TECHNICOLOR SORT DU ROUGE CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 2 YAMASHITA, LE ROI DU NAVET JAPONAIS Yannick Jaulin, l’homme qui contait sur un tracteur CULTURE – LIRE PAGE 11 CULTURE & STYLES – LIRE PAGE 13 Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 - 70e année - N˚21576 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry 6juin 1944: les victimes oubliées du Débarquement La majorité face au «problème Hollande» t Le jour J, près de 2500civils français ont péri lors des bombardements alliés t Après la débâcle aux D européennes, les socialistes doutent ouvertement d’une candidature Hollande en 2017. « La question présidentielle ne se pose pas aujourd’hui », affirme le chef de l’Etat au «Monde » ans quelques jours, la France, l’Europe et l’Amérique du Nord vont célébrer le 70e anniversaire du Débarquement en Normandie. Pour préparer ce qui sera la plus importante opération amphibie et aéroportée de tous les temps, les forces alliées ont décidé d’« aplanir » (flatten) les infrastructures, les carrefours routiers et les villes les entourant afin de paralyser les renforts allemands. La campagne de bombardements, massive, meurtrière, n’atteindra pas tous ses objectifs et fera près de 2 500 victimes civiles. Retour sur cet épisode marginalisé de l’Histoire, lors duquel des Français montrèrent, au péril de leur vie, de formidables élans de solidarité pour venir au secours des blessés et des sinistrés. p LIRE PAGES 8-9 François Hollande lors de l’inauguration du Musée Soulages, vendredi 30 mai, à Rodez. PASCAL PAVANI/AFP LIRE DÉBATS PAGE 18 MATTEO RENZI : « EN RÉFORMANT l’ITALIE, NOUS REDONNERONS DES PERSPECTIVES À L’EUROPE » t Auréolé par les 40,8 % de voix remportées par le Parti démocrate (gauche) aux élections européennes, le jeune président du conseil italien livre sa vision de l’avenir européen : « Si nous voulons sauver l’Europe, nous devons la changer » LIRE PAGE 2 N UK price £ 1,80 Historien. D’une double fidéli- té à ses origines – le Var et la gauche –, le grand historien Maurice Agulhon, mort le 28 mai, à l’âge de 87 ans, a fait une œuvre. Socialdémocrate assumé, il n’a cessé, au fil de livres portant la marque du savant et du passionné de politique, de raconter cette partie de l’histoire de France qui voit l’idée républicaine l’emporter dans un pays de tradition rurale. LIRE PAGE 15 TÉLÉVISIONS La nouvelle bataille du soir a De 20 heures à minuit, les chaînes veulent retenir un public plus large, avec de l’information et du divertissement SUPPLÉMENT Cette jeunesse indifférente ou tentée par le FN Ils habitent Auch ou Reims, ils ont la vingtaine et sont souvent sans emploi. S’ils ne votent pas tous Marine Le Pen, ils sont prêts à la laisser gagner. FRANCE – PAGE 7 ommé le 22 février à la faveur d’une révolution de palais, Matteo Renzi, 39 ans, jeune président du conseil italien, a reçu l’onction du suffrage universel en sortant grand vainqueur des élections européennes avec 40,8 % des voix en Italie. Dans un entretien aux six journaux du réseau Europa (Le Monde, La Stampa, The Guardian, El Pais, Süddeutsche Zeitung, Gazeta Wyborc- LA MORT DE MAURICE AGULHON AUJOURD’HUI za), le leader du Parti démocrate (gauche) affirme « travailler pour donner une âme à l’Europe ». Alors que l’Italie prendra la présidence de l’Union européenne le 1er juillet, il se donne quelques années pour réformer en profondeur le pays : « J’aime l’idée qu’on fasse de la politique en CDD. Pendant des années, tu te consacres corps et âme à ça, et après, tu lâches.» p En Inde, nouvelle polémique après un viol d’adolescentes Deux jeunes «intouchables» ont été retrouvées pendues après un viol. Un crime qui révèle la condition des Indiennes de basse caste. INTERNATIONAL – PAGE 4 Les salaires des patrons toujours à la hausse L e moment avait tout pour être historique. Alors que François Hollande avait fait de la finance son « ennemie », que le gouvernement a passé depuis 2012 une loi plafonnant à 450 000 euros par an les rémunérations des patrons d’entreprises publiques, ce devait être la dernière pierre d’un édifice patiemment construit: celui de la lutte contre les salaires exorbitants des grands patrons. Une croisade encore récem- ÉDITORIAL ment symbolisée par Arnaud Montebourg: le 19 mai dernier, le pétulant ministre de l’économie invitait les dirigeants des grandes banques hexagonales à venirs’expliquer sur leursrémunérations, jugées « indécentes » par Bercy. De quoi s’agit-il? De la première expérimentation d’une pratique, adoptée par les organisations patronales, appelée say on pay : les actionnaires ont désormais leur mot à dire – de manière consultative – sur les salaires des patrons. Dans les assemblées générales des entreprises françaises, ils peuvent voter pour ou contre les rémunérations des dirigeants. De quoi permettre à la France de rattraper son retard en matière de démocratie actionnariale et se positionner à l’égal des EtatsUnisou de l’Allemagne,où le système existe depuis plusieurs années.C’estdu moinsce queclamaient les partisans du say on pay. Après des années d’inflation salariale, on allait voir ce qu’on allait voir ! Las, la saison de printemps des assemblées générales touche à sa fin et se conclut sur un premier bilan plutôt décevant. Les grands principes se sont heurtés à la réalité. A priori, le mécanisme a bien fonctionné : loin des habituels plébiscites par des assemblées passives, plusieurs patrons ont été contestés, voire carrément sanctionnés. Carlos Ghosn et son salaire mirobolant chez Nissan, BernardArnault chez LVMH… Ils ont subi les foudres des petits porteurs comme des grands fonds. Une fronde que bien peu avaient anticipée. Mais, derrière cette apparente levée de boucliers, les chiffres parlent d’eux-mêmes : malgré des résultats souvent en berne, les chèques des patrons continuent inexorablement de grimper. Pourquoi une telle inflation ? Au grand jeu de la transparence, les conseils d’administration des sociétés ont tout fait pour déminer le sujet. Pour les actionnaires, les explications alambiquées sur le lien entre le bonus du patron et tel ou tel indicateur financier parfaitement abscons ont été peu audibles. On fait dire aux chiffres ce que l’on veut. Du coup, les actionnaires, notamment anglo-saxons, ont plutôt retenu le discours sur la comparaison avec les pairs : certes, les grands patrons français sont rondement payés, mais à l’aune de leurs concurrents anglo-saxons, c’est bien peu ! Et en cas de non-approbation de ces salaires, on a rappelé aux actionnaires que les cadors du CAC 40 risquaient d’être débauchés par d’autres groupes, plus généreux… Quelle place pour l’éthique dans tout cela ? Bien peu. C’est sans doute le principal enseignement de cette première saison du say on pay : l’outil n’est pas fait pour limiter la valeur absoluedes rémunérations.En matièred’équité,de lutte contrelesinégalités, d’exemplarité sociale ou civique, c’est un coup d’épée dansl’eau. N’endéplaise auxmilliers d’employés victimes de plans sociaux. p Le Meisterstück et Hugh Jackman Crafted for New Heights* Il y a 90 ans, Montblanc présentait un instrument d’écriture devenu l’icône de l’art de l’écriture : le Montblanc Meisterstück, le symbole d’une quête éternelle de la perfection. Pour les 90 ans du Meisterstück, le nouveau Meisterstück 90 Years est orné d’attributs dorés à l’or rouge et d’une plume anniversaire spécialement gravée pour l’occasion du chiffre « 90 ». Découvrez notre boutique en ligne sur Montblanc.com *Conçu pour défier de nouveaux sommets. LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 4 Algérie 180 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA 2 international 0123 Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 Matteo Renzi: «Changer l’Europe pour la sauver» Le jeune président du conseil italien de centre gauche a remporté 40,8% des voix au scrutin européen du 25mai Entretien N ommé président du conseil italien le 22 février, Matteo Renzi, 39 ans, a accordé un entretien aux six journaux du réseau Europa, Le Monde, La Stampa, The Guardian, El Pais, Süddeutsche Zeitung, Gazeta Wyborcza. C’est la troisième fois en trois ans que notre groupe de journalistes s’entretient avec un premier ministre italien. Nous avons rencontré Mario Monti et Enrico Letta. Qu’est-ce qui nous garantit que vous ne serez pas, vous aussi, un météore ? Désolé, mais je crois que vous ne verrez pas d’autre président du conseil pendant quelque temps encore. L’Italie a choisi la stabilité. C’estelle qui nous donne la force de changer les choses ici et en Europe. La réforme du mode de scrutin a été déjà approuvée à la Chambre. Cellede laConstitutionest en route au Sénat. Celle du code du travail a commencéavecunpremierdécretloiopérationnel.Laréformedel’administration sera effective en juin et celle de la justice sera présentée à l’été. Paradoxalement, la stabilité autorise le changement, et le changement a besoin de stabilité. Pourquoi vous croire ? La seule façon d’être crédible en Europe n’est pas de recueillir 40,8% [le score du Parti démocrate, PD, centre gauche], mais de pouvoir présenter un paquet de réformes qui attestent de notre sérieux. En remettant les choses en place ici, nous redonnerons aussi des perspectives à l’Europe. Le simple fait que je sois devant vous et que j’aie moins de 40 ans veut dire que les Italiens sont capables de tout. Du meilleur comme du pire. Le score de votre parti est-il un acte de foi ou la conséquence d’un raisonnement politique ? Il est déjà difficile d’interpréter les flux électoraux, à plus forte raison les émotions. Disons que c’est un acte de foi basé sur une réflexion politique. Aucun parti n’avait reçu autant de suffrage en pourcentage depuis la Démocratie chrétienne, dans les années 1950. Pour la première fois, le peuple a mieux compris l’enjeu de ce scrutin que les politiques et les sondeurs. Le 25 mai a été l’occasion d’un choix clair : ou le courage et l’avenir, ou les insultes et le passé. Avec quel chef d’Etat ou de gouvernement européens vous sentez-vous le plus en harmonie ? Matteo Renzi au Palais Chigi, le siège de la présidence du conseil, le 30 mai, à Rome. PIETRO MASTURZO POUR « LA STAMPA » Je ne sais pas. Mais je connais, en revanche, ma position et celle de l’Italie. Si nous voulons sauver l’Europe, nous devons la changer. Même si le PD a été de tous les partis européens celui qui a reçu le plus de suffrages, même si l’abstention a été faible, cela ne veut pas direquelesélecteurssontenfaveur «Pour la première fois, le peuple a mieux compris l’enjeu de ce scrutin que les politiques et les sondeurs» du statut quo. Une nouvelle saison s’ouvre en Europe avec l’agenda 2014-2020, le renouvellement des institutions et de leurs responsables, le début du semestre italien le 1er juillet, la redéfinition de notre relation avec la Russie et l’espace méditerranéen. L’Italie va y participer, convaincue et déterminée. Soutiendrez-vous Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission ? La position du gouvernement italien est simple : avant de se mettre d’accord sur un nom, mettonsnous d’accord sur un programme et un agenda. Aucun des candidats à la présidence n’a obtenu la majo- rité absolue, il est donc difficile de trouver une solution sans un accord global. Des candidats se sontdéclarés,mais le Conseila aussi des prérogatives. Il serait judicieux d’éviter que s’ouvre un conflit entre le Parlement et le Conseil. Personnellement, je ne m’intéresse pas à la distribution des maroquins mais aux emplois. Tant que l’Europe ne se dote pas d’une méthode pour combattre le chômage, toute discussion sur les postes sera inutile et inefficace. Il faut montrer les aspects les plus séduisants de l’Europe, faire rêver : Erasmus, le service civil, les « Etats-Unis d’Europe» qui restent mon horizon. Mais ce pari suppose que les gens s’intéressent de nouveau à la chose publique et que nous réussissions à nous donner des objectifs communs. Le 2 juillet, devant le Parlement européen, je m’exprimerai sur ces objectifs : l’énergie, la mise en commun des infrastructures et l’immigration. Le prochain président de la Commission devra aimer l’Europe avec le regard d’un innovateur. L’Italie ne demande rien. Elle fait son travail qui est de sauver les migrants, grâce à l’opération Mare Nostrum. Mais l’Europe devrait demander aussi aux Nations unies d’intervenir en Libye et, d’une façon générale, chercher à avoir une capacité plus grande dans la gestion des flux migratoires.Frontex [l’agence de surveillance des frontières européennes] pourrait être mieux et davantage utilisée, en s’occupant plus des frontières de la Méditerranée. Vous avez peut-être un profil ? Quelle va être votre relation avec Angela Merkel dans cette perspective ? J’ai trouvé vulgaire et inélégant la façon dont certains partis ont cru prendre des voix en insultant l’Allemagne. L’Allemagne n’est pas un ennemi, c’est un modèle pour ce qui concerne le marché du travail, l’administration. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas des idées différentes de la chancelière allemande. Aujourd’hui, il est évident que l’Allemagne a tout intérêt à ce que l’Italie change de vitesse et retrouve de la croissance, à condition que l’Europe ne soit pas seulement fondée sur l’austérité. Quelle est votre recette pour avoir vaincu l’euroscepticisme ? A propos d’immigration, que demande l’Italie ? Nicolas Sarkozy propose de réformer les accords de Schengen. Etes-vous d’accord ? La question de l’immigration s’affronte avec des règles claires, pas en retournant en arrière. Je ne dis rien de plus, je ne veux pas paraître agressif… Vous voyez-vous comme un nou- veau leader pour la gauche européenne ? Je ne me prends pas pour un leader. Je suis un citoyen européen qui veut une Europe avec une âme. Si l’Europe m’explique dans le détail comment je dois pêcher l’espadon mais qu’elle ne me dit rien sur la manière de sauver un immigrant qui se noie, cela veut dire que quelquechosenevapas.Jetravaille pourdonneruneâmeà l’Europe.La question n’est pas d’être ou de ne pas être un leader, mais de redonner de l’espoir. Ce n’est pas simple, surtout dans une Europe qui, ces dernières années, a perdu le sens de l’aventure, des défis et des rêves. Mais vous êtes vu comme un lea- «J’aime l’idée qu’on fasse de la politique en CDD. Pendant des années, tu te consacres corps et âme à ça, et après, tu lâches» der, que vous le vouliez ou pas… Le sens de l’élection n’est pas lié à la naissance d’un nouveau chef appelé Matteo Renzi. Mais plutôt au fait que l’Italie n’est plus la dernière roue du carrosse. L’Italie est un pays qui, s’il réussit à se réformer, peut être à l’avant-garde de Le rapprochement de Beppe Grillo avec Nigel Farage passe mal au M5S D eux polémiques le même jour. Beppe Grillo, le leader du Mouvement 5 étoiles (M5S), n’en finit pas de payer sa contre-performance aux européennes du 25avril. Tout aurait été pour le mieux s’il n’avait pas claironné, la veille encore du scrutin: « Nous vaincrons!» Après une telle affirmation, les 21,1% du M5S apparaissent comme un recul par rapport au 25,5% des élections législatives, quinze mois plus tôt, et comme une déculottée au regard des 40,8% du Parti démocrate (PD, gauche) de M.Renzi. Un document interne émanant d’un conseiller en communication du M5S, révélé par la presse italienne jeudi 29 mai, pointe les insuffisances et les erreurs commises pendant la campagne. « Nous avons transmis une énergie destructrice», révèle cette note qui souligne un « message inquiétant, peu rassurant, peu fiable ». « Si nous n’avons pas de réponse à un problème, cela ne sert à rien de le dénoncer», préconise son auteur, qui relève également le choix discutable d’avoir négligé les émissions de télévision dans un pays où « 15 à 20 millions de personnes» ne s’informent que par ce média. Tout irait mieux aussi si lui et son mentor, Gianroberto Casaleggio, avaient fixé une ligne claire au Mouvement plutôt que de s’en remettre au sacro-saint vote Internet pour décider des points de programme, de la ligne idéolo- gique, du choix des candidats. En ayant préféré des slogans attrapetout, au détriment de ce travail préparatoire indispensable, voilà le M5S pris dans une tourmente qui met en cause son idéologie. Ligne jaune Un autre front s’est ouvert le même jour. Peut-être plus dangereux pour l’ex-comique génois. En décidant, seul, de contacter le leader du UKIP, Nigel Farage, à Bruxelles, Beppe Grillo a franchi une ligne jaune au risque de faire exploser sa formation. Opposé à un accord avec Marine Le Pen, M. Grillo aurait voulu « sonder le terrain» du côté du Britannique europhobe. « Pourquoi le UKIP?, écrit ainsi la députée Giu- lia Sarti. Sa campagne m’a dégoûtée encore plus que celle de Le Pen. » Un autre élu parle d’un leader « misogyne, xénophobe et homophobe». Un autre encore d’un « fraudeur financier». Selon le quotidien britannique TheTelegraph du 30mai, M. Grillo a trouvé son interlocuteur « spirituel » : « Il n’est pas plus raciste que je ne suis nazi. » Il n’empêche que revient en mémoire l’invitation lancée par Beppe Grillo à un militant de la formation d’extrême droite Casa Pound qu’il encourageait à rejoindre le Mouvement parce qu’ils « avaient des choses en commun»; on se souvient de ses propos en faveur du délit d’immigration clandestine, voté par la droite ita- lienne en 2009 et abrogé depuis en raison de son inefficacité; on n’a pas oublié non plus les déclarations de la députée Roberta Lombardi, faisant l’apologie d’un « bon fascisme». Des hasards? Dans l’avion qui le ramenait de Bruxelles, Beppe Grillo a voyagé au côté de Matteo Salvini, le chef de la Ligue du Nord. Ce dernier a aussitôt tweeté que les deux hommes « avaient eu une conversation très intéressante». Bien que M. Salvini, chassant sur les mêmes terres que M. Grillo, ait probablement voulu mettre ce dernier dans l’embarras, on ne peut s’empêcher de penser qu’ils ont eu des choses à se dire. Et certainement à partager. p Ph. R. (Rome, correspondant) l’UE. C’est pour cela que je ne veux pas rechercher des axes ou des accords avec quelques pays, mais tenter de mettre l’Europe à l’abri de la crise qu’elle connaît. Parce que si nous ne nous y mettons pas tous ensemble, dans vingt ans, aucun pays européen ne figurera parmi les grandes puissances. Sauf l’Allemagne, peut-être… Votre nomination à la présidence du conseil reste entachée d’une manœuvre un peu machiavélique pour évincer M. Letta… J’ai une grande admiration pour le Florentin Machiavel… J’étais convaincu que Letta ne risquaitrien.Mais,très vite,le gouvernement est apparu comme une voiture qui n’avait plus de batterie. J’ai cherché à apporter mon aide, elle n’est pas repartie. Il n’y a pas eu de complot. Cet épisode a été un acte de générosité de ma part. Si j’avais dû mettre mon intérêt personnel en avant, j’aurais eu tout intérêt à ce que les choses aillent de mal en pis. Mais j’ai choisi de prendre des risques. Je sais comment les choses se sont déroulées et Enrico Letta aussi. Où vous voyez-vous dans dix ans ? J’aime l’idée qu’on fasse de la politique en CDD. Pendant des années, tu te consacres corps et âme à ça et après, tu lâches. Le fait d’avoir un des gouvernements les plus jeunes de l’histoire d’Italie a un avantage. Dans dix ans, nous aurons passé la main. Je considère chaque jour comme une urgence, comme une occasion de changer l’Italie. La parenthèse Grillo est-elle refermée ? La parenthèse Grillo ne se refermera que si nous sommes crédibles et que nous menons à bien les réformes. Mais si la classe politique se convainc que le danger est passé et se claquemure dans les palais alors le Mouvement 5 étoiles ressurgira. p Propos recueillis par Philippe Ridet (« Le Monde »), Andrea Bachstein (« Süddeutsche Zeitung »), Lizzi Davis (« The Guardian »), Fabio Martini (« La Stampa ») et Paolo Ordaz (« El Pais ») n Sur Lemonde.fr L’intégralité de l’entretien. 0123 international Dimanche 1er- Lundi 2 juin 2014 3 A Tripoli, l’armée libanaise impose la paix entre quartiers ennemis Les combats qui opposaient Bab Al-Tebbaneh, la sunnite, et Jabal Mohsen, l’alaouite, ont cessé Reportage Tripoli (Liban) Envoyée spéciale L unettesnoires sur le nez pour protéger ses yeux meurtris, Mahmoud Koja monte lentement les étages vers son appartement de Bab Al-Tebbaneh, cette banlieue pauvre de Tripoli que des combats sanglants ont si souvent opposée au quartier voisin de Jabal Mohsen depuis 2011. Sur l’escalier de l’immeuble, situé sur la ligne de front, traînent des paquets de chips vides et des Kleenex sales.MahmoudKoja a vu sa vie basculer, fin 2013, quand il a été touché par un franc-tireur, en pleine rue. Le petit hommechétif a perdu un œil et a été grièvement blessé à l’autre. « J’ai l’impression d’avoir retrouvé l’obscurité de ma cellule étriquée de Tadmor», dit cet ancien prisonnier en Syrie, à la fin des années 1980. Sa voix est écrasée par le bruit assourdissant des blindés qui patrouillent. Depuis avril, l’armée libanaise a repris le contrôle des quartiers ennemis. « C’est magique : d’un instant à l’autre, les affrontements se sont arrêtés », raille Mahmoud Koja, dans son salon où les trous au plafond, creusés par des obus, ont été fraîchement rebouchés. « Cette pièce est la plus sûre de notre maison », assure le père de famille de 49 ans, en buvant du café. Bien sûr, il est soulagé : « On a réappris à dormir la nuit. On n’est plus à la merci de tirs pour un oui ou pour un non. C’est un luxe qu’on n’avait plus connu depuis deux ans, peut-être trois ! » Mais il se demande, comme tant d’autres, pourquoi cette trêve n’a pas sonné plus tôt : en moins de trois ans, vingt rounds de combats auront fait plusde 160 morts et descentaines de blessés. Appeléeà larescoussepar le passé mais sans avoir les moyens d’agir, l’armée a cette fois obtenu le feu vert des dirigeants politiques pour mettre un terme aux violences dans la seconde ville du Liban. Depuis, les arrestations ou les redditionsde combattantss’enchaînent. Avertis par leurs parrains, les gros poissons, caïds locaux ou miliciens influents, ont pris la fuite. Avec leur départ, le discours confessionnel haineux, qui s’était propagé tel un venin, a diminué. Et dans les rues de Bab Al-Tebbaneh la sunnite ou sur la colline de Jabal Mohsen l’alaouite, des armes lourdes ont été saisies. La guerre en Syrie a réveillé l’animosité entre ces faubourgs, le premier historiquement opposé à la famille Assad, le second allié au pouvoir à Damas. « Mais on est surtout le jouet des politiciens libanais, décidés à montrer leur force à travers les combats de Tripoli et à exploiter le conflit syrien », se révolte Brahim Ahmed Mohamed, un habitant de Jabal Mohsen, aujourd’hui paralysé. C’est un survivant. Ses proches l’ont retrouvé cet hiver gisant dans sa cuisine, qui fait face à Bab Al-Tebbaneh. La balle d’un milicien s’était logée dans sa moelle épinière, alors qu’il installait des plaques de métal à la place des vitres,«pour nepas risquer demourir en cherchant un verre d’eau à chaque accrochage». Homs Tripoli Mer Méditerranée LIBAN Beyrouth Saïda Tyr ISRAËL SY RIE Damas 50 km Dans les rues, les violences ont accentué la misère, mutilant davantage des façades déjà balafrées. L’annonce d’un nouveau plan sécuritaire a d’abord été accueillie avec incrédulité. Malgré quelques incidents, l’accalmie a perduré.Les ateliersde mécanique de Bab Al-Tebbaneh ont rouvert et les écoliers ont retrouvé le chemin de l’école. A Jabal Mohsen, aux entrées bouclées par des barrages tenus par l’armée, de jeunes hommes s’attardent aux cafés et les protections de fortune installées pour Des soldats libanais enlèvent les réseaux de barbelés installés entre les quartiers de Bab Al-Tebbaneh et Jabal Mohsen, le 2 avril, à Tripoli. OMAR IBRAHIM/REUTERS tenter de gêner les tireurs embusqués ont été retirées. En prévision du Mondial de football, les habitantsdécorent les balconsaux couleursde leur équipefavorite, Brésil ou Allemagne en tête. Fragile, l’apaisement est survenuaprès la formation d’un gouvernement en février, au terme de longs mois de blocage. La trêve apparaît comme le fruit d’un compromis entre camps politiques rivaux, alors que, cet hiver, le Libans’enfonçait dans unenouvelle spirale de violence. « Chacun a senti que l’incendie de Tripoli pouvait ravager l’ensemble du pays, décrypte un observateur. Les pyromanes, politiciens de tous bords, étaient nombreux à Tripoli. C’est plus facile d’éteindre le feu quand on en connaît les origines. » Rien, cependant, n’a tout à fait changé: à Bab Al-Tebbaneh,les affiches de miliciens défunts bardés d’armes se disputent l’espace sur les murs, et l’on reproche toujours à l’enclave alaouite d’être inféodée Okmeydani,foyerde la résistancecontreM.Erdogan Le quartier du centre d’Istanbul est resté mobilisé depuis les émeutes de la place Taksim, il y a un an Istanbul Correspondance T iens voilà les voleurs! », lance une adolescente à la sortie d’une supérette, des sacs plein les bras. «Tais-toi, tu vas nous attirerdes ennuis », grondesa mère. Un cortège de grosses berlines noires d’où débarquent gardes du corps, élus et notables du Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) vient de faire irruption dans un quartier d’Okmeydani, arrondissement central d’Istanbul proche de la Corne d’or. Parmi eux, Bilal Erdogan, le fils du premier ministre, dont le nom est au centre d’une affaire de corruption révélée en décembre2013. La femme se retourne. « Il n’y en a que pour eux et pour leurs magouilles. Pendant ce temps, le peuple souffre », peste-t-elle. Okmeydani a connu plusieurs jours d’émeutesviolentesla semaine passée au cours desquelles deux personnes ont été tuées par la police. Ces officiels qui défilaient, jeudi 29 mai, ne venaient pas présenter leurs condoléances, mais assister à la coupe de la Conquête, une compétitionde tirà l’arc organiséepour célébrer la conquête de Constantinople par les Ottomans en 1453. Quelques rues plus loin, les lampadairessont couchésen traversde l’asphalte, les barricades encore fumantes. Le haut d’Okmeydani, majoritairement peuplé par des alévis, une minorité anatolienne issue de l’islam chiite, est un bastion de la gauche révolutionnaire turque et kurde, où les affrontements avec la police sont fréquents. «C’est un quartier très militant. Pour Gezi, en 2013, 10 000 personnes sont descendues dans la rue, les deux tiers de la population. Dans chaque famille, les enfants grandissent avec la violence », constate Ali Coskun,un avocat qui vit à Okmeydani. Dans ce quartier, mosaïque communautaire instable, Berkin Elvan, 14 ans, a été tué par une grenade lacrymogène alors qu’il sortait acheter du pain. Sa mort, en mars, après neuf mois de coma, a ravivé les tensions. Le 22 mai, un groupe de lycéens qui voulait lui Premier anniversaire de la vague de contestation turque Une femme de 64 ans est morte, vendredi 30 mai, des suites de blessures causées par la police lors d’une manifestation en décembre 2013. Ce décès intervient à la veille du premier anniversaire de la vague de contestation antigouvernementale qui a secoué la Turquie en juin 2013, pendant plus de trois semaines. Sévèrement réprimée, cette fronde s’était soldée par huit morts et plus de 8 000 blessés. Le collectif à l’origine de ces manifestations a appelé à descendre dans la rue samedi pour marquer cet anniversaire. Les autorités ont interdit tout rassemblement sur la place Taksim et mobilisé 25 000 policiers. rendre hommage est venu provoquer la police antiémeute à coups de cocktails Molotov. Les forces antiterroristes ont riposté à balles réelles. Un projectile a frappé en pleine tête un père de 30 ans, Ugur Kurt, alors qu’il se trouvait dans le cemevi, le lieu de culte alévi, pour assister à une veillée mortuaire. Quelques heures plus tard, un autre homme décédait, après avoir été blessé à la tête. Une enquête a été demandée par la justice contre le fonctionnaire auteur du