UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES SUPPLÉMENT Jeudi 15 janvier 2015 71e année No 21771 2,20 € France métropolitaine www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert BeuveMéry L’UNION NATIONALE, JUSQU’À QUAND ? ▶ A l’Assemblée, un moment exceptionnel d’union nationale en hommage aux victimes ▶ Manuel Valls : « La France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical » ▶ Le premier ministre annonce un renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme ▶ Depuis les attentats, ▶ Comprendre la crise : les procédures judiciaires se multiplient. Dieudonné a été placé en garde à vue les tribunes de Sylvie Brunel et Alain Renaut → LI R E PAG E S 2 À 10 A l’Assemblée nationale, mardi 13 janvier, les députés ont observé une minute de silence. ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE POUR « LE MONDE » REPORTAGE RUÉE AUX KIOSQUES POUR LE NOUVEAU « CHARLIE HEBDO » par alexandre piquard C’ est une scène qui n’existe normalement pas devant un kiosque en 2015 : plus de vingt personnes qui font la queue dès 6 h 30 à la gare du Nord, à Paris. Ils sont cinquante à 8 heures place de la République. Soixantedix au même moment rue du Châteaud’Eau. Une scène vue partout : des gens qui d’habitude n’achètent pas de journaux attendant parfois devant des petits kios ques qui ouvrent d’ordinaire plus tard… Ils sont de bout dans le froid, et parfois garés en double file… Certains ont déjà essayé cinq kiosques avant d’arri ver là. Place de la République, le stand ouvre enfin sous les flashs des photographes. De mémoire de kiosquier parisien, on n’a jamais vu cela. A part peut être après le 11Septembre. Au Relay de la gare de l’Est, à 6 h 40, il n’y a déjà plus d’exemplaires du premier numéro de Charlie Hebdo publié depuis que son équipe a été décimée dans l’at taque meurtrière du mercredi 7 janvier. Pourtant, le kiosque en avait reçu 125, à 6 heures, explique la res ponsable, avec un sourire désolé. « Certains ont pris cinq, dix journaux… », expliquetelle, avant de pro mettre aux déçus qu’il y en aura d’autres. → LIR E L A S U IT E PAGE 8 DU C A HIE R É CO LE REGARD DE PLANTU Djihad au Nigeria : massacres en silence ÉDITORIAL L es extrémistes de Boko Ha ram, au Nigeria, ont perpé tré un massacre d’une ampleur effroyable – plusieurs centaines de morts, peutêtre jusqu’à 2 000, les chiffres sont impossibles à vérifier. Mgr Igna tius Kaigama, archevêque catho lique du Nigeria, a observé : « Comparez ce qui s’est passé en France et ce qui se passe ici : il y a une grande différence. » Boko Ha ram poursuit son œuvre de mort sans que la communauté inter nationale se mobilise. → LIR E PAGE 2 3 Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA 2 | les attentats en france 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Manuel Valls, lors de son hommage aux victimes des attentats, à l’Assemblée nationale le 13 janvier. ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE POUR « LE MONDE » Pour Valls, le jour de guerre est arrivé Le premier ministre a été ovationné par tous les députés, mardi, lors de l’hommage aux victimes des attentats C inq standing ovations en moins de quarante cinq minutes, des dépu tés conquis sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, certains même avec les larmes aux yeux… Le discours prononcé par Manuel Valls, mardi 13 janvier, lors de l’hommage rendu par la représentation nationale aux dixsept victimes des attentats de la semaine dernière à Paris, restera dans les annales parlementaires. Il a été à la hauteur de la réaction des quelque quatre millions de Français qui ont marché, dimanche, pour Charlie Hebdo et pour la liberté. Demandée dans la rue par les citoyens, cette union nationale que beaucoup pensaient éphémère a réussi, mardi, à gagner les cœurs et les consciences de leurs représentants. Porté par La Marseillaise, qui avait auparavant envahi l’Hémicycle en conclusion de la minute de silence solennelle – « Ça m’a pris aux tripes et je pense que ça a joué dans mon discours », confiera-t-il plus tard –, le premier mi- VERBATIM Oui, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical. La France n’est pas en guerre contre une religion. La France n’est pas en guerre contre l’islam et les musulmans. La France protégera, et le président de la République l’a également rappelé ce matin, la France protégera, comme elle l’a toujours fait, tous ses concitoyens, ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas. Avec détermination, avec sang-froid, la République va apporter la plus forte des réponses au terrorisme, la fermeté implacable dans le respect de ce que nous sommes, un Etat de droit. » “ Manuel Valls, à l’Assemblée nationale, mardi 13 janvier. nistre a su trouver les mots pour entretenir le « feu ardent » du 11 janvier, comme François Hollande, quelques heures plus tôt, l’avait fait lui aussi à la préfecture de police lors de la cérémonie d’hommage aux trois policiers tués dans les attentats. « Un moment historique » Fait rarissime, les paroles du chef du gouvernement ont été unanimement saluées par l’ensemble des députés, tous partis confondus. « En dix ans à l’Assemblée, je n’ai jamais entendu un discours aussi fort que celui de Manuel Valls », a déclaré, dithyrambique, Yves Jégo, le vice-président de l’UDI. « Un beau discours républicain », a également reconnu l’UMP Eric Ciotti. Le raz-de-marée a été tel qu’il a réussi à éteindre les continuelles divisions qui, depuis deux ans et demi, agitent le groupe socialiste. Cette fois, tous les élus PS se sont rangés derrière M. Valls. « Un discours sublime, à méditer », a commenté Arnaud Leroy, proche d’Arnaud Montebourg. « Un moment historique », a ajouté Mathieu Hanotin, à l’aile gauche du PS. « Manuel a incarné la République, il a su toucher tous les députés », selon Olivier Faure, proche de l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault. Même l’ancien ministre de la ville et lieutenant de Martine Aubry François Lamy a trouvé le chef du gouvernement « excellent », ajoutant que « c’est le meilleur discours qu’il pouvait prononcer dans ces moments-là ». Du jamais-vu depuis la nomination de Manuel Valls à Matignon, le 31 mars 2014. Fidèle à lui-même, le premier ministre a livré un discours de « vérité », repoussant tout « angélisme » et invitant chacun à « regarder les faits en face » après la semaine qui a ensanglanté la France. Il a rappelé que, malgré le coup d’arrêt porté aux crimes des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, « des risques sérieux et très élevés demeurent », et que « la France est en guerre contre le ter- rorisme, le djihadisme et l’islamisme radical ». Alors que l’UMP, par la voix de son président de groupe, Christian Jacob, l’exhortait à faire adopter une législation d’exception, quitte à « restreindre pour un moment les libertés publiques et la liberté individuelle de quelquesuns », M. Valls a refusé d’emprunter un tel chemin. « A une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles. Mais je le dis avec la même force : jamais des mesures d’exception qui dérogeraient au principe du droit et des valeurs », a-t-il déclaré. Un distinguo républicain qui a rassuré l’ensemble de la gauche, opposée à tout « Patriot Act » à la française. Sur le front sécuritaire, le premier ministre a néanmoins annoncé un renforcement des mesures pour lutter contre le terrorisme et la propagation de l’islamisme radical dans le pays. Quartiers spécifiques dans les prisons pour les détenus djihadistes, augmentation des moyens des services de renseignement, créa- « On est à un tournant. Mais ce n’est pas Valls qui l’impose, ce sont les événements » MATHIEU HANOTIN député PS de Seine-Saint-Denis tion d’un fichier des personnes condamnées pour terrorisme, transfert des données des passagers aériens à risque, surveillance d’Internet et des réseaux sociaux, signalement des jeunes délinquants en voie de radicalisation possible… M. Valls a décidé de frapper fort. Jusqu’à sa désignation d’une « menace intérieure » et sa condamnation d’un « nouvel antisémitisme né dans nos quartiers, sur fond d’Internet, de paraboles, de misère, des détestations de l’Etat d’Israël ». Et s’il veut « protéger » les Français de religion musulmane et re- fuse qu’ils « aient honte », il leur a aussi demandé de mener en leur sein un « débat » pour écarter et condamner « le conservatisme et l’obscurantisme ». Autant de formules qui, il y a peu, auraient provoqué de vives réactions à gauche mais qui, mardi, ont toutes été applaudies sans aucune hésitation. Aggiornamento Manuel Valls, longtemps considéré au PS comme trop « droitier », serait-il parvenu en moins d’une heure à imposer à ses camarades socialistes une mue idéologique que beaucoup refusaient depuis des années ? Plusieurs semblent le croire. « On est à un tournant. Mais ce n’est pas Valls qui l’impose, ce sont les événements de la semaine dernière et la réaction des Français », explique M. Hanotin. Le PS avait déjà fait son aggiornamento sur les questions de sécurité à l’époque du gouvernement Jospin et plus encore après le 21 avril 2002, poussé alors par ses élus locaux et ses maires de banlieue, dont un certain Manuel Valls à Evry. Mais serait-il en passe de monter encore d’un cran sur ces sujets ? « Depuis une semaine, plus rien ne sera jamais comme avant, estime un cadre socialiste. Les frères Kouachi et Coulibaly étaient français. Ce sont bien des terroristes venus de l’intérieur du pays et, le 11 janvier, il faut avoir le courage de dire que, si toute la France a manifesté, il manquait beaucoup de jeunes des banlieues. Il faut ouvrir les yeux sur ces sujets et les affronter. » Pour cela, le premier ministre entend aussi s’appuyer sur la défense « absolue » de la laïcité : « puisqu’on nous attaque à cause d’[elle], revendiquons-la », a-t-il lancé. Il compte enfin sur la « mobilisation totale » de l’éducation nationale, car « la République n’est pas possible sans l’école ». « Il y aura un avant et un après », a lancé en conclusion M. Valls, qui semble n’avoir plus désormais qu’une seule obsession : « rester fidèle à l’esprit du 11 janvier 2015 ». p bastien bonnefous Ecologistes et Front de gauche, « vallsistes » d’un jour des députés écologistes et du Front de gauche debout dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour applaudir Manuel Valls : il y a quelques semaines encore, un tel événement aurait relevé de la fiction. C’est pourtant ce qu’il s’est passé, mardi 13 janvier, durant le discours du premier ministre, un peu moins d’une semaine après les attaques sanglantes à Paris et Montrouge. Le chef du gouvernement, qui a notamment annoncé un renforcement des moyens pour le renseignement et eu des paroles rassurantes à l’endroit des juifs et des musulmans, a su trouver les mots pour réunir ceux qui, hier, se trouvaient en première ligne parmi ses contempteurs. « Manuel Valls a été comme le président de la République, comme le gouvernement, à la hauteur. Ce que nous avons vécu la semaine dernière est horrible. La dignité, la sobriété, la grande maîtrise dans la parole du gouvernement, du premier ministre et du président est à saluer », a estimé Cécile Duflot, mercredi, sur France Info. La députée de Paris, très cri- tique contre Manuel Valls depuis son arrivée à Matignon, a notamment approuvé ses propos sur le rôle des prisons dans l’endoctrinement des djihadistes. « Il va y avoir des débats sur la liberté et la sécurité. Le premier ministre a su trouver les mots pour ne pas faire trop de pas en avant », juge le porte-parole du Parti communiste, Olivier Dartigolles, qui se félicite de « la belle image d’unité nationale » donnée par les députés. Seul Jean-Luc Mélenchon s’est heurté contre l’expression de « guerre contre le terrorisme » utilisée par M. Valls : « On ne fait pas la guerre contre le terrorisme, on fait la police. » « Unité n’est pas union » Pour beaucoup à gauche, il est trop tôt pour porter le fer contre le gouvernement et réinvestir, notamment, les sujets économiques, qui constituent les clivages majeurs. Interrogée sur les récentes positions de la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, en faveur de la reconstruction de réacteurs nucléaires, Cécile Duflot a jugé « difficile » d’émettre un commentaire dans ce contexte d’unité nationale. « On est encore dans un temps de rassemblement, de gravité », dit-elle. « Après un événement pareil, on ne peut pas faire comme si nous ne devions pas changer notre manière d’agir », reconnaît la secrétaire nationale d’EELV, Emmanuelle Cosse. Mais elle prévient : « Il ne faut pas penser que les divergences vont s’effacer du fait d’un tel drame. » « Il ne faut pas craindre les divisions : l’unité nationale, ce n’est pas l’union sacrée », abonde Olivier Dartigolles. La volonté de former une alternative à la gauche du PS n’est pas abandonnée. Des représentants, entre autres, d’EELV et du Front de gauche doivent se retrouver jeudi pour discuter du lancement de « Chantiers d’espoir », une plateforme visant à élaborer des propositions communes. Cécile Duflot, Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent, patron du PCF, figurent parmi les signataires du texte fondateur de cette initiative. p olivier faye france | 3 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Entre l’union et la critique, la droite cherche sa voix Tout en saluant le discours du premier ministre, certains à l’UMP réclament plus de fermeté L e 13 novembre 2012, mi nistre de l’intérieur, Ma nuel Valls avait provoqué la fureur des députés de l’UMP en lançant, dans l’Assemblée : « Le retour du terrorisme, c’est vous ! » La droite avait quitté l’hémicycle et la Place Beauvau avait dû publier un communiqué d’apaisement. Submergée par la vague d’émotion liée aux attentats du 7 au 9 janvier, cette époque de divisions et de tensions est révolue. Le 13 janvier 2014, premier ministre d’un pays « en guerre contre l’islamisme radical », Manuel Valls s’est fait ovationner par les représentants de la droite. Quatre fois, ils se sont levés dans un même élan pour applaudir ses mots sur les forces de l’ordre, sur Bernard Cazeneuve ou encore sur l’antisémitisme. « Un très bon discours, un ton adapté sur la forme, une capacité à dire les choses, à ne pas les esquiver », pour Hervé Mariton, député de la Drôme. « Une vraie hauteur de vue, sans esbroufe », selon Thierry Solère, député des Hauts-de-Seine. « Les mots qu’il a employés, notamment sur l’antisémitisme et sur les musulmans, étaient justes et bien amenés », assure Franck Riester, député de Seine-et-Marne. Six VERBATIM Nous avons la manie, à chaque fois qu’un événement grave se produit, de nous précipiter pour faire de nouvelles lois. Commençons par appliquer celles qui existent et donnons-nous les moyens de le faire. (…) Il faut défendre nos libertés sans prendre de mesures liberticides. Le Patriot Act n’est pas une référence. » “ Alain Juppé, le maire UMP de Bordeaux, interrogé mercredi 14 janvier sur BFM-TV, s’est prononcé pour une application de la loi antiterroriste adoptée en novembre 2014 alors que d’autres à l’UMP veulent déjà étudier un nouveau texte en faisant référence à la loi américaine votée après les attentats du 11 septembre 2001. Il s’est félicité de l’attitude du monde politique ces derniers jours, jugeant que « pour une fois, les responsables politiques, que l’on vilipende généralement, ont montré qu’ils étaient responsables ». Mardi, le patron des députés UMP a réclamé la création de centres de détention spéciaux pour les djihadistes jours après le début des attentats, l’unité nationale perdure au sein de l’Assemblée, lieu habituel de toutes les batailles politiques. Mais derrière cette belle unanimité, l’UMP reste très attentive à la concrétisation des mots de l’exécutif. « Nous avons entendu les Français. Il est normal que nous rendions un hommage à la chaîne de commandement. Mais un discours fort appelle des actes forts. L’union, ce n’est pas la confusion », prévient Guillaume Larrivé, député de l’Yonne et auteur à l’automne 2014 d’un rapport sur la radicalisation islamiste en prison. Présent à la réunion de groupe UMP, mardi matin, Nicolas Sarkozy a demandé à ses troupes de respecter le moment d’unité nationale mais aussi de réclamer toute la vérité en insistant pour qu’une commission d’enquête parlementaire soit installée. La majorité souhaite, elle, une simple mission d’information. A la manœuvre, le nouveau président de l’UMP compte bien coordonner le travail de la droite. Mercredi matin, il reçoit ses anciens ministres de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux et Claude Guéant, ainsi qu’Eric Ciotti, président d’une commission d’enquête sur les filières djihadistes, Georges Fenech, secrétaire national de l’UMP chargé de la justice, et Guillaume Larrivé. Ils doivent se concerter sur le fond du dossier. Les prisons, sujet central L’opposition a déjà listé un nombre de points où elle se montrera particulièrement scrupuleuse lors des futurs débats. Par exemple sur le volume de l’effort fourni pour renforcer les forces de sécurité, c’est-à-dire les services de renseignement, la police et la gendarmerie mais aussi les militaires. Les députés de droite militent pour une augmentation des moyens mais ils seront attentifs à la méthode. « Valls annonce le déploiement de Le président des députés UMP, Christian Jacob, à l’Assemblée, mardi 13 janvier. ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE POUR « LE MONDE » 10 000 militaires sur le territoire mais il faudra forcément les retirer de quelque part. Nous voulons savoir comment cela va se passer. Et les efforts financiers devront être compensés par des baisses d’autres dépenses », analyse M. Larrivé. En prévision de ces dépenses, Christian Jacob, le président du groupe UMP à l’Assemblée, a déjà demandé à la tribune un nouveau collectif budgétaire. Le sujet des prisons est également un point central des futures discussions. Mardi, M. Jacob a réclamé la création de centres spéciaux pour les djihadistes en reprenant une idée que M. Ciotti avait lancée lors du débat de la dernière loi antiterroriste adoptée le 13 novembre 2014. M. Valls plaide, lui, pour des quartiers spéciaux au sein des établissements. La garde des sceaux, Christiane Taubira, cible régulière des attaques de la droite, sera au centre de toutes les attentions. De nombreuses voix à l’UMP, Nicolas Sarkozy en tête, ont égale- « Plus de sécurité sans renier sur les libertés, ce n’est tout simplement pas possible » ISABELLE LE CALLENNEC porte-parole de l’UMP ment plaidé pour une augmentation du pouvoir d’investigation des services de renseignement qui devraient pouvoir agir plus librement. « Aujourd’hui, les services de renseignements ne peuvent mettre une balise sous une voiture suspecte hors procédure judiciaire », a regretté l’ancien chef de l’Etat, lundi, sur RTL. Le sujet des écoutes, très encadrées, sera également surveillé par l’opposition. Lundi, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a reçu MM. Ciotti et Larrivé. Un souci de dialogue bienvenu, car la droite estime ne pas avoir été assez écoutée lors des débats de la dernière loi antiterroriste, lors lesquels elle avait proposé une surveillance accrue d’Internet ou la mise en place du PNR (« passenger name register »), un système de surveillance des passagers de l’aviation civile bloqué au Parlement européen, notamment par les écologistes. Autant de thèmes relancés par le premier ministre lors de son discours. « Dans quelques semaines, une fois l’émotion passée, est-ce que Valls sera suivi par la gauche de la majorité sur des sujets ? », se demande un député de l’opposition. « Sens de la mesure » « Critique mais constructive », selon les mots d’un député, l’UMP ne se passera pas non plus d’un débat interne. Depuis la semaine dernière, les principaux dirigeants livrent leur propre analyse. Certains plaident pour une loi d’exception, quitte à « restreindre les libertés publiques et la liberté individuelle de quelques-uns », selon M. Jacob. Valérie Pécresse évoque un Patriot Act, Claude Guéant veut la déchéance de nationalité pour les djihadistes binationaux. En même temps, d’autres souhaitent simplement une augmentation des moyens dans le cadre de la loi existante, comme Edouard Philippe, député de Seine-Maritime et proche d’Alain Juppé : « Autant je comprends que le citoyen soit ému, mais le législateur ne doit pas l’être. Le sens de la mesure n’est pas incompatible avec la force et la détermination. » En attendant de se mettre d’accord, les députés de droite préfèrent renvoyer la gauche à ses propres contradictions. « Quand j’entends le président du groupe PS dire qu’il faudra plus de sécurité sans renier sur les libertés, ce n’est tout simplement pas possible », conclut Isabelle Le Callennec, porte-parole de l’UMP et députée d’Ille-et-Vilaine. Un parfait résumé de l’esprit des débats à venir. p matthieu goar Une heure et demie d’union nationale à l’Assemblée Pour la première fois depuis 1918, l’ensemble des députés, pour certains émus aux larmes, a entonné « La Marseillaise » dans l’Hémicycle U ne voix d’homme brise le silence. Seule, juste. Parmi les députés tous debout pour une minute de silence en hommage aux dix-sept victimes des attentats de Paris, elle s’élève des bancs de la droite : « Allons enfants de la patrie… » Puis c’est tout l’hémicycle qui embraye comme un seul homme. Le chœur est harmonieux, quoique très masculin, le moment saisissant. La Marseillaise. On a beau l’avoir entendue des dizaines de fois depuis la tuerie de Charlie Hebdo, elle résonne différemment au cœur du Palais-Bourbon, ce mardi 13 janvier. Jamais, dit-on, l’hymne national français n’avait été chanté dans l’hémicycle par la totalité des élus depuis le 11 novembre 1918. « Bouleversant moment », « frissons et émotion », « magnifique Marseillaise », écrivent presque en temps réel sur Twitter de nombreux députés, pour beaucoup émus aux larmes. L’un de ces moments où l’on « prend conscience qu’on représente le peuple », confie Franck Riester, député UMP de Seine-et-Marne. « J’ai repensé à tous ceux que j’avais croisés dans ma circonscription ces derniers jours, leur visage, leurs mots, leurs poignées de main. ». Du haut de son perchoir, le président socialiste de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, en a eu le souffle coupé : « C’était énorme », dit-il. « Une séance historique, comme jamais je n’en revivrai », assure Bernard Roman, élu PS du Nord. Et ce n’était pas qu’une question d’hymne. Au lieu des traditionnelles et belliqueuses questions au gouvernement – les premières de l’année –, les députés ont tenu pour leur rentrée parlementaire une séance d’une heure et demie dans une atmosphère de solennité et d’union nationale presque parfaite. Avant d’inviter à observer un moment de recueillement, le président de l’Assemblée a pris la parole dans un silence total, presque glaçant, commençant par énumérer les noms des dix-sept victimes dans l’ordre alphabétique. « L’engrenage de l’intolérance » « L’unité nationale est le bouclier qui protège notre société de la division. L’Etat républicain sera le glaive levé contre ceux qui défient ce que nous sommes et ce que nous entendons perpétuer : cet art de France du vivre-ensemble », a ensuite prévenu M. Bartolone, plaidant pour un « un patriotisme ouvert, éclairé, confiant ». « Pourvu que nous sachions vivre ensemble, faire société commune, faire primer l’intérêt général sur les intérêts individuels et le droit sur la force. » Seul le président du groupe UMP et élu de Seine-et-Marne, Christian Jacob, a détonné en réclamant une commission d’enquête parlementaire pour « dire la vérité » et une loi « exceptionnelle » pour notamment « restreindre les libertés publiques et individuelles de quelques-uns pour un moment ». « Un discours ultraréac », a commenté sans surprise le député socialiste de Paris Pascal Cherki. Plus inhabituel, cet élu de l’aile gauche, comme beaucoup de ses collègues, a en revanche trouvé le centriste Philippe Vigier (UDI, Eure-et-Loire) « remarquable ». Des huit discours, c’est même celui qu’il a préféré. A la tribune, c’est au « repli sur soi » et à « l’engrenage de l’intolérance » que s’en est pris le président du groupe UDI. A la « haine » qui « peut grandir dans nos quartiers, nos villages, nos écoles, nos prisons, lorsque la République abandonne et que la laïcité cède devant les communautarismes (…). C’est pourquoi notre école doit être au cœur du vivre-ensemble républicain. La réponse ne peut être que “plus de République” pour que vive le sursaut fraternel du 11 janvier 2015, et plus d’Europe pour combattre ensemble le défi terroriste qui menace les peuples », at-il soutenu avant de conclure, sous les applaudissements de tous les bancs, en « saluant » l’attitude du président de la République, du premier ministre et de l’ensemble du gouvernement face aux attentats. Dans les couloirs puis, le soir même, lors des vœux du président de l’Assemblée nationale aux parlementaires, ils étaient nombreux à gauche à le féliciter et à se féliciter les uns les autres pour cette journée si confraternelle et transpartisane. Une rare union nationale portée ce jour-là jusque dans les votes puisque, juste après la séance d’hommages, 488 des 577 députés ont voté pour la prolongation des frappes aériennes contre l’organisation Etat islamique en Irak. p hélène bekmezian 488 députés A l’Assemblée nationale, 488 députés se sont prononcés, mardi 13 janvier, pour la poursuite des frappes françaises en Irak contre l’organisation Etat islamique. Un député UMP a voté contre et treize se sont abstenus (les élus du Front de gauche et certains de leurs alliés d’outre-mer, ainsi qu’un UMP). Au Sénat, 327 sénateurs sur 346 se sont prononcés pour, tandis que les dix-neuf membres du groupe communiste, républicain et citoyen se sont abstenus. L’intervention française en Irak a débuté le 19 septembre 2014. 