Le Monde du mardi 22 juillet 2014

EN UKRAINE, SUR LE SITE DU CRASH
DU VOL MH17, À LA RECHERCHE DES CORPS
INTERNATIONAL – LIRE PAGE 4
MOSCOVICI À LA COMMISSION
EUROPÉENNE : OUI OU NON ?
ÉCONOMIE – LIRE PAGE 8
Mardi 22 juillet 2014 - 70e année - N˚21619 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Fondateur : Hubert Beuve-Méry
Israël-Gaza: la France
face au risque de contagion
«Le Monde» fête ses 70 ans
1/12 Le jour où... Beuve-Méry
recrute son armée des ombres PAGES 18-19
À LIRE AUSSI...
Le Monde Festival – Antony Blinken, diplomate des deux rives P.17
Les stars et la pub – Scarlett Johansson et l’affaire Sodastream P. 20
AUJOURD’HUI
Après les violences à Sarcelles,
dimanche 20 juillet.
PIERRE ANDRIEU/AFP
t A Paris, puis
t Après avoir
t Plus de 500
interdit ces défilés,
Valls condamne une
«nouvelle forme »
d’antisémitisme
TOUR DE FRANCE
Le droit de manifester est un droit
UK price £ 1,80
à Sarcelles, les
manifestations
contre la guerre
à Gaza ont dégénéré
Romain Bardet,
une révélation française
Troisième au classement général
au début de la dernière semaine,
le coureur de 23 ans est classé
meilleur « jeune» de l’édition
2014. Les sommets des Vosges
puis des Alpes l’ont vu jouer
les premiers rôles. Le podium
est possible. LIRE PAGE 13
Palestiniens ont
été tués par Tsahal
à Gaza depuis
le début du conflit
t L’ONU appelle au
F
rançois Hollande a raison
quand il met en garde
contre toute « importation » du conflit israélopalestinien en France. Manuel
Valls parle juste quand il martèle que « la France ne laissera pas
les esprits provocateurs alimenter je ne sais quel conflit entre les
communautés ». Mais en choisissant la voie de l’interdiction
de manifester, le président de la
République et le premier ministre ont joué aux pompiers pyromanes.
Contrairement au droit de grève, le droit de manifester n’est
ÉDITORIAL
CULTURE
Crosby,Stills,
Nash & Young,
séquence nostalgie
Un coffret célèbre la tournée 1974
du groupe de rock américain,
la première de l’histoire à être
organisée dans des stades. Trois
CD et un DVD retracent la saga
de concerts devenus mythiques.
LIRE PAGE 11
pas inscrit formellement dans la
Constitution. Mais la Loi fondamentale se réfère à la Déclaration des droits de l’homme de
1789, qui affirme que « nul ne
doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu
que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la
loi ». Celle-ci prévoit que toute
manifestation doit être déclarée
à la Préfecture de police, en indiquant, au moins trois jours
avant, sa date, son heure et son
parcours. En d’autres termes, le
droit de manifester fait partie
des libertés publiques, mais il
est légitimement encadré.
Interdire une manifestation,
c’est donc d’abord un aveu d’impuissance de la part du gouvernement. Il reconnaît qu’il n’aura
pas les moyens d’éviter les
débordements. Le 13 juillet, la
manifestation propalestinienne organisée à Paris avait dégénéré, avec des violences totalement inadmissibles aux abords
d’une synagogue. C’est pour éviter la répétition de tels incidents
que les manifestations prévues
le 19 juillet à Paris et le 20 juillet
à Sarcelles (Val-d’Oise) ont été
interdites.
Avec une telle décision, le président a pris un double risque. Il
a conforté l’idée, après ses premières déclarations apportant
son soutien au gouvernement
israélien face aux tirs de roquettes du Hamas, qu’il avait choisi
le camp d’Israël, rompant avec
le traditionnel équilibre de la
diplomatie française. Les images de ces enfants palestiniens
tués alors qu’ils jouaient sur une
plage de Gaza ont alimenté
l’émotion, voire la colère – y compris parmi des amis d’Israël.
A l’heure où les réseaux
sociaux sur Internet apportent
un puissant concours à l’organisation des manifestations, c’ét-
cessez-le-feu après
l’attaque contre les
tunnels de Chadjaiya
LIRE P. 2-3 ET 6-7
ait une erreur – ou une naïveté –
de croire qu’il suffisait d’interdire un rassemblement pour qu’il
n’ait pas lieu. Au lieu d’apaiser,
cela n’a fait qu’attiser les tensions.
Le résultat est consternant. Là
où, en France, les manifestations propalestiniennes ont été
autorisées, elles se sont déroulées dans le calme. Là où elles
ont été interdites, à Paris et à Sarcelles, elles ont donné lieu à de
nouveaux – et inadmissibles –
débordements. Dans la cité du
Val-d’Oise, où, depuis des
années, les communautés
musulmane et juive cohabitent
en bonne intelligence, des
affrontements ont opposé des
minorités radicales des deux
camps. C’est le vivre- ensemble
qui a été mis en péril.
Les incidents du week-end
sont la preuve de l’inanité de telles interdictions. « Ceux qui veulent exprimer leur soutien à une
cause en ont le droit », a expliqué
Alain Juppé, en ajoutant : « Mais
pas par la violence de rue, la haine de l’autre. » L’ancien premier
ministre a raison. C’est en encadrant les manifestations que
l’Etat peut affirmer son autorité
et éviter que la violence prenne
le dessus. En interdisant, il rend
d’avance les armes. p
Les chrétiens
d’Irak ont
24 heures
pour quitter
Mossoul
Le Tchad,
plate-forme
de la France
en Afrique
Les partisans
du chef islamiste
Al-Baghdadi ont lancé un ultimatum
aux chrétiens, qui
fuient au Kurdistan
irakien voisin.
François Hollande
a présenté à N’Djamena le nouveau
dispositif militaire
français au Sahel.
Baptisé « Barkhane», il sera opérationnel au 1er août.
INTERNATIONAL – P. 3
INTERNATIONAL – P. 5
En NouvelleCalédonie, le
représentant
de l’Etat
claque la porte
Jean-Jacques Brot,
en poste depuis
18mois, entretenait
de mauvaises relations avec Paris.
Il a quitté son poste
avant d’être démis.
FRANCE – P. 7
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Algérie 180 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,
Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA
2
international
0123
Mardi 22 juillet 2014
A Gaza, les combats urbains tournent au carnage
L’armée israélienne et le Hamas se sont violemment affrontés dans le faubourg stratégique de Chadjaiya
Reportage
Gaza
Envoyée spéciale
P
remier engagement frontal
entre l’armée israélienne et
les combattants du Hamas, la
bataille de Chadjaiya, faubourg est
de Gaza, constituera probablement, par le nombre de tués, un
tournant dans l’offensive que
mène Israël contre le territoire
palestinien,depuis lelancementde
sa phase terrestre, jeudi 17juillet.
La journée de dimanche a été la
plus meurtrière, pour les deux
camps. Treize soldats israéliens du
corps d’élite Golani ont été tués
dans une embuscade aux abords
de Chadjaiya. Leur véhicule blindé
aurait d’abord été touché par un
missile antichar, type RPG7, avant
d’être soumis au feu nourri des
combattants des brigades Ezzedine Al-Qassam, bras armé du
Hamas.
Desobus s’abattent
sur des cibles
invisibles. L’arrêt des
combats n’a été, de
part et d’autre, qu’une
vaine promesse
Cette attaque porte à 18 le nombre de tués parmi les soldats israéliens. Les pertes dépassent dès à
présent le bilan du dernier engagement au sol de Tsahal à Gaza, l’opération « Plomb durci » de l’hiver
2008.Dix soldats avaient alors perdu la vie.
Du côté des civils palestiniens,
les combats intenses associés aux
bombardementsont fait, en l’espace de quelques heures, 72 morts
rien qu’à Chadjaiya, selon des sources médicales de Gaza. Pour la seule journée de dimanche, les pertes
humaines ont franchi le seuil des
100 victimes à travers la bande
côtière, dépassant les précédents
bilans quotidiens relevés depuis le
début de l’opération « Bordure
protectrice ».
La bataille de Chadjaiya marque
le premier véritable engagement
en zone urbaine et densément peuplée. La campagne de destruction
des tunnels « offensifs » du Hamas
s’était jusqu’à présent davantage
concentrée sur les terres agricoles
de la zone frontalière.
De source militaire israélienne,
les combats livrés contre plusieurs
positions du Hamas ont duré plus
de sept heures. L’intensité des
accrochages s’explique par le
caractère stratégique, pour le mouvement islamiste palestinien, du
quartier de Chadjaiya, qui relie au
plus court la bande de Gaza et
Israël.
Dans Chadjaiya, quartier de la ville de Gaza frontalier d’Israël, dimanche 20 juillet. ANNIBALE GRECO POUR « LE MONDE »
Ce quartier est considéré par
l’armée israélienne comme l’un
des principaux bastions de la
branche militaire du Hamas, d’où
auraient été lancées près de
140 roquettes depuis le début des
hostilités. Selon Tsahal, de nombreux tunnels débouchant
au-delà des lignes frontalières
auraient été creusés dans ce quartier situé à l’est de Gaza.
Le carnage de Chadjaiya a soulevé de vives réactions en Cisjordanie et dans le monde arabe. L’Autorité palestinienne l’a qualifié de
« massacre atroce », tandis que le
chef de la Ligue arabe, Nabil Al-Ara-
bi, a condamné un « crime de
guerre ».
Toute la journée de dimanche,
des milliers d’habitants de Chadjaiya ont fui l’enfer des combats,
marchant hagards sur les axes qui
mènent au centre de la ville de
Gaza, seul îlot encore relativement
épargné par les bombardements.
Al’hôpital central Al-Shifa, Monther, 27 ans, erre, le visage ensanglanté par un éclat d’obus, revivant les épreuves de la nuit : « Peu
après le premier repas du ramadan, les drones ont commencé à
nous bombarder, puis les tanks, et
les hélicoptères. On ne voyait plus
Barack Obama et l’ONU appellent à l’arrêt des hostilités
Le président américain, Barack
Obama, s’inquiétant du « nombre croissant de morts » à Gaza,
a indiqué que son chef de la
diplomatie, John Kerry, allait se
rendre au Caire, lundi 21 juillet,
et a dit vouloir travailler à un
« cessez-le-feu immédiat ».
M. Obama a aussi réaffirmé « le
droit d’Israël à se défendre ».
Dimanche soir, le Conseil de
sécurité des Nations unies a
exprimé sa « grave préoccupation » et a appelé à l’arrêt
immédiat des hostilités. Le
secrétaire général de l’ONU,
Ban Ki-moon, a débuté une tournée dans la région.
rien sauf la lumière des bombes. »
Monther entame sa lente et terrible fuite, se faufilant à travers les
trous des maisons bombardées.
« Il y avait des blessés, des morts,
mais je ne pouvais pas m’arrêter
pour les aider. Les maisons étaient
devenues des cimetières. »
Autre rescapé de Chadjaiya,
Walid Habib est encore hanté par le
« sifflement » paralysant des obus
de chars, quelques secondes avant
qu’ils ne transpercent les frêles
habitations surpeuplées. « Nous
avions reçu des tracts pour évacuer,
ily aquelquesjours, mais je nem’attendais pas à un tel carnage. C’est
comme si nous étions à Alep [ville
martyre de la guerre en Syrie]. »
Depuis plusieurs heures, il cherche l’un de ses frères, disparu au
cours de la nuit, alors que la
famille tentait de quitter le guêpier mortel de Chadjaiya : « Je n’ai
plus d’espoir. Je vais aller directement à la morgue», souffle-t-il, glacial. Durant leur fuite, son autre
frère a eu la jambe déchiquetée
par des éclats d’obus.
Il est 14 h 30, un cessez-le-feu
humanitairede deux heures, réclamé par la Croix-Rouge, est entré en
vigueur une heure plus tôt, afin
d’évacuer les blessés et les cadavres qui jonchent les rues et les
décombres de Chadjaiya. Le délai
est court. Les minutes filent et la
colère grandit devant l’entrée de
l’hôpital Al-Shifa. Un ambulancier
est pris violemment à partie :
« Que fais-tu encore là ? Va chercher les blessés piégés là-bas ! Pourquoi les laisses-tu tomber ? »
Aux abords du quartier, les
ambulances se relaient, sirènes
hurlantes, sans pour autant se risquer à entrer en profondeur. Des
rafales régulières d’armes automatiquess’échappent encore des ruelles transversales. Au loin, des obus
de chars continuent de s’abattre
sur des cibles invisibles. L’arrêt des
combats n’a été, de part et d’autre,
qu’une vaine promesse.
Pris en étau dans cette bataille
urbaine, des rescapés de Chadjaiya
continuent à fuir. Parmi eux, plusieurs hommes portent en ban-
Mer
Méditerranée
Gaza
BANDE
DE GAZA
Chadjaiya
ISRAËL
Khan
Younes
10 km
Rafah
BANDE
DE GAZA
É GY PT E
doulière une couverture, sous
laquelle on devine une arme d’assaut. Des combattants du Hamas
qui profitent du calme précaire de
la trêve pour se replier. L’armée
israélienne assure avoir eu face à
elleplusieurs centaines de cescombattants, dimanche.
Le soir même, les brigades Ezzedine Al-Qassam revendiquaient à
la télévision l’enlèvement d’un soldat israélien, provoquant des scènes de liesse dans les rues de Gaza
et de Ramallah. Une information
démentie ensuite par Tsahal. p
Hélène Prudhon
La destruction des tunnels, objectif complexe de l’offensive terrestre israélienne
Ashkelon (Israël)
Envoyée spéciale
Dans le kibboutz de Nir Am, à
moins de trois kilomètres de la
frontière nord de la bande de Gaza,
les habitants ont entendu des tirs
nourris, lundi 21juillet. L’armée
leur a ordonné de rester chez eux,
et les routes de la région ont été fermées à la circulation. Deux nouvelles tentatives d’infiltration,
menées par des combattants palestiniens depuis des tunnels reliant
la bande de Gaza à Israël, ont été
repoussées. Une dizaine de combattants palestiniens auraient été
tués et des soldats israéliens touchés par un tir de missile antichar,
selon un bilan provisoire. Il y
aurait des morts côté israélien,
selon un porte-parole de l’armée.
La veille, deux soldats en
patrouille ont déjà été tués lors
d’une infiltration près du kibboutz
d’Ein Hashlosha, plus au sud. Un
combattant palestinien a été tué,
les autres ont réussi à regagner le
tunnel qu’ils avaient emprunté.
Israël a pourtant évité le pire des
scénarios, à savoir une attaque terroriste de grande ampleur contre
des habitants ou des soldats. Tsahal a en mémoire l’enlèvement, en
2006, par des combattants du
Hamas infiltrés en Israël par un
tunnel, du soldat Gilad Shalit, relâché cinq ans après en échange de
la libération de 1 027 prisonniers
palestiniens, l’une des plus grandes victoires du Hamas.
Ces nouvelles infiltrations sont
perçues comme la confirmation
du bien-fondé de la décision prise
par le premier ministre israélien,
Benyamin Nétanyahou, de lancer
une opération terrestre «limitée ».
La menace des tunnels avait été
évoquée pour justifier, auprès de
l’opinion publique israélienne et
de la communauté internationale,
cette opération qui s’annonçait
d’emblée meurtrière. Israël anticipait une multiplication des tentatives d’infiltration par les mouvements palestiniens, après leur
échec à infliger de lourdes pertes
israéliennes par les tirs de roquettes. Après s’être circonscrite à une
incursion sur deux kilomètres,
dans des zones principalement
inhabitées le long de la frontière, la
campagne s’est muée dimanche
en opération de grande envergure.
Fortifications en béton
«Nous avons découvert que le
réseau souterrain était bien plus
sophistiqué que nous le croyions »,
explique une source militaire
israélienne. Un véritable «Gaza
souterrain » aurait été mis au jour.
Côté défensif, il se compose d’un
réseau complexe de tunnels reliés
entre eux, qui permettent aux
combattants d’évoluer sous la bande de Gaza et d’accéder aux postes
de commandement, aux lanceurs
de roquettes et aux entrepôts de
munitions cachés sous terre.
L’opération au sol viserait principalement la partie « offensive »
de cette infrastructure : des «dizaines de tunnels » pénétrant en territoire israélien, parfois jusqu’à des
localités, permettant aux combattants de mener des attaques sans
être détectés. Des tunnels fortifiés
en béton armé, éventuellement
raccordés à l’électricité et à une
ligne téléphonique.
«L’entrée des tunnels se trouve
principalement dans des habitations, des bâtiments agricoles ou
des serres. Ils peuvent faire plusieurs centaines de mètres, voire
un kilomètre, et se trouvent parfois
à vingt mètres de profondeur »,
explique Shlomo Brom, expert à
l’Institut national des études stratégiques israélien.
Depuis jeudi 17 juillet, treize tunnels ont été découverts et
trente-neuf entrées identifiées le
long de l’enclave. « Nous savons
qu’il y en a bien plus que cela.
Nous avons trouvé de nombreuses
entrées et il est difficile de se faire
une idée exacte de leur raccordement aux tunnels, qui ont beaucoup de ramifications », indique la
source militaire. Seule une opération au sol peut permettre de
détecter et de détruire l’ensemble
du réseau, estime-t-il. Plusieurs
techniques ont été éprouvées par
le passé, et une unité a été spécialement dévolue à cette mission.
« Le meilleur moyen est de chercher les entrées de tunnel en effectuant des fouilles au sol dans les
immeubles suspects », indique
Shlomo Brom. Cette méthode
expose les soldats. Pour détruire
entièrement un tunnel, du matériel de forage et des centaines de
kilos d’explosifs sont nécessaires.
Les repérages à l’intérieur s’effectuent avec l’appui de robots et de
chiens.
Le ministre de la défense,
Moshe Yaalon, a estimé, dimanche, que l’opération pourrait prendre encore deux à trois jours.
Beaucoup plus, selon des experts
militaires. La réussite de cette mission permettrait de contrer cette
menace pour plusieurs années. Il
faudrait jusqu’à trois ans à une
équipe spécialisée pour construire un tunnel. « Nous devons aller
au bout de notre mission et détruire autant de tunnels que nous pouvons. On a besoin de temps pour
finir le travail, c’est une priorité.
On peut faire ce travail même si
un cessez-le-feu est déclaré », indique la source militaire.
Parallèlement, l’armée israélienne poursuit au sol ses autres
objectifs militaires. Le ministre
aux affaires stratégiques, Youval
Steinitz, a estimé, dimanche, que
50 % des stocks de roquettes
avaient été détruits ou lancés. p
Hélène Sallon
0123
international
Mardi 22 juillet 2014
«Mes enfants
ont déjà la haine
des juifs»
Menacés de mort par l’Etat islamique,
les chrétiens d’Irak fuient au Kurdistan
En dépit de la colère des Palestiniens, aucun
incident majeur n’a eu lieu à Jérusalem-Est
Bagdad
Envoyé spécial
Jérusalem
Envoyée spéciale
D
ans moins de dix jours, ce
sera l’Aïd el-Fitr, la fête
familiale qui marque la fin
du ramadan. D’habitude, ils s’y préparent. Pas cette fois. La guerre qui
endeuille Gaza leur fait monter les
larmes aux yeux, et, disent-ils, leur
coupe l’appétit, le soir, au moment
de la rupture du jeûne. « On n’a
rien mangé ni bu de la journée, et
pourtant on n’a même plus faim »,
disent-ils, l’air accablé.
Qu’ils soient musulmans ou
chrétiens, les Palestiniens de
Jérusalem-Est suivent de près les
événements de Gaza. Beaucoup
les vivent même par procuration
et sont suspendus jour et nuit aux
radios et télévisions arabes. Fait
surprenant : la Vieille Ville n’est
pas quadrillée par l’armée israélienne. On accède facilement au
Kotel, ce vaste espace qui borde le
mur des Lamentations. De nombreux juifs continuent de s’y
recueillir, sous l’œil rieur de
touristes américains en short. En
toile de fond, juste au-dessus du
mur, le dôme de la mosquée
Al-Aqsa brille sous le soleil. Tout le
monde redoute une étincelle,
mais jusque-là, elle ne s’est pas produite, en dépit de troubles sporadiques, certains soirs à la périphérie
de Jérusalem-Est.
Dans les souks de la Vieille Ville,
toutes les échoppes sont ouvertes,
mais les clients sont rares. La principale occupation des commerçants est de regarder les images de
Gaza sur de vieux postes de télévision. « Chaque matin, je pleure
quand j’apprends le nombre des
morts palestiniens de la veille, mais
ce qui me révolte le plus, ce sont les
enfants. Le Hamas ? C’est l’excuse
donnée par les Israéliens pour commettre ces massacres », s’indigne
Abou Zied, pour qui le monde
entier devrait dénoncer la « punition collective » infligée à Gaza.
« Nos frères ne réclament que la
levée du blocus et avoir de quoi se
nourrir. Mais là, on leur donne trente secondes pour évacuer leur logement,autrement dit pour les exécuter. Vous vous rendez compte ce
que c’est, 30 secondes, pour dégringoler cinq étages avec des petits en
bas âge ? », demande-t-il, s’étranglant de colère.
Dans une ruelle, deux jeunes
femmes en abayas noires s’expriment, elles aussi, avec une rage
contenue. « Les Israéliens parlent
tout le temps de paix, mais ils tuent
nos enfants ! Chaque soir, nous
regardons la télévision en famille.
Mes enfants comprennent tout et
ils ont déjà la haine des juifs », dit
l’une, en montrant sa fillette de
5 ans. « Les Israéliens traitent
mieux leurs animaux que les Palestiniens. Nous valons mieux que ça,
tout de même ! », ajoute son amie
avec amertume.
« Bravo aux Algériens »
Dans sa boutique de sculptures
en bois d’olivier – exclusivement
des Vierge à l’Enfant et des chameaux – Nabil se félicite de l’attitude de la France. Il sait qu’un ministre français, Laurent Fabius, a tenté une médiation, mais surtout, il
n’ignore rien des manifestations
de Barbès et de Sarcelles. « Bravo
aux Algériens [de France] pour leur
solidarité avec nous ! Ça nous
remonte le moral », lance-t-il avec
un sourire.
Son voisin, Nidal Sharabati,
tient une échoppe de sandales et
babouches. Il gagne en ce moment
une centaine de shekels (20 euros)
par jour, au lieu des 2 000 habituels. « Ce qui se passe à Gaza, ce
n’est pas une guerre contre le
Hamas, mais une guerre contre le
peuple palestinien », gronde-t-il.
Ce soir, comme tous les soirs, ce
père de cinq enfants rentrera rompre le jeûne en famille, mais le
cœur n’y est plus. Hier, un incident
s’est produit chez lui. « Mon fils de
18 ans est arrivé à table avec une
nouvelle paire de chaussures. Des
Renuar [une marque israélienne],
raconte-t-il. Ma femme a piqué
une colère, les lui a confisquées et
les a flanquées à la poubelle. Elle lui
a dit : “Même si tu as acheté cette
paire chez un Arabe, tu as eu tort !”
Mon fils a pleuré, non pas d’avoir
perdu 180 shekels, mais tellement
il se sentait coupable. » p
Florence Beaugé
Dérapages antisémites
en Turquie
Istanbul
Correspondance
Depuis vendredi 18 juillet, Recep
Tayyip Erdogan s’est lancé dans
une violente diatribe contre
«l’Etat terroriste» d’Israël, accusé
de commettre « un génocide à chaque ramadan depuis 1948» contre
la population palestinienne. « Ils
n’ont pas de conscience, pas d’honneur, pas de fierté. Ils condamnent
Hitler jour et nuit mais surpassent
Hitler en barbarie », a-t-il lancé au
cours d’un meeting électoral, à
Ordu (Nord). Après les condamnations de ses propos par Washington, le premier ministre turc a étendu dimanche ses critiques aux
Etats-Unis. «Si l’Amérique dit encore qu’Israël utilise son droit à l’autodéfense, alors c’est elle qui est insultante», a-t-il déclaré dimanche.
Comme en 2009 au moment de
l’opération « Plomb durci », puis à
Davos lorsqu’il avait pris à partie le
président israélien Shimon Pérès,
M.Erdogan veut tirer un profit
politique de la vague de réprobation, à travers la Turquie, des opérations militaires israéliennes.
Quitte à encourager les dérapages. Une manifestation organisée
vendredi par des organisations islamistes devant le consulat d’Israël à
Istanbul, en présence de plusieurs
députés du parti au pouvoir et de
l’opposition, a dégénéré, au point
de nécessiter l’intervention de la
police antiémeute. Les manifestants ont attaqué la représentation
diplomatique à coups de pierres et
ont tenté de pénétrer dans le bâtiment. Dans la presse turque, les
propos antisémites fleurissent.
«Que Dieu bénisse Hitler », a lancé
un éditorialiste du quotidien progouvernemental Yeni Akit.
Menaces de représailles
Parmi les plus virulents figure
aussi la Fondation pour l’aide
humanitaire (IHH), l’organisation
proche du Hamas qui avait affrété
le navire pour briser le blocus de
Gaza en 2010, opération qui s’était
terminée par la mort de dix militants turcs. Son président, Bülent
Yildirim, a menacé les juifs de Turquie de représailles et appelé « les
touristes juifs» à ne pas venir en
vacances dans le pays. L’opposition kémaliste a elle aussi réclamé
une série de mesures de rétorsion
diplomatiques contre Israël. p
Guillaume Perrier
3
Abou Bakr Al-Baghdadi a donné vingt-quatre heures aux non-musulmans pour quitter Mossoul
L
es hommes d’Abou Bakr
Al-Baghdadi, le chef djihadiste qui se présente comme le
« calife Ibrahim », n’ont guère
laissé le choix aux chrétiens d’Irak
qui avaient, en onze ans de chaos
et de montée de l’islamisme
radical, résisté au départ en exil. Ils
leur ont donné une journée, de
vendredi 18 à samedi 19 juillet à
midi, pour quitter le territoire du
califat, les autres options étant de
se convertir à l’islam, de payer un
impôt spécial pour les non-musulmans, ou de périr « par le glaive ».
L’annonce concernait principalement les chrétiens de Mossoul,
devenue le quartier général du
califat qui s’étend désormais des
faubourgs d’Alep, en Syrie, à ceux
de Bagdad. La seconde ville d’Irak,
où l’Etat islamique a installé son
quartier général, et certains
villages environnants abritaient
encore une communauté de plusieurs milliers de chrétiens (de
5 000 selon diverses sources irakiennes à 25 000 selon Louis Sako,
le patriarche de l’Eglise catholique
chaldéenne).
Depuis la proclamation du
califat par l’Etat islamique, le
29 juin, au premier jour du ramadan, des milliers d’Irakiens sont
morts, exécutés par les djihadistes
ou tués au combat, et environ
600 000 personnes auraient quitté leurs foyers. La première destination des réfugiés, et ces derniers
L’Etat islamique
instaure un régime
de terreur, dictant
sa loi aux minorités
et à la communauté
sunnite
jours des chrétiens de Mossoul, est
le Kurdistan irakien, région voisine des territoires conquis par
l’Etat islamique mais qui reste la
plus stable et la plus prospère du
pays.
Avant l’expiration de l’ultimatum, selon des témoignages
recueillis par téléphone par les
agences de presse internationales
et des médias irakiens, les maisons
des chrétiens de Mossoul ont été
marquées de la lettre N, pour « nassarah », nom utilisé pour désigner
des chrétiens dans le Coran, et les
croix des églises ont été détruites
et remplacées par le drapeau de
l’Etat islamique. Sur la route, aux
points de contrôle à la sortie de
Mossoul, les djihadistes ont volé
l’argent et les bijoux des réfugiés,
ainsi que certaines voitures.
A Bagdad, le premier ministre,
Nouri Al-Maliki, a condamné l’expulsion des chrétiens de Mossoul
et en a profité pour réclamer une
aide internationale contre l’Etat
islamique, « groupe criminel et
terroriste ». Du pape François aux
Etats-Unis, les condamnations
sont unanimes. La question qui se
pose pour lacommunauté internationale est l’éventuel accueil des
400 000 derniers chrétiens d’Irak,
dont la vaste majorité, de l’aveu
même du clergé local, est candidate au départ.
La présence de chrétiens est avérée dans la région depuis le Ier siècle. Ils étaient encore un million au
moment de la première guerre du
Golfe en 1991, et 800 000 lors de
l’invasion américaine de 2003
(dont 100 000 dans la région de
Mossoul). Depuis onze ans, un millier de chrétiens ont été tués, environ 400 000 ont quitté le pays, et
une soixante d’églises ont été
détruites par les islamistes.
L’Etat islamique, parallèlement
à des avancées qu’aucune contreoffensive de l’armée irakienne ne
parvient à stopper, consolide son
Une chrétienne de Mossoul, ici dans une église de Tel Kepe, après avoir quitté la ville, le 20 juillet. REUTERS
pouvoir sur les territoires conquis
depuis la prise de Mossoul, le
10 juin. Après avoir assassiné soldats et policiers chiites irakiens,
ses miliciens ont également tué
des religieux sunnites, pourtant
proches de l’insurrection antigouvernementale, notamment dans
la province occidentale d’AlAnbar, pour avoir refusé de prêter
allégeance au califat.
A Mossoul, l’état-major du
calife Ibrahim a installé ses
bureaux au consulat de Turquie,
qu’il a réquisitionné dès son
entrée dans la ville, prenant en otage 49 Turcs, dont le consul général,
toujours prisonniers à ce jour. Les
combattants de l’Etat islamique,
après avoir dans un premier
temps mis l’accent sur des programmes humanitaires, instaurent un régime de terreur, dictant
leurloi non seulement aux minorités mais aussi à la communauté
sunnite, comme ils l’ont fait précé-
demment à Rakka et dans les territoires conquis en Syrie.
L’offensive djihadiste se poursuit actuellement sur au moins six
fronts, à la fois en direction de
Bagdad et du Kurdistan, et six
attentats coordonnés à la voiture
piégée ont secoué les quartiers
chiites de la capitale irakienne, le
même jour que celui du départ des
chrétiens de Mossoul, faisant
24 morts. p
LE 25 JUILLET, À BRAZZAVILLE
LE MAGAZINE FORBES AFRIQUE ORGANISE LE
LE RENDEZ-VOUS AFRICAIN
DES DÉCIDEURS INTERNATIONAUX
avec, cette année, pour thème :
« LES DÉFIS DE LA BANCARISATION :
construire le modèle africain »
Une journée d’échanges et de débats pour
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• comprendre l’Afrique en mutation ;
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Rémy Ourdan
4
0123
international & europe
Mardi 22 juillet 2014
Au-dessus
de l’Ukraine,
«c’était une pluie
d’humains»
Sur le site du crash, la collecte des corps et des
débris du Boeing devient un enjeu stratégique
Reportage
Hrabove (Ukraine)
Envoyée spéciale
L
’endroit est presque idyllique, avec ces champs de blé
à perte de vue, le ciel bleu, la
chaleur sèche, la jolie petite route
quifendlepaysagejusqu’auminuscule village de Hrabove. Une vache
broute tranquillement à côté d’un
potager, un chien aboie dans le
silence. A se demander ce que font
ces hommes armés de grenades et
de kalachnikovs, certains encagoulés, postés sur des check-points
alentour. Le Boeing du vol MH17 de
Malaysia Airlines, abattu jeudi
17juillet,probablementpar unmissile sol-air, a explosé là, à quelques
dizainesdemètres duvillage:dommage collatéral et monstrueux de
la guerre entre l’armée ukrainienne et les rebelles séparatistes de la
région du Donbass, qui ont pris le
contrôle des lieux.
