Mardi 16 février 2016 72e année No 22110 2,40 € France métropolitaine www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert BeuveMéry Directeur : Jérôme Fenoglio Syrie : l’Europe impuissante face à Poutine ▶ A la conférence sur la sécurité de Munich, l’opposition frontale entre Russes et Occidentaux rend un cessezlefeu plus improbable que jamais munich - envoyée spéciale C’ est à l’Américain John McCain qu’est revenu le mot de la fin, avec son sens de la formule et sa longue expérience des affaires inter nationales : « L’appétit vient en mangeant, a observé le sénateur républicain à propos de l’attitude de la Russie en Syrie. Ce film, on l’a déjà vu – en Ukraine. » Intervenant dimanche 14 février en clô ture de la conférence de Munich sur la sé curité, M. McCain a parfaitement résumé le sentiment dominant, à l’issue de deux jours de débats marqués par l’impuis sance et l’amertume des Occidentaux face au rouleau compresseur russe. La conférence, qui rassemble chaque année les responsables de la défense et de la po litique étrangère transatlantiques, avait pourtant commencé sur une note d’es poir, avec la conclusion, dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12 février, d’un accord, entre les principaux acteurs dans le dos sier syrien, sur un arrêt temporaire des combats dans un délai d’une semaine. Les chefs de la diplomatie américain et russe, John Kerry et Sergueï Lavrov, devaient superviser sa mise en œuvre. Mais la virulence des échanges publics entre Occidentaux et Russes pendant les deux jours qui ont suivi, la poursuite des bombardements russes en Syrie et les références constantes au retour de la guerre froide ont balayé ces espoirs. L’irruption de la Turquie dans les com bats, samedi soir, a fourni le point d’orgue au pessimisme général. sylvie kauffmann L A S U IT E PAGE 2 → LIR E SANTÉ Audrey Azoulay, la ministre du président ▶ François Hollande a choisi sa conseillère à l’Elysée pour remplacer Fleur Pellerin à la culture ▶ Un choix très stratégique, à plus d’un an de l’élection présidentielle → LIR E ALBERT FACELLY/DIVERGENCE IMAGES pour un siège à la Cour suprême ÉTATS-UNIS par gilles paris washington - correspondant U ne guerre d’attrition a été déclarée à Washing ton, samedi 13 février, dans les minutes qui ont suivi l’annonce de la mort soudaine du doyen de la Cour suprême, le juge Antonin Scalia. Agé de 79 ans, ce dernier était le cham pion du camp républicain, qui louait sa défense intransigeante des valeurs conservatrices. Sa disparition prive les juges nom més par des présidents républi cains de la voix qui leur permet tait de l’emporter au sein de ce collège extrêmement sélectif de neuf membres. POLITIQUE 2016, L’ILLUSOIRE « ANNÉE UTILE » DE M. HOLLANDE par nicolas chapuis et david revault d’allonnes E n abattant la carte du re maniement, jeudi 11 fé vrier, François Hollande a ouvert la dernière étape de son quinquennat. Mais le chef de l’Etat ne se fait aucune illusion sur l’impact de ce jeu de chaises musicales : changer les person nes n’a jamais fait bouger les lignes. Pour avoir une chance → LIR E LE C A HIE R É CO P. 1 0 - 1 1 ENQUÊTE LES MYSTÈRES DE LA MOSQUÉE DE LAGNY → LIR E PAGE 1 0 TÉLÉCOMS ORANGE-BOUYGUES : L’ÉTAT FIXE SES CONDITIONS → LIR E LE C A HIE R É CO PAGE 1 4 PAGE 1 2 Lors de la passation de pouvoirs, Rue de Valois, le 12 février 2016. Bataille LES MALADIES RARES, NOUVEL ELDORADO DES LABOS RÉFUGIÉS : LE FACE-À-FACE BERLIN-PARIS → LI R E P A G E 22 en 2017, il a moins besoin de grandes manœuvres que d’un plan de bataille. Conscient qu’il devra utiliser chaque créneau qu’il lui reste, le président a ainsi rappelé à son entourage sa volonté de faire voter encore plusieurs projets de loi d’ici à la fin de l’année. → LIR E L A S U IT E PAGE 8 LE REGARD DE PLANTU $$ "/ *0&.%+.(&-. ,' )&"! ,#/!-'* ## Télérama ©2015 / AFFICHE : pyramide - louise matas / PHOTO : NORD-OUEST FILMS → LI RE L A SU I T E PAGE 5 Retrouvez-nous en pages 3, 5, 7 et 9 du supplément CAHIERS CINEMA DU Algérie 200 DA, Allemagne 2,80 €, Andorre 2,60 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,40 €, Cameroun 2 000 F CFA, Canada 4,75 $, Côte d'Ivoire 2 000 F CFA, Danemark 32 KRD, Espagne 2,70 €, Espagne Canaries 2,90 €, Finlande 4,00 €, Gabon 2 000 F CFA, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,60 €, Guyane 3,00 €, Hongrie 990 HUF, Irlande 2,70 €, Italie 2,70 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,40 €, Malte 2,70 €, Maroc 15 DH, Pays-Bas 2,80 €, Portugal cont. 2,70 €, La Réunion 2,60 €, Sénégal 2 000 F CFA, Slovénie 2,70 €, Saint-Martin 3,00 €, Suisse 3,60 CHF, TOM Avion 480 XPF, Tunisie 2,80 DT, Turquie 11,50 TL, Afrique CFA autres 2 000 F CFA 2 | international 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 La Turquie attise le feu du conflit syrien Le bombardement de positions des Kurdes de Syrie accroît encore les tensions entre Ankara et Moscou istanbul - correspondante L’ armée turque a pilonné à l’artillerie, samedi 13 et dimanche 14 février, les positions de la milice kurde syrienne du Parti de l’Union démocratique (PYD) autour de la ville d’Azaz, dans la province d’Alep, dans le nord de la Syrie, faisant craindre un embrasement régional. Lors d’un incident séparé survenu samedi dans la région du Hatay, l’armée turque a échangé des tirs d’artillerie avec les forces syriennes loyales à Bachar Al-Assad. Samedi, Damas a accusé Ankara d’avoir injecté une centaine de combattants salafistes et de « mercenaires turcs » dans la région d’Alep. Les combattants, venus de la région d’Idlib tenue par la rébellion, auraient transité par le territoire turc pour entrer en Syrie via la porte de Bab Al-Salama, où des dizaines de milliers de réfugiés sont entassés dans des conditions précaires. Véritable poumon stratégique pour le ravitaillement en armes et en nourriture de la rébellion anti-Bachar à Alep, le corridor a été coupé récemment par les forces de Damas et les Kurdes du PYD soutenus par les bombardiers russes. Située à 20 kilomètres de la Turquie, la ville d’Azaz reste la principale « poche d’air » de la rébellion, de plus en plus acculée. Dépitée par l’avancée kurde, la Turquie a tiré plus de cent obus vers les villages situés au sud d’Azaz ainsi que sur l’aéroport militaire de Minnigh, fraîchement repris par les miliciens kurdes aux rebelles salafistes d’Ahrar AlCham, soutenus par le pouvoir islamo-conservateur turc, et aux djihadistes du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida. Tapis de bombes « Le franchissement de la rive ouest de l’Euphrate est une ligne rouge pour la Turquie », a justifié samedi 13 février le vice-premier ministre Yalcin Akdogan, alors qu’un accord, trouvé jeudi soir à Munich entre le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, prévoit une cessation des hostilités d’ici à la fin de la semaine. Précédés par un tapis de bombes russes, les miliciens kurdes du PYD, la formation politique dominant le Kurdistan syrien, sont en train de réaliser le scénario qu’Ankara redoutait plus que tout en effectuant la jonction entre le canton kurde d’Afrine, au nord-ouest d’Alep, et celui de Kobané, situé à 100 km plus à l’est. De cette façon, les territoires limitrophes de la Turquie côté syrien risquent de se retrouver aux mains du PYD, Des véhicules blindés turcs dans le village de Nusaybin, à la frontière turco-syrienne, le 14 février. LEFTERIS PITARAKIS/AP « La Russie déploie ses moyens militaires en vue d’une guerre contre la Turquie » PAVEL FELGUENGAEUR spécialiste militaire russe qu’Ankara tient pour « terroriste », puisqu’il est une filiale du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie). L’affaire empoisonne les relations avec l’allié américain qui arme et soutient les miliciens kurdes, alliées de premier plan dans la lutte contre l’organisation Etat islamique (EI). La bataille pour le contrôle d’Alep s’annonce comme le nouvel épicentre de la guerre en Syrie, grosse de plusieurs conflits – la Russie contre la Turquie, Ankara contre les Kurdes, les Saoudiens contre les Iraniens – à l’image des « matriochki », les poupées gigognes russes. Moscou a décidé de renforcer sa capacité de feu en dépêchant, samedi, son navire lance-missiles Zeliony-Dol en Méditerranée. Quelques jours auparavant, des exercices militaires d’une ampleur sans précédent avaient eu lieu en mer Noire, en mer Caspienne et dans la région militaire du sud de la Fédération de Russie, une démonstration de force clairement destinée à impressionner Ankara. « La Russie se prépare, elle déploie sa force et ses moyens militaires en vue d’une guerre contre la Turquie », écrit Pavel Felguengaeur, spécialiste militaire russe, dans l’hebdomadaire Novoe Vremia du 12 février 2016. Le président russe Vladimir Poutine rêve d’entraîner son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, dans le conflit syrien pour mieux le déstabiliser. Le tsar et le sultan sont à couteaux tirés depuis la destruction par la chasse turque, le Zone d’influence Situation le 15 février 2016 Armée loyaliste Forces kurdes Forces rebelles Bombardements turcs Organisation Etat islamique Front Al-Nosra TURQUIE Djarabulus Kobané Bab Al-Salama Mer Méditer. Province d’Hatay Afrin Azaz Tal Abyad Minnigh Alep Rakka Idlib SYRIE 50 km SOURCE : ISW 24 novembre, d’un bombardier russe qui avait pénétré dans l’espace aérien de la Turquie. « Les Turcs vont regretter ce qu’ils ont fait. Nous n’allons pas nous contenter d’interdire leurs tomates », avait menacé le maître du Kremlin le 2 décembre après l’an- nonce d’un embargo sur les produits agricoles turcs. L’escalade semble inévitable, la Turquie ayant fait savoir samedi qu’elle envisageait de lancer une opération terrestre en Syrie, aux côtés de l’Arabie saoudite. « Dans le cadre d’une stratégie contre La Russie impose ses vues à des Occidentaux réduits à l’impuissance suite de la première page En quittant la capitale bavaroise, les par ticipants étaient quasiment unanimes à prédire une aggravation inexorable de la situation en Syrie, théâtre de toutes les rivalités régionales et du nouvel affrontement est-ouest. Le « film » auquel fait référence John McCain fait en effet apparaître Alep comme un sinistre remake de Debaltsevo, ville de l’est de l’Ukraine et position stratégique tenue par l’armée ukrainienne que les forces séparatistes, appuyées par la Russie, avaient encerclée il y a exactement un an. Tandis que les chefs d’Etat et de gouvernement allemand, français, russe et ukrainien négociaient un accord de cessez-le-feu à Minsk, un déluge d’artillerie s’abattait sur la ville, qui finit par tomber. A Minsk, le président Poutine ne cachait pas sa satisfaction : les accords conclus consacraient en bonne partie l’avantage gagné sur le terrain par les forces prorusses. Et comme le constatait dimanche le secré- taire général de l’OSCE, Lamberto Zannier, dans un entretien au Monde, même ces accords-là ne sont pas respectés. C’est une tactique que certains experts voient à l’œuvre depuis la crise géorgienne de 2008 : intensifier l’offensive militaire sur le terrain en pleine négociation pour obtenir un meilleur « deal ». John McCain appelle ça « la diplomatie au service de l’agression militaire ». « Et ça marche, dit-il, parce qu’on laisse faire. » Là aussi, le président de la commission des affaires militaires du Sénat américain met le doigt où ça fait mal : à Munich, Américains et Européens ont paru impuissants à contrer la stratégie de Moscou qui, en quelques mois, a vu la Russie rompre l’isolement diplomatique dans lequel la crise ukrainienne l’avait cantonnée, puis s’imposer comme acteur incontournable dans la recherche d’une solution au Proche-Orient, entrer ensuite en guerre en Syrie, pour devenir finalement maîtresse du jeu dans ce conflit qui ébranle l’Europe. Mis devant le fait accompli, découvrant presque surpris que l’Etat islamique, la Turquie et l’Arabie saoudite pourraient envisager une opération au sol », a déclaré le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu. Son homologue saoudien, Adel Al-Jubeir, a confirmé le même jour que son pays pourrait envoyer des « forces spéciales » en Syrie. Riyad a déployé des avions de combat sur la base turque d’Incirlik, dans le cadre des opérations aériennes menées par la coalition contre l’EI en Syrie. les forces russes n’ont fait que sauver le régime du président Bachar Al-Assad alors qu’elles étaient supposées combattre l’organisation Etat islamique (EI), les Occidentaux en ont été réduits à des mises en demeure indignées, assorties de remontrances et de récriminations. Absence de leadership américain Mais les démentis froidement assénés par le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, à ses interlocuteurs qui demandaient l’arrêt des bombardements russes sur les civils en Syrie – « il n’y a aucune preuve permettant d’affirmer que nous bombardons des civils, c’est faux » –, la mauvaise humeur de Sergueï Lavrov accusant le Pentagone et le département d’Etat de double langage, la diatribe de l’ambassadeur russe à l’OTAN, Alexandre Grouchko, contre l’intensification du dispositif militaire de l’Alliance en Europe, tout cela a fait l’effet d’une douche glaciale. Très seul dans ce concert à tenter une note d’optimisme, John Kerry a fait figure de boy-scout en assurant les Euro- péens qu’ils parviendraient à surmonter cette « menace quasi existentielle pour le tissu politique et social de l’Europe » et pouvaient compter pour cela sur la solidarité américaine. Or c’est précisément l’absence de leadership américain qui est désigné comme l’un des facteurs majeurs du malaise actuel, de même que la désunion des Européens, totalement désemparés face à la crise des réfugiés. L’appel du président Obama à Vladimir Poutine, dimanche soir, pour lui demander lui aussi de cesser de bombarder l’opposition syrienne, n’a pas dissipé ce malaise. Plusieurs Européens assurent qu’à long terme, la Russie ne sortira pas gagnante de cette stratégie de reconquête. « Le Donbass est un échec et sera un fardeau pour la Russie », dit l’ancien premier ministre suédois Carl Bildt. « La Russie paiera cher » sa politique en Syrie, « elle sera le paria du Moyen-Orient », affirme le ministre britannique de la défense, Michael Fallon. En attendant, c’est elle qui impose ses termes, au mépris du coût humain. p sylvie kauffmann Zones de non-droit Une intervention turco-saoudienne paraît d’autant plus aventureuse que la Russie domine les airs sans partage. Depuis l’incident du 24 novembre 2015, Moscou a déployé ses systèmes de défense antiaérien S-400 dans le nord de la Syrie, précisément à l’endroit où la Turquie voulait créer sa zone de sécurité. Depuis, pas un avion turc ne se risque à survoler l’endroit. De plus, une intervention turco-saoudienne paraît difficilement réalisable sans l’aval de Washington. Elle mettrait la Turquie en délicatesse avec l’OTAN, dont elle est membre. Ankara, devenu agresseur, ne pourrait invoquer l’article 5, qui assure l’assistance mutuelle au cas où l’un de ses membres est agressé. Washington et Paris ont exhorté dimanche Ankara à cesser ses tirs vers la Syrie. L’autre risque d’une telle intervention est de voir le territoire turc déstabilisé. La Syrie n’a jamais reconnu le rattachement de la province du Hatay à la Turquie en 1939. Sans envisager une opération militaire d’ampleur, Damas et Moscou n’auraient aucun mal à déstabiliser le Hatay, d’ores et déjà submergé par les réfugiés et les combattants en déroute. Transformer la région en un nouveau Donbass est à la portée de Moscou qui excelle à la fabrication de « trous noirs », ces zones de non-droit apparues en Ukraine, en Géorgie (Abkhazie, Ossétie du Sud) et en Moldavie (Transnistrie). p marie jégo 809&22& %&5*(!57: )<(7;75& *")&"(#!%$ '' 3 " J @ J 6 J @,7 J 6'8 J ('40 3 B 46 /K8D6,+A' AK"'?(' (' A),2D,6D=? A, ;8'@DE8' C<1&<,76'8 $46 ,(=;6K' ;,8 A'7 ;DA=6'7 (' AD"?' *=@@' *!8=?=@E68' (' +=8(: +6 <=?68' D*=?D94' ,$$ D*!,?6 ('40 $47',40 !=8,D8'7 "8I*' H 4?' ,D"4DAA' -# !'48'7 '? $=8@' (' $ AE*!' '6 4?' A4?'66' 6=48?,?6' "8,(4K': .6 >, ;8'@DE8' 5=A'0 @4?D' ()4?' 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Ils ne s’attendaient donc pas à ce que le premier ministre en profite pour, selon ses termes, « faire passer un message d’efficacité et de fermeté : l’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés ». Dès vendredi soir, il avait même ironisé devant les journalistes : « Il y a quelques mois, les médias français demandaient : “Où est la Merkel française ?’’ ou voulaient donner le prix Nobel à la chancelière. Aujourd’hui, je constate les résultats… » « Vous imaginez un ministre allemand critiquant en France la politique de François Hollande ? », faisait mine de s’interroger, dimanche, un diplomate allemand. Sur le fond, les propos du premier ministre n’ont pas surpris. Les Allemands savent que la France ne veut pas accueillir plus de réfugiés. Mais la forme est jugée inconvenante par l’entourage d’Angela Merkel. Les responsables allemands prennent d’autant plus mal les déclarations du premier ministre qu’eux-mêmes s’abstiennent de commenter la situation économique de la France qui, pourtant, les inquiète. De plus, ils jugent qu’avec 30 000 réfugiés qui devraient théoriquement être accueillis par Paris, la « grande nation », comme ils disent ironiquement, fait le strict minimum. Surtout, Angela Merkel et ceux qui la soutiennent (notamment les sociaux-démocrates et les Verts) estiment avoir non pas provoqué une crise en ouvrant la porte aux réfugiés début septembre 2015, mais au contraire avoir permis d’éviter une crise humanitaire majeure en Europe. Les propos de Manuel Valls sont jugés d’autant plus inamicaux qu’ils précèdent de peu la rencontre, ce lundi 15 février à Prague, des dirigeants du groupe de Visegrad (République tchèque, Pologne, Hongrie, Slovaquie), auxquels devaient se joindre les présidents macédonien et bulgare. Un véritable front anti-Merkel est en train de se constituer à l’Est, autour du premier ministre hongrois Viktor Orban. Non seulement ces pays refusent d’accueillir des réfugiés, La chancelière allemande, Angela Merkel, à Berlin, le 12 février. FABRIZIO BENSCH/REUTERS mais ils devraient, lundi, annoncer des mesures pour aider la Macédoine, non membre de l’Union européenne, à fermer sa frontière avec la Grèce. Discorde sur un projet de gazoduc Rarement, le fossé entre l’Allemagne et ces pays, qui ont longtemps figuré parmi ses principaux soutiens en Europe, n’a été aussi profond. Preuve que les canaux habituels de communications sont insuffisants : les deux poids lourds sociaux-démocrates du gouvernement allemand, Sigmar Gabriel (président du SPD et vice-chancelier) et Frank-Walter Steinmeier (affaires étrangères), viennent d’envoyer une lettre aux dirigeants sociaux-démocrates européens qui est en réalité, de l’aveu même de leur entourage, une réponse au groupe de Visegrad. « L’exclusion formelle d’un Etat Un véritable front anti-Merkel est en train de se constituer à l’Est, autour du premier ministre hongrois membre de l’espace Schengen ou son exclusion de fait sont des fausses solutions qui empoisonnent les débats européens », écrivent-ils. Pour le moment, Angela Merkel ne semble pas vouloir changer de politique. Vendredi 12 février, profitant d’un débat à Hambourg auquel participait également David Cameron, le premier ministre britannique, la chancelière a eu cette remarque qui en dit long sur sa détermination. Il y a des gens « qui disent qu’il y avait une vie avant Schengen. Oui, il y avait aussi une vie avant l’unité allemande. Et les frontières étaient encore mieux protégées ». C’est dans ce contexte particulièrement tendu qu’un second sujet majeur de discorde vient d’éclater entre Berlin et plusieurs pays d’Europe centrale : le projet de construction d’un second gazoduc entre la Russie et l’Allemagne, Northstream II, qui viendrait compléter Northstream I, mis en service en 2012. Samedi 13 février, Andrzej Duda, le président polonais, a été on ne peut plus clair devant la conférence de Munich sur la sécurité : « Nous étions contre Northstream I et maintenant, nous sommes contre Northstream II. Ils sont contre les intérêts de la Pologne, de l’Ukraine et de la Slovaquie. » Pour les opposants à ce projet, ces gazoducs ont l’inconvénient de renforcer la dépendance de l’Union européenne au gaz russe et de réduire les recettes fiscales de l’Ukraine et de la Slovaquie par où transite actuellement une partie du gaz russe. Pour Angela Merkel, ce projet est « avant tout économique ». Une thèse qui fait sourire, puisque les principaux parrains de Northstream sont Vladimir Poutine, le président russe, et l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, devenu président du conseil de surveillance de la société qui exploite le gazoduc. En privé, certains diplomates allemands reconnaissent que les arguments anti-Northstream ne sont pas infondés. « Que la Pologne prenne 100 000 réfugiés, et on y renoncera peut-être », ironise l’un d’eux. p frédéric lemaître En Hongrie, la colère des enseignants contre Orban ne faiblit pas La mainmise du pouvoir nationaliste sur l’éducation est désormais contestée au cœur de l’électorat du premier ministre vienne - correspondance L es professeurs vont-ils faire à leur tour plier Viktor Orban ? En octobre 2014, sous la pression de la rue, le premier ministre conservateur avait déjà annoncé le retrait sine die de son projet de taxe Internet, considéré par beaucoup de Hongrois comme un danger pour les libertés publiques. Environ 10 000 personnes ont manifesté à nouveau malgré une forte pluie, samedi 13 février, devant le Parlement à Budapest, formant l’un des plus importants cortèges depuis l’arrivée au pouvoir il y a six ans du parti Fidesz. « Orban, va-t-en ! », scandaient même les marcheurs. Cette fois, ils dénonçaient les conséquences de la prise de contrôle de l’enseignement par l’Etat, depuis des réformes centralisatrices adoptées en 2013. Ils soupçonnent le gouvernement de vouloir priver petit à petit de leurs moyens les établissements publics pour renforcer les écoles gérées, aux frais de l’Etat, par les églises. Programmes surchargés Les manifestations sont assez rares en Hongrie, et le mouvement émane des classes moyennes, d’ordinaire acquises à la cause de Viktor Orban. Ce dernier a tenté de réduire la grogne en limogeant la secrétaire d’Etat à l’éducation, Judit Czunyiné Bertalan. Son successeur, Laszlo Palkovics, sera chargé de conduire des négociations avec les acteurs de l’éducation publique. Le gouvernement a également réagi en organisant la tenue de tables rondes. venant de choc Mais la crise est profonde, et Viktor Orban semble ne l’avoir pas vue venir. Elle est partie de Miskolc, une grande ville industrielle à 180 km au nord-est de la capitale. Le 3 février, 5 000 personnes ont répondu à un premier appel à manifester du syndicat d’enseignants du lycée Hermann-Otto, un établissement public de quelque 800 élèves, devenu l’épicentre du mouvement de contestation. Les professeurs s’opposent en particulier à un organisme public créé il y a trois ans avec des fonds européens, et auquel sont désormais rattachés les milliers d’établissements scolaires publics du pays, auparavant dépendants des municipalités. Baptisé KLIK (Centre Klebelsberg pour la gestion institutionnelle), il assure la « verticale du pouvoir » dans l’enseignement. Les manifestants l’accusent d’avoir retiré toute autonomie aux équipes pédagogiques, de surcharger les programmes et de contrôler abusivement l’ensemble du réseau. « Maintenant, les élèves ont environ trente-six heures de cours par semaine et doivent travailler le soir en rentrant à la maison, déplore Oliver Pilz, professeur de physique, rencontré à Miskolc. On ne leur laisse pas le temps d’être des enfants. » Les professeurs doivent aussi s’évaluer les uns les autres au sein d’une même école, puis transmettre leurs rapports au KLIK. On ignore l’usage fait des textes, mais la généralisation de cette pratique aurait sensiblement dégradé le climat dans les établisse- ments. Au mois de novembre 2015, le lycée Hermann-Otto avait déjà envoyé une lettre de doléances aux autorités. « Dérive autiste » Restée sans réponse, elle a été rendue publique début janvier. Depuis, plus de 700 écoles ont rejoint le mouvement. « Beaucoup de parents d’élèves, pourtant électeurs du Fidesz, ont été indignés par le silence du gouvernement, car ce lycée est très réputé, souffle un manifestant de Miskolc souhaitant conserver l’anonymat. Le fait que le Fidesz ait obtenu par deux fois les deux tiers des sièges au Parlement a renforcé son arrogance. Ses élus sont trop sûrs d’eux, désormais. Et cette fronde des enseignants est le symptôme de leur dérive autiste. Ils n’ont nicolas demorand le 18/20 mond 15 un jour dans le monde 18:15 19:20 le téléphone sonne plus aucun retour sur l’état réel du pays. A présent, ils sont contestés au cœur même de leur électorat. » Reconduite au pouvoir en 2014, la majorité du parti Fidesz est toujours créditée de la première place dans les récents sondages d’opinion, notamment grâce à la position intransigeante de Viktor Orban sur la crise des migrants. Elle semble néanmoins rattrapée par un certain malaise social. « La destruction de l’école est un symbole de ce qui se passe à l’échelle de notre pays, s’insurge Zita Deak, employée d’un service social dans un village proche de Miskolc. Je travaille depuis six ans et je touche toujours moins d’argent. Je manifeste donc pour soutenir les professeurs, mais aussi pour m’opposer au gouvernement. » p blaise gauquelin avec les chroniques d’Arnaud Leparmentier et d’Alain Frachon dans un jour dans le monde de 18 :15 à 19 :00 international | 5 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Bataille politique pour un siège à la Cour suprême Les républicains refusent que M. Obama désigne un successeur au très conservateur juge Scalia, mort le 13 février LE PROFIL suite de la première page La nomination par le président démocrate Barack Obama d’un successeur au juge Scalia pourrait théoriquement leur faire perdre cette majorité. Cet enjeu est rendu encore plus crucial par la neutrali sation des pouvoirs exécutif et législatif (la présidence démo crate face à un Congrès républicain), qui donne de fait à la Cour un plus grand rôle d’arbitrage. Il explique la vivacité de la réaction des républicains. Ces derniers n’ont guère laissé de place au recueillement, tentant de dissuader préventivement M. Obama d’exercer ses pouvoirs constitutionnels en nommant un successeur au juge nommé à vie par Ronald Reagan en 1986. « Le peuple américain doit avoir son mot à dire dans le choix du prochain juge de la Cour suprême. Cette vacance ne doit pas être remplie avant que nous ayons un nouveau président », a ainsi immédiatement jugé Mitch McConnell, le chef de la majorité républicaine du Sénat. Maître de l’ordre du jour, le sénateur du Kentucky dispose d’un poids déterminant dans la procédure de désignation puisque le choix du président doit être ensuite validé par les sénateurs. Il a été appuyé par le président de la commission des affaires judiciaires, Chuck Grassley, élu de l’Iowa. L’extrême sensibilité du sujet est encore accentuée par la campagne des primaires pour l’élection présidentielle du 8 novembre. Depuis des mois, le sénateur du Texas Ted Cruz dramatise l’enjeu de cette élection en faisant valoir que le prochain président aura la possibilité de modifier durablement les contours de la Cour suprême. Avant sa mort, Antonin Scalia comptait parmi les trois juges âgés de plus de 79 ans, avec Anthony Kennedy, également nommé par Ronald Reagan, et Ruth Bader Ginsburg, choisie par le démocrate Bill Clinton. Même s’ils sont nommés à vie, les arbitres suprêmes se retirent généralement volontairement, en moyenne aux alentours de 78 ans. « Le juge Scalia était un héros américain. Nous lui devons, ainsi qu’à la nation, que le Sénat fasse en sorte que le prochain président nomme son successeur », avait Antonin Scalia Né le 11 mars 1936 dans le New Jersey, Antonin Scalia a grandi dans une famille d’émigrés italiens. Après de brillantes études de droit à Harvard, ce catholique fervent, père de neuf enfants, a travaillé au sein de plusieurs administrations républicaines avant d’être nommé par le président Ronald Reagan, en 1982, juge à la cour d’appel du district de Columbia, puis en 1986 à la Cour suprême. Il y défendait une conception « originaliste » des textes fondamentaux qui limite au maximum leur interprétation. Devant le siège de la Cour suprême, samedi 13 février, à Washington. DREW ANGERER/AFP réagi M. Cruz, immédiatement après l’annonce du décès. Dimanche, le sénateur a renchéri en assurant que les républicains devaient transformer l’élection présidentielle en « référendum sur la Cour suprême ». Un autre sénateur, Marco Rubio, élu de Floride, a emboîté le pas à son rival du Texas. Les deux élus ont fait valoir une coutume qui interdirait une nomination en année électorale. Le choix du juge Kennedy avait pourtant été validé par le Sénat en 1988, quelques mois seulement avant l’élection à la Maison Blanche du vice-président George « Le peuple américain doit avoir son mot à dire dans le choix du prochain juge de la Cour » MITCH MCCONNELL sénateur républicain Bush. Quant à l’actuel favori de la course à l’investiture républicaine, Donald Trump, il a fixé sa ligne de conduite à M. McConnell lors du débat opposant les prétendants du Grand Old Party en Caroline du Sud, samedi soir : « retarder, retarder, retarder ». Deux autres candidats républicains, l’ancien gouverneur de Floride Jeb Bush et le gouverneur de l’Ohio John Kasich, n’ont pas paru convaincus par cet appel à l’obstruction. M. Obama, qui a fait part de son intention de nommer un successeur au cours d’une intervention publique, samedi en fin de journée, a précisé, dimanche, qu’il attendrait le retour en session du Sénat, le 22 février, pour se prononcer. Le choix du blocage n’est pas sans risque. Il implique en effet que la Cour suprême soit dépourvue de majorité et donc condamnée à l’impuissance au moins jusqu’à la prise de fonction de la personne élue le 8 novembre et le bouclage d’une procédure de validation qui dure généralement un peu plus de trois mois. Or de nombreux dossiers sont déjà en attente, concernant des sujets aussi divers que le rôle des syndicats, la légitimité de la discrimination positive, des restrictions éventuelles à l’avortement, ou encore la légalité de décrets présidentiels concernant la régularisation temporaire de millions de sans-papiers. Le choix du blocage implique que la Cour soit dépourvue de majorité et donc condamnée à l’impuissance Une nomination stratégique Pour compliquer encore l’affaire, le 8 novembre sera également marqué par un renouvellement partiel du Sénat qui pourrait tourner à l’avantage du Parti démocrate. Ce dernier compte en effet ravir plusieurs sièges républicains dans des Etats « bleus ». Les démocrates, qui comptent relativement moins de sortants cette année, n’ont besoin que de cinq sièges pour reprendre le contrôle du Sénat, même s’il leur faudra par la suite une majorité qualifiée pour écarter tout enlisement procédural. Parmi les noms avancés par la presse américaine pour succéder à Antonin Scalia reviennent avec insistance ceux de juges de cours d’appel fédérales déjà validés par le passé par le Sénat. Aucune voix républicaine ne s’était opposée à deux d’entre eux, en 2013. C’est d’ailleurs la piste qu’a esquissée un membre éminent de la minorité démocrate, le sénateur de New York Chuck Schumer. « Une fois que le président aura choisi un candidat “mainstream”, je vois mal les sénateurs républicains “mainstream” suivre Mitch McConnell. Si vous dites immédiatement : “peu m’importe qui va être nommé, je vais m’y opposer”, ça ne peut pas marcher », a-t-il estimé. Le deuxième débat entre prétendants à l’investiture républi- caine, en septembre 2015, avait déjà montré l’extrême sensibilité du sujet. Au cours de ce débat, le président de la Cour suprême, John Roberts, nommé par George W. Bush, avait été quasiment accusé de trahison pour n’avoir pas invalidé l’Obamacare, la réforme de la santé voulue par le président et sur laquelle les juges s’étaient prononcés à deux reprises. Les candidats républicains les plus radicaux, M. Cruz mais aussi M. Rubio, ne font pas mystère de leur volonté de nommer des juges chargés de défendre les valeurs qui sont les leurs. De son côté, le candidat à l’investiture démocrate Bernie Sanders assure que s’il était élu président, il conditionnerait toute nomination à l’engagement par la personne concernée de remettre en cause l’arrêt Citizens United v. Federal Election Commission. Cette décision a permis la suppression des plafonds pour le financement des campagnes électorales. Autant de promesses de mise au pas du pouvoir judiciaire. p gilles paris En Espagne, le Parti populaire miné par les scandales de corruption Plusieurs voix au sein de la droite demandent la démission de Mariano Rajoy, incapable de former une coalition de gouvernement madrid - correspondance L a corruption est en train de tous nous tuer », a déclaré la présidente du Parti populaire (PP, droite) de la région de Madrid, Esperanza Aguirre, dimanche 14 février, avant d’annoncer sa démission. Trois jours plus tôt, le 11 janvier, les policiers étaient entrés avec un mandat de perquisition au siège du PP, afin de fouiller les bureaux de l’ancien gérant de la formation à Madrid, Beltran Gutierrez. La police enquête sur de possibles commissions illégales prélevées sur des contrats publics, qui auraient pu servir à enrichir des cadres du PP, mais aussi à financer illégalement la formation politique. Esperanza Aguirre se déclare innocente, mais affirme avoir pris cette décision « par responsabilité politique (…), parce que j’aurais dû mieux contrôler », a-t-elle expli- qué. Une façon d’inviter d’autres responsables politiques de son parti à faire de même. Lorsque des journalistes lui ont demandé si elle voulait, en démissionnant, montrer l’exemple au président du PP, Mariano Rajoy, dont elle est l’une des principales ennemies en interne, Esperanza Aguirre lui a indirectement montré la porte de sortie : « Ce n’est pas le moment des personnalisations, mais des sacrifices et des concessions. » « Epurer » le PP L’idée que Mariano Rajoy doit céder sa place pour permettre au parti de se remettre en selle gagne du chemin. De plus en plus isolé, Mariano Rajoy a été incapable de trouver au sein du nouveau Parlement élu le 20 décembre 2015 les soutiens nécessaires à son investiture comme chef du gouvernement. Parce qu’aucun parti ne souhaite s’afficher à ses côtés, il a dû céder la tâche de tenter de former un gouvernement au socialiste Pedro Sanchez, arrivé en deuxième position avec 21,2 % des voix, sept points et 1,7 million d’électeurs de moins que le PP. Le chef du jeune parti libéral Ciudadanos, Albert Rivera, qui plaide pourtant en faveur d’une grande coalition avec les conservateurs et les socialistes, a luimême évoqué le manque « de crédibilité » de M. Rajoy pour « mener la lutte contre la corruption ». Quant au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), il a été clair : « Si quelqu’un pense qu’en faisant pression sur le PSOE, il va obtenir qu’il soutienne le parti le plus corrompu d’Espagne pour qu’il continue à gouverner, il se trompe », a indiqué fin janvier Oscar Lopez, le porte-parole socialiste au Sénat. La corruption est la deuxième préoccupation des Espagnols qui assistent, atterrés, au ballet des mises en examen, avec le sentiment amer que les responsables politiques se sont consacrés durant des années à piller les caisses publiques. Un constat que dresse même le vice-secrétaire du PP, Javier Maroto, l’une des jeunes recrues choisies en 2015 pour redorer le blason et « régénérer » la formation, et qui s’est dit vendredi fatigué « de voir qu’il y a eu une génération de politiques qui Il est de plus en plus difficile au Parti populaire de se retrancher derrière l’idée que les scandales sont le fait de brebis galeuses ont toléré des choses absolument intolérables et insoutenables ». Avec d’autres jeunes dirigeants du parti, il a appelé à « épurer et nettoyer » le PP. Situation insoutenable Si d’autres formations politiques sont elles aussi touchées par les affaires, la situation du PP est devenue insoutenable. Il lui est de plus en plus difficile de se retrancher derrière l’idée que les scandales sont le fait de quelques brebis galeuses, étant donné la multiplication des affaires qui indiquent un possible financement illégal du parti. A Valence, selon plusieurs « repentis », la direction locale du PP aurait demandé à ses élus de verser 1 000 euros sur le compte du parti, remboursés ensuite avec des billets de 500 euros d’origine inconnue. La mise en examen pour blanchiment de la quasi-totalité des conseillers municipaux du PP de la ville de Valence a contraint le parti à dissoudre, fin janvier, la direction locale et à nommer un administrateur provisoire. Quant à la direction nationale, elle n’est pas à l’abri des scandales. Le PP a été mis en examen en janvier pour avoir détruit en 2013, avant une perquisition judiciaire, les disques durs de l’ordinateur de son ancien trésorier Luis Barcenas. Ce dernier, mis en examen pour corruption et blanchiment depuis 2009, affirme qu’il tenait une comptabilité parallèle du parti, laquelle aurait été alimentée par les pots-de-vin d’entreprises favorisées. Vendredi 12 février, devant le juge, le responsable juridique du parti a refusé de répondre aux questions et s’est contenté de lire un texte assurant que l’ordinateur ne contenait aucune information. p sandrine morel 6 | international 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 A Hongkong, une émeute très politique Pékin dénonce des mouvements « séparatistes enclins au terrorisme » après les violences du Nouvel An chinois hongkong - correspondance U ne semaine après les pires scènes de chaos qu’ait connues l’ancienne colonie britannique depuis la rétrocession en 1997, et plus d’un an après la fin de la longue occupation citoyenne de certains quartiers de la ville lors du « mouvement des parapluies », Hongkong s’interroge sur la montée d’une mouvance politique dite « localiste », dénoncée par Pékin comme « séparatiste » et « encline au terrorisme ». Les localistes sont partisans de la défense des spécificités hongkongaises face à la menace de « continentalisation » de la Région administrative spéciale, qui, juridiquement bénéficie d’un statut particulier jusqu’en 2047. Ils sont plus ou moins ouvertement « anti-chinois » et exploitent les frustrations des classes moyennes appauvries de Hongkong. Mais jusqu’à présent, ils ne prônaient pas d’action violente. Pourtant, au petit matin de mardi 9 février, l’échauffourée qui aurait dû rester une bagarre de rue a dégénéré en affrontements sanglants qui ont fait 124 blessés dont 90 policiers et 5 journalistes. Les dégâts matériels, exceptionnels pour Hongkong, sont restés limités : quelques vitrines, un pare-brise de taxi et du mobilier urbain brûlé ou saccagé. Pékin pour sa part a haussé le ton, vendredi 12 février, dénon- çant « une émeute complotée essentiellement par une organisation locale, radicale séparatiste ». Dimanche, Zhang Xiaoming, le directeur du Bureau de liaison à Hongkong, le représentant de Pékin dans l’ancienne colonie britannique, a qualifié de « séparatistes radicaux enclins au terrorisme », les « voyous qui ont participé aux émeutes ». C’est la première fois que la Chine utilise le terme « séparatiste » pour Hongkong, le même mot que celui utilisé pour les séparatistes du Xinjiang et du Tibet, ce qui laisse présager une ligne dure à l’égard de ces comportements. Identité menacée L’émeute n’avait pourtant pas un caractère spécifiquement « anti-chinois ». Elle a démarré alors qu’un groupe de manifestants qui avaient participé plus tôt à une marche de « Hong Kong Indigenous » a voulu prendre la défense de vendeurs ambulants qui allaient être contrôlés par une équipe d’inspection. S’en prendre à eux, c’est donc toucher à l’identité hongkongaise, que les localistes estiment menacée, au même titre que la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté académique ou l’autonomie de la justice. Au moins six organisations se revendiquent désormais de cette mouvance, dont l’une prône ouvertement l’autonomie de Hongkong et son retour au sein du Commonwealth. Plu- SIU FAN Le terme désigne les gargotes ambulantes qui proposent des snacks locaux typiques de la tradition culinaire cantonaise, à Hongkong. Beaucoup ne disposent pas de la licence requise, et leur niveau d’hygiène passe rarement les critères officiels, mais elles sont très populaires, notamment pendant les jours de fête. Pour les « localistes », qui craignent l’influence croissante de Pékin sur l’ancienne colonie britannique, ces petits métiers de rue sont partie intégrante du patrimoine culturel de Hongkong, au même titre que l’usage du cantonais ou que la présence des ramasseurs de carton au beau milieu du trafic de la ville. A la sortie du tribunal de Hongkong, le 11 février, après le procès de participants aux émeutes du mardi 9 février. VINCENT YU/AP sieurs de ces jeunes partis ont gagné des sièges aux élections locales de 2015. Violences policières De manière plus générale, ces