4 | france 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Pourquoi un Patriot Act à la française est impossible Une bonne partie de la sécurité de la France ne dépend plus de Paris mais de Bruxelles Q uelques heures, à peine, après la tuerie perpétrée, mercredi 7 janvier, dans les locaux de Charlie Hebdo, le mot « Patriot act » apparaissait déjà dans les échanges informels entre certains conseillers présidentiels et ministériels sur les conséquences politiques d’une telle violence pour le pays. Cette loi, votée aux Etats-Unis, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, donnait, notamment, tout pouvoir au monde du renseignement face au judiciaire. Le deuxième pilier du « Patriot act » consistait à réviser en profondeur le contrôle des frontières de manière à empêcher la menace de rentrer sur le sol américain. Quatre jours après le dénouement d’une crise qui a fait vingt morts (dont les trois terroristes), Manuel Valls a livré, mardi 13 janvier, devant les députés, une première réponse visant à mieux protéger le pays du terrorisme. Son intervention a montré que la France n’était pas en mesure de dupliquer une forme de « Patriot act » à l’américaine car une bonne partie de sa sécurité ne dépend plus de Paris mais de Bruxelles et de ses partenaires occidentaux. M. Valls a ainsi prié, avec insistance, les parlementaires européens d’adopter le système sur les échanges de données des passagers européens dit « PNR » (Passenger name record). « J’appelle solennellement le Parlement européen à prendre enfin toute la mesure de ces enjeux, et à voter, comme nous le lui demandons depuis deux ans, avec l’ensemble des gouvernements, ce dispositif qui est indispensable », a-t-il lancé avant d’en souligner l’urgence, « nous ne pouvons plus perdre de temps ». « Droits fondamentaux » Fin novembre, le Parlement européen a gelé l’accord conclu avec le Canada dans l’attente d’un avis de la justice européenne, montrant ainsi sa défiance envers cet instrument réclamé pour lutter contre les djihadistes. Il a été accepté, sous conditions, en 2012, avec les Etats-Unis. Les données « PNR » comportent des informations sur les passagers aériens, noms, dates et itinéraire du voyage, adresses, numéros de téléphone, moyens de paiement, numéro de carte de crédit et de siège ainsi que des éléments sur les bagages. La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires in- LES CHIFFRES 30 voix contre le « PNR » En avril 2013, au sein de la commission des libertés civiles du Parlement européen, la proposition de création d’un fichier commun des données des passagers aériens (PNR, pour « passenger name record »), présentée en 2011 par la Commission européenne, a reçu 30 voix contre et 25 pour. 500 000 inscrits sur la « no fly list » Un demi-million de personnes du monde entier sont inscrites par les autorités américaines sur la liste d’interdiction de séjour sur le sol américain, appelée la « no fly list ». une lutte plus efficace contre le terrorisme aurait dû mentionner la question centrale du renseignement. Le silence du premier ministre illustre la situation de porte-àfaux dans lequel se trouvent les Etats-membres. Si le président du conseil italien Matteo Renzi a souhaité, vendredi 9 janvier, la « création d’une agence européenne du renseignement », ses partenaires ne veulent pas en entendre parler. Ils ont fait inscrire, en 2007, dans le Traité de Lisbonne, que cette matière relevait de la stricte souveraineté nationale. térieures du Parlement européen a expliqué, le 21 février 2014, les raisons de cette méfiance dans son rapport d’enquête sur « l’incidence des programmes de surveillance de la NSA et des Etats membres sur les droits fondamentaux des citoyens européens ». Selon elle, « les mesures de sécurité, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, doivent s’inscrire dans l’Etat de droit et respecter les obligations en matière de droits de l’homme, y compris celles qui ont trait à la vie privée et à la protection des données ». Les traités relatifs aux transferts de données personnelles ou financières européennes vers les Etats-Unis sont jugés « dépassés » par la commission. « Le cadre juridique des Etats-Unis en matière de protection des données, dit-elle, ne garantit pas à un niveau adéquat les citoyens de l’Union européenne ». Pour cette commission, souvent en pointe sur le terrain des libertés, les quinze dernières années d’antiterrorisme ont vu surgir des « programmes de surveillance [qui] constituent une nouvelle étape vers la mise en place d’un Etat ultra-préventif s’éloignant du modèle du droit pénal en vigueur dans les sociétés démocratiques ». Pour les rapporteurs de l’enquête, « un mélange d’activités de répression et de renseignement avec des garanties juridiques floues et affaiblies allant bien souvent à l’encontre des freins et contrepoids démocratiques se substitue à la loi ». De dépit, M. Valls a annoncé que la France lancerait son propre système « PNR » en septembre avant d’appeler aussi l’Europe « à une plus forte contribution aux opéra- « Schengen est une affaire européenne, ce n’est pas un problème, c’est la solution » GILLES DE KERCHOVE coordinateur européen de la lutte antiterroriste tions militaires menées par la France contre le djihadisme au Sahel ». Interrogé par Le Monde, Gilles de Kerchove, coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, a soutenu la demande de M. Valls sur le « PNR » mais rappelé que « l’Europe fait déjà beaucoup pour le Sahel avec des centai- nes de millions d’euros pour le développement » qui ont un impact sur la sécurité des pays en les stabilisant. Bruxelles dépense aussi, dit-il, « des dizaines de millions d’euros pour soutenir les polices et les armées régionales ». Enfin, si le Premier ministre ne l’a pas évoqué directement, le contrôle des entrées et sorties dans l’espace Schengen, au sein duquel 26 Etats européens ont déclaré la totale liberté de circulation, soustend le débat. Paris reproche aux frontières extérieures d’être poreuses. « Schengen est une affaire européenne, ce n’est pas un problème, c’est la solution, répond M. de Kerchove. C’est le cadre dans lequel on doit bâtir cette sécurité européenne en harmonisant tout d’abord les indicateurs de risque. » Pour être complète, la liste de M. Valls des moyens nécessaires à « Renforcer l’existant » Interrogé par Le Monde, Jean-Paul Laborde, directeur du Comité contre le terrorisme au Conseil de sécurité des Nations unies, constate également que « les Etats ont chacun leurs méthodes et privilégient la coopération bilatérale » en matière de renseignement. Ce qui compte, ajoute-t-il, « c’est qu’ils mettent cette menace au premier rang de leur travail national de renseignement. Ne serait-il donc pas plus judicieux, si cela est nécessaire, de renforcer les structures existantes plutôt que d’en créer de nouvelles et d’ajuster leurs méthodes de travail aux menaces actuelles. (…) Personne n’a le monopole de la lutte contre le terrorisme, mais tout le monde doit faire face à ses responsabilités ». p jacques follorou et franck johannès « L’islam doit s’imprégner de la réalité de la société » Le socialiste Julien Dray regrette qu’une partie de la population des quartiers ne soit pas descendue dans la rue dimanche ENTRETIEN J ulien Dray, vice-président PS du conseil régional d’Ile-deFrance et proche de François Hollande, appelle la gauche à mener une « bataille idéologique » pour promouvoir les valeurs républicaines. Vous avez fondé SOS-Racisme et organisé beaucoup de manifestations. Qu’est ce qui était différent dimanche ? Ce qui est fort, c’est que ceux qui doutaient de la France républicaine capable de se mobiliser, ceux qui, commercialement ou intellectuellement, menaient le débat politique sur le déclin, ont eu une réponse qui dépassait les espérances. Le monde a été surpris de la façon dont la France s’est ressaisie. Avez-vous trouvé le cortège représentatif de la société ? C’est difficile d’avoir une vision globale. D’abord une remarque : on a tellement décrié les jeunes, soi-disant peu intéressés par la chose publique. Et là d’un coup, on a retrouvé la jeunesse que j’aime, mobilisée, concernée, fraternelle. L’avenir du pays se joue là. En revanche, on n’a pas vu dans la manifestation l’ampleur de la diversité de la société. J’ai le sentiment qu’il y a des gens qui, au dernier moment, n’ont pas franchi le pas en allant jusqu’au bout de leur dénonciation et en descendant dans la rue. Ceux qui dans les dernières heures ont fait campagne sur le thème « Nous ne sommes pas Charlie » ont pesé sur cette hésitation. Il faut qu’on combatte pied à pied les arguments qui ont creusé cette hésitation. Quels sont-ils selon vous ? Il y a deux personnes qui ont dit ça en premier : Jean-Marie Le Pen et Tariq Ramadan. Le premier n’avait de toute façon pas sa place dans cette manifestation. Le second a donné le sentiment à un certain nombre de familles, dans les cités notamment, qu’elles ne devaient pas se mélanger, qu’elles ne devaient pas être là. On a vu cette argumentation sur Internet puis dans certaines classes : « Ils nous ont provoqués » ; « Ils ont caricaturé notre Prophète » ; ou, plus grave encore : « Puisqu’ils font les caricatures, on a le droit de faire nos quenelles. » Là, il y a une bataille idéologique qui doit se mener. Sans ultimatum mais sans complaisance. La gauche a-t-elle les armes pour mener ce débat ? Nous avons un joyau qui s’appelle la laïcité. La laïcité, c’est la séparation de la sphère publique et de la sphère privée, et la volonté que la religion reste dans la seconde. Mais la République discute avec les cultes et ne peut pas les ignorer. Quand une religion comme l’islam apparaît comme une composante majeure de la République, elle doit s’imprégner de la réalité de la société française. Il y a un dialogue respectueux mais nécessaire pour moderniser et faire évoluer cette religion. Si l’islam reste dans une théologie du prosélytisme dans un monde qui ne peut pas le supporter, il y aura conflit. Ce n’est pas faire injure à l’islam ou la désigner à la vindicte populaire que de lui demander de mener ces débats nécessaires. On a aussi beaucoup entendu « la crainte de l’amalgame »… Il y a besoin de lever l’ambiguïté qui se crée autour de cette formule. Evidemment, il ne faut pas d’amalgame, ni d’injonction à l’égard des uns plus que des autres. Nous sommes tous les égaux les uns des autres. Mais il ne faut pas non plus que la notion d’amalgame soit un prétexte pour rester à part et ne pas se mé- langer. Attention à l’argumentaire spontanément victimaire. Le dialogue n’a pas été suffisant avec cette partie de la société ? On pourra avoir tous les systèmes de répression mais si on veut éradiquer cette violence djihadiste, on a besoin d’une société totalement mobilisée. Une part importante de la bataille se joue dans un certain nombre de cités. Il faut éviter les mots qui blessent et qui empêchent la discussion, servant d’alibis pour ne pas répondre aux questions posées. Mais il faut dire la vérité. Il y a par exemple un antisémitisme nouveau qui existe. Et ceux qui ont expliqué qu’ils ne venaient pas dimanche à cause de la présence de Benyamin Nétanyahou en tête de la manifestation, ont oublié qu’il y avait au même moment Mahmoud Abbas. Ils étaient plus palestiniens que les Palestiniens eux-mêmes. En ce sens, quelle belle leçon ont donné nos amis kurdes en descendant dans la rue, malgré la présence du premier ministre turc. Quelles réponses la gauche peut-elle apporter dans les quartiers ? On est confronté à une crise sociale qui a généré une ghettoïsation et des discriminations qui sont autant de blessures qui ne se cicatriseront pas d’un coup de baguette magique. Il faut bien cibler les personnages-clés. Il y a les mères, qui restent des personnages centraux et à qui nous n’avons pas assez parlé ces dernières années, il y a les professeurs et les travailleurs associatifs. On a abandonné le tissu associatif en lui appliquant une logique comptable. Travailleurs sociaux et enseignants, sont les héros de notre temps. Ils n’ont pas besoin de mots. Ils ont besoin de moyens. p propos recueillis par nicolas chapuis france | 5 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 La liberté d’expression et ses limites Beaucoup de Français se demandent pourquoi Dieudonné est « censuré » et pas « Charlie ». Décryptage P ourquoi Dieudonné est-il censuré alors que Charlie Hebdo se moque de la religion sur ses “unes” ? » La question peut paraître naïve. Elle n’en est pas moins posée à maintes reprises, par nos lecteurs, sur les réseaux sociaux ou sur le Web. Elle ramène à une notion beaucoup invoquée, sans être toujours comprise, celle de « liberté d’expression ». Principe absolu en France, « tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement », énonce la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789. Elle ajoute cependant « sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Si on ne peut interdire de s’exprimer, on peut dénoncer devant la justice certains propos après qu’ils ont été tenus, qu’ils émanent de Charlie Hebdo, de Dieudonné ou d’Eric Zemmour, et qu’ils aient été émis dans une salle de spectacle, en « une » d’un journal ou sur Internet. La loi de 1881 sur la liberté de la presse sert de socle à cette question, en précisant les cas où la liberté d’expression est encadrée. L’injure ou la diffamation sont interdites et passibles de poursuites. De même, appeler au meurtre, à la violence, au vol, à la destruction ; porter atteinte aux « intérêts fondamentaux de la nation » ; faire l’apologie de crimes de guerre, inciter au terrorisme, ou « à la haine ou la violence » envers des personnes en raison d’une appartenance ethnique, sexuelle ou d’une origine, est un délit. L’auteur d’un propos homophobe peut être théoriquement condamné de la même manière pour des propos écrits dans un quotidien ou sur sa page Facebook. L’éditeur du livre ou le responsable du service Web utilisé La question devient plus compliquée dès lors qu’on évoque l’humour. C’est alors aux juges qu’il revient de trancher est également considéré comme responsable. En pratique, les grandes plates-formes du Web, comme YouTube, Facebook, Tumblr ou Twitter, disposent d’un régime spécifique, introduit par la loi sur la confiance dans l’éducation numérique : ils ne sont condamnés que s’ils ne suppriment pas un contenu qui leur a été signalé comme étant contraire à la loi dans un délai raisonnable. « Liberté d’expression » ne veut donc pas dire liberté absolue de dire ce que l’on veut. Mais la question devient plus compliquée dès lors qu’on évoque l’humour. C’est au nom de l’humour que Dieudonné justifie ses propos antisémites ; c’est aussi au nom de l’humour que Charlie Hebdo publiait en 2006 les caricatures évoquant le prophète Mahomet. Dans les deux cas, des juges ont dû trancher, et décider s’il s’agissait bien avant tout de faire rire. « Droit à l’insolence » La loi reconnaît en effet un droit à la parodie et à la satire. Ainsi, en 1992, le tribunal de grande instance de Paris estimait que la liberté d’expression « autorise un auteur à forcer les traits et à altérer la personnalité de celui qu’elle représente », et qu’il existe un « droit à l’irrespect et à l’inso- Présentation du nouveau numéro de « Charlie Hebdo » par Gérard Biard, Luz et Patrick Pelloux, mardi 13 janvier, au siège de « Libération », à Paris. IVAN GUILBERT/COSMOS lence ». Mais cette appréciation peut varier. On se souvient, par exemple, du fameux « Casse-toi, pauvre con » inscrit sur une pancarte à destination de Nicolas Sarkozy, alors président de la République, lors de son passage au Salon de l’agriculture en 2008. Arrêté, l’auteur de la pancarte avait été condamné par les tribunaux français, insensibles à ce qu’il décrivait comme un trait d’humour. Après des années de procédure cependant, la justice européenne a marqué son désaccord, estimant, en 2013, que la sanction avait « un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d’intérêt général ». Dans le cas des caricatures de Mahomet, la justice avait assuré en 2007 que « le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe (…) à la « Il faut que chacun respecte l’opinion des autres » etudiants ingénieurs à l’Institut polytechnique des sciences avancées d’Ivry-surSeine (Val-de-Marne), Julie Blandin, Rockya Cissé, Arthur Bossebeuf et Guillaume Aumont ont tous participé à une minute de silence en hommage aux victimes de Charlie Hebdo. Les jeunes qui la contestent ? « On peut les comprendre : il y a la liberté d’expression, et chacun peut dire ce qu’il veut, croient-ils savoir. Si on n’est pas d’accord, on peut aussi le dire. » « Il ne faut pas faire l’apologie de ces crimes et il faut que chacun respecte l’opinion des autres », résument-ils. Quelques jours après l’attentat contre le journal satirique qui a fait 12 morts, le sujet reste sensible et beaucoup de ceux qui l’abordent préfèrent rester anonymes. Dès lors qu’on évoque le cas du polémiste Dieudonné et la contestation de la minute de silence. A la sortie du lycée Buffon, à Paris, un élève de 1re appelle à une distinction nette : « Les caricatures, c’est les journalistes, c’est pour ça qu’on les a butés : les dessinateurs qui sont morts, ils se moquaient. Dieudonné, lui, il fait l’apologie du terrorisme, il le glorifie, c’est pas normal. » « Réguler la liberté d’expression » Mais les débats au lycée lassent d’autres élèves qui, en réaction, lancent à propos de Dieudonné et Charlie Hebdo : « C’est la même chose, c’est pareil. » « On en a marre. Je suis Charlie, la manif, tout ça, ça ne va rien changer », protestent des lycéennes. « Les caricatures de Charlie étaient poussées, certes, mais il n’y avait jamais d’incitation à la haine. Ce n’est pas comme Dieudonné, qui revendique encore une fois sa maladie raciste en soutenant par ses propos les auteurs de la tuerie du supermarché casher », affirme au contraire une élève de 2nde du lycée GabrielFauré, dans le 13e arrondissement de Paris. Même si elle reconnaît que les dessins de Charlie Hebdo ont pu blesser : « Moi, je ne suis pas musulmane, alors je peux dire : “Je suis Charlie.” Mais les musulmans de mon lycée, qui se sont sentis offensés, même s’ils sont choqués par les attentats, ils préfèrent dire : “Je suis Ahmed”. D’ailleurs, je les comprends. » Coiffée d’un voile noir, une étudiante de première année en biologie à l’université Paris-Diderot explique aussi qu’elle a manifesté dimanche contre « la terreur et les tueries » mais sans pancarte « Je suis Charlie » : « Il faudrait réguler la liberté d’expression, qui n’est pas absolue. Toucher à quelque chose de sacré, c’est blessant », dit-elle. p romain chapel et adrien de tricornot liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions », et qu’en « dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal Charlie Hebdo apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans ». L’humour paraissant être le but premier, le tribunal estimait qu’il n’y avait pas de racisme ou d’islamophobie. La même chose est arrivée à Dieudonné au début de ses provocations. Un sketch télévisé dans lequel il incarnait un rabbin juif orthodoxe lui avait valu un procès en 2005… et une relaxe. Là encore, le tribunal avait estimé qu’il s’agissait d’humour et qu’il n’y avait donc pas lieu de condamner. « Charlie », 48 procès depuis 1992 Pour Charlie comme pour Dieudonné, ces verdicts ont pu varier. L’hebdomadaire a été condamné à neuf reprises depuis 1992, sur quarante-huit procès, essentiellement pour « injure », mais pas seulement. Des associations de harkis avaient obtenu sa condamnation en 1998, la justice estimant qu’un dessin visait « précisément les harkis et la commu- nauté qu’ils forment ». Les fameuses caricatures de Mahomet ont donné lieu à des procès très médiatisés, tous gagnés par Charlie Hebdo. Dieudonné, lui, a été jugé dans de multiples procès pour « provocation à la haine raciale » ou « contestation de crimes contre l’humanité ». Il en a perdu l’essentiel, mais pas toujours. En 2012, un film du polémiste avait été autorisé par la justice malgré une plainte de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme. En plaidant pour l’interdiction de ses spectacles, le gouvernement Ayrault avait cependant franchi une barrière symbolique, en interdisant a priori une expression publique. Néanmoins, le Conseil d’Etat, saisi après l’annulation d’une décision d’interdiction à Nantes, lui avait finalement donné raison, considérant que « la mise en place de forces de police ne [pouvait] suffire à prévenir des atteintes à l’ordre public de la nature de celles, en cause en l’espèce, qui consistent à provoquer à la haine et la discrimination raciales ». « On se trompe en pensant qu’on va régler la question à partir d’interdictions strictement juridiques », estimait alors la Ligue des droits de l’homme. p samuel laurent et damien leloup Dieudonné en garde à vue pour apologie du terrorisme Le polémiste avait écrit sur sa page Facebook, dimanche 11 janvier : « Sachez que ce soir je me sens Charlie Coulibaly » L e polémiste Dieudonné M’Bala M’Bala a été placé en garde à vue, mercredi 14 janvier, après qu’une enquête a été ouverte par le parquet de Paris, le 12 janvier, pour « apologie du terrorisme ». Dimanche 11 janvier, sur sa page Facebook, Dieudonné avait écrit, après la journée de rassemblement contre les attentats : « Sachez que, ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly. » L’enquête avait été confiée à la brigade de répression de la délinquance aux personnes. Cette enquête pour apologie du terrorisme est la deuxième du genre à frapper le polémiste dont les thèses ouvertement antisémites ont connu un succès croissant ces dernières années. En septembre 2014, le parquet de Paris avait déjà été saisi après la diffusion d’une vidéo où Dieudonné ironisait sur la décapitation du journaliste américain James Foley par l’organisation Etat islamique. Dans une autre vidéo, diffusée en 2010, il avait aussi appelé à la libération de Youssouf Fofana, condamné pour le meurtre d’Ilan Halimi, ce jeune juif séquestré et torturé avant d’être tué en 2006. Mais, dans cette affaire, Dieudonné avait été relaxé. Cette fois-ci, le message de Dieudonné a été supprimé de sa page dès le début de la polémique. Mais, avant sa suppression, on pouvait, en plus du détourne- ment du slogan de soutien au journal Charlie Hebdo, y lire des moqueries sur la manifestation historique de dimanche. Dieudonné la qualifiait « d’instant magique égal au big-bang » et « au couronnement de Vercingétorix ». « Ennemi public numéro 1 » Après l’annonce de l’ouverture d’une enquête préliminaire, le polémiste a diffusé, lundi, une réponse sur Internet. Dans ce message, il explique avoir écrit ce texte pour appeler à « la paix » car, selon lui, la manifestation était une démarche pour pouvoir continuer « à rire de tout ». Or, depuis un an, il s’estime « traité comme l’ennemi public numéro 1 alors [qu’il] ne cherche qu’à faire rire, et à faire rire de la mort, puisque la mort, elle, se rit bien de nous, comme Charlie le sait, hélas ». « Il ne faut pas confondre la liberté d’opinion et l’antisémitisme, le racisme et le négationnisme », a réagi le premier ministre, Manuel Valls. De son côté, Marc Ladreit de Lacharrière, l’actionnaire de plusieurs salles de spectacle Zénith en France, a donné pour instruction, lundi, à ses équipes de « ne pas programmer le spectacle de Dieudonné », intitulé La Bête humaine. Dieudonné est dans le viseur du gouvernement et de la justice depuis plusieurs années. Fin 2013, plusieurs de ses spectacles avaient déjà été interdits. Parmi d’autres déboires judiciaires, il a été mis en examen, en juillet 2014, par le juge financier Renaud Van Ruymbeke pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et abus de biens sociaux. Bien qu’il s’en défende, le polémiste est soupçonné d’avoir minoré ses revenus à l’égard du fisc et ses biens pour échapper à l’impôt de solidarité sur la fortune. Agé de 48 ans, Dieudonné a longtemps milité à gauche et pour la cause noire, avant de progressivement se rapprocher de cercles de pensées d’extrême droite, notamment de l’idéologue Alain Soral. Dieudonné a plusieurs fois été condamné pour incitation à la haine raciale. p elise vincent L’EXPÉRIENCE PRÉPA DEPUIS 1954 APRÈS LE BAC, VOICI LE BON CHEMIN POUR PRÉPARER ET RÉUSSIR UNE GRANDE ÉCOLE Enseignements supérieurs privés www.isth.fr tél. 01 42 24 10 72 60 ans d’expérience 60 ans d’excellence 6 | france 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Une répression accrue de l’apologie des attentats Christiane Taubira appelle les procureurs à la « fermeté ». Une cinquantaine de procédures sont engagées C hristiane Taubira a en voyé, lundi 12 janvier, une circulaire très ferme aux parquets après les attentats contre Charlie Hebdo et le magasin casher de la porte de Vincennes à Paris, pour poursuivre « avec rigueur et fermeté » les actes et les propos racistes ou antisémites. « A l’heure où les fondements même de la démocratie sont visés », indique la ministre de la justice, et « où la nation doit montrer son unité, les propos ou agissements répréhensibles, haineux ou méprisants, proférés ou commis en raison de l’appartenance à une religion doivent être combattus et poursuivis avec la plus grande vigueur ». Une cinquantaine de procédures ont déjà été engagées en quelques jours pour apologie de crimes racistes, et les premières condamnations sont particulièrement lourdes. « Il importe que les parquets fassent preuve d’une grande réactivité dans la conduite de l’action publique », insiste la garde des sceaux, avec « une attention toute particulière » portée aux détenus. Elle exige « une réponse pénale systématique, adaptée et individualisée », recommande aux procureurs d’inciter les services d’enquête à ne rien laisser passer, et de poursuivre les auteurs d’infractions « sous la qualification pénale la plus haute, en retenant systématiquement la circonstance 36 actes antimusulmans Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, le ministère de la justice a recensé 36 actes antimusulmans en France. La majorité de ces actes ont visé des lieux de culte. 15 sont des tags ou des inscriptions, 10 des dégradations. 11 procédures ont été ouvertes pour des tracts islamophobes. Si ce chiffre de la chancellerie est inférieur à celui de 54 actes comptabilisés au 12 janvier par le Conseil français du culte musulman (CFCM), c’est parce qu’il ne recense que les procédures judiciaires ouvertes et pas seulement les signalements. aggravante [le caractère raciste ou antisémite] lorsqu’elle est établie ». La « provocation publique à la haine, la violence ou la discrimination raciale » ; la « diffamation publique à raison de l’appartenance, réelle ou supposée à une ethnie, une nation une race ou une religion » ; la « contestation de crime contre l’humanité » sont réprimées d’une peine d’un an de prison et 45 000 euros d’amende, « l’injure publique » de moitié moins. Mais « l’absence de publicité de ces propos ne les rend pas moins répréhensibles », rappelle la circulaire, et même tenus en privé, ils sont sanctionnés d’une contravention de 750 à 1 500 euros, ou 3 000 euros en cas de récidive. Deux types de sanctions sont prévus pour les infractions à caractère terroriste et pas seulement racistes. Elles ont d’ailleurs été alourdies par la loi du 13 novembre 2014 : « l’apologie », qui consiste à présenter ou commenter, nécessairement publiquement, un attentat sous un jour favorable ; et « la provocation », une « incitation directe commettre des faits matériellement déterminés », même si elle n’est pas publique, sont punies d’une peine maximum de cinq ans et de 75 000 euros d’amende. Ces mêmes infractions ont été portées l’année dernière à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros lorsqu’elles sont commises sur Internet. Quatre ans fermes Une cinquantaine de procédures, au total, sont ainsi en cours pour « apologie du terrorisme » depuis l’attentat à Charlie Hebdo le 7 janvier. Au 13 janvier, pour une vingtaine d’entre elles, une enquête avait été ouverte, huit personnes avaient reçu des convocations devant un officier de police judiciaire, huit autres devaient passer en comparution immédiate et trois étaient encore en garde à vue. Seules cinq condamnations ont pour l’instant été prononcées. Les peines sont toutefois très lourdes. La plus sévère a été prononcée après un incident à Haulchain (Nord). Le 11 janvier, après un accident de la circulation, un homme de 34 ans s’en est pris aux policiers en défendant les attentats : il a écopé de quatre ans fermes. L’apologie du terrorisme n’était qu’une circonstance aggra- Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et la garde des sceaux, Christiane Taubira, à l’Elysée, le 8 janvier. VINCENT ISORE/IP3 POUR « LE MONDE » On trouve dans les procédures trois mineurs, deux femmes, des illuminés, des hommes alcoolisés, des chrétiens, des musulmans... vante, il avait refusé de se soumettre à l’alcootest, était en récidive et l’accident avait causé des blessures involontaires. Deux autres lourdes peines ont été prononcées à Orléans et à Toulon le 12 janvier : un an de prison ferme et huit à neuf mois avec sursis. A Orléans, un musulman de 33 ans avait donné un coup de tête le 10 janvier à un jeune scout avant de hurler « Si tu restes là, je vais chercher ma kalach » et « sale chrétien ». A Toulon, un évangélique avait annoncé le 8 janvier sur Facebook vouloir commettre un attentat à Montparnasse, en plein cœur de Paris. « Nique Charlie Hebdo » Deux rappels à la loi ont été prononcés à Saint-Etienne le 11 janvier, et la veille à Courbevoie (Hauts-de-Seine), contre des hommes qui hurlaient dans la rue, sans viser personne en particulier. L’un avait lancé, « je suis fier d’être musulman, je n’aime pas Charlie, ils ont eu raison de faire ça », l’autre « nique la France, nique Charlie Hebdo ». On trouve pêle-mêle dans la cinquantaine de procédures recensées par la chancellerie trois mi- neurs, deux femmes, des illuminés, des hommes alcoolisés, des chrétiens, des musulmans… Les menaces et les insultes visent particulièrement les forces de l’ordre. Ainsi, à Bobigny, le 8 janvier, des policiers disent avoir entendu lors d’un contrôle d’identité : « T’es pas Charlie hebdo, toi aussi tu vas dire “Pitié chef, non chef.” » Une allusion aux derniers mots du brigadier Ahmed Merabet, tué à terre d’une balle dans la tête par les frères Kouachi à la sortie de Charlie Hebdo, le 7 janvier. L’homme a été placé en détention provisoire et devait passer en comparution immédiate. Quelques incidents ont visé des responsables politiques. Le maire de Wittenheim, 15 000 habitants en Alsace, avait accroché sur sa voiture une pancarte « Je suis Charlie ». Deux personnes sur un scooter ont jeté une pierre dans sa vitre arrière avant de s’enfuir en criant « Allah Akbar ! » L’enquête a été confiée à la police judiciaire. A Paris, c’est Juliette Méadel, porte-parole du Parti socialiste, qui a reçu des menaces dans sa boîte mail. A Saint-Rémy-de-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, des tracts avec des appels explicites à la violence ont été distribués dans les boîtes aux lettres. Le site du Mémorial de Caen a lui été piraté par un groupe connu de hackers tunisiens, « Fallaga Team », qui a réussi à y poster le bandeau « Je ne suis pas Charlie ». L’acte le plus sérieux a été repéré à Bastia, en Haute-Corse, où un homme fiché par les services pour sa radicalisation a, le 10 janvier, posté sur Facebook une photo de lui, en tenue religieuse musulmane, avec une kalachnikov dans les mains. p franck johannès et elise vincent 11 janvier : les ressorts intimes d’une mobilisation nationale Les Français se sont sentis touchés personnellement par les attentats. Leur réaction collective n’étonne pas les psychiatres ANALYSE P ourquoi une telle ferveur et une telle foule dans les rues, dimanche 11 janvier ? Les manifestants l’ont dit : ils ont marché contre la peur, pour la liberté, pour la France même, en tout cas au nom d’un certain idéal français. De grands mots, des valeurs cardinales, mais abstraites, dont on aurait douté jusqu’à la semaine dernière qu’ils puissent mobiliser de tels cortèges. La violence des actions et la puissance des symboles attaqués ont sidéré le pays. L’une des raisons de cette mobilisation hors norme est que les Français n’ont pas seulement vécu les attentats comme un drame national, mais aussi comme une série de traumatismes intimes. Il était frappant d’entendre, dans la foule, beaucoup d’entre eux se dire touchés personnellement, autant que s’ils avaient perdu des amis ou de la famille dans les attentats. Quatre jours après la tuerie de Charlie Hebdo, les Français étaient toujours extrêmement émus dimanche. « Depuis mercredi [7 janvier], ma consultation est remplie de gens en larmes, confirme Serge Hefez, psychiatre à la Pitié-Salpêtrière à Paris. Quelque chose de sacré est atteint, nos croyances laïques. Nous nous y référons rarement dans la vie habituelle et nous avons peu l’habitude de les éprouver. » De nombreuses personnes manifestaient dimanche pour la