coup de feu. « Personne n’a été arrêté. La Turquie vit une période d’injustice », estime M. Coskun. Une quarantaine de personnes ont cependant été interpellées. « Un coup de la police » Ce regain de violences intervientà laveilledupremieranniversaire des manifestations de la place Taksim, contre la destruction du parc Gezi au profit d’un projet immobilier.Unebonnepartied’Okmeydani sera de nouveau dans la rue. Vendredi, tous les commerçants ont été sommés de tirer le rideau et de se mettre en grève pour soutenir la mobilisation. Des groupesdemilitantsarmésetencagoulés, appartenant au Front-parti révolutionnaire pour la libération du peuple (DHKP-C), une organisation illégale considérée comme un mouvement terroriste, paradent ostensiblement dans le quartier. Une fois de plus, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, s’est emporté contre ce quartier maudit recouvert de slogans hosti- les à son gouvernement, où « certains groupes terrorisent les habitants». « Je ne comprends pas comment la police a pu rester aussi patiente », a-t-il déclaré le lendemain des tirs meurtriers. «Moi, je n’ai rien à reprocher aux militantsrévolutionnaires.Ilsempêchent les mafias d’entrer et de vendre de la drogue. C’est la police qui provoque », rétorque Mehmet, un vendeur de börek (beignets) sur la rue principale. « A mon avis, les types masqués qui lançaient des cocktails Molotov, c’est un coup de la police», veut-il croire. Le chef de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu, a émis les mêmes doutes. Baran, un militantduFrontdupeuple,lavitrine du DHKP-C, revendique pourtant les actions récentes «contre la police politique de l’AKP ». « Erdogan connaît chaque rue de ce quartier, il a grandi à Kasimpacha, à deux pas d’ici, souligne-t-il. C’est lui qui ordonne ces attaques. Le but est de pousser les gens à partir d’ici. » A Okmeydani la tension se double d’une pression foncière qui, pour beaucoup, explique l’acharnement des autorités. Les promoteurs convoitent ce quartier populaire bien situé. Et la mairie d’Istanbul y a imaginé un vaste plan de « rénovation urbaine », inspiré des « Champs-Elysées ». Au terme de ce projet, autour duquel gravitent des compagnies de construction proches du pouvoir, 100 000 personnes devraient être délogées et le bastion révolutionnaire démantelé. p Guillaume Perrier à Damas. A Jabal Mohsen, le portrait d’un Bachar Al-Assad conquérant, en tenue militaire, continue d’orner les vitrines et l’on accuse le faubourg en contrebas d’avoir cédé au fanatisme sunnite. Pourpanserles plaies, le gouvernement libanais a promis des indemnités et répertorié les des- «On a réappris à dormir la nuit. On n’est plus à la merci de tirs pour un oui ou pour un non» Un habitant de Bab Al-Tebbaneh tructions.Cela ne convaincpas Brahim Ahmed Mohamed, le blessé de Jabal Mohsen. Son calme apparent cache une immense colère : « Si nos dirigeants avaient un minimum d’intérêt pour les citoyens, les miliciensn’auraientpas fait la loi si longtemps ici. Les civils ont été sacrifiés et ils se sont appauvris.» Chef pâtissier, il n’a pu être soigné que grâce au soutien financier de son ancien patron, « un sunnite, un modéré comme moi », tient à préciser cet alaouite. Père de cinq enfants, il ne peut plus travailler. Pas plus que Mahmoud Koja, qui vit de l’aide d’amis et désespère de pouvoir être opéré. « Les habitants sont déprimés par la violence qu’ils ont endurée », souligne un imam de Bab Al-Tebbaneh. Dans chaque quartier, on jure que la coexistence est possible. Sans oser croire que la paix puisse vraiment s’installer. « Tripoli peut vite redevenir la caisse de résonance des tensions libanaisesou syriennes », s’inquiète Brahim Ahmed Mohamed. Dans son salon, Mahmoud Koja est persuadé qu’il devra encore « refairel’enduit au plafond à l’avenir ». « Dieu sait pourtant, dit-il, combien nous aspirons à un peu de stabilité! » p Laure Stephan THAÏLANDE Washingtonréclame desélections«libreset justes» SINGAPOUR. Le secrétaire américain à la défense, Chuck Hagel, a réclamé, samedi 31 mai, à la junte thaïlandaise la remise en liberté de ses prisonniers et lancé un appel à des élections rapides. « Nous demandons instamment aux forces armées royales thaïlandaises de libérer les personnes détenues, de mettre fin aux restrictions de la libre expression et de restaurer immédiatement le pouvoir du peuple thaïlandais grâce à des élections libres et justes », a déclaré M. Hagel lors d’une conférence sur la sécurité de l’Asie, à Singapour. – (AFP.) p MALAWI LeprésidentMutharikaélu dansun climatde tensions BLANTYRE. L’ancien ministre des affaires étrangères Peter Mutharika a remporté l’élection présidentielle du 20 mai au Malawi, avec 36,4 % des voix, a annoncé, vendredi 30 mai, la commission électorale. Le frère de l’ancien président Bingu wa Mutharika, décédé en 2012, devance le candidat du parti de l’exdictateur Kamuzu Banda, Lazarus Chakwera, qui obtient 27,8 %. La présidente sortante, Joyce Banda, arrivée troisième avec 20,2% des suffrages, avait réclamé il y a peu « l’annulation» du scrutin, arguant de « graves irrégularités». – (AFP.) p Brunei Un commissaire européen appelle à un boycottage pour cause de charia PARIS. Le commissaire européen chargé du commerce, Karel De Gucht, a apporté, vendredi 30 mai, son soutien au boycottage lancé contre le groupe hôtelier Dorchester Collection, propriété du sultanat de Brunei. Prôné par des personnalités comme le milliardaire britannique Richard Branson ou le Français François-Henri Pinault, ce boycottage fait suite à la décision du sultan Hassanal Bolkiah d’instaurer la charia sur son territoire. – (AFP.) Libye Les partisans du général Haftar manifestent TRIPOLI. Des milliers de Libyens ont manifesté, vendredi 30 mai, à Tripoli et Benghazi, dans l’est du pays, en soutien au général dissident Khalifa Haftar, qui mène, depuis la mi-mai, une opération armée contre le gouvernement d’Ahmed Miitig, soutenu par les islamistes. Le cabinet de M. Miitig, élu lors d’un scrutin controversé début mai, se heurte au précédent gouvernement, dirigé par Abdallah Al-Theni, qui refuse de lui remettre le pouvoir. Des élections ont été fixées au 25 juin. – (AFP.) 4 0123 international Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 EnCentrafrique, la colèremontecontre les forcesinternationales Unviol suividependaison illustre lemartyre desIndiennesde basse caste La population reproche aux soldats africains et Agressées sexuellement dans leur village, deux jeunes intouchables ont été retrouvées pendues français de protéger les miliciens musulmans Bangui Envoyé spécial L ’assassinat d’une quinzaine de personnes, mercredi 28 mai, dans l’église NotreDame de Fatima, a été le détonateur de la contestation. Il est encore difficile de sonder la profondeur du sentiment mais des milliers de manifestants ont exprimé, jeudi et vendredi, leur colère contre une partie des forces internationales déployées en République centrafricaine. Parmi les revendications lancées sur le bitume de Bangui parsemé de barricades, le retrait du contingent burundais de la mission onusienne Misca et le désarmement de tous les groupes combattants, à commencer par les derniers miliciens du quartier majoritairement musulman de PK5. Comme les soldats tchadiens auparavant, le bataillon venu du Burundi est accusé de ne protéger que la communauté musulmane. Sestirsàballesréelles,quiontprovoqué la mort, vendredi, d’au moins deux manifestants (qui «n’étaient pastousmainsnues»,selonle général Martin Tumenta Chomu, commandantde la force africaine) n’ont pas amélioré sa cote de popularité auprès des protestataires. La France et la présidente de transition, Catherine Samba-Panza, perçue comme sa « protégée », sont également vilipendées par une partie de la foule. Alors que le centre-ville, paralysé, s’est réveillé au son d’un concert de casseroles, des graffitis badigeonnés à la hâte (« Sangaris dégagez ! Samba-Panza démission ») sont apparus sur les murs. Des soldats français ont été visés par des tirs. Les forces internationalesont annoncéqu’el- Les forces en présence Séléka Coalition de groupes rebelles à majorité musulmane, qui a pris le pouvoir en mars 2013. Après dix mois d’exactions, les ex-rebelles ont été chassés du pouvoir avec la démission du président Djotodia, le 10 janvier, au profit de Catherine Samba-Panza. Anti-balaka Milices à majorité chrétienne ayant combattu la Séléka et se livrant aujourd’hui à une chasse aux musulmans. Misca Force de maintien de la paix africaine en RCA, sous mandat de l’ONU (6 000 hommes). Sangaris Opération militaire française lancée le 5 décembre 2013 (2 000 hommes). les réagiraient « avec la plus grande détermination à toute prise partie» de leurssoldats ou à des menaces contre des habitants. Il y a six mois, Bangui attendait pourtant avec impatience le déploiement des forces françaises. La paix, espérait-on ici, était au bout du fusil des militaires français, censés connaître la Centrafrique sur le bout des doigts. La réalité s’est avérée bien plus complexe. « Aucune solution » LaSélékaaupouvoiretlaminorité musulmane ont été les premières à contester l’intervention lancée en urgence le 5 décembre 2013. Bangui venait de connaître un assaut des milices anti-balaka et la contre-attaque féroce de la Séléka. La mission des militaires français, chargés d’appuyer les contingents sous mandat de l’Union africaine, ne pouvait commencer dans des conditions plus périlleuses. En lançanttoutd’aborddesopérationsde désarmementet de cantonnement des combattants Séléka, les musulmans se sont retrouvés livrés à la vindicte des anti-balaka. Il y a quelques jours, une source officielle française reconnaissait sa crainte de voir un jour Paris subir « le faux procès d’avoir favorisé l’épuration confessionnelle en Centrafrique». Alorsqueleurpouvoirdenuisance avait été sous-estimé, les groupesanti-balaka,leplussouventmal armés, mal encadrés, désunis, sont devenus progressivement une source majeure de préoccupation, mais les effectifs manquent pour mener des actions de police. Leurs différents « coordonnateurs» assurent se tenir à l’écart des manifestations mais, selon plusieurs sources, des barrages en ville sont supervisés par ces miliciens. Reste que si des hommes politiques tentent de profiter des évènements, le mouvement de ras-le-bol delapopulationestréel.Qu’importent les tirs de sommation des soldats africains de la Misca, les pierresquientraventl’avenueBarthélémy-Boganda,José Perrière est venu partager une brique de vin rouge avec quelques amis. « Les gens en ont marre. Ils sont déçus. Ils voient toutes ces forces mais aucune solution», analyse l’homme d’affaires. Passe alors Jean-Serge Bokassa en tenue sportive. Le fils de l’empereur est allé soutenir le mouvement de protestation. Il reprend à son compte les revendications exprimées.« Peut-êtrequ’onattendaittropdeSangaris », estimel’ancien ministre, dont la France avait installé puis déposé le père dans les années 1970. p Cyril Bensimon Des habitants du village de Katra, dans l’Uttar Pradesh, rassemblés sur le lieu de la pendaison des deux adolescentes violées le 28 mai. AP New Delhi Correspondance L ’image sordide s’est répandue à toute allure sur les réseaux sociaux: une assemblée de villageois calmement assis autour de deux adolescentes pendues aux branches d’un manguier. La scène s’est déroulée dans un petit village d’Uttar Pradesh, l’un des Etats les plus pauvres d’Inde, miné par les conflits entre castes. L’autopsiearévéléquelesdeuxjeunes filles de 14 et 15 ans avaientété violées avant leur mort, dans la nuit du mardi 27 mai au mercredi. Les villageois ont attendu, devantles corps suspendusdesvictimes, l’arrivée des journalistes et des caméras pour faire pression sur la police qui s’est finalement décidée, une dizaine d’heures plus tard, à arrêter les suspects. La veille dela découvertedescorps,despoliciers avaient insulté, et renvoyé chez lui, le père de l’une des victimes, lorsqu’il était venu signalerla disparition de sa fille. Les familles accusent la police d’avoir voulu épargner les suspects issus, comme eux, de la caste des yadavs. Une centaine d’étudiants sont descendus dans les rues de Delhi, vendredi, pour demander au gouvernement de sanctionner les policiers. Deux agents ont été mis à pied et deux des trois suspects, arrêtés. Dans les zones rurales de cette région du nord de l’Inde, une femme appartient à sa caste avant de s’appartenir à elle-même. Victime de la société patriarcale, elle est aussi la plus exposée aux violences subies par les basses castes. «La pendaison des victimes dans un lieu public est un acte de violence et de provocation. C’est la preuve que le sentiment d’impunité règne encore », déplore la féministe Kavita Krishnan. Malgré la nouvelle loi votée en 2013 prévoyant jusqu’à la peine de mort pour les auteurs de viol, ces derniers sont encore nombreux à se croire invincibles, surtout lorsque les victimes sont au bas de l’échelle sociale et n’ont pas accès à la justice. Les femmes issues des basses castes sont les damnées des damnés de l’Inde. Elles doivent subir, souventen silence,violenceset discriminations. La liste est longue : prostitution forcée, violences domestiques,viols, négligences en matière de soins médicaux, malnutrition, illettrisme ou avortement sélectif. L’une des rares études publiées sur le sujet, en 2006, par la Campagne nationale pour les droits de l’homme des intouchables (NCDHR) donne un aperçu de l’ampleur de cette tragédie : sur 500 femmes issues de la caste des intouchables, une sur deux déclareavoir subi desagressionssexuelles. Les auteurs de l’étude citent même l’exemple de parents qui marient leur fille dès l’âge de 5 ans de peur qu’elle soit violée et ne trouve plus d’époux. Les lois existent, mais la justice n’est qu’un rêve lointain pour ces femmes souvent très pauvres. Il arrive que la police tente de les dissuader de porter plainte ou refuse d’enregistrer leur plainte. Parfois ce sont les médecins quiinscrivent dans leur rapport que la victime était habituée aux rapports sexuels, suggérant que la fille était Les familles accusent la police d’avoir voulu épargner les suspects, issus, comme eux, de la caste des yadavs « facile », donc consentante. Et la justice se paie cher, non pas pour s’offrir les services d’un avocat, mais pour verser des pots-de-vin, passer des journées au tribunal sanstravailler et donc être privé de revenus déjà maigres. Ces femmes s’exposent aussi aux représailles des castes supérieures.Jeudisoir,la mèred’unevictime de viol a été battue et déshabillée en public dans l’Uttar Pradesh après que sa fille, de basse caste, a porté plainte. « Le viol ou toute autre forme de violence sont des armes utilisées comme punition pour avoir transgressé l’ordre établi », analyse Namrata Daniel, de la NCDHR. Les victimes sont donc nombreuses à choisir le silence. Elles ont contre elles une société patriarcale et un Etat incapable de protégerleursdroits.«Latristeréalité,c’estqueles droitsde nombreuses femmes en Inde continuent d’être violés et l’impunité est la norme », déclarait,en mai2013,larapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits des femmes, Rashida Manjoo. Au lendemain des manifestations provoquées par le viol collectif, en décembre 2012, d’une étudiantequiavaitsuccombéàsesblessures, les associations féministes étaient parvenues à imposer une nouvelle loi protégeant mieux les victimes. « Mais, dans le mouvementféministe,onneprêtepassuffisamment attention aux problèmes des femmes intouchables et, dans le mouvement des intouchables, elles sont ignorées. La caste, la classe et le genre doivent être abordés ensemble», insiste Namrata Daniel. Vendredi, la ministre chargée de l’enfance et des femmes, Maneka Gandhi, a annoncé la création d’une cellule de crise pour venir en aide aux familles des deux adolescentes. « Le laxisme de la police est également responsable de l’incident qui a conduit à [leur] mort », a reconnu Mme Gandhi. p Julien Bouissou Farzana,le «crimed’honneur»quifaitscandaleau Pakistan M Ce dimanche à 12h10 MATATA PONYO MAPON Premier ministre de la République Démocratique du Congo répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE), Sophie Malibeaux (RFI). Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr 0123 ême au « pays des purs », où près de 900 femmes ont été victimes de « crimes d’honneur» en 2013 selon la Commission des droits de l’homme pakistanaise, le meurtre de Farzana Parveen constitue un fait rare. La jeune femme de 25 ans, enceinte de trois mois, a été lapidée à coups de brique par des membres de sa propre famille, mardi 27 mai. La scène s’est déroulée en plein jour devant des dizaines de témoins impavides dans une rue de Lahore, deuxième ville du pays et capitale de la province du Penjab. Elle s’apprêtait à témoigner devant le juge qu’elle s’était mariée avec Muhammad Iqbal de son plein gré en janvier. L’homme, de vingt ans son aîné, était visé par une plainte pour « enlèvement» déposée par le père de la jeune femme, opposé à cette union. Qualifiant ce meurtre de « totalement inacceptable », le premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, a ordonné au ministre du Penjab de prendre des « mesures immédiates ». La Haute Représentante des droits de l’homme pour les Nations unies, Navi Pillay, « profondément choquée », avait appelé à une réaction forte du gouvernement. Trop tard « Nous sommes à la croisée des chemins. Nous devons décider si nous continuons sur la voie de la talibanisation ou sur celle de l’Etat de droit », a exhorté la militante pakistanaise des droits de la femme, Tahira Abdullah. La lapidation publique rappelle le châtiment imposé aux femmes adultères par les talibans. Seul le père de la victime a été interpellé sur les lieux du crime. De sa cellule, il n’a exprimé aucun regret et dit avoir tué sa fille pour préserver « l’honneur» de la famille. La police pakistanaise a annoncé, vendredi, avoir interpellé quatre autres suspects. Ces mesures surviennent trop tard aux yeux des militants des droits de l’homme, qui dénoncent l’impuissance de la police à protéger les victimes et l’impunité dont jouissent les auteurs de ces crimes. « La police régulière du tribunal était mystérieusement absente des lieux du crime, elle a été incapable de prendre des mesures préventives, de protéger [la victime] et ce, malgré les précédents dans les cas de meurtres pour déshonneur », a déclaré Mme Abdullah. Farzana et son mari étaient depuis plusieurs mois l’objet de menaces de la part de la famille de la jeune femme. L’époux de la défunte a appelé à ce que justice soit faite, fait rare dans de telles affaires. En vertu d’une disposition de jurisprudence islamique, les auteurs de «crimes d’honneur» peuvent éviter des poursuites en payant le « prix du sang ». En cas de plainte, ils sont souvent acquittés ou condamnés à des peines légères du fait d’enquêtes bâclées. La fermeté des autorités dans cette affaire sera sans doute insuffisante pour juguler un phénomène bien ancré dans la société pakistanaise, où les traditions tribales perdurent. La population a vécu ce crime avec apathie. Dans un ultime rebondissement, M. Iqbal a admis avoir luimême assassiné sa première épouse par « amour » pour Farzana. Poursuivi par son fils, il avait reçu son pardon en échange du versement du « prix du sang ». p Hélène Sallon 6 planète 0123 Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 Un téléphérique urbain géant pour changer la vie à La Paz La capitale administrative bolivienne se dote du transport par câble le plus long du monde D escimes aux neigeséternellespourdécor, la grandeville de La Paz qui s’étend en contrebas, le majestueux glacier del’Illimanientoile de fond… Difficile de ne pas s’extasier face au panoramaqui s’offredepuisle téléphérique qui unit depuis vendredi 30 mai la capitale administrative bolivienne à sa voisine El Alto. « C’est beau », sourit Natividad Ruiz, qui admire le paysage comme si elle le voyait pour la première fois. La commerçante aux joues rougies par le soleil et le froid, ravageurs dans cette région des Andes, a pourtant toujours vécu à El Alto, cette immense cité située à plus de 4 000 mètres d’altitude sur un grand plateau surplombant LaPaz. La capitale apparaît blottie au fond d’unecuvette,500 mètresplus bas. A La Paz, en bus, «le chauffeur s’arrête parfois parce qu’il n’y a pasassez de passagers: pasrentable d’aller jusqu’au terminus » Patricia Urquieta spécialiste des migrations urbaines en Bolivie Gastronomie G Gastr stronomie roonomie omie miee Public iccités PARIS 6 e YUGARAJ – Cuisine Indienne Fermé lundi Tél : 01.43.26.44.91 (1971-2014) 14, rue Dauphine (6e) Formule midi 17 € « La cuisine indienne, maltraitée à Paris, y possède néanmoins son icône à St-Germain-des-Près » Qualité-Prix : 15/20 - Cuisine : 15/20 Décor : 14/20 Philippe Couderc (Challenges 27/11/2013) Rens. Publicité “ GASTRONOMIE ” m 01.57.28.38.52 autres, plus longues (3,8 km et 3 km), sont attendues pour la fin août. Toutes doivent être en service avant le mois d’octobre et l’élection présidentielle, à laquelle se représentera pour la troisième fois l’actuel chef de l’Etat. « Au total, on aura un réseau câblé de plus de dix kilomètres qui comptera 443 cabines, 77 tours et 11 stations de téléphérique », énumèreJavier Telleria,qui précisefiè- BRÉSIL BOLIVIE La Paz El Alto Cochabamba Santa Cruz es s And e de llèr rdi Co no ipla Alt En moinsde dix minutes,la vendeuseauxjuponscolorés a parcouru les trois kilomètres qui séparent la station « 16-Juillet » d’El Alto de la station centrale, située dans le centre historique de La Paz. Un trajet qu’elle réalisait jusque-là enminibus entrente minutes,parfois une heure. Il est compliqué d’évaluer le temps passé dans les transports par les habitants de La Paz et d’El Alto tant il dépend du trafic, mais aussi des manifestations qui bloquent régulièrementla grand-route sinueuse, l’axe principal et presque unique joignant les deux villes, qui sont beaucoup plus que de simples voisines. «A l’origine,ElAltoétaitun quartier de La Paz, mais ses habitants ontobtenu leur autonomie en 1985, car ils estimaient que la mairie ne faisait rien pour eux », explique le géographe Sébastien Hardy, de l’Institutde recherchepourledéveloppement (IRD) français. Aujourd’hui, El Alto compte un million d’habitants, majoritairement d’anciens agriculteurs venus de province qui travaillent comme ouvriers. Sa population dépasse désormais celle de La Paz, qui concentre la bourgeoisie locale et le pouvoir administratif. Le téléphérique de La Paz, inauguré le 30 mai, relie El Alto. MARTIN ALIPAZ/MAX PPP PÉROU La Paz Envoyée spéciale Bien que l’histoire ait opposé les deux villes, des centaines de milliers de personnes voyagent chaque jour d’une cité à l’autre, à travers un système de transport chaotique. Longtemps envisagé, le projet de téléphérique urbain a pris forme voilà deux ans. Le président bolivien, Evo Morales, inquiet de la congestion du trafic et de la forte pollutionpesantsurLaPaz, commande alors plusieurs études. « Le téléphérique est apparu comme une alternative réalisable rapidement, nécessitant peu d’intervention urbaine et répondant aux problèmes du trafic que l’on voulait résoudre», raconte Cesar Dockweiler, le directeur exécutif de l’entreprise d’Etat de transport par câble Mi Teleferico. Le 16 juillet 2012, Evo Morales promulgue une loi déclarant le téléphérique d’intérêt national, avec un financement de 234 millions de dollars (172 millions d’euros). L’entreprise autrichienne Doppelmayrest chargée de l’ambitieux projet. « Construire un téléphérique en ville est toujours un défi car il faut l’implanter dans un endroit habité, ce qui interfère avec la population, les rues, le transport… des facteurs que l’on n’a pas à prendre en compte en montagne », explique le gérant principal de la filiale bolivienne de Doppelmayr, Javier Telleria, pour qui le plus difficile est cependant de respecter les délais imposés par le gouvernement. Considéré comme le plus long et le plus haut du monde, le téléphérique urbain La Paz-El Alto a été construit en un temps record. Alors que la première ligne a été inaugurée vendredi, les deux OCÉAN PACIFIQUE Reportage Sucre Tarija CHILI ARGENTINE PA R AGUAY 300 km rement: «Unetélécabinepasse toutes les douze secondes… comme dans les stations de ski. » Dix personnes peuvent monter par cabine, si bien que « chaque ligne peut transporter 3 000 personnes dans chaque sens, soit au total 18 000 personnes qui vont monter et descendre par heure », calcule le représentant de Doppelmayr. « L’objectif est de pouvoir prendre en charge 20 % de la demande, évaluée à 2 millions de voyages par jour sur La Paz et El Alto», indique Cesar Dockweiler. Bus, minibus et taxi collectifs constituaient jusque-là la base du transport en Bolivie. Un système informeltrès flexibleet sans aucun contrôle,auxmainsdepetitsentrepreneurs qui emploient des familles entières. «Parfois, le chauffeur de bus s’arrête en disant qu’il n’y a pas assez de passagers et donc que ce n’est pas rentabled’allerjusqu’auterminus», rapporte Patricia Urquieta, spécialiste des migrations urbaines en Bolivie.Lachercheusedel’universi- téSanAndressaluel’arrivéedutéléphérique mais aussi des bus municipaux, qui circulent dans La Paz depuis février. Deux systèmes publics qui cherchent à améliorer la qualité du transport offert à une population fatiguée de l’anarchie qu’elle affronte au quotidien. « Le téléphérique va désengorger l’accès à La Paz », espère Teofilo, un usager de 43 ans, en montrant les centaines de bus qui s’accumulent à La Ceja d’El Alto, une sorte de terminal informel qui grouilleaux heuresde pointe.Pêlemêle s’y croisent ceux qui descendent à La Paz pour effectuer des démarches administratives et ceuxquimontentà El Altopour faire leurs courses. Mais ce sont surtout les travailleursque vise le téléphérique. On estime à 500 000 le nombre d’habitants d’El Alto travaillant chaque jour à La Paz, notamment dans le sud riche de la ville, qui sera bientôt accessible en trente minutes en téléphérique, contre une heure et demie en bus. « Le but est de venir en aide aux Un transport sûr, silencieux, écologique Le transport par câble, téléphérique ou télécabine, est parmi les plus écologiques. Silencieux, peu énergivore, sûr, son principal impact est d’ordre visuel. Contrairement au métro ou au tramway, il permet de franchir sans ouvrages d’art coûteux les obstacles, fleuves et forts dénivelés. Enfin, son coût de construction est inférieur à celui du tramway. plus pauvres, car le transport public, ce sont les gens qui ont le moins d’argent qui l’utilisent », assure Cesar Dockweiler. Le prix du ticket de transport, objet de nombreuses rumeurs et enfin annoncé vendredi, a été fixé à 3 bolivianos (32 centimes d’euro), soit un peu plus cher que celui du bus, généralement de 2,4 bolivianos. Un tarif déjà jugé excessif par des députés de l’opposition. p Chrystelle Barbier «L’Amérique latine est un véritable laboratoire urbain» Entretien Lima Correspondance Docteur en urbanisme et en aménagement du territoire, Catherine Paquette est chercheuse à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Installée au Mexique, elle travaille sur les politiques urbaines et du logement en Amérique latine depuis 2001. En 2004, la ville de Medellin, en Colombie, construisait le Metrocable, le premier téléphérique urbain. Pourquoi cette expérience est-elle considérée comme un succès ? Il y a dix ans, Medellin était encore le symbole de ces villes qui cumulent les problèmes de narcotrafic, de violence et de pau- vreté. Aujourd’hui, la cité colombienne fait partie des modèles de ville à suivre pour sa politique d’intégration des quartiers marginaux. Or, justement, la clé de voûte de cette politique a été l’accessibilité grâce au téléphérique urbain. Le Metrocable a été construit pour désenclaver l’une des collines de la ville