groupes se nourrissent de la colère contre le chef de l’exécutif, C. Y Leung à qui l’on reproche de promouvoir les intérêts de Pékin à Hongkong. « La question des vendeurs ambulants n’est en rien nouvelle. Mais toutes les questions soulevées par le mouvement des parapluies sont restées en suspens. Si le gouvernement continue d’ignorer les racines de ce malaise, les groupes qui préconisent une action violente vont se populariser car les Hongkongais ne voient « Les groupes qui préconisent une action violente vont se populariser car les Hongkongais ne voient pas de solutions » STEPHEN CHAN CHING-KIU professeur à l'université Lingnan David Headley, instigateur des attentats de Bombay, reconnaît l’implication du Pakistan L’Américano-Pakistanais témoignait par vidéoconférence devant un tribunal spécial new delhi - correspondance L’ un des instigateurs des attaques de Bombay, qui ont fait 166 morts en novembre 2008, a reconnu devant un tribunal spécial indien, sept ans plus tard, la complicité des services de renseignement de l’armée pakistanaise (ISI). David Headley a comparu pendant cinq jours, la semaine dernière, en vidéoconférence depuis les Etats-Unis où il purge une peine de trente-cinq ans de prison. Il a accepté de témoigner contre la promesse faite par la justice indienne de le gracier. Ce détenteur de la double nationalité pakistanaise et américaine a expliqué avoir rejoint pour la première fois, en 2002, des camps d’entraînement au Pakistan du Lashkar-e-Taiba (LeT), le groupe djihadiste instigateur des attaques de Bombay, dont il se dit « fidèle », pour y apprendre le maniement des armes. Il souhaite alors partir pour le Cachemire, « combattre l’ennemi indien ». Mais les responsables du groupe djihadiste préfèrent lui assigner une autre tâche, qu’il est l’un des rares à pouvoir accomplir grâce à sa double nationalité. En 2006, celui qui se prénommait Dawood Gilani demande un passeport américain où il apparaît sous son nom actuel, pour « pénétrer plus facilement en territoire indien ». David Headley s’y rend à sept reprises pour prendre des vidéos de plusieurs sites, dont des installations militaires indiennes. Parmi toutes les cibles envisagées, ce sont finalement deux hôtels de luxe, un café touristique, une gare très fréquentée et un centre communautaire juif de Bombay qui seront retenus. Quelques semaines avant les attaques de novembre 2008, l’embarcation des dix assaillants se heurte à des rochers au large des côtes pakistanaises. Les attaques auront finalement lieu après deux tentatives. Entre deux repérages, David Headley dit avoir rencontré deux responsables des services de renseignement de l’armée pakistanaise auxquels il remet photos et plans détaillés. Il retournera même à New Delhi en mars 2009, quelques mois après les attaques de Bombay, pour en préparer d’autres, avant d’être arrêté aux Etats-Unis la même année. La plupart de ces informations étaient déjà connues du FBI et des enquêteurs des services de renseignement indiens qui s’étaient rendus aux Etats-Unis pour interroger David Headley. Mais elles sont pour la première fois entendues devant un juge indien, dans le cadre du procès d’un autre complice des attaques de Bombay, Sayed Zabiuddin Ansari, également appelé Abu Jundal. Ce témoignage de l’intérieur lève à nouveau le voile sur la complicité entre l’armée pakistanaise et les organisations terroristes djihadistes. « Etat terroriste » New Delhi entend bien mettre à profit ces aveux pour poursuivre sa stratégie de « naming and shaming » (« dénoncer et blâmer »), formulée par le ministre indien des affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, et accroître ainsi la pression internationale sur Islamabad. Le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), demande même que le Pakistan soit déclaré « Etat terroriste » et que des sanctions internationales lui soient imposées au prétexte qu’il n’existe dans le pays « aucune organisation terroriste indépendante de l’Etat ». Le rapprochement opéré ces derniers mois par le premier ministre indien, Narendra Modi, avec les pays du Golfe et l’Arabie saoudite lui a également permis d’obtenir la promesse que tous les fonds finançant les organisations djihadistes au Pakistan soient gelés. L’étau se resserre donc sur Islamabad. Quelques jours après l’attaque terroriste de la base aérienne militaire indienne de Pathankot, en janvier, le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif a accepté de coopérer avec l’Inde, rompant avec la position habituelle de déni. Sa marge de manœuvre reste toutefois limitée. « L’appareil militaire, plutôt que le gouvernement civil, continue de contrôler avec fermeté la politique étrangère du Pakistan, notamment en Afghanistan et en Inde », note le cabinet d’analyse politique Oxford Analytica. A deux ans des élections, M. Sharif ne veut surtout pas se mettre à dos l‘armée pakistanaise. Les cerveaux des attaques de Bombay sont donc toujours en liberté au Pakistan. Zaki-ur-Rehman Lakhvi, l’un des commandants du LeT, a été libéré sous caution par la justice pakistanaise en 2014, provoquant la fureur de New Delhi. Hafiz Muhammad Saeed, le fondateur du groupe djihadiste, vit à Lahore, libre de ses mouvements, malgré la récompense de dix millions de dollars (huit millions d’euros) promise par les Etats-Unis pour toute information conduisant à son arrestation. p julien bouissou pas de solutions », analyse le professeur Stephen Chan Ching-kiu, de l’Université Lingnan. « Quand j’ai entendu à la télévision que la police avait tiré des coups de feu et pointé des armes vers la foule, j’y suis immédiatement allé car c’est totalement inacceptable », explique Yeung Tat Wong, leader de Civic Passion, une des organisations de la mouvance localiste. D’après lui, c’est ce geste de la police, les deux coups de feu de sommation tirés en l’air, qui a tout fait basculer. L’émeute de Mongkok a également porté un nouveau coup à la réputation de la police de Hongkong, accusée, par les uns, d’avoir abusé de sa force, comme le confirment certaines vidéos, et, par les autres, d’avoir été incapable de gérer une « bataille de rue ». Une quarantaine d’émeutiers accusés d’avoir participé aux heurts ont comparu devant la justice de la Région administrative spéciale de Chine. Ils risquent jusqu’à dix ans de prison pour « participation à une émeute ». Ils ont tous été libérés sous caution, en attendant l’audience renvoyée au 7 avril. Un certain nombre d’entre eux, blessés notamment à la tête à la suite de coups infligés par la police, selon leurs avocats, ont l’intention de porter plainte. p florence de changy 19 mois de prison pour Ehoud Olmert L’ancien premier ministre israélien, âgé de 70 ans, est entré lundi 15 février dans la prison de Ramla, au sud-est de Tel-Aviv, pour y purger une peine de 19 mois de prison pour corruption. Il devient ainsi le premier ancien chef de gouvernement israélien à se retrouver derrière les barreaux. M. Olmert, premier ministre de 2006 à 2009, doit passer 18 mois en prison pour des pots-de-vin touchés quand il était maire de Jérusalem, entre 1993 et 2003. A cette peine s’est ajouté la semaine passée un mois de prison pour entrave à la justice. – (AFP.) HAÏ T I Jocelerme Privert investi président intérimaire Le président du Sénat a été investi président par intérim d’Haïti dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 février. Au lendemain de son élection par le Parlement, Jocelerme Privert a appelé la classe politique à s’unir pour sortir de la crise qui paralyse le développement du pays. Il a pris officiellement dimanche la succession de Michel Martelly, pour une durée prévue de 120 jours, à cause du report du second tour de la présidentielle. Si cette élection atténue la crise, l’incertitude persiste quant à la possible tenue d’ici quatre mois des élections présidentielles et législatives partielles, reportées sine die en janvier suite aux contestations de l’opposition, qui accusait Michel Martelly de fomenter un « coup d’Etat électoral ». – (AFP.) R ÉPU BLI QU E C EN T RAF R I C AI N E Second tour de l’élection présidentielle dans le calme Le second tour de l’élection présidentielle, qui oppose Anicet Georges Dologuélé à Faustin Archange Touadéra, s’est déroulé dimanche 14 février sans incident majeur. Le premier tour des élections législatives était organisé conjointement après que la Cour constitutionnelle a annulé ses résultats en janvier suite à de « nombreuses irrégularités ». Le chef de la délégation d’observateurs de l’Union africaine a estimé dimanche que cette fois, « du point de vue de l’organisation, le pari a été gagné ». Les résultats officiels de cette élection destinée à tourner la page de trois années de violences ne devraient pas être connus avant plusieurs jours. – (AFP.) planète | 7 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Le Canada sanctuarise la plus grande forêt humide Plus de 3 millions d’hectares, le long du Pacifique, seront interdits de toute exploitation montréal - correspondance L a province de Colombie Britannique doit encore légiférer, au printemps, pour que l’accord histori que entre en vigueur. Mais sa si gnature, début février, met bien fin à vingt ans d’un dur conflit entourant l’exploitation forestière de la Great Bear Rainforest (forêt humide du Grand-Ours), deux fois plus grande que la Belgique. Avec 3,6 millions d’hectares, c’est la plus vaste forêt humide tempérée de la planète, s’étirant de l’Alaska au sud de la Colombie-Britannique et abritant des arbres millénaires et une riche biodiversité. Plus de 3 millions d’hectares seront désormais interdits de coupe, alors que 15 % des terres (550 000 hectares) pourront être exploitées en respectant les normes nord-américaines les plus strictes. Un nouveau plan d’aménagement « écosystémique » est adopté, sans coupe à blanc, avec préservation de rivages ou d’habitats de l’ours, dont l’ours kermode, qui se fait rare. Le cèdre rouge et l’if de l’ouest en sont aussi exclus et huit zones d’exploitation devront tenir compte de la biodiversité, du tourisme et de l’activité minière. « Guerre des bois » L’accord fait suite à une longue « guerre des bois » entamée il y a vingt ans, avec blocages de routes, boycottage international du bois de la région, écologistes enchaînés aux arbres de Clayoquot Sound, sur l’île de Vancouver, dont les images ont fait le tour du monde. Montré du doigt pour avoir comparé cette forêt à un « Brésil du Nord », Greenpeace était traité d’« ennemi de la Colombie-Britannique » par son ancien premier ministre Glen Clark, tandis que les groupes autochtones, comme les Haida Gwaii, s’alliaient aux écologistes. En 1993, une centaine de personnes furent arrêtées pour désobéis- sance civile, après avoir bloqué une route d’accès à Clayoquot. Il faudra attendre l’année 2000 pour que les groupes environnementaux et les compagnies forestières enterrent la hache de guerre, mettant fin au boycottage et aux coupes. L’année suivante, des pourparlers étaient engagés entre gouvernement provincial et représentants autochtones, mais c’est seulement en 2006 qu’un projet d’accord sur la protection de la Great Bear Rainforest voit le jour. Dix ans de discussions seront encore nécessaires pour aboutir à une entente formelle. Vingt-six nations autochtones de la région y sont parties prenantes, aux côtés du gouvernement de la Colombie-Britannique, de cinq compagnies forestières et trois groupes environnementaux (Greenpeace Canada, le Sierra Club BC et ForestEthics Solutions). Perry Bellegarde, président de l’Assemblée des premières nations, note que « l’accord montre à quoi ALASKA (EU) CANADA COLOMBIE BRITANNIQUE OCÉAN PACIFIQUE Great Bear Rainforest 500 km on peut arriver lorsque les Premières Nations sont traitées comme des partenaires à part entière ». Qualifiant la région de « joyau canadien », le premier ministre provincial, Christy Clark, juge que l’accord protège « une large zone de vieille forêt et de plus récente, tout en ouvrant des possibilités de développement économique et d’emplois ». La protection va au-delà de ce qui avait été négocié en 2006, 20 % de forêt en plus échappant à l’exploitation commerciale. « Passer du conflit à la collaboration est le meilleur moyen de trouver des solutions viables pour les forêts, les communautés, les peuples autochtones et l’industrie forestière », assure Nicolas Mainville, responsable de la campagne forêts chez Greenpeace Canada. Avec « l’un des plans d’aménagement forestier les plus solides de la planète » et « 640 000 tonnes d’émissions de carbone emprisonnées par an », Valérie Langer, de ForestEthics Solutions, croit que l’accord sur la forêt du Grand-Ours peut servir de modèle de protection des dernières grandes forêts : la forêt boréale du nord du Québec et de l’Ontario, celles du Brésil, de Nouvelle-Zélande, du Chili, du Brésil, du Congo, du Japon… Représentante des compagnies forestières, Karen Brandt estime, elle, que l’industrie subit un dommage collatéral : l’importance des coûts associés à quelque 8 000 conditions d’application de l’accord les pousse à renoncer à demander une certification FSC. Ce label Forest Stewardship Council permet de s’assurer que les produits forestiers sont conformes à des exigences telles que la bonne gestion forestière ou le bien-être des salariés et populations locales. De leur côté, les groupes autochtones du Canada espèrent que l’accord ouvrira la voie à un changement de ton dans les relations avec le gouvernement et le secteur privé. Il en va, selon eux, du respect des droits des Premières Nations sur leurs territoires traditionnels, mais aussi d’une participation constructive à des projets économiques. Mais rien ne leur est garanti pour l’avenir. A court terme, en revanche, ceux qui vivent sur le territoire de la forêt humide subiront un dommage collatéral : la chasse commerciale au grizzly y sera interdite, pour eux comme pour les chasseurs « blancs ». p anne pélouas Mobilisation à Bordeaux contre les pesticides Les associations dénoncent l’usage intense de produits chimiques dans les vignes « Les résistances des champignons se développent et seuls les vieux produits les plus dangereux restent efficaces » FORMULE INTÉGRALE 3 MOIS LE QUOTIDIEN ET SES SUPPLÉMENTS + M LE MAGAZINE DU MONDE + L’ACCÈS À L’ÉDITION ABONNÉS DU MONDE.FR 7 JOURS/7 DOMINIQUE TECHER viticulteur bio 69 Pour lui, la culture conventionnelle est arrivée à une impasse, à force de mécanisation à outrance et de traitements répétés. « Les résistances des champignons se développent et seuls les vieux produits les plus dangereux restent efficaces », estime-t-il. Un diagnostic inquiétant Une note technique sur la résistance des maladies de la vigne, cosignée par plusieurs organismes dont l’Institut national de la recherche agronomique et les chambres d’agriculture, dressait un diagnostic inquiétant en 2015 en concluant que plusieurs familles de substances chimiques avaient perdu toute efficacité dans la lutte contre le mildiou, l’oïdium et la pourriture grise. Continue-t-on d’épandre des pesticides qui ne servent plus à rien ? « Nous utilisons des produits homologués, rétorque Bernard Farges, le président du Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux. Nous savons qu’il y a une attente sociétale et nous informons les viticulteurs sur d’autres façons de travailler, mais s’il faut changer les règles, c’est à l’Etat de le faire. » Le 12 février, à la suite d’une étude sur les risques de cancer liés au glyphosate, la ministre de l’écologie a demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de réexaminer ce produit. Ségolène Royal veut que soit aussi étudié l’effet de cet herbicide combiné avec certains de ses adjuvants et invite l’Anses à « retirer d’ici la fin du mois de mars les autorisations de mise sur le marché des préparations phytopharmaceutiques contenant ces coformulants présentant des risques préoccupants ». p martine valo € AU LIEU DE 210,60€ BULLETIN D’ABONNEMENT A compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9 152EMQADCV Oui je m’abonne à la Formule Intégrale du Monde Le quotidien chaque jour + tous les suppléments + M le magazine du Monde + l’accès à l’Édition abonnés du Monde.fr pendant 3 mois pour 69 € au lieu de 210,60€* *Prix de vente en kiosque **Sous réserve de la possibilité pour nos porteurs de servir votre adresse D imanche 14 février, à Bordeaux, ils étaient environ 600 à manifester contre l’usage des pesticides. Le succès de cette « marche blanche » sous la pluie a agréablement surpris ses organisateurs : la Confédération paysanne de la Gironde, plusieurs associations et collectifs (Alerte pesticides Léognan, Générations futures, Les Amis de la Terre, Allassac ONGF). Les militants ont voulu profiter de l’émoi suscité par l’émission « Cash investigation », diffusée le 2 février par France 2, pour mobiliser la société civile. Ce programme, qui a été vu par plus de 3 millions de téléspectateurs, alerte sur l’impact des produits phytosanitaires sur la santé et sur l’environnement et met précisément l’accent sur la consommation record des vignobles bordelais. La culture de la vigne pèse lourd dans l’économie locale. Elle est présente dans 441 communes sur les 542 que compte le département, dans 78 % des exploitations agricoles, et donne 5 millions d’hectolitres par an. Entre les 6 600 viticulteurs, ses 300 maisons de négoce et ses caves coopératives, le monde du vin est le premier employeur de Gironde et génère 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Mais cette monoculture engendre des épandages répétés, de fongicides en particulier, pour lutter contre les maladies de la vigne. Après des années d’omerta, les accrocs se multiplient avec les travailleurs – très exposés – et des riverains. Valérie Murat et MarieLys Bibeyran se battent depuis des années pour faire reconnaître comme maladie professionnelle les cancers du père de l’une et du frère de l’autre, tous deux viticulteurs. En 2014, 23 enfants et leur enseignante avaient été intoxiqués à Villeneuve. « Certains jours, il m’est arrivé de faire rentrer mes petits-enfants pour les protéger d’épandages alentour », témoigne Dominique Techer, viticulteur bio à Pomerol. Lui qui se présente comme un poil à gratter dans le milieu feutré de la viticulture est l’un des organisateurs de la manifestation. « Je suis obligé de faire analyser mes récoltes, j’y retrouve sous forme de traces le bruit de fond des pesticides dans le Bordelais », se désole-t-il. Prénom : Adresse : Code postal : Je règle par : Chèque bancaire à l’ordre de la Société éditrice du Monde Carte bancaire : Carte Bleue Visa Mastercard N° : Expire fin : Nom : Date et signature obligatoires Notez les 3 derniers chifres figurant au verso de votre carte : Localité : E-mail : @ J’accepte de recevoir des ofres du Monde ou de ses partenaires OUI OUI NON NON Tél. : IMPORTANT : VOTRE JOURNAL LIVRÉ CHEZ VOUS PAR PORTEUR** Maison individuelle Immeuble Digicode N° Interphone : oui non Boîte aux lettres : Nominative Collective Dépôt chez le gardien/accueil Bât. N° Escalier N° Dépôt spécifique le week-end SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE SA - 80, BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI - 75013 PARIS - 433 891 850 RCS Paris - Capital de 94 610 348,70€. Ofre réservée aux nouveaux abonnés et valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2016. En application des articles 38, 39 et 40 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notre siège. Par notre intermédiaire, ces données pourraient êtres communiquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre. 8 | france 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 2016, l’illusoire « année utile » de Hollande Le chef de l’Etat, qui n’a plus de grandes réformes à faire voter, veut multiplier les déplacements pour renouer avec les Français suite de la première page Le chef de l’Etat explique en privé que « 2017, de toute façon, c’est ce que j’avais reproché à Nicolas Sarkozy [en 2012], n’est plus une année de réforme, explique-t-il en privé. Réformer jusqu’au bout, cela veut dire jusqu’à la fin de 2016. » Un vœu pieux quand on regarde le calendrier parlementaire extrêmement contraint dans les prochains mois. Dans un premier temps, l’exécutif doit d’abord se sortir définitivement du bourbier de la déchéance de nationalité. Si le vote de la révision constitutionnelle par l’Assemblée nationale, mercredi 10 février, a quelque peu soulagé la majorité, le feuilleton est loin d’être terminé. Le Sénat, tenu par la droite, ne devrait pas faire de cadeau à la gauche en votant le texte dans les mêmes termes. Celui-ci devrait donc revenir entre les mains des députés. La promesse de nouveaux débats compliqués. L’exécutif devra alors trancher : soit il abandonne l’idée de révision constitutionnelle et se concentre sur la réforme de la procédure pénale, soit il reprend les négociations. Revenir sur le terrain du social Dans tous les cas, M. Hollande devra traîner le fardeau de la déchéance au moins jusqu’en mai. « Le premier semestre de l’année 2016 ne peut être que sur la sécurité », estime-t-il en privé. Beaucoup de proches le pressent toutefois de passer à la prochaine étape. « Tout ce débat sur la déchéance, ça ne fait pas bouger une voix à droite, et pendant ce temps-là, on en perd à gauche », regrette un dirigeant de la majorité. D’autant que d’ici à juin, l’exécutif sera également confronté à l’épineux référendum sur le projet d’aéroport à NotreDame-des-Landes (Loire-Atlantique). Les socialistes aimeraient revenir sur le terrain du social et de l’emploi, principale préoccupa- tion des Français. Mais le projet de loi sur le droit du travail, porté par Myriam El Khomri et dans lequel seront intégrées les mesures qui devaient initialement être portées par Emmanuel Macron, est de nature à exacerber une nouvelle fois les divisions au sein de la majorité. Beaucoup de parlementaires soupçonnent l’exécutif de vouloir toucher indirectement au principe des 35 heures, à travers les négociations de branches. Le niveau de rémunération des heures supplémentaires devrait notamment faire l’objet de joutes au sein du groupe socialiste. En revanche, le PS veut voir dans la création du compte personnel d’activité, prévu dans la loi, la « grande mesure sociale du quinquennat ». Il faudra un peu d’imagination : les partenaires sociaux n’ont en effet trouvé qu’un accord a minima et le dispositif n’en sera qu’à ses balbutiements en 2017. Le Parlement va également être occupé par le projet de loi Sapin de lutte contre la délinquance financière et par le texte défendu par le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, Patrick Kanner, sur l’égalité et la citoyenneté. Ce dernier, qui ne comporte pas de réforme majeure, devrait être relativement consensuel du côté de la majorité. A ce calendrier déjà bien fourni, il faut ajouter un projet de loi de finances rectificative à l’été, la fin de la loi biodiversité de Ségolène Royal et de la loi numérique d’Axelle Lemaire. S’il reste de la place au second semestre, le nouveau garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, défendra, pour sa part, le projet de réforme de la justice du XXIe siècle, que Christiane Taubira n’aura pas réussi à mener à bien. Une avalanche de textes, dont aucun n’est en mesure de renverser la donne. Au gouvernement, chacun sait que le salut ne passera pas par la voie parlementaire. Plusieurs ministres appellent à renouer François Hollande, à l’Elysée, le 12 février. JACKY NAEGELEN/ REUTERS avec les déplacements, mis en sommeil après les attentats de novembre et les élections de décembre 2015. « Il faut que 2016 soit une année utile, plaide un ministre. Moi je n’ai qu’une envie, c’est que mercredi on nous dise en conseil des ministres : “Maintenant il faut y aller et mener le combat sur le terrain !”. » Une fois sorti de la nasse de la révision constitutionnelle, le chef de l’Etat a lui-même l’inten- L’obsession de l’Elysée est de ne pas se faire écraser par la campagne de la primaire à droite, dans un remake inversé de 2012 tion de renouer avec la stratégie du mouvement permanent, comme il l’avait fait entre avril et octobre 2015. « Désormais, je vais me déplacer, même si je ne veux pas donner l’impression d’être en campagne d’autant que la situation reste lourde, les conditions de sécurité plus sérieuses. Mais d’autres vont faire des tours de France… », ironise-t-il en privé, en ciblant la droite. La réelle obsession de l’Elysée est de ne pas se faire écraser par la campagne de la primaire à droite, dans un remake inversé de la présidentielle de 2012. « C’est une vraie question qu’on se pose : qu’est-ce qu’on fait pour exister à l’automne 2016 quand les médias ne parleront que de la droite ? », souligne un de ses proches. D’autant que d’ici là, en l’absence d’électrochoc sur la question de l’emploi, c’est face à sa gauche que François Hollande aura à batailler pour imposer une candidature qui n’ira pas forcément de soi. p nicolas chapuis et david revault d’allonnes Trois projets de loi qui restent à préciser pour clore le quinquennat Les textes portés par Michel Sapin et Emmanuel Macron, Myriam El Khomri et Patrick Kanner font l’objet d’arbitrages disputés L ors de son entretien télévisé du jeudi 11 février, François Hollande a réitéré son intention de poursuivre les réformes « jusqu’au bout ». « Entre ceux qui ne veulent rien faire et ceux qui veulent tout défaire, nous voulons bien faire », a-t-il résumé, citant notamment les futurs projets de loi de la ministre du travail, Myriam El Khomri, et la loi pour l’entreprenariat et l’investissement, confiée « aux ministres Macron et Sapin ». Sapin-Macron, à couteaux tirés « Le porte-avions Sapin est prêt à accueillir les avions orphelins », plaisantait récemment devant la presse le ministre des finances, Michel Sapin. La transmission du texte au Conseil d’Etat a été retardée pour y intégrer les apports issus du chantier sur les « nouvelles opportunités économiques » lancé en novembre 2015 par Emmanuel Macron et que le ministre de l’économie entendait porter au printemps. Le « Sapin 2 » – après son premier texte contre la corruption datant de… 1993 – portera la création d’une agence de détection de la corruption, chargée de contrôler la mise en place de programmes de prévention de la corruption dans les entreprises de plus de 500 salariés réalisant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il crée aussi un statut protecteur des lanceurs d’alerte et instaure une procédure de transaction pénale pour les faits de corruption à l’étranger. La partie Macron, elle, porte sur le financement de l’économie, l’investissement dans les nouvelles technologies, et inclut des me- sures en faveur de l’entreprenariat. Cependant, les arbitrages – notamment sur la question des seuils pour les autoentrepreneurs – n’ont pas encore été rendus. Le texte devrait être présenté le 23 mars en conseil des ministres. D’ici là, M. Macron a prévu de présenter en détail la logique d’ensemble de ses propositions, histoire de bien montrer que, si le projet retenu ne va pas plus loin, ce n’était pas son souhait. La réforme sociale Le projet de loi porté par la ministre de l’emploi, Myriam El Khomri, doit être présenté en conseil des ministres le 9 mars. Le premier volet vise à modifier les règles sur le temps de travail sans toucher aux 35 heures, cette durée restant le seuil à partir duquel le salaire est majoré pour chaque heure supplémen- taire effectuée. L’idée de simplifier les règles du licenciement économique serait également envisagée, selon Le Journal du dimanche et Les Echos, mais rien n’est arbitré, à ce stade, préciset-on à Matignon. Deuxième grand chapitre : le dialogue social. C’est dans cette optique que sera réécrit le code du travail, en s’inspirant notamment du rapport remis le 25 janvier par le comité Badinter. Le recours au référendum d’entreprise pourrait être autorisé pour valider des accords signés par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des voix aux élections professionnelles ; si le « oui » l’emporte, les organisations majoritaires ne pourront plus s’opposer à l’entrée en application de l’accord. Le projet de loi va proposer un nouveau barème d’indemnités prud’homales liées à l’ancienneté du salarié après la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions inscrites dans la loi « croissance et activité » d’août 2015. Enfin, le texte de la ministre de l’emploi donnera un contenu au compte personnel d’activité (CPA), que M. Hollande présente comme « la grande réforme sociale de [son] quinquennat ». Consultation numérique Le projet de loi « égalité et citoyenneté », qui devrait être présenté le 6 avril en conseil des ministres, est découpé en trois parties. Patrick Kanner, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, portera le premier volet sur la « citoyenneté et l’émancipation des jeunes », ainsi que le troisième sur « la République en acte », face aux discriminations. La toute nouvelle ministre du logement, Emmanuelle Cosse, défendra le deuxième titre, sur « l’habitat et la mixité sociale ». Le texte devrait graver dans le marbre les propositions de M. Hollande en matière de service civique. Le gouvernement a prévu d’organiser une consultation numérique après le passage en Conseil d’Etat. Les propositions faites par les internautes pourront éventuellement faire l’objet d’amendements parlementaires. M. Kanner, qui n’a pas obtenu le fait que la limitation du cumul dans le temps des mandats figure dans le texte initial, ne désespère pas qu’elle revienne par la voie de la consultation citoyenne. p bertrand bissuel, nicolas chapuis et patrick roger france | 9 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Sarkozy est de plus en plus défié dans son camp Dimanche, Copé a annoncé sa candidature à la primaire de novembre et Raffarin a officialisé son soutien à Juppé C e devait être un long week-end de retrouvailles. Ce furent en réalité deux jours de batailles larvées et de grandes manœuvres pour préparer la primaire de novembre 2016, rendezvous cardinal de tous les ambitieux de la droite française. Dimanche 14 février, au second jour du conseil national du parti Les Républicains (LR), trois temps forts ont rythmé la journée : JeanFrançois Copé a déclaré sa candidature à la primaire, Jean-Pierre Raffarin a rejoint Alain Juppé, alors que Nicolas Sarkozy a présenté les grandes lignes du projet qu’il entend imposer à ses rivaux – mais en leur absence. Largement distancé par Alain Juppé dans les sondages et malmené par ses propres troupes, le président de LR souhaite user de sa position de chef de parti pour s’imposer comme le candidat naturel de son camp en 2017. Sans se déclarer candidat, M. Sarkozy a présenté dimanche, en clôture du conseil national, les grandes lignes d’un « projet collectif » qu’il souhaite voir adopté par les 240 000 adhérents. Chacun a affiché sa liberté Ce texte, qui compile les mesures déclinées par M. Sarkozy ces derniers mois, grave dans le marbre le refus du front républicain, le respect de la laïcité (« neutralité religieuse dans les administrations, les universités, lycées, collèges et écoles publiques »), la baisse simultanée des impôts et des déficits publics et le recours au référendum en cas de « blocage » de la société française. L’ancien chef de l’Etat continue à labourer le champ des idées de la droite dure en défendant « l’assimilation », « l’accueil des réfugiés dans le respect de l’identité nationale », « les racines chrétiennes » ou le rétablissement des contrôles aux frontières de la France « tant qu’un Schengen II digne de ce nom n’aura pas été mis en œuvre ». Les propositions ne sont pas nouvelles mais la manœuvre est avant tout stratégique. Car M. Sarkozy va envoyer ce texte dans les fédérations, où il sera dé- Nadine Morano a reproché à M. Sarkozy d’avoir supprimé le ministère de l’immigration, après l’avoir instauré Eric Woerth, Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy et Luc Chatel, au conseil national de LR, le 13 février. A. GUILHOT/DIVERGENCE POUR « LE MONDE » battu, avant d’être validé en bureau politique. Sa ligne sera donc désormais la ligne officielle du parti, plébiscitée par les adhérents. Une façon de mettre en porte-à-faux les candidats qui s’en éloigneraient et de se poser en leader de la base militante lors des débats de la primaire. Le problème de ce plan est qu’aucun des rivaux de M. Sarkozy ne se sent engagé par ce texte. Ceux-ci misent sur le fait Le président de LR continue à labourer le champ des idées de la droite dure que la primaire réunira près de trois millions de votants et réduira mécaniquement le poids des adhérents. Et comme la politique est aussi une chanson de geste, chacun a affiché sa liberté lors du conseil national de ce week-end. « Pas d’homme providentiel » Alain Juppé, favori des sondages, et Bruno Le Maire, qui doit annoncer sa candidature le 23 février à Vesoul, n’ont fait que passer, samedi, porte de Versailles. Juste le temps de prendre quelques photos avec les militants et de laisser leurs entourages confirmer que le projet du candidat à la présidentielle sera celui du vainqueur de la primaire. Ils sont repartis sans monter à la tribune. Les autres candidats qui se sont exprimés ont ouvertement défié M. Sarkozy. « Une ligne politique est le résultat d’un projet pour la France, pas le fruit d’une synthèse hollandaise », a assené François Fillon, avant de rappeler son opposition à la révision constitutionnelle défendue par l’ex-chef de l’Etat. Quant à la députée de l’Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet, qui doit annoncer sa candidature autour du 10 mars, elle a estimé « qu’il n’y a pas d’homme providentiel » et que la droite ne pourrait pas « juste reprendre le fil de Luc Chatel à la tête du conseil national Luc Chatel, député de la Haute-Marne et conseiller politique de Nicolas Sarkozy, a été élu président du conseil national du parti Les Républicains, samedi 13 février. L’ancien ministre de l’éducation nationale (2010-2012) s’est imposé face à Michèle Alliot-Marie pour succéder à Jean-Pierre Raffarin à la tête de cette instance considérée comme le parlement du parti. M. Chatel, qui avait assuré l’intérim à la tête de l’UMP de juin à novembre 2014, après le départ de Jean-François Copé et jusqu’à l’élection de M. Sarkozy, a obtenu, samedi, près de 55,3 % des suffrages par les conseillers nationaux (parlementaires, présidents de fédération, secrétaires départementaux…), à bulletin secret et sans procuration, contre 44,7 % à sa concurrente. Sur les 980 votants, il a recueilli 532 voix, contre 430 pour Mme Alliot-Marie. 2012, là où nous l’avons laissé ». D’autres ont affiché leur intention de séduire une partie de l’électorat, tout en s’en prenant au président de LR. Nadine Morano, qui courtise les électeurs les plus à droite, lui a reproché d’avoir supprimé le ministère de l’immigration lors de son quinquennat, après l’avoir instauré en 2007. Le député de la Drôme Hervé Mariton, quant à lui, a tenté de rallier à sa cause les opposants au mariage pour tous, en rappelant à M. Sarkozy son revirement sur le sujet : « Je veux l’abroger parce que je vais tenir la promesse que tu avais faite. » Ce week-end, l’avenir de la primaire s’est aussi joué dans les studios de télévision. Dimanche soir, quelques minutes avant que Nicolas Sarkozy ne s’exprime sur TF1 – pour rappeler sa volonté de « rassembler » son camp pour 2017 –, Jean-Pierre Raffarin a annoncé son soutien à Alain Juppé, sur BFM-TV, en opposant la « tempérance » et « l’équilibre » du maire de Bordeaux à « la volonté de cliver » du président de LR. Ultime coup dur du week-end pour ce dernier : Jean-François Copé a lui aussi annoncé sa candidature à la primaire, dimanche soir, au « 20 heures » de France 2. Un concurrent de plus pour l’ancien chef de l’Etat. Le maire de Meaux (Seine-et-Marne) allonge la liste des candidats, déclarés (Alain Juppé, François Fillon, Nadine Morano, Hervé Mariton, Frédéric Lefebvre, Jean-Frédéric Poisson) ou en passe de l’être (Bruno Le Maire et Nathalie KosciuskoMorizet), déterminés à lui barrer la route de l’Elysée. p matthieu goar et alexandre lemarié Le référendum sur Notre-Dame-des-Landes déjà contesté CON GR ÈS Partisans et opposants mettent en cause le périmètre et l’idée même d’une consultation locale sur le projet d’aéroport Le sénateur Jean-Pierre Raffarin (LR) a estimé, dimanche 14 février, sur BFM-TV, que le Sénat « devra réécrire » le projet de loi constitutionnelle voté par l’Assemblée nationale, ce qui pourrait compromettre la réunion du Congrès. « Ou les députés acceptent que l’on revienne à la proposition que le président de la République a formulée, ou il n’y aura pas de Congrès » faute de texte commun, a-t-il ajouté. – (AFP.) nantes - correspondant L e référendum souhaité par François Hollande sur l’aéroport de Notre-Dame-desLandes (Loire-Atlantique) aura-t-il lieu ? L’on peut en douter. Même si le gouvernement parvient à tricoter un cadre juridique à ce scrutin, en modifiant la loi par ordonnance, l’affaire risque de tourner au fiasco. « Dans quel pays a-t-on besoin d’un référendum pour faire appliquer la loi ?, tempête Bruno Retailleau, président (LR) du conseil régional des Pays de la Loire. Une fois de plus, la méthode Hollande est en action, et consiste à ne pas prendre de décision… » M. Retailleau a prévenu qu’il refuserait d’organiser cette consultation, qu’il qualifie d’« enfumage ». Manuel Valls, qui veut organiser le scrutin à l’échelle de la Loire-Atlantique avant l’été, a rappelé que le verdict devrait s’imposer à toutes les parties. Mais les opposants montrent déjà les dents. Durant le week-end, plusieurs responsables politiques se sont relayés pour faire entendre une même musique. Le référendum ? « Inutile », a déclaré Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), dimanche, sur France 3. « Absurde », a estimé Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, invité du « Grand Rendez-Vous » Europe 1-i-Télé-Le Monde. Une idée qui pose « plus de questions qu’elle n’apporte de solutions », a expliqué l’ancien secrétaire d’Etat aux transports, Frédéric Cuvillier (PS), dans Le Journal du dimanche. Sylvain Fresneau, agriculteur expulsable, redoute « un débat biaisé », dans la mesure où « les documents qui ont abouti à la déclaration d’utilité publique étaient truffés d’erreurs ». Julien Durand, autre figure de la lutte, estime que « ce serait faire injure à la Bretagne d’exclure ses habitants de cette consultation alors qu’ils doivent payer pour le projet ». Le périmètre de consultation « doit être la Bretagne et les Pays de la Loire », soutient Sophie Bringuy, conseillère régionale EELV, qui ajoute : « Pour être sérieux et légitime, un référendum doit respecter des règles. Il faut organiser un débat public. Cela pose la question de l’accessibilité de la population à des informations claires et justes… » Les opposants ont chargé leurs avocats d’étudier la possibilité d’attaquer la mise en œuvre de la consultation si ses modalités ne cadrent pas avec leurs exigences. Et ils misent un peu d’espoir sur l’inspection récemment ordonnée par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, pour tenter de démêler le dossier. L’association Des Ailes pour l’Ouest, favorable au projet, considère le référendum comme « un déni de démocratie, qui bafoue les décisions portées par les élus locaux » et les « 160 décisions de justice qui ont donné raison au projet ». « Le référendum n’était pas mon option, explique, quant à elle, la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland. Mais le président en a décidé ainsi. Selon moi, « Une fois de plus, la méthode Hollande est en action, et consiste à ne pas prendre de décision… » BRUNO RETAILLEAU président (LR) du conseil régional des Pays de la Loire l’échelle qui doit être retenue est celle de la Loire-Atlantique. Il m’importe désormais de mobiliser les acteurs politiques, économiques pour que le oui à l’aéroport l’emporte. » « Manœuvre dilatoire » Autre partisan du dossier, Philippe Grosvalet, président socialiste du département de Loire-Atlantique, partage le même diagnostic. Preuve de l’improvisation qui a prévalu au sommet de l’Etat, l’élu indique avoir « été informé de la décision de François Hollande juste avant son intervention télévisée ». Le périmètre du scrutin, dit-il, doit être limité au territoire de son département et il s’opposera « à toute autre option ». A l’Etat « d’assumer » l’organisation du vote. Ironie de l’affaire : si ce scénario est arrêté, M. Retailleau, patron des Pays de la Loire domicilié en Vendée, n’aura pas le droit de vote. « On marche sur la tête, note Yves Auvinet, président LR de la Vendée. Le dossier s’appelle “Aéroport du Grand Ouest”, donc il présente un intérêt régional, dans les Pays de la Loire et en Bretagne. » « Le président Hollande aurait voulu que ce soit le foutoir, il ne s’y serait pas pris autrement », renché- rit Christophe Béchu, sénateur de Maine-et-Loire et maire LR d’Angers, qui déplore l’absence de toute concertation avec les élus. La question du périmètre apparaît « secondaire au regard du bricolage opéré. La Loire-Atlantique est le territoire le plus impacté. Mais tout le grand ouest est concerné. Et l’ensemble du pays aussi. Car si le projet est abandonné, tous