première fois. « Procuration héroïque » Les manifestants ont largement rendu hommage aux trois policiers tués dans l’exercice de leurs fonctions et aux quatre juifs assassinés dans l’épicerie casher de la porte de Vincennes. L’attentat contre Charlie Hebdo occupe une place à part. « Comme dans toute attaque de ce genre, il y a une identification projective, car des civils sont tués, observe Hélène Romano, docteur en psychopathologie à l’hôpital Henri-Mondor à Cré- teil. Mais ceux-là étaient censés être protégés. Et ils représentent symboliquement quelque chose, la liberté d’expression. Cela touche à l’identité de chacun. » « Il y a l’idée que ça peut arriver à n’importe qui, mais aussi une forme de procuration héroïque, confirme Patrick Ben Soussan, psychiatre à l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille. On se rend compte que [les journalistes de Charlie Hebdo] ont fait quelque chose pour nous alors que nous étions tièdes et que nous ne les avons pas forcément reconnus. » La réaction est d’autant plus forte que « Dans les situations difficiles, on fait corps à plusieurs, c’est important » CLAUDE HALMOS psychiatre les valeurs visées se sont trouvées incarnées dans des figures familières, connues des Français bien audelà des lecteurs de Charlie Hebdo. Pour les plus âgés, Wolinski et Cabu étaient comme des compagnons de jeunesse avec lesquels ils ont fait route depuis les années 1960. Avec eux, c’est aussi le souvenir parfois fantasmé d’une époque qui a été atteint, celle des « trente glorieuses », ainsi que la nostalgie du mot d’ordre d’une bonne partie de la jeunesse après 1968 : vivre libre et rire de tout. La génération suivante, celle des quadragénaires, a découvert et aimé Cabu enfant, en dehors de tout cadre idéologique, dans le « Club Dorothée » de « Récré A2 », une émission pour enfants très populaire diffusée de 1977 à 1987. Pour certains qui évoquent spontanément son souvenir, c’est le seul lien avec un journal qu’ils n’ont jamais ouvert. Charb collaborait également aux publications pour enfants et jeunes Mon quotidien et Le Monde des ados. « Le dessin, c’est un lien à l’enfance, relève M. Ben Soussan. Ces meurtres ont touché l’enfant en nous. » La réaction collective des Français n’étonne pas les spécialistes de l’humain. « Dans les situations difficiles, on fait corps à plusieurs, c’est très important », résume la psychiatre Claude Halmos. « On est dans la communion », relève également M. Hefez. Pour Mme Romano, il s’agit d’un réflexe instinctif, archaïque. « Quand il vit un drame, qu’il soit privé ou national, l’être humain a besoin de se rassurer, explique-t-elle. Le fait de se regrouper permet de retrouver une identité collective. C’est inscrit dans l’inconscient et c’est structurant psychiquement. » « Répondre par les mots » Un autre réflexe est de s’adresser à la génération suivante. Les familles étaient nombreuses le 11 janvier, malgré la crainte d’un nouvel attentat, ou d’un simple mouvement de foule. Les parents sont venus « pour transmettre des valeurs ». Un souhait encouragé par les spécialistes de l’enfance, qui s’élèvent contre la tentation de protéger les enfants en les laissant dans l’ignorance. « Ils sont capables d’imaginer des romans terrifiants à partir de bribes d’information, explique Mme Halmos. La parole des parents, qui doit être simple et adaptée à chaque âge, donne un cadre. » « C’est une occasion de faire de l’instruction civique, poursuit Mme Halmos. De dire ce qu’est l’humanité, ce qu’est la civilisation, et qu’aux mots on doit répondre par des mots, et non par le meurtre. » « Quand on dit à un enfant que cela n’est pas bien, qu’il ne faut pas tuer, il entend quelque chose de très fort », affirme M. Ben Soussan. Les parents qui ont manifesté dimanche en famille ont clairement passé ce message. Immédiatement, une question vient à l’esprit : ceux qui n’étaient pas présents en ont-ils malgré tout parlé, et si oui, qu’ont-ils dit ? p gaëlle dupont I f a : .salondesmas ers.com SAMEDI JANVIER 5 LES DOCKS CITÉ DE LA MODE ET DU DESIGN 4 QUAI D AUSTERLITZ PARIS 11h00 Master, mastère spécialisé, comment choisir sa formation ? Conférence animée par Maryline Baumard, journaliste au Monde 12h00 Intégrer un MS en grande école. Conférence animée par Maryline Baumard, journaliste au Monde 13h00 Admission parallèles et admissions sur titre : intégrer une grande école de commerce. Conférence animée par le Concours Ambitions+ Re E e e e f a de e H À 8H c e ENTRÉE GRATUITE 14h00 Master Pro, Master Recherche, Doctorat… suivre une formation à l’université. Conférence animée par Martine Jacot, journaliste au Monde 15h00 Suivre une formation en alternance c’est possible ! Conférence animée par Benoît Floc’h, journaliste au Monde 16h00 Le match grandes écoles/Universités : quel programme choisir ? Conférence animée par Benoît Floc’h, journaliste au Monde a e e salondesmas ers.com ca a e a a a ec RENDEZ VOUS SUR I LE MONDE DES ÉTUDIANTS e de f 8 | france 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 A Jérusalem, face à « la plus révoltante des morts » Une cérémonie s’est tenue sur le mont des Oliviers en mémoire des quatre victimes juives du 9 janvier RÉCIT jérusalem - correspondant O n s’enlace, on se con sole, on se retrouve, on se compte. Quelques drapeaux israéliens flottent, mais pas de bleublanc rouge. Environ deux mille person nes ont assisté à la cérémonie, organisée mardi 13 janvier au cimetière Givat-Shaul, sur les hauteurs de Jérusalem. Elle fut émouvante, puis politique. En présence de familles étourdies de chagrin, arrivées de France dans la nuit, hommage fut rendu, par des discours, des psaumes et des flambeaux allumés, aux quatre victimes juives tuées dans le supermarché casher de la porte de Vincennes, à Paris. Puis leurs corps ont été portés en terre, dans l’intimité. Yoav Hattab, 21 ans, Yohan Cohen, 23 ans, Philippe Braham, 45 ans, et Francois-Michel Saada, 64 ans, font partie des 17 personnes tombées dans les attentats de la semaine passée. Ils n’étaient pas israéliens, mais ils étaient juifs. A ce titre, l’Etat d’Israël a voulu porter une partie du deuil, comme s’il rendait hommage à des membres éloignés de la famille. Les calculs politiques n’étaient pas non plus absents, avant les législatives anticipées du 17 mars. Les attentats à Paris font la « une » de la presse israélienne depuis plusieurs jours. A la tribune comme dans l’assistance, de nombreux députés et ministres israéliens avaient fait le déplacement mardi, devant un mur de caméras. « Ses enfants chéris » La cérémonie a débuté par un court hommage des proches des victimes. « Philippe, protège-moi, protège Shirel et Naor et Ella et Elad », a lâché dans un souffle, chancelante, bouleversante, Valérie, l’épouse de Philippe Braham, « un homme parfait, un homme qui pensait aux autres avant de penser à lui-même, un père exemplaire ». Puis vint le tour des discours politiques. C’est le président israélien, Reuven Rivlin, qui sut trouver les mots justes, évoquant chacune des victimes avec empathie, par son « Chaque coup porté à un juif est un coup porté au peuple français. La peur et l’effroi [sont] légitimes » SÉGOLÈNE ROYAL ministre de l’écologie, venue représenter la France prénom. Philippe, qui faisait ses courses pour shabbat. FrançoisMichel, qui avait acheté un appartement en Israël mais ne « pourra jamais fixer de mezouzah [objet rituel] sur le seuil de la porte ». Yoav, venu pour la première fois à Jérusalem il y a deux semaines, où il s’était fait photographier devant le Mur des lamentations. Yohan, « déjà un héros » à 21 ans, qui « s’est battu avec le meurtrier, pour sauver la vie d’un enfant de 3 ans ». Le président israélien a ensuite dénoncé la « pure haine des juifs » qui cherche à frapper « partout où la vie juive existe, à Paris et à Jérusalem, à Toulouse et à Tel-Aviv, à Bruxelles et à Bombay. Dans les rues et les synagogues. Dans les écoles et les marchés, les gares et les musées ». Rentré de Paris, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a lui aussi évoqué, comme à son habitude, le front commun que doit afficher la civilisation occidentale face à l’islam radical. « Je pense que la plupart [des dirigeants] comprennent, ou au moins commencent à comprendre, que le terrorisme de l’islam radical représente une menace claire et actuelle pour la paix dans le monde dans lequel nous vivons. » S’adressant aux juifs de France, le chef du gouvernement a répété l’invitation traditionnelle des dirigeants israéliens, qu’Ariel Sharon formulait déjà en 2004, au moment de la recrudescence des actes antisémites : « Ils savent au fond d’eux qu’ils ont un seul pays, l’Etat d’Israël, leur patrie historique qui les accueillera les bras ouverts comme ses enfants chéris. » Représentant les autorités françaises, Sé- Au cimetière du quartier Givat-Shaul, sur les hauteurs de Jérusalem, le 13 janvier. TANYA HABJOUQA POUR « LE MONDE » A Paris, le 13 janvier, hommage aux policiers tués lors de l’attentat contre « Charlie Hebdo » et à Montrouge. M. AWAAD/IP3 POUR « LE MONDE » golène Royal, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a décoré les victimes de la Légion d’honneur à titre posthume. « Ils ont tous les quatre été tués parce que juifs, a souligné Ségolène Royal. C’est la plus révoltante des morts. » Selon la ministre, « chaque coup porté à un juif est un coup porté au peuple français », a-t-elle ajouté, en reconnaissant « la peur et l’effroi légitimes » que de telles attaques peuvent susciter. Dans le public, de nombreux juifs français, qui ont choisi de « monter » en Israël, selon l’expression consacrée, ont écouté ces propos avec scepticisme. Le fata- Après les obsèques d’Ahmed Merabet, le retour de la peur les obsèques d’ahmed merabet, le policier abattu par l’un des frères Kouachi le 7 janvier à Paris, à quelques encablures des locaux de Charlie Hebdo, se terminent. Abdel, l’un des frères Merabet, soutient sa mère, épuisée par le froid qui a envahi les allées du cimetière musulman de Bobigny, ce mardi 13 janvier, et l’accompagne au car qui doit ramener toute la famille à LivryGargan, commune de Seine-Saint-Denis où vivait Ahmed. Il lâche un mot : « Solidaires. » Un mot qui caractérise pour lui ce moment particulier qui voit des dizaines de policiers, en civil ou en uniforme de cérémonie, hauts gradés comme simples agents de la voie publique, attendre en file indienne pour embrasser la mère de leur collègue. Le moment est rendu particulier par l’ampleur des applaudissements qui ont salué leur arrivée, autant que par le fait qu’ici, dans le carré musulman du cimetière, tout le monde dit « Allahou akbar ! » sans craindre la stigmatisation. « Solidaire », le capitaine Stéphane Motel, du commissariat du 11e arrondissement de Paris, où travaillait Ahmed, l’est. Mais selon lui, il faut changer d’échelle, « prendre les mesures qui s’imposent ». Pour ce gradé qui a vu mourir son collègue dans la rue, « il faut décréter l’état d’urgence. Sans l’armée on n’arrivera à rien, estime-t-il. Il y a un millier de dormants comme les Kouachi »… Il attend de l’Etat une mobilisation générale de l’armée. « Si on ne décrète pas l’urgence aujourd’hui, alors, je ne sais pas quand. Il est temps d’agir », ajoute-t-il ému. Autour du capitaine, les policiers acquiescent. Crainte de la stigmatisation A quelques mètres, Latifa Ibn Ziaten, mère du militaire Imad, abattu en mars 2012 par Mohamed Merah, ne tient pas le même discours. « Il faut faire un travail, tous ensemble, c’est de notre responsabilité ; on ne peut pas mettre l’armée dans les villes, des policiers derrière les jeunes », plaide celle qui a créé l’association Imad, « pour la jeunesse et la paix ». Le moment de communion et de grâce fini, le verre de thé à la menthe partagé, les inquiétudes refont lisme s’est installé, comme si la menace ne cessait de grossir en Europe. Tous parlent des précédents funestes : Ilan Halimi, enterré dans ce même cimetière en 2006, et les trois enfants et l’enseignant victimes de Mohamed Merah, à Toulouse en 2012. Près de 7 000 juifs de France ont fait leur VERBATIM surface. Ben Nabs, ami d’Ahmed, reste prudent. « Toutes les communautés sont venues, cela peut continuer si les stigmatisations ne reprennent pas », avance ce grand gaillard. Mais les dessins de Charlie ne passent toujours pas. « Nous sommes religieux, on ne fait pas de caricature et on ne permet pas les moqueries dans notre religion. » Ce sentiment est assez partagé. Coiffée d’un foulard noir, Anissa B. (qui a souhaité garder l’anonymat), infirmière de 37 ans à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), pense aussi qu’il ne faut pas se moquer. Mais ce qu’elle redoute le plus, et qui revient en force, c’est la stigmatisation. « Je porte le voile mais mon grand-père était un poilu de la première guerre mondiale. Je peux comprendre que l’affichage de ma croyance gêne, mais ça m’est difficile quand je dois enlever ce qui m’est cher à l’entrée de l’hôpital, raconte la jeune femme. Quand j’entends parler de pétition pour que les mosquées soient surveillées en permanence, cela me fait très peur. » p rémi barroux “ La France peut être attaquée, elle peut être agressée, elle peut être meurtrie comme elle l’est. Aujourd’hui, notre grande et belle France ne cède jamais, ne rompt jamais, ne plie jamais. Elle fait face. Elle est debout. Force est donc restée à la loi grâce aux forces de l’ordre et à ceux qui [les] ont dirigées, policiers et gendarmes qui sont montés à l’assaut pour neutraliser les assassins. » François Hollande, président de la République, mardi 13 janvier à la Préfecture de police de Paris, lors de l’hommage national aux trois officiers de police – Ahmed Merabet, Franck Brinsolaro et Clarissa Jean-Philippe – morts en service lors des attentas parisiens de la semaine dernière. aliya vers Israël en 2014. La barre des 10 000 retours sera-t-elle atteinte en 2015 ? Le ministre du logement et de la construction, Uri Ariel, du parti extrémiste Foyer juif, a déjà donné des instructions pour étendre les colonies en Cisjordanie afin d’absorber le flux des Français, rapportait mercredi le journal Yedioth Aharonoth. Eric Attal, informaticien de 48 ans, est le cousin de FrançoisMichel Saada, l’une des quatre victimes du supermarché casher. Il est debout dans les premiers rangs, traînant sa valise à roulettes. Il habite le quartier de la porte de Vincennes. « Vendredi, je suis rentré à la maison escorté par des hommes en armes. Mon fils a 10 ans. Il m’a demandé : “Papa, pourquoi on veut nous tuer ?” D’habitude, je suis très attentif, très réactif pour lui répondre. Là, je ne savais pas quoi dire. Pour moi, l’aliya n’est pas envisageable, j’ai été élevé dans la République. C’est une solution ultime. Deux militaires se trouvent nuit et jour dans l’école juive que fréquente mon fils. Mais on ne peut mettre des barrières partout. Regardez Israël. On a construit un mur de séparation avec les Palestiniens. Ça a arrêté les attentats. Puis ils ont envoyé des roquettes, alors on a créé le système Dôme de fer. Et ils ont creusé des tunnels… » p piotr smolar débats | 9 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 La France doit faire le choix d’un multiculturalisme tempéré Le prétendu modèle « républicain » n’a pas empêché les attentats. Au lieu de se replier sur l’assimilation et le rejet de l’autre, la France doit enfin prendre en compte la diversité culturelle avant que l’affirmation de la différence ne dégénère en violence par alain renaut A peine clos, s’il l’est, le temps de l’émotion et de l’indignation, devrait commencer celui de la réflexion. Il faut considérer avec pondération, sans préjugés ni emballements, ce qu’a d’exceptionnel aujourd’hui la situation française en matière de traitement de la pluralité culturelle. Le lien entre cet appel à ouvrir enfin ce dossier et les événements de ces derniers jours est transparent. D’une part, notre supposé modèle « républicain » du vivre-ensemble, dont certains célébraient naguère la supériorité, au vu des attentats terroristes subis, sur celui du multiculturalisme britannique ou néerlandais, n’a pas empêché, en 2015 comme en 2013, la violence terroriste de nous frapper de plein fouet. D’autre part, rien n’interdit de se demander si la façon dont nous vivons ensemble dans ce pays n’est pas trop déficitaire pour que certains n’en retirent pas l’une des motivations de leur engagement à le faire exploser, dans tous les sens du terme. Dit, en effet, de façon brève et simplificatrice : contrairement à ce que beaucoup de nos compatriotes croient, la question n’est pas aujourd’hui de déterminer si la France a été trop loin en matière de multiculturalisme, mais bien plutôt de constater lucidement qu’il n’existe rien, dans ce pays, qui s’apparente à une quelconque prise en charge politique des exigences d’un multiculturalisme tempéré. Nul droit individuel ni liberté individuelle d’accéder à sa culture ne sont reconnus au citoyen français, sur le mode où l’avaient été d’autres droits fondamentaux comme les libertés d’opinion, de croyance ou encore d’expression. La France demeure aujourd’hui un pays qui a, par exemple, pris la responsabilité de situer, à travers l’unicité linguistique, un marqueur d’identité culturelle sur un pied d’égalité avec les principes majeurs de la République que sont le gouvernement du peuple par le peuple, ainsi que la devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». Ainsi n’existe-t-il en France, de jure, aucune forme de multiculturalisme, alors même que, de facto, le caractère multiculturel de la population est l’une des données collectives de notre vie. Ce décalage entre le fait et le droit ne peut qu’apparaître profondément conflictogène. Soit, au-delà même du terrorisme qui ne trouve dans cette situation que l’un de ses terreaux, la conflictualité prendra la forme d’une montée en puissance immaîtrisable des revendications de justice issues de populations de plus en plus exigeantes en termes de reconnaissance par des droits à la diversité. Soit le conflit naîtra à partir de l’accès au pouvoir NUL DROIT INDIVIDUEL NI LIBERTÉ INDIVIDUELLE D’ACCÉDER À SA CULTURE NE SONT RECONNUS AU CITOYEN FRANÇAIS Dessine-moi un... | par anna karlson d’une idéologie qui se saisira de la désorientation d’une partie des Français devant la présence, parmi eux, de plus en plus de citoyens porteurs d’autres référents culturels (et religieux) que les leurs. Qu’au début de l’hiver 2014 un idéologue ait pu se croire en situation, lors d’un entretien avec un journal étranger, de ne pas exclure une surprise que nous réserverait l’Histoire en procédant à la déportation de cinq millions de musulmans édifie sur les digues qui se sont rompues en ouvrant les vannes aux pires postures que la sphère publique puisse accueillir. La contrainte qu’exerce sur la droite son aile extrême-droitière est, dans le système d’élections qui est le nôtre, un piège qui n’échappe aux yeux de personne : qu’un futur candidat à la présidence de la République en vienne à défendre ouvertement le mot d’ordre de « l’assimilation » (inscrit au cœur de la pire politique de colonisation défendue et pratiquée au temps de Jules Ferry), et non plus même celui de « l’intégration » est à mes yeux proprement stupéfiant. Si la droite est (re)devenue culturellement assimilationniste, on ne peut que s’étonner d’autant plus de l’effarant silence de la gauche à cette occasion et de l’incapacité où elle se trouve de formuler sur le pluralisme culturel le moindre propos cohérent et distinctif. MIRAGE PROVOCATEUR Concernant la remédiation, cela devrait être la tâche, dès demain, d’une intelligentsia responsable d’offrir aux décideurs politiques l’arrière-plan dont leurs choix auront besoin. Considérer en premier lieu qu’il est bien sûr exclu, pour notre société et ceux qui sont dignes de la gouverner, de s’abandonner au mirage purement provocateur d’une expulsion massive, mais aussi à celui d’un programme d’assimilation. Un tel programme serait voué soit à se heurter aux résistances du réel et à demeurer pure utopie, soit à ouvrir sur un processus de contrainte homogénéisante dont l’on n’oserait même pas imaginer de quel type de régime politique il s’accompagnerait. Espérer en second lieu que la pluralité culturelle inscrite désormais au cœur de notre existence collective suscitera, à la fois en termes de thématisation intellectuelle et en termes de création politique de droits nouveaux, des réponses à la hauteur des questions qu’elle soulève. Un tout autre programme est ici concevable, et politiquement praticable dès lors qu’un camp s’en saisirait. A la faveur de droits individuels nouveaux, ménager pour tous les citoyens, quelles que soient leur culture ou leur religion, des possibilités réelles de choisir, de connaître et de voir respecter la diversité des modes humains d’être au monde et de leurs modes d’expression : si une partie de la droite politique se regroupe autour de la thématique assimilationniste, une partie de la gauche ne pourrait-elle, quels que soient les mots utilisés, le faire autour du principe d’un multiculturalisme tempéré par le souci de l’interculturalisme ? Dans l’état actuel d’une situation culturellement leucémisée, répondre à cette proposition, qui ne demande qu’à s’expliciter par des mesures précises, par un énième credo républicain d’abstraction des différences serait irresponsable. Cette réponse, tellement prévisible, nous conduirait à ne pas entendre l’un des tout derniers signaux que nous auront expressément transmis ceux qui nous disent ne pouvoir continuer à refuser la violence, comme ils le font, si ce devait être encore et pour toujours au prix du consentement exigé à une autre violence qui est celle l’effacement ou de l’abstraction de leurs différences. p ¶ Alain Renaut est professeur de philosophie politique à l’université Paris-Sorbonne et directeur du Centre international de philosophie politique appliquée Des bombes humaines mondialisées A l’ère de la violence globalisée, la France ne peut pas être épargnée par sylvie brunel A près les attentats du 7 au 9 janvier, beaucoup appellent en Europe à la croisade contre l’islamisme radical. Cette vision de la situation me paraît à la fois dangereuse et erronée. Dangereuse, car, récupérée par des mouvements occidentaux identitaires et nationalistes, qui désignent comme ennemie une religion réduite à ses extrémismes, elle court le risque d’exacerber la haine anti-occidentale d’une partie du monde musulman pauvre, déjà ébranlé par les guerres du prétendu empire du bien contre le mal qu’auraient incarné l’Irak, l’Afghanistan, la Libye, la Somalie. Résumer le danger à l’islamisme radical est tout aussi erroné, car le terrorisme est aujourd’hui bien loin de se limiter à lui. Qu’il s’agisse des fusillades dans les lycées américains ou des tueurs misogynes de Winnenden en Allemagne en 2009, la violence figure au cœur de nos sociétés. Pour une bonne partie des populations africaines, l’attentat brutal et imprévisible au cœur de la foule constitue une menace quotidienne : Boko Haram au nord-est du Nigeria, l’Armée de résistance du Seigneur en Centrafrique, les Chabab somaliens. En Amérique latine, les cartels de la drogue font régner leur loi dans les bidonvilles. Et la mondialisation criminelle des passeurs règne sur la Méditerranée, le Sahara, l’Amérique centrale, alimentant un flux de migrants exposés à tous les dangers. La mondialisation, par les mobilités humaines qu’elle a entraînées, s’est traduite par une urbanisation accélérée. La perte des sociabilités traditionnelles qui caractérisaient les communautés rurales centrées sur la famille, le respect et la tradition s’accompagne d’un sentiment de déracinement que la ville exacerbe par son anonymat, sa promiscuité, sa violence quotidienne à bas bruit. Le sentiment de déclassement dû à l’entassement dans des territoires dé- gradés s’est accompagné par la mise en contact brutale d’univers autrefois cloisonnés, ceux de la richesse et ceux de la pauvreté. Le creusement des inégalités amplifie la marginalisation de ceux qui prennent conscience que, pour eux, l’avenir est bouché. Internet exacerbe ainsi les rancœurs et les frustrations, surtout chez les jeunes, qu’un chômage massif prive de perspectives. ELDORADO ET « SIN CITY » Quand la confiance envers l’avenir n’existe plus, toutes les dérives sont possibles. Pour les laissés-pourcompte, l’Occident incarne à la fois un eldorado convoité et la Sin City haïe par tout ce qu’elle porte en elle d’arrogance. Les expéditions militaro-humanitaires font remonter à la surface la douleur et l’humiliation des guerres coloniales d’hier. En 1880, Emile Zola écrivait que les grands désordres jettent aux grandes dévotions. Tout discours de nature à susciter un réflexe d’appartenance à une communauté que soude la haine de l’Autre trouve des résonances dans des esprits troublés en quête de la croisade personnelle qui leur permettrait d’exister enfin à leurs propres yeux et d’être reconnus par les autres. A Boston comme à Paris, les attentats ont été commis par deux frères issus d’une famille dysfonctionnelle et en situation d’échec personnel. La dislocation des familles au nom d’un individualisme hédoniste multiplie des foyers monoparentaux : les pères désertent, les mères sous-payées travaillent à l’extérieur, le modèle d’intégration par le travail et le mérite ne fonctionne plus, laissant les adolescents livrés à eux-mêmes, dans un monde où les seuls repères sont ceux fournis par les médias et les réseaux sociaux. Le discours ambiant, qui valorise l’accomplissement personnel et vous rend responsable de vos échecs, cause des dégâts considérables chez ceux pour lesquels une telle voie n’est pas possible, parce qu’ils n’ont ni les connexions sociales, ni les moyens matériels, ni le capital intellectuel pour s’insérer dans cette glorification de la réussite. Dès lors, seul le « mode de vie kalachnikov » devient accessible. Et si dans les banlieues dégradées du monde prolifèrent les armes, l’économie de la drogue et les prêches, c’est parce qu’on a fait miroiter à trop de jeunes les mirages de la réussite sociale sans leur en LES PRISONS SONT DEVENUES DES CENTRES D’APPRENTISSAGE DE LA CRIMINALITÉ donner la possibilité. Les prisons, où les gardiens manquent de moyens et vivent dans la terreur, sont devenues des centres d’apprentissage de la criminalité. Les services de renseignement craignent l’explosion d’un terrorisme dit de basse intensité qui impliquerait des « loups solitaires ». Il existe des filières spécialisées dans la fabrication de telles bombes humaines, ceux qui les dirigent élaborent un discours habile de haine de l’Occident, glorifiant le martyre des faibles à des fins de puissance personnelle. On peut répondre à cette menace en renforçant la société de surveillance généralisée, dominée par la traçabilité absolue de l’électronique et de l’empreinte génétique, la transparence obligatoire, la traque des déviants potentiels dès le plus jeune âge. Mais cette violence institutionnelle suscitera en réaction la radicalisation des laisséspour-compte, le combat religieux ne figurant qu’une des voies possibles. Mais on peut aussi se demander comment nous en sommes arrivés là. Un double défi se pose à nos sociétés, celui de l’intégration et des valeurs. Renforcer le lien social dans les quartiers, recréer de la sociabilité en multipliant les agents de proximité, lancer de grands chantiers où les laissés-pourcompte puissent trouver leur place, enseigner la tolérance, refuser les amalgames et les stigmatisations de ceux qui sont différents, qu’il s’agisse de leurs mœurs et leurs croyances, recréer le grand creuset de la fraternité humaine, dans le respect de l’autre, voilà la grande mission qui s’ouvre après le traumatisme collectif. p ¶ Sylvie Brunel est géographe et écrivaine, professeure à Paris-Sorbonne. Elle est l’auteure de « L’Afrique est-elle si bien partie ? » (Sciences humaines, 2014) 10 | international 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 « Charlie », une « blessure arabo-française » Trois journalistes libanais, de bords politiques différents, débattent des leçons à tirer de la tuerie du 7 janvier beyrouth - correspondant I ls sont libanais. Ils sont fran çais. Et ils sont journalistes. Un pied dans l’Hexagone, où ils ont vécu de longues années, un autre à Beyrouth, où ils résident actuellement, ces trois observateurs, attachés à la liberté d’expression à laquelle le Liban a payé un très lourd tribut, réagissent à l’attaque contre Charlie Hebdo. Moins étreints par l’émotion et moins accaparés par l’actualité que leurs homologues français, ils débattent des leçons à tirer de ce que tous considèrent, en dépit de divergences politiques profondes, comme une affaire « arabo-française ». « Nous avons tous été assassinés à Charlie Hebdo, dit Pierre Abi Saab, numéro deux de la rédaction d’AlAkhbar, un quotidien de gauche, pro-Hezbollah. Mais n’en restons pas là. Il faut curer la blessure pour enlever le mal. C’est une blessure commune, arabo-française. » Au lendemain de la tuerie, AlAkhbar a confié sa « une » au peintre syrien Youssef Abdelki. Cet opposant au régime Assad, emprisonné à de multiples reprises, a figuré un caricaturiste français transpercé d’une lance qui, sur sa trajectoire, atteint aussi un jeune Arabe. « C’est dramatique que le Blanc soit touché, mais n’oubliez pas que l’intégrisme islamique nous touche aussi », dit Abi Saab. Son éditorial, titré « Cherchez l’assassin », exposait la position d’Al-Akhbar, un titre