fait ses devoirsde maths.
Mais c’est lui qui a été admis à l’université.»
Léna Javoronkova se souvient de ce
retour. Elle travaillait à la gare de Simferopol. « Il y avait des provocateurs. Ils disaient
que les Tatars allaient tous nous égorger. La
policeétait dansla gare pour nousprotéger.
Mais [les Tatars] étaient polis. Tu ne les
A Sevastianovska,
paisible village de
140 familles,
le référendum
organisé par
Moscou sur
le rattachement à
la Russie rouvre
les plaies du passé
connaissais pas et ils te disaient quand
même bonjour.» En trente ans, la population tatare s’est reconstituée : ils étaient
plus de 240 000 au dernier recensement,
en 2001,soit 12% des habitants de la région.
Elvir Ousmanov, représentant à Sevastianovska du Majlis, principal organe de
pouvoir des Tatars de Crimée, est arrivé ici
«le 3janvier 1989», à 10 ans. «Les gens frappaient aux portes, ils cherchaient les maisonsà vendre.Puisils ontcommencéà pren-
dre les terres.» A la mi-juin, un groupe de
Tatars s’est installé à Sevastianovska,
autourd’unecinquantainedemaisonsrusses. « On a planté des piquets sur les terres
dusovkhoze.Personnenes’yest opposé.»Ils
ont élevé les maisons en rang, une par une.
En 2003, ils ont fait venir l’eau courante,
grâce à deux bourses, canadienne et suisse.
Les conduites de gaz jaunes qui serpentent
au-dessus de la route ont été posées en
2009, encore avec une aide canadienne.
Ce retour massif n’est pas allé sans violence: les Tatars ont plusieurs fois envahi
le Parlement local au début des années
1990, frustrés par les refus de l’administration de leur accorder des terres et des permisdetravail.RuslanBolatova dûattendre
2013 pour faire régulariser le titre de propriété de la maison que partagent aujourd’hui ses parents et sa propre famille. Cette
semaine, il a mis les titres et tous les passeports à l’abri, et à portée de main.
Peu à peu, une certaine entente s’est formée au village. Meriem dit avoir prêté de
l’argent à Léna pour qu’elle achète sa première vache. Léna ne s’en souvient pas,
mais reconnaît que « les Tatars ont payé les
soins quand [son] fils a eu un accident de
moto. Ils sont allés le voir à l’hôpital. » Les
premiers mariages mixtes ont eu lieu. Il y a
deux ans, une certaine Abla, avec « un Rus-
se » qui n’est pas du village. L’année précédente, c’était « la fille d’Ernest », dit Envir
Memetov, voisin de Meriem qui peine à
trouver le sommeil depuis une semaine.
Comme Meriem et à peu près tout le monde au village, du reste.
Carchacunredoute l’arrivéedes « titouchkis», ces semeurs de troubles payés à la
tâche. « Il suffit que 30 types débarquent
au village. Tu dors, c’est le milieu de la nuit,
ils brûlent une dizaine de maisons et c’est
la guerre», dit-il. Il est vrai que les pro-Russes s’arment de plus en plus dans les villes.
Des milices « populaires » y gardent les
lieux de pouvoir. Des motards nationalistesrusses tiennentun barrageà 30 kilomètres au sud du village. On a vu, au nord, des
volontaires serbes barrer une autre route.
Ilssont en Crimée, disent-ils,par « solidarité avec [leurs] frères orthodoxes ».
P
our tenir ce joli monde à distance,
Sevastianovska s’est doté d’un comité de défense. L’initiative a été prise
par Elvir Ousmanov et Ivan Ivanovitch Ivanov, colosse russe à casquette et veste de
cuir, qui garde avec les siens l’entrée
estduvillage.Ivan n’estpasson vrainom.Il
s’appelle Genia, soufflent les voisins. Il
était ferrailleur jusqu’en 2010, un peu
louche. Il possède des vignes, 6 hectares de
baies qu’il aimerait empaqueter et vendre
aux supermarchés du coin. Il est tout à fait
heureux de la présence de l’armée russe,
dit que « toute la Crimée se réjouit». Mais il
souhaite préserver la paix au village.
Elvir Ousmanov a organisé un second
poste de garde à l’entrée ouest, dans la cour
de sa petite société de sculptures funéraires. Il y a placé une douzaine d’hommes,
des Tatars et un Russe. « C’est dur à croire.