les contribuables paieront la facture. » Jean-Claude Boulard, sénateur et maire PS du Mans, ne fait aucun cas d’être exclu de la consultation : « Nous, notre aéroport, c’est Roissy ou Orly. Le débat est né en Loire-Atlantique. Il est normal qu’on donne un peu la parole aux habitants de ce département. » La tenue d’un vote ne signifiera pas le règlement du dossier. « Quel que soit le résultat, les zadistes resteront sur le terrain puisqu’ils ne respectent aucun ordre », affirme M. Grosvalet. « Ma crainte, c’est que la manœuvre dilatoire de M. Hollande conduise à l’enterrement définitif du dossier, répond en écho M. Retailleau. Et ce d’autant qu’un référendum est toujours aléatoire quand on a un président impopulaire. » p yan gauchard Selon Raffarin, le Sénat « devra réécrire » la révision constitutionnelle COMMÉMORAT I ON Hommage à Ilan Halimi dix ans après sa mort Des dizaines de personnes ont rendu hommage à Ilan Halimi, samedi 13 février, à Bagneux (Hauts-de-Seine), où ce jeune homme juif de 23 ans avait été torturé jusqu’à la mort en 2006. Il avait été séquestré trois semaines durant par le « gang des barbares », dont le chef, Youssouf Fofana, tentait d’extorquer une rançon à sa famille, qu’il supposait riche car de confession juive. « Dix ans plus tard, nous continuons à éprouver un remords collectif », a déclaré le ministre de l’intérieur, M. Cazeneuve, « celui d’avoir hésité à désigner par son nom la haine antisémite ». – (AFP.) 10 | france 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Lagny, insaisissable « antichambre du djihadisme » La mosquée a été fermée et neuf personnes assignées à résidence, en dehors de toute procédure judiciaire P our le gouvernement, cela ne fait pas de doute : la mosquée de Lagnysur-Marne « était un élément structurant d’une filière de recrutement djihadiste », comme l’a répété jeudi 11 février le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, alors qu’il défendait devant la commission des lois de l’Assemblée nationale le bilan de l’état d’urgence. Dans cette commune de Seine-et-Marne, 22 personnes ont été perquisitionnées dans le cadre de l’état d’urgence et 9 ont été assignées à résidence. Sans compter plusieurs interdictions de sortie du territoire et des gels d’avoirs. Le 1er décembre 2015, la mosquée de la ville a été fermée. Le 14 janvier, en conseil des ministres, le président de la République a dissous trois associations qui avaient tour à tour géré le lieu de culte depuis 2010. Une mesure jamais prise par aucun gouvernement, selon Bernard Cazeneuve. Chercher à y voir clair dans l’affaire de la filière de Lagny, c’est se confronter à un dossier nourri de notes de renseignement évasives et non étayées, dans lequel aucune procédure judiciaire ne vient apporter d’éléments de preuve ou de disculpation. Un dossier dans lequel s’opposent accusations massues et dénégations systématiques, laissant les responsables musulmans comme la municipalité désemparés. « C’est une série d’amalgames » « C’est vrai qu’il y a un gros nuage autour de la mosquée et on a l’impression qu’elle est dangereuse, concède N’Fali M., secrétaire de l’Association des musulmans de Lagny-sur-Marne, qui gérait la mosquée depuis mai 2015. Mais c’est une série d’amalgames. » Cet homme de 35 ans, ancien animateur jeunesse de la ville, est assigné à résidence depuis trois mois. Il fait également l’objet d’une interdiction de sortie du territoire et a subi une perquisition à son domicile, mais n’est visé par aucune procédure judiciaire. Pas plus que les deux autres membres du bureau de l’Association des musulmans de Lagny. Et, à ce stade, pas plus que l’ancien imam, le natif de Seine-et-Marne Mohamed Hammoumi, 35 ans, pourtant décrit par Manuel Valls comme « un prêcheur de la haine, faisant l’apologie du djihad et de la mort en martyr », et qui aurait véritablement endoctriné ses fidèles. Des notes « blanches » (anonymes et non sourcées) émises par les services de renseignement, dont Le Monde a pris connaissance, dépeignent en effet la mosquée de Lagny comme une véritable « antichambre du djihadisme national et international ». Pas moins de 16 personnes, anciens élèves ou fidèles de M. Hammoumi, se seraient ainsi rendues sur le front irako-syrien. Parmi elles, des membres de la filière de Devant la mosquée de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne), le 3 décembre 2015. MARION KREMP/MAXPPP Clichy-sous-Bois, démantelée en février 2015, ou Mehdi Belhoucine, qui serait passé par la mosquée de Lagny d’octobre à décembre 2014, avant de rejoindre la Syrie le 2 janvier 2015 avec Hayat Boumeddiene, la compagne d’Amedy Coulibaly, le tueur de l’Hyper Cacher. Les notes blanches évoquent aussi plusieurs natifs de Lagny-surMarne ainsi que Marc L. H., passé en Syrie en 2013 et qui, le 15 décembre 2015, a été interpellé, mis en examen et écroué pour association de malfaiteurs terroriste. Reste que Mohamed Hammoumi n’est plus présent au sein de la mosquée de Lagny depuis le 31 décembre 2014. Il s’est établi avec sa famille en Egypte, un pays avec lequel il faisait des allers-retours réguliers depuis le début des Pas moins de 16 anciens élèves ou fidèles de l’ancien imam se seraient rendus sur le front irako-syrien années 2000. Les renseignements français estiment qu’il a fui la France et qu’il continue d’enseigner le djihad auprès de ceux qui le rejoignent sur place. Suivant une tendance perceptible depuis plusieurs années, de jeunes Français se rendent en Egypte, pour des périodes allant de plusieurs mois à plusieurs années, afin d’y apprendre l’arabe et suivre une formation théologique dans des instituts privés souvent proches de la mouvance salafiste. A Lagny, seize fidèles de la mosquée auraient fait cette « hijra » (émigration en terre d’islam). Mais seulement une petite poignée après l’installation de M. Hammoumi, en février 2015. En créant une nouvelle structure associative en mai 2015, les derniers dirigeants de la mosquée disent avoir voulu tourner une page. Pierre Tebaldini, le directeur de cabinet du maire UDI de Lagny, se méfie des « doubles discours ». Il sait que depuis 2010, ce sont des ultraorthodoxes, des « durs », qui tiennent la mosquée, sans être sûr de parvenir à les « cerner » tout à fait. Cependant, à travers l’ouverture de nouveaux locaux aux normes sur un terrain autorisé, il estimait avoir eu l’occasion d’établir de « bons rapports » avec les dirigeants et trouvé en la personne du président associatif Mohamed Ramdane, 44 ans, un « interlocuteur facile ». « On s’est toujours dit qu’il valait mieux un lieu que la police écoute plutôt que d’avoir des caves ingérables », confie M. Tebaldini. Mais pour le ministère de l’intérieur, l’« engagement d’anciens proches d’Hammoumi dans l’encadrement de la mosquée » prouve que la volonté de rupture ne s’est pas traduite dans les faits. Ainsi, Bernard Cazeneuve a considéré, sans distinction, que les trois associations dissoutes visaient « à promouvoir une idéologie radicale, provoquant au djihad, et à organiser le départ de combattants en zone irako-syrienne ». Pour justifier son assignation à résidence, il est notamment reproché au secrétaire de l’association, N’Fali M., plusieurs « contacts réguliers » au sein de la mosquée avec des vétérans de Syrie ou avec Seif-Eddine C., animateur jeunesse de Lagny jusqu’en février 2015 et mis en cause dans la filière de Cannes-Torcy. Dans cette commune de 20 000 habitants, à la lumière de l’état d’urgence, les fréquentations s’additionnent comme autant de preuves de culpabilité. L’état d’urgence bientôt prolongé malgré son essoufflement les députés doivent se prononcer mardi 16 février sur la prorogation pour trois mois supplémentaires, soit jusqu’au 26 mai, de l’état d’urgence mis en place au lendemain des attentats de Paris et SaintDenis. Ce régime d’exception présente pourtant un bilan modeste : le pôle antiterroriste de Paris n’a été saisi que de cinq enquêtes. Les 24 autres procédures ouvertes sous la qualification terroriste visent le délit d’apologie du terrorisme. Selon les informations du Monde, 74 % des procédures judiciaires ouvertes au total concernent la législation des armes et des stupéfiants. Surtout, l’intérêt de l’administration pour les outils mis à sa disposition est nettement en déclin. Ainsi, 2 700 des 3 340 perquisitions diligentées depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence ont été réalisées avant la mi-décembre 2015. De même, parmi les 578 armes saisies par les autorités (dont 42 armes de guerre), 428 l’étaient déjà mi-décembre. Enfin, sur 254 découvertes de stupéfiants, 206 avaient déjà été réalisées au même stade. D’autres mesures administratives offertes par l’état d’urgence n’ont pas été utilisées, tels le blocage de sites Internet et la dissolution d’associations, les autorités s’étant en l’espèce appuyées sur des dispositions de droit commun. Assignations caduques Le projet de loi prorogeant l’état d’urgence jouit toutefois d’un soutien quasiment unanime au sein de la classe politique. Le Sénat l’a ainsi adopté, mardi 9 février, à 315 voix pour face à 28 voix contre. Jeudi 11 février, la commission des lois de l’Assemblée a également voté le projet sans modification : « Sous la menace de répliques aux attentats de janvier et de novembre, notre pays continue de faire face à un péril imminent. Il serait irresponsable de baisser la garde », a argumenté le rapporteur socialiste, Pascal Popelin. Quelque 285 assignations à résidence sont toujours en vigueur. Seulement 12 ont été suspendues ou annulées par le juge administratif et 46 ont été abrogées « spontanément » par le ministère (notamment celles prises dans le cadre de la COP21). Les assignations toujours opérantes deviendront caduques le 26 février, au terme de la première période d’état d’urgence. Devant la commission des lois, jeudi, Bernard Cazeneuve a prévenu que, si les individus concernés n’étaient pas de nouveau assignés, d’autres moyens prendraient le relais « si nous estimons que le risque existe qu’ils se rendent sur des théâtres d’opérations terroristes. Si leurs agissements ne peuvent faire l’objet d’une judiciarisation, une mesure d’interdiction de sortie du territoire restera possible pour eux ». p j. pa. « Tout est à charge, et le juge administratif se contente de se fier aux notes blanches » dans des associations de malfaiteurs terroristes. Celui-ci aurait fait parvenir de l’argent liquide en Syrie. Lui réfute, et son avocat est bien en peine face à cette assertion extraite d’une note blanche que ne vient étayer aucune procédure judiciaire à ce stade. KARIM MORAND-LAHOUAZI Un CD à la gloire des martyrs En revanche, une procédure pour travail dissimulé a été lancée à la suite de la perquisition du domicile de la compagne de Nabil A. Une « école coranique clandestine » y aurait été découverte. Et la saisie, au cours de la perquisition, d’un CD gravé comportant des chants religieux à la gloire des martyrs du djihad a donné lieu à l’établissement d’une contravention pour « provocation non publique à la haine ». « Je n’ai jamais écouté ce CD », jure Nabil A. Quant aux anciens fidèles de la mosquée qui auraient pris la route du djihad armé, Nabil A. ou les anciens dirigeants martèlent que ceux-ci sont en fait en Egypte, pour se former aux sciences islamiques. « Pourquoi les services de renseignement ne sont pas venus nous voir ? », interroge N’Fali M. « On aurait pu faire partie d’un réel travail d’enquête et de renseignement », ajoute M. Ramdane, qui constate : « Aujourd’hui il n’y a plus de représentation de la communauté musulmane. » Et quid des 200 fidèles qui assistaient à la prière du vendredi ? La mairie elle-même ne cache pas son désarroi. « Aujourd’hui, on est démuni, relate Pierre Tebaldini. Je ne sais pas où les gens vont prier. Je n’ai plus de lien direct avec la communauté. » Le directeur de cabinet voudrait « préparer le terrain pour une nouvelle association » mais il ignore lesquels de ses administrés font l’objet d’une interdiction de sortie du territoire, d’une assignation ou sont passés par la Syrie. « La préfecture me répète que je ne suis pas habilité à savoir ce qu’il se passe. Or, je ne peux rien faire si je ne sais pas ce qu’il se passe. Certains ont quand même été animateurs jeunesse pour la ville ! Et la population me dit : “Vous avez laissé faire ça.” » p julia pascual avocat des responsables de la mosquée « Il suffit qu’une personne vienne quatre vendredis pour conclure qu’elle fréquente la mosquée », disent les dirigeants à l’unisson. « Tout est à charge et le juge administratif se contente de se fier aux éléments de renseignement contenus dans les notes blanches, sans avoir les moyens de les vérifier », déplore leur avocat Me Karim Morand-Lahouazi, qui a tenté de contester deux assignations à résidence devant le juge des référés. « A l’audience, le juge nous reproche de défendre l’indéfendable et de lui faire perdre son temps. » Lui considère au contraire que des éléments contenus dans ces notes blanches – par définition non sourcées ni recoupées – sont faux. Ou non précisés, comme, par exemple, le fait que Seif-Eddine C. ait bénéficié d’un non-lieu le 7 décembre 2015. Pour le ministère de l’intérieur, c’est surtout le profil de deux « anciens lieutenants » de M. Hammoumi qui auraient géré « de fait » le lieu, qui inquiète. En l’occurrence, le « vétéran » de Syrie Marc L. H., et Nabil A.. Sauf que le premier « n’a jamais mis les pieds dans la nouvelle mosquée » se défendent ses dirigeants, qui ajoutent avoir tout ignoré de son voyage en Syrie jusqu’à son arrestation. « Il dit qu’il est allé faire de l’humanitaire », croit N’Fali M. Quant à Nabil A., bénévole actif depuis dix ans, « il donnait des cours d’arabe dans l’ancienne structure, ni plus ni moins », résume Mohamed Ramdane. Mais les services de renseignement prêtent à ce trentenaire natif de Lagny des relations avec des « vétérans » de Syrie (dont son frère) ou des individus mis en cause france | 11 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Charlotte Magri, la lanceuse d’alerte des écoles de Marseille La lettre de l’institutrice à la ministre de l’éducation a lancé la mobilisation contre le délabrement des classes marseillaises PORTRAIT marseille - correspondance C harlotte Magri ne regrette rien. Et surtout pas cette cinglante lettre ouverte adressée le 30 novembre 2015 à la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, son autorité de tutelle. Un « Je nous accuse » de trois pages qui, relayé par la presse et une pétition en ligne signée par plus de 17 000 personnes, a mis le délabrement, matériel et humain, de certaines écoles primaires de Marseille sur la place publique. Et renvoyé la municipalité de la deuxième ville de France, en charge de ces établissements, comme l’Etat, à leurs responsabilités – allumant au passage une polémique publique entre Mme Vallaud-Belkacem et le maire (Les Républicains) de Marseille, Jean-Claude Gaudin. Lanceuse d’alerte, Charlotte Magri ? L’institutrice, 35 ans, accepte l’étiquette. « J’ai fait cela pour éveiller l’attention, convient-elle. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les parents d’élèves, les directeurs, les syndicats qui s’agitaient sans que personne ne les écoute sont, au moins, entendus. » En ce jour de vacances de février, la jeune femme a remonté ses longs cheveux noirs en un chignon strict. Un geste qu’on imagine quotidien lorsqu’elle se rend dans son école primaire des quartiers nord de Marseille. Yeux bleus, lèvres fines, piercing discret, l’institutrice a sanglé sa silhouette élancée dans une veste au col de fausse fourrure. « Je suis un peu militaire avec mes élèves, lance-t-elle, sans laisser la place au doute. Avec moi, ça moufte pas. Je tiens mes classes. » Celle par qui le scandale est arrivé ne donne pas l’image d’une militante professionnelle. Son répondeur téléphonique diffuse un extrait, façon boîte à musique, de L’Internationale. Mais Charlotte Magri assure n’être affiliée à aucun syndicat ni parti politique. « C’est plutôt l’instinct de survie qui m’a poussée, assure-t-elle. Je ne pouvais pas continuer à travailler dans ces conditions. » « Cela m’empêchait de dormir » L’émotion déborde encore quand l’institutrice évoque ce jour de novembre où, pour elle, la sidération s’est transformée en urgence d’agir. « Depuis le début de la semaine, la température était de 13 degrés dans ma classe, racontet-elle. Une maman m’a demandé s’il ne valait pas mieux qu’elle garde sa fille à la maison jusqu’à ce que le chauffage soit réparé. Je me suis entendue répondre oui… Cela a été un déclic. » L’épisode en suit d’autres. Qu’elle énumère, encore incrédule. L’étuve des après-midi de septembre dans une classe aux fenêtres bloquées. Cette lourde planche qui se descelle et arrête sa course dans les escaliers aux pieds d’un de ses élèves. « Ce jour-là, il portait des baskets neuves », se souvient l’enseignante, comme si la peur ressentie sur l’instant avait gravé ce détail anodin dans son esprit. Il y a aussi les plaques de sol dégradées, dont elle sait qu’elles cachent de l’amiante. Et les toilettes condamnées, et les murs lépreux… « Exagérations », « manipulations », « images tronquées », s’est défendu M. Gaudin. « Si c’était la seule école Charlotte Magri, à Marseille, le 11 février. VALENTINE VERMEIL POUR « LE MONDE » que je voyais dans cet état-là, je n’aurais sûrement pas réagi, riposte l’institutrice. Moi, cela m’empêchait de dormir. » Charlotte Magri a grandi à l’étranger – « en Turquie et en Norvège » –, dans le sillage de parents enseignants, avec, comme rêve de petite fille, l’espoir de « devenir institutrice ». En Inde, elle tente, un temps, de ramener des enfants des rues vers l’école pour une association humanitaire. A Paris, elle travaille pour l’émission de Radio France internationale « L’Ecole des savoirs ». De Marseille, où elle vit depuis cinq ans, la trentenaire dit apprécier « le mélange culturel ». Mais s’étonne de voir « les habitants accepter des situations qui ne passent pas ailleurs ». Elle a demandé son affectation dans les quartiers nord en 2012, et reconnaît y avoir aussi fréquenté « des écoles où les élèves ne manquent de rien… » « Protéger les enfants, c’est quand même la mission première de l’éducation nationale, non ? » CHARLOTTE MAGRI enseignante à Marseille « Mais globalement, poursuit-elle, je n’avais jamais vu un bâti dans un tel délabrement. » Son « Je nous accuse » ne cible pas que l’équipe municipale en place depuis vingt et un ans. « Je dénonce une situation globale, insiste-t-elle. Je suis choquée de voir des enseignants qui subissent leurs affectations, choquée que l’éducation nationale envoie dans ces zones prioritaires des débutants qui explosent en vol. » Une formule la hérisse : « J’ai trop entendu, y compris de la part de conseillers académiques, que nous devions “faire le deuil du pédagogique”. » Dans sa lettre, l’institutrice résume ses constats en une formule lapidaire : « Tu es pauvre, tu as une école de m… Tu es riche, tu as une belle école. » Loi « déontologie » Depuis novembre 2015, la lanceuse d’alerte encaisse les critiques. « Certains collègues m’ont reproché de me faire mousser, s’émeut-elle. Personnellement, je ne demandais pas mieux qu’une action commune. » Le directeur général des services de la ville de Marseille l’accuse d’avoir enfreint le devoir de réserve des fonctionnaires. « Je ne crois pas être hors cadre, se défend Charlotte Magri. J’ai réagi en être humain, en citoyenne. Protéger les enfants, c’est quand même la mission première de l’éducation nationale, non ? » Après coup, elle s’est toutefois plongée dans les textes. Et a découvert, « effarée », le projet de loi sur la « déontologie des fonctionnaires », voté le 28 janvier par le Sénat. « S’il passe dans sa forme actuelle, une lettre comme la mienne sera passible de sanctions », s’inquiète-t-elle. A la rentrée des vacances d’hiver, le 22 février, alors que dans certaines écoles les parents prévoient de reprendre leur mobilisation, Charlotte Magri ne se rendra pas dans sa classe de l’école Jean-Perrin, dans le 15e arrondissement. En « mi-temps annualisé », elle a bouclé son année le 29 janvier et ne connaîtra sa prochaine affectation qu’en septembre. Reprendrat-elle, alors, le chemin de l’école ? « Je ne vois pas pourquoi je ne continuerais pas », assume-t-elle. p gilles rof Des cours 2.0 pour former les chômeurs aux métiers du numérique Le site de formation en ligne Open Classrooms a conclu un partenariat avec Pôle emploi et propose 100 000 places à des chômeurs C omment former 500 000 chômeurs supplémentaires à des métiers d’avenir en 2016 ? L’objectif a été réaffirmé par le chef de l’Etat, François Hol lande, lors de son intervention té lévisée, jeudi 11 février. Une ga geure ? Le site de formation en li gne Open Classrooms se tient en tout cas prêt à y participer. Après avoir passé un partenariat avec Pôle emploi en 2015, il offre déjà gratuitement ses services à plus de 15 000 demandeurs d’emploi. « Nous pouvons offrir 100 000 places, cela ne nous pose strictement aucun problème », annonce au Monde Pierre Dubuc, ingénieur de 27 ans et cofondateur du site. Les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sont dispensés de payer les 20 euros mensuels d’abonnement à la version premium, qui permet de télécharger les cours ainsi que des e-books (livres numériques), d’accéder aux forums et d’obtenir des certificats validant les cours. Les trois quarts des chômeurs inscrits suivent des cours et en ont choisi 4,4 en moyenne. 6 510 certificats de réussites leur ont « J’ai eu plusieurs rendez-vous qui m’ont beaucoup plu avec une start-up de la région en plein essor » PHILIPPE BECK chômeur déjà été délivrés. De plus, 700 d’entre eux ont demandé des financements à Pôle emploi pour suivre une offre plus ambitieuse encore, encadrée et diplômante (300 euros par mois), celle qui permet d’obtenir en six mois au minimum un bachelor de « chef de projet multimédia », en partenariat avec l’école IESA multimédia, avec un accompagnement à distance par un « mentor » – un professeur-coach. Philippe Beck, 38 ans, demandeur d’emploi en reconversion, suit ce parcours diplômant depuis chez lui, dans les Bouches- du-Rhône, près de Cavaillon. Après dix-neuf ans de travail dans l’hôtellerie, ce titulaire d’un bac scientifique passionné d’informatique a déjà une piste d’emploi : « J’ai eu plusieurs rendezvous qui m’ont beaucoup plu avec une start-up de la région en plein essor, et dont je partage les valeurs. Ils sont intéressés, mais il faut d’abord que je valide mon diplôme de programmation au niveau professionnel, et que je me représente avec un portfolio de mes réalisations car je manque encore de pratique », explique-t-il. Depuis Nogent-le-Rotrou (Eureet-Loir), Séverine Carré, « mentor », accompagne de son côté des élèves en France mais aussi au Maghreb ou au Canada. Après avoir exercé de nombreux métiers – peintre sur des pylônes de haute tension, commerciale –, avoir tenu un restaurant dans le Sud-Ouest, s’être formée par elle-même en cours du soir, elle s’est fait remarquer sur la plate-forme en validant un parcours d’intégrateur Web. Le site lui a proposé cet emploi : « J’aime bien les personnes qui travaillent à changer de vie, je veux les aider à réussir, leur donner la gnaque, c’est super gratifiant de voir que ça marche, qu’il y a un résultat », souligne-t-elle. Un premier site fondé à 13 ans « Le but de l’entreprise est de rendre l’éducation accessible : que chacun puisse développer son employabilité sans barrière technique, financière ou de diplôme », explique Pierre Dubuc, que le magazine Forbes a sélectionné en janvier 2016 dans sa liste des 30 entrepreneurs sociaux de moins de 30 ans les plus emblématiques d’Europe. Son associé Mathieu Nebra, 30 ans, a lui été distingué par le MIT dans son palmarès 2015 des innovateurs de moins de 35 ans. Autre distinction : Open Classrooms figurait dans la liste des dix meilleures start-up françaises sélectionnée par le maga zine Wired en 2015. Le compagnonnage de Pierre Dubuc et Mathieu Nebra ne date pas d’hier : leur entreprise, créée en 2013, et financée depuis à hauteur de 2 millions d’euros par le Trois millions de visiteurs chaque mois Open Classrooms revendique 3 millions de visiteurs chaque mois. La fréquentation provient à 60 % de France et 40 % de l’étranger (dont plus de la moitié d’Afrique, pour l’essentiel francophone). Le site offre l’accès à plus de 1 000 cours en ligne (MOOC), suivi par des étudiants, des chômeurs ou des salariés en quête de reconversion. Le plus souvent, il s’agit de formations courtes et liées à l’informatique et au « tertiaire numérique ». Le cours le plus populaire est celui consacré au codage en « HTML5 » qui aurait été suivi dans ses différentes versions par 200 000 personnes. Mais on trouve aussi des formations liées au webmarketing, au « community management » ou à l’entrepreneuriat. Des partenariats ont été passés avec Centrale-Supélec, Polytechnique et Sciences Po. fonds Alven Capital, est l’héritière de leur hobby commun : le « Site du zéro » – celui où l’on explique tout à partir du début –, créé en 1999 par Mathieu Nebra à l’âge de… 13 ans, dans le but d’expliquer à ses amis comment programmer en HTML. Et l’aventure a continué tout au long de leurs études (lycée, école d’ingénieur, à l’INSA de Lyon pour Pierre Dubuc et à l’Efrei de Paris-Sud pour Mathieu Nebra). En visite à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) en avril 2015 – un des établissements du supérieur les plus en pointe sur l’enseignement en ligne –, François Hollande avait annoncé le partenariat Open Classrooms Pôle emploi, quelques mois avant qu’il ne se matérialise. Aujourd’hui, suggère Pierre Dubuc, « on ne va pas faire la totalité de la formation des 500 000 chômeurs car tout le monde ne doit pas aller vers le tertiaire numérique. Mais d’autres formations sont digitalisables et peuvent être associées à des contrats pros, par exemple ». A bon entendeur… p adrien de tricornot 12 | enquête 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 A 43 ans, Audrey Azoulay s’installe Rue de Valois. Le « milieu » loue son savoir-faire, son intelligence et son sourire. L’atout culture du chef de l’Etat à un peu plus d’un an de la présidentielle Najat Vallaud-Belkacem et Myriam El Khomri, toutes deux ministres « binationales », françaises et marocaines. Sur place, les journalistes ne reconnaissent pas la jeune femme au port altier assise à côté de Rachida Dati, invitée spéciale de « M6 », le surnom du monarque. C’est la nouvelle conseillère chargée de la culture et de la communication du chef de l’Etat. Réconciliation oblige, elle est aussi du voyage. Comment est-elle arrivée à l’Elysée ? « On me dit qu’il y a une fille très bien, la numéro deux du CNC, qui est là-bas depuis 2006… » Après sa victoire en 2012, François Hollande glisse à plusieurs reprises ces mots à la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, à l’occasion de nominations à venir. « Sens de l’Etat… », « Efficace… », « Vive… », « Rigoureuse… » : à droite aussi, beaucoup dressent l’éloge d’Audrey Azoulay, une « fille bien ». Deux ministres lui ont déjà fait des avances : Dominique de Villepin, à Matignon, et Frédéric Mitterrand. « Lorsqu’il est parti à l’INA, Mathieu Gallet m’avait demandé de la recevoir, raconte l’ancien ministre de la culture de Nicolas Sarkozy. Elle n’a pas donné suite. » Ni militante ni encartée, Audrey Azoulay n’a pas le cœur officiellement à droite. Le 21 décembre 2011, au Centre Pompidou, a lieu la première édition du « Jour le plus court », une fête consacrée au court-métrage. Une idée d’Eric Garandeau, alors patron du CNC. Audrey Azoulay participe à l’événement. « Je l’avais promue directrice générale déléguée peu après mon arrivée, et n’ai pas eu à le regretter », raconte cet ancien conseiller de Nicolas Sarkozy pour la campagne de 2007. « Audrey est une femme modeste, pas show off. Elle a l’intelligence des situations complexes, comme lorsqu’elle a géré le passage des salles au numérique. Nous formions un très bon couple professionnel. Je ne suis pas étonné de son parcours, et j’ai bien fait de la présenter à Julie Gayet [la marraine du “Jour le plus court”]», se félicite-t-il. ariane chemin et clarisse fabre (avec youssef ait akdim) C ela ressemble à une scène de théâtre d’Eugène Ionesco. Conseillère chargée de la culture à l’Elysée, Audrey Azoulay, 43 ans, a passé la première moitié de la semaine dernière à… chercher une ministre pour la Rue de Valois. « Je veux une femme », expliquait François Hollande avant son remaniement. « Il veut une femme, vous avez une idée ? », répétaient en écho directeurs d’établissements publics et acteurs culturels. Après le refus d’Anne Sinclair (une idée de Manuel Valls) et de quelques autres, le président s’est résolu : la ministre de la culture, ce sera toi, annonce-t-il à Audrey Azoulay, jeudi 11 février au matin. Le premier ministre a bien tenté de défendre Fleur Pellerin, une amie. Mais François Hollande, averti depuis longtemps qu’il faut avoir la culture dans sa poche et le monde des médias à l’œil avant une élection présidentielle, n’en voulait plus. Son incapacité à citer un livre du Nobel de littérature Patrick Modiano, son discours « sans âme » aux obsèques de Luc Bondy, son absence à l’enterrement de Michel Tournier… « Il y a quelque chose qui ne marche pas », a fini par convenir Manuel Valls. Mercredi 10 février, 16 heures, Palais du Luxembourg. Fin des questions d’actualité des sénateurs. Fleur Pellerin défend depuis deux jours le projet de loi « liberté de création » des artistes. La séance doit reprendre à 16 heures 15. Le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, saisit tout à coup le bras de « Fleur », presque paternel : « Tu ne pourras pas reprendre les débats. » Elle ne pleure ni ne s’évanouit, comme on l’a dit, mais est saisie de stupeur : a-t-on jamais vu une ministre écartée en plein examen d’un texte de loi ? A l’abri dans une salle, elle attend le coup de fil de François Hollande. « Tu as fait un bon travail, mais je voulais un profil plus politique à l’approche de la présidentielle », explique-t-il. Plus « politique » ? Fleur Pellerin songe à Patrick Bloche ou à Bertrand Delanoë, mais c’est Audrey Azoulay qui récupère son fauteuil, et, dès le lendemain matin, reprend le débat dans l’Hémicycle. Une conseillère de l’Elysée qui remplace « sa » ministre, du jamais-vu. Ainsi tourne la roue sous François Hollande. Aussitôt informée, Audrey Azoulay fête l’heureuse nouvelle en famille. Sa famille : son mari, François-Xavier Labarraque, rencontré à Sciences Po, est aujourd’hui consultant. La sœur cadette, Sabrina Azoulay, ex-directrice des programmes de Paris Première où elle avait tenté de « relancer » JeanLuc Delarue, a créé depuis – avec un ancien dirigeant de l’UMP, Jean-François Boyer – la société Tangaro, qui produit l’émission quotidienne « Entrée libre », sur France 5. Claire Chazal vient juste d’y remplacer Laurent Goumarre, évincé. L’aînée, Judith Azoulay, travaillait à l’Association française d’action artistique, dépendante du Quai d’Orsay et du ministère de la culture. Sa cousine, Elisabeth, anthropologue devenue coach (elle a aidé François-Henri Pinault) et aujourd’hui productrice, est l’auteur de 100 000 ans de beauté, une vaste encyclopédie sponsorisée par la Fondation L’Oréal et publiée chez Gallimard. Tout le monde dans la famille baigne dans la culture ou l’audiovisuel. « RAREMENT EN BANDE » La famille ! « J’ai bien connu votre père », a souvent entendu à la banque, à la Direction des médias, au Centre national du cinéma (CNC) et enfin à l’Elysée cette « discrète » qui rêve parfois de poser un mouchoir sur une ascendance bien voyante. Elle a 19 ans quand André Azoulay, banquier qui règne sur Paribas, décide de quitter la France pour le Maroc, où il accepte le poste de conseiller économique du roi Hassan II, mais aussi de conseil diplomatique « MOLLETISME CULTUREL » A l’Elysée, en janvier 2015. FRÉDÉRIC STUCIN/PASCO La ministre du président dans le conflit israélo-arabe. C’était en 1991, juste après la parution de Notre ami le roi (Gallimard), une « bombe » où Gilles Perrault s’indignait avec une partie de la gauche des exactions absolutistes du royaume chérifien. « Du jour au lendemain, sans prévenir, pris par une sorte de rimbaldisme du business, ce prince du système a joué les Lawrence d’Arabie et est devenu le conseiller “juif” du royaume, une vieille tradition à Rabat », se souvient un ami des Azoulay. « Toute personnalité politique, économique ou culturelle française qui se rendait à Rabat rencontrait André », raconte un hiérarque socialiste. Chiraquiens, mitterrandiens, journalistes en vue, le conseiller d’Hassan II leur ouvre les portes du Royaume et de ses délices. C’est un homme aux yeux bleus (azoulay, en berbère), souvent énigmatique, au flegme presque britannique et à l’immense culture, qui recevait déjà, il y a vingt-cinq ans, dans son berceau d’Essaouira, aujourd’hui un haut lieu culturel et touristique à trois heures de Paris. Hôtes parfaits, sa femme Katia Brami (auteur sous son nom d’épouse de « beaux livres » et d’ouvrages d’art) et lui guident Bernard-Henri Lévy, Martine Aubry, Pierre Bergé (actionnaire à titre personnel du Monde) et d’autres à travers la médina ceinte de remparts de leur « Mogador », l’ancien nom de cette ville portuaire. « Ces deux êtres (…) ont grandi ensemble dans tous les quartiers et à toutes les heures de ce joyau du cosmopoli- « J’AI BIEN CONNU VOTRE PÈRE », A SOUVENT ENTENDU CETTE « DISCRÈTE » QUI RÊVE PARFOIS DE POSER UN MOUCHOIR SUR UNE ASCENDANCE BIEN VOYANTE tisme maghrébin, où l’islam est à la fois plus anglicisé et plus judaïsé qu’à Tanger », s’enthousiasme dans ses carnets le fondateur du Nouvel Observateur Jean Daniel, un intime. Audrey, elle, est restée en France : école publique, études à Paris-Dauphine, Sciences Po (où elle a enseigné depuis dans la filière « métiers de la culture »), ENA enfin, promotion Averroès – celle de… Fleur Pellerin. Audrey, une fille « un peu réservée et rarement en bande », se souvient son condisciple Gilles Clavreul, ancien conseiller de François Hollande ; mais « drôle, féminine et très souriante », insiste son ami d’alors Olivier Biancarelli, devenu conseiller parlementaire de Nicolas Sarkozy. Des années qui lui ont laissé un mauvais souvenir : une conférence d’un diplomate du Quai d’Orsay lui révèle pour la première fois un « antisémitisme vieille France » jamais rencontré, a raconté la ministre au Journal du dimanche du 14 février. Nostalgie de vacances insouciantes à Essaouira dans « la splendeur des années 1980 », cet âge d’or exempt de « querelles identitaires »… Septembre 2015. Mohammed VI (qu’André Azoulay ne conseille plus de manière aussi étroite que son père) reçoit pour un déjeuner très privé au Mirage, un restaurant chic de Tanger, le président de la République française. C’est une visite hautement diplomatique, après une année de brouille judiciaire et policière. La délégation compte Tahar Ben Jelloun, Jamel Debbouze, Jack Lang ou encore Audrey Azoulay n’avait guère besoin de cette « connaissance » – le mot qu’elle utilise quand on l’interroge sur ses liens avec la compagne du président. Dès 2013, l’ex-ministre socialiste Frédérique Bredin remplace Eric Garandeau à la tête du CNC. Elle travaille elle aussi agréablement avec « Audrey », et a toujours eu l’oreille de François Hollande sur les questions culturelles. Les présentations officielles sont faites lors d’un voyage présidentiel au Mexique, en avril 2014, au détour d’un hangar aéronautique que visite la délégation. Aurélie Filippetti et Isabelle Giordano, qui pilote Unifrance, chargé de promouvoir le cinéma français dans le monde, patientent dans un coin, avec Audrey Azoulay. Le chef de l’Etat vient les trouver : « Ça va, le cinéma ? » En septembre 2014, voilà la jeune femme à l’Elysée, chargée de dossiers brûlants comme la lutte contre le téléchargement illégal et l’assurance-chômage des intermittents. Moins de six mois plus tard, elle est en couverture de L’Obs : « Avec qui dirige vraiment Hollande ? » Réponse : « La jeune garde de l’Elysée. » Parmi les trentenaires, soigneusement « castés » par le président et le conseiller en communication Gaspard Gantzer, l’hebdomadaire a retenu deux portraits pour ses deux « unes », masculine et féminine. Sur la première, le conseiller « conjoncture » ; sur l’autre, le sourire à la fois glamour et méditerranéen de la conseillère « culture ». Stupeur : le jour de sa nomination, Audrey Azoulay se retrouve pourtant sans fiche Wikipedia. Pas d’album photos, pas de compte Twitter. Qui peut savoir qu’un ami de sa sœur, Steve Suissa, l’a convaincue de jouer il y a douze ans une courte scène dans une tragi-comédie avec François Berléand et Bérénice Bejo ? Elle y était l’assistante d’un homme soucieux de monter Le Marchand de Venise de Shakespeare en yiddish. « Les députés socialistes ignorent tout de cette inconnue, persifle un élu du Palais-Bourbon, alors vous imaginez les militants… » La nouvelle ministre a de son côté les poids lourds de la culture. « Je l’adore, je l’adore, s’enthousiasme Pascal Rogard, le patron de la puissante Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), et de tous les débats culturels depuis trente ans. Sur les sujets cinéma et audiovisuel, personne ne touche mieux sa bille. » « On n’attendait rien de François Hollande pour la culture, mais on est quand même déçu par son molletisme culturel !, peste au contraire Frédéric Martel, ancien conseiller de Martine Aubry et producteur-animateur de l’émission « Soft Power » sur France-Culture. Ça commence avec panache par Aurélie Filippetti, fille d’ouvrier italien, militante de gauche et ministre politique ; on continue bizarrement avec Fleur Pellerin, enfant d’un bidonville coréen, énarque de gauche et ministre techno ; on termine avec Audrey Azoulay, grande bourgeoise amie de la monarchie marocaine… » François Hollande connaît bien ces dramaturgies cornéliennes qui se jouent Rue de Valois à la veille d’une élection présidentielle : un ministre pour les militants, ou pour la profession ? p débats | 13 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Mieux protéger les professionnels de santé contre le harcèlement Vladimir et Bachar | par serguei Le récent suicide du cardiologue Jean-Louis Megnien rappelle à quel point l’hôpital ne sait pas encore bien protéger ses personnels des risques psychosociaux. Et le plan annoncé par l’AP-HP ne suffira pas par marie-france hirigoyen, christiane kreitlow et christelle mazza L Le djihadisme est devenu un instrument de revanche sociale Le terrorisme islamiste n’est plus seulement dirigé contre l’Occident. C’est aussi un outil de contrôle de l’islam et de contestation des élites nationales au Proche-Orient par bernard rougier A vec la première intervention américaine en Afghanistan, le « djihadisme stratégique », porté par une organisation nomade, Al-Qaida, hébergée par les talibans mais dépourvue d’enracinement solide dans le tissu social local, disparaît progressivement. Cependant, la seconde intervention américaine dans le « Grand Moyen-Orient », l’occupation de l’Irak de 2003 à 2010, a facilité, quant à elle, l’expansion d’un nouveau phénomène terroriste, le « djihadisme social ». Ancré dans l’intimité anthropologique et politique de la société irakienne, il se montre viscéralement hostile aux élites en place. Abou Moussab Al-Zarkaoui, le chef d’AlQaida en Irak, tué en 2006, a été l’homme de cette métamorphose. Passionné par les exploits guerriers d’Imad Al-Din Al-Zengi, maître d’Alep et de Mossoul au XIIe siècle, il a su marginaliser la riche péninsule arabique au profit d’un Machrek de la déshérence et de la pauvreté. Zarkaoui éleva la haine des chiites au même statut que la lutte contre l’Occident, désavouant ainsi les stratèges d’Al-Qaida plus soucieux de rallier l’ensemble du monde musulman contre les Etats-Unis. Zarkaoui est l’inventeur de la guerre sociale par le djihad. Homme d’une tribu transjordanienne prestigieuse, il a vécu entre petits boulots et délinquance à Zarka, une banlieue industrielle triste à l’est d’Amman, peuplée de déracinés (des Palestiniens) mais irriguée par le commerce routier avec l’Irak et l’Arabie saoudite. Il a pu acclimater dans ce milieu une idéologie djihadiste apprise lors de son voyage à Peshawar, au Pakistan, COMMETTRE DES ATTENTATS EN EUROPE, UN MOYEN DE CHANGER DE STATUT AU SEIN DE L’ORGANISATION ÉTAT ISLAMIQUE en 1989 auprès d’un théoricien, Abou Mohammed Al-Maqdissi, qui s’était fait un nom en déclarant le royaume saoudien mécréant. Dix années plus tard, Zarkaoui avait monté à Hérat, dans l’Afghanistan des talibans, un réseau de volontaires du nom de Jund Al-cham (« L’armée de la Grande Syrie ») avec des ramifications en Afrique du Nord et en Europe. A Hérat, Zarkaoui médita les dangers de l’« hérésie chiite » auprès d’un cheikh égyptien, Abou Abdallah Al-Muhajer, légitimant la méthode de l’égorgement des « ennemis de l’islam ». En provoquant l’armée américaine lors des deux premières batailles de Fallouja (2004), il sut aussi accélérer le recrutement des désœuvrés du système Saddam. L’organisation Etat islamique en Irak est née après sa mort en juin 2006, mais son