qui, par antiimpérialisme, a pris le parti du régime Assad contre la rébellion syrienne, devenue à ses yeux une marionnette de l’Occident et des monarchies du Golfe. « La France récolte le fruit d’une diplomatie désastreuse, ce monstre, elle l’a fabriqué, accuse le journaliste. On ne peut pas dire “Je suis Charlie” et être l’allié de l’Arabie saoudite, la matrice du wahabbisme dont se revendiquent les djihadistes. On ne peut pas prétendre corriger les injustices dans la région et, mis à part quelques gestes folkloriques, mener une diplomatie pro-israélienne. La première injustice au Proche-Orient, c’est l’occupation de la Palestine. » Sur l’affaire syrienne, la France doit « ouvrir les yeux », estime Abi Saab : « On ne crée pas une démocratie en confiant des armes aux islamistes. « On ne peut pas dire “Je suis Charlie” et être l’allié de l’Arabie saoudite » PIERRE ALI SAAB numéro deux du quotidien libanais de gauche « Al-Akhbar » Manifestation, le 11 janvier à Beyrouth, de militants et d’intellectuels solidaires des victimes de la tuerie du 7 janvier à Paris, HUSSEIN MALLA/AP Hollande regrette encore de n’avoir pas bombardé Damas en septembre 2013, alors qu’il n’est pas capable de défendre les locaux d’un journal. C’est pathétique. » Dans son texte, tout en pourfendant les choix du Quai d’Orsay, l’éditorialiste avait manifesté sa solidarité à l’égard des victimes, ce qui lui a valu un tombereau d’injures sur Internet. « Beaucoup nous disent : “C’est bien fait pour leur gueule.” Ils manifestent un “racisme de guerre”, comme disait Maxime Rodinson [célèbre orientaliste français]. Une réaction à l’injustice qui débouche sur des extrêmes pires que l’injustice initiale. Il ne faut pas l’excuser, mais il faut la regarder en face. » A l’autre bout du spectre médiatique libanais, il y a An-Nahar. Le quotidien de centre droit, à la pointe de la « révolution du cèdre », en 2005, qui avait abouti au départ des troupes d’occupation syriennes, est le porte-voix du mouvement du 14-Mars, regroupant les partis hostiles à Damas. Le carnage à Charlie Hebdo a semé la consternation dans une rédaction toujours endeuillée par l’assassinat en 2005 de ses deux membres les plus illustres : Gebrane Tuéni, le directeur du journal, et Samir Kassir, l’éditorialiste vedette, qui furent à la pointe des manifestations anti-syriennes de 2005. Pour le meilleur et pour le pire « An-Nahar a une longue histoire avec les terroristes », soupire le chroniqueur Ali Hamadé, dont le frère, Marwan, célèbre politicien, a réchappé en 2004 à un attentat, probablement téléguidé, comme les suivants, depuis Damas. « Dans notre région, le premier terroriste, c’est Bachar Al-Assad, poursuit Ali Hamadé. C’est lui qui a relâché les djihadistes devenus ensuite cadres de l’Etat islamique (EI) et du Front Al-Nosra [la branche syrienne d’Al-Qaida]. Le refus de Barack Obama de le faire tomber a ouvert la Syrie à tous les dé- mons. Si la France et les Etats-Unis étaient intervenus, les forces démocratiques auraient pu l’emporter. » Le lendemain de l’hécatombe, An-Nahar publiait un dessin de son caricaturiste, Armand Homsi, représentant un crayon planté dans le canon d’une kalachnikov. A l’instar du quotidien Al-Moustakbal, qui a titré « Je suis Charlie » en « une », la presse du 14-Mars se solidarise avec Paris, dans l’espoir que le « 11-Septembre français » ne change rien à la diplomatie de François Hollande. « La source hexagonale de ce drame, ce n’est pas l’action de la France au ProcheOrient, mais l’exclusion sociale des Français de souche arabe, soutient Ali Hamadé. Si la thèse de l’amalgame l’emporte, avec 6 millions de Un nouveau « Charlie » qui « attise la haine » Le numéro de Charlie Hebdo daté du 14 janvier a été accueilli avec réprobation par plusieurs autorités du monde musulman. Selon un communiqué de la mosquée Al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite basée au Caire, la « une » de l’hebdomadaire représentant Mahomet la larme à l’œil risque d’« attiser la haine ». L’Union internationale des savants musulmans, dirigée par le prédicateur Youssef Al-Qaradaoui, et basée au Qatar, a estimé qu’ « il n’est ni raisonnable, ni logique, ni sage de publier les dessins et les films offensant le Prophète ou attaquant l’islam ». Par ailleurs, la porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères a condamné la publication d’une « caricature insultante du Prophète ». « “Charlie Hebdo” ne représente pas la liberté d’expression » NAHLA CHAHAL sociologue engagée à gauche et éditorialiste au quotidien panarabe « Al-Hayat » musulmans, la France est partie pour une guerre civile. » Ce pessimisme noir, Nahla Chahal le partage. Cette sociologue engagée à gauche, éditorialiste au quotidien panarabe Al-Hayat, a vécu vingt ans à Paris avant de regagner Beyrouth. De ses conversations avec ses amis restés en France, elle garde le souvenir d’une « bombe à retardement ». « Je me souviendrai toujours de ce couple, intello, arabe, comme moi, pas du tout du genre Dieudonné, qui parlait de délit de faciès, de racisme et avait renoncé à voter parce que, selon eux, “Il faut que ça éclate”. » Dimanche 11 janvier, Nahla Chahal est restée à l’écart du petit rassemblement organisé dans le centre de Beyrouth, en hommage à Charlie Hebdo. « La rhétorique d’union nationale, ça ne fait rien avancer. Charlie Hebdo ne représente pas la liberté d’expression. Personnellement, je me moque de leurs dessins, mais les croyants, non. Même pour les plus jeunes, il y a des choses qui restent intouchables. Ce n’est pas dur à comprendre, c’était le cas en France il n’y a pas si longtemps. » Comme Pierre Abi Saab, elle pointe la « centralité » de la question palestinienne, grief fondateur du malaise arabo-occidental et s’effraie à l’idée que cette cause puisse être incarnée par les égorgeurs de l’EI. Sur la Syrie, motif de déchirement de la gauche arabe, Nahla Chahal, qui se dit « opposée à mort à Bachar Al-Assad », estime que la France a été « très légère » : « Il faut être fou pour dire qu’il aurait fallu bombarder Damas. Ce dont on a besoin, c’est d’une conférence internationale avec tout le monde, y compris l’Iran et la Russie. Soit on persiste à vouloir gagner, et la guerre continue ; soit on essaie de régler les choses, on s’assied et on parle. » Y aura-t-il un avant et un après 7 janvier dans la relation de la France au monde arabe ? Le défilé boulevard Voltaire, dimanche 11 janvier, des alliés traditionnels de Paris, incite à penser que non. Pour le meilleur et pour le pire. p benjamin barthe Un blogueur saoudien fouetté en public pour « insulte à l’islam » Raïf Badaoui a été condamné à dix ans de prison et 1 000 coups de fouet en 2014. Les 50 premiers lui ont été infligés vendredi à Djedda L ors des rassemblements du 11 janvier en France, quelques pancartes ont été brandies, revendiquant : « Je suis Raïf Badaoui ». Pour avoir usé d’une liberté de ton, mêlant satire et parfois irrévérence, dans la critique des autorités religieuses de son pays, ce blogueur saoudien a été condamné, en mai 2014, à dix ans de prison et mille coups de fouet pour cybercriminalité et « insulte envers l’islam ». L’Arabie saoudite, qui a publiquement désapprouvé l’« attentat lâche contraire à l’islam » contre Charlie Hebdo, est restée sourde aux pressions inter- nationales pour le libérer. Vendredi 9 janvier, Raïf Badaoui s’est vu administrer les cinquante premiers coups de fouet, sur une place publique de Djedda, sur les bords de la mer Rouge. Son épouse, Ensaf Haidar, exilée au Canada avec leurs trois enfants, a à nouveau réclamé, mardi, la clémence du royaume wahhabite. M. Badaoui s’était attiré dès 2008 les foudres de la monarchie pour avoir cofondé le forum Internet Réseau saoudien libéral (RLS) afin d’ouvrir le débat sur l’interprétation de l’islam. Plusieurs fois menacé de poursuites pour ses criti- ques non voilées de fatwa (édits religieux) et des figures religieuses du pays, Raïf Badaoui a été arrêté en juin 2012 pour avoir dénigré la police religieuse. Une fatwa venait de le déclarer « apostat ». Le crime d’apostasie, passible de la peine de mort, n’a finalement pas été retenu contre lui. Le blogueur a été condamné à sept ans de prison et six cents coups de fouet pour diffusion d’informations contraires à l’ordre public et aux valeurs religieuses. Jugée trop clémente, sa peine a été aggravée en seconde instance. Dans la prison de Briman, à Djedda, Raif Ba- daoui a été rejoint par Souad AlChammari, cofondatrice du RLS, et son avocat, Walid Abou Al-Khair, condamné à quinze ans de prison pour des commentaires sur le Net. « Inhumain et cruel » Les cybermilitants sont l’objet d’une sévère répression. Dans le berceau de l’islam wahhabite, qui applique une vision rigoriste de la religion, toute critique contre la famille royale, les institutions religieuses et l’islam est passible de poursuites. La monarchie des Séoud, déstabilisée par les questions de succession posées par la santé déclinante du roi Abdallah, veille tout particulièrement sur Internet. Sous couvert de la loi anti-cybercriminalité de 2007, de nombreux militants ont été condamnés et leurs comptes, fermés. Lors de la venue à Paris du chef de la diplomatie saoudienne pour le défilé du 11 janvier, les organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas manqué de dénoncer l’hypocrisie du royaume. Deux jours plus tôt, Raïf Badaoui était flagellé en public lors de ce que Reporters sans frontières a qualifié de « vendredi de la honte ». Amnesty International et Human Rights Watch ont condamné un acte « inhumain et cruel » contraire au droit international, un « message hideux d’intolérance ». Nombreux dans le monde arabe ont dénoncé sur les réseaux sociaux une pratique digne de l’Etat islamique (EI) que le royaume saoudien entend combattre. Les pressions de Washington et de Bruxelles pour obtenir la grâce du blogueur ne pèsent pas davantage sur la première puissance pétrolière mondiale, qui se sait incontournable pour son rôle dans la coalition internationale contre l’EI en Irak et en Syrie. p hélène sallon international | 11 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Le chef des espions chinois tombe pour corruption La détention de Ma Jian montre la volonté du numéro un Xi Jinping de renforcer son pouvoir shanghaï - correspondance L’ un des plus hauts res ponsables du rensei gnement chinois a été placé en détention, donnant un nouveau signe de renforcement du pouvoir du se crétaire général du Parti commu niste, Xi Jinping, par le biais de la lutte contre la corruption. Ma Jian, viceministre de la puissante sé curité d’Etat, était à la tête du contre-espionnage chinois. Le quotidien de référence de Hongkong, le South China Morning Post, a confirmé, lundi 12 janvier, que l’espion en chef et certains membres de sa famille font l’objet d’une enquête, une information révélée vendredi par un site dissident basé à New York, Mingjing News. Peu d’éléments de la carrière de Ma Jian sont connus publiquement. Il aurait progressé pendant trois décennies au sein de l’appareil sécuritaire et se serait hissé en 2006 à ce poste-clé du ministère de la sécurité d’Etat. Cette institution des plus secrètes joue un rôle fondamental pour l’Etatparti puisqu’elle cumule le traditionnel renseignement extérieur à la surveillance et à la répression des éléments susceptibles de déstabiliser le monopole du pouvoir du Parti communiste. La détention de Ma Jian renvoie à la chute de l’ex-tsar de l’ensemble de la sécurité chinoise, Zhou Yongkang, plus grosse prise de M. Xi, car ancien du comité permanent du bureau politique, les neuf membres à l’époque – aujourd’hui sept – les plus puissants du PCC. Sa mise à l’écart a été officialisée à la fin juillet, après des mois d’annonces d’arrestations d’alliés, que ce soit dans le secteur pétrolier ou dans son fief, la province du Sichuan, dans le sud-ouest du pays. Selon le Financial Times, la chute du patron du contre-espionnage « M. Xi place des hommes de confiance dans l’appareil de sécurité et d’espionnage » WILLY LAM professeur à l’université chinoise de Hongkong est liée aux affaires menées par l’entourage de Zhou Yongkang dans la région du Yunnan, où les enquêteurs de la commission disciplinaire du Parti, organisme chargé de lutter contre la corruption, ont ouvert un nouveau front. L’ancien secrétaire du Parti communiste de cette province du sud-ouest du pays, Bai Enpei, est lui-même au centre d’une enquête, a annoncé, mardi 13 janvier, cette puissante commission sous la direction d’un homme de confiance de M. Xi, Wang Qishan. Mais le South China Morning fait de son côté le lien entre la détention de Ma Jian et celle de Ling Jihua, l’équivalent d’un chef de cabinet de l’ex-président Hu Jintao. La presse officielle avait annoncé, le 22 décembre 2014, l’ouverture d’une enquête pour « soupçons de graves violations de la discipline » pesant sur le bras droit du prédécesseur de M. Xi. Ma Jian semble avoir été proche des réseaux politiques de Ling Jihua. Le patron du contre-espionnage était également connecté de près à Li You, directeur général d’une compagnie financière, Founder Securities, société dont est actionnaire la prestigieuse université de Pékin, et dont les patrons sont actuellement poursuivis en justice pour délit d’initié et détournement de fonds se chiffrant en mil- Ma Jian, vice-ministre chinois de la sécurité d’Etat. « SOUTH CHINA MORNING POST » liards de yuans. M. Li et deux autres dirigeants de Founder sont détenus. Or, toujours selon la presse de Hongkong, Li You aurait versé d’importants pots-de-vin par le passé à la famille de Ling Jihua, à l’époque où il conseillait le président d’alors, Hu Jintao. « Resserrer sa domination » Le processus de consolidation par Xi Jinping de son assise politique passe par toutes les institutions de l’appareil de sécurité et de l’ar- Le pape appelle le Sri Lanka à « soigner ses blessures » A rrivé au Sri Lanka, mardi 13 janvier au matin, pour une visite de deux jours, le pape François a exhorté la population à la réconciliation nationale et au respect des droits de l’homme, dans un pays encore meurtri par une guerre civile qui a fait près de 100 000 victimes. C’est dans un lieu symbolique, l’église Notre-Dame de Madhu, qui fut le théâtre d’affrontements violents entre forces gouvernementales et séparatistes tamouls jusqu’à la fin du conflit en 2009, que le souverain pontife devait célébrer, mercredi après-midi, une messe devant plus de 500 000 fidèles. Au Sri Lanka, l’Eglise a un rôle important à jouer dans le rapprochement des communautés tamoule et cinghalaise puisque toutes deux comptent des catholiques. Le pape François ne s’est pas contenté d’appeler le Sri Lanka à « soigner les blessures de ces dernières années ». « Le processus de guérison demande d’inclure la recherche de la vérité », a déclaré le souverain pontife. Une allusion à l’enquête indépendante et internationale sur les crimes de guerre commis contre les Tigres tamouls du LTTE, réclamée par l’ONU et à laquelle s’oppose le Sri Lanka. Cette visite intervient quelques jours après la victoire à l’élection présidentielle de Maithripala Sirisena, contre le chef de l’Etat sortant, Mahinda Rajapakse, mar- Près de sept habitants sur dix sont bouddhistes. Les catholiques ne représentent que 7 % de la population quant la fin de dix années d’un pouvoir autoritaire. Elu grâce aux voix des minorités, dont celles des Tamouls, il sera difficile au nouveau président d’ignorer leurs revendications. Lors de son discours d’investiture, M. Sirisena a déclaré que son gouvernement soutiendrait « la paix après avoir surmonté un conflit terroriste cruel » et qu’il croyait à la « tolérance et à la coexistence des religions ». Il a promis de restaurer l’indépendance de la Cour suprême et de renforcer les pouvoirs dévolus aux provinces. Tensions religieuses Les Tamouls restent toutefois prudents. M. Sirisena était ministre de la défense lorsque l’armée sri-lankaise a lancé l’assaut final, en 2009, contre les Tigres tamouls, et il était, jusqu’à l’automne 2014, un allié de M. Rajapakse avant de se décider à l’affronter lors de la dernière élection. Le nouveau chef de l’Etat n’est pas favorable à une pour violation de la discipline. Tous ces éléments conduisent à un renforcement des pouvoirs de l’actuel président et secrétaire du PCC, alors que ces fonctions primordiales ont été grignotées par les factions sous son prédécesseur, qui ne se montra pas si habile à s’imposer. « M. Xi contrôle l’armée populaire de libération et la police armée populaire en étant président de la commission militaire centrale, constate Willy Lam, professeur à l’université chinoise de Hongkong. Il veut également resserrer sa domination au sein des réseaux de la police et de la sécurité d’Etat. M. Xi place des hommes de confiance dans l’appareil de sécurité et d’espionnage. » Signe que cette phase n’en est pas à son terme, Xi Jinping a jugé mardi que la lutte anticorruption a été « efficace » en 2014, mais que le « remodelage de l’environnement politique chinois doit toujours être en mouvement ». p harold thibault - CESSATIONS DE GARANTIE François est en visite sur l’île, cinq ans après la guerre civile new delhi - correspondance mée. L’ex-vice-président de la commission militaire centrale, c’est-à-dire le numéro deux des forces armées derrière le chef d’Etat, le général Xu Caihou, a été exclu du parti en juin 2014 et doit passer devant une cour martiale, là encore pour corruption. L’ouragan passe actuellement par la diplomatie, où le haut fonctionnaire Zhang Kunsheng, l’un des quatre vice-ministres des affaires étrangères, a été démis de ses fonctions début janvier, là encore enquête de l’ONU sur les crimes de guerre, préférant un recours aux tribunaux du pays. Mercredi, lors d’une messe célébrée à Colombo, le pape a canonisé Joseph Vaz, connu comme étant « l’apôtre du Sri Lanka », un missionnaire venu d’Inde au XVIIe siècle, qui mit fin aux persécutions contre les catholiques. Cette canonisation intervient sur fond de tensions religieuses sur l’île. Plusieurs églises et mosquées ont été attaquées ces dernières années par des militants nationalistes bouddhistes sans que le gouvernement parvienne – ou ait eu la volonté politique – à y mettre fin. Dans un pays où près de sept habitants sur dix sont bouddhistes, les catholiques ne représentent que 7 % de la population. Si le pape a fait le déplacement au Sri Lanka, c’est justement pour « rejoindre la marge, ces catholiques qui sont en difficulté et vivent dans la peur », estime Robert J. Wister, professeur d’histoire de la religion catholique à l’université Seton Hall, aux EtatsUnis, dans un entretien publié par l’agence Bloomberg. Seule voix discordante, celle des nationalistes bouddhistes qui regrettent que le pontife n’ait pas présenté ses excuses pour les crimes perpétrés par les Portugais lors de la colonisation de l’île au XVIIe siècle. Le pape François devait quitter l’île dans la nuit de mercredi à jeudi pour se rendre aux Philippines. p julien bouissou LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : SARL AGENCE CONSEIL EN TRANSACTION - HABITAT BATIMENT «T H B» 42 Rue de France 77300 FONTAINEBLEAU RCS : 404 156 622 depuis le 01 Janvier 2004 pour son activité de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL AGENCE CONSEIL EN TRANSACTION - HABITAT - BATIMENT «T H B» LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110, Esplanade du Général de Gaulle – 92931 La Défense Cedex (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garanties financière dont bénéficiait la : PCL CONSEIL 8 Rue Guy de Maupassant 76110 GODERVILLE RCS : 523 974 061 depuis le 1er septembre 2010 pour son activité de : GESTION IMMOBILIERE a cessé au 31 Décembre 2014. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110, Esplanade du Général de Gaulle – 92931 La Défense Cedex. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la PCL CONSEIL. LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : SARL ISI 3 Montée Castellane 69140 RILLIEUX LA PAPE RCS: 502 651 474 depuis le 15 avril 2009 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis, Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL ISI. LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : SARL MYNA IMMOBILIER 1 Bd de Mulhouse 94350 VILLIERS SUR MARNE RCS: 451 700 371 depuis le 1er janvier 2004 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis, Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL MYNA IMMOBILIER. LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : SARL CONSEIL INVESTISSEMENTS DÉFISCALISATION IMMOBILIER 9 Rue du Général Leclerc 94270 LE KREMLIN BICETRE RCS: 481 259 455 depuis le 6 avril 2005 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis, Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL CONSEIL INVESTISSEMENTS DÉFISCALISATION IMMOBILIER. LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : SARL AGENCE A - PLUS Bd Carpeaux Quartier de Saint Aygulf 83370 FRÉJUS RCS: 451 700 371 depuis le 1er janvier 2004 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis, Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL AGENCE A - PLUS. COMMUNIQUÉ JEUDI 15 JANVIER 2015 Spécial ❶ cœur POURSUIVRE LA MOBILISATION CONTRE LES MALADIES CARDIAQUES Si les progrès médicaux ont été très importants ces vingt dernières années,les maladies cardiaques font toujours des ravages.Les eforts de recherche et de prévention doivent s’intensifier. « Les maladies cardiovasculaires occupent la première place dans les dépenses de santé des pays développés.En France, 13 % des personnes sont traitées en afection de longue durée pour ces pathologies.» PREMIÈRE CAUSE DE MORTALITÉ CHEZ LES FEMMES Les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mortalité chez les femmes et les plus de 65 ans, et la deuxième chez les hommes. Or, les projets des pouvoirs publics et les campagnes de prévention sont plutôt centrés sur les cancers. « La cardiologie a fait de tels progrès que,en 2004,la courbe de mortalité due aux pathologies cardiaques est passée derrière celle des Télécardiologie � UN SUIVI À DISTANCE DES PATIENTS © DR EN FRANCE, près de 25 000 patients porteurs d’un pacemaker ou d’un défibrillateur implantable sont sous télésurveillance, grâce aux dispositifs de la société allemande Biotronik, leader dans ce domaine. Les informations techniques et médicales sont ainsi à la disposition des professionnels de santé en continu, pour assurer Luc Cheminot, une meilleure prise en charge du Directeur général patient. « Des études cliniques de de Biotronik France. grande ampleur en télécardiologie ont été menées avec succès, avec le CHU de Lille pour le défibrillateur cardiaque et avec le CHU de Rennes pour le pacemaker,pour mesurer le bénéfice de ce suivi à distance. Nous attendons désormais la mise en place du remboursement par l’Assurance-maladie », explique Luc Cheminot, Directeur général de Biotronik France. Biotronik a été créé en 1963 avec le développement du premier pacemaker en Allemagne., puis, en 1997, l’entreprise a ajouté les stents coronaires avec le rachat des usines de Schneider, en Suisse. « Aujourd’hui encore, nous concevons, développons et fabriquons nos produits en Europe, essentiellement en Allemagne et en Suisse. Près de 3 millions de prothèses cardiaques – pacemakers et défibrillateurs – ont été fabriquées et distribuées dans 120 pays », détaille Luc Cheminot. La société s’est résolument tournée dès sa création vers l’innovation. Elle y investit chaque année de 12 à 14 % de son chifre d’afaires et est propriétaire de tous les brevets protégeant ses inventions. Deux nouveaux stents ont été ainsi proposés aux cardiologues en 2014, une valve aortique (Tavi) devrait avoir son marquage CE cette année. A. P. � cancers.Du coup,les eforts se sont relâchés, alors que le mode de vie dans les pays industrialisés favorise toujours ces maladies dont la morbidité reste élevée », relève Pr Yves Juillière. L’arrêt du tabac reste une priorité, alors qu’il est de plus en plus présent chez les jeunes, dès le collège, et dans la population féminine. Des actions de prévention doivent être menées de façon eicace. VÉRITABLE PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE Ces maladies posent non seulement un problème de santé publique, mais également un problème économique. « Les malades sont mieux pris en charge et vivent plus longtemps sous traitement. Les coûts augmentent mathématiquement », constate Yves Juillière. Les maladies cardio-vasculaires occupent ainsi la première place dans les dépenses de santé des pays développés. En France, 13 % des personnes sont traitées en afection de longue durée pour des maladies cardio-vasculaires,avec un coût pour le régime général évalué à 28,7 milliards d’euros par an (17 % des dépenses totales de l’Assurance-maladie). Ces chifres devraient faire réagir les pouvoirs publics et les conduire à renforcer les budgets de recherche consacrés à ces pathologies et ceux destinés aux actions de prévention. Anne Pezet � © Sébastian Kaulitzki - Fotolia.com / DR (attaque cardiaque en 3D) dans les deux ans », souligne Yves Juillière, cardiologue, responsable de l’Unité insuisance cardiaque et éducation thérapeutique à l’Institut lorrain du Cœur et des Vaisseaux du CHU de Nancy-Brabois et président de la Société française de cardiologie (SFC), qui organise ses 25es Journées européennes,du 14 au 17 janvier 2015, au Palais des Congrès,à Paris. Alimentation � L’IMPORTANCE DES OMÉGA 3 SUR LA SANTÉ CARDIO-VASCULAIRE Le rôle des oméga 3 sur la santé cardiovasculaire a été largement démontré dans de nombreuses études.La société St Hubert,qui ofre notamment une margarine à base d’huile de colza naturellement riche en oméga 3,est un acteur à part entière dans ce domaine. © Pakhnyushchyy-Fotolia.com / DR LE CŒUR ARTIFICIEL développé par Carmat fait couler beaucoup d’encre, mais au-delà de cette prouesse technique d’énormes progrès ont été réalisés dans la prévention et les traitements des pathologies cardiaques, tant sur le plan des médicaments que sur celui des dispositifs médicaux.Les stents ont transformé la prise en charge du patient coronarien, le pacemaker, celle des troubles du rythme cardiaque. Depuis le début des années 1990, les médicaments comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les bétabloquants ou encore les statines ont amélioré le pronostic et la prise en charge des patients. Cependant,les besoins médicaux restent importants. Près de 20 millions de Français (touchés par le diabète, l’hypertension artérielle, le cholestérol, les efets du tabac...) soufrent de maladies cardio-vasculaires. Elles sont responsables de 150 000 morts par an en France, et sont aussi gravement invalidantes. L’une des pathologies de plus en plus présentes est l’insuisance cardiaque, due à la maladie coronaire ou à l’hypertension vasculaire qui fatiguent le cœur, ou bien tout simplement liée à l’âge avec une rigidité accrue du muscle cardiaque. Une pathologie à prendre au sérieux. « Après une première hospitalisation pour insuisance cardiaque,40 % des patients meurent OMÉGAS 3 : DES APPORTS NÉCESSAIRES PAR L’ALIMENTATION « Il faut savoir que, comme les vitamines, les oméga 3 ne sont pas synthétisés par le corps humain et doivent être obligatoirement apportés par l’alimentation », précise le Dr Jean-Marie Bourre, ancien directeur de Recherche en nutrition et auteur d’ouvrages de référence sur les oméga 3. « Ils sont surtout présents dans les huiles végétales de colza, de noix et de lin, ou encore dans les poissons gras comme le saumon. Cependant, la population française a une consommation moyenne inférieure aux recommandations de santé françaises et européennes. De ce fait, les oméga 3 ne jouent pas toujours pleinement leur rôle sur le maintien de la bonne santé cardio-vasculaire.