Il y a quelque chose d’effrayant à
contempler ces vastes étendues de
blé non moissonné. Car sur les 298
passagers, seuls quelque 200 corps
ont été retrouvés. Dans l’explosion
du Boeing, cadavres, bagages,
objets et morceaux de carlingue
ont été transformés en projectiles
et dispersés jusqu’à 20 kilomètres à
la ronde, sur huit lieux distincts. Le
cockpit et la queue de l’avion repo-
B I É LO RUSS I E
RUSS I E
Louhansk
Kiev
Lieu du crash
U K R A I NM OEL D.
M O L D.
ROUMANIE
Donetsk
Zone prorusse
Crimée
Mer Noire
B U LGA R I E
50 km
sent à 6 kilomètres de distance, une
des ailes s’est affalée seule dans un
champ. Les cadavres sont disséminés. « C’était une pluie d’humains !
Une pluie d’humains ! », répète en
sanglotant la vieille Katioucha,
devant sa maison de Hrabove. Des
corps tombés du ciel ont atterri
dans les jardins. Il y en avait partout,côteàcôte,entassés,déchiquetés, le long de la route et dans les
prés.Lesplusvisiblesontétéramassés. Reste une centaine de disparus,
quelessauveteurs s’efforcentencore de retrouver. Quelque part par là
sans doute, en morceaux, enfouis
dans les herbes hautes.
Devant l’ampleur de la tâche, les
autorités de Novorossia – fusion
des autoproclamées « républiques
populaires » de Donetsk et de Louhansk – ont mobilisé les tra-
Des secouristes ukrainiens transportent des corps, dimanche 20 juillet, près de Hrabove. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE »
vailleurs des mines de charbon,
puissance économique de la
région. A leur arrivée à la mine,
dimanche 20 juillet, la plupart se
sont portés volontaires pour participer à la recherche des corps. Plusieurs bus déglingués les ont déposés au bord de la route. Des sauveteurs les ont fait s’aligner face au
champ, côte à côte, séparés de quelques mètres. Leurs visages noircis
par la poussière de charbon, enfoncés dans les gerbes de blé jusqu’aux
cuisses,ilss’avancent enligne,comme des chasseurs pour une battue.
Soudain,le portabledel’undes sauveteurs sonne : c’est l’un des
mineurs, à l’extrémité, qui appelle.
Il a trouvé un corps.
Miliciens séparatistes et observateurs de l’OSCE, le 18 juillet, près de Hrabove. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE »
Il y a deux trous dans les blés.
Deux endroits distincts où les gerbessont aplaties.Lepremier,vide,a
servi de tremplin. Le corps a rebondi là avant d’atterrir dans le second,
cinqmètresplusloin.C’estunefemme affalée sur le côté, la tête repliée
sous son buste où l’on devine les
restesd’unerobe.Lesauveteurs’approche, un masque sur le nez pour
affrontercettepuanteurâcre si particulière, qui soulève le cœur. Il
plante une branche qu’il orne d’un
chiffon rouge, signal de reconnaissance pour ceux qui viendront
récupérerle cadavreet l’entreposer
avecles autres, chacun dans sonsac
de plastique noir.
Le contrôle de la collecte et de
l’analyse des corps, comme celui de
l’examen de l’épave, est une guerre
dans la guerre. Gouvernement
ukrainien et séparatistes prorusses
se renvoient la responsabilité de la
destruction du Boeing. Or celui-ci
s’est écrasé au cœur d’une zone
contrôlée par les rebelles. Dans le
conflit qui oppose les Occidentaux
à la Russie, et alors que les combats
continuent sans relâche dans cette
région du Donbass, dans l’est de
l’Ukraine, avoir la main sur les indicessusceptiblesdedéterminerl’origine des tirs est un enjeu majeur.
L’enquêteinternationaletantattendue semble déjà compromise. Les
débris et les corps ont été maniés
par les séparatistes. Autant d’éléments de preuve qui pourraient
manquer à l’équipe d’experts
malaisiens et aux enquêteurs d’Interpol envoyés sur place.
L’ambiance qui règne sur les
lieux de l’accident est pleine
d’étrangetés, entre la présence des
miliciens surarmés qui contrôlent
vos papiers d’un air mauvais, et le
laisser-aller total sur une grande
partie des champs où l’explosion a
pourtant disséminé ses projectiles.
D’un côté, les observateurs de l’Organisationpourlasécuritéetla coopération en Europe (OSCE) se plaignent de ne pouvoir examiner les
lieux que sous le regard des hommes armés et des sauveteurs ; de
l’autre, les corps sont restés deux
jours sans surveillance avant d’être
ramassés. La zone entièrement calcinée où la partie principale de
l’avion a échoué est protégée par
Cadavres, bagages,
objets et morceaux
de carlingue
ont été dispersés
jusqu’à 20kilomètres
à la ronde
un ruban de plastique. D’autres
morceaux de la carcasse restent à
portée de main. Et aussi ces tas de
souvenirs intacts et déchirants de
vies interrompues : un singe en
peluche, des livres sur le foot, un
tee-shirt « I love Amsterdam », un
cahier de notes en néerlandais…
Nul ne sait où seront analysés
les corps retrouvés. Ils sont actuellement entreposés dans cinq
wagons gris et sans fenêtres, à la
gare de Torez, pas loin de Hrabove.
Le moteur de la locomotive tourne
pour maintenir la réfrigération.
Les observateurs de l’OSCE y ont
eu accès et n’yont pas repéré d’anomalies. De son côté, le « premier
ministre » de la république populaire de Donetsk, Alexandre
Borodaï, a expliqué en conférence
de presse, dimanche à Donetsk,
que le déplacement des cadavres
avait été nécessaire : « Nous ne
pouvions plus attendre, à cause de
la chaleur et aussi des bêtes sauvages etdes chiens», a ditle chef rebelle, qui a ajouté : « Nous avons trouvé plusieurs éléments techniques
de l’avion qui pourraient être des
boîtes noires (…). Elles sont à
Donetsk, sous notre contrôle. »
La vieille Katioucha, dans sa
maison de Hrabove, n’en peut plus
deces histoires. Tout ce qu’elle voudrait, c’est ne plus entendre les tirs
et les bombardements qui la terrifient. Et aussi ne plus appartenir à
l’Ukraine. L’ouest, l’Europe,
l’OTAN, rien de cela ne lui plaît.
« Le Donbass a toujours été la
vache à lait de Kiev. A l’ouest, on
danse, on boit et on ne travaille pas.
Nous, on travaille et ils nous tirent
dessus », dit-elle en fondant à nouveau en larmes.
La destruction de l’avion aurait
pu laisser espérer une trêve. Kiev
et les séparatistes ont l’un et
l’autre évoqué la possibilité d’un
cessez-le-feu. Mais non. Les combats continuent dans les villes du
Donbass et dans la zone frontalière de la Russie. Lundi matin, des
bombardements étaient signalés
autour de la gare de Donetsk.
Sur la petite route qui repart
vers Donetsk, les mineurs font une
halte devantun bar. Ils exposent au
soleil leur torse nu noir de charbon.
«Ce sont les Ukrainiens qui ont tiré
surl’avion !» commence l’und’eux.
Les autres renchérissent. « Nous, on
ne veut être ni russes ni ukrainiens :
la Russie n’a pas besoin de charbon
et l’Ukraine nous traite de terroristes. On veut la République du Donbass, et on se battra jusqu’à ce qu’ils
nous tuent tous. Quand on est allé
12 000 fois sous terre à la mine, on
n’a peur de rien. » p
Marion Van Renterghem
Le drame de la Malaysia Airlines pousse l’UE à plus de fermeté à l’égard de Moscou
Bruxelles
Bureau européen
Jusqu’au drame du vol Amsterdam-Kuala Lumpur, sans doute
abattu par un missile au-dessus
de l’Ukraine, les Pays-Bas étaient
ancrés dans le camp de ceux qui
prônaient la modération à l’égard
de Moscou. De ceux qui, au sein
de l’Union européenne, tentaient
de retarder au maximum les sanctions économiques.
L’explosion du Boeing de Malaysia Airlines, qui a tué 193Néerlandais jeudi 17juillet, a changé la donne. La « relation amicale » que prônait le gouvernement du pays à
l’égard de la Russie a sans doute
cessé dès l’instant où leministre
de la justice, Ivo Opstelten, a évoqué l’hypothèse d’un missile tiré
par les séparatistes prorusses, et
porté son regard vers Moscou.
Les Néerlandais figurent parmi
les principaux partenaires
commerciaux de la Russie, dont
ils importent massivement du
gaz, du pétrole et de l’acier. Shell,
le géant pétrolier anglo-néerlandais, a des intérêts considérables
dans ce pays, et le patron du groupe, Ben van Beurden, assurait
encore en avril à Vladimir Poutine
qu’il ne renoncerait à aucun de
ses projets en Russie. Quant au
gouvernement de La Haye, il
défendait l’idée que l’importance
de ces relations économiques lui
permettrait de mieux peser sur
les autorités russes.
Une source diplomatique
estime désormais que « la tragédie du vol MH 17 va obligatoirement faire passer notre diplomatie dans le camp des durs ».
C’est-à-dire les partisans de
sanctions fermes, ciblant directement l’entourage de M. Poutine et
de grandes entreprises, comme
l’ont encore fait les Etats-Unis
mercredi 16 juillet.
Le ton, les demandes, les menaces : tout semble, de fait, plus ferme à Washington que dans les
capitales européennes. Les EtatsUnis n’ont pas désigné ouvertement la Russie comme responsable du drame du vol MH 17, mais
le secrétaire d’Etat, John Kerry, a
évoqué, dimanche 20 juillet, « un
faisceau extraordinaire de présomptions » désignant les séparatistes prorusses.
Le président Obama a, quant à
lui, parlé d’« un acte aux proportions épouvantables » et indiqué,
visant implicitement M. Poutine,
qu’il ne convenait plus de « plaisanter » mais de permettre
qu’une enquête sérieuse puisse
démarrer.
Washington, qui compte déjà
un train d’avance sur l’UE, évoque
de nouvelles sanctions, moins
d’une semaine après avoir ciblé
de grandes entreprises – Gazprombank, la banque du géant gazier, la
banque publique VEB, dont le premier ministre Dmitri Medvedev
est l’un des dirigeants, et le pétrolier Rosneft, qui pourrait notamment voir ses projets communs
avec l’américain Exxon menacés.
L’Europe suivra-t-elle cette
ligne plus sévère ? Les ministres
« La tragédie du vol
MH 17 va faire passer
notre diplomatie dans
le camp des durs »
Un diplomate néerlandais
des affaires étrangères des VingtHuit doivent se réunir, mardi, à
Bruxelles. A la fin de la semaine
dernière, ils s’en tenaient officiellement à l’idée qu’il faut « mettre
fin à la violence » et appliquer le
plan de paix du président ukrainien, Petro Porochenko. Une position intenable et un débat pres-
que dérisoire après la tragédie du
Boeing 777.
Les ministres n’échapperont
donc pas à une discussion difficile
sur le troisième volet de sanctions, des mesures censées viser
directement des secteurs-clés de
l’économie russe. Jusqu’ici, les
pays de l’Union n’ont pu s’entendre sur un texte de la Commission européenne, sans cesse adapté, tenu sous le boisseau, et ressorti au cours du week-end.
Dimanche, un accord entre la
France, l’Allemagne et le RoyaumeUni s’est dégagé. Selon un communiqué de l’Elysée, il s’agit d’obtenir
de M. Poutine qu’il exerce son
influence auprès des séparatistes
pour qu’ils cessent d’entraver l’enquête et les secours. Et pour qu’ils
remettent les boîtes noires aux
experts internationaux. A défaut
de ces mesures « nécessaires », les
conséquences seront tirées mardi
à Bruxelles.
Plus ferme, le premier ministre
britannique, David Cameron, évoquait d’ores et déjà un accord sur
un nouveau projet de sanctions.
Tandis que la chancelière allemande, Angela Merkel, avait indiqué,
la veille, qu’elle préférerait attendre le résultat de l’enquête sur les
causes exactes de l’explosion.
Autant dire que la teneur de la
réunion de mardi reste incertaine.
D’autant que, fidèle à son habitude, M. Poutine, sentant que la
situation se tend, a fait un pas en
avant. Dans la soirée de dimanche,
il a eu une conversation téléphonique avec le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, et lui a garanti son «entière coopération » pour
la récupération des corps et des
boîtes noires. La veille, M. Rutte
avait indiqué avoir eu une conversation «très intense » avec le président russe, lui demandant de
«prendre ses responsabilités ». p
Jean-Pierre Stroobants
0123
international & planète
Mardi 22 juillet 2014
5
Le Tchad, pivot
du dispositif
militaire français
au Sahel
A N’Djamena, François Hollande a dévoilé
l’opération «Barkhane»
N’Djamena
Envoyé spécial
Q
uelque part sur la route
entre Abidjan et N’Djamena, François Hollande a
troqué son costume de
promoteur de « la diplomatie économique » vantant le savoir-faire
des entreprises françaises en Côte
d’Ivoire contre son uniforme de
commandant en chef des armées
montant au front sahélien contre
le « terrorisme ». Ainsi, samedi
19 juillet, c’est sur une Marseillaise chantée a cappella par des soldats français en treillis camouflage, réunis dans un hangar de la
base aérienne 172-Adji Kosseï à
N’Djamena, que le président français a clos sa mini-tournée africaine (Côte d’Ivoire, Niger, Tchad).
Une visite express – 57 heures –
entamée sous les dorures des
salons présidentiels d’Abidjan en
devisant de « la ville durable » avec
d’élégants hommes d’affaires.
«Il fallait relever
le défi de la mobilité,
de l’efficacité
et de la réactivité»
François Hollande
Au Tchad samedi, comme au
Niger la veille, François Hollande a
plutôt parlé de guerre contre le terrorisme et de sécurité dans la bande sahélo-saharienne. Il a expliqué
comment et pourquoi la « réorganisation du dispositif militaire
français en Afrique doit répondre aux menaces croissantes » qui,
a précisé le ministre de la défense,
Jean-Yves Le Drian, « suivent un
arc allant de la Guinée-Bissau [à
l’ouest] jusqu’à la Corne de l’Afrique [à l’est] ».
Cette réorganisation porte un
nom : opération « Barkhane », mot
d’origine turque qui désigne ces
dunes de sable qui se déplacent au
gré des vents dans le Sahel.
L’opération française aura, quant
à elle, un point d’ancrage fixe.
« L’Etat-major de Barkhane, opérationnel dès le 1er août, sera basé à
N’Djamena », a annoncé JeanYves Le Drian. Il sera placé sous les
ordres du général Jean-Pierre Palasset, ex-commandant des forces
françaises Licorne, en Côte d’Ivoire
(2010-2011) puis en Afghanistan
(2011-2012).
Barkhane « comprendra 3 000
hommes et intégrera quatre bases
régionales : un groupement
tactique désert à Gao, au Mali ; un
autre à N’Djamena avec les forces
aériennes et terrestres ; des forces
spéciales
à
Ouagadougou
[Burkina Faso], et un pôle de renseignement à Niamey, au Niger, avec
des drones », a détaillé le ministre.
Des bases avancées temporaires
seront installées à Madama (nord
du Niger), Tessalit (nord du Mali)
et dans le nord du Tchad, « sans
doute à Faya- Largeau», a-t-il précisé. « Ce seront des petites unités –
30 à 50 personnes – susceptibles de
pouvoir accueillir une opération si
nécessaire», a-t-ilexpliqué. Parallèlement, les effectifs déployés à Djibouti et Libreville (Gabon) seront
légèrement revus à la baisse, tandis que ceux basés à Abidjan gonfleront un peu.
Face à des menaces multipliées,
«il fallait relever le défi de la mobilité, de l’efficacité et de la réactivité »,
a justifié le président Hollande. Finies les opérations Licorne (Côte
d’Ivoire), Serval (Mali) ou Epervier
(Tchad) : Barkhane reconcentre le
commandement régional. Depuis la base aérienne 172-Adji
Kosseï de N’Djamena, le général
Palasset « déclenchera ces opérations ciblées et appuiera les armées
africaines », a précisé François Hollande. « Il faut être au plus près des
sources de menaces et plus mobiles», a-t-il ajouté. Ces menaces s’appellent, entre autres, Boko Haram
ou Al-Qaïda au Maghreb islamique. Ce sont aussi les katibas djihadistes qui se regroupent dans le
sud libyen et menacent la stabilité
régionale. Ce sont également tous
les groupes criminels qui empruntent « ces autoroutes du trafic au
François Hollande, samedi 19 juillet, dans un hangar de la base aérienne 172 - Adji Kosseï, à N’Djamena. ALAIN JOCARD/AFP
Sahel et financent le terrorisme »,
explique M. Le Drian.
La nécessité de réorganiser les
forces françaises dans la région
s’est imposée le 11 janvier 2013.
« Ce jour-là, tout a changé », explique-t-il. Les djihadistes qui
tenaient depuis un an le nord du
Mali lancent une attaque en direction de Bamako, déclenchant en
réaction l’intervention française
Serval. Serval fut une opération
malienne, Barkhane couvrira, elle,
toute la zone du « G5 du Sahel »
(Mauritanie, Niger, Burkina Faso,
Mali, Tchad). Planifié depuis plusieurs semaines, son lancement
officiel avait été retardé par les
affrontements meurtriers à Kidal
(nord Mali), en mai, entre l’armée
malienne et des groupes armés
touareg.
Il restait aussi quelques détails
à régler. « Ma visite au Tchad avait
pour but d’informer le président
Idriss Déby de notre décision de
LIBYE
MALI
M AU R I TA N I E
Madama
Tessalit
Gao
Bamako
GU I N É E
LIBER IA
BURKINA
FASO
Faya-Largeau
(localisation
probable)
NIGER
TCHAD
Niamey
N’Djamena
Ouagadougou
BÉNIN
TO GO
CÔTE
D’ I VO I R E GHAN A
NIGER IA
CA M E ROU N
R É PU B L I QU E
C E N T RA FRICAINE
Golfe d e G uinée
Base régionale
de l’opération « Barkhane »
GA B O N
CO N G O
RDC
400 km
Base avancée temporaire
Sida: les progrès doivent désormais passer par la fin
des discriminations des populations vulnérables
Homosexuels, prostitués et toxicomanes, toujours stigmatisés, sont particulièrement fragiles
Melbourne
Envoyé spécial
L
’onde de choc du crash du vol
MH17 de la Malaysia Airlines
s’est fortement fait sentir lors
de la cérémonie d’ouverture de la
20e conférence sur le sida, qui s’est
ouverte, dimanche 20 juillet, à Melbourne. La gorge serrée, le professeur Françoise Barré-Sinoussi,
coprésidente du congrès, a invité
unetrentainedemembresdesinstitutions et associations auxquelles
appartenaient six des 298 victimes
de la tragédie aérienne à monter
surla scèneimmensedu Centre des
conférences de Melbourne, avant
de faire observer une minute de
silence pour ceux qui auraient dû
rejoindre les 12 000 congressistes.
Présidente sortante de l’International AIDS Society (IAS), Françoise Barré-Sinoussi a brossé les
lignes de force de cette conférence
dont le slogan est « Accélérer l’allure» («Stepping up the pace»).Il faudra un changement d’échelle pour
permettre à un plus grand nombre
de personnes d’accéder aux traite-
ments antirétroviraux (ARV) qui
répriment le virus du sida et sauver ainsi des millions de vie. Des
progrès considérables ont déjà été
accomplis. En 2014, près de 14 millions de personnes des pays pauvres avaient accès à ces antirétroviraux, contre 1,3 million seulement
en 2005.
« Impératif moral »
« Au cours des trois dernières
années, nous avons permis l’accès
au traitement de 5,6 millions d’individus, soit plus qu’au cours des
vingt-cinq années précédentes »,
s’est réjoui le directeur exécutif de
l’Onusida, Michel Sidibé. Quelque
10 millions de nouvelles infections et 7,6 millions de décès ont
été évités depuis 2002 grâce à la
réponse apportée face à la pandémie.
Sur le front des bonnes nouvelles,la découvertede nouveaux traitements contre l’hépatite C, une
maladie qui coexiste souvent avec
l’infectionpar le VIH,pourrait marquer un bond en avant. Car près de
7 millions de personnes à travers
le monde sont touchées à la fois
par le VIH et l’hépatite C et le traitement simultané des deux infections est difficile.
Malgré ces progrès indéniables,
la lutte contre le sida butte encore
sur la stigmatisation des populations les plus vulnérables, notamment les homosexuels en Afrique,
le continent le plus touché par le
sida, ou les toxicomanes en Russie.
« Dans de nombreux pays, les personnestouchées par leVIH sontlaissées-pour-compte. La répression ou
la stigmatisation et la discrimination demeurent des obstacles à l’accès aux soins », a affirmé Françoise
Barré-Sinoussi. En outre, « plus de
la moitié des personnes vivant avec
le VIH ignorent qu’elles sont infectées», a rappelé Michel Sidibé.
Ne laisser aucune personne touchéepar leVIH surle bordde laroute. C’est le thème de la Déclaration
de Melbourne qu’ont signée des
figures de la lutte contre le sida,
mais aussi des personnalités tels
les Prix Nobel Aung San Suu Kyi et
l’archevêque Desmond Tutu, l’industriel Richard Branson ou le
chanteur de rock Bob Geldof. Ils
dénoncent notamment les lois qui,
« dans plus de 80 pays, criminalisent les individus selon leur orientation sexuelle ». Les signataires de la
pétition, accessible en ligne, affirment que « la fin du sida n’est possible que si nous surmontons les barrières de la criminalisation, de la
stigmatisation et de la discrimination, qui demeurent les moteurs
essentiels de l’épidémie ».
Les responsables de l’Onusida
estimentpossible lafin delapandémie d’ici à 2030 : « Nous avons une
fenêtre d’opportunité fragile de
cinq ans, a alerté Michel Sidibé. Si
nous changeons d’échelle d’ici à
2020,nousseronssur lavoiedestopper l’épidémie en 2030. Nous
devons adopter un objectif ambitieux : 90 % des personnes traitées,
90 % des personnes vivant avec le
VIH traitées et 90 % des personnes
traitées avec une charge virale indétectable[signe d’une infection sous
contrôle]. Ce n’est pas qu’un objectif quantifié, c’est un impératif
moral et économique.» p
Paul Benkimoun
réorganiser la présence française, il
a bien voulu s’y associer », a dit
François Hollande. On ne peut évidemment croire que le président
tchadien, dont les troupes combattent aux côtés des Français au
Mali, ignorait les plans français. « Il
y avait encore quelques points à
régler », précise une source proche
du dossier. « Il fallait notamment
réactualiser le statut juridique des
forces armées françaises engagées
dans des opérations, définir le
mode d’identification de cibles
potentielles, obtenir des assurances sur le statut d’éventuels prisonniers alors quela peinede mort existe toujours au Tchad », ajoute cette
source. Tous ces points « techniques » sont maintenant « réglés »,
ajoute-t-elle.
L’installation du QG de Barkhane au Tchad confirme que ce pays
demeure un lieu géostratégique
essentiel pour les forces françaises
en Afrique. François Hollande fut
d’ailleurs applaudi par des officiels
tchadienslorsqu’ildéclaraenconférence de presse qu’il « ne peut y
avoir de stabilité en Afrique sans un
Tchad fort et stable ». Et le « porteavions» tchadien tient aujourd’hui
le cap. Surtout si l’on regarde son
environnement : Soudan, Libye,
Centrafrique, Nigeria, Cameroun…
Des défenseurs des droits de
l’homme craignent d’ailleurs que
«le resserrement des liens en matière de sécurité » célébré par François
Hollande, ne se fasse au prix d’une
forme d’indulgence de Paris
vis-à-vis des atteintes aux droits
fondamentaux commises au
Tchad. Pays qu’Idriss Déby Itno
dirige d’une main de fer depuis
son coup de force de 1990 appuyé
par la France.
L’installation
du QG de Barkhane
au Tchad confirme
que ce pays demeure
unlieugéostratégique
essentiel pour
les forces françaises
« Déby nous a aidés au Mali et en
Centrafrique, il se sent fort », reconnaît une source diplomatique
française. Un fort qu’il faut donc
ménager. L’étape tchadienne
a d’ailleurs été rajoutée au programme du président français
quelques jours seulement avant
son départ de Paris. Comme le glisse un diplomate : « Il n’aurait pas
aimé que l’on s’arrête à Niamey
sans venir à N’Djamena, et nous
avons besoin de lui. » p
Christophe Châtelot
IRAN
Selon l’AIEA, Téhéran a éliminé
son stock nucléaire sensible
VIENNE. L’Iran a éliminé l’essentiel de son stock de matériel
nucléaire sensible, selon le dernier rapport confidentiel de
l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) que Reuters
a pu consulter, dimanche 20 juillet. Selon ce rapport, remis aux
Etats membres de l’AIEA, l’Iran a mis fin à l’aspect le plus controversé de son programme nucléaire : l’enrichissement de l’uranium à 20 %, considéré comme proche d’un combustible de qualité militaire. Téhéran a également achevé l’élimination de son
stock sensible par conversion ou dilution, qu’il s’était engagé à
accomplir avant la date butoir du 20 juillet, selon l’accord intérimaire conclu en novembre 2013, à Genève, entre l’Iran et les pays
du « P5 +1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne). L’Iran dit enrichir l’uranium pour alimenter ses centrales nucléaires ou réacteurs de recherche et dément
vouloir se doter de l’arme atomique. – (Reuters.)
Pakistan Vingt huit morts dans des frappes
aériennes contre des rebelles
ISLAMABAD. L’armée pakistanaise a bombardé six cachettes
dans un district tribal, tuant au moins 28 personnes, ont annoncé, dimanche 20 juillet, les autorités. Une offensive contre le bastion taliban au Waziristan du Nord a été lancée à la mi-juin après
une attaque contre l’aéroport de Karachi, qui a tué des dizaines
de personnes et marqué la fin d’un processus de paix chancelant
avec les talibans pakistanais. Plus de 400 rebelles et 25 soldats
ont été tués depuis le début des opérations, selon les autorités
militaires. – (AFP.)
Philippines Près de cent morts après un typhon
MANILLE. Le bilan du typhon Rammasun, le premier de la saison
à avoir frappé les Philippines, dans la nuit du 15 au 16 juillet,
a atteint 94 morts et 6 disparus, ont indiqué les autorités, dimanche 20 juillet. Le typhon poursuit maintenant sa route vers la
Chine du Sud. – (AFP.)
6
france
0123
Mardi 22 juillet 2014
Gaza: l’exécutif pris au piège de la contagion
Après les violences du week-end, l’interdiction de manifester fait débat. Le gouvernement campe sur ses positions
A
lorsquel’engrenagedelaviolence se poursuit à Gaza,
l’exécutif éprouve les pires
difficultés à s’extraire du piège de
la contagion en France du conflit
israélo-palestinien. Au lendemain
des violences commises en marge
de deux manifestations de soutien
aux Palestiniens de Gaza, pourtant
interdites, samedi 19 juillet dans le
quartier parisien de Barbès et
dimanche 20 juillet à Sarcelles (Vald’Oise), la position du gouvernement, coincé entre la polémique
politique sur sa stratégie de maintien de l’ordre et l’extrême inflammabilitédestensionsintercommunautaires, s’avère délicate.
PlaceBeauvau,on défendfermement la stratégie de l’interdiction,
au motif que celle-ci aurait permis
d’éviter des heurts directs entre
communautés. « Il n y a pas eu d’affrontements communautaires à
Paris et l’ordre a été maintenu », se
défend-on au ministère de l’intérieur. On y recensait néanmoins,
après les incidents de Barbès, une
cinquantaine de blessés parmi les
policiers et 48 interpellations à l’issue d’affrontements considérés
Polémique autour
de sa stratégie de
maintien de l’ordre,
extrême
inflammabilité
des tensions :
le gouvernement
est coincé
comme fomentés par des « islamistes radicalisés des quartiers».
QuantauVal-d’Oise,où desvéhicules ont été brûlés et plusieurs
commerces appartenant à la communauté juive incendiés à Sarcelles – dont la supérette casher déjà
visée par un engin explosif en 2012,
et où une synagogue a été la cible
d’un cocktail Molotov à Garges-lesGonesse–, la police a recensé « 150 à
200 personnes allant d’un commissariat à une synagogue, d’un commerce à une école, des acteurs de la
violenceurbaine avecpeut-êtreparmi eux des gens radicalisés ». Le
ministère de l’intérieur recensait
11 blessés parmi les policiers et 12
interpellations. D’autres devraient
intervenir rapidement.
Au-delà de la polémique intentée par certains responsables de
l’opposition, qui brocardent l’incapacitédel’équipeVallsàfaireappliquer ses propres mesures d’interdictions et plus généralement à
maintenir l’ordre, le gouvernement sait avancer là, au cœur de
l’été,surunterrainbrûlant.Ilachoisi de l’aborder en invoquant l’esprit
A Sarcelles (Val-d’Oise), dimanche 20 juillet, lors de la manifestation propalestinienne. HERVÉ LEQUEUX/HANS LUCAS POUR « LE MONDE »
républicaineten affichantlafermeté. Le calendrier mémoriel a fourni
à François Hollande et à Manuel
Valls, dimanche 20 juillet, deux
occasions hautement symboliques. Le premier ministre, lors de la
commémorationdu72e anniversaire de la rafle du Vél’ d’Hiv, a tenu un
discours vibrant contre l’antisémitisme, cette « vieille maladie de l’Europe », qui a selon lui pris aujourd’hui « une nouvelle forme ».
« Il se répand sur Internet, dans
nos quartiers populaires, auprès
d’une jeunesse sans repères, sans
conscience de l’Histoire, qui se cache
derrière un antisionisme de façade », a-t-il décrit depuis le square de
la place des martyrs juifs du Vélodrome d’Hiver. «S’en prendre à un
juif parce qu’il est juif, c’est s’attaquer à la France », a-t-il soutenu,
promettant « la plus grande force »
et « la plus grande intransigeance »
à quiconque s’y risquerait. M. Valls
a par ailleurs fustigé «des débordements inacceptables » à Barbès qui,
selon lui, « justifient d’autant le
choixd’interdire »la manifestation.
La France «ne laissera pas » agir « je
ne sais quel esprit provocateur »,
a-t-il ajouté.