mode opératoire lui doit beaucoup. Il fut le premier à pratiquer la décapitation filmée en assassinant l’otage américain Nicholas Berg en mai 2004. DIALECTIQUE DE LA VIOLENCE Au Moyen-Orient, le djihadisme social a tiré un profit considérable de la situation intenable des élites politiques sunnites. Confrontées à l’hégémonie du système régional iranien, ces élites ont vu s’éroder leur autorité par la diffusion dans les quartiers populaires d’un salafo-wahhabisme financé depuis le Golfe. Aujourd’hui, la rivalité entre le mouqawim (« résistant » en arabe), lié au système de pouvoir iranien – à l’instar du Hezbollah au Liban et en Syrie –, et le moujahid (« combattant du djihad »), dorénavant incarné par Daech (sans se limiter à celui-ci), entretient une dialectique de la violence qui réduit la possibilité d’une alternative sunnite et populaire au djihadisme, seule manière pourtant de combattre ce phénomène. Contrairement aux alliés du pouvoir iranien, les organisations djihadistes restent encore privées d’une capacité d’action contre Israël, même si elles s’en rapprochent dans le Sinaï ou le Golan. Mais pour ne pas paraître en reste, elles doivent exercer leur violence contre les juifs européens et contre tout ce qui est associé à « l’Occident ». Le contrôle de l’islam n’est pas le seul enjeu ; la guerre sunnites-chiites au Machrek approfondit aussi une logique de lutte des classes en milieu sunnite. Des prolétaires en armes radicalisent leurs croyances religieuses pour discréditer les élites tentées par des formules politiques de coopération interconfessionnelle. En Syrie, où la famille Assad a détruit depuis 1970 le pouvoir des notables urbains, les jeunes de Homs ou d’Alep ont refusé d’obéir aux officiers sunnites de l’ASL (Armée syrienne libre) lors du soulèvement au printemps 2011, car ces derniers représentaient toujours pour eux – en dépit de leur désertion de l’armée d’Assad – les symboles d’un régime honni. Mieux valait alors constituer une brigade autonome grâce à l’argent du Golfe. Moins de dix ans après sa mort, l’entreprise de Zarkaoui a fructifié audelà de son espace de prédilection oriental, ouvrant ainsi la voie à un djihad « par le bas », fondé sur la pratique et la diffusion de l’ultraviolence comme instruments de promotion des sans-grade. En Europe, des délinquants déscolarisés se sont identifiés à ce modèle. Le Belge Abd Al-Hamid Abaaoud, présenté comme le « cerveau » des tueries parisiennes du 13 novembre, était un délinquant minable, hâbleur et narcissique, obsédé par le culte de sa propre image sur le champ de bataille syrien. En 2014, une vidéo de Daech avait mis en scène Abaaoud dans une tranchée à quelques kilomètres d’un front. Abou Omar Al-Belgiki (sa kunya, son surnom en arabe) appelait ses frères à « accourir au djihad » en se vantant d’être « entré dans des villas, des palais ». Filmé au volant de son engin 4 × 4 dans les villes fantômes de la Syrie du Nord, il rêvait d’atteindre Damas pour « braquer des banques à Damas si Dieu le veut ». Si faire la hijra (« migration ») en Orient a d’abord permis à ces individus d’échapper à la culpabilité de l’échec social en s’inventant un destin grandiose de « soldat de l’islam », commettre en retour des attentats en Europe apparaît pour eux comme un moyen de changer de statut au sein de l’organisation Etat islamique, en échappant à l’accomplissement des tâches subalternes comme l’inhumation des cadavres de « mécréants » et d’« apostats » syriens. La publicité donnée dans la dernière livraison de Dar Al-Islam, la revue francophone de l’organisation, au « testament » d’Abaaoud ainsi que les images de l’exécution de prisonniers syriens par les kamikazes du 13 novembre diffusées sur le réseau social Telegram illustrent l’importance de ce recyclage de volontaires étrangers pour les dirigeants djihadistes irakiens. p ¶ Bernard Rougier est politologue, professeur des universités à Paris-III, coauteur de « L’Egypte en révolutions » (PUF, 2015) e suicide par défenestration du cardiologue Jean-Louis Megnien le 17 décembre 2015 à l’Hôpital européen Georges-Pompidou a suscité une vague d’émotion dans le monde hospitalier et est venu rappeler la triste réalité du harcèlement moral. Car, si la France a été un des premiers pays à bénéficier d’une loi très complète contre le harcèlement moral, cette problématique reste malheureusement peu prise en compte dans les entreprises privées et encore moins dans le secteur public. Les employeurs commencent à prendre des mesures pour lutter contre le stress et les risques psychosociaux (RPS), mais ils tardent à vouloir repérer le harcèlement moral qu’ils jugent trop subjectif, trop lié à la personnalité du salarié ou de l’agent et à leur éventuelle fragilité. Pour rappel, le harcèlement moral consiste en une violence subtile, insidieuse, d’autant plus dangereuse qu’elle est quasi invisible. Il s’agit, de façon plus ou moins consciente, de disqualifier, d’isoler, de dégrader une personne et d’attaquer son travail. Il ne s’agit pas d’un conflit mais d’une guerre d’usure pour soumettre ou détruire un individu. En France, le harcèlement moral est défini par les textes comme « un ensemble d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Le législateur a choisi de ne pas qualifier les agissements, mais s’est appuyé sur les conséquences du harcèlement moral, en particulier sur la santé et la dignité de la personne ciblée. Même si le texte de loi parle d’agissements qui ont pour objet ou pour effet…, la notion d’intentionnalité n’est pas indifférente pour les personnes ciblées, car le caractère personnel d’un traumatisme en aggrave l’impact. Dans le harcèlement moral, il ne s’agit nullement d’une maladresse ou d’un accident, mais d’un comportement délibéré ou tout du moins systématisé. En ce qui concerne les harceleurs, ils sont rarement tout à fait conscients de la gravité de leurs agissements. Dans cette forme de violence grave, les troubles ne résultent pas uniquement de l’agression ellemême, mais surtout de la situation d’impuissance dans laquelle les personnes ciblées sont placées et qui est aggravée par le silence de la hiérarchie. La négligence à ne pas traiter le harcèlement moral conduit les victimes à un sentiment de profonde injustice. L’ostracisme – ou mise en quarantaine – vient menacer les besoins sociaux fondamentaux de tout individu, le maintien de l’estime de soi, le sentiment de contrôle et le besoin de reconnaissance. Les enquêtes montrent que, dans tous les pays, le harcèlement moral et le risque suicidaire prédominent dans le secteur de la santé. Le monde hospitalier public est passé d’une culture de service public à une culture de la rentabilité avec des indices de performances et un management par objectif, générant souvent des conflits éthiques entre le corps médical et la direction. Tout est comptabilisé, y compris les productions scientifiques. La loi Hôpital, patients, santé et territoire du 21 juillet 2009 a considérablement modifié le système de gouvernance des hôpitaux, UN MANAGEMENT TROP AXÉ SUR DES PROCÉDURES STANDARDISÉES NE RÉGULE PAS LES ABUS DE POUVOIR laissant le directeur tout-puissant dans la gestion du personnel et de l’établissement. Mais ce fonctionnement laisse de côté la part humaine de chacun qui ne peut pas toujours être objectivée. Un management trop axé sur des procédures standardisées ne régule pas les luttes d’influence et les abus de pouvoir. Or, quand tout le monde est sous pression, le risque est grand de vouloir s’affirmer aux dépens des autres et d’utiliser des procédés déloyaux comme le harcèlement moral. MESURES INSUFFISANTES Reconnaître la réalité des dérives du management moderne ne doit pas dédouaner l’individu de toute responsabilité. Il ne s’agit pas de nier la complexité des organisations et la violence du management moderne, mais il importe de repérer la dimension individuelle de cette souffrance. Le but n’est pas de désigner un « coupable », mais de questionner l’organisation qui laisse se mettre en place des dérapages. Il s’agit d’un problème d’ordre éthique qui incombe à chacun quant aux conséquences prévisibles de ses actes. Mais, alors que les établissements de santé mènent une réflexion sur les questions d’éthique concernant les malades, ils oublient trop souvent leurs propres responsabilités vis-à-vis de chaque soignant. L’AP-HP a annoncé début janvier un plan d’action destiné à la prévention et au traitement des situations conflictuelles susceptibles de nuire « à la qualité des soins et à la qualité de vie au travail ». Parmi les mesures prévues, plusieurs concernent la politique managériale, mais qu’en est-il du respect des soignants ? Ce plan est avant tout centré sur la prévention des risques psychosociaux. C’est certes une étape indispensable dans la prévention du harcèlement moral, mais c’est insuffisant, car on ne « règle » pas la part fortuite de l’humain en dictant des comportements. Il faut aussi céder de l’espace à l’individu pour y déployer sa part sensible, car c’est cette même part qui humanise les relations de soin et autorise leur qualité. Il est temps que la France prenne vraiment en compte la destructivité du harcèlement moral. Si nous avons des spécialistes du travail qui se penchent sur les RPS, nous n’avons aucun programme de recherche spécifique concernant le harcèlement moral. A titre de comparaison, en Norvège, un groupe de recherche spécifique travaille dans ce sens et forme des étudiants sur cette problématique depuis de nombreuses années. Les professionnels de santé qui traitent de l’humain ont droit à une organisation juste qui les prenne en compte en tant qu’êtres humains. p ¶ Marie-France Hirigoyen et Christiane Kreitlow sont psychiatres et psychothérapeutes Christelle Mazza est avocate. Elles sont membres de l’Association internationale sur le harcèlement et l’intimidation au travail 14 | éclairages 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Une réforme du code du travail « néoconservatrice »? ANALYSE michel noblecourt Editorialiste LE VENT DE LA DÉRÉGULATION SOUFFLE D’AUTANT MOINS QUE LE PATRONAT S’ALARME DÉJÀ DE LA TIMIDITÉ DE LA RÉFORME J’ observe l’essor d’une idéologie néoconservatrice au sein de l’exécutif. » Avec cette déclaration à L’Humanité, lundi 8 février, Benoît Hamon a franchi un cran supplémentaire dans l’offensive contre François Hollande. Le gouver nement n’est plus seulement accusé d’être « social-libéral », il est devenu « néoconservateur ». Figure de l’aile gauche du Parti socialiste, M. Hamon a été ministre de mai 2012 à août 2014, d’abord à l’économie sociale et solidaire puis à l’éducation nationale. Il est resté au gouvernement sept mois après le lancement du pacte de responsabilité, dont il fait aujourd’hui le symbole des reniements, avant de rejoindre les frondeurs. « Probablement candidat » à une primaire de la gauche qui n’aura sans doute pas lieu, et à laquelle il invite poliment M. Hollande à participer, il semble bien décidé à empêcher une nouvelle candidature du président qu’il a servi. La fracture interne au PS sur la déchéance de nationalité a permis aux frondeurs d’élargir leurs assises. Pour M. Hamon, le clivage gauche-droite s’est « reformulé », la famille socialelibérale partageant aujourd’hui avec la droite les mêmes solutions sur « la question du lien entre nationalité et citoyenneté ». Aux yeux de l’ancien ministre, la refonte du code du travail « sera la nouvelle offensive de ce courant idéologique » néoconservateur. « Quelle est la conviction de ce dernier pour lutter contre le chômage ?, interroge le député des Yvelines. Ce qui empêcherait les entreprises d’embaucher, ce serait les protections trop nombreuses et trop coûteuses de ceux qui travaillent. En diminuant les droits des insiders, on faciliterait les chances des outsiders d’entrer sur le marché du travail. (…) C’est injuste et inefficace. » UN ORDRE PUBLIC SOCIAL En formulant son réquisitoire contre la réforme du code du travail, au diapason de FO et plus encore de la CGT, M. Hamon nourrit la boîte à fantasmes. Car, au regard des textes qui vont permettre, sur deux ans, sa réécriture, il fait totalement fausse route. Dans son interview télévisée du 11 février, le président de la République a indiqué qu’il était guidé par deux principes : « Souplesse pour les entreprises pour embaucher, sécurité pour les salariés qui peuvent connaître des mutations. » Dans le rapport qu’il a remis, en janvier, au premier ministre, Robert Badinter affiche sa « volonté d’assurer le respect des droits fondamentaux de la personne humaine au travail ». S’il juge que la « complexité croissante du droit du travail n’est pas nécessairement un facteur d’efficacité », il souligne que la tâche du législateur est d’« encadrer, sans le contraindre, le droit du travail en le fondant sur des principes indiscutables ». L’ancien ministre de François Mitterrand, dont rien n’indique dans son parcours depuis l’abolition de la peine de mort qu’il se soit converti au néoconservatisme, propose 61 « principes essentiels » que Manuel Valls s’est engagé à reprendre pour chapeauter le futur code du travail. Il redéfinit un ordre public social auquel il ne sera pas possible de déroger, où on trouve, par exemple, la liberté du salarié de « manifester ses convictions », le contrat de travail à durée indéterminée, l’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, la justification de tout licenciement par « un motif réel et sérieux », le salaire minimum, la « durée normale du travail fixée par la loi » – celle-ci déterminant, comme c’est déjà le cas, les conditions pour retenir, par voie d’accord collectif, une durée différente –, la liberté syndicale, le droit de grève, etc. On y cherchera, en vain, toute trace, même subliminale, d’un quelconque néoconservatisme. L’autre texte sur lequel le gouvernement s’appuie pour réformer le code du travail est le rapport de Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, remis en septembre 2015. Le fil rouge de ce document est de favoriser le développement de la négociation collective dans les branches professionnelles et les entreprises. M. Combrexelle écarte résolument « une réduction drastique du code du travail » qui « plongerait notre économie et notre système de relations sociales dans une situation chaotique et donnerait au juge un pouvoir sans précédent ». Dans l’architecture qu’il propose, chaque branche définirait « un ordre public conventionnel » (qualifications, salaires mi- nima, prévoyance, formation, pénibilité) applicable aux entreprises du secteur et « opposable, sous réserve de l’application du principe de faveur, à l’ensemble des accords d’entreprise ». Le vent de la dérégulation, chère aux néoconservateurs, souffle d’autant moins dans les rapports de M. Badinter et de M. Combrexelle que le patronat, présenté par M. Hamon et les frondeurs comme le destinataire exclusif des cadeaux du gouvernement, s’alarme déjà de la timidité de la réforme. Craignant une « complexité supplémentaire », Alexandre Saubot, le « M. Social » du Medef, confiait au Monde daté du 27 janvier : « Nous sommes en train de transformer une chance historique d’avancer sur ce sujet en une nouvelle occasion manquée, voire une régression. » Dans le projet de loi qu’elle présentera, début mars, au conseil des ministres, Myriam El Khomri amorcera, sur le temps de travail, la réforme du code et posera les jalons du compte personnel d’activité (CPA). La ministre du travail lancera, sur la base d’une « position commune » adoptée par les partenaires sociaux, la sécurité sociale professionnelle, avec des droits qui seront attachés à la personne quel que soit son statut. Une nouvelle marque de néoconservatisme ? Non, une vieille revendication syndicale, défendue de longue date par Martine Aubry et le PS. Comme quoi il vaut mieux partir des réalités que des fantasmes. p [email protected] LE GRAND RENDEZ-VOUS EUROPE 1, LE MONDE, I-TÉLÉ Jean-Christophe Lagarde : « Priorité aux réfugiés de Syrie » ¶ Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, député de Seine-Saint-Denis Le Grand Rendez-Vous avec « Le Monde » est diffusé chaque dimanche de 10 heures à 11 heures sur Europe 1 et i-Télé. Version intégrale sur Europe1.fr et Lemonde.fr La loi sur la révision constitutionnelle votée à l’Assemblée nationale passe au Sénat. Il y a 40 sénateurs UDI. Leur demandez-vous de voter cette loi ? A l’Assemblée nationale, vous avez vu que de nombreux groupes ont été très divisés. L’UDI a 29 députés, 25 ont voté pour. Je souhaite que les sénateurs regardent les choses de la même façon que nous. Nous souhaitons que cette réforme de la Constitution soit adoptée en Congrès à Versailles. Pour sécuriser le processus de l’état d’urgence, pour éviter qu’on puisse le faire annuler et donner les moyens à l’Etat de nous protéger quand ça s’avère nécessaire. Nous y avons mis trois conditions : qu’il y ait un contrôle parlementaire ; qu’on ne vive pas sous état d’urgence permanent ; et, troisièmement, qu’en cas de dissolution, on ne soit pas sous état d’urgence : une campagne électorale sous ce statut permettrait à un gouvernement d’interdire des manifestations, des réunions publiques, voire de prononcer des assignations à résidence. Sur les trois points, cela a beaucoup progressé. LES INDÉGIVRABLES PAR GORCE Selon vous, est-ce une victoire nationale contre le terroriste ou la victoire du président de la République ? C’est évidemment un acte contre le terrorisme et d’unité nationale. Et, pardon de vous le dire ainsi, la victoire du président de la République, parce qu’il y aurait une réforme de la Constitution, c’est de la flûte. Quel Français va changer son opinion sur l’action de François Hollande alors que le chômage continue d’augmenter, que les entreprises ferment ? On a besoin d’être ensemble. Manuel Valls, à Munich, a dit être défavorable au fait d’aller plus loin que le quota français de 30 000 réfugiés. Etes-vous sur la même ligne ? Aujourd’hui, chaque année, on accueille 88 000 personnes étrangères dans le cadre du regroupement familial. C’est une nécessité de confort familial qu’on peut comprendre. Mais des gens sont victimes d’une barbarie et d’un génocide en Syrie, en Irak. Il y a une priorité à donner à des gens qui sont en train d’être massacrés, égorgés, par rapport à des gens qui viennent pour un regroupement familial. On aurait pu, en recevant le même nombre de personnes, accueillir ceux qui étaient menacés de mort d’abord. L’Allemagne va accueillir 200 000 à 300 000 personnes au moins cette année. La France doit-elle prendre des engagements dans des ordres de grandeur comparables ? Si elle restreint le regroupement familial, la France est en mesure de le faire. On devrait prioriser ceux qui sont menacés de mort plutôt que les autres. C’est simple. Et ce serait l’honneur de la France, plutôt que le coup de menton qui dit : « Non, je ferme les frontières, et je ne m’occupe pas de ceux qui meurent. » Comptez-vous négocier avec un accord d’investiture aux législatives avec Les Républicains comme l’avaient fait les socialistes avec les Verts ? Nous sommes en train de discuter. J’ai écrit à Nicolas Sarkozy, puisque, pour que les militants [UDI, réunis le 20 mars en congrès] fassent leur choix [de présenter ou non à la primaire du centre et de la droite un candidat], il faut qu’ils sachent ce que veut dire la primaire. D’abord, je ne fais pas de dissociation entre l’élec- tion présidentielle et les élections législatives. Cela ne sert à rien d’élire un président de la République s’il n’a pas de majorité. C’est donc d’un pacte de majorité qu’on est en train de parler. Il y a trois conditions à cela. La première, c’est qu’on partage quelques priorités politiques, sur le redressement de l’éducation nationale, des comptes de la France, de notre modèle économique et social, la modification du cadre du travail. Deuxième chose, il faut qu’il y ait un pacte de gouvernance. Cela veut dire pas d’alliance avec l’extrême droite, deux partis indépendants, forcément, et que les points de divergence sont assumés : si on nous explique qu’il faut déliter l’Europe, comme François Hollande et Manuel Valls sont en train de le faire, évidemment nous serons en désaccord, et il n’y aura pas de solidarité sur ce point. Troisièmement, il faut un équilibre aux élections législatives : je ne suis pas partisan de reproduire ce système du parti unique qui a échoué, qui s’est livré à toutes les erreurs et parfois à tous les excès. p « IL Y A UNE PRIORITÉ À DONNER À DES GENS QUI SONT EN TRAIN D’ÊTRE MASSACRÉS PAR RAPPORT À CEUX QUI VIENNENT POUR UN REGROUPEMENT FAMILIAL » propos recueillis par michaël darmon, jean-pierre elkabbach et arnaud leparmentier FIFA : quand Blatter manœuvrait avec le Qatar LIVRE DU JOUR rémi dupré R ares sont les journalistes d’investigation à avoir mis au jour les combines, renvois d’ascenseurs et autres pots-de-vin qui font partie des mœurs de la Fédération internationale de football (FIFA) depuis des décennies. S’appuyant sur des « millions de documents confidentiels » (e-mails, relevés de paiements et autres enregistrements), les Britanniques Heidi Blake et Jonathan Calvert ont créé la stupeur en révélant, en avril 2015, la stratégie mise en place par le Qatar pour remporter haut la main, en décembre 2010, le vote d’attribution de la Coupe du monde 2022. Dans The Ugly Game (Ed. Simon and Schuster), les deux fins limiers du Sunday Times racontaient comment le Qatari Mohamed Ben Hammam, viceprésident de la FIFA, avait soudoyé plusieurs membres de son comité exécutif afin de réaliser le rêve de son émir. La chute en décembre 2015 de Joseph Blatter, patron de la Fédération internationale depuis 1998, et de Michel Platini, son successeur annoncé, a motivé la maison d’édition Hugo Sport à publier la version française et actualisée de cette enquête touffue et accablante. Dans L’homme qui acheta une Coupe du monde : le complot qatari, Heidi Blake et Jonathan Calvert pointent notamment les millions de dollars dépensés par Mohamed Ben Hammam pour obtenir une vague de soutiens et des échanges de votes en faveur de son pays. Versements par le truchement de caisses noires, deals gaziers, sponsoring : les manœuvres du puissant dirigeant de la Confédération asiatique (AFC) sont narrées par le menu. FRAUDES ÉLECTORALES Au printemps 2011, le dignitaire qatari souhaite défier l’indéboulonnable « Sepp » Blatter lors de l’élection présidentielle à la FIFA. Mais il voit sa candidature fragilisée à quelques jours du scrutin à la suite des accusations de fraudes électorales. Avant de s’expliquer devant le comité d’éthique de la FIFA, le dirigeant de l’AFC est reçu par Sepp Blatter, en présence d’un « membre éminent de la famille royale du Qatar ». Le patron du foot mondial obtient alors le retrait de la candidature de Mohamed Ben Hammam en échange de l’abandon des poursuites qui le visent. Il garantit, par ailleurs, à l’émirat qu’il ne perdra pas l’organisation du Mondial 2022. Dupé par le maître de la FIFA, Mohamed Ben Hammam se retire de la course à la présidence avant d’être suspendu provisoirement puis radié à vie en 2012. Outre la duplicité et le machiavélisme de Sepp Blatter, l’ouvrage de Heidi Blake et Jonathan Calvert dépeint les dessous de l’attribution des Mondiaux 2018 (à la Russie) et 2022. Un processus qui fait actuellement l’objet d’une enquête du ministère public de la Confédération helvétique. A ce jour, la justice suisse a relevé 133 mouvements financiers suspects. De quoi remettre en cause l’attribution des deux prochains tournois planétaires ? C’est l’un des dossiers prioritaires qui attendent le prochain président de la FIFA, dont l’élection est prévue le 26 février. p L’Homme qui acheta une Coupe du monde. Le complot qatari de Heidi Blake et Jonathan Calvert, éditions Hugo Sport, 476 p., 19,95 € carnet | 15 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Sa famille, Ses nombreux amis, en vente actuellement K En kiosque Ng Ectpgv Xqwu rqwxg| pqwu vtcpuogvvtg xqu cppqpegu nc xgknng rqwt ng ngpfgockp < HORS-SÉRIE s UNe vie, UNe ŒUvRe s ng fkocpejg fg ; jgwtgu 34 j 52 Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < 23 79 4: 4: 4: 23 79 4: 43 58 Franço�s M�tt�rrand Le pouvoir et la séduction ectpgvBorwdnkekvg0ht ÉdItIOn 2016 Le centenaire de la naissance de l’ancien président AU CARNET DU «MONDE» Hors-série LE BILAN DU MONDE | 0123 fw nwpfk cw xgpftgfk lwuswÔ 38 j 52 *lqwtu hfitkfiu eqortku+ Décès ÉDITION 2016 0123 H O R S - S É R I E LE BILAN DU MONDE Yves aubry, son ils, Annie Blot-Aubry, sa belle-ille, Eglantine, sa petite-ille ▶ GÉOPOLITIQUE ▶ ENVIRONNEMENT ▶ ÉCONOMIE + A T L A S D E 1 9 8 P A Y S Et leurs familles, font part du décès de Mme Renée AUBRY, née MARCHÉ, Hors-série survenu le 10 février 2016, à l’Institution nationale des Invalides, dans sa cent sixième année. Les obsèques auront lieu le mercredi 17 février, à 10 h 30, au cimetière du Tronchet (Ille-et Vilaine). Ampus. Tourtour. Un grand homme nous a quittés, le 11 février 2016, au soir, M. Jean-Claude BLANQUART, Hors-série chevalier de l’ordre national du Mérite. Collections EGYPTOMANIA Une collection pour découvrir la vie et les mystères de l’Egypte des pharaons EGYPTOMANIA LES TRÉSORS DE L’ÉGYPTE ANCIENNE Unis dans une profonde tristesse, Marie-Algayette Kervyn de Volkaersbeke, Arnaud Blanquart, Laurent Blanquart, Marie-Claude Blanquart, Alaïs Blanquart, Nanou Blanquart. Les obsèques auront lieu à Tourtour (Var), le mardi 16 février, à 10 h 30, en la chapelle de la Sainte-Trinité. Isis, le trône du pharaon L’ambiguïté du sphinx Pierre Bonassies son époux, Alexandre, pharaon Les hiéroglyphes, ou quand les dessins prennent vie Dès jeudi 11 février, le vol. n°5 Isis, le trône du pharaon - L’ambiguïté du sphinx - Alexandre, pharaon - Les hiéroglyphes, ou quand les dessins prennent vie a la très grande peine de faire part du décès, le mercredi 10 février 2016, de Janine BONASSIES, née TASSOU. Elle était lumière, joie, immense générosité, elle aimait les autres, les enfants, la nature et les animaux. Décembre 1944 - Janvier 1945 La Bataille des Mars 1942 (2) Ardennes L’Attaque du port Le raid des com de St-Nazaire mandos britanniq Bastogne ues Que François d’Assise l’accueille au seuil de la Maison du Père. Les obsèques seront célébrées à Aixen-Provence (Bouches-du-Rhône). Ingrid BOSVELD DEBRAY Ken Ford Steven J. Zaloga Gerrard et Peter Dennis Howard Illustrations de Illustrations de Howard Gerrard Dès mercredi 10 février, le n°10 2 LIVRES : LA BATAILLE DES ARDENNES(2) et L’ATTAQUE DU PORT DE ST-NAZAIRE PatRimoinE de l’ HumanitÉ E�r�pe ce��r�le nous a quittés, le 12 février 2016. Toutes les personnes qui la portaient dans leurs cœurs sont les bienvenues le mardi 16 février, à 10 h 30, en l’église Saint-Eustache, Paris 1 er, pour lui dire au revoir. Mme Janine Brygoo, née Beauché, son épouse, Ses enfants, Ses petits-enfants Et ses arrière-petits-enfants, ont la tristesse d’annoncer le décès du médecin général Edouard BRYGOO, u�e c�llec���� prése��ée p�r ERiK oRSEnna de l’ac�dé��e fr��ç��se Dès mercredi 10 février, le volume n°24 EUROPE CENTRALE professeur émérite au Museum d’histoire naturelle de Paris, survenu à Paris, le 8 février 2016, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. K Boutique du Monde Dominique, son ils, Sophie, Joachim et Ariel, ses petits-enfants, Nay et Rym, ses arrière-petites-illes, Marie-José et Édith, ses nièces, Rita, sa belle-petite-ille, Les familles Claudet, Gruelles, Marchès, Kocher, Boukobza, Sahyoun et Cousset, K Le Carnet du Monde ont la tristesse de faire part du décès, dans sa cent unième année, de Nos services Lecteurs K Abonnements www.lemonde.fr/abojournal www.lemonde.fr/boutique Tél. : 01-57-28-28-28 Élise Henriette CLAUDET, née COUSSET, veuve de Paul Jules Vital CLAUDET. ont la tristesse de faire part du décès de Philippe CONORD, peintre et amateur de Jazz, survenu le 10 février 2016, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Les familles Gribelin et Daillier ont la tristesse de faire part du décès de Mme Anne-Marie DAILLIER, survenu le 12 février 2016, dans sa cent troisième année. Mme Henri Marchand, son épouse, Mme Juliette Souchot, sa sœur, Denis et Véronique, Claude et Sylviane, Olivier et Marie-Agnès, Hélène, ses enfants, Ses petits-enfants Et ses arrière-petits-enfants, ont le grand chagrin de faire part du décès de M. Henri MARCHAND, ingénieur des Eaux et Forêts en retraite, X40, évadé de France, 2e DB, 13e Génie, oficier de la Légion d’honneur, Une cérémonie religieuse aura lieu en l’église de Saint-Jacques-de-la-Lande, le mardi 16 février, à 15 heures. survenu le 3 février 2016, dans sa quatre-vingt-seizième année. Un service religieux sera assuré à Paris, en l’église Saint-Pierre de Montrouge, à une date ultérieure. La cérémonie religieuse et l’inhumation ont eu lieu à Lesconil (Finistère), dans l’intimité familiale. Florence KAPFERER a quitté ce monde sombre et violent où elle a vécu avec une énergie exceptionnelle pour un monde lumineux et serein auquel elle croyait avec une foi inébranlable. C’était le 7 février 2016, elle avait cent trois ans. Sa famille Et ses plus idèles amis, ont la grande tristesse d’en faire part et demandent de penser à elle. Christian et Danielle Knapp, son ils et sa belle-ille, Sabine et Jean-Bernard Truc, sa ille et son gendre, Alain et Jacqueline Villemur, son frère et sa belle-sœur, Etienne et Florence Knapp, Raphaël et Jennifer Knapp, Jean-Baptiste Truc, ses petits-enfants, Faustine, Joséphine, Lorraine, Aloïse et Elisabeth Knapp, ses arrière-petites-illes, ont la tristesse de faire part du décès de Monique KNAPP, née VILLEMUR, survenu à son domicile, le 21 janvier 2016, dans sa quatre-vingt-treizième année et qui rejoint ainsi son époux, Jean, décédé le 17 décembre 1999. Une cérémonie en souvenir de Monique a été célébrée en l’église d’Auteuil, à Paris 16 e , le samedi 13 février. Les présidents de l’Association et de la Fondation des petits frères des Pauvres, ont la grande tristesse d’ annoncer le décès de Mme Françoise LAPLAZIE, administratrice de la Fondation de 2002 à 2015, représentant le ministre de l’Intérieur, le 6 février 2016, à Paris. Celia Delia et Daniel Sobrino ont l’inconsolable douleur de faire part du décès de leur mère Geneviève LE PROUX DE LA RIVIÈRE, survenu le 11 février 2016, à Paris. [email protected] Mme Catherine Levert, son épouse, L’ensemble de la famille, Ses amis, ont la tristesse d’annoncer le décès de M. Jean-Pierre LEVERT, oficier dans l’ordre des Palmes académiques, survenu le 11 février 2016. Les obsèques religieuses seront célébrées le vendredi 19 février, à 14 h 30, en l’église Saint-Pierre-Saint-Paul, 10, rue Boudoux à Courbevoie (Hauts-de-Seine), suivies de l’inhumation au cimetière des Fauvelles à Courbevoie. 10, rue Molière, 92400 Courbevoie. Liliane, sa mère, Camille, sa ille, Marc-Aurèle, son gendre, Suzanne, sa petite-ille Ainsi que ses amis, ont le chagrin d’annoncer le décès de Muriel NAESSENS, militante. Elle était âgée de soixante-sept ans. La cérémonie aura lieu le jeudi 18 février 2016, à 14 heures, au crématorium du cimetière du PèreLachaise (salle Mauméjean), Paris 20e. Jean-Frédéric Schaub et Marie-Karine Schaub, ses enfants, Anna Joukovskaia et Jean-François Staszak, leurs conjoints, Marthe Torre-Schaub, Léon-Paul, Victor, Melchior, Eliane et Lisa, ses petits-enfants, ont la tristesse d’annoncer le décès de Sylvie SCHAUB, née LANDAU, ancien médecin psychiatre des Hôpitaux et de l’Inirmerie psychiatrique de la Préfécture de police de Paris, expert honoraire près les tribunaux, chevalier de la Légion d’honneur, survenu le mercredi 10 février 2016. Les obsèques auront lieu le mardi 16 février, à 14 h 45, au cimetière parisien de Bagneux, 45, avenue Marx Dormoy. Ni leurs ni couronnes. Cet avis tient lieu de faire-part. Fille de Mayar Landau et de Dyna Szapiro, née à Paris le 3 août 1932, Sylvie Landau a échappé de justesse à la rale du Vélodrome d’hiver de juillet 1942. Recueillie par les Justes de SaintGermain de Calberte (Lozère), puis cachée par les sœurs de Sion, elle adhère, dès l’adolescence, au Parti communiste français en 1945, où elle milite jusqu’en 1956. A l’issue de ses études de médecine, en 1959, elle entame une carrière de médecin psychiatre des Hôpitaux et de l’Administration pénitentiaire, de médecin légiste, d’enseignante en médecine légale et d’expert près les tribunaux. Sa façon d’exercer son métier auprès des plus démunis et des plus marginaux aura été, toute sa vie durant, la prolongation de son premier engagement de survivante auprès des déportés revenus des camps et accueillis à l’hôtel Lutétia en 1945 et dans l’encadrement des enfants rescapés. Mobilisée par les combats des Algériens de la région parisienne pendant la Guerre d’Algérie, militante de la cause de l’abolition de la peine capitale, elle a protesté jusqu’à la in de sa vie contre le désengagement de l’Etat vis-à-vis du service public de psychiatrie et contre sa conséquence, l’incarcération des malades mentaux. Dans le souvenir de son époux, Claude SCHAUB, (1924-1985) et de leur ille, Anne-Mireille, (1961-1966). Jean-Frédéric Schaub, 25, boulevard Bonne-Nouvelle, 75002 Paris, Marie-Karine Schaub, 106, rue La Fayette, 75010 Paris. La direction générale Et les collaborateurs d’IFP Energies nouvelles (IFPEN), Rencontre-débat ont la tristesse de faire part du décès de Roger TINDY, ancien secrétaire général d’IFPEN. Ils présentent à ses proches leurs sincères condoléances. Avis de messe En mémoire du rappel à Dieu de M. Paul-Henri GASCHIGNARD, la messe de 18 h 30, en l’église Notre-Dame-de-Grâce-de-Passy, sera dite à son intention le mardi 16 février 2016, 10, rue de l’Annonciation, à Paris 16e. Conférences Mardi 16 février 2016, à 20 heures, avec les lauréates du Prix Paris-Liège 2015 récompensant le meilleur essai en sciences humaines. Sophie Bessis, La Double Impasse. L’universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand (La Découverte) et Dominique Schnapper, L’Esprit démocratique des lois (Gallimard). Centre Wallonie-Bruxelles, 46, rue Quincampoix, Paris 4e. Contact : [email protected] Séminaire Le séminaire du professeur Thomas Durand, « Processus stratégiques » La Fédération française de l’ordre maçonnique mixte international « Le Droit Humain », le président du Conseil national, Madeleine Postal et la commission bioéthique du Conseil national, organisent une conférence publique : « Regards éthiques sur la vulnérabilité vieillesse-handicap » Conférenciers : Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à la faculté de médecine de l’université Paris-Sud, directeur de l’Espace éthique de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris, Pierre Betremieux, administrateur de l’association des parents d’adultes et de jeunes handicapés, Marie-Pierre Pancrazi, psychiatre, gériatre, coordinateur adjoint du centre mémoire de Corse, le samedi 27 février 2016, à 14 heures, 9, rue Pinel, Paris 13e. Inscription par courriel : [email protected] Tél. : 01 44 08 62 62. Informations : www.droithumain-france.org démarrera le mercredi 17 février 2016, à 18 h 15, dans l’amphi Laussedat, au Cnam, 2, rue Conté, Paris 3e (métro Arts-et-Métiers). 13 séances sont programmées de février à juin 2016. Ce séminaire abordera les questions d’élaboration et de déploiement stratégiques au sein des organisations. Contact : [email protected] Tél. : 01 58 80 87 98 (réf. MSE204). Communication diverse « Chaire Grands enjeux stratégiques contemporains » Enjeux stratégiques au Moyen-Orient. Les lundis, de 18 heures à 20 heures, Centre Sorbonne, amphithéâtre de gestion Oury 14, rue de Cujas, Paris 5e. Inscription obligatoire sur le site : chairestrategique.univ-paris1.fr 15 février : Pierre Vermeren, université Paris 1, Panthéon-Sorbonne, France, De Beyrouth à Damas, quarante ans de guerre au Moyen-Orient, quelles logiques ? 22 février : Ali Kazancigil, Middle East technical University, Ankara, Turquie, La diplomatie turque au Moyen-Orient : les raisons d’un échec, 29 février : Yann Richard, université Paris1, Panthéon-Sorbonne, France, L’Union européenne au Moyen Orient. Un acteur faible dans un voisinage compliqué, 7 mars : Salman Zaidi, expert, Islamabad, Pakistan, Radicalisation : les réponses pakistanaises, Conférences citoyennes « Santé en questions » organisées par l’Inserm, Universcience. Cerveau : du soin à l’homme augmenté. Jeudi 10 mars 2016, de 19 heures à 20 h 30, gratuit pour tout public, en duplex de la Cité des sciences et de l’industrie à Paris et de la bibliothèque municipale de La Part-Dieu à Lyon. Pour en savoir plus : www.inserm.fr 14 mars : Emile Hokayem, International Institute for Strategic Studies, Bahrein, La situation irako-syrienne : principal enjeu de sécurité dans la région, 21 mars : Jeffrey Lewis, Middle Institute of international Studies, Monterey, Etats-Unis, L’emploi des sources ouvertes pour l’étude de la prolifération nucléaire, 4 avril : Ram Jakhu, Institut de l’Air et de l’Espace, Université Mac Gill, Montréal, Canada, Normes juridiques et guerre dans l’espace, 11 avril : colloque conclusif. # # $ !# $ # #$ $# &. + *2.+ #$ $ #$ $ $# $ # *'$ %&# & #$ # . *&%%* # $ !# ! #! *%& + &/& #$ %# # # " $ #$ ! #! # %&!- &(). % * ** %%#&%. * % # %* # * .* # # ** &.*-& + # % *&% 2#/ .$%% *%. 