marquée par un habitat populaire, où les habitants rencontraient d’importantes difficultés pour accéder à la ville. La mise en place du téléphérique urbain leur a permis d’économiser deux heures de trajet et d’être connectés au réseau de métro. De plus, la réalisation du Metrocable a été accompagnée d’importantes actions d’amélioration des espaces publics, mais aussi de l’implantation d’équipements culturels pour la population. Cette forme d’action publique a été baptisée à Medellin l’« urbanisme social ». Elle est fondée sur la mise en place d’infrastructures qui désenclavent les quartiers marginaux et permettent à la population d’avoir accès aux ressources qu’offre la ville. La qualité de vie est largement améliorée et les résultats en matière de réduction de la délinquance sont très positifs. Depuis Medellin, le modèle du téléphérique urbain a été repris sur tout le continent. Comment expliquer cet engouement ? Depuis les années 2000, la mobilité est devenue la priorité des villes d’Amérique latine, et le Metrocable s’inscrit dans cette tendance. Le cas de Medellin a tellement bien fonctionné que le président Hugo Chavez a voulu en faire construire un à Caracas. Rio s’en est aussi doté. Un projet existe à Lima, deux vont être construits au Mexique et La Paz vient d’inaugurer le sien. Ce type d’expérience se diffuse très rapidement dans la région. Cela avait déjà été le cas avec les autobus de grande capacité qui circulent en site propre, comme le Transmilenio de Bogota. La région invente des solutions et les diffuse. L’Amérique latine est en ce sens un véritable laboratoire urbain. Les téléphériques urbains jouent-ils un rôle dans l’intégration des populations démunies ? Bien sûr. La mobilité et l’accessi- bilité aux ressources urbaines sont des éléments forts de la lutte contre la pauvreté. Pour que les gens soient moins pauvres, il faut les aider à se déplacer, car se déplacer, c’est pouvoir accéder au travail, mais aussi à toutes les ressources qu’apporte la ville en termes culturels et d’opportunités. Attention, il est toutefois important de faire un gros travail d’accompagnement autour du téléphérique et de réutiliser l’espace public dans les stations. A Medellin, ils ont installé des bibliothèques sur le trajet du Metrocable qui sont aujourd’hui de vrais centres culturels. C’est tout cela qui fait que ces téléphériques sont bien plus qu’une simple infrastructure de transport. p Propos recueillis par Ch. Ba. La dengue guette les supporteurs de football lors du Mondial au Brésil A défaut de trophée, les fous du ballon rond ramèneront-ils la dengue du Brésil? Quelque 600 000 touristes étrangers, dont une importante délégation de 17 000 Français, vont passer plusieurs semaines de Fortaleza à Porto Alegre, de Recife à Sao Paolo, pour assister à la Coupe du monde de football (12juin-13 juillet). Vont-ils être piqués par un moustique, l’Aedes albopictus ou l’Aedes aegypti, vecteurs de la dengue ? Peuvent-ils ramener le virus à leur retour en France ou dans les autres pays où ces moustiques sont présents ? Alors que 450091 cas de dengue, qui ont fait 106 morts, ont été relevés par les autorités sanitaires brésiliennes depuis le début de l’année, des chercheurs alertent sur le risque d’extension de l’épidémie au moment du Mondial. « Avec plus d’un million de spectateurs qui voyageront dans douze villes différentes du Brésil, le risque d’une épidémie de dengue est réel», écrivent-ils dans la revue médicale The Lancet du 17mai. Selon eux, le risque le plus important se concentre au nord du pays, à Fortaleza, Natal et Recife. Il est plus modéré à Rio de Janeiro, Belo Horizonte, Salvador et Manaus, et faible à Brasilia, Curitiba, Porto Alegre, Cuiaba et Sao Paolo. Propagation rapide Sur le site du ministère français des affaires étrangères, les supporteurs des Bleus peuvent lire que « le ministère fédéral de la santé du Brésil a fait état d’une importante recrudescence de la dengue au cours de l’année 2013». Mais le Guide du supporter édité pour l’occasion alerte plus sur les risques de vols ou d’agressions que sur les attaques des « mosquitos». « Nous sommes en fin de période d’activité du moustique au Brésil, où le risque est saisonnier, de décembre à mai », rassure le docteur Manuel Zurbaran, épidémiologiste à l’Institut de veille sanitaire (InVS). Pour autant, quand les aficionados reviendront en France ou dans les autres pays qualifiés pour le Mondial et colonisés par Aedes albopictus (Bosnie, Espagne, Grèce, Italie et Pays-Bas), il n’est pas impossible qu’ils rapportent la dengue. Nous serons alors en plein été, quand les moustiques redoublent d’activité, et la propagation du virus peut être rapide à partir d’un seul cas. « La probabilité d’importation n’est pas nulle, mais il n’y a pas lieu d’être trop inquiet, répond le docteur Anne Galley, directrice adjointe du département des alertes et des régions à l’InVS. Nous sommes plus attentifs actuellement à l’épidémie de chikungunya qui sévit à la Martinique et en Guadeloupe et vient de se déclarer en Guyane.» p Rémi Barroux france 0123 Dimanche 1er- Lundi 2 juin 2014 7 Cette jeunesse que le Front national n’effraie pas Ils habitent Auch ou Reims. S’ils ne votent pas tous Marine Le Pen, ils sont prêts à la laisser gagner Dans le Gers, les affiches de campagne s’abîment au bord de la N124. A Auch, Laura, 21 ans, n’a pas voté, mais se dit « bien contente » des résultats du parti lepéniste. ULRICH LEBEUF/MYOP POUR « LE MONDE » Auch (Gers), Reims (Marne) Envoyées spéciales S ur la carte de France, elles se situent aux extrémités d’une diagonale.Al’est,Reims, souspréfecture de la Marne, 180 000 habitants, ville réputée bourgeoise, administrée par un maire UMP, Arnaud Robinet. Au sud-ouest, Auch, préfecture du Gers, un bastion traditionnel de la gauche : en mars, ses 22 000 habitants y ont réélu dès le premier tourlemairesocialisteFranckMontaugé. Ni l’une ni l’autre, lors des élections européennes du 25 mai, n’a placé en tête le Front national, même s’il y a enregistré des scores élevés (23% à Reims, 17 % à Auch). En allant à la rencontre d’une poignée de jeunes de ces deux villes, nous avons pourtant pu y mesurer l’indifférence face au scrutin,le rejetdes politiques,l’imprégnation des discours par les thèses que défend Marine Le Pen. Et la tentation croissante de voter pour elle ou, à tout le moins, de la laisser s’imposer. A deux pas de la gare de Reims, le lycée public Franklin-Roosevelt est un mastodonte de brique rouge. Imposant par sa capacité – 2000 élèves – et son histoire. C’est là que fut signée la première partie de la capitulation de l’armée allemande, le 7 mai 1945. Adossés aux grilles qui surplombent les quais, Nicolas et Dylan, tous deux 19 ans et en terminale professionnelle « traitement de surfaces », n’ont pas voté aux européennes. Le pre- mier parce que « tous les candidats sont autant de menteurs », le second parce que « s’abstenir c’est une forme de rébellion », un « boycott » pour montrer qu’il n’a « plus confiance». Le FN en tête des élections européennes n’est pas une surprise, encore moins un choc. « C’est aux politiques d’être choqués, pas à nous », explique Dylan, qui avoue pencher vers les extrêmes, « à gauche ou à droite », selon les circonstances. Alors donner sa voix au Front national un jour, pourquoi pas ? « Ce parti a peut-être plus d’idées que les autres pour sortir la France de la merde.» La « merde », c’est la crise qui rend les fins de mois de plus en plus difficiles pour leurs parents, assistante maternelle et ouvrier pour ceux de Nicolas, aide-soignante et convoyeur de fonds du côté de Dylan. « On se soucie trop des pays qui n’ont rien à faire en Europe car ils ne partagent pas les mêmes valeurs, la même culture, la Roumanie, la Lettonie, tous les pays de l’Est, quoi.» A 20 ans, Joris, lui aussi élève à Roosevelt en « prépa maths », s’intéresse « un minimum» à la politique. Il est allé voter, ne dira pas pour qui – « plutôt à droite ou au centre ». Pas pour Mme Le Pen en tout cas, même s’il la juge « un peu plussoft»que son père. Surl’immigration,il n’est pas d’accord avec le FN.« Leproblème,ce n’est pas d’empêcher les étrangers de venir, mais plutôt de sanctionner ceux qui profitent du système, en leur enlevant leur naturalisation, par exemple.» En revanche, sur l’Europe, le Front national « n’a pas tort » à ses yeux: « Il faut réduire l’Europe aux pays qui [la] méritent vraiment.» Rue de Trianon, à la sortie de la mission locale pour l’emploi, le sujet électoral ne passionne pas N’Diaye,20 ans, qui vient de terminer un stage de cuisinier et espère en trouver un autre. « J’irai voter un jour », assure ce Français origi- «Hollande n’a pas la notion de la catastrophe qu’on vit» Jérémy, 22 ans bûcheron en recherche d’emploi naire de Côte d’Ivoire. Sophie, elle, est venue directement proposer ses services à la mission locale. Sans emploi depuis quatre mois, la jeune trentenaire se verrait bien travailler dans l’insertion. Plutôt « écolo », elle a donné sa voix dimanche au parti Nouvelle Donne, « le seul à proposer des choses concrètes ». Elle ne votera jamais FN, c’est évident, mais ne s’inquiète pas pour autant d’une Marine Le Pen présidente de la République. « De toute façon, si elle passait, pas plus que les autres elle ne pourrait faire ce qu’elle promet. » A l’autre bout de la France, Auch, et des jeunes qui n’ont plus ces hésitations. « Ah oui, ça, je suis bien contente! » D’une traite, com- meellediraitunsoulagement,Laura répond, à la sortie de l’agence Pôle emploi, dans un quartier excentré, entre stade et supermarché Aldi. Elle est au courant du résultatdu FN aux européennes.Et franchement s’en réjouit, quand bien même elle n’a pas voté. En legging et tongs de jour sans travail, elle déroule en quelques phrases son existence de jeune femme de 21 ans « un peu oubliée». Les week-ends à cuire des frites, dès 18 ans, histoire d’aider les parents qui ne s’en sortent pas. Un BTS de commerce. Mais pas mieux ensuite qu’un boulot d’hôtesse de caisse chez Lidl, où « les gens vous regardent comme une bonne à rien ». « Ça sert à rien de se trouer le cul à faire des études. Si t’es pas pistonnée, t’as rien. » Pas davantage que 100 heures de travail par mois, et un salaire de 1 000 euros qui s’envole en loyer, essence, crédit auto, « trucs Internet et courses ». « J’ai eu ma paie aujourd’hui. Mais sur mon compte, y a déjà plus que 400 euros. » Son compagnon a par bonheur décroché un CDI chez McDo, et donc,par malheur,faitsauterl’APL qui leur était versée pour le loyer. « On s’en sort pas. On en a marre que toutes les aides aillent aux gens qui ne sont pas forcément français. J’ai vu un reportage sur W9, ça m’a scandalisée de voir qu’on donnait de l’argent aux Roumains pour qu’ils rentrent chez eux ! On commenceà devenirracistes. »Aux prochainesprésidentielles,Lauravotera, et ce sera pour Marine Le Pen. Voter FN «comme au poker, pour voir» Cerisy-la-Forêt (Manche) Envoyée spéciale «Ça va peut-être faire bouger les choses…», lui a juste glissé un patient, dans une formule sibylline. Au cabinet, nul ne dit jamais pour qui il vote, pas plus les malades que le médecin. Des perches étaient parfois lancées, mais les résultats des européennes à Cerisyla-Forêt (937 habitants) étonnent quand même Thierry Lemoine: «27,91% pour le FN ! Et encore, c’est moins qu’à Couvains», lâche le généraliste. Là-bas, à 7 km, le parti de Marine Le Pen a fait près de 37% des voix, et dans bien des petites communes de la Manche, près de 50%. Dans ce département où il a obtenu 26,01 %, le FN avait recueilli 8 871voix en 2009. Cette fois, 41479. « Jusque-là, à Cerisy, c’était UMP en tête, puis les socialos et Chasse, pêche, nature et traditions», résume Thierry Lemoine. Ici pas d’immigration, moins de chômage qu’ailleurs, pas de délinquance. Mais le médecin a vu évoluer la vie de ses patients: « Je prends leur pouls dans tous les sens du terme », dit-il. Lui comme sa femme, généraliste elle aussi, ont l’impression d’être devenus « des éponges à misères». Autant de problèmes « de nature à influencer le vote ». On ne vient plus chez eux seulement pour son cholestérol. On vient parce que « ça va pas ». Le médecin offre du temps, signe un arrêt de travail quand la pression au boulot se fait trop forte – il préfère ça aux médicaments. Défile une patientèle de petits retraités de l’agriculture, qui vivotent avec 500 ou 600 euros par mois, alors que, de la taxe foncière à la taxe d’habitation, tout a augmenté. Des gens qui hésitent quand il faut des lunettes ou une prothèse dentaire, et qui ne veulent pas de médicaments non remboursés. Passent aussi des ouvriers, « pas riches, pas vraiment pauvres non plus», mais qui ont du mal. Parce que, dans le couple, l’un travaille à Saint-Lô (17 km), l’autre à Caen (47km), qu’il faut deux voitures et que le carburant coûte cher. Des familles qui décident, de moins en moins, d’avoir trois enfants. Autour d’un déjeuner vite fait dans la cuisine, le médecin et son épouse se souviennent que, quand ils se sont installés il y a vingt-trois ans dans leur cabinet et la belle demeure qui le jouxte, il n’était jamais question d’argent. Les gens avaient toujours «100 francs dans une boîte, pour le médecin». Il y a quelques années, certains ont commencé à demander que leur chèque soit encaissé le mois suivant. Puis, interdits bancaires, ils n’en ont plus eu du tout. Et même si la caisse primaire d’assurance-maladie a mis en place le tiers payant et que les patients n’ont plus qu’à payer le ticket modérateur – 6,90 euros –, c’est parfois trop. « On paye pour les autres » Alors, ça sort. Le ras-le-bol de la rigueur, des politiques, « de ces deux mondes dont l’un est coupé de la réalité». Il y a les petites phrases : « Les chômeurs ont tout, on n’a rien et on paye pour les autres», «Il n’y a que moi qui bosse»… «Ils ont du mal à accepter les avantages sociaux dont ils ne bénéficient pas», constate Thierry Lemoine. «On va à Pôle emploi pour rien», lui lâche-t-on, côté chômeurs. A lui seul, le couple de médecins suit 1 500 patients. Il y a bien quelques « bicots» qui s’échappent parfois de la bouche d’anciens combattants marqués par la guerre d’Algérie, ou des « c’est normal que la Sécu soit en faillite avec ce qu’on donne aux étrangers ». Mais « cela ne fait pas 30 % des votants », commente le médecin. Derrière le vote de dimanche, lui voit plutôt « des mécontents» qui, après avoir voté à gauche, à droite, et vu leur situation se dégrader, ont voté FN « comme au poker, pour voir ». « Les gens sont conservateurs ici, mais ils n’ont pas viré lepénistes, il y a surtout du désespoir, voire un rejet de l’Europe chez certains agriculteurs.» A Cerisy, près des plages du Débarquement, c’est un autre sujet qui, en ce lendemain d’élections, focalise l’attention: l’imminence des cérémonies du 70e anniversaire. «Ce vote, ça la fout un peu mal quand même pour le 6-Juin», glisse le patron du café. p Laetitia Clavreul Jérémy, 22 ans, a sauté le pas dès les élections européennes. Lui aussi arrive, démarche lasse, pochette plastifiée sous le bras, à Pôle emploi. « Des rigolos. En un an, j’ai dû avoir un rendez-vous. Ils ne se préoccupent pas de nous. Hollande, iln’a pasla notionde lacatastrophe qu’onvit.»« Marine», elle,sepréoccupe des jeunes en galère, croit-il. Un an qu’il tente de convertir son CAP de bûcheron en emploi susceptible de l’extirper de chez ses parents et d’un quotidien sans avenir. « Mais les patrons disent qu’ils sont trop taxés. En apprentissage, j’ai bien vu : ils prennent cinq Marocains, payés 900 euros. Ils en déclarent un, au cas où il y aurait un accident.» En2013, Jérémytrouvait encore des missions en intérim. Cette année, même plus. Ses 900 euros de chômage s’arrêtent dans deux mois. « Y a de quoi péter un plomb », avertit le jeune homme, fronçant ses sourcils piercés. Sortant d’un restaurant à kebabs du centre-ville, Mathieu et Julien, la vingtaine à peine entamée, espèrent que l’école de com- merce qu’ils s’apprêtent à intégrer, après leur BTS de commerce, leur permettra de trouver mieux qu’un emploi sous-payé au porte-à-porte. Ils ont voté, préférant Nicolas Dupont-Aignan ou l’UMP à Marine Le Pen. Ils ont « des valeurs», savent que « la France ne peut pas devenir un village gaulois ». Mais comprennent tout de même que certains amis de leur âge, « pas des fachos », aient été séduits par le FN. Trop d’assistés qui ne font rien de leurvie. Trop de récidivistesressortant du commissariat à peine arrêtés. Trop de magouilles dans tous les partis, même à l’UMP. De villages dont les supérettes ferment… Et ces trois jeunes, récemment poignardés au sortir d’une boîte de nuit ? « Quand il arrive des histoires, c’est un peu toujours les mêmes personnes… Alors le raccourci est vite fait. » Eux, pour l’instant, essaient de ne « pas tomber dedans». A les entendre peser chaque mot, on mesure leur lutte. p Pascale Krémer et Catherine Rollot pour qui, pour quoi, etes-vous prets a risquer ou a donner votre vie ? Venez en débattre au Théâtre du Rond Point le 2 juin 2014 de 12h à 20h Emissions en direct La grande table Là-bas si j’y suis Le téléphone sonne Parmi les invités Rony Brauman Hassen Chalgoumi Philippe Croizon Roger Cukierman Gal Vincent Desportes Anne Dufourmantelle Alain Finkielkraut Cynthia Fleury Daniel Keller Mrg Podvin Michel Serres Annette Wieviorka Renseignements et réservation sur http://espacepublic.radiofrance.fr 8 0123 france Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 Hollande repousse tout débat sur sa candidatureen 2017 L’impopularité record du chef de l’Etat fait grandir les doutes jusque dans son entourage F rançois Hollande peut-il encore espérer être le candidat du PS en 2017 ? L’interrogation, chez les socialistes, a beau fuser de toutes parts, le principal intéressé a pris le parti de soigneusement éluder. « Cela me laisse froidet presqueindifférent», a indiqué à ses proches le président, rétif à un débat qui prend pourtant un tour nettement plus vif. La question affleurait à mots couverts depuis la débâcle des municipales fin mars. Après le désastre des européennes, elle se trouve ouvertement posée. Mais M. Hollande n’est pas disposé à y répondre maintenant. « Je suis suffisamment sage et expérimenté en politique pour savoir que nous ne sommes qu’en 2014 et que la question de la présidentielle ne se pose pas aujourd’hui», explique le président au Monde. Tel n’est pas l’avis de nombre de ses camarades. « La candidature de François Hollande n’est pas automatique », confirme un très haut dirigeant de la majorité. Ce qui est inquiétant pour le président, c’est précisément que le sujet soit abordésans ambagessi tôtdansle quinquennat, six mois avant la mi-mandat. « Nous sommes en 2014 et nous parlons déjà du candidat de 2017, ce qui ne devrait normalement pas être le cas, regrette un vieux compagnon de route du chef de l’Etat. Sous Mitterrand, Chirac, Sarkozy, la question ne s’est pasposée, du moinsjamais à ce stade. » Un souffle de panique dans les rangs socialistes qu’un sondage Opinion Way pour Le Figaro Magazine est venu étayer vendredi 30 mai. Selon cette étude, le candidat préféré des sympathisants PS pour 2017 serait Manuel Valls (40 %), loin devant Martine Aubry (16 %) et François Hollande (15 %). Pire : pour l’ensemble des Français, le président, avec un cruel 3 %, se situe en queue de peloton socialiste, derrière ManuelValls (26 %), Ségolène Royal (11 %), Martine Aubry (10 %) et Arnaud Montebourg (4%). Le doute, qui s’insinue jusque dans son gouvernement et son proche entourage politique, tend à se muer en certitude. « J’ai l’impression qu’au bout de deux ans, il est déjà lessivé », juge un poids lourd du gouvernement. « C’est terminé, tranche un autre de ses vieux amis. Il y a désormais un problème Hollande.» Force est de le constater : le président, contrairement à l’usage, ne jouitplus dumonopolede la candidaturelégitime. En mars, les municipales ont touché au cœur l’appareil socialiste piloté, onze ans durant, par M. Hollande. « Il a détruit sa propre base, l’armature hollandaiseduparti,juge un ministre. C’est le plus grand plan social de l’histoire du PS, avec des milliers d’élus et de collaborateurs d 'élus au chômage.» Huit semaines plus tard, les européennes ont parachevé le traumatisme. « Les résultats du dimanche 25 mai ont eu un effet sidérant», confirme une ministre. FrançoisHollande, faibleauseind’une gauchefaible,n’aplus, àtroisansdela présidentielle,d’autre ressourcequeletemps Le « problème Hollande » se révèle autant arithmétique que psychologiquepourunPS nonseulement au plus bas de son histoire électorale (13,98 %), mais relégué à près de onze points derrière le FN. « Les européennes ont radicalisé le phénomène, estime un conseiller ministériel. Le sujet n’est plus : est ce que Hollande peut gagner ? C’est : peut-on être au deuxième tour et qui peut battre Marine Le Pen ? Il y a une dimension de survie.» L’entourage du président, sur ce point, plaide non coupable. « Il ne faut pas personnaliser. Un autre président de gauche au pouvoir aurait-il obtenu un résultat différent ? Le mal est plus profond », juge une ministre. « Cela dépasse lapersonne duprésidentdela République », assure le secrétaire général de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet. M.Hollande l’a confié à ses proches: lui qui a vécu le 21 avril 2002 comme premier secrétaire du PS ne se sent nulle responsabilitéparticulière dans le score du FN, qui ne modifie en rien la question de la candidature. Pour le président, qui entend se déterminer fin 2016, pas question donc de s’engager François Hollande lors d’une rencontre avec ses homologues européens, à Bruxelles, le 27 mai. GEORGES GOBET/AFP plus avant dans le débat sur les primaires, qui incidemment gagne ses camarades. « C’est au PS que la question est posée. C’est au parti de définir ses procédures », évacue-t-on à l’Elysée, où l’on reste sur la position qu’avait adoptée François Hollande, le 18 avril à Clermont-Ferrand, après les municipales. Celui-ci avait alors indiqué qu’il n’aurait « aucune raison d’être candidat» si lechômagenebaissait pas.«La seule question, compte tenu de ce qui s’est produit lors des élections municipales et européennes et de l’état du pays, c’est la réussite de l’équipe gouvernementale, explique l’Elysée. Tout doit être fait pour mettre la France dans la meilleure des situations en 2017 et pour faire en sorte que les Français vivent mieux qu’en 2012. » Mercredi, en conseil des ministres, François Hollande a donc, une fois encore, demandé aux membres de son gouvernement des « résultats ». Obtenir des « résultats », « rassembler la gauche » et « préserver l’unité de la majorité» : voilà les objectifs présidentiels. Mais les résultats demeurent une promesse non tenue, comme l’illustrent les chiffres du chômage, avec un nouveau record atteint en avril. La gauche vient de totaliser un famélique 32 % des voix aux européennes et l’unité de la majorité s’apprête à se lézarder encore un peu plus avec l’examen du projet de loi de finances rectificative. Cette épreuve parlementaire sera décisive car elle fixera le rapportde forceavec la majorité.L’Elysée s’y prépare de pied ferme. « On ne peut imaginer que les grands textes budgétaires et d’orientation économique ne soient pas votés. Tout le monde doit être responsable », prévient un conseiller qui envisage toutes les hypothèses, y compris un recours à l’article 49.3. François Hollande peut encore au moins compter sur le régime présidentiel. « Ce n’est pas d’aujourd’hui que les institutions de la Ve sauvent les socialistes au pouvoir, rappelle ainsi le politologue Gérard Grunberg. Le président peut rester enfermé à l’Elysée, il ne lui arrivera rien. » Pourle reste, hormislaConstitution, François Hollande, faible au sein d’une gauche faible, faible face à sa majorité et à un premier ministre donné trop tôt comme une alternative crédible, et faible dans l’opinion, n’a plus, à trois ans de la présidentielle, d’autre res- sourceque le temps.