S’il n’a pas directement évoqué
l’interdiction, François Hollande,
au moment où la situation dégénérait à Sarcelles, a répété sa volonté
«Laliberté
demanifester
nepeutêtre
instrumentaliséepour
répandrelahaine»
Bernard Cazeneuve
ministre de l’intérieur
« que ne soient tolérés aucun acte,
aucuneparolequipuissentfaire ressurgir l’antisémitisme et le racisme», a-t-il martelé. « La République,
c’est la capacité de vivre ensemble,
de regarder son histoire et en même
temps d’être toujours prêts à défendre les valeurs démocratiques, de ne
pas se laisser entraîner par des querelles qui sont trop loin d’ici pour
être importées, de ne pas se laisser
emporter par les déflagrations du
monde», a maintenu M. Hollande,
lors d’une remise de décorations
aux chasseurs de nazis Beate et Serge Klarsfeld à l’Elysée.
Cettepositionn’a pas éteint, loin
de là, le débat qui s’est fait jour sur
l’opportunité de cette interdiction,
plusieurs voix ayant dénoncé celleci, à droite comme à gauche. Une
«formedeprovocation »dugouvernement qui n’a pas « su affirmer
l’autorité de l’Etat » pour l’UDI Yves
Jégo ; une « erreur » qui « est venue
nourrir une certaine radicalité »,
pour le député socialiste de SeineSaint-Denis Razzy Hammadi, y
voyant une «erreur » du gouvernement. Mais l’exécutif ne varie pas.
«Le gouvernement est très attaché à la liberté de manifestation,
indique au Monde le ministre de
Violents affrontements à Sarcelles
Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est rendu à
Sarcelles (Val-d’Oise) lundi
21 juillet, où des violences ont
éclaté la veille en marge d’une
manifestation contre l’intervention des troupes israéliennes à
Gaza qui avait rassemblé plusieurs centaines de personnes.
Une épicerie casher a été incendiée, de même qu’une pharmacie. Une personne de 91 ans a été
intoxiquée par les fumées de l’incendie, précise la place Beauvau.
Un engin incendiaire a aussi été
lancé sur une synagogue de la ville voisine de Garges-les-Gonesse, sans prendre feu. Douze personnes ont été interpellées et
onze policiers blessés au cours
d’affrontements entre les forces
de l’ordre et une partie des manifestants. Ils ont duré jusqu’aux
alentours de 20 heures.
l’intérieur Bernard Cazeneuve.
Maiscetteliberténepeutêtre instrumentalisée par une minorité pour
répandre la haine, l’antisémitisme
et la confrontation entre communautés dans l’espace public. Si l’on
cède sur ces principes fondamentaux, il n’y a plus d’unité républicaine, mais seulement un vaste vacarme qui laisse les confrontations
racistes et antisémites ronger la
République de l’intérieur. » M. Cazeneuve justifie ainsi les mesures
d’interdiction du week-end par les
violences intervenues le 13 juillet à
proximité d’une synagogue de la
rue de Roquette, à Paris, en marge
d’une manifestation pro-Gaza.
« Si les manifestations du weekend n’avaient pas été interdites, il y
aurait eu de nouveaux affrontements, non pas entre manifestants
etforces de l’ordre, maisentremanifestants eux-mêmes, aveuglés par
leurs haines », affirme M. Cazeneuve.Leministredel’intérieur,s’ils’affirme«indignéde voirl’antisémitisme prendre les proportions qu’il
prend en Belgique et en France »,
entend démentir toute partialité
gouvernementale et toute inclination pro-israélienne. « Il y a une
manipulationet uneinstrumentalisation, poursuit M. Cazeneuve.
Tous ceux qui, aujourd’hui, expliquent à grand renfort de communicationquelegouvernementa choisi
un camp mentent : le gouvernement français n’a choisi qu’un
camp, celui de la paix et du dialogue. » En attendant que ce dernier
l’emporte, l’exécutif, un œil attentif sur un possible embrasement
des cités, considère avec la plus
vive attention les manifestations
programmées pour mercredi et
samedi prochains, dénonçant par
avance l’« irresponsabilité » des
organisateurs, si d’aventure ceuxci bravaient à nouveau une possible interdiction. p
Deux nouvelles manifestations propalestiniennes annoncées à Paris
MALGRÉ LES VIOLENCES qui ont
suivi les manifestations propalestiniennes à Paris et à Sarcelles (Vald’Oise) samedi 19 et dimanche
20juillet, deux nouvelles manifestations pourraient avoir lieu à
Paris cette semaine – sans que
l’on sache encore si ces rassemblements seront autorisés.
Les organisateurs du défilé
interdit du 19 juillet, qui s’est
transformé en affrontements
entre forces de l’ordre et manifestants dans le quartier de Barbès,
lancent un appel national à un
nouveau rassemblement samedi
26 juillet. La déclaration n’a pas
encore été déposée en préfecture
mais le sera au plus vite, ont expliqué dimanche les représentants
de ce collectif, sans nom officiel,
qui agrège plusieurs mouvements propalestiniens et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA).
Selon Youssef Boussoumah, du
Parti des indigènes de la République, l’un des porte-parole du collectif, cette manifestation parti-
rait à 15 heures de la place de la
République.
Samedi 19, les manifestants –
2 000 selon la police – s’étaient
donné rendez-vous à Barbès. Un
endroit qualifié de « souricière »
par M. Boussoumah car, explique-t-il, « il y avait 6 000 ou 7 000
personnes confinées sur 300
mètres. Les forces de police étaient
à gauche, à droite, partout ». Débutée dans le calme, la manifestation, interdite par la préfecture de
police par crainte de « troubles à
l’ordre public», a rapidement dégénéré après que des casseurs s’en
sont pris aux forces de l’ordre. Celles-ci ont répliqué avec des grenades lacrymogènes. 17 policiers et
gendarmes ont été blessés et 44
personnes interpellées.
Dimanche, les organisateurs
ont rejeté sur le gouvernement la
responsabilité des violences. Youssef Boussoumah établit ainsi un
lien direct « entre l’interdiction de
la manifestation et la façon dont
ça s’est passé. Nous avions dit que
ça se passerait comme ça ! ». Faisant état de violences policières, il
déplore l’usage de « gaz vomitifs
et de tirs de Flash-ball sur des personnes assises par terre en train de
faire un sitting ».
Selon Alain Pojolat, membre du
NPA, lui aussi porte-parole du col-
Les organisateurs
auront-ils davantage,
samedi 26 juillet,
les moyens
d’éviter
les débordements ?
lectif, la manifestation de samedi
s’est déroulée «dans les meilleures
conditions possibles » compte tenu
de l’interdiction. Il est difficile de
«contrôler ce mouvement
citoyen », mais pas question pour
autant de cesser d’exprimer son
soutien aux Palestiniens : « On ira
manifester samedi 26juillet ».
Ces organisations auront-elles
davantage, samedi 26 juillet, les
moyens d’éviter les débordements ? Pas sûr. Le Collectif national pour une paix juste et durable
entre Palestiniens et Israéliens,
composé de structures rompues à
l’organisation de manifestations,
comme le Parti communiste et la
CGT, mais aussi d’Europe EcologieLes Verts, de la Ligue des droits de
l’homme et de l’Association France Palestine solidarité (AFPS), n’a
pas appelé à se joindre à ce cortège
– et ne l’avait pas fait samedi 19. Ce
collectif a pour l’heure déposé sa
propre demande de manifestation, mercredi 23 juillet, à 18 h 30,
entre République et Opéra.
Pour Taoufiq Tahani, président
de l’AFPS, l’interdiction de la manifestation de samedi a empêché la
présence « d’un service d’ordre
composé de militants aguerris,
membres du Collectif pour une
paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. C’est la seule
garantie pour contenir les déborde-
ments ». C’est uniquement parce
que le rassemblement était interdit que l’AFPS et ses partenaires
n’ont pas appelé à manifester
avec le premier collectif samedi 19, explique M. Tahani : « Ça ne
veut pas dire que nous ne voulons
pas manifester avec eux. Les conditions n’étaient pas réunies. Si la
manifestation avait été autorisée
on aurait défilé ensemble. »
Une divergence sépare malgré
tout les deux mouvements : le
soutien au Hamas, que refuse le
Collectif national pour une paix
juste et durable. « Nous n’avons
aucun problème à soutenir le
Hamas comme mouvement de
résistance. Il a des contradictions
mais sa revendication est juste »,
défend au contraire Youssef Boussoumah.
Son collectif annonce son intention de participer à toutes les
manifestations de soutien aux
Palestiniens, qu’elles soient autorisées ou non. p
Faïza Zerouala
Olivier Faye
et David Revault d’Allonnes
0123
france
Mardi 22 juillet 2014
Le préfet de police tétanisé
par ses échecs en matière
de maintien de l’ordre
L’interdiction de manifester samedi faisait
suite à des incidents répétés depuis 2012
L
a scène se déroule à la Préfecture de police, sur l’île de la
Cité, le mardi 14 mai 2013.
Manuel Valls, encore ministre de
l’intérieur, est venu tenter de comprendre comment la célébration
du titre de champion de France du
PSG a pu dégénérer en bataille rangée entre le Trocadéro et la tour Eiffel. Pour lui, pas question de faire
sauter le préfet de police, Bernard
Boucault, nommé à peine un an
auparavant. Pas question, non
plus, de l’épargner. Les réprimandes du ministre traversent les portes capitonnées de la préfecture :
« Cela ne peut pas se reproduire. »
Samedi 19 juillet, cela s’est
reproduit, lors d’une manifestation pro-palestinienne interdite.
En pire. Les violences du PSG pouvaient commodément être attribuées à des voyous et des supporteurs ultra, et il ne s’agissait que
d’un rassemblement festif mal
géré. Ce qui s’est produit samedi
ramène au contraire au principe
fondamental de l’ordre public
dans une démocratie: celui d’encadrer la liberté de manifester, pour
permettre la liberté d’expression.
En renonçant à ce principe, le gouvernement a exacerbé les tensions
qu’il prétendait glisser sous le
tapis. Et fait preuve de naïveté,
en croyant que le simple fait d’interdire une manifestation à laquelle des milliers d’internautes
s’étaient déjà inscritspouvait suffire.
Si le choix d’interdire le rassemblement est politique, la responsabilité de M. Boucault et de son équipe est aujourd’hui difficile à évacuer pour le gouvernement.
Depuis sa nomination, le
1er juin 2012, le préfet de police n’a
cessé de buter sur les questions de
maintien de l’ordre, centrales à
Paris : la capitale accueille en
moyenne plus de 3 500 manifestations revendicatives par an. A
66 ans, l’ancien directeur de cabinet de Daniel Vaillant Place Beauvau (2000-2002) paraît répéter
sans fin les mêmes erreurs.
En septembre 2012, 200 salafistes mobilisés via les réseaux
sociaux organisent une manifestation sauvage devant l’ambassade
américaine et créent le scandale.
Puis, lors des mobilisations contre
la loi sur le mariage gay, la préfecture joue la stratégie de la tension.
L’interdiction des Champs-Elysées
pour la grande mobilisation du
24 mars 2013 provoque la polémique. Mais surtout, la préfecture ne
comprend pas qu’elle s’est laissée
imposer un parcours qui passe
devant l’avenue. Incidents, échauffourées, les images pour les
« 20 heures » sont désastreuses.
Dos au mur
Jusqu’à la fête du PSG, mal organisée, mal évaluée, mal gérée, le
13mai2013. Avec, déjà, comme seule réaction, l’annonce d’une interdiction des « manifestations festives sur la voie publique » pour le
club de football. Devenu une cible
privilégiée de la droite, M. Boucault devient impossible à limoger
pour Manuel Valls. Seule victime :
le numéro deux de la direction de
l’ordre public, de permanence
pour le PSG, est muté discrètement au cœur de l’été.
Tétanisée par la perspective
d’un nouvel échec, la Préfecture de
police déploie, depuis, une simple
stratégie : la mobilisation massive
de forces mobiles. Le problème reste de les déployer à bon escient. La
preuve, une fois de plus, dimanche 13 juillet, lors de la manifestation de soutien aux Palestiniens :
aucun dispositif fixe n’avait été
prévu autour des synagogues
situées en fin de parcours, aux
environs de la place de la Bastille.
Pourtant, depuis quelques
jours, la tension entre radicaux de
la Ligue de défense juive et propalestiniens était montée d’un
cran, sur le Net et dans la rue. Mais
la préfecture n’a rien vu et, après
les incidents, s’est retrouvée dos
au mur, avec l’interdiction comme
seul horizon. p
Laurent Borredon
7
En Nouvelle-Calédonie, le représentant
de l’Etat part avant d’être démis
Arrivé en février2013 à Nouméa, M.Brot entretenait des relations orageuses avec l’exécutif
Nouméa
Correspondante
S
on geste a jeté un froid. Le
haut-commissairedela République en Nouvelle-Calédonie, Jean-Jacques Brot, a demandé,
vendredi 18 juillet, à être relevé de
ses fonctions. Cette décision, plutôt rare dans l’administration préfectorale – le corps de rattachement de M. Brot –, a été notifiée
par lettre au moment même où la
ministre des outre-mer, George
Pau-Langevin, setrouvait dans l’archipel pour une visite officielle de
trois jours. Un coup d’éclat qui survient sur un territoire engagé dans
un délicat processus de décolonisation, balisé par l’accord de Nouméa de 1998.
Le départ de M. Brot n’est pas
tout à fait une surprise. Connu
pour sa forte personnalité – trop
forte même au goût de certains de
ses pairs qui le jugent « caractériel» –, le « haussaire » (contraction
de « haut-commissaire ») entretenait des relations de plus en plus
dégradées avec sa tutelle à Paris. Au
premier trimestre, il s’était fâché
avec le cabinet de Victorin Lurel – le
ministre des outre-mer de l’époque – à propos d’un dossier ultrasensible, objet de tensions entre
loyalistes et indépendantistes :
celui de la composition du corps
électoral en Nouvelle-Calédonie.
Certains, au sein du gouvernement, s’interrogeaient sur ce haut
fonctionnaire « qui s’expose trop et
parle trop ». « L’Etat peut-il prendre
le risque d’avoir à Nouméa un
représentant aussi inflammable ? », se demandait récemment
un proche du dossier.
Selonnosinformations, l’exécutif avait l’intention d’attribuer,
dansles prochainsjours, denouvelles fonctions à M. Brot en le nommant préfet hors cadre. Une décision synonyme d’exfiltration,
dont l’intéressé aurait eu connaissance et qu’il aurait préféré devancerendemandant àquitterleHautCommissariat. L’annonce par
ManuelValls, le 16juillet, de la désignation de deux experts reconnus
Jean-Jacques Brot en 2010. BLANDINE LEMPERIERE/MAXPPP
du dossier néo-calédonien, Alain
Christnachtet Jean-François Merle,
pour une mission d’écoute et de
conseil, a achevé de le convaincre
qu’il était mis sur la touche.
« C’est une décision personnelle,
commente-t-on sobrement à Matignon. Aucun événement, aucune
difficulté ne doit venir détourner
M. Brot est connu
pour sa forte
personnalité – trop
forte même, au goût
de certains
de ses pairs
les signataires de l’accord de Nouméa du travail qui reste à accomplir ensemble. »
Dès son arrivée en NouvelleCalédonie en février 2013, Jean-Jacques Brot défraye la chronique.
Invité en mars de la même année
au cocktail d’inauguration du nouvel aéroport international, il s’en
prend, sabre au clair, au dérapage
financier de l’infrastructure et au
faste indécent de la soirée qui y est
organisée, reprochant aux convives, médusés, de « se goberger »
avec l’argent des contribuables.
Alors que ses prédécesseurs
avaient coutume d’observer une
prudence de Sioux, la sortie de
M. Brot détonne, tout en suscitant
l’adhésion de la population calédonienne, satisfaite que soit dit tout
haut ce qu’elle pense tout bas.
Très vite, ce catholique, gaulliste social, s’investit dans sa mission. Présent sur tous les fronts,
bavard dans les médias, il prône
un Etat actif et interventionniste.
Son accrochage avec l’équipe de
M. Lurel, en février, l’affecte. Victime d’un « burn-out », il se déclare
« contraint de renoncer pendant
une semaine à tous ses engagements publics ». A Nouméa, les
réseaux sociaux s’enflamment
pour soutenir « ce haussaire qui,
pour une fois, a des couilles ». JeanMarc Ayrault lui renouvelle par la
suite publiquement sa confiance.
Il s’implique dans le jeu politique local, nouant amitiés ou hai-
nes dans chaque camp, loyaliste et
indépendantiste. En mai, Gilbert
Tyuienon, membre indépendantiste du gouvernement et ténor de
l’Union calédonienne, porte plainte contre lui pour diffamation
après plusieurs différends.
En privé, M. Brot assure ne pas
vouloir « cautionner le largage de
la Calédonie par des représentants
de la frange la plus sectaire du PS ».
Un comportement irresponsable,
juge une source proche du dossier : « Cela peut tendre la situation
locale car ses propos accréditent
l’idée que le gouvernement prendrait des libertés avec l’accord de
Nouméa. »
DéputéUDI de Nouvelle-Calédonie, Philippe Gomes lui a apporté
un soutien appuyé, saluant un
haut fonctionnaire « connu pour
sa liberté de ton, l’importance de
ses convictions et sa manière très
engagée d’assumer son rôle ».
« Peut-être qu’en Nouvelle-Calédonie, cela a été moins bien perçu
qu’ailleurs », s’est-il interrogé. p
Claudine Wéry
(avec Bertrand Bissuel)
De Londres à Barcelone, des Trois rugbymen de l’ASM Clermont agressés à Millau
rassemblements pacifiques La police a interpellé quatre hommes suspectés d’avoir attaqué les joueurs à l’arme blanche
En dehors de France, les manifestations
n’ont donné lieu à aucun débordement
L
e climatpacifique des rassemblements organisés dans plusieurs pays européens pour
demander la fin de l’opération
israélienne à Gaza offreun contraste saisissant avec les images des
débordements en marge des manifestations de Paris et Sarcelles (Vald’Oise), les 19 et 20 juillet.
A Londres, le défilé organisé
entre le 10, Downing Street et l’ambassade d’Israël à l’appel de sept
organisations parmi lesquels Stop
The War, Palestine Solidarity Campaign ou Islamic Forum of Europe,
a réuni « plusieurs dizaines de milliers de personnes », selon les organisateurs. La police, de son côté,
s’est refusée à donner le moindre
décompte officiel, et a seulement
déclaré que la manifestation
s’était déroulée au soleil, sans
heurts ni arrestations.
Dublin, Bruxelles et Barcelone
Des orateurs, parmi lesquels la
députée travailliste Diane Abbott,
qui a salué « la plus importante
manifestation propalestinienne
depuis des années », se sont succédé à la tribune, plusieurs d’entre
eux dénonçant l’interdiction de la
manifestation parisienne. « Honte
au gouvernement français », a clamé l’un d’eux, provoquant les
huées de la foule.
Les autres manifestations organisées ces derniers jours dans
d’autres capitales et grandes villes
européennes, comme Dublin,
Bruxelles et Barcelone, se sont
déroulées dans le même climat
apaisé et n’ont donné lieu à aucun
débordement particulier.
D’autres rassemblements ont
été organisés dans plusieurs
métropoles de pays musulmans,
de l’Indonésie au Maroc. Cependant, la mobilisations de la rue reste de moindre ampleur que lors
des précédentes crises entre Israël
et Gaza, qui avaient donné lieu à
de nombreuses émeutes dans le
monde arabe.
A Istanbul, plusieurs milliers de
personnes se sont rassemblées
devant le consulat israélien après
la rupture du jeûne, samedi soir.
Le bâtiment était protégé par un
imposant dispositif anti-émeute
et des canons à eau : deux jours
plus tôt, lors d’une autre manifestation, des pierres avaient été lancées, tandis que des manifestants
avaient tenté de pénétrer à l’intérieur de l’immeuble.
En raison du climat dans le
pays, le gouvernement israélien a
décidé de réduire au minimum sa
présence diplomatique en Turquie. p
Service international
L
a stupeur passée viennent les
premières questions. Comment expliquer cette agression d’une « extrême violence »,
selonlestermesdel’ASMClermontAuvergne ? Dimanche 20juillet au
soir, la police indiquait avoir interpelléetplacéengardeàvueaucommissariat de Millau (Aveyron) quatre « jeunes connus des services de
police » et suspectés d’avoir attaqué à la machette et au sabre trois
rugbymen du club, le talonneur
Benjamin Kayser, le deuxièmeligne Julien Pierre et le centre et
capitaine Aurélien Rougerie.
Les joueurs, sélectionnés en
équipe de France, ont été pris à partie dans la nuit de samedi à dimanche. L’incident aurait éclaté vers
3 heures du matin, à la suite d’une
sortie en boîte de nuit, dans la souspréfecturedel’Aveyron,oùunepremière altercation verbale aurait pu
avoir lieu avec d’autres occupants
de l’établissement.
« Dans l’équipe, tout le monde a
été surpris de cette attaque. On ne
pouvait pas s’attendre à ça, surtout
dansune villecomme Millau,apriori plutôt calme », explique au Monde le directeur sportif de l’équipe,
Jean-Marc Lhermet, lundi 21 juillet.
Selon lui, les joueurs auraient été
une quinzaine lors de l’agression.
L’ASM Clermont-Auvergne avait
fait étape à Millau pour une halte
au cours du voyage qui devait les
menervers Falgos,stationdesPyrénées-Orientales où le club finaliste
de la Coupe d’Europe 2013 et demifinaliste en 2014 effectuera un stagede pré-saison,du lundi21 auvendredi 25 juillet.
« Entaille importante »
La reprise du championnat de
France, programmée le 16 août
contre Grenoble, approche. Aurélien Rougerie, blessé au bras, pourra participer à ce rassemblement.
« Le joueur est sorti de l’hôpital dès
dimanche vers 19 heures, indique
Jean-Marc Lhermet. Il pourra participer à quelques entraînements
techniques, mais sans faire d’effort
cardiaque. » Egalement touché au
bras, Benjamin Kayser a choisi de
« repartir à Clermont pour se ressourcer auprès de sa famille».
L’état est plus sérieux pour
Julien Pierre, blessé à la hanche. «Il
a une entaille plus importante, il
devrait rester quelques jours », ajoute une source proche du club. Le
club a prévu de déposer plainte
danslasemaine àveniraucommissariat de Millau. « Et on n’exclut pas
de faire appel à des préparateurs
mentaux si des joueurs en éprouvent le besoin », poursuit le président du club, Eric de Cromières. p
Adrien Pécout
- CESSATIONS DE GARANTIE
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré
– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex
08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited,
Plantation Place dont le siège social est à
30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
fait savoir que, la garantie financière dont
bénéficiait :
Monsieur René AMBRIGOT
Le Clos Lemenc
160 Avenue d’Aix
73000 CHAMBÉRY
RCS : 400619623
depuis le 01 Janvier 2004 pour son activité
de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21
Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles
et que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de
Monsieur René AMBRIGOT
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré
– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex
08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited,
Plantation Place dont le siège social est à
30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
fait savoir que, la garantie financière dont
bénéficiait :
Monsieur Hubert LARCHER
2 rue Gabriel Péri
97200 FORT DE FRANCE
RCS : 303153415
depuis le 01 Janvier 2004 pour son activité
de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21
Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles
et que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de
Monsieur Hubert LARCHER
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré
– 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex
08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited,
Plantation Place dont le siège social est à
30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
fait savoir que la garantie financière dont
bénéficiait :
DE LA COUR AU JARDIN SARL
127 Avenue de Clichy
75017 PARIS
SIREN : 419 441 779
depuis le 1er janvier 2008 pour ses activités
de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21
Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est
précisé qu’il s’agit de créances éventuelles
et que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de la
SARL DE LA COUR AU JARDIN.
8
éco&entreprise
0123
Mardi 22 juillet 2014
Clash franco-allemand sur la Commission Juncker
Paris défend la nomination de Pierre Moscovici aux affaires économiques et monétaires, Berlin la juge inopportune
Bruxelles
Bureau européen
P
ierre Moscovici n’est pas
encore fixé sur son sort de
commissaireeuropéen. François Hollande et Jean-Claude Juncker, le nouveau président de la
Commission, doivent s’entretenir
cettesemaine à ce sujet. Depuis son
départ du gouvernement au printemps, l’ancien ministre français
des finances fait campagne à
Bruxelles pour piloter les affaires
économiques et monétaires, une
desfonctionslesplusenvueduprochain collège après quatre ans de
Moscovici gardien
du pacte de stabilité,
«c’est chasser le diable
avec Belzébuth»
Norbert Barthle
membre (CDU) du Bundestag
crise des dettes. Mais cette ambition, d’abord personnelle, puis soutenue avec quelques réserves par
l’Elysée, suscite de vives tensions
entre Paris et Berlin.
En position d’arbitre, M.Juncker
caresse l’idée d’accéder au souhait
de M. Moscovici. Il veut nommer
auxaffaires économiquesetmonétairesunsocialiste,quiseraitl’interlocuteur du président de l’eurogroupe,un poste promis auconservateur espagnol Luis de Guindos,
en remplacement de son actuel
titulaire, Jeroen Dijsselbloem.
Quelle que soit son identité, le
prochain commissaire aux affaires
économiques et monétaires devra
évaluer, voire sanctionner, les
choix budgétaires des Etats de la
zone euro et leurs réformes. Or les
Allemandsconsidèrentque laFrance n’est pas crédible dans ce domaine, puisqu’elle a le plus grand mal à
respecter le pacte de stabilité et de
croissance. Et ce, en dépit du délai
de deux ans accordé au printemps
2013 – quand M. Moscovici était
encore ministre des finances de
François Hollande – pour ramener
le déficit sous les 3 % du produit
intérieur brut d’ici à fin 2015.
L’affaire est d’autant plus délicate que Paris n’est pas à l’abri de
sérieuses remontrances, voire de
sanctions dès l’automne prochain.
« Quelle serait la réaction de l’opinion publique, pas seulement en
France, mais dans toute l’Europe, si
untel poste était occupé par un candidat français ? », s’est interrogé le
ministre allemand des finances,
Wolfgang Schäuble, il y a quelques
jours : « Les sages qui en décident
doivent aussi y songer avant de faire leur choix. Et c’est d’ailleurs ce
qu’ils font. » Nommer M.Moscovici
comme gardien du pacte de stabilité? «C’estcommesion voulaitchasser le diable avec Belzébuth », a renchéri le responsable des questions
budgétaires au Bundestag, le chrétien-démocrate (CDU) Norbert
Barthle. Des commentaires qui ont
provoquélastupeuràl’Elysée. «Per-
L’ancien ministre des finances, Pierre Moscovici. BRUNO FERT POUR « LE MONDE »
sonne ne se permet de donner son
avis sur le commissaire allemand
Günther Oettinger, alors qu’il ne
défend que les intérêts allemands
dans le domaine énergétique »,
lâche un conseiller de M. Hollande.
Pour tenter de lever tout malentendu, M. Moscovici a rencontré
M. Schäuble vendredi. Le grand
argentier allemand – que la France
et son ex-ministre des finances
avaient empêché de prendre la présidence de l’eurogroupe voilà deux
ans – a aussi vu Michel Sapin, qui a
succédé à M. Moscovici à Bercy.
Afinde calmerle jeu, les deux hom-
mes ont accordé dans la foulée un
entretien au quotidien allemand
Handelsblattet auxEchos, datélundi 21 juillet. « Un poste économique
meparaîtcorrespondreàlapuissance économique de la France et à sa
capacité à contribuer au bon fonctionnement des institutions européennes», y expliqueM. Sapin,tout
en affirmant vouloir « respecter les
règles européennes ».
En attendant, certains considèrent que Berlin pourrait transiger à
condition de placer l’Autrichien
Thomas Wieser à la tête des services gérant les affaires économi-
ques et monétaires. Ce haut fonctionnaire préside à ce jour le Comité économique et financier, l’instance des directeurs du Trésor qui
prépare les réunions des ministres
des finances.
Bruxelles pourrait aussi décider
de scinder la puissante direction
générale des affaires économiques
et financières, laquelle a doublé de
taille depuis le déclenchement de
la crise, pour en confier une partie
– comme les activités financières,
ou la supervision budgétaire – à un
autre commissaire.
En cas de blocage persistant, il
n’est pas exclu non plus que l’Elysée change son fusil d’épaule pour
se rabattre sur un autre poste ou
désigner un ou une autre candidate. Dans cette hypothèse, Elisabeth
Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée, reste en embuscade.
Faute d’accord au sommet mercredi 17 juillet sur l’identité de la
vice-présidente de la commission
– et haute représentante pour les
affairesétrangères–, M.Junckerdispose d’un peu de temps pour faire
ses choix. En raison de ce contretemps, il ne devrait pas annoncer la
composition de sa commission
avant le 31 août, au lendemain du
Conseil européen. Il a cependant
étédemandé aux capitales denommer leur commissaire d’ici à la fin
du mois de juillet.
Mais le bras de fer entre Berlin et
Paris risque de lui compliquer la
tâche. A la différence de son modèle,Jacques Delors, qui abénéficié de
la complicité entre Helmut Kohl et
François Mitterrand, M.Juncker ne
pourra pas compter sur la bonne
entente entre les deux capitales
pour entamer son mandat. p
Philippe Ricard
«La France doit préciser ses efforts budgétaires», juge Jyrki Katainen
Entretien
Jyrki Katainen est commissaire
européen chargé des affaires économiques et monétaires en attendant la constitution de la nouvelle
Commission. L’ex premier ministre conservateur de Finlande, proche des positions d’Angela Merkel
lors de la crise de la zone euro, a
remplacé son compatriote Olli
Rehn après l’élection de celui-ci au
Parlement européen, le 25mai.
Pensez-vous que cela soit un problème de confier le poste que
vous occupez à un Français ?
Ce n’est pas à moi de commenter. Jean-Claude Juncker [président
de la Commission européenne] est
en train de consulter les capitales
pour former son collège. Il a annoncé que le poste irait à un socialiste.
Ce que je sais, c’est que je ne fais
pas partie de la bonne formation
pour pouvoir rester à ce poste.
Mais je serai aussi intéressé par un
poste économique important.
Comment jugez-vous la situation française ?
Il nous faut évaluer très sérieusement la politique budgétaire
française. Le déficit public français
a été très légèrement au-dessus de
l’objectif en 2013. Il le sera aussi cette année. Et il y aura sans doute un
problème pour 2015, alors qu’il est
prévu de ramener le déficit en deçà
de 3% du PIB. Pour tenir ses engagements, la France doit détailler ses
annonces d’ici à octobre.
Doit-on menacer Paris de sanctions pour faire en sorte que la
France tienne ses engagements ?
Il n’est pas encore temps de
répondre à cette question. La France a obtenu en 2013 un délai de
deux ans pour tenir le cap des 3 %
en 2015. Elle doit préciser, et
détailler les mesures qu’elle promet en ce sens dès cette année,
dans le cadre de ses projets de budget rectificatifs. Nous ferons des
recommandations en novembre.
On fait souvent la comparaison
entre la France et l’Italie, qu’en
pensez-vous ?
Les deux pays ne sont pas dans
la même situation même s’ils
souffrent tous les deux d’un problème de compétitivité. L’Italie
doit réduire sa dette, mais son
déficit est en dessous du seuil de
3 %. Elle affiche une volonté très
affirmée de faire des réformes
ambitieuses. Il faut maintenant
qu’elle passe à l’acte et mette ses
annonces en application. La France, elle, est toujours en situation
de déficit excessif et se concentre
sur cette question.