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Cet étrange état n’est pas tant dû à la consommation d’un excellent chablis Vendangeur masqué 2013, qu’au flot de paroles qui sort de cet homme-là et vous emporte dans son flux, dans ses vagues sans fin, qui déferlent encore et encore. « Je suis désolé, mais quand je me mets à parler de moi, je m’enivre », prévient-il assez vite. La parole et le vin semblent être devenus indissolubles, chez Sébastien Barrier. Il en a fait un spectacle d’ores et déjà « culte », comme on dit, qui tourne et tourne à travers notre beau pays, où le vin est lui-même un objet de culte, et qui est en train de devenir un véritable phénomène à la croisée de l’art, de l’anthropologie et de l’œnologie : Savoir enfin qui nous buvons (Le Monde du 13 février 2015). Barrier le barré y raconte, au fil de soiréesfleuves dont la durée est imprévisible mais ne descend jamais en-dessous de six heures, la vie d’une quinzaine de vignerons adeptes du vin naturel. Et, à travers eux, il raconte beaucoup de choses sur l’hurluberlu qu’il est, mais aussi beaucoup sur les hurluberlus que nous sommes devenus, dans notre époque étrange où les mots qui gouleyent et le vin vecteur de communion n’ont pas forcément le vent en poupe. Le terme de logorrhée, du grec « logo », la parole, et « rhei », couler, semble avoir été inventé pour lui. Et c’est la parole, encore, celle qui coule, digresse, sous-digresse, s’embranche et se ramifie comme les affluents d’un fleuve, qui est au cœur de son nouveau spectacle, Chunky Charcoal (qu’on pourrait traduire par « gros morceau de charbon de bois »), lequel, après Nantes où nous l’avons vu le 5 février, arrive à Paris, au Centquatre et au Monfort. UNE DES FIGURES DU THÉÂTRE DE RUE Sébastien Barrier dit qu’il a toujours beaucoup parlé. Beau parleur, gros parleur, moulin à paroles, pour tout dire. « Peut-être parce que mes parents étaient des “écoutants” – mon père éducateur spécialisé, ma mère infirmière – et que j’ai eu l’impression, enfant, qu’ils écoutaient la terre entière, sauf moi », sourit-il. « J’ai été un grand bavard très tôt, limite bègue. Adolescent, on ne comprenait pas ce que je disais, raconte-t-il – et quand il le raconte, les mots se bousculent, se précipitent. Quand je parlais, ça formait une bouillie de mots. Je parlais beaucoup trop vite, je crois qu’on appelle ça du sébilement [ce qu’un psychanalyste lacanien traduirait sans doute en « Sybille ment »…]. C’est-à-dire qu’au lieu de faire une phrase, les mots faisaient un tas… C’est un problème de rapport au temps, d’urgence de dire. Je voulais trop en dire, je faisais le clown, j’étais viré des cours, mais, en même temps, je ne pouvais pas être viré du lycée parce que j’avais de bons résultats… J’ai conscience d’avoir un rapport à la parole pathologique, et si je n’avais pas transformé ça en spectacles, il aurait sans doute fallu m’interner… Mais avec le temps j’y ai vu un métier, et Sébastien Barrier « In oratio veritas » puis ce rapport à la parole s’est affiné, complexifié. Heureusement… » Cette longue citation, qu’il serait inconvenant de couper, montre à quel point il est difficile de lui couper la parole, à Sébastien Barrier. Et, du coup, la parole est devenue l’objet et le sujet de son art, qu’il est bien difficile de définir. L’homme est-il clown, bateleur, bonimenteur, performeur, jongleur de mots, poète, paroliculteur ? Un peu de tout cela, qu’il a rôdé au fil d’un parcours hors les clous, même ceux du théâtre de rue, dans lequel il a longtemps traîné ses guêtres ou plutôt ses bottes de marin breton, de « marin-prêcheur ». Les mots, les mots, les mots… Le jeune Sébastien s’en est saoûlé très vite, dans sa bonne ville du Mans qu’il n’a eu de cesse de fuir, en se lançant dans le théâtre et en jouant des pièces de Dario Fo, le « divin jongleur », l’homme qui a eu le prix Nobel en écrivant avec de la parole… Puis Sébastien Barrier s’est tourné vers le cirque, qui est plutôt le domaine du corps. Et il n’a eu de cesse de réunir les mots et le corps, le corps des mots, c’est-à-dire… la parole. Pendant des années, il s’est appelé Renan Tablantec, et il a été une des figures du théâtre de rue, baroudant à travers toute la France, mais surtout dans ce pays de Douarnenez et d’Audierne qu’il affectionne, avec ce personnage vêtu d’une queue-de-pie en ciré jaune et d’une marinière achetée au Salon nautique de Brest. « La rue, c’est une école, constate-t-il. Ce que les écrivains se fatiguent souvent à chercher est là, devant vous. Je ne dis pas non plus que la littérature c’est juste regarder dehors : entre le voir et le raconter, il faut un outil qui est la littérature ou la parole. » Après s’être bien amusé et avoir tiré des bords de port en port, Barrier en a eu assez de Tablantec, son double né « d’un père absent et d’une mer agitée ». Il a eu envie à la fois de se rapprocher du théâtre et d’explorer les écritures in (ter) disciplinaires qui explosent dans ces années 2000. « Après des années dans la rue, j’ai eu un choc théâtral avec le Tg STAN, quand j’ai vu ces deux spectacles mythiques que sont Le Paradoxe du comédien et My Dinner with André. Il y avait là-dedans quelque chose qui m’habitait et me passionnait depuis des années, mais sur lequel j’avais du mal à mettre des mots. J’ai été saisi par la manière dont le Tg STAN nous promène de la fiction à la réalité, comment à l’intérieur de la réalité il y a encore deux niveaux de promenade, avant de nous ramener encore et toujours au théâtre. Je jubilais. » COMME UN ÉNORME ORGANISME VIVANT « CHUNKY CHARCOAL » EST COMME UN DÉDALE VERTIGINEUX ET LUDIQUE, UNE PERFORMANCE LABYRINTHIQUE ET JOUISSIVE Alors Sébastien Barrier s’est dit que c’était ce qu’il voulait faire avec la parole : créer « un moment de jubilation où le temps n’existe plus, une célébration du présent où l’on devient immortel ». Comme avec le vin… Il a créé Savoir enfin qui nous buvons, qui aujourd’hui est aussi devenu un (beau) livre, qui rend compte de cette aventure hors normes, et la prolonge. Et sous la houlette de Catherine Blondeau, la directrice du Grand T de Nantes, qui, depuis le début, a eu l’intuition que s’inventait là une nouvelle manière d’être un auteur, il a creusé son sillon, et a imaginé, avec le dessinateur Benoît Bonnemaison-Fitte et le guitariste Nicolas Lafourest, ce formidable Chunky Charcoal. Un spectacle comme un dédale vertigineux et ludique, une performance labyrinthique et jouissive où se réunissent toutes ses obsessions, et dans laquelle pourtant on ne s’égare jamais. Car Sébastien Barrier retombe toujours sur ses pattes, à l’image de son merveilleux chat Wee Wee, qui est le héros bienheureux et libre de son spectacle. Mais ce sont les mots qui ont plus que jamais le premier rôle, dans Chunky Charcoal. Mots parlés, mots dits, mots écrits, dessinés. Parole proliférante, rhizomatique, de Sébastien Barrier qui, sous le crayon et le fusain de Benoît Bonnemaison-Fitte, se transforme, en direct sur le plateau, sur l’immense page blanche qui couvre le fond de scène, en arborescences graphiques, en schémas s’enroulant et s’engendrant euxmêmes comme les mots de Barrier. La parole alors se matérialise comme un énorme organisme vivant, et cette manière de montrer l’homme comme un être constitué de paroles parle de nous, de ce que nous perdons, sommes en train de perdre, pourrions bien perdre si nous n’y faisons pas attention. Elle parle de rituel, de grand large et de liberté, d’un art de vivre festif et rebelle, de l’amour de Sébastien Barrier pour la poésie de Georges Perros et ses Papiers collés, et de son tropisme pour toutes les addictions qui soignent. Il y a dans Chunky Charcoal quelque chose qui évoque aussi le poète Christophe Tarkos, un art toujours lié à la vie, et rejoint tout un mouvement de la poésie sonore, très vivace en France depuis trente ans. Le Barrier est un vin qui vieillit bien, dans lequel l’écriture-parole est une matière qui se sédimente. Et ce qui est sûr, c’est que chez lui les mots ne forment plus un tas, mais coulent comme un breuvage euphorisant. p fabienne darge Chunky Charcoal, un spectacle de Sébastien Barrier, Benoît BonnemaisonFitte et Nicolas Lafourest. Le Centquatre, 5, rue Curial, Paris-19s. M° Riquet. Tél. : 01-53-35-50-00. Les 16 et 17 février, à 20 h 30. De 12 € à 20 €. Durée : 1 h 30. Puis au Monfort Théâtre, à Paris, les 19 et 20 février, et tournée jusqu’en mai, à Evry, Chambéry et Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire). Savoir enfin qui nous buvons, conception et interprétation par Sébastien Barrier. Tournée jusqu’en juin 2016, à Capendu, Cavaillon, Blois, Uzès, Rouen… culture | 17 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 A Berlin, gros plan sur les réfugiés Le festival a montré, les 13 et 14 février, trois films sur les migrants, tous mus par une terrible inquiétude CINÉMA berlin – envoyé spécial A ux colonnes du Konzerthaus de Berlin, le plasticien chinois Ai Weiwei a accroché des gilets de sauvetage, venus des eaux qui entourent l’île grecque de Lesbos. Des gilets qui ont sauvé la vie, ou pas, de migrants qui fuient les pays en guerre, en Afrique et au Proche-Orient. A quelques encablures du Konzerthaus, dans les salles de cinéma de la Potsdamer Platz, la 66e Berlinale, qui se termine le 21 février, programmait, les 13 et 14 février, trois films qui montrent les réfugiés, trois documentaires tournés sur l’île italienne de Lampedusa, dans le désert d’Israël et à la frontière entre la Chine et la Birmanie. Fuocoammare, de Gianfranco Rosi, Between Fences, d’Avi Mograbi, et Ta’Ang, de Wang Bing, sont dissemblables par leur sujet et leur méthode. Ils ont en commun une terrible inquiétude, qui procède autant de la violence du malheur qu’ils mettent en scène que du sentiment de plus en plus aigu des limites du travail des artistes. Présenté en compétition, Fuocoammare arrive entouré des bruissements de l’actualité et de la récente gloire de son réalisateur, Lion d’or à Venise, en 2013, pour Sacro Gra. Gianfranco Rosi a passé toute l’année 2015 sur l’île de Lampedusa, au sud de la Sicile. De cet avant-poste européen partent les bateaux de l’opération « Triton » chargés de recueillir les embarcations en perdition, et y sont débarqués les naufragés, qui sont examinés, triés, avant d’être envoyés vers le continent. Le film est divisé entre l’épopée misérable de ces opérations de sauvetage (l’une d’elles tourne à la tragédie), et le portrait de Samuele, écolier à Lampedusa, oublieux, comme ses parents et leurs concitoyens, de la tragédie qui se joue à quelques milles, au large, et se poursuit à quelques kilomètres de chez lui, dans le hotspot où transitent les réfugiés. Cette coexistence entre deux mondes qui s’ignorent, le réalisateur assure ne l’avoir pas exagérée : « Sur l’île, les gens ne veulent pas parler des réfugiés. Ils ont peur de faire fuir les touristes. Il reste bien quelques militants, mais ils ne font rien d’autre qu’agiter leurs banderoles. » Seul trait d’union, le médecin de l’île, qui soigne Samuele pour ses bobos et ses angoisses, tout en prodiguant les premiers soins aux plus meurtris des arrivants. Cette juxtaposition entre une enfance aux tourments ordinaires et les souffrances inimaginables, mais saisies en images dans des séquences parfois très dures, fait la singularité revendiquée de Fuocoammare. Mograbi a, lui, choisi un registre plus ironique pour évoquer le sort des réfugiés africains – Erythréens et Soudanais, pour la plupart – qui ont échoué au camp de Holot, dans le désert, dans le sud d’Israël, à quelques pas de la frontière avec l’Egypte. Là, ils ne sont pas officiellement détenus, mais sont forcés de répondre à l’appel, trois fois par jour, ce qui leur interdit, de fait, d’atteindre les grandes villes, pendant que les autorités leur refusent le statut de réfugié. Impuissance, indifférence Avec le metteur en scène de théâtre Chen Alon, Avi Mograbi leur a proposé de s’essayer au théâtre. Ce que l’on voit à l’écran – une poignée de réfugiés qui racontent, avec une conviction très variable, les circonstances de leur exil – n’a rien à voir avec la première intention des artistes, comme le concède Avi Mograbi, avec son humour coutumier : « Israël est une nation de réfugiés, et je voulais faire jouer l’histoire des juifs venus d’Europe par des Africains, mais le film a emprunté son propre chemin, la vie s’est révélée plus forte. » Ce chemin, c’est la chronique de cet atelier à géométrie variable, qui se transforme en portrait, au fil de séances de travail plus ou moins intenses, de ces hommes qui ont fui le régime érythréen, laissant derrière eux leur famille, et ont échoué au fond d’une impasse. C’est un film peu spectaculaire – hormis la séquence qui montre plusieurs centaines de réfugiés se dirigeant vers la frontière égyptienne pour mettre les autorités en face de leur rejet (et les autorités renvoient les manifestants non plus à Holot, mais en prison) – qui montre aussi l’impuissance des artistes. « Pas seulement des artistes, des militants aussi, dit Avi Mograbi. Notre Etat est devenu de plus en plus nationaliste, tout ce qui n’est pas juif est nié, et les artistes sont insignifiants quand il s’agit de changement politique. Mais on ne peut pas faire quelque chose uniquement en fonction de son résultat. » La modestie acharnée de Wang, la fraternité désespérée de Mograbi, le lyrisme de Rosi font un triptyque bien sombre Cette exigence de présence, quelle que soit l’indifférence générale, est l’un des ressorts du cinéma de Wang Bing. Cette fois, l’auteur d’A l’ouest des rails (2004), la grande fresque sur la fin de l’industrie communiste, a emporté sa caméra, début 2015, dans le Yunnan (sud-ouest de la Chine), là où des milliers de Ta’ang fuient la Birmanie, après la reprise des combats entre l’une des organisations armées hostiles au pouvoir central >&1866*4/% 73-8008#% '?(*2*4/% 0-)685$% 84+$4/8#= !66$ >9366$5$4/ '1:6$= .36684" ,/34$ Caspar David Friedrich se perd dans un western Philippe Quesne met en scène, à Nanterre, un spectacle qu’il a créé à Munich THÉÂTRE munich - envoyée spéciale G rand théâtre, petit spectacle. Philippe Quesne a été invité à créer un spectacle au Kammerspiele de Munich, une des salles prestigieuses d’Allemagne, sur laquelle Matthias Lilienthal fait souffler un vent nouveau depuis qu’il en a pris la direction, en 2015. Avant, Lilienthal a travaillé avec Frank Castorf à la Volksbühne de Berlin, puis il a pris les rênes de Hebbel am Ufer, toujours à Berlin, dont il a fait la scène la plus ouverte à l’innovation. Il y a invité plusieurs fois Philippe Quesne, à qui il a suggéré l’idée d’un spectacle sur le romantisme. Ainsi est né Caspar Western Friedrich, que Philippe Quesne présente quelques jours en France dans le théâtre qu’il dirige, Nanterre-Amandiers. Tout commence bien. Trois hommes et une femme viennent à l’avant-scène. Habillés comme dans le Grand Ouest américain, avec bottes et chapeaux, ils font un feu, s’asseyent autour, prennent leurs guitares et leur accordéon, puis chantent, dans la nuit. Ils ont l’air très tranquille, et gentiment égaré. Qui sont-ils ? On ne le sait pas, mais toujours est-il qu’ils se mettent en tête d’aménager un musée pour le peintre Caspar David Friedrich, dont l’un dit avoir trois tableaux. Ainsi s’annonce une rencontre entre deux imaginaires : l’espace du paysage Des moments tendres ou fous qui ne suffisent pas à raconter une histoire romantique, et celui du western. Jusqu’ici, c’est épatant. On retrouve le don qu’a Philippe Quesne de montrer comment des gens peuvent glisser à côté de la réalité, et la mélancolie douce qui se dégage de ce glissement progressif vers un ailleurs. Des comédiens excellents On attend, donc, sourire aux lèvres, ce qu’il va advenir des cinq aventuriers, qui éteignent leur feu, se lèvent et marchent sur le plateau du théâtre comme s’ils marchaient dans un film de John Ford. Ils y découvrent les attributs de l’atelier d’un peintre, avec des rochers en polystyrène qui les occupent beaucoup. Ils les déplacent, les agencent, les noient de brouillards colorés, les contemplent, s’en servent pour bricoler un système audio ou pour composer des tableaux vivants. Il y aurait là matière à tisser l’espoir branquignol d’un désir de voyage, dans l’espace et le temps. Il y a d’ailleurs, ça et là, des moments tendres ou fous, comme celui où un comédien (tous sont excellents) plonge et replonge d’un rocher dans une nuée improbable. Il y a aussi des éclats de poèmes et de souvenirs. Mais cela ne suffit pas à raconter une histoire ni à faire un spectacle. Tout se passe comme si Philippe Quesne s’était piégé à son idée de départ, qui tenait sans doute dans sa tête, mais se refuse à l’épreuve du plateau : la rencontre entre Caspar David Friedrich et le western n’a pas lieu. p brigitte salino Caspar Western Friedrich, de Philippe Quesne. Théâtre de Nanterre-Amandiers. Jusqu’au vendredi 19 février, à 20 h 30 (sauf jeudi, 19 h 30). De 10 € à 30 €. Durée : 1 h 35. En allemand surtitré. et l’armée gouvernementale. Cette fuite n’a rien d’apocalyptique. On entend au loin le canon qui gronde, mais, sur les routes de terre, les paysans se préoccupent de faire avancer leurs buffles, évaluent les plantations de canne à sucre, dans lesquelles ils pourraient trouver du travail le temps de leur exil. Ce calme apparent recouvre une misère que Wang Bing filme avec son attention habituelle, faite de patience et d’opportunisme. Lors d’une longue conversation nocturne, on devine ce qu’est la vie de ces réfugiés quand la guerre ne fait pas rage. Mais, aujourd’hui, ils sont oubliés, même, dirait-on, des autorités chinoises, qu’on ne voit jamais à l’écran. La modestie acharnée de Wang Bing, la fraternité désespérée d’Avi Mograbi, le lyrisme de Gianfranco Rosi font un triptyque bien sombre. Reste à le décrocher des cimaises de la Berlinale et à l’exposer le plus largement possible. p Première Les Inrocks AveCesar-lefilm.com /Universal.Pictures.fr AveCesar thomas sotinel 18 | culture 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Astor Piazzolla, en plein dans le Mille L’accordéoniste Daniel Mille. OLIVIER LONGET DIT «SOLONG » Ancien menuisier, accompagnateur de Barbara et de Jean-Louis Trintignant , l’accordéoniste Daniel Mille célèbre le maître argentin au disque et à la scène MUSIQUE I l y a des signes qui ne trompent pas. Daniel Mille a la poignée de main chaleureuse et vivifiante quand il déboule dans ce café parisien où rendez-vous a été pris. Elle dit d’emblée le plaisir qu’il va prendre à raconter ses rencontres, ses éveils et puis l’éblouissant Cierra tus ojos, son disque consacré à la musique d’Astor Piazzolla (19211992), arrangé et réalisé sous la direction musicale exemplaire de Samuel Strouk. Accompagné du parfait quartet impliqué dans l’enregistrement (les violoncellistes Frédéric Deville, Paul Colomb, Grégoire Korniluk, et le contrebassiste Diego Imbert), il le présente sur la scène de L’Alhambra, à Paris, le 15 février, pour la soirée de clôture du festival Au fil des voix. Ce projet, créé et produit il y a juste deux ans au Train Théâtre de Portes-lès-Valence, dans la Drôme, non loin de son village, Saou, situé à 40 kilomètres de Valence, a longtemps trotté dans sa tête avant d’aboutir. Une bière vient d’arriver sur la table, il n’y touchera pas jusqu’à la fin de l’entretien. Trop de choses à dire… Il s’emballe, s’émeut, frissonne, en racontant. Pourquoi Piazzolla ? « Quand j’étais apprenti menuisier [son premier métier, à Grenoble, où il est né en 1958], dès que j’ai eu trois francs six sous je me suis acheté un vinyle d’Astor Piazzolla. Ça a été un choc terrible. Je l’ai écouté mille fois. » Quand il s’est remis à l’accordéon, l’instru- ment qu’il n’avait pas choisi mais que son père lui avait attribué d’office (avec la trompette), dans l’orchestre familial pour les bals, il s’est dit, déjà, qu’un jour, il ferait un disque sur Piazzolla, « parce que c’est tellement beau ». Beau mais « colossal », une montagne, commente le musicien. Il va s’en apercevoir des années plus tard, quand il se lancera le défi qui le tient en émoi jusqu’à aujourd’hui lorsqu’il le joue sur scène : enregistrer un Sainkho Namtchylak, une note d’outre-monde c’est un tremblement rauque et grave. C’est, plus tard, un chant aigu aux vibrations métalliques d’une guimbarde. Ce sont, au milieu des rythmiques instrumentales, d’étranges vocalises sorties d’on ne sait où… Depuis sa Mongolie natale, Sainkho Namtchylak apporte, lundi 15 février, au festival Au fil des voix, à Paris, une note d’outre-monde dans le cosmos bien organisé de la world music. Pestunovka, un village de mineurs d’or. République de Touva, cette partie des terres mongoles satellites de l’Union soviétique. C’est là que Sainkho Namtchylak est née, en 1957. Ses parents y tiennent l’école. Avec la fermeture des mines, le village a disparu. La famille a rejoint la capitale, Kyzyl. Le père est un pionnier de la télé naissante. Une petite nomenclature dans cette république où Moscou envoie les dissidents, les fortes têtes et les musiciens de jazz-rock. « Nomade du XXIe siècle » Sainkho a 18 ans quand elle rencontre Oleg Lazarevski. Elle qui a toujours voulu monter sur les planches, chante dans son groupe. Plus tard, elle le suit à Moscou, se retrouve enceinte, étudie la musique. C’est là qu’elle découvre le Khoomei, ce chant de gorge traditionnel des steppes de Mongolie. Une technique vocale ancestrale. Diphonique, diront les théoriciens : une seule voix permet de produire par le jeu du larynx et de la langue deux notes de fréquences différentes. « Au début, je ne savais pas comment ils faisaient, comment m’y prendre, mais l’être humain est très flexible, dit cette volontaire. Ma gorge ? Non, j’utilise tout mon corps. Cela fait trentecinq ans que j’apprends. » Namtchylak vient d’avoir son diplôme, lorsque, à Moscou, les forteresses s’effondrent. C’est la perestroïka. « C’était un temps d’expérimentation, d’improvisation, dans tous les domaines, politique comme musical », raconte la petite dame au visage tout rond, savamment maquillé, à la tenue inclassable et aux faux ongles couverts de petites fleurs très kitsch. S’abreuvant aux archives recueillies à travers les immensités, elle va inventer sa propre musique. Car ce n’est pas de folklore mais de création qu’il s’agit ici, entre musiques improvisées et chansons dont elle écrit les paroles : « La neige tombe sans toi. Le chant perçant du vent parle du froid, de la solitude, de toi… » Une musique bien à elle que Namtchylak transporte à travers le monde. Pour sa dernière aventure, la chanteuse, bouddhiste, a cherché à rapprocher les « ondes » de son désert de Gobi de celles des étendues sahariennes. Soit un album, Like a Bird or Spirit, Not a Face, composé avec des musiciens de Tinariwen, qu’elle reprend aujourd’hui en live, accompagnée du groupe Terakaft. « Je suis l’héritière d’une tradition nomade, une nomade du XXIe siècle », explique celle qui, depuis 1991, a planté son camp de base à Vienne, en Autriche, pour mieux visiter le ciel immense qui l’a regardée naître sur les plateaux sibériens. p laurent carpentier disque tout entier consacré au compositeur argentin et maestro du bandonéon Astor Piazzolla. « C’est Richard Galliano qui m’a redonné le goût de l’accordéon. Je l’avais entendu en concert avec Nougaro. J’avais 20 ans. » Un choc, encore. Galliano incite Daniel Mille à venir à Paris, et le présentera à Pierre Barouh, qui lui fera enregistrer son premier album en 1993, sur son label Saravah. « Un jour, Richard me dit : “Après-demain, tu commences au Zénith avec Barbara.” C’était pour Lily Passion, un spectacle avec Gérard Depardieu. Je devais jouer quatorze notes. Ça a duré six mois, à Paris, puis en tournée. » « Intelligence musicale » Toujours en contact avec celui qui lui a permis d’oser rêver, il lui a offert Cierra tus ojos. « Quand j’ai rencontré Daniel Mille à Tulle, lors de l’une de mes master class, nous déclare Richard Galliano, j’ai tout de suite remarqué son intelligence musicale, sa délicatesse, la beauté de sa sonorité. » Après Barbara, Daniel Mille accompagnera beaucoup de chanteurs tout en s’illustrant comme un des accordéonistes les plus soyeux du jazz. « J’ai découvert avec la chanson le plaisir des mots. J’étais passé à côté de cela. Et puis, par hasard, j’ai rencontré Jean-Louis Trintignant, qui m’a demandé de l’accompagner dans un festival de poésie, où j’ai assuré des intermèdes musicaux. » Depuis, ils ont fait trois créations ensemble. Mille s’est laissé enchanter par la poésie d’Aragon, de Desnos, de Vian, d’Apollinaire ou de Prévert, dite par JeanLouis Trintignant. Le comédien nous a confié son admiration pour l’accordéoniste : « J’adore Daniel Mille. Depuis quinze ans, il est la musique de tous mes spectacles de poésie. On a rapidement trouvé la clef. Moi, j’essaie de ne pas “dire de la poésie” mais de la raconter comme une histoire. Et lui considère ma voix comme un de ses instruments de musique. Musique et texte se mêlent sur scène tout naturellement, l’une influence l’autre, c’est magique. Là, avec son album sur Piazzolla, je trouve qu’il a vraiment atteint une nouvelle dimension. » p patrick labesse Concert le 15 février, à 20 h 30, à L’Alhambra, 21, rue Yves-Toudic, Paris 10e (dans le cadre du festival Au fil des voix, avec, en 2e partie de soirée, la chanteuse Sainkho Namtchylak). 2 CD « Astor Piazzolla - Cierra tus ojos » ; « Après la pluie ». Sony Music. Malgré ses splendeurs vocales, ce « Mithridate » ne fera pas date Alourdi par la mise en scène, l’opéra de jeunesse de Mozart est monté à Paris et à Dijon LYRIQUE H Après Sweeney Todd et Into The Woods, découvrez un autre chef-d’œuvre de Sondheim Musique et Lyrics Stephen Sondheim Livret James Lapine Inspiré du film « Passione d’amore » d’Ettore Scola 01 40 28 28 40 chatelet-theatre.com umeur mitigée au sortir de la première de Mithridate, re di Ponto, nouvelle production mozartienne présentée, le 11 février, par le Théâtre des Champs-Elysées, à Paris. L’entreprise est hardie, et l’on comprend mieux, en écoutant cette succession de 22 airs plus difficiles les uns que les autres, pourquoi l’opéra de jeunesse d’un Mozart de 14 ans, bien décidé à devenir « Amadeo, re d’Italia », est si rarement monté. Mais le petit génie y gagnera un couronnement musical milanais et ses galons de dramaturge. L’action est inspirée d’une tragédie de Racine. Mithridate soupçonne ses deux fils de vouloir lui enlever et son trône et sa fiancée. De retour inopinément, après une défaite contre les Romains, où il s’est fait passer pour mort, il sur- prend son fils aîné, Pharnace, occupé à pactiser avec l’ennemi, le second, Xipharès, se révèle, lui, le séducteur de la princesse grecque Aspasie. Condamnés à mort, les traîtres seront sauvés par une nouvelle offensive romaine jusque sur les terres du Pont. Mithridate repart au combat. Vainqueur, cette fois, mais au prix de sa vie. Manque de conviction Brillante, sensible, virtuose, l’inspiration mozartienne déploie ses fastes durant trois heures qui ne nous tiendront pas toujours en haleine, malgré une distribution triée sur le volet. Tout le début du premier acte est bien raide et manque de conviction. Il faut attendre l’arrivée lumineuse de Sabine Devieilhe pour que le chant magistral fasse une entrée qui coïncide avec celle du spectacle dans l’opéra. Jusqu’alors, la scène avait tiré l’ouvrage mozartien presque exclusivement vers la théâtralité. L’électrochoc touche alors le plateau. C’est ainsi que Patricia Petibon (Aspasia) donne son meilleur visage de tragédienne, celui d’une intériorité qu’elle ne s’autorise pas toujours et qui rend pourtant sa plainte irrésistible. Que le Mithridate au beau timbre de Michael Spyres se lance avec une intrépidité quasi suicidaire (mais n’est-ce pas précisément le fondement de son personnage ?) et des bonheurs divers dans des sauts de registres vertigineux, vocalises et ornementations. Que le valeureux contre-ténor Christophe Dumaux en Pharnace, la jeune Myrto Papatanasiu en Xipharès, défendent avec panache leurs intérêts. On a connu Emmanuelle Haïm plus inventive et inspirée à la tête de son Concert d’Astrée, mais un soir de première est une épreuve du feu. Reste la mise en scène de Clément Hervieu-Léger, laquelle s’emploie à transformer en acteurs un groupe de réfugiés dans un palais-théâtre à moitié détruit. Les décors « mussoliniens » d’Eric Ruf contre la fragilité des occupants qui chauffent leur café matinal sur un réchaud de campinggaz. Et la pièce de Racine (découverte dans un carton) qui structure l’attente et l’errance. Mais pourquoi cette direction d’acteurs pléthorique qui colonise la musique d’une prolifération bavarde ? Le masque du vide, peut-être. p marie-aude roux Mithridate, de Mozart, au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris. Jusqu’au 20 février. De 5 € à 140 €. Theatrechampselysees. fr. Opéra de Dijon (Côte-d’Or). Du 26 février au 1er mars. De 5,5 € à 57 €. Opera-dijon.fr. télévisions | 19 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Les morsures sonores du Caravage VOTRE SOIRÉE TÉLÉ A l’occasion d’un beau concert, le violiste Jordi Savall propose un contrepoint musical aux toiles du peintre italien MEZZO MARDI 16 – 10 H 52 CONCERT J ordi Savall joue naturellement le répertoire pour son instrument, la viole de gambe, dont il est le plus éminent interprète. Il dirige aussi des concerts symphoniques, des opéras. Mais le Catalan à la belle et noble figure, né en 1941, aime surtout créer des programmes thématiques (souvent entre Orient et Occident) et s’entourer d’une bande de musiciens complices – dont certains sont ses partenaires depuis la formation, en 1974, de l’ensemble Hesperion XXI (qui, au XXe siècle, s’appelait d’ailleurs Hesperion XX). Cruautés harmoniques On notera particulièrement, au cours de cette captation d’un concert donné en 2012 dans la belle cathédrale de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), lors du Festival de musique ancienne de Maguelone, la présence du génial et impassible percussionniste Pedro Esteban qui donne leur sel et leur nervure rythmique à ces musiques le plus souvent affligées, mais, parfois, enjouées. Le programme, intitulé « Lachrymae Caravaggio, l’Europe musicale au temps de Caravage », trouve sa source dans la rencon- Le musicien et chef d’orchestre catalan Jordi Savall. ANDY SOMMER/MEZZO tre, il y a dix ans, de Jordi Savall et de l’écrivain Dominique Fernandez, tous deux « fascinés par l’art et la vie de ce peintre visionnaire qu’a été Michelangelo Merisi da Caravaggio », écrit Savall dans le livret d’accompagnement de l’enregistrement, paru en 2007, de ce subtil programme pour son propre label Alia Vox. Dans ce même livret, Domini- que Fernandez a signé sept textes d’admiration pour ce peintre à la vie aventureuse et scandaleuse, qui « aime représenter l’acte de tuer [et] y trouve à la fois une volupté funèbre et une exaltation dionysiaque ». Chacun d’entre eux décrit autant de tableaux fameux du Caravage, tandis que sept « stations » offrent un contrepoint musical à ces toiles. On retrouvera, dans certaines des belles musiques du début du XVIIe siècle, jouées, improvisées et chantées (par Ferran Savall, fils de Jordi) au cours de ce concert, des cruautés harmoniques et des douleurs aiguës : une « correspondance » (au sens baudelairien) aux tableaux du Caravage, dont chaque exemple, écrit Savall, « contient mystérieusement toute une vie, avec ses souffrances, ses doutes, ses moments de bonheur, d’ombre et de lumière ». Manque, cruellement, depuis sa disparition, le 23 novembre 2011, la grande, belle et si poétique Montserrat Figueras. La chanteuse était présente dans presque tous les programmes que donnait Hesperion XXI, notamment, chaque été, au Festival de Fontfroide, près de Narbonne, dans l’abbaye de ce lieu enchanteur où, avec son époux Jordi, elle avait fondé un beau rendez-vous de musique. Quelques mois après la disparition de « sa muse, sa compagne et sa meilleure amie », le Catalan lui rendait hommage au début de ce beau et ténébreux concert qui lui est consacré : « Elle ne mourra jamais, car, comme disait le poète, on ne meurt que quand on nous oublie. C’est pourquoi les larmes, dont toutes ces musiques parlent, ne sont pas seulement des larmes de tristesse, mais aussi des larmes de joie pour toutes les années qu’elle a été avec nous. » p renaud machart Lachrymae Caravaggio, l’Europe musicale au temps de Caravage (œuvres de John Dowland, Orlando Gibbons, William Brade, Antonio Cabezón…) par Ferran Savall (voix), Hesperion XXI, Jordi Savall (viole et direction). (Fr., 2012, 82 min). Saul Goodman sept ans avant « Breaking Bad » Avec la série « Better Call Saul », les créateurs de l’avocat « tchatcheur » s’attaquent à la tragi-comédie SUR NETFLIX À PARTIR DU MARDI 16 SÉRIE B etter Call Saul » retrace le parcours tragi-comique de Jimmy McGill, grand « tchatcheur » et petit avocat à la peine, sept ans avant qu’il n’ait pris le nom de Saul Goodman et n’ait croisé le chemin du chimiste Walter White, dans la série « Breaking Bad ». Dans ce préquel, on goûtera d’autant mieux la réalisation, les paysages du NouveauMexique et l’apparition d’autres personnages de l’univers de Walter White, que l’on aura vus dans « Breaking Bad » ; mais les deux créateurs ont, bien sûr, construit leur scénario de façon que l’on puisse s’intéresser à leur nouvelle série indépendamment de toute référence. Le risque de décevoir Avant que Netflix ne propose la deuxième saison de « Better Call Saul » mardi 16 février – saison dont nous n’avons pu voir aucun épisode –, quelques rappels. En décidant de se focaliser sur Saul Goodman, avocat de la pègre, à la fois pitre et ringard de « Breaking Bad », le créateur Vince Gilligan et le scénariste Peter Gould prenaient le risque énorme de décevoir, non seulement parce qu’il est quasi impossible d’atteindre l’Olympe deux fois de suite en si peu de temps, mais aussi parce qu’ils pariaient sur un personnage « farcesque » les orientant vers la comédie, genre infiniment plus difficile à dominer que le drame. Au terme de la première saison de « Better Call Saul », lancée il y a un an, il était évident que les deux séries n’étaient pas du même calibre, mais que les auteurs avaient su nous attacher au personnage de Jimmy McGill, devenu avocat grâce à des cours par correspondance, homme et frère au grand cœur en dépit des apparences. On ne rit jamais franchement devant « Better Call Saul », mais on a constamment un sourire de compassion au bord des lèvres, que ce soit grâce à l’écriture et à la mise en scène (toujours le même sens du détail), ou grâce au jeu très subtil de Bob Odenkirk, hâ- bleur professionnel et incrédule. Netflix France proposera la deuxième saison de « Better Call Saul » vingt-quatre heures après sa diffusion sur la chaîne américaine AMC. Soit un épisode par semaine, sans version française mais avec un sous-titrage (la première saison est d’ores et déjà disponible sur Netflix). M AR D I 1 6 F É VR IE R TF1 20.55 Person of Interest Série créée par Jonathan Nolan. Avec Jim Caviezel, Michael Emerson et Kevin Chapman (EU, saison 4, ép. 13 et 14/22 ; S3, ép. 6/23). 23.30 Chicago Police Department Série créée par Dick Wolf. Avec Marina Squerciati, Sophia Bush, Brian Geraghty et Jason Beghe (EU, S2, ép. 12 et 13/23 ; S1, ép. 12/15). France 2 20.55 Les Pouvoirs extraordinaires du corps humain « Le Cerveau ». Magazine présenté par Michel Cymes et Adriana Karembeu. 22.50 Dans le secret du burn-out Documentaire de Jacques Cotta et Pascal Martin (Fr., 2016, 70 min). France 3 20.55 La Loi d’Alexandre Série réalisée par Claude-Michel Rome (Fr., 2015, 105 min). 23.20 Le Divan de Marc-Olivier Fogiel Invitée : Françoise Hardy Canal+ 21.00 Cendrillon Film fantastique de Kenneth Branagh. Avec Lily James, Richard Madden (EU-GB., 2015, 100 min). 22.40 Loin des hommes Drame de David Oelhoffen. Avec Viggo Mortensen, Reda Kateb (Fr., 2014, 100 min). France 5 20.40 Un monde sans viande Documentaire de Juliette Guérin (Fr., 2015, 50 min). 21.45 Des mutants dans notre assiette Documentaire de Dorothée Frenot (Fr., 2015, 55 min). Arte 20.55 L’Attentat contre Jean Paul II Documentaire de Moritz Enders et Werner Köhne (All., 2015, 55 min). 21.50 Où va notre vie numérique ? M6 20.55 Garde à vous Télé-réalité. Episode 1. 23.40 Les Docs de l’info « Légion étrangère : pour l’aventure et pour la France ». Magazine. martine delahaye « Better Call Saul » (saison 2), série créée par Vince Gilligan et Peter Gould. Avec Jonathan Banks, Bob Odenkirk (EU, 2015, 10 × 45 min). 0123 est édité par la Société éditrice HORIZONTALEMENT 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 I II III IV V VI VII VIII IX X SOLUTION DE LA GRILLE N° 16 - 038 HORIZONTALEMENT I. Démonte-pneus. II. Evaluation. III. Malt. Prendra. IV. OPA. Aïe. Puât. V. Lodève. Parti. VI. Ire. Eyre. VII. Ta. Orange. Cl. VIII. Ibères. Mitai. IX. Ollé. Epelait. X. Neustrie. «Une». VERTICALEMENT 1. Démolition. 2. Evaporable. 3. Malade. Elu. 4. Olt. Ores. 5. Nu. Avéré. 6. Tapie. Aser. 7. Etre. En. Pi. 8. Pie. Pygmée. 9. Nonpareil. 10. Endure. Tau. 11. Rat. Caïn. 12. Spatialité. I. Soulèvent débats et polémiques. II. Convivial mais il ne faudrait pas en abuser. Spécialiste dans son domaine. III. Toujours de l’autre côté. Pur et simple. IV. Renvoie vers les conduits d’évacuation. En peine. V. Dangereusement nourri. Met le fruit à mal. VI. Dans les petites mesures. Ouverture de gamme. Invisible mais dangereux. Du gaz pour les déplacements. VII. Poussent à faire mal. Reste sous le choc. VIII. L’eau des poètes. Support de charpente. Cité mésopotamienne. IX. Amérindien. Mettait en garde. X. Bénéiciaire d’un transfert. VERTICALEMENT 1. On peut tirer dessus, mais attention quand il lâche. 2. Finit par écraser. 3. Inventeur des logarithmes. Frétillent dans les bassins. 4. Belle allure. Ecrit l’histoire au jour le jour. 5. Moment de séduction. Dans les faits. 6. Dégagera. Sans accompagnement. 7. Romains chez Vinci. Léger et allégé. Morceau de yen. 8. Dégagement pas toujours agréable. Grande voie. 9. Sillonne l’Ile-de-france. Trébucha dans ses déplacements. 10. Des bulles pour se décontracter. Entraînai sur de mauvaises voies. 11. Cours d’Irlande. Mesure au labo. Finir à la in. 12. A du mal à suivre son président. La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Au cœur de l’actualité Hors-série Novembre-décembre 2013 8,50 € Février-mars-avril 2016 8,50 € la France D’après La presse étrangère débat des valeurs d’un pays déboussolé EmilE lorEaux GRILLE N° 16 - 039 PAR PHILIPPE DUPUIS du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 3289 (Service 0,30 e/min + prix appel) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique : [email protected]. 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CATWALKING/GETTY IMAGES Lacoste. CATWALKING/G ETTY IMAGES Le défilé du 12 février a permis de découvrir un vestiaire monochrome, unisexe, mais sexy, qui mêle culture de rue japonaise, influences hip-hop et gothiques. Cela ressemble beaucoup au look de la chanteuse. C’est bien fait et sans prétention. Bien accueillie par la presse, la collection a fait moins de buzz sur les réseaux sociaux que Kanye West, mais ce qu’elle propose paraît parfaitement viable sur le long terme. Alors que M. West chercherait un financement pour sa ligne de mode éponyme à hauteur de 100 millions de dollars, Rihanna était, en 2015, la star la plus rentable pour ses partenaires en affaires – comme Dior, dont elle est égérie beauté –, d’après une étude américaine. Le vainqueur de cette bataille spectaculaire ne sera peut-être pas celui qu’on croit. p combien il est important d’être chaudement équipé… Du côté du spectacle, on peut aussi compter sur Shayne Oliver chez Hood by Air, label underground montant (Le Monde du 14-15 février), en phase avec une jeunesse qui refuse les codes des genres. La théorie est moderne, mais la pratique manque parfois de finesse. Une bande d’aristocrates SM côtoient ici des créatures post-punk emballées dans le plastique et étiquetées comme des bagages, tandis que des hommes sillonnent la salle en cuissardes vernies à talons aiguilles. On cherche les belles pièces sportswear punk qui sont la signature du designer et cette mise en scène déjà vue impose le spectacle comme valeur reine. Un travers qu’il faudra corriger pour progresser. A mille lieues de là, la bourgeoise bohème et glamour de Diane von Furstenberg n’a pas beaucoup changé depuis les années 1970. En robe drapée (sa signature), en longue tenue flottante, ou dans des mailles étriquées portées avec des pantalons taille haute, elle cultive une esthétique qui n’est plus vraiment en phase avec le monde d’aujourd’hui, mais rendue attachante par une présentation en tableaux vivants. Lui aussi auteur d’une mode sophistiquée pour New-Yorkaise à pedigree, Joseph Altuzarra veut parfois trop en faire. Avec leurs franges de laine, leur tissage façon tapis persan, leurs motifs cachemire, rayures et fleurs, ses silhouettes d’hiver compilent trop de références familières pour convaincre. Derek Lam, au contraire, a retrouvé la voie de la légèreté et cesse d’emboîter systématiquement le pas à Céline. Avec ses capes duffle-coats, ses manteaux en mohair et cuir et ses robes épurées en velours et coton, son minimalisme prend des rondeurs bienveillantes et séduisantes. Tout l’intérêt de la mode « pop art » qu’elle soit jeune ou non est là : dans cette forme d’évidence. p c. bi. carine bizet la mode comme art populaire Au pays de la libre entreprise et du tout-spectacle, les créateurs proposent des collections en phase avec une industrie en mutation MODE new york G avé de collections, de labels et d’images, secoué par les crises, le système de la mode, né avec le prêt-à-porter dans les années 1970, est en train de se fissurer. Les marques ont enclenché une réorganisation des calendriers (Le Monde du 13 février) : Burberry et Tom Ford ont annoncé leur intention de montrer, en même temps, à partir de septembre, leurs collections homme et femme, au moment de leur commercialisation. A New York, dès cette saison, Proenza Schouler propose une édition avancée de la collection automne-hiver 2016-2017, dans leur boutique de Greene Street, du 18 au 21 février. Les suites de ce mouvement sont difficiles à mesurer, mais il satisfait aux envies d’immédiateté d’un public de plus en plus présent, qui pousse, par le biais des réseaux sociaux, les portes d’un milieu autrefois confiné. Avec le goût de la libre entreprise et du spectacle, qui caractérise les Etats-Unis, l’offre américaine paraît armée pour ce nouveau climat créatif. La mode présentée ici est une forme d‘art populaire facile à comprendre, ouvert à tous ceux qui veulent s’y essayer ; décomplexée dans son efficacité, elle contraste avec le style plus élitiste défendu en Europe. Sur ce créneau, Alexander Wang s’est imposé, en une décen- nie, comme « la » tête d’affiche new-yorkaise. Après s’être séparé de la maison parisienne Balenciaga en 2015, il est libre de se consacrer à son style naturellement cool, inspiré par la jeunesse de la rue. Son mélange, punk, gothique, hip-hop et sportif, pour fille et garçon, est électrique. Mini-robes en soie noires ou maxi-pulls en mohair à couture œillets, laine peignée à motifs feuilles de cannabis, mots slogans (Tender, Strict, Girls, Gender) sur les bonnets ou les collants, bottines renforcées, parkas et colliers « bondage » : l’énergie de cette collection est communicative. Et son côté familier la rend assez intemporelle, un atout précieux dans une industrie en mouvement perpétuel. Il y a également une belle énergie chez Lacoste, où Felipe Oliveira Baptista imagine une mode raffinée et minimaliste à la fois. En s’inspirant des sports d’hiver et du design des jeux électroniques Atari, le créateur imagine un vestiaire pop et moderne. Robe pull à capuche et manteau verni assorti aux bottes à talons, pull à col zippé et long pardessus tailleur, maille à motif « Crocodelle » ou « skieur pixelisé », blouson marbré et sweat-shirt à capuche pour homme, pantalon à bande façon jogging et couleurs Moncler Grenoble. JP YIM/AFP vibrantes (violine, bleu canard, ocre, rouge, kaki) pour tout le monde : le styliste est fidèle à l’esprit de la marque et aux goûts d’aujourd’hui, avec talent et sans prise de tête. Avec son large choix de vestes matelassées structurées ou amples, à motif prince-de-galles, carreaux « trappeur » ou nylon de couleur, la collection Moncler Grenoble est réussie. Sa présentation en extérieur par – 20 °C, après une longue chorégraphie exécutée par des personnages vêtus de bleu, témoigne d’un appétit démesuré pour le spectacle à tout prix. Ou d’une volonté de prouver de façon saisissante CHEZ HOOD BY AIR, UNE BANDE D’ARISTOCRATES SM CÔTOIENT DES CRÉATURES POST-PUNKS, TANDIS QUE DES HOMMES SILLONNENT LA SALLE EN CUISSARDES VERNIES À TALONS AIGUILLES Quand les stars dopent le sportswear depuis que le luxe s’est emparé de ses codes, le sportswear a changé de statut. Devenu un registre mode à part entière, il bénéficie de nouveaux partenariats avec des célébrités, pour des collections en séries limitées, qui scellent l’union prospère du show-business et de la rue. Cette saison, New York offre un match « poids lourds » entre Kanye West, partenaire d’Adidas, et Rihanna, associée à Puma. Kanye West cultive la folie des