« La reconquête sera longue et difficile. Mitterrand, après les manifestations pour l’école libre de 1984, avait mis un an et demi avant de redécoller », rappelle un proche. Mais beaucoup n’y croient plus. « Il ne remontera pas. S’il remonte, ce sera très tard et trop peu », tranche un conseiller ministériel. Ce que confirment les statistiques, rappelle Brice Teinturier, directeur général d’Ipsos : « Jusqu’à présent,quandun présidentest descendu dans les basses eaux, il n’a jamais bénéficié de remontée spectaculaire. » Telle est l’impossible équation de M. Hollande qui, quoique condamné à demeurer un président impopulaire, doit désormais rester aussi un candidat légitime à sa propre succession. p David Revault d’Allonnes Le chef de l’Etat en visite au Musée Pierre-Soulages: « Du noir surgit la lumière» IL EST DES PROMESSES plus faciles à tenir que d’autres. Celle faite il y a un an au peintre Pierre Soulages de venir à l’inauguration de son musée à Rodez, a été tenue par François Hollande, vendredi 30mai. De la cité d’Aveyron, le chef de l’Etat n’aura vu que cet édifice tout de rouille et de noir. Le public, relégué à plusieurs dizaines de mètres, n’aura aperçu, lui, que la voiture présidentielle : à l’arrivée comme au départ, M. Hollande s’est ainsi abstenu durant cette visite de toute rencontre avec la foule. Tout occupé à déambuler en compagnie du peintre dans le musée, le président n’a donc pas entendu les revendications du comité d’accueil de quelque 200 manifestants, qui a tenté de pénétrer dans les locaux, avant d’être refoulé par les CRS à coups de gaz lacrymogènes. Au même moment, son conseiller à l’agriculture, Philippe Vinçon, qui devait rencontrer des syndicalistes, était retenu pendant quelques heures par des membres de la Confédération paysanne. Ces derniers menaient une opération de communication visant à réclamer la libération sans condition (qui devait intervenir de toute façon dans la journée) de cinq des leurs, interpellés mercredi dans la Somme pour des dégradations sur le chantier d’une ferme géante dite des « Mille vaches ». Malgré ces protestations, François Hollande, accompagné de la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, n’avait manifestement pas l’intention de laisser gâcher sa visite. A peine a-t-il fait allusion au désamour dont il est l’objet. Superlatifs S’adressant au peintre, qu’il a fallu convaincre d’accepter la construction d’un musée en son honneur, il s’est lancé dans l’un de ces sous-entendus qu’il apprécie tant : « Convaincre, ce n’est jamais facile. Mais convaincre Pierre Soulages… une fois qu’on a emporté l’adhésion de Pierre Soulages, le plus dur est fait, je parle pour tous les Français. Alors, on va commencer par vous… » Le président s’y est donc employé, ne lésinant pas sur les superlatifs. « Nous avons en France le plus grand artiste vivant dans le monde », n’a-t-il eu de cesse de rappeler, voyant dans la grande silhouette de l’artiste se tenant à ses côtés – tout de noir vêtu évidemment – la preuve que « l’excellence à la Française, ça existe ». Et le chef de l’Etat de se lancer dans une analogie avec la philosophie de l’artiste : « Du noir surgit la lumière. Nous créons chacun à sa façon. L’artiste, l’entrepreneur, l’ouvrier, l’acteur politique… Chacun crée. Et de ce noir-là se dégage une lumière, celle de l’espérance, que nous devons porter les uns et les autres, pour la France.» Une manière de voir, dans « l’outrenoir » si particulier de Pierre Soulages, son propre reflet. p Nicolas Chapuis (Rodez, envoyé spécial) 0123 9 france Dimanche 1er- Lundi 2 juin 2014 La majorité s’inquiète d’un «problème Hollande» Le chef de l’Etat n’apparaît déjà plus, aux yeux de certains députés socialistes, comme le candidat naturel à sa succession C ’est une petite musique que jouent depuis déjà longtemps les socialistes, mais dont la double défaite historique des municipales et des européennes a augmenté le volume. Inaudible jusqu’à lors, cette mélodie, qui pourrait s’intituler « le problème Hollande», sefait désormaisclairement entendre. Au détour d’une phrase d’un ministre qui, évoquant la candidature de François Hollandeen2017, ajoutespontanément : « S’il est candidat.» Dans la confidence d’un autre, qui s’inquiète de l’impopularité du chef de l'Etat et estime que « le risque, c’est qu’il devienne inexistant ». Et même à Matignon, où l’on fait pourtant tout pour ne pas entretenir l’idée d’une concurrence avec l’Elysée, on concède qu’il y a bien une « ambiance»… Des partenaires plutôt loyaux actent désormais implicitement que le candidat victorieux de 2012 n’est pas le candidat naturel de 2017. C’est le cas du président des radicaux de gauche, Jean-Michel Baylet, qui affirme, sans penser à mal, qu’il s’engagera « derrière le candidat socialiste ou radical, quel qu’il soit ». Comme la plupart des socialistes,il n’a pas eu besoind’attendre le sondage publié par Le Figaro jeudi 29 mai – d’après lequel les Français ne sont que 3 % à le préférer comme candidat du PS en 2017 – pour savoir que la présidence Hollande plonge le pays dans la perplexité. Le tabou est levé, la question est désormais posée. « Franchement, tu te vois repartir avec François pour 2017 ? », demande ainsi régulièrement Pascal Cherki, député de Paris, à ses collègues du PalaisBourbon, qui répondent d’autant plus facilement que son collègue Guy Delcourt les a décomplexés, mardi27 mai. En pleine réuniondu groupesocialiste,ce députéduPasde-Calais, ancien maire de Lens et, surtout, réputé on ne peut plus loyal envers le chef de l’Etat, s’est levé pour lâcher que « la relation de François Hollande avec les Français pose un vrai problème ». De rares applaudissements ont fusé, mais un silence glacial a vite saisi la salle. « Il a mis le doigt sur le problème Hollande », reconnaît Olivier Faure, qui passe pourtant lui aussi pour un fidèle du président. « Il n’imprime plus, le divorce est consommé avec les députés », reprend Pascal Cherki. « Les soldats aiment leur général quand celui-ci leur offre des victoires », explique son collègue Mathieu Hanotin quand le porte-parole du groupe, «Autiste», «sourd», «obtus»… Les qualificatifs ne manquent plus à gauche pour qualifier le président Thierry Mandon regrette, lui, que « Hollande ne veu[ille] toujours pas [les] voir, sauf ses quatre ou cinq gars qui ne lui disent plus rien ». « Autiste », « sourd », « obtus »… Les adjectifs ne manquent plus à gauche pour qualifier le chef de l’Etat. Après la claque électorale aux européennes du 25mai, il s’est lui-mêmeporté le coup de grâce en s’exprimant dès le lendemain à la télévision. Des ténors socialistes, dont certains étaient déjà contre le principe d’une prise de parole, en sont restés pantois : « Mais pourquoi parler pour ne rien dire ? » Nommé à Matignon après les municipales, Manuel Valls devait être la bouée de sauvetage d’un président à la dérive dans l’opinion. C’esttout l’inversequi se produit : le nouveau premier ministre poursuit sa course en tête des sondages, loin devant le chef de l’Etat, qui n’en tire pour l’instant aucun bénéfice. « Si ça continue comme ça avec Valls, Hollande va devenir le président Coty ou la reine d’Angleterre », ironise un ex-ministre du gouvernement Ayrault. Les socialistes ayant horreur du vide, l’hypothèse d’un plan B se dessine donc peu à peu. A en croire certains, « l’idée commence à s’incruster à la base du parti, dans les fédérations et chez les cadres locaux, que serait peut-être venu le temps de Valls ». Pour le moment, Matignon en sourit encore et n’y voit qu’un « fantasme de journalistes » qui ne date pas d’hier. « Le président est le seul à avoir un bail de cinq ans quoi qu’il arrive. François Hollande a encore trois ans pour retravailler ce lien direct avec les Français », soutient ainsi un proche du premier ministre. Pourtant,la presse n’est passeule à échafauder des scénarios : les élus multiplient les pronostics. Quand M. Valls rompra-t-il avec le président, pour ne pas finir aussi affaibli que Jean-Marc Ayrault ? Démissionnera-t-il avec fracas, comme Jacques Chirac en 1976, après deux ans à Matignon ? Ou bien préférera-t-il le « coup d’Etat institutionnel », en reléguant le président aux affaires internationales pour assouplir la politique gouvernementale et passer des compromis avec sa majorité ? Ce goûtpour la politique-fiction amuse les vieux briscards. « Faire des pronostics à trois ans est ridicule, ça ne veut rien dire en politique, je suis bien placé pour le savoir », ironise Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS. S’il reconnaît à demi-mot le « problème » Hollande, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, veut croire lui aussi que la pente peut être encore remontée. Et pense, comme l’intéressé luimême,que«si Hollandenese représente pas en 2017 et qu’un autre socialiste y va, c’est perdu». Il y a plusieurs mois, un élu prédisait : « Hollande finira seul au milieu des ruines de sa politique. Il sera le bienheureux de la désolation.» Pour beaucoup, la prophétie estdéjà en train de prendrecorps. p Hélène Bekmezian et Bastien Bonnefous Le projet de loi sur la réforme pénale défendu par la garde des sceaux est examiné à partir du 3juin à l’Assemblée nationale Analyse C hristiane Taubira a tenté un exercice difficile : passer entre l’arbre et l’écorce sans que cela se voie. La garde des sceaux a laissé passer sans broncher, mardi 27 mai en commission des lois de l’Assemblée nationale, un amendement socialiste qui étend la contrainte pénale – la peine de probation – à tous les délits, et non plus aux peines jusqu’à cinq ans, comme l’avait arbitré le gouvernement. Sur le fond, l’amendement au projetdeloi est parfaitementcohérent : les aménagements de peine sont déjà autorisés pour tous les délits, en particulier le sursis mise à l’épreuve, qui remonte à 1958 et est prononcé 160 000 fois chaque année. En passe d’être examiné à l’Assemblée nationale, le projet de loi sur la réforme pénale, une mouture déjà très en deçà de la conférence de consensus sur la récidive de février2013, s’était heurté à la très viveoppositionduministrede l’intérieur de l’époque, Manuel Valls. Celui-ci avait jugé « fragile » la légitimité du texte et fait part au chef de l’Etat de son opposition à « la quasi-totalité des dispositions» du projet. François Hollande lui avait donné raison, et le texte fut vidé d’une grande partie de son contenu. Christiane Taubira avait dû mettreson mouchoir surcette première humiliation. Adoptée en conseil des ministres le 9 octobre 2013, la contrainte pénale attendait depuis sur le bureau de l’Assemblée, dans un silence pesant. L’état de grâce de Mme Taubiraauprès dumondejudiciaire s’est peu à peu effrité, faute d’avoir pu faire passer la moindre réformestructurelle.Elle était soutenue par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, mais qui avait mille autres chats à fouetter, et du bout des lèvres par François Hollande, qui n’a jamais été intéressé par la justice. Aussi, lorsque M. Valls a été nommé à Matignon le 31 mars, la garde des sceaux a commencé à faire ses bagages. Un certain désordre A la surprise générale, et à la sienne en particulier, Mme Taubira a été maintenue place Vendôme. Un choix de la dernière minute qui s’explique politiquement assez bien: Manuel Valls est classé à la droite du PS, les écologistesont quittélegouvernementet Christiane Taubira, auréolée par la rude bataille sur le mariage pour tous, est devenue une icône à gauche et un objet de détestation pour la droite. Les attaques racistes qu’elle a dû essuyer ont incontestablementpesé sur son maintien: sacrifier une femme noire comparée à une guenon aurait été un message douteux envoyé à la gauche. En échange, Mme Taubira a dû se résigner en avril à repousser la réforme pénale « de quelques semaines » : elle sera finalement examinée à l’Assemblée nationale le 3 juin. Si l’on ajoute un certain désordre à son cabinet – elle a déjà épuisé deux directeurs, a eu du mal à en trouver un troisième, plus encore à désigner un directeur adjoint et n’a toujours pas de chef de cabinet, deux mois plus tard – la position de la garde des sceaux est fragile. Mercredi 28 mai, François Hollande a forcé sa ministre à déposer un amendement pour revenir au texte initial. Avec le risque que la majorité socialiste passe outre, et queChristianeTaubira mangeune nouvelle fois son chapeau : la responsable du groupe PS à la commission,Colette Capdevielle(Pyrénées-Atlantiques) et le rapporteur du projet, Dominique Raimbourg (PS,Loire-Atlantique)n’ontabsolumentpasl’intentiondecéder. D’intenses pressions ont lieu ces joursci pour faire fléchir les députés, dont on pourra mesurer le courage mardi 3 juin. p Franck Johannès RCS Nanterre B 337080055 - Cardhu, les emblèmes et logos associés sont des marques déposées. © Diageo 2014 ChristianeTaubira,uneministre deplus en plusfragilisée La Pépite du Speyside D ’ u n e “p i e r r e n o i r e ” on extrait de l’or. Ca rdhu, “pierre noire” en gaélique, re cèle dans son élégante carafe aux reflets d’or, de riches arômes de fruits mûrs, de vanille et d’épices douces. Cette personnalité unique fait de lui le joyau du Speyside, berceau des plus grands whiskies écossais. 10 0123 france Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 Lors de son congrès, la CFDT va afficher ses distances avec le gouvernement La centrale réformiste, qui réunit ses syndicats à Marseille lundi, célébrera ses 50 ans L aurent Berger se serait bien dispensé d’un tel lever de rideau – la victoire du FN aux élections européennes – pour son premier congrès en tant que secrétaire général de la CFDT, du 2 au 6 juin à Marseille. Encore sous le choc, 1 800 délégués, dont 250 jeunes de moins de 35 ans, vont débattre pendant cinq jours. Alatête d’une centraleréformiste d’autant plus homogène politiquement que les opposants les plus à gauche sont partis, M. Berger sera réélu sans difficulté. Mais le congrès ne sera pas un long fleuve tranquille. Il devra dissiper l’imaged’unetropgrandeproximité avec un pouvoir de plus en plus impopulaire. A la présidentielle de 2012, 56 % des sympathisants de la CFDT avaient voté pour François Hollande au premier tour. Le 25 mai, le vote PS est tombé à 29 %. Le congrès de Marseille sera d’abordcelui des 50 ans de la CFDT. M. Berger, 45 ans, né quatre ans après la déconfessionnalisation de 1964, a osé le toilettage des textes sacrés. Ancien secrétaire général de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), comme le fut Eugène Descamps – l’artisan de la transformation de la CFTC en CFDT –, il va remanier le préambule et l’article premier des statuts, inchangés Delaprésidentielle auxeuropéennes, letauxde sympathisants delaCFDTvotantPS estpasséde56%à29% depuis1964,en supprimantla référence à « l’humanisme chrétien». Par rapport à sa première version (Le Monde daté 9-10 février), le texte, qui ne pourra plus être amendé, a été musclé à la demande de syndicats et d’anciens dirigeants.Lecédétismen’estplusdéfini seulement comme « un contrepouvoir essentiel », mais comme «une force de proposition, d’action et de transformation ». L’accent a été mis sur les « valeurs humanistes, démocratiques et laïques », et le « recours à la grève » a été ajouté dans les formes d’action. Partenaireprivilégié du gouvernement socialiste, la CFDT durcit le ton comme pour se dégager de son emprise. Cela se traduit dans le rapport d’activité qui fait le bilan de son action, « dans un contexte particulièrement complexe », depuis le précédent congrès de Tours, en juin 2010. M. Berger, auxmanettes de la centrale depuis le 28 novembre 2012, après avoir été le numéro deux de François L’emploides femmes reculefortementdans leszonesurbainessensibles Une femme sur deux en âge de travailler est inactive dans les quartiers D Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, à Lorient, en novembre 2013. FRANÇOIS DESTOC/MAXPPP Chérèque, demandera – et obtiendra – le quitus. «Dans ce contexte national difficile, où les inégalités s’accroissent et les craintes sociales s’enracinent, la nouvelle majorité politique n’a pas répondu aux attentes qu’elle avait suscitées»,peut-onlire.«L’accumulation de mesures fiscales sans cadre global, sans cohérence d’ensemble et les atermoiements qui ont présidé aux arbitrages des lois de finance,ont accru la confusionet le sentiment d’une fiscalité instable, punitive et inefficace, terreau des dérives populistes.» La CFDT assure qu’ellea «mis en gardele gouvernementausujetd’unepolitiqued’austérité brutale et contre-productive» et«plaidépouruncalendrierassoupli de réduction des déficits publics qui préserve les initiatives de relance économique». LaCFDT,quia cautionnélaréforme des retraites et signé quatre accords, dont celui, controversé, sur la sécurisation de l’emploi en 2013, avertit que « l’objectif de stabilitémonétairene doit pas conduire à l’asphyxie de l’économie ». Le rapport s’accorde un satisfecit sur son « syndicalisme d’engagement », légitimé par ses succès dans le dialogue social, seul bon point accordé à François Hollande, jamais cité. La CFDT « a tenu son cap et affirmé son autonomie d’analyse,de propositionet d’engagement». La CGT fait l’objet d’un simple avertissement, le rapport notant quelaCFDT«nefait pasde sesdivergences assumées» un « élément de rupture » mais qu’elle « n’entend pas se laisser dicter son action par les mots d’ordre ou appels à des manifestations décidées par d’autres ». Signataire du pacte de responsabilité, dont elle attend avec une impatience croissante la mise enœuvre,la CFDTdénoncela «posture belliqueuse » du Medef, jugeant que le patronat « est en proie à la montée du poujadisme » et « tend à s’exonérer de son rôle et desaresponsabilitéd’acteurdudialoguesocial,pourtantgaged’efficacité économique et sociale». Seul bémol, le rapport note que la « dynamique collective de développement s’est essoufflée ». Il y aurait eu un tassement des effectifs en 2013. M. Berger, qui a rendu 102 visites aux militants depuis son élection, soucieux de prouver l’efficacité du syndicalisme réfor- La centrale assure avoir «mis en garde le gouvernement au sujet d’une politique d’austérité brutale et contre-productive» miste, a réussi à préserver la cohésion.Malgréquelquesdépartslimités – à La Redoute,dans le commerce ou chez le transporteur Mory Ducros –, les dissensions ont été marginales.La CFDT se fixe l’objectif d’une hausse des adhérents de 5 % en 2015. Le projet de résolution, qui donnera lieu à 18 amendements, affirme haut et fort que « le syndicalisme de la CFDT prônela transformation de la société pour plus de soli- darité,de justice socialeet de démocratie. La CFDT entend intervenir sur la vie quotidienne des femmes et des hommes en situation de travail et hors travail ». Mettant l’accent sur la lutte contre les inégalités, la « mise à plat » de la fiscalité, la démocratie sociale, la proximité avec les adhérents (en développant des services individuels), le projet européen, la résolution reprend les revendications de la CFDT. Elle prône « un nouveau modèle de développementqui concilie performanceéconomique, justice sociale et préservation de l’environnement » et un « nouveau pacte social ». Plusnouveau,elle veut réinventer le rôle de l’Etat qui doit être « visionnaire et anticipateur », « investisseur», « partenaireet facilitateur», « régulateur et arbitre », « garant de la cohésion sociale et de l’équité entre les territoires» et évaluer les actions publiques. Pourmettreen œuvreces orientations,M. Berger a recomposéson « gouvernement » – la commission exécutive (CE) – porté à dix membres, avec le départ de deux poids lourds – Marcel Grignard et Patrick Pierron – et l’entrée de quatre nouveaux. Deux ont moins de 50 ans : Jocelyne Cabanal (Bretagne) et Yvan Ricordeau (Pays de la Loire, comme M. Berger) ; deux ont moins de 40 ans : Marylise Léon (chimie-énergie) et Inès Minin (permanente confédérale). Pour la premièrefoismixte,la CE estrajeunie, comme pour conjurer le vieillissement des cadres qui guette tous les syndicats. p Michel Noblecourt 36 % des adhérents ont plus de 50 ans www.monde-diplomatique.fr DOSSIER SPÉCIAL GMT - JUIN 2014 GRAND MARCHÉ TRANSATLANTIQUE Dix menaces pour les peuples (Etats-Unis, Europe...) Chaque mois, avec Le Monde diplomatique, on s’arrête, on réf léchit. Chez votre marchand de journaux, 28 pages. 5,40 € 860 000 cédétistes Selon ses derniers chiffres officiels, la CFDT comptait en 2011, sur la base de huit timbres par an, 863 674 membres contre 851 601 en 2010 et 833 108 en 2009. Pour 2013, une estimation fait état de 865 000 adhérents, mais elle n’est pas jugée totalement fiable, un changement du logiciel de gestion des adhérents n’ayant pas pris en compte tous les prélèvements de cotisations. Avec ces chiffres, la CFDT revendique la première place sur l’échiquier syndical, devant la CGT, qui annonce 694 000 adhérents, mais sur la base de 10 timbres par an. Le record avait été établi en 1977, avec 903 076 membres, et le plus bas niveau, après une opération « transparence » des chiffres, en 1988, avec 535 519. 47,6 % de femmes La moyenne d’âge des adhérents se situe entre 46 et 47 ans. 36 % ont plus de 50 ans (6,3 % sont retraités), et 11 % moins de 35 ans. Il y a 52,4 % d’hommes et 47,6 % de femmes. 65 % des adhérents appartiennent au secteur privé et 35 % au secteur public et à la fonction publique. La centrale a une meilleure implantation que la CGT, en nombre de sections syndicales, dans les entreprises privées. 14,2 % des adhérents sont dans le secteur santé-sociaux, 12,44 % dans les services, 9,9 % dans les collectivités locales, 9,85 % dans la métallurgie et 7,2 % dans les transports et l’environnement. Deuxième en représentativité A partir des élections professionnelles entre 2009 et 2013, le ministère du travail a publié, le 30 mai 2013, un arrêté sur les syndicats reconnus représentatifs. Avec 29,71 %, la CFDT arrive en deuxième position, au coude-à-coude avec la CGT (30,63 %) et devant FO (18,28 %), la CFE-CGC (10,76 %) et la CFTC (10,62 %). iana a le regard qui devient flou quand elle évoque son parcours. Voilà plus de six ans que cette grande et belle Bulgare ne trouve pas de travail. Des petits boulots, des contrats aidés dans des associations, des vacations de cantine mais pas de véritable embauche. Cette mère de familleapourtantunCVexceptionneldanslacitédelaThibaudeàVaulx-en-Velin (Rhône) : ancienne directricede scènede l’Opéranational de Sofia, arrivée en France pour suivre un master professionnel, elle avait décroché un CDI à Tourcoing (Nord) comme régisseuse générale d’un théâtre. La préfecture a fait opposition à son embauche. Depuis, Diana galère. Mariem, 37 ans, est dans la même situation. Titulaire d’un diplôme d’éducatrice, voilà dix ans qu’elle enchaîne des contrats précairesetprendtoutcequ’onluipropose: comptable, livreuse, auxiliaire de petite enfance… Elle est « au boutdurouleau».Car,pourcesfemmesvivantdanslesquartierspopulaires, la crise frappe plus dur encore que pour les hommes. Deux études viennent de tirer le signal d’alarme sur la situation de l’emploi des femmes dans les quartiers. L’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) a publié pour la première fois une note spécifique qui montre que près d’une femme sur deux en âge de travailler (âgée de 15 à 64 ans) y est inactive. Ce taux d’inactivité est en hausse de 5 points depuis 2008. Dans le même temps, l’activité desfemmeshabitantdanslesagglomérations environnantes s’est maintenue, comme celle des hommes vivant en ZUS (zone urbaine sensible).«Uneproportioncroissante de femmes ne se déclare ni en emploi ni en recherche d’emploi », écrivent ainsi les auteurs de l’étude, estimant « préoccupante» cette évolution qui dénote un véritable découragement. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes fait le même constat, en observant que l’écart entre les femmes et les hommes dans l’accès à l’emploi est de 16points en ZUS, contre 8 points en moyennehexagonale.Le niveaude diplôme joue à plein. Les femmes peu diplômées peinent plus que leurshomologuesmasculinsàtrouver un emploi. Et quand elles en trouvent un, c’est majoritairement dans les services. Or, depuis 2008, ce sont les emplois faiblementqualifiés qui ont le plus reculé. A Vaulx-en-Velin, dans le «top 3 des métiers féminins», comme l’appelle Laurent Visocchi, directeurde l’antenne Pôle emploi, on trouve agent de propreté, aide maternelle et aide à domicile. Des emplois peu qualifiés, mal payés, qui ont reculé massivement. Quant aux plus diplômées, même jeunes, leur situation, moins dramatique, s’aggrave aussi : elles se retrouvent plussouvent dans des contratsprécaires, à temps partiel ou le dimanche– cederniertauxaaugmentéde 4 points en quatre ans. Chômage ou retrait du marché du travail? Les deux phénomènes s’imbriquent, et les femmes passent d’une situation à l’autre, car il ne semble plus y avoir de postes pour elles. Cette chute inquiétante est trop récente pour avoir fait l’objet de recherches dans les différents quartiers prioritaires. Mais le constat semble général dans les antennes de Pôle emploi, les missions locales, les associations. A Grigny, bassin d’emploi plus industriel et donc plus masculin, le nombre de femmes inscrites à Pôle emploi est supérieur à celui des hommes et croît depuis trois ans. «Mais nous n’avons pas de dispositif particulier de suivi car ce serait compliquéde faire de la discrimination dans un sens, alors, on se débrouille», note Franck Locher, de la mission locale. «De plus en plus, elles ne s’inscrivent même plus au chômage » Naziha Chalabi médiatrice à Vaulx-en-Velin « Ces femmes n’arrivent plus à trouver quoi que ce soit, et elles se découragent. De plus en plus, elles ne s’inscrivent même plus au chômage », insiste Naziha Chalabi, médiatrice du réseau Femmes de l’espace, un projet interassociatif de Vaulx-en-Velin. Au manque de diplôme s’ajoutent des obstacles spécifiques: le « manque de mobilité» – elles sont 47% à détenir le permis de conduire à Vaulx, contre 71 % des hommes – et de véhicule, et la responsabilitéd’enfants.«Plus le nombre d’enfants augmente, plus l’activité diminue pour les femmes», souligne l’Onzus. Les observations du terrain sont plus nuancées. « Cela contraint les femmes à avoir un emploi dans le secteur où elles habitent, et pourtant, on sent une détermination à chercherplusfortequedanslapopulation masculine », remarque AnnieLopez,responsabledel’agence Pôle emploi du 14e arrondissement de Marseille. En ZUS, une jeune femme de 18 à 25 ans sur cinq est mère de famille. « On voit de plus en plus de jeunes femmes qui lâchent tout après le diplôme et se marient ou font un enfant. Devant le chômage qui les attend, c’est leur porte de sortie », lâche Radostina Siorat, animatrice socioculturelle à Vaulx-en-Velin. Le constat est prudemment partagé par plusieurs observateurs. Certaines missions locales ou antennes de Pôle emploi commencent à proposer des modes de garde temporaires pour la recherche d’emploi, mais elles sont encore rares. p Sylvia Zappi Droite Le rapprochement avec le centre serait « une profonde erreur », pour Laurent Wauquiez Laurent Wauquiez, député UMP de la Haute-Loire, estime, dans un entretien accordé samedi 31 mai au Parisien, que l’idée d’un rapprochement de l’UMP avec les partis du centre, UDI et MoDem, est « une profonde erreur». Cette proposition est notamment portée par Alain Juppé, membre du triumvirat, avec François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, qui doit remplacer Jean-François Copé à la tête de l’UMP. Selon M. Wauquiez, « on ne répond pas à la crise d’un pays par une combine d’appareil politicien ». Faits divers Un ouvrier tué dans une course de voitures en Seine-Saint-Denis Un ouvrier a été mortellement fauché, vendredi 30 mai, par une voiture engagée dans une course sauvage dans une rue de Noisyle-Sec (Seine-Saint-Denis). Après un mariage célébré dans l’aprèsmidi, deux invités se sont lancés dans une course dans le centreville. Pour éviter l’autre, l’un d’eux a fait une embardée sur un trottoir et percuté un ouvrier originaire de Roumanie qui chargeait un camion. La victime était père de trois enfants. Dans la nuit de jeudi à vendredi, près du Cap d’Agde (Hérault), un autre rodéo avait provoqué la mort de cinq jeunes. – (AFP.) culture 11 0123 Dimanche 1er- Lundi 2 juin 2014 Yannick Jaulin, conteur de la ruralité ordinaire A Pougne-Hérisson, dans le Poitou, l’artiste a créé le festival Le Nombril du monde, où il convoque les arts de la rue Portrait tient allumé le feu des histoires qui font vivre et traverser la nuit. « Oui, je suis un conteur patoisant. Je me sens responsable de cette culture méprisée. En effaçant une langue, on efface le génie d’un peuple. Mais je suis dans le présent. Il y a parfois un malentendu en face. Comment être légitime dans la modernité quand tu parles patois ?» A l’instar de ses personnages, Yannick Jaulin est un insoumis, irréductible à sa caricature « A Avignon, en 2009, on jouait dans la Cour d’honneur, il arrivait toujours en retard, il était incapable d’apprendre un texte mot à mot », témoigne Wajdi Mouawad. « C’est quelqu’un qui est incapable D « Oui, je suis unconteur patoisant. Je me sens responsable de cette culture méprisée» Yannick Jaulin Le 28 mai, à Paris. LAURA STEVENS POUR « LE MONDE » Ferguson, a été recueilli par un forgeron boiteux, Robert Jarry, génial inventeur de machines à tarabuster. Ensemble, ils sont à l’origine de tout… Ainsi l’atelier de Robert Jarry, sa chambre, ses inventions, ses reliques, sont-elles exposées dans une grange et un jardin spécial ouvert toute l’année. Et, tous les deux ans, début août, ce monument est l’objet d’un festival – Le Nombril du monde – où Yannick Jaulin convoque les arts de la rue, le théâtre et le monde merveilleux des objets animés dans une célébration d’un art naïf vivant. Le «trou du cul» du monde va devenir, par la magie du storytelling, son nombril On a pu y voir aussi bien Joseph Racaille ivre sur son ukulélé que les interventions d’un Pascal Rome, ancien de Royal de Luxe, ou de la compagnie Délices Dada. « Il faut le croire pour le voir» estdevenu la maxime locale. Tout le villagefile la méthaphore,ou plutôtl’allégorie. Tous « ombilicologues ». Avec les années, les gens du cru commencent à ne plus bien trier le vrai du faux. Une demi-douzaine 2014 de personnes travaillent à l’année sur le projet. « Moi, je suis réfugié politique ici, affirme le trublion. En Vendée, dès que je faisais quelque chose, Philippe de Villiers me faisait des emmerdes. J’ai fini par le rencontrer. Un animal génial ! Il réinvente tout, il n’ena rien àfoutre de la vérité historique. Lui, il veut faire Autant en emporte le vent. » Yannick Jaulin a grandi là-bas, en terre chouanne, dans une ferme d’Aubigny. « L’odeur la plus rassurante pour moi, c’est celle de la bouse mélangée à la paille. Mes parents avaient cinquante hectares et une UGB [unité de gros bétail], à l’hectare. Le proprétaire s’appelait Zacharie du Réa de la Séguonière, vicomte de Monty de Rezé, mon grand-père et mon père disaient “'notre maître”. Il avait un imper élimé, des charentaises et une DS pourrie. Mais ils disaient “notre maître”. » Les mots s’étranglent. Un truc qui ne passe pas. Ils sont cinq. Cinq frères en cinq ans. Lui, l’aîné « né une année de mauvais vin, 1958 ». « Ta mère, elle prenait à tous les coups », disait son père. Vendéen et catholique, un monde de courbe-l’échine et de non-dits. Une grand-mère née sept ans après la mort de son père… « Jaulin, cela veut dire petit coq, raconte-t-il. Il y avait cinq garçons pour 400 filles au lycée Saint-Joseph, à La Roche-sur-Yon. Cela me plaisait bien de racasser les gonzesses. » A 15 ans il « racasse » la fille du minotier.