On ne devrait pas être là, armés. On est des
pèresde famille», s’étonne l’un d’eux, Madjid Khalilov, un bâton à portée de main, qui
accueille le visiteur l’œil hagard.
Ces derniers jours, le chef du village et
son « frère» Genia prennent leurs distances.Ils neparlent plusde politique.Ils n’ont
plus rien à en dire de commun, à part leur
haine de Ianoukovitch. L’un compte sur la
prospérité russe, l’autre craint que la Crimée ne devienne « une deuxième Abkhazie », cette région séparatiste de Géorgie
pour laquelle Moscou est entré en guerre
en 2008, aujourd’hui « pauvre malgré sa
perfusion de roubles ». Samedi 8 mars,
Genia et ses gars ont cessé de patrouiller le
soir. « Il laisse ses six chiens près du chemin.
On les entendra s’il se passe quelque chose»,
se rassure Elvir Ousmanov. p
22
0123
0123
Samedi 15 mars 2014
CULTURE | CHRONIQUE
pa r M i c h e l G u e r r i n
Spoliations: le parcours du combattant
I
CINQUANTE
ŒUVRES
ONT ÉTÉ
RESTITUÉES
EN VINGT
ANS
sabelle Attard, députée apparentée écologiste du Calvados, n’est pas un ténor de l’Assemblée, mais elle veut faire du bruit. Son
ancien métier y est pour quelque chose. Elle a
dirigé de 2005 à 2010 le Musée de la tapisserie
de Bayeux, qui possède un joyau mondial. Une
députée qui vient des musées, c’est rare. Elle y
retourne en pilotant une mission parlementaire sur les spoliations, par l’occupant allemand,
d’œuvres d’art ayant appartenant à des juifs.
Notre cahier « Culture & idées» aborde le
sujet dans sa dimension historique. C’est dans
l’air du temps. Le film Monuments Men, de
George Clooney, parle de ces tableaux tourmentés. Il y a aussi la réédition du précieux livre de
Rose Valland, Le Front de l’art (RMN, 498p.,
22¤), cette dernière ayant documenté et freiné
le pillage allemand pendant la guerre. Il y a l’affaire Gurlitt, avec la révélation en Allemagne,
en novembre2013, que 1400œuvres ont été
retrouvées. Enfin, le 11 mars, la France a restitué
en grande pompe trois tableaux, dont un paysage du Flamand Joss de Momper, volé au baron
et banquier Cassel van Doorn, en 1943.
Donc tout va bien? Non, répond Isabelle
Attard. Qui part des chiffres: 2000 œuvres
d’art ont été déposées dans des musées en Fran-
ce, dont une grande part au Louvre, dans l’attente de retrouver leur propriétaire. Beaucoup
d’art ancien, un peu d’art moderne. Des
tableaux, des sculptures, du mobilier… Ces
objets ont en commun d’avoir fait le « voyage»
en Allemagne pendant la guerre, avant d’être
rendus à la France après la Libération. Les
œuvres n’ont pas toutes été pillées, les Allemands ont aussi acheté. Mais le vendeur a pu
être contraint, ou alors il a pu piller lui-même
un collectionneur juif. Un rapport parlementaire parle de 163 œuvres spoliées «avec certitude». Un chiffre sans doute très faible par rapport à la réalité. Ce qui est sûr, c’est que cinquante œuvres ont été restituées en vingt ans. «A ce
rythme-là, dans un siècle, on y sera encore! »,
commente Isabelle Attard.
C’est lent parce qu’il est de plus en plus compliqué d’identifier un propriétaire de tableau,
surtout quand il n’est pas au courant. Il faut
donc que la France soit active et motivée pour
le trouver. Et là, il y a un problème, dit Isabelle
Attard. Depuis octobre2013, avec son petit groupe, l’élue a interrogé une dizaine de spécialistes,
notamment dans les musées. Elle en est sortie
effarée. «Personne ou presque ne cherche les propriétaires, alors que c’est leur responsabilité
On leur fournit
le costume de l’emploi
A
u premier stage en entreprise, ils ont vécu cette
expérience financièrement traumatisante. Sacrifier
300 euros, la moitié de leur budget mensuel, pour se doter du costume, de la chemise, de la cravate
et des chaussures qui permettent
de se fondre dans le décor.