grandeurs avec un show organisé le 11 février au Madison Square Garden, 1 000 mannequins debout, son épouse, Kim Kardashian, et sa famille en tenues blanches emplumées et perlées, le lancement de son album The Life of Pablo (Escobar pas Picasso), l’annonce d’un jeu vidéo consacré à sa maman, la vente de tee-shirts à l’effigie de ladite génitrice ainsi que de Robert Kardashian, ex-avocat d’O.J. Simpson, et puis le discours épique du maître de cérémonie, qui a déclaré vouloir devenir directeur artistique d’Hermès. On frôle l’absurde Et les vêtements ? La collection Yeezy saison 3 propose le même genre de basiques déstructurés (un mélange de sa collaboration avec Adidas associée à des pièces de sa propre ligne) que les autres productions du rappeur, accompagnés de nouveaux modèles de baskets cosignées Adidas. Ce spectacle multifacette, qui frôle l’absurde, montre que la vraie star de cette ligne est évidemment Kanye West, dont le nom associé à des baskets au prix prohibitif (à partir de 1 795 dollars, soit presque 1 600 euros) garantit la rupture de stock. L’ambiance est plus calme chez Rihanna pour le lancement de la ligne Fenty × Puma. styles | 21 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 la doyenne des hybrides se met en quatre La quatrième génération de Prius, à Tokyo, le 5 février. TORU HANAI/REUTERS Côté style, la nouvelle Toyota Prius surjoue l’originalité. Mais consomme 20 % de moins, tout en offrant davantage de sensations au volant AUTOMOBILE M ère de tous les modèles hybrides – elle a été diffusée à 3,5 millions d’exemplaires en dix-huit ans –, la Toyota Prius a perdu son statut de voiture d’avant-garde. Aujourd’hui, elle doit soutenir la comparaison avec les nouveaux hybrides rechargeables, envisager le gain d’autonomie attendu des voitures électriques et faire avec la baisse du prix du pétrole qui remet en selle les motorisations traditionnelles. Inspiration simili-« Star Trek » Quatrième du nom, la Prius 2016 devait impérativement réaliser un bond en avant. Et, donc, réduire encore sa consommation. L’objectif paraît avoir été atteint : selon Toyota, la nouvelle génération commercialisée en mars se contente de 3 litres aux 100 km pour 70 g/km de CO2. C’est 20 % de moins que le modèle précédent, apparu en 2009. Lors de nos différents parcours, nous avons enregistré des moyennes de l’ordre de 3 litres en ville, avec des scores raisonnables (à peine plus de 5 litres) sur route, traditionnel point faible des modèles hybrides, qui font surtout valoir leurs arguments en conduite urbaine – ce qui leur a permis de s’imposer comme taxi. Sur auto- route, la Prius brûle à peu près autant de carburant qu’un modèle diesel de même gabarit. Un bon point pour elle. Toyota a optimisé la gestion électronique du système hybride, amélioré la transmission à variation continue et retravaillé l’efficacité de son quatre-cylindres essence de 1,8 litre. Celui-ci développe toujours 98 ch mais son rendement thermique amélioré lui permet d’afficher une moindre consommation. Le moteur électrique (53 kW, soit 72 ch) perd l’équivalent de 14 ch mais il est plus mis à contribution pour soulager le moteur thermique. Dommage qu’il ne puisse mouvoir la voiture par ses propres moyens que sur 3 km lorsque les batteries sont pleines. Priorité a été donnée à la consommation de la Prius, quitte à perdre un peu en performance pure, ce qui est assez rare pour être souligné. En pratique, la révision à la baisse de la puissance combinée (de 136 à 122 ch) n’est guère pénalisante. Le tonus du moteur électrique lisse les montées en régime et fait oublier la désagréable sensation d’accélérer dans le vide que l’on éprouvait lorsqu’on sollicitait la mécanique des précédentes générations. Les liaisons au sol sophistiquées et bien plus confortables grâce à l’adoption d’une nouvelle plateforme, la direction assistée électrique offrant un meilleur ressenti et la position de conduite plus basse contribuent aussi à rendre la voiture plus agile. La Prius n’est pas devenue le modèle le plus excitant qui soit mais on ne s’ennuie plus à son volant. SUR AUTOROUTE, LA TOYOTA PRIUS BRÛLE À PEU PRÈS AUTANT DE CARBURANT QU’UN MODÈLE DIESEL DE MÊME GABARIT. UN BON POINT POUR ELLE Pour le numéro un mondial, il y avait un autre défi à relever. Celui du style et, au-delà, de l’image – celle d’une automobile bien sous tous rapports mais trop raisonnable, voire coincée – que renvoie souvent la Prius. Toyota a donc décidé d’opter pour un « style radical » afin, explique la marque japonaise, de répondre au souhait des clients japonais et américains (dix fois plus nombreux que les Européens) « d’exprimer leur différence par rapport aux autres automobilistes ». Très aérodynamiques, les lignes de la Prius participent aux efforts de réduction de la consommation et abaissent le centre de gravité au profit des sensations de conduite, mais le parti pris « futuriste » de cette longue voiture tout en horizontalité, au style à la fois dégin- gandé et tarabiscoté, apparaît surjoué. La nouvelle Prius est assurément originale mais elle ne possède aucun charme. L’inspiration simili-« Star Trek », déjà à l’œuvre pour donner du supplément d’âme à la Miraï (la Toyota fonctionnant avec une pile à hydrogène), n’est pas plus convaincante à l’intérieur de l’habitacle, où les plastiques de piètre facture associent des teintes improbables. Décidée à séduire et pas seulement à convaincre, la nouvelle Prius dispose d’un équipement enrichi dès la version de base comprenant notamment l’affichage tête haute sur le pare-brise, un détecteur d’obstacles, un régulateur de vitesse adaptatif et un chargeur de téléphone par induction. En vertu de quoi, ce modèle, assez peu diffusé en France (3 000 ventes par an, au maximum) mais qui flatte l’image techno-environnementale de Toyota, s’autorise une augmentation de tarif d’environ 1 500 euros et sera facturé à partir de 29 900 euros dont il faudra déduire un bonus écologique de 750 euros. Le prix à payer pour un véhicule politiquement correct mais qui se conduit comme une vraie voiture. p jean-michel normand Retrouvez l’actualité automobile sur Lemonde.fr/m-voiture BMW veut rester branché Pour séduire les urbains qui roulent peu, la marque bavaroise lance deux nouvelles hybrides rechargeables, la 330e et la 225xe Active Tourer L es constructeurs allemands ont longtemps porté un regard circonspect sur les véhicules hybrides. Cette période est révolue. Mercedes, Audi, Volkswagen et BMW ont décidé d’investir le créneau des modèles hybrides rechargeables (dits « plug-in »), qui offrent, à condition d’avoir été branchés sur une prise lorsqu’ils sont à l’arrêt, une autonomie de quelques dizaines de kilomètres en mode tout-électrique, en plus de leur motorisation thermique. Après avoir introduit la très exclusive i8 puis le X5 en version hybride rechargeable, BMW lancera le mois prochain la Série 330e et la Série 225xe Active Tourer. Deux variantes qui visent à élargir la clientèle de ces voitures, qui bénéficie de divers avantages fiscaux pour les véhicules d’entreprise, mais aussi d’un « bonus écologique » divisé par quatre (de 4 000 à 1 000 euros), depuis janvier. La 330e dispose, outre d’un quatre-cylindres essence de 184 ch, d’un moteur électrique de 88 ch grâce auquel elle peut parcourir de 30 km à 40 km jusqu’à 120 km/h en mode « zéro émission ». Cette Série 3 hybride rechargeable délivre des accélérations puissantes, sans être véritablement ébouriffantes, car elle privilégie les performances énergétiques. Usage et clientèle ciblés Sa consommation moyenne (1,9 litre aux 100 km) et ses émissions de CO2 (44 g/km) annoncées par les constructeurs s’entendent une fois la batterie chargée à plein. Il faut les manier avec des pincettes, car, après une certaine distance parcourue, le moteur thermique doit assurer la recharge électrique, ce qui se ressent progressivement sur la consommation. La 225xe Active Tourer hybride (un trois-cylindres de 136 chevaux couplé à un moteur électrique de 88 chevaux), qui nous est apparu plus homogène, a réalisé une consommation de 3,5 litres sur un parcours de 75 km à dominante urbaine. Une performance intéressante, mais encore loin des chiffres d’homologation, et qui se serait dégradée si nous avions poursuivi notre route. A bord de ces deux voitures, le conducteur peut optimiser le fonctionnement de ses deux moteurs, en décidant, par exemple, de neutraliser le groupe électrique, afin de recharger les batteries, en prévision d’un parcours urbain à venir ou, au contraire, de ne recourir qu’au seul moteur électrique. Très silencieux, ces deux modèles se destinent à un usage ciblé : des trajets fréquents et assez courts en milieu urbain, entrecoupés de parcours sur route et autoroutiers. Bref, le mode de vie des « commuters », qui effectuent quotidiennement un aller-retour de 20 km à 50 km dans un environnement périurbain. Autre condition sine qua non : disposer d’une prise électrique pour recharger la batterie (en 3 h 45 sur une prise classique, en 2 h 20 avec une charge rapide). Les gros rouleurs n’ont donc guère intérêt à opter pour une version « plug-in », reconnaît le constructeur, qui évoque une consommation d’environ 10,5 litres aux 100 km sur longue distance pour ses deux modèles. Pour l’essentiel, la Série 3 « plug-in » se destine à une clientèle américaine et japonaise, habituée de longue date à la technologie hybride, alors que l’Active Tourer devrait séduire en Europe du Nord. Proposés, bonus déduit, à un prix très proche de celui des versions diesel (45 950 euros pour la 330e, 37 950 euros pour la 225xe), ces deux BMW s’adressent aussi à ceux qui saisissent que conduire au quotidien leur diesel sur des petits trajets n’est – économiquement, si ce n’est écologiquement – guère approprié. Ou qui jugent inévitable que de futures restrictions de circulation en ville imposent de se déplacer en mode « zéro émission ». p j.-m. n. La batterie de ces deux modèles se recharge sur une prise classique en 3 h 45 et en 2 h 20 avec une charge rapide. BMW GROUP 22 | 0123 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 PLANÈTE | CHRONIQUE par audr e y gar r ic L’or noir, allié vert inattendu B arack Obama a connu deux revers en matière de transition énergétique la semaine dernière. L’un était attendu, l’autre non. Le premier, c’est l’objection de la majorité républicaine du Congrès – qui parle déjà de « projet mort-né » – à la taxe sur le pétrole proposée par le président américain, jeudi 4 février. Objectif de cet impôt, qui pourrait rapporter 320 milliards de dollars (284 milliards d’euros) sur dix ans : financer et entretenir des infrastructures de transports (ponts, autoroutes, TGV) et investir dans la recherche pour développer des véhicules « intelligents et propres ». Le second, c’est la décision de la Cour suprême, mardi 9 février, de suspendre le plan pour une énergie propre que le chef de l’Etat avait présenté en août dans la perspective de la COP21. Ce programme vise à réduire de 32 % d’ici à 2030 les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité, sur la base de celles enregistrées en 2005. Dans les deux cas, l’opposition des conservateurs et, en coulisses, les manœuvres des puissantes industries pétrolière et charbonnière, risquent d’avoir raison de ces mesures. Elles sont pourtant essentielles à la lutte contre le réchauffement de la planète. Car deux mois après l’accord de Paris sur le climat, qui a vu l’ensemble de la communauté internationale s’engager à limiter la hausse de la température sous les 2 °C, tout est à faire pour que le texte ne reste pas lettre morte. « 2015 a été l’année des négociations et des décisions, 2016 doit être l’année de l’application et de l’action », promettait dans un entretien au Monde (du 12 janvier) Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères et président de la COP. Un obstacle de taille Seulement, un obstacle de taille se dresse sur la route des économies bas carbone : la chute vertigineuse des cours du pétrole. Avec un baril autour de 30 dollars, l’or noir a atteint un plancher inédit depuis 2003. La dégringolade enregistre 70 % depuis juin 2014, sous l’effet d’une surproduction de brut cumulée à une demande énergétique atone. Dans cette ère du pétrole pas cher, la tentation peut être grande de céder aux sirènes des combustibles fossiles – responsables de 80 % des émissions mondiales de CO2 – plutôt que d’investir dans des programmes d’énergies propres, d’efficacité énergétique et de réduction de la consommation, plus onéreux et souvent impopulaires. Aux Etats-Unis, la consommation d’essence a ainsi augmenté de 3 % l’an dernier, tandis que le nombre total de kilomètres parcourus grimpait de 3,5 %. Les ventes de pick-up et de SUV (sport utility vehicle), parmi les véhicules les plus énergivores, ont bondi de 15 % en 2015, au détriment des berlines, des citadines et de certaines voitures économes en carburant. SIGNE QU’UN MOUVEMENT EST EN MARCHE, LES ÉNERGIES RENOUVELABLES NE PÂTISSENT PAS DE LA BAISSE DES COURS DU BRUT DEUX MOIS APRÈS L’ACCORD DE PARIS SUR LE CLIMAT, TOUT EST À FAIRE Dans le même temps pourtant, l’essence bon marché peut aussi être une bonne nouvelle pour le climat. A moins de 100 dollars le baril, il n’est pas rentable pour les compagnies pétrolières de tenter de forer les gisements les plus inaccessibles – et donc les plus polluants –, tels que les hydrocarbures de l’Arctique. Les exploitations de gaz de schiste aux EtatsUnis et de sables bitumineux au Canada, fortement émettrices en gaz à effet de serre, souffrent également : des projets sont annulés, les investissements réduits. Signe qu’un mouvement est en marche, les énergies renouvelables ne pâtissent pas de la baisse des cours du brut. Au contraire, elles prospèrent partout. Aux Etats-Unis, elles devraient croître de 9,5 % cette année, selon le gouvernement fédéral. En Europe, elles ont atteint 16 % de la consommation d’énergie en 2014, soit deux fois plus qu’en 2004, d’après les chiffres d’Eurostat dévoilés la semaine dernière. L’Agence internationale de l’énergie prévoit pour sa part que 26 % de l’électricité dans le monde viendra des renouvelables en 2020, boostées par les pays émergents. La Chine détient un tiers de la puissance mondiale installée côté éolien, et 20 % côté solaire, selon les données du cabinet Enerdata. Reste que cela n’est pas suffisant. La chute du prix du baril doit être l’occasion de définitivement tourner la page des énergies fossiles. Il s’agit en premier lieu d’arrêter de subventionner ces combustibles qui reçoivent la somme, aussi faramineuse que honteuse, de 500 milliards de dollars par an – quatre fois plus que les renouvelables. Plusieurs pays en développement, tels que l’Inde, l’Indonésie ou la Malaisie, ont ainsi récemment coupé les aides à la consommation de carburants. Surtout, le moment est idéal pour fixer un prix sur le CO2. Peu importe qu’il s’agisse d’une taxe carbone, d’une bourse de quotas d’émission (marché carbone) ou d’un autre instrument. L’essentiel est de mettre en place une fiscalité qui oriente les politiques climatiques sur le long terme, force les industriels et les consommateurs à utiliser des ressources moins polluantes et permette de dégager des économies pour les énergies propres. Une meilleure occasion se présentera-t-elle, alors qu’avec les cours bas du pétrole cette nouvelle fiscalité serait pratiquement indolore pour les ménages et l’économie ? Aujourd’hui, une quarantaine de pays ont introduit des mécanismes de tarification du carbone, qui couvrent 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais pour l’instant, ces instruments n’ont pas encore totalement montré leur efficacité, faute d’être véritablement incitatifs : le prix de la tonne de CO2 est trop bas pour décourager l’exploitation des énergies fossiles. Il faut accélérer le mouvement. Et le pétrole bon marché est un excellent allié. Il y a deux mois, lors de la COP21, les dirigeants du monde entier ont rédigé des chèques postdatés pour la planète. C’est le moment de procéder au paiement. p Tirage du Monde daté dimanche 14-lundi 15 février : 291 549 exemplaires RÉFUGIÉS : LE FACE-À-FACE BERLIN-PARIS L es masques sont tombés. Le premier ministre français, Manuel Valls, a proclamé tout haut, samedi 13 février, à Munich, ce qu’il distillait depuis des mois : son opposition à la politique d’accueil des réfugiés d’Angela Merkel. Près de six mois après la publication de la photo de l’enfant kurde noyé, Aylan Kurdi, et la décision de la chancelière d’accueillir tous les réfugiés syriens, le premier ministre a fixé ses limites. « L’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés, a-t-il déclaré. La France s’est engagée pour 30 000 réfugiés. Dans le cadre de ces 30 000, nous sommes toujours prêts à accueillir des réfugiés. Mais pas plus. » Le propos de M. Valls est d’autant plus inopportun que la France n’a reçu dans le cadre des programmes de relocalisation européens qu’une centaine de Syriens, tandis que l’Allemagne a ouvert ses portes en 2015 à plus de 800 000 réfugiés. Mais il a le mérite de clarifier les choses : depuis le début de la crise, Angela Merkel et François Hollande ont fait mine d’être d’accord, alors qu’il n’en était rien. Comme dans la crise de l’euro, la chancelière a apporté une réponse d’abord morale à l’afflux des réfugiés. Il est vrai que l’Allemagne a une tradition d’accueil inscrite dans sa mémoire collective. Après la seconde guerre mondiale puis après la chute du Mur, elle a vu revenir nombre d’Allemands ayant émigré çà et là, depuis des décennies, en Europe de l’Est, en Russie ou même dans les Balkans. La France n’a pas la même expérience. Et elle est bien moins généreuse face à ces hommes et ces femmes qui quittent la Syrie au risque de leur vie. Parce que sa situation intérieure est beaucoup plus tendue, avec une intégration en échec, un chômage massif, un Front national qui se prétend le premier parti de France. Parce que, avec les attentats terroristes et des guerres sur plusieurs fronts, le pays a le sentiment de payer déjà un prix lourd à une situation moyen-orientale qui met chaque jour des milliers de réfugiés sur les routes. Aujourd’hui, Paris accuse Angela Merkel d’avoir créé un formidable appel d’air, tandis que Berlin regrette le manque de solida- rité de ses voisins. Chacun pare au plus pressé. Les Français se concentrent sur le terrorisme. Angela Merkel, qui découvre avec effroi l’émergence d’une extrême droite contre laquelle elle se croyait immunisée, ferait tout pour limiter l’arrivée des migrants à condition de ne pas se dédire moralement. L’Allemagne ne sera pas longtemps épargnée par le terrorisme, tandis que les migrants finiront par chercher refuge en France. Une solution européenne s’impose, alors que Schengen est de facto suspendu pour des années. Les gouvernements doivent mettre en place ce qu’ils ont trop longtemps refusé : une police fédérale des frontières extérieures, un mécanisme efficace de réallocation des réfugiés. Cela prendra du temps. L’Europe est engagée dans une course contre la montre entre les populistes, qui progressent à chaque élection, et les migrants, dont le flux reprendra au printemps. Nous ne devons pas avoir à choisir entre nos démocraties et la protection individuelle à laquelle a droit chaque réfugié. Il faut réduire l’afflux des migrants tout en les protégeant. Une clé essentielle se trouve en Turquie. Les Européens doivent l’aider à accueillir les réfugiés syriens, mais la Turquie doit contrôler sa frontière avec la Grèce. Le Conseil européen de cette semaine doit accoucher d’une politique, enfin, et les dirigeants se garder de surenchères populistes. p LA MATINALE DU MONDE LE MEILLEUR DE L’INFO 7 JOURS SUR 7 SWIPEZ, SÉLECTIONNEZ, LISEZ L’application La Matinale du Monde est téléchargeable gratuitement dans vos stores. A retrouver en intégralité pour 4,99 € par mois sans engagement avec le premier mois offert. Les abonnés du Monde ont accès à l’intégralité des contenus. OFFRES D’EMPLOI CHAQUE LUNDI PAGES 12 et 13 Acier : les industriels européens jouent Bruxelles contre la Chine 3…2…1… partez en pages ▶ Six ministres européens, ▶ Les géants du secteur, ▶ La Commission a déjà ▶ Depuis 2007, la sidérur- dont Emmanuel Macron, étaient attendus à Bruxelles, lundi, pour défendre les industriels de l’acier contre le dumping chinois ArcelorMittal en tête, accusent la Chine d’inonder l’Europe d’acier vendu à prix cassé, dont Pékin ne sait plus quoi faire adopté 37 mesures antidumping contre la Chine en matière d’acier. Trois nouvelles enquêtes ont été lancées vendredi gie européenne a perdu 20 % de ses emplois. Les syndicats craignent une nouvelle hémorragie → LIR E PAGE 4 3, 5, 7 & 9… Les maladies rares, filon des labos ▶ Avec des traitements au coût exorbitant, ces pathologies sont une manne pour l’industrie pharmaceutique ▶ Pour les Etats, c’est un véritable défi en termes économiques → LIR E L’Etat pas prêt à céder les rênes d’Orange à Bouygues O range réussira-t-il à sceller son alliance avec Bouygues Telecom ? Officialisées mardi 5 janvier, les noces tardent à trouver une date et les difficultés s’amoncellent. Non seulement les deux prétendants doivent s’entendre avec Free et SFR, qui rachèteront une partie de Bouygues Telecom, mais ils doivent aussi obtenir l’aval de l’Etat, qui détient 23 % d’Orange. Selon nos informations, Bercy refuserait de voir sa participation descendre sous 21 %, afin de conserver trois sièges au conseil d’administration. L’Etat aimerait aussi voir Bouygues signer pour trois ans une clause destinée à l’empêcher de monter au capital d’Orange, voire lui faire accepter un pacte d’actionnaires, ce qui ne lui permettrait pas de posséder plus de 9 % de l’opérateur historique. p PAGES 1 0 - 1 1 A l’Institut des maladies génétiques (Imagine), à l’hôpital Necker, à Paris. GILLES ROLLE/REA → LIR E PAGE 1 4 JAPON UNE CROISSANCE SANS RELIEF EN 2015 → LIR E PAGE 6 PORTRAIT GILLES PÉLISSON, L’HÉRITIER TOUCHE-À-TOUT, DEVIENT PDG DE TF1 → LIR E PAGE 2 j CAC 40 | 4093 PTS + 2,46% j DOW JONES | 15 974 + 2% J EURO-DOLLAR | 1,1197 J PÉTROLE | 33,21 $ LE BARIL j TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,66 % VALEURS AU 15/02 - 9 H 30 PERTES & PROFITS | HSBC Victoire anglaise sur la Chine L es visiteurs qui passent par le siège de la banque HSBC ont coutume de caresser le museau du lion qui en garde l’entrée. Cela porte bonheur, même pour les financiers. Le roi des animaux est un symbole commode. La tête couronnée, il est le Royaume d’Angleterre ; en couple, il protège tout bâtiment chinois qui se respecte. Puissant et multinational. Depuis sa fondation en 1865, la Hongkong and Shanghai Bank a toujours hésité entre deux continents et changé à de nombreuses reprises la localisation de son siège. Il est à Londres depuis 1992. Et il y restera. Le groupe a décidé, après dix mois de réflexion, de ne pas retourner à Hongkong. Une victoire pour les autorités britanniques, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour retenir le géant bancaire, et un camouflet pour Pékin qui rêvait du retour au bercail de la plus internationale des banques mondiales. Mainmise politique de Pékin sur Hongkong HSBC n’est pas un établissement financier ordinaire. Il réalise plus de la moitié de son activité en Asie et voit passer près de 10 % des paiements internationaux libellés en dollars. Un pont solide entre la Chine productrice et l’Occident consommateur. En 150 ans, la banque n’a jamais perdu d’argent et n’en a jamais demandé à aucun Etat. Au plus fort de la crise de 2008-2010, elle a été l’une des rares à alimenter en liquidités un système financier mondial en panne. Il y a un an, l’affaire semblait entendue. Comme d’autres entreprises occidentales, elle Cahier du « Monde » No 22110 daté Mardi 16 février 2016 - Ne peut être vendu séparément voyait le futur se dessiner en idéogrammes au fronton de sa tour chinoise, regardant au loin le delta de la rivière des perles, qui baigne Canton et Shenzhen et reste le poumon industriel de la Chine et une de ses priorités. L’Asie représente les deux tiers de ses profits, alors que ceux réalisés en Europe se sont effondrés en 2015 de plus de 40 %. De plus, le taux d’imposition est généreux à Hongkong (16,5 %), et de grandes facilités étaient promises par le pouvoir local. Loin de cette Europe chère et ingrate, et qui n’aime pas ses banquiers accusés de tous les maux. De quoi « cocher » toutes les cases de l’examen qu’a entamé l’établissement et qui était supposé passer en revue l’environnement réglementaire, les perspectives de croissance et la taille sur le marché d’accueil. Mais toute décision est aussi politique, voire géopolitique. D’ailleurs la banque s’est adjugée les conseils du vieux briscard du domaine, l’ancien secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger. Deux éléments sont venus perturber le scénario annoncé. Les difficultés du secteur financier chinois, qui a mis en lumière le manque de maturité et d’indépendance du système réglementaire du pays et l’inquiétante mainmise politique de Pékin sur Hongkong qui semble se durcir de jour en jour. En dépit de ses normes et de ses coûts, l’Europe est soudain apparu comme un havre de stabilité et le climat sur la Tamise plus clément que sur la rivière des perles. p philippe escande … et découvrez un partenaire qui se plie en 4 pour améliorer les performances de votre entreprise. 2 | portrait 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Gilles Pélisson L’héritier devenu PDG de TF1 Touche-à-tout, inspiré par trois mentors – Gérard Pélisson, son oncle fondateur d’Accor, Philippe Bourguignon, ancien PDG d’Euro Disney, et Martin Bouygues –, le nouveau patron de TF1 devra poursuivre la mutation du groupe audiovisuel C’ est un nouveau rebond dans une carrière qui a connu de nombreux chapitres, souvent écrits sous l’œil de parrains bienveillants. Nouveau président de TF1 à la suite du départ de Nonce Paolini, qui quitte ses fonctions jeudi 18 février, Gilles Pélisson revient en pleine lumière grâce à Martin Bouygues dont il a de longue date la confiance. D’abord comme dirigeant de sa filiale télécom de 2001 à 2006 puis en tant qu’administrateur de TF1 à partir de 2009. Une relation typique du parcours de Gilles Pélisson, jalonné de rencontres avec des mentors. Le premier d’entre eux n’est autre que son oncle. Figure des affaires et de la bourgeoisie lyonnaise, Gérard Pélisson a cofondé le groupe hôtelier Accor avec Paul Dubrule. Dans les années 1950, Gérard a étudié au MIT, à Boston. Et c’est à lui que son neveu Gilles doit son tropisme pour les Etats-Unis, où il s’installe à l’âge de 24 ans, après son mariage, et reste huit ans. En digne héritier – son oncle n’a pas de fils –, il étudie à son tour au MIT, puis intègre Accor. Il y grandit sous l’aile d’un deuxième mentor revendiqué, Philippe Bourguignon, patron du développement du groupe aux EtatsUnis et en Asie. « J’y ai appris le marketing de terrain », raconte celui qui passait pour « surdiplômé dans un groupe d’hommes opérationnels » : il se souvient avec douceur de son passage en Californie pour lancer une chaîne de restaurants ou ouvrir des Novotel. Mais en 1987, il doit passer « de Beverly Hills à Evry-sur-Plage » : son « tonton » le rappelle en France pour diriger la filiale de restaurants Courtepaille. En France, il retrouve Philippe Bourguignon. Celui-ci lui propose de le suivre à Euro Disney, en 1995, avant de lui laisser son poste de PDG. « Gilles, what’s your new idea ? », lui demande chaque lundi matin le PDG de la Walt Disney Company, Michael Eisner. Avec cette autre figure inspirante, Gilles Pélisson découvre le management d’un géant du divertissement. Son style personnel est d’ailleurs « à l’américaine », raconte un ancien collaborateur : « Il est chaleureux et direct. Il met les gens à l’aise facilement. Le genre à retrousser ses manches. Tout le monde a le sentiment de le connaître sans le connaître. » Chez TF1, lors des quatre mois de « tuilage » qui s’achèvent ces jours-ci, on a pu apprécier le ton affable et décontracté du nouveau PDG, contrastant avec le style plus distant de Nonce Paolini. Ses années Disney s’achèvent en 2000, sans qu’il aille au bout du lancement du projet d’un deuxième parc. Il décide alors de saisir une nouvelle main tendue : celle de Gérard Mestrallet, PDG de Suez, qui lui confie la préparation de la candidature du groupe à une licence de téléphonie mobile. C’est une déconvenue : en 2001, Suez renonce à concourir. « UN BOUYGUES BOY » Gilles Pélisson croise alors celui qui va le connecter à Martin Bouygues, son troisième mentor : il rencontre Patrick Le Lay, PDG de TF1, dans un train sur le chemin de Verbier, une station de ski huppée de Suisse. Nouveau coup de pouce : celui-ci l’envoie voir son patron, qui le nomme à la tête de Bouygues Telecom, où il accompagne les prémices de l’Internet mobile. Dans ce groupe familial – comme Accor –, il entre dans le premier cercle, nouant une relation de confiance avec le patron des programmes, Etienne Mougeotte. Certains affirment que l’actuel actionnaire de Valeurs actuelles a aidé M. Pélisson à accéder à la tête de TF1, mais CHRISTOPHE MORIN/IP3 PRESS/MAXPPP M. Mougeotte nie avoir été un « conseiller occulte », tout en reconnaissant un lien « affectueux ». « Gilles est un Bouygues Boy, avec une sensibilité pour les médias », juge-t-il. Ses relations avec ses mentors ont parfois connu des accrocs. L’oncle, Gérard Pélisson, est « vexé » quand Gilles décide de quitter Accor pour rejoindre Disney, se rappelle le neveu. « Il a su couper le cordon quand il a vu que la succession n’arrivait pas », interprète le président de M6, Nicolas de Tavernost, qui qualifie son nouveau concurrent de « camarade ». Gérard pardonnera et accueillera, à nouveau, son neveu à la tête du groupe, en 2006. A l’époque, des fonds d’investissement comme Colony Capital font pression pour scinder Accor en deux. Il finit par endosser la réforme et introduire en Bourse la partie financière des activités, liée à Ticket Restaurant. « C’est un opportuniste de talent. Il surfe sur la vague », se moque un observateur. Les fonds obtiennent son départ en 2010 : il y avait des « divergences stratégiques » mais les résultats étaient bons, se défend Gilles Pélisson. Certains se rappellent toutefois les phrases cinglantes prononcées à chaud après son départ par Paul Dubrule, le cofondateur : « Je n’ai pas compris son projet. Quand je lui posais des questions, il m’envoyait promener. Et, humainement, c’était une catastrophe : il virait les gens à tour de bras », avait-il confié à Challenges en 2010. Un témoin se souvient de quelqu’un « d’assez libéral, plutôt décomplexé », et rappelle qu’il a intégré en 2006 le conseil exécutif du Medef, lieu idéal pour parfaire son réseau. Il côtoie Dominique Desseigne, connu à la tête des casinos Barrière (filiale d’Accor), et croise des patrons dans des parties de golf, même s’il est « plutôt tennis » ou voile. Après ses déboires chez Accor, Gilles Pélisson investit dans une cristallerie belge, rejoint la banque d’affaires londonienne Jefferies et finit par quitter la France pour Uccle, une commune de Bruxelles connue pour accueillir nombre de Français. Exil fiscal ? « Je voulais être tranquille, loin de Paris », nuance-t-il sans démentir. Une façon de fuir les « Et toi, ça va ? » du « GILLES EST À TF1 POUR CONFORTER LE LEADERSHIP DU GROUPE ET L’INSCRIRE DANS UN PAYSAGE MONDIALISÉ » ETIENNE MOUGEOTTE ex-directeur de TF1 1957 1983 1995 2016 Naissance à Lyon. Gilles Pélisson entre chez Accor après avoir vécu aux Etats-Unis. Directeur général puis PDG d’Euro Disney. Six ans plus tard, il est nommé directeur général puis PDG de Bouygues Telecom. Il devient PDG du groupe TF1, succédant à Nonce Paolini. microcosme, douloureux aux oreilles de celui qui, après Accor, n’a pas retrouvé de job de premier plan… jusqu’au coup de fil de Martin Bouygues, à l’été 2015. A TF1, Gilles Pélisson hérite d’une position aux avant-postes d’un audiovisuel français en pleine mutation. « Le futur sera différent du modèle des vingt-cinq dernières années », convient-il. « Paolini a fait entrer TF1 dans la révolution technologique, Gilles Pélisson est là pour conforter le leadership du groupe et l’inscrire dans un paysage mondialisé », pense Etienne Mougeotte, citant comme concurrents Netflix autant que M6. GÉRER TF1 COMME ACCOR Le nouveau PDG met en avant le concept de « marque » : TF1 est sans surprise « une des plus belles françaises » mais elle s’insère désormais dans un « portefeuille » où figurent aussi HD1, NT1 et TMC. Il entend les « gérer », comme naguère les enseignes d’Accor. Sans oublier LCI, la chaîne d’information maison qui vient d’être autorisée par le CSA à passer en gratuit. « Je connais les univers régulés », glisse M. Pélisson, en souvenir de son passage dans le secteur des télécoms ou du « lobbying » mené auprès de MM. Lionel Jospin, « Strauss » ou Mathieu Pigasse (actionnaire à titre personnel du Monde), qui étaient aux affaires pendant son passage à Disney. Pour lui, TF1 devra être fort dans les « contenus » : si la référence à la machine Disney, productrice infatigable de personnages et de licences, semble disproportionnée, Gilles Pélisson a « encouragé » M. Paolini à acquérir, fin 2015, le groupe de production Newen. Un pas dans la voie souhaitée de la « diversification ». Durant ses mois de « tuilage », le futur PDG a eu le loisir de partir à Los Angeles pour rencontrer les grands studios américains. Des interlocuteurs cruciaux pour la chaîne, qui fait d’excellentes audiences et une partie de sa marge sur les séries américaines. De ce séjour en Californie, M. Pélisson retient que les Américains se posent des questions sur les rapports entre production et distribution. A ce sujet, un mot plane sur l’époque : « convergence ». Le groupe est connu pour n’avoir jamais cherché à mettre en œuvre des synergies entre ses activités télécoms et médias. Quand il dirigeait Bouygues Telecom, le nouveau PDG se rappelle dans un sourire avoir essayé de créer une marque « TF1 Mobile », en vain. Les temps auraient-ils changé ? La question est sensible, au moment où Orange et Bouygues mènent des négociations de rapprochement, qui pourraient, selon certaines sources, inclure une part minoritaire dans TF1. Face aux grandes manœuvres du secteur et au bouillonnement numérique, les défis ne manquent pas. Gilles Pélisson se dit conscient que TF1, comme tout grand groupe, vit sous la menace de l’« uberisation » : « Qui aurait pensé que le nouveau concurrent d’Accor serait Airbnb ? » L’antenne symbole de la puissance publicitaire doit aussi se convertir au « ciblage » des clients sur le Web, projette-t-il… Si besoin est, ses propres héritiers lui rappellent l’ampleur de la tâche : « Mes enfants ne regardent pas la télé sur un téléviseur mais ailleurs. » p alexis delcambre et alexandre piquard . La Poste – SA au capital de 3 800 000 000 € – 356 000 000 RCS Paris – Siège social : 44, boulevard de Vaugirard – 75757 Paris Cedex 15 – Crédit photo : Céline Clanet Les e-commerçants nous confient 500 millions de commandes à traiter chaque année. Et vous, vous faites comment? 16000 points relais en Europe, premier logisticien de France, service Colissimo. . . 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L’association, qui défend les intérêts des groupes sidérurgistes européens, espérait mobiliser 5 000 personnes pour une « grande marche » dans la capitale belge. Parmi les manifestants devaient figurer Geert Van Poelvoorde, numéro deux exécutif d’ArcelorMittal, son rival Cesare Riva, numéro un du groupe italien Riva, et Karl Köhler, PDG de Tata Steel. La direction d’ArcelorMittal a également invité ses salariés de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et de Dunkerque (Nord) à monter dans les cars qu’elle a affrétés pour Bruxelles. La CGT et la CFDT ont décliné l’invitation. « Cela dit, nous réclamons la même prise en compte rapide », reconnaît Géry Thoraval, délégué syndical CFDT chez ArcelorMittal Ministres, patrons et salariés demandent que l’Europe utilise à plein son arsenal antidumping pour protéger l’acier européen des surproductions chinoises. Si pour la première fois depuis 2009, la production mondiale a reculé, les importations en provenance de Chine continuent de croître (+ 25 % entre 2014 et 2015). Le cours de la tonne s’est effondré de 40 %. Faute de compétitivité, les aciéristes européens voient leurs marges chuter. Contexte déprimé Le résultat brut d’exploitation d’ArcelorMittal a plongé de 27,7 % et ses pertes nettes se sont creusées à 7,9 milliards de dollars (7 milliards d’euros) en 2015. Le groupe indien a annoncé un « plan 2020 » pour comprimer ses coûts de 3 milliards de dollars. Le plan de l’autrichien Voestalpine porte sur 1 milliard d’euros d’économies sur l’exercice en cours. Et les plans de suppression d’emplois reprennent. Depuis 2007, le secteur a perdu 20 % de ses emplois et ne compte plus que 328 000 salariés, d’après Eurofer. L’année 2016 a débuté avec l’annonce de 1 050 suppressions d’emplois chez Tata Steel au L’Europe a lancé une centaine de mesures antidumping ces dernières années pour protéger l’industrie européenne. Ces procédures durent en général cinq ans. L’essentiel de ces procédures concerne l’acier, pour environ un tiers, la chimie et la céramique se partageant le reste. La moitié de ces mesures protectionnistes, soit un total de 52 textes, concernent des importations chinoises, qui ne représentent au total que 1,38 % du total des exportations de biens chinois vers l’Europe, en valeur. Aciérie à Tangshan, dans l’est de la Chine. KIM KYUNG-HOON/REUTERS Royaume-Uni et ArcelorMittal a « temporairement » fermé son usine de Sestao, en Espagne (330 personnes). En France, où ArcelorMittal emploie 17 000 salariés, le groupe se veut rassurant. « Notre dispositif industriel est calé », assure une porte-parole. Vendredi 12 février, le numéro un mondial du secteur a annoncé 54 millions d’euros d’investissement dans ses usines de Dunkerque. Toutefois, le spectre de Florange, dont les hautsfourneaux ont fermé en 2013, plane. « La situation commerciale et financière (…) est le sujet de beaucoup d’inquiétudes [quant au] devenir des sites de production », reconnaît M. Thoraval, de la CFDT. A Dunkerque, site qui alimente surtout l’industrie automobile, la PRODUCTION D’ACIER, EN KILOTONNES PAR MOIS TOTAL « MONDE » ÉTATS-UNIS 6 576 UNION EUROPÉENNE À 28 13 843 DONT FRANCE 1 249 133 009 AUTRES CHINE 66 711 SOURCES : WORLDSTEEL ET FFA CGT pointe « la perte de moyens ». L’usine de Fos-sur-Mer redoute, elle, la proximité des ports italiens, où débarquent les cargaisons chinoises. Les 2 350 salariés d’ArcelorMittal sur place craignent le recours prochain au chômage partiel ; le groupe y est autorisé jusqu’en mars 2016. Dans ce contexte déprimé, Bruxelles veut démontrer qu’elle agit. Vendredi 12 février, la Commission europenne a annoncé le lancement de trois enquêtes pour soupçon de dumping envers la Chine. Les tubes sans soudure, les tôles lourdes et l’acier plat laminé à chaud sont dans son viseur. A aussi été décidée une mesure antidumping (donc la mise en place de droits de douane élevés) pour les pièces d’acier laminé à froid en provenance de Russie et de Chine. « Avant, on protégeait des secteurs de niche, là, on se préoccupe des lignes les plus importantes de la production européenne », note une source diplomatique. L’Europe dispose désormais de 37 mesures antidumping concernant l’acier (sur une centaine au total, tous secteurs confondus), et neuf enquêtes sont en cours. Pas sûr que cela suffise à rassurer les ministres et les lobbys industriels. Tous craignent qu’à court terme, Bruxelles décide de se priver en partie, voire en totalité, de son « bouclier » protectionniste. Car d’ici à la fin de 2016 devrait s’engager une négociation à haut risque avec Pékin : l’enjeu est le maintien de la Chine dans la catégorie des « économies non marchandes » au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Parades juridiques En 2001, lorsque la Chine a accédé à l’OMC, elle s’était vu refuser le statut d’« économie marchande ». Motif : son industrie est largement subventionnée par l’Etat. A ce titre, dans son protocole d’adhésion, le pays fait l’objet d’un statut particulier : les procédures antidumping peuvent être déclenchées plus facilement par ses partenaires commerciaux, dès lors qu’ils prouvent qu’un produit est vendu moins cher à l’export que dans son pays de fabrication. Ce protocole a été signé pour quinze ans ; il expire en partie en décembre 2016. Pékin juge ce statut humiliant, pénalisant et ferraille pour en être débarrassé. Les industriels européens, eux, prônent le statu quo. La Commission semble, quant à elle, hésiter à entamer une négociation. Un dispositif antidumping affaibli aurait certes un redoutable impact sur l’emploi industriel : selon une étude interne, il pourrait déboucher sur la perte de 200 000 postes en Europe, tous secteurs confondus. Mais la Chine est un partenaire commercial majeur pour l’Europe. Il sera dès lors difficile de refuser de discuter avec Pékin, « même si d’évidence la Chine n’est pas une économie de marché et subventionne des pans entiers de son économie », note une source diplomatique Du coup, la Commission cherche des parades juridiques. Elle planche sur une révision du règlement européen sur la lutte antidumping et explore la possibilité de prolonger pour quelques années les 52 procédures existantes envers Pékin. Les Européens espèrent également agir aux racines du problème, en incitant la Chine à réduire ses surproductions. Un « comité » sur l’acier constitué à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), devrait se réunir en mars. A la fin de 2015, la commissaire européenne chargée du commerce, Cecilia Malmström, avait rencontré le ministre chinois du commerce, Gao Hucheng. Dans quelques semaines, ce sera au vice-président de la Commission, Jyrki Katainen, de faire le voyage en Chine. p juliette garnier et cécile ducourtieux La sécurité des approvisionnements, priorité de l’union de l’énergie La Commission européenne doit présenter, mardi 16 février, des textes visant à mieux protéger les pays dépendants du gaz russe bruxelles - correspondance U n an après avoir défini sa stratégie « pour une union de l’énergie » visant à « rendre l’énergie sûre, soutenable, compétitive et à des prix raisonnables », Maros Sefcovic, le vice-président de la Commission européenne, entre dans le vif du sujet. Mardi 16 février, le Slovaque devait faire adopter par la Commission ses premières propositions législatives focalisées sur la sécurité des approvisionnements en gaz. Parmi les textes attendus : la révision d’un règlement destiné à protéger les pays européens les plus dépendants du gaz russe (30 % des importations de l’Union européenne) à travers le renforcement de mécanismes de solidarité en cas de coupure d’approvisionnement. Le règlement de 2012 établissait déjà des principes clés après les coupures de gaz intempestives entre l’Ukraine et la Russie qui avaient notoirement menacé les approvisionnements européens. Mais l’aggravation de la crise entre Kiev, Moscou et l’UE en 2014 rendait nécessaire une mise à jour de ces mécanismes d’urgence entre les régions les plus exposées au risque. La nouvelle proposition introduit, notamment, des améliorations pour assurer un approvisionnement minimum aux ménages et aux entreprises avec l’émergence de plans d’entraide régionaux. Echange d’informations En revanche, l’idée d’instaurer une centrale d’achat de gaz commune pour peser sur Moscou est reléguée au rang des options volontaires. « Personne n’en voulait, sauf les Polonais », explique une source européenne. Certains craignaient qu’en représailles la Rus- sie ne s’associe avec d’autres fournisseurs pour former un cartel du gaz calqué sur celui de l’OPEP, indique cette source. Outre ce règlement, la Commission remonte au créneau pour renforcer l’échange d’informations entre les opérateurs d’énergie concernant leurs contrats signés avec les pays tiers dans le cas où ceux-ci auraient des incidences sur la sécurité des approvisionnements. Une disposition on ne peut plus sensible alors qu’un nouveau consortium piloté par le géant russe Gazprom avec plusieurs opérateurs européens envisage le doublement du gazoduc Nord Stream par la mer Baltique. « Un projet machiavélique » de Vladimir Poutine dénoncé par de nombreux députés européens, décrié par les pays de l’Est fâchés de voir l’Allemagne et la France « ruiner avant l’heure » les grands principes de l’union de l’énergie, et contesté par l’Italie après l’échec du projet de gazoduc South Stream. La Commission enfonce donc le clou. Malgré l’opposition probable de Paris et de Berlin, elle devait présenter la modification d’une décision adoptée en 2012 renforçant la transparence dans les accords énergétiques intergouvernementaux. L’idée étant d’obtenir un droit de regard ex ante avant la signature finale des ac- L’aggravation de la crise entre Kiev, Moscou et l’UE rendait nécessaire une mise à jour des mécanismes d’urgence cords, afin d’en vérifier la conformité avec le droit européen par le biais des « notifications automatiques », souligne Maros Sefcovic. Même si les négociations s’annoncent passablement ardues, ce droit de regard n’empêchera pas la Commission d’enquêter de son côté. C’est déjà le cas avec le projet Nord Stream 2 pour lequel une enquête est en cours. Sans parler de celle visant Gazprom pour abus de position dominante. La stratégie européenne pour le gaz naturel liquéfié (GNL), que doit également présenter la Commission, est aussi vivement critiquée. Conçue pour favoriser la diversification des approvisionnements et diminuer la dépendance face à la Russie, notamment dans les pays baltes, son message « reste totalement incompréhensible après l’accord international sur le climat à Paris », dénonce le député européen des Verts, Claude Turmes. « La Commission part du principe que la consommation de gaz va augmenter alors que la demande baisse. » Un avis pas vraiment partagé à Bruxelles. Pour un diplomate européen, le GNL « reste compatible avec la COP21 », la feuille de route de l’Union visant d’abord « à se débarrasser du charbon ». L’édification d’une « véritable » union de l’énergie n’en est, à ce stade, qu’à ses prémices. D’autres propositions clivantes sont attendues cette année : entre le partage du fardeau pour les quotas d’émissions de CO2 par pays (en juin), la révision des textes sur l’efficacité énergétique, ceux sur les énergies renouvelables et sur l’organisation du marché de l’électricité (deuxième semestre), les Européens n’ont pas fini de se déchirer. La Commission espère boucler les négociations avant la fin de son mandat en 2018. Au mieux. p christophe garach . La Poste – SA au capital de 3 800 000 000 € – 356 000 000 RCS Paris – Siège social : 44, boulevard de Vaugirard – 75757 Paris Cedex 15 – Crédit photo : Céline Clanet Pour optimiser votre parc automobile, faites appel à l’entreprise qui gère la première flotte électrique du monde. Un parc de 28000 véhicules électriques et 100% de nos collaborateurs formés à l’éco-conduite. . . 