« Du coup, je suis passé de la troupe paroissiale à l’amicale laïque, rejeté par les uns qui disaient que j’étais un traître, et les autres qui ne m’ont jamais accueilli.» L’histoiredeYannickJaulincommence là, dans cet entre-deux auquel la vie l’a condamné. Dans l’amour-haine-désespoir de la condition humaine. « Petit, je m’imaginais toujours dans des rôles de sauveur. J’aurais voulu être prince, mais j’étais né là. Ça m’a convaincu de la nécessité de donner des lettres de noblesse à cette culture. » La rencontre d’André Pacher sera déterminante. Pendant la guerre d’Algérie, celui-ci a été envoyé interviewer les femmes kabyles ; de retour au Poitou, il s’estlancé dansun travail de collecte des histoires et traditions locales. « D’un seul coup, c’est la seule chose qui m’intéressa. J’avais grandi au cul des vaches, et j’ai passé dix ans au cul des vieux », rigole YannickJaulin. Ildevientagentdedéve- loppement en milieu rural. L’homme est entier, quand il se lance dans quelque chose, c’est à fond. Et les activités, il en a dix, vingt, insatiable, dans un lien charnel à la vie. A l’image de ses spectacles, son parcours est une quête existentielle. Avec ses émerveillements, ses égarements, ses épiphanies. Il a voyagé, la Californie, l’Afrique, l’ailleurs. En 1985, à 27 ans, il est animateur cultureldans le marais poitevin, a un groupe de rock en patois, Jan do fiao. Il cherche une utopie. « Je pensais qu’il n’y avait que le changement individuel qui pouvait transformer le monde. Et je voyais mes copains épouser des vies qui me semblaient médiocres. » Il croise l’ésotérisme. Tout ce qui fait mythologie l’intéresse. Une certaine mystique aussi. C’est là qu’il entre au Temple solaire. En 1990, poussé par la secte, il s’installe avec sa femme dans le Vaucluse. « On s’est rendu compte qu’ils étaient cinglés. On est partis en 1991. Le massacre a eu lieu en 1994. Il y avait là des gens formidables. La veille du massacre, un copain québécois que j’aimais m’a appelé. » Silence. Yannick Jaulin ne masque rien.La peine, on la sent qui monte. «Il faut se reconstruire.» Il s’excuse souvent. Inutilement. « Je manque de civilité. J’ai des urbanités qui ne sont pas à la pointe », dit-il avec une chaleur pourtant peu commune. Tous ceux qui l’ont approché louent sa convivialité. La table, le vin, comme armes d’amitié. C’est parce qu’il sait ses failles qu’il pose sur le monde qui l’entoure et le public un regard plein d’humanité, de complicité ironique. C’est parce qu’il doute qu’il se dépense sans compter, lit, travaille, explore en permanence. C’est parce qu’il sait les ténèbres alentour qu’il main- d’obéir, c’est fondamental chez lui. La douleur d’avoir vu ses ancêtres se plier. On se demandait toujours s’il allait arriver, mais quand il arrivait il avait une capacité unique à être en lien avec le public. Une bête de scène, sans l’ego. Enfin si, il a un ego, mais il l’a dressé comme on dresse un gros chien.» A Pougne-Hérisson, le succès du festival a grandi d’année en année. A la dernière édition, l’équipe qui gérait l’événement a vu trop grand et mis le budget dans le trou. Cette année, Yannick Jaulin a repris les rênesde ce mouvement de « mégalomanie dérisoire ». Il a acheté une maison dans le village. Alors qu’il fait traverser les planchers vermoulus du château en ruine, il rit lorsqu’on lui dit qu’il s’est trouvé là une place de baron, laïque, public et incantatoire. La revanche ? Il sourit. Une sorte de curé ? « Oui, je ne le renie plus. Il y a quelque chose dans la parole publique, dans l’homme qui fédère une communauté, qui me plaît assez. » On n’est plus à une mythologie près. p Laurent Carpentier Festival Le Nombril du monde, du 5 au 16 août. Le jardin est ouvert du 6 avril au 6 octobre. [email protected] OUVERT OPEN / ABIERTO / APERTO / ABERTO / OBERT / ÖPPET / ÅBENT / OFFEN / ОТКРЫТЫЙ / 開いた “ Ici, mes premières émotions d’art ” - Pierre Soulages C’est à Rodez, ville natale de l’artiste, qu’ont ouvert les portes du musée Soulages, superbe bâtiment d’acier Corten et de verre. Avec plus de 500 oeuvres qui constituent la collection permanente et 23 Outrenoir(s), exposés dans le cadre de l’exposition temporaire, le musée présentera la plus grande collection au monde de Pierre Soulages. musee-soulages.grand-rodez.com Un Air de Vacances - 423 591 668 RCS Toulouse ix ans après, il en rit encore : « Yannick s’était mis en tête que les animaux aussi avaient droit à l’art vivant, raconte le metteur en scène Wajdi Mouawad. Il m’avait invité à Pougne-Hérisson. Je me suis retrouvé sur un plateau dans une étable, seul face à une trentaine de vaches, desmoutons…»Ubuesquemonologue : « Le truc le plus drôle et le plus magique que j’aie fait de ma vie. Les gens regardaient à travers des trous dans la palissade. Yannick avait appelé ça : “Action accès des arts aux animaux”. » Comment mieux résumer le festival Le Nombril du monde, qui a lieu tous les deux ans à Pougne-Hérisson – coin perdu des Deux-Sèvres,dans le Poitou – et son créateur : Yannick Jaulin, maître en mythologies, contes et autres fantaisies ? Yannick n’est pas enfant du pays. Il est conteur et vendéen. Il conte en patois, en français aussi, il mélange, suivant le public. Un jour il est aux Bouffes du Nord à Paris, le lendemain dans une salle troglodytique à Azay-le-Rideau (Indre-etLoire). S’il est aujourd’hui un des noms les plus connus du conte, il ne rechigne à rien. Plus de cent dates par an. Il n’est pas venu « des bibliothèques » comme il dit, mais a commencé à raconter des histoires pendant des concerts de rock sur un chariot de tracteur, devant un bar de mecs avinés. « Sur scène, c’est l’instinct de survie », dit avec joyeusetécepetit bonhommeà ressorts. Un soir d’ivresse, il y a lurette, il s’est égaré à Pougne-Hérisson. Le nom sans doute ? Il en a nourri ses histoires du quotidien qui célèbrent la ruralité, la moquent et l’aiment à la fois. Pougne-Hérisson, comme il aurait dit Trifouillisles-Oies. Sauf que Pougne n’est pas Trifouillis. En 1992, on vient le voir après un spectacle : « C’est pas le tout de parler de nous, faut venir à Pougne », plaide Bernard Boileau, le maire. Celui-là a fait ses classes à laJAC, la Jeunesse agricole chrétienne, et avec leurs tracteurs, quatre ans plus tôt, ses paysans ont gagné une bataille contre l’enfouissement des déchets dans le village voisin de Neuvy-Bouin. Petit et combattant. En cela, les deux hommes se retrouvent. Ainsi va naître l’aventure du Nombril du monde, de l’alliance d’un conteur à l’imagination jamais repue et d’un village qui va jouer le jeu de la beauté poétique del’absurde.Le trou du culdu monde va devenir, par la magie du storytelling, son nombril. Une pierre qu’on incruste dans le sol devant la chapelle, et le mythe fondateur en jaillit : ici, le 6 juin 1944, un parachutiste américain, John Barney 12 0123 culture Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 Un beau récit de l’horreur sur le «Journal» d’Anne Frank A Amsterdam, un spectacle monté dans un théâtre construit pour l’occasion fait polémique Théâtre Amsterdam Envoyé spécial I l fallait posséder un solide esprit entrepreneurial pour oseruntelpari.Monterune pièce – ou plutôt une sorte de spectacle en immersion –, simplement baptiséeAnne,autourducélébrissime Journal d’Anne Frank, était en soi une aventure à haut risque. Elle avait été tentée en 1955 aux Etats-Unis et rééditée en 1997. Et, par deux fois, les critiquess’étaient offusqués d’une version homogénéisée et infantilisée du drame vécu par la jeune juive d’Amsterdam, cloîtrée dans l’Achterhuis – « l’Annexe» – situé sur le Prinsengracht, la cache aménagée où elle avait vécu avec ses proches, de juin1942 jusqu’au 4août 1944. Sansdoutevictimed’unedénonciation, le groupe de huit personnes fut, ce jour-là, arrêté et déporté. Seul Otto Frank, le père d’Anne, allait revenir des camps. Malgré l’échec des adaptations américaines, c’est pourtant à un vétéran de Broadway, le producteur Robin de Levita, que le Fonds Anne Frank, organisation créée à Bâle par Otto Frank pour protéger et perpétuer la mémoire de sa fille, a fait appel. Le travail de De Levita a consisté à monter non pas une pièceclassique,maisuneœuvremultimédia,des imagesengrand format étant projetées sur des écrans, de part et d’autre de la scène. Et à l’installer dans un théâtre, construit à cette seule fin, avec plateau tournant ouvrant successivement sur les différents lieux évoqués dans le Journal.Le premierpieudu Theater Amsterdam fut posé en août 2013, et, neuf mois plus tard, une magnifique salle en arc de cercle, lovée dans un élégant bâtiment de métal et de bois, accueillait le public, dans le quartier des docks. Peut-on faire du «beau» – car ce qu’on a devant les yeux est d’une splendeur éclatante–avec un tel récit ? Du début à la fin d’une représentationqui dureprès detrois heures, les mille spectateurs quotidiens sonttaraudéspar unemultitudede questions.Peut-onfaire du « beau » – car ce qu’on a devant les yeux est d’une splendeur éclatante – avec untelrécit?Peut-ondînerconfortablement avant de plonger dans un drame qui a englouti l’immense majoritédes160000juifsdesPaysBas,avec la complicitéd’un Etat qui accepta de les exclure de toute vie sociale ? Atteint-on vraiment l’objectif fixé – parler au plus grand nombre, et aux jeunes en particulier – avec une miseenscène, un jeu d’acteurs et des décors qui risque- raient d’éblouir tant qu’ils feraient oublier le cœur du sujet? A la fin du spectacle, lorsque les panneaux coulissants se referment sur Anne malade, emmitouflée dans une couverture et sautillant entre les rails d’une voie ferrée – celle qui mène où l’on sait –, la salle reste un long moment plongée dans le noir et le silence. Se demandant si elle peut applaudir sans offenser la mémoire des morts. Si elle peut claquer des mains sans hurler sa rage contre ceux dont les visages, les uniformes noirs et les prophéties haineuses ont émaillé sa soirée, sur les écrans tandis que les Frank et leurs amis survivent, se lamentent, se querellent. Et s’enthousiasment lorsque leur radio, branchée sur la BBC, leur rend un fol espoir: sortir indemnes de cette cache et de l’enfer de la guerre grâce au débarquement des Alliés en Normandie. Les scénaristes, Jessica Durlacher et son époux, Leon de Winter, écrivains de renom, ont travaillé deux ans sur leur récit. L’un et l’autreontperdudenombreuxproches durant la guerre. Ils ont replongé dans les trois versions du Journal, les archives et les documents officiels. Ils en ont extrait un texte qui contraste avec les versionsantérieures,notammentparce qu’ils osent présenter Anne, non pas comme une icône, mais comme ce qu’elle fut réellement : une jeune adolescente impétueuse, emplie de rêves et de colère, MonuMenTa 2014 L’actrice Rosa da Silva interprète Anne Frank. KURT VAN DER ELST s’éveillant à la sexualité, fréquemment en révolte contre sa mère. «Une jeune fille très moderne,victime d’un scandale: celui de n’avoir pu vivre sa vie », explique Jessica Durlacher, rassurée par l’opinion d’une spectatrice, qui fut l’une des amies d’Anne : « Elle a trouvé le spectacle fantastique…» Malgré ses indéniables qualités stylistiques et son impact, Anne n’en a toutefois pas fini avec les polémiques. L’initiative a, en effet, relancé la guerre entre ceux qui se réclament de l’héritage – moral mais aussi financier – des Frank. D’uncôté,laFondationgérantl’Annexe et le Musée Anne-Frank d’Amsterdam; de l’autre, le Fonds établi à Bâle, toujours dirigé par Buddy Elias, un cousin d’Anne. Le conflit dure depuis des années entre les deux parties qui s’opposentsur la gestiondes archives mais, surtout, sur la manière d’évoquer durablement le drame, par trop symbolique, vécu par la famille Frank. Les responsables du fonds jugent utile de parler au mieux à un large public de jeunes, c’est-à-dire avec des techniques que ces derniers utilisent au quoti- dien. La fondation estime que, ce faisant, il a transformé Anne en un « Tamagochi de l’Holocauste», une référence au petit animal virtuel japonais.Uneexpressionmaladroite, mais qui traduit bien la dureté du conflit. p Jean-Pierre Stroobants Anne, au Theater Amsterdam, Danzigerkade 5, Westpoortnummer 2036 Amsterdam. Une traduction simultanée de la pièce du néerlandais au français (et en cinq autres langues) sera disponible à partir de juillet. De 20 ¤ à 75 ¤. theateramsterdam.nl La familleCasadesus(presque) aucompleten ses pénatesrhétaises La lignée de musiciens s’est rassemblée au festival Ré majeure Musique classique Ile de Ré (Charente-Maritime) l’éTrange ciTé D ilya eMilia grand kabakov 10 Mai — palais eT 22 juin ans la famille Casadesus, l’île de Ré a toujours été une partition majeure. Ce jeudi 29 mai, rien d’anodin à ce que Marc Minkowski ait confié au chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus, qu’il désigne comme son « maître et ami », le concert d’ouverture de son festival Ré Majeure, fondé en 2011. Les deux musiciens sont tous deux rhétais d’adoption et voisins : si Marc Minkowski s’est installé depuis peu à Loix, JeanClaude Casadesus a passé toutes ses vacances d’enfant à Ars-en-Ré, où il possède une jolie maison mitoyenne de celle de sa mère, la comédienne Gisèle Casadesus, qui a débarqué sur l’île en 1922. Jean-Claude Casadesus n’y a pourtant donné jusqu’alors qu’un seul concert. C’était il y a plus de trente ans, en 1982, à Saint-Martinen-Ré. Aujourd’hui, la matriarche du clan Casadesus a été retenue à Paris pour cause de centenaire proche (elle aura 100 ans le 14 juin), mais sa fille, la soprano Caroline Casadesus, et son petit-fils, le trompettiste David Enhco, sont là. Est-ce la sublime lumière vespérale sur le paysage de lande aperçu par les baies vitrées du gymnase de La Pré, aménagé en salle de concert ? L’atmosphère a quelque chose de surnaturel. Sur le plateau, Jean-Claude Casadesus a rejoint l’Orchestre Poitou-Charentes venu lui aussi en voisin. Au programme, La Poule, dans la version orchestrée par Rameau pour ensemble à cordes. Puis Ravel, le Concerto en sol, interprétéparlepianisteJean-François Heisser, également patron de l’orchestre charentais. Le tout joué avec un bel équilibre entre clarté et élégance, déjouant les pièges d’une Sur scène, Caroline forme avec ses fils un trio jubilatoire, qui pratique la musique en hors-la-loi acoustique dont la sécheresse ne pardonne rien. Après une Pavane pour une infante défunte donnée d’un seul orbe, laSymphonie n˚5 de Schubert,dontJean-ClaudeCasadesus souligne les ombres tragiques sous l’apparence légèreté solaire. L’après-midi, le filage de Tactus, partition équestre pour musiciens, voltigeurs et chevaux, a témoigné d’une autre passion de Marc Minkowski. Avec Manu Bigarnet, un émule du Théâtre équestre Zingaro, et ses deux comparses de la Compagnie équestre Of K’Horse, le chefd’orchestre,aucentreduchapiteau dressé pour l’occasion au Haras du Passage, à Loix, dirige les Musiciens du Louvre Grenoble qui encerclent la piste et accompagnent les évolutions pas toujours millimétrées mais impressionnantes de trois comtois crins lavés aux crinières blondes. Le cheval de Marc Minkowski, Summer Prince, un superbe clydesdale irlandais de 900 kilos, ne semble pas plus effrayé que ça par les circonvolutions de Shaker Loops, de John Adams, les adaptations pour quatuor à cordes des standards de Jimi Hendrix que s’approprient avec brio les quatre filles de tempérament du Quatuor Ardeo, avant le fameux Adagio pour cordes op. 11 de Samuel Barber. Le lendemain, il ne fait pas très chauddanslacourdel’hôteldeClerjotte, à Saint-Martin-en-Ré. Cette fois, Jean-Claude Casadesus est dans le public. Pas peu fier de ses rejetons. Sur scène, sa fille Caroline Casadesus, qui a récupéré son deuxième fils, le pianiste Thomas Enhco (25 ans), rejoint par la trompette de son frère David (27 ans). Mère et fils forment un trio jubilatoire, qui pratique la musique en hors la loi et passe du jazz à l’opéra avec une liberté revigorante. Quelques heures plus tôt, en l’église de La Flotte, moment magique: le récital consacré par Marianne Crebassa à la mélodie française. Incroyable beauté du timbre, présence magnétique, la jeune mezzo française, excellemment accompagnée au piano par Alphonse Cemin, a tout pour elle. Et même un nouvel admirateur : JeanClaude Casadesus. p Marie-Aude Roux Festival Ré majeure, à l’île de Ré (Charente-Maritime). Jusqu’au 1er juin. Tél. : 05-46-29-93-53. De 15 à 32 euros. 0123 «Belgrade», requiem pourune Europedéfunte Parmi les pépites du festival Impatience, une pièce percutante du collectif La Meute Théâtre C e beau nom d’« Impatience», Olivier Py, alors directeur du Théâtre de l’Odéon, à Paris, l’avait choisi quand, en 2009, il a créé ce festival destiné à faire connaître chaque année sept jeunes compagnies de théâtre. Puis la manifestation a émigré au Centquatre, rejoint, depuis 2013, par le Théâtre du Rond-Point. Elle s’est surtout imposée, au fil des années, comme un véritable vivier de découverte de talents français : Thomas Jolly, qui a triomphé cet hiver à Sceaux (Hauts-de-Seine) avec son Henry VI, avait ainsi été le lauréat choisi par le jury en 2009. Il fait partie de la programmation du « in » d’Avignon cette année, commeLazareHerson-MacareletFabrice Murgia, eux aussi repérés à Impatience. Ce nouveau millésime du festival, qui a commencé le 23 mai et se poursuit jusqu’au 7 juin, ne fait pas exceptionà la règle. Il a offert, les 27 et 28 mai, au Centquatre, une belle découverte,avec Belgrade, une pièce inspirée d’un texte d’Angelica Liddell, et signée par un collectif dénommé La Meute. Qu’il soit primé par le jury ou pas (car jury et récompenses il y a, à Impatience), le spectacle, qui est d’ores et déjà programmé au Théâtre des CélestinsdeLyonla saisonprochaine,ne manquera pas de faire son chemin dans les salles de France, tant son propos et sa forme sont tenus de bout en bout. La Meute – rien à voir avec la troupe Les Chiens de Navarre – est donc un collectif fondé en 2010 par de jeunes (entre 25 et 30 ans) acteurs, auteurs, metteurs en scène et musiciens qui se sont rencontrés au Conservatoire de Lyon et ont poursuivi leur formation au Conservatoire de Paris, à l’Ensatt de Lyon ou à l’Ensad de Montpellier. « Le mot meute vient du bas latin movita, qui signifie mouvement. Mouvoir, émouvoir, ameuter,émeute, mutinerie…Notre théâtre est un théâtre de l’émotion. Le théâtredoitêtrebouleversant,généreux, enthousiaste: une émeute de l’âme », affirment-ils en guise de manifeste, par la voix de Thierry Jolivet, qui joue dans la bande le rôle de metteur en scène et de porte-parole. Un théâtre de la présence réelle, aussi, qui place l’acteur au centre, Richard Prince, star de l’art actuel, expose dans la petite galerie de Marcel et David Fleiss. Pourquoi ? Parce qu’il aime ce que l’on y voit d’habitude, Duchamp, Picabia, Man Ray… Il a donc décidé d’y accrocher dix-sept œuvres très récentes. Dans d’anciens magazines pornographiques, il a pris des photos en noir et blanc, les a scannées, imprimées, découpées. Il a surtout redessiné sur papier certaines parties des corps et les visages, et a collé ces dessins à la place que l’anatomie leur attribue. Gastronomie Un maraîcher japonais cultive les variétés les plus select dans l’Ouest parisien. Quel est donc le secret d’Asafumi Yamashita, fournisseur des grandes tables parisiennes? Des légumes aux petits oignons et un théâtre qui se revendique comme celui d’une génération : « Nous n’avons pas connu l’espoir deslendemainsquichantent»,fontils encore observer. C’est sur ces deux points que leur spectacle, qui met en scène la Serbie à l’heure de la mort de Slobodan Milosevic, est particulièrement percutant. Belgrade,« la villeaux cent mille soupirs », en 2006. Agnès, une jeune reporter de guerre, croise la route de différents protagonistes, un laissé-pour-compte, un jeune soldat, un apparatchik… Chacun lui dit « sa » vérité, souvent dérangeante. Porté par les acteurs, tous excellents – Florian Bardet, Clément Bondu, François Jaulin, Nicolas Mollard et Julie Recoing –, Bel- L’intime et le politique se mêlent de manière singulièrement émouvante grade, dans sa forme à mi-chemin entre le théâtre, le concert rock (dans la lignée de Radiohead) et la performance poétique, compose un troublant requiem pour une Europe défunte. L’intime et le politique s’y mêlent de manière singulièrement émouvante. Que pourra-t-il renaître de ces cendres, se demandent ces jeunes gens nés au moment de la chute du mur de Berlin, et qui étaient enfants pendant la guerre en ex-Yougoslavie? A l’heure où les dernières élections ont montré, pour le moins, un certain malaise dans la culture européenne, leur spectacle n’apporte pas de réponse, mais est en lui-même une réponse,surlesressourcesquepossède encore notre vieux continent. Quant au festival Impatience, il se poursuit jusqu’au samedi 7 juin, avec quatre spectacles dont le très attendu Orphelins, de Dennis Kelly,signépar unejeune metteuseen scène, Chloé Dabert (les 3 et 4 juin). De quoi entretenir l’impatience. p Fabienne Darge Impatience, festival du théâtre émergent. Au Centquatre et au Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 7 juin. De 6 à 12 euros par spectacle. « Belgrade » sera présenté au Théâtre des Célestins de Lyon du 9 au 13 juin 2015. GALERIE Richard Prince Galerie 1900-2000 13 culture & styles Dimanche 1er- Lundi 2 juin 2014 Le trait est un peu matissien, un peu picassien aussi. On y reconnaît la dextérité narquoise avec laquelle Richard Prince s’empare des grands maîtres pour les compromettre dans ses hybridations parodiques. Elles posent néanmoins une question délicate : qu’est-ce qui est le plus érotique, la photo d’une femme nue ou le dessin du même sujet ? p Philippe Dagen New figures. Galerie 1900-2000, 8, rue Bonaparte, Paris 6e. Tél : 01-43-25-84-20. Lundi de 14 heures à 19 heures, du mardi au samedi de 10 heures à 12 h 30 et de 14 heures à 19 heures. Jusqu’au 26 juillet. E L Z E S RéVI Asafumi Yamashita dans une serre de sa ferme de Chapet. SYLVAIN SONNET/HEMIS.FR Chapet (Yvelines) M aître du daïkon (radis blanc) comme du kabu (sortede navet)etfournisseur de petits légumes pour les meilleures tables parisiennes, AsafumiYamashitaa accédéaustatut de star depuis qu’il a honoré de sa présence « Top-Chef », l’émission de M6, en février. Des cuisiniers, comme Pierre Gagnaire (Restaurant Pierre Gagnaire), William Ledeuil (Ze Kitchen Galerie), Pascal Barbot (Astrance), Eric Briffard (Le Cinq), Sylvain Sendra (Itinéraires) ou ChristianLeSquer(Ledoyen),s’arrachent sa production. Ses légumes ont un goût incomparable. Mais comment y parvient-il ? Comment, dans cette terre lourde du sudduVexinfrançaisoù ils’est installé, Asafumi Yamashita réussit-il à « élever » des variétés nippones de légumes dont il sublime le goût? Ses navets, notamment, ont une saveur de banane, de miel ou de kaki, suivant les crus, et sont juteux comme des grenades… Poussant le portail de la ferme Yamashita, nichée dans un recoin de la grande banlieue de Paris, on s’attend à rencontrer le grand prêtre du légume officiant en majesté dans un sanctuaire minimaliste. Pantalon de toile blanche, polo orange confortable et snickers très « casual », le maraîcher des étoilés du Michelin ne se pousse pas du col. Dans la maison aux volets bleus,pasdezenattitude.Unegrande cheminée, des sabots en vrac à côté de la porte qui mène au jardin, du linge sur un séchoir, le bazar ordinaire d’une famille. Reste à obtenir les secrets de ce jardinier hors pair, avec l’espoir d’en tirer quelque enseignement transposable à nos rangs de carot- tes. « Pas de problème… les connaissances sont faites pour être partagées ! », répond M. Yamashita. « Mais je n’ai pas grand-chose à dire, pas de technique particulière, rien de spécial », susurre-t-il dans un innocent sourire. Il a si peu à transmettre qu’il a abandonné les stagiaires depuis longtemps. Car la substance du talent de M. Yamashita et la magie des arômes de ses légumes ne s’enseignent pas. Les efforts de ses apprentis ne donnaient rien de bonetmalgréleurapplicationàsuivre les conseils du maître, les légumes n’étaient plus les mêmes. Pour Asafumi Yamashita, tout commence avec le palais. On l’a, ou on ne l’a pas. Ayant grandi dans une famille de gourmets, à Tokyo, «la ville où l’on mange le mieux au monde », il porte dans sa chair la saveur d’un bon légume et son moteur est là. Pendant les six ou sept premières années de sa carrière de maraîcher, commencée à 43 ans après une première vie de tailleur de bonsaïs, cet autodidacte a donc cherché. Rapportant du Japon les semences des légumes dont il avait la nostalgie, il est parti en quête de la meilleure qualité, du goût parfait. «En fait, lâche le maraîcher en parcourant les plates-bandes de ses 1 000 m2 de serres froides, je me mets à la place des légumes, et j’essaie de sentir ce qui leur ferait plaisir. Ont-ils besoin d’eau, d’engrais, d’unepetitetaille, d’un peu d’air? Et quand j’arrose, je ne me contente pas de mouiller la terre… j’imagine que je fais couler la pluie. » Pour faire de bons légumes, placez-vous donc à mi-chemin entre Dieu et le kabu, ce fameux navet qu’on réclame à Asafumi Yamashita. Comme on proclame mettre les enfants au centre des apprentissa- A R F R U S C A B gesscolairesetlespatients aucœur du système de soins, le jardinier doitsemettreauservicedeseslégumesetnepasprétendrelessoumettre à une quelconque doctrine. Etre à l’écoute, et apprendreà connaître son sol. « Vouloir changer la terre serait présomptueux, elle est là depuis des milliers d’années, il faut faire avec », assène-t-il. Tout l’art d’Asafumi Yamashita repose donc sur l’observation minutieuse. Le sol et l’exposition du terrain n’étant pas très fameux à Chapet, au jardinier de s’adapter. «Je me mets à la place des légumes, et j’essaie de sentir ce qui leur ferait plaisir» Asafumi Yamashita maraîcher Chaque jour, M. Yamashita inspecte ses plates-bandes, examine les légumes sous toutes les coutures et estime, au cas par cas, ce dont ils ont besoin, comme on pouponne les enfants qui ne parlent pas encore. Le mercredi, il y passe plus de temps, c’est la journée où il ne livre pas (il apporte lui-même sa marchandise à ses clients parisiens, les mardis et vendredis), ne cueille pas (la cueillette sur mesure se fait les lundis et jeudis), ne reçoit pas (les week-ends sont réservés à la table d’hôte), mais désherbe et ausculte les rangs d’aubergines, de tomates, de radis et de navets. Pour obtenir toute l’année des radis qui méritent l’estampille Yamashita, le maraîcher décline sixouseptvariétésadaptéesàlasaison. A l’automne viendront potirons, patates douces, carottes, poi- reaux et épinards ou plutôt leurs cousins japonais dont les noms n’ont pas toujours d’équivalent en français. A l’automne seulement, et non pas quand la carte des chefs l’aura décidé. Asafumi Yamashita se régale de travailler pour les plus grands, mais ne veut pas se soumettre à d’autres impératifs que le bienêtre de son jardin. Il connaît les chefs et sait ce qui leur convient. « Je cueille les tomates à 85 jours aprèsla fleur pour l’un et je les laisse reposer trois jours avant de les livrer. Pour un autre, je les cueille à 83 jours et les livre dès le lendemain. » Les premières seront plus douces, les deuxièmes auront plus de punch. Le maraîcher vedette considère avec bienveillance le regard écarquillé du béotien accablé par la perspective de telles subtilités : «Ce n’est pas compliqué, poursuitil. Prenez un adolescent, qui ne pense qu’à la première fois où il va faire l’amour.Quand celaarrivera,il sera plein de punch, alors qu’avec les années, les hommes se posent et gagnent en douceur. Vous pouvez préférer les uns, les autres, ou les deux. Pour les tomates, c’est la même chose.» Pas compliqué. Pour les jardiniers paresseux ou pusillanimes, la première étape de l’initiation consiste peut-être à venir découvrir le goût de la tomate verte à la table d’hôte de la ferme Yamashita qui accueille le week-end les curieux qui n’ont pas l’occasion