La France et l’Italie plaident
pour appliquer le pacte de stabilité et de croissance de la manière la plus flexible possible. Etesvous de cet avis ?
Il ne faut pas changer les règles,
mais les appliquer avec toute la
flexibilité qu’elles prévoient déjà.
Le pacte de stabilité et de croissance permet de tenir compte des spé-
cificités de chaque pays, et de
l’évolution de la conjoncture. Certains pays, dont la France, ont pu
bénéficier de délais. Ce temps supplémentaire doit être mis à profit
pour mener des réformes.
Il a certes été prévu lors de la dernière réforme du pacte de stabilité
[en 2011, au plus fort de la crise de la
zone euro] de revoir ses modalités
d’ici à la fin de l’année, mais il n’est
pas obligatoire de procéder à des
changements. Une chose est sûre,
cet instrument doit être appliqué
de façon similaire pour les grands
comme pour les petits pays. C’est
une question de crédibilité. p
Propos recueillis
par Philippe Ricard
(Bruxelles, bureau européen)
Les jeunes entrepreneurs du G20 se disent prêts à créer 10millions d’emplois
L’alliance de jeunes patrons, qui se réunit à Sydney, veut inciter les gouvernements à faciliter la vie des entreprises du numérique
L
es entrepreneurs numériques sont prêts à créer 10 millions d’emplois pour les jeunes dans les pays du G20. Cette étude, réalisée par Accenture auprès
de 1 080 responsables, sert de base
de réflexion au cinquième sommet de la Young Entrepreneurs’Alliance (G20 YEA), qui se tient à Sydney (Australie) jusqu’au mardi
22 juillet. Encore faut-il, précise le
rapport, lever certaines barrières
administratives ou financières,
alorsqu’àcejour 40millionsdejeunes sontau chômage dans ces pays.
Créée deux ans après la crise de
2008, cette alliance des jeunes
entrepreneurs compte plus de
400membres et veut apporter des
solutions pour relancer l’emploi et
la croissance. Selon l’OCDE, les
entreprises de moins de cinq ans
ont créé la moitié des emplois sur
la dernière décennie. A l’inverse, la
plupart des postes détruits proviennent de groupes plus établis.
Le G20 YEA a donc décidé de se
réunir, quelques mois avant chaque G20 des gouvernements, pour
faire des propositions. « Nous nous
retrouvons pour analyser l’impact
de nos recommandations et pour
insister sur les points importants »,
explique Ronan Pelloux, 29 ans.
Cofondateur en 2008 de Creads,
uneagencedecommunication participative sur Internet, il fait partie
de la délégation française, composée de 25 représentants, des chefs
d’entreprise de plus de 1 000 salariés (D2L RH, Orchestral Service)
comme des PME à forte croissance
(Creads, Fifty-Five, Kwanko, Theodo) ou des start-up (Carnet de
mode, TheTops, Verycook).
Cinquante mesures
« Depuis le G20 YEA de Moscou
en2013, certaines desrecommandations ont été appliquées en France,
comme la création du PEA-PME et
l’insertion dans le cursus scolaire de
l’entrepreneuriat et de l’enseignement du langage Web dès le plus
jeune âge », apprécie M. Pelloux.
«Mais ce ne sont que deux mesures parmi les cinquante suggérées », poursuit le fondateur de
Creads, qui remarque une évolution rapide des mentalités.
« Depuis deux ou trois ans, les jeunes se projettent moins dans les
grands groupes dans lesquels il y a
moins de travail, raconte M.Pelloux, ils n’hésitent pas à se lancer
dansl’aventureen créant leurentreprise. »
Or, comme le montre l’étude
d’Accenture, seul un quart (26 %)
desentrepreneurs jugent pertinentes et efficaces les mesures de soutien à la création d’emplois pour
lesjeunes,prises parleurgouvernement.
« Alors que les technologies
numériques favorisent l’entrepreneuriat, le cadre législatif et réglementaire peine à suivre dans bien
des cas », constate Bruno Berthon,
directeur général de l’activité
conseil en stratégie et développement durable d’Accenture monde.
«Les pays capables d’encourager et
de soutenir les entrepreneurs
seront mieux à même de créer des
emplois et de renouer avec la croissance. » En France, selon M. Berthon, le sujet n’est pas tant la création de start-up, que leur pérennisation. Il préconise de « renforcer
laculture de développement de l’entreprise ».
Outre les difficultés de financement, un autre problème commun aux entreprises des pays du
G20 concerne la formation. En
atteste la pénurie de compétences
dans certains secteurs : 78 % des
dirigeants ont du mal à trouver les
talents voulus, quelle que soit la
taille de leur entreprise. p
Dominique Gallois
0123
éco&entreprise
Mardi 22 juillet 2014
Serge Trigano, le fils du fondateur du
Club Med, pourrait reprendre du service
Si M.Bonomi s’empare du groupe hôtelier, M.Trigano en deviendra président non exécutif
L
’homme d’affaires italien
Andrea Bonomi pousse son
avantage dans la bataille pour
le contrôle du Club Méditerranée
qui l’oppose au tandem formé par
le conglomérat chinois Fosun et le
fonds d’investissements français
Ardian. Il vient de recevoir un renfort hautement symbolique. Dans
un entretien au Journal du Dimanche du 20 juillet, Serge Trigano,
68ans, le fils du fondateur du Club
Gilbert Trigano, annonce qu’il se
rangeauxcôtésdel’hommed’affaires italien. Un rapprochement préparé par le directeur général délégué de Lazard France Matthieu
Pigasse (actionnaire à titre individuel du Monde) et le vice-président
d’Havas, Stéphane Fouks.
«AvecSergeTrigano,notreambition est de faire du Club Med une
marque attractive (…). Sa décision
vientconforter notreprojetd’ancrage français avec les salariés au cœur
de la stratégie. C’est avec eux, que
nous voulons construire l’avenir du
Club»,aindiquéauMondeM.Bonomi.
« L’offre d’investIndustrial [un
des véhicules d’investissement
d’Andrea Bonomi] est la plus séduisante et la plus intéressante pour les
actionnaires », explique M. Trigano. Pour l’homme d’affaires italien,
c’est un soutien qui tombe bien.
Quelques jours, à peine, avant le
conseil d’administration du Club
Med prévu vendredi 25juillet pour
examiner la contre OPA proposée
par M.Bonomi.
On imagine mal des
actionnaires refuser la
prime de 22 % offerte
par M. Bonomi par
rapport à celle du
tandem Ardian-Fosum
Serge Trigano, qui a dû quitter le
Club en 1997, se défend de regarder
dans le rétroviseur. S’il revient au
Club,c’est«pourregarder versl’avenir ». Il veut y apporter sa « vision
stratégique » mais « sans être pour
autant passéiste ». En cas de succès
de l’OPA d’Andrea Bonomi, la gouvernance du Club sera modifiée.
SergeTriganoendeviendrait lepré-
sident non exécutif, et la gestion
opérationnelle serait confiée à un
directeur général.
Dans le camp de Fosun et
Ardian, on se refuse pour l’heure à
tout commentaire. Mais, dans les
coulisses, ce come-back fait tousser.« C’estun trèsboncoupmédiatique que de rallier le nom magique
de Trigano », laisse-t-on d’abord
entendre. Avant de sortir l’artillerie
lourde. Le retour de Serge Trigano
n’aura d’impact qu’auprès du
grand public. Beaucoup moins sur
les salariés et les actionnaires pour
lesquels son nom n’aurait plus
grand-chose de magique.
Ils n’auraient pas oublié que
« Serge Trigano a dirigé le Club et l’a
conduit à une véritable catastrophe ! », souligne-t-on dans le camp
Fosun Ardian. « Les deux dernières
années avant son départ, en 1997,
Serge Trigano aurait accumulé
200 millions d’euros de pertes [l’équivalent de 1,3 milliard de
francs de l’époque]. Un trou,
enfin, dont l’ampleur aurait obligé
« les deux grands actionnaires du
Club à le débarquer. »
En pratique, les deux camps se
disputent le soutien des personnels. Si FO, première organisation
syndicale du Club, pencherait plutôt vers l’offre franco-chinoise,
l’UNSA,quidirigeleComitéd’entreprise du groupe, ne serait pas opposé à l’offre italienne.
Du côté de Serge Trigano, on
affirme même avoir reçu « un
signal des salariés ». On confie aussi
que l’ex-PDG du Club « voyait toujours très régulièrement des responsables du Clud Med au Mama Shelter », le petit groupe hôtelier branché dirigé par M. Trigano.
En plus de compter leurs troupes, les deux camps se disputent
sur la stratégie pour développer le
Club. Côté Ardian-Fosun, on déplore le manque d’actionnaire chinois
dans le camp Bonomi. Pourtant,
fait-on savoir, ce ne sera que
« d’Asie et de Chine que pourront
venir les 200 000 à 300 000 clients
supplémentaires » dont a besoin le
Club pour retrouver la rentabilité.
«C’est le point faible de la candidature Bonomi.»
Pour autant, le duo franco-
chinois ne se fait manifestement
plus aucune illusion sur l’issue de
la bataille. La contre OPA déposée
par M. Bonomi devrait être acceptée par le conseil d’administration
du 25 juillet. On imagine mal en
effet,desactionnairesrefuserlaprime de 22 % par action offerte par
Investindustrial par rapport à celle
du tandem Ardian-Fosum. La
contre-OPA de l’Italien valorise le
Club Med à 790 millions d’euros
contre seulement de 563 millions
pour Ardian-Fosun.
Aucun calendrier n’a encore été
fixé,maislacontre-OPAdeM.Bonomi devrait être officiellement lancée « aux environs du 5 août », laissent entendre des proches du dossier. A partir de ce moment-là, le
duo Ardian-Fosun devra décider
s’ilrelèvesonoffrepourcontrercelle de l’homme d’affaires italien. Ou
s’il renonce. Une seconde hypothèse qui semble la plus probable
quand dans le camp Ardian-Fosun,
certains jugent le prix proposé par
l’italien trop élevé. Difficile à rentabiliser. p
Guy Dutheil
Après Google, Microsoft offre
aux internautes européens le «droit à l’oubli»
L
CFDT, FO et CGT contestent les modalités
des prochaines élections professionnelles
des demandes », a précisé l’entreprise au Wall Street Journal.
Le « déréférencement» des liens
litigieux n’interviendra pas dans
l’immédiat, peut-être afin de laisser le temps à Microsoft d’anticiper
et de s’épargner les « ratés » que
connaît Google depuis que son formulaire est disponible. Microsoft a
d’ores et déjà indiqué qu’il participerait à la réunion du 24 juillet.
Intérêts contradictoires
Les moteurs de recherche sont
sous pression pour se conformer
à la décision européenne, et sont
à ce titre tiraillés entre des intérêts
qu’ils estiment contradictoires : ils
font notamment valoir à quel
point la ligne entre protection de la
vie privée et censure est ténue.
Dans une tribune publiée le
11 juillet sur le blog officiel de Google, son vice-président et directeur
juridique, David Drummond,
exprime son scepticisme sur la
décision européenne et demande
un rééquilibrage, notamment
pour se conformer au respect du
droit à l’information.
« La Cour précise que la désindexation des contenus doit tenir
compte de l’intérêt public (…), tout
en spécifiant que les moteurs de
recherche ne peuvent pas revendiquer la valeur journalistique d’un
contenu pour refuser une demande de suppression », déplore
M. Drummond, qui juge cette position intenable.
Depuis la fin du mois de mai,
précise-t-il, Google a reçu « plus de
70 000 demandes de retrait, représentant 250 000 pages Web », qui
doivent être examinées « au cas
parcas,généralementavecpeud’information et de contexte ».
Le site Rue89 s’est étonné, le
20juillet, d’avoir vu l’un de ses articles supprimé de Google, sans que
le groupe ne s’en explique. Et pour
cause, iln’en a,selon la réglementation européenne, pas le droit.
Une situation que Google France dénonce, tout en assumant
avoir dû « essuyer les plâtres » :
« Nous ne voulons pas qu’on nous
reproche de ne pas appliquer le
droit », confie-t-on en interne.
Maisle moteur de recherche leader souhaite que les modalités
d’application soient précisées par
les instances européennes. « Il y a
beaucoup de points sur lesquels
nous n’avons pas de réponse »,
regrette la même source.
l’usine Toyota d’Onnaing,
près de Valenciennes
(Nord), d’où est sortie fin
juin la Yaris relookée, dur dur, parfois, de faire du syndicalisme. Certes, la direction se félicite d’avoir
signé de « nombreux accords » et
rappelle que «le dialogue social reste une de [ses] priorités ». Il n’empêche, la grogne syndicale monte.
Ainsi, la CFDT, FO et la CGT, qui
représentent 75 % des voix au dernier scrutin de 2012, ont décidé de
ne pas signer le protocole électoral
qui définit les modalités des élections professionnelles prévues les
7 et 8 octobre et qui sera présenté
au comité d’entreprise lundi
21 juillet. Ce qui, pour la CFDT
(34,3 %) et pour FO (22,3 %), est une
première.
Encause:ledélaientredeuxélections, qui passerait de deux à trois
ans (la loi prévoit quatre ans au
maximum), et le nombre de sièges
à pourvoir, qui diminuerait de 33 à
29, tous mandats électifs confondus. « Organiser des élections tous
les deux ans, ce n’est pas la meilleure façon de construire du dialogue
social, les syndicats sont en campagne quasi permanente », estime
Nicolas Fayol, responsable des relations sociales. Mais pour Fabrice
Cambier, secrétaire de FO Toyota,
«quand des accords sont signés qui
ne sont pas favorables aux salariés,
comme celui sur l’intéressement
pour 2013, qui nous a fait perdre
1 500 euros sur six trimestres, c’est
important que les salariés puissent
revoter sans trop de délai ».
Quant au nombre de sièges, «on
appliquela loi »,justifie M.Fayol. Ce
qui est exact. Leur nombre est fonction non pas de l’effectif au
moment du scrutin mais au cours
des douze derniers mois. La remise
en place d’une troisième équipe et
l’embauche de 500 intérimaires au
printemps n’a donc pas été prise en
compte. La direction aurait certes
pu accepter de négocier, mais elle
ne l’a pas souhaité.
La CGT (troisième syndicat, avec
18% des voix) parle de « répression
syndicale ». Elle a d’ailleurs déclenché un mouvement de mobilisation en juin – qualifié de « campagne de dénigrement » par la direc-
tion. Une pétition en ligne, « Pour
le respect des libertés ouvrières et
syndicales chez Toyota », a été lancée fin juin sur le blog Stoprepressiontoyota et a recueilli à ce jour
11 300 signatures.
« Intimidations »
Elle suit la convocation, ces derniers mois, de deux dirigeants de la
CGT Toyota à des entretiens pouvant déboucher sur un licenciement, ainsi que des « sanctions et
intimidations » contre des militants, selon le syndicat. Ainsi, Eric
Pecqueur,secrétairedelaCGTToyota (et candidat Lutte ouvrière aux
législatives partielles de Valenciennes en juin), s’est vu reprocher de
nepas avoir porté le gilet designalisation lors d’une visite dans un atelier et d’avoir distribué des tracts à
l’intérieur du site, ce qui est pourtant légal. Face à la mobilisation, la
direction a reculé : M. Pecqueur a
reçu un avertissement.
De son côté, FO a recensé, pour
sesreprésentants,«17entretiensdisciplinaires en 2013 et 5 en 2014,
débouchant sur des sanctions
allant de l’avertissement à la mise à
pied de 5 jours, pour des broutilles »,
dénonce M.Cambier.
Le cas de Ludovic Milice, ancien
délégué CGT, ferait presque sourire
si, depuis son licenciement en 2012,
il n’était pas toujours au chômage.
Sa lettre de licenciement précise
qu’il n’a pas assisté, le 24 août 2012,
au discours de rentrée du président
de Toyota France, auquel « tous les
salariés devaient assister ». M. Milice dit être allé aux toilettes durant
le discours. Mais il aurait été vu
dans l’usine, sans casque.
Lors de l’entretien préalable,
peut-on lire dans la lettre de licenciement, « vous [avez dit] ne pas
avoir été en mesure de porter votre
casque puisque vous vous grattiez
la tête. Or, vous avez été vu avec
votre téléphone portable dans les
mains. Vous auriez dû remettre
[votre casque] après avoir fini de
vous gratter la tête, tout en tenant
également votre téléphone portable»… Le conseil des prud’hommes
de Valenciennes se prononcera le
25septembre. p
Francine Aizicovici
DISTRIBUTION
Bing, le moteur de recherche de la firme de Redmond, veut éviter les ratés que connaît son rival
es autorités européennes de
protection des données rencontreront les représentants
desmoteurs de recherchesur Internet, jeudi 24 juillet, autour du très
controversé « droit à l’oubli ». Premier à s’être vu contraint par la
Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’appliquer ce droit
à l’oubli sur les portails européens
desonmoteur, Google devradéfendre sa position à l’occasion de cette
session de réflexion. L’objectif est
definaliser les modalitésd’application de cette disposition réservée
aux internautes de l’Union.
La CJUE a estimé, le 13 mai, dans
un arrêt, que les particuliers
avaientledroit dedemanderà Google la suppression des liens vers
despages comportantdesinformations personnelles périmées ou
inexactes les concernant.
Microsoft n’a pas attendu une
possible décision de justice pour
prendre les devants : le 16 juillet, le
groupe a placé, sur son moteur de
recherche Bing, un formulaire de
requête similaire à celui de Google. Mais, pour l’instant, les équipes de Bing sont encore en train
« de mettre en place le processus
qui sera utilisé pour l’évaluation
Entre les syndicats de Toyota
France et la direction,
les relations sont tendues
A
Serge Trigano, dans l’un de ses hôtels, le Mama Shelter, rue de Bagnolet, à Paris (20e). JULIEN DE FONTENAY/JDD/SIPA
9
Du côté du régulateur français,
le compte n’y est pas encore : début
juin, la Commission nationale
informatiqueetlibertés(CNIL) relevait, dans un communiqué, « que le
formulaire ne concerne que les URL,
excluant donc des services mis en
œuvre par Google tels que Google
Suggest, et que son accessibilité
pour les internautes pourrait utilement être facilitée ». En un mot, la
possibilité de faire disparaître des
liens n’est pas assez mise en avant
parlegéantaméricain, etnes’applique pas àla totalité de ses services.
Google dit ne pas avoir d’attente particulière par rapport à la réunion du 24 juillet, et n’a d’ailleurs
pas confirmé qu’il enverrait une
délégation. De son côté, il a mis sur
pied un comité d’experts qui doit
se réunir à l’automne, et rendre la
synthèse de ses travaux en janvier.
Parmi les membres du comité
figurent le patron de Google, Eric
Schmidt, l’ancien vice-président
du groupe européen de commissaires à la protection des données,
Jose Luis Piñar, le fondateur de
Wikipedia, Jimmy Wales, et la
directrice éditoriale du journal
Le Monde, Sylvie Kauffmann. p
Audrey Fournier
Le directeur général de Tesco
démissionne
Le numéro un britannique des supermarchés, Tesco, a annoncé,
lundi 21 juillet, que son directeur général, Philip Clarke, allait
démissionner, le 1er octobre, à cause des ventes décevantes du
groupe. « Dave Lewis [jusqu’ici responsable de la division “soin
de la personne” chez Unilever] entrera au conseil d’administration de Tesco (…) comme directeur général, pour succéder à Philip
Clarke », a expliqué le groupe, ajoutant que « les ventes et les bénéfices du premier semestre ont été inférieurs aux attentes. »
Confronté à la concurrence des hard discounters, d’Internet et
des chaînes comme Marks & Spencer, Tesco ne cesse de perdre
des parts de marché. Le directeur financier, Laurie McIlwee, avait
déjà démissionné le 4 avril. p
Médias Avant l’arrivée de Netflix, Aurélie Filippetti
veut une diffusion en VoD plus rapide
La ministre de la culture, Aurélie Filippetti, souhaite que les films
sortant au cinéma soient plus rapidement accessibles sur les
autres écrans. Dans une interview donnée au Figaro, publiée lundi 21 juillet, la ministre de la culture déclare qu’elle va proposer
« d’avancer de deux mois la disponibilité des films à la télévision,
et, pour la vidéo à la demande par abonnement, de ramener le
délai après la sortie en salle à vingt-quatre mois, contre trente-six
actuellement».
Conjoncture Pour le président du Medef,
la situation économique est « catastrophique »
Le président du Medef, Pierre Gattaz, juge « catastrophique » la
situation économique du pays, dans Le Figaro du lundi 21 juillet.
Il demande que le gouvernement annonce « clairement » l’abandon de la taxe à 75 % sur les très hauts revenus. – (AFP.)
Tabac Reynolds condamné à payer 23,6 milliards
de dollars à la veuve d’un fumeur
Un tribunal de Floride a ordonné, samedi 19 juillet, au cigarettier
américain RJ Reynolds Tobacco de verser une indemnisation de
23,6 milliards de dollars (17,4 milliards d’euros) à la veuve d’un
fumeur décédé d’un cancer du poumon. – (AFP.)
10/LE MONDE/MARDI 22 JUILLET 2014
REPRODUCTION INTERDITE
les oFFRes D’eMPloi
DiRigeants - Finances, aDMinistRation, JuRiDique, R.H. - Banque, assuRance - conseil, auDit - MaRketing, coMMeRcial, coMMunication
santé - inDustRies & tecHnologies - éDucation - caRRièRes inteRnationales - MultiPostes - caRRièRes PuBliques
carrières
Nations Unies
Première Communauté d’Agglomération française et future Métropole Rouen Normandie, la CREA (71 communes ; 495 000 habitants) rayonne
sur une aire d’emploi idéalement située de 730 000 habitants dont près d’un quart est âgé de moins de 30 ans. Dotée d’un budget de près de
700 millions d’euros et de compétences renforcées dans le cadre de la métropolisation, elle porte une forte ambition pour le développement
économique de son territoire. Dans cette dynamique, elle recherche son :
Postes à l’Organisation des Nations Unies
Vous investissez-vous dans le changement et le progrès sans vous
cantonner dans le statu quo ?
DIRECTEUR EN CHARGE DU DÉVELOPPEMENT ECONOMIQUE - h/f
Sous l’autorité du Directeur Général Adjoint « Développement
Economique & Social, Attractivité », le Directeur élabore, structure et
pilote la stratégie de développement économique de la métropole en
mobilisant ses atouts clefs (filières d’excellences, pôles de compétitivité,
offre touristique,…), ses opérateurs (SPL, Agence de Développement,
Office Intercommunal de Tourisme) en partenariat avec les acteurs
économiques et institutionnels du territoire au premier rang desquels la
Région, la CCI et le Grand Port Maritime. Avec l’appui d’une trentaine
d’agents, il conçoit une offre innovante et pertinente d’accueil
d’entreprises diversifiées traduite par le suivi des projets d’aménagement
économiques (ZAE) commercialisées en lien avec la SPL, ainsi que le
développement et la gestion du réseau de pépinières Seine Création.
Les Nations Unies recherchent des professionnels dynamiques et qualifiés à
inscrire sur ses listes de candidats présélectionnés pour les postes à pourvoir
au Bureau des services de contrôle interne, dans les missions à travers le
monde :
Garant de la cohérence de la politique d’attractivité territoriale, il développe
et anime les relations partenariales de la Métropole dans le cadre d’une
véritable stratégie de valorisation du territoire.
• Chef des auditeurs résidents (P-5)
• Auditeur résident (P-4)
• Auditeur résident (P-3)
Ce poste intéresse un développeur territorial (h/f) disposant d’une
solide expérience de direction de projets et d’équipes de développement
économique acquise en collectivité ou satellite avec idéalement une
expérience significative en entreprise. Capable de se positionner dans
un environnement multi-partenarial de haut niveau, il possède un sens
développé de la négociation. Intelligence relationnelle et situationnelle,
rigueur de gestion et capacité managériale sont des qualités indispensables
pour réussir dans cette fonction à forts enjeux. Anglais courant exigé. Poste
ouvert aux titulaires de la Fonction Publique et aux contractuels.
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Formation : Diplôme universitaire du niveau
de la maîtrise dans le domaine du droit, du
droit international, des enquêtes pénales,
des études policières ou dans toute autre
discipline apparentée.
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à des niveaux de responsabilité de plus en
plus élevés dans les activités relatives aux
enquêtes est exigée.
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Directeur Général
Le cadre juridique :
Conformément aux dispositions de l’article L. 6162-10 du Code de la
Santé Publique, le « Directeur Général est nommé, pour une période de
5 ans renouvelable, par le Ministre chargé de la Santé après avis du
conseil d’administration et de la fédération nationale la plus représentative des centres de lutte contre le cancer ».
LES MISSIONS :
Personnalité de formation médico-scientifique sensibilisée aux problématiques de gestion d’un établissement de santé et apte à rassembler et à
mobiliser des équipes pluridisciplinaires, le Directeur Général : Représente le Centre dans tous les actes de la vie civile, assure la conduite
générale de l’établissement et en rend compte au conseil d’administration ; Exerce son autorité sur l’ensemble des activités et du personnel du
Centre en collaboration étroite avec le Directeur Général Adjoint ;
Développe les activités du Centre dans le cadre de son projet d’établissement 2015-2020 ; Est garant d’une gestion rigoureuse et dynamique,
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La direction générale de la recherche et du transfert de technologie (DGRTT) est une
des trois directions générales de l’université avec la direction générale des services
et la direction générale de la formation et de l’insertion professionnelle. Rattachée
directement à la présidence, et en liaison étroite avec la vice-présidence Recherche
et innovation, elle met en œuvre la politique de recherche et de valorisation de
l’université et participe à son élaboration en apportant des informations consolidées,
des expertises et des analyses. La DGRTT comprend 70 personnes et apporte son
soutien à une centaine de laboratoires. Elle est constituée de trois pôles dont les
fonctions sont : pilotage et politique scientifique, développement de la recherche
partenariale, gestion financière et RH des contrats.
Le Centre Léon Bérard – Lyon - Centre de lutte contre le cancer de Lyon
et Rhône-Alpes - Doté d’un plateau technique complet - Disposant de
291 lits et places, 180 places en HAD - 9 000 nouveaux patients, 72
200 consultations et près de 40 000 séjours par an - Etablissement de
soins privé d’intérêt collectif - Etablissement hospitalo-universitaire Pôle de recherche en cancérologie
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chargée d’affaires
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en cours ; Poursuit le développement du pôle recherche en lien avec les
autorités de tutelle ; Participe au développement de la cancérologie
universitaire régionale et des coopérations inter-hospitalières.
Les candidatures ouvertes à toute personne membre de la Communauté
Européenne doivent être adressées sous pli recommandé, à : M. le Préfet
de la Région Rhône-Alpes - Président du Conseil d’administration
c/o Centre Léon-Bérard - 28 rue Laennec - 69373 LYON CEDEX 08
La date limite d’inscription et de dépôt des dossiers a été fixée par le Conseil
d’administration au Lundi 29 septembre 2014.
Les candidats devront joindre à leur dossier un exposé de leurs titres
universitaires et hospitaliers et de leurs travaux scientifiques ainsi que
l’état des fonctions remplies, accompagné d’une lettre de motivation
détaillée, le tout en deux exemplaires.
Les conditions de ce recrutement et d’exercice de la fonction sont celles
de la règlementation en vigueur pour les Centres de Lutte contre le Cancer
(art. L6162-1 et suivants du Code de la Santé Publique).
Des informations concernant l’hôpital sont disponibles sur le site web :
www.centreleonberard.fr
Toute demande de précision concernant ce poste peut être adressée à
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L’entrée en fonction est prévue pour le 1er août 2015.
Pour de plus amples informations, veuillez consulter l’annonce
complète à l’adresse : http://www.unil.ch/all
Délai de candidature : 30 septembre 2014.
Soucieuse de promouvoir une représentation équitable des femmes
et des hommes parmi son personnel, l’Université encourage les
candidatures féminines.
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d’enseignants-chercheurs
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Profil recherché
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niveau avec une expérience réelle
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ayant développé des coopérations
significatives avec le monde de
l’entreprise
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le cachet de la Poste faisant foi, à :
Monsieur l’administrateur général du Cnam
292, rue Saint-Martin - 75141 Paris Cedex 03
Votre candidature doit être accompagnée d’un exposé
de vos titres et travaux.
Merci de rappeler la référence : PRCM 0119.
recrute.cnam.fr
culture 11
0123
Mardi 22 juillet 2014
Crosby, Stills, Nash & Young, déja vu mais inédit
Un coffret célèbre la tournée 1974 du groupe de rock, la première de l’histoire à être organisée dans des stades
Musique
N
ous sommes au début de
l’été 1974. A l’annonce de la
prochaine tournée de Crosby, Stills, Nash & Young, organisée
par l’impresario californien Bill
Graham, les journalistes, producteurs et organisateurs de concerts
sont d’abord incrédules : vingthuit concerts aux Etats-Unis, deux
au Canada, pour la plupart dans
des stades de football américain
ou de base-ball ; un autre à Londres, au Wembley Stadium. Ce qui
de nos jours est plutôt la norme
pour de gros vendeurs du rock et
de la pop apparaît comme un pari
audacieux.
Certes le retour sur scène de
David Crosby, Stephen Stills, Graham Nash et Neil Young pour une
tournée est un événement : le
supergroupe créé à l’été 1969 (ils
ont donné leur deuxième concert
à Woodstock) a à son actif l’album
Déjà vu, publié en mars 1970, et le
live 4 Way Street, sorti en avril 1971,
après leur séparation.Mais personne n’a jusqu’alors rempli autant de
Chaque concert dure
plus de trois heures
et est divisé en trois
parties: une première
électrique,
une acoustique et
unretour électrique
stades pouvant accueillir entre
40 000 et 80 000 spectateurs. Pari
gagné.L’été 1974 est celui du triomphe pour CSN&Y.
Plus d’un million de billets ont
été vendus. Chaque concert dure
plus de trois heures et est divisé en
trois parties : une première électrique, une acoustique et un retour
électrique. En moyenne quarante
compositions sont interprétées.
Les quatre chanteurs et guitaristes
– Nash et Stills assurant la plupart
des parties de claviers – sont
accompagnés par le bassiste Tim
Drummond, le percussionniste
Joe Lala et le batteur Russell Kunkel. Les bons soirs surgissent l’osmose des voix, la furia des guitares
électriques de Stills et Young.
D’autres sont tout juste corrects.
Quarante ans plus tard paraît
CSNY 1974, coffret de 3 CD et de
1 DVD (huit titres qui doublonnent
avec ceux des CD), avec un livret de
188 pages illustré de nombreuses
photographies de Joel Bernstein.
Principalement produit par ce dernier et Nash, un temps annoncé
CSN&Y lors des répétitions de leur tournée 1974 dans le ranch de Neil Young, en Californie. Elle attirera plus d’un million de spectateurs. JOHANSEN KRAUS
pour août 2013, CSNY 1974 a nécessité quatre ans de travail. Recherche des meilleures sources (sons et
images), transfert numérique en
haute définition audio et longues
négociations entreles quatre musiciens.Dans le magazine Rolling Stone de mai, Graham Nash indique
que le plus difficile aura été de
« satisfaire quatre personnes en
même temps ». Depuis 1969, le
groupeest handicapé par la succession de brouilles et de réconciliations qui éloigne et rapproche les
trois Américains et le Britannique.