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Pour 2015, la croissance de la troisième économie mondiale n’aura pas dépassé 0,4 %, ce qui fait dire au ministre de la revitalisation économique, Nobuteru Ishihara, que le pays est « en reprise modérée, ses fondamentaux restant solides ». Ces mauvais chiffres interrogent toutefois sur les Abenomics, ces mesures adoptées depuis 2012 par le gouvernement du premier ministre Shinzo Abe, pour relancer durablement l’économie. Au dernier trimestre 2015, l’activité a souffert d’exportations en repli de 0,9 %, en raison principalement des difficultés de l’économie chinoise et d’une consommation intérieure toujours amorphe. Cette dernière a reculé de 0,8 %, traduisant l’échec du gouvernement à en faire un moteur de la reprise. Le seul point positif reste les investissements des entreprises, en hausse de 1,4 %. Dans ce contexte, la politique monétaire ultra-accommodante, principal pilier des Abenomics, inquiète. Toujours déterminée à atteindre les 2 % d’inflation, la Banque du Japon (BoJ), qui injecte chaque année 80 000 milliards de yens (627 milliards d’euros) de liquidités sur les marchés au travers d’un vaste programme d’achat d’actifs, a surpris en s’engageant, le 29 janvier, sur la voie des taux négatifs. Celui des emprunts à 10 ans est passé à – 0,01 % le 9 février. Mais la mesure ne semble pas avoir eu les effets souhaités. ÉVOLUTION DU PIB DU JAPON, EN % 1,7 1,4 0,4 0 Décembre 2012 Arrivée au pouvoir de Shinzo Abe – 0,5 2011 2012 2013 2014 2015 SOURCE : GOUVERNEMENT JAPONAIS Deux semaines après, l’indice boursier Nikkei se retrouve sous les 16 000 points (malgré une hausse de 7,16 à la clôture lundi 15), contre 18 000 le 1er février. Le yen a progressé de 6,6 % face au dollar depuis le début 2016, un risque pour les profits des exportateurs. La surprise a donc cédé la place à la critique. La décision de la BoJ est jugée en partie responsable de la volatilité des marchés et menacerait les profits des banques. L’indice MSCI des institutions bancaires mondiales a chuté de 13 % depuis la fin janvier. De moins en moins de leviers La mesure semble si mal perçue que M. Ishihara, nommé le 28 janvier après la démission de son prédécesseur, Akira Amari, pour une affaire de financement occulte, s’efforce d’en minimiser la portée. « Le taux négatif s’appliquera à 10 % environ des dépôts des banques à l’établissement central, a-t-il déclaré le 13 février au quotidien Nihon Keizai. C’est une proportion minime. » La méthode suivie, a souligné le 12 février Hiroshi Nakaso, gouverneur adjoint de la BoJ, « a pour but de limiter les risques pour la profitabilité des banques ». M. Nakaso juge possible d’aller plus loin en terrain négatif en cas de « fuites des réserves de liquidités » qui affecteraient Le premier ministre, Shinzo Abe, le 28 janvier, à Tokyo. YUYA SHINO/REUTERS la politique menée. Le même jour, le gouverneur, Haruhiko Kuroda, rencontrait en urgence M. Abe et appelait les participants à la réunion des grands argentiers du G20 des 26 et 27 février à Shanghaï à agir pour calmer les marchés. M. Kuroda a reproché aux investisseurs de devenir « excessivement réticents face aux risques ». Il a rappelé que les taux négatifs devaient servir l’économie en incitant les entreprises à investir. Et d’ajouter qu’il n’hésiterait pas à adopter des mesures d’assouplissement pour atteindre son objectif d’inflation. « Il y a de grandes chances que [M. Kuroda] le fasse à Le gouvernement prévoit d’augmenter la TVA de 8 % à 10 % en 2017 pour augmenter ses rentrées fiscales Pékin tente de rassurer les marchés Après les congés du Nouvel An lunaire, les Bourses chinoises ont limité leur repli, réconfortées par la fermeté du discours du gouverneur de la banque centrale pékin - correspondance L es marchés chinois ont fermé en légère baisse lundi 15 février, après une semaine de suspension des cours pendant les congés du Nouvel An chinois. La Bourse de Shanghaï a terminé la séance sur une baisse de 0,63 %, celle de Shenzhen a clôturé quasi stable (– 0,04 %). Des baisses plus limitées qu’attendu, après les mauvaises performances des places financières mondiales la semaine dernière. Le yuan s’échange, quant à lui, à son plus haut niveau depuis le 5 janvier dernier, à 0,1539 dollar, soit une hausse de 1,2 % par rapport au niveau fixé par la banque centrale chinoise (PBOC) à l’ouverture. La monnaie chinoise est, en effet, autorisée à fluctuer de 2 % chaque jour à partir d’un taux fixé par la PBOC en fonction des cours de la veille. Les investisseurs semblent avoir retrouvé une certaine sérénité puisque même les mauvais chiffres du commerce extérieurs publiés également lundi n’ont pas entraîné de réaction apeurée des marchés. Les statistiques des douanes pour le mois de janvier indiquent une baisse continue des exportations chinoises, à moins 11,2 % par rapport à 2015. Les importations ont aussi chuté à moins 18,8 % par rapport à l’année dernière. La résistance relative des marchés trouverait en partie sa source dans le retour sur le devant de la scène du gouverneur de la banque centrale chinoise. Silencieux depuis plus d’un mois, Zhou Xiaochuan a livré un entretien au magazine Caixin samedi 13 février. Dans cette intervention, largement commentée ans les médias chinois, le gouverneur tente de redonner un peu de confiance aux investisseurs. Sa diète médiatique avait suscité bien des questions alors même que le yuan était entré dans une zone de turbulences. « Il est normal que les réserves de change augmentent et baissent tant que les fondamentaux n’ont pas de problèmes », a déclaré Zhou Xiaochuan. Des propos destinés à calmer les inquiétudes alors que Pékin a multiplié les achats massifs de yuan pour soutenir sa monnaie. Les réserves de dollars de la Chine ont baissé de 99,5 mil- La Chine a connu son taux de croissance le plus faible depuis vingt-cinq ans en 2015 avec 6,9% liards sur le seul mois de janvier, après avoir baissé de 107,9 milliards de dollars (97 milliards d’euros) en décembre 2015, pour tomber à 3 230 milliards, leur plus bas niveau depuis 2012. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le seuil recommandé pour la Chine est de 2 800 milliards de dollars de réserves. Limiter la fuite des capitaux La difficulté, c’est que les « fondamentaux » qu’évoque le gouverneur de la PBOC sont loin d’être au beau fixe. La Chine a connu son taux de croissance le plus faible depuis vingt-cinq ans en 2015, avec 6,9 %. Et les experts s’inquiètent de la capacité de la Chine à éviter un ralentissement violent de son économie. En 2015, la banque centrale a semblé impuissante à soutenir son économie en multipliant les baisses des taux d’intérêt, six fois dans l’année, sans succès. La chute des Bourses chinoises à l’été 2015 a aussi jeté un coup de froid sur la crédibilité économique des dirigeants chinois. Zhou Xiaochuan a aussi assuré que la Chine ne limiterait pas davantage les mouvements des capitaux, déjà très contrôlés en Chine. Etant donné les volumes échangés avec l’étranger, renforcer les contrôles serait de toute façon très compliqué, a-t-il expliqué. La Chine a pourtant limité les possibilités de fuites des capitaux des particuliers. Juste avant le Nouvel An, le 4 février, Pékin avait interdit aux utilisateurs de cartes bancaires UnionPay, leader en Chine, les achats d’assurances-vie étrangères de plus de 5 000 dollars. « La sortie des capitaux et la fuite des capitaux sont deux concepts différents, a commenté le gouverneur de la PBOC. La Chine ne laissera pas s’installer le sentiment que les marchés sont dominés par les forces spéculatives », a-t-il poursuivi. Même s’il n’y a pas fait référence, difficile de ne pas y voir une réponse au milliardaire américain George Soros. Ce dernier avait prédit en janvier un atterrissage rude de la deuxième puissance économique mondiale, qui risquait de plonger le monde dans sa prochaine crise. Il disait surtout parier de son côté sur une dévaluation continue du yuan. Ses commentaires avaient provoqué les foudres de la presse officielle chinoise, qui dénonçait une « déclaration de guerre ». Même s’il s’est voulu rassurant, Zhou Xiaochuan, libéral reconnu, a toutefois admis une nouvelle fois les limites de son institution : « La banque centrale n’est ni un dieu ni un magicien qui pourrait transformer des incertitudes en certitudes. » Une version chinoise du fameux « la Banque centrale européenne ne peut pas tout » prononcé par son président Mario Draghi, en 2013. – (Intérim.) p la prochaine réunion du conseil de politique monétaire en mars », si le yen continue de s’apprécier et les marchés de baisser, estime Masamichi Adachi, ex-banquier central aujourd’hui économiste de JPMorgan Chase. Avec l’espoir d’un succès, le gouvernement prévoit d’augmenter la TVA de 8 % à 10 % en 2017 pour augmenter ses rentrées fiscales. Or il n’a plus guère de leviers à actionner pour relancer l’économie. Contraint par une dette à plus de 240 % du PIB, il ne peut plus initier d’importants plans de relance. Soucieux de remporter les élections sénatoriales de l’été, Tokyo reste timoré sur les réformes structurelles, la troisième « flèche » des Abenomics. L’adoption au Parlement du Partenariat transpacifique, une vaste zone de libre-échange incluant douze pays riverains du Pacifique, dont le Japon et les Etats-Unis, pourrait être compliquée par la démission d’Akira Amari. Ce dernier était chargé des négociations de cet accord de plus en plus contesté dans l’Archipel, en raison notamment de son opacité et des menaces qu’il fait peser sur l’agriculture. p philippe mesmer Lire aussi page 14 68 C’est le nombre d’accidents d’avions en 2015, selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui a qualifié, lundi 15 février, l’année écoulée d’« extraordinairement sûre ». Ce nombre est inférieur aux 77 enregistrés en 2014 et à la moyenne annuelle de 90 sur les cinq dernières années. Quatre accidents ont été mortels en 2015 contre douze en 2014. Ils ont tué 136 personnes en 2015, contre 641 en 2014 et une moyenne de 504 sur cinq ans. Mais l’association n’a pas intégré dans ses statistiques l’avion de Germanwings ni celui de la compagnie russe Metrojet, classés comme des « actes délibérés d’intervention illicite ». En les prenant en compte, le nombre de morts dépasse les 500. CON J ON CT U R E avec l’engagement de redresser l’économie du pays. La Chine a vu ses exportations baisser de 6,6 % sur un an en janvier, à 1 140 milliards de yuans (155,6 milliards d’euros), selon les chiffres publiés par Pékin, lundi 15 février. Les importations ont reculé de 14,4 % sur un an, à 100,6 milliards d’euros. L’excédent commercial a gonflé de 12,2 % sur un an, à 55,3 milliards d’euros. C HAUSS U R ES Chute des exportations chinoises en janvier La croissance thaïlandaise a un peu faibli fin 2015 La Thaïlande a enregistré une croissance de 2,8 % sur un an au quatrième trimestre 2015, après + 2,9 % sur les trois mois précédents, selon les données officielles publiées lundi 15 février. Cette performance a été jugée décevante au regard des promesses de la junte arrivée au pouvoir en 2014, après un coup d’Etat, La filiale française de Bata encore en redressement judiciaire ABC Chaussures, qui exploite la marque canadienne de chaussures Bata en France depuis février 2015, a été une nouvelle fois placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nanterre, selon Le Figaro du lundi 15 février. AÉR I EN Les drones, « réelle menace » pour la sécurité des avions civils Les drones civils sont une « menace réelle et croissante » pour la sécurité des avions civils, a indiqué, lundi 15 février, l’Association internationale du transport aérien. Elle appelle les pouvoirs publics à réguler ces activités afin d’éviter d’éventuels accidents. . La Poste – SA au capital de 3 800 000 000 € – 356 000 000 RCS Paris – Siège social : 44, boulevard de Vaugirard – 75757 Paris Cedex 15 – Crédit photo : Céline Clanet Pour réussir vos campagnes de marketing direct, faites confiance au leader du marché. 40 millions d’adresses, 26 millions d’e-mails et 34 millions de contacts téléphoniques. . . Qui mieux que La Poste Solutions Business peut vous faire gagner des parts de marché, en gérant avec éthique vos données et votre communication commerciale de A à Z, du ciblage à la distribution en boîtes aux lettres? Découvrez nos solutions en appelant votre conseiller commercial au 3634. laposte.fr/entreprise 8 | management 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Salarié, es-tu heureux ? LE COIN DU COACH Aux Etats-Unis, le mini-sondage devient un outil précieux pour la direction et les manageurs new york - correspondance L a chaîne canadienne de restaurants Earls fonctionne plutôt bien. L’entreprise familiale, créée dans les années 1980 par Leroy « Bus » Earl Fuller et son fils, Stanley, est présente dans 65 villes, de Vancouver à Miami. Ses burgers frais et bières rares font un tabac auprès de la clientèle. L’entreprise tourne rond. Et, pourtant, « Bus » et Stanley éprouvent le besoin de creuser un peu plus, en prenant l’avis de leurs salariés. Comment préserver la culture de départ de l’entreprise ? Les 7 000 employés sont-ils heureux ? Aiment-ils leurs chefs ? Partagentils les mêmes valeurs ? Se sententils épaulés ? Pour y répondre, le groupe Earls utilise des mini-sondages anonymes, qui lui procurent de rapides retours d’information sur l’état d’esprit de ses troupes. Les ressources humaines ont ainsi découvert que les cuisiniers se sentaient isolés. Ils arrivaient à l’aube, plus tôt que tout le monde, et quand les serveurs et autres personnels entraient dans le restaurant, on ne venait pas les voir. Chacun vaquait à ses occupations. La direction a décidé de les faire sortir pour visiter d’autres restaurants ou pour rencontrer un grand chef. Le privilège est réservé aux cuisiniers. Un autre sondage a montré les faiblesses de l’assurance santé. La direction désirait élargir la couverture des articles remboursés, les salariés, eux, préféraient un abonnement à la salle de gym et des cours sur l’alimentation saine. Earls a corrigé le tir. Ce nouveau type de sondages que le restaurateur canadien a adopté avec enthousiasme se développe rapidement dans les entreprises américaines depuis trois à quatre ans. « Les compagnies disposaient traditionnellement des enquêtes annuelles sur la participation et le moral des salariés, gérées par le service des ressources humaines, explique le consultant Josh Bersin, du cabinet américain Deloitte. Mais les questions posées sont fermées, et l’information, une fois par an, se révèle très peu utile, car elle est passée. » STÉPHANE KIEHL D’où l’idée de prendre le pouls des employés beaucoup plus souvent pour rectifier les erreurs avant qu’elles ne deviennent des difficultés majeures. M. Bersin cite ainsi l’exemple des usines Toyota. Avant de partir, les équipes collent sur un tableau une tête souriante, une grimace ou une expression neutre, qui donneront aux salariés du lendemain un avant-goût de ce qui les attend. Anonymat garanti Le site californien Glassdoor, collecteur d’informations sur le marché du travail, se veut lui aussi très réactif. De petits groupes se réunissent deux fois par semaine à l’intérieur de l’entreprise pour évoquer les sujets sélectionnés grâce à l’outil Waggl. Une fois par trimestre, tout le monde se retrouve autour du patron pour discuter stratégie, performance annuelle, bonus… Le PDG ne sait pas qui pose les questions. Mais les employés les ont vues, et ils ont même voté pour placer, en première ligne, celles qui les intéressent le plus. « On dit ce qu’on a réellement en tête, sans être intimidé », explique le porteparole de Glassdoor, Joe Wiggins. « Ces mini-enquêtes ont explosé », assure M. Bersin. Le consultant recense déjà près de quarante entreprises capables de fournir aux PME et aux grands groupes un rapide aperçu sur le ressenti, les impressions, l’état d’esprit des salariés, grâce à une approche de plus en plus fine. Armen Berjikly, le fondateur de Kanjoya, propose ainsi aux entreprises clientes une analyse quantitative et qualitative de leurs troupes. La technologie permet d’envoyer sur les portables des intéressés deux à trois questions en quelques minutes. L’anonymat est garanti. Les réponses sont ouvertes. L’employé s’épanche, sans risquer sa carrière. Et, mieux encore, le patron de Kanjoya promet d’identifier les non-dits derrière les mots. « L’enquête annuelle d’autrefois était longue et répétitive. On posait dix questions sur le PDG, la vision, le produit (etc.), accuse-t-il. Nous, nous sondons un échantillon de personnes plus petit, chaque mois, et nous nous concentrons sur ce qui les touche vraiment. » par sophie péters Les résultats sont envoyés au département des ressources humaines et aux chefs de service. « Les manageurs savent. Ils peuvent réagir tout de suite, assure M. Berjikly. Et s’il n’y a pas de solution dans l’immédiat, l’employé sait au moins que son chef est à l’écoute. » Bien sûr, dit M. Bersin, « certains patrons vont refuser de bouger, mais ce n’est pas dans cette direction que va le monde ». « La moitié de la force de travail a moins de 35 ans, poursuit-il. Elle passe son temps sur Facebook à noter les commerces, les vêtements… le bureau. » « Ces jeunes ont l’habitude de dire ce qu’ils pensent, renchérit M. Berjikly. Leurs commentaires ne peuvent être ignorés. » Sinon, ils vont voir ailleurs. « L’entreprise à l’écoute connaîtra beaucoup mieux ses entrailles », assure M. Berjikly. Lorsque Kanjoya travaille sur la perception des avantages sociaux dans une entreprise high-tech, ses chercheurs identifient de grandes différences entre jeunes et vieux, hommes et femmes. Les hommes apprécient les avantages chiffrés, les femmes préfèrent plus de flexibilité dans leur temps de travail. En fait, les conclusions de ces sondages se révèlent si perspicaces que les entreprises n’ont de cesse d’étendre leur horizon. Les ressources humaines d’Earls ont ainsi multiplié les sondages et créé leurs questions. On pourrait aller encore plus loin et utiliser cet outil pour évaluer les manageurs. C’est ce que Deloitte teste dans un programme pilote. p caroline talbot QUESTION DE DROIT SOCIAL L ¶ JeanEmmanuel Ray est professeur à l’école de droit de Paris-I-Panthéon-Sorbonne Forte insécurité judiciaire Mais le problème, pour le juriste qui aime les cases et la hiérarchie des normes, c’est la force juridique de ces « principes essentiels ». Sans entrer dans des débats techniques, remarquons que ce terme ne ressemble à rien de connu : ni aux « principes fondamentaux du droit du travail » évoqués par l’article 34 de notre Constitution, ni aux « principes fondamentaux » de la Cour de cassation ou aux « généraux du droit » du Conseil d’Etat. Et s’ils sont inclus tels quels dans le code du travail prévu pour 2018, ce sera par une simple loi… qui pourrait être modifiée par Elle a, depuis bien longtemps, mauvaise presse. Jugée simpliste et superficielle, elle fait sourire. En France, surtout. Pourtant, la méthode Coué est à l’origine des approches de coaching fondées sur l’autosuggestion, dont les bienfaits sont désormais prouvés par les recherches en neurosciences. Concepteur de l’effet placebo, au début du XXe siècle, le pharmacien Emile Coué (1857-1926) avait compris combien notre subconscient est à l’origine de nos états physiques et mentaux. Non qu’il avait, comme on le croit souvent, assujetti notre seule volonté au succès de nos actions. La méthode Coué ne se résume pas à l’adage « Quand on veut, on peut », mais au pouvoir de notre imagination. Celle-ci a toujours le dernier mot. Luc Teyssier d’Orfeuil, coach spécialiste de l’approche de Coué, insiste : « Plus on est dans la volonté, moins on y arrive. C’est au travers de l’autosuggestion, par l’image et la croyance, que l’on peut réussir. Coué la définissait ainsi : “S’implanter une idée en soi-même par soimême”. Comment ? Par le corps : je fais et j’agis. Par l’image : je vois et je me vois. Par les mots : je dis et je me dis. Exactement comme les grands sportifs. » Nous nous faisons, chaque jour, des autosuggestions. Mais « elles sont presque toujours négatives », dit M. Teyssier d’Orfeuil. Pour leur tordre le cou, supprimer de son vocabulaire les « il faut que », « je vais essayer de », « je pense à » et les remplacer par des « je vais » accompagnés de verbes d’action. Coué, en père du coaching moderne, demandait à ses clients de répéter : « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux. » Reste à imaginer nos possibles. p 220 PAGES 12 € A quoi doit servir le rapport Badinter ? es 61 « principes essentiels » du droit du travail énoncés, fin janvier, par la commission de l’ancien garde des sceaux Robert Badinter ont forcément déçu ceux qui attendaient le code du travail du XXIe siècle. Car sa mission n’était pas celle-là, mais de « dégager ses principes juridiques les plus importants ». Mission accomplie, même si « à droit constant » signifie parfois discrète légalisation d’audacieuses jurisprudences de la Cour de cassation. Ce texte – qui ressemble à une « charte des droits fondamentaux du salarié français » –, court et pédagogique, frappe d’abord par l’emploi du terme « personne au travail », au lieu de l’habituel « salarié ». Il confirme le passage, dans notre société d’individus, d’un droit collectif des travailleurs aux droits du citoyen dans l’entreprise : les nouvelles générations en constituent un exemple emblématique. Du bon usage de la méthode Coué une autre. Mais pas tous. Car certains de ces principes sont directement issus de notre Constitution, voire de traités internationaux : ceux-là ont valeur supralégale et s’imposent au législateur. D’où le problème suivant : si ces nombreux principes figurent demain dans un titre liminaire qui surplombe le reste de notre futur code du travail, car il « constitu[e] un système de références pour ceux qui auront pour mission d’interpréter les règles », selon l’introduction dudit rapport, l’intelligibilité de la loi sera faible, mais l’insécurité judiciaire sera, elle, forte. D’une part, les centaines d’articles du futur code ne seront pas rédigés à droit constant : comme d’habitude, les juges du fond devront les interpréter et le juge du droit – la Cour de cassation – devra lentement unifier leurs très diverses interprétations. La question deviendra complexe lorsqu’un conseil des prud’hommes ou une cour d’appel se sera fondé, pour interpréter un article du futur code jugé obscur, sur l’un de ces « principes essentiels », nécessairement très généraux ou qui ont créé un nouveau concept. La vie politique a, certes, ses raisons que la raison juridique ignore. Ce socle consensuel constitue une solide base de travail pour les rédacteurs de notre futur code. Mais l’intégrer immédiatement dans le projet de loi attendu en mars ne correspond guère à la volonté gouvernementale d’un code qui doit « simplifier et sécuriser » notre droit du travail. p UN ATLAS EXHAUSTIF Pour chacun des 198 pays du monde, les chiffres-clés (population, PIB, émissions de CO2...), une carte et une analyse politique et économique de l’année par les correspondants du Monde. INTERNATIONAL Le monde face à Daech. L’organisation Etat islamique déploie ses tentacules jusque dans les rues de Paris ; les grandes puissances se coalisent, mais peinent à surmonter leurs divergences d’intérêts. PLANÈTE L’accord mondial de la COP21 pour lutter contre le réchauffement climatique et l’entente internationale pour stopper l’épidémie d’Ebola en Afrique, meilleures nouvelles de l’année. ENTREPRISES Scandale Volkswagen, crise sociale à Air France, déboires de la filière nucléaire française, les feuilletons « business » de l’année 2015. FRANCE Du pacte de compétitivité au pacte de sécurité, François Hollande change de priorité tandis que le Front national impose ses thèmes dans les urnes et dans le débat public. IDÉES Olivier Roy, Michel Onfray, Louis Maurin... les textes publiés dans Le Monde qui ont marqué l’année 2015. En partenariat avec . La Poste – SA au capital de 3 800 000 000 € – 356 000 000 RCS Paris – Siège social : 44, boulevard de Vaugirard – 75757 Paris Cedex 15 – Crédit photo : Céline Clanet 80% des entreprises du CAC 40 nous ont choisi pour leur transition numérique. Et vous, qu’attendez-vous? Gestion des données sensibles, des bulletins de salaire ou des fichiers clients, salariés, fournisseurs ou même patients. . . 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Fondée en 1992 par Leonard Bell, un scientifique de l’université Yale, dans le Connecticut, cette « biotech » est l’inventeur du Soliris, indiqué pour le traitement des patients atteints d’hémoglobinurie paroxystique nocturne. Cette maladie très rare, à l’origine d’anémie sévère, est liée à une mutation génétique que l’on ne sait pas corriger. La molécule d’Alexion permet de réduire de façon importante les symptômes et de diminuer le recours aux transfusions. Elle doit être prise à vie. Peu de personnes sont affectées par cette maladie : environ 8 000 en Europe et 3 000 aux Etats-Unis. Pourtant, le Soliris est l’un des médicaments qui se vend le mieux au monde, avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros) en 2014. Il pourrait même atteindre 5,4 milliards de dollars en 2020, si d’autres indications, encore en développement, sont approuvées. Une partie de cet argent a été réinvestie dans le développement de molécules prometteuses pour traiter d’autres maladies orphelines comme l’hypophosphatasie, à l’origine d’un déficit de la minéralisation osseuse et dentaire. Depuis une décennie, la recherche sur les maladies rares – environ 8 000 ont été identifiées – a fait des pas de géants : les biotechs ont ouvert la voie et les grands groupes pharmaceutiques leur ont emboîté le pas. Des thérapies ont été lancées, qui révolutionnent la vie de patients jusqu’alors condamnés. Leur prix est à la mesure de leur efficacité : jusqu’à 400 000 dollars par patient et par an. Nouvel eldorado des laboratoires, les maladies rares pourraient bientôt mettre les Etats face à un dilemme économique et éthique. Est-il possible de garantir un accès universel à ces médicaments onéreux qui se multiplient ? Doit-on, pour cela, faire une croix sur d’autres actions de santé publique ? Au cœur d’Imagine, les chercheurs d’Alexion finissent tout juste de déballer caisses et cartons. Devant une paillasse, une laborantine, équipée de gants vert fluo, manipule, avec précaution, une pipette qui contient des cellules, qui seront, ensuite, cultivées. « Ici, nous créons des modèles cellulaires, grâce aux échantillons prélevés sur les patients suivis à l’Institut. C’est une chance unique !, s’enthousiasme Jean-Philippe Annereau, qui dirige le centre de R&D d’Alexion. Nous bénéficions aussi de la connaissance très précise qu’ont les médecins des maladies. Leurs hypothèses nous sont très précieuses. » MESURES INCITATIVES Les équipements dans lesquels Alexion a investi – dont un microscope Zeiss, construit sur mesure, d’une valeur de plusieurs centaines de milliers d’euros – sont partagés. De même que les droits sur une éventuelle découverte. Ce partenariat public-privé, sans équivalent en Europe, pourrait bien devenir un modèle à suivre, d’un point de vue tant scientifique qu’économique. Alexion n’est, en tout cas, pas le seul à chercher la martingale. Les américains Celgene et Vertex ont été parmi les premiers à se lancer. Leurs médicaments, s’ils ne permettent pas de guérir, ont changé la vie des patients. Des maladies, jusqu’alors mortelles, sont devenues chroniques. A la clé, une belle récompense pour les inventeurs : selon une étude publiée fin 2015 par Evaluate Pharma, en 2020 Alexion devrait réaliser près de 7 milliards de dollars de chiffre d’affaires, Celgene 13 milliards de dollars et Vertex 6 milliards de dollars. Leur compatriote Genzyme, acheté pour plus de 20 milliards de dollars, en 2011, par Sanofi, est aujourd’hui la filiale la plus dynamique du groupe hexagonal. Ses médicaments contre trois pathologies liées à un dé- 20,2 % VENTES MONDIALES DE TRAITEMENTS DES MALADIES ORPHELINES, EN MILLIARDS DE DOLLARS 2 Un coût faramineux COÛT MOYEN EN DOLLARS PAR PATIENT ET PAR AN 200 178 180 111 820 15,5 % 23 331 107 316 160 140 97 379 8,7 % 120 des ventes totales de médicaments 100 87 990 102 83 550 21 215 19 788 17 084 2014 80 60 40 16 448 2013 44 2012 20 2006 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 2020 2010 Maladie orpheline LES MALADIES RARES 410 000 $ 8 000 pathologies recensées Prix du Soliris, seul médicament capable de soigner l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, anémie d’origine génétique avec complications (thrombose, insuffisance rénale) potentiellement mortelles (de 1 à 9 cas sur 1 million) 80 % sont génétiques Ces maladies touchent – Moins de 5 personnes sur 10 000 (définition en Europe) domination des laboratoires suisses 3 Une et américains 1 TOP10 DES LABORATOIRES PRESENTS SUR LE MARCHÉ DES MÉDICAMENTS ORPHELINS, CHIFFRE D’AFFAIRE EN 2020, EN MILLIARDS DE DOLLARS CELGENE NOVARTIS 3 BRISTOL-MYERS SQUIBB 12,7 (SUISSE) 12,6 (ÉTATS-UNIS) 4 ROCHE 5 SHIRE + BAXALTA VERTEX PHARMACEUTICALS (ÉTATS-UNIS) 9 MERCK & CO (ÉTATS-UNIS) 10 ABBVIE (ÉTATS-UNIS) 50 Autres médicaments 6 28 5,9 21 29 26 24 SANOFI 21 23 35 19 20 22 (51 %) 5,7 4,5 21 26 18 20 15 13 (43 %) (38 %) 7 (FRANCE) 31 5,8 (25 %) 13 35 34 31 43 Médicaments orphelins et % du total 6,3 (ÉTATS-UNIS) PFIZER NOMBRE DE MÉDICAMENTS APPROUVÉS AUX ÉTATS-UNIS 6,8 9,5 (IRLANDE) 6 ALEXION PHARMACEUTICALS (ÉTATS-UNIS) 4 Une accélération de l’offre de médicaments 12,5 (SUISSE) 7 – Moins de 200 000 patients (définition aux Etats-Unis) 12,7 (ÉTATS-UNIS) 2 8 Maladie non orpheline 2011 0 5 (4 %) 6 8 (23 %) (26 %) 19 16 (38 %) (46 %) 8 (31 %) 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 SOURCE : EVALUATEPHARMA, ORPHAN DRUG REPORT 2015 Autrefois délaissées, les pathologies orphelines sont devenues, en dix ans, une manne pour l’industrie pharmaceutique, avec des traitements à plus de 100 000 euros par patient et par an. Elles font avancer la science, mais posent un défi en termes de santé publique DES THÉRAPIES ONT ÉTÉ LANCÉES, QUI RÉVOLUTIONNENT LA VIE DE PATIENTS JUSQU’ALORS CONDAMNÉS ficit d’enzymes – maladie de Gaucher, maladie de Pompe ou encore la maladie de Fabry, qui affectent, chacune, environ 10 000 personnes dans le monde, lui ont rapporté près de 2 milliards d’euros en 2014, soit 7 % du chiffre d’affaires de la division pharmacie du groupe français. Des géants commencent à émerger, tel Shire, le grand concurrent de Genzyme, qui a acheté en janvier, pour 32 milliards de dollars, Baxalta, un autre grand nom des maladies rares. Cet essor s’explique à la fois par les progrès de la science (biologie moléculaire, génétique) et l’adoption, des deux côtés de l’Atlantique, de mesures incitatives. En Europe, les médicaments orphelins bénéficient ainsi d’une période d’exclusivité de dix ans, c’est-à-dire qu’aucun laboratoire ne peut, pendant cette période, lancer un autre médicament pour traiter la même maladie (sauf s’il s’avère plus efficace). Ce monopole garantit à l’industriel un revenu stable, ce qui réduit, en partie, le risque dans son modèle économique. Aux Etats- Unis, cette protection est réduite à sept ans, mais les labos bénéficient d’un crédit d’impôt de 50 % sur leurs investissements en R&D et de subventions pour financer leurs essais cliniques. « DIMENSION DES ESSAIS DIFFÉRENTE » Enfin, compte tenu de l’enjeu pour les patients, les dossiers d’enregistrement bénéficient d’un examen prioritaire. Aux EtatsUnis, les médicaments orphelins obtiennent leur autorisation de mise sur le marché (AMM) en dix mois en moyenne, quand les autres médicaments doivent patienter plus d’un an. « Le dialogue avec les autorités de santé est beaucoup plus facile. Nous bénéficions des conseils scientifiques de leurs experts et nous discutons avec eux des protocoles d’essais cliniques », témoigne Gil Beyen, le dirigeant d’Erytech, une biotech française qui a mis au point une molécule destinée à « affamer » les tumeurs. Elle pourrait décrocher son AMM à la fin de 2016, avec une première indication dans la leucémie aiguë lymphoblastique, un cancer rare du sang. « Nous avons investi 50 millions d’euros dans le développement de notre molécule, soit dix fois moins que pour un développement classique. La principale différence est la dimension des essais : l’étude requise pour l’enregistrement de notre médicament ne compte que 100 patients, contre plus de 1 000 habituellement », précise M. Beyen. Une fois lancée, la molécule ne coûte pas non plus très cher en publicité. « Alors que les firmes pharmaceutiques classiques investissent souvent plus en marketing qu’en recherche, ces biotechs n’ont aucun mal à se faire connaître des patients. Ce sont, d’ailleurs, souvent les mêmes que dans les essais ! », rappelle Sébastien Malafosse, analyste chez Oddo. Dans ce contexte, les retours sur investissements peuvent être élevés…, mais le risque existe jusque dans la dernière ligne droite. Les allers-retours des investisseurs en sont le reflet. Après avoir connu un sommet à 40 euros, l’action Erytech est retombée à 20 euros en janvier. La réussite de ces sociétés rebat aujourd’hui les cartes du secteur pharmaceutique. Spécialisée en hématologie, Celgene est l’inventeur du Revlimid. Ce médicament, indiqué pour traiter le myélome multiple – une maladie de sang qui touche 1 personne sur 100 000 – a réalisé, en 2014, un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars. Il devrait être, en 2020, le médicament orphelin le plus vendu au monde, avec des ventes estimées à 10 milliards de dollars. « Nous réinvestissons 30 % de cet argent dans dossier | 11 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 la R&D. C’est le meilleur moyen de financer l’innovation », souligne Jérôme Garnier, directeur médical de Celgene, en France. La société, qui pèse maintenant près de 80 milliards de dollars en Bourse, non loin de Sanofi, à 105 milliards, est aujourd’hui en mesure de construire un véritable groupe. Avec l’acquisition d’Abraxis et de Pharmion pour près de 3 milliards de dollars chacune, Celgene a étoffé son portefeuille d’anticancéreux « de niche ». L’achat de Receptos, en juillet 2015, pour 7 milliards de dollars, lui a permis de s’ancrer dans le domaine des maladies inflammatoires. Ces biotechs avaient, toutes les trois, en portefeuille, des molécules prometteuses dans le traitement de maladies rares. « Nos développements sont davantage guidés par la science que par le marché, insiste M. Garnier. Un supermédicament est d’abord un médicament qui apporte un progrès significatif dans un domaine où il n’y avait rien. » Fondées par des scientifiques très proches des paillasses, ces biotechs ont un esprit pionnier et une agilité qui font souvent défaut aux grands laboratoires. « Tous les ans, des molécules disparaissaient à la suite d’essais décevants », explique, avec philosophie, Jérôme Garnier, en citant l’exemple de deux médicaments développés en partenariat avec Acceleron pour traiter certaines formes d’anémie. Le premier, le Sotatercept, semblait promis à un bel avenir, mais le second, le Luspatercept, s’est finalement révélé plus efficace. « Il faut être humble sur le sujet », commente le directeur médical de Celgene, qui investit, chaque année, 30 % de son chiffre d’affaires en recherche, soit deux fois la moyenne du secteur. LIMITES FINANCIÈRES