(3) » � DEPUIS VINGT-CINQ ANS, de nombreuses publications scientifiques ont démontré le rôle des oméga 3,des acides gras essentiels à la vie, sur le maintien de la bonne santé cardiovasculaire.En France,l’étude dite « de Lyon »,menée par le Pr Serge Renaud au début des années 1990, a montré qu’une alimentation de type « régime crétois » riche en oméga 3, comprenant notamment une margarine à base de colza,riche en oméga 3,avait obtenu des résultats significatifs et permis d’améliorer la santé cardiovasculaire des sujets (1). S’appuyant sur ces nombreux résultats scientifiques, les Autorités de santé ont publié des recommandations sur les apports journaliers en oméga 3 (Afssa 2003 et Anses 2011 (2)). Afin d’ofrir une alimentation alliant plaisir et santé, certaines entreprises travaillent à l’optimisation du profil nutritionnel de leurs produits. C’est le cas de la société St Hubert,qui a notamment abaissé la teneur en acides gras saturés de ses produits de 14 % en six ans. « Proposer des produits riches en oméga 3 avec un apport limité en acides gras saturés au profit des insaturés est un choix stratégique de l’entreprise.Nous privilégions l’utilisation de colza pour y arriver », précise Anne Renault, Directrice R&D et Qualité chez St Hubert. C’est ainsi que,précurseur dans ce domaine,St Hubert a développé dès 2002 une margarine naturellement riche en oméga 3 à partir de colza. Dans le cadre d’une alimentation équilibrée, 2 portions, soit 20 g de St Hubert Oméga 3 fournissent la moitié de l’apport recommandé en oméga 3, qui contribuent à la bonne santé cardiovasculaire (4), tout en étant réduit en acides gras saturés. Et son engagement ne s’arrête pas là : cette société, qui soutient la Fondation de recherche sur l’hypertension artérielle, a développé,il y a un an,une margarine sans sel,riche en oméga 3 pour les personnes devant limiter leur consommation de sel. A. P. � (1) S. Renaud. « Cretan mediterranean diet for prevention of coronary heart disease ». Am J Clin Nut, 1995. (2) « Actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras ». Rapport d’expertise collective,Anses 2011. (3) Une alimentation variée et équilibrée suit à couvrir les apports recommandés en oméga 3. (4) Les oméga 3 ALA contribuent au maintien d’une cholestérolémie normale, pour une consommation quotidienne de 2 g. Règlement UE n° 432/2012. JEUDI 15 JANVIER 2015 Communiqué spécial Bioprothèse aortique ❷ cœur � L’IMPLANTATION PERCUTANÉE,UNE INNOVATION FRANÇAISE MAJEURE Cardiologue interventionnel à l’hôpital européen Georges-Pompidou,à Paris,et à la Clinique Saint-Gatien,à Tours, le Dr Didier Blanchard fait le point sur la valve aortique percutanée (Tavi),une innovation française destinée aux patients atteints de sténose aortique et trop fragiles pour être opérés. Dr Didier Blanchard térisme cardiaque. Après vingt ans de recherche, la « première » a lieu en 2002 à Rouen,pratiquée par le Pr Alain Cribier. Une start-up est alors créée, bientôt rachetée par le groupe américain Edwards et, ensemble, ils lancent les premières bioprothèses,mises sur le marché en 2007. Plusieurs études ont montré leur eicacité, avec un taux de décès comparable à celui de l’opération chirurgicale chez Ablation de la fibrillation auriculaire � UN TRAITEMENT MINI-INVASIF EFFICACE ET INNOVANT © Johnson & Johnson / DR TROUBLE DU RYTHME cardiaque le plus fréquent, la fibrillation auriculaire (FA) touche de 1 à 2 % de la population générale et concerne 10 % des personnes de plus de 80 ans.Elle se manifeste par un pouls irrégulier et rapide et peut,à terme,provoquer des complications graves, dont l’insuisance cardiaque et l’accident vasculaire cérébral (AVC). La société Biosense Webster, du Groupe Johnson & Johnson,propose des solutions innovantes de diagnostic et de traitement par ablation des arythmies cardiaques. Son système de cartographie modélise en temps réel et en 3D l’anatomie du cœur du patient, étape indispensable au diagnostic et au traitement mini-invasif par cathéter (voir schéma ci-dessous). « Afin de mieux répondre aux besoins des médecins et des patients, le département R&D de Biosense Webster travaille notamment en étroite collaboration avec l’Institut hospitalouniversitaire de Rythmologie et Modélisation cardiaque (Liryc) de Bordeaux et se positionne comme un partenaire privilégié pour inventer les traitements de demain », précise Fabrice Volcot, Directeur de Biosense Webster France. Leader de l’ablation de la fibrillation auriculaire grâce à ses innovations technologiques, Biosense Webster développe des programmes de formation à l’utilisation des cathéters et des systèmes d’ablation destinés aux cardiologues électro-physiologistes. Cette technique eicace restant encore trop méconnue des médecins de ville, Biosense Webster propose également un programme spécifique d’information et d’éducation à destination de ces praticiens. A. P. � Et demain ? Déjà, de nouvelles générations de valves sont disponibles permettant d’améliorer encore les résultats en réduisant les complications.En 2015, de nouvelles recommandations pourraient étendre les indications vers des patients à risque opératoire LE RÉTRÉCISSEMENT AORTIQUE est la valvulopathie la plus fréquemment rencontrée dans les pays industrialisés. Il s’agit d’une maladie du sujet âgé, courante surtout au-delà de 65 ans. Aussi appelée sténose, le rétrécissement aortique se produit notamment lorsque des dépôts de calcium se font sur la valve aortique située en haut du ventricule gauche gênant l’éjection du sang. Au fur et à mesure que la maladie évolue, les feuillets qui composent la valve s’ouvrent de plus en plus diicilement, ce qui oblige le cœur à fournir un efort de plus en plus important. Les symptômes sont divers : sensations d’oppression ou de douleurs, vertiges, évanouissements ou essoulements à l’efort, fatigue. Seul le remplacement de la valve, lorsque la sténose est grave, améliore les symptômes. Ce changement peut se faire classiquement par voie chirurgicale à cœur ouvert ou dans certains cas par voie transcutanée à l’aide d’un cathéter sans ouvrir la Valve Valve cavité thoracique lorsque le saine calcifiée risque opératoire est trop important. Dans le premier cas, le chirurgien remplace la valve abîmée par une valve artificielle mécanique ou le plus souvent biologique. Dans le second, c’est le cardiologue interventionnel ou le chirurgien cardiaque qui guide la valve par voie transcutanée jusqu’au cœur, grâce à un cathéter qui est introduit par l’artère fémorale ou par une incision thoracique, ou sous le sein gauche si la voie fémorale est impossible. Actuellement, il existe deux types de valves artificielles biologiques qui peuvent être implantées de cette façon, une valve expansible par ballonnet et une valve auto-expansible. � © DR Depuis quelques années, la valve aortique percutanée est une alternative au remplacement chirurgical..» Comment s’efectue la sélection des patients ? Dès lors que le patient présente un rétrécissement de la valve aortique vérifié par l’échographie cardiaque et jugé symptomatique par l’équipe médicale, un bilan exhaustif doit être réalisé pour choisir la solution de remplacement valvulaire aortique la plus adaptée (chirurgie ou implantation percutanée). En fonction du niveau des scores de risque, des antécédents chirurgicaux et d’autres comorbidités, l’équipe médico-chirurgicale élargie décidera du type d’intervention. Techniquement,plus de 80 % des implantations se font par voie transfémorale et sous anesthésie locale dans un peu plus d’un cas sur deux, avec une durée de séjour de l’ordre de six jours dans un centre médico-chirurgical,par une équipe mixte. LE RÉTRÉCISSEMENT AORTIQUE, FRÉQUENT APRÈS 65 ANS moins élevé. La diminution du calibre des introducteurs par voie fémorale, la collaboration et la maîtrise de cette nouvelle technique par les équipes médicales et chirurgicales, la sélection des patients, les choix alternatifs de la voie d’abord en font actuellement une véritable alter- native à la chirurgie « conventionnelle » chez des patients sélectionnés. La possibilité de remplacer une valve cardiaque par voie endo-vasculaire est une réalité,et l’extension de cette technologie vers d’autres valves défaillantes est en cours. Propos recueillis par Anne Pezet � Recherches � DYSFONCTIONS ÉLECTRIQUES CARDIAQUES : UNE CAUSE DE MORTALITÉ SOUS-ESTIMÉE Arythmies,morts subites de l’adulte...La création de l’IHU Liryc,à Bordeaux, a permis de rassembler experts et matériel de pointe pour mieux comprendre et prévenir ces pathologies causées par une dysfonction électrique du cœur. Le Pr Michel Haissaguerre,directeur de l’institut,en explique les enjeux. QUELLES SONT LES PATHOLOGIES liées à une dysfonction électrique du cœur ? En France, 50 000 adultes par an décèdent de mort subite par arrêt cardiaque, soit près de la moitié de la mortalité des maladies cardiaques. C’est autant que les décès cumulés des cancers du sein,des poumons et du colon. Ces morts prématurées ne sont en rien une fatalité naturelle, mais sont causées par un véritable « orage » électrique dans les ventricules, foudroyant l’individu la nuit ou le jour. L’insuisance cardiaque,quant à elle,peut aussi être due à une activation incoordonnée du cœur, qui afaiblit le muscle peu à peu. On peut ajouter enfin les arythmies, dont la fibrillation des oreillettes, à l’origine de 20 % des embolies cérébrales (les AVC sont la 3e cause de mortalité dans le monde). Toutes ces pathologies sont largement sous-estimées par les institutions. Est-ce pour cette raison qu’elles seront au cœur des recherches de l’IHU Liryc ? Oui, tout à fait. Nous avons choisi de nous concentrer sur l’activation électrique du cœur et ses troubles. Le Liryc – L’Institut de Rythmologie et modélisation cardiaque – sera ainsi l’un des principaux cen- tres de recherche mondiaux sur ce thème. En 2015, le nouveau bâtiment de 6 000 m² ouvrira ses portes et le centre rassemblera 150 chercheurs, dont la moitié viennent de pays étrangers. Ces experts pourront de plus s’appuyer sur des technologies de pointe. Ce projet est soutenu par les établissements de recherche publique et des partenaires industriels de premier plan. © DR Qu’apporte l’implantation d’une valve aortique percutanée ? Depuis quelques années,la valve aortique percutanée est une alternative au remplacement chirurgical. Elle utilise les techniques du cathé- les patients à haut risque chirurgical, et leur supériorité chez des patients totalement récusés à la chirurgie. Plus de 5 000 patients en France ont eu accès à cette technologie en 2014, et plus de 200 000 personnes en ont déjà bénéficié à travers le monde. © DR COMMENT LA STÉNOSE aortique est-elle prise en charge ? La sténose aortique, ou rétrécissement aortique, est une afection fréquente,liée au vieillissement. Entre 3 et 5 % des plus de 65 ans en sont victimes et ce chifre augmente avec l’âge. Provoquée par des dépôts de calcium sur la valve aortique située en haut du ventricule gauche, elle entraîne un obstacle à l’éjection du sang,dont les conséquences sont graves. Dans 50 % des cas, des personnes atteintes de sténose aortique associée à des symptômes sévères peuvent, en l’absence de solution de remplacement, décéder dans les deux ans. En l’absence de traitement médicamenteux,l’intervention de référence reste la chirurgie, destinée à remplacer la valve aortique par une valve mécanique ou le plus souvent biologique. C’est une opération lourde. Le risque opératoire est important pour une partie des patients, en particulier lorsqu’ils sont très âgés et présentent d’autres afections (insuisance respiratoire, insuisance rénale, etc.). Dans environ un tiers des cas, l’équipe médicale décidait alors de ne pas intervenir, compte tenu du risque opératoire jugé prohibitif. « …Avec le Liryc, la reconstitution de l’activité électrique atteint une précision extrême, comme si nous étions à l’intérieur même de l’organe… » Pr Michel Haissaguerre. De quelles techniques parlez-vous ? Le Liryc est équipé, par exemple, d’une IRM 9,4 teslas, qui permet d’observer un cœur avec une résolution de 25 microns. Autre exemple, nous avons un appareil unique au monde qui réalise une électrocartographie grâce à une veste comportant 252 électrodes, portée par le patient. Couplé à un scanner qui examine l’anatomie du thorax, ce système permet de reconstituer une vue 3D dynamique des signaux électriques du cœur. La reconstitution de l’activité électrique atteint une précision extrême, comme si nous étions à l’intérieur même de l’organe. Cet outil pourrait permettre notamment de détecter les failles électriques exposant un sujet au risque de mort subite. Propos recueillis par Anne Pezet � Daté du 15 janvier 2015, Grand Angle est édité par CommEdition • Directeur général Éric Lista • CommEdition,agence de communication éditoriale • www.commedition.com • Rédaction Anne Pezet • Création,maquette & réalisation Aline Joly • La rédaction du quotidien Le Monde n’a pas participé à la rédaction de ce communiqué.Ne peut être vendu séparément. 14 | international & europe 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Royaume-Uni : la sécurité sociale, enjeu des législatives Le Labour accuse M. Cameron d’être responsable de la crise du NHS londres - correspondant O pérations chirurgica les reportées, patients reconduits chez eux pour libérer des lits, files d’ambulances attendant leur tour aux urgences… le National Health Service (NHS) risque de se transformer en cauchemar électo ral pour le gouvernement. Le NHS, l’une des institutions les plus po pulaires du RoyaumeUni avec la monarchie, estil simplement « sous énorme pression », selon l’expression du premier ministre conservateur, David Cameron, ou au bord de l’implosion, comme le prétend le chef des travaillistes, Ed Miliband ? A moins de quatre mois des législatives, la question n’a rien de théorique : l’avenir du système de santé vient de détrôner l’immigration comme premier sujet de préoccupation des électeurs, selon une enquête d’opinion publiée lundi 12 janvier. M. Miliband, jugé peu crédible sur l’économie par la majorité des sondés, place le NHS au centre de sa campagne, se présentant comme le champion de la défense de ce système de soins universel et gratuit, conquête sociale de l’après-guerre. De son côté, M. Cameron met en avant les bons chiffres du chômage et de la croissance, mais les électeurs lui font nettement moins confiance pour défendre le NHS. Or les hôpitaux menacent de sombrer dans le chaos sous l’effet conjugué de l’hiver et de l’austérité budgétaire. Quinze hôpitaux ont déclaré des « incidents majeurs » et les messages destinés à dissuader le public de se rendre aux urgences se multiplient. Au Great Western Hospital de Swindon (ouest de Londres), une tente a dû être dressée sur un parking pour faire face au flot des patients. « Les malades restent aux urgences pendant des heures, faute de lits disponibles », écrit le docteur Rob Galloway, urgentiste au Royal Sussex Hospital de Brighton, dans une lettre ouverte au premier mi- Manifestation contre les coupes budgétaires affectant le NHS, en 2014, à Sheffield. CONNOR MATHESON/REA nistre. « Nous souffrons de coupes budgétaires comparables à celles des années 1930, décidées par des responsables politiques qui raisonnent comme des généraux de la première guerre mondiale », tonne-t-il, assurant que la crise était « totalement prévisible ». Millions de patients en attente Partie des urgences, elle s’étend à présent à tous les secteurs où des moyens ont été supprimés. Quelque 3,2 millions de patients sont sur une liste d’attente pour un traitement prescrit par leur généraliste. « Annoncer à un patient qu’il ne pourra subir l’opération à SOR T T T DES C EZ LOUS Sortir Paris la nouvelle rubrique de Télérama.fr laquelle il s’est préparé peut créer un grand désarroi », commente Clare Marx, la présidente de l’ordre des chirurgiens. Embarrassé, David Cameron a refusé d’admettre la réalité de la crise, reconnaissant seulement que le NHS se trouvait « sous énorme pression » en raison d’un afflux saisonnier. Financé par l’impôt et lieu majeur où se juge l’efficacité des élus, le NHS est désormais au centre d’un affrontement politicien : M. Cameron a accusé M. Miliband d’avoir confié à Nick Robinson, commentateur politique renommé de la BBC, son intention de se servir du NHS comme d’une « machine de guerre » (« weaponize the NHS ») pour gagner les législatives. « Dégoûtant, a répliqué le premier ministre. Le NHS n’est pas une arme, c’est une institution qui prend soin des familles et des personnes âgées. » Face à lui aux Communes, le chef de l’opposition a répliqué que la situation résultait « directement des décisions prises » par le gouvernement, notamment la fermeture de centres de santé et la réduction des budgets sociaux qui entraîne l’hospitalisation prolongée de personnes âgées, faute d’aide à domicile. M. Miliband, interrogé à sept reprises, lors d’un entretien dominical, sur le fait de savoir s’il avait ou non prononcé le mot « weaponize », a répété qu’il « ne [s] e souvenait pas exactement de ce qu’il avait dit ». « Il se tortille comme une anguille. Il a prononcé ce mot, c’est pourquoi il ne dément pas », a raillé M. Cameron. Le National Health Service n’a pas fini d’alimenter le débat électoral. Les travaillistes promettent d’abroger la loi de 2012 qui encourage la concurrence et la gestion privée au sein du système. Ce débat-là a rebondi depuis l’annonce, le 9 janvier, par la société Circle, de la rupture du contrat de « franchise », le premier du genre, qui lui a été accordé pour gérer l’hôpital endetté d’Hinchingbrooke (centre de l’Angleterre), après un rapport d’inspection alarmant : faute d’un personnel suffisant, la sécurité des patients y est « en danger ». p LES CHIFFRES 2,5 MILLIARDS de livres C’est le montant supplémentaire que veulent injecter dans la NHS les travaillistes (l’équivalent de 3,2 milliards d’euros) chaque année, financés notamment par une taxe sur l’immobilier de luxe. De son côté, le ministre des finances, George Osborne, promet l’équivalent de 2,57 milliards d’euros supplémentaires que, selon lui, seule une « économie forte » permettra de dégager. 8 MILLIARDS de livres sterling Les patrons du NHS assurent que cette somme supplémentaire annuelle sera nécessaire à l’horizon 2020, compte tenu du vieillissement de la population et de l’augmentation du coût des traitements. philippe bernard Un tribunal grec déboute Aube dorée, renforçant la liberté de la presse Le procureur demandait la condamnation de journalistes athènes - correspondance L e parti néonazi Aube dorée (AD) voulait s’attaquer à la liberté de la presse en Grèce : il a perdu son pari. Mardi 13 janvier, le tribunal correctionnel d’Athènes a innocenté le journaliste Dimitris Psarras et le directeur du Journal des rédacteurs, Nikolas Voulélis, des accusations de « violation des données personnelles » et « insulte » portées à leur encontre par le porte-parole d’Aube dorée, Ilias Kasidiaris. M. Psarras avait publié, en décembre 2013, un reportage accompagné d’une vidéo sur le site Internet du Journal des rédacteurs dans laquelle on peut voir Ilias Kasidiaris, déguisé en sergent de police, mimer le passage à tabac d’un prétendu prisonnier en présence de deux autres faux policiers. « Une farce jouée avec mes frères et des amis, la répétition d’une scène connue d’un film des années 1980, tournée chez moi avec ma famille », s’est justifié M. Kasidiaris à l’ouverture des débats. « Comment cette vidéo privée s’est-elle retrouvée entre les mains des journalistes ? », demande-t-il à la présidente de séance, insinuant une fuite des services de police ou de la justice entre les mains desquels ses ordinateurs et disques durs se « Préserver les droits de la presse, quelques jours seulement après le drame de “Charlie Hebdo” » NIKOS ALIVIZATOS constitutionnaliste trouve depuis son arrestation. « La publication de ce document viole mes données personnelles et m’insulte », lance-t-il à la cantonade devant quelques sympathisants et gros bras du parti, venus le soutenir. Très émue du sort de « son Ilias », une militante est alors évacuée de la salle en criant pêle-mêle sa haine des immigrés, du monde politique grec et des journalistes vendus aux communistes. « Un procès politique » « C’est évidemment un procès politique », explique le maire d’Athènes, Georges Kaminis, cité à comparaître en tant que témoin par la défense. Car M. Kaminis est un juriste spécialisé sur la question du respect des données personnelles. « La loi spéciale sur la protection des données personnelles de 1997 est catégorique, affirme M. Kaminis. Elle reconnaît à la presse le droit d’intervenir quand il s’agit d’une personne publique et que la diffusion d’un document peut participer à l’information du public. » Lui aussi cité en tant que témoin, le grand constitutionnaliste grec Nikos Alivizatos appelle la cour à « situer ce procès dans le contexte plus large de la nécessité de préserver les droits de la presse, quelques jours seulement après le drame de Charlie Hebdo ». Avant d’ajouter, plus technique, que « l’accusation n’a pas à exiger du journaliste qu’il révèle comment il est entré en possession de cette petite vidéo, car la protection des sources est garantie par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ». A la surprise générale, le procureur général, représentant de l’Etat, recommandera pourtant la condamnation de MM. Psarras et Voulélis en déclarant que « le journaliste ne doit insulter ni l’honneur ni la réputation ». Après de longues heures de délibération, la présidente du tribunal tranchera, elle, en faveur des accusés. « Une décision historique qui va renforcer la liberté de la presse en Grèce », se réjouit alors Dimitris Psarras. p adéa guillot france | 15 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Affaire AZF : les condamnations annulées Plus de treize ans après la catastrophe de Toulouse, la Cour de cassation ouvre la voie à un troisième procès LES DATES toulouse - correspondance P our les victimes de la ca tastrophe qui avait fait trente et un morts et 2 500 blessés le 21 sep tembre 2001, c’est un « fiasco judiciaire ». Plus de treize ans après les faits, l’explosion de l’usine AZF de Toulouse connaît un nouveau rebondissement judiciaire. La Cour de cassation a ouvert la porte à un troisième procès, mardi 13 janvier, en annulant les condamnations prononcées par la cour d’appel de Toulouse en septembre 2012. L’ancien directeur du complexe chimique AZF Serge Biechlin avait alors été condamné à trois ans d’emprisonnement – dont un ferme – et à 45 000 euros d’amende ; la société Grande Pa roisse, propriétaire du site et fi liale de Total, avait été condamnée à 225 000 euros d’amende. Les magistrats ont créé la sur prise en retenant deux arguments sur les six invoqués par les deman deurs pour obtenir une reprise complète du jugement. L’avocat général ne préconisait qu’une cassation partielle lors de l’audience qui s’était tenue le 29 octobre 2014. Dans son avis, François Cordier estimait que la cour d’appel avait insuffisamment caractérisé la culpabilité de Serge Biechlin et de la société Grande Paroisse, condamnés pour destructions et dégradations involontaires. La Cour estime que l’arrêté préfectoral sur le quel se sont basés les juges toulou sains pour reprocher des manquements aux dirigeants de l’entreprise « ne constitue pas un règlement ». Mais ce sont surtout les doutes sur l’impartialité des juges qui ont conduit la haute juridiction à pré coniser un nouveau procès devant la cour d’appel de Paris, contre l’avis du parquet. Maryse Le Men-Régnier, l’une des deux juges nommés pour assister le magistrat qui présidait les débats en appel, était vice-présidente depuis début 2011 de la Fédération nationale d’aide aux victimes et 21 SEPTEMBRE 2001 Un stock de combustible explose dans le complexe chimique AZF à Toulouse, faisant 31 morts, 2 500 blessés et de considérables dégâts matériels. 19 NOVEMBRE 2009 Le tribunal correctionnel de Toulouse rend un jugement de relaxe générale à l’encontre de tous les prévenus. 24 SEPTEMBRE 2012 La cour d’appel de Toulouse condamne l’ancien directeur du complexe chimique AZF, Serge Biechlin, à trois ans d’emprisonnement – dont un ferme – et 45 000 euros d’amende. La société Grande Paroisse, propriétaire du site et filiale de Total, est condamnée à 225 000 euros d’amende. 13 JANVIER 2015 La Cour de cassation annule les condamnations et ouvre la voie à un troisième procès. A Toulouse, le 23 septembre 2001, deux jours après l’explosion du complexe chimique AZF. NICOLAS AUER/MAXPPP de médiation (Inavem). Redoutant par avance les accusations de conflit d’intérêts, la magistrate, qui n’a pas dit un mot pendant les quatre mois d’audience, avait demandé à sa hiérarchie d’être remplacée. En vain. « Justice irresponsable » Stupéfait, le président d’une asso ciation de victimes d’AZF, Jean François Grelier, dénonce « l’incompétence et l’irresponsabilité de la justice française ». Désappointée, Me Stella Bisseuil, conseil de l’association des familles endeuillées, n’arrive pas à compren dre cette révocation a posteriori d’une magistrate « qui a siégé dans de nombreux procès pénaux ». « C’est un problème interne à la justice dont nous faisons les frais », se désole l’avocate, qui défendait aussi les intérêts de plus de 300 victimes des quartiers populaires, touchées de plein fouet par l’explosion de l’usine. Pour le président de l’As sociation des familles en deuillées, Gérard Ratier, 77 ans, ce nouveau délai est terrible, alors qu’année après année « les combattants disparaissent ». La Cour de cassation prend soin de préciser dans son arrêt qu’elle n’interdit pas à un magistrat d’être membre d’une association, mais lui reproche de ne pas en avoir informé toutes les parties. Les hauts magistrats ont consi déré comme une circonstance aggravante la convention signée au cours du procès entre l’Inavem et la Fenvac, une autre association de victimes qui s’était constituée partie civile contre AZF-Grande Paroisse. « Le procès n’était pas équitable, la situation était impossible », estime le conseil de Grande Paroisse, Me Daniel Soulez Larivière. AT T EN TATS Hollande et Valls « à la hauteur » pour 79 % des Français François Hollande et Manuel Valls ont été « à la hauteur » des attentats, pour 79 % des personnes interrogées dans un sondage Odoxa pour Le Parisien. Le chef de l’Etat et le premier ministre gagnent chacun 8 points et progressent respectivement à 29 % et 53 % d’approbation. ED U C AT I ON Près de 200 incidents liés aux attentats dans les établissements scolaires Quelque 200 incidents consécutifs aux attentats du 7 au 9 janvier se sont produits dans les établissements scolaires dont une quarantaine ont été signalés à la police et à la justice, selon le ministère de l’éducation. Une centaine d’incidents sont liés à la minute de silence du 8 janvier. Selon le ministère, ce « recensement de l’en- Ce sont surtout les doutes sur l’impartialité des juges qui ont conduit la haute juridiction à préconiser un nouveau procès place toulousaine qui affiche une relative satisfaction à l’annonce de la décision de la Cour de cassa tion. « Ce n’est pas une bonne chose pour les victimes qui subissent encore des vicissitudes procédurales et des délais supplémentaires, mais c’est une bonne chose pour le droit qui doit prévaloir en toutes circonstances », fait valoir l’ancien président de la confé rence des bâtonniers de France. « La Cour n’a pas pointé une impartialité avérée, elle s’est contentée d’en souligner les risques », remarque Me Christophe Lèguevaques, avocat de la ville de Toulouse lors des deux premiers procès. Il se dit moins étonné que la plupart des ses confrères locaux. Selon son analyse, la Cour de cassation a voulu anticiper les remontrances à répétition de la Cour euro péenne des droits de l’homme. Défenseur d’une association d’anciens ouvriers d’AZF qui n’a jamais adhéré à la thèse de l’explosion accidentelle défendue par l’accusation, Me Jean-Luc Forget est l’un des rares avocats de la Différence de traitement Me Forget déclare avoir été « scandalisé » par la différence de traitement entre les différentes associations de victimes à l’issue du procès en appel. Ses clients, qui n’ont touché que 15 000 euros à l’issue du procès quand les membres d’autres associations ont reçu entre 50 000 et 80 000 euros, se sont constitués parties civiles au nom des vingt et un morts relevés dans l’usine. Les audiences ont toutefois révélé une profonde fracture entre le dernier carré des employés restés fidèles à leur ancien directeur et les syndicats réclamant en vain la condamnation du groupe Total, propriétaire d’une usine chimique vieillissante qui produisait des engrais et des explosifs avec toujours moins de main-d’œuvre et toujours plus de sous-traitants et d’intérimaires. L’enjeu d’un nouveau procès n’est pas seulement financier. « La vérité judiciaire n’est pas encore établie », souligne Me Forget. Les irréductibles opposants à la thèse retenue par les juges d’instruction, qui explique l’explosion par le déversement malencontreux d’une benne contenant un produit chloré pour désinfecter les piscines (DCCNa) sur le tas de nitrates mis au rebut dans le bâtiment 221, espèrent bien mettre à profit la nouvelle audience pour développer une nouvelle fois leurs scénarios alternatifs. Le spectre d’un acte terroriste, dix jours après les attentats du 11 septembre 2011, avait traversé tous les esprits. Le tribunal correctionnel de Toulouse a estimé en première instance qu’un « acte intentionnel » ne pouvait être « totalement exclu ». La cour d’appel avait finalement écarté cette hypothèse. Le nouveau procès, qui devrait se tenir en 2016 à la cour d’appel de Paris, pourrait remettre en vedette cette hypothèse. p stéphane thépot semble des difficultés qu’ont pu rencontrer les équipes éducatives » n’est pas « exhaustif ». CORSE Frédéric Federici interpellé dans l’affaire du cercle de jeu Wagram Après Stéphane Luciani et JeanLuc Germani, c’est au tour de Frédéric Federici, un autre malfaiteur corse en cavale, proche des deux premiers, d’être interpellé dans l’affaire du cercle de jeu Wagram. Les gendarmes sont intervenus mercredi matin à Venzolasca (Haute-Corse), le fief de la famille Federici – son frère Ange-Toussaint est présenté comme le parrain de l’équipe des « bergers-braqueurs » – où ils l’ont arrêté. Condamné par défaut en appel à trois ans d’emprisonnement dans l’affaire du cercle de jeu parisien Wagram, fermé depuis, Frédéric Federici, 51 ans, était le dernier protagoniste encore en fuite. TION C A D É R A L CHET ET N I O V C H30-9H R 6 A / M I D E R D um AU VEN DU LUNzDlaIchronique de Jean Birnba Retrouve i à 8h55 d chaque jeu riat avec en partena podcast écoute et écoute, ré ure.fr lt u c e sur franc 16 | france 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Demi-victoire pour les victimes des essais nucléaires La cour d’appel de Bordeaux reconnaît le droit à l’indemnisation de neuf militaires irradiés L’ incroyable feuilleton judiciaire de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français continue dans la douleur. La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt rendu mardi 13 janvier, a reconnu le