Une dizaine de concerts avait
été enregistrée. « Avec Joel, nous
avons tout écouté et choisi les
meilleures interprétations, ajoute
Nash. Avant de les envoyer à David,
Stephen et Neil. » Chacun devant
donner son accord. Un concert
idéal a ainsi été recréé – y compris
avec des flottements, dont des
dérapages vocaux de Crosby et
Stills. De l’énergique entrée électrique de Love the One You’re With, de
Stillsau toujours rageur Ohio, composition de Young, écrite et enregistrée par le quatuor peu après
que la garde nationale de l’Etat de
l’Ohio eut tué, le 4 mai 1970, quatre
étudiantsde la Kent State University qui manifestaient contre le soutien armé de l’administration
Nixon à l’invasion du Cambodge.
Le premier set – et premier CD –,
électrique, prend son essor avec
les parties solistes de Wooden
Ships, de Crosby, Stills et Paul Kantner, rebondit sur Immigration
Man de Nash. Ses moments les
plus intenses : Johnny’s Garden de
Stills, le sombre On The Beach de
Young, les défis de six-cordes
entre Stills et Young sur Black
Queen de Stills, en quasi hard-rock.
Le deuxième set, acoustique, permetd’entendre diverses configurations, solo (Stills), duos (Crosby et
Nash, Young et Nash, Stills et
Young), trio CSN et les quatre
ensemble. Le répertoire fragile est
plus adapté aux petites salles – ce
sera le principal enjeu durant ces
concerts en stades. Les dix-neuf
thèmes sélectionnés touchent
juste, en particulier Only Love Can
Break Your Heart de Young, Our
House et Teach Your Children de
Nash, Time After Time de Crosby,
Word Game et Suite : Judy Blue Eyes
de Stills.
Le retour électrique du troisième set est parfait de bout en bout.
Avec des illuminations, Déjà vu –
superbe solo de Stills – et Long
Time Gone de Crosby, Pre-Road
Downs de Nash, Revolution Blues
et Pushed it Over The End de
Young, le Ohio final.
La tournée aura aussi permis à
chacun de présenter des thèmes
toutjuste enregistrés ou quifigureront par la suite dans des disques
en studio des uns et des autres : My
Angel, Myth of Sisyphus, First
Things First pour Stills, Fieldworker
de Nash, Time After Time de Crosby… et Young particulièrement
prolifique avec notamment, outre
Pushed itOver the End,Love Art Blues, Traces et Hawaiian Sunrise, à ce
jour toujours inédits officielle-
ment dans leurs versions studio.
On regrettera en revanche que
manquent quelques titres présentssur des enregistrements pirates, notamment dans les sets électriques Carry On de Stills ou Sugar
Mountain de Young dans la partie
acoustique. Quitte à assumer leur
statut de documents de moindre
qualité sonore. p
Sylvain Siclier
CSNY 1974, de Crosby, Stills, Nash
& Young, 1 coffret de 3 CD et 1 DVD
(Rhino-CSNY Recordings/Warner
Music) ; disponible en version 1 Blu-ray
(audio) et 1 DVD ; 1 CD 16 titres extraits
de l’ensemble ; 1 coffret de 6 disques
vinyles, 1 Blu-ray (audio), 1 DVD,
téléchargement numérique
et livret grand format.
Savante ou populaire, gréco-turque ou iranienne, la musique des «Suds» enivre
La 19e édition du festival arlésien a mis en lumière les talents de la chanteuse Cigdem Aslan ou du virtuose de la vièle Kayhan Kalhor
Musiques du monde
Arles
Envoyé spécial
U
ne clameur d’indignation.
Un cri gueulé à gorge
déployée. Le 19 juillet, dans
le Théâtre antique d’Arles, avant
que ne jaillissent la voix de la chanteuse flamenca Esperanza Fernandez, puis celles, fiévreuses et saisissantes de Susheela Raman, avec
ses invités pakistanais, Rizwan et
Muazzam Mujahid Ali Khan, tout
le monde est invité à hurler avec
les intermittents, après la lecture
d’un communiqué. Chaque soir,
ce fut, ici, le même rituel.
« Une manière bon enfant d’affirmer notre soutien », commente
Marie-José Justamond, directrice
artistique des Suds. Dès le
10 juillet, à quelques jours de son
ouverture, le festival s’est positionné. « Suds soutient pleinement les
revendications des intermittents,
et nous aurons l’occasion de l’expri-
mer avec cette 19e édition [du 14 au
20juillet] qui, plus que jamais, s’annonce poétique et politique », dit
un communiqué.
Peu avant la dernière soirée au
Théâtreantique,ailleursdans la ville,cour de l’Archevêché,la chanteuse turque d’origine kurde Cigdem
Aslan dédiait une chanson aux
enfants de Gaza, introduisant de
manière allusive les chaos de l’actualité dans son répertoire de rebétiko. Sur ce blues urbain qui a pris
son essor en Grèce avec l’arrivée de
réfugiés grecs démunis, partis
d’Asie Mineure à la fin de la guerre
gréco-turque (1919-1922), la jeune
chanteuse s’est construit un joli
répertoire, enregistré sur l’album
Mortissa
(Asphalt
Tango
Records/L’Autre Distribution).
Néeà Istanbul, dans le district de
Sisli, elle a grandi à proximité, dans
le quartier de Kagithane. « Nous
vivions dans ce qu’on appelait “gecekondu”, des habitations illégales
construites par les immigrants à la
périphérie d’Istanbul. Mes parents
venaient de Sivas, à l’est de la Turquie. A Istanbul, quand quelqu’un
vous demande d’où vous venez,
cela signifie souvent d’où viennent
vos parents », raconte la chanteuse,
installée à Londres. Pour évoquer
le rebétiko, elle parle d’une « musique avec des sentiments qui viennentde gensordinaires».Unemusique réfractaire et irrévérencieuse
face à l’autorité. « En Turquie et en
Grèce, à l’heure actuelle, beaucoup
de gens ressentent qu’ils doivent
défier les autorités pour protéger
les libertés individuelles. Et finalement, la situation est tellement
similaire dans les deux pays que je
vois dans cette musique un espoir
de redécouvrir l’amitié et les liens
entre les peuples de Grèce et de Turquie. Il y a beaucoup de chansons
que nous interprétons dans les
deux langues. »
Accueilli deux jours avant, sur
cette même scène intimiste de l’Archevêché, le chanteur, compositeur et oudiste palestinien Tamer
Abu Ghazaleh, découvert au sein
de l’ensemble Alif, se produit pour
la première fois en France sous son
nom. Il surprend par la contemporanéité audacieuse de sa musique
«cross-over», rappelant l’originalité du groupe Sabreen, découvert
au début des années 2000, d’où
Kayhan Kalhor
s’étonne de
l’obsession de la
presse occidentale à
vouloir présenter
l’Iran comme un pays
conservateur
émergea la chanteuse et oudiste
Kamilya Jubran. Celle-ci a enregistré, entre autres, sur le label Eka3
que Tamer Abu Ghazaleh a cofondé au Caire, où il vit.
Accompagné de ses musiciens,
il chante avec une conviction
rageuse quelques titres du seul
album sous son nom à ce jour,
Mir’ah (miroir), paru en 2008 (non
disponible en France). « Je veux
que les mots que je chante reflètent
les réalités actuelles », confie-t-il le
lendemain de son concert. Ce qui
se passe en Palestine et en Egypte,
où « la société est en perdition. Les
gens sont descendus dans la rue,
mais ils se rendent compte que rien
n’a changé. C’est même pire
qu’avant ». Lui-même raconte
avoir participé à la deuxième Intifada en Palestine. « J’ai constaté
que là non plus, ça n’avait servi à
rien », déplore-t-il.
S’il a réussi à couvrir les
bruyants choucas, martinets et
pigeons qui volent au-dessus de la
cour de l’Archevêché, les ciselures
délicates et les murmures du duo
magistral instrumental formé par
Kayhan Kalhor et Erdal Erzincan,
elles, n’ont rien pu faire. Mais malgré l’agitation bavarde de la gente
ailée, les deux musiciens offrent
un moment de pure poésie musicale. On est happé par la longue
improvisation – un seul morceau
s’étire sur près d’une heure – du
maestro iraniende la vièlekamantché (instrument central de la musique persane avec lequel il a accompagné les vers des poètes soufis),
en conversation avec le baglama
du musicien turc Erdal Erzincan,
une référence pour cet instrument
à cordes.
Ils ont enregistré ensemble
deux albums sur le label ECM (The
Wind et Kula Kulluk Yakisir Mi). Né
à Téhéran, en 1964, Kayhan Kalhor
a quitté l’Iran à 17 ans et vit aux
Etats-Unis après avoir humé l’air
musical de plusieurs pays. Autant
de chemins pour faire connaître sa
musique, sa culture et s’enrichir
de celles des autres, précise-t-il. Il
s’étonne de l’obsession de la presse occidentale à vouloir présenter
l’Iran comme un pays conservateur. « Rien n’est totalement noir
ou totalement blanc. Cette image
ne correspond pas à la réalité »,
conclut le musicien. p
Patrick Labesse
12
0123
culture
Mardi 22 juillet 2014
Exquises dissonances
entre comté et arbois
Le quatuor Dissonances a été le fil conducteur
du 5e festival Salines en musique
Musique
Salins-les-Bains (Jura)
Envoyé spécial
Q
ue faire, en été, quand la
soif de partage musical n’a
pas été étanchée par l’organisation de deux festivals
dans le cadre de la saison à Paris ?
En produire un troisième, loin de
la capitale. C’est ainsi qu’est né, en
2010, le festival Salines en musique. Si Anne-Marie Réby l’a conçu
en s’inspirant des valeurs ayant
assuré le succès de ses manifestations parisiennes (Les Solistes aux
Serres d’Auteuil, aujourd’hui
transplantés à Bagatelle, les Quatuors à Saint-Roch), elle l’a aussi
doté d’un attrait propre aux lieux
qui accueillent les concerts.
La petite ville de Salins-lesBains, qui donne son nom au festival, est plus d’une fois à l’honneur
de la programmation mais leslocalités avoisinantes invitent également le mélomane à découvrir ce
Pays du Revermont auxquelles
sont attachées trois richesses gustatives du Jura. Avec Arbois (le vin)
et Salins-les-Bains (le sel)sur sa carte de concerts, il ne manque plus
au festival d’Anne-Marie Réby que
Poligny (le comté) pour associer la
musique au « triangle d’or » de
l’histoire locale. Ce sera chose faite
en 2015.
En attendant, l’on est bien heureux de monter jusqu’à Aresches,
dans l’après-midi du caniculaire
vendredi 18 juillet, pour trouver
air frais et musique vivifiante
dans la petite église où trône un
retable du XVIIe siècle. Deux des
membres du quatuor Les Dissonances, formation qui constitue le
fil rouge de la cinquième édition,
se succèdent pour interpréter un
sommet du répertoire destiné à
leur instrument. David Grimal
(premier violon du quatuor) présente la Partita n˚ 2 en ré mineur,
de Jean-Sébastien Bach, suite de
danses qui s’achève par la monumentale et célébrissime Chaconne. Dire qu’il l’impose serait plus
juste, tant la musique fait ici l’objet d’une communication autoritaire. Pas plus dramatique dans la
première partie que lyrique dans
la seconde, la Chaconne prolonge
avec la fermeté d’une technique
inoxydable l’assimilation de
l’œuvre musicale à un dogme.
Rien de tel avec le second solo du
concert. Pourtant, les Trois Strophes sur le nom de Sacher pour violoncelle
d’Henri
Dutilleux
(1916-2013) – comme la Partita de
Bach – donnent l’impression que
Formidable guitare ! Fourmillante
d’allégresse, gorgée de swing et de
soleil rieur ou d’un brin de mélancolie, scintillante de
douceur.
Exaltante
guitare tanguera que
celle de ce
musicien
argentin que l’on a connu longtemps associé à son frère bandonéoniste, Nini Flores.
Avec cet élégant premier album
sous son nom, Rudi Flores remonte le fil de l’histoire du tango, rappelant qu’avant l’arrivée du bandonéon la guitare y tenait un rôle
d’importance.
Entouré de musiciens impeccables, Rudi Flores investit et arrange avec pertinence, en y injectant
de surprenants accents manouches, un répertoire choisi, composé entre 1916 (La Guitarrita, d’Eduardo Arolas) et 1969 (Bonita, de
Ciriaco Ortiz). p P. La.
1 CD Buda Musique/Socadisc
Le chorégraphe et dramaturge samoan Lemi Ponifasio a choqué, stupéfait et rebuté
leur auteur est seul au monde. Langage, forme, expression, tout y est
unique. Libre à l’interprète d’ancrer cette originalité dans un vécu
accessible aux auditeurs. C’est ce
que réalise magistralement Xavier
Phillips. Son animation du triptyque aurait ravi le compositeur, car
il y aurait perçu autant de luimême que de « son » violoncelliste.
L’émerveillement devant l’inouï, la
préservation du mystère de la création,lafantaisie dans larecherche…
du Dutilleux pur jus. Néanmoins, à
suivre les méandres rougeoyants
du tracé de Xavier Phillips, le calligraphe du son que fut Dutilleux se
serait demandé s’il n’avait pas livré
des sanguines spectaculaires plutôt que de simples strophes.
L’émerveillement
devant l’inouï,
la préservation
du mystère
de la création…
du Dutilleux pur jus
A l’écoute d’Ainsi la nuit, quatuor à cordes écrit dans la même
veine que les Trois Strophes, aucun
doute : la rumeur règne en maître.
Très habiles dans le tissage translucide comme dans les textures troubles, les membres des Dissonances
restituent avec bonheur le climat
prenant de l’œuvre.
Le soir, dans l’église NotreDame de Salins, ils composent un
bouquet idéal pour les Crisantemi
de Giacomo Puccini, qui préludent
judicieusement à de sombres
mais envoûtants morceaux de
Franz Liszt. D’abord, sous l’archet
racé de l’altiste Jürg Dähler (La
Lugubre Gondole, Romance
oubliée) puis sous les doigts éclairants du pianiste François-Frédéric Guy. Avec lui, les trois Sonnets
de Pétrarque s’enchaînent comme
les trois actes d’une pièce de théâtre (ou d’un opéra, puisqu’on l’entend parfois chanter) par la magie
d’un clavier qui est tantôt scène,
tantôt coulisses.
Les Dissonances reviennent à
cinq après l’entracte, car Jürg
Dähler les a rejoints pour interpréter le Quintette à deux altos
(KV 515) de Mozart. Exécution légère, presque badine, loin de la prestation habitée du Dutilleux.
Conformément à leur enseigne,
ces chambristes polyvalents ne
seraient-ils jamais aussi impliqués que lorsque les dissonances
sont légion ? p
Pierre Gervasoni
Dans un décor noir et gris, la chorégraphie de « I AM » a déconcerté. Ici, la danse circulaire-lutte en gants de caoutchouc. ARNOLD JEROCKI
Danse
Avignon
Envoyée spéciale
E
tre saisi (ou pas). Tout se
situe (presque) là pour apprécier I AM, mis en scène par le
chorégraphe samoan Lemi Ponifasio, dans la Cour d’honneur du
Palais des papes. Harangue, incantation, prière, exorcisme, cette pièce sombre et chargée a semé la stupéfaction, le 18 juillet, parmi les
spectateurs. Si certains ont lâché
l’affaire en cours de route, ceux
qui sont restés étaient sous le choc.
I AM n’y va pas de main morte.
La Marseillaise en ouverture, un
appel à la prière en conclusion,
une croix projetée sur les
murailles, des chants en maori,
une dizaine de langues employées
dont le javanais, le samoan, l’anglais et le français (sans aucune traduction simultanée !)… Les courtscircuits sont permanents dans cette pièce dont le point de départ, la
première guerre mondiale, se trouve largement dépassé.
Lemi Ponifasio, chorégraphephilosophe dont trois spectacles
ont été présentés depuis 2010 au
Théâtre de la Ville, à Paris, n’a fait
qu’une bouchée de la Cour d’hon-
neur, plateau somptueux mais risqué aussi par ses symboles et ses
proportions (600 mètres carrés).
C’était prévisible. Son coup de patte, immédiatement reconnaissable, allie décor massif et minéral,
palette anthracite, personnages
fantomatiques, bande-son ultrapuissante. Une pâte spectaculaire
qui gonfle et dégonfle au gréd’électrochocs savamment assénés.
Entre grandiose et grandiloquence, le théâtre dansé de Ponifasio
avance sur un fil.
La figure de choc,
héroïne, victime
et martyre,
est celle incarnée
par Nina Arsenault,
transsexuelle
I AM est raccord. Sophistiqué et
archaïque, il se dresse devant une
paroi noire sur laquelle défilent
dix-huit interprètes ton sur ton.
Quelques touches de blanc, le bleu
profond des tatouages des interprètes samoans et maoris, le rouge
du sang et le jaune d’œuf explosent cette saga spectrale dont la
lenteur maintient le suspense.
L’intense perplexité générée
par I AM tient lieu d’aiguillon pendant les deux heures que dure la
pièce. La sensation d’osciller entre
adhésion et recul crée un inconfort permanent. Basculer d’une
énigme à l’autre, d’une lutte en
gants de caoutchouc à une danse
circulaire glissant dans l’espace
commesur des patins, tient en alerte. Et si la grosse artillerie visuelle
et sonore prisée par Ponifasio est
pour beaucoup dans la tension du
spectateur, elle emporte un lot
d’images vraiment étonnantes.
I AM, je suis. Cette affirmation
simple et péremptoire est à prendre au sens large. Le vivant dans
son mystère et sa différence file la
chair de poule à cette pièce qui
s’adresse aux dieux, aux hommes,
à la nature. La figure de choc, héroïne, victime et martyr, est celle
incarnée par Nina Arsenault,
transsexuelle, déjà présente dans
le spectacle The Crimson House, de
Ponifasio. Elle est au centre d’un
jeu de massacre et ouvre à I AM la
voie d’une cérémonie de mutation
et d’acceptation qui inclut au lieu
d’exclure.
CommesouventchezLemiPonifasio, sa culture d’origine et celle de
la Nouvelle-Zélande où il vit,
noyautent son propos. Deux chan-
teurs-récitants maoris, Charles
Koroneho et Rosie Te Rauawhea
Belvie, alpaguent le public. Scansion forte, mains qui tremblent
comme dans le haka, ils en appellent à cette communauté d’un soir
qu’ils magnétisent d’un coup.
Le nom de la compagnie créée
en 1995 par Lemi Ponifasio est
MAU, ce qui signifie en samoan
« affirmation solennelle de la vérité
d’un sujet » et « ma destinée ». Une
ligne d’action que ses pièces ne
démentent pas. Tempest : Without
a Body donnait la parole au chef
maori Tama Iti qui parlait de son
peuple décimé. Birds With Skymirrors évoquait le désastre écologiquede la planète. Passé par des études de philo et de science politique, Lemi Ponifasio, né dans une
famille de dix enfants, a commencé la danse à 20 ans dans les rues
d’Auckland. Il n’a jamais perdu de
vue son île et son village de Lano,
les marches avec son père, pasteur, qui s’émerveillait de la beautéchangeante de la nature. Un héritage que Ponifasio se charge de faire perdurer aujourd’hui. p
Rosita Boisseau
I AM, de Lemi Ponifasio.
Cour d’honneur, Palais des papes.
22 heures. Jusqu’au 23 juillet.
Instantanés de l’absurde quotidien en Roumanie
SÉLECTION CD
Rudi Flores
Tango, noche y guitarra
L’Océanie électrise la Cour d’honneur
Common
Nobody’s Smiling
Pour son dixième album studio,
le rappeur acteur Common
revient à ses racines : Chicago.
Common reprend le micro pour
alerter le grand public sur la recrudescence de la violence dans sa ville natale. Pour ce faire, il s’est
adjoint les services du compositeur de ses trois premiers albums,
No ID, et s’est entouré de quelques jeunes plumes du cru,
notamment, Lil Herb, le collectif
Cocaïne 80’s, le poète Malik Yusef
et Dreezy. Cette dernière, une des
rares femmes du rap et de la nouvelle scène de Chicago, figure sur
un des
meilleurs
morceaux
de l’album,
Hustle Harder. Entouré de ses
nouvelles
voix du hip-hop, le quadragénaire
a relevé le défi d’un rap plus sombre et plus dur que celui auquel il
nous avait habitués. p St. B.
1 CD (Def Jam/Universal)
Théâtre
Avignon
Envoyée spéciale
De Roumanie, qui nous a donné
ces dernières années une flopée de
formidables cinéastes, arrive, à Avignon, une jeune auteure et metteuse en scène : Gianina Carbunariu.
Ce n’est pas tout à fait une découverte. En 2005, Christian Benedetti
avait mis en scène sa première pièce, Stop the Tempo, au Théâtre-Studio d’Alfortville. Et le texte, sec,
rageur et sans concession, avait
plu, qui racontait l’aventure de
trois jeunes de Bucarest faisant, littéralement, péter les plombs de
leur ville.
Comme sa consœur sicilienne
Emma Dante (Le Monde
du9 juillet), Gianina Carbunariu
est une femme puissante, qui part
de son territoire aux marges de
l’Europe pour raconter le monde
d’aujourd’hui. Et de Roumanie
donc, cette femme, née en 1977, rapporte des histoires saisissantes,
trempées directement dans la réalité – c’est-à-dire dans l’absurde qui,
en ce pays, est roi.
Dans une petite ville, Baia Mare,
le maire, issu de la nouvelle classe
dirigeante, décide de faire construire un mur de cent mètres de long
et de près de deux mètres de haut,
pour séparer la communauté rom
de la communauté roumaine. Grâce à ce projet, il a été élu à la tête de
la ville avec plus de 80% des voix,
dont de nombreux suffrages tziganes. A Bucarest, un couple de la
classe moyenne, qui a recruté une
nounou philippine pour s’occuper
de leur fils, voit tout le refoulé lié à
ce choix lui sauter à la figure.
Gianina Carbunariu raconte
encore l’enterrement d’une vieille
gloire du théâtre national, Eugenia
Ionescu (eh oui), dont le fils a décidé de revendre sa concession au
grand cimetière de la ville, pour
pouvoir s’offrir une place de parking… Quant à la dernière histoire,
la plus poignante, elle met en scène un cénacle familial, réuni afin
de récolter de l’argent pour l’un
des membres du clan, un jeune
père dont la petite fille doit subir
une opération grave – et chère. Qui
emportera aux enchères le canapé,
et à quel prix ? Les meubles de cuisine, achetés (chez Ikea of course)
six mois auparavant ? Les appareils ménagers ? Cela ira jusqu’à la
poussette de l’enfant qui n’est pas
encore morte, raflée par la bellesœur enceinte…
Energie grinçante et rageuse
Dans ses meilleurs moments,
Solitaritate met en scène avec une
force indéniable ce pays qui est passé directement du surréalisme
totalitaire au libéralisme débridé,
et qui n’a pas de mal à apparaître
comme une image juste un peu
accusée d’une Europe en crise.
Confusion entre l’espace privé et
l’espace public, sentiment de
déclassement de la classe moyenne et réflexes d’exclusion, marchandisation et cynisme généralisés, crise identitaire, trafics (de cartes d’invalidité en l’occurrence)
Tout cela porte… dans les
meilleurs moments du spectacle.
L’énergie grinçante et rageuse de
Gianina Carbunariu est trop souvent diluée dans des considérations à usage interne sur le théâtre
en Roumanie. La jeune femme
règle des comptes et se positionne,
de toute évidence, sans en faire
quoi que ce soit de bien parlant
pour un public plus large.
La mise en scène renforce encore ce sentiment que cette Solitaritate ne s’est pas accomplie. Curieusement dénué de rythme, le spectacle n’arrive pas à décoller vraiment
d’un réalisme assez potache, qui
laisse peu de place à l’inquiétante
absurdité, à l’humour très noir,
aussi, qui existent dans le texte de
l’auteure Carbunariu.
C’est d’autant plus dommage
qu’il n’y a rien à redire sur les
acteurs, qui sont bons, et peuvent
toucher en plein cœur, à l’image de
cet homme qui clôt le spectacle,
seul au milieu d’une maquette de
Bucarest. Désespérément seul
dans la ville. Bruit de bris, de casse.
Rideau. C’est malheureux à dire,
mais on en sort un peu cassé aussi. p
Fabienne Darge
Solitaritate, de et par Gianina
Carbunariu. Gymnase du lycée Mistral,
à 15 heures, jusqu’au 27 juillet.
En roumain surtitré en français.
13
0123
Mardi 22 juillet 2014
L’«expérience unique» de Romain Bardet
Pour sa deuxième participation au Tour, le coureur français de 23ans occupe la troisième place, avant les Pyrénées
Nîmes
Envoyé spécial
I
l n’en reste qu’un. Tous les bus
ont quitté le « parking équipes », cette zone située à quelques hectomètres après la ligne
d’arrivée de chaque étape, jusqu’où les coureurs se fraient un
passage au milieu de ce qui pourrait vous évoquer l’enfer si vous
redoutez la foule et le désordre.
Encerclé par les badauds en quête d’une photo, d’un autographe
ou d’un bidon, seul le bus de l’équipe AG2R– La Mondiale stationne
encore à Nîmes, où la 15e étape s’est
achevée au sprint dimanche
20 juillet. C’est que son leader,
Romain Bardet, après avoir roulé
cinq heures sous le cagnard puis
sous le déluge depuis Tallard (Hautes-Alpes), a dû en passer une de
«Monter les cols
bondés avec la foule
qui s’ouvre devant toi
au dernier moment
et scande ton nom,
ça donne la chair
de poule »
plus à répondre aux sollicitations
médiatiques incessantes depuis le
début du Tour.
«Ça pompe de l’énergie, les questions sont un peu redondantes,
mais ça fait aussi partie du métier,
à moi de m’y habituer », explique
au Monde le coureur français de
23 ans, qui tolère ce revers de la
médaille. Troisième du Tour 2014
à l’entame de la dernière semaine,
Romain Bardet crève l’écran. « Je
ne pensais pas être en si bonne position après deux semaines de course, reconnaît-il. Avant de partir, je
me disais qu’un Top 10 serait déjà
une très bonne performance. » Voici le Top 3 à portée de main pour le
cycliste de Brioude (Haute-Loire),
qui, pour son premier Tour, en
2013, avait terminé 15e et meilleur
Français. « Je ne crois pas au
podium pour l’instant, tempère-t-il. Je ferai un bilan après les
Pyrénées, où je vais devoir prendre
du temps, parce que sinon, avec le
contre-la-montre [la veille de l’arrivée à Paris], ça va être compliqué. »
Plus la route est escarpée, plus il
semble à l’aise. Les sommets vosgiens puis alpestres l’ont vu jouer
les premiers rôles. Et le grimpeur
filiforme (1,84 m, 65 kg) attend
avec gourmandise ceux des Pyrénées, que le peloton va arpenter
pendant trois jours à partir du mercredi 23 juillet, au lendemain de
l’étape de repos à Carcassonne.
« Monter les cols bondés, avec la
foule qui s’ouvre devant toi au dernier moment et qui scande ton
nom, c’est une expérience unique,
ça donne la chair de poule. » C’est
lors des ascensions du Tour que
Romain Bardet se félicite d’être
devenu cycliste professionnel, lui
quiest toujoursétudianten master
à l’école de commerce de Grenoble,
etquinecachepasunecertainenostalgie de sa vie d’étudiant-cycliste
lecteur du Monde diplomatique.
« C’étaient mes meilleures
années, j’avais une double vie. Ça
m’a permis d’avoir une bonne marge de progression lorsque je suis
passé pro et que je me suis consacré
à 100 % au vélo, mais j’ai perdu
quelque chose niveau ouverture
d’esprit. » Ce qu’il expliquait ainsi,
en 2013, dans L’Equipe : « En 2011,
Romain Bardet et son maillot blanc de meilleur jeune, lors de la 15e étape, entre Tallard et Nîmes, dimanche 20 juillet. CHRISTOPHE ENA/AP PHOTO
lorsque j’ai su que je passerais pro,
j’allais à la fac vingt-cinq heures
par semaine. J’étais spécialisé en
droit public international, jem’intéressais de près aux missions des
Nations unies, je lisais beaucoup la
presse. A la sortie, j’ai eu un choc,
j’ai mal vécu la perte d’un lien
social. Je ne faisais rien d’autre que
rouler, comme si j’avais perdu une
part de ma personnalité. » Aujourd’hui, l’intéressé se dit tout de
même « content que [ses] performances prennent le dessus, qu’on
ne [LE]présente plus seulement
comme l’intello du peloton ».
Le coureur à la bonne bouille
avait pris sa première licence en
2000,deux ansaprès l’affaireFestina, qui ne l’avait pas dissuadé :
«J’avais 8 ans. Je ne me souviens pas
d’une déception particulière. » Elle
arrivera plus tard, avec la révélation de l’arnaque de Lance Arms-
«Les enfants de Poulidor»
Radar L’ancien entraîneur de Festina, Antoine Vayer, passe au crible les performances des coureurs en montagne
Y
Les Français sontils condamnés à
finir comme l’«éternel second », Raymond Poulidor ?
Plus les étapes passent, plus
Romain Bardet (3e) et Thibaut
Pinot (4e) se rapprochent de la
2e place de Valverde, mais plus ils
perdent du temps sur Vincenzo
Nibali. L’Italien continue son parcours de santé. A moins que JeanChristophe Péraud (6e), à 37 ans,
dans le final de la 17e étape, ne fasse comme Poulidor, à 38 ans, lors
de la 16e étape du Tour 1974.
Quaranteans après, le Tour arrive de nouveau, mercredi 23 juillet,
à Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées), avec la même ascension du
Pla d’Adet (10 km à 8,4 %). En 1974,
avec un temps de 32 min 13 sec,
« Poupou » parvenait enfin à distancer le maillot jaune et rempor-
tait l’étape avec 1 min 49 sec sur sa
bête noire. Le maillot jaune s’appelait Eddy Merckx.
En 2014, toutes proportions
rapportées, (ca)Nibali est plus
puissant que le « cannibale belge ». En tenant compte d’une multitude de paramètres de l’époque,
« Poupou » aurait dû, aujourd’hui,
développer l’équivalent de
404watts de puissance pour rééditer son exploit. Péraud et les
autres Français qui s’illustrent
devraient finir dans cette zone
verte de puissance moyenne à l’issue du Tour. Ils ont au moins la
même « classe » que Poulidor.
Las, Nibali, lui, comme à la bonne vieille époque du vélo trafiqué,
devrait évoluer au-dessus de la
zone suspecte des 410watts. Samedi 19 juillet, dans la montée finale
du col de Risoul (Hautes-Alpes),
avec 425 watts-étalons, en
28 min 15 sec pour 11,1 km à 6,9 %
depuis Guillestre, il n’a pas réussi
à totalement se débarrasser de
Péraud, collé à sa roue arrière.
Une position à l’abri qui a permis
au Français d’économiser 15 watts
grâce au phénomène d’aspiration
et de le suivre.