Les premiers succès rencontrés dans les maladies rares sont aujourd’hui des modèles pour le développement de molécules destinées à traiter des pathologies plus répandues. « On divise désormais les cancers en différentes sous-catégories, en fonction des caractéristiques génétiques de la tumeur. Nous avons ainsi identifié sept cancers du poumon différents, il y en a encore bien d’autres à découvrir », explique Leila Kockler, directrice médicale de Roche France. « Tant que certains patients ne répondent pas aux médicaments qui existent, il y a de la place pour des molécules “de niche” », poursuit la scientifique. A l’avenir, les limites risquent davantage d’être financières que scientifiques. Selon Evaluate Pharma, les ventes de médicaments qui ciblent des maladies orphelines ont dépassé 100 milliards de dollars en 2015. Elles frôleront les 180 milliards de dollars en 2020… Soit 20 % des ventes de médicaments dans le monde (hors génériques), contre 11 % en 2010 ! En face, les Etats s’affolent déjà : alors qu’ils cherchent, par tous les moyens, à stabiliser leurs dépenses de santé, ces innovations les contraignent à remettre à plat leurs budgets et leurs priorités en matière de santé publique. « Je n’ai pas connaissance de molécules dont le développement a été arrêté pour des motifs économiques, mais je ne suis pas persuadé que cela n’arrivera pas, si l’on ne repense pas le financement de l’innovation. Nous devons trouver un nouvel équilibre », reconnaît M. Garnier. L’équation est complexe, comme l’illustre le cas du Sovaldi et de l’Harvoni. Grâce à ces médicaments révolutionnaires, 95 % des personnes infectées par le virus de l’hépatite C (une maladie qui n’est pas rare) sont guéries en douze semaines. Jusqu’ici, elles devaient se contenter d’un cocktail de molécules toxiques, avec des nombreuses complications à la clé (cirrhose, cancer, trans- LES « BIOTECHS » ONT UN ESPRIT PIONNIER ET UNE AGILITÉ QUI FONT SOUVENT DÉFAUT AUX GRANDS LABORATOIRES L’Institut des maladies génétiques, Imagine, installé sur le campus de l’hôpital Necker, à Paris. plantation). L’idéal serait donc de toutes les traiter, mais le prix de ces molécules (plus de 80 000 dollars par patient) pose un problème économique semblable à celui qui attend les Etats avec les maladies rares. Selon l’Institute for Clinical and Economic Review – une ONG américaine qui a évalué, en 2015, le rapport coût-bénéfice de ces nouveaux traitements en Californie –, cela représenterait pour cet Etat un surcoût de 3 milliards de dollars. Et après vingt ans, en tenant compte des économies réalisées sur la prise en charge des complications, la facture s’élèverait encore à 1,8 milliard de dollars. Pour réaliser cet investissement, doit-on renoncer à d’autres actions de santé publique, peut-être plus utiles ? En France, un décret, attendu en mars, sur les conditions de prise en charge des molécules les plus onéreuses (qui figurent sur une liste dite « liste en sus ») devrait mettre cette question au cœur du débat public. p CORENTIN FOHLEN/DIVERGENCE chloé hecketsweiler La recherche sur le cancer de l’enfant avance trop lentement gustave-roussy est le plus grand centre de traitement du cancer en Europe. Au neuvième étage de cet établissement de Villejuif (Val-de-Marne), les couloirs décorés de grandes vagues colorées mènent à deux petites salles de classe et à un atelier, où les petits patients ont cours chaque jour. Un peu plus loin, il y a l’aire de jeux pour les bébés, et le « village », où des files de trotteurs sont garés entre les berceaux bleus. La maladie est ici aussi discrète que possible. On la croise sous les traits d’un petit garçon avec une perfusion au bras, d’un petit bébé, au teint pâle, blotti dans les bras de sa mère, ou d’une petite fille sans cheveux, qui file au bout de l’allée. Environ 380 patients sont suivis ici chaque année par des pédiatres spécialisés. « Leurs cancers, qui n’ont rien à voir avec ceux [qui touchent] l’adulte, ne sont pas des pathologies d’organe. Leurs tumeurs peuvent être [localisées] dans des endroits du corps très différents, malgré une même nature. Il s’agit d’une soixantaine de maladies, toutes sont très rares », indique le docteur Dominique Valteau-Couanet, qui dirige le département d’oncologie pédiatrique. En France, on diagnostique chaque année 1 700 nouveaux cas de cancers chez les enfants de moins de 15 ans, un chiffre « stable », insiste l’on- cologue. Les leucémies représentent un tiers des cas, et les tumeurs du cerveau un quart. Aujourd’hui, près de 80 % des enfants guérissent, contre 20 % dans les années 1950. « Mais nous sommes arrivés au bout de ce qu’on peut faire avec les molécules classiques. La diminution des effets secondaires est aussi un enjeu, car les traitements peuvent entraîner des séquelles irréversibles », assène M. Valteau-Couanet. Aujourd’hui, moins de 10 % des enfants en rechute ont accès à une molécule innovante autorisée ou en cours de développement chez les adultes. « Nous devrions être en mesure de proposer quelque chose à la moitié d’entre eux », estime le professeur Gilles Vassal, directeur de recherche clinique à Gustave-Roussy, en rappelant qu’un millier de molécules sont en développement chez l’adulte. En théorie, les laboratoires ont l’obligation de réaliser des plans d’investigation chez l’enfant, avant toute demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour leurs médicaments. Mais, faute de modèle économique, la plupart s’en affranchissent, en expliquant que leur molécule est destinée à traiter un cancer qui n’existe que chez l’adulte, comme ceux du poumon, du sein ou de la prostate. Leurs thérapies « ciblées » sont pourtant très utiles pour soigner des cancers pédiatriques qui présentent des caractéristiques moléculaires identiques aux cancers adultes. Quand les industriels « jouent le jeu », c’est souvent avec beaucoup de retard. « Seulement 10 % des molécules sont développées en même temps chez l’adulte et l’enfant », regrette M. Vassal. « Or, pour les patients en rechute, l’accès à ces molécules est la dernière chance. » Le rôle-clé des associations C’est le cas pour la petite Aloïs, âgée de 9 ans. Atteinte d’une tumeur au cerveau avec des métastases, elle est sous traitement depuis 2012, sans succès. « Après sa seconde rechute, les médecins nous ont expliqué qu’une nouvelle chimiothérapie ne servirait à rien, car sa tumeur présente une mutation rare, qui l’immunise contre ces molécules », témoigne Jacques, son père, qui préfère garder l’anonymat. En septembre 2015, Aloïs est donc incluse dans un essai destiné à évaluer l’efficacité du pembrolizumab, une immunothérapie développée par l’allemand Merck et autorisée, depuis fin 2014, chez l’adulte pour soigner certains mélanomes et certains cancers du poumon. Elle a reçu plusieurs injections, avec des résultats « encoura- geants », selon son père. Si cela fonctionne, elle pourra bénéficier de la molécule pendant encore deux ans, dans le cadre de l’essai. Pour renforcer son arsenal, GustaveRoussy finance aussi des essais cliniques dits « académiques », c’est-à-dire qui ne sont pas à l’initiative d’un industriel. Ils représentent environ 40 % des essais menés par l’établissement. Mais leur coût est extrêmement élevé : plusieurs millions d’euros. « Nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie à rechercher des financements », soupire Dominique Valteau-Couanet. Depuis 2013, l’Institut national du cancer prend en charge une partie du coût lié à ces essais cliniques, dans le cadre d’un programme baptisé AcSé. Les associations de patients jouent aussi un rôle clé. En trois ans, L’Etoile de Martin a ainsi versé plus de 1,6 million d’euros, pour financer des programmes de recherche, essentiellement à Gustave-Roussy. Imagine for Margo a, elle, financé, à hauteur d’un million d’euros, l’essai eSmart, qui évaluera, chez les enfants en rechute, au moins 10 médicaments différents et à hauteur de 400 000 euros l’essai Beacon, qui teste chez les enfants l’Avastin, un anticancéreux commercialisé depuis 2005 par Roche. p c. hr 12/LE MONDE/MARDI 16 FÉVRIER 2016 REPRODUCTION INTERDITE LES OFFRES D’EMPLOI DIRIGEANTS - FINANCES, ADMINISTRATION, JURIDIQUE, R.H. - BANQUE, ASSURANCE - CONSEIL, AUDIT - MARKETING, COMMERCIAL, COMMUNICATION SANTÉ - INDUSTRIES & TECHNOLOGIES - ÉDUCATION - CARRIÈRES INTERNATIONALES - MULTIPOSTES - CARRIÈRES PUBLIQUES > Offres d’emploi Retrouvez toutes nos offres d’emploi sur www.lemonde.fr/emploi – VOUS RECRUTEZ ? M Publicité : 01 57 28 39 29 [email protected] Chief executive oficer (f/m) Luxembourg Institute of Socio-economic Research (LISER) is a publicly funded research institute located in Luxembourg and devoted to applied empirical research in economic, social and spatial sciences. Interdisciplinarity is a key element for stimulating scientiic innovation. The institute attracts top researchers from all over the world and high-level student training is a vivid part of the institute’s activities. Based on its scientiic expertise and high academic reputation, the institute addresses current and future societal challenges and provides relevant and independent policy advice both on the national and on the European level. LISER staff consists of about 130 employees, 65 of them are researchers from the fields of economics, sociology, political sciences and geography (see www.liser.lu). LUXEMBOURG INSTITUTE OF SOCIO-ECONOMIC RESEARCH is recruiting their CHIEF EXECUTIVE OFFICER (f/m) The CEO provides day-to-day scientific and administrative leadership and management to the institution, including recruitment of team leaders and other personnel of LISER, whilst continuing to build a healthy, modern, and striving research environment. The CEO is responsible for developing and, after approval by the administrative board, implementing a clear vision and strategy for the future of LISER in the Luxembourg and European research landscape. About you: In terms of the performance and personal competencies required for the position, we would highlight the following: • PhD related to one of the following disciplines: economic science, sociology, political science, geography • Scientiic reputation with an excellent academic track record • Experience in the management and strategic development of research-related institutions in the public or private sector • Expertise in quantitative research, particularly applied to areas of social and economic policy, and into the implementation and the data mining of micro data • Excellent command of English and French. Knowledge of another of the oficial languages of Luxembourg would be an asset • Knowledge of the Luxembourg society and research landscape would be an asset. Application Process : send your curriculum vitae (including an updated list of publications) along with a motivation letter addressing the role and person speciication, as well as a copy of diploma and 3 references letters (to be sent separately) to [email protected]. All applications will be treated with conidentiality. Cour des comptes européenne (Luxembourg) EXPERTS EN MATIÈRE DE RÉSOLUTION BANCAIRE Deadline: 24 March 2016. Detailed job description in: http://www.liser.lu/recrutement Missions de courte durée La Cour des comptes européenne est l’auditeur externe de l’Union européenne. La Cour peut être appelée à effectuer des audits de la performance dans le contexte de l’Union bancaire et notamment du mécanisme de résolution unique pour les banques. En vue de l’élaboration de ses rapports, la Cour constitue une liste d’experts compétents qu’elle pourra solliciter pour des missions de courte durée et invite les professionnels qui possèdent l’expérience requise à soumettre leurs candidatures. Notre organisme interprofessionnel déploie un ensemble de savoir-faire scientifiques et techniques contribuant à l’expertise des différents métiers de la filière des fruits et légumes frais et à la compétitivité de ses entreprises. Aujourd’hui, nous recherchons dans le cadre de notre développement notre futur : Directeur général délégué Contact : [email protected] Date limite de dépôt de candidatures : 31 décembre 2018. h/f L’appel à manifestation d’intérêt se trouve sur le site internet de la Cour des comptes européenne (voir lien) sous “Procédures de marchés en cours”: http://www.eca.europa.eu/fr/Pages/PublicProcurement.aspx Sous l’autorité d’un Président et d’un Directeur général, vous assurez la responsabilité humaine et financière de l’ensemble de notre structure multi-sites, recouvrant 260 collaborateurs et un budget de 23 M€. Dans la continuité des actions engagées, vous assurez la mise en œuvre opérationnelle des travaux scientifiques et techniques validés par le Conseil d’Administration. Vous assurez leur diffusion et leur valorisation auprès des familles professionnelles finançant l’organisme. En qualité de manager, vous dirigez et coordonnez l’ensemble des activités de l’organisme. Vous appuyant sur un audit organisationnel, vous redéfinissez les processus internes, les pratiques professionnelles, les indicateurs de suivi et suivez la réalisation des objectifs. Vous insufflez par ailleurs une culture de la performance et veillez au maintien et au développement des compétences en interne. Vous éclairez les projets d’avenir et contribuez à la prise de décisions stratégiques. Vous êtes amené à représenter l’organisme au niveau national et international. Diplômé de l’enseignement supérieur, vous êtes attiré par l’innovation, la R&D et la culture scientifique en général et souhaitez mettre vos compétences au service du futur d’un secteur de l’agriculture française. Vous justifiez d’une expérience avérée de management, idéalement dans un environnement technique et/ou institutionnel. Véritable manager, vous êtes pragmatique, dynamique et capable d’intervenir auprès d’un réseau d’acteurs complexes. Vous êtes polyvalent et rigoureux, diplomate et réactif. Rejoignez-nous! Poste basé à Paris. Merci d’adresser votre candidature via le site de notre Conseil www.mercuriurval.com - référence FR-02083 M. Charles POUVREAU, 27/29 rue des Poissonniers, 92200 Neuilly-sur-Seine. 18 communes, 80 000 habitants www.stmalo-agglomeration.fr Recrute au sein de la Direction Générale des Services Directeur attractivité du territoire et tourisme h/f Contractuel de droit public – Cadre A ou A+ Saint-Malo Agglomération vient de lancer l’étude de préiguration de la compétence TOURISME en vue d’un transfert au 1er janvier 2017. Afin d’anticiper cette prise de compétence, la collectivité souhaite se doter d’un collaborateur pour préparer ce nouveau champ d’intervention de la collectivité. Par ailleurs, la stratégie de développement économique déinie par les élus met en avant la volonté de conduire une politique de marketing territorial pour renforcer l’attractivité globale du territoire (politique de marque, programme d’ambassadeurs…). Dans ce cadre, vos missions s’articulent autour de 3 axes : • Déinir et mettre en œuvre la politique touristique du territoire : - Pilotage des études de développement touristique et notamment celle relative à la préiguration de la prise de compétence TOURISME par SMA - Coordination et pilotage des orientations stratégiques, du plan d’actions touristiques et des projets de développement touristique - Suivi de la mise en œuvre de la politique de destination touristique «Saint-Malo Baie du Mont Saint-Michel» - Participation à l’élaboration des politiques touristiques départementales et régionales. • Développer une politique de marketing territorial : - Mettre en place une marque territoriale et une démarche d’ambassadeurs - Piloter la campagne de communication sur l’arrivée de la L.G.V. en lien avec la Région Bretagne. • Préfigurer la mise en place de la structure porteuse de la politique touristique locale. Sous l’autorité directe du Directeur Général des Services, vous serez donc chargé d’accompagner la collectivité dans la structuration juridique et opérationnelle de la nouvelle entité que vous aurez vocation à diriger. De formation supérieure en gestion et/ou organisation et/ou management, vous justiiez d’une expérience en marketing territorial et/ou tourisme et d’une expérience signiicative du management de projets et d’équipe. Une experience sur un poste similaire est vivement souhaitée. Votre maîtrise du marketing touristique et territorial s’accompagne de compétences commerciales et en communication, associées à une culture générale et transversale des problématiques liées au tourisme. Rigoureux et organisé, vous connaissez les réseaux, les acteurs, les Merci d’adresser partenaires touristiques et économiques ainsi que les enjeux, évolutions et lettre + CV, avant le le cadre réglementaire des politiques publiques en matière de développe- 07/03/2016, à Saint-Malo Agglomération, ment touristique et territorial. Familier du financement public et de 6 rue de la Ville Jégu, l’environnement numérique appliqués au tourisme, vous savez déinir des BP 11, 35260 CANCALE argumentaires stratégiques, conseiller les élus, analyser les évolutions du ou par courriel à : candidature@ secteur du tourisme et mobiliser autour d’un projet. Doté d’un esprit d’analyse et de synthèse, vous faites preuve de diplomatie, de pédagogie et parlez stmalo-agglomeration.fr couramment anglais. Emploi PAROLES D’EXPERTS En partenariat avec DOSSIER RÉALISÉ PAR M PUBLICITÉ > INGÉNIEURS < Avec le retour des investissements, les recrutements sont relancés Les industriels interrogés par l’INSEE auraient l’intention d’augmenter leurs investissements de 7 % cette année. Une bonne nouvelle pour les perspectives d’emploi des ingénieurs et plus particulièrement des jeunes diplômés. Reste à les attirer puis les séduire car l’industrie a perdu de son lustre même au sein des écoles d’ingénieurs. En dépit de la formation de 34 000 ingénieurs par an en France, les entreprises ne trouvent pas toujours les talents dont elles ont besoin. Les proils les plus rares sont ceux prêts à assumer des responsabilités techniques. Un déicit probablement lié à la méconnaissance des carrières que permettent ces postes mais aussi aux vagues de disruptions qui secouent les entreprises depuis une décennie et qui ne permettent plus de dessiner un paysage facilement lisible des attentes et des besoins des entreprises « On parle partout aujourd’hui de transformation digitale dans l’ensemble des secteurs de l’économie. L’impact de ces mutations dépasse la seule technologie. Nous adressons désormais des usages et des métiers qui changent. De fait, notre mission c’est d’accélérer le mouvement et l’introduire dans l’entreprise. Nous avons un atout : nous diffusons de l’innovation. Nous éclairons les problématiques des managers. » C’est avec cette feuille de route que Julien Voyron, responsable recrutement et mobilité d’Econocom, une ESN de 6300 personnes, veut attirer 450 jeunes ingénieurs. Pas uniquement des passionnés d’informatique ou de codage mais plutôt des généralistes capables de comprendre et de maitriser l’ensemble des problématiques des dossiers de l’entreprise. Pour renforcer son attrait, cette société, comme de plus en plus d’entreprises en France, favorise les intraentrepreneurs à qui on offre la possibilité de monter une Business Unit autonome en gestion de projet mais bien arrimée à la maison mère. Une approche partagée par des entreprises aussi emblématiques de l’industrie traditionnelle que la SNCF « L’évolution numérique impacte fortement nos activités industrielles. Nous sommes donc en recherche de compétences nouvelles. Pour les attirer et les faire grandir, nous proposons à nos jeunes diplômés de fonctionner en mode start-up. Ces petites structures sont en coniguration lab pour développer la mobilité. Notre gamme « Oui » par exemple est toute orientée vers la mobilité de demain. Cela exige des talents et des proils nouveaux. C’est plus que de l’agilité, il faut aussi des connaissances pointues notamment dans la maitrise des data et de l’analyse de données » explique Françoise Tragin, directrice du recrutement et de la marque employeur de la SNCF qui recherche, hors filiales, 600 ingénieurs et 1 000 techniciens supérieurs cette année. Avec un défi commun à toutes les entreprises industrielles : attirer ceux qui méconnaissent les métiers offerts par ces grandes entreprises. Un manque d’information qui percute un autre facteur, celui de la sélectivité des candidats. Un double phénomène auquel RTE, le réseau de transport d’électricité est quotidiennement confronté « Nous faisons face à deux vagues : celle des départs en retraite de nos collaborateurs embauchés dans les années 80 et celle d’investissements importants sur nos réseaux à haute et très haute tension. Traditionnellement nous recrutions des compétences principalement techniques. Aujourd’hui, nous attendons plus de nos jeunes recrues : elles doivent prendre en compte les enjeux techniques mais aussi économiques, environnementaux et sociétaux. C’est pourquoi des compétences d’ingénieurs généralistes doublées d’une expertise digitale ou économique nous intéressent particulièrement » souligne Dominique Santoni, responsable du pôle recrutement et mobilité à RTE qui planiie l’embauche de 350 personnes cette année majoritairement issues de formations techniques. Mais attention préviennent nos experts, si la qualité des CV reste un élément décisif des critères de recrutement - les entreprises industrielles sont d’abord et avant tout fondées sur la maitrise des technologies fussentelles en 3.0 - l’inlation de diplômes ne sufit plus pour faire la différence. Les bons stages, les parcours cohérents sont appréciés, nécessaires, mais plus sufisants. Les recruteurs mettent de plus en plus l’accent sur le savoir être des ingénieurs. Leur capacité à embarquer des équipes, à manager des hommes et à s’engager. Un avertissement qui n’est pas neutre tant ils redoutent le déicit d’engagement de certains jeunes diplômés. Un souci d’autant plus marqué que les entreprises sont presque toutes dans des périodes de passage de relais entre les cadres expérimentés et les jeunes diplômés et que le volet comportemental joue un rôle dans la qualité de ces transferts de savoirs. Une problématique particulièrement sensible dans une entreprise de pointe comme Safran qui va recruter 5 500 personnes en 2016 dans le monde dont 2 000 en France parmi lesquelles 900 ingénieurs et cadres. « Nous sommes dans une phase post conception, celle de l’industrialisation de produits sophistiqués qui nous place face à des enjeux de fabrication et donc à des gros besoins pour nos 35 sites de productions en France. Avec un déi: le passage à l’usine 4.0 qui impose le besoin de recruter des ingénieurs dont les bases sont de très haut niveau, qui maîtrisent les systèmes complexes et pour la partie Safran Analytics le Big data.» souligne Catherine Buche Andrieux, responsable de la politique de recrutement et d’attractivité de Safran, qui reconnait que cela conduit les DRH à être extrêmement exigeants dans leurs recrutements et à soigner les parcours internes qui facilitent l’intégration et la progression professionnelle. Peu concernée par le chômage, la proportion des ingénieurs diplômés pourvus d’une expérience professionnelle qui sont sans travail est inférieure à 3 %. Mieux payés que la moyenne des français, leur salaire médian brut oscille entre 52 000 et 62 000 € par an selon qu’ils travaillent en province ou en Ile de France, très appréciés à l’international, les jeunes diplômés sont du bon côté du marché du travail. Mais pour faire la différence et décrocher les postes les plus prometteurs, ils doivent de plus en plus prouver la qualité de leur engagement. L.PM Julien VOYRON Responsable recrutement et mobilité ECONOCOM « Nous avons la chance d’évoluer dans un secteur, celui du conseil en digitalisation, qui est en pleine expansion. Un univers disruptif très porteur puisque nous avons multiplié par 3 notre chiffre d’affaires depuis notre création et que pour satisfaire les besoins de nos clients nous devons recruter 1200 personnes dont 450 ingénieurs cette année. Si la place du numérique et des nouvelles technologies associées est une composante décisive de nos métiers nous visons pourtant plus particulièrement les ingénieurs généralistes. Tout simplement parce que nous travaillons sur des projets complets qui exigent de saisir l’ensemble des problématiques d’un dossier. Cela va du plan à la mise en oeuvre avec les adaptations aux usages de nos clients. Nous avons conscience que nos jeunes diplômés mettent un fort coeficient dans le paramètre qualité de vie au travail. C’est pour répondre à cette exigence que nous développons une politique qui favorise les intra-entrepreneurs. Nos collaborateurs ont la possibilité, sous réserve de rester dans la galaxie d’Econocom, de monter une business unit qui dispose de son autonomie en gestion de projet. C’est un facteur d’épanouissement professionnel et personnel qui séduit de plus en plus les candidats. » Françoise Tragin Directrice recrutement et marque employeur SNCF « Notre déploiement dans les mobilités conjugué à des départs massifs en retraite ouvre la création de 10 000 postes. Il s’agira, pour les cadres, de répondre à de nouveaux enjeux stratégiques : internationalisation, développement et modernisation du réseau, introduction à forte dose du numérique qui impactent fortement nos métiers et nos activités industrielles. Pour la seule SNCF, c’est à dire hors iliales, nous allons recruter cette année 600 ingénieurs. Et nous souhaitons attirer des candidats porteurs de nouvelles compétences. Nous leur proposons des modes de travail proches de ceux des start-up. particulièrement dans les activités très focalisées sur les mobilités de demain comme le démontre le déploiement de notre gamme « Oui ». Dans ce cadre, nous avons besoin de proils et de talents nouveaux. Avec une double problématique : rester très attractifs pour les métiers en tension et en particulier ceux à forte composante industrielle ou fortement digitalisés et soigner notre sélectivité pour les métiers pléthoriques. Pour y parvenir nous personnalisons de plus en plus nos process d’évaluation. Avec la volonté d’attirer ceux qui méconnaissent la variété de nos offres. Elles seront d’ailleurs sur mobile dès mars. » Dominique Santoni Responsable du pôle recrutement et mobilité RTE « Le volume de nos investissements et des départs en inactivité nous placent dans une logique de recrutements très dense : 350 recrutements par an, pour l’essentiel d’ingénieurs et techniciens, dans une entreprise de 8500 personnes c’est très signiicatif. C’est le relet de 3 enjeux majeurs pour RTE : la transition énergétique qui nous amène à accélérer les évolutions de notre réseau, la poursuite de l’intégration du marché européen de l’électricité et, enin, la qualité du service rendu par nos 105 000 km de lignes à haute et très haute tension implantées sur le territoire français. Nous recherchons de ce fait des candidats dotés de compétences techniques, mais aussi capables d’intégrer les composantes économiques, sociétales et environnementales liés à nos métiers. Au-delà des savoirs, l’ouverture d’esprit et l’adaptabilité de nos futurs collaborateurs seront autant d’atouts. Nous offrons la possibilité d’un parcours professionnel à ceux qui le souhaitent : par exemple, dans les mois qui suivent leur embauche, la plupart des nouveaux arrivants se voit proposer une formation à nos métiers. Nous recrutons à tous les niveaux de formations et sommes ouverts aux diplômés des écoles et des universités. » Catherine Buche Andrieux Responsable politique recrutement et attractivité SAFRAN Les C hiffres 34 000 la cohorte d’ingénieurs diplômés de la dernière promotion. 117 000 le nombre d’ingénieurs français à l’étranger. 32/40 K€ salaire brut annuel d’un jeune diplômé selon école et zone géographique. + de 700 offres d’emploi d’Ingénieurs disponibles sur Emploi www.lemonde.fr/emploi en partenariat avec « La bonne santé de nos activités va nous permettre cette année encore de recruter 5 500 personnes essentiellement dans des métiers techniques dont plus de 900 seront des ingénieurs et des cadres. Nous sommes dans la continuité d’une grande entreprise industrielle qui va bien et où 50 % des collaborateurs sont dans la production. Ce paysage ne devrait pas évoluer à court terme car le succès commercial de nos moteurs, notamment le nouveau réacteur à moindre consommation de carburant, va voir sa courbe d’industrialisation se tendre. Parallèlement nous entrons dans l’ère de l’usine 4.0 qui exige au côté des spécialistes de la supply chain, de la production, des méthodes ou du support clients, des talents et des compétences nouvelles. Avec pour tous des critères de sélectivité importants car nos bases techniques imposent des qualiications de haut niveau. En contrepartie, nous savons que si l’intérêt des missions professionnelles est le critère premier des jeunes diplômés, ils attendent aussi un environnement favorable surtout dans les grandes structures. Nous nous y attachons par des parcours internes à la fois techniques et d’intégration qui facilitent leur progression. Mon seul regret c’est que les étudiants ont souvent du mal à se projeter dans nos métiers et nos ilières quand ils sont dans leurs écoles. » RDV LUNDI 21 MARS ALTERNANCE 14 | MÉDIAS&PIXELS 0123 MARDI 16 FÉVRIER 2016 Orange-Bouygues : l’Etat pose ses conditions C I N ÉMA La France ne veut pas descendre sous les 21 % du capital de l’opérateur historique et demande à Bouygues de signer un pacte d’actionnaires. Un arbitrage politique est attendu Plusieurs cinéastes ont fait part à la présidente de France Télévisions de leur inquiétude quant à la place du cinéma sur les chaînes du groupe public, alors que les séries y prennent de plus en plus de place. « Madame Ernotte, refaites de la télé avec du cinéma. (…) Le manque de lisibilité de votre projet nous inquiète », déplorent notamment Ken Loach, les frères Dardenne, Costa-Gavras et Claude Lelouch, dans une tribune publiée, vendredi 12 février, par Libération. O range réussira-t-il à sceller son alliance avec Bouygues Telecom ? Officialisées mardi 5 janvier, les noces tardent à trouver une date et les difficultés s’amoncellent. Non seulement les deux prétendants doivent s’entendre avec Free et SFR, qui rachèteront une partie de Bouygues Telecom, mais ils doivent compter avec l’Etat, actionnaire de référence d’Orange, qui entend mettre son grain de sel. L’objectif de Martin Bouygues dans l’opération est connu : en- LES CHIFFRES 55 % C’est la part de marché qu’aurait ensemble Orange et Bouygues Telecom dans le mobile si le mariage aboutissait. Pour emporter l’aval de l’autorité de la concurrence, Orange devra donc rétrocéder à ses concurrents la majeure partie des abonnés de Bouygues Telecom 7 500 Nombre de salariés de Bouygues Telecom, que doivent se partager Orange, Free et SFR. 10 C’est en milliards d’euros, le prix demandé par Martin Bouygues, pour sa filiale Bouygues Telecom. 6 Montant des cessions d’actifs, en milliards d’euros, envisagées par Orange à SFR et à Free. trer chez Orange. L’homme d’affaires, qui a fixé le prix de sa filiale télécoms à 10 milliards d’euros, souhaite procéder surtout à un échange de titres. Problème : son arrivée au capital de l’opérateur historique fait encore débat. Selon nos informations, Bpifrance et l’Agence des participations de l’Etat, qui possèdent respectivement 9,6 % et 13,45 % d’Orange, soit 23 % au total, ne veulent pas descendre sous une participation de 21 %, afin de conserver trois sièges au conseil d’administration. Jusque-là, le plancher était établi 20 %. Les deux entités publiques aimeraient également voir M. Bouygues signer pour une durée d’au moins trois ans une clause dite de standstill, destinée à l’empêcher de monter au capital du groupe. Pis, les hauts fonctionnaires envisagent de sécuriser cette clause dans un pacte d’actionnaires, qui empêcherait de facto le patron de Bouygues de posséder plus de 9 % du capital d’Orange, dans la mesure où à partir de 30 %, les deux actionnaires de référence seraient obligés de lancer une offre publique d’achat (OPA) sur l’ensemble des titres de Bouygues Telecom. L’Etat est pris entre deux injonctions contradictoires. D’un côté, il a envie de conserver son influence chez Orange, et voit d’un mauvais œil l’arrivée d’un nouvel actionnaire de poids, qui voudrait progressivement imposer ses vues. De l’autre, il doit se désengager. Bpifrance, qui a déjà cédé 3,9 % du capital d’Orange ces deux dernières années, a vocation à poursuivre son retrait. Les velléités des hauts fonctionnaires de Bercy ne font pas les affaires des protagonistes. Les discussions en cours portent sur une arrivée de Martin Bouygues en Free reprendrait le réseau, des fréquences, et les 550 boutiques de Bouygues Telecom deux temps. Tout d’abord, le bétonneur prendrait 10 % du capital d’Orange en échange de ses actions de Bouygues Telecom, via une augmentation de capital réservée. Puis, il porterait sa participation de 12 % à 15 % du capital, en acquérant des titres sur le marché. Un pacte d’actionnaire entraverait la mise en œuvre de ce plan. Prix final incertain Ce week-end, Stéphane Richard, le patron d’Orange, aurait obtenu des garanties auprès des pouvoirs publics afin que l’opération ne soit pas confrontée à des « points bloquants ». De fait, c’est en dernier lieu François Hollande et Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, qui auront leur mot à dire. Autre question : Martin Bouygues réussira-t-il à obtenir 10 milliards d’euros pour sa filiale ? Le prix final de la transaction et la part acquittée en cash n’étaient pas encore arrêtés dimanche. Ces paramètres sont soumis aux discussions avec Patrick Drahi (SFR) et Xavier Niel (fondateur de Free et actionnaire du Monde à titre personnel), « deux redoutables négociateurs », dit un proche des échanges, témoignant de la difficulté des discussions. Pour emporter l’aval de l’autorité de la concurrence, Orange doit en effet rétrocéder la majeure partie de Bouygues Telecom à ses concurrents. A ce stade, Free repren- Le gouvernement japonais accusé de faire pression sur la presse Tokyo intimide les télévisions en les menaçant de stopper leur diffusion en cas de non respect de la « neutralité politique » tokyo - correspondance L’ année 2016 commence mal pour le gouvernement japonais. Après la démission forcée fin janvier de son ministre de la revitalisation économique, Akira Amari, pour une affaire de financement occulte, le voilà confronté à une controverse impliquant la ministre des communications, Sanae Takaichi. Le 11 février, Mme Takaichi a posté un long message sur sa page Facebook pour tenter de calmer la polémique née de ses propos formulés quarante-huit heures plus tôt au Parlement. Ce jour-là, elle a rappelé que la loi l’autorise à ordonner l’arrêt de la diffusion de chaînes de télévision qui ne respecteraient pas une stricte « neutralité politique ». « Il y a peu de chance que je le fasse, a-t-elle ajouté. Mais rien ne garantit que mes successeurs ne le feront pas. » Ses propos ont suscité de vives réactions de l’opposition, qui y voit une menace pour la liberté d’expression. « Ce n’est rien d’autre que de l’intimidation contre les diffuseurs », a estimé de son côté le syndicat des employés des télévisions privées. Le premier ministre, Shinzo Abe, et le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga, sont montés au créneau pour défendre la ministre. Elle n’a fait qu’« évoquer les mesures prévues par la loi », a déclaré M. Abe avant d’affirmer son « estime pour la liberté de la presse ». La polémique sur le contrôle gouvernemental des médias n’est pas nouvelle pour cette administration qui surveille avec rigueur sa communication. « Depuis le retour au pouvoir de M. Abe, affirme Hiroshi Ogushi, parlementaire du Parti démocrate du Japon (opposition), les exemples d’ingérence dans les programmes d’information se multiplient. » Dès sa prise de fonction en décembre 2012, le gouvernement Abe avait placé un proche, Katsuto Momii, à la tête de la chaîne publique NHK. En 2013, il a adopté la loi sur la protection des secrets d’Etat qui limite, de fait, l’accès aux informations. De nombreux disgraciés En avril 2015, le Parti libéral démocrate, au pouvoir, n’a pas hésité à convoquer les responsables des chaînes Asahi TV et NHK pour les critiquer et, déjà, rappeler que le gouvernement pouvait interrompre leur diffusion. La presse écrite, notamment le quotidien de centre gauche Asahi Shinbun ou les journaux d’Okinawa critiquant la gestion des bases américaines de ce département du sud du pays, n’est pas épargnée. La polémique a pris une autre dimension depuis l’annonce en janvier du remplacement de plusieurs personnalités de la télévi- sion, comme Hiroko Kuniya, présentatrice du très suivi magazine d’actualités « Close-up Gendai » sur la chaîne publique NHK. Ces disgraciés s’étaient montrés réservés sur l’action gouvernementale. Ainsi, deux présentateurs de « News23 », Shigetada Kishii et Takako Zenba, de la chaîne privée TBS, ont été visés en raison, semble-t-il, de la diffusion d’un microtrottoir réalisé fin 2014 dans lequel des Japonais expliquaient qu’ils ne profitaient pas des « abenomics », les mesures économiques du gouvernement. A la tête du très suivi programme d’information « Hodo Station », Ichiro Furutachi avait, lui, apparemment la fâcheuse tendance à accueillir des commentateurs trop critiques. L’un d’eux, Hideaki Kato, avait annoncé en mars 2015 son retrait de l’émission à cause de pressions selon lui imposées par le porte-parole du gouvernement, M. Suga. Les rumeurs au sein des grandes chaînes semblent confirmer que ce dernier n’hésiterait pas à intervenir pour faire taire les critiques. C’est dans ce contexte que la place du Japon a fortement reculé dans le classement des pays respectant le droit à l’information. Selon le classement 2015 de Reporters sans frontières, l’Archipel arrive désoramis en 61e position sur 180 pays. Il était 53e en 2012. p philippe mesmer drait le réseau, des fréquences et les 550 boutiques de l’opérateur. Il se partagerait avec SFR la base de clients de Bouygues Telecom, qui comprend notamment les abonnés « low cost » B & You et les clients Internet de la Bbox. Selon nos informations, SFR pourrait également récupérer une part des clients Sosh d’Orange. De son côté, l’opérateur historique conserverait les deux millions de clients mobile haut de gamme de Bouygues Telecom, qui assurent la moitié de son chiffre d’affaires, selon Le Figaro. Orange, déjà très puissant dans le mobile, avec 39 % de parts de marché, n’a en effet pas vocation à aller au-delà de 41 % à 42 %, sous peine d’être retoqué par l’Autorité de la concurrence. Reste aussi à connaître le sort qui serait fait à la partie entreprise. SFR aura du mal à se porter candidat, dans la mesure où il forme déjà avec Orange un duopole. L’opérateur indépendant Coriolis fait figure de prétendant. Stéphane Richard a à cœur de voir Free et SFR s’engager à conserver les 7 5000 salariés de Bouygues Pour Free, la facture finale pourrait s’élever à 3,5 milliards d’euros. Pour SFR, elle atteindrait 2,5 milliards d’euros. « Il peut encore y avoir de fortes variations », modère néanmoins un protagoniste. Ces sommes ne comprennent pas les « passifs » de Bouygues Telecom, en particulier la partie fiscale, qui inclue les plus-values sur les cessions menées, et dont le montant devrait atteindre 1 milliard d’euros. Orange n’entend pas assumer seul la facture. Les trois prétendants ont visiblement du mal à accorder leurs violons sur la valorisation des différents actifs de Bouygues Telecom. A tel point que SFR et Free ont recruté il y a une dizaine de jours un banquier chargé de jouer les « go between » avec Orange. « Cela a permis de rapprocher les points de vue », dit un témoin. Autre question clef, celle des 7 500 salariés de Bouygues Telecom. Les pouvoirs publics ne veulent pas de casse sociale. M. Richard a à cœur de voir Free et SFR s’engager à conserver les salariés. Free, qui devrait en récupérer « plusieurs milliers », sera concerné au premier chef. L’opération change la donne pour le trublion des télécoms, qui emploie 5 500 personnes en France. L’enjeu est moins important côté SFR, qui devrait en ingérer « quelques centaines ». « MM. Drahi et Niel ont l’air de vouloir prendre des engagements », assure un proche. p sandrine cassini Delphine Ernotte interpellée par des réalisateurs MUS I QU E La radio Pandora à vendre La banque Morgan Stanley aurait reçu un mandat pour vendre Pandora, la radio spécialiste du streaming gratuit sur le Net aux Etats-Unis, selon le New York Times du 11 février. Le site compte 80 millions d’utilisateurs, mais ses pertes ont atteint 170 millions de dollars en 2015 (151 millions d’euros). I N T ER N ET Rakuten déprécie PriceMinister Le géant japonais du commerce en ligne Rakuten a déprécié sa filiale française PriceMinister : acquise en 2010 pour 200 millions d’euros, elle a vu sa valeur rapportée à 65 millions dans les comptes du groupe pour le quatrième trimestre 2015, rapportent Les Echos, lundi 15 février. Ce mouvement s’inscrit dans une stratégie recentrée sur le marché japonais. présentent MBA FAIR Le MBA, un accélérateur de carrière ! 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