de passer la porte d’un trois étoiles du Michelin. p Aline Duval Le Kobo – Ferme Yamashita, rue des Trois-Poiriers, Chapet (Yvelines). Réservations pour la table d’hôte au 01-30-91-98-75. ! E R U T L U C NCE ces n e i c s t e oire toire (9h-10h), (14h-15h) t s i h , o l i l’his ence bacs ph rique de lture sci sema des edi 6 juin dans la Fabce (10h-10h50) et cu n o i s i v é le r du lundi 2 au vendr ns de la connaissan a i c é p s e in emi eaux ch les nouv ariat avec en parten e.fr ltur francecu 14 sport 0123 Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 Le retour gagnant de Pauline Parmentier Blessée à l’épaule en 2013, la Française, qui a bénéficié d’une invitation, s’est qualifiée pour les huitièmes de finale Tennis A dopter un profil plutôt bas n’a jamais empêché de faire bonne figure. Les locaux en fournissent la preuve lors de cette éditiondesInternationauxdeFrance.Sixd’entreeuxontréponduprésent au troisième tour alors que les bulletins de santé – entre blessures et contre-performances – avaient alimenté le pessimisme national. D’une journée l’autre, le programme proposé était du coup sensiblement identique : deux hommes habitués à ce rendez-vous entourant une novice. Samedi 31 mai, ce devait être au tour de Gaël Monfils, Richard Gasquet et Kristina Mladenovic de tenter de se qualifier pour les huitièmes de finale. Ce trio a l’occasion de rejoindre l’étrange tandem qui a décroché son billet la veille. Que Jo-Wilfried Tsonga participe pour la quatrièmefoisauxhuitièmesestdansl’ordre des choses ; ce n’est pas le cas de «Hier, quand je suis rentrée à la maison, j’ai vu deux ou trois passages de mon match et je me suis dit: “Tu joues grave” » Pauline Parmentier no 145 mondiale l’épatantePaulineParmentier,première Française à se hisser à ce stade depuis Marion Bartoli en 2011. La Nordiste, qui n’avait jamais dépassé le deuxième tour porte d’Auteuil, revient de très loin. Actuellement classée au 145e rang mondial,elledoit saprésenceà une invitation. Blessée à l’épaule en 2013, elle a plongé en une année de la 66e à la 225e place et a dû remonter la pente en jouant, à 28 ans, dans des tournois ITF, la deuxième division du tennis mondial. Celle qui a hérité du surnom désolant de « Popo » n’en revenait pas d’avoir vaincu l’Allemande Mona Barthel, après l’Italienne Roberta Vinci (20e) et la Kazakhe Pauline Parmentier s’est imposée dans la douleur (1-6, 6-1, 7-5) face à l’Allemande Mona Barthel au troisième tour de Roland-Garros, vendredi 30 mai. KENZO TRIBOUILLARD/AFP Yaroslava Shvedova. « Je vais peutêtre dire que je prends un peu confiance en moi, a-t-elle déclaré. Je ne pensais pas pouvoir le dire un jour. Hier, quand je suis rentrée à la maison, j’ai vu deux ou trois passa- Les trois meilleures joueuses mondiales éliminées La no 3 mondiale Agnieszka Radwanska a été renversée vendredi 30 mai, pendant que Roger Federer et, plus encore, Novak Djokovic étaient bousculés pour la première fois. La Polonaise a été fauchée dans son élan (6-4, 6-4) par une jeune impertinente, la Croate Ajla Tomljanovic, âgée de 21 ans et 72e mondiale, comme avant elle Li Na (no 2) et Serena Williams (no 1). C’est la première fois dans l’ère Open (depuis 1968) qu’aucune des trois meilleures joueuses mondiales n’atteint pas les huitièmes de finale d’un tournoi du Grand Chelem. Chez les hommes, Roger Federer a bataillé face au Russe Dmitry Tursunov, tête de série no 31, qu’il a dominé 7-5, 6-7 (7/9), 6-2, 6-4. Quant à Novak Djokovic, il s’est fait quelques frayeurs contre le Croate Marin Cilic (no 25), battu 6-3, 6-2, 6-7 (2/7), 6-4. ges de mon match et je me suis dit : “Tu joues grave.”» Lorsqu’elle a vu sortir la dernière balle de son adversaire, Pauline Parmentier a lancé sa raquette, s’est pris la tête dans les mains tant la situation lui semblait irréelle, avant de se laisser choir de tout son long sur l’ocre. Elle en a même oubliéde ramasser son instrument de travail. Est-ce de n’avoir plus gagné depuis si longtemps qui lui a fait inverser le protocole, en saluant l’arbitre avant Mona Barthel, dépitée? Celle-ci pensait sans doute avoir la victoire acquise en balayant (6-1) la Française, inexistante, lors de la première manche. Mais « Popo » s’est révoltée en infligeant la même sanction dans la deuxième puis en triomphant sur le fil en près de deux heures de combat. Depuis le début du tournoi, Parmentier joue avec les nerfs de ses supporteurs en s’inclinant systématiquement dans le premier set (et deux fois en frôlant la correction),unluxequ’ellenepourra sans doute pas s’offrir face à l’Espagnole Garbine Muguruza (35e), la tombeuse de Serena Williams, si elle veut encore vivre « le plus grand moment de sa carrière». Sur le court n˚ 1, une ambiance proche de celle qui préside en Coupe Davis l’a probablement portée à setranscender.On la retrouvaitsur le Central, où, au même moment, Gilles Simon ferraillait face au Canadien Milos Raonic, 9e joueur mondial. Le quatrième mousquetaires’estspectaculairementréconcilié avec le public français après sa double défaillance lors de la Coupe Davis2013quiavaitcoûtélaqualificationà sonpaysface à l’Argentine. Encouragé par de retentissants «Gillou » et une atmosphère gentiment cocardière (sauf lorsque les premières balles de service ratées de Raonic ont été ovationnées), il est tombé avec les honneurs en cinq manches. Plus tôt, Tsonga n’en a eu besoin que de trois pour se débarrasser du Polonais Jerzy Janowicz. Expéditif, le Manceau n’a toujours pas cédé de set depuis le début de la compétition, ce qui n’est pas sans rappeler son parcours de l’année précédente où il avait atteint les demies. Seul écueil, et il est de taille : « Jo » hérite désormais de NovakDjokovicqui a concédé,vendredi, sa première manche au tiebreak face au Croate Marin Cilic. « Je l’ai battu plusieurs fois, mais pas dans les grands moments et, finalement, s’il y en a un qui a gâché un petit peu ma carrière, c’est bien lui », a soupiré Tsonga. Il aurait en effet certainementpréféré vaincre le Serbe lors de la seule finale de Grand Chelem qu’il a disputée, en 2008 à Melbourne, en demi-finale à Wimbledon en 2011 ou en quart ici même l’année suivante, quand il céda en cinq sets après avoir raté quatre balles de match : « Ce serait top de pouvoir terminer le repas par un dessert, et non pas par une vieille confiture d’oranges amères. » p Bruno Lesprit n Sur Lemonde.fr Retrouvez « Troisième balle », le blog de nos envoyés spéciaux à Roland-Garros. EricBedouet,le fin préparateurphysiquedes Tricolores L’entraîneur adjoint de Bordeaux veut faire «monter en puissance» les Bleus, qui affrontent le Paraguay en match amical dimanche 1er juin Football E ricBedoueta lestraits duvisage aussi fins que sa paire de lunettes. Même si elles lui donnent un air serein, il n’est pas sûr pour autant que le préparateur physique des Bleus vive sans angoisse le deuxième match de préparation de la France face au Paraguay, dimanche 1er juin, en vue de la Coupe du monde. Car Eric Bedouet ne s’en cache pas : il craint ces rencontres, et les risques de blessures qui les accompagnent. « Ce qui est difficile, dans unepréparation,ce sont les matchs amicaux, explique-t-il. Parce qu’on ne peut pas faire comme en club où l’on sait, lors des premiers matchs d’avant-saison, que l’on n’est pas en forme. La veille et l’avant-veille, en club, on va au maximum des possibilités des joueurs, donc ils sont extrêmement fatigués. Là, ce n’est pas la même chose, et les joueurs sortent d’un championnat complet. Les trois matchs amicaux doivent servir à faire progresser l’équipe.» Venu des Girondins de Bordeaux – un club où il retournera après l’épisode brésilien – afin d’assurer un « contrat à durée déterminée pour la Coupe du monde», Eric Bedouet, 60 ans, a été appelé par Didier Deschamps en décembre 2013. « Agréablement surpris » par la sollicitation du sélectionneur des Bleus, il a accepté, en début d’année, de s’occuper de la préparation physique de l’équipe deFrance.«Uneformedereconnaissance, mais elle est légitime», estime Antoine Vayer, ancien entraîneur de l’équipe cycliste Festina qui l’a connu dans les années 1990 et qui décrit « un passionné plus qu’unarriviste».Lenouveaupréparateur physique, lui, se plaît à répé- ter qu’il s’agit d’un « travail collectif, collégial», avec le sélectionneur et son adjoint, Guy Stéphan, ainsi que le staff médical dirigé par Franck Le Gall. La tâche n’est pas aisée : ce sont des joueurs pour la plupart fatigués, au terme d’une saison bien remplie, qui sont arrivés à Clairefontaine à la mi-mai. Débarqué quelques jours après ses camarades dans les Yvelines, pourcause de finale de Ligue des champions, l’attaquantduRealMadrid,KarimBenzema, souffre de l’adducteur gauche. Franck Ribéry, lui, est perturbé par des douleurs au dos. « Il faut écouterlesjoueurs,avoirleurressenti, car ce n’est pas une préparation normale, résume Eric Bedouet. C’est du travail individualisé.» Même s’il s’agit de sa première Coupe du monde chez les seniors, après avoir participé à celle des moins de 20 ans en 1997 en Malai- sie, il n’est pas un novice. Footballeur professionnel de 1972 à 1987, celui qui avait initialement suivi des études pour devenir pharmacien a connu sa première expérience du banc dès la fin des années 1980, comme entraîneur-joueur d’une équipe amateur. « Approche scientifique » En 1993, il devient responsable du centre de formation de Laval. « J’ai eu la chance de travailler avec un physiologiste tous les jours, sur le terrain. On a établi des protocoles de travail, de régénération. J’ai un peu utilisé le centre de formation comme un laboratoire de recherche.» Antoine Vayer se souvient de lui comme « l’un des premiers entraîneurs dans le football qui utilisaient les cardiofréquencemètres [des appareils capables d’enregistrerles fréquencescardiaques] », et souligne son « approche scientifi- que » pour diagnostiquer l’état de forme des joueurs. Après son passage à Laval, Eric Bedouet rejoint les Girondins de Bordeaux, en 1998, un club pour lequel il travaille toujours. En écartant à maintes reprises l’opportunité de devenir entraîneur principal. C’est en Mayenne qu’Eric Bedouet a mis au point le test physique qui lui a permis de mesurer l’état de forme des joueurs de l’équipe de France. Jeudi22mai,lesBleusontdûcourir cinq minutes, comme en mars, en marge du match amical contre lesPays-Bas.Untestqu’ilsreproduiront jeudi 5 juin. « C’est une course continue, plus ou moins proche du seuil d’anaérobie, au-delà duquel on bascule dans le rouge.Ce seuil est capital parce qu’il est fluctuant en fonction de la forme du joueur », précise l’entraîneur adjoint des Girondins de Bordeaux. En fonction des résultats, les exercices sont adaptés à chaque joueur. Avec un objectif qui se rapproche: «Il faut monteren puissance, parce qu’il y a la Coupe du monde. Il ne faut pas tarder. » Car il faudra être prêts pour le premier match contre le Honduras, le 15 juin, à Porto Alegre. Sachant que le Mondial peut durer un mois (si l’équipe va jusqu’en finale), trouver avant le début de la compétition à quel momentlesjoueursdoiventatteindre leur pic de forme est une équation ardue. «Se dire qu’on part doucement, parce qu’on est quasiment sûrs d’aller au bout est impossible. On ne peut pas faire ça ! Aucune équipe, même les plus huppées, ne l’envisage.»EtEricBedouetderésumer sa mission : « Il va falloir être trèspointusdanstousles domaines. On n’a pas le droit à l’erreur.» p Yann Bouchez 0123 disparition Dimanche 1er- Lundi 2 juin 2014 15 Historien Maurice Agulhon L a République est orpheline de son historien. Maurice Agulhon s’est éteint à Brignoles (Var) mercredi 28 mai. Il avait 87 ans. S’il fut celui qui offrit aux Varois du XIXe siècle leur dignitérépublicaineàtraversles cinq volumes de ses deux thèses, ce Méridional venait d’un autre Midi que la Provence. Né à Uzèsle 20décembre1926,ce fils d’instituteurs aimait rappeler que c’est dans cette petite ville située au nord du pont du Gard qu’il avait passé, enfant, ses plus belles vacances. Lorsque Maurice fréquente la communale, ses parents officient à l’école de Pujaut, un village situé à quelques kilomètres de la cité perchée de Villeneuve, d’où est originaire la famille de commerçants 20 décembre 1926 Naissance à Uzès (Gard) 1946 Ecole normale supérieure 1969 Soutenance de thèse sur le département du Var 1970 « La République au village » 1979 « Marianne au combat » 1986 Entrée au Collège de France 2000 « De Gaulle : histoire, symbole, mythe » 28 mai 2014 Mort à Brignoles (Var) catholiques, mais radicaux, de sa mère Marie-Rose, alors qu’André, le père, est issu d’une lignée de protestants cévenols du sud de la Lozère. Le portrait qu’en brossera leur fils est émouvant d’admiration lucide et retenue : des êtres « réservés qui avaient quelque chose d’exceptionnel et de glacé », des puritains loin d’être des bienpensants moralisateurs. Mais ce qui l’emporte chez les parents Agulhon reste leurs idéaux socialistes et les solides convictions pacifistes qui les unissent. Le lycée d’Avignon où le jeune Maurice est élève de 1936 à 1943 ne favorise pas la rencontre avec la discipline qui donnera sens à sa vie. L’étincelle jaillira plus au nord, à Lyon, sur les bancs de la khâgne du lycée du Parc, qu’il fréquente de 1943 à 1946. L’histoire, donc, mais non sans la politique. Pour ce jeune homme qui pense à gauche, c’est pourtant un professeur d’histoire de droite, résistant et démocrate-chrétien, Joseph Hours, qui incarne alors le rapprochement heureux entre l’histoire et la politique. Maurice Agulhon n’a jamais cessé de lui rendre hommage. Dès lors, pour lui, devenir historien signifiera choisir l’action en se donnant pour mission de faire fructifier les héritages du passépour mieux en diffuser politiquement les résultats. Pour Maurice Agulhon, comme pour nombre de ses contemporains,uneseule voie ymène : le communisme. Lorsqu’il entre à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm en 1946, un an après Jacques Le Goff et la même année que Michel Foucault et François Bédarida, il adhère aussi à la Fédération de la Seine du PCF. Après une scolarité de militantisme politique et syndical, il restera « un membre zélé du PCF de 1946 à 1960 ». Sur ses années d’engagement, Maurice Chez lui, en 2001. FRANCESCO GATTONI POUR « LE MONDE » Agulhon jettera un regard clinique, sans jamaisparticiperau chœur desautoflagellants anticommunistes, mais en sachant rappeler les dévoiements du léninisme. Contrairement à ceux que l’engagement communiste détourna de la politique, il affirmera son choix résolu de la socialdémocratie, héritière du libéralisme progressiste. Son œuvre de spécialiste de la politisation populaire et de la révolution de 1848, puis d’historien de la République, témoigne de cet itinéraire. Reçu premier à l’agrégation en 1950, le jeune normalien choisit son affectation dans une ville industrielle et ouvrière du Midi. Ce sera le lycée de Toulon et le début de son long compagnonnage avec les Varois. Après un passage par la khâgne du lycée Thiers de Marseille, il est détaché au CNRS de 1954 à 1957 et entame une thèse d’histoire. La période étudiée ne peut qu’être contemporaine pour l’historien militant,quiveut retrouverle rapportqu’il y a entre le vote à gauche et «le patrimoine républicain français». Inscrit sous la directiondusocialisteErnestLabrousse,ils’attaque à l’évolution économique, sociale et politiquedu départementduVarde 1800à 1851. Le résultat tient en une thèse d’Etat soutenue en 1969 et dont les trois volumes sont publiés avec l’aide de François Furet, Albert Soboul et Philippe Ariès. De la ville à la campagne en passant par les « villages urbanisés», Maurice Agulhon meten évidencela transformationde cette Provence traditionnelle en terre d’élection de la démocratie. Entre-temps, en 1966, l’enseignant,recrutéparle professeurPierre Guiral à l’université d’Aix-en-Provence, soutient une thèse de troisième cycle consacrée, à la fin de l’Ancien Régime, aux confrériesdepénitentsetaux logesmaçonniques (La Sociabilité méridionale). Vagabondage studieux C’est La République au village (Plon, 1970) qui s’impose comme le laboratoire agulhonien par excellence. Si les changements socio-économiques sont impuissantsà expliquerla conversion des campagnes varoises à la République, c’est qu’un type de modernité idéologique et politique s’est imposé à travers l’évolution des formes de sociabilité. En considérant que des mentalités dites « archaïques » et qu’une opinion démocratique dite « moderne» pouvaient coexister sans forcément se heurter, Maurice Agulhon a su donner sens à un modèle dynamique de « descente de la politique vers les masses », où l’apprentissage de la politique était tout sauf subi. Le portrait des ruraux républicains et politisés de 1848 à 1851 fera de lui l’historien des « qua- rante-huitards», auxquels il consacre un livre à succès, 1848 ou l’Apprentissage de la République (Seuil, 1973), rapidement traduit en anglais, en italien, en portugais et en grec. Dans la continuité de sa réflexion sur la politisation des campagnes, qui a trouvé sa forme la plus achevée en 1976 dans le tome 3 de l’Histoire de la France rurale (Seuil), se place l’enquête sur Marianne. Son ouvrage Marianne au combat paraît en 1979 chez Flammarion, dans la « Bibliothèque d’ethnologie historique» que dirige son ami Jacques Le Goff. Le sous-titre dit l’ambition mise dans le choix d’un objet d’étude affecté jusqu’alors d’un déficit de légitimitéacadémique : l’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880. Ce sous-titre reste celui des deux tomes suivants : Marianne au pouvoir (1989) puis Les Métamorphoses de Marianne (2001), qui couvrent respectivement la IIIe République avant 1914 et le XXe siècle. L’inventaire des variations sur l’allégorie et son sexe ne vise pas seulement à affiner la connaissancedes « cultureset folklores républicains». En une démarche comparableà celle d’ErnstKantorowicz,Maurice Agulhon scrute, dans l’évolution des représentations du régime en femme, les vies parallèles de la République comme forme disputée puis achevée de l’Etat «Comment être républicain aujourd’hui» Extrait d’une tribune publiée dans «Le Monde» le 3mai 2002, deux jours avant le second tour de l’élection présidentielle Y Force est de constater que notre histoire contemporaine nous a légué non pas un mais deux idéaux républicains, l’un d’extension programmatique maximale, l’autre minimale. Dualité que la tradition de gauche a, du reste, tardé à reconnaître. Pendant toute la première moitié du XXe siècle, la gauche a tendu à se réserver la prétention à l’authenticité républicaine et à tenir en suspicion tout républicain venu de la droite. Il n’y a pas si longtemps que l’extension de l’attachement républicain à la quasi-totalité de l’éventail politique (démocratie chrétienne et gaullisme compris) a été reconnue par les partis de gauche, républicains par tradition. Il n’y a pas si longtemps que la gauche, en acceptant d’utiliser l’expression de “droite républicaine”, a admis implicitement que l’on pouvait être républicain à droite ! Je viens de dire “implicitement”. Car il reste des traces des exclusivismes venus du passé. Le républicanisme est à la fois consensuel et confus. D’un bout à l’autre de l’échiquier politique, tout le monde admet qu’il faut être républicain, mais les partis ont gardé leur tendance à définir la République chacun à leur manière. On admet que “républicain”, en France, désigne ce qui est bien en politique, mais on reste divisé (ô combien !) sur la définition exacte de ce bien. Mieux vaudrait peut-être en période électorale – nous y voilà – argumenter point par point, problème après problème, que de se disputer le vieux drapeau ou de tenter de l’accaparer par des références approximatives. S’il est permis, pour contribuer aux débats passionnés de ces semaines électorales, d’abandonner l’esquisse d’histoire pour les options d’actualité qui en découlent plus ou moins, on se bornera à celles-ci. 1. Qui est “républicain” sur l’Europe? L’emploi le plus spectaculaire du mot République en vue du premier tour a été fait par M. Chevènement, qui a voulu lier républicanisme et souverainisme. Cela ne m’a pas convaincu : Victor Hugo (bicentenaire oblige…) a bien montré que l’on pouvait unir le républicanisme le plus ardent avec l’option en perspective pour la “République universelle”, via les “Etats-Unis d’Europe”. 2. Qui est “républicain” sur la sécurité? Les théoriciens à la mode, qui depuis des années ne parlent de la police que pour l’insulter et des délinquants que pour leur trouver des excuses sociales? Ou les simples gens, qui sont les principales victimes des désordres et qui voudraient bien que, comme “au bon vieux temps”, on inculque à chacun le respect des lois, dûton pour cela passer pour moralisateur? L’historien ici peut reprendre la parole et ainsi rappeler que l’idéologie “sécuritaire”, si longtemps ridiculisée par la gauche “mondaine et libertaire”, peut en réalité se réclamer de la sacro-sainte Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Qu’est-ce donc en effet que la “sûreté” qui est citée dès l’article2 du texte, sinon l’exact équivalent de ce que la langue de notre temps appelle “sécurité”? 3. Comment être “républicain” face à M.Le Pen ? En dénonçant les épisodes détestables de son passé et de ses théories sur le mode de l’excommunication? Ou en argumentant sur les principaux points d’un invraisemblable programme (quitter l’Europe, renoncer à l’euro, récupérer la guillotine…)? Etre républicain ne devrait pas empêcher d’être raisonnable, car le raisonnement est plus efficace que l’imprécation.» p national et du mouvement démocratique dans la France contemporaine. L’originalité de ce vagabondage studieux de la sociabilité à la politique et à la culture républicaine conduit Maurice Agulhon au Collège de France en 1986. Sa haute silhouette, son propos précis autant que sa passion lorsqu’il cite Hugo, donnent à l’histoire du XIXe siècle un public encore plus large. Lui qui avait, dès 1981, publié dans la revue Le Débat un retentissant « Plaidoyer pour les jacobins», prend une grande part à la préparation du bicentenaire de la Révolution, en 1989. En 1998, il est commissaire général de l’expositionorganiséeà l’Assembléenationalepour le 150e anniversairede la IIe République. Dans l’intervalle, il écrit le tome 5 de l’Histoire de France chez Hachette, La République de 1880 à nos jours. Le livre s’inscritdans une conjoncturecommémorative qui favorise une attention pour la place qu’occupe Charles de Gaulle dans la traditionrépublicaine.Cetterencontretardive est aussi un retour sur soi. En témoignent deux essais, Coup d’Etat et République (1997) puis De Gaulle : histoire, symbole, mythe (2000), où l’historien reconnaît au général le mérite d’avoir « deux fois changé l’éducation politique de la France », par la Constitution de 1958 et par l’expérience de dix années d’un pouvoir exécutif fort mais resté démocratique. Au-delà de la figure gaullienne dont la redécouverte a surpris plus d’un de ses amis ou de ses disciples, Maurice Agulhon était conscient d’être devenu, aux yeux de beaucoup, l’historien de la République. UneRépublique capabled’intégrerdestraditions qu’il aurait cru incompatibles dans sa jeunesse, certes,maisune République qui sache garder le cap à gauche. Avec l’Ecole normale supérieure, à laquelle il a légué ses archives, et sa ville d’Avignon, dont l’université sut accueillir sa bibliothèque, la politique restait la passion dominante de cet historien mesuré qui n’avait jamais renoncé à être partisan. Même après l’accident de santé qui l’avait isolé en 2005, ses proches, sa sœur Hélène et son beau-frère Claude Mesliand, qui le retrouvaient chez sa compagne Catherine Robin, savaient bien que tout commençait et que tout finissait avec le commentaire souvent critique des pages Politique du Monde, dont il ne pouvait se passer. p Gilles Pécout, professeur d’histoire contemporaine à l’ENS de la rue d’Ulm et directeur d’études à l’EPHE, et Jean-François Chanet, professeur d’histoire contemporaine à Sciences Po 16 0123 carnet Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 Décès en vente actuellement K En kiosque Agnieszka, sa fille, Alberto, son gendre, Filip et Daniel, ses petits-enfants, ž# )JÀÊ#¹ yȽ üÀJÊ%½ ?±?Ê#Ì#ʹ½ ™Jö½½JÊ'#½~ FJƹ;Ì#½~ "öJÊAJöëë#½~ ÌJÀöJü#½~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# ÊJö½½JÊ'#~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# ÌJÀöJü# Krystyna BALLABAN, designer de mode et professeur à l’ENSAD, à l’esprit innovateur. La messe sera célébrée le lundi 2 juin, à 14 h 30, en l’église Polonaise, au 263, rue Saint-Honoré, Paris 1er. )ÈëëÈõ#½~ 'ÈÊ"?À#Ê'#½~ ½?ÌöÊJöÀ#½~ ¹JFë#½|ÀÈÊ%#½~ Hors-série •Èµ¹#ÊJÊ'#½ %# Ì?ÌÈöÀ#~ ¹ù=½#½~ ¨&„~ %ö½¹öÊ'¹öÈʽ~ "?ëö'ö¹J¹öÈʽ Nicole Guigou, son épouse, ¯ˆÆȽö¹öÈʽ~ ±#ÀÊö½½Jü#½~ ½öüÊJ¹µÀ#½~ %?%ö'J'#½~ ë#'¹µÀ#½~ 'ÈÌ̵Êö'J¹öÈʽ %ö±#À½#½ Michel Guigou et Jacqueline, Pascal Guigou, Daniel Guigou et Valérie, ses enfants, Nicolas et Fanny, Juliette, Clara, ses petits-enfants, ¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R „e ]W bU bU bU „e ]W bU be `Z Xx)0T',3,%vKNXN'T‡R) ont la grande tristesse de faire part du décès de Jean GUIGOU, AU CARNET DU «MONDE» 7 matières pour réussir votre bac Collections --------------------------------------------------------- Naissances Isabelle et Marc, ses grands-parents, sont très fiers d’annoncer la naissance de née le 18 mai 2014, exactement cent neuf ans, après la naissance de Yvonne LATOUR, née RIBOUD, son arrière-arrière-grand-mère ! de M. Ledun, illustré par C. Berberian 0123 Alizé, sa tante, et Benjamin, son oncle, se joignent à nous pour souhaiter milles bonheurs à Jade. 12, rue Vignemale, 31700 Beauzelle. Céleste, Vadim, Gabriel, Alice, Sixtine et Gaspard, ses arrière-petits-enfants, ont la tristesse d’annoncer la mort de Dominique JAUBERT, Bénédicte COLLOMB, Raphaël RIGNAULT et leur fille, Garance, officier de la Légion d’honneur, survenue le 27 mai 2014, à l’âge de quatre-vingt-douze ans. ont le bonheur d’annoncer la naissance de Octave Dès mercredi 28 mai, le volume n° 19 LES ROYAUMES CHRÉTIENS ET LES CROISADES Mathilde et Wilfrid, Clémence et Sylvain, Guillaume, Camille et Pierre-Jean, Anna, Baudouin, Sylvain et Bénédicte, Laurent et Amélie, Raphaëlle et Reza, Brieuc et Domitille, Quentin et Blandine, ses petits-enfants, à Londres, le 28 mai 2014 au matin. Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux, rue Lazare-Ponticelli, 77100 Meaux. Cet avis tient lieu de faire-part. Claire, son épouse, Serena et Giulia, ses filles, Me Christian Roth et Claire Mathijsen, son fils et sa belle-fille, Les docteurs Elisabeth La Marca et Antonio La Marca, sa fille et son gendre, Marianne Gayko-Roth et Hendrik Gayko, sa fille et son gendre, Alexandre et Joséphine, son petit-fils et sa compagne, Victoria, sa petite-fille, Cédric et Noémie, son petit-fils et son épouse, Christopher, son petit-fils, Marco, Oswalda, Mathilde, Annamaria, Elena, Felice, Colette, Franco, Brigitte, Giovanni, ses frères et sœurs, beaux-frères et belles-sœurs, Michela, Manuela, Karim, Lara, Matthias, Genael, Monica, Melinda, Renzo, Luca, Elia et Gilda, leurs enfants, Dans le cadre de l’exposition Joséphine, cycle de conférences et de débats : « Les femmes et le pouvoir », avec Eliane Viennot, Christine Bard et Françoise Gaspard, 4 juin 2014, à 18 h 30, Jean Dague, son beau-père, « Napoléon et les femmes », avec Jean Tulard, 19 juin, à 18 h 30, Séance dédicace à la librairie du musée (à 17 heures). Solange et Jean Luc Faure, ses belle-sœur et beau-frère, Elise et Armand, leurs enfants, ont la grande tristesse de faire part du décès de ont l’immense douleur de faire part du décès de Mme Marie-Louise ROTH, directeur de la photographie, Informations et inscriptions : www.museeduluxembourg.fr Prix Carlo VARINI, née ZIMMERMANN, L’Union libérale israélite de France vous convie mardi 3 juin 2014, à 19 h 45, à la remise du Prix Copernic 2014, survenu tragiquement le 18 mai 2014, à Cathervielle, dans les Pyrénées. agrégée de l’Université, professeur émérite de l’université de la Sarre, fondatrice de l’Institut de littérature autrichienne de l’université de la Sarre, présidente d’honneur de la Société internationale Robert Musil, chevalier dans l’ordre national du Mérite, croix fédérale du Mérite de la République fédérale d’Allemagne, chevalier des Arts et Lettres de la République d’Autriche, ancienne déportée, Les obsèques ont eu lieu dans l’intimité familiale. Anniversaire de décès 1 juin 2006 - 1er juin 2014. er Suzanne LANOT. Ce n’est pas seulement ce jour-là que je me souviens. Souvenir survenu à Strasbourg, le 25 mai 2014, dans sa quatre-vingt-huitième année. Nicolas, pour le Dialogue, la Paix et la Fraternité. Le jury, composé d’Isabelle Giordano, Christine Kelly, Martin Hirsch, Jean-François Bensahel et Guy Bouaziz, récompenseront Marcel Kabanda pour son œuvre de mémoire dans le génocide au Rwanda et Hélène Rastegar, pour son projet de festival de courts métrages « Chacun son court » qui, chacun(e) dans son domaine permet aux Hommes de se rapprocher, de faire reculer les haines et les préjugés en réparant le monde. Entrée libre - Remise du prix suivie d’un cocktail dînatoire. ULIF, 24, rue Copernic, 75116 Paris. Information : www.ulif.org tu es dans notre cœur à chaque instant. « You are constantly in our hearts. » Son esprit embrassait le sens de l’harmonie. Assemblée générale Alain, Anne, Alix. La cérémonie d’adieu a eu lieu le vendredi 30 mai. L’assemblée générale ordinaire de l’association Jeunesse et Marine se tiendra le samedi 14 juin 2014, à 16 h 30, 9, rue de la Véga, Paris 12e. Conférences Dans le cadre des Conférences René Girard, Conférence de Roberto Calasso : « La superstition de la société », le jeudi 5 juin 2014, à 19 heures, Centre Pompidou, entrée libre. www.rene-girard.fr Cet avis tient lieu de faire-part et de remerciements. La messe sera célébrée le mardi 3 juin, à 10 h 30, en l’église Notre-Dame d’Auteuil, Paris 16e, suivie de l’inhumation dans le caveau de famille, à Montgeron (Essonne). Réservation au 01 60 32 10 45 ou sur reservation. [email protected] Selon la volonté du défunt, son corps sera ensuite incinéré dans l’intimité familiale au crématorium du parc de Clamart. « Sur toutes les cimes, la paix. Au faîte des arbres tu saisiras un souffle à peine. Au bois se taisent les oiseaux Attends ! Bientôt toi-même aussi reposeras. » Gœthe. La cérémonie religieuse sera célébrée le 2 juin, à 14 h 30, en l’église Saint-Pierre et Saint-Paul de Fontenay-aux-Roses. par Paul Dietschy, maître de conférences, à l’Université de Franche-Comté. La cérémonie religieuse sera célébrée en l’église Saint-Romain de Sèvres, le lundi 2 juin, à 14 h 30. Sarrebruck. Strasbourg. Mulhouse. Kehl. Paris. New York. San Francisco. Jérôme et Lydie Jaubert, Olivier et Isabelle Jaubert, Eric et Pascale Clauser, Denis et Isabelle Jaubert, ses enfants, Jonathan DROUET et Aurore JARRY, ses parents, sont très heureux et en pleine forme. « Le football pendant la Première Guerre mondiale », survenu à sèvres, le 27 mai 2014, dans sa quatre-vingt-huitième année. Ils s’associent à la douleur de sa femme, Nathalie Théret et de toute sa famille. 9, rue Durand-Benech, 92260 Fontenay-aux-Roses. Jade DROUET, Dès mercredi 28 mai, le volume n° 5 COMME UN CRABE, DE CÔTÉ enlevé à l’affection des siens, le mercredi 28 mai 2014. ministre plénipotentiaire en retraite, officier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite, survenu le 28 mai 2014. Françoise BOUTELOUP, Conférence gratuite jeudi 12 juin 2014, à 20 heures, Yves SCHLUTY, directeur de recherches au CNRS, font part du décès de survenu le jeudi 1er mai 2014, à l’âge de quatre-vingt-onze ans, après une longue maladie. ont la douleur de faire-part du décès de Emmanuel KÄS, Sa famille, Charles Evin, son compagnon, ÆÈÀ¹#½|ȵ±#À¹#½~ "ÈÀµÌ½~ òȵÀÊ?#½ %J?¹µ%#½~ 'ÈÊüÀ=½~ ÆÀÈò#'¹öÈʽ|%?FJ¹½~ ÊÈÌöÊJ¹öÈʽ~ J½½#ÌFë?#½ ü?Ê?ÀJë#½ Mme Jany Schluty, son épouse, Eliane et Jean-Paul Mazoyer, Marie-France et François Levéel, Jean-Claude Schluty, ses enfants et gendres, Florian, Karen et Delphine, ses petits-enfants, ont l’immense tristesse de faire part du décès de leur collègue et ami, ont l’immense tristesse de faire part du décès, survenu soudainement le 27 mai 2014, à l’âge de quatre-vingts ans, de .±ö½ %# %?'=½~ À#Ì#À'ö#Ì#ʹ½~ Ì#½½#½~ 'ÈÊ%Èë?JÊ'#½~ ùÈÌÌJü#½~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# %?'=½~ ½Èµ±#ÊöÀ½ Hors-série Jane-Lise Samuel, Ruth Rimokh, Sophie Brouard Et tous les membres de la CSS7 de l’Inserm 2008-2012, Hellwigstrasse 19, D-66121 Saarbrücken. 1 a, boulevard d’Anvers, 67000 Strasbourg. Rapport moral 2013, Rapport d’activité 2013, Rapport de Gestion 2013, Budget 2014, Renouvellement partiel du CA, Modification du montant de la cotisation. BULLETIN D’ABONNEMENT A compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9 OUI 142EMQADCV je m’abonne à la Formule Intégrale du Monde Le quotidien chaque jour + tous les suppléments + M le magazine du Monde + l’accès à l’Édition abonnés du Monde.fr pendant 3 mois pour 69 € au lieu de 179,40 €* Je règle par : Chèque bancaire à l’ordre de la Société éditrice du Monde Carte bancaire : Carte Bleue Visa Mastercard N° : Actuellement en kiosque le CD-livret n° 21 CHEZ LES YÉ-YÉ Nos services -------------------------------------------------------------- DÉCOUVERTE Tél. : 32-89 (0,34 � TTC/min) www.lemonde.fr/abojournal K Boutique du Monde 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris M° Glacière ou Corvisart Tél. : 01-57-28-29-85 www.lemonde.fr/boutique K Le Carnet du Monde Tél. : 01-57-28-28-28 Professionnels K Service des ventes Tél. : 0-805-05-01-47 Notez les 3 derniers chiffres figurant au verso de votre carte : Nom : Prénom : Adresse : Lecteurs K Abonnements Date et signature obligatoires Expire fin : Code postal : Localité : 69 � au lieu de 179,40 * � ABONNEZ-VOUS E-mail : @ J’accepte de recevoir des offres du Monde ou de ses partenaires OUI OUI NON NON Tél. : IMPORTANT : VOTRE JOURNAL LIVRÉ CHEZ VOUS PAR PORTEUR** Maison individuelle Immeuble Digicode N° Interphone : oui non Boîte aux lettres : Nominative Collective Dépôt chez le gardien/accueil Bât. N° Escalier N° Dépôt spécifique le week-end SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE SA - 80, BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI - 75013 PARIS - 433 891 850 RCS Paris - Capital de 94 610 348,70�. Offre réservée aux nouveaux abonnés et valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2014. En application des articles 38, 39 et 40 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notre siège. Par notre intermédiaire, ces données pourraient êtres communiquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre. *Prix de vente en kiosque. **Sous réserve de la possibilité pour nos porteurs de servir votre adresse. 0123 météo & jeux Dimanche 1er- Lundi 2 juin 2014 < -5° 0 à 5° -5 à 0° 5 à 10° 10 à 15° 15 à 20° 20 à 25° 25 à 30° 30 à 35° En Europe Dimanche 1er juin 2014 1015 1015 12h TU Averses éparses sur l’Ouest et le Sud-Ouest 01.06.2014 1005 H Lille 1010 10 20 Cherbourg 20 km/h 12 19 20 km/h Amiens Châlonsen-champagne Rouen 9 20 Brest 9 20 9 20 Rennes 11 20 PARIS 1020 12 20 Caen 1015 11 20 Poitiers Besançon Limoges 5 19 Lyon Grenoble 10 24 14 19 Montpellier Toulouse Alger 15 22 16 26 Justin Coeff. de marée 47 Dimanche, sous un ciel assez variable, quelques averses éparses ne seront pas exclues localement près des Pyrénées, ainsi que sur le nord-ouest du pays. Une tendance orageuse se manifestera également l'après-midi sur les Alpes-du-Sud. Sinon, sur le reste du territoire, la journée se déroulera sous un temps sec et généralement ensoleillé malgré la présence de quelques formations nuageuses dans le ciel. Il fera 20 degrés à Paris, 24 à Lyon et jusqu'à 28 à Montpellier. Jours suivants Mardi Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est Ajaccio 30 km/h 12 22 Lever 09h17 Coucher / Lundi 9 20 10 17 12 20 10 23 10 23 9 20 13 23 12 24 13 22 13 23 9 17 10 18 15 21 14 19 12 19 11 22 13 17 9 18 11 21 11 19 11 19 15 28 16 23 12 24 D Le Caire Jérusalem bienensoleillé 10 bienensoleillé 17 bienensoleillé 16 averseséparses 11 assezensoleillé 8 assezensoleillé 7 bienensoleillé 9 enpartieensoleillé 13 aversesmodérées 12 aversesmodérées 13 aversesmodérées 11 averseséparses 11 assezensoleillé 9 aversesmodérées 19 soleil,oragepossible 15 enpartieensoleillé 18 beautemps 14 9 assezensoleillé 11 assezensoleillé 10 assezensoleillé 9 beautemps 13 assezensoleillé 22 beautemps 9 beautemps 7 bienensoleillé 9 pluiemodérée 16 24 22 19 20 20 21 22 21 18 15 19 17 20 24 19 24 22 22 20 25 26 27 21 18 10 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb bienensoleillé soleil,oragepossible assezensoleillé beautemps assezensoleillé soleil,oragepossible enpartieensoleillé enpartieensoleillé averseséparses couvertetorageux 10 15 6 10 9 15 11 11 11 11 16 24 20 20 14 22 22 22 16 19 Alger aversesmodérées Amman beautemps Bangkok soleil,oragepossible Beyrouth bienensoleillé Brasilia assezensoleillé Buenos Aires beautemps Dakar bienensoleillé Djakarta pluiesorageuses Dubai beautemps Hongkong pluiesorageuses Jérusalem beautemps Kinshasa pluiesorageuses Le Caire beautemps Mexico assezensoleillé Montréal bienensoleillé Nairobi averseséparses 17 17 29 23 16 7 23 27 31 27 16 23 20 15 10 12 22 27 36 27 25 17 23 30 38 30 22 33 32 24 23 24 Dans le monde New Delhi soleil,oragepossible bienensoleillé New York enpartieensoleillé Pékin beautemps Pretoria beautemps Rabat Rio de Janeiro assezensoleillé assezensoleillé Séoul Singapour soleil,oragepossible averseséparses Sydney bienensoleillé Téhéran bienensoleillé Tokyo assezensoleillé Tunis Washington bienensoleillé Wellington beautemps Outremer Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis soleil,oragepossible assezensoleillé assezensoleillé assezensoleillé assezensoleillé bienensoleillé 32 46 10 20 23 34 8 22 16 25 18 26 16 26 28 32 17 19 21 32 22 29 18 23 11 22 11 14 25 27 18 26 27 23 29 28 26 26 28 26 Météorologue en direct au 0899 700 713 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h 4 5 “Connaître les religions pour comprendre le monde” z Découvre notre nouvelle formule 7 [email protected] ; http ://mediateur.blog.lemonde.fr Les soirées télé Sudoku n˚14-129 8 9 Solution du n˚14-128 TF 1 10 1 1 12 des animateurs. Invités : Julien Arnaud, Estelle Denis, Christophe Beaugrand... 23.30 Ce soir tout est permis avec Arthur. Invités : Bruno Guillon, Arnaud Tsamere, Claudia Tagbo, Baptiste Lecaplain, Philippe Lelièvre, Sophie Mounicot (100 min). II III FRANCE 2 IV 20.45 Rugby. Top 14 (finale) : Toulon - Castres. En direct. 23.10 On n’est pas couché. Talk-show présenté par Laurent Ruquier (180 min). V FRANCE 3 VI 20.45 Simple question de temps. VII Téléfilm. Henri Helman. Avec Line Renaud, Romane Portail, Julien Tortora (France, 2011). 22.20 Météo, Soir 3. 22.50 Inspecteur Barnaby. Série. Le Fantôme de Noël (GB, 2004). 0.20 Appassionata. Concert de l’Orchestre de Paris (150 min). VIII IX Euro Millions X I. En état d’infériorité. II. Fait obstacle à toutes les possibilités de rapprochement. Article. III. Du froment dans la bière chez les Belges. Encore une fois. Chez les Grecs. IV. Finit par entrer en Seine. Lieu de rencontres. V. Bien en peine. Grand parti d’hier. VI. Possessif. Un chef qui ne pense qu’à faire du mal. Sept chez Vinci. VII. Grand et beau travail. Poussent à faire du beau travail. VIII. Le papa des « Doris girls ». Finira par faire des dégâts IX. Délicatement colorée. Gaz en tube. X. Prendraient de bonnes distances. Solution du n° 14 - 128 Horizontalement I. Diffamatrice. II. E-mail. Raison. III. BB. Néréis. Ut. IV. Oisiveté. Par. V. Ubu. Ive. Racé. VI. Sirène. Sot. VII. Stèle. Phi. Do. VIII. Oise. Erodais. IX. Lô. Vaporisée. X. Enregistreur. Samedi 31 mai 20.55 Le Grand Concours I Horizontalement La suppression des départements revient à supprimer une part de l’héritage de la Révolution de 1789, qui a profondément modelé depuis plus de deux siècles l’identité française et a constitué un des socles les plus solides pour l’organisation de la République. En outre, cette réforme ne fait pas que m’inquiéter, elle m’intrigue. Ce regroupement de régions, n’est-ce pas ressusciter, d’une certaine façon, les anciennes provinces dans lesquelles les paroisses (pardon, les communes!) seraient, mais pour combien de temps, la seule organisation administrative de proximité pour les citoyens, une organisation avec de moins en moins de moyens financiers, autrement dit… Mais si on oublie cette perspective très Ancien Régime et « vichyste», pour adopter le tropisme allemand, ce regroupement de régions peut préfigurer une organisation à la façon des Länder allemands. Combien de temps passera avant une forme d’autonomie des régions françaises? Voilà qui plairait bien à certains responsables européens: les régions contre l’Etat ! J’ai bien peur que M.Hollande, n’ayant rien à proposer d’autre aux Français, ne se lance, pour donner l’impression de faire quelque chose, dans une réforme mal ficelée, sans aucune réelle réflexion sur ses impacts, y compris symboliques. Une réforme pour occuper la galerie et faire plaisir à Bruxelles qui pourrait alors nous octroyer sa bienveillance. Qui sait ? Mireille Meyer, Lambesc (Bouches-du-Rhône) Nous trouvons extrêmement choquant que des candidats qui sont manifestement opposés à l’Union européenne aient le toupet de briguer un mandat européen et n’hésitent pas à bénéficier, lorsqu’ils sont élus, de l’indemnité qui leur est versée. S’ils étaient logiques avec euxmêmes, ils se mobiliseraient autrement et seraient ainsi en accord avec leurs principes. La démocratie n’exige pas qu’on se commette avec les partisans d’un système qu’on récuse. Monique et François Hyenne, Luxembourg CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX 6 Etat Suppression des départements ou retour des provinces ? Europe En accord avec ses principes Motscroisés n˚14-129 3 Thalweg Beyrouth Tripoli Tripoli 1005 Mercredi Jeudi 11 18 2 Occlusion Athènes Tunis Tunis Rabat Dépression Front froid Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik Les jeux 1 D Front chaud En Europe 15 26 Lever 05h50 Coucher 21h45 Aujourd’hui Anticyclone D Istanbul Algérie: Pluies localement fortes sur le nord du pays Perpignan Températures à l’aube 1 22 l’après-midi A Nice Marseille 15 28 12 22 1015 Séville 1030 Bucarest Depuis quelques semaines, le gouvernement nous parle de baisse d’impôts, comme s’il avait tout d’un coup décidé de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Les Français ne sont pas stupides, en particulier les quelques millions d’entre eux qui ont bénéficié des heures supplémentaires défiscalisées lors de la présidence de Nicolas Sarkozy et qui vont payer beaucoup plus d’impôts que par le passé. Lorsque la gauche est arrivée au pouvoir, elle a affirmé que ces heures défiscalisées étaient un frein pour l’emploi. Pourtant, leur disparition n’a pas entraîné une baisse du chômage. Au contraire, les quelques dizaines ou centaines d’euros perdus chaque mois par les ménages concernés ont diminué leur pouvoir d’achat, ce qui à l’autre bout de la chaîne a entraîné des licenciements dans les entreprises qui vendaient moins. Après avoir travaillé plus pour gagner plus, beaucoup de Français ne travaillent plus du tout, et, désabusés, vont donner leur voix aux partis extrémistes. Rémy Gigos, Bessoncourt (Territoire de Belfort) Ankara Lisbonne Lisbonne A Odessa Sofia Rome Barcelone Barcelone 1020 A Kiev Budapest Zagreb Belgrade Madrid 0 12 101 24 12 24 Biarritz Berne Munich Vienne Chamonix Bordeaux 35 km/h Paris Milan T 10 22 9 20 20 km/h Amsterdam Berlin Varsovie Prague 11 22 Clermont-Ferrand Moscou 1010 Bruxelles 9 22 Dijon 1025 11 22 Minsk Londres 1025 10 23 Copenhague Dublin Strasbourg 11 22 11 20 Nantes Riga Edimbourg Orléans 9 22 Helsinki 1015 St-Pétersbourg Oslo Stockholm Metz 1005 Economie Redonner du pouvoir d’achat aux Français 1020 D 9 20 Courriels > 40° A Reykjavik D www.meteonews.fr 35 à 40° 17 Verticalement 1. Passe bassement à l’attaque. 2. Remplit les cabinets. Lourdement chargées. 3. Cours d’Ukraine. Défonce du consommateur. 4. Tendres inclinations. Equidé renversé. 5. Pris sur le vif. Ouverture vers le large. Court pour éviter les longueurs. 6. Fait preuve. En fin de journée. 7. Fait l’innocent. Bomber en ville. 8. Hydrocarbures. 9. Porteur de disque. La dame du radja. 10. Point de départ et d’arrivée. Porteuse de grappes. 11. Marque d’hésitation. Se déplace sans polluer. 12. Délivrent du mal. Philippe Dupuis Verticalement 1. Déboussolé. 2. Imbibition. 3. Fa. Sûres. 4. Fini. Elève. 5. Alevine. Ag. 6. Rêve. Epi. 7. Arête. Pros. 8. Taie. Short. 9. Ris. Roidir. 10. Is. Pat. Ase. 11. Couac. Dieu. 12. Entreposer. CANAL + Résultats du tirage du vendredi 30 mai. 5, 24, 27, 41, 45, 6 e et 7 e Rapports : 5 numéros et e e : pas de gagnant ; 5 numéros et e : 355 902,20 ¤; 5 numéros : 74 146,30 ¤ ; 4 numéros et e e : 4 634 ,10 ¤ ; 4 numéros et e : 215,70 ¤ ; 4 numéros : 116,40 ¤ ; 3 numéros et e e : 67,30 ¤ ; 3 numéros et e : 14,20 ¤ ; 3 numéros : 13,30 ¤ ; 2 numéros et e e : 20,50 ¤ ; 2 numéros et e : 7,50 ¤ ; 2 numéros : 4,30 ¤ ; 1 numéro et e e : 10,60 ¤. 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: [email protected] Médiateur: [email protected] Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60 La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») 21.00 Rugby. Top 14 (finale) : Toulon - Castres. En direct. 23.30 Jason Bourne : l’héritage pp Film Tony Gilroy. Avec Jeremy Renner, Edward Norton, Rachel Weisz (EU, 2012, 130 min) U. FRANCE 5 20.35 Echappées belles. Malte, l’île aux trésors. Magazine. 22.10 Expédition Guyana. [2/3]. 23.00 L’Œil et la Main. Intermittent, artiste à plein temps. 23.25 Les Routes de l’impossible. Indonésie, les forçats du volcan. Documentaire. 0.15 Traditions et saveurs. Angleterre. Documentaire (60 min). ARTE 20.45 L’Aventure humaine. L’Histoire de l’électricité [1 à 3/3]. L’Etincelle. L’Age des inventions. L’Age des révolutions. 23.50 La Tumultueuse Histoire des peep-shows. Documentaire. 0.40 Tracks. Magazine (50 min). M6 20.50 Hawaï 5-0. Série. Ho’i Hou. Aloha Ke Kahi I Ke Kahi. A’ale Ma’a Wau (saison 4, 18, 1 et 2/22) U ; Ho’opa’i. Ho’ohuli Na’au (saison 1, 21 et 22/24) U. 1.10 Supernatural. Série. Plan B V. Le Panthéon W (S5, 18-19/22, 90 min). Dimanche 1er juin TF 1 20.50 Football. Match de préparation à la Coupe du monde 2014. France - Paraguay. En direct de Nice. 23.05 Esprits criminels. Série. Jeu de hasard... (S3, 20/20) U ; ...ou jeu de dupe U. L’Ange de la mort V (S4, 1 et 2/26) (140 min). FRANCE 2 20.45 L’amour c’est mieux à deux Film Dominique Farrugia et Arnaud Lemort. Avec Clovis Cornillac (Fr., 2010, audiovision). 22.30 Faites entrer l’accusé. Les Petites Economies de Claude Clément U. 0.00 Histoires courtes (40 min). FRANCE 3 20.45 Le 5e Commandement. Série. Le Labyrinthe. Un cadavre peut en cacher un autre. Le Dixième Moine. Le Dernier Païen (saison 1, ép. 1 à 4/4, audiovision). 23.35 Météo, Soir 3. 0.05 Le Brigand bien-aimé p Film Nicholas Ray. Avec Robert Wagner, Jeffrey Hunter, Hope Lange (EU, 1957, v.o., 90 min). CANAL + 20.55 L’Ombre de la loi. Téléfilm. Christian Alvart. Avec Til Schweiger, Fahri Yardim, Luna Schweiger (All., 2013) V. 22.25 La Coupe du monde disparue. Documentaire (Italie - Argentine, 2011, 90 min). FRANCE 5 20.35 Vacances sur Internet : petits prix mais grand bazar ! 21.30 Thaïlande, eldorado ou mirage ? 22.25 Les Routes de l’impossible. Papouasie : la bourse ou la vie. 23.15 La Grande Librairie. « La Valise idéale ». Magazine (80 min). ARTE 20.45 L’Homme-Orchestre p Film Serge Korber. Avec Louis de Funès, Noëlle Adam, Olivier de Funès (Fr. - It., 1970). 22.05 Monsieur de Funès. Documentaire (France, 2013). 23.30 Au cœur de la nuit. Ulrich Seidl et Josef Bierbichler (55 min). M6 20.50 Zone interdite. Amour, sexe, séduction : les codes ont changé. 23.00 Enquête exclusive. Magazine. Coupe du monde, fêtes et favelas : état d’urgence à Rio... (165 min) U. 18 décryptages 0123 Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 LorsduDébarquement,prèsde 2500civilsfrançaisontététués Un désir de révolution parlesbombesalliées. Retoursurunemémoiremeurtrie Michel Crépu Ecrivain, directeur de « La Revue des Deux Mondes » L a seule chose de captivante, dansladéclarationprésidentielle du lundi 26 mai au soir, c’était les reliures dorées des vieux ouvrages de la bibliothèque élyséenne. Chers vieux Plutarque et autres Fénelon qui garnissaient autrefois le décor des déclarations gaulliennes. La bibliothèque faisait alors corps avec le verbe. François Hollande devant les volumes Plutarque, c’est toute notre époque: le somnambulisme intellectuel, l’incapacité à parler de telle sorte que cette parole consiste en quelque chose. On voudrait être mouche pour avoir entendu le communicantde service conseillerau président de se mettre devant les livres. On se tourne, on cherche une prise à cet effondrement, on ne la trouve pas. Les mantrasdel’antifascismesont sous lesoripeaux du grand film d’autrefois, celui qui fait pleurer M. Mélenchon bien inutilement. Que se passe-t-il ? Où sommesnous ? Les uns penchent pour la séquence années 1930 revisited, les autres ne craignent pas d’en appeler au « nachBerlin » si bien décrit par Céline au début du Voyage au bout de la nuit. Il est extraordinaire de constater à quel point notre présent est indescriptiblesauf à être raccrochéà de telles séquences historiques. On ne peut pas vivre sans référence, on ne peut pas vivre non plus uniquement à partir de références qui ont déjà servi. Ce serait bien, pourtant, pour notre santé neuronale, de parler à notre époque sans détour, sans préjugé. D’écouter, en somme.BeaucoupdejeunesvotentFrontnational, à peine s’ils ont la moindre conscience de la généalogieidéologiquedontprovient ce parti, cette tunique de Nessus dont il est en train de se défaire au nez et à la barbe du public.Ce qu’ilsontentête,cequilesentraîne c’est ce que l’on appelait autrefois, sur lesbancsdela Sorbonne,undésirderévolution. L’adversaire, cette fois, ce n’est pas le « Grand Kapital», ce sont les ronds-de-cuir bruxellois qui font croire aux braves gens que la construction européenne ne peut quesuivresoncours,inéluctablement,parce qu’il n’y a pas d’autre issue. Un tel discours, qui est la négation même du libre arbitre, est proprement mortel. On pourra bien justifier, rapports à l’appui, le bienfondé de la construction: cela ne servira de rien. Cela demeurera lettre mortifère. M. Valls pourra bien mettre son costume de deuil à la télévision, il eût pu aussi bien mettre une casquette de clown. Enjeu spirituel La force du Front national tient dans le fait qu’il est devenu la bannière légitime pour tous ceux qui ne veulent pas se contenter de l’idéologie de la marche en avant. Cette bannière brille aux yeux d’une jeune génération en manque de grandeur, dehauteur,desens,dedimensionspirituelle. Pourquoi cette bannière-là? Pourquoi la «politique» est-ellecommefrappéedestupeur? Force est de constater qu’elle n’a rien en magasin en matière de grandeur, de dimension spirituelle. On ne lui demande d’ailleurs pas de se transformer en mystique comme le réclamait imprudemment lecherPéguy.Onluidemandesimplement d’être la politique au sens le plus noble : uneexpériencede l’impur,de la confrontation avec le réel. Alors seulement la mystique peut entrer en jeu et donner une perspective à ceux qui souffrent moralement et physiquement. Le mot de « mystique» vous fait peur ? Prenez le mot « idéal » si cela vous chante mieux. Et bon voyage. Il est loin le temps où Charles Péguy pouvait écrire sans sourciller qu’un « régime qui n’est qu’une thèse », qui n’est pas « debout et vivant », ne peut pas tenir le coup.Il y a des jours où l’on se contenterait pourtant bien d’une « thèse ». Pour ce qui est d’être « debout et vivant » c’est encore une autre affaire. On nous permettra de penser que c’est pourtant bien là l’enjeu spirituel. Qu’il n’y ait personne pour l’entendre sonne une sorte de glas. Glas sur un monde qui est en train de couler sous nos yeux, lentement, irrésistiblement. La vraie vie est ailleurs: bonne chance à tous ceux que cela intéresse encore. Les vieux Plutarque qui ornent la bibliothèque élyséenne n’en pensent pas moins. p Les oubliés du 6juin 1944 Y aura-t-il un jour une place, dans les commémorations de la Libération, pour les victimes civiles des bombardements qui l’ont préparée et accompagnée?Etpourlescentaines de milliers de Français de tous âges et conditions qui se sont mobilisés pour venir en aide à leurs voisins et sauver ce qui pouvait l’être de leur chez-soi, de leurs quartiers – bref, de tout ce qui faisait un environnement familier ? Dans quelques jours, la France, comme l’Europe, comme l’Amérique du Nord, va célébrer le 70e anniversaire du Débarquement, et rendre hommage, à juste titre, aux hommes qui ont laissé leur vie, leur jeunesse, sur les plages de Normandie. Mais qu’en est-il des civils français, dont peut-être 2500 sont tués pendant les 24 heures qui suivent l’aube du jour J ? La plupart périssent sous les bombes alliées. Des centaines trouvent la mort à Caen, Lisieux, Condé-sur-Noireau, Vire, Flers, ou Argentan, qui seront dévastées par une pluie de feu et d’acier. Des bombardements qui font suite à une réunion tenue à Londres le 21 janvier 1944, où sont présents, entre autres, le général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées ; son adjoint britannique, le maréchal de l’airTedder;Montgomery,le chefbritannique des forces terrestres alliées : le maréchal de l’air Leigh-Mallory, commandant britanniquedes forcesaériennestactiques des Alliés ; et le général Spaatz, responsable des forces aériennes américaines. Il y a été convenu que les carrefours routiers La campagne de Normandie prendra fin le 12septembre avec la prise duHavre, ville détruite à 85% après avoir reçu en une semaine près de 10000tonnes de bombes normands,et lesvilles lesentourant,devaient être « aplanis» (flattened) afin de retarder l’arrivée des renforts ennemis. Peine perdue, car les Allemands n’auront pas de difficulté à contourner l’obstacle. Lesopérationsdes6et7juinnereprésententcependantqu’unepartied’uneoffensive aérienne concertée et planifiée qui ne cesse de s’intensifier depuis l’Armistice de 1940, et qui ne finira qu’en avril 1945. Les Britanniques, rejoints en août 1942 par les Américains,déverseront pendantla guerre quelque 518000 tonnes de bombes sur le solfrançais,soitprès desept foisplusque le totallancéparlaLuftwaffesur leRoyaumeUni. Environ 57 000 civils français deviendront ce qu’on n’appelle pas encore des «dommages collatéraux». Avant le jour J, seront ciblés, sur toute la France, industries produisant pour l’occupant, infrastructures portuaires investies par celui-ci, alvéoles en béton construites pourabritersous-marinset vedetteslancetorpilles, rampes et sites de lancement des armes « V », ainsi que l’ensemble du réseau SNCF, que les Alliés entreprendront de paralyser au printemps 1944 (ponts, viaducs, triages, rotondes, ateliers deréparation,postes d’aiguillage).Ensouffrent des villes comme Nantes et Rennes, Marseille et Avignon, Lille et Amiens, Lyon et Saint-Etienne, Lorient et SaintNazaire,ainsique tousles nœuds ferroviaires de la banlieue parisienne, chacun entouré de sa cité des cheminots. Après le Débarquement, les bombardiers lourds seront appelés à soutenir les forces terrestres, à Caen, Evrecy ou VillersBocage, avec des résultats militaires en général mitigés. La campagne de Normandie prendra fin le 12 septembre avec la prise du Havre, ville détruite à 85 % après avoir reçu en une semaine près de 10 000 tonnes de bombes (de fabrication américaine, mais larguées par des