Piqûre de rappel
L’Italien voulait, par intérêt
pour des alliances futures dans
les Pyrénées, laisser gagner le Polonais Majka, membre de l’équipe
Saxo-Tinkoff, échappé depuis le
départ de l’étape. Lui aussi sera
au-dessus de la barre des
410 watts s’il continue comme ça.
Rafal Majka, 6e du dernier Tour
d’Italie et 2e de l’étape de
Chamrousse la veille, était le coéquipier de Contador avant que
l’Espagnol n’abandonne. Il a interrompu ses vacances pour remplacer au pied levé Kreuziger, suspendu pour anomalies dans son passeport biologique.
Au sommet du col de l’Izoard
(9,4 km à 7,66 % depuis Cervières),
le Polonais a pu bénéficier de l’aspiration de Joachim Rodriguez
(3e du Tour 2013, qui pointe cette
année à 1 h 34 de (ca)Nibali). Résultat : 370 watts. Il a ensuite dévalé
le « toit du Tour » avec des pointes
à 105 km/h et c’est débarrassé de
« Purito » qu’il a battu Nibali d’un
petit watt (425) dans la montée
finale de Risoul.
Sans doute s’est-il inspiré du
premier Polonais qui ait terminé
sur le podium du Tour, Zenon Jaskula. En 1993, flashé à 441 watts
miraculeux, il avait battu le
record de la montée du col du Pla
Le RC Lens lâché par son actionnaire azerbaïdjanais
Privé des fonds promis par Hafiz Mammadov, le club voit sa montée en Ligue1 compromise
Football
G
ervais, on veut des réponses! » Massés devant l’hôtel
de ville, des centaines de
supporteurs lensois ont donné de
la voix samedi 19 juillet. Un désaveu notable pour Gervais Martel,
l’emblématique président des
« Sang et Or ». Depuis trois semaines, l’avenir du Racing Club de Lens
(RCL) est suspendu aux 10 millions
d’euros que réclame la Direction
nationale du contrôle de gestion
(DNCG) sous peine d’invalider la
remontée du club nordiste en
Ligue1.
Au départ, le dirigeant assurait
pouvoircompter sur lemystérieux
actionnaire principal qu’il a fait
entrer dans le capital du Racing en
2013, Hafiz Mammadov, un hom-
me d’affaires azerbaïdjanais. Las,
dimanche 20 juillet, Martel a changé de discours : « Ils n’arriveront
jamais,ces 10millions», a-t-ilreconnu dans l’émission « Stade 2 ».
Désormais, il ne lui reste guère
de temps pour s’adapter et conserver le ticket pour la Ligue 1, acquis
au mois de mai mais bloqué par le
gendarme du football français le
27 juin, puis le 15 juillet en commissiond’appel.«Mêmesansces10millions d’euros, nous allons avoir l’un
des dix meilleurs budgets de Ligue 1.
Je vais présenter un dossier avec de
nouveaux apports sonnants et trébuchants, des apports qui ne viennent pas d’Azerbaïdjan », déclare
GervaisMartel auMonde. Montpellier, dixième budget, tournait avec
39 millions d’euros lors du précédent championnat.
Alors que la Ligue 1 reprend le
8 août, le président lensois s’apprête à saisir le Comité national olympique et sportif français (CNOSF),
envue d’une« conciliation » avec la
Fédération française de football.
Martel à court de liquidités
Responsable du groupe des Turbulens Calais, Willy Buttez n’a pas
participé au rassemblement de
samedi mais déplore lui aussi « les
relations de Martel avec Mammadov ». Le porte-parole reproche au
dirigeant d’avoir placé le destin des
Sang et Or dans les mains d’un
actionnaire volatil qui a investi
20 millions d’euros à son arrivée à
Lens, et qui aurait déboursé 50millions,débutjuin,pouracquérir aussi Sheffield Wednesday, formation
de deuxième division anglaise.
Déjà à court de liquidités, Gervais Martel avait dû démissionner
en 2012. Triste épilogue d’un premierbailcommencéen1988et couronné d’un titre de champion de
France en 1998. « En 2013, rappelle
l’économiste Bastien Drut, il
n’avait plus les moyens financiers
de revenir seul à la tête du club. Il
aurait pu passer le relais, mais il
s’est accroché désespérément et
s’est associé à des gens curieux…»
Si la situation ne se décante pas,
le patron du RCL envisage un ultimerecoursdevantletribunaladministratif du sport, comme les dirigeants du club de Luzenac, privé de
Ligue2 pour raisons financières. En
attendant, l’entraîneur Antoine
Kombouaré refuse de prendre place sur le banc de touche lensois. p
Adrien Pécout
d’Ade, en mettant 3 min 26 sec de
moins que Poulidor. Jaskula avait
franchi la ligne d’arrivée devant le
duo Rominger-Indurain, clients
des docteurs Ferrari et Padilla.
Autre temps, autres mœurs,
dans un peloton qui comptait
l’équivalent de quarante coureurs
potentiellement supérieurs à
Merckx. On pensait qu’ils étaient
oubliés. Nibali et Majka, cornaqués respectivement par Alexandre Vinokourov et Bjarne Riis, élevés dans la culture EPO-tranfusion de l’ère Jaskula, se moquent
comme de colin-tampon de Poulidor et des p’tits Français.
Ils nous font une piqûre de rappel dans ce Tour dont la moyenne
horaire prévisible à Paris sera de
plus de 40 km/h. Elle ne sera pas
due qu’aux enfants de chœur de
Poulidor. p
trong. « C’est pas que je l’aimais
bien, mais il a bercé mon enfance.
Quand je commençais à m’intéresserauvélo, il écrasaittout,il agagné
sept Tours de France [1999-2005].
Que tout ça ait reposé sur un mensonge ne suscite que du rejet et du
dégoût.» Bardet sait la chance qu’il
a de ne pas être né dix ans plus tôt
– « la génération avant nous a été
complètement sacrifiée » –, affirme
avoir«biensûr »confianceen Nibali et se dit conscient de la responsabilité du peloton : « On n’a plus le
droità l’erreur. Onn’aura pas le pardon éternel.»
« Romain a de bonnes jambes,
mais aussi une tête bien faite, le
décrit Vincent Lavenu, le manager
de l’équipe AG2R, il est très clairvoyant, il a la “vista”, l’intelligence
de course, et son intelligence tout
court est un atout supplémentaire.
Il est très pro, très pointilleux sur
l’approche de son métier, volontaire et tenace. Toutes les qualités
pour faire un superbe coureur. » Au
point de troquer un jour son
maillot blanc de meilleur jeune
contre le maillot jaune ? « Atteindre un tel niveau, dès sa deuxième
participation au Tour, c’est très
rare, répond Lavenu. Je ne m’aventurerai pas à dire qu’il pourra un
jour gagner le Tour. C’est trop tôt et
ce serait prétentieux. Mais rien ne
dit qu’il ne le fera pas non plus. » p
Henri Seckel
Formule 1
Nico Rosberg remporte
le Grand Prix d’Allemagne
L’Allemand Nico Rosberg a remporté dimanche 20 juillet, le
Grand Prix d’Allemagne. L’autre pilote Mercedes, le Britannique
Lewis Hamilton, parti 20e sur la grille, s’est adjugé la 3e place sur
le circuit d’Hockenheim. Le Finlandais Valtteri Bottas (Williams)
a résisté aux assauts du Britannique pour terminer deuxième.
Nico Rosberg profite de sa 4e victoire cette saison pour creuser
l’écart sur Hamilton en tête du championnat du monde, avec
14 points d’avance. Valtteri Bottas, 24 ans, monte sur le podium
pour la troisième fois d’affilée, après une 3e place en Autriche et
une 2e place en Grande-Bretagne. Grâce à la 2e place de Bottas,
Williams se hisse sur le podium provisoire du championnat
constructeurs, derrière Mercedes et Red Bull.
Golf Le British Open pour McIlroy
Le Nord-Irlandais Rory McIlroy a remporté l’Open britannique,
troisième levée du Grand Chelem, dimanche 20 juillet. McIlroy,
25 ans, décroche ainsi le troisième succès de sa carrière en Grand
Chelem après l’US Open en 2011 et le championnat PGA en 2012.
McIlroy s’est imposé devant l’Américain Rickie Fowler et l’Espagnol Sergio Garcia et a rejoint Tiger Woods et Jack Nicklaus au palmarès des joueurs ayant remporté trois des quatre tournois du
Grand Chelem. Il est le premier Européen.
14
0123
disparition & carnet
Actrice et chanteuse
américaine
Elaine Stritch
Mardi 22 juillet 2014
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En 2012. MICHELE SIU/AP
P
our vivre, demandez-vous, le
samedi, quelle surprise
dimanche va vous réserver, et
le dimanche, quelle autre vous
attend le lundi. Et, entre-temps, prenez votre putain de pied! » C’est en
suivant ce principe de vie que l’actrice et chanteuse américaine Elaine Stritch a vécu une existence faite de hauts et de bas, de périodes
creuses et de retours triomphaux,
au théâtre, au cinéma, à la télévision et sur les scènes de la comédie
musicale anglophone.
2 février 1925 Naissance
à Detroit (Michigan)
1952 « Pal Joey »,
de Rodgers et Hart
1987 « September »,
de Woody Allen
2010 « A Little Night Music »,
de Stephen Sondheim
17 juillet 2014 Mort
à Birmingham (Michigan)
Stritch était toujours prête à
l’aventure : en 1972, elle quitte
New York pour Londres et y revient
dix ans plus tard ; à la même époque, elle renonce à l’alcool mais s’y
adonne de nouveau, quoique plus
modérément, quelques mois
avant sa mort, le 17 juillet, à l’âge de
89 ans, à Birmingham (Michigan).
Stritch n’a jamais caché son
goût pour la boisson, qu’elle
consommaitdepuisson adolescence, pour combattre le trac. Elle passait des nuits entières dans les bars
de Broadway – avec, entre autres,
Judy Garland – et il lui arrivait
même, en sortant de scène, de faire
office de barwoman vedette… Mais
Stritch s’était désintoxiquée après
avoir failli mourir d’une crise de
diabète, sauvée par un employé
d’hôtel, ainsi qu’elle le raconte
dans son spectacle autobiographique, Elaine Stritch at Liberty (2001),
disponible en DVD et accessible
sur YouTube.
Cette pétroleuse à la voix
rocailleuse (elle fut aussi une grande fumeuse), qui se présentait le
plus souvent en simples bas et
talons noirs surmontés d’une chemise d’homme blanche, était l’une
des natures les plus volcaniques de
la scène anglo-saxonne. Comme sa
consœur Bea Arthur (1922-2009),
la grande duduche des Golden
Girls, Stritch pouvait raconter des
histoires à faire rougir un légionnaire et garder cependant une allure de parfaite grande dame.
Elle ne souffrait pas les imbéciles, les tristes, les prudes et les
fâcheux. Mais cette façade de dure
à cuir et de rigolote cachait une
nature plus sombre : « Ma force,
c’est de pouvoir transformer par
l’humour le quotidien », dit-elle
pudiquement dans un documen-
taire publié par le site Internet du
New York Times.
La France la connaît essentiellement pour ses rôles au cinéma,
notamment dans Providence (1977)
qu’Alain Resnais (grand amateur
de comédie musicale) avait distribué comme un quintette musical
« dont Ellen Burnstyn serait le violon, Dirk Bogarde le piano, David
Warner l’alto, John Gielgud le violoncelle, Elaine Stritch la contrebasse », rappelait Jean-Luc Douin dans
Le Monde du 3 décembre 2003.
Son plus beau rôle sur grand
écran lui a été fourni par Woody
Allen dans l’élégiaque September
(1987). Il n’avait pas été pensé pour
elle, mais il lui allait comme un
gant. Allen l’emploiera à nouveau
dans Escrocs mais pas trop (2000).
Née à Detroit, le 2 février 1925,
dans une famille aisée, Elaine
Stritch s’entiche du théâtre dès l’âge
de 4 ans après que son père l’eut
emmenée voir les fameuses Ziegfeld Follies. En 1944, elle veut étudier
à New York, à la New School, avec
Erwin Piscator, ce que ses parents
acceptent à la condition qu’elle loge
dans un couvent. Elle fera le mur et
les quatre cents coups.
Mais la jeune fille est moins
délurée qu’elle ne le paraît : encore
vierge (elle le restera jusqu’à l’âge
de 30 ans), elle refuse, effarouchée,
les avances de Marlon Brando, son
camarade de la New School.
Des débuts à 15 ans
Elledébute à15ans,est ladoublure d’Ethel Merman (qui n’annule
pasune seulereprésentation!)dans
Call me Madam (1950), d’Irving Berlin, et tient son premier grand rôle,
en 1952, dans Pal Joey (créé en 1940),
de Rodgers et Hart. Noël Coward lui
destine les chansons les plus marquantes de son Sail Away (1961).
Au théâtre, elle joue Qui a peur
de Virginia Woolf ? (1962), Délicate
balance (1965), d’Edward Albee, ou,
à contre-emploi, Nell dans Fin de
partie (1957), de Samuel Beckett, en
2008. Elle incarnera dix-neuf productions à Broadway, dont la dernière, A Little Night Music (1973), de
Stephen Sondheim, en 2010.
Une ancienne relation liait
Stritch à Sondheim, le « génie de
Broadway ». Elle avait été, dans
Company (1970), la créatrice du
rôle de Joanne, une femme « entre
deux âges », au gosier pentu et aux
répliques mordantes. Elle y crée
« The LadiesWho Lunch », devenue
l’un des « tubes » de Sondheim.
Stritch faisait un tabac partout
avec deux autres pages du compositeur : « Broadway Baby » et, surtout, « I Am Still Here», extraites de
Follies (1971). Ces confessions d’une
ancienne showgirl passée par et
revenue de tout semblent son plus
exact autoportrait. p
Renaud Machart
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AU CARNET DU «MONDE»
Naissance
Gabrielle
est fière d’annoncer la naissance
de sa sœur,
ont le chagrin d’annoncer le décès de
ont la tristesse de faire part du décès de
Jacques THENON,
M. Jean-Marie CIERCO,
secrétaire général
de l’Association Valentin Haüy
de 2009 à 2013,
administrateur et membre du bureau,
survenu le 11 juillet 2014.
La cérémonie religieuse a été célébrée
au Relais Paroissial Saint-Jean XXIII,
à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne).
Nous rendons hommage à cet homme
d’un engagement exceptionnel et nous
nous associons à la douleur de la famille,
à laquelle nous présentons nos plus vives
condoléances.
Didier Davydoff et Marika Umminger,
Christian et Hélène Davydoff,
Catherine Davydoff
et Jean-Jacques Cadic,
ses enfants,
Laure, Lucile, Antoine, Caroline,
Sarah, Solène, Léa, Valentine et
Benjamin,
ses petits-enfants
Et toute sa famille,
ont la tristesse de faire part du décès de
Michel DAVYDOFF,
survenu le 18 juillet 2014,
à Neuilly-sur-Seine.
Un dernier hommage lui sera rendu
le mercredi 23 juillet, à 9 h 45,
au funérarium des Batignolles,
1, boulevard du Général Leclerc,
à Clichy (Hauts-de-Seine).
L’inhumation aura lieu à 16 h 30,
au cimetière de Saint-Laurent-sur-Mer
(Calvados).
Ses amis, ses amies
ont la tristesse de faire part du décès de
René Boris GERARD,
survenu le 26 juin 2014,
en son domicile de Vincennes.
L’inhumation aura lieu au cimetière
de Fontenay-sous-Bois, le 23 juillet,
à 11 heures.
Roxane,
le 25 mai 2014.
Se joignent à elle, avec une grande
joie,
Delphine BERDAH
et Thierry LAUNAY,
ses parents.
Décès
Sa famille,
Ses amis et ses amies,
Andréa,
sa mère
et Pascale,
ont la tristesse de faire part du décès de
Yann ANDRÉA.
La cérémonie religieuse aura lieu
le mardi 22 juillet, à 10 heures, en l’église
Saint-Germain-des-Prés, à Paris 6e.
L’inhumation aura lieu au cimetière
du Montparnasse, Paris 14e.
(Le Monde du 16 juillet.)
Perros-Guirec. Paris.
Mme Attal, née Aline Le Goff,
son épouse,
François et Sophie Attal,
son fils et sa belle-fille,
Ses petits-enfants,
Les familles Attal et Modigliani,
ont la tristesse de faire part du décès de
M. Jean-Pierre ATTAL,
survenu le vendredi 18 juillet 2014.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mardi 22 juillet, à 14 h 30, en l’église de
Loguivy-lès-Lannion.
Talence. Paris. Roscoff.
Françoise Bourrouilh-Le Jan,
son épouse,
Clothilde et Antoine,
ses enfants,
Hippolyte, Prosper, Juliette et Amaury,
ses petits-enfants,
Grégory Texier,
son gendre,
ont la très grande douleur de faire part
du décès de
Robert BOURROUILH,
ancien assistant de Géologie
à la Faculté des Sciences
de Paris-Sorbonne,
ancien maître-assistant
à l’université Pierre et Marie Curie
(Paris 6),
professeur des Universités,
à Pau puis à Bordeaux,
le 16 juillet 2014,
en sa soixante-seizième année.
La messe aura lieu en l’église
de Roscoff (Finistère), le 22 juillet,
à 10 h 30.
132, rue Lamartine,
33400 Talence.
Le conseil d’administration,
Les membres,
Les bénévoles
Et les salariés
de l’Association Valentin Haüy
au service des aveugles et des malvoyants,
Jannic Durand,
son compagnon,
Jean-Michel Petit,
son frère,
et Jean-Pierre Cantorné,
Béatrice Petit,
sa sœur,
Laurence Péaud-Lenoël
et Enzo Manfredi, son filleul,
Leurs familles
Et amis,
ont la très grande douleur de faire part
du décès de
M. Nicolas PETIT,
archiviste-paléographe,
conservateur en chef
à la Réserve des livres rares
de la Bibliothèque nationale de France,
Mme Jacques Thenon, née Weil,
Sa belle-famille,
Ses amis,
94, boulevard Beaumarchais,
75011 Paris.
Fidèle lecteur du Monde depuis les
années 1950 et homme de grande culture.
Les obsèques ont eu lieu dans la plus
grande intimité.
Mercredi 23 juillet 2014,
à 12 heures.
Lecture des noms des déportés des
convois n°80.
Dreux.
Le docteur Xavier
et Elisabeth Pichot,
Les docteurs Marie-France
et Alain Sanchez,
Martine Tostivint,
René-Pierre et Anita Tostivint,
Jean-Noël Tostivint,
ses enfants,
Mémorial de la Shoah
17, rue Geoffroy-l’Asnier,
Paris 4e.
Renseignements : FFDJF.
Tél. : 01 45 61 18 78.
Email : [email protected]
Concert
ont la douleur et le chagrin de faire part du
décès de
M. le docteur René TOSTIVINT,
ancien interne des Hôpitaux de Paris,
chirurgien honoraire
de l’hôpital de Dreux,
survenu le 18 juillet 2014,
à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans.
Les obsèques auront lieu le jeudi
24 juillet, à 14 h 30, en l’église Saint-Pierre
de Dreux.
[email protected]
Erik Goger,
son frère,
Claude, Geneviève, Francis, Alexis,
Dimitri,
ses neveux et nièce,
Huguette, Aimée,
ses belles-sœurs,
leur famille,
Ses amis,
ont la douleur de faire part du décès de
Mme Hélène WEISS,
survenu le mercredi 9 juillet 2014,
dans sa quatre-vingt-cinquième année.
L’inhumation a eu lieu le mercredi
16 juillet, au cimetière de l’Est de
Boulogne-sur-Mer.
Souvenir
Tarnac.
Pour
Philippe MICHEL,
22 juillet 2004.
« Ils disent tu es mort
Tu me fais vivre encore...
Tu me désignes ici ma place de vivant. »
F. et A.
Hommage
Tanques. Paris. São Paulo. Boulogne.
Ses enfants,
Ses petits-enfants,
Ses arrière-petits-enfants,
Famille
Et amis,
ont la tristesse de faire part du décès de
Commémoration de la déportation
des Juifs de France par l’association
« Les Fils et Filles des Déportés Juifs de
France », avec le soutien de la Fondation
pour la Mémoire de la Shoah.
Cérémonie à la mémoire des déportés
des convois n°80 partis, il y a 70 ans,
les 2 et 3 mai et les 21 et 23 juillet 1944
du camp de Drancy pour le camp
de Bergen-Belsen avec à leur bord
261 personnes.
survenu le 15 juillet 2014,
à l’âge de quatre-vingt-trois ans.
le 15 juillet 2014.
La cérémonie religieuse sera célébrée
en l’église Saint-Denys du SaintSacrement, rue de Turenne, Paris 3 e,
le mardi 22 juillet, à 10 h 30.
Commémoration
Jean-Pierre
FALQUE-PIERROTIN,
20 octobre 1939 - 19 juillet 2012.
« Tout vient des êtres. »
Henry de Montherlant.
Le Fonds de dotation Robert-Debré /
Paris Ile-de-France
organise au profit des enfants malades
de l’hôpital universitaire Robert-Debré
(AP-HP)
un concert
en l’église Saint-Eustache, à Paris 1er,
le 24 septembre 2014, à 20 heures.
Ce concert placé sous le Haut patronage
de M. Jean-Louis Debré,
président du Conseil constitutionnel,
bénéficie du soutien de l’association
« Jeunes Talents »,
avec le Quatuor Hanson
et Juliette Adam, clarinette.
Au programme
• Le quatuor n°6 en fa mineur
de F. Mendelssohn,
• Le quintette pour clarinette et cordes
en la majeur de W.A. Mozart.
Prix des places
• Non numérotées : 30 €
• Carré Or avec cocktail et rencontre
avec les artistes : 100 €.
Réservations
À partir de début août, par internet :
www.jeunes-talents.org
Places Carré Or, par courrier ou
téléphone, auprès du fonds de dotation
www.fonds-dotation-robert-debre.fr
Contacts
[email protected]
Tél. : 01 40 03 53 57.
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>/4#-02 &- #,B"-022A4$- G@;,,; O;,18* /,8A@%;6#
Mme Jacqueline REMOVILLE,
née DÉMOULIN,
survenu dans sa quatre-vingt-treizième
année.
La cérémonie religieuse aura lieu le
23 juillet, à 10 h 30, en l’église SaintMartin de Meudon.
La famille rappelle à votre souvenir son
époux,
äZ 8•+3Z(
<3313_ZÜ $1) Õ$Õ3Z6Z3() _&N(&+ZN)
Michel,
décédé le 19 octobre 1994.
Ses enfants,
Ses petits-enfants,
Ses arrière-petits-enfants
Et toute sa famille,
ont la tristesse d’annoncer le décès de
ã/.0)O(O02)
¨U+2O))yRU)
*055&2OZy(O02)
WO$U+)U)
Stepha SKURNIK,
née Régine LEMBERGER
(Stepha dans la Résistance),
survenu le 18 juillet 2014,
dans sa quatre-vingt-dix-septième année.
Ses obsèques auront lieu au cimetière
parisien de Bagneux, le mardi 22 juillet,
à 15 h 30.
Cet avis tient lieu de faire-part.
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0123
météo & jeux
Mardi 22 juillet 2014
Reykjavik
18 25
Rennes
1005
18 27
15 28
Dijon
Poitiers
Clermont-Ferrand
15 22
14 24
20 km/h
1010
18 24
Montpellier
Toulouse
Nice
Marseille
20 31
16 26
20 27
21 31
Séville
Ste Marie-Madeleine
Coeff. de marée 48/50
Jours suivants
Jeudi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Nord-Est
Sud-Ouest
Sud-Est
Ajaccio
70 km/h
18 27
Lever 02h36
Coucher 18h03
Lever 06h09
Coucher 21h42
Le ciel restera assez chargé sur la moitié
Est avec quelques averses, voire des pluies
plus continues de l'Alsace à la région
Rhône-Alpes. Une petite instabilité
orageuse va s'attarder du sud des Alpes à la
Côte d'Azur jusqu'en Corse. Le soleil sera
beaucoup plus présent vers les côtes de la
Manche, les régions proches de
l'Atlantique et autour du golfe du Lion.
Températures de saison, un peu fraîches
en Rhône-Alpes, élevées sur l'ouest.
Mercredi
16 27
14 24
18 28
16 27
17 28
15 27
16 29
17 27
16 29
19 28
Occlusion
Thalweg
D
Athènes
Tunis
Tunis
FRANCE 3
Beyrouth
Tripoli
Tripoli
Le Caire
Jérusalem
bienensoleillé
17
bienensoleillé
26
bienensoleillé
21
aversesorageuses 19
assezensoleillé
18
pluiemodérée
15
averseséparses
16
pluiesorageuses 20
bienensoleillé
19
beautemps
18
assezensoleillé
16
bienensoleillé
13
16
beautemps
23
beautemps
16
bienensoleillé
23
beautemps
16
beautemps
pluiesorageuses 16
16
bienensoleillé
17
averseséparses
19
beautemps
11
beautemps
27
bienensoleillé
soleil,oragepossible 16
pluiesorageuses 18
enpartieensoleillé 13
24
30
26
28
27
20
27
29
34
24
21
24
24
28
27
24
27
30
26
28
34
25
33
26
26
17
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
beautemps
soleil,oragepossible
soleil,oragepossible
beautemps
beautemps
soleil,oragepossible
bienensoleillé
soleil,oragepossible
beautemps
pluiesorageuses
15
20
15
17
16
22
18
18
17
16
25
26
31
25
23
29
28
30
28
28
Alger
beautemps
Amman
beautemps
Bangkok
cielcouvert
Beyrouth
bienensoleillé
Brasilia
bienensoleillé
Buenos Aires fortesaverses
Dakar
assezensoleillé
Djakarta
pluiesorageuses
Dubai
bienensoleillé
Hongkong soleil,oragepossible
Jérusalem beautemps
Kinshasa
beautemps
Le Caire
beautemps
Mexico
soleil,oragepossible
Montréal
bienensoleillé
Nairobi
nuageux
18
19
26
27
14
14
25
26
31
29
19
22
23
12
19
14
30
31
31
31
23
17
26
30
40
32
28
34
36
23
28
22
Dans le monde
New Delhi assezensoleillé
bienensoleillé
New York
enpartieensoleillé
Pékin
beautemps
Pretoria
beautemps
Rabat
Rio de Janeiro bienensoleillé
enpartieensoleillé
Séoul
Singapour soleil,oragepossible
bienensoleillé
Sydney
beautemps
Téhéran
assezensoleillé
Tokyo
beautemps
Tunis
Washington soleil,oragepossible
Wellington aversesmodérées
Outremer
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
soleil,oragepossible
soleil,oragepossible
bienensoleillé
bienensoleillé
soleil,oragepossible
bienensoleillé
32 42
20 27
25 33
3 16
20 29
17 25
21 29
27 32
11 17
28 38
23 30
22 30
21 31
8 10
24
27
17
25
27
22
31
28
22
25
28
26
Météorologue en direct
au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
Vendredi Samedi
16
28
16
28
16
29
19
29
18
28
19
29
17
27
17
28
16
27
17
29
18
29
18
30
21
34
22
34
22
34
NOUVEAU
HORS-SÉRIE
“Connaître les religions
pour comprendre le monde”
3
4
5
6
7
9
Film Jean-Pierre Jeunet. Avec Dany Boon,
André Dussollier, Nicolas Marié (France, 2009).
22.25 Météo, Soir 3.
23.05 Les Rois du désert p
Film David O. Russell. Avec George Clooney,
Mark Wahlberg, Ice Cube (EU, 1999, 110 min) V.
CANAL +
20.55 Hemingway & Gellhorn.
Téléfilm. Avec Nicole Kidman, Larry Tse (EU) V.
23.20 Spécial investigation.
Au cœur du gang le plus dangereux du monde V.
0.15 L’Œil de Links. Spécial robots (25 min).
20.40 Un village français.
Série. Le Train. Un jour sans pain (S4, 1 et 2/12).
22.15 C dans l’air. Magazine.
23.35 Les Mystères du passé.
[1/6] Au cœur des pyramides d’Egypte (50 min).
ARTE
20.50 Un drôle de paroissien p
Film Jean-Pierre Mocky. Avec Bourvil, Francis
Blanche, Jean Poiret, Jean Yonnel (Fr., 1963, N.).
22.15 Dernier étage,
gauche, gauche pp
Film Angelo Cianci. Avec Hippolyte Girardot,
Fellag, Aymen Saïdi, Judith Henry (Fr., 2010).
23.50 La Lucarne - Chez moi
dans mon village. Documentaire (85 min).
Episode 7. Télé-réalité.
23.20 Nouveau look pour
une nouvelle vie. Julie et Eve (155 min).
Solution du n˚14-171
TF 1
20.55 Joséphine, ange gardien.
Série. Paris-Broadway. Avec Mimie Mathy.
22.55 New York unité spéciale.
Série. Venin familial U. La Brebis galeuse V
(S7, 18 et 13/22) ; Le Complice imaginaire
(saison 1, 20/22) U. Avec Ludacris (140 min).
FRANCE 2
20.47 Secrets d’Histoire.
Les Courtisanes: la Pompadour ou le roi amoureux.
22.35 Les Promesses de l’ombre ppp
Film David Cronenberg. Avec Viggo Mortensen,
Naomi Watts (Coprod., 2007, audiovision) W.
0.17 Nuits d’été : Elektra.
Opéra de Strauss. Avec Evelyn Herlitzius (98 min).
FRANCE 3
20.45 Enquêtes réservées.
Série. La mort n’oublie personne. Beauté fatale.
Routards du crime (saison 5, 2 à 4/8).
23.15 Météo, Soir 3.
23.45 Pétanque. Finale. A Nice (65 min).
CANAL +
20.55 Michael Kohlhaas pp
Film Arnaud des Pallières. Avec Mads Mikkelsen,
Mélusine Mayance (Fr. - All., 2013) U.
22.50 La Maison de mon père
Film Gorka Merchán. Avec Carmelo Gómez,
Juan José Ballesta (Espagne, 2008) U.
0.25 Les Beaux Jours p
Film Marion Vernoux. Avec F. Ardant (90 min) U.
FRANCE 5
20.50 L’amour est dans le pré.
Sudoku n˚14-172
8
20.45 Micmacs à tire-larigot p
M6
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
Mots croisés n˚14-172
2
Dépression
Front froid
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
Les jeux
1
D
En Europe
20 31
Aujourd’hui
A
Anticyclone
1005
Bucarest
Istanbul
Rabat
Front chaud
Série. Ile privée (S3, 7/8) ; Carnaval de sang.
Le Baiser de Judas (S1, 7 et 8/8) ; Meurtre
à la plantation (S2, 1/8) U. Avec Sara Martins.
0.55 Ma vie pour la tienne
Film. Nick Cassavetes. Avec Abigail Breslin,
Cameron Diaz (Etats-Unis, 2009, 100 min).
Ankara
Alger
1025
Sofia
Rome
20.47 Meurtres au paradis.
Odessa
Asie Le typhon Matmo se rapprochera de Taiwan
Perpignan
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Zagreb
Belgrade
Série. Reine de carreau. As de cœur (S7, 23
et 24/24) U ; La Meute. Du berceau à la tombe
(saison 5, 4 et 5/23) V. Avec Joe Mantegna.