droit à l’indemnisation pour neuf victimes sur dixsept demandes. Lors des audiences les 2 et 16 décembre, le rapporteur public s’était dit favorable à l’indemnisation de treize plaignants. Une sorte d’équilibre qui ne satisfait pas ceux qui se battent depuis de longues années pour la reconnaissance de leur statut d’« irradiés de la République ». La loi Morin du 5 janvier 2010 devait permettre de reconnaître les victimes, de simplifier leurs démarches et de les indemniser. Cinq ans après sa mise en application et la création du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen), les progrès sont nuls. Alors que 150 000 personnes sont potentiellement atteintes par ces essais qui se sont déroulés de 1960 à 1996, dont certains atmosphériques – 4 au Sahara et 41 en Polynésie française sur un total de 210 essais –, et que le Civen a reçu 911 demandes d’indemnisation, seules 16 ont été accordées. « Le dispositif de la loi Morin est inopérant et freine la reconnaissance qu’il devait favoriser, explique Marie-Josée Floc’h, présidente de l’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) Gironde. Il faut le revoir pour qu’enfin cette page de l’histoire de France puisse s’écrire et que l’Etat accepte de faire face à toutes ses responsabilités. » Autrement dit par l’une des avocats des victimes, Cécile Labrunie, « il est absurde de mettre en place un système d’indemnisation qui n’indemnise personne ». Pour autant, l’avocate veut voir dans les décisions favorables de la cour d’appel de Bordeaux « un élan positif sur lequel s’appuyer ». Claude Lequesne fait partie des heureux qui ont vu enfin aboutir leur demande d’indemnisation. Ce militaire de 68 ans est atteint d’une leucémie myéloïde chronique. L’ancien quartier-maître a ef- La loi Morin devait permettre de reconnaître les victimes. Cinq ans après sa mise en application, les progrès sont nuls André était en Polynésie française de 1966 à 1968. Il était engagé quartier-maître et a assisté aux essais atmosphériques. Il est atteint d’un cancer de la gorge. MICHEL LE MOINE/DIVERGENCE fectué plusieurs missions en Polynésie, de 1965 à 1967, puis d’autres séjours en 1970, 1975 et encore en 1980. Il a effectué des « travaux spéciaux », comme des mesures dans le lagon de l’atoll de Mururoa, lors du premier essai polynésien dit « Aldébaran » le 2 juillet 1966. Il a successivement travaillé dans l’archipel des Gambier ou sur l’atoll de Fangataufa. « Je faisais des prélèvements de la faune et de la flore, je plongeais dans les eaux de l’atoll, c’était super, raconte Claude Lequesne. J’ai aussi réalisé des mesures sur le cratère provoqué par un tir nucléaire à Mururoa et j’ai même une photo de moi, torse nu, avec le champignon nucléaire en arrière-fond. » C’est d’ailleurs en voyant, en 2004, la même photo dans un article de la revue Historia consacré aux « irradiés de la République » que le marin s’est inquiété. En 2009, le professeur FrançoisXavier Matton, du CHU de Bordeaux, constate une leucémie et lui demande s’il n’a pas travaillé dans le nucléaire. Depuis, M. Lequesne, qui vient aussi d’être opéré d’un cancer de la prostate, se bat pour la reconnaissance de sa maladie. Le ministère de la défense rejette sa demande en 2010, puis une nouvelle fois en 2011. « M. Longuet [ministre de la défense de 2011 à 2012] m’a expliqué qu’il y avait une présomption de causalité mais qu’elle était négligeable dans la survenue de ma maladie », se rappelle-t-il. Après un jugement favorable en décembre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux, immédiatement contesté par le ministère, Claude Lequesne voit la cour d’appel lui donner enfin raison. « Causalité négligeable» Cette notion de « causalité négligeable » est à la base de la plupart des rejets. « La qualification du risque négligeable lié aux essais nucléaires est un véritable nœud à contentieux qui amène les victimes à suivre un parcours judiciaire interminable », avance l’AVEN. Comment apporter des preuves de contamination, ou a contrario d’absence de contamination, quand les vétérans ne portaient pas de dosimètre ou n’ont pas été suivis après les essais ? « Il est tou- jours difficile d’apporter la preuve qu’un cancer est la conséquence d’une cause unique, en l’occurrence l’exposition aux tirs nucléaires, quand il n’y a pas eu de surveillance radio-biologique et que, de surcroît, aux risques d’irradiation externe s’ajoutent les possibilités d’inhalation de poussières radioactives », détaille Cécile Labrunie. Christine Lécullée, 76 ans en mars, fait partie des recalés. Son histoire, ou plutôt celle de son mari, Bernard, décédé le 4 janvier 1976, est exemplaire. Parti dans le Sahara algérien en 1963, il est resté trente mois à travailler dans les pires conditions. « Il a assisté à des essais atmosphériques et souterrains, dit, toujours émue, Christine. Quand il est rentré pour rejoindre sa nouvelle affectation à Sarrebourg, en Moselle, à l’hiver 1965, il avait perdu ses ongles, ses cheveux, ses dents et il était d’une pâleur à faire peur. » Fier militaire, Bernard n’a pas voulu consulter. Un malaise en décembre l’oblige à voir un médecin. Après plusieurs hospitalisations, en mars 1966, il est transféré à l’hôpital militaire de Percy, à Clamart. Bernard Lécullée était atteint d’une aplasie médullaire, une maladie du sang se traduisant par une raréfaction de la moelle osseuse. Malheureusement pour Christine, cette pathologie n’entre pas dans le champ des « dixhuit maladies radio-induites » reconnues par la loi Morin. Elle sera déboutée de toutes ses démarches. « Pourtant, avance très en colère la veuve de Bernard, son invalidité a été estimée par l’armée à 80 % en 1967 puis à 100 % en 1971. Elle est même passée, en 1975, à 100 % plus 28 degrés, ce qui correspond à 380 %, du jamais-vu ! Et le ministère refuse aujourd’hui l’indemnisation. » De nombreux dossiers sont en attente, à Rennes, Lille, Toulouse. A Paris, Versailles, les décisions ont été favorables aux victimes. A Lyon, au contraire la cour d’appel a rejeté les demandes d’indemnisation et les victimes ont décidé d’aller devant le Conseil d’Etat. « L’indemnisation n’est pas le seul but, on veut la reconnaissance ; beaucoup sont déjà morts dans l’oubli total », insiste Mme Floc’h. p LES CHIFFRES 150 000 C’est le nombre de civils et de militaires qui ont potentiellement été exposés aux radiations des essais nucléaires français. 210 C’est le nombre d’essais nucléaires menés au Sahara (17) et en Polynésie française (193) entre 1960 et 1996. 911 C’est le total des demandes d’indemnisation déposées auprès du Civen au 1er septembre 2014. 859 Ce sont les dossiers examinés. Seize indemnisations ont été accordées, soit 98,1 % rejetées. rémi barroux CGT : quand un scandale autour des mandats s’ajoute à la crise La candidature de Philippe Martinez, le patron des métallurgistes, a été rejetée, mais il reste pressenti pour succéder à Thierry Lepaon A coups de petites manipulations, le comité confédéral national (CCN) de la CGT, mardi 13 janvier, a débouché sur une situation ubuesque. Comme prévu, la solution préconisée par Thierry Lepaon – avec un nouveau bureau confédéral de dix membres ayant à sa tête, comme secrétaire général, Philippe Martinez, le patron de la fédération de la métallurgie – a été rejetée. Avec 57,5 % de voix pour, 41,6 % contre et 1 % d’abstentions, elle n’a pas franchi le seuil requis par les statuts d’une majorité des deux tiers. M. Martinez n’a donc pas été élu secrétaire général. Mais si c’est un camouflet pour M. Lepaon, ce n’est qu’une demidéfaite pour M. Martinez qui reste « pressenti pour être le futur secrétaire général de la CGT ». A ce titre, il lui a été confié le « pilotage d’un collectif chargé de présenter une nouvelle proposition de bureau confédéral » lors d’un prochain CCN, les 3 et 4 février. « Méthode mafieuse » Mardi, la CGT a ajouté un scandale à la crise. La fédération de la santé, la deuxième de la CGT, avait décidé, lundi, à une majorité de 75 %, de voter contre la solution Lepaon, en dépit de la volonté de sa secrétaire générale, Nathalie Gamiochipi, qui est à la ville la compagne de M. Martinez. Or la représentante de la fédération, Ghislaine Raouafi, a transgressé ce mandat et a voté… pour. Si les 36 voix dont disposait la santé s’étaient portées en contre, le résultat aurait été différent. Selon les résultats officiels, la solution Lepaon a obtenu 403 voix pour, 292 contre et 6 abstentions. Dans le collège des fédérations (335 mandats), il y a eu 172 pour et 163 contre. Mais dans ce collège, si la santé avait respecté son mandat, cela aurait donné 136 pour et 199 contre. Il aurait été alors plus compliqué de faire de M. Martinez « le futur secrétaire général »… Cette petite manœuvre – une « méthode mafieuse », selon un membre de la commission exécutive (CE) – a mis la fédération de la santé en ébullition. Les jours de Mme Gamiochipi sont comptés. La question est de savoir s’il pourrait y avoir un recours contentieux pour contester ce vote. « La santé, assure un responsable de fédération, peut affirmer que son vote a été dévoyé et demander qu’il soit compté dans les contre. » Mais le mal est fait. M. Martinez doit donc former une nouvelle équipe qui ne portera plus la marque de M. Lepaon. Mardi, alors que la CE s’est réunie de nouveau pendant les travaux du comité confédéral national, il a refusé de modifier la composition de son bureau. De même, l’hypothèse de faire entrer de nouveaux membres à la CE, comme Baptiste Talbot, secrétaire général de la fédération des services publics ou Gilbert Garrel, le patron des cheminots – qui auraient pu, l’un et l’autre, prétendre à diriger la CGT – a été écartée. L’idée d’un congrès extraordinaire n’a pas été retenue. Le prochain congrès de la CGT aura lieu à la date prévue, au printemps 2016. « Il y a désormais 99 % de chances que Martinez soit secrétaire général, indique une source interne. Mais il est déjà très affaibli, sans marge de manœuvre. Au CCN, il n’a fait aucune ouverture. Il n’a pas beaucoup de capacité de rassemblement et va essayer de faire une équipe à sa main ». « C’est un communiste traditionnel, note un responsable de fédération, un Lepaon plus radical qui n’assure aucune ligne politique. » Pendant trois semaines, la CGT va se retrouver sans chef. Il n’y a plus de secrétaire général, plus de bureau confédéral, et la CE est discréditée par le camouflet que lui a imposé le CCN. Dans l’immédiat, cela va mettre en difficulté ses représentants, Agnès Le Bot et Mohammed Oussedik, dans la négociation sur la modernisation du dialogue social qui doit s’achever vendredi. Alors que la CGT a fait des ouvertures sur le sujet, ses négociateurs n’auront pas de mandat clair, ce qui rend improbable une éventuelle signature. « Le clivage va s’accentuer entre réformistes et radicaux », relève une source interne. Et la CGT va continuer à s’enfoncer dans la crise. p michel noblecourt bonnes feuilles | 17 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Béatrice Gurrey, grand reporter au « Monde », a couvert au service politique le quinquennat de Jacques Chirac de 2002 à 2007. Dans son livre « Les Chirac. Les secrets d’un clan », l’auteur révèle la tragédie d’un homme reclus dans sa mélancolie et ses mystères Au cœur de la tribu Chirac Une haute silhouette s’engage à pas comptés sous le porche du 108, rue du Bac, à Paris, naguère l’adresse d’un couple de légende, Romain Gary et Jean Seberg. Nous sommes le 6 juillet 2011. Un mois environ s’est écoulé depuis la déclaration de Sarran. Jacques Chirac a précédé tout le monde pour soutenir François Hollande... Ce jour-là, il se rend chez son cardiologue, le professeur Yves Grosgogeat, président de la Société française de cardiologie et membre de l’Académie royale de médecine de Belgique. Mais c’est Olivier Lyon-Caen, chef du service de neurologie à la Pitié-Salpêtrière, qui va examiner l’ancien président, au cabinet de son confrère. (...) Médecin de premier ministre, puis de président, l’homme a tout pour plaire à Bernadette Chirac, même si elle ne peut deviner à ce moment son avenir élyséen. C’est aussi l’un des meilleurs dans son domaine et son expertise sera incontestée. La présidente de la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, qui connaît le Tout-Paris de la médecine, a donc demandé à ces deux confrères de recevoir son mari. (…) Bernadette Chirac a besoin d’un certificat médical qui constatera de façon officielle les troubles dont il est atteint. Les deux médecins n’ignorent en fait pas grand-chose de son état, puisqu’une consœur neuropsychologue lui a déjà fait passer une batterie de tests à l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer de la Salpêtrière, le 23 juin. C’est-à-dire trois jours après l’annonce de la date de reprise du procès (en septembre) et quinze jours à peine après sa déclaration en faveur de François Hollande. L’expérience de cette praticienne dans le domaine des troubles cognitifs est jugée incontestable par le professeur Lyon-Caen. Elle décèle des troubles de la mémoire et du raisonnement, une désinhibition du comportement, et la fameuse anosognosie – le fait d'ignorer que l’on est malade. « Anosognosie », c’est ce mot grec et baroque que les Français découvriront quelques mois plus tard sans parvenir à le prononcer ni bien comprendre de quel mal souffre en réalité leur ancien président. Celui-ci ne sait donc pas C’EST UN VIEUX qu’il est malade, mais de quoi souffre-t-il MONSIEUR FRAGILE exactement ? (...) Jacques Chirac a fait DANS LEQUEL plusieurs AVC et des SOMMEILLE ENCORE anomalies cérébrales et vasculaires en ont réLE GRAND CHIRAC. sulté qui ne peuvent s’arranger avec le LE BEAU MEC, LE temps. Les circuits de la SÉDUCTEUR, LE GENTIL, mémoire ont été, eux aussi, endommagés, LE CRUEL, L’AMBITIEUX, engendrant des confusions chronologiques LE PÈRE TROP ABSENT plus ou moins graves, ET TROP PRÉSENT une sorte de mémoire à éclipses. Devant les médecins, l’ancien président garde le caractère jovial qu’on lui a toujours connu : sa nature l’y pousse et aussi une forme d’autoprotection et de courtoisie – ne disait-on pas naguère « il est poli d'être gai » ? Mais il laisse aussi percer à plusieurs reprises une irritation que les médecins jugent immotivée. Il ne se souvient pas spontanément qu’il a passé des tests peu de temps auparavant, mais se les rappelle sitôt qu’on lui en précise les circonstances. Il n’est pas conscient de ses difficultés de mémoire et considère que les réponses qu’il a fournies conviennent tout à fait. Cela ne veut pas dire que Jacques Chirac a sombré ad vitam dans un profond brouillard. Ni qu’il ne sait plus ce qu’il dit, comme d’aucuns voudraient le faire croire. Et son anosognosie ne l’empêche pas de ressentir, intuitivement, la réalité de son état – ses visiteurs les plus intimes et les plus fréquents en témoignent. Pressé par son épouse, Chirac s’est donc plié à cette nouvelle visite médicale et Claude, présence rassurante et familière, l’a accompagné pour ce rendez-vous d’une heure. Sans cesse, il se tourne vers elle et quête son aide car elle lui est devenue indispensable, jusqu’à la dépendance. A un point dont il ne paraît pas conscient. Il fournit aux questions du médecin des réponses assez vagues, où les mois et les années s’emmêlent, où le temps devient flou. Comme tout cela doit l’ennuyer... Il a dirigé un grand pays pendant douze ans, tutoyant les maîtres du monde, et le voilà contraint de se soumettre sans cesse à des examens, de répondre à des questions dont il ne perçoit pas l’utilité. Comment exclure que quelque chose en lui se révolte ? C’est un vieux monsieur fragile, malade, dans lequel sommeille encore le grand Chirac. Le beau mec, le séducteur, le gentil, le cruel, l’ambitieux, le modeste, le père trop absent et trop présent, le fou et le sage. L’unique Chirac. C’est peut-être absurde à dire, mais aucune maladie ne peut tuer cela, au fond. D’une si forte personnalité, quelque chose demeure, insubmersible, irréfragable. Mais voilà, la messe est dite. De toute façon, il s’agit pour son entourage d’éviter un procès à tout prix. Bernadette Chirac reçoit en mains propres, le 8 juillet 2011, de son auteur, le professeur Olivier Lyon-Caen, le certificat médical, nécessaire au juge pour prendre une décision qui aille dans le sens espéré. Un rapport de quatre pages denses, tristes, truffées de termes médicaux, où transparaît quand même la vérité d’un homme. Ainsi, il n’y aura plus de soutien politique officiel à qui que ce soit – pense-t-on ! Aucun tribunal ne fera comparaître un prévenu dont les capacités sont à ce point diminuées, même pour lire un papier d’autojustification, en quelques minutes. Alors que le second tome des Mémoires est paru un mois auparavant, il n’est plus question que Chirac en assure la promotion. Il s’agit de paraître cohérent. Comment dire au président du tribunal « je ne me souviens de rien » et vendre un livre de souvenirs ? Que pense Bernadette Chirac en prenant le document du professeur Lyon-Caen ? Le retournement tragique du sort ne peut lui avoir échappé. Est-elle submergée de tristesse de lire noir sur blanc la preuve de la déchéance de son mari ? Soulagée de se dire qu’aucun tribunal ne le fera désormais plus comparaître ? Ou pense-t-elle secrètement à la femme du professeur, Jacqueline Chabridon, qui, ironie de l’histoire, a été le grand amour de son mari ? Tous les vieux compagnons de Chirac ont soupiré en voyant qui allait signifier officiellement au monde que les souvenirs de l’ancien chef de l’Etat s’effaçaient. Au-delà des motifs professionnels incontestables qu’il y avait à choisir Olivier Lyon-Caen comme expert, ils n’ont pas pu s’empêcher de penser qu’il y avait là une forme de vengeance, réelle ou présumée, de Bernadette. (…) A-t-on jamais vu plus cruel que cette lettre signée de la main de Jacques Chirac et envoyée au président de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, Dominique Pauthe ? Voici ce qu’il lui fait parvenir, le 2 septembre 2011, trois mois après avoir soutenu François Hollande, deux mois après avoir passé ses examens médicaux. Un texte qui le condamne à l’enfermement et à la disparition sociale : « Monsieur le président, j'ai demandé à mes avocats de vous transmettre le rapport médical du professeur Olivier Lyon-Caen ainsi que le dossier qui l’accompagne. Chacun comprendra que cette démarche m’est particulièrement pénible, a fortiori sachant qu'elle deviendra publique. Si je n’ai plus l’entière capacité de participer à son déroulement, je veux vous dire que ma volonté d'assumer ce procès demeure to- tale. (...) C'est pourquoi j'ai demandé à mes avocats de me représenter et de porter ma voix durant les audiences, même si je ne pense pas pouvoir être en situation de leur apporter mon concours. » « Porter ma voix... » Quelle drôle d’expression. On croirait lire « porter ma croix ». (…) Quoi qu’il en soit, cette lettre au président du tribunal l’enferme davantage encore que le silence qu’il s’est imposé et prend une dimension tragique. Elle nie sa conscience, sa volonté, sa personne. Elle le réduit à sa maladie. En la signant, il a consenti à sa mise en prison symbolique – une prison sans murs, sans mots. Désormais, toute parole publique devenue suspecte pourra être aisément discréditée. Et toute apparition publique sera proscrite. Est-ce cela, vivre ? (…) Comme si la disparition programmée de l’ancien président ne suffisait pas, c’est bientôt le citoyen qui va être effacé à son tour. Il ne faut pas déplaire davantage à Nicolas Sarkozy, dont la réélection s’annonce incertaine. Le scrutin approche et Chirac ne manque pas de répéter à ses visiteurs qu’il votera Hollande. Plus Bernadette court les meetings avec son champion, plus Chirac défend le sien. C’est une sorte de provocation mutuelle et permanente, doublée chez Chirac d’une aversion grandissante à l’égard de Sarkozy, dont la campagne se caractérise par un flirt poussé avec le Front national. (...) Bernadette Chirac décide, avec sa fille, que son mari votera par procuration. En réalité, cette décision paraît inévitable après la lettre au président Pauthe. Chirac serait trop malade pour être présent quelques heures dans une cour, mais capable d’aller voter en Corrèze ? La vérité est que les deux femmes ne veulent surtout prendre aucun risque devant les micros qui ne manqueront pas de se tendre à la sortie du bureau de vote, où il accomplit son devoir électoral depuis plus de quarante ans. A Sarran, ce 22 avril 2012, la première sarkozyste du pays va donc voter seule. La question surgit, à peine est-elle sortie de l’isoloir, sur la « déclaration de Sarran ». L’expremière dame répond sans se démonter : « C'était regrettable. C'était une maladresse. Mon mari a regretté par la suite. » En réalité, il a si peu de regrets qu’il a confirmé son choix lors d’un déjeuner au Quai d’Orsay avec Alain Juppé, François Baroin et son ancienne porte-parole, Catherine Colonna. Il l’a répété à son proche compagnon, Jean-Louis Debré, le président du Conseil constitutionnel. (...) Les relations se sont dégradées entre les deux époux, au point d’inclure une certaine violence verbale. L’été de l’année 2012 sera le dernier qu’ils passent dans les deux propriétés des Pinault à Saint-Tropez ou à Dinard. Cela ne les empêchera pas de revenir pour de courtes vacances à la Toussaint ou à Pâques, ou de continuer à fréquenter leur château de la Mormaire, à la sortie de Grosrouvre, dans les Yvelines. (...) Mais l’été, lorsque la villa de Saint-Tropez est pleine, les disputes avec Bernadette deviennent par trop voyantes. Des phrases assassines franchissent la « barrière de ses dents », comme disaient les Grecs de l’Antiquité, quand il n’est pas à deux doigts de lui lancer son verre à la figure. A Dinard, le couple n’habite plus chez les Pinault mais loge dans un hôtel voisin. Chirac reste là, debout, les mains dans les poches, le plus souvent. Il ne fait rien, il n’a envie de rien. Il ne lit pas, ne regarde même plus la télévision. Il déprime à nouveau, tel un roi sans divertissement. Pendant l’été en Corrèze, il restera même plusieurs jours au lit, cessant de s’alimenter en signe de protestation. A la Biennale de Venise, où son ami Pinault convie immanquablement l’ancien président, Maryvonne, l’épouse de l’homme d’affaires, demande à chacun d’aller converser quelques minutes avec lui. Un ancien ministre qui a pour Chirac de l’affection se plie volontiers à cette petite courtoisie : « Au bout d'un moment il m'appelait Bernard et j'ai compris qu'il me confondait avec Bernard de Montferrand [un diplomate, ancien ambassadeur de France au Japon]. Et il disait sans cesse : Bernadette, quand est-ce que nous rentrons ? » (...) « Ce type-là a gâché ma vie », se plaint-elle à qui veut l’entendre. Elle voudrait, dit-on, le voir enfermé derrière de hauts murs et cherchera un temps une institution spécialisée pour caser son mari. Au point que les conseillers encore présents rue de Lille se révolteront : « Si vous voulez le tuer plus vite, il n'y a que cela à faire. » Ils savent tous que son bureau, les visites, les coups de fil le maintiennent en vie. Elle renoncera à son projet. (…) Jacques Chirac a accédé à une forme de résignation, dès lors qu’il a quitté la place la plus convoitée de la République. Il n’a jamais cru retrouver un rôle après – même s’il a pris du plaisir à recevoir du monde, autant que sa santé le lui a permis. Il n’a jamais eu l’énergie ni l’envie de faire vivre une fondation autrement que dans quelque cérémonie. D’autres, ses amis, sa fille, Alain Juppé entré au conseil d’administration, s’en chargent pour lui. Lui propose-t-on de participer à quelque initiative internationale ? « De toute façon, cela ne sert à rien. Quand on n'a plus de fonction exécutive, les choses n'avancent pas », soupire-t-il, Les Chirac. désabusé. Cet homme qui a Les secrets du clan vécu à l’Elysée enfermé dans de Béatrice Gurrey une cage de mots, puis dans la maladie et la peur que d’autres avaient d’un procès, est désormais enfermé en lui-même Robert Laffont, 248 p., 18,50 € sans le vouloir, autant que par goût du secret. Bien sûr il continue à recevoir des visites, presque toutes amicales et affectueuses, mais plus espacées. Il sourit, laisse prendre des photos et s’émerveille devant les enfants qu’on lui amène. Il accomplit le grand effort de marcher jusqu’à la porte et garde la main de son visiteur dans la sienne : « Reviens me voir. » Parfois il suit la conversation, parfois son esprit s’évade. Comme ce jour où Claude a suggéré à une amie de venir avec son chien – puisqu’il les aime. Elle-même amène souvent rue de Lille Scott, le golden retriever qui gambadait dans les jardins de l’Elysée. La discussion tourne autour de la politique, durant de longues minutes, pendant lesquelles Chirac ne dit rien. Peut-être caresse-t-il distraitement la tête du chien. Alors que la dissertation va bon train sur l’état du pays, il se penche soudain vers l’invitée : « Et toi, qu'est-ce que tu lui donnes comme croquettes ? » Une façon polie de dire son ennui ? Une déconnexion passagère ? En tout cas, la politique française au jour le jour ne l’intéresse plus, il en a été rassasié. (…) Il semble que Jacques Chirac se soit habitué à ce drôle d’état qui est le sien, ni tout à fait ici ni tout à fait ailleurs. Ni tout à fait lui-même ni tout à fait un autre. Il se repère peu à peu dans ce continent obscur, comme si ses yeux s’étaient habitués à de trop faibles lueurs. Ce corps qui geint en silence, cet esprit qui s’échappe, il veut les dompter encore, peutêtre sans savoir qu’il y aspire. Quand il voit le président Hollande, comme cela est arrivé parfois, il rassemble son troupeau d’idées, il souhaite être à son mieux, mais il arrive qu’elles s’éparpillent quand même. Alors, il en appelle à celle qui partage sa vie depuis cinquante-huit ans pour l’aider à se retrouver dans le dédale de sa mémoire. « Bernadette, comment s'appelle ce type, déjà, que je n'aime pas du tout, à qui j'ai serré la main ? – Vous voulez dire Jean-Marie Le Pen ? – Oui, c’est ça, Le Pen. » Il sait que la nuit vient. p 18 | carnet Ng Ectpgv Xqu itcpfu fixfipgogpvu Pckuucpegu. dcrv‒ogu. octkcigu Cxku fg ffieflu. tgogtekgogpvu. oguugu cppkxgtucktgu Eqnnqswgu. eqphfitgpegu. rqtvgu/qwxgtvgu. ukipcvwtgu Uqwvgpcpegu fg ofioqktg. vjflugu Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < 23 79 4: 4: 4: 23 79 4: 43 58 ectpgvBorwdnkekvg0ht AU CARNET DU «MONDE» Décès Chamonix. Paris. Emilie Mazeaud, sa compagne, Jeane, Victor, Olga, Eléna, ses enfants, Tatiana, Sonam, ses petits-enfants, Georges, Lysa, son frère et sa sœur, Les familles Afanassieff, Derjavitch, parentes, alliées et amies, ont la douleur de faire part du décès de M. Jean AFANASSIEFF, chevalier de la Légion d’honneur, chevalier dans l’ordre national du Mérite, survenu le samedi 10 janvier 2015, à l’âge de soixante et un ans. La cérémonie orthodoxe sera célébrée le samedi 17 janvier, à 10 heures, en l’église Saint-Michel, à Chamonix, suivie de l’inhumation au cimetière de Chamonix, au côté de son frère, Michel. La famille recevra les visites à la Maison des Guides de Chamonix, le vendredi 16 janvier, à partir de 18 heures. Ruth ARGANDOÑA nous a quittés le 8 janvier 2015. Ses obsèques auront lieu le vendredi 16 janvier, à 10 h 30, en l’église SaintSaturnin, place de l’Église, à Antony (Hauts-de-Seine). Sa famille et ses amis. Brigitte, son épouse, Taouiq, Nawal, Zineb, ses enfants et leurs conjoints, Chama, Othman, Ines, Shems, Selma, Illy, ses petits-enfants Et toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de Haj Mohamed BENJELLOUN-TOUIMI, agrégé de l’Université, professeur honoraire au lycée Descartes de Rabat, chevalier dans l’ordre national du Mérite, commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, cofondateur du Groupe de Recherches Islamo-Chrétien, survenu le 28 décembre 2014. L’inhumation a eu lieu le 29 décembre, au cimetière du Chellah, à Rabat. 1, rue Thami-Lamdouar, Rabat Souissi (Maroc). 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Françoise, sa femme, Alain, son frère, Cécile, Natalie, Valérie, Aline, Véronique et Sabine, ses illes, Ses petits-enfants, Ses arrière-petits-enfants, Ses neveux et ses nièces, Jacqueline et Bernadette Flamant, Catherine et Paule Marrou, ses belles-sœurs, Éric Stieltjes, Philippe Zemmour, Giovanni Cavallaro, ses gendres, ont la douleur de faire part du décès de Jacques FLAMANT, professeur des Universités, survenu au milieu des siens, le 11 janvier 2015, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, au terme d’une longue maladie. La messe des obsèques sera célébrée le jeudi 15 janvier, à 10 heures, en l’église Sainte-Anne des Pinchinats d’Aixen-Provence. 878, route des Pinchinats, 13770 Venelles. Pierre Jacquin, son époux, Elisabeth et Alain Josse, Christine et Alain (†) Pierrard, Yves et Martine Jacquin, Philippe et Françoise Jacquin, Catherine et Etienne Bacos, ses enfants, Nathalie, Eric, Aurélie, Sophie, Mirinne, Claire, Charles, Matthieu, Armand, Nicolas, Adèle, Pauline, ses petits-enfants, Anne-Sophie, Aristide, Arsène, Olivia, Maxime, Sarah, Clément, Emilie, Rémi, Julie, ses arrière-petits-enfants Et toute la famille, ont la tristesse de faire part du décès de Mme Jacqueline JACQUIN, née BOYER, survenu le 10 janvier 2015, à Antony, à l’âge de quatre-vingt-douze ans. La cérémonie religieuse sera célébrée le vendredi 16 janvier, à 10 heures, en l’église Sainte-Stanislas-des-Blagis, 104, avenue Gabriel-Péri, à Fontenayaux-Roses (Hauts-de-Seine), suivie de l’inhumation, à 11 h 30, au cimetière de Sceaux, 174, rue Houdan, à Sceaux. Jérôme Lentin et Jacqueline Cohen, Irène Lentin et Stefano Mangano, ses enfants, Jean-Louis, Yves et Isabelle Cohen, François et Jean-Dominique Lentin, ses neveux et nièce, ont la grande tristesse de faire part du décès de André LENTIN, mathématicien, logicien, ancien maître de recherches au CNRS (membre fondateur de l’Institut Blaise-Pascal), ancien professeur à l’université René-Descartes Paris 5 (mathématiques et sciences humaines), poète, critique d’art, traducteur… survenu le 9 janvier 2015, à Paris, dans sa cent deuxième année. La cérémonie aura lieu le vendredi 16 janvier, de 11 h 15 à 12 h 30, au crématorium du cimetière du PèreLachaise, 71, rue des Rondeaux, Paris 20e (entrée par l’avenue du Père-Lachaise, métro Gambetta). 