« On n’était pas les plus à plaindre, on avait des jobs étudiants,
les parents derrière. Comment faisaient les autres ? » Nicolas Gradziel, Yann Lotodé et Jacques-Henri Strubel, la petite vingtaine, fréquentent alors une école de commerce en plein quartier de la
Défense. Paradis du costume sombre, du tailleur dernier chic.
D’autres costards, un peu moins
pimpants, sont sûrement abandonnés dans les dressings…
En 2012, la petite bande étudiante imagine une association
qui habillerait gracieusement les
demandeurs d’emploi à la veille
de leur entretien d’embauche: La
Cravate solidaire, contre les discriminations vestimentaires.
Serrées les unes contre les
autres, les panoplies d’employés
modèles sont suspendues à des
portants, au sous-sol d’une mission locale parisienne qui héberge
l’association. Les trois compères,
diplôme en poche, ont décidé de
s’y consacrer quelque temps, survivant à coups de petits boulots et
de service civique. « Mais on aide
des êtres humains, on ne vend pas
des stylos.»
Une quête de sens partagée par
les bénévoles, des trentenaires
salariés pour la plupart, qui, une
demi-journée par semaine, s’enferment dans ce local aveugle. Et,
dans les entreprises, par les salariés heureux de se départir de
quelques oripeaux professionnels lors des collectes.
A La Cravate solidaire, on
s’éclaire à la lampe de chantier
morale de le faire! Et une personne spoliée fera
face à l’opacité la plus totale, à des règles administratives dissuasives, des fichiers lacunaires ou
peu lisibles. C’est un parcours du combattant! »
Elle donne l’exemple du Paysage montagneux,
de Joss de Momper, qui se trouvait au Musée
des beaux-arts de Dijon: «Au dos du tableau
figure un numéro au crayon bleu qui renvoie à
la personne spoliée. Mais il a fallu attendre 2014
pour le restituer! »
Elle ajoute que la plupart des musées français exposent des œuvres en déshérence sans
en informer clairement les visiteurs. Le Louvre,
par exemple, en a 160 dans ses salles. « On pourrait avoir un cartel plus gros», reconnaît Vincent Pomarède, responsable des peintures au
Louvre, qui rappelle que son musée a consacré
une exposition à ces œuvres.
« Mentalité de bunker »
Isabelle Attard est « choquée» par ce qu’elle a
entendu lors des auditions: «On m’a dit que si
personne ne s’est manifesté pendant soixantedix ans, c’est que ces œuvres n’intéressaient personne. C’est scandaleux! Derrière ces spoliations, il y a des histoires douloureuses, souvent
ce ne sont que les petits-enfants qui décident
d’agir.» On lui a aussi rétorqué que les œuvres
spoliées ne sont pas réclamées parce qu’il s’agit
de «croûtes». Etrange d’invoquer un critère de
qualité. Et sur la liste des tableaux figurent
Cézanne, Courbet, Degas, Delacroix, Manet,
Monet, Renoir… Mais le pire, c’est cela: «J’ai
entendu que ce n’est pas une priorité de rendre
à des familles qui ne manquent pas d’argent…»
Isabelle Attard dessine-t-elle un paysage trop
noir? Certains rappellent que, dans les années
qui ont suivi la Libération, autour de
45000 œuvres ont été restituées. Vincent
Pomarède ajoute que le Louvre «a fait un gros
travail pour établir la liste documentée, illustrée
et mise en ligne des œuvres en déshérence». Certains saluent aussi le «changement d’attitude»
de la France, à l’initiative, il y a un an, de la
ministre, Aurélie Filippetti. A savoir : ne nous
contentons pas d’attendre qu’un propriétaire
se manifeste, allons le chercher! Louable changement, mais, en fait, rien ne bouge, rétorquent
Isabelle Attard et bien d’autres. Qui notent que
le groupe de travail mis en place est constitué
de bénévoles, avec peu de moyens. Que la commission d’indemnisation des victimes de spoliations pourrait voir son budget baisser.