Lancaster britanniques). Le dernier bombardement vise la poche de Royan, à l’embouchure de la Gironde. Parmi les équipages américains qui l’exécutent, le futur historienHoward Zinndira plus tardqu’au brie- Sylvie Barot Conservatrice en chef aux archives municipales du Havre (1985-2008), contributrice de « Migrants dans une ville portuaire » (Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2005) et du « Dictionnaire des gens de couleur dans la France moderne » (Droz, 2011) Andrew Knapp Professeur à l’université de Reading (Angleterre), auteur des « Français sous les bombes alliées » (Tallandier, 512 pages, 24 euros) et consultant historique du film de Catherine Monfajon « La France sous les bombes alliées » (Phares et Balises - France 3, 2014) fing« on nous a informésque dans nos soutes se trouvaient trente bombes de 45 kg contenant de l’essence en gelée». C’est une toutenouvellematière,promiseà un sinistre avenir: le napalm. Certaines de ces opérations seront à la fois efficaces et peu coûteuses en vies françaises – que les Alliés essaient, en principe, de protéger, contrairement à celles des civils allemands ou japonais. Les attaques contre l’usine Gnome et Rhône à Limoges lanuitdu8février1944,contrelesétablissements Nadelle (fabrique de roulements à billes) à La Ricamarie le 10 mars, ou contre lesusinesd’aviationde larégiontoulousaine le 5 avril relèvent de cette catégorie. D’autres, par exemple, les bombardements de Lille le 9 avril, de Sotteville-lèsRouen le 18 ou de La Chapelle, à Paris, le 20, atteindront leur but plus ou moins bien mais feront des dégâts, humains et matériels, autour. D’autres encore tueront des Françaiset détruiront leurs villes sans procurer aucun avantage militaire, de l’aveu discret parfois des Alliés eux-mêmes : le controversé maréchal de l’air Arthur Harris, surnommé « Bomber Harris », pourtant peu enclin aux états d’âme, regrettera en octobre 1944 que le bombardement du Havre « ait tué beaucoup de civils français et fait beaucoup de dégâts sans que les attaques aient vraiment réussi à entraver l’effort de guerre allemand ». De tels faits – alors non encore qualifiés – seraient considérés, de nos jours, comme un crime de guerre d’après le statut de Rome de la Cour pénale internationale, signé en 1998. Aspect de la guerre encore bien connu, etpourcause,deceuxquil’ontvécudirectement comme un traumatisme ineffaçable, ainsi que des descendants des victimes, ou alors des historiens régionaux, mais trop souvent marginalisé dans la « grande his- toire » des années noires ou de la Libération. Car le récit des bombardements va à l’encontre de celui, dominant, du combat de la Résistance, de la France libre et des Alliés contre l’occupant nazi et ses suppôts vichyssois. Ici tout est à l’envers: les libérateurs tant attendus sèment la mort et la désolation, le régime honteux de Pétain et de Laval essayant quant à lui, tant bien que mal, de sauver, de soigner, de secourir. Les services de propagande de Vichy en profitent: campagnes d’affichage, tracts, journées de deuil national, actualités cinématographiques, visites du Maréchal. Les causeries radiodiffusées quotidiennes de Philippe Henriot martèlent aux Français que les Alliés cherchent la destruction de leurpays,queleseulsalutrésideenunevictoire allemande. Sans réussir à pousser la population dans les bras de l’occupant. Et pourtant,en l’absencede toute intégration systématique des bombardements dans le « grand récit national » (commémorations, manuels scolaires, médias), le discours victimaire de Vichy perdure. Y compris à gauche, où la croyance selon laquelle les « Anglo-Saxons» visaient l’élimination de la concurrence économique française fait toujours recette. Victimes,les civils français? Oui, en partie. Il convient de s’en souvenir sans tomber, justement, ni dans le misérabilisme des nostalgiques du régime pétainiste ni dans l’anti-américanisme virulent et nauséabondqui y est associé surdessites pseudo-identitaires de la Toile. Que dire face à l’immense pudeur des communes ravagées ou meurtries ? Aunay-sur-Odon, belle bourgade reconstruitedu bocage normand,à l’écartdesplages des débarquements, anéantie du 12 au 15 juin 1944, où il faut entrer dans un hôtel dela place pourdécouvrirdes images d’an- Macabre confort par Serguei tan et, en regard, de ruines d’où émerge un clocher ? Et les innombrables plaques de monuments aux morts signalant les victimes civiles des « bombardements subis entre 1939-1945», sans autre précision? Il est surtout nécessaire de rappeler ici que les Français sous les bombes sont aussi et d’abord des acteurs. Ils s’engagent par centainesde milliersdans la défense passive, la Croix-Rouge, ou encore les Equipes nationales. Sans pour autant s’embrigaderderrièrele régimequi encadreces organismes. Si l’on évoque souvent, dans l’histoire des années noires, la France des résistants héroïques, des infâmes collaborateurs, ou alors des ignobles profiteurs et autres trafiquants, ou des attentistes, des Français ordinaires qui essaient tout simplement de survivre, il faut aussi sûrement convoquer la France solidaire qui se mobilise, parfois au risque de sa vie, au secours des blessés ou des sinistrés, et lui rendrela place qu’elle mérite dans l’histoire nationale, sa juste place, rien de plus, riende moins.Il n’existepas d’autrefaçon, à notre sens, de dépasser des traumatis- Le récit des bombardements va à l’encontre de celui, dominant, du combat de la Résistance, de la France libre et des Alliés contre l’occupant nazi et ses suppôts de Vichy mes familiaux, individuels et à l’échelle de collectivités entières, qui perdurent, de génération en génération, faute d’être dits et reconnus et leurs acteurs honorés. Citons Robert Baillon, engagé de la Croix-Rouge parmi tant d’autres, qui se porte volontairepour rechercherles survivants du bombardement de Juvisy, la nuit du 18 avril 1944, malgré la présence de bombes à retardement. Des camarades trouveront son corps le matin du 20 avril. Mortpour la France, comme la mention en est portée sur l’état-civil de toutes les victimes,àconditionqu’ellessoientde nationalité française et que leurs proches en aient effectué la demande? Et ce au même titre que les hommes de la Résistance ou de la 2e DB ? Cela peut se discuter. Mais mort pour les Français, ça oui, assurément. p 0123 analyses Dimanche 1er- Lundi 2 juin 2014 19 L’insoutenable illégitimité de la dette ANALYSE par Patrick Roger Service France L e premier ministre, Manuel Valls, en afait un argumentmassuepourjustifier le programme de stabilité et la réduction de 50 milliards d’euros de la dépense publique : « Depuis plus de trente ans, nous vivons au-dessus de nos moyens.» Le rapprochement qu’il effectue avec l’endettement de la France sousentendque la dépense publiqueest la cause première de la dette publique. Faux, répond le groupe d’économistes de gauche et de syndicalistes constitué au sein du Collectif pour un audit citoyen de la dette publique (CAC), qui a publié, mardi 27 mai, une étude analysant les composantes de la dette publique. L’explication – ou plutôt les explications – réside ailleurs : des recettes dont s’est privé l’Etat « en multipliant les cadeaux fiscaux » depuis le début des années 2000 et des taux d’intérêt excessifs auxquels l’Etat s’est financé. Ces deux facteurs, à eux seuls, contribuent pour 59 % à l’actuelle dette publique. En trente ans, ont calculé ces économistes, la part des recettes de l’Etat dans le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 5,5 points. Si cette part était restée constante, la dette publique serait inférieure à son niveau actuel de 24 points de PIB,soit 488 milliardsd’euros. Si l’Etat, parallèlement, avait emprunté au taux réel au lieu de recourir aux marchés financiers, le niveau de la dette serait inférieur de 29 points de PIB, soit 589 milliards. A cela s’ajoute celui de l’évasion fiscale,estimé à 20 % de la dette de l’Etaten 2012. « Il faut combattre l’idée que le déficit provient des dépenses excessives, assure Michel Husson, membre du conseil scientifique d’Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne), qui a coordonné ces travaux. Elles ont au contraire un peu baissé, de 2 points en trente ans, en proportion du PIB. Le problème vient des recettes. En fait, en baissant les recettes, on fabrique du déficit. » L’étude démontre ce mécanisme d’alternance entre gonflement du déficit du fait de la baisse des recettes puis réajustement par le freinage des dépenses. « La tendance permanente au déséquilibre budgétaire est donc engendréepar les choix de politique fiscale qui, à leurtour, viennentensuite légitimer le recul ultérieur des dépenses publiques», indique-t-elle. Le rapport détaille les principales périodes de baisse des impôts. Les mesures Jospin (2000-2002) : –39,9 milliards entre impôts ménages (– 11,9 milliards), impôts indirects (–10,4milliards)etimpôtsentreprises(–17,6milliards). Les mesures Chirac (2006-2007) : –12,4milliards, dont 6 milliards impôts ménageset6,4milliardsimpôtsentreprises.Lesmesu- res Sarkozy (2007-2012) : –22,7 milliards, dont 10,1milliards pour les ménages et 12,6 milliards pour les entreprises. Auxquelles il faudra bientôt rajouter les mesures Hollande… Le décrochage des années 2000 « Le principal décrochage, sur le plan des cadeaux fiscaux, se situe dans les années 2000, relève M. Husson. Notre travail rejoint les analyses développées en 2010 par Gilles Carrez [alors rapporteur général (UMP) de la commission des finances de l’Assemblée nationale] et par les économistes Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis. » Dans leur rapport sur les finances publiques remis à Nicolas Sarkozy le 20mai 2010, ces derniers écrivaient : « Si la législation fiscale était restée celle de 1999, (…) la dette publique seraitenviron20 points de PIB plusfaible aujourd’hui qu’elle ne l’est en réalité, générant ainsi une économie annuelle de charges d’intérêt de 0,5 point de PIB. » « Nous arrivons à peu près aux mêmes résultats », note M. Husson. Outre le déficit primaire – l’écart entre les recettes et les dépenses hors intérêts –, les intérêts de la dette sont la seconde source d’augmentation de la dette publique. De 1980 à 2013, la dette est passée de 20,7 % à 93,5 % du PIB. Pour les deux tiers (62 %), la hausse est imputable au cumul des déficits et, pour 38 %, à l’effet boule de neige déclenché à partir du moment où les taux d’intérêt auxquels l’Etat emprunte sont supérieurs au taux de croissance. «C’est surtout dans les années 1990 que nous avons connu des taux d’intérêt très élevés, en raison du choix de n’aller que sur les marchés financiers alors que d’autres sources de financement étaient possibles, explique M. Husson. Aujourd’hui, il y a un effet d’accumulation. Une dette de l’Etat, ce n’est pas une dette d’un ménage où, au bout du crédit, on a fini de rembourser. C’est une dette perpétuelle en ce sens que, constamment, chaque année, l’Etat emprunte non seulement pourcouvrirsondéficitmaisaussipourrembourser. C’est une sorte de “dette revolving”. On n’élimine jamais complètement les effets du passé.» Aujourd’hui,l’Etat continuede payer les taux exorbitants des années 1990 et les « cadeaux fiscaux » des années 2000 – baisses d’impôts et nichesfiscales –, qualifiés comme tels parce que, concentrés sur les contribuables les plus aisés, ils n’ont pas eu l’impact économique escompté sur la consommation et sur la croissance. Ce qui pose la « légitimité» de la dette. L’analysede ces économistesmet à mal le discours politique actuel s’évertuant à rabâcher qu’il n’existe pas d’autre politique économique possible. Elle invite, au contraire, à réfléchir sur les dégâts qui pourraient survenir à répéter les erreurs du passé. Et à trouver des réponses à ces deux questions : Que faire du poids accumulé de la dette passée? Comment se financer indépendamment des marchés financiers ? p EN TRENTE ANS, LA PART DES RECETTES DE L’ÉTAT DANS LE PIB A CHUTÉ DE 5,5 POINTS [email protected] PLANÈTE | CHRONIQUE pa r S t é p h a n e F o u c a r t Trois mois en Alaska E n définitive, le conflit israéloarabe aura eu un effet majeur sur la vie des Inupiat, qui vivent dans le nordouest de l’Alaska. En 1973, avec la guerre du Kippour et la crainte d’une pénurie pétrolière, le président Nixon (1913-1994) prit toutes les dispositions légales pour autoriser la construction de l’oléoduc trans-Alaska. C’est une longue trouée dans la nature sauvage, qui traverse l’Etat américain de part en part, acheminant vers le sud le pétrole extrait des gisements de Prudhoe Bay. Aujourd’hui, alors que le monde a plus que jamais soif d’hydrocarbures, c’est aussi la voie le long de laquelle transitent, du sud vers le nord cette fois, hommes et matériels vers une région devenue la tête de pont des opérations des futurs forages offshore, en mer des Tchouktches et en mer de Beaufort. La journaliste Zoé Lamazou et le dessinateur Victor Gurrey sont allés voir de plus près cette nouvelle frontière gorgée de pétrole, où les Inupiat perpétuent un mode de vie fondé sur la chasse à la baleine. Trois mois durant, ils ont partagé le quotidien de ces chasseurs de cétacés. Ils en ramènent un beau livre, qui paraît ces jours-ci (Une saison de chasse en Alaska, éditions Paulsen, 304 pages, 29 euros) et qui relève autant du grand reportage à l’ancienne – textes, croquis, aquarelles – que de l’enquête ethnographique ou du récit de voyage. Le sujet est celui d’un monde fragile qui change à marche forcée. A Point Hope, à l’extrémité occidentale de la grande péninsule, on se souvient d’un passé pas si lointain « où la glace n’était pas aussi bizarre ». On voit la banquise se retirer toujours plus chaque été, ouvrir à la navigation, à la prospection minière et pétrolière, des horizons toujours plus vastes. A Point Hope, on veut encore, malgré tout, chasser la baleine. Avec, en surplomb, la crainte que l’avènement des forages offshore ne pave la voie à un accident aux RECTIFICATIF conséquences irrémédiables sur toute la région… Ce que racontent Zoé Lamazou et Victor Gurrey n’est cependant pas l’histoire simple et commode d’un face-à-face entre les gentils – les chasseurs de baleine – et les méchants – les pétroliers. Articulée autour de portraits, de rencontres insolites et poignantes, l’histoire est plutôt celle de deux mondes subtilement intriqués. C’est une tragédie dont les rôles sont parfois distribués avec ambiguïté, où des oil men s’avèrent d’authentiques amoureux de la nature arctique, et où des natives se réjouissent de pouvoir emmener leurs enfants à Disney World… Car à la résignation et à l’amertume se mêle aussi la volonté de tirer avantage de bouleversements qui semblent inexorables: chaque dollar qui passe par ici est un pétrodollar. 0123 hors-série A l’extrémité occidentale de la grande péninsule, on voit la banquise se retirer toujours plus chaque été La chasse demeure pourtant l’un des pivots de la vie. « Nous voulons le meilleur des deux mondes, résume un habitant. On ne peut pas retourner en arrière, nous sommes dépendants des hydrocarbures, mais nous consommons toujours les animaux que nous chassons et nous utilisons le foie de la baleine pour [fabriquer] nos tambours.» La chasse et le pétrole ne sont pas tout. Le truculent buraliste de Point Hope, Larry, un « Blanc» dont la vie semble pouvoir remplir mille romans, n’a qu’une obsession: rouvrir les fouilles archéologiques du site d’Ipiutak, où jure-t-il, se trouvent les vestiges millénaires d’une vaste métropole disparue. p [email protected] a PIB. Dans l’article sur l’Union eurasienne « Un espace économique largement revu à la baisse après la crise ukrainienne » (Le Monde du samedi 31 mai), nous avons écrit par erreur que le produit intérieur brut de la France était de 2 100 milliards de dollars. Il est en réalité de 2031 milliards d’euros (2 108 milliards estimé en 2014), soit 2 737 milliards de dollars, selon les données du Fonds monétaire international. 1944, L’ANNÉE DE LA LIBÉRATION Du Débarquement en Normandie à celui de Provence, de Marseille à Paris ou Toulouse, chaque scénario est différent. Dans ce jeu complexe où se conjugue le rôle des armées alliées, celui de la France libre et celui de la Résistance armée se dessine ce que va devenir la France après-1945. De Gaulle est le grand gagnant de cette année-là ainsi que le peuple français qui a racheté en s’insurgeant les quatre années de collaboration du régime de Vichy. Un hors-série du Monde 7,90 € chez votre marchand de journaux ou sur Lemonde.fr/boutique 20 0123 0123 Dimanche 1er - Lundi 2 juin 2014 PENDANT CE TEMPS | CHRONIQUE pa r S e r g e M i c h e l Ni Hollywood ni Bollywood. Nollywood! P AU NIGERIA, LA PRODUCTION DE FILMS EST UN RÉSUMÉ SAISISSANT DE L’AFRIQUE AU XXIE SIÈCLE endant ce temps, Serge-Armand Noukoue colle, dans les couloirs de France Télévisions, des affiches pour son festival de cinéma nigérian, la semaine prochaine à Paris. Le compte à rebours est serré. Les soustitres de Mother of George, une histoire de mariage et de pression familiale dans la communauté nigériane de New York, sont encore mal réglés. Certains invités n’ont toujours pas de visa mais leurs exigences en chambres d’hôtel sont un casse-tête. Serge-Armand, 32 ans, Français de parents béninois, un master en management de projets territoriaux et sept ans d’expérience en France et à l’étranger, va y arriver, comme l’an dernier. Le 7 avril, le Nigeria, pays le plus peuplé du continent, est aussi devenu la première économie d’Afrique, dépassant d’un coup l’Afrique du Sud grâce à un nouveau calcul de son produit national brut. Parmi les secteurs nouveaux pris en considération, il y a le cinéma, qui pèse 5,3 milliards de dollars. Cette somme a laissé bouche bée des milliers d’actrices qui jouent pour quelques euros par jour et des réalisateurs qui ne bouclent leurs projets qu’en hypothéquant leur maison. Ils se savaient nombreux : Nollywood, Yasmina Khadra reprend son «chemin d’écrivain» P arti en laissant une adresse: « Actuellement en vacances à Cuba». Yasmina Khadra n’a pas attendu la publication, jeudi 29mai, du décret présidentiel mettant fin à ses fonctions de directeur du Centre culturel algérien à Paris, pour reprendre son « chemin d’écrivain», comme il l’a confié au site d’information TSA. De son vrai nom Mohammed Moulessehoul, le romancier algérien le plus connu, et sans doute le plus controversé, quitte ainsi sans panache, en deux lignes sèches parues dans le Journal officiel d’Alger, des fonctions honorifiques qui lui avaient été confiées en 2008. Limogé par le président Bouteflika d’un trait de plume. Ses relations avec le pouvoir se sont tendues. Candidat improbable à l’élection présidentielle en avril, Yasmina Khadra – un ancien officier supérieur de l’armée algérienne marqué par la lutte contre les groupes armés islamistes – était certes loin d’avoir récolté les 60000 signatures d’électeurs nécessaires. Mais, à l’occasion de la petite tournée qu’il a effectuée dans le pays, l’écrivain de langue française s’est autorisé quelques commentaires bien sentis sur le quatrième mandat du président Bouteflika, qualifié d’« absurdité» et de « fuite en avant suicidaire». Au même moment paraissait son trentième ouvrage, Qu’attendent les singes ? (Julliard, 360 pages, 19,50 euros), une peinture féroce d’Alger, « mythique capitale enlisée jusqu’au cou dans ses vomissures », et de ses rboba, décideurs de l’ombre, aussi sanguinaires que dégénérés. Un polar prétexte pour une critique au vitriol de la part d’ombre du pouvoir algérien, dans lequel un puissant est décrit comme « un supercitoyen exonéré d’impôt », capable de « racler le fond du Trésor public autant de fois qu’il le souhaite». « En Algérie, on appelle ça la “légitimité historique”.» Auteur à succès traduit en 43langues, Yasmina Khadra n’a pas toujours été aussi sévère. Ses romans n’ont pas fait de lui le porte-drapeau d’une contestation. Le père du commissaire Llob, personnage fétiche qui fit sa renommée, s’est parfois heurté à ses congénères sur le «printemps arabe», tenu à bonne distance par Alger. Sa part d’ombre A l’été 2011, éclata ainsi une violente dispute entre Yasmina Khadra et le journaliste-écrivain Kamel Daoud, par presse interposée. Le premier défendait l’idée qu’«aucun pays ne pourrait se targuer d’offrir un cadre de vie meilleur que celui de Bahreïn», quand le second y dénonçait la « répression féroce » d’un soulèvement, menée avec le concours de « mercenaires saoudiens». Yasmina Khadra venait alors de se voir décerner un prix littéraire dans le petit royaume du Golfe. Sa part d’ombre à lui. Le romancier algérien a été accusé de plagiat. Son goût pour les honneurs et, dit-on, l’argent lui a valu de solides rancunes. Dans un texte posté le 18avril sur son blog, son premier éditeur français, Jean-Jacques Reboux, ex-directeur des éditions disparues Après la lune, évoquait sans ambages ses déboires avec son ancien associé sous le titre «Comment je me suis fait entuber par Yasmina Khadra». Et l’on peut s’interroger sur la place que ce dernier se donne dans son ultime roman à clés: « Disons que le problème du pays repose sur deux béquilles retorses: l’élite politique et l’élite pensante. La première est une caisse de résonance, la seconde est un tambour funèbre…» p comme il est convenu d’appeler le cinéma nigérian, est le deuxième employeur du pays, après l’Etat, star-system et paillettes en plus. Mais ils ne se savaient pas si riches. Le Nigeria produit entre 1 500 et 2 000 films par an. Plus qu’à Hollywood, surpassé seulement par Bollywood. Cela fait plus de 25 000 films depuis vingt ans, dont aucun, jamais, n’a été montré dans une salle française – sauf au festival de Serge-Armand. Parce que ce sont tous des navets ? Parce qu’on y parle l’anglais avec un accent, voire le pidgin, le créole local ? Parce qu’en Afrique, la France s’intéresse davantage aux productions de ses anciennes colonies? Ou parce qu’elle préfère les œuvres d’auteurs à diffusion parfois confidentielle aux films de Nollywood, dont l’ambition ultime est d’être « mainstream» et de concurrencer Hollywood? Peu importe. Serge-Armand en est convaincu, les Français vont tôt ou tard céder au charme des films nigérians. Des navets, Nollywood en a produit beaucoup. La majorité des longs-métrages ont coûté moins de 15 000 euros. Ils ont été tournés en une semaine, montés les jours suivants, gravés sur DVD le lendemain et aussitôt piratés pour finir en vente dans la rue à 90 nairas (40centimes d’euro). Les scénarios sont souvent indigents, les personnages caricaturaux. La bande-son a de la peine à effacer le bruit du groupe électrogène, accessoire indispensable des tournages dans une ville où l’électricité s’interrompt sans cesse. Il n’empêche, Nollywood est un résumé saisissant de l’Afrique au XXIe siècle, une histoire d’audace, de débrouillardise et de talent, mais aussi d’impostures, de scandales, de faillites. « Nollywood style, c’est let’s go-let’s go style (“On fonce, on fonce”) », résume Lancelot Oduwa Imasuen qui, à 37 ans, a déjà dirigé… 160longs-métrages. Pour Serge-Armand, s’il y a quelque chose à apprendre de Nollywood, au moment où les modèles occidentaux de production du cinéma s’essoufflent, c’est la recette de films meilleur marché – dans une ville, Lagos, parmi les plus chères au monde. Comment tourner au lieu d’attendre des subventions, « let’s go-let’s go style ». Un virage vers la qualité Le modèle est d’autant plus intéressant qu’il est en train de négocier son virage vers la qualité, aidé par le retour de professionnels nigérians exilés à Londres ou New York. Bien des budgets dépassent désormais les 150 000 euros, et la distribution s’élargit : sortie en salles (seulement 40 à Lagos, pour 15 millions d’habitants), puis plate-forme VOD, avant les DVD et leurs versions pirates. Serge-Armand, d’ailleurs, ne sélectionne que parmi la centaine de films qui sortent en salles chaque année. Il y a là Misfit, l’histoire d’une fille victime d’un enlèvement rituel, lointain écho aux 270 écolières kidnappées au nord du pays par la secte Boko Haram. Ou The Meeting, rendez-vous avec un ministre dans la capitale, Abuja, qui tourne au cauchemar pour un homme d’affaires de Lagos. C’est un supplice bureaucratique similaire que subit un autre film de la sélection parisienne, celui qui devait arrimer définitivement Nollywood aux standards occidentaux. Half of a Yellow Sun (« L’Autre Moitié du soleil ») est l’adaptation pour 8 millions de dollars (record absolu au Nigeria) du roman de Chimamanda Ngozi Adichie (Gallimard). Chiwetel Ejiofor (qui a tourné dans 12 Years a Slave) y tient le rôle principal. Des premières ont eu lieu à Londres et aux Etats-Unis, mais le bureau de la censure n’a toujours pas autorisé sa sortie au Nigeria, peut-être en raison du sujet, tabou : la guerre du Biafra (1967-1970). La censure ? Le torrent Nollywood l’avait éclipsée. Mais voilà qu’elle se réveille, effarée par des films de plus en plus érotiques et qui mettent parfois en scène des accouplements gays ou lesbiens. Dans un pays écrasé par les Eglises évangélistes et les imams, l’homosexualité est passible de quatorze ans de prison et même de la lapidation. Dans une comédie récente, des femmes aux pouvoirs surnaturels transforment les hommes séduits en… Blackberry modèle Bold 5. Trop d’irrévérence pour la censure. Les smartphones Blackberry, en recul dans le monde entier, restent au Nigeria le symbole du pouvoir. p Nollywood Week. Cinéma L’Arlequin, 76, rue de Rennes, Paris 6e. Du 5 au 8 juin. Nollywookweek.com [email protected] 0123 et présentent SAISO 2 N 3 * ,50 LE LIVRE Dès mercredi 28 mai, le volume n ° 5 Comme un crabe, de côté de Marin Ledun, illustré par Charles Berberian Une nouvelle inédite tous les 15 jours en kiosque Isabelle Mandraud 1. 03/04 HERVÉ CLAUDE LOUSTAL La Volupté du billabong Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directeur du « Monde», membre du directoire Gilles van Kote Directeur des rédactions Jérôme Fenoglio Directrice déléguée à l’organisation des rédactions Françoise Tovo Directeurs adjoints des rédactions Luc Bronner, Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédactrice en chef de « M Le magazine du Monde» Marie-Pierre Lannelongue Rédacteurs en chef,responsable de la rédaction numérique Vincent Fagot, Nabil Wakim Rédacteurs en chef et chefs de services Christophe Ayad (International), Thomas Wieder (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) 2. 17/04 PHILIP LE ROY GÖTTING Cannibales 3. 30/04 DOMINIQUE SYLVAIN JEAN-PHILIPPE PEYRAUD La Mule du coach JEAN-CLAUDE DENIS Le Corbeau 5. 28/05 MARIN LEDUN CHARLES BERBERIAN Comme un crabe, de côté 6. 12/06 ANTHONY PASTOR Le Cri de la fiancée 7. 26/06 MARCUS MALTE ANDRÉ JUILLARD Les Cow-boys Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Projets), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président pTirage du Monde daté samedi 31 mai 2014 : 320 030 exemplaires. 4. 15/05 ROMAIN SLOCOMBE 8. 10/07 MARC VILLARD JEAN-CHRISTOPHE CHAUZY Tango flamand 9. 24/07 FRANZ BARTELT HONORÉ Sur mes gardes 10. 07/08 DIDIER DAENINCKX MAKO Les Pigeons de Godewaersvelde 11. 21/08 JÉRÉMIE GUEZ MILES HYMAN La Veuve blanche 12. 04/09 JEAN-BERNARD POUY FLORENCE CESTAC La Capture du tigre par les oreilles 13. 18/09 SANDRINE COLLETTE DOMINIQUE CORBASSON Une brume si légère EN PARTENARIAT AVEC * Les volumes de la collection sont vendus successivement, chacun pendant une semaine, au prix de 2,50 € en plus du Monde. Chaque élément peut être acheté séparément, à la Boutique du Monde, 80, bd Auguste-Blanqui, 75013 Paris. Voir conditions en magasin. Offre réservée à la France métropolitaine, sans obligation d’achat du Monde et dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels. Société éditrice du Monde, RCS Paris 433 891 850. © Blaz Kure - Fotolia.com © SNCF - G.Potier. Coordination Jfd System. 2
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