0.15 Dr House.
Série. Permis de tromper. Le Copain d’avant
(S6, 18 et 19/21). Avec Hugh Laurie (100 min).
FRANCE 2
Kiev
1010
Budapest
D
Lisbonne
Lisbonne
A
Biarritz
Munich Vienne
Barcelone
Barcelone
Madrid
15 21
15 27
Berne
Milan
Grenoble
Moscou
Copenhague
Bruxelles
Paris
D
Lyon
0
17
101 23
Bordeaux
20 km/h
Londres
15Chamonix
10
10 15
T
St-Pétersbourg
Minsk
20
10 Berlin
Amsterdam
Varsovie
5
01
1Prague
Dublin
1020
17 22
14 27
Limoges
16 20
Edimbourg
1005
1015
Besançon
15 26
Nantes
Strasbourg
18 25
Orléans
14 27
Helsinki
Riga
D
Metz
20.55 Esprits criminels.
AOsloStockholm
15
Mardi22 juillet
TF 1
5
16 26
PARIS
12 25
13 25
www.meteonews.fr
Châlonsen-champagne
Caen
Brest
Lundi 21 juillet
16 25
15 24
Les soirées télé
> 40°
5
01
Amiens
Rouen
35 à 40°
25
Lille
30 à 35°
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1
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122.07.2014
12h TU
15
10
25 à 30°
100
20 km/h
15 23
20 à 25°
En
Europe
10
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Cherbourg
15 à 20°
0
Mardi 22 juillet
Amélioration par l’ouest
10 à 15°
10
5 à 10°
102
0 à 5°
-5 à 0°
10
< -5°
écrans
FRANCE 5
20.40 Vivre loin du monde.
[4/4] Nouvelle-Zélande. Documentaire.
21.25 Vu sur Terre. [1/6] Croatie.
22.15 C dans l’air. Magazine.
23.25 2e Guerre mondiale en couleur.
[8/13] La Revanche de Staline (50 min).
ARTE
20.50 Evasion fiscale.
Le Hold-Up du siècle. Documentaire (2013).
22.25 Histoire - 1939-1944,
journal d’un commandant de camp.
23.20 Les Maldives :
Le Combat d’un président p
Film Jon Shenk. Documentaire (EU, 2011, 90 min).
M6
20.50 Scandal. Série.
Les Dessous de Washington. Tous les chemins
mènent à Fitz. Espion es-tu là ? (S2, 4 à 6/22).
23.25 The Good Wife.
Série (saison 3, 8 à 10/22, 160 min) U.
0123
hors-série
10 1 1 12
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
Horizontalement
I. Gendarme couché en ville.
II. Pour connaître l’importance
des choses. III. Désordre mental.
Un bain qui a mal coulé. IV. Ouvre
le choix. Sans le moindre effet.
Attend les retours en cave. Fond
de marc. V. Se bat pour les
travailleurs, en principe. Le bruit
d’une pression. Capitale
de l’empire songhaï.
VI. Constructeur de locomotive
avec son h. Assez sombre.
VII. Règle. Font remonter
bruyamment. VIII. Egalement.
Brille de mille feux. IX. Mettais
de côté. Fera preuve d’attachement.
X. Rendras indispensable
Solution du n° 14 - 171
Horizontalement
I. Infroissable. II. Nains. Oiseux.
III. TVA. Caisse. IV. Ri. Rang. Arte.
V. Ignorants. Ic. VI. Gain. Ai. Net.
VII. Atteint. Nono. VIII. Néroli.
Bât. IX. Tue. Orcanète.
X. Ereutophobie.
Verticalement
1. Fin brutale. 2. Avec elle, vous
n’y verrez pas grand-chose.
3. Très fatigué. Dans le tas. Lettre
du coach. 4. Ses bois sont aplatis
en éventail. Dame cochonne.
5. Pas très dégourdi. Sortie de
la caisse. 6. Confectionnons les
ciseaux à la main. 7. Feu intérieur.
Suivis plus ou moins bien.
8. Sur la portée. Romains. Passé
à l’huile. 9. Besoin qu’il faut
satisfaire. Opinion défavorable.
10. Prépare au pouvoir. Poncer
finement. 11. Est passé du V2
à Saturn. Dieu à tête de faucon.
12. Tombas sur un obstacle.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Intrigante. 2. Navigateur. 3. Fia.
Nitrée. 4. RN. Ronéo. 5. Oscar. Ilot.
6. Ana. Niro. 7. Soignât. CP. 8. Sis.
Ti. Bah. 9. Assas. Nano. 10. Béer.
Noteb (béton). 11. Lu. Tien. Ti.
12. Expectorée.
Loto
De Camus aux Pussy Riot
Résultats du tirage du samedi 19 juillet.
Générations
8, 29, 43, 44, 45 ; numéro chance : 6.
rebelles
Rapports :
5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ;
5 bons numéros : 290 093,40 ¤ ;
4 bons numéros : 1 673,80 ¤ ;
3 bons numéros : 13,90 ¤ ;
2 bons numéros : 6,00 ¤.
Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.
Joker : 1 016 468.
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
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Président : Louis Dreyfus
Directrice générale :
Corinne Mrejen
PRINTED IN FRANCE
80, bd Auguste-Blanqui,
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Tél : 01-57-28-39-00
Fax : 01-57-28-39-26
Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
Dans son essai, L’Homme révolté, Camus écrit : « Je
me révolte, donc nous sommes. » Pour lui, l’homme
doit se révolter afin d’exister…
C’est autour de cette réflexion sur la nécessité de la
révolte que s’articulent les contributions que nous
publions, en particulier celles de Michel Onfray,
William Bourdon, Michelle Perrot et Jean-Michel
Ribes. En amont des Rendez-vous de l’Histoire de
Blois, qui auront lieu du 9 au 12 octobre prochain,
Le Monde publie un hors-série consacré à tous les
grands rebelles, révolutionnaires et révoltés des XXe
et XXIe siècles.
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16
0123
analyses & débats
Mardi 22 juillet 2014
Front national : l’erreur des juges de Cayenne
ANALYSE
par Elise Vincent
Service France
I
l est des erreurs de jugement qui ne se
voient pas de prime abord. La condamnation, le 16 juillet, par le tribunal correctionnel de Cayenne (Guyane), d’AnneSophie Leclère, ex-candidate du Front
national aux élections municipales de
Rethel (Ardennes), est de celles-là.
A la surprise générale, la militante frontiste a
été condamnée à neuf mois de prison ferme,
cinq ans d’inéligibilité, et 50 000 euros d’amende pour avoir publié, sur sa page Facebook, un
photomontage comparant la garde des sceaux,
Christiane Taubira, à un singe. Une sentence
exceptionnelle pour ce genre d’infraction, où
l’usage avait habitué aux peines avec sursis.
Dès l’annonce de sa condamnation, deux
types de réactions ont émergé. D’abord le satisfecit, du côté des associations antiracistes – « La
candidate FN et le FN condamnés à juste titre »,
s’est ainsi réjoui SOS racisme. Puis, très vite,
sont venues les interrogations : la peine est-elle
trop sévère ?, se sont enquis beaucoup d’observateurs. Elle est « peut-être trop lourde », a glissé
la sénatrice EELV Esther Benbassa, tandis que,
dans un autre registre, le maire et député UMP
des Alpes-Maritimes Christian Estrosi a, lui,
jugé la sentence « pas excessive » mais s’est
demandé « pourquoi on n’appliquait pas la
même règle » en cas d’insultes de « certains
milieux communautaires ».
En réalité, le débat n’était pas là. La peine à
laquelle a été condamnée l’ex-candidate FN
n’est ni clémente ni indulgente. Mais elle est en
grande partie liée à l’absence de Mme Leclère à
l’audience. La jeune femme n’était même pas
représentée par un avocat. Alors, comme pour
des milliers de procès anonymes chaque année,
les magistrats en ont pris ombrage et ont eu la
main lourde. Cayenne n’est évidemment pas la
porte à côté pour une Ardennaise. Mais, la plainte ayant été déposée par le parti politique de
Mme Taubira en Guyane – le mouvement Walwari –, c’est bien à Cayenne que devait avoir lieu le
procès.
Il n’y a aucune ambiguïté à chercher dans le
jugement à l’encontre de l’ancienne candidate
frontiste. En matière de racisme, le droit est
clair. Pour l’« injure publique » à caractère racial
– soit le fait « d’invectiver » quelqu’un, même de
manière allusive –, la loi du 29 juillet 1881 prévoit jusqu’à six mois d’emprisonnement et
22 500 euros d’amende.
En matière de « provocation publique » – soit
le fait « d’inciter au rejet » d’une personne – à la
discrimination, à la haine, à la violence nationale, raciale ou religieuse – la peine maximale
monte jusqu’à un an de prison et 45 000 euros
d’amende. Avec son photomontage publié sur
sa page Facebook, Mme Leclère entrait dans le
champ de ces deux infractions.
Si débat il pourrait y avoir, c’est sur l’efficacité de la pénalisation de l’injure ou de la provocation raciale en matière de lutte contre le racisme. Les Etats-Unis ont fait un choix totalement
différent.Outre-Atlantique, au nom de la « liberté d’expression » et du sacro-saint premier
amendement de la Constitution, le photomontage de Mme Leclère n’aurait été passible d’aucune poursuite. Pour beaucoup d’associations
américaines qui luttent contre la haine raciale
ou religieuse, la pénalisation – particulièrement lorsqu’elle concerne des propos sur Internet – n’est pas la solution. Seule la prévention
compte.
« Une insulte au droit »
Il existe toutefois une vraie erreur de jugement dans la sentence prononcée par le tribunal de Cayenne. Et elle ne peut souffrir, elle,
aucun débat. Elle a été soulevée tardivement
car passée au second plan devant la surprise des
neuf mois ferme infligés à Mme Leclère : il s’agit
de la condamnation connexe du Front national
à 30 000 euros d’amende.
Le Monde a interrogé plusieurs juristes sur le
sujet, et aucun, malgré un rejet sans ambiguïté
des idées du FN, n’a pu défendre juridiquement
l’amende imputée au parti frontiste. « C’est
absolument ridicule, indéfendable, c’est une
Une Russie de moins en moins démocrate
Moscou s’éloigne des valeurs de l’Occident
Svetlana Alexievitch
L
Ecrivain
’empire rouge, celui de l’URSS, a été bâti par
Staline,dontLéninedisait qu’ilétaitunamateur de « plats épicés ». Aujourd’hui, c’est
Poutine qui nous cuisine son plat épicé. Les
étagères vides dans les magasins et les
queues pour le papier toilette font désormais partie du passé, mais l’aisance n’a pas mené à la
démocratie,elleafaitressurgirunétatd’espritimpérialiste.Lerêve russe,c’estd’être ungrand empire etd’inspirer la peur. Les interviews éclair que j’ai réalisées
dans les rues de Moscou se terminaient toujours de la
même façon : « D’abord, ça a été les Jeux olympiques de
Sotchi, ensuite, on a repris la Crimée. Et maintenant, on
a gagné le championnat de hockey !» Une plaisanterie
populaire : « Tout le monde pensait que la Russie était à
genoux, et pendant ce temps-là, elle était en train de
lacer ses rangers… »
On a répété pendant vingt ans que l’on construisait
unpays occidental,maislafine couchedelibéralisme a
disparuen un clind’œil. Finidejouer à l’Occident.L’Occident manque de sensibilité, il est pragmatique, alors
que la Russie, elle, c’est la bonté, la spiritualité. L’Occident est en pleine dégénérescence, et Poutine endosse
le rôle de défenseur des valeurs traditionnelles.
La Russie est maintenant un pays fondamentaliste.
Il est dangereux de reconnaître que l’on est athée et
d’entamer une discussion là-dessus. Des brigades de
volontaires traquent les homosexuels dans les rues, ils
les tabassent. Ils peuvent même aller jusqu’à les tuer.
Une campagne pour interdire les McDonald’s a commencé sur Internet. En quelques jours, des dizaines de
milliers de signatures ont été recueillies. Les patriotes
incitent à prendre ses vacances uniquement en Russie,
et l’Etat promet de verser une somme non négligeable
à ceux qui iront passer leurs congés en Crimée.
L’amour pour cette nouvelle Russie poutinienne se
paie avec de l’argent. Il est déjà devenu suspect de parler des langues étrangères, et ne pensez plus à la Sorbonne, faites vos études chez nous ! On s’emploie à restreindre les voyages des chercheurs russes à l’étranger.
Le Parlement a adopté une loi spéciale interdisant
l’adoption d’orphelins russes par des étrangers –
même des enfants malades, qui vont végéter dans nos
orphelinats où l’on manque souvent de choses aussi
élémentaires que l’iode et les bandes velpeau.
Il est vrai que les parlementaires, eux, se font soigner à l’étranger, qu’ils envoient leurs enfants étudier
dans les universités occidentales, qu’ils cachent leur
argent dans des banques occidentales, et qu’ils achètent des biens immobiliers là-bas. Le peuple et les dirigeants vivent dans des pays différents.
La Russie se tourne vers l’Orient. L’Eurasie est à la
mode. Une Union eurasienne, pour contrebalancer
l’Union européenne. Nous ne sommes plus l’Europe. A
la télévision, on voit tous les jours des émissions sur la
Chine. Maintenant, elle est une alliée de la Russie.
Depuis un an, les opinions favorables à la Chine ont
augmenté de 40 %.
Le Kremlin déclare ouvertement que l’Occident a
toujours été et reste toujours le principal ennemi de la
Russie. On l’accuse de tout : de la chute de l’URSS, de la
catastrophe de Tchernobyl, du naufrage du Koursk, le
sous-marin nucléaire. Même Internet, ce sont les servi-
cessecretsoccidentaux quil’ontinventé. Quantaudollar,c’est unbout de papier quine vautrien. Etla Crimée
est à nous !
La Russie a lancé un défi au monde, et elle devient le
lieu de ralliement de toutes les forces antioccidentales.
Sesarguments:l’armeatomiqueetles ressourcesénergétiques.Son triomphe luimonte àla tête,elle fait penseraujourd’hui à lasociété allemande des années 1930.
Selon les derniers sondages, 71 % de la population
reconnaît être plutôt hostile au monde occidental, surtout à l’Amérique.
Une nouvelle vague d’émigration a commencé, la
plus massive depuis la chute de l’URSS. Ce sont les
meilleurs qui s’en vont, ceux qui croyaient construire
une Russie européenne dans laquelle ils voulaient
vivre. S’ils ne partent pas eux-mêmes, ils envoient
leurs enfants à l’étranger. Et il est de plus en plus fréquent de rencontrer dans les écoles et les hôpitaux
moscovites des enseignants et des médecins tadjiks ou
ouzbeks. Les enseignants et les médecins russes sont
partis.
Pas besoin de lire les journaux, il suffit d’écouter les
gens dans les queues devant les consulats européens à
Moscou pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui
en Russie. Je leur ai posé l’éternelle question russe :
« Que faire ? » Tout le monde m’a répondu : « C’est le
moment de filer. » « Dans les années 1990, on rêvait de
faire de la Russie un pays occidental, m’a dit un autre.
Désignons un Mauricien
à la tête de la francophonie
M. de l’Estrac a notre soutien
V
¶
Le dernier
ouvrage
de Svetlana
Alexievitch
traduit
en francais est
La Fin de l’homme
rouge ou
le temps du
désenchantement,
traduction de
Sophie Benech
(Actes Sud, 2013).
LA CONDAMNATION DU
PARTI
FRONTISTE À
UNE FORTE
AMENDE EST
JURIDIQUEMENT
INDÉFENDABLE
[email protected]
Collectif
La Russie a lancé un défi au monde,
et elle devient le lieu de ralliement de toutes
les forces antioccidentales. Son triomphe
lui monte à la tête, elle fait penser aujourd’hui
à la société allemande des années 1930
Moi, je travaillais à l’association Mémorial, on
recueillait la terrible vérité sur les répressions staliniennes. Mais maintenant, personne n’a besoin de ça. On
veut rendre le nom de Stalingrad à la ville de Volgograd. » Un autre Russe : « L’homme à poigne qui va restaurerl’empireestdenouveauàlamode.Jevis celacomme une défaite. »
«Je pars parce que je suis lesbienne, m’explique une
femme. Mon amie et moi, nous avons deux enfants. Je
ne veux pas qu’on nous les prenne pour les mettre dans
un orphelinat. » « Mon père est antioccidental, il dit
qu’en ce moment il n’y a que les traîtres pour quitter la
Russie, décrit un Moscovite. Mais moi, je le déteste, ce
plus grand pays du monde, je déteste ce peuple d’esclaves qui va à l’église et fait des signes de croix, alors qu’il
vole et qu’il tue. J’ai écrit sur ma page Facebook que
j’étais pour Maïdan. Vous ne pouvez pas savoir les torrents de boue et de haine qui se sont déversés sur moi !
Pour l’instant, cela se passe seulement sur Facebook,
mais cela ne va pas tarder à se répandre dans la rue. J’ai
peur qu’il y ait une guerre civile… »
Aulieu delapaix, nouschoisissons laguerre.Au lieu
de l’avenir, nous choisissons le passé. Pendant que je
terminais cet article, le téléphone a sonné. « J’ai lu tes
livres. Tes articles. J’ai vu comment tu traînais la Russie
danslaboue.Vousêtesune«cinquième colonne»!Espèces de traîtres ! On se souviendra de chacun de vous !
Votre heure va bientôt sonner !»
J’ai raccroché et je suis allée à la fenêtre. J’avais l’impression que tout avait commencé… p
Traduit du russe par Sophie Benech
insulte au droit », a notamment enragé l’avocat
Alain Jacubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme
(Licra).
Dansses attendus, le tribunal de Cayenne justifie : « Le FN n’est pas l’auteur de l’infraction (…)
mais il sera démontré qu’il y a participé par instigation et fourniture de moyens » – affiches, programme, investiture notamment. Il ajoute que
l’infraction commise par Mme Leclère aurait eu
« un retentissement sans commune mesure si
elle n’avait pas été candidate du Front national ». Que le FN ne « s’est pas assuré des opinions
républicaines » de Mme Leclère et qu’il n’a pas
mis en place de « formation minimale destinée
à éviter ce genre de dérapages ». Rien pourtant,
dans la loi de 1881 – qui est celle qui régit le droit
de la presse – ne permet dans ce cas précis de
condamner le FN, que le droit considère comme
une « personne morale ».
LeFN a beau jeu désormaisde crier au scandale, voire au procès politique. « Les magistrats ne
jugent pas selon leur fantaisie », a tenté de déminer Mme Taubira, le 16 juillet. Dans ce jugementlà, c’est bien l’amère impression qui se dégage.
Si, en appel, la condamnation de Mme Leclère
devrait être maintenue – ou sans doute revue à
la baisse – le FN a toutes les chances de sortir
blanchi. « Il ne pouvait rien nous arriver de
pire », se désole M. Jacubowicz. p
enant d’horizons divers,
nous sommes profondément attachés aux langues
etcultures du monde,dont la
langue française et les cultures qui lui sont associées. Cet
attachement nous amène, aujourd’hui, à
nousengager pourl’avenirdelafrancophonie. «Ma patrie, c’est la langue dans laquelle j’écris », disait le pamphlétaire royaliste
Antoine de Rivarol (1753-1801).
Ecrivains, artistes ou penseurs, nous
exprimons ici notre volonté de voir la francophonie défendre toujours davantage
les valeurs humanistes de la diversité
culturelle, de la libre création, de l’échange entre les individus et, à travers eux,
entre les cultures.
Noussommesconvaincusquela francophonie, pour être exemplaire vis-à-vis des
nationsetdespeuplesquiluttent pourpréserver le droit à la diversité culturelle et linguistique et au respect des identités, doit
rompre le cercle de la realpolitik et des rapportsdeforce, qu’ilsviennentduNordcomme du Sud.
Une île moderne
Nous ne sommes pas des donneurs de
leçons. Nous avons, en revanche, la convictionquec’estàl’Organisationinternationale de la francophonie (OIF) que se joue,
pour une bonne part, le combat pour le respect de la pluralité des cultures. Cette lutte
est au cœur de notre engagement, au cœur
de cette « francosphère », espace rêvé
d’échanges linguistiques et culturels respectueux de l’histoire et de l’exceptionnelle richesse créatrice du genre humain.
C’est avec cette idée que nous faisons
aujourd’hui confiance à la candidature de
l’île Maurice pour conduire le futur de
l’OIF. En moins d’un demi-siècle, cette îlecarrefour a donné naissance à un laboratoire à la fois du vivre-ensemble de multi-
¶
ples groupes sociaux et de préservation de
la diversité culturelle dans le cadre d’un
Etat démocratique, respectueux des droits
de l’homme et des croyances de chacun.
C’est le pays qui fait cependant de l’idéal
interculturel une quête constante.
Moderne parce que plurielle,l’île Maurice, par sa fidélité au français et sa pratique
de l’anglais et des langues asiatiques, bâtit
un pont entre l’Afrique, l’Europe, l’Inde et
la Chine. Elle apporte au XXIe siècle l’image d’une francophonie originale et décomplexée, résolument ouverte et heureuse
d’exister, dépouillée des pesanteurs coloniales.
Nous croyons donc que cette candidature mauricienne, incarnée par une personnalité aux multiples talents, exprime la
synthèse positive du monde en mouvement. Elle est la promesse d’un projet
mobilisateur pour les femmes et les hommes de nos pays qui attendent beaucoup
d’une mondialisation respectueuse de ce
qu’ils sont.
Enfin, nous appuyons cette candidature
parce qu’à l’image d’un David luttant
contre les Goliath du monde moderne, elle
rassemble,par saforcesymbolique, lesmillions de femmes et d’hommes qui ont le
français en partage. Celles et ceux – hispanophones et lusophones notamment – qui
apportent au monde la force et l’enthousiasme des langues redessinées par la rencontre des cultures peuvent aussi y retrouver une part d’eux-mêmes.
C’est dans cet esprit que nous apportons
aujourd’hui notre soutien à la République
de Maurice et à Jean-Claude de l’Estrac, son
candidat. p
¶
L’Organisation
internationale
de la francophonie
compte 77 Etats
membres.
Elle désignera son
nouveau secrétaire
général en novembre.
Laure Adler, journaliste et écrivain Issa Asgarally, linguiste et essayiste
Tahar Ben Jelloun, poète et écrivain Ananda Devi, écrivain
Axel Gauvin, écrivain Jean-Claude Guillebaud, journaliste et essayiste
Jean-Marie Gustave Le Clézio, écrivain, prix Nobel de littérature 2008
Amadou Mahtar Ba, journaliste Edouard Maunick, poète
Patrice Nganang, écrivain Ngo Bao Chau, professeur de mathématiques,
médaille Fields 2010 Nguyen Quang Thieu, poète et écrivain
Jean Orizet, critique et poète Jean-Robert Pitte, président de la Société de
géographie et ancien président de la Sorbonne Johary Ravaloson, écrivain
Philippe Rey, éditeur Joël de Rosnay, scientifique et écrivain
Daniel Vaxelaire, historien et romancier Abdourahman Waberi, écrivain
Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS
Federico Mayor Zaragoza, scientifique et ancien directeur général de l’Unesco
17
0123
Mardi 22 juillet 2014
Antony Blinken
Le diplomate des deux rives
ILS FERONT LE MONDE – Figure de l’establishment américain, le directeur adjoint
du Conseil de sécurité nationale a la réputation d’un rassembleur
Washington
Correspondante
C
eux qui ne le connaissaient pas
se sont demandés qui il était.
Ceux qui l’avaient déjà rencontréne savaientpas qu’il était si prèsdu
pouvoir. Lorsque la Maison Blanche a
diffusé, le 2 mai 2011, la photo de la
«situation room», lebunkeraux communications sécurisées où Barack
Obamaetlesdouzeplushauts responsables du pays suivaient médusés la
capture de Oussama Ben Laden dans
sa villa pakistanaise, à des dizaines de
milliers de kilomètres de Washington, la plupart des participants
étaient des figures familières : le viceprésident Joe Biden, assis à la perpendiculaire de l’écran, comme s’il ne prêtait qu’une attention détachée – et,
d’ailleurs, il n’était pas favorable au
raid, qu’il trouvait très risqué. Hillary
Clinton, captivée, la main devant la
bouche, retenant une exclamation.
Comme souvent, Barack Obama est
en retrait, solitaire. Quelques heures
plus tard, il apparaîtra devant les
caméras pour annoncer au pays que
« justice a été faite » et que Ben Laden
n’est plus.
Anthony Blinken a un parcours
qui sort de l’ordinaire:
américain, français,
juif new-yorkais, parisien…
Au fond de la pièce, un visage
moinsconnu.Celuid’unquadragénaire à la chevelure ample, en mouvement, penché par-dessus l’épaule du
secrétaire général de la Maison Blanche Bill Daley pour suivre l’action.
C’est Antony Blinken, l’homme de
confiance de Joe Biden, qu’il assistait
déjààlacommissiondesaffairesétrangères du Sénat. A la Maison Blanche, il
aletitredeconseillerdiplomatiquedu
vice-président. Les Américains ne le
connaissent pas mais il est de toutes
les réunions. C’est lui qui supervise le
départ des troupes américaines d’Irak.
Trois ans ont passé depuis la photo
de la « situation room ». La chevelure
de Antony Blinken a pris quelques
fils blancs mais son étoile n’a cessé de
grandir. Sans avoir été proche du candidat Obama, il se trouve maintenant
membre du premier cercle de l’administration, avec le titre de directeur
adjoint du Conseil de sécurité nationale. Sa patronne est Susan Rice. Tous
les deux faisaient partie du conseil de
sécurité nationale de Bill Clinton. Des
partisans farouches de l’intervention
en Bosnie, membres de l’aile interventionniste de la gauche démocrate,
ceux que l’on appelle les « faucons
humanitaires » et qui rejoignent les
néoconservateurs dans nombre de
causes.
Etant parvenus au pouvoir, ils en
sont réduits depuis trois ans à ronger
leur frein, impuissants à endiguer la
boucherie en Syrie. A la suite de
Barack Obama, ils jouent les pompiers,de crise en crise. Une centaine de
marines pour essayer de retrouver les
lycéennes enlevées par Boko Haram
au Nigeria. Une centaine contre Josef
Kony en Ouganda ; des conseillers au
Soudan, des forces spéciales antiterroristes en Irak… Sans grand succès et
sous l’accusation constante de ne pas
faire assez pour arrêter les horreurs et
protéger les civils.
Antony Blinken a un parcours qui
sort de l’ordinaire : américain, français, juif new-yorkais, parisien…
Quand il est né en 1962 – avec une
cuillèred’argentdanslabouche,diraiton – rien ne le destinait à la diplomatie. Son père Donald Blinken était un
juriste et un investisseur influent à
New York, future puissance financière des milieux démocrates. Sa mère
Judith était la directrice des ballets
Merce Cunningham. Dans l’appartement de Park Avenue, elle recevait
Arturo Toscanini et Leonard Bernstein. Tout naturellement, Tony a été
admis à Dalton, l’école primaire des
élites de Manhattan.
Letournant a eu lieuen 1968 quand
Judith Blinken a rencontré Samuel
Pisar dans une soirée new-yorkaise.
L’avocat franco-américain, globe-trotteur, rescapé d’Auschwitz, diplômé de
Harvard, avait été conseiller de John
Kennedy. Après l’assassinat de Dallas,
il était devenu avocat international,
de stars, de grandes firmes et de
grands noms. En 1970, Judith Blinken
a divorcé et – devenue Judith Pisar –
est allée s’installer à Paris avec son fils.
Le contraste entre l’adolescence de
son beau-père, déporté à 13 ans, et la
sienne, gorgée de privilèges, a contribué à l’éveil intellectuel et politique
du jeune Blinken.
Dans une interview au Washington
Post du 16 septembre 2013, Samuel
Pisar a raconté qu’Antony avait insisté pour savoir ce qu’il avait vécu.
« Cela lui a donné une autre dimension, une autre perspective sur le monde, a-t-il dit. Quand il a à se préoccuper
aujourd’hui des gaz mortels en Syrie, il
pense presque inévitablement aux gaz
qui ont éliminé ma famille entière. »
Antony Blinken a connu la France
des années Giscard. Il a rencontré
Christo, qui voulait emballer le PontNeuf, et Jean-Jacques Servan-Schreiber. Il a joué de la guitare et fait quelques escapades hors de l’univers hup-
AUDE GUERRUCCI/POLARIS
16 avril 1962
Naissance à Yonkers
(Etat de New York).
1970
S’installe en France avec sa mère,
remariée à Samuel Pisar,
avocat international.
2008
Travaille sur la campagne
présidentielle de Joe Biden.
2013
Nommé directeur adjoint du
Conseil de sécurité nationale.
pé de l’avenue Foch où habitait la
famille. L’été, il renouait avec son père
et l’autre moitié de sa culture : match
de base-ball des Yankees, plage dans
les Hamptons. Mais aussi boulot d’été
–décrochéparsonpère– parmilesjeunes d’origine défavorisée. Après le
bac, il a choisi les Etats-Unis : Harvard,
puis relations internationales à
Columbia, à New York. Presque à son
corps défendant, il est entré dans l’administrationClinton oùles chargés de
l’Europe cherchaient une perspective
«intelligente et cosmopolite », selon le
Washington Post. Depuis, il est un
pilier des relations transatlantiques,
discret et réputé rassembleur.
Antony Blinken sera probablement l’une des figures de la diplomatie américaine de demain. Si Hillary
Clinton est élue, il n’aura pas de mal à
trouver sa place. Son épouse Evan
Ryan, la petite-fille d’un ancien directeur du Secret Service, l’unité chargée
de la protection des personnalités, a
commencé sa carrière dans les années
1990 comme assistante de la First
Lady. Elle travaille aujourd’hui avec
John Kerry au département d’Etat. Au
mariage, célébré par un prêtre et un
rabbin, Antony a répondu à ceux qui
s’étonnaient que lui, le juif new-yorkais, épouse une fille de famille catholiqueirlandaise,eninvoquantlanécessité, plus urgente que jamais, de rassembler les peuples et les religions. p
Corine Lesnes
Prochain article : Mingpo Cai, président
du fonds d’investissement Cathay Capital
n Sur Lemonde.fr
Retrouvez l’actualité au jour le jour
du Monde Festival
4 juin 2010 Le jour où « Le Monde » découvre le sexe
«LE MONDE» ET MOI
Avant de faire frissonner
ses lecteurs avec ses
« Petits polars », « Le Monde », en 2010, proposait
d’autres émois à travers
une collection de classiques de la littérature érotique. A cette occasion, il fut
proposé à Nathalie Rykiel,
vice-présidente du conseil
d’administration de Sonia
Rykiel, d’en être la directrice artistique…
L
e Monde est un monsieur respectable et
sérieux qui fête ses
70 ans cette année. Un monsieur auquel je fais confiance
pour m’informer depuis toujours. Un vieux monsieur de
70 ans, sérieux et… libidineux peut-être ? Car, enfin,
ce jour de 2010, quand le téléphone sonne, il a déjà 66 ans,
le monsieur…
Ce qu’il me demande ?