180, rue de la Convention, 75015 Paris. Lucienne Lestavel, son épouse, Catherine, Françoise et Claire, ses illes, Georges Lestavel, son frère, Geneviève Barraud, sa sœur, Julien et Tom Cholat, ses petits-ils, Sa famille Et ses amis, ont la tristesse de faire part du décès de Jean LESTAVEL, survenu le 10 janvier 2015, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans. La cérémonie religieuse se tiendra à Aix-en-Provence, le jeudi 15 janvier, à 14 heures, en l’église Saint-Jean-deMalte, suivie de l’inhumation au cimetière Saint-Pierre. Jean-Luc et Annie Mériaux, son frère et sa belle-sœur, Jérôme Mériaux, Odile et Stéphane Rasse, Anne Mériaux, ses neveux Et ses sept petits-neveux, ont la douleur de faire part du décès de Gisèle MÉRIAUX, professeur de Lettres classiques, survenu dans sa quatre-vingt-septième année. 12, rue Simon, 51100 Reims. 10, rue Henri-Duchêne, 75015 Paris. Monique Pelletier, son épouse, Philippe et Françoise Pelletier, Caroline de Boissieu, Sophie Pelletier-Poitrat et Jean Poitrat (†), Anne et Maxime Aupetit, Jérôme et Florence Pelletier, Rémi Pelletier, Anne-Gaëlle Degufroy, Nicolas et Yoshiko Pelletier, ses enfants, Ses trente petits-enfants, Ses quatorze arrière-petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès de Jean-Marc PELLETIER, croix de guerre 1939-1945, commandeur de la Légion d’honneur, vice-président honoraire de la banque Indosuez, survenu le 8 janvier 2015. Il a résisté durant de longues années à un lourd handicap avec un courage exemplaire. La cérémonie religieuse a été célébrée dans l’intimité familiale, en l’église de Saint-Martin de Bonnebosq, suivie de l’inhumation au cimetière d’Auvillars. 14340 Le Lieu-Varin Auvillars. 137-145, avenue Achille-Peretti, 92200 Neuilly-sur-Seine. DU MERCREDI 14 JANVIER AU VENDREDI 16 JANVIER DE 9H00 À 18H00 ET LE LUNDI 19 JANVIER DE 9h00 À 15h00 PALAIS DES CONGRÈS 2, PLACE DE LA PORTE MAI LLOT - PARIS 17 E (HALLS N EU I LLY ET PASSY A) N° d’enregistrement de la déclaration préalable auprès de la Mairie de Paris : 14-5335 Hermès Sellier - SAS - Capital : 4.976.000 Euros Siège Social : 24 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris - 696 520 410 RCS Paris ont la grande tristesse de faire part du décès de leur père, Philippe SAGANT, ethnologue, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientiique, survenu le 10 janvier 2015, à Paris. Un recueillement aura lieu le vendredi 16 janvier, à 10 h 30, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Pascal et Claire avec Raphaël et Laure et Amélie et Stéphane, Jean-Remi et Dominique avec Frédéric et Marion et Thomas et Lorène, Timothée et Irène avec Jérémie et Adeline, Paul-Olivier et Fabienne avec Jeanne-Hélène, Matthieu et Noémie, Marianne et Marc avec Pierre-Adil, Jean-Sélim et Camil, ses enfants, leurs conjoints et ses petits-enfants, ont la tristesse de faire part du rappel à Dieu, le 4 janvier 2015, dans sa quatrevingt-dix-huitième année, de Pierre VALLOTTON, pasteur à Reims, Combas et Saint-Dié, musicien d’Église, ami des orgues, fondateur de la FFAO. Le culte d’action de grâce aura lieu le samedi 17 janvier, à 14 heures, au temple de Sanary-sur-Mer (Var). Tadeusz Konwicki Ecrivain et cinéaste polonais Maryse Wolinski, son épouse, Fréderica, Natacha et Elsa, ses illes, Georgia, Antoine, Lola, Lilah et Bianca, ses petits-enfants, Denis Sanguinetti, Philippe Bordas, Arnauld Champremier-Trigano, ses gendres, Hella Wolinski et Louise Giraudon, ses sœurs, ont la tristesse d’annoncer la mort de Georges WOLINSKI, dessinateur de presse, éditorialiste politique, écrivain, chevalier de la Légion d’honneur, assassiné lors de l’attentat perpétré contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. Une cérémonie aura lieu le 15 janvier, à 11 h 45, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20 e , suivie de l’inhumation de l’urne, à 16 heures, au cimetière du Montparnasse, Paris 14e. Olivier Bétourné Et les Editions du Seuil, ont appris avec stupeur et tristesse le décès de Georges WOLINSKI, dessinateur de presse, éditorialiste politique, écrivain, assassiné lors de l’attentat perpétré contre Charlie Hebdo, le mercredi 7 janvier 2015. Ils saluent l’homme libre, l’ami, l’artiste. Ils assurent Maryse et tous les membres de la famille de leur profonde affection. (Le Monde du 9 janvier.) Souvenir Il y a vingt ans disparaissait, à l’âge de quarante-trois ans, Roselyne REY, normalienne, chercheur au CNRS en histoire des sciences. Que ceux qui l’ont connue aient une pensée pour elle. Communications diverses Heidi Vallotton, née Schaffert, son épouse, Camille, Maxime, Louis, Heidi, Luc, Faustine et Alexis, ses arrière-petits-enfants, VENTES EXCEPTIONNELLES Anne et Valérie Sagant 70e anniversaire de la libération d’Auschwitz Projection Jusqu’au dernier. La destruction des Juifs d’Europe de William Karel et Blanche Finger, avant-première jeudi 15 janvier 2015, à 19 h 30, en présence des réalisateurs et de David Cesarani, enseignant-chercheur, université de Londres. Entrée libre sur réservation www.memorialdelashoah.org Soutien à la marche républicaine. Docteur Aly Elsamman, président de l’ADIC-Union internationale pour le dialogue inter-culturel et religieux et l’Education à la Paix, en France et en Egypte, membre du Conseil supérieur islamique, convaincu que le prophète Muhammad n’a surtout pas besoin de terroristes pour protéger son image, est en communion avec le peuple de France et tous ceux qui œuvrent pour le dialogue et la fraternité. " " # " # " "# #" %. + *0.+ "# # # " ""+ /$ %- "# " *&# $%" % " # " " *$% + %/% "# " " . *%$$* * ** $$"%$. *$. '*#$- * " * .* "# "#% ** %.*-% + " $ *%$ 0"/ .#$$ "# " ## $$- %"# " $ * +-%' 0 ($-*$- %$") %#+ * (*$) * $ " $* (%$%# ) .*" $% %$- (."-.*) "# $" " ." $ *%%.*- (*%!-+) $$- *- ( /*+ - %$+ /$#$-+ *-$* -+) " * +- $ ++%" "# " "# * + '-%%*%. " %"+ #$1 * 1 "# +" " $ * " # # -* $ %"0 " " * +- $ #$ ** * '*+ $- +- $ *$ % / '*+ $- Au milieu des années 1970. PROD DB/DR E crivain majeur de la Pologne d’après-guerre, Tadeusz Konwicki était également une figure importante de l’école de cinéma polonaise, l’un des premiers cinéastes à s’imposer dans son pays comme un auteur. Il est mort le 7 janvier à Varsovie, à l’âge de 88 ans. Tadeusz Konwicki est né en 1926, à Nowa Wilejka, non loin de Wilno, ancien centre historique et culturel de la Pologne, devenu Vilnius, capitale de la Lituanie. Pendant la seconde guerre mondiale, il s’engage dans l’Armée de l’intérieur, où il combattra l’occupant nazi, avant de rejoindre la guérilla contre les forces soviétiques. Son œuvre sera marquée par le traumatisme des atrocités de cette guerre, de la Shoah, mais aussi par la mémoire de Wilno, creuset d’influences polonaises, russes, juives, lituaniennes, allemandes, arméniennes, dont il fut coupé quand elle fut rattachée à l’URSS. Cri de révolte poussé au sortir de la guerre, son premier roman, Les Marécages, est interdit par la censure. Rapidement, Konwicki fait allégeance au nouveau pouvoir et épouse, pour quelques années, la doxa du réalisme socialiste. Avec le dégel, qui autorise la publication des Marécages, il remet en question cette « fonction servile de la littérature » et affirme pour la première fois avec Un trou dans le ciel (1959) son style propre – lyrique, onirique, très subjectif, hybridant les genres et les modes de narration… Glissant peu à peu dans la dissidence, il rejoindra en 1976 les comités de défense des ouvriers, qui s’opposaient à la direction du Parti communiste. Entre 1976 et 1987, ses romans ne seront plus publiés que clandestinement. Approche intimiste Dans un pays où le cinéma s’est toujours nourri de l’imaginaire des grands écrivains, Konwicki a vite été appelé à travailler comme scénariste. Après une première collaboration, dont il regretta le résultat (Une carrière, de Jan Koecher, 1955), une seconde, Crépuscule d’hiver, de Stanislaw Lenartowicz (1957), est plus fidèle à son univers. Il réalise son premier long-métrage, Le Dernier Jour de l’été, un an plus tard. Le film, Grand Prix au festival de Venise en 1958, met en présence un jeune homme et une femme d’âge mûr marqués par la guerre et incapables de trouver un chemin l’un vers l’autre. De ses contemporains Andrzej Wajda et Andrzej Munk, Konwicki 1926 Naissance à Nowa Wilejka (Lituanie) 1958 « Le Dernier Jour de l’été », premier long-métrage 7 JANVIER 2015 Mort à Varsovie se distingue par une approche plus intimiste, spirituelle, dans laquelle le passé agit comme une force aliénante, destructrice. L’idée de l’amour rendu impossible par le trauma de la guerre, qu’il esquisse dans Le Dernier Jour de l’été, ces personnages hantés, incapables de commencer une vie nouvelle, reviendront dans toute son œuvre, et d’abord dans son film suivant, La Toussaint (1961). Mais le ton change. Avec Salto (1965), considéré comme son chef-d’œuvre, il cesse de s’apitoyer sur sa génération pour adopter un ton sarcastique. Amorcé en littérature avec Le Livre contemporain des songes (1963), ce virage suit, au cinéma, la trajectoire d’un personnage ambivalent, contradictoire, insaisissable, avec lequel l’auteur opère une psychanalyse de l’inconscient national, en tournant en dérision les mythes nationaux, tels que les véhiculent la littérature, mais aussi le cinéma de Wajda et de Munk. Wajda contribuera pourtant à la fortune de Konwicki au cinéma. En 1987, l’auteur de L’Homme de marbre décide d’adapter son roman Chronique des événements amoureux et lui offre d’interpréter, dans cette histoire inspirée de son premier amour, un spectre du temps présent, abîmé par les tragédies du siècle, qui vient hanter la Wilno idéalisée d’avant-guerre. Un autre de ses romans, La Petite Apocalypse (1975), anticipation métaphorique de l’effondrement du communisme, sera adapté en 1993 par Constantin Costa-Gavras. En 1989, Konwicki réalise son dernier film, Lawa, dans lequel il subvertit un classique de la littérature polonaise, Aïeux, d’Adam Mickiewicz, en insérant dans le monologue blasphématoire de son auteur des images documentaires du ghetto de Varsovie et du massacre de Katyn. Trois ans plus tôt, dans une interview donnée au Monde, il se félicitait d’avoir « écrit ce qu’il voulait », « fait ce qu’il devait faire », et contribué à « l’émancipation » de la société polonaise. « Je suis un homme libre », affirmait-il. p isabelle regnier PRÉCISION Disparition. Une erreur a été commise dans la signature de la nécrologie d’Yves Rouquette (Le Monde du 12 janvier). L’article a été écrit par Philippe-Jean Catinchi. culture | 19 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 Haut lieu de pèlerinage de l’Empire khmer, le site s’étend sur 155 hectares. TANG CHHIN SOTHY/AFP La paix revient au temple de Preah Vihear Longtemps disputé par la Thaïlande, le sanctuaire cambodgien va être restauré sous la direction de l’Unesco D écembre 2014. Trente convives sont coudeà-coude autour d’une nappe blanche sous un auvent de bois. Le pique-nique a été dressé à l’ombre du temple de Preah Vihear, vaisseau céleste dont la proue redessine la chaîne des Dangrêk, frontière disputée entre Thaïlande et Cambodge. Sok An, le vice-premier ministre cambodgien, a organisé le repas pour annoncer « une lune de miel avec la Thaïlande ». Après soixante ans de conflit armé entre les deux prétendants, la Thaïlande revendiquant une partie du site sacré, le retournement de situation tient du miracle. Les ambassadeurs et conseillers venus exprès de Phnom Penh, les responsables de l’Unesco et les archéologues, historiens et architectes, en restent cois. Le temple ciselé dans le grès aux Xe-XIIe siècles, haut lieu de pèlerinage de l’empire khmer, va enfin être restauré. Ancré au bord d’un précipice de 625 mètres, ce sanctuaire spectaculaire était l’objet d’un litige récurrent, le royaume du Siam n’acceptant pas le tracé de frontière de 1907 donnant le site au Cambodge, alors sous protectorat français. En 1954, un an après l’indépendance du pays, il occupe le site. En 1962, la Cour internationale de La Haye réaffirme la souveraineté des Khmers sur le temple. En 2009, après avoir reçu le label de Patrimoine mondial de l’Unesco au titre du Cambodge, puis en 2011, Preah Vihear est de nouveau attaqué par le royaume du Siam, qui tente d’en déloger les Cambodgiens. Six morts, des dizaines de blessés et des milliers de déplacés sont dénombrés côté khmer. Le 11 novembre 2013, la Cour internationale de La Haye réaffirme l’autorité du Cambodge sur le temple disputé. Un an plus tard, finalement, la Thaïlande s’incline. Dans la chaleur moite, un garde du corps agite un morceau de carton en guise d’éventail pour ra- fraîchir l’orateur. Sok An s’enflamme à sa manière, d’une voix posée : « On ouvre une nouvelle page de coopération, une nouvelle histoire de Preah Vihear. » Sur 155 hectares, le temple est à préserver, comme son paysage de 2 600 hectares [zone tampon]. « Nous allons construire des maisons, des écoles, installer l’électricité, des pompes à eau, 4 800 familles ont beaucoup souffert », poursuit Sok An. 2 700 marches de bois Lors de notre première visite, en décembre 1998, Preah Vihear n’était accessible que depuis la Thaïlande, via une autoroute asphaltée de frais et une billetterie aux allures de centre commercial : le dimanche, jusqu’à dix mille touristes et des bonzes en robe safran affluaient, par cars entiers, de tout le royaume du Siam. Le temple, juste rouvert, avait un franc succès. Une manne. Pour accéder au cœur du sanctuaire côté cambodgien, il fallait alors passer la frontière, un méchant grillage gardé par des soldats logés dans des huttes de paille. Les Khmers rouges, très présents dans la région, venaient d’annoncer leur reddition. Un paludisme ravageur, le manque d’eau potable et de nourriture maintenaient une misère criante. Aujourd’hui, côté Cambodge, une piste en partie carrossable donne accès au site par un système de navettes organisé par la communauté locale. Mais c’est par les 2 700 marches de bois – montées sur l’ouvrage de grès qu’empruntaient les pèlerins – qu’il faut grimper pour prendre la mesure du site vertigineux : deux heures trente d’escalade sous un soleil de plomb pour atteindre le vaisseau sacré. Une fois au-dessus de la jungle touffue, le regard dévale à l’horizon sur une plaine sans fin. Angkor est à 140 kilomètres. Wat Phu, au Laos, à peine plus. La légende dit que la première pierre de Preah Vihear serait le linga de Shiva, symbole phallique de ferti- Appareillage de grès sombre sur un tapis de verdure, Preah Vihear est une scène de théâtre à ciel ouvert lité, provenant de ce temple. Selon une inscription, le dieu a ordonné que son linga soit installé sur ce promontoire pour être vu du monde entier. Le mythe est bien vivant. « Des empreintes du pied de Shiva ont été relevées à plusieurs endroits », affirme Sachchidanand Sahai, l’historien indien qui a exploré le site durant deux ans. Sur les frises et les reliefs sculptés, la divinité du panthéon hindou que les anciens rois khmers vénéraient tient la première place. Après l’escalier, il faut encore de l’énergie pour remonter l’axe central du sanctuaire, une chaussée ascendante, pavée sur 800 mètres, qui conduit aux portiques monumentaux, les gopura, desservant les cinq pavillons dotés de cours et de chapelles. Cette chaussée sacrée est bornée de boutons de lotus en grès figurant les grains d’un chapelet que le pèlerin dénombre en récitant des mantras sur le chemin de la destination finale. « Le premier pavillon symbolise l’espace infini, explique le professeur Sahai, spécialiste de Shiva, qui a étudié la cosmogonie de Preah Vihear. Le deuxième pavillon, aux neuf portes, représente le corps humain aux neuf ouvertures », et ainsi de suite jusqu’au sanctuaire principal, le dernier des édifices. Sans ouverture, fermé sur luimême autour d’un charmant cloître rappelant nos édifices romans, il est, au bord du précipice, l’espace privé du dieu : « Quand on y accède, les dernières démarches de la vie spirituelle sont accomplies. » Thaïlande comme par le passé. Mais, précise Sok An, le vice-premier ministre cambodgien, « le transport des touristes sera organisé depuis la frontière de Tra Tao, à cinq kilomètres de là. Ils passeront par le nouvel écomusée, où seront délivrés les billets d’accès ». Lorsque le CIC s’est réuni à huis clos, Nuttavudh Photisaru, secrétaire général adjoint du ministère thaïlandais des affaires étrangères, a déclaré son soutien à la sauvegarde du temple, se disant prêt à apporter toute la documentation scientifique que son pays possède. Sa récente nomination comme ambassadeur au Cambodge est de bon augure. p La beauté du site touche autant qu’elle impressionne par sa force dépouillée. Appareillage de grès sombre sur un tapis de verdure, Preah Vihear est une scène de théâtre à ciel ouvert, sur laquelle Shiva, le créateur-destructeur, exécute sa danse cosmique. Sur les linteaux et les frontons, le tailleur de pierre représente Shiva dansant sur la tête grimaçante de Kala, le monstre à longs crocs qui, de sa langue démesurée, avale le temps. « C’est l’embrasement final, l’extinction du temps par le feu éternel », commente M. Sahai. Shiva détruit pour recréer. « La danse cosmique ne cesse jamais. » La structure même du temple, tenue par le rocher sur lequel il repose, demeure solide. La plupart des parties sculptées sont debout. Les grands portiques à colonnades, des blocs monumentaux assemblés à vifs, comme ceux des voûtes, sont, eux, en partie écroulés. Le programme des travaux de restauration sera validé par le Comité international de coordination de Preah Vihear (CIC-PV), créé le 3 décembre 2014, sur le modèle même de celui d’Angkor (CIC Angkor). t-il. Avec sa détermination sans faille, l’archéologue tunisien, membre de l’Institut de France, décidé à préserver l’harmonie du site dans son authenticité, a chiffré le coût des travaux à réaliser sur dix ans : 15 millions de dollars (12 millions d’euros). Reste à convaincre les mécènes. Pour l’heure, le sanctuaire demeure une forteresse bien gardée. De l’escalier qui monte à l’assaut de la falaise, la présence militaire impressionne. Les bunkers sont dissimulés dans la végétation, les soldats sont armés. Mais, dans leurs hamacs, à l’abri du feu solaire, ils affichent plus de nonchalance que de vigilance. Il n’est plus question de permettre l’accès direct au temple par la Danse cosmique Ce comité est placé sous l’attention vigilante d’Azedine Beschaouch, secrétaire général de ces deux CIC, qui veille sur les vestiges des anciens rois khmers depuis vingt ans. Si la restauration du vaisseau céleste semble un jeu d’enfant au regard de la complexité des temples d’Angkor, sa dimension esthétique liée à l’environnement spectaculaire de Preah Vihear est une autre affaire. Les bâtisseurs se sont servis de l’aérienne plate-forme comme carrière, tout en composant un paysage artificiel à préserver. M. Beschaouch est convaincu du « lien entre ce paysage et sa fonction religieuse ». Là, « un mur s’est affaissé, fait-il remarquer. Dans sa course, il forme des vagues. A l’école de la conservation, il ne faut pas oublier l’esthétique », insiste- Suresnes cités danse 16 janvier 10 février 2015 florence évin 23e édition 16 > 18 janvier Farid Berki Fluxus Game création Photo : B. Fanton. Licence n°1-1049518, n°2-1049303 REPORTAGE preah vihear (cambodge) 17 > 19 janvier Cités danse connexions #1 François Lamargot Gardien du Temps Mélanie Sulmona Petite danse contre l’oubli Yann Lheureux Flagrant Délit 23 > 25 janvier Sébastien Lefrançois Petits Morceaux du réel création 01 46 97 98 10 suresnes-cites-danse.com Tarifs de 10 à 27 € Navettes gratuites au départ de Paris 20 | culture 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 La fin rêvée de Compaoré Le chorégraphe burkinabé Serge Aimé Coulibaly présente au Tarmac, à Paris, « Nuit blanche à Ouagadougou » DANSE « Lorsque je présente mon passeport, on me demande si je suis footballeur. Maintenant, j’ai peur de ce que l’on va me dire » L’ histoire en temps réel. Le 5 décembre 2014, à Ouagadougou, le chorégraphe burkinabé Serge Aimé Coulibaly joue son nouveau spectacle Nuit blanche à Ouagadougou, en gestation depuis deux ans. Il y évoque la chute du président Blaise Compaoré, un mois auparavant, le 31 octobre 2014, lors d’un soulèvement populaire après vingt-sept ans de règne. Certains spectateurs croient que la pièce sort du four ou que le chorégraphe s’empare de l’actu pour aiguiser son propos. Ni l’un ni l’autre. Serge Aimé Coulibaly a juste rêvé si fort la fin de Compaoré que son désir est devenu prémonition et réalité. Le chorégraphe vient d’arriver au Tarmac, à Paris, lundi 12 janvier. Il ouvre, avec Nuit blanche à Ouagadougou, le festival Faits d’hiver, qui se tient du 14 janvier au 14 février, dans huit théâtres de Paris et d’Ile-de-France. Il raconte les rebondissements multiples d’une pièce qu’il transforme régulièrement. « C’est tellement bizarre de témoigner d’événements au moment où ils arrivent, glisse-t-il, rêveur. Le contexte ajoute évidemment une urgence mais oblige aussi à modifier certaines choses. » A son côté, Smockey Bambara, Kora du meilleur rappeur africain en 2010, fondateur du Balai citoyen, un mouvement civil qui a contribué à la chute de Compaoré, a écrit la musique et le texte qu’il interprète sur scène. Celui qui souriait de la danse contemporaine en la traitant de « comptant pour rien » a accepté de participer au projet. « Les gens ont du mal à apprécier la danse contemporaine, notamment en Afrique, explique Smockey. Je connais le travail de Serge Aimé, son esprit critique et son engagement politique. Nos histoires étaient synchrones. Sans compter que c’est une expérience nouvelle pour moi qui ai toujours soif de découvertes. » SERGE AIMÉ COULIBALY chrorégraphe et interprète Marion Alzieu, Adonis Nébié et, au sol, Sayouba Sigué. PIERRE VANEECHAUTE Les couches et sous-couches de cette pièce pour quatre danseurs, tendue et nerveuse, comme transpercée par des électro-chocs, sont nervurées d’anecdotes. Lors des premières représentations, à Ouagadougou, fin octobre 2014, Smockey était dans la rue et sur le plateau. « Lors de la marche dans la ville, le 28 octobre, il était en tête de la mobilisation, se souvient Serge Aimé Coulibaly. On jouait à 18 heures. Je l’appelle à 16 h 30. Il me dit qu’il est avec des milliers de jeunes et qu’il ne peut pas les laisser. Finalement, il réussira à venir. Mais le choc de la réalité et de la fiction, les T ÉLÉVI SI ON Amazon commande une série à Woody Allen Niki de Saint Phalle en train de viser, photographie en noir et blanc rehaussée de couleur extraite du ilm Daddy, 1972. (détail) © Peter Whitehead. Amazon a annoncé, mardi 13 janvier, avoir signé avec Woody Allen pour qu’il écrive et réalise une série télévisée pour son service de vidéo en streaming. Cette série sera visible exclusivement sur le service Prime Instant Video, en 2016, a précisé Amazon. La NIKI DE SAINT PHALLE société dit avoir commandé une saison entière du « Untitled Woody Allen Project » (« projet Woody Allen non titré »), qui sera la première série télévisée du cinéaste. Agé de 79 ans, il a commenté avec humour : « Je ne sais pas comment je me suis retrouvé làdedans. Je n’ai aucune idée, et je ne sais pas par où commencer. » – (Reuters.) GRAND PALAIS GALERIES NATIONALES 17 septembre 2014 2 février 2015 grandpalais.fr Si Coulibaly et Smockey ont décollé le spectacle de son contexte burkinabé, ils ont gardé la charge revendicatrice et insurrectionnelle combats dont nous parlons dans la pièce – personnellement, je pensais que la chute de Compaoré aurait lieu en 2015 –, tout s’est mélangé en permanence pendant l’élaboration. » Jusqu’à susciter, quelques mois avant la fin de Compaoré, la crainte que le spectacle soit interdit, voire la peur de représailles. « Ma mère voulait que l’on change les textes, car elle avait peur », ajoute Coulibaly. Charge revendicatrice Que reste-t-il de cette électricité, de cet ancrage dans le quotidien ? Si Serge Aimé Coulibaly et Smockey ont décollé le spectacle de son contexte burkinabé – les hommes politiques sont simplement nommés par leur prénom –, ils ont conservé la charge revendicatrice et insurrectionnelle. Sans cesse rattrapé par l’actualité, le thème universel de la liberté d’expression irradie. « La pièce n’arrête pas de bouger, commente Smockey. Tous les peuples ont les mêmes problèmes. L’intolérance que montre le dossier Charlie le souligne bien. » La danse de Serge Aimé Coulibaly, qui s’est fait connaître dans les années 2000 comme interprète des chorégraphes flamands Alain Platel et Sidi Larbi Cherkaoui, tape fort. Elle a considérablement changé depuis ses premières pièces personnelles en 2002. Dynamique, virevoltante à ses débuts, elle s’est durcie jusqu’à déflagrer dans des rafales de gestes tranchants. Elle étrille le corps, le retourne sans merci pendant plus d’une heure. Au regard de la parole de Smockey que son contact avec les danseurs a incliné vers un certain lyrisme, elle cingle. Serge Aimé Coulibaly était en tournée à Ostende, en Belgique, lorsqu’il a entendu parler de son homonyme terroriste. « J’étais choqué, secoué, confie-t-il. Je me suis demandé d’où il venait, comment cette affaire était possible. Il y a des millions de Coulibaly en Afrique de l’Ouest mais ici en Europe, cela prend un autre sens. L’histoire des Coulibaly en Afrique est celle de la dignité, de la démocratie. J’étais très fier de mon nom. Lorsque je présente mon passeport, on me demande souvent si je suis footballeur. Maintenant, j’ai peur de ce que l’on va me dire. » p rosita boisseau Nuit blanche à Ouagadougou de Serge Aimé Coulibaly. Avec Smockey. Festival Faits d’hiver. Le Tarmac, 159, avenue Gambetta, Paris-20e. Du 14 au 17 janvier. Mercredi et vendredi, 20 heures. Jeudi, 14 h 30. Samedi, 16 heures Tél. : 01-42-74-46-00. De 16 € à 26 €. Tchekhov au chevet d’une société exsangue Au Théâtre de la Colline, « Platonov » fait résonner la Russie d’hier avec la France actuelle THÉÂTRE B ien sûr, ce fut étrange. Etrange de se rendre au Théâtre de la Colline, à Paris, pour la première de ce Platonov, jeudi 8 janvier, au lendemain du carnage à Charlie Hebdo. Comment, pourquoi aller au théâtre, après ce qui s’était passé ? Trois heures trente plus tard, on avait la réponse. C’était Tchekhov, cet homme qui nous parle de notre humanité comme aucun autre – d’une humanité en plein désarroi moral, politique, intime, intellectuel et religieux. Et c’était, tel que la compagnie des Possédés et son chef de troupe, Rodolphe Dana, avaient choisi de l’incarner, un Tchekhov formidablement vivant, semblant nous parler directement de nous aujourd’hui – de notre peine, de notre impuissance, de tout ce que nous avions raté et des ressources à trouver pour enfin reconstruire quelque chose sur le marasme. Dès les premières minutes, elle nous a semblé proche comme jamais, cette pièce que Tchekhov a écrite alors qu’il avait à peine 18 ans, en 1878, et qui est comme un vaste chantier de toute son œuvre à venir. Dès qu’Emmanuelle Devos, merveilleuse d’emblée et qui le sera de bout en bout, s’est assise, après la minute de silence observée par toute la salle, passant de la gravité au rire et du rire aux larmes – semblant nous dire : oui, nous pleurons, mais « il faut vivre », phrase-clé dans le théâtre de Tchekhov, et, oui, nous aurons du mal, nous pleurerons encore, mais nous vivrons, malgré tout. Ce « Platon miniature » Voilà ce qu’ils nous ont dit, ces personnages qui tous contemplent leur échec, dans l’été d’une campagne, au miroir de celui de Platonov, ce « Platon miniature » qui semblait le plus doué, le plus conscient, le plus humain de tous, mais qui, lui aussi, a sombré dans la médiocrité. Il aime plusieurs femmes à la fois, elles sont toutes folles de lui, qu’il s’agisse de sa femme, Sacha, de son amour de jeunesse, Sofia, de l’étudiante Maria ou de la générale Anna Petrovna. Il les aime, il les blesse, et il regarde sa propre Elle nous a semblé proche comme jamais, cette pièce que Tchekhov a écrite alors qu’il avait à peine 18 ans, en 1878 cruauté avec dégoût. C’est fou ce qu’elle résonne avec notre France actuelle, cette Russie de la fin du XIXe siècle qui bascule d’un monde à l’autre, du moins dans cette mise en scène qui n’est pas sans défauts – la troupe tire un peu fort par moments du côté de la farce et de la dérision –, mais qui prend à bras-le-corps les vrais enjeux de la pièce. Ce que l’on voit, ici, ce qu’avait vu Tchekhov, déjà, c’est le rôle de plus en plus important de l’argent, qui devient le nouveau dieu, la révolution qui s’ouvre dans les relations entre les hommes et les femmes, et plus profondément la manière dont la liberté et le confort peuvent générer une forme de médiocrité, d’engourdissement : « On s’enfonce dans un abrutissement graisseux », dit Platonov au début de la pièce. Il y a dans ce Platonov une sorte de rage, d’envie de jouer, d’incarner la pièce au présent, qui emportent le morceau. Tout repose ici sur les acteurs, qui pour la plupart donnent une vraie couleur à leur personnage. A commencer par Emmanuelle Devos, qui enfin revient dans le « grand » théâtre, et qui joue la générale, Anna Petrovna, comme on ne l’avait jamais vue. En virtuose des ruptures de ton, elle en fait une diablesse irrésistible et complexe, d’une liberté totale, grave et futile tout ensemble. Le Platonov très dostoïevskien qu’incarne Rodolphe Dana à la tête de ses Possédés est tout aussi fort et intéressant. C’est un ours un peu minable, qui a écrabouillé ses idéaux et « fouille dans le cœur des gens avec [ses] grosses pattes froides ». David Clavel (Triletski), Nadir Legrand (Voïnitsev), Christophe Paou (Ossip et Bougrov), Emilie Lafarge (Maria), Marie-Hélène Roig (Sacha)… ont tous également une présence singulière. « Que faire ? », demande un des personnages quand tout est fini, quand toute cette impuissance s’est soldée par la mort. « Enterrer les morts et réparer les vivants », répond le docteur Tchekhov, qui n’a pas son pareil pour ausculter les symptômes d’une société exsangue. On ne le fréquente jamais assez, cet homme-là. p fabienne darge Platonov, d’Anton Tchekhov. (traduit du russe par André Markowicz et Françoise Morvan, éd. Les Solitaires intempestifs) Création collective dirigée par Rodolphe Dana. Théâtre national de la Colline, 15, rue Malte-Brun, Paris 20e. Tél. : 01-44 -62-52-52. Mardi à 19 h 30, du mercredi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures, jusqu’au 11 février. De 14 € à 29 €. Durée : 3 h 30. Puis tournée jusqu’en avril, à Colombes, Gap, Marseille, Toulouse, Lille, Tours… télévisions | 21 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 SÉLECTION DU JEUDI « Paris » en un subtil chassé-croisé Les douze personnages de cette série chorale écrite par Virginie Brac nous emportent dans la vie réelle aux quatre coins de la capitale MAGAZINE La Grande Librairie animé par François Busnel 60 MIN. ARTE JEUDI 15 – 20 H 50 SÉRIE I l était osé d’entremêler, durant six épisodes, la vie de douze personnages aux origines sociales très différentes en respectant les unités de lieu (Paris) et de temps (vingt-quatre heures). Le pari est pourtant réussi, puisque jamais on ne décroche, pas plus qu’on ne se désintéresse d’un seul des protagonistes dont les existences se croisent, directement ou indirectement, au fil de la journée. Un exemple : le premier ministre doit entrer en relation avec une toxicomane, laquelle rencontre une chanteuse transgenre dont la mère est amenée à se rendre à Matignon pour négocier… Sans qu’ils se rencontrent nécessairement, une toile se tisse entre ces hommes et ces femmes qui, tous, contribuent à cette série chorale, très plaisante à suivre. Grâce, notamment, à la justesse de nombreuses scènes qu’elle délivre et à l’excellence des acteurs qui la portent. Le réalisateur Gilles Bannier et la scénariste Virginie Brac – le tandem talentueux qui a déjà opéré sur deux séries innovantes, « Les Beaux Mecs », et la saison 2 d’« Engrenages » – nous conduisent, cette fois, des hauts lieux de la République (Matignon, le Palais de justice, les Invalides) à la porte de la Chapelle, du 13e arrondissement à Pigalle, sur la trace des divers personnages : malfrat, procureur général, premier ministre, chanteuse de cabaret, femme de ménage, responsable syndicale, journaliste… Le cynisme du monde politique Et c’est une transsexuelle, Alexis devenu Alexia, à qui revient le rôle de créer, involontairement, le lien, plus ou moins étroit, entre tous ces personnages. Alexia, que l’on découvre dès les premières images de l’épisode 1, chantant au Sunset, à Pigalle, et qu’interprète avec beaucoup de simplicité et de naturel Sarah-Jane Sauvegrain, déjà vue dans une autre série d’Arte, « Ainsi soient-ils ». Certes, la mécanique des chassés-croisés sur laquelle repose « Paris » ne permet pas de dessiner un portrait psychologique en profondeur de chacun des protagonistes. Elle ne nuit pas, en revanche, à la description très réaliste du Paris d’aujourd’hui et du cynisme dont sait faire preuve le monde politique. Au côté de l’écrivain américain Russell Banks, qui évoquera son recueil de nouvelles Un membre permanent de la famille (Actes Sud), sont invités Philippe Besson, Abdourahman A. Waberi et Cécile Coulon. Notons cependant que l’artiste transgenre, le rôle central de la série, est de façon surprenante interprété par une femme, par ailleurs très jolie, alors même que son personnage, Alexis, est toujours un homme, sous traitement hormonal depuis trois ans et en attente de l’opération – ce que cette fiction ose dévoiler avec tact. Joué par un acteur, le rôle d’Alexis/Alexia aurait sans aucun doute apporté une dimension beaucoup plus vraisemblable à cette fiction télévisée. Mais on aurait alors quitté le monde des séries made in France, où le spectateur (plutôt âgé et censé être amateur d’intrigues pas trop dérangeantes) est supposé ne supporter que « luxe, calme et volupté ». p FRANCE 5 – 20 H 35 DOCUMENTAIRE La Longue Marche de Martin Luther King De John Akomfrah martine delahaye G.-B./FR./ É.-U. – 2013 – 60 MIN. Paris, mini-série créée par Virginie Brac et réalisée par Gilles Bannier. Avec SarahJane Sauvegrain, Jérôme Robart, François Loriquet, Florence Pernel, Eric Caravaca, Kool Shen (France, 2015, 6 × 40 minutes). Trois épisodes seront diffusés à partir de 20 h 50 ce jeudi 15 janvier, les trois autres, jeudi 22 janvier. Julie Ordon, dans le rôle de Jennifer, et Kool Shen, dans celui de Sacha. PIERRE VIALLE/SON ET LUMIÈRE Quels furent les événements qui menèrent à la marche des droits civiques, le 28 août 1963, à Washington, puis à l’adoption d’un projet de loi égalitaire ? C’est ce que raconte ce documentaire qui décrit l’époque de la ségrégation en revenant sur l’organisation de cette manifestation où Martin Luther King prononça son fameux discours « I have a dream ». FRANCE 3 – 23 H 10 FILM Des camps de femmes sortis de l’oubli A partir de 1938, des milliers d‘étrangères jugées « indésirables » furent internées arbitrairement en France C’ est une réalité historique rarement évoquée, donc peu connue : de 1938 à 1944, le territoire français a abrité des camps d’internement réservés aux femmes. Ces déte nues aux profils très divers (répu blicaines espagnoles, communis tes, juives allemandes, autri chiennes ou polonaises, mili tantes antifascistes) se sont retrouvées derrière les barbelés, parfois aux côtés de prisonnières de droit commun. Si l’histoire de certains camps d’internement mixtes situés dans le sud de la France, comme celui de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), a donné lieu à des documentaires, cela n’avait pas été le cas du camp de Rieucros, près de Mende en Lozère, ni de celui de Brens près de Gaillac (Tarn), où furent internées des milliers de femmes. Des décennies de silence Ce film inédit, riche de témoignages souvent poignants d’anciennes détenues, vient réparer des décennies de silence. Dès novem- bre 1938, le gouvernement Daladier décide, par décrets, d’interner les étrangers suspects. Un énorme pouvoir est donné aux préfets, qui dressent des listes de femmes « indésirables ». A partir d’octobre 1939, un premier camp est ouvert à Rieucros, dans un vallon sauvage aux portes de Mende. Vingt-six nationalités différentes sont rassemblées dans un lieu dont les dimensions restreintes facilitent l’esprit de résistance. Dans la baraque 6, juives allemandes, communistes espagnoles, antifascistes italiennes, Françai ses opposées à Pétain se retrou HORIZONTALEMENT GRILLE N° 15 - 012 PAR PHILIPPE DUPUIS 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 I II III IV V VI VII VIII IX X SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 011 HORIZONTALEMENT I. Ramification. II. Elévateur. La. III. Se. Oter. Ilet. IV. Ovni. Météo. V. Liures. Ester. VI. Unies. En. One. VII. Tirs. Anti. Dl. VIII. Iea. IstanbuL. IX. Oriente. Noie. X. Nettoiements. VERTICALEMENT 1. Résolution. 2. Alevinière. 3. Me. Nuirait. 4. Ivoires. Et. 5. Fat. Es. Ino. 6. Items. Asti. 7. Cère. Entée. 8. Au. Tenta. 9. Tries. Inné. 10. Loto. Bon. 11. Olé. Enduit. 12. Naturelles. I. Allégé en prenant de la bouteille. II. A satisfait à toutes les conditions. Drame lyrique. III. Résistible est son ascension. Comme une grippe de basse-cour. IV. Avec discernement quand ils sont bons. Chef d’Etat à vie. V. Attaquer passage après passage. Sans le haut ni le bas. VI. Préposition. Méprisera de toute sa hauteur. VII. Béquille pour la coque. Chez les Grecs. Quitte la Chine pour le Kazakhstan. VIII. Tête couronnée disparue des cours. Appropriés. IX. Viennent d’ailleurs. Ouverture de gamme. X. Comme une roche formée de particules diverses. vent, organisent des cours et des fêtes, sous l’œil d’une administration qui laisse faire. En février 1942, Rieucros est fermé et les détenues sont transférées à Brens. Les conditions d’internement sont plus dures qu’à Rieucros. Gardées par des gendarmes armés, serrées dans des baraques, évoluant dans un environnement sanitaire désastreux, les prisonnières sont réveillées chaque matin à 6 heures par un haut-parleur qui diffuse Maréchal, nous voilà !. Heureusement, les violences physiques y restent limitées. Le drame survient dans la nuit du 26 août 1942, lorsque les gendarmes français tentent de s’emparer des détenues juives pour les en voyer vers leur destination finale, Auschwitz. Face à l’infamie, une révolte éclate : hurlements, coups, morsures, Marseillaise chantée à tuetête. En vain. D’autres rafles auront lieu en septembre 1942 puis en avril 1944. Le camp sera définitivement évacué début juin 1944. p alain constant Les Indésirables, de Bénédicte Delfaut (France, 2014, 55 min). G.-B. - FR. - ALL., 2010, 128 MIN. Un nègre recruté par l’ex-premier ministre britannique – transposition à peine déguisée de Tony Blair – doit terminer l’écriture de ses Mémoires. Il se transforme en enquêteur dans une suffocante affaire d’agents doubles sur fond de CIA et de crimes d’Etat. Un thriller sobre et haletant, mis en scène avec une élégance folle. CINÉ + PREMIER – 20 H 45 du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique : [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs blog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/ ; Par courrier électronique : [email protected] Médiateur : [email protected] Internet : site d’information : www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr ; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier : http://immo.lemonde.fr Documentation : http ://archives.lemonde.fr Collection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60 VERTICALEMENT 1. Enveloppés la vie durant. 2. Installateur de pianos et de tout ce qui va autour. 3. Cours du Nord. Cours primaire. Dur et raide dans les prés humides. 4. Déchirements douloureux. Pointe d’étoile. 5. Met à l’abri pendant les froids. Bouts de napalm. 6. Marque l’intention avec de et que. Prise illégale. 7. Fît l’innocent. En Argovie. 8. Croit à l’existence d’un créateur. Noble sous les coups. 9. Liaisons franciliennes. Pour une belle alliance. Lion passé chez les Chinois. 10. Vagabondait. 11. Préposition. Travaille à l’usine. Possessif. 12. Travaille dans son jardin pour garnir le vôtre. The Ghost Writer de Roman Polanski. Avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan 0123 est édité par la Société éditrice SUDOKU N°15-012 La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 NOUVEAU & CIVILISAT IONS TOUTE L’HISTOIRE JEUDI 15 - 20 H 45 DOCUMENTAIRE Le groupe Le Monde lance, en partenariat avec National Geographic, le magazine Histoire & Civilisations N° 2 JANVIER 2015 NS & CIVILISATIO LOUIS XV LE GRAND MÉCONNU 300 ANS APRÈS, ON REDÉCOUVRE SON HÉRITAGE LA VRAIE VIE SOPHES DES PHILO AU TEMPS ATHÈNES RE DE SOCRATE ET D’ÉPICU UN MAGAZINE QUI ALLIE PLAISIR DE LA LECTURE, RICHESSE DE LA DOCUMENTATION ET RIGUEUR DE L’ANALYSE. NUBIE L’OR DECONVO ITÉ LE TRÉSOR DES PHARAONS LA MURAILLE E DE CHIN D’UN HISTOIRE FIASCO MILITAIRE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX Présidente : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») 22 | styles 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 A gauche : le Bosco Verticale de l’architecte Stefano Boeri. PAOLO ROSSELLI/STEFANO BOERI ARCHITETTI A droite : minijardinière « tête en bas » de Boskke. DR Vert à tous les étages La végétation envahit toujours plus les habitations. Dernière initiative en date : l’« immeuble forêt » inauguré à Milan DESIGN T reuillage de 800 grands arbres à l’aide de grues, mais aussi de 5 000 arbustes et 11 000 plantes couvrantes, lâchers de coccinelles, de papillons, installation de mangeoires pour chauve-souris… Cela n’est pas un décor pour Avatar 2 – attendu sur les écrans fin 2016 –, mais bel et bien la mise en route du premier « immeuble forêt » du monde, le Bosco Verticale, inauguré il y a quelques semaines dans le quartier de Porto Nuova, à Milan. Gageons que ces bâtiments seront un but de promenade tout trouvé pour les visiteurs de la cité lombarde, à l’occasion de l’Exposition universelle, le 1er mai. L’architecte italien Stefano Boeri – qui a niché l’équivalent d’un hectare de végétation sur deux immeubles d’habitation de respectivement 80 et 112 mètres de hauteur – a déjà reçu pour son audacieux projet urbain l’International Highrise Award 2014, ou prix du gratte-ciel le plus innovant, décerné par le Musée d’architecture de Francfort (DAM). Ce dernier a salué, notamment, sa capacité à répondre « au besoin des humains de contact avec la nature ». A gauche : table basse engazonnée, d’Emily Wettstein. DR A droite : lustre Babylone, d’Alexis Tricoire. DR tion sonore et les particules de poussière. L’affaire révolutionne tellement les esprits qu’une équipe de la chaîne anglaise BBC a décidé de s’embusquer pendant deux ans dans une tour, en face de Bosco Verticale, pour rendre compte de cette cohabitation des occupants avec leur rideau de verdure habité d’insectes… « Bosco Verticale est le premier exemple au monde d’une tour qui renforce la biodiversité végétale et faunistique de la ville qui l’accueille », s’est félicité son concepteur. Ces poumons verts au cœur d’une mégapole de 7 millions d’âmes devraient inspirer d’autres villes. A Paris, la maire, Anne Hidalgo, promet cent hectares de toits, murs et clôtures recouverts de végétaux pour 2020. Tandis que les urbanistes et architectes tentent de faire entrer la campagne dans la ville, les designers la glissent par petites touches dans la maison. Banquettepot de fleur (Volcane de Bellila), table basse engazonnée (Emily Wettstein), jardinière en céramique « tête en bas », du scandinave Boskke, ou pépinière dans une suspension boule (Alexis Tricoire) : les objets usuels se pi- Si les urbanistes tentent de faire entrer la campagne dans la ville, les designers la glissent par petites touches dans la maison quent de chlorophylle, comme une invitation au voyage. Avec son purificateur d’air Andrea à base de plantes, le designer Mathieu Lehanneur va plus loin. Il propose un « filtre vivant » contre la pollution, mis au point avec David Edwards, de l’université d’Harvard, d’après une idée de la NASA, qui visait à protéger les astronautes d’un environnement saturé de polymères lors des voyages spatiaux. Une parfaite harmonie entre l’homme et la nature est encore à venir. « La prochaine révolution industrielle sera végétale, prédit l’ethnobotaniste Xavier Orman- cey. Le végétal a longtemps été considéré comme un automate, répétant saison après saison des mécanismes relativement simples : bourgeons, fleurs, etc. Il y a une dizaine d’années, on a découvert qu’il ressent, communique, interagit… Il doit être reconsidéré comme un être doté d’une forme d’intelligence, avec lequel l’homme pourra engager une sorte de dialogue. D’ici à 2050, on peut envisager un homme augmenté par une relation au végétal plutôt que par de nouvelles technologies et des puces implantées dans le corps », précise cet expert, à la tête de la recherche et développement des laboratoires de cosmétique végétale Yves Rocher depuis 2011. Solidarité végétale En plus de trois milliards d’années sur terre, les plantes, qui ne peuvent pas se déplacer ni échapper à leur environnement, ont développé des stratégies inédites d’adaptation et de survie. Un certain nombre d’arbres, dont ceux de la catégorie des albizias, perçoivent par des variations des ondes dans le sol l’approche d’un séisme. D’autres arbres parmi les acacias savent prévenir leurs congé- Une protection naturelle En écologiste convaincu, Stefano Boeri, 58 ans, a osé imaginer une nouvelle relation du citadin à la verdure en intégrant cette dernière dans les habitations, tel un écosystème. Bosco Verticale exploite à la fois l’énergie géothermique et solaire. Surtout, les bâtiments usent des végétaux en alliés : les espèces, choisies pour absorber le CO2, sont censées fournir aux habitants, à chaque saison, oxygène, ombre, humidité, et protection contre la pollu- sur nères de l’attaque d’antilopes koudous en émettant un signal sous forme d’éthylène, qui déclenche chez les arbres voisins une arme chimique : ils concentrent leur tanin dans les feuilles, les rendant « imbroutables ». Cette forme de solidarité végétale existe aussi sous terre, avec des informations transmises de radicelle en radicelle : on parle alors de « web végétal ». D’ores et déjà, certaines découvertes sont issues du biomimétisme, soit la transposition de mécanismes du vivant à notre manière de vivre. En observant le lotus, dont les feuilles restent propres et sèches en milieu humide, des chercheurs ont découvert à sa surface de petits picots sur lesquels les gouttes d’eau roulent sans stagner. Depuis, des vitres et des peintures autonettoyantes (Lotusan) ont été mises au point. Aux Etats-Unis, un lierre solaire de la société SMIT part à l’assaut des façades pour produire de l’électricité : les feuilles qui s’agitent à la moindre brise sont tapissées de cellules photovoltaïques miniatures. A Nancy, on fait excréter par les racines de végétaux, cultivés hors-sol, des substances rares ou des médicaments. Plus besoin de couper, d’arracher, de tailler. Ces « plantes à traire » de la société PAT sont une vraie usine verte. « On peut imaginer des maisons intelligentes faites non pas de végétaux morts, comme le bois, mais de murs végétaux qui dépolluent, de matériaux vivants qui évoluent, se développent, gérant l’humidité, la respiration, la nourriture de leurs habitants ! », s’enthousiasme Xavier Ormancey. Une vie en parfaite symbiose avec la nature, à la façon du peuple bleu de Pandora. p véronique lorelle U FAUX... D I A R V E L R E L Ê POUR DÉM DE DU MON À 7H25 ct” IN T A M E U Q A H C urdin Dire ourdin dans “Bo BOURDIN DIRECT EN SIMULTANÉ SUR ues B avec Jean-Jacq À retrouver aussi sur LeMonde.fr/decodeurs et rmc.fr 6H - 8H30 0123 | 23 0123 JEUDI 15 JANVIER 2015 EUROPE | CHRONIQUE par ar naud l e par m e nt ie r Questions sur la laïcité C’ était après les attentats du 11 septembre 2001. L’Europe tentait de se doter d’une Constitution. L’eurodéputé Alain Lamassoure nous avait surpris en proposant que la Convention, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, commence ses travaux par une « déclaration de paix au monde ». Curieuse idée pour cette Europe fondée sur la paix, la liberté et les valeurs humanistes, qui venait fièrement d’adopter sa charte des droits fondamentaux. Le chrétiendémocrate Lamassoure avait raison : l’Europe n’était pas uniquement aux yeux du monde une Vénus éprise de paix. Elle était aussi responsable de l’esclavage, de la colonisation, de deux guerres mondiales et de la Shoah. Ce dimanche 11 janvier 2015, Paris était la capitale mondiale de la liberté, contre la barbarie. La Marseillaise chantée mardi à l’Assemblée : poignante. Nos valeurs de tolérance et de laïcité ont vocation universelle, mais n’empêchent pas une petite introspection. Tri religieux Laissons d’abord l’islam de côté. Les Européens ont peiné à accepter l’altérité religieuse. La carte des religions était encore, au milieu du XXe siècle, extraordinairement homogène, avec des catholiques au sud, des protestants au nord, des orthodoxes à l’est. Deux grandes exceptions : la mixité en Allemagne et dans les Balkans. La cohabitation entre catholiques et protestants en terre germanique à partir de la Réforme luthérienne n’a pu s’engager timidement que sous le principe du tri religieux acté par la paix d’Augsbourg (1555), le Cujus regio, ejus religio (« Tel prince, telle religion »). Et il a fallu la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui fit perdre à l’Allemagne la moitié de sa population, pour que l’on cesse enfin de s’entre-tuer pour la religion. Cohabitation interchrétienne ne signifie point mixité : seul l’afflux de réfugiés fuyant Staline a définitivement conduit catholiques et protestants allemands à vivre ensemble à partir de 1945. Rien de tel en France, Louis XIV ayant décidé de révoquer en 1685 l’édit de Nantes. Il priva de leur liberté de culte les protestants, qui émigrèrent. La France resta essentiellement catholique. En 1830 encore, la Belgique fut fondée par une union entre catholiques et libéraux, qui se sépara des Pays-Bas néerlandophones et essentiellement protestants. Sans cesse, les juifs furent persécutés. Expulsés d’Espagne en 1492 ou ghettoïsés aux marges de l’Empire russe. Ailleurs, leur lente sécularisation ne permit pas leur acceptation. Ce n’est qu’après l’affaire Dreyfus en France, après la Shoah dans toute l’Europe, qu’ils furent enfin considérés. Ainsi, l’Europe occidentale ne vit en paix religieuse intérieure que depuis les horreurs de la seconde guerre mondiale. Et encore, c’est oublier les guerres consécutives à l’éclatement de la Yougoslavie. Aujourd’hui, l’altérité religieuse est incarnée par les musulmans. Cette chronique n’a pas pour objet d’analyser les causes d’un djihadisme qui salit le Prophète, mais d’explorer le rapport de l’Europe à l’islam. Sa mémoire collective est guerrière, depuis Charles Martel jusqu’au siège de Vienne en 1783, YOM KIPPOUR ET L’AÏD-EL-KEBIR, JOURS FÉRIÉS ? LE MODÈLE FRANÇAIS DE LAÏCITÉ S’EST DÉRÉGLÉ AVEC L’IRRUPTION DE L’ISLAM en passant par les croisades et la Reconquista. Tout n’est que « choc des civilisations ». Or voilà que nos civilisations se mélangent depuis un demi-siècle. On s’en est aperçu tardivement, les musulmans ayant été longtemps considérés comme des immigrés issus des colonies pour la France, ou des travailleurs temporaires, tels les Gastarbeiter turcs en Allemagne. Leur installation durable, leur accession à la nationalité et leur souhait d’exercer leur religion perturbent profondément les sociétés. Depuis 1905, le modèle français de laïcité organise le partage de la sphère publique et religieuse. Mais il est surtout fait pour le citoyen français et le croyant catholique, qui souvent se confondent. Ce modèle s’est déréglé avec l’irruption de l’islam. L’Europe du XXIe siècle se retrouve ainsi traversée par un courant islamophobe multiforme, sur fond de difficultés sociales. La réaction la plus tragiquement délirante fut celle d’Anders Breivik, loup solitaire d’extrême droite, qui assassina, en 2011, soixante-dixsept Norvégiens, au nom de la défense de la chrétienté. Assimilation Les Pays-Bas sont le pays le plus massivement perturbé par l’islamophobie, phénomène amplifié par l’assassinat de deux de ses porte-voix, le leader populiste Pim Fortuyn, en 2002, et le cinéaste Theo Van Gogh, en 2004. Et voilà que le mouvement atteint l’Allemagne, avec Pegida, rassemblement des « patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident ». Ils défilent à Dresde, dans l’est de l’Allemagne, chaque lundi plus nombreux. Le sociologue allemand Andreas Zick voit dans ce mouvement « la vieille idée d’une communauté de valeurs homogènes, dans laquelle l’islam n’a pas le droit de jouer un rôle. Ou seulement un rôle secondaire dans le cas où les musulmans prouvent qu’ils se sont adaptés ». On retrouve là le concept de l’assimilation, qui réclame du nouvel arrivant qu’il cantonne ses racines à la sphère privée et se fonde dans sa communauté d’accueil. Oui aux nouveaux venus, à condition qu’ils ne perturbent pas l’ordre établi. Ainsi, pour avoir rebaptisé à l’intention des enfants non chrétiens le défilé de la Saint-Martin en « fête des Lumières », un prêtre de Rhénanie a reçu des menaces de mort et 3 000 lettres de protestation. Pourtant, les Français vont devoir accepter que l’islam soit devenu la deuxième religion de France, confiait récemment un ministre socialiste. Les Européens aussi. Faisons un premier geste : six grandes fêtes religieuses catholiques sont fériées. Ajoutons-y les deux grandes fêtes juive et musulmane, Yom Kippour et l’Aïd-el-Kebir, ainsi que le 9 mai, jour de la déclaration Schuman qui lança l’Europe, troqués contre une semain de RTT. Il ne s’agit pas d’un renoncement. Ce serait montrer que la laïcité n’est pas faite seulement pour les chrétiens et les athées. Ce serait la renforcer. p [email protected] Tirage du Monde daté mercredi 14 janvier : 295 238 exemplaires DJIHAD AU NIGERIA : MASSACRES EN SILENCE C omme beaucoup de choses, le djihadisme est mondialisé. Cette forme particulièrement barbare de violence politique, que pratiquent Al-Qaida et ses émules, frappe dans le monde entier. Le jour même de la tuerie commise dans les locaux de Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier, l’explosion d’un camion piégé dans la capitale du Yémen, à Sanaa, tuait 37 personnes. Pire encore : ces dix derniers jours, les extrémistes de Boko Haram, au Nigeria, ont perpétré un massacre d’une ampleur effroyable – plusieurs centaines de morts, peut-être jusqu’à 2 000 (voir Le Monde daté 13 janvier). On n’a pas marché à Lagos, la capitale économique du Nigeria, ou ailleurs en mémoire de ces villageois nigérians, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, décimés en pleine rue ou chez eux, à l’arme de guerre. Ils sont tombés victimes de la dernière offensive de Boko Haram, cette insurrection armée qui cherche, et parvient, depuis cinq ans, à se tailler un vaste territoire dans le nord-est du Nigeria, aux frontières du Niger, du Tchad et du Cameroun. Boko Haram se réclame d’une forme d’islam fondamentaliste et entend créer, à cheval sur ces quatre pays, une sorte de « califat », un peu à la façon de l’Etat islamique en Syrie et en Irak. Le groupe, qui dispose maintenant d’une véritable armée, mène une offensive vers la ville de Baga, au bord du lac Tchad. Partisans d’une violence méthodique, pour semer la terreur et assouvir leurs pulsions sanguinaires, les miliciens de Boko Haram tirent, souvent à bout portant, sur les villageois qui se trouvent sur leur chemin, sur ceux qui n’ont pu fuir assez tôt ou qui faisaient confiance aux autorités pour les protéger. Des rescapés ont décrit des rues jonchées de cadavres, de blessés agonisants, des centaines d’habitations brûlées. Cité dans le Financial Times, Mgr Ignatius Kaigama, archevêque catholique du Nigeria, observait : « Comparez ce qui s’est passé en France et ce qui se passe ici : il y a une grande différence. » On n’a pas réuni le Conseil de sécurité de l’ONU. Boko Haram poursuit son œuvre de mort sans que la « com- munauté internationale » se mobilise. Une soixantaine de pays participent, activement ou formellement, à la coalition assemblée par les Etats-Unis pour sauver l’Irak de l’Etat islamique. Rien de tel dans le cas du Nigeria, le plus grand pays d’Afrique, avec près de 180 millions d’habitants. Les autorités nigérianes sont dépassées, corrompues, incapables de monter seules une opération militaire pour contrer la déstabilisation en cours de cette partie de l’Afrique. Qui se souvient des 276 écolières enlevées en avril 2014 par le groupe pour en faire des esclaves sexuelles ? Où est la solidarité africaine ? Où est la solidarité des grands « émergents » – Inde, Chine, Brésil –, qui se disent volontiers proches de cet autre « émergent » qu’est le Nigeria ? Les autorités nigérianes ont leur part, énorme, de responsabilités. Riche d’une manne pétrolière qui semble plus profiter au sud qu’au nord de cet immense pays, le gouvernement fédéral ne paraît toujours pas avoir accordé à Boko Haram la priorité stratégique que requiert cette insurrection armée qui relève autant du grand banditisme que du djihad. Aujourd’hui, ce sont quatre pays africains qui sont menacés. La situation réclame une coopération internationale urgente et substantielle pour assurer la sécurité de cette partie de l’Afrique. Chaque jour perdu se compte en morts, anonymes mais bien réels. p ILS ONT CHANGÉ LE MONDE Dès le mercredi 8 janvier N° 6 - NASSER Le champion égyptien du panarabisme Préface de Robert Solé LES GRANDS HOMMES DU XXe SIÈCLE PAR LES GRANDES SIGNATURES DU MONDE Le Monde vous propose de découvrir 20 ouvrages sur 20 hommes d’Etat, hommes de pensée et d’action, qui ont façonné le monde où nous vivons. Cette série de biographies, s’appuie sur une sélection d’articles d’une exceptionnelle richesse, sur l’expertise des grandes signatures du Monde, montre comment se sont forgés ces grands destins et comment ils continuent d’influer sur l’actualité. De précieuses synthèses pour les amateurs d’histoire, les lycéens et les étudiants. 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