Sans oublier qu’une certaine «mentalité de
bunker» serait toujours bien ancrée dans les
musées: il faut un agitateur extérieur pour que
les choses bougent. Ainsi, une journaliste du
New York Times vient de ridiculiser la France en
trouvant, avec l’aide d’un généalogiste, les héritiers d’un dessin de Dürer et d’un tableau de
Rubens conservés au Louvre. On pense à un
autre journaliste américain, Hector Feliciano,
qui, au milieu des années 1990, dans un livre,
avait bousculé le monde muséal en révélant le
scandale global des œuvres « dormantes» en
France. Avant que son travail ne soit prolongé
par des enquêtes parues dans Le Monde, qui
avaient horripilé la direction des musées de
France. Aussi Isabelle Attard ne voit-elle qu’une
solution pour en sortir : « Il faut que cette question qui fait honte à la France devienne une cause nationale.» Sera-t-elle entendue? p
[email protected]
GAUMONT PRÉSENTE
mais il y a un coin lounge pour
discuter plus confortablement
qu’à Pôle emploi. Des bénévoles
pour guider dans leur choix de
tenue la dizaine de chômeurs qui
vient chaque semaine. Transmettre ces curieux codes vestimentaires que seuls maîtrisent ceux
dont l’entourage travaille: le bouton du bas de la veste qui se laisse
ouvert, les chaussettes blanches à
bannir, la pointe de la cravate à
hauteur de ceinture.
ANDRE
NIELS
DUSSOLLIER
ARESTRUP
« LE PLUS HALETANT
DES SUSPENSES HISTORIQUES !
LE DUEL DE L’ANNÉE.
MAGISTRAL ! »
PARIS MATCH
« UN FACE-À-FACE PUISSANT.
FORMIDABLE »
JDD
Talisman
Du nœud de cravate, glisser
aux conseils de comportement.
Regarder dans les yeux en serrant
la main, ne pas se toucher le cœur
après… L’habit fera le reste du
moine. « On leur donne un peu
leur costume de super-héros», a
compris Jacques-Henri: « La plupart de ces jeunes n’ont jamais
porté de costume ni de cravate. Ils
se voient d’un autre œil. Il y en a
qui arrivent en disant “Jamais de
la vie je mettrai ça”, et qui repartent, leurs anciennes affaires à la
main, volontaires, en confiance
pour l’entretien. »
Parfois, le talisman vestimentaire fonctionne. Alain Guille, de
la mission locale de Paris, a déjà
envoyé à l’association une cinquantaine de jeunes: « Ce n’est
pas Emmaüs, c’est tenu par des
gens de leur âge, ils récupèrent de
beaux costumes. Ces jeunes dont
la recherche n’aboutit pas pensent
qu’ils ne valent rien. Le costume les
métamorphose, il atténue aussi la
distance avec celui qui les reçoit.»
Sabara Koita, 19 ans, a rappelé
La Cravate solidaire le jour de son
embauche comme serveur. Un
grand merci. « Avant ça, j’allais en
entretien comme d’habitude dans
la vie. Mais là, je me sentais bien.
Ouah… Beau gosse ! Ça a marché.
C’est le costume ! » p
« UN ÉCHANGE PASSIONNANT »
LE PARISIEN
« UN AFFRONTEMENT
EXTRAORDINAIRE »
SUD OUEST
« DU CINÉMA DE HAUT VOL !
QUELLE HISTOIRE ! QUEL FILM ! »
FIGARO MAGAZINE
« INTENSE , EFFICACE , BRILLANT
ET INSTRUCTIF…. »
RTL
« D’UNE INDÉNIABLE EFFICACITÉ
DRAMATURGIQUE. »
Pascale Krémer
LE POINT
Société éditrice du « Monde » SA
Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède
Directeur délégué des rédactions Vincent Giret
Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin
Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann
Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim
Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue
Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo
Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup
Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre
(Economie), Auréliano Tonet (Culture)
Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web),
Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats)
Chef d’édition Christian Massol
Directeur artistique Aris Papathéodorou
Photographie Nicolas Jimenez
Infographie Eric Béziat
Médiateur Pascal Galinier
Secrétaire générale du groupe Catherine Joly
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président
pTirage du Monde daté vendredi 14 mars 2014 : 321 755 exemplaires.
UN FILM DE
VOLKER SCHLÖNDORFF
SCÉNARIOADAPTATION DIALOGUES DE CYRIL GELY VOLKER SCHLÖNDORFF D’APRÈS LA PIÈCE DE CYRIL GELY « DIPLOMATIE »
www.diplomatie-lefilm.com
#diplomatie
facebook.com/diplomatie.lefilm
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
2
« ACTEURS PUISSANTS
DANS LA PAROLE COMME
DANS LE SILENCE.
ILS LE SONT. MAGNIFIQUEMENT »
VERSION FEMINA