D’être la marraine et la directrice artistique de son projet :
une collection en trente volumes consacrée aux grands
classiques de la littérature
érotique ! J’hallucine et, pourtant, je ne rêve pas. Chaque
samedi, avec le journal, on
trouverait en kiosque un
livre érotique à un prix avantageux. A la fin des trente
semaines, la collection complète serait proposée en coffret. J’aurais carte blanche
pour concevoir et habiller
l’ensemble. J’accepte immédiatement.
Du cul dans Le Monde,
comment résister ? Le journal est en noir et blanc. Il faut
casser tout cela. Attirer l’œil.
Je vois rouge. Rouge, c’est la
couleur de l’amour, de la passion et du sexe. Et regarder
autrement. Le regard, c’est ce
qui animera la collection.
Tousles regards, chastes, allumés, écarquillés, voyeurs.
Clin d’œil à tous les vices.
Le trou de la serrure
La première chose que
j’imagine, c’est l’ensemble
des trente volumes côte à
côte dans une bibliothèque,
reproduisant à eux tous un
œil de femme. Ce sera refusé,
trop compliqué, c’est certain:chaque dos devrait comporter un segment de cet œil
géant, je pense à la faisabilité,
aux coûts. J’envoie sans trop
d’espoir un dessin de mon
propre œil, je réfléchis déjà à
une autre solution, mais…
l’idée est acceptée. Alors je
fonce. Le regard, oui, mais
par le trou de la serrure. Et si
chaque ouvrage comportait
en façade une œuvre – dessin, gravure ou peinture – différente et dont on lorgnerait
un détail par ce même œil
dont l’iris serait découpé
dans la couverture ?
Reprenons : la couverture
est rouge, double épaisseur,
« fendue » selon chaque livre
à un endroit précis, laissant
apparaître un élément
piquant de l’illustration… Là
encore, jeme lamente d’avance. Ils n’accepteront jamais,
la fabrication sera prohibitive puisque différente pour
chaque livre… Je sous-estime
mon Monde. L’audacieux me
suit, c’est oui !
Alors, nous nous mettons
au travail. Pendant trois
mois, Hervé Lavergne, JeanMichelBoissier, FrançoisChevret et moi-même recherchons, échangeons et commentons quantité d’images
susceptibles d’illustrer les
textes érotiques sélectionnés. Nous papillonnons sur
Internet parmi les reproductions du XVIIe au XXe siècle.
Ingres, Boucher, Schiele, le
Tintoret, Dix accompagneront Musset, Casanova,
Sade… Excitant et fascinant
d’associer les titres aux peintures, de décider de l’image
et du détail qui tue, de cadrer
l’endroit judicieux pour la
fente de couverture. Poils
pubiens, lèvres offertes, chevelureévocatrice, main caressante, bouche dévorante, cul
savoureux? Tousse retrouveraient en « une » ! C’est lors de
réunions fiévreuses, entourée de ces trois hommes, que
je sélectionne ouvrages et
outrages, dans le secret de
mon bureau germanopratin.
Mon seul regret ? Au dernier moment, le quotidien
recule et refuse de nommer
la collection « Classiques de la
littérature érotique ». Ce n’est
donc pas par une image,
mais par un mot que Le Monde a souhaité conserver un
semblant de dignité. J’ai dû
capituleret remplacer « érotique » par « libertine » au sens
philosophique du terme,
bien entendu ! p
Nathalie Rykiel
Article de Christine Rousseau
du 4 juin 2010 intitulé « L’œil
coquin de Nathalie Rykiel ».
Prochain article : Valérie Zenatti,
romancière.
18
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Mardi 22 juillet 2014
Ariane Chemin
C
e matin d’octobre 1945, pour
son premier jour de classe,
« Théo » s’est assis devant le
bureau qu’on lui a réservé, au
deuxième étage d’un immeuble haussmannien. A côté de
quelquesautres bizuts,une dizainedemessieursdignes, rosette rougeglissée à laboutonnière, souvenir de la IIIe République. De
lafenêtre, le jeune homme aperçoit l’artère
en coude qui donne déjà son surnom au
«quotidien-de-la-rue-des-Italiens».Ilplonge sa plume Sergent-Major dans l’encrier
qu’un garçon d’étage est venu remplir, et
s’applique devant sa feuille de papier
râpeux. La peau de sa main est douce et lisse, comme celle d’un garçon de 20 ans.
Il est arrivé en avance, patientant le ventre serré au coin des Grands Boulevards.
Les cafés servaient leurs premiers « petits
noirs », avec parfois un peu de gnôle au
fond de la tasse. Quelques voitures à gazogène et autres tractions avant passaient le
Le jeune «Théo» est arrivé
en avance, patientant le ventre serré
au coin des Grands Boulevards.
Les cafés servaient leurs premiers
«petits noirs», avec parfois
un peu de gnôle au fond de la tasse
1/12Lejouroù…
Beuve-Méryembauche
sonarméedesombres
En 1945, rue des Italiens, défilent dans le bureau
du fondateur du «Monde» des résistants,
des prisonniers de guerre, des «planqués». Dans sa PME
de bric et de broc, «Beuve» veut réconcilier la France
long du trottoir. Dans la nuit, une énorme
horloge en faïence bleue et aux aiguilles
dédorées lui a servi de pôle magnétique.
Puis, sur une façade, deux mots en lettres
gothiques:«Le Temps».Letitred’un quotidien installé là en 1911, qui a fini par se
saborder à Lyon, en 1942. Ses murs et ses
rotatives ont été réquisitionnés, car il s’est
mal conduit pendant la guerre. Dans l’urgence de la reconstruction, on n’a pas encore eu le temps d’effacer son nom.
« Théo » trempe à nouveau maladroitement sa plume dans l’encre violette. Certains disent qu’il lui manquait « un bout
d’index», d’autres«desongles».Lesphalanges de ses doigts semblaient en tout cas
« raccourcies ». Même parmi les plus jeunes ou les derniers arrivés, rares sont ceux
qui se souviennent précisément des mains
de Jean-Marc Théolleyre. « J’observais à la
dérobée, fasciné, ces doigts raides comme
des spatules qui écrasaient le Bic, raconte
Pierre Georges, une des « plumes » du quotidien et son premier fan. Jamais pourtant
je n’aurais osé l’interroger là-dessus.
D’ailleurs, il n’aurait pas répondu. » Les
mains de « Théo », un non-dit enfoui dans
la mémoire du Monde ; le stigmate d’un
journal qui a voulu, comme la France, tirer
un trait sur cinq années de guerre.
A son retour de Buchenwald, quelques
semainesplus tôt, le jeune garçon a eu vent
de la création d’un quotidien tout neuf, né
dans la foison des titres de la Libération, et
baptisé Le Monde, en toute immodestie. Ce
n’est pourtant qu’un quatre-pages austère,
au format peu pratique et sans photos,
imprimé à 147000 exemplaires – le maximum autorisé par la loi. Chaque jour, à
13 h 10, les rotatives font vibrer les soutes
de l’immeuble de la rue des Italiens comme les machines d’un cargo. Le Monde est
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Mardi 22 juillet 2014
Le bureau d’Hubert
Beuve-Méry, à
l’angle de la rue
Taitbout et de la rue
des Italiens. « Le
plus vaste bureau
de la capitale après
celui du maire de
Paris », assurent les
vétérans du
« Monde ». Ils se
souviennent aussi
que « Théo »,
Jean-Marc
Théolleyre, maître
de la chronique
judiciaire, ne leur
parlait jamais de sa
déportation à
Buchenwald.
L’officier Jacques
Fauvet, lui, est
arrivé en 1945 après
cinq années comme
prisonnier de
guerre. Il succédera
à Beuve en 1969.
MICHEL DESJARDINS/RAPHO ;
COLL. PART ; ANTONIO PAGNOTTA
un nouveau-né encore fripé né le 18, mais
« daté 19 », décembre 1944, un drôle de tic
de quotidien parisien du soir.
Son fondateur est un ancien du Temps,
Hubert Beuve-Méry. Il a passé les deux premières annéesde laguerre à Uriage, près de
Grenoble, dans une de ces « écoles » parrainées par Vichy pour former de nouveaux
cadres, et remplacer ceux jugés responsables de la défaite. Fin 1942, comme tant
d’autres de ces hommes qualifiés depuis
de « vichysto-résistants » par les historiens
Jean-Pierre Azéma et Denis Peschanski,
«Beuve »asauté lepasetdécidédecombattre Pétain, rejoignant le Vercors, puis, au
printemps 1944, les maquis du Tarn. Ce
catholique breton n’est pas un héros de la
première heure. De Gaulle le sait. Mais le
général a besoin d’un quotidien pour porter la voix de la France dans les chancelleries, avec, à sa tête, un homme solide. Le
choix est mince : les élites de la presse
d’avant-guerre se sont toutes peu ou prou
compromises. Il y a urgence. Cultivé, passionné de diplomatie, « Beuve » a l’avantaged’avoirdémissionné desonposte de correspondant à Prague, en 1938, pour manifester son désaccord avec la ligne munichoise du Temps.
C’est au premier étage, dans le bureau
quiépouse l’anglede larueTaitbout etde la
ruedesItaliens,quesetientleguichetd’embauche. De l’ancienne salle du conseil d’administration du Temps, le « patron », commeon l’appelle, a gardé les meubles en ébène et les voilages de Nylon jaunasse. Le
demandeur d’emploi qui frappe à la porte
commence par découvrir une ombre
chinoise au fond d’une pièce mal éclairée.
D’un côté, le bureau de la secrétaire, mutique. De l’autre, un portemanteau perroquet où pend parfois (quand il ne fait pas
trop froid dans les murs…) une parka chamois. La canadienne fourrée de « Beuve »,
cevestigedesannées demaquisquideviendra l’uniforme tendance des hommes
après la guerre.
Tous les vétérans du Monde racontent
ces deux minutes interminables qu’il leur
a fallu pour rallier « l’hectare de moquette
pâlotte » qui les séparait de « Beuve ». « Le
plus vaste bureau de la capitale après celui
du maire de Paris », disait-on. Au 5, rue des
Italiens siège aujourd’hui le « procureur
nationalfinancier»,unpostecréé aprèsl’affaireCahuzac.Au téléphone,ElianeHoulette, qui dirige les enquêtes les plus sensibles
du moment, dont celles qui visent l’ex-président Nicolas Sarkozy, se montre drôle et
accueillante. « Le bureau de HBM que j’ai
l’honneur d’occuper vous attend. Son fantôme n’est pas venu me chatouiller les pieds,
mais son esprit flotte encore, je l’espère, au
premier étage, pour inspirer le parquet
nationalfinancierdanssarecherche devéritéet de rigueur. »On frappe, on entre, ilfaut
bien se rendre à l’évidence : le mythe,
30 mètres carrés, est décevant. Le bureau
d’Hubert Beuve-Méry n’est pas si grand.
Et si le talent des grands hommes était
de savoir fabriquer leur légende ? Aux
impétrants intimidés, « Beuve » finissait
par tendre la main, déployant son
1,80mètre de hauteur (une taille rare pour
un homme né en 1902). Il grognait son
« bonjour » sans dévisser sa Boyard de ses
lèvres. Parfois, une de ses pupilles marron
s’éclairait sous un sourcil ; mais l’œil de cet
homme « gracieux comme un cactus »
n’était « jamais d’accord avec la bouche »,
notait Françoise Giroud dans L’Express, en
1956. « Il faisait de ses ronchonneries profession», sourit l’historien Jean-Noël Jeanneney. Un jour, le feuilletoniste littéraire Bertrand Poirot-Delpech s’était risqué à
demander au directeur du Monde s’il grognait exprès pour capter l’attention, « comme on l’apprend dans les cours de théâtre ».
Beuve n’avait pas entendu. Ou avait fait
semblant.
Drôles de CV, modèles 1945, qui sonnent
les uns après les autres aux oreilles de Beuve-Méry. Pas de longues expériences professionnelles, seulement des faits d’armes.
Les séjours derrière les barbelés font office
d’écoledejournalisme, lescombatsenAfrique du Nord aux côtés de la France libre, de
stages Erasmus ancienne manière. Pendant que le récit se déroule, la cendre des
cigarettes brunes tombe sur le veston du
« patron ». Le tic-tac d’une impériale horloge de bronze coiffée d’une faux berce la
conversation. On la trouve aujourd’hui
danslebureaudel’actueldirecteurduMonde, au sixièmeétage du 80, boulevard Blanqui (le nouveau siège du journal). C’est une
pièce sculptéerococo à souhait où Chronos
– encore lui ! – paresse mollement sous un
angelot potelé, et dont personne ne voudrait dans son salon. En 1994, Jean-Marie
Colombani, élu directeur, a pourtant sorti
l’antiquité du placard où on l’avait oubliée,
et l’a fait redorer. Le mythe, encore…
Revenants faméliques des camps de prisonniersoudedéportation,derniersdémobilisés de novembre 1945… Beuve met les
postulants, souvent provinciaux, à rude
épreuve. Ila « repêché » quatorze journalis-
tes du Temps, les rares qui ne se sont pas
compromis et connaissaient le métier, et
ne peut en embaucher qu’une trentaine
d’autres. Il les affecte lui-même à chaque
poste. « Puisque vous sortez de l’armée, que
diriez-vous de devenir l’adjoint du titulaire
de la rubrique de la défense nationale ? »,
demande-t-il au jeune résistant Jean Planchais, qui rêve de politique intérieure,
d’unecorrespondanceà l’étranger, voirede
critique littéraire. « Vous êtes sergent-chef:
vous verrez les choses avec un œil neuf.»
Planchais restera vingt ans au poste
octroyé ce jour-là. « Malheureusement
pourvous, nous avons déjà quatre spécialistes de l’Allemagne », s’impatiente « Beuve»
quandun jeunegaullistede 25ans,nommé
Edouard Sablier, entreprend de lui raconter sa guerre. Sablier lorgne en fait le Proche-Orient, où il vient de passer quatre ans.
Vendu.
L
es rubriques proposées aux novices
ressemblent à un catalogue des
« mythologies » de l’époque : « Alimentation », « Prisonniers », « Anciens
combattants »… Beuve teste deux ou trois
jeuneshommessur le même poste, organise la concurrence, les éprouve encore et
toujours. « Il a le vibrato », lui rapporte un
rédacteur en chef après lecture des premierspapiersdu jeune« Théo », chargé des
« chiens écrasés » – la tournée des commissariatsdepolice.«Naturellement, lecompliment ne fut pas rapporté à l’intéressé »,
raconte Laurent Greilsamer, ex-directeur
adjoint du Monde et biographe de HBM.
« Théo » dispose d’un parrain de choc :
Rémy Roure. Un ancien journaliste politiqueduTemps, résistantdelapremièreheure, matricule 186331, déporté comme lui à
Buchenwald, où il avait pris le jeune garçon sous son aile. Un démocrate-chrétien,
parfait reflet de l’idéologie de cet immédiat après-guerre qui « donnera la ligne »
du Monde. Rourerefuse le poste decodirecteur du journal que Beuve lui propose : la
déportation, dit-il, l’a trop affaibli. André
Chênebenoit devient rédacteur en chef – le
premier des deux « premiers ministres »
qu’aura Beuve jusqu’à son départ, en 1969.
Paradoxe de cet homme qui va tant critiquer le fondateur de la Ve, mais ne cessera
pas de le copier…
Démocrates-chrétiens, socialistes, gaullistes, et, au Syndicat du livre (imprimerie,
photogravure et atelier typo), la Résistance
communiste : la PME de « Beuve » copie la
France de 1945. Soucieux d’éloigner la
menace d’une administration américaine
qui plane encore sur les postes-clés du
pays, Le Monde retrousse ses manches et
évite de regarder dans le rétroviseur. « Beuve est la version papier de De Gaulle, résume Jean-Marie Colombani. Il pensait comme lui qu’on ne reconstruisait pas la France
sans une part d’oubli. » Voire d’amnésie.
L’administration conserve des préfets, des
Et si le talent des grands hommes était de savoir
fabriquer leur légende? Aux impétrants
intimidés, Beuve finissait par tendre la main.
Il grognait son «bonjour» sans dévisser
sa Boyard de ses lèvres
magistratset des universitairesquiontprêté serment à Vichy ? Le Monde comptera à
Athènes, dès 1947, un correspondant qui
signe Marc Marceau mais se nomme Marc
Pobanz. Il a été en 1943 le chef de La Main
bleue, garde prétorienne de Marcel
Bucard, le dirigeant du très fasciste Parti
franciste. « Son éloge de la dictature des
colonels grecs en 1969 était stupéfiant »,
raconte le professeur de droit Jean Catsiapis,qui préparela biographiedu journaliste pour éclaircir sa mystérieuse embauche. Le compositeur Mikis Theodorakis,
alors assigné à résidence, lui avait même
écrit une chanson : « J’ai beau porter un
bâillon/J’ai malgré tout l’autorisation/De
pousser des gémissements/C’est monsieur
Marceau qui l’affirme. » Dans Le Monde,
notamment.
Et que dire de ce constitutionnaliste qui
faisait la« une » à chaquescrutin et décryptait chaque inflexion de la geste gaullienne ? Les chroniques de Maurice Duverger
furent le rendez-vous obligé de générations d’étudiants qui s’intéressaient à la
politique et aux subtilités des institutions.
Jeune homme, avant la guerre, il avait été
membre du Parti populaire français (PPF)
de Jacques Doriot, ex-communiste devenu
chantre de la collaboration, puis commenta de façon « neutre et routinière » (dixit
l’historien américain Robert Paxton), dans
laRevue du droitpublic, en 1941, la nouvelle
politique antijuive de Vichy chez les fonctionnaires. A chaque lendemain d’élections, il s’attardait dans les couloirs du
Monde, mais glisse entre les pages des
monographies consacrées au journal, sans
passé, transparent.
Mystères de ces réseaux de 1945, si différents de ceux d’aujourd’hui, qui ne se comprennent que dans les liens noués avant la
guerre, et dont la logique échappe au
rationnel. Au Monde comme ailleurs, des
amitiés improbables puisent leurs racines
dans les coursives du château d’Uriage, les
stalags ou le maquis. Rue des Italiens, dans
la grande tradition de la presse d’avantguerre, les garçons d’étage du Monde portent au col de leur uniforme bleu un « M »
gothique et doré. Mais César, petit homme
sec et brun à la dégaine de vieil acteur italien, est le seul d’entre eux à entrer sans
frapper dans le bureau du chef du service
politique, Jacques Fauvet, et à tutoyer le
futur directeur du journal. « César avait
visiblement les clés de la maison et le pouvoir qui va avec », relève Pierre Georges.
«Il avait porté des colis à Fauvetpendant
laguerre », croient savoir l’ex-chefdu service culturel Yvonne Baby et la célèbre chroniqueuse Claude Sarraute, qui furent ses
protégées. « César avait réussi à passer à
mon père prisonnier les petits mots et les
confituresde ma mère», confirmela magistrate Sylvie Vauzelle, fille de l’ancien directeur. Chez les Fauvet, on a surtout retenu
une autre histoire. Courant 1945, Jacques
débarque gare de l’Est, après plusieurs
mois d’errance sur les routes de Silésie et
dePologne, quiferont lamatière de sespremiers papiers publiés dans Le Monde. Sur
le quai, où sa femme l’attend avec impatience, le prisonnier de guerre de 31 ans est
accueilli par un « bonjour monsieur » intimidé. C’est son fils, âgé de 5 ans.
« Ne vous faites pas d’illusions. Le Monde n’a pas un sou. S’il dure encore deux
mois !... », grogne Beuve à l’armée des
ombres qui défile dans son bureau. Ce
« self-made-man », comme on ne disait
pas à l’époque, a connu, jeune homme, la
faim et la pauvreté. Il a ensuite rencontré,
sur les bancs de la fac, une petite-fille de
général et d’ambassadeur, bachelière et
futuredocteure endroit. Ilépousel’héritière, mais continue de cultiver l’austérité. La
légende beuveméryenne est pleine de ces
histoires où le « patron » grommelle, mine
froncée, devant le cabriolet décapotable
d’un de ses rédacteurs ; avale un malheureux sandwich à son bureau, quand les
rotatives se mettent en branle ; part en
vacances l’été, dans le Beaufortain, en
wagon troisième classe et avec carte de
famille nombreuse.
«Il faut rester pauvres », répète « Beuve »
à sa rédaction. Ou encore : « Nous connaissons le temps des vaches maigres, mais les
vachesgrasses,cesera pire.»La cartedevisiteduMondevaut pour luitoutes lesrécompenses. Histoire de compenser des payes
un peu chiches, Beuve encourage ses troupes à faire des extras. Henri Fesquet, le
futur rubricard religieux, tient à mi-temps
uneauto-école.Jean Houdartdevientsecrétaire de rédaction à Combat l’après-midi,
après ses matinées au Monde. Des années
durant, « Beuve » veillera lui-même sur les
augmentations de chacun, tenant compte
de chaque variable personnelle. Ainsi
« Théo», qui a épousé une dentiste, n’a-t-il
pas besoin de voir grimper son salaire.
Jean-Marc Théolleyre tient pourtant,
jour après jour et nuit blanche après nuit
blanche, la chronique judiciaire du journal, dont il est devenu un maître. Le jeune
garçon est désormais un monsieur en costume gris aussi soigné que le cran de ses
cheveux ondulés. « Il s’habillait pour la justice», souritl’ex-journaliste duMonde Agathe Logeart, où il faisait référence.L’histoire court encore dans les couloirs du Palais,
à Paris. Un jour qu’une greffière s’était
emmêlé les pinceaux en prenant l’audience en notes, un avocat s’était levé : « Nous
disposons du compte rendu publié par
M. Théolleyre. Je pense que chacun considérera qu’il fait foi pour nos débats. »
Sa copie arrive toujours à l’heure, précise, tricotée – on disait au marbre qu’il était
« très difficile de tailler dans le “Théo” ».
Pour sa couverture du procès de « l’empoisonneuse » Marie Besnard, il recevra le
prix Albert-Londres en 1959. Ce sera sa seule médaille célébrée dans les murs du journal: ses autres exploits sont restés cachés.
L’ancien captif de Buchenwald ne s’abandonne que rarement à la confidence. En
Mai 68, un reporter raconte les « CRS SS »
fleuris sur les murs du Quartier latin.
« Théo » suspend quelques secondes les
deux doigts valides qui tapaient sur sa
machine à écrire, et secoue doucement la
tête en soupirant : « SS, SS… Ils exagèrent,
quand même. »
A
vant de prendre sa retraite, « Théo »
couvrit en 1987 son dernier grand
procès : celui de Klaus Barbie, à
Lyon. L’ex-chef de la Gestapo retrouvait,
un demi-siècle après sa fuite, la ville où il
avait commis ses rafles d’enfants, ses exécutions, ses crimes contre l’humanité.
Pour « Théo » aussi, il s’agissait d’un
retour : il avait été élève à Lyon au début
de la guerre, confia-t-il à quelques confrères, oubliant d’ajouter qu’à 17 ans il avait
quitté son lycée pour servir de « courrier »
à un réseau de la Résistance toulousaine.
Cette nuit-là, comme quarante-trois
autresà suivre, l’envoyé spécialavait appelé de sa chambre d’hôtel les oreilles amies
des sténos, rue des Italiens. « Dans l’affaire
qui va occuper huit semaines la cour d’assises du Rhône, il convient de garder mesure
et sang-froid. Elle concerne d’abord un
homme dont il faut bien rappeler qu’il est
[à ce jour] présumé innocent. » L’homme
dont parle « Théo » est son bourreau. Le
« boucher de Lyon » l’avait fait torturer, les
doigts dans une presse, puis déporter à
Buchenwald. Il fallait peut-être avoir été
blanchi pendant quarante-cinq ans sous
le harnais du Monde, ce journal qu’il avait
gagné un matin de 1945, pour dicter ces
lignes sans trembler. p
Prochain article : « Pierre Viansson-Ponté
réinvente la chronique politique ».
La série de douze articles « Le jour où… » figurera
dans le livre « Le Monde, 70 ans d’histoire », à
paraître le 24 septembre, aux éditions Flammarion. En 500 pages richement illustrées, cet
ouvrage collectif racontera l’histoire du journal,
en tension avec les grands faits d’actualité et les
dates qui ont marqué les sept décennies passées
(album relié : 39,90 ¤).
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Mardi 22 juillet 2014
Les stars et la pub 1/6 Après un spot vantant
une machine à gazéifier fabriquée dans une colonie
israélienne, l’actrice a été obligée de quitter l’ ONG Oxfam
Sodastream
et l’«affaireScarlett»
Jérusalem
Correspondance
S
urprise ! On pensait l’exaspérer
mais non, le patron de Sodastream ne rechigne pas à parler de
« l’affaire Scarlett ». Daniel Birnbaum
est même intarissable sur cette histoire qui a vu Scarlett Johansson, l’une
des actrices les plus en vue d’Hollywood, vanter dans un spot publicitaire, en janvier, le petit fabricant
israélien de machines à gazéifier
l’eau. A l’en croire, ce mariage aurait
été une bénédiction. Vraiment ? Pas
de regret après la controverse qui a
braqué les projecteurs sur sa principale usine, située dans une colonie israélienne en Cisjordanie ?
« Pas du tout ! », s’exclame cet
ancien d’Harvard, qui avance ses chiffres : à la faveur des polémiques, la
publicité dans laquelle apparaît Scarlett Johansson a été mentionnée 9 milliards de fois dans les médias du monde entier. Soit l’équivalent d’un budget marketing de quelque 90 millions
L’actrice américaine affirme
que Sodastream est
une entreprise qui «construit
unpont pour la paix»
de dollars (66,6 millions d’euros).
Selon un sondage que la société s’est
empressée de réaliser dans cinq pays
européens, moins de 5 % des consommateurs se sont déclarés hostiles.
M. Birnbaum en conclut : « Cette tempête a permis d’augmenter formidablement la notoriété de la marque. »
Rappelons les faits. Mi-janvier, l’entreprise met la dernière main à un
spot censé être diffusé au SuperBowl,
la finale du championnat de football
américain, l’événement le plus médiatisé outre-Atlantique. La publicité de
Sodastream met en scène une Scarlett
Johansson qui joue de son sex-appeal
pour vanter ces machines à faire des
boissons pétillantes au goût de cola,
orange ou limonade. D’une voix suave, elle lâche à la fin : « Sorry, Coke and
Pepsi. »
Première polémique : la chaîne Fox
censure le spot qui moque les deux
géants des soft drinks. Rien de surprenant. Lors du SuperBowl 2013, Sodastream s’était déjà fait retoquer pour
une publicité montrant des bouteilles
de Coca-Cola et de Pepsi qui explosaient mystérieusement. En acceptant de retirer la réplique finale de
Scarlett, M. Birnbaum, en as de la provocation, sait qu’il ne perd rien au
change : la version originale fait un
triomphe sur le Net et affiche plus de
14 millions de vues.
Mais un autre scandale enfle, Scarlett Johansson n’est pas que l’intrépide Veuve noire dans le film Avengers,
l’envoûtante extraterrestre dans
Under the Skin, ou une muse de Woody Allen ; depuis huit ans, elle est
ambassadrice de l’ONG Oxfam, engagée dans la lutte contre la pauvreté.
Or, la plus grosse unité de production
de Sodastream se trouve en territoire
palestinien. Dans l’une de ces colonies
dont l’existence est dénoncée par la
puissante organisation humanitaire.
A la suite du spot publicitaire,
Oxfam est interpellée par des militants des droits des Palestiniens,
notammentceux du mouvementBoycott-Désinvestissement-Sanctions
(BDS), qui milite pour un boycottage
d’Israël. Sommée par l’ONG de choisir,
la star arbitre en faveur de Sodastream. Pour une raison de gros sous ?
Pas du tout, jure M. Birnbaum. Sans
donner le montant du contrat, il assure que Mlle Johansson a d’abord suivi
son cœur et ses convictions. Et de
raconter la façon dont est née leur collaboration.
Adepte de ces machines à faire des
bulles qu’elle emmène dans ses bagages à chaque déplacement, l’actrice
rencontreDaniel Birnbaum en décem-
FLEISHMAN HILLARD
bre 2013, dans un café parisien. L’accord est conclu sur un coin de table de
bistrot. « Normalement, ce genre de
partenariat met des semaines à se
nouer ; on fait des études d’impact…
cette fois, tout était spontané, car c’est
un produit qu’elle aime », affirme le
patron. Ce dernier prévient l’actrice
du risque de controverse. Par le passé,
Sodastream a déjà été la cible des militants de la cause palestinienne. Sollicitée, la star n’a pas voulu s’exprimer.
« Scarlett m’a dit n’y voir aucun problème, au contraire. Mais on ne s’attendait pas à quelque chose de cette
ampleur et surtout à cette réaction
d’Oxfam, s’indigne M. Birnbaum, Si
toute cette histoire a été dure pour elle,
jamais elle n’a songé à renoncer, car
elle croit que ce qu’elle fait est juste. »
Dans son communiqué de démission d’Oxfam, l’actrice affirme que
Sodastream est une entreprise qui
«construit unpont pour la paix ». L’usine contestée fait travailler 500 Palestiniens sur 1 000 employés, à des condi-
tions salariales bien plus avantageuses que la norme dans une Cisjordanie
ravagée par le chômage. Se taire mettrait des centaines de Palestiniens de
plus au chômage, plaide Daniel Birnbaum, un New-Yorkais arrivé en Israël
à 8 ans, qui a pris les rênes de l’entreprise en 2007.
L’actrice souligne aussi une « différence fondamentale de points de vue »
avec l’ONG concernant la campagne
BDS. « Nous ne travaillons pas avec le
BDS, mais nous avons une politique
très claire en ce qui concerne les colonies, répond Alun McDonald, le porteparole d’Oxfam, à Jérusalem. Les colonies dépossèdent les Palestiniens de
leurs terres et de leur eau, et s’ils sont
nombreux à travailler dans ces usines
israéliennes, c’est aussi parce qu’ils
n’ont pas le choix. » Ce dernier ajoute :
« Nous avons eu une discussion avec
Scarlett pour lui expliquer notre position, mais il a été manifeste qu’elle ne
changerait pas d’opinion. »
L’ancienne égérie de Louis Vuitton
et du champagne Moët & Chandon se
retrouve, avec cette campagne Sodastream, sur un terrain où tous les
coups sont permis. Les photomontages acides fleurissent sur les réseaux
sociaux. On y voit l’actrice en train de
siroter un soda devant un village
palestinien détruit par les bulldozers.
« Droits égaux, coopération économique, voisins travaillant côte à côte. Je
suis tellement cool », lui fait dire l’une
de ces publicités détournées.
Omar Barghouti, cofondateur du
BDS, pourfendeur inlassable d’Israël,
ne se réjouit pas moins du retentissement de l’affaire. Avec un argument
proche de celui de M. Birnbaum… Car
tout cela, se félicite M. Barghouti, « a
aidé à mieux faire connaître notre
mouvement. Et de ce point de vue,
nous devrions envoyer à Scarlett une
boîte de chocolats ! » p
Marie de Vergès
Prochain article : Catherine Deneuve
et Suez.
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